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University of Ottawa
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BIOGRAPHIE NATIONALE.
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9 197-
BIOGRAPHIE NATIONALE
PUBLIÉE PAR
L'ACADÉMIE ROYALE
DES SCIENCES, DES LETTKES ET DES BEAUX-ARTS
DE BELGIQUE.
TOME SIXIEME.
?"^*Î^^S
BRUXELLES,
URUYLANT-CimiSTOPHE & C», IMPRIMEURS-ÉDITEURS,
RIE n.lkES, Ô3.
1878
B16L10THECA
C7
LISTE DES MEMBRES
UE LA COMMISSION ACADÉMIQUE CHARGEE DE LA PUBLICATION
DE LA BIOGRAPHIE NATIONALE.
(JUILLET 1878.;
MM. P.-J. van Beneden, délégué de la classe des sciences, président.
Alph. Wauters, délégué de la classe des lettres, vice- président.
E. De Busscher, délégué de la classe des beaux-arts, secrétaire .
F. Stappaerts, délégué delà classe des beaux-arts, secrétaire-adj .
L. De Koninck, délégué de la classe des sciences
G. Dewalque, délégué de la classe des sciences.
Le lieut. -général Liagre, délégué delà classe des sciences.
Ed. Morren, délégué de la classe des sciences.
M. -P. Gachard, délégué de la classe des lettres.
J. Heremans, délégué de la classe des lettres.
Th. Juste, délégué de la classe des lettres.
Alph. Le Roy, délégué do !a classe des letties.
Alph. Balat, délégué de la classe des beaux arts.
Le chev. Léon de Burbure, délégué fie la classe dos beaux arts
Ad Siret, délégué de la classe des beaux-arts.
LISTE DES COLLABORATEURS
DU SIXIÈME VOLUME DE LA BIOGEAPHIE XATIOXALE.
Arenbergh (E. van), littérateur, àLouvain.
Alvin (Aug.), préfet honoraire des études de l'Athénée, à Liège.
Alvin (L.), membre de l'iVcadémie royale de Belgique, conservateur en chef de
la Bibliothèque royale, à Bruxelles.
Beneden (P.-J. van), membre de l'Académie royale de Belgique, professeur à
l'université de Louvain.
Borchgrave (Emile de), membre de l'Académie royale de Belgique, conseiller
de légation, à Berlin.
Bormans (Stan.), correspondant de l'Académie royale de Belgique, conserva-
teur des Archives de l'État, à Namur.
Burbure (le chevalier Léon de), membre de l'Académie royale de Belgique, à
Anvers.
De Busscher (Edmond), membre de l'Académie royale de Belgique, archiviste
de la ville de Gand.
Delecourt (Jules), vice-président du tribunal de première instance de Bruxelles.
De Pau"W (Nap.i. procureur du roi, à Bruges.
. LISTE DES COLLABORATEURS.
De Smet (le chanoine J.-J.), membre de l'Académie royale de Belgique, àGancl.
Dewalque (Gustave), membre de l'Académie royale de Belgique, professeur à
l'université de Liège.
Dumont (J.), inspecteur général de l'enseignement moyen, à Bruxelles.
Even (Edw. van), archiviste de la ville de Louvain.
Galesloot (L.), chef de section aux archives générales du royaume, à Bruxelles.
Génard (P.)» archiviste de la ville d'Anvers.
Goffart (Alfred), greffier adjoint du tribunal de première instance de Liège.
Goovaerts (AJf.), bibliothécaire adjoint de la ville, cà Anvers.
Guillaume (le lieut. -général baron), ancien ministre de la guerre, aide de camp
du roi, membre de l'Académie royale de Belgique, à Bruxelles.
Helbig (H.), homme de lettres et bibliographe, à Liège.
Jacques (Victor), docteur en médecine, à Bruxelles.
Juste (Théodore), membre de l'Académie royale de Belgique, conservateur du
Musée royal d'antiquités, à Bruxelles.
Kerchove de Denterghem (Oswald de), avocat, gouverneur de la province
du Hainaut, à Mons.
Kervyn de Volkaersbeke (baron), ancien membre de la Chambre des repré-
sentants, bourgmestre de Nazareth (Gand).
Le Roy (Alph.), mjmbre de l'Académie royale de Belgique^ professeur à l'uni-
versité de Liège.
Loise(Ferd.)j correspondant de l'Académie royale de Belgique, professeur à l'athé-
née royal, à Mons.
Lonay, instituteur, à Verviers.
Marchai (le chev. Edmond), secrétaire adjoint de l'Académie royale de Bel-
gique, à Bruxelles.
Morren (Edouard), membre de l'Académie royale de Belgicpie, professeur à
l'université de Liège.
Nève (Félix), membre de l'xVcadémie royale de Belgique, professeur à runiver-
sité de Louvain.
Nypels (Guillaume), membre de l'Académie royale de Belgique, professeur à
l'université de Liège.
Piot (Ch.-G.-J.), correspondant de l'Académie royale do Belgique, archiviste
adjoint aux Archives générales du royaume, à Bruxelles.
LISTE DES COLLABORATEUES.
Eahlenbeek (Gh.), homme de lettres, à Bruxelles.
Renier, à Verviers.
Reusens (le chanoine E.), professeur-bibliothécaire de l'université de Louvain.
Rivier (Alph.), associé de l'Académie royale de Belgique, professeur à l'uni-
versité de Bruxelles.
Roulez (J.-E.-G.), membre de l'Académie royale de Belgique, administrateur-
inspecteur honoraire de l'université de Gand.
Siret (Ad.), membre de l'Académie royale de Belgique, commissaire d'arrondis-
sement, à Saint-Nicolas.
Siret (Paul), littérateur, à Saint-Xicolas.
StappaertS (Félix), membre de l'Académie royale de Belgique, professeur hono-
raire d'archéologie à l'Académie des beaux-arts de Bruxelles.
Stecher (J.), correspondant de l'Académie royale de Belgique, professeur à
l'université de Liège.
Tasset (Emile), graveur, à Liège.
Terry (L.), correspondant de l'Académie royale de Belgique, professeur au Con-
servatoire royal de Liège.
Thonissen (J.-J.), membre de l'Académie royale de Belgique et de la Chambre
des représentants, professeur à l'université de Louvain.
Vander Meersch (Aug.), avocat et homme de lettres, à Gand.
Varenbergh (Emile), archiviste de la province de la Flandre orientale, secré-
taire de la rédaction du Messager des sciences historiques, à Gand.
"Wauters (Alph.), membre de l'Académie royale de Belgique, archiviste de la
ville de Bruxelles.
D
DE 'Vt'iLDE {Bernard), architecte et
dessinateur habile, qui dirigea pendant
plusieurs années les constructions éle-
vées par l'administration communale de
la ville de Gand. Il y était né en 1691
et n'avait, par conséquent, que vingt-six
ans quand il fit bâtir, en 1717, au
Marché aux Grains, sur l'ancien empla-
cement du Chàtelet, un vaste bâtiment
servant d'entrepôt et qui est actuelle-
ment occupé par le Poids de la ville.
C'est également d'après ses plans qu'on
construisit la maison de la Corporation des
mesureurs de draps {Jtet laken meeteris
htiys), située Marché du Vendredi. Un
assez grand nombre d'autres édifices lui
furent dus , mais les deux que nous
venons de citer suffisent à caractériser
son mérite et à reconnaître que De Wilde
savait appliquer avec goût, avec sobriété,
et avec une certaine ampleur, le style
très-maniéré de son époque. Le temps
lui a cependant manqué pour donner
toute la mesure de ses forces, la mort
l'ayant enlevé en 1740, alors qu'il était
encore dans la plénitude du talent.
F. Stappaerts.
DE ^iviLDE (Gilles), miniaturiste,
historien, écrivain ecclésiastique, né
probablement dans le Brabant, mort en
1.503. Il fut chanoine régulier de l'ordre
de Saint-Augustin, de la maison de
Kouge-Cloître, près de Bruxelles, où il
passa la plus grande partie de sa vie
dans l'étude; vers la fin de ses jours, il
fut cependant envoyé au couvent de
ItlOf.R. NAT. — T. VI.
Sainte-Barbe, à Tamise, dont la direc-
tion était ordinairement confiée aux
religieux de son monastère. C'est là
qu'il termina sa carrière. On lui doit
divers ouvrages, faits avec grand soin et
qu'il se plaisait à illustrer de miniatures
dues à son habile pinceau; ce sont
pour la plupart des tableaux de morale.
Il composa aussi une description de la
terre promise, ainsi que des généalogies
des ducs de Brabant, depuis les temps
les plus reculés jusqu'à son époque.
Aug. Vander Meersth.
Goethals, Lectures relatives à l'histoire des
sciences, t. I, p. 3:2. — Piron, Levensbeschryvin-
gen.
DE ^viiiDE {Jean), poëte latin, pré-
dicateur, né à Gand en 1360, mort en
1417. Voir Jean de Wilde.
DE^viLDE (/m«), homme de guerre,
né dans le Limbourg, tué en 1468. Voir
HoRXES {Jean de).
DE ^viT {Gaspard), peintre paysa-
giste, né à Anvers en 1621, mort à
Amsterdam en 1673, selon quelques
biographes, en 1681, selon d'autres. Il
reçut sa première éducation dans la
maison paternelle, car il appartenait à
une famille d'artistes; puis, afin de se
perfectionner dans son art, il se rendit
en France et en Italie. C'est dans cette
dernière contrée que son talent se déve-
loppa entièrement sous l'influence d'un
illustre maître : il obtint des leçons de
Claude Lorrain et devint l'un de ses
plus habiles imitateurs. Comme cet
l
DE WIT — DE WITTE
admirable peintre, il excellait à repro-
duire l'aspect des ruines et savait, tout
à la fois, par l'harmonie du coloris et le
caractère du dessin, prêter à toutes ses
compositions le charme de la poésie.
Elles lui valurent, promptement, une
réputation en Italie même : Fiorillo le
range parmi les paysagistes les plus
renommés; et cependant son séjour à
l'étranger ne put être long, puisque
dès 1650, c'est-à-dire à l'âge de
trente ans, il était reçu et inscrit à la
gilde de Saint-Luc, à Anvers, comme
« fils de maitre « . Il vécut plusieurs an-
nées dans sa ville natale ; on l'y trouve
inscrit, en 1657, comme un des consuls
de la confrérie de la Sainte -Vierge;
mais on ne saurait préciser l'époque
à laquelle il alla s'établir à Amsterdam,
ville où, comme nous l'avons indiqué, se
termina sa carrière. Il nous paraît dou-
teux qu'il y fût déjà fixé au moment où
l'on exécutait son portrait, qui figure
parmi ceux du Gulden kaoinet publié
par De Bie, et qui porte, indépendam-
ment de vers louangeurs, les inscriptions
Suivantes :
A. GOEBOU pinx. ; RiCH. CoLLiN sculp. 1662.
F. Slappaerls.
Immerzeel, Levens der Schilders. — Siret,
Dict. des peintres.
DE V¥iT (Pierre) f peintre paysagiste,
né à Anvers en 1620, mort à Kome en
1669. Ainsi que son frère Gaspard,
dont la notice biographique précède
celle-ci, il se plut à reproduire les beaux
sites de la nature méridionale en les
caractérisant, à la manière de Claude
Lorrain, par la représentation de pitto-
resques ruines. Cette imitation sympa-
thique du maître français ne l'empêcha
pas d acquérir une honorable notoriété
dans le pays où s'écoula la plus grande
partie de son existence; son nom, lati-
nisé et traduit par celui de Petrns Albus,
y était, au contraire, fort connu; son
long séjour à Kome l'avait en quelqiie
sorte naturalisé, et il y fut inhumé dans
l'église Santa-Croce, en laissant, par son
décès prématuré, de vifs regrets.
Notre artiste ne doit pas être con-
fondu, comme le fait observer Nagler,
avec un autre Pierre De Wit, d'une
époque antérieure, mais également pein-
tre de paysage. Il importe encore plus
de ne pas le confondre avec un de ses
homonymes, infiniment plus célèbre et
connu sous le nom italianisé de Petro
Candido (voir la biographie de ce der-
nier, page 15).
F. Slanpaerts.
DE WITTE (Egide ou Gilles), connu
aussi sous le nom latinisé de Cakdidus
ou Albanus, théologien janséniste, né
à Gand le 21 février 1648, mort à
Utrecht le 7 avril 1721. Il fit ses huma-
nités au collège des Jésuites de sa ville
natale et étudia ensuite la théologie à
l'université de Louvain, où il eut pour
compagnon le célèbre Martin Steyaert,
avec qui il se lia de la plus étroite
amitié. A la promotion générale de 1666,
il fut le cinquième de la première ligne;
on sait que les élèves ainsi classés étaient
considérés comme les égaux du pre-
mier. Doué de qualités excellentes. De
Witte avait le malheur d'être irritable.
Il n'avait pas encore achevé ses cours,
que déjà il se disputait avec le P. Estrix.
Un chanoine pénitencier de l'évêché de
Gand, le P. Van Buscum, ancien pro-
fesseur de De Witte, avait composé, pour
celui-ci, un écrit donnant les règles à
suivre dans l'étude de la théologie; il y
recommandait d'éviter les locutions non
consacrées par l'Ecriture et surtout »
de jurer par la parole du maître ».
Le P. Estrix critiqua cet opuscule; De
Witte lui répondit et commença, dès
lors, avec les jésuites, cette longue et
déplorable lutte qui abreuva ses jours
de dégoûts, et, peut-être aussi, de ridi-
cule.
Quelques mois après cette dispute,
en 1673, De Witte fit sa licence en
théologie; il se rendit ensuite à Paris
pour s'instruire de la doctrihe de Port-
Royal, s'y lia intimement avec Arnauld
et travailla sous sa direction à étendre
ses connaissances. Elevé dans les doc-
trines de Jansénius et imbu, même avant
son départ pour Louvain, de ses prin-
cipes, son séjour à Port-Royal ne fit que
le confirmer dans la conviction que la
doctrine de V Au(/ustitiu8 avait été, dès le
DE WITTE
Commencement de l'Eglise, le fondement
de la foi catholique. En 1684, peu après
son retour dans les Pays-Bas, il fut
nommé doyen et curé de l'église de
Notre-Dame au delà la Dyle, à Ma-
lines. Se trouvant, l'année suivante, à un
fepas donné à l'occasion des funérailles
d'un médeciil, il y rencontra trois con-
frères du défunt, attachés au parti des
jésuites et qui amenèrent la conversation
sur l'autorité du pape, sur son infailli-
bilité et sa suprématie sur le concile gé-
néral; De Witte soutint l'opinion con-
traire, et cette causerie, quoique faite
dans l'intimité, ayant été ébruitée, fit
sensation. Les ennemis du doyen en pro-
fitèrent; leur conduite indigna les hon-
nêtes gens; et l'archevêque Alphonse de
Berghes, qui n'aimait guère les jésuites,
s'efforça d'étouftér l'affaire avant qu'elle
eût un plus grand retentissement. Mais
De Witte, ayant soutenu ses opinions
jatisénistes dans divers écrits et conti-
tiuant à les défendre avec chaleur, même
après leur condamnation par les papes
Innocent X et Alexandre YII, fut dé-
itOncé; il ne se soumit pas et en appela
an jugement d'un concile œcuménique.
L'appel fut désavoué par la faculté de
théologie de Lonvain, qui lui contesta
be droit par acte du 30 novembre 1685,
et l'auteur eut à comparoir devant la
cour ecclésiastique ; l'affaire traîna en
longueur; des pamphlets pour et contre
parurent en gtand nombre.
Lami de De Witte et son protecteur,
Alphonse de Berghes, le dernier défen-
seut des libertés du peuple, étant venu
à mourir, son successeur Guillaume de
Precipiano se déclara contre les jansé-
nistes, et la doctrine relâchée fut dès lors
ëtl haute faveur. De Witte prit à tâche
dé critiquer tous les actes de ce prélat ;
mais, voyant que cette lutte inégale ne
pouvait avoir qu'un résultat fiîcheux
pour lui, il donna sa démission de sa
cure de Malines, vint, au commence-
metit de 1 691 , à Gtind, et résida quelque
temps chez son arai le cuté d'Andeghem,
près d'Andenarde.
Le 30 janvier 1692, le gouverneur
de cette dernière ville envoya son secré-
taire accompagne d'un adjudant et de
quarante soldats, à Audeghem chez le
doyen, qui avait accordé un asile à
De Witte. On n'en voulait aucunement
à sa personne, qu'on jugeait trop extra-
vagante pour être dangereuse, mais on
s'empara de ses livres, de ses papiers
qui furent portés chez le gouverneur et
examinés par le recteur des jésuites, en
présence de deux échevins choisis, à cet
effet, par le magistrat d'Audenarde. Im-
médiatement le bruit courut qu'on y
trouvait la trame d'une conspiration
contre l'Etat. Dans ces circonstances.
De Witte résolut de s'expatrier : il partit
avec son collègue André Vauder Schuere
pour Utrecht, où Arnauld et Quesnel
étaient déjà arrivés. Deux ans avant sa
mort, il renonça entièrement à s'occuper
des affaires de l'église d'U trecht et expira
à l'âge de soixante-treize ans. Son corps
fut transporté à Warmond près de Leyde,
et enterré dans le tombeau du P. Ques-
nel. Par son testament, il légua à
Ph. Yerhulst, depuis professeur du sé-
minaire d'Amersfoort, tous ses écrits,
ses livres et papiers.
Il avait publié en 1696, en flamand,
le Nouveau Testament, les Psaumes de
David et d'autres livres de la Bible,
ainsi qu'une traduction de l'Imitation
de .lésus-Christ. Martin Stej^aert, son
compagnon d'études et son ami, ayant
critiqué quelques passages de cette ver-
sion. De Witte lui répondit de la manière
la plus brutale, et la mort de son adver-
saire n'apaisa point son ressentiment.
Ce fut De Witte qui écrivit l'apologie
de Pierre Codde, vicaire apostolique
d'Utrecht et archevêque de Sébaste,
quand celui-ci refusa an saint-siége de
tondamner les cinq thèses de Jansénius.
Cet écrit portait pour titre : Groote
apologie ofte verJediyschrifl van den
H. H. Peints Codde, behehende de opirer-
pingen hem te Rome roorgedragt-n, te
mmen met zyne anticoorden, en eenige
voordere terdedigingen voor de zelfde.
1702, in-4o. On cite encore son Benun-
ciatio solemnis Bulhe Vikeam Domini
S.\BBAOTn jhcta universœ ecelesiee. Il
regardait cette bulle comme une œuvre
des ténèbres, digne d'être adoptée et
préchée par l'Antéchrist.
DE WITTE
Il avait conçu le dessein de faire une
nouvelle édition de V Aiigustinus de Jan-
sénius, dont l'impression et le papier
pussent témoigner de la haute estime
qu'il professait pour ce livre, et de le
faire précéder d'une préface historique.
Il travailla à cet ouvrage, mais il ne put
l'exécuter, la mort l'ayant surpris.
Ses écrits de polémique religieuse
sont nombreux; on eu compte plus de
cent quarante; presque tous sont em-
preints de la passion qui les a dictés. Ils
ont été publiés pour la plupart sous des
noms empruntés. Comme ils ne repré-
sentent plus guère qu'un intérêt histo-
rique, il parait inutile de les citer.
Goethals {Histoire des lettres, t. I), qui
entre dans de longs détails sur la vie
de l'auteur, en donne une liste assez
complète. (Voir aussi Barbier, Diction-
naire des a7iotiymes.) Le plus grand et le
meilleur ouvrage de De Witte est la
traduction de la Bible d'après la Vul-
gate, qui parut sous le titre de : Byiel
na de Vulgate vertaeit met l-orte verkla-
ringen opgehelderd. Brussel, 1717, deux
volumes in-folio.
Tous les écrits de De Witte se signa-
lent par la vivacité des attaques contre
la bulle TJyngenitns. Homme de mérite,
bon orateur, doué d'une activité prodi-
gieuse, mais exalté et entraîné par de
fortes convictions vers la défense des
principes condamnés par le saint-siége,
il mena une vie agitée et dut abandonner
ses relations de famille. Depuis son
séjour en Hollande, son caractère, si
irritable déjà, s'aigrit au point qu'il ne
souffrait aucune contradiction et luttait
avec la même animosite contre ses amis
et ses ennemis. L'âge ne ralentit même
point cette exaltation, et son zèle incon-
sidéré lui aliéna ses partisans, qui, au
moment où ils désiraient un accommo-
dement avec l'Eglise romaine, le considé-
raient comme un dangereux obstacle. Il
mourut réduit à une solitude complète.
Aug. Vandur Meersch.
Le Clerc, Idée de lu vie et des écrits de Jl G. De
Witte, pasteur et doyen dans la ville de Malines,
Home AmsL), 1756, in-12. — Patouillet, Diction-
naire des livres jansénistes. — De Feller, Diction-
naire historique. — Goethals, Histoire des lettres,
t. I. — Delvenne, Biographie des Pays-Bas. —
Bloramaert, yedcrduitsche Schryvcrs van Cent.
»E '««'ITTE (Gérard), ou Candidus,
chroniqueur, né à Anvers au xvie siècle.
Il est l'auteur d'un journal relatant les
événements les plus remarquables sur-
venus dans les Pays-Bas, depuis le mois
d'avril 1566, jusqu'au mois d'août 1579.
Cette relation se trouve comprise dans la
deuxième partie des Annales seit Histo-
ri(e rermn belgicaruM a diversis auctori-
hus descriptœ (publié par Feyerabend à
Francfort, en 1580, in-folio, et dont une
seconde édition parut en 1583); mais
comme elle y est insérée sans être pré-
cédée d'un titre, il est assez difficile de
décider où l'œuvre de Gérard De Witte
commence et où elle finit.
Aug. Vander Meersch.
Sweertius, p. 278. — Paquot, Mémoires litté-
raires, t. I, p. 71. — Foppens, Bibliotheca bel-
gica, t. 1, p. 347. — Dewiud, Bibliotheek der ne-
derlandsche geschiedschryvers, p. !2oo.
DE '%viTTE (Gilles), sculpteur fla-
mand, travailla à Gand vers le milieu
du xvie siècle, puis à Bruges, où l'on
croit qu'il séjournait lors des premiers
excès commis, à Gand, par les icono-
clastes (1566). Le livre matricule du
métier des peintres, sculpteurs et ver-
riers de cette ville renseigne de nombreux
artistes de ce nom pour la période anté-
rieure à 1540, époque de l'insurrection
des Gantois. La corporation artistique,
jointe au métier des merciers par la con-
cession Caroline, fut longtemps désorga-
nisée, et les troubles religieux étant
survenus, les membres se dispersèrent.
L'enregistrement régulier des francs-
maîtres fut ainsi interrompu jusqu'en
1583; mais, si l'année de l'affiliation pro-
fessionnelle de Gilles De Witte, à Gand,
est ignorée, nous connaissons du moins
deux de ses œuvres, décrites dans des
documents contemporains : années 1554
et 1576. L'une d'elles, même, existe
encore, et témoigne d'un talent fort dis-
tingué.
L'œuvre de 1554, exécutée pour la
collégiale de Sainte-Pharaïlde, à Gand,
constituait un retable d'autel, « en pierre
de touche et albâtre (marbre noir et
blanc) » . Au centre se voyaient le Christ
en croix, le Fère éternel et la Résurrec-
tion, le tout surmonté de deux autres
DE WITTE
40
représentations sculptées : le Sacrifice
d' Abraham et V Elévation du serpent d'ai-
rain. Ce remarquable travail fut brisé
en 1579, par les sectaires.
La seconde production due au ciseau
de Gilles De Witte est le Cénotaphe de
messire Jean De Schietere et de dame
Catherine De Damhoudere, son épouse,
posé en 1577 dans l'église de Saint-
Sauveur, à Bruges. Ce monument funé-
raire est mentionné dans V Inventaire
artistique de la Flandre occidentale (1852)
et la convention conclue avec l'artiste,
en 1576, a été publiée dans les Annales
de la société brngeoise d'émulation, avec
une reproduction gravée, d'après le des-
sin de l'architecte Rudd. Le soubasse-
ment est en pierre, ainsi que les colonnes;
les statuettes sont en marbre. Dans le
compartiment central, accosté d'écussons
armoriés, le mari et la femme sont age-
nouillés au pied du Crucifix; derrière eux,
et debout, Saiiit Jean et Sainte Catheriyie.
Le cénotaphe paraît avoir subi des mu-
tilations, car dans la convention il est
parlé de « statuettes d'enfants, placées
sur des socles « , et qui n'y figurent plus
maintenant.
Eu 158-i, Gilles De Witte n'habitait
plus Bruges, ou était décédé. Son œu-
vre, qui avait été mise en sûreté durant
la seconde période des troubles reli-
gieux, fut reintégrée, cette année-là, dans
l'église de Saint-Sauveur, sans sa coo-
pération. Edm. De Busscher.
Archives communales de Gand, Registre aux
actes scabniaux, \oy>i. — Chan. Carlun, Annales
de la Société d'émulation de Bruges, t. l""". —
Inventaire des objets d'art des églises et des éta-
blissements publics de la Flandre occidentale,
18o-2. — Architecte Rudd, Monuments de Bruges.
DE ^'ITTE {Jean), dit Albus,
moine dominicain et évêque, naquit à
Bruges le 6 août 1475 et mourut dans la
même ville le 15 août 1540. Il appar-
tenait à une ancienne et noble famille ;
comme, en ce temps-là, la noblesse fla-
mande ne dérogeait pas en se livrant au
commerce, ses parents l'y destinèrent et
l'envoyèrent, àcetett'et,en Espagne; mais
le jeune homme, se sentant plus entraîné
vers le calme de la vie du cloître que
vers le tracas des attaires, se retira dans
un couvent de dominicains. Sa destinée
n'était pas cependant d'y vi\Te dans
l'oubli; Philippe le Beau ayant trans-
féré sa cour en Espagne, après avoir été
reconnu souverain de ce pays, chercha
pour ses filles un précepteur qui sût le
flamand et qui pût leur enseigner l'es-
pagnol; il jeta les yeux sur Jean De
Witte, qui s'acquitta si bien de sa mis-
sion, qu'il laissa à la cour les meilleurs
souvenirs.
Le frère de ses élèves, Charles-Quint,
étant devenu empereur, le nomma à
l'évêché de Cuba, où l'église de Saint-
Jacques venait d'être érigée en évêché
par Adrien VI, à la demande de l'empe-
reur, ail mois d'avril 1523. D'après
Fontana, Albus, ou plutôt De Witte
n'aurait été que le troisième évêque de
Cuba, tandis que Sanderus soutient
qu'il en a été le premier. Il fit beaucoup
de bien dans son diocèse, y propagea
l'Evangile et bâtit une cathédrale qu'il
vit achever et qu'il consacra lui-même.
Charles-Quint le rappela ensuite à la
cour, où il fut nommé confesseur et
aumônier de la reine Eléonore, son an-
cienne élève ; mais De Witte en était
venu à un âge où l'on n'aspire plus
qu'au repos : il obtint de se retirer à
Bruges, sa ville natale, au milieu de sa
famille; sa demeure, qu'il y fit bâtir lui-
même, était dans la rue de l'Eekhoute.
A sa demande, le pape lui accorda la
dispense nécessaire pour disposer de ses
biens; car, comme religieux, il ne le pou-
vait et il désirait consacrer sa fortune, qui
était considérable, à la propagation des
études dans la ville de Bruges. Il fonda
donc, par testament, des leçons de litté-
rature, de philosophie et de théologie,
nommant pour ses exécuteurs testamen-
taires Corneille van Baersdorp et Jean
Clayessone. Mais ses nombreuses libéra-
lités avaient ébréché son avoir, et les
exécuteurs furent sur le point d'aban-
donner l'idée du testateur. Sur ces
entrefaites, la reine Eléonore, ayant eu
connaissance du fait, suppléa, par sa
libéralité, à l'insuflisance des ressources
de la fondation ; elle s'engagea à servir,
au profit des chaires fondées par son
ancien précepteur, la pension assez
élevée qu'elle lui avait payée pendant
41
DE WITTE
19
sa vie. L'école fut inaugurée en 1541,
sous la protection du magistrat de la
ville : Georges Cassandre, devenu le pre-
mier professeur, y prononça le discours
d'ouverture. La chaire de théologie,
successivement occupée par plusieurs
savants dominicains tels que Husselius,
De Jonghe, auteur du Belgium Domini-
canum, Dulieu et Lefebvre, fut trans-
férée plus tard au séminaire; les cours
spéciaux, faute de fonds suffisants, furent
supprimés, et la dotation affectée à des
bourses aux universités de Douai et de
Louvain.
De Witte repose, sous un mausolée de
marbre, dans le chœur de l'église des
Dominicains à Bruges; une inscription
latine rappelle sa dignité épiscopale,
ses différentes fonctions, sa libéralité et
sa pieie. Emile Varenbergh.
De Jonghe, Belgium Domiuicanum. — Piron,
hevensbescliryvingen. — Biographie de la Flan-
dre occidentale.
DE 1.VITTE (Jean), peintre flamand,
né dans la première moitié du xvie siè-
cle. Ses œuvres ne sont guère connues, et
les renseignements biographiques qui le
concernent sont très-incomplets. Il jouis-
sait cependant d'assez de renom, jadis,
pour que le duc Christophe de Wurtem-
berg fit, en 15 66, appel à son talent et
le chargeât, conjointement avec Nicolas
van Orley, d'orner de peintures le palais
qu'il venait de faire construire à Stutt-
gart. C'était cette même année que le
duc d'Albe venait d'arriver aux Pays-
Bas; et les deux artistes, frappés, par
lui, de bannissement, durent se sentir
heureux de trouver en Allemagne un
asile, une protection et de fructueux
labeurs. Ils continuèrent à rester au
service de leur protecteur jusqu'au décès
de celui-ci, survenu au mois de décem-
bre 1568, et nous les retrouvons, dès
1569, à Cologne. Ils durent s'y séparer :
Van Orley, par le fait de la condamna-
tion qu'il avait subie, était suspect au
magistrat ; .Jean De Witte, plus heureux
ou plus habile, obtint l'autorisation de
conserver sa résidence. 11 s'était fait
admettre comme membre dans l'une des
gildes d'artistes et avait, en outre, ma-
nifesté son orthodoxie en consacrant
son pinceau à enrichir de quelque*
tableaux les églises de la ville. Il ne
pouvait j)lus, dès lors être accusé d'ieo-
noclastie, et, grâce, tout à la fois, à ses
œuvres et à sa prudence, il acquit, sans
doute, promptement le droit de bour-
geoisie.
Se maria-t-il, comme on l'a dit, à
Cologne? Y mourut-il en laissant des
descendants? Rien n'autorise jusqu'ici à
l'affirmer. L'histoire des persécutions
religieuses de cette époque apprend seu-
lement qu'il y acquit assez d'influenca
pour pouvoir agir utilement en faveur
de ses compatriotes fugitifs ou exilés, et
que c'est grâce à son intervention que
son frère Josse et deux peintres des
Pays-Bas, Gaspard Ruitz et François
Hogenberg, furent autorisés à établiu
leur domicile dans la ville rhénane ,
après avoir fait preuve de catholicité.
F. Stappaerts.
Messager des sciences historiques, -1862 (art. de
M. Rahlenbeck).
DE 1.VITTE (Liévin), peintre, miniaT
turiste, architecte, né à Gand au com-
mencement du xv;e siècle. Karel van
Mander le classe dans la seconde caté-
gorie des maîtres primitifs : « Habile
artiste , dit-il , surtout dans les vue§
perspectives, la représentation des mo-
numents, et dont on connaît un beau ta-
bleau, celui de la Femme adultère, ainsi
que plusieurs vitraux, placés à l'église
Saint-Jean (actuellement Saint-Bavon)
et composés par lui (die van zyne teel^e-
ning waren). «
Un érudit de grand renom, Sanderug,
parle de notre peintre avec plus d'éloges
encore : Livimis De Witte, ■pictor famo-
sus, mathematictis et architectus eiiain
insignis fuit .
La notoriété ainsi acquise, depuis
longtemps, au nom de De Witte n'a fait
qu'augmenter de nos jours et, peut-être,
les nombreux problèmes qui se ratta-
chent à sa biographie y ont-ils contri-
bué. L'imagination aime, en effet, à se
donner pleine carrière quand il s'agit
d'œuvres tout à fait supérieures ; elle
s'inquiète fort peu alors du vrai, ni
même du vraisemblable; or, la meilleure
part des productions attribuées, contre
13
DE WITTE
44
toute probabilité, à notre peintre est
renfermée dans le célèbre bréviaire du
cardinal Grimani, appartenant à la bi-
bliothèque de Saint-Marc à Venise.
On sait que ce bréviaire contient un
grand nombre d'admirables miniatures
dues à des maîtres flamands, attribution
non-seulement appuyée sur le caractère
et le style de ces peintures, mais encore
sur l'assertion positive d'un auteur ita-
lien, qui écrivait vers 1550, mais dont
l'écrit n'a été publié qu'au commence-
ment de ce siècle par l'abbé Morelli (1).
D'après cet auteur, le bréviaire vendu
pour cinq cents ducats au cardinal Gri-
mani " était orné de beaucoup de minia-
« tures par plusieurs bons maîtres, no-
« tarament de la main de Zuan Memelin
» (Memling?), de celle de Girardo da
« Guant (Gérard Horebout?) et de celle
•i de Livieno da Anversa (Liévin De
. Witte?) .'
Bien qu'on ne s'explique guère com-
ment ce dernier pouvait être qualifié
d'Anversois, l'identité de|Liévin d'Anvers
avec Liévin De Witte fut admise par
quelques-uns des critiques d'art les plus
érudits de l'Allemagne : Passavant ,
Waagen, Harzen. Passavant étendît
même plus loin son système d'induc-
tion : il prétendit reconnaître le style
et le faire de notre maître dans une
Adoration des Mages y signée A. W.,
initiales qui ne concordent guère avec
les noms de Liévin De Witte et qui se
retrouvent sur un autre tableau, la Ten-
tation de saint Antoine (2). Les dates ne
s'accordent pas mieux que les signatures
pour confirmer cette paternité de l'ar-
tiste; au contraire, elles fournissent im-
médiatement des motifs fort plausibles
de révoquer en doute sa collaboration
(\] Nodzie d'opere didt$eqno netlaprima meta del
xçcoln XVI esistetiti in Padova, Creinoua, Milaiio,
Pavia, Berf/amo, Crema, e Venezia, Scrilta da
uno aiwiiiiiio di quel tempo. Bassaiio, 18UU, in-S".
(■2) Les anciens peintres flamands par Ciowe
et Cavalcaselle, traduit de l'anizlais par 0. Dele-
picrre. Les conciencieux auteurs de cet ouvrage
ont montré plus de circonspection que les Alle-
mand.}» Liévin pourrait être, disent ils, l'auteur
de quelques-uns des panneaux dont nous venons
d0 parler; mais on ne peut se dissimuler que
jusqu'ici celle question est encore entourée de
trop d'obscurités pour qu'il soit possible de la
résoudre avec certitude. »
au bréviaire de Grimani. Il paraît établi
que le cardinal le possédait dès l'année
1521; or, en admettant même qu'il ait
été complété et achevé après l'acquisi-
tion, l'âge de notre peintre, à cette épo-
que, fait obstacle à ce qu'il pût être, en
Italie, le collaborateur d'artistes déjà
éminents et plus âgés que lui. L'n docu-
ment d'une atithenticité incontestable
dissipe sous ce rapport les dernières
incertitudes : » Le 15 mars 1575,
« Liévin De Witte, peintre de profes-
» sion, comparut, à G and, devant les
» échevins des Parchons et se disant
« âgé de soixante-deux ans ou environ
« {oud LXII ofte ontrend), fit un testa-
" ment en faveur de sa servante Suzanne
« De Bleecker pour les soins prodigués
B à son frère Jean, décédé, et à lui-
« même. Il lui faisait donation du tiers
« de ses biens meubles et immeubles,
« se disant grandement son obligé pour
« les fidèles, incessants et bons services
« que la susdite Suzanne lui avait renr
u dus pendant dix-huit ans, sans gages
« ni récompenses (3). «
Ce document, qui peint si naïvement
les mœurs du temps, a été découvert aux
archives de la ville de Gand par leur
conservateur, M. Edmond De Busscher,
et inséré dans son intéressant ouvrage
sur les artises gantois. Il résulte dti
texte cité que De Witte est né vers 1513;
l'expression restrictive : ou environ, qui
accompagne sa déclaration ne la modifie
guère, car elle était habituelle de son
temps et fort motivée alors que les in-
scriptions des naissances se faisaient avec
beaucoup d'inexactitude.
Nous aurons indiqué tous les faits irré-
cusables de la vie de Liévin De Witte si
nous ajoutons à l'indication de son ori-
(3) Suzanne De Bleecker s'élant mariée arec
Liévin de Perre. L. De Witte, par un acte passé
le 9 décembre 1577 devant les mêmes échevins,
déclara qu'il gratifiait les époux susdits de tout
ce qu'il possédait à condition de le loj;er, nourrir
et vêtir sa vie durant; de lui faire administrer
les Saints Sacrements en cas de maladie, de faire
ensevelir son corps en terre sainte, et célébrer
un service funèbre convenable. Les donataires
acceptèrent ces conditions ; mais deux mois après,
le 4 février 1î)78, ils se i)résentèrent de nouveau
devant les échevins et consentirent à l'annulation
de laute. Pourquoi ? on l'ignore.
15
DE WITTE
i6
gine flamande, aux dates approximatives
de sa naissance et de sa mort, la mention
de la commande qui lui fut faite officiel-
lement, en 1538, par la ville de Gand,
de peindre l'étendard de la chambre de
rhétorique la Fontaine de la Sainte-Tri-
tlîte. F. Stappaerts.
Ed. De Busscher, Recherches sur les peintres
et sculpteurs a Gand. — Waagen, Histoire de la
peinture flamande. — Alfred Michiels, Histoire de
la peinture flamande, t. III et Y.
DE iiViTTE (Pierre), dit Candido.
Cet artiste naquit à Bruges en 1548 et
mourut à Munich en 1628. On manque
de détails sur ses premières études, ainsi
que sur les circonstances biographiques
qui concernent son existence à Bruges.
On sait seulement que, très-jeune encore,
et se sentant entraîné vers l'étude des
arts, il partit avec toute sa famille pour
l'Italie. C'est à Rome, à Florence et à
Munich que s'écoula la vie du célèbre
Brugeois ; c'est là qu'il s'illustra à la fois
comme peintre, comme sculpteur et
comme architecte. A son arrivée à Flo-
rence, Yasari, avec qui il s'était mis en
relation, l'employa à la fameuse coupole
de Santa-Maria del Fiore; il le fit tra-
vailler également à Rome, où il s'oc-
cupa sous les ordres du pape. Après
quoi, le grand-duc de Toscane attacha
l'artiste brugeois à sa cour : c'est de
cette époque que datent les cartons que
De TTitte dessina pour tapisseries; c'est
à cette époque aussi que, pour se confor-
mer au goût italien, il se fit appeler
Catidido, nom sous lequel sont signés
beaucoup de ses ouvrages, loués par Yan
Mander, qui l'a connu. Il peignait à
fresque de préférence à l'huile, trouvant
dans ce genre de peinture une liberté et
des allures qui convenaient particulière-
ment à la fougue de ses idées. L'élec-
teur de Bavière, Maximilien, qui voya-
geait en Italie et qui s'était passionné
pour l'architecture, rencontra Pierre De
Witte et le prit sous sa protection.
Devenu roi, il voulut doter sa capitale
d'un palais digne de lui. Ce monument,
connu sous le nom de Palais de l'électeur,
est considéré comme une des plus belles
constructions de l'époque : il fut com-
mencé en 1600 et terminé en 1616.
L'histoire fait à l'artiste brugeois l'hon-
neur d'en avoir dressé les plans en
collaboration sans doute de Maximilien,
qui avait en architecture des connais-
sances sérieuses. Cette superbe résidence
porte partout les traces du génie mul-
tiple de Pierre De Witte. M. Hippolyte
Fortoul, qui l'a décrite et étudiée, rend
hommage à l'artiste créateur et exécu-
teur, qu'iln'hésite pas à appeler le grand
Candido. L'escalier, qui est un chef-
d'œuvre d'architecture et de sculpture;
les cours, les grottes, les fontaines,
ornées de statues mythologiques, allé-
goriques et historiques; les dessins de
jardins, pavillons, temples, toutes les
décorations, sont l'œuvre de notre artiste,
qui a inscrit son nom sur la rampe de
l'escalier et dont le souvenir, comme le
talent, du reste, se retrouve partout
dans cette merveilleuse construction. En
1607, Maximilien éleva un oratoire où
ruisselaient l'or, les bijoux, les mosaïques
et les pierres les plus précieuses, ainsi
que des reliquaires du travail le plus
somptueux. De Witte dut avoir sa part
dans ce petit monument d'une richesse
inouïe, et dont les peintures lui sont
attribuées. A Munich, il exécuta le su-
perbe monument de marbre et de bronze
élevé par Maximilien à Louis lY, mo-
nument composé de seize figures co-
lossales où l'on peut apprécier le gétiie
et le talent du maître. Il donna aussi
les plans de la colonne en marbre rouge
érigée dans la même ville en souvenir de
la victoire remportée par Maximilien
près de Prague sur Frédéric Y. Ce fut
vers ce temps que se produisit le mou-
vement artistique considérable qui ca-
ractérise aujourd'hui encore la Bavière;
aussi peut-on revendiquer une bonne
part de cette situation en faveur de notre
illustre Pierre De Witte, à peine connu
dans sa patrie, mais dont le nom est
très-populaire à Munich, où on l'appelle
Peter Weisse et où les Bavarois préten-
dent qu'il est né.
Comme peintre, notre artiste a laissé
un nombre considérable de tableaux,
dont la longue liste a été dressée par
Heinecke et Michel Huber. Cette liste
n'est pas complète : elle ne renferme que
17
DE WITTE — DE WOLF
48
les tableaux gravés par les Sadeler. In-
dépendamment des peintures que l'on
connaît de lui, nous signalerons, àl'église
Notre-Dame à Munich, une composition
représentant une Réunion de saints; aux
Eécollets de la même ville, une Sainte
Ursule avec ses compagnes et au musée de
Berlin, une Annonciation. Parmi ses
dessins de tapisseries, on a conservé le
souvenir de plusieurs grands sujets qu'il
y avait fait figurer. Ces sujets représen-
taient les exploits de Ottho de Wittels-
bach, et le Départ de Louis IV en 1327
pour Rome. C'est grâce au graveur
Ch.-G. Amling que ses compositions ne
sont point perdues, comme le sont les
vastes peintures murales que De Witte
avait exécutées au palais de Maximilien,
peintures recouvertes aujourd'hui de
plâtre et de badigeon. De Witte était
un peintre savant dans toutes les bran-
ches de l'art ; il connaissait particulière-
ment la perspective et excellait dans la
décoration des monuments. Son style
est essentiellement italien. Pour le colo-
ris, il surpasse son maître Vasari et se
rapproche du Parmesan. Il y a de la
grâce dans ses modèles, du charme dans
les attitudes de ses personnages, parti-
culièrement dans les airs de tête. Un
érudit belge, M. C. Carton, dit qu'on
voit, à la Pinacothèque de Munich, des
tableaux du peintre flamand : nous les
y avons vainement cherchés. Comme
sculpteur et comme architecte, les con-
ceptions de Pierre De Witte sont grandes,
hardies, élégantes et empreintes du sou-
venir des maîtres qu'il avait si ardem-
ment étudiés en Italie.
La Biographie tiniverselle lui attribue
par erreur les dessins des Ermites de
Bavière gravés par les Sadeler : ces des-
sins sont de Martin De Vos.
Pierre De Witte avait un frère nommé
Corneille, qui faisait partie des gardes du
corps du duc de Bavière, et peignait le
paysage avec succès, vers 1.573, s'il faut
en croire Van Mander. Enfin, il a laissé
un fils, Guillaume, né à Munich en
1585; celui-ci fut un peintre de talent
et porta le titre de peintre de l'électeur.
Il y eut à Bruges, en 1577, un fiilles
De Witte, sculpteur, qui exécuta le
monument de messire JeanDe Schietere.
On voit encore cette œuvre à l'église de
Saint-Sauveur à Bruges et l'on croit que
ce Gilles fut le père de Pierre.
Ad. Siret.
oi: irVoiiF (Josse), poète flamand, né
à Nazareth (Flandre orientale), le 16 jan-
vier 1747. On ignore les principales
circonstances de sa vie; on sait seule-
ment que, prêtre et bachelier formel en
théologie, il fut nommé, le 37 novembre
1773, professeur au collège de Gand,
fondé sous Marie-Thérèse, lors de la
suppression des jésuites.
On lui doit un grand nombre de
poésies à la manière de Cats, écrites dans
un style simple, dépourvu de fard, fait
pour être compris par tous les genres de
lecteurs, et d'une versification assez cor-
recte, bien que les expressions manquent
parfois de justesse. La collection de ces
poésies forme environ douze à quatorze
volumes in-S». Voici quelques-unes de
ces œuvres : Den vreugd en vriichtwek-
Jcende Theater van Apollo. Gend, 1778,
5 volumes in- 8°. Recueil de pièces sur
divers sujets de morale et de philosophie;
ce premier ouvrage de l'auteur est encore
fort répandu. — 2o Astrcea, de waerheyd
zoekende Dienst-Maegd , verzelt door den
onvlucMbaren laster der weireld. Verrykt
met wonderhaere historien, Ucîdgevende
fabelen. Gend, 1778, in-80. — 3o Ben
goddelyken PhilosopJi ofte minnaer der
oprechte wyshegd. Gend, 1778, in-80.
En vers héroïques, dédié à Vandevyver,
échevin de ïermonde. — 4o La réno-
vante Pucelle de Gand. En trois chants.
Gand, 1779, in- 8". Poëme curieux, mais
ridicule, écrit dans un style prétentieux
et boursouflé. C'est la seule production
écrite en français. Il a publié le même
ouvrage en vers flamands. — h<^ De
Herscheppingen van Ovidius. In rvm ge-
steld door J. De Wolf. Gend,' 1779,
in-80. — 6° Historié van het Oud Testa-
ment. In helden veerzen. Gend, 1780,
in-80. — 70 Historié vati het nieuw Tes-
tament. In heldon veerzen. Gend, 1730,
in-80. — %o Ramozangen en hrieven van
den ellendigen halling Publius Ovidius
Naso. In helden veerzen. — 9o I^even
der Herdereii door Vii'gilius, vrtjpostig
i9
DE WOLF — DE WOLFF DE LA MARSELLE
^
verdnytscM. — lO" JJeren van uytspan-
ningen of den wéllust der velden. Gend,
in-8o, sans date. Recueil de pastorales
et d'idylles. — 11» Bloemperk d'aller-
gewigtigste lotgevallen. In rym en onrym.
— 12^ Invallende gedagten op verscheyde
voorwerpen, of het sehoon tooneel der
gehreken. Gend, 1780. in-8o. Recueil de
90 pièces, parmi lesquelles on en cite
une, considérée comme la meilleure de
l'auteur.
De Wolf après avoir traduit en vers fla-
mandspresquetouteslesœuvres d'Ovide,
voulut y ajouter V Ars amandi ; l'autorité
ecclésiastique s'en alarma : on prétend
que le poëte fut enfermé dans les prisons
de l'évêché et même déclaré fou. Il est
plus probable que De Wolf, craignant
des désagréments, se démit de ses fonc-
tions et s'expatria, car il paraît qu'il mit
ensuite au jour d'autres publications
anonymes. Quoi qu'il en soit, les mem-
bres de sa famille, qui existent encore à
Nazareth, ignorent quand et où il ter-
mina sa carrière. Aug. Vander Meersch.
Kunst en letterblad, -1842, p. 8. — Blommacrt,
Nederduytsche schryvers van Gent. — Piron ,
Levensbeschryvingen. — Ferd. Vander Haeghen,
Bibliographie gauloise. — Fr. De Poiter et
J. Broeckaert, Geschiedenis der gemeenten, deel V.
Nazareth.
DE IrVOI^FF DE 1,.%. MARSEI^IiE
(Louis-Homitiiqtie-Josepk-Eegis) , homme
de guerre, né à Mons, le 13 mars 1747,
mort dans la même ville le 14 octobre
1804. La famille De Wolff appartenait
à la noblesse du Hainaut; elle avait
fourni à l'Espagne et à l'Autriche plu-
sieurs vaillants officiers : Nicolas De
Wolff s'était distingué au siège de Va-
lenciennes et au blocus de Mons en 1678,
ainsi qu'à la bataille de Seneffe; Jean-
Alexandre De Wolff avait assisté à la
bataille de Vienne, aux sièges de Bude
et de Belgrade, et avait figuré, avec le
grade de colonel, dans les gardes du
prince de T'Serclaes, général des troupes
du prince évêque de Liège. Un autre
membre de cette famille était mort
héroïquement à la bataille de Krotzka
(le 22 juillet 1739), où plusieurs Belges
s'étaient distingués.
Louis-Dominique voulut suivre les
beaux exemples de courage que ses
ancêtres lui offraient, et dès l'âge de
quatorze ans il entra dans un régiment
d'infanterie. C'était en 1760, vers la fi»
de la guerre de Sept ans. Une foule de
jeunes gens, fascinés par la gloire que
cette guerre mémorable avait attirée sur
les étendards de l'Autriche, s'empressè-
rent alors de prendre la carrière deq
armes, mais la paix, qui fut conclue peu
de temps après, vint faire évanouir les
rêves ambitieux de cette jeunesse guer-
rière. Toutefois le jeune De Wolff arrive
bientôt à une sous-lieutenance. En
1768, il obtint une compagnie dans le
régiment de Wurtemberg, un des corps
nationaux qui existaient à cette époque.
Il la conserva jusqu'en 1787, époque
de son élévation au grade de major,
La révolution brabançonne éclata bien-
tôt ; les troupes impériales durent aban-
donner momentanément le pays et se
réfugier dans le Luxembourg, où les
idées de rébellion n'avaient pas pénétré.
Le major De Wolff de la Marselle, qui
servait de nouveau dans le régiment
wallon de Wurtemberg, accompagna
l'armée dans son mouvement de retraite.
La campagne de 1790 amena de nom-
breux conflits entre les troupes autri-
chiennes et les patriotes belges, en
attendant qu'elle aboutît au rétablisse-
ment du gouvernement impérial d^ns
nos provinces. Elle fournit au majop
De Wolff plusieurs occasions de se faire
remarquer, notamment le 31 août, au
combat d'Anseremme : le colonel du
régiment venait d'être mortellement
frappé en conduisant ses troupes à l'at-
taque de la position occupée par le^
patriotes; cet événement avait jeté le
trouble et le désordre dans le régiment,
lorsque le major De Wolff" de la Marselle
prend résolument la direction de l'opé-?
ration, parvient à rallier les troupes
presque débandées et, grâce à son éner-
gie, à son intrépidité, enlève la posi-
tion d'Anseremme et s'y établit solide-
ment. Le 22 septembre suivant, il put
de nouveau donner d'éclatants témoir
gnages de son intelligence et de sa bra-
voure dans un combat qui eut lieu près
de Falmignoul, dans la province de Na-
mur.
21
DE WOLFF DE LA MARSELLE — DE WRÉE
Î2
Pendant les guerres de l'Autriche
contre la république française, cet intré-
pide officier se distingua dans plusieurs
circonstances : de 1794 à 1796, il com-
manda avec distinction un bataillon
formé des grenadiers réunis des trois
régimei^ts wallons de Clerfayt, de Ligne
et de Vierset; en 1796, il reçut le com-
mandement du régiment de Clerfayt, à
la tête duquel il se couvrit de gloire à
Kircheipe le 19 juin et mérita la déco-
ratipn de l'ordre de Marie-Thérèse. On
ne lira pas sans intérêt le texte officiel
du considérant qui a fait décerner au
général De Wolff de la Marselle l'ordre
militaire de Marie-Thérèse. Le voici tel
qu'il a été rédigé à la chancellerie de
l'ordre : » M. de la Marselle étant colonel
« commandant le régiment d'infanterie
« Clerfayt no 9, qui faisait partie de
« l'avant-garde de l'armée impériale,
* laquelle, après la bataille de Wetzlar,
« s'avançait vers le Ehin, se distingua
c particulièrementàKircheipe,le 19 juin
u 1796. L'ennemi menaçant sérieuse-
» ment les positions occupées par l'avant-
« garde et notamment celle de l'aile
« droite, le colonel De Wolif de la Mar-
ti selle s'offrit spontanément à son
u commandant, le général comte de
« Gontrœul, de couvrir et de dégager la
« position avec un bataillon de son régi-
« ment; il exécuta ce mouvement avec
Il autant d'habileté que de résolution et
u de courage. Malgré la force supérieure
Il de l'ennemi, celui-ci attaqué vigou-
II reusement fut repoussé sur tous les
I) points. Ce résultat sauva l'aile droite
u et décida du succès de l'affaire. «
En 1799, le colonel De Wolff de la
Marselle se rendit dans le Tyrol avec son
régiment et, là encore, il se distingua
dans une foule de rencontres avec l'en-
nemi, notamment le 26 mars près de
Schluders, le 2 mai près de Siiss et le
14 près de Luccenberg, où il enleva les
hauteurs de Sainte-Julie. Investi du
commandement d'une brigade et chargé
de reprendre un des passages du Saint-
Gothard, il eut à soutenir plusieurs
combats qui facilitèrent la jonction des
différents corps autrichiens. Après le
combat de Rivoli (1 6 septembre), sa con-
duite fut récompensée par le grade de
général-major.
Cependant les Français avaient tra-
versé le mont Cenis ; bientôt ils franchi-
rent le Pô et marchèrent sur Alexandrie,
Le général De Wolff' de la Marselle fut
envoyé à leur rencontre et leur livra à
Montebello un combat où il se distingua
encore, mais où il eut la douleur de voir
tomber à ses côtés son fils unique mor-
tellement blessé. Deux jours après, fut
livrée la bataille de Marengo, dans
laquelle le général De Wolff' rendit les
plus grands services et où il reçut deux
blessures. Il demanda sa retraite après
la paix de Lunéville et vint finir ses
jours dans sa ville natale.
Général baron Guillaume.
Hirtenfelt, Das rnilitar, elc. — Guillaume.
Histoire des régiments nationaux . — Reiiseigne-
ments fournis iiar la Chancellerie de l'ordre de
la Croix de Marie-Thérèse. —Iconographie mon-
toise.
»E ^'RÉK (Jean- Baptiste), sculpteur,
né à Termonde vers 1635, mort à An-
vers en 1726. Voir De Yhée {Jean-
Baptiste) .
DE M'RÉE iMai'c), compositeur de
musique, né à Dunkerque vers 1565.
Voir De Vrée (Marc).
DE lî^'BÉE {Olivier), ou Vhedius,
historien et poète, né à Bruges le 28 sep-
tembre 1596 , y mourut le 21 mars
1652. Après avoir fait d'excellentes
études à Bruges et à Douai, il se crut
appelé à la vie religieuse et entra au
noviciat des jésuites qui avaient présidé
à son éducation; mais, là même, un exa-
men plus approfondi lui fit comprendre
que sa vocation était ailleurs : il reprit
ses études de droit à Douai et en revint
avec le grade de licencié. Entouré de
quelques amis de choix, il s'adonna avec
ardeur à la poésie flamande et y réussit
d'autant mieux, qu'il trouva dans ses
amis des censeurs éclairés. Aujourd'hui
encore, ses œuvres poétiques, telles que
J)e vermaerde oorlog-stukken van den tcon-
derdadit/en veldheer C. de Longtieval et
les Meng eld icMen , io\ns?,&ni d'une estime
bien méritée. A la verve et à l'imagina-
tion il unit une grande connaissance de
sa langue maternelle et la manie heureu-
sement. Sans renoncer aux muses, qui
23
DE WRÉE — DE WULF
24
lui avaient procuré tant de moments
agrréables, il se sentit bientôt attiré aux
études jdIus sévères de l'histoire, d'autant
plus qu'à la fleur de l'âge il faisait déjà
partie du magistrat de Bruges et qu'après
avoir géré avec honneur les fonctions
d'échevin et de trésorier, il fut élevé à
la dignité de bourgmestre. Il n'y était
pas promu encore quand il rendit à la
ville et à l'Etat le service le plus impor-
tant. A la mort de l'archiduc Albert et
dans la désorganisation qui s'ensuivit,
le prince d'Orange parut inopinément
près de Bruges, dans l'espoir de sur-
prendre la ville , mais De Wrée ne
dormait pas; avec l'aide de son col-
lègue Eonsart et d'autres amis dé-
voués, il ranima les esprits abattus et
harangua le peuple avec tant d'énergie,
qu'il parvint, en peu d'heures, à réunir
des forces assez imposantes pour faire
rebrousser chemin à Maurice de Nassau.
L'étude de notre histoire occupa les
vingt dernières années du vigilant ma-
gistrat. Après qu'il eut réuni à grands
frais des manuscrits, des sceaux et mé-
dailles, matériaux nécessaires pour son
travail, il porta l'enthousiasme au point
d'établir dans sa propre maison une
imprimerie et un atelier de gravure.
Il mit alors la main à l'œuvre et publia
d'abord les Sigilla cornitum Flandriœ,
le plus connu de ses ouvrages , et la
Genealogia comitum Mandrice, qui, tous
deux , reçurent l'honneur d'une tra-
duction, mais qui, d'abord vendus au
poids, sont aujourd'hui justement ap-
préciés. Cette injustice ne découragea
pas l'auteur : il continua ses recherches
avec un nouveau zèle ; malheureusement
il s'éprit d'un système, avant d'avoir
bien établi les faits, L^ ancienne Tîandre,
disait-il, était la première France, maxime
assurément trop absolue, vers laquelle
il fait converger tous les événements, ce
qui l'oblige à en resserrer quelques-uns
dans une sorte de lit de Procuste. Ses
ouvrages Flandria ethnica et Flandria
chri.sti.ana, qu'il ne considère que comme
une introduction, Libri prodromi duo,
forment néanmoins une mine inépuisa-
ble d'érudition, bien que les explications
en soient souvent peu justifiées. Olivier
De "Wrée mourut dans la vigueur de
l'âge, avant d'avoir pu mener à fin sa
gigantesque entreprise et, sans doute,
par excès de travail.
Aug. Vander Mfersch.
Bibliothèque belg., tom. II, pages 393 et suiv.
— J. De Mersseman, dans la Biogr. des hommes
remarq. de la Flandre occid., tom. II, pages 283
ei suiv.
DE 'WUi.F {Chrétien), plus connu
sous le nom latinisé de Lupus, écrivain
ecclésiastique, né à Ypres le 23 juillet
1612, mort le 10 juillet 1681. Après
avoir terminé ses humanités dans sa ville
natale, oii il eut pour professeur de rhé-
torique le fameux hagiographe Godefroid
Heuschenius, il embrassa l'état religieux
dans l'ordre des Ermites de Saint-Au-
gustin et fit sa profession en 1628, à
peine âgé de quinze ans. Dès que ses
études de théologie furent achevées, ses
supérieurs l'envoyèrent enseigner la
philosophie à Cologne. Il s'y acquit
l'estime de plusieurs savants et particu-
lièrement celle du cardinal Fabio Chigi,
depuis pape sous le nom d'Alexandre Yll
et qui remplissait alors les fonctions de
nonce et légat à latere, dans le quartier
du Rhin. Lorsqu'il fut parvenu au pon-
tificat, celui-ci continua à honorer De
Wulf des marques de sa. bienveillance.
En 1640, De Wulf fut appelé à Lou-
vain ; il y professa avec succès la théolo-
gie, adoptant pour base de son enseigne-
ment la doctrine de saint Augustin, mais
en la complétant en quelque sorte par
l'étude des anciens monuments ecclé-
siastiques. On rapporte qu'il étudiait
quinze heures par jour, qu'aucun livre
n'échappait à sa dévorante activité et
qu'il s'assimilait tout ce qu'il avait lu :
c'est pourquoi on le surnommait la
Bibliothèque ambulante. Il fut ensuite
envoyé à Douai, où son savoir et son
instruction brillèrent également du plus
vif éclat.
Il cherchait à obtenir la dignité de
docteur; l'internonce des Pays-Bas s'y
opposa, les ennemis du P. Lupus l'ayant
accusé de jansénisme. Bientôt l'interdit
auquel on l'avait soumis fut levé par le
pape, et la remise du bonnet de docteur
eut lieu le 4 février 1653, aux acclama-
tions de l'université de Louvain. Quand
23
DE WULF
26
il se rendit plus tard à Rome, il se jus-
tifia sans peine des accusations injustes
lancées contre lui, et il y passa cinq
années, s'occupant de travaux intellec-
tuels qui provoquèrent l'admiration; le
célèbre Holstenius déclara qu'il ne con-
naissait personne de plus instruit dans
l'histoire ecclésiastique, et toute la cour
romaine professait le respect le plus pro-
fond pour son instruction et son carac-
tère. Le pape Alexandre VII, son ancien
ami, voulant le retenir dans la ville
éternelle, lui offrit la dignité de prélat
domestique, avec le titre d'évcque de
Tagaste, puis \me chaire dans le collège
de la Sapience, mais il refusa ces hon-
neurs et ces fonctions, préférant, disait-
il, l'étude et le repos à l'esclavage bril-
lant des hautes dignités. Il refusa de
même, quand Cosme III, grand-duc de
Florence lui fit offrir avec instance une
pension considérable pour l'attirer à sa
cour. Il ne voulait pas renoncer à sa
nationalité, ou du moins il tenait à ne
consacrer qu'à sa patrie ses talents et
son savoir.
A son retour à Louvain, on le nomma
un des huit régents de la faculté de
théologie, et ce fut pendant cette époque
qu'il compléta ses études sur l'histoire
ecclésiastique, les canons, les sentences
de conciles, et qu'il publia plusieurs
ouvrages d'un mérite transcendant, par
lesquels il défendait l'infaillibilité du
pape. Il fut successivement revêtu des
premières charges de son ordre, mais il
ne les accepta qu'à son corps défendant
et se hâta d'y renoncer aussitôt qu'il le
put; il ne consentit même à occuper la
chaire de premier professeur de théolo-
gie, à Louvain, devenue vacante parla
mort de Gérard van Werm, que par dé-
férence pour le duc de Parme, gouver-
neur général des Pays-Bas. Il est à
remarquer que c'était la première fois
qu'une chaire de l'université était accor-
dée à un docteur d'un ordre régulier.
En 1677, l'université de Louvain
l'envoya en députation, avec d'autres
théologiens, à Rome, afin de solliciter la
condamnation de soixante-cinq proposi-
tions de morale relâchée; il obtint du
pape Innocent XI un décret sur la pu- |
reté de la doctrine de saint Augustin et
la permission de l'enseigner publique-
ment. Le souverain pontife le gratifia en
même temps de deux superbes médailles
en or. Le P. Lupus mourut à Louvain à
l'âge de soixante et dix ans, après avoir
composé lui-même son épitaphe, dans
laquelle il disait modestement qu'il était
dignus nomine reque Lupm indigmis
non re, solo nomine, doctor. Les Augustins
lui sont redevables d'avoir formé dans son
école le cardinal Xoris, et d'avoir enri-
chi considérablement leur bibliothèque.
Ses ouvrages lui acquirent un grand
renom; un biographe prétend qu'il pas-
sait, avec justice, pour un des plus sa-
vants hommes du siècle; un autre avance
qu'il n'avait pas son égal pour l'étendue
de son savoir et l'ardeur de sa vertu.
Tout en rendant hommage à ses con-
naissances étendues, on serait peut-être
plus près de la vérité en disant que
c'était un habile homme, mais rempli
de préjugés et d'une extrême opiniâ-
treté. \'oici les titres de ses œuvres
principales : lo Apologia pro anima oni
sensitiva. Coloniae, 16.39, in-4o. —
3" Apologia altéra adversm professores
Marpurgen-^es. Colonise, 1641, in-4'J. Ce
sont ses premiers essais, composés pen-
dant qu'il professait la philosophie. —
3'J Synodorum gêner alium et proiincia-
lium statuta et canones cura notis et histo-
ricis dissertationibus. Les tomes 1 et 2
furent publiés à Louvain en 1665, et les
tomes .3, 4 et .5 à Bruxelles, en 1673,
de format in-4'J. Espèce d'introduction
à l'histoire des canons des conciles, écrite
dans un style incorrect et qui respire
l'ultramontanisme le plus prononcé ;
Bossuet l'a réfuté dans la Défense de la
déclaration du clergé. Le P. Lupus y
donne des preuves de grande érudi-
tion. — 40 Quœstio quodlibetica de ori-
gine eremitarum, clericorum ac sanctimo-
nialium ord. S. Augustini. Duaci, 1651.
— 5o Dissertatio dogmatica de germauo
ac avito se7isu SS. FF. unitersœ Ecclesice
ar prœsertim Tridentince Synodi, circa
cliridianam contritionem et attritionem.
Lovanii, 1666, in-4'5. Le sentiment de
l'auteur est que la contrition de cette
charité parfaite qui fait aimer Dieu sur
27
DE WULF - 0EYNUM
^
toutes choses suffit pour justifier l'homme
sans l'absolution du prêtre. — 60 Ter-
tulUani Liber de Prascriptionibus contra
kcBreficos, ci/m scholiis et notis. Bruxel-
lis, 1675, in-4o. Ecrit avec une certaine
élégance. — 7o Divinum ac immobile
S. Pétri apostolorum principis circa om-
nittm sub calo fiielium ad Romanam ejîis
cathedrani AppeUationes , adrersus pro-
fanai koâie rocum notitates , assertion
privileffuini . Moguntise, 1681, in-4o. Les
novateurs qui ont excité la bile du
P. Lupus sont Marca, l'abbé Boileau et
le docteur Gerbais. Le droit d'en appeler
au pape est démontré par la nature de
sa primauté. — 80 Epistolee ■cariorum
patrnrn ad I/pliesinm concilium. Item,
Gommonitorinm Cœlestini papa, tituîi
decretornm Hilarii papœ, NeapoUtanum
concilinm, Epistolœ Analecti Anti-Popœ.
Lovanii, 1682, in-4f>. La vie du P. Lu-
pus, par le P. Joseph Sabatini, religieux
de son ordre, se trouve à la tête du
volume des notes. Ses ouvrages post-
hiunes furent publiés à Bruxelles en
1690, in-4o, par les soins du P. Guil-
laume Wynants, religieux aiigustin;
Foppens en fait connaître les divers
titres et l'on y voit, outre les pièces
inédites, quelques dissertations impor-
tantes, imprimées du vivant de l'auteur.
Tous les ouvrages du P. Chrétien De
Wulf ont été réunis dans une édition
faite à Venise en 1724 et seqq. en
12 tomes ou 6 volumes in-folio, précédée
de la vie de l'auteur, par les soins du
P. Thomas Philippin!, de Ravenne, qui
y ajouta quelques traités inédits, con-
servés dans la bibliothèque des Augus-
tinS, àLoUVain. Aug. Vaiidei Meersch.
Foppens, Bibliotlieca belqica, t. 1. p. 170. —
Kicéron, Mcmoiret pour senir a l'histoire des
hommes illustres, t. VU, p. :204. — Moreri. Dic-
tionnaire historique. — Delvenne, Biographie
des Pays-Bas. — Ossinger, Biblioiheca augusti-
niana, p 594. — Michaud, Biographie unifer-
selle. — Biographie des hommes remarquables de
la Flandre occidentale, t. I, p. 297.
BE '«viXF (Jacques-Philippe), juris-
consulte gantois, vivait au xvirie siècle;
nous ignorons la date exacte de sa nais-
sance comme celle de sa mort. Il passa
ses licences le 18 décembre 1756 et pra-
tiqua comme avocat du barreau de Gand
jusqu'au mois de février 1767, époque
à laquelle il fut nommé pensionnaire de
la ville d'Ostende. En 1766, pendant
qu'il était encore avocat à Gand, il pu-
blia la table générale des placards,
règlements, instructions et arrêtés ren-
fermés dans les neuf in-folio intitulés
Recueil des placards de Flandre de 115^
à 1763. {Placaetboek , etc.) Son ouvrage
en un volume est intitulé : Generalen
index ofte substantieel kortbondig begryp
der materien begrepen in de vyf Placaet-
boeken van Vlaenderen (Gand, 1768,
1 vol., 690 p.). Dans ce travail,
De Wulf résume fort bien les nombreuses
lois de Flandre, qui étaient la plu-
part du temps celles de toutes les pro-
vinces. Par cette analyse, où l'auteur a
suivi l'ordre alphabétique, et à laquelle
il a joint un index chronologique, notis
pouvons nous former promptement une
idée exacte de notre ancien droit édictal.
Aucun index de cetteimmense collection,
surtout ce qui a été fait pour telle ou
telle branche de la législation, n'est
aussi complet, aussi érudit que celui de
l'avocat gantois. Ém.le Varenbergh.
Britz, Mémoire couronné.
dey:%'i:m (J.-B. t.%x), peintre en
miniature et à la gouache, né en 1620 à
Anvers, décédé le 14 octobre 1669.
Etant issu d'une famille pourvue d'une
belle aisance, il put librement suivre
ses goûts et n'eut pas à lutter contre les
entraves qui retardèrent l'éclosion de
tant d'autres artistes. Il fut, en outre,
bien inspiré par ses prédilections pour
le genre spécial qu'il adopta, car il par-
vint à donner à ses miniatures et à ses
gouaches les qualités élevées qui sem-
blent être l'apanage exclusif de la pein-
ture à l'huile. On vante le coloris vrai
et harmonieux de ses portraits et on
loue, non moins vivement, les qualités
attrayantes dont il a fait preuve en trai-
tant le paysage ou les sujets historiques.
Ses œuvres furent promptement recher-
chées par l'aristocratie, en Autriche et
en Espagne, et elles ne se retrouvent
plus que dans les palais et les demeures
seigneuriales de ces deux contrées : son
pays natal n'en a guère conservé.
F, Stappacrt».
29
DEYSTER — D'HEUR
30
DEYi^TER {Louis I»e), peintre d'his-
toife et graveur à l'eau-forte, né à
Bruges en 1656, mort en 1711.
Il faut ranger cet artiste parmi les
JjIus habiles de l'école flamande, bien
qtt'il soit loin d'avoir obtenu la renom-
mée qu'il méritait ; ce déni de justice de
la postérité n'est peut-être imputable
Sti'à une seule cause : le coloris et le
fessin de De Beyster rappellent parfois
sî bien les œuvres de Van Dyck qu'on
à été amené, fort injustement, à le
placer, derrière ce maître, dans le vil
ttoupeau des imitateurs. L'énergique in-
dividualité de De Dyster se révèle pour-
tant dans maintes de ses œutres; elle
apparaît particulièrement dans ses es-
quisses, où brille l'alliance de qualités
réputées inconciliables : la largeur et la
précision de la touche, une fougue pas-
sionnée et une très-sage entente de la
composition. Notre artiste n'était ni
moins pittoresque , ni moins digne
d'éloge quand il tenait le burin, au lieu
de manier le pinceau. Dans l'un comme
dans l'autre cas, tout paraissait impro-
visé avec abandon, et tout, cependant,
était le résultat d'un travail patient,
refléchi et ardu. Il ne peignait qu'après
avoir essayé de chaque sujet plusieurs
esquisses, et lorsque les moindres traits
de sa composition étaient correctement
tracés sur la toile.
Elève de Jean Maes, il quitta son
iliaître pour se rendre en Italie avec un
de ses amis et de ses condisciples, Jean
Van den Eeckhout, dont il épousa, plus
tard, la sœur. Il séjourna pendant six
ans à Rome et à Venise j non moins
absorbé par l'étude enthousiaste des
célèbres maîtres italiens que par ses pro-
pres travaux. Convaincu par d'illustres
exemples que l'art doit s'attacher à
l'expression de grandes et nobles pen-
sées, il s'inspira surtout des scènes de
la Bible : Judith, — Job, — la Résur-
t-ection du Christ, — V Ajyparition aux
trois Marie, — la Mort de la sainte
Vierge, sont comptées au nombre de ses
principales œuvres.
Ses belles et rares estampes manifes-
tent le même esprit, le même sentiment.
On cite parmi celles-ci comme les plus I
dignes d'appeler l'àttetltidn : la Fuite
d Agar, dont la pladche burinée est
conservée à Vienne ; — la Sainte Made-
leine; — lé[ Sacrifice de Noé, planche
très-rare, indiquée par Weigel comme
valant trente thalers (plus de cent
francs !). — Une Vierge dans une atti-
tude méditative, planche de format petit
in-4^. Deux auteurs, Bartsch et Le
Blanc, donnent in extenso l'énumération
des autres planches attribuées à notre
peintre; le premier en mentionne sept,
et le second quatorze.
De Deyster semblait appelé à jouir
d'une grande fortune; ses talents lui per-
mettaient d'y prétendre; mais la versa-
tilité de son caractère et son imagination
vagabonde l'empêchèrent d'y parvenir.
S'occupant de musique, de mécanique,
de gravure, fabriquant, tour à tour, des
orgues, des pendules, des violons, des
tableaux et des estampes, il gaspilla son
temps et ses forces dans les directions les
plus divergentes, et il en résulta fatale-
ment qu'il mourut fatigué, déçu dans
ses espérances et appauvri, à l'âge de
quarante-neuf ans . p. Stappaens.
Douillet, Dict. çiénéral d'histoire. — Gault de
Saint-Germain, Guide des amateurs de tableaux.
— Kiamm, Levens der Schdders.
DEYSTER (Anne de), artiste pein-
tre, née à Bruges vers 1617, morte le
14 décembre 1747. Elève et fille de
Louis De Deyster, elle traita, comme lui,
des sujets historiques et s'assimila, en
outre, si complètement sa manière de
peindre, qu'on a maintes fois confondu
leurs œuvres et qu'elle a pu faire passer
ses copies pour des originaux. Elle pos-
sédait, indépendamment de ce talent,
des connaissances littéraires assez éten-
dues; un livre inspiré par la piété
filiale, la biographie détaillée de son
père, en a fourni la preuve évidente.
F. St«pp«crts.
Siret. /)jc«. des peintres. — iBimetzeel, Ltveits
der Schilders, etc.
d'ha^e%.<« {Alh. -Ignace), poète, né
au pays de Waes. xtiie-xriîie siècle.
Voir HanIns {Alb.-Ignace d').
D'UEtiR (Corn.-Jos.), peintre, né à
Anvers, xvine siècle. Voir Heur (Corn.-
Jos. d').
31
D'HOLLANDER
32
d'uoi.la:vdi:b {Englebert), jésuite,
poëte latin, né à Gand en 1584, mort à
Ingoldstadt en Bavière, le 30 août 1626.
Après les années de noviciat, auquel il
avait été admis en 1605, il enseigna la
rhétorique dans sa ville natale; plus
tard, il donna des missions en Hollande.
D'Hollander a laissé plusieurs écrits en
prose et en vers : on cite des drames, la
Vie de Venipereur Henri et de l'impéra-
trice Cunéyonde. La mort, qui l'enleva
prématurément à l'âge de quarante-deux
ans, interrompit son ouvrage De antiqui-
tatibuS Gordunis {?). J. Rouiez.
Aug. et Alois De Backer, Bibl. des écrivains
de la Compagnie de Jésus, Vl^ sér., p. 2^ii.
d'uolla^'der {Jean), historien,
généalogiste, né à Gand en 1592 et mort
le 14 juillet 1647, fut chanoine de
Sainte-Waudru, à Mons, et protonotaire
apostolique. Il fit une étude particulière
de l'histoire du pays, s'attachant surtout
à la partie généalogique dans laquelle
il était très- versé. Il rassembla un grand
nombre de documents concernant la
noblesse de Flandre, la généalogie des
principales familles et la biographie des
hommes remarquables que ce comté a
produits : travail très-étendu, dans
lequel il avait utilisé les matériaux
réunis par Denis de Harduyn. En 1624,
il se proposait déjà de mettre au jour
une partie de ses recherches sous le titre
de : lo De Nobilitate Flandrica, compre-
nant la généalogie de cent des plus illus-
tres familles de Flandre. — Comme intro-
duction à son œuvre, il publia plus
tard : 2o De Nobilitate liber prodromus
ex ScJiœdis Dionysii Harduini collectus.
Antverpife, 1641, pet. in-4o. — 3° Mé-
moire de Jean If Hollander , chanoine de
Sainte -TFaudru, sur la révolte des Gantois
en 1539, contre Charles V, empereur des
Romains et monarque des Espagnols^ leur
légitime seigneur. Cet ouvrage fut publié
pour la première fois, en 1743, par
Hoynck van Papendrecht, dans ses Ana-
lèctabelgica,i. III, part. II, p. 233, avec
une préface de quinze pages, expliquant
certains usages qu'il faut connaître pour
l'intelligence de ces mémoires; il parut
séparément à La Haye, en 1747, en
un vol in-4'). On prétend que ce travail
n'est pas dû à D'HoUander : il aurait,
dit-on, été rédigé dans la chancellerie
du gouvernement pour l'information de
Charles- Quint lui-même, au moment où
ce monarque allait traverser la France
sur la fin de l'année 1539. Paquot l'at-
tribue à Denis de Harduyn et Jean
D'Hollander n'en serait que le traduc-
teur. Mais si cela était, d'où vient qu'à
l'article Harduyn, Paquot ne mentionne
pas l'ouvrage parmi ceux de cet auteur?
— 4" Recœul de Joan B'Hollander, Gan-
tois, protono. apostolicq et cJmnoine de
Saincte Wauldrud, à Mons, touchant les
baiUyfs du Vieux-Bourg en la ville de
Gand, avec Vorigine dudict ojffice; le ma-
nuscrit de ce recueil est conservé aux
archives de l'Etat à Gand, et il en reste
une copie à la bibliothèque de l'univer-
sité de la même ville. Il vient d'être
publié par les soins de M. le comte de
Limbourg-Stirum {Messager des sciences
historiques, 1874); on y trouve la no-
menclature des baillis jusqu'au xviie siè-
cle, avec quelques notions sur leurs
fonctions. L'éditeur en a complété la
liste jusqu'à l'époque de l'invasion fran-
çaise. Le manuscrit en question a été
connu de Ph. de l'Espinoy et de Sande-
rus, qui s'en sont servis pour la liste des
baillis qu'ils ont publiée. — D'Hollander
a encore écrit : 5o Compendiuvi prœci-
puaque facta abbatuiu Sancti Barotiis.
Sanderus a vu cet ouvrage parmi les
papiers du chanoine de Sainte-Waudru,
qui s'apprêtait à mettre au jour : 6' De
Vitis Prasidum sanctioris concilii in
Belgio, ainsi que 7^ De Vitis Prœsidum
concilii provincialis in Flandria et plu-
sieurs autres œuvres, restées inédites.
Aug. Vander Meersch.
Sanderus, De Gandaiensibus, p. 68. — Sweer-
tius, Aihenœ behjicœ. — Valère André. — Fop-
pens, Dibliotheca belgica, t. II, p. 661. — Paquot,
Mémoires littéraires, t. XI, p. 384. — Messager
des arts, 1838, p. 349.
d'uoli>.%!%'der ( Jean - Baptiste ) ,
compositeur, né à Gand le 24 décembre
1785, mort dans la même ville au mois
de janvier 1839. Il apprit la musique
sous la direction de son père, et devint
maître de chant, d'abord à l'église Saint-
Jacques, et ensuite à l'église de Saint-
Sauveur, où il remplaça son père. Il fut
33
D'HOLLANDER D'HOOGHE
34
un des fondateurs de la société d'Har-
monie de Sainte-Cécile, à Gand et en
dirigea l'orchestre. De bonne heure
D'Hollander s'appliqua à la composition
musicale; on lui doit un grand nombre
de romances, duos, trios, d'iui mérite
incontestable. Ses meilleures œuvres
sont une messe faite à l'occasion du
placement, dans l'église de Saint-Sau-
veur en 1830, d'un tableau de M. Van
Hanselaer, et le motet Quis sicut Domi-
nus, écrit en 1836. En 1819, il obtint
la mention la plus flatteuse au concours
musical proposé par l'Institut des Pays-
Bas; en 1828, au concours d'Anvers, il
remporta le second prix. D'Hollauder
fut enlevé à la fleur de l'âge par un
mal incurable, un cancer à la langue.
Emile Varcnbergh.
Messager des sciences, etc., 1840.
d'uo!VDT D'.%.ncif {Jacques-Emma-
nuel), agronome, né à Sleydinge (Flandre
orientale), le 30 septembre 1771 et
mort à Gand le 24 juillet 1818. Il visita
l'Angleterre afin d'y comparer les divers
systèmes de culture, et se mit en rela-
tions suivies avec les plus savants agro-
nomes de l'époque, entre autres, avec sir
John Sinclair, noble écossais, qui fut
son ami. On lui doit : lo Observations
sur les différentes routines de rouir le lin,
telles qu'elles sont usitées jusqu'aujour-
d'hui et sur les hwoiivénients qui en résul-
tent. Gand, 1813, in-8o. Ce mémoire
fut l'objet de rapports très-flatteurs de
la part de plusieurs hommes spéciaux. —
2o De yiclerman 's boek ofte bemerkingen
op den landbouw van Groot-Brittanien,
in veryelykimj gesteld aen den genen der
Nederlandeu. Gent, Bogaert-De Clercq,
1817, pet. in-8". Il en existe une se-
conde édition, sans date, publiée chez le
même imprimeur. Aug. VanUer Meersch.
l'iron, Lcvensbeschryvimjen.
d'uoouue {Antoine), peintre minia-
turiste, né à Bruges en 1630, mort à la
fleur de l'âge le 4 août 1662. Fils de
l'un des échevins de sa ville natale, il
put suivre sa vocation sans avoir à sur-
monter les obstacles que rencontrent
beaucoup de jeunes artistes, au début
de leur carrière. Il eut, en outre, la
mOGK. NAT. — T. VI.
bonne fortune de naître à une époque
favorable aux beaux-arts : la glorieuse
école flamande du xviie siècle rayonnait
encore d'un vif éclat, et notre peintre,
tout en employant des procédés d'exé-
cution dissemblables de ceux adoptés
par la plupart des maîtres contempo-
rains, parvint à s'assimiler leurs princi-
pales qualités. Son coloris chaud, har-
monieux et puissant, atteignait à un tel
eflet, que Jacques van Oost s'écria,
certain jour, devant une de ses produc-
tions : " On croirait voir une œuvre de
Piubens ! «
D'Hooghe obtint un sufîrage non
moins enviable et plus utile, celui de
David Teniers qui, l'ayant complimenté
sur son habileté après l'examen de deux
de ses miniatures, s'intéressa vivement
à ses succès et lui fournit l'occasion de
se faire connaître favorablement de l'ar-
chiduc Léopold. Charmé, à son tour, par
l'aspect agréable de ces œuvres d'art, le
prince voulut mettre le talent du jeune
artiste plus en relief par l'octroi d'un
titre officiel et il le fit nommer conseiller
pensionnaire de la ville de Bruges.
D'Hooghe ne put, malheureusement,
jouir que fort peu de temps de cette
distinction : il fut enlevé à l'âge de
trente-deux ans, alors qu'il allait obtenir
toutes les faveurs méritées par son talent
et son caractère.
Un de ses frères, Balthazak d'Hoo-
GHE, quoique devenu moine, continua
aussi à cultiver la peinture; mais en
adoptant, sans doute, d'autres procédés
et un autre genre de peinture que notre
miniaturiste : la tradition rapporte qu'il
avait orné la célèbre abbaye des Dunes,
près de Bruges, de plusieurs grands
tableaux religieux, non dépourvus de
mérite. p. StappaerU.
Diogr. de la Flandre occidentale.
d'uoogue {Henri- Bernard, en re-
ligion Benoît), écrivain ecclésiastique,
né à Gand le 21 août 1740, y décédé le
17 mars 1803. Le 18 octobre 1758, il
prit l'habit de Saint-Dominique au cou-
vent de sa ville natale. Après sa profes-
sion, il fut envoyé à la maison d'études
que son ordre avait à Louvain et reçut
35
D'HOOGHE - D'HULSTER
36
le grade de licencié en théologie. Il
devint ensuite premier régent de ce
même établissement, et enseigna plus
tard la théologie au couvent de Gand.
En récompense des services rendus dans
l'enseignement de cette science, il fut
nommé par le général maître ou doc-
teur en théologie de son ordre. A la
suppression des ordres religieux vers la
fin du xviiie siècle^ il refusa courageu-
sement de prêter le serment de haine à
la royauté et fut expulsé de son couvent
avec tous ses confrères. Pour se sous-
traire aux poursuites du gouvernement
républicain, il dut se cacher chez des
amis; mais il ne cessa d'administrer se-
crètement les sacrements et d'enseigner
la théologie à de jeunes religieux. Après
le concordat, il fut nommé curé du
Grand-Béguinage le 29 décembre 1802,
mais ne remplit ces fonctions que pen-
dant deux mois environ, car il mourut
au mois de mars suivant. D'Hooghe a
composé les ouvrages suivants : 1 . Fer-
handeling van den Jubilé van Jiet H. Jaer.
Gent (1776); vol. in-18, réimprimé en
1825. — 2. Uytlegginge en zede-puncten
op den derden Regel van den H. vader
l)omi?iici/s. Gent (1790); vol. in-18. —
8. GeestelyJ^en Rooselaere ofte oeffeninge
de?' voornaemste deugden op de vyftieu
Mysterien van onze verlossinge. Gent,
1799; vol. in-18. Cet opuscule a eu
plusieurs éditions; nous citons la qua-
trième. E.-H.-J. Reusens.
Moelaert, Het groot Beggynhofvan Gent, p. 413.
d'uoop (J.-B.), jurisconsulte du
xviiie siècle, fut d'abord conseiller pen-
sionnaire d'Alost et ensuite conseiller
pensionnaire des Etats de Elandre. En
1 7 7-4,ilprésenta à l'Académie des sciences
de Braxelles un mémoire en flamand sur
cette question : Qi(el est le d?'oif écrit
dont on fit usage dans les provinces néer-
landaises depuis le vue jusqu'au xiiie siè-
cle, et quel était le mode de procédure à
cette époque? Cet ouvrage obtint une
mention honorable en 1776 et fut im-
primé l'année suivante dans le Recueil
des mémoires couronnés. L'auteur traite
d'abord des lois romaines qui régirent
le pays, parce que les Romains envahi-
rent nos contrées avant l'ère chrétienne ;
puis il parle de la loi salique et des
Capitulaires, pour arriver ensuite aux
constitutions des papes et des conciles;
enfin il traite plus au long du droit
coutumier, du droit féodal et du droit
civil ; ses principaux chapitres sont con-
sacrés à la procédure du moyen âge, les
vierscharen, le jugement de Dieu, les
épreuves judiciaires, etc.
Le 9 juin 1778, D'Hoop prononça un
discours à l'occasion de la distribution
biennale des prix à l'Académie de pein-
turedeGand, etprésenta, deux ans après,
un nouveau mémoire à l'Académie de
Bruxelles : Notices et inventaires des
manuscrits relatifs à r histoire de Belgique
qui existent ou ont existé dans les diffé-
7'ents dépots publics ou particuliers soit
dans le pays, soit à V étranger. Ce mémoire
fut couronné en 1781, mais n'a jamais
été imprimé : l'Académie en ayant rendu
le manuscrit à l'auteur pour qu'il le
complétât, il fut détruit lors du pillage
et de l'incendie de la maison de D'Hoop
au mois de novembre 1789 : la biblio-
thèque royale de Bruxelles en possède
toutefois une copie portant le no 17791.
Dans le volume des mémoires de l'an-
née 1778 on trouve également : Extrait
d'un mémoire de M. D'Hoop, avocat du
conseil de Flandre, sur les principales
expéditions et émigrations des Belges.
Emile Varenbergh.
Blommaert , De nederduilsche schryvers van
Gent. — Catal. des MS. de la Bibl. royale de
Bruxelles.
d'ulxster (Léon), poète et pro-
fesseur, né à Thielt en 1784 et mort à
Gand en 1843. Après avoir achevé ses
humanités, il entra au séminaire de
Gand, pour y faire son cours de théo-
logie; mais il s'aperçut bientôt qu'il
n'était pas appelé à l'état ecclésiastique
et entra dans la carrière de l'enseigne-
ment public, d'abord au pensionnat de
]\Ielle, que dirigeait alors M. Adrien
Deschamps et ensuite au collège de Ter-
monde et à l'athénée de Gand. Il con-
tinua avec succès, dans cette dernière
école, les leçons de syntaxe latine et de
littérature flamande, jusqu'à ce qu'il
obtînt son éméritat en 1830. Il avait
pris une part active aux travaux de la
37
D'HULSTER — D'HUYVETTER
38
société flamande Regat prudentia vires,
patronnée par le gouvernement du roi
Guillaume. 11 fit de même partie de la
commission instituée pour présenter les
moyens d'obtenir l'uniformité dans l'or-
thographe flamande, et publia, à cette
occasion, un opuscule concis et sub-
stantiel. Feu P. van Duyse, qui édita
les œuvres de D'Hulster sous le titre
de D'Hulster' s lettervruchten, semble le
comparer à Sidronius Hosschius, ce qui,
vu la difterence des genres, paraît man-
quer de justesse. Aug. Vander Meersch.
Van Duyse, D'Hidster's lettervruchten, préface.
— Piron, Algemeeue levensbeschryving van man-
uen en vrouwen van Belgie.
D'HtJYCiELAERE {AtigusUn) , bon
poëte flamand, né à Deynze en 1774,
mort à Audenarde le 9 décembre 1849.
En 1812, il présenta au concours de la
société de rhétorique les Fotitamistes , à
Gand, une pièce de vers intitulée : de Slag
van Friedland; son poëme populaire sur
Arnould sire de Faviele a été publié dans
leBelgisck Muséum. Il chanta ensuite les
exploits du capitaine gantois Guillaume
Wenemaer, qui succomba au pont de
Rekelinge et dont il prétendait descen-
dre. Ses enfants, deux fils et une fille,
héritèrent de ses goûts poétiques et pu-
blièrent diverses poésies.
Emile Vareobergli.
Piron, Levensbeschryvingen.
d'uvy VETTER ( Jean - Augustin ) ,
architecte, né à Gand le 17 juillet 1750,
décédé A-lans la même ville le 10 février
1839. Il était fils d'un menuisier qui,
ambitionnant pour son rejeton une meil-
leure destinée que celle qui lui était
échue, lui fit donner une solide éduca-
tion et le vit graduellement passer du
rang d'artisan à celui d'artiste. Dès
1772 l'apprenti menuisier obtint un
second prix d'architecture à l'Académie
impériale de Gand, alors récemment or-
ganisée ; et deux ans plus tard, il fut pro-
clamé le premier de son cours. Il ne crut
cependant point, après ces succès sco-
laires, avoir pénétré dans tous les secrets
de son art; mais, plus judicieux que la
plupart des jeunes lauréats, on le vit
redoubler d'ardeur et de zèle. Tant de
ténacité et de jugement amenèrent pres-
que aussitôt leur récompense : le disciple,
à peine sorti des classes, dut y rentrer,
mais il y rentra comme professeur d'ar-
chitecture, et remplaça, en cette qua-
lité, au mois d'octobre 1774, Adrien
Van der Cappele. Ces fonctions lui per-
mirent de rendre de longs et éminents
services; il forma d'innombrables élèves
pendant quarante ans de professorat; et,
au milieu de cette foule de disciples,
ses concitoyens se plaisent à citer par-
ticulièrement les architectes gantois :
Pisson, De Broe, Reyniers, Colyn et
J. Aelbroeck.
D'Huyvetter parcourut une longue et
laborieuse carrière; il décéda à peu près
octogénaire, après avoir laissé, dans sa
ville natale, maint témoignage de son
talent. Parmi les œuvres qui lui sont
dues, on remarque, surtout, la construc-
tion de l'hôtel du Paradis, l'habitation du
sculpteur Van Poucke. Il donna aussi les
dessins de la chaire à prêcher de la cha-
pelle Sainte-Anne, de l'autel de l'église
Saint-Pierre et du tabernacle de la cha-
pelle du Saint -Sacrement de l'église
Saint - Michel , sculpté en 1791 par
Joseph-Erançois Engels.
F. Stappaeils.
Immerzeel, Levens der Sclnlders.
d'uvyvetter ( Jean ) , amateur
d'objets d'art et d'antiquités, naquit à
Gand le 27 septembre 1770 et y mourut
le 11 novembre 1833. Il fit son cours
d'humanités au collège des PP. Augus-
tins de sa ville natale, puis se rendit à
Louvain pour y étudier le droit ; mais il
n'acheva pas ses études, les troubles qui
agitèrent l'université sous le règne de
Joseph II l'ayant obligé de rentrer dans
sa famille. Plus tard, il obtint une place
d'avoué et exerça cette profession jusqu'à
la fin de ses jours D'Huyvetter ne resta
étranger à aucune des institutions artis-
tiques créées ou existantes de son temps
dans l'ancienne capitale des Flandres.
Lors de la foiulation de la Société des
beaux-arts et de littérature, en l'an-
née 1808, il en fut un des premiers
membres et remplit les fonctions de
secrétaire pendant trois ans environ.
En 1822, il devint membre de la direc-
tion de l'Académie royale de peinture,
39
D'HUWETTER - DIAMAER
40
sculpture et architecture et, en 1823,
vice-président de la commission pour
l'encouragement des beaux-arts. Enfin
cinq ans après, il fut appelé à faire
partie de la commission pour la conser-
vation des monuments historiques et
des objets d'art. L'Académie d'Amster-
dam, voulant reconnaître sou amour de
l'art et son dévouement aux artistes,
l'admit en 1826 au nombre de ses
membres. Parmi les nombreuses collec-
tions de tableaux et d'autres objets d'art
que la ville de Gand possédait dans la
première moitié de ce siècle, celle de
D'Huyvetter tenait une place distin-
guée. Elle se composait de poteries en
grès néerlandais, vulgairement dit fla-
mand, des xve, xvie et xviie siècles, de
faïence émaillée et à relief de Bernard
Palissy, de verrerie ancienne de Venise,
d'émaux, de vitraux peints, d'un cer-
tain nombre de tableaux anciens de
diverses écoles, de sculptures et de cise-
lures eu diverses matières, etc. Mais les
suites les plus nombreuses, les plus
remarquables, étaient celles des poteries
néerlandaises et des verres de Venise.
Il avait fallu au possesseur de ces col-
lections plus de vingt-cinq années de
recherches persévérantes, même dans les
circonstances les plus favorables, pour
parvenir à les rassembler. Il fut récom-
pensé de ses peines par la notoriété
européenne dont a joui son nom. Deux
souverains du pays, le roi Guillaume 1er
et le roi Léopold 1er honorèrent le cabi-
net D'Huyvettei" de leur visite; il reçut
aussi celle du due régnant de Saxe-W ei-
mar, du duc Auguste de Leuchtenberg
et de sa sœur la princesse Amélie de
Beauharnais. Parmi les nombreux tou-
ristes qui furent également admis à le
visiter , il s'est trouvé de véritables
connaisseurs : il suffit de citer Passavant,
Waagen, Brongniart, Labarte, qui en
ont parlé avec éloge dans leurs écrits.
Après la mort de Jean d'Huyvetter, ses
collections ont été conservées et même
augmentées pendant dix-huit ans par
ses enfants; o^'est seulement au mois
d'octobre 1851, qu'elles furent mises
en vente publique. De nombreuses et
importantes acquisitions furent faites
pour le musée d'armures et d'antiquités
de Bruxelles, et pour le musée de Cluny
à Paris. Beaucoup d'objets de valeur
passèrent en Angleterre.
Dans les dernières années de sa vie
Jean d'Huyvetter publia une partie de
son cabinet dans un ouvrage intitulé :
Zeldzamheden verzaméld en uitgegeven
door Joan. d'Huyvetter, in liet hoper
gesneden dor Cli. Onghena. Gent ,
P.-J. De Goesin Verhaeghe, 1829, in-4"
et in-fol. de 22 planches et de 4 pages
de texte. Ce texte contient seulement
quelques notions générales, mais non
la description et l'explication des objets
gravés. j. Rouiez.
Notice sur le cabinet d'antiquités nationales de
feu M. Jean d'Huyvetter, par A. Voisin dans le
Messager des sciences et des arts de la Belgique,
tom. lil, p. 189, 1835. — Description des antiq. et
objets d'art qui composent le cabinet d'Huyvetter,
parB -K. Verhelsi, Gand, ISol.
DIAMAER (Henri-François), ou Dia-
MAR, graveur en taille douce, florissait
dès la tin du 5 vue siècle à Anvers, selon
Chrét. Kramm ; à Bruxelles, d'après
Ch. Le Blanc et les auteurs sur lesqtiels
il s'appuie. Il grava de nombreuses
planches pour des livres édités à cette
époque en Belgique et en Hollande. On
cite parmi les principales productions
de son burin .- le portrait de Pierre
Carpentier , gouverneur général des Indes
néerlandaises, mort en 1659, d'après le
dessin de Mathieu Balen, de Dordrecht;
— le portrait de Corneille De Bie, de
Lierre, l'écrivain poëte du Gulden cabinet
der edele vry schilder-const , à l'âge de
quatre-vingt-un ans, d'après un des-
sin du sculpteur anversois J.-C. Coek.
Cette planche, à souscription flamande
et portant le millésime 1708, fut insérée
dans le Spieghel der verdraeijde uerelt,
du même auteur, publié à Anvers, à
cette date. Le patricien lierrois fut
peint encore par deux artistes célèbres :
Erasme Quellin et Gonzales Coques :
l'œuvre de ce dernier artiste appartint
jadis à la collection Schamp d'Aveschoot,
à Gand; elle est passée en 1857 dans la
galerie Surmondt, à Aix-la-Chapelle. —
En tête de la deuxième édition des
Opéra diplomatica et historica Auberti
Sïircei, imprimée à Louvain, 1723, eu
41
DIAMAER - DICKEYMAN
42
format in-folio, est placé un beau por-
trait à.'Aubert Lemire, le savant doyen
de la cathédrale d'Anvers, gravé par
H.-F. Diamaer, d'après Ant. van Dyck.
Peint dans un ovale ; il est en costume
professoral ; au-dessous : Aubertus
MiR^us , ses armoiries et la devise
Pictura prospice , puis, ce quatrain :
Pontificum regumque dédit pia dona Mirœus ;
Editus ut decuit non tamen ante fuit.
Beleica lœla tuum nunc bis mirare Miraeum ;
Ingenium in libris, vultus in sere redit.
Diamaer exécuta aussi une bonne
copie, in-folio, du portrait à' Henri Zoe-
sius, professeur de jurisprudence à
l'université de Louvain, à l'âge de cin-
quante-six ans, gravé en 1627 par
P. Clouwet, d'après Abraham van Die-
penbeek. Les portraits susmentionnés
sont signés fi". -î*'/-. Diamaer; c'est donc
à tort que Charles Le Blanc, qui lui
attribue une suite de gravures bibliques,
lui donne, selon Heinecken, Bryan et
Nagler, les initiales prénominales A.-'E.
Edm. De Busscher.
Chrét. Kramm, Levena en werken der holl. et
vl. Schilders, beeldhouwers, graveurs, elc, 1864.
— Charles Le Blanc, Manuel de l'amateur d'es-
tampes.
DiCKEiiE(G'?7Ze«o?<^^i(^gVAx), sculp-
teur-statuaire en bois, aux xve-xvie siè-
cles, à Gand. Il avait acquis dans cette
ville la franche maîtrise, non-seulement
dans la gilde artistique , mais aussi
dans la corporation des menuisiers-
escriniers {scrinwerckers), afin de pouvoir
exécuter les doubles travaux qu'exi-
geaient la confection et le placement
des stalles ornementées, des jubés et des
portails d'églises, avec leurs symboles
et figurines, chaque métier ayant un
droit exclusif aux besognes spéciales
afférentes à la profession. Jouissant des
privilèges de la bourgeoisie, il était, en
1489, juge conciliateur dans l'une des
sept paroisses de la ville de Gand (Saint-
Jacques). En 1481, Gilles van Dickele
construisit un jubé dans la chapelle de
Notre-Dame, à Edelaere lez-Audenarde,
et, en 1487, un portail à l'intérieur de
l'église des Frères prêclieurs, à Gand.
D'après un document conservé au dé-
pôt des archives provinciales, à Gand,
il entreprit, en avril 1506, de confec-
tionner, pour le chœur de l'église
conventuelle de l'abbaye de Sainte-
Claire, à Gendbrugge, cinquante-deux
stalles en bois de chêne, surmontées de
baldaquins, ornées de statuettes de saints
et de saintes, décorées d'animaux em-
blématiques et d'autres représentations
de fantaisie. Il plaça, à l'entrée du
chœur, un J7ibé qui portait, d'après le
dessin de l'artiste : de face, quinze figures
saintes, et, aux ailes, des statuettes de
prophètes, à l'instar du jubé de l'ora-
toire des PP. Augustins, à Gand, pro-
bablement dû au ciseau du même maî-
tre. Au-dessus de celui des Clarissesfut
mis le Christ en croix de l'ancienne clô-
ture, avec la Vie)ye-Mère et .Saint Jean.
L'œuvre fut terminée en moins d'une
année, au prix stipulé dans la convention
cMrop-apke , signée par l'abbesse et le
sculpteur : soixante livres de gros de
Flandre (750 liv. parisis), environ neuf
mille francs, valeur monétaire actuelle.
Durant les troubles religieux du xvie siè-
cle, le monastère des Clarisses et le cou-
vent des Augustins furent saccagés ; les
statuettes des stalles et des jubés de
Gilles van Dickele n'échappèrent point
à la destruction.
Le livre matricule des admissions à la
maîtrise et de l'élection des doyens et
jurés dans la corporation artistique gan-
toise mentionne de nombreux artistes
de ce nom, peintres ou sulpteurs. Un
de ces derniers fut, au xvie siècle, le
sculpteur en bois Jean van Dickele,
qui, en 151.3, obtint la maîtrise sous le
peintre doyen .lean Van der Brugghen ;
élu juré en 1514, il devint doyen du
métier en 1520. Dans l'église paroissiale
de Notre-Dame, sur le Mont Blandin,
lez-Gand, il plaça des clôtures orne-
mentées; dans la collégiale de Saint-
Jean (plus tard Saint-Bavon), il décora
les anciennes orgues de belles boiseries
sculptées. Edm. De Busscher.
Archives provinciales et communales à Gand,
MSS. contemporains.
Di('KEYMA!V (Je//an), trouvère fla-
mand (lu xiiic siècle, s'il faut en croire
Hobert (Fables inédites, I, 169); mais
De Keiffenberg (Introduction à Philippe
Mouskès, I, p. 200) est d'avis qu'on doit
43
DICKEYMAN - DIEDERIC VAN ASSENEDE
le placer parmi les écrivains de la pre-
mière moitié du xve siècle. Il est même
probable que son vrai nom était Acker-
man (en latin Agricola). Il chercha à
populariser en vers français les Distiques
de Cato?i,si souvent traduits en flamand :
Chaton fu preu chevalier et saige homme :
Maint bon conseil, en la cité de Romme
Donna jadis pour la chose publique ;
Uu livre lit vaillant et autentique.
Il dédia son œuvre aux enfants de
Philippe de Montmorency, seigneur de
Nevele, qui étaient ses élèves, j. stccher.
A. Dinaux, Trouvères de Flandre, p. i27f2. —
C. Serrure, Letterk. Geschied. v. Vlaenderen.
niDACE OE SAisiT-AMTOiXE, écri-
vain ecclésiatique, né à Bruxelles le
30 septembre 1681, mort le 35 novem-
bre 1763. Voir De Beckers {Jean).
DIEDERIC VAX ASSEXEDE, pOCtc
flamand du xiiie siècle. Les recherches
modernes ont établi son identité avec le
clerc de ce nom, préposé à la recette des
rentes des comtes de Flandre appelées
Briefs d'Assenede et perçues dans les
limites de ce territoire, un des Quatre
Métiers situés entre Anvers, Bruges et
Gand. Né vers 1220, Diederic van Asse-
nede mourut peu après 1290. Il est
l'auteur d'un charmant poëme de près
de quatre mille vers, Floris en Blance-
floer, l'un des derniers romans de che-
valerie, qu'il traduisit librement de
l'original français, beaucoup plus long,
attribué à Eobert d'Orléans. Son poëme,
d'une étendue et d'une facture à peu
près égales à celles du Reinaert de Fos,
composé dans le même siècle, nous
révèle, comme ce dernier, son nom dans
le prologue; il l'indique à l'occasion de
la difficulté qu'il dit éprouver d'allier
dans sa traduction la rime à la raison :
Men moet corlen ende lingken
Die taie, sal men -se te rime bringhen,
Ende te redenen die aventure.
Het's worden harde te sure
Van Assenede Diederike,
Dien seldi/s danken gliemeenlike
Hat hyl iiten walsclie heefi gliedicht
Ende verstandelike in dietsche bericht
Den ghenen diet walsc niet en connen.
Quant au sujet, c'est le tableau de
l'amour de deux enfants de la race
royale des Maures d'Espagne, séparés,
dès leur berceau, par des destins con-
traires, mais réunis, après diverses aven-
tures, dans le sérail du Soudan de Ba-
bylone, où le jeune amant parvient à
pénétrer et à sauver sa fiancée en atten-
drissant le cœur farouche de V Amiral,
sévère gardien du harem. De leur heu-
reux mariage naquit Berthe, la mère de
Charlemagne.
Le poëme flamand, une des dernières
productions du cycle carolingien, est le
seul qu'on connaisse de notre poëte, et
doit remonter à la première moitié du
xiiie siècle, puisqu'il est cité par Jac-
ques van Maerlant, dans son Alexandre,
écrit vers 1250. C'est évidemment une
œuvre de jeunesse, et Diederic van
Assenede, qu'il ait ou non abandonné
la carrière des lettres, aura sans doute
suivi, dans son âge mûr, les conseils du
père de la poésie flamande, qui condam-
nait les excès de l'imagination et de la
légèreté française, et recommandait le
sérieux et la vérité dans la poésie comme
dans la pratique de la vie. Esprit judi-
cieux, Diederic van Assenede avait déjà,
dans sa traduction, abrégé les longueurs
inutiles, supprimé les hors-d'œuvre,
banni le merveilleux que n'aurait point
accepté l'esprit positif de ses compa-
triotes.
Le rénovateur des lettres flamandes,
J.-F. Willems, remarqua le premier,
dès 1836 (Introduction de son Beinaert
de Vos, p. xvii), que le poëme de Floris
et Blancefloer devait être écrit par un
clerc de la comtesse de Flandre Margue-
rite de Constantinople. que l'on voit
figurer sous le nom de BiereMn de Has-
senede nodre clerc, dans une charte de
1273 publiée par le comte de Saint-
Génois {Monuments anciens). Bientôt
deux autres savants, MM. Serrure, père
et fils, dépouillant cet ouvrage avec
plus d'attention, recomposèrent, pour
ainsi dire, la vie de notre clerc depuis
1262 jusqu'en 1290. En la première
année, Birkinns de Hassenede, clericus,
intervient dans un acte de vente des
moeres d' Assenede. Le 8 avril 1271,
Bierekins nostre clerc reçoit, au nom de
la comtesse Marguerite, « les bries de
nos rentes sous Eskeldeveld « . En oc-
tobre 1273, il est un des quatre arbi-
45
DIEDERIC VAN ASSENEDE — DIELMAN
46
très de la comtesse » preud'hommes nos
chers amés et foiables « dans une contes-
tation avec l'abbé de Baudeloo, pour des
moeres situés devant son couvent au
Petit-Sinay. Le 8 février 1283, DierJcin
de Hassenede et Phelippon fil JDierkin
achètent du comte Gui de Dampierre
deux bonniers dans le muer de Selzate
(sous Assenede). Enfin, le 24 août 1290,
une donation de cinq mesures de terre
à Assenede, faite en faveur de l'abbaye
d'Oost-Eecloo, est passée par devant le
prieur des Willelmites à Bouchante, et
DirHn de Clarc van Hasnede. A cette
charte était, autrefois, appendu le sceau
de ce dernier, qui malheureusement
s'en est détaché. Le clerc d' Assenede
mourut peu après , car un acte du
11 juillet 1293 cite « Jakeme de Bonze «
comme receveur « des bries ke Diere-
» kins d'Assenede soloit rechevoir, et
« desquels bries par la mort doudit
" Dierekin Henri Talluyans a esté re-
» cheveur jusques à ores. «
On voit par ces extraits que ce clerc
n'était rien moins qu'un fonctionnaire
riche, influent et jouissant de la con-
fiance des souverains du pays. D'autre
part, nos propres découvertes dans les
archives de Gand nous permettent, non-
seulement de signaler ici pour la pre-
mière fois un titre ou nom nouveau de
notre poëte receveur, mais de donner
des renseignements intéressants sur les
membres de sa famille, notamment sur
ses enfants et petits-enfants, qui par-
vinrent pendant le siècle suivant à une
position sociale encore plus élevée. C'est
dans les livres de rentes de Saint-Bavon,
que nous voyons apparaître à la fin du
xilie siècle un autre de ses fils, Roland,
sous le nom de Roel JUius Theodorici de
Brikvere de Assenede, puis, au com-
mencement du xive, un autre Diederic
van Assenede appelé senior, sans doute
fils de Philippe ou de Roland susdit, et
qui est probablement celui qui fut éche-
vin de Gand en 1315 {Memorie Boek der
stnd Ghent). Sa femme, Catherine, était
veuve en 132.5, laissant trois enfants :
Daniel, Biederic van Assenede appelé
junior, et Catherine. La fille de Thierry
le Jeune, Catherine, était mariée en 1388
à Jean de Meyer. D'autre part, on
trouve dans la liste des moines de Bau-
deloo près d'Assenede, aux xiiie et
xive siècles, un Birkinus et un Theodo-
ricus de Assenede, sans doute le même
personnage, et l'on y voit figurer d'autres
religieux portant les noms de Hugues,
Henri , Jean , Gauthier et Gossuin
d'Assenede, qui ne sont pas nécessaire-
ment parents, mais originaires du même
village, comme on en trouve beaucoup
d'autres portant le nom des diverses
communes voisines. Napoléon de Pauw.
Hoffmann von Fallerslehen, Horœ Belgicœ,
pars m {1836;, xvu el 174 pages. — Comte de
Saint-denois, Monuments anciens, passim. —
Jonckbloel , Geschiedenis der MiddenneJer-
landsclie Letterkitnde, t. II. p. 214-"2»6. — Snel-
laert, Verhandelinq over de yedertandsche Uicht-
kunst in Betgie, 1838, p. 16. — C.-A. Serrure,
Lelterkundige Geschiedenis van Vlaanderen ,
187:2, t. 1, p. 14-2-149. — G.-P. Serrure, Vader-
landsch Sluseum, t. II, p. 333, et t. V, p. 3o7. —
Edelestand du Méril, Floire et Blanchejlor. —
Archives de Saint-Bavon et de Baudeloo, à Gand.
DiELMA!V (Cor7ieJUe), écrivain ecclé-
siastique, né à Gand en 1586 et décédé
dans la même ville le 25 février 1656.
Après avoir terminé ses humanités, il
entra, en 1602, dans l'ordre des Augus-
tins au couvent de sa ville natale. Ses
talents et ses succès pendant le cours de
ses études le signalèrent à l'attention de
ses supérieurs, qui le chargèrent, en
1616, d'enseigner la philosophie aux
jeunes religieux réunis alors dans la
maison de Gand. L^n peu plus tard, il
fut désigné pour donner un cours de
théologie à l'abbaye de Tronchiennes,
de l'ordre de Prémontré. En 1619, il
partit pour Wesel sur le Rhin, et y
dirigea, comme prieur, le couvent pen-
dant environ douze ans. Obligé de quit-
ter cette ville parce que les hérétiques
s'en étaient emparés, il se rendit à
Cologne, où il fut élu prieur en 1631.
Puis il passa, en la môme qualité, au
couvent de Bruxelles, qu'il gouverna,
aussi comme prieur, de 1634 à 1637.
Après cette époque, il se consacra tout
entier à l'étude et obtint alors le titre
d'historiographe de la province belge de
l'ordre des Augustins. Il jouissait d'une
grande estime chez les savants de son
épociue, et passait pour un homme doué
de connaissances très-variées.
47
DIELMAN — DIEPENBEECK
Sanderus, dans sa BiUiotheca belgica
manuscripta, I, pages 295-396, donne
le catalogue des manuscrits qui, en
1638, se trouvaient dans la bibliothèque
du P. Dielman.
On a de lui : 1 . Fita monasticœ norma
in aliquot viris ordinis FF. Eremitarum
S. Aiigustini scientia et vitœ sanctimonia
illustribus delineata. Gandavi, Balduinus
Van den Berghe, 1648; vol. in-12 de
223 pages. — 2. De discretione spiri-
iuuni libri duo, quonmi prior est Hem-ici
de Urimarla, poderior ven. P. Henrici
de Hassia, dicti de Langensiein, tma cum
vitis Jiorumaiictorum. Antverpiae, 1652;
vol. in-8o. — 3. De pane benedicto S. Ni-
colai de Tolentino. Gandavi, 1643 ;
vol. in-12. — 4. Nota in monasticum
P. Crttsenii. Travail resté manuscrit et
conservé autrefois chez les Augustins de
Gand. E.-H.-J. Reusens.
Goyers, Supplementum bibliothecœ belgicœ
J.-F. Foppem, manuscrit n» 17607 de la biblio-
thèque royale à Bruxelles. — Keelhotf, Geschie-
denis vanhet kloosler der Eerw. Paters Eremij-
ten Augustyuen te Cent, p. -240. — Tombeur,
Provincia belgica, p. 143. — Ossinger, Bibliotlieca
Augmtiniana, p. !293.
diei.ma:v {Pierre-Emmanuel) , pein-
tre d'histoire, de portrait, etc., né à
Gand en 1800, mort à Bois -le -Duc
en 1858. Elève à l'Académie de sa ville
natale où il remporta les premiers prix,
il voyagea pendant deux ans en France,
en Italie, en Suisse, et rentra dans sa
patrie en 1831 avec une ample moisson
de copies, d'études et de dessins. Diel-
man se livra avec ardeur au travail et
fit paraître aux expositions belges et
étrangères des tableaux de grande di-
mension qui appelèrent l'attention sur
lui : Jupiter et Léda, V Enlèvemeiit de
Psyché, le portrait de Grégoire XVI, le
Marché au Poisson à Gand (cabinet de
Sa Majesté le roi Léopold), une Famille
de péclieurs, etc., furent celles de ses
productions qui, au début de notre
renaissance artistique, firent bien au-
gurer de son avenir. En 1841, Diel-
man fut choisi par l'administration
communale de Bois-le-Duc pour 'diriger
l'académie de dessin et de peinture de
cette ville : ce qu'il fit pendant dix-sept
ans avec un zèle et une abnégation qui
lui concilièrent l'aftection de ses élèves
et l'estime de ses compatriotes d'adop-
tion. Il mourut en 1858, laissant la
réputation d'un coloriste audacieux et
d'un professeur excellent. Le nombre
de ses œuvres n'est pas considérable :
ce qui s'explique par le dévouement
avec lequel il remplit sa mission de
directeur-professeur de l'Académie de
Bois-le-Duc.
.\d. Siret.
DiEPE^'BEECK {Abraham taxj ,
peintre d'histoire et de portraits, né à
Bois-le-Duc en 1599, mort à Anvers
en 1675. La date de la naissance de cet
artiste avait été jusqu'ici fixée aux envi-
rons de l'an 1607; mais dans un procès
concernant une vente de tableaux attri-
bués à Van Dyck, Van Diepenbeeck
déclare lui-même être né en 1599. On
est redevable de cette découverte à
M. L. Galesloot (voir Annales de V Aca-
démie d'archéologie, année 1868).
Abraham van Diepenbeeck fut élève
de Rubens, ainsi que nous l'apprend
l'inscription placée au bas d'un portrait
publié de son vivant, et ainsi que nous
le disent mieux encore ses tableaux, où
la manière et le coloris du grand maître
anversois sont tellement en relief, que
plus d'une fois les œuvres de Van Die-
penbeeck ont été attribuées à Eubens.
On croit qu'Abraham quitta Bois-le-
Duc, alors capitale du Brabant septen-
trional, en 1629, pour venir, à Anvers,
se mettre à l'abri des vexations aux-
quelles les familles catholiques étaient
exposées à la suite de la reddition de
cette ville aux Provinces -Unies. En
1636, il fut inscrit au nombre des bour-
geois d'Anvers en qualité de peintre sur
verre, et, en 1638, comme franc maître
de la corporation de Saint-Luc. Le choix
que l'artiste fit de la ville d'Anvers pour
y établir son habitation nous paraît
révélé par ce détail intéressant : la
cathédrale d'Anvers possède encore qua-
tre portraits d'aumôniers peints sur
verre en 1635 par Abraham van Die-
penbeeck ; donc, un an avant que l'ar-
tiste fût inscrit au registre de la bour-
geoisie. Combien de temps l'artiste
oxcrça-t-il sa profession de peintre ver-
DIEPENBEECK
50
rier? C'est ce qu'on ignore, car le nombre
des travaux connus de lui dans ce genre
est assez restreint. D'ailleurs on a pu
constater que ses verrières, admirable-
ment dessinées, devaient laisser à désirer
sous le rapport de la partie technique,
car elles n'ont point résisté à l'action du
temps. On sait qu'il s'occupa avec pré-
dilection de vitraux, puisque en 1644 il
travailla aux verrières de iSaint- Jacques
à Anvers, et vers 1648 à cellesdeSainte-
Gudule à Bruxelles. C'est donc abusive-
ment qu'on a écrit qu'il se mit à la
peinture à l'huile par dégoût de l'art du
verrier. 11 est, du reste, à remarquer que
notre artiste fut d'une activité prodi-
gieuse, ainsi que le constatent la variété
et le grand nombre des travaux qui lui
sont dus.
Abraham van Diepenbeeck se rendit
en France et en Angleterre. Vers 1632,
il se trouvait à Paris, s'il faut en croire
une note du catalogue de la vente Ma-
riette, qui mentionne un dessin de l'ar-
tiste flamand {Saint Paul à EpJièse), fait
pendant son séjour dans la capitale de la
France. Michel Lasne a gravé, en 1632,
une thèse sur les dessins de Van Die-
penbeeck, qui composa aussi pour un
conseiller à la cour des aides, .Jean de
Favereau, un grand nombre de dessins
mythologiques, gravés plus tard, en 165 5,
par Bloemaert et Matham dans les Ta-
bleaux du temple des Muses. En Angle-
terre, Abraham fut employé par le duc
de Newcastle, pour lequel il eut à faire
des dessins, des vues, des portraits, etc.
Il peignit encore, pendant son séjour, le
portrait du roi d'Angleterre, ('harles II,
gravé par W. Ilollar. On ignore l'époqiie
à laquelle ce voyage eut lieu et combien
il dura. On n'a aucun renseignement
certain sur un voyage qu'il aurait fait
en Italie et dont il ne reste aucune
trace. Ticozzi est le seul auteur qui
affirme que Van Diepenbeeck ait visité
l'Italie et demeuré longtemps à Rome.
Rien, dans les actes de notre artiste, et
encore moins dans sa peinture, ne dé-
cèle ([ue l'Italie ait exercé sur lui une
influence quelconque.
V^ers 1652, Abraham se fixa dans son
pays, qu'il ne quitta plus. Son activité
pendant vingt-trois ans fut incessante.
Il eut de nombreuses commandes des
Jésuites pour tous les genres de travaux :
peinture de tableaux d'histoire, por-
traits, vues; dessins pour thèses, titres,
monuments, vêtements sacerdotaux, ima-
gerie religieuse, allégories, etc., tout
afflua chez lui et lui permit de subvenir
à l'entretien des nombreux enfants qu'il
eut de ses deux mariages. Il donna dans
le travers du temps en exagérant le sym
bolisme religieux de ses contemporains.
La grande fécondité de cet artiste ne
paraît pas avoir nui aux qualités de son
dessin facile et de son coloris solide;
mais elle semble avoir annihilé chez lui
l'expression. En efî'et, la caractéristique
du tempérament d'Abraham van Die-
penbeeck est l'éclat harmonieux de la
palette joint à un dessin ferme et moel-
leux. Peu d'artistes ont plus approché
de Rubens . Mais le sentiment lui manque ,
et, assez souvent, l'élégance ; il est par-
fois tombé dans un réalisme jordanesque
de l'efl'et le plus fâcheux. Ses composi-
tions ont beaucoup de fracas et une cer-
taine grâce tapageuse ; il sait donner à
ses airs de tête une tournure assez
piquante, le caractère de ses étoftages
est majestueux, ses draperies ont l'am-
pleur et la puissance rubenniennes ; il a
le secret du jeu anatomique des corps de
ses modèles, il sait poser ses person-
nages et grouper ses créations dans le
milieu qui leur convient, mais, en géné-
ral, l'inspiration émue manque à son
organisation d'artiste, qui n'a jamais été
que celle d'un magnifique praticien.
Il y a de lui des œuvres un peu par-
tout, notamment dans les églises et au
Musée d'Anvers. A l'église de Notre-
Dame : Saint Norbert; au Musée : V Extase
de saint Bonaventure ; à Deurne, près
d'Anvers, un de ses meilleurs tableaux,
qu'on a longtemps attribué à Rubens,
Saint Norbert bénissant Vabbé de Saint-
Michel; à Berlin : Clélie fuyant Porsenna
et le Mariage de sainte Catherine, ma-
gnifique composition d'un grand et beau
style. Paris, Vienne, IVn-lin, Bruxelles,
Munich, Dresde, Mayence, Stockholm
possèdent des œuvres de ce maître, qui
a aussi laissé un très-grand nombre de
DIEPENBEECK — DIEPENDALE
52
dessins à la plume, au crayon, au
lavis, etc. Les tableaux d'Abraham
n'atteignent pas encore, dans les ventes,
les prix auxquels ils ont droit. Cette cir-
constance est due à ce qu'en général ses
œuvres sont de grande dimension. Ses
compositions plus petites sont recher-
chées.
On ne connaît de lui qu'une gravure.
C'est une rarissime eau-forte rej^résen-
tant un paysan et son âne, datée de
1630. On en a fait une copie trompeuse,
reconnaissable en ce que l'imitateur a
omis dix oiseaux voltigeant à la droite
du fond au-dessus des montagnes. Un
nombre considérable de graveurs ont
travaillé d'après ses dessins et ses ta-
bleaux, notamment Bolswert, P. De
Jode, C. Galle, Xatalis, Hollar, etc.
Paul Pontius nous a laissé de ce maî-
tre un portrait qui nous montre un
visage aux traits énergiques, mais à
l'oeil méfiant. L'inscription qui l'accom-
pagne mérite d'être reproduite. Elle
touche à l'histoire et à la réclame :
Abraham Van Biepenbeke Est né à
Boisleducq, ayant cy devant exercé pour
quelque temps Vart de peindre sur les
vitres, en quoy il surpasse tous ceux de son
temps, mais a présent s est addonné a
peindre toute sorte de peincture mesmes
aux desseins très curieusement, ayant eu
pour inaistre Pierre Faul Rubbens, tient
sa résidence a Anvers.
Abr. a Diepenbek pinxit . Paul. Pentium
sculpsit. Je. Meyssens excudit.
Ad. Sirot.
DIEPEXBORRK^' (GUles), écrivain
ecclésiastique, né vers la fin du xiv? siè-
cle, probablement à Bruxelles, et décédé
à l'abbaye des Sept-Fontaines, sous
Rhode-Saint-Genèse, le 2 février 1451.
Il exerça les fonctions du saint ministère
à Bruxelles et se sentant, plus tard,
appelé à une vie plus parfaite, il entra
au prieuré des Sept-Fontaines, de l'ordre
do Saint- Augustin, fondé quelque temps
auparavant par un autre prêtre de
Bruxelles, nommé Gilles Breedyck. Ce
fut dans cette retraite que Diepenbor-
ren s'appliqua à l'étude. Il a laisse les
ouvrages suivants : 1 . Invectiva seu
satyra in malos presbytères, poëme de
cinquante vers, composé à l'occasion des
difficultés qu'il avait rencontrées dans
la fondation d'un prieuré de l'ordre de
Saint- Augustin à Werneke. Cette satire
commence par les mots : Fœdior heu
porcis. — 2. Exercitium vitee religiosœ.
— 3. Exercitium passionis Christi sive
de quitiqiie vtilneribus Christi. — 4. 2)e
incarceratione et liber atione divi Pétri.
— 5. Reportata sermonnm primi prioris ;
ou Méditations s?ir les sertnons de Gilles
Breedyck, premier prieur des Sept-Fon-
taines. Ces ouvrages furent tous rédigés
quelque temps avant l'invention de l'im-
primerie ; on les conservait autrefois, /
en manuscrit, au prieuré des Sept-Fon-
taines. E.-H.-.I. Reusens.
Wiaert, Hiatoria Septifontana, p. 36. — Goet-
hals, Lectures, IV, p. 'il. — Foppens, Bibliotheca
belgica, l, p. -29.
DiEPEXDAi,E (Jean vam), peintre
sur verre, né à Louvain vers 1470. Il
était fils d'Henri van Piependale, l'un
des peintres sur verre les plus distingués
de cette époque, et de Catherine van
Mansdale dite Keldermans, fille de
Eombaut, lequel exécuta les verrières de
l'hôtel de ville de Louvain. Le jeune
Van Diependale fut initié à la pratique
de son art dans l'atelier de son père
(mort avant le 3 décembre 1509). Il
épousa, avant le 7 février 1511, Ger-
trude Yanden Putte ou Puttarts, fille
d'Egide et de Barbe Pauwels dite Jinoe-
liers. L'artiste joiiissait à Louvain d'une
grande considération. En 1524, il était
investi d'une fonction élective dans la
magistrature de cette ville et devint
doyen de la draperie, conjointement avec
un autre artiste de talent, le peintre
Albert Bouts.
Henri van Diependale père avait
décoré de verrières les fenêtres de l'église
du couvent des chartreux de Louvain.
C'est à Jean van Diependale fils que ces
religieux confièrent l'exécution d'une
partie des verrières destinées au cloître
de leur monastère; mais comme il était
surchargé de besogne, il ne fournissait
jamais ses productions à l'époque fixée
par le contrat et les bons pères durent,
àplusieursreprises, recourir à des moyens
de rigueur pour les obtenir. Le 19 juin
53
DIEPENDALE — DIERCXSENS
54
1517, ils lui firent promettre, devant les
échevins, de placer dans leur cloître,
avant le dernier dimanche d'août sui-
vant, les deux verrières données par le
sire de Berghes. On stipula dans l'acte
que pour le cas où la livraison n'aurait
pas lieu à l'époque indiquée, le couvent
userait du droit de faire appréhender au
corps le peintre. Il promit, le 3 décem-
bre 15 18, aux mêmes religieux, de
poser, avant le jour de la Purification
de Marie, les verrières qu'il avait encore
à exécuter pour leur monastère. Seize
ans plus tard, il travailla de nouveau
pour le même couvent. Le 2 octobre
1534, il s'engagea envers .Jean de Heem-
stede dit de Haarlem, économe des
chartreux, à placer, avant la fête de
saint Martin, les verrières qu'il venait
d'entreprendre pour cette communauté.
C'est grâce aux productions de Van Die-
pendale que le couvent jouissait, à juste
titre, d'un grand renom et qu'on le con-
sidérait comme l'un des plus beaux du
Brabant. Etant diminués en nombre, les
religieux firent démolir, en 1780, les
deux ailes du cloître situées au nord et
à l'ouest. Cette circonstance occasionna
la perte d'une partie des verrières. On
sait que les chartreux furent supprimés
en 1783. Les belles verrières de leur
cloître furent publiquement vendues en
1786, par l'administration de la caisse
de religion. Xous ignorons leur sort
ultérieur.
Jean van Diependale travailla pen-
dant de longues années pour la ville de
Louvain. Il plaça, en 1531, à la porte
de Diest, alors nouvellement achevée,
des vitraux ornés d'armoiries. Xous sa-
vons qu'il plaça également des verrières
aux couvents des Célestins, à Héverlé,
et des Augustins, à Louvain^ à l'abbaye
de Sainte-Gertrude, ainsi qu'au refuge
de l'abbaye d'Averbode. C'est à notre
artiste que l'on confia l'exécution de la
verrière destinée à la magnifique fenêtre
de la Tour de Saint-Pierre, au-dessus
de la porte aux long6 escaliers et qui y
fut posée avant le 2 février 1537.
Jean van Diependale mourut avant
le 29 avril 1538. Il laissa cinq fils,
savoir : Arnould, Adrien, Conrad, Henri
et Guillaume. Les trois premiers suivi-
rent la carrière paternelle; Adrien, qui
épousa Marguerite van Duffel, jeune
fille qui appartenait à l'une des familles
les plus distinguées de Louvain, était
un artiste très-remarquable; Arnould,
qui se maria à Barbe Peetermans, était
également un homme de talent. Mais sa
conduite était peu exemplaire, ainsi
qu'il résulte de documents retrouvés aux
archives de Louvain. Ed. van Even.
Comptes de la ville de Louvain. — Registres
des chambres échevinales de Louvain. — Van
Even, L'.Ancienne Ecole de peinture de Louvain.
DiERCKX {Mathieu- Ignace), peintre
d'histoire, né à Anvers le 16 mai 1807
et mort en 1832. Elève de l'Académie
d'Anvers sous Yan Brée, il y remporta
de sérieux succès et fut envoyé en Italie
pour s'y perfectionner dans un art qu'il
paraissait devoir illustrer. A son retour
d'Italie, il peignit un Christ au jardin des
Oliviers, qui fut très-remarque. Il fit
encore quelques tableaux qui annon-
çaient un artiste de grand talent et de
beaucoup d'avenir, lorsque la mort le
surprit.
Ad. Siret.
DiEncxiSEiî» (J.-C), historien, né
à Anvers le 5 aoiit 1702, mort le
31 juillet 1779. Il fit sa philosophie et
sa théologie à Louvain, où il reçut, en
1726, le grade de bachelier de l'étroite
faculté, et passa sa licence en théologie,
en 1734. Devenu curé de l'hôpital de
Sainte-Elisabeth à Anvers, il s'adonna à
l'étude de l'histoire de la Belgique, sur-
tout à celle de la province d'Anvers, et
mit au jour un ouvrage très-curieux sur
cette contrée. 11 mourut à Fàge de
soixante-huit ans et fut inhumé dans
l'église de Sainte-Elisabeth.
Xous lui devons : lo Antrerpia Christo
nascens et crescens. Anvers, 1737-1755,
6 volumes in-8o. Ibid., 1773, 7 volumes
in-8o. Cette dernière édition a déprécié
la première. D'après le titre, on pourrait
croire que c'est une histoire uniquement
ecclésiastique d'.Vnvers; mais l'auteur y
explique, en outre, très-souvent des évé-
nements politiques et civils faussement
rapportés dans les histoires générales.
— 2'J Geestelyke aenspraeken om de
55
DIEREGODGAF — DIERICX
56
zielen te onderwyzen, te troosten en de op
te weel'en in de verscheyde staeten van
hunne zieltem. Antwerpen, 1738, 2 vol.
in-8o, traduit du français de M. S. Pon-
tas. — 3° Chronicum antverpiense seu
chronologia principum quibus Antverpia
paruit (ab ann. 298 ad ann. 1768).
Anvers, 1768, in-8o. Cette chronique,
publiée sans nom d'auteur, est placée
ordinairement à la suite de l'histoire de
la ville d'Anvers, du même auteur.
Aug. Vander Meersch.
F.-V. Goethals, Lectures relatives à l'histoire
des sciences, des arts, etc., eji Belgique, t. 1
p. 243. — Bouillet, Dictionnaire universel d'his~
toire, édition Parent.
niEREGODG.%F {SigcT ou Segher),
vivait au xiiie siècle; il fut par consé-
quent contemporain de Maerlant. Son
nom, que l'on voit assez souvent, au
moyen âge, abrégé et réduit à Godgaf,
n'est que la traduction flamande du latin
Deodatus, en iranquis Dietidonné. Ainsi,
dans un registre du xiiie siècle, déposé
aux archives de l'Etat à Gand, et inti-
tulé Reditus census de Everghem, nous
trouvons un Arnoldus et un Joannes
Dieregodgaf. Dans la liste des échevins
de Gand en 1301, nous voyons Simon
Dieregodgaf figurant comme cinqiiième
échevin de la Kenre. Segher, qui était
Gantois, appartenait peut-être à la
même famille que l'échevin; mais nous
ne savons rien de sa naissance, ni de sa
vie : la seule chose connue est son œuvre
poétique sur la guerre de Troie inti-
tulée : het Priëel van Troije, où il réduit
toute la guerre à une seule bataille,
ainsi que le dit Maerlant, dans son Spie-
gliel îiistoriael. Le savant docteur Jonck-
bloet est d'avis qu'il ne faut attribuer à
Segher que le premier chant de cette
œuvre et qu'il en a arrangé la suite au
moyen de morceaux détachés et réunis
du Trojaensche oorlog, de Maerlant. Le
poëme het Priëel van Troije est divisé en
quatre chants ; il comprend l'origine de
la guerre ainsi que les principaux événe-
ments de cette campagne homérique et
surtout le combat entre Achille et Hec-
tor, suivi de la mort de ce dernier. Le
premier chant, intitulé : Dits priëel van
Troijen, qui a donné son nom au poëme
entier, est la description d'une fête dans
le palais de Priam ; il renferme, entre au-
tres, des dialogues amoureux assez bien
traités. Le chant second : Dits parlement
van Troijen, raconte les négociations
entre les Troyens et les Grecs pour trai-
ter de la paix, ainsi que la mort de Pa-
trocle. Le chant troisième : Dits van den
grooten strijt, daer her Hector ende Achilles
in onderspraken, ce titre en dit assez; le
chant quatrième : Dits hoe dat her Hector
ute der stad voer die van Troijen te huVpen.
Hector, retenu dans la ville par son père,
voit le combat du haut des murs, les
Troyens plient, il vole à leur secours, il
combat corps à corps avec Achille, qui
le vainc et le tue. Telle est l'œuvre de
Segher Dieregodgaf; il est regrettable
que nous n'en sachions pas davantage
sur un homme qui cultiva la poésie avec
succès, à une époque si éloignée de nous.
Emile Varenbergh.
Blommaert, De JS'ederduitsche schryvers van
Cent.
DIERICSL {François), écrivain ecclé-
siastique, né à Anvers en 1630, mort à
Herenthals le 5 janvier 1688. A l'âge
de vingt ans, il entra dans l'ordre de
Cîteaux, à la célèbre abbaye du Saint-
Sauveur, à Anvers. Après avoir rempli
successivement les fonctions de maître
des novices, prédicateur, sous-prieur et
prieur, il fut élu abbé de son monas-
tère, en 1668, et conserva cette dignité
jusqu'au moment de sa mort. Diericx
avait acquis des connaissances très-
variées. Pendant qu'il était abbé, il
publia les ouvrages suivants : 1. Trac-
tatus prceviîis de antiqîdssima sacrarum
reliquiarmn veneratione ah ipsis mundi
exordiis. Antverpiae, Marcellus Parys,
1674; vol. in-12. — 2. Fides ettraditio
sacrartim reliquiaruni XKXVIeminentium
sanctorum, quœ publicce Christi jidelium
venerationi exponnnttir in ecclesia S. Sal-
vatoris Antverpiee, demonstrata. Antver-
pise, Marcellus Parys, 1674; vol. in-12,
orné d'uu frontispice gravé et de plu-
sieurs planches sur cuivre. — 3. Leven
vansinte Marcoen, notice imprimée plu-
sieurs fois à Anvers, en 1 vol. in-12. —
4. L'abbé Diericx publia aussi une édi-
tion du Testamentum quo se continua
57
DIERICX
08
preeparatit ad mortem, du cardinal Bona,
de l'ordre de Cîteaux; Anvers, 1679,
vol. in-ic. E.-H.-J. Reusens.
Goyers, Supplementum bibliothecœ belgicœ
J -F. Foppens, manuscrit n» 17608 de la biblio-
hèque royale à Bruxelles.
DIERICX {Jean-Francois-Xatitr), ma-
gistrat, né à Alost le 2 décembre 1721,
mort à Gand le 1er septembre 179S. Issu
d'une ancienne famille jjatricienne du
pays d' Alost, il fut destiné dès sa jeu-
nesse à la carrière du barreau. Après de
brillantes études faites à l'université de
Louvain, il obtint le diplôme de doc-
teur en droit le 1-1 décembre 1744, et
alla se fixer à Gand où il fut reçu avocat
près du conseil de Flandre, le 17 jan-
vier 1745. Admis dans l'intimité du
célèbre juriste Yeldganck, il se fit bien-
tôt remarquer par la variété de ses con-
naissances et olj.int, par lettres patentes
du 13 mars 1758 le, titre de conseiller
au conseil de Flandre. Marie-Thérèse le
promut à la jjlace d'avocat fiscal le
16 juillet 1761, et quelques années
après, lui conféra des lettres de noblesse
et le titre héréditaire de chevalier, pour
services rendus à l'Etat. Etant avocat
fiscal, Diericx fut appelé à rendre un
service signalé au gouvernement. Les
chemins publics de la Flandre étaient
impraticables et, malgré les eflbrts des
princes et des gouvernements, la police
de la voirie était entièrement oubliée et
inconnue. Diericx fut chargé de remé-
dier à ce déplorable état de choses;
après s'être concerté avec les chefs-col-
lèges du plat pays, il rédigea l'édit du
3 mars 1764. L'historien Raepsaet con-
sidérait cet édit comme un titre immor-
tel de Diericx à la reconnaissance du
pays flamand. En moins de trois ans,
cet édit fit rfuiaître en Flandre l'agri-
culture et le commerce jusqu'alors para-
lysés par le défaut de voies de commu-
nication. En 1768, Diericx fut chargé
par le gouvernement autrichien des né-
gociations relatives à la délimitation des
Pays-Bas autrichiens et des terres ap-
partenant aux Etats Généraux de Hol-
lande. Le 13 juillet de cette année, il
signa avec Guillaume van Sonsbeke, dé-
légué des Etats Généraux, le traité dé-
limitant le métier d'Assenede en Zé-
lande des terres hollandaises. Joseph II
le nomma président du conseil de Flan-
dre le 5 avril 1782, et immédiatement
après, conseiller de robe longue au con-
seil d'Etat. Autant la carrière de Die-
ricx avait été paisible et tranquille jus-
qu'alors, autant elle fut troublée et
orageuse pendant les dernières années
de sa vie. Il était président du conseil de
Flandre quand Joseph II voulut donner
à l'ordre judiciaire une nouvelle organi-
sation- il protesta avec ses collègues
contre l'édit du 13 janvier 1787. Leurs
remontrances furent accueillies et, Jo-
seph II ayant révoqué ces innovations,
le conseil de Flandre reprit ses fonc-
tions. Bientôt la révolution brabançonne
éclata; les tribunaux furent fermés,
sinon de droit, au moins de fait, et les
dictateurs de l'époque poursuivirent tous
les magistrats fidèles au régime déchu.
Aussi fut-ce pour éviter ces persécutions
que Diericx abandonna Gand et se ré-
fugia avec les siens à Lille. Les émotions
patriotiques, les tristes scènes surtout
qui accompagnèrent et suivirent sa fuite,
son hôtel pillé et saccagé, ses livres dé-
truits^ ses parents, ses amis, jusqu'à ses
sernteurs, emprisonnés, tous ces désas-
tres accablèrent le vieux jiirisconsiilte
et ébranlèrent sa santé. Il ne put sur-
vivre longtemps à la chute de sa patrie
et à la défaite des convictions de toute
sa vie; il revint, après quelques années
tl'exil, s'éteindre dans cette Flandre, à
la régénération de laquelle il avait si
puissamment contribué.
Oswald de Kfrihove de Deutergbcm.
Raepsaei, Œuvres complètes, t. IV. — Ganser,
Histoire du conseil de Flandre. — Archives du
conseil de Flandre.
DIERICX {Charles- Louis), juriscon-
sulte, magistrat, historien, né à Gand le
lerjanvierl 75 6, décédé le 1er avril 1822.
Il était fils du chevalier J.-F.-X. Die-
ricx, dernier président du conseil de
Flandre. Après de brillantes études
faites à Louvain, il obtint le diplôme de
docteur utrius>jue juris et s'établit à
(iand. Les emincntcs qualités du jeune
jurisconsulte le firent bientôt nommer à
l'une des places de conseiller pension-
39
DIERICX
60
naire de la ville de Gaud (1784); il oc-
cupa ces fonctions jusqu'à l'époque de
la suppression du collège des échevins.
Appelé, par décret du 27 janvier 1789,
à l'une des trois places nouvelles que le
gouvernement venait de créer au sein du
conseil de Flandre, Diericx vit sa nomi-
nation attaquée avec acharnement par la
majorité des anciens conseillers. Ceux-ci
invoquaient les privilèges dont jouissait
le conseil, privilèges reconnus par les
articles 18 et 19 des instructions des
souverains du 9 mai 1522 et par celles
du 13 février 1685. 1.e conseil, disaient-
ils, ne devait pas accepter de conseillers
extraordinaires (art. 18), ni permettre à
Charles Diericx de siéger avec le prési-
dent, son père (art. 19). Ils regardaient
comme inconstitutionnel le décret du
souverain autorisant le fils et le père
à siéger ensemble, à condition toute-
fois qu'ils n'interviendraient jamais aux
mêmes jugements. Joseph II espérait,
par ces nominations, modifier la ma-
jorité du conseil et briser l'opposition
sourde et dangereuse qu'elle faisait aux
nouveaux édits.
Bientôt éclata la révolution braban-
çonne : le décret du 27 janvier 1789
ne fut point exécuté. Les conseillers,
hostiles depuis longtemps à la politique
du gouvernement autrichien, s'empres-
sèrent de prêter serment aux états de
Flandre, et plusieurs d'entre eux même
se mirent à la tête du mouvement révo-
lutionnaire. Diericx dut fuir. Il se
réfugia à Lille et, de cette ville, il
attaqua la révolution brabançonne dans
des pamphlets d'une extrême violence.
Resté fidèle à l'empereur, il devint l'un
des écrivains les plus actifs du parti dit
des Jigues. Aidé par ses compatriotes
Vervier et Coppens, il harcelait de ses
critiques, plus violentes que fines, les
chefs de la révolution (1). Poursuivi,
traqué, emprisonné même, Diericx n'en
continua pas moins la lutte qu'il avait
entreprise, et l'animosité qu'il portait à
certains chefs, au chanoine De Bast entre
(1) Voy. le Livre blanc ou réiolution yor-
dune; — Diis die excellente firint-chromke van
Vtaenderen. .. door Jndocus Uottelgier (T'Anlwer-
peti, by Jan van Glielen. (Leiiiaire, Garni) : ou-
autres, ne fit malheureusement que se
développer avec le temps et survécut aux
événements politiques qui l'avaient fait
naître. En 1791, il publia^ sous le nom
de son père, une lettre au comte de
Mercy d'Argenteau, dans laquelle il
raille amèrement les conventions faites à
La Haye le 18 décembre 1790.
Lors de l'entrée des Français en Bel-
gique, Diericx fat l'un des chefs de l'op-
position gantoise. Emprisonné de nou-
veau, il parvint à s'échapper, grâce au
concours dévoué de quelques personnes
du peuple, et se réfugia à Flessingue
(Hollande). Ses biens furent confisqués.
Le sénatus-consulte du 6 floréal au x
(1802) le ramena en Belgique. Nommé
quelque temps après membre du conseil
général du département de l'Escaut et
directeur du Jardin botanique de la ville
de Gand, Diericx, semble-t-il, ne s'oc-
cupa plus aussi activement de politique ;
c'est alors qu'il amassa les matériaux qui
ont servi à son Histoire de la ville de
Gand. Son premier ouvrage : la Topogra-
pliie de V ancienne ville de Gand (Gand,
1808, in-8j) fut l'objet des critiques
acerbes du chanoine De Bast, dans le
Premier Supplément au 7'ecueil d' antiquités
romaines et gauloises, 1809. Diericx vou-
lut y répondre immédiatement, mais la
censure lui suscita mille difticultés, et ce
ne fut pas sans peine qu'il obtint l'auto-
risation de publier son premier Mémoire
sur le droit public et politique de la ville
de Gand, depuis son institution en com-
mune jusqu au règne de Charles V, dont
le titre avait effrayé les censeurs. En
1814, l'ouvrage complet fut publié sous
le titre de : Mémoires sur la ville de
Gand. De 1814 à 1821, parurent suc-
cessivement les Mémoires sur les lois et
les privilèges des Gantois (2 vol. in-S",
Gand, 1817-1818); V Appendice aux
mémoires sur la ville de Gand et le Gends
cliarterôoekje (1S21). Bien que ne con-
cernant que Gand et ses environs, ces
ouvrages renferment plusieurs diplômes
importants et curieux pour l'histoire
vrage supjirimé par le conseil de Flandre, placard
(lu 3 décembre l"iM; Den (jrooten en oprechlen
Koning-Urief (Lemaire , Gand), avec caricatu-
res, etc., etc.
61
DIERICX — DIEST
62
générale de la Flandre et du droit fla-
mand au moyen âge. L'un des premiers,
en Belgique, Diericx appela l'attention
du pays sur Jacques et Philippe van
Artevelde. Malheureusement on ne peut
se lier à l'exactitude absolue des docu-
ments qu'il invoque : son inexpérience
dans la lecture des chartes lui a fait
commettre des erreurs, et l'historien ne
sut pas toujours oublier les ressentiments
personnels du partisan de Joseph II.
En 1821, parut le dernier ouvrage de
l^iericx, recueil précieux de chartes
provenant des cartulaires de Saint-
Pierre et de Saint-Bavon de Gand.
Diericx avait été appelé à faire partie
de l'Institut royal des Pays-Bas dès sa
fondation et avait été, à plusieurs re-
prises, élu membre des états de la Flan-
dre orientale.
O-wald de Kcrrhove de Uenterghem.
Archives du conseil de Flandre. — Warnkœnig,
Hist. de la Flandre, t. i. — Dieiicx, Mttnoires sur
la ville de Gand. — Michaud, Biographie univer-
selle, l. 62, suppl. — Didoi, Biographie géné-
rale. — Vander Haeghen, Bibliographie gantoise.
DIEST {Corneïlle-y^orhert vax), sa-
vant humaniste, né à Louvain le 23 mars
1805, de Jean- Joseph-Adrien et de
Barbe-Claire Yanden Zanden. 11 com-
mença ses études au collège communal
de sa ville natale et y flt des pi'ogrès
rapides; comme élève de rhétorique, il
remporta le premier prix de langue
latine, qu'on considérait alors comme le
prix d'excellence. Le jeune Yan Diest
entra ensuite à l'université de Louvain,
en 1824. 11 s'y adonna avec ardeur à la
philologie, sous la conduite du professeur
Becker, dont il devint l'ami. En 1825, il
remplaça, provisoirement, le professeur
de quatrième au collège communal de
Louvain et la manière dont il s'acquitta
de sa tâche le lit nommer, en 1827,
titulaire de cette chaire. En 1831, l'au-
torité communale l'appela à la place de
professeur de seconde, poste qu'il rem-
plit avec distinction jusqu'au 14 août
1837, époque de la suppression du col-
lège.
Tout en remplissant avec dévouement
ses devoirs, Yan Diest ne négligeait pas
ses études universitaires. Le 28 mars
1835, il obtint le diplôme de docteur eu
philosophie et lettres, avec la plus
grande distinction, et le 14 juillet de la
même année, celui de docteur en droit,
avec grande distinction. Bien que doué
de toutes les qualités pour conquérir
une place distinguée au barreau, il
renonça à la carrière d'avocat, pour se
donner à l'enseignement.
En 1841, il fut appelé à la chaire de
seconde au collège de la Haute-ColUne,
placé alors sous la direction de l'univer-
sité catholique, et en 1844, à la chaire
de rhétorique. Lorsque, en 1S50, le col-
lège communal remplaça le collège de la
Haute-Colline, Yan Diest y fut nomme
principal, préfet des études et profes-
seur de rhétorique.
Son mérite comme philologue était
généralement reconnu. Le 25 octobre
1849 il fut appelé aux fonctions de mem-
bre du jury, pour le grade d'élève uni-
versitaire. L'année suivante, il remplit
encore les mêmes fonctions.
Le gouvernement, qui lui avait déjà
donné en 1841 une marque de confiance
en le nommant membre du jury du con-
cours entre les élèves des écoles rurales,
le nomma, le 5 septembre 1844, inspec-
teur de l'enseignement primaire. Il
rendit, dans cette fonction, d'incontesta-
bles services, et fut appelé, en 1848, par
les électeurs de Louvain, à siéger au
conseil communal.
^ an Diest, qui avait épousé Anne-
Marie-Clémentine de Bienne, de Lou-
vain, mourut dans cette ville le 24 no-
vembre 1850.
On a de lui : Flan d'enseignement,
publié par A.-G.-B. Schayes, dans le
Polyyraplie belge, Anvers, 1835, p. 59.
— Méthode pour étudier la langue latine.
Louvain, 1845, in-S" de 136 pages. —
Méthode paur étudier la langue grecque.
Louvain, 1847, in-S^ de 70 pages. —
Conférences sur l'enseignement primaire.
Méthode simplifiée, à rasage des écoles
françaises et flamandes. Louvain, 1849,
in- 8^ de 26 pages. — Conferentien over
het lager underwgs. Leerwy:e ten gebruike
der nederduitsche scholen. Leuven, 1849,
in-So de 29 pages. Ed. van Even.
.innuairc de l'université catholique de Louvain,
année 1851, p. il-2.
63
DIEST - DIEU
64
DIEST (^Jean- Baptiste vax). Ce pein-
tre paraît avoir joui d'une certaine noto-
riété, car on le cliargea vers 1702 de faire
le portrait de Philippe V roi d'Espagne.
Cette commande lui fut faite par ordre
de l'électeur Maximilien de Bavière, et
l'artiste dut en réclamer les frais s'éle-
vant à 60 écus, ainsi qu'on le voit dans
les archives du conseil privé à Bruxelles.
Van Diest était peintre de la cour, et c'est
lui qui était chargé de la peinture des
décors et armoiries lors des funérailles
des hauts personnages. C'est aussi ce
qui résulte des archives de la cour des
comptes dépouillées par M. A. Pinchart.
{Archives des arts, etc., t. 1er.)
Ad. Sii'el.
DiEi' {Daniel de), théologien pro-
testant, né à Bruxelles en 1540, mort à
Flessingue en 1607. Son père, Louis de
Dieu, chambellan de l'empereur Charles-
Quint, avait été anobli par ce prince
qu'il avait fidèlement servi en Afrique,
en France et en Allemagne. Melchior
Leydekker rapporte que, s'étant embar-
qué pour l'Angleterre, il lui arriva de'
faire la traversée avec Jean Calvin. Les
passagers, gens grossiers pour la plu-
part, ne trouvèrent point de meilleur
passe-temps que les cartes. Comme ils
assaisonnaient leur jeu d'atfreux jurons,
le réformateur genevois crut devoir
intervenir. Ses observations furent fort
mal reçues. Seul, Louis de Dieu prit son
parti. Ils se rapprochèrent et, bieiitôt,
ils causèrent sérieusement ensemble.
Cette aventure porta ses fruits. Louis
de Dieu lut les saintes Ecritures et
embrassa la foi nouvelle. Il s'en cacha
si peu, que l'empereur son maître, à
l'époque de son abdication, lui conseilla
de quitter le pays dès qu'il ne serait
plus là pour le protéger. Il n'en fit rien
cependant. Il passa à Bruxelles les
quelques années qui lui restaient à vivre.
Quand il fut mort, dit-on, les jésuites
témoignèrent le désir d'avoir son cadavre
pour le pendre. L'un d'eux cependant,
moins fanatique que ses collègues, vint
trouver Daniel, le fils du défunt, et
l'aida à transporter les restes mortels de
son père à Anvers, où il était plus facile
de les inhumer en un lieu saint. Pierre
Bayle a rapporté ces faits dans son Dic-
tionnaire historique et critique, et il se
contente de noter en marge qu'il est
assez singulier qu'on n'ait point parlé
ailleurs d'un voyage de Calvin en Angle-
terre. Le reste n'est pas moins étonnant.
Nous avouons, pour notre part, ne pou-
voir accepter, sansdebonnespreuves, qui
font ici absolument défaut, la mansuétude
de Charles-Quint à l'endroit d'un héré-
tique, fût-il son serviteur ou son ami,
et la trahison d'un jésuite en faveur
d'un mécréant dont les cendres seules
étaient menacées.
Les mêmes auteurs, suivis en ceci
par la plupart des recueils biographi-
ques, disent que Daniel de Dieu ne
quitta Bruxelles qu'en 1585, à l'entrée
du duc de Parme, et après y avoir
exercé pendant vingt-deux ans les fonc-
tions de pasteur réformé. Il y a à cela
des obstacles de plus d'une sorte. La
réaction catholique se déchaîne sur la
Belgique en 15 67 ; eu cette même année,
arrive le duc d'Albe; il institue le Tri-
bunal des troubles; les protestants sont
traqués, poursuivis, pendus ou décapités
selon leurs titres et qualités, mais pas
un temple protestant ne reste debout
dans nos provinces, plus un seul pas-
teur réforme n'est là pour faire entendre
des paroles de résignation et d'espoir
aux dernières victimes des fureurs inqui-
sitoriales. C'est surtout à Bruxelles, où
se trouvait le siège du gouvernement
espagnol, qu'il eût été impossible de
braver tant de dangers pendant près
d'un quart de siècle. Le chanoine Pa-
quet l'a compris; c'est ainsi que, le
premier, il déclare Flessingue et non
point Bruxelles être le lieu où, pendant
vingt-deux ans, Daniel de Dieu remplit
les fonctions pastorales. Cette rectifica-
tion a pour elle les dates et les témoi-
gnages les moins suspects. Elle nous
permet de reprendre et de poursuivre
sans interruption la vie de notre person-
nage. Son père l'avait destiné à l'état
ecclésiastique. Il étudia donc la théo-
logie, mais il profita surtout des longues
années qu'il passa dans l'exil pour
s'adonner avec passion à l'étude des
langues. Quand il revint à Bruxelles,
fio
DIEU
(56
en 157 Si, eu qualité de pasteur, il aurait
pu prêcher avec autant de facilité en
allemand, en anglais ou en italien qu'en
français ou en flamand. La plupart de
ses collègues bruxellois étaient égale-
ment des savants. Florianus était poëte
flamand, Plancius astronome et géogra-
phe, Trelcat professeur de théologie à
Leyde. Le 8 mars 1585, ils quittèrent
tous Bruxelles, aux termes de la capitu-
lation conclue entre le duc de Parme et
la garnison des Etats. De Dieu se rendit
en Zélande, où il devint pasteur à Fles-
singue. Cette ville lui convenait mieux
qu'aucune autre; elle était remplie
d'émigrés flamands et wallons, et sa
situation aux bouches de l'Escaut, lui
donnant une grande importance poli-
tique, y faisait afiiuer do toutes parts les
nouvelles. Ou comprend combien ces
circonstances devaient imprimer d'acti-
vité à la correspondance que notre pas-
teur entretenait avec Adrien de Saravia
et Thiéri Sonoy. Si ces lettres se retrou-
vaient, on saurait comment et pourquoi
il se brouilla avec Philippe de Marnix,
son illustre concitoyen, qui vivait alors
non loin de Flessingue dans son château
de West-Soubourg. Tout ce qu'il est
permis d'en dire, c'est que Daniel de
Dieu était aussi grand partisan du pro-
tectorat anglais que Marnix l'était peu.
Onraconte, àce sujet, que, peu de temps
après le départ du comte de Leicester,
notre personnage fut chargé d'aller en
Angleterre, avec le pasteur Jean Mi-
chiolszoon, pour prier la reine Elisabeth
de donner au comte Maurice de Nassau
le titre de gouverneur général des Pro-
vinces-Unies et de mettre l'un de ses
gentilshommes à la tête de l'armée des
Etats. Les auteurs des additions à l'his-
toire nationale des Pays-Bas de Wage-
naer s'élèvent avec force contre la possi-
bilité d'une pareille démarche. 11 est
vrai que c'eût été l'équivalent d'une
abdication, mais, à cause de la confusion
(|ui régnait alors dans toutes choses et
principalement dans celles qui touchaient
presque autant aux intérêts de l'P'.glise
que de l'Etat, il se peut que, malgré les
légitimes représentations d'Olden van
Harneveld, le clergé protestant ait cru
BIOGR. NAT. — T. Vr.
devoir faire de la politique. En tous cas,
si notre personnage ne se rendit point
en Angleterre en janvier ou février 1588,
nous l'y voyons arriver au mois de juin
de cette même année, accompagné de ses
collègues Sopingius et Helmichius. Cette
fois sa mission a un caractère purement
religieux. Il s'agit de démontrer à la
reine Elisabeth et à ses conseillers le
danger qu'il y aurait à conclure la paix
avec le roi d'Espagne sur le pied d'une
entière « liberté de conscience et de
religion « . Les préparatifs militaires
qui se faisaient alors en Espagne, en
Portugal et en Belgique contribuèrent
sans doute, dans une plus large part que
son éloquence, à assurer le succès de sa
mission. De Dieu ne sortit plus désor-
mais de ses attributions ecclésiastiques.
Il présida en 1591 le synode de Middel-
bourg, dans le même' local où il s'était
présenté dix ans plus tôt comme député
des églises évangéliques de Bruxelles,
dispersées ou anéanties depuis. En 1593,
il prit une part active aux conférences
de Middelbourg, dont le but était de
savoir quand et comment ou entrepren-
drait une nouvelle traduction des saintes
Ecritures. Il eut deux femmes : la pre-
mière, Elisabeth Stockardts, lui donna
un fils, David, décédé jjasteur à Fles-
singue en 1608; la seconde, Sarah van
Ceulen, de Gand, une sœur de Daniel
Colonius, eut deux fils, Corneille et
Louis. Ce dernier seul fut célèbre.
Daniel de Dieu mourut à Flessingue et
y fut enterré dans le chœur de la Grande
Eglise. c.-A. Rahlenbeok.
P. Bayle, Dictionnaire historique et critique,
éil. de 1740, II, -289. — Glasius. Godgeleerd .Ve-
derland. 1, HtiS-Tl. — Paquot, Mémoires, etc.,
1, 103-10o. — Waf;eiiaer, Vadcrt. Hist., MU. 274.
— Leydekker, Aphorismi tlieoloyici L. de Dieu,
Lit., ■169;^, in prœf. — G. Vrolickhert, Levens-
beschrijrivg van aile de liervormde Iceraren van
Vlis.ttiirjen, en/.., 17o<S, |). [V6. — Van Wyn, By-
vocytelop W'agenaer. Vlll. 7î>, FI. 9. — janssen,
Kerkhervorming van Vlaandereu, 1, 1o8. — Brandi
Hist. der reformalie, 1, 748-i)3.
uiKC {Louis de), théologien protes-
tant et célèbre orientaliste, né ta Fles-
singue de parents belges, le 7 avril
1590, mort à Leyde le 18 décembre
lf)42. Il fit ses études aux frais de sa
ville natale. Son oncle Daniel van ("eu-
67
DIEU - DIEVE
68
len, qui était régent du collège wallon
de Leyde, le prit auprès de lui et con-
tribua largement au succès de ses études.
Il n'était encore que proposant en
théologie, lorsque le prince Maurice de
Nassau, l'ayant entendu prêcher à Eles-
singue, lui fit proposer l'emploi de cha-
pelain de la cour. C'était rencontrer les
honneurs et la fortune à son début dans
la carrière. Il refusa cependant, s'excu-
sant sur sa grande jeunesse et son besoin
de franchise, mais au fond, il est permis
de croire qu'il avait contre la maison
d'Orange-Nassau les griefs d'un grand
nombre de Belges émigrés. Aux senti-
ments politiques de son père, il joignit,
bien certainement, son goût des études
linguistiques. Thomas Erpenius, Jac-
ques Golius et David de Willem se ren-
contrèrent à point nommé pour l'exciter
à poursuivre ses recherches sur le sy-
riaque, l'arabe et le persan. David de
Willem lui donna une quantité de ma-
nuscrits orientaux rapportés de ses
voyages. A cette collection vinrent bientôt
se joindre les manuscrits et les livres que
son père avait dû abandonner à Bruxelles
en 15 85. Il en avait été question assez
souvent en famille pour que Louis de
Dieu sût au juste où les trouver. Il vint
donc à Bruxelles, alla droit à la maison
de ses pères, et, le bonheur voulant
qu'elle fût habitée par une famille de
protestants clandestins, on lui permit
d'abattre un pan de mur et de rentrer
en possession de ces ouvrages tant con-
voités. Le prédicateur réformé s'efface
désormais devant l'orientaliste. Ni Fles-
singue ni Middelbourg ne peuvent le
retenir. Il refuse même les avantages
qui lui sont oflerts à Utrecht, pour
demeurer à Leyde, aux côtés de son
oncle Van Ceulen ou Colonius et tra-
vailler avec lui à grandir encore la répu-
tation de l'université et du collège
wallon. ^I. Michel Nicolas, professeur
à ■Montauban, résume en ces mots les
services que notre personnage rendit à
la science : « Louis de Dieu, dit-il, qui
« vivait dans un temps et dans un pays
« où les langues sémitiques étaient étu-
» diées avec autant d'ardeur que de suc-
II ces, a largement contribué, pour sa
» part, à en répandre la connaissance et
Il à la rendre plus facile à acquérir. Ce
Il mérite lui est commun avec plusieurs
Il savants orientalistes hollandais du
Il commencement du xviie siècle: ce
Il qui le distingue en propre, c'est
Il lo d'avoir le premier comparé ensem-
II ble et d'une manière satisfaisante
Il l'hébreu, le syriaque et le chaldéen,
" langues appartenant à la même famille
Il et indispensables au théologien ;
" 2o d'avoir le premier publié des élé-
II ments de grammaire persane, ouvrage
« clair, simple, assez bien ordonné, et
" j)endant longtemps l'unique secours
Il que l'on ait eu pour apprendre cette
" langue; et 3° enfin, d'avoir fait un
Il usage judicieux de ses connaissances
" philologiques pour déterminer, au
Il moyen de la comparaison des diverses
Il langues sémitiques et des anciennes
Il versions, le sens des passages difficiles
" et débattus de l'Ancien et du Nouveau
« Testament. «
Ce jugement nous dispense de tout
commentaire et de l'obligation de repro-
duire les éloges en vers et en prose, qui
lui ont été prodigiiés par ses contempo-
rains. Il avait épousé Catherine Bogaert,
fille d'un échevin et conseiller de la
ville de Flessingue. Jean Polyander,
Yanden Kerkhoven et Abraham Vander
Heiden prononcèrent son oraison funè-
bre.
Ses ouvrages sont en grand nombre.
On en trouve la liste à peu près com-
plète dans Paquot et De la Eue.
C.-A. Rablenbeok.
Bioçiraphie qéuirule de Firmin Didot, dern.
édit.,"XIV, Io7-lo8.— De la Rue. Geletlerd Zee-
land. Middelburg, 17;!4, p. liJ0-i^2. — A. Heida-
nus, Lykpredtclù over de dood van L de Dieu.
Deventcr, 1690. — Paqiiot, Mémoires pour servir
à l'histoire littéraire des Paiis-Uas, éd. in-8", I,
103-111. — Fopi)cns. Dibliôtli. belij., 11, 831. -
Bavie, Dietionnaire historique et critique, éd. de
1740, I, 2cii).
DIETE (Pierre v.%i«), ou DiVjEUS,
célèbre historien brabançon, naquit à
Loiivain en 1535. Il appartenait à une
famille distinguée dont la généalogie est
parfaitement établie à partir de 1374.
Son père, Pierre van Dieve, clerc au
bureau de comptabilité dit het Register
de la ville de Louvain, comptait un frère
69
DIEVE
70
qui' occupait le poste de conseiller à la
chambre des comptes de l'empereur
Charles-Quint. Sa mère, qui portait le
nom de Marie Heyme, descendait d'une
famille très-honorable et connue à Lou-
vain depuis 1280. Par sa mère et non
par son père, ainsi qu'on l'a prétendu à
tort, notre savant tenait aux familles
lignagères de sa ville natale. Le jeune
Van Dieve s'appliqua avec ardeur à
l'étude des lettres. Après avoir terminé
ses humanités, il suivit un cours de phi-
losophie à l'université de Louvain, et, à
l'âge de seize ans, il fut reçu maître
es arts. Ayant abordé l'étude du droit,
il quitta l'université pour entrer dans
les bureaux de l'administration commu-
nale. Le 14 octobre 1552, il fut nommé
employé extraordinaire au bureau de
comptabilité {clerc van liet Registe)'), au
traitement de 21) florins Carolus. Nous
avons vu que son père, qui mourut le
18 septembre 1560, était e/^rc au même
bureau. Notre Van Dieve répondit com-
plètement à l'attente de l'autorité et, le
22 juin 1558, son traitement fut porté
à 60 florins Carolus. Le 22 octobre 1560,
il épousa Marie Van den Eynde, fille de
Jacques et d'Anne Bischops, qui tenait
aux familles lignagères de Bruxelles,
mais qui demeurait à Louvain. Trois ans
après, savoir le 17 juillet 1563, son
traitement fut fixé à 72 florins Carolus.
Au milieu des occupations de son emploi.
Van Dieve continuait à aimer les lettres
d'une vive et tendre aftection. Le jeune
savant se livra à de vastes investigations
sur les antiquités du pays et sur l'his-
toire du Brabant. Il rechercha la société
des hommes instruits et se lia, entre au-
tres, avec Juste Lipse, qui s'appliquait
alors, à Louvain, à l'étude de la juris-
prudence, sans négliger l'histoire ni les
antiquités. C'est à lui qu'il communi-
quait parfois les résultats de ses recher-
ches. Van Dieve avait également des
rapports d'amitié avec Jean Vivianus et
avec Abraham Ortelius, l'illustre géo-
graphe. En 1563, il termina son Histoire
du lirabanl, livre important et auquel il
avait consacré plusieurs années.
En 1565, il prit rang parmi les pu-
blicistes en livrant à la presse son Traité
des antiquités behjiques. Dédié à Charles
de Croy, ce livre, qui témoigne d'une
grande érudition, est le seul qui ait vu
le jour du vivant de l'auteur. Au bureau
où Van Dieve était employé, l'on conser-
vait non-seulement les comptes commu-
naux, mais aussi les cartulaires et les
autres manuscrits concernant Louvain.
En parcourant ces registres, notre savant
se prit d'un vif amour pour l'étude des
annales de sa ville natale. L'autorité
u.rbaine, voulant encourager cette ten-
dance, le chargea, par résolution du
27 juin 1565, de recueillir et de trans-
crire les anciens privilèges, chartes,
ordonnances et autres documents. A
cette occasion, son traitement fut porté
à 100 florins Carolus. Van DieAe jouis-
sait alors d'une grande considération.
Le 23 septembre 1568, le gouvernement
le nomma membre de la commission
chargée de régler la recette du 100e de-
nier. Il avait également l'inspection des
blés, inspection établie en vue d'obvier
à la cherté des vivres. Le 28 juin 1569,
il obtint le titre d'employé ordinaire du
bureau de comptabilité, aux appointe-
ments de 150 florins Carolus. Il résulte
du texte de cette résolution que Van
Dieve s'occupait encore, à cette époque,
d'études historiques.
Les travaux de notre savant témoi-
gnent de recherches considérables et
d'une érudition de bon aloi. Juste Lipse,
Jean-Baptiste Gramaye et Aubert Le
Mire en ont proclamé le mérite. Van
Dieve est le plus ancien et le plus impor-
tant des historiens de Louvain, et la
ci-devant capitale du Brabant lui doit,
sous ce rapport, une reconnaissance éter-
nelle.
La révolution contre Philippe II eut
toutes les sympathies de Van Dieve.
Lorsque, en 1576, Guillaume le Taci-
turne, prince d'Orange, parvint à exciter
le peuple contre le conseil d'Etat, qui
tenait les pouvoirs du gouvernement
depuis le décès de Louis de Kequesens,
et à établir entre les états des provinces
une nouvelle confédération, notre savant
quitta sa ville natale et se fixa à Bruxelles
pour se nièler à la lutte. L'administra-
tion communale de Louvain, fermement
71
DIEVE
72
attachée au pouvoir royal, fit de nom-
breuses et infructueuses démarches pour
l'engager à reprendre son emploi. 11 fut
remplacé, le 30 décembre 1576, par
Michel Yander Hejden. Par son savoir
et par son aptitude aux affaires, il cap-
tiva l'amitié du prince d'Orange, ainsi
que celle de l'archiduc Mathias, frère
de l'empereur Rodolphe 11, qui venait
d'être proclamé gouverneur des Pavs-
Bas.
Au mois de novembre 1578, Yan
Dieve fut appelé aux fonctions de pen-
sionnaire de la ville de Bruxelles. Sa
nouvelle promotion excita la colère d'un
homme influent, Xicolas van Schutte-
put, procureur au conseil de Brabant,
dont le frère, Adrien van Schutteput,
avait vainement sollicité la place. Par
son instigation, une plainte sur cette
nomination fut portée devant le large
conseil de Bruxelles. Mais le magistrat
répondit que le savant avait été nommé,
conjointement avec Guillaume Yan der
Haegen, sur la proposition de cinq
nations, qui avaient fait sentir la néces-
sité d'avoir deux pensionnaires, et qu'il
y avait d'autant plus lieii de s'étonner
de ces plaintes que le titulaire avait déjà
fait ses preuves ; que l'archiduc Mathias
et le prince d'Orange, le conseil d'Etat
et les Etats l'avaient employé maintes
fois dans des missions difficiles, telles
que celle d'apaiser les Gantois et les
Wallons. }séanmoins, les nations parta-
gèrent l'avis du large conseil et votèrent,
le 26 janvier 1579, la suppression de
l'emploi de Yan Dieve, non sans le
remercier beaucoup des services qu'il
avait rendus à la commune. Au commen-
cement de 1580, l'archiduc Mathias
appela le savant à Anvers et le nomma
conseiller de guerre. Le 11 février de la
même année, les états, à Anvers, le
désignèrent pour faire partie de la dé-
putation chargée de gagner la ville de
Malines, qui s'était détachée de l'Union.
Cette entrevue resta sans effet; mais on
sait qu'Olivier Yan den Tymple recon-
quit la ville de Malines à l'Union, le
9 avril 1580. Le prince d'Orange, qui
agissait au nom de l'archiduc Mathias,
comprit, le 1+ du même mois, Yan
Dieve dans la nouvelle magistrature de
cette cité en qualité de conseiller-pen-
sionnaire, poste dans lequel il fut main-
tenu l'année suivante par les états. Mal-
heureusement il ne jouit pas longtemps
de sa nouvelle position. Atteint d'une
maladie mortelle, il dicta, le 1er novem-
bre 1581, son testament devant Louis
van Oyenbrugge et Jean van Quade-
ribbe, échevins de Malines, et mourut
vers la fin de décembre suivant. Il fut
enterré à la cathédrale de Saint-Eom-
baut, près de la chaire de vérité.
De Marie Yanden Eynde Yan Dieve
avait eu sept enfants, cinq filles mortes
en bas âge, et deux fils qui lui survé-
curent. L'aîné, François vcai Dieve, entra,
en 1589, au couvent de Saint-Martin et
mourut recteur du couvent de Bethan-
gie, à Malines, en 1612; l'autre fils.
Corneille van Dieve, licencié en droit,
épousa Catherine Yanden Zande et mou-
rut à Louvain, le 11 mars 1632. Il
laissa un rejeton Gérard- Aloys van Dieve,
également licencié en droit, d'abord
échevin et puis secrétaire de Louvain.
Celui-ci, mort le 8 septembre 1701,
laissa, entre autres enfants, un fils Guil-
laume-Antoine van Dieve, licencié en
droit, secrétaire de Louvain, lequel fut
le dernier représentant de sa famille et
qui s'était également livré à de vastes
recherches sur l'histoire de sa ville na-
tale; ses manuscrits se trouvent à la
bibliothèque royale de Bruxelles et aux
archives de la ville de Louvain.
Nous avons de Pierre van Dieve :
lo De Gallice helgicœ antiquitatibus
liber I, aiatum. ejus, quem sub Romanorum
imper io hahdt, compledens. Antverpiae,
ex officina Christophori Plantini, 1564,
in-12, réimprimé chez Plantin en 1584,
ainsi que dans ses Opéra varia. Louv.,
1757, in-folio. — 2t> lier uni Brahnnti-
carmn libri XIX, auctore Petro Divaeo,
Lovaniemi , studio Anberti Mirai pri-
mvûi nunc edifi et illustrati. Antv. ,1610,
in-4J. — Z^Rerum Lovaniensium libri IV.
— 4^ Annalium Lovaniensinm libri VIII
(240-1507). Ces deux derniers ouvrages
n'ont été édités qu'en 1757, par les
soins de Jean-Michel van Langendonck.
secrétaire de Louvain, sous le titre sui-
73
DIEVE — DIEZ
74
vant : Pétri Diveei Lovauiemis, Urbis ac
Promnciœ Mechliniensis quondam spidici,
opéra varia : sciliceé, Rerum Lovanien-
sium libri IV, Annalium ejusdeyyi oppidi
ibri VIII ; opus utrumque îiactemis i?ie-
ditum; de Galliœ BeUjicœ antiquitatibtis
liber privius; qiiibns ad calceni adjecta
sunt Hermanni Nuenarii de Gallia Bel-
gica commentariolus ejusdemqtie de origine
et sedibus priscorum Francorum narratio;
necnoti Abr. Ortelii et Joan. Viviani
Itinerarium. Lovanii, typis Henrici
Vander Haert, 1757, in-folio, orné
d'une planche sur cuivre, d'après le des-
sin de A.-J. Van Campen, et de 7 plan-
ches représentant les armoiries des
familles patriciennes de Louvain. Guil-
laume-Antoine van Dieve mentionné
ci-dessus, laissa une traduction en fla-
mand des Annales Lovanienses, traduction
qui aété éditée à Louvain en 1856-1857^
par l'auteur de cette biographie. En
1792 l'imprimeur Michel, à Louvain,
avait annoncé la publication- de la con-
tinuation des Annales du Brahant et de
Louvain, de notre auteur. Mais ce projet
ne se réalisa point. — 5>j Pétri Diva^i
Bellum Grimberganum, manuscrit à la
Biblioth. royale de Bruxelles, no 6583.
Les cinq ouvrages suivants de Van
Dieve n'ont jamais été publiés : \o Be
Henrici Lucemburgii Imperatoris rébus
gestis; — 2'^ De Bucibus Brabantiœ ; —
3^ Be Godefrido Barbato ejusque pos-
teris ; — 4o Rerum Germanicarum com-
mentarii; 5° Liber de Legibus Brabantiœ.
Ces ouvrages, mentionnés dans ses Res
Brabantiœ , sont pi-obablement perdus.
Les armoiries de la famille Van Dieve
sont : d'argent à deux Jleurs de Us au pied
posé de sable, une en chef au deuxième quar-
tier et Vautre en pointe au franc quartier
de gueules. Devise : Nomine Van Bieve,
non re. Ed. van Evcu.
Archires de la ville de Louvain — Opitiic
Boeck ab a» l.:)7(i ad an. 1584, inan. des archives
(le la ville de Bruxelles. — tJirœi Opéra varia,
Lov., 1757, in folio. — Azevedo, Cronyke van
Mechelen, 4" vol. p 156. — Stacs, Lovensch
Mieuivs, 4"^ vol., p. .S2'). - lîaron de Heitfcuberj,',
iniroduclion a hiChroniquedrl'li. M(mskes,X. !«■■.
— Goethals, Lectures, i. 111, p. 7G. — Ed. van
KvHti, Kendraclu van Cent, 1857 el 1870. — Henné
et WKUters, Histoire de Bruxelles, t. I, p. 4!)D.
nir%'OKT (Pierre w\%), scul[)teur
du xviie siècle. Eeçu, en 1695, franc-
maître dans le métier des Quatre-Cou-
ronnés de Bruxelles , i"! alla bientôt
chercher en Angleterre de fructueux
travaux et l'occasion de se perfectionner
dans son art. L'atelier de Grinling Gib-
bons lui fut ouvert et lui fournit l'occa-
sion d'atteindre ce double but. Le sta-
tuaire anglais, qui poussait le fini et la
délicatesse du travail jusqu'à la minu-
tie, avait besoin de collaborateurs ha-
biles; Van Dievoet fut un de ceux-ci, et
sa carrière se fût, sans doute, passée
loin de son pays natal, sans les événe-
ments politiques qui vinrent, à cette
époque, agiter l'Angleterre. Ces événe-
ments le ramenèrent aux Pays-Bas; il
alla s'établir à Malines et y décéda,
étant encore dans la force de l'âge,
en 1716. F. Stappaeris.
Nagler, Kunstler lexicon.
DIEZ {Gustave - Adolphe), peintre
d'histoire, naquit à Malines en 1801 et
décéda à Schaerbeek le 5 juillet 1844.
Après avoir terminé ses premières études
dans sa ville natale, Diez alla étudier,
en 1819, dans l'atelier d'Odevaere, élève
de David ; il en devint l'un des meil-
leurs disciples et l'ami, malgré une dif-
férence d'âge assez grande, et travailla
avec lui à diverses œuvres. Convaincu
de l'importance de la correction du des-
sin , il s'y appliqua avec ardeur et
brilla spécialement par cette qualité,
ainsi que le témoignent divers de ses
dessins reproduits par la lithographie.
Au mois d'août 1820, il remporta, à
l'Académie des beaux-arts de Gand, le
premier prix de dessin au trait ; il y
obtint un nouveau succès, le 21 avril
1821 : il fut proclamé premier d'après
nature avec un nommé Berton de Franc-
fort; et le 7 octobre .suivant, lors de la
distribution des récompenses, il reçut
deux médailles, dont nn premier prix.
Ce ne fut que vers 1820 que Diez
s'appliqua à la peinture. Atteint, jeune
encore, d'une amaurose , il produisit
peu, et ses œuvres assez rares ne sont
pas revêtues de sa signature. D'après le
BictioHuaire des peintres, d'Ad. Siret, le
musée de Harlem possède une produc-
75
DILLEN — DINGELSCHE
76
tion de Diez (et non Dietz), représentant
Hebé versant à hoire à V Aigle de Jupiter.
Une Cléopdtre et un Aloïse sauvé des eaux,
deux tableaux avec figures de grandeur
naturelle, obtinrent du succès lors de
leur apparition; ce dernier appartient à
l'auteur de cette notice. Diez s'appliqua
plus particiilièrement à la peinture de
portraits qu'il réussissait avec une rare
ressemblance. Il fut chargé avec Ode-
vaere des peintures décoraives du châ-
teau de Tervueren lorsque cet édifice fut
construit pour le prince d'Orange, de-
puis Guillaume II, roi des Pays-Bas.
Edm. Marchai.
Papiers de famille. — Ad. Siret, Dictionnaire
des peintres. — Piron, Levensbeschnjvingeu .
DiLEiEiv {Jean), licencié en droit,
naquit en 1580 à Maestricht et mourut
en cette ville en 1640. Il habitait la
partie de Maestricht soumise au duc de
Brabant et fut nommé par ce prince con-
seiller juré de sa ville natale le 13 août
1618, échevin le 16 août 1619, bourg-
mestre le 29 août 1621, de nouveau
échevin le 18 septembre 1622 et enfin
conseiller juré le 29 septembre 1624.
Dillen s'est fait connaître comme poëte
et comme historien. On possède de lui les
deux ouvrages suivants, que l'on trouve
toujours réunis en un seul volume :
lo Joannis Dilleni, Juriscon-miti , panegy-
ricusserenissimœ Isabellœ Clara JEjigenice,
Sispaniarum infanti et Belgicœ principi
scriptns; addilce notœ, mm exegesi rennn
memorabilium a serenissimo arcîiiduce
Alberto gestarum. Lovanii, 1623, in-4'>.
— 2'> Joannis Dilleni, jurisconsuUi, de
origine Francorum eoricmque regibus, et
stemmate Habsburgi-Austriacoriim archi-
diiciim, ab Jiis deducto usque ad sere-
nissimos Albertum et Isabellarii nunc
regnantem, Belgicœ prinàpes historiœ dis-
sertât io fies. Lovanii, 1623, in-4o (1).
Ces deux ouvrages ne manquent ni de
mérite ni d'intérêt, surtout en ce qui
concerne le règne de l'archiduc Albert.
s. Bormans.
Abry, Les Hommes illustres de la nation lié-
(1) La pagination de ce livre osl fautive ;
Dillen se plaint, du reste, amèrement de son im-
primeur.
geoise, Liège, -1869, ii>8'. — Foppens. — Devaux,
Histoire ecclésiastique du diocèse de Liège, t. V,
p. §70, mémoires inédits. — Van der Aa, Biogra-
pliisch Woordetiboek, t. IV, p. 54. — Archives de
la ville de Maestricht.
Dii,iiEX (Jean), licencié en théologie,
naquit au commencement du xvie siècle
à Capelle-au-Bois, village situé entre
Malines et Termonde. Il se voua à l'état
ecclésiastique, obtint la place de lecteur
dans le séminaire de Bois-le-Duc, et
devint ensuite directeur en chef des
célèbres écoles de cette ville. C'est pen-
dant qu'il exerçait ces dernières fonctions
que Dillen publia, disent les bibliogra-
phes, une Grammatica linguœ latinœ,
imprimée à Bois-le-Duc, in-4o; nous ne
connaissons aucun exemplaire de ce
livre. Dillen alla, en 1589, se fixer à
Louvain et y dirigea jusqu'en 1598, le
collège du Paucon. Il quitta ce poste
pour aller terminer ses jours à Lille où
les chanoines de Saint-Pierre l'avaient
pourvu d'un Canonicat. s. Bormans.
Foppens. — Renseignements de M. Fr. Vermeu-
len. de Bois-le-Duc.
DiXAïVT {Henri de), bourgmestre de
Liège, xiiie siècle. Voir Henri de Dî-
nant.
Di]%'CiEiiSCiiE {Jan), poëte flamand
du xive siècle. Son nom, dit Willems
{Belgiscli Muséum, I, 348), signifie évi-
demment " Jean d'Angleterre ». D'après
un manuscrit de la Bibliothèque de
Bruxelles ( BibliotJieca Hidthemiana ,
t. YI, p. 45, no 192), on a retrouvé une
piquante satire de Jan Dingelsche sur
les tavernes {Van den taverne). On y
voit que, pendant le xive siècle, il y
avait souvent, pour les motifs les plus
futiles, de sanglantes querelles parmi
les buveurs qui, tous, portaient tm cou-
teau à la ceinture : c'est le knive dont
parle le fameux Kerelsliet. « On se tue
pour un mot « , dit Jean Dingelsche :
Want om een wort, daer niet an lach,
Wori meneglien nu ghesteken doot.
Le poëte dénonce aussi les jetix frau-
duleux, qui absorbaient en une soirée le
salaire d'une semaine. Il regrette qu'on
ne surveille pas assez ces endroits dan-
gereux; mais, déjà au xiiie siècle (-^?«-
nales du comité flamand en France,
77
DINGELSCHE - DINNE
78
t, VIII), il y avait des habitudes de
tolérance pour les candes meslées des
tavernes. Jan Dingelsche est un écrivain
de l'école gantoise de ]3oudewyn Van der
Lore : c'est un spreker qui excelle à
mêler les détails pittoresques et les con-
seils de la morale chrétienne.
J. Stceher.
Vaderlanduch Muséum, I, 42, 86. — Belgiscli
Muséum, I, 384.
Di^'GEi.i^CUE (Jan), rhétoricien fla-
mand du xve siècle. Un manuscrit de la
bibliothèque de Gand (Saint-Génois,
Catalogue des manuscrits de la Bibl. de la
ville et de V université , p. 355, no 329)
nous a conservé de ce poëte, probable-
ment gantois, une pièce satirique sous
forme de ballade adressée au prince de
la chambre de rhétorique La l'ontaine
de Gand. ^lalgré le grand nombre de
mots empruntés au français, le style, la
composition, le rhythme et l'esprit gé-
néral de ces vers se rattachent encore au
vrai flamand du moyen âge : l'influence
bourguignonne n'apparaît qu'à la sur-
face. Le nom de Dingelsche était très-
connu à Gand aux xive et xve siècles
{^Annales de la société des Beaux-arts, IV,
300) ; on le trouve aussi à Ypres au
xvie siècle parmi les réformés.
J. Stecher.
Vaderlandsch Muséum, IV, 1 14-13o.
Di:VGUi::%'*^ {Léonard - François) , doc-
teur en médecine et professeur royal à
l'université de Louvain, naquit à Brée
dans la Campine liégeoise, le 29 sep-
tembre 1648. Il est l'auteur d'un livre
intitulé Fundamenta Physico-medica ad
scholœ acriboloyiam studiose aptata; suivi
d'un Tractatus de fehribus. Louvain,
Sassen, 1678, in-fol. L'ouvrage est
dédié à son cousin .Tacques Emerix ,
docteur en droit et auditeur de la Kote
sous Innocent XI. « L'auteur, dit
M. Broeckx, traite de la physiologie, de
l'hygiène, de la pathologie, de la seméio-
tique, de la thérapeutique et se montre
partisan de l'ouronoscopie. Avec Van
Helmont, il admet un feu existant dans
le cœur, qu'il considère comme le pro-
duit d'une espèce de fermentation déve-
loppée dans le sang. 11 traite de ridi-
cule l'opinion de ce réformateur qui ne
voit dans la vie que les impressions de
son archée. « En somme, il donne le
résumé des connaissances physiologi-
ques de son temps, et émet peu d'idées
neuves. Dinghens mourut dans sa ville
natale en 1697. Il s'était allié, deux ou
trois ans avant sa mort, à une descen-
dante de l'illustre famille des Berthoud,
Marie-Isabelle-Thérèse van Mechelen ,
dont il eut une fille.
Chevalier C. de Bormaa.
État civil de Brée.— Foppcns, Bibliotlieca bel-
gica. — Broeckx, Ilist. de ta médecine.
nïïSJi^E {Fmmamiel-Josepli), homme
de guerre et publiciste, né à Namur le
2 octobre 1765, tué dans les combats
de la Vendée le 25 mars 1796.
Dinne se destinait à la médecine et
allait recevoir le doctorat à l'université
de Louvain lorsque les événements de la
révolution brabançonne l'entraînèrent
dans la carrière des armes. Le comité
d'insurgés belges, qui s'était formé à
Breda en 1789, lui conféra un brevet
de lieutenant; bientôt après, Dinne
assista au combat de Turnhout (2 7 octo-
bre) et à la prise de Gand (16 novembre);
il annonça, dans ces deux occasions, des
qualités militaires qui l'auraient incon-
testablement fait parvenir au sommet de
la hiérarchie militaire si les circonstances
l'avaient favorisé.
Attaché à l'état-major du général Van
der Mersch, Dinne partagea naturelle-
ment la disgrâce de son chef, et lors de
la rentrée en Belgique des troupes
autrichiennes, il alla se réfugier à Lille
où il publia en 1791 son Mémoire histo-
rique sur Van der Mersch (3 vol. in- 8»,
Lille, Jacquez). Ce mémoire est une
apologie de son ancien général ; il abonde
en renseignements intéressants sur les
premiers événements de la révolution
brabançonne ; on y trouve aussi de nom-
breux documents historiques.
Dinne se rendit ensuite à Paris et
devint secrétaire du comité formé par
les exilés belges qui cherchaient à inté-
resser à leur cause les membres de
l'assemblée nationale.
IXs (|ue la France eut déclaré la
guerre à l'Autriche, Dinne prit du ser-
vice dans l'armée républicaine et obtint
79
DINTER — DIRICKSENS
80
le commandement d'une compagnie à la
tête de laquelle il combattit vaillamment
à Jemmapes. Sa conduite dans cette
journée lui valut même le grade de lieu-
tenant-colonel. Après la défaite que
subirent les républicains à Neerwinden
(mars 1793), Dinne fut employé dans la
Vendée ; il y commanda le 2e bataillon
de tirailleurs et fut tué dans une sortie
qu'il fit de la ville d'Angers (25 mars
1796). Son éloge fut prononcé solen-
nellement à la fête civique du 10 prai-
rial an IV de la république (29 mars
1796J.
Général baron Guillaume.
Di:VTER {Amhroiae »e), secrétaire
de Philippe le Bon, né à Dynter en
1404, mort en 1488. Voir Dyxïer
[Ambroise de).
DiXTER {Edmond ttEj, chroniqueur,
xve siècle. Voir Dynter (Edmond de).
DioxYjiiiirj^ r.%iiTui:«iiiA>'C!s», écri-
vain ecclésiastique, né à Ryckel (Lim-
bourg) en 1394, mort à Ruremonde le
12 mars 1471. Voir Dexis le Char-
treux.
DiRiCKSEXjs {Eugène-Josise- Joseph) ,
plus connu sous le nom de Zetterxam,
littérateur flamand, né à Anvers le
4 avril 1826 et mort dans sa ville natale
le 10 octobre 1855. Tout en travaillant
comme ouvrier peintre en bâtiments, il
s'intéressa de bonne heure au progrès de
la renaissance littéraire. Il s'affilia au
cercle des Ongeachten, dont le nom était
renouvelé des traditions du xvie siècle,
et se fit aussitôt remarquer par l'extraor-
dinaire ardeur de ses études et le tour
hardi, original de son esprit. A dix-neuf
ans, il publiait un roman fantastique
Rowtta ; cette publication (1845) lui
valut l'amitié et les conseils de H. Con-
science et du poëte Van Beers. L'année
suivante, une nouvelle intitulée De
Zwanen, qu'il fit insérer dans le Tael-
verhond, promettait un penseur indé-
pendant. On remarque même des ten-
dances socialistes dans Twee centen
minder, édité à part, ainsi que dans
Schetsen uit het îcerJnnansleven, qui avait
paru dans le Nederduitsche Jaerboekje de
Gand. En 1847, Diricksens était caporal
H Termonde et continuait avec ardeur
ses études littéraires, lorsqu'on lui
donna le conseil de participer au con-
cours de la société gantoise De taal is
gansch het volk : il obtint le premier
prix pour son roman de mœurs contem-
poraines : Mynheer LucMervelde . Toute
la ville parla du jeune soldat qui était
venu recevoir une couronne à la Rotonde
(salle de promotion à l'Université), et
qui avait embrassé sa mère sur l'estrade.
Les amis du lauréat s'entendirent aus-
sitôt pour réunir la somme qui devait
l'exempter du service militaire.
Zetternam se maria à Anvers et s'y
établit comme peintre en bâtiments.
Mais ses travaux littéraires, obstinément
poursuivis et son excessive ardeur de
prosélytisme pour le mouvement fla-
mand, ne le favorisaient guère dans sa
modeste profession. Sa santé, d'ailleurs,
qui n'avait jamais été robuste, s'épuisa
rapidement sous la double influence des
travaux du jour et des études de la nuit.
Ce que cet ouvrier a publié en dix ans
(1845-1855) est vraiment incroyable.
Après Bernhard de Laet (1847), où il
attaque la féodalité du moyen âge ; après
les récits humoristiques, Iloe Pietje
Triste fortuin deed. De Toorerdoos (1848),
il communiqua au Taelverbond , sous les
noms d'Albrechts et d'Ysendyck, des
essais sur la peinture contemporaine,
ainsi que sur la situation du théâtre
flamand. Dès 1849, il est un des mem-
bres les plus actifs du Vlaemsche midden-
comJteit, comité central fondé à Bruxelles
par le littérateur Vander Voort pour la
défense des intérêts de la langue fla-
mande. A propos d'un article de la
Revue des Deux Mon'Jes, Zetternam lance
un manifeste énergique {lets over de
vlaemsche beschaving). Il était un de ceux
qui ne bornaient pas le mouvement fla-
mand à la réhabilitation de la vieille
langue. Il accentue la propagande avec
plus de passion encore dans la brochure
de 1850 : Het Bestuer en de natie. Au
congrès néerlandais de Bruxelles (1851)
et aux fêtes littéraires d'Anvers et de
Gand, il montre toute l'énergie de son
patriotisme. En même temps il s'essaye
dans le genre dramatique : Margarita
van Constantinopelen, Mode-zucht, De
81
DTRICKSENS — DIRISE
82
vrouw van Egr/iont; mais la tournure un
peu satirique et personnelle de son talent
semble plus à l'aise dans les cadres de
la narration fictive. Il eut beaucoup de
lecteurs pour ses romans en général
assez courts : Eene Lie f de; Een Kopje te
veel; Tantje Mortelmans; Simon Kocker-
moes : Arnold de Droomer; De loonderhare
Aconturen eener oude ichildery ; Een Mid-
deltje om ryk te wordeu ; Eene zonderlinge
Bedelares; De Kimbrische diluvie, et sur-
tout son dernier : Hoe men schilder is
(publication posthume due à la généro-
sité de l'éditeur gantois E. Yander
Haeghen). Comme il n'avait pas pu faire
d'études historiques bien sérieuses, il
réussissait mieux dans tous les contes
qu'il tirait de la vie contemporaine.
A côté d'une grande sympathie pour la
classe ouvrière, on remarque dans ses
œuvres la vive préoccupation d'un idéal
de renaissance artistique c^t intellec-
tuelle. Son étude sur les anciens maîtres
flamands {Verhandelinr/ oter de neder-
landsche scJiilderschool) fut couronnée, en
1S54, au concours institué pour le
400e anniversaire de la gilde de Saint-
Luc. Ce livre, publié à la fois dans
l'album de Siut-Lukas ;/ilde et dans la
collection populaire du Willems-fonds de
Gand, se distingue par la nouveauté des
vues et la solidité des appréciations.
Zetternam écrivit aussi pour le métier
de peintre décorateur, qu'il exerçait, un
manuel qui a été fort apprécié, Handhoek
voor h II i$-en meubeUch ildera ( ïnUems-fonds
n') 9-1853). Vers la fin de sa vie, il aida
à fonder la revue artistique De vlaemsche
school, dont il rédigea le programme. On
cite encore sa collaboration aux jour-
naux : Nordische Telegraf, Broedermin
van Gent, Gazette van Sinte-Kikolaes,
GentscTien Teleyraf, EendracJit, Gazette
eau Gent, etc. Le 13 octobre 185.5, les
funérailles de Zetternam furent une ma-
nifestation non-seulement anversoise,
mais nationale. Pour procurer quelques
ressources à la veuve (Anna-Joanna l^e
Ridderj et aux trois orphelins, on orga-
nisa des souscriptions, des publications
et des fêtes artistiques. Plus tard, un
cercle littéraire s'organisa à Gand sous
le titre : Zetternam '« kriwj. Des édi-
teurs anversois, M. Marchand et Cie ont
entrepris la publication intégrale des
œuvres du jeune romancier {Z. VoUedùje
werken).
J. SUjcher.
De Vlaemsche School, 1, 122. — DQrinssfeld,
Das Gel%tige Leben d. Vlamtngen, III. 2o6. — £eH-
drarlit ISool — Jaerboek van het Willernsfonds,
1870.
niBi!SE (Lambert), naquit à Monte-
naeken le 30 novembre 1808. Après
avoir achevé avec distinction son cours
d'humanités au collège de Saint-Trond,
il entra en 1825 au séminaire de Liège
pour y étudier la philosophie et, à la fin
de l'année scolaire, il obtint la première
place parmi ses nombreux concurrents.
Forcé par les arrêtés de juin 1825 de
quitter le séminaire, il se retira chez le
doyen de Landen, son oncle, où il s'ap-
pliqua aux études théologiques, en atten-
dant des temps meilleurs. Dès que
Mgr l'évêque de Liège eut rouvert son
séminaire (mai 1830), le jeune Dirise
s'y rendit pour se préparer aux ordres
sacrés. Le 17 décembre 1831 il fut
ordonné prêtre par Mgr Van Bommel,
qui le nomma aussitôt professeur de
philosophie au petit séminaire, érigé
depuis deux mois dans l'ancienne abbaye
de Eolduc. Pendant les trois années
qu'il y passa, il sut mériter le respect
et l'aft'ection de tous. Mais il était décidé
à se consacrer à la vie religieuse, et il
obtint son admission chez les P. Récol-
lets de Saint-Trond.
Reçu au nombre des novices en 1835,
il fut, la même année, chargé d'enseigner
la théologie, et en 1839 on lui confia la
direction des nonces. Nommé gardien
du couvent de Saint-Trond l'année sui-
vante, il employa ce qui lui restait de
forces à la réussite d'un projet qu'il mé-
ditait depuis longtemps. Convaincu que
le bien spirituel de son ordre exigeait
que les couvents de Belgique fussent
séparés des missions de Hollande, il tra-
vailla sans relâche à obtenir cette faveur
du saint-siège, et, malgré les préventions
qu'il eut à vaincre, le succès couronna
ses efforts. Le 2 avril 1842 Grégoire XVI
prononça la séparation du couvent de
Saint-Trond d'avec la province de la
Germanie inférieure, la réunion de tous
83
DIRISE — DlZl
84
les récollets de Belgique et l'érection de
la noiivelle province belge de Saint-
Joseph, dont le P. Dirise fut, par auto-
rité apostolique, nommé premier minis-
tre provincial.
Sa santé, toujours chancelante ne
laissait, à ses amis ni à lui-même, aucune
illusion sur sa fin prochaine. Il mourut
le 5 mars 1S43, calme et serein comme
il avait vécu. Doué d'une intelligence
d'élite , qu'il cultiva par de solides
études, il était l'un des membres les
plus instruits du clergé du diocèse; ses
vertus, plus remarquables encore , révé-
lèrent ce cachet de douceur et d'humilité
qui gagne les cœurs et qui dénote les
âmes d'élite.
Lomy.
Journal hist. et litt., tom. X, pages 114-117
DiTMAR (Jean), ou Ditmee, graveur
en taille douce, né dans les Pays-Bas
vers 1538, selon Huber et Eost, et y
florissant dans la seconde moitié du
xvie siècle. Né vers 1558 et mort à
Anvers en 1603, d'après Charles Le
Blanc. On ne connaît guère de détails
biographiques sur cet artiste; on sait
seulement qu'il fut reçu à la maîtrise
dans la gilde de Saint-Luc, à Anvers,
en 1574, et qu'il prit pour apprenti,
l'année smvante, Thomas de Leu, inscrit
en cette qualité. Jean Ditmar a gravé
d'après Martin De Vos, Michel van
Coxcie le Vieux et autres maîtres fla-
mands. Il paraît avoir voulu imiter le
style de son contemporain le graveur
hollandais Corneille Cort, qui travailla
longtemps en Italie, où il fonda une
école de gravure qui produisit d'habiles
burinistes. Bryan cite avec éloge l'es-
tampe suivante de Jean Ditmar, estampe
appelée la Vision d'EzécJùel, qu'il dit
avoir en sa possession : Le Christ assis
sur les nues, entouré d'anges gui tiennent
les instruments de la passion et les symboles
des quatre Ecangélistes , d'après Michel
van Coxcie, 1574, pi. gr. in-folio.
Charles Le Blanc en fait deux gravures
distinctes : Le Christ sur les nues et Xfs
Emblèmes des Evangélistes . Le biographe
hollandais Chrét. Kramm a reproduit
cette donnée. Edm. Xh-. Bnss.her
Huber et Rost, Manuel des amateurs et des
curieux de l'art, 1801. — Heinecke, Dict. des ar-
tistes. — Chrét. Kramm, Levens en iverken der
holl.en rl.Schilders, beeldhouwers, graveurs, etc.
— Charles Le Blanc, Manuel de l'amateur d'es-
tampes, 1856.
Div.scs {Pierre), historien, né à
Louvain en 1535, mort en 1581. Voir
DiEVE {Pierre Van).
DiviTis {Jean), écrivain ecclésias-
tique, né à Gand vers 1413, mort vers
1470. Voir De Rycke {Jean).
DiiLiiVDi: {Jean de), historien, né
à Ypres. xve siècle. Voir Jeax de Dix-
MUDE.
Di'xmJDE {Olivier de), chroniqueur,
né à Ypres. xve siècle. Voir Olivier de
DlXMUDE.
Dizi {François-Joseph), musicien, né
à Xamur le 14 janvier 1780. Habile
instrumentiste, il choisit la harpe pour
instrument favori et se fit fréquemment
applaudir, bien qu'il n'eût d'autre maî-
tre que son père, qui était violoniste.
A peine âgé de seize ans, il conçut le
projet de voyager et se rendit en Hol-
lande avec l'intention de passer de là en
Angleterre; mais une série d'événements
imprévus intervinrent dans l'exécution
de ce programme. En se promenant sur
le vaisseau qui mettait à la voile, il vit
un matelot tomber à la mer ; il s'y pré-
cipita pour le sauver, quoiqu'il ne sût
pas nager, perdit connaissance, fut re-
pêché et se trouva, en revenant à lui,
dans une maison inconnue. Entre-temps,
le vaisseau, dont il ignorait le nom, avait
continué sa route, sans même s'aperce voir
de la disparition du passager, et sa
harpe, ses malles, tout ce qu'il possé-
dait était resté à bord ; il avait sa bourse,
mais elle contenait à peine assez d'argent
pour le conduire k Londres. Il y arriva
dans l'espoir d'y retrouver son navire;
mais ce fut en vain et, pour comble de
malheur, il ne savait pas un mot d'an-
glais. Il était réduit à la dernière misère,
quand le hasard le conduisit près d'une
maison où il entendit résonner les
accords de la harpe ; il y entra, exposa
sa situation et demanda qu'on voulût
bien lui permettre de se faire entendre
comme harpiste. La Providence le ser-
vait, cette fois, à souhait, car la maison
où il s'était introduit était habitée par
8o
DIZI — DODOENS
86
Sébastien ErarcI, célèbre facteur d'in-
struments de musique. Celui-ci apprécia
immédiatement le talent du jeune Dizi
et lui vint en aide en lui procurant des
élèves. Clementi le compositeur lui fut
aussi utile par l'estime qu'il témoigna
pour son talent et Pizi devint en assez
peu de temps le harpiste le plus renommé
de Londres. Ce succès décida de son
sort : pendant trente ans, il resta en
Angleterre en y jouissant d'une bril-
lante réputation comme virtuose et
comme compositeur.
Doué de dispositions naturelles pour
la mécanique, il inventa, avec l'assis-
tance d'un Polonais, une harpe à double
action, qu'il appela harpe perpendicu-
laire. Il renonça, plus tard, Ti ce système
de construction, pour se rapprocher de
celui qu'employait Erard. Il imagina
aussi, le premier, de doubler les tables
d'harmonie des harpes, afin de donner
plus de résistance aux vibrations des
cordes. Puis il disposa les pédales de
l'instrument dans un ordre plus régu-
lier, innovation qui fut peu goûtée, parce
qu'elle contrariait les habitudes des har-
pistes. En 1830, Dizi alla se fixer à
Paris ; il y forma une association avec la
maison Pleyel , pour l'établissement
d'une fabrique de harpes, entreprise qui
ne réussit guère. Dizi mourut dans cette
ville, après y avoir obtenu le titre de
professeur de harpe des princesses de la
famille royale de France. Voici l'indica-
tioD des compositions qu'il a laissées
pour la harpe : lo Grande sonate, pu-
bliée à Londres. — 2» Air saxon, de
Cramer, varié. Paris, Janet. — 3" Danse
du Chcâle, variée. Ihid. — 4o Trois
thèmes originaux, variés. Ibiâ . —
5» Douze exercices ou fantaisies pour la
harpe à deux rangs de pédales, pre-
mière et deuxième suite. Paris, Pleyel.
— 6o Enfin une grande quantité de
romances françaises, d'airs anglais et
italiens variés pour la harpe. Londres,
Paris, Erard, Pleyel et autres.
Aiip. Vancl(!r Meerscli.
Fr. Fétis, Diofjraphie universelle des musiciens,
'2" l'tlitiim. — Biographie générale des Belges.
UODOEWM {Rembert) ou Dodonœus,
médecin, et le plus savant botaniste de
notre pays, naquit à Malines le 29 fé-
vrier 1517, sous le gouvernement de
Marguerite d'Autriche ; il mourut à
Leyde le 10 mars 1.585. Les auteurs ne
sont pas bien d'accord sur l'époque de
sa naissance; Gocthals, par exemple (1),
la place en l'an 1518. La date que nous
donnons est la moins sujette à discus-
sion, car elle est fournie par l'épitaphe
du célèbre botaniste, composée par son
fils; il y est dit qu'il mourut le 10 mars
1585 dans la soixante-huitième année
de son âge.
Sprengel, dans son Historia rei herha-
ri(E (I, p. 394)et Cuvier, dans son His-
toire des sciences, le font naître en Frise.
Pultenay, dans ses Esquisses historiques
sur la botanique, émet une opinion ridi-
cvde : il fait venir Dodonœus au monde
Il près de Mechlin en Flandre » , igno-
rant que Mechlin ne peut être que Ma-
lines (Mechlinia). La vérité est que
Dodoens vit le jour à Malines et descen-
dait d'une famille frisonne ; à l'appui de
ce fait, on peut invoquer son propre
témoignage, celui des auteurs contem-
porains et celui de son fils, dans l'épi-
taphe dont nous venons de parler (2).
Du reste, le docteur d'Avoine, dans son
Éloge de Rembert Dodoens publié en 1 8 5 0 ,
a fait disparaître toutes ces erreurs. Le
bisaïeul de Rembert s'appelait Jarick
van .Toenckema ou Joenckens ; il était
né à Staveren, village maritime de la
Frise (3), et devint plus tard bourgmestre
de Leeuwarden, où il était allé s'éta-
blir. Il eut un fils nommé Eembert que,
selon l'usage du pays, usage adopté dans
presque toutes les contrées germaniques,
on désigna sous le nom de Jaricksz (fils
de Jarick) Van Joenckema ou Joenckens,
et qui fut, pendant de longues années,
vroedsman ou sénateur à vie de la ville
de Leeuwarden (4). C'est ici le cas de
relever, en passant, une erreur de Pa-
quot, qui traduisit mal Suffridus Pétri,
et fit de Eendjert un échevin. Pembert
Jaricksz van Joenckema laissa deux en-
(I; Ijcclures relatives à l'histoire des scien-
ces, elc , en Belgique.
'"J) Siiffiidus l'ciri. [)e .'icriptnribus Frisœ.
(8i Gahbcina. Frieschr Lustgaarde,
(4) SulFiidus l*elri, ouvrage cité.
87
DODOENS
88
fants : d'abord une fille appelée Tidea,
qui épousa Féico van Piersma, bourg-
mestre de Sneeck dont la fille devint la
femme de Suiîridus Hopper père de
Joachim Hopper ou Hopperus secrétaire
de Philippe II (1); puis un fils, appelé
Dodo, nom frison de Denis qui vint
s'établir à Malines vers la fin du xve siè-
cle. Azevedo (2) attribue cette émigra-
tion à la guerre civile qui désola la Frise
à cette époque ; Goethals (3) a répété
cette assertion, qui n'est qu'une proba-
bilité; quant à Suftridus Pétri, qui
connut tout particulièrement Dodonœus,
il dit simplement que les affaires de
commerce auxquelles se livrait Dodo le
Frison l'appelèrent à Malines , ville
alors fort industrieuse et l'engagèrent à
s'y fixer. Il n'y fut connu que sous le
nom de Denis Dodoen, et, d'après Pa-
quot, devint marguillier de l'église pa-
roissiale de Saint-Jean; mais ce qu'il
importe davantage de savoir, c'est qu'il
fut le père du célèbre botaniste dont
nous allons retracer la vie. Celui-ci, on le
voit, était de bonne maison, sinon noble,
du moins rattachée à la noblesse de Frise
par de nombreuses alliances. Ce qui
paraît le prouver, c'est la connaissance
que Suffridus Pétri constata, plus tard,
en Dodonœus, de la généalogie de la
plupart des nobles familles frisonnes.
Rembert cependant abandonna le nom
de ses ancêtres et signa Dodoens ou fils
de Dodo, nom qu'il latinisa plus tard
en celui de Dodonœus, dont les Français,
en ignorant l'origine, firent Dodonée. De
Van Joenckema il ne resta plus même le
souvenir, car combien d'hommes savent
encore aujourd'hui que tel est le véri-
table nom de notre botaniste? Celui-ci,
d'après Azevedo, fit ses humanités à
Malines , au collège municipal , qui
jouissait alors d'une grande réputation ;
après cela il se rendit à l'université de
Louvaiu pour suivre les cours de méde-
cine ; il y eut pour maîtres Arnold Noot,
Léonard Willera^er, Jean Heems et Paul
Roels. Ses succès furent grands et ra-
il; SiiflFridus Pétri, ouvrage cilc.
cl) Chromjcke van Meclielen
",\) Lectures relatives à l'histoire des scien-
ces, elc, en Belgique.
pides, car à l'âge de dix-huit ans, le
10 septembre 1535, il fut reçu licencié
en médecine (4). C'est alors que Dodo-
nœus crut nécessaire de parcourir l'Eu-
rope pour se perfectionner dans son art.
On ne sait pas d'une manière exacte la
date de ces voyages, ni le temps qu'il y
consacra, car il n'en parle lui-même
nulle part ; toutefois il est à penser qu'il
les fit dans les onze années qui s'écou-
lèrent entre 1535 et 1546. Pendant son
séjour à l'étranger, il se lia avec de
nombreux savants, qui rendirent hom-
mage à ses jeunes talents. Il trouva à
Paris Jean Gunther (Guintherus, que les
Français appellent Gonthier) d'Ander-
nach, professeur d'anatomie et, depuis
1535, médecin de François 1er. Gunther
avait avant cela enseigné le grec à l'uni-
versité de Louvain, d'où sortait Dodo-
nœus. Il avait fait une traduction du
grec en latin des œuvres de Paul d'Egine
et pria notre jeune licencié de la revoir
et de la collationner sur le texte origi-
nal, tellement il avait confiance dans ses
connaissances linguistiques.
Ce livre parut à Bàle en 1546 sous le
titre de : Paulus JÈgineta a Joanne Guin-
tero latine conversus, à Remherto Dodo-
nœo ad grcecum textum accurate collatus
ac recensitus. Basilise, 1546, in-S». Il
faut que Goethals n'ait pas lu ou pas
compris ce titre pour dire que Dodonœus
se contenta de revoir les épreuves de
cet ouvrage, afin d'en élaguer les fautes
typographiques. Le docteur Morren (5)
émet l'opinion assez probable que c'est
à la liaison de Dodonœus "avec Gunther
que le premier dut son goût pour l'ana-
tomie. " Gunther, dit-il, disséquait ou
faisait disséquer beaucoup d'animaux,
et eut pour prosecteur notre immortel
Vésale, et le malheureux Servet, brûlé
vif plus tard, à Genève. » Ce fut aussi,
ajoute-t-il, ce goût des autopsies qui
lui fit découvrir, un jour, l'anatomie pa-
thologique, ce rtambeau de la médecine.
Vers la fin de 1546, Dodonœus était
de retour à Malines, ainsi que le prouve
la dédicace de son ouvrage de cosmogra-
phie à Joachim Hopperus, son cousin. Ce
,4i Valcie André, Fast. acad.
,oj Belgique horticole, 1. 1, p. 10.
89
DODOENS
90
livre, publié en mai 1548 à Anvers, sous
le titre de : CosinograpJda in astronomiam
et geographiam ùagoge, a eu une seconde
édition en 1584 chez Plantin, à Anvers,
et à Leyde, sous le titre de : Be spJiœra
sive de astronomice et geographia princi-
piis co^mographica isagoge; olim consci'ipta
a Remberto Dodonœo medico, nunc vero
ejusdem recognitione locvpletior facta.
Cette édition, dédiée aux fils d'Hop-
perus, Grégoire etCaïus Antonius, restée
inconnue à Eloy et à Paquot, se trouve
à la bibliothèque Mazarine à Paris, et à
celle de l'université de Leyde. Avant de
livrer son ouvrage à l'impression, Dodo-
nœus en avait envoyé le manuscrit à son
cousin Hopperus, alors à Orléans, et
auquel il avait donné des leçons de
mathématiques. Goethals commet une
erreur quand il dit que notre auteur fut,
en 1546, à Bàle pour l'impression de sa
cosmographie, tandis que les seules édi-
tions de ce livre sont celles que nous
avons citées. C'est vers l'époque oii
parut la première édition de cette œuvre,
que Dodonœus voulut y ajouter un com-
plément, en composant un traité de géo-
graphie qui n'a jamais été imprimé.
bon ouvrage cosmographique, écrit
spécialement à l'usage des élèves, pour
leur faciliter l'étude de Ptolémée et de
Copernic, forme un résumé dans lequel
l'auteur a eu en vue de donner une
explication complète, claire et concise
de la science. Il est divisé en quatre
livres : le premier : de mundo et quce eo
pertinent in génère, où il traite des diffé-
rentes parties qui constituent le monde
et qu'il divise ea essentielles et acciden-
telles; il subdivise les premières en
élémentaires et éthérées, qu'il décrit
d'après le système de Ptolémée; parmi
les parties accidentelles il range les
points cardinaux et les vents. Le second
livre : de rœlo et nphœrce cœJestibus cir-
culis, est consacré à la sphère et à
toutes ses parties ; il dit que les corps
célestes se meuvent autour du globe ter-
restre de deux manières différentes :
suivant l'ordre du zodiaque, c'est-à-dire
d'occident en orient ou d'orient eu
(1) Éiillre (lédicaloiifi des tables de physiologie,
1584.
occident, en vingt-quatre heures. Le
troisième livre : de terra et sphcerœ ter-
restribus circulis; il y parle de la forme
sphérique de la terre et s'efforce de
prouver, d'après la théorie de Ptolémée,
que la terre est immobile et que les
corps célestes gravitent autour d'elles.
Le quatrième livre : de cœledium corpo-
rinn motu, où il explique, d'après la
théorie de Ptolémée, la révolution diurne
des corps célestes et les eff"ets qui en
résultent dans les différentes zones de
la terre ; il y traite du cours du soleil,
de l'inégalité des jours, des révolutions
de la lune, des éclipses de lune et de
soleil.
En 1548, Dodonœus fut nommé mé-
decin de la ville de Malines, fonctions
qu'il partagea avec deux autres prati-
ciens, Joachim Roelandts et Jacob De
Moor. L'exactitude de cette date est
établie par les comptes de la ville ; on y
voit qu'il toucha du chef de son emploi,
de même que ses collègues, un traite-
ment annuel de deux livres et quinze
escalins de Brabant, plus dix aunes de
drap; ce traitement fut porté en 15 70 à
onze livres; mais les médecins rece-
vaient, en outre, des honoraires pour ser-
vices extraordinaires tels que la visite
des lépreux. En 1570, Dodonœus reçut
de ce chef sept livres. Il remplit les
fonctions de médecin de la ville jusqu'en
1574, époque à laquelle il partit pour
l'Allemagne.
Pendant les années qu'il passa dans
sa ville natale, il s'occupa de former
quelques élèves et traça des tables synop-
tiques de physiologie (1). Elles furent
imprimées en 1.580. C'est également à
cette époque qu'il s'occupa sérieusement
de la botanique, science qui s'allie si
bien à l'art médical, et sur le conseil de
l'imprimeur anversois Van der Loe, son
ami, il entreprit de décrire en flamand
l'histoire des plantes (2). Le motif, tout
désintéressé, qui le poussa à ce travail
était l'espoir de reculer les limites de la
science par la publication de ses dé-
couvertes et non le désir d'acquérir de
la gloire : « non ([uod laudem ac glo-
(2j Préface lie l'ouvrage : Stirpiiim hhtoriœ
pewpladex ses.
91
DODOENS
92
riam milii hinc aliquam postulem, sed ut
nostris inventis et studiis aliquo etiam
modo stirpium herbarumque cognitio
et simplicis mediciuse studium promo-
veatur « , dit-il dans l'épître au lecteur
de la 2c partie des planches de son Her-
bier, imprimé en 1554 chez Van der
Loe.
La rédaction de son histoire des
plantes était terminée en 1552 (J )j mais,
avant de l'éditer, il voulut livrer au
public un petit traité où il s'occupe
des céréales, légumes et fourrages, inti-
tulé : Defrugum historia, et qui corres-
pond au quatrième livre de l'Herbier. Il
dédia ce travail à Gérard van Veltwyck,
conseiller impérial et trésorier de l'ordre
de la Toison d'or, amateur distingué
d'horticulture et de botanique, qui,
dans l'intérêt de la science, avait fait
de nombreux voyages et exploré spécia-
lement l'Italie et les Alpes (2). Il joi-
gnit à ce traité deux lettres, l'une
adressée à son collègue Joachim Roe-
landts, comme lui médecin de la ville de
Malines, sur quelques préparations de
céréales; l'autre à Jean Vischaven, mé-
decin à Breda, sur la bière et une bois-
son nommée zythou, en usage chez les
anciens Egyptiens. « Ce dernier écrit,
dit le docteur Morren, aigrit la bile d'un
médecin gantois nommé Ronsse, qui se
mit à écrire contre Dodoens, et lui sus-
cita assez d'ennemis et de jaloux pour le
dégoûter de sa ville natale et même de
son pays. «
Van der Loe ayant fait l'acquisition
des planches gravées sur bois de l'Her-
bier de Fuchs, dans le dessein de les
faire servir pour l'ouvrage de Dodo-
nœus, celui-ci y ajouta, dès la première
édition, environ deux cents figures nou-
velles, gravées d'après ses dessins, et
encore environ autant aux éditions pos-
térieures, en substituant quelques nou-
velles aux anciennes et en empruntant
un petit nombre aux ouvrages de Ma-
thiolus et d'André Laeuna (3).
Ces divers emprunts ont fait dire qu'il
est fort difficile de démêler, dans tout ce
(1) Voir le dédicace De fruijum historia.
("2) Voir la dédicace De Inniion Inslorin.
(Al Préface de V Histoire des piaules, 1557, — et
travail, ce qui appartient à Dodonœus,
et que ce serait seulement par l'examen
chronologique des ouvrages de tous ces
auteurs, que l'on parviendrait à rendre
à chacun le sien. La vérité est que
Dodonœus avait étudié bien plus que
les espèces citées par Fuchs ; il en
avait dessiné et fait dessiner beaucoup
d'après nature. Nous ne citerons pas les
plantes dont nous lui devons les pre-
mières iconographies, le docteur Morren
en a donné une nomenclature assez
étendue, et nous nous contenterons de
renvoyer à son ouvrage (4). Pendant
qu'on imprimait l'Herbier, Dodonœus
résolut de faire tirer à part les planches
sans le texte, ainsi que les synonymes de
toutes les désignations, en grec, latin,
allemand, français et flamand. Il fit de
cette manière imprimer les planches des
trois premiers livres. Cet ouvrage, spé-
cialement destine aux élèves en méde-
cine, parut le 5 juin 1553, est intitulé :
Trium priortan de stirpium Jiistoria
comme7itariorum imagines .
L'Herbier flamand fut édité l'année
suivante sous le titre de Cruydeboeck; il
était dédié à la gouvernante des Pays-
Bas, Marie, reine de Hongrie, sœur de
Charles-Quint.
Cette même année, parut la seconde
partie des planches, contenant les figures
des trois derniers livres de l'Herbier.
L'auteur y ajouta, de plus qu'à la pre-
mière partie, des notes marginales recti-
ficatives et critiques des ouvrages de ses
devanciers, et une série de notes sem-
blables concernant la première partie.
Cette publication est intitulée : Poste-
riorum trium de stirpium historia com-
mentarioritm imagines, una cnm viarginali-
bus annotationïbus . Item annotationes in
aliqtiot prioris tomi imagines.
De même que ces deux volumes de
planches, l'Herbier ou Crtiydeboedc fut
vivement recherché et l'édition s'épuisa
au bout de dix années. Aujourd'hui
même il est rare de trouver cette œuvre
complète.
]-,'ouvraa:e du botaniste malinois est
préface de hx'-l" [lartic dus |)lanclics;(15o9 réim-
pression).
(4) La Dclijiqiic horticole, t. 1, p. 11.
93
DODOENS
94
avant tout un herbier national, s'appli-
quant aux plantes indigènes et par-
ticulièrement à celles des contrées fla-
mandes; il indique les lieux où elles
croissent, l'époque de leur floraison et de
leur fructification, toutes choses qui ne
se trouvent pas dans l'herbier de Fuchs,
sans compter les nombreuses variétés
qu'il fut le premier à signaler et à dé-
crire. Dodonœus, en énumérant les pro-
priétés des plantes, reproduit en même
temps les opinions des anciens à ce
sujet; il cite Pline, Dioscoride, Théo-
phraste, Galien, Hippocrate, mais ces
citations ne sont pas littérales : aj'ant
observé qu'elles se répétaient souvent
les unes les autres, il les coordonna de
manière à former des notes d'une lecture
facile et surtout d'une grande utilité.
Dans son traité JJefriignm, seulement, il
s'écarte de ce'/e méthode et reproduit
textuellement les anciens.
Il adopta dans la rédaction de son
Herbier une toute autre marche que
Fuchs, qui avait classé les plantes par
ordre alphabétique; il les rangea sui-
vant leurs propriétés, leurs usages, leur
forme et leurs affinités réciproques.
Voici les divisions telles qu'on les trouve
dans la première édition de son Criajde-
boeck. Il établit six classes, correspon-
dant chacune à un livre; dans la pre-
mière, c'est-à-dire dans le premier livre,
il traite des végétaux herbacés, de leurs
divisions, leur forme, leur nom et leur
usage; dans la seconde, ou le second
livre, des fleurs et plantes odoriférantes,
de leurs semences, etc.; dans la troi-
sième, ou le troisième livre, des plantes
médicinales et vénéneuses, des racines,
leur division, etc.; dans la quatrième,
ou le quatrième livre, ainsi que dans le
traité Defrvgum, des céréales, légumes et
fourrages, leurs divisions, etc.; dans la
cinquième, ou le cinquième livre, des
jherbes , fruits et racines d'un usage
culinaire, leurs divisions, etc.; dans la
sixième, ou le sixième livre, des arbres
et arbustes.
Cette classification, bien que défec-
tueuse, constituait cependant un pro-
grès, et promettait des perfectionne-
ments ultérieurs dans l'étutle de la
botanique. Plus tard, Dodonœus s'aper-
çut des défauts de sa méthode et y fit
encore des modifications nombreuses.
Trois ans après la publication du
CruydeboecJi , en 1557, Charles de
l'Escluse ou Clusius, qui devint plus
tard directeur des jardins impériaux à
Vienne et ensuite professeur à Leyde(l),
traduisit cet ouvrage en français. r)odo-
nœus revit avec soin cette traduction,
en augmenta le texte et le nombre des
gravures, ainsi qu'il le dit dans la pré-
face qu'il y a insérée. Cet ouvrage porte
le titre de : Histoire des plantes, etc.
Cette même année, la municipalité
de Louvain, dans l'espoir d'attacher le
savant botaniste à l'universijté, crut
devoir lui proposer une chaire; mais
les négociations n'eurent pas le succès
qu'elle en attendait (2); voici ce qui
arriva : elle avait fondé deux chaires
de médecine et s'était réservé la no-
mination des titulaires. En 1543, par
mesure d'économie, sans doute, elle
en supprima une, mais en 1557, elle
revint sur cette décision et voulut la ré-
tablir en faveur de Dodonœus, qu'elle
comptait adjoindre au professeur Guil-
laume Beernaert, de Thielt, titulaire
de l'autre chaire. Elle envo3^a donc vers
lui, au mois de mai 155 7, le secrétaire
de la ville, Barthélémy van Heetvelde
et lui proposa de donner quatre leçons
par semaine, aux jours à désigner par
la faculté, ou à fixer d'avance par lui-
même , moyennant un traitement de
200 florins philippus. Dodonœus, qui
trouva ces appointements fort minimes,
accepta néanmoins; mais bientôt il ap-
prit que la régence de Louvain était
en quête d'un autre professeur. Au mi-
lieu du mois de juin, on vint lui faire
de nouvelles propositions ; le secrétaire
Van Heetvelde était cette fois accom-
pagné du chevalier Van den Tempel ; ces
intermédiaires lui offrirent deux cents
florins d'appointements et la charge de
donner des leçons tous les jours non
fériés pour la botanique et les matières
médicales, et, à tour de rôle avec Beer-
naert, la clinique et les démonstrations
J) Voir la Biograpliie de ce personnage.
,-2) Valère ,\n(lic', Fast. acad., p. '219.
9b
DODOENS
9G
anatomiques; il devait s'engager pour
six ans, mais pouvait être révoqué par
l'administration au bout de trois ans; en
dehors des jours de vacance, il n'aurait
eu le droit de s'absenter de la ville
qu'avec l'autorisation des magistrats (1).
Ces conditions beaucoup moins avanta-
geuses encore que celles proposées le
mois précédent déplurent à notre bota-
niste. On ne put s'entendre et l'affaire
fut abandonnée.
Dodonœus avait parfaitement raison
de ne pas vouloir souscrire aux proposi-
tions de la régence de Louvain; pour
une position mesquine, peu assurée et
tellement dépendante quïl ne lui aurait
pas même été permis de soigner ses
propres 'intérêts, il se serait trouvé
obligé de faire les frais d'un changement
de résidence et d'abandonner, à Malines,
sa clientèle et ses appointements. Il n'en
était pas là de devoir accepter ces con-
ditions pour gagner de quoi vivre; sa
fortune, jointe à celle de sa femme Ca-
therine 'S Bruynen, qu'il avait épousée
dès avant 1555, ainsi que le produit de
ses livres, lui procurait une existence
honnête. Nous voyons, dans les terriers
de Malines, qu'il acheta des propriétés
en ville ainsi que dans les environs.
Du reste, il jouissait dans sa cité natale
d'une grande considération, y possédait
une nombreuse clientèle et était mar-
guillier de l'église de Saint-Pierre (2),
charge, à cette époque, plus considérée
qu'aujourd'hui et même ambitionnée par
des personnages haut placés.
En 1559, Dodonœus fit tirer, une
seconde fois, à part les planches de son
Herbier, en y ajoutant toutefois les notes
et les corrections qu'il avait faites dans
l'Herbier français de De l'Escluse. En
1563, une nouvelle édition du Crvyde-
boeck, revue et augmentée, sortit des
presses de Yan der Loe. Dodonœus
s'étant lié d'amitié avec Plantin, le célè-
bre imprimeur anversois, résolut de
refaire son ouvrage et de le rédiger en
latin; Plantin lui offrit de l'imprimer
(1) Valère André, Fast. acad , p. Slt».— Lettre
(le Dodonœus a Viglius; à la Biblotlieque royale
à Bruxelles.
(2) Azevtdo, Chronyckc van Meclielen.
et il accepta. Une difficulté se pré-
senta alors au sujet des planches : le
privilège décennal obtenu par Yan der
Loe pour l'Herbier flamand étant expiré
en 1554, cet imprimeur les fit servir à
l'Herbier de Lyîe, imprimé chez lui en
1578 et qui n'est que la traduction
anglaise de l'œuvre du botaniste mali-
nois. Elles servirent encore pour les
quatre autres éditions anglaises de 1 5 8 6 ,
1595, 1600 et 1619. Plantin ne voulant
pas se servir de planches déjà usées, ou
les emprunter à un confrère, résolut de
faire exécuter à ses frais toutes les
celles dont Dodonœus aurait besoin
pour son ouvrage. Celui-ci voulait faire
un livre nouveau plutôt que de traduire
simplement son Cruydeboeck en latin,
car il s'était aperçu de la défectuosité
de la classification qu'il avait adoptée ;
cependant il ne sut à quel plan s'arrêter
d'abord; dans l'édition française, il avait
promis de commenter Dioscoride, mais
ce projet ne lui souriait plus, bien qu'il
eût déjà commencé à le mettre à exécu-
tion; il adopta alors une division entière-
ment neuve, dont nous parlerons plus
loin, et dans laquelle il donna pour
chaque plante la description la plus
complète en même temps que la plus
exacte et la plus concise qu'il lui était
possible (3). Ce travail devant se pro-
longer trop longtemps, avant de pou-
voir être livré à l'impression, Dodo-
nœus prit la résolution de le publier par
traités séparés. C'est ainsi que furent
mis successivement au jour : 1 . Hlstoria
frunientorum, ler/uminuiti palustrium et
aquatiUum lierharum (1565). — 2. Tlorum
corotioriarum et odoratarum nonnullarum
herhariim hktoria (1568). — 3. Piir-
gaiitium, radicnm, comoltulorum et de-
letariarum lierharum îiistoria (1574). Ces
trois ouvrages imprimés chez Plantin.
— 4. Ifistoria vitis tinique et stirpium
nonnullarum aliarmn, imprimé en 1580
chez Materne Cholin à Cologne. Les
planches de tous ces livres , comme
celles de son grand ouvrage, Pemptadfa
^3) " ... Siugitlarumque slirpium tiovam, in-
tegraiii, pleiiain cl perfectam quain polui brevi-
taie historiam medilari cœpi. » — Préface de
Historiafriimeniorum.
97
DODOENS
98
sex, qui n'est que la reproduction des
traités particuliers, sont neuves et ont
été gravées sous ses yeux, elles difi'èrent
complètement de celles des volumes
imprimés chez Yan der Loe, et qui sont
simplement au trait : le soin que Dodo-
nœus apporta à l'exactitude des dessins
étaittel, qu'il préférait en remettre l'exé-
cution plutôt que de ne pas pouvoir
fournir les plantes fraîches comme mo-
dèles.
Son premier traité Hidoria fnimeuto-
rum, etc., fut dédié à Viglius, président
du conseil d'Etat, son protecteur et son
ami; le second à son cousin Joachim
Hopperus, alors maître des requêtes et
conseiller de Philippe IL
Comme il n'avait tenu qu'à Dodonœus
d'occuper une chaire à l'université de
Louvain en 1557, il dépendit de lui, dix
ans plus tard, de devenir médecin de
Philippe II. Hopperus, qui se trouvait à
la cour de Madrid , écrivit, à cette époque,
au président Viglius, que Vésale, méde-
cin du roi, étant parti pour la Terre
sainte, Philippe II voulait le remplacer
par un autre médecin des Pays-Bas, et
avait désigné en première ligne Dodo-
nœus (1); il écrivit en même temps à
notre botaniste pour lui communiquer
ce fait. Viglius répondit que son pro-
tégé n'était pas fort tenté d'accepter
cette place, n'aimant pas à. subir l'escla-
vage de la cour, et à s'expatrier, à son
âge, avec femme et enfants. Il avait alors
cinquante et un ans, et trouvait du
reste les appointements trop minimes.
Après cela, il ne fut plus question, pour
le moment, de ce projet, et un médecin
de la Gueldre, Josse van Lom, accepta la
position et mourut à Madrid en 1572(2).
Dodonœus resta donc à Malines ;
en 1572, la question fut de nouveau
agitée; Philippe II, qui tenait à avoir
un confesseur, un médecin et un chirur-
gien des Pays-Bas, écrivit à plusieurs
reprises au duc d'Albe, qui, content de
se débarrasser de cette affaire, la remet-
Il) Correspondance de Viglius et d'HopjHMiis.
dans les Analecles de Hoynck van Papendrechl.
(-2) Con-esiiondance de Nigliuscilée.
CH) Idem.
(l; Idem.
\'\\ idem.
mOGK. NAT. — T. VI.
tait au président de Tysnack et à Vi-
glius ; mais personne ne voulait accepter
les fonctions de médecin, ces intermé-
diaires ne pouvant rien assurer quant
au traitement et à l'indemnité de
voyage (3). Hopperus, à qui Viglius fit
part de cette difficulté, répondit que le
traitement du médecin était de trente
sous par jour, et celui du chirurgien et
du confesseur de douze; toutefois que
selon les aptitudes et besoins des titu-
laires, il pourrait leur être alloué des
gratifications; que, quant à l'indemnité
de voyage, il aurait lui-même tâché qu'il
en fût accordé une en tous points con-
venable (4).
Sur ces entrefaites, eut lieu, le 2 octo-
bre 1572, le sac de Malines par les
troupes espagnoles; Dodonœus ruiné,
comme tous ses concitoyens, informa
Viglius de son état précaire, et celui-ci
lui parla de nouveau de la charge de
médecin du roi. Il se montra disposé à
accepter ; cependant , après mûre ré-
flexion , il répondit qu'à son âge on
changeait difficilement de climat et
d'habitudes. Il revint encore, dans la
suite, sur cette détermination, en po-
sant la condition, qu'outre le traitement
ordinaire, on lui allouât une pension
et une indemnité de voyage considé-
rable (5). On ne souscrivit pas à ces
conditions (6), non que le roi ou la
cour s'y opposassent, mais le duc d'Albe
voyant avec déplaisir que son maître
cherchait ailleurs qu'en Espagne des
praticiens pour lui donner leurs soins,
et ne trouvant bien et bon que ce qui
venait d'Espagne, refusait constamment
toute indemnité. « Quant à lui deman-
der de l'argent, dit Viglius dans une
de ses lettres, autant vaut parler à
l'oreille d'un sourd (7) « . Le fait est
que ni Dodonœus, ni aucun autre mé-
decin belge ne partit pour la cour de
Madrid, aussi longtemps que le duc
d'Albe gouverna les l'ays-Bas.
Après le sac de Malines, Dodonœus
(6; « Ipsi (Dodonœo) autem lenuitas semper
displicuil salarii qui a vobis offerebalur. » —
Corrcspendaiice citée.
(7) " llic, (iiiipccuiiiain petttnt, sitrdis fabulam
iiamuti. >• Correspondance citée.
DUDOENS
100
acheva le troisième traité de l'histoire
des plantes .- Purgantkcnialiarumqne, etc. ,
qui parut en 1574; son soi-disant libé-
ralisme ne l'empêcha pas, malgré les
pertes que les soldats espagnols lui
avaient fait essuyer, de dédier ce livre à
Philippe II.
Après la cour d'Espagne, la cour
impériale chercha à s'attacher le bota-
niste malinois ; c'était bien le plus bel
hommage qu'on pût rendre à son ta-
lent (1). Nicolas Biesius, un Gantois,
médecin de Maximilien II étant mort,
l'empereur jeta les yeux sur Dodonœus
et lui fit oft'rir un traitement considéra-
ble et une indemnité de voyage de deux
cents ducats (2); le savant accepta et
partit de Malines au mois de septembre
15 74-. Paquot et d'autres écrivains sont
dans l'erreur lorsqu'ils disent que Dodo-
nœus quitta sa ville natale pour l'Italie
en 1570, et alla de là directement à la
cour impériale. Si cela était, comment
Viglins aurait-il pu négocier avec lui
son entrée à la cour d'Espagne? Du
reste, on trouve dans un registre des
archives de Malines de 1573 (3), qu'au
mois de novembre de cette année Dodo-
nœus obtint, sur sa requête, la franchise
des droits d'accise pour ses vins et
bières, ce qui prouve qu'il n'avait pas
quitté la ville.
Dodonœus arriva à Vienne au mois
de novembre, et fut reçu avec bienveil-
lance par l'empereur, qui le nomma con-
seiller aulique. Il retrouva, dans cette
ville, le traducteur de son Herbier,
Charles de l'Escluse, qui y était devenu
directeur des jardins impériaux (4).
Maximilien II mourut en 1576, et le
botaniste fut continué par Rodolphe II
dans ses fonctions de médecin de l'em-
pereur et de conseiller aulique.
Pendant son séjour à la cour impé-
riale, Dodonœus écrivit une consulta-
tion sur la mélancolie, que Scholzius
(Laurent Scholtz) a publiée dans son
recueil latin intitulé : Recueil de conml-
tations médicale» écrites par les médecina
les plus distingués et les plus expérimentés
(\) Suffridus Pciri, De Scrip. Frisiœ.
i'î) r,orrespc(iidance de Viglius, citée.
{',^1 lieijisier der Camere, cité par Van Meerbeek.
de notre époque. Cette consultation eut
lieu à propos d'un homme atteint de
mélancolie et qui avait réclamé les soins
de Dodonœus, de Julius Alexandrinus et
de Jean Krato von Kraftheim. Celui-ci,
également médecin de l'empreur^ émit
un avis contraire à celui du médecin
malinois ; ce Krato était un homme d'un
commerce extrêmement désagréable, et
la consultation dégénéra bientôt en dis-
pute littéraire; les deux praticiens se
lancèrent écrits sur écrits jusqu'à ce que
l'empereur leur défendît de continuer.
En 1580, Dodonœus reçut à diffé-
rentes reprises des lettres de ses amis
des Pays-Bas qui l'engageaient à retour-
ner dans sa patrie pour soigner ses biens
ravagés par les factieux, et qu'on aurait
pu considérer, à la fin, comme abandon-
nés. Il possédait un certain nombre de
maisons à Malines, des bois et des terres
à Hever près de là, et tenait à les con-
server (5). Il quitta donc Vienne, avec
l'autorisation de l'empereur; mais, ar-
rivé à Cologne, il n'osa aller plus loin
à cause des troubles dont les Pays-Bas
étaient le théâtre. En s'arrêtant, il eut
une heureuse inspiration, car, pendant ce
temps, Malines fut de nouveau saccagé,
mais cette fois par les troupes des Etats.
C'est à cette époque que Dodonœus
publia son traité de la Vigne, imprimé à
Cologne, et le dédia à l'électeur Daniel,
archevêque de Mayence. Suft'ridus Pétri,
qui se lia étroitement avec notre méde-
cin, dit qu'il se fit promptement une
nombreuse clientèle dans la ville élec-
torale, ce qui ne l'empêcha pas cepen-
dant d'y publier encore plusieurs ou-
vrages : Physiologiœ medicina partis
tabula expedltce, dédie à Lambert Gru-
terus, évêque de Naples et chapelain de
l'empereur; une lettre sur l'Elan (1581)
où il combat les idées erronées des
anciens sur cet animal, et, sous le titre
de Medicinaliiim observatiomim exempla
rara, un opuscule qui avait déjà paru à
la suite de son traité sur la Vigne l'année
précédente.
Parmi les malades qu'il fut appelé à
(4) Mcursius, lAllerœ Dalaviœ.
(fi) Suffridus Pelri.
"vio*^
srtltai
lui
DODUENS
lU-2
traiter pendant son séjour à Cologne,
se trouvait la femme de son ami Suffri-
dus Pétri, atteinte d'une maladie qu'il
reconnut dès l'aljord pour incurable;
elle expira le 31 mars 15 80.
Dodonœus resta une année à Cologne,
au bout de ce temps, il crut les cir-
constances plus favorables et rentra dans
son pays. Après avoir passé quelques
jours à Malines, il alla s'établir à An-
vers ; là il surveilla, dans les ateliers
de Plantin, l'impression de son grand
ouvrage sur l'histoire des plantes, qui
fut terminé en 1583, et parut sous le
titre de : Stlrpium Iddoriœ Pemptades
sex sive libri XXX. Il dédia cette œuvre
à la régence de la ville d'Anvers.
Cette fois, ce n'est plus en six livres,
mais en vingt-six groupes que Dodo-
nœus distribue les végétaux connus de
son temps; il les range parfois dans un
ordre parfaitement rationnel, tandis que
d'autres fois sa méthode laisse beaucoup
à désirer. Dans la première pemptade, il
décrit tous les végétaux qu'il n'a pu
ranger dans l'une ou l'autre des classes
qu'il avait établies; mais il a soin tou-
tefois de réunir tous les genres et es-
pèces qui présentent entre eux une
certaine affinité. On trouve dans cette
partie quelques familles bien groupées,
et des rapprochements heureux entre
les genres. Ainsi il y introduit les fa-
milles suivantes : géraniacées, équiséta-
cées, hypéricées, plantaginées, rutacées,
crassulacées , saxifragées ; des groupes
d'espèces appartenant aux genres sui-
vants : artemisia, tanacetum, matrica-
ria, arctium, inula, gnaphalium, iilago,
achillea, centauria, de la famille des
composées; veronica, euphrasia, de la
famille des rhinantacées, suivis de quel-
ques espèces de scrophulariées; quelques
genres de labiées, comme teucrium,
menthe, marrubium, melissa, nepeta,
prunella, lamium ; les borraginées,
symphytum et pulmonaria ; quelques
espèces d'isatis de la famille des cruci-
fères, de potentilla de celle des rosa-
cées, de scabieuses de celle des rubia-
cées. En un mot cette partie décrit la
plupart des plantes que la pharmacie
(|ualitie :1e vulnéraires.
La seconde pemptade comprend les
plantes remarquables par leurs fleurs,
soit comme ornement, soit comme moyen
médicinal; puis les herbes odorantes et
les ombellifères dont la plupart ont soit
des racines, des semences, ou un suc
doué d'une forte odeur. Les plantes
florifères sont divisées en plantes des
champs et plantes de jardin, et ces der-
nières subdivisées en bulbeuses et non
bulbeuses, d'où cinq groupes formant
le sujet d'autant de livres. Le premier
livre est consacré aux non -bulbeuses
cultivées dans les jardins : Dodonœus
les subdivise en deux ordres; dans le
premier il range celles des genres viola
(famille des violacées) , cheiranthus ,
dentaria, lunaria, hesperis (famille des
crucifères), campanula, phyteuma (fa-
mille des campanulacées) ; agrostemma,
lychnis, cucubalus, dianthus, saponaria
(famille des caryophyllées) ; aquilegia
(famille des renonculacéesj ; anthir-
rinum (famille des anthirrinées) ; cœlo-
sia et amarantus (famille des amaranta-
cées); dans le second ordre, sont les
genres rosa (famille des rosacées), cystus
(famille des cystées), pœonia (famille
des renonculacées). Le deuxième livre
traite des plantes bulbeuses florifères;
celles d'usage culinaire sont rangées
dans la cinquième pemptade; on y
trouve les familles et genres suivants :
fritillaria, tulipa, hemerocallis, hyacin-
thus (de la famille des liliacées) ; as-
phodelus, ornithogalum , scilla, anthe-
ricum (de la famille des asphodélées);
gladiolus, iris, crocus (de la famille des
iridées); narcissus, amaryllis, galan-
thus, leucoïon (de la famille des narcis-
sées); satyrium, orchis, ophrys (delà
famille des orchidées). Le troisième livre
décrit les fleurs des champs; il y a
d'abord le genre iris (famille des iridées);
acorus (famille des aroïdées), puis un
grand nombre de genres de la famille
des composées, comme centaurea, caleu-
dula, tagetes, matricaria, scorsonera,
anthémis, chrysanthemum, arnica, he-
lianthus, aster, gnaphalium, etc., et
deux genres de la famille des renoncu-
lacées, qui sont dclphinium et adonis.
Au ([uatrième livre appartiennent les
103
DODOENS
104
herbes odorantes; presque toute la fa-
mille des labiées, comme origanum,
thymus, rosmarinus, lavandula, satu-
teia, ocymum, marrubium, mentha,
teucrium , hyssopus, salvia, et deux
geures de composées : tanacetum et
achillea. Son cinquième livre correspond
à la famille des ombellifères, à laquelle
il rapporte les genres suivants : ane-
thum, pimpinella, carum, bunium, cumi-
num^ ammi, sisou, coriandrum, œthusa,
heracleum, ferula, laserpitium,peuceda-
num, ligusticum, angelica, bupleurum,
imperatoria et fegopodium; seulement
quelques genres et espèces appartenant
à d'autres familles s'y sont glissés, l'au-
teur s'étant laissé abuser par une simi-
litude de forme ou de nom.
La troisième pemptade est consacrée
aux plantes médicinales, qui n'avaient
pas trouvé place dans les divisions pré-
cédentes; elles sont rangées en cinq
groupes : 1» les racines douées de pro-
priétés médicinales; 2° les plantes pur-
gatives; 3° les racines purgatives qui
appartiennent à la famille des convolvu-
lacées, 011 sont jointes les grimpantes non
purgatives; 4» les plantes vénéneuses;
5" les classes de végétaux acotylédons et
cryptogames. Cette division laisse à coup
sûr beaucoup à désirer, car des plantes
qui n'ont de commun que leur emploi
en médecine ne constituent pas une clas-
sification. La description de la vigne et
du vin termine le troisième livre; Dodo-
nœus passe en revue les différentes es-
pèces de liqueurs que l'on fabrique avec
le vin et décrit la manière de les pré-
parer chez les anciens et chez les mo-
dernes.
Dans la quatrième pemptade se trouve
la description des plantes qui servent de
nourriture aux hommes et aux bestiaux,
ainsi que celle des plantes marecageiises
et aquatiques ; cette pemptade compte
cinq livres : dans le premier sont rangées
les céréales; les genres triticum, hor-
deum, secale, panicum, coïx, holcus,
oryza, zea, phalaris et avena (de la
famille des graminées); il y a joint le
sarrasin (polygonum fagopyrum), alors
nouvelU^iiicnt introduit dans nos con-
trées, et {|ui doit appartenir H une auire
famille. Outre la description descéréales,
l'auteur détaille les produits qu'on en
tire, et explique la préparation, chez les
anciens et les modernes, de la farine, du
pain et d'autres produits appelés far (en
flamand gort, en français gruau), chon-
drus, halica, tragus, amylus (amidonj,
athera et gluten que l'on tire du fro-
ment; ptisana (orge mondé ou tisane)
polenta, maza, crimnum, maltum (malt)
cerevisia (cervoise ou bière) et zython,
qui proviennent de l'orge. Dans le se-
cond livre, se trouvent une grande jîartie
des légumineuses, comme vicia, pha-
seolus, pisum, lathyrus, ervum, astra-
galus, ononis, lupinus, trigonella; puis
quelques plantes qui servaient de nour-
riture chez les anciens, comme sesamum,
erysimum galeni, linum sativum et syl-
vestre, cannabis et spergula arvensis.
L'auteur a placé dans le troisième livre
un grand nombre de plantes qu'il con-
sidère comme une dégénérescence des
céréales et des légumes, ce qui corres-
pond, par conséquent, aux graminées et
aux légumineuses ; il y range également
un groupe qu'il appelle vitla frugum,
dans lequel se trouvent quelques espèces
de la famille des rhinantacées. On a dit
que Dodonœus a été le premier botaniste
qui ait décrit la raphanie ou ergotisme
du seigle, mais le contenu de ce livre
prouve qu'il n'a pas connu cette variété
de champignons. Le quatrième livre
traite des fourrages, gazons, trèfles, etc.,
par conséquent, le reste des graminées,
quelques légumineuses et quelques au-
tres plantes que l'auteur y joint à cause
de leur similitude dans la disposition
de leurs feuilles. Le cinquième livre
renferme les plantes vivant dans les eaux
et les marécages ; elles sont placées plu-
tôt ici que dans une autre section parce
qu'il y en a qui servent également à la
nourriture des bestiaux; on conçoit que
cette classification laisse également à
désirer, car les végétaux qui s'y trouvent
n'ont de commun que le lieu où ils
croissent.
Dans la cinquième pemptade, l'auteur
a réuni les plantes potagères et celles
c|ui servent aux usages culinaires ou
comme coiulimeuts; il y joint celles qui,
ion
DODOENS
106
sans avoir la même destination, leur
ressemblent par la forme. Le premier
livre contient les oléracées ou potagères
proprement dites ; le second, les plantes
herbacées dont on mange les fruits,
toute la famille des cucurbitacées par
conséquent; le troisième, les plantes
d'un usage culinaire par la racine ou le
bulbe; le quatrième contient toutes les
plantes qui servent de condiments; le
cinquième renferme tous les chardons.
La sixième pemptade est consacrée
aux arbres et aux arbustes : 1er livre,
les arbustes épineux; 2e livre, les
arbustes sans épines; 3e livre, les arbres
cultivés dans les jardins et les potagers ;
4-e livre, les arbres des forêts; 5e livre,
les arbres à feuilles lierpétuellement
vertes. Cette division , dans laquelle
l'auteur n'a consulté que le port seul
des végétaux pour les rapprocher, est à
coup sûr défectueuse. D'après cet exa-
men, on voit que Dodonœus, a consi-
déré des plantes surtout sous le rapport
de leurs propriétés et de leurs usages ; la
physiologie botanique lui est encore in-
connue, et tandis qu'aujourd'hui l'orga-
nisation intime de la plante en déter-
mine la classification , il ne voit que
l'application ; il fait avant tout de la
botanique appliquée, successivement, à
la médecine, à l'industrie, à l'économie
domestique. On en sait davantage au-
jourd'hui , mais nous sommes à trois
siècles du temps où il vivait.
Outre les planches contenues dans les
trois traités spéciaux, on en trouve, dans
les pemptades, un grand nombre d'au-
tres exécutées sous les yeux de l'au-
teur : quelques-unes sont empruntées à
Dioscoride, d'autres lui sont communes
avec De l'Escluse et Pe Lobel. Plantin,
qui imprima les ouvrages des trois bota-
nistes et fit les frais des gravures, obtint
d'eux que les planches serviraient pour
tous trois.
Notre savant était à peine depuis
une année rentré dans les Pays-Bas ,
quand les curateurs de l'université de
Leyde lui ofirirent une chaire avec un
traitement considérable (l). Il accepta
I Suffii<Ius Pelri.
et alla donner, dans cette école naissante,
les cours de pathologie et de thérapeu-
tique générale et spéciale des maladies
internes. Il avait conçu le projet de faire
imprimer son cours et d'y joindre un
traité sur les afiections goutteuses, mais
la mort vint le surprendre avant qu'il
eût pu mettre ce dessein à exécution. Il
mourut après deux années de professo-
rat, le 10 mars 1.58.5. Un de ses élèves,
Egbertz, satisfit, plus tard, au désir du
maître, en publiant les leçons recueillies
sous sa dictée; il les intitula : Praxis
medica. Pendant ces deux années Dodo-
nœus revit son traité de cosmographie
et en fit imprimer en 1584, à Leyde, une
seconde édition qu'il dédia aux fils de
son pareut Hopperus ; cette même année
il imprima pour la troisième fois son
ouvrage : Medici/ialium ohnervationuru
exempla /'ara, et le dédia au baron AVolf-
gang Eumpf, chambellan de l'empereur.
Dodonœus fut enterré dans l'église
de Saint-Pierre de Leyde, où son fils
lui fit ériger un monument surmonté
d'un écusson, d'azur à deux étoiles d'ar-
gent en chef, et un croissant de même
en pointe, avec cette épitaphe :
D. 0. M. Rembekto Dodoxœo
Machlix. D. Maximiliaxi II ET Rc-
DOLPHI II ImPP. MEDICO ET COXSILIA-
RIO CUJUS IX KE ASTROXOMICA, HERB.
ET MEDIC. ERUDITIOSCRIPTISIXCLARVIT,
QUI JAM SEXEX IX ACAD. LuGDUXEXSI
APU D BaTA VOS , PUBUCUS MEDICI X.E PRO-
FESSOR FELICITER OBIITAX. MDLXXXV
AD VI IDUS MART. .ETATIS SU.E LXYIII.
EeMBERTUS DoDOXŒUS FIL. M. P.
La ville de ^lalines, sa patrie, fit
exécuter son buste en marbre et le plaça
dans le jardin botanique, en face de la
grande serre.
Il laissa, de sa femme Catherine
'S Bruynen quatre enfants : un fils,
Rembert, et trois filles, Antoinette,
Ursule et Jeanne ; un autre fils, Denis
était mort en bas âge. Rembert, médecin
comme son père, s'établit à Vienne, où
il fut attaché au roi des Romains; il ne
laissa qu'une fille.
Comme tous les hommes éminents,
Rembert Dodonœus eut ses partisans et
ses détracteurs; Haller le range parm
107
DODOENS
108
les inventeurs dont les découvertes ont
profité à la science. Il fut le premier
dans notre pays qui publia une histoire
des plantes; ce fut lui qui, par ses ou-
vrages sur la botanique, fit faire des
progrès à cette branche des connais-
sances, et provoqua l'élan qui poussa
De l'Escluse, De Lobel et d'autres en-
core dans la même voie. Tournefort et
Bauhinus ne trouvent en lui que du
plagiat; à cela on peut répondre que le
nombre des plantes dont on doit la con-
naissance à Dodonœus est fort considé-
rable, ainsi qu'il l'a dit lui-même dans
son épître au lecteur de l'édition de
1559 des planches de son Herbier, et
que ëprenger l'a répété dans son His-
toria rei herbariœ, en énumérant la ma-
jeure partie de ces plantes nouvelles.
Plumier, pour honorer sa mémoire, lui
a dédié un genre de plantes, Dodonœa,
de la famille des térebinthacées.
Bien que Dodonreus doive en grande
partie sa réputation à ses études bota-
niques , il mérite tout autant d'être
connu comme médecin. Son cours à
l'université de Leyde, publié vingt ans
après sa mort, reproduit parfaitement
son système et sa doctrine médicale.
Podonœus appartenait à cette école dite
Hippocratiste, qiii rallia pendant de lon-
gues années tous les médecins instruits;
mais aux opinions admises alors il a
joint le fruit d'une longue expérience.
Sa Praxis medica renferme deux parties,
l'une consacrée aux fièvres, l'autre aux
maladies épidémiques ; chacune com-
prend un certain nombre de chapitres
qui traitent tantôt d'une maladie spé-
ciale, tantôt d'un symptôme particulier.
Dans le second cas, l'auteur cherche
toujours à rapprocher le symptôme de
la cause et dirige le traitement contre
celle-ci. Dans l'explication des mala-
dies, il disserte sur l'origine et la nature
intime du mal, en donne une symptoraa-
tologie exacte, sinon com.plète, mais ce-
pendant en néglige presque toujours la
marche et la terminaison. Son traite-
ment, qui est fort rationnel, est basé sur
le régime; sa médicamentation, tant
simple que composée, est presque ex-
clusivement végétale. Il base autant
qu'il le peut son traitement sur son ex-
périence personnelle. Dodonœus fut, en
outre, un des créateurs de l'anatomie
pathologique, un des rénovateurs de la
doctrine du vitalisme. L'anatomie pa-
thologique, c'est-à-dire l'étude des mo-
difications que les maladies apportent à
la structure des organes, indispensable
au médecin, est impossible à pratiquer
sans la dissection. C'est dans son ouvrage
Medicinalium ohservatiomivi exempla rara
qu'il raconte le résultat de ses expé-
riences, et cite un grand nombre d'exem-
ples, où la dissection seule a pu donner
la raison du mal.
Voici les ouvrages qu'on a de Dodo-
nœus :
1. Cosmog)'aphica in astrotiomiam et
geoyrapli iam. Isagoge ,per Remhertum. Dodo-
nœnm Maliuatem, medicum et mathemati-
cum. Antwerpia , ex officina .1. Loëi.
Anno 154S cum gratia et privilegio.
In-12 fig. bois, 112 pages, très-rare. —
La seconde édition de cet ouvrage est
intitulée : De spliœra sire de astronomiœ
et geograpliiœ prihcipiis cosmograpîiica
isagoge : olim conscripta a Remberto Do-
do nœo medico, nunc vero ejusdem. recogni-
tione locupletior facta. Antwerp. etLugd.
Batav., ex off. Chr. Plantini, 1584, petit
in-8 >, fig. bois 109 p. sans la table. —
2. Remherti Dodonœi Mechliniensis me-
dici , de Trugum historia , liber imus.
Ejusdem epistolœ dnœ , tina de Tare ,
Chondro , Trago , Ptisana , Crirnno et
AVicn; altéra de ZytJto et Cerevisia. Antv. ,
ex oft'. J. Loëi, 1552, in-8o, fig. bois. —
3. Remberti Dodonœi Mechliniensis me-
dici, trium priorîim de stirpixim historia
cor/imentariorihin imagines ad^ vivum ex-
presse. TJna cum indicibus greeca, latin a,
officinarum-, germanica, brabantica, galli-
caque no mina complectentihis . Antv., ex
officina Loëi, 1553^ in-8o, 438 fig. bois,
439 pp. — Posteriorum trium Remberti
Dodonœi Mechliniensis niedici de stirpium
historia commentariorum imagines ad vi-
vum artificiosissiwe expressa; ufia cum,
marginalibus annotutionibus . Item ejusdem.
annotationes in aliquot prioris tomi ima-
gines, qui trium priorum. librorum figuras
complectitur. Antv. , ex o^. J. Loëi, 1554,
in-8o, 275 fig. bois, 302 pp.— Ce même
109
DODOENS
10
ouvrage fut réimprimé en deux volumes,
avec addition des planches neuves de
l'édition française par Charles De l'Es-
cluse, sous le titre de : Remhertl Dodo-
nœi commeutariornm de stirpiuni Jmtoria
imaginum, tomioi primMS. — Tomus secun-
dus. Item annotation H in ali(^uot ntritisque
tomi imagines. Et dirpium herharumque
complnres imagines rwrce, qiiœ supra priè-
res, huic posteriori editioni accesserunt.
Antv., ex off. .1. Loëi, 1559, in-8o, fig.
bois. — 4. Cruydehoeck in den welcken de
gJieheele historié, dut es 't gliesIacJit,
't fatsoen, naeni, nature, cracht ende
v'erckingJie , van den cruyden, 7iiet alleen
Jiier te lande wassende, maer ooch van den
ttnderen vremden in der medecynen oor-
hoorlyck met grooter neersticheyt begrepen
ende verclaert es, met derzelver cruyden na-
tuerlick naer datleven conter feytsel daer by
gestelt. Der JioocJu/eborene ende alderdoor-
lucJitichsteconingJiinneende vrouwe, vromo
Marien coningMnne donaigiere van Hun-
gheren ende Bohemen, eu:. Régente ende
gotivernante van der K. M. Xeerlanden,
toegliescreven deur D. Remhert Dodoens,
wedecyn vander stadt van Mechelen. Ghe-
druckt 't Antwerpen by .Tan Yander Loe
in Onzer Yrouwen pand, in 't jaer 1554,
in-fol., car. goth., 707 fig- bois, S18 p.
Cet ouvrage est d'une rareté excessive;
la bibliothèque royale de Bruxelles en
possède deux exemplaires, dont l'un
provient de Van Hulthera qui l'avait
cherché pendant vingt-cinq ans. — Une
seconde édition, moins belle et moins
rare aujourd'hui, et plus complète, parut
en 1563 chez Van der Loe, in-fol.,
car. goth., 817 fig., 682 pag. — La
traduction ': Histoire des plantes, par
Charles De l'Escluse, Anvers, chez Van
der Loe, 1557; in-fol., fig. bois, 584 pp.
Le traducteur y a joint un : Petit recueil
auquel est contenu la description d\mcunes
gommes et liqueurs, etc. — La traduc-
tion anglaise eut cinq éditions, en 1578,
1586, 1595, 1600, 1619. — 5. Histo-
ria frumentorum, legumintnn, paJustrium
et aquatilium herharum, ac eorum qure
pertinent : Rembfrto Dodouœo MecJili-
niensi inedico nuctore. Additee sunt ima-
gines viva, exactissimœ, jam. récent non
ahsqiie hnnd vulgari diligevtia et fde
artijiciosisnme expresses quarumque ple-
r(eque novœ et luœtenus non édita. Antv.,
iex off. Christ. Plantini , 1565, in-8i.
— 2e édit., 1566, in-8o. — 3e édi-
tion, 1569, in-8o, 293 pag., fig. bois.
— 6. ilorum et coronariorum odorata-
rumque nonmdlarum Jierbarum historia,
Remberto Dodonœo Mechlinien-si medico
auctore. Antv., ex off. Chr. Plantini,
1568, in-8o, 307 pp., 112 fig. bois.
— 2e édit., 1569, in-8o, 309 pages.,
108 fig. bois. — 7- Purgantiîim alia-
r unique eo facientium, tam et radicum,
convohulorum ac deletariarurn Jierbarum,
historice libri IIII, Remberto Dodonœo
MecJdiniensi medico auctore. Accessit
appendix variarum et quidem rarissima-
rum 7ionnullarum stirpium , ac forum qtio-
rurndam peregrinorum elegantissimorum-
que icônes omnino novas nec antea éditas,
singulorumque brèves descriptiones conti-
nens : cujm altéra parte iimbellifercB
exJiïbentur non paucœ, code m auctore.
Antv., ex off. Chr. Plantini architypo-
graphi regii; 1574, in-8o, 505 pages
220 fig. bois. — 2e édit., 1576, in-8o.
— 8. Historia vitis vinique et stiipiurh
nonmdlarum- (diarum : item medicinalium
observationum exempta rara, auctore Rem-
berto Dodonœo medico ccesareo. Colon.,
apud Maternum Cholinum, 1580, in-8o;
réimprimé plusieurs fois, 1583, 1585,
1621. — 9. Physiologice medicinœ partis
tabidee expeditœ : per Rembertum Dodo-
nœum medicum cœsareum olim conscriptce,
nunc rero primum édites. Colon., apud
M. Cholinum, 1581, \\\-%»; Antverp.,
1581, in-8o; id., 1585, in-8o. —
10. Reinberti Dodonœi medici ceesarei
medicinalium. observât iotiutn exempta rara.
Accessere et alia quadam quorum, elen-
chum pagina post prcefationem. e.rJiibet :
Antonii Beniveni Florentini medici ac
philosophi, de abditis nonnullis ac niiran-
dis morborum et sanationum cau-ùs liber.
Medicinalium. observationum exempta rara
ex libris de cnrandis hominum morbis
Valesci Tharantani et Alexandri Bene-
dirti . Historia gestationis fcptus mortui
in utero, Mathiee Cornacis, Egidii Her-
togîiii et Achillis Pirminii Gassari. Phy-
siologices, medici na partis tabulée expe-
ditfS per R. Dodonœum. Colonipp, apud
m
DODOENS — DOEVEREN
H2
M. Cholinum, 1581, iii-8o; Harder-
vici, 1584, in- 8»; Antv. et Lugd.
Bat., ap. Plantin., 1585; Antv., lôST),
in-8o; Hardervici, 1631, in-8'3, réim-
pression considérablement augmentée
d'un ouvrage mentionné au n^ 8. —
11. Renibe)-ti Dodonœi MecJiliniensis , me-
dici cœsarei, sth'pium liistoriœ pemptaden
sex sive Jibri XXX. Antv., ex off. Chr.
Plantini, 1583, in-fol., 680pp. l,305fig.
bois, 846 chapitres; une 2e édition chez
Moretus, 1616, in-foL, 872pp. l,3411ig.
bois, 854 chap.; les Pemptades furent
traduites en flamand sous le titre de :
Herbarius, seu Crnydtboek van Rembertiis
Dodonœvs, volgens syne laetste verbete-
ringe, met byvoegseJs acMer elck capittel
ut verscheyden ci'uydtbeschryvers : Item,
in 't laetste een beschryvinge van de In-
\îaan8clie geicassen, meest getrocken nit
de scîiriften van Carolus Chisius. Tôt
Leyden, in de Plantynsche drukkerye
van Françoys van Eavelingen, 1608,
in-fol.,car. goth.,tig. en bois, 1,580pp.;
2e édition 161S, in-fol., 1,495 pag.;
3e édition chez Moretus à Anvers, 1644,
in-folio, 1,492 pages. Celle-ci est la
meilleure, du moins elle passe pour
telle quoique, au verso du titre, il se
trouve une note disant qu'elle repro-
duit l'édition de 1618. — 12. Praxis
medica Remberti Dodonœi MecMiniensis .
Amstel. , impensis Henrici Laurentii,
1616, in-8'J, 618 pag.; in eamdem Sebas-
ti.a7ii Egberti, considis et medicis Amste-
lodamensis scolia; cum auctiiario annota-
tionum Nicolai Fontani. 1640, in-8'>,
565 p. — Une traduction hollandaise
parut en 1624, in-4t>, avec notes d'Eg-
bertz et de Wassenaar. — 13. Remberti
Dodonœi ad Balduimim Ronssœum Epi-
stola (de Zytko, Cormi et Cerevisia),
imprimée dans Balduini Ronssœi medici
cehberrimi opiiscula medica. Lugd. Bat.,
1590. — 14. Remberti Dodonœi consi-
liîtm, médicinale in melancholia per essen-
tiam; publiée, comme nous l'avons dit,
dans Opéra Laur. Scholzii. — 15. Pau-
lus Œgineta, a Joanne Guiîitero latine
conversns, a Remberto Dodonœo ad grœ-
cum textum accurate collatus ac recensi-
tu8. Basiliae, 1546, in-S».
F.mile Vnrcnhpruli.
Hoynck van Papendrechi, Analect. belg. —
SuttVfdus Pelii, De script. Frisiœ. — Sweertz,
Athenœ BeUj. — Valère André, Fast. acad. ;
Biblioth. belg. — Goethals, Lectures relatives a
l'histoire des sciences. — Paquot. Mémoires pour
servir a l'histoire littéraire — Moreri. Dictionnaire
historique.— Màlmà ei Broërius, Tooneel der Ver-
eenigde yederlanden. — Van Meerbeeck, Re-
cherches sur Reuibert Dodoens. — Azeveilo,
Chronycke van Mechelen. — lievue de Bruxelles,
•1841, avril. — Andiives de Matines. — Morren,
La Belgique horticole, 1. 1 (1831. — D"" D'Avoine,
Eloge de Rembert Dodoens (18o0;. — Sprengel,
Historia rei herbariœ. — Cuvier. Histoire des
DOF.vEiR£.\' {Walther vax), médecin
et professeur, né à Philippine, dans les
Etats de Flandre, le 16 novembre 1730,
mort à Leyde, le 31 décembre 1763.
Son père, Antoine van Doeveren, était
inspecteur des digues et directeur des
travaux maritimes. Après avoir fait ses
humanités à Goes, le jeune Van Doeve-
ren alla, en 1747, à Leyde, étudier la
médecine ; il y reçut le diplôme de doc-
teur le 21 octobre 1753, après avoir
visité Paris pour compléter son instruc-
tion. Sa thèse inaugurale. De vermihts
intestinalihns ho7ninum,prceciimède taenia,
publiée en 1754, in-4o, fut traduite en
français en 1764, et plus tard, en alle-
mand. Les connaissances et l'habileté
du jeune praticien avaient attiré sur lui
l'attention; le 11 juin 1754, il fut chargé
de la chaire de chirurgie et des accou-
chements à l'université de Groningue et
prononça, à cette occasion, un discours
De imprudente ratiocinio in observatio-
nibns et experimentis medicis. Ses succès
comme praticien et comme professeur
furent tels, qu'en 1771, après le décès de
B. S. Albinus, professeur de chirurgie
et d'accouchements à Leyde, il fut
appelé à remplacer cet illustre anato-
miste. Son discours inaugural, Derecen-
tiorum inventis, medicinam Jiodiernam
veteri prœstantiorem reddentibus, parut
in-4", comme le précédent. Sept ans
plus tard, en déposant l'hermine recto-
rale, il lut un autre discours, intitulé :
De remedio morbi, sice de malis quœ à
remediis, sanandi causa adhibitis, sœpe
nnriiero hominibus accidere soient; Leyde,
1779, in-4o.
Après douze ans de séjour à Leyde,
Van Doeveren fut enlevé inopinément
par une attaque de goutte. Il avait eu
113
DOEVEREN
D(»ISr)N
M 4
de sa femniL', lille de .1. Eck, professeur
de droit à l'université de Groningue,
trois lils, Antoine-Jacques, Corneille-
Emile et Jean -Arnold. Il laissa une
riche bibliothèque ainsi qu'un cabinet
remarquable d'instruments de chirur-
gie et de préparations anatomiques,
acquis par l'université de Leyde. Mal-
gré une santé délicate, il était aussi
assidu au travail que bon observateur
et fut un des propagateurs de l'inocula-
tion de la variole. Il pratiqua cette opé-
ration sur les fils du prince Guillaume V,
qui le nomma leur médecin, puis l'attacha
à sa personne après la mort du célèbre
Gaubius.
On a encore de Yan Doeveren :
lo Sermo academicm de trrorihuH tncdico-
rum, snâ utilitate noncarentibm. Gron.,
1762, in-4o. — 2° Spécimen obserratio-
num acadewicarum ad monstrorihni Imto-
riam, anatomen, patJiologiam et artem
obstetricam prœcipnè spectantium. Gron.
et Leyde, 1765, in-4o, avec fig. —
3o Sermo academicus de smiitatk Gronin-
yanorumpi'œùdiisexnrbl'inaturallhidoriâ
derivandis. Gron., 1770, in-4o; traduit
en néerlandais par M. van Geuns sous
ce titre : Redevoeriny orer de gunduje ye-
steldheidvan Cironinyen voor de yezondlteid .
Gron., 1771, in-8o. — 4o Epidola ad
clarissimnm Edward Sandifort de felici
sticcessu hmfionis variolartim Gronivya
instituice, 1770, in-8o. — 5° Primœ Uneœ
de cognoscendis mulierum morbis, in uhhs
academicos. Leyde, 1777, in-8o. Leip-
zig, 1786, in-8", On cite encore de lui
un mémoire sur la variole, inséré dans
les Mémoires de la Société des sciences de
Harlem, constatant que cette maladie
peut récidiver; et une note sur une nou-
velle méthode de ponctionner la vessie,
insérée dans les Annales de la société
batave des sciences expérimentales de Rot-
terdam. G. Uc-walqiie.
DeChalmol, Ciof/c. Wonrdeub. — Sluart, Vader-
latidsche Hist., '.i<: partie. - Van Kemiien, Gescliied.
der iiederd. Lellcr. en IVeteii.ichapiici), '2'' jiarlie.
— Siegcnbeck, (iescliied. der Leidsclte Hooije-
Hchool; Toer en liijl. — Van dev A&, Uiogr . [Voor-
denboek der Xederlanden, etc.
noKVKiiY^' {Jtiue \.h.%), poète fla-
mand, née à Bruxelles en 1549, fille
d'Adolphe van l^oeveryn, (|ui tenait fi la
famille d'Egmont, et de Philippine
Ab.soloens, d'une famille patricienne de
Louvain. Après avoir reçu une bonne
éducation, elle entra au Grand Bégui-
nage de Louvain et y prononça ses vœux
en 1575. La jeune béguine consacra
ses loisirs à broder, à confectionner des
fleurs pour orner l'église, à faire des
lectures et à composer des poésies fla-
mandes. Anne van Doeveryn lisait avec
bonheur le livre de Job ainsi que les
œuvres des Pères de l'Eglise. Xe possé-
dant pas la langue latine, elle devait se
contenter de lire ces écrits dans des tra-
ductions. Cela la contraria tellement
qu'elle prit la résolution de s'appliquer
à rétu.de du latin. La béguine fut initiée
à la langue de Cicéron par le chapelain
du Béguinage, Gme Hulselmans, docteur
en théologie. Grâce à sa forte volonté,
elle parvint non-seulement à compren-
dre les livres des SS. Pères, mais à
parler le latin comme si c'eiit été sa
langue maternelle. Elle traduisit en fla-
mand la Vie de sainte Aynès, par saint
Ambroise, ainsi que lef. Proverbes de saint
Bernard; puis composa, également, un
nombre considérable de cantiques pieux
en flamand, qu'on lisait jadis dans des
recueils manuscrits, chez les béguines de
Louvain, ainsi que l'afflrme Yan Ryckel;
à notre connaissance, ces pièces n'ont pas
été imprimées.
Anne van Doeveryn menait une vie
exemplaire, donnant l'exemple de la
plus complète humilité et de la charité
la plus active. La majeure partie de .ses
revenus passait entre les mains des pau-
vres. Elle mourut au Béguinage de Lou-
vain, à l'âge de soixante-quinze ans, le
31 janvier 1625, et y fut enterrée à
l'église, en face de l'autel de Sainte-
Marie-Madeleine. Son neveu, François
d'Ittere, protonotaire apostolique, y fit
placer pour perpétuer sa mémoire une
pierre tumulaire, qui a malheureuse-
ment disparu. E,i. van Even.
Van Fîyikel, Viia S. Befjgœ , \Çh{\ . — Het leveii
fiin de II. Befifia, Anlw., 171-2, |). !2oS. — Ken-
draclit, 18(il, p. 7".
i»oiMo:v (Marc), médecin et admi-
nistrateur, né vers 1(564 à Vaudegies-
au-l?ois (prohablcnieii) Yaudigiiies ou
415
DOISON — DOMINIQUE DE FLANDRE
416
Waudregnies, hameau an sud de Chiè-
vres), village indiqué comme situé aux
euAdrons de Tournai, et mort dans cette
ville le 24 mars 1737, à l'âge de sep-
tante-trois ans. Il fut inscrit, le 22 mai
1690, au collège des médecins de Tour-
nai, où il parvint, par son mérite, à
être nommé premier médecin pension-
naire. Elu écîevin en 1697 ; puis, douze
ans plus tard, 'inajoris scabinalis eui-iœ
senator , il s'acquitta avec honneur de
ces fonctions. Il s'occupa spécialement
des eaux de Saint-Amand et en donna
une Analyse, dont la seconde édition,
plus exacte, dit-on j que la première,
parut en 1698 : nous n'avons pu con-
sulter ces ouvrages. Doison fut enterré
dans l'église de Saint-Brice, à Tournai.
Eloy rapporte le texte de sonépitaphe.
G. Dewalque.
Eloy, Dict. de médecine.
DOI.EZ {Jeun-Francois- Joseph), juris-
consulte, né à Mons, le 13 mars 176-t,
décédé le 27 octobre 1834. Cet homme
distingué, qui fut bâtonnier de l'ordre
des avocats du barreau de Mons, est l'aii-
teur d'un : Mémoh'e sur la nature de la
formorture dans la coutume de Mons.
Mons, de l'imprimerie de Montjot, sans
date, in-4o. On lui doit aussi un grand
nombre de consultations et de mémoires
imprimés. Aug. Vander Meersch.
Ad. Mathieu. Biographie niontoue. — Piron, Le-
vensbeschrijvin'jen . byvoepsel.
iiOMi^'iKKi, (<7?<?7ZflWMé?), poète latin,
né à Bruges, vivait dans cette ville en
1565. Sanderus avance et Paquot répète,
d'après lui, qu'il composa d'excellentes
poésies latines. Il les adressa à divers
savants de ses amis, mais elles n'ont été
ni recueillies ni publiées.
.1. Roulez.
Sanderus, De Brugensihus, p. 8o. — Paquot,
Merii., tom. V, p. 96.
nom:viQt:E: de flaivore, philo-
sophe, florissait vers 1-170 et mourut
vers 1500. Il enseigna pendant plusieurs
années la théologie et la philosophie à
Bologne, ce qui a fait croire à tort qu'il
était natif de cette ville : ainsi s'exprime
Yalère André, qui a eu, sans doute, de
bons motifs pour considérer Dominique
comme Flamand. Cette opinion repo.sàt-
elle du reste uniquement sur le nom du
personnage, nous serions encore fondés
à ne pas omettre ici une biographie
admise par l'auteur de la Blbliotîieca
helyica (v. David de Dixaxt). Domi-
nique appartenait à l'ordre des FF. Prê-
cheurs : c'est dire qu'il était thomiste,
ou, en d'autres termes, adversaire des
doctrines des Franciscains, appuyées sur
l'autorité de Duns Scot, le doctor sub-
t'iUs. Il s'inspira néanmoins de ces der-
nières en ajoutant la distinction formelle
aux autres distinctions admises par son
école. Voici en quelques mots le résumé
du commentaire de Dominique de Flan-
dre sur la métaphysique d'Aristote,
intitulé : Qu(E-itiones supra XII libros
metapîiysices Aristotelis (Venise, 1490,
in-foL, Cologne, 1621). La métaphy-
sique a pour but d© rechercher le
principe de toutes choses, l'absolu, l'ab-
solument réel. Ce principe est \m; il est
la pure réalité sans négation; c'est la
négation qui différencie les êtres parti-
culiers les uns des autres : chacun est ce
que les autres ne sont pas. Or les êtres
particuliers diffèrent entre eux de plu-
sieurs manières : de quatre manières,
selon Dominique. La distinction essen-
tielle est celle qui existe entre l'être et
le non-être, entre le fini et l'infini ; la
distinction réelle, celle qui nous fait
opposer une espèce à une autre espèce
du même genre, d'après leurs propriétés
fondamentales (l'homme et l'animal, par
exemple); la distinction logique, celle
qui repose sur une comparaison entre
deux objets de même nature, que nous
jugeons inégaux sous tel ou tel rapport;
la distinction formelle enfin, celle qui
résulte du degré des attributs possédés
par un sujet dans de certaines limites,
absolument et sans réserve par un autre
être : ainsi, l'humanité et la divinité.
Les scotistes opposaient la chose, objet
de l'esprit, res, la fjuiddité, à la réalité,
realitas ou aussi formalitas, ce que l'es-
prit qualifie. Les thomistes, plus d'une
fois embarrassés au point de vue théolo-
logique, finirent par mettre les distinc-
tiones rationis ratiocinantis, celles que
l'intellect agissant fait à son gré, en
regard des distinctiones rationis ratioci-
117
DOMINIQUE DE FLANDRE — DoMITIEN
118
mdee, déterminées par ce que nous con-
naissons des choses elles-mêmes. Domi-
nique de Flandre, on le voit, avait prévu
la difficulté qui ne s'était pas présentée
aux premiers disciples de saint Thomas.
Sans faire époque dans l'histoire de la
philosophie, son œuvre atteste un esprit
indépendant et un talent d'analyse qui
conduit sans doute l'auteur à des subti-
lités et à des arguties, mais, somme toute,
ne manque pas d'une certaine profon-
deur : c'est à ce point que M. Fréd.
Morin émet le vœu de voir un connais-
seur en faire l'objet d'une monographie
spéciale.
On possède de Dominique de Flan-
dre : Quœstiones XX in libroi posteriorum
analjjticorum Aridotdh, et Qucefitioues
XXIII in Elenchos Aristotelis. Venise,
1496, et chez les Juntes, 156.5; —
Quœstiones quocUihetaJ ei . Venise, 1500;
— Quadioties et aiinotationeH in lihroa
Aristotelis de anima. Ibid., 1503.
Alphonse I.f Roy.
Foppens. — Moreri. — Tissot, art. Dominique de
Flandre dans le Uict. philos de Franck) — Fréd.
Morin, Dict dep'nlos. et de théologie scolasiiques
(cmH. .Migne). — Kiug, Philos. IVoerterbuch, eic.
* DO.niTiEiT (Saint) , évèque de
Maestricht, naquit en Franconie de pa-
rents nobles, et mourut à Maestricht le
7 mai vers l'année 560. fsa réputation
de sainteté s'était étendue si loin, qu'à
la mort de saint Eucher, évêque de
Tongres, il fut appelé, malgré lui, à rem-
placer ce prélat sur le siège épiscopal.
Il résida d'abord à Tongres ; mais
n'ayant pu parvenir à relever cette ville
de ses ruines, il alla se fixer à Maestricht.
Domitien était évêque en 5.35, puisqu'il
siégea, cette année, au concile de (Ter-
mont, dont il souscrivit les actes en ces
termes : Domitianvs in Chri^ti nomine
episcopus ecclesiœ Tungrorum , qnod est
Trajectum. Il assista aussi, en 5-i9 au
concile d'Orléans convoqué pour com-
battre les hérésies d'Eutychès et de Xes-
torius. Comme il était le plus éloquent
et le plus savant des évêques réunis dans
cette assemblée, il fut seul et à l'unani-
mité chargé de soutenir la discussion, ce
qu'il fit de façon à confondre les héré-
tiques. Les historiens disent qu'il obtint
dans cette circonstance l'autorisation de
transférer au siège de Maestricht les
domaines appartenant à l'église de Ton-
gres. !Mais les actes du concile d'Orléans
ne font pas mention de ce fait; il n'est
pas douteux que les biens de la mense
épiscopale ne lui fussent concédés,
comme avant la translation du siège.
C'est probablement avec les revenus de
ces biens que l'évêque sauva son peuple
de la famine, fait que ses biographes
attribuent à un miracle. Domitien
assista sans doute encore en l'année 550
au concile de !Metz.
Tous les chroniqueurs font du carac-
tère, de l'esprit et de la piété de Domi-
tien le plus grand éloge; il était juste,
charitable et affectueux envers tout le
monde, dit Gilles d'Orval; aussi l'avait-
on surnommé la lumière du monde et le
■lel de la terre. Il bâtit et dédia plusieurs
églises, et fonda des hôpitaux pour les
malades et pour les voyageurs.
Saint Domitien est le patron de Huy.
La légende rapporte qu'il délivra cette
ville d'un dragon monstrueux qui cor-
rompait l'eau des fontaines et, qu'ayant
frappé de son bâton pastoral la terre
aride, il en fit jaillir une source. Le doyen
Devaux, cherchant à débrouiller la vérité
qui gît presque toujours au fond des
récits fabuleux du moyen âge, croit voir
dans celui-ci une fiction signifiant que
Domitien abattit à Huy le monstre de
l'idolâtrie et fit jaillir pour les habitants
l'eau vive de la foi chrétienne ; en d'au-
tres termes que l'évêque évangélisa une
partie du Condroz et de la Hesbaie aux
environs de Huy, et non pas la Taxan-
drie comme le veulent les historiens.
Après avoir séjourné quelque temps a
Huy, Domitien retourna à Maestricht
et mourut sur le tombeau de saint Ser-
vais où il s'était fait transporter. Son
corps, ramené à Huy, fut enseveli dans
la grande église. Les miracles qui s'opé-
rèrent sur sa tombe engagèrent Charle-
magne à faire procéder à l'élévation de
ses restes mortels. Le 8 juin 1173, les
chanoines de Huy demandèrent une nou-
velle translation, et ses reliques furent
déposées dans une châsse d'argent, par
Kadulphe, évèque de Liège. C'est à cette
occasion ([ue furent écrites les vies de
H9
DOMITIEN — DONCKER
•120
saint Domitieii publiées par les Bollan-
distes. En 10 G 6 révéque de Liège Théo-
duin consacra l'église de Hiiy sous l'in-
vocation de Notre-Pame et de saint
Domitien (1). s. Bormans.
Bollandistes, Acla sauctorum, 7 mai, t. II,
p 146 k lo4. — Fisen, Flores ecclesiœ leodiensis,
p. 241. — Alban Butler, Vie des Pères, etc., -18:29,
t. M, p. 316. — Devaux. Histoire ecclésiastique
du diocèse de Liège, l. I. p. 149; t. 11, p 331,
819; t. III, p. 356, mémoires inédits. — Foullon,
Historia leodiensis, t. I, p, 70. — Molanus ,
pages 86, 431. — Ghesquière, II, IV, 161.
noii^ {P.-J.), graveur de talent et
astronome, né d'une bonne famille de
fermiers à Eppegbem (Brabant) le 12 dé-
cembre ISOl, mort à Molenbeek-Saint-
Jean le 19 janvier 1858. Il était graveur
enclief de l'établissement géographique
de Vandermaelen à Molenbeek, où il
entra le 15 janvier 1828. Ses principaux
travaux sont : Atlas d'Ikirope, 165 ff.
(Bruxelles, 1830). — Grande cart» de
Belgique, 25 feuillets (Bruxelles, 1853),
et 50 feuillets (Bruxelles, 1854). Il
s'occupait de graver une nouvelle carte
d'Europe dont il avait déjà fait deux
feuilles, quand la mort le surprit. En
1831 il avait gravé une Mappemonde
remarquable et en 1852 wm Système pla-
nétaire. Emile VarenbiMgli.
Pi l'on, Levensbeschryvmgen.
DO^'AT , hagiographe , diacre de
l'église de Metz, fut probablement
d'abord moine dans le monastère de
Sarchinium ou Saint-Trond, au pays de
Liège; c'est pour ce motif, croit-on,
qu'étant à Metz, il se qualifiait à'exiguus
nltimusque EXUL; on ignore la cause de
son départ. Comme il avait quelque ré-
putation de savoir, Angelramne, évêque
de Metz de768à791, l'engagea à écrire
la vie de saint Trond ou Trudon, mort
vers l'année 698 , fondateur du mo-
nastère qu'il venait de quitter. Ayant
achevé son ouvrage, il l'offrit à Angel-
ramne, par une dédicace presque inin-
(1) 11 existe une vie manuscrite de saint Do-
miiien k la bibliothèque Vallicellane. à Rome
(voyez les Bulletins de la commission royale
d'ihstoire, 'i" série, t. X, p 47). Le doyen Devaux
dit, que de son temps, on conservait des vies
manuscrites du même saint an Val-ilouge ])r('s
de Bruxelles, ii Corsendonck près de Tinnliout,
aux Croisiers de Huy, et ii l'abbaye de Saint Lau-
rent prè.s de Liège. Dans une assemblée générale
telligible à force d'être ampoulée. Le
corps du livre, écrit plus simplement,
est passable pour le temps, quant à la
forme. Le fond se recommande par
l'exactitude ; mais on reproche à l'auteur
de trop s'attacher aux miracles et de
manquer de précision (3). Tous les bio-
graphes postérieurs de saint Trond ont
copié Donat, de même que l'auteur ano-
nyme de la vie de saint liemacle écrite
au jxe siècle. Mabillon a inséré la vie
de saint Trond composée par Donat dans
les Acta sanctorum ordinis sancti Bene-
dicti sœc. II, p. 1069 à 1086.
s. Bormans.
Histoire littéraire de la France, t. IV, p. 17î).
— Pertz, Monumenta Germaniœ Instorica, t. X,
p. 372, 387. — Bibliothèque de l'ordre de Saint-
Benoit, t. I, p. 238.
noivCKER (Philippe- Franc . -Joseph) ,
publiciste, né à Tournai le 23 septem-
bre 1773, mort à Bruxelles le 22 février
1834. Il débuta comme fonctionnaire
dans les administrations départemen-
tales et obtint ensuite une recette par-
ticulière. Plus tard, il rentra au barreau
et fut un des fondateurs d'un recueil
politico-littéraire publié sous le titre de
V Observateur , et qui avait pour princi-
paux rédacteurs MM. Yan Meeuen et
D'Elhoungne ; cette publication périodi-
que, commencée le 1"" février 1815 et
continuée sans interruption jusqu'en
1820 à Bruxelles, forme 19 volumes et
demi in- 8°. Elle faisait une vigoureuse
opposition aux tendances du gouverne-
ment néerlandais et sera toujours con-
sultée avec fruit par ceux qui voudront
connaître l'histoire des luttes politiques
qui ont amené la révolution belge de
1830. Lors de la création du royaume
des Pays-Bas, Doncker se montra favo-
rable à la réunion de la Belgique à la
Hollande ; mais ses idées se modifièrent
ensuite.
En 1820, Vander Straeten publia,
de l'ordre de Citeaux, tenue en 1246, il avait
été ordonné à tous les abbés de faire des recher-
ches sur la vie de saint Domitien et d'en com-
muniquer le résultat au chapitre suivant.
(2) Ghesquière, Acta sanctorum HeUjii selecta,
t. V, p. 4. émet l'opinion que la vie primitive de
saint Trond a été écrite en langue vulgaire, Ser-
mone belqico, puis traduite en latin par Donat et
ensuite par Guikard.
121
DU.NCKLK — DUNGELBEKG
1-2-i
sous le titre de : De l'état actuel du
royaume deis Paya-Ba^'s et des moyens de
V améliorer, un livre remarquable, dans
lequel l'écrivain examinait soigneuse-
ment l'administration financière et le
système d'économie politique du nou-
veau gouvernement; l'auteur fut pour-
suivi; sept avocats se présentèrent pour
le défendre : c'étaient Doncker, Albert
Beyens , Beyens jeune, ïarte cadet,
Barthélémy, Defreune et Stevens. Ils
rédigèrent une consultation, dans la-
quelle ils établirent que , loin d'être
coupable, Yander Straeten avait bien
mérité du gouvernement et de ses con-
citoyens, en faisant preuve de patrio-
tisme. Les sept avocats furent suspen-
dus de l'exercice de leur profession,
puis arrêtés et poursuivis comme préve-
nus d'avoir alarmé ou tenté d'alarmer le
repos public, etc. Ce procès causa uue
grande émotion; il allait devenir une
cause nationale, quand, pour éviter un
retentissement aussi fâcheux, les pour-
suites furent abandonnées et les sept
avocats n'encoururent que des peines dis-
ciplinaires. L'emprisonnement qu'il ve-
nait de subir contribua à rendre Donc-
ker favorable à la révolution de 1S30, et
il devint secrétaire général du départe-
ment de l'intérieur lors de la formation
du nouveau royaume ; c'est dans l'exer-
cice de ces fonctions qu'il mourut.
Aug. Vander MeerscL.
Biographie universelle, publiée par Michaud,
DO^'C'KiKK UE no:vcEEL. {Amold-
FerditMtid), homme de guerre, né à
Liège le 20 avril 1761, mort à Saint-
Josse-ten-Xoode le 2 avril 1840, entra
au service de la Hollaude en 1784 en
qualité de cadet dans la légion des dra-
gons de Matha; dès l'année suivante, il
y obtint le brevet de sous-lieuteuant.
Il passa successivement au service du
prince évêque de Liège, puis au service
de France, et fit toutes les campagnes
de la république et de l'empire. Apres
la chute de Napoléon, le colonel Donc-
kier revint en Belgique et y fut chargé
successivement du commandement des
places de Tirlemont et de Xieuport.
Lors de l'émancipation de la Belgique,
il s'empressa de manifester ses sympa-
thies pour la cause nationale en accep-
tant, au moment le plus critique (en
août 1830), le commandement de la
place de Liège, commandement dont il
fut investi officiellement par le gouver-
nement provisoire le 23 octobre ls30.
Quinze jours après, il fut élevé au grade
de général et le 6 janvier 1S30, il entra
à la haute cour militaire, en qualité de
conseiller.
Le général Donckier s'occupa beau-
coup, et avec succès, d'inventions desti-
nées au sauvetage des naufragés. Dès
1817, il avait présenté un nouveau sys-
tème de cloche à plongeur, qui fut expé-
rimenté en 1829 par ordre du gouverne-
ment des Pays-Bas et reconnu supérieur,
sous tous les rapports, aux appareils
employés à cette époque. La société géné-
rale des noAifrages et de V union des na-
tions, fondée à Paris, en 1835, par le
comte Godde de Liancourt et l'amiral
Sidney Smith s'empressa d'élire le géné-
ral Donckier; elle le nomma même son
président d'honneur et lui décerna, en
1836, pour ses savants travaux sur la
navigation sous-marine , une médaille
d'honneur portant cette inscription :
DOXCKIER DE DOXCEEL HOC PRO XAVE
AUT CIVE SERVATO TULiT. La description
des appareils ingénieux inventés par le
général Donckier a été consignée dans
les publications de la Société des nau-
frages et dans les journaux belges Y Eclair
du 9 décembre 1835 et V Emancipation
du 11 du même mois.
Général baron (juillauinc.
Archives de la guerre. — Papiers de famille.
— Journaux de la Société des naufrages et de
l'union des nations. — Journaux du temps.
DOiVGELBEitG {Guillaume de), abbé
de Villers et de Clairvaux,né à Bruxelles
vers 1165 et mort à Clairvaux (France)
le 30 septembre 1242. Il appartenait à
la noble famille des Dongelberg, ori-
ginaire du Brabant wallon et dont
plusieurs membres jouèrent un rôle im-
portant à la cour des ducs de Bra-
bant. Entré dans l'ordre de Cîteaux,
Ciuillaume fut élu, en 1221, abbé de
Villers (Brabaut), et gouverna ce mo-
nastère pendant environ quinze ans.
in
DONGELBERG
124
Durant cette prélatine, il fonda, en
Belgique, deux nouvelles maisons de son
ordre : l'abbaye de Grandpré lez-Namur,
en 1231, et celle de 8aint-Beruard, sur
l'Escaut, deux années plus tard. Vers la
même époque , le duc de Brabaut Henri II
lui confia la direction de l'abbaye de
Yalduc, monastère de femmes de l'ordre
de Cîteaux, que ce g'énéreux souverain
venait de fonder à une lieue et demie de
Louvain. En 1236, Guillaume de Don-
gelberg passa, en qualité d'abbé, à la
célèbre abbaye de Clairvaux, dont saint
Bernard avait été l'une des gloires.
Le pape Grégoire IX l'appela à Eome
en 1239, pour prendre une part aux
travaux du concile général qui devait se
réunir, l'année suivante, dans la basi-
lique de Saint-Jean de Latran. S'étant
mis en route avec Guillaume, abbé de
Cîteaux, et plusieurs autres prélats, il fut
arrêté et saisi comme eux, sur les con-
fins de la Lombardie par les émissaires
de l'empereur Frédéric, en haine du
pape, contre lequel ce monarque était
alors en guerre ouverte. Les prélats ne
recouvrèrent leur liberté que longtemps
après et par l'intercession de saint
Louis, roi de France. Guillaume ne
survécut pas longtemps à sa délivrance :
il mourut en 1242 pendant la cin-
quième année de son abbatiat, et fut
inhumé à Clairvaux. Thomas de Can-
timpré, écrivain contemporain de l'abbé
Guillaume, loue « sa bonne administra-
II tion, laquelle, en augmentant les
" revenus de son monastère, lui fournit
" plus de ressources que n'en avaient
" ses prédécesseurs pour améliorer la
Il sustentation de ses religieux, et pour
./ faire de plus abondantes aumônes. «
Quelques biographes attribuent à tort à
l'abbé Guillaume un opuscule sous le
titre de Pieuses méditations; cet opus-
cule, public sous le nom de l'abbé Guil-
laume parHenriquez, dans son ivwc/f?</«y
sanctorwn ordinis Cisternensis, parte II,
n'est autre chose qu'une copie servile du
traité De variis modis contemplandi de
saint Edmond, archevêque de Cantor-
béry. E.-H.-J.Rcusens.
Sanderus, Choroijruphia sacra Urabanliœ, 1.
\K 429. — Henriquez, Fasciculu-s sanclorum or-
dinis Cisterciensis, II, p. 242; Histoire littéraire
de la France, XVIII, p. 293.
DO^'CiELatERG OUDO^'GELBKRGUE
(Henri-Cil. »eJ, homme politique, écri-
v'ain et poëte latin, généalogiste, vit le
jour à Bruxelles le 18 août 1593 et y
mourut le 30 avril 1660. Il était fils
d'Henri de Dongelberg , seigneur de
Herlaer, qui fut fréquemment bourg-
mestre de Bruxelles de 1590 à 1624, et
d'Adrienne Borluut, dame de Zillebeke.
Dans sa jeunesse, il s'appliqua sérieu-
sement à l'étude des belles-lettres, puis
à celle du droit et prit le grade de li-
cencié en droit civil et en droit canon.
En 1625, il fut nommé échevin de la
ville de Bruxelles et remplit encore les
mêmes fonctions en 1628, 1629, 1631,
1641 et 1642. L'emploi de trésorier de
la ville lui fut également confié, dans
les années 1636, 1637, 1639 et 1640.
Son entrée, en qualité de conseiller, au
conseil souverain de Brabant mit fin à
sa gestion des attaires municipales. A la
suite d'une vente faite par autorité de
justice en 1651, Henri-Charles de Don-
gelberg acheta la baronie des Resves,
qui était tenue en fief de la seigneurie
de Trazegnies et qui fut érigée, par let-
tres patentes du roi d'Espagne Phi-
lippe IV, le 2 septembre 1657, en baro-
nie tenue en fief du duché de Brabant;
il obtint alors l'autorisation d'écarteler
ses armes de celles de Eesves. Une autre
acquisition le rendit seigneur de Luttéal
près de Luttre. Deux à trois ans plus
tard, il résigna volontairement ses fonc-
tions de conseiller et prit la résolution
d'aller finir ses jours dans son château
de Kesves. Mais la mort le surprit à
Bruxelles, dans sa soixante-sixième an-
née, avant qu'il pût mettre son projet à
exécution. Son corps fut inhumé au mi-
lieu du chœur de l'église de Kesves. De
Dongelberg fu tmarié deux fois : il épousa
en premières noces Jeanne de Steelant,
morte sans lui donner d'enfants, et en
secondes noces Jeanne-Marie, baronne
de Berlo, qualifiée quelquefois comtesse
d'Oudenbourg; il eut de celle-ci une
fille et un fils, nommé François-Henri,
qui porta le titre de marquis de Resves.
La suerre de la succession du Lim-
l-2o
DONGELBEKG
1-26
bourg entre Jean 1er, duc de Brabant et
Renaud, comte de Gueldre, se termina,
comme l'on sait, par l'éclatante victoire
que remporta le premier près de Woe-
ringen et eut pour résultat la réunion de
cette province à celle de Brabant. La
relation de cette guerre avait été écrite
en vers flamands par Jean van Heelu,
qui s'était trouvé dans les rangs des
combattants. Dongelberg ayant décou-
vert, dans un dépôt d'archives, un manu-
scrit de cette chronique, restée inédite,
se décida à la traduire librement en vers
latins en l'amplifiant en plusieurs par-
ties. Son but, en entreprenant cette tra-
duction, fut de renouveler le souvenir de
faits d'armes si glorieux pour les Bra-
bançons et qui, après trois siècles, étaient
presque tombés dans l'oubli. Cette pu-
blication d'ailleurs devait flatter la va-
nité des familles nobles du Brabant, dont
les ancêtres avaient combattu à Woerin-
gen, et surtout celle de sa propre famille;
car les Dongelberg descendaient des
ducs de Brabant par un fils naturel du
duc Jean ler, nommé Jean Miewe, à qui
le duc Jean II, son frère, fit don en 1303,
des seigneuries de Wavre et de Don-
gelberg. Xotre poète, résolu à garder
l'anonyme, désirait cependant que son
poëme parût sous les auspices des Etats
de Brabant. Il pria, en conséquence, Ery-
cius Puteanus de se charger du soin de
l'éditer et d'en écrire la dédicace. Le
professeur de Louvain acquiesça à sa
demande, à condition cependant que
l'auteur ébauchât lui-même la dédicace,
à laquelle il donna quelques dévelop-
pements et une forme plus littéraire,
plus élégante. Les quatre lettres qu'ils
échangèrent entre eux pour cette aft'aire,
et qui se lisent à la suite de l'ouvrage,
sont datées des mois de février et de
mars 1640. L'ouvrage lui-même parut
l'année suivante sous le titre de : Frœ-
liuvi ÎVoerhiganum Joannis I Lotharin-
guCy Brabautia: ducis et S. Imp. Marchio-
nis, (jtio memorabih porta Victoria anno
Dîii 128 S, «^/V o junii ducatus Limburgi
ad BraJmntlam accessio ceternum mmisit
objirmata. Bruxellae, apud Godefridum
Schoevartium, 1641, in-fol. L'auteur
déclare, dans la préface, avoir voulu sim-
plement écrire en vers une histoire vraie,
sans recourir aux fictions ni aux orne-
ments de la poésie. Il crut devoir même
s'abstenir de donner une forme et une
terminaison latine aux noms et aux
surnoms de famille ; de façon que l'on
rencontre parfois plusieurs vers de suite,
composés de mots flamands, sans obser-
vation rigoureuse de la quantité des
syllabes. Après avoir eu la patience de
lire d'un bout à l'autre les seize cents
hexamètres dont se compose le poëme et
parcouru les autres parties de l'ouvrage,
je partage l'opinion de Paquot que
Dongelberg eût mieux fait de publier
l'original flamand avec une traduction
en prose. J'estime, en efi'et, que sa prose
vaut mieux que ses vers, et, malgré les
éloges qu'Erycius Puteanus prodigue à
ceux-ci, dans sa dédicace et dans son
avertissement au lecteur, il est évident,
pour qui sait lire entre les lignes, qu'il
n'a pas été d'un autre sentiment. L'au-
teur lui-même me paraît avoir eu la
conscience de la médiocrité de son œu-
vre. Mais si le poëme est sans valeur au
point de vue littéraire, les renseigne-
ments qu'il contient, les notes histori-
ques et généalogiques dont il est accom-
pagné, et qui forment plus des trois
quarts du volume, ont de l'intérêt sous
le rapport historique. Lors de la publi-
cation de l'ouvrage, on devina sans
doute qu'il sortait de la plume d'un
membre de la famille de Dongelberg,
mais on n'en sut pas davantage. Un
autre professeur de Louvain, Valère
André, dans la 2e édition de sa Biblio-
thèqtœ belgique , qui parut deux ans
après, en 1643, en attribue la paternité
au frère aîné de l'auteur, François de
Dongelberg, seigneur de Herlaer, de
Zillebeke et de Ressegem , qui fut
bourgmestre de Bruxelles, à diverses
reprises, de 1633 à 1645 et mourut le
30 décembre 1648. Cette erreur s'accré-
dita et fut reproduite encore un siècle
plus tard dans la nouvelle édition de la
Bibliothèque belgique donnée par Fop-
pens en 1739. Le mérite de l'avoir
redressée revient à Paquot, qui, en
parcourant un exemplaire du Preelium
Ifoerifiganum, couvert de notes de la
427
DOxNGELBERG — DONY
128
main d'Henri-Charles de Dongelberg,
en rencontra une par laquelle celui-ci dé-
clarait avoir autorisé l'impression dans
la quarante-huitième année de son âge,
par conséquent en 1641. Dongelberg
composa, pour lui et pour sa femme, une
épitaphe en quatorze vers hexamètres,
de la même facture que ceux de son
poëme. On la trouve insérée dans les
Mémoires de Vaqnot . j. Rouiez.
Dédicace et jtréfaces de l'ouvrage. — Épitaphe
— Paquot. Meiiioues, t. III, p. 199 à '204. —Quel-
ques renseignements de M. Alp. Wauters, archi-
viste de la ville de Bruxelles.
DO^'Y (Jean-Jacques-Dan'ieT), né à
Liège le 2 -4 février 1759. Inventeur du
zinc industriel à l'état de métal parfait.
Dony appartenait à une famille de la
bourgeoisie aisée ; dès l'âge de vingt
et un ans (17 SO), il s'adonnait, dans son
laboratoire de chimie, à des recherches
scientifiques, recherches surtout rela-
tives au zinc. Il y avait pourtant long-
temps que le zinc était connu. Des docu-
ments authentiques remontant à 1425
et même au delà indiquent les conces-
sions de mines de calamine, accordées
par les souverains de l'époque, et spé-
cialement, pour notre pays, par les ducs
de Limbourg. Xous avons même sous
les yeux une charte de concession de
mines du 3 septembre 1-368, où nous
lisons ce qui suit : " Le doyen et le
» chapitre de Saint-Paul accorde à plu-
u sieurs personnes dénommées dans la
Il charte la concession des plommeterie.
Il chalmine et tous autres métaux que
Il l'église possède dans sa hauteur et
Il justice de Eamet-sur-Meuse, et ce aux
// conditions, etc., etc. >'
Du xve au xv'iiie siècle, les seuls
maîtres de métallurgie de Stolberg trai-
taient la calamine avec le cuivre et
obtenaient un produit industriel connu
sous le nom de laiton. Mais le zinc à
l'état métallique, jusqu'à l'époque des
travaux de Dony, n'avait été qu'entrevu.
Quelques alchimistes le préparèrent et
le décrivirent, notamment Paracelse,
demi-savant, demi-charlatan. Le zinc
une fois isolé par Dony, il fallait ima-
giner les procédés industriels propres à
obtenir ce métal en quantités assez
grandes pour eu faire l'objet d'un com-
merce important, et voici ce que nous
lisons dans une notice sur le zinc, par
M. Edmond Fuchs, ingénieur des mines,
publiée à la suite de l'exposition uni-
verselle de 1867, à Paris : " A partir
" de 1780, un chimiste liégeois, l'abbé
» Dony, fit, dans le laboratoire, une
Il série d'essais en petit, dans le but
u d'isoler le métal que renfermait la
" calamine; mais ce n'est qu'en 1805,
" après vingt-cinq années de recherches
Il patientes, que, par une circonstance
Il toute fortuite, ses eftbrts furent cou-
" ronnés de succès. Il traitait le minerai
« dans un petit four à réverbère, cher-
II chant, mais en vain, à obtenir sa ré-
II duction par simple voie de fusion.
Il Supposant, bien à tort, que le motif
" de son insuccès était dans le manque
Il de chaleur, il eut l'idée de mélanger
" à la calamine du charbon pulvérisé;
Il puis, pour observer les réactions qui
« se passaient à l'intérieur du four, il
u pratiqua dans la paroi de ce dernier.
Il une ouverture dans laquelle il plaça
Il un pot à fleurs, qui faisait saillie en
Il avant du massif.
" Regardant alors par le petit trou
Il percé dans le fond de ce pot, il vit, à
u son grand étonnement, le métal se
Il condenser, sous forme de gouttelettes
" dans cette espèce d'allonge qui échap-
" pait à la température élevée du four.
Il Le zinc était trouvé, et la conquête
Il était d'autant plus complète, qu'elle
u embrassait en même temps la métal-
" lurgie du métal nouvellement décou-
« vert. La méthode belge et le four
u liégeois ne sont que des perfectionne-
II ments du procédé et du petit fourneau
Il de l'abbé Dony. «
C'est ici le lieu d'expliquer ce titre
d'alibé, donné par l'auteur que nous
citons, à un homme qui laisse, en mou-
rant, une veuve forcée de liquider les
débris de la fortune de son mari. Dony
était surtout connu à Liège sous le titre
de chanoine de Sainte-Croix. Avant la ré-
volution française, nos chapitres avaient
des chanoines laïques pris dans les meil-
leures familles de la bourgeoisie. Ces
dignitaires n'étaient tenus qu'à faire acte
129
DONY
130
de présence à certains offices de la collé-
giale. On sait que la collégiale de Ni-
velles en Brabant possédait de même un
chapitre de chanoinesses qui ne faisaient
point le vœu de célibat.
L'année même où Dony faisait sa
découverte, le gouvernement français,
après avoir exploité en régie, ordonna
la mise en adjudication de la mine de la
Vieille-Montagne (30 ventôse an xiii)
(1805). Ce fut le 26 frimaire an xiv
(17 décembre 1805), que le préfet de
l'Ourthe adjugea à Dony la concession
de cette mine, à la charge, entre au-
tres, de payer une redevance annuelle
de 40,500 francs. L'acte du préfet fut
homologué par un décret impérial du
24 mars 1806. Dony adressa immédia-
tement au gouvernement la demande
d'un brevet d'invention de quinze ans,
pour la coinposition d'îin fourneau pj'opre à
extraire le zinc de la calamine, et pour les
procédés qu'il emploie dans cette opération;
mais il ne fut définitivement breveté que
par décret du 19 janvier 1810.
Cependant, Dony, concessionnaire de
la Vieille-Montagne, s'était mis résolu-
ment à l'œuvre, et, dès 1807, il fondait
au faubourg Saint-Léonard, à Liège, la
première usine métallurgique produisant
du zinc. C'était beaucoup; mais non-
seulement il fallait produire le zinc, il
fallait parvenir à le vendre ; il importait
donc de lui chercher des emplois indus-
triels. Dony consacra hiiit années de sa
laborieuse existence à trouver les moyens
de fournir à la consommation un métal
que l'on pi'it employer à la fabrication
(les ornements et des objets d'art. Puis
il le produisit en feuilles, sous le nom
de zinc laminé, et enfin en vases de
toute espèce pour une foule d'usages
domestiques. Ces résultats étaient insuf-
fisants : il fallait, en outre, populariser
l'emploi du nouveau métal, or, c'est
toujours là l'obstacle contre lequel tant
d'illustres inventeurs se sont heurtés
vainement, ou n'ont réussi qu'aux dé-
pens de leur fortune et de leur santé.
Dony eut à subir toutes ces contrariétés.
Il lui fallait payer une redevance énorme
pour l'extraction de la calamine, et les
bénéfices restreints d'une industrie nais-
sante ne permettaient point de subvenir
à d'aussi grands frais.
Il s'adressa en 1812 au gouverne-
ment, et demanda que le zinc pût être
employé à la confectioji des mesures
usuelles; puis, que ce métal fût admis à
remplacer le cuivre dans les établisse-
ments militaires. MM. de Montalivet,
ministre de l'intérieur, et le comte de
Cessac, ministre de la guerre, ayant
consulté, l'un et l'autre, l'Académie des
sciences de l'Institut, celle-ci nomma,
dans son sein, une commission composée
de MM. Bertholet, Deyeux, Vauquelin,
Portai et Guyton-Morveau. Ce dernier
étant rapporteur, la commission adopta
ses conclusions et proscrivit les vases de
zinc comme ne pouvant, sans danger,
être employés à la préparation des ali-
ments et des boissons. Xous avons sous
les yeux un mémoire, rédigé par Dony
lui-même, en réponse au rapport dont il
agit, et nous croyons utile d'en citer
la conclusion : « Quant aux opinions
particulières sur les qualités du zinc,
on a bien pensé qu'il pourrait y en
avoir de contraires à l'usage de ce
métal pour les ustensiles de cuisine :
c'est le sort de toute nouveauté de
trouver des contradicteurs. L'anti-
moine, le quinquina, l'inoculation, la
vaccine, n'ont-ils pas eu, dans l'ori-
gine, des détracteurs? Mais l'expé-
rience, le temps, ont démontré que
ces heureuses découvertes étaient de
u véritables bienfaits pour la société.
» Le zinc français aura sans doute le
" même sort; l'expérience, le temps, le
" feront triompher des oppositions qu'il
« pourra rencontrer ; et le puissant
» génie de la France, qui a toujours les
" yeux ouverts sur tous les moyens
« d'amélioration, ne pourra voir qu'avec
« satisfaction les efibrts des savants et
« des hommes éclairés en faveur d'un
« métal extrait et travaillé dans l'inté-
« rieur de son empire, et dont l'usage
« est également réclamé et par l'huma-
" nité et par la politi(|ue commer-
« ciale. "
Dès 1815, ]")ony avait épuisé presqiie
toutes ses ressources; sa santé dépéris-
sail fil même temps; sous l'influence
BIOGK. NAT. — T. VI.
131
DONY - DORLANDUS
132
des chagrins causés par tant de mé-
comptes, Dony fut contraint de céder sa
concession à la compagnie Chaulet, en
conservant toutefois im minime intérêt
dans l'entreprise. Les événements désas-
treux de 1 SI 5, et les mauvaises années
qui suivirent, obligèrent Chaulet à
céder, dé son côté, toute la concession
à Dominique Mosselman, dont les héii-
tiers fondèrent la société de la Vieille-
Montagne.
En 1813, Dony produisait environ
2,000 tonnes du nouveau et précieux
métal; en 1866, la production belge
s'en élevait à 35,500 tonnes! Dony a
donc créé une richesse considérable et
doit être considéré comme un bienfaiteur
de sa ville natale et du pays tout entier.
Dony mourut à Liège, sa ville natale,
le 6 novembre 1819. L'administration
communale liégeoise, qui aime à honorer
la mémoire des citoyens utiles, a donné
son nom à la rue qu'il habitait au mo-
ment de son décès.
Homme d'initiative et de grande
intelligence, Dony était parfaitement au
courant des progrès de la science au
commencement de ce siècle, ainsi que
le démontre sa réponse au rapport de
Guyton-Morveau. Ajoutons, pour finir,
que l'un de ses biographes nous le
représente comme un homme du com-
merce le plus agréable, plein de bonté,
de générosité et faisant le plus noble
emploi de sa fortune. Auguste Akin.
Delvenne, Biographie des Paijs-Bas. — Becde-
liévre comte de). Biographie liégeoise. — Dony,
Mémoire en réponse au rapport fait à l'Institut
par Guyton-Morveau. — Edm. Fuchs, Le Zinc.
Extrait'des rapports du jury inlernatioiial pour
l'exposition de 1867. — Lehon conitel, Rapport
sur la concession des mines de la Vieille-Monta-
gne. — Renseignements iiariiculiers dus à l'obli-
geance des Directeurs de la Vieille et de la ^"ou-
velle-Mo niagne, et de quelques autres personnes.
i»ORL.%^DLiS (Pierre) ou Dorlant,
écrivain ecclésiastique, né à Diest en
1454 et mort à Zeelhem le 25 août 1507,
prit l'habit religieux à la chartreuse de
Zeelhem, située à peu de distance de sa
ville natale. Ses talents et sa piété
rélevèrent bientôt à la dignité de prieur
de cette maison, où il mourut d'une
manière édifiante, après une longue ma-
ladie, âgé de cinquante-trois ans. Dor-
landus a laissé de nombreux écrits, en
partie imprimés, en partie manuscrits,
qui, tous, témoignent de son savoir et
de son activité intellectuelle. Voici la
liste de ceux qui sont parvenus à notre
connaissance :
Ouvrages imprimés :
1. Viola anime per modvra dyalogi. Co-
lonise, Henr. Quentell, 1499; vol. in-4o;
réimprimé plusieurs fois. Ce traité se
compose de sept dialogues : les six
premiers sont un abrégé de la Théo-
logie 7taturelle de Sebonde; le septième
est tout entier de Dorlandus. — 2. De-
votissimi patris Pétri Dorlandi, ordinis
CartJiusiensis , de nativitate, conversione et
vita invictissimcs viartijris beatissimceqne
virginis Katlierinœ oratione soluta non
inelegans libellus. Lovanii, Theodoricus
Martinus, 2^juniil513. — 3. Doctis-
simi patris Bomini Pétri Dorlandi de
enormi proprietatis monacJiorum vicio
dialogns cuUimvms. Lovanii, Theodo-
ricus Martinus, 13* septembris 1613.
— ■ 4. Tractatîis venerahilis patris Pétri
Dorlandi, ordinis Carthusiensis, de mys-
terio seu spiritiiali Jiabitus cartliusiensis
signijîcantia cmn remedio circa carnalem
delectationem . Lovanii , Theodoricus
Martinus, 9* februarii 1514. — 5. iJia-
logus de opère amoris et passione Christi.
Lovanii, 1516; vol. in-So, cité par
Paquot, qui ajoute que, de son temps,
on en conservait le manuscrit à la biblio-
thèque de l'université de liOuvain. —
6. Chronicon Cartlrusiense in qiio de viris
sui ordinis ilhistribus , etc. Coloniœ
Agripp.,P. Cholinus, 1608; vol.in-12
de xxiv-486 pages. Ce travail de Dor-
land a été publié avec un appendice de
172 pages, contenant des notes du
P. Petrœus sur le Chronicon. Il a aussi
été traduit en français par Adrien Dris-
cart, etimprimédanscette ville en 1644.
— 7. Vita ac res gestœ B. Anna libris
(jui7ique. Antverpiaî, J. Keerbergius,
1617.
Ouvrages manuscrits.
On conserve à la Bibliothèque royale,
à Bruxelles, les six manuscrits suivants
de Dorlandus : 1. Byulogus de fide;
133
DORLANDUS — DORNE
134
n^ 1925 du Catalogue. — 2. Para-
bola, etc. ; c'est un traité sur les tenta-
tions de saint Antoine l'Ermite; no 1 5 0 1 5
(bi Catalogue. — 3. Translatio S. Antonii
de C. P. ad Viennam; no 15016 du
Catalogue. — -i. Sernio kiatoricus de beato
Laurentio; no 15027 du Catalogue. —
5. In actus mirificos beati Joannu apo-
stoli Evangelida ; n» 15038 du Catalogue.
— 6. Ckronicon Curthusiœ Lovaniensis
ab anno 14b6; no 15043. Cette chro-
nique a été continuée par une autre
main jusqu'en 1524. Paquot, dans ses
Mémoires, éd. in-fol., I, pages 586 et
suiv., donne une longue liste d'opus-
cules et de traités spirituels qui exis-
taient avant le milieu du xvie siècle à la
chartreuse de Zeelhem près de Diest.
E.-H.-J. Keuseos.
Paquot, }Iémoires, éd. iu-fol., I, p. 386 et suiv.
DORiiicx. (Pierre), né à Zonhoven
vers la lin du xvie siècle, étudia la mé-
decine à l'université de Louvain et y
reçut, en 1625, le grade de licencié.
Ayant obtenu, peu de temps après,
l'emploi de médecin de la ville de Diest,
il remplit ces fonctions jusqu'en 1638,
année où il prit le bonnet de docteur et
fut appelé à la chaire royale d'anatomie
et de chirurgie de notre ancienne uni-
versité nationale. Son enseignement se
distinguait par des qualités solides et
brillantes. Deux fois, eu 163'J et en
1642, ses collègues récompensèrent son
mérite en lui conférant la dignité du
rectorat.
Appartenant, par sa naissance et par
sa famille, à la principauté de Liège,
Dorlicx jouissait de la confiance illi-
mitée de l'autorité ecclésiastique de ce
vaste diocèse. Le savant vicaire général
Jean de Chokier le consulta plusieurs
fois sur le caractère médical de certains
faits qu'on prétendait offrir un carac-
tère surnaturel. En 1646, il fit partie
d'une commission, composée de dix
théologiens et de trois professeurs de
médecine, chargée de vérifier l'authen-
ticité de miracles attribués à l'interces-
sion de la Vierge de Saint-Kemy. Quatre
ans plus tard, il fit partie d'une autre
commission chargée d'une vérification
analogue à l'égard de miracles attribués
à l'intercession de la Vierge de Corten-
l^OSch. j.j. Thonissen.
Ulysse Capitaine, Biographie liégeoise. — Ma-
nigart, ùiva leodiemis cousolalrix affliclorum,
p. 10. — Lamberts, Diva virqo de Cortenbosch,
p. 210.
DOB.iîE {Martin v.%w), peintre de
fleurs et de fruits, né à Louvain le
22 janvier 1736, décédé dans la même
ville le 2 mai 1808. On ignore qui fut
son maître ; peut-être n'en eut-ii d'autre
que la nature, qu'il étudiait avec un
sentiment d'admiration et qui, le ré-
compensant de ce culte fervent, lui
apprit à reproduire quelques-unes de
ses beautés. Les tableaux de Martin
van Dorne ont, en effet, pour principal
mérite un aspect de saisissante vérité;
on voit immédiatement qu'ils sont le
résultat, non d'une pratique facilitée
par une longue expérience, mais celai
d'une patiente et scrupuleuse imitation,
aboutissant à rendre la fraîcheur, l'har-
monie, la délicatesse des modèles choi-
sis. Le mérite du peintre, trop oublié
aujourd'hui, n'était point resté méconnu
de son vivant, car, bien qu'il résidât
loin de la cour, le prince Charles de
Lorraine, gouverneur des Pays-Bas au-
trichiens, lui donna un éclatant témoi-
gnage d'estime en le nommant sou
peintre ordinaire, par lettres patentes
du 5 août 1779. Il n'est pas sans intérêt
de faire remarquer que la peinture des
fleurs jouissait alors de la vogue et que
les deux maîtres les plus estimés en ce
genre , appartenant tous deux aux
écoles des Pays-Bas, Van Spaendonck
et Redouté, allaient bientôt acquérir
une grande célébrité en France.
Doué d'une intelligence active et
d'humeur très-sociale. Van Dorne se
plaisait aussi à versifier; il possédait
une véritable aptitude à s'occuper de
littérature flamande et ne manquait pas
de manifester sa verve poétique dès que
des fêtes de famille ou des réunions
d'artistes lui en fournissaient l'occasion ;
c'est ainsi que, célébrant à sa manière
le retour en Belgique du peintre d'his-
toire Verhaghen, il décrivit, dans un
petit poème didactique, toutes les œu-
vres exécutées par ce fécond et habile
'I3o
DORNE
136
artiste , sou ami et sou concitoj'eu.
Van Dorue avait contracté mariage
le 25 février 1765 avec Pétronille
Eckermans; de cette union naquirent
plusieurs enfants, notamment François
van Dorue, également peintre, et qui
s'est fait connaître comme portraitiste
très-estimable. f. stappaens.
Ed. van Even. De Schilder P.-J. Verhaghen.
— Piron, Algemeene levensbeschnjving der Man-
nen, enz.
nORH'E (François va^'), peintre por-
traitiste, né à Louvain le 10 avril 1776,
mort clans la même ville le 30 novembre
1848. Il était fils d'un peintre de fleurs
estimé, Martin van Dorne, qui n'eut
qu'à seconder ses goûts pour constater
ses heureuses aptitudes. Tout ce que
l'enseignement paternel pouvait lui ap-
prendre fut bientôt su par lui, puis il
eut recours aux lumières d'un maître,
dont la renommée, aujourd'hui trop
éteinte, rayonnait alors d'un vif éclat,
Joseph Verhaghen, peintre de Marie-
Thérèse. Les enseignements de celui-ci
eurent pour premier résultat d'ouvrir
un plus large horizon à la pensée de
son disciple et de susciter en lui la
noble ambition de traiter , aussi , la
peinture d'histoire. Facile à concevoir,
un tel projet était, à cette époque,
assez diffictle à réaliser ; pour y parvenir
pleinement, il paraissait indispensable
de s'expatrier , et des difficultés de
diverses natures semblaient devoir y
mettre à jamais obstacle ; mais l'histoire
des arts prouve, par de nombreux exem-
ples, que les difficultés ne font qu'ai-
guillonner ceux qui obéissent à une
vocation véritable. Cette fois il en fut
encore ainsi , et Van Dorne , après
avoir remporté le prix du dessin d'après
l'antique, à l'Académie nouvellement
installée dans sa ville natale, se trouva
pourvu, en 1802, des ressources néces-
saires pour se rendre à Paris. En s'y
rendant, il ne visait à rien moins qu'à
recevoir les leçons du régénérateur de
l'école française, du maître illustre qui,
déjà à cette époque, avait développé le ta-
lent de Gérard, de Gros, de Girodet et de
plusieurs autres peintres célèbres; notre
jeune artiste n'ignorait doue pas qu'il
prétendait à une grande faveur, celle de
pouvoir ajouter à son nom ces mots :
élève de David, faveur alors trôs-dispu-
tée, qui ne s'accordait qu'à bon escient
et à la suite d'un examen préalable.
Van Dorne subit cette épreuve à son
avantage et fut admis, comme rapin,
parmi une foule d'élèves appartenant à
diverses nationalités et dont quelques-
uus, notamment Ingres, commençaient,
dès lors , à manifester l'originalité de
leur talent.
En 1806, le rapin avait passé par
les degrés hiérarchiques qui divisaient
l'école; lui aussi était devenu peintre,
et, reconnu comme tel, il avait été
honoré d'une commande par les magis-
trats de sa ville natale : celle d'exécuter
le portrait en pied de l'empereur Napo-
léon. L'entreprise, quoique ardue pour
un débutant, fut menée par lui à bonne
fin; elle lui valut les éloges de ses con-
disciples, les félicitations de ses conci-
toyens : c'était, paraît-il, justice. Vers
la fin de sa carrière, Van Dorne croyait
pouvoir affirmer que sa première œuvre
avait été aussi l'une de ses meilleures,
et l'amour paternel ne l'aveuglait, sans
doute, pas trop dans cette appréciation,
puisque en 1813, lors de la rentrée des
alliés, le portrait fut jugé comme étant
de bonne prise et enlevé, par le major
Colomb, à l'hôtel de ville de Louvain.
Quoique craintif et modeste à l'excès,
notre artiste, encouragé par sou maître,
se décida, en 1808, à exposer un tableau
mythologique, une Vénus, au salon de
Paris. Mal lui en advint : les critiques
d'art, trop peu indulgents, s'égayèrent
tant à propos de cette œuvre, que l'expo-
sant, désespéré, fut atteint d'une ma-
ladie mortelle et ne recouvra la santé
qu'en jurant, « mais un peu tard «,
qu'on ne l'y prendrait plus. Il se con-
tenta, dès lors, de demander à la
peinture des portraits les ressources
nécessaires à l'entretien de son ménage;
il s'était marié avec une de ses com-
patriotes, appartenant, comme lui, à
une famille d'artistes, Melle Bastiné de
Louvain. A l'encontre de tant d'autres
de ses confrères, qui peignent pour ainsi
dire d'instinct, mais dont le talent
137
DORNE — DORPIUS
138
s'arrête court, faute d'être fécondé par
l'étude, la théorie chez Van Dorne s'éle-
vait bien au-dessus de la pratique. Il
avait fait une étude comparative et pas-
sionnée des merveilles de la peinture,
alors accumulées, par droit de conquête,
au musée du Louvre ; déplus, avide de
savoir, il s'occupait de toutes les bran-
ches scientifiques qui se rattachent à la
culture des beaux-ai'ts; aussi, malgré sa
réserve, son savoir n'était-il ignoré
d'aucun de ses condisciples. Un des
plus instruits, des plus éminents de
ceux-ci, Paillot de Montabert, y eut
recours pour son Traité complet de pein-
ture : c'est Van Dorne qui, sous le
voile de l'anonyme, donna le Traité de
perspective, compris dans cette œuvre
colossale, fruit de trente années de
recherches, et à laquelle on ne saurait
reprocher que sa trop grande étendue.
Notre artiste approchait de la cin-
quantaine quand il se sentit dominé par
le désir de revoir son pays : il revint, en
1822, s'établir à Louvain. Il y pro-
duisit jusqu'à la fin de sa carrière un
grand nombre de portraits ; y exécuta
aussi, pour une institution monastique
de l'Angleterre, quatre compositions
religieuses représentant divers épisodes
de la vie de la sainte Vierge j et, enfin,
il laissa, dans la collégiale de Saint-
Pierre, une très-remarquable copie d'un
chef-d'oeuvre de Crayer : Saint Charles
Borromée administrant V eucharistie aux
pestiférés. Van Dorne avait fait de ce ta-
bleau une étude approfondie, au musée
du Louvre, avant qu'il allât enrichir
le musée de Marseille.
Pour utiliser ses loisirs, notre artiste
composait, tantôt des tableaux de genre,
spirituels pastiches des vieux flamands,
et, tantôt, consignait par écrit ses ob-
servations sur les peintres qu'il avait
le mieux connus ou le plus étudiés.
C'est ainsi qu'il écrivit la vie de son
premier maître, vie restée inédite,
mais dont un consciencieux biograplic,
M. Ed. van Even, déclare s'être gran-
dement servi en rédigeant son livre si
complet sur les œuvres et la carrière du
peintre P. -J. Verhagheu.
Dans son existence laborieuse et mo-
deste, Van Dorne vivait entouré de
l'estime publique et son décès suscita
d'unanimes regrets parmi ses conci-
toyens, p stappaerts.
DORWE {Jean-Baptiste v.%.x), peintre
et musicien, né à Louvain le 28 mai
1773, décédé dans la même ville le
10 décembre 1834. Elève de son oncle,
Martin van Dorne, peintre du prince
Charles de Lorraine, il le suivit de très-
près dans sa manière de composer et
d'exécuter les tableaux de fleurs et de
fruits. Il copia aussi, avec autant de
patience que d'habileté, quelques ta-
bleaux des vieux maîtres, notamment la
célèbre Madeleine du Corrége, copie
comparable à celle faite par le célèbre
peintre Dietrici, pour la maison d'Aren-
berg et que cette maison princière
acquit également, en vente publique,
après le décès du copiste.
Jean van Dorne manifesta de bonne
heure une grande prédilection pour
l'étude de la musique, mais, né dans une
condition des plus modestes, il se trou-
vait dans l'impossibilité d'acquérir l'in-
strument objet de ses convoitises. Sa
forte volonté et son adresse suppléèrent
à ce qui lui manquait d'autre part : il
confectionna lui-même le piano sur
lequel il devait devenir instrumentiste,
étudier l'harmonie, et composer un assez
grand nombre de morceaux, empreints
d'unegracieuse naïveté, mais qui, presque
tous, sont restés inédits.
Non moins enthousiaste de littérature
et de science que d'art, notre artiste
put, à une certaine époque de sa vie,
donner satisfaction à ses goûts : devenu
l'hôte d'une riche maison industrielle,
celle d'Artoise, et lié d'amitié avec l'un
de ses principaux intéressés, M. Plas-
schaert, homme politique et publiciste
distingiié, il parvint, par suite de ces
généreuses sympathies, à se former une
bibliothèque considérable qui, dispersée
lors de sa mort, éveilla l'intérêt et l'envie
des bibliophiles. p. stappaeru.
* »ORi»iiJM (MartitiKs), ou Martin-
Bnrthéh'vnj Van Dokp, humaniste et
théologien, connu dans le monde des
lettres sous la forme latinisée de son
139
DORPIUS
140
nom, naquit en 1485 à Naeldwvck, en
Hollande. Mais ayant puisé son instruc-
tion à Louvain et accompli toute sa car-
rière en cette ville, il s'est placé, sans
contredit, parmi les hommes qui sont
acquis à la Belgique par une longue rési-
dence et par des services signalés.
Issu d'une famille noble, Dorpiusfut
envoyé, jeune encore, à l'université de
Louvain. Dans le concours de philoso-
phie de l'an 1504, il fut le cinquième
de la première ligne, et peu après il
professa la rhétorique et la philosophie
au collège du Lis. Il se dévoua avec un
zèle enthousiaste au succès des études
classiques qui ne faisaient que naître
aux Pays-Bas. Lié d'amitié avec plu-
sieurs promoteurs de ces études, Erasme,
Yivès, J. Busleiden, Th. Martens et
bien d'autres, il seconda leurs efforts et
se concilia leijr estime. Il ne négligea
rien pour communiquer aux jeunes hu-
manistes l'intelligence des anciens au-
teurs : dans cette vue, il leur fit repré-
senter des pièces, pour lesquelles il
composait lui-même, en vers, des pro-
logues de circonstance, entre autres
deux comédies de Plante, le Miles et
VAulularia : cette dernière fut jouée au
Lis avec un certain apparat, le 3 sep-
tembre 1508, et, en souvenir de la
solennité, le maître en fit imprimer le
texte dans un curieux recueil publié en
1514 par Thierry Martens et compre-
nant d'autres morceaux de littérature
latine.
Dorpius avait compris la nécessité de
faire servir les langues savantes au pro-
grès général de renseignement. C'est la
thèse qu'il soutint avec beaucoup de
force dans sa harangue prononcée en
1513 devant toute l'université, et dans
laquelle il avait à faire valoir les préro-
gatives de toutes les sciences : Oratio de
laudïbm sigillatim cujusque dkciplina-
rum, etc. Il porta de même l'esprit de
prosélytisme dans l'étude de la théologie
qu'il entreprit, sur les conseils de Jean
Briard. Promu en 1515 docteur en théo-
logie, il fut chargé des leçons d'Ecriture
sainte et devint président du collège du
Saint-Esprit. On le vit défendre, en
toute circonstance, le prix des études lit-
téraires, l'utilité de l'étude du grec pour
les théologiens et même l'opportunité
d'y joindre celle de l'hébreu.
Le collège des Trois-Langues ayant
été ouvert en 1518, en exécution du
testament de son ami, le conseiller Jé-
rôme Busleiden (voir ce nom, ci-dessus,
tome III), Dorpius donna ouvertement
son appui à cette institution. Il ne cessa
d'encourager tous ceux qui s'adonnaient
à la philologie, les jeunes hommes qui
enseignaient et ceux qui s'occupaient de
la publication et de la correction des
textes. Il profita pour ses propres écrits
des presses établies à Louvain par le
fameux imprimeur d'Alost, Thierry Mar-
tens ; en outre, il enrichit les éditions
de divers auteurs de vers latins et d'épî-
tres dédicatoires. Il prit toujours parti
pour les lettres classiques, alors qu'elles
inspiraient de la défiance à grand nom-
bre d'esprits élevés. Il fit à Erasme de
sérieuses objections sur les témérités
que contenait son Eloge de la Folie, et il
l'engagea à composer lui-même l'apolo-
gie de la Sagesse. Quoiqu'il fût resté en
bons termes avec Erasme, il sut se garder
des écarts de langage qui avaient provo-
qué tant d'animosité contre ce spirituel
écrivain.
Quand Dorpius donna au public en
1519 le plan de ses leçons sur les épîtres
de saint Paul, il en prit occasion de
traiter des questions alors controversées
entre les maîtres de l'instruction publi-
que, et de ce nombre l'utilité des langues
et leur application {Oratio in prœlectio-
nem epidolaruni diri Pauli, etc. Anvers,
Michel Hillen, 1519; Bàle, Eroben,
1520). L'estime dont Dorpius jouissait
à Louvain parmi les théologiens n'était
pas moindre que celle que lui témoi-
gnaient les humanistes. Elle fut assez
grande pour lui valoir, en 1523, les hon-
neurs du rectorat, charge qui était alors
limitée à un semestre. Mais l'homme
vraiment distingué sur lequel on fon-
dait tant d'espérance mourut à l'âge de
quarante ans, le 31 mai 1525. Il fut
pleuré par l'université, et plus d'un
écrivain célèbre composa des épitaphes
latines pour honorer sa mémoire. Celle
qu'on grava sur son tombeau à la Char-
141
DORPIUS — DOTRENGE
142
treuse de Louvain était de la main
d'Erasme, qui se montra profondément
affligé de la mort prématurée de son
ami. Le nom de Dorpius mérite d'être
conservé comme celui d'un maître de
théologie, dans les annales de l'ancienne
faculté de Louvain; mais en même
temps il a droit à une célébrité particu-
lière dans l'histoire littéraire de la Bel-
gique, puisqu'il a, par sa plume comme
par ses leçons, favorisé avec sagesse le
mouvement de la renaissance.
Félix Ncve.
Foppens, Biblioth. belgica, t. 11, p. 8o-2-8h3. —
Aiialecla, publ. à Louvain, par C.-F. de Nélis
(tom. !<■'•. inachevé). — Goeihals, Lectures rela-
tives à l'histoire des sciences, etc., tom. I"^"",
pages 41-46 — De Reiffenberg, Quatrième Mé-
moire sur les premiers siècles de l'L'niv. de Lou-
vain, 18■^2, pages 63-"7. — F. Névc, Mémoire
hist. et litt. sur le collège des Trois Langues, 18o6.
— Martin Dorpius et les études d'humanités
dans les écoles de Louvain au commencement du
x\i<^ siècle, par le même, Louvain, 1873. — Van
Iseghem, Biographie de Thiorij Martens, etc.,
1832.
DO.«i$mi%' (Pierre-Mienne), botaniste,
né à Liège le 7 février 1777, mort
dans la même ville, le 20 décembre
1852. Il exerça la profession de phar-
macien, après avoir reçu ses grades qui
lui furent délivrés, successivement, par
le collège des médecins de Liège, le
30 janvier 1794, et par le jury médical
du département de l'Ourthe, le 20 août
1808. Il fit quelques études de bota-
nique à Paris, sous la direction de
A. L. de Jussieu. Le premier, il étudia
la flore rurale de la province de Liège ;
le Catalogue des plantes spontanées dii
pays de Liège, qu'il rédigea en 1806, fut
communiqué à Pyrame de CandoUe pour
la rédaction de la Flore française, au
Dr Lejeune, pour la More de Spa et à
d'autres botanistes. Dossin a peu publié;
il était aussi amateur des beaux-arts.
Son Herbier est un document intéressant
pour l'étude de la flore nationale. Charles
Morren lui a dédié un genre de plantes
de la famille des Orchidées, fondé sur le
Dossinia marmorata.
Bibliographie. — Note sur la Petite
Douve dans : Journ. d'agric. prat. III
(1850), p. 392. — Note sur le Vacci-
nium Fitis idfea et V Arbutus nva ursi,
dans Belg. hort. II (1851), p. 200.
Edouard Morren.
Ch Morren. Ann. de la Soc. d'agric. et de bot.
de Gand, IV (1848), p. 171. — Ch. et Ed. Morren,
dans la Belg. hort., 1864, p. 1. — Ll. Capitaine
Nècrologe liégeois pour l8o2 et pour 1833. —
Th. Durand, Reliquiœ Dossinianœ dans Bull.
Soc. rotj. de bot. de Belg., XIV, 1875, p. 49.
DOTREiiGE {Théodore), avocat, pu-
bliciste, homme politique, naquit à
Bruxelles en 1761 et mourut dans la
même ville en 1836. Son père, égale-
ment avocat à Bruxelles, avait repré-
senté, avec l'autorisation spéciale de Ma-
rie-Thérèse, le prince-évêque de Liège
près le gouvernement des Pays-Bas au-
trichiens. Après avoir fait d'excellentes
études, Théodore Dotrenge fut reçu
avocat à Louvain. De bonne heure, il se
signala par des opinions libérales et
démocratiques. Pendant les orages de la
révolution brabançonne, il fut proscrit
pour avoir adhéré avec trop d'éuergie au
parti des vonckistes; et, lors de la pre-
mière invasion française, il fut président
d'un club qui prit le titre à' Assemblée
provisoire de la ville libre de Bruxelles.
Tout en subissant l'influence de la révo-
lution française, Dotrenge ne sacrifia
jamais ni son indépendance ni ses con-
victions. Nos devanciers rapportent que,
sous le Directoire, il plaida avec force la
cause des absents, auxquels on voulait
appliquer la loi du 25 brumaire an m
sur l'émigration, et qu'il composa, à ce
sujet, deux mémoires remarquables, dont
le second, ajoute-t-on, n'eut pas peu
d'influence ^ur les déterminations favo-
rables que prirent ensuite les consuls à
l'égard de V absentéisme . Le 19 février
1799, Dotrenge fut nommé greffier du
tribunal de commerce de Bruxelles, et il
conserva cet emploi jusqu'en 1828. Lors
de la création du royaume des Pays-Bas,
il avait déjà une grande notoriété; c'est
ainsi que, le 22 avril 1815, il était
nommé par Guillaume 1er membre de la
commission chargée de reviser la loi fon-
damentale des Provinces-Unies et de
l'adapter au nouveau royaume. Un des
collègues de Dotrenge dans la com-
mission de, révision, J.-F. Gendebien,
disait de lui : «... Il a été vonckiste. Il
•I est zélé démocrate. Il est très-instruit
« sur nos histoires et nos anciennes
" constitutions. Il a beaucoup d'esprit.
143
DOTRENGE
144
Il II parle bien et d'une manière inté-
II ressante. Il écrit très-correctement et
Il rédige ses pensées clairement. Il a de
Il la finesse. Il réserve pour lui ses opi-
II nions et ses connaissances et en sait
» tirer parti. Dans les délibérations il
Il est franc et opine toujours avec indé-
II pendance. « Comme membre de la
commission de révision, Dotrenge ré-
clama la monarchie constitutionnelle
dans toute sa vérité et combattit énergi-
quement les traditions de l'ancien ré-
gime. Aussi Raepsaet, le plus constant
de ses adversaires, dépeignait-il l'ancien
vonckiste comme un antagoniste forcené
du clergé et de la noblesse. Dotrenge
avait demandé notamment que l'on fit
disparaître du projet de constitution le
mot seigneuries. Les délégués des pro-
vinces septentrionales répondaient que
cette dénomination ne signifiait autre
chose que des circonscriptions territo-
riales. — Elle pourrait aussi signifier,
répliqua Dotrenge, la résurrection des
droits féodaux qui, depuis vingt ans,
sont abolis en Belgique. On décida enfin
que le mot serait conservé, mais qu'il
s'agirait de seigneuries légalement établies .
Or, en 18 17, la noblesse de la Flandre
orientale, s'appuyant sur cet article de
la constitution, demanda au roi le réta-
blissement des seigneuries, et, pour elle-
même, la paisible jouissance de ses
anciens droits honorifiques et'titiles. Cette
requête avait été rédigée par Eaepsaet.
Dotrenge la combattit avec beaucoup
d'esprit et une maligne causticité dans
une brochure ayant pour titre : Opinion
sur la rédaction de trois articles de la loi
fondamentale. Depuis 1815, Dotrenge
faisait partie de la seconde chambre des
états généraux, et, quoiqu'il dût sa pre-
mière nomination au gouvernement, le-
quel avait usé du droit que lui conférait
la loi fondamentale, il se signalait par
son indépendance autant que par son es-
prit un peu mutin. On trouve à ce sujet
un incident assez caractéristi([ue dans
un recueil contemporain {L' Observateur
belge, do 1817) : « M. le ministre des fi-
« nances, profitant, au pied de la lettre,
H des honneurs de la séance, accordés par
« la constitution aux chefs des départe-
" ments d'administration générale, ne
Il s'est pas levé pour parler à leurs
" nobles puisances, dans la discussion
" du budget... On a remarqué qu'en
" lui répliquant, M. Dotrenge, après
Il s'être levé pour demander la parole à
Il M. le président, a affecté de s'asseoir
" aussi pendant la partie de sa réplique
Il qui s'adressait à Son Excellence. « L'in-
fluence de Dotrenge ne cessa de grandir
et, pendant douze ans, il fut, avec
Eeyi)hins (voir ce nom), à la tête de
l'opposition libérale belge dans la se-
conde chambre des états généraux. L^n
de leurs collègues, M. de Gerlache, a
dit de Dotrenge : « C'était un homme
'/ d'une vaste érudition ; versé en droit
Il civil, en droit canon; publiciste, fi-
II nancier, mathématicien; épicurien et
" sceptique ; doué de beaucoup d'esprit;
" fort adonné à l'épigramme et affectant
" de se moquer de tout. Quoique natu-
" rellement paresseux, il lisait constam-
« ment ; rien n'échappait à son immense
" mémoire. Ses discours parlementaires,
" ordinairement écrits, longs et dilfus,
" mais parsemés d'anecdotes et de traits
" piquants, étaient écoutés avec beau-
" coup d'attention En société Do-
" trenge causait bien et pouvait causer
Il à peu près de tout. Chaque jour,
" dans son bon temps, il courait de
Il lui quelque mot nouveau qui faisait
« fortune. " Dotrenge combattait les
mesures financières du gouvernement;
mais, d'autre part, il approuvait, il
encourageait la domination que celui-ci
voulait exercer sur l'instruction pu-
blique. C'est ce qui résulte notamment
du discours prononcé, le 15 décembre
1825 , " sur les lois du budget pour 1826
Il et sur les questions incidemment
Il traitées relativement aux derniers
" arrêtés sur l'instruction publique. «
En 1828, Dotrenge se laissa nommer
conseiller d'Etat et renonça à ses fonc-
tions de député. La révolution de 1830
vint le surprendre, et, à certains égards,
le désespérer. Kedoutant par dessus
tout l'influence théocratique, Dotrenge
n'avait pas assez de sarcasmes contre les
unionistes ; il fut aussi l'auteur de quel-
ques pamphlets anonymes et le collabo.
145
DOTREiNGE — D'OUDEGHERST
146
rateur du Lpu, journal orangiste. Il
mourut le 15 juin 1836. Th, Juste.
nocAi {Pierre oe), pocte, né en
Flandre, xiiic siècle. Voir Pierre de
Douai.
d'oiideguer!<t {Pierre) ou de Ou-
degiierste, historien, né à Lille le
23 janvier 1540, mort à Madrid, le
2 avril 1592 (n. s.). Sa famille, origi-
naire de Poperinglie, s'était établie à
Hesdin en Artois (1). Son père, nommé
lieutenant-bailli du Tournaisis, amena
ses sept enfants à Tournai en 1549, puis
à Bruges en 1551, quand il devint asses-
seur du Franc. Pierre a-t-il encore suivi
son père à Malines en 1558, quand
celui-ci fut élevé aii poste de conseiller
et procureur de Philippe II « en son
grand et privé conseil » ou bien le jeune
étudiant était-il déjà immatriculé à l'uni-
versité de Louvain? Cette dernière sup-
position semble la plus naturelle. Dès
qu'il eut obtenu le bonnet de docteur en
droit, il s'établit à Bruxelles, et, malgré
ses rapides succès au barreau, s'occupa
avec ardeur d'histoire nationale. On cite
parmi ses amis les plus intimes l'érudit
Van der Haer, de Louvain, et le poëte
Maximilien De Vriendt, de Gand. Juris-
consulte de bonne heure distingué, il
obtint du gouverneur des Pays-Bas,
Alexandre Farnèse, la lieutenance du
bailliage de Tournai, que son père avait
eue sous Charles- Quint. C'est à propos
de quelques affaires concernant le Tour-
naisis que Pierre d'Oudegherst fut en-
voyé en Allemagne en 1569 et résida
quelque temps à la cour du pacifique et
tolérant empereur Maximilien II. Il
rappelle sa mission dans l'épître dédi-
catoire de ses Annales. » Je m'estoye
pris naguère, etc.. « Autant qu'il est
permis de conclure de quelques faits
épars, il était doué d'une nature active
et entreprenante. « Ni les affaires im-
portantes qu'on lui confia, dit Paquot,
ni le temps qu'il donnait aux exercices
(Ij Des notes écrites par IJaudouin, frère de
riiislorieii, sur drs feiiilleis de garde d'un incu-
nable de rUniversil'i de Garni {Messager des
sciences historiques, 1875), donnenl queUiues ren-
seignements complémentaires Lu femme de
Pierre d'OudcgIiorsi l'tait venve de Ilobcri
de Zwaerte. Ln oncle était abbé de Berghes-
du barreau, ni de fâcheux cral)arras do-
mestiques qu'il eut à essuyer, ne purent
l'empêcher de faire une étude appro-
fondie des antiquités de son pays. « Son
frère aîné, Baudouin, qui lui survécut
et qui fut échevin à Bruges, partageait
ses goûts, mais ne put guère les suivre à
cause des troubles qui suivirent la Paci-
ficatiou de Gand et dont il fut victime.
Pierre, encouragé surtout par don Fabio
Masqui d'Urbino, gentilhomme du roi
résidant à Bruxelles, se décida « à pro-
mulguer " , comme il disait, une grande
histoire de son « noble pays «. Pour
les premières époques, il voulait prin-
cipalement modiiier la narration de De
Meyere qu'il trouvait trop meslée et diffi-
cile. En même temps qu'il prétendait y
mettre plus d'ordre en élaguant tout ce
qui concernait les princes étrangers, il
s'attachait à poétiser des légendes sus-
pectes. " C'était , observe Lesbrous-
sart, pour éviter la sécheresse; mais il
manquait de goût, quoiqu'il eût bien
étudié les anciens. « Tandis que son
prédécesseur avait véritablement fondé
l'histoire exacte et positive de la Flan-
dre, il recherchait trop le ton oratoire et
moraliste. On doit sourire du style pom-
peux et tourmenté dont il retrace les
fabuleuses aventures d'Emergaert, de
Phinaert, de Lyderic de Bucq et des
forestiers Inghelram et Audacer.
Son récit, comme celui de De Meyere,
s'arrête à la fin du xve siècle et de la
domination bourguignonne. Il le fit pa-
raître à Anvers en 1571 chez Christophe
Plantin (340 feuillets in-4o). Au moment
de l'impression, il avait dû repartir pour
l'Allemagne, et c'était sa femme, Clara
Wyts, qui le 25 juin, avait obtenu le
privilège royal pour son livre intitulé :
Les Chronique'^ et Annales de Flandres •"
contenantes les héroïcques et très-victorieux
exploits des forestiers, et comtes de Flati-
dres, et les simjularitez et choses mémora-
bles advenues audit Flandres, depuis Van
Saint-Winoc Un autre oncle était seigneur de
Hou|)elinne. l'ne nièce, Cateline, épousa un des
grands imprimeurs d'Anvers, Sleels. En loM,
« le jour (le Saint-Kranrois, » l'historien fut en-
terré à Madrid, au cloitre cle « Ma Signr.ria de la
Victoria nu milan (au milieu) de la chapelle Sainl-
Fran^'ois. »
147
D'OUDEGHERST
148
de noti'e seigneur Jésus- Chriat VI'^ et XX
jusques à Vaiye M. CCCC LXXVI; nou-
vellement composées et mises en lumière par
Pierre d'Oudegherst, docteur es loix.
Dans le plan de l'auteur, ce grand in-4o
ne devait être qu'une sorte d'introduc-
tion à l'histoire détaillée des troubles du
xvie siècle. Sa première dédicace (à
l'empereur ^Maximilien II) prouve que
c'était depuis longtemps qu'il s'était
occupé II de son vieux recueil autresfois
faict. Il Pans l'épître où il s'adresse
» aux Etats et peuple de Flandre, et
autres lecteurs dignes de ce nom « après
avoir rappelç l'utilité morale de l'his-
toire Il domestique « il ajoute : " Mon
Il intention estoit de seulement réciter les
Il troubles et séditions esquelles ma joou-
II vre et misérable patrie a esté puis na-
II guère enveloppée, ensemble la final
Il yssue d'icelles; mais le dueil et juste
Il desplaisir conceu de la désolation tout
Il récente, aappesanty et retardé le vol et
« portée de ma plume «^Quant à l'his-
toire lointaine, elle lui semblait moins
ennuyeuse, c'est-à-dire attristante. Eu
outre, elle méritait tous les soins d'un
écrivain patriote. Il espérait, à son re-
tour d'Allemagne, publier son second
volume {promiâguer de brief); mais il
n'eut pas le temps d'en coordonner les
matériaux. « Peut-être, dit Lesbrous-
sart (dans la notice qui précède son
édition), les trouvera-t-on un jour dans
une bibliothèque espagnole, puisqu'il
les avait emportés à son second voyage
en Espagne, dont il n'est pas revenu. «
Au reste, Pierre d'Oudegherst semble
avoir été obligé d'abandonner ses études
et de consacrer entièrement les dernières
années de sa vie à des travaux d'admi-
nistration publique et d'économie so-
ciale. On peut même remarquer ce genre
de préoccupations dans les parties les
plus oratoires de l'unique volume qu'il
a fait paraître. C'est ce qu'ont perdu
de vue ceux qui ont prétendu continuer
son œuvre. Le tome troisième de la tra-
duction flamande publiée à Gand en 1785
par J. Ch. Fernand est sans valeur.
M. F. Vander Haeghen signale dans sa
Bibliographie gantoise (IV, 260) une
autre continuation éditée par De Goesin
et comhiisant le récit de 1780 à 1814.
Quant à l'édition en 2 volumes in-8" que
Ph. Lesbroussart a donnée en 1789,
elle mérite tous les éloges que lui accorde
De TVind (Bibliotheek der nederlatidsche
geschiedschrijvers) . M. F. Yander Hae-
ghen (lY, 300) cite une note fort cu-
rieuse conservée sur l'exemplaire de Yan
Hulthem; elle constate que les chartes
nouvellement insérées dans l'édition de
1789 ont été communiquées à Lesbrous-
sart par l'illustre bibliophile gantois :
Il Je fis même, ajoute-t-il, pour mon
Il ami De Goesin la petite dédicace aux
" Etats de Flandre qui se trouve au
Il commencement, mais qui, après la
Il révolution belgique, a été supprimée
" dans plusieurs exemplaires. « Cette
dédicace, datée de Gand, 21 novembre
1789, a été attribuée par plus d'un lec-
teur à Ph. Lesbroussart à cause de l'élé-
gance du style et de la portée libérale
des idées.
Parmi les manuscrits délaissés par
d'Oudegherst à Madrid, on peut sup-
poser qu'il y avait des notes impor-
tantes concernant la situation écono-
mique des Pays-Bas, l'appauvrissement
de la noblesse et les conséquences désas-
treuses du luxe des ducs de Bourgogne
et des guerres de Charles-Quint. Laserna
Santander, le célèbre bibliographe de
Bruxelles, a communiqué à Ph. Les-
broussart un ouvrage espagnol qui four-
nit une preuve éclatante de ces études et
de ces recherches d'Oudegherst. Il s'agit
d'un in-lo publié à Madrid en 1600 et
intitulé : Desempeno, c'est-à-dire Déga-
gement du patrimoine de Sa Majesté et
de son royaume, sans préjudice pour le
roi ni pour ses sujets par le moyen des
caisses publiques et des monts-de-piété.
L'auteur, Don Luis Yalle de la Cerda,
conseiller du roi Philippe II, s'y niontra
extraordinairement enthousiaste des vues
économiques du jurisconsulte flamand.
Bien que le panégyriste méconnaisse ou
ignore les réformes antérieures au
xvie siècle, il n'est pas sans intérêt de
constater l'importance de ces nouvelles
tentatives. On s'étonne que ce témoi-
gnage, peut-être exagéré, mais caracté-
ristique des derniers travaux d'Oude-
149
D'OUDEGHERST — DOUFFET
150
gherst, ait été négligé par les historiens
des monts-de-piété, P. De Decker {Etude
hiUorique et critique, etc. , 1 844), D. Ar-
nould {Situation administrative et finan-
cière, etc., 184.5) et A. Blaize {Des
monts-de-piété et des banques de prêt sur
gaffe en France et dans les divers Etats de
l'Europe, 1866). Donnons donc la partie
la plus intéressante de ce passage, dont
on ne saurait contester l'importance his-
torique.
" Il est juste, dit don Luis, que je
" fasse connaître celui qui le premier a
" conçu le projet de cette utile entre-
" prise {les caisses publiques et les monts-
» de-piété). Je dois déclarer, avant d'en-
« trer en matière, que me trouvant aux
" Pays-Bas, où Sa Majesté m'avait
« envoyé auprès du duc de Parme, pour
" des affaires importantes, je fis la con-
" naissance d'un gentilhomme flamand
" natif de Lille nommé Pierre d'Oude-
II gherst^ personnage doué d'une rare
Il vertu et des plus belles qualités.
Il Comme il me voyait disposé à cher-
« cher, ainsi que lui, le remède aux
" maux publics, il me dit un jour.
Il qu'après de longs voyages qu'il avait
" faits en Europe, touché des maux
" qu'enfantait l'usure dans la chrétienté,
Il il y avait trouvé un remède doux et
Il facile par l'établissement de caisses
" publiques et de monts-de-piété, qui,
" pour le bien du prince et de ses pro-
" près sujets, parviendraient à éteindre
" l'usure sans qu'il fût besoin d'avoir
Il recours à la violence ni à aucune loi.
" Il me dit qu'il avait communiqué ce
" projet à Sa ]\Iajesté lorsqu'il était en
" Espagne et qu'il était entré, à ce sujet.
Il en conférence avec quelques minis-
" très. Ceux-ci le trouvant favorable-
" ment disposé à servir les Pays-Bas,
Il l'y envoyèrent pour se concerter et
" pour délibérer sur cet objet avec le
" conseil de ce pays, lequel décida que
" c'était un établissement important et
" digne d'être off'ert à la nation. Mais
" la jalousie et les contrariétés de ceux
" mêmes qui, par leur état, auraient dû
" le favoriser, en empochèrent l'exécu-
" tion, comme il arrive malheureuse-
" ment dans tout ce qui est bon et
" utile. M'ayant instruit lui-même de
" ce projet, il me pria d'en parler à
" Sa Majesté. De retour en Espagne et
■' chargé d'autres affaires importantes,
« je le proposai et je l'appuyai avec tout
" le zèle dont j'étais capable et autant
" que me le permettait mon faible cré-
" dit. Je demandai aussi avec instance
" qu'on appelât d'Oudegherst en Es-
" pagne. Il y vint, et trouvant cette
" affaire en si bon train, il conçut tant
" de plaisir du point où je l'avais con-
" duite qu'il ne me quitta plus un
" instant. Enfin Sa Majesté fit assem-
" bler, à cet effet, quelques ministres de
" considération, et avec l'assistance con-
" tinuelle de nous deux, on traita et on
» discuta très-souvent l'importance de
" cet objet, pendant plus de six mois
" que dura cette assemblée. Il fut résolu
" d'un consentement unanime d'aff"er-
" mir cet établissement sur une base
Il solide, ce qui allait être exécuté,
" quand Pierre d'Oudegherst mourut
" me laissant aussi triste et découragé
Il que dépourvu des talents nécessaires
Il pour l'établissement d'un projet si
" important. «
Ces lignes forment un excellent com-
mentaire de l'épitaphe que le latiniste
Maximilien De Vriendt a faite pour son
ami d'Oudegherst :
NE PROFERES, QUAMVIS PROFERES, MORITURE VIATOR;
STA. LEGE, DISCE BREVIS QUEM TEGIT URNA VIRUM.
HISTORI.E ET LEGUM .lACET HIC SINE Ll'MINE LUME.N,
HIC SOFHI.-E ET SLAD.E MUTA MF.DUI.LA JACET-
Hk; nsnrarum mastix immitis, ET IDEM
MiTiS amnr charitiim JUSTITI.EQUE JACET.
taxti:m l.eta virum felici belgica partu
EXTILIT, EREPTLM B^TICA TERRA RAPIT.
J. Stechcr.
Foppens, 11, i297. — Paquot. 111, !269. — Ar-
chives historiques et litt. du Mord de la France,
Si: série, t. II, p. 865-370. ^ Mesaarier des sciences
historif/. de Garni, 187o (1''"^ livraison). — .-iMMa/e.v
de Flandre d'()ude(jherst(èA. Lesbroussart, 1789).
— S. De Wind, Dddioiheek der Xederlandsche
gctchiedschrijrers, II, 180.
DOUFFET {Gérard), peintre d'his-
toire et de portrait, né à Liège en 1594
et mort en 1660. Il commença ses études
sous la direction d'un peintre liégeois
nommé Jean Tauler. De là il se rendit à
Dinant chez un artiste qui paraît avoir
eu de la réputation, mais dont les œu-
vres sont inconnues et qui s'appelait Per-
151
DOUFFET — D'OUTREMAN
152
pète. Gérard manifestait des aptitudes
telles, que son père n'hésita point à l'en-
voyer à Anvers dans l'atelier de Rubeus.
Le grand artiste jouissait alors d'une ré-
putation immense. Il s'occupa pendant
deux ans de son nouveau disciple, après
quoi le jeune Gérard, à peine âgé de
vingt ans, partit pour Rome; mais avant
ce départ il séjourna assez de temps
dans sa ville natale pour y donner des
preuves de son savoir. Il peignit une
Judith d'après Rubens; un PrométJiée
et quelques portraits.
En 1614, il se mit enfin en route pour
Rome; il s'y livra à de sérieuses études
et y répara rapidement les lacunes de
son éducation littéraire, car il apprit
bientôt le latin et s'appropria, grâce à
une heureuse mémoire, les auteurs clas-
siques les plus vantés. Après un séjour
de sept ans dans la ville éternelle ,
Gérard voulut se rendre à Naples, mais
une violente tempête obligea le vaisseau
sur lequel il était monté à relâcher à
Malte. De là il retourna à Rome où il
se créa les ressources nécessaires pour
rentrer dans sa patrie. Deux peintres
liégeois, Tilmant Woot de Trixhe et
Michel Houbar, l'accompagnèrent dans
ce voyage, qui fut parsemé d'aventures
et de privations. Toutefois, à Venise ils
rencontrèrent Pierre Des Ursins, leur
compatriote, qui les mit en relation avec
quelques personnes de qualité et, en peu
de temps, nos artistes purent, grâce à
leurs travaux largement rémunérés, re-
venir à Liège. Ce qu'ils firent au prin-
temps de 1623.
Gérard Douffet se maria en 1628 et
vécut d'une vie tranquille et laborieuse.
Il eut un fils, architecte, dont on parle
peu. Aucun fait saillant ne vint troubler
cette existence toute de travail, sauf
en 1646, époque à laquelle il dut quitter
Liège livrée alors aux dissenssions pro-
voquées par les Grignoux et les Chi-
roux. Rentré dans son atelier, il exécuta
ensuite de nombreux travaux pour les
particuliers et les congrégations reli-
gieuses. Nous citerons ici ses princi-
pales œuvres : Portraits d'hommes, à
Munich. — Visite du pape Nicolas Van
comte\Fraîms, à Schleisheim. — Inven-
tion de la vraie croix, à la pinacothèque
de Munich, — tableau important qui fut
commandé à l'artiste pour l'église du
monastère de Saint-Laurent et qui paraît
être son chef-d'œuvre.
Les tableaux de Douftet sont presque
tous sortis de la ville de Liège. Ils ont été
vendus par les autorités ecclésiastiques
et font aujourd'hui l'ornement de mu-
sées et de cabinets étrangers. Beaucoup
d'œuvres de Douftet, autrefois placées
dans les églises de Liège par des familles
du pays, soit comme ex-voto, soit comme
souvenirs, dons, etc., ont donné lieu à
des trafics peu édifiants. (Voir Histoire
de la peinture du pays de Liège, par
J. Helbig, 1873.)
Gérard Douffet fut un bon dessina-
teur; le style italien fut l'objet de ses
sympathies. Les chairs de ses modèles
ont un coloris chaud, surtout dans ses
portraits, généralement bien composés
et bien dessinés. Les expressions sont
vraies ; mais son coloris laisse à désirer :
il manque de vérité. Le temps a considé-
rablement nui aux tableaux de ce maître,
ils tournent au noir. On compte parmi
ses élèves Bertholet Plémalle, Gérard
Goswin, Lambert Campo et les deux
frères Delcour.
Natalis a gravé d'après lui.
Ad. Siret.
d'octremam {Antoine), historien,
né à Valenciennes vers la fin du xvie siè-
cle et décédé dans la même ville en 1 642 .
Il appartenait à une famille noble, dont
plusieurs membres se sont distingués
par leurs écrits et leurs travaux litté-
raires. Il embrassa la vie religieuse à la
fameuse abbaye de Saint-Jean, à Valen-
ciennes, qui suivait la règle des cha-
noines réguliers de Saint- Augustin. Il
y remplit d'abord les fonctions de prieur,
puis celles de curé, et fut enfin promu
à la dignité abbatiale en 1636. Sa devise
était : Ut a fumo sic ab iiumo. On a
de lui les travaux suivants : \. De ori-
gine et fundatione monastei'ii S. Joannis
Valencenis. — 2. Mes gestte et vitœ sin-
fJnlorum abbatum monasterii S. Joannis
Valencenis. Ces deux ouvrages sont
restés manuscrits. — 3. Lettre à
M. Aubert Le Mire, doyen de l'église
133
D'OUTREMAN
454
cathédralle d'Anvers, en datte dti ving-
tième juillet M.DC.X. Cette lettre, qui
contient une courte biographie d'Henri
D'Outreman, auteur de VHistoire de
Falenciemies, a été publiée, en tête de
cet ouvrage, à Douai, en 1639, et y
occupe les pages vu à xii. In-fol.
E.-H.-.I. Reusens.
Foppens, Bibliotheca belgica, 1, p. 84.
d'oi'Tremax (Henri), historien,
seigneur de Rombies, né à Valenciennes
le 22 août 1546, et mort dans la même
ville le 1er octobre 1605, appartenait
par sa naissance à une famille noble
issue de l'ancien lignage des Outermans
ou Woutermans de Gand. Il fit ses
humanités sous la direction habile de
Laurent Dachol, régent du collège de
Saint -Jean à Valenciennes. En 1562, il
alla étudier la philosophie et le droit à
l'université de Louvain, sans toutefois
prendre de grades dans ces sciences.
Lorsqu'il eut terminé ses études univer-
sitaires, il se mit à voyager, visita plu-
sieurs parties de l'Europe et composa
un journal de ses voyages dont nous
aurons occasion de parler plus loin.
De retour dans sa ville natale, il prit
rang parmi le magistrat de la ville, et,
après avoir rempli successivement les
fonctions d'échevin et de bourgmestre,
il parvint à se faire élire, par le comte
de La Laing, prévôt de la ville quoique
étant encore très-jeune. A sa mort, on
enterra son corps au chœur de l'église
de Saint-Jean, où on lui fit l'épitaphe
suivante qui fournit quelques détails
intéressants pour la généalogie de la
famille D'Outreman :
D. 0. M.
HENKICO DOtTHEMANXO
IIUMBISI! TOPARCH/E, VALENTIANARUM U {secun-
[diun) PRAEFECTO,
VIRO NOBILI, DOCTO, PROBO
ANTI(jriTATIS, LEGUM, POI.ITICES CdXSL'I.TISSIMO
GRATIIS NON MINUS (JLAM MISIS NATO
RELir.lONE IM DEUM, IN REGEM FIUE, IN PATRIAM
[PIK.TATE, IN CIVES AMORE,
IN AMICOS OFFICIO, IN O.MNES COMITATE EXIMIO
SUMMIS JUXTA ATOUE IMIS ACGEPTISSI.MO
IN REBIS AGENDIS PRUUENTIA, IN SECUNDIS MODES-
[TIA, IN ADVERSIS CONSTANTIA SPEGTAKIM
NON JIEMORI/E ERGO, (JIIAM IMMORTAI.EM SGRII'TIS,
[KACTIS .Sllîl IPSE COMI'ARAVIT, SKI) Al) DESI-
DERII SOI.ATILM IIAER. M. P.
EX JOANNA ItE LA CROIX , I.ECTISSIMA MATRONA
[SUSCEPTI
HENTÎICUS CARTIIUSIANUS , PHILIPPUS SOCIETATIS
[JESU
ADRIANUS BENEDICTINUS, PETRUS SOCIETATIS JESU
JMARIA. CAROLA, CAELIBES, ANNA. BREVIS AEVI
VIXIT ANNOS LIX, MENSEM I, DIES VIII. OB. KAL.
[OCTOB. AN. M. DC. V.
Henri D'Outreman était doué de
toutes les qualités qui font l'homme
d'intelligence et de cœur. H a laissé plu-
sieurs écrits remarquables : 1. Descrip-
tio triumpJd et spectaculormn serenis-
fsiniis Principibus Alherto et Isabellœ,
AustricE Archidueibus, DucibtiH Burgim-
dice, comitibus et Dominis Valentianis
in eumdem Comitatum ac civitatetn Va-
lentianam ingredientibiis editorum. Ant-
verpiœ, Plantin, 1602; vol. in-fol. Cet
ouvrage a été imprimé avec un beaii
titre spécial gravé sur cuivre, à la suite
de V Historica narratio profectionis et
inaugurationis serenis-nmorum Belgii prin-
cipum Alberti et Isahellce de Jean Bo-
chius, où il occupe les pages 408 à 468.
— 2. Histoire de la ville et comté de
Falentiennes . Douay, Marc Wyon, 1639;
vol. in-fol. orné d'un portrait et d'une
carte gravés. Ce travail a été publié,
après la mort de l'auteur, par son fils
Pierre, religieux de la compagnie de
Jésus. Une notice biographique ou éloge
de l'auteur, dû à la plume d'Antoine
D'Outreman, son cousin, se trouve en
tête du volume.
Henri D'Outreman cultiva les belles-
lettres avec succès; il composa plusieurs
poésies françaises et latines. Voici les
principales mentionnées par ses biogra-
phes et qui sont restées manuscrites :
3. La Rentiade, poème élégiaque sur la
mort du marquis de Renty, Emmanuel
de La Laing, qui porta d'abord le titre
de baron de Montigny, puis celui de
marquis de Renty; il était seigneur de
Coudé et grand bailli du llainaut et de
Valenciennes. C'est cette poésie que
Foppens indique sous le titre à'Epice-
dinm in ooitum Emanuëlis Lalani, mar-
cJdonis Rentiaci. — 4. Gesta prœcipiia et
ehgia trium Principum, Alexandri Far-
nesii , Parmœ ducis , Alberti, Anstriee
archidncis, et Caroli Croiaci, ducis Ares-
chotani. — 5. Epigrammata ad F. Cl. Jm-
Imn Lipsiinn. Juste Lipse, qui estimait
beaucoup les talents poétiques d'Henri
455
D'OUTREMAN
i56
D'Outreman, lui écrivit, au mois d'avril
1603, à l'occasion d'un distique de Mar-
tial qu'il avait tourné de cent cinquante
manières différentes : 0 tuam inc/ejiii
fecunditatem ! 0 stylî jiexïLe acumen !
JJ traque stupenda in uno sensu loties nml-
tiplicato. Non puto vel a quoquam veterum
factum. — 6. Un très-grand nombre de
poésies sur des sujets religieux, tels que
la vie et la passion du Sauveur. —
7. Journal de ses voyages en Europe. —
8. Généalogies des familles romaines. —
9. Chancjement de noms et d'armes. —
10. Enfin il commença un traité de Re-
puUica, Il que la goutte, dit son biogra-
phe, l'empescha d'achever, et qui devoit
estre le fruit principal de son esprit et
de ses estudes. « e.-h.-j. Ueusens.
Éloge d'Henri D'Outreman par M. Antoine
D'Oittreinan, publié en tète de l'Histoire de Va-
lentiennes. — Foppens, DibLotheca belqica, 1,
p. 458
n'ouTREMAM ( Pierre ) , écrivain
ecclésiastique, né à Yalenciennes en
1591 et décédé dans la même ville le
26 avril 1656 ; il était fils d'Henri, dont
la biographie précède celle-ci. A l'âge
de vingt ans, il entra dans la compagnie
de Jésus. Doué d'un talent oratoire
remarquable, il se consacra au minis-
tère de la chaire, et y brilla en prê-
chant dans plusieurs villes de la Bel-
gique et du nord de la France. On a de
lui les écrits suivants : 1 La vie miracu-
leuse du P. Joseph Anchieta, de la com-
pagnie de Jésus, escrite en portugois par
le P. Pierre Roderiges traduite en
français. Douay, Marc Wyon, 1619,
vol. in-12. — 2. Tableaux des person-
nages signalés de la compagnie de Jésus,
exposés en la solennité des SS. Ignace et
Xavier, célébrée par le collège de la comp.
de Jésus. Douay, Balth. Bellère, 1623,
vol. in-8'J. — 3. La vie du vénérable
Pierpe VHermite. Mons, 1632; vol.
in-12, réimprimé plusieurs fois. —
4. Constantinopolis belgica sive de rébus
gestis a Balduino et Henrico Impp. Con-
slantinopolitanis ortu Valentianensibus
Belgis. Tornaci, Adr. Quinqué, 1643;
vol. in-4'>. — 5. Amor iticreatus in
crealuras efficsus sive amor JJei erga ho-
mines. Insulis, De Kache, 1651; vol.
in-fol. — %. Le bouquet de myr7'he ou
diverses co?isidérations sur les plaies de
Jésus-Christ, composé en italien par le
R. P. Louys Sicereo... traduit en fran-
çois. Douay, J. Serrurier, 1640; vol.
in-12, réimprimé chez le même en
1649 et 1650. — 7. Chemin royal pour
arriver bientost à la perfection par la
conformité à la volonté de Dieu Com-
posé en espagnol par le R. P. JeanBusèbe
Nieremberg, traduit en fi'ançois.D ovmy,
J. Serrurier, 1642. — 8. La cour sainte
de la glorieuse Vierge Marie à Valen-
tiennes. Valentiennes, J. Boucher, 1653;
vol. in-8o. — • 9. Serenissimo Archidud
Leopoldo Strena anni M.BC.LI. Valen-
tianis, J. Boucher, 1651; in-4*>. C'est
un compliment adressé à l'archiduc et
suivi de quelques chronogrammes. —
10. Pierre D'Outreman a aussi édité et
augmenté V Histoire de Valenciennes que
son père Henri avait composée, et que
nous avons décrite dans la biographie
de celui-ci.
On trouve une description très dé-
taillée de tous ces ouvrages dans la
Bibliothèque des écrivains de la Compagnie
de Jésus du P. DeBacker, éd. in-fol, II,
col. 1655 et suivantes.
E.-H.-J. Reuseiis.
Foppens. Bibliolheca belgica. II, p. 997. — De
Backer, Bibliothèque des écrivains de la Compa-
gnie de Jésus, \l, col. IGoo et suiv.
d'oijtremam {Philippe), écrivain
ecclésiastique, né à Valenciennes en
1585 et décédé dans la même ville le
16 mai 1652, était fils du précédent. Il
entra dans la Compagnie de Jésus en
1607 à l'âge de vingt-deux ans. Il se
dévoua pendant vingt-six ans à la pré-
dication et aux fonctions du saint minis-
tère. Il a publié les ouvrages suivants :
1. Le Vrai Chrestien catholique. Saint-
Omer, Ch. Boscard, 1622, vol. in-12,
traduit en anglais et édité par le
même imprimeur en 1623. — 2. Le
Pédagogue chrestieti. Ce traité, dont
la première édition parut en 1625,
fut imprimé un très-grand nombre de
fois, et traduit en flamand, français,
latin, etc. Le P. De J5acker, dans sa
Bibliothèque des écrivains de la Compagnie
de Jésus, éd. in-fol., 11, col. 1657 et
157
D'OUTREMAN — DRAPIEZ
158
suiv., énumère et décrit la plupart des
éditions et des traductions du Pédagogue
Chrestien. E.-H.-J. Reusens.
Foppens. Bibliotheca belgica, II, p. 1041. — De
Backer, Bibliothèque des écrivains de la Compa
gnie de Jésus, éd. in-fol., II, col. l6o7 et suiv.
DOl'TREPOifT (Ch.-Z.), juriscon-
sulte, magistrat, historien, né à Hervé
en 174:6, mort en 1809. Voir Outre-
pont {Ch.-L. d').
DOCTREPOXT i^Ch.-TJi .-Fr .), écri-
vain, né à Bruxelles en 1777, mort en
1838. Voir Outrepont (CT,.-r/i.-JV.D').
DOC'TREPO.iiT {Th. -G.), musicien,
né à Bruxelles en 1779, mort en 1832.
Voir Outrepont {Th. -G. d'j.
ooY.%R {Pierre) ou Dedotar, écri-
vain ecclésiastique, né à Hermalle-sous-
Argenteau le 28 février 1728, décédé à
Clermont le 5 novembre 1806, entra
dans la compagnie de Jésus à l'âge de
trente ans environ. Après la suppression
de la compagnie, il se distingua par ses
écrits polémiques, dans lesquels il atta-
quait surtout les partisans du josé-
phisme et les défenseurs du serment de
haine à la royauté. Voici les titres des
principales publications du P. Do3'ar :
1. Edaircifisement sur la tolérance. Kouen
(Liège), 1783; vol. in-12 de 94 pages.
— 2. Lettre padorale de Vévéque de
Namur. 1787. — 3. L'Hlitoire des
profanatiom et des -mcriléges. 1787. —
4. Les Pourquoi. 1787. — 5. Dévelop-
pement du catéchisme des diocèses de
Cambrai, de Liège et de Namur. Maes-
tricht, 1788-1789; 2 vol. in-8o. —
6. Extrait {du Dételoppement) pour ser-
tir de suite au catéchisme. In-12. —
7. U Ami des ^e/^e*. Bruxelles, Lemaire,
1790, in-8"; ce journal périodique qui
prit ensuite le titre de Frai Brabançon et
plus tard celui de Waeren Vaderlander ,
parut du 14 mai 1790 jusqu'en 1792.
— 8. Lettre d^un chanoine pénitencier de
la métropole de *** à un chanoine théo-
logal de la cathédrale de ** sur les affaires
de la religion. 1785 ; vol. in-8" imprimé
plusieurs fois. — 9. Projet de mande-
ment ou d'imtruction pastorale, envoyé
par un écéque de France à Messeignenrs
li'S arrleve'ques et éveques des Pays-Bas
autrichiens. Nancy, 1786; vol. in-12
de 72 pages. — 10. Colloquia doctoris
Ingohtadiensls de rébus ad Ecclesiœ doc-
trinam et disciplinam pertinentibus . Dus-
seldorpii, 1789 ; vol. in-8'' de 239 pag.
— 11. Réponses aux ob-fervatiotis de
M. S. P. Êrnst, curé d'Afden, sur la
déclaration exigée des ministres des cultes.
Sans lieu d'impression, 1797 ; vol in- 8»
de 80 pages. — 12. Réponse aux obser-
vations de M. P. Ernut, curé d'Afden.
1797 ; vol. de 70 pages. On trouve dans
la Bibliot/ièque des écrivains de la compa-
gnie de Jésus, éd. in-fol., I, col. 1641-
1642, la nomenclature et la description
des ouvrages publiés par Doyar et des
différentes éditions qu'ils ont eues.
E.-H.-J. ReuEvns.
De Backer, Bibliothèque des Êcrivaitis de la
Compagnie de Jésus, éd. in-fol., I, coll. 1641 et
1642.
DOYE (Jean), écrivain ecclésiastique,
né à Valenciennes vers la fin du xvie siè-
cle et mort dans la même ville le
10 janvier 1643, entra dans l'ordre de
Saint-Dominique au couvent de sa ville
natale. On a de lui les traductions
suivantes : \. La Vie du très-saint
pape Pie V... traduite de V italien du
R. P F. ArcJiange Caraccio de Ripalta.
Valenciennes, J. Vervliet, 1627; vol.
in-8o. — 2. Recueil des miracles faits
par l'intercession de saint I)omi?iique,
à la vénération d'une sienne image appor-
tée du ciel par la mère de Dieu, au bourg
de Soriano, en Calabre. Traduction de
l'italien de Silvestre Frangipani. Valen-
ciennes, 1637; vol. in-4' de306 pages.
— 3. Histoire véritable de la vie et
miracles dît, B. P. S. Louis Bertran
composée en espagnol par R. P. F. Bal-
tazar Jean Rocca. Tournai, Adr. Quin-
qué, 1628 ; vol. in- 8° de 536 pages.
E.-H.-J. Reuseus.
Quetif et Echard, Scriptores ordinLs Prœdica-
torum. 11, p. o34. — Paquol, Mémoires, éd. in-
fol., 1, p. 618.
* DR.%PiEz {Pierre- Auguste- Joseph),
naturaliste, né à Lille le 28 août 1778,
mort à Bruxelles le 2 8 décembre 1856(1).
(I) U Indépendance du '29 décembre 18o6 an-
nonce la mort (qui dut avoir lieu le iS décembre
1856) et ses funérailles le :iO décembre. L'imlé-
pendame du 6 janvier l8o7, édition du matin.
159
DRAPIEZ
160
Fils du premier magistrat de la cité (1),
il montra, dès son enfance, de grandes
dispositions pour l'étude des sciences
et, particulièrement, pour les sciences
naturelles. Heçu, comme élève, à l'école
polytechnique, il ne tarda pas à être
nommé répétiteur du cours de chimie à
cette célèbre école. Tout en se dévouant
au culte des sciences, il ne perdit point
les sentiments de patriotisme qui, à
cette époque, fermentaient dans tous
les cœurs , et il s'attacha « à un gé-
néral bien connu, qu'il accompagna en
Italie et en Egj^te. « 11 revint dans son
pays dès que les événements rendirent
la liberté à ceux qui préféraient une vie
studieuse au bruit des camps; puis, à
l'époque de la conspiration bonapartiste
de Lille, il se réfugia en Belgique, s'y
maria et s'établit à Bruxelles jusqu'à la
fin de sa carrière. Déjà connu par ses
travaux, il y devint professeur de chi-
mie, d'histoire naturelle, et membre de
la commission du musée d'histoire natu-
relle. C'est le titre de professeur dans
ces deux branches des sciences natu-
relles, qu'il se plaisait à inscrire en
tête de ses articles d'entomologie. Son
zèle, son concours, contribuèrent, en
grande partie, à la formation des collec-
tions appartenant d'abord à la ville, et
qui devinrent, en 1842, le musée royal
(l'histoire naturelle; celui-ci avait eu
pour premier noyau quelques objets pro-
venant des collections du prince Charles
de Lorraine, et l'Etat, avant d'en faire
l'acquisition, en fit effectuer l'expertise
en présence de Lacordaire, Wesmael,
Cantraine et Van Beneden ; le tout com-
prenait alors une trentaine de squelettes
et environ cinq cents peaux empaillées
de mammifères, trois mille oiseaux mon-
tés et un certain nombre de représen-
tants des autres classes du règne animal.
Drapiez fut aussi un des fondateurs
de la ."Société royale d'horticulture de
Bruxelles et en resta longtemps le secré-
taire. En 1826, cette société créa le
Jardin botanique de Bruxelles, tel que
nous le connaissons et qui, par sa situa-
relalc le discours prononcé aux obsèques, ]iar le
général Chapelle : là aussi on indique le lieu et
i'a date de naissance à Lille, le 28 août 1778.
tion surtout, fait l'admiration de tous
les étrangers. Le célèbre De Candolle
n'hésitait pas à déclarer, lors d'une
visite que nous lui fîmes à Genève, en
1835, que ce jardin était, en son genre,
le plus beau de l'Europe.
Lorsque en 1834 une école militaire
fut créée à Bruxelles, Drapiez en devint
examinateur permanent pour les sciences
physiques et chimiques. Il a rempli
pendant plus de quatorze ans ces
délicates fonctions avec un zèle et un
dévouement dignes des plus grands
éloges; le commandant de l'école, le
général C hapelié, en prononçant devant
la tombe de Drapiez le discours d'adieu,
lui a rendu, sous ce rapport, un dernier
et légitime hommage.
Le travail de cabinet constituait le
goîit dominant de Drapiez : il avait une
assiduité et une persévérance incroya-
bles. Plus de quarante-cinq volumes,
publiés à diverses époques, sont le fruit
de ses veilles, sans compter la part im-
portante qu'il prit à diverses publica-
tions. Il est vrai de dire que ce n'était
pas toujours la plume qui fournissait la
copie. Nous l'avons vu, plus d'une fois,
dans son cabinet de travail, composer
ses articles en notre présence, alors qu'il
publiait son Dictionnaire d'histoire na-
turelle. .
Drapiez avait formé dans sa demeure
un musée d'histoire naturelle, et la plu-
part des objets étaient préparés par ses
mains. Il a donné la recette d'une pom-
made arsenicale, qui porte son nom, pour
la conservation des oiseaux. Sa collec-
tion, riche surtout en oiseaux rapaces,
renfermait des pièces rares et estimées ;
un des premiers ornithologistes de notre
temps, le prince Bonaparte, la visita
souvent, et y signala plusieurs espèces
intéressantes. Cette collection a été ven-
due après sa mort , et les oiseaux de
proie, avec quelques espèces d'autres
ordres, ont été acquis pour le musée de
Louvain ; le surplus, resté invendu, a
été donné, par madame Drapiez, à une
institution particulière.
(1) Discours prononcé par le lieutenant général
Cbapelié, commai.dant de l'école militaire, aux
funérailles de Drapiez.
IHl
DKAPIEZ
16^2
Dans la table alphabétique des auteurs,
qui figure dans son Règne animal , Cuvier
cite le nom de Prapiez et fait mention
de ses mémoires sur de nouvelles espèces
de mammifères, d'oiseaux et d'insectes.
C'est dans les Annales générales des
sciences physiques qu'il j)ublia ses prin-
cipaux articles; il avait fondé cette pu-
blication avec Van Mons et Bory de
Saint- Vincent, et de 1819 à 1821 ils
publièrent huit volumes.
Bory de iSaint-Vincent avait été porté
sur les listes de proscription du 24' juil-
let 1815, et banni par la loi d'amnistie.
11 s'était réfugié a Bruxelles et n'est
rentré en France qu'en 1820.
C'est dans ces Annales que le profes-
seur de chimie a publié ses descriptions
d'espèces nouvelles d'insectes coléoptères
et lépidoptères. Toutes ces descriptions
sont accompagnées de figures.
Le volume 11 renferme une descrip-
tion, accompagnée d'une planche, d'un
traquet nouveau rapporté de la Nou-
velle-Hollande.
Diverses publications de Drapiez
furent imprimées à Lille et à Paris. La
première date de 1804, et ses Recherches
sur qi(el(jties hommea dutingvén du dépar-
tement du Nord lurent publiées en 1816
à Lille.
On peut voir, parla liste de ses publi-
cations, qu'il s'occupa des trois règnes
de la nature et, à en juger par les col-
lections réunies par lui, il n'attachait
pas moins d'importance aux animaux
fossiles qu'aux vivants. La paléontologie
commençait dès lors à intéresser les zoo-
logistes. •
L'Académie royale des sciences et
belles lettres de Bruxelles avait mis au
concours une ([uestion sur la province
du llainaut, considérée au point de vue
géologique, minéralogique et paléonto-
logique. Elle était posée en ces termes :
« Décrire la constitution géologique de
la province du Hainaut ; les espèces
minérales et les fossiles accidentels que
les divers terrains renferment, avec l'in-
dication des localités et la synonymie
des auteurs qui en ont déjà traité. «
l^rapicz fit une réponse! à cette {| ues-
tion, et sur la proposition de d'Omalius
BlOtiH. .NAT. — i. VI.
d'Hallov, son travailfut couronné. C'était
en 1821(1).
Dans son rapport séculaire sur les
travaux de la classe des .sciences, M. De-
walque dit que Drapiez indique bien,
en commençant, qu'il admet trois forma-
tions dont la plus ancienne comprend la
bande porphyrique du nord de la pro-
vince et la chaîne quartzeuse, également
privée de fossiles, qui lui est parallèle
vers le midi, tandis que la deuxième
comprend le reste de nos terrains pri-
maires, et la troisième tous les dépôts
horizontaux; mais il ne fait aucun usage
de cette division, et il se borne, ajoute
M. Dewalque, à suivre les diverses
bandes de roches (2).
Dans cette réponse. Drapiez fait men-
tion d'ossements d'éléphants; mais, tout
en ayant sept molaires, dont deux par-
faitement conservées, il ne sait, dit-il,
s'il doit les rapjwrter à l'éléphant d'Asie
ou à l'éléphant d'Afrique, ou s'ils ont
fait partie d'espèces ou races éteintes.
Il parle ensuite de débris de rhinocéros,
de castor et même d'ours dans les ter-
rains d'alluvion, d'une tortue fossile des
carrières de Brugelette, de poissons et
de mollusques.
Dans le Blctlonuaire des honinies de
lettres, des savants et des artistes de la
Belgique (1837), nous trouvons l'énu-
mération suivante de ses publications :
Tableau analytique des initier aux. Lille,
1804, Marlier, 1 vol. in-4o, oblong. —
Sur la meilleure méthode de propager,
élever, nourrir et abriter les montons de
la race existante dans le département du,
Nord, et sur les moyens d'en obtenir une
laine améliorée . Douai, 1806, Deregnau-
court, in-8'. — Recueil d'analyses chi-
miques de diverses substances minérales,
végétales et animales. Lille, 1808, Leleux,
1 vol. in-8". — Essai d'une faune du
nord delà France. Lille, 1808, Marlier,
in-8<>. — Essai comparatif des diverses
théories chimiques. Paris, 1809, J. Klos-
terman, 1 vol. in-8". — Sur diverses
i|) Métiioires sur les tfueslious proposées par
l'Aaulnnie royale des sciences et des helles-let-
ires de Bruxelles. Bruxelles, i^itH, iii--4», Nouv.
M.-in ,1. III.
''2, AiV Initie roijttlc de lirlfjiijiic, iriiiihne
iiiinii'crsaire. Biiixellcs, 187:2, vol. II.
463
DRAPIEZ — DKEGNAL
lb4
matières colorantes que V 071 peut obtenir
de quelques insectes nouveaux ou peu con-
nus. Paris, 1809, J. Klosterman, in-8'^'.
— Essai sur V amélioration des terres et
la suppression des jachères. Cambrai,
1809, Defremery, 1 vol. in- 8". — Ré-
sumé des leçons de chimie et de matière
médicale, données à V école primaire de
médecine de Lille, 1810. Leleux, 1 vol.
in-4u. - — Sur la fabrication du sucre de
betteraves. Paris, 1811, Mme Huzard,
in-8". — Notices nécrologiques et biogra-
phiques sur quelques hommes distingués du
département du Nord. Lille, 1816,
Vanacker, iii-80. — Annales générales
des sciences physiques, en collaboration
avec MM. Bory de Ï5aint-Tincent et
YanMons.Bruxelles, 1819-1821. Weis-
senbruch, 8 vol. in-S",avec ligures colo-
riées. — Coup d'oeil mlnéralogique et
géologique sur la province de Maii.aut.
Bruxelles, 1823, P.-J. Demat, i vol.
in-4 », avec figures. — Dictionnaire por-
tatif de chimie, de minéralogie et de géo-
logie. Paris, 1833, Dufour, 1 vol. in-80,
figures. — Dictionnaire classique d'his-
toire naturelle, en collaboration avec
MM. Audouin, Bory de tiaiut- Vincent,
Bourdon, Brongniart, Decandolle, etc.
Paris, 1824, Rey et Gravier, 17 vol.
in-8". — Dictionnaire portatif de chimie,
de minéralogie et de géologie, 2e édit.
revue et augmentée. Bruxelles, 1825,
P.-J. Demat, 1 vol. in-80 avec figures.
— Traité de minéralogie usuelle. Paris,
1826, Malher et Cie. 1 vol. in-12. —
Herbier de V amateur des fleurs, rédigé
sur le plan de V Herbier général de l'ama-
teur, de M. Loiseleur-Deslongchamps.
Bruxelles, 1828 et années suivantes,
P.-J. Demat, 8 vol. in-8' avec 600 pi.
coloriées. — Tableau raisonné des plantes
cultivées assez généralement dans les jar-
dins. Ce travail, de 10. feuilles in-8", fait
partie de l'édition du Manuel complet du,
jardinier de Noisette, publié à Bruxelles,
Auguste Wahlen, 1 vol. grand in-8'J. —
Précis oruithologique ou Histoire naturelle
des oiseaux. Paris, 1829, Bailly de Mer-
lieux, 2 vol. in-8". - — Iconographie des
oiseaux classée suivant la mélJiode de
Cucier. Paris, 1829, in-12. Il complète
le Traité élémentaire d'ornithologie. —
Nouveau dictionnaire classique d'histoire
naturelle. Bruxelles, 1829, Wahlen et
Dewaet, grand in-80. — Cours complet
d'histoire naturelle, médicale et pharma-
ceutique, publié avec le concours de
MM. Georges Cuvier et Richard.
Bruxelles, 1835, H. Dumont, 2 vol.
grand in-80 et atlas de 160 planches.—
Résumé général des formules pharmaceu-
tiques, publiées par les facultés de mé-
decine, ainsi que par les savants qui
ont été chargés de ce soin. Bruxelles,
1836, H. Dumont, 1 vol. in-18o. —
Dictionnaire classique des sciences natu-
relles , en dix volumes et un atlas ,
publié à Bruxelles de 1837 à 1845. —
Traité élémentaJre d'ornithologie ou d'his-
toire naturelle des oiseaux, avec atlas de
48 planches, Paris, 1842, in-18.
Van Beneden-
Dictiomiaire des couieiiiporaiiis, de Yapprcau.
— Dictionnaire des hommes de lettres, savants,
artistes, etc.. de la Belgique, publié chez Vandei -
maelen en 1837, avec une bibliooraphie jusqua
celle date. — AUjemeene Levensbesehryvmg der
niannen, enz. van Delgie, door Piron (au supplé-
ment;. — Biogr. générale de Didol.
URKG^'Ai; (Dergan, de Drlgnan, Ma-
rie, Maroie, ou Marote), trouvère du
xiiie siècle. C'est à Lille qu'elle paraît
avoir composé une chanson assez vive et
qui devint célèbre. Elle y défiait l'hiver
le plus rigoureux de porter la moindre
atteinte à son humeur juvénile et joyeuse :
Moût m abellist {me plait) quant je voi revenir
Iver, grésil, et gelée apparoir;
Car en tous tans se doit bien réjoir
Bêle pucele, et joli [joyeuxj cuer avoir.
Si [donc] chanterai d'amour...
C'est tout à fait « la chanson légère à
entendre « comme s'exprimait déjà
Quesnes de Béthune. Cette franche épi-
curienne peut très-bien avoir appartenu
à une famill? noble ou du moins riche
de la Flandre wallonne. « Il semble, dit
M. Paulin Paris {Hist. Litt. de France,
t. XXIlI),que tous les hommes favorisés
d'une haute naissance, ou possesseurs
d'une grande fortune, se crussent alors
obligés de montrer leur suffisance dans
le gai savoir, en rimant quelques cou-
plets, et en les accompagnant d'une mé-
lodie gracieuse et facile. C'était là pour
iHo
DREGNAU — DKIEDO
lb6
eux comme une preuve de noblesse et de
bon enseignement. «
Andrieu Contredit adressa courtoise-
ment plus d'une chanson ou pastourelle
à Marie de Dergan. On en cite une,
notamment, terminée par ce gracieux
envoi :
Chan(,'on, vat-en sans retraire .sans faute)
Vers Dergan soies errant {sur-le champ)
Di Marole la vaillant
Qu'elle peusl de joie faire.
Peut-être lui adressa-t-il aussi de ces
jeux-partis, comme il en envoya à son
ami Guillaume le Vinier. {Ed. Màtzner,
Altfranzômche lieder.) j. siecher.
A. Dinaux, Trouvères de la Flandre, p. 317-
H:20. - Histoire littéraire, t. XXIII. — Serrure,
Geschiedenis der Letterkunde, j). 51 .
DREPPK (Louis), graveur, né à
Liège en 17-i4, décédé en 1783. Il fut
élève de son père, mais s'appliqua sur-
tout à l'étude des belles productions de
Jean Duvivier, le célèbre graveur sur
médailles. On sait que celui-ci et un
autre Liégeois, son prédécesseur, Jean
Warin, s'étaient acquis en France, par
leurs œuvres, la plus glorieuse réputa-
tion, et l'on comprend qu'un de leurs
compatriotes ait été entraîné à étudier
leur dessin, leur style bien qu'il se
vouât, surtout, à une branche de l'art
tout à fait distincte de celle dans la-
quelle ils s'illustrèrent : c'est, en effet,
par les gravures au burin, dont il a
orné un assez grand nombre de livres,
que le nom de Dreppe a obtenu une
certaine notoriété et qu'il a mérité de
survivre.
L'artiste n'est cependant parvenu
qu'à la moitié de sa carrière : il n'avait
que trente-neuf ans quand la mort vint
l'enlever. F. stappacrts.
DKIEDO (Jtav) ou Dkidoens, con-
troversiste et professeur, né à Turnhout
vers 1480 et décédé à Louvain le 4 août
1535. Il s'appelait Xeys par son nom de
famille, qu'il changea, selon l'usage des
lettrés deson temps, en celui deDridoens,
parce qu'il avait vu le jour au hameau
de Darisdonck sous Turnhout. Après
avoir fait ses humanités sous la direction
des religieux augustins du prieuré de
Corsendonck, situé à proximité de la
maison de ses parents, il vint à Lou-
vain étudier la philosophie, et, comme
élève de la pédagogie du Faucon, obtint,
en 1499, la première place au concours
général de la faculté des arts. Il enseigna
ensuite la philosophie dans ce collège,
et dirigea, en qualité de précepteur,
l'éducation littéraire du jeune prince
Charles de Croy, devenu plus tard évê-
que de Tournai. Dans l'entre-temps il
se lia d'étroite amitié avec Adrien YI,
encore professeur de théologie à Louvain
à cette, époque et gouverneur des études
du jeune Charles-Quint, qui habitait
avec son maître le Chàteau-César, an-
cienne résidence des comtes de Louvain
et des ducs de Brabant. Ce fut sur les
conseils d'Adrien VI que Driedo, qui
avaitembrassé l'état ecclésiastique, aban-
donna les spéculations abstraites de la
philosophie pour se livrer avec ardeur à
l'étude des sciences sacrées, comme il
le raconte lui-même dans la préface de
sou traité De captivitate et redemptione
gêner is liumani.
Il prit successivement les grades de
bachelier et de licencié en théologie, et
fut promu au doctorat dans cette science,
le 17 août 1512, après avoir subi, de la
manière la plus brillante, les épreuves
préparatoires à cette promotion, sous
la présidence d'Adrien YI, son maître
favori. Avant d'obtenir cette distinc-
tion, il jouissait déjà d'une haute con-
sidération dans le monde universitaire,
car, dès l'année 1509, il avait été admis
au conseil de l'université comme un des
délégués de la faculté des Arts; l'année
suivante (1510J, il devint chanoine du
chapitre de Saint-Pierre à Turnhout,
et, au mois de juin 1512, curé de Saint-
Jacques à Louvain; enfin, l'écolàtre
Jean de Houterlé, eu fondant par testa-
ment le collège qui porta son nom,
nomma Driedo président de cet établis-
sement, que celui-ci dirigea depuis le
2 janvier 1512, jour du décès du fon-
dateur, jus(|u'au commencement du mois
de juillet 1521. En 1520, il obtint un
canonicat de la deuxième fondation ;i
l'église de Saint-Pierre à Louvain, qu'il
échangea, vers la fin de sa vie (proba-
167
DHltDU — DHIESSE.N
\6H
blement le 6 juiu 1534 ou 1535), avec
un canonicat de la première fondation
dans le même chapitre; à l'un et à
l'autre de ces bénéfices était attachée
une des chaires de la facidté de théo-
logie de l'Université. Pendant les quinze
années qu'il enseigna les sciences sa-
crées, il se montra constamment l'ad-
versaire acharné du protestantisme nais-
sant, et composa plusieurs ouvrages de
controverse, encore fort estimés aujour-
d'hui. X-e style de ces écrits est clair,
correct et sans affectation, au point
qu'Erasme, le censeur acerbe des théo-
logiens de son temps, rend hommage
aux talents et au caractère de Driedo,
en disant que celui-ci, dans ses contro-
verses, est tout à la fois savant et sans
passion.
Voici la liste des ouvrages que nous a
laissés le docte et pieux professeur de
Louvain : 1. De eccle-ùasticis scripiiiri-s
et dogmatibm Ubri IF. Lovanii, Kutge-
rus Eescius, 1533; vol. in-fol. de
634 pages, réimprimé dans la même
ville en 1543 et 1550. Le premier livre
traite des livres qui composent la sainte
Ecriture ainsi que de leur authenticité,
le second des traductions, le troisième
de la chronologie, le quatrième des livres
apocryphes et des dogmes contenus dans
la tradition. — 2. De captkitate et
redemptioue yeneris humani liber uiihh.
Lovanii, Rutgerus Rescius, 1534; vol.
iu-4j de 519 pages sans la longue pré-
face, réimprimé en 1548 par Barthélemi
(i ravins. — 3. De concordia Uberl arbi-
tra et prœdestinationiis dicitiœ liber unus.
Lovanii, Rutgerus Rescius, juillet 1537;
vol. in-4o de xti-242 pages. — -i. De
gratia et libero arbitrio libri duo. Lova-
nii , août 1537; volume in-4 > de
xxiv-272-105 pages. — 5. De liber tate
christiana. Lovanii, 1546. Le privilège
est daté du 1" octobre de cette année.
11 y a eu plusieurs éditions des œu-
vres complètes de Priedo, publiées par
les soins du célèl)re théologien Ruardus
Tapperus. Elles ont été imprimées par
Barthélemi Gravius en 1546, 1552
et 1556, et forment 4 volumes in-folio.
E.M.J. R«ii!.piih.
Annuaire de iLniversile caiholit/iw, l8o9.
DRiE!^»!Cuii>» (Jacqiie/i) , chroni-
queur, xve siècle. Voir Vandex Dries-
SCHE {Jacques).
DKIE!>»KE!V {Antoine), professeur,
ministre réformé, polémiste, né à Sit-
tard, en 1684, mort à Groningue, le
11 novembre 1748. Il étudia à Bois-le-
Duc, Fraueker et Leyde, et devint suc-
cessivement prédicant à Eisden (1704),
àMaestricht (1709) et à Utrecht(1711)
où il fut, définitivement, ministre le
1er février de la même année. En 1717,
il fut chargé d'enseigner la théologie à
Groningue où il exerçait, en même temps,
les fonctions de prédicateur académique.
En prenant possession de sa chaire, il
prononça un discours sur l'amour fra-
ternel {De phUadeljjhia), et il eût été fort
désirable, tant pour lui que pour l'église,
qu'il eût mis en pratique les principes
si bien développés dans cet écrit.
Driessen fut un savant théologien ;
mais son zèle exagéré pour l'orthodoxie
de l'Eglise réformée et pour la stricte ob-
servation des devoirs lui suscita beau-
coup d'enniiis et des querelles, tant avec
ses collègues qu'avec les ministres ré-
formés. Les écrits publiés à cette occa-
sion ne firent qu'envenimer le débat, et
peu de savants eurent une vie aussi agi-
tée : le nom de T)riessen se trouve, pour
ainsi dire, à chaque page de l'histoire
ecclésiastique de cette époque.
Voici quelques-unes de ses principales
publications : toutes témoignent du sa-
voir et de l'activité de leur auteur, liien
qu'elles aient peu contribué au progrès
de la science : 1» Epidola ad rirum phir .
vener. et clar. T. H. v. d. Honert quâ
petitar solutio qnarunidam dijficullatuui .
— 2o Dissertatio clar. Wittichii disputa-
tioni opposita. — 3'J Ecangelische zede-
kunde. Utrecht, 1716, in-8o. — 4'J ///
Apocalypsin. Trajecti, 1717. in-4'. —
5" De principiis et legibus theologiœ em-
bleniaticœ, allégories, typicœ et prophe-
tirce. Trajecti, 1717, in-4o. — 6' Over
de wondern-erken ran Jésus C/iristus.
Utrecht, 1717, in-4o. — 1" Over de
openbaringen van Joliannex. Leiden , 1718,
iii-8'>. — 8' Ouliverp betreffende de eeu-
wige geboorte des Zoom uit den Vader.
109
DRIESSKN — DPaEl'X
170
(iroiiinghe, 1719, in-1 '. — W • Theolo-
gitf, nutitrulis âel'ineofio. Gron., 1719,
in-4'. — 10" Orator erangeliciis. Gron.,
1721, in-4'5. — llo Mediiationes in
Geneseos IX cnpita priora . ( i ron . , 1721-
1733, 3 vol. m-\'. — 12° Ocer de pro-
phétie van Daniel. Gron., 1722, in-4o.
— 13° Het zaligmahende (jeloof teyen de
verboatering van Jiet gereformeerd yiloof.
Gron., 1722, in-to. — l^o Orei- de
ahjemeene genade. Gron., 1728, in-8o.
— 1 5 «' Homo vêtus et noviis . Gron . , 1728,
in-4'. — \Ç)0 Leer derbyzondere genade.
Gron., 1732, in-4". — 17" Bivinn
auctoritas codicis novi Testamenti vindi-
cata. Gron., 1733. — • 18f> Dissertatio
de vindicis Justifia Divines et satisfactio-
nisJ. C. necessitate. Gron., 1734, in-4'.
— 19o Tractattis de Revelationibus. Gro-
nintr., 1737, in-4", etc., etc.
Aiig. Vandt-r Meersch.
Van Abkoude, Saamre<ji-:ier vau Boeken. —
Ypey, Geschieilenis der Krixt. Kerk. — Ypey en
Derri'iut . Geschiedenis der yederl. Iierrormde
Kerk, l. III, p. 203. — Muller, Cat. vau Godge-
leerde werkeii, p lOH. SuppI , p. 66.— Kobus en
Uivecourt, Bektwpl bùxiraphisch woordenboek.
— Vander Aa, Biographisch woordenboek.
DRIE!V9E^'!« [Valère- André), histo-
rien, jurisconsulte, professeur, né à
Desschel (ancien Brabant), le 27 novem-
bre 1588, mort le 29 mars 1655. Voir
André {Valère).
* DRiEC'X {Michel) ou Driutius,
théolotcien, né à Volckerinchove, près de
Cassel, en 1495, et décédé à Louvain le
16 septembre 1559. Il était fils d'Adrien
Drieux et de Marie s^wartens. Il ensei-
gna d'abord à l'université de Douai,
puis à celle de Louvain, qui l'éleva à la
dignité de chancelier. Son savoir lui
avait conquis l'estime et la bienveillance
du prince-évêque de Liège, qui le nomma
officiai de sa cour spirituelle. Par la
création, à l'université de Louvain, du
collège qui porte son nom, ce savant
s'est acquis des droits à la reconnais-
sance de la postérité. Son testament,
daté du 28 juillet 1559, stipule les con-
ditions de cette fondation scientifique et
mentionne les libéralités ([u'il y con-
sacre. Michel Driutius était doyen de
l'église collégiale de Saint-Pierre, où il
est inhumé devant l'autel de Saint-Ives,
sous une pierre tiiiriulaire portant cette
épitaphe :
VE.NERABILIS ET EM.MILS J -C. DOMl.NUS
MICHAEL DKILTIUS,
OI{Ti:s EX VOIXKEKINCHOVE TEKHITORn CASLETE.NSIS
ARTUM ET JIRIS ITRHSOIE DOCTOR
AN.MS '28 OKUl.NARICS DECRETORLM PROFE.SSOR,
ACADEMI.^^, LOVAME.NSIS CANCELLARIL'S.
SPIRITLALIS CURJ/E R. EPISCOPI LEODlENStS
OFFICIALIS,
NEC .NO.V H^RETlCiE PRAVITATIS ISQIISITOR
FUNUATOR COLI.EGII DRIITIAM
CONTl.NUIS SUMMl-sgrE LABOKIBLS ET VIGILIIS
r.Al'SA REIP. CHRISTIAN^ CONFECTL'S
OBUT 16 SEPTEMBRIS 1339
-ÎTATIS SU.€ 64.
Baron Kenyn de Volkairsbvke.
Sanderus, Flatidria illustrata. — Baron de
Croeser de Berges, Abrégé genéalogiriue de lit
parenté de mes.sire Michel Ùrieux dit Uriitliiis,
Bruges, I78.i.
* DRiECX {Rémi) ou Driutius ,
évêque de Bruges, neveu du précédent,
né à Volckerinchove en 1519 et décédé
à Bruges le 12 mai 1594, était fils de
Rémi frère du chancelier de Louvain et
de Catherine Fenaerts. Il entra de bonne
heure dans les ordres. Son amour du
travail et les rapides progrès qu'il fit
dans l'étude du droit déterminèrent
son oncle à l'appeler auprès de lui. Reini
Drieux n'avait que vingt-cinq ans lors-
que, en 1 544 , il devint professeur de droit
civil à l'université de Louvain. En 155 6,
il fut nommé doyen du chapitre de Saint-
•lacques et un an après il entra au grand
conseil de Malines. Dans cette haute
position il se fit remarquer comme cano-
niste et comme jurisconsulte. Le cardi-
nal de Granvelle, alors archevêque de
Malines, rendant hommage à ses vastes
connaissances, le nomma oflBcial à sa
cour spirituelle. Philippe II lui ayant
conféré la dignité de prévôt de l'église
collégiale de Notre-Dame à Bruges, le
désigna peu de temps après, en 15 60,
pour occuper le siège épiscopal de Leeu-
waerden; mais, les troubles religieux
(jui déchiraient la Frise ne lui permi-
rent pas de se faire sacrer et de prendre
possession de son siège.
Le premier évêque de Bruges, Pierre
Curtius, étant décédé en 1567, l'évêque
nommé de Leeuwaerden, que les événe-
ments politiques tenaient éloigné de
son diocèse, fut transféré, en 1569, à
celui de Bruges dont il prit possession,
DR (EUX — DRION
172
après avoir été consacré solennellement,
le 13 novembre de la même année, à
Malines par Maximilien de Berghes,
archevêque de Cambrai, assisté de Fran-
çois Sonnius, évêque de Bois-le-Duc et
de Corneille Jansenius, premier évêque
de Gand.
La correspondance qu'il entretint
avec ce dernier, avec Maximilien Mo-
rillon, évêque de Tournai, mais surtout
avec le cardinal de Granvelle et les per-
sonnages les plus considérables de son
temps, témoigne à la fois de son pro-
fond savoir, de l'influence dont il jouis-
sait et du respect qu'inspirait son noble
caractère; son dévouement au roi et à
sa patrie s'y manifeste à chaque ligne.
La part qu'il prit aux grands événe-
ments qui se sont produits au xvie siècle
et les souffrances qu'il endura à cette
époque orageuse, placent Driutius au
premier rang parmi les hommes qui se
sont signalés dans les Pays-Bas soixs le
règne de Philippe IL
Driutius s'était lié d'amitié avec le
célèbre Rythovius, évêque d'Ypres, qui
siégeait comme lui aux états de Flandre
réunis à Gand en 1577, lorsqu'il fut
arrêté, en même temps que l'évêque
d'Ypres et plusieurs autres grands sei-
gneurs, pendant la nuit du 28 au 29 oc-
tobre, par Hembyse et François de la
Kethulle seigneur de Ryhove. Ce coup
d'Etat d'une audace inouïe, et qui servit
de prélude à d'autres actes d'une vio-
lence extrême, avait eu lieu avec tant
de promptitude, qu'aucun des seigneurs
désignés à la vengeance des deux tribuns
ne parvint à se soustraire au triste sort
qui l'attendait.
Après une captivité de deux ans, pen-
dant laquelle les douleurs morales et
physiques ne leur furent pas épargnées,
les prisonniers ayant réussi à s'évader,
Driutius fat obligé de chercher un refuge
ailleurs que dans sa ville épiscopale, où
ses ennemis s'étaient emparés du pou-
voir. Il demanda tour à tour l'hospita-
lité à Tournai, à Courtrai et à Aude-
narde, tandis que son chapitre s'était
retiré à iSaint-Omer.
Ce ne fut qu'en 1584, lorsque le
prince de Parme eut rétabli l'ordre dans
le pays, que Driutius rentra dans sou
diocèse. Le peuple l'accueillit avec d'au-
tant plus d'allégresse qu'une ère de paix
allait succéder au tumulte et aux désor-
dres dont il avait souftért. Le vénérable
évêque s'appliqua, avec un zèle vérita-
blement évangélique, à cicatriser les
plaies que la guerre civile avait faites.
Le peuple le pleura et honora sa mé-
moire. Il fut enterré dans le chœur de
sa cathédrale à côté de la tombe du
comte Louis de Nevers, et l'on grava
l'épitaphe suivante sur la pierre qui
couvre sa sépulture :
SEPULTURA REVERENIllSSIMT DOMINI
■ h. REMIGII DRIUTU
CASLEïANI,
RRUCARUM SECUNDl EPISCOPI,
CANCELLARH FLANDRI^ PR/EFECTUl,
REGIS CATHOLICI IN SUPREMO CONClLiO MECHLINl^ï
Xn ANNOS CONCILIARU.
CUM ML'NIA EPISCOPATL'S XXIV A.NNOS,
MENSES SEX EXERCUISSET,
CADUCAM HANC VITAM
CUM ALIA FELICIORE COMMUTAVIT
XII MAII ANNO DOMINI M.D,XCIV
ORATE PRO ANIM^ ILLIUS REFRIGERIO.
Barun Kei'vyn de Volkaersbeke
Baron de Croeser de Berges, Abrégé généalo-
logique de la parenté de HJichel de Drieux dit
Driutius, Bru<;es, '1785. — De Jonge, Unie van
brussel desjaara 1877. — Histoire du diocèse de
Bruges. — Kervyn de Volkaersbeke, Mémoires
sur les troubles de Gand, 1577-1079. — Annales
de la Société d'émulation de Bruges.
»Rio;v {Bieudonné de), prince-abbé
de Stavelot, né à Aisomont, au ban de
VVanne, près de Stavelot, mort le 14 juin
1741. Il succéda au prince-abbé De
Massin, dont la succession fut si vive-
ment disputée par plusieurs princes,
parmi lesquels un duc de Saxe, qui
avait obtenu à Rome des bulles d'éligi-
bilité. Après plusieurs scrutins, le révé-
rend dom Dieudonné de Drion, prieur
de Malmédy, fut élu prince-abbé le
2 août 1731, élection accueillie avec
bonheur par ses nouveaux sujets, qui
lui rendirent des honneurs sans exemple.
Drion avait déjà exercé divers offices
dans son monastère et avait toujours fait
preuve de jugement, de sagacité et de
pénétration; à ces qualités si rares il
joignit une grande fermeté; mais, il faut
le dire à sa louange, jamais, dans une
affaire, il ne se prononçait qu'après
examen de ses conseillers intimes et
178
DRION — DRIPT
d'une espèce de conseil privé qu'il avait
H Lié2:e.
L'union entre les autorités de Mal-
médy laissait grandement à désirer; à
peine revêtu de la dip^nité- abbatiale, il
prit à tâche d'aplanir les difficultés
pendantes entre la haute cour et les
bourgmestre et commissaires de ^[al-
médy. Mais un conflit d'un caractère
plus grave, à cause de la qualité des
parties, éclata à sou sujet : Drion avait
exprimé l'intention de se faire bénir à
Malmédy; l'évêque de Liège prétendit
que cette cérémonie devait se faire,
comme de coutume, dans son diocèse.
L'archevêque de Cologne, de son côté,
s'opposa à cette prétention; l'affaire
ayant été déférée à la connaissance de
la cour de Rome, celle-ci ne donna gain
de cause à aucun des deux èvêques. Elle
fut d'avis que le prince de Stavelot et
de Malmédy ne dépendant ni de l'un ni
de l'autre, pouvait, à son gré, comme
exempt et immédiatement soumis au
souverain pontife, se faire bénir dans tel
diocèse qu'il lui conviendrait de choisir.
Cette décision étant transmise par la
voie de Cologne, Drion s'empressa de
se rendre, incognito, dans cette ville, s'y
fit bénir dans la chapelle de la Xoncia-
ture et revint, toujours incognito, dans
son monastère à ]\[almédy. Il eut encore
à mettre fin à une autre difficulté pen-
dante au Conseil aulique entre le prince
et le pays : il s'agissait des investitures.
Plusieurs rescrits impériaux avaient fait
connaître que l'empereur verrait avec
plaisir terminer ce difi'érend à l'amiable.
Afin de se conformer à ce désir et de
témoigner de leur dévouement an nou-
veau prince-abbé, les officiers rassemblés
en corps dans l'abbaye de Stavelot firent
une louable transaction avec les dé-
putes de Son Altesse ; en vertu de cette
transaction, les premiers s'obligeaient à
payer une fois seulement, et sans pré-
judice ni conséquence, une somme de
20,000 florins. Le prince, de son côté,
se procurerait dorénavant, à ses frais
et à l'entière indemnité du pays, ses
investitures et payerait les arriérés de
celles de ses prédécesseurs.
11 publia aussi divers mandements et
règlements pour la bonne administra-
tion du pays ; on en trouve les textes
dans De Yillers (Histoire de la princi-
panté de Malmédy et Stavelot), manuscrit
conservé à la bibliothèque de l'université
de Liège. Enfin l'administration de la
justice fut l'objet de ses soins particu-
liers. Vu règlement provisionnel pour
le magistrat de Stavelot, règlement qui
ne fut guère dugoûtdeséchevins, devint
la première source des difficultés que le
prince eut avec la haute cour dudit lieu.
Mais il trancha les difficultés par un
mandement foudroyant d'autorité; ce
fut le dernier de son règne. Atteint
d'une maladie de poitrine, il expira à
^Malmédy et fut enterré dans l'église
abbatiale, au côté droit du maître-autel.
Sa tombe érigée en marbre blanc et noir
fut, après la démolition de cette église,
en 1782, transférée de là, ainsi que son
épitaphe, dans le temple nouvellement
construit. Cette épitaphe est mentionnée
par De Yillers, qui rapporte, en même
temps , toutes les particularités énu-
mérées dans cette notice et relatives au
gouvernement du prince-abbé.
Aug. Vander Meerscli.
DR.IPT {Laurent »k), né à Yenloo,
en 1638, décédé à Xeuhauff, le 27 avril
1686, entra dans l'ordre des bénédic-
tins et y fit sa profession solennelle, le
17 février 1652, à la célèbre abbaye de
Saint-Yith, à Gladbach. Après avoir,
pendant plusieurs années, enseigné la
théologie dans son monastère et dans
celui de Corbie, il fut appelé à la cour
de Sigismond, évêque et prince de Pa-
derborn, l'un des protecteurs de son
ordre. Ce prince en fit son théologien en
titre et lui conféra, un peu plus tard, la
dignité de vicaire général du diocèse.
Ce fut dans cette paisible retraite qu'il
composa la plupart de ses ouvrages. Il
se distinguait par une science réelle,
mais ses opinions théologiques ne sont
pas toutes d'une orthodoxie rigoureuse.
Il a laissé les livres suivants :
1" Anti-DecàloguH theologico-poUticua
reformata, cum appenttice refatatoria
Theodori Reinkingk çuondam Da^iice raii-
rellarii in regimine ecchKiastico. Colo-
nifp, 1672, in-16, et Paderborn. 1672.
DRI1>T — DUdMAl.
I7t,
iu-12. 2"^ Virgd Lnuretnmi . Xeiilms.,
1673, iii-8o. 3'i Statera et e.ramen //-
heUi a sacra caméra prosci'ipti cui titu-
h(s : Monita aalntaria Beat ce Virc/itiis ad
sKOs cidtores i?idiscretos. Colonife, 1675,
in-8o. 4' Spéculum arcliidiaconale sire
pra.ris officii et visitationis arcliidîaco-
valis, in ç/ratiam vicariorum generalimn,
archidiaconorum , aliorumque visitatorum
synodalium et curam animarum haben-
tium, coriipilatuiii . Xeuhxis., 1676, in-8'.
5^ Cautio jvdicialis frœlatorum ercle-
siasticorvïii et regidarium , in qno, qnod
fît, sunt/nariè de piano, simpliciter , sine
strepitu et fgurajudicii, sola rei veritafe
inspecta, et quomodo superiores ecclesias-
tici et regvlares contra suos suhditos in
cansis leribns, gravibus seu criminalibns
procedere debeant, paucis demon^tratur .
Xeuhusii, 1684, iii- S-.
J. J. Thonissen.
Harlzeim, Bibliotheca coloiiinisix — Ziegel-
bauer, Historia rei litierariœ nrdiiiis S Beue-
dictt.l. IV, pass — {^dqniti, Matfriuux uiaiiusnit>t.
t. IV, p. 39Û (manuscriis do la Bib!ioihe(|ue
royale).
omYERiiiSi {Jértmie), professeur,
médecin, physicien, né à Braeckel, près
de Grammont, en 1504, mort en 1554.
Voir De Drtvere (Jérémie).
DROGOX (Saint), hagiographe, né à
Ghistelles, naquit dans le troisième
quart du xie siècle et mourut après
l'année 1118. Il embrassa la règle de
Saint-Benoît avant l'année 109 S, soit à
l'abbaye d'Aftiighem, soit dans un mo-
nastère de la Flandre. Lorsque, en 1100,
Robert le Frison, comte de Flandre,
fonda le couvent de Saint- André, près
de Bruges, Progon fit probablement
partie de la colonie qui fut envoyée à
Bruges. En 1118, il fut chargé de la
cure de Ghistelles, sa ville natale, qui
venait d'être incorporée au monastère
de Saint- André, et l'administra jusqu'au
moment de sa mort.
Beaucoup de savants confondent trois
hommes qui ont porté le nom de Dro-
gon, et de trois n'en font qu'un : ces
trois hommes sont Drogou, religieux de
Bergues-Saint-Winoc,Drogon,évéquede
Thérouanne, et Drogon de Saint-André
près de Bruges. Par uue conséquence
naturelle de cette première erreur, les
mêmes écrivains sont lombes dans une
seconde, en attribuant à un seul auteur
tous les écrits portant le nom de Dro-
gon. Drogon, religieux de Saint-André
près de Bruges, a laissé la Vie de sainte
Godelieve, ]jatronne de Ghistelles. Ce
travail, qui est dédié à Eadbodon, évê-
que de Tournai, mort en 1098, a été
publié par les Bollandistes dans.les Acta
Sanctornm Julii, II, p. 402-413, sous
le titre de : Fita Sanctœ Godelirce, auc-
tore Brogone monacho et sacerdote. Surius
l'avait déjà publié auparavant, dans ses
VitfE sanctornm, mais après en avoir
complètement dénaturé le style.
E.-H.-J. Reus«ns.
Acta sanctornm Julii, 11. p. 862-370. — Histoire
littéraire de la France, VIII. \i. il, et X, p. -lï^^.
— Goeihais, Chronica monasierii Sancti Andreœ
ju.rta Brugas, Gandavi, 1846, ji. -21. — Polthast,
Bibliotheca Imiorica inedii œri, p 724.
DRObox (Saintj ou Dracon, hagio-
gi'aphe, né à Bergues, dans la Flandre
française, et mort à l'abbaye de Bergues-
Saint-Winoc vers 1070. Jeune encore,
il embrassa la vie monastique à l'abbaye
bénédictine de Bergues-Saint-Winoc, et
y acheva toutes ses études. Il fit plu-
sieurs grands voyages ; et visita entre
autres le Danemark, Hambourg et les
contrées voisines. Il a laissé plusieurs
écrits : lo Vita S. TFinoci , publiée par
Mabillon dans les^c^a Satictonan ordinis
S. Benedicti, sseculum III, p. 315-32 7.
— 2" Vita S. Leivince, publiée par Mabil-
lon, dans les Acta SS. 0. S. B., saec. VI,
part. II, p. 112-126; et par les Bollan-
distes, dans les Acta Sanctornm Julii, V,
p. 613-627. — 3o Vita S. Oswaldi,
régis Nort/iumbHa ac martyris, publiée
par les Bollandistes dans les Acta Sanc-
torum Augusti, II, p. 94-103.
E.-H.-J. Reusens.
Histoire littéraire de la France, VIII, p. 11.
nRO.w.%1. (Jean), chantre de l'église
de Sainte-Croix à Liège, mort en 1637,
dont on connaît l'ouvrage suivant :
Conviviuni niusicum, in quo binis, ternis,
quaternis, quinis et senis vocibus, nec non
et instrunientis recolitur, cuni basso conti-
nua. Anvers, 1641; iu-4o, opus 2.
Aug. VaUitef .Meerscb.
Becdelièvre, Biographie liégeoise, l. I, p. n03.
— Fr. Félis. Biographie des Musiciens, ^'''diiinii.
DUOOMKIIS
178
l»itooiii':K!« {Jean), poi'te draina-
tique brugeois du xviTft siècle. 11 était
probablement de la famille de C. Droo-
iners, de Dunkerque, qui composa plu-
sieurs épîtres eu l'honneur de son ami
^richiel T)eS\vaen(voy. Deïîwaen). Quoi-
qne fadeur de la gilde brugeoise de D)'ie
Sa7itirinen, on trouve à peine son nom
dans les Verhmdelingen de Willems, et
il n'est pas même cité dans les 4 volumes
i\%\9. Biographie de la Flandre occiden-
tale ni dans les Annales de la société
d^ Emulation. « Il fut, dit Snellaert
{^Belfjisclt muséum, IX, 340), un de ceux
qui essayèrent de réveiller le goût de la
littérature en Flandre, comme on le fai-
sait alors à Anvers et en Brabant. «
Outre quelques vers qui se trouvent
dans les feuillets liminaires des ouvrages
de ses amis Dr Smits et J. Vaerman,
on ne connaît de lui que deux pièces
dramatiques assez bizarres : lu Idonea,
docMer van LotJiarins en Liederyl' de
Bnnk , eersten forestier ran Vlaenderen . . .
Cette tragi-comédie jouée le 14 février
1096 à Bruges parles « amateurs de la
poésie flamande (neder-duytse) « eut plus
de six éditions à Bruges, à Gand et à
Ypres. Malgré la sévère critique de
Witsen Geysbeeck, n'oublions pas l'in-
tention patriotique de cette petite école
brugeoise ; 2° De LanghgeweyiscMe vrede-
vreugJit... (La joie si longtemps désirée
de la paix...) L'édition in-4o (Bruges,
Ignatius van Pee , 1698) dédiée aux
bourgmestre, échevins et conseillers de
la counnune, contient la musique notée
des chansons qui suivent chaque dia-
logue ou plutôt chaque monologue. Cette
pièce a été jouée le .3 mai 1698 par la
confrérie de rhétorique des Trois Saintes
{Drie Santinnen), à l'occasion de la ker-
messe de Bruges et de V Ommeganck du
Saint-Sang. On célébrait en même temps
la fameuse paix de Ryswyck (du 20 sep-
tembre 1697j qui donna queb^ue répit
ù la Belgique, après huit années d'une
guerre terrible, entreprise pour des inté-
rêts qui n'étaient pas les siens. .Jean
Droomers avait été chargé du tradition-
nel Hemel of Reu:enspraek, tel qu'en
avait composé Lambrecht De Vos de
1 641 à 1 644 . Witsen Gevsbeeck s'étonne
de l'approbation accordée à cette pièce
fantastique par J. J. de Baillencourt,
archidiacre et censor lihrorum . On y voit
défiler au hasard le roi d'Espagne, les
quatre fils Aymon, le héraut de P'rance,
les géants Trévanus, Aurélianus. Ma-
charius, un astrologue, Europe, Vénus,
Minerve, Apollon, les Muses, Dieu le
Père, Dieu le Fils, la vierge Marie, la
Sainte Eglise, des anges, des saints,
Mahomet, le grand vizir, Lucifer, la
Mort, les diables. Les plus plates fami-
liarités se confondent avec des tirades
mystiques ou des rodomontades boursou-
flées. Le tout se termine par une chan-
son carnavalesque d'Asmodée sur les
maris trompés Choorndragers). Ce genre
de représentation, dont nous n'avons
aujourd'hui aucune idée, avait été inter-
rompu depuis quelques années, soit à
cause des guerres, soit pour d'autres
motifs. De là, un immense concours de
curieux venus des villes voisines à cette
sorte de factie-spel ou de tvagen-spel re-
nouvelé par .Jean Droomers. Mais les
érudits du temps se moquèrent de l'ana-
chronisme littéraire. Un anonyme gan-
tois composa Averechts lof-dicJd (Eloge ù
rebours du poète soporifique (droomende
poët). Il Jean Droomers, tu as donc rêvé
que tu étais assis parmi les Muses du
Parnasse et qu'elles t'avaient fait poète?
Entre nous, je crois que tes rimes dé-
rivent de l'ivresse ou de la folie. Il faut
plaindre ceux qui sont venus de si loin
à V Ommeganck. On y était plus pressé
([u'on ne le sera à Rome au prochain
jubilé de 1700... « Ecrit au Sas-de-
Gand, au mont Parnasse (des Pontai-
nistes?).
A cette plate satire, qui eut deux édi-
tions in-folio piano, .Fean Droomers ri-
posta, selon le point d'honneur littéraire
du temps , par le même nombre de
vers (97). {EerpUcIdige vcrdedingh ..,
(Défense de mon honneur contre un
calomniateur oblique et clandestin ).
Il O po("'tc bousillfur {klad-poè't) un
honnête homme ne craindrait pas de
signer. Cliat-huaut qui fuis la lumière,
tu me reproches ces noms des géants
brugeois. Est-ce moi qui les ai in-
ventés? Mais toi, qui ne sais pas même
179
DROOMERS — DRUEZ
180
ta langue, il faut t'appeler aterechts,
poëte à l'envers... Quant aux rimes et
chansons du Ballet-icagen (un des chars
de la représentation) c'est Cornelis Kel-
derman qui en est l'auteur. » Cette po-
lémique, dont les pièces n'existent plus
qu'aux archives de Gand, est un véri-
table tableau des mœurs rhétoricalefi de
l'époque. J. Stecher.
Piron, Lerensbeschryiiugen. — Belgisch mu-
séum (IX, 340, 868i. — L Vander Haeghen, Bi-
blioqra/ihie qantoise, V, 346. — Witsen Gevsbeeck,
It, -^09.
DRi'Ez {Louis - Alexandre - Joseph) ,
homme de guerre, né à Tournai le
•21 mars 1777, mort le 10 février 1849.
Il était encore excessivement jeune
quand il débuta dans la carrière mili-
taire, car à l'âge de douze ans, il entra
comme cadet au 3e régiment belge, régi-
ment auquel avait donné naissance la
révolution brabançonne. Lorsque, après
la campagne de 1790, le gouvernement
autrichien se trouva rétabli en Belgique
le jeune Druez se réfugia en Hollande.
11 fut incorporé dans l'armée de ce pays
en 1798, fit avec elle les campagnes de
1798, 1799, 1800 et 1801 en Alle-
magne, puis fut embarqué pour la
Louisiane, où il passa les années 1S02
et 180.3. De retour en Europe, il prit
part de nouveau aux guerres de l'époque
et assista notamment au siège de Stral-
sund (1807), où il fut blessé et reçut le
brevet de sous-lieutenant du train d'ar-
tillerie; trois mois après, sa conduite et
son zèle lui méritèrent le grade de
lieutenant adjudant-major. Il fit alors
les campagnes de ISO 8 en Danemark et
celles de 1809 et de 1 SI 0 en Allemagne
et dans le nord. Les qualités et les con-
naissances de ce jeune officier attirèrent
sur lui l'attention du général Perrière
qui en fit son aide de camp et le conserva
dans son état-major lorsqu'il passa au
service de la France, à l'époque où vint à
sonner la dernière heure du royaume du
roi Louis Bonaparte. Ce fut en cette
qualité d'aide de camp que Druez fit les
campagnes de ISll en Italie, de 1812
en Pologne et en Russie, de 1813 en
Silésie et en Saxe. A la bataille de
Leipzig, il eut un cheval tué sous lui. Il
avait été adjoint à l'état-major de la
4e division du deuxième corps d'armée;
les services qu'il rendit dans cette posi-
tion lui firent décerner l'étoile de la
Légion d'honneur et le désignèrent au
général Guilleminot pour en faire sou
aide de camp. Druez assista en 1814 au
siège de ^layence. Après la première
abdication de Napoléon 1er, il fut appelé
à faire partie de la commission chargée
de fixer les nouvelles limites du nord de
laPrance; ce travail n'était pas achevé
lorsque Napoléon, débarquant de l'île
d'Elbe, remonta momentanément sur le
trône et Druez assista aux batailles des
Quatre-Bras et de Waterloo (les 16 et
18 juin 1815), eut un cheval tué sous
lui dans chacun de ces combats et obtint
la croix d'officier de la Légion d'hon-
neur.
Après la chute définitive du premier
empire français, le capitaine Druez resta
au service de la Prance et fut admis
dans le corps d'état-major en 1818 et
appelé de nouveau à faire partie de la
commission des limites. En 1823, il fit
la campagne d'Espagne ce qui lui valut
le grade de chef de bataillon et la croix
de Perdinand d'Espagne. Après la révo-
lution de juillet iS30, il fut nommé
chef d'état- major dii général Hulot,
mais il lui tardait de revenir dans sa
patrie, otilrir au nouveau gouvernement
issu de la révolution de 1S30, le fruit
de ses talents et d'une expérience acquise
sur plus de vingt champs de bataille. Il
fut accueilli avec empressement, entra
dans l'armée belge avec rang de colonel
d'état-major (septembre 1831) et fut
investi des fonctions de chef d'état-major
de la Ire division de l'armée.
Lorsque la Belgique conclut avec le
gouvernement hollandais la convention
de Zonhoven qui réglait la voie d'étape
pour les troupes hollandaises, entre
Maestricht et le Brabant septentrional,
le colonel Druez fut nommé commissaire
du roi chargé de veiller à l'exécution de
cette convention, mission délicate qu'il
accomplit avec beaucoup d'intelligence
et de tact depuis 1S33 jusqu'en 1839.
Après la conclusion de la paix avec la
Hollande, le colonel Druez, qui avait
I8i
DRUF.Z - DRIWI':
185
atteint l'àg-e de soixante-six ans, reçut,
avec sa pension de retraite, la croix
d'officier de l'ordre deLéopold.
Général baron Guillaume.
Archives de la guerre de France et de Belgique.
DRCXÉR (Gérard) ou Drux.els,
mathématicien belge, mort le 23 jan-
vier 1 601 . Chanoine régulier de l'abbaye
de Tongerloo, de l'ordre des prémontrés,
il fut un dea mathématiciens les plus
savants et les plus expérimentés de son
temps, comme le témoignent les instru-
ments sur cette science qu'il a confec-
tionnés et les nombreux écrits dont on
lui est redevable. Parmi ses ouvrages on
compte : lo Kalmd arinw. hutoricum et
jjoetiaim. — 2" Tabula ■^innnm. — 3" Ta-
bulée ascensionum redarvm . — 4» Tahvlœ
festorum. mobilitim de 1582 à 1601. —
5o Liber de itsn quadrantis astrolahii. —
6o AHitndo noUs ad dngulas horan ad
latitndinew. 5 1 gradunm et 29 mimdormn .
Toutes ces œuvres, restées manuscrites,
étaient soigneusement conservées dans
l'abbaye de Tongerloo. Il donna ses
instruments de mathématiques à Ernest
de Bavière, prince-évêque de Liège, qui
professait pour l'auteur une grande
estime. Aug. Vander Meersch.
Foppens, Bibliotheca belfiica, t. 1. p. 349. —
Delvenne, Biographie des Pays-Bas. — Piron,
Levensbe.scliryi'itigen, byvoegsel.
DRi'iBii;» {Jean), orientaliste, né à
Audenarde en 1550, mort en 1616.
Voir Vaxdex driessche (/m?/).
UMJ^^'É {Adrien-François, en reli-
gion Ambroise), écrivain ecclésiasti([ue,
né à Grammont en 1604, décédé à
Bruxelles le 9 mai 10 65. A l'âge de
dix-sept ans, il entra dans l'ordre des
Dominicains au couvent de Gand, et y
lit sa profession solennelle le 12 septem-
bre 1623. En 1627, le chapitre pro-
vincial de l'ordre, tenu à Arras, le
désigna pour aller à l'université de Lou-
vain continuer ses études théologiques.
Lorsqu'elles furent terminées, il obtint
l'autorisation de se rendre à Paris, au
couvent dit le Noviciat général, où l'on
venait d'introduire une observance plus
stricte de la règle de l'ordre. 11 y resta
jusqu'en 1637- Il revint alors en Bel-
gique au couvent de Bruxelles, qui, à
l'exemple du Noviciat de Paris, avait
embrassé la réforme sévère. Le P. Druwé
y exerça les fonctions du saint ministère
avec un zèle extraordinaire, et sut se
concilier l'estime et l'aftection des grands
aussi bien que des pauvres. En 1641,
il fut nommé chargé d'affaires de l'ordre
près la cour de Bruxelles. En cette
qualité, il travailla à procurer la fonda-
tion de nouvelles maisons de son ordre,
et c'est à lui que les couvents des Pomi-
nicains de Xamur (1649),Revin (1652),
Malines (1652), Bornhem (1658) et
celui de la forêt de Kaspaille, sous
Moerbeke, près de Grammont (1068)
doivent leur origine.
Elu prieur de la maison de Bruxelles
en 1657, le P. Druwé parvint à fonder,
dans la capitale de la Belgique, une
maison de refuge pour les filles repenties,
et l'établit près de la chapelle de la
Sainte-Croix. Deux années avant sa
mort, il fut, en récompense des services
qu'il avait rendus, nommé prédicateur
général de la maison de Bruxelles par le
chapitre provincial , tenu à Gand en 1 6 63 .
Un portrait du P. Druwé se trouve en
tète de la notice biographique publiée
sur ce père, en 1864, par le R. P. Mou-
laert; dans le Behjium Do-mi nican uni du
P. De Jonghe, on trouve une gravure
représentant le P. Druwé couché, après
sa mort, sur un lit de parade. Voici les
écrits publiés par le P. Druwé : lo Exer-
cices spirituels des religieux- coyivers, tant
du premier que du tiers ordre de Saint-
Dominique, par F. A. D. Brusselles,
Martin Van Bossuyt, 1638; vol. in-8'>.
— 2^ Abrégé de la vie de S. Hyacinthe,
noble Polonais, de V ordre des Frères Prê-
cheurs, par F. A. D. Brusselles, .Martin
Yan Bossuyt, 1038; vol. in-] 2. —
3o Les Trophées d' Ambroise de Sp/nola,
général des armées de Sa Majesté Catho-
lique aux Pays-Bas,... composez en latin
par Nicolas Vermdœus,... traduits en
français par un religieux de V ordre des
Frères Prescheurs du collège des PP. Hi-
bernoys. Louvain, Jaques Zegar, 1631;
vol. in-8'> de vi-101 pages.
E.-H. J. ReuteiiB.
P.-Fr.-K. Mniilaert. I.erenxsrhrix van deii veiir-
18:^
DRUYS
184
rabehn Pater Fr. Ambrosins Dniué, Leuven,
1864; \ol. in-12.— /lwH«/e.< de ilnuliinl archio'o-
gique de la province de l.usewbourrj, VI, p. 'Mi.
n«i:T!$ (Jeat/) ou Prusius, théolo-
ECien , homme d'Etat, abbé de Parc,
lez-Louvain, né à Cumptich, près de
Tirlemont, en 1568. Il commença ses
humanités à Saint-Trond et les continua
à Liège et à Xamur. Son parent, Am-
broise Loots, abbé de Parc, l'ayant ap-
pelé à Louvain, le plaça ensuite à la pé-
dagogie du Lis, où il s'y appliqua avec
zèle aux belles-lettres. Il étudia la phi-
losophie à la pédagogie du Faucon. Reçu
à l'abbaye de Parc, à l'âge de dix-sept
ans, il y prononça ses vœux monastiques
le 29 mai 1588, et fut ordonné prêtre
le 29 septembre 1592. Il remplit pen-
dant quelque temps les fonctions de
maître des novices et entra ensuite au
collège des Prémontrés, à Louvain, pour
continuer ses études théologiqiies. Priiys
obtint le grade de licencié en théologie
en 1595. De retour à Parc il y enseigna
la théologie et devint en 1596, sous-
prieur de son monastère. L'abbé Yan
Vlierden appréciait si bien les éminentes
qualités de son sous-prieur, qu'étant à
la mort, il lui remit la bague abbatiale
pour exprimer qu'il le jugeait digne
d'être élevé à la prélature. Jean Druys
fut, en effet, élu abbé de Parc, le 4 juin
ICOl, et sacré par ^fathieu Vanden
Hove, archevêque de Malines. Le nou-
vel abbé s'appliqua avec la plus louable
ardeur à relever son monastère de l'état
déplorable dans lequel les guerres ci-
viles l'avaient mis. Il fit restaurer la
façade de l'église, agrandir le chœur,
orner de boiseries le réfectoire et exécu-
ter d'autres travaux importants.
Pruys entra, en 1604-, aux états de
Brabant. Pans cette assemblée, il se dis-
tinguait par ses vastes connaissances et
par son infatigable application au tra-
vail. Les archiducs Albert et Isabelle
ayant reçu des plaintes au sujet de l'en-
seignejnent des sciences à l'Université
de Louvain, chargèrent, en 1607, l'abbé
Druys et Etienne van Craesbeke, con-
seiller au conseil de Brabant, de procé-
der à la visite de cette institution ; le
nonce Dèce f'araffa y prit également
part. Leur examen, qui dura longtemps,
se termina à la satisfaction générale. Les
archiducs approuvèrent les règlements
faits par les visiteurs, le 18 avril 1607,
et le le pape Paul Y les confirma le
22 octobre de la même année. Druys se
montra en toute circonstance le défenseur
des intérêts de l'Université, d'abord eu
1618 lorsque les jésuites essayèrent de
s'y introduire, ensuite au moment où
ceux-ci ouvrirent, à Liège, une école de
philosophie que V Aloiu Mater envisa-
geait comme contraire aux prérogatives
qu'elle tenait du saint-siège. Depuis
1604, il occupait le poste de vicaire gé-
néral de son ordre pour les provinces du
Brabant et de la Prise; en 1 W6, il pro-
céda à une visite de l'université de
Douai. Il célébra, à Parc, en 1620 et
1624, deux chapitres provinciaux de
son ordre. En 1620, il fut chargé de
visiter le monastère des célestins de
Iléverlé, tâche dont il s'acquitta d'une
manière si satifaisante, que les supé-
rieurs de l'ordre le nommèrent inspec-
teur permanent de ce couvent.
Druys s'était rendu en 1619 au cha-
pitre général de son ordre à l'abbaye de
Prémontré en France. Au mois d'août
de la même année, il avait aidé le nonce
apostolique dans la visite de la collé-
giale de Saint-Pierre, à Louvain. Druys
jouit alors dans le pays de la plus grande
estime et de la plus haute considération.
Aussi à la mort de Mathieu Yanden
Hove, archevêque de Malines, fut-il
question de le proposer pour sxiccéder A
ce prélat. Mais il déclara qu'il n'aspirait
pas à cette haute dignité. En 1628, le
chapitre général le chargea de la révi-
sion des statuts de son ordre, tâche dif-
ficile, qu'il accepta : la nouvelle édition
des statuts parut à Louvain, chez Ber-
nardin Maes, en 16.30. Le même cha-
pitre général le députa, en 1631, en
Espagne à l'effet de ramener à l'union
cette province de l'ordre, qui s'en était
séparée par suite des guerres. Druys, en
patriote dévoué, profita de cette circon-
stance pour exposer à Philippe lY l'état
malheureux dans lequel se trouvait alors
notre pays et, par une supplique, enga-
gea le prince d'y apporter un prompt
183
DRUYS — URYMAxNS
186
remède. Le monarque l'acciieillit avec
faveur et voulant honorer son mérite ,
il tira de son doigt l'anneau qu'il por-
tait pour le mettre au doigt de l'envoyé
brabançon. Cette bague est ornée d'un
diamant de grande valeur et porte l'in-
scription suivante : Fhilippm IV rex
Hinpaitiee abbati Druilo. d. d. 1632.
Elle existe encore à l'abbaye de Parc.
Les négociations entamées pour rame-
ner à l'union les prémontrés d'Espagne
n'eurent cependant pas de résultat.
Revenu en Belgique, Druys fut appelé
au poste de. conseiller d'Etat ; mais il
ne jouit pas longtemps de cette haute
dignité. Il mourut d'un catarrhe suftb-
catif, au refuge de l'abbaye de Parc, à
Bruxelles, le 25 mars 1634. Le même
jour il avait encore dit la messe un peu
avant midi. Druys fut inhumé à l'église
de Parc, dans le caveau qu'il avait fait
construire au chceur.
Nous avons de lui : 1' Exhortatio ad
candidi ordinu Prœmomtraiemis pro-
cinciœ Brabantice Religiosofs, de lis qnœ
vocatioiieDi , oblitjationifmque concernunt,
aiitlioritate fvperioriiin av capitidi pro-
viiiri.alis dlctœ Provinciœ édita. Lovan.,
Bernardin. Masius, 1621, in-12. de
101 pages. 2" Statula candidi et cano-
nici ordiiiiis Prœuiou'itrateti'siis reuovata ac
anno 1630, à capitulo tjene.ruli plane réso-
lu ta, acceptata, et omnibus suis subditis ad
stricte obsercaudum imposita. Lovanii,
1630, in-12 de 282 pages. 3 > Epistola
Andreœ Trerisio, intiubo archidacis cou-
siliario, 22 Jtdii 1620. Cette lettre ainsi
que les deux pièces suivantes se trou-
vent dans la Chronologia ecclesiœ Par-
chensis, de Libert De Pape, pages 413,
417, 427. 4o Apologia... qnâ se puryat
adrersus cahiinniarn, qua Româ nionebutur
serenissima Ar'cJdducissa, etim hnpugtutre
Papfdeiii niithoritatem. ô<> Mémoire pré-
senté au roi en 1631, contre les excès
des militaires espagnols dans le Brabant.
6 ' Fisitatio almœ Universitatis Loca-
fiiensis 1617, in-4'' de .53 pages non
chiffrées, sans nom de ville ni d'impri-
meur. Réimprimé dans le recueil inti-
tulé : Pririlegia Acadeniire Lovaniettsis.
1a)v., 172s, in-4', sou.s ce titre : Fisi-
latio alince L'nicersilatis studil generalis
oppidi Locaniensis , publicata in auld
monasterii frutruni ordinis S. Augustini
ojypidi prœdicti , die 5 septembres antii
M. I)C. XVII in plena universitatis cou-
gregatione ibidem indictd et servatâ.
Le portrait de l'abbé Druys se trouve
dans la galerie de l'abbaye de Parc.
Erl vaii tven.
L de Pa])e, Chronoloijia Parcheii.sis, IMio, S96-
4;tô. — Paquol, XVI, :2o6. — Raymatckers, Re-
cherches Sur l'abbaye de Parc, 60. — Archives
de Paie.
DR'».M.4^'«« (Christophe), historien et
maître de chapelle, né à Loiivain le
17 février 1739 et décédé à Lierre le
20 octobre 1797. Son père s'appelait
Alexandre, et sa mère Françoise Mer-
tens. Après avoir terminé ses humanités,
il étudia la philosophie à l'université
de sa ville natale et obtint, en 1759,
comme élève de la pédagogie du Porc,
la soixante-douzième place de toute la
promotion de la faculté des arts. Lors-
qu'il eut terminé ses études théologi-
ques, il fut ordonné prêtre et devint
maître de chapelle ipho7iascu>, , zang-
rneester) du chapitre de Saint-Ci om maire
à Lierre, le 8 juin 1763, jouissant, à ce
titre , d'une prébende de chapelain.
Drymans était un homme laborieux et
avait la réputation d'être un excellent
musicien.
Parmi ses œuvres musicales, on re-
marque un Opiisculum m/isirum uoccm
lamentatiouum , dédié à ses protecteurs,
les chanoines de Saint-Gommaire. Ou
a de lui deux travaux historiques très-
importants, conservés encore eu manu-
scrit chez les héritiers de feu M. l'avocat
Stalpaert, de Lierre : 1° Lyra mrra seu
chronologia capituli Lgrani, adjectis non
paucis, quœ capituli statuts , ordinationes
ac temporis historiam concernant; 7 vol.
in-fol. Les trois premiers volumes ren-
ferment des renseignements curieux sur
l'origine du chapitre, les dignitaires et
les bénéticiers; les derniers volumes con-
tiennent les documents dont plusieurs
n'ont guère de rapport avec le titre du
manuscrit. Un extrait de ce remarqua-
ble travail a été publié dans les An(i-
lectes pour serrir à l'histoire ecclésiastique
de In /Belgique, t. V (1S6SI, p. 18-52.
— 2" L n recueil eu S vol. in-4'J, rcnfer-
187
DRYMANS - DUBOIS
188
maut les épitaplies des églises et cou-
vents de Lierre, ainsi que d'autres do-
cuments. E.-H.-J. Reuseus.
Di BirAiSEâ, {Camille, marquis),
major décoré de l'ordre de i[arie-Tlié-
rèse, né à Luxembourg eu 1771, mort à
Prague le 2-i juillet 1803, entra, dès
l'âge de dix-neuf ans, comme lieutenant
dans le corps franc Londons verts (7 no-
vembre 1780j, passa, en 1791, dans le
corps franc O'Donnell, puis dans les
chasseurs Le Loup. Il lit la campagne
de 1792, pendant laquelle il fut griève-
ment blessé; puis celle de 1793. Au
siège de Yalencienues, il gagna la croix
de chevalier de l'ordre de Marie-Thé-
rèse (promotion du 7 juillet 179'4) qui
lui fut décernée parce que le premier il
traversa le fossé, s'empara de l'ouvrage
en avant de la porte de Mons et prit trois
canons. Après avoir été élevé au grade
de capitaine, il tit encore plusieurs cam-
pagnes dans les rangs de l'armée autri-
chienne: mais ses blessures l'obligèrent,
eu 1799,, à prendre sa retraite, qu'il
obtint avec le grade de major.
Général baioo Guillaume.
Hirlenfeit, Der militàr. Maria-Theresien or-
deti. etc. — Neyen, Biographie luxembourgeoise.
DU BLioix (Jean), écrivain ecclé-
siastique, né à Tournai vers le milieu
du xvie siècle, mort au commencement
du siècle suivant. Il entra, après avoir
terminé ses études, dans l'ordre de
feaint-François chez les Frères Mineurs
conventuels du couvent de Tournai II
tit le voyage de la Terre .'iainte, pendant
qu'il remplissait les fonctions d'aumô-
nier auprès de Jean Kheiner, consul à
Tripoli, et parcourut même quelques
pays voisins de l'Orient. A son retour,
il enseigna la théologie, probablement
dans le couvent de son ordre à Liège ou
peut-être à Cologne. On a de lui :
lu 0 ratio jjh'dippica qua inter hnjun sacidi
tenebras ceritatis doi.iicilizwi perspicue
demotiatratur , auctore Juanne Dubliulio,
Nerviu, ordinis Minorum convent. mer ce
IheoUxjiœ projeimore. Leodii. apud Hen-
ricum Hovium, MDXC^'1I; vol. in-S"
de 188 pages. — 2" Hierowlymitaïue
pereyriiiatihuls Jwdœporicuiii iseptent dia-
tuyoruiii llbria explicutunt. Colonise, (Jer.
Grevenbruchius, 1600; vol. in-8". L'au-
teur donne , dans cet ouvrage , la
description des lieux qu'il a visités et
même de quelques contrées voisines; il
y parle également de la religion des
habitants. — 3" Foppens lui attribue
aussi un Tractatus de libero arbitrio.
E.-H-J. ReugeDK.
Foppeiis. Bibliolheca belgica. 11, p. b"^3. —
Paquot, Matériaux, etc.. manuscrit de la Biblio-
thèque royale à Bruxelles. — De Theux, Biblio-
graphie liégeoise, 1, p 13.
i>i.BOi!*>. Lue famille d'artistes de
ce nom, venant d'Anvers, s'est établie à
Fontainebleau vers 1568. Elle doit avoir
exercé une certaine influence sur cette
école, à en juger par les souvenirs et les
documents venus jusqu'à nous.
De ces artistes, Dubois (Ambroise) est
le premier cité. Il venait d'Anvers oîi il
naquit en 1543. Quand il arriva à Paris
en 15 68, il était déjà très-habile dans
son art et ne tarda pas à se faire une
réputation telle, qu'il fut bientôt employé
au Louvre et à Fontainebleau. On peut
s'expliquer sa présence à Paris par cette
circonstance que François 1er ^ ayant
acheté de vieux tableaux à Anvers
en 1529, fit traiter avec un nommé
Jehan Dubois, peut-être le grand-père
ou le père d'Ambroise. Ce fut sans
doute là le point de départ du séjour de
toute la famille en France. Ambroise
fut peiutre ordinaire et valet de cham-
bre d'Henri lY; naturalisé en 1601, il
devint, en 1606, peintre de Marie de
Médicis et mourut en 1614 ou 1615.
De ses œuvres il reste encore : Hidoire
de Théogène et de CJiaricUe, à Fontaine-
bleau. — Fragments de V Histoire de
Tamrède et de Clorinde, également à
Fontainebleau. Ces dernières peintures,
au nombre de huit, ornaient l'appar-
tement de la reine. — Chariclée subis-
sant répreuve du feu, à Paris, Musée
du Louvre. Notre artiste coiuposait
bien, son style était grand, son coloris
avait de la force et de la grâce. Il forma
plusieurs élèves : ses deux fils; son
neveu Faut; puis un Flamand désigné
sous le nom de Jlinet, dans lequel nous
croyons entrevoir quelque confusion
avec Freiuinet, allié à la famille de
Dubois, et enfin Mo</ras de Fontaine-
189
DUBOIS
190
bleau; — tous out eu de la réputation,
notamment ses fils Jean et Louis.
Ambroise fut marié deux fois. M. Jal,
dans son Dictionnaire critique, a établi,
avec preuves à l'appui, l'état civil des
Dubois et donné l'indication des alliances
contractées entre cette famille et les
De Hoey. Les Archives de f art français
publient in extenso des actes duxviie siè-
cle établissant les charges et immunités
dont les Dubois ont joui de père en fils.
Dubois {Eustache), peintre fiamand
qui florissait au xvie siècle. 11 vivait en
France sous le règne de François 1er,
qui le chargea de grands travaux d'orne-
mentation pour la réception de Charles-
Quint à Fontainebleau. On peut sup-
poser que cet Eustache se rattache à la
famille d'x\mbroise Dubois, qui jouissait
d'une certaine inHuence à la cour
d'Henri IV. L'arrivée d'Eustache en
France pourrait coïncider avec l'achat
des vieux tableaux, ordonné à Anvers,
par François 1er. (Voy. Dubois, Am-
broise.)
Dubois (Corneille et Edouard), pein-
tres paysagistes, tous deux nés à Anvers,
sans que l'on sache exactement en quelle
année. Corneille florissait en 1647. H
y a de lui à Berlin, au Musée, une Fue
d'une conti'ée montayneuse, où il s'est
attaché à imiter Ruysdael. Edouard st
né, croit-on, en 1622 et mort en 16 9.
Il peignait le paysage et le portrait.
(,'• ries- Emmanuel , duc de Savoie, le
prit pendant quelque temps à son ser-
vice en Italie, après quoi Edouard se
rendit à Londres, où il mourut. Cet ar-
tiste fut un heureux imitateur de Hob-
bema et de lluysdael. On rencontre le
nom d'un Edouard Dubois dans la gilde
de Harlem en 1648.
Dubois (Dominique-François), peintre
d'histoire, né à Bruges en 1800, mort à
Eois-le-Duc en 1840, où il était direc-
teur de l'école royale des Beaux-arts. Il
étudia d'abord à Bruges sous Ducq, puis
à Anvers avec Van Bréc et enfin à Paris,
sous la direction du baron Gros. Kn
J 828, il fut nommé à Bois-le-Duc, où il
se voua avec ardeur à l'enseignement
des beaux-arts, lesquels lui durent une
impulsion remarquable dans cette partie
de la Hollande. 11 a formé de bons
élèves, entre autres H. J. van Groot-
veld. Le palais de La Haye renferme de
Dubois des toiles représentant le Décoite-
ment de Van S/jeyk. On trouve encore, à
la résidence royale du Bois, un tablea i
de ce peintre représentant : le Prince
d'Orange remettant les drapeaux à la
yarde communale . La Belgique ne pos-
sède aucune œuvre de cet artiste.
Ad. Sirel.
or uoiiii (André) ou Andréas Sil-
vius, historien, mort en 1194, au mois
de février, à l'âge de plus de quatre-
vingts ans. H fut prieur au couvent des
Bénédictins à Marchienne et écrivit
une histoire des faits et gestes des rois
de la race mérovingienne, sous le titre
de Synopsis Franco-Merovinyicœ ; Ra-
phaël de Beauchamps ou de Bellocampo,
religieux au même monastère, la publia
avec des notes, appendices et prolégo-
mènes considérables, sous le titre de
Hisioria Franco- Mer oviny le œ synopsis
seu liistorla succlncta de yestis et succes-
sione reyum Francorum, à M. F. Domino
Andréa Sllvlo. Duaci, 1633, in-4'5.
Aug. Vander Meersch.
Fopjiens, Bibliolheca belgica, t. I,p. o9.
uvuoiN (Félix), homme de science,
né à Bruxelles en 1787, décédé dans la
même ville en 1859.
Plein d'ardeur pour l'étude, Dubois
fut admis, très-jeune encore, à l'école
polytechnique de France et sortit de
cette institution célèbre en étant classé
parmi ses premiers et meilleurs élèves.
Il entra ensuite dans le corps des ingé-
nieurs maritimes et ne quitta ce service
qu'en 1815 pour faire partie, en qualité
de capitaine du génie, de l'armée qui
venait d'être organisée dans le nouveau
royaume des Pays-lks. Ses prédilections
pour les étmles scientifiques le décidè-
rent à renoncer à la carrière militaire
après la révolution belge de 1830; il
devint alors examinateur permanent de
l'école militaire, nouvellement créée h
Bruxelles, et, pendant de longues an-
nées, il rendit d'érainents services dans
191
DLBOIS
i92
ces délicates fonctions, tant par ses
conseils que par les écrits quil publia
ou commenta au profit de l'enseigne-
ment; nous citerons, entre autres, la
nouvelle édition des Eléments d'arithmé-
tique et d'algèbre àt Bourdon, qu'il avait
enrichie de nombreuses et importantes
additions.
L'esprit vif, original, légèrement sar-
castique de Dubois ne lui permettait
guère de se circonscrire daus le do-
maine austère de l'enseignement ; il
puldia diverses brochures, les unes re-
latives à des études de statistique, les
autres consacrées à des questions d'ac-
tualité. Xous mentionnerons parmi ces
dernières un Projet d'agraudissemeut de
Bruxelles, publié avec carte, en 1836,
projet qui, en révélant les connaissances
étendues de son auteur, devint peut-
être la cause déterminante de son élec-
tion comme couseiller communal et qui
lui fournit ainsi l'occasion d'apporter à
sa ville natale l'utile concours de ses
lumières. Il convient d'accorder aussi
uue mention à sa dernière production
littéraire, sinon pour son mérite poé-
tique, du moins comme indice du carac-
tère de son auteur : c'est eu 1859, et
peu de temps avant son décès , que
Pubois fit paraître le petit poème sati-
rique intitulé : La miiùstérocratie.
F. Slappaerls.
Bouillel, supplément au liicliouuaire d'Iii.itoire
et de géographie.
or BOi^ (François), plus connu sous
le nom de Stlvius, écrivain ecclésias-
tique, né à Braiue-le-Comte en 15 81 et
décédé à T)ouai le 27 février 161-9. Son
père portait le nom de Guillaume; sa
mère, Marguerite de Compère dite Cop,
apjîartenait à la noble famille des Pruets,
alliée plus tard aux Ghistelles. SJylvius
fit ses humanités à Mons au collège de
Houdeng, et sa philosophie à l'univer-
sité de Louvain comme élève de la péda-
gogie du Château. Lorsqu'il eut fini
son cours de philosophie et pris le grade
de maître es arts, il se rendit à Douai,
où il avait obtenu une bourse d'études
pour la théologie au séminaire dit des
£cpqiies, fondé, en 15S6, par l'arche-
vêque de Cambrai. îSylvius, tout jeune
encore, fut, dès son arrivée à Douai,
chargé de donner un cours de philoso-
phie au collège du Roi, et remplit ces
fonctions pendant plusieurs années, tout
en se livrant à l'étude des sciences
sacrées. Il fit de si rapides progrès eu
théologie, que le 9 novembre 1610, il
fut promu au grade de docteur en cette
science. Dès ce moment, les professeurs
de théologie cherchèrent un moyen de
lui faire confier une chaire dans leur
faculté, car ils^ prisaient hautement les
talents et l'érudition du jeune docteur.
Mais, comme il n'y avait point de vaca-
ture, le docteur Barthélemi Pétri lui
céda sa leçon, jusqu'à ce que Sylvius
fiit pourvu d'une autre. Ce provisoire
ne dura pas longtemps : le célèbre
Estius, qui occupait la première chaire
de la faculté de théologie, mourut le
20 septembre 1613, et fut remplacé par
ï?ylvius. Il devint aussi président du
séminaire des Evèques et obtint un ca-
nonicat de Saint-Amé le 1" février 1618.
Nommé, le 28 janvier 1622, doyen de la
même collégiale, il fut, en cette qualité,
vice -chancelier de l'université. Après
avoir rempli ces différentes fonctions
pendaut plus d'un quart de siècle, il
mourut en odeur de sainteté le 27 fé-
vrier 1649. ï>on corps fut enterré au
milieu de la nef de Saint-Amé; mais
exhumé peu de temps après, et trans-
porté au milieu du chœur , où l'on
voyait, autrefois, son épitaphe sur une
plaque de beau marbre conçue dans les
termes suivants : I). 0. AL. sacrum. Hic
situs est Frunciscus Syhins a Braiiia
Comitis, quem Lotaniuni pliilosopliice et
artium Jaurea coronarit , Duacum ejus-
dem doHorem in Regio sv-spexit, prasidem-
sibi datuvi episcoporum semiuarium, doc-
torem S. Th. remmtiatum cathedra eaque
primaria multos amios habuit. Acade-
viia suum, vice-canrellarium, canouicorum
S. AvMti collegiiim et chorus decanum,
eumque per assiduum laborem SS. Augus-
tinus et Thomas, iUe disciprâum tenacem ,
hic Jîdum interpretem ; cni solemne offi-
ciuiii ritu dupUci decauaii quotannis
decnntundum , etiam vicus curarit et futt-
darit : pauperes et religioxa familiee, quos
193
DU BOIS
l!j4
honorum morum omnium ex asse fecit
hœredes, liber alem patronum , multin elu-
cubrationibus , tstudiortim laborihus et
morborum acuiissimis dolorihis pubVico
certatim omnes et honorijico funere elatum
lîixere. Excessit e vlris anno à Nativitate
Christi M.DC.XLIX. cetatis G9, mensis
februarii die 2 7 •
Les armes de Sylvius étaient coupé
au 1er d'argent à trois Uon-H de sable;
a« 2 e d'azur à une sirène d'argent accom-
pagnée de trois étoiles de même, et sa
devise : Ne nhnis. On trouve son por-
trait dans la Bibliotheca belgica de Fop-
pens, et en tête des premières éditions
de son Commentaire sur saint Thomas.
Estius et Sylvius sont les deux pro-
fesseurs qui ont le plus contribué à la
réputation de la faculté de, théologie de
l'université de Douai.
Voici les ouvrages théologiques com-
posés et publiés par Sylvius : 1 D. Tho-
mœ Aquinatls opuscnla. Duaci, Petrus
Borremannus, 1608-1609, 2 vol. in-12.
— 2. ExpUcatio doctrines S. Tliomœ
Aqtiinatis. Duaci, Marcus Wyon, 1609,
vol. in-4>. — 3. Liber sententiarum, de
statu kominis post peccatum. Duaci,
M. Wyon, 1614; vol. in-12 réimprimé
plusieurs fois depuis, dans la même
ville, ainsi qu'à Louvain. On l'a aussi
publié, en 1705, sous le titre de : Ge-
nuina Jansenistarum... circa quinque fa-
mosas propositiones doctrina; vol. in-12,
auquel on a joint une préface qui ne
cadre nullement avec les idées de Syl-
vius. — 4. Pastorum instructiones
a S. Car oh JBorromceo. . . editœ, ad Eccle-
siarum Belgicariim usum accommodatce
per Eranciscuni Sylvium. Duaci, Petrus
Borremans, 1616; vol. in-16 de 4.54 p.,
plusieurs fois réimprimé. — 5. Commen-
tarii in Summam theologicam S. Thomœ
Aquinatis. Duaci, 1620-1635, 4 vol.
in-fol. Ce commentaire sur la Somme
théologique de S. Thomas est un des
meilleurs, et c'est à lui surtout que
Sylvius doit sa réputation de théologien
savant et d'érudit. — 6. La Règle de saitit
Benolit mise en français. Douai, ]\Iarc
Wyon, 1621; vol. in-12. — 7, Orationes
theologir(p. Duaci, Marcus Wyon, 1621,
vol. in- 12 de plus (l(^ 300 pages. —
8 . Betri Binsjeldii Encîiiridion theologiœ
pastoralis... opéra Fra?icisci Sijltii locu-
pletntnm. Duaci, 1622, vol, in-16,
réimprimé plusieurs fois à Douai, à
Cologne et à Anvers. — 9. Oratio apo-
Ingetica pro D. Thoma Aquinate . Duaci,
1624, vol. in-12. — 10. Officia pnrva
septem. Duaci, 1628, vol. in-16. —
11. Oratio de sanctissima Trinitate.
Duaci, G. Patte, 1633, vol. in-12. —
12. Libri sex de prœcipuis fidei nostrœ
orthodoxœ controversiis. Duaci, G. Patte,
1638, vol. in-4i de 510 pages sans les
liminaires et les tables. — 13. Com-
mentarius in Genesiin. Duaci, G. Patte,
1639, vol. in-4' de 720 pages sans les
liminaires et les tables. — 14. Summa
conciliorum dudum collecta per Bortholo-
mcevm Caranza ad/Hlionibus Erancisci
Sylvii. . . illustrata . Duaci , G. Patte ,1639,
vol. in- 8", réimprimé plus tard à Lou-
vain, à Lyon et à Paris. — 15. liesolit-
tiones variœ. Duaci, G. Patte, 1641,
vol. in-4o de 409 pages, sans les limi-
naires et les tables. L'ne deuxième édi-
tion parut chez le même imprimeur en
1644. — 16. Commentarius in Exodmn.
Duaci, G. Patte, 1644, vol. in-4'5 de
519 pages sans les liminaires et les ta-
bles.— 17. LittercE eximiorum I)D. Geor-
gii Colvenerii, Trancisci Sylvii et Valen-
tini Randour.. script œ 27 julii 1648,
quibus testantur se Jansenii docti'inam
semper proscriptam voilasse . Duaci, 1648,
vol. in-4o. Cette lettre a été insérée dans
le Triumphus catholicce veritatis odcersiis
novatores, part. IV, p. 180 et suiv. —
18. Veritas et œqiiitas censura pontip'ciœ
PU V, Gregorii XIII, Urbani VIH,
super articnlis LXXFI damnatis, etc.
Duaci, vidua M. Wyon, 1649, vol. in-fol.
— 19. Epistola ad Internuntiiim Aposto-
licœ Sedis; lettre écrite par Sylvius peu
de temps avant sa mort. — 20. Les
commentaires sur la Somme théologique
et l'Ecriture sainte, les traités théolo-
giques et quelques opuscules inédits ont
été réunis en six volumes in-folio par le
père dominicain Norbert d'Elbecque, et
imprimés à Anvers, chez Verdusseu en
1698, sous le titre à'Opera omnia.
On trouve les titres complets, l'énu-
mératiou et la description des ouvragea
UlOCiK. NAT.
T. VI.
195
DU BOIS
196
de Du Bois daus Paquot, Mémoires-, éd.
in-fol., I, p. 180. E.-H. J.Reusens.
Paquot, Mémoires, éd. in-fol., I, p. 180.
Di'BOijai (François), jurisconsulte lié;
geois, mort le 30 mai 1703. Il était
licencié en droit, avocat à la cour de
Liège, et laissa un ouvrage intitulé :
Repertorium diversarum juris necnon
consuetudimim materiarum; il y résume
le droit civil en s'appuyant sur les auto-
rités de Stockmans, de Méan, et autres
jurisconsultes distingués. L'ouvrage est
resté manuscrit et appartient à la biblio-
thèque de la chambre des représentants.
Emile Vaienbeigh.
Britz, Mémoire couronné.
DL'Bois (Jean), dit SiLVius, méde-
cin et poëte, naquit à Lille au commen-
cement du xvie siècle. Il fit de fortes
études, songea d'abord à s'appliquer
aux belles-lettres, puis se sentit défini-
tivement attiré vers l'art d'Esculape. Il
doit avoir pris ses grades en médecine à
Louvain. Il s'établit ensuite à Talen-
ciennes, où il partagea son temps entre
le soin de ses malades et les fonctions
de régent ou de principal du collège
Saint-Jean, laissées vacantes par Lau-
rent d'Achol, humaniste de Fleurus.
L'université de Douai ayant été fondée
en 1562, Silvius y fut investi, dans la
faculté de médecine, en même temps
qu'Adrien Khodius et Nicolas Mercatel,
d'une chaire qu'il occupa avec distinc-
tion pendant treize ans et demi; il
mourut le 5 avril 1576. On connaît de
lui : lo De morbi articularis curatione
tractatus IV. Antv., Plantin, 1565,
in- 8» (une première édition avait paru
eu 1557). — 2" Academiœ na>icenti>i
Duacemis et profe-^sorum ejuadem Euco-
m'mm, versu heroico. Duaci, ap. Jac.
Boscardum, 1563, in-4o. — 3° JDialogi,
seu privatce pueroruni collocutiones, et
Carmina. Antv., Plantin, 1568, in-12.
— 4o Tabulœ pharmacorum. Ibid., 1568,
in-12. — 5» De lue venerea declamatio ,
anno M.D.LVII Lovanii habita. (ï. II
des Ojjp. de Morbo GalUco. Ilcproductiou
d'iiiK! pièce imprii«ée k la suite de la
première édition du \v> \.) — 6« Morbi
inijinliiriter yrasuantiH prceaercaLlo et vu-
ratio. Lovanii, ap. Hier. Willseum,
1572, in- 8». — 7" De studiosorurii atque
eorum,qtd corporis exercitationibus addicti
non sunt, valetuditie curanda. Duaci,
ap. Boscardum, 1574, in-8o.
Alphonse Le Roy.
Valère André. — Foppens, Bibl. belyica, t. 11.
— Paquot, t. Vil. — Cf. d Oulreman, Hist. de
Valencieune-s, et Buzelin, Gallo-Flandria.
DiBOis (Jean-Baptidé), architecte
et sculpteur, né à Arquennes près de
Nivelles le 18 novembre 1762, alla se
fixer à Termonde où il mourut en 1851.
Il exécuta plusieurs plans fort recom-
mandables, entre autres celui du châ-
teau de Waesmunster, qui passe pour
une œuvre architecturale remarqiiable.
Il dirigea la construction du Pavillon à
Harlem , élevé d'après les plans de
l'architecte italien Trique tti, alors con-
sul général de Sardaigne à La Haye, et
se fit connaître par un certain nombre
de travaux hydrauliques.
Emile Vareubei'gb.
Piron, Levensbeschrijvingen. — Immerzeel, Le-
vens der Kutist Schilder.s.
oi: Boi«it (Nicolas), écrivain ecclé-
siastique et professeur, né à Vergnies
près Beaumont (Hainaut), vers l'année
1620, décédé, à Louvain le 16 mars
1696. Ses parents, qui appartenaient à
la classe peu aisée de la société, mou-
rurent lorsque Nicolas était encore en
bas âge. L'orphelin, dénué de tout moyen
d'existence, fut obligé de filer de la laine
pour gagner de quoi vivre. Il s'ajipli-
qua daus l'entre-temps à apprendre, chez
le meunier de son village, les premiers
éléments de la langue latine; car, dès sa
jeunesse, il était animé d'un vif désir de
s'instruire. S'apercevant bientôt que les
leçons de ce professeur improvisé ne pou-
vaient le conduire au but vers lequel il
aspirait, il chercha un meilleur moyen
pour y atteindre et résolut de se rendre
à Mons, en demandant de porte en porte
l'aumône pour subAcniràses besoins.
Arrivé dans cette ville, il continua à
implorer la charité, passant la nuit à la
belle étoile, jusqu'à ce que, grâce aux
démarches de quelques bons bourgeois,
animés, tout à la fois, de sentiments de
pitié et cradmiration, il obtint une
191
DU BUIS
l'.)s
bourse d'études au collège de Houdeng.
Il y acheva ses humanités avec le plus
grand succès, puis vint à Louvain, où il
étudia la philosophie à la pédagogie du
Porc, et obtint, eu 1641, la troisième
place au concours général de la faculté
des arts. 11 s'adonna ensuite à l'étude
du droit en s'appliquant de préférence
aux questions juridiques qui sont, en
même temps, du domaine de la théolo-
gie, et dans cette intention, il suivit le
cours de la Somme théolof/ique de saint
Thomas, donné, à cette époque, par le
célèbre dominicain Jean-Antoine d'Au-
bermont. Au mois de mai 1645, il prit
le grade de licencié es droit ; et, en-
couragé par les instances de deux pro-
fesseurs primaires de droit, Jacques Sant-
voort et Michel Vanden Perre, dont il
avait, pendant les années 164S à 1650,
donné les coiirs comme suppléant, il son-
gea même à se soumettre aux épreuves
difficiles du doctorat jurls utrimque,
pendant qu'il était professeur de philo-
sophie à la pédagogie du Porc, où il
avait été appelé, en 1650, pour y expli-
quer Aristote. Un peu après, il postula
une chaire devenue vacante à la faculté
de droit; mais, ayant éprouvé, à cette
occasion, un mécompte, il voulut renon-
cer à la carrière de l'enseignement, et,
alin d'obtenir plus facilement une pré-
bende canoniale dans un chapitre de
cathédrale, il résolut de prendre encore
le grade de licencié en théologie, ce
qu'il fit le 13 janvier 1654, à l'université
de Douai, à cause de difficultés qu'il
avait eues avec quelques membres de la
faculté de théologie de Louvain.
La chaire d'Ecriture sainte étant
devenue vacante à Louvain par le décès
du docteur Libert Froidmont, l'archiduc
Léopold y nomma Ou Bois, le 22 juin
de la même année. De retour à Lou-
vain, il y trouva plusieurs adversaires
jaloux de sa promotion et qui essayèrent
de le tourner en ridicule en faisant affi-
cher, près de lui, lors de sa première
leçon, une caricature représentant un
âne. Il méprisa ces attaques et remplit
ses devoirs avec le plus graud zèle. Dans
son cours comme dans ses écrits, il fut
constamment un des ennemis les plus
acharnés du jansénisme naissant, et le
courageux défenseur des prérogatives du
saint-siége. A la leçon d'Ecriture sainte
était attachée une prébende canoniale de
première classe à l'église de Saint-Pierre
à Louvain. Outre la chaire qu'il occu-
pait à Louvain, Du Bois obtint encore
dans la suite plusieurs autres bénéfices
et dignités. Voici les principaux : \" un
canonicat de la cathédrale de Saint-
Donatien à Bruges (13 juin 1667j, qu'il
résigna en 1675, en faveur de son neveu
Nicolas Piossignol; 2» la présidence du
collège du Poi à Louvain (1672), qu'il
conserva jusqu'au moment de sa mort ;
3o un canonicat à la cathédrale de Saint-
Bavon à Gand, dont il prit possession le
5 novembre 1676 et qu'il résigna peu
de temps après en faveur de Ferdinand
Collage; 4-" le décanat du chapitre de
Saint-Pierre à Louvain (3 avril 1689),
à l'occasion duquel il eut à soutenir
une discussion ou procès très-vif avec le
docteur Henri Scaille, dont l'élection à
cette dignité avait été confirmée par
l'archevêque de Malines. Il était, en
outre, protonotaire apostolique, juge et
examinateur synodal, et censeur des
livres. Du Bois jouissait d'une telle
considération, qu'à la mort d'Alphonse
de Berghes, il fut, un instant, question
de le nommer à l'archevêché de Malines,
mais sa basse extraction fut cause que
l'on abandonna ce projet;
Du Bois commença à souflrir de la
pierre vers 1685, maladie qui l'affaiblit
à tel point, qu'il fut obligé de prendre
un suppléant pour ses leçons. Vers la fin
de l'année 1692, il obtint en cette qua-
lité, avec l'approbation du conseil privé,
le docteur en théologie François Martin,
malgré l'opposition de quelques-uns de
ses collègues. Après cette nomination, il
vécut encore plus de trois ans et mourut
au collège du Koi, frappé d'apoplexie.
Ses armoiries étaient « écartelées,
au 1er et 4e tranché de gueules et d'ar-
gent, au 2e et au 3e d'or, à deux bran-
ches écôtées en sautoir de sable. »
Du Bois avait des connaissances très-
variées; il était bon théologien, excel-
lent canoniste et historien érudit, comme
le prouvent les nombreux ouvrages sortis
l'JD
DU i]UlS
^200
de sa plume et dont voici l'énumératioii
succincte :
1 . UvjjUcatlo regularum utrnisque juris
nova arte et facili metliodo deducta , leyum
et canonum ac reruin judicatarum aucto-
ritate conjirmata. Lovanii, 1653; vol.
in- 12 de 720 pages, réimprimé dans la
même ville par H. Nempseus, en 1684,
sous le titre de Regularum seu principio-
runi ntr'msque juris explicatio, editio
secunda auctior et correctior ; vol. in-16 j
ce travail a été très- estimé par les con-
temporains. — 2. Puncta aliquot seu
quastiones in qiàbus varii expommtur et
detegmitur excessus qui contra indulta et
privilégia a sancta sede vniversitati Lova-
niensi et in ea Facultati Artium gratiose
concessa sensim irrepserunt, 1669; vol.
in-fol. de 237 pages, sans nom d'auteur,
de lieu ni d'imprimeur. Kéimprimé plu-
sieurs fois, entre autres : 1^ à Eome,
en 1671, par Michel Herculis, in-4o de
256 pages, et 2" en un vol. in- 16» de
3;60 pages, avec l'indication juxta exem-
plar Roma, auquel on a ajouté le bref
envoyé à l'université par le pape Clé-
ment X le 10 octobre 1673. Cet opus-
cule, dans lequel Du Bois critique l'abus
qu'on faisait souvent du privilège des
nominations accordé à l'université , et
à la faculté des arts en particulier,
lui suscita de grandes difficultés. —
3. Responsum tJieologico-jnridicum , quo
resolvitur an et quand o religiosus iiivito
abbate sua possit sola auctoritate episcopi
ad aliud monasterium eju^dem ordinis et
regidce trunsire; 1661, vol. in-12 sans
nom de lieu ni d'imprimeur. — 4. Quœs-
tiones de auctoritate poiitijicia in deji-
niendis controversiis Jidei ac morum, jwis
et facii, extract ce ex lectionibus — Ni-
colal Du Bois. Lovanii, P. Sassenus,
1665; vol. in-4o de 86 p., ouvrage
réimprimé l'année suivante par le même
imprimeur sous le titre de Nicolai Dtc
Bois Resolutiones ex ejusdem acade-
miciH lectionibus excerptœ , quibus con-
troversice hodiernœ de Jidei et morum
controversiis extra concilinm decisis, de
queesiionib?/s juris et facti, de sensu ab
aucthore intenta, etc., discutiuntur ; vol.
in-4' de 43 feuillets; et plus tard sans
nom de lieu ni d'imprimeur avec le titre
de Extrada ex D. Nicolai Du Bois
lectionibus in apostolorum acta; vol. in-4o.
— 5 . Ad quadraginta qxdnque proposi-
tiones in praxi penticiohas et nuper dam-
natas ac quasdam censuras tractatus
duo. Lovanii, P. Sassenus, 1666, vol.
in-4o de 213 pages. Dans la 2e partie
de cet ouvrage, n'> 416, Du Bois affirme
que le concile de Trente n'a nullement
voulu imposer aux fidèles l'obligation
stricte d'entendre, le dimanche, la
messe et les sermons dans l'église pa-
roissiale. Le recte'ur magnifique fit saisir,
le 8 septembre 1666, tous les exem-
plaires de cet ouvrage non encore vendus,
au nombre de 620, et le prohiba par un
décret du 26 du même mois. Du Bois
appela de la sentence au corps acadé-
mique et au souverain pontife. La
sentence fut cassée et les exemplaires ren-
dus au commencement de juillet 1667-
Ce fut à l'occasion de cette controverse
qu'il composa le mémoire suivant : —
6. Motivmn juris D. Nicolai Bu Bois —
appellantis a décréta M. Rectoris ad ipsam
universitatem in causa frequentatianis pa-
rachiarum et praliïbitioniH certi libelli per
ipsuni compositi super XL F prapositio-
nibus nuper a S. I). N. damnatis et in
praxi perniciosis ; vol. in-4o, sans date
et sans nom de lieu ni d'imprimeur. —
7 . Academicœ lectiones in actus Apostolo-
rum et practicaruni quœstionum resolu-
tiones. Lovanii, Petrus Sassenus, 1666,
vol. in-4o de 384 pages. — 8. Justiji-
catio processus illustrissimi acreverendis-
simi I). Eugenii Alberii (d'Allamont)
Gandensis episcopi in causa BD. Ignatii
Gillemans et Pétri Van Buscum; 1674,
vol. in-4o de 54 pages. — 9. Befensia
beatissima Firginis Maria etpiorum cul-
torum illius contra libellum intittdatum :
Monita salutaria B. F. Mariœ ad cultores
suas indiscretos et contra epistolani apolo-
geticam pro iisdem... authore ïrancisco
Ludoiscia Bona tJteologa. (Moguntiae),
Christoph. Kûchler, 1674, vol. in-16
de 218 pages; réimprimé à Lintz
en 1715, en un vol. in-8". Du Bois, qui
se cache ici sous le pseudonyme ana-
graiïunatique de Ludoiscio Bona (c'est-
à-dire Nicolao Bu Bais), avait expliqué à
ses élèves tout ce qui se rapporte à la
•201
DU BOIS
■lui
question des Monita salutaria. C!'est ce
commentaire revu et coordonné qui parut
sous le titre de Defetisio , etc . — 10. Quasiio
theologica excerpta ex publicis lectionihus
Ex. JD. Nicolal Du Bois. . . an bullis PU V,
G-regorii XIII adversus Baiiwi , Inno-
centa X et Alexandri VII contra Janse-
nium recte opponatur doctrina Augus-
tini. Moguntiae, L. Bourgeat , 1677;
vol. in- 16 de 28 If. non chiffrés. —
11. Novissimi canones pœuitentiales publi-
cati anno 1673, distrib^iti in très partes
et ad examen revocati. Parisiis, J.-B. Coi-
gnard, 1679; vol. in-13 de 58 pages.
— 12. Notée in gallicam versionem Novi
Testamenti primo in Hollandia sub emen-
tito nomine Montensis typographi éditant,
a Clémente IX damnatam, deinde Bruxellis
recusam cum hac ad faUendum additione :
Reveue et corrigée. MogunticÇ, vidua
Nicolai Heyl, 1679; vol. in-12, opus-
cule traduit en français sous le titre de
Remarques cotisidérahles sur la traduction
française du Nouveau Testament impri-
mée premièrement en Hollande sous le nom
contrefait d'un imprimeur de Mons, con-
damnée, etc. Cologne, Jacq. Calcove,
1680; vol. in-12 de 98 pages. Dans ce
travail. Du Bois critique vivement la
traduction française du Nouveau Testa-
ment, dite de Mons. — 13. Responsum
juris super variis quastionibus concer?ie?i-
tibus confessiones religiosis factas, etc.,
propositis occasione thesis quam in semi-
nario archiepiscopali Mechliniensi postât
ejusdem setninarii lector et examinator.
Coloniîe Agripp., H. Dehmen, 1681;
vol. in-12 de 47 pages. La thèse en
question était du chanoine VandenVliet,
professeur au séminaire. Du Bois en reçut
un exemplaire le jour même de la dé-
fense à 10 heures du matin. Il rédigea
immédiatement une réponse qu'il expé-
dia à 11 heures, par un exprès, à Ma-
lines, et qui fut remise à Vanden Vliet
avant qu'il montât en chaire. Du Bois
publia encore à l'occasion de cette con-
troverse plusieurs thèses qu'il fit sou-
tenir par ses élèves à l'occasion des opi-
nions émises par Vanden Vliet.
Au milieu de ces tristes discussions,
parut la déclaration, en quatre articles,
faite on 1682, par le clergé gallican
contre les prorogatives du sainl-siége.
Aussitôt qu'il en eut connaissance. Du
Bois, au lieu de réfuter ces articles,
comme on fait pour un ouvrage ordi-
naire , s'adressa directement aux évo-
ques de France en leur faisant des
remontrances respectueuses au sujet des
principes erronés qu'ils venaient de pro-
clamer avec tant d'éclat pour complaire
au roi, et il écrivit six traités sur cette
matière. — 14. Ad illustrissimos et reve-
rendissimos GalUcn episcopos disquisitio
theologico-j uridica super dechiratione cleri
Gallicani facta Parisiis 19 martii 1682.
Leodii, H. Hoyoux , 1682; vol. in-4o
de 72 pages. — 15. Ad reverendos ,
admodum , clarissimos , et quovis titiûo
insignitos Bominos , qui Illustrissimis
Episcopis, nuper Lutetiœ Parisiorum con-
gregutis adjuncti siint, seu a Cotisiliis
fuerunt , Consultationes theologico -juri-
dicce. Leodii, H. Hoyoux, 1682; vol.
in-4c> de 118 pages. — 16. Prima pars
refutationis argumentoi'um seu errorum,
super quibus, relut in arena, cedijicata est
nova doctrina, etc. Leodii, H. Hoyoux,
1683; vol. ia-4o de 86 pages. —
17. Tractatus brebis de jure et facto,
juris et facti quœstionibus , decretis super
eisdem et singulorum diversitate , etc.
Leodii, H. Hoyoux, 1683; vol in-4o
de 8.5 pages. — 18. Acta Parisiis hoc
anno 1688 a Januario usque ad fînem
Mail. Boctrina Richeristarum revocata
ad examen, etc. Leodii, H. Hoyoux,
1683 ; vol. in-4o de 58 pages. — 19. Il
paraît aussi que Du Bois fut l'auteur de
la : Responsio historico-tJieologica ad cleri
Gallicani de potestate ecclesiasiica decla-
rationem per quemdam S. Théologies
professorem. ColonifP Agripp., J. Kinc-
kius, 1 683 ; vol. in-8o de viii-2 68 pages.
— 20. Du Bois fut aussi engagé dans
la fameuse querelle du janséniste Gilles
De Witte, curé de Notre-Dame au delà
de la Dyle, à Malines, et publia, à cette
occasion : L'Advocat fraurois (Antoine
Arnauld) corrupteur des SS. Pères en dé-
fendant son misérable client Gille de
Witte, produit en théâtre par le profes-
seur Bu Bois par devarit Martin Steyaert ;
opuscule de 8 pages, in-4i'. De Witte
ayant essayé de répliquer dans un pain-
-2(«
DUBOIS
204
phlet intitulé : Theatralis gedicula-
tor, etc., Du Bois lui répondit par la
lettre suivante : — 21 . Epistola de veteri-
hus et recentioribus editionïbus operum Att-
giistini, Kieronymi, Ambrosii, Cypriani^
earum autlioritat^ : De ejusdem Cypriani
operibus probatis et apocrypJds. Lovanii,
Petrus Sassenus, 1687; vol. in-4o de
30 pages. De Witte riposta par un nou-
veau pamphlet qu'il intitula : Amusis
vitiUtigator , auquel Du Bois opposa :
— 22. Epistola ultima ad anonymos, seu
ut ipsi sc?'ibunt, Amuso-vit'ditigatores de-
jectos. Lovanii, Petrus Sassenus, 1687,
2 pages in-4o. — 23. Du Bois composa
aussi plusieurs plaidoyers {Motiva ou
Respovsa juris) pour défendre ses pro-
pres droits ou ceux d'autres personnes.
Nous avons rencontré le suivant -.Mo-
tive pour les bourg emaistr es et ville de
Louvain touchant leur droit patronate de
la plébanie de S. Pière, daté du 30 dé-
cembre 1681; vol. in-4o de 37 pages,
sans nom de lieu ni d'imprimeur, dans
lequel il défend comme valide la nomi-
nation comme pléban de Charles van
Craenenbroeck, faite par les bourgmes-
tres de Louvain. — 24. Enfin, en 1692,
il publia treize lettres à l'occasion de
l'affaire dite des Supplications jansénistes.
La première, datée du 5 avril 1692, est
intitulée : Nicolai Du Bois Epistola ad
autJiores libelU cui titulus : Supplicatio
ad illustrissimos ac reverendissimos ar-
chiepiscopu7)i Mecldiniensem cœterosque
Belgii Episcopos, etc. Lovanii, Hieron.
de Gosin, 1694 , brochure in-4o, et la
dernière, de la fin de mai 1692 : Epi-
stola décima tertia ad eosdem. Ostenduntur
perniciosœ ex doctrina supplicantium se-
quelce , etiani qnoad statuni politicmn;
vol. in-4o, imprimé la même année et
chez le même, imprimeur que les autres
lettres. La dixième lettre a un préam-
bule séparé, de sorte que cette collec-
tion intéressante est formée de quatorze
brochures, qui toutes sont d'une rareté
extrême. Plus tard, c'est-à-dire le
1er août 1692, Du Bois publia encore
une dernière lettre au sujet de la môme
controverse; elle est intitulée : Nicolai
Du Bois epistola confutatoria calumnia-
riiw, (juns Kuo pI pradecessornm svorum
more congesserunt in ipsum authores libelU
anonynii cui titulus : Supplicatio altéra
Supplicationis prioris apologetica , etc.
Lovanii, Hieron. de Gosin, 1692; vol.
in-4o de 18 pages.
En défendant courageusement les
saines doctrines. Du Bois s'était attiré
la haine de ses adversaires les jansé-
nistes. Ceux-ci n'épargnèrent aucun
moyen pour le vexer; il était boiteux,
et on lui fit un crime de ce défaut
corporel, contracté à la suite d'une
chute. Des pamphlets anonymes sans
nombre furent lancés contre lui. Nous
nous contenterons d'en citer quelques-
uns : a. Racematio hebdomadaria prolap-
sionum D. Nicolai Du Bois per queindam
S. T. B. Homologipoli, apud Fientes et
Prostratos; b. Histoire de Tintrusion dn
sieur Du Bois; Cologne, 1685 ; c. Lettre
d'un ecclésiastique à un de ses amis, ou
Vhistoire véritable de ce qui s' est passé
dans la barque de Bruxelles à Anvers, le
14 septembre \^%'i , entrelesieur Du Bois,
professeur en VEscriture sainte à Louvain,
et 7m estranger ; vol. in-4o, sans nom de
lieu ni d'imprimeur. On osa même pu-
blier des écrits de Du Bois, en les fai-
sant précéder d'un titre et d'une préface
injurieux pour l'auteur; tel fut le cas
pour le livre intitulé : Nicolaus Du Bois,
J. U. D., tlieologiœ et sacrar. Literar.
LovanI prof essor , protonotari^is apostoU-
cus, canon. MecJilin.Lovan.Brugens. ,etc. ,
judex synodalis, collegii Regii prœses,
librorum censor, Ludoiscins Bonalarvatus,
aut quoc7imqtie demum schemate sub luciao
asino minime occidtus sycophanta prœva-
ricationis manifestée reus. Mogunti?e,
Christoph. Kiichler, 1674; vol. in- 13
de 19 pages, qui contient la solution
d'un cas concernant le sacrement de
mariage donnée par Du Bois le 22 juin
1672, précédée d'une préface remplie
d'invectives à l'adresse de l'auteur.
Ë.-H.-J. heugenti.
Paquot, Fasti academici mannucripti, manu-
scrit (le la lîibliolhèque royale de Bruxelles,
n» 17367, p. !2i8 et suiv. — C. Carton, iSoicf mir
les travaux littéraires de Nicolas Du Bois,
Bruges, 1861, in-8».
DUitoi^ {Philibert), négociateur et
homme politique , né en 1 5 5 0 àBruxelles,
mort M La Haye vers 1621. Ses parents
m
DUBOIS
"206
se (lisaient alliés à l'illustre maison de
Laval. Ils avaient quitté la France à
l'occasion des premières persécutions
exercées par François 1er contre les
réformés. Bruxelles leur ayant plu, ils
s'y fixèrent. Vivant très-retirés, ils
échappèrent longtemps aux persécu-
tions, mais, après l'arrivée du duc d'Albe
aux Pays-Bas, leur qualité de Français
les rendit suspects; ils furent arrêtés,
jugés et condamnés à mort, non point
comme espions, mais comme hérétiques.
Philibert étudiait alors à Lausanne ou à
Genève. La terrible nouvelle vint l'y
trouver. Il avait tout perdu d'un seul
coup : famille, patrie, fortune. L'un de
ses condisciples, Charles de Zierotin-
Naraiest, qui fut plus tard grand bailli
de Moravie, lui proposa de l'accompa-
gner dans ses voyages, dès que ses études
seraient terminées. Philibert accepta. Il
vit de cette façon toute l'Europe, séjour-
nant partout assez longtemps pour for-
mer de précieuses relations et connaître
à fond les mœurs et la langue d'un pays.
Quand il s'arrêta enfin, au bout de dix
ou douze ans, il se trouvait en Hol-
lande. Son généreux ami et compagnon
de voyage l'avait forcé d'accepter une
pension. Philibert cependant voulut se
soustraire par sou travail à ses bien-
faits. 11 oftVit au conseil d'Etat de la
république batave ses services comme
rédacteur et traducteur en langues
étrangères. On l'employa bien de temps
à autre, mais sans lui accorder le titre
qu'il ambitionnait. Il s'adressa alors
aux ambassadeurs de divers princes
étrangers, à ces souverains eux-mêmes.
Des hommes tels que l'historien fiamand
Van Meteren, le poëte Dominique Bau-
dius, le théologien genevois Simon Gou-
lart et le savant Frison Ubbo Emmius
étaffent ses répondants. Le prince
d'Anhalt, étant venu à La Haye le
nomma son correspondant. Le célèbre
électeur Maurice de Hesse en fit autant.
Un jour un courrier que Du Bois expé-
diait en Allemagne fut arrêté. On lui
intenta un procès criminel. Comme il
n'était point fonctionnaire de la "répu-
blique, il s'en tira à son honneur. Les
princes cependant qui l'employaient
s'empressèrent de régulariser sa position
en le nommant leur résident près les
Etats généraux des Provinces-Unies. Le
voilà diplomate en titre et homme d'Etat.
Il put enfin renoncer à la pension que
lui faisait son ami, le grand bailli de
Moravie; ce fut son premier soin. Les
rapports qu'il adressa en qualité de
résident en Hollande au prince Louis
d'Anhalt de 160.5 à 1620, époque pro-
bable de sa mort, ont été publiés par
M. l'archiviste Ebeling, sous le titre
de : Philibert s du Bois Diplomatiiche
Berichte an den FUrsteti Ludicig zu
Anhalt von 1605 bh 1620. Leipzig,
1856-1859, 2 vol. in-8o. L'éditeur ne
s'est point exagéré la valeur de cette
correspondance en disant que nos his-
toriens auront à y puiser largement. Il
serait également k désirer que les lettres
politiques écrites par Du Bois à Maurice
de Hesse et à Henri IV fussent recher-
chées et publiées.
C.-\. Ratilenbeek.
otBOi» (Werner v.%!vde:v hoi'T e^
dit le général), né à Anvers vers 1540,
assassiné à Tielerwarde en 1607. Son
nom patronymique nous est révélé par
la correspondance du dykgrave d'Anvers
Vanden Houte avec le président du
conseil d'Etat à Bruxelles et l'audien-
cier Verreycken. Ce fonctionnaire trop
zélé trafiquait des liens du sang, de la
confiance habituelle entre proches pa-
rents; il communiquait à ses chefs les
renseignements qu'il pouvait obtenir de
son frère Werner et d'un autre frère
qui, également dévoué à la cause des
Etats généraux, remplissait à Tholen,
en Zélande, la charge de bourgmestre.
Les cas de l'espèce ne sont malheureu-
sement pas rares à cette triste époque
où la conscience des valets était aussi
troublée que la politique de leurs maî-
tres.
Werner s'était fait une réputation
comme chef de partisans. 11 se distin-
gua surtout au siège de Hulst, en 1595,
en harcelant, avec des cavaliers peu
nombreux, les troupes espagnoles et en
leur tuant beaucoup de monde. Deux
ans plus tai'd, il prit part comme capi-
taine il la l)ataille de Turnhout. Au
•207
DUBOIS — DU BRŒUCQ
-208
mois d'octobre 1602, il lit, avec le capi-
taine Eax, une brillante chevauchée sur
les contins du Brabant. Il surprit plu-
sieurs bandes d'ordonnance et les mit
en déroute. Les Etats généraux lui
témoignèrent leur satisfaction en lui
confiant aussitôt après un petit corps
d'armée de cinq cornettes de cavalerie
et de dix-neuf compagnies de piétons, à
la tête duquel il devait secourir Emden .
Ce fut la première fois, croyons-nous,
qu'il se fit appeler général. Les histo-
riens du temps ne lui contestent point
ce grade, qu'à défaut de patente ses
succès vinrent justifier. Quelques jours
lui suffirent pour forcer le comte d'Oost-
Frise à lever le siège et à se retirer
au delà des frontières. En 1606, la
besogne fut plus rude. Il dut rejeter le
généî'al espagnol. Pompée Justiniani,
qui, à la tête de quatre mille piétons,
de cinq cents chevaux et de deux canons,
se proposait de traverser le Wahal. La
rencontre eut lieu et, en moins d'une
heure de combat, les Espagnols lâchè-
rent pied avec une perte de cent vingt
hommes au nombre desquels cinq capi-
taines.
Xotre vieux guerrier portait, paraît-
il, grand ombrage à l'ennemi, puisqu'on
n'hésita point à rompre une suspension
d'armes afin de se débarrasser de lui
Voici comment Yan Meteren raconte sa
fin. Le 23 septembre 1607, étant en
l'île deThiel,il revenait, assez tard dans
la soirée, d'avoir dîné chez des amis,
quand des soldats espagnols, qui s'étaient
cachés aux environs de sa demeure,
arrêtèrent son carrosse et le déclarèrent
leur prisonnier. Comme il refusa de se
rendre, ils le tuèrent sur place et emme-
nèrent son jeune fils, qui l'accompa-
gnait. C.-A. Rahlenbeek.
E. Van Meteren, Histoire des Pays-Bas. Ed.
de 1618. f" 61'2. — Considéraliws d'État sur le
traité de paix de 160". Mémoires publ. par la
société de l'histoire de Belgique, 1869, p. 86. —
Bosscha, .\ee)7. helden te laiid, 1, 'Sil-'àdO. —
Vander Aa. — P. Bor.
DU BROEi'CQ (Jacques), le Vieux,
architecte , sculpteur , né selon toute
probabilité à Mons au commencement
du xvie siècle, mort le 30 septembre
1584. On eut longtemps des doutes,
sur son véritable nom de famille, que
l'on trouve écrit tour à tour Du Brœucq,
Du Brucque, Du Brucq, De Breuck et
même Beuch. L'historien Guichardin et
ses copistes l'ont fait naître tantôt à Va-
lenciennes, tantôt à Saint-Omer, par la
seule raison qu'il fut l'architecte de plu-
sieurs monuments érigés en cette ville.
Ses conceptions ont même parfois été at-
tribuées à son homonyme, Jacques Du
Brœucq le Jeune; mais aujourd'hui le
doute sur ces différents points n'est plus
possible. Feu Lacroix , archiviste de
l'Etat à ]Mons, dans ses Recherches sur
Jacques Du Brœucq, a établi par un
grand nombre de pièces, écrites et si-
gnées de la main de l'artiste, d'abord
quelle est l'orthographe véritable de son
nom; ensuite qu'il épousa Jacqueline
Le Roy, dont il n'eut point d'enfants ;
enfin que le mariage eut lieu en 1545,
puisque Du Brœucq reçut alors du cha-
pitre de Sainte-Waudru 7me couppe en
argent pesant I S. onces FUI strelins, pré-
sentée par mes demoiselles à M^ Jacques
Bubrœcq, tailleur d'albastre, le jour de
ses noces. On a aussi des preuves de sou
existence postérieurement à l'an 1572;
elles dissipent l'incertitude où l'on était
sur le sort de l'artiste, compromis poli-
tiquement, après la prise de Mons par
le comte Louis de Nassau.
Les renseignements sur les débuts de
Du Brœucq font défaut. On sait cepen-
dant que, pour compléter ses études, il
fi.t le voyage d'Italie et qu'il revint dans
sa patrie, précédé d'une réputation jus-
tement acquise. Dès son retour, il fut
nommé architecte et tailleur d'images de
Marie de Hongrie, gotivernante des
Pays-Bas, qui le chargea de tracer les
plans du palais de Binche et du château
de Mariemont; ces deux édifices furent
livrés aux flammes en 1554, par ordre
d'Henri II, roi de France, en repré-
sailles de ce que Marie avait fait sac-
cager sa résidence royale de FoUembray,
entre Xoyon et Laon. En 1539, Du
Brœucq donna à Jean de Hennin, comte
de Boussu, le plan du château dudit
lieu, et présida à l'exécution des tra-
vaux. Ces constructions eurent le sort
des précédentes; mais leurs ruines don-
-209
1)1 BRŒlCn
210
nent une idée de leur ancienne splen-
deur. Avant ce désastre, le château^ en
ce qui concernait ses ornements inté-
rieurs, passait pour le plus riche des
Pays-Bas; orné de statues et de tableaux
de grands maîtres, il attirait les jeunes
artistes que leurs faibles ressources
empêchaient d'aller étudier les monu-
ments de l'Italie. L'architecture, à la
fois élégante et sévère, était regardée
comme un chef-d'œuvre de goût et de
style. Au centre se trouvait une rotonde
dite salon d'Apollon; ou admirait dans
la galerie du château une statue d'Her-
cule, en argent massif, de six pieds
de haut, due à Chevrier, statuaire d'Or-
léans, et faite d'après le modèle de maî-
tre Eoux. Cette statue, offerte en 1540
par les Parisiens à Charles-Quint lors-
qu'il passa par la capitale de France,
pour se rendre à Gand, fut cédée par ce
monarque au comte de Boussu.
On peut regarder Jacques Du Brœucq
comme le restaurateur de la sculpture
dans les Pays-Bas ; une grande quantité
d'objets remarquables sont dus à son
habile ciseau. En 1535, il fut chargé,
par le chapitre noble de Sainte-Waudru,
de la décoration intérieure de la basi-
lique, travaux qui, dans la suite, ser-
virent de modèles, notamment l'autel en
marbre de iJaint-Bartholomée, orné de
statues et de bas-reliefs; l'autel de
Sainte-Madeleine, décoré avec le même
goût, et que Du Brœucq, accusé de pro-
testantisme, éleva, dit-on, pour se sous-
traire à une condamnation. Le premier
de ces deux autels a disparu; le second,
placé dans la quatrième chapelle à gau-
che du chœur, est composé d'un retable
en style de la renaissance, orné des sta-
tuettes des quatre évangelistes et d'une
statue de la Madeleine, de grandeur na-
turelle, le tout en marbre. Cette œuvre
passe pour un des morceaux les plus
achevés de l'artiste. On lui doit en-
core la décoration en marbre du jubé
de la même église ; ce chef-d'œuvre, l'un
des plus remarquables que possédait la
Belgique, fut détruit en 1797, après
l'invasion française , mais a été repro-
duit en gravure d'après le dessin ori-
ginal de 15;^ 5. La face antérieure était
ornée de sept statues et de six grands
bas-reliefs en marbre. Les statues repré-
S;entaient les quatre Vertus cardinales et
les trois Vertus théologales. Quant aux
bas-reliefs, c'étaient des scènes de l'An-
cien Testament : Adam et Eve mangeant
le fruit défendu ; Adam et Ei:e chassés dti
Paradis terrestre; Adam condamné au
travail; le Sacrifice de Gain et d'Abel;
Cdin tuant Abel ; Agar dans le désert.
La face postérieure était ornée de trois
statues représentant Jésus-Christ, Moïse,
David , et de trois bas-reliefs, la Résur-
rection, V Ascension, la Descente dxi Saint-
Esprit sur les Apôtres. Tous ouvrages
d'une exécution finie et énergique.
M. Lacroix, dans ses Recherches,
entre dans de longs détails sur le coût
de ce jubé, ainsi que sur celui d'autres
travaux dus à l'éminent artiste, qui eut
l'honneur d'avoir pour disciple Jean de
Bologne, dont il développa les rares
facultés. Aug. Vander Meerscli.
Mémoire stu- les sculpteurs et architectes des
Pays-Bas, par Ph. Baert, publié par le baron de
Reift'enberg, dans les Bulletins de la comintssioti
royale d'histoire, b'' série, t. XIV, p. 45-46, oSii
et suiv. — Icouofjraphie inontoise. — Biographie
générale, publiée par Didol. — Nagler, yeuer
allg. Kunstlcr lexicon. — Le Mayeur, La Gloire
belfjique, t. il, \t. 114. — Mathieu, Biographie
monioise. — Immcrzcel, Levens der Schilders. —
Lacroix, Recherches sur Jacques Du Brœucq. —
A. Dinaux, Hommes et choses du nord de ta
France et du midi de la Belgique.
nv BiioEiCQ (Jacques) le Jeune,
architecte, né à Mons oii il florissait
en 1612; il appartenait probablement
à la famille du précédent artiste; Cfi
suppose môme qu'il fut son neveu, son
filleul et son élève. Architecte distin-
gué , il construisit plusieurs édifices
considérables tant à Saint-Omer que
dans le Hainaut, et, notamment, en
1634, le monastère de Saint-Guilain
près de Mons. Lorsque Louis XIV se
fut rendu maître de cette place, les
bâtiments de l'abbaye furent ruinés,
puis réédifiés par Gabi, architecte de
Lille, et Dubressi de Mons. Les con-
ceptions de Du Brœucq étaient gran-
dioses. » Il était capable, dit Algarotti,
d'exécuter les plus belles choses. " Les
divisions intérieures de ses constructions
étaient commodes, et son penchant pour
la décoration ne nuisait jamais à la
m
DU BRŒUCQ - DU BUISSON
212
solidité. Van Dyck, contemporain de
Du Brœiicq le Jeioie, avait pour lui
la plus grande estime ; il le lui témoi-
gna eu peignant son portrait, qui figure
dans le recueil des portraits gravés de
ce peintre, avec cette inscription : Ja-
cohns Du Brœucq, arcJntectus JTo^itefisis
in Hannoiiia C'est cette inscription qui
lève tout doute à l'égard du lieu de
naissance de l'artiste que l'on avait fait
naître à Saint-Omer.
Aug. Vander Meersch.
Michaud, Biographie universelle, t. LIX. —
Immerzeel. Levens der Schitdeis.
Di' BitOEi'Qi'EZ {Jean-J'raîiçois), ou
Breucquez, médecin, né à Monsen 1690,
mort le 11 juillet 17-49. Il fit ses études
à l'université de Louvain et exerça sa
profession dans sa ville natale. Il a
laissé les ouvrages suivants, qui ne sont
pas dépourvus de mérite : 1» Réf exions
sur la méthode de traiter les Jjèvres par
le quinquina. Mous, 172.5, in-12. —
2" Preuves de la nécessité de regarder les
urines, et de V usage que le médecin doit en
faire pour la guérison des maladies. ^lons,
1729, in-12.
Du Brœucquez eut un fils, nommé
Axtoine-Fraxçois, né à Belœil, près
d'Ath en 1723, mort à Mons en 1767,
qui suivit aussi la carrière médicale ; il
ftit reçu docteur à Louvain et exerça
avec distinction à Mons. Il a publié :
lo Discours sur Us erreurs vulgaires qui
se commettent dans le traitement des
mfants, depuis leur enfance jusqu^ à Vâge
adulte. Mons, 1754, in-12. — 2" Héfu-
tation des erreurs vulgaires sur le régime
que la médecine prescrit aux malades et
aux convalescents . Mons, 1757, in-12.
Aiig. Vandi>r Meprsch.
Eloy. Dictionnaire historique de la médecine.
— Mathieu. Biographie montoise. — Biographie
universelle, publiée à Bruxelles chez Ode.
DU Btissox (Jean) ou RuBus, appelé
aussi MoxARTLS, écrivain ecclésiastique
et professeur, né à Villers-Xotre-Dame
près d'Ath, vers 1525 et décédé à Douai
le 11 avril 1595, Il étudia la philoso-
phie à l'université de Louvain et obtint,
comme élève de la pédagogie du Porc,
la troisième place sur 156 concurrents,
à la promotion générale de la faculté des
arts, en 1544. Lorsqu'il eut achevé sa
théologie, il enseigna pendant quelques
années la philosophie au collège où il
avait étudié et se prépara dans l'entre-
temps à subir les épreuves difficiles du
doctorat en théologie. Mais en 1563, au
moment de l'organisation de l'université
de Douai, il fut choisi pour occuper, dans
cet établissement, une chaire de philo-
sophie au collège du Eoi, dont il devint
le premier régent ou président. Il ne
renonça pas, néanmoins, à l'étude de la
théologie, et reçut, le 16 juillet, le bon-
net de docteur à l'université de Douai,
avec le plein consentement de ses an-
ciens maîtres de Louvain. Il passa, vers
la même époque, de la chaire de philo-
sophie du collège du Eoi à une chaire
d'Ecriture sainte à la faculté de théolo-
gie, fut élu, peu de temps après (vers
1574), prévôt du chapitre de Saint-
Pierre, et reçut, en cette qualité, la
dignité de vice-chancelier de l'univer-
sité. Après avoir rempli diverses fonc-
tions pendant l'espace de vingt et un ans,
il mourut âgé d'environ soixante et dix
ans, en laissant tous ses biens pour l'en-
tretien d'étudiants pauvres. Du Buisson
joignait à de grands talents une simpli-
cité et une humilité qui le faisaient aimer
et estimer de ses collègues et de ses
élèves. On possède de lui deux écrits
qui témoignent de sa science et de son
érudition : 1. Aristotelis Organum uni-
ver sum, una cum Porpliyrii Isagoge, in-
terprète Joanne Rubo Hannonio. Duaci,
.lac. Boscardus , 1564; vol. in-4o de
viii-181 pages, réimprimé à Douai en
159S. Paquot cite aussi une édition
in-4^ faite à Cologne en 1572. Cette
version de V Organum d'Aristote et de
V Isagoge de Porphyre avait été faite par
Du Buisson lorsqu'il enseignait encore
à Louvain; il la fit imprimer à Douai
pour l'usage ses élèves. Cette traduc-
tion fut employée à Douai, comme ou-
vrage classique. — 2. Historia ac har-
monia evangelica seu vita D. Jesu ex
quatuor evangelistis in ununi historiée
corpus congesta, adjectn suis lacis ordinis
et consensus ratione. Rom?e, Victorius
Aelianus, 1575. Cette édition parut à
Rome, sous le nom de Jean Buisonius,
-243
DU BUISSON - DUBUS DE GISIGNIES
2 14
en 1574 ou 1575, pendant un voyage
que l'auteur fit en Italie vers cette
époqiie. » Vivebat Eompe anno 1574 ",
dit le Catalogns bihliotheca Casanatensis,
tom. I, parte II, « ubi huic operi
extreraam manum se imposuisse scri-
bit » . La même année cet opuscule fut
aussi publié à Douai, chez Jean Bogard;
brochure in-1 3 de 19 feuillets. Cette con-
corde des évangélistes, tirée en grande
partie de l'ouvrage de Corneille Jansé-
nius de Gand, fut remaniée plus tard
par le trop célèbre janséniste, Antoine
Arnauld, et réimprimée plusieurs fois
séparément sous le titre de Historia et
conco)'dia evangelica. On la trouve aussi
dans le tome III de l'édition in-folio de
la Bible de Sacy, faite à Paris en 1715.
Paquot cite une édition in- 12 de Co-
logne, 1573; il y a lieu de douter si
réellement cette édition existe.
E.-H.-.J. Reuseus.
Paquot, Mémoires, éd. in-fol., I, p. 2H. —
Duthillœul, Bibliographie douamenne. — Mola-
nus, Hisloria Lovaiiieimum, 1. pages o"26 et 601.
nt: BUi*B^o^' (T/iéodore-Josep//) , né
à Mons en 1763, décédé le 33 décem-
bre 1836. Instituteur primaire dans sa
ville natale et professeur à l'école nor-
male de la province de Hainaut , il
composa, dans l'intérêt de l'enseigne-
ment , des ouvrages estimés et dont
plusieurs ont eu jusqu'à sept et huit
éditions : 1° Leçons grammaticales des
meilleurs auteurs. Mons, 1813, in-8'\
— 2" Recueil de fables suivies d'explica-
tions morales. Mons, 18Ï7, in-13. —
3o La Nouvelle Cacographie . Ibid. , 1835 ,
in-1 2. — 4" Vocabulaire des mots homo-
nymes. Ibid., 1825, in-13. — 5o CJwix
de lectures morales et historiques. Ibid.,
1826, in-13. — 6o Principes de lecture
et d'écriture. Ibid., 1826, in-12. —
To La Syntaxe enseignée par une nouvelle
méthode. Wnà., 1827, in-12. 2e partie,
1828, in-12. — 8" V Orthographe ensei-
gnée par une nouvelle méthode. Mons,
1828, in-12. Aup. Vander Mcersch.
Mathieu, fiiographie moutoise. — l*iron, Lei'ois-
be.%chr]ivin<j .
nvuvH iiR (;i<iii(;i;iE« {Léonard-
Pierre-Joseph, vicomte), homme d'P]tat,
né au chAteau de Dottignics (Flandre
occidentale), le 28 février 1780, mort
le 31 mai 1849. Issu d'une ancienne et
noble famille, il avait résolu de se tenir
éloigné de toute position officielle et
déclina toutes les propositions qui lui
furent faites à cet égard, aussi long-
temps que la Belgique fut réunie à
l'empire français. Averti officieusement
que ces refus successifs seraient consi-
dérés comme une manifestation d'hosti-
lité et finiraient par mettre sa famille en
suspicion, il se laissa enfin nommer, le
30 avril 1^13, premier adjoint au maire
de Tournai. Ce magistrat ayant quitté
la ville, lors de l'entrée de l'armée
commandée par le duc de Saxe-Weimar,
celui-ci ottrit à Dubus d'être chef de la
mairie; il refusa, étant lié par son ser-
ment de fidélité à Napoléon, mais en
déclarant que si l'empereur abdiquait,
il se considérerait comme dégagé et
serait prêt à donner son concours. Le
18 mai 1814, le gouvernement général
de la Belgique le nomma intendant ou
commissaire de l'arrondissement de Cour-
trai et dans ces fonctions il s'acquit la
réputation d'un fonctionnaire zélé, in-
struit et actif.
Dès la constitution du royaume des
Pays-Bas, le gouvernement s'empressa
de recourir à ses lumières en le nom-
mant membre de la commission chargée
d'élaborer un projet de loi pour l'orga-
nisation de la milice nationale, projet
qu'il défendit ensuite devant la deuxième
chambre des états généraux où il fut
appelé à siéger par arrêté royal du
19 septembre 1815. lient ensuite l'hon-
neur de présider cette assemblée depuis
le 21 octobre 1818 jusqu'en 1820. Le
7 mars de cette année, il devint gouver-
neur de la province d'Anvers. Il profita-
de son séjour dans la métropole com-
merciale belge, pour étudier les intérêts
multiples du haut commerce, et l'expé-
rience acquise en cette matière lui servit
à merveille quand, plus tard, la con-
fiance du roi l'appela à une plus émi-
nente position dans les colonies.
Ce fut en le nommant, le 1er février
1823, gouverneur de la province du
Bral)ant méridional, que le roi Guil-
laume eut surtout l'occasion d'apprécier
21 n
DUBIS DE GISIGNIES
"246
les vues élevées et le caractère de
l'homme qu'il allait charger d'une mis-
sion importante aux Indes néerlandaises.
Et voici dans quelles circonstances.
Pendant quelques années le gouverne-
ment avait eu toute confiance dans l'état
des choses établi^ et l'opinion publique,
ainsi que la représentation nationale,
étaient restées assez indifférentes au sort
de ces contrées lointaines. Tout à coup,
en 1824, cette grande quiétude se chan-
gea en vives appréhensions ; des se-
cours importants avaient été réclamés à
la mère-patrie et devenaient urgents si
l'on ne voulait voir péricliter les posses-
sions. Tel fut le sentiment de déception
qu'éprouva le gouvernement des Pays-
Bas à la réception des dépêches. Il de-
venait évident que les dépenses n'étaient
nullement en rapport avec les recettes,
que le désordre régnait dans toutes les
branches de l'administration et que la
direction donnée aux aiï'aires était en
opposition avec les principes admis, en
1816, par les commissaires généraux,
voire même en opposition avec les inté-
rêts réels des colonies. Il fallait donc,
sans retard, y entrer dans la voie des
économies, exercer un contrôle sévère
et, pour imprimer une réforme, confier
l'administration à un homme ferme,
actif, indépendant et tout dévoué à
l'œuvre de la réorganisation. Ce fut
Dubus de Gisignies que le roi chargea
de cette mission si délicate, si diiiicile !
Un arrêté royal du 10 août 1825 le
nomma commissaire général aux Indes
orientales, f«î;é'.s-^^c?(? tous et teh pouvoirs
que S. M. elle-même pourrait y exercer,
si elle s'y rendait en personne. On appré-
ciera quelle était la confiance absolue
accordée au nouveau commissaire géné-
ral, en lisant les instructions confiden-
tielles contenues dans l'arrêté royal du
13 septembre de la même année, n» 79.
Les pouvoirs les plus étendus lui furent
donnés, et, chose digne de remarque, il
devait uniquement sa nomination aux
sympathies du roi; le ministre n'était
intervenu que pour contre-signer l'ar-
rêté royal.
Tout en cédant au vœu du souverain,
Dubus désira que sa mission ne fût que
temporaire et qu'à son retour il pût
rentrer dans l'administration de son
gouvernement provincial. Le roi le lui
promit; mais il dut pourvoir, deux ans
et demi après son départ, à son rempla-
cement, et, par arrêté royal du 8 mai
1828 , Dubus fut nommé ministre
d'Etat. Il partit le 28 septembre 1825
pour Batavia. Dès son arrivée il fit con-
naître que le but principal de sa mission
était d'effectuer des économies et de
réorganiser les divers services qui étaient
trop développés pour les besoins de
l'Etat et la nature du pays. Ses efforts
tendaient à raviver le zèle des employés,
qu'il trouva la plupart dans xine espèce
d'apathie, et qui, on le comprend, ne
lui étaient pas trop sympathiques, son
premier devoir étant la diminution des
traitements et la réduction du personnel.
Pour parvenir à son but, il eut à lutter
contre de grandes difficultés et parfois
contre le mauvais vouloir de person-
nages haut placés. Mais de nombreuses
réformes s'opérèrent sans conflits; il
eut assez de tact pour gagner la consi-
dération et l'attachement des fonction-
naires. Accessible et même affable avec
tout le monde, il fit chérir son pouvoir;
s'il voulait l'économie dans le service, il
la voulut aussi dans sa maison et en
donna l'exemple, tout en conservant la
dignité et la représentation d'un haut
fonctionnaire.
Il dut pourvoir à une augmentation
des forces militaires, afin de réduire à
l'obéissance les princes révoltés ; il réta-
blit l'ordre dans les finances, fit cesser
les prodigalités et apporta de nom-
breuses améliorations dans la situation
des colonies. Dès le 26 février 1826,
c'est-à-dire quelques jours après son
arrivée, il introduisit aussi le nouveau
système monétaire.
Il porta pareillement ses soins vers
l'extension du culte catholique , qui
avait ses ministres, payés par l'Etat et
établis à Batavia, à iSamarang et à Soera-
baya, chefs-lieux des trois divisions mi-
litaires de l'île de Java. Il leur procura
les moyens d'exercer leur ministère dans
les autres provinces et d'y donner l'in-
struction religieuse aux catholiques. Ba-
217
DUBUS DE C.ISIGNIES — DU BYE
2i8
tavia n'avait pour église qu'un mauvais
bâtiment en location; il en fit construire
une, en partie aux frais de l'Etat, en
partie aux siens.
Il serait oiseux d'entrer dans tous
les détails relatifs à son administration ;
pour ceux-ci on ne peut que renvoyer à
l'ouvrage de H. Van der Wyck (De Ne-
derlandache bezittingen onder liet bestuur
van den kommismris generaal du Bus de
Gisifjnies. 1826-1830. La Haye, 1866).
Cet auteur rend compte de tout ce qui
a été opéré par Dubus, en l'appuyant
sur des pièces otticielles.
Disons, en résumé, qu'il rendit d'émi-
nents services et contribua puissam-
ment à l'extension des relations com-
merciales de la métropole et de la
navigation nationale. Ce fut sous son
administration qu'on introduisit la cul-
ture du thé, de la cochenille, de la
cannelle et que, dans l'intérêt du com-
merce, fut fondée la banque javanaise,
qui rendit de si grands services. Enfin
il finit par rendre productive une colo-
nie qui, jusqu'alors, avait été une charge
pour le royaume. L'industrie belge en
particulier lui est redevable d'avoir fa-
cilité l'écoulement de ses produits dans
ces contrées et d'y avoir ouvert de nom-
breux débouchés. Le 16 janvier 1830,
il céda ses pouvoirs au nouveau gouver-
neur général, Vanden Bosch, et rentra
dans sa patrie le 16 juin suivant. Pour
conserver le souvenir de sa bonne ad-
ministration, un monument a été élevé
à sa mémoire dans l'église catholique de
Batavia.
Cependant, à peine nommé, Dubus
avait été impitoyablement calomnié. La
calomnie l'avait précédé dans ces pos-
sessions et il eut à y lutter contre des
préventions dont un rapport, adressé au
roi par son successeur, le général Vanden
Bosch, fit ressortir l'injustice. Celui-ci
déclara que Dubus avait opéré toutes les
améliorations possibles et lui avait laissé
bien peu à faire. L'envie ne fut pas en-
core désarmée tout à fait; il fallut que
le roi, qui lui rendit toujours justice, lût
à son conseil des ministres le rapport
de V'anden Bosch, si fiatteur pour Tan-
cicu commissaire général.
Depuis la révolution de 1830, le
vicomte Dubus se tint éloigné de la
scène politique, pour s'adonner entière-
ment à l'agriculture et particulièrement
au défrichement de la Campine. Il devint
ensuite président de la commission du
Jardin botanique de Bruxelles, et, en
1846, le roi Léopold 1er Je nomma pré-
sident du conseil supérieur d'agricul-
ture. Il contribua puissamment à la
fondation Terninck à Anvers et à celle
du couvent des Trappistes, institutions
qui lui sont en quelque sorte redevables
de leur prospérité.
Dubus fut membre de l'ordre équestre
de la Flandre occidentale depuis 1817 ;
le 3 novembre 1816, il devint cheva-
lier de l'ordre du Lion Belgique ; le
30 juillet 1823 commandeur; le 6 juil-
let 1830 grand'croix; enfin, en 1847,
le roi des Belges lui conféra la croix
d'officier de l'ordre de Léopold. Le titre
héréditaire de vicomte lui avait été con-
féré par lettres royales, en 1819, et ses
fils, Bernard, Albéric et Constantin, ont
été personnellement et héréditairement
honorés des titres de barons en 1834.
Les Dubus de Gisignies portent d'azur
à l'écusson d'argent en abîme, entouré
de quatre fleurs de lys du même.
Devise : Finis laborum palma.
Aiig. Vander Meersch.
Pauwels-De Vis, Dictionnaire Inographique des
Belf/es. — Biographie des Belqes niorls ou vivants.
— Vander Aa, Biographisch Woordenboel;. —
Moniteur belye, 18-51), l'-'"' semestre, p. 1797. —
Vai) Kampen. De Sederl. buiten Enropa, l 111,
p. 641, 668-677. — Roorfla van Evsinga, llandb.
der Land en Volkenk., B. 111, D.' Il, p. ^ilS-'-iit).
— Onze Tyd, D. IV, p. 1-8. - Tecnstia, yederl.
Overz. Bezitt., p. '289, 8-28, o89, 861-864. — G. De
Sciiére, Levensschets van Léonard Burqgraaf
du Bus de Gisiqnies { dans le Tijdscitrijt voor
Staathuiskunde en statistiek van baron Sloel loi
Oldhuis, t. Vil, p. 39,.
DU BïK {Jean- Baptiste) ou De Bte,
ingénieur, né à Ypres vers 1616, mort
à Boesinghe. Il fut l'aïeul de Corneille
De Bye (voir sa notice), et descendait
d'une famille noble, portant pour armoi-
ries parlantes un écu parsemé d'abeilles:
byen. L'épitaphe qui se trouve à l'église
de Boesinghe indique qu'il fut ingé-
nieur des quatre métiers de Flandre et
l)ailli (le Boesinghe. Il se distingua par
les ouvrages hydrauliques exécutés sous
219
DU BYE — DUCHASTEALl
no
sa direction dans la Flandre. On sait
qu'en 1616, lïnfante Isabelle consentit,
a la demande du magistrat de la ville
d'Ypres, au creusement du bief supé-
rieur du canal reliant cette ville à la
mer , près de Nieuport. Ces travaux
toutefois furent ajournés jusqu'en 1638,
époque à laquelle on se mit sérieusement
à l'œuvre. Les plans avaient été dressés
par Barthélemi De Buck qui en surveilla
l'exécution. Le sas construit à un bas-
sin, avec deux paires de portes busquées,
rachète une chute de 6 mètres 80 c.
Pour faire apprécier toute l'importance
de ce travail, on dira que les écluses du
fameux canal du Languedoc, qui ont
honoré le règne de Louis XIV, n'ont
qu'une chute moyenne de 4 à 5 mètres.
Notre sas a soixante pieds de longueur
sur vingt-trois de largeur. Les écluses
à sas, à portes busquées, étaient peu
connues à cette époque; Simon Stevin,
dans un de ses ouvrages publié en 1617
à Eotterdam, en parle comme d'une
chose récemment inventée, dont il cite
plusieurs applications nouvelles ; il
entre en même temps dans de grands
détails sur l'invention des portes tour-
nantes, servant à pratiquer des chasses
dans les ports.
Dès le mois d'aoïit 1658, DuBye,
alors ingénieur des quatre métiers de
Flandre et préposé à la direction des
écluses de Boesinghe et de Slykens lez-
Ostende, signala les énormes défauts
qui devaient entraîner la destruction
du nouveau sas, et il se chargea des
changements à faire à cette œuvre gi-
gantesque, qui est encore actuellement
d'une conservation parfaite.
Aug. Vander Meersch.
Archives d'Yju'es et de la commune de Boe-
singhe. — Annales de la Société d'Emulation de
Bruges, année 4846. — Communications faites
par M. le chanoine Vande Puiie.
DiCH.'iMTc.ti; {N.) OU Du Chas-
TEAU, médecin et philosophe, né à
Chênée (Liégej dans la première moitié
du xviie siècle, publia en 1673, chez
G. -H. Streel, à Liège, un petit volume
in-12, intitulé : Parvum tiuturœ spécu-
lum, dont le seul exemplaire connu se
trouve dans la collection léguée à la
ville de Liège par feu Ulysse Capitaine.
Malgré de patientes recherches, ce zélé
bibliophile, qui n'a malheureusement
pu mettre la dernière main à sa Bio-
graphie des médecins liégeois, n'a rien
découvert concernant la personne de
Duchasteau : on sait seulement, par le
titre de l'ouvrage cité, que ce person-
nage était docteur en philosophie et en
médecine, et licencié en théologie. Du
moins son œuvre lui a survécu, et elle
n'est pas indigne de quelque attention.
Xous sommes à l'époque où la scolas-
tique était vivement battue en brèche
par les cartésiens et par les disciples de
Bacon. Duchasteau ne dissimule point
son penchant pour les réformateurs de
la philosophie. « Je ne viens, dit-il, ni
Il renverser, ni innover quand mèmej
« sans doute je considère comme des
« chimères les formes substantielles et
« les qualités occultes de la philosophie
" vulgaire ; mais je n'ai pas l'honneur
Il d'avoir exposé le premier les idées
Il que je défends ; et quant à ces termes
Il traditionnels, qu'on les conserve, si
« l'on veut, pourvu qu'on leur donne
u un sens raisonnable. A qui me ratta-
" chera-t-on? Peu importe : la question
Il est de savoir si je dis vrai... « Là-
dessus il se préoccupe des causes de nos
erreurs et s'élève tout d'abord contre
l'abus des définitions. « Mais l'amour de
la vérité, ajoute-t-il, contribue lui-même
à nous égarer, quand nous n'écoutons
pas les conseils de la prudence ; nous
allons en avant sans prendre toujours
la peine de vérifier l'exactitude de nos
observations, sans nous défier suffisam-
ment des préjugés de notre enfance et
des opinions accréditées; puis il faut
compter avec la paresse naturelle de
l'esprit... Attachons-nous donc à une
méthode sûre. « Cette méthode est tout
simplement celle de Descartes; mais
Duchasteau se garde bien de nommer
Descartes : à Liège, au temps où il
écrivait, il ne l'eût pas fait impuné-
ment.
Ailleurs, il semble faire allusion à
Spinoza, quand il déclare que nous ne
pouvons prétendre à reproduire dans
l'ordre de nos pensées l'ordre même de
la création. Ou objectera que V Ethique
2-21
Dl CHASTEAU — DU CPIASTELER
222
ne vit le jour qu'eu 1677 ; mais il n'est
pas douteux que les principes du pan-
théiste d'Amsterdam ne fussent connus
de ses amis et de ses ennemis bien avant
cette date. Passant de la discussion à la
théorie, Duchasteau s'engage en plein
dans le pur cartésianisme, en procla-
mant la passivité de la matière, en
niant les causes secondes, en expliquant
le mouvement par la fameuse cliique-
navde de Pascal. Il admet le système des
tourbillons ; dans l'exposé de la physique
céleste, en revanche, il se rapproche des
idées qui différencient Malebranche de
Descartes (voy. Bordas-Dumoulin, Le
CarttiHiaimnié); non pas qu'il connût
Malebranche : il le pressentait. En
somme, son livre est un résumé simple
et clair du traité des Priiicljjes, dirigé à
la fois contre l'Ecole et contre les adeptes
des sciences occultes, qui faisaient alors
des prosélytes dans la principauté lié-
geoise. Duchasteau fait preuve d'une
grande indépendance d'esprit; néan-
moins il a soin, en terminant, de sou-
mettre en toute humilité son œuvre au
jugement de l'Eglise catholique.
Alphonse Le R03'.
l'I. Capitaine, Bioçirapliie des médecins liégeois.
— Alph. Le lîoy, La PhUosopItie au pays de Liège.
DV l'U.'ljaiTEL {Jos-Se), ou A CaSTRO,
écrivain ascétique, né à Bruxelles, mort
le 18 avril 1634. Il entra chez les
Frères mineurs, et ne tarda pas à se
faire estimer comme écrivain religieux
et comme prédicateur. Il fut nommé
deux fois provincial de la Germanie
inférieure. On lui doit lès ouvrages .sui-
vants : lo Conciones in Evangelia Domî-
nicalia totiui amii et Octavam rener. 8a-
cramenti. — 2<' Eleiichum ad formandas
concione'i pro Feriis qtmdraijeHimee et mnc-
^w.Antverpiœ, typis Plantinianis, 1633,
2 vol. in-4o. — 3'J De Cachordiim Mo-
rale,de X virtutibufi Immaculatœ Virghm
annwdiatœ. Ibid., 1635, 2 vol. in-4o.
Il mourut à Malines d'une maladie épi-
démique et fut enterré dans l'église des
FF. mineurs. Son épitaphe a été repro-
duite par Foppens.
Aiig. Vauder Mceriivb.
K")i>|iciis, liibliolltecu hctgica, l. Il, \>. 16H. —
Waulers, HmCoire de Bruxelles.
DU tUA.«TEL, DE LA U01« ARDE-
RiE {Pierre-Dominique comte), homme
de guerre, né à Liège le 7 avril 1776,
mort à La Haye le 17 juillet 1839,
appartenait à une famille noble qui
depuis plusieurs siècles avait compté
parmi ses membres un grand nombre de
vaillants officiers. Pierre 'Du Chastel
entra comme volontaire dans le célèbre
régiment des chevau-légers de Latour,
le 21 janvier 1795. Quelques mois
après, il fut nommé sous-lieutenant en
récompense de la bravoure qu'il déploya
au combat de Bamberg. Il lit toutes les
campagnes de la fin du siècle dernier et
celles de l'époque napoléonienne, se dis-
tingua dans un grand nombre de com-
bats et conquit, sur les champs de
bataille, tous ses grades jusqu'à celui
de chef d'escadron. A la chute du pre-
mier empire, il revint en Belgique, prit
rang, en qualité de major dans le 2e ré-
giment de carabiniers belges (7 septem-
bre 1814)et fut chargé, le 10 avril 1815,
de présider à la formation du régiment
de cuirassiers no 9. Le roi des Pays-Bas
le choisit pour adjudant en 1822, lui
donna, le 20 décembre 1826, le com-
mandement du régiment de cuirassiers
ni> 3, puis l'attacha à sa maison en qua-
lité de vice-grand écuyer (1829). Plus
tard, il le nomma général et grand
veneur, charge que le comte du Chastel
conserva jusqu'à sa mort.
Général baron Guillaume.
Lecouvet, Notice historique sur Ilowarderic. —
Vigneron, Belgique militaire.
DC cu.%!itTEi. (Pierre), helléniste,
archéologue, né à Grammont en 1585,
mort en 1632. Voir Vaxde Casteele
(Pierre).
DU CilANTEUER (AIôert-Fra)içois,
marquis), général de cavalerie, né le
16 décembre 1704 à AA'urtzbourg, mort
à Bruxelles le 16 août 183 6. Voir Chas-
TELER (Albert- François, marquis du).
DU cu.%.!>iTEL.ER (Frauçois-Gahriel-
Joseph, marquis), historien, né à Mons
le 20 mars 1744, mort à Liège le
11 octobre 1789. Voir Chastelee
(François-Gabriel- JonepU, marquis du).
DU l-u.%!!*TEL.ER (Jeau-Ouhriel-Jo-
hefjh- Albert, marquis), général d'artil-
"l'ïà
Dl CliASTELER — DLCHATEL
±U
lerie, né le 22 janvier 1763, au château
de ;Moulbaix près de Mons, mort à
Venise, le 7 mai 1825. Voir Chas-
TELEB {Jean-Gabriel- Joseph- Albert , mar-
quis du).
DC CHATEAi; (Loîiis), ou Di" Chas-
TEAU, ou A Castko, théologien et ora-
teur sacré, né à Liège vers le milieu du
xvie siècle, mourut en 1632. Il entra de
bonne heure dans l'ordre des religieux
conventuels de Saint-François. Doué
d'heureuses dispositions, il se livra avec
ardeur à l'étude de la théologie et reçut
le grade de docteur en cette science. Il
remplit les plus hautes dignités de son
ordre, et fut élu à plusieurs reprises,
provincial et désigné comme député-
commissaire à la congrégation romaine
des pères pour la Savoie, le Dauphiné,
le Vivarais, la Bourgogne et les pays
voisins. Efl'rayé des progrès de la ré-
forme, il la combattit avec une vigou-
reuse ardeur par ses discours et par ses
écrits; orateur brillant, il voyait se
presser autour de sa chaire un public
nombreux attiré parla force et le charme
de son éloquence.
Duchàteau a publié : lu Za Religion
prétendue des proti7ices belges unies, désu-
nie, au rapport du F. Louys du Chas-
teau Liégeois,... le tout divisé en trois
parties et dédié au clergé de Liège.
In- 8", C. Ouwerx le Jeune, 1619. Ce
livre est le résumé des sermons prêches
par notre auteur, en 1618, dans l'église
des Frères mineurs conventuels de Liège,
à l'occasion de la tenue du synode de
Dordrecht. Il en parut une seconde édi-
tion in-8o, en 1621, à Cologne. —
2» Le Chasteaii du moine opposé à la Babel
de Hoche de Nembi'oth de la Vujne, c'est-
à-dire, Réplique de F. Louis du Chasteau,
Liégeois.. . pour un sien livret imprimé
l'an 1619, sous le tiltre de la Religion
prétendue des provinces bel gigues- unies,
désunie, contre la prétendue réfutation
d'icelui sortie de la plume d'un igno-
rant, qui se dit pasteur des Wallons et
François calvinisez , à Dordrecht ; en
laquelle sont traitées plusieurs matières
importantes et surtout touchant l'Escri-
ture, la foy et l'Eglise. Liège, in-8o,
C. Ouwerx, 1622. — 3» Examen et réfu-
cation du synode de Dordrecht. — 4i*> Le
tamp monastique , ou l'apologie opposée
à la Tour de Babel de Daniel Hochede,
calviniste. — 5° Deffence du mont-de-
piété, érigé en la cité de Liège , contre les
libelles diffamatoires de M. Jean de Lil-
1ers, jadis avocat de Cambray et autres
censures. Dédié à S. A. Sér. de Liège.
C. Ouwerx, 1627, in-4o. — 6» Monts-
de-piété du pays de Liège et comté de
Looz, heureusement établis sous les
auspices du Séreniss. prince Ferdinand,
archevêque de Cologne, évesque et
prince de Liège, etc.; avec un abrégé
des raisons démonstratives de la justice
desdits monts, déduictes par le révérend
père Louys du Chasteau, provincial des
FF. mineurs conventuels. C. Ouwerx,
in-4o. Cet ouvrage — dont la première
partie est de Simon Mouillet, surinten-
dant des monts-de-piété, et la seconde de
Duchàteau, — a été réimprimé chez
J. F. van Milst, 1684 et en 1702 chez
J. L. de Milst. Alfred Goffard.
Foppens, Dibl. belg , tom. II, 829. — Becde-
lièvie, Biog. liég., tom. Il, 450. — De Theux,
Bibl. liég., tom. I.
DU C'UATE.Ai; (Mathieu), plus connu
sous le nom latinisé de de Castro,
écrivain ecclésiastique, né à Lille (an-
cienne Flandre), mort en 1597. Il fut
religieux à Phalempin, de l'ordre des
chanoines réguliers, dont il devint abbé.
Il publia : Epitome corn mentarior uni
Cornelii Jansenii (l'évêque de Gand) in
concm'diam Evangelicam. Antverpiae ,
1593, in-8o. Item, Lugd., 1595, in-4') ;
ibid., 1648. Il écrivit encore Noctes
liyemales et œstitales, ainsi qu'un com-
mentaire sur les Psaumes et autres
ouvrages dont les manuscrits étaient
conservés dans son couvent.
Aiig. Vander Meersch.
Foppens, Dibliotlieca belgica, t. 11, p. 865.
DiJCUATKi. (François), peintre de
sujets de genre et de portraits, né à
Bruxelles en 1616, d'après Mensaert,
et mort en 1694. (Quelques biographes
disent qu'il naquit en 1625.) On ne sait
pas grand'chose de son existence, si ce
n'est qu'il servait dans un régiment de
cavalerie et qu'il quitta la carrière mi-
litaire, après avoir vu son meilleur ami
225
DUCHATEL
226
tué à ses côtés. C'est à Bruxelles qu'il
vécut et qu'il se fit peintre. Duchatel
eut un fils qui épousa la fille de Victor
Honoré Janssens. C'est à ce fils, qui fut
l'ami de Mensaert, que nous devons le
peu de détails biographiques qui précè-
dent.
Ducliatel doit avoir été l'élève de
Teniers, s'il faut en juger par certaines
ressemblances dans les attitudes des
personnages peints par les deux artistes,
ainsi que par la finesse des tons. Des-
camps afl^irme que Teniers lui trouva
tant de rapports avec son génie, qu'il
l'adopta comme son fils. Un autre artiste
avec lequel François Duchatel a aussi
quelques rapports est Gonzales Coques,
et il ne serait nullement impossible
qu'on eût attribiié à l'un les œuvres de
l'autre. On a dit aussi, sans preuves,
que notre Bruxellois avait travaillé à
Paris, chez A^an der Meulen; les travaux
de Duchatel sont d'une grande rareté, et
peut-être faut-il l'attribuer à cette cir-
constance. Quoi qu'il en soit, on connaît
de lui jusqu'à présent : au musée du
Louvre, les portraits d'un cavalier et de
trois autres personnages; — au musée
d'Avignon , V Intérieur (Tun corpus de-
garde, provenant de la collection Sau-
van; — au musée de Copenhague, la
Partie de trictrac — et en Angleterre,
dans le cabinet de M. Howard-Gal-
ton, 2me Rétmion de paysans, citée par
Waagen.
Le chef-d'œuvre de Duchatel se trouve
au musée de Gand. ("est une toile
peinte avec une merveilleuse habileté et
remplie d'une infinité de personnages.
L> tableau représente la Fête d'inaïuju-
ratioH de Charles II roi d'Espagne,
comme comte de Flandre en 166 G, au
marché du Vendredi à Gand.
Cette toile, qui mesure 3 mètres 35 c.
de hauteur sur une largeur de 5 mètres
35 c, reproduit l'aspect de l'ancien
marché ou place du Vendredi avec ses
vieilles mai.sons à pignons construites
en bois. Au bout de la place, à droite,
on voit l'estrade réservée au comte et à
la cour. Le cortège se déroule sur la
place et se compose de personnages de
tout rang et de toute qualité vêtus de
costumes resplendissants. La plupart de
ces personnages sont des portraits; au
premier plan, se distingue un groupe de
trois individus peints avec beaucoup
d'esprit : l'un d'eux est Duchatel lui-
même tenant à la main un papier sur
lequel on lit : F. Duchastel, fecit.
xVo 1668. L'artiste aurait donc eu cin-
quante-deux ans lorsqu'il peignit ce
chef-d'œuvre. Sa physionomie cependant
ne semble pas indiquer cet âge : on peut
admettre qu'il ait jugé à propos de se
rajeunir quelque peu et, peut-être, de se
flatter, car les traits de son visage sont
d'une grande finesse et d'une douceur
toute féminine. Ces trois figures n'ont
guère que le septième de la grandeur
naturelle.
Ce chef-d'œuvre, où l'on compte plus
de mille figures, fut peint pour le
magistrat de Gand et ornait autrefois
une des salles de l'hôtel de ville.
M. Ferdinand Vanderhaeghen a publié
sur ce tableau une notice qui se trouve
insérée dans les Annales de la Société
royale des Beaux-arts, 1867-1868. Les
noms des personnages du cortège y sont
soigneusement cités. Entin^ notons en-
core qu'il existe une belle et fort cu-
rieuse gravure de cette toile unique ;
elle est due à Luc Vorsterman ; mais on
y découvre d'assez nombreuses modifi-
cations. Cette planche, très-rare, est
gravée en 12 feuilles.
Nous ne connaissons aucune autre
œuvre de Duchatel reproduite par le
burin. L'Histoire des peintres, de Charles
Blanc, donne, gravés sur bois, lu le
portrait de Duchatel d'après le tableau
de Gand; 2'^ le Cavalier du Louvre, et
Z'^V Intérieur du corps de garde du musée
d'Avignon.
Les catalogues de vente ne fournissent
que des indications insignifiantes sur la
valeur des productions de Duchatel,
vendues, sans doute, sous les noms de
Teniers et de Coques. A la vente de la
collection du prince de Rubempré, à
Bruxelles, le 11 avril 1765, nous remar-
quons un panneau sur bois représentant
nue Femme donnant le sein à un enfant
(tableau restauré), hauteur 45 pouces,
largeur 34- pouces, adjug^ pour 31 fio-
227
DUCHATEL — DU CHATELET
228
rins, soit 65 fr. 10. Dans les autres
catalogues on rencontre diiFérents por-
traits, dout un de Yan Dyck haut de
2 pieds et large de 8 pouces; celui-ci
provenait du cabinet de M. le chanoine
Wauters, cabinet qui fut dispersé le
1er avril 1794.
Ad. Siret.
DD cuATEiiET {Jean), baron de
Beausoleil et d'Auffenbach, inventeur
de mines et métallurgiste, né dans le
Brabant vers 1578, mort à la Bastille (?j
vers 1G45. On manque absolument de
renseignements sur les premiers et les
derniers temps de la vie de ce person-
nage; tout ce que nous en savons se
borne aux données que renferment ses
écrits et ceux de sa femme, écrits que
Gobet nous a conservés dans Les anciens
minéralogistes du royaume de France et à
l'aide desquels il a rédigé une biographie
que nous ne pouvons guère que copier.
Jean Du Chàtelet épousa Martine de
Bertereau, née peut-être la même année
que lui, dans la Touraine ou le Berry.
Ils paraissent avoir consacré leurs vies
à l'exploitation des mines et aux tra-
vaux métallurgiques; ils avaient visité,
à les en croire, les mines et usines de
presque toute l'Europe : Allemagne,
Hongrie, Bohême, Silésie, Pologne,
Moravie, Tyrol, Italie, Espagne, France,
Grande-Bretagne et Suède, et peut-être
même celles du Pérou. Les connais-
sances de Du Chàtelet lui valurent des
commissions importantes; caries empe-
reurs Piodolphe et ]\Iathias l'avaient
nommé conseiller et commissaire géné-
ral des trois chambres des mines de la
Hongrie ; l'archiduc Léopold l'avait créé
général des mines du Tyrol et du ïren-
tin ; les ducs de Bavière^ de X eubourg et
de Clèves lui avaient donné le même
titre dans leurs Etats ; enfin le pape lui
avait accordé un semblable brevet dans
les Etats de l'Eglise et la croix de Saint-
Pierre le Martyr Quoi qu'il en soit, il
est surtout connu par les recherches de
mines qu'il fit eu France, conjointement
avec sa femme.
Henri IV ayant concédé, avant l'édit
donné à Fontaiu(t)l( au, au înois de juin
1601, les mines du Languedoc, du
Labourd et de la Guyenne à Pierre de
Beringhen, son premier valet de cham-
bre et contrôleur général des mines de
France, natif des Pays-Bas, ce dernier
attira son compatriote en France, et
l'employa, dit Gobet, dans un art qui
y était considérablement négligé, tout le
temps que M. de Euzé-Beaulieu fut
grand-maître, en continuant de faire
des recherches sur les mines de la
France. Ceci devait se passer dans les
premières années du xviie siècle. Il est
probable que c'est après cette première
mission que le baron de Beausoleil ac-
complit les longs voyages et parvint
aux honneurs que nous avons rapportés
tantôt. Il fut rappelé en France par le
marquis d'Effiat, surintendant des mines
et minières de ce royaume, « qui lui
Il accorda une nouvelle commission pour
» se transporter dans les provinces, afin
« d'ouvrir les mines, d'en faire des
" essais, d'en donner des avis fidèles
« avant de statuer sur ce qui est conve-
11 nable pour les affaires de Sa Ma-
.11 jesté «. Cette commission est datée
du 30 décembre 1626; elle fut enregis-
trée au parlement de Bordeaux, le
12 juin 1627 et à celui de Toulouse, le
S jiiillet suivant. Le baron de Beausoleil
laissa donc des lieutenants aux princi-
pales mines de Hongrie et transmit
l'exercice de sa charge de commissaire
général des trois chambres des mines à
un de ses fils. Hercule Du Chàtelet. Il
était accompagné de sa femme, aussi
experte que lui, et amenait en France
un nombreux personnel technique. Les
recherches qu'ils entreprirent dans ce
pays leur coûtèrent des sommes consi-
dérables (la baronne parle de 200,000 li-
vres dans sa Restitution de Pluton) ; mais
leurs connaissances et leurs succès leur
attirèrent des ennemis sans nombre.
Pendant le voyage qu'il fit dans le Lan-
guedoc, il publia à Béziers l'ouvrage :
Diorismus verœ pJdlosophite de mater iâ
prima lapidis. Bituris, 1627, (Jean
Martel), in-S^ de 30 pages. Le 10 dé-
cembre de la même année, sa commis-
sion fut enregistrée au parlement de
l'rovence, et dans cette province le Dio-
rismus parut avec l'adresse Aquis Sextiis
nd
DU CHATELET
230
(1628). Il paraît même que cet ouvrage
a encore été imprimé sous le titre cité
par Borel (BUjI. chimira, p. 41) : De
sulpliure philosophorum libelluii. La même
année, le baron de Beausoleil se rendit
en Bretagne et s'installa momentané-
ment à Morlaix. Un jour qu'il était allé
visiter une mine dans la forêt de Buis-
son-Rochemares, pendant que sa femme
allait à Eennes solliciter l'enregistre-
ment de la commission, un prévôt pro-
vincial, nommé La Touche-Grippé, en-
vahit leur domicile pour le motif qu'on
ne pouvait découvrir les mines sans
magie, et assisté seulement d'un substi-
tut du procureur général, saisit tous
leurs bagages, bijoux, pierreries, échan-
tillons de minerais, instruments pour
les découvrir et les essayer, procès-ver-
baux d'essais, rapports sur les gîtes,
papiers de toute nature, etc. Le baron
se justifia facilement de l'accusation de
magie ; mais il ne put obtenir la resti-
tution des objets saisis : douze ans après,
la baronne réclamait encore la justice
qui lui était due. Pour restaurer ses
affaires, il retourna en Allemagne, où
l'empereur Ferdinand II lui renouvela,
le 29 septembre 1629, la charge de
commissaire des mines de la Hongrie.
Il en revint bientôt, vers 16.30, à ce
qu'on croit, et obtint en 16.32 des lettres
de surannation pour faire enregistrer
aux parlements de Paris, de Rouen, de
Dijon et de Pau, la commission que le
marquis d'Efiiat lui avait accordée en
1626. C'est à cette époque que la
baronne de Beausoleil publia la Véri-
table déclaration faicte an Roy et à nos
Seigneurs de son Conseil des riches et
inestimables thrésors nouvellement descou-
verts dans le royaume de France, présentée
à Sa Majesté par la B. de B. S. 1632,
s. 1., in-8'>, 16 p. Cette brochure fut
réimprimée la même année sous ce titre :
Véritable déclaration des mines et mi-
nières de France par le moyen desquelles
Sa Majesté et ses sujets se peuvent passer
de tons les pays étrangers. Ensemble des
propriétés d'aucunes sources et eaux miné-
rales descouvertes depuis peu de temps à
Chnstean-Thierry. Par Dame Martine de
Bertercau, baronne de Beausoleil. l'aris,
1632, in-4", 12 p.; avec dédicace à
M. d'Effiat. Enfin, dans un privilège du
roi, donné à Paris le 20 avril 1640, on
voit que le baron et la baronne de Beau-
soleil ont écrit « un livre des descou-
« vertes des mines et minières qu'ils
« ont faites de l'authorité du Roy et
« par l'ordre du Grand-Maistre « et un
autre, intitulé " la Restitution de Plu-
/' ton « . Il est regrettable que le pre-
mier de ces ouvrages, dont le privilège
était accordé, n'ait pas été imprimé. Le
second a été conservé par Gobet, sous
ce titre : La Restitution de Bluton par
Martine de Bertereau, dame et baronne de
Beausoleil et d' Auffenbach , 1640. Il est
dédié à Richelieu. On y trouve, avec
les réclamations réitérées de la baronne,
de nombreux renseignements sur l'art
de découvrir les mines, de les exploiter
et d'en traiter les minerais, sur les com-
binaisons astrologiques qui s'y rappor-
tent, et sur l'art de découvrir les
sources; ainsi que l'émimération des
mines métalliques que nos personnages
avaient découvertes et dont plusieurs
sont encore exploitées aujourd'hui. Bien
qu'il partageât les erreurs des alchi-
mistes et des astrologues de son temps,
le baron de Beausoleil était incontesta-
blement beaucoup plus instruit dans
l'art des mines qu'on ne l'était alors,
surtout en France ; et c'est là sans doute
la cause des tracasseries et des persécu-
tions auxquelles il fut en butte toute sa
vie, bien qu'il eut dépensé une grande
partie de sa fortune dans ses recherches
faites pour compte de l'Etat, La Resti-
tution de Pluton ne réussit pas à lui
concilier la faveur de Richelieu, qui, si
l'on en croit J. Hellot f préface de la
traduction de Schliiter : De la Fonte des
mines et des fonderies, Paris, 2 vol. in-4o,
1750-1753), le fit arrêter et enfermer à
la Bastille où l'on croit qu'il mourut
vers 1645. Sa femme partagea probable-
ment son sort, car on ne trouve plus
trace de l'un ni de l'autre dans les do-
cuments postérieurs à 1640.
G. l)p\vali|iii'.
nohet, Ia's anciens miner nloaistea du roijaume
(le France, t. I. — Wciss, dans la Itiogiapliio uiii-
vei selle il« .Micliaud.
231
DU CHEMIN — DUClS
"23^2
»i; ruEMin' (Isaac), graveur, né à
Bruxelles au commencement duxvie siè-
cle. Cet artiste, qu'il faut ranger parmi
les plus habiles, est resté inconnu jus-
qu'en ces derniers temps : aucun dic-
tionnaire de graveurs ne le mentionne
et Fusseli se borne à le mentionner dans
son Catalogue sous le nom latinisé de
Ducbemius , mais sans fournir aucun
renseignement sur son compte; c'est
enfin grâce à M. Edouard Fétis, et en
quelque sorte fortuitement, que l'atten-
tion a été appelée sur ses œuvres.
En recherchant les faits relatifs au
peintre Adrien De Weert, M. Fétis fut
amené à constater que les productions
de celui-ci avaient été magistralement
reproduites par le burin d'un de ses
contemporains et concitoyens, et le nom
de notre graveur sortit de l'obscurité
dans laquelle il était resté si longtemps
relégué.
On ne connaît jusqu'ici que trois
pièces de Du Chemin : lo Une Eêmr-
rectlon de Lazare, planche grand in-fol.,
d'après Adrien De Weert, signée : Isaac
Du Chem.i{n)HS Briixellenns j'ec. ■ — ■
2o Composition allégorique d'après le
même peintre, représentant une femme
qui réveille un homme endormi et lui
montre le soleil; estampe signée : /. Du
CJiemi{n)us se. — 3° Une dernière
planche, acquise en 1865 par la Biblio-
thèque royale de Bruxelles, offrant le
portrait du poëte flamand Van der Noot,
en buste de grandeur naturelle et dont
la tête, ceinte de lauriers, charme le re-
gard par son intelligente expression ; au
bas, sur la marge à droite, on lit ces
mots : Isack Du Chemin sculpsit. Ce
portrait, d'un dessin très-ferme et très-
pixr, peut être considéré « comme une
des productions les plus remarquables
de l'art de la gravure qu'ait produites
l'école flamande pendant le xviic siè-
cle. «
En voyant que Du Chemin s'était
plu, comme De Weert, à joindre à son
nom l'indication de sa ville natale, on a
supposé, sans invraisemblance, qu'ils
avaient subi tous deux la même des-
tinée, et que c'est du sein de l'exil
qu'ils avaient voulu, en (iii(d(|ue sorte,
rappeler leur nationalité à la patrie
absente. On peut invoquer à l'appui de
cette hypothèse, non-seulement les nom-
breuses persécutions ordonnées par le
duc d'Albe, mais un fait matériel : la
date inscrite sur la première des trois
planches de Du Chemin, citées par
nous. Après la signature du graveur on
y lit : P. Ouerradt exe. 1590, Or, cet
Ouerradt était éditeur et marchand
d'estampes à Cologne ; notre artiste
expatrié s'y trouvait donc, très-proba-
blement, à l'époque indiquée et, quoique
touchant à un âge avancé, s'y montrait
encore dans la pleine possession de son
talent. J.-. Slappaerts.
Bull, de l'Académie royale de Belgique, t
2« série.
nc'C'iis (Benoît), compositeur de mu-
sique de la fin du xve et de la première
moitié du xvie siècle. On ne connaît ni
le lieu, ni l'année de sa naissance, mais
on le croit généralement né à Bruges
dans les dernières années du xve siècle,
environ vers 1480. Désigné souvent
sous le nom de Benedictus, il a été con-
fondu avec Benoit d'Appenzell, composi-
teur suisse de la même époque, dont
plusieurs œuvres parurent également
sous le nom de Benedictus. Ducis se
trouve aussi quelquefois nommé Dux et
encore Hartoghs, que l'on pense avoir
été son vrai nom flamand latinisé eu
Ducis.
On ne fait plus de difliiculté aujour-
d'hui pour considérer Ducis comme Fla-
mand. Dans la seconde édition de la
Biograpliie universelle des rnusiciens ,
M. Fétis s'en exprime ainsi : « Dans la
« première édition de cette Biographie,
Il j'ai émis l'opinion que Ducis était
Il Belge de naissance, et que son nom
Il flamand était Hertoghs (Duc), latinisé
Il dans celui de Ducis; des documents
Il récemment découverts, dans les ar-
II chives d'Anvers, par M. Léon de
Il Burbure, démontrent que j'étais dans
Il le vrai. «
Un fait certain, c'est que notre com-
positeur a été organiste de la chapelle
de la Vierge à la cathédraile d'Anvers,
place qu'il occupa jusqu'en 1515. Cette
année, la dernière de son séjour à An-
233
DUCIS — DUCLERCQ
-234
vers, Ducis fut élevé ù la dignité de
Prince de la gilde de Saint -Luc. En
1515, il quitta Anvers pour se rendre
encore en Angleterre. Une note trou-
vée dans les comptes de la chapelle
de la Vierge à la cathédrale d'Anvers,
par M. le chevalier Léon de Burbure,
est relative à ce fait : Item, betaelt Be-
nedyct, otiser organht, deti xvj fehmary,
ende dat voor syrien loon dat Jiy ons lange
gedlent heeft, ende dat liy tvechrey^de naer
IngJielant, [ * 10 se. Brab.
Sur le séjour de Ducis en Angleterre
aucune lumière ne s'est encore faite.
On sait uniquement, par un morceau
à qiuitre voix, qu'il composa en cette
année, à l'occasion de la mort de Josquin
De Près, dont il avait été l'élève, que
Ducis vivait encore en 1531. Ce mor-
ceau a été publié en partition dans les
ouvrages sur l'histoire de la musique de
Burney et de Forkel. Outre le recueil :
Harmonie n iiher aile 'Ode» des Horaz,fnr
3 und 4 stimmen, der TJlmer Jugend zu
gefaJlen in Druck gegehen. Ulm. 1539, on
connaît de Ducis plusieiirs motets et
chansons trouvés dans un manuscrit
de la bibliothèque royale de Munich et
dans un manuscrit de la bibliothèque
publique de Cambrai, et une messe dans
deux autres m^anuscrits de cette dernière
bibliothèque.
Comme la plupart des œuvres de
Ducis, ainsi que celles de Benoît d'Ap-
penzell, ont été publiées sous le nom de
Benedictus, il est impossible de certifier
lesquelles sont du Benedictus flamand et
quelles ont été composées par le Bene-
dictus suisse.
On trouve des œuvres signées Bene-
dictus, dans des recueils imprimés à
Wittenberg, Nuremberg, Heidelberg,
Lyon et Augsbourg, et dans les collec-
tions suivantes publiées dans les Pays-
Bas : l» Chansons à quatre parties.
Livre IV, imprimé à Anvers, chez
Tylman Susato, en 1544; — 2" Chan-
sons à cinq et à six parties. Livre V .
1544, chez le même; — 3° Chansons à
cinq et à six parties. Livre VI, 1545,
chez le même; — 4> Charisons à cinq et
à si.r parties. Livre Vil. 1545, chez le
même; — 5' Cantiones sacrée, quas x-nlgn
moteta vocant, ex optirnis quibusqne hujus
cetatis musicis selectce. 1546, chez le
même; — 6" Caniionum sacrarum, qtias
vulgo moteta vocant, quirique et sex vocum.
Liber VIII. Lovanii, 1554-1557; —
7° Selectissimarum sacrarum cantionum,
quas vulgo moteta vocant. Flores, trium
vocum. Libri III. 15 69, imprimé à Lou-
vain, chez Pierre Phalèse; — 8o Livre
septième des chansons à quatre parties
accommodées tant aux instrumens comme à
la voix. Anvers, chez la vefve Jean Bel-
lère. 1597. Alph. Goovaerts.
Burney, A General Histonj of music, t 11,
p. 518. — Becker, Die Tonwerke des xvi und
xvii Jahrhuuderts. — De Coussemaker, Notice
des collections musicales de la Bibliothèque de
Cambrai, p. 63-91. — Félis, Biographie univer-
selle des musiciens, t. 111, p. 68. — Forkel, Allge-
meine Geschichte der Musik, t. II, p. 601. — Ges-
ner, Biblioth. Univers. — Gerber, ISeues Le.vikon
der Tonkànstler, t. 1, p. 97;2. - Kiesewelter,
Geschichte der Europœisch - Abendlwndischen
oder unsrer heutuje Musik, p. M. — Kiesewetter,
Supplément du mémoire sur les musiciens néer-
landais, art. 3, p. 86. — Romboiits et Van Lerius,
De Liijyeren en andere historische archieven der
Antwerpsche Sint-Lucasfjilde, t. I, p. 83.
ni'CLERCQ (Jacques), chroniqueur,
né à Lille en 1420, mort à Arras vers
1475. Paquot, en disant que « il passa
le gros de sa vie à la cour de Philippe le
Bon " , semble le confondre avec son
père, qui se nommait également Jacques
Duclercq. Celui-ci, né à Douai en 1376,
épousa en 1409 la fille d'un conseiller
de Flandre, Jeanne de Camelin, fut
licencié en décrets, conseiller et avocat
de Philippe le Bon, pour la châtellenie
de Lille, Douai, Orchies, et résidait à
Lille oii il mourut en 1465. Le frère de
Jacques, Jehan Duclercq mourut abbé
de Saint-Vaast lez-Arras, à l'âge de
quatre-vingt-cinq ans (1462). Thomas,
leur père, et Pierre leur aïeul avaient
été de fidèles serviteurs de la maison
des comtes de Flandre.
Le chroniqueur Jacques Duclercq ne
paraît avoir eu ni une éducation bien
complète, ni une carrière bien active.
En 1446, il épousa la fille d'un gentil-
homme lillois, Baudouin de la Lacherie.
Lui-même avait le titre d'écuyer et de
seigneur de Beauvoir, village de l'Artois
dans le petit territoire de Ternois, non
loin de la ville de Saint-Pol. Il passa la
plus grande partie de sa vio d(> In façon
235
DUCLERCQ — DUCORRON
236
la plus monotone et la plus placide dans
sa maison d'Arras « dite de la Mon-
noie " . C'est là que, dès l'âge de vingt-
huit ans, il se mit à compiler des
notes, des anecdotes, des renseignements
bizarres, des pièces curieuses pour en
composer des mémoires. « Je me suis
enquis, dit-il, au mieux que j'ai sceu et
peu. « £n réalité, il ne quitta guère son
paisible quartier d'Arras pour aller aux
informations. En 1760, lorsque le comte
de Xény fit demander aux couvents les
manuscrits qu'ils possédaient sur l'his-
toire nationale, on obtint de l'abbaye
d'Arras, la copie de cette œuvre de
Jacques Duclercq : Mémoires de J. ...
cornmencli unies Van 1448 j^inhsantes
Van 1467. Dans sa « préface et inten-
tion « l'auteur promettait ultérieure-
ment deux volumes sur les événements
qui avaient suivi la mort de Philippe le
Bon. On ignore s'ils ont jamais été
composés. Quant aux Mémoires, la pre-
mière publication en est due au baron
de Reilienberg (Bruxelles, 1823, 4 vol.
in-8o. Collection de Mémoires relatifs à
VJtistoire des Pays-Bas). C'était d'après
la copie Van Hulthem, déposée à la
bibliothèque de Bourgogne. La Collec-
tion Petit ot et le Panthéon littéraire de
Buchon ont également donné place à
cette chronique dont le style est diffus,
bizarre, souvent obscur et pénible ; mais
qui complète très-utilement les narra-
tions de Chastelain, d'Olivier de la
Marche et d'autres contemporains de
l'époque bourguignonne. C'est ainsi que
vers la lin du livre II, Jacques Duclercq
donne de précieux détails sur la bataille
de Gavre, Mais, en général, ilpiéfère
circonstancier les menus événements qiii
se passent dans sa ville d'Arras ou aux
environs. Aucun chroniqueur n'a donné
de détails plus dramatiques sur les pro-
cès de sorcellerie et surtout sur les
nombreux « vauldois « qui furent brûlés
en Artois, notamment en 14.59 et en
1460. Comme il n'a écrit que naïvement
« en manière de passer le temps «, son
récit, en quelque sorte domestique et
plein de crédulité superstitieuse, est un
fidèle témoignage de l'esprit du temps.
Les anecdotes nombreuses et souvent des
plus familières constituent, on peut le
dire, l'histoire intime et quotidienne du
règne trop bruyant du « grand duc
d'Occident «. M. Quicherat a trouvé à
Arras un manuscrit plus complet que
les copies que l'on connaissait' depuis
les deux faites en 1640 par ordre du
prince Albert-Henri de Ligne. Il importe
toutefois de ne pas oublier que tout ce
qui, dans Jacques Duclercq, concerne
l'histoire politique et générale n'est
guère, comme le dit M. A. de Yiriville,
qu'une compilation écrite à poste fixe et
non un récit de visu. Ces cinq livres
de ^lémoires « des choses advenues «
reflètent bien mieux la couleur du temps
que la physionomie assez pauvre d'un
écrivain où Petitot (l'on ne sait pour-
quoi) trouve " un esprit juste, franc,
élevé. " j. Stecher.
Paquot, II, 408. — Reiffenberg, préface de
l'édition de K'è^à. Mémoires de Duclercq [passim.].
— Hoefer, Nouvelle biographie générale.
DCC'ORRo:^ {Jules), peintre de
paysages, né à Ath en 1770, mort en
184 S. Il ne commença à étudier la pein-
ture qu'à l'âge de trente-deux ans dans
l'atelier d'Ommeganck. Il acquit bientôt
un talent qui fut remarqué et qui lui
valut de nombreux succès; c'est ainsi
qu'il remporta des médailles d'argent
de vermeil et d'or, à Gand, Bruxelles
Tournai, Douai, Cambrai, Courtrai
Arras, etc. Travailleur infatigable, il
produisit coup sur coup des tableaux
qui jouirent d'une vogue extraordinaire,
vogue que le temps n'a pas consacrée.
On vit les tableaux de ce fécond artiste
figurer à toutes les expositions belges et
étrangères depuis 1812 jusqu'en 1840.
On en trouve la liste dans le Diction-
naire des hommes de lettres, etc., de Van-
der Maelen(1837).
Ducorron était un excellent profes-
seur. Il forma plusieurs élèves, parmi
lesquels il faut surtout citer Mathieu,
ancien directeur de l'Académie de Lou-
vain. Doué d'un tempérament d'ar-
tiste, il vit sa vocation contrariée par
ses parents, et n'en eut que plus d'en-
thousiasme. Il conserva pendant toute
sa vie le don de communiquer le feu
237
DUCORRON — DUCQ
238
sacré à ses disciples, et c'est à lui qu'on
doit la création d'une académie de
dessin dans sa ville natale.
Ail. Siret.
nv €ORito:v (Nicolas), colonel du
génie décoré de l'ordre de IN'Iarie-Thé-
rcse, naquit à Mons en 1750 d'une
famille originaire d'Ath et mourut le
6 janvier 1815.
Après avoir fait ses études à l'aca-
démie du génie des Pays-Bas, Du Corron
entra dans le corps des ingénieurs en
1768. 'A peine officier, il fut appelé à
prendre part aux campagnes des Autri-
chiens en Turquie et en Valaohie et
revint en Belgique, en 1785, avec le
grade de capitaine, honorablement con-
quis par sa bravoure et par ses talents.
Lors de la guerre de l'Autriche contre la
France, Du Corron assista à la bataille
de Jemmapes, puis aux sièges de Valen-
ciennes et du Quesnoy. Durant tout le
cours du siège de cette dernière place,
où il dirigea les travaux d'attaque, il ne
cessa de donner des preuves éclatantes
de bravoure, d'activité et de dévoue-
ment. Jour et nuit il parcourait les
endroits les plus périlleux, faisait ré-
parer avec soin les dégâts occasionnés
par le feu de l'ennemi et entretenait
l'ardeur des troupes par l'exemple de
son intrépidité.
En 1797, il prit part au siège de
Kehl et conduisit lui-même une des
colonnes d'assaut. Il déploya, en cette
circonstance, tant de prudence, de réso-
lution et de courage personnel, qu'il
parvint à vaincre la résistance opiniâ-
tre de l'ennemi; malgré le feu et la
mitraille qui décimaient sa colonne, il
la conduisit jusqu'au haut de la brèche
et réussit à s'y établir assez solidement
pour repousser toutes les attaques des
assiégés. La belle conduite de Du Cor-
ron obtint les éloges du maréchal comte
de Latour; elle fut récompensée par la
croix de l'ordre de Marie-Thérèse. Cet
officier distingué assista, la même année
encore, au combat de lluningue. De-
venu mRJor le 2 août 1787, il eut la
direction des travaux de défense du pont
de Kreit)o\irg. En 1812, Du ('orron,
(|ui comptait qiuiraiite-sept années de
service militaire, fut admis à la pension
avec le grade de colonel.
Gén'Tal baron Guillaume.
Hirtenfeld, Der Mililâr Maria- Tlieresieti-Or-
den.
nvvQ (Josepli- François), peintre
d'histoire et de portraits, né à Lede-
ghem (Flandre occidentale) le 10 sep-
tembre 1763, mort le 9 avril 1829 à
Bruges. Son père, chirurgien, le desti-
nait à la médecine, mais la vocation de
l'enfant l'emporta et il commença ses
études à l'académie de Bruges, sous la
direction de Paul-Joseph De Cock. En
1786, il obtint la médaille poiir le meil-
leur dessin d'après le modèle vivant. La
même année il partit pour Paris, où il
suivit les leçons de Suvée, En 1792, il
remporta le premier prix de dessin
d'après nature, après quoi il revint à
Bruges pour retourner à Paris en 1795.
Cinq ans après, l'Institut lui décerna
ainsi qu'à Ingres, le second grand prix
de peinture avec logement au palais des
Beaux-arts. Le sujet du tableau était :
AntiocJms renvoyant son pis à Sciplon.
Le premier prix fut accordé à Jean
Pierre Granger. En 1807, Ducq partit
pour l'Italie où il résida pendant six ans.
Un de ses tableaux exposés à Paris en
1810 lui valut une médaille d'or. A son
retour à Bruges en 1815, il y fut nommé
premier professeur de l'académie, puis
peintre du roi des Pays-Bas, membre de
l'Institut, chevalier de l'ordre du Lion
Belgique, etc.
On a de lui au musée de Bruxelles
une Vénus sortant des eaux; à l'Académie
de Bruges, plusieurs tableaux et por-
traits, notamment l'esquisse du tableau
qui lui valut à Paris son deuxième grand
prix. Il fit pour le palais de Saint-Cloud
des peintures qui ont été très-appré-
ciées. Les Annales de Landon donnent
deux gravures au trait de C. Normand,
d'après ces peintures : L'Aurore et la
Nuit. La composition en est des plus
gracieuses.
On trouve aussi dans les Annales du
salon de Garni, etc. ((îand, 1823) la
gravure au trait par Normand, d'après
un tableau (^ui était alors en possession
du prince d'Orange : Avtondlo de Mes-
239
DUCQ - DU CYGNE
240
sine dans V atelier de Jean ran Eyck.
Ducq dessinait très-correctement et
composait avec facilité, malheureuse-
ment son coloris manque de richesse et
de force.
Fiorillo, et d'après lui Kramm, cite
un E. Ducq, peintre d'histoire, né à
Ledeghem près de Courtrai et vivant à
la fin du xviiie siècle : c'est le même
que celui qui fait l'objet de la présente
notice. Ad. Sh-ei.
orcQiJET {BartTiélemi) , ou le Duc-
QUET, licencié en droit et avocat à la
cour de Liège, mourut en cette ville le
2 octobre 1611. Son extérieur n'annon-
çait pas un homme d'une aussi profonde
érudition. Eprouvant un grand embarras
à exprimer sa pensée, il était toujours
préoccupé de retrancher de son discours
ce qui lui paraissait superflu, et s'ha-
bitua à un laconisme dont se ressen-
tirent ses œuvres.. Mais il avait un
esprit juste et pénétrant, qui saisis-
sait à l'instant le fond d'une aiïaire et
la dégageait de tout ce qui n'y avait
pas directement rapport. Il écrivit plu-
sieurs volumes de Réponses J2iridiques ,
courtes et énergiques, sans préface et
sans commentaires, et un Traité des
évictions ou saisies, matière aussi utile
qu'elle est fréquente dans nos tribu-
naux, dit l'historien Devaux. Ces deux
ouvrages, qui étaient autrefois à tout
moment invoqués au palais, n'ont pas
été livrés à l'impression. On ne sait ce
que les manuscrits sont devenus.
Jean Ducquet, dont on trouve une
pièce de vers latins adressée au P. André
de Tecto, dans un Recueil de Sermons
imprimé par celui-ci à Liège, en 1616,
était probablement le frère de Barthé-
lemi. s. Bormans.
Valère André, p. iOo. — Abry, Les hommes
illustres delà nation liéç/eoise, Liège, -1869, in-S».
— Devaux, Histoire ecclésiastique du diocèse de
Liège, t. V, p 372. — Mémoires inédits.
DVCROQVET {André) ou Croque-
Tius, écrivain ecclésiastique, né à Douai
vers 1540, décédé dans la même ville en
1580, embrassa la vie religieuse dans
l'ordre de Saint-Benoît et devint prieur
de l'abbaye d'Husnon. 11 étudia, pen-
dant quelque temps, la théologie à
l'université de Douai et y fut promu au
grade de docteur en cette science peu de
temps après la fondation de cette uni-
versité en 1562. Il mourut de la peste à
Valenciennes en 1580. On a de lui les
ouvrages suivants : 1. Catéchèses cliris-
tiana Andreee Crocquetii Benedictini,
S. theologiœ licentiatl, confecta et editœ
ofera ac sttidio maximo ex Mathœi Ga-
leni... Jiomiliis catecheticis. Duaci, Lu-
dovicus de Winde, 1574, vol. in-4o de
52-642-13 pages. Cet ouvrage a été
réimprimé à Lj'on en 1593. — 2. Com-
vientarïi in epistolam Fauli ad Romanos.
Duaci, J. Bogardus, 1577; vol. in-4o.
— 3. Enarratio epistolœ ad JSebrœos a
syro sermone in latimirn contersœ. Duaci,
J. Bogardus, 1578; vol. in-S». —
4. Homélies trentnoef contenantes V expo-
sition des Set Psalmes pénitentièles,
précees eu la ville de Valencênes, en
Véglise et prévôtée de Notre-Dame la
Grande. A Douai, Jean Bogard, 1579;
vol. m-%> de 92-336 pages.
E.-H.-J. Reusens.
Foppens, Bibliolheca beltjica, 1, p. 51. — Du-
thillœul, Bibl ographie douaisienne, passim. —
Ziegelbauer, Historia rei litterariœ ordinis S. lie-
nedicli, p. IV, p. oO, loS et lo9.
»u C'YGiiE {Martin), né à Saint-
Omer en 1619, mort le 29 mars 1669.
Entré à l'âge de vingt ans dans la com-
pagnie de Jésus, il consacra toute sa vie
à l'enseignement et se distingua comme
professeur de rhétorique. On lui doit
plusieurs ouvrages qui ont été réédités,
et qui sont devenus classiques dans les
collèges des Pays-Bas et de l'Allemagne.
Ils ont été retouchés, corrigés et aug-
mentés par les professeurs qui s'en ser-
vaient dans leurs classes, comme on
joeut le voir par les variantes du texte en
comparant les premières éditions avec
les dernières. Ces ouvrages sont : 1» Ars
historica. — 2" Ars rhetorica, manuel
qui se recommande par la clarté de
l'exposition, la méthode et le jugement
de l'auteur. On peut reprocher une trop
grande concision au traité des tropes
qui termine ce manuel. Tous les exem-
ples sont tirés de Cicéron. — 3» Ars
metrica et Ars poetica. Ces manuels
ont été surtout modifiés dans les édi-
tions postérieures. — 4» Fons eloquen-
Ui
DU CYGNE — DUET
242
tia sive M. T. Cice/'O/ns orationes, en
IV volumes in-18, souvent réimprimés.
L'auteur donne l'argument, la marche
et l'analyse des discours. Le dernier
volume de la 4e édition, publiée par
Yerdussen à Anvers, se termine par les
tables des lieux communs, des argu-
ments, des transitions, des figures et
par le manuel de rhétorique indiqué
8uh no 1. Ce 4e volume, très-estimé, a
été fréquemment publié tout seul ; c'est
en quelque sorte le résumé des trois
premiers. On le consulte encore avec
fruit. Après la mort du K. P. Du Cygne,
on a publié, en 2 vol. in-18, douze co-
médies sans grand mérite littéraire. Ce
sont des imitations, assez serviles, du
style de Térence et de Plante. Le plus
grand éloge que l'on puisse en faire,
c'est de répéter avec le grand vicaire et
censeur des livres De Surlet : Ces comé-
dies prouvent que la galanterie nest pas
essentielle au genre comique . Elles étaient
représentées par les élèves du collège.
Ces comédies sont intitulées : I. Co-
drillos, pauvre diable qui, sans l'inter-
vention de saint Ignace, allait être
condamné pour vol : saint Ignace lui
avait donné ses vêtements avant de se
retirer du monde. — II. Dorniientes, la
légende des sept Dormants. — III. Mar-
supium : c'est la fable du Savetier et du
Financier. — IV. Sepultus : Saint Orner
ressuscite un ^mort pour convertir les
Morins idolâtres. — V. Gemma. Un
soldat vend à vil prix un joyau apparte-
nant à Charles le Téméraire, battu à
Granson. — VI. ViUicus. Histoire d'un
fermier qui trompait son propriétaire.
— VII. Gymnasium. La jeunesse belge
était corrompue en 1567. Imerius réta-
blit la discipline dans les collèges. —
VIII. Dot. Un mendiant donne une dot
immense à sa fille, à condition que si
elle n'a pas d'enfants, elle fondera un
hospice pour les pauvres. — IX. Pran-
dium. Un savoyard ramone chez un
hérétique; celui-ci l'enfume et il descend
dans la cheminée d'une maison voisine,
au grand clfroi des convives. — X. Fer-
nandes, pris par des pirates, est conduit
à Constantinoplo ; il y est élevé par des
musulmans; vingt ans plus tard, il
tombe entre les mains des Espagnols et
son père le reconnaît. — XI. Lgtrum.
Un Génois avait besoin de 300 écus,
rançon de son fils. Il fait dire une messe
pour les trépassés. Un inconnu lui remet
une lettre de change; le marchand sur
qui elle est tirée reconnaît l'écriture de
son père mort depuis dix ans, et solde
la lettre. — XII. Franciscanus. Xico-
cosme veut devenir religieux. Son père
s'y oppose et veut le marier à Eugénie.
Le jour de la noce, on annonce qu'Eugé-
nie est entrée au couvent et Nicocosme
se fait franciscain. j. d„^o,„.
Paquot, édition de Louvain 1770, XY, 73. —
BiofjraiJiie wiiverselle, V, 3o3. — De Feller,
Paris, Mequignon, 1827, V, 3o6.
OUET {Antoi7ie), professeur, poëte
latin, né à Mous, mort à Amsterdam le
30 août 1.567. On ignore où il fit ses
études, mais il compta au nombre de
ses maîtres Jean Transaquensis, devenu
plus tard curé d'Ath et auquel est
adressée l'une de ses églogues. « Duet
Il fut, dit Vinchant, un personnage
Il docte et pieux.... Il fut, dans la ville
Il d'Amsterdam en Hollande, recteur
" de certain collège, où il enseigna tou-
II jours catholiquement la langue la-
II tine. // La manière dont s'exprime
l'annaliste du Hainaut semble dénoter
que Duet était laïque, tandis que les sujets
de ses écrits pourraient faire croire
qu'il était prêtre. Toutes ses publica-
tions datent des neuf dernières années
de sa vie. Nous les citerons en suivant
l'ordre chronologique, lo Carmen de
Natali Jesu. Antv., 1559. — 2" Parce-
nesis ad liberalium artiuvi studiosos.
Antv. , 15 60. — 3o Paraphrasis in
psalmum CCCXVIII (121) pietatis impie-
tatisque prannia contiuens, Ant. Dueto
autore, Psalmus LXXXIIII ah eodem
expressus carminé lgrico(aYec deux pièces
d'autres auteurs). Antv. ap. Joan. La-
tium, 1561, in-8o, — 4o Ecloga sacrœ
très. Item psalmus LXXI lyrico ver su
redditus. Aut. Dueto auctore. Leidae,
ap. Th. (Jar. Horst, 1565, in-8o.
L'identité du sujet autorise à croire que
la troisième des églogues n'est qu'une
seconde édition du no 1 cî-dcssus. —
5" Paupertatis quercln ad Jinnestum rlrum
243
DUET — DU FAING
244
Bavonem Divitem Gandemem. Itempsalmi
EiicJiarîstici duo . Ant . Dueto auctore , etc .
Leidae, Exe. Th. Ger. Horst, 15 66,
in-So. A la suite de la Paiipertatis que-
rela se trouvent une imitation du
psaume CXXIV; une traduction du
psaume CXLIV et Pro PhiUppo rege
cathoUco actio gratiarum — 6o Expostu-
latio de tempomm calamitatibns ad Denm
ovimpoteniem. Ant. Dueto auct. Item
psnhnns LXXIIII, eodem interprète.
Leidfe, Th. G. Horst, 1567, in-8o. —
Valère André attribue en outre à Duet :
7'^ Vita Tobiœ majoris en vers élégia-
ques. — ■ 8o Descriptio Ninires. —
9j Paraphrnsis VI psalmorum. Lecouvet
soupçonne que ce dernier numéro ne
forme pas une publication spéciale, mais
qu'il se rapporte aux psaumes men-
tionnés aux numéros précédents. On
peut objecter à cette conjecture qu'à
l'exception d'un seul, ces psaumes ne
sont pas paraphrasés, mais seulement
imités. Duet a fait emploi pour les
psaumes d'une grande variété de formes
lyriques; il a su adapter à chacun d'eux
le mètre qui lui convient le mieux. Les
églogues et le poëme sur les malheurs
du temps sont en vers héroïques et la
Paupertati'i querela, en vers élégiaques.
On s'aperçoit à la pureté du style du
poète montois qu'il s'était nourri de la
lecture des meilleurs écrivains de Rome ;
plusieurs de ses vers offrent des réminis-
cences de Virgile et d'Horace. On doit
louer chezhii l'expression poétique, et,
dans certaines de ses pièces, la vigueur
de son argumentation. On a vanté avec
raison sa facilité, mais elle dégénère
parfois en longueur et en verbosité. Si
Hofraan Peerlkarap eût connu les poé-
sies de Duet, qui sont devenues d'une
grande rareté, il eût certainement ac-
cordé au poëte montois une place dans
son ouvrage sur les poètes latins néer-
landais. J. Roulez
Vinchanl, Annalea de la prorince et comté du
llainniii, t. V, p. -ÎH'2 de IV'dii. des Bibliophiles.
— Vait-re André, Bibl. belff., p. -liil. — Foppcns,
p. 7o. — Lecouvet, llaunouia poetica, p. 79-89.
niKZ {Paul), écrivain ecclésiastique,
né à Liège en 1585, et décédé à Metz
le 14- avril 1644.. \\ entra dans la com-
pagnie de Jésus à l'âge de vingt ans et
enseigna pendant plusieurs années les
humanités dans différents collèges. Après
avoir dirigé les collèges de Bar-le-Duc
et de Sens, il vint étudier la théologie à
l'université de Pont- à-Mousson, et y
prit le bonnet de docteur en cette
science. Plus tard il fut, pendant quatre
ans, recteur magnifique de cet établis-
sement, gouvernant en même temps le
collège que la compagnie avait à Pont-
à-Mousson. Voici la liste des ouvrages
que le P. Duez a laissés : 1. Luctus
juventutis academiœ Mussîp07itanœ in
fimere sereniss. Ca.roli III, Calab. LotJiar.
BaiTi ducis. Mussiponti, Melch. Ber-
nardus, 1608; vol. in-8o de 60 feuillets.
■ — ■ 3. CommentariuH brevis in selectas
TlbulU et Propertii elegias et Ausonii
MoseUam. Mussiponti, JMelch. Bernar-
dus, 1615; vol. in-12, réimprimé plu-
sieurs fois en France et en Belgique. —
3. Cantus musarum ad Henricum II,
serenissimum LotliaringicB ducem. Mussi-
ponti, Melch. Bernardus, 1615. — ■
4. Practique delà perfection religieuse et
des ver tics cîirestiennes et religieuses, com-
posée en espagnol par le R. P. Alphonse
Rodriguez... traduite en français par le
P. Paul Bnez. Paris, 1621; vol. in-8o,
réimprimé un très-grand nombre de fois
en France et en Belgique.
E.-H.-J. Reusens.
Paquet, Mémoires, éd. in-fol , II, p. 38. — De
Backer, Ecrivains de la Compagnie de Jésus, 1,
col. 1678.
DU r.%i«e (Gilles), diplomate, écri-
vain, chevalier, seigneur de Linay,
Grift'emont, baron de .Tamoigne, etc.,
gentilhomme de la bouche des archiducs
Albert et Isabelle, membre du conseil
de guerre du roi et son chambellan. Il
était fils de Jean, dit de Tassigny, sei-
gneur du Faing, etc., gouverneur de
Chiny, et de Françoise de Cugnon, dame
d'Ethe et de Belmont, naquit à .lamoi-
gne vers 1560, et mourut à Gand le
11 décembre 1633.
Ayant terminé ses études, il embrassa
la carrière des armes, entra dans un
régiment haut-allemand et obtint le
grade de capitaine. Eu cette qualité il
assista aux sièges d'Anvers, de Grave,
nry
DU FAING — DUFAU
246
de Venloo, de Zutphen, de Berg-op-
Zoom, de l'Ecluse et de Bommel. Les
preuves de fidélité qu'il avait données
à la maison d'Espagne engagèrent
le duc de Parme à l'envoyer à la cour
de Philippe II, où il résida pendant
cinq ans. Il y fut employé aux affaires
des Pays-Bas et de la Ligue. Avant de
le renvoyer dans son pays natal, Phi-
lippe II le fit armer chevalier et lui
remit une chaîne d'or, comme preuve de
haute satisfaction. Pans les Pays-Bas, il
fut attaché à la maison des archiducs
Albert et Isabelle et parvint à se faire
nommer (27 septembre 1596) conseiller
de courte robe au conseil de Luxem-
bourg. Quatre ans plus tard (12 décem-
bre 1600), il obtint la place de prévôt
et gruyer de Chiny. Enfin le 8 août 1617
furent signées les lettres patentes qui
le nommèrent souverain bailli de Flan-
dre.
Selon l'état qu'il a dressé de ses ser-
vices, DuFaing aurait reçu vingt-six mis-
sions diplomatiques, tantôt en France,
tantôt en Lorraine, dans le duché de
Julie rs, à Liège, en Allemagne et en
Italie. Mais toutes ces missions n'avaient
pas, à proprement parler, un caractère
diplomatique. Homme de cour accom-
pli, la mission de complimenter des sou-
verains étrangers lui incomba souvent.
C'est ainsi qu'il fut envoyé, en 1603,
vers les princes et princesses de Lor-
raine et, en 1612, auprès de Chris-
tiern IV, roi de Danemark. Les véri-
tables missions diplomatiques qu'il a
remplies, et dont nous avons pu trou-
ver des traces positives, sont les sui-
vantes : en 1600, il fut chargé, con-
jointement avec Jean de Ilatstein et
Pierre Vanden Bossche, président du
conseil de Namur, de représenter le
cercle de Bourgogne à la diète de Spire
et d'y défendre les droits de son pays,
que plusieurs princes voulaient exclure
de la dicte. Il devait aussi examiner les
affaires des monnaies et les questions
que soulevaient les procédures enta-
mées devant le conseil de Brabant contre
des sujets de l'empire. A son retour
d'Allemagne, il fut envoyé vers les com-
missaires du duc de Lorraine, afin de
terminer les contestations territoriales
au sujet des villages de Fresnoy ,
La Montagne et la seigneurie de Mon-
tigny. Des contestations semblables
s'étant reproduites en 1609, il les ter-
mina également, comme celles qui sur-
girent entre l'électorat de Trêves et les
Pays-Bas à propos de (quelques localités
situées près du duché de Luxembourg.
Il écrivit, au sujet du voyage de
l'archiduc Albert en Espagne, une rela-
tion dont la bibliothèque royale de
Bruxelles conserve un exemplaire ma-
nuscrit. Elle est intitulée : " Mémoire
de ce qu'a passé au voiage de la royne
et de l'archiduc Albert depuis son parte-
ment des Pays-Bas pour Espaigne, et des
choses succédées aux séjour et retour de
Leurs Altesses Sérénissimes, mesme aux
entrées faictes en leurs pays et estats.
Le tout recueilli par messire Giles Pu
Faing, chevalier, seigneur de laCrouvée,
gentilhomme de la maison et du conseil
de feu de glorieuse mémoire Philippe 11
de ce nom, roy des Espaignes. «
A sa mort, il laissa de sa femme Mar-
guerite de Steenlant, dame de Hasselt,
Hoyen, eic, \\n fils nommé Philippe-
François, baron de Jamoigne, conseiller
de courte robe au conseil de Luxem-
l^ourg. ch Piof.
Neyen, Binçiraphie lii.revihourqeoixe, p. 179. —
L'Espinoy, Antiqiiilez de Flanilre, |). 96. Ar-
chives (Ju conseil d'Etat ;i Uiuxelles, carions in-
titulés : liinilts; commissions. — Archives de la
secrétaiierie d Elat allemande
ni'F.ti: {Jean-Bapthte), hagiographe,
né de parents belges à Neuvic dans le
département de la Corrèze (France) le
1er septembre 1813, décédé à Liège le
21 février 1849. Son père, Antoine
Dufau et sa mère, Isabelle Fabie, appar-
tenaient à la bonne bourgeoisie de la
ville de Binche. Leur fils .lean-Baptiste,
qui avait épousé dame Angélique-Amé-
lie l^tuwez, enseigna pendant quelque
temps la langue française au collège de
Saint-Servais à Liège. 11 a publié :
l'j Traité éUmentaire iVbiHtruct'ion morale
et relif/ieitse. Bruxelles, 18 13, vol. in-l8.
— 2" Le mois de mai sanctifié e7i Belgique
contenant pour chaque jour : 1" l'histo-
rique de la dévotion à Jfarie dans vn de
nés principaux sanctuaires en Belgique;
-24"
DUFAl — DUFAY
-24 S
2o In vie de la sainte Vierge , etc.
Liège, Lardinois, 18-48, vol. in-lS de
A'ii-439 pages, orné d'une lithographie.
— 3o La Belgique chrétienne ou histoire
de la religion en Belgique Tome 'pre-
mier (seul paru), contenant Vhistoire de
l'introduction et du développement du
christianisme en Belgique. Liège, Des-
sain, 1847; vol. in-8'i dexii-297 pag ,
vendu aussi plus tard avec le nouveau
titre de Histoire de V introduction et du
développement du christianisme en Bel
gique jusqu'à la Jîn des invasions et des
troubles. Liège, Lardinois. Ces deux
ouvrages de J.-B. Dufau ne contiennent
rien de neuf; ce sont de simples compi-
lations sans valeur historique. — 4^ Ha-
giograpJiie belge. Bruxelles, Jamar 1849,
tome 1er et unique; vol. in-8o de
204 pages avec frontispice lithographie.
Ce travail fait partie de la bibliothèque
nationale, publiée par l'éditeur .Jamar.
La mort prématurée de l'auteur fut
cause qu'il ne parut qu'un seul volume
de V Hagiographie. — 5o Opinion du dia-
ble sur le R. P. Lacordnire, la facidté
de philosophie et le sénat académique de
Vuniversité de Liège, et par ricocliet sur
le jubilé de 1846. Liège, Lardinois, bro-
chure in-8o de 16 pages. Cet opuscule
obtint un très-grand succès.
C'est à tort que la Bibliographie liégeoise
de X. de Theiix attribue à J. B. Dufau
la réimpression des Articles de VEre nou-
velle par le R. P. Lacordaire, MM. Vabbé
Maret, Ozanani, de Coux, Charles Sainte-
Foi, Lorain de Labaume, J. P. Tessier
et Gotirand. e.-h.-j. R.usens.
De Theux, Bibliograhie liégeoise. II.
DCFAY {Guillaume), compositeur du
xive-xve siècle. Les biographes ne s'ac-
cordent ni sur le lieu, ni sur la date de
sa naissance; quelques-uns prétendent
qu'il était Français; mais Fr. Fétis est
très-explicite en ce point et soutient
qu'il est Belge et né à Chimai vers 1350;
il mourut en 1432.
On ne sait pas précisément l'école à
laquelle il se forma; cependant on
pense, assez généralement, que ce fut
en Belgique. Il compléta ensuite ses
études musicales en France et, selon
toute probabilité, à la maîtrise de la
cathédrale de Cambrai. Des documents
trouvés à la chapelle pontificale de Rome
constatent qu'en 13~>0 Dufay remplis-
sait, dans cette chapelle, les fonctions
de ténor et qu'il y fut attaché jusqu'à
l'époque de sa mort. Il dut toutefois
pendant ce temps visiter la France et
les Pays-Bas : quelques vers de Martin
Le Franc, qui écrivait en 1486 àl489,
semblent indiquer que ce poète l'a vu à
la cour des ducs de Bourgogne . Dufay
partagea avec Gilles Binchois et Jean
Dunstaple le mérite d'avoir épuré l'har-
monie et d'en avoir banni les suites de
quartes, de quintes et d'octaves que l'on
rencontrait avant lui dans les produc-
tions des plus habiles musiciens ; il lui '
imprima enfin un caractère de suavité
qui se perfectionna jusqu'à la fin du
xvie siècle dans la tonalité du plain-
chant. Ce fut aussi lui qui introduisit et
perfectionna l'usage encore peu répandu
de la notation blanche.
L'influence que ses travaux exercè-
rent sur les progrès de l'art est attestée
par les écrits de divers auteurs; ils
citent ce maître comme ayant pris la
plus grande part aux développements
de la musique. Adam de Fulde, entre
autres, auteur d'un traité écrit en 1490,
dit que Guillaume Dufay fut l'auteur
d'une foule d'innovations dans la nota-
tion et dans l'emploi des dissonances
par prolongation. On a prétendu qu'il
aurait ajouté deux octaves au système
complet d'Arezzo ; Fr. Fétis pense qu'il
est plus probable qu'il y ajouta seule-
ment quelques notes au-dessous du
gamma-ut grave du système de Gui et
quelques autres notes au-dessus de cc-fa.
Les archives de la chapelle pontificale
renferment plusieurs messes composées
par Guillaume Dufay; elles portent les
titres suivants : Ecce ancilla Domini. —
VOmme (l'homme) armé. — Se la face
ay pale. — Tant me déduis. — ïinc-
toris cite aussi une messe intitulée Be
Saint Antoine. Kiesewetter a publié le
Kyrie (à quatre voix) de la messe Se la
face ay pale, le Bened ictus de la messe
Ecce ancilla Domini (à deux voix), le
Kyrie (h quat;e voix) de la messe de
U[)
DUFAY
UL l'IEl"
250
VHomyne armé, La bibliothèque royale à
Bruxelles renferme un volume provenant
de la chapelle des ducs de Bourgogne et
qui contient beaucoup de messes et de
motets des plus célèbres musiciens
belges au xve siècle : on y trouve trois
messes à trois voix et trois autres à
quatre voix de Dufay. Le volume est
coté 1553 in-folio. L^n manuscrit du
xve siècle, qui est à la bibliothèque de
Cambrai, sous len'> fi, in-folio, contient
des Kyrie, Gloria et Credo de différentes
messes à trois et à quatre parties, au
nombre desquels est un Gloria à quatre
parties, portant le nom de Dufay. Bien
que les autres pièces du volume soient
sans nom d'auteur, M. de Coussemaker
a cru pouvoir conjecturer qu'elles appar-
tiennent toutes au même auteur.
Un curieux manuscrit, provenant de
la bibliothèque de Guilbert de Pixéré-
court, contient des motets et des chan-
sons françaises de Dufay, entre autres
la chanson à quatre voix Cetit mille escus
fjuanije voeldroie, morceau remarquable
par la pureté de l'harmonie.
Aug. Vander Meerscb.
Fr. Fétis, Biographie des musiciens,-}" édition.
— Kiesewetter, Gescliichie der Europœische
abeiidlaiidischeii Miisik. — Patria, Histoire de
l'art musical en France. — De Coussemaker, AVj-
lices sur les collections musicales de la bibliothè-
que de Cambrai. — Gharon et Fayoile, Diction-
naire historique des mu-nciens.
Dt FAT {Jean), abbé de Saint- Bavon,
xive siècle. Voir Amaxd.
DU FAY {Pierre), écrivain ecclésias-
tique, né à Bruges en 1385, y décédé
en janvier 1639. Il entra, en 1603,
dans l'ordre de Saint-Dominique et fit
sa profession religieuse au couvent de
Valli Soleti, en Espagne, où il étudia les
sciences. L'an 1610, ses supérieurs l'en-
voyèrent enseigner la philosophie à
Louvain, puis en 1013, la théologie à
Arnis, enfin ils l'appelèrent à occuper la
même chaire au séminaire de sa ville
natale. Il remplit diverses charges, no-
tamment celle de prieur des couvents
de Bruges et de Bruxelles; il avait été
créé docteur en théologie en 1618.
Ou lui doit les ouvrages suivants :
1" JJi-ijjiilatiotieii Uwologica: de pœniteidia.
Duaci, 1626, in-4o. — 2" Discursifs
circa jurisdiclionem regularium quoad
munus prcedimudi, avec le traité J)e
perpetuitate approhationnm religiosorum
ad excipiendas confessiones et prcedican-
dumverbum Dei. Gandavi, 1636, in-4".
Cet ouvrage fut publié à Cologne en
1637, sous le titre de Clypeus ordinum
mendicantium, in-8'>. — 3° Tractatus
de pretiosissimo sanynine Salvatoris nos-
tri J . C. qui Brugis asservatur , Brugis,
1633, in-4". Ce traité, tout à la fois
théologique et historique, est le meilleur
ouvrage du père Du Fay.
Aug. Vaniler Mccrsch.
Foppens, Bibliotheca belgica, t. Il, p. 973. —
Quelil", Scriptores ordinis prœdicatorum, t. Il,
p. 304 — De Jonuhe, Belijium dominicanuni,
p. 181. — Biographie de la Flandre occidentale.
DU FIEF {Nicolas), magistrat, arrê-
tiste, historien, évêque, né à Tournai
en 1578, mort le 20 octobre 1651. Il
fit ses études de droit à l'université de
Douai et devint, à l'âge de vingt-six
ans, conseiller de la chambre des doyens
et des sous-doyens des arts et métiers
de sa ville natale, et plus tard, le 7 jan-
vier 1611, chanoine hospitalier du
chapitre de la cathédrale de Tournai.
Comme il n'avait pas reçu les ordres
sacrés, cette nomination rencontra quel-
ques difficultés; l'évoque lui fit cepen-
dant expédier des lettres de collation,
et Du Fief reçut la prêtrise dans l'année
de sa promotion. En 1615, il entra au
grand conseil de Malines, en qualité de
conseiller ecclésiastique. Il est à sup-
poser que le nouveau conseiller ne se
plaisait guère dans sa position et se
proposait même de la quitter; en effet,
on lit dans une lettre écrite à un de ses
amis : " Je vous voirai auxdites paques,
» autres changements ne survenant ;
Il j'en ai le désir, car voici le septième
Il mois que je n'ai bougé de cette ville,
Il en laquelle passé longtemps, j'ai
Il prins un tel dégoût de cette profes-
II sion et travail continuel et sans espoir
Il de relâche, que je suis en délibération
Il de voir ailleurs si je ne vivrai avec
Il plus de conteniement ores qu'avec
Il moins de splendeur, qui n'est que
" sottise et fumée; sed //ac iuter nos. »
251
DU FIEF
252
Il fut ensuite revêtu de la dignité de
prévôt de l'église collégiale de Mau-
beuge, et le roi d'Espagne, Philippe IV,
l'appela plus tard en son conseil d'Etat
de Flandre près de sa personne à Ma-
drid. Du Fief, homme modeste et sans
ambition, fit des instances pour être
dispensé de remplir ce haut emploi ; il
désirait se retirer à Tournai; mais tout
ce qu'il put obtenir fut qu'il irait à
Bruxelles en qualité de membre du con-
seil privé (1635). Enfin le même mo-
narque lui conféra, le 11 mars 1637, le
titre d'évêque d'Arras. Avant d'avoii
reçu de Rome ses bulles de confirmation,
le chef-lieu de son diocèse passa au
pouvoir du roi de France, Louis XIII,
qui, tenant Du Fief en grande estime,
fit insérer dans la capitulation accordée
à cette ville un article spécial, portant
que la nomination faite à l'évêché d'Ar-
ras tiendrait, pourvu que, dans un an,
celui qui y a été nommé vienne lui prê-
ter serment de fidélité. Les Etats de
cette province, l'université de Douai et
tout le peuple de ce diocèse applaudirent
à cette faveur. Le roi écrivit, en outre,
à Du Fief qu'il était le maître de venir
prendre possession de son évêché et l'en
pria instamment. Cette lettre émanant
d'un souverain étranger, Du Fief crut
devoir la porter au conseil pour l'y faire
ouvrir, et il répondit simplement au roi
qu'il ne pouvait se résoudre à prendre
possession de son évêché. Il aimait
mieux renoncer aux avantages de sa
nomination que d'obéir à une puissance
étrangère, et passa le reste de ses jours
dans sa bibliothèque, occupé à compléter
et à mettre en ordre ses nombreux ma-
nuscrits.
Homme de grand savoir, pourvu
d'une érudition exceptionnelle, Du Fief
avait une mémoire si heureuse, qu'au
conseil on le nommait le Répertoire.
Travailleur infatigable, il sut, au milieu
des affaires publiques dont il fut chargé,
trouver encore le temps de s'occuper des
sciences et des lettres. Il a énormément
écrit, mais, par suite de sa grande mo-
destie, presc[ue tous ses ouvrages sont
restés manuscrits, et conservés, les uns
à la bibliothèque de Tournai, les autres
à la bibliothèque royale à Bruxelles.
Foppens en donne une liste assez com-
plète et l'on se bornera à en citer ici quel-
ques-uns : 1° Remarque de pratique des
éclieviiiages et baillages de Tournai et
Tournesis. Ms. — 2^ Centuries et obser-
vations de M. Nicolas Bu Fief, conseiller
ecclésiastique au grand conseil de Ma-
lines, collationnées à l'original de l'au-
teur reposant à la bibliothèque de l'ab-
baye de Saint-Martin à Tournai. 1 vol.
in-folio de 824 pages, sans comprendre
plusieurs tables très-amples. — 3o Vo-
lunien IV centuriarum continens arresta
supremœ curice Mechliniensis. Cet ou-
vrage a été augmenté et édité à
Bruxelles en 1717, par les soins de
Du Laury et de Pierre-Claude de Saint-
Vaast, conseillers au grand conseil de
Malines. — 4° Volumen alterum Edicto-
rurn consilii sanctioris. Ms. — 5° Diver-
sarum lectionmn historicarum et antiqua-
rum farrago .QqHq œuvre se conserve à la
bibliothèque royale de Bruxelles, fonds
Van Hulthem; elle renferme beaucoup
de faits curieux et peu connus. Le ma-
nuscrit en fut acheté à la vente de Xélis,
qui l'avait copié de sa main, tout en y
faisant de larges coupures. — 6^ Bi-
bliotheca Tornacena, seu auctores Tornaci
mit in fnibus Tornacesii. Ms. de 159 fi".,
à la bibliothèque royale; l'autographe
se trouvait autrefois à la bibliothèque
du chapitre de la cathédrale de Tournai.
— 7*^ Qucedam ad res Tornacensinm spec-
tantia. Ms. — 8° Notœ ad Bictata.
4 vol. in-4o. Ms. Quelques extraits des
manuscrits historiques ont été publiés
par le baron de Reiftenberg dans diffé-
rents recueils. L'ouvrage le plus estimé
est celui que les éditeurs français des
Arrêts du grand conseil de Malines ont
livré au public en 1773. Ses manuscrits
juridiques ont été mis à profit par
Du Laury, De Ghewiet et probablement
par d'autres arrêtistes qui n'ont pas
avoué leurs emprunts. Dans le réper-
toire français, les arrêts recueillis par
Du Fief ne vont pas au delà de l'an-
née 1645. Il est toutefois à regretter que
les éditeurs n'aient pu, en même temps,
mettre au jour le grand noml)re d'arrêts
dont la bibliothè(iue royale de Bruxelles
253
DU FIEF — DU FOUR
•254
conserve les manuscrits et qui portent
les nos 12651 et 12652.
Du Fief mourut à Bruxelles à l'âge de
soixante-douze ans. Sont corps fut trans-
féré à la cathédrale de Tournai et enterré
sous un mausolée en marbre, orné d'une
épitaphe qui existe encore à l'entrée de
l'église à gauche. Cette épitaphe, rap-
portée par Lemaistre d'Anstaing (His-
toire (le la eatJiédrale de Tournai, t. IT,
p. 298), fait connaître en abrégé toute
la carrière de Du Fief.
Aiig. Vander Mcerscli.
Foppeub, Biblioiheca beltjka, t. Il, p. 908. —
Britz, Mémoire couronné, p. 180. Cotnptes ren-
dus des séances de la commission royale d'his-
toire, t. Vlll (1844). p. ;^08 el ibid., vol. 1, p. "21.
— Introduction au ^1<^ volume de Ph. Mouskes. —
Bulletins de l'Académie royale de Belyiiiue. —
Histoire des ducs de Bouryoyne de M. de Burante,
édition de Reillcnberg.
DU FOi'R {Henri), FuRXius ou Far-
NÈSE, philologue, moraliste, professeur,
né à Liège à la fin de la première moitié
du xvie siècle, décédé vraisemblable-
ment à Pavie en 1609. Son vrai nom
de famille est Dufour, en latin Furnius;
il le porta sans doute jusqu'à l'époque
de son établissement en Italie. Farnèse
était docteur en droit civil et canon,
grade qu'il reçut on ne sait dans quelle
université, mais il s'appliqua principa-
lement à l'étude des belles-lettres. Il a
dû même les enseigner en Belgique, car
son premier ouvrage, né, paraît-il, des
besoins de son enseignement, fut imprimé
à Anvers en 1571, sous le titre 2>« imi-
tatione Ciceronis, seu de scribendarum
epistolariim ratione. Antv, , ap. .1. Loeum,
in- 8". A l'occasion d'un voyage en Ita-
lie, les magistrats de Pavie lui offrirent
la chaire d'éloquence à l'université de
cette ville. Leurs instances, jointes à
celles de l'évêque, le décidèrent à accep-
ter l'offre. Vingt années à peu près
s'écoulèrent depuis la publication de
l'ouvrage précité jusqu'à la pulilication
d'un autre ouvrage qui avait aussi rap-
port à son enseignement : ])e vcrboruni
splendore et delectu; Appendicea duce ad
C'alepini dictionariiim. Venetiis, 1590.
Cet écrit n'est pas rédigé, comme l'avan-
cent plusieurs biographes, d'après le
dictionnaire de Calepin, mais donné
comme suite et complément de ce dic-
tionnaire.
Lorsque Erycius Puteanus fit son
voyage d'Italie, il écrivit à Farnèse, de
Milan, en mars 1598, pour se préparer
une bonne réception auprès de lui ; dans
sa lettre il témoigne le désir de nouer
des relations d'amitié avec un compa-
triote que sa profonde érudition a placé
au premier rang des savants d'Italie, qui
est bien vu par les princes, vénéré par
le peuple et connu de tout le monde.
Puteanus avait réellement une haute
opinion du savoir du professeur de
Pavie, car, au mois d'août 1600, lors
de son séjour à Padoue chez Perotti, il
lui envoya une inscription hiérogly-
phique, comme il l'appelle, provenant
du musée de Bembo et que plusieurs
savants avaient essayé en vain d'inter-
préter, ajoutant que si lui, Farnèse, ne
parvenait pas à l'expliqyier, personne ne
la déchiffrerait jamais. Quelles qu'aient
pu être les connaissances de Farnèse
dans la littérature ancienne et dans la
science de l'antiquité, ce n'est pas à ces
branches qu'il consacra les loisirs que
lui laissait le professorat. L'état social
de son temps parait avoir fait surtout
l'objet de ses méditations. Les deux
ouvrages suivants témoignent de cette
direction de ses études : Le siviulacro
reipiiblicœ , sive de ima(jinibu>i politicœ et
œconomicœ virtidis libri IF. Pavife,
1595, in-8'. — Biphthera Jovis , sive de
antiqua principis imtitiitione libri III.
Mediolan., 1607, in-io. Ce dernier ou-
vrage était sur le métier, sinon achevé
déjà en 1602, car au mois de février de
cette année, Puteanus lui promit une
pièce de vers à placer en tête du volume.
Dans une lettre de 1606, le même
savant, alors professeur à Milan, écrit à
son collègue de Pavie que l'examen de
son opinion sur le Laconisme lui a sug-
géré quelques remarques critiques. On
peut croire ([uo cette opinion était ex-
posée et développée dans un ouvrage
manuscrit ou imprimé, car Puteanus
publia lui-même plus tard un traité sur
ce sujet. Des biographes attribuent eu
outre à Farnèse un abrégé de l'histoire
du momie et un traité de la connais-
255
DUFOUR — DU GARDIN
256
sauce de soi-même et des prodiges, sans
citer ni les dates ni les lieux d'impres-
sion. Puteanus, qui avait été appelé à
Louvain, pour y succéder à Juste Lipse,
mort en 1606, donna, en août 1608, à
l'un de ses élèves, qui se rendait en
Italie, une lettre de recommandation
pour le professeur de Pavie; c'est la
dernière en date qui se trouve dans le
recueil de ses lettres. Il est permis de
conclure de cette circonstance que la
mort de Farnèse arriva en 1609 plutôt
qu'en 1616 ou 1619, comme quelques
auteurs l'avancent. On dit que Putea-
nus a écrit son éloge. J'ai recherclié en
vain cette pièce dans le volume où sont
réunis plusieurs discours de ce savant et
dans plusieurs autres volumes de ses
œuvres. J. Rouie?..
Foppens, Biblioihcca belgica, l,p. 443. — Délices
du pays de Liège, t. V, p. 30. — Erycii Puteani
Episiol. allie. Proiniilsis, Part. I, cent. I, ep 14,
36, 68, cent. II, ep 35. o7, 8o, 94. cent. III, ep. 30.
Part. 11, cent. I, ep. 33.
DUFOUR (Pierre) ou Du Foue, dit
Salzea, peintre d'histoire et de por-
trait, né à Liège vers 1545. On ignore
la date précise dersa mort. Il fut un des
bons élèves de Lambert Lombard, et
appartenait à une famille distinguée.
Après la mort de son maître, il fut
chargé d'un grand nombre de travaux
importants, parmi lesquels il faut citer
les tableaux du maître-autel de la collé-
giale de Saint-Jacques à Liège, un
grand triptyque pour l'église Saint-
Lambert, un autre triptyque dans la
même église pour le monument de Gé-
rard de Groisbcck, un Sai?it Michel
pour l'église de Saint-Barthélémy et une
Descente de Croix (1610j pour l'église
Saint-Etienne.
Le grand triptyque de l'église Saint-
Lambert, peint en 1578, représentait.
Ans le panneau central, le C//rist au
■»irdin des Oliviers, et sur les volets les
portraits des chanoines Jean de Staff et
de Wilthem, donateurs du tableau. Le
triptyque du monument de Gérard de
Groisbeck a pour sujets, au milieu, la
Résurrection, et sur l'un des volets, le
portrait du défunt. Ce triptyque, qua-
lifié de chef-d'œuvre, fut fait en 1580
et renfermait aussi des vers de Lamp-
sonius.
Dufour a joui d'une grande réputa-
tion. Cependant le chanoine Hamal,
dans un manuscrit cité par M. Jules
Helbig dans son Histoire de la peinture
au pays de Liège, écrit ceci : « Je puis
Il assurer que les ouvrages de ce peintre
Il sont fort inférieurs à ceux de Lom-
" bard, surtout la Résurrection du mau-
« solée de Groisbeck et le Christ au
Il jardin des Oliviers, dans la chapelle
Il de la cathédrale, deux peintures que
Il j'ai souvent examinées. « Les nom-
breux tableaux de ce peintre sont dis-
persés. Généralement ils ont perdu leur
couleur. Pierre Dufour eut la gloire
d'être un des maîtres de Jean de Bolo-
gne, c'est à peu près tout ce qui restera
du souvenir de ce peintre liégeois, dont
la vie paraît avoir été très-occupée, mais
très-mal dirigée, puisque, sur la fin de sa
carrière, il fut obligé de servir comme
portier à l'hôpital Saint-Jacques.
Ad. .Siret.
DU GARDix [Louis), connu aussi
sous les noms de Gaedixius et d'HoR-
TEXSius, médecin et professeur, né à
Yalenciennes vers le milieu du xvie siè-
cle, mort à Douai entre 163-4 et 1638.
Il prit le grade de docteur en médecine
à Douai et y enseigna pendant vingt-
huit ans. Il obtint quelque célébrité par
ses écrits, notamment à propos de la
controverse sur le moment de l'anima-
tion du fœtus. Voici les titres de ses
ouvrages : 1^ Alexioemos, sive de pestis
naturâ, causis , signis , prognosticis et
curatione. Duaci, 1617, in-S»; 1631,
in-12. — 2o Le Jnimatione fœtus, in
quâ ostenditur quod anima rationalis ante
oi'ganisationem non hifundatur. Duaci,
1623, in-8o. Il s'attache surtout à
essayer de réfuter Thomas Fyens (Fie-
nus), professeur à Louvain. — 3" Ma-
miductio ad omnes medicina partes , seu
Institutioues medicina. Duaci, 1626,
in-S", et 1634, in-8o. — M Mamtductio
ad pathologiam , sive Institutiotium medi-
cina pars altéra. Duaci, 1626, in-8«. —
5o yînima rationalis restituta in integrmn.
Duaci, 1629, in-8o. C'est la défense des
Hol
DU GARDLN — DL HAMEEL
'2o>>
opinions soutenues dans l'ouvrage no 2.
— 6'^ Medicamefita ptirgantia, simplicia
et compofàia, selecta, usitata et sujfficientia,
Remedium errorh in ponderibns medicis.
Duaci, J631, in-12. — • 7» Circumdan-
tiœ et temporel de variis venis pleuritidis
ratione secandis, inter varias niedicinœ
proceres litem dirimentia. Duaci, 1632,
in-4o. — 8'> Institutiotiton- medicince
liber tertiiis, sire subsidiaria medicinre.
Duaci, 1638, in-4", imprimé, après la
mort de l'auteur, par les soins de J. Brif-
lault. (i_ Dewalque.
Fop|iens. Bibtiotlieca belgica. — Eloy. — Biogra-
phie médicale (Panckoucke,. — Biographie medi
cale, par bayle et Phillaye.
niGCET (Bieudom/é), musicien, né
à Liège, le 22 septembre 1794, décédé
dans la même ville, le 18 avril 1849. Il
était fils de Joseph Duguet et de Cathe-
rine Bierset. Aimant passionnément la
musique, il s'adonna, dès sa jeunesse, à
l'étude du piano et de la composition,
et il y consacra sa vie entière. Dès 1821,
il fonda, avec Henrard et Jaspar, une
école de musique qui rendit de grands
services jusqu'à l'époque où le gouver-
nement des Pays-Bas établit le Conser-
vatoire (182 7j. Xommé professeur de
solfège à la création de cet établissement,
Duguet devint successivement organiste
de l'église Saint-Denis en 1829, maître
de chapelle à la cathédrale en 1835, et
organiste de la même église en 1837,
lors de la retraite de Houssard. Frappé
de cécité en 1835, il dut se retirer du
conservatoire l'année suivante ; mais
malgré cette cruelle infirmité , il con-
serva jusqu'à sa mort ses fonctions à la
cathédrale et à Saint-Denis et il y atti-
rait les amateurs par un jeu grave et
sévère, comme l'est celui de l'école clas-
sique d'Allemagne. Organiste et com-
positeur des plus distingués , surtout
comme improvisateur, doux et modeste
de caractère, ennemi de la réclame et
du charlatanisme, il n'aimait l'art que
pour les nobles jouissances qu'il pro-
cure, et ne cherchait à plaire qu'à un
petit nombre de vrais connaisseurs. De-
venu aveugle , il redoubla d'activité ;
c'est alors qu'il acheva une messe à
grand orchestre dont les deux premières
BIOCR. NAT. — T. VI.
parties avaient été écrites avant son in-
firmité et dont le surplus est empreint
d'une supériorité incontestable et d'une
énergie qui contraste singulièrement
avec le tempérament de l'auteur. Le
motet Satictinn et terribile prouve la
souplesse de son talent, et son livre
d'orgue est généralement apprécié avec
de vifs éloges. Duguet avait épousé Ma-
rie-Constance-Catherine Lemmens. Son
fils, Jules, professeur d'orgue au Con-
servatoire, l'a remplacé à la cathédrale.
La plus grande partie de l'œuvre de
cet artiste est restée manuscrite. Néan-
moins, indépendamment de la messe et
du motet que nous venons de citer, on
possède de lui un Te I)eum, un Sahe re-
gina et un Homo quidam à grand orches-
tre, deux Eccepanis, six Tantuni ergo et
Geiiitori, deux Genitori et trois cantates
pour solos, chœurs et orchestres, trois
Requiem avec accompagnement d'orgue,
de violoncelle et de contre-basse, etc.
Plusieurs morceaux de piano, duos,
romances, mélodies, scènes ont été
publiées par Duguet, éditeur à Liège.
La maison Muraille, de la même ville,
a édité : lo des Solfèges en canons, en
collaboration avec Jaspar et Henrard;
1823 ; 2o L'n Litre d' orgue , potir V accom-
pagnement du plain-cliunt ; 1842, 2e édit.,
iSôl. Cherchant à conserver au plain-
chant son véritable caractère, l'auteur
rejette le style moderne de l'harmonie
employée par beaucoup d'organistes ; il
place toujours la mélodie à la partie su-
périeure et l'accompagne en contre-point
simple, note contre note. 3° Un recueil
de Préludes et versets pour Vergue, 1851.
4o Un livre de Motets et JPsaumes ponr
les processions. 5° Un recueil de 34 mor-
ceaux de musique sacrée à \, 2, 'à et
4 voix avec accompagnement d'orgue, en
partitioîi et parties de chant, 1853-1855.
6' Un autre recueil de 82 morceaux
parut en 1859, avec le même titre et
la mention : Œuvres posthumes. 7" L n
recueil de litanies à 1, 2 et 3 voix, 2 v,
in-8". G. Dewalque.
Renseipnemcnts paiiiculiers. — Les journaux
du leai|is.
DU u.4»iEKi< {Alart), architecte,
sculpteur et graveur, né probablement
9
259
DU HAMEEL
260
dans le Brabant septentrional, vers le
milieu du xve siècle, décédé vers 1509.
Il dirigea pendant dix-sept ans les tra-
vaux de l'église Saint-Jean à Bois-le-
Duc, travaux qui embrassèrent toute
l'étendue du transept méridional et les
commencements de la nef principale. Il
traça, en outre, les plans de la chapelle
de la confrérie de Xotre-Dame {illustre
Lieve-Vrouwe hroederschap), adossée au
chœur de cette même église, générale-
ment considérée comme l'une des plus
belles des Pays-Bas. Suivant l'usage du
temps, il était, en raison de ses fonc-
tions, qualifié de maître de la loge ou de
maître ouvrier tailleur de pierres, quali-
fication qui impliquait l'exercice de
deux arts différents et que nous avons
remplacée par celles, plus ambitieuses et
souvent moins exactes, d'architecte et
de statuaire. En 1495, Du Hameel céda
son emploi officiel à son beau-frère Jean
Heyns : il venait d'être appelé à Louvain
pour y remjDlacer l'architecte de l'hôtel
de Wlle, Mathieu de Layens, récemment
décédé. On l'y trouve, dès le 25 juin
de cette même année, désigné dans les
archives communales comme stadmeester
et jouissant de douze florins et demi
d'appointements annuels. Il conserve ces
fonctions jusqu'en 1504, année où son
nom figure pour la dernière fois dans
les comptes des dépenses et où il fut
remplacé, à sou tour, par Mathieu Kel-
dermans. Indépendamment des travaux
ordonnés par la ville. Du Hameel en fit
exécuter plusieurs autres, notamment
le porche de la collégiale de Saint-Pierre,
ouvert au transept du côté de la grande
place, porche qui est resté inachevé,
sans doute faute de ressources finan-
cières. Plus tard, c'est-à-dire en 1505,
il présida aussi aux agrandissements
considérables faits à la somptueuse
abbaye de Parc lez-Louvain, par les
ordres de l'abbé Arnoiild Wyten.
Nous ne saurions mentionner les œu-
vres sculpturales ordonnées par notre
artiste, puisque autrefois on ne songeait
guère à séparer la décoration d'un édi-
fice de sa structure intime et que le
constructeur était aussi « le maître des
» pierres vivantes « ; mais il nous reste
à citer des travaux appartenant à un
art complètement distinct et par les-
quels Du Ilameel. a su , également ,
manifester la puissance, la variété de
ses talents : ses gravures au burin. On
a failli dépouiller notre artiste de la
renommée qu'il mérite comme graveur,
et ce au profit d'un de ses contempo-
rains , le célèbre peintre Jérôme van
Aeken, plus généralement connu sous
le nom de Jérôme Bosch, nom emprunté
à son lieu natal, la ville de Bois-le-Duc,
en flamand '« Hertogenbosch.
Ce peintre a gravé sur bois, mais, jus-
qu'en ces derniers temps, on lui attri-
buait aussi abusivement, les planches
gravées sur cuivre par l'architecte. Ces
dernières, exécutées par pure fantai-
sie, dans des moments de loisir, tantôt
d'après les tableaux de son ami, tantôt
d'après ses propres dessins, sont d'une
extrême rareté et, par suite, d'un grand
prix. Les iconophiles les plus érudits
n'en connaissent, au plus, que huit.
Parmi ces planches, les unes sont re-
vêtues de la signature du graveur; les
autres de son monogramme, composé de
la lettre A mêlée à un de ces signes
mystiques souvent tracés sur les pierres
des édifices gothiques ; sur plusieurs
enfin, on lit le mot Bosche ou Shertogen-
bosche, inscription q\ii explique l'erreur
commise et la fausse attribution de pa-
ternité. Les gravures de Du Hameel sont
très-probablement sorties des presses de
Gérard Leempt, imprimeur qui habitait
alors Bois-]e-Duc et qui y travailla de
1484 à 1490.
Xotre artiste avait épousé Marguerite
van Auweninge , qui décéda à Bois-
le-Duc en 1484 et dont la pierre tumu-
laire, accompagnée de son effigie, se
trouve encore encastrée dans les murs
intérieurs de l'église Saint- Jean. On
ignore la date précise du décès de
Du Hameel, mais les comptes de la
confrérie à laquelle il appartenait éta-
blissent que pendant les années 1509
à 1510 il n'était plus de ce monde.
F. Slappaerls.
Alex. Piiicliart, Archives des arts, sciences et
lettres, t. l, 1860.
^261
DU HAN — DU JARDIN
26-2
DV MAX {François), écrivain polé-
miste du xviie siècle. Il appartient à
une famille liégeoise. Son père, Abraham
Du Han, docteur en médecine, s'était
réfugié à Sedan, où il mourut dans le
sein de la religion réformée. Il y avait
dans cette ville une académie protes-
tante jouissant d'une réputation méritée.
François et son frère, Philippe, y firent
de bonnes études. Philippe devint con-
seiller d'Etat. Il fut jeté à la Bastille
en 1686 pour n'avoir point voulu abjurer
comme l'ordonnait Louis XIY. Il était
seigneur de Jandau en Champagne par sa
femme, Marie Danger, fille du gouver-
neur de Mézières et de Charle ville, qui
partagea sa captivité. Peut-être feigni-
rent-ils la soumission, car ils parvinrent
à se sauver de France, en 1687, avec
leur fils, alors âgé de deux ans, et à se
retirer à Berlin.
François demeura, au contraire, en
France. Il avait embrassé la carrière des
armes, et fut assez heureux pour être
distingué par son illustre coreligion-
naire, le maréchal de Turenne. Pendant
quelques années il remplit auprès de
lui les fonctions de secrétaire. » Il avait
« de l'esprit « , dit une note rédigée
par le général de Grimoard, « et il
« aimait à boire jusqu.'à s'enivrer. Il fut
" chassé par son maître pour avoir fait
« quelques profits illicites sur les passe-
" ports, qui devaient être délivrés gra-
» tis. »
En 1663, Du Han abjura la religion
protestante et entra dans l'ordre de
Saint-François, où il espérait faire à la
fois son chemin dans ce bas monde et-
dans l'autre. Il prit part comme moine
convertisseur aux dragonnades et se
montra sans pitié pour ses anciens core-
ligionnaires. Il composa le Traité des
droits de la reine très-chrétienne, qui
servit de base à la revendication par la
France des Pays-Bas espagnols et de
prétexte à la guerre de 1667. Louis XIV
le récompensa royalement.
On lui attribue en outre : 1. La justi-
fication du changement de doctrine par
les ministres de la religion P. R. de
Trame. Paris, 1663 et 1664, in-8o. —
2. Moyen pour empêcher V exercice de la
religion P. R. en France. Paris, 166.3,
in-8o. — Z. La Condamnation de deux
faits avancés par les ininist?-es de la reli-
gion P. R. Paris, 1663. — 4. Traitéoù
il est prouvé qxie les anges et les saints
connaissent nos nécessités, quils prient
pour nous, que nous avons des anges gar-
diens, et que nous devons honorer et vénérer
les reliques et les images des saints, par
F. D. H. R. C. Paris 1675, in-8o.
C.-A. Ralilenbeek.
Comte Becdelièvre , Biorjraphie liégeoise. 11,
i8o. — Bouilliot, Biographie ardennake, 140. —
Haag frères, La France protestante, IV, J&\.
Notes communiquées.
Dt JARDiiv {Donatien), écrivain
ecclésiastique, né à Ypres le 31 août
1738 et décédé dans la même ville au
mois de mai 1804. Il entra dans la com-
pagnie de Jésus, au noviciat de Ma-
lines, le 1er octobre 1756, et, après ses
premiers vœux, enseigna les humanités
à Anvers. Vers 1770, lorsque les
PP. Clé et Ghesquière eurent commencé
l'organisation du Musauni historictim,
destiné à remplacer le Musœum Bellar-
minianum. Du .lardin leur fut adjoint
avec deux autres pères pour les aider
dans leur vaste entreprise. Déjà on avait
commencé à rassembler des matériaux,
lorsque, le 20 septembre 1773, la com-
pagnie fut supprimée en Belgique par
un bref de Clément XIV. Du Jardin
se retira alors à l'pres, où il demeura
jusqu'au moment de sa mort. En 1773,
il concourut pour un des prix proposés
par l'Académie impériale et royale de
Bruxelles, et fut couronné pour le tra-
vail intitulé : Çommentarii seu responsa
ad qucesita : Quis populorum Belgicte anfe
sœculum œra christiana septimum vesti'
tus fuerit; quid idioma; quis agricultura,
commerça, litterarum, artiumque status.^
Quilms palmam alterarn detulit cœsarea
ac regia scientiarum et littercirum Acade-
mia Bruxellensis anno M.D.CCLXXIII.
Bruxellis, Antonius d'Ours, 1774; vol.
in-4o de 58 pages. Ce travail fait partie
des anciens Mémoires couronnés de V Aca-
démie de Bruxelles. e.-H.-j. Beuscn».
De Backer, Bibliothèque des Éerivains de la
Compagnie de Jésus, éd. in-fol., Il, col. X^2.
263.
DU JAKDIA
-264
oi JAKUI^' {Jacqties), poëte, ué à
Lille en 1585, décédé à Liège le 9 no-
vembre 1633, entra dans la compagnie
de Jésus à l'âge de dix- neuf ans. Après
avoir prononcé ses premiers vœux, il
enseigna quelque temps au scolasticat
de la compagnie, en préparant, par des
répétitions, les jeunes pères appelés à
donner l'enseignement dans les collèges
d'humanités. Plus tard, il devint direc-
teur de la congrégation de la Sainte-
Yierge, qui était établie à Liège pour
les gens de lettres, et remplit cette fonc-
tion pendant sept ans. Ce fut pour ses
congréganistes de Liège qu'il composa
les poésies latines publiées sous le titre
de Jacohi Jardinii Insulensis, e Societate
Jesu, Elegiaruin sacraruni lïbri très. De
arte forensl libri duo. Opm posthumnm.
Duaci, Petrus Telu, 1636; vol. in-12,
réimprimé la même année à Anvers et à
Munster en Westphalie. Les trois livres
d'EIéffies furent encore publiés séparé-
ment en 1639 à Douai, par la veuve de
Pierre Telu, vol. in-12 de x-:308 pages.
On trouve aussi, en tête de la Vita
S. Lamberti du P. Jean Eoberti, une
ode à la ville de Liège, Ad Legiam. pro-
trepticon, du P. Jacques Du Jardin.
E.-H.-J. Reiisi-ns.
l'aquot, Mémoires, éd. in-fol., I, p. 333.
wc" JARDi:%' {Jean), écrivain ecclé-
siastique, né à Douai en 1565 et décédé
à Valencienues le 16 juin 1644, entra
au noviciat de la compagnie de Jésus, à
Tournai, le 11 mars 1582. Après sa
profession, il fut employé comme pré-
dicateur, et consacra toute sa vie aux
fonctions du saint ministère. Il a pu-
blié : lo Mannale p'œciptmmm conside-
rationum. — 2^ Manuale de peccato mor-
tali. — 3» Traicté de V exercice jourtudier
des vertus. Douay, Yefve Laurent Kel-
lam, 1616; vol.'in-16. — 4o Traicté
du combat et de la victoh'e contre les ten-
tations. Douay, chez les héritiers de
Jean Eogart, 1B27; vol. petit in-12. —
5" Méditations. Douay, 1626; vol. in-8o.
Ces trois derniers ouvrages ne sont que
des versions françaises de traités com-
posés en espagnol par le IL P. Alvarez
de Paz. Le I*. Ou Jardin traduisit encore
d'autres opuscules du même auteur. On
trouve les titres exacts et la description
de toutes ces publications dans la Bi-
bliothèque des écrivains de la compagnie
de Jésus du P. De Backer, éd. in-fol.,
II, col. 333.
E.-H.-J. Reusens.
DU J.%RDi:« {Philippe), magistrat,
né à Tourcoing, mort à un âge avancé
en 1707. D'abord avocat au Grand
Conseil de Malines, il devint en 1669,
substitut du procureur général, puis
conseiller ordinaire audit conseil, en
remplacement de Guillaume-Ernest du
Marteau, par lettres patentes du 15 aoiit
1683 ; entin procureur général, par let-
tres patentes du 28 avril 1695, en rem-
placement de Jean- Jacques de la Mothe,
promu au Conseil privé.
Xous ne connaissons aucune publica-
tion scientifique de Philippe du Jardin,
mais il a mérité une mention par son
attitude dans les mémorables démêlés
qu'eut le Grand Conseil, eu l'an 1700,
avec l'archevêque de Malines, Humbert
Guillaume de Precipiano, au sujet du
droit d'asile et du conflit des juridic-
tions ecclésiastique et séculière. Une
dame, vivement irritée contre un capi-
taine espagnol, avait engagé jDOur l'as-
sassiner un spadassin nommé François
van Ophoven. Le guet-apens échoua,
et le coupable se réfugia chez les domi-
nicains. L'official, qui était Aimé de
Coriache, entama l'instruction. Les fis-
caux protestèrent. Le gouvernement
donna raison d'abord a l'autorité ecclé-
siastique, ensuite au Grand Conseil. Du
Jardin ne tint nul compte de deux pro-
testations, avec menace d'excommunica-
tion, que l'archevêque lui adressa. La
menace fut réalisée; la sentence d'ex-
communication, du 7 août 1700, fut
proclamée dans les églises de Saint-Jean
et de Saint-Eombaut et affichée publi-
quement. Le Grand Conseil répondit en
condamnant l'archevêqiie à une amende
de 6,000 florins, que les conseillers fis-
caux devaient prendre sur son temporel;
en lui ordonnant, à peine d'une nou-
velle amende de 10,000 florins, de lever
l'excomuiunication lancée contre le pro-
cureur général; enfin, en défendant à
-265
DU JARDIN
-2H6
tout sujet de Sa Majesté de communi-
quer avec l'archevêque oii de lui fournir
des vivres, tant indirectement que di-
rectement, jusqu'à réparation de l'at-
tentat dirio:é contre le Grand Conseil. Le
roi dut mettre la paix ; les mesures de
rigueur furent rapportées de part et
d'autre ; l'absolution du procureur gé-
néral eut lieu par sentence du 14 sep-
tembre 1703.
Du Jardin renonça à sa charge en
avril 1706, vu son grand âge et ses
infirmités. Il mourut l'an d'après, et
fut enterré dans le chœur de l'église
paroissiale de Saint-Pierre à Malines.
Alphonse Kivier.
Fop])ens, Histoire du Grand Conseil de Ma-
tines, etc., n» 9938 de la Bibliotlièquede Bruxelles.
— Proost, Histoire du droit d'asile religieux en
Belgique, Gand. 1870, p. 183-188. —Du Laury,
îinèt LXill.
OU j.%RDiif (Thomas), théologien
distingué de l'ordre des Pères Domini-
cains; né à La Haye en 1653, de Ni-
colas Du Jardin, seigneur d'Anseghem
et Hemsrode, qui s'établit à Gand en
1659, et de Françoise Helman, fille du
seigneur de Muilkerke; mort à Gand le
15 juin 1733.
Ses parents l'envoyèrent étudier à
Louvain et à Paris; il entra dans l'or-
dre des dominicains et fut chargé, dans
la première de ces deux villes, de la
chaire d'Ecriture sainte, même avant
d'avoir reçu son ordination, fait con-
traire.« tous les usages, mais qui parut
autorisé par ses succès exceptionnels.
Il ne fut ordonné prêtre qu'en 1676.
Ses talents devaient bientôt s'exercer
sur un plus vaste théâtre. Pendant la
guerre de la succession d'Espagne, de
1701 à 1704, la Belgique fut occupée
tour à tour par les armées des différentes
puissances, et ces invasions successives
firent renaître les germes de discorde
religieuse, qu'on aurait pu croire étouf-
fés. La dispute contre la réforme et le
jansénisme reprit avec ardeur. Les Alle-
mands du prince Eugène de Savoie, et
surtout les Anglais du duc de Marlbo-
rough répandirent la doctrine du déisme
et rétablirent les loges maçonniques,
qui restèrent cependant longtemps sans
influence : on était encore trop occupé
de la réforme. Du Jardin fut un des
professeurs qui luttèrent le plus éner-
giquement contre ce mouvement des
esprits. Il prêcha à Gand et à Louvain,
expliquant le dogme orthodoxe, et afin
que ses prédications portassent plus de
fruit, il les publia en 1710 sous le litre
de GeloofgescîiiUen, in de welke de waer-
Tieyt van het roomscJi-catholyck yelooj
tegen de dicalingen deser laetste tyden
hondiglilyck wordt verdedight (Gent ,
in-4o). Cet ouvrage contient des leçons
sur les différents points de religion con-
testés et surtout sur l'infaillibilité de
l'Eglise. Cet enseignement lui attira
une réponse du pasteur protestant de
Middelbourg, Jacob Leydekker, qui
publia : De Herrormde lerk hit gemeen
verdedigd tegen het pausdom int hyzonder
tegen den hoon der herrormers en hunne leer
aengedaen door den E. priester Th. Bu-
jardin. Middelbourg , 1711 , in-4o.
A quoi Du Jardin répliqua quatre ans
plus tard par un écrit in-folio : Spore der
cnthohjcke , gescherpt door sestich pointen ,
tegen het huytensporigh stampen van den
h. Jacob Leydekker, predikant te Mid-
delburgh; in de welcke de waerheyd van
het Roomseh catholyck geloof tegen de
dicalingen dezer laetste tyden... (Gand,
1715).
Il travaillait en même temps avec
ardeur contre les jansénistes, et réfuta
les cent et une propositions de Quesnel,
condamnées par le pape Clément XI
dans sa bulle TJnigemtus ; voici le titre
de son ouxrage : Het aengeicesen rergift
van de Lotstellingen tan Faschasim Ques-
nel, gedoemt door Clemens XI, pam van
Roomen, in syne leerbulle TJnigenitus ende
de overtuygde pligt aller catholycken om
de bulle TJnigenitus, ahsynde van onfeyl-
baer ghesag, sonder appel aen te nemen.
(Gand, 1724; une 2^ édition y fut pu-
bliée en 1735).
Quelques années plus tôt, ilavait déjà,
en collaboration avec Fr. d'Enghien,
publié une édition de la Bible, où sont
corrigées les fautes commises dans la
traduction d'Egide De Witte ; il l'inti-
tula : Biblia sacra d. i. De heylige schrif-
tiier, rerhetert nacr den hietsten roomschfn
267
DU JARDIN — DUL
268
text, met eene voorrede. Anvers, 1714,
in-fol., 2 vol.
Du Jardin publia, en outre, plusieurs
ouvrages et opuscules sur la vie contem-
plative, la méditation, etc.; nous ne
citerons que les principaux : De officio
sacerdotis qua judicis et viedici in sacra-
7)ie7ito pœnitenticB , in-sti'uctio brevis in
gratiam et commodum tironis theologi.
Bruxelles, 1701, in-S^; Malines, 172S,
in-So; cette édition est la meilleure;
l'ouvrage fut encore réimprimé en Bel-
gique et en Allemagne, à Louvain en
1802, à MaMnes en 1816. — Sermoen
van devotie tôt den lydenden Jésus iiitge-
beelt in 't portraict van 'tgroot miraculeus
beelt van de vermaerde abdye tôt Gem-
bloux, etc. Gand, 1703, in-12. —
Geestelijl-e tmmenspraecl-en tusscJien FM-
laletes ende PJtilotJiea dat is : tussclien den
minnaer des vjaerJteyts ende de Godtmln-
nende ziele, wegens de goddehjcl-e liefde,
dry soorten van invjendig gehedt, medi-
tatie, aspiratie en contemplatie, de ver-
stercinge, de dorrigheden, de bieclite, de
H. communie ende de misse. Den tweeden
druk merl-elgck verbetert en vermeerdert.
Gand, 1706, in-12; 1710, 1732; Lou-
vain, 171' 2. — Getrouwen leidtsman
aenivyzende volgens de grondregeh der
GodsgeleertJieyt verscJieyde h'agtige Jmlp-
middelen tôt het vlieden van liet gtiaet en
oefenenvan de dengdt, etc., door Thomas
Du Jardin, van het order der FF. Fre-
dikheeren. Gand, 1719; in- 8".
Emile Varenbergh.
Blommaert, De yederduitsclie scAri/ier* van
Cent. — Piron, LevensbescUrijvingen, Byvoegsel.
Di'KER^ (François), architecte de la
cour épiscopale de Liège, né vers le mi-
lieu du xviiie siècle. La réputation dont
il jouissait dans cette ville s'étendit, gra-
duellement, au loin et lui valut de nom-
breux travaux; la princesse Cunégonde
de Saxe, abbesse de Thorn, le chargea,
entre autres, d'agrandir considérable-
ment son riche monastère. Ces travaux,
évalués à la somme de 28,000 florins,
ainsi que le constate le contrat passé le
1er octobre 1781, furent menés à si
bonne fin quel'artiste devint l'architecte
du chapitre et l'homme de confiance de
la princesse. Plusieurs missions qu'il
eut à remplir en témoignent; elle l'en-
voya inspecter les bâtiments des monas-
tères d'Essen et de Borbek, également
placés sous sa haute direction ; elle lui ac-
corda l'autorisation d'acheter en France,
pour son compte, des objets d'art, et
lui laissa une grande latitude pour
embellir l'église, le palais abbatial et,
spécialement, les appartements réservés
à l'évêque de Liège.
^Malgré la position éminente que
Dukers paraît avoir acquise par son
talent, par son caractère, les détails re-
latifs à sa vie et à ses œuvres nous font
défaut. On sait seulement qu'il laissa
un fils, Feaxçois-Joseph Dukees, né
à Liège le 15 décembre 1792, décédé
dans la même ville en 1831 et qui,
architecte comme son père, fut chargé,
en 1818, d'élever, sur l'emplacement de
l'église des Dominicains, le théâtre
royal de Liège, construction des plus
médiocres sous le rapport du style et du
goût. F. Stappaerts.
Alex. Pinchart, Archives des arts, etc.
orii {Corneille, Gérard et Fierre) ou
DuLL. Ces trois sculpteurs florissaient à
Anvers dans la première moitié du
xvie siècle. Elèves de leur père, Cor-
neille DulZe F?V?7, artiste habile, qui lui-
même avait été formé par Corneille Jan
Hermanssone van Bergen, ils furent
employés à plusieurs travaux de déco-
ration artistique dans l'église de Notre-
Dame, avant et après l'incendie qui y
éclata le 6 octobre 1533.
Corneille Dul le Jeune, l'aîné des
frères, fut admis dans la corporation de
Saint-Luc en 1514, et reçut comme
élève, en 1519, un apprenti nommé
Wynand Eoost ou Maets. Sa femme,
Anne Scryvers ou De Scryvere, le laissa
veuf en 1541.
Gérard Dul le Fnîné, surnommé By-
voet, reçu dans la Gilde en même temps
que ses frères, décéda vers 1558. Il
avait pris pour femme Marie, fille de
Euth Jacops, qui lui survivait en 1559.
Ainsi que la plupart des artistes de ce
temps, Gérard Dul ne dédaignait pas de
prendre en location, durant les grandes
foires bisannuelles d'Anvers, un empla-
cement dans les cloîtres de Notre-Dame
269
DUL - DU LAURY
270
(0. L. V. Pand), où il exposait en vente
les produits de son ciseau. A côté de
ceux-ci, venaient s'étaler ceux d'autres
sculpteurs, nommément de Gérard de
Neve, .Tosse Baden, Clauderio T"loris,
Jean Verhesen, Pierre van Berckelaer,
Winand Raets ou JRoost, Jean Yanden
Perre, Pierre Qaintyns, Wautier Yander
Elsmaer, Antoine van Breda et Pierre
van Duerne.
Pierre Dul, le cadet des trois frères,
obtint également son entrée comme maî-
tre dans la corporation de Saint-Luc, en
1514. On ignore s'il forma des élèves.
CoRXEiLLE Dul le Vieil, le père de
nos artistes, était devenu membre de la
Gildeen 1495. Il reçut en apprentissage,
en 1499, un élève nommé Jean Pauwels,
qui obtint la maîtrise en 1505. Adrienne
Potters ou De Pottere, sa femme, fille
de Loys, survécut à son rùari déjà décédé
en 1521. Chev. L. de Burbure.
Archives d'Anvers. Ligqeren de la Gilde de
Saitit Luc, publiés par MM. Rombouts et Van
Lerius.
DU i^AURY (Rémi- Albert), chevalier,
seigneur de Raveschot, jurisconsulte, né
à Gand vers le milieu du xviie siècle,
mort le 25 janvier 1716, selon Poppens,
et enterré à Gand en l'église des Carmes
chaussés. Son père, Jacques du Laury,
grand pensionnaire au collège de la
Keure de la ville de Gand, fut nommé
conseiller ordinaire au conseil de Flan-
dre en 1651, prêta serment en 1652, et
mourut bientôt après, en 1653 ou 1654.
Remi-Albert du Laury fut d'abord avo-
cat au conseil de Flandre. Il paraît
n'être entré que tard dans la magistra-
ture. Nommé conseiller au grand conseil
de Malines, en remplacement de Cha-
boteau, par lettres patentes du 3 sep-
tembre 1707, il fut appelé, l'année
même de sa mort, aux fonctions de pro-
cureur général, comme successeur de
M. de Baillet, devenu président du con-
seil. Son mérite, comme jurisconsulte et
comme savant, est attesté par le recueil
d'arrêts qu'a publié, après sa mort, son
disciple et aide Pierre-Claude-Marie de
Saint- Vaast, sous le titre suivant : La
Jurisprudence des Pajis-Bas autrichiens
établie par les arrêts du grand conseil de
Sa Majesté Impériale et Apostolique rési-
dant en la ville de Malines; auxquels sont
ajoutés qnelqties décrets portés au conseil
privé de Sadife Majesté. (Bruxelles 1717,
un volume in-folio; censure de juillet
1716. — Autre édition, deux volumes
petit in-8o. Bruxelles, Moris, 1761.)
Du Laury préparait, lorsque la mort l'a
surpris, un recueil plus considérable.
On lit dans la préface de Saint- Yaast :
" Ce n'est ici que l'ébauche du dessein
» de l'auteur que j'ai rédigé à deux
Il cens arrêts, qui étoient le plus en
Il état de paroître et que j'îisse aisé-
II ment augmenté de la moitié, et au
« delà, ateudu que feu M. Du Laury a
Il délaissé sufisàment de la matière pour
Il fournir à quatre gros volumes, et
» qu'aiant û l'honeur de travailler sous
Il lui pendant un tems assez considé-
II rable, j'étois assez informé du plan
Il qu'il y vouloit être observé ; mais je
« n'ai pas trouvé à propos de m'enfon-
II cer davantage dans un travail peu
Il convenable à l'immaturité de mou
Il âge. Il On voit que l'orthographe est
moderne; l'éditeur pense « qu'elle sau-
tera aux yeux par sa nouveauté, et ne
sera peut-être pas exempte de critiqTie,
surtout en un pais où les écrivains de-
meurent encore attachés à l'ancienne
orthographe « .
Le recueil de Du Laury n'est point
une simple compilation érudite : on y
voit le travail individuel d'un juriste
expérimenté, et ses arrêts sont souvent
accompagnés de véritables dissertations
où le droit coutumifer et le droit romain
sont également bien traités. On pourrait
inférer de quelques lignes de Foppens
[Bibliotheca belgica, II, 909. Histoire
du (jrand conseil de MaVmes, article Du
Laury) que Du Laury n'aurait guère fait
qu'éditer et augmenter Du Fief. Tel
n'est point le cas, selon nous. Sans
doute. Du Laury devait utiliser les
excellentes décisions de Du Fief, qu'il
cite; mais il y a des différences nom-
breuses et radicales, de proportion,
d'étendue, et aussi de méthode entre
ces deux auteurs, dont l'un est mort
soixante-cinq ans après l'autre et em-
brasse, par conséquent, une période
274
DU LAURY — DULLAERT
272
beaucoup plus longue de l'activité judi-
ciaire du grand conseil.
Du Laurv épousa successivement trois
femmes : Marie Coorenraets, décédée
en 1699 ; Marie- Antoinette Mavaes, dé-
cédée en 1711; et Suzanne De Smet.
Vingt-trois ans après sa mort, en 1739,
son troisième mariage fut déclaré niil
par l'official de Gand, « les conjoints
ayant été parents au quatrième degré,
quoique sans le savoir « .
Alphonse Rivier.
Foppens, Histoire du grand conseil de Malines.
MS., D» 9938 de la Bibliothèque de Bruxelles. —
Britz, Mémoire couronné. — Du Laury, La Juris-
prudence des Pays-Bas autrichiens ; préface de
Saint-Vaast.
»ri.i..«.ERT (Adrien), chroniqueur,
né à Weert près de Baesrode, dans un
domaine de l'abbaye de Saint-Bavon, de
Gand (et non à Weerde près de Vilvorde)
le 15 mars 1411-1412, mort en 1471.
Dullaert fut baptisé le lendemain de sa
naissance à Tamise, seigneurie qui
appartenait au monastère de Saint-
Pierre, de Gand. Après avoir étudié
pendant quatre ans à la faculté des arts
de l'université de Paris, où il avait été
conduit par maître Monfrand Alaert,
depuis procureur général du duc de
Bourgogne, et, en 1424, au collège de
VAve Maria, Dullaert consacra dix
années à l'étude du droit ci%T.l et du
droit canonique; il reçut le grade de
licencié à Louvain, puis devint, en 1438,
l'un des secrétaires de la ville de
Bruxelles. Dullaert prit une part très-
active à la fondation de la chartreiise
de Scheut, lez-Bruxelles, fondation que
le duc de Bourgogne semble avoir eue
extrêmement à cœur. Ce fut lui qui tit
remarquer que cet emplacement conve-
nait à des cénobites suivant la règle de
Saint-Brunon plutôt qu'à des religieux
mendiants. Ce fut lui encore qui fut
chargé, de concert avec deux magistrats
de la ville et le pensionnaire A Thymo,
de s'entendre à ce sujet avec le prieur
delachartreused'Enghien. Enmai 1454,
il visita la campagne de Scheut avec le
prieur et l'architecte Joes et fit partie
de la députation qui alla, le 25 août de
l'année suivante, prier l'évêque de
Cambrai de consacrer la chapelle bntio
en cet endroit. Dullaert était l'un des
serviteurs de la famille de Croy, dont ou
le qualifie le procureur à la date du
11 février 1454. Est-ce là qu'il faut
chercher la cause des déboires dont les
dernières années de sa vie furent rem-
plies? Le 6 mars 1463, lui et son
frère Jean Dullaert furent condamnés
par les magistrats de Bruxelles à aller
en pèlerinage à Saint- Jacques en Galice
et à payer, au profit de l'épargne du duc,
une amende de 100 moutons d'or. Deux
fois Adrien fut frappé par des condam-
nations judiciaires, après avoir chaque
fois refusé de comparaître. Accusé, de
plus, d'avoir diflFamé ses juges, il fut
dépouillé de son emploi de secrétaire le
6 mars 1466-1467. Il se retira à Ma-
lines, oii il mourut, mais ce fut dans
l'église de Xotre-Dame de la Chapelle
de Bruxelles qu'il reçut la sépulture le
28 mai 1471.
Dullaert a laissé un travail intitulé :
Oriffo monasterii Nostrœ Doininœ de Gra-
tta, ordinis Carthusiensis, juxta BruxeJ-
lam, et dont il existe une traduction
flamaîide, sous ce titre : Hoe dit couvent
van 0ns Froiiice van gratie der ordenen
van den Chartroesen gemenlick (jenoemt
Tsckuete es gefiindeert buyten Brussele.
(Ms. de la Bibliothèque royale de
La Haye, fonds Gérard, no 46.) Cette
traduction fut commencée au mois
d'août 1558 et à peu près terminée au
bout de dix-huit jours; celui qui s'en
était chargé, et qui était probablement
un chartreux de Scheut, partit, en 1562,
poiir Lierre, où il mit la dernière main
à son travail. De son temps, il n'y avait
plus que peu de moines à Scheut qui
eussent connaissance de la véritable
origine de leur maison. Le travail de
Dullaert a été publié dans les Analectes
pour servir à l'histoire ecclésiastique de la
Belgique.
Alph. Wautcrs.
Valère André, Bibliothcca belgica. — Waulers,
Histoire des environs de Bruxelles, t. Il, p. o46
et 760. — Archives de la ville de Bruxelles,
passim. — Foi)pens. Bibliotheca belijica, donne à
tort la qualification de Brabançon à Duliaerl, et
Kok (yederlandsch Woordenboek, t. Xi 11. p. 55)
s'est trompé en le faisant naitie à Weiden, en
Frise, le o mars 1400; ces erreurs ne se trouvent
pas dans Valcrc André, qui a cependant servi de
guide.
273
DULLAERT - DUMON-DUMORTIER
274
DlXLAERT (Jea)i), professeur et
philosophe, né à Gaiid d'une famille
noble, vers 14-70, décédé à Paris le
19 septembre 1513. A l'âge de quatorze
ans, il fut envo^'é à l'université de Paris,
et y fit ses études philosophiques sous
la direction du célèbre Ecossais Jean
Major. Après avoir pris le grade de
maître es arts, il fut chargé d'un cours
de philosophie, d'abord au collège même
oii il avait étudié et ensuite à celui de
Beau vais. Ce fut là que, vers 1510, il
eut pour disciple le grand humaniste
Jean-Louis Vives. A cette époque, Dul-
laert se préparait au doctorat en théo-
logie; il s'était fait recevoir membre de
la Sorbonne, socitis Sorhonicus et avait
déjà pris le grade de bachelier formel
en théologie, lorsqu'il retourna à Gand,
sa ville natale. Là une grande épreuve
l'attendait : il fut accusé de trahison
envers sa patrie. Ne pouvant supporter
cette calomnie, il retourna à Paris, où
bientôt après il mourut de chagrin.
DuUaert étudia beaucoup les œuvres
d'Aristote, et publia quelques commen-
taires sur des traités du péripatéticien :
lo In Arùtotdiii lihros péri Hermenias
commentaria. Parisiis, 1509, in-fol. —
20 Questiones stiper octo Uhros pMsicormn
Aristotelis necnon super lihros de celo et
mundo. Parrhisius, Nicolaus de Pratis,
impensis Oliverii Senant, 23 mars 1506
(1507 nouveau style); vol. in-fol. non
paginé; réimprimé dans le même format,
dans la même ville, par le même impri-
meur, lel9 décembre 1511. — 3^ Ha-
hes Jmwanisdme lector metlieororum. Aris-
totelis fadlem expositionem et questiones
super eosdem magistri Johamiis DuUaert
de Gandavo. Parrhisius, Thomas Kees,
30 mai 1514; vol. in-fol. non paginé.
Tous ces ouvrages sont très-rares; les
nos 2 et 3 existent à la bibliothèque de
l'université catholique de Lonvain. —
4o Dans une courte notice biographique
insérée en tête de l'ouvrage no 3, Vives
dit que DuUaert laissa inachevé, au mo-
ment de mourir, un commentaire sur les
Analytica priora d'Aristote : Incepit,
dit-il, lihros priormn, sed morte praventus
intercepii sunt. Peut-être est-ce là l'ou-
vrage indiqué par Paquet sous le titre
de Quœstiones in lihrum Prcedicahilium
Porphyrii secundnm viain Nominalium et
ReaVmm, qu'il dit avoir été publié à
Paris en 1.520 ou 1521, par les soins de
Jean Drabbius Bonicollius (Goethals).
E.-H.-.I. Reusens.
J.-L. Vives, Vita Joannia Dullardi, publiée en
tète de l'ouvrage ii" >\. — Paquot, Mémoires,
6d. in-fol., 11, p. 614.
ui.noECN {Jean), prédicateur, écri-
vain ecclésiastique, né à Renaix, vers
1526, mort en 1573. Voir Vax der
Haghex {Jean).
Dt :»ioi,ix (/(?a»-^^»2z) ouDu Mou-
lin, musicien, né dans les dernières
années du xve siècle. Il fut organiste de
l'église Saint- Jean à Malines, place qu'il
occupait encore en 152S, suivant l'an-
notation d'un payement qui lui fut fait
cette année. On connaît plusieurs com-
positions de ce maître, reproduites dans
des recueils dus aux musiciens du
xvie siècle, entre autres dans les Mo-
tetti del Fiore à quattro voci, publié à
Lyon par Jacques Moderne de Pinguento,
en 1532-1539, in-4o; le troisième livre,
p. 25, renferme le motet à 4 voix In
Do7nino confido, composé par lui; dans
les Motettorum à Jacoho Moderno, alias
Grand- Jacques, in unum coactorum et
ah eodem impressorum liher primns cum
qninque vocihus, etc. Lugduni, 1532-
1542, in-4o, on rencontre les motets à
cinq voix de Du Molin : Adonay Domine
et Pater peccavi. Le deuxième livre des
Missarum Dominicalium quatuor vocuni,
publié par Pierre Attaingnant, en 1534,
contient des messes de notre compositeur.
Aug. Vaiuler Meerscli.
Fr. Fétis, Biographie unirer.ielle des musiciens,
!2<" édition.
»i;'Mo:v - «mouTliER {Augustin -
Aimahle), homme politique, né à Lille
le 4 décembre 1791, mort à Tournai
en 1852. Il s'établit dans cette ville par
suite de son mariage avec la fille unique
de M. Dumortier, un des plus riches
chaufourniers de l'arrondissement. Na-
turalisé Belge par le gouvernement pro-
visoire le 5 novembre 1830, il fut, la
môme année, nommé membre du con-
seil communal et échevin de la ville de
275
DUMON-DUMORTIER — DUMONCEAU
276
Tournai. Le 9 juin 1835, les électeurs
de l'arrondissement l'envoyèrent au sé-
nat, et, pendant dix-sept années, c'est-
à-dire jusqu'à sa mort, il ne cessa plus
de faire partie de cette assemblée, aux
travaux de laquelle il prit constamment
la part la plus active. En 1836, il avait
été nommé secrétaire du sénat, et ces
fonctions il les conserva pendant douze
années. Il se distinguait par la sagesse
de ses conseils, par une intelligence
pénétrante, par une éloquence entraî-
nante ; on le considérait comme un
des membres les plus distingués du cen-
tre gauche. Telle était l'influence qu'il
exerçait, que trois fois le roi Léopold 1er
l'invita à se charger de la direction
des affaires de l'Etat; mais il déclina
constamment ces offres si honorables
pour lui. Mais lorsque se constitua le
ministère du 12 août 1847, Dumon-
Dumortier voulut s'associer aux repré-
sentants de l'opinion qu'il avait con-
stamment défendue : il fut nommé
gouverneur du Hainaut. Bientôt la loi
sur les incompatibilités l'obligea d'opter
entre ces hautes fonctions et le mandat
de sénateur : il préféra ce dernier. Le
sénat lui sut gré de cette option et l'ap-
pela, le 27 juin 1848, au fauteuil pré-
sidentiel. Il possédait l'estime de tous,
car cinq fois de suite, et souvent à la
presque unanimité des suffrages, il fut
proclamé président de l'assemblée. En
1848 aussi, il avait accepté les fonctions
de bourgmestre de Tournai, et il ne
cessa de les remplir avec un infatigable
dévouement : par une habile et vigoii-
reuse impulsion, il sut rendre de grands
services à sa ville adoptive. A la suite
d'une mission diplomatique qui lui fut
confiée près du roi des Pays-Bas en 1849,
il avait reçu les insignes de grand-croix
de l'ordre de la Couronne de Chêne. Il
était chevalier de l'ordre de Léopold
depuis 1835. Duraon-Dumortier a laissé
les plus honorables souvenirs, comme
l'un des plus dignes représentants du
parti libéral; à la fois modéré et ferme,
il savait faire prévaloir des opinions
toujours sages et consciencieuses; il
exerçait sur ses collègues, sur les mem-
bres de son parti l'ascendant que don-
nent une intelligence élevée et un pa-
triotisme désintéressé.
Th. Juste.
Di.'MOitCE.%iJ {Jean-Baptiste comte),
homme de guerre et d'Etat, né à
Bruxelles le 8 novembre 1760, mort
dans la même ville le 29 décembre 1821.
Dumonceau se destina d'abord à l'ar-
chitecture, compléta à Eome ses études
dans cet art et jouissait déjà d'une cer-
taine réputation lorsque les événements
de la révolution brabançonne l'entraî-
nèrent dans la carrière des armes qu'il
devait parcourir avec tant d'éclat. Les
états de Brabant lui donnèrent un brevet
de sous-lieutenant en 1789; sa belle
conduite lui valut successivement les
grades de capitaine et de major, et dans
les combats multipliés que les patriotes
belges livrèrent aux troupes de Jo-
seph II, pendant l'année 1790, Dumon-
ceau se fit une réputation de bravoure à
la tête d'un bataillon de volontaires
namurois que l'on désignait, à cette
époque, par le nom de Canaris. Obligé
de se réfugier en France, lors de la res-
tauration du gouvernement autrichien
en Belgique, Dumonceau rejoignit à
Douai ses anciens compagnons d'armes,
et dès que la France eut déclaré la
guerre à l'Autriche, il fut appelé au
commandement du premier bataillon
belge (20 avril 1792) à la tête duquel il
enleva la foudroyante redoute de Qua-
regnon, le jour de la bataille de Jem-
mapes et décida par là l'issue de cette
affaire mémorable. Il continua de pren-
dre part à toutes les opérations de Du-
mouriez et reçut le brevet de colonel en
juin 1792. » Les talents et l'intrépidité
Il du citoyen Dumonceau, colonel du
Il premier bataillon belge, écrivaient à
Il la Convention les représentants du
" peuple, sont au-dessus de tout éloge. »
Les services que le colonel Dumonceau
rendit à la bataille de Neerwinden le
firent promouvoir au grade de général.
Voici en quels termes le général LaMar-
lière motivait cette nomination, dans
une lettre écrite, le 5 juin 1793, au
représentant du peuple Gasparin : « Je
'/ vous recommande l'excellent officier,
" le citoyen Dumonceau, colonel du
-277
DUMONCEAU
278
« premier bataillon belge. C'est uu gé-
u néral de brigade que je serais très-aise
« d'attacher à ma division ; je lui con-
« fierais mes avant-postes. « Bientôt de
nouveaux faits d'armes vinrent justifier
les appréciations du général La Mai-
lière. « Les troupes de la division que
« j'ai l'honneur de commander, écrivait
Il le général Souham, général en chef
Il de l'armée de Lille, au ministre de
Il la guerre, viennent de donner des
Il preuves du plus grand courage
« Les postes de Eoucq, Halluin et
Il Minin n'ont pu tenir contre l'impé-
II tuosité des colonnes commandées par
" le général Dumonceau. »
La campagne de 179-1: fournit au
général Dumonceau l'occasion de dé-
ployer de véritables talents militaires :
les alliés se proposaient de marcher sur
Paris; pour les détourner de ce projet
qui avait beaucoup de chance de succès,
le général Dumonceau conçut l'idée
d'une diversion de l'armée française en
Flandre. Ce plan ayant été adopté par le
général en chef Pichegru fut couronné
d'un plein succès. La bataille de Tur-
coing (18 mai 1794), bientôt suivie de
celle de Fleurus (20 juin 1794), assura
aux républicains la conquête de la Bel-
gique et de la Hollande et lit évanouir
l'espoir des alliés de pénétrer au cœur
de la France. Le général Dumonceau,
après avoir assisté aux sièges de Bois-
le-Duc et de Nimègue, marcha sur
Dordrecht en traversant le Biesbos sur
la glace, s'empara de Breda par un
hardi coup de main et fut investi du
commandement supérieur de La Haye
(7 mars 1795). « Ce commandement
Il important, lui écrivait Pichegru, est
» un témoignage de ma confiance ; je
" compte que de ton côté, citoyen, tu
Il continueras à me donner ceux de ta
Il prudence et de ta sagesse «
Dumonceau justifia si bien les espé-
rances de Pichegru que les Etats géné-
raux lui offrirent le grade de général de
division dans l'armée des Provinces-
L^nies. Cette proposition, si flatteuse
pour celui qui en était l'objet, fut rati-
fiée par le comité de salut public, et
Dumonceau quitta momentanément les
rangs français, au grand regret du gé-
néral Moreau, qui avait succédé à Pi-
chegru et qui considérait comme une
perte pour les armes de la république
i'éloignement d'un officier général qui
avait donné tant de preuves de sou
mérite.
En 1799, les Anglais, unis aux
Eusses, espérant que les échecs que les
Français avaient .subis en Allemagne et
en Italie faciliteraient le rétablissement
du stadhouderat en Hollande, débar-
quèrent auHelder et s'établirent dans le
Zyp. Le général Dumonceau les attaqua
dans cette position et déploya pendant
cette opération une intrépidité à laquelle
les ennemis mêmes crurent devoir rendre
hommage. Quelques jours après, il rem-
porta, à Bergen, une victoire qui, plus
tard, lui valut le titre de com.te de Ber-
gendal. Appelé à l'armée d'Allemagne,
il fut chargé du siège de Wurzbourg,
mission dont il s'acquitta avec le zèle et
les talents dont il avait déjà donné des
preuves multipliées. Aussi, après la
conclusion du traité de Luné ville, le
ministre de la guerre Berthier lui écri-
vit-il : Il C'est dans le moment où la
u France et ses alliés commencent à
Il jouir du bienfait de la paix que
Il leur satisfaction doit se manifester à
" l'égard de tous les braves qui la lui
Il ont procurée et plus spécialement à
" l'égard de ceux d'entre eux qui y ont
Il contribué par des preuves éclatantes
Il de talents et de bravoure. Le gouver-
u nement français, en reportant les
« yeux sur cette liste honorable, a vu
Il que vous y occupiez une place distin-
« guée et ne veut pas vous laisser igno-
II rer combien il est satisfait de toute
Il votre conduite militaire et surtout
Il des services que vous avez rendus au
Il siège de Wurzbourg — ■'
Le général Dumonceau fit en Alle-
magne, avec un corps auxiliaire de
troupes bataves, les campagnes de 1805
et de 1806. En 1807, il fut élevé à la
dignité de maréchal de Hollande, par
le roi Louis, mais lors de la réunion de
la Hollande à la France, Napoléon, mé-
content du peu de docilité qu'il avait
rencontré chez son frère qui lui devait
279
DUMONCEAU — DUMONT
^280
sa couronne, ne voulut pas reconnaître
le titre de maréchal conféré sans son
consentement : Dumonceau fut réinté-
gré dans les rangs de l'armée française
avec son ancien grade de général de
division commandant la 25& division
militaire à Mézières.
Après la retraite de Moscou, il reçut
le commandement d'une di\àsion de
l'armée, qui pénétra dans la Saxe pour
arrêter la marche de la coalition contre
la France. Avec des troupes improvisées
qu'on avait levées à la hâte, Dumonceau
fit des prodiges dans les gorges de Kulm,
et, grâce à l'énergie qu'il sut inspirer à
ses jeunes soldats, il parvint non-seule-
ment à repousser les assauts réitérés de
la cavalerie ennemie, mais il réussit à
effectuer une honorable retraite en s'ou-
.vrant, à l'arme blanche, un chemin à tra-
vers des lignes prussiennes et russes.
Après le désastre de Leipzig, Dumonceau
se trouva enfermé dans Dresde avec le
corps du maréchal Saint- Cyr. Pait pri-
sonnier de guerre, au mépris d'une capi-
tulation qui garantissait le retour en
France, il fut envoyé en Hongrie et ne
recouvra la liberté qu'après les événe-
ments de 1814. Il revint en Belgique
après la seconde abdication de Napoléon.
Bien qu'il n'eût encore que cinquante-
cinq ans, le général Dumonceau fut mis
à la retraite, mais en 1820 ses conci-
toyens l'envoyèrent siéger à la seconde
chambre des Etats généraux, où l'indé-
pendance de son caractère ne se démen-
tit pas. Général baron Guillaume. •
De Stassart, Notices biographiques. — De
Bavay, Le général Dumonceau. — Guillaume,
Histoire des réqiments nationaux au service
d'Autriche. — Moniteur du temps. — Jomini,
Histoire des guerres de la révolution . — Mémoires
militaires sur la campagne de l'armée belgique
dans les Pays-Bas autrichiens pendant la révo-
lution de 1790.
OC >io:viiî (Gilles), historien, né à
Beauraing, dans le Luxembourg, eu
1565, mort à Lille le 17 septembre
1624. Après avoir pris le grade de
licencié en théologie, il devint chanoine
de la cathédrale de Namur, fonctions
qu'il quitta en 1603, pour entrer dans
la compagnie de Jésus. Successivement
recteur du collège de Namur et de Liège,
il remplit ensuite la charge de préfet
spirituel à Lille. Dès 1603, il fit ériger
pour lui-même, un monument funèbre
à la cathédrale de Namur, avec une épi-
taphe que Paquot nous a fait connaître.
Le père Du Monin, qui avait du
jugement et de la littérature, s'appliqua
à étudier l'histoire de la Belgique. On a
de lui : lo Sacrarium insignis ecclesice
catheâ redis D^ Lamherti Leodiensis . 1618.
Placard in-folio à trois colonnes, com-
prenant le catalogue des évêques de
Liège, des papes, cardinaux, écrivains
célèbres qui ont fait partie du chapitre
de Saint-Lambert. — '^o Sao'arium per-
antiqui comitatns Naimircensis. Leodii,
1619, in-12. Opuscule rare et curieux
indiquant les ordres religieux, les cha-
pelles, les couvents, etc., du pays de
Liège, placés sous la protection de la
Sainte Vierge. Ce petit ouvrage, bien
qu'il contienne deux ou trois fautes de
critique littéraire, peut cependant être
utilement consulté et se distingue par
l'exactitude des faits. — 2° Il a aidé
Arnold de Paisse pour son Auctarium ad
natales SS. Belgii, et lui a fourni les
notices des saints du comté de Namur.
Aug. Vander Meursch.
Valère André, p. 27. — Alegambe, p. 8 — Sot-
wel.p. 14. — Paquot, Mémoires littéraires, t. VI,
p. 261. — De Backer, Ecrivains de la Compagnie,
de Jésus, 1. 1.
nuMOiVT {Jeati-Bonaventure-Thléry),
comte de Gages, né à Mons le 27 sep-
tembre 1682, mort à Pampelune le
31 janvier 1753. Son père était con-
seiller à la cour souveraine de Hainatit.
J.-B.-T. de Gages se destina d'abord à
la magistrature. Il faisait ses études
lorsque l'avènement au trône d'Es-
pagne de Philippe d'Anjou, petit-fils de
Louis XI Y, donna lieu à la guerre de
la succession, en vue de laquelle on
organisa, en Belgique, le célèbre régi-
ment des gardes wallones, qui eut la
gloire de n'avoir jamais tourné le dos à
l'ennemi, bien qu'il ait rougi du sang de
milliers de ses officiers et de ses soldats
les champs de bataille de l'Espagne, de
l'Afrique, de la France et de l'Italie.
Le jeune de Gages qui, à cette épo-
que, n'avait que vingt ans, obtint un
^281
DUMOM
28-2
brevet de sous-lieuteuant dans ce corps
d'élite, où entra toute la jeunesse aris-
tocratique du pays, et il partit pour l'Es-
pagne afin de prendre part à la lutte
que le nouveau roi allait devoir sou-
tenir afin de conserver la couronne que
le testament de Charles II lui avait
léguée. De Gages fit avec distinction
toutes les campagnes de la guerre de la
succession, prit part au siège de Bar-
celonne, à l'expédition de Sardaigne, à
celle de Sicile, assista à la bataille de
Villa Franca, à l'expédition d'Afrique,
au siège de Gibraltar, à la conquête
d'Oran, à la bataille de Bitonto, et
grâce à sa bravoure, à son intelligence,
il s'éleva de grade en grade jusqu'à
celui de lieutenant-colonel de son régi-
ment avec rang de lieutenant général.
Il servit en cette dernière qualité
sous les ordres du comte de Glymes,
dans l'arniée de Catalogne destinée à
l'expédition de Minorque (1740). A la
fin du mois de septembre 1742, il fut
investi du commandement de l'armée
espagnole en Italie et battit les Autri-
chiens le 8 février 1743, à la bataille
de Campo Santo, dans le duché de Mo-
dène. Le titre de comte de Campo Santo
fut la récompense de ce glorieux fait
d'armes. L'année suivante, il se trouva
en présence de forces tellement dispro-
portionnées avec celles dont il disposait,
qu'il dut se replier sur le royaume de
Naples. Cette savante retraite, qui lui
a valu les suffrages de Frédéric II, le
couvrit de gloire ; » c'est alors, dit Jeau-
II Jacques Rousseau en parlant de cette
» campagne, que le comte de Gages,
Il après avoir battu les Autrichiens dans
" la Lombard ie, fit cette mémorable
Il retraite, la plus belle manœuvre de
Il guerre de tout le siècle, et dont l'Eu-
II rope a trop peu parlé «. Enfin le
comte de Gages, parvint à réunir ses
troupes à l'armée napolitaine comman-
dée par le roi don Carlos. En attendant
la reprise des hostilités, l'armée espa-
gnole s'était concentrée à quelques lieues
de Rome, non loin de Velletri. Dans la
nuit du 10 au 11 août 1744, elle y fut
surprise par un corps de 6,000 Autri-
chiens; un grand carnage eut lieu, et
le roi don Carlos eut été fait prison-
nier sans l'intervention énergique des
troupes wallones du comte de Gages,
qui, après la victoire, s'attribua noble-
ment la faute d'imprévoyance commise
par ses troupes : il écrivit à Philippe V
cette lettre pleine de candeur : « J'ai été
" surpris dans mon camp ; il a été forcé ;
" les ennemis sont entrés jusque dans
Il notre quartier général d'où ils ont
Il été chassés avec perte. Vos armes sont
" victorieuses et le royaume de Naples
Il est en sûreté ; mais ce succès appar-
'/ tient tout entier aux troupes de Votre
Il Majesté, leur valeur a réparé mes
" fautes que l'événement n'atténue pas
« et qui seraient impardonnables si je
Il cherchais à les dissimuler. «
Philippe V lui répondit en lui en-
voyant le collier de l'ordre de la Toison
d'or.
L'année suivante, le comte de Gages
battit l'armée austro-sarde à Bassignana
(25 novembre) et entra dans Milan le
19 décembre. Au printemps de l'année
1746, des renforts importants arrivèrent
d'Allemagne et rendirent la position des
Espagnols extrêmement périlleuse. Le
comte de Gages avait franchi le Tessin
dès le 8 février et avait forcé le général
de Lichtenstein à se replier derrière la
Secchia, mais, en présence des forces de
l'ennemi, il dut bientôt abandonner les
avantages qu'il avait obtenus. Ses sages
dispositions sauvèrent l'armée d'une
destruction complète après la malheu-
reuse bataille de Plaisance (16 juin)
livrée d'après les ordres formels de la
cour d'Espagne, et contre l'avis du comte
de Gages et de son collègue le maréchal
de Maillebois. Après avoir vaillamment
conduit les débris de son armée hors de
la portée des coups de l'ennemi, le
comte de Gages ne voulut pas conserver
plus longtemps un commandement que
les décisions de la cour le mettaient dans
l'impossibilité de remplir avec honneur :
il demanda son rappel. En 1749, il
fut nommé vice-roi, gouverneur et capi-
taine général de la Navarre, et rendit à
cette province de grands services par
l'intelligence et l'ordre de son adminis-
tration; il la dota notamment de belles
-283
DUMONT
284
routes, à l'exécution desquelles il con-
tribua souvent de ses propres deniers.
Le roi d'Espagne Charles III fit
élever à ses frais, dans l'église des capu-
cins de Pampelune, à la mémoire du
comte de Gages, un superbe mausolée
en marbre, dont il composa lui-même
1 épitapiie. Général baron Guillaume.
Frédéric H, Histoire démon lewps. — Slassart,
Biographie du co)i)tc de Gages.— (juiilaume, His-
toire des gardes v:aHones au service d'Espagne.
or.noxT {André-Euberf), géologue,
né à Liège le 15 février 1809, décédé en
cette ville le 28 février 1857. Son père,
.Jean-Baptiste, était géomètre des mines
et s'occupait en outre de chimie indus-
trielle avec son oncle, Barthélémy Du-
mont. L'histoire naturelle du pays avait
aussi attiré leur attention, et ils collec-
tionnaient des minéraux et des plantes.
C'est au milieu de leurs travaux que le
jeune André Dumont reçut sa première
éducation. Il quitta l'école primaire à
l'âge de douze ans; trois ans j^lus tard,
son père l'envojait à Paris chez des pa-
rents, pour y apprendre le commerce;
mais sa vocation le ramena bientôt à
Liège. Il s'adonna à la minéralogie, à
l'horticulture, à la musique, au dessin,
apprit un peu de mathématiques, ac-
compagna son père dans ses visites de
mines et l'assista dans ses travaux. Le
27 janvier 1838, il fut nommé arpen-
teur et géomètre des mines. Ces pre-
mières occupations ont sans doute influé
beaucoup, comme l'a dit d'Omalius, sur
la tendance stratigraphique de sa mé-
thode.
La même année , l'Académie de
Bruxelles mit au concours, pour 1830,
la question suivante : " Faire la des-
« cription géologique de la province de
« Liège, indiquer les espèces minérales
« et les fossiles quon y rencontre, avec
" l'indication des localités et la syno-
" nymie des noms sous lesquels les
« substances déjà connues ont été dé-
" cri tes. « Dumont profita de l'occa-
sion, parcourut la province dans tous
les sens, puis soumit à l'Académie un
mémoire portant pour épigraphe : " On
« ne peut établir avec certitude l'âge
» relatif des roches primordiales d'après
Il leur inclinaison. » Sur les rapports
de d'Omalius, de Sauveur et de Cau-
chy, la médaille d'or fut décernée à
l'auteur, le 5 mai 1830; le mémoire
parut en 1832 {M cm. cour. Acad. de
Belcj., t. YIII). L'épigraphe de ce mé-
moire est caractéristique et marque, à
elle seule, un grand progrès; mais le
mémoire lui-même avait une tout autre
importance. Aussi d'Omalius, désirant
s'assurer, avant de se prononcer, de
l'exactitude des faits avancés, alla à
Liège demander à l'èminent minéralo-
giste Lévy d'être mis en rapport avec
l'auteur. Ce grand géologue raconte ,
dans la Notice hiograpli'iqiie qu'il a con-
sacrée à Dumont, l'étonnement qu'il
éprouva en présence d'un jeune homme
de vingt ans, qui paraissait n'eu avoir
que quinze, l'anxiété de celui-ci, dont
le premier essai de démonstration sur
les lieux n'avait pas abouti, et sa joie
lorsqu'une nouvelle exploration lui per-
mit de fournir la preuve de ce qu'il
avait avancé. Dumont lui garda tou-
jours une vive reconnaissance de cette
démarche, et dès ce moment il put
compter sur un protecteur, digne ap-
préciateur de son mérite.
La plus grande partie du mémoire
couronné, et de beaucoup la plus im-
portante, est consacrée aux terrains pri-
maires, ou primordiaux, comme les ap-
pelait d'Omalius. Comme ce dernier,
Dumont les divise en trois : le terrain
ardoisier, l'anthraxifère et le houiller.
Mais, grâce à l'emploi méthodique de la
stratigraphie, il dépasse de loin tous ses
prédécesseurs par la démonstration ri-
goureuse, d'abord de l'ordre de succes-
sion de ces trois terrains, puis de la
constitution et de l'allure du terrain •
anthraxifère, dans lequel il reconnaît
quatre systèmes alternativement quar-
tzoschisteux et calcaires , disposés en
selles et bassins dont les ondulations
expliqiient le nombre des bandes cal-
caires du Condroz, variable suivant les
localités. Nous avons eu l'occasion d'ap-
peler ce résultat la plus grande décou-
verte stratigraphique du siècle : nous
persistons à croire qu'aucune autre n'en
dépasse l'importance. Son mérite, en
â85
DUMONT
"286
effet, n'est pas exclusivement local :
c'est un modèle de méthode rigoureuse,
dont l'influence se reconnaît bientôt
dans les travaux contemporains. Toute-
fois, s'il trouva de chauds partisans à
l'étranger, il n'y rencontra pas d'abord
tout le succès qu'il méritait. Malgré
l'assentiment de d'Omalius, on élevait
des doutes sur ses assertions. Mais, en
1835, la Société géologique de France,
réunie en session extraordinaire à Mé-
zières , poussa ses excursions jusqu'à
Gembloux pour étudier la question.
D'éminents géologues anglais, entre
autres Buckland et Greenough saisirent
cette occasioû pour l'examiner. Dû-
ment, reçu membre de la Société, puis
nommé secrétaire lors de la première
séance de la session, eut le bonheur de
voir ses idées accueillies par ce savant
aréopage (1). La publication du compte
rendu dans le Bulletin de la Société géo-
logique leur donna une large publicité.
Portées au delà de la Manche, elles lui
valurent, le 5 février 1840, sur la pro-
position de Sedgwick et de Fitton, la
médaille de WoUaston.
Après le succès du concours de 1830,
Dumont chercha à compléter ses études
et se fit inscrire à l'université de sa ville
natale. Le 14 janvier 1835, il y reçut
le diplôme de docteur en sciences phy-
siques et mathématiques. Il était cor-
respondant de l'Académie de Bruxelles
depuis le 5 avril 1834. Le 5 décembre
1835, il était nommé professeur extraor-
dinaire à l'université de Liège et chargé
des cours de minéralogie et de géologie,
qu'il donna d'une manière brillante jus-
qu'à sa mort. Sur sa proposition, et de
l'avis conforme de l'Académie, le gou-
vernement décida l'exécution d'une carte
géologique de la Belgique, sous les aus-
(1) Suivant quelques biographes, Dumont était
sur le point (le ])artir pour 1 Italie, loisque d'Oma-
lius 1 informa d'une ])iocliaine réunion de la
Société géologique de France ii Méziorcs. Cette
circonslauce, ajdutcnl-iis, ne modilia en rien la
résolution du jeune géologue, qui se borna ii prier
son illustre confrère de le représenler à cette réu-
nion scienlitique. Nous ignorons les documents,
sans doute inédits, sur lesquels ils s'appuient;
mais il nous parait impossible de rejeter le texte
formel du compte rendu injprimé, qui nous si-
gnale Dumoni comme un des secrétaires de la
réunion de Mézières.
pices de ce corps savant. Un arrêté royal
du 31 mai 1836 le chargea de dresser
la carte des provinces de Hainaut, de
Namur, de Liège et de Luxembourg;
on lui donnait trois ans pour accomplir
cette mission. Il ambitionnait un plus
vaste travail : la carte de tout le pays.
Il accepta néanmoins, et, le 25 septem-
bre de l'année suivante, à la demande
de l'Académie, ses légitimes désirs se
trouvèrent accomplis : il était chargé de
dresser la carte géologique de la Bel-
gique et l'on prorogea d'un an le terme
fixé d'abord. Dans l'intervalle (15 dé-
cembre 1836), il avait été élu. membre
efléctif de l'Académie.
Avec cette mission commence pour
Dumont une période de travail assidu,
qui absorba, non pas quatre, mais seize
années de son existence, durant chacune
desquelles une centaine de jours fut
employée aux études sur le terrain. Sou-
tenu par une volonté énergique et par
l'amour de la science, il sut mener à
bonne fin ce vaste travail, dont l'exac-
titude dans les détails est d'autant plus
appréciée qu'on a plus souvent l'occasion
de s'en servir et de le contrôler en face
des faits.
En 1849, il présenta, manuscrite, à
l'Académie, la Carte çjéolor/ique de la
Belrjique, à l'échelle du 1/160,000, eu
neuf feuilles. Bientôt après, il lui sou-
mit la Carte géologique de la Belgique,
indiquant les terrains qui se trouvent en
dessous du limon îiesbayen et du sable
campinien : c'est la même que la précé-
dente, mais les dépôts quaternaires sont
supposés enlevés, de manière à montrer
les formations qu'ils nous dérobent gé-
néralement sur les deux tiers du pays.
Ces deux cartes ne furent mises dans le
commerce que plus tard. La première
parut à Bruxelles en 1853, la seconde
en 1856, à l'établissement géographique
de Vander Maelen, qui a rendu tant de
services au pays. Dans l'intervalle ,
Dumont avait fait paraître sa Carte
géologique de la Belgique et des contréei>
voisines, représentant les terrains gui se
trouvent eu-dessous du limon hesbayen et
du sable campinien, 1 f. au 1/800,000.
La première édition, coloriée à la main,
-287
DUMONT
288
vit le jour à Bruxelles, en 1849, chez
Yauder Maelen; un deuxième tirage
fut imprimé eu couleurs à l'imprimerie
impériale de Paris, en 1855 ; enfin, une
troisième édition , due aux soins du
capitaine Hennequin, fut imprimée eu
couleurs à Bruxelles, chez Eigenbrodt,
en 1876. Cette carte est un modèle de
finesse qu'on n'a pas encore surpassé
et qui justifie le grand succès qu'elle a
obtenu. Xon-seulement elle permettait
d'apprécier l'immense progrès qu'avait
fait la géologie de la Belgique, mais en-
core, s' étendant jusqu'à Paris, à Stras-
bourg et à Mayence, elle montre les re-
lations reconnues par Dumont entre les
formations contemporaines de la Bel-
gique, de la France et des provinces
rhénanes.
Pendant qu'il travaillait à cette œuvre
colossale, Dumont trouva le temps de
faire à l'Académie des communications
importantes. Telles sont, tout d'abord,
sa Notice sur t/ne nouvelle espèce de phos-
phate ferrique {Bull. Acad., t. Y), et ses
Tableaux analytiques des minéraux et des
roches {Mém. Acad., t. XII), composés
pour faciliter à ses élèves" la détermina-
tion des substances minérales. Il cher-
cha à y combiner les avantages de* la
méthode naturelle et ceux de la méthode
analytique, et il y donna une classifica-
tion remarquable comme constitution et
distribution des familles de minéraux.
Tiennent ensuite sa note Sur la valeur
du caractère paUontolofjique en géologie et
les deux répliques qu'il adressa à M. De
Koninck [Bull. Acad., t. XIY). Ce
savant profssseur venait d'ouvrir à l'uni-
versité de Liège un cours de paléonto-
logie. Dumont saisit l'occasion d'atta-
quer les applications de cette science.
S'il est permis de penser que le moment
était mal choisi, il n'y a pas lieu de
regretter ce débat, puisqu'il obligea les
savants à scruter de près la valeur d'une
méthode dont on avait parfois abusé.
La Note sur la division des terrains en
trois classes d'après leur formation, et sur
V emploi du mot geysérien pour désigner
la troisième de ces classes {Bull. Acad. ,
t. XIX), — c'est-à-dire les masses que
l'on suppose venues de l'intérieur de la
terre par voie aqueuse, — marque aussi
un progrès qui a été immédiatement
reconnu. Dans sa Note sur V emploi des
caractères géométriques résultant des mou-
vements lents du sol pour établir le synchro-
nisme des formations géologiques (Ibid.),
il appela l'attention sur un des moyens
les plus utiles et les plus sûrs d'arriver
à la solution d'un problème toujours dif-
ficile, celui d'établir le synchronisme des
divers étages d'un terrain dans des bas-
sins distincts, mais voisins, ou même
dans les parties séparées d'un même
bassin. Joignant l'exemple au précepte,
il appliqua sa méthode à la détermina-
tion du parallélisme de nos divers étages
tertiaires avec ceux du bassin de Paris
et ceux des deux bassins anglais. Les
résultats remarquables auxquels il est
parvenu attestent l'importance de ces
considérations toutes nouvelles. Il re-
vint sur ce sujet dans ses Observations
sur la constitution géologique des terrains
tertiaires de V Angleterre comparés à ceux
de la Belgique (Bull. Acad., t. XIX), et
dans ses Coupes des terrains tertiaires de
l'Angleterre (Ibid.). Du reste, sa Note
sur la position géologique de l'argile ru-
pélienne (Bull. Acad., t. XVIII), ren-
versant le parallélisme établi, d'après
des données paléontologiques insufii-
santes, entre l'argile de Boom et l'argile
de Londres, avait mis hors de doute la
superposition de l'argile de Boom sur le
système tongrien et de celui-ci sur le
bruxellien. Elle assurait ainsi les fonde-
ments de la classification de notre ter-
rain tertiaire.
Dumont avait déjà fait connaître au-
paravant, par neiiî Bapports insérés dans
le Bulletin de l'Académie (t. III, lY, Y,
YI, Yll, YIII, XIII, XY et XYÏ), de
1836 à 1849, les progrès de son grand
travail d'exploration et la classification
qu'il suivait. Le troisième est accom-
pagné d'une Carte ifidiquant l'étendue
géographique du dépôt moderne de la
Flandre et les limites maritimes de la Bel-
gique ancienne; le quatrième, d'une Carte
géologique des environs de Bruxelles, et
le cinquième, d'une Carte géologique des
environs de Louvain. Le huitième s'oc-
cupe particulièrement des applications
289
DUMONT
290
(le la géologie, et de l'utilité de la carte
géologique pour l'agriculture comme
pour l'iudustrie minérale. Il y signale
sept zones, à la fois géologiques et agri-
coles : 1« les terrains secondaires du
sud du Luxembourg, se rattachant à la
Lorraine; 'i'^ l'Ardenne; 3' le Condroz
avec la Famenne; 4' la Hesbaye, ou
plutôt la région recouverte du limon
hesbayen; 5t> la Campine, ou mieux, la
région du sable campinien ; 6 ^ l'argile
des polders; 7° le sable des dunes. Il
fait ressortir l'influence du sol de cha-
cune sur sa végétation et signale les
amendements que l'agriculture peut
trouver à sa portée. Avec ces indications,
rien n'est plus simple que de transfor-
mer la carte géologique en carte agri-
cole; ce qu'on a fait. Le dernier rapport
renferme l'exposé de la classification
adoptée pour la carte géologique, qu'il
présentait le même jour à l'Académie.
Il y expose siirtout la constitution de
notre terrain crétacé. Malgré sa conci-
sion, cette notice a jeté un jour nouveau
sur une formation qui était à peine
connue. Les synchronismes que Pumont
admettait peuvent être sans doute aban-
donnés ; mais le résultat de ses observa-
tions stratigraphiques a été généralement
confirmé par les travaux importants qui
ont paru depuis, et que l'on doit surtout
à MM. Briart et Cornet. Quant à la
classification du terrain tertiaire, elle
fut légèrement modifiée, deux ans plus
tard, dans la Note sur la jjosition géolo-
gique de Vargile rupelienne. C'est alors
qu'il établit le système panisélien, in-
termédiaire entre l'yprésienet le bruxel-
lien, et le système laekenien, entre le
bruxellien et le totigrien.
Citons encore sa Noie sur wie applica-
tion de la géologie à la recherche d'eaux
souterraines {Bull. Acad., t. XVIII),
où il expose les principes du projet qui
a été réalisé depuis pour l'alimentation
de la ville de Liège.
Des travaux plus développés, renfer-
mant les résultats coordonnés de l'en-
semble de ses observations sur un tL;r-
rain, ont paru dans les Mémoires in-4-o
de l'Académie. INous avons d'abord le
Mémoire sur les terrains triasique et Ju-
UIOGIt. NAT. — T. VI.
rassiqne de la province de Luxembourg
(t. XV; 18-i3); puis le Mémoire sur les
terrains ardennais et rhénan de V Ardenne ,
du Rhin, du Brahant et du Condroz
(t. XX, 1847, et t. XXII, 1848), mé-
moire qui partagea le premier des prix
quinquennaux 'des sciences naturelles,
pour la période 1847-1851, avec les
travaux de MM. De Koniuck et P. Van
Beneden. Les terrains étudiés par l'au-
teur correspondent à l'ancien terrain
ardoisier compris entre l'Escaut et le
lîliin. Après de longues et laborieuses
recherches, Dumont parvint à débrouil-
ler presque complètement cette grande
formation, que l'on connaissait à peine.
Il commence par y reconnaître deux
parties, séparées, dans les Ardennes,
par une discordance de stratification.
L'inférieure devient le terrain arden-
nais, qu'il divise en trois systèmes : de-
villien, revinien et salmien. La supé-
rieure devient le terrain rhénan, parce
qu'elle est surtout développée sur les
rives du Rhin; elle est aussi divisée eu
trois systèmes : gedinnien, coblencien et
ahrien. Cette division du terrain ardoi-
sier est aujourd'hui acceptée sans con-
testation ; la subdivision a été contro-
versée, mais nous sommes convaincu
qu'on finira par reconnaître l'exactitude
des vues de l'auteur sur ce point. Du-
mont a été moins heureux pour les
affleurements ardoisiers du Brabant et
du Condroz, qu'il rapportait à son ter-
rain rhénan (devonien inférieur), tandis
qu'ils ont été reconnus pour siluriens,
l'ardennais correspondant au cambrien
des géologues anglais. Enfin, dans la
classification de la Carte géologique, le
terrain anthraxifère a absorbé le houil-
1er , qui ne figure plus que comme
système. Aujourd'hui cette classifica-
tion est abandonnée pour la classifica-
tion anglaise : terrain devonien (y com-
pris le rhénan) et terrain carbonifère;
mais, ce qui est plus grave, une par-
tie de l'anthraxifère, longeant au midi
l'arête silurienne dtl Condroz, paraît
devoir être considérée comme représen-
tant le rhénan de l' Ardenne. Quoi qu'il
en soit, on ne saurait trop regretter
c[u'uiie mort prématurée ait empêché
lu
-291
DLMONT
292
Dumont de coordonner de même l'en-
semble de ses observations sur les autres
terrains de notre pays : lui seul pou-
vait le faire. Ses manuscrits, notes de
voyage, cartes, etc., acquis après sa
mort par le gouvernement et déposés à
l'université de Liège, nous avaient été
remis, quelques années plus tard, pour
être publiés, puis, cà notre demande,
pour servir de base à une description
géologique détaillée du pays. En atten-
dant l'achèvement de ce grand travail,
nous fîmes mettre au concours , par
l'Académie , la description du bassin
houiller de Liège. Deux mémoires furent
couronnés, mais on n'obtint pas du gou-
vernement les fonds nécessaires pour les
publier. D'autre part, nos géologues les
plus distingués furent appelés à prendre
part à l'œuvre. MM. Briart et Cornet se
chargèrent du terrain crétacé, M. Ma-
laise, du quaternaire. M. Dupont, qui
nous avait refusé son concours, a fini
par persuader au gouvernement qu'il
était préférable de publier textuelle-
ment tous les manuscrits de l'illustre
géologue; et le soin de veiller à leur
publication a passé de nos mains dans
les siennes. l'n prochain avenir dira ce
qui convenait le mieux et à la mémoire
de Dumont et aux progrès de la science.
Après cette digression sur les cartes
et les mémoires de Dumont, revenons à
l'auteur. Sa carte achevée, il alla la pré-
senter au ministre de l'intérieur, M. Eo-
gier : il fut atterré de la froideur avec
laquelle on accueillait une œuvre qui ré-
sumait d'immenses travaux. D'Omaliusa
voulu expliquer cet accueil par des mo-
tifs politiques ; mais M. Payn, bien placé
pour être sûrement informé, l'attribue à
l'absence des mémoires explicatifs que
demandait l'arrêté royal décrétant l'exé-
cution de la carte géologique. Quoi
qu'il en soit, Dumont en fut profondé-
ment affligé. Il ne tarda pas néanmoins
à trouver à son chagrin de glorieuses
consolations; le reste de sa vie, comme
l'a dit excellemment M. A. Le Iloy, ne
fut plus, pour ainsi dire, qu'une longue
vation. Le 14 décembre 1846, il avait
été nommé chevalier de l'ordre de Léo-
pold; un des premiers actes du minis-
tère Piercot fut de l'élever au rang
d'officier, le 8 décembre 1854. Deux
mois auparavant, l'Association des ingé-
nieurs sortis de l'école de Liège lui
avait voté une médaille d'or de grand
module, qui lui fut remise le 9 avril
1854, tant pour ses travaux géologi-
ques que pour les services qu'il avait
rendus à rindu.strie minérale. Il fut
associé aux sociétés savantes les plus
illustres, et nommé chevalier de la Con-
ception de Yilla-Yiciosa. Malheureuse-
ment le travail excessif auquel il s'aban-
donnait finit par développer en lui une
affection nerveuse, qui fut attribuée à
une lésion cérébro-spinale. Les méde-
cins lui prescrivirent un repos absolu,
et, sur les instances de sa famille et de
ses amis, il résolut de faire un voyage
en Orient. Du 22 mars au 2 novem-
bre 1853, il parcourut successivement
l'Allemagne, l'Autriche, la Turquie,
la Grèce, l'Italie et l'Espagne; mais
l'amour de la science l'absorbait tout
entier, et ce qui n'aurait dû. être qu'un
voyage de repos se transforma en labo-
rieuse excursion géologiqiie. Le 2 no-
vembre, il arriva à Bordeaux; le 5, il
assistait à la séance de l'Académie de
Briixelles, puis courait au ministère col-
lationuer 75 exemplaires de sa carte
géologique (coloriés à la main).
Au cours de son voyage, il avait conçu
l'idée d'une carte géologique de l'Eu-
rope. A l'annonce de l'exposition uni-
verselle de Paris, il se décide à l'y faire
figurer. Tout à coup, il apprend qu'un
illustre géologue anglais, sir E. Mur-
chison travaille à une carte semblable,
et il hésite, mais pour un instant seu-
lement. La carte fut mise sous les yeux
de l'Académie le 7 juillet 1855. Elle
figura manuscrite à l'exposition \iniver-
selle, k côté de celles de la Belgique et
de la Carte géologique de S/m, Theux et
Pepinster , une feuille au 1/20,000
(Bruxelles, Tander Maelen, 1854). Ces
cartes valurent à leur auteiir une grande
médaille d'Jionneur. Le rapport du jury
est lin document trop important pour
ne pas être reproduit ici. « Les tra-
» vaux de M. Dumont se distinguent
Il 2>ar un rare talent d'observatiofi, qui
293
DUMONT
294
Il l'a conduit à subdiviser les forma-
II tions beaucoup plus qu'on ne l'a fait
Il jusqu'ici. C'est ainsi que le système
Il devonien du Geolof/ical Survey est
" composé, suivant Dumont, de huit
Il parties très-distinctes, dont cinq se
Il rapportent à son terrain anthraxifère
Il et trois à son terrain rhénan. Bien
Il que l'utilité pratique de ces subdivi-
II sions ne soit pas encore généralement
Il admise et qu'elle ait eu pour consé-
II quence d'imprimer à M. Dumont une
Il tendance à s'écarter de la nomencla-
II ture la plus employée, on ne peut
Il méconnaître la haute importance des
« travaux de cet éminent géologue ; car
n il faut le dire et le répéter, tonte la
y fjéologie de la Belgique est le fruit
I exclusif de ses propres observations.
n Un semblable travail, exécuté d'une
II manière aussi consciencieuse, su£it à
Il remplir la vie d'un homme et doit appe-
« 1er sur son auteur les distinctions les
Il plus /mutes. En conséquence le jury,
Il appréciant la valeur scientifique des
Il œuvres de M. Dumont en général et
« spécialement leur utilité pratique ,
" tant pour l'agricultiire que pour l'in-
" dustrie minérale, estime qu'il y a lieu
Il de lui accorder une grande médaille
Il d'honneur. » .Jamais distinction de ce
genre ne fut mieux ratifiée par le monde
savant. A Liège, l'administration com-
munale organisa une fête pour recevoir
les lauréats de l'exposition : Dumont
en fut le principal héros. La Société
d'Emulation, dérogeant pour la première
fois à ses statuts, lui décerna par accla-
mation le titre de membre honoraire.
Quelques jours après, le roi le nommait
commandeur de son ordre, tandis que
le roi de Suède lui envoyait la croix
de l'Etoile Polaire. Enfin les étudiants
lui offrirent son buste, exécuté en mar-
bre par un compatriote, M. E. Simonis,
et cette manifestation fut pleine de gran-
deur et d'enthousiasme.
Au commencement de l'année acadé-
mique 18.5f)-18.57, Dumont, nommé
recteur de l'université, prononça le dis-
cours d'usage à la séance de rentrée. Il
choisit pour sujet l'origine du monde
physique et la théorie de sa formation.
Ce discours n'a pas été publié. On a dit
que des collègues de Dumont l'avaient
trouvé quelque peu panthéiste. Nous
ignorons ce qui en est; mais nous pou-
vons assurer que Dumont n'inclinait
nullement vers le panthéisme. On re-
trouverait la plus grande partie de ce
discours dans son dernier cours de géo-
logie. Il n'est pas étonnant, d'ailleurs,
qu'abordant pour la première fois le ter-
rain philosophique, Dumont ait parlé
avec embarras une langue qui ne lui
était rien moins que familière. Comme
l'a dit M. Le Roy, il était resté presque
étranger à tout ce qui ne se rattachait
pas immédiatement à ses études favorites.
Malheureusement sa santé allait s'af-
faiblissant, et son enseignement, tout
en le distrayant, était loin de porter re-
mède au mal qui le rainait. Il ne se
faisait pas , du reste , illusion sur son
état. Souvent il nous confia la peine
qu'il éprouvait à l'idée de ne pouvoir
terminer ses travaux descriptifs. Il était
navré à l'idée que ses notes seraient
insuffisantes pour tout autre que pour
lui. Tout à coup, il fut atteint d'un
anthrax à la nuque qui l'enleva, en deux
jours, à la science, à sa famille, à ses
admirateurs et à ses amis. Ses funé-
railles furent mcagnifiques. L'évêque de
Liège y prononça son oraison funèbre.
A la salle académique , les autorités
universitaires et le gouverneur de la
province déplorèrent la perte que le
pays venait de faire. Les élèves de l'école
des mines prirent le deuil pour un mois.
A la chambre des représentants, M. le
ministre de l'intérieur rappela les titres
du défunt à la reconnaissance nationale.
Une souscription fut immédiatement
ouverte pour élever un monument au
savant illustre qui avait rendu tant de
services au pays; une statue de bronze,
due au talent de M. E. Simonis, fut
élevée devant la salle académique de
l'université et inaugurée le 17 juillet
1806, en présence de LL. MM. le roi
et la reine des Belges. La veuve, les en-
fants et la mère de I^umont assistaient
à cette imposante cérémonie, à la tète
d'une foule d'élite où l'on se montrait
d'éminents géologues étrangers.
^295
DUMOxNT
^296
Les qualités personnelles de Dumont
lui coucilièreut autant d'estime et d'af-
fection que son talent lui valut d'admi-
ration. On appréciait surtout en lui
« l'homme intègre, qui refusa son con-
II cours aux plus brillantes offres de
Il l'agiotage et sut conserver à la fois sa
Il propre estime et celle de ses conci-
II toyens. «
Pour la bibliographie, nous sommes
forcé, faute de place, de renvoyer aux
travaux de MM. Capitaine, ï"ayn et
Le Roy. g. Oewalque.
Souvenirs personnels. — Les journaux du tem])s.
— D'Omalius, ?\otice xiir A. uinnont {Annuaire
de l'Académie pour I8a8;.— U. Cajjitaine, Mécro-
loge liégeois pour 1857. — J. Fayn, André Du-
mont, sa vie et ses travaux — A. Le Roy,
L'Université de Liège — G Dewalque, Rapport
séculaire sur les travaux de la classe des sciences
de l'Académie : Sciences minérales, 1872.
i>i;mo:vt (Henri) ou Du Moxt,
organiste, compositeur et maître de
chapelle de Louis XIV, roi de France,
naquit à Yillers-rEvêque,près de Liège,
en 1610 et mourut à Paris en 16S-1. Il
fut placé d'abord comme enfant de
chœur à la collégiale de Saint-Servais à
Maestricht, puis, quelques années plus
tard, il entra à l'école de Liège, où il
poursuivit ses études musicales. Cette
école était florissante. Les préceptes des
vieux maîtres s'y maintenaient encore
en vigueur, alors qu'aux Pays-Bas, en
Prance et dans la Basse-.^ llemagne, par
suite des troubles de religion, l'art mu-
sical était menace d'une décadence iné-
vitable. Dumont rencontra dans la vieille
cité bon nombre d'habiles musiciens et
de savants compositeurs, Léonard Ho-
dèniont, maître de chapelle de la cathé-
drale j Henri Eemouchamps, Daniel
Raymond et Lambert Colen, attachés à
a même église ; Gilles Ileyne, qui était
intendant de la musique du prince-
évôque Ferdinand de Bavière; Jean
Dromal, qui dirigeait la maîtrise de la
collégiale de Sainte-Croix, et . d'autres
(encore qui sont tombés dans un oubli
immérité. C'est dans ce milieu actif et
intelligent que se forma notre jeune
artiste. Après une étude approfondie
de l'harmonie et du contrepoint, il se
trouva, un beau jour, compositeur dis-
tingué et, en outre, d'une rare habileté
à toucher les orgues et à manier l'ar-
chet de la basse de viole. Il excella sur-
tout sur l'orgue; au dire des contempo-
rains, il apporta dans le jeu de cet
instrument une perfection inouïe.
H. Dumont, en sa vingtième année,
avait reçu la tonsure et portait l'habit
ecclésiastique. Un événement inattendu
eut alors une grande influence sur son
avenir. Un colonel français, lui ayant
entendu exécuter quelques pièces de sa
façon, eut si bonne opinion de ses apti-
tudes qu'il voulut l'emmener à Paris.
Comme bien l'on pense, il n'eut point
de peine à se déterminer; il prêta l'oreille
aux discours de l'étranger, accepta ses
ofl'res et partit avec lui (1630?).
Ici la tradition nous fait défaut.
Nombre d'années s'écoulent pendant
lesquelles nous perdons la trace de notre
musicien : ses biographes et les mé-
moires du temps gardent sur cette phase
de sa vie un complet silence. Ce n'est
qu'en 1639, c'est-à-dire neuf ans après
qu'il a quitté le pays, qu'enfin nous le
retrouvons au moment où il prend pos-
session de l'orgue de l'église Saint-
Paul, rue Saint-Antoine. C'était l'une
des plus importantes paroisses de la
capitale ; jadis elle avait été celle des
rois de France, quand ils résidaient à
l'hôtel Saint-Paul et au palais des Tour-
nelles, situés dans le voisinage. Outre
son organiste, cette église avait encore
un maître des enfants de chœur chargé
de la direction des chantres au chœur et
au jubé. Celui qui occupait ce poste à
l'arrivée de Dumont était , croyons-
nous, un musicien provençal bien connu,
le chanoine Annibal Gantez, auteur du
curieux petit livre intitulé : V Entretien
des musiciens. Les relations de nos deux
artistes ne peuvent du reste avoir été de
bien longue durée; car, cédant à une
habitude invétérée, Gantez al)andonna
bientôt et place et confrère, pour se
remettre à vicarier, ainsi qu'il avait
fait naguère. Au demeurant, aimable
et spirituel compagnon, bien que
caustique, railleur et tant soit peu mé-
disant.
On ne négligeait rien, à l'église Saint-
297
DLMONT
298
Paiil, de ce qui pouvait relever les
cérémonies religieuses. Les jours de
fêtes s'y célébraient avec solennité et,
naturellement, la musique y tenait une
belle et large place. L'abbé Dumont eut
ainsi la bonne fortune de se produire
souvent; il ne se fit faute d'en profiter.
Ses fantaisies, ses improvisations sur
l'orgue, les motets, les psaumes qu'il fit
chanter, attirèrent l'attention du public
dilettante et établirent sa réputation
comme virtuose et comme compositeur.
Il n'écrivait pas exclusivement des mor-
ceaux religieux. On a de lui des livres
de Mélanges, où, à côté d'hymnes et de
cantiques, l'on trouve des pavanes, des
allemandes pour l'orgue et pour les
violes, et des pièces de chant sur les
vers mondains des poètes galants en
renom. Il prit une initiative qui fut
alors très-remarquée : il voulut appli-
quer à ses compositions une basse instru-
mentale distincte de celle de la voix,
que l'on nomme basse conthme. Cet
usage, venu d'Italie, s'était de bonne
heure introduit dans l'école de Liège.
Dès 1616, l'un des plus grands maîtres
de cette école, Pierre Bouhomius, dont
plusieurs belles œuvres sont aujourd'hui
encore au répertoire de la chapelle pon-
tificale, faisait imprimer à Anvers, chez
Pierre Phalôse, treize messes à 6, 8, 10
et 12 voix, avec une basse semblable
{cum hasso covtinuo ad organum). Peut-
être même ses motets, publiés en 1603,
1607, 1609 et 1611, ont-ils déjà un
aci^ompagnement de cette espèce. Néan-
moins, avant la venue de Dumont, il
n'était nullement question de cette basse
chez les musiciens français. Elle n'appa-
raît ni dans les productions d'Artus
Auxcousteaux, ni dans celles des deux
Bournonvilie, de Charles d'Helfer, de
Pierre Hugard, etc., qui parurent à
cette époque. C'était donc une nou-
veauté qu'apportait notre artiste. Aussi,
est-ce à très bon droit qu'il passe pour le
premier musicien qui, en France, ait
employé la basse continue. Quelques
écrivains mal informés lui en ont attri-
bué l'invention. Or, cet honneur revient
à Louis Viadana, célèbre musicien de
Lodi; et le premier usage qu'il fit de
cette basse remonte aux dernières années
du xvie siècle.
Les succès de Dumont lui valurent
les faveurs de la cour. Son Altesse
Eoyale, Philippe, duc d'Anjou, frère
unique du roi, le voulut avoir pour
organiste de sa maison. C'était la porte
ouverte pour arriver, un jour, à la cha-
pelle du roi. Par suite du décès de l'un
des maîtres, Eustache Picot, chanoine
de la Sainte-Chapelle du palais et abbé
de Chaulmois, une place devint vacante,
et Louis XIV, qui appréciait l'artiste
liégeois, la lui accorda. Il fit plus : il
l'investit de la charge de compositeur
de sa chapelle (1658?). A son tour, la
reine lui confia la direction de sa mu-
sique particulière et, pour le rémunérer
convenablement, lui fit obtenir la riche
abbaye de Silly, au diocèse de Séez, en
Normandie. Les quatre maîtres qui di-
rigeaient alors la chapelle du roi étaient
Pierre Robert, Thomas Gobert, Spirli
et Dumont, le nouvel élu; ils fonction-
naient à tour de rôle par quartier ou
trimestre. Dumont eut dans ses attribu-
tions le quartier des mois d'octobre,
novembre et décembre. Vers la fin de
1666, ou au commencement de l'année
suivante, Spirli vint à mourir, et, quel-
que temps après, Gobert demanda et
obtint sa retraite avec la pension. Le
roi ne les remplaça point, et Dumont et
Kobert demeurèrent seuls chargés du
service de la chapelle de Sa Majesté,
circonstance qiii a fait croire cà quelques-
uns que la chapelle royale n'eut jamais
plus de deux maîtres. C'est une erreur;
il y en avait déjà quatre sous le règne
précédent.
A cette époque sévissait la fameuse
querelle sur les cinq proposUionx de Jan-
sénius. liome les avait condamnées;
mais les jansénistes, ne tenant compte
de cela, s'obstinaient à discuter et à
éterniser le débat. Le roi, qui veut la
paix, s'impatiente enfin d'une si longue
résistance. Il menace de saisie au tem-
porel et de poursuites canoniques les
évêques, les ecclésiastiques qui ne sous-
criront pas purement et simplement le
formulaire contre les cinq propositions.
Vax Umu- (jualité de prêtres, Ouniout et
299
DUMONT
300
Kobert durent prendre parti. Avaient-ils
des attaches avec les jansénistes, avec
Port-Eoyal? On serait tenté de le croire;
car ils eurent la témérité de résister aux
ordres du roi. L'un d'eux alla même
jusqu'à déclarer qu'il aimerait mieux
renoncer à son bénéfice et à sa place,
que de faire une telle chose contre sa
conscience. C'était jouer gros jeu que de
rompre ainsi en visière à l'impérieux
monarque. Il n'en résulta cependant
rien de fâcheux : Louis XIV affection-
nait ses deux vieux serviteurs et il
daigna fermer les yeux sur leurs vel-
léités de penser avec indépendance
(1669).
Selon certaine légende, dont nul
n'avait ouï parler avant la seconde moi-
tié du siècle dernier, ce ne serait pas la
seule circonstance où Dumont se permit
de contrecarrer son maître. Une autre
fois et ceci fut plus grave, le roi ayant
entendu, dans les opéras de Lully, la
symphonie des violons se mêler agréa-
blement aux voix, manifesta le désir
que dans les motets chantés à sa cha-
pelle, on fit aussi intervenir les instru-
ments. Eobert l'essaya, tant bien que
mal; Dumont, au contraire, s'appuyant
sur les décrets du concile de Trente, se
refusa à l'introduction des violons. L'ar-
chevêque de Paris s'efforça vainement
de lui démontrer qu'il avait mal inter-
prété la prescription du concile, qui
proscrivait de l'église, non la sympho-
nie, mais la musique molle et efféminée
si peu digne d'être ouïe dans les lieux
saints. L'obstiné musicien ne se rendit
pas à ces raisons. Il ne voulut pas plus
s'incliner devant l'ordre du roi. Celui-ci,
en 1674, lui accorda sa vétérance. On
insinue, en terminant, que le concile
n'était qu'un prétexte que Dumont
invoquait, afin de dissimuler son inca-
pacité à se servir d'un orchestre.
Telle est la légende qui s'est pro-
pagée jusqu'à nous comme si elle disait
la pure vérité. Il s'en faut bien cepen-
dant; on peut aisément le démontrer.
Que nous parle-t-on de la répugnance
qu'aurait eue Dumont à composer ou à
faire exécuter de la musique religieuse
avec syniphonie? Mais c'est tout sim-
plement un non-sens, puisqu'il a bel et
bien composé des motets à grand chœur,
et même à deux chœurs, avec accompa-
gnement d'instruments. Que l'on voie
ci-après les n»» 3, 5, 6 et 7 de la liste
de ses œuvres, et l'on constatera l'exac-
titude de ce que nous avançons. Le livre
premier des Cantica sacra (no 3), daté
de 1662, prouve, en outre, que Dumont
n'a pas attendu les opéras de Lully pour
s'aviser de mettre de la symphonie dans
ses motets. Il est même en avance de
dix ans sur les opéras du Elorentin.
Voyons maintenant si le fait de la dé-
mission que le roi aurait donnée à
Dumont en 1674, est plus véridique.
Non, sans doute. Notre musicien a si
peu été mis alors à la pension, qu'il
était encore à son poste le 31 mars 1682.
Ce jour-là même, conjointement avec
son confrère Robert, et en sa qualité de
maître de musique du roi, il donne son
approbation à Gabriel Nivers, qui a
revisé et corrigé l'Antiphonaire et le
Graduel et va les publier. C'est une
pièce irrécusable à l'appui de notre
thèse. Nous en mettons le texte sous les
yeux du lecteur. La voici :
Nos infra scriptl, Henricus Bu Mont,
ahbas Syliaci, et Petrus Robert, abbas
Sancti Pétri Melodimensis, Christianissimi
Régis capellœ musices prafecti, notum
certum facimus Antiphonarium et Gra-
duale cantus eccïesiastici, opéra et studio
Guillelmi Gabrielis Nivers, ejusdem ca-
pellœ Régis organistce, necnon RegincB
musices prœfecti, correcta et coneimiata,
vere substantiam catitus Gregoriani de-
center ac rite modidatam omnino conti-
nere. In citjiis rei Jîdem stibscripsimus.
Datiim Parisiis, ultima die Martii, anno
gratiœ 1682.
H. Du Mont. Robert.
De ce qui précède il résulte que la
légende accueillie si facilement par les
biographes n'est basée que sur des faits
erronés. Nous croyons l'avoir prouvé à
suffisance; n'y insistons donc pas et
poursuivons.
L'on remarquait, depuis quelque
temps déjà, que l'attention du roi se
portait plus activement que par le passé
du côté de sa chapelle-musique. Il veut
301
DUMONT
30-2
que là, comme partout autour de lui,
régnent la splendeur et la magnificence:
sa grande préoccupation est d'augmenter
sans cesse le nombre de ses musiciens.
Cependant, au commencement de l'an-
née 1684, les maîtres Dumont et Ro-
bert, qui se faisaient vieux, demandèrent
à pouvoir se retirer. Avant d'agréer leur
demande, le roi trouva bon d'ouvrir un
concours, auquel tous les maîtres de
musique des cathédrales du royaume
furent appelés à prendre part. On
compta jusqu'à trente-cinq concurrents.
L'épreuve consistait dans la composi-
tion d'un motet. C'était l'idée du roi
d'avoir désormais quatre maîtres dans sa
chapelle. Ily eut donc quatre vainqueurs,
qui furent Goupillet, maître de musique
de l'église de Meaux, le protégé de Bos-
suet et de la Dauphine, disait-on; La-
lande, organiste de Saint-Jean-en-Grève,
le candidat préféré du roi; Colasse, élève
de Jean-Baptiste de LuUy, et enfin,
^linoret, maître de musique de Saint-
Germain l'Auxerrois. Dumont et son
confrère Robert prirent aussitôt leur
retraite, comblés des faveurs du souve-
rain.
Henri Dumont survécut bien peu de
temps à sa mise à la pension. Il mourut
à Paris le 8 mai 1684, à midi, et le
surlendemain, il fut inhumé en l'église
Saint-Paul sa paroisse, dont il avait été
organiste pendant quarante-cinq ans.
On éleva sur sa tombe, creusée au pied
de l'un des piliers du jubé, un mausolée
de marbre blanc en forme de pyramide
où son buste fut attaché. Appuyée contre
le mausolée et sous la figure d'une
femme éplorée, on voyait la Musique,
ayant à côté d'elle un orgue et une
basse de viole, les instruments favoris
du défunt, et tenant dans sa main une
page sur laquelle on lisait ces paroles
avec le chant noté : Siispendinms ofgana
noatra, et versa est in Itictum modulatio.
Le décès de Dumont fut acte ainsi sur
le registre mortuaire de l'église Saint-
Paul : » Le huictième (may 1684),
« Messire Henry Dumont, chanoine de
« Saint-Servais de Maestric, abbé com-
« mendataire de Nostre-Dame de Sil-
" ly, ancien maistre de musique des
« chapelles du roi et de la reine, est
« décédé dans le ... . Saint-Pierre
" à midy, duquel le corps a esté inhumé
" dans l'église Saint-Paul, sa paroisse,
« le 10 dudict moys. (Signé) Mercier,
Il Bignon, Raimbault. «
Dumont a joui en son temps d'une
réputation justement acquise. Il tint
en France, lui Liégeois, le premier
rang parmi les compositeurs de mu-
sique religieuse; tandis que, de son
côté, le Florentin Jean-Baptiste de
Lully tenait le sceptre à l'Académie
royale de musique. Les œuvres de Du-
mont, bien qu'elles aient été impri-
mées et réimprimées chez les Ballard
— en partie du moins, puisque nous
n'avons ni ses Messes, ni ses Te Deum,
— sont aujourd'hui d'une extrême ra-
reté. Il s'ensuit que la génération
actuelle ne connaît plus guère le vieil
artiste que par les messes en plain-chant
musical, àiies Messes royales , qu'il nous
a laissées et dont la popularité n'est
pas près de finir. Cependant, dans ces
derniers temps, ces messes ont été l'ob-
jet de critiques assez peu mesurées. On
leur a reproché, par exemple, de n'être
pas écrites en pur style grégorien, et de
laisser à chaque pas transpirer la nou-
velle tonalité. Cela peut être vrai jus-
qu'à un certain point; mais enfin, il ne
faudrait pas perdre de vue que l'auteur
lui-même a déclaré les avoir faites en
" plain-chant musical " . Quoi qu'il en
soit de ces critiques, il n'en reste pas
moins de notoriété qu'avec Gabriel Xi-
vers et quelques autres, Dumont fut
l'un des meilleurs plain-chantistes de
l'époque. S'il en fallait administrer une
preuve, nous citerions l'hymne de San-
teul : Hymnis dum resouat curia cœUtum,
qu'il a notée dans le cinquième ton
(voy. Ilymni sacri et novi, autore Santolio
Fidorino. Parisiis, 1698. A la fin);
c'est un petit chef-d'œuvre d'expression
et de goût.
Nous terminerons cette notice en y
joignant la liste des œuvres d'Henri
Dumont, telle qu'il nous a été possible
de la dresser : 1" Meslanges à I, II, III,
IV et V parties avec la basse continue,
contenant plusieurs c/iuusoiis, viotets. Ma-
303
DUMONT
304
gnijicats, préludes et allemandes pour
Vorgv.e et les violes. Livre premie}'. Paris,
Ballard, 1649, in-4o. — 2o Meslan-
ges, etc. Livre second. Ibid., 165 7. Ce
livre contient trente et \ine pièces,
savoir : dix-neuf chansons françaises
à trois voix, une pavane pour trois
violes et onze morceaux d'église, de-
puis deux jusqu'à six voix. La biblio-
thèque du Conservatoire de musique de
Paris possède les parties de haute-taille
et de basse continue de ce second livre
de II Meslanges « . Celles de dessus, des-
sus de viole ou bas dessus, haute taille
et de basse, se trouvent dans la pré-
cieuse collection de M. Gustave Fran-
cotte, bibliophile distingué, à Liège. —
3o Cantica sacra II, III, IV voc. et
instruTiieiitis raodulata, adjectce iuidem
litaniœ II vocibns, ad libitum III et IV,
cum hasso continuo. Liber primm. Paris,
ibid., 1662. En citant cet ouvrage dans
son Musical iscJ/es Lej'icon, Walther lui
donne, d'après la Bibliotheca Duboisiana,
la date fautive de 1652. Constatons pour
mémoire la présence des instruments
dans ces Cantica, de même que ci-après
dans les motets consignés aux nos 5^ 6
et 7 . — 4" Motets à deux voix et la basse
continue. Ibid.,- 1668, in-4o. On trouve
à la bibliothèque nationale de Paris
(supplément français, no 1252), un ma-
nuscrit in-folio de 87 pages qui, peut-
être, est une copie de ce recueil. Il est
intitulé : Vingt-huit Motets à deux voix
de la composition de M. Lumont, J/e de
musique de la chapelle du roy, recueillis
par Philidor Vaisné,eu 1690. — hoMotets
à deux, trois et quatre parties poiir voix
et instruments, avec la basse continue.
Paris, Christophe Ballard, 168], in-4o.
C'est, ce nous semble, le livre second
des Cantica sacra inscrits sous le no 3 .
— 60 Motets pour la chapelle du roi, mis
en musique par M. Dumont, etc. Ibid.,
1686, in-4o. — 7° Motets à denx chœurs.
Seize parties. Nous transcrivons ce titre
laconique, ainsi que ceux des nos 8, 9
et 10, d'aprèsun catalogue deJ.-B. Chris-
tophe Ballard, placé à la suite d'une nou-
velle édition qu'il a donnée de la messe
Laudate, pueri, Dominum, de Pierre
Hugard, maître des enfants de chœur
de Xotre-Dame de Paris, vers le milieu
du XTiie siècle. Il se pourrait que ces
motets fissent double emploi avec ceux
du no 6. Dans tous les cas, voilà bien
des motets à deux chœurs, avec accom-
pagnement de huit instruments. Ajou-
tons que le Conservatoire de musique de
Paris possède un volume manuscrit
grand in-folio, marqué A, copié par
Philidor l'aîné, contenant les morceaux
suivants : lo Benedic, aiiima mea, Do-
mino, à grand chœur et symphonie;
2o Benedictus Domimis Beus Israël, id.;
30 Confitebimur tibi, Beus, id.; 4o Quem-
admodum desiderat , idem, et enfin,
50 Magnifcat, à deux chœurs, idem. —
80 Motet de V Eternité, à voix seule avec
la basse continue. (Dans le catalogue de
Ballard, cité plus haut.) — 9» Motets et
élévations à deux parties, avec la basse
continue. (Catalogue cité.) Nous signa-
lerons un rare petit livret qui se rapporte
évidemment à ce recueil, et qui est inti-
tulé : Motets et élévations de M. Bu Mont,
pour le quai'tier d'octobre, novembre et
décembre mil six cent soi.vante-six. S. 1.
(Paris), in-12. Il contient le texte sans
musique des morceaux annoncés ci-des-
sus, c'est-à-dire trente motets et trente
et une élévations. — lOo Les .Airs et
basse continue de Bu Mont, paroles de
M. Godeau. (Catalogue cité.) Ces mor-
ceaux font partie du t. II d'un Recueil
d'airs spirituels en trois volumes, publié
chez Ballard. Plusieurs de ces psaumes
reparurent à la suite de l'ouvrage sui-
vant : Le Compagnon divin, ou les airs à
quatre parties sur la paraphrase des
Psaumes de Messire Godeau, par J. de
Gouy, esquels on a ajouté quelques airs de
la composition de M. Henry Bu Mont et
une nouvelle pièce . Londres, W. Pearson,
s. d. (A^ers 1680). Quatre parties, petit
in-4o oblong. — 11" Psaumes, cantiques
et motets à quatre voix, avec basse continue .
Ces morceaux se troiivent dans un volume
manuscrit grand in-folio, marqué B, de
la bibliothèque du Conservatoire de mu-
sique de Paris. Ils sont au nombre de
trente- cinq .Ce volume porte ces mots en
tête : Il Copiez et mis en ordre par Phili-
« dor l'aisné, ordre de la musique du roy
« et l'un des deux gardiens de la Bi-
30r
DU MONT
306
Il bliolhcqne de Sa Majesté. Fait à Ver-
II sailles en 1G97 ". — ■ 12" Cmq Messes
en plain-clmnt musical, appelées Messes
royales — composées par M. H. Du Mont,
abbé de Silly et vinître de cJiapelle du roi.
Paris, J.-B. Christophe Eallard, 1711,
in-folio. C'est la cinquième édition de ce
format. Nous ignorons quand parurent
les précédentes. A ces cinq Messes, il
en faut peut-être ajouter nne sixième.
M. Maurice Ardant, correspondant de
l'Institut de France, à Limoges, décou-
vrit en 1855, deux feuillets de vélin
contenant une messe inédite en plain-
chant musical, intitulée : Messe papale,
et portant la date de 1G90, qui^ très-pro-
bablement, est celle de la transcription.
nies communiqua à M. Vincent, membre
du comité de l'Institut, qui en fit un
rapport. Cette Messe papale est sans nom
d'auteur; mais immédiatement à sa
suite, on trouve le début d'une autre
messe, et celle-ci est précisément la
première du recueil publié par Dumoiit.
De cette proximité et d'autres considé-
rations qu'il fait valoir, le rapporteur
infère avec grande apparence de vérité
(\n.& X^, Messe papale ^eixi fort bien être
du même auteur. Cette messe a été
insérée dans le Bulleti)i, du cojnité de la
lathjue, de Vîdstoire et des arts de la
France (t. III, année 1855-1856), à la
suite du rapport de M. Vincent. On la
trouve également dans la Revue de mu-
sique ancienne et moderne, publiée par
Th. Xisard (Rennes, 1856, p. 124).
I-. Torry.
Guil. du l'eyi al, L'Histoire ecclésiastique de la
cour... de France, 16'k). — Lettre de M. le Gal-
lois à mademoiselle Reyiiaiilt de Snlier, tonrliant
la musique. KiSO — Lecerf de la Vieville de
Fresiieusu', Comparaison de la Musuine italienne
et de la Mnsiifue française, 1703-17015. — Titoii
du Tillcl, Le Parnasse français, [T.'d. — Oniux,
Histoire ecv lé siastii] ne delà cour de France, 1777.
— De La Borde, lissai sur la MnsUiac ancienne
et moderne, 1780. — L'ulvocat, Dictionnaire lus-
tnrii/ue, Hco. — Lacuiiilie, Dictionnaire des
Deaut-Àrts, I7(i6 — l''ouieiiai. Dictionnaire des
artistes, I77ti. — Félis, liioijrapliie <tcs ntnsicii-ns,
2'' édil., 1.S6I)-I80';, ('t les autres hingraplies spé
ciaux. — ReiiseigneuieiUs parlieulieis.
nVMOilT {Joseph), architi^cte distin-
gué, né en ISil à l^^usscddorfde parents
belges, mort à Saint-.)osse-ten-Noodc
lez-Bruxelles le 29 mars 1859. Il s'ap-
pliqua spécialement au style ogival ;
attaché à la commission royale des
monuments comme dessinateur et archi-
tecte, il fut chargé de la restauration
des églises d'Aerschot, Saint-Troud,
Saint-Hubert et Saint-Martin d' Ypres; il
restaura également le chœur et le cloître
de l'église de Nivelles et l'hôtel de ville
de Léau. Ses principaux travaux sont
l'église de Saint-Boniface à Ixelles, les
prisons cellulaires de Bruxelles, Liège,
Marche, Dinant, et surtout celle de Lou-
vain qui lui valut une médaille d'or; il
bâtit également la maison de correction
de Euysselede dans la Flandre occiden-
tale, bâtiment spacieux approprié pour
huit cents jeunes détenus, qui forment
iine colonie agricole. On estime qu'il
construisit environ trente églises de
style ogival en Belgique.
Eiiiilf Varenbergb.
Piron, Levensbeschrijvinf) .
nUMO^'T [Paul), écrivain ecclésias-
tique et secrétaire de la ville de Douai,
où il na([ui^en 1532 et mourut le 29 oc-
tobre 1602, fit ses humanités à Cambrai
sous la direction des clercs de la vie
commune. Il alla ensuite étudier à Lou-
vain et à Paris. De retour à Douai, il
fut nommé secrétaire de cette ville, et
occupa ces fonctions jusqu'à la fin de sa
vie. Dumont était un homme pieux et
zélé, qui consacra tous les loisirs que lui
laissaient les nombreux devoirs de sa
charge à étudier les ascétiques et à
traduire en français les livres de piété
écrits originairement en latin, en italien
ou en espagnol. Voici une indication
sommaire des publications dues aux
soins de Paul Dumont : 1j Commentaires
sur V oraison dominicale tirés de divers
auteurs; vol. in- 12, — 2^ La guerre
cJirestienne, vol. in-12; ces deux ou-
vrages sont cités par Paquot, qui ajoute
que celui-ci et le précédent sont les
seuls de la façon de l'auteur. P. Du-
mont a, on outre, traduit un grand
noml)rc d'opuscules ascéticiues dont on
trouve les titres dans Pacjuot. Celui-ci
lui attribue aussi une traduction des
Confessions de saint Augustin, et de quel-
307
DUMONT DE BURET — DU MORTIER
308
ques opusciiles ascétiques du P. Louis
de Grenade.
E.-H.-J. .Reuseiis.
Paqiiot, Mémoires, éd. in-fol., 111. p. o68. —
Dulhillœul, Bîbl.ographie douaisieniie, passim.
DU MOîXT DE BCKET (Pierre),
théologien, né vers 1505 à Thorenbais-
Saint-Trond, près de Perwez, de Pierre
du Mont et de Catherine Neix. Après
avoir achevé son cours de philosophie,
et obtenu le grade de licencié en théo-
logie, il devint régent de la pédagogie
du Faucon, à Louvain (1589), et fit si
bien reconnaître sa supériorité dans
cette fonction, qu'il fut proclamé rec-
teur magnifique de l'Université, au mois
d'août 1542. Investi de cette haute
dignité, il n'en profita que pour donner
un rare exemple d'humilité en prenant
la résolution d'abandonner le monde et
d'entrer dans l'ordre de Saint-François.
Après y avoir prononcé ses vœux, il fut
chargé de l'enseignement de la théolo-
gie, charge qu'il remplit avec le plus
grand zèle de 1545 à 1555.
Pierre du Mont devint ensuite gar-
dien ou supérieur du couvent des récol-
lets de Louvain. Il rempÏÏssait cette
charge au couvent d'Anvers, en 1578,
lorsque cà l'occasion de la Pacification de
Gand les députés des Etats firent pro-
poser aux récollets une formule de ser-
ment portant promesse « d'obéir à l'ar-
chiduc MatUas, de le défendre an prix de
leurs biens et de leur vie, et d'agir à
V égard de don Juan d'Autriche comme à
l'égard d'un ennemi. « Du Mont, qui était
doué d'un caractère très-ferme, donna
sur-le-champ la réponse suivante : " Ni
" moi, ni mes frères nous n'approuvons
" ni ne désapprouvons la Pacification
" de Gand, n'ayant à cet égard que des
" armes spirituelles avec lesquelles nous
" prions Dieu d'accorder la paix aux
« Pays-Bas et aux habitants d'Anvers,
" la persévérance dans la foi catho-
" lique, l'extirpation des hérésies et
« autant de prospérité temporelle qu'il
« soit nécessaire à leur salut. « C'était
le dimanche de la Pentecôte; le mer-
credi suivant, on engagea chaque reli-
gieux séparément à prêter le serment
prescrit. Le gardien et quatorze de ses
confrères, ayant refusé de la manière la
plus énergique, furent enlevés de leur
couvent, placés dans des bateaux et
conduits d'abord à Malines, ensuite à
Louvain. A leur arrivée dans cette ville,
une peste terrible y décimait la popu-
lation. Le père Du Mont succomba à ce
fléau, le 20 avril 1579, et fut enterré
dans l'église de son monastère.
Du Mont a laissé les ouvrages sui-
vants : lo Dominicœ passionis secundinn
quatuor JEcangelistas dilucida ernditaque
Enarratio ex vetericvi orthodoxorum com-
mentariis studiose desumpta atque concin-
nata. Antv., 1555 et 1565, in-12. Id.,
Multo exactiiis qiiam antea ab ipso authore
recognita. Antv. , Yidua et hseredes
Johannis Stelsii , 1571 , in-12 de
128 feuillets. Cette dernière édition est
dédiée à Martin Kythoven , évêque
d'Ypres, par une lettre datée d'Anvers,
31 mai 1571. — 2» Elucidationes in
septem psalmos pœ?iiientiales. Antv. ,
Johan. Stelsius, 1569, in-12. — Il
avait également rédigé une relation des
vexations endurées par lui et ses con-
frères en 1578. Le jésuite Del Eio en a
publié un résumé dans son ouvrage inti-
tulé : Commentarius rerum in Belgio
gestarum à Petro Henriquez. Colonise,
1611 , in-4o. Edw. van Even.
Molanus, Hist. Lov. — Valerius Andréas, Fasti
academici, 42, iù^. — Veriiuheus. Acad. Lov.,
p. -132. — Sanderus, Chorogr. xut., 111, 147. —
Paquot, V, 32o.
DU MORTIER {JérÔ7ne), poëte latin,
né à Lille vers l'an 1520 et mort dans
la même ville vers 1580. Sa famille
appartenait à la noblesse; son père,
Bruno Du Mortier, décédé en 1543,
avait une charge dans la robe (Prasidis
provinciœ assessor). Les maladies qui
affligèrent la jeunesse de Jérôme ne l'em-
pêchèrent pas d'entreprendre l'étude de
la jurisprudence, mais il ne tarda pas à
éprouver du dégoût pour cette science
et s'adonna tout entier aux belles-let-
tres. On croirait qu'il regretta plus
tard cette détermination; car dans une
pièce de vers adressée à l'aîné de ses
fils, étudiant en droit à Louvain, il
l'engage à s'appliquer sérieusement et
avec persévérance à l'étude des lois, lui
309
DU MORTIER
310
montrant les avantages qu'il en retirera
un jour. Quoique sa santé se fût amé-
liorée plus tard et que, comme il le dit
lui-même, il ne fût ni riche ni pauvre, il
ne rechercha aucun emploi public. En
1547 il se maria avec N. de la Capelle,
native de Bruges ou des environs de
cette ville. Cette union ne fut pas de
longue durée; sa femme mourut en 1563,
à l'âge de trente-cinq ans, après avoir
donné à son mari, dans l'espace de
quinze années, six fils et huit filles.
L'aînée des filles était morte quatre ans
avant sa mère, à peine âgée de dix ans.
Le soin d'élever une famille nombreuse,
encore en bas âge, fut une lourde charge
pour notre poëte. C'est probablement
dans le but d'en alléger le poids qu'il
épousa en secondes noces une demoiselle
De Lannoy, de Lille, dont il n'eut pas
d'enfixnts. La peste l'enleva, dans sa
soixantième année ; il fut enterré dans
l'église de Saint-Maurice. Jérôme Du
Mortier ne faisait pas imprimer ses vers
et se contentait de les communiquer à
ses amis. Il était parvenu à l'âge de
quarante-huit ans, lorsque, cédant aux
instances de ceux-ci, il se décida à en
publier un recueil; la préface, destinée
à être mise en tête, est datée du 29 fé-
vrier 1568. Nous ignorons les raisons
qui mirent obstacle ou firent renoncer le
poëte à cette publication. Ce ne fut
qu'un demi-siècle plus tard et quarante
ans après sa mort, que ce recueil de
poésies latines , en vers élégiaques ,
parut sous le titre suivant : Nobills virl
D. Hieronjimi du, Mortier Insidcml poe-
mata posthuma. Atrebati ex typ. G. Ei-
verii, 1620, de 150 pages^ non compris
l'index qui en compte six. Le recueil est
divisé en cinq livres qui portent les
rubriques suivantes : I. De studiis auc-
toris; IL De rébus bello (jedis; IlL De
Bacc/ianalibus ; IV, De fuueribus ; V. De
amore et odio. A propos de l'envoi parle
poëte d'une pièce de vers sur la victoire
de Gravelines, dans laquelle respire le
patriotisme le plus ardent, Auger de
Busbecq, qui était son ami et son pa-
rent, lui écrivit une lettre en prose
latine imprimée à la suite de la pièce;
les paroles flatteuses qu'elle contient
me paraissent des compliments de poli-
tesse plutôt qu'un jugement. Eoppens
qualifie Du Mortier de poeta non infeliv;
Paquot estime que ses vers sont un peu
au-dessus du médiocre. Je ne puis
qu'adhérer à ce dernier jugement. Un
petit-fils de notre poëte, Ferdinand De
Maubus, a résumé sa vie dans quatre
distiques, imprimés à la fin du volume :
Du Mortier jacet hic, Mtisis gratissimus, oliin
Clarus et anliqua nobililale patrum,
Ciii conjux eiiixa prior deciesque quaterqne est.
Altéra sed slerili visa cubure tlioro.
Hic, ut lustra dcceiii totideinque e.regerat annos,
Dujnus perpeluo vivere, peste obiit.
Si tainen is moritur, cujus inellita leguntur
Carmina, quique volât docta per ora virum.
i. Roulez.
H. Du Mortier, Poemata posthutna. — Fop-
pens, I, \i. 482. — Paquot, II, p. "22.
DU MORTIER (Nicolas), théologien,
philologue, né à Tourucxi vers l'an 1639,
mort à Eome en 1730. Après avoir
achevé ses humanités, vraisemblable-
ment dans sa ville natale, il alla faire
sa philosophie à Louvain au collège du
Lys et obtint le huitième rang dans le
concours général de l'année 1658 entre
les quatre pédagogies. Pendant un
voyage en Italie, il prit la détermina-
tion d'embrasser l'état religieux et entra
dans la congrégation des Clercs régu-
liers qui se vouent au soin des malades.
L'accomplissement des devoirs de son
ordre ne l'empêcha pas de s'appli-
quer à l'étude des langues grecque et
hébraïque et surtout à la théologie. Son
mérite lui fit confier l'enseignement de
cette dernière science dans la Maison de
Rome et plus tard la charge de général
de sa congrégation. On ne cite de lui
qu'un seul ouvrage intitulé : EtymoJogice
sacrœ (jrœco-latince, seu e grcecis fontibus
dcproviptœ, in qnibus omnia pêne vocabuJa
ab Hellade oriuuda ad theologiam positi-
vam, scliolasticum et moralem spectantia,
in didacticis, polemicis et Jiieroistoricis
mayis obvia , explicantur , enndeantur ,
variis eruditionibus ïllusirantur , etc.
Romte, typ. J. Jacob. Komarck, 1703,
in-fol. de xvi et 7-1.2 pages. Cet ouvrage,
dédié au pape Clément XI, était destiné
non-seulement aux théologiens et aux
prédicateurs, mais encore aux philo-
311
DUMORTIER
DUMOULIN
312
sophes et aux savants, principalement
à ceux qui ignoraient la laugue grecque.
En même temps que la signification des
mots, il fait connaître les choses que ces
mots servent à désigner; c'est un traité
d'antiquités autant que d'étymologie.
Paquot, qui écrivait un demi-siècle après
sa publication, le critique aussi bien
sous le rapport du style, qu'il trouve
trop diffus, que sous celui du fond,
auquel il y aurait, selon lui, beaucoup
à changer et à ajouter. Il reproche, en
outre, à l'auteur son recours, peu judi-
cieux Il à des moralités arbitraires et à
des allégories à perte de vue « .
J. Roulez.
Paquot, Mémoires, etc., t XI, p. 24. — Bulle-
tin de la Société histor.que et littéraire de Tour-
nai, 1. 1, p. 133
MJMORTIER (Paul), sculpteur^ né
à Tournai en 1763, mort au mois de
décembre 1S38. Elève à l'Académie de
sa ville natale, il ne quitta cette insti-
tution qu'après y avoir remporté le pre-
mier prix dans la classe supérieure; il
se rendit ensuite à Paris pour s'y per-
fectionner dans son art et parvint à se
faire admettre dans l'atelier de Moitte,
habile statuaire et membre de l'Institut
de France. Son talent s'y développa
promptement, et désireux de le mani-
fester parmi ses compatriotes, il re-
vint se tixer à Tournai; mais le temps
et le lieu n'étaient guère favorables.
Dumortier comprit les difficultés de sa
situation et se décida, bientôt, à diviser
son existence en deux parts : l'une
vouée aux travaux productifs, l'autre
aux labeurs attrayants; celle-ci consa-
crée à satisfaire sa vocation, celle-là à
subvenir aux besoins matériels de chaque
jour; en un mot, le sculpteur se fit
négociant, et, grâce au judicieux par-
tage de son temps, il ne dut pas renon-
cer à la qualification d'artiste.
En 1817, il sculpta un groupe de
grandeur naturelle, la Victoire couron-
vant le Lion behje, groupe dont il fit
hommage au roi des Pays-Bas, Guil-
laume 1er, et qui fut, par ordre de ce
souverain, placé dans la bibliothèque
publique de Tournai. En 1820, il
envoya à l'exposition à Gand une statue
de Bacchus, qui révélait ses persévé-
rante? études et justifiait la distinction
de membre de la Société royale de littéra-
ture et des beaux-arts, qui avait été ac-
cordée, dans la même aHIc, à l'artiste.
F. Slappaerts.
ncwornif [Gilles), guerrier intré-
pide, né, d'après un annotateur de
Van Gestel, à Wamont, près de Landen,
Oli son nom ne se rencontre cependant
pas dans les registres des baptêmes,
mort très-àgé le 7 octobre 17-46. Du-
moulin combattit d'abord dans les armées
espagnoles contre le roi Louis XIV et
acqiiit la réputation d'un officier aussi
entreprenant que courageux. Lorsque
les Pays-Bas catholiques passèrent à
Philippe V, duc d'Anjou, petit-fils du
monarque français, Dumoulin fut l'un
des chefs de partisans qui firent le plus
de mal aux armées alliées. Aussi s éleva-
t-il à une position très-honorable dans
la hiérarchie militaire. D'abord simple
commandant d'une compagnie franche
de dragons, qu'il leva en 170-1, il
devint successivement : en 1707, lieute-
nant-colonel; en 1709, maître de camp,
et enfin, le 15 mai 1722, brigadier de
dragons. Après que la victoire de Ea-
millies eut dépouillé Philippe V de la
majeure partie de nos provinces, Du-
moulin prit rang dans l'armée française;
il fut créé chevalier de l'ordre de Saint-
Louis et forma encore, en 1726, une
compagnie franche, dans laquelle son
fils (jilles-Guibert entra comme premier
lieutenant.
Le nom de Dumoulin a acquis qiielque
notoriété par le coup de main qu'il
tenta sur Louvain, pendant la nuit du
5 août 1710, à la tête de 150 dragons
et de 200 fantassins. La célèbre ville
universitaire se trouvait sans garnison,
mais elle avait pour premier bourgmestre
un homme d'une énergie peu commune,
.Jean-.Iacques Van de Ven, seigneur de
Piétrebais et de Geet-Betz. Après avoir
escaladé les remparts près du Moulin
de fer et s'être emparé de la Vieille
Porte de Bruxelles, Dumoulin s'avança
jusqu'au marché ; mais il ne réussit pas
à intimider les bourgeois, qui se réuni-
313
DUMOULIN — DU PLOUY
314
rent, au son du tocsin, sous la direction
de Vau de V'eu, attaquèrent les assail-
lants et les mirent dans une déroute
complète. C'est en récompense de ce
fait d'armes queles Louvanistes reçurent
de Charles d'Autriche, depuis empereur
sous le nom de Charles VI, une magni-
fique clef d'or, qui est encore conservée
à l'hôtel de ville. Van de Ven fut créé
vicomte de Louvain.
Dumoulin continua, pendant plu-
sieurs années, à inquiéter par ses incur-
sions la partie du Brabant voisine de
la Petite Gette, où il était né, où il
avait des propriétés et où il se créa
de nombreux adhérents, notamment à
Orp-le-Petit, en intervenant dans une
querelle qui s'était engagée entre les
habitants de ce village et le seigneur
M. de Villers, au sujet de quelques
prairies que les premiers soutenaient
être communales. En 1711, il fit arrêter
à Orp M. de Marneffe, l'un des amis de
M. de Villers, et le fit conduire à
Namur, où le prisonnier fut accablé de
menaces et aurait peut-être péri, si le
roi de France ne l'avait fait relâcher.
Dumoulin devint peu de temps après
propriétaire du château d'Orp-le-Petit,
qui appartient encore à sa famille et qui
a conservé l'aspect d'un manoir seigneu-
rial du xviie siècle, avec ses tourelles,
ses fenêtres à meneaux croisés, ses
pignons à angles sortants et rentrants.
On l'appelle actuellement la Grande
Censé. Dumoulin s'était allié à Cathe-
rine-Pétronille Malcorps. 11 laissa tous
ses biens à son fils (iilles-Guibert, qui
fut capitaine au service de France, et
ne légua ([ue 200 florins de rente à sa
fille Dieud. -Catherine, parce qu'elle
avait épousé, contre son gré, un capi-
taine de flragons réformé, nommé Jean
Marchai. Alphonse Waul.-r<.
Tiirlinr et Waulcrs, La Uel<j que ancienne et
ttioderne caiiloii de Jodoigiie, p. I5D cl iJîS8.
iiuiioUTiKit (Godefroid), peintre
portraitiste, né à Douai (ancienne Flan-
dre), exerçait son art pendant la pre-
mière moitié du xvii»' siècle. Il a gravé
sur bois et sur cuivre; on connaît no-
tamment de lui une planche burinée,
(le format in-4o, signée : A. Du M. Dua-
ceuais inv. etfecit liomœ, et représentant
l'ambassadeur marquis de Weeth. Les
biographes ne fournissent aucun détail
sur la vie de notre artiste. On voit
cependant par l'inscription de la planclie
qui vient d'être citée qu'il vécut quelque
temps à Eome et, dès lors, il n'y a rien
d'invraisemblable à supposer qu'il ap-
partenait à la famille de Dumoustier ou
Dumontier (comme on l'écrivait indiffé-
remment), dont plusieurs membres se
rendirent en Italie et s'y distinguèrent,
ainsi que le rapporte Félibien, par la
bonne exécution de leurs portraits.
F. StappaiMis.
Bl'iw ( Pierre - Jean - Charles va.iî ) ,
écrivain ecclésiastique, né à Anvers le
11 août 17-15, et décédé dans la même
ville le 30 avril 1824, entra dans la
compagnie de Jésus à l'âge de dix-huit
ans et enseigna les humanités successi-
vement à Anvers et à Malines jusqu'à la
suppression de la compagnie. Il se retira
ensuite à Anvers, où il fut ordonné prê-
tre et s'appliqua surtout au ministère
de la prédication. On a de lui : Leerrede-
nen op de zondagen van het jaer. T'Ant-
werpen, T. J. Janssens, 1825-1838,
8 vol. in- 8°. Cet ouvrage, publié après
la mort de l'auteur par l'abbé Buelens,
est un recueil de sermons sur les évan-
giles des dimanches et les principales
vérités de la religion.
E.-II.-J. Ucnsens.
De ISackcr, Diblinthvque des écrivains de la
Cuniiiarjnie de Ji'xus, éd. in-fol., I, col. 1083.
DiJPAiii {GuUlanme) ou Dupasius,
poiae, né à (îemljloux, mort en 1578,
prit l'habit des prémontrés et devint,
en 1552, abbé de Florelfe. C'était un
philologue instruit, qui se fit connaî-
tre par un recueil de poésies intitulé :
Foemata sacra. Leodii, 1577, in-S'. Il
mourut à Liège, où il s'était retiré pour
fuir les calamités de la guerre.
Aiig. Valider Mcerscl;.
iMipiiens, Dibliotheca bclijica, t I, p. 397. —
l'iruii, Lcvensheschrijvincj, byvoegscl.
uv M.ODV {Philippe), écrivain ecclé-
siasti(|ue, plus connu sous le nom de
CvPKiLN DE !Saintk-Makie, ué à Dix-
mude vers 1580 ou 151)0 et décédé à
Bruxelles le 23 mars 1653, entra dans
3iî
DU PLOUY — DUPONT
316
l'ordre des Carmes déchaussés, où il se
fit remarquer par ses talents pour l'étude
de la philosophie et de la théologie. Il
fut chargé successivement d'enseigner
ces deux sciences aux jeunes religieux
de son ordre. Il devint plus tard maître
des novices, puis prieur dans divers
couvents, et socius ou consulteur d'un
provincial qui se rendait à un chapitre
général de l'ordre, convoqué à Eome.
Enfin, de retour en Belgique, il fut
choisi pour confesseur par le prince
Charles de Lorraine, et continua à rési-
der à Bruxelles après la mort du prince
arrivée en 1631. On a de lui : 1» T//e-
saurus Cannelitarum, sive confrater^iitatis
sacri, scapularis excellentia. Colonise ,
Bern. Gualtherus, 1627; vol. in-12 de
xxii-453 pages, orné d'un titre gravé.
— 2o Joseplms TJieresia; Jioc est modus
colendi S. Joseph jtuia doctrinavii et exem-
plum S. TJieresiœ. Herbipoli, E. Zinet.
1630 ; vol. in-12. — 3o Paquot dit qu'il
composa aussi un Tractatihs de exercitiis
spiritiudibiis, etc., manuscrit qui, après
avoir appartenu à la mère Elisabeth
de J.-C, prieure des Carmélites dé-
chaussées d'Ypres, passa à un Carme
déchaussé d'Amiens, nommé Lucien de
Sainte-Marie, qui mourut à Charenton
le 18 décembre 1661.
E.-H.-J. Reusens.
Paquot, Mémoires, éd. in fol., 111, p. 161.
Di'POXT {Henri-Benis) , musicien
distingué^ naquit à Liège en 1660 ; il y
mourut le 1" septembre 1727. Admis
fort jeune parmi les choraux ou enfants
de chœur de la célèbre cathédrale de
Saint-Lambert, il fut successivement
élève du chanoine Pietkin, chef de cette
maîtrise, puis de son adjoint le bénéfi-
cier Pierre Lamalle, et reçut des leçons
d'orgue de Guillaume Delexhy, habile
organiste de cette église. En 1680,
celui-ci, qui commençait à sentir le poids
de l'âge et des infirmités, voulut pren-
dre sa retraite. Le chapitre mit la phice
au concours. Dupont, malgré ses loua-
bles efforts, se vit préférer Mathias
Oottire. Cinq ans après, la place rede-
vint vacante par le décès subit du titu-
laire. Pans le nouveau concours qui
s'ensuivit, Dupont l'emporta sur tous
ses conciu'rents (26 janvier 1685).
Tingt-huit ans plus tard, la maîtrise
perdit son maître habile, Pierre La-
malle, et Dupont lui succéda sans oppo-
sition. A son tour, il dirigea les études
des jeunes choraux, et notamment celles
de Jean-Xoël Hamal, qui fut tout à la
fois excellent compositeur pour la scène
et pour l'église.
D'abord simple bénéficier, puis, en
1702, doté d'une prébende de chanoine
impérial, Dupont était un lettré et avait
la réputation d'être très-versé dans la
théologie. Il collectionnait non-seule-
ment des œuvres musicales, mais des
livres. Il légua sa curieuse bibliothèque
à ses neveux, mais en leur « défendant
expressément d'en faire aucune vendi-
tion ni publique, ni particulière « . Ce-
pendant ses propres œuvres furent ra-
chetées, pour la somme de trente pis-
toles, par le chapitre cathédral, qui les
fit déposer dans sa bibliothèque musi-
cale. Selon le désir qu'il en avait ex-
primé à son lit de mort, notre artiste
fut inhumé dans la chapelle dite des
Flamands, à la cathédrale, à côté de ses
deux amis les chanoines de Gramme et
Eansotte qui l'avaient précédé dans la
tombe.
Yoici la liste succincte, et très-incom-
plète sans doute, des productions de
Dupont : lo Des Hépotis en contre-point
ponr les principales fêtes de Vannée, à
quatre parties et avec basse continue ; —
2° les Grandes Antie7ines 0 pour VAvent,
à quatre voix, idem; — 3» plusieurs
Messes solennelles, avec orchestre ; — '
4» plusieurs J/o^é'^5, idem; — 5" plu-
sieurs Messes des morts, idem ; — et
enfin, 6o un Te Deiivi pro Tnrcarum
destrnctione, également avec orchestre,"
qui fut exécuté à la cathédrale de Liège
le 26 décembre 1717, pour célébrer la
victoire que le prince Eugène avait rem-
portée sur les Turcs devant Belgrade,
au mois d'août précédent. De ces divers
ouvrages, on ne possède plus aiijour-
d'hui que quelques-uns des Répons et
les Antiennes de VAtent. j,. jcrry.
Registres aux Décrets et ordotniances de la
Cathédrale de Liège. — Renseignements parti-
culiers.
317
DUPONT
318
DUPONT {Jacques) ou PoXTANUS,
théologien, né à Hermalle en 1604,
mort le 1er juin 1668. Il fit sa philoso-
phie à Louvain, et, api'ès avoir étudié
six ans, fut nommé professeur au collège
du Faucon, tout en enseignant, en même
temps, la théologie à l'abbaye de Parcq.
En 1638, il devint censeur des livres à
Louvain et, en cette qualité, approuva
avec beaucoup d'éloges V Augristinus de
Jansenius, ce qui lui suscita de nom-
breuses difficultés quand il voulut en-
trer dans la régence de la faculté de
théologie. On craignit qu'il n'y soutînt
la doctrine de l'évêque d'Ypres. Dupont
s'en excusa en déclarant qu'il n'avait
approuvé cet ouvrage qu'à cause de la
grande réputation des éditeurs, mais
qu'il était loin d'en adopter la doctrine.
Les docteurs ne se contentèrent pas de
cette simple déclaration verbale, ils lui
imposèrent l'obligation de signer sept
articles de foi. Ce qui lui valut momen-
tanément du repos.
Pontanus fut successivement doyen
du chapitre de Saint-Pierre de Louvain,
président du collège de Viglius et de
Craeneudonck et recteur de l'université
en 1645 et 1658. Il fit cependant encore
suspecter, plus tard, la sincérité de sa
déclaration, en approuvant difl:érents
livres publiés pour la défense de Janse-
nius, ainsi que la fameuse version du
Nouveau Testament de Mons; il en ré-
sulta que l'archiduc Léopold, gouver-
neur des Pays-Bas , d'accord avec le
nonce, le suspendit de ses fonctions.
On a de lui : Laudatlo ftinebris Jonn-
nis 3Iam, monasterii Parcensis aùbalii.
Lovanii, 1648, in- 12.
Aup. Vandur Moerscli.
Paquot, Mémoires Uuéraires, t. II, p. 259 —
Bccilelièvre, Biographie liégeoise, t. Il, p. ^08.
— Delvenne, Biographie des Pays-Bas.
DUPO^'T (Paul) ou PoxTius, nom
latinisé sous lequel il est le plus géné-
ralement connu. Dessinateur et graveur
au burin ou en taille - douce , un des
plus célèbres qu'ait produits le xviie siè-
cle, dit Fr. Basan {Dictiomiaire des gra-
veurs, 1789); il est né à Anvers vers
1596, selon Huber et Rost; en 1600
selon Immerseel, mais en 1603, d'après
l'inscription de son portrait gravé et
publié par Jean Meyssens, en 1649, puis
par Corn. De Bie en 1662, deux contem-
porains. On ignore aussi l'année précise
de son décès.
Elève, pour la gravure, de Lucas
Vorsterman, on le compte, avec son
maître et les Bolswert, parmi les gra-
veurs de l'œuvre de P. -P. Kubens qui
s'approprièrent le mieux le sentiment et
la manière du rénovateur de l'école fla-
mande. Le grand peintre concourut par
ses conseils à élever l'artiste qu'il avait
pris en affection au haut degré d'ha-
bileté où il parvint dans la pratique
de son art, et dans la reproduction des
tableaux de divers maîtres, tels que Van
Dyck, Jordaens, Le Titien, Gouzales
Coques, De Crayer, Diego Velasquez,
Erasme Quellin, Jean van Hoeck, etc.
Paul Pontius, disent Huber et Rost
(dans leur Manuel des curieux et des
amateurs de Vart, 1801), a joint à la
précision du dessin, du caractère et de
l'expression des figures, le talent de
faire passer dans ses gravures la magie
du clair-obscur et l'harmonie qui régnait
dans les œuvres qu'il grava d'un burin
savant, souple, agréable et parfois vi-
goureux. « A Rubens était réservé la
gloire de rendre les graveurs peintres, «
dit, à son tour, F. E. Joubert. Toutes
ces qualités sont réunies dans les plan-
ches exécutées par Pontius d'après Ru-
bens, et dont plusieurs furent terminées
sous les yeux du peintre. La plupart de
ses estampes historiques méritent l'ad-
miration des connaisseurs. Telles sont,
d'après Rubens : le Christ mort, sur les
genoux de sa mère, gravé en 1618; Su-
zanne surprise au hain, 1624 ; Y Assomp-
tion, 1624; la Descente du Saint Esprit,
1627; le Christ dit au coup de poing,
belle pièce, 1631; le Portement de
Croix, 1632; toutes de format in folio
et gr. in-folio ; la Présentation au tem-
ple, belle pièce de 1638, gr. in-fol.; le
Massacre des Innocents, planche capitale,
1643, en deux feuilles très gr. in-fol.;
Saint Roch et Jésus Christ {Eris in peste-
paironns), estampe gr. in-fol., exécutée
en 1626, d'après un des chefs-d'œuvre
319
DLPONT
320
du peintre (à la galerie du Louvre, à
Paris) est réputée le clief-d'œu\re du
graveur. On indique comme kakes : le
Combat de V Esprit contre la Chair, in-fo,
et la V'itrije présentant le sein à V enfant
Jésus; comme trï:s-kares, deux thèses
allégoriques : Saint François portant trois
ijlohes sur lesquels est assise la Vierge,
grande pièce en travers, et la Dispute de
Keptune et de Minerve, thèse philosophi-
que soutenue à Douai en 1636 et dédiée
au pape Urbain YIII, gr . in fol . en haut.
Enfin, Tomiris faisant plonger la tête de
Cyrus dans un hassin de sang, moyenne
planche en hauteur, dont l'exécution ne
le cède point au Saint Rocli. — Parmi
les sujets reproduits d'après d'autres
peintres, on distingue : la Fête des Rois,
dite le Roi boit, remarquable gravure
gr. in-fol. en largeur, d'après Jacques
Jordaens, et la Faite en Egypte; puis la
Vierge et V Enfant Jésus, in-fol., V Ado-
ration des Rois, in-fol.. Saint François-
Xavier et Saint Sébastien, gr. in fol., de
Gérard Seghers; le Christ mort et Sainte
Rosalie couronnée par V Enfant Jésus, de
A. van Dyck, deux pi. en hauteur; le
Christ au tombeau, par le Titien, grand
in-folio.
On n'estime pas moins les nombreux
portraits dus au burin de Paul Pontius
d'après Eubens et Vau Dyck, ainsi que
ceux d'après Anselme van Huile et ses
propres dessins. La plupart sont très-
bien réussis, les caractères et les expres-
sions de physionomie sont fort exactement
rendus. On cite, d'après Eubens : le
portrait même du grand peintre, 1630,
in-fol.; Philippe IV et Elisabeth de
Bourbon, roi et reine d'Espagne, 1632,
tous deux en grand in -folio; Elisabeth-
Claire Eugénie, infante, et Ferdinand,
prince cardinal infant, à cheval, grand
in fol.; Gaspard Gusvian, duc d'Oliva-
rez, superbe estampe, reproduction de
la copie, faite par Eubens, de l'original
de Velasquez; Christoval de Castel Ro-
drigo, pièce belle et rare; Manuel de
Moura de Cortereal de Castel Rodrigo,
et Donade Castel Rodrigo, sa mère, deux
portraits également distingués et d'une
grande rareté. — D'après Van Dyck,
on en compte quarante-deux, iu-4u et
in-fol., qui ont été gravés pour le re-
cueil de Jean Meysseus : Images de diverti
hommes d'esprit subliine, qui, par hur
art et science, debcront vivre éternelle-
ment, etc., à Anvers, en 1649, ou publiés
dans le Gidden Cabinet de Corn. De Bie,
Anvers, 1662, ou bien ont paru sous le
titre : Icônes principum, virorum docto-
rum, calcographorum, statuariorum, etc.
a VAN Dyck ad vivum expresses. Sont à
mentionner : P.- P. Rubetis, Gaspard De
Crayer, Th. Rombauts, Gérard Hont-
horst, Gérard Seghers, Henri van Balen,
Abraham van Diepenbeek et Gonzales
Coques; Gustave -Adolphe, roi de Suède,
Marie de Médicis, reine de France, et
Jea7t de Nassau; Don Alvarez de Santa
Cruz, gouverneur des Pays-Bas, Don
Carlos de Colonna et Don Diego de Gus-
man, généraux espagnols, le Marquis de
Leganez, gravures admirables, et Marie
d'Arenberg, in-folio; Frédéric - Henri ,
prince d'Orange, fet François de Savoie,
prince de Carignan, gr. in-fol. Dans la
collection du peintre gantois Anselme
A^an Huile, reproduisant ses portraits
des plénipotentiaires du Congrès d'Os-
nabruck et de Munster (Paix de AYest-
phalie), qu'il fit graver par les prin-
cipaux artistes flamands et paraître en
partie dès 1.648 , à Anvers : Pacis
ANTESIGXANI, sive icones legatoî'um
ad pacem universalem comstUuendam
magna studio ad vivam expressae, puis
continuer en 1649-1658, et, enfin,
qui virent le jour, eu collection com-
plète, à Eotterdam, en 1697, titre ainsi
modifié : Pacificaïores orbis chris-
TiANi, sive icones principum, ducum et
legatorum qxii Monasterii atque Osnabrnga
pacem Europœ reconcïliarunt, quos singu-
los ad nativani. imaginem expressit A. van
Huile, celsissimi pri^icipis auriaci dum
viveret pictor , optimorum artijîcium dex-
teritate cxxxj tabulis ceneis incisa, riunc
demum post v ri illustris mortem in lucem
editce, etc., Paul Pontius a exécute les
quatre portraits in-folio piano placés en
tête du recueil : Ferdinand III , empereur
desEomains, /'/^////^y;^//^, roi d'Espagne,
Louis XIV, roi de France, et la Reine
Christine. On y rencontre de Pontius
une autre planche également remarqua-
321
DUPONT — DUPRET
322
ble : le plénipotentiaire Ahcl Servien,
comte de la Pioclie des Anbins.
Deux portraits de Ferdinand d'' Autri-
che, ovales de même grandeur, en re-
gard, sont gravés l'un par Paul Pontius,
l'autre par Crispin Queborne : ils sont
si semblables , qu'ils paraissent être
Pépreuve et la contre-épreuve. — On re-
marque aussi les portraits de Rubens et
de Van Byclc, dans un cartouctie, grand
sujet historié, en largeur; rare. A. Van
T>yck, faciès pinxii ; Erasme Quellin,
delineacit ; Paul Pontius, /rtc^'es sculpùt.
L'œuvre de Paul Pontius comprend
cent dix planclies : Fortraits d'après Ru-
bens 11; d'après Van Dyck 43; d'après
d'autres maîtres et ses dessins 18; —
Sujets historiques : d'après Kubens, 21 ;
d'après d'autres peintres, 18. • — - En
1643, il grava les Marques dHionneur de
la maison princière de Tassis. C'est à
Ilubens, au dire de Joubert, que Lucas
Vorsterman et son élève Paul Pontius
durent cette savante et adroite combi-
naison de tailles, qui donne à chaque
objet son expression et sa valeur, com-
binaison inconnue aux graveurs précé-
dents, et que contrariait le grain carré
introduit par Blommaert.
Ce fut Rubens qui porta ainsi la gra-
vure au degré de perfection où elle
est parvenue à son époque. Plusieurs
estampes capitales exécutées par les
Bolswert, Lucas Vorsterman et Paul
Pontius, ont été copiées par d'autres
graveurs, et quelques-unes si exacte-
ment, qu'on les prend très-souvent pour
des exemplaires tirés sur les planches
primitives. « Lorsque ces copies sont
Il aussi belles que les originaux, disent
/' Huber et Rost, le nom du graveur
Il n'y fera pas une grande différence. Il
Il en est autrement de ces copies, comme
Il de ces traductions faites d'après des
Il traductions; il leur manque l'esprit
Il de l'original, et la crainte de s'en
Il écarter imprime à la planche une cer-
II taine roideur. C'est ce qui arrive à
./ celles de François Ragot (habile ar-
II tiste de l'école française du xviie siè-
» cle) : quelque belles que paraissent,
Il à la première inspection , ses copies
" d'après les Bolswert, Vorsterman et
UlOGIl. KAT. — r. VI.
" Pontius, elles perdent une partie de
" leur mérite à la comparaison. Mais il
" faut être connaisseur pour ne point
" s'y tromper. « Tel est le sentiment
exprimé par Huber et Rost dans V Intro-
duction de leur Manuel des curieux et des
amateurs de l'art, ouvrage judicieux et
estimé.
Le portrait du célèbre artiste flamand
a été plusieurs fois peint et gravé : par
lui-même, d'après Van Dyck, et aussi
d'après ce peintre, en mezzo tinto par
J. Watson, in-fol.; dans le Gulden Ca-
binet de Corn. De Bie, par P. De Jode,
d'après J. Lievens, in-é", etc.
Edm. De Busscher.
J.-Fr. Fo]ipens, BibJiotheca belr/ica, catalorius
virorum illustrium, 1789. — Fr. ISasan, IJict. des
graveurs anciens et modernes, 1789. — Huber et
Rost, Manuel des curieux et des amateurs de
l'art, 1797-1808. — F.-E. Joubert, Manuel de
l'amateur d'estampes, 18-21. — Delvenne, Biogra-
phie des Pays-Bas. — Immerseel et Kramm, Le-
vens en icerken der liotl. en vl. Scliilders, bcetd-
houwer.i, plaatsnijders, cic, 1842-18(31.
DVPRiST (Victor - Anselme - Gaston),
jurisconsulte, successivement magistrat
et professeur de droit, naquit à Ath le
5 juillet 1807, d'une famille d'honora-
bles négociants. Dès son enfance, il mon-
tra d'heureuses dispositions. Des suc-
cès non interrompus dans ses études lui
firent voter une rémunération extraor-
dinaire par l'administration communale
d'Ath. A seize ans, il avait terminé ses
humanités, etquatreansplus tard (1837),
l'université de Gand lui conférait le
grade de docteur en droit. La connais-
sance de la langue hollandaise était, à
cette époque, une condition sine qua non,
de l'admissibilité aux fonctions publi-
ques ; deux années de séjour à La tlaye
mi^'ent Dupret à môme de satisfaire à
cette exigence du programme officiel.
La révolution de 1830 trouva Dupret
cà Anvers où il remplissait les fonctions
de secrétaire du parquet. Lors de la
réorganisation des tribunaux belges (no-
vembre 1830), il fut envoyé à Louvain,
comme substitut du commissaire du
gouvernement (procureur du roi), et
deux ans plus tard, il remplissait les
mêmes fonctions près le tribunal de
Gand. C'est là que, pour la première
fois, il trouva l'occasion de montrer son
11
3-2:î
DUPRET
324
aptitude comme jurisconsulte. Attaché à
la chambre civile de l'un des tribunaux
les plus importants du pays, il eut à
traiter plusieurs questions délicates de
droit civil. Les réquisitoires qu'il fit
dans ces circonstances révèlent déjà le
jugement solide et la sagacité dont il
donna plus tard des preuves si remar-
quables.
En 1834, une place d'avocat général
étant devenue vacante à la cour d'appel
de Gand, Dupret fut présenté, en pre-
mière ligne, pour l'occuper. Cette pro-
position n'eut pas de suite, uniquement
à cause du jeune âge du candidat; aussi
trois mois plus tard, le ministre de la
justice offrait-il à Dupret, comme dé-
dommagement, la place de procureur
du roi à Courtrai ; cette offre était faite
en ternies trop flatteurs, pour pouvoir
être refusée.
Cependant, la loi du 23 septembre
1835 venait de réorganiser l'enseigne-
ment supérieur. Parmi les professeurs
qui furent attachés à la faculté de droit
de l'université de Liège, se trouvait
Dupret. Il avait été désigné au«choix
du gouvernement par le ministre de la
justice, M. X. Ernst. Dès son début, le
jeune professeur, chargé du cours de
droit civil approfondi, emporta tous les
suffrages de son auditoire. Il réunissait,
en effet, à un haut degré, les qualités
qui distinguent le bon professeur : esprit
clair et méthodique, élocution sobre et
facile.
Jusque-là, Dupret n'avait vu le droit
que dans son application immédiate aux
besoins de la vie civile; les études
qu'exigeait sa nouvelle profession élar-
girent le cercle de ses idées; il sentit le
besoin de remonter aux origines loin-
taines du code, afin d'en mieux con-
naître l'esprit, et désormais l'école histo-
rique du droit le compta au nombre de
ses adeptes.
Pendant l'année académique 18-11-
18+2, Dupret fut recteur de l'univer-
sité de Liège. L'année suivante, il reçut
de ses collègues un témoignage écla-
tant de sympathie. Le chef d'une uni-
versité libre lui ayant fait offrir une
chaire dans son établissement, à des
conditions avantageuses, le conseil aca-
démique se réunit et fit consigner sur les
procès-verbaux de ses séances la décla-
ration suivante : « Le corps académique
» a le plus vif intérêt de conserver un
H professeur dont toutes les qualités
Il sont faites pour honorer la compagnie
" à laquelle il appartient, et dont la
Il perte serait considérée comme une
» calamité universitaire « . (Froc. verb.
de la séance du 29 juillet 1843.) En
même temps, il chargeait une commission
de se rendre à Bruxelles, pour supplier
le ministre de l'intérieur (M. J.-B. Xo-
thomb) " d'employer les moyens que la
» loi met à sa disposition, afin d'en-
» gager Dupret à conserver la chaire
« qu'il occupe à l'université de Liège
Il et qu'il honore par toutes les qualités
Il de l'homme, du citoyen et du profes-
u seur " .
Les vœux de l'université furent écou-
tés. Le gouvernement accorda à Dupret
les avantages pécuniaires et la distinc-
tion honorifique que la loi permettait
de lui offrir. L"n premier arrêté éleva
son traitement au maximum légal, et
bientôt après, la croix de chevalier de
l'ordre de Léopold lui fut donnée comme
marque publique de la satisfaction de Sa
Majesté. {Arr. roy. du 2^ décembre 1 843 .)
Dans d'autres circonstances, I)upret
fut sollicité d'abandonner la carrière de
l'enseignement. Deux fois ses conci-
toyens du Hainaut lui offrirent un man-
dat à la chambre des représentants :
deux fois il refusa, par attachement
pour l'université autant que par mo-
destie.
A peine âgé de trente-huit ans, Du-
pret était arrivé à l'une des positions
les plus élevées que puisse ambitionner
un fonctionnaire public, et la fortune
semblait lui promettre ses faveurs pour
un grand nombre d'années encore. Cet
espoir fut cruellement déçu. Des cha-
grins domestiques réveillèrent une an-
cienne maladie nerveuse qui se mani-
festa, dès le principe, par les symptômes
les plus alarmants. Au mois de février
184 S, il fut oblige de suspendre son
cours et trois ans plus tard, le 5 mai
1 8.51, il expirait à Gand, dans la maison
32S
DUPRET - DU PUYS
3^26
de santé dirigée par le professeur Guis-
lain.
Duprel n'a pas produit tout ce qu'on
ponvait attendre de lui. La mort l'a
surpris au moment où il allait coor-
donner et résumer les travaux de sa
double carrière judiciaire et professo-
rale. Ses principaux titres scientifiques
— les réquisitoires et les cahiers de
droit civil — sont restés inédits.
Ses travaux imprimés, peu nombreux,
comprennent :
I. Trois dissertations de droit civil,
fort remarquables, insérées dans la
Revue du droit français et étranger, pu-
bliée' à Paris, par MM. Fœlix, Va-
lette et DuvERGiER (1844 à 1850,
7 vol. in- 8^) :
lo De la déclaration de bâtardise des
enfants de V épouse dans le cas d'absence
du mari. Il s'agit d'une question très-
controversée, celle de savoir comment
et par qui peut être provoquée la décla-
ration de bâtardise de l'enfant de
l'épouse', dans le cas d'absence du mari.
2° En droit français, le tiers déten-
teur a-t-il V excej)tion Cedendarum
ACTIONUM, c'est-à-dire, est-il libéré de
faction hypothécaire, lorsque le cj'éancier
a rendu impossible sa subrogation aux
droits hypothécaires qu'il avait sur d'au-
tres immeubles pour sûreté de la même
créance? Cette dissertation, d'un grand
intérêt pratique, exigeait l'examen de
deux théories fort compliquées : la théo-
rie de la subrogation et de ses effets, et
celle du concours des hypothèques gé-
nérales et des hypothèques spéciales.
3o De la modification des servitudes
par la prescription. Interprétation de l'ar-
ticle 10S du code civil.
II. Note sur le sens des mots : Far
contribution axec les héritiers naturels,
dans l'article 1013 du code civil. (Dans
la Revue du droit français, tome II,
p. 881 sq.)
Analyse de la première partie du
Traité des privilèges et hypothèqxies par
M. Valette. (Même Revue, tome IV,
p. 59, sq.)
lïl. Note sur la question relative à
V enseignement du droit civil élémentaire
et du droit civil approfondi. (Imprimé
dans les Documents de la chambre des
représentants, comme Annexe au rapport
de la section centrale, sur le projet de
révision de la loi du 27 septembre 1835.
(Session de 1841-1842.)
Rapport sur renseignement du droit
civil à l'école de droit de Faris, dans les
Annales des universités de Belgique,
t. III, p. 1087 à 1110.
Ce rapport a été adressé au ministre
de l'intérieur, à la suite d'un voyage à
Paris que fit Dupret, par ordre du gou-
vernement, pour y étudier l'organisation
de l'enseignement du droit civil à l'école
de droit de cette ville. Il y est question
encore de la ligne de démarcation à
établir entre l'enseignement élémentaire
et l'enseignement approfondi du droit
civil moderne. g. Nypeis.
Kolice sur la vie et lestravaiixdeV -A.-G. Du-
pret, lue à la séance du conseil académique de
l'université de Liège, le 12 javnier 18o2, par
j.-S.-G. Nypels, Liège, iSoiJ. — L'Uuiversiié de
Liège, depuis sa fondation, par A. Leroy, Liège,
•18(i9, p 2t39. — Souvenirs personnels.
DIJPIJI!^ {Charles-Hyacinthe), plus
connu sous le nom de Puteanus, écri-
vairT ecclésiastique, né à Bruxelles en
1596 et décédé dans la même ville le
25 mars 1626, entra dans l'ordre de
Saint-Dominique au couvent de sa ville
natale, où il fit profession en 1614. Il
acquit, en peu de temps, des connais-
sances très-variées et publia, en 1623,
l'ouvrage suivant : Dissertationes pa-
lœstricœ- de Frovideutia et fato, id est
suprema Dei lege: quce vnriis adiuvantibus
causis, ordine, loto, tempore, peragitur.
BruxellîE, Joannes Pepermannus, vol.
in-49 de vii-70 pages. A peine âgé de
trente ans, le P. Dupuis fut enlevé par
la mort. E. H.-J. Ueusens.
Quelif et Echard, Scriptorcs ordinis Prœdica-
torunt, II, p. 442.
DUPUY {II.), polygraphe, né à Ven-
loo (ancien Limbourgj, en 1574, mort
en 1646. Voir Vande Pctte {Erycius).
BC PBVS (^ewî), historien, qui vivait
aux xve xvic siècles. Les détails biogra-
phiques qii'on possède sur ce person-
nage sont peu étendus. On sait qu'il
fut chroniqueur ou historiographe de
l'empereur Maximilien et de l'archiduc
327
DU PUYS — DUQUESNOY
328
Charles, ce qui couste des lettres pa-
tentes du 15 février 1511, données à
Malines; que ce fut sur la proposition
de Marguerite d'Autriche qu'il succéda,
eu cette qualité, à Jehan Le Maire, ap-
pelé à d'autres fonctions. On mentionne
une lettre de recommandation oii il est
dit que Rémi Du Puys, iudiciaire et his-
toriographe de l'archiduc , va suivre
l'armée ajin de tant mieux veoir, scavoir
et entendre toutes choses qui se y feront et
rédi(jer j)ar e script. Il publia les deux
ouvrages suivants : La triiimphante et
solemnelle entrée faicte sur le nouvel et
joi/euLv adtenement du très-hauU et très-
puissant et très-excellent prince, monsieur
Charles, prince des Espaipies, arcliiduc
d' Austriche , etc. , en sa ville de Brnges
Van MDXV le ISe jour d'apvril après
Pasqiies. Gilles de Courmont (Paris,
1515), livre de 39 feuillets avec 32 plan-
ches en bois. Par mandement de Charles,
roi de Castille, etc.., daté de Bruxelles,
13 avril 1516, ce prince ordonne de
payer à « son bien aimé iudiciaire maître
" Kemi du Puys, la somme de ceut cin-
« quante livres du prix de quarante
Il gros monnoie de Flandre la livre.
Il sans préjudice de sa pension annuelle,
Il en considération des bons et agréables
Il services qu'il a ci -devant faits et
Il fait journellement au fait des chroui-
« ques, spécialement en récompense
" d'un grand livre qu'il a composé tou-
« chant le triomphe de la ville de Bruges,
Il à l'entrée de lui Charles, roi de Cas-
II tille. " Ce livre rarissime est le plus
ancien de ce genre que l'on ait enrichi
de figures et le premier de cette belle et
nombreuse série d'ouvrages illustrés,
consacrés à la description de nos fêtes
publiques et composés par les hommes
les i^lus recommandables de leur temps.
Il en existe un exemplaire relié avec le
second ouvrage, à la bibliothèque royale
de Bruxelles (fonds Yan llulthein). Peu
le peintre Paelinck et M. Caprou en
possédaient un exemplaire; le premier
a été vendu en 1801, neuf cents francs à
la vente Yander Linde et acheté, dit-
on, pour un bil)liophile anglais. Le se-
cond a été adjuge à un libraire de
Londres, pour la somme de neuf cent
soixante-quinze francs, sans les frais,
quoiqu'il fût incomplet : trois feuillets
avaient été refaits. Cet ouvrage a été
réimprimé à Bruges, en 1850, format
grand in 4o, avec trente trois planches.
■ — • 2° Les exeques et pcmpe funerale de
feu deternelle et irès-i/loriiîise mémoire
Don Fernande, rcy catholique, faicte et
acompUe en lesglise Saincte - Gotde à
Bruxelles, le vendredi 14 mars 1515,
rédigé et escript par maistre Bemy Bu
Puy, son très-humble secrétaire, iudiciaire
et historiographe , 1 vol. in-folio, de
2 2 feuillets , sans lieu ni date , ca-
ractères romains. Extrêmement rare ;
M. Van Praet, le savant bibliophile, en
cite un exemplaire imprimé sur vélin.
Aug. Vancler Meersch.
Fojipens, Bibliotheca belgica, t. II, p. -1065. —
Archives du iwrd de la France, nouvelle série,
t. 1, p. 147. — Pinchait, Archives des arts, t. 1,
p. 3
DiiQiJESniOY {Jérôme) ou Du QuES-
XOY, le Vieux, sculpteur et architecte,
à Bruxelles, en renom dès la fin du
xvie siècle; mort vers le milieu du xviie,
dans cette ville, où il était établi et
franc-maître de la corporation des Qua-
tre Co/fronnés, comprenant les métiers
des maçons, ardoisiers, tailleurs de
pierre et tailleurs d'images (statuaires).
La plupart des biographes et des auteurs
qui ont traité des beaux-arts en Bel-
gique, tels que G. -P. Mensaert (Le
Beintre amateur et curieux, 1763), J.-B.
Pescamps {Voyage pittoresque dans la
Ilandre et le Brabunt, 17GP), P.-J. Ma-
riette [Abecedario : notes sur les arts et
les artistes, manuscrit publié en 1851-
1853), etc., lui donnent le prénom
d'HEXRi, interprétant ainsi la majus-
cule H des lettres H. D., signature de
certaines de ses œuvres, tandis que c'est
l'initiale de son prénom Hamand Hiero-
nimus, ou Hierosme, comme on le trouve
dans des actes français. Le biographe
italien J.-P. Bellori, qui écrivit la vie
du célèbre François Du Quesnoy {Fran-
cesco il Fiamingo), le fils aîné de Jérôme
Du Quesnoy le Vieux, ne s'y est point
trompé. iS'appuyant sur les renseigne-
ments que ses relations avec le peintre
français Nicolas Poussin, l'ami le plus
329
DUQUESNOY
330
intime du sculpteur flamand, à Eome,
lui fournirent^ il n'a point commis la
méprise que des écrivains postérieurs ont
propagée. Des signatures authentiques
apposées sur des documents spéciaux,
des annotations de comptabilité offi-
cielle, etc., offrent, d'ailleurs, la preuve
irrécusable de leur erreur. Jérôme Du
Qnemoy le Vieux se maria deux fois et
eut plusieurs enfants. Les deux aines :
François et Jérôme, procréés pendant
son premier mariage, suivirent seuls la
carrière artistique, dans laquelle ils
s'élevèrent à un haut degré de talent.
Il leur donna l'enseignement jusqu'au
moment où ils eurent acquis la pratique
complète de l'art qu'ils avaient embrassé ,
en s'exerçant sous ses yeux et coopé-
rant à ses travaux. Aussi, leur a-t-on
attribué, tantôt à l'un, tantôt à l'autre,
des œuvres auxquelles ils peuvent avoir
aidé, en apprentis, et qui sont évidem-
ment à restituer à leur maître. On
cite, notamment, une statue de - la
Justice, faite pour la chancellerie, à
Bruxelles; un Saint Jean, au château
ducal de Tervueren; deux figures : la
Vérité et la Justice, en pierre, de la
façade de l'hôtel de ville de Hal (Bra-
bant) ; deux Anges au portail de l'an-
cienne église des .Jésuites, à Bruxelles.
Pour ce qui concerne François Du Ques-
noy, il est reconnu que la Belgique
ne possède point de semblables produits
de son ciseau. — Un beau groupe en
pierre, à Bruxelles : Sainte Anne et la
Vierr/e, longtemps présumé de Jérôme
Du Quesnoy le père, est de Jérôme
Du Quesnoy le fils.
Une œuvre capitale et authentique
du sculpteur-architecte existe encore
dans le chœur de l'église jadis collégiale
de Saint-Martin, à xVlost (Flaiulre orien-
tale) : c'est une tourelle en bois, for-
mant le tabernacle du saint Sacrement,
d'un style très-élégant, décoré de bas-
reliefs et detariatides aux angles. Les
bas-reliefs sont remarcjuables de modelé
et d'exécution; mais les figures angu-
laires, mal restaurées, au xvriip siècle,
par J.-F. l'ennequin, ont perdu leur
caractère primitif. Cette belle construc-
tion a remplacé un ancien tabernacle
en pierre, détruit par les iconoclastes,
lors des troubles religieux de Flandre
au xvie siècle, ainsi qu'il conste de
l'inscription méraorative apposée sur
l'œuvre de Jérôme Du Quesnoy le
Vieux : Quod furor Jiereticcrum diruit,
hoc senatus popidmqne alostanus restittiit.
Ce travail fut entrepris, en l'année éche-
vinale 1600-lGOl, par « Jeronijius du
QuESXoy " pour la somme de quinze
cents florins, majorée de trois cents flo-
rins en 1604, quand l'ouvrage fut ter-
miné, et ce, pour les améliorations
apportées au modèle primitivement
adopté par le magistrat communal et
les proviseurs de Saint-Martin (1). A la
même époque, Jérôme Du Quesnoy le
Fi>?<.r s'engagea à construire et tailler un
pareil tabernacle pour l'église de Saint-
Jacques sur Caudenberg, à Bruxelles :
on ignore ce qui en advint. En 160.5, il
exécuta pour l'autel de la corporation
des marchands de vin, dans l'église de
Saint-Nicolas, deux statues en bois de
chêne : Saint Urbain, en costume épisco-
pal, et le patriarche Noé, portant à la
main une grappe de raisins, auxquels un
bouc s'efforçait de mordre. Ces statues,
de qiiatre pieds de haut, ne coûtèrent
que vingt-cinq florins du Ehin. D'après
un inventaire des tableaux et statues du
prieuré de Terdonck lez-Louvain, il y
avait dans l'église conventuel le deux
statues du même maître sculpteur.
Pour l'ancien palais des ducs de Bra-
bant, à Bruxelles, détruit par l'incendie
de 1731, il sculpta, vers 1604, des Te'tes
de sérap/iins, qui décorèrent la chambre
des archiducs Albert et Isabelle; puis,
en 1613, il plaça des figures en ])ierre
dans la grotte du labyrinthe, au jardin
ducal. Quelques années après, il donna
le dessin d'une fontaine à construire sur
l'ancien Marché aux Poissons (près du
Marché aux Herbes), et l'exécuta en
1617, pour la somme de cent florins du
Rhin, le magistrat bruxellois lui four-
nissant la pierre de taille. Vers 162:2,
(1) Comptes de la ville d'Alosi rt de IVglise
p;iriiissiiile de Saint-Maniii : KiUO-KiOo m (-e la-
lieniacle, dit F.-,I De Smel : Desci'ipiion d'.tlost,
(Si un vrai chef-d'œuvre d'arcliileclure et de
si-ulpliire. »
331
DUQUESNOY.
332
cette fontaine consistait en un pilier,
surmonté de la statuette dorée de saint
Michel; deux daupliins lançaient l'eau,
et des têtes de satyres l'ornaient ; d'où
elle reçut le nom de fontaine des Satyres.
Le 13 août 1619, Jérôme Du Ques-
noy le Vieux fut chargé par le magistrat
de Bruxelles d'exécuter, pour une autre
fontaine de cette ville, à statuette en
pierre, dite le Petit Julien {JuUaetikens),
une figurine en bronze, devenue légen-
daire. Elle est appelée : Le plus ancien
bourgeois de Bruxelles, et connue surtout
par la désignation populaire « 'T manne-
ken pist (le petit homme qui pisse). «
Dette statuette, qui n'a jamais été sur-
moulée, est donc une œuvre unique ,
très -achevée et estimée par les con-
naisseurs. En 1639, on mit en adjudi-
cation la construction du maître-autel
en marbre de l'église de Notre-Dame à
Termonde : le sculpteur anversois Hu-
bert Van den Eynde fut déclaré adjudi-
cataire, au prix de 8,200 florins. Ses
concurrents étaient Jérôme Du Quesnoy
le Vieux, « tailleur de pierre et sculp-
teur à Bruxelles « ; André Colleyns de
Noie le Jemie, et Jean van Mildert, dit
Y Allemand, à Anvers.
Jérôme Du Quesnoy le Vieux mourut
en 1641 ou 16-42. — Dans les comptes de
la corporation bruxelloise dite des Quatre
Couronnés, il est cité comme payant sa
quote-part dans les frais de la chapelle
jusqu'en 1641. Ensuite, il appert de
documents fournis en 1654 par les hé-
ritiers de la succession de son fils Fran-
çois, mort à Livourne en juillet 1642,
qu'à cette date il était décédé (1).
Outre ses deux fils, François et Jé-
rôme {le Jeune), qui le quittèrent a\ant
d avoir réclamé la maîtrise profession-
nelle à Bruxelles, Mr^Du Quesnoy eut,
entre autres, un apprenti qui passa
franc-maître en 1631 : Henri Steps.
Edm. De Busschur
P.J Mariette, Abecedario, notes sur les arts,
MS. publié en 'l«f)l-l8.-;3. — G.-P. Jlensaert, Le
l'cÂntre amaieur et curieuj\ ntil-i. — J -15. Dcs-
cainps, Voijut/e pittoresque dans la Flandre et
le lirubunt, 1709. — J.-F. Koinbout, Bruxelles
(4) Areiiives du royaume: Métiers de Bruxelles,
rog. n- ï\',\A; comiJtes de 460(5 ii lGi9. — Conseil
privé, C. 1i>(j. L. il.
illustrée, -1777-1779. — Henné et Wauters, His-
toire de Bruxelles. — Alex. Pinchait, Archives
des arts : Messager des sciences historiques, etc.
Gautl, 1860-1863. — Immcrseel frères et Chrét
Kiamm, Levens der holl. en vl Schilders, beeld-
Uouwers, enz. — Renseignements particuliers.
DUQVEiSMOY (François) ou Du Ques-
noy, et non De Quesnoy, sculpteur-
statuaire, né à Bruxelles en 1594,
d'après la plupart des biographes, au
lieu de 1592, selon Corn. De Bie (Gul-
den cabinet); mort à Livourne, au grand-
duché de Toscane, le 12 juillet 1642.
Artiste par vocation, il montra, dès son
jeune âge, les plus rares aptitudes plas-
tiques. Son père, sculpteur-architecte
en réputation au commencement du
xviie siècle, fut son seul maître, lui en-
seignant les principes du dessin, du mo-
delage et le guidant dans ses premiers
essais de sculpture, malgré l'opposition
tracassière de sa seconde femme, belle-
mère de François Du Quesnoy. Celui-ci
surmonta les entraves mises sans cesse
à ses eftbrts et à son application : met-
tant à profit tous ses loisirs, il fuyait
les distractions de jeunesse et passait
la majeure partie de ses nuits à dessiner,
à modeler et à tailler de petites figures.
Pour tromper la vigilance de sa belle-
mère, il cachait la lumière dans uu
vase qu'il avait construit à cette fin.
Parvenu à un degré d'habileté qui lui
permit de quitter l'habitation pater-
nelle, il se livra sans obstacle à l'art
auquel il s'était irrésistiblement consa-
cré. Il continua probablement à fré-
quenter l'atelier, car il ne conste d'au-
cun acte ofiiciel que son père, maître
affilié à la corporation bruxelloise des
Quatre Couronnés (métiers des maçons,
ardoisiers, tailleurs de pierre et sculp-
teurs d'images), lui eût fait conférer la
maîtrise ou franchise professionnelle.
Un Christ et un Saint Sébastien, sta-
tuettes taillées en ivoire, pour l'archiduc
Albert, ainsi que d'autres menues beso-
gnes exécutées pour la maison archidu-
cale, valurent à François Du Quesnoy
la protection de ce prince. Le 19 mai
1618, l'artiste lui adressa une pressante
supplique, afin d'en obtenir « quelque
« traitement ordinaire, qui le mît à
Il nicine de se transporter à Pome, de
333
DUQUESNOY
3;]4
a s'y entretenir pendant deux ou trois
Il ans et de s'esvertuer davantage au
u faict de son art : son père et lui étant
Il despourveus de moyens à ce convena-
u blés et nécessaires. « La requête fut
accueillie favorablement, et il fut accordé
au suppliant, « de grâce especiale et
par forme de mercede, pour s'exercer
dans son art, « la somme de six cents
livres, à solder en quatre payements. Le
jeune artiste en reçut, le 5 août 1618,
la première demi-année et donna quit-
tance dans les termes suivants : « Je
Il François du Quesnoy, sculpteur, con-
u fesse avoir receu de Ambroise van
« Oncle, coQseillier et recepveur gene-
» rai des finances des archiducs, la
Il somme de cent cinquante livres, du
» pris de quarante groz, monnaie de
Il Flandres, la livre, que à l'ordon-
" nance de Leurs Altezes il m'at baillé
" et délivré comptant sur et en tant
Il moins des six cens pareilles livres
" que leurs dictes Altezes m'ont donné
Il et accordé de grâce especialle, par
" forme de mercede une fois, pour
•I exercer mon art de sculpteur susdict,
Il à en estre payé desdicts six cens
u livres en déans deux années pro-
u chaînes, asscavoir cl livres comptant,
» aultres cl livres au boult de l'année
« et les restans trois cens livres en deux
u termes de demy an en demy an. Se
Il faisant ce présent pour les cent cin-
" quante livres à furnir comptant, de
" laquelle somme de cl livres dudict
Il pris, je suis content et bien payé et en
« quicte Leurs Altezes, ledict recepveur
Il gênerai des finances et tous aultres.
Il ïesmoing mon sein manuel cy miz, le
u cinc<[uiesme jour d'aougst seize cens
1 dix-huict. François DU QuESXOY. »
Pièce inédite et la seule connue avec
sa signature (1).
Ce fut à l'âge de vingt-trois ans, vers
la fin de l'année 1618, qu'il partit
pour Eonie. On peut conjecturer, dit
Ph. Baert (Mémoires sur les sculpteurs et
les architectes des Pays-Bas), que le
crédit de P. -P. Kubens à la cour des
archiducs contribua à faire obtenir cette
M) Archives du royaume, à Bruxelles : Papiers
d'Etat et de l'audience. — Recette ijénérate.
faveur au jeune sculpteur. La corres-
pondance que l'illustre chef de l'école
flamande entretint avec lui, recomman-
dant- même à sa sollicitude son élève de
prédilection, Antoine van Dyck, quand
celui-ci séjourna à Eome, en 1623,
prouve d'ailleurs en quelle estime il
tenait François Du Quesnoy. Dans ses
artistes belles à V étranger , JNl. Ed. Fétis
ne partage pas cependant l'idée émise
par Ph. Baert. Jusqu'à 1620, François
Du Quesnoy jouit du « traitement ordi-
naire Il qu'il devait à la bienveillance
de l'archiduc Albert ; mais il ne réussit
point à faire renouveler le mince secours
qui le mettait à l'abri du besoin. La
mort de ce prince, décédé à Bruxelles le
13 juillet 1621, lui en ôta tout espoir,
et le laissa, loin de sa patrie, au milieu
de l'étude des trésors artistiques de la
Eome païenne et de la cité papale, en
face des plus urgentes nécessités de
l'existence. Ce changement de position
le força d'entrer à l'atelier du maître
sculpteur Claude Loreuèse, et de s'y
occuper de travaux pen. rétribués, mo-
delant en cire des têtes de saints et de
saintes pour les reliquaires, taillant en
bois et en ivoire des figurines et des
ornements. D'anciennes statues mutilées
se découvrant chaque jour parles fouilles
eflectuées dans les ruines romaines, il
s'appliqua, dès lors, et avec succès, à
leur restauration.
Un marchand néerlandais, Pierre De
Yisscher, appelé en Italie Pietro Pis-
cator et qui recueillait à Eome des
tableaux, des sculptures et autres objets
d'art, s'éprit des petites productions de
l'artiste flamand, et lui commanda son
premier ouvrage en marbre : Vénus et
l'Amour. François Du Quesnoy y fit
preuve d'une remarquable entente de la
beauté antique, et cette œuvre lui valut
des travaux qui améliorèrent sa posi-
tion. De Yisscher, dit Bellori {Le Vite di
pittori, sculptori, etc.), montra au Fia-
miiKjo (ainsi qu'on le surnomma à Eome)
beaucoup d'affection, et le mit en rela-
tions avec ses compatriotes, réunis à
Saint- Julien des Flamands. Vers 1622,
Jérôme Du Quesnot le Jeune vint à
Eome rejoindre son frère aîné et se
333
DUQUESNOY
336
mettre sous son habile direction, afin de
s'j' perfectionner aussi dans l'art sculp-
tural. En 1623, Antoine van Dyck s'y
rencontra avec eux, et le célèbre élève
de Eubens, reçu en ami, peignit les
portraits des statuaires bruxellois. Quel-
que temps après le départ de Yan Dyck,
les deux frères, dont les caractères, les
idées et les mœurs ne s'accordaient
point, se séparèrent.
Yers 1625 François Du Quesnoy se
lia d'intime amitié avec le peintre Ni-
colas Poussin, comme lui luttant contre
les difficultés de l'existence, à Eome, et
les rigueurs du sort. Tous deux, de
même âge, animés d'un égal amour de
l'art et d'un ardent désir de se distin-
gaier, se livrèrent ensemble à l'examen
approfondi de la science sculpturale
des anciens, et ils s'entr'aidèrent dans
leurs travaux respectifs. Habitant, dé-
sormais, sous le même toit, avec Alex.
Algardi, le statuaire bolonais, illustré
par ses gracieuses œuvres, Du Quesnoy
et le Poussin mirent en commun leuis
eftbrts et leurs ressources. Le Tiamhujo
continua de produire de charmantes
figurines en bois, en ivoire, en marbre,
qui furent bientôt fort recherchées et
dont la vente fut de plus en plus avan-
tageuse. Le cardinal de Massimi en
acquit plusieurs et lui paya 400 scudi
(plus de 6,000 livres de France) une
réduction du groupe de Laocoon et ses
enfants. « Tandis que le Poussin ensei-
" gnait à Du Quesnoy la grande ma-
« nière de dessiner, dit Félibien, le
« sculpteur flamand apprenait au pein-
" tre français l'art de reproduire en
Il relief les modèles antiques, et ce
Il mutuel enseignement eut une salu-
II taire influence sur leurs œuvres. «
A cette époque l'Algardi introduisit le
Flamingo auprès de l'Albane, le peintre
des jolis enfants, qui trouvait dans son
propre ménage ses plus aimables types.
îSes tableaux et ceux du Titien inspirè-
rent à l'artiste statuaire, dans la repré-
sentation de l'enfance et de la jeunesse.
Amours, Génies et Anges, ce style suave
et vrai, que nul n'a surpassé.
Le connétable Philippe Colonna, à
qui le Poussin avait montré des œuvres
en ivoire de son ami, commanda à
Du Quesnoy un grand Crucifix, pour
être offert au pape Urbain VIII. Il fit
ensuite une écritolre, où son talent se
révéla dans sa plus charmante expres-
sion. Cette pièce était ornée de deux
enfants, l'un endormi, l'autre soufflant
des bulles de savon. Le noble amateur,
devenu son second protecteur et à qui il
dut la bienveillance du Saint-Père, lui
confia la restauration de plusieurs sta-
tues anciennes de sa collection. Il répara
les mutilations avec une science archéo-
logique et une connaissance du faire
antique presque inconnues jusqu'alors.
Le marquis Vincent Justiniani désirant
avoir aussi dans sa galerie des œuvres
du Tiamingo, celui-ci lui modela un
Apollon et un Mercure, d'une exquise
délicatesse, qui furent coulés en bronze.
Bellori les compare à VAntinoiis du Bel-
védère. Plus tard, le marquis résolut de
laisser graver sa collection sculpturale,
et donna à Du Quesnoy la direction de
ce recueil (Galleria Ginstinianï), qui se
compose de 320 planches, publiées en
deux volumes in-folio; nombre de ces
planches ont été gravées d'après les des-
sins de l'artiste flamand. Un riche Hol-
landais, Hugues van Ufflen, qui mourut
à Piome et dont François Du Quesnoy
orna le cénotaphe (érigé dans l'église de
Santa Maria delV Anima), de deux admi-
rables petits génies, possédait de lui un
Anioxir bandant son arc. Cette œuvre, fort
estimée, fut acquise par le magistrat
d'Amsterdam, au prix de six mille flo-
rins, et offerte en présent à la princesse
d'Orange. — Pour le cardinal Barberini
il sculpta un bas-relief en marbre, repré-
sentant des Enfants jouant avec une
cJièvre, et l'on cite de la même époque
un autre bas-relief : le Silène ivre (Silène
et la nymphe Eglé), scène puisée dans
l'églogue VI de Virgile (collection du
commandeur del Pozzo). Plusieurs re-
productions de ce groupe mythologique
furent faites en cire.
Ici se révéla la seconde phase de la
carrière artistique du Fiamingo : son
génie prit son essor, et le sculpteur au
style gracieux se montra bientôt sta-
tuaire sublime.
337
nUQUESNOY
33S
A la recommandation du pape Ur-
bain YIII, Ini fut confiée l'exécution des
modèles du magnifique baldaquin que le
cavalière Bernini a élevé dans la basi-
lique vaticane, sous le dôme et au-dessus
de l'autel pontifical. Autour des colonnes
torses, cannelées jusqu'au tiers, serpen-
tent des entrelacs de branches de pal-
mier et de laurier, au milieu desquelles
se jouent de nombreuses figurines ,
enfanU et cMrnhius, dans les attitudes
les plus naturelles. Quatre statues colos-
sales d'a/iffes surmontent les colonnes,
et, sur la corniche, deux anges soutien-
nent les armoiries papales. Toute cette
ornementation fut jetée en bronze pen-
dant les années 1626-1627, et la fonte
des grands anges eut lieu en 1631. Le
baldaquin absorba 129,000 livres de
bronze, que l'on arracha au dôme du
Panthéon romain. La partie de l'œuvre
modelée par François Du Quesnoy se
trouva achevée en 1633. La réussite ne
put être niée, elle dépassait l'attente gé-
nérale. Mais l'envie, que ses premiers
succès avaient excitée, ne s'avoua point
vaincue; sa haineuse dépréciation ne lui
fut pas épargnée : « il ne savait manier
« que la terre glaise, la cire, l'ivoire,
Il et ne traiter que l'enfance et \a jeii-
II nesse. « Heureusement, l'occasion lui
fut fournie de réduire ses détracteurs au
silence. Les boulangers de Kome ayant
résolu d'embellir de quatre statues de
marbre l'église de Notre-Dame de Lo-
rette, où leur corporation avait sa cha-
pelle, l'une d'elles fut commandée à
Erançois Du Quesnoy, et il produisit
une œuvre de génie et de profonde
étude. Il avait pris pour guide 1' Uranie
du Capitule romain, et tout en conser-
vant à sa statue, Sainte Suz.a.nxe, mar-
Ujre, le type antique, il lui donna plus
de grâce, de noblesse d'attitude et la
chaste expression d'une vierge chré-
tienne. De dimension un peu plus grande
que nature, elle est admirablement dra-
pée. Les connaisseurs la prisent fort et
la placent au-dessus de la Sainte Blblune
du I5ernin. « C'est une des plus belles
statues que l'on puisse voir ! « s'écrient
Bellori et Cicognara. Désignée sous le
nom de Cada Suzanna, ses attributs sem-
blent dénoter que l'artiste eut d'abord
en vue de créer une Sainte Catherine. Le
peintre André Sacchi, le dernier élève
de l'Albane, l'a placée dans son tableau
de l'église des Capucins, à Piome : le
Miracle de saint Antoine de Fadone ; elle
a été gravée par Piobert van Audenaerde
de G and, dans le recueil de Rossi : Jiac-
colta de statue anticJie e moderne, 1704.
En 163.5, il prouva qu'il pouvait,
avec le même succès, traiter le portrait,
en exécutant, en marbre, le buste du
Cardinal Maurice de Savoie , un vrai
chef-d'œuvre de ressemblance et de vie.
Yictor-Amédée 1er, frère du cardinal,
gratifia le sculpteur d'une chaîne d'or à
médaillon ducal.
Sur ces entrefaites, et pendant que
le baldaquin de Saint-Pierre s'achevait,
on pratiqua dans les massifs ou pieds-
droits qui soutiennent le gigantesque
dôme du temple chrétien, quatre niches,
pour y poser des statues colossales.
Du Quesnoy fut appelé à exécuter un
Saint Afidré. Quelc^ues historiens présu-
ment que c'était un piège tendu par ses
ennemis : ils étaient persuadés que son
talent y échouerait. Le Bernin lui-même
se rangea de leur bord : « Le Fiarningo,
Il au lieu d'un apôtre, ne produirait
Il qu'un gros enfant «, lui fait-on dire !
Et comment l'artiste flamand n'aurait-il
pas été sensible à de tels propos, si
influents sur le sentiment public? ^lais
il se roidit contre cette dépréciation
anticipée de son œuvre, qui fut louée
d'une voix unanime quand ou vit le
modèle placé dans la niche destinée à
la statue. Ses détracteurs en furent
atterrés, et l'on attribue à leur malveil-
lance l'accident qui amena la destruc-
tion du modèle, durant le retour à l'ate-
lier. Sans se décourager, le sculpteur
rétablit sa conception grandiose, et,
après sept années d'études, d'essais, de
travail persévérant, le SaJnt André, en
marbre, de quinze pieds de hauteur, fut
posé dans la basilique et éclipsa les trois
aiitres statues : la Sainte Véronique de
François ^locchi; la Sainte Hélène,
d'xVndré Bolgi; le Saint Loncjin, du Ber-
nin. Le Saint André int proclamé l'une
des merveilles de Rome, quoique, pour
339
DUQUESNOY
340
dernière entrave, on l'ait placée dans
un faux jour. -Le Saint André a été
gravé par Eobert van Audenaerde et par
Pierre Clouet. Rubens, dans une lettre
datée d'Anvers le 17 avril 1640, lui
écrivait : Je ne puis vous exprimer les
» obligations que je vous ai pour les
u modèles que vous m'avez envoyés,
u ainsi que pour les plâtres de ces deux
u enfants admirables du cénotaphe de
« M. Van l'fflen, dans l'église delV Ani-
II ma. Ce n'est pas l'art, mais la na-
u ture même que l'on remarque dans
u ce marbre, ainsi attendri et plein de
« vie. — Que dirai-je des applaudisse-
» ments universels et bien mérités que
u vous attire la statue de Saitit André?
u Votre gloire et votre célébrité rejail-
» lissent sur notre patrie entière... Je
u baise du plus profond de mon cœur la
u main habile qui exécute ces mer-
u veilles (1). « Ce jugement se reflète
dans maints ouvrages où sont décrits
les chefs-d'œuvre de la cité papale. Té-
moin l'appréciation du savant abbé Ri-
chard {description de l'Italie) : u La
u statue de Saint André est traitée avec
u la pureté de style et la beauté d'ex-
" pression de l'antique La draperie
Il peut être comparée à tout ce que l'on
Il connaît de mieux: dans ce genre, soit
u antique, soit moderne. «
L artiste vit donc son talent incon-
testé, et cet éclatant succès aurait dû
enfin améliorer de beaucoup sa situation
financière. Tel n'en fut pas le résultat,
qui ne réalisa, pas plus que ses travaux
antérieurs, sa légitime espérance. Tandis
que des artistes médiocres étaient com-
blés de larges rémunérations, de dons et
d'honneurs, il languissait dans l'isole-
ment et presque dans le besoin. Il ne
perçut que trois mille scudi, ou seize
mille livres de France, de son Saint
André, et la somme ne suffit pas à en
solder les frais : il se vit attraire en
justice par le fondeur de la croix de
bronze, que les fabriciens de la basilique
vaticane refusaient de payer. Ces conti-
nuels mécomptes devaient naturelle-
(1) Cette lettre intéressante est extraite des
Mémoires de Ph. Barrt, et citée par Baïan, Le
Majeur, Goelhals ei Fûlis.
ment abattre son courage, ruiner sa
santé, et une chute faite lors de la pose
de sa Sainte Suzanne, à Xotre-Dame de
Lorette, aggrava les souflrances qu'il
avait à endurer pendant ses accès de
goutte. Néanmoins, il produisit encore
quelques ouvrages, notamment, pour
un noble Anglais, V Amonr dtcochant sa
Jlèche, statuette qu'il mit un temps infini
à terminer, malgré l'impatience du des-
tinataire. Dans une semblable circon-
stance, un de ses amis lui reprochant
de retoucher une figure déjà parfaite, en
reçut cette réponse : " Vous avez raison,
» parce que voiis ne voyez que la copie
Il de ma conception. « Très sévère pour
ses œuvres, il en étudiait chaque partie
par des essais et des modèles répétés;
jamais il ne croyait avoir atteint le der-
nier degré du fini. Il fallait, en quelque
sorte, les lui arracher. Pans le temps
qu'il travaillait au Saint André, qui
l'immortalisa, un moine s'étant vanté
d'avoir fait réformer au Fiamingo des
défauts de son modèle primitif, ne fut
plus admis dans l'atelier, où, dès lors,
le sculpteur ne voulut plus de visiteurs
indiscrets.
Vers la fin de 1640, le sort sembla
décidément lui sourire : Nicolas Poussin,
son ancien camarade à Rome, qui, de
retour en France et devenu peintre en
titre du roi Louis XIII, régénérait dans
sa patrie la peinture nationale, n'avait
cessé d'y vanter le talent du statuaire
flamand, le proclamant seul capable de
relever l'école de Jean Goujon. Le car-
dinal de Richelieu, le créateur de l'Aca-
démie française en 1635, ce puissant
ministre non moins ami des arts que
des lettres, écouta le conseil du Poussin,
et fit inviter François Du Quesnoy à
venir se fixer en France. Louis XIII
lui accordait le brevet de sculpteur
royal, avec un traitement annuel de
trois mille livres et ses œuvres payées.
Il obtenait, en outre, un logement gra-
tuit au Louvre, à Paris, et raille écus
d'indemnité pour son déplacement et ses
frais de route. Douze jeunes artistes,
mis sous sa direction, formeraient,
ensuite, une Académie de sculpture. La
perspective de cet avenir inespéré ra-
341
DUQUESNOY
342
nima François T)u Quesnoy, et parut lui
rendre la santé. Les préparatifs de son
voyage ne tardèrent point à être ache-
vés : hélas ! ce n'était qu'une améliora-
tion trompeuse, la maladie le reprit
avec une telle intensité, qu'il fut bientôt
en proie au délire. Quand la fièvre
diminua, les médecins jugèrent qu'un
changement d'air lui était indispensa-
ble, et ils hâtèrent son départ de Rome,
en dépit des chaleurs de l'été. Il se mit
en route vers le milieu du mois de juin
1643, accompagné de son frère Jérôme,
qui, de retour d'Espagne, était accouru
de Florence à la nouvelle de sa- grave
rechute. Ils parvinrent jusqu'à Li-
vourne, en Toscane, où ils durent s'ar-
rêter, l'état de faiblesse du malade exi-
geant le repos. Mais le mal continua
d'empirer si rapidement, que, le 13 juil-
let 1643, et non 1643, comme le disent
plusieurs auteurs, le malheureux artiste
rendit le dernier soupir, eu présence d'un
de ses compatriotes, l'orfèvre bruxellois
André Ghysels, un ami intime, qui
l'assista dans ses derniers jours. Le
Fiamini/o fut enterré dans l'église des
Frères Mineurs (les Cordeliers), à Li-
vourne, où l'éminent sculpteur n'a ni
monument, ni épitaphe.
La plupart des biographes ont attri-
bué la mort de François Du Quesnoy à
des causes évidemment erronées. Les
uns le disent empouonné par ses rivaux,
ses envieux; d'autres, sans aucune
preuve, lancèrent cette terrible accusa-
tion à Jérôme Du Quesnoy, son frère.
Ce bruit d'empoisonnement se répan-
dit ainsi en Italie, en France, dans
les Pays-Bas, et des écrivains rapportè-
rent même que Jérôme Du Quesnoy,
condamné à Gand, douze ans après, pour
crime de sodomie, se reconnut coupable
du fratricide de 1643. Leurs assertions,
seulement appuyées de vagues induc-
tions, sont démenties par des documents
authentiques et contemporains, con-
servés aux archives du royaume de Bel-
gique, à Bruxelles, et aux archives ur-
baines à Gand.
Dans une requête adressée au roi en
son conseil privé à Bruxelles, et datée
du 20 octobre 1654, les héritiers survi-
vants de François Du Quesnoy récla-
mèrent leurs parts de sa succession,
restée indivise, depuis 1643, entre les
mains de son frère Jérôme, récemment
supplicié, et indûment comprise par le
fisc dans la confiscation de ses biens,
prononcée en suite de la peine capi-
tale qu'il avait encourue. A l'appui de
leur droit, ils exposèrent à Sa Majesté
que feu François Du Quesnoy, voya-
geant de Rome vers les Pays-Bas, et la
France, arriva à Livourne, en compagnie
de son frère Jérôme, comme lui sculp-
teur-statuaire, avec plusieurs caisses
d'œuvres d'art, de matériel de sa profes-
sion, etc.j qu'il y mourut, et que Jé-
rôme Du Quesnoy, s'étant mis en pos-
session de tout ce qui appartenait au
défunt , l'expédia à Bruxelles par un
bâtiment hollandais, et se refusa au
partage avec les cohéritiers, prétextant
que c'étaient des objets de son état, et
leur dissimulant l'import des deniers
comptants. Les héritiers, n'osant inten-
ter un procès, avaient patienté, lui
abandonnant la jouissance de la suc-
cession fraternelle, dans l'espoir que,
Il resté célibataire » , et gagnant beau-
coup d'argent par ses travaux, il leur
laisserait, un jour, une double hérédité
à partager. Déçus dans leur attente, ils
demandèrent à Sa Majesté de leur faire
restituer, à dire d'experts peintres et
sculpteurs, les objets de la succession de
François Du Quesnoy encore existants.
Cette supplique fut appuyée de considé-
rations et de pièces justificatives, entre
autres, d'un acte notarié, rédigé en fla-
mand et daté du 16 octobre 16.54, dans
lequel le sieur André Ghysels, bourgeois
de Bruxelles et orfèvre, témoignait, sous
serment, que « séjournant, avec sa
" femme, en juin-juillet 1642, à Li-
II vourne, en Toscane, ils avaient vu
" arriver dans cette ville feu le sieur
Il François Du Quesnoy et son frère
« Jérôme Du Quesnoy, avec leur ba-
II gage et quatre grandes et si pesantes
Il caisses, que, pour transporter cha-
II cune d'elles du navire au logement
Il des voyageurs, il fallut employer
Il l'aide de huit hommes. Que François
Il Du Quesnoy fut contraint de s'aliter;
343
DUQUESNOY
344
« que, journellement, il fit visite au
Il malade, comme à un compatriote et
Il un ami, s'étant liés à Rome et s'ai-
II mant comme deux frères. L'artiste
" lui confia que depuis maintes années
Il le roi de France l'avait fait engager
Il à aller travailler pour lui, et, qu'ayant
Il accepté ses offres et reçu deux mille
Il ducats pour subvenir à ses dépenses
" de voj^age, il était en route pour ce
Il pays. Au bout de trois semaines.
Il François Du Quesuoy expira dans ses
" bras, et .Jérôme Du Qiiesnoy fit enter-
" rer la dépouille mortelle aux Frères
Il Mineurs, à Livourne. Les caisses, cof-
II fres et bagages furent embarqués pour
» Bruxelles dans un bâtiment en par-
II tance pour la Hollande, tandis que
Il Jérôme Du Quesnoy prit la voie de
" terre, se rendant par la France dans
Il les Pays-Bas. « L'intéressante décla-
ration de l'orfèvre bruxellois contient
un fait non moins important à relever,
parce qu'il prouve que si les deux frères
s'étaient séparés à Borne par une sorte
d'incompatibilité de manière de vivre,
ils ne furent ni ennemis^ ainsi qu'on l'a
prétendu, ni même indifférents l'un à
l'autre. " Au commencement de l'an-
" néel6-il, .Jérôme Du Quesuoy revint
'/ d'Espagne, et logea pendant neuf
" mois à Florence, chez André Ghysels,
Il qui y habitait alors. C'est de là qu'il
Il partit pour Rome, afin d'y rejoindre
Il son frère malade, et raccompagner
Il dans son voyage vers les Pays-Bas ou
Il la l'rance. « Ainsi Jérôme Du Ques-
noy avait quitté Home depuis trois ans
au moins, lorsque François Du Quesuoy
éprouva la rechute de la maladie qui
finit par l'emporter.
Une dernière attestation, concernant
la propriété des caisses d'objets d'art, etc.
emtjarqiiées à Jjivourne en 1642, pour
Bruxelles, et parvenues à leur destina-
tion, fut présentée par les héritiers de
François Du Quesuoy en 1655. Elle
émanait du Kév. Martin Pratz, vicaire
général des armées royales, aux l'ays-
Bas, et doyen de la collégiale de Sainte-
Gudule, à Bruxelles, déclarant « avoir
Il vu depacqueter plusieurs grandes
" caisses contenantes (quantité d(vs li-
II gures de toutte sorte, avec aultres
Il hardes et jolitez très-curieuses et de
Il prix, appartenantes à feu Francesco
Il de Quesuoy, statuaire d'Urbain VIII,
Il mort à Jjivourne d'une modorre (1) et
Il ah intestato, pensant transporter le
Il tout à Bruxelles, ce que Jerosme, son
Il frère, exécuté à Gand pour crisnie, a
Il faict, et conduict les dictes hardes par
" mer, sans pour ce avoir plain droict à
Il icelles que pour une septiesme part
Il d'entre les frères et sœurs cohéritiers
Il du dict Francesco, tellement qu'en
" bonne justice et conscience ils ne peu-
II veut estre privez de la dicte here-
II dite. " — XII mars 1653. Qiiod attes-
tor, J. Grart, not. près.
Dans les déclarations auxquelles les
héritiers durent, en 1655, le décret de
mise en possession de leurs parts encore
existantes de la succession de François
Du Quesnoy, il n'y a pas ombre de
réticence ou d'une allusion quelconque
au soi-disant empoisowiement fratricide,
que ni les médecins de Jiome, ni ceux
de Livourne, ni André Ghysels même,
n'auraient pu méconnaître. Et si André
Ghysels avait appris ou soupçonné le
meurtre; s'il avait reculé depuis 1642
devant l'horrible révélation, en 1654 il
n'y avait plus lieu de se taire. Quant à
l'aveu qu'en aurait fait Jérôme Du
Quesnoy à l'heure de la mort, cette
assertion est controuvée, et peut être
le résultat d'une fausse interprétation.
Tous les documents de la procédure cri-
minelle de 1654 : interrogatoires éche-
viuaux, explications, dénégations et
déclarations émises, avant on après tor-
ture, par l'accusé, et signées de sa
main, existent aux archives communales
de Gand : sa dernière déclaration con-
state seulement l'aveu du crime de so-
domie, témoignage formel exigé par la
coutume avant l'exécution de la sen-
tence capitale.
Un écrivain hollandais, poète et ju-
dicieux observateur , messire Vander
Mervvede, seigneur de Cloqtwyk, qui
séjourna en Italie au temps de François
(l) Diî l'ospagnol moilorra, grand assoiipisse-
meiit (l(!s sens; troubles du cerveau; all'iîclioii
ly[ilioïile ehroiii(|ue.
345
DUQUESNOV
346
T)ii Quesnoy, qu'il nomme Fraxcesco
FiAMiXGO, a publié à La Haye, en 1651,
un poëme intitulé : Uylhei^imtyi Oodog
of Roomse min-triomfeu. Parlant de la
statue de ,Sa'mt André, posée, dans la
basilique vaticane, à Kome, par les
intrigues de rivaux envieux et le dépit
duBernin, à une place éclairée à rebours
et qui n'était pas destinée à l'œuvre,
ajoute : » Cette contrariété et d'autres
» affronts furent tellement sensibles à
« l'artiste, qu'il en perdit la raison et
« la vie. On rapporte aussi que les Ita-
« liens, en mêlant quelque ingrédient
Il dans son vin, l'avaient rendu idiot. «
Cette relation oontemporaiue explique
le dire propagé par Bellori, et que ce-
pendant Passeri, autre biographe romain
de l'époque, ne mentionne point (1).
Il Ainsi mourut, empoisonné par ses
Il envieux, selon l'opinion commune, le
Il plus excellent sculpteur qui ait existé
Il depuis la renaissance des- arts «,
s'écrie Le Mayeur_, dans son poëme
national : La Gloire belfjiqne. Cette ver-
sion est la seule vraie, interprétée dans
le sens que les continuels déboires qu'eut
à subir le Fiamivgo, dans sa laborieuse
carrière, empoisonnèrent son existence.
Au reste, il est une erreur non moins
étrange, que l'on rencontre dans des
auteurs d'ordinaire bien informés : Flo-
rent le Comte et d'autres, après lui,
n'ont-ils pas confondu les deux frères
au point d'écrire que François Du
Quesnoy (mort à Livourne en 16-i2) a
été supplicié eu 1654 à Gand !...
Le dernier ouvrage sculpté par Fran-
çois Du Quesnoy, à Eome, fut le Cupiâon
décochant sa JiècJie, qui passa au palais
du duc de Kent, à Londres. ^lais outre
les œuvres mentionnées dans cette no-
tice, on cite encore un remarquable mé-
daillon sur le tombeau du professeur
Bernard Gabriel! ; une charmante ^V/«;-e
sur le mausolée dii peintre belge Jean
De Haese, et, dans plusieurs églises de
Kome, des bustes de saints et de saintes,
exécutés en argent d'a])rès ses modèles :
Saint Silvestre, Saint François de Faule,
(i) J.-P. lîellDri, nioit ù Rume en 1676, y pu-
blia, on 'I67i, ses Via des peintres, sculpteurs et
archiieclcs modernes. — J.-B. l'assci'i, iiijrl à
Sni/'t Henri, Saint Charles, la Madeleine,
Sainte Marthe, la Fierye et les bien-
heureux Bor(jia et Stanislas. Quelques
œuvres sont dispersées en Europe : à
Xaples, dans l'église de Santa Maria
delV Anima, l'épitaphe de Gaspard De
\isscher, décorée du buste et de deux
génies; à l'église des Apôtres, dans la
chapelle du cardinal Filomarini, un
grand bas-relief, représentant un Con-
cert d'anyes, morceau admirable ; dans
la galerie de Florence, un Enfant rieur;
à Monaco, dans les bains du palais, un
Cupidon, en bronze; à Madrid^ au pa-
lais, deux bas-reliefs en marbre : un
Jeu d'enfants, offert à Philippe III par
le cardinal Barberini, et Eercide, au
berceau, étoujfant un serpent; à tienne :
un Christ, en ivoire, sculpté pour le
prince de Lichtenstein; à Manheim
(palais électoral), un Saiiit Sébastien et
Jésus à la colonne, figurines en ivoire.
A Amsterdam existait en 1733, dans la
collection Ten Kate, les bustes en mar-
bre de Flaton ou Sophocle et de Xéno-
phon. Ils furent vendus par licitation
mortuaire et sont rangés parmi les plus
belles œuvres du statuaire flamand. Bel-
lori prise fort une statue en marbre de
Jésus-Christ attaché à la colonne, faite
pour M. Hesselin, maître de la chambre
aux deniers de Louis XIII. Pour ce
monarque. Du Quesnoy avait modelé
une statue de Fierye martijre, qui devait
le précéder en France. Parmi ses bas-
reliefs on distingue : V Amour profine
terrassé par V Amour divin; puis la Bac-
chanale enfantine de la villa Borghèse, à
Eome, bas-relief traité en pierre de
touche sur fond de lazulite. La Belgique
est la moins bien partagée, à peine y
trouve-t-on quelques Christs en ivoire,
et une statue de la Vierge dans la cathé-
drale d'x\nvers.
Les modelés de ses œuvres et les
reproductions eu cire, en terre cuite, en
plâtre, ont toujours été recherchés.
M. Crozat, marquis de Chàtel, amateur
renommé à Paris, en possédait soixante-
cinq dans sa galerie, ainsi qu'une statue
Rome en 1679, a ('cril les Vies des peitilres, sculp-
teurs et urtlutectes qui liavaillcicnl à Rome, de
son temps, jusqu'en 1673.
J47
DUQUESNOY
348
antique, en marbre, de quatre pieds de
haut, restaurée par Du Quesnoy : le
Jeune Bacclim, qu'on regardait comme le
morceau le plus précieux de son cabinet.
« Il ne restait d'entier à cet antique,
« dit Mariette, que le corps et la tête :
H François Flamand y avait ajouté les
1/ bras, les cuisses et les jambes. Quel
« restaurateur! « M. Crozat avait en-
core les bustes à' Antinous et d'Horace,
ainsi que la tête du Gladiateur ; M. Ma-
riette : une copie du torse antique, une
Jgrippine et le buste de la femme de
Nicolas Poussin. Le cardinal Barberini
posséda deux têtes en terre cuite, Jésus-
Christ et la Vierge Marie, qui furent
reproduites en argent, la première pour
la reine d'Angleterre, la seconde pour
le cardinal Camille Massimi.
Les biographes n'indiquent pas d'au-
tres élèves de François Du Quesnoy,
après son frère Jérôme, le plus habile
d'entre eux,qu'Artus Quellin, le Vieux,
d'Anvers, qui enrichit la Hollande de
SCS principales œuvres; Rombaut Pau-
wels, dit Pauli, de Malines, qui tra-
vailla longtemps à Gand; Louis Le
Doux, de Mons, sculpteur et architecte,
dont les ouvrages sont estimés; D'Orphé
Bruselli, qui fit, d'après le modèle de
son maître, une statue de Saint Ani-
broise. Un orfèvre liégeois très-distin-
gué, Pierre Du Fresne, fut élève mode-
leur du Fiamingo.
Le portrait de François Du Ques-
KOT , peint à Eome par Antoine van
Dyck, et qui montre le sculpteur tenant
à la main une tête de Faune antique, a
été gravé en manière noire, à Bruxelles,
en 1751, par Pierre van Bleeck, en for-
mat in-fol. Une inscription anglaise re-
produit la fausse accusation d'empoison-
nement contre Jérôme Du Quesnoy, ainsi
que le prétendu ave\i de 16.54. L'œuvre
originale de Yan Dyck, vendue à Lon-
dres en 1S33, est tenue pour fort res-
semblante; elle offre exactement le por-
trait qu'a tracé du statuaire bruxellois
un de ses contemporains. « D'une taille
« élancée, c'était un des plus beaux
Il hommes de son temps; il avait la che-
« velurc blonde et les yeux bleus; son
« regard mélancolique et presque triste
« dénotait son extrême aménité. Ni l'en-
II vie, ni l'ambition n'entrèrent dans son
Il cœur; sa probité, la régularité de ses
Il mœurs et son commerce agréable lui
Il procurèrent d'honorables amitiés. «
L'image de François Du Quesnoy nous
a été transmise aussi par le burin de
Gérard Edelinck, d'après Van Dyck ,
et une copie par Desvachez, élève de
Calamatta, à Bruxelles; par Gérard Au-
dran, d'après Le Brun, et par Eandon
dans la Galei'ie des artistes célèbres, etc.
— Un portrait peint par Jean van
Hoeck, d'Anvers, représentant François
Du Quesnoy, dit le Flamand, tenant de
la main droite une Bacchanale , en bas-
relief, a été vendu, à Versailles, en
1850, avec la collection du comte Des-
pignoy. Le graveur belge A. Jouvenel
a exécuté une médaille mémorative,
portant, de face, le buste de François
Du Quesnoy, et au revers une inscrip-
tion biographique succincte.
Edm. De Bussoher.
Corn. De Bie, Ilet guldeu cabinet der edele vrye
Schilderconst, enz. — Ph. Baeit. Mémoire sur les
sculpteurs et architectes des Pays-Bas, M S. —
Hcniie et Wauters, Histoire de Bruxelles. — Del-
venne, Biograidue des Pays-Bas. — Mariette,
Abecedario, notes sur les arts. etc. MS publié
en ISul-lSo;! — Ed. Fétis, Les Artistes belges à
l'étranfjer, 4837. — Eug. Gaiiss'^in. Hommes il-
lustres de la Belgique. — Alex. Pint;liart, Les
archives des «)7.s' (Messager de.ç sciences et des
arts>, '1860-'1863. — Goethals, Lectures relatires à
l'histoire de l'art eu Belgique, IH'Ad. — J -A. Clia-
bannes, Album biographique belge, 1848. — Di-
dol, Biographie générale — Immeiseel et Kramm,
Levens der holl en vl. Schilders, becldhouwers,
enz. — Hip. Kluyskens, Médailles des hommes
célèbres belges. — Archives du loyaume de Bel-
gique, à Bruxelles, et archives urbaines à Gand,
Documents MS.
DVQtiE^^xoY (Jérôme) ou Du Ques-
noy, le Jeune, sculpteiir-statuaire , ar-
chitecte et graveur de médailles, né à
Bruxelles en 1602, mort àGand le2Ssep-
tembre 1654. Frère puîné de François
Du Quesnoy, il se sentit, ainsi que lui,
attiré dès son enfimce vers la sculpture,
et, sans autre enseignement que celui
de Mre Jérôme Du Quesnoy, le Vieux,
son père, ses progrès dans l'art plastique
furent rapides. La réputation qu'acqué-
rait en Italie le frère aîné porta Jérôme
Du Quesnoy le Jeune à aller le rejoin-
dre à Pome, vers 1621. Simple apprenti
de l'atelier paternel, il partit plein d'ar-
849
DIIQUESNOY
350
cleur, avec la volonté de se perfectionner
dans la profession qu'il avait choisie.
Guidé par les conseils de son frère, il
s'adonna à l'étude et à l'imitation des
chefs-d'œuvre de la statuaire antique,
et parvint à un remarquable degré de
pratique sculpturale. Dans la taille du
bois, de l'ivoire et du marbre, dans le
modelé des chairs, l'exécution des fi-
gures enfantines et l'expression de la
beauté féminine, il s'assimila si complè-
tement le faire de son habile maître,
que nombre de leurs œuvres déroutent
les connaisseurs les plus experts :
Il Par Du Quesnoy «, dit-on communé-
ment, et sans autre dénomination. Té-
moin la plupart de leurs C'hrùts et leurs
gracieux Anges ow. Génies.
De caractères, de sentiments et de
mœurs qui ne concordaient point, les
deux frères ne sympathisaient nulle-
ment : aussi, de fréquents difi'érends ne
tardèrent pas à produire la désunion. Ils
se séparèrent, chacun continuant, à sa
guise, ses travaux et son genre de vie.
L'existence de François fut toujours ré-
gulière; celle de Jérôme, agitée et dis-
solue. Leur séparation eut lieu quelque
temps après le séjour que fit à Kome
Antoine van Dyck. L'illustre élève de
Rubens y peignit leurs portraits, et sem-
ble avoir voulu faire connaître les ten-
dances artistiques des deux sculpteurs,
en représentant François Du Quesnoy
une tête de Faune antlqtie à la main, et
Jérôme Du Quesnoy montrant un buste
A! Enfant.
C'est à cette époque que s'établirent
des relations d'étroite amitié entre Ni-
colas Poussin, François Du Quesnoy et
Alexandre Algardi, réunis dans la même
habitation. Quant à Jérôme Du Ques-
noy, il y a ici une lacune biographique :
on sait qu'il resta à Eome pendant
plusieurs années, s'absentant à maintes
reprises , mais on n'a pas de notions
positives sur les productions qu'il mit au
jour en Italie, ni sur celles qui marquè-
rent ses voyages en Espagne, où Phi-
lippe IV l'appela et lui commanda des
ouvrages qui lui valurent la faveur
royale. A quelles dates faut-il rapporter
ses excursions en Italie et ses séjours
en Espagne? On n'est guère fixé à cet
égard; toutefois il était revenu d'Es-
pagne vers 1641, et logeait depuis neuf
mois à Florence, chez un compatriote,
l'orfèvre bruxellois André Ghysels ,
quand survint, en 1642, la grave ma-
ladie de François Du Quesnoy, à Rome,
pendant ses préparatifs de départ pour
la France. Jérôme Du Quesnoy quitta
aussitôt Florence, pour se rendre au-
près de lui. Les médecins, n'espérant
le rétablissement de la santé, depuis
longtemps languissante, de leur ma-
lade, que du changement de climat et
d'une existence meilleure, lui prescri-
virent de se mettre en route sans retard,
malgré les chaleurs de la saison d'été.
Les deux frères partirent ensemble, en
juin 1642; mais, arrivés à Livourne, la
fièvre, qui s'était momentanément apai-
sée, reprit avec une nouvelle intensité,
et ils furent forcés de s'arrêter. Trois
semaines après, François Du Quesnoy
succomba au mal chronique qiii le mi-
nait; il expira, le 12 juillet 1642, entre
les bras d'André Ghysels, qui, chaque
jour, lui avait prodigué la plus aflèc-
tueuse assistance. Le peintre Nicolas
Poussin, revenu depuis peu en Italie, et
lequel, au dire des biographes, s'était
joint aussi au malheureux artiste, n'avait
pas quitté Rome; il ne retourna plus en
France. Jérôme Du Quesnoy fit ensevelir
les restes mortels de son illustre frère
dans l'oratoire des Minorités ou Corde-
liers, à Livourne, et prit possession de
ses bagages, de ses caisses d'objets d'art,
qu'il embarqua sur un navire en desti-
nation des Pays-Bas. Il s'y achemina
lui-même, par la route de France. De
retour à Bruxelles, il se fixa dans cette
ville, et refusa de partager, avec les
cohéritiers du défunt, les objets rappor-
tés d'Italie, prétextant que ce n'était
que du matériel de sa profession. Ils
s'accordèrent à en laisser la jouissance à
ce parent « déjà vieux célibataire » ,
comptant qu'un jour sa succession les en
dédommagerait.
Dès lors, réputé le plus habile sta-
tuaire de son époque, aux Pays-Bas, il
se vit accablé de commandes et se mit
activement au travail, dotant sa patrie
3ol
DUQUESNOY
352
de productions remarquables. Parmi les
œuvres que l'eu distingue , ou cite :
à Bruxelles, dans la nef de la collé-
giale des iSS. Michel et Gudule, quatre
grandes statues en pierre, les apôtres
Saint Paul, Saint Thomas, Saint Barthé-
lemy et Saint Muthius, puis, sur l'autel
de tfaint-Josse, deux Anges, et au repo-
soir du Saint Sacrement une Fierté et
l'Enfant Jésus, eu marbre; dans l'église
de Xotre-Dame de la Chapelle, l'apôtre
Saint Mathieu ; ViVi Parc, une Machlei/œ;
dans Péglise de Xotre-Dame des Vic-
toires, au SabloUj ornant le retable de
Poratoire funéraire des princes de La
Tour et Tassis, une statue de Sainte
Ursule, en prière, et deux Anges. Dans
le ci-devant oratoire conventuel des
PP. Kécollets il plaça une épitaphe en
marbre, décorée d'un huste et de deux
Génies, dont l'impératrice de Ptussie lit,
plus tard, l'acquisition. De l'hôtel du
priuce de La Tour, on transporta à Eatis-
bouue uue statue de Bellone, en marbre.
L'abbaye de Saint-Michel, à Auvers,
commanda à Partiste trois statues
d'apôtres, eu albâtre : Saint Muthias,
Saint Tliadée et Saint Simon. L'église de
Saint-Alexis, au Grand Béguinage de
Malines, possède un Christ en croix, de
76 centim. de longueur, scuipté d'une
seule pièce d'ivoire. « L'exécution de ce
" magnifique ouvrage «, dit M. Xeelis
dans VInventaire artistique de Malines
(1S69), " est digne du graud maître
Il qui en est l'auteur. L'expression
" de la tête est admirable. « En 1864,
lors de l'exposition d'antiquités reli-
gieuses en cette ville, ce Christ fut sur-
moulé, et l'on en possède ainsi des
reproductions. A cette exposition se
voyait aussi le beau Christ de l'oratoire
épiscopal de Gaud, ivoire du même
artiste, très-apprécié. Le statuaire ma-
liuois Luc Fayd herbe avait de Jérôme
Du Quesnoy le Jeune un groupe de
Ganymède et V Aigle de Jupiter, qu'il
donna à son fils l'architecte Jean-Luc
Payd'herbe. La chute de ce groupe causa
la mort de ce dernier, en 1704, pendant
les opérations d'un déplacement.
En 164.5, Jacques Francquart, nommé
architecte de la cour sous le gouverne-
ment des archiducs Albert et Isabelle,
se trouvant, par suite d'une maladie
incurable, dans l'impossibilité de rem-
plir les devoirs de son office, Jérôme
Du Quesnoy lui fut adjoint, pour l'aider
ou le remplacer éventuellement. La
commission, du 26 octobre 1645, oc-
troyée par le gouverneur général des
Pays-Bas, Léopold-Guillaume d'Autri-
che, pour et au nom du roi Philippe IV
d'Espagne, s'exprimait ainsi : " Son
Il Excellence, pour le bon rapport que
Il faict luy a esté de la personne de
" Jtrosiiie Bu Quesnoy, se confiant à
« plein de ses leaulté, preudhommie et
" expérience au faict de l'architecture,
" l'a commis, ordonné et establi à
" Pestât ai! architecte, statuaire et sculp-
« leur de la cour, luy donnant mande-
" ment de faire et dresser les modelles
Il et dessings des bastimens, statues et
" aultres ouvrages que luy seront ordon-
" nez, et, au surplus, d'y vacquer et
" d'eu prendre soing, tout ainsy et
" avecq le mesme pouvoir qu'en a le
Il dict Jacques Francquart, et aux
Il employs qui luy seront donnez, lors-
II C|u'icelluy n'y pourra vacquer, et ce
» sans auciins gages, ains seullement aux
Il honneurs, proj/icts, emoluniens, frati-
II chises, exemptions et lihertez apjiarie-
II nans au dict estât, et tels semblables
Il dont jouit le dict Jacques Francquart,
" sur quoy, et de soy bien et duement
Il acquitter en l'exercice dudict estât,
Il le dict Jérosme Du Quesuoy sera tenu
« de faire le serment es mains du pre-
II sident et gens de la chambre des
n comptes en Brabant (1). " — Quand
Jacques Francquart mourut, Jérôme Du
Quesnoy lui succéda, au même titre.
Toutes les productions de Jérôme Du
Quesnoy le Jeune sont estimées; son
talent s'y révèle par un style pur et cor-
rect, une élégance et une morbidesse qui
ont élevé l'artiste bruxellois au rang
des maîtres de Part. De naïves et char-
mantes figurines, telles que les Enfants
à la chèvre, V Enfant et le jeune Faune,
ivoires de la collection du feu comte de
(1) Archives du royaume de Belgique, registre
n» HGS. — Alex. IMiicliart, Archives des arts,
l. l", 18CU.
353
DUQUESNOY
3o4
Kuypers de R^^menam, d'Anvers, ainsi
que les Anr/es et les Génies qu'il tailla en
marbre, lui ont mérité, comme à son frère
Francesco il Fiaaiixgo, d'être sur-
nommé l'A-lbanede la sculpture.
C'est à la période qui s'écoula de 1 643
à 1654 qu'appartiennent ses œuvres
capitales, entre autres : la statue de
Sainte Ursule, cette gracieuse concep-
tion que les connaisseurs prisent à l'égal
de la Sainte Suzanne de son frère, à
Notre-Dame de Lorette à Eome, avec
laquelle elle présente tant de similitude
féminine, et le groupe de Sainte Anne et
la Vierge, en pierre, posé en 1653 au-
dessus du portail de la chapelle dédiée
à la mère de Marie, à Bruxelles, puis
transféré dans le sanctuaire (1). Dans
Bruxelles illustrée , J.-A. Eombaut relate
que des religieux [les Jésuites?] ayant
commandé au fumeux Bu Quesnoy une
statue de Sainte Anne, en marbre blanc,
refusèrent d'accepter le groupe en pierre
de Sainte Anne et la Vierge, bien que
l'artiste leur déclarât « qu'il craignait
" de ne plus pouvoir faire une pareille
" œuvre « . lis persistèrent dans leur
refus, et il dut tenter l'épreuve, puisque
J.-B. Descamps et Ph. Baert ont constaté
l'existence du groupe en marbre dans
l'ancienne église des Jésuites, à Bruxel-
les, peu d'années avant la suppression de
l'ordre. Cette reproduction, longtemps
perdue de vue, est mentionnée dans
l'Inventaire a?'tistique de Matines : « A
" l'église de Saint-Jean, dans la cha-
« pelle du Saint-Sacrement, se voit le
« monument funèbre, érigé, au xixe siè-
« cle seulement, par la famille Van de
" Venue, à la mémoire de Jean van
« Leyen, mort en 1580. C'est un pié-
II destal de marbre noir, surmonté d'un
" groupe, d'une seule pièce de marbre
" blanc, représentant Sainte A.nne et la
Il Vierge. » Les deux figures sont
attribuées à Jérôme Du Quesnoy. (En
note : né en 1602.) Suivant V Inventaire,
Il l'œuvre, quoique gracieuse, soignée,
« bien rendue, n'est point, si elle ap-
« partient au célèbre sculpteur bruxel-
(l) A tort,s'api)uyant sur les initiales H. Q.,on
l'a allribué à Jérôme Du Quesnoy le Vieux.
Il lois, un de ses chefs-d'œuvre. » C'est
bien là cependant le groupe fait pour
les Jésuites de Bruxelles; le baron Van
de Venue l'acquit en cette ville, et le
jugement de M. Neefls justifie l'appré-
hension si judicieusement exprimée par
l'artiste , au regard de cette répéti-
tion d'une première production bien
réussie.
Son ouvrage le plus important, le
plus digne d'admiration, son vrai chef-
d'œuvre enfin, est le Mausolée de l'évêque
de Gand, Antoine ïriest, érigé en 1654,
dans le splendide chœur de la cathédrale
de Saint-Bavon. Selon l'appréciation
unanime des artistes et des connaisseurs,
ce monument funéraire égale les plus
renommés. Sur un sarcophage de marbre
noir, on voit, à demi couchée, la statue,
en marbre blanc, du vénérable prélat,
revêtu de ses habits pontificaux, le coude
droit appuyé sur des coussins; son atti-
tude est calme et il porte ses regards sur
le Christ, qui lui montre sa croix, tan-
dis qu'en face du Rédempteur apparaît
la Vierge-Mère (deux belles statues de
grandeur naturelle). L'image de l'évê-
que, traitée magistralement et d'une
parfaite ressemblance, vit : le marbre
semble s'être animé sous le ciseau. Six
petits Anges ou Génies décorent le mo-
nument : deux, en haut-relief, sur la
face du sarcophage, de chaque côté de
l'épitaphe; deux, soutenant l'écusson
aux armoiries du défunt, et formant,
au-dessous de la frise, l'amortissement
du mausolée; les deux derniers, assis au
bas des faces latérales : l'un s'appuyant
sur un flambeau renversé, l'autre sur
une clepsydre. Ces deux très-remarqua-
bles figurines, qui ott'rent les types et le
faire délicat de François Du Quesnoy,
lui sont attribuées. L'iconographe fran-
çais P,-J. Mariette, amateur d'art et
Il le plus fin connaisseur qui ait existé " ,
suivant MM. Ph. de Chennevières et
A. de Montaiglon, les savants éditeurs
de son Abecedario, y donne, à la date
du 27 juin 1766, les détails que lui
écrivit, au sujet du monument épisco-
pal gantois, M. Aydama, un de ses
correspondants : « M. Tricst avoit en-
II voyé, en 1642, sou portrait à cet ar-
i'2
35o
DIQUESNOY
'A'6\)
tiste célèbre François Du Q,uesuoy, en
le priant d'exécuter le monument dont
il vouloit décorer sa cathédrale
La satisfaction d'obliger un compa-
triote et la générosité avec laquelle
Triest réconipeusoit les talents, en-
gagèrent le Quesnoy à entreprendre
cet ouvrage. Mais la proposition de
passer en France [avec de brillants
avantages] détermina cet excellent
homme à suivre la fortune qui lui
tendoiù les bras pour la première fois.
Le portrait de M. Triest et le plan
de son tombeau furent donc renvoyés
en Flandres. Ils furent accompagnés
de deux petits enfants, destinés à
orner ce tombeau, s'il venoit à être
exécuté par un autre sculpteur...
M. ïriest écrivit mille félicitations
au Quesnoy, et joignit à sa lettre
cent pistoles d'Espagne [quatre cents
florins], pour les deux enfants qu'il
avoit reçus. — Après la mort de Fran-
çois Quesnoy, son frère Jérôme, qui
estoit pour lors en Italie^ retourna à
Bruxelles, et Triest lui proposa d'exé-
cuter son tombeau, ce qu'il accepta.
Mais, comme il estoit aussi débauché
que son illustre frère estoit sobre et
vertueux, et que, d'ailleurs, il estoit
accablé par une infinité d'ouvrages
moins considérables que le tombeau
de l'évêque, et qui, par conséquent,
lui rapportoient plus tôt de l'argent,
l'exécution de ce tombeau traîna en
longueur, et ne fut fini qu'en 1654. "
— Le prix du mausolée fut fixé à la
somme de huit mille florins.
Ces détails, qui paraissent avoir été
puisés à de bonnes sources, concordent,
dans leur ensemble, avec la" tradition
locale. Toutefois, Mariette inclinait à
croire que les deux petits enfants ou
génies avaient été sculptés par Jérôme
Du Quesnoy, d'après des modèles de
rançois Du Quesnoy. •> Il est notoire,
dit-il, que les belles sculptures de ce
tombeau sont de Jérôme Du Quesnoy,
qui, dans certaines parties de son
art, et surtout dans celle de manier
le marbre, marchoit de fort près sur
les traces de son frère. — J'ai vu
deux petits enfants d'yvoirc, qui
« sont, à n'en pas douter, exécutés sur
Il les modèles de François le Flamand,
Il où l'on voit les initiales : J. Q. « Du
reste, que les enfants ou génies au flam-
beau et à la clepsydre soient de François
Du Quesnoy, on peut l'admettre, sans
amoindrir le mérite de Jérôme, qui
sculpta les autres enfants ou génies et
les trois grandes statues qui complètent
l'œuvre . Dans Les Artistes belles à l'étran-
ger (Brux. 1857), M. Ed. Fétis assure
que François Du Quesnoy envoya de
Kome, avec les deux petits génies des
faces latérales de la tombe, la Statue du
prélat, dont il avait éhauché la tête. D'où
provient cette assertion évidemment er-
ronée, qu'infirme d'ailleurs létaux delà
rémunération accordée en 1642? Peut-
être du fait que Jérôme Du Quesnoy n'a
pu donner le dernier Ji ni à la figure de
l'évêque Triest, opération qu'il avait
réservée jusqu'à l'assemblage complet
ou la pose du mausolée, et qui fut em-
pêchée par de fatales circonstances. Au-
jourd'hui la figure est encore dans le
même état, « les environs du nez et des
yeux sont durs et raboteux « .
Jérôme Du Quesnoy arriva à Gaud le
6 juillet 1654; il s'installa, avec ses
aides, dans une chapelle de la cathédrale,
pour y dresser et achever les pièces de
ce tombeau admirable, qui aurait pu être
le premier fleuron d'une nouvelle cou-
ronne sculpturale, s'il n'y avait trouvé
la plus malheureuse fin. Dans les der-
niers jours du mois d'août, une étrange
rumeur cireiila dans la ville de Gand :
le sculpteur Jérôme Du Quesnoy était
incarcéré au Châtelet, accusé d'avoir
mésusé de deux jeunes garçons dans la
chapelle où il travaillait. Aux interro-
gatoires des 31 août et 1er septembre, il
reronnut qu'il les avait admis dans son
atelier, pour dessiner au crayon leurs
bras et leur poitrine, mais nia l'action
qu'on lui imputait, malgré l'aveu de ses
complices. Dans un troisième interroga-
toire, le 3 septembre, avec mise à la
torture, il avoua sa culpabilité. Les
procès-verbaux, rédigés en flamand et
conservés aux archives communales de
Gand, sont signés : IL {Hieronimus) Du
Quesnoy.
337
DUQUESNOY
338
Dès le 2 septembre, Du Quesnoy
avait présenté une requête au roi d'Es-
pagne, en son conseil privé aux Pays-
Bas, et, à titre « à! architecte et uigéniaire
de S. M. « , justiciable de l'alcadie de
cour, à Bruxelles, il avait décliné la
juridiction échevinale de Gand, deman-
dant, subsidiairement, l'interruption de
la procédure criminelle jusqu'à décision
sur la compétence judiciaire. La requête
fut envoyée à l'examen du magistrat
gantois, » tenant toute procédure irré-
parable en estât de surséance » . Le
10 septembre, le grand bailli et les
échevins remirent au conseil privé leur
avis défavorable, avec copie des interro-
gatoires subis par l'artiste et par ses
complices. La décision gouvernementale
traînant en longueur, des délégués de
l'échevinage se rendirent à Bruxelles,
afin de hâter la solution et d'obtenir
l'autorisation de prononcer la sentence.
Entretemps, les proches parents et des
amis du sculpteur bruxellois s'adres-
sèrent directement à l'archiduc Léo-
pold-Guillaume, gouverneur général des
Pays-Bas, et, par une suppliqiie du
4 septembre, appuyèrent la requête de
Jérôme Du Quesnoy, en implorant la
bienveillance du prince. Par une sup-
plique du 17 septembre, rédigée, comme
la première, en langiie latine, et qu'ap-
puya, de son côté, le vénérable évêque
Triest, ils exposèrent à Son Altesse Sé-
rénissime » que l'infortuné était toujours
sous la menace d'une décision mortelle,
et que si son crime secret et inusité se
divulguait, ce serait un scandale public,
d'un pernicieux effet , et une tache
d'infamie pour sa parenté, jusque-là ho-
norable. Enfin, que l'exécution de la
sentence causerait une perte irréparable
à l'art sculptural, tant religieux que
civil, auquel il avait déjà rendu de
grands services. Ils suppliaient Son Al-
tesse Sérénissime de le faire extraire
de sa prison et conduire, sous bonne
escorte, à Bruxelles, pour y comparoir
devant le conseil privé de Sa Majesté,
et qu'ensuite Son Altesse Sérénissime
daignât, dans sa bonté et sa clémence,
commuer la peine de mort en une déten-
tion perpétuelle, afin que le crime restât
secret, sans être impuni, et que le talent
du sculpteur-statuaire fût conservé à
l'art et au service de Son Altesse Séré-
nissime.
Mais les seigneurs du conseil d'Etat
ayant délibéré sur la réclamation de
Du Quesnoy, sur les requêtes de ses
proches, et examiné les pièces de la
procédure criminelle, soumirent leur
" consulte « à l'archiduc, en opinant au
rejet de tout recours, parce que, « quand
Il même l'artiste auroit le droit de dé-
" cliner la judicature du magistrat de
" Gand, il y auroit matière suffisante,
" en terme de justice, de l'en déclarer
" décheu et indigne; ensuite, comme il
« convient de nécessité d'en faire un
" chastoy exemplaire, afin de couper
" s'il se pouvoit, par sa racine, ce mal
>i qui se vat glissant et serpente parmy
" le monde, il nous a semblé que Votre
" Altesse pourroitestre servie de refuser
" la grâce requise, et, pour le surplus,
" en laisser convenir le magistrat de
" Gand, là où le crime et l'esclandre ont
« esté commis et le procès instruit. <•
Cet avis impitoyable fut apostille ainsi
par le prince : Me conprmo in tutto, et
parafé de sa main. En conséquence, le
conseil, dans sa séance du 22 septembre,
formula en décret la résolution défini-
tive, avec confiscation de biens, « au
profit du souverain «. Le chev. C.-L.
Diericx, dans ses Mémoirefs sur la ville
de Gand (t. 1er, préface), rapporte la
réponse personnelle que fit l'archiduc
Léopold-Guillaume aux pressantes solli-
citations qui lui furent adressées en
faveur d'un artiste honoré de sa protec-
tion distinguée et souvent appelé son
ami : Doleo rniserabilern, casum amici mei,
sed fiât jîistitia ! Le décret parvint à
Gand le 25 septembre, et tout espoir
s'évanouit.
En même temps y arriva, pour la
mise à exécution de la confiscation des
biens de Jérôme Du Quesnoy à Bruxelles
et à Gand, l'ordre d'inventorier les
effets qu'il avait apportés avec lui, et
de l'interroger sur les objets mobiliers
laissés à Bruxelles, dans sa demeure
(Place des Wallons). Puis vint, avec une
délégation du majordome de la cour, un
3.H9
DUQUESNOY
360
orfèvre bruxellois, atin de réclamer de
Tartiste le moule d'une imao;e de Notre-
Dame, qu'il avait à jeter eu argent, pour
Son Altesse Sérénissime le gouverneur
général. Vers le milieu du xviie siècle,
l'habile sculpteur s'était placé parmi les
médailleurs de la Belgique et il avait
gravé, en l'honneur de l'archiduc Léo-
pold-Guillaume, une médaille portante
l'avers le portrait du prince, et au revers
cette allégorie : une croix chargée de
deux branches d'olivier, abritant un
agneau poursuivi par un lion. — Signa-
ture : HIEE-DV-QVESXOY. F.
Le 28 septembrel654,fut prononcée,
en assemblée spéciale, réunie dans la
salle de justice, à Gand, la sentence cri-
minelle, que, selon la coutume, on exé-
cuta ce jour, dans toute sa teneur. For-
mulée en langue flamande, en voici la
traduction littérale : « Parce que vous,
" Jérôme Du Qjiesnoy , on ainsi que
" vous êtes nommé ou surnommé, né à
Il Bruxelles et âgé de cinquante-deux
Il ans, vous vous êtes oublié, en divers
Il lieux et à diverses reprises, jusqu'à
Il commettre le crime de sodomie et au-
« très abominations, plus amplement
" mentionnées an procès, ce dont il
Il conste par vos propres confessions ou
Il autrement, à suffisance de dioit, toutes
" choses intolérables dans une ville à ju-
II dicature, et qui méritent une punition
Il condigne et exemplaire j les échevins
•I de la keure de Gand, ouï le réquisi-
II toire criminel dressé à votre charge
Il par l'officier municipal ; vu les lettres
Il reçues de la part de Sa Majesté sur
Il le même sujet et, le tout considéré,
" faisant justice, vous condamnent à
Il être attaché à un poteau, étranglé et
Il votre corps réduit en cendres, sur le
Il Marché aux grains de cette ville. Dé-
" clarant saisis et confisqués tous vos
Il biens, fiefs, meubles et immeubles, là
Il où. ils se trouvent ou sont situes, rien
•I exempté, ni réservé, les frais de jus-
II tice préalablement déduits. «
L'exécution eut lieu avec l'appareil
usité : le bailli de Gand, deux échevins
délégués et l'amman, à cheval, y prési-
daient, accompagnés du conseiller crimi-
nel, du clerc du sang, des gens de justice
et des secrétaires communaux. L'offi-
cier des hautes-œuvres, Gérard van Was-
semburch, fonctionnait avec ses aides,
sous la protection des hallebardiers du
bailli. Quelques auteurs ont reculé la
date du châtiment jusqu'au 2-i octobre
1654; des documents authentiques con-
statent que, le 2 octobre, le malheureux
sculpteur n'existait plus. L'historien
gantois Diericx assure que la f/^^âce de
Jérôme Du Quesnoy arriva le lendemain
de son supplice, « seulement pour que
les biens ne fussent pas confisqués « :
c'est une autre erreur. Les héritiers ne
furent mis en possession du restant de
la succession, que sur leurs instances
réitérées et par décret royal du 15 dé-
cembre 1656. En 165 S, ils réclamèrent
de la mortuaire de l'évêque Triest, dé-
cédé en 1657, mille florins encore à
solder sur le prix du mausolée. Un long
procès s'ensuivit, devant le conseil de
Flandre, et se termina par transaction,
le 6 mai 1671.
Le portrait de Jérôme Du Quesxoy
le Jeune, peint à Rome par Ant. van
Dyck, a été publié à Bruxelles, en 1779,
gi'avé à la manière noire par Eichard
Broockshaw, artiste anglais. Ce portrait
est d'une ressemblance caractéristique.
Sous la gravure se lit l'inscription
suivante :
HIC ILLE EST QUONDAM FRATRI VTX DISPAR IN ARTE,
FELIX ! INFEUX ATTAIIEN IGNE PERIT :
NON PERIIbSE, ABIISSE SCIAS ; SUA FAMA CELEBRIS
ARTE MANET : REDIIT; NAM REDIVIVUS ADEST.
En eft'et, si une mort infamante voua
sa mémoire à l'oubli, ses œuvres ont
sauvé sa renommée artistique : il est
toujours en Belgique, comme son frère
François Du Quesnoy en Italie, le
fameux Du Quesnoy. — On cite de ses
élèves : Jean Voorspoel, qui exécuta,
au xviiie siècle, dans l'église de Sainte-
(iudule, à Bruxelles, l'autel en marbre
de Notre-Dame de Délivrance, ainsi
(|ue le tombeau du comte Ernest d'Isem-
boui'Si-; Kenry JMatthys, qui posa,
dans la cathédrale de Gand, le mausolée
du chanoine Joachim du Buget, baron
de la Serre, sarco])hage surmonté d'un
obélisque, avec médaillon a portrait, en
361
DUQUESNOY — DURAND
:^62
marbre blanc; Ph. De Backer, sculpteur
et peintre, à Bruxelles.
Eilm. De Biissoher.
Mensaert, Le peintre amateur et curieux, 1764,
— Descaraps, Voiiaqe pittoresque en Flandre et
en Brabant, 1769 et l79iJ. — J-A. Rombout,
Bruxelles illustrée, 1777- 17'9. — P.-J. Mariette,
Abecedario, notes sur les arts, MS. publié en
1851. — J.-V. Goethals. Lectures rel. aux arts
en Belgique, 1838. — Ph Baerl, Mémoires sur
tes sculpteurs et architectes des Pays-Bas, 177o-
•1779. — Bibliothèque royale et Bulletins de la
commission dhisioire , tomes XIV et XV. —
Alex. Pinchart. Archives des arts, 1860-1868;
Messager des sciences et arts, Gaiid. — Histoire
de la gravure des médailles en Belgique, mém.
acad , I8li8. — Immcrseel et Kramm, Levens der
holl. en ri. Schilders , beeldhouwers, etc. —
P.-J. De Goesin et J -J. De Smel, Description de
l'église cathédrale de Saint Baron. — ■ Aug. van
Lokeren. Messager des sciences et des arts, 1801-5.
— E. >'eeffs. Inventaire artistique de Malines,
1869. — Archives du royaume de Belgique, Con-
seil privé. — Archives communales de Gaiid, Re-
gistres des enquêtes criminelles, missives, rescrip-
lions échevinales, etc.
nURAiiD, évêqiie de Liège, naquit
à Morialmé, dans la partie de l'Entrc-
Sambre-et-Meuse qui appartenait à la
principauté de Liège, et mourut dans
sa ville épiscopale le 23 janvier 10.24
ou 1025 (1). Il était d'origine obscure
et vassal des seigneurs de Morialmé,
qui le recommandèrent à l'évêque Not-
ger. Instruit par les soins de ce prélat,
Durand, se distingua si bien par sa
science et ses vertus, que l'empereur
Henri II ayant demandé à "Wolbodon,
successeur de Xotger, un homme re-
commandable par son mérite, ce prélat
lui adressa Durand. Henri II lui donna
le titre de vice-chancelier de l'Empire,
le mit bientôt à la tête des écoles de
l'église de Bamberg et le désigna, à la
mort de W'olbodon, pour remplacer celui-
ci sur le siège épiscopal de Liège . D urand ,
dit Gilles d'Orval, était en route pour
prendre possession de son évêohé lors-
qu'il rencontra, à Juliers, le grand pré-
vôt du chapitre de Saint - Lambert ,
Godescalc, seigneur de Morialiué, que
les chanoines de la cathédrale avaient
élu comme évêqiie, et qui se rendait
auprès de l'Empereur pour obtenir la
confirmation de son élection et l'inves-
titure des droits régaliens. Alors s'éleva
entre les deux caiulidats une lutte de
,1) Suivant Gilles Boucher, le \" février 1023.
générosité dans laquelle l'ancien vassal
fut vaincu. Godescalc rebroussa chemin
et présenta lui-même Durand au clergé
liégeois. A la vérité, ce récit, dont l'his-
torien Anselme ne dit pa.s un mot, pa-
raît avoir été imaginé par Gilles d'Or-
val; on ne peut donc y ajouter foi. Ce
qui est certain, c'est que le nouvel
évèque refusa de recevoir, de la part de
Godescalc, l'hommage que devaient lui
prêter tous les dignitaires de la princi-
pauté dans la cérémonie de sou inaugu-
ration.
L'administration de Durand fut heu-
reuse et paisible ; sa plus grande préoc-
cupation était la prospérité des écoles
qui l'avaient élevé à une si haute
position et dans lesquelles il se plaisait
encore à enseigner lui-même Albéric de
Trois-Fontaines fait l'éloge de ses ta-
lents littéraires : in utraque lltterarum
scientia lonije salis erat expeditus.
A la demande de Durand, l'Empereur
confirma à l'église de Trêves la pro-
priété de l'abbaye de Saint-Servais de
Maestricht; le 25 juillet 1022, le prélat
dédia l'église de Gembloux, et, le
18 septembre de la même année, il con-
firma l'accord que l'évêque Xotger avait
conclu avec l'abbaye de Saint-Ricquier
pour l'engagère de quelqiies biens de ce
monastère. Ayant eu un différend avec
Pilegrin, archevêque de Cologne, au
sujet de l'abbaye de Borcette, un con-
cile, présidé par l'Empereur, fut tenu en
1023 à Aix-la-Chapelle : Durand sortit
vainqueur du débat. Lorsque Henri II
mourut en 102-1, deux Conrad, petits-
fils d'Otton, duc de Eranconie, se dispu-
tèrent le trône : l'évêque de Tongres et
presque tous ceux de la Germanie se pro-
noncèrent d'abord pour le plus jeune;
mais, ensuite, revenant sur leur première
décision, ils embrassèrent le parti de
l'aîné, qui fut élu sous le nom de Con-
rad II. Le 2 octobre 1024, Durand
obtint du nouvel Empereur la restitution
à l'église de Liège du domaine de Her-
wardes dont Henri II s'était emparé; le
diplôme est daté de Liège : actitm in
clcitate Legia féliciter. On attribue aussi
à Durand la fondation de l'église de
Fumai en l'honneur de saint Hubert.
:^63
DURAND — DURANS
364
Quelques auteurs avancent que le comte
de Namur releva de lui en fief le comté
de Brugeron.
L'abréviateur de Eupert, qui n'est
autre que Renier de Saint-Laurent, his-
torien de la fin du xiie siècle, et Renier
lui-même, rapportent que quatre évo-
ques de Liège, et notamment Durand,
spolièrent successivement l'abbaye de
Saint-Laurent. Importuné, disent-ils,
par les demandes d'argent de ses ofiî-
ciers, Durand leur partagea 400 marcs
que son prédécesseur avait légués à
ce monastère ; il en éprouva par la
suite des remords si violents qu'il se
crut poursuivi par Ja colère de Wolbo-
don et mourut, après avoir ordonné la
restitution du legs, auquel il ajouta la
donation du domaine de Wasseige, dans
le comté de Namur. Sauf la donation, ce
récit paraît aussi sujet à caution; ni
Anselme qui écrivait en 1056, ni Sige-
bert, auteur du commencement du
xiip siècle, n'en font mention.
Conformément au désir exprimé à son
lit de mort, Durand fut enseveli en
dehors de l'église de Saint-Laurent;
mais en l'année 1030, l'abbé Etienne le
fit transporter dans l'enceinte même du
temple et les vers suivants furent gravés
sur son tombeau :
DIRANDUS JACET HIC, QVl PAl'LO PLUS TRIBI'S ANMS
TL'NGRENSEM REXIT NOBILITER CATHEDRAM :
PAUPERIS IN NIDO PATRIMONU NATL'S, ET ALTUS
INT.EMO, SIMMOS EVOI.AT AD PROCERES.
yrOS TL'LERAT DOMINOS, IISDEM FAMUEANTIBUS USUS,
IN THEATRO MlîNDI FABULA QUANTA FUIT !
SEPTI.MA LUX URNAM FUNDENTIS IN ORBE FLUEBAT
CUM FACERÊT REBUS TRISTE VALE, SENIOR.
On a attribué à tort à Durand une
lettre écrite par l'évêque Théoduin à
Henri 1er roi de France, au sujet de
l'hérésie de Bérenger. s. Uormans.
(Rallia christiana, t. 111, p 83-2. — Fisen, Flo-
res ecclesiœ leodiensis, p. 69. — Les délices du
pays de Liège, t. V, p. 19. — Bibliothèque de
l'ordre de Saint Benoit, Bouillon, 1778, t IV,
p. 16. — Devaux, Histoire ecclésiastique du dio-
cèse de Licge, t. I, p. 161, mémoires inédits. —
Balderic , Gcsla episcoporum caineracensium,
l. m, n" oO. — Migne, Patroloijie, t. CLXX,
p (<8.1; I. CCIV, p. a09. — Chapeauville, Gesla
pontijicuin leodiensium , t. 1, pages 217, 460, et
les autres historiens liégeois.
ui:it.%:\n {Jacques- Honoré), mathé-
niaticicn, né à Bruxelles vers 15Î)S.
mort à Gratz le 28 août 1644. Il entra
dans la compagnie de Jésus en 1615, et
après deux années de noviciat, alla
étudier, à Louvain, la philosophie, la
théologie et les mathématiques. Ses
supérieurs l'envoyèrent ensuite (1627)
à Gratz, en Styrie, oïl il enseigna suc-
cessivement les diverses branches scien-
tifiques, objets de ses études à l'univer-
sité; il y donna aussi un cours de
théologie morale. On lui doit : 1» Eii-
clidis sexprimi Elementorum Geometrico-
rum libri per P. CJiristoplioncm Ginen-
hergerum è societate Jesu. Accessit item
ferme ex CJavio brevis trigonometria pla-
nornm; cum tahulis simmm, tangentium
et secantium, ad partes radii 100,000 jt?^
sex prima scapula graduum. Per P. Jaco-
bum Honorandum Durandum. Graecii,
1636, in-12. — 2° ProUema Matlietna-
ticum,ex arcJdtectura militari de Mœnibns
inferiorib?is, sive Falsd-Bragâ; an ea
hifra Jiorizontem, an supracoUocatida sit?
Grsecii, 1636, in-4'. — 3'^ Machina
matliematice et physice demonstrata. L'au-
teur n'eut pas le temps d'achever cet
ouvrage, la mort l'ayant surpris pen-
dant qu'il s'en occupait.
Aug. V:mder Meersch.
Foppens, Bibliotheca belqica, t. F, p. 516. —
Parfuut, ■Mémoires littéraires, t XI(, p 101. —
Sotwel,p. .373. — Alegambe, p 203. — De Backer.
Ecrivains de la Compagnie de Jésus, t. I
nVR.^x^i, trouvère du xiiie siècle,
vécut à Douai (ancienne Flandre). Il
dut sa célébrité à un fabliau des plus
amusants : c'est le Dit des Trois Bossus.
Vn riche bossu de Douai, aussi laid que
méchant, avait épousé une jeune fille,
belle et noble, mais pauvre. Un jour,
comme le jaloux était en sentinelle à sa
porte, il se vit al)ordé par trois méné-
triers bossus. Après avoir bien régalé
ses confrères, il les renvo^^a en leur
disant : « Regardez bien cette maison ;
" si jamais vous vous avisez d'y remettre
" les pieds, je vous ferai jeter à l'eau. «
INIais la dame du logis, qui s'ennuyait
fort, les fit rentrer chez elle secrètement
pour entendre leurs chansons. Au pre-
mier bruit du mari qui revenait de sa
ronde, elle les fit cacher dans trois cof-
fres; mais ils y moiinireiit asphyxiés. La
363
DURANS - DU RIEU
366
dame^ voyant alors passer un vigoureux
paysan, l'appelle et il consent, pour
trente livres, à porter un de ces cada-
vres à la rivière. A son retour, elle
prétend que le cadavre est revenu, et
elle le montre dans le second coffre. Le
porteur, croyant, comme bien on pense,
aux revenants et aux sorciers, finit,
sans le savoir, par jeter les trois bossus
dans la rivière. Comme il revenait de sa
troisième expéditioUj il aperçoit le maî-
tre du logis qui rentrait chez lui. Fu-
rieux, il l'assomme et l'envoie rejoindre
les trois autres cadavres. Il raconta naï-
vement l'aventure à la dame qui, devi-
nant tout et n'en laissant rien paraître,
se hâta de payer le vilain et se félicita
intérieurement du quiproquo qiii lui
rendait la liberté.
Durans, qui son conte défine (termine)
Dit qu'oncques Diex ne fitmeschiiie 'jouvencelle
Qu'on ne peut por deniers avoir.
Ce conte fournit au xviiie siècle l'ar-
lequinade des Trois Jumeaux. On le
considéra longtemps comme le chef-
d'œuvre du genre gaulois; mais le
mérite du trouvère Durans consistait
surtout dans les détails pittoresques,
comiques et spirituels dout il avait
enrichi une vieille légende colportée
depuis des siècles et sans cesse transfor-
mée par les conteurs tartares, persans et
arabes. On en trouve le canevas très-re-
connaissable dans les Piacevoli Notti du
Napolitain Straparola, les 1001 qiiarts-
d' heure de Gueulette, et d'autres re-
cueils. Cf. V Histoire des Romans de
Dunlop (trad. T. Liebrecht) et Keller,
préface du Roman des Sept Sages. Il est
très-probable que cette aventure, si peu
édifiante, a été, dans l'origine, un conte
dévot des missionnaires bouddhistes du
ve siècle avant notre ère. Telles sont les
étrangres vicissitudes des données litté-
Hiitoire littéraire de France, t XXIII. — Ser-
rure, Gexchied. d. Letterk., p. 33. — Fabliaux et
Contes publiés par Barbezan, nouv. édition par
Méon. Paris, 18Ù8. — Uinaux, Trouvères /la-
inands, p. 149.
DCRBVY (les comtes de). Le P. Ber-
tholet (voy. ce nomj dit que le comté de
Durbuy fut, dès son origine, un apanage
des cadets de Xamur; il est établi, du
moins, qu'il échut à Hexri, fils d'Al-
bert II, comte de Xamur, vraisembla-
blement (selon le savant Ernst, curé
d'Afden), par l'alliance qu'il avait
contractée avec une fille héritière de ce
comté. Cet Henri n'est connu que par
son intervention dans quelques chartes
du temps, et l'on constate par l'une
d'elles qu'il vivait encore le 5 avril
1089. Henri II, son fils, prit parti
contre l'évêque de Liège Otbert , le
protecteur du malheureux empereur
Henri IV. Il eut l'occasion de s'emparer
de sa personne et le fit conduire à Dur-
buy, usant de si peu de ménagements
enversle prélat, que celui-ci ne fut jamais
bien guéri des contusions qu'il reçut en
cette rencontre (1100). Hexri III suc-
céda à son père avant 1124, étant encore
mineur et placé sous la tutelle de Gode-
froid d'Assche. On ne sait ce qu'il devint
ni s'il eut des enfants; en tous cas le
comté de Durbuy fut remis en 1184 à
Raoul, évêque de Liège, pour en jouir
sa vie durant, sauf à retourner à Bau-
douin, comte de Hainaut, lorsque ce
dernier serait entré en possession des
comtés de Xamur et de Luxembourg,
dont Henri l'Aveugle lui assurait la
succession éventuelle. Mais ce dernier
Henri, décédé en 1196, laissa une fille
qui fut mariée à Thibaut de Bar, lequel
devint comte de Luxembourg et reven-
diqua le Xamurois contre Philippe le
Xoble, second fils de Baudouin. Le traité
deDinant(29 juillet 1199) termina ces
contestations et annexa sans retour le
comté de Purbuy au Luxembourg.
A. Alvin.
Atnplissiina collectio, t. IV. -- Miraeus, Chro-
nique de Baudouin d'Avesues — Ernst, f)es
comtes de Durbuy et de la Hoche. — P., Histoire
du Limbourg, préface.
OU RIE17 (Florent), peintre et poëte,
né vers 1620 et, selon toute probabilité,
H Xamur. Ses tableaux, pas plus que
ses vers, n'ont pu sauver son nom de
l'oubli. Il mérite néanmoins un souvenir
par un ouvrage assez curieux et fort
rare, qu'il publia sous ce titre : Les
tableaux parlans du peintre tiamurois.
A Namur, chez Pierre Gérard, impri-
367
DU RIEU — DURON DEAU
368
meiir juré, à Vopposite du parloir âes
pères de Ja Coinpa(/7iie de Jésns, 1658,
in-12, de 6 ff. prél. non chiffrés, 36, 81
et 28 pages chiffrées, plus 3 ff'. non
chiffrés à la fin. Ce livre, divisé en
trois parties, est dédié à' Philippe de
Croy, de Chimay et d'Arenberg. Dans
les poésies de Du Eieu, on remarque du
mauvais goût, de l'incorrection, mais
par ci par là quelques éclairs poétiques.
On rencontre, dans le même volume,
plusieurs pièces de vers d'un autre poëte
Gaspard de la Boitverie, également pein-
tre et ami de Du Eieu, avec lequel il
était lié depuis 1687; tous les deux
avaient la passion des médailles et des
antiquités romaines.
Feu M. de Eeiffenberg a publié un
article intéressant sur l'ouvrage de
Du Eieu dans le Bulletin du Bihliophile
belge, tome II, p. 207-210.
H. Helbig.
or KiECX {Géri) ou Eivius^ juris-
consulte, né à Chièvres, en Hainaut,
vers 1580. Il étudia la jurisprudence à
Louvain, et s'y étant distingué, fut élu
fisc et doyen des bacheliers de la Faculté
de droit ; il reçut le grade de licencié
en 1603 et s'établit comme avocat pos-
tulant au grand conseil de Malines. Il
publia : Jïisti Lipsii Principutus litiei'a-
r'ius, a Gauf/erico Rivio, J. C. et in
snprema cnria Belgica Mecldinice caussa-
rnm patrono, scriptus ad rittnn piriscum.
Antverpiae, Plantin, 1607, in-4o. Le
même ouvrage a été reproduit dans les
œuvres de Juste Lipse, Justi Lipsii Tama
posthiima, de l'édition de 1613. Eivius
fut un des élèves de cet illustre savant ;
il demeura chez lui et s'en fit aimer par
son naturel, sa capacité et sa bonne con-
duite. Aug. Vand«r Meerscb.
Sweertius, Alhenœ belgicœ. p. 268. — Valère
André, Fasti academici, p. !215. — Foppens, Di-
bliotlieca belfjica, t. I, p. S81.— Paquol, Mémoires
litlcraires, t. VIII.
Di'ROifDE.«c (François), docteur en
médecine, naturaliste, historien, né à
Bruxelles le 30 août 1732, mort dans la
même ville le 3 avril 1803. L'Académie
royale et impériale de Bruxelles se l'as-
socia le 25 mai 1773, et ses goûts labo-
rieux non moins que sa position émi-
nente de médecin de la cour, pendant
l'administration des deux gouverneurs
généraux autrichiens qui se succédèrent
de 1767 à 1788, lui permirent d'exercer
une utile influence dans la docte com-
pagnie; en outre, il ne cessa de prendre
la part la plus active à tous ses travaux.
Il semble que le rang distingué qu'il
occupait comme homme, comme savant,
aurait dû, non-seulement, préserver son
nom de l'oubli, mais encore contribuer
à nous faire connaître les principaux
événements de sa carrière. S'il n'en est
rien, si aucun détail de ce genre ne nous
a été transmis, c'est qu'au xviiie siècle
on s'occupait infiniment plus des pro-
grès scientifiques, considérés collective-
ment, que des particularités faites pour
caresser l'amour-propre des académi-
ciens. L'insouciance était si complète, à
cet égard, que les procès-verbaux des
séances de l'Académie ne contiennent
guère que des généralités, et qu'au décès
d'un membre •• fût-il des plus distingués,
quelques lignes à jDeine lui étaient con-
sacrées (1) " . Durondeau obtint-il cet
hommage posthume et laconique ? Tout
invite à le croire. Nos recherches ont,
cependant^ été vaines pour retrouver le
texte des paroles prononcées à l'occasion
de sa mort. Pour faire apprécier l'éten-
due , la variété de ses connaissances,
nous en sommes donc réduit à mention-
ner ses travaiix ; nous nous bornerons à
citer les principaux.
Durondeau dut son admission à l'Aca-
démie à un mémoire de concours pré-
senté à la Société littéraire de Bruxelles
et fait en réponse à la question suivante :
Quelles sont les plantes les plus utiles du
pays, et quel est leur tisage dans la méde-
cine et dans les arts? L'auteur du travail
n'obtint qu'un accessit, qu'il convenait
de lui accorder, dit le rapport, « bien
qu'il n'eût pas résolu la question, mais
parce qu'il avait fait d'utiles expériences
qu'on ne pourrait, faute d'accorder cette
distinction, rendre publiques. « Pendant
l'intervalle qui s'écoula entre la présen-
(1) Etudes pour servir à l'histoire des sciences
et des lettres peudaut la seconde moitié du
XV1U« siècle, par Ed. Maillv, Mem. couronnes,
t. XVII, 1877.
369
DURONDEAU — DU THIELT
370
tation et le jugement du mémoire, la
Société littéraire s'était transformée en
Académie ; Durondeau s'y fit présenter,
et sa demande ayant été bien accireillie,
son élection fut soumise à l'agréation de
S. A. R. le prince Charles de Lorraine.
Le nouvel élu ne tarda pas à donner
des preuves de son incessante activité,
soit par son initiative pour les questions
mises au concours, soit pour le jugement
des Mémoires présentés, soit enfin, et
surtout, comme auteur de nombreux
travaux appartenant aux branches les
plus divergentes. Un certain nombre de
ses communications à l'Académie se rat-
tachent aux sciences naturelles, à l'hy-
giène, à l'exercice delà médecine, tandis
que d'autres traitent des sujets histori-
ques ou archéologiques. A la première
catégorie appartiennent : les Expériences
sur le sérum du smuj (1774); les Obser-
vations sur les effets pernicieux des mordes
(1777); le Mémoire sur la sangsue médi-
cale (1778), celui sur la sèche fossile ; la
Note sur V électricité médicale, qui eut
pour résultat l'introduction dans les
hôpitaux de " la nouvelle méthode cura-
tive » ; enfin le Mémoire sur V endroit le
plus favorahle à bâtir un Jiôtel-Dieu, mé-
moire qui fut communiqué d'urgence au
ministre plénipotentiaire, le prince de
Stahremberg. Pans la seconde catégorie
des sujets traités par notre auteur, il
faut citer les méiroires sur les Druides
et les sacrifices liumains des Gaulois et
sur la décadence du royatime de Lotltier.
Durondeau avait, en outre, commencé,
dès le mois de décembre 1779, une suite
(^Observations météorolocjiqves, dont le
résumé fut imprimé dans le tome III des
Anciens Mémoires.
Par diverses indications contenues
dans les écrits de Durondeau, on voit
qu'il visita plus d'une fois les établis-
sements médicaux de Paris et de Mont-
pellier; qu'il acquit une riche clientèle ;
et qu'il vivait dans une vaste habitation,
puisqu'on put y installer le cabinet
d'histoire naturelle , que l'Académie
commençait à former et que l'humidité
des salles académiques détériorait. Du-
rondeau se trouva ainsi de fait, et jus-
qu'à la fin de sa vie, le conservateur de
la collection naissante, appelée à rece-
voir, de nos jours, un si vaste dévelop-
pement. Aug Valider Mferith.
Archives de l'Académie royale de Belgique.
i»i: RiiSiSEAi; {Raoul), polygraphe.
xve siècle. Voir Raoul a Rivo.
»i:<B!«AiJi.x {Gérard) ou Du Saule,
en latin Gerardus a Salice, com-
positeur de musique, vivait au com-
mencement du xvie siècle. Les données
biographiques sur ce compositeur belge
font totalement défaut; on sait cependant
qu'il fut prêtre et composa le motet Os
justi meditabitur sapientium, le psaume
Laudate Dominum, omnes gentes, tous
deux à quatre voix, rapportés par Gla-
réan (Dodecach.), fol. 280-287- " Ces
morceaux, dit Fr. Fétis {Biographie uni-
verselle des musiciens, 2e édition), bien
écrits, sont du onzième mode appelé hy-
polydien par Glaréan, bien qu'il ne soit
pas l'hypolydien des didactiques grecs,
et qu'il corresponde au iastien d'Aris-
toxèire et au ionien d'Alypius. «
Aug. Vander Meersch.
DU THiei^T {Guillatime), peintre et
graveur en taille-douce, élève de Ru-
bens, naquit à Ypres vers la fin du
xvie siècle et décéda vers l'année 1669.
Du Thielt s'adonna plus à la gravure
qu'à la peinture. C'est à lui que sont
dues les armoiries de l'ouvrage de Phi-
lippe de l'Espinoy {Recherche des anti-
qriités et noblesse de Flandre. Douai,
16.31, in-foL); elles -sont gravées sur
cuivre avec beaucoup de finesse. Les
deux belles planches en taille-douce qui
ornent la relation, publiée par Adrien
van Schrick, du fameux siège d' Ypres
par les Anglais et les Gantois en 1383
(à Ypres, chez François Bellet, 1610,
in-12), sont également dues au burin
de cet artiste : l'une de ces gravures
représente le plan de la ville d'Ypres
avec ses faubourgs au xive siècle ; l'au-
tre, la procession de Notre-Dame de
Thuyne, organisée au mois d'août 1609,
à l'occasion de la trêve de douze années
conclue à Anvers le 9 avril précédent,
entre les archiducs et les Provinces-
Unies. Du Thielt a laissé aussi plusieurs
37t
DU THIELT - DU TRIEZ
372
sujets religieux, des titres de livres, etc.
Ses ouvrages de peinture sont peu
nombreux; l'église de Saint-Pierre à
Ypres possède de lui quatre beaux
tableaux, savoir : l'^ un Portement de
croix ; 2» un Crucifiement; 3^ une Des-
cente de croix; et 4o un Christ au tom-
beau. Les trois derniers ont dix-huit
pieds de large sur douze cle hauteur.
Comme peintre et graveur, Pu Thielt
jouissait, en son temps, d'une assez
grande réputation. Aug Vai,d,r Metrsch.
Biographie des hommes remarquables de la
Flandre occidentale, l 111. — Messager des
sciences historiques, -18o9. — Vereecke. Histoire
militaire de la ville d' Ypres. — Nagler, yeues
algeiueiite kunsiler lexicon.
DU TOiCT (Nicolas), connu aussi sous
le nom espagnol de r)ELTECHO,né à Lille
en 1611, mort en 1680 dans la ville des
Saints-Apôtres, dans le Guarani (Amé-
rique méridionale), entra dans la com-
pagnie de Jésus en 1630. Après avoir
enseigné pendant quelque temps les
humanités dans la province gallo-belge
de l'ordre des Jésuites, et fait ses quatre
grands vœux en 16-19, il partit pour les
missions d'Amérique et changea, à cette
occasion, son nom de Du Toict en celui
de Del TecJio. Il devint supérieur des
missions du Paraguay et de l'Uruguay.
Il fut aussi recteur du collège de la
ville de l'Assomption. On a de ce mis-
sionnaire : lo Historia provinciœ Para-
quaria societatis Jesn , autliore P. Ni-
colao Del TecJio. Leodii, Joan. Mathias
Hovius, 1673; vol. in-fol. de xl-390-
XX pages. — 2° Quelques extraits insé-
rés dans la Relatio triplex de rébus iiidi-
cis, imprimée à Anvers, chez Meursius,
en 1654. — 3° Un manuscrit intitulé
Décades virorum ilhcstrium, provincige
Paraquariœ societatis Jesu. On trouve
la description de ces ouvrages, et des
détails au sujet de leurs traductions et
réimpression, dans la Bibliothèque des
écrivains de la compagnie de Jésus des
PP. I)eBacker,éd.in-fol<-,III,col.ll35.
P:.-H J. Ui-usens.
Dt TitiEB {Philippe), écrivain, né à
Havré en 1.580 ctmort i\T)ouai en 1645.
Il fit ses humanités au collège de Binche,
l)iiis il suivit les cours de philosophie à
Louvain, où il prit le grade de maître
es arts, et obtint le premier rang à la
promotion de 1599. Après avoir étudié
la théologie, il occupa la chaire de phi-
losophie au collège du Château à la
même université, pendant deux ans et
quatre mois, et n'abandonna son cours
que pour se faire admettre dans l'ordre des
Jésuites; il fit son entrée au noviciat de
Tournai, le 27 mai 1603. Depuis, il
enseigna successivement les humanités,
la philosophie et la théologie à Douai,
où il prit le bonnet de docteur en théo-
logie. Philippe du Trieu mourut en
cette ville au moment où il se préparait
à publier divers ouvrages de philosophie
et de théologie. Nous avons de lui :
Manuductio ad logicam, site dialectica
studiosœ juventnti ad logicam prcepa-
randœ cotiscripta. Dnaci, Balth. Bellerus,
1615, in-12. Cet ouvrage, spécialement
destiné par son auteur aux universités
de Louvain et de Douai, fut adopté dans
tous les collèges des Pays-Bas catholi-
ques. On en connaît plus de vingt édi-
tions diiférentes. Emmanuel Noeffs.
Paquot, Mémoires. — Foppens, Diblotheca
belgica. — Bibliothèque roijale. Mss. 4".
OU TRIEZ {Robert) ou Du Trieu,
poète, né à Lille, sans doute dans le
premier quart du xvie siècle. On n'a
sur lui aucun détail biographique. Lui-
même se donne la qualification à'archer
de corps pensionné ; il avait, par consé-
quent, fait partie de ces vieilles bandes
d'archers flamands qui prirent une part
si active dans les dittërentes guerres que
nos provinces eurent à soutenir à cette
époque. Le vieux bibliographe La Croix
du i\Iaine cite Du Triez comme auteur
de poésies françaises de difierents genres;
malheureusement, il n'a pas donné les
titres de ces productions, aujourd'hui
perdues pour la plupart. On ne connaît
de Du Triez que les deux ouvrages sui-
vants : lo Chantz funèbres sur la luort et
trespas de feu excellent prince et illustre
seigneur, mes-iire Maximilien d'Egmont,
chevalier de Tordre en son vivant, et comte
de Buren. Par Robert du Triez de Lille
en Flandres, archer de corps pensionné
à la M. A Gand, devant la maison de
ville, à l'enseigne du Quadrant Muet.
373
DU TRIEZ
DUVENEDE
374
Par Henry Van den Keere, imprimeur
juré de la monnoye du roi nostre sire,
sans date, petit in-8'> de 36 ff. non chif-
frés, mais avec réclames et signatures
A 2-E 2. Le privilège étant daté de
Bruxelles le 6 juin 1559, et les deux
épîtres dédicatoires, l'une adressée à
Françoise de Lannoy, comtesse de Buren,
et l'autre h Philippe de Nassau, comte
de Buren, étant également datées de
1559, il est très-probable que cette
impression parut en cette même année.
— 2° Les rtises, jiyiL'sses et impostures
(les esprits malins. Cambray, Xicolas
Lombard, 15 63, in-4o. Ouvrage sur la
sorcellerie, très-rare. h. Heibig.
Bulletin du Bibliophile belije, t. F, p. luâ doB.
— Biunet, Manuel, t. II, col. 9!2i. — Ferd.
Viiti'lorliaeghen , Bibliographie gantoise , t. I,
p. 11)9-170.
nVTM.(Mat/deu-François),Yétér'm{i[Te,
né à Verviers le 5 juillet 1730, mort
vers 1790. Il a laissé : l» V Anti-Ma-
réchal, chirurgie complette et traité d'opé-
rations en ce qui concerne les maladies
externes des chevaux. Liège, 1773, 2 vol.
in-8''. — 2'J Les ruses du macpiifjnoîinaf/e.
Liège, 1773, inSo. g. Dt-waiq»,-.
Delvenne, Biographie des Pays Bas — Becde-
lievre, Biographie liégeoise.
DL'TAi^ (François- Pyr au) ou De La-
val, voyageur, né à Stembert, près de
Verviers, en 1570, mort à Saint-Malo
en 1652. Voir Ptrau de Laval (Frati-
qois).
DIJVAl. DE BEAULIEt. Voir BeAU-
LIEU.
DWETVEDE {Murc v.%x), peintre
d'histoire, né à Bruges vers 1674, mort
dans la même ville le 4 février 1730. Il
fit son apprentissage chez un artiste
fort médiocre, mais assez bon graveur,
J.-B. Herregoudts, qui eut cependant
le mérite de développer si rapidement
ses dispositions, qu'à l'âge de quinze ans
on put l'inscrire dans la corporation des
peintres. Il n'y obtint la maîtrise que
onze ans plus tard, en 1700, et résolut
aussitôt de se rendre en Italie. L'itiné-
raire qu'il suivit pour étudier les chefs-
d'œuvre réunis dans les principaux
musées nous est resté inconnu ; nous
savons seulement qu'il se fixa d'abord,
et pendant deux ans, à Xaples.
Plus encore que les écoles des autres
grandes villes italiennes, celle de Na-
ples était alors à son déclin. Sa princi-
pale illustration, Luca Giordano, esti-
mait que la promptitude d'exécution
constituait une qualité essentielle et,
comme lui, ses meilleurs élèves s'atta-
chaient plus à faire vite qu'à faire bien.
Loin d'être séduit par cette dangereuse
méthode, notre Flamand en reconnut,
sans doute, les ccueils, car il alla s'éta-
blir à Porae et se mit sous la discipline
d'un maître comparativement sévère.
Carlo Maratta y tenait alors le sceptre
de la peinture et, bien qu'il fut âgé de
soixante-quinze ans, pendant plus de
dix ans il devait le garder encore. Son
prestige était dCi à cette double circon-
stance que ses plus glorieux rivaux
avaient déjà disparu de la scène du
monde, et qu'il comptait le pape élé-
ment XI , au nombre de ses anciens
disciples.
Bientôt Duvenede fut plus et mieux
qu'un excellent élève du célèbre maître
romain, il en devint l'habile imitateur.
Charmé par la vigoureuse largeur de son
pinceau, par les puissants contrastes
introduits dans ses compositions, par le
beau style de ses draperies, il voulut
s'approprier quelques-unes de ces qua-
lités et il y parvint sous l'influence d'une
sympathique admiration. La postérité a,
tout à la fois, constaté que Duveuede
exagérait l'excellence de son maître ;
qu'en italianisant son talent, il avait
perdu quelques-unes de ses qualités
natives, et, peut-être, la principale de
toutes, le caractère d'une inspiration
individuelle; aussi reconnaît-on à la pre-
mière vue les œuvres antérieures à son
voyage d'Italie et celles qu'il a exécutées
après son retour dans sa ville natale.
Cette transformation de talent fut
cependant loin de lui nuire financière-
ment. Elle augmenta son succès; on
s'étonna d'abord, ou s'enthousiasma en-
suite de ce qu'il y avait de correct,
d'accentué et surtout d'inusité dans ses
productions. Les commandes affluèrent
375
DUVENEDE — DU VIVIER
376
chez lui, tant de la part des corporations
et des fabriques d'égHsg, que de la part
de particuliers. Stimulé par cet accueil,
il produisit alors un assez grand nom-
bre de bons tableaux, parmi lesquels il
convient de citer élogieusement, son
Martyre de saint Laurent et sa Sainte
Claire entourée de jeunes filles. Cette
phase d'activité dans la vie de notre
peintre fut, malheureusement, de courte
durée et ce qui semblait devoir assurer
le bonheur de sa vie devint la cause in-
directe de sa perte : il avait épousé une
jeune femme accorte, active, entrepre-
nante (Marie-Anne Yolders), qui, réali-
sant de grands bénéfices par son com-
merce de dentelles, introduisit au foyer
domestique toutes les douceurs du bien-
être. Naturellement enclin au dolce far-
niente, notre artiste crut n'avoir plus
rien à faire, puisqu'il n'avait rien à dé-
sirer. Il renonça donc à peindre, et pour
remplir les vides de cette existence
oisive, il substitua, graduellement, aux
douceurs du travail les entraînements
des passions. Cette déchéance ne fut pas
moins préjudiciable à sa santé qu'à son
renom; il contracta par ses désordres
une maladie chronique, qui, après d'as-
sez longues souffrances, le conduisit au
tombeau, à l'âge de cinquante-six ans.
Quoique devenu infécond pendant la
dernière période de sa vie, son talent et
son expérience d'artiste, lui permirent
cependant encore de rendre un service
signalé à sa ville natale : il contribua
grandement à la fondation de l'acadé-
mie des beaux-arts établie, à Bruges,
en 1717. Fél. Slappaerts.
Bouillet, Dictionnaire univei-aei d'/iixt. — Im-
ineisi'el, Lerens en irerken der hollandache en
vlaaniscke kunstschilders. — Na.uler, Kiinsi-
lexicon. — Diof/raphie des h<mttnes les plus re-
marquables delà Flandre occidentale, t. 1.
Di'viviER {Charles - Ernest - Emma-
miel, chevalier), né à Liège le 5 novem-
bre 1799, décédé en la même ville le
1er février 1863. Il descendait d'une
ancienne famille de la Hesbaye, anoljlie
par l'empereur Charles YI d'Autriche.
Son père, ayant relevé en 1782 le fief
noble de Streel devant la cour féodale
de Liège, le fils fut autorisé à ajouter
ce nom à son nom patronymique. Le roi
Léopold 1er lui conféra, le 18 janvier
1859, le titre de chevalier, réversible à
ses neveux par droit de progéniture. Il
signait donc, à la fin de sa carrière, che-
valier Ch. Du Vivier de iStreel. L'un de
ses biographes affirme que, dans les der-
nières années de sa vie, il attachait une
grande importance à sa noblesse. On
peut s'en convaincre en visitant l'église
de Saint- Jean, dont les cloîtres renfer-
ment des pierres tumulaires de ses ancê-
tres et de ses alliés.
Puvivier fit ses humanités au collège
de Verviers et au petit séminaire de
Namur. Il se fit instituteur dans la
même ville. Ses premiers essais dans
cette carrière ne paraissent pas avoir
été très-heureux, et c'est sans doute à
cette circonstance que l'on doit sa dé-
termination de continuer ses études. Il
entra au séminaire de Namur, où il
termina sa théologie en 1823. Ordonné
prêtre la même année, il fut bientôt
attaché comme professeur de grammaire
(4e latine) au petit séminaire de Liège.
Les établissements d'enseignement
moyen du clergé ayant été supprimés
en 1825, Duvivier fut nommé vicaire
dans la paroisse de Saint-Jean-en-Isle
et fut investi, quelques années après, le
7 février 1834, des fonctions de curé de
cette importante église, fonctions qu'il
conserva pendant près de trente ans.
Les fatigues du ministère altérèrent sa
santé au point de déterminer le chef du
diocèse à lui donner un coadjuteur.
Duvivier n'était pas l'ami du gouver-
nement que les traités de 1815 nous
avaient imposé ; la fibre patriotique
s'était éveillée en lui plusieurs années
avant 1830, et dès 1823, il créait le Con-
servateur helye, revue hebdomadaire, qui
contenait, outre les articles dus à sa
plume, les travaux les plus remarqua-
bles publiés par les principaux organes
religieux de la France. Il contribua
aussi de ses deniers à la création de
journaux de Bruxelles, fondés pour la
défense des intérêts nationaux. En même
temps, dit son regretté biographe,
Ulysse Capitaine, il composa, tant eu
wallon qu'en français, des chansons po-
;-J77
DUVIVIER
378
litiques qui lui valurent une véritable
popularité.
Quelques jours après les grandes
journées bruxelloises, Duvivier se porta
à Sainte-Walburge, lors du combat du
30 septembre 1830, et prodigua ses
secours aux blessés et aux mourants;
puis, bénissant la terre, il enterra les
morts à l'endroit même où étaient tom-
bés les martyrs de notre délivrance. La
Croix de Fer lui fut décernée en récom-
pense d'un dévouement aussi patriotique
que chrétien. Telle a été la carrière reli-
gieuse et politique du curé de ."Saint-
Jean, considérée dans son ensemble.
Duvivier a droit encore à l'estime et
aux sympathies par des travaux litté-
raires que nous allons énumérer.
Après la révolution, dès que l'agita-
tion politique devint moins intense,
Duvivier, qui avait conservé le goût des
études pédagogiques, reprit la rédaction
d'un Cours d'instruction à l'usage des
écoles publiques. Ses publications, au-
jourd'hui surannées, obtinrent alors un
grand et légitime succès. Elles consti-
tuaient en effet un progrès remarquable
et servirent longtemps de guide à une
foule d'instituteurs, dont la science pé-
dagogique laissait beaucoup à désirer.
Il La reine Louise », dit Ulysse Ca-
pitaine, Il professait une haute estime
" pour les travaux scolastiques de l'ho-
" norablecuré; elle en accepta la dédi-
« cace et demanda pour l'auteur la
Il croix de l'ordre de Léopold «, dis-
tinction qui lui fut accordée en 1845.
Duvivier fut l'un des fondateurs de
la Société liét/eoise de littérature wallonne ;
mais une question d'orthographe, et
certain froissement d'amour-propre, le
portèrent bientôt à cesser tout rapport
avec la société ; il conserva cependant
jusqu'à la fin de sa vie des relations très-
iutimes avec quelques-uns des membres
les plus instruits de cette compagnie.
Le digne curé considérait le patois de
Liège comme une langue pleine de vita-
lité et qui devait faire éciore une litté-
rature originale. Les travaux accomplis
depuis vingt ans, les productions char-
mantes de nos poètes liégeois, ont, en
effet, prouvé qu'il ne se trompait pas sur
l'avenir réservé à l'idiome dé sa prédi-
lection.
Duvivier fut un des promoteurs de ce
mouvement littéraire. Ses chansons ou
jjasqtiéies se chantaient dans nos rues
dès avant 1830. Laissons à cet égard,
la parole à l'un de ses biographes déjà
cité : Il Dans ses poésies wallonnes, dit
Il Ul. Capitaine, Duvivier se révèle en-
'/ faut du terroir, fier de son pays, avec
" cela frondeur aimable des travers de
" ses compatriotes, moraliste jusque
Il dans ses moments d'abandon et de
Il belle humeur... Où il excelle, c'est
" surtout dans la peinture ou plutôt
" dans la satire des mœurs de l'époque,
Il dans la critique des actes de l'admi-
II nistration locale, dans l'énumération
" des trésors qui gisent au fond de la
Il dive bouteille.-.. Essentiellement réa-
II liste, il est peintre de mœurs, peintre
" de genre, mais non réaliste brutal; il
Il a le sens de l'art et infiniment plus
Il de goût en wallon qu'en français. «
Il s'exerça dans le genre héroï-co-
mique : sa Cinéide, poème en vingt-
quatre chants, raconte la guerre de la
vache, guerre qui se résume eu pillages
de châteaux et en grands coups d'épée.
" On voit que Duvivier a pris pour
Il modèle les poètes italiens quant à
" l'économie générale du plan, quant à
" l'abondance et à la désinvolture du
" langage; dans les détails, il lâche la
Il bride à sa verve éburonne (Ij. Comme
" poète français, il ne paraît pas se
Il douter qu'il écrivait au xixe siècle. . . .
" le souffle de l'inspiration moderne ne
" l'anime point (2j.
Il a laissé en wallon quelques pièces
pleines de verve et de mordante satire,
notamment Li Pantalon troicé, que
M. Alphonse Le lioy appelle, avec rai-
son, un chef-d'œuvre.
Citons encore de lui un Dictmmaire
îcalloH dans le genre de celui de Forir,
puis un dictionnaire des rimes, deux
ouvrages restés inédits , ainsi qu'un
recueil de pasqnéies qu'il réservait à ses
amis les plus intimes, aux jours d'épan-
(1) Alphonse Le Roy, Aotjce mr Duvivier.
[-2) Ibid.
379
DUVIVIER
380
chement et de joyeuse humeur. Pour
faire connaître entièrement l'homme et
l'écrivain, nous ne saurions mieux faire
que de reproduire ici le portrait qu'en a
tracé M. Alphonse Le Eoy {Annuaire
de la Société liégeoise de littérature wal-
lonne, 1864) :
'/ Aumônier général des décorés de
Il la Croix de Fer, membre titulaire de
Il l'Institut archéologique liégeois, cor-
II respondant d'une quantité de sociétés
* savantes, tant françaises que belges,
» Duvivier pouvait faire suivre son
u nom, à la tète de ses opuscules, d'une
" jolie petite pyramide de titres en
Il forme de cul-de-larupe. Mais il ne se
« donnait qu'à lui-même ces petites
» satisfactions d'amour-propre; la va-
" nité, même la plus innocente, n'était
« pas le fond de son caractère; s'il
u tenait à tout cela, c'était plutôt pour
» paraître respectable à ses propres
« yeux. En somme, cœur d'or, dévoué
» à sa mission sacerdotale, chrétien
u dans toute l'acception du mot, c'est-à-
u dire humain, charitable et bon; sati-
« rique pour se récréer, mais armé seu-
» lement d'une épingle et ne faisant
u qu'effleurer la peau; et encore, ne
« s'en prenant jamais aux personnes,
u mais aux abus et aux ridicules pu-
« blics ; patriote par excellence, planant
« au-dessus des partis politiques, dé-
» voué aux idées de l'ancienne Union,
u tolérant autant que croyant, mais ne
" transigeant pas plus avec ses convic-
» tions, qu'il ne variait dans ses afl'ec-
1 tions. Il
Duvivier a publié :
ExsEiGXEMEXT PRiMAlKE. — 1'^ Nou-
veau Recueil de ca7itiques à Vnsage des
écoles et des paroisses. Ce recueil a eu
huit éditions : Ye Duvivier, à Liège,
Demat à Bruxelles; Casterman à Tour-
nai ; Grandmont-Donders et Lardinois
à Liège; tous sans date. — 2^ Une
foule de syllabaires et de livres d'écoles,
chez Grandmont-Donders, Lemarié, etc.
— 3o Grammaire française et leço7is
ff analyse grammaticale , extraites de Xoël
et Chapsal. — 4o V Art épistolaire.
Veuve Duvivier, 1836. — 5o Arithmé-
tique, Ire et 2e parties. Grandmont. —
6o Géographie des écoles, en trente le-
çons.
Mélanges. — 1° L' Imitation de Jésus-
Christ, avec réflexions. Liège, Lardi-
nois (Dessain, 1840). — 2o Lettre à
M. le rédacteur du Journal historique et
littéraire, 1847. — 3° La Cifiéide ou la
Fâche reconquise. Liège, Grandmont,
1852, in-12 de 254 pages, tirés à
90 exempl. Seconde édit. à Bruxelles,
Goemaere, 1854, in-12, de viii-344 p.
— 4'J Lettre à Ulysse Capitaiiie, à propos
de la chanson patriotique Belge valeu-
reux. Chez Carmanne, 1855, in- 8° de
14 pages. — 5'J (Quelques données anti-
ques sur le quartier de VUe de la ville de
Liège. Renard (Carmanne), 1859.
Productions "wallonnes. — 1» Quel-
ques chansons wallonnes, par l'auteur du
Pantalou trowé (Lardinois, 1842). Ou-
dart. — 2o Poésies wallonnes, par le
même, Liège (Lardinois). Ledoux, 1842.
— 3o L ne foule de jjasqti.éies, sans nom
d'éditeur.
Une grande partie des œuvres poli-
tiques et philosophiques de Duvivier est
restée inédite. En 1854, Duvivier vou-
lait publier un choix de ses poésies, tant
françaises que wallonnes, avec notes et
commentaires; l'état de sa santé ne lui
permit pas de réaliser ce projet.
A. Alvin.
yécrologe liégeois de 1863, par Ulysse Capi-
taine. — Charles Duvivier, par Alphonse Le Roy,
18t)4. — Pièces relatives à Duvivier trouvées dans
les papiers délaissés par Bailleux, secrétaire de
la Société liégeoise de littérature wallonne.
Di'TiviER (Claude), écrivain reli-
gieux, né à Mon s vers 1568, mort le
7 août 1630. 11 appartenait à l'ordre
des frères mineurs, dont il devint pro-
vincial à Paris. En Belgique, il fonda la
province de Saint-François de Paule,
qu'il dirigea trois fois, et rendit de
grands services à son ordre. Il mourut
en odeur de sainteté, à Liège, à l'âge
de soixante-deux ans, après avoir été
prédicateur des infants Albert et Isa-
belle. Le P. Duvivier acquit une répu-
tation d'éloquence en prêchant trente-
trois années, tous les jours de l'Avent,
tant en Belgique qu'en France. Un de
ses biographes n'hésite pas à le ranger
parmi les hommes illustres de son temps;
381
DUVIVIER
38-2
quoi qu'il en soit de cette hyperbole, il
mérita d'être considéré comme un sa-
vant théologien. On lui doit : La Vie
et les Iliracles de saint François de Paule.
Douai, 1622, in-8', écrit dans un style
élégant. On prétend qu'il composa, en
outre, plusieurs autres ouvrages, dont
les titres ne sont pas mentionnés.
Aug. Valider Mucrsch.
Du Saussay, Marlyroloyiuin (jallicum. — Fop-
pcns, Dibliolheca belgica, l. 1, p. 188. —Mathieu,
Biographie mouloise.
DVYit'iER (Jean-Bernard), né à
Bruges le 23 juin 1762, mort à Paris le
21 novembre 1837. Sa vocation d'artiste
se révéla dès sa plus tendre jeunesse : il
s'emparait de toutes les images qui lui
tombaient sous la main et s'eôbrçait de
les copier. Un professeur de l'Académie,
Paul De €ock, vit ces essais incomplets
qui laissaient déjà entrevoir le don de
l'imitation, et il obtint des parents du
futur artiste l'autorisation de lui donner
un professeur de dessin. Il choisit à
cet effet son frère, tout en s'attachant
lui-même, pendant les cours académi-
ques , à diriger les études du jeune
disciple. Celui-ci passa rapidement à
travers les différentes classes scolaires,
en remportant, dans toutes, les premiers
prix. Sa moisson complète de lauriers
était faite en 1782 et dès lors il s'essayait
dans la peinture à l'huile, en exécutant
des paysanneries à la manière de Te-
niers, quand une circonstance fortuite
vint lui imposer une plus lourde charge.
Les gouverneurs généraux du pays,
l'archiduchesse xMarie-Christine et son
époux, le duc de Saxe-Tesschen, arrivè-
rent à Bruges ; ils y visitèrent une an-
cienne et célèbre confrérie, celle des
chevaliers de Saint-George, et les con-
frères, fort honorés de cette visite, vou-
lurent en perpétuer le souvenir en
faisant orner des portraits de Leurs
Altesses la salle destinée à leurs réu-
nions. Duvivier fut chargé de réaliser
ce projet, et, selon la mode du jour, il fit
une composition allégorique dans la-
quelle il introduisit les portraits des
deux augustes visiteurs. C'était là, et ce
ne pouvait être qu'une œuvre de débu-
tant (le peintre atteignait à peine à sa
vingt et unième année); mais dans ce ta-
bleau, qui occupe encore son emplace-
ment primitif, on entrevoit déjà les
prémices d'un talent appelé à se déve-
lopper brillamment.
Duvivier ne cessait d'étudier la na-
ture ; il peignait adroitement des ma-
rines, des pay.sages, des scènes emprun-
tées à la vie des pêcheurs sur les côtes
de Blankenberghe ; mais, trop intelli-
gent pour se contenter d'aussi faciles
succès, il aspirait à un plus large hori-
zon : vivre à Paris, était devenu le but
de son ambition. Ce but il l'atteignit au
mois de septembre 1783. Admis à
l'Académie royale des beaux-arts, il
devint en même temps élève de son
compatriote Suvée. Ce maître, toujours
délicat et gracieux, même dans les
sujets qui demandaient des qualités plus
vigoureuses, jouissait alors de la vogue;
il devint le protecteur de Duvivier et
éveilla, très-probablement, en lui le
désir de se rendre en Italie. Xotre jeune
peintre ayant, dès 1785, remporté le
second prix de peinture à l'Académie
de Paris, celle-ci lui octroya, en outre,
un prix de 300 livres, fondé par Latour,
peintre du roi; et la ville de Bruges y
ajouta bientôt, à titre d'encouragement,
un don de cinquante couronnes. En
présence de cette richesse relative, les
rêves de Duvivier le menaient constam-
ment à Eome et il devait, grâce à sa
bonne chance, en prendre réellement le
che'min : un somptueux ami des arts,
nommé Boudelet, le décida à partir
en 1790, en s'engageant à lui fournir,
pendant trois ans, les moyens de vivre
dans la terre classique des beaux-arts.
Il y trouva sans doute, assez rapidement,
les ressources qui n'y manquent jamais
aux artistes laborieux, car, au lieu d'y
rester trois ans, il en consacra six à
poursuivre ses études à Milan, à Venise,
à Florence et à Rome.
Ce n'est qu'en 1796 qu'il revint à
Paris, chargé d'études d'après nature,
de copies d'après les maîtres, de dessins
d'après les monuments et aussi d'une
œuvre importante : le tableau de la
Mort d' Hector pleurce par sa famille.
L'école de Louis David avait alors un
383
DUVIVIER
384
grand ascendant, et Duvivier se con-
forma au goût dominant de cette époque,
tant pour le choix, du sujet que pour le
style de sa composition. Elle fit sensa-
tion, fut discutée, et, tant par les cri-
tiques que par les éloges qu'elle suscita,
assigna un rang honorable à son auteur.
Ce même tableau, exposé à Gand en
1S23, y fut gravé pour la Société des
Beaux-arts et publié dans les Annales
du Salon, circonstance favorableau pein-
tre, auquel elle valut la vente d'autres
œuvres, parmi lesquelles on peut citer
comme l'une des plus gracieuses celle
appartenant autrefois au cabinet du
baron Depret d'Anvers et représentant
la Charité entourée d'enfants.
En 1832, Duvivier était professeur à
l'école normale, à Paris. En cette année,
il composa une Assomption de la Vierge,
et fit plusieurs portraits estimés. On cite
encore de lui une Vue de Blacas, près
de Moustris, dans les basses Alpes; Ci-
modoces , profitant du sommeil de son père,
et volant auprès d'Eudore pou.r partager
avec lui la palme du martyre; et V Hama-
dryade sortant de V arbre qui la revétissait
de son écorce, et suppliant un jeune chas-
seur de détourner Tonde rapide qui déra-
cine cet arbre auquel sa vie est attachée.
Parvenu à la maturité de l'âge et
marié à la fille d'un artiste distingué,
M. Dandillon, Duvivier adopta un
instrument de labeur plus conforme à
ses goûts sédentaires : il substitua le
burin au pinceau comme moyen expres-
sif de son goût, de son sentiment, et
acquit encore la réputation d'un graveur
ll'll^ile. Félix Stappaerts.
Annales de l'école flamande, par Voisin —
Iminerzeel, Levens en iverken der hollandsclie
Kunstschilders. — De Bait, Annales du salon de
Gand.
DCTiTiER (Jean), célèbre graveur
en médailles, né à Liège le 7 février
1687, mort à Paris le 30 avril 1761. Il
semblait appelé à devenir excellent
peintre; sa vocation l'y destinait peut-
être; cependant l'imprévu, qui joue un
rôle si actif dans les affaires humaines,
le poussa vers une autre carrière, dans
laquelle il s'illustra et se maintint au
premier rang. Son père, Gendulphc
Duvivier, graveur des cachets et de la
vaisselle du prince-évêque de Liège,
avait résolu qu'il deviendrait son suc-
cesseur, et, par devoir, il ciselait déjà
habilement les somptueux plats d'ar-
gent réservés à la table de son souve-
rain; mais par goût, il se livrait aussi
à lin autre labeur et on le voyait, à
chaque instant de loisir, s'essayant à
peindre et y réussissant si bien, qu'à la
longue la volonté paternelle dut fléchir
et lui permettre de substituer le pinceau
au burin.
Plein d'espoir, rempli de confiance et
trop énergique pour hésiter sur les
moyens d'arriver au biit, Jean Duvivier
sortit bientôt de Liège et prit à pied
le chemin qui mène à Pome, en assi-
gnant Paris pour point d'une première
étape. La lenteur de ce mode de loco-
motion était amplement compensée par
les incessants sujets d'étude qu'il four-
nissait. Forcé, par lassitude, de faire
des haltes nombreuses, le futur artiste
trouvait en chaque lieu de repos l'occa-
sion d'y étudier ce qu'il ofl'rait de cu-
rieux ou de pittoresque. Il arriva donc
surchargé de croquis, et pas à pas, dans
la capitale de la France. Admis à l'Aca-
démie des beaux-arts, il y fut prompte-
ment classé parmi les bons élèves et,
déjà, il se disposait à prendre part an
concours pour le prix de Rome, quand
il s'en vit exclu en vertu de sa nationa-
lité : ce concours n'était ouvert qu'aux
sujets du roi de France.
Aucun mécompte ne pouvait lui être
plus cruel ! Le vaste horizon entrevu par
lui, mentalement, se fermait, tout à
coup, devant ses regards. Que faire
avec des ressources insuffisantes? Que
devenir sans cette perspective d'avenir ?
Duvivier n'eut point de défaillance : il
reprit bravement son métier et s'oft'rit à
graver la vaisselle du roi. Eientôt il ne
manqua de rien. Sa main aussi active
qu'adroite lui procura tous les éléments
du bien-être; mais il visait à une plus
haute récompense que celle résultant
d'un large salaire; l'àme de l'artiste
s'agitait toujours en lui et, pour se satis-
faire, il appliqua son burin à l'exécution
d'un portrait en taille douce, celui de
385
DUVIVIER
386
Gouges, doyen des avocats au conseil.
Il retrouvait ainsi, adroitement, le che-
min perdu, car le mérite de cette gra-
vure fut constaté : un juge compétent (1)
y reconnut la marque d'un dessinateur
sûr, une belle fermeté d'exécution et
l'annonce d'un talent qui « serait devenu
supérieur dans cette partie, s'il l'eût
CTiltivée «. C'était beaucoup que de
révéler de telles aptitudes; ce n'était
pas assez pourtant : il fallait, pour les
mettre en lumière, un protecteur in-
fluent. Duvivier le chercha et le trouva
en allant se présenter chez M. De Yal-
dor, résident du prince-évêque de Liège
près de la cour de France. Cette visite
fut décisive pour son avenir ; le diplo-
mate cherchait précisément un graveur
en médailles afin de perpétuer le souve-
nir du traité de Baden (1714), en vertu
duquel son souverain, Joseph-Clément,
électeur de Bavière, avait pu rentrer
dans ses Etats. Après un instant d'hési-
tation, Duvivier accepta la proposition
de se charger de ce travail. Tl repré-
senta, d'un côté, sur sa médaille, le
buste du prélat et, de l'autre côté, un
paysage accidenté, surmonté d'un arc-
en-ciel, avec cette légende: recordabor
FŒDERis. Dans ce premier essai de ses
forces, accueilli avec grande faveur, et
qui lui valut une nouvelle commande
du prince-évêque (celle de la médaille
perpétuant le souvenir de la Confrérie
de Saint- Michel), on voit déjà, en germe,
ses qualités caractéristiques : elles seront,
sans doute, développées, agrandies, et
portant davantage le sceau de son in-
dividualité dans les productions d'une
date postérieure ; mais la marque de
supériorité y est déjà et ni le goût, ni le
style ne subiront plus de modifications
essentielles.
Après ce brillant début, Duvivier
éprouva cependant encore un grand dé-
couragement : le coin de la première
médaille commandée pour compte de
l'Etat se brisa par la trempe de l'acier,
(1) Éloge de Duvivier par l'abbé Gongenot,
notice manuscrite de la Biblothèque royale de
Bruxelles. M. Ed. Fétis en a donné la substance
dans son intéressant ouvrage : Les Artistes belges
à (Hrnpger, t Fi. Bruxelles. 1858.
BIOGR. NAT. — T. VI.
I et l'artiste en ressentit une si vive con-
trariété, qu'il voulut redevenir peintre,
I partir pour l'Italie, et que, dans cette
I intention, il revint à Liège faire ses
adieux à sa famille. Heureusement qu'à
son retour à Paris, le directeur de la
! monnaie mit obstacle à ce projet en lui
I ordonnant de recommencer le travail,
i qui, cette fois, réussit tout à fait.
I L'avènement de Louis XV, âgé seule-
i ment de cinq ans, lui valut une nouvelle
j commande, et le graveur ne cessa, dès
lors, de suivre, le burin à la main, le
j jeune monarque, en reproduisant les
principaux épisodes de son enfance, de
son adolescence et de sa jeunesse. Dans
cette série biographique la médaille, de
grand module, représentant le sacre, est
considérée comme l'une des plus impor-
tantes.
Le génie d'un autre Liégeois avait
retracé de même une partie du règne de
Louis XIV : TVarin avait consacré, sous
une forme admirable, l'image de ce roi-
soleil, qui ne voulut plus, en vieillis-
sant, se reconnaître que dans les por-
traits de son maître graveur. C'est donc
à ce type que Duvivier recourut en exé-
cutant ses premières médailles, notam-
ment celles relatives à la campagne de
Flandre (1649), aux prises d'Ypres,
Landau, Douai, Lerida, Xeuf-Brissac,
et aux deux célèbres traités de paix de
Westphalie et d'XJtrecht.
On croit volontiers à l'authenticité des
faits inscrits sur le bronze ; parfois
cependant leur réalité est plus contes-
table que celle des faits consignés dans
des documents ordinaires. Ainsi l'on
trouve dans l'œuvre, siconsidéral)le, de
notre graveur des médailles rappelant
des événements éventuels et non réali-
sés : telle est celle frappée à l'occasion
du projet de mariage entre Louis XV et
une infatnte d'Espagne, œuvre d'art
charmante, montrant l'infante présentée
à la France par l'Hymen, mais indication
historique erronée, puisque l'infante re-
tourna en Espagne et que Marie Lec-
zinska, fille du roi de Pologne, vint
prendre sa place dans la couche royale.
Telle est encore la médaille faite lors
des préliminaires do la paix eu 1721 :
13
387
DU VIVIER
388
Mars et Minerve, formant alliance, y
apparaissent près d'un olivier chargé
des armoiries des puissances hostiles et
accompagnés de cette légende : pacia
œternœ Jundatœ. On sait combien l'es-
poir de » cette paix éternelle » s'éva-
nouit vite. Ce qui fut seul durable,
c'est le goût délicat manifesté dans cette
composition allégorique. Ici se montre
l'incontestable supériorité de Duvivier;
Warin,plus grandiose que lui alors qu'il
ne s'agit que de modeler une tête, doit
lui céder la place quand on compare les
revers de leurs médailles sous le rapport
du dessin, de l'invention et de la grâce.
Voltaire a donc été fort injuste, ou
singulièrement oublieux, quand il a dé-
cerné à Warin seul des éloges excessifs,
qu'il convenait de partager équitable-
ment entre lui et son émule. " Xous
" avons, dit-il, égalé les anciens dans
" les médailles. Warin fut le premier
" qui tira cet art de la médiocrité sur la
Il fin du règne de Louis XIII. C'est
Il maintenant une chose admirable que
Il ces poinçons et ces carrés qu'on voit
" rangés par ordre historique dans l'en-
" droit de la galerie du Louvre occupé
Il par les artistes. «
Le classement historique des médailles
du Louvre aurait dû rappeler au « pa-
triarche de Ferney « que Warin avait
un glorieux rival et qu'à celui-ci étaient
dus bon nombre des chefs-d'œuvre qu'il
admirait avec raison. L'analogie des ser-
vices rendus par les deux maîtres devait
aussi l'en faire souvenir. En eifet, la
réforme métallique, commencée par l'un
sous Louis XIII, s'acheva par l'autre
sous Louis XV. La notoriété publique
ne les séparait pas d'ailleurs j elle assi-
milait, au contraire, leurs talents et
semblait portée à y voir un des attributs
de leur nationalité. Quand, à la mort de
Duvivier, il fut question de pourvoir à
son remplacement, l'intendant des mon-
naies répondit sans hésitation au roi :
Il Sire, il n'y a que les Liégeois qui
Il soient habiles à saisir l'effigie des rois
" de France et il faut attendre qu'il se
■ Il rencontre un artiste de cette na-
" tien. Il
Duvivier avait-il déplu à Voltaire en
s'abstenant de rendre hommage à sa
royauté littéraire ? On serait tenté de le
croire, tant il semble étrange que celui-
ci omette de le citer alors qu'il parle
implicitement de lui. C'est, en effet, de
notre artiste qu'il s'agit quand Voltaire
raconte, dans ses Anecdotes sur Pierre le
Grand, une des gracieusetés faites au
czar : " Il alla dîner à Petitbourg, chez
" le duc d'Antin, et la première chose
Il qu'il vit fut son portrait en grand,
Il avec l'habit qu'il portait. De même,
Il quand il alla voir la monnaie ro^^ale
Il des médailles, on en frappa de toute
Il espèce et on les lui présentait ; enfin
Il on en frappa une, qu'on laissa exprès
Il tomber à ses pieds, et qu'on lui laissa
Il ramasser. Il s'y vit gravé d'une ma-
II nière parfaite, avec ces mots : Pierre
Il le Grand. Le revers était une Renom-
II mée et la légende : F'ires acquirit
Il eundo. « La médaille ramassée, im-
provisée et exécutée sans faire poser le
modèle, ne doit pas être citée comme un
tour d'adresse ou un motif de surprise,
car, malgré la promptitude mise à l'exé-
cution, c'est, tout simplement, un des
chefs-d'œuvre du maître. La fermeté
de la touche, la noblesse introduite dans
le caractère de la tête, l'ampleur donnée
aux détails du costume, toutes les qua-
lités habituelles du graveur s'y retrou-
vent; mais, cette fois, en vertu des
circonstances, elles furent plus chaleu-
reusement proclamées qu'à l'ordinaire.
On était à l'époque de la régence, la
réputation de Duvivier avait atteint à
son apogée; de toutes parts on s'adres-
sait à lui pour lui faire des commandes ;
les principales villes de France, les
grandes administrations de l'Etat, le
haut clergé, les corps savants, les corpo-
rations d'artistes, lui demandaient, avec
insistance, soit des jetons ornés d'attri-
buts, soit des médailles historiques, allé-
goriques ou commémoratives. Il eut, de
plus, à exécuter une série de portraits,
comprenant d'abord les membres de la
famille royale de France, quelques sou-
verains étrangers (entre autres Marie-
Thérèse pour les états de Tournai), bon
nombre de grands personnages et de
ministres, notamment le cardinal Du-
389
DUVIVIER
390
bois, dont la médaille, si parfaite, inté-
resse à plus d'un titre. Elle avait pour
légende : Sedes supremo numine digna?
Dubois était alors premier ministre :
l'inscription ne choqua personne; mais,
après son décès, elle parut beaucoup
trop ambitieuse et Duvivier fut immé-
diatement chargé d'y ajuster un autre
revers, qui, loin de contenir la moindre
allusion aux vertus du cardinal, n'indi-
quait plus que son titre, la date de sa
naissance et celle de sa mort.
Le mérite incontesté de Duvivier lui
permettait, depuis plusieurs années, de
prétendre aux honneurs et de se faire
admettre à l'Académie de peinture et de
sculpture. Il s'y présenta en 1717, fut
agréé la même année et devint membre
titulaire le 28 mars 1718. Le corps
savant, qui venait de le recevoir lui de-
manda aussitôt deux médailles pour les
prix de l'école : il les commença et ne
put, dit-on, faute de temps, les achever.
La surabondance de ses travaux permet,
en effet, de croire qu'il ne put satisfaire
ses confrères. Ceux-ci rendaient justice
à son mérite, à sa fécondité et aussi
[malheureusement pour lui] à son intrai-
table caractère. Comme la plupart des
esprits chagrins, il parvenait à découvrir
de l'amertume dans les plus douces
choses de sa vie, et, ne voyant que des
ennemis partout, il devenait presque
toujours la première victime des duretés
dont il abreuvait les autres. Sa réception
à l'Académie fut suivie de telles gros-
sièretés qu'on pensa l'en exclure. Il
s'attira le mauvais vouloir du célèbre
statuaire Bouchardon, qui lui montrait
un de ses dessins comme modèle d'une
gravure à exécuter et auquel il répon-
dit : » Vous ne faites rien qui vaille; je
ne m'en charge point. « Cette incartade
le priva pendant dix ans, des commandes
royales et de la satisfaction d'exécuter
l'histoire métallique du nouveau règne.
(I) Passage cité par l'abbé Gougenot et em-
prunté par lui aux notes manuscrites de Jean
Duvivier.
(2] Jean Duvivier est inconlestablemenl l'au-
teur des planches suivantes : portrait de Bertho-
let Flemalle d'après ce peintre ; portrait des
Gouges d'après Tournièrc; vignette aux armes
d'Orléans 1 ni'!); le ^raiilioiiiètrc avec l'cxplica-
tiou de son mécanisme (ITii). Il y a moins de
Aux contrariétés produites par son hu-
meur noire s'ajoutèrent, ensuite, des
chagrins trop réels : il perdit sa femme,
Louise Vignon, qui, seule, avait su
jusqu'alors tempérer sa misanthropie; et
des dix-sept enfants issus de son ma-
riage, quatorze lui furent successivement
enlevés. Il ne lui resta, vers la fin de sa
vie, qu'une fille et deux garçons, l'un
qui, élève de Chardin, devint peintre
médiocre, l'autre, qui se fit graveur
malgré la vive opposition de son père.
Celui-ci manifestait au sujet de son ave-
nir les plus fâcheuses prévisions; il ne
sentait pas en lui « ce génie ferme et
vif, ce génie liégeois, qu'il lui désirait,
et se disait qu'apparemment le terroir
influait sur les enfants comme sur les
plantes transportées de son pays et qui
dégénéraient en France (1) « . Rien
cependant ne justifiait ces alarmes, con-
signées par écrit sur des cartes, qu'il
amoncelait et qui étaient ses seuls confi-
dents. Son fils, tout en étant fort loin
de l'égaler, ne fut pas dépourvu de
talent : il hérita de ses travaux officiels;
il eut son logement au Louvre ; il laissa,
entre autres travaux estimables, une
gravure à l'effigie de son père.
Vers la fin de sa vie, Jean Duvivier
revenait parfois à la gravure au burin
et semblait puiser dans la pratique de
cet art délicat un regain de jeunesse. On
connaît de lui quelques planches, et l'on
a voulu en augmenter le nombre en lui
attribuant celles signées G. dît, Fiv/er,
et en supposant que l'initiale G repré-
sentait son prénom italianisé : Giovanni.
M. Ed. Fétis a, le premier, rectifié
l'erreur commise en indiquant que cette
initiale désignait probablement Gen-
dulphe Duvivier, père de notre artiste
et auteur présumé de plusieurs gra-
vures (2). La dextérité manuelle, l'ap-
titude innée à s'occuper de ditterents
arts, semblent s'être transmises hérédi-
certitude pour lui attribuer les planches, au
nombre de cinq, repiésenlant les Eraugclixies,
Thétia cl Chirou, le Flûteur, le Buveur et un
paysage.
Il convient d'attribuer les planches suivantes
au père de notre artiste, qui signait : G. De Vivier
ou Duvivier f'ecit : La Cuisinière flamande, le
Christ mis au Imtibean et la Tenlation de saint
Antoine, d'aiirès Antoine Van dua Heuvel.
391
DUVIVIER
399
tairement dans cette famille ; Jean Du-
vivier se livrait avec la même adresse
aux travaux les plus grossiers et aux
plus fins : il façonnait ses outils et leur
prêtait de nouvelles formes; il mode-
lait finement en cire et dessinait avec
une grande correction ; il perfectionnait
et inventait des instruments de musique,
en jouait avec habileté et composait non
sans goût. Ses travaux habituels n'en
souff'rirent jamais ; sa fiévreuse activité
suffisait à tout ; selon un de ses biogra-
phes, l'abbé Gougenot, il a gravé dix-
sept têtes de roi à différents âges, trois
têtes de reine, deux dessus de médailles
avec des couples royaux, dix têtes de
personnages illustres, quatre grands
dessus et quarante-deux revers, et près
de deux cents coins de jetons.
Duvivier fut atteint, en 1760, d'une
attaque d'apoplexie, qui le laissa lan-
guissant pendant un an, puis l'enleva
dans sa soixante-quatorzième année. Bien
que son caractère ait jeté une ombre sur
son talent, ce talent brille encore au
premier rang parmi ceux dont la patrie
doit s'enorgueillir. FéUx siappaeru.
Histoire de la gravure des médailles en Bel-
gique, Alexandre Pincharl, tome XXXV des Mém.
cour, par l'Académie roy. de Belgic[ue. — Bul-
letins de l'Académie, 2» série, t. IV.— Bouillet,
Dictionnaire univ. d'histoire et de géographie.
»B viviEK {Jean-Martin), ciseleur
et orfèvre liégeois du xvie siècle. Le
chapitre de Saint-Lambert, à Liège, lui
confia l'exécution d'une grande croix
portative, dont les tréjonciers se ser-
vaient les jours de fêtes solennelles;
c'était une croix clechée, portant aux
extrémités quatre médaillons représen-
tant la Vienje et les évêques saint Ma-
terne, saint Lambert et saint Hubert;
elle était enrichie de pierres précieuses,
et pesait trois cent cinquante onces
d'or et d'argent.
On présume que Du Vivier est le chef
de la famille d'artistes de ce nom ; ce-
pendant les recherches sur ce point,
aux archives de Liège, sont restées in-
fructueuses. Abry le nomme Martin de
Vivier, et le cite en compagnie de Henri
Zutman, l'auteur du célèbre buste de
saint Lambert faisant actuellement par-
tie du trésor de Saint-Paul, cathédrale
de Liège. On sait que cette œuvre d'art
fut exécutée de 1506 à 1512.
Emile Tasset.
Abry, Les Hommes illustres de la nation lié-
geoise, p. 301. — Van den Steen, Essai historique
sur l'ancienne cathédrale de Saint -Lambert à
Liège, p. 208 209. — Kramm, Levens der Kunst-
schilders.
DVTiviER {Aîiguste- Joseph), admi-
nistrateur, homme politique, né à Mons
le 12 décembre 1772, mort à Bruxelles
le 1er juillet 1846; il est le frère des
deux généraux de ce nom.
Après avoir fait ses humanités au
collège de Hoiidaing à Mons, il étudia
la médecine à l'université de Louvain,
y obtint le diplôme de docteur et se
rendit à Paris pour fréquenter les leçons
de clinique. De retour dans sa ville
natale, il fut nommé, le 17 avril 1798,
professeur d'histoire naturelle à l'école
centrale du département de Jemmapes,
chaire qu'il ne cessa d'occuper qu'à la
suppression de cette institution, pour
entrer alors dans l'administration des
droits réunis. Un avancement rapide
l'attendait : il devint successivement
inspecteur dans le département de Jem-
mapes, puis dans ceux des Vosges, du
Morbihan, de ]\Iont-Tonnerre, et fut
élevé, le 30 avril 1811, au grade d'in-
specteur général, d'abord dans le dépar-
tement d'Ille-et-Vilaine, puis dans ceux
de la Lys, de Jemmapes, des Deux-
Nèthes et de l'Escaut. Il conserva cet
emploi important jusqu'à la chute de
l'empire, tout en remplissant, de 1809
à 1814, plusieurs missions administra-
tives dans les provinces rhénanes et en
Espagne, où il organisa la régie des
tabacs. Il se trouva ainsi chargé, lors de
la retraite de l'armée du maréchal Su-
chet, duc d'Albufera, de faire rentrer
en France les tabacs de la régie, dont
la valeur s'élevait à une somme consi-
dérable.
A son retour en Belgique (1815), le
gouvernement des Pays-Bas s'empressa
d'utiliser son savoir et son expérience : il
le nomma receveur principal des douanes
à Courtrai. L'année suivante, Duvivier
devint receveur des convois et licences
de la province d'Anvers, puis directeur
393
DUVÏVIER
394
des contributions directes; enfin le
13 décembre 1827, il fut appelé dans le
Brabant méridional pour y remplir les
mêmes fonctions. En 1830, le gouver-
nement provisoire le maintint d'abord
dans cet emploi, puis le chargea, au mois
d'octobre, de l'administration des contri-
butions directes, et le nomma, le 12 dé-
cembre suivant, administrateur définitif
desdites impositions.
Dans ces diverses positions, Duvivier
rendit les plus grands services; aussi
Surlet de Chokier n'hésita-t-il pas à lui
confier ad intérim le portefeuille des
finances, qu'il conserva depuis le 30 mai
1831 jusqu'au 24 juillet suivant. Il fut
encore chargé, de nouveau, intérimaire-
ment, du même département en 1832 et
devint ministre définitif de 1833 à 1834
(4 août). A sa sortie du ministère, il fut
honoré du titre de ministre d'Etat, juste
récompense de longs et intelligents ser-
vices rendus à son pays.
Elu membre de la chambre des repré-
sentants par l'arrondissement de Soi-
gnies, le 6 octobre 1831, il ne cessa de
faire partie de cette assemblée jusqu'au
moment de sa mort. Il était officier de
l'ordre de Léopold (7 juin 1839) et offi-
cier de la Légion d'honneur (28 septem-
bre 1839). Duvivier laissa quelques
pièces de poésies fugitives, qu'il ne des-
tina pas à la publicité. Sa ville natale a
voulu lui rendre hommage en plaçant
son portrait dans la galerie des illustra-
tions montoises, à l'hôtel de ville.
Aug. Vander Meersch.
Biographie générale des Belges morts et vi-
vants. — Bouillet, Dictionnaire universel et clas-
sique d'histoire, édilioii Parent. — Mathieu,
Biographie montoise. — Iconographie vtonloise,
article d'Hip. Roussell.
DUVIVIER (If/nace - Loïds , baron),
homme de guerre, né à Mons le 13 mars
1777, mort dans la même ville le
5 mars 1853. Duvivier n'avait que seize
ans lorsqu'il s'enrôla dans le 5e régi-
ment de hussards français (15 juillet
1793). Il fit, avec ce corps, la campagne
de Hollande et assista aux combats de
Bois-le-Duc, de Nimègue et de Ben-
theim, où il fut blessé. Il passa alors
dans le 3e régiment de dragons (2 5 dé-
cembre 1795) et partit pour l'Italie.
Après avoir pris part à presque tous les
combats de ces immortelles campagnes,
où brillèrent dans tout leur éclat le
génie militaire de Bonaparte et celui de
l'archiduc Charles, le jeune Duvivier
était arrivé, de grade en grade, jusqu'à
celui de sous-lieutenant, qu'il obtint le
15 avril 1800. Peu de temps après, il
passa dans la garde à cheval des con-
suls, garde dont Napoléon fit plus tard
le noyau de la garde impériale. La bra-
voure déployée par Duvivier dans une
foule de circonstances le fit comprendre
parmi les premiers chevaliers de la Lé-
gion d'honneur, lors de la création de cet
ordre. Pendant la campagne d'Allemagne
et plus tard, pendant celles de Prusse
et de Pologne, Duvivier se distingua
fréquemment par sa valeur et son au-
dace. A léna, il pénétra, l'un, des pre-
miers, dans un carré prussien; à Eylau,
il reçut deux blessures dans cette mé-
morable charge de cavalerie qui enfonça
le centre de l'armée russe. En 1807, il
fut nommé capitaine adjudant - major
dans les chevau-légers polonais de la
garde, se distingua de nouveau à Abens-
berg, à Essling et surtout à Wagram,
où il fut encore blessé, mais où il reçut,
en récompense de sa belle conduite, la
croix d'officier de la Légion d'honneur,
qui lui fut remise sur le champ de
bataille. Envoyé à l'armée d'Espagne,
Duvivier assista à un grand nombre
d'actions sanglantes de cette giierre si
funeste à la France; se distingua à
Somo-Sierra et fut promu major (20 fé-
vrier 1811), avec le titre de chevalier
de l'empire et la constitution d'un ma-
jorât.
Duvivier fit en 1812 la campagne de
Russie, et en 1813, celle de Saxe. Sa
brillante conduite à la bataille de Baut-
zen lui valut le grade de colonel du
2e régiment de cuirassiers et les félicita-
tions publiques du général en chef Lau-
riston. Le 26 août suivant, on le re-
trouva parmi les morts sur le champ de
bataille de Dresde : il avait été frappé
de quatre coups de sabre et de trois
coups de lance. Ces blessures ne l'em-
pêchèrent pas de faire, l'année suivante,
la campagne de Franco à la tête du
395
DUVIVIER
396
Ifie régiment de chasseurs à cheval. Il
eut, pendant cette campagne, quatre
chevaux tués sous lui et reçut les félici-
tations de l'empereur par l'intermédiaire
du prince de Xeuchàtel.
Après la première abdication de Na-
poléon, Duvivier resta en France et prit
le commandement du régiment des chas-
seurs de la reine; mais le 80 novembre
1814, il donna sa démission, revint
dans sa patrie et fut placé, par le prince
souverain des Pays-Bas, à la tête du
régiment de hussards n» 8 (15 avril
1815). Ce fut avec ce corps qu'il com-
battit à Waterloo. La bravoure qu'il
déploya dans cette bataille lui fit décer-
ner la décoration de l'ordre militaire de
Guillaume. Il obtint, peu de temps
après, le brevet de général-major (24 no-
vembre 1816) et le diplôme de baron
(15 mars 1823).
Lors de l'émanci^iation de la Belgique
en 1830, le gouvernement provisoire
s'empressa d'élever le baron Duvivier
au grade de général de division (5 octo-
bre 1830) et de lui confier le comman-
dement supérieur des Flandres. Le ré-
gent l'appela ensuite au commandement
de la 2e division militaire; le roi y joi-
gnit le commandement de la division de
cavalerie, le titre d'inspecteur général
de l'arme et enfin le commandement de
la 3e division territoriale (4 août 1834),
position que le général Duvivier con-
serva jusqu'à sa retraite, qu'il obtint le
l'Z mars io4,«. Générai baron Guillaume.
Archives de la guerre. — Vigneron, La Belgi-
que militaire. — Iconographie moutoise.
ni' VIVIER. ( Vincent-Marie- Constan-
tin), homme de guerre, frère aîné du
précédent, né à Mons le 12 décembre
1774, décédé dans la même ville le
4 novembre 1851. Après avoir fait ses
études au collège de Mons, Vincent
Duvivier s'enrôla, le 18 janvier 1793,
dans le régiment des hussards de Jem-
mapes, un des corps qui avaient été
créés à la suite de la révolution bra-
bançonne, et qui fut incorporé dans
l'armée française après l'invasion de
la Belgique. A la fin de la campagne
de 1793, le jeune Duvivier avait déjà
conquis le grade de sous-lieutenant.
Il prit part à toutes les campagnes
depuis 1794 jusqu'à 1799, en faisant
partie successivement de l'armée du
Nord, de l'armée de Sambre-et-Meuse,
de celle d'Italie et de celle d'Egypte. Il
était arrivé, à cette époque, au grade de
capitaine ; ce fut en cette qualité qu'il
fit, en 1801, la campagne de Syrie, pen-
dant laquelle il se distingua tellement,
qu'il fut promu au grade de chef d'esca-
dron. Les blessures qu'il avait reçues en
Egypte, notamment à la bataille d'Abou-
kir, et celles qu'il reçut dans les nom-
breux combats des campagnes de 1803,
1804 et 1805 à la grande armée, de
1806 et 1807 en Allemagne et en Po-
logne, l'obligèrent, en 1807, à prendre sa
pension, bien qu'il eût à peine trente-
trois ans; mais, lorsque, en 1812, les
gardes nationales furent organisées à
l'instar de l'armée, le commandant Du-
vivier y rendit de grands services en
qualité d'adjudant-major.
Après la chute de l'empire, Duvivier
revint dans sa patrie, et lors de l'organi-
sation militaire du nouveau royaume des
Pays-Bas, il fut investi du commande-
ment de la place de Mons et élevé, bien-
tôt après, au grade de colonel. A l'époque
des événements de 1830, le colonel Du-
vivier, qui, jouissait de l'estime et de
l'affection de toute la population de
Mons, exerça une grande influence pour
le maintien de l'ordre; aussi le gouver-
nement provisoire lui conféra le grade
de général et le maintint dans les fonc-
tions de commandant de place , qu'il
occupa jusqu'au 16 janvier 1841, époque
où le roi Léopold 1er lui accorda sa re-
traite avec le grade honoraire de lieu-
tenant général.
Le général Duvivier était officier de
l'ordre de Léopold, officier de la Légion
d'honneur et chevalier de l'ordre mili-
taire de Guillaume.
(iéiiéral baron Guillaume.
Archives de la guerre.
»tj VIVIER {Joseph -Hippoly té), écri-
vain ecclésiastique, né à Mons le 20 avril
1752, décédé à Tournai le 25 janvier
1834 à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
Après avoir fait d'excellentes études la-
397
DU VIVIER
398
tines dans sa ville natale, il fut envoyé
à l'université de Louvaiu pour s'y appli-
quer à la philosophie, à la théologie et
au droit, et prit le grade de licencié en
droit canonique. Il entra ensuite chez
les Oratoriens de sa ville natale, reçut
la prêtrise en 1778, et se consacra à
l'enseignement des humanités et à la
prédication. Doué d'un esprit très-vif en
même temps que d'un caractère droit,
ferme et résolu, le jeune oratorien ne
pouvait rester spectateur indifférent de
la lutte entre l'Église et l'État qui
venait de s'engager. Dès l'année 1787,
il publia, sans y mettre son nom, une
première brochure pour venger les droits
de l'Eglise contre les usurpations de l'em-
pereur Joseph II. Cette première bro-
chure fut bientôt suivie d'une deuxième,
également anonyme, plus étendue, et qui
obtint le succès le plus inattendu. Le
cardinal de Franckenberg, archevêque
de Malines, n'avait pu lire les écrits de
Du Vivier sans éprouver le vif désir d'en
connaître l'auteur; et ayant découvert,
à force d'investigations, que c'était un
jeune ecclésiastique de Mons, il se l'at-
tacha comme secrétaire et le fit élire, à
l'unanimité, chanoine gradué de l'église
métropolitaine. Dans cette nouvelle posi-
tion, l'abbé Du Vivier rendit des services
signalés au cardinal-archevêque, non-
seulement en suggérant à celui-ci les
questions à proposer aux professeurs du
séminaire général érigé à Louvain par
l'empereur, contrairement aux vues de
l'épiscopat, mais aussi en accompagnant
le cardinal pendant la visite qu'il fit à
Louvain, en l'assistant dans son examen
des doctrines des professeurs, et princi-
palement en rédigeant la célèbre Décla-
ration sur V enseignement du séminaire
général de Louvain. A la suite de tout
ce qui eut lieu à l'occasion de la Décla-
ration, Du Vivier devint l'homme de
confiance du cardinal, qui l'envoya plu-
sieurs fois comme délégué auprès du
ministre Trauttmansdorft" pour négocier
les affaires les plus délicates. Sa fran-
chise et son inflexibilité lui valurent un
mois de captivité dans la prison de la
porte de Laeken à Bruxelles. Lorsque
survinrent les troubles de la révolution
brabançonne, Du Vivier, rendu à la
liberté, se montra véritable patriote, et
défendit, par plusieurs écrits, l'indé-
pendance de la Belgique. Pendant la
révolution française, il redoubla de cou-
rage, et partagea l'exil du cardinal de
Franckenberg, qui, aidé par les conseils
et la plume de son secrétaire, continua,
à distance, de gouverner son diocèse.
Rentré à Malines en 1793, il y resta
jusqu'au moment où parut le décret du
18 fructidor an v (4 septembre 1797)
qui condamnait à la déportation tous les
ecclésiastiques refusant de prêter le ser-
ment de haine à la royauté. Du Vivier,
après avoir suivi pendant quelque temps
l'archevêque dans l'exil, retourna à Mons
dans sa famille ; mais il n'y fut qu'un
instant. Inscrit sur les fatales listes de
déportation, il fut arraché à sa famille et
conduit à la citadelle de Valeaciennes
pour être dirigé ensuite vers Sinamary.
Il arriva à Valencienues dans un tel
état de faiblesse, qu'il fut impossible de "
le faire mener plus loin; il dut son
élargissement à cette circonstance. La
famille Du Vivier redoubla d'activité
pour l'arracher à la prison, et l'époux,
d'une de ses sœurs, M. Dolez (père
de M. Dolez, sénateur actuel) alla à
Paris trouver le ministre de la police
générale, et, après avoir subi plu-
sieurs refus ironiques, obtint de faire
examiner, à Valencienues, l'état de la
santé du condamné à la déportation.
Cette décision sauva Du Vivier, qui
retourna à Mons, où il fut placé sous la
surveillance de la municipalité. Ce ne
fut que sous le consulat qu'il récupéra
son entière liberté. Pendant le séjour
forcé qu'il fit à Mons, il ne resta pas
inactif; il composa plusieurs brochures
de circonstance contre le serment de
haine. Après le concordat. Du Vivier fut
nommé chanoine de la cathédrale de
Tournai, archidiacre et vicaire général
du diocèse, et quelque temps après,
doyen du chapitre. Lorsque, en 1811,
Mgr. Hirn, évêque de Tournai, se ren-
dit au prétendu concile national convo-
qué par Napoléon, il se fit accompagner
par Du Vivier en qualité de théologien.
A la demande de son évêque, celui-ci
399
DUVIVIER
400
composa le célèbre Mémoire sur l'incom-
pétence du concile national, prouvée par la
nullité des pouvoirs épiscopaux, etc. Le
travail de T)u Vivier servit de base au
rapport que Mgr. Hirn, assisté de
l'évêque de Troyes, rédigea pour prou-
ver que le concile n'avait aucune mis-
sion, aucune autorité. Ce rapport,
adopté par la commission, irrita l'em-
pereur au point qu'il prononça la
dissolution du concile, fit arrêter les
évêques de Gand, de Tournai et de
Troyes, avec leurs théologiens, etordonna
qu'on les conduisît au donjon de Vin-
cennes, pour y être gardés dans le secret
le plus rigoiireux. Du Vivier obtint sa
liberté provisoire au mois de mars 1S12,
mais avec injonction d'aller résider dans
la petite ville de Vervins, où il demeura
jusqu'au 23 février 181-i. Après les
événements de 1814, il revint à Tour-
nai, et remplit les fonctions de vicaire
général jusqu'au moment de sa mort,
sous les évêques Hirn et Delplanque.
En 1830, il avait été nommé député au
Congrès national par le district de Soi-
gnies, mais il s'excusa à cause de sa
santé et de son grand âge ; car, s'il avait
pu se rendre à cette assemblée, il en eût
été le doyen d'âge, en place de M. Gen-
debien. On trouve un portrait lithogra-
phie de Du Vivier dans le Messager des
sciences historiques, 1840, p. 1. Le
chanoine Du Vivier a publié un très-
grand nombre d'ouvrages : lo Défense de
Joseph II ou Mémoire apologétique sur les
droits de l'Eglise et sur ceux du souverain
relativement au gouverneynent de la reli-
gion. Bruxelles (imprimé à Mons, chez
Lelong), 1787; vol. in-8o. Ce travail
est une réponse à une brochure ano-
nyme que l'abbé Dufour avait publiée
en faveur du joséphisme sous le titre de
Réflexions sur les édits émanés aux Pays-
Bas de la part de l'empereur en matière
ecclésiastique. Du Vivier donne ironique-
ment à son travail le titre de Défense,
car il attaque vivement les usurpations
de l'empereur. — 2o Apologie du mariage
chrétien ou Mémoire critique, canonique
et politique, servant de réponse au commen-
taire intitulé : Des empêchements diri-
mant le contrat de mariagi^ dans les Pays-
Bas autrichiens . Strasbourg (imprimé à
Liège, chez Lemârié), 1788; vol. in-8o.
Dans cet écrit, qui fit sensation. Du Vi-
vier réfute un travail de M. Doutrepont.
Celui-ci, bien qu'il eut prorais quatre vo-
lumes pour défendre les prétendus droits
de Joseph II, s'arrêta après le premier
volume. C'est à la suite de la lecture de
V Apologie du mariage chrétien, que le
cardinal de Eranckenberg chercha à
s'attacher Du Vivier comme secrétaire.
— 3^ Déclaration de Son Eminence le
cardinal de Eranckenberg, archevêque de
Matines, sur V enseignement du séminaire
génércd de Louvain. Malines, 1790, vol.
in-8 >. C'est la première édition authen-
tique de cet écrit ; elle est revêtue de la
signature de Du Vivier lui-même ou de
son collègue au secrétariat de l'archevê-
ché. Une édition in-4f avait été impri-
mée à Saint-Trond dès l'année 1789
(vol. in-4o de 111 pages) par Michel;
mais cette impression fut faite, à l'insu
de l'auteur, d'après une des copies de
son manuscrit qui avait été dérobée. —
Du Vivier publia encore d'autres ou-
vrages contre le séminaire général :
4» Réflexions d'un citoyen paciflque sur
l'affaire de Louvain, etc. (Mons, 1788),
brochure in-8o. — 5o Examen de la
réponse que firent les professeurs de Lou-
vain. Malines, 1789, brochure in-S». —
6o Paraphrase de la lettre du docteur
Marant à Son Emitience le cardinal arche-
vêque de Malines. Malines, 1789, in- 8».
— lo Le retour de Bruxelles ou l'esta-
minet des six professeurs. Première et
seconde soirées. Malines, 1789; 2 bro-
chures in- 8°. — 8» Lettres curieuses sur
l'affaire de Louvain. Malines, 1789;
brochure in- 8°. — Pendant la révolu-
tion brabançonne, il fit paraître : 9o Let-
tre d'un membre du ci-devant conseil royal
à Bruxelles à un royaliste intrigant.
Bruxelles, imp. patriotique, 1790; bro-
chure in-8'J. — iOo Déclaration des
Etats de Hollande et de TFest-Frise,
donnée à Harlem le 16 octobre 1587.
Bruxelles, Lemaire, 1790; broch. in-S»
de 12 pages. — Ho Lettre du citoyen
Ten Hnlscher, archiprêtre de Holla)ide,
de Zélande et de Jf est-Frise , au citoyen
rédacteur de la Gazette de Harlem., etc.
401
DUVIVIER — DUYM
402
Amsterdam, 1795, in-8o. — 12o Re-
merciement à MM. l'avocat et consorts
pour leur avis à MM. Brosius, Fetler,
Du Vivier et autres. Bruxelles, impr.
patriotique, 1790; vol. in- 12 de 331 p.
— 13° Examen du manifeste de la pro-
vince dti Hainaut servant de supplément
à la brochure intitulée : Remerciement .
Bruxelles, 1790, in-8'j de 28 pages. —
14o Lettre de M. V abbé Bu Vivier , secré-
taire de Son Eminence le cardinal arche-
vêque de Malines, au rédacteur du Journal
général de l'Europe. Malines, 1 790, in-S».
Ces trois derniers ouvrages sont les seuls
qui portent le nom de M. Du Vivier sur
leur titre. Il publia ensuite, sous la
république et le premier empire, une
quantité de brochures et d'écrits de cir-
constance pour combattre le serment de
haine à la royauté, sur le concordat, etc.
On trouve l'énumération et la descrip-
tion de tous ces écrits dans la notice sur
Jos. Hipp. Du Vivier, insérée dans le
Messager des sciences et des arts de 1840.
Pendant qu'il était détenu à Vervins,
il s'occupa activement de la composition
d'un ouvrage de longue haleine. Ce tra-
vail, resté manuscrit et renfermant la
matière de deux ou trois volumes in-8o
est intitulé : La Révolution et les grandes
calamités coït-sidérées dans leur source
principale, avec les moyens deles prévenir,
d'en réparer les dommages et d' en prévenir
le retour. E.-H.-J. Reusens.
Messager des sciences historiques , 1848 ,
pages 1-!2I.
Di'YM {Jacques), guerrier et poète
flamand, naquit à Louvain en 154)7. Il
appartenait à une famille distinguée et
portait la qualification de gentilhomme
ow. jonkheer. Bonaventure Vulcanus l'ap-
pelle vir nobilis. Duj'm avait fait une
étude approfondie des langues classi-
ques : c'était un homme d'une très-vaste
érudition. L'insurrection contre la do-
mination espagnole trouva en lui un
partisan des plus dévoués. Il s'enrôla
dans l'un des régiments du prince
d'Orange et obtint, par sa bravoure, le
grade de capitaine. Il prit une part très-
grande à la défense du fort de Lillo.
Malheureusement, dans le combat à la
digue de Couwenstein, qui eut lieu au
mois de juillet 1585, il tomba entre les
mains des Espagnols, sous la conduite
de Montdragon. Enfermé au château de
Xamur, il y passa vingt-deux mois.
Après la réduction d'Anvers en 1587,
Duym recouvra la liberté, moyennant
une rançon considérable. Le long empri-
sonnement qu'il venait de subir lui
avait fait contracter une maladie dans
les jambes dont il ne guérit jamais. De-
venu impropre au service militaire, il
chercha une occupation et une consola-
tion dans la culture des lettres. En 1588,
Duym se fixa à Leyde, où il eut le bon-
heur de trouver d'autres Flamands qui
avaient quitté leur sol natal pour se
soustraire à la tyrannie espagnole.
A l'instar de ce qui existait dans leur
pays, ces Flamands y érigèrent une cham-
bre de rhétorique pour la culture et la
propagation de la littérature nationale.
Cette société portait la dénomination de
Lis Orangé {Oranje Lelie) et avait pour
devise : Croissant en amitié (in liefde
groeyende). Duym fut appelé aux fonc-
tions de chef de cette association (Ze^s^,
empereur) et lui rendit de grands ser-
vices. Dans une pièce de vers faite en
son honneur par les rhétoriciens, on lit :
Zynen volcomenlofcanniemand weluylspreecken,
Sèer lieflick heeft hy oiis. als Keyser .sheregeert,
0ns Lely-kamer teer uyt Viaenderen .gheweecken.
Hy heeft voorwaer de const op Helicon gheleert.
La chambre le Lis Orangé exerça en
Néerlande une grande et heureuse in-
fluence sur le développement de la lit-
térature. L'esprit sociable de Duym y
contribua. Il vécut à Leyde dans l'inti-
mité de B. Vulcanus, Scriverius, Guil-
laume Codde, Daniel Heyns, Charles
van Mander et d'autres hommes de
mérite. Le poëte travailla surtout pour
le théâtre, empruntant les sujets de ses
pièces à l'histoire de l'insurrection des
Pays-Bas contre Philippe II : \ Assas-
sinat du prince d'Orange, la Réduction
d'Anvers, la Prise de Breda, le Siège de
Leiden et d'autres grands épisodes l'in-
spirèrent. Comme versificateur , il n'a
pas un grand mérite; mais il employait
un langage clair et pur et doit être con-
sidéré comme l'un des premiers écri-
vains qui contribuèrent à éliminer de la
403
DUYM — DUYSE
404
langue nationale les mots étrangers qui
déparent presque toutes les productions
flamandes du xvi^ siècle.
Persuadé que la connaissance des
annales de la patrie exerce une salutaire
influence sur l'éducation du peuple,
Duym rédigea une Histoire des Pays-
Bas qui n'est pas sans intérêt. Il publia
en outre une Narration de la révolution
dîi xvie siècle. Pans tous ses écrits on re-
trouve le citoyen dévoué, qui n'éprouve
d'autre désir que de contribuer à la
prospérité de sa patrie d'adoption.
Le 1er janvier 1606, Duym demeurait
au Quai au Foin [op de HooyrjracM) à
Leyde. Il y décéda sans doute; mais
nous ignorons l'époque de sa mort. Sa
devise était : Beden verwint. En 1600,
Jacques de Gheyn exécuta son portrait,
et la belle planche qui le reproduit
porte l'inscription suivante : Jacohns
Duym, Lovajnensis, œtatis suœ LUI,
ovno ClOIOC. Elle est ornée des armoi-
ries du porte. Notre Louvaniste était
marié lorsqu'il fut fait prisonnier en
1585. Nous ignorons s'il laissa des en-
fants.
Duym rendit d'incontestables services.
Il doit être considéré comme l'un des
promoteurs du mouvement littéraire qui
donna,, plus tard, à la Hollande Josse
Vanden Vondel, Jacques Cats et tant
d'autres poètes d'un mérite supérieur.
Xous connaissons de lui : 1» Een spie-
(jelhoech inlioudende ses spiegels, tcaer in
réel deuckden claer aen te mercken zyn,
seer cortwylich ende sticJitelyck voor aile
menschen om te lesen. Nieu gevonden ende
speehvys in diclit gJiesteÛ door Jacob
Duym. Tôt Leyden, by Jan Bouwensz.
Anno MDC, in-4o. — 2o Een Ghedenck-
Boeck, liet icelck ons leert aen al Jiet quaet
en den (jrooten moeticil van de Spaingnaer-
den en haren aenlianck ons aenghedaen te
gJiedencken, ende de groote liefde ende
trou van de princen nyt den liuyse van
Nassau, aen ons betoent eeuwelick te
onthonden. Speel-wys in dicjit gliestelt
door Jacob Duym. Ghedruckt tôt Ley-
den, by Henrick Lodewycx zoon van
TFaesten, in den jaere 1606, in-4'i. —
8o Oudt-Bafaviam nu genaemt Holland.
Jloe endi' in w'it manieren, ende ran uien
Hollandt, Zeelandt ende Vrieslandt eerst
beicoont isgeiceest. Auctore Saxone Gram-
matico. Mits-gaders des ïands oude graven
en niewce gouverneiirs : die by de Ko. Ma.
van Hispanien ah by de E. E. H. Staten
der vereenichde proviyieien, ten tyde van
de teghetmoordighe troubelen gliestelt zyn.
Beschreven door Jacob Duym. Tôt Ley-
den, by Andries Clouck, in den ghe-
croondeu Engliel, in't jaer Ons Hee-
ren 1606, in-12 de 328 pages. Le
travail s'arrête à 1605. — 4o Corte
JiistoriscJie beschryvinghe der nederland-
scJie oorlogen van den beginne en aenvangh
of der beroerte tôt het hcalfjarig bestand
toe, door J. J. D. (joukheer Jacob
Duym). Arnhem, 1602, in-12; réim-
primé à Arnhem, en 1614 et à Amster-
dam en 1646. Ed.vanEven.
La dédicace, par Duym, de son Gedenck-
boeck, à Maurice de Nassau. — Eiiterpe, publiée
par Jacques Kantelaar et Mat. Siegenbeek, Ams-
terdam, 1810. i)ages 109-111. — M. J.-P. Vander
Auwera, dans les Haiideliuqen du congrès litté-
raire tenu à Maestricht en 1875, pages 120:Î-!20;S.
i>i;y!Ve:%' (Isaac vax), peintre, né à
Anvers, d'après le biographe hollandais
Chrétien Kramm, mais à date ignorée.
Il peignit, très - artistement, de jolis
sujets de nature morte, étoffés de pois-
sons de mer et de rivière, recherchés
par les amateurs et à bon prix. En 1664,
il s'était fixé à La Haye, où il s'affilia,
en 1665, à la gilde ou confrérie des
peintres (Haegsclie confrerye ende Schil-
ders broederschap), et mourut dans cette
ville en 1668 ou 1669. Kramm ne sait
s'il était, ainsi que l'insinue Pierre Ter-
westen (Ms.), parent, et peut-être père
ou frère de J.-B. van Duynen, peintre
de portraits à l'aquarelle, né à Anvers
en 1620, selon Immerseel. — Bryan-
Stanley le croit natif de ^Dordrecht
(Hollande) et y florissant vers 1670,
peignant même le poisson en grandeur
naturelle. Edm. De Busscher.
DKVSE {Prudent vax), pocte, né à
Termonde le 17 septembre 1804, mort
à G and le 13 novembre 1859. Son père,
originaire de Kieldrecht, appartenait à
une des plus anciennes familles agricoles
du pays de Waes; il avait épousé The-
resia Hanssens et exerçait la profession
40c
DUYSE
406
de médecin. Il se délassait de ses tra-
vaux en apprenant le flamand et même
le latin à ses deux enfants, Prudens et
Nathalia. On peut affirmer que cette
éducation domestique fut des plus heu-
reuses et qu'elle exerça une influence
considérable sur le caractère moral des
poésies de Van Duyse. Il aima à chanter
ces leçons données « sous les beaux
ormes » . L'enseignement paternel était
complété par celui du collège, et l'amour
de la langue néerlandaise avait alors à
Termonde plus d'un stimulant. Les
séances littéraires n'y étaient pas rares.
En 1820, à la représentation donnée par
le Kumtliefde , on put applaudir Diana
Daenens dans son rôle de Zaïre. Dès
1822, Yan Duyse compose des poésies
jubilaires (Govxie juhel-croon) pour des
amis de sa famille. L'année suivante,
tandis qii'il débute à Laeken comme
clerc de notaire, il obtient un prix de
poésie au concours de Deerlyk, près de
Courtrai. Dès lors jusqu'à la fin de sa
vie, on le voit emporté par une incroya-
ble facilité à tout exprimer, et même à
tout improviser en vers. Pendant plus
de trente ans, il se prodigue pour les
moindres événements de la renaissance
flamande; il est comme le faktor de
toutes les sociétés de rhétorique. Ses
poésies de circonstance sont, pour ainsi
dire, un mémorial de l'époque.
Après quelques mois de résidence à
Laeken, Van Duyse alla se faire inscrire
à l'université de Louvain pour devenir
avocat. Mais pendant deux ans (1823-
1825), il s'obstina à mener de front
l'étude de la jurisprudence, de la litté-
rature, de la peinture et de la musique.
L'étudiant maniait le pinceau avec faci-
lité et passait pour un virtuose sur le
violon. En même temps qu'il essayait
de traduire Virgile en rimes flamandes,
il triomphait aux concours de Furnes et
de Bruges et l'emportait sur le Hollan-
dais Oudemans pour chanter la bataille
de Courtrai {Bundel der Maatschappij
van Taal-en Letterhmâe. Bruges, 1821-
1829). En outre, il envoyait des pièces
à plusieurs recueils périodiques du pays.
A peine rentré à Termonde, sans avoir
achevé ses études universitaires, il rélé-
bra, avec cette complaisance que sa verve
lui permit toujours, l'académie de des-
sin de sa ville natale et prit dès lors
l'habitude d'ajouter à ses vers des com-
mentaires dont l'érudition fut souvent
remarquée. On le sollicitait pour les
sujets les moins poétiques ; mais il savait
les relever soit parla bonhomie, soit par
le patriotisme, alors même qu'il chan-
tait la promotion de J. Olbrechts, inspec-
teur des contributions à Anvers riS2.5).
En 1826, il publia, au profit des Hel-
lènes, une ode sur la Grèce et une can-
tate sur Waterloo. On a remarqué que
Van Duyse, qui ne fut point décoré par
la Hollande, composa, presque chaque
année, un morceau de poésie en souvenir
de la bataille où le prince d'Orange fut
blessé. Le poète, tourmenté par l'abon-
dance de ses inspirations, se présentait
à presque tous les concours des sociétés
de rhétorique ; mais, outre l'intérêt lit-
téraire, il y avait encore celui d'une
vive émulation. Les prix étaient vail-
lamment disputés dans les plus humbles
bourgades, par les Hollandais comme
par les Belges. C'étaient les premières
escarmouches du mouvement flamand.
A Deynze, Van Duyse l'emporta sur
Ledeganck. S'il échoua à Eecloo contre
Rens, il eut sa revanche par une traduc-
tion en vers français de son principal
modèle de style, Helmers. Cette tra-
duction, dédiée au ministre Falck, se
trouve dans un recueil bruxellois de
1827, dont il n'a paru qu'un volume
{Revue explicative des principes fondamen-
taux et des beautés de la langue néerlan-
daise). Peu de temps après, l'infatigable
littérateur obtenait de la Concordia de
Bruxelles le premier prix pour l'éloge
de l'idiome national {LofdicJit op de
nederlandscîie tad). Le style de ce poème,
un peu dithyrambique, à la façon de
Helmers, annonçait toutefois un écri-
vain complètement aff'ranchi de ce qu'il
devait lui-même appeler, plus tard, le
faux goût des rJietorikasters. C'était bien
le Belge qui avait profité de la renais-
sance littéraire favorisée par le gouver-
nement des Pays-Bas. Le Dr Snellaert
admirait particulièrement la noblesse de
ses vers.
407
DUYSE
408
Au commencement de 1830, Van
Duvse était élève de l'Université de
Gaud. Il y avait repris l'étude du droit,
lorsqu'il publia un poème satirique en
quatre chants intitulé : De Wanorde en
Omicenteliyig op den vlaamschen Zangherg,
c'est-à-dire, le désordre et la révolution
sur le Parnasse flamand. Grâce à un
système de notes surabondantes, c'est
non-seulement un poëme amusant, mais
un trésor de faits curieux. La petite
guerre du Parnasse flamand avait sur-
tout pour théâtre les sociétés qui pullu-
laient dans la "West-Flandre. L'auteur
pressentait le développement du parti-
cularisme ; mais son œuvre eut le tort
d'avoir trop tôt raison. Elle ne fut pas
appréciée à sa valeur réelle et on lui
attribua même injustement une tendance
dénigrante. Au fond, pas plus que Boi-
leau, l'étudiant-rimeur n'allait au delà
Il de la haine d'un sot livre « . C'étaient
ses classiques hollandais qui lui inspi-
raient le dégoût de la vieille afféterie
rhétoricale.
Au bruit de ces querelles où il ou-
bliait ses intérêts personnels, il n'en-
tendit pas venir la révolution de 1830.
Ayant vainement réclamé pour les droits
d'une langue qu'on semblait écarter de
l'école et de l'administration, il partit
pour la Hollande où il arriva presque en
même temps que le Dr Snellaert. « Er-
II rant de lieu en lieu, dit celui-ci.
Il sans autres ressources que son cou-
II rage d'étudiant aventureux, il noua
Il des relations avec les principaux lit-
II térateurs du pays. « C'est alors qu'il
connut le célèbre Tollens, d'origine
gantoise. A La Haye, le libraire-éditeur
Immerzeel l'accueillit en ami et flt im-
primer ses Gedicîiten (1831). Il publia
aussi Krijgsgesclial en Volksgezang où,
avec Snellaert et d'autres, il déplorait
le divorce national et la chute du
royaume des Pays-Bas. « Le poète eut
cependant la bonne inspiration de ne
pas s'engager dans le diflerend politique,
à part ses justes observations concernant
la langue flamande. « (Notice académique
de 1871.) Il revint bientôt à Gand, s'y
consola par l'étude et obtint, dès le
14 août 1832, le diplôme de docteur en
droit. Il avait obtenu antérieurement
celui de candidat notaire. Eentré à Ter-
monde, au sein de sa famille, il fut
nommé aux fonctions d'archiviste de la
commune et de secrétaire de l'académie
de dessin. En cette double qualité, il a
su se rendre utile. Le souvenir de ses
services a été consacré par une pierre
commémorative que la régence a fait
placer au coin du Marché aux grains, où
s'élevait la maison paternelle du poète.
Tout en remplissant ponctuellement ses
nouveaux devoirs, il égayait ou relevait
de ses vers si faciles la moindre cir-
constance ou publique ou privée. Pas de
fête d'école ou de famille sans quelque
improvisation complaisante. Au reste,
le retour au pays lui avait inspiré une
œuvre fine, exquise et, à bon droit, sa
favorite : la première élégie à sa sœur
Nathalia. C'est un modèle de poésie do-
mestique. En même temps il se remet-
tait aux concours, où il voyait l'avenir
de sa langue maternelle. En 1835, il
composa Lierzang aen Belgie, d'où une
société littéraire de Gand tira son nom :
JDe taal is gansch îietvolk : la langue c'est
toute la nation (ou plutôt, le peuple).
Vers la même époque. Van Duyse se
mit à collaborer activement aux diverses
publications mises au service du mou-
vement flamand : les Bijdragen de la
Gazette van G eut, les Nederdîiitsche Let-
teroefeningen, de Ph. Blommaert et Ser-
rure, et enfin le Behjisck Museimi auquel
il demeura fidèle jusqu'à la fin. Toujours
à l'affrit de tout ce qui pouvait illustrer
la littérature nationale, il découvrit un
Willem Tell, une tragédie faite par
J. Wouters, ouvrier à Lierre. Il fut
bien mal récompensé de son empresse-
ment à corriger cette œuvre pour une
représentation destinée à procurer quel-
ques ressources à la veuve et aux orphe-
lins de l'auteur; le dévouement de
l'éditeur fut taxé de plagiat. En revan-
che, sa verve, prodiguée à la façon
d'Ovide, lui suscitait de toutes parts des
compliments et des amitiés sincères. Il
en trouvait jusque chez les Wallons : il
avait fait couronner à Mons une pièce
française où il célébrait le courage des
Nerviens contre César. Il eut l'occasion
409
DUYSE
41U
de rappeler, à propos de ce nouveau
triomphe, nos vieilles fêtes flamandes
où l'on concourait In duytscher en waal-
scJier talen. Un critique hollandais, Tan
Vloten {Bloemlezing) a fait remarquer
que Van Duyse avait nui à son propre
talent en le prodiguant dans les moin-
dres concours et jusque dans les cir-
constances les moins clignes d'une con-
sécration poétique. De là, l'inégalité de
ses œuvres : la plupart sont trop impro-
visées et n'ont pas eu la surama mantis.
11 faudrait un triage sévère pour ces
innombrables petites pièces échappées à
sa veine trop abondante. Plus d'une ne
paraît obscure que par l'exubérance de
la poésie.
En 1837, lors de l'ouverture du che-
min de fer entre Gand et Termonde,
Yan Duyse fit une ode française qu'aus-
sitôt après il remit en vers flamands. 11
essaya des vers dans d'autres langues
encore, en latin, en italien, en alle-
mand. Quelquefois tout un poëme sor-
tait du plus humble concours. En
1838, aux Motionisten de Grammont, il
n'envoya pas moins de quatre chants
didactiques sur l'influence du théâtre.
Aussi bien, il pouvait dire : Qîddqyiid
tentabam dicere, versus erat. Quoiqu'il
eût une prose assez remarquable, le vers
semblait sa langue instinctive. A Sotte-
ghem, à peine a-t-il reçu sa médaille,
qu'il complimente à son tour voor de
vuist, à l'impromptu, les juges, les ri-
vaux, le public, tout le monde. C'était
un véritable improvisateur, supérieur,
sous ce rapport, à VV. De Clercq et à
Da Costa. 11 le prouva en 1839, lorsque
le spirituel rimeur français Eugène de
Pradel se fit applaudir dans la salle
de la Eotonde, à l'université de Gand.
On vit tout à coup Van Duyse s'élancer
sur l'estrade, et lutter de dextérité et
d'abondance avec le virtuose de la rime.
Il improvisa en son honneur une ode
flamande sur un sujet que l'improvisa-
teur étranger avait courtoisement en-
tamé : Qui chérit son pays a toujours le
cœur grand. Comme pour consacrer
l'union des deux littératures, les deux
poètes s'embrassèrent, aux applaudisse-
ments d'un public électiisé. Ajoutons
que l'improvisateur flamand improvisa
avec la même facilité la traduction de ses
propres vers. 11 y avait quelque chose
de méridional dans cette soudaineté
exubérante, assez rare chez nos littéra-
teurs, comme le remarque W.-J. Hofdijk.
Van Duyse était venu s'établir à Gand
depuis 1836. 11 y fit d'abord un cours
d'histoire de la littérature flamande à
l'athénée communal; mais ce jeune audi-
toire était mal préparé, et par là assez
peu sympathique. Le professeur fut
mieux apprécié, plus tard, à l'académie
de peinture et de sculpture, où, parlant
de ra,rt national, il trouvait d'ailleurs
un sujet entièrement conforme à ses goût s.
Ce fut en 1838 que Van Duyse rem-
plaça Parmentier aux archives de la
ville de Gand. Cette richesse de docu-
ments l'enivra; il fit vingt projets
d'études pour réhabiliter le passé dg la
fière commune, traitée de turbulente dès
le xive siècle; il fut le premier, peut-
être, à s'intéresser aux détails locaux de
la fameuse Pacification de 1576. Avec
une activité dévorante, il se mit à com-
pulser les vieux registres; il se faisait
tout Gantois et semblait évoquer, dans
ses plus minutieux détails, le passé de
sa ville adoptive pour on ne sait quelle
création poétique. Tout en continuant
le gaspillage de ses rimes, le nouvel
archi\"iste se proposait comme une loi le
mot du savant comte de La Borde :
i> Les comptes sont les documents les
« plus explicites et les moins contesta-
» blés » . Le Belgisch Muséum, le Messa-
ger des arts et des sciences historiques et
d'autres revues profitèrent de ce zèle de
néophyte. De 1848 à 1859, l'archiviste-
poëte prépara V Inventaire anahjtiqtœ des
chartes et documents des archives com-
munales de Gand. Le quatrième fasci-
cule, interrompu par sa mort, fut achevé
par son successeur, M. De Busscher.
En 1839, la société des Beaux-arts
de Gand nomma Van Duyse secrétaire
général, plus tard vice-président, après
l'avoir souvent couronné dans ses con-
cours littéraires. Il déploya dans ces
nouvelles fonctions les meilleures qiia-
lités de sa nature aimable et sympa-
thique. C'était, comme dit M. Ricourt
411
DUYSE
412
de Lille, un libéral tolérant. Il inséra de
nouveaux articles dans les Aimâtes de la
Société; mais le pêle-mêle des sujets
prouve combien l'auteur était ivresse de
produire. Il était, au surplus, devenu
trop populaire pour se dérober facile-
ment aux occasions de publicité.
« Une activité remarquable, aidée
Il d'une vaste mémoire et d'une rare
Il facilité d'élocution toujours fleurie,
Il une insatiable ambition de se pro-
u duire jointe à un patriotisme incon-
u testable, poussèrent Yan Duyse vers
Il toutes les grandes réunions comme
« l'homme de la situation. On le ren-
II contrait devant la tombe du modeste
Il ouvrier comme du grand artiste,
Il comme de l'honorable magistrat, au
Il pied du moiiumentdu grand citoyen,
Il qu'il fût homme d'épée ou de plume.
Il adhérent de Genève ou de Eome; à
Il tous il vouait sa parole ou ses accents
« harmonieux. Pas de canton, presque
'/ pas de commune dans le pays flamand
Il qui n'acclamât avec joie le poëte tou-
II jours prêt à se porter au-devant du
« désir bien légitime de voir rehausser
Il l'éclat des fêtes par le prestige de la
Il poésie. Pas un concours littéraire où
Il Van Ihiyse ne parût soit comme con-
II ciirrent, soit en qualité de juge.
Il A toute fête séculaire ou nationale en
Il l'honneur d'un individu ou en commé-
II moration d'un événement, on trouva
Il Van Duy«e ou un poëme de lui. «
(Dr Snellaert, notice académique.)
Ce poëte, si passionnément flamand, ne
l'était pas au point d'en devenir exclusif.
Non-seulemf nt il fut un des premiers à ré-
pondre à l'appel du Comité des Flamands
de France, mais il s'attacha à traduire
les plus heureuses productions de ses
compatriotes wallons, tels que Mathieu,
Clesse et Daufresne. Il se décida, en
1840, à réunir en trois volumes publics
chez Léon Hebbelynck ( Fado'tandscJie
Poezij) la plupart des pièces que lui
avait inspirées ou l'à-j^ropos patriotique
ou le culte des souvenirs nationaux.
Dans une préface qui fut remarquée, il
rappela que l'union des Pays-Bas avait
en quinze ans préparé le mouvement de
rciuiissance littéraire. 11 voulait, disait-
il, donner l'exemple d'une poésie tirée
des légendes, des souvenirs et des émo-
tions de la patrie. Et, en efl'et, depuis
les quatre fils Aymon et Geneviève de
Brabant jusqu'à Waterloo et à l'inaugu-
ration de nos chemins de fer, il parcourt
toute l'histoire littéraire, artistique et
politique de nos provinces. Employant
tour à tour le cadre du conte, de la
romance ou de la ballade, il y fait entrer
les sujets les plus variés. On y trouve
même la thèse de la fraternité avec « la
grande Allemagne « . Mais ces petits
poëmes, qui rappellent la manière de
Bilderdyk, de Tollens, de Ledeganck et
de Van liyswyck, sont tous destinés à
prouver que, sans patrie, il n'y a plus
de poésie. De copieuses annotations (ha-
bitude favorite de l'auteur) complètent
cette propagande de patriotisme. La
même année. Van Duyse tenta la forme
dramatique. Il y avait songé plus d'une
fois. Dans le Tooneetbundel où il figure à
côté de Van Eyswyck, de Eosseels et de
Van Boeckel, il ne put placer qu'une
pâle imitation du Gastronome sans argent.
L'année suivante, il ne fut guère plus
heureux dans ses deux comédies sur
Bubens et sur Van Dyck. Cet homme
de cabinet, formé par l'éducation do-
mestique, n'était pas habitué à observer
le mouvement de la vie réelle. En outre,
il avait le tempérament trop lyrique
pour réussir dans le drame. Néanmoins
son nom mérite de figurer avec ceux
d'Ondereet, de Eosseels et de Van Peene
dans l'histoire de la rénovation du théâ-
tre flamand. Il aida du moins à popula-
riser ces tentatives. (JPatria belgica, III,
551.)
En 1842, l'éditeur gantois Ch. An-
noot annonçait, « pour le compte de
l'auteur «, la publication de quatre élé-
gies groupées sous le nom de Nathalia,
la sœur chérie du poëte. Il n'a peut-être
jamais rien écrit avec plus d'àme ni
avec plus de soin; ici, il a vraiment
discipliné son style. Au reste, il avait
conscience de l'importance de son œuvre.
C'est ce qui résulte de sa conversation
avec la baronne Ida von Dùringsfeld
{Von der Schelde bis zur Maas, III, 80).
Par une sorte do contraste, il publia
413
DUYSE
414
presque en même tempa le Sj)eUings-
oorlog, poëme héroï-comique en quatre
chants, à propos des querelles d'ortho-
graphe qui divisaient les flamingants.
Cette année 1842 montre chez le poëte
des merveilles de fécondité. Tandis qu'il
chante le Lion belge de Waterloo, qu'il
improvise des compliments pour la fête
des Fontai7iisteH à l'hôtel de ville de
Gand et qu'il traduit Lahis (le gallo-
mane anglais deMilton),il trouve encore
le temps de produire une œuvre impo-
sante : GodfriedofdegodsdieiidopHveld.
En décrivant les beautés poétiques de la
religion dans la vie des champs, Yan
Duyse a des accents émus pour célébrer
la piété et la tolérance. C'était encore
l'idée patriotique qui l'inspirait. Puis,
revenant à des sujets moins austères, il
compose Vader Adam Flamitic, amu-
sante satire, pastiche de vieux vers
thiois, et toute en l'honneur du profes-
seur Bormans, ainsi que de la nouvelle
orthographe. Autre fantaisie de dilet-
tante : il met en vers flamands le Ve7't-
Vert {Crroentjé) de Grasset. Ensuite, il
traduit Paul et Virginie, comme pour
montrer que sa prose peut quelquefois
égaler ses vers. Il l'a prouvé mieux
encore par certaines dissertations d'une
grande fermeté de style.
Lors de la réaction qui éclata à Gand
en 1845 contre Charles-Quint, dont la
popularité avait longtemps éclipsé celle
d'Artevelde, Yan Duyse prodigua les
satires et les plaisanteries. On eût dit
un Gantois encore surexcité par la ré-
volte de 1549. Mais c'est le même esprit
de « Gantois adoptif « qui l'amène plus
tard à revendiquer » la gloire du Char-
lemagne gantois, si mauvais bourgeois
qu'il ait pu être « . Il proteste contre
ceux qui, d'après le chevalier I>iericx,
accusent Charles Y d'avoir fait détruire
les archives de sa ville natale. Le poé-
tique érudit, malgré la fréquente exal-
tation de sa muse, penche au fond pour
les idées modérées. Chez lui, la boirté et
le bon sens contre-balancent la fougue
poétique. Elle a tout son abandon, toute
sa naïveté dans des œuvres plus paisi-
bles de la même année : la réhabilitation
de la vieille devise gantoise : Fides et
amor {Jiou ende trou), l'inauguration du
buste de Sidronius Hosschius dans la
campagne du chevalier De Coninck de
Merckem, et enfin l'ode saphique ingé-
nieusement composée pour orner l'édi-
tion qu'il prépare des poésies de son
ami D'Hulster.
En 1846, un grand événement reten-
tit dans la vie de Yan Duyse. Il fut un
des principaux fondateurs d'une alliance
artistique entre la Belgique et l'Alle-
magne. Ze Duitsch- Vlaenucli zavgverbond
eut surtoiit une influence considérable
sur le développement du chant choral.
A Bruxelles, à la Grande Harmonie, le
poëte récita lui-même son ode pour féli-
citer la nouvelle association. En juin
1847, au Casino et au Palais de Justice,
à Gand, il fut le grand promoteur d'une
brillante fête qui dura cinq jours. On
imprima de lui un compliment de bien-
venue bilingue (du flamand germanisé)
adressé aux sociétés chantantes, 52 d'Al-
lemagne et 52 de Belgique. Pour mieux
stimuler leur zèle, il composa un grand
nombre de cantates et d'autres poésies
qui pouvaient se prêter à une exécution
chorale. Comme il était enthousiaste
sans être exclusif, il publia même quel-
ques romances françaises, dont il avait
fait la musique et les paroles. Dans ses
rêves naïfs d'une vaste république des
arts et des lettres germaniques, il fut
véritablement fier d'avoir obtenu la pré-
sidence du Zangverhond. C'est en cette
qualité qu'il adressa des vers de félici-
tation à M. Aug. Gevaert, lauréat du
grand concours, et dont l'œuvre allait
être chantée à Cologne.
Toujours en quête de nouveautés qui
pussent élargir l'horizon de la littéra-
ture nationale, Yan Duyse composa,
sous le titre de Klaverhlad (feuille de
trèfle), un grand recueil de légendes, de
ballades, de traditions et de croyances
des pays les plus divers. D'un autre
côté, habitué à tout mettre en vers plu-
tôt qu'en prose, il fait des couplets
contre le socialisme qu'on propageait en
1848. Hk het zijf/e, disait-il, à chacun
le sien, et cet aphorisme de la législation
romaine, il l'appliquait à la liberté de
lanaue et de religion comme aux autres
415
DUYSE
416
libertés. En même temps , le poëte
s'adressait à la Chambre des représen-
tants pour protester de son déAOuement
à la monarchie. L'année suivante, à la
fête du deuxième anniversaire de la
Société de-i Gens de lettres de Bruxelles,
le Flamingant fut accueilli comme un
vaillant champion de l'union belge.
Dans ses biographies d'auteurs fla-
mands (III, 79), Mme la baronne Ida
von Piiringsfeld observe que ce grand
promoteur de la rénovation littéraire
n'était vraiment heureux qu'au milieu
de ses enfants. C'est ce qui explique le
naturel, l'élégance et la supériorité de
tout ce qu'il écrivit sur la vie de famille.
Epoux et père, il chanta son bonheur
domestique comme il n'avait cessé de
chanter les plus humbles joies de son
premier foyer. Aimant profondément la
vie intime et recueillie, à la flamande,
il composa des pièces qui renouvelèrent
le genre illustré par Van Alj)hen. De là,
deux volumes de Petites poésies pour
V enfance {Gedichtjes voor kinderen). Bien
ne fait mieux connaître le bonheur que
goûta le père en travaillant, en étudiant
au milieu de ses enfants. Ici, il échap-
pait à toute obsession de ce lyrisme
transcendant qui le tourmente dans la
plupart de ses autres compositions.
Encouragé par le succès que rencontra
son livre, inspiré surtout par sa grande
expérience de l'éducation domestique,
il publia, avec le poëte Dautzenberg, un
VoUsleesboek (lecture morale et patrio-
tique pour l'école et la famille).
Les congrès néerlandais, rendez- vous
annuels des littérateurs de Hollande et
de Belgique, ont trouvé dans VanDuyse,
dès leur origine (1849), un de leurs plus
utiles zélateurs. Par son érudition variée,
par la souplesse de son génie, il occupa
naturellement une place éminente dans
ces " grands jours « de la cause fla-
mande. Les Handelingen, annales de ces
congrès, témoignent de sa verve et de
sa science. Il faut, au surplus, renoncer
à le suivre dans toutes ses excursions
de poëte, d'humaniste, de patriote, d'ar-
chéologue, de flamingant, d'orateur, de
critique et, pour tout dire, de dilettante
universcL Un coup d'oeil jeté sur le
catalogue de ses œuvres suflït pour re-
connaître une activité dévorante, excep-
tionnelle. " En dehors de cette liste, dit
» M. Fr. de Potter {Volledige clirono-
n logische lijst), Yan Duyse a laissé de
« nombreux manuscrits et notamment
// des chansons populaires, des bou-
« tades, des épigrammes, des bluettes
Il de toute sorte. On cite^ en outre, une
Il dissertation sur les gallicismes et les
" germanismes qu'on rencontre surtout
Il dans les journaux flamands (1) ; enfin,
Il à propos de toutes ses publications
« connues, une prodigieuse quantité de
Il notes qui attestent de grandes re-
II cherches et des connaissances très-
" variées. "
En 1850, tandis que Van Duyse pro-
digue les chants flamands et les traduc-
tions françaises en l'honneur de la reine
Louise-Marie que la Belgique venait de
perdre, il ne dédaigne pas le jubilé de
son ancienne Académie de Termonde.
C'est avec la même verve qu'il célèbre
aussi les simples fêtes de l'ouvrier fla-
mand. Il composa une improvisation
touchante (un Knie dicJitje dans le meil-
leur sens du mot) pour Joseph Canneel,
qui avait été pendant cinquante ans
contre-maître dans les ateliers d'impri-
merie des frères De Busscher. S'inspi-
rant de son cœur encore plus que de son
esprit, le poëte réussit à féliciter les
patrons en couronnant l'ouvrier. Mais
c'était surtout l'ami de la maison qui
parlait ici. Van Duyse y était aimé de
tout le monde. Au reste, il ne rencontra
nulle part de véritables inimitiés; sa
bonhomie désarmait les plus difiiciles.
On peut dire que, dans le mouve-
ment flamand, il fut, avec Willems, un
véritable centre d'attraction. Il se fai-
sait, pour ainsi dire, tout à tous, dès
qu'il y voyait l'intérêt de la littérature
nationale. Il avait, au reste, les qualités
plutôt que les défauts des véritables
(1) M. Edmond de Busscher nous a communi-
qué le manuscrit autographe de Van Duyse [Over
de barbarismen). C'est un mémoire encore inédit,
couronné par la société gantoise : De Taal is
gansch het volk. Etude curieuse et originale où,
malgré la promesse du titre, on remonte bien
au delà de 18IW. Ici comme ailleurs. Van Duyse se
laisse aller au gré de sa verve; mais l'érudition
et l'esprit dispensent d'un ordre sévère.
417
DUYSE
4i8
gens de lettres. Le peu de fanatisme qui
entrait dans sa nature ne se réveillait
que quand il s'agissait de la langue
néerlandaise. De bonne heure, il en
étudia avec amour les origines et les
affinités germaniques. En 1836, lors du
concours royal institué pour la fixation
de l'orthographe flamande, il avait en-
voyé un mémoire qui fut remarqué,
mais qui ne put obtenir le prix. En 1848,
l'Institut royal des Pays-Bas mit au
concours l'histoire de la versification
néerlandaise. Yan Duyse obtint la palme
en 1851 et déploya dans une vaste dis-
sertation une science vraiment cosmopo-
lite. On regrette seulement que l'auteur
n'ait pas été un peu plus méthodique et
qu'il se soit trop complu à de pures
curiosités. Malgré cette complaisance
du poëte pour les citations piquantes,
ces deux volumes publiés à La Haye,
chez Nijhoff en 1854, sont un répertoire
complet de l'ancienne prosodie des peu-
ples les plus divers. Ce chercheur curieux
passe tour à tour en revue la strophe
héroïque des Nibelungen, le vers rapide
de nos fabliaux flamands ou wallons, les
caprices et les pédanteries de l'art clas-
sique, les fantaisies et les raffinements
subtils des Orientaux, Arabes, Indiens,
Malais, etc. C'était encore une fois un
de ces sujets qu'il avait souvent caressés
et dont il ne savait pas se déprendre.
Plus d'une fois il avait essayé de traduire
métriquement , à la façon allemande,
des poètes grecs et latins. De là cette
traduction des Bucoliques et de quel-
ques fragments de l'Enéide, qu'il fit
paraître en 1859. Quant au mémoire
couronné par l'Institut néerlandais, il
complète le curieux travail de Kinker,
autrefois professeur à Liège (Proeve eeiier
hollandsche prosodie, 1810). La médaille
d'or fut accordée à l'unanimité au con-
current belge. Il a été le premier et le
dernier de nos compatriotes qui ait
triomphé dans les concours de cet Insti-
tut, supprimé en 1854.
Quoique poète d'actualité, de cir-
constance, au point que l'ordre chi-ono-
iogique de ses vers constituerait une
sorte de chronique flamande pendant
plus d'un quart de siècle. Van Duyse
BIOGR. NAT. — T. VI
aimait aussi à se plonger dans l'histoire
la plus lointaine. Dans ces excursions,
il recherchait de préférence la couleur
locale. Il la reproduisait dans ses pasti-
ches avec une amusante fidélité, par
exemple, dans ces strophes à la Maer-
lant, imprimées en caractères gothiques,
qu'il s'amusa à envoyer à l'abbé Carton,
nommé docteur honorifique de l'univer-
sité de Louvaiu. Il a montré son goût
pour les archaïsmes dans une étude qui
fut lue au quatrième congrès néerlandais
(celui d'Utrecht). Cette prédilection
pour le vieux thiois se retrouve encore
dans l'importance qu'il attribue aux
dialectes de la West-Flandre, et parti-
culièrement à celui de Furnes, qui était
celui de la femme qu'il épousa en 1842
(Mlle Sophie Wouters).
En 1856, Van Duyse composa un
chant national en l'honneur de la Taal-
Commissie, commission des griefs fla-
mands. Presque en même temps, il
célébrait la fidélité du roi Léopold 1er
à son serment constitutionnel. L'année
suivante, le poëte patriote chanta, au
nom de ses cinq enfants, le vingt-cin-
quième anniversaire d'un règne qui avait
respecté toutes les libertés. « N'ayant
» pu continuer à être Néerlandais,
Il disait-il, je me félicite du moins
Il d'échapper à l'annexion française par
Il l'indépendance belge. " Cette ode fut
couronnée dans le grand concours insti-
tué pour fêter le jubilé constitutionnel.
C'est au même poëte que le gouverne-
ment commanda une cantate pour la
grande commémoration. Les Verhaleu
tiit de Geschiedenis van Belgie sont encore
de cette époque : ces récits patriotiques
et populaires avaient été commandés par
la commission des écoles gratuites de la
ville de Cjiand. C'était l'introduction
nécessaire au Volksleesboek composé en
collaboration avec Dautzenberg. Bientôt
cette collaboration devint plus impor-
tante : elle fonda une revue pédagogique
{De Toekomst, L'Avenir), qui existe
encore. Van Duyse fut invité par l'édi-
teur Duquesne à composer une introduc-
tion pour la réimpression de V Histoire
joyeuae et récréative de Tiel Ulespiegle,
traduit du flameng en françois, A Or-
14
419
DUYSE
420
léans, par Eloy Gibier, 1531. De là
naquit une spirituelle couférence faite
en français à la Société littéraire de
Gand. Le souvenir en a été curieuse-
ment rappelé par un des auditeurs,
M. A. 'RicoviY {Annales du comité Jlamand
de ïrance, t. V).
L'affection si vive que Van Duyse
avait vouée à la réhabilitation des let-
tres flamandes lui faisait oublier les
soins nécessaires au maintien de sa
santé. Elle n'était pas cependant des
plus robustes,, et devait fatalement être
comjjromise jDar le labeur incessant d'un
travailleur qui semblait avoir pour de-
vise : One repos. Van Duyse ne se plai-
gnait jamais, mais depuis plusieurs
mois, on s'alarmait de ce qu'il y avait
de désordonné dans ses allures, de sac-
cadé et de précipité dans sa démarche.
Le 13 novembre 1859, il parla de
quelque malaise, lui qui ne se plai'gnait
jamais; et lorsque les hommes de l'art
arrivèrent devant son lit, Van Duyse
avait cessé de vivre. Son chant de cygne
fut la pièce envoyée, le 5 novembre, à
Stuttgart, pour la fête de Schiller.
Le 11 mai 1860, dans la séance so-
lennelle de la classe des lettres de
l'Académie royale^ le président M. Ga-
chard remit au fils aîné du poète, à
M. Elorimond van Duj-se, la triple
couronne que son père avait méritée jDar
ses derniers travaux : deux mémoires
académiques sur Cats et sur les cham-
bres de rhétorique, et, pour le j^rix
quinquennal de littérature flamande, une
épopée sur Artevelde, une traduction
poétique de Virgile et un recueil inti-
tulé Nazomer (Arrière-été). Le vaillant
lutteur, chevalier de l'ordre de Léopold
et membre de l'Académie royale, repose
•au cimetière de Saint-Amand lez-Gand,
entre Willems et Ledeganck. Van Duyse,
en efl"et, a été, comme eux, un des pro-
moteurs de la renaissance flamande.
Outre les œuvres déjà citées, il faut
encore noter les collaborations sui-
vantes : AhnanaJc voor BUjgeestigen
(1827-1830); — Nederduitsche letter-
oefeningen (1834); — Bijdragen voor
jMteren v. Gazette van Cent (183G-
1839); - JMgisrJ, Mvsevm (1837-
1847); — NederdiiitscJi letterlundig
jaarhoelje (1835-1859); ■ — Muzen-Al-
wanal' (1845-1848); — De Eendragt
(1846-1859); — ^ww6-^- en Letterblad
(1840-1843); — Le Noordstar (Anvers,
1 840-1 842) ; — De Middeleer (Louvain ,
1842); — Het Vaderland (Anvers,
1844-1845); — Jf«er^flw^(Thielt, 1853);
— Taeherbond (Anvers, 1845-1858);
— Wodana (Gand, 1843); — De
Vlaemsclie letterhode (Anvers, 1843-
1844); — De vlaemsclie Stem (Bruxelles,
lM^);—DeSchoolkronijk(\\^Yts,l^4.1);
— De Moedertael (S>\-vc^e\\&s,, 1849); —
De FlaemscJie ScJiool (Anvers, 1855-
1858) ; — De Vlaemsclie Rederijker (An-
vers, 1845-1859); — Lectuur voor de
Miiskamer (Leyden, 1854-1857); —
DrentUna (1851-1852); — Nederland-
sclie Muzen-Almanali (La Haj^e, 1831-
1 8 5 9) ; — Vergeet-my-niet, Muzen-Albtim
(1844-1857); — Vollsalmanak voor ne-
derlandsclie katliolieken (Amsterdam,
1853-1858);— -^?«w«(La Haye, 1841-
1859); — Almanak voorliollandsche blij-
geestigen (Amsterdam, 1847-1859); —
Erato voor Néerlands schoonen (Utrecht,
1855-1859); — Almanak voor liet sclioone
e^ï^oe^e (Amsterdam, 1851-1859); — Al-
bum der sclioone ktmsten (Harlem, 1850-
1853); — .^iZ'/m (Utrecht, 1853-1854);
— Jaarboekje voor Eederijkers (Amster-
dam, 1858-1859);— C«<7s««(?n:« (18 5 8);
— De Bederijker (Leiden, 1857); —
De dietsclie Warande (1856); — De
.S^cwis^w^ (1852-1853); — Lettervrucli-
ten van het leuvenscli genootscliap Met iyd
en vlyt (1845); — De Verbroedering
(Bruxelles, 1853); — Letterblad (An-
vers, 1856); — Èekel en Luim (Hasselt,
1856); — Volksalmanak voor het Wil-
lemsfonds (1853-1859); — Leesmnsevm;
— Pangermane (Bruxelles, 1859).
J. Slecher.
Snellaert, Notice xiir P. Vau Duyse (Annuaire
de l'Académie, 187ij, — F. De Poiîer, Volledige
chronologisclie lyst [Annales de la soc. des Beaux-
Arts et de Lin. de Gand, tom. MU). — P. Valider
Meerseli, Notice (ibid.). — Annales du comité fla-
mand de France, t. V (Lille, 1860). — Varia de
P. Van Duyse (cf-lleclion Goetpliebuer, bibliolliè-
(jue de Gand). — Notes et manuscrits (collection
(le M. l'aiTliivistc Edmond de Busscher). — Ida
von hûrin(jsleld (von dcr Schelde bis zur Maas,
m, 77). — " Vaderlandsche Poezy, Gent, Hebbe-
lynck 1840 (3 vol.' et autres ouvrages de Van
421
DYCK
4-22
Duyse {passim). — Verhandelingen der Nederl.
Taalcongressen {1849-18o9). — Verhandelingen
over den Nederl. Versbouw (La Haye, 1854).
DY€K. {Antoim vax), peintre d'his-
toire et de portraits, né à Anvers en
1599 et mort à Londres en 1641. Sa
mère, femme intelligente et distinguée,
lui donna, dans son extrême jeunesse,
des leçons de dessin; malheureuse-
ment elle mourut lorsque Antoine avait
à peine huit ans. Négociant et chargé
d'une famille de douze enfants (dont
Antoine était le septième), le père de
Van Dyck eut le bon esprit d'encourager
les tendances artistiques de son fils. Il
le plaça chez Henri van Balen, qui
avait, àcette époque, une certaine vogue.
On ne sait combien de temps il resta
chez ce maître. En 1618, il fut reçu
franc-maître à la gilde de Saint-Luc ;
en 1620, il était déjà élève de Rubens,
puisque, dans le contrat intervenu entre
le supérieur des jésuites et Rubens, au
sujet des trente-neuf plafonds de l'église
de la Compagnie, il est dit que le peintre
" pourra se faire aider par Van Dyck
« et quelques autres de ses élèves « .
Dans le même contrat, on stipule que le
supérieur s'engage à commander, en
temps opportun, un tableau d'autel à
^'an Dyck. Cette clause permet de con-
stater le cas particulier que Rubens fai-
sait de son principal élève et les soins
qu'il prenait de son avenir. Les premiers
biographes de l'élève de Rubens nous
ont laissé, sur le séjour de Van Dyck
dans l'atelier de son maître, une anec-
dote qui se retrouve dans l'histoire de
plusieurs artistes italiens : Rubens avait
quitté l'atelier, et les élèves en jouant
aux armes ou en gesticulant, avaient
effacé une partie fraîche encore du
tableau que le maître avait sur le che-
valet. Van Dyck fut unanimement choisi
pour réparer le dégât. Il le fit avec un
tel succès que Rubens rentré dans l'ate-
lier et examinant la partie restaurée,
s'écria : « Voilà certes ce que j'ai fait
« de mieux aujourd'hui. »
Moins d'un an après, Antoine van
Dyck partit pour Londres où il acquit
immédiatement une grande notoriété. Il
fut reçu à la cour, et .Jacques l'-'' lui
commanda différents tableaux. Le 16 jan-
vier 1621, ce roi lui fit remettre une
somme de cent livres pour un service
particulier rendu par lui à Sa Majesté. Il
est permis de supposer qu'il s'agit ici
d'un portrait intime. Le 28 du même
mois, » monsieur Antoine van Dyck,
serviteur de Sa Majesté, obtint un passe-
port pour voyager durant huit mois, en
vertu de la permission de Sa Majesté u .
En 1622, l'artiste vint à Anvers pour
recueillir le dernier soupir de son père
qui mourut dans ses bras en lui faisant
promettre de peindre un tableau pour
les religieuses dominicaines en remercî-
ment des soins touchants qu'elles avaient
eus pour lui. (On trouvera plus loin
l'histoire de ce tableau.)
En 1 623 , Van Dyck partit pour l'Ita-
lie, £)ù le poussaient son tempérament
d'artiste et, sans doute aussi, les conseils
de Rubens qui, dit-on, lui fit don d'un
cheval blanc. C'est à ce moment de
sa vie qu'on place l'épisode légendaire
de Saventhem : on prétend qu'en pas-
sant dans ce village, il aurait été séduit
par les charmes d'une jeune paysanne,
Anna van Ophem, avec laquelle il aurait
vécu quelque temps. Il aurait également
peint pour elle le beau tableau qui se
trouve dans l'église du village : Saint
Martin coupant son manteau pour le dis-
tribuer aux pauvres. Il est prouvé main-
tenant que cette histoire romanesque
est due à la féconde imagination de
Campo Weyerman, et que le Saint Mar-
tin a été commandé à l'artiste pour la
somme de deux cents florins.
C'est également ici qu'il faut placer
l'épisode raconté dans les termes suivants
par Mariette dans son Abecedario (1) :
" J'ai trouvé écrit aux marges de
« mon exemplaire de l'Académie des
" sciences et des arts d'Isaac Bullart,
" à l'article de Van Dyck, que ce grand
Il artiste ayant quitté la Sicile sans
" avoir eu la précaution de se munir
Il d'un bulletin de santé, fut arrêté sur
" les côtes du royaume de Naples et
" condamné aux galères, où, s'étant fait
(1) La rédaction suivante donnée par Walpole
n'est pas semblable à l'original imprimé en 1851-
1853, mais le sens csl le même.
423
DYCK
AU
« connaître pour ce qu'il était avant
" que d'être mis à ]a chaîne, il fit quel-
" ques portraits si beaux, qu'ils lui va-
« lurent la liberté. Le vice-roi de Na-
" pies se le fit amener, lui fit accueil,
» l'employa pendant quelque temps et
« lui permit de continuer sa route vers
" Gênes. Celui qui avait écrit cette
" anecdote indiquait qu'il la tenait de
" Bozzon, peintre de marine, dont le
" père, qui était pareillement peintre,
" et contemporain de Tan Dyck, avait
" pu le connaître à Gênes. (Notes de
" Walpole.) "
En Italie, Van Dyck se prit d'admi-
ration pour le Giorgone et le Titien. Il
visita Venise, Gênes, où il fit un bon
nombre de portraits, principalement des
personnages les plus distingués; Eome,
où il demeura dans le palais du cardinal
Bentivoglio; Palerme; Florence et les
autres villes de la Péninsule. Partout
on lui fit de brillantes propositions pour
le retenir : il revint au pays après avoir
refusé à la comtesse d'Arùndel de se
rendre en Angleterre où elle lui garan-
tissait une position des plus enviables.
Il revint donc à Anvers en 1628 et y
resta quatre ans, pendant lesquels il
peignit de grands tableaux pour plu-
sieurs églises. En 1632, il se ressouvint
des instances de la comtesse et partit
pour l'Angleterre : notons qu'avant cette
époque la reine Marie de Médicis, lors
de son séjour à Anvers, vint visiter son
atelier. Il jouissait donc alors d'une ré-
putation qui, à l'égal de celle de Eubens,
remplissait l'Europe.
A Londres, Van Dyck logea, aux frais
de la couronne, chez le comte d'Arùn-
del : son existence n'y fut qu'une suite
non interrompue de succès en tout
genre. Charles 1er le combla de faveurs ;
il lui fit préparer des appartements ù
Blackfriars et une résidence d'été à
Eltham ; il le nomma son peintre et le
créa chevalier en 1632. Jamais fortune
plus rapide ne sourit à un artiste. De
tous les côtés il était sollicité pour faire
des portraits ou des tableaux, surtout
des portraits, aussi en exécuta-t-il un
nombre considérable qui font aujour-
d'hui In richesse dos musées et des cabi-
nets. Il créa, à Londres, une confrérie
semblable à celle de Saint-Luc, établie
à Anvers. Le registre de cette corpora-
tion existe encore et prouve que les
artistes anglais avaient compris l'utilité
de l'institution et s'y étaient affiliés. On
a dit que Van Dyck aimait passionné-
ment les femmes et qu'il dut à ses suc-
cès auprès d'elles la ruine d'une santé
jadis brillante. Il n'y a rien d'impossible
à cela, mais nous ferons remarquer qu'à
part la fameuse légende de Saventhem
forgée par Campo Weyerman. et la ridi-
cule invention de Houbraken au sujet
de la passion de notre artiste pour la
femme de Eubens, rien n'a révélé que
l'existence du peintre anversois ait été
compromise par la violence d'un tem-
pérament surexcité. Ce ne sont là que
des inductions tirées de la beauté phy-
sique de l'artiste et des relations forcées
que sa qualité de peintre de portraits
l'obligeait d'avoir avec les plus belles
dames de la cour. Il y a loin des réa-
lités aux suppositions fantaisistes de
ses premiers biographes , Houbraken ,
Descamps et autres. Pendant près de
deux siècles, la calomnie s'est attachée
à la réputation de Van Dyck. N'a-t-on
pas prétendu, entre autres, que notre
artiste avait refusé la main de la fille
de Eubens, parce qu'il aimait la mère?
Or, Van Dyck était revenu d'Italie peu
après Iff mort de la première femme de
son maître, laquelle ne lui avait point
donné de fille, et il partit pour l'Angle-
terre alors que le grand peintre venait
de se marier une seconde fois. Cette
fable a été reproduite récemment en-
core et dans des livres sérieux. Des écri-
vains français ont même ajouté que le
Christ anx limhes de Eubens, du musée
d'Anvers, représente, dans la partie
inférieure, Hélène Fourment et Van
Dyck dans les flammes, peints inten-
tionnellement par le grand Pierre-Paul
afin de transmettre à la postérité les
traits de ceux qui l'avaient trompé.
Nous croyons inutile de relever en y
appuyant tout ce qui a été débité sur ce
sujet. Notre protestation générale suffit,
le bon sens du lecteur fera le reste.
Van Dvck désirait se marier avec la
i5.S
DYCK
426
douairière de lord Henry Stanhope. Ces
démarches ne réussirent pas. Il jeta les
yeux sur Marie Ruthven, attachée à la
personne de la reine. Marie était une
des plus belles personnes de la cour,
fille d'un médecin distingué et petite-
fille de lord Kuthven, comte de Gow-
rie. Il l'épousa et résida en Angleterre
jusqu'en 1640, époque à laquelle il se
mit à voyager, dans l'espoir de rétablir
une santé compromise par un travail
assidu et aussi, croit-on, un peu désil-
lusionné de n'avoir pu mettre à exécu-
tion un projet grandiose qu'il avait
rêvé : celui d'orner de peintures mo-
numentales la salle des banquets de
Whitehall où se trouvaient déjà des
peintures de son maître Rubens. L'état
de délabrement dans lequel se trouvait la
fortune du roi parait avoir été la cause
de la non-exécution de ce projet. Van
Dyck vint à Anvers avec sa femme, on
ne sait pas exactement en quel mois ,
mais on croit que ce fut vers la fin de
l'automne. Toujours est-il qu'en janvier
1641, il se trouvait à Paris, s'il faut
admettre la version de Mariette. Il y
était encore le 16 novembre de cette
même année, ainsi qu'il résulte d'une
de ses lettres. Cette lettre, des plus
intéressantes à divers points de vue,
est, peut-être, le dernier document écrit
de la main du célèbre peintre, la voici :
Monsieur (1),
Je vois par votre très-agréable, comme
aussi j'entends par bouche du monsieur
Montagu, l'estime et l'honneur que me
fait Monseigneur le cardinal. Je plains
infiniment le malheur de mon indispo-
sition, qui me rend incapable et indigne
de tant de faveur. Je n'aurai jamais
honneur plus dêsiderée que de servir
Sa Emi^^ et si je puis l'ecouvrier mon
salut, comme j'espère, je ferait un voyage
tout exprès pour recevoir ses comman-
dements. Cependant je m'estime extrê-
mement redevable et obligé, et comme
je me trouve de jour en jour pire, je
désire con toula diligence de m'avancer
ilj On ne sait à qui cette lettre était adressée.
Voir le Journal des Beaux- Arts de Belgique,
31 décembre 1876.
envers ma maison en Angleterre, pour
laquelle je vous supplie de me faire tenir
un passe-port pour moi et cinq servi-
teurs, ma carosse et quatre servants et
m'obligerer infiniment d'être votre à
jamais, comme je suis,
Monsieur,
Votre très-humble et très-obligé ser-
viteur,
Anto Van Dyck.
" Il 16 novembris 1641. »
Cette lettre, rapprochée d'un passage
de Mariette, détermine le séjour de Van
Dyck à Paris, pendant l'année 1641 à
peu près tout entière. En eftet, voici ce
que Mariette dit, à ce sujet, dans son
Abecedario : » Van Dyck était à Paris
« au mois de janvier 1641. J'ai un
Il billet portant cette date que le peintre
" Claude Vignon écrivait à Langlois,
" dit Ciartres, pour le prier de vouloir
" bien l'introduire auprès de Van Dyck
" tout fraîchement an'ivé à Paris » . Le
départ du grand artiste ayant eu lieu en
novembre, il est donc avéré qu'il résida
l'année 1641 à Paris. Van Dyck parle
dans sa lettre, dont la rédaction et l'or-
thographe sont des plus négligées, de
l'estime et de Vlionneur que lui fait Mon-
seigneur le cardinal. Sans doute il a été
question d'un portrait à exécuter, car
il est assez difficile de supposer qu'il se
soit agi de politique, comme on a essayé
de l'insinuer. Le voyage de Paris a-t-il
été fait en vue de consulter quelque
grand médecin sur l'état de santé de
l'artiste? Etait-ce dans le but unique
d'exécuter le portrait du cardinal? Etait-
ce, comme on l'a dit sans preuves, dans
le désir d'être chargé de quelque grand
travail soit au Louvre, soit ailleurs,
désir qui aurait été contrecarré par
le Poussin, disent les uns, par Simon
Vouet, disent les autres? C'est ce qu'on
ne sait pas jusqu'à présent. Toujours
est-il {[ue si Van Dyck s'était rendu à
Paris avec un train de maison consi-
dérable, c'était évidemment pour s'y
établir pendant un certain temps, et
très-probablement avec l'arrière-pensée
d'y travailler. Ce qu'il y a de plus évi-
dent dans cette lettre, c'est le cri de
4-27
DYCK
428
détresse que le grand artiste jette à
propos de sa santé (son salut) et l'espoir
qu'il conserve encore de la recouvrer.
Rien n'est venu apporter quelque éclair-
cisseiDent sur ce séjour de toute une
année dans la capitale. Les Archives des
arts, les Mémoires du temps publiés par
le groupe infatigable d'écrivains qui ont
constitué, dans ces derniers temps, la
Société de l'histoire de l'art français,
tout est muet. Ce silence est au moins
étrange, car il convient de remarquer
qu'en 1641 une vie extraordinaire ani-
mait le monde artiste à Paris, en même
temps que de nombreuses intrigues l'agi-
taient. Il est permis de supposer que des
sentiments de jalousie ne furent pas
étrangers au vide qui paraît s'être fait
autour de Yan Dyck.
Van Dyck mourut à Londres le 9 dé-
cembre, peu de temps après son retour
de Prance, quelques mois avant la ré-
volution qui fit décapiter Charles 1er, et
huit jours seulement avant la naissance
de Justinienne, l'unique enfant qu'il
eut de Marie Kuthven. Il avait pourvu
auparavant au sort de sa fille naturelle
Marie-Thérèse van Dyck; il avait légué
les biens qu'il possédait à Anvers à ses
deux sœurs béguines, et assuré la for-
tune de sa femme et de sa fille légitime.
Il fut enterré dans l'église de Saint-
Paul.
Marie Euthven convola en secondes
noces avec sir Richard Pryse de Goger-
dan. Sa fille épousa, alors qu'elle n'avait
que douze ans, sir John Stepney de
Prendergast. Le mariage eut lieu en
1654, ainsi qu'il est prouvé par des
documents authentiques conservés à
Anvers. On ne sait quand mourut le
mari de la jeune Justinienne , mais
celle-ci se remaria avec Martin de Car-
bonell.
Cette Justinienne paraît ne pas avoir
été heureuse. Sa fortune lui fut enlevée
par des dépositaires infidèles, et elle se
vit réduite à demander au roi une pen-
sion, qu'elle obtint. Il existe d'elle aux
state-paper ojfice, à Londres, deux péti-
tions sans dates, reproduites dans le
livre de Carpenter. Dans la dernière,
elle sollicite du roi trois cents livres
pour se rendre à Anvers, en Brabant,
àl'eflretde recueillir la succession d'une
tante.
Avant de nous occuper du mérite et
des œuvres du peintre, disons encore
qu'il faut ranger au nombre des fables
où sont déjà placées la légende de Saven-
them et l'histoire des chanoines de Cour-
trai touchant l'insanité de leur jugement
à propos d'un tableau fourni par l'ar-
tiste, ce qui a été hasardé sur les mœurs
dissolues de Van Dyck et ce qu'on a
raconté de lui comme alchimiste. D'après
certains de ses historiens , il aurait
cherché la pierre philosophale !... cette
pierre qu'il portait dans son pinceau.
Il a été fait bonne justice de toutes
ces balivernes, et aujourd'hui la belle
figure de Van Dyck se dégage, nette et
brillante, des vapeurs malsaines répan-
dues autour d'elle par Campo Weyer-
man, Houbraken, Descamps et d'au-
tres. ,
Antoine van Dyck fut, après Rubens,
le plus grand peintre de l'école fla-
mande. Il excella dans les portraits, et
sut, dans ce genre, joindre les perfec-
tions de l'art aux charmes de la vérité;
jamais artiste n'a poussé plus loin cette
précieuse faculté ; son dessin large ,
noble et élégant, ses contours libres et
comme inspirés d'une sorte de majesté,
n'ont jamais été surpassés. Les mains
de ses personnages sont surtout d'une
beauté remarquable, malgré une cer-
taine recherche et un peu-de monotonie
dans la pose des doigts. Ses airs de tête
offrent une grâce ravissante ou une
mâle énergie, et dans les yeux expres-
sifs, rêveurs ou animés des modèles, se
révèle toute leur àme. Dans les ajuste-
ments, dans les accessoires, enfin dans
les mille détails de ses portraits, se
manifeste le goût le plus délicat et le
plus irréprochable. Van Dyck sait met-
tre toute chose en son lieu, sans nuire
à l'unité de l'ensemble. Sa manière
de composer emprunte beaucoup à l'am-
pleur et aux beautés sévères des cos-
tumes de l'époque.
Dans ses tableaux d'histoire , il a
moins d'originalité et de fougue que
Rubens, mais il montre, en revanche,
429
DYCK
430
une sobriété presque trop austère, et
une sensibilité qui, par beaucoup d'en-
droits, touche à la mélancolie.
Son coloris constitue une admirable
harmonie, tendant plutôt vers les tons
graves et sombres que vers les tonalités
gaies et légères. Il y ade lui des jaunes,
des bruns et des gris qui portent son
nom. La délicatesse et la force de son
pinceau resteront toujours, pour ceux
qui s'occupent de la technique, des mo-
dèles inimitables.
On ne peut savoir au juste le nombre
exact des tableaux et des portraits de
Yan D^'ck. Nous donnerons l'indication
des principaux avec la mention des lieux
oii ils se trouvent.
La ville d'Anvers possède vingt-quatre
tableaux du maître dans son Musée et
dans ses églises. Plusieurs particuliers
en possèdent également de très-authen-
tiques. Parmi les œuvres publiquement
exposées il faut remarquer : le Christ en
croix, le portrait de Jean Malcle rus, Saint
Augustin en extase, le Christ au hassin,
le Christ au tombeau, le portrait de César
Scaylia. — Les autres tableaux à citer
qu'on rencontre en Belgique sont : à
Gand, le Christ en croix, — ■ à Bruxelles
le Martyre de saint Pierre, Saint Fran-
çois en extase, le Christ en croix, Saint
Antoine de Padoue tenant V enfant Jésus,
Silène ivre, — à Bruges, la Vierge et
V enfant Jésus, — à Malines, le Cruci-
fiement, — à Saventhem (Brabant),
Saint Martin coupant son rnanteati. —
Dans les autres villes de l'Europe, il
importe de signaler : à Paris, un Exvoto,
la Femme adultère. Saint Sébastien, Vé-
nus et V Amour, V Embarquement d'Enée,
Mars et Vénus, le portrait en pied de
CJutrles /cr, le portrait de François de
Moncade, — à Amsterdam, le portrait
du bourgmestre Vander Borght, — à
I^a Haye, la Famille Huijgens, le duc de
Buckinghnni, la duchesse de Buckingham,
— à Londres, le portrait de liubens. Saint
Ambroise refusant Ventrée du temple à
Théodose (copie du tableau de Paibens,du
musée de Yienne), portrait de Gevartius,
— à Ilamptoncourt, le portrait de alar-
guer ite Lemon, le portrait de Charles /er,
Samson et Dalili, — a AA'indsor, la ga-
lerie Yan Dyck qui compte plus de
trente œuvresdu maître parmi lesquelles :
les portraits de Charles /er et de la reine
Henriette, — à Madrid, vingt-deux
tableaux : la Vierge aux Roses, Les por-
traits de Ryckaert, du comte de Bergh,
de la duchesse d'Oxford, — à Gênes, le
portrait équestre de Georges Balbi, celui
de Spinola dans sa cuirasse, — à Rome,
le Christ mort sur les genoux de la Vierge
. (gravé par Yorsterman), — à Saint-
Pétersbourg, la Fuite en Egypte, les por-
traits d& Charles /er et de sa femme, les
portraits de Sneyders et de sa femme, —
à Florence, la Vierge et V enfant Jésus, —
à Berlin, Jésus insulté par les soldats, la
Vierge et Venfant Jésus, — à Dresde,
Silène ivre, — à Munich, la Déposition,
— à Turin, portrait du prince de Cari-
gnan .
Nous ne pouvons, dans une notice
comme celle-ci, mentionner toutes les
œuvres de Yan Dyck , ni consigner
dans notre travail toutes les histoires
plus ou moins légendaires qui se rat-
tachent à bon nombre de tableaux du
célèbre Anversois. Toutefois, en ce qui
concerne ce dernier point, nous devons
conserver ici le souvenir de ce que l'on
sait touchant le tableau que fit Yan
Dyck, en exécution de la promesse tenue
au lit de mort de son père. Ce tableau
est le beau Christ en croix du musée
d'Anvers. Lorsque le couvent des Do-
minicaines fut supprimé par Joseph II
en* 1783, le tableau fut transporté à
Bruxelles et exposé avec d'autres en
vente au couvent des Riches-Claires au
mois de septembre 1785. Après une mise
à prix de 21,000 francs, il fut adjugé
pour la somme de 6,000 francs ; on
ignore à qui, mais ce fut sans doute à
quelque généreux Anversois, car en
1794, ce Christ ornait la sacristie de
l'église des Dominicains. Pendant cette
même année, les commissaires de la Con-
vention française l'enlevèrent. En 1815,
il fut restitué à la Belgique, et depuis
lors il appartient au musée.
Yan Dyck a excellemment gravé à
l'eau-forte. Ses gravures ont une célé-
brité qui nous oblige à nous y arrêter.
Elles sont au nombre de vingt-trois. Ce
431
DYCK
432
chiffre est reconnu aujourd'hui pour être
le seul vrai, après bien des discussions
et des examens auxquels se sont livrés
les plus célèbres iconophiles de l'Eu-
rope. Ces eaux-fortes, précieuses entre
toutes, sont connues sous les titres sui-
vants : Lt Titien et sa Maîtresse, Le Christ
xu roseau, puis vingt et un portraits,
(îsquels se divisent eux-mêmes en deux
catégories très-distinctes. La première
catégorie se compose de seize pièces,
demi-figures et têtes. La seconde caté-
gorie est composée de cinq portraits
classés par M. Carpenter, le savant
directeur du cabinet d'estampes au mu-
sée britannique de Londres, à qui l'on
doit un livre spécial sur Antoine van
Dyck (1), livre justement considéré
comme étant ce qui a été écrit de meil-
leur sur ce sujet. Voici la désignation
des portraits de la première catégorie :
Jean et Pierre Breughel. — Erasme. —
Franck. — Momper (première planche).
— Van Oort. — Snellinck (première
planche). — Suttermans. — Vorster-
man. — De Wael. — Van Dyck. —
B^n Philippe Le Poy. — Snyders. —
Paul De Vos. — Pontius. — Guillaume
De Vos. Ceux de la seconde catégorie
sont : Cornelissen. — Momper (seconde
planche). — Snellinck (seconde planche).
— Triest. — Waverius. • — P. Stevens.
(Ce dernier portrait paraît devoir être
rayé de la seconde catégorie, d'après une
note manuscrite de Carpenter, écrite
après la publication de son livre.) Tou-
tefois il est bon de noter que l'on ne
sait pas encore exactement le nombre
des eaux-fortes dues à Van Dyck : les
uns le fixent à vingt et un ; les autres
à vingt-trois; d'autres encore à vingt-
sept. On pourra lire, à cet égard, les tra-
vaux de MM. Carpenter, Weber (2) et
Duplessis (3). Ces eaux-fortes et d'au-
tres, faites sous les yeux du maître et
sous sa direction, furent publiées après
sa mort eu un recueil de cent portraits,
publié en 1645 par Gilles Hendricx,
(I) Piciorial notices : consistiiuj of a meinoir
of Sir Authony Van Dyck, with a dexcripCire
cutulofitie of the elching.s ejceciued by him : and
n l'uriele' af iulere.sliiiif parliculan rcluliuij to
Other nriisi patronized.
12/ Catalogue dcsoiampes anciennes qui coin-
sous le titre suivant : Icônes priueipum
virorum doctortim, pictorum, chnlcogra-
phortim, statuariorum necnon amatorum
pictorice artis numéro centmn ah Antonio
Van Dyck pictore ad vivum expressee
eiusque S7iniptihm ceri incisa. Antverpise,
Gillis Hendricx excudit anno 1645.
Presque toutes les planches de l'Icono-
graphie de Van Dyck ont été acquises
en 1851, pour le Louvre, de M. Van
Marcke, de Liège, pour la somme de
2,500 francs, payable en estampes de la
chalcographie.
De nombreuses éditions de Vlcono-
graphie ont été publiées et l'ont vulga-
risée; mais il est à peine nécessaire de
faire remarquer que la première édition
est la plus pure de toutes, considérée
dans son ensemble. Le célèbre peintre
s'occupa pendant une grande partie de
son existence à réunir cette fameuse
collection de portraits. Simon Vouet et
Jacques Callot furent faits à Rome et
à Plorence avant 1626 d'après nature.
En 1632, lors de son premier séjour en
Angleterre il fit les portraits de Inigo
Jones, Horace Gentileschi, Daniel My-
tens et sir Kenelm Digby. Les gravures
de V Iconographie furent exécutées à ses
frais : Ah A. Van Dyck expressœ ejusq.
sumptibus ceri incisœ; il en confia la vente
et l'exploitation à un éditeur d'Anvers,
Martin Van den Enden. Celui-ci ne pu-
blia jamais ces gravures réunies sous
forme de volume. C'est l'éditeur Gilles
Hendricx, comme on vient de le voir, qui
eut le premier cette idée, mais seule-
ment quatre ans après la mort du pein-
tre.
Les eaux-fortes de Van Dyck attei-
gnent, dans les ventes, des prix considé-
rables autant à cause de leur beauté que
de leur excessive rareté. Voici quelques-
uns de ces prix obtenus à la vente de la
collection Liphart (5 décembre 1 S 7 6) que
nous prenons pour type non pas parce
qu'elle établit catégoriquement la va-
leur commerciale des eaux-fortes signa-
posent le magasin deHermann Weber, marchand
d'esiampps, l""» partie. Portraits gravés par et
d'après Van Dyck, Bonn. 18o2.
(ii) Eaux-f ries de A Van Dyck reproduites et
publiées par Aniand Durand. Texte par G. Du-
plessis. Paris, sans date.
433
DYCK
434
lées, mais parce qu'elle a eu lieu pen-
dant la composition du présent travail :
îe Christ au roseau, 250 marks; le Titien
et sa maîtresse, 200 marks; Portrait de
F. BreiKjhel, 500 marks ; Portrait
d'Erasme , 301 marks ; Portrait de
Fr. Franck, 323 marks; Portrait du
baron Leroy, 320 marks;
Suttermans, 401 marks
L . Vorsterman , 585
états obtiennent des
Portrait de
Portrait de
marks. Certains
prix fabuleux.
Pendant l'impression de cette notice,
un état unique du portrait de Momper
(celui de la collection Wolf) s'est vendu
cinq mille francs.
Le nombre des graveurs qui ont re-
produit les tableaux de Yan Dyck est
considérable. Voici quelques-unes de
ses principales compositions reproduites
par le burin des artistes les plus en
renom : La Vierge en contemplation, par
Pontius. — La Vierge, V Enfant Jésus
et sainte Catherine, par Schelte a Bols-
wert. — • La Vierge, V Enfant Jésus et
saint Joseph, ])-drJ^. Clouet. — La Vierge,
l'Enfant Jésus, saint Joseph et un ange,
par Schelte a Bolswert. — V Enfant
Jésus caressant le petit saint Jean, par
Arnold de Jode. — La Charité entourée
de trois enfants, par C. Cauckerken. —
Jésus- Christ élevé en croix, par Schelte a
Bolswert. — Le Couronnement d'épines,
par Schelte* a Bolswert. — Le Christ
crucifié entre les deux larrons, la Vierge
et la Madeleine au pied de la croix, par le
même. — Le Christ mort sur les genoux
de la Vierge adoré par des anges, par le
même. — TJn Christ mort sur les genoux
de la Vierge adoré par deux anges, par
Lucas Vorsterman. — Saint Augustin
en extase soutenu par des anges, par P. de
Jode. — Silène ivre soutenu par une Bac-
chante, et un Homme avec deux satyres,
par Schelte a Bolswert.
Ce sont les graveurs de l'école formée
par Kubens qui ont le mieux rendu les
tableaux de Van Dyck. Dans les temps
modernes, de célèbres graveurs, Strange
et beaucoup d'autres, ont gravé les
grands portraits peints par l'artiste an-
versois. Enlin l'école moderne de gravure
flamande compte , entre autres, Erin
Corr, qui a buriné un Christ en croix de
Van*Dyck, et .T. Franck, qui a reproduit
le beau Saint Martin de Saventhem.
L^ne liste de l'œuvre gravé d'Antoine
Van Dyck se trouve insérée dans le Ca-
talogue de la plus précieuse collection d'es-
tampes de P. -P. Pubens et d'Antoine
Van Dyck, etc., du cabinet de messire
Delmarmol, 1794. Semblable énumé-
ration se rencontre dans des diction-
naires biographiques allemands, notam-
ment dans Nagler.
Un chapitre qui ne saurait manquer
d'intérêt est celui qui concerne les prix
de vente des tableaux de Van Dyck,
depuis les ventes les plus anciennes
dont on ait conservé le souvenir, jus-
qu'aujourd'hui. Voici un court aperçu à
ce sujet (1).
1726. Vente du marquis Saint-Phi-
lippe , ambassadeur d 'Espagne à La Haye .
Un général à cheval, d'après nature,
100 florins. — 1729. Portrait du prince
de Croy (vente à La Haye), 100 florins.
— 1737- Saint Pierre en prison (vente à
La Haye), 50 florins. — 1741. Le prince-
cardinal à cheval (vente Van Brée à An-
vers), 50 florins. — 1746. Pamille an-
glaise, composée de 12 figures (vente
Vervoort à Bruxelles) (hauteur, 2 pieds
6 pouces; largeur, 3 pieds 4 pouces),
1,200 florins.— 1752. Enfants et fruits
(vente Pierre Snyers, à Anvers), 155 flo-
rins. — Id. Le Christ avec les douze
apôtres (même vente). (Il y eut à cette
vente 7 tableaux de Van Dyck.) 202 flo-
rins . — 1 7 6 7 . i' Archiduc Léopold et V In-
fante Eugénie (vente Julienne) , 3 4 0 li v res .
— 1777. Un homme jouant de la guitare
(vente de Brunoy), 6,000 livres. —
Id. Portrait de Cromioell (même vente"),
500 livres. — Id. Portrait de Langlois,
dit dartres représenté par un homme
jouant de la musette; il est vêtu de
rouge. L^^ne tète de chien se voit au bas
(vente prince de Conti), 8,001 livres. —
Id. Portrait de Bichardot {yeniQ Kandon
de Boisset), 10,400 livres. — 1793. Le
Joueur de musette (vente Choiseul-Pras-
(1; Nous faisons ce relevé d'après les calalo-
gues originaux que nous avons sous les yeux.
Nous avons choisi les vent^'s ijni offraient le iijiis
(le garnntips (raiiihenticili-. I.o fl iijn «le Hollan<lc
va m -J fr. 10e.
435
DYCK
436
lin), 8,800 livres.— 1882. Le Baiser de
Judas (vente Erard), 10,080 francs. —
1845. Madeleine repentante (vente du
cardinal Fescli), 18,414 francs. — 1850.
Portrait de Philippe Je Eoy (vente Guil-
laume II), avec le pendant, représentant
la femme de ce seigneur, 144, 944 francs.
Nous ne pensons pas devoir pousser
"plus loin cette nomenclature, par la
raison que, depuis vingt à trente ans, les
ventes manquent en général de sincé-
rité, et que certains prix sont plutôt le
résultat de machinations commerciales
que l'indication sincère et véritable de
la valeur des tableaux.
Ce serait une étude spéciale assez cu-
rieuse à faire que celle des portraits qui
ont été gravés de Yan Dyck par lui-
même et par les autres. Le type est gé-
néralement le même : figure ronde,
charmante et juvénile, moustaches re-
troussées, œil doux et brillant, cheveux
abondants et bouclés à la hauteur de la
nuque. Ce type paraît découler d'un
portrait fait par lui-même au début de
ses succès dans l'atelier de Eubensj il
accuse dans les traits une gracilité qui
serait toute féminine, sans les moustaches
qui déterminent la virilité faciale du
modèle. Le meilleur des portraits faits
par lui-même, et on peut le croire natu-
rellement flatté, est celui qu'il produisit
vers l'âge de trente ans. Là, sa figure est
plus mâle et tient de la physionomie un
peu avantageuse du mousquetaire. La
tête seule est gravée. Jacques Xeefs a
terminé la planche et a fixé le buste sur
un socle qui sert de frontispice à la pre-
mière édition de Y Iconographie de Van
Dyck. C'est le Musée Britannique qui
possède le dessin original. La beauté
plastique du visage de l'artiste diminue
à mesure qu'il avance en âge et cela avec
une rapidité effrayante, si bien que le
dernier portrait qu'on a de lui ne montre
plus que le visage flétri, hâve et dé-
charné d'un poitrinaire aux apparences
anticipées de la veillesse. Il n'avait pas
quarante deux ans!
En général, tout ce qui a été dit
sur ce peintre fameux par les auteurs
du xviiie siècle ne mérite aucune con-
fiance. La science investigatrice, l'esprit
d'analyse et l'amour de la vérité ont
placé aujourd'hui la vie et le talent de
Van Dyck dans leur véritable lumière.
Ad. Siret.
DYCK {Daniel vax ou v.%x oex)
ou Dtk, peintre d'histoire dont le lieu
de naissance est contesté ; les uns le font
naître en France, les autres, avec plus
de probabilité, dans les Pays-Bas. On
le trouve inscrit en 1631-1632, comme
élève d'un artiste nommé Pierre Ver-
haegt, dans les Liggeren anversois. Il
travailla longtemps à Venise, oii il fut
inspecteur de la galerie du duc de
Mantoue en 1658. Pilkington dit qu'il
mourut au service du duc en 1670. On
voit de lui, dans plusieurs églises de
Venise, des tableaux où l'on retrouve la
trace de son origine flamande, fondue
dans le style vénitien. Il épousa à Ve-
nise une artiste nommée Lucrèce, fille
de Nicolas Hegnier Mabuse.
Daniel van Dyck est plus connu et
plus estimé comme graveur à l'eau-
forte. Ses principales planches sont : la
Chaste Suzanne: — la Sainte Vierge et
V Enfant Jésus; — Sainte Catherine; —
Diane et Endymion ; — la Déification
d'Eiiée (son chef-d'œuvre); — la Bac-
chanale. — Il a aussi gravé de petites
planches pour différents ouvrages pu-
bliés en Italie; quelques-unes seulement
ont été relevées. Cet aquafortiste avait
un style large et décidé et savait em-
ployer le pointillé avec infiniment de
tact. On a prétendu que certaines eaux-
fortes attribuées à Antoine van Dyck
sont de Daniel, et que la ressemblance
des noms a été l'origine de cette fausse
attribution. Ad. Siret.
DVrii. {Jacques), écrivain ecclésias-
tique, né à Ruremonde le 25 juillet
1576 et décédé à Gand le 29 mai 1635,
entra dans la compagnie de Jésus en
1596, enseigna pendant cinq ans les
humanités et remplit ensuite longtemps
les fonctions de procureur ou économe.
Il fut aussi pendant trois ans recteur du
collège de Maestricht. Il a publié quel-
ques ouvrages ascétiques et un petit tra-
vail sur les découvertes des mission-
437
DYNTER
438
naires au Thibet. Voici rindication
sommaire de ces publications, dont on
trouve l'énuraération détaillée et la des-
cription exacte dans la Bibliothèque des
écrivains de la compagnie de Jésus des
PP. De Backer, éd. in-fol., I, col. 1696
et suiv. l'J Inwendiglie oeffeninghen van
deuchden der cliristelicker zlelen, etc.
Ghendt, 1627; vol. in-16, réimprimé
plusieurs fois à Anvers, à Loiivain, etc.,
avec des variantes dans le titre. —
2° Den BoecJc des levens. Ghendt, 1627;
vol. in-16. — S"" Ontdecking van den
grooten Cathai (in den Thibet), uyt de
jaerlyksche brieven van P. Antonitis An-
drada. — 4o Open-hof ende vry-tafel ans
Saligkmakers Jesu Christi. Antwerpen,
1662; vol. in-32. — t)'^ Praxis et brevls
declaratio vitœ splrltualis aiictore
M. P. Ludovico de Palma Ex hispa-
tiico vertit R. P. Jacobus Dyck. Antv.,
1634; vol. in-8o qui eut plusieurs
réimpressions. e.-h.-j. Reusens.
De Backer, Bibliothèque des écrivains de la
Compagnie de Jésus, I, col 1697 et suiv.
* DYMPHXE ( Sainte ) ou plutôt
DiMPHNE, princesse irlandaise, née dans
la province septentrionale d'Ulster vers
l'année 570 et martyrisée à Gheel, en
Campine, vers l'année 600. Son père
était idolâtre; mais sa mère, qui avait
embrassé la foi chrétienne, fit élever ses
enfants dans la vraie religion. Après la
mort de la mère, le prince, épris d'un
amour incestueux, voulut, sur le con-
seil de ses courtisans, épouser sa propre
fille. Dès que celle-ci eut connaissance
du monstrueux projet de son père, elle
s'embarqua, accompagnée d'un prêtre
nommé Gérébern, qui l'avait baptisée et
instruite dans la foi, et de deux fidèles
serviteurs. Ils abordèrent à Anvers et,
après y avoir séjourné très-peu de temps,
allèrent se fixer à Zammel sous Gheel.
A peine le père eut-il appris le départ
de sa fille vers le continent, qu'il s'em-
barqua avec une suite nombreuse et fit
voile vers Anvers. Arrivé dans cette
ville, il envoya immédiatement des
émissaires dans toutes les directions
pour s'enquérir de la retraite de Dim-
phne. Quelques-uns de ceux-ci vinrent
à Westerloo, village situé à deux lieues
environ de Gheel, et y passèrent la nuit.
Lorsque le lendemain ils payèrent leurs
dépenses en monnaie irlandaise, le
maître de l'hôtellerie leur dit qu'il avait
reçu, il n'y avait pas longtemps, des
pièces semblables de personnes qui
étaient venues s'établir dans le voisi-
nage. Cette circonstance fortuite trahit
Dimphne. Les espions se firent mon-
trer par l'hôtelier l'endroit , situé à
une demi-lieue de Westerloo, qu'habi-
tait la vierge fugitive, et, après «'être
assurés de la présence de leurs compa-
triotes à Zammel sous Gheel, retournè-
rent en toute hâte à Anvers pour avertir
leur maître. Celui-ci s'empressa de les
suivre en Campine, et y rencontra, à
Cxheel, sa fille et Gérébern. Il fit immé-
diatement trancher la tête au saint
prêtre, et se mit, après ce premier
crime, à faire à Dimphne les plus belles
promesses pour l'engager à consentir à
l'union incestueuse qu'il méditait. Mais
la chaste vierge resta inébranlable dans
son refus. Xe pouvant plus se contenir,
le prince ordonna aux gens de sa suite
de trancher la tête à sa fille, comme ils
venaient de le faire à Gérébern ; aucun
n'eut le triste courage d'exécuter cet
ordre. Alors, plein de rage et de dépit,
il saisit son glaive et décapita lui-même
sa fille Dimphne. Les habitants de Gheel
ensevelirent avec respect les corps des
deux confesseurs de la foi dans un
endroit voisin du lieu du martyre, où
s'éleva plus tard la belle église ogivale
consacrée à sainte Dimphne, qui existe
encore et conserve jusqu'aujourd'hui un
grand nombre d'objets d'art des plus
remarquables du moyen âge. Sainte
Dimphne est spécialement invoquée par
les fidèles pour obtenir la guérison des
maladies mentales. C'est à ce culte que
la ville de Gheel et le célèbre hospice
d'aliénés qui y est établi doivent leur
origine. E.-H. J. Ressens.
Kuyl, Gheel vermaerd door den eerdienst der
heilige Dimphna, Antwerpen, 1863, vol. in-8",
passiiii .
DTXTKR [Ambrolse de), maître es
arts, né vers 140.5, l'un des fonction-
naires les plus instruits de son époque.
439
DYNTER
440
Fils de maître Edmond de Dynter et
d'Hildegonde van Olmen, il épousa,
avant le 22 décembre 1429, Catherine
Coele, ainsi qu'il résulte d'un acte des
échevins de Louvain ; dans cet acte il
est déjà qualifié de secrétaire du duc de
Brabantj charge qu'il remplissait con-
jointement avec son père. Il était en
fonctions dès 1425, et Philippe le Bon
savait l'apprécier, comme il conste d'un
acte du 31 mars 1444, par lequel il lui
accorda plusieurs faveurs.
Ambroise de DjTiter devint vicomte
de Dormale, propriétaire du manoir de
Ten Broeke,^Qià.ei la seigneurie de Gaes-
beek, et, vers 1452, propriétaire de la
cour ou seigneurie de Wolfshagen, à
Leeuw-Saint-Pierre .
Le sachant très-expert en comptabi-
lité, Philippe le Bon le chargea, en 1459,
de procéder à une enquête, avec le che-
valier Henri Magnus et Simon de
Herbaix, au sujet des abus commis par
quelques-uns de ses officiers dans l'admi-
nistration des finances. A cette époque,
il était conseiller-maître de la chambre
des comptes à Bruxelles, poste auquel
il fut appelé par le duc de Bourgogne
et où on le maintint lorsque Charles le
Téméraire réunit, enl473, les chambres
des comptes de Lille et de Bruxelles en
une seule qui fut établie à Malines. Il
resta pareillement en place quand Marie
de Bourgogne rétablit les anciennes
chambres des comptes et qu'elle fixa le
siège de celle de Brabant à Bruxelles.
Après avoir rendu des services notables
à son pays, De Dynter mourut le 20 no-
vembre 1490, laissant a]Ti"ès lui une
nombreuse famille. Ses fils étaient :
1" Jean de Dynter, seigneur de Dor-
male, qui vivait eu 1470; 2» Jacques
de Dynter , prieur du monastère de
Groenendael, mort le 4 mars 1512, à
l'âge dé soixante et dix ans ; 3" Am-
broise de Dynter, chanoine et écolàtre
de Notre-Dame, à Anvers, et 4" Nicolas
de Dynter, d'abord chanoine de Saint-
Pierre, à Louvain, ensuite chanoine de
Notre-Dame, à Anvers, qui vivait en-
core en 1494. Le chanoine Ambroise de
Dynter, homme très-instruit, était en
relation avec plusieurs savailtsde l'épo-
que. Le célèbre Rodolphe Agricola en
parle avec éloge. Ambroise de Dynter
et Catherine Coele laissèrent en outre
les trois filles suivantes : Hildegonde,
qui épouse Amelis van Bouchem ; Ca-
therine, mariée à Sigier van Ophem, et
Marie qui devint la femme du chevalier
Michel Absoloens. bourgmestre de Lou-
vain en 1476. Éd. vaaEven.
Actes des échevins de Louvain. — Chronique
du monastère du trône de Motre-Dame, à Grob-
bendonck. — Mgr de Ram, Introduction à la
chronique d'Edmond de iJynter, Bruxelles, i8o4-
1860.
dy:%'TI<:r {Edmond de), fonction-
naire et" historien, naquit vers 1375,
selon toute probabilité, au village dont
il portait le nom, et qui est situé dans
l'ancienne mairie de Bois-le-Duc. On
pense qu'il appartenait à une branche
collatérale de l'ancienne et noble famille
de Dynter. Le titre de magister qu'il
prend dans les pièces officielles permet
de croire qu'il termina ses études à une
université, probablement celle de Paris,
alors très-fréquentée par les jeunes gens
de notre pays. Il était, suppose-t-on,
maître es arts. Ce qui est certain, c'est
qu'il possédait une très-vaste et très-
remarquable érudition. Il entra de bonne
heure au service d'Antoine de Bour-
gogne, duc de Brabant, et était déjà en
fonction lorsque ce prince fut inauguré
à Louvain, le 18 décembre 1406.
De Dynter épousa Hildegonde van
Olmen, qui appartenait à la noblesse
brabançonne. Notre fonctionnaire, qui
se distinguait par de grandes et rares
qualités, jouissait de la confiance et de
l'estime de son maître. Antoine l'em-
ploya dans les circonstances les plus
difficiles. Le 17 août 1412, il lui donna
des pleins jjouvoirs pour se rendre, con-
jointement avec Gilles de Rademaeker et
Guillaume de Seyne, à Prague, près de
Wenceslas YI, roi de Bohême et des
Romains, à l'effet d'aplanir les difficultés
que venait d'occasionner l'engagère du
duché de Luxembourg faite par ce sou-
verain dans l'acte de mariage de sa nièce,
Elisabeth de Gorlitz, avec le duc de Bra-
bant. Dans cette circonstance il servit,
avec non moins d'adresse que de dévoue-
444
DYNTER
442
ment, les intérêts du prince. Au mois de
février 1414, une ambassade partit pour
le concile de Constance. De Dynter se
trouvait au nombre des délégués braban-
çons envoyés à cette assemblée mémora-
ble. Au mois d'aoïlt de la même année,
il fit partie de l'ambassade envoyée par
le duc de Brabant à Sigismond, roi des
Romains, qui venait d'arriver à Coblentz
et qui se rendit ensuite au concile de
Constance, après avoir été couronné à
Aix-la-Chapelle.
Au mois d'octobre 1415^ le duc An-
toine entra en France à la tête de son
armée, aiin d'aider à y combattre les
Anglais. De Dynter voulait rejoindre
son souverain j mais, arrivé à Douai, le
26 octobre, il y apprit la perte de la
bataille d'Azincourt et la mort de son
maître. Jean IV, le fils et successeur
d'Antoine, le maintint dans ses fonc-
tions de secrétaire, et il continua à être
chargé des missions les plus importantes.
Mais à la cour même, il eut à subir
beaucoup d'ennuis, à la suite de diffi-
cultés qui s'élevèrent entre Jean IV et
son épouse, la fameuse Jacqueline de
Bavière.
On sait que c'est sur les instances réi-
térées de l'autorité communale, que
Jean IV érigea l'Université de Louvain.
Lorsque le duc eut accordé, le 18 aoiit
1426, ses lettres patentes pour l'exécu-
tion de la bulle d'érection, donnée par
le pape Martin V, De Dynter se rendit
à Louvain pour y faire la remise officielle
de cette pièce. Il y fut reçu avec joie et
logé, aux frais de la commune, àl'auberge
de V Homme sauvage, derrière l'église de
Saint-Pierre.
Après la mort de Jean IV, arrivée le
17 avril 1427, son successeur Philippe
de Saint-Pol maintint De Dynter dans
ses fonctions de secrétaire. Il en fut de
même après le règne si court de ce der-
nier. Sous le règne de Philippe le Bon,
De Dynter continua à prendre une part
active aux affaires, et, dans un acte reçu
par les échevius de Louvain (26 mars
1432), il prend le titre de secrétaire de
Monseigneur le duc de Bourgogne et de
Brabant .
Sa femme, llildegonde vau Olmen,
mourut peu de temps avant cette épo-
que. Dégoûté de la vie de cour, et
épuisé par plus de quarante années de
travail, il chercha le repos. Ayant em-
brassé l'état ecclésiastique, il obtint de
Philippe le Bon un canonicat au cha-
pitre de Saint-Pierre, à Louvain; mais
passa les dernières années de son exis-
tence dans la capitale de la Belgique. Il
y habitait une vaste maison, située près
de la Montagne de la Cour, allant par-
fois chercher quelques jours de repos au
monastère de Corsendonck, où il comp-
tait des parents et des amis. Edmond
de Dynter mourut, à Bruxelles, le 17 fé-
vrier 1448, et fut inhumé dans l'église
de l'abbaye de Saint-Jacques sur Cau-
denbergj devant l'autel du Saint-Sacre-
ment, où son fils Ambroise lui fit ériger
un monument portant l'inscription sui-
vante :
H)C JACET
MAGISTER EDMUNDUS DE DYNTER,
ILLUSTRIU.M PRINCIP. ET DOMINORUM QUONDAM
ANTONII, JOANNIS ET PHILIPPI, ETC.
AC ETIAM PHU^IPPI BURGUNDl.C ET BRABANTI^, ETC.
DUCUM SECRETARIUS
QUI OBUT ANiNO DOMINI M.CCCC.XLVIII,
MENS. FEBRUARII XVH CUJUS ANIMA
R. /. P.
Ce monument disparut en 1776, lors
de la reconstruction de l'église de Saint-
Jacques sur Caudenberg.
Aubert le Mire (Mirœus) a publié un
portrait de De Dynter, exécuté d'après
un tableau contemporain placé, au com-
mencement du xviie siècle, à l'églLse de
Caudenberg. Ce portrait, qu'on trouve
également dans la Bihliotheca helgica de
Foppens, a été reproduit, sous la direc-
tion de Calamatta, pour l'édition de la
Chronique de De Dynter, publiée par
Mgr de llam.
Edmond de Djaiter occupe une place
distinguée parmi les historiens natio-
naux. Il laissa un livre qui présente un
intérêt capital pour l'étude de nos an-
nales, notamment la Chronùpie des ducs
de Brabant, écrite à la demande de Phi-
lippe le Bon, et à laquelle il consacra les
dix dernières années de sa vie. Pour la
rédaction des trois premiers livres, il
prit pour guide la Chronique de frère
André, connu sous le nom de Sylvius,
moine de L'abbaye de IMarchienne, qui
443
DYNTER
444
vivait en 1184. C'est au quatrième livre
seulement que commence son travail ori-
ginal. Comme secrétaire du duc, il eut
l'avantage, bien rare autrefois, de puiser
ses matériaux dans les dépôts officiels,
et tous les documents, à partir de 1100,
sont tirés des archives du duché de Bra-
bant ou des collections des chartes des
églises et des corporations religieuses.
Depuis 1406, De Dynter, en sa qua-
lité de secrétaire de son souverain,
joua un rôle actif dans plusieurs événe-
ments de son époque et se trouvait ainsi
fort avantageusement placé pour con-
naître tout ce qui se passait de plus im-
portant. Aussi mentionne-t-il ces évé-
nements avec une sûreté d'information
irrécusable. Le sixième livre de sa Chro-
nique s'arrête vers 1442. Il semble ré-
clamer une suite, restée inachevée peut-
être par suite de la mort de l'auteur.
Le prologue du quatrième livre de la
Chronique renferme la généalogie des
ducs de Lothier et de Brabant. Dans ce
livre, l'auteur s'attache à exposer la
suite des ducs de Lorraine de la mai-
son d'Ardenne, celle des comtes de Lou-
vain et de Bruxelles, jusqu'à la mort
d'Henri III (1261). Il renferme égale-
ment des renseignements très-intéres-
sants sur les institutions monastiques et
féodales, les transactions publiques et
privées, les croisades, les investitures et
les luttes des vassaux contre leurs sei-
gneurs. Le cinquième livre contient
l'histoire du Brabant depuis le règne
d'Alix de Bourgogne (1261), jusqu'à la
mort de Jean III (1355). Le sixième
livre, qui forme presque tout un volume,
se rapporte aux règnes de Jeanne et
de Wenceslas, Antoine de Bourgogne,
Jean IV, Philippe de Saint-Pol et Phi-
lippe le Bon jusqu'en 1442. Cette partie
de l'ouvrage brille par la richesse des
documents authentiques intercalés dans
la narration et, fait digne d'être observé,
l'auteur nous a transcrit ces actes sans
aucune altération ni modification. Beau-
coup d'écrivains ont mis à profit le tra-
vail de notre auteur. Butkens y puisa
largement pour la rédaction de ses Tro-
phées de Brahant. Plusieurs savants des
xviie et xviiie siècles songèrent à mettre
au jour la Chronique de De Dynter.
En 1611, Aubert le Mire, en 1676,
Gaspard Gevartius eurent l'intention
de la faire imprimer. Le savant Paquot
écrivait, en 1763, qu'elle était sur le
point de paraître sous les auspices du
comte de Cobenzl, ministre plénipoten-
tiaire d'Autriche, dans un recueil d'ou-
vrages importants pour l'histoire de Bel-
gique. Les circonstances empêchèrent
la réalisation de ces différents projets.
L'intéressant ouvrage a été édité , à
notre époque , par Mgr de Eam en
trois volumes in-4o, renfermant le texte
latin de De Dynter accompagné de
notes et suivi d'une ancienne traduction
latine par Jehan Wauquelin, secrétaire
ou clerc de Philippe le Bon. Cette pu-
blication porte le titre suivant : Chro-
nique des ducs de Brabant, par Edmond
De Dynter, en six livres, publiée d'après
le manuscrit du monastère de Corsen-
donck. Bruxelles, 1854-1860. Une re-
marquable étude sur la vie et les tra-
vaux de De Dynter, placée en tête de
cette édition, a été mise à profit pour
la rédaction de cette notice. Les re-
cherches faites dans les archives de Lou-
vain ont permis d'y joindre quelques
dates et renseignements nouveaux.
Ed. van Even.
Actes des échevins de Louvain. — Mirœus,
Elogia illustrium Belgii scriploritm. — Paquot,
Mémoires, t. 1, p. o06. — Henné et Waulers.
Histoire de Bruxelles, t. 1, p. 228, t. 111, p. S&ï.
— De Ram, lulroduclion à la chronique d'Ed. de
Dynter, etc. — Foppens , Bibliotheca belgica,
t.l, p. 261.
E
EBBON
EBBO.if^ 32e archevêque de Keims et
19e abbé de Stavelot, naquit vers 778
au pays rhénan, de parents serfs, atta-
chés à un domaine impérial. Sa mère
ayant été appelée à la cour en qualité de
nourrice du prince Louis (plus tard le
Débounnire), Ebbon eut la chance de se
trouver le frère de lait du futur succes-
seur de Charlemagne et de recevoir avec
lui son éducation. L'empereur remarqua
sa vive intelligence et son goût décidé
pour les études- il l'affranchit et le mit
à même d'entrer dans les ordres. Loiiis
ayant pris le gouvernement de l'Aqui-
taine, se l'attacha ensuite comme secré-
taire et bibliothécaire, et le pourvut
d'une abbaye. Le 8 août 816 vint à
mourir Fulcaire, archevêque de Reims :
le peuple élut Gislemer, qui ne fut point
agréé par les évêques; Louis proposa
Ebbon, et ce choix rallia tous les suf-
frages. On verra tout à l'heure si la con-
fiance impériale avait été bien placée.
Animé d'un zèle apostolique, le nou-
veau prélat, après avoir assisté en 829
au concile de Paris, se rendit à Eome,
du consentement de son maître, pour
obtenir du souverain pontife une mission
chez les peuples du Nord. Pascal I l'en-
voya évangéliser les Danois idolâtres et
lui adjoignit Halitgaire, évêque de
Caml)rai ; il eut encore l'occasion de se
rendre utile à l'illustre S. Anschaire,
placé par le pape Grégoire IV sur le
siège épiscopal de Hambourg. Mais
BIOGR. NAT. — T. VI.
l'éclat de ses services fut terni par la
conduite qu'il tint dès son retour à
Reims. Quelque opinion qu'on professe
sur l'incapacité du Débonnaire, il est
difficile d'excuser Ebbon de s'être mis à
la tête du parti des évêques qui encou-
ragèrent des fils dénaturés à provoquer
la déchéance et l'humiliation de leur
père : tout au moins devait-il s'abstenir
d'agir directement contre son bienfai-
. teur. Lothaire le récompensa en le gra-
tifiant de l'abbaye de Saint- Vaast (833).
Deux ans plus tard, la roue de la
fortune tourna : Louis sortit du cloître
où il avait été relégué ; Ebbon dut pren-
dre la fuite, mais il fut arrêté, conduit à
Fulde et amené ensuite à Thiouville ,
pour s'entendre accuser par la propre
voix de l'empereur. Dans une nouvelle
assemblée tenue à Metz, Ebbon fut obligé
de reconnaître solennellement qu'il avait
prononcé contre son souverain légitime
une sentence injuste; il dut se soumettre
à une pénitence publique et signer de sa
main l'acte par lequel il était dépossédé
du siège de Reims, sur le vote de qua-
rante évêques. Il ne recouvra la liberté
qu'en 840, après la mort de Louis. Le
6 décembre, Lothaire le fit réinstaller
à Reims, du consentement de vingt pré-
lats ; mais il n'y resta qu'un an, le pape
lui ayant refusé une nouvelle institution
canonique. Sa position fut encore aggra-
vée par la circonstance que le territoire
de Reims se trouva compris en 8-t3 dans
15
447
EBBON — EBERARD
448
la part de Charles le Chauve. 11 n'eut
plus alors qu'à chercher un refuge au-
près (le Lothaire, qui lui donna, en 844,
l'abbaye de Stavelot et celle de Saint-Co-
lumban en Italie. Le règlement définitif
des affaires d'Ebbon fui une des préoc-
cupations du concile qui se tint à Sois-
sous en 853 : l'intéressé, ayant refusé d'y
comparaître, fut définitivement déchu,
et les ordinations qu'il avait faites de-
puis sa déposition déclarées nulles. Il
se retira en Allemagne, où Louis le
Germanique lui fit obtenir l'évêché de
Hildesheim ; il mourut en cette ville vers
853. Les historiens l'ont jugé très-diffé-
remment : dans tous les cas, il compro-
mit en se faisant chef de parti et en se
montrant ingrat, une carrière commen-
cée non sans gloire. Il n'est pas vrai-
semblable qu'Ebbon ait été quelque
temps, comme certains historiens l'ont
écrit, chancelier de Charles le Chauve.
Ebbon a rédigé des Statuts et règle-
ments qu'on trouve imprimés à la suite
de XHUtoire ecclésiastique de Reims, par
Elodoard ; dans le même ouvrage et à la
tète du Pénitentiel de Halitgaire, on lit
une lettre adressée par Ebbon à ce der-
nier, pour l'engager à composer ce livre,
en s'appuyant sur les canons et sur les
écrits des Pères; enfin il paraît avoir
publié une Apologie de sa conduite à
Thionville, et l'on s'accorde à lui attri-
buer un autre document du même genre
intitulé : Narratio clericorum Kemensium
de duplici depositione M'honis (voy. les
Scriptores hist. franc. , d'André Du-
chesne). Il serait encore l'auteur de
l'épitaphe de sa mère, et d'une inscrip-
tion placée jadis au grand portail de la
cathédrale de Eeims. j..s. Renier.
Marlcne, Amplissima colleclio, t. II. - Labbc,
Coticil , t. Vil. — Dachery, Spicileg. — D. Bou-
qiiel, Gallia Christiann. ' Les historiens de Sta-
velot ■Devillei's, A de Noue, A. (îourlesoie, etc.).
EBER.%RD OU Ebraud, religieux du
monastère de Watten , près de Saint-
Omer, mort vers 11 2 4, né probable-
ment en Flandre vers le milieu du
xie siècle. Après avoir passé les pre-
mières années de sa jeunesse à Reims,
avec Rodolphe, qui devint depuis ar-
chevêque de cette ville, en IIOS, Ebe-
rard prit l'habit religieux à Watten. Il
avait déjà visité une première fois cette
localité, où il n'existait alors qu'une
petite église, dépendante de l'abbaye de
iSaint-Winoc. Le prêtre Alphuminus,
qui la desservait, se fit un plaisir de
donner l'hospitalité à Eberard et de lui
rendre tous les services imaginables.
Quelque temps après, un autre ecclé-
siastique, du nom d'Olfrid ou Otfrid,
parvint à établir en cet endroit \n\
couvent de chanoines réguliers de Saint-
Augustin, dont il fut le premier prévôt,
de 1072 à 1085. Vers l'année 1121,
Eberard remplit les mêmes fonctions,
qu'il occupa, parait-il, jusqu'à la fin de
sa vie, arrivée peu de temps après.
Eberard est l'auteur d'une chronique
du monastère de Watten {Chronicon mo-
nasterii Guatinensis), dont une copie
manuscrite, provenant de l'ancienne
abbaye des Dunes, existe à la biblio-
thèque de Bruges, Elle a été éditée par
Martène et Durand dans le Thésaurus
novus anecdotorum, t. III, pages 798 et
suivantes, et, en partie, dans le Recueil
des Jiistoriens de France, i. XI, pages 104
et 108. Ecrite dans un style aft'ecté et
prétentieux, cette chronique donne quel-
ques détails sur l'époque qui s'étend
depuis la fondation du couvent de W^at-
ten en 1072 jusqu'à la mort d'Otfrid à
Gand en 1082. L'auteur y parle des dé-
mêlés du clergé de Thérouanne avec la
cour de Rome, mais sa phraséologie nuit
considérablement à l'intérêt que son
récit pourrait présenter. La même ma-
nière se fait remarquer dans un autre
travail, ce dernier anonyme et portant
pour intitulé : Iliraculmri de quodani
Guafmensi religioso per sanctum Bonatian .
ah agrittidine sua sanato {Thésaurus anec-
dotorum, loc. cit., col. 830 et suiv.).
Eberard, à qui on l'attribue générale-
ment, y fait allusion à la guérison subite
d'un de ses confrères, nommé Tancrade,
atteint d'une paralysie et qui eu fut dé-
livré en 1088 à Bruges, par l'interces-
sion, disait-on, de saint Donatien. C'est
en tête de cette seconde œuvre que le
religieux de Watten rappelle à l'arche-
vêque de Reims leur ancienne liaison ;
il ajoute qu'il a été encouragé à écrire
449
EliEKAHD — EDELUEER
4oO
le fait miraculeux cité ci-dessus par
l'archevêque Eodolphe lui-même, pen-
dant que le prélat se trouvait à Thé-
rouanne, où il avait à s'occuper de
questions de discipline ecclésiastique. Il
compare, à ce propos, sa première exis-
tence, toute mondaine, avec le genre de
vie qu'il avait adopté depuis.
On trouve dans les écrits d'Eberard
quelques indications intéressantes sur
Watten, mais il fait preuve d'un pauvre
esprit de critique en retrouvant dans
cette localité les Bataves qu'Orose place
avec les Ménapiens et les Morins, en
face du Ratnpi portus de l'Angleterre.
Ces Bataves d'Orose sont et ne peuvent
être que le peuple si célèbre de la Hol-
lande et non les prétendus fondateurs
d'une localité dont l'origine, expliquée
de cette manière, ne repose que sur une
vague ressemblance de nom.
Alplionse WaiilTS.
Martène et Durand, Thésaurus atiecdotorum ,
l. m, col. 798. — Paiiuoi, t. III, p. 276 (édition
in-folioj
ECBERT, EgEBERTUS OU EcKEBER-
TUS, écrivain, pocte, florissait vers 1060,
au rapport de Trithème. 11 est qualifié
de clerc de l'église de Liège par le même
auteur, qui le dépeint comme très-
instruit dans les sciences profanes aussi
bien qu'en théologie. On lui doit un
recueil d'énigmes champêtres {DejEnig-
ynatibiis rusficis libri II), versifiées avec
élégance {eleganti métro). Sigebert nous
apprend que ce n'était d'abord qu'un
opuscule assez court, mais que l'auteur,
encouragé par le succès, en élargit le
cadre et y ajouta un second livre, éga-
lement en vers. Les Enigmes existaient
encore à la fin du xve siècle. Mirfcus,
qui rapporte ce dernier fait, attribue au
même Ecbertus une Vie de saint Amour
d'Aquitaine (voy. ce nom), dont le corps
repose en l'église Notre-Dame de Mun-
sterbilsen. L'abbaye de Saint-Laurent
de Liège, entre autres, possédait des
exemplaires manuscrits de cette notice.
Alphonse Le Roy.
Sifîf'bfTi, uiiiioié par Mirrrus. — Trilht'ine.
— Fabriciu-, Bibl. iiie.tiœ cl tiijiiiiw laiiiiitatis,
lib V. — Foupens, l. \.— Histoire liiicr aire de la
France, t. Vil, p. oOl.
ECK (iV. va:%), peintre de fleurs, qui
florissait en 1690 à Bruxelles, où il
naquit. Selon Campo Weyerman, il ap-
partenait à la noblesse de Bruxelles et
fut bourgmestre de cette ville. Le même
auteur fait un grand éloge de notre
artiste, qui peignait d'après nature et
avait orné de ses tableaux les palais de
la résidence des gouverneurs des Etats.
11 paraît avoir joui d'une vogue méritée.
Le chevalier de Burtin, dans le catalogue
de tableaux qu'il a dressé vers 1803,
mentionne notre peintre sous le nom
de Van den Eck et cite de lui plu-
sieurs tableaux de fleurs et de fruits
qui ont paru dans les ventes Platte-
borse. Du .lardin Saint-George et Van
den Xessen. aj. .siret.
EDELUEER (Jacqites), jurisconsulte
et littérateur, né à Louvain le 28 fé-
vrier 1597, mourut à Anvers le 23 juin
1657. 11 fit ses études dans sa ville na-
tale et les couronna par le grade de
licencié en droit. Ses talents, son élo-
quence et son instruction solide lui pro-
curèrent immédiatement une fructueuse
clientèle et lui ouvrirent, à peine sorti
de l'adolescence, l'accès de la magistra-
ture communale. Conseiller en 1617 et
en 1618, il remplit les fonctions d'éche-
vin pendant les deux années suivantes.
Quatre ans plus tard, il devint pension-
naire de la ville d'Anvers, emploi qui
offrait une grande analogie avec celui
des assesseurs des magistrats chez les
Romains et qui consistait à guider les
magistrats de la cité, dans l'exercice de
la juridiction civile et criminelle.
A l'étude assidue du droit, à l'ac-
complissement scrupuleux des devoirs
Inhérents à ses hautes fonctions, Edel-
heer joignait le culte passionné des arts
et des lettres. Possesseur d'une fortune
considérable, il en consacrait une grande
partie à convertir en véritables musées
sa demeure d'Anvers et une vaste maison
de campagne située dans les environs de
cette ville. L' ne bibliothèque nombreuse
et choisie, des manuscrits précieux, des
tableaux des grands maîtres, des œuvrea
de scidpture dues au ciseau des meil-
leurs artistes des Pays-Bas et de l'étaan-
4:ii
EDELHEER
45^
ger, attestaient la science profonde et le
goût exquis de leur propriétaire. Les
étrangers venaient en grand nombre
visiter ces merveilles, et Edelheer, qui
parlait plusieurs langues, se plaisait à
leur fournir lui-même les explications
nécessaires.
La Belgique se trouvait alors dans
une position difficile et dangereuse. La
mort de l'archiduc Albert avait fait des-
cendre Isabelle au rang de gouvernante
pour compte des souverains de Madrid,
et la perspective du retour de la domi-
nation espagnole alarmait et irritait les
classes supérieures. Les vastes connais-
sances d'Edelheer furent, dans ces cir-
constances alarmantes, d'un précieux
secours pour les états de Brabant. Ils
recouraient à ses lumières pour la sohi-
tion de toutes les afl'aires importantes ;
ils s'attachaient surtout à prendre son
avis, chaque fois qu'ils avaient à se pro-
noncer sur une question en rapport avec
le droit public du pays. Il répondit si
bien à leur attente et ses services étaient
tellementappréciésqu'il devint, en 1632,
l'un des députés que les états généraux,
qui se défiaient du pouvoir, envoyèrent
d'abord à Maestiicht et ensuite à
La Haye, pour négocier directement un
traité de paix avec les états généraux
des Provinces-Unies. Le bourgmestre,
les échevins et le conseil de la ville
d'Anvers l'avaient désigné à cette fin
par commission du 3 septembre 1632.
îsous n'avons pas à rappeler ici les
méfiances, les intrigues et les autres
obstacles qui firent échouer cette mémo-
ri:ble tentative des représentants des
provinces belges. Nous nous bornerons
à dire que Jacques Edelheer, qui pre-
nait une part active et prépondérante à
toutes les négociations, fut l'un des pre-
miers à découvrir les manœuvres tor-
tueuses de la diplomatie française et à
les signaler à ses commettants. M. limm.
Neefs a récemment publié, dans le
BiiJlifHn de la communion royale dhin-
tnire, un journal autographe, tenu par
Edelheer et ronferniaut l'indication mi-
1 1 hiariiim depuliildnnii profiiicuirittn Ik'iji
ohedirtitiuin, etc., ad priiicipein Annucmn el
Staltia l'iovinciariim Lnilnniin pro pave. Bulle-
nutieuse de tous les actes qui se ratta-
chent à ce curieux et intéressant épisode
de nos annales (1).
Les négociations ayant été interrom-
pues, le 1" décembre 1633, par la mort
d'Isabelle, Edelheer reprit son poste de
pensionnaire de la ville d'Anvers et con-
tinua à mettre sa science et son expé-
rience au service des états de sa pro-
vince. Il conserva cette position jusqu'en
1653, lorsqu'il fut nommé membre d^
la chambre mi- partie instituée par le
funeste traité de Munster du 30 janvier
1648. On sait que cette chambre, com-
posée de huit juges et devant siéger
alternativement à Malines et à Por-
drecht, était chargée de vider les diffé-
rends que l'exécution du traité ferait
surgir entre les sujets des Provinces-
Lînies et les habitants des Pays-Bas
catholiques.
Edelheer était devenu l'un des hommes
les plus considérés de son temps, lorsque
la mort vint l'enlever à ses fonctions et
à ses études favorites.
Quelques auteurs contemporains lui
attribuent deux poèmes élégiaques en
vers latins, l'un sur sa maison de cam-
pagne, l'autre sur une statue qui ornait
sa maison d'Anvers et qu'il mettait au
premier rang de sa riche collection. Ber-
nard Heymbachius, professeur de Lou-
vain, a publié, dans sa Biatriba urbis
^^'î/é'M-sîA, d'autres vers latins d'EdeIhe( r,
qui ne sont pas dépourvus d'inspiration
et de grâce.
Outre ces poésies et le Diarhnn que
nous avons cité, Edelheer a laissé les
manuscrits suivants : 1*> Bemerkivyen
nopende den tyd en de wyse op de welcke
die ahten ofte preJaten van den lande van
Brabant nitHny yenonien Tiebben in de sfa-
ten tan het Land ; in-folio de 324 pages ;
- — 2o Motifs de droit en faveur des ecclé-
siastiçnes de la ville d' Anvers pour être
e-veiripts des yabelles; 267 pages in-fol.
J. J. Thuiiii>si-n.
(liiethals. Histoire des lettres, etc., t. 111 —
Gachard, Arles des rlnls grtieraii.r de l()82, t. I,
y. IS. Duiniiiit c\\< . — 1 h. Juste. (lnii\plratinn
(le lu noblesse be>ye coiiire l'Iispaijiie eu lliM.
tin de la commission, IV» série, l II, p. l2uS
et suiv.
i.-}3
EDELINCK
4r.i
EDEL,i:vCK {Gérard), graveur au bu-
rin, né à Anvers, où il a été baptisé en
l'église de Saint-Jacques, le 20 octobre
1640, mort à Paris le 3 avril 1707. Il
était fils de Bernard Edelinck et d'Anne
de Winter, qui eurent de leur union
douze enfants, dont trois : Gérard, Gas-
pard et Jean se vouèrent à la gravure ;
mais les deux derniers avec moins de
succès que leur aîné. On sait le brillant
essor que l'art de la gravure avait pris,
chez nous, sous l'impulsion vivifiante de
P. -P. Rubens. Lorsque le grand peintre
parut, il y avait longtemps que la ville
d'Anvers était en possession d'un im-
mense commerce d'images de sainteté ;
elle en fournissait le marché du monde
entier. De nombreux ateliers s'étaient
établis et d'habiles praticiens s'y étaient
formés. Le génie de Rubens sut tirer de
la foule de ces ouvriers des artistes
excellents : les Bolswert, les Pontius,
les Vorsterman et bien d'autres encore
dont le burin multiplia les chefs-d'œu-
vre du maître anversois.
Lorsque l'aîné des Edelinck se trouva
en âge de choisir une profession, la dé-
cadence commençait à se faire sentir;
mais les ateliers subsistaient dans toute
leur activité, les procédés de l'école
n'étaient point oubliés et le jeune Gé-
rard, entrant comme apprenti, à l'âge
de onze ans, chez le graveur-éditeur
Gaspard Huberti ou Huybrechts, artiste
médiocre, mais marchand bien acha-
landé, put être initié à toutes les prati-
ques traditionnelles et à tous les progrès
accomplis par ses devanciers. Quelques
membres de la glorieuse pléiade qui
avait illustré le commencement du siècle
vivaient encore, et leur jeune émule eut
la bonne fortune de pouvoir profiter des
leçons d'un maître habile qui avait déjà
formé Nicolas Pitau. Admis dans l'ate-
lier de Corneille Galle, le .Jeune, il ne
tarda point à donner des preuves de son
génie, ce que le maître reconnut aussi-
tôt. Gérard Edelinck ne fut pas long-
temps à prouver qu'il était en état de
voler de ses propres ailes; il avait vingt-
trois ans lorsqu'il fut admis dans la
gilde de Saint-Luc en qualité de maître.
Les écrivains français qui, non sans
quelque raison, revendiquent cet artiste
comme un des leurs, — en efiet Gérard
Edelinck a reçu du roi Louis XIV des
lettres de naturalisation, — - voudraient
aussi qu'il dût son talent aux leçons de
maîtres de leur pays. La Belgique doit
le compter au nombre des artistes nés et
formés sur son sol. Douze années d'études
et d'apprentissage d;ins les ateliers
anversois, des épreuves très-sérieuses
pour l'admission à la maîtrise sont des
faits qui suffiraient pour établir qu'il
avait acquis un talent réel lorsqu'il
quitta sa patrie, si même on ne possé-
dait point un autre témoignage plus
concluant, une estampe exécutée avant
son départ. Mariette s'exprime en ces
termes, à propos de la gravure du Com-
bat des quatre cavaliers, dans les notes
qui accompagnent sa lettre au comte de
Caylus sur Léonard de Vinci : « Cette
" estampe est au burin et un des pre-
» miers ouvrages de Gérard Edelinck.
1 II la grava à Anvers, avant de venir
« s'établir en France. « Il est vrai que
Mariette ajoute : « Il n'y faut point
" chercher la même beauté d'exécution
" que dans ce qu'il a fait depuis. « Lue
telle appréciation paraîtra sévère à qui-
conque aura sous les yeux une bonne
épreuve de cette gravure enlevée d'un
burin magistral. Pour moi, au contraire,
elle démontre à l'évidence que Gérard
Edelinck, lorsqu'il devint le collabora-
teur, non l'élève, de Poilly, n'avait rien
à apprendre du graveur français. Quant
à la critique que l'auteur de V Abece-
dario fait de cette estampe sous le rap-
port du dessin, elle s'adresse moins au
graveur qu'à l'auteur de la reproduction
d'après laquelle il a travaillé ; cette
réproduction est de P. -P. Rubens qui,
durant son séjour en Italie, copia, en hii
imprimant son cachet personnel, cette
composition ainsi que la Cène de Léo-
nard .
La date de sgn arrivée à Paris se
trouve établie par deux documents au-
thentiques. Le portrait du médecin hol-
landais Renier Graaf et les lettres de
naturalisation qui furent octroyées à
(iérard Edelinck par Louis XIV.
Son frère Jean l'avait précédé et était
455
EDELINCK
430
établi dans la capitale de la France,
lorsque Gérard y arriva. C'est chez lui
qu'il descendit. Mariette nous rapporte
que le nouveau venu, mettant le temps
à profit, commença et acheva, dans la
journée, la tête du docteur, pendant
que Jean, qui n'avait point de ménagère,
était allé aux provisions et préparait
tout ce que réclamait la présence de son
hôte. Or, on lit sur ce portrait : Regne-
rus de Graaf medicinœ doctor A^ aetatis
suae 25, 1666.
Cette petite anecdote donne aussi une
idée de l'habileté de Gérard. Les lettres
de naturalisation octroyées k Edelinck
ont été publiées pour la première fois
dans les Archives de Vart français,
année 1873. On y lit ce qui suit :
« Gérard Edelinck nous a fait remon-
« trer qu'il fait sa demeure, depuis dix
Il ans ou environ, dans notre royaume. «
Les lettres étant datées du 25 octobre
1675, on peut fixer à l'année 1666
l'arrivée du graveur anversois à Paris.
Il ne demeura que peu de temps chez
son frère ; il trouva du travail auprès
d'un compatriote qui lui donna le loge-
ment. Nicolas Pitau s'était établi à Paris
en 1656 et s'y était fait une belle posi-
tion. Edelinck demeura chez lui pendant
trois ou quatre ans et n'en sortit qu'à
la mort de son hôte et collaborateur qui
eut lieu en 1671. Après la mort préma-
turée de Nicolas Pitau, — il n'avait que
trente-huit ans, — Edelinck reporta sur
Jacques, le fils de celui-ci, sa reconnais-
sance et son affection. Il prit soin de
l'instruire et en avait fait un de ses
meilleurs élèves. C'est dans l'atelier de
N. Pitau et sur sa commande, qu'Ede-
linck grava plusieurs planches telles que
V Annonciation, d'après le Poussin, Un
Miracle arrivé dans le saint Sacrement en
1668 et la -Sa?rtarz7aiwe de Philippe de
Champagne. Mariette, à qui j'emprunte
ces détails, les accompagne de cette ré-
flexion : « Quelque habile que fût Ede-
" linck lorsqu'il arriva à Paris, l'on ne
« peut disconvenir qu'il n'ait beaucoup
« appris auprès de Pitau et lui-même le
'/ reconnaissait « . Outre les ouvrages
qu'on vient de mentionner, Pitau l'em-
ploya encore dans ses propres travaux,
particulièrement dans le portrait de
Louis XIV, un de ses derniers ouvra-
ges, gravé en 1670, d'après Lefèvre,
et dans celui du comte de Steenbock,
dont Edelinck grava les trophées et les
autres ornements. Ce n'est qu'après la
mort de son compatriote que Gérard a
dû entrer dans l'atelier de Poilly, et l'on
peut juger par ce que je viens de rappeler
si l'on est en droit de le donner comme
élève au graveur français, qui d'ailleurs
n'abusa point de sa position et ne mit
aucun obstacle à l'extension de la réputa-
tion de son collaborateur. En etfet l'ori-
ginalité du talent du graveur flamand ne
pouvait manquer de se faire jour et
d'être remarquée. Il se produisait en
France, à cette époque, un grand mouve-
ment artistique : Colbert, servant les
goûts de son maître, y attirait les pein-
tres et les graveurs de tous les pays.
Edelinck, quoique n'ayant point été
invité à se rendre à Paris, devait con-
naître la situation; il savait aussi qu'il
y avait pour lui peu de chance d'avenir
à demeurer dans sa patrie. Les compa-
gnons et les maîtres graveurs étaient
alors fort nombreux à Anvers, toutes les
positions devaient être encombrées, et
l'on était arrivé à cette période- de déca-
dence où l'éditeur s'inquiète moins de
la qualité que de la quantité et de la
facilité d'écoulement de productions, où
l'on ne fabrique plus qu'en vue du com-
merce et de l'exportation. Paris, au
contraire, voyait grandir une école de
graveurs auxquels la munificence du
grand roi assurait des travaux ayant un
caractère moins mercantile. L'édit de
1660, daté de Saint- Jean-de-Luz, avait
déclaré la gravure un art libre, distinct
des arts mécaniques, et délivré les gra-
veurs des entraves de la maîtrise. Re-
mar([Uons que ce n'est que plus d'un
siècle plus tard que l'impératrice Marie-
Thérèse, par acte du 20 mars 1773, dé-
clara que la peinture, la gravure, la
sculpture et l'architecture ne dérogent
point à la noblesse et que tout le monde
peut exercer librement ces arts et en
vendre les produits.
Un autre de ses compatriotes, Philippe
de Champagne vint en aide à Gérard
EDELLXCK
458
Edelinck et lui ouvrit l'accès auprès du
dispensateur des faveurs royales dans la
sphère des beaux-arts, le peintre clas-
sique des batailles d'Alexandre. Le Brun
ayant vu la gravure d'Edelinck d'après
le Saint Jérôme du peintre bruxellois, en
fut extrêmement satisfait, il la mit sous
les yeux du roi qui témoigna l'intention
d'accorder quelque faveur au graveur.
Celui-ci, invité à formuler une requête,
demanda à être admis au nombre des
pensionnaires qu£ le roi de France entre-
tenait dès lors à Eome pour leur donner
l'occasion de compléter leur éducation
d'artiste. La demande, qui témoignait
de plus de modestie que d'ambition,
avait été bien accueillie, mais le ministre
Colbert ne jugea pas à propos de faire
expédier le brevet de la pension. Il
aima mieux fixer définitivement en
France un artiste d'un tel mérite et
utiliser immédiatement des talents qui,
selon lui, ne le cédaient en rien à ceux des
graveurs italiens de l'époque. Du reste
Edelinck n'eut point à se plaindre de ce
contre-ordre. Il reçut une commande
importante qui accrut sa réputation et
le mit de plus en plus en évidence. Le
ministre le chargea de graver la Sainte
Famille de Eaphaël, faisant partie de la
collection du cabinet du roi. Cette es-
tampe, un des chefs-d'œuvre du maître,
devait décorer, suivant la coutume du
temps, la thèse du fils de Colbert. On
est tenté de voir dans l'acte qui retenait
Edelinck en France l'influence de Le
Brun ; en fixant le graveur flamand à
Paris, il s'assurait un interprète de pre-
mier ordre pour ses propres composi-
tions. Le graveur, de son côté, ne dut
point regretter ce revirement; en peu
d'années, il avait conquis le premier
rang dans son art : en 1677, il était reçu
membre de l'Académie royale de pein-
ture et de sculpture, qui, peu de temps
après, l'investit des fonctions de con-
seiller. Il avait été présenté au roi par
son protecteur le jour où celui-ci mit
.sous les yeux du monarque la gravure de
la Madeleine repentante, un des meilleurs
ouvrages de Le Brun, dans l'interpréta-
tion duquel le graveur a déployé toutes
les ressources d'un burin sachant allier
la vigiieur au moelleux. A la suite de
cette audience, Edelinck reçut le brevet
d'une pension et le titre de graveur du
roi, avec un logement aux Gobelins. Il
fut encore reçu par Louis XIV à l'occa-
sion d'une autre estampe qui obtint un
très-grand succès et qui reproduit un
tableau de Le Brun : le Christ aux Atigts.
Si le graveur eut à se louer de la pro-
tection du peintre, il ne demeura point
en reste avec lui : au contraire de ce qui
arrive communément, le traducteur, loin
de trahir l'auteur original, l'a puissam-
ment servi; il a conservé à la postérité
de riches et savantes compositions aux-
quelles le pinceau du maître n'aurait
point assuré une telle durée; ce que la
couleur laissait à désirer, le burin du
Flamand l'a ajouté, et c'est ce qui a per-
pétué le succès de ces productions. Ede-
linck a gravé douze tableaux de Le Brun
dont six portraits; il a aussi reproduit
des ouvrages des peintres les plus célè-
bres de son temps et de quelques illus-
tres anciens : de Eaphaël, j'ai cité plus
haut la Sainte Famille d'après ce maître;
de Léonard de Tinci, le fameux Combat
de quatre cavaliers, une des merveilles
de l'art du graveur; du Poussin, de Paul
Yéronèse , de Guido Eeni , de Carlo
^laratte. Son compatriote et ami Phi-
lippe de Champagne lui confia la gra-
vure de neuf de ses tableaux parmi
lesquels : le Moïse, le Christ et la Sama-
ritaine, la Vierge de douleurs, le Roi
Salo7non et son portrait peint par lui-
même, encore un chef-d'œuvre, dont
l'original est au musée de Bruxelles.
Allié par sa femme au célèbre graveur
français Xanteuil, Gérard Edelinck, après
la mort de celui-ci, acheva la magnifique
planche de Moïse proclamant la loi du
Seigneur doymée sur le mont Sinai.
D'autres honneurs encore vinrent con-
sacrer le mérite du graveur; il a signé
plusieurs de ses ouvrages en faisant sui-
vre son nom de la qualification : Fques
romanus. Ses biographes ont négligé de
nous indiquer la date à laquelle il reçut
cette distinction, et à quelle occasion.
Ou trouve, dans le catalogue de ses œu-
vres, deux portraits de papes, celui de
Clément IX et celui d'Innocent XII;
439
EDELINCK
460
mais ce ne sont pas ses meilleurs ou-
vrages, on rapporte même, à l'égard du
dernier, une anecdote qui ferait croire
que l'artiste n'acceptait point celte pro-
duction comme sienne.
Le nombre des pièces gravées par
Gérard Edelinck s'élève, d'après la liste
dressée par M. Robert Dumesnil, dans
le Peintre-graveur français, à trois cent
trente-neuf. M. George Duplessis, dans
le supplément du même ouvrage, en
ajoute une trois cent quarantième. Dans
ce nombre sont comprises les reproduc-
tions des médailles du livre intitulé :
Médailles sur les principaux événements du
règne de Loîiis le Grand Paris, impri-
merie royale, MDCCII. Le nombre de
portraits dus à cet infatigable burin est
vraiment extraordinaire, on en connaît
deux cents, la plupart de grand format
et toujours d'une exécution très-soignée,
soit qu'il reproduisît une peinture, soit
qu'il travaillât d'après le modèle vivant.
Pour l'appréciation du talent de l'ar-
tiste, on peut s'en rapporter aux auteurs
du Dictionnaire de peinture, publié à
Paris en 1792. Voici en quels termes
s'exprime M. Lévesque, au tome II,
page 582 de ce livre :
« On reconnaît en lui le compatriote
« de ces fameux graveurs, élèves de
« Rubens. Son travail, en même temps
Il fier et précieux, annonce un sentiment
u profond de la couleur. Son burin est
Il plus soigné que celui des Yorsterman,
Il des Bolswert, sans être moins pitto-
« resque; mais, chez lui, le soin ne
« dégénérait pas en petitesse et n'en-
« traînait pas cette longueur de temps
Il que les graveurs mettent aujourd'hui
« à leurs ouvrages, qui leur inspire
Il l'ennui de leur art et amène avec lui
il la froideur. La grandeur et le nombre
« de ses estampes témoignent de son
« étonnante facilité. Que l'on jette un
Il coup d'oeil rapide sur sa Madeleine
« pénitente, on en admire l'efi'et, l'ex-
* pression, la propreté; qu'on la regarde
" plus attentivement, on est étonné de
« la hardiesse de touche qui y répand
» un esprit de vie. Ce secret semble
» être mort avec lui pour les graveurs
» au burin. Le Brun, dans cette estampe.
Il paraît grand coloriste, et l'on doit
Il avouer que ce très-habile maître, tra-
« duit par Edelinck, semble avoir eu
Il des perfections qui lui manquaient.
« Edelinck n'a pas fait d'ouvrages
« médiocres; on trouve dans tous de la
Il chaleur: toutes ses têtes sont vivantes.
// On compte entre ses chefs-d'œuvre la
Il Sainte Famille d'après Raphaël, la
Il Famille de Darius devant Alexandre,
Il la Madeleine et le Christ aux Jnyes,
Il d'après Le Brun; les portraits de
'/ Desjardins, de Le Brun, de Rigaud ;
Il mais de toutes ses estampes, c'est au
u portrait de Philippe de Champagne
Il qu'il donna la préférence, et on ne
" lui refusera pas la qualité de connrtis-
« seur. Sa Sainte Famille est plus vantée
Il que tout le reste, parce que c'est le
Il premier ouvrage qui ait fait sa répu-
« tation : on continua, lorsque l'auteur
Il se fut surpassé lui-même, à répéter
Il les éloges qu'on avait d'abord donnés
u à cette estampe, qui est, en eflet,
Il d'une grande beauté. »
La France, qui n'a jamais fait de
difficulté à donner droit de cité aux
artistes éminents qui lui sont venus du
dehors, fait figurer Gérard Edelinck au
nombre de ses illustrations. Les écri-
vains de cette nation se sont trouvés
d'autant plus à l'aise pour lui prodiguer
des éloges bien mérités assurément; on
ne doit point trop les chicaner sur la
prétention que plusieurs d'entre eux
mettent en avant, essayant d'établir que
le graveur flamand a été formé à l'école
de quelque artiste français. Il suffit de
voir une des belles estampes d'Edeliuck
pour reconnaître son origine; il est le
légitime descendant des illustres maî-
tres qui ont mérité la dénomination de
graveurs de Rubens. Il résume en lui
tous les progrès de cette brillante et
vigoureuse école, unissant la grâce à
l'énergie et surtout conservant cette
faculté essentiellement flamande de re-
produire les effets du coloris.
Gérard Edelinck mourut le 3 avril
1707 et fut inhumé à Saint-Hippolyte,
paroisse des Gobelins, oîi l'on sait que le
roi lui avait donné un logement et le
titre de professeur perpétuel de l'Aca-
4C1
EDELINCK — EERSEL
462
demie annexée à cet établissement pour
l'instruction des tapissiers.
Le dernier ouvrage qu'il a laissé est la
suite de quatorze statues de Versailles,
d'après les dessins de Chaufourier;
douze seulement étaient achevées lors du
décès du graveur; il n'existe qu'une
seule épreuve d'essai des deux autres
non terminées.
Son protecteur, le ministre Colbert,
avait négocié son mariage avec Mlle E.e-
gnesson, tille d'un riche graveur; c'est
par cette union qu'il se trouva l'allié de
Xanteuil, un des plus célèbres graveurs
français, qui, le précédant dans la tombe,
eut pour héritière sa nièce, l'épouse du
graveur anversois.
Edelinck eut plusieurs enfants qui
lui furent enlevés en bas âge, à l'excep-
tion de deux : une fille qui épousa Jean
Chaufourier, dessinateur-paysagiste, et
un fils, Nicolas, qui montra quelques
dispositions pour la gravure.
Ce fils, né en France, d'un père na-
turalisé français et d'une mère française,
peut d'autant moins trouver place dans
la Bioyraph'ie nationale de la Belgique,
qu'il reçut toute son éducation dans son
pays natal, qu'il ne cessa d'habiter jus-
qu'à sa mort. i,. Aivm.
EDELi:\'t'K {Jean), graveur anver-
sois. On ignore la date précise de sa
naissance; il mourut, selon Mariette,
en 1680; mais comme on connaît celle
de son entrée en apprentissage chez le
graveur Huybrechts (en 1658;, c'est-à-
dire six ans après son frère Gérard,
on peut en conclure qu'il était plus
jeune que celui-ci. On a toutefois sup-
posé le contraire, parce que Jean fut
le premier des deux qui s'expatria et
qu'il habitait déjà Paris quand son frère
aîné le vint retrouver. C'est aux succès
et au talent éminent de ce dernier qu'il
doit l'honneur de participer à l'illustra-
tion du nom qu'il portait; son talent
personnel ne l'eût point sauvé de l'oubli.
Jean a gravé d'après des maîtres italiens,
français et hollandais. Il a aussi exécuté
des planches destinées à illustrer des
livres, notamment les Tragédies et autres
poésies latines du Père La Rue (Rueus)
de la société de Jésus.
Mariette dit qu'il mourut à Paris en
1 6 8 0 . Il avait laissé inachevée la planche
du Déluge d'après Alexandre Veronèse.
C'est son plus jeune frère Gaspard qui
l'acheva sous la direction de Gérard.
L. Alvin.
E OE L.I .%c K ( Gaspard-Fran çois) . Le
dernier des quatre fils de Bernard, gra-
veur, né a Anvers le 18 noveml)re 1652,
mort à Paris en 1722. Il reçut des leçons
de ses deux frères Gérard et Jean. Il ne
doit pas avoir fait de grands progrès,
puisqu'il abandonna l'art de bonne
heure pour se livrer à d'autres occupa-
tions. Il n'a laissé aucun ouvrage digne
d'être mentionné, si ce n'est une œuvre
de son frère Jean, qu'il termina après la
mort de celui-ci (1680), avec l'aide de
son frère Gérard. On n'a pas conservé la
date du décès de Gaspard-François.
L. Alvin.
EDMOifD DE DYKTER, fonction-
naire et historien, né vers 1375, mort
le 17 février 1448. Voir dyxter
{Edmond de).
EECKEii {Jean - Baptiste) , écrivain
dramatique, prédicateur, né à Liège,
vers 1552, mort en 161.3. Voir glex
{Jean- Baptiste) .
EErKMAU {Edouard), dessinateur,
graveur sur bois et en camaïeu, vit le
jour à Malines dans la première moitié
du xviie siècle. Il quitta sa patrie pour
se rendre à Paris, où il s'appliqua à
graver d'après J. Callot. Il travailla
également d'après L. Bussink et d'après
A. Bosse. Ses planches, ornées de figures,
sont exécutées avec délicatesse. Selon de
Marolles, l'œuvre d'Eeckman consiste
en 105 pièces; le Manuel de V amateur
d'estampes n'en cite cependant que trente-
sept. Emmanuel Nwffs.
Nagler, IV, 70, yeuea allijemcines kiinsiler
Lexicon. ~ Cli \.t^\Sinz, Manuel de l'aiiiaieiir
d'estampes, 18oS. Basan, Dirtuninaire dex
(jraveurs (Bryan, 1, 374 ; Gaii, I, 181 .— lSio(/ra-
phie générale, Didot, etc.).
EERHEL {Govard-Gérard), seizième
évéque de Gand, né à Anvers le 28 dé-
cembre 1713, mort à Gand le 24 mai
1778. Après avoir achevé brillamment
ses humanités, il étudia la philosophie à
Louvain, à la pédagogie du Porc, et y
463
EERSEL
464
fut proclamé premier " au concours de
1734. La suite de ses études ne démentit
point cet heureux début : il fit ses
licences en théologie et en droit aux
applaudissements de ses professeurs. En
17-i2, il fut pourvu d'une prébende de
chanoine gradué à la cathédrale de Gand,
devint, dès l'année suivante, archidiacre,
examinateur synodal et député du clergé
aux états de Flandre. Ses talents se
rehaussaient encore par une intégrité,
une prudence et une exactitude rares,
aussi l'impératrice Marie-Thérèse lui
conféra la dignité de prévôt de Saiut-
Bavon, dont il prit possession le 27 mai
1765.
L'évêque Maximilien Yander Xoot,
accablé d'infirmité, et ne pouvant plus
remplir seul les devoirs de l'épiscopat,
appela Yan Eersel à remplir les fonc-
tions de vicaire général (1767), et le
chapitre à son tour le nomma vicaire
capitulaire lors de la mort du prélat. Il
devait bientôt remplacer celui-ci; le
30 avril 1773, le pape Clément XIV
l'éleva au siège épiscopal de Gand. Sa
charité, ses sentiments évangéliques, sa
foi ardente ne tardèrent pas à se mani-
fester. Il publia des instructions tendant
à réformer les mœurs , à préconiser
l'obéissance du clergé au pouvoir tem-
porel, et, plus particulièrement, à com-
battre le paupérisme, la mendicité,
sources d'une foule de désordres sociaux .
Il ne se bornait point à écrire à ce sujet
une excellente exhortation, qui fut pu-
bliée par le comte Yilain XIIII,àrépoque
où l'on fondait la maison de détention de
Gand, mais il combattait par ses lar-
gesses le fléau qu'il signalait, et consa-
crait chaque année à cette réforme des
sommes considérables. Gand ne possé-
dait alors aucun grand hospice pour les
pauvres vieillards : quelqiies établisse-
ments isolés et restreints venaient seuls
en aide à la misère et à la vieillesse.
Yan Eersel travailla ardemment à com-
bler cette singulière et regrettable lacune
dans une ville aussi populeuse. Ayant
obtenu en location les vieux bâtiments
de la cour de Saint-Antoine {Hof van
Sinte-Anto)ims), qui n'abritaient plus
cfu'un petit nombre d'indigents, il trouva
un moyen aussi simple qu'ingénieux afin
de recueillir des ressources financières
pour réaliser ses charitables intentions.
A cet efiet, il fit préparer dans son
palais un souper somptueux, auquel il
convia la noblesse, les principaux né-
gociants et les notables de la ville. Yers
la fin de ce banquet, quand il s'aperçut
que ses convives se trouvaient dans des
dispositions favorables, il leur peignit,
avec une chaleureuse éloquence , la
triste condition des ouvriers qui, après
une honnête et laborieuse existence, se
trouvaient réduits, en raison de leurs
infirmités, à vivre pêle-mêle avec les
vagabonds qui pullulent dans toutes les
grandes villes. Habitant de Gand, comme
vous tous, dit-ilj je veux avoir ma part
des charges que cette qualité impose, et
pour soulager tant de misères, pour
venir en aide à tant de malheureux, je
vous demande de nous entendre, de nous
unir; les moyens secourables se trouvent
en nos mains : faisons une souscription
en faveur de nos pauvres, et notre au-
mône collective sufira à atténuer tous
les maux que nous déplorons.
On ne pouvait rester sourd à une
pareille exhortation; tous les convives
parurent disposés à se montrer bienfai-
sants; et le prélat, prenant l'initiative,
s'inscrivit le premier pour 20,000 flo-
rins. C'était prêcher d'exemple. Cent
mille florins furent recueillis ce jour-là,
et la contagion de la bienfaisance ga-
gnant de proche en proche, on réunit en
quelques semaines les fonds nécessaires
à entretenir quatre cents pauvres vieil-
lards des deux sexes. Plus tard, la ré-
gence de Gand vendit définitivement le
local au nom de G. van Eersel, du baron
Yander Meersch de Berlaere, du sieur
Moeraert, et l'hospice aujourd'hui si
important, fut fondé. Il devint ensuite
la propriété des hospices civils de Gand;
grâce aux libéralités successives qui y
ont été faites et à la sage direction, il
est aujourd'hui un modèle pour les éta-
blissements de bienfaisance. C'est comme
fondateur de cette belle institution cha-
ritable que le nom de Vau Eersel mérite
d'occuper une place spéciale dans la
BiograpJiie vatiovaîe.
465
EERSEL - EESBEECK
46fi
Par son testament, le pienx évêque
légua des sommes considérables aux
indigents, entre autres une somme de
dix-huit mille florins de Brabant aux
pauvres impotents des deux sexes placés
à la cour Saint-xVntoine ; il laissa sa
bibliothèque au séminaire épiscopal et
fonda aussi des bourses d'études à l'uni-
versité de Louvain.
On voit dans la cathédrale de Saint-
Bavon le monument érigé en l'honneur
de Van Eersel, monument pour lequel
le sculpteur Ch. van Poucke exécuta la
statue de la Charité, et F.-.T. Janssens
la statue allégorique de la Toi. La sé-
pulture et l'épitaphe du prélat se trou-
vent dans la crypte, et son portrait,
travaillé en mosaïque est incrusté dans
le monument.
Aiig. Vinilrr MciTsch.
Hellin, Histoire chronoloçfiqiie du chapitre de
Siiiul-Hninni, t. I. — Van Beuu'liein, Oralio in
lidtere C. (i. Van Eeisci. — Vandfnelde, Synop-
sis ttiottuiiientorinii, i. Il, p riol et toine III.
]). SCO. 1)0 lîruii, Sfinodicum Beliiicum Gand ,
p. 40a. — Heljbelynck, }\olice biof/raphique (pu-
bliéi! ilans le Messager des sciences historiques,
aiiniV" 1844 ,
KKSBF.ECti. {HoHoré- Henri o'j, dit
V.WDER Haghek, seigneur de Pdviere-
d'Arschot, etc., magistrat et homme
d'Etat, fils de Henri d'Eesbeeck dit
Valider Haghen, qui fut successivement
écheviu et trésorier de Bruxelles. Il
naquit en cette ville le 8 octobre 1659.
Sa famille, originaire du Brabant, était
noble et ancienne. D'Eesbeeck débuta
dans la carrière judiciaire comme avocat
au conseil de Brabant. Il ne tarda pas à
se faire remarquer par son mérite. Le
grand conseil de Malines le proposa,
avec deux autres candidats, pour une
place de conseiller, devenue vacante
dans son sein. L'électeur de Bavière,
gouverneur général des Pays-Bas, donna
la préférence à d'Eesbeeck, qui fut
nommé par lettres patentes du 7 no-
vembre 1696. En 1707, il obtint la
charge de surintendant de la justice mi-
litaire, sans cesser de remplir ses fonc-
tions au grand conseil. On se trouvait
alors au milieu de la guerre pour la suc-
cession d'Espagne. La plus grande partie
des Pays-Bas avait été conquise par les
alliés. Laconférence, qui représentait les
deux puissances maritimes à Bruxelles,
sut apprécier les talents du conseiller
d'Eesbeeck et le fit entrer au conseil
d'Etat, établi par ces puissances pour le
gouvernement de nos provinces (1711).
Mais les ministres anglais et hollandais
ayant voulu imposer aux membres du
conseil un serment qid les eût assujettis
à toutes leurs réquisitions, parfois très-
préjudiciables aux intérêts du pays,
d'Eesbeeck donna sa démission avec ses
collègues, et reprit ses fonctions au
grand conseil, car ce fut sous cette ré-
serve qu'il avait accepté un siège au
conseil d'Etat. Il ne tarda pas à être rap-
pelé à Bruxelles. Après la paix d'L'trecht,
qui mit l'empereur Charles VI en pos-
session des Pays-Bas, le comte de Konig-
segg, ministre plénipotentiaire de ce
monarque à Bruxelles, jeta les yeux sur
d'Eesbeeck et lui confia la direction et
l'expédition de toutes les affaires qui
étaient du ressort des anciens conseils
d'Etat et privé. D'E-esbeeck s'acquitta
de cette tâche difficile d'une manière
qui lui valut l'entière approbation du
comte. Sous le ministère du marquis
de Prié, qui succéda à KiJnigsegg, il fut
chargé de fonctions tout aussi élevées et
fit partie du conseil privé. Il assista le
marquis dans les affaires les plus im-
portantes du gouvernement, surtout lors
des troubles qui éclatèrent à Bruxelles
et qui eurent pour dénoûment l'exécu-
tion du doyen Anneessens. Il s'attira
ainsi la haine du peuple et dut se mettre
en sûreté avec sa famille. La maison
qu'il occupait n'échappa que par hasard
au pillage. D'Eesbeeck n'en resta pas
moins le serviteur dévoué du pouvoir.
Xous le retrouvons siégeant comme con-
seiller de robe longue au conseil d'Etat
institué par un diplôme de l'empereur
du 29 mai 1718, diplôme qui donna une
nouvelle forme au gouvernement du pays.
En 1724, Charles VI l'appela à Vienne
et le nomma du conseil suprême des
Pays-Bas. Enfin, l'année suivante, il ré-
corçpensa ses longs et fidèles services par
la charge émiuente de chancelier du con-
seil de Brabant (pat. du 18 juin) et en
l'honorant du titre de vicomte. D'Ees-
beeck occupa cette charge pendant près-
1
467
EESBEECK - EGAS
468
que toute la durée du gouvernement,
peu marquant dans notre histoire, de
l'archiduchesse Marie-Elisabeth, sœur de
Charles VI. Le vicomte d'Haghen, car
tel est le nom qu'il porta dès 1725,
mourut à Bruxelles le 1er juin 1739. Il
fut inhumé dans l'église des PP. Augus-
tins, où il s'était fait ériger un beau
mausolée, portant une épitaphe qui rap-
pelait les traits principaux de sa car-
rière. Sa femme, Cornélie-Pauline Ku-
bens , descendait en ligne directe du
peintre. Le chancelier d'Eesbeeck n'a
pas écrit, que nous sachions, des ou-
vrages sur le droit ni d'autres. Toute-
fois, il existe de lui, dans les Archives
du conseil de Brabant (archives du
royaume), la minute d'un mémoire sur
un point de l'ancien droit brabançon.
L. Galesloot.
Biographies mamtscriies des membres du con-
seil privé et du conseil de Brabant. — Biilz,
Mémoire sur l'ancien droit belgique.
EG.4.«» {Anequin de), de Bruxelles,
architecte, mort à Tolède en 14-94. Les
écrivains espagnols sont les seuls qui
parlent de ce grand artiste, sur lequel
rien n'a encore été découvert en Bel-
gique. Seulement, comme Anequin ou
Hans est évidemment une forme dif-
férente du prénom Jean et que Ega
signifie chêne en espagnol, on a supposé
qu'il s'appelait en réalité Jean Vander
Eycken. Or il a existé dans notre pays
deux tailleurs de pierre et architectes
de ce nom : l'un, qui fut le dernier des
maîtres des maçonneries de la collégiale
de Sainte-Gudule et qui travailla à
l'achèvement de cette église en 1491 et
1499, le même sans doute que le Jean
Vander Eecken, de Bruxelles, auquel
s'adressèi'ent les magistrats d'Audenarde
en 1505, pour obtenir un modèle d'hôtel
de ville; le même encore qui, sous le
nom de maître Vander Eycken, fut puni
d'amende, à Bruxelles, en 1509, pour
ne pas avoir observé le règlement de
police sur la chaux ; l'autre Vander
Eycken, antérieur d'un demi- siècle,
qui, en 1448, exécuta quelques modèles
pour les tailleurs de pierre travaillant
à l'hôtel de ville de Louvain et qui était
payé à l'égal de l'architecte de cet édi-
fice, à raison de 12 plaques par jour,
selon Van Even {Les Artidefi de Vhôtel
de ville de Louvain, p. 24).
Ne serait-ce pas ce dernier qui, ayant
quitté le pays, serait allé en Espagne.''
Là, en 1459, il est chargé, en qualité de
maître des œuvres de l'église primatiale
de Tolède, de diriger les travaux qui
s'y effectuent, et c'est lui, notamment,
qui élève la célèbre porte des Lions,
avec l'aide d'un grand nombre d'hommes
de talent, la plupart ses compatriotes,
tels que Jean et Pierre Guas, François
Arenas ou Vande Sande, François de
Las Cuebas, etc. Une grande partie de
l'édifice, où le style flamboyant se dé-
ploie avec une grandeur qu'il atteignit
rarement, est due probablement à Egas,
qui resta en fonctions jusqu'en 1494,
époque de sa mort. Mais on regarde
comme son chef-d'œuvre la porte dont
nous venons de parler et qui offre une
ressemblance marquée avec plusieurs
portails de la Belgique, sauf que la
décoration en est beaucoup plus riche.
" Cette façade, dit M. Jean Rous-
» seau, doit son nom à une grille dont
« les intervalles sont remplis par six
c colonnes surmontées chacune d'un
« lion tenant un écusson dans ses griffes. «
..." A écrire, à nommer, ou seulement à
u compter les anges, les saints et les
» prélats qui fourmillent dans les ni-
« ches et sur les piédestaux de cette
« façade, le pied en prendrait racine
" devant cette admirable porte, écrit
» M. de la Tour, dans son Voyage en
1 Espagne. •< Péjà Antonio Ponz, dans
son Fiage de Espana, avait signalé la
façade de la cathédrale de Tolède comme
une merveille d'exécution.
Jean de Egas eut un fils, architecte
hors ligne et qui parcourut une brillante
carrière. Il s'appelait Hendrique de
Egas et souvent on le nommait et lui-
même signait simplement Hendrique.
Dès l'année 1495, il fut appelé à rem-
plir l'emploi, que son père avait occupé,
d'architecte de la cathédrale de Tolède,
et il l'occupa jusqu'en 1534. En 1504,
l'archevêque de Saragosse, don Alonso
d'Aragon, avait désiré qu'il se chargeât
de restaurer le clocher de l'église de la
469
EGAS
170
?eu, clans cette ville, clocher dont on
craignait l'écroulement , mais Henri
s'excusa sur ce qu'il avait reçu du roi
Ferdinand l'ordre de s'occuper de la
construction du grand hôpital de Saint-
Jacques de Corapostelle. En 1516, on
le trouve à Séville, visitant les voûtes
que l'on élevait au clocher de la grande
église, et trois ans après, il revient
inspecter ces constructions, auxquelles
il donna son approbation. Ce fut lui qui,
en 1519, ouvrit des jours dans la cha-
pelle mozarabe de Tolède, dans la partie
au-dessus de laquelle on édifia, un siècle
plus tard, la lanterne ou dôme vitré, dit
de Theotocopouli. Il alla encore exami-
ner, en 1520, la cathédrale de Sara-
gosse; en 1522, celle de Salamanque;
en 1528, celle de Malaga, et mourut
en 1543.
Il serait difficile de retrouver dans
ces différents édifices, répandus sur
presque tous les points de l'Espagne, ce
qui appartient en propre à Henri de
Egas; il n'y fit guère que compléter ou
corriger la pensée d'autrui, et souvent il
avait, pour ces missions, des collègues,
avec les idées desquels il devait compter.
Par bonheur, il nous est resté de lui
deux productions merveilleuses, où son
talent a pulibrement s'épanouir.. Te veux
parler du grand Collège de Valladolid et
de l'Hospice des enfants abandonnés de
Tolède, ce dernier converti aujourd'hui
en Ecole militaire. Le cardinal Petro
Gonzalez, de Mendoza, archevêque de
.Tolède, à qui l'on doit la fondation de
l'hospice, avait chargé Anequi'i de Egas
d'en donner les plans et d'en diriger la
construction, mais la mort empêcha l'ar-
chitecte bruxellois de s'occuper de ce
travail, qui fut donné à son fils et réa-
lisé par lui de 1504 à 1514. On peut
dire, déclare un critique, que la nature
avait doué celui-ci d'un sentiment ex-
quis de l'élégance. S'emparant d'une
idée nouvelle en architecture, il réussit
à lui donner, pour ainsi dire, la vie, et
la force à s'épanouir en un temps donné,
en se montrant dans toute la richesse de
sa floraison.
Il sait combiner la régularité et la
grâce gréco-romaine avec les poétiques
fantaisies du style mozarabe. Ses qua-
lités, il les déploie surtout dans l'exécu-
tion de la porte principale de l'hospice,
vrai bijou d'architecture et dans un
escalier monumental , d'un eflét sans
pareil. La façade du collège est égale-
ment d'une beauté achevée et le tom-
beau du cardinal Mendoza, dans la ca-
thédrale de Tolède, une œuvre des plus
réussies du genre dit plateresque.
Ce deuxième Egas était-il Espagnol
ou Belge? Il faudrait, pour décider cette
question, connaître l'âge auquel il par-
vint et s'il était déjà né en 1459, date
de l'apparition de son père en Espagne.
Disons seulement qu'il y avait en Bel-
gique, au xve siècle, un maître tailleur
de pierre du nom de Henri Vander
Eyckfn; il entreprit en 1445, des four-
nitures de matériaux pour l'hôtel de ville
de Louvain. Nous trouvons à Bruxelles,
parmi les jeunes gens qui se fiancèrent
dans l'église Saiute-Cîudule, à la date
du 1er août 14S4, Henri Vander Eycken
et Catherine Vander Beken ; au 2^ août
14S5, Pierre Vander Eycken et Suzanne
Popeliers.
Henri de Egas ne fut pas le dernier
représentant de sa famille. Après lui
apparaissent ses fils Diego et Pierre.
Le premier exécuta, avec Melchior de
Salmeron, les ornements et les sculp-
tures de la chapelle que l'on construisit
dans la cathédrale de Tolède et du mau-
solée splendide, dit des nouveaux rois,
que l'on y plaça avec l'autorisation de
Charles-Quint. Diego et Melchior s'en
acquittèrent à la satisfaction du cha-
pitre de la cathédrale et de l'architecte,
Alonzo de Covarrubias. Le sarcophage
du roi Jean II est regardé comme un
chef-d'œuvre. Quant à Pierre de Egas,
il était peintre, et dirigea, avec Jean de
Bourgogne, la peinture du grand reta-
ble de la chapelle dont nous venons de
parler , peinture exécutée par François
de Coraontes, en 1537. Il fut en outre
l'un des experts chargés d'examiner
l'exécution des peintures dont on avait
orné les portes des orgues du même
temple. Alphonse Wautci s.
Pons, Viage de Espana, t. I. — Bermudez,
Moticiua de los archiiecios de Espana, t I, p. 133-
4TI
ËGAS — EGINHARÎ)
À1^2
Joo el passiin.— Magasin pilloresque, XI<^ année,
p. 314. - Rousseau, L'Espagne monumentale. De
quelques maîtres flamands \Bulleiin des commis-
sions d'art ei d'archéologie, IX<= année, p. o-26
et suiv.,. — SchoY, Histoire de l'injluence ita-
lienne sur l'arcliitecture dans les Pays-Bas,
p 48.
KGCiERT {Guill.), financier, homme
d'Etat, né probablement à Gand vers
1340, mort le 15 juillet 1417 ; quelques
biographes le croient originaire de Wa-
terland. Les données sur ses premières
années manquent; on le trouve citoyen
d'Amsterdam, y remplissant les fonc-
tions d'échevin, pourvu d'une fortune
colossale et en haute faveur auprès de
Guillaume VI, auquel il vint en aide en
lui fournissant des sommes considéra-
bles, lorsque, en 1392, celui-ci dut
s'enfuir du trône de son père, le duc
Albert de Bavière. Guillaume se souvint
de ces bienfaits; à peine parvenu au
pouvoir, un de ses premiers actes fut de
nommer Guillaume Eggert, conseiller
de la ville d'Amsterdam, écuyer et tré-
sorier de Hollande. Eggert fut de noii-
veau dans le cas de rendre de grands
services à ce prince en mettant de l'ordre
dans ses finances, fort obérées par suite
de dépenses excessives. Guillaume estima
hautement les mérites d'Eggert; il lui
donna des marques de sa confiance en le
chargeant de négocier la trêve de trois
ans (26 avril 1414). Dans cette circon-
stauce, Eggert se montra à la hauteur de
sa tâche et fit preuve de connaissances
étendues en diplomatie.
Eggert n'était point d'extraction no-
biliaire; mais, grâce à sa grande for-
tune, il se fit construire un château
somptueux au Purmer-meer, et le luxe
étalé par lui y attirait tant d'habitants,
qu'il devint le fondateur de la ville de
Purmerend, seigneurie qui lui fut con-
cédée ainsi que celle de Purmerland par
Guillaume A'I, qui lui accorda aussi
d'importants privilèges pour la ville
d'Amsterdam. Cette ville lui a beau-
coup d'obligations : il y fonda, entre
autres, en 1414 la Xouvelle-Eglise et
puis, concurremment avec son fils Jean,
le collège théologique. Il demeurait alors
à Amsterdam, sur le Pam.
!Sa faveur était grande auprès de Guil-
laume VI, qui le combla d'assez d'hon-
neurs pour rendre la noblesse envieuse;
aussi ne laissa-t-elle échapper aucune
occasion de lui rendre la vie désagréa-
ble. Mais le prince lui prouva sa recon-
naissance en déclarant aux nobles qu'il
leur recommandait d'une manière toute
spéciale son ami Eggert, et qu'il s'en
prendrait à eiix si une tuile seulement
venait à lui tomber sur la tête et lui
occasionnait des blessures. Il mourut à
Purmerstein et, si l'on peut en croire
quelques-uns de ses biographes, il mou-
rut par suite des chagrins que lui cau-
sait l'aristocratie. Son corps fut trans-
porté à Amsterdam et enterré dans la
Xouvelle-Eglise^ dans la chapelle nom-
mée Guillaume Eggert, où son épitaphe
est encore conservée. Il existe un por-
trait de Guillaume Eggert.
Aug. Valider Meeisch.
Vander Aa, Biographisch woordenboek, et les
ouvrages cités par cet auteur.
EGIDE »E G.%:\'D, philosophe, phy-
sicien, né à Gand. xiiie siècle. Voir
Gilles de Gaxd
EC:i:%'UARD ou plutôt EllIUAnD,
car il signait Eixhardus, historien,
vécut au ixp siècle et mourut en 844,
d'après la chronique de Saint-Bavon. On
manque de données exactes pour établir
l'époque de sa naissance; mais comme
il raconte qu'il fut élevé avec les en-
fants de Charlemagne, nous pouvons
supposer qu'il était du même âge qu'eux;
ainsi, en admettant qu'il soit né de 770
à 775 (1), on fixe une date probable,
attendu que le fils aîné de Charlemagne,
Pépin, naquit en 770. Le lieu de sa
naissance n'a pu être rigoureusement
déterminé; certains biographes suppo-
sent qu'il est né au pays de Liège,
d'autres affirment qu'il naquit dans
l'Odenwald, canton du grand-duché de
Hesse-Darmstadt; quoi qu'il en soit,
une grande partie de son existence se
rattache à l'histoire de la Belgique et
celle-ci peut le revendiquer comme étant
tm de ses enfants. La haute naissance
d'Eginhard ne peut guère être mise en
(I) Cette dernii're (laie est donnée par A Butler
(édit. 1834), t. Ml, p. -118 noie.
473
EGINHARD
-iT4
doute ; il appartenait probablement aune
de ces familles illustres dont les enfants
fréquentaient l'école palatine d'Aix-la-
Chapelle, dirigée par le célèbre Alcuin,
et où les fils de l'empereur recevaient
également l'instruction. « Quem Carolus
princeps propria aula nutrivit « dit Ra-
ban Maur dans l'épitaphe d'Eginhard.
Cette école, fondée en 788, en vertu de
la célèbre constitution : » Constitutio de
scholis per singula episcopia et monas-
teriainstituendis(l) «, marque la renais-
sance des lettres au moyen âge. r)'aprôs
Alcuin lui-même, Eginhard fit de ra-
pides progrès dans les lettres grecques
et latines, ainsi que dans les sciences
exactes. Deux détails nous le prouvent,
du reste : Alcuin ayant adressé quelques
problèmes de mathématiques à Charle-
magne, celui-ci s'en reposa sur Egin-
hard pour les expliquer; et c'est encore
Eginhard que Loup de Eerrières, dans
sa quatrième lettre, consulte sur quel-
ques difficultés du premier livre de
l'arithmétique de Booce'(2). L'école pa-
latine avait adopté une coutume qui eut
des imitateurs plus tard : au seuil de
l'école, chacun quittait son nom mon-
dain pour en prendre un autre emprunté
à l'antiquité; ainsi Charlemagne prit
celui de David, Alcuin celui de Flaccus,
Angilbert celui d'Homère, Eginhard
reçut le nom de Bezéléel : or, ce Bezé-
léel était, d'après l'Ecriture, un neveu
de Moïse, auquel Dieu avait accordé,
avec le don de la sagesse, l'aptitude né-
cessaire à travailler le bois et tous les
métaux destinés à l'Arche et au Taber-
nacle. Ce surnom fut comme une pré-
destination ; car plus tard, Eginhard fut
préposé par Charlemagne à l'exécution
des travaux publics dans ses immenses
Etats. C'est seulement sur la foi du car-
tulaire de Lorsch, formé à la fin du
xii^ siècle, qu'on a cru qu'il avait été
notaire et archichapelain de Charle-
magne (3); s'il avait occupé ces em-
d; Baluze, I, iJOl-202.
{•2 Alcuini Opéra, Edit. Foppens, 1, l2o. —
Teiilcl, Œuvres complètes d'Eginhard, Paris,
18'.:i. II,XCIV etl69-l7;i
(A) De Wailly, Eléments de Paléoriraphte,
a (lre.-sé, d'après les acies authentiques, une liste
complète des notaires de Cliarleiiiaene et de ses
chanceliers ; le nom dEf,'inliard ne s y trouve pas.
plois, Raban ^laur, son contemporain,
qui composa son épitaphe, n'aurait pas
manqué d'en faire mention, et comme
il n'en dit rien, ou peut supposer que
cette croyance est sans fondement. En
802 ou 803, le nom d'Eginhard ap-
paraît pour la première fois dans un
acte public, oii il est cité parmi les
grands chargés de la garde des otages
saxons, et qui devaient les représenter
à l'assemblée de Mayence (4). En 806,
il reçut la mission d'aller porter au pape
Léon l'acte de partage des Etats de
Charlemagne, afin que le pontife y appo-
sât sa signature. En 813, ce fut lui
qui, dans l'assemblée solennelle d'Aix-
la-Chapelle, d'après le témoignage d'Er-
moldus Xigellus (.5), provoqua la décla-
ration par laquelle Charles associa son
fils Louis à l'empire. On rapporte qu'il
proposa à Charlemagne de joindre la mer
d'Allemagne, la Méditerranée et la mer
Xoire, au moyen de deux canaux, dont
le premier aurait communiqué de la
Moselle à la Saône, et le second du
Rhin au Danube. Il est permis de croire
avec Yan Lokeren (6), qu'il obtint les
deux abbayes de Saint-Pierre au mont
Blandin (faussement appelée Rlandigny
par les auteurs français) et de Saint-
Bavon à Gand, dès l'année 811, lorsque
l'empereur vint avec lui dans cette ville
pour inspecter les navires qu'il y faisait
construire, afin de préserver les bouches
de l'Escaut des invasions des pirates
normands. Ce qui est hors de doute, c'est
que cette donation est antérieure à l'an-
née 814, époque de la mort de Charle-
magne. Mais on se trompe, croyons-nous,
en attribuant à Eginhard la reconstruc-
tion de l'abbaye de Saint-Bavon : cette
reconstruction avait été commencée par
son prédécesseur Briddo ; on est en droit
seulement de supposer qu'il l'acheva,
attendu qu'en 819, le monastère se
troixvait tout à fait en état (7). Louis,
devenu seul maître de l'empire, confirma
;'»; I*crtz, Scriplores, II, 427.
îi, Teulet, II, Piec. jnstif., VII.
;6l Histoire de l'abbaye de Saint- Ho roii, Iti —
Cartulaire de l'abbaye de Saint-Pierre au moni
Blandin. I, 2« part , XLVIil
(7) Van Lokeren, Hisl. de l'abbaye de Saini-
Bavon, lo et 16.
475
EGINHARD
476
Eginhard dans son emploi de chef des
travaux publics (1), et, en 817 ou peu
après, le nomma gouverneur de Lothaire,
quand il associa celui-ci à l'empire (2).
Le 11 janvier 815, l'empereur lui donna
les deux domaines de Mulinheim ou
Ober-Muhlheim, près de Mayence, et
de Michelstadt, dans l'Odeuwald, pour
en jouir, hii et ses héritiers. C'est à
Mulinheim qu'Eginhard se retira peu
après la mort de Charlemagne; il ne
quitta plus sa retraite que pour paraître
de temps en temps à la cour, ou dans
de graves occasions, par exemple, quand
il se rendit à Compiègne, afin de s'op-
poser aux tentatives criminelles de Lo-
thaire contre son père. C'est à Mulinheim
que, de 815 à 820, il s'occupa d'écrire la
vie de Charlemagne, et qu'il fonda une
congrégation de prêtres séculiers chargés
du service divin dans cet endroit. Le
2 juin 815, il obtint de Louis la con-
firmation des privilèges d'immunité ac-
cordés par Charlemagne à l'abbaye de
k^aint-Pier^e au mont Blandin (3j. C'est
à l'époque d'Eginhard qu'appartiennent
les registres territoriaux et les livres
censuels de l'abbaye de Saint-Pierre, si
précieux pour l'étude des mœi^rs sous
le régime des Carolingiens. iS'os deux
abbayes furent les premières que posséda
Eginhard; mais cette possession n'im-
pliquait pas l'idée qu'il fût moine; pen-
dant longtemps, en efi'et, il fut abbé
bénéficiaire ou commendataire. Il eut
encore plusieurs autres maisons reli-
gieuses, car le cumul, bien que défendu
par les canons, était toléré alors; ainsi
en 817, Eginhard reçut l'abbaye de
Fontenelle ou de Sainte-Waudrille dans
le diocèse de Eouen, qu'il céda, en 823,
à son ami Anségise (4); le monastère de
Saint-Servais à Maestricht lui appartint
au plus tard depuis 819 ou 821; du
moins on est autorisé à le croire d'après
une charte d'affranchissement accordée
à ^Meginfrid (5). Il posséda aussi le mo-
nastère de Saint-Cloud ; nous ignorons
(1; Cfiroviqne (le Fontenelle.- Tcu\ei,\l Pièces
jii.siif., VIII.
iâ) Letire d'Eginliard à Lnthaire, dans Teuitt,
11 54.
(8; Miraeus, !, ii'A. — Van Lokercn, Ontulaire
de Saint-Pierre, I, I, 15.
OÙ était située cette maison ; un passage
de son Histoire de la translation des
reliques des SS. Pierre et Marcelin, nous
apprend toutefois que ce n'était pas près
de Paris (6) Antérieurement à 828,
l'église de Saint - Jean - Baptiste - des-
Dames à Pavie lui fut également don-
née. Eginhard se maria, du vivant de
Charlemagne, aune femme d'une illustre
naissance, qui portait le nom d'Emma ou
Imma : la légende en a fait la fille de
l'empereur, mais cette croyance ne ré-
siste pas à un sérieux examen. On dit
aussi qu'avant d'embrasser l'état reli-
gieux, Eginhard eut un fils nommé
Yussin , auquel les comtes d'Erbach
actuels attribuent leur origine. Pour
cela, il faudrait que ce fils fût né après
819 ; en efl^'et, cette année-là, le 12 sep-
tembre, Eginhard, d'accord avec sa
femme, donna à l'abbaye de Lorsch le
domaine de Michelstadt, en se réservant
l'usufruit, et il ajoute : « Et s'il arrive
11 que nous ayons des enfants, l'un d'eux
" nous succédera dans le domaine à
" titre précaire «, texte qui ferait sup-
poser qu'Eginhard n'avait pas encore de
postérité. Cette hypothèse est admis-
sible, attendu que Yussin étudia àEulde,
sous la direction de Kaban Maur, qui en
fut abbé de 822 à 847. Yussin aurait
donc eu environ vingt-cinq ans à l'époque
où Eaban devint archevêque de Mayence.
Toutefois une lettre d'Eginhard (7) à
Yussin ferait supposer que celui-ci avait
déjà choisi une profession lorsque son
père l'envoya à Fulde. Teulet déduit de
tout cela que la charte du 12 septembre
pourrait bien avoir été interpolée par
les moines qui la récrivirent à la demande
d'Eginhard. L'empereur Louis, prenant
en considération que son père avait placé
sous sa protection le monastère de Ganda
(Saint -Bavon), accorde à celui-ci, le
12 avril de cette même année 819, des
lettres d'immunité et de sauvegarde et
lui assure la paisible possession de ses
biens (8). En 827, Eginhard fit rappor-
'4 Teulft, II, Pik. /«.vt//.. Vlll.
(o; 1(1., i6!./.,4l9
(6) M., ibid , 198.
(7) TcNJet, 11, 4i
i8) .A'cliiv. de 1 évéclié de Gand — Miiaeus,
1, 18.
477
EGINHARD
478
ter de Rome, par son notaire Ratleigh,
les reliques de saint Pierre et de saint
Marcellin, et les fit déposer d'abord à
Michelstadt, puis, au commencement de
828, transférer à Mulinheim. Il trans-
forma alors la congrégation de prêtres
laïques, qu'il avait fondée en cet endroit,
en un couvent auquel il donna la règle
de Saint - Benoît ; il le dirigea comme
abbé et changea le nom de Mulinheim
en celui de Seligenstadt. C'est vers ce
temps sans doute qu'il entra dans la
vie religieuse ; la plupart des auteurs
croient que ce fut beaucoup plus tôt,
mais un détail cité par Diericx (1) où il
est dit qu'en 826 les moines de Saint-
Pierre à Gand l'élurent pour leur abbé
(le droit d'élire leurs abbés leur avait
été octroyé par Louis le Débonnaire),
nous a suggéré l'idée que ce changement
dans l'existence d'Eginhard pourrait
bien avoir eu lieu vers cette année-là.
Nous croyons, du reste, avec Van Lo-
keren, et d'après les Annales abhatiœ
Sancti Pétri (2), qu'Eginhard ne fut
d'abord qu'abbé commendataire ou bé-
néficiaire de Saint -Pierre et de Saint-
Bavon ; ce qui le prouve pour nous, c'est
qu'il existe des chartes où il détermine
la portion des revenus de l'abbaye ré-
servée à l'entretien des moines; la tota-
lité devait donc lui appartenir exclusi-
vement (3). Selon Teulet, le titre de
venerabilis abbas, qu'on lui donnait dès
819, prouve qu'à cette époque déjà, il
avait embrassé la vie monastique; mais
nous doutons que ce soit là une preuve
suffisante. Tous les abbés bénéficiaires
de Saint-Martin de Tours jusqu'à Hu-
gues Capet eurent le titre de venerabUis
nhbns. En 830, tandis que Louis entre-
prenait son expédition contre la Bre-
tagne, son fils Lothaire passa les Alpes
pour joindre ses troupes à celles de ses
frères : Eginhard était alors à Aix-la-
Chapelle avec l'impératrice Judith, et
écrivit à Lothaire une lettre de respec-
tueux reproches qui resta sans effet.
L'empereur lui ordonna de se rendre à
fi) Mémoires sur la ville de Gand, 1, ;>28. —
MS. des archives de l'Etal k Gand : De prima
tniidalioiie ac origine donius lilandinieusis
12) Publiées par le chanoine Van de Putte de
Bruges.
BIOGB. NAT. — T. VI.
Compiègne pour avoir une entrevue avec
son fils. Eginhard obéit, mais tomba
malade à Valenciennes pendant le trajet,
et se fit transporter par eau à Saint-
Bavon. De là, il écrivit à son maître et
à l'impératrice pour s'excuser, leur di-
sant qu'il allait à Gand implorer les
secours du ciel lorsqu'il n'y avait plus
rien à espérer sur la terre (4). La ma-
ladie empira au point qu'Eginhard se'
crut près de sa fin; c'est alors qu'il
adressa à un ami, qu'on croit être Ger-
ward, son bibliothécaire, une lettre dans
laquelle il lui dicte quelques-unes de
ses dernières volontés et recommande à
Imma, sa sœur chérie, de veiller à leur
exécution (5). Eginhard se rétablit tou-
tefois, mais il resta affecté de graves
infirmités qui lui servirent de prétexte
plausible pour ne pas rentrer aux af-
faires, malgré les vives instances de
l'empereur. Il avait environ soixante
ans. L'âge du repos était venu pour lui
et il retourna à Seligenstadt, où il vécut
dans la retraite jusqu'à sa mort. La
plupart des lettres que nous possédons
de lui appartiennent à cette époque de
sa vie, ou lui sont fort peu antérieures ;
elles montrent en général que, malgré
son éloignement de la cour et des affaires ,
il avait conservé un grand crédit. D'après
un certain nombre d'actes de 815 à 830,
on pourrait supposer qu'Eginhard fit
son séjour presque habituel des abbayes
de Saint-Pierre et de Saint-Bavon ; mais
rien n'est plus contraire à la vérité :
nous possédons une pièce, entre autres,
dans laquelle il dit qu'il a confié la ges-
tion de l'abbaye de Saint-Bavon à un
prêtre nommé Willebold, agent fidèle,
dit-il, « ut credimus «. En 833, Egin-
hard dut se rendre à Compiègne pour
l'assemblée des trois fils de Louis le
Débonnaire, afin de rendre hommage de
ses bénéfices. En 836, la mort lui en-
leva sa femme; cette perte l'affecta beau-
coup, et quelques auteurs croient que
ce fut seulement à la suite de cet événe-
ment qu'il se fit religieux. En 837, il
Ç,] Van Lokercn, Cariulaire de l'ahbaye de
Saint-Pierre au mont Blandin, I, I, 9 et 16.
(4) Teulet, 11, 71. — Lettre k riinuératrice.
{o, Id., II. 50.
IG
479
EGLXHARD
480
siégea, comme abbé de Seligeustadt, à
l'assemblée d'Aix-la-Chapelle, et sou-
scrivit au jugement rendu contre les pré-
tentions d'Aldric, évêque du Mans, sur
les libertés de l'abbaye de Saint-Calais.
11 mourut, ainsi que nous l'avons dit,
d'après la cbronique de Saint-Bavon,
en 8-14, et devait avoir alors environ
. soixante-quatorze ans. Toutefois nous
trouvons dans l'édition de 183-i des
Fies des Pères, de Butler (t. I, 118),
qu'il a assisté en 848 à un synode
tenu à Mayence par l'archevêque Kaban
Maur, et qu'il trépassa saintement peu
après. C'est aussi l'avis de Jean de Trit-
tenheim. Le Chronicon NortMumioram,
édité par Kruze (p. 108), le fait mourir
en 831 . Feller le fait vivre jusqu'en 839;
la date de 844 est de toutes la plus gé-
néralement admise et la plus probable.
11 fut enterré dans son abbaye de Seli-
geustadt .
Voilà tout ce que nos recherches nous
ont révélé sur la vie d'Egiuhard;. mais
de même que la plupart des grands
hommes, comme Charlemagne, son maî-
tre et son ami, Eginhard a sa légende.
Elle est trop poétique pour que nous ne
la rappelions pas, car elle l'a même fait
connaître plus que ses écrits. Nous en
extrayons le récit du cartulaire de
Lorsch. Eginhard était très-bien vu à la
cour, et surtout vivement aimé par la
fille de l'empereur, Imma, fiancée du roi
des Grecs. Mais retenus par la crainte
de la colère de Charlemagne, les amants
tremblaient d'être surpris. Une nuit,
Eginhard, décidé à tout braver, se rendit
à l'appartement de la jeune lille et s'an-
non(;a comme porteur d'un message de
l'empereur; il entra, et y resta jusqu'à
l'approche du jour; au moment de se
retirer il s'aperçut avec effroi qu'il était
tombé beaucoup de neige. Alors Imma,
que l'amour rendait audacieuse, résolut
de sauver son amant et de se sauver
elle-même : elle prit Eginhard sur ses
épaules, le porta à travers la neige jus-
qu'au logis qu'il habitait et prenant soin
en revenant, de suivre la trace de ses
pas. L'empereur, qui s'était levé avant le
jour, vit de sa fenêtre ce manège amou-
reux; il eût d'abord de la peine à se
contenir ; mais son irritation s' étant
calmée, il unit les deux amants et leur
donna, entre autres domaines, Mulin-
heim et Michelstadt. Cette légende a été
admise par des hommes remarquables,
Mabillon entre autres. Cependant une
objection la renverse d'emblée : de l'avis
même d' Eginhard , Charlemagne n'a
jamais eu de fille du nom d'Imma; en
outre Eginhard ne fut jamais notaire et
archichapelain de l'empereur, ainsi que
le dit le cartulaire.
Il existe sur lui un autre récit émané
d'un moine de Reichenau, dans son His-
torla translationis sanyuiuis Dont'mi (1).
Au commencement du xe siècle, dit-il,
un Sarrasin nommé Azan, gouverneur
de Jérusalem, ayant un vif désir de voir
Charlemagne, écrivit au pape pour lui
obtenir une entrevue jiar son entremise ;
il s'engageait à apjDorter de magnifiques
présents et le vrai sang du Sauveur.
Aussitôt l'empereur se rendit à Home et
Azan, de sou côté, partit de Jérusalem :
mais, ayant débarqué en Corse, il y
tomba malade et envoya prier Charle-
magne de veuir auprès de lui recevoir le
précieux trésor qu'il apportait. Cette
invitation ne sourit guère à l'empereur
qui, dit la chronique, avait une peur
effroyable de la mer ; il convoqua son
conseil et voulut donner la commission
à Eginhard; celui-ci lui répondit que
comme lui, il redoutait de s'aventurer
sur les flots : les pourparlers durèrent trois
jours; enfin Yaldo, abbé de Eeichenau,
et liunfrid, gouverneur d'Istrie, se dé-
vouèrent et apportèrent le saint sang,
qui fut déposé à Reichenau.
Les ouvrages d'Eginhard sont: La Vie
de CJiarlemayne, Vita Karoli imperatoris.
L'écrivain a adopté le plan de l'Histoire
d'Auguste dans celle des douze Césars
de Suétone : c'est nue œuvre d'art, en
même temps qu'un portrait fidèle, un
tableau rapide et impartial. Eginhard
avait de quarante-cinq à cinquante ans à
l'époque où il entreprit ce travail ; il de-
vait l'avoir terminé en 820, car, à cette
date, la Vie de Charlemagne figure parmi
les livres du monastère de Siifdleozes-
(I) P.rtz, Script., IV, -147.
481
EtlINIlARD — EGMOiNT
•i8'2
Au (1). Ou eu couuait soixaute mauu-
scrits complets. — Les Anuales, Annales
Francoruin, de 741 à 829, embrassent
doue un espace deqviatre-viugt-buit ans,
depuis l'avéuement de i'epiu et de Car-
lomau jusqu'à la (quatorzième auuée de
Louis le Débonnaire. Egiuhard avait
trouvé au monastère de Lorsch des An-
nales qui servirent de base à son livre,
il les refondit, et en se les appropriant,
fit usage d'un style plus eerrect et plus
élégant. A dater de 788, toutefois, les
Annales sont une œuvre originale; ou en
connaît 120 manuscrits. — Les Letlrts :
lorsque, en 816, les moines de Saint-lîa-
von, menacés par les Normands, se réfu-
gièrent d'abord à Saint-Omer, puis à
Laon, ils emportèrent leurs reliques et
leurs archives; mais les lettres d'Egin-
hard furent laissées par eux. dans cette
dernière ville i[ui les possède encore
daus sa bibliothèque ; c'est là que Pertz
les découvrit. — Hinioria trandationh
heatorum C'hrkti Martynun, MarceUinl et
Pétri; écrite en 830 et divisée en 1 liv.
— Un Poème sur le martyre de ces deux
saints. — L^n ouvrage intitulé De Cruve
adorcvnda, qui ne nous est pas parvenu,
mais dont nous avons connaissance par
une lettre de Loup de Ferrières, à qui il
était dédié (2). — Ou a encore attribué
à Eginhard une histoire des Saxons,
Likellm de adventu, vwi'ibm et stiperstl-
tione Saxonuni, dont la première partie
est due à Rudolf, moine de Fulde, et la
seconde à Meginhard, aussi moine de
Fulde et disciple de Rudolf. — Une
Chronique qui n'est autre chose qu'un
abrégé des Six Ages du moade de Bède
le Vénérable. — L'n psautier, Libellm
EinJiardi de Psahiùa; Pertz pense qu'il
est d'un autre personnage du même
nom. — J. P. Schunck, chanoine de
Mayence, dans ses Beitrage zur mainzer
Gesf^jc/^^e, lui attribue encore uae Vie de
Louis le Débonnaire ; les Campagnes de
Charlemagne en Pannonie ; les Annales
du couvent de Lorsch, et les Souvenirs
de l'archange Ga1)riel eu XII chapitres.
— La meilleure édition d'Eginhaïd date
r, Neugiirl, EpiscofiittHs Con.'ittiniifiisis, &'M \
nW, pur l'en/,, Scrtfjt., (1, 127.
'i leulel, 11,109.
de 18-10; elle a été publiée a T'aris, en
2 vol. iu-8 ', par Teulet, avec traduction
française en regard , et renferme les
ouvrages dont la paternité appartient
sans contredit à Eginhard. — Les ar-.
cliives de l'Etat à Gaud possèdent deux
chartes portant la signature autographe
d'Eginhard. k,,,;,, Varcibergh.
Histoire litlfiaire de la France, IV, ooO. —
Sminckius. IJe Vita et Scriplin Eqiiihardi il7il ,
dans son édition de la Vie do Cliarlemagne. —
Teulet, Œuvres complètes d'ICijiuhnrd. Paris,
1840. — Cousin, Histoire de l'empire d'Occident.
— liiitler, Lille, 183i, t. Vil, i.. 118. — Hellin.
Chronique de. Saint- Baron. — Baluze. — Mirœus.
— l*eru, Scriji)tores. — Van Lukeren, Histoire de
l'abbaye de Saint-Bavon. — Van Lokeren, Car
lulaire de l'abbaye de Saint-Pie) re au ntont
Blandin. — Dierii;x, Mémoires sur la ville de
Gand. — Annales abbati(t S. Pétri. — Acla
Sanctoruni des Bollanclistes, juin — Mabillon. —
IJecdclièvre, Bioip-aphie liégeoise. — Deîvaux de
Foui'on. — Biographie générale de Didot. — Bio-
graphie universelle de Micliaud — Moréri, Dicl.
histor. — l'eller, Biographie universelle. —
Kervyn, Histoire de Flandre. — Codex Lauris -
lianensis diplonialicus, publié à Manheini par
l'Académie Théodoio-palatine. — Lecoinle, An-
nales Eccl. Ir. — Weinckius, Eginhartus illus-
tratus. — Aieliives de l'Etal, à Gand.
KonoXT {Charles n'j, né à Gavre le
9 novembre 1167, était fils d'Adolphe
d'Egmont, qui avait dû céder la Gueldre
à Charles le Téméraire, et de Catherine
de Boiirbo)!. Après la prise de Nimègue
par les Bourguignons, Charles d'Egmont
avait été conduit à Gaud, tandis que
son père était enfermé au château de
Vilvorde. A peine Charles le Téméraire
avait-il succombé devant Nancy que les
Gantois obligèrent la duchesse Marie à
relâcher Adolphe d'Egmont, et peut-être
l'eussent-ils également forcée de le pren-
dre pour époux, si ce prince n'avait
trouvé la mort devant Tournai. Cepen-
dant Maximilien d'Autriche revendiqua
les droits acquis sur la Gueldre par
Charles le Téméraire; l'héritier légitime
du duché paraissait résigné et servait
même la maison de Bourgogne contre
les Français. En 1187, dans un combat
près deBéthune, il tomba entre les mains
de ces derniers, et ou prétendit alors qu'il
s'était laissé prendre volontairement. En
réalité, Charles VIII lui fit un bon
accueil et résolut de le remettre en pos-
session de ses domaines héréditaires pour
susciter à la maison d'Autriche un dan-
gereux ennemi. Vm 1192, il relâche
483
EGMONT
484
Charles d'Egmont, et celui-ci s'ache-
mine vers laGueldre, par la Lorraine et
le pays de Liège, sous l'escorte de mille
cavaliers français ; la plupart des villes
et des seigneurs se déclarent pour lui,
et les garnisons allemandes sont chassées.
En vain le chef de l'empire marche-t-il
lui-même contre Charles d'Egmont; il
ne peut l'expulser. Il forme alors une
coalition avec le duc de Clèves, le duc
de Juliers et le comte de Buren ; il est
décidé qu'ils partageront le territoire
conquis. La Gueldre est de nouveau
envahie en 1498, et Charles d'Egmont
eût succombé sans les secours que
Louis XII lui envoya et la médiation
qu'il exerça pour lui faire obtenir des
trêves successives.
En 150.5, Philippe le Beau, s'étant
réconcilié avec Louis XII par les traités
de Blois et ayant reçu l'investiture impé-
riale du duché de Gueldre et du comté
de Zutphen, résolut de faire la conquête
définitive de ces pays avant de partir
pour l'Espagne. Il se mit lui-même à la
tête de ses troupes et se rendit maître
d'Aj-nhem ainsi que des quatre autres
villes qui formaient son quartier. Charles
d'Egmont, délaissé par Louis XII^
accepta les conditions qui lui étaient
offertes par le roi de Castille. Pans une
entrevue qu'il eut avec lui au château
de Rosendael, près d'Arnhem, le 27 juil-
let 1505, il fut résolu qu'il abandonne-
rait à Philippe les places que celui-ci
avait conquises jusqu'à ce que des arbi-
tres eussent vidé la querelle; il promit
en outre de l'accompagner en Espagne.
Il suivit l'archiduc victorieux jusqu'à
Anvers; mais lorsqu'il eut touché dans
cette ville 3,000 florins d'or qui lui
avaient été promis pour faire le voyage
de Castille, il trompa ses gardes, se dé-
guisa et revint dans ses Etats où il pos-
sédait encore les quartiers de Nimègue et
de Ruremonde, ainsi que le pays de
Zutphen. Après le départ du roi de Cas-
tille, Charles d'Egmont, encouragé par
la France, reprend les armes et menace
la Hollande et le Brabant. Louis XII
assurait, sur sa foi et la damnation âe son
âme, qu'il n'assistait plus le duc de
Gueldre, et cependant il le secourait
d'argent et de soldats; quand il eut été
enfin obligé d'en convenir, il déclara
que le roi de Castille n'avait aucun droit
sur la Gueldre et qu'il ne laisserait pas
détruire Charles d'Egmont, son parent
et serviteur. La mort de Philippe le Beau
(à Burgos, le 25 septembre 1506) ne
suspendit pas cette intervention déloyale
du roi de France. Louis XII ne cessa
de soutenir efficacement le prince guel-
drois; il finit même par déclarer qu'il
risquerait sa couronne plutôt que d'aban-
donner son utile et fidèle allié. Aidé par
les auxiliaires français que lui avait
amenés Engelbert de Clèves, secondé
par Eobert de la Marck, seigneur de
Sedan, Charles d'Egmont obligea les
troupes des Pays-Bas à lever le siège de
Poederoyen, importante forteresse située
sur les confins du Brabant et de la Hol-
lande; puis il traversa la Campine et
fondit sur la Hesbaye, livrant au pillage
Turnhout, Tirlemout et d'autres places
encore. Les auxiliaires français entre-
prirent ensuite de rentrer dans leur pays
par le Luxembourg, tandis que les
Gueldrois, après s'être rabattus sur la
Hollande, dévastaient la campagne et em-
portaient Bodegrave, Muiden et Weesp.
Charles d'Egmont essaya aussi de s'em-
parer d'Amsterdam ; mais il fut repoussé
par les habitants. En 1508, les Hollan-
dais, fidèles à la maison d'Autriche,
prirent enfin Poederoyen, et Weesp allait
également retomber en leur pouvoir
lorsque la ligue de Cambrai, c'est-à-dire
la coalition de la France et de la maison
d'Autriche contre la république de Ve-
nise, vint changer la face des choses.
Dans le traité qui fut juré le 10 décem-
bre 1508, il était dit que les contesta-
tions relatives à la Gueldre seraient
soumises à un arbitrage; en attendant,
le duché de Gueldre et le comté de
Zutphen resteraientprovisoirement entre
les mains de Charles d'Egmont Le traité
de Cambrai ne fut respecté par aucune
des parties; Charles d'Egmont et Mar-
guerite d'Autriche, régente des Pays-
Bas, s'accusaient réciproquement d'avoir
violé la trêve, et l'un et l'autre pou-
vaient ne pas avoir tort.
Pès le commencement de 1509, la
485
EGMONT
48G
lutte avait reroran-encé, et les Gueldrois
ne cessaient d'attaquer la Hollande et
d'inquiéter le Brabant. Marguerite, ne
pouvant abattre son redoutable adver-
saire, espère l'amuser par de nouvelles
négociations; en 1510, elle obtient de
l'empereur qu'il donnera son assenti-
ment à un projet de mariage d'Isabelle
d'Autriche, sa petite-fille, avec Charles
d'Egmont. Il serait stipulé en même
temps que l'empereur ainsi que l'archi-
duc Charles, son petit-tils, conserve-
raient les titres de duc de Gueldre et de
comte de Zutphen, attendu que ces pays
devaient leur échoir au cas où du ma-
riage projeté ne proviendrait pas d'hoir
mâle. Mais ce projet, ayant été désap-
prouvé par le roi d'Angleterre, fut bien-
tôt abandonné, et cette interminable
lutte, qui épuisait en même temps les
Pays-Bas et la Gueldre, continua avec
plus de furie. On faisait retomber sur
Marguerite d'Autriche, trop docile, di-
sait-on, à suivre les instructions de l'em-
pereur, la responsabilité de cette guerre,
et sa popularité en soufl'rit beaucoup.
Lorsque, par l'entremise de l'archevêque
de Cologne, une nouvelle trêve de quatre
ans eafc été conclue le 31 juillet 1 .513, tel
fut le contentement général que les Etats
de Brabant votèrent un don de 20,000liv.
comme récompense des peines que Mar-
guerite s'était données pour obtenir ce
résultat.
François 1er fut, comme Louis XII,
le vigilant protecteur de Charles d'Eg-
moni, et celui-ci saisissait toutes les
occasions de montrer son dévouement à
la France. En 1515, quand se prépara
l'expédition d'Italie, le duc de Gueldre
rejoignit François It à Lyon avec
6,000 lansquenets et l'accompagna au
delà des Alpes. Mais, apprenant que des
maraudeurs brabançons se sont jetés sur
des villages gueldrois, il veut reprendre
imnàédiatement la route de ses Etats ;
il laisse le commanflement de ses lans-
quenets à son neveu Charles de Lor-
raine et revient à Lyon, où il tombe
dangereusement malade. Quand il a
enfin revu la Gueldre, il se hâte de
réorganiser ces compagnies de vieux et
impitoyables soudards, qu'on appelait
la batide yioire; il se jette dans la Frise
qu'il dispute à la maison d'Autriche;
mais, ayant investi Leeuwaarden, il est
battu et repoussé. François 1er vient à
son aide : Charles d'Autriche, qui a
sollicité le traité de Noyon du 13 août
1516, est contraint de conclure avec la
Gueldre une nouvelle trêve jusqu'au
mois de mai 1517. Malgré les recom-
mandations du roi de France, Charles
d'Egmont reprend les armes sans même
attendre l'expiration de cet armistice.
La hunde noire parcourt la Frise et pé-
nètre en Hollande, où elle se signale
par d'efl'royables excès. Les troupes des
Pays-Bas la refoulent dans la Gueldre où
elles portent à leur tour le ravage et
l'incendie. Aruhem, qui était retombé
naguère au pouvoir de Charles d'Eg-
mont, va succomber lorsque la France
intervient encore et obtient ime nouvelle
trêve de six mois, qui est conclue à
L^trecht le 17 septembre 1517. Quoique
Charles d'Egmont gardât une attitude
menaçante, cette trêve, au mois d'avril
1518, est prolongée pour un an.
Au printemps de l'année suivante, le
duc de Gueldre épouse la fille du duc
Henri de Brunsvvick-Lunebourg. On
cherche alors à conclure un traité qui
eût assuré à Charles d'Egmont et à ses
hoirs mâles la Gueldre « comme arrière-
fief mouvant du duché de Brabant « ;
mais les négociations n'aboutissent qu'à
un renouvellement de la trêve. En 1524,
après une vaine tentative pour arracher
la Frise et l'Over-Yssel aux Impériaux,
une troisième trêve est conclue à Heus-
den ; Charles lui-même en demande la
prolongation, lorsque Louise de Savoie,
régente de France pendant la captivité
de François 1er, eut repoussé l'oftVe
d'une puissante diversion en Hollande
ou en Brabant.
La réforme ayant suscité des troubles
à l'trecht, Charles d'Egmont accourt
avec ses terribles lansquenets; de son
côté, Henri de Bavière sollicite l'inter-
vention de l'empereur. Par un traité
conclu à Schoonhoven, le 15 novembre
1527, Charles-Quint est reconnu sou-
verain temporel du " haut et du bas
cvêché " . Des levées considérables sont
48'i
EGMONT
488
ordonnées clans les diverses provinces
des Pays-Bas; les Gueldrois, qui ont
envahi la Hollande, sont repoussés, et
Charles d'Egmont se voit enfin obligé de
demander merci. Le traité, signé à Gor-
cum le 3 octobre 1528, confirme la
suzeraineté de l'empereur sur l'trecht
et sur rOver-Yssel: quant à la Gueldre,
Charles d'Egmont en conservera la sou-
veraineté, mais il doit également re-
connaître la suzeraineté impériale et
Charles-Quint héritera du duché, à dé-
faut de postérité mâle.
En 1534, cédant aux suggestions de
François 1er, Charles d'Egmont veut
substituer la suzeraineté française à la
suzeraineté impériale; il prétend en
outre frustrer Charles-Quint de son hé-
ritage en transférant ses droits au duc de
Lorraine. Mais, dans l'impossibilité de
lutter victorieusement contre les Impé-
riaux, Charles d'Egmont est obligé
d'adhérer de nouveau aux stipulations
du traité de Gorcum. Le 10 décembre
1536, il reconnaît encore une fois la
suzeraineté de Charles-Quint, lequel
demeure son héritier, à défaut de posté-
rité légitime; en outre, l'empereur
sarde les seigneuries de Drenthe et
Groningiie, qui ont été enlevées aux
Gueldrois. Mais plus Charles d'Egmont
doit s'humilier, plus augmente sa haine
contre la maison d'Autriche. X'ayant
point de fils légitime, il notifie brusque-
ment aux états de Gueldre (octob. 1537)
l'intention d'assurer sa succession au roi
de France et il demande que le serment
de fidélité soit immédiatement jjrété à
François I". Les états lui opposent un
refus formel et sont appuyés par les
villes, taudis que le maréchal Van Ros-
sem et les principaux capitaines guel-
drois reconnaissent le roi de France.
Après une lutte acharnée entre l'armée
et les principales villes, il est décidé,
dans une assemblée générale tenue à
Nimègue le 27 janvier 1538, que, si le
duc meurt sans enfants, procréés eu
légitime mariage, ses Etats écherront à
Guillaume, héritier de Juliers et de
Clèves. Charles d'Egniout, délaissé par
ses bandes, est contraint d'accepter cette
convention. Cinq mois plus tard (30 juin
1538), il s'éteignit à Arnhem, en mau-
dissant l'ingratitude de ce peuple pour
lequel il avait combattu pendant un
demi-siècle. Après lui, l'indcpendance
de la Gueldre succomba définitivement ;
Charles-Quint entra dans" le pays en
conquérant et força Guillaume de Clèves.
vaincu et repentant, à reconnaître la
suprématie impériale. xh. Just^.
Le< himnrieiis gueldroU. — Th. Juste, Charlcu-
Quint et Marguerite d'Autriche. — .\. Henné.
Histoire du régne de Charles-Quint en Belgique.
ECiMO^'T mirent d'), né en 14fi9.
était fils de Frédéric, seigneur d'Yssel-
stein, devenu comte de Buren, du chef
de sa femme, Marie de Culembourg.
En 1501, Florent est déjà un des prin-
cipaux personnages de la cour de Phi-
lippe le Beau, souverain des Pays-Bas,
qu'il accompagne dans son premier
voyage en Espagne; en 1505, il est créé
chevalier de la Toison d'or et l'année
suivante, après la mort de Philippe le
Beau, il devient membre du conseil de
Marguerite d'Autriche. Nommé siat-
houder de Frise en 1515, il eut à répri-
mer une révolte fomentée par Charles
d'Egmont, duc de Gueldre; il défit les
insurgés près de (iorcum, força Charles
d'Egmont à lever le siège de Leeuwaar-
den, prit Dockura, mais assiégea inuti-
lement Sueek. Xou-seulement il avait à
protéger la Frise, mais il était aussi
lieutenant du stathouder de Hollande,
.Jean d'Egmont, frère de Frédéric. Capi-
taine général des bandes d'ordonnance
en 1522, Florent d'Egmont pénètre en
Picardie, assiège Doullens et Hesdin, et,
de concert avec les Anglais, s'avance
jusqu'à onze lieues de Paris. Pendant
les années suivantes, il continue à com-
battre les Gueldrois et, après la paix de
Grave, prend part à une nouvelle cam-
pagne contre la France. Il termina sa
belliqueuse carrière le 11 octobre 1539.
Th. Jaste.
EGMOXT {MaximiUe» d'), seigneur
d'Ysselstein et comte de Buren, chevalier
de la l^oison d'or, stathouder de Frise.
était fils du précédent. La valeur qu'il
déploya dans la campagne de France de
1537 lui avait valu l'admiration de
rariuéc; conimaiularit df"; bits Allemands
489
EGMONT
490
au siège de Saint-Pol, il s'était le pre-
mier élancé sur la brèche. En 1542, il
défend habilement la Frise et l'Over-
Yssel contre les bandes qui sont à la
solde de la France. T)eux années après,
nous le retrouvons devant Montreuil,
qu'il assiège avec le duc de Xorfolk.
Mais l'expédition qui mit le sceau à sa
renommée fut celle de 1546, lorsqu'il
traversa l'Allemagne pour amener à
Charles-Quint les troupes des Pays-Bas.
Il passa le Pihin près de Mayence et,
malgré les efforts du comte d'Olden-
bourg, s'avança jusqu'à Nuremberg;
évitant ensuite l'armée du landgrave de
Hesse qui se trouvait à Donawerth, il
arriva, le 15 septembre, au camp de
l'empereur, devant Ingolstadt, avec plus
de 15,00(J combattants. Charles-Quint,
accompagné de tous les gentilshommes
de sa maison, était allé au-devant de lui
pour lui témoigner sa satisfaction. Quel-
ques semaines après, renvoyé dans les
Pa\-s-Bas afin de protéger la Frise et les
pays adjacents, il s'empare, chemin fai-
sant, de Darmstadt et de Francfort. Ce
grand capitaine, l'un des meilleurs de
son temps, avait les mœurs rudes. Dans
le vingt et unième chapitre de l'ordre de
la Toison d'or tenu à Utrecht au mois
de décembre 1545, il avait été accusé
« de faire quelquefois des excès dans le
" boire et dans le manger; de jurer fré-
" quemment; de parler de la religion
.' avec peu de respect et de discrétiou
» et d'en mépriser les devoirs les plus
* es.sentiels, manquant souvent la messe
« les dimanches et fêtes, et faisant pu-
•I bliquement gras pendant le carême,
» sans • nécessité ; enfin de porter la
1 débauche au point de violer la foi
'< conjugale et de ne pas avoir honte de
* s'en vanter dans les compagnies ou
« assemblées qu'il fréquentait « . Maxi-
milieu d'Egmont couronna par une mort
imposante les exploits de sa glorieuse
carrière. Il se trouvait à Bruxelles en
1548 lorsqu'il fut atteint d'une esqui-
nancie; bientôt on désespéra de lui et
André Vésale, son médecin, lui prédit
qu'il n'avait plus que cinq à six heures
à vivre. C'était le 23 septembre. Maxi-
railien dicta son testament, se confessa.
et, après avoir communié, se fit revêtir
de ses habits les plu« somptueux, et
armer de pied en cap ; ainsi vêtu, avec
l'épée au côté et le collier de la Toison
d'or sur la poitrine, il ordonna qu'on le
transportât en la grande salle de son
hôtel ot\, assis dans un fauteuil, il fit
successivement ses adieux à ses compa-
gnons d'armes, aux officiers qui avaient
servi sous ses ordres, puis à ses servi-
teurs sans en oublier un seul. On lui
apporta ensuite une grande coupe pleine
de vin; il la prit et, soutenu par deux
de ses gentilshommes, voulut boire une
dernière fois à la sauté de l'empereur.
•Sentant que sa fin approchait, il détacha
son collier de la Toison d'or, le remit au
comte d'Arenberg, qui l'assistait comme
frère d'armes, dit également adieu à
l'évêque d'Arras, but « le vin de l'étrier
et de la mort « , puis, tournant la tête et
apercevant Yésale derrière lui, il le
remercia de son avertissement. Il expira
entre les bras de ceux qui, le voyant à
tonte extrémité, avaient voulu le porter
sur son lit.
La branche des comtes d'Eç-mont-
Buren s'éteignit dans la personne di-
Maximilien qui, de son union avec Fran-
cine de Lannoy, ne laissa qu'une fille,
nommée Aune. Elle porta le comté de
Buren et les seigneuries deLeerdam.
d'isselstein, etc., dans la maison de
Xassau par son mariage avec Guillaume
dit le Taciturne. -fh. juste.
J. Schellema , StaatkuwHg yederland. —
Brantôme, Viea des homme.t iÙiistres esirnngers
— Henné, Histoire du règne de Charles- min fii
Belgique, elc.
ECiwo'VT iLanwrnl comte i»' i iiacjuit
le 18 novembre 1522 au château de la
llamaide, dans l'ancienne chàtelleiiie
d'Ath. Son père était .Jean IV, deuxième
comte d'Egmont, chevalier de la Toison
d'or, conseiller et chambellan de Charles-
Quint, général des chevau-légers en.
Italie, mort à Milan en 1528; Jean
d'Egmont avait épousé Françoise de
Luxembourg, sœur et héritière de .Jac-
ques de Luxembourg, gouverneur de la
Flandre, prince de Steenhuyze et de
Gavre, etc. En 1538, Lamoral et son
frère aîné Charles d'Kgmont se renilirenl
41)1
EGMONÏ
49^2
en Espagne, et Charles succéda à son
père dans la dignité de chambellan de
l'empereur. Les deux frères se signa-
lèrent ensuite dans l'expédition que
Charles-Quint dirigea en 1541 contre
Alger. Le 7 décembre, Charles d'Egmont
mourait à Carthagène des blessures qu'il
avait reçues sur le sol africain, et,
comme il ne laissait point de postérité,
Lamoral devint dès lors le chef d'une
des plus puissantes maisons des Pays-
Bas. Indépendamment des biens situés
en Hollande, la maison d'Egmont possé-
dait en Flandre une principauté, sept ou
huit baronnies et plusieurs autres sei-
gneuries.
Lamoral donne bientôt de nouvelles
preuves de bravoure en combattant les
bandes gueldroises qui, en 1542, ont
pénétré dans le Brabant; il suit l'em-
pereur dans le duché de Juliers et assiste
à la prise de la ville de Duren. Le
8 avril 1544, dans la cité impériale de
Spire, le comte d'Egmont épouse Sa-
bine, comtesse palatine du Rhin et
duchesse en Bavière ; à ces noces assis-
taient l'empereur Charles-Quint, Ferdi-
nand, roi des Romains, les électeurs et
la plupart des princes de l'Allemagne.
Deux mois après son mariage avec Sa-
bine de Bavière, Lamoral d'Egmont qui
ne savait, disent les contemporains, ce
que c'était que de vivre en paix, joignit
l'armée impériale prête à envahir la
France. Il assista au siège et à la prise
de la ville de Saint-Dizier, en Cham-
pagne, et, après le trépas de René de
Chàlons, prince d'Orange, reçut le com-
mandement d'une compagnie d'hommes
d'armes de cinquante lances des célèbres
bdtvles d'ordonnance des Pays-Bas. Une
plus haute récompense lui était réser-
vée : au mois d'octobre 1546, Charles-
Quint, présidant, dans la cathédrale
d'Utrecht, le chapitre général de l'ordre
de la Toison d'or, y fit admettre le
comte d'Egmont, bien que celui-ci n'eût
que vingt-quatre ans.
Nous retrouvons Lamoral d'Egmont
près de l'empereur à la célèbre diète
tenue à Augsbourg en 1548, et l'année
suivante il accompagne Philippe, prince
d'Espagne, dans toutes les villes de
Hollande et de Zélande où le fils de
Charles- Quint est inauguré comme le
futur souverain des dix-sept provinces.
Dans la guerre de 1552, Lamoral rendit
de nouveaux services à sa patrie et à son
souverain. Lorsque Pierre- Ernest de
Mansfeld, gouverneur du Luxembourg,
eut été forcé de capituler à Ivoy, le
comte d'Egmont, chargé de le rem-
placer, sut remplir cette tâche difficile.
Avec des troupes peu nombreuses il par-
vint à rejeter de la province les Français
commandés par le seigneur de Jametz et
à faire face aux vieilles bandes du mar-
quis Albert de Brandebourg qui, refu-
sant d'adhérer au traité de Passau, avait
également pénétré dans le Luxembourg
comme l'auxiliaire de Henri II. Ayant
ensuite rejoint l'armée impériale qui
assiégeait Metz, le comte d'Egmont fut
envoyé à Pont-à-AIousson avec deux
mille chevaux noirs harnais allemands
et autre gendarmerie pour défendre les
avenues du camp. Le siège levé, il reçut
le commandement de l'arrière-garde et
demeura des derniers pour protéger la
retraite des Impériaux.
Eu 1553, nous trouvons le comte
d'Egmont dans l'Artois avec les autres
chefs des bandes d'ordonnance. Tombés
dans une embuscade à Talmas (18 août)
et assaillis par des forces supérieures, ils
firent des prodiges ; Egmont, emporté
par son ardeur, passa trois fois au tra-
vers d'un des escadrons français : il
revint sain et sauf, tandis que le prince
d'Espiuoy, gouverneur de Tournai et du
Tournesis, restait au nombre des morts.
L'année suivante, Charles-Quint donnait
au comte d'Egmont une nouvelle preuve
de confiance en le nommant chef de
l'ambassade chargée d'arrêter définitive-
ment le mariage du prince d'Espagne
avec Marie Tudor, reine d'Angleterre.
Il se rendit deux fois à Londres (au
mois de janvier et au mois de mars 1554)
pour accomplir cette mission. Il fut
ensuite chargé de porter en Espagne les
pouvoirs qui conféraient la régence de
ce pays à la princesse doua Juana pen-
dant l'absence de Philippe, son frère; et
il accompagna ensuite l'héritier de
Cast.ille dans la Ci rande- Bretagne. Le
A\)?,
EGMONT
494
25 octobre 1555, Lamoral d'Egmout,
comme chevalier de la Toison d'or et
comme prince de Gavre, assista, avec
les députés des Pays-Bas, à cette séance
mémorable dans lacjuelle Charles-Quint
remit la souveraine puissance entre les
mains de son tîls.
La guerre avec la France ayant re-
commencé en 1557, le comte d'Egmont,
nommé chef et capitaine général de tous
les chevau-légers levés aux Pays-Bas,
servit en cette qualité dans l'armée
commandée par Emmanuel-Philibert,
duc de Savoie. Ce furent les bandes
d'ordonnance et les chevau-légers des
Pays-Bas, placés sous les ordres du
comte d'Egmont, qui déterminèrent, le
10 août, l'éclatante victoire remportée
près de la ville de Saint- Quentin sur
l'armée française qui avait à sa tête le
connétable xYnne de Montmorency. Es-
pagnols, Français, Allemands, Italiens
furent unanimes pour attribuer le gain
de cette grande journée à la soudaine
initiative et à la brillante valeur du
comte d'Egmont. Chargé l'année sui-
vante de délivrer la T\" est-Flandre des
bandes que commandait le maréchal de
Termes, Egmont rencontra celui-ci près
deGravelines, le 13 juillet, et remporta
une nouvelle victoire qui consacra sa
renommée. Ces hauts faits lui avaient
donné de l'orgueil ; le cœur rempli d'une
fierté guerrière, il montrait une con-
fiance merveilleuse en sa fortune. Bran-
tôme le dépeint comme « le seigneur
de la plus belle façon et de la meil-
letre grâce » qu'il eût jamais vu, fût-ce
parmi les grands , parmi ses égaux ,
parmi les gens de guerre et parmi les
dames ». Et, en eflPet, il se signalait par
sa bonne grâce et sa courtoisie non
moins que par sa prodigalité fastueuse.
Par des lettres patentes données à
Gand le 7 août 1559, Philippe II dé-
clara nommer le comte d'Egmont gou-
verneur et capitaine général de la Flandre
" en considération des grands, loyaux,
« notables et agréables services qu'il
' avait faits durant plusieurs années à
feu l'empereur, et depuis à lui-
' même, en la dernière guerre contre la
• France «. Eu même temps Philippe
l'appela au conseil d'Etat dont il avait
déjà fait partie sous le duc de Savoie :
mais le comte renvoya sa nomination au
président Yiglius, alléguant que les
ati'aires importantes se traitaient sans la
participation des seigneurs nationaux.
Philippe, intervenant alors, lui ordonna
expressément d'accepter la charge de
conseiller et l'assura qu'il aurait toute
autorité dans les affaires. Au mépris de
cette promesse, le roi institua au sein
même du conseil d'Etat un comité secret
qui fut véritablement investi de l'auto-
rité effective et qui, à certains égards,
dominait la duchesse de Parme, chargée
du gouvernement général. Ce comité
secret ou consulte, destiné à servir de
contre-poids à la prépondérance de la
haute noblesse, était composé de Gran-
velle, évêque d'Arras, de Yiglius, pré-
sident du conseil privé, et du baron de
Berlaymont, chef du conseil des finances.
La lutte s'engage immédiatement entre
Granvelle, devenu premier ministre, et
le prince d'Orange, le comte d'Egmont
et leurs alliés. Egmont prit l'initiative
de la rupture; il avait douze ans de plus
que Guillaume de Nassau et, à cette
époque, il exerçait une certaine influence
sur son ami. Il l'engagea à rédiger
(23juillet 1561j une lettre dans laquelle
les deux seigneurs rappelaient à Phi-
lippe la promesse qu'il leur avait faite
avant son départ. Ils disaient que cette
promesse avait été méconnue; qu'ils
n'étaient appelés au conseil que pour des
choses de nulle ou de petite importance,
tandis que les affaires majeures étaient
traitées à leur insu pai* une ou deux
personnes; ne voulant pas avoir à ré-
pondre de ce qui se faisait sans eux, ils
priaient le roi d'accepter leur démission
ou d'ordonner que toutes les affaires
fussent dorénavant traitées et résolues
en plein conseil d'Etat. Dans la réponse
que Philippe II leur adressa le 29 sep-
tembre, il ajournait sa résolution, tout
en recommandant au comte d'Egmont et
au prince d'Orange la boniie adminis-
tration des provinces dont ils étaient
gouverneurs, le maintien de la religion
catholique et le châtiment de ceux qui
atfissaieut contre elle. Le comte de
m
EGMONT
496
H ornes, qui avait accompagné le roi en
Espagne en qualité d'amiral et de capi-
taine des archers de la garde, revint
dans les Pays-Bas au mois de novembre
et prit également place au conseil d'Etat.
Il était porteur de la résolution annon-
cée par Philippe II dans sa lettre du
29 septembre; la duchesse de Parme
dcA-ait donner au comte d'Egmont et au
prince d'Orange l'assurance que rien ne
serait plus désormais soustrait à leur
connaissance. Bien que la gouvernante
connût le néant de cette promesse,
encore l'avait-elle faite contre son gré :
elle mandait au roi qu'elle avait de
justes raisons de soustraire les affaires
principales à la connaissance du comte
d'Egmont et de ses amis. De son côté,
Granvelle prétendait que la correspon-
dance entretenue par le comte d'Egmont
avec le roi de Bohême (l'archiduc Maxi-
milien d'Autriche) pourrait bien avoir
pour but de mettre ce prince à la tête
du gouvernement des Pays-Bas. Lorsqne
la guerre civile etit éclaté en France,
Granvelle s'opposa à la convocation des
états généraux qui était demandée par
le comte d'Egmo'nt; il empêcha en outre
que celui-ci ne fût mis, comme capi-
taine général, à la tête des gens de
guerre. Le comte avait encore d'autres
griefs. Le gouvernement de Hesdin
étant devenu vacant, il avait proposé de
le confier à Jean de Croy, comte du
Rœulx, et Granvelle fit donner la préfé-
rence à un autre candidat. Irrité, le
comte d'Egmont, en plein conseil d'Etat,
et malgrré la présence de la duchesse de
Parme, s'éleva avec indignation contre
loutrecuidance du cardinal de Gran-
velle, et il se plaignit avec amertume du
roi qui, disait-il, se laissait gouverner
par un prêtre. Le comte de Hornes ayant
mis en avant le projet de former une
liffue contre le ministre tout-puissant,
Egmont et le Taciturne cherchèrent à y
entraîner les autres seigneurs. Granvelle
conseille alors au roi d^ donner satis-
faction au comte d'Egmont: d'après lui,
ce personnage était de tous les membres
de la ligue le plus traitable et le plus
facile à entendre raison; il n'avait que
le tort de se Uiisser infineucer " par des
hommes vils et méchants « . Mais, loin
de se séparer de ses amis, Egmont signa
avec eux, le 11 mars 15 63, une nou-
velle requête pour demander au roi
l'éloignement du cardinal; ils y attri-
buaient le mécontentement du pays à
l'autorité excessive de ce ministre; ils
demandaient de pouvoir se retirer du
conseil d'Etat, car il ne leur semblait
pas convenable, tant pour le service du
roi que pour leur réputation, de siéger
plus longtemps avec le cardinal ; ils
donnaient d'ailleurs l'assurance que, en
ce qui concernait la religion, ils feraient
toujours les devoirs de bons sujets et de
vassaux catholiques. Cette requête en-
voyée, le comte d'Egmont se rendit en
Hollande; il paraissait alors très-agité :
il parlait avec toute sorte de gens (écri-
vait la duchesse de Parme au roij, les
exhortant à s'unir pour la liberté et le
bien dii pays.
Piépondant, le 9 juin, à la requête du
11 mars, le roi exprima le désir que
l'un des trois seigneurs fît le voyage
d'Espagne afin de mieux l'instruire de
bouche des motifs de leurs plaintes, et,
dans une lettre autographe adressée au
comte d'Egmont, il l'engageait à rem-
plir cette mission. Le btit de Philippe II
était de détacher le vainqueur de Gra-
velines de la ligue en lui faisant entre-
voir un « agrandissement futur » ; mais,
après de nouvelles conférences avec se»
amis, Egmont vint déclarer à la régente
qu'il ne pouvait se rendre en Espagne
pour se faire l'accusateur du cardinal de
Granvelle; cela ne convenait, dit-il, ni
à sa réputation ni au service même du
souverain. Quelques jours après, Eg-
mont et ses alliés présentaient à la ré-
gente une remontrance où ils réclamaient
la convocation des états généraux et
annonçaient de nouveau qu'ils s'abstien-
draient désormais de siéger au conseil
d'Etat avec le cardinal de Granvelle.
" voulant faire cesser ainsi l'ombre dont
ils y avaient servi pendant quatre ans • .
Une troisième requête ayant été adressée
à Philippe II le 29 juillet, la régente,
jalouse elle-même de la prépondérance
attribuée au cardinal, finit par l'aban-
donner. Au mois d'août, elle e4ivo\a
497
EGiMONT
498
Thomas Armenteros, son secrétaire, en
Espagne, avec la mission secrète de
demander le rappel de Granvelle. Vou-
lant peut-être se mettre en garde contre
les calomnies dont il était l'objet et
même se concilier Philippe II, Egmont
chargea Armenteros de certifier au roi
que, pour le service de Dieu et le sien,
et pour la défense de l'ancienne et ca-
tholique religion, il exposerait toujours
sa vie et sa fortune : si son propre fils
ou frère, disait-il, faisait quelque chose
contre elle, il le jetterait dans le feu de
ses propres mains. Pour ne pas avoir
l'apparence de céder aux adversaires de
Granvelle, Philippe écrivit à celui-ci
qu'il ferait bien de quitter momentané-
ment les Pays-Bas et d'aller voir sa mère
en Bourgogne. Le cardinal partit de
Bruxelles le 1.3 mars 1.564. et quelques
jours après, le comte d' Egmont et ses
amis reparaissaient au conseil d'Etat :
ils avaient toutefois déclaré à la régente
que, si le cardinal revenait, ils en sorti-
raient de nouveau et incontinent. Xon-
seulement le comte d'Egmont se mon-
trait assidu près de la duchesse de
Parme, mais les cardinalistes lui repro-
chèrent de rechercher la faveur de la
bourgeoisie de Bruxelles, de se mêler
aux fêtes des métiers, de tirer l'oiseau
avec eux et de s'entretenir affectueuse-
ment avec les assistants. Pu fond de la
Bourgogne , Granvelle excitait encore
ses partisans à combatti-e la suprématie
que s'arrogeait maintenant le conseil
d'Etat. H Puisque vous voyez, écrivait-il
" à Yiglius, que ces gens militaires
" s'arment contre l'Eglise et la justice
" et les longues robes, il faut lutter
" contre, car, s'ils triomphent, la répu-
" blique ne saurait se soutenir. "
Le comte d'Egmont, après avoir con-
sulté ses amis, prit soudainement la
résolution de se rendre en Espagne afin
d'obtenir du roi des -concessions qui
missent un terme à l'agitation des pro-
vinces; mais il fondait aussi des espé-
rances personnelles sur ce voyage : il se
plaignait de n'avoir eu d'autre récom-
pense qu'une indemnité de 50,000 du-
cats, tandis qu'il avait, disait-il, huit
tilles et deux garçons et des milliers de
florins de dettes. En réalité, il possédait
un revenu annuel de plus de 62,000 fl.;
il avait un hôtel principal à Bruxelles et
d'autres résidences à Malines, à Gand,
à Bruges, à La Haye, à Arras; bientôt
il allait acquérir, pour la somme de
110,000 ducats, la baronnie de Gaes-
beek qui lui donnait entrée aux états de
Brabant (1).
Sans attendre l'autorisation du roi,
le comte d'Egmont partit poi\r l'Espagne
le 18 janvier 1.56.5; il arriva à ^Ladrid
au commencement du mois de mhî-s.
ff Mon cousin, soyez le très-bien venu « ,
lui dit Philippe II. Dupe de cette bien-
veillance apparente, Esmont n'épargna
aucun effort pour obtenir les concessions
réclamées par le parti national. De son
côté, Philippe cherchait à éveiller la
jalousie des autres grands de la Belgique
en prodiguant au vainqueur de Grave-
lines des faveurs personnelles, et quand
celui-ci prit congé de lui, il l'assura que
toute la maison d'Egmont pourrait tou-
jours compter sur sa protection la plus
déclarée. Le comte fut de retour à
Bruxelles le .30 avril, plein de confiance
dans les bonnes intentions et les pro-
messes du roi. En réalité il n'avait rien
obtenu. Tout à coup arrivèrent de Val-
ladolid des dépêches qui, ne tenant
aucun compte des conférences de Phi-
lippe II avec le noble ambassadeur,
prescrivaient l'exécution rigoureuse des
édits contre les anabaptistes et les autres
hérétiques. Egmont devint sombre et
triste ; il se plaignit au conseil d'Etat
du désaccord qui existait entre les dé-
pêches de Valladolid et les promesses
qu'il avait recueillies de la bouche du
roi; il manifesta même l'intention de
quitter la cour et de se retirer chez lui.
" .le ne puis ni ne veux, disait-il, con-
" tester avec le roi ; mais à tout autre
Il je soutiendrai que j'ai été trompé. "
De nouvellesdépêches viennent aggraver
la situation. Le 17 octobre, Philippe
M) A la vérilé, les états de Flandce lui avaii
ci'rent à cet effpt 80,000 fl.; Irs étals de Brabant
lui iirélt>ront une soinme équivalente et les habi-
tants (le la baronnie lui votèrent, à titre dcjoyeus.'
entrée, un subside de 8,000 11. — Le e'omie
d'Egmont devint propriétaire de la seigneurie de
(.aeslieek le i octotire |;i6o.
499
EGMONT
5U0
ordonne que l'inquisition soit maintenue
et qu'elle continue d'être exercée comme
auparavant; il veut que les placards
de Charles-Quint ainsi que toutes les
autres lois ayant pour but la répression
de l'hérésie soient exécutés sans aucun
changement. Egmont déclara à la ré-
gente, devant le conseil d'Etat, qu'il
aurait remis son gouvernement de Flan-
dre et d'Artois entre les mains du roi,
lors de son voyage en Espagne, s'il
avait pu prévoir de pareilles résolutions.
Il écrivit à Philippe II lui-même que,
après avoir vu ses ordres concernant
l'inquisition et les placards, il ne pou-
vait s'empêcher de craindre qu'il n'en
résultât de grands maux.
Au commencement de la mémora-
ble année 1566, Egmont, après avoir
inspecté les places de son gouverne-
ment, avertit de nouveau le roi du mé-
contentement général qu'il avait constaté
en Flandre. Mais en même temps il
résistait aux suggestions des bouillants
gentilshommes qui venaient de signer le
Compromis et qui auraient voulu pousser
le vainqueur de Gravelines à la tête du
parti de l'action. Au mois de mars, le
prince d'Orange convoqua au château
de Hoogstraeten ses compagnons de la
Toison d'or et ses collègues du conseil
d'Etat pour s'entretenir avec eux de
l'état alarmant des aflaires; ils y ren-
contrèrent Louis de Nassau, le comte de
Culembourg et d'autres gentilshommes
qui étaient entrés dans la ligue contre
l'inquisition. Dans sa Défense persou-
uelle, Egmont déclara que ceux-ci appe-
lèrent l'attention des seigneurs du con-
seil d'Etat sur la redoutable agitation
provoquée par les ordres de Philippe II;
et que, le matin même de son départ, il
apprit d'un de ses collègues que Bréde-
rode et d'autres gentilshommes se pro-
posaient de présenter une requête à la
régente au sujet de l'inquisition et des
placards. Il prétendit avoir manifesté
la crainte que la requête ne fût mal
interprétée par le roi, et aurait ajouté
qu'il ne conseillerait à nul de ses amis
d'être de la compagnie ou d'y entrer.
Toutefois deux gentilshommes attachés
à sa maison, ('hrist0]d>e de l.eefdiiel et
Maximilien de Blois signèrent le Com-
promis, et parmi les adhérents se trou-
vait aussi Jean de Casenbroot, seigneur
de Beckerzeel, secrétaire et conseiller
du comte. Dès son arrivée à Bruxelles,
Egmont, selon ce qui avait été convenu
à Hoogstraeten, avertit la régente de la
démarche que se proposaient de faire
les gentilshommes confédérés; au sur-
plus, il s'engagea à combattre ceux qui
ne se contenteraient pas de l'abolition
de l'inquisition et de la modération des
placards. En même temps, il signale
encore une fois à Philippe II les dan-
gers qui menacent les Pays-Bas. Il
regardait comme un devoir de l'avertir,
disait-il, des intelligences qiie les héré-
tiques de ces provinces avaient avec
ceux de France, d'Allemagne et d'An-
gleterre ; il ne croyait pas que l'on son-
geât à une rébellion contre le roi ; mais
il craignait que les Français ne profi-
tassent de la situation des esprits pour
s'emparer de quelques villes; il enga-
geait le roi à se rendre lui-même aux
Pays-Bas. Y avait-il contradiction dans
la conduite adoptée par le vainqueur de
Gravelines? Conseiller de Philippe II,
il signalait les écueils que le roi devait
éviter; il lui indiquait les concessions
qu'il devait faire pour rassurer les
esprits : il demeurait fidèle à la foi
catholique, mais abhorrait l'inquisition,
parce que l'inquisition susciterait la
guerre civile. Les espions de Philippe II
accusèrent néanmoins le comte d'Egmont
de se déclarer en toutes choses d'une
manière très-préjudiciable au service du
roi; et comme tout le monde avait les
yeux tournés vers lui, ajoutaient-ils, sa
conduite produisait le plus grand mal.
Lorsque le conseil d'Etat délibéra sur la
réponse que la régente ferait à la re-
quête des confédérés, Egmont s'éleva
contre l'inquisition, odieuse, disait-il,
et contre les placards, qui étaient trop
rigoureux; il demanda une amnistie
pour les repentants; quant aux dognia-
tiseurs et aux ministres, au lieu de les
livrer aux flammes d'un bûcher, il de-
mandait qu'ils fussent punis par le
glaive comme perturbateurs du repos
public. « Le comte d'Egmont croit, écri-
SOI
EGMONT
802
Il vait la duchesse de Parme au roi
» (25 mars 1566) qu'en accordant la
« modération des placards et l'abolition
I de l'inquisition, et aux confédérés un
» pardon général pour le passé, on
II empêcherait que les choses n'allassent
H plus loin. le refus de donner cette
" satisfaction doit, au contraire, selon
» lui, entraîner la ruine du pays. « On
fit plus tard un grief au comte d'Egmont
d'avoir parlé avec trop d'égards des con-
fédérés qui, le 5 avril, vinrent présenter
leur requête à la régente. Comme un
membre du conseil d'Etat proposait de
procéder contre eux, le comte répliqua :
» Laissez-les, car ce sont gentilshommes
H et personnes principales. « La régente
écrivit au roi que, le 6 avril, Egmont,
Homes et Orange, entrés dans la maison
de Culembourg, avaient, en buvant avec
les confédérés, crié : Virent les gueux!
La vérité était, comme l'affirma le comte
d'Egmont dans sa Défense persomi elle,
que ce nom de gueux frappait pour la
première fois leurs oreilles et qu'ils n'en
demandèrent même pas la signification.
Le conseil d'Etat ayant été appelé à
délibérer sur les instructions qui seraient
données au marquis de Berghes et au
baron de Montigny, chargés de faire
connaître au roi la situation du pays,
Egmont dit derechef que, pour ramener
le calme, le souverain devait, en pre--
mier lieu, consentir à l'abolition de
l'inquisition et accorder la modération
des placards; qu'il devait ensuite se
rendre dans les Pays-Bas par l'Italie et
sans être accompagné d'Espagnols. Le
18 juillet, Egmont était délégué, avec le
prince d'Orange, pour s'abouchera Duf-
fel avec les mandataires des confédérés
alors réunis à Saint-Trond au nombre
de plus de deux mille. On l'accusa plus
tard d'avoir promis aux confédérés et
aux consistoires de les prendre sous sa
sauvegarde, de se joindre à eux et de
mourir à cheval, en les défendant. Il
n'alla pas si loin : il fit dire aux confé-
dérés par Beckerzeel, l'un de leurs man-
dataires, que, s'ils n'excédaient point la
requête du 5 avril, il ne souffrirait pas
qu'aucun tort leur fût fait. Au mois
d'août, le comte d'Egmont fut envoyé
dans la Flandre pour empêcher les prê-
ches, désarmer les sectaires, rétablir
l'autorité de la justice; mais la régente
ne mit pas un seul homme de guerre à
sa disposition. Comment donc aurait-il
pu s'opposer au torrent? Marguerite de
Parme écrivit cependant au roi qu'elle
n'avait pu amener le comte d'Egmont
à consentir à l'emploi de la force contre
les sectaires; mais cette force, il ne la
possédait pas, et il la réclamait en vain.
Telle était d'ailleurs la fureur de la
tempête, qu'il était devenu impossible de
la combattre. De retour à Bruxelles,
Egmont se joignit au prince d'Orange
pour conseiller à la régente de transi-
ger avec les confédérés : le 25 août,
elle leur donna des lettres d'' assurance ;
en échange, ils promirent de faire cesser
le saccagement des églises, de châtier
ceux qui avaient commis des sacrilèges,
de désarmer la populace. Egmont re-
tourne ensuite en Flandre avec l'unique
escorte de ses domestiques et de quel-
ques hallebardiers. Il négocie avec les
sectaires, maîtres de la plupart des
églises, ou leur impose, sur les bases de
l'accord du 25 août, des conventions
tendantes au rétablissement de la paix ;
ils devaient s'engager à ne plus empê-
cher l'exercice de la religion catholique
et à ne plus s'assembler dans l'intérieur
des ^dlles ; mais ils auraient le droit de
tenir leurs prêches les dimanches et
fêtes dans des lieux qui leur seraient
désignés. Cet arrangement serait main-
tenu jusqu'à ce que le roi, d'accord avec
les états généraux, eût pris une autre
résolution. Le 3 octobre, le comte d'Eg-
mont eut une entrevue à Termonde
avec le prince d'Orange et le comte de
Hornes. Le Taciturne fournit les preuves
de l'irritation du roi contre eux, et on
délibéra s'il ne valait pas mieux quitter
le pays et se mettre en sûreté que de
demeurer en une crainte perpétuelle.
Tel ne fut point l'avis du comte d'Eg-
mont. Il déclara qu'il n'avait nul moyen
de vivre en pays étranger, selon son
état et sa qualité, loin de tous ses biens,
avec sa femme, ses enfants et sa maison.
On prétend aussi qu'il fut résolu de
prendre les armes ; mais, dans son prc -
b03
EGMONT
o04
ces, le comte d'Egmout a toujours sou-
tenu le contraire. En fait, il regardait la
convocation des états généraux comme
le moyen suprême, et il engagea les
quatre membres de Flandre à la réclamer.
Dans de nouvelles réunions du conseil
d'Etat, Egmont émit le vœu que la
régente, pour satisfaire les catholiques
et les protestants, réclamât de Pilippe 11
la liberté de conscience pour chacun, à
condition que les prêches cesseraient.
Elle demanderait également la convo-
cation des états généraux à une épo-
que déterminée ; une amnistie générale ;
enfin la venue prochaine du roi, mais
sans armée et sans recours à la violence.
Marguerite de Parme ayant refusé de
transmettre ces propositions à Madrid,
le comte d'Egmont écrivit directement
à Philippe II ; après avoir repoussé les
êalomnies dont il se savait l'objet, il
ajoutait (15 novembre) : « Je sujjplierai
" Votre Majesté de regarder ces pau-
" vres jîays d'un œil bénin et clément,
» vous souvenant des services qu'au-
" trefois ils vous ont faits et à vos pré-
" décesseurs et considérant ceux qu'ils
» pourront encore faire. Que Votre Ma-
« jesté croie aussi que je n'ai moindre
» envie de lui faire très-humble ser\ ice
" que j'ai eu de tout temps. «
Les excès des iconoclastes avaient
provoqué une réaction dont Marguerite
de Parme se servit habilement. Voyant
décliner l'influence des confédérés, elle
refuse de donner son approbation aux
arrangements conclus parle comte d'Eg-
mont avec les religionnaires de la Flan-
dre. Elle veut introduire, de gré ou de
force, des garnisons catholiques et roya-
listes dans les villes où les protestants
dominent. Elle impose à « tous officiers
de l'Ordre, chefs, capitaines, hommes
d'armes, archers, etc. «, un nouveau
serment qui doit les obliger à servir le
roi envers et contre tous. Protestant de
sa fidélité au souverain et de son atta-
chement à la foi catholique, Egmont
hésite d'abord à s'associer à un acte qui
incriminerait sa loyauté. Il est retourné
eu Flandre pour y maintenir l'ordre et
aussi pour faire observer l'accord conclu
îivec les confédérés (janvier 1567). Mais
bientôt on constate une sorte de trans-
formation ; par faiblesse ou par excès de
loyauté, le vainqueur de Gra vélines se
détache graduellement de ses anciens
alliés pour soutenir la régente. Le Taci-
turne l'ayant prié de se rendre à Breda
afin de conclure une nouvelle ligue qui
devait avoir pour but de s'opposer à
l'entrée des troupes espagnoles dans les
Pays-Bas, le comte d'Egmont décline
cette invitation. Il écrit à ses anciens
alliés pour les exhorter à se conduire
comme des vassaux fidèles, à défaut de
quoi, dit-il, il les tiendra pour ennemis.
Quant à la crainte de voir le gouverne-
ment des Pays-Bas remis entre les mains
des Espagnols, il ajoutait que, si on le
traitait d'une manière insupportable, il
ne prendrait pas pour cela les armes
contre le roi, mais qu'il se retirerait en
sa maison et, s'il le fallait, hors du
pays. Cette rupture eut des conséquences
funestes. Elle permit au duc d'Albe de
pénétrer dans les Pays-Bas avec les
vieilles bandes espagnoles; elle permit à
Philippe II de réaliser ses terribles pro-
jets. Si le comte d'Egmont, disent les
contemporains, se fût déclaré ouverte-
ment pour les confédérés, il eût soulevé
le pays, il eût pu rassembler autour de
lui 50,000 hommes, réduire en sa puis-
sance la ville de Bruxelles et peut-être
abattre la domination castillane. Sans
le concours du comte d'Egmont, dont la
popularité était sans égale, le prince
d'Orange et les autres seigneurs pa-
triotes ne pouvaient venir à bout de
leur entreprise. Mais déjà ils ne devaient
plus compter sur leur ancien auxiliaire.
Egmont venait de signer le serment
demandé par la régente, et il avait
même requis celle-ci d'envoyer au sou-
verain un double de l'acte souscrit par
lui. Il alla plus loin : il proposa d'en-
voyer les gardes mêmes de la régente
contre les bandes calvinistes qui étaient
venues s'établir près d'Anvers.
Le Taciturne voulut encore faire un
efl'ort pour ramener le comte d'Egmont
et lui dessiller les yeux. Le 3 avril 1567,
ils eurent une dernière entrevue à T\ il-
lebroeck. Egmont déclara qu'il n'aban-
donnerait ))uiiit le roi et conjura le
.SOo
EGMONT
806
Taciturne de suivre son exemple en res-
tant dans le pays. Si vous agissez autre-
ment, dit-il, vous aurez à regretter la
ruine de votre maison. — Vous voulez,
répondit Guillaume, vous voulez aller
au-devant du duc d'Albe ! . . . . Allez, mon
cousin, votre tète lui servira de guide et
votre corps de planche ! — Le comte
d'Egmont s'enfonçait de plus eu plus
dans l'abîme que l'astuce espagnole creu-
sait sous ses pas. Entraîné par la réac-
tion, il se vantait, dans une lettre adres-
sée à Philippe II le 13 avril, d'avoir
fait cesser les prêches et l'exercice de la
nouvelle religion : le peuple était main-
tenant désarmé et les prédicants eu
fuite; lorsque les troubles commencè-
rent, s'il avait eu à sa disposition, di-
sait-il, les huit ou dix compagnies d'in-
fanterie qui lui obéissaient k présent, il
les aurait empêchés; il espérait donc que
le monarque serait satisfait de sa conduite .
L'aveuglement était complet. Gaspard de
Kobbes, seigneur de Billy, venait de rem-
plir eu Espagne une mission dont l'avait
chargé la gouvernante; le lendemain de
son retour, le comte alla le trouver. —
Comment suis-je avec le roi? — Fort mal.
— Le comte voulant s'expliquer, Billy
reprit : « Si vous savez votre cause si
" bonne et juste, allez vous purger près
" du roi; mais si vous vous sentez eu
" aucune manière coupable, sauvez-vous,
" car il y va de votre vie. « Egmont
demeura.
Au mois de juillet, le duc d'Albe entre
dans les Pays-Bas avec les vieilles bandes
espagnoles. Le comte d'Egmont, accom-
pagné de quarante gentilshommes, l'at-
tendait à Tirlemont. Xe pouvant d'abord
dissimuler ses véritables sentiments, le
duc luimontraun visage triste et presque
froid; et les soldats espagnols serraient
leurs rangs pour l'empêcher de passer,
affectaient de ue poiut le saluer et l'ap-
pelaient à voix haute : Luthérien, traître
à Dieu et au roi. Le comte se troubla;
mais deux des principaux officiers du
duc s'approchèrent et s'ettbrcèrent de
faire oublier par leurs prévenances l'at-
titude menaçante des soldats et l'accueil
glacial de leur chef. Pas de jour ne se
passait, depuis l'entrevue de Tirlemont
sans que le vainqueur de Gravelines
fût prévenu des projets sinistres du
représentant de Philippe II ; il répondait
constamment » qu'il sentait sa conscience
" nette et que, s'il était éloigné de cent
" lieues de Bruxelles, il y viendrait par
Il la poste pour se justifier des cas qu'on
// voudrait lui imposer. » Pendant la
nuit du 8 au 9 septembre, un mestre de
camp espagnol vint mystérieusement
dans l'hôtel du comte d'Egmont et con-
seillaà celui-ci de partir immédiatement.
Mais, se prévalant toujours des écla-
tants services qu'il avait rendus à la
couronne d'Espagne, Egmont rejeta de
nouveau ces suggestions. Le lendemain
il était arrêté avec le comte de Hornes
daus l'hôtel du duc d'Albe o\i ils avaient
été attirés sous prétexte d'examiner les
plans des fortifications de Thionville et
de Luxembourg. Le 23, les illustres
prisonniers étaient transférés au château
de G and sous l'escorte de dix-sept cents
hommes d'infanterie et de cinq cents
cavaliers. Comme chevalier de la Toison
d'or, le comte d'Egmont était justiciable
du chapitre de l'Ordre et, comme baron
de Gaesbeek, du conseil souverain du
Brabant. Le duc d'Albe fit juger le vain-
queur de Gravelines par une commission
où dominaient deux Espagnols, que le
Taciturne appelait des « faquins «, pas
même dignes d'être les valets de ses
compagnons de l'ordre. Non-seulement
le comte d'Egmont était détenu, mais
ses biens avaient été immédiatement
séquestrés. » J'espère, écrivait Sabine
" de Bavière au roi, que Votre Majesté
" ne voudra pas souffrir que je sorte de
" ces provinces avec mes onze enfants
Il pour aller ailleurs chercher moyen de
Il vivre, ayant été amenée dans ce pays
Il par feu de bonne mémoire l'empereur,
Il Aotre père. «
Le 2-4 octobre, le duc d'Albe mandait
à Philippe II que l'on trouverait des
charges suffisantes à l'égard du comte
d'Egmont parce que, eu outre des })a-
piers saisis chez Beckerzeel, ce dernier
faisait chaque jour des aveux et qu'on
pouvait s'attendre à ce qu'il dirait des
Il merveilles «, lorsqu'il serait mis à la
torture. Pendant quatre jours (13-16 no-
507
EGMONT
508
vembre) le comte d'Egmont fut interrogé
par les commissaires du conseil des
Troubles. Ils posèrent au prisonnier
cent quarante-huit questions embrassant
tous les faits qui avaient marqué la
régence de Marguerite de Parme, et ils
requirent l'accusé, dépourvu de ses pa-
piers, de répondre immédiatement. Sans
être toujours très-précis dans ses ré-
ponses, Egmont ne désavoua point sa
conduite passée; mais il ne reconnut
jamais qu'il avait eu le dessein de se
révolter contre le roi. Le 11 janvier
1568, il reçut notification du réquisi-
toire du procureur général; cet acte
d'accusation comprenait quatre-vingt-
deux articles ou charges tendant à prou-
ver que l'accusé s'était rendu coupable
de crime de lèse-majesté, en favorisant
les ennemis de la religion catholique et
en méditant le détrônement de Phi-
lippe II comme souverain des Pays-Bas;
huit charges supplémentaires avaient
pour but d'incriminer plus fortement la
conduite tenue en Flandre dans la crise
de 1566. I>e prisonnier rédigea son mé-
moire de défense sans aucune aide et
sans avoir à sa disposition les documents
nécessaires; le 12 février, il le remit au
capitaine espagnol, gardien du château
de Gand. Il y exposait comment il avait
agi depuis ses différends avec le cardinal
de Granvelle jusqu'à l'envoi du duc
d'Albe dans les Pays-Bas, et soutenait
que ses intentions avaient toujours été
droites, qu'il avait toujours cherché le
service de Pieu et du roi ; ayant rempli
loyalement ses devoirs de vassal et de
conseiller, il demandait que la justice
du duc d'Albe lui restituât et son hon-
neur et sa liberté.
Le 1er juin, le conseil des Troubles
déclara forclos les deux seigneurs pri-
sonniers. Le 3, ils furent extraits du
chcàteau de Gand pour être reconduits à
Bruxelles sous l'escorte de plus de trois
mille soldats espagnols, f'es troupes
s'avançaient enseignes déployées et tam-
bour battant. Le funèbre convoi passa la
nuit à Termonde, et le lendemain il
entra dans Bruxelles. Les prisonniers
furent conduits à la Mai/^nn du Bot, en
face de l'hôtel de ville, et logés séparé-
ment. Le 4, le duc d'Albe réunit le
conseil des Troubles et revêtit de sa
signature la sentence qui condamnait à
être exécuté par l'épée Lamoral d'Eg-
mont, prince de Gavre et comte d'Eg-
mont, chevalier de l'ordre de la Toison
d'or, conseiller d'Etat, baron de Fiennes,
d'Auxy et de Gaesbeek, seigneur d'Ar-
mentières, pair de Hainaut, etc., ancien
gouverneur et capitaine général des
pays de Flandre et d'Artois, pour crime
de lèse-majesté et de rébellion. La sen-
tence prononçait en outre la confiscation
au profit du roi de tous les biens du
condamné. Pans la nuit, Martin Rit-
hove , évêque d'Ypres, vint assister
l'infortuné seigneur. » Si j'ai failli, dit
« le condamé, que ma mort soit l'ex-
II piation de mes fautes ; mais pourquoi
« vouloir me déshonorer, avilir ma
« postérité, faire souffrir ma femme et
Il mes enfants par la confiscation de mes
Il biens? Il me semble que mes services
Il passés méritent qu'on use de quelque
Il grâce à mon égard. « Le prisonnier se
confessa, ouït la messe et communia
avec la plus grande dévotion. Mais sa
pensée se reportait toujours vers sa
femme et ses enfants, que sa condam-
nation plongeait dans la misère. A deux
heures après minuit, il écrivit deux let-
tres, l'une au roi, l'autre au duc d'Albe,
pour leur recommander ceux qu'il allait
laisser orphelins. Prêt à mourir, selon
ses expressions, il disait à Philippe II
qu'il n'avait jamais eu l'intention de rien
faire contre le service du souverain ni
contre l'ancienne et catholique religion.
Il Si, ajoutait-il, j'ai, durant ces trou-
II blés, conseillé ou permis de faire
Il quelque chose qui semble autre, c'a
•I été toujours avec une vraie et bonne
" intention au service de Pieu et de
Il \ otre ]\Iajesté, et pour la nécessité du
Il temps. " L'échafaud avait été dressé
sur le ]\tarché, en face de la maison du
Koi; il était entouré de vingt-deux com-
pagnies d'arquebusiers, rangés en ba-
• taille, mèches allumées. Vers onze heures
le comte d'Egmont descendit les degrés
de la ^Maison du Roi entre le mestre de
camp Julian Romeroetl'évêque d'Ypres;
arrivé sur l'échafaud, il se mit à "renoux
SOÎ)
EGMONT
ilO
avec son ronfesseur, et ils dirent ensem-
ble l'Oraison dominicale; puis l'évêque
se retira et le condamné joignit les mains
en disant à haute voix : In marim tuas.
Domine, commendo spiritum rneura. Lors-
que tomba la tête du vainqueur de Gra-
velines, un cri d'angoisse et d'horreur
sortit du sein de la foule qui se pressait
derrière les arquebusiers. En voyant
immoler ensuite le comte de Hornes, ce
fidèle ami du comte d'Egraont, les gé-
missements du peuple redoublèrent; et
sa douleur, sa consternation furent por-
tées au comble quand le bourreau atta-
cha sur des crochets de fer les têtes des
illustres victimes! V trois heures de
l'après-midi le? dépouilles des seigneurs
décapités furent transférées au couvent
des Récollets et de là à l'église collé-
giale. Tous les assistants pleuraient,
écrit un témoin oculaire. Le cadavre du
comte d'Egmont ayant été enfin déposé
au couvent de .Sainte-Claire, en atten-
dant qii'il reçût la sépulture dans le
bourg de Sottegem, on vit des adver-
saires secrets de la tyrannie espagnole
entourer le cercueil, l'embrasser et prier
Dieu de châtier les auteurs d'une si hor-
rible tragédie. Th. Just*-.
\.e comte d'Erjmonl et le comte de Hornes,
d'après des document authentique» et inédits,
par Th. Juste, Bruxelles, 1862.
EGTio^T {Philippe comte »'j, fils de
Lamoral et de Sabine de Bavière, naquit
à Bruxelles en 1.5 .5 S. Après l'arrestation
de son père, il s'était retiré en Alle-
magne sous la protection de l'empereur
Miiximilien IL £.n 1576, nous le re-
trouvons dans les Pays-Bas, où il em-
brassa avec ardeur la cause fédérale et
nationale. Nommé par les états généraux
colotiel d'un régiment wallon, il se joi-
gnit aux troupes (\\ù, sous le comman-
dement du marquis d'Havre, entrepri-
rent de défendre Anvers contre les
espagnols mutinés : il se comporta
vaillamment dans l'horrible journée du
+ HOvenil)re jusqu'au moment où il fut
fait prisonnier et conduit au château.
Pendant l'orageux et belliqueux gou-
vernement de don Juan d'Autriche, il
demeura fidèle à la cause fédérale.
Alexandre Farnèse, ayant succédé à son
BIOGR. NAT. — T. VI.
oncle, s'efforça de gagner les chefs des
régiments wallons qui s'étaient déclarés
pour la religion catholique et contre les
Gantois. Dès le .3 novembre 1578, il
écrivit à Philippe II, du camp de Bouges,
qu'il a fait sonder le comte d'Egmont
ainsi que les seigneurs de Hèze, de
"Montigny et de Câpres. Egmont ne
résista point aux suggestions de Far-
nèse; quoiqu'il appartînt encore ostensi-
blement au parti des états, il tenta de
lui enlever Bruxelles, où il résidait avec
ses sœurs. Dans la matinée du -t juin
1579, il fit approcher son régiment, qui
était cantonné dans les environs de la
ville, s'empara de la porte d'Obbrussel,
se dirigea vers le ^larché et se rendit
maître de l'hôtel de ville et de la Mai-
son du roi. Pour tromper la bourgeoisie,
Egmont fit publier qu'il avait été nommé
au commandement de la ville par les
états généraux; mais un exprès envoyé
en poste à Anvers rapporta bientôt leur
réponse : ils ordonnaient au comte d'Eg-
mont de sortir de Bruxelles dans les
vingt-quatre heures. La bourgeoisie
exaspérée courut aux armes et barricada
toutes les avenues de la Grand'place.
« Le lendemain " , disent les auteurs de
V Histoire de Bruxelles, « les bourgeois
« débouchèrent sur le ^larché par sept
« issues secrètes et refoulèrent les Wal-
» Ions dans l'hôtel de ville. .Manquant
" de vivres, sans espérance d'être se-
« courus, apprenant que des renforts
" accouraient de tous côtés pour sou-
" tenir leurs ennemis, qui voulaient
" mettre le feu « ez maisons d'allentour
« du Marché pour les brusler «, les
" royalistes demandèrent à capituler,
" menaçant, en cas de refus, de faire
" sauter P hôtel de ville. Sur les vives
«' instances du magistrat, les bourgeois
H consentirent à une convention, en suite
" de laquelle d'Egmont fit sortir de la
« ville ses soldats et ses adhérents. »
La foule, qui l'entourait sur le Marché
où il était resté un des derniers, l'acca-
blait d'imprécations; on l'appelait traî-
tre et fils dénaturé; on lui montrait la
place où onze ans auparavant son père
avait eu la tête tranchée par les Espa-
gnols. Ce fut en versant des larmes de
i7
5H
ËGMONT
d12
rage qu'il se dirigea enfin vers la porte
d'Anderlecht, d'oii il gagna le château
de Gaesbeek. Il avait juré de se venger.
Le 19 juillet, de son camp près de Maes-
tricht, Farnèse informa Philippe II que
le comte d'Egmont s'était rendu à Lille
près du seigneur de Eassenghien et y
avait fait une déclaration formelle pour
le roi et la religion catholique ; qu'il
avait donné aussitôt une preuve du nou-
veau zèle qui l'animait en réduisant
Nivelles, Grammont et Ninove. Malgré
cette éclatante défection, Philippe d'Eg-
mont, quelques jours après, eut l'audace
d'écrire au magistrat de Bruxelles pour
se justifier des soupçons de trahison qui
planaient sur lui. « Nous n'eûmes jamais
« en pensée, disait-il, de nous allier
« aux Espagnols si pernicieux. « En-
fermé dans la ville de Ninove, d'où il
pouvait ravager tout le pays entre la
Dendre et l'Escaut, Egmont se montrait
en réalité un des plus redoutables sou-
tiens de l'Espagne. Enfin, le 30 mars
1580, la garnison de Ninove fut assaillie
à l'improviste par La Noue et, après
quelques jours de combat, obligée de se
rendre à discrétion. Philippe d'Egmont
fut d'abord conduit au fort de Kamme-
kens, eu Zélande, puis transféré à Gand
où le peuple voulut le mettre en pièces.
Il resta captif pendant cinq années au
Prinsen-Hof. En 1585, il fut enfin
échangé avec d'autres capitaines contre
La Noue que les Espagnols avaient fait
prisonnier à leur tour.
Philippe II récompensa le comte
d'Egmont en le créant chevalier de la
Toison d'or et en lui conférant le gou-
vernement de l'Artois. On l'a appelé
lâche courtisan et guerrier téméraire ;
en réalité il s'était toujours montré
vacillant en politique et très-brave sur
les champs de bataille. En 1590, Far-
nèse l'envoya en France au secours du
duc de Mayenne, chef de la Ligue. Cette
expédition lui devint fatale. Le 24 mars,
il fut tué à la bataille d'Ivry. Il s'était
engagé dans la mêlée à la tête de
1,200 lances et d'un escadron de reî-
tres : un capitaine des carabiniers
royaux fondit sur lui et lui cassa la tête
d'un coup de pistolet.
Philippe d'Egmont avait épousé Ma-
rie de Hornes, fille de Martin, comte de
Houtkercke, et d'Anne de Croy, vicom-
tesse de Furnes ; il n'eut point de pos-
térité. Sa devise était : 2^'il mihl tollit
Jiyems. Th. Juste.
Correspondance d'Alexandre Farnèse, prince
de Panne, gouverneur (jéniral des Patjs-Das,
avec Philippe II, publiée par M. Gachard. —
Docuntents liistoriques inéaits concernant les
troubles des Pays-Bas, publiés par Ph Kervyn
de Volkaersbeke et J. Diegerick. — Histoire de la
ville de Bruxelles, par Heinie et Wauters, etc.
Ef^no^T (Juste \.\yi), peintre d'his-
toire et de portrait. Dans les documents
publiés par M. L. Dussieux {Archives
des arts, t. I, p. 358), il est dit que
Juste van Egmont est né à Anvers et
mort à l'âge de cinquante-cinq ans : deux
fautes en une ligne. De Bie, qui vivait
de son temps, dit qu'il est né à Leyde
en 1602. Il mourut à Anvers en 167-1,
donc à l'âge de soixante -douze ans et
non de cinquante-cinq. Juste van Eg-
mont, élève de Rubens, après l'avoir
été de Van Hoeck alors qu'il avait qua-
torze ans, quitta son maître fort jeune
et alla s'établir à Paris, où il vécut une
quarantaine d'années. Son départ dut
avoir lieu après 1628; en effet, à cette
époque on le trouve inscrit à la gijde
de Saint-Luc. En France, notre artiste
joua sans doute un rôle assez important,
car on le voit ti'ès-souvent employé par
Simon Youet; les rois Louis XIII et
Louis XIV firent cas de son talent; il
devint, en 1648, un des douze fonda-
teurs de l'Académie française de pein-
ture et de sculpture. En 1649, il offrit
à cette même Académie le portrait de
monseigneur Gaston d'Orléans. De plus,
De Bie assure que les plus hauts per-
sonnages le comblèrent de toutes sortes
de faveurs. Il n'est pas sans intérêt de
faire remarquer que ce furent quatre
artistes du Nord qui contribuèrent dans
une mesure très-large, d'après les mé-
moires du temps, à la fondation de la
célèbre compagnie : A'an Egmont, d'An-
vers, Pierre van Mol, d'Anvers; Gérard
van Opstal, de Bruxelles, et Van Plat-
tenberg, d'Anvers.
La vie de Van Egmont doit avoir été
très active comme artiste d'abord et
.sis
KG.MONT
•H 14
comme conseiller ensuite, s'il est permis
de s'exprimer ainsi. Comme artiste, s'il
reste peu de tableaux de lui (on ne sait
pourquoi), on a pourtant considérable-
ment gravé d'après ses œuvres j ce qui
permet d'avoir une certitude sur leur
quantité et leur caractère. Comme con-
seiller, on le voit travailler assidûment
à la fondation de l'Académie. En 1651,
il signe, en qualité de délégué, le con-
trat d'alliance entre l'Académie et la
turbulente confrérie française de Saint-
Luc. Sauf ce qui précède, on m sait pas
grand'chose de Van Egmont. On croit
qu'il se rendit en Espagne; en 1661, il
est encore en France, puis on signale sa
mort à Anvers en 167^. Un an avant,
on voyait de lui, à l'exposition publique
faite par l'Académie à Paris, la qua-
trième du règne de Louis XIV, deux
tableaux, dont voici la mention d'après
le livret de 1673 : De M. Juste, le père,
deux tableaux : dam Vun des deux sont
les portraits de monsieur et madame Per-
seval; et dans Vautre de monsieur Per-
sevul leur pu. Cette note nous apprend
que le nom de Van Egmont était déci-
dément remplacé par celui de Juste, et
secondement que notre artiste avait un
tils qui peut avoir été peintre aussi ,
puisque le mot père semble avoir été
placé là pour distinguer les travaux du
père de ceux du tils. A propos du nom
fie Juste qui semble avoir remplacé celui
de Van Egmont, rappelons ici que Ma-
riette rapporte que le peintre aurait
adopté ce nom de Juste ou Justus pour
faire sa cour au roi Louis XIII, dit le
Juste {\).
Van Egmont avait épousé une Fla-
mande s'il faut en juger par le nom :
elle s'appelait Emérence Bosschaert et
fut enterrée près de son mari en 1685,
a Saint-Jacques, à Anvers.
On connaît de Juste van Egmont les
portraits suivants : à Vienne, ceux de
Philippe IV enfant et celui de l'archiduc
(I; Voici ce (|ue Mariette dit à propos de notre
artiste. EcMOST iJuste Verm d'; d'Anvers ; ce
peintre qui estoit excellent pour peindre les por-
iraus, vint à Paris sous le régne de Louis XIII
et y acquit une grande réputation. En effect per-
sonne u'estoit plus capable que luy de bien pein-
dre une teste. J'en ai veu qui sont dignes de Van
Léopold-Guillaume ; à Pommersfelden,
ceux d'un homme et d'une femme. Dans
les ventes anciennes, on a vu quelques-
uns de ses portraits vendus à des prix
dérisoires. Ce peintre donnait à ses œu-
vres un aspect agréable , son coloris
était chaud et clair, mais il avait une
brosse un peu molle. Ces nuances se
faisaient remarquer dans une Xaissatice
de Vénus, qui fut vendue 300 florins à
la vente Kegaus (1775).
Les portraits les plus remarquables
qui aient été gravés d'après Van Egmont
sont ceux de Louis XIII, de Louis XIV,
du duc d'Anjou (1643), de Charles de
la Porte, d'Anne d'Autriche et de Marie
de Gonzague. Xanteuil a admirablement
gravé le portrait de Charles de la Porte.
Il existe aussi beaucoup de gravures
d'après des sujets d'histoire religieuse
et il faut croire que le peintre en exploi-
tait la vente lui-même, puisque, sous
\vsxQ de ces estampes , il donne son
adresse : rue de Richelieu, à V enseigne de
Louis XIII, le Juste.
D'après Jal (Bictiontmire critique de
hiograplne et d'histoire), Van Egmont
s'appelait aussi Constant et aurait eu
deux femmes. Les renseignements qu'il
donne à ce sujet permettent de penser
qu'il y a confusion entre Juste et un
autre peintre du roi du prénom de
Constant, lequel fut inhumé le mardy
^1 janvier 1679, d'après les registres
de Saint-Germain l'Auxerrois, à Paris.
L^épitaphe de notre artiste et de sa
femme, dans l'église Saint-Jacques, a
Anvers, porte ce qui suit :
D. 0. M.
ICSTUS VERUS .\B EGMONT
ET
EMERENT1.\ BOSSCHAEKT
CONIUG.
OBIIT ILLE 8 JASUARII 1671
ILLA VERO 19 JU.NU 1683.
R. I. P.
Comme on le voit, les éclaircissements
que Jal donne sur la question sont
Dyck, tant elles sont peintes avec fraîcheur...
Hoinbourg, dans sa description sommaire des
peintures qui sont à Lyon, dit que le tableaudu
grand autel des Jacobins de cette ville, représen-
tant le Baptdine de .V. S , est de Juste, peintre du
grand-duc.
ol;
EGMONT — EILBODE
116
plutôt de nature à l'embrouiller qu'à
Téhicider. Nous, croyons qu'il y a con-
fusion entre le père et le fils et que cer-
taines dates relevées par Jal concernent
ce dernier. Ad. Siret.
EHRE^'BEKG(G««7/ffMwevAiî), pein-
tre d'architecture, né à Anvers en 1630,
mort en 1675 ou 1677. Reçu franc-
maître de la corporation de Saint-Luc à
Anvers en 1662, en 1666, il fut admis
en qualité à^amateur dans la chambre
de rhétorique de Olyftal- à laquelle il
offrit le tableau qui se trouve actuelle-
ment au musée d'Anvers et qui repré-
sente Caricine devant le roi d'Ethiopie.
Toute la partie architecturale de cette
œuvre est de lui, les figures sont d'Kenri
van Minderhout. On ne sait qui fut son
maître, mais il acquit rapidement une
grande notoriété par la peinture des
fonds d'architecture et les effets de per-
spective. La plupart des grands artistes
de son temps étoffèrent ses tableaux, et
lui-même, par réciprocité, orna de mo-
numents et de détails architecturaux les
œuvres de ses confrères. Son extrême
habileté dans ce genre en fait un des
artistes les plus originaux du xviie siè-
cle. On ignore la date précise de sa
mort. Indépendamment du tableau du
musée d'Anvers, il faut citer de Van
Ehrenberg le fond monumental si re-
marquable du chef-d'œuvre de Biset qui
se trouve au musée de Bruxelles et qui
représente Guillaume Tell abattant la
pomme placée sur la tête de son fils. Le
Musée de Vienne renferme de lui un
Intérieur d'église, signé et daté de 1664.
Excellent perspectiviste , dessinateur
élégant et ingénieux , coloriste souple
et adroit, notre artiste est souvent
appelé Hardenberf/, Ondenbergh, Van
Eerdenborch, Van Arembercît et Van
Aerdenborch. Un super1)e tableau de
Biset représentant Jupiter et Danaé, fut
vendu en 1763, à la vente Lormier, à
Jja Haye. Van Ehrenberg, qui avait fait
une partie du fond avec (lysels, Vee-
rcndael et Spierings, est désigné dans le
catalogue sous le nom de Ilardenberg .
A.l. Siicl.
i: 11,11 i:icT
(If l'iciihcun-ux), comte
de riorennes, né vers le commencement
du xe siècle, était fils aîné d'Ebroin et
de Liberté, que la légende fait descendre
des comtes de Narbonne. Pendant sa
jeunesse, Eilbert ne cessa de guerroyer,
suivant en cela les usages des seigneurs
de son époque; et, pour se défendre
contre ses ennemis, il construisit sept
châteaux forts. Dans son ardeur belli-
queuse, il se laissa entraîner, un jour,
jusqii'à piller la ville de Reims et incen-
dier la belle basilique qui y était élevée
en l'honneur de Notre-I)ame. La raison
qui l'avait poussé à ces excès était
cependant des plus futiles ; c'était pour
récupérer une pierre précieuse donnée
en gage pour un cheval ! ! Revenu plu^^
tard à des idées plus calmes, et poussé
par des sentiments de componction, il
construisit sept monastères avec l'inten-
tion d'expier ainsi les crimes de sa jeu-
nesse. Le dernier des monastères qu'il
fonda, fut celui de Waulsort, situé sur
la Meuse entre Dinant et Givet. Il le
dota richement, en 946, de concert avec
son épouse Héresinde. Après la mort de
celle-ci, Eilbert mena une vie retirée et
séjourna presque constamment à Waul-
sort, consacrant son temps à la prière.
Il y mourut le 28 mars 977.
i:.-H.-.l. Reus-iiv
Raissius. Ad natales sanctorurti JlelijnJoannis
Molaui aiiciariiim. ]). 48.
EiLBonE, EiLBODox, ouHetlbodk,
châtelain de Courtrai, dont le nom pour-
rait bien signifier messager de ])onheur,
de hegl, bonheur et bode, messager. Jl
vivait au xe siècle en Flandre, sous le
règne du comte Baudouin le Barbu.
L'histoire d'Eilbode est celle de beau-
coup de seigneurs et d'officiers du moyen
âge, qui, au milieu de l'espèce de chaos
politique d'où devait sortir une organi-
sation complète, essayèrent de se tailler
un domaine indépendant; il y eut seu-
lement cette difi'érence, que le châtelain
de Courtrai ne parvint pas à consolider
une usurpation bien réussie dans le
principe, tandis que d'autres ont fondé
des Etats, qui sont, par le temps, de-
venus des ])uissauces.
Nouslisonsdans une vii'ille chronique
flamande que » Baldwiu le Rarbu fut le
EILBODE — EISEN
ol8
« premier qui créa des nobles et des
« chevaliers en Flandre ; il leur donna
« des domaines et des châteaux et leur
" confia la garde des villes " . C'est
ainsi qu'à Courtrai on construisit un
linr(j dont le commandement fut donné
a Eilbode, homme d'une haute naissance
« splendido loco iiatus « , à ce que dit
l'annaliste Meyer.
A peine nommé, le châtelain résolut
de profiter de la jeunesse du comte pour
s'affranchir de son autorité. Son gouver-
nement comprenait une assez grande
portion du territoire de la Flandre,
autour du hury de Courtrai, il s'en em-
para, et se mit à la régir pour son propre
couipte. Seulement afin de se maintenir
avec succès dans cet état de rébellion
ouverte, il lui fallait nécessairement
s'assurer l'appui des populations des
villes de Courtrai, d'Harlebeke, et des
gens du plat pays. Dans ce but, il
accorda à tous les habitants de son
pseudo-comté certains avantages , au
prix desquels ils consentirent à se ranger
de son parti; il parvint même à leur faire
promettre de résister à Baudouin, si
celui-ci en venait à vouloir revendiquer
.ses droits sur le burcj et la chàtellenie de
Courtrai. Harlebeke cependant refusa
d'entrer dans la conjuration, et malgré
tous les eôbrts d'Eilbode, persista dans
sa fidélité au comte de Flandre.
La souveraineté d'Eilbode dura quel-
ques années, et il se croyait, sans doute,
déjà assuré de l'impunité, quand la mort
le surprit. Cet événement semblait devoir
mettre fin à la révolte, mais il n'en fut
rieu, et les Courtraisiens continuèrent à
vouloir former un Etat indépendant.
Baudouin le Barbu, sur ces entre-
faites, avait atteint l'âge de gouverner
entièrement par lui-même ; un des pre-
miers projets qu'il voulut mettre à exé-
cution fut d'aller revendiquer la portion
de territoire que le châtelain félon lui
avait si audacieusement enlevée. Les
bourgeois de Courtrai en furent infor-
més, et ils envoyèi'cnt quinze des leurs
mettre le feu aux quatre coitis d'Harle-
beke, pour punir cette ville de sa fidé-
lité au comte. Harlebeke brûla tout
entier et ce fut à grande peine et comme
par miracle qu'un clerc parvint à sauver
les reliques de saint Bertulphe. Cet
attentat indigna les populations contre
les rebelles; de nombreux sujets du
comte se joignirent à lui et l'on marcha
sur Courtrai. Eilbode, qui avait été
l'ame de la révolte, n'était plus là pour
l'alimenter, et Baudouin eut bientôt
raison des bourgeois. Ceux-ci ne persis-
taient dans leur rébellion que dans la
crainte du châtiment qui les attendait;
se voyant complètement isolés et sans
appui, ils se soumirent. Il est probable
que le comte de Flandre les châtia sévè-
rement, car il n'eut plus de longtemps à
réprimer une insurrection de ce genre.
Emile Varenbeigli.
Vila s. Rertulphi , apud Ghesqiiiére; Aciu
SS. Belgii, v. 483. — Brève geneat. corp. cliroii.
Ftuiidr., t. XIll. — Chron. coin. FtuiitL, dans
(.orp. clir., 44. — Kervyn, HUt de ta Flandre,
t. I, ±21-^21^.— Le filay, Hist. des comte.', de Flan-
dre, t. I, lo(3. — Meyèr, Aiinale.s, (.dannuni 9S8.
Ei!*EX {François), peintre et graveur,
né à Bruxelles vers 1685, et non en
1700 (comme l'indiquent abusivement
plusieurs biographes j, mort à Paris à un
âge fort avancé, vers 1775, selon toute
probabilité. Encore jeune, il alla s'éta-
blir eu France , à Yalenciennes , s'y
maria en 1716, et s'y livra fructueuse-
ment à son art en peignant des sujets
de sainteté pour les églises du Bégui-
nage, des Brigittines, des L'rsulines, de
l'abbaye de A^icoigne et pour d'autres
institutions monastiques. Il n'eût pas
discontinué à exploiter une si bonne
veine, s'il ne s'était buté, en 174'5,
contre le mauvais vouloir de l'adminis-
tration communale, et, surtout, si la
venue d'un de ses confrères, le peintre
Gilis, n'avait en partie arrêté son suc-
cès. Sotis l'influence de ces déboires,
il revint dans sa ville natale, et il pro-
jetait de s'y fixer, quand le bombarde-
ment de Bruxelles par l'armée française
le força de s'en éloigner de nouveau :
une ville dévastée et appauvrie ne
pouvait guère offrir des ressources à
un artiste. Il alla donc chercher for-
tune à Faris, ne l'y trouva point, mais
acquit assez rapidement la vogue. Ses
agréables tableaux de genre, qui réunis-
saient à une certaine ingénuité d'ex-
519
EISEN — ELBURG
o20
pression et à l'élégance des costumes le
coloris et le faire précieux des A-ieux
Flamands, furent bientôt recherchés;
les gens du monde s'en engouèrent à
première vue; les vrais connaisseurs y
découvrirent de sérieuses et solides qua-
lités. A ce moment l'Académie eût même
ouvert ses portes à Eisen, si, plus sou-
cieux de sa gloire, il fût allé y heurter, en
sollicitant, indirectement, ses sufirages
par l'exécution d'une œuvre historique.
11 se borna à profiter de sa bonne chance,
comme si elle ne devait jamais cesser, et
l'argent afflua dans son ménage sans ce-
pendant y abonder. Ce ménage compre-
nait, en effet, une dizaine de personnes;
marié jeune avec ^Marguerite Gainze, il
en eut sept enfants, entre autres un
fils, Charles Eisex, né à Yalenciennes
le 17 août 1720, justement célèbre
comme graveur et qui, dès 1742, l'avait
précédé à Paris pour entrer dans l'ate-
lier de Lebas.
Ce fils, Charles Eisen, revint mourir
fortuitement à Bruxelles le 4 janvier
1778 et fut enterré au cimetière de
Sainte-Gudule. Il s'était rendu en Bel-
gique, disait-on, pour arranger ses affai-
res; mais, en réalité, il n'y était venu que
pour fuir ses créanciers et ajouter de nou-
velles dettes aux anciennes. Livré à des
mœurs dissolues; séparé, depuis plus de
dix ans, de ses enfants et de sa femme
légitime; enfin dépourvu de conscience
et de moralité, le nom de l'homme ne
mériterait point de survivre, si le talent
de l'artiste n'eût été admirable. Sa rare
fécondité, la prestesse de sa main, son
imagination si vive et si capricieuse di-
minuèrent cependant vers la fin de sa
\ie : sous l'influence délétère de ses
vices, il ne produisait plus guère que
harcelé par le besoin. Son œuvre est
cependant des plus abondants; mais, au
milieu de tant de gravures, la plupart
attrayantes, correctes, empreintes d'une
grâce un peu maniérée, on citera tou-
jours comme ses chefs-d'œuvre les plan-
ches exécutées pour len Baisers de Dorât
et celles des Contes de La Fontaine, dans
la splendide édition dite des fermiers
généraux.
Son père, François Eisen, avait éga-
lement gravé à l'eau-forte. On cite sur-
tout sa planche d'après Eubens, Jésvn
remettant les clefs à saint Pierre. Comme
nous l'avons dit, il peignit d'aliord des
sujets religieux; ensuite des scènes de
salon, élégantes ou galantes; enfin,
quand le goût se modifia et que sou
talent eut veilli, il lui fallut l'accommo-
der à la mode du jour, en peignant des
tabagies et des bambochades. Quoique
octogénaire, son intelligence était restée
éveillée et sa vue si bonne, qu'il pouvait
travailler sans lunettes. Il produisait
chaque mois deux à trois tableautins de
6 à 7 pouces de hauteur, et qu'on lui
payait tfois louis, ressource suffisante
pour se maintenir au-dessus de la pau-
vreté. Celle-ci vint pourtant à pas lents,
et faute de pain, il se fit admettre, avec
sa femme, à l'hospice des Incuraliles, où
tous deux moururent. péiix stappaens.
biographie Valenciennoise 'par Hécari), recueil
de noticiîs extraites de la Feuille de Yalencien-
nes fie -18-21 à 18!26. — Bulletin de la Société
de l'histoire de l'art français, 1867. — L'Art au
xvm"= siècle, par Ed. et Jules de Goncourl, 1 vol.
in-80, Paris, i874.
*Ei,BtJRG(Je««VA:*'), peintre de ma-
rines et de figures, né à Elburg en Guel-
dre, florissait pendant les années 1500
à 1553. Il se trouve inscrit dans les
Liffffereu d'Anvers, sous la date de 153(i
et appelé Hansken van Elburcht {alias
Klein Hansken). Yan Mander dit qu'il
vint à Anvers en 1535. Les Liggeren
donnent en note un extrait des comptes
de l'église de Xotre-Dame d'Anvers, du-
quel il résulte qu'à la ]S'oël en 1552-
1553, Petit Jean fut chargé de peindre
des images de Marie sur des bannières.
En 1551, les Liggeren mentionnent un
peintre nommé Melsen Salebos comme
élève de notre artiste.
Jean van Elburg est considéré comme
fun des fondateurs de la peinture de
marine; il y excellait et parvenait à
rendre admirablement les tempêtes; il
s'occupa aussi de peinture d'histoire
religieuse et de paysage. On voyait
autrefois de lui, d'après Van Mander, à
l'église de Xotre-Parae d'Anvers, une
Fe'che miraculeuse, aujourd'hui disparue.
Kramm signale encore, au musée d'An-
vers, le Miracle de la midtiplicntion des
0-21
ELBURG — ELDEREiX
322
paim : le récent catalogue de ce musée
(187-ij ne le mentionne pas. Immerzeel,
qui fait naître notre peintre en 1500, en
fait, d'après Van Mander, un grand éloge.
Descamps, qui publiait, eu 1753, sa Fie
des pehitres, dit : « On voit encore de
» Van Elburcht, dans l'église de Notre-
« Dame d'Anvers, le tableau d'autel de
« la chapelle des marchands de poisson;
" il représente la Pèche miraculeuse »
(déjà signalé cent cinquante ans aupa-
ravant par Van Mander). « On voit
« trois autres petits tableaux derrière
Il les chandeliers, dans lesquels il a
" peint des sujets tirés de l'Evangile. «
Dans son Voyage pittoresque , le même
auteur, en parlant de ces tableaux, dit :
« Ils ne sont pas sans mérite, mais le
" dessin en est roide et tout y est peint
" avec trop de sécheresse « .
Ad. Siret.
ELDEREX {Jean-Louis, baron d'),
LXIIIe évêque de Liège, fils de Guil-
laume, seigneur de Genoels-Elderen ,
Kechoven, Koye, etc. (1), et d'Elisabeth
de Warnant, naquit dans les premières
années du xviie siècle et mourut presque
subitement à Liège, d'un catarrhe suffo-
cant, le 1er février 1694. Il était entré
de bonne heure dans les ordres. Reçu
chanoine tréfoncierle 8 novembre 1636,
par collation de Ferdinand de Bavière,
il fut élu grand chantre en 1661 et
grand doyen de Liège huit ans plus
tard; il porta également le titre de
prévôt de Saint-Barthélemi, en cette
ville, puis celui de prévôt de Notre-
Dame de Tongres. Le prince Maximi-
lien-Henri ayant rendu le dernier sou-
pir à Bonn le 3 juin 1688, le chapitre
cathédral s'empara aussitôt du pouvoir
exécutif, au lieu de convoquer les états,
suivant l'antique usage, pour la nomi-
nation d'un mamboiirg (3) : c'est de là,
par parenthèse, que datent les premières
monnaies sede vacante, frappées au nom
(1) Le famille d'Elderen se rattachait au lii;nage
de Tomjrea ; elle portail de vair, après le pre-
mier trait en chief une fasce d'or, les vairs nom-
bres de 4, 3 et "2 (V. Loyens, Rec. Herald . el Ern.
de Rye, Traité dea maisons nobles du pays de
Liégt, p. 99).
\^) Sur celte (|uesiion controversée, voy. Poul-
lel, Les ('onstitiUions nationales belges (Méni. de
l'.4cad., in-8», t. XIVl, p. 88).
dudit chapitre, à l'effigie de saint Lam-
bert. Cependant il fallait en finir : les
intrigues commençaient à se nouer. La
France recommandait vivement la can-
didature du cardinal de Furstenberg;
elle y perdit sa peine. Les chanoines
jetèrent leur dévolu sur Jean-Louis, qui
ne songeait à rien moins qu'au pouvoir.
C'est peut-être pour cela qu'ils le choi-
sirent, parce qu'il était doux, aftable,
sans ambition personnelle; aussi bien,
l'intérêt du petit Etat de Liège était de
se prêter le moins possible aux compé-
titions étrangères, d'ôter aux grandes
pii.issances voisines et rivales tout pré-
texte à s'immiscer dans ses affaires.
Elevé à le principauté le 17 août,
d'Elderen fut consacré évêque le 27 dé-
cembre suivant, en l'église des Prémon-
trés. Le peuple témoigna une franche
allégresse : on se félicitait de voir enfin
sur le trône un gentilhomme du pays.
Le règne de Maximilien-Henri avait été
agité, sinistre, liberticide. Il n'y avait
plus à revenir sur le passé, ftit-on resté
grignoux au fond de l'àme : l'opposition
avait usé son énergie ; on se résignait ;
du moins on comptait respirer sous un
prince du caractère de d'Elderen :
Il Un très-saint homme, dit Mme de La-
// fayette, que l'esprit ne conduit pas
Il à de grands desseins, et qui peut-
II être, à l'heure qu'il est, est très-faché
// d'avoir été élu. « Mais il n'est pas
toujours possible de rester pacifique.
Citons encore Mme de Lafayette, d'après
Villenfagne : « Louis XIV fut offensé
" que le chapitre de Liège n'eût pas
Il suivi ses intentions; il s'en consola
Il par la quantité de contributions qu'il
Il espéra tirer de tout le pays. « L'oc-
casion ne lui manqua pas. Jean-Louis
n'avait pas encore reçu de Piome sa bulle
de confirmation, qu'il eut maille à partir
avec le grand roi. La puissante armée
qui devait envahir l'Allemagne se jeta
en passant sur le territoire liégeois et
s'y conduisit en ennemie. L'évêque pro-
testa et obtint, grâce aux déiuarches de
son envoyé à Versailles, le comte de
Groesbeeck, que la principauté serait
épargnée, à condition : lo qu'une somme
de 150,000 livres serait payée annuel-
;^23
ELDEREN
)24
lement à la France pendant la durée de
la guerre ; 2o qu'une autre somme de
90,000 livres servirait d'indemnité pour
divers travaux exécutés entre autres à
Huy ; S'J que la citadelle élevée par le
dernier prince serait démolie. Liège
devait, finalement, garder la neutralité.
Qu'arriva-t-il? Des annalistes préten-
dent que les Liégeois saisirent un convoi
« de munitions de guerre et de bouche «
de provenance française; d'autre part
des troupes de la coalition furent intro-
duites dans leur ville, bien qu'on leur
eiit fait dire que s'ils les recevaient, ils
pourraient avoir lieu de s'en repentir.
Etait-ce manque de foi? N'ayant point
de troupes, pouvaient-ils rester neutres?
X'étaient-ils pas à la merci du premier
occupant? Cédèrent-ils parce qu'il le
fallut bien, ou n'écoutant que leurs pré-
férences ? Bref , d'Elderen se vit mis en
demeure de se justifier ou de se pronon-
cer. Longtemps il hésita : poussé à bout,
il déclara la guerre à la France et leva
sans retard 4,000 hommes, qu'il mit à
la disposition des alliés. Outrecuidance!
s'écria-t-on. D'autres, au contraire, van-
tèrent le courage et la présence d'esprit
du prince, dont l'attitude en efl'et ne
laissa pas que d'inquiéter les politiques
de Paris. En tout cas, la malheureuse
ville de Liège le paya cher. Vers la tin
du mois de mai 1691,1e maréchal de
Bouftiers entra en campagne. Le 1er juin,
mardi de la Pentecôte, il s'approcha de
la cité, du côté de la Chartreuse, avec
fiO escadrons et 20 bataillons (15,000 ou
16,000 hommes), douze mortiers et plu-
sieurs canons. Le bombardement fut
ouvert le 4 : les mortiers firent leur ter-
rible office pendant deux fois vingt-quatre
heures, et, dix-huit heures durant, les
autres bouches à feu vomirent des bou-
lets rouges sur les quartiers les plus
])opuleux. Le feu gagna surtout les quais
de la Meuse (rive gauche), ainsi que les
maisons situées entre la rivière et le
Marché : l'église îSainte -Catherine et
l'hôtel de ville furent réduits en cen-
dres ; le faubourg d'Amercœur et la Bo-
verie eurent le même sort. Les troupes
(le Brandebourg mirent le comble à la
JésoUition des habitants eu se livrant au
pillage, comme si elles n'avaient pas été
appelées pour les protéger. Heureuse-
ment le bruit de l'arrivée d'une autre
armée allemande se répandit dans le
camp de Boufflers, qui délogea sans ten-
ter de se rendre maître de la ville incen-
diée. D'Elderen désirait ardemment la
paix; elle ne fut conclue qu'après sa
mort, en 1697 (traité de Eyswick); dans
l'intervalle du moins, grâce aux me-
sures prudentes et à l'attitude énergique
du général Coehorn, Liège fut à l'abri
des coups de main et put songer à
réparer ses désastres. Un autre fait qui
ne manque pas d'importance se rattache
au règne de Jean-Louis.- — V\\ de ses pa-
rents, le comte d'Oyembrugge, était à
la tête de l'ordre équestre lorsque le
pouvoir souverain lui fut conféré. Sur
les instances de ce personnage, le prince
publia (1691) un édit portant que les
gentilshommes qui voudraient désormais
s'agréger audit ordre auraient à fournir
la preuve de quatre quartiers paternels
d'état noble ancien et militaire , et
pareillement de quatre quartiers mater-
nels, reçus dans les chapitres où l'on
exige la même preuve. Il en résulta
qu'avec le temps, un grand nombre de
fiimilles nobles, en possession de fiefs
considérables, se virent exclues de toute
participation directe au gouvernement
du pays; le but poursuivi avait été de
concentrer les hautes dignités sur un
petit nombre de têtes. Quand éclata la
révolution liégeoise , l'état noble se
composait à peine d'une douzaine de
membres, parents les uns des autres.
Villenfagne conteste formellement la
constitutionnalité de l'acte de 1691,
quoi que l'on en pense, Jean-Louis en-
gagea l'Etat dans une voie dangereuse :
en réduisant outre mesure un corps
investi de pouvoirs étendus, il l'exposa
fatalement à dégénérer en coterie. —
L'Histoire de Liège de B. Fisen fut
réimprimée en 1694, un peu avant la
mort de notre prince, et augmentée d'un
second volume : c'est le point de dé-
part du mouvement littéraire que noua
avons signalé dans l'article fi eoirges-
Louis de BergheS. Alphonse Le Roj.
Los liisioi'ifiis ilo Liège (de Gei'Iache, He-
5'2o
ELDEREN - ELÉONORE
m
naux, etc.} — Loyens, Recueil héraldique. — De
Renesse, S'utnism'atique liégeoise. — De la Hodde,
Histoire de Louis XIV. — Villenfagne, Recher-
ches. — Vanden SteRti, Essai sur la cathédrale
lie S. Lambert. — PoiiUel, Les Constitutions na-
tionales, X. — (J. del Marmol), Le peuple liégeois.
T- Mémoires et journaux du lumps.
ELEM {Jérôme) ou Elexus, juriscon-
sulte, né à Baelen, dans la Campine,
mort à Anvers en 1576. Il fit ses études
il l'université de Louvain, au collège du
Château; y ayant obtenu, en 1542, le
grade de maître es arts, il s'appliqua
particulièrement à l'étude de l'histoire,
de la jurisprudence, de la philologie,
de l'économie politique et de la philo-
sophie. A l'exemple de plusieurs autres
érudits belges, il se rendit en France,
afin de compléter son instruction et sui-
vit à Paris le cours de langue grecque
donné par Jean Strazelius, son compa-
triote, et à Orléans le coy.rs de droit
professé par Hopperus, savant dont il
obtint l'amitié. De retour à Louvain, il
y enseigna le grec et le droit et s'établit,
à la fin de sa carrière, à Anvers, où il
pratiqua comme avocat; il y mourut
dans un âge peu avancé.
La réputation d'Elen comme juriste
de la nouvelle école est attestée par ses
œuvres. On lui doit : V> J . Laticeloti
Institutiones jitrîis cationici. Anvers ,
1566, in-8ù. — 2° Biatr'ibaruiii seu
exercitatiotium ad Juh civile libri III.
Anvers, 1576, in-S». Ou y ajoute son
poëme De Jure Pratorii Antverpiensis .
Cet ouvrage, relatif aux règles du droit
civil, au mode d'étudier le droit, et à
certaines anomalies dans les lois, est
très-recherché et justement estimé ; il a
été réimprimé plusieurs fois, entre autres,
dans le Thésaurus jnris romani, d'Eve-
rard Otthon, en 1725, t. H, p. 1393.
Aug. Valider Meersch.
Fo|)pens, Uibliolhecu latina, t. I, p. 481. —
.Moreri. Uxtionnaire bioqraphiqiie. — biographie
générale, publ'ée par Didot. — Brilz, Mémoire
couronné, p. 98.
ÉL,Éo.\ORE d'Aitriche , née à
Bruxelles le 30 novembre 1498, était l'aî-
née des enfants issus du mariage de Phi-
lippe le Beau avec Jeanne de Castille.
Elle avait douze ans à peine et se trou-
vait sous la tutelle de sa tante Margue-
rite, l'illustre régente des Fays-Bas,
lorsque déjà on disposait de sa destinée.
Pour amener un arrangement avec les
Gueldrois, l'empereur Maximilien né-
gocia le mariage d'Eléonore avec le duc
de Lorraine ; mais Louis XII réussit à
faire rompre ce projet. Quatre ans plus
tard, Ferdinand, roi d'Aragon et père
de Jeanne de Castille, offrit sa petite-
fille à Louis XII lui-même, veuf d'Anne
de Bretagne. Cette proposition, fondée
sur des calculs purement politiques, fut
également écartée. Quand des ambassa-
deurs danois vinrent ensuite demander
la main d'Eléonore pour le roi Chris-
tiern II, l'empereur objecta que cette
princesse était maintenant promise à
Emmanuelle Fortuné, roi de Portugal.
Pour la troisième fois, on disposait de
la jeune archiduchesse sans son aveu.
Elle s'était éprise, à la cour de Bruxel-
les , du comte Frédéric de Bavière ,
cadet de la maison palatine, et lui avait
même remis une promesse de mariage.
Celui qui allait devenir Charles-Quint
surprit entre les mains de sa sœur une
lettre d'amour du comte qui l'appelait
sa mie et où il réitérait son serment de
n'être jamais qu'à elle. Charles, irrité,
fit rompre devant un notaire aposto-
lique, en présence de plusieurs témoins,
et par la déclaration des deux parties,
l'engagement qu'elles avaient pris l'une
à l'égard de l'autre. Il éloigna ensuite
de la cour le comte Frédéric et condui-
sit sa sœur en Espagne, où il allait
prendre possession des couronnes de
Castille et d'Aragon. Il partit de Mid-
delbourg le 7 septembre 1517. Mais
deux ans s'écoulèrent encore avant l'ac-
complissement du mariage d'Emmanuel
de Portugal avec Eléonore d'Autriche.
En 1519, Eléonore fut conduite en
Portugal par le baron de Trazegnies
et la dame de Chièvres ; le mariage fut
célébré le 7 mars. Emmanuel le For-
tuné, né en 1469, était veuf d'Isabelle
et de Marie de Castille; pendant un
règne déjà long il avait fait du Portugal
une nation puissante et glorieuse. Eléo-
nore, alors âgée de 21 ans, était, selon
Brantôme, très-belle et n'avait d'autre
défaut physique que la bouche grande
et avancée, défaut héréditaire de la
o27
ËLÉONORE
528
maison de Bourgogne. Emmaniitl mou-
rut le 10 décembre 1521, laissant, de
son mariage avec Eléonore, dona Maria
de Portugal.
Charles-Quint devait également sa-
crifier Eléonore à ses ambitieux desseins.
En 1523, elle fut promise, avec une
dot de 100,000 écus, au connétable de
Bourbon, à condition que celui-ci s'uni-
rait à l'empereur envers et contre tous.
Ce mariage ne s'étant pas accompli,
Charles-Quint réserva sa sœur pour
François 1er, lorsque le roi-chevalier,
vaincu et pris à Pavie, négociait sa déli-
vrance. Le 14. janvier 1526, Fran-
çois 1er jura solennellement d'observer
les clauses du traité de Madrid. Six
jours après, Lannoy, vice-roi de Naples,
muni de la procuration de la reine de
Portugal, vint trouver le roi de France,
pour procéder à la cérémonie des fian-
çailles. Ce fut du lit, où le retenait la
fièvre, que François I" accomplit cette
cérémonie. Le 16 février, Charles et
François partirent à cheval de Madrid
pour aller voir la reine Eléonore, qui
était venue de Tolède à Illescas. L'en-
tretien eut lieu le lendemain en pré-
sence de la reine Germaine de Foix,
veuve de Ferdinand le Catholique. On
rapporte que lorsque François 1er s'ap-
procha d'Eléonore , celle-ci tomba à
genoux et voulut prendre sa main pour
la baiser. « Ce n'est pas la main que je
vous dois, lui dit le roi en la relevant,
c'est la bouche. « Et il l'embrassa.
L'historien de la Rivalité de François 1er
et de Charles-Quint ajoute : « Prenant
ensuite sous le bras la reine, sa fiancée,
tandis que l'empereur conduisait de la
même manière la veuve de son aïeul,
ils entrèrent dans une salle qui avait été
préparée pour la danse. Les deux mo-
narques assistèrent à cette fête pendant
deux heures et retournèrent fort avant
dans la nuit coucher à Torrejon. Le len-
demain ils revinrent à Illescas et visi-
tèrent de nouveau la future reine de
France. «
On sait comment François I<"i", devenu
libre et refusant d'exécuter les clauses
du traité de Madrid, provoqua une nou-
velle guerre. Celle-ci fut tcruiinée par
le traité signé à Cambrai le 3 août 1529
et qui stipulait, entre autres, que le ma-
riage de François 1er et d'Eléonore se-
rait célébré après le payement de la
rançon fixée pour le dauphin et le duc
d'Orléans, retenus comme otages en
Espagne. Le 1er juillet 1530, ils furent
délivrés et conduits sur la rive française,
tandis que la reine Eléonore, accompa-
gnée de ses dames, traversait également
la Bidassoa. Elle se mit ensuite avec le
dauphin et le duc d'Orléans en marche
pour Bordeaux, où le roi et toute la cour
étaient venus les attendre. Le mariage
ayant été célébré, François 1er et la nou-
velle reine prirent le chemin de Paris
sur des haquenées, suivis de toute la
cour à cheval. F"'rançois 1er, qui avait
épousé Eléonore par contrainte et non
par amour, se comportait avec courtoi-
sie, mais sa froideur était plus qu'appa-
rente. Eléonore, cependant, s'efforçait
de maintenir de bons rapports entre les
anciens rivaux, et pendant sept ans la
guerre fut suspendue. Lorsqu'elle se
ralluma en 1536, « la pauvre prin-
cesse ", comme dit Brantôme, « n'eu
pouvait mais » ; elle avait fait ce qu'elle
avait pu pour la prévenir. N'ayant pu
l'empêcher, elle tâcha de l'abréger ; dès
le mois de juillet 1537, d'accord avec sa
sœur Marie de Hongrie, régente des
Pays-Bas, elle négociait une trêve de
dix mois qui fut comme la préface de
la trêve de dix ans conclue à Nice le
18 juin 1538.
Toutefois François 1er ne déposa défi-
nitivement les armes que six années
après, c'est-à-dire après avoir vainement
essayé , par une quatrième guerre ,
d'abattre sou rival. La reconciliation fut
signée à Crespy le 18 septembre 1544.
l'n mois après, le 22 octobre, la reine
Eléonore vint à Bruxelles, accompagnée
du duc d'Orléans, pour rendre visite à
l'empereur et à sa sœur, Marie de Hon-
grie. Son séjour, prolongé jusqu'au 3 no-
vembre, fut signalé par des fêtes splen-
dides.
François 1er étant mort en 1547, la
reine, sa veuve, résolut bientôt de quit-
ter définitivement la France. Henri II,
ennemi inflexible de la maison d'Au-
o'29
ÉLÉONORK — ÉLÉOXORE DE SAINT-BEKNAHD
530
triche, affectait de traiter la sœur de
Charles-Quint avec une sorte de dédain.
Dans l'automne de 1548, Eléonore sor-
tit de Paris sans que le roi voulût rece-
voir ses adieux ni même lui donner une
escorte. Le 5 décembre, elle arrivait à
Bruxelles, où elle fut reçue avec des
honneurs qui la dédommagèrent des
vexations dont elle avait eu à souffrir sur
le territoire français. Elle visita les
autres villes de la Belgique, et partout
elle trouva une patriotique réception.
Eléonore d'Autriche se retira de la
scène en même temps que Charles-Quint
et Marie de Hongrie. Le 17 septembre
1556, les deux reines douairières de
France et de Hongrie s'embarquèrent
pour l'Espagne sur un vaisseau flamand
qui accompagnait la flotte dont Charles-
Quint était escorté. Elles suivirent leur
frère jusqu'à Yalladolid, où l'empereur
leur fit ses adieux. Au mois de septem-
bre de l'année suivante, elles visitèrent
l'empereur au monastère de Yuste, et
leur séjour dans le château voisin de
Jarandilla se prolongea pendant deux
mois et demi. Le 14 décembre, elles
prirent congé de l'empereur et se mirent
en route pour Badajoz, où Eléonore at-
tendit sa fille dona Maria. Celle-ci arriva
le 27 janvier 1558 et, malgré les mar-
ques de tendresse que lui prodigua sa
mère et les sages conseils de sa tante,
elle reprit, au bout de quinze jours, le
chemin de Lisbonne. Non-seulement
elle s'était refusée à vivre en Espagne
en compagnie de sa mère, mais elle ne
manifesta pas même l'intention d'aller
visiter l'empereur, son oncle. Elle ne
pardonnait ni à Charles-Quint ni à Phi-
lippe II de lui avoir préféré Marie Tudor,
tandis qu'ils lui avaient d'abord donné
l'espérance d'épouser l'héritier de Cas-
tille. Après cette froide entrevue, les
deux reines revinrent tristement sur
leurs pas avec le dessein de faire un
pèlerinage à Notre-Dame de Guadalupe.
Mais, arrivée à Talaveruela, la reine
Eléonore tomba gravement malade et ce
fut là qu'elle mourut le 18 février.
Lorsque Charles-Quint apprit que la
reine Eléonore n'était plus, de grosses
larmes coulèrent sur son visage et de
tristes pressentiments agitèrent son es-
prit. Eléonore méritait ces regrets : sans
posséder les hautes qualités de Marie de
Hongrie, douce, bienveillante, elle avait
montré à son frère, et dans toutes les
occasions, un dévouement sans bornes.
Th. Juste.
Brantôme, Vies des dames illustres. — Mignet,
Rivalité de François /«■■ et de Charles-Quint. —
A. Henné, Histoire du règne de Charles-Quint en
Belgique. — Th. Jnste, Charles-Quint et Jlar-
(jueriie d'Autriche. — Id. Vie de Mane de Hon-
grie, etc.
ÉluKOyiOVtE DE .«*.%l.%T-BER^'.%Rn,
fondatrice de plusieurs couvents de Car-
mélites en Belgique, née le 6 mars 1577
à Spa, où sa mère prenait les eaux, et
morte à Gand le 12 avril 1639, était
fille de Jean Corbari Spinola, gentil-
homme génois, et d'Eléonore de Bavière,
princesse de l'illustre famille de ce nom.
Lorsqu'elle eut atteint l'âge de huit ans,
ses parents quittèrent l'Italie pour aller
se fixer à Madrid, où elle perdit sa mère
quatre ans après. Sa vocation à la vie
religieuse se manifesta bientôt : elle
entra chez les carmélites de Las Luacha-s,
le 20 septembre 1597, et fit profession le
4 octobre de l'année suivante. En 1604,
elle fut envoyée en France, avec cinq
autres religieuses, pour y fonder, dans
la capitale de ce pays, le premier cou-
vent de carmélites. Parmi ses compagnes
se trouvaient deux religieuses très-célè-
bres : Anne de Jésus et Anne de Saint-
Barthélemi. Elles s'établirent au fau-
bourg de Montmartre sous la direction
de la mère Anne de Jésus. Eléonore de
Saint-Bernard, après avoir été maîtresse
des novices, devint sous-prieure de ce
couvent. Lorsque, en janvier 1607, l'in-
fante Isabelle, notre archiduchesse, in-
troduisit dans les Pays-Bas l'institut des
carmélites déchaussées, la vénérable
mère Anne de Jésus, à qui cette nou-
velle fondation fut confiée, se fit accom-
pagner par la mère Eléonore, pour diri-
ger, à Bruxelles, le noviciat qu'elle
voulait établir dans cette première mai-
son belge. Celle-ci s'acquitta de ces fonc-
tions pendant dix mois, au bout desquels
elle fut chargée successivement de l'or-
ganisation des couvents de Louvain et de
Mons, et elle devint la première prieure
Y,?,\
K.LKOXORE DE SAINT-BEfiNARD — ELEUÏHÉRE
o3-2
lie cette deruicre commuijauté. Après
quelque temps, elle demanda à être dé-
chargée de ces fonctions, et revint à
Bruxelles, où elle travailla à faire ar-
river les carmes réformés dans les Pays-
Bas espagnols. Eu 1612, elle alla fonder
le couvent d'Anvers avec la vénérable
mère Anne de Saiut-Bartliélemi, et éta-
blit, en 1617, celui de Malines, dont
elle fut la première prieure. Peu de
temps après, nous la retrouvons à Mous
en la même qualité. Elle y resta jus-
qu'en 1623, lorsqu'elle fut envoyée à
Gand pour diriger le couvent nouvelle-
ment fondé dans cette ville par cinq
dames d'honneur de l'infante Isabelle,
qui y prirent elles-mêmes l'habit sous
la direction de la mère Eléonore. Elle
fut encore la première prieure àe cette
maison et y demeura jusqu'au moment
de sa mort.
La mère Eléonore de Saint-Bernard
était une religieuse fervente et exem-
plaire. On lui attribue, dit Paquot, une
Vie de la vénérable mère Anne de Saint-
Bar thélenii , mais on ne dit pas si cette
vie a été imprimée, ni où elle se trouve.
E -H.-J. Reu». us.
Paquot. Mémoires, éd. in fol , II, p. 317. —
Houix, Autoh oqraphie de lu vetiertihle mère
Anne rie Saiut-Barihélemi, Paris, 1869, éd.
iii-8 , p. 99-102 — r,h. P.ousselle. Le Monastère
dr.s Carmelttes déchaussées de Mons, daus les
Prcc.s historiques Ue ly'îti.
ÉLEUTuioRE, saiut, évêque, né à
Tournai eu 454 ou 456, mort en 531.
Parmi les néophytes qui, à la prédica-
tiou de saint Piat, avaient embrassé le
christianisme, se trouvaient Serenus et
>on épouse Bianda, appartenant à une
famille gallo-romaine, mais probable-
ment originaire de la Grande-Grèce ; un
de leurs aïeux portait, en effet, le nom
grec d'I renée et ils avaient donné à leur
Hls celui d'Eleuthère. A cette époque,
un tribun, encore idolâtre, gouvernait
l'ancien Tornacura ; il obligea les prin-
cipaux chrétiens à s'exiler au village de
Blandain, situe à une lieue de la ville.
Ceux-ci y fondèrent une école, où le
jeune Eleuthère lit de tels progrès dans
la science et ilans la piété , que saint
Médani, son condisciple, osa lui pré-
dire qu'il porterait un jour la crosse
et la mitre, prédication qui, en effet, se
réalisa quand la mort enleva Théodore
ou Théodoric, premier évêque de Tour-
nai, en 486. Eleuthère, âgé alors de
trente ans, fut élu pour lui succéder, et
le pape saint Félix IV confirma cette
nomination. Le jeune prélat passa à
Blandain les premières années de sou
épiscopat : ce fut pour lui un temps d'é-
preuves et de troubles pénibles. Aux
excès commis par les Francs , restés
païens, venaient s'ajouter des doctrines
contraires au dogme de l'Incarnation de
Jésus-Christ, et qui se répandaient im-
punément parmi les fidèles. Le jeune
évêque se montra à la hauteur de sa mis-
sion : il parvint à arracher une multitude
de Francs à leurs vieilles superstilions
et confondit, à la fois, les hérétiques
par ses discours et ses écrits. Cependant
il eut encore longtemps à gémir sur l'hé-
résie et les désordres qu'elle entraîne
après elle; mais rien ne put lasser son
courage dans l'accomplissement de sa
tâche. Il parvint même à convertir
le tribun persécuteur, dont la fille avait
été guérie d'un mal mortel grâce, dit-
on, à ses soins et à ses prières. D'autres
miracles lui furent encore attribués et,
quand, à la conversion de Clovis, les
portes de Tournai se rouvrirent aux
chrétiens, Eleuthère baptisa, en une
seule semaine, plus de onze mille ido-
lâtres. Le roi des Francs s'étant rendu
à Tournai pour remercier le Seigneur des
conquêtes qu'il venait de faire sur les
princes voisins, rencontra le vertueux
évêque sur le seuil du saint temple : « .) e
sais pourquoi vous vous êtes rendu ici » ,
lui dit Eleuthère; surpris de ces paroles,
le conquérant lui assura qu'aucun motif
particulier n'avait déterminé sa visite.
« Ne parlez pas ainsi « , répondit vivement
le prélat. A ces mots, le vainqueur de
Tolbiac se troubla et, fondant en larmes,
il le supplia de célébrer la messe pour
lui et d'implorer du ciel le pardon de
ses crimes. Eleuthère se mit en prières
pendant la nuit tout entière , et ses
vœux furent exaucés ; tout à coup (s'il
faut en croire la légende) une lumière
éclaira l'église et un ange apparaissant
à l'cvêque lui remit un écrit qui conte-
.h:î:^
ËLEUTHÈRE — ELIIOUNGNE
SHl
liait le pardon accordé au prince. C'iovis,
reconnaissant envers la bonté divine, lit
des dons considérables à l'église de
Tournai et, si la vérité du miracle peut
être contestée, on ne saurait révorpier en
doute les représentations courageuses de
l'évêque et le repentir public du conqué-
rant. Tout ce récit reflète, d'ailleurs, les
véritables sentiments du peuple à cette
époque reculée.
Pour extirper dans son diocèse les
dernières racines de l'hérésie, Eleuthère
convoqua un synode diocésain, où il dé-
montra victorieusement le dogme de
l'Incarnation; mais l'ardeur de son zèle
rendit les hérétiques furieux, et un jour
qu'il sortait de l'église, ces forcenés
se précipitèrent sur lui et l'accablèrent
de coups. Tout meurtri, à peine put-il
rentrer dans le temple, et là, agenouillé
au pied des autels, il pria le Seigneur
une dernière fois de bénir son diocèse
et le supplia en faveur de ceux-là mêmes
qui venaient d'attenter à ses jours.
Après quoi il se mit à rédiger la nou-
velle profession de foi qu'il avait lue au
synode et qu'un clerc fut chargé de
porter au pape Boniface IL
La tâche du vénérable pontife était
terminée : il mourut, et son service fut
célébré par saint Médard. L'église de
Tournai fête son anniversaire le 20 fé-
vrier. Dans la BlUiothèque des Pères de
Cologne et de ]^yon, on trouve quelques
opuscules attribués à saint Eleuthère.
Ce sont lo une Profession de foi sur le
mystère de la sainte Trinité, 2" un
Sermon sur le même sujet , prononcé,
dit-on, dans le synode précité, 3o trois
autres Sermons, l'un sur l'Incarnation
du Verbe, l'autre sur la naissance du
Sauveur et le troisième sur l'Annoncia-
tion, 41 une prière que le Pontife pro-
nonça au lieu de sa mort pour la foi et
l'église de Tournai. D'après les criti-
ques, il n'est pas admissible que saint
Eleuthère soit l'auteur des deux pre-
miers et du dernier de ces opuscules,
mais les trois sermons, bien qu'ils por-
tent des traces évidentes d'interpola-
tion, leur paraissent cependant pouvoir
lui être attribués. A,.g. Van.i.T Met-rsch.
Acta SS. flflgii si>l«<:tn, 1. I, |i. -i.SH. — I>e
Maisire d'Anstaing, Calhé'h-ale de Tournai, t. Il ,
l>. 9. — M'ilaniis. .\ntalex Snuci. Belr/ii, p. MS. —
Histoire littéraire de la France, t. III, \>. [bii. —
Builer. Vies des S'iints, édii. De Ram. t. I,
p. 441.
erciARu (Nicolas), Elchard ou aiî
Elcheraidt, écrivain ecclésiastique, né
à Nobressart près d'Arlon, vers l'an-
née 1547 et mort à Erfurt le 11 août
L587, prit le grade de docteur en théo-
logie, devint chanoine de l'église collé-
giale de Saint-Maurice à Augsbourg, et
fut sacré, vers 1.570, évêque auxiliaire
de l'électeur de Mayence avec le titre
d'évêque d'Ascalon in partihns iyifidc-
linm. Il fixa alors sa résidence à Erfurt.
Il composa plusieurs traités théolo-
giques, dont un seul, ayant pour objet
VEloge de la virginité, fut publié après
la mort de l'auteur, par un éditeur qui
eut l'indélicatesse de mettre son propre
nom sur le titre à la place de celui de
l'auteur. e. H.-.I. Rpi.sons.
Foppens. UMiotheca belgica. II, p. 90o.
ELUor XG XE {Antoine-François-Ma-
rie o'), jurisconsulte et publiciste, né à
Louvain en 17S2, décédé à Bruxelles
en 18.57. Doué d'une vive intelligence
et d'un grand amour pour le travail, il
fit de brillantes études universitaires
dans sa ville natale, et déjà il était gra-
dué en droit quand, par suite de son
mariage, il se décida à changer de car-
rière. Il entra, en 1808, dans l'admi-
nistration des finances et parvint, gra-
duellement, à l'emploi de receveur des
contributions directes à Aerschot. 11
avait divisé sa vie en deux parts, l'une
vouée avec passion à des études litté-
raires et philosophiques, l'autre consa-
crée à l'accomplissement de ses devoirs.
Son ambition paraissait satisfaite d'une
modeste aisance, et rien ne semblait
devoir interrompre le cours paisible
de son existence quand un rude coup
vint l'atteindre : le gouvernement des
Pays-Bas le destitua à la fin de l'an-
née 1817.
Ce n'était pas le fonctionnaire public
qu'on frappait par cette mesure de ri-
gueur, mais le publiciste, le rédacteur
d'un journal d'opposition, qu'on voulait
punir. D'Elhoungne était l'un des trois
835
ELHOUNGNt
.H36
fondateurs de l'Observateur belge et l'op-
position faite par ce journal heurtait
d'autant plus vivement le pouvoir ,
qu'on la formulait avec verve, avec
compétence , et en s'attaquant à de
véritables abus. On ne pouvait guère
avouer un tel motif de révocation ; mais
d'Elhoungue avait , maladroitement ,
fourni lui-même un motif très plau-
sible de le destituer : il avait sollicité
un cono:é de six mois pour se rendre
en Hollande " , où l'appelaient des
intérêts de famille , et où (comme il
l'écrivit plus tard) il comptait aussi uti-
liser son séjour, pendant la session des
Etats généraux, en dissipant le voile
épais qui enveloppait les travaux de la
représentation nationale. « Six semaines
plus tard, l'autorité supérieure n'avait
pas encore statué sur sa demande; im-
patienté de cette lenteur, il partit sans
permission , après avoir installé son
neveu comme gérant provisoire de sa
recette. C'était la faute commise, celle
que l'arrêté royal de démission signa-
lait, en la qualifiant de « négligence
grave " . Le receveur destitué protesta
contre l'illégalité de la mesure prise, il
invoqua l'inamovibilité des emplois et
prétendit avoir été nommé receveur à
vie. Il est à peine nécessaire d'ajouter
que l'action intentée par lui contre les
agents du gouvernement, ainsi que ses
requêtes au roi et au ministre Falck,
restèrent absolument sans effet. Il lui
fallut se résigner, chercher une autre
sphère d'activité, aviser aux moyens de
pourvoir, comme père de famille, aux
nécessités de chaque jour. D'Elhoungue
se rendit à Liège afin d'y achever ses
études en droit et, reçu docteur, il re-
vint, en 1822, se faire inscrire comme
avocat au barreau de Louvain.
Il entrait ainsi, tardivement, à l'âge
de quarante ans, dans une nouvelle car-
rière : plein d'ardeur, de confiance, de
(I) Les i)rerniers numéros Av Vobsoraicur
parurent d'abord par feuilles, qui, réunies au
nombre de vingl-six, forment le tome 1. Celui-ci,
publié en 18lo, avait poor titre : VObserraieur
politique, adminnlralifjïistoriiiue et littéraire de
ta Belfiiqite, par une société de jurisconsultes a
d'hominesde lettres. Ce litre fut bienlôi uiodilié ;
les noms de MM. d'Elhoungue, Doncker et Van
force morale, il y entrait sans hésita-
tion ; orgueil légitime , car l'étendue
de son savoir, la rectitude de sa vie, sa
parfaite loyauté ne furent même jamais
contestées par ses confrères; et, ceux-ci,
en le nommant, à diverses reprises, bâ-
tonnier de leur ordre, ne lui marchan-
dèrent pas leur sympathique estime .
L'écrivain politique et le jurisconsulte
primèrent cependant toujours en lui l'a-
vocat plaidant et il devait bien plus le
succès de ses plaidoyers à l'autorité ac-
quise par son caractère qu'au charme de
son éloquence. La phase la plus brillante
de son existence fut évidemment celle
où, associé à deux hommes de mérite et
leur égal par le patriotisme, il combat-
tait, chaque jour, pour le triomphe de
ses convictions politiques.
Il est devenu fort difficile , aujour-
d'hui, de classer les articles publiés par
les trois jurisconsultes fondateurs de
Y Observateur belge, MM. d'Elhoungue,
Doncker et Yan Meenen (1). La part
légitime de paternité qui revient à cha-
cun d'eux semble pourtant avoir été en-
trevue par un critique doué du goût le
plus sûr et le plus délicat, M. Alph.
Leroy : » Les articles de d'Elhoungne,
plus spéciaux que ceux de Yan Meenen,
ne sont pas moins remarquables, dit-il;
ils brillent par une dialectique déliée,
par un style coulant, plein de ver^e, par
un esprit d'à-propos qui les rend agréa-
bles à lire. Benjamin Constant en faisait
grand cas et en reproduisit plusieurs
dans la Minerve, avec fort peu de chan-
gements (2). "
Les rédacteurs* de Y Observateur belge,
qui avaient tant contribué à entretenir
la fermentation des esprits, ne restèrent
pas iuactifs quand la lutte passa de la
sphère des idées dans celle, plus dange-
reuse , des collisions. Yan ileenen et
d'Elhoungne, tous deux domiciliés à
Louvain, y contribuèrent puissamment à
Meenen, devenus propr'étaires du recueil, rein-
placèrenl l'indication collective. La collection
complète comitrend vingt volumes in-8»; elle
est devenue fort rare et sera toujours consultée
avec fruit pour l'histoire politique de ré|ioque.
("2) Annuaire de l'Académie des sciences, des
lettres et des beaux-arts de Belgique, 1877 (1 vol.
iuHïJ', notice sur Pierre-Fraii(,ois van Meenen.
S31
ËLHOIÎNGNE — ÉLIE DE COXIDE
o38
l'explosion de la révolution. Le premier
exerçait une grande influence morale par
ses conseils ; le second agissait davan-
tage sur les faits et gestes delà jeunesse,
par l'intermédiaire de son fils, alors
étudiant en droit à l'Université et ami
intime de Van Camp et d'Ad. Roussel,
avec lesquels il devint l'un des princi-
paux promoteurs de l'agitation popu-
laire. Quand la révolution fut accomplie
et triomphante , d'EUioungne , esprit
désintéressé et philosophe pratique, ren-
tra dans soH cabinet d'étude, comme si
rien d'important ne s'était passé. Il as-
sista à la curée des places sans songer,
un instant, à y prendre part. Ses con-
citoyens, l'arrachant à ses spéculations
abstraites, l'envoyèrent pourtant au Con-
grès national. 11 n'y démentit point son
caractère, et, loin de rechercher la po-
pularité par la virulence des déclama-
tions, il osa se montrer plein de modé-
ration, de bon sens, et exclusivement
préoccupé des intérêts positifs du pays;
il intervint dans la plupart des débats
soulevés par l'examen des questions
économiques et financières.
D'Elhoungne s'était uni une première
fois à une Hollandaise , mademoiselle
Marres de Breda : elle lui donna un fils,
Prosper d'Elhoungne, dont nous venons
de parler et qui, décoré de la croix de
fer comme combattant de septembre,
décéda, à Bruxelles, à l'âge de trente
ans. Sa seconde femme, mademoiselle
Lints de Louvain, et les trois filles issues
de cette union, lui furent de même en-
levées prématurément; parvenu à la fin
de sa carrière, il se vit donc réduit à un
cruel isolement, et à une extrême mé-
diocrité de fortune; quelques-uns de
ses anciens amis , devenus influents ,
s'inquiétèrent de cet état de choses, le
gouvernement s'en émut à son tour ,
et nomma d'Elhoungne commissaire à
l'hôtel des Monnaies. 11 avait atteint
l'âge de soixante-cinq ans, quand il fut
appelé à ces fonctions et les conserva
encore dix ans, c'est-à-dire jusqu'au
jour de son décès. Féhx stappaens.
Eiii^KUTS (Jean-Françoi«). Cet ar-
tiste naquit à Deurne-lez-Anvers le 30
décembre ] 761(1)- Il fréquenta l'Aca-
démie de cette ville et s'exerça à la
peinture de fleurs et de fruits. Ses mo-
dèles de préférence étaient les œuvres
de ses compatriotes Daniel Seghers, Van
Thielen, Van Huysum,etc. C'est à l'Aca-
démie d'Anvers qu'il fit la connaissance
de Georges-Frédéric Ziesel et de Pierre
Faes qui, comme lui, excellaient dans
la peinture de fleurs. S'étant rendu à
Paris, notre compatriote obtint la place
de professeur à l'Institut de la Légion
d'honneur à St-Denis. Sentant sa fin
s'approcher, Eliaerts voulut, avant de
mourir, revoir l'endroit où il était né.
Il mourut à Anvers le 17 mai 1848.
La majeure partie des œuvres d'Eliaerts
se trouve en France ; le musée d'Anvers
possède un tableau de ce maître qui
permet d'apprécier les grandes qualités
du peintre : composition riche, dessin
pur, coloris vigoureux. p. oénaid.
KME »E C'OXIDE OU COXYDK,
ainsi nommé du lieu de sa naissance,
village situé près de Furnes, fut le sep-
tième abbé des Dunes, de l'ordre de Cî-
teaux ; il avait été élevé à cette dignité
en 1189, après la mort de l'abbé Walter,
qui l'avait désigné pour son succes-
seur. Il mourut en odeur de sainteté, le
16 août 1203, et fut inscrit au nécroloye
de l'ordre, à la date du 8 octobre. C'était
un homme extrêmement pieux et fort
savant pour son temps.
De Visch dit, dans son ouvrage sur
les écrivains de l'ordre de Cîteaux .
auquel il appartenait lui-même, que
" l'Europe entière admirait la sainteté
et la doctrine de l'abbé Elie « . Sous sa
gestion, l'abbaye des Dunes prospéra
beaucoup, grâce aux dons faits par Ri-
chard Cœur de Lion, roi d'Angleterre,
et à l'accroissement du nombre des re-
ligieux: Elie en avait cent vingt-cinq,
autant moines que frères laïques. Aussi,
le monastère étant devenu trop petit,
Elie conçut le dessein de le rebâtir sur
un nouveau plan, avec plus d'extension
M) C'est par erreur que le catalogue du Musée
(rAi)vPis, auquel nous empruntons quelques-uns
(les(lél:iils ci-dessus, indique la date du I"" jan-
vier Ï76I comme étant celle de la naissante
d'Kliaerts.
.S3*^
KLIE 1)K COXIDi: — ËLIE DE SAINTE-TIIÉRÉSE
.S40
et (le splendeur; mais la mort le surprit
avant que ce projet eût pu recevoir un
commencement d'exécution. L'abbé Elle
doit en grande partie sa célébrité à la
délivrance de Eichard Cœur de Lion,
événement mémorable auquel il fut ac-
tivement mêlé. Lorsque le monarque
anglais, à son retour de la terre sainte,
se vit retenu prisonnier en Allemagne,
la reine, sa femme, qui était tille du roi
de Navarre, et sa mère, la reine douai-
rière Eléonore de fhxienne, envoyèrent
en Allemagne plusieurs personnages
chargés d'obtenir la liberté du captif.
Elie fut l'un de ces ambassadeurs et,
s'il faut en croire les chroniqueurs,
l'empereur, touché par ses prières élo-
ïjuentes, consentit à relâcher, moyen-
nant une forte rançon, Eichard, qu'il
avait eu dessein de retenir dans une
prison perpétuelle. Ce serait donc en
grande partie à l'abbé des Dîmes que
le roi d'Angleterre dut de revoir son
royaume. Eeconnaissant de ce service,
il concéda à l'abbaye des Dunes les
(limes de l'île de Sheppey, ainsi que le
domaine d'Estkirke, dans la même île.
Elie fut, en outre, nommé conseiller
du roi, avec droit de siéger au parle-
ment, et tous les abbés ses successeurs
jouirent de ce privilège jusqu'au règne
d'Elisabeth. Eichard lit également don
du marbre qui décora depuis le maître-
autel de l'abbaye. Adrien De Bi;dt, dans
son Chroniciwi dnnense, raconte que l'abbé
des Dunes dut surtout le succès de sa
négociation en faveur de Eichard à d'an-
ciennes relations qu'il avait eues avec
le duc d'Autriche. Yoicice qu'il endit :
Pendant qu'Elie était à la tète de l'ab-
baye des Dunes, le duc d'Autriche Léo-
pold, que le chroniqueur appelle Astul-
phe, se présenta au monastère, et y prit
.service comme cuisinier. t?es manières
plurent à l'abbé, qui l'attacha au ser-
vice de sa personne. Pendant ce temps,
la famille du duc le faisait chercher par-
tout : ceux qui étîiient à sa poursuite
arrivèrent par hasard aux Dunes et re-
connurent le prince, qui retourna ensuite
avec eux. Lors de la troisième croisade,
le duc combattit aux côtés de Richard,
qui, au siège de Saint-.Tean-d'Acre, l'in-
sulta en faisant jeter ses armes dans un
bourbier; à la suite de cet affront, Léo-
pokl quitta l'armée et rentra dans ses
Etats; mais, à son retour de la terre
sainte, Eichard, ayant été forcé de tra-
verser l'Allemagne et tienne, fut re-
connu peindant son passage, et le duc,
après l'avoir fait jeter en prison, le livra
à l'empereur Henri YL Ce serait donc
auprès de son ancien cuisinier qxie l'abbé
des Dunes aurait été envoyé pour obte-
nir, par son entremise, la grâce du roi
d'Angleterre. Les auteurs de VHIsfoh-'^
littéraire de la France (t. XVI, p. 433)
contestent la vérité de ce récit et le fait
de l'intervention de l'abbé Elie dans la
mise en liberté de Eichard ; ils ajoutent
que si cette intervention est réelle, elle
n'aboutit qu'à faire vendre le roi d'An-
gleterre à l'empereur par le duc d'Au-
triche. On peut répondre à cela que l'in-
tervention de l'abbé est consignée dans
un grand nombre de récits; qu'Elie arriva
en Allemagne quand déjà Léopold avait
remis Eichard à l'empereur, et que, s'il
réussit par son éloquence à sauver le roi,
fût-ce à prix d'argent, d'une détention
qui menaçait d'être perpétuelle, ce ser-
vice seul était assez grand pour exciter la
reconnaissance du monarque. Quant au
récit de De Budt, on peut sans doute le
ranger au nombre des histoires dont les
chroniqueurs sont prodigues; toutefois
nous avons cru devoir le rapporter ,
parce que nous ne nous croyons pas au-
torisés à le démentir. La bibliothèque de
l'abbaye des Dunes contenait plusieurs
homélies composées par l'abbé Elie, dont
deux avaient été prononcées par lui dans
des chapitres généraux de l'ordre. De
Visch a reproduit celle intitulée : Bec-
torerii te conHtituervvt .
Kniile Varenhcrph.
Hpni'i(|iiez, \n \ecrnlogio cisterc. — Cli. De
Visch. Itibl Script, ord. cisterc. — Sainie-Mar-
(lie, Gall. christ, de abbat. dunens. — Valére
.Viidré, Bibl. beUj. — A. Oe Biult, Chroti. Dutiense.
— .Moieri, [)ict. hist. — Biographie des hommes
remarquables de la Flandre occidentale. — Fop-
l>er\s,Bibl. belij., t. I. — Fabiicius, Biblioth. In-
tina. — Histoire lilirraire de la France, l. XVI.
— Mirseus, II.
K.LiE ni: w.%i%TK-TUÉRi-:!iiE, écri-
vain ecclésiastique, né à Anvers, vers
1580, mort en 1640. Voir"V\"iLS (/.-5.).
541
ELINCX
o42
enxcx {Jean), poëte flamand, né à
Malines vers 1660. En 1687 " étant en-
core assez jeune « , dit-il, dans sa préface,
il adressa aux autorités de sa ville natale
un recueil de quatrains formant chrono-
gramme. C'était pour célébrer la proro-
gation de toute la magistrature locale
{gewemchte rerlenghinghe der Weth). Le
poëte malinois complimentait tour à tour,
en demandant pardon de la liberté grande
{trypoHticheydt) , l'ecoutète , les deux
bourgmestres , le premier échevin , les
deux pensionnaires, le premier doyen
(prerdeken) , les maîtres des orphelins
{iveesmeesten), les ùe\x\ fou7'riei's, licen-
ciés i?i utroquejure, etc. Cette œuvre bi-
zarre forme un in-4ooblong, imprimé chez
l'imprimeur juré de la ville, Jean Jaj-e.
Voici le commencement du titre : Eer-
galm oter de edele, achtbaere, icyse, voor-
sienige, ende seer discrète heeren, scJiou-
teth, communi-meesters , vorschepen, enz.
En 1688, Elincx montra la même manie
de poésie chronogrammatique [tydt jae-
rigJie vaersen) dans une espèce de comé-
die allégorique intitulée : Tooneel der
on-gebreydelde îiefde, rertoonende met zege-
prael van een bly eynde spel, naer druck
gehœk, in jaerteUende vaersen gesteli
(Malines, in-4^). Catal. Tan Hulthem,
nj 24318). Cette pièce, destinée à mon-
trer les dangers de l'amour sans frein,
a été jouée par la Peoene, la principale
société de rhétorique de Malines, le
22 février 1688 ( door de tucJitige comt-
liefhebbers der rederyke guide van Sint-
Jan. Willems et Witsen-Geysbeek se sont
amusés à donner un échantillon de ces
vers qui tous contiennent le millésime de
1688. On a rarement mieux réussi à
rendre une poésie illisible. Aussi Willems
y voit-il un curieux document de déca-
dence. Elincx a été nommé, le 25 mars
1691, facteur ou poëte à titre d'office de
lagildemalinoise de Saint-Jean, connue
surtout sous le nom de là Pivoine. Il suc-
cédait à Henri Fayd'herbe. En 1699, il
est déjà remplacé par (îyseleers; mais
il ligure encore, le 9 mai 1700, au con-
cours des drie santinnen de Bruges, où
ses confrères devaient jouer une de ses
pièces. Ni les comptes de Malines ni les
archives de la Peoene {Besluitboeken der
BIOGR. NAT. — T. VI.
gildé) n'en donnent le titre. En 1701,
Elincx eut quelques difficultés avec la
chambre de rhétorique à propos des dé-
penses du concours brugeois ; mais une
transaction intervint l'année suivante.
Van Melckebeke a trouvé encore dans
les listes des membres de la Peoene trois
dates d'inscription qui se rapportent à
la famille Elincx : le 16 avril 1673,
Jean-Jacques Elincx, bailli de Gestel ;
le 13 mars 1681, Jean Elincx /?<«/c?-
(probablement notre poëtej, et enfin le
18 mars 169 5, François Elincx. Il s'agit
sans doute de trois frères. Quanta Jean
Eliyicx, auteur d'un livre de controverse
contre les protestants : CathoJycke ant-
îvoorde op eenen brief van Isaac Snyers
(Ghendt, Max. de Graet 1662, 8), on
ignore s'il était d'une autre branche de
la même famille. Né à Louvain, il fut
d'abord vicaire à Thielt, puis successive-
ment,en 1646, desservantet, le 24 sep-
tembre 16.51, curé de Bellem dans la
Flandre orientale. Par un acte du 30
août 1663, il a fait don à son église de
vingt-quatre arpents de terre (gemeten)
à défricher au profit de l'organiste.
Elincx, qui mérita l'éloge de son épita-
phe : Dispersit, dédit pavperibus, s'en-
tendit avec le chevalier Ehym, seigneur
de Bellem^ pour dégager l'église, l'orner
de ses premières orgues et d'une belle
chaire de vérité, et contribua beaucoup
à l'érection de la tour qu'on y admire
encore. Jean Elincx a dédié sa Catho-
lycke anticoorde aux curés du diocèse de
Gand (doyennés de Peynze, Everghera
et ThieltJ qu'il a appris à connaître
dans les conférences mensuelles. Il s'a-
dresse aussi aux protestants de ^liddel-
bourg en Zélande. Il leur raconte qu'une
femme protestante de leur ville, Josinke
Stevens, étant venue voir des parents
qu'elle avait à Bellem, lui a soumis quel-
ques objections religieuses; que, plus
tard, le 20 août 1660, Isaac Snyers,
ministre de la religion réformée à ^Iid-
delbourg, est intervenu par une sorte de
lettre de défi, et qu'il s'est décidé à ré-
pondre publiquement. Elincx est mort
curé de Bellem, le 3 décembre 1665.
J. Sleeher.
Wiiscn-Geysbeek, Biographisch , anlhologhch
18
543
ELISABETH
544
woordenboek, H, 166. — Willems, Verhandeling,
11, 1*7. — Van MeUkfbeke, Geschiedkitndùje aen-
teekeningen rakende Ue Sint - Jaiis Gilde de
Peoeiie ;Mechekn, 1862). — Fraiis de Potier en
Broeckaeri, De (jemeenten van Oostvlaanderen, I
;Bellem;. — J. Vander Haeghen, Bibliographie
gauloise {y\ax. de Graer. — Notes tirées des ar-
chives de Bellem et communiquées par AI. J. De
Smedt, curé actuel.
i:li<!1.%betu ou dbabeac de h.%i-
XALT, reine de France, née en 1169,
morte le 15 mars 1190, fille de Bau-
douin Y, dit le Courageux, comte de
Hainaut, et de Marguerite de Flandre.
Elle épousa, à Bapaume, le lundi après
le dimanche de la Quasimodo, l'an 1180,
Philippe II, roi de France, surnommé
Auguste, et fut couronnée le jour de
l'Ascension, 29 mai de la même année,
par l'archevêque de Sens, dans la basi-
lique de Saint-Denis. La jeune reine y
fixa tous les regards par ses grâces et sa
beauté. Ce mariage fut pour les Français
un double sujet de joie; il valut d'abord
à la couronne de France le comté d'Ar-
tois qu'Elisabeth de Hainaut porta en
dot; puis, comme cette princesse des-
cendait de la race carlovingienne , ils
virent avec bonheur le sang de Hugues
Capet réuni à celui de Charlemagne. Il
est vrai que depuis deux siècles cette
illustre dynastie avait cessé de régner en
France ; mais il en restait de profondes
racines dans le cœur du peuple, qui
l'appelait encore la race des grands
rois.
En 1183, de graves dissensions s'éle-
vèrent entre le roi de France et Philippe,
comte de Flandre ; Elisabeth embrassa
trop chaleureusement les intérêts de son
oncle et Philippe-Auguste, quelque sin-
cère que fût son attachement pour elle,
fut vivement offensé de cette préférence :
il lui ordonna de s'éloigner de la cour;
elle était accusée d'en trahir les intérêts
et elle dut se retirer quelque temps à
Senlis. Déjà même le roi avait assemblé
un synode pour dissoudre son mariage,
lorsque Elisabeth parvint à fléchir le mo-
narque par une lettre affectueuse et sou-
mise. Revenue à la cour, elle mit au
monde, en 1187, un fils (Louis VIII).
En 1190, à peine âgée de vingt et un
ans, elle décéda en couches de deux
enfants mâles, qiii moururent au ber-
ceau; elle fut enterrée avec pompe, à
Xotre-Dame de Paris.
Ang. Vsnder Meersch-
EI^IJSABETII ou ■«ii.%BEI.I.E d'.4IJ-
TBicuE, reine de Danemark, de Suède
et de Norvège, naquit le 18 juillet 1501
à Bruxelles, où elle fut baptisée par
l'évêque de Cambrai, Henri de Berg,
et mourut à Swynaerde lez-Gand, le
19 janvier 1526. Elle était fille de Phi-
lippe le Beau et de Jeanne la Folle, et
sœur cadette de Charles-Quint.
A l'âge de treize ans, elle fut de-
mandée en mariage par le roi de Dane-
mark, Christiern ou Christian II, sur-
nommé, plus tard, le Néron du Nord et
le législateur, qui, par élection, avait
succédé, en 1513, à son père Jean II, et
espérait, par une alliance puissante, se
soustraire à la dépendance constitution-
nelle dans laquelle le tenaient le clergé
et la noblesse de ses Etats. Il n'obtint
toutefois la jeune princesse qu'à la con-
dition de renvoyer sa maîtresse, la belle
Hollandaise Duiveke Willems. Chris-
tiern avait connu cette femme à Bergen
où elle était allée habiter avec sa mère
Siegbritte, qui, tandis que sa fille capti-
vait le cœur du roi, s'était emparée de
l'esprit du monarque au point d'arriver
en peu de temps à gouverner le pays à
sa volonté. Le mariage fut célébré par
procuration à Bruxelles le 11 juin 1514;
Elisabeth fit son entrée le 10 août à
Copenhague, où, deux jours après, il y
eut dans la cathédrale une seconde cé-
rémonie. La jeune reine avait failli ne
jamais voir sa capitale; assaillie par une
tempête sur les côtes de Seeland, elle
fut bien près de faire naufrage, et était
encore fort malade quand elle débarqua.
On croit qu'elle apprit à Elseneur les
relations de son époux avec Duiveke, et
la peine qu'elle en éprouva ne fit qu'ag-
graver son état. Christiern, malgré l'en-
gagement formel qu'il en avait pris, n'a-
bandonna pas sa maîtresse ; il se montra
cependant jaloux de plaire à Elisabeth :
à son instigation, il fit venir de Flandre
une colonie de villageois qu'il établit
dans l'île d'Amak, en fixée de Copen-
hague, et leur accorda divers privilèges,
comme celui d'élire eux-mêmes leurs
;4o
ELISABETH
546
magistrats; il leur imposa toutefois la
condition de fournir de légumes et de
fruits la table du roi à Copenhague. Ces
nouveaux venus introduisirent dans le
nord les modes de culture et les procédés
en usage dans les laiteries des Pays-Bas,
et transformèrent en un fertile jardin
l'espace inculte qui leur avait été confié;
leurs descendants habitent encore l'île
d'Araak et ont en partie conservé les
mœurs, les coutumes et l'idiome des
premiers colons.
La présence de la fille de Philippe le
Beau fut aussi le signal d'une espèce
de révolution dans les habitudes, jus-
qu'alors peu policées, du palais de Co-
penhague, où elle introduisit le luxe et
les modes de la brillante cour des ducs
de Bourgogne. En 1.519, pendant que
Christiern était allé conquérir la Suède,
la jeune reine réussit à confondre les
trames de l'aristocratie mécontente des
réformes que projetait le roi, et à apaiser
les ressentiments de la Hanse : « Sous
« son visage riant, dit un auteur, et
Il sous son air de jeunesse, qui ne sem-
« blait promettre que des jeux, elle
a cachait un sens et un sérieux dont
Il ceux qui traitaient avec elle étaient
a surpris. » (Altmeyer, Hist. des rela-
tions, etc.) La Suède conquise, Chris-
tiern et Elisabeth furent couronnés;
après quoi, le roi se rendit dans les
Pays-Bas et en Allemagne, où il adopta
l'hérésie de Luther dont il espérait tirer
parti pour détruire dans ses Etats l'op-
pobition du clergé. A son retour, il
voulut forcer la reine à embrasser la
nouvelle doctrine, mais elle résista et
envoya son chambellan vers Charles-
Quint pour lui faire connaître la con-
duite de Christiern. L'empereur fit à son
beau-frère quelques observations qui
furent fort mal accueillies et faillirent
occasionner presque une rupture entre
eux.
Pendant le voyage de Christiern, les
ferments de mécontentement qui exis
talent contre lui se tirent jour. En
Suède, les cruautés auxquelles il s'était
livré lui avaient aliéné tous les esprits ;
en Danemark, le clergé et la noblesse,
peu satisfaits de ses réformes, et crai-
gnant des excès semblables à ceux dont
la Suède avait été le théâtre, ourdirent
une conjuration, et le déposèrent le
20 janvier 1523. Elisabeth ne fut pas
enveloppée dans la même réprobation
que son mari : les Etats du LXinemark
lui offrirent les conditions les plus hono-
rables pour l'engager à ne pas abandon-
ner le royaume ; le sénat se montrait
même disposé à proclamer roi son fils,
le prince Jean, avec une régence. Mais
Elisabeth répondit qu'elle aimait mieux
vivre avec son époux dans l'exil que de
régner sans lui. En agissant ainsi à
l'égard d'un homme qui n'était pas digne
d'une telle abnégation, elle sacrifiait à
son titre d'épouse celui de reine et de
mère, et même l'avenir de ses enfants.
La première condition pour conserver
les droits des descendants de Christiern
était de rester dans le pays, au sein de
la capitale toute dévouée à la famille
royale, d'y organiser la résistance et
d'empêcher ainsi ses ennemis de déshé-
riter sa dynastie. Christiern, aussi, aurait
sans doute pu résister, mais son énergie
l'abandonna, et il quitta le Danemark le
14 avril 1523 avec une flotte de vingt
voiles, emmenant avec lui la reine, ses
enfants, ses joyaux et Siegbritte, la
mère de son ancienne maîtresse, Dui-
veke, qui était morte empoisonnée, dit-
on, en 1517.
Christiern comptait obtenir des se-
cours de Charles-Quint; mais celui-ci
n'était pas aux Pays-Bas, et le roi
détrôné se rendit avec la reine à Green-
wich, auprès d'Henri YIIl, démarche
qui n'aboutit à aucun résultat. Elisa-
beth rentra alors aux Pays-Bas, où la
gouvernante Marguerite d'Autriche lui
assigna, ainsi qu'à son mari, la ville de
Lierre pour résidence, et, peu après, leur
enleva leurs enfants qu'elle conduisit à
Malines pour les soustraire à l'influence
de leur père, qui avait embrassé la doc-
trine luthérienne. Désespérant d'inté-
resser C harles-Quint à sa cause, Chris-
tiern crut être plus heureux auprès des
princes de l'Empire dont il avait adopté
la religion. Il se rendit en Allemagne
avec la reine, et fit de nouveaux ert'orts
pour la convertir, ainsi que son entou-
547
ELISABETH
S48
rage , à l'hérésie ; quelques écrivains
protestants soutiennent qu'il y réussit,
mais nous avons lieu d'en douter. Ces
persécutions , -jointes à tous les cha-
grins dont Elisabeth avait été abreuvée
depuis dix ans, développèrent en elle
les germes de la maladie qui devait
l'emporter. En vain lui ordonna-t-on les
eaux d'Aix-la-Chapelle ; elle rentra dans
les Pays-Bas; le 6 décembre 1525, elle
s'arrêtait avec son époux, en Flandre,
à un château nommé Eoosselaer, situé
à Loo-Christy et appartenant à l'abbé
de Saint-Bavon; elle n'y séjourna que
peu d'instants, et vers midi elle se diri-
gea, avec une suite de huit chariots, en
traversant la ville de G and, vers le châ-
teau de Swynaerde, où l'abbé de Saint-
Pierre, Gérard Cuelsbroeck, lui avait
offert l'hospitalité. A peine installée
dans cette nouvelle résidence, qui devait
être la dernière, son état s'aggrava, et,
le 19 janvier 1526, elle expira en pré-
sence de son époux, de son fils Jean et
de ses deux filles, Dorothée et Chris-
tine, de l'abbé, de Saint-Pierre, de Cor-
neille de Scepper ou Scepperus, de
Melchior de Germania, secrétaire de
Christiern, de Philippe de Sonatre et de
quelques autres personnages de distinc-
tion. Elle fat assistée, dans ses derniers
moments, par Thomas Blanckaert, no-
taire apostolique et impérial, et curé de
Swynaerde. C'est lui qui dressa le procès-
verbal des derniers moments de cette
reine douce et bonne, qui n'avait connu
de la vie que ses amertumes.
Meerman dit qu'elle mourut protes-
tante, mais le témoignage du curé Blanc-
kaert prouve à l'évidence le contraire.
Les restes d'Elisabeth furent transportés
à l'oratoire de l'abbaye de Saint-Pierre
à Gand où on lui éleva un mausolée. Le
prince Jean ne survécut pas longtemps
à sa mère, et son corps fut déposé dans
la même tombe. Ce monument, démoli
parles iconoclastes en 1578, fut relevé
en 1652, et violé une seconde fois en
1798, par les sans-culottes; il existe
encore aujourd'hui ; mais dans un état
de conservation fort peu satisfaisant.
Emile Varenbergh.
Diilot, liioijraphie générale. — Belyiscli Mu-
séum, II, -196. — Hans Gramm, Revue enryclo-
pédique, 1819. — Meerman, Berichlen ointrent
bel Nonrden-yoordoosten van Eiiropa, 1. — Meui-
sius, Vita Cliristierni II. — Hilurion de Coste,
Ekxje des feïumes fortes. — Altmeyr r, Histoire des
relations commerciales des Pays-Bas avec le
Nord de l'Europe — Id., Isabelle d'Autriche et
Christiern 11. — Barnii Kcnyn de Volkaeisbi ke,
Les Eglises de Gand, II. — baron Jul. de Saint-
Génois, Feuillets détachés — Id. missions diplo-
matiques de Corneille Duplicius De Scepper dit
Scepperits. — Sanderus, Flandria Illusirata. —
De Busscher , L'Abbaye de Suint-Pierre. —
Bcigman , Geschicdcnis van Lier. — Diericx,
Mémoires sur la ville de Gand (appeiidicr). —
Arcliives de l'Etat à (land, Annales et chronologia
abbaticeS. Pétri. Ms. - Malingie, Verba dierùm;
le Livre des jours, Ms, inédit dans lequel se trouve
le procès-verbal de Thomas Blanckaert. — Allen,
he rébus Christiani Secundi Uuniœ, JSorwegiœ et
Suecice régis, exsulis Commentatio. — Bulletins
de la commission royale d'histoire, t. II, V. XI,
XIV. — Archives départementales de Lille ;\onds
de la chambie des comptes.
ELISABETH DE CORLITZ, du-
chesse de Luxembourg et duchesse de
Brabant, née vers la fin du xive siècle,
morte à Trêves le 3 août 1451, Elle
était fille de Jean de Luxembourg, duc
de Gorlitz, et de Eicharde, fille du duc
Albert II de Mecklembourg, roi de
Suède. A peine nubile, elle fut recher-
chée en mariage par Antoine de Bour-
gogne, duc de Brabant, déjà veuf de
Jeanne de Luxembourg, fille de Wale-
ran III, comte de Saint-Pol, connétable
de France. Le mariage fut célébré en
1409; à l'occasion de cette union, Wen-
ceslas, roi de Bohême et duc de Luxem-
bourg, qui n'avait pas d'enfant, céda à
Elisabeth et à Antoine, mais seulement
à titre d'engagère, le duché de Luxem-
bourg et le comté de Chiny, à la condi-
tion de les racheter de Josse de Moravie
auquel il avait déjà engagé ces deux do-
maines. Le rachat eut lieu deux ans
après; Antoine opéra le remboursement
à Josse, et resta avec sa femme engagiste
pour des sommes considérables. Cette
situation était onéreuse, et les revenus
du duché y suffisaient à peine. Pour y
obvier, le roi Wenceslas révoqua toutes
les engagères d'un seul coup en 1411.
Aussitôt après leur mariage, Antoine
et Elisabeth prirent le titre de duc et
duchesse de Lothier, de Brabant et de
Luxembourg, avec ceux de marquis et
marquise du Saint-Empire, de comte et
comtesse de Chiny, et furent reconnus
en CCS qualités dans leurs différents
349
ELISABETH
530
Etats. Le premier soiu d'Elisabeth et de
son mari fut de réglementer la police
dans le duché de Luxembourg et de
confirmer les privilèges de plusieurs
nlles, entre autres Luxembourg et Gre-
venmacher.
Antoine de Bourgogne fut tué à la
bataille d'Azincourt eu 1415, et sa
veuve continua à gouverner le duché de
Luxembourg: Elisabeth avait un carac-
tère fier et altier, et ne sut pas se faire
aimer de ses sujets, qui se soulevèrent
contre elle en 141S; dans ces conjonc-
tures, elle eut recours au duc de Bour-
gogne Jean sans Peur, qui rétablit la
tranquillité; mais elle mécontenta de
nouveau les Luxembourgeois par la ma-
nière dont elle usa de sa victoire. Pour
prévenir le retour de ces dissensions
sanglantes, elle songea à convoler en
secondes noces. Yers la fin de 141 S, elle
épousa Jean de Bavière surnommé Sans
Pitié, élu de Liège, auquel les pères du
concile de Constance accordèrent dis-
pense du sous-diaconat. Ce prince, beau-
coup plus occupé de guerroyer en Hol-
lande, pour y soutenir les prétentions
qu'il croyait avoir à la possession de ce
comté, qu'à donner ses soins au gouver-
nement du Luxembourg, mourut en 1424
laissant Elisabeth veuve pour la seconde
fois. Celle-ci eut beaucoup de peine à
maintenir son autorité ; d'un autre côté
le duc de Brabant Philippe de Saint-
Pol, avait formé des prétentions à sa
charge et l'avait même actionnée devant
la cour de Zanthoven. Elle eut de nou-
veau recours au duc de Bourgogne,
c'était alors Philippe le Bon, fils de
Jean sans Peur, et lui céda tous ses
droits d'engagère; celui-ci obtint en-
suite la renonciation du duc de Brabant
à ses prétentions, moyennant rétroces-
sion des droits H lui cédés. Cette remise
en possession de ses Etats ne rendit pas
la tranquillité à Elisabeth, dont le règne
ue fut qu'une suite de difticultés.
En 1431, elle voulut augmenter les
taxes: les Luxembourgeois s'adressèrent
à l'empereur Sigismond, propriétaire du
duché et obtinrent gain de cause.
En 1438, Albert d'Autriche, successeur
de l'empereur Sigismond, et par consé-
quent propriétaire du duché, voulut en
faire le retrait. Il avertit Elisabeth de
se rendre en personne ou par procureur
à Nuremberg, à la Saint Georges, pour
en recevoir le prix. Mais ce retrait n'eut
pas lieu, Albert mourut en 1439, et
l'impératrice sa veuve céda la propriété
duLuxembourg et deChinyà son gendre
Guillaume duc de Saxe, mari de sa fille
Anne.
La nouvelle de cette cession fut ac-
cueillie avec joie dans le Luxembourg
à cause du peu de sympathie que l'on
y éprouvait pour Elisabeth. Celle-ci
voyant ses domaines près de lui échap-
per, voulut essayer de se concilier les
esprits par quelques concessions; ainsi
elle confirma les privilèges des francs
hommes de la prévôté de Bastogne,
qu'elle appelle prévôté d'Ardenne ou
mayerie de Hoftelt.
Le duc de Saxe, résolu de s'approprier
le Luxembourg auquel l'acte de cession
lui donnait des droits conditionnels, y
entretenait des intelligences et excitait
sous main les mécontents, afin de s'em-
parer du pays sans payer des sommes que
probablement il ne possédait pas. Elisa-
beth, hors d'état de lutter, chercha du
secours auprès de la plupart des princes
de l'Empire, dit Olivier de la Marche,
mais n'en trouva aucun qui voulût sou-
tenir ses intérêts. Elle s'adressa de nou-
veau à Philippe le Bon; celui-ci, voyant
tout le parti qu'il pourrait tirer de ce pro-
tectorat, s'engagea à l'aider. Elisabeth,
Il eu égard aux circonstances critiques
de guerre et calamités de mort et d'in-
cendie, où ses sujets se trouvaient, et à
quoi comme femme et veufve elle ne
pouvoit remédier » , le nomma mambour
ou gouverneur du pays par acte daté de
Thionville le 5 mars 1441.
Cette nomination fut loin de ramener
la paix dans le Luxembourg; elle fut, au
contraire, suivie de beaucoup de contes-
tations et d'une guerre entre le duc de
Bourgogne et Guillaume de Saxe. Phi-
lippe le Bon eut beau accorder ou con-
firmer des privilèges, rien n'y fit : les
Luxembourgeois, excités sans aucun
doute par le duc de Saxe, se révoltèrent,
déclarant qu'ils ne voulaient pas obéir
551
ELISABETH - ELLE
552
au duc de Bourgogne ; ils assiégèrent le
palais de la duchesse, qui fut obligée de
fair avec sa suite. Elle se réfugia à Di-
jon, auprès du duc, lui demandant son
appui pour rentrer dans ses Etats. Le
duc de Bourgogne sentant que l'aflront
fait à Elisabeth rejaillissait sur lui, mam-
bour, votlut cependant, avant d'avoir
recours à la force, essayer de parlemen-
ter; il envoya des députés à Luxembourg
pour engager les états à rappeler la
duchesse, les menaçant, s'ils refusaient
et persistaient dans leur révolte, de les
réduire à l'obéissance. Les députés fu-
rent fort mal reçus ; alors Philippe ras-
sembla son armée et entra dans le pays,
accompagné de la duchesse Elisabeth
qui, vieille et infirme, se faisait trans-
porter en litière. Toutes les villes
ouvrirent leurs portes ; Luxembourg et
Thionville seuls tinrent encore pour le
duc de Saxe. Toutefois, celui-ci, voyant
qu'il n'était- pas assez fort pour lutter
longtemps contre le puissant duc de
Bourgogne, préféra tenter un accommo-
dement. La conférence n'aboutit pas, à
cause des prétentions trop opposées des
parties, et la guerre continua. Philippe
ayant demandé la bataille au gouver-
neur saxon de Luxembourg, qui refusa,
se décida à s'emparer de la ville par
escalade. Cette entreprise eut lieu avec
un plein succès dans la nuit du 21 au
22 novembre 1443 ; le château tenait
encore, mais il se rendit le 11 décembre.
Ces événements amenèrent la conclu-
sion de la paix entre le duc de Bourgogne
pour compte d'Elisabeth et le duc (iluil-
laume de Saxe, qui renonça à tous ses
droits sur le Luxembourg moyennant
une somme d'argent. Le duc Philippe
publia ensuite une amnistie générale au
nom de la duchesse.
Après cette pacification, en reconnais-
sance des services que lui avait rendus
le duc de Bourgogne, et aussi sans doute
pour se décharger de tout souci, Elisa-
beth céda à Philippe le Bon tous ses
droits au duché de Luxembourg, au
comté de Chiny et à l'avocatie d'Alsace.
La cession se fit solennellement par
une donation entre-vifs, sur une mon-
tagne près du Grunewald, qui depuis
ce temps porta le nom de Mo)itag»e de la
jevime morte : Elisabeth, par suite de cet
acte, étant morte civilement à toutes ses
prétentions. Elle ne se réserva qu'une
pension de huit mille florins et une
somme de onze mille florins en capital,
puis se retira à Trêves, où elle vécut
encore sept ans. Elle fut enterrée dans
l'église des Observantins.
Emile Vaivnbei'jjh.
Olivier de la Marche. — BertlioUet, Histoire
ecclèsiasiique et civile du duché de Luxem-
bourg, etc.
EL,i.E (Ferdmand), habile portraitiste,
qui exerça son art, surtout en France, où
son nom est ordinairement transformé
en celui de Ferdinand Hellé. Il brillait
au commencement du xviie siècle ; la
date de sa naissance, à Malines, est in-
connue; mais celle de sa mort, à Paris,
peut être fixée entre les années 1637 et
1640.
Bien que son talent ait été fécond,
hautement reconnu, et que la gravure
reproduisît quelques-unes de ses œu-
vres, celles-ci ne sont guère citées, et les
biographes se bornent, la plupart, à le
mentionner. Félibien, juge fort com-
pétent, le loue pourtant en termes très-
concis ; après avoir nommé élogieuse-
ment plusieurs des peintres qui ornèrent
l'hôtel de ville de Paris (entre autres
Porbus), il ajoute : « mais l'un de ceux
Il qui étaient le plus en réputation pour
" ces sortes d'ouvrages s'appelait Fer-
II dinand Elle, de Malines «.
Peu de temps après son arrivée eu
France, Elle fut chargé « de fournir un
grand tableau représentant le prévôt
des marchands , les cchevins , procu-
reurs du roi et grefliers de Paris » . 11
reçut de ce chef, le 19 août. 1609, les
quatre cents livres tournois que la ville
s'était engagée à lui payer. L'exécution
de son œuvre inspira une telle confiance
aux officiers municipaux, qu'ils lui lais-
sèrent le soin d'en commander le pen-
dant, lequel fut fait par (icorges l'Alle-
mand, artiste dont l'atelier était alors
des plus fréquentés et qui avait eu
l'honneur d'y accueillir Philippe de
Champagne à ses dél)uts.
La vogue et la renommée de Elle
oo3
ELLE - ELLEBAUDT
5o4
s'étendirent; il obtint le titre de peintre
ordinaire du roi et une des charges de
valet de chambre de Sa Majesté, charges
que les artistes achetaient parfois, mais
que, d'autres fois, les princes leur accor-
daient à titre gratuit, comme récom-
pense honorifique de leur mérite.
Elle s'était marié vers 1609 avec une
protestante, Marie Ferdinand; il appar-
tenait à la même religion, mais il jugea
très-probablement utile de ne pas le
déclarer, puisque, en 1625, il tint sur les
fonts de baptême de l'église Saint-Sul-
pice le septième enfant d'un de ses con-
frères, Richard !Masson de La Eichar-
dière, miniaturiste estimé. Sa femme,
décédée le 15 février 1649, lui avait
donné quatre enfants, deux filles et deux
fils, Louis et Pierre. Ceux-ci, continuant
la carrière paternelle, maintinrent pen-
dant environ un siècle la brillante ré-
putation acquise par le chef de leur
lignée. Par respect filial, ils adoptèrent
même son prénom de Ferdinand et
l'ajoutèrent, comme une dénomination
générique, à leurs autres noms. Cet
usage prévalut : les Elle furent dits Fer-
dinand.
Le fils aîné, Louis Elle Ferdinand,
très-habile élève de son père, acquit
promptement le renom d'un artiste dis-
tingué : en 16.36, il avait déjà reçu
plusieurs commandes du roi. De sa
femme, Elisabeth d'Allemagne, il eut
deux enfants, une fille et un fils, Louise
et Louis Elle ou Ferdinand II " maître
peintre du roi « . Ce dernier artiste alla
vivre à Reims, où il décéda en 1717, à
l'âge de soixante-neuf ans. Entre autres
œuvres, il peignit en cette ville, pour
la riche corporation des orfèvres, un ta-
bleau placé dans l'église Notre-Dame et
représentant un des fils de Sceva, prince
des apôtres, battu par le démcn.
Nous ignorons quelles furent les pro-
ductions de son oncle Pierre Elle Ferdi-
nand, également honoré du titre de
peintre de Sa Majesté et qui décéda à
Paris, le 4 septembre 1665.
Félix Slappaerti.
Nag'er, Kumilerlexicon. — Bulletin ae l'his-
toire de l'art en France.
I::lleb.%vdt [Nicaise), Van Elle-
BODE ou Ellebodius, médecin, philo-
sophe et poète, né à Cassel au commen-
cement duxvie siècle, mort à Presbourg
en Hongrie, d'une fièvre pestilentielle le
14 juin 1577, d'après la Biographie
médicale, ou le 4 juin, d'après d'autres.
Il fit ses études à Padoue, où il obtint
le grade de maître es arts et de docteur
en médecine. Il était fort versé dans les
lettres grecques; ses diverses et pro-
fondes connaissances lui concilièrent
l'aftèction d'un grand nombre d'hommes
remarquables de son époque : le cardinal
Granvelle, Jean et Vincent Pinelli, Paul
Manuce, Denys Lambin et Etienne Ra-
dicius, vice-roi de Hongrie et évêque
d'Egra, qui lui procura un canonicat
danï sa cathédrale.
On possède d'Ellebaudt une traduc-
tion en latin du Livre de la nature de
VJiomme, par l'évêque Nemesius d'Emèse,
en Syrie, qui vivait vers la fin du
ive siècle (1) : INéy-îTioy £-i(7xo-o-j -/.ai
Anvers, 15 65, chez Plantin, in-12, et
Oxford, 1671. Cette traduction, nette
et correcte, redresse un grand nombre
de passages de l'écrivain grec, mal
interprétés par Georges Valla, médecin
de Plaisance, qui avait défiguré plutôt
que traduit Nemesius. La traduction
d'Ellebodius fut imprimée de nouveau
en 1671, in-S«, à Auxonne, cum anno-
tationihus. Elle se trouve aussi parmi la
Bibliothcca Patrum, édition de Lvon,
t. VIII, 618-649.
On a encore de lui des lettres sur
différents sujets scientifiques, écrites en
latin, et publiées dans les Epistolœ
illusti'iuni Belgarum, de Daniel Heiii-
sius. — Une Epistola ad Ca7'olum Clu-
sium, dans les Exercit. de Thomas Cre-
nius, t. II. — Quelques poésies latines
imprimées dans les Beliciœ poetarum
Behjarura de GruterUS. Émile Varenbergh.
Elo}', Dictionnaire de médecine. — Paquot,
t. M.'— Piron. — Miraeus, Elogia Belgica. —
Fopiiens, t. 11. — Biographie médicale, t IV. —
Swertius. — Didol, Biographie générale —
Clusius, hlpLslola ad J. Lipsium. - Marchant,
liesr.r. l'iand. — Moreri, Dict. Hisl. — Valère
André, Bibl. Belg.
(Ij Cet ouvrage avait été longtemps aUribué à
saint Grégoire de Kysse.
55.^
ELOl
556
* E1.0I (Saint), évêque, patron des
orfèvres, né vers 588 dans un village
près de Limoges, que les uns appellent
Cadaillac, d'autres Chatelac, d'autres
Cadillac, mort à Xoyon, daus la nuit du
30 novembre au 1er décembre 659. Ses
parents étaient chrétiens et de condition
libre; son père s'appelait Eucherius et
sa mère Terrigia. Saint Oiien, son bio-
graphe, raconte que sa naissance, comme
celle de saint Jean-Baptiste, fut annoncée
à sa mère par un prodige : elle vit, en
songe, \m aigle voler au-dessus de son
lit et l'appeler par trois fois ; en répon-
dant à cet appel, elle s'éveilla. Quand
le moment de s'accoucher fut arrivé,
elle éprouva des douleurs telles, que son
mari, inquiet, envoya quérir un moine
voisin à qui il demanda de prier pour
elle; mais celui-ci, empruntant les ex-
pressions du langage divin, prédit que
l'enfant deviendrait un grand saint, le
plus illustre entre tous ceux de sa race ;
on l'appela Eloi, qui signifie élu de Dieu.
Dès son jeune âge, il montra une grande
habileté dans ses travaux manuels, et ses
parents le mirent en apprentissage chez
un orfèvre, nommé Abbon, maître de la
monnaie de Limoges. Plus tard, Eloi,
aj^ant quitté l'Aquitaine pour venir en
Neustrie, y fit la connaissance de Bol-
Ion, trésorier du roi. Quelque temps
après, Clotaire II l'attacha à sa per-
sonne, moins à cause de son habileté,
comme le disent plusieurs biographes,
qu'à la suite d'un acte de probité. Eloi
lui avait été recommandé par Bollon, et
le roi, ayant voulu se faire fabriquer un
trône d'une grande richesse, lui avait
remis à cet effet une considérable quan-
tité d'or et de pierres précieuses ; mais
le jeune orfèvre se montra digne de la
confiance qu'il avait su inspirer : avec
la matière fournie, au lieu d'un trône,
il en fit deux; telle fut l'origine de
la faveur dont il joait auprès du mo-
narque. Il se faisait remarquer, à cette
époque, par sa piété et ses vertus. A la
mort de Clotaire, Dagobert, son fils et
successeur, honora Eloi d'une amitié
plus vive encore; il en fit son argentier,
et lui soumettait d'ordinaire les affaires
les plus importantes de son royaume.
Nous ne rappellerons ici la légende, qui
s'est transformée en une chanson popu-
laire, que pour y reconnaître un sou-
venir traditionnel du haut degré de
confiance que le roi mettait en lui.
Dagobert le combla de bienfaits, mais
Eloi n'en usait guère pour lui-même :
il élevait des hospices et des abbayes sur
les terres dont on le gratifiait, distri-
buait aux pauvres l'argent qu'il recevait
ou l'employait au rachat des captifs ; sa
charité était telle, que bien souvent il
se trouvait dépourvu de ressources.
En 635, Dagobert se vit menacé par le
roi de Bretagne Judicaël, qui inquiétait
les frontières du royaume ; il lui envoya
Eloi, dont les discours empreints de
douceur et les manières affables ame-
nèrent le Breton à conclure la paix.
Après la mort de saint Achaire, arrivée
en 639, le monarque, décidé à combat-
tre énergiquement l'hérésie simoniaque,
dont les progrés n'avaient cessé de croî-
tre depuis le règne de Brunehaut , fit
entrer son argentier dans les ordres et
le fit sacrer évêque de Xoyon, Tournai
et Yermand, qui n'avaient alors qu'un
seul évêque : « Il l'établit gardien et
protecteur des villes et municipes de
Vermand, qui est la ville métropoli-
taine, et de Tournai, qui était ville
royale autrefois, ainsi que de Noyon et
de la Flandre, de Gand et de Courtrai «
{Vie de saint Eloi, par saint Ouen).
En même temps, saint Ouen, son ami
et son biographe, fut nommé évêque de
Rouen. L'ordination eut lieu le 14 mai
640 et l'installation d'Eloi le 21 mai;
Meyer, dans ses annales, donne pour
cette cérémonie la date de 648 ; Cousin,
celle de 647, et Gazet, dans la Ch?-o-
nique de Cysoing, celle de 649. Malgré
ses hautes dignités, Eloi continuait à
fabriquer des objets d'orfèvrerie pour
les églises; ainsi, il fit les châsses de
saint Quentin, de saint Crépin et de
saint Fiat. Il visita et évangélisa avec
sollicitude les Flamands, les Anversois,
les Frisons, les peuplades suèves et
saxonnes de la Flandre, et eut besoin
de toute sa patience et de tout son zèle
pour amener dans le giron de l'Eglise
des nations aussi barbares. D'abord fort
557
ELOI - ELOY
558
mal reçu, maltraité même parfois lors-
qu'il traversait les campagnes, son dé-
vouement surmonta tous les obstacles.
Dans la plupart de ses prédications, il
était accompagné par undisciple, nommé
ïhillon d'Iseghem, qui devint, phis tard
évêque de ^Maestricht. Il établit le plus
souvent sa résidence à Tournai pour être
plus rapproché des parties septentrio-
nales de son triple diocèse, lesquelles
avaient le plus besoin de sa sollicitude.
Le 25 octobre 644, suivant saint Ouen, il
assista au concile de Châlons-sur-Saône,
après lequel il vécut encore iine quin-
zaine d'années. Quelque temps avant
de mourir, il prédit sa fin. Xous avons
dit à quelle époque elle eut lieu, d'après
saint Ouen et les Bollandistes; Sanderus
et Cousin la fixent à la même date ; mais
Mej'er, dans ses Annales, le fait décéder
seulement en 665. Il fut enterré dans
le monastère de Saint-Loup , près de
No von, qui prit alors le nom de Saint-
Eloij en 1661, on transféra son corps
sous une voûte construite derrière le
sanctuaire. En 1462, un arrêt du par-
lement en ordonna la translation dans la
cathédrale.
Eloi peut être considéré à juste titre
comme l'apôtre de la Flandre, oii il
fonda les églises d'Aldenbourg, de Ro-
denbourgj d'Oostbourg, de Saint-Sau-
veur à Bruges, et de Saint-Martin à
Courtrai, l'abbaye de Saint-Martin à
Tournai et le collège des chanoines
réguliers de Séclin. En France, il bâtit
le monastère de Solignac, avec les libé-
ralités du roi, voulant (suivant ses pro-
pres paroles) lui construire une échelle à
l'aide de laquelle ils pussent monter
tous deux au ciel, l'église de Saint-Paul
hors Paris, le couvent de Sainte-Anne
dans Paris, et d'autres maisons encore,
il existe de saint Eloi cinq pièces de
monnaie portant au revers : EUgim mo-
iietarius (voy. Leblanc), et l'on croit^
d'après leur date, ([u'il ne fut argentier
ou maître de la monnaie (pie sous Dago-
bert et dans les premières années de
Clovis II. Il était en même temps maître
de la monnaie de Paris.
Saint Ouen, qui écrivit sa vie, vante
son éloquence, et les fragments de ser-
mons qui nous restent de saint Eloi sont
une preuve de la véracité de son bio-
graphe. Toutefois les XVJT homélies
imprimées sous son nom ne lui sont
attribuées que par erreur, s'il faut en
croire Dufau . Émile Varecbergh.
Dufau, Hagioqvaphie belge. — Cousin, Histoire
de Tournai. — Meyer, Annalea de Flandre —
Le Maistre dAnstalug, Histoire de la cathédrale
de Tournai. — Acta .sanctorum des Bollandistes.
— Sanderus, Flandria itlustrata. — Moreri ,
Dict tiistor. — Feller, bict. histor. — Butler,
Vies des Pères. — Foppens. Hibl. Belg. — Didol,
Bioqr. générale. — Michaud, Biogr. universelle.
— Sweertius. — Grasse, Lehrbucii einer altgem.
liierar. geschiclite. — Surius, Ad diem 1 déc. m
martyrol. — Bucelin, Ann. Gall. Fland. — .Mo-
lanus , Natal. Belg. — Sainte-Marthe , Gall.
Christ — Saint Ouen, Vie de Saint Eloij.
ELOY {Gérard), connu plutôt sous le
nom d'ELiGius, historien, né le 21 juil-
let 1590 au hameau du Petit-Han, dé-
pendant de la commune du Grand-Han
dans la province de Luxembourg, et
mort à Bruxelles, le 20 décembre 1641.
Il fit ses premières études dans son vil-
lage, et, à l'âge de treize ans, alla,
malgré ses parents qui n'étaient pas en
état de faire des frais pour lui, achever ses
humanités chez les jésuites à Anvers ; il
s'y distingua par son zèle et son intelli-
gence, et obtint, au terme de ses études,
la charge de précepteur d'un jeune Por-
tugais, qu'il accompagna à Louvain. Le
séjour de cette ville lui permit de faire
ses études académiques. Il ne resta pas
longtemps dans cette position, car Ery-
cius Puteanus le prit chez lui, en qua-
lité de familier, espèce de domesticité
déguisée, qui laissait au jeune homme
assez de loisirs. Quelque temps après,
Eligius se rendit à Douai afin d'y suivre
les cours de philosophie, puis, changeant
subitement de résolution, il entra à la
Chartreuse de Bruxelles, oii il prit l'ha-
bit le 3 mars 1612, âgé seulement de
vingt-deux ans. Là il fut chargé, par le
prieur, de faire une copie des archives
de la maison et de tous les actes histo-
riques, ainsi que l'histoire de sa fonda-
tion, pour le chapitre général de l'ordre.
On l'envoya ensuite à Bois-le-Duc comme
vicaire ou aide du prieur. La guerre le
chassa de cet asile. Après l'expiration de
la trêve de douze ans, les chartreux du
monastère de Sainte-Sophie de Bois le-
559
ELOV
560
Duc se réfugièrent auprès du gouverneur
(lu fort de Boxtel; mais le fort dut se
rendre à Mansfeld. Eligius alors se re-
tira chez les Clarisses; il y composa la
biographie du bienheureux Juste de
Gouda, qui parut en 1624, sous le voile
de l'anonyme, et s'occupa aussi à rédiger
les annales de la maison de Sainte-So-
phie. Il passa bientôt après à Anvers,
en qualité de recteur; mais son admi-
nistration n'ayant pas été heureuse, il
fut rappelé à Bruxelles en 1630, où on
le nomma vicaire du prieur en lui don-
nant la charge d'instruire les novices.
Il y resta jusqu'à sa mort, arrivée onze
ans après.
On a de lui : Vita et martiriuni
B. Justi Goudani, cartusiœ DeJpliensis m
Hollmidia profrssi et sacristœ. Bruxelles,
1624, in-é»), avec une épître dédicatoire
àBrunod'Outtelair, prieur de Bruxelles,
datée comme suit : Ex solitudine Campa-
nile pridie Idus oct. 1623, unus ex pusel-
lis vestris F. G. E. Cette biographie a
été traduite en français et publiée par
Ad. Driscart, à la suite de sa traduction
française de V Histoire des chartretix de
Dorlandus. Tournai, 1644, in-4o, sous
ce titre : Le Juste victorieux ou discours
sur la vie et le martyre du B. Juste de
Gouda, religieux profès et sacristain de
la chartreuse de Delft en Hollande, tiré
et abrégé en nostre vulgaire, de celui
qu'a publié en latin le E. P. Gérard
Eloy, religieux chartreux de Bruxelles,
par un religieux du même ordre. ■ — -
Fita S. Brunonis cai'tusiensium insti-
tutoris priitii , commetitario illustrata.
Bruxelles, 1639, in-8 '; l'entête de la
première page explique mieux l'ouvrage
d'Eligius : Ex ea guœ est a R. F. Eran
cisco de Puteo, et P. Blomevenna primum
édita qc postmodum à V . P. Laurevtio
Surio recensita et paraphrastico reddita.
Commentationihus rariis , additionihns
etiani ac supplementis illustrata. Quce
onmia ex ipsis fontihus hansta, ex oriyiva-
lihusUtteris, dijilnwatihus, pririlcf/iis car-
tusiœ Calahrice recenter eruta, et SHinina
fide studioque acluarii transumpta hahen ■
tur. Comwentatore G. Suriano Behjœ.
Son commentaire occupe 426 pages : à
la fin du volume, se trouve une pièce de
vers latins par Auge Schotte. chartreux
de Bruxelles. — La Fie de sainte Ger-
trude, première abbesse de Nivelles,
tirée des cayers de Nivelles, de Landen,
de Neustade en Allemagne et ailleurs.
Mise premièrement en lumière en latin
par le R. P. J. G. de Eickel et traduite
en français par P. A. B. C. Bruxelles,
1639, in-12; bien que le célèbre abbé
de Sainte-Gertrude, Gerolf de Ryckel
paraisse dans le titre comme l'auteur
véritable de cette biographie, elle est
réellement d'Eloy, qui prêta sa plume
à son supérieur. — On lui doit aussi
une Fie abrégée de saint Anthelme, une
traduction de l'espagnol en latin de la
Fie de saint Brunon, de Jean de Ma-
driaga, et les Exe?'cices spirituels d'An-
toine Molina. Émile Varenbergh.
Foppens, Bibl. Delg., t. I, p. 349. — Piron, Le-
vensùeschrijvingen. — Goetlials, Lectures rela-
tives à l'histoire des sciences, elc, t. 111.
ELOY {Nicolas-François-Joseph), mé-
decin, biographe, né à Mons le 20 sep-
tembre 1714, mort le 10 mars 1788. Il
fit ses humanités au collège de Houdeng
et étudia la médecine à l'université de
Louvain, où il obtint le doctorat le
3 septembre 1736. Il se rendit ensuite
à Paris pour suivre les cours de profes-
seurs en renom et les cliniques données
dans les principaux hôpitaux. Revenu
dans sa ville natale, il s'y établit comme
médecin et exerça sa profession avec
beaucoup d'honneur et de désintéresse-
ment pendant l'espace de cinquante-
deux ans. En 1752, il fut nommé mé-
decin pensionnaire de la ville de Mons,
et la princesse Charlotte de Lorraine le
choisit, en 1754, pour son conseiller-
médecin, fonctions qu'il remplit pen-
dant plus de vingt années. Le prince
Charles-Alexandre de Lorraine, son
frère, lui accorda la même confiance et
le même titre. Continuellement appliqué
à l'étude, il publia différents ouvrages
qui se rattachent aux sciences médicales;
nous citerons les suivants : Réflexions
sur l'usage du lié. Mons, 1750, in-12,
il y démontre l'abus que l'on fait de
cette boisson. On attaqua cet écrit par
\ine Apologie du thé, 1750, in-12 ; Eloy
y répondit aussitôt par des Réjiexions
561
ELOY — ELSEN
56^2
sur une hrocliure intitulée Apologie du
thé. Mons, 1751, in- 12. Son adversaire
anonyme répliqua, à son tour, par un
Supplément à V Apologie du thé, qui mit
fin à cette dispute fastidieuse.
Le Dictionnaire historique de la méde-
cine ancienne et moderne de notre auteur
eut deux éditions : la première faite à
Liég-e, 1751, en 2 volumes in-8'; la
seconde, beaucoup plus complète, à
Mons en 1778, 4 volumes in-i^. Cette
piiblication, accueillie avec faveur, valut
à Eloy le titre de membre correspondant
de l'Académie royale de médecine de
Paris ; elle fut traduite en italien, sur
la première édition, avec augmenta-
tions, 1761 et années suivantes, 7 vo-
lumes in-8o. Eloy recueillit beaucoup
de matériaux chez ses devanciers et pro-
fita notamment de la publication de
Carrere, dont il relève assez aigrement
les erreurs ; bien que son ouvrage en ren-
ferme aussi, il témoigne de ses conscien-
cieuses recherches et présente, d'une
manière concise, l'histoire des progrès
de la médecine et des révolutions qu'elle
a essuyées; dans le discours prélimi-
naire , il s'attache particulièrement à
faire voir lis dangers de l'esprit de sys-
tème et de la manie de généraliser. Les
notices des médecins, le résumé de leur
vie et le catalogue de leurs ouvrages
sont faits, en général, avec soin et im-
partialité.
Il publia en outre : 1. Mémoire sur
la marche, la nature, les causes et le trai-
tement de la dyssenterie. Mons, 1780,
in-8o. — 1. Si V usage du café est avan-
tageux à la santé et s' il se peut concilier
avec le bien de VEtat dans les provinces
belgiques. Mons, 1781, in-8o. Eloy par-
ticipa aussi à la rédaction du Codex
medicamentarius amplissimi senatus Mon-
lensis auctoritate munitus. ]\rons, 1755,
in-4o. Le docteur Broeckx dans ses
Documents pour servir à Vhistoire de la
Bibliographie médicale belge, lui attri-
bue Enchiridium medicum of H medecyn
boekxken icuerin verhandelt worden veel
siekten die dagelyks voorvallen, daerby de
remedien om die te genesen. Antwerpen,
1757, in-8o. Quelques biographes lui
ont attribué également le Cours élémen-
taire des accouchements, imprimé à Mons
en 1775 et en 1782; ce qui est une
erreur : le manuscrit autographe, con-
servé à la bibliothèque publique de
Mons, porte le nom du véritable auteur,
Henri Capiaumont.
Vers la fin de sa carrière, les Etats du
comté de Hainaut, en récompense de
ses longs et honorables services, lui
offrirent une magnifique tabatière d'or,
arcisteraent ciselée, portant d'un côté
un écussou aux armes du Hainaut, avec
l'inscrijjtion : Ex dono Patriœ, et de
l'autre côté un génie représentant la
renommée avec ces paroles : ^'Emulatio-
nis incitamentum. Ce précieux bijou doit,
aux termes d'une disposition testamen-
taire datée du 22 mars 1781, être con-
servé de génération en génération, par
l'aîné des descendants d'Eloy, comme
un sujet d'émulatiou et d'excitation à
travailler pour le bien de leur patrie. Il
existe un portrait du médecin montois
au Musée communal de sa ville natale;
il a été reproduit dans l'Iconographie
montoise. Aug. Vander Meersch.
Paquot, Mémoires liitèraires, t. IX..— De Feller,
Dictionnaire historique. — Delveime, Biographie
des Pays-Bas. — Iconographie monlnise. —
Ad. Mathieu, Biographie monioise — Michaud,
Biographie universelle. — Biographie gimrale,
publiée par Didot. — Biographie médicale, t lY,
p. 37.
ELSEX {Philippe) ou Elsius, bio-
graphe, né à Bruxelles vers la fin du
xvie siècle, mort en 1654. Il fut reli-
gieux de l'ordre des Ermites de Saint-
Augustin, au couvent de sa ville natale,
où il professa longtemps les humanités
et devint préfet du collège. On lui doit :
Encomistic07i Augustinianum in quo per-
sonce ord. erem. S. Augustini, sanctitate,
prœlatura , legationibus , scriptis , etc. ,
prœstantes enarrantur. Bruxeljae, 1634,
1 vo!. in-folio. L'ouvrage se compose
des éloges des membres les plus dis-
tingués de l'ordre de Saint-Augustin.
L'auteur, animé d'un zèle excessif, y a
fait entrer des notices sur tous les fon-
dateurs ou réformateurs d'autres cou-
grégations religieuses, et même des écri-
vains qui y sont totalement étrangers ;
il parvient ainsi à réunir près de deux
mille cinq cents articles, classés par
o63
ELSEN — ELZEVIER
564
rang alphabétique des prénoms. La par-
tie bibliographique y est traitée sans
soin et sans discernement ; aussi la
BiMiothecn augustiniana , publiée par
Ossinger, est-elle préférée au travail du
père Elsen. Aug. Vauder Meerscli.
Ossinger, Bibliotheca augustiniana, p. ^14. —
Labbe, Bibliotheca, p. Ai"!. - Foppeus, Biblio-
theca belgica, t. II, p. 1031 — Baillet, Jugement
des savants sur les critiques historiques. — Del-
venne, Biographie des Pays-Bas.
EL!«iuO£rHT (Jean), sculpteur, né
à Bruxelles pendant la première moitié
du xviiie siècle. En 1762, il quitta
son pays pour aller s'établir à Lille et
prit immédiatement les mesures requises
pour s'y faire admettre dans la corpora-
tion des sculpteurs, « tailleurs de pierres
bleues et croqueteursde grès «. Il com-
mença, à cet etfet, pour soumettre à
l'examen de ses confrères une statue
de saint Jérôme, qui leur plut et dont
ils louèrent « la correction du dessin et
la bonté des musqués « (des muscles ?).
Cette première preuve de capacité était
insuffisante pour être agréé. D'après les
règlements établis, il fallait que l'aspi-
rant exécutât seul, dans une des salles
de l'hôtel de ville, transformée, ce jour-
là, en atelier, la statue en bois du Lao-
coon, haute de trois pieds et demi (1).
Elshoecht se soumit à cette épreuve et
eu sortit à son honneur. Le jury nommé
pour apprécier son travail, et composé
de trois maîtres peintres, conclut élo-
gieusement en sa faveur et le trouva
très-expert dans l'art de la sculpture.
Eeçu maître par ses confrères, il s'acquit
même, parmi eux, tant d'estime, qu'ils
le nommèrent doyen de leur corpora-
tion.
L'artiste s'était-il marié à Lille?
Y devint-il la souche de plusieurs géné-
rations d'artistes? Des renseignements
positifs nous font défaut à ce sujet;
cependant on a supposé, et non sans
vraisemblance, que Charles ou Karl
Elshoecht, né à Dunkerque et mort en
1856, à Paris, était l'un de ses descen-
dants. Ce dernier, après avoir aussi
(T Lîi plupart des staUits adoptés dans les
villes de r landre étaient analogues à ceux des
peintres et tailleurs d images de la ville de Paris,
publiés dés lo9i, et qui stipulaient dans leur
commencé par sculpter en bois pour la
marine, était devenu, en 1822, élève du
statuaire Bosio et avait conquis graduel-
lement par ses œuvres un rang très-
honorable dans le monde des arts.
Félix SlappaorU.
Alex. Pincliart, Archives des arts, t. I. — Di-
naux, Archives du Xord, t. I, 2« série.
ELZETIER, ElSEVIEE, ElSCHEVIER
OU Helschevier. Famille renommée
d'imprimeurs et de libraires, dont l'il-
lustration est due à d'éclatants services
rendus, pendant cent trente ans, aux
lettres et aux sciences. C'est à ces im-
primeurs si justement vantés que l'on
doit les célèbres éditions, en petit for-
mat, qui brillent par la beauté, la net-
teté des caractères et la correction typo-
graphique.
Il ne peut entrer dans le cadre de la
Biographie nationale de donner un cata-
logue des publications elseviriennes; il
serait d'ailleurs difficile d'en faire un in-
ventaire tant soit peu exact. Beaucoup
d'ouvrages imprimés sous leur nom ne
sont pas sortis de leurs presses, et d'au-
tre part, un grand nombre qu'ils ont
imprimés ne portent pas leur adresse.
Disons cependant, que, d'après les An-
nales de Vimprimerie Elsevirienne, pu-
bliées par Charles Pieters, le nombre
total des ouvrages de tout genre portant
leur nom s'élève à 1,213; 968 sont en
latin; éi en grec; 126 en français;
32 en flamand; 22 en langues orien-
tales; 11 en allemand; 10 en italien.
Parmi ces volumes, il s'en faut que tous
soient également corrects et recherchés.
L'ardeur des bibliomanes se portait jadis
sur les éditions petit in-12 des clas-
siques latins; depuis quelques années,
ils s'acharnent surtout sur les ouvrages
français. L'engouement est devenu tel,
que, parfois le nom seul d'Elzevier, mis
au bas d'un titre d'ouvrage, lui donne
de l'intérêt : sans cette circonstance, il
passerait inaperçu. On peut citer le
Paàtissier français, bouquin sans méritp,
que Daniel Elzevier ne vendait que
premier article, « que nul ne serait regu au
meslier, pour estre maistre, jusqu'à ce qu'il ait
fait un chef d'œuvre et qu'il foit témoigné suffi-
sant par les jurez et gardes dudit mestier. >■
565
ELZEVIER
566
treize sols de Hollande, en 1675, et qui
fut adjugé en 1875, à Paris, chez Ben-
zon, 3,255 francs, sans les frais. On
ne saurait dire cependant que l'engoue-
ment des amateurs ait atteint ses der-
nières limites. Il est vrai que le Pastis-
der passe pour le volume le plus rare
de toute la collection, bien qu'on en con-
naisse déjà une trentaine d'exemplaires.
Les biographes furent longtemps en
désaccord sur le berceau de cette famille;
les uns la croyaient de Liège ou de
Louvain ; d'autres prétendaient qu'elle
était originaire d'Espagne. On suppo-
sait aussi que ce nom était un nom
adopté ou arbitrairement changé, mais,
en tout cas, que les Elzevier apparte-
naient à une famille noble ; on indiquait
même ses armoiries : d'azur à la croix
pleine en talus d'or, cantonnées aux
1 et 4 d'un lion passant d'or, aux 2 et 3
de trois fleurs de lys d'argent, deux et
une. Lambrequins et bourlet d'or et
d'azur. Cimier un lion d'or tenant une
croix recroisettée de gueules. Le Lion
tourné à senestre. Supports deux Lions
d'or. Comme ces armes paraissent com-
munes avec celles de Verduyn, on a
supposé que cette famille se nommait
proprement Yerduyu. Dans ce cas, ne
seraient-ce pas plutôt les armoiries de la
femme d.e Louis Elzevier que la famille
aurait adoptées ; on verra plus loin
qu'elle se nommait Duverduyn. On ci-
tait aussi d'azur à la croix d'or, au 1
et 4 de trois lys d'argent, aux 2 et 3 d'un
Lion de gueules. Pour cimier le Lion de
l'écu tenant une croix de Jérusalem.
En effet quelques Elzevier ont fait usage
de ces armoiries. Maintenant on se
trouve d'accord sur un point essentiel :
les nombreux Helschevier ou Elschevier
que les anciens registres de naissance
et de mariage de Louvain mentionnent,
établissent que cette famille en est ori-
ginaire; elle y était déjà connue avant
1533, c'est-à-dire dix ans avant la nais-
sance de celui qu'on considère comme
son chef. Elle n'appartenait ni à la
noblesse ni aux sept lignages ou hommes
de Saint-Pierre ; elle n'était même pas
de grande extraction : Michel Helsche-
vier, simple cordonnier, fut, en 1533,
doyen ou Waranâeerder de cette corpo-
ration; Bertel Helschevier, probable-
ment son frère, exerçait le même métier.
Au reste la question de noblesse n'a
qu'une importance secondaire ; les pro-
duits des presses elseviriennes donnent
assez de lustre à cette famille pour qu'il
ne faille pas en chercher d'autre. Si la
Hollande se vante d'avoir vu créer les
productions typographiques de cette il-
lustre famille, la Belgique peut se glo-
rifier à plus juste titre encore d'avoir
été le berceau de ces typographes.
Le premier Elzevier dont il soit fait
mention, et qu'on peut regarder comme
le chef, se nommait Louis, né à Louvain
vers 1540, inhumé à Leyde le 4 février
1617. On a peu de détails sur les pre-
mières années de sa vie ; on sait qu'en
1563, âgé de vingt-trois ans, il épousa
Marie Puverdyn. Devenu relieur et
libraire, il exerça ces deux fonctions à
Anvers, à Wesel, et à Douai. Par suite
de son adhésion à la réforme il s'ex-
patria et transféra son établissement à
Leyde au mois de septembre 1580. H
embrassa de bonne heure les nouvelles
idées religieuses, et c'est probablement
à cette circonstance qu'il faut attribuer
ses déplacements successifs et par suite
la naissance de ses enfants dans des
villes différentes. Son arrivée à Leyde
est constatée par un ancien registre de
recensement de la population de cette
ville, portant que Loys Elzevier, relieur
de Louvain, est venu s'y fixer, au mois
de septembre 1580 , avec Mayke, sa
femme, Thys, Gilles, Loys, Joost, Aernt,
Mayke, leurs enfants, et Paul Reyniers,
de Louvain, son compagnon. H y obtint
une certaine considération et les cura-
teurs de l'université le nommèrent, le
30 septembre 1586, appariteur {Pedel)
de cette institution scientifique.
Le premier livre publié à Leyde par
Louis Elzevier fut le Brusil Ebraïcarum
(luœstloimm, sive responsionum lib?'i duo.
Lugd. Bat. 1583, in-8>. Le titre porte
une vignette avec la devise agimbili-
tate et au bas de la page 126 (errata)
on lit Veiiemit Lugdutii Batavorum apud
Ludovicum Elseviriura , e reglone schola
novœ. Le second ouvrage qu'il publia a
>67
ELZEVIER
n68
de la célébrité : c'est VEufropius, qui
parut en 1592, aussi à Leyde. — On
cite Louis Elzevier comme le plus an-
cien des imprimeurs de ce nom; cepen-
dant il ne paraît pas avoir exercé lui-
même l'art de l'imprimerie. Mais en
1594, il forma, dit-on, une associa-
tion avec Jean Paets, et ils publièrent
plusieurs ouvrages pour alimenter les
grandes relations de librairie qu'entre-
tenait Louis Elzevier avec les libraires
de Cologne, Louvain, Franeker, Ypres,
Paris et Francfort. On a cru que lui-
même avait fondé des librairies dans
quelques-unes de ces villes ; il semble
plus probable qu'il n'y eut que des cor-
respondants, peut-être des dépôts déli-
vres en consignation. Les divers voyages
qu'il fit à Paris et aux foires de Franc-
fort permettent de le supposer. Il se
trouvait entre autres dans la capitale de
la France, en 1602, alors que, avec
l'autorisation des curateurs, il se fit
remplacer pendant deux mois par son
fils, dans ses fonctions d'appariteur, afin
de vaquer à ses aftaires. Sa présence y
est encore constatée au mois d'août 1609.
Il est prouvé qu'en 1601, il ouvrit un
établissement à La Haye, dans le palais
des états généraux {op de Zaaï), géré
d'abord par son fils Gilles et puis par
Louis II ; un de ses petits-fils l'exploita
ensuite.
Depuis 1 .5 9 7 jusqu'en 1 6 1 7 , on trouve
le nom de Louis Elzevier au bas d'un
très-grand nombre de volumes ; on pense
que cette date de 1597 indique l'époque
de son admission dans la corporation
des libraires de Leyde; ce ne fut que le
8 août 1594, après quatorze années
d'habitation qu'il y obtint le droit de
boiirgeoisie ou Foorters redit. Sa marque
d'imprimeur représentait un aigle sur
un cippe, avec un faisceau de flèches, et
pour devise Concordiâ res parvfs crescunt.
Il mourut à Leyde et fut enterré dans
l'église de Saint-Pierre de cette ville,
auprès de sa femme Mayke Duverdyn,
décédée le 3 décembre 161.3. Il eut de
ce mariage sept fils et deux filles. On
compte parmi les premiers : 1<' Mathieu
ou Maïtiits Elzevier, né à Anvers,
vers 1564, ce qui conste de l'acte de son
premier mariage; il est mort à Leyde
le 6 décembre 1640, âgé de plus de
soixante -quinze ans et enterré dans
l'église de Saint-Pierre. Il avait suivi
son père à Leyde en 15S0,où il fut reçu
en 1591 dans la corporation des li-
braires et obtint la bourgeoisie en 1594.
Le 13 novembre 1607, il fut nommé
appariteur de l'université sur la recom-
mandation de Scaliger, place qu'il per-
dit en 1616, à cause d'un incendie à
l'université, attribué à son imprudence;
à la mort de son père, on le réintégra
dans cette fonction.
Après le décès de Louis 1er, il s'as-
socia avec son frère Bonaventure pour
exploiter la librairie de Leyde , son
fils Isaac imprimant pour eux. Cette
association fut dissoute en septembre
1622 et Mathieu céda sa part à Abra-
ham, son fils aîné, qu'il avait probable-
ment déjà initié aux aff'aires. On ne
connaît que deiix ouvrages où son nom
se trouve suivi de celui de Bonaventure,
son frère, ce sont le Castramétatio7i et la
Nouvelle fortif cation par écluses, dus au
célèbre mathématicien Simon Stevin et
tous deux publiés eh 1618. Il entretint
des relations de librairie fort étendues à
Francfort, à Paris et à Venise.
En 1591, il épousa Barbara Lopes,
morte le 27 juillet 1624, dont les pa-
rents, nés comme les siens à Louvain,
s'étaient également établis à Leyde.
Dans leur acte de mariage, Mathieu est
déjà qualifié de libraire et l'on peut
supposer que, dès lors, il assistait son
père dans la gestion des aflaires. En
1594, trois jours avant son père, il
obtint le droit de bourgeoisie, sur le
témoignage d'Honesto Lopes, son beau-
père, qui se constitua sa caution. On a
prétendu que Barbara Lopes était la
petite-fille de Pedro, gentilhomme de
la cour de Charles-Quint et qui fut
choisi par ce prince, en 1515, pour con-
duire en Danemark sa sœur Isabelle
d'Autriche, lors du mariage de celle-ci
avec Christiern II. L'ancien registre de
la population de Leyde constate qu'Ho-
nesto Lopes, le père de Barbara, vint
s'établir dans cette ville comme Hoze-
hrelâer (chaussetier). Il faut révoquer en
569
ELZEVIER
570
doute sa parenté avec don Pedro Lopes
de Haro, gentilhomme. Il eut de ce
mariage cinq enfants. Le 10 novem-
bre 1624, il épousa en secondes noces
Marie van Cenlen, de Pelft, morte sans
enfants, en 1626, et convola en troi-
sièmes noces le 7 juillet 1626, avec
Elisabeth De Smit ou de De Smet,
morte sans enfants en juin 1639.
II. Loris II Elzevier, né à Anvers
en 1566 ou 1567, épousa, le 30 juin
1590, Wilhelmine van Leiden . En 1 5 9 8 ,
il remplaça pendant trois mois le col-
lègue de son père dans ses fonctions
d'appariteur. Dès 1599 , il était li-
braire à La Haye et y succéda à Gilles;
il ne fut pas imprimeur. On connaît
cependant quatre ouvrages portant son
nom comme éditeur. D'après une réso-
lution des états généraux du 29 avril
1610, il obtint un privilège de six ans
pour imprimer et vendre La repentance
de Jean Haren et son retour en V église de
Dieu, publiquement par lui récité en
l'église icallonne de Wesel. Il employa,
ainsi que son père, l'aigle comme marque
typographique. Après sa mort, Bona-
venture et Abraham continuèrent ses
affaires et les cédèrent à Jacques, fils
de Mathieu, lorsque celui-ci s'établit à
La Haye, en 1621.
III. Gilles ou Egide Elzevier, né
à Wesel, mort à Leyde en 1651, géra
pendant un an la succursale de son père
à La Haye et se livra ensuite à d'autres
spéculations commerciales. Son nom pa-
raît sur le titre de Nacigatio JoJi. Hu-
gonis Lindschotani, imprimé à La Haye
en 1599, in-folio. C'est le seul livre
connu portant son adresse. Il épousa, le
4 février 1597, Annette Hartshals, de
Louvain et en juin 1600 Francina Hen-
driks, veuve d'Etienne Bellaert. Il fut
inhumé à Leyde le 1er juillet 1651, âgé
d'environ quatre-vingts ans.
IV. JoosT ou JossE Elzevier, né
probablement à Douai, mort à Utrecht
vers 1617, où il exerça la librairie au
moins de 1603 à 1607. On ne connaît
pas de livres portant son nom. Il épousa,
en août 1 5 9 8 , Marguerite Vander Woert,
d'Utrecht, où il obtint la bourgeoisie le
30 septembre 1600. Il eu eut quatre
enfants, parmi lesquels Louis, qui fut
le fondateur de l'imprimerie elsevirienne
à Amsterdam.
V. Arxout Elzevier vit probable-
ment le jour à Douai, vers 1575, mort
en 1648. Il fut peintre de paysage,
inscrit à Dordrecht en 1646 dans la
corporation des peintres et acquit une
certaine réputation.
VI. BoNAVEXTURE Elzevier, impri-
meur et libraire, né à Leyde en 1583,
mort le 17 septembre 1652, enterré
dans l'église de Saint-Pierre à Leyde.
On a longtemps supposé, à tort, que
Bonaventure était fils de Mathieu; les
dernières découvertes ont levé tout doute
à cet égard : Bonaventure est bien le
sixième fils de Louis I. Il tint son pré-
nom du professeur Bonaventure Vulca-
nius, son parrain. Il épousa, le 22 août
1625, Sara van Ceulen, fille de Daniel,
ministre protestant. Dès 1601, il s'oc-
cupait de librairie dans sa ville natale;
à la fin du mois d'août 1606, il fit un
voyage en Italie, où il connut les deux
Spigelius de Bruxelles, alla à Paris en
1608, voyage dont parle Scaliger et,
dans le courant de 1610, il fit une ou
deux excursions à Louvain. En 1608, il
commence à figurer comme éditeur. On
a vu à l'article concernant Mathieu qu'il
fut associé avec Bonaventure et que leur
association fut dissoute en 1626. Ce
dernier contracta une nouvelle société
avec Abraham, fils de Mathieu et ils
devinrent alors les imprimeurs jurés de
l'université. Pour obtenir cette faveur
ils firent valoir la possession de l'impri-
merie orientale d'Erpennius qu'ils met-
taient à la disposition de l'université.
La plupart des livres qu'ils ont
d'abord publiés ont été imprimés par
Isaac Elzevier, frère d'Abraham, dont
ils reprirent l'imprimerie par acte du
24 décembre 1625. Ils firent rouler
leurs presses à Leyde, pendant vingt-
huit ans, et l'on peut dire que cette
association de Bonaventure avec Abra-
ham a été le fondement de la réputation
de cette célèbre famille. Ce sont ces deux
Elzevier surtout qui, par leurs admira-
bles éditions des classiques latins et de
quelques volumes français, véritables
571
ELZEVIER — EMEBERT
572
chefs-d'œuvre de tyi30graphie,ont donné
à leur nom une illustration qxii s'est
conservée jusqu'à nos jours. Les deux
associés restèrent unis jusqu'à leur
mort, survenue la même année, en 1652,
à un mois d'intervalle. Dès le commen-
cement de leur commerce, le 15 mai
1626, ils eurent des états de Hollande
le privilège d'imprimer les petits traités
de statistique si connus sous le nom de
Respnhlicœ variée, collection importante
qui fut pour ainsi dire l'avant-coureur
des magnifiques volumes qu'ils produi-
sirent plus tard et qui font encore l'ad-
miration des bibliophiles. On trouvera
des renseignements détaillés sur leurs
diverses impressions dans les ouvrages
cités comme sources. Ils avaient pour
marque d'imprimerie un arbre, avec le
solitaire et la devise non solus.
Aug. Vander Meerseli.
Adry, Notice sw les Elzeviers 'dans le H'agasin
encyc[opéi'i<iue, 1804). — Algemecti Kunst en
letterblad, 1807, t. 1, p. 117. - B> rard, Essai
b bliographique sur les éditions des Elzevirs ,
Paris^ '182"2. — Rammelman-Elsevir, i'itkomsten
van een onderzoek omirent de Elsevirs. — Dodt
van Flensburg, Over de Elseviers, \8't\, dans le
Tydsrhrift voor gescliiedenis. — De Reume, Re-
cherches liist., geneal., et bibliogr. sur les Else-
virs, Bruxelles, 1847. — Ch. Pieters, Analyse
des matériaux les plus utiles pour les futures
annales 'le l'imprimerie des Elsevirs, Gand, 1843.
— Motteley, Aperçu sur les erreurs de la biblio
graphie dès Elzeviers, Paris, 1849. — Ch Nodier,
Théorie complète des éditions EIzeviriennes, dans
les mélanges tires d'une petite bibliothèque. —
Ch. Pieters, iSotice de la collection des auteurs
imprimes en petit format par les Elzeviers, Gand,
■1849. — Du même. Annales de l'imprimerie El-
sévirienne, Gand, 1851. — Ader, Platarque des
Pays-Bas, t. III. — Vander Aa, Diographisch
woordenboek. — Brunet, Manuel du libraire.
EMEBERT OU Ablebeet, évêquc de
Cambrai, mort en 6-10 (?j. La chronolo-
gie des évéqiies cambrésiens au vue siè-
cle présente encore bien des incerti-
tudes, et il n'en est pas d'exemple plus
frappant que la vie d'Emebert, au sujet
duquel les biographes sont loin d'être
d'accord. D'après le plus ancien et le
meilleur des écrivains de l'église de
Cambrai, Ablebert (que les habitants du
pays et ses voisins connaissaient sous le
nom d'Emebert) naquit dans le Brabant,
c'est-à-dire dans le pays de ce nom, dont
l'Escaut, la Haine et la Dyle formaient
à peu près la limite. Ses parents ap-
partenaient à une race tout à la fois
noble et distinguée par de rares vertus;
il eut, en effet pour père le comte
Witger, pour mère Amelberge, pour
sœurs Eainilde,Sarachilde ou Pharaïlde,
Ermelinde et Guodile ou Gudule. Celle-
ci, qui était la plus jeune, laissa un
renom de vertu supérieur encore à celui
de ses sœurs, et, d'après Baldéric, dans
la légende qui relate ses vertus, on cite
le prélat son frère comme un homme
doué des phis rares qualités et dont la
vie fut d'une grande sainteté. Gudule,
élevée, comme on sait, par les soins de
sainte Gertrude, abbesse de Nivelles,
se retira à Moorsel près d'Alost et de-
vint la patronne de Bruxelles, où ses
restes furent transportés au xe siècle;
Ermelinde ne peut être confondue, pa-
raît-il, avec la vierge de ce nom qui est
honorée à Meldert; Pharaïlde a eu à
Gand un temple bâti sous son invocation
et est encore vénérée à Steen-Ockerzeel;
enfin Kainilde après avoir essayé de se
faire admettre dans le monastère de
Lobbes, termina sa vie à Saintes, où
elle fut égorgée et où sa mémoire est
restée en honneur.
On connaît peu de chose des actions
d'Emebert. On sait seulement qu'il
frappa d'anathème les sacrilèges qui
avaient violé le tombeau de sa sœur Gu-
dule. Il mourut dans un lieu appelé
Martine, où il avait un domaine consi-
dérable (Jamiliis rpddem et rébus circicm-
JJuis lociipletissimi(m), dont il fit don à la
cathédrale de Cambrai, mais une inva-
sion de païens {infestatio pagavorum),
peut-être l'anarchie qui suivit les ra-
vages des Normands, empêcha cette
église d'en conserver la possession. Eme-
bert expira dans une localité appelée
Ham, située également en Brabant; ses
restes y furent ensevelis et plus tard,
on les transporta à Martina et de là à
Maubeuge, où ils restèrent. Au com-
mencement du xviF siècle, le chœur de
l'église de Sainte-Aldegonde, dans cette
ville, ayant été complètement réparé,
Bollandus, le célèbre hagiographe, pria
l'un de ses amis, Antoine de Winghe,
abbé de Liessies, de s'assurer si l'on n'y
retrouverait pas des traces de la sépul-
ture de l'évêque de Cand)rai; mais toutes
EMEliEKT — ENCKEN OORï
0/4
les recherches restèrent infructueuses.
Les principales particularités de la
vie de notre prélat ont soulevé des dé-
bats qui ne sont pas terminés. D'après
Balderic, il aurait succédé à Bertoald et
aurait eu pour successeur, vers 6-iO,
saint Aubert. A en croire les Bollan-
distes, il aurait vécu beaucoup plus tard
et serait identique à Hildebert, qui
occupa le siège épiscopal de Cambrai
après Vindicien, en 705 ou 708. Un
simple rapprochement empêche d'adop-
ter cette opinion , qui compte pour-
tant de nombreux défenseurs. Sainte
Gertrude, la protectrice de sainte Gu-
dule, mourut en 659 ou 664 : est-il
croyable qu'Emebert ne serait devenu
évêque que quarante et un à quarante-
quatre ans plus tard ? Il aurait dû , dans
ce cas, atteindre un âge excessivement
avancé. Il est vrai que certaines parti-
cularités secondaires des légendes de ses
sœurs s'expliquent difficilement, mais
ces particularités sont-elles d'une exac-
titude rigoureuse, d'une réalité incon-
testable ?
Quel est le Ham où mourut Emebert ?
Suivant les uns, il faut y reconnaître le
château de Ham, près de Moorsel; sui-
vant d'autres, Hamme près de Wemmel;
suivant une troisième opinion enfin,
Ham près de Saintes, où mourut sainte
Rainilde. Le premier sentiment est plits
conforme aux faits de la vie de sainte
Gudule, d'après laquelle Ham n'était
éloigné de Moorsel que de deux milles ;
le deuxième se concilie mieux avec les
traditions populaires. Quant à Mm'-
tince , c'est évidemment Martenne, sous
Castillon (province de Xamur) et nulle-
ment Merchtem, comme l'a cru le doc-
teur Le Glay, et comme je l'ai dit
moi-même : c'est moins encore Mar-
pent, à proximité de Maubeuge, ainsi
que Waulde, religieux de Lobbes, l'a
prétendu. On ne peut supposer, comme
cet auteur l'a fait, qu'il faut lire, dans
Balderic, Marpinne au lieu de Martina;
des modifications de ce genre seraient
par trop commodes. Alphonse Wauters.
Balderic. Gtsla Episcoporiim Cameracciisium ,
1. 1, c. l(), dans Pertz {Mniiiimeiita, Scriplores,
t. Ml, 11. 108) et dans les éditions de ce clironi-
BIOGR. NAT. — T. VI.
queur publiées par Colvener et le docteur Le
Glay. — Bollandus, Acta Sanciortitn, Jamiani
t. 1, p. 1077-1080, où Ton a publié une courte vie
de saint Emebcrl, d'après le Breviarhim Malbo-
diense, vie qui ])arait avoir été calquée sur le récit
de Balderic. — Ghesquière, Acta Sanctorum Del-
fjii, passim. — Waulde. La Vie et les tiiiracles de
saint L'rsmcr, p. "286. — Wauters, Histoire des
environs de Bruxelles, t. Il, p. 61. — Annales
du Cercle archéologique de .Vons, t. Xll, p. \'2'2.
EURLRACT, peintre, né à Anvers,
en 1612, mort en 1668. Voir Hemel-
KAET.
F.HMO^' (Saint) ou Immon, évêque
de Tournai et de Noyon, vivait pendant
la première moitié du ixe siècle. Quel-
ques auteurs le disent originaire de
Tournai. Selon les chroniques contem-
poraines, il assista à plusieurs conciles :
en 846 à Paris, en 849 à Tours, et
en 853 au synode ou concile provincial
réuni, dans le monastère de Saint-Mé-
dard à Soissons, par Hincmar, arche-
vêque de Eeims. Il présenta à cette
dernière assemblée un mémoire pour
protester contre ceux "'qui avaient reçu
les ordres sacrés d'Ebbon, archevêque
déposé de Reims. En 855, il obtint de
Charles le Chauve la confirmation des
privilèges et des donations faites à
l'évêque Chrasmaire par le roi Chilpéric,
ainsi que du décret fixant à trente le
nombre des chanoines de la cathédrale
de Tournai. Il obtint du même prince
l'approbation de la donation de la terre
de Lamain et d'autres biens situés en
Flandre. L'évêque Emmon fut massacré
par les Normands, sur le seuil de la
cathédrale, pendant le sac de Tournai,
vers l'an 859 ou 860. e.-h.-,i. Rcusons.
Le Grou , Summa staïutorum sijnodalium ,
p. XLIV. — Le Maistre d'Anstaing, Recherches
sur la cathédrale de Tournai, il, p. 2i.
EXCK.EVOORT {Guillaume v.%x),
l'un des deux cardinaux promus par
Adrien VI, appartenait à une famille
maestrichtoise. Il naquit à Mierlo en
Brabant et mourut à Rome le 29 juillet
1 5 34, âgé de soixante et dix ans. Licencié
eii théologie de l'université de Louvain,
il fut successivement chanoine de Notre-
Pame d'Anvers, prévôt de l'église de
Saint-Rombaud de Malines (où il institiia
deux fondations), doyen de Saint- Jean
l'Evangcliste à Bois-le-Duc, puis curé
19
OÎ5
ENCKEVOORT — ENGELBERT
576
d'Assche. Le perso/mat dont il jouissait
à ce dernier titre fut attribué par
Paul III, en 1534, sur le désir qu'il en
avait exprimé, avec tous les biens et
dîmes qui en dépendaient, au collège
du pape Adrien VI, à Louvain : de là
Enckevoort doit être considéré comme
le second fondateur de ce célèbre éta-
blissement. Nous le trouvons, en 1506,
porté en outre sur la liste des membres
du chapitre de Saint- Lambert, à Liège,
et qualifié d'archidiacre de Eamène. Il
avait eu pour condisciple, à Louvain,
Adrien Boyens : ils se prirent d'une
affection mutuelle et ne s'oublièrent
jamais. Elevé au cardinalat, Adrien se
démit aussitôt, en faveur de son ami, de
la prévôté de Saint-Sauveur d'Utrecht;
devenu souverain pontife, le même di-
gnitaire mit le comble à ses bontés, en
nommant d'abord Enckevoort évêque de
Tortose en Espagne et sou protoda-
taire; ensuite, la veille même de sa
mort, en lui envoyant le chapeau, au
titre de Saint- Jean et Saint-Paul. Clé-
ment YII le pourvut ultérieurement du
siège d'Utrecht; mais Enckevoort ne
paraît pas avoir quitté Eome. Il voulut
témoigner d'une manière éclatante la
reconnaissance dont il était pénétré à
l'égard de son bienfaiteur. Il obtint la
translation de la dépouille mortelle
d'Adrien, de Saint-Pierre à Sainte-Marie
de anima (dite des Allemands), et il la
fit recouvrir d'un mausolée magnifique,
décoré de riches sculptures et de bas-
reliefs. Les deux amis reposent là côte à
côte; sur le tombeau d'Enckevoort, on
lit une inscription assez longue, rappe-
lant ses dignités et ses vertus. En fait
d'écrits, on ne connaît de lui qu'une
Oratio ad facidtatem S. theologiœ Lova-
fiiensem, renseignée dans le Nomendator
cardinalium, publié à Toulouse en 1614.
Alphonse Le Roy.
Foppens, t. 1, ii. ;-{98 --A^alère André, Fanii
acad. Lnvan., p âOo. — Becdelièvre. — Gaillard,
Epiiaplies de Mcerlaudais enterres à Rome. —
Van den Steen, Essai sur la cathédrale de Saint-
Lambert (de Liège).
EKCiEi. {Adolphe), peintre paysagiste,
né à Courtrai en 1801, mort à Gand en
1833. Il appartenait à une famille sué-
doise depuis longtemps fixée en Belgique
et s'adonna fort jeune à l'étude de la
peinture. Il eut pour maître P. F. De
Noter, qui fut, pendant vingt ans pro-
fesseur à l'Académie des beaux-arts à
Gand, et qui le décida, dès 1822, à
exposer en cette ville son premier
tableau. Depuis cette époque, il ne cessa
de prendre part à toutes les expositions
organisées dans la métropole des Flan-
dres et s'y fit avantageusement re-
marquer par l'envoi des productions
suivantes : trois paysages avec des ani-
maux, salon de 1826; deux paysages
avec figures, 1829 ; vue prise à Durbuy,
1830; paysage montueux et côte sablon-
neuse, 1831. Tous ces tableaux révé-
laient une véritable aptitude pour la
peinture, mais le jeune artiste était
encore dans le premier épanouissement
de son talent lorsque la mort l'enleva,
et il n'a été accordé qu'à un petit nombre
de ses confrères d'apprécier, par la vaste
collection de ses études d'après nature,
tout ce qu'on aurait pu attendre de lui
s'il fût parvenu à la maturité de l'âge.
Félix Stappaerls.
Nagler, Kunstler lexicon. — Balkema, Vie des
peintres hollandais et flamands.
e::\gei.bert de i.a .^iarck, évê-
que de Liège. 1348 *. Voir Marck {En-
gelbert de la).
EiVGELBERT, moinc de l'abbaye bé-
nédictine de Saint-Laurent à Liège, vers
le milieu du xie siècle, s'occupa d'as-
tronomie, science cultivée alors avec
plus de zèle que de succès, si l'on con-
sidère du moins « qu'un mauvais levain
la fit dégénérer en astrologie judiciaire « ,
comme s'expriment les auteurs de V His-
toire littéraire de la France. Engelbert
rassembla (compaginavif) des documents
utiles au point de vue du comput ecclé-
siastique et recueillit de nombreuses
observations. Le moine Eainier, de son
monastère, parle de ses travaux assidus
avec une sorte d'enthousiasme et se fait
un devoir de Villtistrer, dit-il, en lui
appliquant des vers virgiliens :
j^;«! numéros cu:li({ue vias, qui sidéra nosset,
Dcfecius solis varias, lunœque labores,
L'ndè tremor terris, quà vi fnaria alta tumes-
[cunt, etc.
Becdelièvre mentionne un Engelbert
577
ENGELBEKT
o78
de Liège, écrivain religieux, également
moine de Saint-Laurent, décédé en 1 2 1 8 .
Peut-être les deux personnages n'en
font-ils qu'un. Alpliouse Le Roy.
Pez, Thés, anecd., t. IV, part. III, p. 23. —
Histoire littéraire de la France, t. VII, p. 137.
E.%eEïiEi« (Guillaume vam), plus
connu sous le nom de Gulielmus ab
Angelis, né à Bois-le-Duc en 1583,
déftédé à Louvain en 1649, occupait un
rang distingué parmi les théologiens et
les polémistes du xviie siècle. Après
avoir fait ses humanités au collège de sa
ville natale, il suivit un cours de philo-
sophie à l'université de Louvain, au
collège du Porc, et obtint, en 1600, la
septième place à la promotion générale.
Il se livra ensuite à l'étude du droit,
avec l'intention de se consacrer au bar-
reau ou à la magistrature ; mais il ne
tarda pas à changer de résolution et prit
le parti d'entrer dans les ordres. Reçu
au collège du Roi, où le célèbre docteur
Jean Malderus enseignait alors la théo-
logie avec un vif éclat, il y resta jusqu'en
1606, année où il fut rappelé au collège
du Porc, pour y enseigner d'abord la
langue grecque et ensuite la théologie.
Ordonné prêtre en 1607, il obtint, le
jour même où il célébra sa première
messe, le grade de licencié en théologie.
En 1614, il devint chanoine de la col-
légiale de Saint-Pierre et joignit à son
cours de théologie l'enseignement de la
morale. En 1616, il fut proclamé doc-
teur en théologie et quitta le collège du
Porc pour prendre la présidence du
collège de Viglius. En 1625, il renonça
à son cours de morale et accepta la
charge de lecteur en théologie à la belle
et riche abbaye de Parc. Ayant rempli
ces fonctions pendant près de quinze
années, il fut enfin, en 1639, appelé à
un poste digne de son talent et de sa
science. Le 28 mai de cette année, il
succéda, dans la chaire royale de théo-
logie, à l'illustre Wiggers, dont il avait
été le disciple et l'ami intime. Deux ans
plus tard, il passa de la présidence du
collège de Viglius à celle du collège
d'Adrien VL Ce fut là qu'il apprit, en
1648, sa nomination à l'évèchéde Ru-
remonde; mais il mourut l'année sui-
vante, avant d'avoir reçu ses bulles de
Rome.
Théologien profond, professeur élo-
quent et habile, G. van Engelen jouis-
sait d'une grande autorité parmi ses
collègues et ses élèves. Le rôle impor-
tant qu'il joua dans les longues et
bruyantes querelles suscitées par le jan-
sénisme lui valurent, en même temps,
beaucoup d'éloges de la part des catho-
liques et beaucoup de tracasseries de la
part des défenseurs de l'évêque d'Ypres.
Ceux-ci, qui ne manquaient pas plus
d'esprit que d'audace, l'accablèrent de
satires où ils s'eft'orçaient de ridiculiser
sa personne et ses doctrines ; ils lui
suscitèrent même des procès désagréables
et coûteux. Les compensations, il est
vrai, ne lui faisaient guère défaut. L'ar-
chiduc Léopold-Guillaume, gouverneur
général des Pays-Bas catholiques, le
tenait en haute estime et le signala au
roi Philippe IV comme l'homme le plus
digne d'occuper le siège épiscopal de
Ruremonde, vacant depuis neuf années.
Le nonce Antoine Bichi encourageait
ses efforts et les papes Urbain VIII et
Innocent X lui accordèrent plus d'une
fois des éloges mérités. Il n'était pas
homme, d'ailleurs, à se laisser rebuter
par l'ardeur de la lutte et la vivacité
des attaques; en se jetant résolument
dans la mêlée, il croyait remplir un
devoir de conscience. Engagé par deux
èvêqiies et plusieurs abbés à garder, par
amour de la paix, un prudent silence
sur les doctrines de Jansenius, il leur
répondit : « Si vous jugez qu'un docteur
Il et un professeur public de théologie
Il peut se taire, lorsqu'il voit la foi et
Il l'autorité du saint-siège en danger.
Il je suis prêt à le faire, car je hais sou-
II verainement ces disputes ; mais les
•I choses en sont venues à un point où
Il ma conscience ne me permet pas de
Il garder le silence. «
G. van Engelen n'avait pas toujours
été l'antagoniste de Corneille .Jansenius.
En 1630, il figura, à côté du futur
évêque d'Ypres, dans une polémique qui
mérite d'être rapportée. Après l'expul-
sion du clergé catholique de Bois-le-
379
ENGELBERÏ — ENGELEN
)80
Duc, le? états généraux y avaient
envoyé quatre ministres instruits et ha-
biles, pour combattre la vieille foi et
tâcher de faire passer le peuple au pro-
testantisme. Ces ministres firent afficher,
le 16 mai 1630, une sommation aux
catholiques en général et aux prêtres en
particulier de se présenter à une confé-
rence publique, oii la vérité et l'ancien-
neté de la foi protestante seraient pu-
bliquement discutées, en présence du
magistrat de la ville. Par un placard
affiché à Louvain, le 9 juin suivant,
G. van Engelen et Jansenius accep-
tèrent ce défi ; mais ils y mirent pour
condition que la dispute se tiendrait en
lieu de sîjreté pour les deux partis, que
la présidence serait conférée à un ma-
gistrat étranger à l'un et à l'autre, que
les arbitres seraient versés dans les
études théologiques et, enfin, que de
part et d'autre on serait muni de sauf-
conduits. Ces conditions n'ayant pas été
acceptées, la guerre, comme le dit Pa-
quot, au lieu de se faire par paroles, se
fit par écrit, et G. van Engelen publia
à cette occasion le livre suivant : Den
dehmmtel des catholycke naenis afgertœJct
van de leere die de calvinsche predicaiiten
2)ooyen tôt «' Hertogen- Bosch in te voeren,
oft verweyringe voor liet otidt catliolyk en
apostoJisch geloove, tegen de nieuwigîieden
ran fier kettersche v:oordendienaers tôt
s' Rertogenhoscli . Louvain, Oliviers et
Coenestejm, 1630; in- 12 de 265 pages.
Les quatre ministres contre lesquels cet
écrit, où le calvinisme est pris rudement
à partie, se trouvait dirigé, portaient les
noms de Gisbert Yoet, Godefroid Vde-
mans, Henri van Swalmen et Samuel
Everwyn. Ils ont joué un rôle important
dans la polémique religieuse de leur
temps. G, van Engelen en voulait sur-
tout à Gisbert Yoet et publia contre lui
plusieurs brochures qui ne sont point
parvenues jusqu'à nous.
En 1641, G. van Engelen composa,
en collaboration avec ses collègues Jean
Schinkels et Chrétien Beusecum, ime
intéressante relation latine des troubles
suscités à Louvain par l'impression de
l'Augustinus de Jansenius. Elle fut en-
voyée au pape L^rbain YIII et se trouve,
en grande partie, dans la Disqnisitio
historico-theologica... per Jacobum de
Monhron (Cologne, héritiers Widenfelt,
1692, in-12). Le souverain pontife en
fut très-satisfait et chargea l'internonce
Stravius de transmettre aux auteurs
l'expression de son entière approbation.
G. van Engelen fut aussi l'un des
rédacteurs de la Beclaratio sive protes-
tatio octo theologorum et professornm
lovaniensium, datée du 18 juin 1642,
par laquelle ces professeurs déclarent
qu'ils ont voté contre la résolution prise
par l'université de surseoir à l'exécu-
tion du bref qu'Urbain YIII leur avait
adressé le mois précédent. Elle se
trouve, accompagnée d'une lettre adres-
sée à l'internonce Stravius, dans le livre
de Monbron cité ci-dessus.
C'est surtout par son enseignement
que G. van Engelen s'était fait connaître
et apprécier de ses contemporains. Il
possédait à fond et savait exposer avec
une grande lucidité toutes les parties de
la théologie dogmatique et scolastique.
Sa mort fut le signal d'un deuil public
dans la vieille cité académique, où son
caractère franc et loyal lui avait gagné
toutes les sympathies. Le docteur Dave,
son collègue et son ami, prononça son
oraison funèbre. j. j. Thonissen.
Paquot, Mémoires pour servir à l'histoire litté-
raire des Pays-Bas. — Ant. Davi oratio Junebris
in parenialibus G. ab Angelis, Lov., i649, in-4».
— Valerius Andréas, Bibliotheca betgica et Fasti
academici. — Foppens, Bibliotheca belgica. —
Van der Aa, Biographisch woordenboek. — Gla-
sius, Biographisch woordenboek. — Biographie
générale publiée par Didot.
E:«CiEi.EX {Roelmid VAx),Blommaert
dit Eafael, poëte flamand, né à Anvers
au xviie siècle. On ne le connaît guère
que par la publication des trois ouvrages
suivants :
lo PubJius Virgilins Maro verdnytst.
C'est une traduction de l'Enéide en vers
flamands d'un style curieux par l'intro-
duction de quelques locutions popu-
laires. L'édition de 1662, publiée à
Anvers par Marcelis Parijs, est enrichie
de gravures d'Abraham Diepenbeek,
Caukercken et P. De Jode. La préface
adressée au lecteur impartial {tôt den
onverdielden lezer), expose la théorie
o81
ENGELEN — ENGELGRAVE
r)8ï>.
d'une orthographe bizarre. Après avoir
affirmé la supériorité du flamand su.r le
français, a\i moins en poésie^ il propose
de renoncer à l'ancienne orthographe
qui ne convient, dit-il, qu'à la Campine
ou au Limbourg. Tantôt il veut des re-
doublements de voyelles : qiiaadt, diint,
tantôt des combinaisons nouvelles : moii-
dich (moedig) , zieleu (zeeleu) , tieneu
(teenen), bliek (bleek). Quant à sa tra-
duction de Virgile, il l'a entreprise
pour aider à interpréter le latin clas-
sique, et non pour faire parler ce latin
de cuisine {keuken latyn) dont se servent
à Louvain les servantes elles-mêmes.
2° Pastorjîdo verdiiyts. Cette traduc-
tion de la célèbre pastorale italienne est
dédiée au beau sexe, dans les termes les
plus galants, (Imprimée à Anvers sans
date.)
3^ Den Ooninck van Napels oft in
umnJioop Jioop. (Imprimé à Anvers sans
date.) Au jugement du Dr Snellaert,
cette tragi-comédie se rattache, comme
les pièces de Strypen et de Van den
Brande, à l'école anversoise qui s'inspi-
rait de Caldéron, tandis que De Conincq
préférait imiter Lope de Vega. Cette
pièce a été jouée plusieurs fois par les
vioUeren de la gilde de Saint-Luc d'An-
Snellaert , Scheis eener gescliied. d. Nederl.
lellerkunde, 164, 466, 196. — Witsen Heysbeek,
Bioqraphiscli, antliol. luoordenboek. — Les œuvres
de Van Engelen.
EM(>EL.GR.%.VE (Jeau- Baptiste), né à
Anvers en 1601. Il entra à l'âge de dix-
huit ans au noviciat de la maison pro-
fesse des jésuites, dans sa ville natale.
Il devint de bonne heure recteur du
collège de son ordre à Bruges. Son mé-
rite personnel lui valut deux fois l'hon-
neur d'être choisi pat la célèbre compa-
gnie comme provincial de Flandre. On
le retrouve, à la fin de sa carrière,
supérieur de la maison professe d'An-
vers; il y mourut à l'âge de cinquante-
sept ans.
On a de lui .• Meditationes pro toto
anno in très partes distribnta, in omnes
dominicas et festa, ouvrage qui est resté
très-estimé dans la compagnie de .lésus.
Anvers, 1664, in-4'>. aur. Aivin.
E^'CiKLGRAYE {Henri), frère du
précédent, né en 1610. Il entra fort
jeune dans la compagnie de Jésus en
1628 : il n'avait que dix-huit ans. Ega-
lement distingué dans son ordre, on le
trouve successivement à la tête des col-
lèges d'Audenarde, de Cassel et de
Bruges. Il mourut à Anvers en 1670.
Il a laissé de nombreux ouvrages
parmi lesquels on cite avec éloge : lo Lux
evangelica suh vélum sacrorum emllema-
tum, avec des récits édifiants pour tous
les dimanches de l'année. Ce livre est
en trois parties. Il a été réimprimé
plusieurs fois, à Anvers, à Amsterdam
et à Cologne. — 2» Cœluin JEmpyratum.
— Citons, en troisième lieu, un ouvrage
écrit dans la langue vulgaire de sa ville
natale, et qui a pour titre : Meditatien,
ofte soete hemerckingen op Jiet bitter lyden
Christi. On a de lui divers autres ou-
vrages de moindre importance et di-
verses pièces en vers latins. Si l'on en
croit le père De Backer, il y aurait à
Cologne un livre contenant les œuvres
complètes d'Engelgrave, et publié dans
cette ville en 1725. Ang. AWin.
K!Vc;r:L,c:RAve {Assiiérus), frère des
précédents, né à Anvers, entra dans
l'ordre de Saint-Dominique ; il commen-
çait à se faire connaître et promettait
d'avoir une carrière plus brillante, peut-
être, que celle de ses trois frères lors-
qu'il fut enlevé par une mort préma-
turée le 21 juillet 1640. On conserve
dit-on, dans les maisons de son ordre, à
Bruges et à Anvers, les sermons qu'il
écrivit dans la langue vulgaire et qui,
paraît-il, respirent une chaleur et une
onction chrétiennes, qui faisaient accou-
rir la foule à ses prédications. Ces ser-
mons, dit Paquot, étaient si pleins de
force et d'élégance, qu'ils lui méritèrent
le prœlum. Son frère François (le troi-
sième d'après l'ordre de primogéniture)
fut, à Louvain, supérieur de l'ordre
des dominicains et mourut en 1662 à
Utrecht, pendant qu'il y remplissait
une mission apostolique. Aug. Aivin.
Sources pour les trois Engelgrave : Piron,
Levensbeschryving. — Paquet, Mnnoires litlé-
rairc'S, tome Xil. — Delvenne, Bioyrafjhie des
/'((//.s-/>'(/.s-.— Qut'lit. Scripliirrs aidims pr(fdica-
583
ENGELGRAVE - ENGELRAMS
584
torum, tome 11, p. 8-22. — Biographie générale,
publiée par Didot. - De Backer, Ecrivains de la
Compagnie de Jésus. — Foppens, Bibliotheca
belgica. — Archives de Maestricht.
EXGEL.RAM OU IXGELRAM, envoyé
royal de Charles le Chauve dans les
contrées du nord de la Gaule, ou fores-
tier de Flandre. Il succéda dans cette
fonction à son père Liederick d'Harle-
beke à qui, en 792, elle avait été confiée
par Charlemagne. On ignore le lieu et
l'époque de la naissance d'Engelram, et
l'on n'est pas d'accord sur la date de sa
mort, qui semble devoir être reportée à
l'année 863, conformément à la chrono-
logie des épitaphes d'Harlebeke. La
confusion qui existe chez les historiens
résulte de ce que les uns, s'en rappor-
tant à la Grande Chronique de Flandre,
regardent ce personnage comme l'aïeul
de Baudouin Bras de Fer, premier comte
de Flandre, qui, dans cette hypothèse,
serait issu d'Audoacre, fils d'Engelram,
tandis que les autres font d'Engelram le
père de Baudouin et considèrent le nom
d'Audoacre comme un dérivé à'attdacer,
Audax, surnom donné à Engelram ou
plutôt à Baudouin.
En comparant ce que disent à ce sujet
les annales d'Oudegherst annotées par
Lesbroussart, les historiens Le Glay et
Kervyn de Lettenhove, on est amené à
se ranger à l'opinion qu'Engelram est
le père et non l'aïeul de Baudouin, pre-
mier comte de Flandre, et à ne voir dans
Audoacre ({w'uin. personnage imaginaire.
Ainsi que le fait observer Oudegherst
dans ses Annales de Flandre, l'histoire
ne rapjiorte rien des actes de l'adminis-
tration d'Engelram ; la Chronique de
Flandre se borne à le qualifier de vii'
prceatantissimns, atidax, et fortissimus vi-
ribus (Chronique de Flandre publiée par
M. De Smet, p. 34); mais Lesbroussart,
le savant annotateur des Annales d'Ou-
degherst, dit qu'Engelram s'appliqua
surtout à réprimer les brigandages et
les pirates qui infestaient les mers;
à défricher des bois, à dessécher des
marais. Il veillait, ajoute-t-il, à l'ob-
servation des lois faites par Charle-
magne. Engelram bâtit plusieurs églises
et répara les forteresses que les Van-
dales et les Huns avaient détruites
quelques siècles auparavant ; enfin, il
secondait, pour la richesse future de la
nation, les fatigues des moines qui, d'un
côté, fertilisaient la terre par les tra-
vaux de l'agriculture, et de l'autre,
éclairaient les esprits.
Général baron Guillaume.
Chronique de Flandres. — Oudegherst, Annales
de Flandre. — Kervyn de Lettenhove, Histoire
de Flandre. — Le Glay, Histoire des comtes de
Flandre.
EiiCiEiiRAiM«^ {Corneille), ou En-
GHELRAMS OU Ingelrams, peintre, né
en 1527 à Malines, où il mourut le
8 juin 1580. H fut incorporé dans la
gilde de &aint-Luc de sa ville natale, le
17 septembre 1546. Sa spécialité étant
la peinture à la détrempe, la fragilité
de ce procédé n'a pas permis à ses
ouvrages d-e résister à l'action du temps.
L'église de Saint-Eombaut possédait
autrefois de cet artiste les Sept Œuvres de
la miséricorde en sept tableaux. Si l'on
s'en rapporte aux auteurs qui ont vu ces
compositions, l'artiste était parvenu à
donner tant d'expression aux physiono-
mies de ses personnages, que « l'on dis-
tinguait aisément les vrais pa\ivres de
ceux qui, par fourberie, en aflectaient
la mise « . On y voyait aussi des joueurs
de bastringue et des musiciens.
La plupart des productions de ce
peintre furent vendues en Allemagne et
spécialement à Hambourg, où elles at-
teignirent parfois des prix élevés. Guil-
laume ler, prince d'Orange, convia
Engelrams à venir au château d'Anvers
pour y exécuter l'histoire de David,
d'après les dessins de Luc De Heere.
L'artiste malinois fut aidé dans cette
besogne par Jean Vredeman, qui s'ac-
quitta de la partie simulant les orne-
ments d'architecture. L'église de Sainte-
Catherine à Malines possédait jadis de
maître Corneille une Conversiofi de saint
Paul, mais cette œuvre tomba de vé-
tusté. A la vente de M. Pierets de Croo-
nenburgh de Malines en 1838, fut vendu
un tableau d'Engelrams, qui représen-
tait tm procureur lisant mie reque'te pré-
sentée par deux bourgeois (haut. 1 m. 36,
larg. 1 m.).
58S
ENGELRAMS — ENGELSPACH
086
(Corneille eut un fils qui, à l'exemple
de son père, se livra à l'étude de la
peinture et entra dans la corporation de
Malines le 27 mai 1571. André Engel-
rams mourut avant 1595.
Corneille forma divers élèves : Jac-
ques De Munck (1564); Jacques Ser-
mertens(156'i); Corneille Vanden Eynde
(1568); Hippolyie Berthout (1573).
Emmanuel NeeCTs.
Emmanuel Neeffs, Histoire de la peinture et de
ta sculpture a Maintes, t. 1, p. 215.
EifGELf^PAC-ii {Auguste), dit Laki-
VIÈRE, est né à Bruxelles le 18 floréal
an VII de la république française (7 mai
1799), d'un père Alsacien et d'une mère
Belge. Le père, artiste dramatique, était
connu au théâtre sous le nom de Lari-
vière, nom qui figure sur l'acte de nais-
sance du fils et que celui-ci a toujours
ajouté à son nom patronymique, signant
Engelspach-Larivière .
Une place lui appartiendrait parmi
les savants de son pays; mais les événe-
ments en ont fait un homme politique :
son souvenir se rattache honorablement
à la révolution belge de 1830, dans
laquelle il a joué un rôle de peu de
durée, quoique d'une grande impor-
tance. Mort à l'âge de trente-deux ans,
il n'a pu accomplir entièrement la car-
rière scientifique dans laquelle il s'était
fait remarquer ; mais quelque courte
qu'ait été la durée du pouvoir illimité
dont il s'est trouvé investi durant la
période la plus critique de notre révo-
lution, sa conduite a été au-dessus de
tout éloge, et la part qu'il a prise à ces
mémorables événements le place au
nombre des fondateurs de la nationalité
belge. Avant d'aboi'der cette époque de
sa vie, si voisine de sa fin, il convient
de dire quelques mots de ses premières
années et des travaux scientifiques qui
lui avaient déjà acquis une certaine
renommée lorsqu'il se trouva, sans pré-
méditation, comme saisi dans l'engre-
nage des événements révolutionnaires.
On n'a point de renseignements pré-
cis touchant l'éducation qui lui fut
donnée : la situation précaire de ses
parents permet de supposer qu'elle n'a
pas suivi la marche ordinaire des études
qu'on impose aux fils de famille. Ses
goûts le portaient vers les sciences d'ob-
servation, et ses étudesfurent plus scien-
tifiques que littéraires. Il avait vingt
ans lorsqu'il fut admis, après examen
passé devant un jury de professeurs de
l'école royale des mines de Paris, dans
lequel figuraient MM. Haûy et Vauque-
lin, à concourir pour la place d'élève
interne. Il est à présumer que, pour
obtenir cette faveur, il dut réclamer sa
qualité de Français, étant né à l'étran-
ger d'un père de cette nationalité. Il ne
parait pas que le succès ait répondu à
son attente, puisque, deux ans plus tard
on le voit entreprendre, avec ses seules
ressources, un voyage qui, à cette,époque
(1821), présentait de sérieuses dilficul-
tés. Le but de ce voyage était de s'avan-
cer dans l'étude de la minéralogie et
de la géologie. Il parcourut donc en
explorateur, et en grande partie à pied,
l'Allemagne du nord, le Danemark, la
Suède, la Xorvége, la Russie, la Prusse,
la Hollande, la France, la Suisse et
l'Angleterre. Il y employa deux années
pendant lesquelles il recueillit un nombre
considérable de notes géognostiques,
mais il n'eut le temps de publier que
celles relatives anx l/locs ermtiqîies. En-
gelspach dessinait le paysage avec beau-
coup de facilité, et ce talent lui fut
d'un grand secours, pour fixer ses sou-
venirs. Les environs de Saint-Péters-
bourg attiraient assez son attention pour
qu'il en fît l'objet d'une brochure qu'il
publia à Bruxelles avant 1830. Son
séjour dans la capitale de la Russie fut
marqué par des incidents qui ont quel-
quefois été exploités contre lui, surtout
lorsqu'il s'est trouvé en évidence et en-
gagé dans les luttes politiques. N'ayant
point de fortune, ne jouissant d'aucune
subvention de l'Etat, il était obligé de
faire face par son travail à tous les frais
du voyage; il sut tirer parti de ses
talents quand l'occasion s'en présentait,
mais il arrivait quelquefois que la néces-
sité de vivre l'obligeait à accepter des
fonctions que nos mœurs nous font
trouverhurailiantes. Ainsi, pour se mettre
à même de retourner dans son pays, il
se fit garçon de café à Saint-Pétersbourg
387
ENGELSPACli
.H88
et demeura dans cette humble condition
jusqu'à ce qu'il eût amassé de quoi
pourvoir aux frais du retour.
Le gouvernement des Pays-Bas avait
eu l'idée de l'envoyer, en qualité de
consul à Baliia, mais Engelspach pré-
féra la carrière de l'enseignement; il
demanda et obtint une chaire de géo-
logie au musée des sciences et des let-
tres de Bruxelles. Il allait entrer en
fonctions, son discours inaugural était
déjà écrit, lorsque l'institution passa
des mains du gouvernement dans celles
de la régence. Cette autorité refusa de
ratifier la nomination, et la chaire de
géologie se trouva de fait supprimée.
Déjà à cette époque les titres scientifi-
ques d'Engelspach étaient incontesta-
bles. En 1836, il avait publié dans le
Messager des arts et des sciences, de
Gand, une notice sur le calcaire magné-
sien; deux ans plus tard, il travaillait à
un mémoire en réponse à une question
proposée par l'Académie de Bruxelles,
sur la géologie du Luxembourg, et pu.-
bliait un travail sur un silicate d'alu-
mim considéré sous le rapport chimique,
minéralogiqiie et géognostique (in- 8",
Bruxelles). Cette brochure avait pour
but d'établir l'identité entre la benzinite
et l'halloyste. La même année, parut la
Description géognostique du grand-duché
de Luxembourg (in-4o avec planches,
Bruxelles), C'est son œuvre capitale,
elle lui avait valu la médaille d'argent
au concours académique de 1829. L'il-
lustre Alex, de Humboldt lui adressa, à
propos de cette publication, une lettre
qui peut être considérée comme un des
plus honorables titres scientifiques du
savant belge. La société de Harlem avait
mis au concours une question sur les
blocs erratiques. Engelspach y répondit;
mais il fut moins heureux cette fois qu'il
ne l'avait été à Bruxelles. Cependant
ses recherches furent consignées dans
un opuscule qui parut sous le titre de
Considérations sur les blocs erratiques de
roches primordiales (in-S», 1829). Son
dernier travail a vu le jour au commen-
cement de l'année 1830. Il a pour titre :
])e la géognosie considérée dans ses diffé-
rents rapports. {Messager des arts et des
sciences de Gand.) Il fut fait de cette
notice un tiré à part d'un fort petit
nombre d'exemplaires. L'auteur y avait
ajouté un supplément qui n'est pas de
lui.
En 1828,Engelspachavait été nommé
membre de la commission de statistique
du Brabant méridional ; il avait professé
la géologie à l'école de commerce de
Bruxelles; il était membre des Acadé-
mies royales des sciences de Turin, de
Naples, de Metz, de la Société géolo-
gique de France, de la Société grand-
ducale de minéralogie d'Iéna, du lycée
d'histoire naturelle de New -York. Il
avait entretenu des relations suivies avec
quelques chimistes éminents, tant de la
Belgique que de l'étranger; à Stockholm,
il avait profité des conseils de Berzelius,
et, dans son propre pays, il avait eu
pour initiateur l'illustre Yan Mons.
Engelsjjach, durant ses voyages, avait
formé une collection de minéralogie ; il
avait trafiqué, à l'occasion, troquant ou
vendant des pierres fines. Il se plaint,
dans ses notes, d'avoir plusieurs fois été
trompé dans ce commerce, n'étant guère
adroit aux spéculations mercantiles. En
1823, il s'était marié à Paris.
Ce n'est pas ici le lieu de reproduire
le récit des événements qui ont amené
la dissolution du royaume des Pays-Bas.
Il suffira de rappeler qu'au milieu d'une
prospérité que nos contrées méridio-
nales n'avaient plus connues depuis près
d'un siècle, au moment même où venait
de s'ouvrir une brillante exposition
témoignant des progrès déjà accomplis
par l'industrie nationale et présageant
un développement considérable de la
richesse publique, une émeute éclatant
à Bruxelles, particulièrement dirigée
contre le ministre Yan Maanen et ses
créatures, surprit le pouvoir, qui se
trouva désarmé et incapable de la répri-
mer; la cour et toutes les autorités
supérieures se trouvant, cette année-là
à La Haye. Les bourgeois de Bruxelles,
redoutant les conséquences de ces trou-
bles, s'organisèrent spontanément pour
le maintien de l'ordre et la défense des
pro))riétés menacées du pillage et de
l'inrendie. Ils prirent les armes, ne se
589
ENGELSPACH
390
fiant point à l'action de la troupe, d'ail-
leurs insuffisante pour répondre à tous
les besoins. L'autorité municipale, peu
populaire, s'adjoignit d'abord quelques
citoyens connus par leur patriotisme et
finit, elle aussi, par céder la place,
comme l'avait fait l'armée. Un mois
entier s'écoula dans cette situation,
grâce aux tergiversations du gouverne-
ment, qui ne savait point se décider.
L'occasion était trop belle pour n'en
point profiter : aussi le parti qui s'était
formé, quelques années auparavant, par
l'alliance des catholiques politiques et
des libéraux, ne la laissa point échapper.
Ce parti intervint et prit la direction du
mouvement, réclamant le redressement
immédiat et complet des griefs que les
provinces méridionales avaient déjà for-
mulées dans d'innombrables pétitions.
Le gouvernement s'obstina, ne sut point
faire, en temps opportun, les conces-
sions demandées. Il commit tant d'im-
prudences, que l'émeute devint une ré-
volution.
Durant la période qui s'écoula entre le
24 août et le 23 septembre, les efforts
des citoyens armés ne tendirent qu'au
maintien de l'ordre et au rétablisse-
ment de rapports réguliers entre les
deux parties du royaume. Mais les auto-
rités improvisées, qui poursuivaient ce
but louable, ne tardèrent point à être
débordées et durent céder la place à la
multitude exaspérée, lorsque le dessein
du roi de faire attaquer Bruxelles par
l'armée fut connu de la population.
Engelspach a joué un rôle important
dans les deux phases qui viennent d'être
indiquées, réglant sa conduite d'après
l'esprit qui dominait dans la ville.
Conservateur et défenseur de l'ordre
dans la pr.emière phase, révolutionnaire
et la cheville ouvrière de l'insurrection
au moment de la crise suprême.
Dans des notes restées inédites, se
rencontre une profession de foi expli-
quant l'attitude d'Engelspach durant
les trente-deux jours pendant lesquels
il s'est trouvé en évidence.
Engelspach faisait partie du premier
détachement de bourgeois armés, com-
mandés par MM. Opdenberg et Brug-
mann , qui sortit, le 20 août, à six
heures du matin, de la caserne des
Annonciades, et qui, après avoir par-
couru différents quartiers de la ville,
vint faire halte devant le palais de jus-
tice. Il se trouvait là un rassemblement
considérable de peuple armé qui vint
fraterniser avec les nouveaux arrivés.
La colonne s'étant remise en marche,
remontait la Montagne de la Cour lors-
qu'elle fut arrêtée devant la petite rue
du Musée qui portait alors le nom de
rue des Cocus. Un détachement de gre-
nadiers, posté dans cette rue, en face du
Palais de l'Industrie où l'exposition était
installée, faisait mine de s'opposer au
passage des bourgeois armés. Deux
hommes de bonne volonté, Engelspach
et Borremans, qui fut depuis colonel,
furent envoyés en parlementaires auprès
de l'officier commandant le détache-
ment. Les deux envoyés faillirent essuyer
le feu de la troupe en entrant dans la
Petite rue du Musée. Heureusement
l'officier qui la commandait, l'adjudant-
major Van Swieten, aperçut le mouchoir
blanc qu'agitait Engelspach et releva
de son épée les canons des fusils qui
allaient faire feu.
Le général Vautier se trouvait der-
rière les grenadiers. Les parlementaires
obtinrent de lui que la colonne bour-
geoise seconderait la troupe pour pro-
téger contre les agressions du peuple
l'Exposition de l'industrie ainsi que le
Palais du musée ; mais la colonne avait
continué sa route vers la place Royale.
Le rassemblement croissait de moment
en moment et tous les efforts d'Engels-
pach avaient pour but d'empêcher une
collision sanglante, dans laquelle la
troupe aurait certainement fini par avoir
le dessous et les précieux établisse-
ments qu'il s'agissait de préserver au-
raient été infailliblement dévastés. Cette
situation critique dura de sept heures
du matin à midi. C'est à ce moment que
M. Vande Weyer arriva, conduisant un
détachement de bourgeois armés. Il fut
possible alors de dégager les grenadiers
retranchés derrière la grille, dans la
cour du musée et dans les salles du rez-
de-chaussée du palais, ce qui leur per-
S91
ENGELSPACH
592
mit de rejoindre leur régiment stationné
devant le palais du roi. A partir de ce
moment, la porte du palais de l'indus-
trie fut occupée par les bourgeois :
Engelspach en partagea le commande-
ment avec M. Vande Weyer. Dès le
lendemain 27, on conçut l'idée de pro-
fiter des événements pour réclamer le
redressement des griefs, M. Van Mee-
nen, arrivant de Louvain, venait de-
mander à son ami Yande Weyer des
instructions sur la direction à donner
au mouvement qui s'était déjà propagé
dans la ville qu'il habitait. La révolution
avait fait un premier pas. En effet,
le 38, Vande Weyer était relevé de son
commandement afin de prendre part à
la réunion qui devait rédiger une. adresse
au roi et envoyer une députation à
La Haye.
Dans les premiers jours de septembre,
Engelspach rentra dans le bataillon de
la 5* section dont il venait d'être nommé
chef d'état-major. C'était cette section
qui était spécialement chargée de four-
nir un poste de 25 hommes pour la garde
du château de Tervueren. Les mesures
intelligentes et énergiques que sut
prendre le chef d'état-major de la 5e sec-
tion sauvèrent de la destruction ce do-
maine royal. Un complot ayant pour
but le pillage et l'incendie du château
fut déjoué par ces mesures et par l'atti-
tude du détachement qui avait été choisi
par Engelspach parmi des hommes sûrs,
tous anciens militaires. Des attestations
très-formelles de M. De Coux, intendant
de S. A. E. le prince d'Orange, témoi-
gnent de ce service rendu à la chose
publique par Engelspach.
Le 20 septembre, la commission de
sûreté publique, qui depuis le commen-
cement du mois remplaçait toutes les
autorités dans la ville, fut renversée par
un mouvement populaire. Bruxelles
tombait dans une anarchie complète;
les hommes qui jusque-là avaient joui
de la confiance du peuple se trouvèrent
dans la situation la plus critique, expo-
sés d'une part à l'irritation populaire, et
devant s'attendre à tout si le Hollandais
vainqueur les trouvait dans la ville.
Tous s'étaient cachés ouéloigncs, n'ayfvnt
plus à espérer d'appui nulle part. Pen-
dant deux jours la ville de Bruxelles
fut absolument dépourvue de toute au-
torité et le peuple, maître de se livrer
à tous les excès, montra une sagesse et
une modération auxquelles on était loin
de s'attendre. Des citoyens dévoués réu-
nirent leurs efforts pour constituer un
pouvoir. Un gouvernement provisoire
fut annoncé, c'est le Courrier des Pays-
Bas qui l'apprend à ses lecteurs, dans
son numéro du lendemain; on y lit :
« Un gouvernement provisoire a été
Il annoncé partout. Il se compose de
Il MM. le comte Félix de Mérode, Gen-
// debien, avocat, baron de Stassart,
Il comte d'Oultremont, de Liège, Rai-
" kem, avocat député aux états géné-
II raux. De Potter et Vande Weyer.
Il Cette proclamation a été accueillie
Il par des applaudissements. Les sec-
» tions se réunissent pour nommer le
" gouvernement et les personnes dési-
II gnées recevront probablement aujour-
II d'hui communication de leur (sic) ré-
« solution et feront connaître après si
Il elles acceptent le mandat populaire. «
Ce n'était là évidemment qu'un ballon
d'essai, ayant pour but de tranquilliser
la population. Quelle apparence, en
effet, de pouvoir obtenir l'adhésion de
personnes dont quelques-unes étaient en
ce moment éloignées de Bruxelles? Une
tentative mieux conçue obtint un résul-
tat immédiat. Le mercredi 22, M. Plé-
tinckx, plus tard général commandant
la garde civique de la capitale et alors
commandant en second de la garde
bourgeoise, convoqua, pour trois heures
de l'après-midi, à l'hôtel de ville, les
chefs de section de ladite garde. Trois
chefs seulement répondirent à l'appel :
c'étaient MM. Michiels, de la Sp section,
Vander Stegen de Putte, de la 3" et
Engelspach-Larivière faisant fonction de
commandant de la 5e. A ce premier
groupe se joignirent le baron Vander-
linden d'Hooghvorst, Adolplie Koussel,
Ed. Ducpetiaux, Ad. et Félix Bayet, le
docteur Feigueaux, Nique, Jean Pal-
maert et Joseph Vanderlinden. C'est
dans cette réunion que fut décidé l'en-
voi d'une députation au priuce Frédéric.
593
ENGELSPACH
594
On sait que, contre le droit des gens,
le prince retint les parlementaires et les
envoya, comme prisonniers de guerre,
à Anvers. L'assemblée n'avait encore
rien arrêté quant à la constitution d'un
pouvoir dirigeant, lorsqu'elle fut con-
trainte de se disperser devant un mou-
vement populaire.
De nouveaux efforts furent tentés le
lendemain ; il en résulta une commission
d'ordre public composée de MM. le
baron Vanderlinden d'Hooghvorst, pré-
sident, Jolly, vice-président, Pourbaix,
Vermeulen de Cock, De Coppin, Del-
fosse, Van Hoorde, Lippens et Engels-
pach. Il n'était encore question que de
tenter d'arrêter l'effusion du sang et de
tâcher de traiter avec les Hollandais.
Mais cela n'entrait pas dans les idées
du peuple qui avait engagé la lutte et
résistait à l'invasion. Enfin le 24, à
midi, une réunion de patriotes décidés
à soutenir la lutte se constitue sous la
dénomination de commission administra-
tive. Les affiches émanées de cette au-
torité éphémère nous ont conservé les
noms des hommes qui en firent partie,
ainsi que leur situation hiérarchique.
On y voit figurer MM. le baron d'Hoogh-
vorst, Charles Eogier, président, Jolly,
et comme secrétaires, de Coppin et Xi-
colay. Le dernier acte de cette autorité
porte la date du 25 septembre.
Le 26, parut enfin le gouvernement
provisoire. Il s'annonce par une procla-
mation signée de neuf membres, parmi
lesquels se trouvent tous ceux qui fai-
saient partie de la commission adminis-
trative. Voici en quels termes la procla-
mation s'exprime : « Vu l'absence de
» toute autorité, tant à Bruxelles que
« dans la plupart des villes et com-
« munes de la Belgique;
« Considérant que dans les circon-
« stances actuelles un centre général
" d'opérations est le seul moyen de
" vaincre nos ennemis et de faire
" triompher la cause du peuple belge ;
•I Le gouvernement provisoire de-
« tneure constitué de la manière sui-
« vante « (suivent les noms).
Le mot demeure ferait supposer que
le gouvernement provisoire avait été
proclamé antérieurement au 36 septem-
bre. Il n'a point été conservé de trace
de cette première proclamation. La seule
autorité constituée à Bruxelles, la veille
encore, c'est la commission adininistra-
tive, dont le dernier acte, affiché sur les
murs de la ville, porte la date du 25.
On a vu plus haut que cette commission
s'était formée le 24, vers raidi, au mo-
ment où M. Ch. Eogier, — qui d'ail-
leurs n'était point, sorti du pays, —
rappelé en ville par le bruit du canon,
avait pu se joindre aux combattants.
Engelspach qui, depuis le 20 sep-
tembre, avait assisté et activement coo-
péré à toutes les réunions de l'hôtel de
ville, s'était surtout occupé du soin de
pourvoir aux besoins les plus pressants
et avait négligé de faire mettre son nom
au bas des proclamations. Mais la com-
mission administrative, rendant hom-
mage à son activité, à son aptitude, lui
avait confié les plus importantes fonc-
tions. Jugeant qu'il était indispensable
de charger une seule personne de la
direction des services relatifs à l'appro-
visionnement de la ville, à la- défense et
à toutes les mesures que nécessiteraient
les circonstances suprêmes dans les-
quelles on se trouvait, elle avait investi
Engelspach-Larivière de cette mission
et lui avait conféré le titre à' agent géné-
ral,, le laissant libre d'agir comme il
l'entendrait. Le nouvel agent général
s'installa immédiatement dans une salle
de l'hôtel de ville qu'il ne quitta point
un seul instant pendant toute la durée
de la crise. Il ne se dissimula point la
responsabilité qu'il assumait en se char-
geant de faire marcher simultanément
tous les services et de pourvoir à tous
les besoins, sans s'inquiéter du plus ou
moins de légalité des actes qu'il allait
avoir à ordonner. Il était soutenu dans
cette tâche par le sentiment du devoir
civique qu'il remplissait en se dévouant
pour sauver d'un désastre imminent sa
ville natale; et, dans ce moment, la
chance n'avait pas encore tourné du côté
des insurgés.
En un clin d'œil, se groupèrent autour
de lui des citoyens de bonne volonté
tout prêts à suivre son exemple et à le
Ô95
ENGELSPACH
o96
seconder. L'un des premiers soins de
l'agent général fut de s'emparer du ser-
vice de la poste. Il donna l'ordre au
directeur des postes de suspendre toute
distribution de lettres ou de dépêches,
et de ne laisser partir aucun courrier,
aucun cheval, sans une autorisation
expresse. Il fit faire immédiatement le
relevé des grains et farines existant dans
la ville. Une circulaire fut expédiée à
tous les boulangers ainsi qu'aux mar-
chands de grains qui, le même soir,
vinrent tous faire leur déclaration. Ce
recensement constata que la ville se.
trouvait approvisionnée de farines pour
dix jours. La mesure était d'autant plus
importante que le prince Frédéric pou-
vait s'apercevoir qu'il avait commis une
très-grande faute en ne se mettant point
à cheval sur les différentes chaussées
afin d'intercepter les communications
avec l'extérieur. Les munitions de guerre
ne réclamaient pas moins de sollicitude
de la part de l'agent général; elles di-
minuaient à vue d'œil. Sur les observa-
tions réitérées d'Engelspach, la com-
mission administrative confia à M. Suel
la mission d'aller acheter des poudres à
Castiaux. 11 n'y avait en ville que quatre
dépôts où se fabriquaient et où se dis-
tribuaient les cartouches. C'était chez
Schavaye, rue de la Putterie ; à l'hôtel
du gouvernement, rue du Chêne ; chez
M. Gouman, rue de l'Evêque et chez
un autre patriote, Vieux Marché aux
Grains. Ces différents dépôts ont fabri-
qué, pendant les quatre journées de
combat, environ trois cent vingt mille
cartouches. Le 2-i, à dix heures du soir,
l'agent général fit faire le relevé de
l'état des cartouches existant dans les
quatre dépôts, il n'en restait plus que
quatre mille six cents. Engelspach en-
voya l'ordre de ne plus en distribuer une
seule sans un bon signé de sa main, et
fit partir immédiatement sept personnes
de confiance en courrier dans (liflérentes
directions avec pouvoir d'enlever des
poudres de gré ou de force partout où
l'on en trouverait. MM. Fievet, Roussel,
Van der Cammen, furent de ce nombre.
Le 25, le combat recommença avec un
acharnement sans égal; les munitions
de guerre, malgré la sévère économie
qui présidait à leur distribution, furent
bientôt épuisées. Vers dix heures du
matin, M. Fafchamps, de Charleroi ,
arriva à l'hôtel de ville avec cinq ou six
kilogrammes de poudre, on échangea
cette poudre contre cent cinquante car-
touches, elle fut précieusement réservée
pour former quelques charges d'artille-
rie.
La lutte contre les Hollandais n'était
pas la seule préoccupation des citoyens
siégeant à l'hôtel cje ville. Les disposi-
tions du peuple étaient parfois hostiles.
Les cris de trahison se faisaient entendre,
et plus d'une fois l'agent général ne dut
la vie qu'à sa fermeté et à sa présence
d'esprit.
Vers les deux heures, la commission
avait rédigé une proclamation annon-
çant l'intention de traiter avec le prince
Frédéric. Elle était déjà composée, En-
gelspach fit briser les formes chez l'im-
primeur et adressa à la commission les
plus vives représentations sur le danger
d'une pareille publication. Dans cette
situation éminemment critique, Engels-
pach ne se découragea point. Craignant
de ne point recevoir les poudres qu'on
attendait du dehors, il prit, vers quatre
heures de l'après-midi, des mesures
pour en faire fabriquer. Il chargea de
ce travail M. Maréchal, ancien employé
des poudres et salpêtre sous le gouverne-
ment français. On établit chez M. Scha-
vaye les premiers ateliers de manipula-
tion. On s'occupait de chercher en ville
un emplacement propre à y établir un
séchoir, lorsque M. Xiellon, arrivant à
minuit, apportant quatre barils de
poudre, fit cesser les travaux de mani-
pulation. Il est diflicile de se faire une
idée de l'effet que produisit l'arrivée de
ces quatre barils de poudre. On se féli-
citait, on s'embrassait. A une heure
après minuit, ces quatre barils étaient
convertis en cartouches. Les envoyés de
l'agent général arrivèrent successive-
ment dans la journée. Entre trois et
quatre heures heures du matin, M. Snel
amenait 80 barils, et dès six heures, il
y en avait 1-45 dans la cour et le vesti-
bule de l'hôtel de ville.
597
ENGELSPACII
o9S
A chaque moment augmentait le '
nombre des combattants et aussi celui
des morts et des blessés. Les plus gra-
vement atteints étaient portés à l'hôpital
Saint- Jean, alors situé au milieu de la
ville. Le 25, les sallee des morts de cet
hospice étaient tellement encombrées,
que l'on pouvait redoxfter d'en voir sortir
une terrible épidémie. Engelspach, de
concert avec l'avocat Godecharle, prit
toutes les mesures que réclamaient les
circonstances.
Dans la nuit du 26 au 27, une ving-
taine d'individus se présentèrent devant
la porte de VAmigo réclamant, pour les
mettre à mort, quelques officiers hollan-
dais qu'on y avait écroués. Engelspach
fut assez heureux, en employant, tantôt
la persuasion, tantôt la menace, pour
dissiper le rassemblement qui s'était
rapidement grossi. Il fut secondé dans
cette œuvre d'apaisement, par M. Cou-
rouble, chargé spécialement, depuis qua-
rante-huit heures, du commandement
de la grande garde et de la surveillance
de la prison de V Amigo. Les troupes
hollandaises en se retirant avaient pillé
et saccagé l'hôtel du chargé d'affaires des
Etats-Unis. Le peuple, probablement
instigué, voulait user de représailles et
suivre cet exemple. Plusieurs hôtels et
notamment celui de l'ambassade d'Au-
triche se trouvaient menacés. Engels-
pach comprit combien il importait de
faire respecter les propriétés non-seule-
ment des particuliers, mais surtout celles
des personnes dont le caractère devait,
dans toutes circonstances, les mettre à
l'abri des réactions populaires; les ten-
tatives s'étant renouvelées devant la
maison du consul de .Suisse et à la porte
de l'ambassade d'Angleterre, l'agent gé-
néral prit les mesures les plus énergi-
ques, qui mirent fin à ces scandaleux
excès.
Les incendies firent, le 2.5, de grands
ravages, et la compagnie des sapeurs-
pompiers était en quelque sorte désorga-
nisée. Les hommes qui la composaient
s'étaient dispersés et plusieurs faisaient
le coup de feu contre les Hollandais.
Engelspach dut encore user des moyens
les plus énergiques pour ramener les
sapeurs-pompiers sous les ordres de leur
chef, le major Gillot, atteint d'une bles-
sure grave à la jambe, et qui n'en conti-
nuait pas moins son service avec un zèle
infatigable.
Lorsque M. De Potter, arrivé le 27,
fut présenté au peuple au balcon de
l'hôtel de ville, ce fut Engelspach qui
le conduisit par la main recevoir l'ova-
tion populaire. Il dit, dans les notes
qu'il a laissées, qu'aucun des membres
du gouvernement provisoire n'avait voulu
se charger de cette mission et' que l'un
d'eux lui avait dit : « Xous ne nous sou-
" cions guère de présenter M. De Potter
Il au peuple, veuillez le faire. «
On peut dire que du 20 au 30 sep-
tembre, Engelspach exerça un pouvoir à
peu près illimité, prenant tout sur lui
et signant les ordres les plus graves et
les plus compromettants, si les choses
avaient mal tourné, délivrant des bons
pour fournitures de toute espèce. Tous
ses ordres de service furent exécutés;
tous les bons délivrés par lui trouvèrent
accueil chez les marchands et ils étaient
au nombre de plus de dix mille.
L'accueil enthousiaste que l'exilé de
la veille avait reçu de la population dé-
termina les membres du gouvernement
provisoire à se l'associer. Le nom de
De Potter fut donc ajouté aux neuf noms
qui jusque-là avaient figuré au bas des
proclamations de l'autorité improvisée
le 26 septembre. Engelspach-Larivière
crut le moment favorable pour réclamer
la récompense de ses services. Voici la
réponse qu'il reçut le 28 : « Le gouver-
» nement provisoire ne croit pas pou-
// voir admettre M. Engelspach comme
Il un de ses membres, et l'admission de
« M. De Potter ne peut, à ce qu'il
Il semble, être un titre suffisant à cet
Il égard pour M. Engelspach, malgré
Il les services rendus.
Il II sera ultérieurement pourvu à
Il placer utilement M. Engelspach selon
Il ses mérites.
Il II est engagé à continuer provi-
» soirement ses fonctions d'agent du
Il gouvernement, en y mettant la modé-
(' ration et la prudence nécessaires aux
Il circonstances. Signé, Ch. Kogier, Ni-
m
ENGELSPACH — ENGHIEN
600
« colay, De Potter, G. de Coppin, Syl-
,, vain Van de Weyer, Jolly, Joseph
(/ Vanderlinden. "
Engelspach continua en effet de rem-
plir ses fonctions d'agent général jus-
qu'au 30 inclusivement.
Il s'adressa au gouvernement pro-
visoire, demandant la formation d'un
comité chargé de vérifier sa compta-
bilité. Il fut fait droit à sa demande;
les commissaires, après un scrupuleux
examen, firent leur rapport, et le gou-
vernement provisoire confirma, en ces
termes, les déclarations du procès-verbal :
« Considérant les services rendus par
« M. Engelspach - Larivière dans les
j premiers jours de la révolution, le
« comité central du gouvernement pro-
II visoire lui en donne acte et remercie
Il le citoyen zélé de son patriotisme.
Il Signé : De Potter, Ch. Eogier, comte
« Eélix de Mérode, Alex. Gendebien,
Il Sylvain Van de Weyer. Par ordon-
II nance, le secrétaire J. Vanderlin-
II den. Il
Engelspach attendit vainement l'effet
des promesses qui lui avaient été faites
le 28 septembre. Ses réclamations n'ob-
tinrent d'autre résultat que l'offre d'une
place aux appointements de 1,500 flo-
rins, qu'il ne crut pas devoir accepter.
Engelspach mourut le 2 3 j uillet 1831,
sans avoir obtenu la récompense de ses
services. Il avait été frappé d'apoplexie
_dans un bain où il avait eu l'imprudence
d'entrer trop peu de temps après son
repas. Le roi Léopold venait d'être
inauguré. Un des premiers actes du sou-
verain fut d'accorder, sur sa cassette
particulière, une subvention à la veuve
de celui qui avait le plus contribué à la
séparation des deux parties dont se com-
posait le royaume des Pays-Bas. Le gou-
vernement du régent avait aussi négligé
d'assurer l'existence de l'homme qui
s'était si entièrement dévoué à la cause
de la révolution.
M. Ch. Kogier étant devenu ministre
de Pintérieur, soumit au roi, le 12 dé-
cembre 1833, un projet de loi accordant
à la veuve d' Engelspach une pension
viagère de 1,500 francs. La loi votée
par la législature a été promulguée par
le Moniteur belgele 33 décembre, n^ 357.
L'exposé des motifs, rédigé par le mi-
nistre, rend un hommage sans restric-
tion au dévouement, au zèle, à l'activité,
à l'intelligence de Pancien agent général
du gouvernement provisoire. C'est en
quelque sorte la confirmation officielle
des faits rapportés dans cette notice.
L. Alvin.
E]«€;uif:!%' {François o')ou Van Ebin-
G£N, théologien, né à Bruxelles en 1648,
mort à Gand le 9 novembre 1722. Il
descendait d'une ancienne famille nobi-
liaire; son père Guillaume d'Enghien,
était comte de Santa-Cruz, et sa mère
Béatrice-Thérèse de Boischot. Il entra
dans l'ordre de Saint-Dominique à
Gand, fit ses études à Louvain, y obtint
le doctorat en théologie le 21 janvier
1685 et professa, successivement, la phi-
losophie et la théologie. Devenu régent
des études de son ordre, il assista au
chapitre général à Eome en 1694, y
séjourna assez longtemps auprès du
pape Clément XI, et ne revint qu'en
1703 dans son pays pour y reprendre
ses premières fonctions.
Homme modeste et studieux, Enghien
refusa, en 1706, Pévêché d'Anvers, pré-
férant se retirer dans son couvent à
Gand, où il finit ses jours dans l'étude.
Il composa : lo Eesponsio Mstorico-
theologica ad Cleri GaîUcani de po-
testate ecclesiastica declarationem. Co-
logne, 1685, in-8o. — 2° Auctoritas
sedis apodolicœ pro S. Gregorio papa Vil
vindicata adxersiis R. P. F. Natalem
Alexandrum, ord. FF. Prœdicat. Co-
logne, 1689, in- 8". — 3o Vindicice
adveJ'susaviUnn academicum . Gand, 1711,
in-8o. C'est un traité sur la puissance
des papes. — 4o De dodrina S. Thomœ
ad gratiam efficacé%i. Louvain, 1703,
in.go. — 5o Positio faciens satis insolites
oppositioni contra constit^dionem sedis
apostolica TJnigenitm . Gand , 1 7 1 5 , in- 8° .
Aug. Vander Mecrscd.
Echard et Quétif, Scriptores ordhiis prœdica-
torum, t. 11, p. 798. — Richard et Giraud, Bxbba-
ihèque sacrée.
EWGUiEiv (Jacquesn'), écrivain ecclé-
siastique, né à Mons, en 1470, mort
en 1553. Voir Jacques u'Enghien.
601
EiNGHlEN
60-2
exguie:v {Jean d'), priuce-abbé de
Stavelot, évêque de Liège. 1286 *. Voir
Jean d'Exghien.
e:vouie^~ {Jean »'), dit de Kestek-
GAT, chroniqueur, mort le 12 août 1478,
était fils de sire Engelbert d'Enghien,
qui fut tué à Azincourt aux côtés du duc
de Brabant, Antoine de Bourgogne, et
petit-fils de sire Colard, enfant natu-
rel de Walter, seigneur d'Enghien. Co-
lard avait eu pour sa part dans l'héritage
paternel le village de Tubize et d'aut-res
localités voisines, qiii étaient tenues en
fief du duché de Brabant. Jean, à son
tour, fut investi de la seigneurie de
Kestergat, qui relevait d'Enghien, et
était située à Pepinghen, et d'un châ-
teau à Haeren, provenant de sa mère;
il y joignit ensuite la tour de Ter-
Tommen et la chàtellenie héréditaire de
Grimberghe, qu'il acheta en 1448.
Son frère aîné, Engelbert II, seigneur
de Kiunera, Tubize, etc., était l'un des
conseillers du duc de Brabant Jean TV,
lorsqu'il fut arrêté à Bruxelles en 1421,
par ordre de Philippe de Saint-Pol,
ruward de Brabant et frère de Jean IV.
Le seigneur de Kestergat alla rejoindre
le duc de Bourgogne Philippe , avec
lequel il se trouva au siège mis devant
Meaux, en 1420, par le roi d'Angleterre
Henri V. Il resta au service de ce prince
jusqu'en 1430 et revint avec lui en
Brabant, où le nouveau souverain de ce
pays le nomma conseiller et chambellan
et, par lettres patentes du 10 octobre,
amman de la ville de Bruxelles ; de plus,
en 1444, il fut créé l'un des maîtres
d'hôtel du duc. Ce fut lui qui suggéra
aux magistrats bruxellois l'idée d'ap-
peler des chartreux pour occuper le
couvent que l'on se proposait d'établir à
Scheut, montrant, dans cette circon-
stance, à quel point il connaissait la
faveur particulière dont l'ordre de Saint-
Bruno jouissait à la cour de Bour-
gogne. Meilleur courtisan que citoyen,
Jean d'Enghien ne figura a la tête de la
magistrature communale de Bruxelles
que pour défendre les droits et les pré-
tentions du prince contre les immunités
de la cité. En 1458, il refusa de faire
exécuter des condamnations prononcées
contre des malfaiteurs, et la commune
ayant, à son défaut, chargé de ce soin
un sergent de l'ammanie, il recourut au
conseil de Brabant et soutint que le
privilège allégué n'avait pas force de
loi, comme ayant été octroyé en temps
de trouble. Bientôt il souleva encore
d'autres réclamations, prétendant que
la ville avait porté de nombreuses
atteintes aux droits du domaine. Il fut
immédiatement récompensé de son zèle;
le duc Philippe lui abandonna, à lui et à
son fils Louis, la jouissance de l'ammanie
à titre viager ; il les autorisa à se donner
un successeur révocable à leur volonté
et à se réserver, sur les produits de
l'ammanie, une pension annuelle de
400 florins du Rhin.
Par sa mère, Isabelle De Hertoghe,
et par sa femme, Marie De Mol, Jean
d'Enghien était allié aux familles les
plus influentes de Bruxelles, mais il
comptait aussi dans cette ville de nom-
breux ennemis. Dans une grande réu-
nion, qui eut lieu à l'hôtel de ville, le
30 septembre 1468, il avoua que, pour
défendre sa vie et ses biens, il avait dû
se former un parti, mais qu'il était prêt,
dans l'intérêt de la paix publique, à
oublier ses rancunes. Le lendemain soir
il y eut un grand dîner en son hôtel,
Vhôtel de Ke&tergat, que la A'ille acquit
de ses héritiers en 1522, pour percer la
rue dite aujourd'hui, la Rue neuve des
Carmes; Jean d'Enghien y invita les
notables de Bruxelles et y renouvela sou
serment d'oublier les chagrins qui lui
avaient été causés; tous ses convives, de
leur côté, répondirent à ses paroles de
conciliation par des protestations de con-
corde .
Après la mort du duc Charles le Té-
méraire, les métiers de Bruxelles, sou-
levés à la voix de leurs chefs, s'emparè-
rent violemment de l'hôtel de ville et de
l'administration de la commune. Louis
d'Enghien qui, après plusieurs nomina-
tions et retraites successives, remplissait
les fonctions d'amman depuis le 1er fé-
vrier 1475-1476, était signalé à la haine
du peuple. Lorsque l'émeute éclata, les
séditieux avaient pris avec eux le bour-
603
ENGHIEN — ENGUERRAxND DE BAK
6U4
reau, avec l'intention de faire couper la
tête à Jean d'Enghien. Mais il échappa
à ce sort funeste et fut seulement banni
de Bruxelles, avec son père Jean et nom-
bre d'autres patriciens. L'année suivante
Jean mourut j il reçut la sépulture dans
l'église conventuelle des Carmes, à côté
de sa femme, qui était décédée depuis
le 25 mars 1464.
Comme la plupart des courtisans du
duc de Bourgogne, le seigneur de Kes-
tergat était un ami des plaisirs et des
lettres. Quand le dauphin Louis de
France, depuis roi sous le nom de
Louis XI , se réfugia en Belgique et
reçut l'hospitalité au château de Ge-
nappe, il fut l'un des joyeux convives
qui racontèrent, à sa table, les récits
graveleux publiés sous le nom des Cent
nouvelles nouvelles. Ayant eu l'occasion
de lire plusieurs travaux sur l'histoire
du Brabant, il conçut le projet de les
traduire du flamand en français et de les
condenser en un seul volume. Le duc
Philippe l'encouragea dans ce dessein,
qui ne fut réalisé qu'après la mort de ce
prince. L'œuvre littéraire de Jean d'En-
ghien, qui fut offerte à Charles le Témé-
raire, faisait partie de la bibliothèque
du palais de Bruxelles, du temps des
archiducs Albert et Isabelle. Gramaye
y puisa largement, comme le dit Yin-
chant dans ses Annales du Hainaut
(t. IV, p. 264), où l'on donne, à tort, à
l'auteur le prénom de Jacques. Elle
était restée inconnue lorsque Gachet,
en 1847, en signala un court fragment.
Depuis, Jules Borgnet la retrouva, mais
incomplète, chez M. le comte Charles
d'Aspremont de Lynden, de Haltinues.
Le Livre des Cronicrpies de Brabant est
évidemment copié de Yan Boendale et
de Dynter et du traducteur français de
celui-ci, Jean Wauquelin; l'auteur a
également puisé dans le poëme sur la
guerre de Grimberghe. C'est dire que
l'on y trouverait difficilement du neuf,
d'autant plus que le sixième et dernier
livre, celui pour la rédaction duquel
l'auteur aurait pu puiser dans ses sou-
venirs personnels, n'a pas été retrouvé.
Le style, dit Borgnet, en est suffisam-
ment clair; il offre même du charme
lorsque l'auteur raconte les belles " ap-
pertises « d'armes de ses héros.
Alphonse Waiilers.
Bulletins de la commission roj/ale d'histoire,
Ife série, t. XllI, p. 290, el2« sériei l. VIll, p. 355-
387. — Henné et Wauters, Histoire de Bruxelles,
passim. — Wauters, Histoire des environs de
Bruxelles, t. H, p. 233. — De Ram, Dynteri chro-
nica Brabantiœ, t. I, p. CXV.
EXGIJERRAXD DE BAR, chroni-
queur et poète, chanoine et écolàtre de
Liège, naquit vers le milieu du xiie siè-
cle et mourut en 1215 à Lestinnes en
Hainaut, oii il avait demeuré longtemps,
dit Jean d'Outremeuse, « por le fil (1)
de son oncle, qui aidât le duc de Bra-
bant en la warde de StejDS « . Enguerrand
était fils du comte Bertrand et petit-fils
de Renaud le Borgne, celui qui dut
rendre Bouillon à l'évêque de Liège
Albéron II (voy. ce nom), le 21 septem-
bre 1141. L'oncle dont il s'agit est
Thibaut 1er de Bar, « qui puis mangnat
sa langue en la prison le roy de
Franche » . En sa qualité d'écolâtre,
Enguerrand avait mission de tenir au
courant les chroniques du pays. Une
circonstance particulière l'obligea d'en-
treprendre, à la demande du chapitre,
une œuvre beaucoup plus considérable.
Lambert le Bègue (voy. ce nom), ce
Savonarole du xiie siècle, avait, dans un
mouvement d'éloquence, en 1181, me-
nacé des colères célestes une église dont
les chefs s'étaient souillés de toutes
sortes de turpitudes. Quatre ans plus
tard, la cathédrale de Liège fut presqiie
entièrement détruite par les flammes :
le peuple vit dans ce désastre l'accom-
plissement de la prophétie du vénéré
prédicateur; l'histoire côtoie ici la lé-
gende. Tant est-il que les anciennes
chartes, les chroniques, en un mot
toutes les archives furent brûlées, et que
l'écolâtre se vit chargé de recueillir les
éléments d'une nouvelle histoire offi-
cielle. Il ne jugea pas à propos de
remonter, comme ses prédécesseurs, jus-
qu'aux rois de Tongres; il prit pour point
de départ l'apostolat de saint Materne
et poursuivit son récit, en insistant sur-
tout sur les événements contemporains,
(1) A cause de, à l'occasion de.
605
ENGUERRAND DE BAR — ENNETIÉRES
606
jusqu'en 1203, année où le travail
entier fut remis aux chanoines. Ceux-ci
le firent enchaîner dans la librairie de la
cathédrale et le tinrent pendant quelque
dix ans en grand crédit. Les passages
relatifs à l'afl'aire de Bouillon furent
transcrits par un habile calligraphe en
tête à\x pasnonnal ; on les lisait à matines
le jour de la translation de saint Lam-
bert. Mais il arriva que la sincérité de
l'écrivain fut mise en doute; il avait,
disait-on, dénaturé les faits pour blan-
chir la mémoire de son aïeul llenaud, à
propos de la surprise de Bouillon ; il
avait abusé de la iDonne foi du clergé de
Saint-Lambert, qui ne savait pas au
juste comment les choses s'étaient pas-
sées. Suspect sur un point, il le fut
bientôt sur tous, si bien que sa chro-
nique fut reléguée aux oubliettes (psteu
et répons, ù que reproveis), pour être
remplacée, quelques années après, par
celle de .Jean de Hocsem (voy. ce nom).
Si l'on peut s'en rapporter ici à Jean
d'Outremeuse, Enguerrand lui-même, à
lit de sa mort, aurait fait l'aveu de sa
supercherie en présence de plusieurs
dignitaires ecclésiastiques, ce dont pro-
cès-verbal aurait été dressé. L'ouvrage
a été si bien caché, qu'on n'en a re-
trouvé aucune trace. Le baron de Reif-
fenberg pensait qu'Enguerrand s'était
servi de la langue romane, peut-être
parce que Jean d'Outremeuse qualifie
l'auteur de grand poëte. Ce devait être
alors une sorte de geste en vers, du
genre de celle de ce dernier chroni-
queur. Alphonse Le Roy.
Jean d'Outremeuse, t. IV, p. .^S-", 376; t. V,
1). 160. — De Theux, Le Chapitre de Saint-Lam-
berC, t. I, p. 186. — Becdelièvre, etc.
K%iit:Ewt.wtAyin (de Forest), poëte et
chevalier du xiie siècle, mort à Frémy
en 1197. Il descendait de Herbert le
Fort qui figura au fameux tournoi d'An-
chin en 1096. Le chroniqueur Gelic dit
qu'Enguerrand était surnommé ame-
fame, traduction romane du latin arnator
famœ. Il recherchait la gloire des lettres
et des armes. On n'a encore rien re-
trouvé de ses chansons ou de ses poëmes.
Il fut le bienfaiteur des églises de Saint-
André, d'Aubert d'Anchin, d'Honne-
BIOGR. NAT. — T. V|.
court et de Frémy, dans le Cambrésis.
C'est dans le cloître de Frémy qu'il
fut enterré. Voici son épitaphe en vrai
style roman :
Hic recumbit Ingiierramtis
Dictas quondam famœ caru.t
In Fore.ito fuit qnariis;
Miles vixit terris rarus
Musis gratus, Marte sanns
JS'obis largus, sibi parcus
Virgo obiit, cœlo aignus.
Les seigneurs de Forest portaient
d'argent à trois croissants de sable et
criaient Triih (trajectus? pont?) comme
Eenier de Trith du Hainaut.
J. Siecher.
A. Dinaux, Trouvères du Cambrésis.— Archives
du Xord de la France, tom. lU, p. 40.
EifGVEiiRAXD icfOisy), troiivèrc du
xiiie siècle, né au village d'Oisy, qui
faisait alors partie du Cambrésis. Il
s'intitulait lui-même clerc et paraît avoir
été chapelain de quelque grand seigneur
du canton d'Arleux. Xous ne pouvons
plus juger de son talent poétique que
par un fabliau un peu gaulois d'allure,
mais qui a été souvent reproduit, no-
tamment par Legrand d' A ussy (Fabliaux,
3e vol.) et par Francisque Michel (Paris,
Sylvestre, 183.3). C'est dans cette der-
nière publication que se trouve le texte
le plus exact de ce chef-d'œuvre de
narration badine. Il s'agit d'une mésa-
venture amoureuse du meunier d'Ar-
leux, et d'un procès comique qui en fut
la suite.
Li baillius prist à conjurer
Les eskïevins por dire voir.
L'auteur, Engnerrans li clers, H
d'Oisi a esté et nés et tiori, a assisté au
banquet que le bailli goguenard donna
aux dames et aux chevaliers du canton,
comme dénoûment de l'épisode. Enguer-
rand dit naïvement, ou peut-être par
ironie, que s'il a raconté l'histoire Don
rnonnier de Aleus, c'est qu'il y a reconnu
une portée morale. Lafontaine n'y a vu
depuis qu'une occasion de rire.
J. Stecher.
A. Dinaux, Trouvères du Cambrésis — A. Van
Hassell, Mém. sur la litt., etc.
E:v%'ETiF.RE!ii {Marie d'), fille de
Jérôme d'Ennetières seiçrneur de \\'as-
607
ENNETIÊRES
608
tines, née à Tournai vers l'an 1500.
Cette dame est le plus ancien membre
de la famille si lettrée des d'Ennetières
de Tournai dont l'histoire littéraire
fasse mention. Mais les anciens bio-
graphes, Foppens, Moreri et Paquot,
en parlent assez vaguement et d'une
façon peu explicite. Ils assurent qu'elle
fut célèbre par son savoir, sa piété, et
qu'elle devint religieuse, mais sans dire
où, ni dans quel ordre. D'après eux,
!Marie aurait fait imprimer, en 1539,
une Epistre contre les Turcs, Juifs, Inf-
dèles, Faulx chrestiens. Anabaptistes et
Luthériens, sans ajouter où ce livre a
paru, ni sans en désigner le format. Or,
personne n'en a vu un exemplaire; il
est même très-probable qu'il ne fut ja-
mais livré à la presse ; mais qu'étant
resté manuscrit, il aura été perdu comme
tant d'autres. H. Heibig.
Paquot, Méinoire.i, édit. in-folio, t. III, p. 606.
— Messager des sciences historiques, année 4861.
p. '2il. — Les d'Eunetiéres de Toitrnay, nouvelles
recherches sur cette famille, ibid., année 1873.
p. 484. — Emile Desmazières, youvelles recher-
ches sur quelques membres de la famille d'Enne-
tiéres. Paris et Leipzig. 1878, in-S", p. 6-7.
EXXETiÈnES (Ja^par d') , cheva-
lier, seigneur de Beaumez, poëte, na-
quit à Tournai vers 1555 et mourut le
20 avril 1622. Il épousa Anne de la
Rivière. Il était conseiller commis des
domaines et finances des archiducs
Albert et Isabelle et fut nommé juré de
Tournai en 1 5 8 9 , second prévôt en 1 5 9 0 ,
1595, 1598, 1599, mayeur des échevins
de Tournai en 1592, 1593, grand pré-
vôt en 1602, 1603, 1607 et 1608. Jas-
par était fils de François d'Ennetières,
seigneur de Beaumez, et neveu de Marie
d'Ennetières, qui précède.
Sauf quelques sonnets et autres pièces
de vers que l'on rencontre dans diverses
publications qui parurent de son temps,
on ne connaît de lui que les deux ou-
vrages suivants :
1" Elégie et chans funèbres sur le très-
pas de nuidamoyselte Margverite de Mar-
brais. Douay, Jean Bogard, 1584, petit
in-8 ' de XLVii pages, titre compris. Le
seul exemplaire connu de ce petit ou-
vrage se trouve à la Inbliothèque pu-
bliq\ic (le Tournai.
2'J La Vie de saint Malchus, moine
syrien, tirée des épitres de S. Hierosme.
Tournai, Adrien Q,uinqué,M.D.C.XXI,
pet. in-8o de 8 ff. et 88 pages.
Ce poëme, extrêmement rare, est di-
visé en 3 livres ou chants ; il a été erro-
nément attribué à son fils, Jean d'En-
netières, qui suit. H. Heibig
Messager des sciences historiques, année 186-1,
p. 2-J-2 et suiv., et année 1875, p. 483. - Nouvelles
recherches sur quelques membres de la famille
d'Ennetières, par Emile Desmazières. Paris et
Leipzig, 1878. in-8o, p. 8-10.
EXXETiÈRE!* (Jean »'), chevalier,
seigneur du Maisnil, poëte, était le fils
aîné de Jaspar d'Ennetières et d'Aune
de la Rivière. Il naquit à Tournai vers
1590 et fit preuve, pendant toute sa
vie, d'une véritable passion pour la poé-
sie, ou plutôt pour la rime; il y consa-
cra une grande partie de ses loisirs.
Jean d'Ennetières était juré de Tour-
nai en 1621; mayeur des échevins en
1625, 1626; second prévôt en 1629,
1630, et grand prévôt en 1635, 1636.
La Biographie universelle de ]\Iichaud le
fait mourir vers 1650 ; mais il est positif
qu'il mourut au commencement d'août
1661. Il a publié les ouvrages suivants :
1° Les Amours de Théagines et de Phi-
loxène, et autres poésies. Lille, Pierre
Derache, 1616, de 8 ïï. limin., 239 p.
et 4 ft'. poiir la table. Il en parut une
seconde édition chez le même impri-
meur en 1620, à moins que ce ne soit
là qu'un nouveau titre.
2o Clmnsons spirituelles , reueues, cor-
rigées et augmentées de /« moitié par Van-
theur. Lille, Pierre Derache, 1616, pet.
in-12 de 104 pages. La première édition
a dû paraître à Lille de 1605 à 1616
dans un recueil de chansons spirituelles.
L^ne troisième édition fut imprimée chez
le même libraire, en 1620, pet. in-12
de 6 ff. , 140 pages et 2 ff. pour la
table. L'édition de 1616 contient
46 chansons, odes et ballades; celle de
1620 en renferme 57.
3o Vers panégyriques sur la vie et mort
de messire Nicolas de Catris. Tournay,
Adrien Quinqué, M.DCXXI, pet. in-8"
de 3 ff. et 32 pages. On n'en connaît
(lu'un seul exemplaire.
609
ENNETIÈRES — ENOCH
610
4» La Consolation de la philosophie
de Severin Boece ; traduite du latin en
françois. Tournay, Adrien Quinqué.
M.D.C.XXIX pet. in-8o de ] G ff. limin.
et 326 pages, sans le frontispice gravé^
le portrait de Jean d'Ennetières et nne
autre gravure. La traduction est précé-
dée de la vie de Boëce. Brunet parie de
la grande rareté de cette traduction,
mais ajoute " qu'elle ne mérite guère
d'être recherchée « . Le savant biblio-
graphe ne l'aura pas bien examinée, car
elle est loin d'être ce que Jean d'Enne-
tières a produit de plus mauvais.
5o ie Chevalier sans reproche Jean de
Lalain. Tournay, Quinqué, 1633, petit
in-8o de 7 ff.^ 418 pages et 13 pour la
table, avec frontispice et gravures. C'est
l'ouvrage le plus connu de l'auteur, le
seul même qui soit mentionné par les
anciens bibliographes. Brunet dit que
c'est une œuvre « en prose et en vers « .
Or, tout y est en rimes, sauf le titre,
l'approbation, le privilège et la table.
De ReiflFenberg avait, un peu à la lé-
gère, accusé Jean d'Ennetières de pla-
giat, à propos de ce livre; mais il a été
suffisamment lavé de ce reproche mal
fondé.
6o Les Quatre Baisers que Tâme dévote
petit donner à son Dieu dans ce monde.
Tournay, Quinqué, MDCXLI, petit
in-12 de 6 ff. prél. et 274 pages. Ce
poëme pieux, fort rare, est en vers de
huit syllabes et divisé en 4 livres.
7"' Sainte Aldegonde, comédie. Tour-
nay, Quinqué, MDCXLV (1645), petit
in-8o de 3 ff. et 103 pages. Pièce aussi
rare qu'elle est médiocre.
8" La Vie de sainte Colette. Tournay,
1647, in-8". Cette vie en vers n'a peut-
être jamais été imprimée, ou bien elle
est perdue; on n'en connaît aucun exem-
plaire. Il en est de même d'une :
9" Vita beatœ Magdalence . Ces deux
vies, en vers latins l'une et l'autre,
paraît-il , doivent être restées manu-
scrites.
Jean d'Ennetières s'est encore fait
l'éditeur de l'ouvrage suivant :
10) UHermite pèlerin , par Pierre Ca-
mus, évesque et seigneur de Belley. Douai,
Balth. Bellère, 1628, in- 8- de 298 p.,
en l'accompagnant d'un avertissement
et d'autres pièces liminaires. Il a pris
aussi une part active à une édition du
Paradis de la Solitude, par F. Michel de
Saiîite- Sabine. Tournai, Quinqué, s. d.
pet. in-12 de 258 pages, précédées de
6 if. , à laquelle il a ajouté beaucoup de
pièces de vers. On rencontre en outre
de ses pièces de vers dans bon nombre
de livres publiés de son temps à Tour-
nai et dans d'autres villes. Tous les
ouvrages de Jean d'Ennetières sont plus
ou moins rares et se payent à des prix
très-élevés.
D'autres membres de la famille d'En-
netières se sont fait connaître par leur
goût pour la poésie et les lettres, tant
au xvie qu'au xviie siècle. Tels sont :
Pierre, Claude, Jean-Paul et Robert
d'Ennetières, pour lesquels on peut con-
sulter la curieuse brochure de M. Emile
Desmazières, intitulée : Nouvelles Re-
cherches sur quelques membres de la famille
d'Ejinetières. Paris, Leipzig et Tournai,
1878, in-8o de 18 pages. h. Heibig.
Foppens, Biblioth. Belgica, p. 631. — Paquot,
Mémoires, in-fol., t. III, p. 681. — Messager des
sciences historiques, année 1861, p. 220-239. —
/6jrf., année 1875, p. 484-491. - Brunet, Manuel,
t. Il, col. 986; et la brochure précitée de M. Des-
mazières.
EXOCH ( Gaspar - Jean) , professeur ,
né à Bruxelles vers l'année 1720 et
décédé à Louvain le 4 novembre 1790,
fit ses études à Louvain et devint,
en 1744, professeur de philosophie à la
pédagogie du Château, et plus tard,
curé du Béguinage de Louvain, profes-
seur d'éloquence sacrée et chanoine de
Saint-Pierre. Dans son cours, il s'occu-
pait spécialement des antiquités ecclé-
siastiques, dans lesquelles il était très-
versé. Il légua les nombreux manuscrits
qu'il avait composés au docteur et
professeur François Yande Velde, qui
parle de lui avec de grands éloges dans
plusieurs endroits de son Synopsis niouii-
mentorum.
Il existe, au musée académique, formé
dans la grande salle de la bibliothèque
de l'université de Louvain, un grand
portrait du curé Enoch, portant l'in-
scription suivante : (r.-J. Exoch,Brux.,
611
ENOCH - ENSCH
612
^T. svm ANXO 70. F. Jacquin pinxit
1790. E.-H.-J. ReuBeos.
Annuaire de l'Université catholique de Louvoin,
1853, p. 182.
ETVJ^CH {François, baron de), homme
de guerre, décoré de l'ordre de Marie-
Thérèse, né à Luxembourg le 16 janvier
1773 (1) et mort à Baden, en Autriche
le 15 mars 1861. Il était d'une humble
origine^ bien que sa mère appartînt à
une des premières familles de l'Italie,
dont l'un des membres avait été ambas-
sadeur de la république de Venise près
de l'empereur Ferdinand III. Le jeune
Ensch manifesta, dès son enfance, des
goûts qui révélaient un caractère éner-
gique et décidé, et s'enrôla, en 1792,
dans le régiment d'infanterie no 26, qui
se trouvait, à cette époque, en garnison
à Luxembourg. Sa conduite et son appli-
cation lui firent franchir, en peu d'an-
nées, lés grades subalternes; il était
arrivé à celui d'enseigne lorsque son
régiment se rendit sur le Ehin, puis en
Italie, où il prit part aux campagnes
contre la république française. Le
27 mars 1799, Ensch fut nommé sous-
lieutenant, puis lieutenant le 14 juin
1800. Quelques années après, il passa
dans le corps des chasseurs tyroliens.
Pendant la campagne de 1805, il avait
été placé, sur sa demande, aux avant-
postes, dans le désir de se distinguer
par quelque action d'éclat. L'occasion
s'en ofi'rit bientôt. La défense de Mi-
chelsberg , position importante près
d'Uhn, lui avait été confiée. Le 18 oc-
tobre, il se vit attaqué par des forces
imposantes; mais, dès le début du com-
bat, une balle l'atteignit à la cuisse
gauche. En même temps, sa compagnie,
accablée par la supériorité numérique
de l'ennemi, commençait à plier. Ensch,
en vo\'ant le désordre (jui s'introduit
dans sa troupe, s'élance au milieu de ses
soldats débandés; la vue du sang qui
s'échappe de la blessure de leur com-
mandant les rappelle au devoir; ils se
précipitent sur les Français, les arrêtent
et soutiennent avec bonheur un combat
inégal jusqu'à l'arrivée de renforts qui
(1) L'état de service dit 1779. — Hirtonfcld dit
viennent les délivrer. Au moment où il
faisait cet effort suprême, Ensch est
frappé d'une seconde balle dans le flanc
droit et tombe évanoui sur le champ de
bataille ! Sa belle conduite dans cette
affaire lui valut d'être cité dans un
ordre du jour à l'armée ; elle lui fit
décerner plus tard la croix de chevalier
de l'ordre de Marie-Thérèse (1er mars
1808). Le prince Charles, qixi avait été
témoin de l'héroïsme déployé par Ensch
au Michelsberg, voulut attacher lui-
même la décoration sur la poitrine du
noble soldat. Il obtint, en outre, pour
lui le titre de chevalier et le brevet de
capitaine.
La campagne de 1809 fournit au
chevalier de Ensch plus d'une occasion
de se distinguer : citons, entre autres
combats, les batailles d'Aspern et de
Wagram, où sa brillante conduite lui
valut non-seulement le grade de major,
mais encore des lettres patentes de
noblesse lui conférant le titre de baron.
Ces lettres patentes, qui sont datées du
22 mai 1813, rappelent les états de
service de Ensch, et constituent la bio-
graphie complète de cet intrépide guer-
rier jusqu'au jour où il fut anobli;
mais il reste à y ajouter plusieurs faits
d'armes glorieux; car pendant les cam-
pagnes de 1814 et de 1815, le baron de
Ensch continua de combattre vaillam-
ment en Italie, surtout le 25 avril 1815
au passage de la Eonco.
En 1821, ayant été nommé lieute-
nant-colonel, il fit partie du corps d'ar-
mée que le général baron Frimont con-
duisit dans les Abruzzes et en Calabre,
pour y combattre l'insurrection des
Napolitains. Là encore, le baron de
Ensch rendit les plus grands services.
Le grade de colonel lui fut donné en
1831 (20 janvier), et celui de général
lionoraire en 1836, lorsque l'âge et les
nombreuses blessures qu'il avait reçues
pendant une carrière de près d'nn demi-
siècle le forcèrent à solliciter l'autori-
sation de se reposer. En lui accordant
sa retraite, l'empereur y attacha des
avantages particuliers.
Indépendamment de la croix de l'ordre
de Marie-Thérèse, le baron de Enscli
613
ENSCH — EPINOY
614
avait reçu les décorations de Saint-Fer-
dinand et de Saint-Georges des Deux-
Siciies, et il était membre de première
classe de l'institution militaire Elisa-
beth-Thérésienne, ordre distingué qui
ne peut être conféré qu'à vingt et un
officiers du grade de colonel ou de géné-
ral, pour une carrière de plus de trente
ans de service.
Le baron de Ensch avait épousé en
premières noces, en 1814, la fille
unique du baron Hauer, ministre des
finances de l'empire d'Autriche; il con-
tracta une seconde alliance, en 1820,
avec Mlle Claire de Lindenheim, qui le
rendit père, entre autres enfants, d'un
fils, aujourd'hui officier supérieur dans
l'armée autrichienne.
Géneial baron Guillaume.
Hirlenfeld, Der militai- Maria Tlieresien or-
den. — D"" Neyen, Bioy. luxeinbourqeoixe. —
Archives militaires de la chancellerie de Vienue.
EPixoY {Philipotte- Christine de La-
laing, princesse d') était la fille d'Em-
manuel-Philibert de Lalaing, et d'Anne
de Croy, marquise de Renty, vicomtesse
de Bourbourg, dame de Chièvres ; elle na-
quit probablement à Condé, au château de
son père Philibert, baron de Montigny,
seigneur de Condé et de Leuze, cheva-
lier de la Toison d'or et amiral de la
mer. Elle épousa Pierre de Melun,
prince d'Epinoy, marquis de Riche-
bourg, baron d'Antoiug, de Werchin et
autres terres, sénéchal de Haiuaut, gou-
verneur de Tournai. Ce grand seigneur
tenait le gouvernement de Tournai pour
les états généraux , en révolte contre
l'autorité de Philippe II.
Cependant, le prince de Parme venait
de succéder, dans le gouvernement de nos
provinces, à Requesens et à don Juan
d'Autriche. Ce nouveau gouverneur,
habile autant que brave, ayant appris
que le prince d'Epinoy était allé soutenir
en Flandre la cause du prince d'Orange
(septembre 1581), se décida à profiter
aussitôt de cette absence et i\ tenter une
entreprise sur Tournai, dont la garni-
son, considérablement diminuée , sem-
blait ne pouvoir ottrir une bien longue
résistance.
TjC prince d'Epinoy avait laissé sa
femme en qualité de gouvernante de la
ville, en lui adjoignant, pour les affaires
militaires, son lieutenant le sire d'Es-
trelles. La ville fut aussi bien défendue
que le pouvait être une place assez mal
fortifiée et n'ayant qu'une garnison de
quelques centaines de combattants.
Voici ce que dit Bentivoglio du rôle
de notre héroïne pendant ce siège mé-
morable : " Aussitôt que la tranchée
« eut été ouverte et poussée assez loin,
" on établit trois batteries contre les
« trois ouvrages dont on vient de par-
II 1er. Les assiégés firent un feu très-
" vif du haut de ces boulevards, et la
Il considération de leur petit nombre ne
Il les empêcha pas de se signaler par
Il de vigoureuses sorties. La princesse
Il d'Epinoy enflammait leur ardeur et
Il s'acquittait avec une activité incroya-
« ble des fonctions du gouverneur le
" plus vigilant. Elle exhortait les uns.
Il suppliait les autres, menaçait, cares-
II sait tour à tour, montrant elle-même
Il l'exemple, et n'épargnait rien pour
Il prolonger sa résistance. Mais Farnèse
" avait l'œil à tout «... Poussant avec
\'igueur ses tranchées, faisant agir avec
plus de force que jamais sa terrible artil-
lerie, qui ne cessa de jeter dans la place
un nombre toujours plus considérable
de projectiles, ne cessant de battre les
ouvrages de défense, il eut enfin la
satisfaction de voir la brèche assez large
pour tenter un assaut.
" Rien n'égalait, continue Bentivo-
II glio, la valeur et la bonne volonté
Il avec laquelle les assiégeants s'y pré-
" paraient, si ce n'est le courage et la
Il résolution des assiégés à l'attendre.
Il Le combat fut terrible et meurtrier.
Il On perdit beaucoup de monde des
" deux côtés. La princesse d'Epinoy se
Il distingua surtout au plus fort de la
" mêlée, avec une bravoure prodigieuse.
Il Courant au-devant du danger, elle
" criait à ses soldats : C'ed moi, cest la
Il femme de votre gouverneur, qui marche
Il à votre tête et sait braver la mort pour
Il le service de la patrie. Suive: mon
Il exemple, je quitterai plutôt la vie que
•1 la brèche. Cette héroïne, accompa-
" gnant ce peu de mots par des faits
615
EPINOY — ERACLE
616
Il d'armes étonnants, se précipite au
Il milieu du carnage et est blessée au
» bras. Les assiégés, jaloux de l'imiter,
H se battent avec tant de valeur, que
Il les assiégeants sont repoussés et coîi-
« traints de se retirer après avoir perdu
« beaucoup de monde. «
Cet héroïsme et la blessure reçue sont
attestés par le cardinal Bentivoglio dans
son Histoire des giierres de ïlandre; par
Le Petit, dans sa Grande chronique an-
cienne et moderne, imprimée à Dordrecht;
par Leclercq, dans son Histoire des Pro-
vinces-unies des Pffy6-^«5;parEmmanuel
van MetereUjdans son Histoire des Pays-
Bas; par Strada, qui " a appris de la
» comtesse d'Egmont, dont le père était
Il au siège de cette ville, que la prin-
« cesse avait reçu au bras une blessure.
Il s'étant meslée avec ceux qui combat-
II talent « ; par M. Chotin et par le
comte de Melun, qui partagent l'opinion
d'un autre historien, chanoine de la ca-
thédrale de Tournai.
Ln écrivain distingué, M. Gachard,
dont l'autorité est bien grande, sans con-
tester absolument le fait de la blessure,
émet des doutes sur son authenticité. Il
nous est impossible de partager ce doute,
en présence des autorités que nous
venons de citer. Nous ferons remarquer
queWarny de Wisempier, auteur d'une
relation du siège, ne parle guère de la
gouvernante, si ce n'est pour rapporter
les paroles, faits et gestes qui peuvent
lui nuire dans l'esprit des partisans du
roi; que la lettre de condoléance, écrite
par l'archiduc Mathias à la princesse, à
propos d'une blessure qu'elle avait reçue
en 1579, ne prouve pas que l'héroïne
de Tournai ne puisse avoir été blessée
en 158 J. On a encore objecté que les
dépêches de Farnèse à Philippe II n'en
parlent pas non plus : mais est-il bien
certain qu'aucune de ces dépêches ne se
soit égarée ? Quoi qu'il en soit, malgré
cette belle défense, les forces des assié-
gés diminuaient sensiblement : déjà la
lutte suprême avait coûté près de deux
cents hommes, et l'ardeur des bourgeois
attachés aux idées nouvelles allait en
s'affaiblissant. C'est en vain que la prin-
cesse voulait leur faire partager la réso-
lution de vaincre ou de s'ensevelir sous
les ruines de Tournai. C'est en vain
aussi qu'elle espérait l'arrivée de secours
considérables promis par son mari et par
le duc d'Alençon ; elle dut se résigner à
traiter et à rendre la ville à l'armée
royale.
Elle obtint toutefois, par la capitula-
tion, l'autorisation de pouvoir sortir de
la place avec tout ce qu'elle possédait
et avec la facxdté de se rendre où elle
voudrait. Elle se réfugia à Anvers dans
un couvent et y mourut l'année sui-
vante. A..g. Alvin.
Nobiliaire des Pays-Bas. — Bentivoglio, His-
toire des guerres de Flandre. — Le Petit, Grande
chronique ancienne et moderne, Dordrecht, 1601.
— Leclercq, Histoire des Prorinces- Unies. —
Em. DeMeteren, Histoire des Pays-Bas, i6l8. —
Strada, 1661. — Chotin, AVarny de Wisempier. —
Comte de Meluu, Note présentée n la Société
littéraire de Lille. — Chanoine Voisin de la
cathédrale de Tournai.
EPiiSCOPiiiiii (Philippe), poète latin,
né à Gand. xvie siècle. Voir De Bis-
SCHOP {Philippe).
EPPES {Jean n'), évêque de Liège,
xiiie siècle. Voir Jean d'Eppes.
£RACL.E OUEVERACB.E, XXVe évê-
que de Liège, successeur de Balderic 1er
et prédécesseur de Notger, gouverna
son église « en bon pasteur « pendant
douze ans, de 959 à 971, date de sa
mort (27 octobre). Il appartenait à une
famille noble, d'origine saxonne: mais
c'est à son savoir, à ses qualités person-
nelles et à ses vertus qu'il dut surtout
son illustration. Il étudia d'abord à
Cologne, puis s'initia plus profondément
aux belles-lettres sous la direction du
célèbre et malheureux Rat hère (voy. ce
nom), qu'il connut soit au pays de Liège,
soit en Allemagne. Eracle se plut tou-
jours à le nommer son maître et se fit
un devoir de le soutenir jusqu'à la fin,
dans les circonstances les plus dirticiles.
Nommé, jeune encore, prévôt de l'église
de Bonn, Eracle fut élevé au siège
vacant de Liège sur la recommandation
d'Othon I", qui l'avait pris en affection,
et de l'archevêque de Cologne Brunon,
frère de l'empereur et aussi élève de
Rathère. Il n'est point inutile de noter,
à ce propos, que l'èvèché de Liège ne
617
ERACLE
618
constituait pas, à cette époque, une
principauté indépendante ; les succes-
seurs de Charlemagne en Austrasie se
réservaient le droit d'approuver ou de
rejeter le choix que le clergé et le peu-
ple faisaient d'un pasteur; quelquefois
même ils désignaient leur candidat pré-
féré sans consulter personne (Ij. Hâtons-
nous d'ajouter que ce ne fut point le cas
pour Eracle qui, loin d'être imposé à
ses futures ouailles, put se prévaloir de
leurs suffrages unanimes.
Il justifia bientôt la confiance dont il
était l'objet, en s'appliquant avec un
grand zèle à relever les écoles de Liège,
légitimement célèbres sous l'évêque
Francon, qui y avait importé les tradi-
tions de l'école palatine des Carlovin-
giens. Leur lustre ne s'était point terni
sous Etienne, formé à Metz et placé à la
tète de la savante abbaye de Lobbes
avant d'être appelé à l'épiscopat. Mais
des troubles intérieurs avaient ensuite
agité l'église liégeoise et paralysé les
efforts de Rathère, l'un des hommes les
plus instruits du siècle. Balderic 1er eut
de bonnes intentions, c'est tout ce qu'on
en peut dire. Enfin Eracle parut, et
sous son impulsion vigoureuse, l'école-
cathédrale de Liège ne tarda pas à
occuper le premier rang parmi toutes
celles du nord-ouest de la Germanie.
L'ambition d'Eracle était de la voir
rivaliser avec l'école de Tours, si bril-
lante au temps de Charlemagne. Sa
pensée s'accuse par le seul fait qu'il
adopta saint Martin pour patron ; de
plus, lorsqu'il eut fondé un collège de
trente chanoines sous l'invocation du
même saint, il voulut que des rela-
tions étroites {conjraternitas) s'établissent
entre eux et leurs collègues de la ïou-
raine. Il institua, d'autre part, des cours
d'études dans un grand nombre de mo-
nastères de son diocèse, fit venir de
l'étranger des clercs renommés, et n'épar-
gna point ses propres fonds pour les
récompenser dignement. Il visitait fré-
quemment les classes, ne cessant d'ai-
\\) Vilienfagne, à qui ap|)articnl coUc remar-
que iRech., t. 1, p. '2in\ rétule l'opinioa de ceux
nui prétendent qu'F^acle porta le premier le titre
aévêifue <l>- Litçie ; Farahert aurait déjà pris
cette qualification au concile d'Ingellieim, en 948.
guillonner les élèves, excitant leur ému-
lation, recommandant aux maîtres de
n'abandonner un sujet, dussent-ils y
revenir cent fois, que quand ils seraient
tout à fait sûrs d'avoir été bien compris.
De loin comme de près, il surveillait les
progrès de la jeunesse. Othon et Brunon
l'appelaient souvent auprès d'eux pour
s'éclairer de ses conseils : ces absences
se prolongeaient-elles, il avait soin d'en-
tretenir une correspondance suivie avec
ses collaborateurs : tantôt c'étaient de
petites pièces de vers de sa façon, desti-
nées à stimuler les étudiants, tantôt de
douces exhortations à ses cliersjils, pour
leur faire apprécier les avantages d'une
instruction solide. M. Cramer croit pou-
voir inférer d'un ancien texte {lectiones
majuscidis tradidit), qu'il recommandait
une méthode d'enseignement mutuel ana-
logue à celle qui a illustré de nos jours
le nom de Lancaster. Cette méthode, au
reste, n'était pas nouvelle; on en re-
trouverait des traces jusque chez les
juifs, et elle avait été pratiquée en 521
par Ferreolus, évêque de Xarbonne. On
lit dans sa règle monastique : » Les
» élèves se répartiront en décuries pour
» réciter les psaumes de mémoire ;
// chaque décurie aura son lecteur (son
« moniteur f dirait-on aujourd'hui), qui
« prescrira aux autres ce qu'ils auront
« à faire. « Ce procédé s'est retrouvé
plus tard chez les Frères de la vie com-
mune.
Eracle était passionné pour les sciences ;
dans ses voyages, il saisissait toutes les
occasions d'étendre ses connaissances
en conversant avec des gens d'élite. Il
n'était pas seulement versé dans la litté-
rature ancienne ; les mathématiques et
l'astronomie l'occupaient volontiers. Le
trait suivant prouve du moins qu'il ne
partageait pas les grossières erreurs de
ses contemporains. Othon 1er étant parti
en 969 pour une expédition en Calabre,
l'armée allemande tout entière fut ter-
rifiée par une éclipse totale de soleil. On
crut à la fin du monde, on se débanda,
on chercha des antres pour se cacher.
Eracle, témoin de cette panique, parvint
à ramener et à rassurer les fuyards, en
leur faisant comprendre clairement qu'il
649
ERACLE — ERLEBOLD
20
ne s'agissait que d'uu événement natu-
rel. Le soleil reparut; la peur fit place à
de joyeuses acclamations.
Eracle érigea non-seulement la collé-
giale de Saint-Martin au Publémont,
mais celle de Saint-Paul en Isle; il fonda
en outre la célèbre abbaye de Saint-
Laurent, mais n'eut pas le temps de la
voir achevée : il ne put faire construire
que la chapelle souterraine et quelques
bâtiments qui lui servirent d'abord à
assurer un asile à l'évêque grec Léon,
exilé. On est fondé à croire que ce prélat
employa ses loisirs à initier les clercs
liégeois à la langue de son pays.
Les derniers jours de notre évèque
furent assombris par des désordres pu-
blics dont la véritable cause est restée
un mystère. Voulut-il, comme l'ont pré-
tendu les adversaires de la politique qui
prévalut sous Xotger, asservir la cité,
qui voulait relever directement et uni-
quement de l'empire? Pensa-t-il plutôt
à mettre un frein à l'audace de quel-
ques seigneurs, à contenir leur violence?
Xous n'essayerons pas de résoudre ces
questions. Toujours est-il qu'un homme
de sang noble, Henri de Marlague,
accompagné « de puissants amis et de
jouvenceaux « , envahit le palais épisco-
pal et en vida les celliers si bel et si
bien, disent les chroniqueurs, que les
ruisseaux de vin coulèrent jusque dans
la Meuse. Eracle dédaigna de se venger;
Xotger, plus tard, s'acquitta de ce soin
avec une rigueur qui trahit la barbarie
des mœurs de ce temps : Henri de Mar-
lagne fut pendu avec environ deux cents
de ses adhérents !
Eracle mourut paisiblement, comme
il avait vécu; on l'inhuma, selon son
désir, dans l'église de Saint-Martin. Il
nous reste de lui deux écrits : 1° une
lettre adressée à Eathère, lorsque celui-
ci eut été rétabli sur son siège de Vé
rone. » Quoiqu'elle ne soit qu'une
« effusion du cœur, disent les bénédic-
« tins de Saint-Maur, le style n'en est
u pas assez naturel. « — 2 > La relation
d'un miracle dont il aurait lui-même été
favorise, ayant été guéri par l'interces-
sion de saint Martin de Tours « d'une
espèce de cancer auquel on ne trouvait
aucun remède « . La fondation de l'église
du Publémont et l'établissement de rap-
ports de confraternité entre les deux
églises de Liège et de Tours seraient dus
à cette circonstance. Alphonse Le Roy.
Les historiens de Luge (Fisen, Foullon,etc.). —
Martène, Amptissima coÙectio, t IV. — Gallia
Lhristiana. — Histoire littéraire de la France,
t. Vil, p. 335. — Villenfagne, Recherches. — Cra-
mer, Gesch. des L'nterrichls in deu yiederlanden.
— Stallaert et Vander Haeghen, De l'instruction
publique au moyen âge.
ERARD DE E.% MARCK, dit CÂB-
DiXAL DE Bouillon, prince-évêque de
Liège, mort en 1538. Voir ^Lvkck
(Erakd de la).
ERLEBOLD, XLIVe abbé de Stave-
lot, profès de l'abbaye bénédictine de
Saint-Laurent à Liège. Son frère utérin,
le célèbre Wibald, élu abbé de Stavelot
en 1130, le fit entrer dans cette maison
avec le titre d'archiviste et de chapelain,
et c'est à lui qu'il en confiait l'adminis-
tration pendant ses fréquentes absences.
Il le chargeait de missions plus délicates
lorsque des difficultés s'élevaient entre
les abbayes de Waulsort et de Hastiere.
Erlebold réussit à les aplanir et fut
dépêché à Rome sous Etienne III, à
propos de l'envahissement, par le comte
de X'amur, de la villa de Tourines-la-
Chaussée, en Hesbaye, localité qui ap-
partenait à l'abbaye de Stavelot. Cette
affaire avait été arrangée une première
fois en 1139, par Albéron I^r, prince-
évêque de Liège, mais de nouveaux dif-
férends étant survenus, ce fut seulement
vers 1151 qu'ils prirent fin, grâce aiLN
eff'orts d'Erlebold. Wibald étant mort le
11 juillet 115 S, au moment qu'il reve-
nait d'une ambassade près de l'empereur
d'Orient, à Buthélie en Paphlagonie,
Erlebold fut, à l'unanimité, appelé à lui
succéder. Son premier soin fut de faire
revenir la dépouille mortelle de son frère
à Stavelot, où il la reçut en grf^nde
pompe en 1159. Le prince-évêque Henri
de Leyen assista à cette cérémonie.
Erlebold profita de sa présence pour lui
faire consacrer la chapelle de Saint- Vith,
contiguë à l'abbaye, et que Wibald avait
fait construire. Cette même année il
autorisa Adélard de Roanne à bâtir une
chapelle à Bernard-Fagne (aujourd'hui
6-21
ERLEBOLD — ERMEL
62-2
Saint-Roch), laquelle devint, en 1250,
uu monastère desservi par les frères
Guillemins de Liège, de l'ordre de
Saint -Augustin. En 1161, l'antipape
Victor IV lui accorda le droit de porter
l'anneau, la mitre, la dalmatique, les
sandales, non-seulement sur ses terres
abbatiales, mais encore à la cour impé-
riale. De plus il l'autorisait à haranguer
le peuple dans l'église, fonction qui ne
pouvait s'exercer alors qu'en vertu d'un
privilège ou commission spéciale. Erle-
bold à qui ce privilège avait été confié,
le transmit à ses successeurs, élevés dès
lors comme lui au rang d'abbés mitres.
En 1167, l'évêque de Liège, Alexan-
dre II, accordci à Erlebold la paroissiale
de îStavelot avec les filiales de Roanne,
Gleize et Francorchamps, avantage dont
il profita jusqu'en 1182 et qu'il trans-
mit alors au prieur et à son chapitre, à
charge de célébrer une messe quoti-
dienne. Il renouvela en 1179 la confra
ternité entre les deux monastères de
iStavelot et de Malmèdy, de même
qu'avec le chapitre de Sainte-Marte ad
gra/ht-Sy à Cologne, et la maison de Cor-
nelimunster. Malmédy doit à la charité
de ce dignitaire l'érection de la chapelle
de tSainte-Marie-Madeleine, dite des
Malades, qu'il dota pour y recevoir les
ladres : telle fut l'origine du premier
hospice de Stavelot, dont la chapelle,
reconstruite depuis, existe encore. En
1192, Erlebold, très-àgé et voulant
mieux se préparer à la mort, se démit
volontairement de sa charge. Il expira
le 4 mars 1193. Tout porte à croire
qu'il était, de même que Wibald, né au
pays de Stavelot, Leur frère Erhebert
était chancelier de l'empereur Conrad,
qu'il accompagna en Palestine, en 115 8.
Le château paternel, dont il était devenu
possesseur, lui fut enlevé avec d'autres
biens appartenant à l'abbaye, par Henri
de Laroche, que l'évêque de Liège
admonesta pour ce fait, au nom du
pape. La sœur de Wibald, d'Erlebold et
d'Erhebert prit le voile au monastère de
Gerisheim, dont elle devint abbesse.
J. s. Renier.
Manuscrit De Villers. — A. de Noue. — A. Cour-
lejoie. — Ue Becdelicvrc, litoijrapliie liégeoise,
k la date 1166.
ERMEii {Louifs-Comtant)y instrumen-
tiste et compositeur, né à Gand le 37 dé-
cembre 1798, mort à Paris en 1870. Il
apprit les éléments de la musique et l'art
du pianiste, sous la direction de son
père, originaire de Mons, et établi dans
la ville de Gand dès l'année 1762.
Pianiste distingué, compositeur et chan-
teur aimable , » personne , dit 1'^»-
tiuaire dramatique hehje pour 1843, ne
Il chantait la romance avec plus de goût
Il et de pureté \ sa méthode d'enseigne-
II ment était excellente et éprouvée, et
« nombre de nos pianistes les plus bril-
II lants dans les classes distinguées de
" la société étaient ses élèves. Ermel
Il a également écrit la musique et sou-
II vent les paroles de plusieurs canti-
" lènes et aria qu'on entend quelque-
'/ fois chanter, et qui plaisent, sinon
" par la fougue et la verve du composi-
« teur, du moins par la vérité et les
Il grâces de l'expression et du senti-
" ment. »
Louis Ermel doué des plus heureuses
dispositions, put, à peine âgé de huit ans,
tenir le piano dans un trio de Haydn.
Pour compléter son instruction musi-
cale, il se rendit à Paris et entra, en
1820, comme élève au conservatoire de
cette ville, où il obtint de brillants suc-
cès. L'année même de son admission, il
remporta le premier prix d'harmonie et
le second de piano; en 1821, le pre-
mier prix de piano et le second prix
de fugue. En 1823, lors du concours à
l'Académie des beaux-arts, de l'Institut
de France, il reçut le grand prix de
Rome. -Le sujet du" concours était la can-
tate avec orchestre de Pyrame et Thishé.
Ce succès lui donnait le titre et les
avantages de pensionnaire du gouver-
nement, avec un traitement annuel de
3,600 francs, pour voyager pendant
trois ans à l'étranger. La société royale
des Beaux-Arts de la ville de Gand lui
décerna en séance publique une médaille
d'or, comme expression de satisfaction.
Ermel résida plusieurs années en
Allemagne et en Italie, visita successi-
vement Rome, Naplcs et Milan. A son
passage par Florence, le grand-duc de
Toscane le détermina à se rendre à
623
ERMEL
ERMENS
6-24
Vienne, où l'empereur le combla de
présents.
On connaît de lui : lu Une ouverture,
exécutée à Vienne à la cour impériale.
— 2° Une messe à grand orchestre, qu'il
envoya, en 1826, de Vienne à la société
royale des Beaux-Arts de Gand, comme
témoignage de reconnaissance et qui fut
l'objet , à l'Institut de France , d'un
rapport spécial, très -flatteur pour le
jeune compositeur; la société des Beaux-
Arts de Gand fit exécuter solennelle-
ment cette messe dans l'église de Saint-
Michel, en présence des autorités. —
3" Une cantate, intitulée le Drapeau
belge, composée en 1834, lors du con-
cours pour l'anniversaire de la révolu-
tion de 1830, et qui lui valut le se-
cond prix. — -lo Le Testament, opéra
comique en un acte, représenté à Liège,
le 6 mars 1836, puis au théâtre de
Bruxelles, en 1838. — 5» Un solfège
choral transporté, pubUé à Paris chez
Brandus, in-8o. — 6o Un Stabat mater,
à grand orchestre, exécuté dans diffé-
rentes églises. Cette œuvre, couronnée
en 1 841 , par la société royale des Beaux-
Arts, fut chantée ensuite par la société
des chopurs et les élèves du conserva-
toire de musique, accompagnés d'un
orchestre de quatre-vingts musiciens.
Le Messager de Gand, rendant compte
de cette solennité, accorda les plus
grands éloges à cette composition, et
finit son appréciation en disant que
« chaque partie de cette œuvre, qui
» suflirait pour assigner à l'auteur une
« place distinguée parmi les composi-
• teurs dont la Belgique s'honore, a été
" accueillie par des applaudissements
« souvent réitérés de l'assemblée. »
A la sollicitation de la société royale des
Beaux-Arts, le ministère de l'intérieur
accorda un subside à l'auteur pour pu-
blier cette vaste composition religieuse.
Aiig. V.indiT .Meersch.
Fr. P'élis, Biographie des mnsii ietis,^'' édiiion.
— Edm. De Busscher, Précis historique de la so-
ciiié royale des lieaitx-Àris de Gand, p. i06 et
I.To-l.')7. — Supplément et cowplonent a la Bto-
(jraphie universelle des musiciens de F.-J. Fetis,
par A. Pougin, 1878. — Renseignements |)arli-
culiers.
KRMKXA {Joseph), bibliophile, né à
Bruxelles en 1736, où il fut baptisé le
18 mars dans l'église de Saint-Xicolas,
mort dans la même ville le 27 ventôse
an XIII (18 mars 1805).Ermens étaitfils
de Corneille Ermens et de Catherine van
Ophem. Il fut longtemps établi Marché
aux Charbons et expira rue du Petit-
Coq (ou de la Chapelle), laissant pour
héritier son frère Lambert.
Ermens n'était pas seulement un édi-
teur actif, mais il était aussi un bon
bibliophile et il prit une grande part au
mouvement littéraire qui se manifesta
dans les Pays-Bas autrichiens, sous les
règnes de Marie-Thérèse et de Joseph II.
Il a réédité plusieurs bons livres aux-
quels Paquot avait ajouté des notes, tels
que V Histoire du comté de Namur, de
De Marne (Bruxelles, 1781, 2 vol.
in-8o); VHistorice Flandriœ synopsis,
ab anonynio scriptore, Flandriœ generosœ
titulo, circa annum 1162 exhibita, que
Galopin avait publié en 1643 (Bruxelles,
1781, in-4o); le Traité de V origine des
ducs et du duché de Brabant, de De Vad-
dere (Bruxelles, 1783, 2 vol. in-8o). Le
travail de Verhoeven : Algemeyne inley-
dinge tôt de aloude en middentydsche
BeJgische historié fBrux., 1781, in 4'),
a aussi paru chez lui, ainsi que quelques
contrefaçons : V Histoire de Marie de
Bourgogne, de Gaillard (nouvelle édition
précédée d'une préface historique et cri-
tique. Bruxelles, 1783, in-12), et V His-
toire du cardinal Granvelle, par Denans
de Courchetet fédition dont l'introduc-
tion est curieuse par les particularités bi-
bliographiques qu'elle renferme. Brux.,
1784, in-12.)
On lui doit plusieurs publications qui
ont au moins le mérite d'être utiles,
telles que : Le Recueil chronologique de
tous les placards, édits et o^rdonnances qui
se trouvent dans les vingt-quatre volumes
de la collection complète, in-folio, des pla-
cards de Brabant et de Flandre, et dans
le livre intitulé : Jurisprudentia heroica,
de Christyn, concernant les titres et mar-
ques d'honneur ou de noblesse, depuis
Van 1763 iicsquà la fin de Vannée 177'J
(Bruxelles, 1780, in-S^); — la Table
alphabétique des auteurs et une autre des
ouvrages anonymes du catalogue des livres
(j-25
ERMENS
626
choisis de la bibliothèque des ci-devant
jésuites des Pays-Bas (Bruxelles, 1780,
in- 8"); — les Tables alphabétiques pour
servir àV ouvrage du baron Le Roy , intitulé
Notitia marchionatus 8acri Romani im-
per ii, do7it la première fait mention des
familles, la secotide des armoiries et sceaux
des familles tiobles, et la troisième des
villes, bourgs, villages, hameaux et monas-
tères mentionnés dans cet ouvrage (Brux.,
1781, in-fol.); — \^ Liste des titres
de noblesse, chevalerie et autres marques
d'honneur , accordés par les sotcverains
des Pays-Bas depuis Fan 1Q^9 jusqu'à la
fin de 1782, etc., (Bruxelles, 178-4,
in-8o) ; un nouveau Recueil chronologique
«emblable à celui cité plus haut, mais
comprenant le texte des diplômes de-
puis 1431 jusqu'au mois de mai 1785,
avec tables chronologiques et alphabétiques
(Brux., 1785, 2 vol. in-8o). On lui doit
également des reproductions de plu-
sieurs livres et brochures devenus rares,
tels que la liste intitulée : Prélats,
barons, etc., de ceste illustre duché de
Brabant, par de l'Espinoy,' publié à An-
vers, chez Gérard Vanden Kerckhove,
en 1628; — le Kort begryp en bericht
van de historié van Brabant, de Haver-
mans, qui avait paru à Leyde, en 1656,
in-40 ; ■ — • le Kluchtich en belachelyk ver-
hael van aile het gène men roept, ... op de
straeten van Brussel, bluette qui date du
commencement du xviie siècle et qui,
moins dédaignée que les meilleurs livres,
a eu l'insigne honneur d'avoir plusieurs
éditions. Enfin Ermens a rédigé avec
soin et enrichi de notes utiles les cata-
logues de plusieurs bibliothèques impor-
tantes et collections d'objets d'art.
Ermens annonça encore, sans toute-
fois pouvoir en hasarder la publication,
les deux ouvrages ou plutôt les deux
compilations suivantes : Table chronolo-
gique des ducs de Loth ier , de Brabant , etc . ,
leurs gouverneurs généraux et capitaines
généraux desdits pays et duchés, depuis
Godefroid dit à la Barbe, dtic de Lo-
thier, etc., jusqu'à V avènement de V empe-
reur Joseph LI, présentement régnant (un
volume in-8o), et Supplément aux pla-
cards de Brabant depuis 176!J jusqu'à
présent, avec trois tables en français et en
flamand de toute la collection (3 volumes
in-folio). Mais l'œuvre à laquelle Ermens
consacra presque tous ses loisirs, celle
par laquelle il espérait se faire une ré-
putation, c'est sa Bibliographie histo-
rique des, Pays-Bas, travail que l'on
réclame depuis longtemps et qu'aucun
bibliophile ne daigne nous donner pour
toute sorte de motifs moins sérieux les
uns que les autres et en place duquel
nous avons des bibliographies partielles
dont l'absence causerait moins de dé-
plaisir. Au surplus, Ermens, comme
De Reiffenberg l'a dit {Bibliophile belge,
t. I, p. 453), avait des instincts litté-
raires, mais malheureusement très-mal
secondés par ses connaissances et la cul-
ture de son esprit. Les notes qu'il a
laissées dénotent un compilateur infati-
gable ; elles ne révèlent en aucune façon
l'intelligent appréciateur du mérite d'un
bon livre et de son importance. Après
avoir obtenu pour l'entreprise qu'il
méditait un octroi exclusif, en date du
12 juillet 1783, Ermens quitta la pro-
fession de libraire dans l'intention de
faire un voyage en France et dans les
Provinces-Unies, afin d explorer les bi-
bliothèques et d'y prendre note des livres
qui avaient échappé à ses investigations.
Les événements qui survinrent l'empê-
chèrent de réaliser ce projet, et lorsque
Ermens mourut, la Belgique était unie
à l'empire français et ses souvenirs his-
toriques s'oubliaient. Notre libraire,
qui avait tant travaillé pour en ranimer
le culte, s'éteignit sans que, pour ainsi
dire, on y prît garde.
Il avait rédigé le catalogue de sa
bibliothèque, qui forme trois volumes
in-8". On en opéra la vente en novem-
bre 1805. Van Ilulthem acheta alors une
partie de ses manuscrits, qui ont passé
depuis dans la Bibliothèque royale. Ceux
que ce dépôt possède sont les suivants :
No 13944, Catalogue d'une bibliothèque,
2 vol. in-folio, ne comprenant que des
titres. — N'^s 13982 et 17810 (en dou-
ble), portant pour titres : le premier,
Liste alphabétique des historiens des Pays-
Bas; le second, qui a été ainsi qualifié
par V^an W\\\t\\em, TAste par ordre alpha-
; bétique des auteurs belgiques qui se trou-
6-27
ERMENS — ERMESINDE DE NAMUR
628
vetit dans les ouvrages de Valère André,
François Stveertius, Jean-Tranqois Fop-
petis, Nicéron et Jean-Noël Paqiiot, avec
une itidication des livres et de la page de
tous les auteurs compris dans ces quatre
ouvrages, 1790 ; à la fin il y a un cahier
in-4o, intitulé : Tahle des auteurs conte-
nus dans la Bibliographie des Pays-Bas de
J. Firraens en quatre volumes . — No 1 4 6 0 7 ,
Notes bibliographiques, petit in-4 '. —
No 17641, Histoire de la vie de Sigebert
de Gembloux, avec un catalogue raisonné
de ses ouvrages, écrit de la viain de Joseph
Ermens, petit in-folio de 61 feuillets. —
No 17807, Index scriptortim rerum Bel-
gicarnm auctore Joan. Baptista Ver-
dussen, scabino Antverpiensi, nunc exma-
nuscripto autographo quod extat Brtixellis
in bibliotheca puhlica dicta Burgundica in
sex vol. if i folio, descripfus et duplo
auctus a Joanne3rmens,bibUopola bruxel-
lensi; les livres sont ici rangés par noms
d'auteurs et de localités. — N" 17809,
Notice sur les ouvrages d. Aubert le Mire,
par Joseph Ermens, de Bruxelles, in-4o
de 14 pages. — Nos 17811, 17815
et 17817, Bibliographie historique des
Pays-Bas, 5 vol. in fol. et 1 vol, in-4j.
— No 17869, Trois tables des livres
imprimés dans le xve siècle que Von
trouve dans les troisième et ^^latrième ca-
taloguef des livres des couvents supprimés
(en 1784, par l'empereur Joseph II),
dont la première contient la table des au-
teurs et de leurs ouvrages, la deuxième
la table des villes où, lesdits ouvrages sont
imprimés, et la troisième celle des impri-
meurs des mêmes livres (ms. iu-8o, datant
de 1792.)
Il On ne peut refuser à M. Ermens, dit
Van Hulthera, dans une note placée
en tète de la Bibliographie historique des
Pays-Bas, et qui a été reproduite dans
la Bibliotheca Hulthemiana (tome VI,
p. 265), de grandes connaissances bi-
bliographiques. Les titres des livres
sont transcrits en entier avec exactitude;
il a connu la plupart des éditions des
livres anciens et indique un grand
nombre de manuscrits peu connus sur
l'histoire des Pays-Bas. 11 se contente
pour l'ordinaire de rappeler sur la plu-
part de ces ouvrages le jugement d'au-
tres auteurs, tels que Baillet, Paquot,
Feller, etc.; il n'avait pas assez lu lui-
même et n'était pas suffisamment instruit
pour donner son propre jugement sur
ces ouvrages ; il a néanmoins beaucoup
fait et les amateurs de l'histoire belgique
lui en doivent de la reconnaissance.
Cependant beaucoup de ces notices sont
incomplètes ; un grand nombre de bons
ouvrages lui sont restés inconnus. Sa
diction manque de pureté et les mêmes
expressions y reviennent trop souvent.
Il serait impossible d'imprimer ces arti-
cles tels qu'ils sont écrits par l'auteur.
Ce sont de précieux matériaux dont
quelqu'un qui voudrait faire un pareil
ouvrage pourrait se servir avec avan-
tage. Les titres sont exactement tran-
scrits, mais presque toutes les notices
devraient être refaites. « Cette apprécia-
tion, fort juste, du mérite d'Ermens,
nous exempte d'en présenter une autre.
Alphonse Waulcrs.
Bibliotheca Hulthemiana, t. I, p. XXV, et t. VI,
p. 265. — Bibliophile belge, passim.
er:«be:!§i:vde de iîamcb, dite aussi
Ermexsox ou Ermexsette, comtesse de
Luxembourg, née en 1186, morte le
11 février 1247.
Henri l'Aveugle, comte de Namur et
de Luxembourg, vivait depuis quinze
ans séparé de fait de sa femme, Agnès,
sœur du comte de Gueldre, lorsque
tout-à-coup il se rapprocha d'elle. Le
chroniqueur hennuyer Giselbert ajoute
avec un dépit marqué, que ce rappro-
chement eut lieu à la suggestion de
l'archevêque de Cologne, du comte de
Flandre Philippe d'Alsace et du duc de
Louvain Henri 1er. D'après lui, ces
princes travaillaient à faire déshériter
par Henri l'Aveugle le comte Baudouin ,
le protecteur de Giselbert. Agnès ne tarda
pas à devenir mère d'une fille, à laquelle
on donna le nom d'Ermesinde, qui avait
déjà été porté par son aïeuie paternelle
(juillet 1186).
Cette naissance imprévue anéantissait,
en effet, les espérances du comte Bau-
douin. Quelles que fussent les conven-
tions conclues entre lui et le comte de
Namur, celui-ci ne pouvait de gaieté de
coeur dépouiller entièrement sa fille. Si
629
ERMESINDE DE NAMUR
630
l'on objectait son sexe pour lui refuser la
possession de ses domaines, on pouvait
répondre en son nom qu'une Ermesinde
avait porté le comté de Luxembourg à
Godefroid, comte de Namur, le père
d'Henri l'Aveugle, et que c'était une
femme, la comtesse Kichilde, qui avait
procuré la possession du Hainaut à la
famille comtale de Flandre. Ces considé-
rations n'empêchèrent pas le comte Bau-
douin de poursuivre avec un acharne-
ment sans exemple, et en tout cas peu
honorable, la déshérence de la jeune
Ermesinde. Vers les Pâques de 1187,
sur le bruit, plus ou moins fondé, que le
comte de Xamur voulait négocier le
mariage de cette princesse et d'Henri,
comte de Champagne, il envoya à l'em-
pereur Frédéric l'abbé de Saint-Ghislain
et ce même Gislebert qui nous a raconté
ces événements, en assignant toujours,
on le comprend, le beau rôle à son
maître. Frédéric, qui se trouvait à Toul,
répondit qu'à la mort du comte de
Xamur, il se réservait de conférer ses
fiefs et qu'il ne les concéderait qu'à
Baudouin, à qui il avait déjà donné le
tout, fiefs et alleux; que, pour ce qui
était des alleux en particulier, jamais
personne du royaume des Français ne
pourrait les acquérir. Politique vraiment
habile, qui favorisait sous tous les rap-
ports le plus actif agent de la politique
française en Lotharingie et qui donne une
idée singulière de la manière dont les
faits étaient exposés à Frédéric !
Le comte de Champagne n'en vint
pas moins à Namur au mois de juillet,
s'engagea, par son serment et celui de
ses chevaliers, à épouser Ermesinde et
la fit aussitôt conduire dans ses Etats.
Baudouin, de son côté, ne cessa d'agir
auprès de l'empereur, mais, quoi qu'en
dise (jislebert, il ne put obtenir tout ce
qu'il aurait voulu, car, en 1188, nous
voyons Baudouin réconcilié en apparence
avec son oncle et adopté par celui-ci
comme héritier du comté de Xamur, sans
qu'il soit question du Luxembourg,,
auquel, à partir de ce moment, Bau-
douin semble avoir renoncé. Mais il ne
tarda pas à se brouiller avec son oncle.
Près de Naraur même, il fit brûler un
malfaiteur, comme s'il était déjà le
maître du comté, et une entrevue qu'il
eut ensuite avec son oncle fit éclater
une guerre, pendant laquelle Namur fut
pris, pillé et brûlé. Henri l'Aveugle
fut soutenu par le comte de Champagne
et le duc Henri 1er, tandis que Baudouin
continuait à s'appuyer à la fois sur le
roi de France et sur l'empereur. Mais
sa politique toute personnelle lui aliéna
bientôt le premier de ces monarques, et
le second ne lui concéda que les alleux
namurois, dont il constitua, avec les
fiefs de Namur, de La Eoche et de
Durbuy, une seule tenure qui fut érigée
en un marquisat, qui devait rester uni
au comté de Hainaut.
Henri l'Aveugle paraît être mort en
1196. L'empereur Henri VI, fils de
Frédéric Barberousse, avait donné le
Luxembourg à son frère Othon, comte
de Bourgogne, mais cet acte de spolia-
tion ne s'accomplit ou ne subsista pas.
Ermesinde avait été rendue à son père
depuis plusieurs années, et le comte de
Champagne avait renoncé à sa main.
Thibaut, comte de Bar, à qui elle fut
mariée, détermina le comte Othon, dit
le chroniqueur Albéric, à prix d'argent,
à renoncer à ses droits. Puis il com-
mença à guerroyer contre Philippe, à
qui son père Baudouin V, comte de
Hainaut, avait laissé le marquisat de
Namur. Soit que le comte de Bar ait
remporté de grands succès, soit que l'on
désirât extrêmement le faire entrer dans
la ligue formée sous les auspices de l'Angle-
terre contre la France et contre Philippe
de Souabe, frère et successeur d'Henri VI,
Thibaut obtint, le 26 juillet 1199, la
conclusion d'une paix qui lui assura la
possession de toute la partie de l'héri-
tage d'Henri l'Aveugle, située à l'est
de la Meuse, sauf la forêt d'Arche et le
territoire qui se trouve entre cette forêt
et le fleuve.
Thibaut mourut le 12 février 1214,
après avoir légué ]\Iarvilleet son château
à sa femme et aux enfants qu'il avait eus
d'elle et dont on ne connaît qu'un seul :
Isabelle ou Elisabeth. La comtesse ne
tarda pas à se remarier à Waleran, fils
d'Henri, duc de Limbourg. En faveur
631
ERMESINDE DE NAMUR — ERNEST DE DAVIÈRE
632
de cette union, Henri fit don d'Arlon et I
de sou marquisat à son fils, à Ermesinde ]
et aux enfants qui naîtraient d'eux , j
à condition de relever ce domaine du j
duché de Limbourg et de ne confier la
garde du château d'Arlon qu'à des vas-
saux des comtes de Luxembourg, de
La Roche et de Durbuy (mai 1214). L'ne
seconde alliance resserra encore les liens
qui venaient d'unir les maisons de
Luxembourg et de Limbourg; Isabelle
de Bar, fille d'Ermesinde et de son pre-
mier mari, devint la femme de Waleran
de Limbourg, seigneur de Fauquemont
et de Alontjoie, fils de Waleran et de
sa première femme.
Possesseur à la fois du duché de Lim-
bourg, du marquisat d'Arlon, des comtés
de Luxembourg, de La Roche, de Dur-
buy, d'une partie du Xamurois, de
l'avouerie de S^tavelot, Waleran fit ré-
gner dans l'Ardenne une tranquillité
inaccoutumée, malgré quelques guerres
dont il sortit avec honneur, mais il
mourut dès 1226, cinq ans seulement
après son père. Le Limbourg et le
Luxembourg furent alors séparés de
nouveaii. Tandis que le premier de
ces Etats reconnaissait pour souverain
Henri, le fils aîné de Waleran, le se-
cond continua à être gouverné par Er-
mesinde, qui se montra à la hauteur de
cette tâche. Elle marqua son règne par
deiix grandes chartes qu'elle accorda
aux villes d'Echternach et de Luxem-
bourg et par lesquelles elle y améliora
considérablement la situation des bour-
geois (novembre 1236 et août 1243).
Elle accorda de nombreux privilèges aux
maisons religieuses et, en particulier, à
l'abbaye de Xotre-Dame ou du ^Munster
de Luxembourg , à laquelle elle con-
firma, le 24 octobre 1231, le droit de di-
riger et de surveiller les écoles de cette
ville. La maison pieuse de Beaulieu ou
de Clairefontaine, de l'ordre de Cîteaux,
située à une lieue d'Arlon, fut fondée
par elle, et la prédilection d'Ermesinde
pour les religieuses qui y habitaient alla
si loin que, le 11 février 1246-1247,
elle leur légua son haras, q\ii consistait
eu 64 juments et 9 poulains, des mou-
tons, etc. La comtesse de Luxembourg
mourut, pleine de gloire, le 17 du même
mois, et fut enterrée dans l'abbaye de
Clairefontaine. Elle avait eu de Waleran
trois enfants : Henri, surnommé le
Blond, qui fut, après elle, comte de
Luxembourg et de La Roche; Gérard,
qui reçut en partage le comté de Dur-
buy, et Catherine, femme de Mathieu,
duc de Lorraine. Alphonse Wauters.
fiislebert, Chrotiica llannomœ, p. 1î)4. 159, i61,
177, 192, etc. (édit. du marquis de Chasteler;. —
iîerlholet. Histoire du duché de Luxembourg,
t. IV, p. 228 et suiv. — Ernst, Histoire du Lim-
bourg, t. IV, p. Il et suiv.
ERMITE. Voir L'hermite.
ER!VE!iiT DE B.^TIÈRE, 89e évêqUC
de Liège, fils d'Albert Y, duc des deux
Bavières et comte palatin du Rhin, et
d'Aune d'Autriche, fille de l'empereur
Ferdinand I", naquit le 17 décembre
1554 et mourut le 17 février 1612,
au château d'Arnsberg en Westphalie.
Le cumul des dignités ecclésiastiques
n'était pas rare à cette époque ; Ernest
nous en fournit un curieux exemple.
Pourvu de l'évêché de Freisingen dès
l'âge de onze ans (1565), il obtint en
outre, en 1575, celui de Hildesheim ; le
30 janvier 1581 (1), il fut élu évèque et
prince de Liège; le 11 février suivant,
prince-abbé deStavelot, et dans le cou-
rant de la même année, prévôt de Mag-
debourg; le 23 mai 1583, archevêque-
électeur de Cologne ; enfin, évèque de
^lunster en 1585, en remplacement de
Guillaume de Meurs, duc de Clèves et
de Juliers, qui venait de renoncer à son
diocèse pour se marier. C'est ainsi que
l'appât du pouvoir temporel introduisait
des abus dans le régime de l'Eglise:
ajoutons que notre prélat quitta ce
monde sans avoir été sacré.
Son prédécesseur à Liège n'avait pas
eu un règne paisible. Les religionnaires
levant partout la tête ; la neutralité per-
pétuelle du pays, quoique garantie par
les grandes puissances voisines (traité
de Senlis, 23 mai 1493), méconnue en
toute occasion par les gens de guerre ;
(i) l.e 29, selon Koullon, le Hl, d'après Bouille,
le 28 février au dire de Lovens : le MS. Delvaulx
(Bibl. de Lier/r, n" 82:-!) rélahlit la vt-rilaMe dali^
(l. V).
633
ERNEST DE BAVIÈRE
-634
les Liégeois jaloux de se gouverner eux-
mêmes et intentant un procès à leur
prince pour la garde des clefs de la cité,
ville libre et impériale : autant de sombres
nuages à l'horizon. Voyant approcher
sa dernière heure, Gérard de Groesbeek
(voir ce nom) résolut d'assurer l'avenir
en recommandant au Chapitre cathédral
un chef d'Etat assez puissant pour se
faire respecter des étrangers et, d'autre
part, assez ferme pour tenir en bride un
peuple turbulent. Il fit choix d'Ernest
de Bavière qui, par son caractère, comme
par son rang et ses alliances, répondait
en effet plus que tout autre à l'idéal
qu'il avait conçu. Cependant à peine le
siège fut-il vacant, que deux concur-
rents redoutables se présentèrent : d'un
côté, François de Valois, duc d'Anjou
et d'Alençon, frère du roi de France
Henri III; de l'autre, l'archiduc Ma-
thias, appuyé par les Etats des provinces
confédérées établis à Anvers, par le
Conseil de Brabant et par les Etats infé-
rieurs réunis à Delft, ceux-ci agissant
auprès des bourgmestres. Alexandre de
Parme députa le conseiller Vanderburch
à Liège, pour engager le Chapitre à
éconduire ces prétendants; sa démar-
che réussit, mais sans profit pour l'Es-
pagne. Le chanoine Charles d'Oyem-
brugge de Duras se rendit en Alle-
magne, dans le but de décider le protégé
de l'évêque défunt à partir sur-le-champ
pour Liège et à venir en personne se
recommander à ses collègues. Ernest
arriva le 24 janvier 1581, et aussitôt
tout'is les voix lui furent acquises. Ce
fut le signal d'une allégresse générale :
aux espérances que faisait naître la haute
position du nouveau prince se joignaient
les séductions de son éloquence et de ses
manières ; nul ne songeait alors qu'un
souverain pour qui la principauté de
Liège n'était, en définitive, qu'une pos-
session accessoire, pourrait, tôt ou tard,
dans des circonstances données, trouver
gênantes les libertés publiques et en
faire bon marché. On sut plus tard à
quoi s'en tenir (voir les articles Ferdi-
nand et Maximiliex-Henki de Ba-
vière).
Tous les historiens liégeois se sont plu
a décrire, d'après Jean Polit (voir ce
nom), historiographe et poète officiel,
les fêtes splendides du 15 juin 1581,
date de la Joyeuse entrée d'Ernest (1).
Le prince, parti le matin de Visé, fut
reçu au rivage de Coronmeuse par les
officiers de la cité et conduit à la cathé-
drale en grand cortège. Les bourgmestres
lui présentèrent les clefs magistrales ;
mais il eut soin de les leur remettre
aussitôt : Vous les avez toujours gardées,
dit-il, et f ose espérer que vous les gar-
derez toujours loyalement. La porte de la
ville (S-aint-Léonard) ne s'ouvrit, d'après
cela, que sur une injonction consulaire.
Pendant le trajet, le prince n'eut pas à
prêter moins de quatre serments : d'abord
il promit de respecter les anciennes Pa^'or,
notamment celle de Fexhe (de 1316);
ensuite les arbalétriers lui ayant présenté
leur drapeau, il s'engagea à ne point
les troubler dans leurs privilèges sécu-
laires; en présence des échevins, il jura
de faire rendre la justice selon les cou-
tumes et usages du pays; enfin, parvenu
à l'église Saint-Lambert, il acheva de se
lier en adhérant à une capitulation écrite
où étaient nettement résumés, en quel-
ques articles, les points fondamentaux
du droit public liégeois. Les Etats s'as-
semblèrent le même jour : il les remercia
respectueusement, puis leur demanda de
continuer à prélever la contribution
extraordinaire de 12,000 florins décrétée
pour la réparation des places fortes. Les
trois ordres y con^^entirent pour deux
ans, et incontinent le don gratuit d'usage
fut offert à l'évêque. Les cérémonies de
l'inauguration et du serment se répétè-
rent les jours suivants dans les bonnes
villes; notons en passant qu'Ernest fut
le dernier prince qui alla s'y faire recon-
naître. Il rapporta de cette tournée, dit
M. Henaux, les impressions les plus
défavorables : élevé dans la féodale
Allemagne, il ne comprenait rien à l'at-
titude de ses sujets des rives de la Meuse;
1) Voici ]e titre exact de la relation de Polit :
Révérend, ac Seren. Principts Ernesli, ittriusqiie
Bavariœ ducit, in Leodiensium principum XENO-
TIMIA, illiu.iqite in suain civitaiem, ac rcliquas
Leodiurr palriœ urbes solennis Inauguratio, etc.,
a Johanuc Poliio Leodio. Coloniae Agrippinae,
apud Jo. Gymnicum, in Monocerate. MDLXWlil,
petit in-S".
635
ERNEST DE BAVIÈRE
636
au lieu de lui montrer une humble sou-
mission, ils n'avaient parlé que de leurs
libertés, de leurs franchises, de leurs
droits. La lutte était imminente : le
procès des clefs, que le prélat semblait
avoir terminé le jour de sa réception, fut
même recommencé sur nouveaux frais.
Mais, comme il était à prévoir, ce
furent là les moindres préoccupations
d'Ernest : les affaires du dehors absor-
bèrent de plus en plus son attention.
Après avoir pris des mesures sévères
contre les soldats vagabonds et les gens
de rapine qui fourmillaient dans le
pays, il se rendit dans le pays rhénan
sur l'invitation de l'empereur, pour
affaires de religion. En avril 1.581, il
avait déjà été envoyé en qualité de com-
missaire impérial à Aix-la-Chapelle, où
les calvinistes, formant un parti puis-
saut, réclamaient avec énergie le libre
exercice de leur culte : c'est de là qu'il
était venu se faire inaugurer à Liège.
L'année suivante, ce ne fut plus seule-
ment à des difficultés locales qu'il eut à
faire face. Gebhard Truchsess, arche-
vêque de Cologne, devenu éperdument
amoureux de la belle chanoinesse Agnès,
fille du comte (jeorges de Mansfeld,
venait d'embrasser le calvinisme et de
contracter mariage, mais n'en pi'éten-
dait pas moins conserver son électorat.
Lue diète s'ouvrait justement à Augs-
bourg; beaucoup de princes protestants
y siégeaient; Gebhard crut pouvoir
compter sur leur appui. Le sénat et le
chapitre de Cologne s'émurent ; à la
suite d'une entrevue secrète arec Ernest,
qui faisait aussi partie de l'assemblée et
y déployait une activité influente, ils op-
posèrent à l'archevêque apostat une ré-
sistance inébranlable. L'empereur et le
pape, de leur côté, n'étaient pas sans
éprouver de vives inquiétudes. Si Geb-
hard persistait dans sa défection, non-
seulement on pouvait craindre de voir
les provinces du Rhin se détacher de la
vieille Eglise, mais sur les sept électeurs
il ne resterait plus que trois catholiques :
la prépondérance de Jiome et de la poli-
tkjue de Charles-Quint serait donc com-
promise en Allemagne ! Tous les efforts
ayant échoué auprès de Truchsess, une
sentence d'excommunication et de dé-
position fut solennellement lancée, et le
23 mai 1583, ainsi qu'on l'a dit plus
haut, Ernest fut élu, à l'unanimité,
archevêque et électeur de Cologne. Il ne
put toutefois être inauguré que l'année
suivante : Truchsess tenait la campagne
et avait noué des alliances, entre autres
avec le palatin .Jean-Casimir. Le Bava-
rois leva des troupes à Liège ; leur bra-
voure et l'habileté de leur commandant,
Herman de Linden, contribuèrent pour
une large part à faire tomber en son
pouvoir les principales forteresses de la
principauté . Les luthériens finirent pour-
tant par se fatiguer de soutenir un prince
qui avait préféré la doctrine de l'Eglise
réformée à la confession d'Augsbourg :
abandonné à lui-même, l'époux d'Agnès
se vit réduit à chercher un refuge à
Pelft, oii l'assassinat du Taciturne
acheva de le déconcerter. Elisabeth re-
fusa de l'accueillir en Angleterre; il
reparut sur les bords du Rhin, rentra
même un instant dans Bonn, mais ne
put s'y maintenir, et après avoir perdu
Rheinberg, son dernier boulevard, alla
mourir o\iblié en Hollande, le 21 mai
1601(1).
La guerre de Cologne et la prise de
possession de l'évêché de Munster ne
permirent pas à Ernest, jusqu'en 1586,
de faire de longs séjours à Liège. Quel-
ques faits importants se rattachent néan-
moins à cette première période de son
règne : l'établissement définitif des jé-
suites dans la cité, l'adoption du calen-
drier grégorien, la publication du con-
cile de Trente. Quelques Pères de la
compagnie de Jésus s'étaient installés à
Liège dès 1566 (2), sous (jérard de
Groesbeek; leurs prédications les avaient
mis en renom; ils passaient du reste
pour de simples missionnaires. Les
princes-évêques leur réservèrent bientôt
un autre rôle. Les Hiérorymites ou
Frères de la rie commune tenaient depuis
longtemps dans Vile aux Hochets, à
(1) Midi, ab Isselt, De /> Colon, lib. /!', Col.
1584, in-8'. - J -D Koeleri, De acivt et factis
Gebli. Truclisessii, Altd. I72:V
(2) Leur première apparilion remonte plus
haut; mais ce n'est (iii'alors ([u'ils |irirenl ■■ une
espère de domicile •
637
ERNEST DE BAVIÈRE
638
l'endroit même où s'élève actuellement
l'Université, des écoles populaires et un
collège d'humanités qui avait jeté un
certain éclat ; mais soit que leur insti-
tution fût tombée en décadence, ainsi
qu'on l'a prétendu pour justilier la me-
sure dont ils furent l'objet, soit que
leurs tendances ascétiques et antiscolas-
tiques les eussent rendus suspects (1),
leurs jours furent bientôt comptés. Gé-
rard avait songé sérieusement à les
remplacer par les Jésuites; il n'eut pas
le temps de donner suite à son projet;
l'un des premiers soins d'Ernest fut de
le réaliser. Le 10 novembre 1581, les
Jésuites obtinrent les locaux des Fratres
et les revenus y attachés; le 1er janvier
suivant, ils commencèrent à desservir
leur nouveau temple; le 30 avril s'ou-
vrirent les classes. Ernest regagna l'Al-
lemagne en pleine sécurité : la défense
de l'orthodoxie était désormais confiée à
une milice vigilante, et l'éducation
qu'allait recevoir la jeunesse répondait
de l'avenir.
L'affaire du calendrier ne put être
réglée qu'en 1583, par la suppression
de dix jours; on passa immédiatement
du 2 au 12 novembre.
La publication du concile de Trente
se fit dans des circonstances toutes par-
ticulières. Une partie du clergé s'y
opposait, alléguant que certains canons
portaient atteinte aux libertés et aux
prérogatives de l'Eglise liégeoise. Au
commencement de novembre 1585, le
prince étant absent, arriva tout d'un
coup à Liège Jean-François Bonhomme,
évêque de Verceil, en qualité de nonce
apostolique. Son premier devoir fut
d'assembler un synode. Il s'y éleva éner-
giquement contre les abus qui s'étaient
glissés dans l'Eglise. Le meilleur moyen
de combattre les hérétiques, s'écria-t-il,
c'est de ne pas mériter leurs reproches !
Le trafic honteux des bénéfices, les
confidences simoniaques, les mariages
clandestins, les dérèglements des ecclé-
siastiques devaient sans retard faire
place à l'observance rigoureuse des dé-
il, V. Delprat, Die Bruderschafl des f/eineiu-
samen Lebens, Leipzig, -1840, in-8', et Kauiner.
Gescli. der Pœday , l. I, p. 66 el suiv.
BIOGK, NAT. — T. VI.
crets du concile. Plusieurs chefs de col-
légiales essayèrent de protester ou de-
mandèrent, du moins, des modifications
aux articles qu'ils regardaient comme
leur portant préjudice. Le nonce déclara
qu'il ne pouvait toucher à une seule
décision d'un concile œcuménique; il
fut convenu qu'on en référerait à Eome.
Le pape ne répondit pas; dans tous les
cas, sa réponse ne fut point attendue.
L'évêque de Verceil considéra purement
et simplement les canons comme adoptés;
l'année n'était pas écoulée que déjà ils
étaient mis en vigueur. Vainement les
dissidents manifestèrent leur surprise.
Il Je vous ai pris par finesse « , répliqua
le nonce, faisant allusion à une parole
de saint Paul. Bon gré, mal gré, il fallut
s'incliner. Ernest s'empressa de venir à
la rescousse en renforçant les tribunaux
ecclésiastiques : quelques condamnations
de clercs convaincus de mauvaises mœurs
ou de simonie suffirent pour imposer
silence aux derniers récalcitrants.
Pendant tout ce temps, la princi-
pauté, toujours privée de la présence de
son chef, resta exposée aux brigandages
des soldats étrangers. Quand les Etats
représentèrent aux officiers espagnols
que le pays était neutre, on leur répon-
dit : Nécessité fait loi. Les Hollandais et
les Français, au nord et au sud, n'étaient
pas plus trai tables. On eut pourtant un
peu de répit sur la fin de 1586, Ernest
étant rentré à point pour s'occuper d'af-
faires militaires. Mais les progrès des
religionnaires vinrent alors lui causer
de nouvelles inquiétudes : il résolut
d'engager une lutte à outrance. D'abord
il obtint des Etats que les officiers pu-
blics, le jour même de leur élection,
jureraient désormais fidélité à l'Eglise
romaine; tous les habitants devaient
pratiquer ouvertement le catholicisme,
et il était ordonné à ceux qui refuse-
raient de se soumettre, de quitter le
pays dans un délai donné. Ces mesures
furent complétées en 1589 par un décret
confiant au vicaire général la surveil-
lance des écoles et des livres classiques,
et par l'établissement de la censure
ecclésiastique sur la presse et sur les
spectacles. En même temps, comme il y
121
639
ERNEST DE BAVIÈRE
640
avait pénurie de prêtres, Ernest institua
deux séminaires, l'un à Saint-Trond,
pour les humanités, l'autre à Liège,
pour la philosophie et la théologie,
d'après le plan prescrit par le concile de
Trente. Le séminaire de Liège devait
être entretenu au moyen d'une contri-
bution d'un demi-patar (3 c.) par muid
de revenu, prélevée sur le clergé; mais
celui-ci invoqua, pour s'exonérer, les
malheurs du temps, si bien que l'entre-
tien des séminaristes ne put être assuré
qu'en 1592, par l'accession à leur éta-
blissement des biens de l'hôpital de
Saint-Mathieu, dit à la Chaîne. Le sé-
minaire ou Collège de Liège, annexé en
1605 à l'université de Louvain, dut
aussi sa fondation à Ernest de Bavière.
Ce zèle pour l'orthodoxie, cette géné-
rosité prévoyante n'empêchèrent pas
Ernest d'être desservi à Rome. Mandé
auprès du souverain pontife en vertu
d'une mesure générale, pour rendre
compte de l'administration de ses dio-
cèses, il avait cru pouvoir se dispenser
de franchir les Alpes; on lui reprochait,
en outre, d'ajourner indéfiniment son
entrée dans les ordres. Il se fit défendre
par un ambassadeur qui n'épargna ni
excuses ni promesses : l'afl^aire n'eut pas
de suite; elle n'eut pour eifet que d'ex-
citer le prince à redoubler de rigueur
envers les réformés, nonobstant les ré-
clamations et les menaces des Etats de
Hollande.
Ceux-ci n'entendaient pas abandonner
la cause de la liberté de conscience :
l'occasion allait les servir. Ernest dut se
rendre, en 1594, à la diète de Eatis-
bonne, on sa parole toujours écoutée et
ses qualités politiques le rendirent si
utile, qu'il reçut des compliments du
pape et que l'empereur refusa de le
laisser revenir à Liège, bien que sa pré-
sence y fût plus que jamais nécessaire.
Les Italiens au service du gouverneur
des Pays-Bas, ne touchant pas leur solde,
s'étaient mis à rançonner les Liégeois,
qui n'en pouvaient mais; d'un autre côté
la guerre allait éclater entre la France et
l'Espagne, affaiblie par la mort récente
d'Alexandre Farnèse : la principauté se
voyait exposée à tous les dangers. C'est
ce moment que les Hollandais choisirent
pour tenter un grand coup. Pour assurer
leurs communications avec les troupes
d'Henri IV, répandues dans le Luxem-
bourg et le Namurois, ils résolurent dé
s'emparer par surprise de là citadelle dé
Huy. LTn certain Henri Worsen dé
Hasselt, surnommé Orevessè (1), se laissa
gagner par Haraugier, gouverneur de
Bréda, se chargea de l'expédition et
commença par se lier avec le comman-
dant de la place, ce qui lui permit d'étu-
dier les lieux. Le 7 février 1595, une
escalade nocturne le mit en possession
du château : il n'avait eu besoin que de
trente hommes. L'évêque, enfin de re-
tour d'Allemagne, envoya aussitôt des
milices au secours de là ville consternée;
mais Grevesse avait prévenu Hâraugiér,
qui somma les Hutôis de se rendre. Là
capitulation fut violée, les environs
ravagés par les Hollandais. Ernest pro-
testa sans succès, et par la force et par
les moyens diplomatiques; les Espagnols
intervinrent, reprirent la ville et le châ-
teau, n'épargnèrent pas les violences et
parurent d'intention de garder leur con-
quête. Ernest ne put recouvrer Huy
qu'à des conditions Onéreuses. Les habi-
tants en pâtirent; un édit les dépouilla
d'une partie de leurs privilèges, sous le
prétexte qu'ils s'étaient livrés trop faci-
lement aux soldats des Provinces-Unies.
Huy renfermait efiectivement beaucoup
de protestants, circonstance qui avait
enhardi Haraugier . Immédiatement après
la reddition, cent deux personnes furent
condamnées comme suspectes d'héré-
sie; les dissidents disparurent depuis
lors de la ville, mais pour se répandre
dans le plat pays ou se réfugier à Liégé
même. Ernest, sérieusement ému, pres-
crivit l'exécution rigoureuse des édits de
1589 et renforça les ordres religieux.
U cpuration s'accomplit également dans
diverses petites villes, dont l'industiie
se trouva compromise par l'émigration
des ouvriers protestants. Enfin la ter-
reur rétablit le calme; l'électeur put
songer à rentrer à Cologne, où il jugea
opportun de se donner un coadjuteur. Il
(•1) Ecrevis$e. par allusion à l'enSeign* d« sa
maison
641
ERNEST DE BAVIÈRE
642
obtint ce titre pour son neveu Ferdinand,
âgé seulement de onze ans.
Ernest ne se montra pas seulement
inexorable envers les dissidents : les an-
nales judiciaires de son règne contien-
nent d'autres sombres épisodes ; paya-
t-il son tribut aux superstitions de
l'époque, ou peut-être, ainsi qu'on l'a
supposé, affecta-t-il de considérer comme
des sabbats diaboliques les conventicules
nocturnes des sectaires? Toujours est-il
que ce fut sous son administration qu'on
commença à instruire des procès de sor-
cellerie. Eien de plus triste et de plus
stupide que les détails qui nous ont été
transmis par l'inquisiteur Chapeauville
sur ces odieuses enquêtes, où la terreur
arrachait l'aveu de crimes imaginaires.
Le P. Bouille n'ose y insister.
Des troubles occasionnés par de nou-
veaux impôts sur les denrées, décrétés
par les bourgmestres sans le consente-
ment des métiers, rappelèrent Ernest à
Liège en 1.598. Il reconnut le bien-fondé
des réclamations populaires; tout s'apaisa
pour un temps. Mais inopinément surgit
une question des plus graves, la ques-
tion électorale.
D'après le règlement de Heinsberg,
en vigueur depuis près de deux siècles,
les bourgmestres étaient nommés par
82 électeurs, choisis, dans les chambres
des métiers, par les commissions de la
cité, un électeur dans chaque chambre.
Ce système ouvrait la porte à des intri-
gues, à des tentatives de corruption de
toute sorte : une réforme était devenue
urgente. En 1603, Ernest eut l'idée
d'accorder aux métiers une part d'in-
tervention plus directe dans les élections.
Il décréta d'abord que tous les bourgeois
majeurs, résidant à Liège ou dans la
banlieue, seraient désormais de plein
droit membres des métiers; ensuite (rè-
glement du 14 avril), que tous auraient
voix dans les assemblées et pourraient
être directement élus aux offices muni-
cipaux; quant aux bourgmestres, que
trois bourgeois seraient désignés par le
«oy^ dans chaque chambre; que ces trois
bourgeois (96 en tout) en choisiraient
trois autres, un trente-deux et deux
j'urés, par voix de ballottage, et que les
trente-deux se réuniraient tout de suite
à l'hôtel de ville pour y dresser, à huis
clos, une liste de candidats, laquelle
liste serait communiquée aux vinyt-deux
commissaires, siégeant dans la salle voi-
sine. Les vingt-deux avaient pour mis*
sion à' épurer cette liste qui, par paren-
thèse, ne devait contenir aucun nom
suspect d'hérésie; finalement les trente-
deux choisissaient les bourgmestres, à la
majorité des voix, parmi les candidat»
non récusés. Un bourgmestre ne pouvait
être réélu qu'après un intervalle de
quatre ans. Ces mesures démocratiques
furent bien accueillies, mais il semble
qu'elles n'apportèrent aucun remède aux
abus dont on s'était plaint, au contraire :
on dut en venir, vers 1610, à la res-
source extrême d'un appel à Vienne,
chaque élection donnant lieu « à des
scènes tumultueuses et souvent san-
glantes Il . Trois ans plus tard, sous
l'évêque Ferdinand, l'empereur Mathias
ordonna le rétablissement du règlement
de Heinsberg, sauf quelques modifica-
tions; mais ce qui satisfit les uns mé-
contenta les autres. L'ordonnance impé-
riale ne fut pas même respectée. Le
P. Foullon n'a pas tort de considérer
l'essai infructueux d'Ernest, en présence
des prétentions exagérées des partis et
de leurs manœuvres peu scrupuleuses,
comme ayant donné lieu aux regretta-
bles événements qui remplirent le règne
de son successeur.
L'état noble avait compris jusque-là
non-seulement tous les gentilshommes
de race, mais encore tous les possesseurs
de fiefs. C'était un corps nombreux et
jaloux de ses prérogatives. Ernest ré-
solut de le réduire à sa plus simple
expression et de le séparer nettement du
peuple, en n'admettant à l'avenir aux
Journées d'état que les nobles à quar-
tiers. Jean-Louis d'Elderen (voir ce
nom), à la fin du siècle suivant, s'en-
gagea plus avant encore dans cette voie
dangereuse. On dirait qu'Ernest, dont
la ligne de conduite ne s'explique pas
toujours aisément, se laissa infiuencer
par ses ministres, tantôt dans un sens,
tantôt dans un autre.
Tout en vaquant aux affaires de ses
643
EKNESÏ DE BAVIÈRE
644
principautés, tout eu étreignant les pro-
testants de sa main de fer, tout en
poursuivant d'activés négociations tantôt
avec le roi de France, tantôt avec ses
autres voisins, pour délivrer le pays de
Liège des brigandages de la soldatesque,
notre prélat trouvait le temps de s'aban-
donner à son goût pour les sciences.
Poursuivit-il la recliercliedu.^m;i!C?^Mi;/*e,
ajouta-t-il foi aux rêves de l'astrologie?
Nous laisserons la responsabilité de ces
suppositions aux historiens qui les ont
émises. Ce qu'on sait, c'est qu'il entre-
tenait dans son palais d'Outre-Meuse
deux astronomes, Gérard Stempel de
Gouda et Adrien Zelst, qui rédigèrent à
son intention et sous son patronage un
Traité de Vastrolahe (1), et que, d'autre
part, sou médecin P. Gherincx (voir ce
nom) lui enseigna la chimie. Lui-même
analysa les eaux de la Fontaine de Fline\
près de Tongres. Le temps lui manqua
pour donner suite au projet du poëte
Dominique Lampson, qui lui avait con-
seillé, dans une pièce de vers latins
" dignes d'Ovide « , dit Villenfagne, de
décorer ladite fontaine « par un monu-
ment d'une belle architecture « , Il n'est
pas probable cependant que Tongres eût
détrôné Spa, dont la réputation s'éten-
dait dès lors jusqu'en Moscovie.
Ernest rendit aussi des services à
l'exploitation des mines, entre autres à
celle de la calamine, du soufre et de
l'alun, et au traitement de la couperose.
D'autre part, à l'exemple de ses derniers
prédécesseurs, il tint à honneur de pro-
téger les lettres et les arts. Erudits et
poètes humanistes continuèrent^ à sa
cour, d'habiller leurs pensées à la ro-
maine : le français gagna pourtant du
terrain; on tourna volontiers des son-
nets; on aborda même les sujets politi-
ques, mais avec une précaution extrême,
car la censure avait les cent yeux d'Ar-
gus. Des poètes tonsurés (ils l'étaient
presque tous) ne pouvaient guère songer
non plus à célébrer l'amour : de là une
certaine sécheresse dans les compositions
liégeoises de ce temps; leurs auteurs
(i) L'niuMfue Asirolabii Jabrica et usas. Liège,
Ouwercx, 160!2, in-4».
sont des courtisans ou des chercheurs
de concetti (voir Peetermans et Helbig,
Fleurs des poètes liégeois. Liège, 1859,
in- 12). Les salons du prince furent sur-
tout fréquentés par les héritiers des
latinistes de la renaissance : il suffit de
citer Laevinus Torrentius, Dominique
Lampson, Juste Lipse et Langius. Quant
à Ernest, malgré toutes ses sévérités,
c'était un prince mondain, très-mondain
même, s'il en faut croire Henri IV, le
roi Vert-Galant, qui disait de lui :
Il Mon cousin de Liège me ressemble
Il jusqu'à la ceinture. «
Ernest avait des défauts, mais aussi
des vertus : il était éminemment chari-
table, et à ce titre on doit beaucoup lui
pardonner. Une société de gens aisés
s'était formée à Liège, tout à la fin du
xvie siècle, dans le but de fonder et
d'entretenir un hospice pour les pauvres
malades (l'hôpital de la Miséricorde).
Les fonds manquèrent, les dettes s'ac-
crurent; sans la générosité du prince,
qui fit libéralement cession du beau
palais et des jardins spacieux qu'il avait
acquis à grands frais dans le quartier
d'Outre-Meuse, l'établissement à peine
installé aurait dû fermer ses portes.
Telle est l'origine de V hôpital de Bavière,
aujourd'hui comme au ( emps du P . Bouille
Il le plus peuplé et le plus riche de la
cité " , mais devenu tout à fait insuffi-
sant (2). Sa première institution date de
l'an 1600 (de 1606, selon Fisen).
Les opinions ou les passions des his-
toriens ' ont influé sur les jugements
qu'ils ont portés sur Ernest. Les uns
l'exaltent pour avoir arraché les pro-
vinces rhénanes et notamment la ville
d'iVix-la-Chapelle au protestantisme ,
pour avoir extirpé l'hérésie du pays de
Liège, pour avoir discipliné son clergé
tout en se montrant jaloux des immu-
nités ecclésiastiques ; les autres n'ont
en vue que son intolérance et l'attri-
buent à son intérêt plutôt qu'à ses con-
victions, considérant (|u'il ne se décida
jamais à se faire ordonner prêtre et que
sa vie privée ne fut pas tout à fait exem-
("iji^ll bera prochainement déplacé et reconstruit
dans les terrains de la Volitre (quartier de
^Ouebt^
64f>
ERNEST DE BAVIÈRE — ERNEST D'AUTRICHE
646
plaire. Le jésuite Eoullon rapporte une
légende qui le place en purgatoire ; nous
ne serons pas plus sévère que lui, si nous
avons égard aux illusions et aux préjugés
du siècle où il vécut. Il serait injuste, à
notre sens , de ne pas le croire sincère ;
mais il ne fut pas en vain le contempo-
rain de son cousin Philippe II, et, d'un
autre côté, l'on ne saurait méconnaître
qu'il est toujours malheureux pour un
peuple d'être soumis à des gouvernants
étrangers qui n'ont pas une juste idée
de son véritable esprit.
Ernest mourut pieusement, témoi-
gnant un grand repentir de ses fautes.
Il fut inhumé dans la cathédrale de
Cologne (chapelle des Trois Eois). On lit
sur son sarcophage :
Enientus Bavarorum (lux iiiclyU(S, ar-
cJiipreesid Coloniensis et princeps elector,
religionis ac public a pacis Assertor, Pa-
tries Pater laudabilis, hoc tuimdo gloriomm
pree-itolatnr resurrectionem, devotis qtion-
dnm sui gregis se commendans precihus.
Electus 23 maii 1583. ObUtll fehruarii
nnno 1612 . Alphonse Le Roy.
Chapeauville, Foullon, Fisen. — Mélart. Hist.
de Huy — De Thou. — .Ms Del vaux — Bouille.
— Loyens — Van Alpen, Gesch. der frûnckUchen
Rheinufers. — Yillent'agne, Recli., t. II. — Le-
noir, Hisl. du proteslaninme au pays de Liège.
— Becdelièvre. — Dewez, de Gerlache, F. Henaux.
ER^'EiST n'ACTRiCHE (l'archiduc),
gouverneur général des Pays-Bas. Fils
de l'empereur Alaximilien II et frère de
l'empereur Rodolphe, il fut élevé à la
cour de Philippe II, son oncle, qui le
traitait comme son enfant et lui desti-
nait la main de sa fille aînée, avec les
Pays-Bas pour dot. Ernest se distingua
dans les guerres contre les Turcs, et ac-
'(uit, en Hongrie, la réputation d'un bon
administrateur. Lorsque Philippe II lui
offrit la gouvernance générale des Pays-
Bas, du consentement de l'empereur, il
refusa d'abord, mais finit par céder aux
instances du roi. Il arriva en Belgique
en janvier 1594, accompagné d'une suite
brillante et fut accueilli par les témoi-
gnages de sympathie de la nation qui se
flattait de lui voir conclure une paix
avantageuse avec les Provinces-Unies.
îSon premier soin fut de convoquer les
Etats généraux, qui le reconnurent pour
le lieutenant du roi; il reçut les hom-
mages de la noblesse et gagna tous les
cœurs par son caractère affable et ses
manières polies. Mais la situation ne
laissait pas que d'être difficile. En
France, la conversion d'Henri IT avait
aftaibli les affaires de la Ligue; les
grandes villes se ralliaient successive-
ment à la cause royale. Le comte Charles
de Mansfeld, qui opérait dans le Xord,
suspendit les hostilités et rejoignit l'ar-
chiduc à Bruxelles. En Hollande, le
prince Alaurice de Nassau, employant
tour à tour la force et la ruse, portait
des coups sensibles à l'Espagne. Yer-
dugo, qui commandait les troupes his-
pano-belges, s'opposait en vain à sa
marche en avant. Le prince, de succès
en succès, mit bientôt le siège devant
Groningue. L'archiduc saisit ce moment
pour renouer des négociations avec les
Pronnces-Unies. Par l'intermédiaire de
deux jurisconsultes distingués, Othon
Hertius et .lérôme Coomans, qui étaient
allés à La Haye pour traiter des affaires
personnelles du prince de Chimay, il
écrivit aux Etats , sous la date du
6 mai, une lettre dans laquelle il leur
faisait connaître le vif désir qu'il avait
de conclure la paix, énumérait tous
les maux causés par la guerre, pro-
testait de ses bonnes intentions à leur
égard et leur recommandait de rentrer
sous l'obéissance du roi, s'eugageant à
leur obtenir des conditions raisonnables.
Cette démarche, l'archiduc l'avait faite
malgré ses conseillers espagnols qui ré-
pugnaient à toute idée de conciliation
avec les rebelles. Le comte de Fuentès,
notamment, lui avait représenté que
l'ennemi était parfaitement au courant
de l'état des choses dans les Pays-Bas,
qu'il envisagerait les propositions de l'ar-
chiduc comme dictées par la peur et la
faiblesse ; qu'une paix favorable ne pou-
vait être obtenue qu'à la suite d'une
guerre avantageuse à la Belgique, qu'il
fallait donc attendre une occasion meil-
leure, que c'était au roi à dicter la paix,
non à la recevoir. L'événement prouva
que Fuentès n'avait pas mal jugé la si-
tuation. La lettre de l'archiduc fut ac-
cueillie avec dédain, les intermédiaires
647
ERNEST D'AUTRICHE
648
purent à peine se faire écouter et les
négociations restèrent sans résultat. Le
gouvernement des Provinces-Unies ré-
pondit, le 27 mai, par un mémoire, qui
était un véritable réquisitoire contre
l'Espagne et ne laissait aucun espoir
d'arrangement. A tous les griefs qu'on
avait articulés contre la politique de
Philippe II, on en ajoutait de nouveaux.
On prétendait que l'archiduc, Fuentès
et ses principaux conseillers avaient sou-
doyé des assassins pour se défaire de
tous ceux qui les gênaient. Ainsi Fuen-
tès aurait tenté de faire assassiner la
reine d'Angleterre et le roi de France.
On croyait avoir des preuves certaines
que l'archiduc aurait tramé la mort du
prince Maurice. Des misérables dépo-
sèrent en ce sens. Michel Renichon,
prêtre du pays de Namur, qui abjura le
catholicisme avant de mourir, déclara
qu'il avait accepté la mission de tuer le
prince. Hertius et Coomans demandèrent
que Renichon fût confronté avec le comte
de Berlaymont qu'il accusait de l'avoir
suborné; mais cette proposition n'eut
pas de suite. Un soldat obscur, nommé
Pierre Dufour, prétendit également avoir
été acheté par les conseillers de l'ai'chi-
duc; mais on n'eut d'autres preuves de
ce dessein odieux que la parole d'un
homme taré.
Le siège de Groningue continua pen-
dant ces pourparlers. Verdugo avait
vainement demandé des secours. Le
prince Maurice, ayant gagné secrète-
ment le bourgmestre Van Baalen, livra
un dernier assaut qui ne fut repoussé
que pour la forme, et la ville se rendit
à discrétion. Comme partout l'exercice
du culte catholique fut interdit et la
religion réformée seule autorisée. La
possession de Groningue était un fait
d'armes important qui consomma l'éta-
blissement de la république des Pro-
vinces-Unies.
Aux revers militaires s'ajoutaient les
embarras intérieurs. Les troupes régu-
lières se mutinèrent; Ernest acheta leur
soumission moyennant 6,000 florins.
Mais les bandes italiennes et autres mer-
cenaires se soulevèrent également, sous
prétexte que depuis la mort du duc de
Parme, ils n'avaient plus reçu de solde,
pillèrent et ravagèrent la contrée et se
livrèrent à toute sorte d'excès. Défaits
par les troupes que l'archiduc envoya
contre eux, les mutins furent soutenus
par Maurice de Xassau qui leur permit
de se retrancher à Bréda et à Gertruy-
denberg. Aussitôt qu'ils furent réorga-
nisés, ils marchèrent sur la petite ville
de Sichem, dont ils s'emparèrent et où,
s'arrogeant des droits régaliens, ils for-
mèrent une sorte d'Etat indépendant
sous le nom de république italienne.
Maurice fit un traité d'alliance avec eux.
Refoulés par les troupes hispano-belges
jusque près de Bois-le-Duc, ils reçurent
du prince hollandais des renforts d'ar-
tillerie et de cavalerie. Les garnisons de
Dunkerque, de Saint- Amand et d'autres
places fortes suivirent l'exemple des Ita-
liens. L'archiduc se vit finalement forcé
d'entrer en pourparlers avec eux ; il leur
assigna la ville de Diest^ où ils restèrent
près d'un an jusqu'à ce qu'ils fussent
payés : telle était la détresse du trésor.
Pendant ce temps, un nouvel orage
fvvait fondu sur les Pays-Bas. Henri IV,
uni aux Hollandais et aux Anglais, ré-
solut de porter tout l'eftort de ses armes
sur les provinces belges. Le 23 octobre
15 94, il nomma le duc de Bouillon gé-
néral en chef de ses troupes. Le vieux
comte de Mansfeld fut opposé au duc
et à Philippe de Nassau et, aidé des
comtes de 's Heerenberg et de Berlayr
mont, il força l'ennemi à rentrer en
France; Bouillon n'avait réussi qu'à se
rendre maître de quelques petites villes
du Luxembourg. L'archiduc n'avait
pas attendu ces événements pour sol-
liciter de pressants secours à Madrid.
Il avait successivement envoyé à Phi-
lippe II son chambellan le sire de Mo-
Inrd, puis le seigneur de Dietrichstein,
et, enfin, son secrétaire Westernach.
N'ayant rien obtenu du roi, l'archiduc
convoqua les Etats le 5 décembre, à
Bruxelles. L'assemblée, ne se trouvant
pas en nombre, fut prorogée jusqu'au
mois de janvier. Deux des membres,
Haiiiaut et Artois, se plaignirent vive-
ment de ce que leur proximité avec la
France les exposait à (les calamités sans
649
ERNEST D'AUTRICHE — ER.XEST DE SAINT-JOSEPH
6o0
nombre et demandèrent instamment que
la paix fût conclue avec Henri lY. Le
roi leur avait mandé que si les troupes
espagnoles n'évacuaient pas le pays et
ne juraient qu'elles ne rentreraient ni à
Cambrai, ni dans le Cambrésis, il leur
déclarerait la guerre, mais s'abstien-
drait de toute hostilité jusqu'au 1er jan-
vier. Les Etats des deux provinces, sur
l'avis de l'archiduc, répondirent qu'elles
n'avaient rien à répondre au message
royal.
Lorsque les Etats généraux se réu-
nirent en janvier 1595, leducd'Arschot,
répondant à l'archiduc qui avait assuré
que le roi ne désirait que la paix, fit
observer qu'il ne fallait s'attendre à au-
cune pacification tant qu'il y aurait des
troupes étrangères dans le pays et que
les Espagnols resteraient à la tête du
pouvoir. Le clergé et la noblesse ap-
puyèrent cette opinion, que l'archiduc
promit de faire connaître à Madrid. Ils
demandèrent aussi l'avis de Juste-Lipse
qui, très au courant des affaires des Pro-
vinces-Unies, répondit que, « eu égard
à l'audace des confédérés, et à l'amour
de la nouveauté chez le peuple, on ne
pouvait pas compter sur la paix, mais
tout au plus sur une trêve. «
Sur ces entrefaites, Henri IV déclara,
le 17 janvier, la guerre à l'Espagne.
Turenne se jeta sur le Luxembourg,
Philippe de Xassau le rejoignit avec des
troupes hollandaises, et ils prirent plu-
sieurs villes, bien que l'armée d'Ernest
se défendît avec gloire et infligeât à
l'ennemi plusieurs revers. Le succès le
plus important des alliés fut la prise de
Huy, à laquelle ils arrivèrent par la
trahison du capitaine de la forteresse, que
le commandant de Bréda,le sire de Hé-
raugier, était parvenu à acheter. Huy
appartenait au prince-évêque de Liège;
celui-ci protesta vainement auprès des
Provinces-Unies contre la violation du
traité de neijtralité conclu entre eux.
Ernest essaya encore de réparer ce nou-
veau désastre; il envoya des troupes
pour reconquérir la place; mais lorsque
ses généraux arrivèrent devant les murs
de la ville, ils apprirent que l'archiduc
était décédé dans la nuit du 20 au 21 fé-
vrier 1595. On fit courir toutes sortes
de bruits sur sa mort; on parla même
d'empoisonnement; ce qu'il y a de plus
probable, c'est que son médecin, le
Dr Xunez, ignorant la vraie cause de sa
maladie, l'avait traité mal.
» Prince d'un caractère doux, franc
et paisible, dit Grotius, ennemi du luxe
et du faste, aussi peu ambitieux que peu
entreprenant, qui n'avait ni les vices
qui font les méchants princes, ni les
vertus qui font les grands hommes. «
Avant de mourir, il avait désigné le
comte de Fuentès pour le remplacer.
Il fut enterré dans l'église de Sainte-
Gudule à Bruxelles où l'archiduc Albert,
son frère, lui fit graver l'inscription sui-
vante :
MEMORI.E SERENISSIMI PRI.NCIPIS ERNESTI ARCHI-
[DUCIS
AusTRi-ï, Maximiliaxi II Imperatûris FiLU, Ex
i.Maria
CAROLI LmPERATORIS FILIA ! FERDIXAXI'I I Nepotis
MAXIMILIAM I ABSEPOTIS, RCDOLPHl H Fratris.
t)li clm regnlm hlngari.t et finitima loca per
axxos 1" fortiter felicnerqre admimstrasset,
Ad Belgu gubeknacl'la vocatus easdem pro-
[VINCIAS
ETSI BREVI 13 MENSICM SPATIO, CUM ^TERSA
Sl'a laude et gratia rexit. In avita religione.
In page, in IMPERIO REDUCENDA INTENTLS, IN IISQUE
Clris mortuus anno MI3XCV. x kal. mart.
CuM VIXJSSET ANNIS XLl, MENSES Mil, OIES V.
POSUIT ALBERTUS ARCHIDUX AlSTRI.€, BELGII
Slngllari in fratrem affectu ejusuue corpus
Ex auversû DcciM Brabanti^ tcmulo RELIQUIT
MONUMENTUM HIC VOLUIT EXTARE ».
Emile de Borchgravi-.
Bentivoglio, Guerres de Flandre. — Van Meteren.
— Bor.— Wagenaar, Vaderlandsche Historié, MU.
— Chronyke van Vlaenderen, ill. — Bitlleiin de la
commission royale d'histoire, 'à<' série, XI, 314.
ERNEST DE «AiXT- JOSEPH, écri-
vain ecclésiastique, appelé dans le monde
Hautraarets, naquit dans le pays de
Liège vers la fin du xviie siècle, et entra
dans l'ordre des carmes déchaussés. H
publia, en 1718, chez l'imprimeur
F. -A. Barchon, à Liège, un ouvrage
intitulé : Ze ministère du confesseur en
pratique, ou- le sage et prudent dispensa-
teur du sacrement de pénitence; 2 vol.
in-8'1 de xiv-4'i-i et vni-lS3 pages,
avec titres imprimés en rouge et noir.
La date de sa mort nous est inconnue.
E.-H.-J. Reusi-n».
Cosmas De Villiers, Biblioiheca Cannelitana,
1, p. 449. — X. de Theux, bibliographie liégeoise,
l,p. i09. y f V
ôol
ERNST
6S2
ER^'fST {Antouie-yîcoJas-JosepJi), ju-
risconsulte,professeur, homme politique,
né à Aubel le 20 mars 1796, décédé à
Boppart(sur le Rhin) le 10 juillet 1841.
Il était le troisième des quatre fils d'Ul-
ric-Pierre- Antoine, échevin de la cour
foncière et seigneuriale de Gorchem
(duché de Limbourg), mort en 1808.
Ernst aÎ7ié (voy. l'article suivant), notre
Antoine et Lambert, le plus jeune, se
vouèrent à l'enseignement du droit ;
Ulric-Antoine-Joseph, le second, bourg-
mestre d' Aubel en 1830, ne quitta point
son pays natal et s'y contenta des mo-
destes fonctions de juge de paix (1). La
création d'une école de droit à Bruxelles
ayant décidé Ernst aîné à poursuivre ses
études en cette ville, Antoine et Lam-
bert l'y rejoignirent, achevèrent leurs
humanités au lycée impérial, puis se
préparèrent, sous la direction de leur
frère, à entrer au barreau. Antoine sortit
de l'école de droit le 6 juin 1816 avec
le grade de licencié, obtenu summâ cirni
lande. Il se fit immédiatement inscrire
au tableau des avocats, mais donna en
même temps des répétitions de droit ro-
main, ce qui l'attira peu à peu dans
l'orbite de l'enseignement académique.
Nommé le 1.3 février 1822 professeur
extraordinaire à la faculté de droit de
Liège, où son aîné occupait une chaire
depuis la fondation de l'université, il
fut promu à l'ordinariat dès le 3 juillet
suivant. Sa carrière se divise naturelle-
ment en trois périodes : dans la pre-
mière et la dernière, il se consacra tout
entier à sa mission professorale ; dans la
seconde, il prit une part considérable
aux a9"aires de l'Etat. Bien qu'étant
resté étranger aux événements de sep-
tembre, il fut élu membre suppléant
du Congrès national ; mais il refusa
obstinément de siéger dans cette mémo-
rable assemblée après la mort de M. Xa-
gelraackers; malgré les instances de ses
amis, ce ne fut qu'en 1833, à la suite
de la dissolution des Chambres, qu'il
consentit à accepter un mandat parle-
mentaire. Xous le considérerons tour à
tour comme professeur et comme homme
(1) 11 mourut à Monizen en 1844; Lambert
finit ses jours à Louvain, le 15 novembre 1872.
d'Etat, ainsi que nous l'avons fait dans
le Liher Memorialis.
Il débuta par un cours très-sommaire
de droit commercial; ce n'est que plus
tard, sous Godet, que cet enseignement
acquit une importance réelle à Liège.
Ernst donna, par contre, tous ses soins
aux cours d'encyclopédie du droit, de
droit civil élémentaire et de droit ro-
main (Insti tûtes), dont il fut successive-
ment chargé. Le cours d'encyclopédie
était facultatif; néanmoins les élèves y
affluaient. Xi chez nous, ni en France,
on n'avait encore entendu rien de sem-
blable : l'influence allemande se faisait
définitivement sentir. " De précieuses
» recherches sur l'origine du droit, un
« tableau des législations anciennes, un
" appendice sur le droit coutumier, la
" transition du droit romain au droit
" moderne parfaitement marquée, le tout
Il mis en rapport avec nos besoins et
Il l'état de notre législation, le tout
Il envisagé au double point de vue de la
- philosophie et de l'histoire, c'en était
u plus qu'il en fallait pour retenir une
u jeunesse qui commençait à se passion-
y ner vivement pour les sciences morales
" et politiques. « Ernst ne se traînait
pas cependant, il est bon de le dire, à la
remorque des auteurs étrangers : il avait
son plan à lui, synthétique plutôt
qu'historique ; c'était avant tout un
théoricien, un logicien comme son frère,
ce qui, du reste, n'excluait pas chez lui
l'esprit pratique. Mais il brilla surtout
comme professeur de droit civil et d'In-
stitutes. Laissons parler le chanoine
De Ram : « Avant M. Ernst, il n'y avait
u guère dans nos universités que des
" leçons approfondies sur une partie du
Il Code; le jeune professeur comprit qu'il
" y aurait avantage à placer, à côté de
Il ce cours de haute discussion, un cours
» plus restreint aux principes, et qui
" embrasserait en deux ans l'ensepable
" du Code. Le succès fut tel, qu'aujour-
u d'hui encore (2) ses anciens élèves n'en
" parlent qu'avec enthousiasme ; ils se
Il souviennent toujours de cette patience
« d'analyse, qui permettait au profes-
(2) 1841.
653
ERNST
654
« seur de simplifier les matières les plus
« compliquées et de les présenter en un
u tableau succinct qui frappait tous les
« esprits. — Dans le cours des Insti-
« tûtes, il avait parfaitement saisi la
Il limite qui sépare ce cours de celui des
Il Pandectes; il réunissait les deux an-
II ciennes méthodes presque exclusives :
» celle du traité, qui ne donnait que les
» principes sans voir les textes, et celle
I du commentaire , qui s'attachait à ex-
» pliquer sèchement la lettre, sans vue
II d'unité et sans point de départ. Pen-
II dant six mois d'abord, M. Ernst ex-
II pliquait les Institiites en forme de
Il traité ; il résumait avec ordre les prin-
» cipes généraux de tout le droit romain,
» mais toujours en prenant les Institutes
« pour base, et ce n'était qu'en passant
" qu'il commentait çà et là l'un ou
« l'autre passage difficile. Chaque cha-
« pitre, chaque titre avait en tête l'in-
II dication des sources, Institutes, Pan-
« dectes. Code, Novelles, où le profes-
u seur puisait les principes qui formaient
Il et complétaient le beau plan de cette
« première partie de son cours. La se-
« conde était essentiellement pratique :
u M. Ernst y aidait ses élèves, fortifiés
« déjà par le suc d'une saine doctrine,
« à expliquer la lettre même des prin-
» cipales matières des Institutes. » Sa
tradition lui survécut à Liège dans l'en-
seignement du professeur Fr. Kupff"er-
schlaeger (f 1866), d'abord son sup-
pléant, puis son successeur pour les
Institutes. Les cours d'Antoine Ernst
sont toutefois demeurés inédits ; peut-
être y eût-il eu imprudence à déférer au
vœu exprimé à cet égard par son bio-
graphe : la science n'est pas restée sta-
tionnaire, et il n'est pas même certain
que l'enseignement d'Ernst, à Louvain,
n'ait été que la répétition de son ensei-
gnement à Liège.
Recteur de l'université de cette der-
nière ville en 18.31-1832, Antoine inter-
rompit ses cours l'année suivante, ainsi
qu'on l'a dit plus haut, pour se jeter
dans l'arène politique. Il y combattit
vaillamment pendant six ans, au risque
de compromettre sa santé assez délicate.
Suivons-le dans cette nouvelle carrière
avant de le retrouver à côté de ses
frères, professeur comme eux à l'Uni-
versité catholique.
Sans être fertile en grands événe-
ments, la période de 1833 à 1839 mar-
quera dans l'histoire de la jeune Bel-
gique, à raison de la gravité des questions
débattues au sein du Parlement, et de
l'influence exercée sur l'attitude des
partis et même sur les destinées de nos
institutions par les solutions qu'elles
reçurent. Il s'agissait de l'exécution du
traité des Vingt-quatre articles, ratifié
à la fin de 1831. La neutralité belge
était garantie par cette convention, mais
en échange du sacrifice d'une partie du
territoire. La conférence de Londres
aurait voulu laisser la Belgique et la
Hollande s'arranger directement entre
elles; or, la Belgique demandait, avant
toute négociation, l'évacuation d'Anvers,
occupé par les troupes hollandaises. Le
roi Guillaume 1er cherchant à tergiver-
ser, la France et l'Angleterre résolurent
de le mettre en demeure ; cette inter-
vention déplut aux Belges, qui n'enten-
daient pas être placés sous une sorte de
tutelle. Le ministère, disposé à tout mé-
nager, ne put obtenir de la Chambre
des représentants un vote de confiance;
le Sénat se montra de meilleure compo-
sition. Sur ces entrefaites apparurent les
Français : le général Chassé, après une
héroïque défense, dut rendre la citadelle
d'Anvers le 23 décembre 1832. On ne
pardonna pas aux ministres d'avoir ac-
cepté le secours d'une puissance amie :
ils durent se retirer, mais pour repren-
dre bientôt leurs portefeuilles, le roi ne
parvenant pas à constituer une adminis-
tration nouvelle. Peux fois démission-
naire, deux fois maintenu par la force
des choses, le cabinet n'entrevit plus
qu'une issue : l'appel au pays. La se-
conde Chambre fut dissoute; mais les
élections ne modifièrent pas sensiblement
la majorité : de là, une agitation géné-
rale, qui eut pour premier effet de ren-
dre des espérances à l'orangisme. L'op-
position devint violente et saisit tous les
prétextes : il s'en fallut de peu que
Lebeau, ministre de la justice, ne fût
mis en accusation au sujet d'une ques-
685
ERNST
6^6
tion (l'extradition. C'est dans ces cir-
constances qu'Antoine Ernst fut élu
représentant. Catholique unioniste, il
n'avait pas, comme on l'a prétendu,
donné des arrhes au parti libéral ; on fut
donc injuste à son égard lorsqu'on le
qualifia de transfuge, en observant son
attitude à l'égard du ministère. Dans
l'affaire Lebeau, il déclara « que son
« serment à la Constitution l'obligerait
" de souscrire à l'acte d'accusation, s'il
« était formulé. « Cependant il n'était
pas antiministériel quand même : on en
eut la preuve le jour où le gouverne-
ment, pour en finir, déposa un projet
de loi sur l'extradition. Nommé rappor-
teur de la section centrale, il n'hésita
pas, dût-il indisposer ses amis, à sou-
tenir le projet en pleine Chambre, sauf
à appuyer sur les amendements présentés
en section dans le but de rendre impos-
sible toute mesure arbitraire. Il enten-
dait ne s'inféoder qu'à sa conscience;
mais s'il défendait ce qu'il croyait juste
et vrai avec les ministres, il n'en était
pas moins persuadé de la nécessité d'une
reconstitution du cabinet. La modération
du langage n'était pas précisément sa
qualité dominante : ses premières phi-
lippiques causèrent même un certain
émoi ; mais on s'y fit et plus on le con-
nut, plus on l'estima pour sa franchise
et sa droiture. Il dépassa pourtant le
but en 1834, qiiand il proposa formelle-
ment, avec Dubus, d'infliger un blâme
au gouvernement, dont la faiblesse, en
présence des pillages, lui paraissait in-
concevable ; la Chambre ne le suivit pas
sur ce terrain, elle se contenta de voter
une loi sévère contre les manifestations
orangistes, et elle n'eut pas tort. Le
ministère reconquit à ce moment une
majorité imposante : tout d'un coup,
le 1er août, à la surprise générale,
MM. Rogier et Lebeau donnèrent leur
démission : on se perdit en conjectures,
il s'agissait simplement du ministre de
la guerre (baron Evain), dont ils n'avaient
pu obtenir le renvoi. Cette fois la dislo-
cation était irrévocable ; elle était même
prévue chez les initiés, puisqu'il est
avéré que des démarches officieuses
avaient été tentées auprès d'Ernst dès le
mois de juillet, pour le décider à entrer
dans une nouvelle combinaison. Le
4 août, un cabinet mixte fut constitué :
Ernst et le baron d'Huart y entrèrent à
titre de libéraux, en regard des catho-
liques De Theux et De Muelenaere. Une
telle alliance fit gloser; nous avons dit
qu'Ernst était unioniste, c'est sa justifi-
cation. Mais r Union n'avait plus long-
temps à vivre : bientôt les partis se sé-
parèrent nettement, comme le démontra
la création presque simultanée des deux
universités libres. Il va sans dire que le
cabinet de 1834 passa, dès lors, pour
homogène.
Comme ministre de la justice, Ernst
se vit un jour reprocher une prétendue
contradiction avec les principes qu'il
avait professés à l'époque où il faisp,it
partie de l'opposition. La question de
l'extradition avait été résolue alors; celle
de l'expulsion des étrangers n'était pas
encore tranchée. Ernst jugea qu'en pa-
reille matière des arrêtés de circonstance
ne pouvaient suffire; il réussit à faire
voter la loi du 22 septembre 1835. Or,
environ deux ans plus tard, il arriva que
le gouvernement français réclama le
banqueroutier Malafosse, réfugié en
Belgique. Le fugitif fut arrêté à Anvers,
nanti de valeurs assez considérables ;
mais comme les pièces, transmises par
le tribunal à l'administrateur de la sû-
reté publique, n'étaient pas en règle, il
adressa d'urgence une réclamation au
Parlement. On se hâta de remplir les
formalités; mais le ministre, « ce grand
" ennemi de l'arbitraire, « n'en fut pas
moins rendu responsable d'une arresta-
tion illégale. Il déclara qu'il n'avait été
pour rien dans cet acte, mais que s'il
avait été consulté, il aurait ordonné à
ses inférieurs d'agir ainsi qu'ils l'avaient
fait; quant à l'extradition, il la différa
par respect pour la Chambre. Les jour-
naux jetèrent feux et flammes; le mi-
nistre les laissa épuiser leur arsenal ;
l'affaire n'eut pas de suite.
D'autres susceptibilités se firent jour
à propos de la peine de mort, supprimée
en fait depuis la révolution et remise en
vigueur par Ernst en 1835. C'estàlui.en
effet, que s'applique le passage suivant
657
ERNST
658
d'un rapport présenté au Sénat français,
en 1 8 6 7 , par M . de la Guéronnière : « En
M Belgique, pendant une période de cinq
Il années, de 1830 à 1834, la peine de
Il mort, quoique maintenue en droit, a
u été pratiquement abolie, et cependant
Il les crimes entraînant cette peine ne
" se sont pas accrus. Toutefois, le gou-
« vernement belge n'a pas jugé pouvoir
Il prolonger l'expérience et Véchajaud,
Il quon croyait ahattu, g est relevé (1). «
Voici les faits. Au sénat, MM. de Mé-
rode et de Sécus ayant attribué la mul-
tiplication des crimes à \& famse philan-
thropie du ministre de la justice, celui-ci
répondit que la peine de mort n'était
abolie en aucune manière, et que, pour
sa part, il n'avait jamais sollicité la grâce
d'un assassin. 11 fit incontinent dresser
une statistique criminelle : pour justifier
son consentement à des rigueurs aux-
quelles on n'était plus habitué, il avait
besoin d'établir que l'expérience en dé-
montrait la nécessité. Or, avant que la
statistique fût terminée, il advint que
sept condamnations à mort furent pro-
noncées par la cour d'assises de la Flan-
dre occidentale. Six condamnés obtinrent
une commutation de peine; mais la tête
du septième, l'assassin Nys, tomba sur
la place de Courtrai (9 février 1837). Le
jour même, M. H. de Brouckere repro-
duisit à la Chambre des représentants
une motion qu'il avait déjà présentée,
pour l'abolition de la peine de mort.
Elle fut prise en considération et ren-
voyée aux sections; M. Milcamps pré-
senta un rapport au nom de la section
centrale, puis le débat fut ajourné indé-
finiment, parce qu'on jugea indi.spen-
sable de consulter avant tout les cours
et tribunaux. Quant à Ernst, il avait
certainement cru remplir un devoir en
refusant d'intercéder pour Nys. Aussi
bien son imagination était frappée : il
lisait dans les journaux étrangers que la
Belgique devenait un repaire de crimi-
nels. C'était une calomnie évidente : on
avait mis la main sur des bandes de
brigands, mais hors de là, rien n'attes-
tait une recrudescence générale de la
(-l) A Liège et dans tout le ressort de la cour
d'appel, on n'a plus exécuté depuis 18:24.
criminalité; enfin, l'expérience d'une
seule année ne pouvait être décisive,
Ernst eut le tort, il faut l'avouer, de ne
point attendre la publication de la sta-
tistique; mais s'exagérant la situation,
il se crut obligé, en toute hâte et sous sa
responsabilité, de rassurer les honnêtes
gens. Pans d'autres conditions, la ques-
tion se serait sans doute présentée tout
autrement à son esprit.
Ernst a laissé la réputation d'un chef
rigide, mais absolument intègre, d'un
administrateur habile et impartial, en-
nemi des intrigues et des coteries. La
Chambre rendit hommage à son équité
en confiant au gouvernement le premier
choix des nouveaux conseillers, lors-
qu'elle augmenta le personnel de la Cour
d'appel de Bruxelles (1836). Il intro-
duisit d'utiles réformes dans ses bureaux
et montra un grand zèle en fait de bien-
faisance publique : Namur lui doit son
pénitencier pour les femmes, et le pre-
mier il eut la pensée d'instituer une
maison du même ordre pour les jeunes
délinquants (2). Il prit une part très-
active aux débats parlementaires de 1 8 3 5
et 1836 sur l'enseignement supérieur,
sur les lois provinciale et communale.
Une question financière vint inopiné-
ment ébranler le cabinet. La Société
Générale, caissière de l'Etat, s'était trou-
vée tout d'un coup en butte à des
attaques incessantes : « elle spéculait,
Il disait-on, avec les deniers des contri-
II buables; le roi Guillaume, possédant
« les trois quarts des actions, les béné-
II fices étaient transportés à La Haye,
" d'où ils servaient à solder la contre-
II révolution. » La Banque de Belgique
fut créée pour servir de contre-poids à
la Société : prévoyant que sa rivale de-
viendrait tôt ou tard un établissement
national, celle-ci résolut de se rattacher
ostensiblement au régime nouveau : elle
ambitionna le titre de ministre d'Etat
pour M. de Meeus , son gouverneur, et
pour M. Coghen, l'un de ses directeurs.
Ernst concourut avec De Theux et
D'Huart à repousser énergiquement ces
prétentions, soutenues par De Muele-
("2) Allusion au pénitencier de Saint-Hubert,
fondé plus tard.
6o9
ERNST
660
naere ; « il y a là un véritable danger pour
le pays ! s'écria-t-il; plutôt que de céder,
j'abandonnerai mon portefeuille. « Ce fut
De Muelenaere qui se retira. Des dis-
sidences analogues s'étant produites à
propos du refus d'autoriser la Société de
mutualité industrielle , Ernst ofi'rit une
seconde fois sa démission; elle ne fut
point acceptée.
La Hollande finit par adhérer au
traité des Vingt-quatre articles. On se
vit en présence d'une terrible question :
les Belges pouvaient-ils dignement con-
sentir à se séparer de trois cent quatre-
vingt mille de leurs frères, acheter leur
neutralité, leur sécurité, au prix de la
cession d'une partie du Limbourg et du
Luxembourg? Ernst et D'Huart ne le
pensèrent pas : le cabinet se divisa. Le
31 janvier 1839, les deux ministres dis-
sidents se séparèrent décidément de
leurs collègues, sauf à leur venir à la
rescousse dès le lendemain, pour éviter
une dissolution des Chambres. Le mandat
d'Ernst expirait au mois de juin : il fit
savoir aux électeurs liégeois qu'il n'en
accepterait pas le renouvellement et
rentra dans la vie privée. Ses adver-
saires politiques, ceux mêmes qui pen-
sèrent alors que le salut de la patrie
valait bien le plus douloureux des sacri-
fices, ne purent refuser leur hommage à
une si noble conduite. S'était-il trompé?
Sa bonne foi, son patriotisme du moins
étaient indiscutables. Il emporta dans
sa retraite l'estime générale. Des fonc-
tions publiques, des distinctions hono-
rifiques lui furent offertes : il refusa
tout. Le recteur de l'université de Lou-
vain eut seul assez d'influence sur lui
pour le décider à accepter une chaire.
Le roi félicita M. De Ram à ce sujet,
témoignage d'autant plus flatteur qu'An-
toine Ernst n'avait pas craint, à l'occa-
sion, d'exprimer hardiment toute sa
pensée en haut lieu. Le professeur d'In-
stitutes reprit son cours et s'y distingua
comme autrefois, ne se contentant pas
d'enseigner, mais prodiguant en particu-
lier les bons conseils à ses élèves, élargis-
sat\t leur horizon, éveillant en eux les
sentiments élevés qui doivent être l'apa-
nage de tout vrai jurisconsulte. Malheu-
reusement il se sentait aff'aibli; il n'avait
pas impunément, pendant son minis-
tère, déployé une activité presque fé-
brile, sans rapport avec ses forces. Une
irritation des intestins se déclara; on lui
conseilla d'aller consulter, à Heidelberg,
un médecin en renom. Il partit avec une
de ses filles ; sur le bateau à vapeur du
Uhin, entre Coblence et Mayence, il se
trouva si mal qu'on fut obligé de le
débarquer à Boppart, le 9 juillet 1841.
On n'eut que le temps de lui administrer
les secours de la religion; le lendemain
il avait cessé de vivre. 11 mourut à l'éta-
blissement hydrosudopathique du doc-
teur Schmidt; le corps fut transporté à
Louvain huit jours plus tard, et inhumé
au cimetière du Parc, où la famille
Ernst possède un caveau.
Le talent de Jean-Gérard et de Lam-
bert Ernst était surtout didactique ; chez
Antoine, l'orateur parlementaire et le
professeur se contre-balançaient ; sous
l'influence d'un autre concours de cir-
constances, le barreau eiit été également
son fait. Il avait l'ardeur du polémiste,
la dialectique serrée de l'homme de loi,
la forte éloquence que donnent seules
des convictions profondes et des idées
nettes. Il a pu quelquefois faire fausse
rou.te, mais il n'en rappelle pas moins le
justum ac tenacem d'Horace. Il se défen-
dait avec chaleur et attaquait avec vio-
lence, parce qu'il croyait fermement à
ce qu'il disait. » Un jour viendra, répé-
» tait-il volontiers, où l'on me rendra
Il justice. " — Il ne trouva guère le
temps d'écrire ; à part ses thèses : De
confîisiove. De Vadoption et de ses effets
(1816), nous ne connaissons de lui qu'un
petit nombre d'articles, remarquables
d'ailleurs, insérés dans la T/iéi>/is, et des
rapports adressés au Parlement. Citons
seulement celui qu'il rédigea pour ap-
puyer une proposition de M. B. Dumor-
tier, relativement à la réorganisation de
l'Académie royale (14 janvier 1834).
Ernst pensait, comme son collègue,
qu'il y avait lieu de promulguer .une loi
spéciale. Ils ne réussirent pas : la con-
stitution du premier corps savant du
pays fut réglée par un simple arrête
royal (l^r décembre 1845). Le rapport
bbl
EKNST
665J
dont il s'agit a été publié dans V An-
nuaire de l'Académie, 1846, pages 104-
117.
Afin de reconnaître les services rendus
au pays par l'ancien ministre de la jus-
tice, le roi Léopold II, donnant suite
aux intentions paternelles, a octroyé
aux fils d'Antoine Ernst des lettres de
noblesse (31 janvier 1871). Un décret
pontifical du 6 août 1875 leur a conféré
en outre le titre de baron pour eux et
pour leur descendance.
Alphonse Le Roy.
Discours du chanoine De Ram (17 juillet 1841;.
— Thonissen, La Belgique sous Léopold /«>". —
Hymans, Hislnire parlementaire. — Alph. Le Hoy,
Ltber meiuorialis. — Annuaire de la noblesse
belge, 1871. — Annuaire de l'Cniversité catho-
lique de Louvain, 1877. — Renseigueinenis parti-
culiers.
■ ERXST ( Jean - Gérard - Joneph ) , dit
Ernst aitié (voy. l'article précédent),
jurisconsulte et professeur distingué ,
naquit à Aubel le 13 octobre 1782 et
mourut à Louvain le 6 octobre 1842.
Ses humanités terminées à Aix-la-Cha-
pelle, il se rendit à Liège et se plaça
sous la direction de l'avocat Jean-Hu-
bert Vincent, ancien premier de Louvain,
qui l'initia aux éléments des sciences
juridiques. Depuis la suppression de
Y Alnia Mater, les aspirants au barreau
en étaient ainsi réduits à chercher quel-
que patron qui consentit à leur servir
de guide dans leurs études privées.
Enfin la loi du 22 ventôse an XII insti-
tua douze écoles de droit ; Ernst n'eut
rien de plus pressé que de se faire in-
scrire à celle de Bruxelles, qui fut so-
lennellement installée le 25 mars 1800.
Reçu bachelier le 9 mars 1807 et licen-
cié le 21 avril suivant, il attira si bien
sur lui l'attention de ses maîtres, qu'ils
ne tardèrent pas à le considérer comme
un futur collègue. Le 22 janvier 1810,
sur la demande du doyen de la faculté,
le grand-maître de l'université (Fon-
tanes) nomma Ernst professeur sujd-
pléant, pour remplacer le romaniste
Maurissens, qui venait d'échanger sa
chaire contre uii fauteuil de magistrat.
Le 14 juin de la même année, le jeune
homme mit le sceau à sa réputation
naissante en subissant, avec un éclat ex-
traordinaire , les dernières épreuves
prescrites par la loi ; le recteur Van
Hulthem et le doyen Van Gobbelschroy
le complimentèrent publiquement ; il
fut, en outre, décidé que le procès- ver-
bal de la séance serait imprimé et com-
muniqué au grand-maître. Le diplôme
de docteur fut remis à Ernst le 6 juillet ;
l'école de Bruxelles conférait ce grade
pour la première fois; elle n'eût pu dé-
buter plus heureusement. Quant à Jean-
Gérard, il inaugurait sa brillante car-
rière sous les meilleurs auspices. Son
mérite, relevé par une modestie véri-
table, n'offusquait personne; il y avait
en lui une sorte de candeur qui plaisait
au premier abord ; il ne comptait que
des amis parmi ses anciens condisciples
et parmi les professeurs de la faculté.
L'année suivante, une chaire de Code
Napoléon devint vacante ; Ernst était
trop jeune pour prendre part au con-
cours (il fallait être âgé de trente ans) ;
on lui accorda une dispense d'âge ; mais
le concours fut ajourné jusqu'en 1813.
Il remporta la palme et fut aussitôt
nommé en remplacement de Cahuac.
Tels furent les services qu'il rendit à la
faculté de droit, que le commissaire gé-
néral de l'intérieur lui accorda, le 5 juin
1815, un subside destiné à l'exonérer
de la milice nationale; si l'on tient
compte de l'époque, ce fait en dit assez.
Assuré du lendemain, Ernst se fit tout
d'abord un devoir de s'occuper de ses
trois jeunes frères ; ils vinrent le re-
joindre à Bruxelles et il n'eut jamais
certes à se repentir des soins presque
paternels qu'il leur prodigua. Il ne prit
aucune part aux événements politiques
qui eurent pour issue notre réunion à la
Hollande; cependant le nouveau gou-
vernement ne le perdit pas de vue. Lors
de la création des universités de l'Etat,
on lui offrit une chaire en lui laissant
Toption; il n'hésita pas à choisir Liège,
pour se rapprocher de sa famille. Sa
nomination (le professeur ordinaire de
droit civil, de droit naturel et de droit
public fut confirmée par arrêté royal du
3 juin 1817.
Beaucoup d'anciens élèves de Bruxelles
le suivirent à Liège, ainsi que ses frères
663
ERNST
6 64
Antoine et Lambert, qui prirent rang à
leur tour dans le corps académique.
(Quelques années s'écoulèrent paisible-
ment, entre les joies intimes de l'étude
et les joies plus intimes encore du foyer.
Ernst s'était marié en 1818 et il se
voyait revivre dans une charmante fa-
milléj lorsque là mort lui enleva coup
sur coup deux enfants et sa compagne
chérie. Il lui fallut toute sa religion et
tout son dévouement envers les deux
enfants qui lui restaient pour supporter
cette épreuve trois fois douloureuse; sa
santé même fut sérieusement ébranlée.
En 1826, Van Rees étant recteur, il eut
à payer de sa personne, inopinément,
dans des circonstances assez délicates.
Un règlement sur la fréquentation des
cours, promulgué le 10 décembre, avait
mis toute l'université en émoi. " La jeu-
nesse d'alors commençait à entrer en
eflervescence ; elle était disposée à re-
garder comme tyrannique toute mesure
d'autorité. Les ferments de l'agitation
politique qui prit trois ans plus tard un
caractère si grave n'étaient pas encore
en travail; mais le gouvernement per-
dait peu à peu sa popularité, et l'esprit
d'opposition se faisait jour partout où
il trouvait une issue, encore inconscient
du but à poursuivre, mais disposé à ré-
sister énergiquement à toute oppres-
sion {Liber Memorialis). « Le Mathieu
LaenshergJi attisa le feu : ses collabora-
teurs ne cessaient de répéter aux étu-
diants qu'ils ne devaient pas se laisser
traiter comme des enfants; une protesta-
tion adressée au recteur au nom des
élèves fut même rédigée, paraît-il, par
un correspondant de ce journal. Au
sénat académique, on arrêta le texte
d'une proclamation à la jeunesse : cette
pièce ayant été simplement affichée ad
voiras au lieu d'être distribuée, l'irrita-
tion prit un caractère aigu : on en vou-
lait surtout au professeur Warnkœnigj
regardé comme uti des principaux inspi-
rateurs du malencontreux règlement.
Tout d'un coup, les curateurs de l'uni-
versité prirent sur eux de sus])endre
provisoirement l'exécution des nouvelles
mesures ; Cette fois, ce furent les profes-
seurs qui se plaignirent. On eut finale-
ment recours au ministre, on aboutit à
une transaction et , comme il arrive
presque toujours en pareil cas, dès que
les amours-propres furent satisfaits, on
relégua aux oubliettes règlement et pro-
testations. Tout le mérite de cet apaise-
ment général revient à Ernst, qui fit
preuve ici de véritables qualités de né-
gociateur. Le gouvernement le récom-
peiisa en l'élevant au rectorat pour
l'année académique 1827-1828; ces
hautes fonctions lui avaient déjà été
confiées en 1819-1820. Il refusa une
prolongation de mandat et n'accepta
que l'ordre du Lion Belgique , dis-
tinction largement due à son mérite
autant qu'à sa conduite. Il s'était j
d'ailleurs, rendu utile à l'instruction
publique en dehors de l'université, et
dans la suite on put encore faire fond
sur son zèle. Il s'occupa notamment dés
bourses d'études à restituer aux familles
des fondateurs et de la révision des
règlements de l'instruction moyenne.
Son entière franchise et la noble indé-
pendance de son caractère se révèlent,
ainsi que la sagesse de ses conseils, dans
la correspondance qu'il entretint alors
avec le ministre; or, en 1828, il fallait
un courage plus qu'ordinaire pour s'ex-
primer sans réticence. La révolution
éclata ; Ernst en accepta les consé-
quences. Dès le 13 août 1831, Teich-
mann, chargé />«r intérim du portefeuille
de l'intérieur, le fit entrer dans la com-
mission qui fut nommée pour jeter les
bases d'une loi sur l'instruction pu-
blique. Il s'y distingua comme toujours
et gagna de plus en plus la confiance
du gouvernement. En mai 1832, M. De
Theux lui proposa la place de secrétaire-
inspecteur de l'université de Liège ; il
refusa ce « surcroît de besogne (1) « .
Deux ans après, l'université catholique
fut fondée à Malines sous le patronage
des évêques, puis bientôt transférée à
Louvain. Cédant aux instances du cha-
noine De Ram, recteur magnifique, et
poussé, d'ailleurs, par son zèle religieux,
Ernst se décida tout d'un coup à quitter
Liège. Le 13 juillet 183.5, il fut désigné
il] Expressions de la lettre ministérielle.
ERNST
666
cdmme titulaire de la chaire de droit
national et de droit civil approfondi
dans l'université louvaniste. Les étu-
diants délaissés ne dissimulèrent pas
leur mécontentement. Lambert Ernst
(le plus jeune des quatre frères) en sut
quelque chose. Antoine et Lambert
finirent par aller rejoindre leur aîné :
pour la troisième fois ils se trouvèrent
réunis. Cette vie heureuse ne dura pas
longtemps : une affection des poumons^
qui minait Jean-Gérard, s'aggrava subi-
tement; il mourut à peine sexagénaire.
Comme jurisconsulte et comme pro-
fesseur, notre Ernst resta fidèle aux ha-
bitudes de l'école française ; la méthode
historique, importée alors d'Outre-Rhin
par Warnkœnig, ne lui inspirait aucune
sympathie. Sa manière se rapprochait de
celle de Merlin; il s'en tenait au texte
de là loi, le serrant de près, en expri-
mant pour ainsi dire toute la sève, con-
sidérant le Code II comme un tout com-
II plet et indivisible , dont un même
» souffle pénètre et vivifie tous les or-
» ganes «. Le cours de droit civil élé-
mentaire initiait les élèves à la langue
juridique et aux grands principes ; le
cours approfondi, qui durait plusieurs
années, leur montrait comment on ap-
plique ces principes et comment on éta-
blit une controverse savante. Ernst bril-
lait surtout dans la discussion, par sa
logique rigoureuse et par son érudition
solide. Parfois il s'animait ; lorsqu'il
attaquait les doctrines de TouUier, par
exemple, c'était un feu roulant d'apo-
strophes, de sarcasmes, de saillies impré-
vues : toute l'artillerie légère du dis-
cours intervenait dans la bataille. Il s'en
prenait volontiers aux autorités les plus
accréditées et s'inquiétait plus d'avoir
raison en théorie que de faire état de la
jurisprudence reçue. On lui a reproché
cette tendance militante et ce dogma-
tisme intransigeant ; il se considérait
avant tout comme professeur, pleine-
ment maître de ses prémisses et de ses
déductions. Il faut dire aussi qu'Ernst
était entré dans l'enseignement peu de
temps après la promulgation du Code
civil ; il avait eu pour ainsi dire à dé-
fricher un soi vierge. Il y avait travaillé
vigoureusement par lui-même, à peu
près privé de tout secours étranger : dé
là il se forma des opinions très-arrêtées
et n'en démordit guère dans la suite. On
aurait néanmoins tort de le juger d'après
certains cahiers publiés, pendant la mi-
norité de son fils, par d'anciens élèves
trop zélés. Le fait est qu'Ernst avait
coutume d'étudier à nouveau, comme
s'il ne s'en était jamais occupé, les ma*
tières qui se représentaient dans son en-
seignement; c'est même parce qu'il était
animé du désir de faire toujours mieux
qu'il refusa jusqu'à la fin de confier le
résultat de ses travaux à la lettre mou-
lée, malgré les instances de ses amis.
On ne connaît donc pas sn dernière
pensée et il serait injuste de dire qu'il ne
progressa pas avec la science. C'était
dans tous les cas un esprit essentielle-
ment conservateur, à preuve son cours
de droit naturel, foncièrement chrétien
et impitoyable pour le transcendanta-
lisme allemand.
Ernst aîné n'a guère mis au jour que
ses thèses de 1813 (1» De acquirendâ vel
amittendâ hcereditate ; 2" Sur les succes-
sions irrégulières) et quelques rapports.
Il n'en jouit pas moins d'une réputation
considérable ; on le consultait de toutes
parts et ses jugements faisaient souvent
pencher la balance. Sa complaisance
était sans bonnes; on a de lui des notes
qui constituent de véritables mémoires.
Il siégea pendant quelque temps à l'hô-
tel de ville de Liège ; le maintien du
collège de cette ville fut dû en grande
partie aux arguments sérieux qu'il fit
valoir dans un rapport au conseil com-
munal. Son fils, M. U. Ernst, procureur
général à la cour d'appel de Liège, est
en possession de ce document, ainsi que
de plusieurs dissertations remarquables,
que le laborieux professeur avait rédi-
gées pour ses élèves. Le rapport adressé
au gouvernement des Pays-Bas en 1828,
au sujet de la révision des règlements
de l'instruction publique, a été imprimé
officiellement à La Haye (17 pages
in-folio). Alphonse Le Roy.
Discours de P.-F.-X. De Ram, prononcé le
iO octobre 184-2 au cimetière de l'ahbaye du Parc
lez-Louvain. — Discours de MM. yùirini, Van
667
.ERNST
668
Bockel et SchoUaert, id. — Alph. Le Roy, Liber
memorialh, col. :2b6-282. — Renseignements par-
ticuliers.
F.RX!*T {Simon -Pierre), théologien
et historien, de la même famille que les
précédents, né à Aubel le 2 août IT-ié,
mourut à Afden lez-Eolduc le 11 dé-
cembre 1817- Il était le deuxième des
trois iils (1) de Guillaume, avocat, mem-
bres des états provinciaux et maire
d'Aubel, et de Marie- Jeanne Dael ou
Doel. Guillaume avait pris ses grades à
l'université de Louvain, après s'être
initié à la jurisprudence sous la direc-
tion du célèbre canoniste Yan Espen,
dont il habitait la maison ; il est permis
de croire que les traditions paternelles
ne furent pas sans influence sur la direc-
tion d'esprit du jeune Simon-Pierre.
Celui-ci fut d'abord mis en pension
chez le curé d'Eis (Limbourg), qui lui
apprit les premiers éléments du latin ;
ensuite il passa sept années au collège
de Mayence, dont le recteur, Jean-
Thomas Emonts, était sou cousin ger-
main. A l'âge de dix-neuf ans, il aborda
les études ecclésiastiques ; pieux et stu-
dieux, il se fit respecter par son zèle
édifiant et admirer à raison de son éru-
dition précoce : peut-être rêva-t-il dès
lors de devenir l'émule des savants bé-
nédictins de Saint-Maur, Il alla vivre
tranquille à Eolduc {S^-Hertoyenrode ,
ail. Herzogenrath), à deux lieues d'Aix-
la-Chapelle, dans la célèbre abbaye de
chanoines réguliers de Saint-Augustin
dite Cloderroch. Il y enseigna pendant
plusieurs années la théologie et l'Ecri-
ture sainte , remplit en même temps les
fonctions de bibliothécaire et ne tarda
pas à se distinguer par d'importants
travaux de recherches. Toutes ses pré-
dilections étaient pour l'histoire natio-
nale ; on 2)eut dire que, jusqu'au dernier
moment, ses loisiis y furent entière-
ment consacrés. En 1783, l'Académie
impériale et royale des sciences et
belles-lettres de Bruxelles couronna un
mémoire d'Ernst sur la question contro-
versée de la date de l'admission des
(1) Melchior, l'ainé, entra dans les ordres et
mourut le 48 septembre 1817, curé de Wankum en
Gueidre Ltonurd, le ctidel, se disiiiiyua au bar-
ecclésiastiques aux Etats de Brabant ;
les années suivantes virent paraître
d'autres ouvrages sur nos anciennes
institutions parlementaires, notamment
, une étude sur le Tiers-Etat du même
duché, sur l'origine des communes et
sur l'intervention de leurs députés aux
assemblées de la nation (1788). Cette
existence paisible devait être momenta-
nément troublée par le concours de di-
verses circonstances. D'abord vinrent
des embarras financiers. Les religieux
de Rolduc avaient pris la résolution, dès
1742, d'exploiter eux-mêmes les mines
de houille de leur district, abandonnées
jusque-là, sous l'empire d'une législa-
tion imprévoyante, à des particuliers ou
à des associations éphémères qui, en
multipliant les petites entreprises, n'a-
vaient réussi qu'à ruiner les fosses et à
se ruiner du même coup (2). Les débuts
des chanoines ne furent pas plus heu-
reux : il fallut consacrer de grosses
sommes aux travaux d'appropriation,
si bien qu'au moment où la révolution
éclata, l'abbaye se vit absolument hors
d'état de satisfaire ses créanciers. Sans
les événements, cette gêne n'eût été
que passagère, puisqu'il y avait cinq
fosses en pleine activité lors de l'arrivée
des Erançais, et que ceux-ci purent
mettre en réquisition plus d'un million
de quintaux de charbon. Mais les agents
de la république ne s'arrêtèrent pas làj
malgré la résistance de l'administration
centrale de Maestricht, ils s'emparèrent
non-seulement du produit des mines,
mais même des houillères, avant la sup-
pression de l'abbaye, et ce du consente-
ment du Directoire (3). Ou autorisa les
religieux à faire valoir leurs réclama-
tions, sauf à n'y pas donner suite. Ils
finirent néanmoins par trouver les
moyens de s'acquitter.
Eu 1798, Ernst acquit avec les autres
chanoines, au prix de 161,000 francs,
la pleine propriété de l'abbaye et de ses
dépendances. Curé d'Afden depuis un
an, assermenté, il ne craignait pas d'être
inquiété ; nous verrons bientôt que ,
reau et fut, comme son père, membre des Etals.
("2) Histoire du Limbvury, t. 1, p. il'i.
(3; IbiJ., p. 114.
G 69
ERNST
670
précisément à raison du serment, il fut
détourné de ses études chéries plus
longtemps qu'il ne l'aurait voulu. Pour
en finir avec Rolduc, notons que quatre
des acquéreurs étaient encore vivants en
1817. Par son testament du 20 septem-
bre de cette année, Ernst légua sa part,
avec trois mille cinq cents couronnes de
France, un capital de mille deux cents
thalers et une riche collection de livres,
au séminaire de Liège. Ses confrères
s'entendirent également pour abandon-
ner leurs droits , si le gouvernement
consentait à l'établissement d'un sémi-
naire préparatoire dans les bâtiments
abbatiaux. Guillaume 1er refusa le
13 juillet 1818, " attendu qu'il est
Il très - déconseillable et dangereux de
« destiner des jeunes gens, de les former
Il et préparer à la carrière ecclésiastique,
" avant qu'ils soient en état de juger
" s'ils ont bien la vocation requise pour
Il cette carrière, etc. « C'est alors que
Barrett, vicaire capitulaire de Liège,
acheta l'abbaye de Bernardfagncj telle
est l'origine du petit séminaire de Saint-
Roch, ouvert le 1er janvier 1820 (1).
Rolduc fut de nouveau présenté au gou-
vernement (belge) en 1831, Yan Bom-
mel étant évoque de Liège. Cette fois
l'offre fut acceptée : le prélat organisa
lui-même les études du nouvel établisse-
ment, qui ne tarda pas à devenir floris-
sant, grâce à des professeurs tels que
Tits, Ubaghs, Lonay, Van Oyen et Bel-
lefroid (2j.
Nous venons de dire que S. -P. Ernst
occupait, depuis 1797, la succursale
d'Afden, située pour ainsi dire aux
portes du couvent où s'étaient écoulées
pour lui des années si heureuses ; nous
avons ajouté qu'il n'y reprit pas immé-
diatement ses habitudes. En sa qualité
de noiottissioniste, comme on disait alors,
il eut à soutenir d'ardentes polémiques.
Sans accepter toutes les idées de la ré-
volution, il n'était que médiocrement
partisan de l'ancien régime, et les me-
sures prises par les Français en matière
(1) Remplacé depuis par une école normale.
^'■2) Daris, t. IV. — Le petit séminaire de Uol-
duc a été transféré à Saint-Trond en 18 W ivoyez
Courlejoie, Hi.st. de Saini-Troml).
BIOGK. NAT. — T. VI.
de culte, lorsque la première effer-
vescence fut calmée, ne répugnaient pas
à sa conscience. Il eut l'occasion, dès
1797, de s'expliquer publiquement à cet
égard. La loi du 7 vendémiaire an vi
ayant été partiellement publiée à Liège
le 18 avril, les ministres du culte se
virent tenus, sous peine de démission,
d'adhérer formellement au principe de
la souveraineté du peuple et de promet-
tre Il soumission et obéissance aux lois
" de la république « . Le synode jugea
qu'avant de faire cette déclaration, il
y avait lieu d'attendre la décision du
saint-siège. De leur côté, les curés de
la cité s'adressèrent à l'administration
locale pour la prier de surseoir à l'exé-
cution de la loi; ils reçurent une ré-
ponse négative, mais n'en continuèrent
pas moins de remplir leurs fonctions.
L'administration montra du méconten-
tement ; cependant elle leur laissa la
liberté de recourir directement au Corps
législatif, permission dont ils usèrent
sans retard. Sur ces entrefaites, le vice-
curé de Saint-André de Liège, Gohi, eut
l'idée de poser deux questions pour son
propre compte à l'autorité centrale. Il
demandait si la déclaration exigée des
membres du clergé se renfermait exclu-
sivement dans l'ordre civil et politique
et si, d'après cela, elle ne portait au-
cune atteinte à la liberté des opinions
religieuses. Satisfaction lui fut donnée
sur ces deux points ; alors il publia sa
lettre et la réponse officielle, ce qui mit
fin à la résistance de la très-grande ma-
jorité de ses confrères. Les récalcitrants
furent traduits en justice et condamnés
à la prison et à l'amende (mai 1797);
en même temps, le Directoire ordonna
l'exécution rigoureuse de la loi en Bel-
gique. C'est à ce moment que Simon-
Pierre Ernst crut devoir intervenir.
^I. le chanoine Daris, dont nous résu-
mons ici la relation très-intéressante et
très-fidèle, analyse comme suit sa pre-
mière brochure, intitulée : Obsertatiovi
sur la (Jéclarntion, etc. L'auteur « essaye
Il d'y établir que la souveraineté réside
" dans la nation ; que celle-ci peut
" changer la forme du gouvernement;
1 II qu'on peut, en conséquence, recou-
'11
674
ERNST
672
Il naître que l'universalité des citoyens
Il français est le souverain, et que par
Il là on ne nie point que la souveraineté
» réside originairement en Dieu et dé-
II rive de lui à la société. Il essaye d'éta-
II blir, en second lieu, que par la sou-
" mission et l'obéissance qu'on promet
u aux lois, on s'engage seulement à ne
Il pas abuser de son ministère pour
« porter le peuple à la désobéissance
// aux lois et à la révolte. «
Cet écrit fit sensation et trouva de
nombreux approbateurs à Liège, notam-
ment le chanoine Bellefroid, les profes-
seurs Aubée et Xhauilair, les PP. Mi-
neurs, etc. Le jésuite Dedoyar, en
revanche, publia une réponse à Ernst;
il y soutint que, dans la pensée du légis-
lateur, l'universalité des citoyens était
bien la source première de la souverai-
neté, et que les signataires de la décla-
ration donnaient aveuglément leur ap-
probation à toutes les lois injustes qui
pourraient être ultérieurement procla-
mées. Un prêtre de Saint-Trond, Van
Hoeren, combattit Ernst à son tour.
Branle-bas sur toute la ligne dans les
deux camps : libelles anonymes, disser-
tations latines ou françaises, accusations
d'hérésie, réponses indignées, protesta-
tions contre la réunion à la république,
pétitionnement général des anti-soumis-
sionistes, aucun moyen d'attaque ou de
défense ne fut négligé. Le résultat le
plus clair de ces débats tumultueux fut
la mise en vigueur de toute la loi sur la
police des cultes et la promulgation de
la loi du 5 septembre, prescrivant aux
ecclésiastiques le serment de haine à la
royauté et à V anarchie, et leur interdi-
sant toute fonction avant de l'avoir
prêté (1). Le 14 fut convoquée, par les
soins du vicaire général De Kougrave,
une assemblée du clergé liégeois ; un
seul membre , Serwier , examinateur
synodal, s'éleva contre le serment de
haine; dès le lendemain, la plupart des
prêtres de la ville le prêtèrent ; il en fut
autrement dans les autres parties du
pays (778 refus). De là un véritable
schisme, la fermeture de beaucoup
(!) Daris, t. III, p. -136.
d'églises, et ailleurs une répugnance
évidente de la part des municipalités à
prendre des mesures de rigueur. Le
19 septembre, le cardinal De Francken-
berg, archevêque de Malines, se pro-
nonça contre le serment dans une lettre
énergique qui fut répandue à profusion
parmi les membres du sacerdoce. Ernst
rentra en lice ; la règle de conduite
tracée par l'archevêque, dit-il, ne re-
garde que ses diocésains ; ceux de Liège
sont tenus en conscience de suivre l'avis
du synode. Le serment n'est, d'ailleurs,
illicite que dans le sens où l'entend l'ar-
chevêque; il est, au contraire, licite en
ce sens, que les prêtres ont à promettre,
non de vouer leur haine soit au roi, soit
à la dignité royale, mais seulement de
ne rien faire pour renverser le gouver-
nement et rétablir la royauté (2).
La question de savoir si les fidèles
pouvaient se séparer de leurs curés légi-
times, même au cas où ceux-ci auraient
prêté un serment illicite, fut ensuite
traitée par Ernst dans un Entretien entre
un curé et un laïque, qui fut traduit en
flamand et dont les conclusions reçurent
l'approbation publique de plusieurs prê-
tres. Le 14 décembre. De Eougrave or-
donna aux retardataires de prêter le
serment ; mais ils ne se pressèrent
point, étant imbus de l'idée que l'évêque
de Liège n'était pas d'accord avec son
vicaire général, et qu'il ne maintenait
ce dernier en fonctions que pour ne pas
aggraver le désordre. Ernst tailla de
nouveau sa plume et trouva cette fois
à Saint-Trond un contradicteur qui lui
lança à la tête non-seulement des argu-
ments, mais des aménités telles que
Cato rodensis, Quesnellimis pastor, hypo-
crita, etc. Il ne se tint pas pour battu :
dans un nouvel écrit (juin 1798), il
invoqua une lettre du vicaire général de
Cologne, Marx, déclarant que le Vatican
n'était jDas encore décidé à se prononcer
sur le serment. Marx se trompait ; avant
d'être enlevé de Eome le 20 février pré-
cédent. Pie VI avait approuvé verbale-
ment la décision de la congrégation des
cardinaux préposés aux affaires de
(2) Daris, j). •147.
673
ERNST
674
France, déclarant le serment illicite.
Xouvelle brochure d'Ernst en octobre ;
l'approbation du pape ne lui est rien
moins que prouvée, et il a lieu de croire
que les cardinaux, mieux éclairés, ont
retiré leur résolution. L'irritation des
partis redouble ; Ernst est vivement har-
celé ; sa justification laisse percer de
l'amertume. Bientôt arrivèrent des dé-
clarations assez nettes du souverain pon-
tife; elles parurent ébranler les asser-
mentés ; Ernst écrivit deux brochures
pour en atténuer la portée. Cependant
l'évêque de Liège ne pouvait plus tem-
poriser : Roma locuta est, causa finita
est. Il exigea des y?<?"ez<rs une rétractation
expresse : un bon tiers se soumirent ; les
autres tergiversèrent. De Rougrave en
ayant appelé à Rome, de concert avec
ses confrères de Tournai, de Gand et de
Bruges (janvier 1800). Coup sur coup
parurent, à propos de la rétractation,
cinq brochures d'Ernst, non signées, et
une Instruction familière, de Lys, curé
de Soiron, où on lit que les schisma-
tiques sont les prêtres et les fidèles qui
ne communiquent pas avec les asser-
mentés. Pour Ernst, il semblait consi-
dérer les rétractations comme ayant été
extorquées. La polémique recommença
de plus belle, mais brusquement le curé
d'Afden abandonna à Lys le soin de la
continuer. Il dut lui en coûter de lais-
ser sans réplique un factum intitulé :
M. Ernst condamné par lui-même; M. Da-
ris suppose que le nonce et l'archevêque
de Cologne <• lui avaient fait de graves
« reproches et des menaces sérieuses. »
En tous cas il se tut ; d'ailleurs l'arrivée
à Paris du cardinal Caprara, muni d'in-
structions sur l'afliaire du serment,
changea la situation en un clin d'œil.
On finit par convenir d'une formule, et
graduellement tout s'apaisa. Aussi bien
le coup d'Etat de Napoléon avait été le
premier pas vers la restauration officielle
du culte catholique, et la publication du
Concordat amena des transactions pra-
tiques satisfaisantes, grâce à la bonne
volonté des deux pouvoirs.
Une dernière fois, quelques années
plus tard, nous retrouvons Ernst sur le
terrain théologique. Conformément à la
loi organique de 1802 (an x), le gou-
vernement avait fait composer, par des
clercs de son choix, un catéchisme officiel
destiné uniformément à toutes les églises
de France. Le cardinal-légat était entré
dans les vues de l'empereur : on dit
même qu'ils rédigèrent ensemble la leçon
traitant de l'obéissance due au souve-
rain (1). Bref, le 30 mars 1806, le caté-
chisme impérial reçut l'approbation de
Caprara et, le 4 avril suivant, fut intro-
duit, par ordre, dans les difi"érents dio-
cèses. Caprara aurait dû incontestable-
ment consulter le saint-siége; mais on
ferma les yeux à Rome, ce qui n'empê-
cha pas un assez vif mécontentement de
se produire dans le monde sacerdotal.
En Belgique surtout, où l'on se souve-
nait de Joseph II, les prêtres ne se rési-
gnaient point à admettre qu'une ordon-
nance purement civile organisât et
réglât l'enseignement religieux. A Liège,
l'évêque Zaepffel, livré à lui-même, au-
rait peut-être cédé; mais son entourage
était moins accommodant ; on en eut
pour preuve l'apparition successive de
plusieurs brochures anonymes. Sur la
demande de son supérieur (2), Ernst fut
chargé d'examiner la question. Ses Obser-
vations pacifiques, d'abord soumises à
Zaepffel, furent envoyées à Portails en
juillet 1807- Mais le ministre des cultes
étant venu à mourir le 25 août, notre
apologiste perdit sa peine, et il n'eut
plus aucune nouvelle de son manuscrit.
Ernst doit sa légitime célébrité aux
travaux historiques qu'il entreprit dès
sa jeunesse, et qu'il ne perdit jamais en-
tièrement de vue, même lorsque les exi-
gences du moment semblèrent le plus
l'absorber. Il ne cessa d'entretenir des
relations littéraires avec les derniers re-
présentants de la grande école bénédic-
tine, entre autres avec Pom Brial; elles
l'amenèrent à collaborer activement à
VArt de vérifier les dates. L'histoire
nationale était « le vray gibbier de son
» estude », pour emprunter le langage
(1) Daris.t. IV, p. •21-2.
(2) Zaepffel aurait bien voulu avoir Ernst au-
près de lui; il ne put le décider à accepter le
titre de vicaire général, offre d'autant plus ten-
tante que la cure d'Afden était l'une des plu
pauvres du canton,
675
ER.NST
b76
de Montaigne : il allait droit aux sour-
ces, abordait de préférence les sujets
difficiles et que personne avant lui
n'avait traités, s'orientait dans les dé-
dales les plus obscurs, ne se laissait
point déborder par les menus détails et
avait à son service une sûreté de coup
d'oeil et une sagacité que les connais-
seurs admirent encore aujourd'hui, c'est-
à-dire en un temps où l'on considère le
sens critique comme une des principales
qualités de l'historien. Il ne lui fut pas
donné de voir son œuvre capitale livrée
à la publicité ; il eut du moins la satis-
faction de ne pas la laisser à l'état
d'ébauche, et il put se flatter en mou-
rant de l'espoir qu'elle verrait tôt ou
tard le jour. Avant de dresser l'inven-
taire des travaux d'Ernst, profitons
d'une communication toute privée pour
pénétrer un instant dans le secret de
cette existence de laborieux anacho-
rète.
« Voici ce que m'a dit un jour, nous
Il écrit un membre de la famille Ernst,
Il un vieillard qui avait connu dans sa
Il jeunesse M. le curé d'Afden. — Il
Il travaillait beaucoup, priait beaucoup.
Il était extrêmement modeste , voyait
« peu de monde, était extrêmement cha-
•I ritable, à tel point que tout ce qu'il
" avait passait en aumônes : les trois
Il quarts du temps il n'avait qu'une che-
II mise, celle qu'il portait. — Il lui
Il arrivait souvent de donner aux pau-
II vres le mince plat de viande qu'il
Il avait sur sa table, au grand chagrin
" de sa servante. Les pauvres, qui le
" connaissaient, ne manquaient jamais
Il d'assiéger la cure aux heures de re-
« pas, et toujours abusaient de la cha-
II rite sans limites de leur bon curé. —
Il Toutes ses dépenses étaient pour eux
« et pour ses livres. Il est mort à l'écart
« comme il a vécu, et c'est sans doute
» pour cela que les détails biographiques
Il qui le concernent sont si rares. « Ils
sont si rares, en effet, que l'administra-
tion communale d'Aubel, qui tenait à
lui rendre un hommage posthume, n'a
jamais pu savoir s'il existait de lui un
portrait peint, gravé ou sculpté; elle a
dû se contenter de faire inscrire sur une
plaque de granit les faits de sa vie géné-
ralement connus. On peut voir cette
pierre encastrée dans une muraille de la
maison natale du vénérable pasteur.
C'est une ferme à vaches située loin du
centre du village, comme on en ren-
contre partout dans le pays de Hervé.
Ernst travaillait véritablement pour
s'instruire et pour instruire les autres,
sans aucune arrière-pensée. Une seule
distinction vint le trouver dans sa re-
traite : l'institut des Pays-Bas lui en-
voya son diplôme en 1814. Il n'eut
guère le loisir de contribuer à l'éclat de
ce corps savant. Une afi'ection nerveuse
se compliqua d'une hydropisie de poi-
trine; quelques semaines de souffrances,
et tout fut dit. Il avait 73 ans.
Voici la liste de ses ouvrages :
I. Polémique, etc.
lo Ze masque limèourffeois se lève.
Liège, 1791, in-4o. (Ecrit anonyme sur
les troubles du duché de Limbourg.) —
2° Observations sur Vinstructioti en forme
de catéchisme, publiée par le professeur
Eulogius Schneider, de Bonn, par un
ami de la vérité. Cologne, 1791, in-8'J
(en allemand). — 3» Traduction en
allemand de la Lettre pastorale de
S. A. Vévéque et prince de Liège, en date
du 7 septembre 1793. Cologne, 1794,
in-8o. — 4'> Observations sur la déclara-
tion exigée des ministres des cidtes, en
vertu de la loi du 7 vendémiaire an iv.
Maestricht, in-8o (1er juin 1797). —
5o Apologie des ministres des cultes qui
ont prêté la déclaration exigée, etc., con-
tre les critiques de MM. Dedoyar et
Van Hoeren, les Motifs de Matines et
autres brochures. Maestricht, 1797,
in-8o (anonyme). 6° Réjlexions sur la
lettre de M. V archevêque de Matines, rela-
tivement au serment exigé des ecclésias-
tiques, par un ancien professeur de
théologie. Liège, 1797, in-12 — 1^ En-
tretien dhin curé et dhin laïque sur la
question : Est-il permis d'assister aux
messes des prêtres assermentés en vertu
des lois du 7 A'endémiaire an iv, et du
19 fructidor dernier, et quel est le sens
de ces serments? Maestricht, an v, in-8»
(anonyme). — Le même ouvrage en al-
677
ERNST
678
lemaiid (Aix-la-Chapelle, in-8'^). —
80 Explanatio formida jurisjurandi de
odio in reg'iam potestatem, etc., galUcè
JParisiis editum latinum fecit, adjicnctâ
prœfatione apologeticâ, adversiis epistolam
pastoris anonymi, S. -P. Ei'nst, etc. Tra-
jecti ad Mosam, ap. Nypels, an vi, in-80.
Le texte original de VExplanatio est
attribué à l'abbé de Malaret. — 9o Ré-
jiexions sur le décret de Rome et la déci-
sion de quelques évéques, relativement au
serment de haine, etc., par un ami de la
vérité et de la paix. Maestriclit, an vu,
, in-80. — IQu Examen delà seconde lettre
du jurisconsulte français au ci-devant no-
taire des Pays-Bas, sur la communica-
tion, en fait de religion, avec les prêtres
qui ont prêté le serment de haine à la
royauté, etc. Maestricht, in-S"^. — Ré-
ponse à une censure assez vive publiée à
Liège en 1798. — llo Pensées diverses
d'u7i bon et franc catholique, à l'occasion
du bref de N. S. P. le pape à M. l'arche-
vêque de Malin es, sur le serment de
haine à la royauté. Maestricht, an vu,
in-80. — l2o Encore un mot sur le ser-
ment de haine, etc. et la rétractation or-
donnée par les réponses de M. di Pietro,
évêque d'Isaure, etc., par un homme de
sang- froid . A Anvers (Maestricht) an viii ,
in-8<J. — 1^0 Le triomphe delavérité, ou le
serment de haine à la royauté justifié par
un bref de N. S. P. le pape Pie VI et
par la déclaration du corps législatif,
par le citoyen Astère. Bruxelles (Maes-
tricht), in-80. — 14o Trois lettres d'un
homme à trois grands vicaires : Corneille
Lemaigre, de Namur ; J.-H. Lands-
heere, de Malines, et Titius, de Liège,
pour les prêtres nommés fidèles, relati-
vement au serment de haine, à la pro-
messe de fidélité et au schisme. Maes-
tricht, an VIII, in-Sii. — Iho Réf exions
pacifiques et catholiques sur l'instruction
importante, par demandes et par ré-
ponses , relativement au serment de
haine et à la promesse de fidélité. Maes-
tricht, an VIII, in-80. — I60 La mau-
vaise foi dévoilée ou réponses aux bro-
chures intitulées : Notice sur Vabbé
Sicard, etc., et Défense légitime, etc.,
relatives au serment de haine et au
schisme, avec quelques oljservations sur
les lettres pastorales de M. l'évêque de
Liège. Maestricht, an ix (1800j, in-So.
— 17° Le serment de haine et le schisme,
considérés dans une lettre de M. le
nonce de Cologne, du 2 janvier 1801,
à quelques prêtres sermentés. En Eu-
rope, an IX (1801), in-80. — 180 Obser-
vations pacifiques sur quelques écrits
anonymes contre le catéchisme, à l'usage
de toutes les églises de l'empire français
(juillet 1807). — Manuscrit perdu.
II. Histoire nationale.
19'j Mémoire sur la question : Vers
quel temps les ecclésiastiques commen-
cèrent-ils à faire partie des Etats de
Brabant ? Quels furent ces ecclésias-
tiques et quelles ont été les conditions
de leur admission? Bruxelles, de l'im-
primerie académique, 1783, in-4o. Ou-
vrage couronné en 1783 par l'Acadé-
mie I. et R. des sciences et belles-lettres
de Bruxelles (voy. le Journal des savans
du mois d'octobre 1784). — 30 j Obser-
vations historiques et critiques sur la pré-
tendue époque de l'admission des ecclé-
siastiques aux Etats de Brabant, vers
l'an 1383, par M***. Maestricht,
1786, in-4o. — 21o Ordines apud Bra-
bantos ejusdem eorum principibus esse
cetatis... Traj. ad Mosam, Lekens, 1788,
in-80. — 22^ Histoire abrégée du Tiers-
Etat de Brabant, ou Mémoire historique
dans lequel, après un coup d'œil sur la
constitution des villes en général au
moyen âge, on voit l'origine dès com-
munes en Brabant, l'époque et les causes
de l'intervention de leurs députés aux
assemblées de la nation, etc. Maestricht,
1788, in-80. — 33" Examen impartial
des observations sur la constitution pri-
mitive et originaire des trois Etats de
Brabant, publiées par les commissaires
de la Société des (soi-disant) amis du
bien public , établie à Bruxelles. A
Maestricht (Bruxelles), 1791, in-80
(anonyme). — La bibliothèque de l'uni-
versité de Liège possède un manuscrit
(no 755) contenant deux mémoires
d'Ernst, rédigés pour l'Académie, en ré-
ponse à des questions de concours. Le
premier, reçu le 13 août 1783, fut
renvoyé à l'auteur le 27, ainsi qu'il
679
ERNST
680
coDste d'une note signée Jos. Ghes-
quière. Le second parvint six jours
après l'expiration du délai fatal et con-
séquemment ne fut point admis à con-
courir. Ils sont respectivement intitulés :
24° Mé'/noire historique sur les comtes de
Hainaut de la première race, pour servir
de réponse à la question proposée par
l'Académie I. etE. des sciences et belles-
lettres de Bruxelles en 1783. — 2^^Bis-
sertation historique et critique sur la
maison royale des comtes d^ Ardennes. —
26» Tableau historique et chronologique
des suffragantsou co-évéques de Liège, etc. ,
où l'on a joint des notices sur l'ori-
gine des maisons religieuses... dans
la ville et la banlieue. Liège, 1806,
un vol. in-8°. ■ — Ouvrage très-curieux,
abondant en renseignements qu'on cher-
cherait vainement ailleurs. — 27° Col-
laboration à VArt de vérifier les dates
(publié à Paris, par les bénédictins de
Saint-Maur), notamment des articles sur
les comtes de Louvain, sur les comtes
et les ducs de Limbourg, les sires
de Heinsberg et de Fauquemont, les
comtes, puis ducs de Clèves, les comtes
et ducs de Berg, les comtes de la
Marck, les comtes et ducs de Guel-
dre, etc. (au t. III, in-folio). — 2^0 Des
comtes de Burbuy et de La Roche, par
M. S. -P. Erust, curé d'Afden, publ.
par M. Ed. Lavalleye, agrégé à l'uni-
versité de Liège. Liège, 1836, in-8o.
— 29o Mémoire sur les comtes de Lou-
vain jusqu'à Godefroid le Barbu, par
M. S. -P. Ernst. Ouvrage posthume, pu-
blié par M. Ed. Lavalleye, etc., Liège,
1837, in-8o. — Quelques passages de
cet opuscule ont été insérés dans V Art
de vérifier les dates (voy. n^ 27); les Nou-
velles archives historiques des Pays-Bas,
t. III, en contiennent une édition com-
plète, due aux soins du baron de Eeif-
fenberg. Ce dernier personnage avait
des idées à lui sur la propriété litté-
raire : il dit simplement en note que le
mémoire en question est tiré des papiers
de S. -P. Ernst, ce qui induit le lecteur
à croire que l'éditeur aurait eu le mé-
rite de coordonner des documents épars.
Il n'en est rien : c'est littéralement le
mémoirr d'Ernst, tel qu'il a été écrit, à
part quelques changements de mots, qui
ligure dans les Archives historiques.
M. Ed. Lavalleye, acquéreur des manu-
scrits de l'auteur en 1836, ne découvrit
le plagiat qu'au moment d'achever l'im-
pression de sa propre édition. Cette
affaire fit grand bruit; cédant aux con-
seils de ses amis, M. Lavalleye résolut
d'attendre, pour se plaindre tout haut,
la publication du tome I", alors sous
presse, de V Histoire du Limbourg (no 3 3).
Il ne donna pas suite à son projet. Qué-
rard se chargea plus tard du rôle de
grand justicier. — 30o Chronologie his-
torique des sires de Salm Reifferscheid en
Ardennes, publiée par le baron de Reif-
fenberg dans les Nouvelles Archives. En-
core un ouvrage d'Ernst. — 31» Mé-
moire sur les sires de C'uycA-, présenté
par ledit baron à Tx^cadémie de Bru-
xelles le 7 mai 1829 et inséré dans les
Nouveaux Mémoires, t. YI (1830), in-4o.
Même observation. — 32» Supplément à
V Art de vérifier les dates et aux recueils
diplomatiques, ou Mémoires sur quel-
ques anciens fiefs de la Belgique {Nouv.
Mémoires de VAcad., t. YIII, 1833,
in-4o). — Œuvre, non du baron, mais
de S. -P. Ernst et du P. Nép. Stephani
(voy. la France littéraire, t. XII, p. 73,
et surtout les Supercheries littéraires de
Quérard, t. III, col. 360 et suiv.). —
33>3 Histoire du Limbourg, suivie de
celle des comtes de Daelhem et Pauque-
mont, des annales de l'abbaye deEolduc,
par M. S. -P. Ernst, curé d'Afden, etc.,
publiée avec notes et appendices et
précédée de la vie de [auteur, par
M. Ed. Lavalleye, agrégé à l'université
de Liège. Liège, 1837-1852, 7 vol.
in-8o. — C'est l'ouvrage capital d'Ernst,
et l'on peut en dire justement : prolem
sine matre creatam. Le baron de Reif-
fenberg écrivait les lignes suivantes
dans sa notice sur Ernst [Biogr. Mi-
chaud, suppl., t. LXIII, Paris, 1837,
in-8«) : " En 1828, le gouvernement
« des Pays-Bas et les administrateurs
" de l'imprimerie normale nous avaient
" invité à revoir et à publier V Histoire
" du Limbourg. La révolution de 1830
« s'opposa à ce dessein, que nous re-
» prîmes avec le libraire Lacrosse en
681
ERNST — ERP
682
» 1834; maia il ae parut qu'un pro-
» spectus de cet ouvrage où il y a plus
" de savoir que de talent, plus de labeur
» que d'idées. " On appréciera la déli-
catesse et l'opportunité de ce jugement;
voici en tous cas les faits, d'après le
journal liégeois VEspoir, bien informé
(voy. Quérard, Supercheries, t. III,
col. 361) : " Après la mort de M. Ernst,
» M. Terwagne, héritier de celui-ci, se
« trouva propriétaire des manuscrits de
■' ce savant religieux et chargea M. Kitz,
" conseiller municipal à Aix-la-Cha-
« pelle, de les mettre au jour. M. Ritz
" n'ayant pu, probablement par des
'■ circonstances indépendantes de sa vo-
" lonté , publier lui-même ces manu-
" scrits, les envoya, sans le consente-
" ment de M. Terwagne, au ministre
« Van Gobbelschroy, pour être publiés
« par la Commission royale d'histoire,
« mais sous le nom de M. Ernst : c'était
« la condition de la cession. M. de Reif-
« fenberg fut chargé de la correction de
" ces manuscrits, qui lui furent remis
« en six volumes reliés. Dans le nombre
Il des pièces se trouvaient quelques co-
« pies dont M. Ritz avait gardé les ori-
" ginaux. La Commission ayant été
.' dissoute par la révolution, M. de Reif-
■' fenberg, au lieu de restituer les ma-
" nuscrits à M. Kitz, dont il les tenait,
" les remit directement aux héritiers du
•' défunt. Pourquoi? Parce que M. de
" ReifFenberg, ayant envie de tirer parti
" du Vie volume, ne leur remit que les
" cinq premiers, et que les héritiers,
" n'ayant jamais eu connaissance des
" six volumes envoyés à Louvain , ne
" pouvaient s'apercevoir de l'absence
" du sixième. « Le baron s'appropria
effectivement le bien d'autrui, et ses
premiers plagiats n'ayant pas été re-
marqués, il s'enhardit. Mais il avait
compté sans les originaux restés dans
les mains de M. Ritz : la mine fut tout
d'un coup éventée, et Reiffenberg dut
signer, en présence de deux témoins,
une déclaration qui rappelle la fable du
Geai paré des plumes du paon. La leçon
lui profita si peu, qu'en 1845 il publia
sous son nom un ouvrage important de
M. Edra. De Busscher {Etudes sur les
loges de Raphaël) ; mais passons. —
U Histoire du Limboiirg est précédée
d'une description détaillée et d'une sta-
tistique du pays et de ses ressources.
Elle commence aux temps les plus recu-
lés et s'arrête à l'année 1427. L'éditeur
se proposait de la continuer jusqu'en
1795 j il abandonna ce projet et ne
rédigea pas même la biographie qui de-
vait figurer en tête du premier volume.
Le tome V contient l'histoire des comtes
de Daelhem et des seigneurs de Fau-
quemont; le Vie, le Codex diplomaticus
de Fauquemont et celui du Limbourg;
le Vile enfin , les Annales Rodenses,
poursuivies jusqu'en 1700. Le tout
forme un monument d'érudition sé-
rieuse, un peu lourdement écrit, mais
solide et instructif comme tous les tra-
vaux qui se ressentent de l'influence de
l'école bénédictine. M. Lavalleye y a
joint des dissertations qui sont loin
d'être sans prix, ce qui peut se dire éga-
lement des notes dont il a parsemé tout
l'ouvrage.
Le baron de Eeilfenberg rapporte
qu'avant l'invasion française, on avait
engagé Ernst à écrire l'histoire ecclé-
siastique du pays de Liège, mais qu'il
n'accepta pas ce fardeau et se contenta
de recherches partielles. Nous n'avons
pu vérifier cette assertion.
Alphonse Le Roy.
Kurze Biographie des verstorbenen Hei'rn SiMOX
Peter Ernst, Pfarrer zu Afdeu, etc. Aix-la-
Chapelle, M. Weiss, 1818, in-1"2. — Maitzinger,
Gelehrten und SchriflsteÙer Lexicon der Teut-
schen caiholischen Geisilicheen. Landshut, 182!^,
t. III, p. i23. — Namur, Bibliogr. académique.
— Becdelièvre. — Biogr. Michaud , Suppt.,
t. LXIU ;arl. du baron de Reiffenberg). — Note
;de Reiffenberg; dans 1 introduction du t. l"^"" de la
Chrotiique rirnée de Ph. Mouskés. Bruxelles,
1836, in-4», p. LXVl — France littéraire, t. Xll.
— Supercheries littéraires dévoilées (Quérard),
^^ édit.. l ill. — Daris, Hist. du diocèse de Liège
(17^4-1832), t. 111 et IV. — Renseignements par-
ticuliers.
ERP {Gérard v.%ii) ou Van Herp.
Ce peintre, sur lequel on ne possède jus-
qu'à présent que des renseignements
incomplets, naquit à Anvers et y fut
baptisé dans l'église de Saint-.Jacques,
le 5 octobre 1605. Il était fils de Jean
van Erp et d'Elisabeth Gelders. Par
son père, il appartenait à une famille
alliée à celle de P. -P. Rubens, et qui
683
ERP
684
avait produit plusieurs artistes dont le
Ligr/ere de la confrérie de Saint-Luc
d'Anvers nous a conservé les noms.
P'après la tradition, A" an Erp fut
admis dans l'atelier de Eubens, ce qui,
en vertu des privilèges accordés au
o-rand peintre, l'exempta d'entrer dans
la gilde de Saint-Luc ; mais cette dis-
pense eut pour effet de nous priver de
renseignements détaillés sur ses faits et
gestes. L'église de Saint-Augustin à An-
vers possède de lui un tableau représen-
tant un épisode de la vie du célèbre
évêque d'Hippone. Au musée de Berlin,
on voit les Paysans sovff.ant le chaud et
le froid; d'autres tableaux se trouvent
disséminés dans les cabinets de plu-
sieurs amateurs de notre pays.
Ce maître resta fidèle à la grande
école de Eubens ; il avait la composition
facile, le style noble, le dessin correct,
le coloris brillant et harmonieux. Na-
gler donne à notre artiste le nom de
Va» Harp. Kramm, dans ses Vies des
•peintres néerlandais, lui consacre deux
articles différents, sans cependant pou-
voir percer le mystère qui enveloppe sa
carrière. p. cénard.
>'oies personnelles et Aauteekeninqen over
P. -P. liiibeus — Ih. Van Lerius et Ph. Rom
bouts, Liggcreii der St Lucas gilde.
ERE» (Henri »'), écrivain mystique,
né à Erp, vers le commencement du
xvie siècle, mort à Malines le 22 fé-
vrier 1478. Voir Henri b'Erp.
EnE'K (Jea7i vaxjou Herpe, dessina-
teur et enlumineur, à Gaud, au xve siè-
cle, né, d'après les biographes hollan-
dais Immerseel frères, en 1432 j mort
en 1486. Jean van Erpe ou Herpe, et
non Jérôme, comme le nomme le cheva-
lier Diericx dans ses Mémoires sur la
ville de Gaud, fut l'un des premiers
enlumineurs affiliés à la corporation
gantoise des peintres, sculpteurs et ver-
riers. Il était fort habile dessinateur à la
plume et peintre à l'aquarelle, rehaus-
sant ses travaux estimés d'or et d'argent,
sur papier, parchemin et ivoire. Jus-
qu'en 1463 les dessinateurs à la plume
{verlichters met de penne), rubricateurs et
enlumineurs d'images, exerçaient libre-
ment leur modeste talent; mais, lors-
qu'ils en vinrent à empiéter sur le
domaine des miniaturistes, leurs produc-
tions éveillèrent la jalousie de ceux-ci,
la miniature étant une des branches du
métier privilégié des peintres. Aussi,
par suite de leurs réclamations, et pour
mettre un terme à cet exercice illégal et
non affranchi de la miniature propre-
ment dite, Mre Daniel De Rycke, doyen
de la corporation, avec ses jurés ou sous-
doyens, eut recours à la magistrature
communale de Gand. Par une ordon-
nance du haut-bailli et du collège éche-
vinal de la Keure, en date du 13 juin
1463, les enlumineurs au pinceau {ver-
lichters met dm peyicheele), qui étaient,
en effet, devenus de véritables miniatu-
ristes interlopes, furent forcés d'entrer
dans le métier plastique et d'y acquérir
la franchise professionnelle, en payant
le quart de la rétribution et des droits
afférents à la section picturale. Ils
obtinrent ainsi, pour eux et leurs des-
cendants mâles, le droit d'avoir des
apprentis et de pouvoir enluminer au
pinceau toutes images non destinées à
des missels ou à d'autres livres; ce der-
nier genre de peintures ne pouvait
s'exécuter que par des miniaturistes
passés francs-maîtres peintres, ou jouis-
sant de l'entier affranchissement de pro-
fession. Toutefois, l'enlumineur déjà
partiellement affranchi avait la faculté
d'acheter la franchise complète, en sup-
pléant les trois quarts restants de l'im-
position habituelle payée par les pein-
tres (1). — C'est ce que fit, en juillet
1463, Jacques Van der Guchte, à Gand;
mais Jean van Erpe, Henri van Bueren
et Alexandre Bening, de qui Hugues
Van der Goes fut le garant, ne pratiquè-
rent à cette époque que l'enluminure
et non la miniature, ni la peinture. Ils
eurent dans leur spécialité artistique
beaucoup de succès et de réputation.
Edni. De Busicher.
C.-L. Diericx, J/émoi>es sur la ville de Gand,
1815. — Immerseel frères, Levens en werken der
holl. en vl. Schilders, etc., 1842. — E. De Bus-
scher, Recherches sur les peintres gantois aujc
\i\' et \\<= siècles, 1858. — Messager des sciences
historiques, Gand.
.1) (>ette réunion des enlumineurs aux peintres
avait eu lieu à Venise en 1441, à Bruges en 1454.
68?
ERRAR - ERREMBAULT
686
ERRA» (J^awj, graveur à l'eau-forte
du xvrie siècle, qui a signé du mono-
gramme I. E. /. un ^paysage d'après
Antoine Waterloo, décrit par Bartsch
(Le Peintre- Graveur, i. II, p. 43, no 35),
sous le titre : Le Troupeau de moutons
traversant Veau. » Nous ignorons, dit
« Brulliot, quel fondement il y a dans
u l'interprétation de ces lettres, n'ayant
« pas vu d'autres ouvrages de cet ar-
« tiste, que Malpé nomme graveur lié-
« geois du xviie siècle, et auquel il
« attribue la suite entière d'après Wa-
« terloo. '/ Ajoutons que Malpé, quant
à l'interprétation des initiales, n'a fait
que reproduire ce que Roland le Yirloys
avait avancé longtemps avant lui.
Il ne sera pas sans intérêt peut-être
de rappeler que le monogramme dont
Errar s'est servi appartient également
à Jean -François Erraels , peintre de
paysages et graveur à l'eau-forte, né
en 1641 dans les environs de Cologne.
On trouve ce monogramme sur une
estampe de ce dernier maître, représen-
tant un bâtiment en ruine.
Emile TaBSet.
Roland le Virloys, ùicl. d'architecture, 1770,
t. 1. p. ooO. — Malpé, Notice sur les graveurs,
1807, t. I, p. -244. — Brulliot, Dici. des mono-
grauiines, t. I, p. 220 et t. Il, ii 184. — Kramm,
Lerens der Kunstschtlders, t. Il, p 439.
EBn.%.Rn ( Gérard - Léonard ) ou
Erard, sculpteur et graveur liégeois du
xviie siècle. Voir Hérard {Gérard-Léo-
nard).
ERREHBAL'LT (Louis), président
du conseil de Flandre, président à mor-
tier du parlement de Tournai. Il appar-
tenait à une ancienne famille noble de
nom et d'armes du Tournaisis qui se
flattait de compter parmi ses ancêtres
deux lieutenants généraux de la prévôté
de Montreuil en 1390 et un grand bailli
de la prévôté de Saint-Bertin, a Saint-
Omer. Il était seigneur de Dudzeele,
du Breucq, de Fermont, qu'il acquit par
acte du 26 mars 1664, de Coolkerke,
de Ramscapelle, de Sablens, du Coul-
tre, etc., et portait, comme ses ancêtres
depuis plusieurs générations, le titre de
maréchal héréditaire du Boulonnais. Il
était fils de Gilles, écuyer, greffier cri-
minel de Tournai, etde Jeanne Desmons,
et naquit à Tournai le 7 mai 1625. Il
fut admis à la bourgeoisie de cette ville,
le 9 février 1650 et épousa, en la pa-
roisse de Saint-Michel, à Gand, le 5 août
suivant, Marie vander Beken, fille de
messire Denis vander Beken, conseiller
au conseil de Flandre, et de dame Marie
Hovinnes.
Errembault fut nommé conseiller au
bailliage de Tournai, par lettres pa-
tentes du roi Philippe d'Espagne, le
28 janvier 1651, puis le 19 mai 1657,
conseiller et maître des requêtes au
grand conseil de Malines. Le 4 décem-
bre 1667, il fut chargé, avec deux autres
commissaires, par le marquis de Castel-
Rodrigo, de se rendre dans la Gueldre,
pour y entendre les plaintes des états, en
apprécier la valeur, et, le cas échéant,
porter remède aux maux que l'on
dénonçait et ramener la paix et la tran-
quillité dans la province.
Il s'acquitta avec honneur de ces di-
vers mandats et, fort de la satisfaction
du gouvernement, n'hésita pas à briguer
le poste de président du conseil de
Flandre, lorsqu'il devint vacant par la
mort du titulaire, Jean-Baptiste délia
Faille d'Assenede. Le roi, considérant
u les sens, prudence, littérature et expé-
rience en fait de justice, de même que
les grands et notables services » d'Er-
rembault, le nomma à ce haut emploi
par patentes du 7 mars 1668, et, par un
autre diplôme de la même date, conseil-
ler-trésorier et garde des Chartres de
Flandre. Les deux charges furent à partir
de ce moment tenues par une seule et
même personne. En 1668, Errembault
fut chargé par le marqtiis de Castel-
Rodrigo, en 1669 et 1670, par le con-
nétable de Castille, de procéder au
renouvellement de la loi de la ville de
Gand et il lui fut spécialement recom-
mandé de choisir « dextrement et secrè-
tement les plus gens de bien, idoines,
catholiques et zéleux du service de
Sa Majesté et du bien public « . Le
25 juillet 1668, le roi Charles ayant
promulgué un règlement pour « apporter
le remède convenable aux désordres
assez connus au fait de la milice, tant
687
ERREMBAULT
688
pour le regard des places fortes, paye-
ment de la milice, monstres, pain de
munition, faits et oppression s de ses bons
subjets et ruines de leurs biens et com-
merce " nomma encore, par patentes du
2 S juillet suivant, Errembault « com-
missaire intendant général de la province
de Flandre pour veiller à l'exécution
dudit règlement » . Le président devint,
en cette dernière qualité, inspecteur des
troupes hispano-belges et les passa plus
d'une fois en revue.
Ses talents, la haute fortune à la-
quelle il arriva à un âge peu avancé, la
justice sévère qu'il fit régner en Flandre
« en y réprimant les voleries et les abus
d'autorité » , lui suscitèrent de nombreux
et de puissants ennemis et l'impliquè-
rent dans des difficultés sur lesquelles
il est difficile de se prononcer aujour-
d'hui et qu'il faut dès lors se borner à
exposer simplement. Il eut des démêlés
éclatants presque à la fois avec le nou-
veau gouverneur général, comte de Mon-
terey, avec le conseil privé, avec le con-
seil de Flandre, avec les ecclésiastiques
et membres de la province. Monterey lui
était moins favorable que Castel-Eodrigo
et il semble avoir écouté avec complai-
sance ceux qui étaient hostiles à Errem-
bault. Cehii-ci fut arrêté à Bruxelles;
mais le connétable de Castille mit
l'affaire en surséance et leva son arrêt
par décret du 5 juillet 1670. A peine
libre, Errembault, fort irrité, attaqua
avec vivacité le conseil privé et le con-
seil de Flandre dans une brochure : Re-
marques sur les abus, etc., qu'il leur
adressa. Il fut aussitôt ajourné devant
l'un et l'autre corps, sous le prétexte
qu'il les avait à diverses reprises inju-
riés et calomniés, et qu'il avait, en vio-
lation de ses arrêts, quitté les Pays-Bas.
Le conseil de Flandre condamna, par un
arrêt rendu le 18 juillet 1671, « la bro-
chure à être déchirée; le défendeur
(Errembault), pour l'avoir publiée et
produite au procès, à comparoir en
chambre secrète du conseil , portes closes,
à demander pardon à Dieu tout-puissant
et à ladite cour au nom de la justice, à
déclarer au surplus qu'il se repent de
tout cœur de la chose; le condamne, en
outre, à l'amende de 2,000 florins caro-
lus au profit de Sa Majesté et aux frais
et mises de justice, au taux de la cour » .
Le même jour, coïncidence au moins
singulière, le conseil privé rendit un
arrêt analogue, rédigé également dans
les termes les plus durs, imposant une
rétractation humiliante à Errembault
et le condamnant à une amende de
6,000 florins, aux dépens et frais du
procès et au bannissement pendant six
ans.
Le président n'avait pas attendu cette
double condamnation pour se mettre
hors d'atteinte. Quittant furtivement le
pays, il s'était rendu en Espagne en
prenant les précautions nécessaires pour
n'être pas reconnu. Admis devant
Charles II, il se jeta à ses pieds, défen-
dit sa cause avec éloquence et demanda
" avec l'accent respectueux de l'inno-
cence que sa tête soit portée sur un écha-
faud si la plus petite des calomnies por-
tées contre lui étoit seulement apparente
et qu'il demandoit des juges pour en con-
noître " . La reine-régente fit examiner
l'affaire à nouveau par le président et le
conseil suprême à Madrid, à l'interven-
tion de trois conseillers du conseil royal
de Castille, qui trouvèrent que les
charges alléguées contre Errembault
Il étaient l'œuvre de la calomnie, enfan-
tée par ses ennemis, envieux de son
mérite et de son austère et ferme impar-
tialité " . Par un décret du 18 septembre
1673, Errembault fut rétabli dans tous
ses emplois, honneurs et biens et, par
un autre du 7 mars 1675, il lui fut
enjoint de retourner promptement aux
Pays-Bas pour reprendre ses fonctions.
On raconte que son retour » porta la
joie dans tous les cœurs honnêtes : une
tradition constante porte que les Gan-
tois célébrèrent le jour de son arrivée de
Madrid par des feux de joie ». Il est
probable que les esprits étaient partagés
et que si le président avait de redouta-
bles adversaires, il comptait aussi de
chauds partisans. Quoi qu'il en soit, sa
disgrâce avait fait du bruit à l'étranger;
son retour de fortune y fit de l'éclat. La
Gazette d' Amsterdam (25 juillet 1675,
u" 30 j en parla à ses lecteurs. Elle
689
ERREMBAULT
690
raconta qu'à son arrivée dans le pays,
Errembault se rendit à l'armée où se
trouvait alors le duc de Villa-Hermosa,
le nouveau gouverneur général, avec les
seigneurs de la cour qui tous félicitèrent
le président de sa rentrée en faveur et
de ce « qu'une personne de tant de mé-
rite et de tant de réputation se soit si
bien défendue contre les fausses accusa-
tions de ses ennemis qui, quelque puis-
sants qu'ils puissent être, ne laissent
pas d'avoir bien de la confusion de voir
sa vertu triompher des calomnies aux-
quelles ils avaient trop légèrement
ajouté foi contre la bonne conduite de
ce digne ministre qui a toujours été sans
reproche « . La Gazette ajoute que, le
lendemain de son retour à Gand, le
11 juillet 1675, le président alla au
conseil de Flandre où il reprit sa place
ordinaire et qu'il y fut reçu par les
applaudissements « tant des conseillers
que des avocats et autres gens de pra-
tique et d'une foule extraordinaire d'au-
tres personnes qui s'étaient rendues
dans la grande salle du conseil, pour le
complimenter et voir le rétablissement
de ce ministre qui n'avait été traversé
que pour avoir tâché de remettre .les
choses en leur premier état et de faire
refleurir la justice; comme les députés
des ecclésiastiques, de la noblesse et du
commerce de la même ville l'ont aussi
hautement avoué lorsqu'ils ont été com-
plimenter le ministre dont ils ont reçu
toute la satisfaction qu'on pouvait atten-
dre d'un homme qui sait la donner à
chacun « .
Bien qu'il eût obtenu justice et réussi
à confondre ses accusateurs, Errembault
n'en garda pas moins un ressentiment
amer des avanies qu'il avait subies et,
lorsqu'il dut choisir entre les Espagnols
et les Français, il n'hésita pas à se pro-
noncer en faveur de ces derniers. On
connaît les événements de la guerre de
Hollande. Le 1er mars 1678, Louis XIV.
mit le siège devant Gand et la ville se
rendit le 9 suivant. Le conseil proposa
au maréchal d'Humières, chargé des né-
gociations, une capitulation particulière
dont le principal article stipulait que
les président, conseillers, etc., seraient
libres de continuer à séjourner à Gand
pendant deux ans et y tenir leurs délibé-
rations, et qu'en cas de départ, ils pour-
raient le faire librement et quand bon
leur semblerait. Mais le monarque fran-
çais entendait les choses autrement. Il
exigea que les membres du conseil dé-
clarassent dans les quinze jours s'ils
voulaient » demeurer ses officiers ou
non II . Au cas qu'ils demeureraient, ils
seraient maintenus dans leurs charges,
dignités et privilèges; au cas contraire,
ils jouiraient des délais accordés par
Sa Majesté aux bourgeois de Gand qui
voudraient s'en aller. Cette alternative
fit naître un grave dissentiment dans la
haute assemblée. Le conseil se compo-
sait à cette époque de vingt-deux mem-
bres. Le président Errembault et dix
conseillers se décidèrent à accepter les
oflxes de la France et prêtèrent serment
à Louis XIV le 23 mars; les onze autres,
à la tête desquels se trouvait le conseil-
ler De Piop, leur ancien, avertirent le
même jour le maréchal d'Humières de
leur intention de rester au service de
Sa Majesté Catholique et se retirèrent à
Bruges. Peu de temps après, le 11 mai,
Louis XIV nomma Errembault le troi-
sième des commissaires royaux pour le
renouvellement du magistrat de la ville.
Lorsque, en vertu de la paix de Xi-
mègue, Gand, Courtrai et Audenarde
furent rendues à l'Espagne, la fraction
du conseil qui résidait à Bruges fut rap-
pelée à Gand. Le gouvernement de
Bruxelles rendit hommage au principe
de l'inamovibilité en maintenant en
fonctions tous les membres du conseil
aussi bien ceux qui étaient restés à Gand
que ceux qui s'étaient transportés à
Bruges. Seul, le président Errembault
ne profita point de la mesure, et il de-
meura au service de la France. Louis XIV
ne négligea rien, du reste, pour se l'at-
tacher. Par un acte du 12 janvier 1680,
Sa Majesté » désirant lui donner des
marques de son affection et lui témoigner
le gré qu'elle lui savait de son zèle et
de sa fidélité », ordonna que, en atten-
dant que vînt ù vaquer une charge de
président dans le conseil souverain de
Tournai ou dans le conseil provincial
691
EKREMBAULT
692
d'Artois, Errembault jouît de toutes les
exemptions, prééminences, privilèges et
franchises dont jouissaient les présidents
de ces conseils. Presque en même temps
Errembault obtint des « exécutoriales "
en France pour faire sortir ses effets au
décret de 1673 touchant le rétablisse-
ment dans sa charge, et les dommages
et intérêts qu'il fit monter à 84,000 flo-
rins. Ces lettres furent adressées au
gouverneur général des Pays-Bas, duc
de Villa-Hermosa. Un autre acte, du
15 juin 1681, signé Louis XIV et con-
tre-signe Letellier, rappelle les services
rendus par Errembault à la France et
lui confère le titre et le rang d'un pré-
sident honoraire. " Mettant en considé-
ration, y est-il dit, les bons et fidèles
services que M. Louis Errembault, cy-
devant président du conseil de Flandre
nous auroit rendus après la réduction
du château de Gand en notre obéissance
et pendant le temps que nous avons été
en possession de ladite place et l'affection
qu'il a depuis témoigné vivre en cet
état, ayant mieux aimé, après la resti-
tution que nous avions faite de laditte
ville et château de Gand au Roi Catho-
lique en conséquence du traité de paix
de Ximègue, abandonner saditte charge
de président au conseil de Flandres et
se retirer dans les terres de notre obéis-
sance avec sa famille que de demeurer
au service dudit Roi Catholique, et dési-
rant lui témoigner la satisfaction qui
nous est demeurée, nous avons estimé
ne pouvoir pour cette fin rien faire ni
qui réponde mieux à ce qu'il nous a
témoigné désirer et à la dignité qu'il a
eue dans ledit conseil de Flandre qu'en
lui en donnant une en notre conseil
souverain de ïournay, le faisant servir
en qualité de président honoraire en
iceluy où même nous espérons que n'y
ayant dans ledit conseil que deux con-
seillers flamands, il nous y servira d'au-
tant plus utilement et )e public qu'outre
l'expérience consommée qu'il a de toutes
les affaires de judicature, il a l'intelli-
gence de la langue et une connaissance
particulière des coutumes dudit pays de
Flandres... « Errembault devait avoir
« entrée, voix et opinion délibérative
tant aux audiences qu'au conseil, assem-
blées de chambre et en toutes autres
séances « y « tenir rang après les deux
présidents et devant les chevaliers d'hon-
neur Il y II jouir des mêmes honneurs,
prérogatives, prééminences et libertés
dont jouissent les officiers dudit conseil « ,
mais il ne pouvait point « avoir part
aux épices dudit conseil ni prendre
aucuns gages, droits et émoluments
quelconques « . Errembault ne fut mis
en possession effective de sa charge que
le 31 octobre 1689. Il devint aussi con-
seiller du roi en ses conseils. Il reçut
une dernière faveur de Louis XIV en
1693. Le monarque français avait créé
trois charges de président à mortier
héréditaires au parlement de Tournai
qu'il avait institué en 1668. Le taux de
chacune était de 45,000 livres. Errem-
bault en obtint une aiiprix de 37,500 li-
vres. Mais il n'en jouit pas longtemps.
Il décéda le 14 juillet 1694. Sa veuve,
qui mourut le 25 septembre 1712, céda
la charge à M. d'Hermaville, qui obtint
les provisions royales après les formali-
tés accoutumées. L'opinion commune est
que Louis Errembault fut un magistrat
de mérite, instruit, impartial et droit;
mais l'obscurité qui entoure une période
intéressante de sa vie empêche de porter
un jugement définitif sur son compte.
Ses armes étaient : de sable à la fasce
d'or accompagné en chef de deux fleurs de
lys d'argent au pied coupé. Il fut enterré,
ainsi que sa femme, dans le chœur de
la cathédrale de Tournai avec l'épitaphe
suivante :
" Icy gisent noble messire Louis
Errembault cy devant chevalier, seigneur
de Dudzeele, conseiller et maistre des
requêtes au grand conseil de Malines,
intendant et président de la province de
Flandre, et à sa mort, arrivée le 14 juin
1694, président de la cour du parlement
de Tournay, âgé de soixante neuf ans,
'deux mois, douze jours, et dame Marie
vander Beken, son épouse, dame dudit
Dudzeele, décédée le 25 septembre 1712,
âgée de quatre-vingt-trois ans , onze
mois, huit jours. «
Il Requiescant in pace. »
Kniilf ct« Uoieligravp.
693
EKKEMBAULT — ERTVELT
H94
Archives de la famille Erreinbault de Dudzeele.
— Archives du conseil de Flandre, n"' 293, 294,
408, 410, el Resolutien van den Hove, IGKMôTS,
MS. de la Bibliothèque de l'Université de Gand,
n'^ 44, Register van Sententien. — Gaillard, Ar-
chives du Conseil de Flandre — Ganser, Le Con-
seil de Flandre. — Hoverlant de Bauweiaere,
Histoire de Tournai, t. 73. — Des Janneaux, His-
toire du parlement de Tournai. — Le Maistre
d'Anstaing, Histoire de la cathédrale de Tour-
nai, I.
ERTBOR^' {Florent- Joseph, chevalier
VAî«), né à Anvers en 1783, mort à
La Haye en 1840. Cet homme remar-
quable, vrai philosophe, voua toute sa
vie à la culture des lettres et des beaux-
arts. Il fut à la fois le protecteur et le
conseiller des artistes, et sut faire le
plus noble usage de sa fortune.
Il avait été bourginestre de sa ville
natale , quand le gouvernement des
Pays-Bas le fit gouverneur de la pro-
vince d'Utrecht. Guillaume lerle nomma
son chambellan, et bientôt après, mem-
bre de l'Institut néerlandais. Les mé-
rites de cet administrateur distingué ne
furent pas reconnus seulement par ses
compatriotes : son nom eut du retentis-
sement à l'étranger : nous le voyons suc-
cessivement chevalier de l'ordre de
Malte, de l'Eperon d'or, de la Légion
d'honneur et du Lion néerlandais.
Quoique Belge, il avait suivi la fortune
du monarqiie qui avait régné quinze ans
sur la Belgique.
Il n'oublia pas pourtant sa ville na-
tale. Sa belle collection de tableaux,
presque tous datant du xve siècle, fut
léguée à la ville d'Anvers, qui l'a placée
dans son muséum et dans une salle spé-
ciale, connue sous le nom de Musée oan
Ertborn. Aug. aivId.
Piron, Levensbeschryving. — Immerseel, Levens
der Schilders. — Kramm, Levens der Kunstschil-
ders.
EHTBORii {Joseph - Charles - Emma-
nuel, baron vai«), né à Anvers en 1767,
mort en 1823. 11 fit .ses études d'huma-
nités au collège de Juilly et, de là,
passa au collège des Anglais (collège
Irlandais) à Liège, d'où ses parents
l'envoyèrent achever ses hautes études
à Munster, capitale de la Westphalie.
Revenu dans sa patrie peu de temps
après la conquête de nos provinces par
les Français, il fut nommé par le nou-
veau gouvernement secrétaire général
du département des Deux-Nèthes. Plus
tard, lorsque l'Académie de peinture fut
fondée à Anvers, il devint membre du
conseil, et en même temps, secrétaire de
cette institution, puis il remplit succes-
sivement les fonctions d'auditeur au
conseil d'Etat, et de sous-préfet à Aude-
narde. C'est vers cette époque qu'on
lui conféra le titre de baron .
Dès 1814, il était membre de la
commission des finances instituée à
Bruxelles , et il devint , lorsque le
royaume des Pays-Bas fut définitive-
ment constitué, inspecteur général des
finances, puis directeur des contribu-
tions indirectes pour la partie méri-
dionale du nouveau royaume.
Il a publié les ouvrages suivants :
lo Recherches historiques sur V Académie
d'Anvers. — 2» Rederykhamers van Ant-
werpen. — ■ 3o Dissertation sur la gilde
de Saint-Luc à Anvers. Aug. Aivin.
Piron, Levensbeschryving. — Delvenne, Bio-
graphie des Pays-Bas.
ERTVEt,T {André •v\'%) ou .\rte-
VELï. La carrière de ce peintre remar-
quable est peu ou pas connue. D'après
les registres baptismaux de l'église
Xotre-Dame à Anvers, il y fut baptisé
le 2.5 mars 1590. Il était fils d'André
van Ertvelt et de Claire Borrewater.
Son parrain fut André De la Fontaine ;
sa marraine, Marie Vervoort.
Admis en 1609 à la maîtrise de la
gilde de Saint-Luc, sous le décanat du
peintre Henri van Balen et du graveur
Théodore Galle, Yan Ertvelt acquit
bientôt une grande réputation comme
peintre de marine ; ses œuvres ont un
aspect grandiose.
Ayant contracté mariage avec Cathe-
rine De Vlieger, il perdit sa femme en
1626-1627, ainsi que le constate le
payement de la dette mortuaire fait, à
cette époque, à la gilde de Saint-Luc.
Notre peintre était en relations avec
les premiers maîtres de son siècle ; il eut
l'honneur de voir son portrait exécuté
par Antoine van Dyck, et cette œuvre
d'art fut reproduite en gravure par
Scheltema à Bolswert.
Van Ertvelt forma plusieurs élèves;
69K
ERTVELT — ESNE
696
le Liggere nous apprend qu'en 1622-
1623 , il reçut dans son atelier Guillaume
Van den Metere et en 1625-1626, Gas-
pard vanEyck.
En 1642-1643, probablement à la
suite d'une contestation entre vendeur
et acheteur, une de ses œuvres fut pri-
sée, officiellement, par les doyens et les
délégués de la gilde de Saint-Luc.
Suivant les comptes de la même con-
frérie et ceux de la cathédrale, André
van Ertvelt mourut à Anvers vers le
11 août 1652.
Le musée de Gand possède un tableau
de ce maître, dont les œuvres paraissent
être devenues rares. p. cénard.
Notes personnelles.— Ph. Rombouts et Th. van
Lerius, Liggeren der S^-Lucas gilde.
ES (Jacques VAx) ou Van Essen.
Certains auteurs font naître ce peintre
en 1556 et d'autres en 1570; le fait est
qu'il vit le jour à Anvers le 15 octobre
1606 et y fut baptisé le même jour
dans la cathédrale. Son père Jean van Es
fut admis à la maîtrise de Saint-Luc en
1609. Sa mère s'appelait Jeanne de
Winckeleers. Inscrit en 1620 dans la
gilde de Saint-Luc comme élève d'Omer
van Ommen, Jacques van Es n'y fut
reçu, en qualité de fils de maître, qu'en
1647-1648 sous le décanat de Mathieu
Musson. Ce fait semble indiquer qu'il
quitta pendant quelque temps le pays
et perfectionna probablement son talent
à l'étranger. Le peintre Jean Meyssens
fit son portrait, qui fut gravé par Wen-
ceslas Hollar et publié en 1649. L'in-
scription placée sous la planche donne
à Van Es le titre de « peinctre excellent
« enfruicts, poissons, oiseauz et fleurs,
« lesquelles il faict extrêmement bien
" au naturel; — il demeure à Anvers,
" y estant né " .
Il fut lié d'amitié avec les premiers
peintres de l'époque, surtout avec Jac-
ques Jordaens, et travailla quelquefois
avec lui. Au musée de Vienne, on voit
deux grands tableaux de sa main ornés
de figures par Jordaens.
Jacques van Es mourut, suivant le
Liggere, en 1666; d'après les recherches
de M. le chevalier Léon de Burbure, cet
événement eut lieu entre le 18 septem-
bre 1665 et le 17 du même mois 1666.
Le portrait de notre maître, accompagné
de vers élogieux, parut dans le Gulden
cabinet de Corneille De Bie. La plupart
de nos musées possèdent de ses œuvres.
p. Génard.
Notes personnelles. — Kramm. Levens der
Kunstficlnlders. — Van Lerius et Ph. Rombouts,
Liggeren der S'-Lucas gilde. — Catalogue du
musée d'Anvers.
ESius (Richard), professeur de lan-
gues anciennes, né à Maestricht en 1546,
décédé à Plaisance en 1629, entra dans
la compagnie de Jésus en 1588. Ses
supérieurs l'envoyèrent dans la province
de Venise, où il s'occupa de l'enseigne-
ment des humanités pendant quarante-
deux années. Les bibliographes de l'ordre
des jésuites lui attribuent les ouvrages
suivants : 1° Institutiones grammaticce
latinœ. — 2° Institutiones linguœ grœcœ.
— 3» Compendium linguœ grœcœ ex Ni-
colao Clenardo. — 4o Compendium linguee
latinœ ex Emmanuele Alvaro. — 5» 7)e
qiiantitate syllaharum. — 6o Simmœ RJio-
dii bipennem qnœ TJieocrito addi consuevit,
e grœco latine reddidit. — 7° Prosodia
rudimenta ex Emmanuele Alvaro, illtis-
trata. Parmœ, typis Anthsei Viothi,
1624, in-16. j. j. Thonissen.
De Backer, Bibliothèque des écrivains de la
Compagnie de Jésus. — J. Blancanus, Loci Ma-
tlieiitatici Arisiotelis ad quœstiones Mectianicas,
quœst. XIX.
ES*E (Michel o'), poëte, écrivain,
évêque, né en 1540, mort le 1er octobre
1614. On le croit natif de Tournai;
quelques biographes cependant lui assi-
gnent la ville de Cambrai comme lieu de
naissance. Son père était seigneur de
Betencourt et de Servin-Villers ; Michel
d'Esne signait presque tous ses ouvrages
de son titre nobiliaire : de Betencourt;
sa mère était également de race aristo-
cratique et se nommait Bonne de La-
laing. Il fit ses humanités au collège de
Houdain, à Mons, et, à peine âgé de
quinze ans, fut admis comme page à la
cour du roi Philippe II; il embrassa
ensuite la carrière des armes, et servit
pendant près de six ans en Flandre et
en Espagne. Pe retour dans son pays,
son attachement à son archevêque et
à son souverain lui suscita beaucoup
697
ESNE — ESPEN
698
d'embarras, surtout lorsque Baudouin
de Gavre eut livré la ville de Cambrai
aux Etats et que le duc d'Alençon se fut
rendu maître de la ville et de la cita-
delle. Il renonça alors au service mili-
taire pour s'adonner à l'étude de la
théologie, à la culture des lettres et par-
ticulièrement à celle de la poésie ; il
entra dans les ordres, fut ordonné prêtre
le 5 janvier 1589, et vécut à Douai sans
y jouir d'aucun bénéfice et en s'y occu-
pant à mettre enfranqais des ouvrages de
piété et des histoires édifiantes. On
trouvera la nomenclature complète des
œuvres de Michel d'Esne, dans le Mes-
saffer des sciences histo?'iqiies,s.nnée 1861,
p. 281 (article biographique par Lecou-
vet). On cite onze de ses ouvrages, dont
dix ne sont que des traductions ; la seule
oeuvre en vers qui ait été publiée est
intitulée : Les quinze mystères du rosaire
de la sacrée vierge Marie, mis en vers
français par le sr de Betencourt, en quinze
estampes coloriées. Anvers , Plantin , 1588,
in-4o. En 1595, il traduisit la vie de
saint François de Borgia qu'il dédia au
roi d'Espagne. Ce monarque pour le
récompenser de sa fidélité le proposa
pour occuper le siège épiscopal de Tour-
nai, dignité qu'on eut de la peine à lui
faire accepter. Il s'y décida enfin et sa
nomination ayant été confirmée par le
pape le 29 novembre 1597, il gouverna
son diocèse pendant l'espace de dix-sept
années. La fondation d'un grand nombre
d'établissements utiles, la création ou
l'augmentation des bibliothèques des
jésuites à Tournai, à Douai, à Comines,
à Lille, furent des preuves de ses judi-
cieuses libéralités. En 1600, il tint, dans
sa cathédrale, un synode diocésain, dont
il publia les statuts avec ceux de ses
prédécesseurs. Ce fut lui aussi qui intro-
duisit dans la prélature l'usage de s'ha-
biller en violet : jusque-là les évêques
et chanoines portaient chape et chape-
ron noirs. En 1599, il reçut dans sa
cathédrale les archiducs Albert et Isa-
belle, qui y prêtèrent le serment accou-
tumé d'observer les droits, privilèges et
libertés de l'Eglise. Il fonda, en mou-
rant, un office en l'honneur de saint
Michel, archange, son patron, fit plu-
sieurs dons à la cathédrale, lui laissant
par testament tout ce qui lui venait de
l'Eglise, et en stipulant que ses biens
patrimoniaux retourneraient à sa famille.
Généreux, compatissantet fort judicieux ,
il apportait le plus grand soin dans le
choix des membres du clergé et il n'ap-
pela dans le chapitre que des hommes
aussi doctes que vertueux. Sa devise
était : Virtute non sanguine.
Aiig. Vandei- Mei^rsch.
Buzelinus, Gallo-Fland., p. 61o. — Sweertius,
p. 567. — Raissius. Belg. Christ , p. 277. — Pa-
quet, Mémoires littéraires, t. III, p. 288. — Du-
thillœul, Bibliographie douaisienne. - LeMaistre
d'Anstaing, Histoire de la cathédrale de Tournai,
t. II, p. H6.
EîiiPEi* {Félix vam), peintre paysa-
giste, né à Herent lez-Louvain, le 25 no-
vembre 1817 et mort dans la même ville
le 13 mai 1857.
Issu d'une famille de riches cultiva-
teurs et élevé dans une ferme située au
milieu d'une vaste plaine {het lang veld),
le futur artiste fut tout naturellement
amené, dès sa plus tendre enfance, à
observer les difl'érents aspects de la na-
ture et s'essaya bientôt à les reproduire .
De la plume avec laquelle il avait grif-
fonné ses devoirs d'écolier, il griftbnnait
aussi, et souvent sur les mêmes pages,
d'informes croquis. Sa vocation se ma-
nifestait et ses parents, loin de la con-
trarier, lui laissèrent une libre expan-
sion. Il fut autorisé à se rendre aux
cours de l'académie des beaux-arts éta-
blie dans la ville voisine ; il les suivit
assidûment, y obtint le premier prix
d'après la figure antique, et s'y lia
d'amitié avec un jeune peintre, Charles
Vander Eycken, qui l'avait précédé de
quelques années dans la carrière des
arts et qui devint son maître. Celui-ci
s'était formé par l'étude des chefs-
d'œuvre réunis dans la célèbre galerie
Vanden Schrieck, et ses premières pro-
ductions semblaient inspirées par Ruys-
dael; moins impressionnable ou moins
enthousiaste, son élève manifesta au
contraire, dès son début, un sentiment
très-personnel dans sa manière d'inter-
préter la nature, sentiment qui s'accen-
tua davantage, surtout après ses voyages
en Suisse et en Italie. Van Espen ne
699
ESPEA
700
reproduisit cependant qu'exceptionnel-
lement les sites grandioses de ces deux
contrées; il s'attacha de préférence à
peindre les paysages boisés, rocailleux,
parsemés d'eaux vives qui abondent
dans les Ardennes, le pays de Liège et
la province de Xamur. En les reprodui-
sant, il leur prêtait en même temps
l'aspect sombre, mystérieux, en harmo-
nie avec les sentiments mélancoliques
qui l'animaient habituellement. La pré-
dominance de ses idées noires ne fit
qu'augmenter avec l'âge, et, bien qu'il
n'eût à se plaindre ni des critiques d'art,
ni des conditions matérielles de son
existence, un si complet désenchante-
ment s'empara de lui, que certain jour,
après avoir relu la vie de Léopold Ro-
bert, il se coupa la gorge, ainsi que
l'avait fait le célèbre peintre français. Il
n'avait pas encore atteint l'âge de qua-
rante ans et promettait de devenir un
maître plus indépendant de la tradition
et plus varié dans ses œuvres que bon
nombre de paysagistes contemporains.
Yan Espen avait débuté à Bruxelles,
au salon de 1836, par iine Vue prise aux
environs de Louvain; il fit ensuite plu-
sieurs envois aux expositions ouvertes
en Allemagne ; enfin il prit part, non
sans succès, aux expositions nationales
de 1842, 1845 et 1854, en y envoyant
successivement une Elable avec riioutons,
— un Site de la vallée de Horenhergs, —
et une Vue prise en Toscane, à Buoncon-
vento. Quelques-uns de ses plus impor-
tants tableaux sont restés dans la pos-
session de son frère , M. Jean van
Espen. Félix Stappaerls.
Renseignements particuliers.
■;.«i»E>" {Zeger-Bernard v.*:*), célè-
bre jurisconsulte et canoniste, né à Lou-
vain le 9 juillet 1646, mort à Amers-
foort le 2 octobre 1728. Son savoir et
son caractère lui valurent une réputation
européenne ; ils inspirèrent une si haute
estime que les tribunaux, les évêques,
les princes firent, parfois, appel à scn
jugement et se montrèrent disposés à s'y
soumettre. Les persécutions qu'il subit
augmentèrent encore sa renommée; et,
bien (pie les conflits religieux dans les-
quels il intervint n'excitent plus guère
d'intérêt, le prestige de sa célébrité
subsiste. « Yan Espen, a dit un émi-
" nent jurisconsulte, M. Dupin, est
" le plus savant, le plus judicieux, le
" plus exact de tous les canonistes. «
Les premières études de Yan Espen
se firent à Tamise, chez les pères de
l'Oratoire. Il étudia ensuite la philoso-
phie au collège du Porc, à Louvain, et
fut élevé à la dignité sacerdotale après
avoir, en 1673, obtenu le grade de
licencié et de docteur en droit. Dès
1674, le magistrat de Louvain l'appela
à donner, à l'université, la leçoti dite de
six semaines, dénomination due à ce que
cette leçon était donnée pendant la durée
des vacances afin de retenir les élèves au
travail. Le professeur, dont la célébrité
devait s'étendre dans le monde entier,
voulut conserver ce cours jusqu'à la fin
de sa carrière, bien qu'il ne lui rappor-
tât que trente écus par an.
Après avoir occupé aussi, pendant
quelque temps , la chaire de droit
canon, Yan Espen résolut, en 1677, de
se retirer au collège du Pape afin de s'y
vouer entièrement à l'étude. Il y com-
posa un livre qui suflSrait, à lui seul,
pour le rendre illustre : Jm ecclesias-
ticum universunt, ouvrage qui eut onze
éditions, publiées successivement à Lou-
vain, à Cologne, à Venise, à Eouen, à
Lyon et à Madrid (1).
La plupart des écrits de Yan Espen
traitent de la discipline de l'Eglise, des
questions purement canoniques, et de
l'intervention du pouvoir civil dans les
affaires religieuses. Le régime politique
actuel, si dissemblable de celui qui
existait lors de la publication de ces
écrits, leur a enlevé toute utilité usuelle :
ils ne reflètent plus que l'image d'une
société qui a cessé d'être. Cependant
Yan Espen s'élève bien aii-dessus du ni-
veau intellectuel de ses contemporains
par l'ampleur de ses vues et par un
esprit de tolérance, d'autant plus re-
marquable qu'il était fort rare, il y a
deux siècles. Les troubles que le jansé-
nisme avait excités en France agitèrent
(1; Lune des éditions les plus répandues est
celle de Louvain, 1733, o vol. m folio.
701
ESPEN
702
aussi notre pays; un prélat plein de
passion les fit naître, alors qu'on parais-
sait être entré, déjà, dans la phase pai-
sible des transactions. L'archevêque de
Malines, Humbert de Précipiano, était
à peine investi depuis trois mois de la
dignité épiscopale, quand il commença
à dépouiller de leurs bénéfices bon nom-
bre de prêtres, sous prétexte qu'ils
étaient jansénistes. L'université de Lou-
vain protesta contre cette iniquité ; elle
en référa au saint-siége et le pape défen-
dit de reproduire d'aussi vagues accusa-
tions; mais l'archevêque ne tint nul
compte de ce bref et les persécutions
continuèrent. Les ecclésiastiques dé-
pouillés durent en appeler aux tribunaux
et les Etats de Brabant, par une con-
sulte adressée à l'empereur (1708), si-
gnalèrent, à leur tour, les abus commis.
Loin d'écouter, en cette circonstance, les
conseils d'une prudente réserve. Van
Espen, bien qu'il appartînt au clergé,
intervint immédiatement dans ce conflit.
Il On traite impunément de janséniste
H qui on veut, écrivait-il, et malgré le
» bref d'Innocent XII, on exclut des
» degrés théologiques , des ordres sacrés ,
« de tout office ou bénéfice ecclésias-
« tique, un grand nombre de sujets
» capables, qu'on ne peut accuser d'avoir
» soutenu aucune des cinq fameuses pro-
« positions; mais qui ont de la peine
H à affirmer avec serment que ces cinq
u propositions se trouvent dans le livre
» de Jansénius (1). «
Ce n'étaient pas les excitations mes-
quines de l'esprit de parti, mais le souci
de la vérité, l'amour de ce qui lui pa-
raissait rationnel et juste, qui poussèrent
Van Espen à se déclarer aussi ouverte-
ment. Bien avant que ces contestations
violentes n'eussent éclaté, il s'expri-
mait avec non moins de netteté. « Après
« tout qu'importe à l'Eglise et à l'Etat,
» disait-il, qu'on croie ou qu'on ne croie
Il pas que Jansénius ait enseigné cinq
» hérésies, pourvu que tout le monde
Il les déteste et les anathématise? Le
u formulaire est inconnu dans les églises
« d'Italie, d'Allemagne et d'Espagne,
(I) Causa Espeniana. Méin. litt. 0, n» 463
el ni.
BIOGR. NAT. — T. VI.
» sans qu'elles en soient moins catho-
« liques et moins heureuses. « Eien de
plus judicieux que cette appréciation,
mais les suggestions du bon sens ne
sauraient être écoutées quand l'intolé-
rance parle, et l'épiscopat de notre pays,
comme celui de France, se plut toujours
à confondre la question de fait et la
question de principe.
Sans s'émouvoir des attaques réité-
rées que lui suscitaient, tout à la fois,
son savoir, sa célébrité et, surtout, son
indépendance de caractère. Van Espen
s'attacha pendant la plus grande partie
de sa carrière à répandre les véritables
notions du droit et à déterminer les
limites dans lesquelles devaient se ren-
fermer l'exercice du pouvoir civil et celui
du pouvoir religieux. Rendre à Dieu ce
qui appartient à Dieu et à César ce qui
appartient à César, telle était sa règle.
C'est afin de l'observer qu'il publia, en
1700 , la Concordance de T immunité
ecclésiastique et du pouvoir civil; qu'il
défendit les mêmes principes dans un
mémoire écrit en 1707, pour le curé
de la paroisse de Sainte-Catherine à
Bruxelles; qu'il écrivit son Traité du
droit d'asile; qu'il fit réimprimer, en
1 712, son ouvrage sur le droit ecclésias-
tique universel; et qu'enfin, parvenu à
l'âge de soixante-dix-neuf ans, il fit
paraître son Traité sur le recours au
prince {De recursu ad principem).
L'énergie de son intelligence persis-
tait pendant que les infirmités de la
vieillesse commençaient à l'assaillir.
Une cataracte l'avait privé depuis long-
temps de la faculté d'écrire, mais sa
prodigieuse mémoire suppléait en quel-
que sorte à son manque de clairvoyance
et lui permettait d'indiquer tous les
documents qu'il voulait consulter. Il
résistait non moins énergiquement aux
attaques de ses ennemis. Rien ne parais-
sait pourtant lasser leur haine, et le
torrent de calomnies, d'invectives qu'ils
déversaient, loin de les calmer, inspira,
peut-être, à l'un d'eux, l'idée d'un
crime. On représenta Van Espen comme
l'instigateur d'une conspiration aussi
préjudiciable à l'Etat qu'odieuse au
clergé : il s'agissait de réclamer la pro-
23
703
ESPEN
704
tection des Provinces-Unies, d'expulser
les envoyés de la cour de Eome, et d'en-
seigner publiquement le jansénisme.
Pour donner de la vraisemblance à une
telle accusation, un moine augustin, le
père Désirant, contrefit la signature de
Van Espen et le dénonça au recteur de
l'université de Louvain. Il en résulta
d'abord un conflit de juridiction entre
l'université et le conseil de Brabant,
puis un procès célèbre, qui ne se ter-
mina qu'après quinze mois de procédure
par la condamnation de l'accusateur (1).
On déclara faux, supposés, scandaleux
et séditieux, les écrits incriminés; ils
furent brûlés le 15 juin 1708, en place
publique à Bruxelles, et, en exécution
du même jugement, le père Désirant fut
banni « à perpétuité de tous les pays de
l'obéissance de Sa Majesté « ; ce qui ne
l'empêclia point de rester en faveur à la
cour pontificale.
Van Espen fit une guerre incessante
aux abus, aux privilèges, aux immuni-
tés que prétendait maintenir le clergé,
tout en respectant ce qu'il jugeait être
conforme aux lois et à l'équité. Cette
résistance aux empiétements, de quel-
que côté qu'ils vinssent, transforma sa
vie en un long combat. Mais son in-
fluence augmentait en même temps que
le nombre de ses ennemis; elle était
puissante dans les tribunaux; elle se
manifestait même dans les mesures
prises par le gouvernement, témoin le
placet royal exigé en 1722, pour tous
les actes émanés du saint-siége. Le grand
conseil de Malines donna aussi une
preuve de la haute estime que lui inspi-
rait Van Espen en condamnant la cri-
tique de ses ouvrages publiée par un de
ses membres (2). Ce fut la phase la plus
brillante de la carrière du célèbre cano-
niste.
Après être sorti victorieux de tant de
luttes, il devait succomber à son tour et
(■1) Ce proc(''s est ordinairement désigné sous
le nom de la Fourberie de Louvaiu, qualification
devenue liislorique et qui s'attache comme une
flétrissure à la mémoire du père Désirant.
(2; Le ^)ère Govaerts qui, dès -1699, avait atta-
qué Van Lspen sur la liberté de l'Eglise et qui,
après avoir fait une critique hargneuse du grand
ouvrage sur lo droit ecclésiastique universel, fut
son intervention dans un conflit, dont
rien n'annonçait d'abord l'extrême gra-
vité, devint la cause de son exil. Comme
d'autres docteurs de Louvain, il avait
approuvé l' élection par le clergé d'Utrecht
d'un archevêque. Corneille Steenoven,
élection et ordination non admises par
le saint-siége et dont Van Espen, con-
sulté par le chapitre, maintint cepen-
dant, au point de vue juridique, la vali-
dité (.3). L'écrit publié par lui à cette
occasion, la Réponse épisiolaii'e , ayant
été dénoncé au conseil d'Etat par l'in-
ternonce, la lacération en fut ordonnée
sans que l'auteur fût même admis à se
défendre. Il crut alors devoir porter ses
« remontrances » jusqu'au pied du trône
impérial et elles y furent indirectement
appuyées par la faculté de médecine de
l'université de Louvain, qui, en s'adres-
sant au médecin de l'empereur, affirma
que Van Espen, « aussi pieux que sa-
II vaut, était la gloire de l'université «.
Ses ennemis n'en persistèrent pas moins
à arracher au corps universitaire une
condamnation. Le vice-recteur, le cé-
lèbre docteur Eega, fut chargé d'instruire
le procès et de former une commission,
qui, bien que défaite et refaite par la
cour, eût encore donné gain de cause au
prévenu si on lui eût permis de pronon-
cer un jugement définitif. On s'y opposa
afin d'attendre la venue d'un recteur
mieux disposé à violer toutes les garan-
ties académiques. En efi"et, dès que le
rectorat fut changé, Van Espen se vit
suspendu de ses fonctions et sommé de
rétracter son écrit (1er février 1728). Ce
n'était pas assez : l'archevêque vint en
aide aux persécuteurs en exigeant une
profession de foi. Cette exigence à
l'égard d'un prêtre, d'un docteur qui
enseignait depuis cinquante ans, sans
que son orthodoxie eût été suspectée,
constituait une injure gratuite. Le con-
seil souverain d'abord, les Etats du
condamné à laisser biffer de cette critique tout ce
qu'elle renfermait d'injurieu.\. Ajrét du!22 février
f72a.
{\^) On contestait au chapitre d'L'trecht le droit
d'élire son évoque et l'église de Hollande reven-
diquait l'exercice de ce droit en se fondant sur
d'antiaues privilèges. Van Espea émit un avis
favorable à cette prétention.
705
ESPEN — ESPINOSA
706
Brabant ensuite, s'en émurent et signa-
lèrent cet abus de pouvoir à la gouver-
nante des Pays-Bas; mais celle-ci et le
président du conseil privé étaient alors
complètement dominés par les membres
de la compagnie de Jésus. Van Espen
n'avait plus de justice à attendre : il ne
lui restait d'autre alternative que de fuir
ou de démentir lui-même les convictions
qu'il avait hautement affirmées pendant
un demi-siècle. 11 ne pouvait hésiter :
il se réfugia, en premier lieu, à Maes-
tricht. puis à Amersfoort, où il mourut
à l'âge de quatre-vingt-deux ans et huit
mois.
Comme l'avait déclaré l'illustre octo-
génaire peu de temps avant de mourir,
il s'était expatrié, non par crainte des
tribulations et des souffrances, mais
parce que, vu le déclin de ses forces, il
redoutait que ses persécuteurs ne par-
vinssent par violence à lui arracher un
désaveu de ses principes; et c'est sans
doute grâce à cet acte de prudence que
rien n'est venu altérer la glorieuse unité
de sa carrière. Félix siappseiu.
Du Parc de Bellegarde, Vie de Van Eapen, par
un licencié en droit. Louvain. 1767. — De Bavay,
Van Espen juriscnnsuUe et canonisie belge,
Bruxelles, -1846. — F. Laurent. Van Espen, élude
hmoiique sur l'Eglise et l'Etat, Bruxelles, 1860.
EKPEREX {Pierre- Joseph), né à Gand
le 29 janvier 1780, mort à Malines le
13 août 1847. Engagé volontaire, en
1803, dans le 112e de ligne, il fut
blessé à Wagramet nommé, sur le champ
de bataille, lieutenant de voltigeurs; il
prit part aux campagnes d'Allemagne et
de Eussie. Blessé de nouveau, le 23 août
1813, à Goldsberg, en Silésie, il put se
rétablir assez promptement pour faire
k, campagne de Toscane. Il obtint sa
pension en 1817, mais sa rentrée au
service, pendant les événements de 1830-
1831, lui valut le titre de major. Le
major Esperen est une des notoriétés de
la pomologie à laquelle il s'est adonné
sans relâche de 1817 à 1847. Emule de
Van Mons, il fut plus réservé et plus
judicieux que lui. Son jardin était situé
à Duffel. Son nom est attaché à plusieurs
fruits très-estimés, la Bergamotte Espe-
ren, le Bezy Esperen, etc., mais il en
produisit quantité d'autres et des meil-
leurs, par exemple, la Joséphine de
Malines et le Soldat laboureur. Il n'a
pas composé de livres, mais ses produc-
tions sont plus durables et ont plus
ajouté au bien-être de l'humanité que
beaucoup d'écrits. Ed. Jlorren.
L. Berchmans. dans les Annales de la Soc. de
bot. et d'af/ric. de f;a??rf, 1848, p. 188. — J. De-
caisne, dans \e Jardin fruitier du Muséum, article
Esperen « Poire Esperen ».
ESME^'XES »» FAY (Jean »'), cha-
noine, poëte latin, né à Mons en 1592
ou 1593, mort à Xamur, le 21 dé-
cembre 1640. Voir D'Espienxes du
Eat (Jean).
EPiPiifOSA (Antoine- Alard ou Ece-
rard oe), religieux capucin, mission-
naire, prédicateur, douzième évêque
d'Anvers. Il naquit à Termonde à la fin
du mois de décembre 1659, fut ondoyé
le 28 du même mois et baptisé le 10 oc-
tobre de l'année suivante. Son père, qui
appartenait à une famille espagnole très-
distinguée, fixée depuis quelque temps
en Belgique, était don Diego Gomez,
comte de Espinosa, chevalier de l'ordre
militaire de Saint-Jacques, conseiller du
conseil suprême de guerre de Sa Majesté
Catholique, mestre de camp général de
ses armées aux Pays-Bas, et successive-
ment gouverneur des forts de la Bassée,
d'Ostende, de Gand, de Termonde et
d'Anvers. Sa mère était Marie-Margue-
rite d'Aubermont, fille de Gaspard-An-
toine, seigneur de Eibaucourt et de
Grimberghe, mestre de camp d'un tercio
d'infanterie wallonne, conseiller du con-
seil suprême de guerre, gouverneur et
grand-bailli de Termonde, et de Ma-
rie-Lambertine d'Enghien de Kester-
gate. Issu d'une famille essentiellement
militaire, Antoine-Everard fut destiné
d'abord à la carrière des armes. Il devint
capitaine d'un escadron de cavalerie ;
mais ses goûts le portaient ailleurs.
A peine âgé de dix-huit ans, il se voua
à l'état ecclésiastique et fut nommé cha-
noine de la collégiale de Sainte-Gudule,
le 29 juillet 1677. Il obtint en même
temps l'autorisation de faire les hautes
études théologiques à l'université de
Louvain. Un peu plus tard, il se sentit
irrésistiblement attiré vers le cloître et
707
ESPINOSA
708
prit l'habit de capucin, à Louvain, le
3 avril 1681, sous le nom de frère
CJiarles de Termonde. Il devint successi-
vement » gardien « à Tirlemont et vi-
caire à Tervueren, fut, pendant huit ans,
curé et missionnaire au fort d'Ysendyke
et nommé, en 1711, en la même qualité
à Sambeeck, près Boxmeer, en Gueldre,
où il demeura douze ans. Sou mérite
comme prédicateur, son zèle de mission-
nai re et ses éminentes vertus lui acquirent
un tel renom que le cardinal d'Alsace,
alors archevêque de Malines, demanda
qu'il devînt son coadjuteur. Cette pro-
position fut agréée à Rome et Espinosa
fut préconisé au siège de Tricala, dans
la Turquie d'Europe, in partibus infide-
lium, le 23 septembre 1722. Sa famille
lui fit à cette occasion une pension de
4,000 florins. Le conseil d'Etat éleva
d'abord des objections au sujet de cette
nomination, prétextant que l'installation
d'évêques coadjuteurs était tombée en
désuétude ; mais il ne persista pas dans
cette manière de voir et Espinosa fut
sacré à Malines le 29 septembre 1723,
par le cardinal d'Alsace, assisté des
évêques d'Anvers et de Bruges. Il fut en
même temps nommé confesseur de l'ar-
chiduchesse Marie-Elisabeth qui avait
l'habitude de l'appeler « mon évêque « .
Bien que, modeste et humble, Espinosa
ne recherchât aucune sorte de dignité,
il ne tarda pas à être présenté pour le
siège épiscopal d'Anvers, devenu vacant
par la mort de Mgr. Pierre-Joseph de
Francken-Sierstoff, décédé le 19 octobre
1727. Le pape Benoît XIII le préconisa
le 23 juin 1728, et il prit possession de
son nouveau diocèse le 15 juillet de la
même année. Son administration, qui
dura quatorze ans , fut tout entière
occupée par des œuvres de piété et de
charité dont les archives de la cathé-
drale de Notre-Dame d'Anvers contien-
nent les nombreux témoignages. Il mou-
rut le 31 juillet 1742, pleuré et regretté
de tous. Son testament reflète les senti-
ments de profonde humilité qui l'animè-
rent pendant toute sa vie. Il voulut être
enterré sans aucune pompe, défendit
(jue son écusson fût exposé et qu'aucun
discours fût prononcé sur sa tombe. Il
résulte d'un extrait des comptes de la
cathédrale que les frais de ses funérailles
se montèrent à peine à 143 florins. Il
fit de grandes largesses aux pauvres en
même temps que des legs pieux et institua
un certain nombre de bourses d'études
en faveur de jeunes gens hollandais,
en souvenir des douze ans qu'il avait
passés aiix Pays-Bas. Il fut inhumé, à sa
demande expresse, dans le cimetière de
la cathédrale, au pied de la croix. On
lisait sur le mausolée l'épitaphe sui-
vante, qu'il avait composée lui-même :
F. CAROLUS DE ESPINOSA
EX ORDINE CAPUCINORUM, EPISCOPUS TRICALENSIS,
SUFFRAGANEUS EM™' CARDINALIS DE ALSATIA,
ARCHIEPISCOPI MECHLINIENSIS,
DEMUM EPISCOPUS ANTVERPIENSIS
HIC JACEO,
ULTIMUM JUDICn DIEM EXPECTANS.
SORS MEA, QUAE TE LATET, LECTOR,
MIHJ MODO NOTA EST;
AUT BENIGNISSIMUM REDEMPTOREM,
AUT ^ÛUISSIMUM JUDICEM EXPERIOR,
HIC STA
ET ENIXO VOTO MEO ANNUE.
TU HUNC ET ILLUM EX NUNC
IN .ÏTERNUM LAUDA.
IDEM ENIM DEUS EST, SANCTUS ET JUSTUS
IN OMNIBUS OPERIBUS SUIS.
ORA PRO ME, UT ^TERNA
R. I. P.
OBHT 31 JOUI, ANNO 174'2.
Par suite de l'érection de la statue de
Rubens sur la Place Verte, où était
autrefois le cimetière de Notre-Dame,
les restes d'Espinosa furent exhumés, le
13 mai 1843, et solennellement trans-
portés à l'église où on les plaça provi-
soirement dans le caveau du chapitre.
Ils furent déposés définitivement dans le
caveau des anciens évêques d'Anvers,
sous le maître-autel.
Espinosa portait : écartelé aux 1 et 4
d'argent à l'arbre de sinople terrassé de
même, accosté de deux loups aflfrontés
de sable et rampants contre l'arbre;
bordé d'une bordure de gueules à huit
étoiles, à six rais d'or; aux 2 et 3 de
sable au lys éployé d'argent; l'écu des
1 et 4 brochant sur le tout. Devise : Arce
lypOS. Emile de Boreligrave.
F. Perier, A. E. de Espinosa, etc., Dender-
monde, 187"2. — De Ram, Synodicum Anlver-
piense. — Vande Velde, Synopsis. — Piron,
Levensbeschryving. — Goelhals, Dict. généalogique
et héraldique. — Journal historique et littéraire
de Liège, juin 1848. — MS. n» ^\\m de la Biblio-
tlièquc de Bourgogne : Levens der zeer doorl, en
709
ESPINOSA — ESSCHE
710
huogw . Biachoppen van Antwerpen , etc., par
Vander Straelen. — Inscriptiows funéraires d'An-
vers, p. 56.
ESPixoY {Charles de i,'), magis-
trat, mort à Douai en 1585. Voir De
l'Espinot {Charles).
ESPIXOY {Philippe DE I.'), héral-
diste et généalogiste, né vers 1552,
mort à Gand vers 1633. Voir De l'Es-
pinot {Philippe).
ESSCHE {Nicolas vaî«), Esschius ou
EscHius, théologien, né à Oosterwyck,
près Bois-le-Duc (ancien Brabant), en
1507, mort le 1 9 juin 1 5 7 8 . Elevé pieu-
sement, il manifesta dès son enfance une
ferveur extraordinaire. Après avoir suivi
les basses classes de l'école des Clercs de
la vie commune à Bois-le-Duc, il étudia,
à Louvain, d'abord la philosophie, puis
la théologie, y obtint le baccalauréat,
fut sacré prêtre à Liège et partit pour
Cologne, où il s'occupa de l'éducation
d'un assez grand nombre de jeunes gens.
Plusieurs hommes éminents sortirent de
son école, entre autres Pierre Canisius,
jésuite, et Laurent Surius, chartreux.
Son savoir et sa piété lui valurent l'offre
honorable de se charger de l'éducation
du jeune duc de Juliers; les désordres
qui régnaient parmi les gens de la cour
l'empêchèrent d'accepter cette mission.
Lui-même vivait de plus en plus avec
austérité et avait un désir extrême de
se faire chartreux ; mais la faiblesse de
sa constitution ne lui permettant point
d'observer la discipline sévère de cet
ordre, il dut se borner à imiter la vie
solitaire de ces moines et il obtint une
cellule à la Chartreuse de Cologne, où
il se retirait assez souvent.
En 1538, il fut nommé curé du bé-
guinage de Sainte-Catherine à Diest;
mais il renonça à cette fonction pour
retourner à la Chartreuse de Cologne. Ce
fut pour peu de temps. Le prêtre qui le
remplaçait ayant abandonné la cure, les
supérieures du béguinage élurent Van
Esschen une seconde fois pour leur pas-
teur ; il dut obéir, et ce fut alors qu'il
introduisit et fit observer de nombreuses
et judicieuses réformes dans la commu-
nauté. Plus tard il fonda une maison
semblable à Oosterwyck, lieu de sa nais-
sance. La ville de Diest lui doit aussi
deux collèges destinés à de jeunes gar-
çons : l'un, nommé de Saint-Sauveur,
fut fondé près de la maison pastorale,
l'autre reçut le nom de collège des Per-
sonnes ou curés. Enfin il rebâtit près du
béguinage de Diest un couvent de sœurs
grises, dit le Val de Sainte-Anne et dont
les religieuses se vouaient au service des
malades.
Malgré ses vertus, on osa dénoncer
Eschius aux inquisiteurs. Euard Tapper,
doyen de Louvain, et Michel Driutius,
officiai de Liège , firent les perquisi-
tions les plus minutieuses et procla-
mèrent hautement l'innocence de l'ac-
cusé. Sa renommée de vertu devint
même si grande, que Maximilien Moril-
lon, vicaire général de Malines et plus
tard évêque de Tournai, le chargea de
réformer diverses maisons religieuses
où la discipline s'était rélâchée. Après
avoir rencontré quelque résistance, il
réussit dans cette tâche difficile, et le
cardinal de Granvelle, appréciant ses
services , le nomma archiprêtre du
doyeimé de Diest.
Ce fut dans l'exercice de ces diverses
fonctions que Van Esschen termina sa
carrière remplie de bonnes œuvres. Son
tombeau se trouve au bas du maître-
autel des Béguines de Diest, avec son
épitaphe, rapportée par Paquot. Sa vie
a été écrite par Arnould de Jean, son
successeur à Diest, et son portrait se
voit dans la même église sous un cru-
cifix, avec une inscription flamande. Il
existe encore d'autres portraits de Nie.
Eschius , dont un gravé par J. Ber-
terham, reproduit dans Foppens> placé
en tête de sa vie.
On a de lui : lo La Perle de V Evan-
gile, traduit du saxon en flamand. An-
vers, 1539, in-12. Ibid., 1629, in-12.
Outre cette traduction, Eschius a fait
celle de Margarita Evangelica, in lihros
quatuor divisa. Colonise, 1545, in-12;
l'auteur de ce traité est, paraît-il, une
religieuse allemande. Sa Margarita a été
souvent réimprimée en latin, en fran-
çais, en flamand et en allemand. — •
2" Templnm animée. Antv., 1543, in-12;
711
ESSCHE — ESSCHEN
712
raité dû au même auteur que le précé-
dent. On trouve en tête de ce volume :
Isayoge, she introductio ad vitam con-
troversam caijeHcendam . — 3» D. Joannis
Thauleri De Fita et passione Sahatoris
nostri Jesu Christi , nunc demmn ex
idiomate germanico reddita latine. Ad-
junda aunt ejuhdem ferme arpimenti alla
quadara exercitia anthore D. Nicolao
Eschio. Coloniœ, 1348, 2 vol. in-12.
Plusieurs fois réimprimé et traduit. Pa-
quot donne de longs détails à ce sujet.
Dans l'édition flamande de ces exercices
de piété, on trouve la vie d'Eschius,
traduite aussi en flamand. — 4° Règle-
ment de vie, dressé pour lui-même et
que le père A'an Esscte s'eflbrça de sui-
vre; opuscule, apparemment écrit en
latin par l'auteur, mais qu'on trouve
rédigé en flamand à la suite de sa vie,
p. 135-142. Il laissa encore d'autres
ouvrages restés manuscrits.
Aug, Vander Meerscli.
Sweertius. Alhenœ belgicœ, p o7o. — Foppens,
Bibtiotheca belgica, t. 11, p. 9Uo. — Paquot, Jile
moires liitiraires, t. Xll, p. 88. — De Feller, Lic-
tionuaire historique. — Delvenne, Biographie des
Pays-Bas. — Glasius, Biocjraphisch wooraeiiboek.
— Moreri. Grand Liiciionuaire historique.
t:mfiVUE% (Pierre- Josse v.%x), méde-
cin et poëte, né à Bruxelles le 5 mai
1805, mort à Louvain le 18 janvier
1838.
Le titre de poëte est dû. à Van Es-
sclien, car non-seulement il a laissé un
recueil de poésies inédites, mais il a
remporté le prix dans un concours qui
a eu un grand retentissement : il s'agis-
sait de célébrer, en vers, le Triomphe de
l'indépendance )iatio7iale et les destinées
de la patrie. Le ministre, M. Charles
Kogier, avait institué, en 1834, ce con-
cours à l'occasion du quatrième anni-
versaire de la révolution de 1830.
Soixante-seize concurrents prirent part
à la lutte pour la poésie française. Le
jury était composé des hommes les plus
compétents } c'étaient MM. le baron
de Stassart, le baron de Eeiftenberg,
Ph. Lesbroussart, J.-B. Yautier, André
van Jlasselt , Baron et Bergeron. Le
jugement unanime du jury a été ratifié
par l'opinion publique. Les vers de
Van Esschen sont d'une facture sage.
les pensées sont élevées, le sentiment
est d'un patriotisme ardent.
Dans un travail intéressant et spiri-
tuel, un de nos plus féconds écrivains
spécialistes, feu le docteur Broeckx, a
relevé quarante-six noms de médecins
qui se sont fait connaître comme poètes.
Pour arriver à ce chiffre, il a dû remon-
ter jusqu'au xvie siècle. On rencontre
dans la liste vingt-neuf docteurs-poëtes
ayant écrit en latin, onze ayant employé
l'idiome flamand, cinq le français et un
la langue grecque. Il résulte de cette
statistique que la qualité de poëte se
trouve rarement unie à celle de méde-
cin, en Belgique du moins. Van Esschen
a prouvé que s'il a cultivé les muses,
celles-ci ne lui ont pas fait négliger les
études et les devoirs de sa profession.
C'est ce qui ressortira de l'analyse des
travaux qui ont rempli sa trop courte
carrière.
Il avait fait, à l'athénée royal de
Bruxelles, de fortes études d'humanités
et c'est à l'université de Gand qu'il
étudia la médecine et prit ses grades,
subissant tous ses examens summa cum
lande. Sa dissertation pour l'obtention
du doctorat a eu lieu le 25 août 1828.
Elle est intitulée : Spécimen inaugurale
physiologico-medicum de animi pathema-
tum in corpus humanum ayendi modo,
31 pages in-4o.
Immédiatement après avoir été reçu
docteur, il fut nommé répétiteur de la
faculté de médecine de la même univer-
sité, fonctions qu'il remplit durant deux
ans. Il devint, en 1831, docteur en chi-
rurgie et en accouchements, après avoir
subi, à cet ettèt, ses examens avec la
plus grande distiiiction. La législation
n'exigeait pas alors la réunion des trois
doctorats pour pouvoir pratiquer l'art de
guérir.
En cette même année 1831, il fut
nommé professeur et bibliothécaire à
l'école spéciale de médecine de Bruxelles.
Il reçut alors du gouvernement le titre
de membre de la commission nationale
des récompenses, et c'est en cette qua-
lité qu'il procéda à l'examen des blessés
de 1830.
Lorsque l'université libre fut érigée.
713
ESSCHEN
714
en 1834, l'école de médecine devint une
des facultés de la nouvelle institution
académique. Yan Esschen figura dès lors
sur le programme comme professeur
ordinaire des cours de inédeciae léyale et
d'histoire de la médecine. Il ne conserva
point longtemps cette position. Le corps
épiscopal avait, de son côté, érigé à
Malines une université catholique, qui
ne reçut son entier développement que
lorsque la loi de 1835 sur l'enseignement
supérieur ayant supprimé l'université de
l'Etat établie à Louvain en 1817, l'uni-
versité catholique quitta Malines pour
occuper les locaux abandonnés jiar celle
de l'Etat. Van Esschen fut une des
recrues de la nouvelle institution : il vint
y occuper les chaires à.t pathologie interne
et de médecine légale, mais ne les con-
serva que durant trois années.
A l'époque où l'on commençait à
s'occuper sérieusement des projets de
lois ayant pour objet la réorganisation
de l'instruction publique, après la crise
de 1830, Yan Esschen avait adressé à
M. Ph. Lesbroussart, administrateur
général de l'instruction publique, une
lettre mr Vétat actuel de V enseignement
médical en Belgique, et sur les moyens de
V améliorer . Cette lettre parut en une bro-
chure de 56 pages in-So. Yan Esschen a
publié en outre les opuscules suivants :
Du choléra- morbus asiatique, mémoire
couronné par la société des sciences mé-
dicales et naturelles de Bruxelles (1833,
180 pages in-8o). A l'apparition de la
redoutable épidémie, il avait été envoyé
par la régence de Bruxelles à Gand et à
Tournai pour y étudier la maladie avant
qu'elle eût fait invasion dans la capitale.
C'est lui qui, en 1833, avait organisé,
en qualité de commissaire du gouverne-
ment, les services sanitaires dans les
communes de Willebroeck, de Blaesvelt,
de Puers, de Hingene, de Bosschen, de
Tamise, de Rupelmonde et de Basel.
Il fut requis, à la même époque, par
l'administration communale de jMolen-
beek-Saint-Jean pour donner ses soins
aux cholériques. Aussi fut-il compris au
nombre des médecins auxquels le gou-
vernement décerna une médaille en
souvenir des services rendus à l'hu-
manité dans ces tristes conjonctures.
La Bibliographie médicale peut encore
citer comme sorties de la plume féconde
de Van Esschen les productions sui-
vantes :
udfialgse du mémoire sur V ophthalmo'
loyie qui règne dans V armée belge, par le
docteur Jungken, processeur à V université
de Berlin ; réjiexions sur les maladies
épidémiques et sur la contagion. Ces deux
écrits ont été insérés dans V Observateur
médical belge. Il avait, quelques mois
auparavant, donné au Recueil encyclo-
pédique belge plusieurs articles, parmi
lesquels on peut citer, comme se rap-
portant à ces mêmes questions, celui qui
a pour titre : De la difficulté de constater
les causes des épidétnies.
Lorsque le Recueil encyclopédique cessa
de paraître, c'est V Observateur médical
qui recueillit sa succession , remise
entre les mains de Yan Esschen. Il pour-
suivit la publication de ce dernier jusqu'à
ce que ce recueil lui-même et V Abeille,
à laquelle le Dr Lequime collaborait
aussi, firent place aux Annales de méde-
cine belge et étrangère, dont la carrière à
été moins éphémère que celle de ses
devanciers.
Au nombre des écrits de Van Esschen
on doit encore citer le discours qui
servit d'introduction à son cours d'his-
toire de la médecine et qui fut prononcé
en décembre 1835 à l'université libre de
Bruxelles (15 pages in-8o). Ces travaux,
déjà considérables eu égard à l'âge de
leur auteur, avaient valu à celui-ci
d'honorables et flatteuses distinctions
de la part de nombre de sociétés sa-
vantes du pays et de l'étranger. Il avait
été élu membre de la Société des sciences
?nédlcales et naturelles de Bruxelles, le
7 juin 1833, de la Société polytechnique
de Paris, le 5 mai 1834, de la Société
royale médico-chirurgicale de Berlin, le
29 mai, de la Société de médecine de
Gand, le 3 septembre, de VInstitut
historique de Paris, le 13 décembre de
la même année, de la Société des sciences,
des lettres et des arts du Hainaut, le
5 février, de la Société de médecine de
Caen, le 10 mars, et de la Société des
sciences, des lettres et des arts d'Anvers,
V
715
ESSCHEN — ESTRIX
746
le 12 mai 1835. La mort prématurée de
Yan Esschen produisit une douloureuse
impression, dont le recteur magnifique
de l'université catholique de Louvain se
fit l'éloquent organe lors des obsèques
du savant et regretté professeur. Ce
discours a été reproduit dans V Annuaire
de V université catholique de 1839, avec
de précieuses notes où l'on peut voir
que, parmi les manuscrits délaissés par
le défunt, se trouvaient : un recueil de
poésies françaises qui n'ont point vu le
jour ; les cahiers des cours dont il était
chargé tant sur la pathologie que sur
l'histoire de la médecine ; des lettres sur
l'éclectisme; des notes sur le système
nerveux, le somnambulisme, le magné-
tisme animal, le suicide, la folie ; un
écrit intitulé : Un mot sur V action du
gouvernement en fait d'instruction et sur
les effets probables de la concurrence. On
peut dire sans exagération que cette
courte carrière a été bien remplie et
que Van Esschen a bien mérité de la
science. l. AWin.
EfSiTiKVEXART {Jean-Baptistc-Ful-
gence), médecin, né à Dour le 30 mars
1765, y décédé le 1er juin 1839. Il
étudia la médecine à l'université de
Louvain, obtint le doctorat le 31 mars
1788 et se fit connaître par l'ouvage
suivant : De preecipuis ab ira in corpore
humano productis effectibus. Lovanii,
1788, in-8o. Une seconde édition en fut
publiée dans la même ville en 1796,
in-8o. Aug. Vandcr Meersch.
Mathieu, Biographie montoise,'^. 304. — Piron,
Levenabeschryvingen.
KSTRix. {Egide), ou Esscherix,
polémiste, né à Malines le 5 septembre
1624 et mort à Rome le 23 avril 1694.
Il était fils de Melchior et de Barbe
NeeiTs. Après être entré le 30 septembre
1641, au noviciat de la compagnie de
Jésus à Malines, il alla à Courtrai
achever ses humanités, sous la direction
de Sidronius Hosschius, et étudia la
philosophie dans la maison de son ordre
à Louvain, Il se voua ensuite à l'ensei-
gnement pendant quelques années, au
bout desquelles ses supérieurs l'envoyè-
rent à Rome pour faire sa théologie. Il
y fut ordonné prêtre en 1657. Revenu
dans sa patrie, Estrix occupa la chaire
de philosophie au collège des jésuites
d'Anvers. Plus tard il donna le cours de
théologie scolastique au collège de
Louvain, dont il devint préfet des études,
puis recteur. Pendant qu'il remplissait
cette dernière charge, il fut nommé pro-
vincial de la province Flandro-belge, le
27 avril 1684, fonction qu'il conserva
jusqu'en 1687. Peu de temps après, il
partit pour Rome, où il décéda.
Le P. Estrix composa quatorze ou-
vrages théologiques, la plupart relatifs
au concile de Trente : les uns sont signés
de son nom, les autres ont paru sous le
pseudonyme François Simonis. Ces écrits
sont dirigés contre certains docteurs de
l'université de Louvain, qui, par leurs
enseignements, rendaient presque inac-
cessible le tribunal de la pénitence.
Estrix attaqua en ce même point d'autres
théologiens, tels que le chanoine Van
Buscom de Gand et un curé de Bruges,
Pierre Moens. Le P. DeBacker a donné
la liste de ces divers ouvrages, dont
quelques-uns ont été traduits en d'autres
langues. Le portrait d'Egide Estrix a
été gravé sur cuivre par A. Op de Beeck
de Malines, aux frais du chroniqiieur
Azevedo. Emmanuel Neeffs.
De Backer, Bibliothèque des écrivains de la
Compagnie de Jésus. — Sources manuscrites di-
verses.
E!i«TRix (Jean) ou Esscherix, écri-
vain ecclésiastique, né à Malines le
8 septembre 1602, décédé le 3 août
1665. Cousin germain du précédent
Egide Estrix, il était fils de Corneille et
d'Anne Van den Hove, nièce de l'arche-
vêque Hovius. Il fut différentes fois
prieur et maître des novices chez les
Augustins, dans diverses villes, et devint
visiteur provincial de la province de
Cologne, qui comprenait les provinces
belges.
En 1632, le chapitre des Augustins,
réuni à Bruxelles, désigna le P. Estrix
pour introduire des réformes au couvent
de Waldringe (Sarrelouis). Il s'acquitta
de cette mission avec tant de succès,
qu'en 1641 le général de l'ordre l'en-
voya en Autriche, en qualité de com-
717
ESTRIX — ETIENNE
718
missaire général, dans les couvents des
Augustins, afin de les rappeler à une
plus sévère observance, Estrix traduisit
en flamand : La. Vie de saint Thomas de
Villeneuve, publiée en espagnol par Mi-
chel Salonius, ouvrage imprimé à An-
vers chez Henri Haertssens, 1660; —
la Vie de saint Thomas de Jésus, d'après
le même auteur, — et jErumnce Christi.
Mais ce dernier ouvrage ne fut pas livré
à l'impression; on sait seulement que le
couvent de Saint- Augustin, à Gand, en
possédait autrefois le manuscrit.
Emmanuel NéelTs.
Chronicon cotiventus Eremum S. Augustini
Mechliniœ ab anno l'2o2 per Fratrem Lamhertum
à S. Joanne. MSS. — De Tombeur. MSS. sur
les Augustins belges. Tome I, p. 40o. Tome III,
p. 486. Tome IV, p. n84 et 598. — De Tombeur,
Belgica Aiujustiniana, Lovanii, 4727, p. 1 16.
E!*TRUEX {Jean), trouvère, né à
Tournai, xiiie siècle. Voir Je-IN d'£s-
TRUEN.
ETiEXXE, XXXVIIIe évêque de
Liège (dixième successeur de saint Hu-
bert, qui transporta en cette ville le siège
de l'ancien diocèse de Tongres), mourut
le 19 mai 930, après un règne d'environ
dix-huit ans. Il était de race noble, allié
à la famille royale de France, ainsi que
le témoigne en termes formels un diplôme
de Charles le Simple. Les historiens lié-
geois le qualifient de comte de Salm (de
Sayn, selon Jean d'Outremeiise?); saint
Gérard de Brogne (voir ce nom) était
son neveu du côté maternel. Il étudia
d'abord à Metz, puis à V Ecole du Palais,
où il eut pour maître le philosophe
Maunon; Kadbod et Mancion, qui de-
vinrent dans la suite évêques, l'un
d'Utrecht, l'autre de Châlons-sur-Marne ,
y furent ses condisciples. Trithème et
Launoi, d'après Sigebert et des chroni-
queurs plus anciens, le représentent
comme doué d'une grande facilité de
parole, particulièrement habile à inter-
préter l'Ecriture sainte, aussi familier
avec la littérature profane qu'avec la
littérature sacrée, pourvu de connais-
sances toutes spéciales en musique et en
liturgie. Peu soucieux cependant des
avantages que pouvaient lui procurerson
savoir, sa naissance et le séjour de la
cour, il alla vivre dans la retraite à
Metz, simple chanoine de la cathédrale.
Il eut beau faire, son mérite ne pouvait
rester méconnu : il fut pourvu de l'ab-
baye de Saint-Mihel en Lorraine, pro-
bablement dès 888, si l'on doit admettre
avec les Bénédictins que l'abbé Etienne
qui assista (seul de ce titre) au concile
de Metz tenu cette année, ne saurait être
autre que notre personnage. Quoi qu'il
en soit, l'évêque de Liège Francon (voir
ce nom) étant mort en 903, Etienne fut
choisi pour le remplacer. Il commença
par aider à la restauration de Moustier-
sur-Sambre et de quelques autres mo-
nastères dévastés par les Normands;
avec Dodilon, évêque de Cambrai, il fit
la dédicace de l'église renouvelée de
l'abbaye de Lobbes, alors déjà réunie à
l'évêché de Liège (904). Le roi Louis de
Germanie lui confirma cette possession
en 907, ainsi que celle de Fosses, le fisc
de Tedis (Theux), le tonlieu et la mon-
naie de Maestricht, enfin l'abbaye de
Herihotesheim (Eberstein-Munster en
Alsace ?). En outre Charles le Simple lui
fit don (915) de la forêt de Theux et lui
assura des droits sur Malines. Ce der-
nier point est moins bien établi : en
tous cas, les prétentions de Liège à
l'égard de Malines furent confirmées ulté-
rieurement par Othon 1er et Othon III.
Tout en veillant ainsi à l'accroissement
et à la prospérité de son domaine ecclé-
siastique, Etienne s'acquitta des charges
du saint ministère avec le plus grand
zèle; il suivit notamment ses prédilec-
tions naturelles en s'adonnant à l'ensei-
gnement, tant à Liège qu'à Lobbes (qui
le compte au nombre de ses abbés).
C'est à Liège qu'il eut pour disciple
Hilduin, qui faillit devenir son succes-
seur et parvint en revanche à l'archevê-
ché de Milan; c'est à Lobbes qu'il fit
l'éducation littéraire de Rathère, dont
on racontera plus loin la vie agitée, de
Scamin et de Theoduin. Non-seulement
il enseigna, mais il écrivit et fit écrire.
Il refondit la Vita et passio S. Lamherti
du diacre Gottschalck, dont les lettrés
tournaient en ridicule le langage gros-
sier : on possède encore cet ouvrage,
ainsi que l'épître dédic^toire adressée
719
ETIENNE
720
par Etienne à son métropolitain Heri-
man, archevêque de Cologne, pour le lui
soumettre, A vrai dire, cette épître est
elle-même assez peu élégante j le reste
est plus tolérable, mais d'un ton affecté
en rapport avec le goût de l'époque; le
récit, par parenthèse, est souvent entre-
coupé de vers de la façon du digne
évêque. C'est sur l'ordre d'Etienne,
d'autre part, que Hucbald de Saint-
Amand, l'un de ses admirateurs, com-
posa la vie de sainte Eictrude. On
attribue encore à notre prélat différents
offices, entre autres celui de V Invention
de saint Etienne^ dont la musique a été
très-vantée,un^r</fJffliV^ dédié à Kobert,
évêque de Metz, et quelques traités éga-
lement perdus : les curieux en trouve-
ront l'indication dans l'Histoire littéraire
delà France, t. YI, p. 170-172. Etienne
mourut paisible et respecté, au com-
mencement du règne d'Henri l'Oise-
leur; il fut enterré dans la crypte de
l'église de Saint-Lambert de Liège.
Alphonse Le Roy.
Surius. — Chapeauville. — Wauters, Table
chronol. des diplômes imprimés, t. 1. — Mabillon,
A7in. S. Bened., t. VII. — Les Bibliothèques des
écrivains ecclésiastiques. — Fisen et les autres
historiens de Liège.
* ETiExxE, évêque de Tournai, né
à Orléans en 1128, mort en 1203.
Ce prélat, qui prit une part très-
active aux actes accomplis par le roi
Philippe-Auguste pendant les premières
années de son règne , fut évidemment
placé sur le siège épiscopal de Tournai
pour seconder la politique de ce mo-
narque en Flandre et dans les contrées
voisines. Né à Orléans le 19 février
1128, comme l'a établi l'un des savants
rédacteurs de VITistoire littéraire de
Fratice (et non en 1132 ou en 1135),
il reçut ses premières leçons d'un pro-
fesseur qu'il ne désigne, dans une de
ses lettres, que par l'initiale de son
prénom, À. Il abandonna ensuite les
écoles de l'église Sainte - Croix d'Or-
léans, pour aller étudier le droit à Bo-
logne, sous le célèbre Bulgarus, et il
compta parmi ses condisciples le car-
dinal Gratien, l'évoque de Césarée Hé-
raclius, le pape Urbain III, ainsi qu'en
témoignent divers passages de sa cor-
respondance; il semble même qu'après
s'être raillé des devoirs de sa profession
d'avocat, il l'exerça pendant quelque
temps.
Vers 1155, il prit l'habit religieux
dans l'abbaye de Saint-Evurce ou Eu-
verte, dont il devint le supérieur huit
ans plus tard. Pendant les premières
années après sa profession, il avait re-
commencé à se livrer à l'étude et se
rendit à Chartres pour y fréquenter les
écoles; il mettait tant de zèle à com-
pléter son instruction que son abbé,
Eoger, qui abdiqua plus tard en sa
faveur, dut lui écrire à trois reprises
pour le faire revenir au monastère.
A peine occupait-il le siège abbatial
qu'un incident mit en relief l'énergie
de son caractère et ses capacités. Le
doyen de l'église Sainte-Croix, Jean de
la Chaîne, ayant été assassiné, il fut
chargé de prononcer, dans un synode
qui se tenait à Sens, un discours ayant
pour but d'émouvoir l'assemblée et de
la déterminer à sévir contre les meur-
triers. Mais, soit qu'il ait, en cette occa-
sion, méconnu les droits de l'autorité
suprême, soit pour une autre cause, ce
fut contre lui que se tourna l'indignation
du roi Louis VII, et il en aurait ressenti
les effets, sans l'intervention bienveil-
lante de Guillaume de Champagne,
alors évêque de Chartres et grand pro-
tecteur des lettres.
Après avoir signalé son administra-
tion par la restauration des bâtiments de
l'abbaye, Etienne fut appelé à diriger
le célèbre monastère de Sainte-Gene-
viève, de Paris, au grand regret de sa
communauté, qui lui témoigna sa re-
connaissance pour son habile gestion
en lui assignant une pension viagère.
A Paris, le nouvel abbé se montra éga-
lement à la hauteur de sa mission : il fit
prospérer le monastère en même temps
qu'il maintenait chez ses religieux une
discipline sévère et développait parmi
eux le goût de l'étude. Il semble avoir
été très-peu sympathique aux études qui
se faisaient à l'université ou, pour mieux
dire, dans les grandes écoles de Paris,
car il en écartait ses subordonnes. « Si
c'est votre intention « , écrit-il à Absa-
721
ETIENNE
722
Ion, archevêque de Lund , en Suède,
Il de faire de votre neveu un homme du
Il monde, vous pouvez choisir pour son
Il instruction une autre ville que Paris,
Il car je ne pourrais souffrir que, sous
Il mes yeux, il se livrât au verbiage et
Il aux détours de la dispute ; cela tour-
" nerait à ma confusion. »
Philippe-Auguste avait, dès cette
époque, choisi Etienne pour l'un des
hommes aptes à remplir des missions
délicates et importantes. On peut être
assuré que Guillaume de Champagne,
devenu archevêque de Reims et l'un des
prélats les plus puissants de France, ne
resta pas étranger à son élévation. Le
monarque l'envoya , en 1181 , vers
Henri, évêque d'Albano, légat du saint-
siége, qui parcourait alors le Languedoc,
où la guerre avait multiplié les ruines ;
il dut se rendre ensuite auprès du pape
Lucius III, en remplacement de l'arche-
vêque Guillaume, dont le roi jugeait la
présence indispensable en Prance ; mais
au moment où il allait partir, Philippe-
Auguste, à ce qu'il paraît, changea
d'avis. Un fils, qui fut appelé Louis
comme son aïeul Louis VII et son
bisaïeul Louis VI, étant né au roi en
1187, Etienne fut son parrain.
En 1191, le siège épiscopal de Tour-
nai vint à vaquer par la mort d'Everard
d'Avesnes. Pierre, chantre de la cathé-
drale de Paris, ayant été élu pour le rem-
placer, l'archevêque de Reims, qui gou-
vernait le royaume en l'absence du roi,
alors en Palestine, se refusa à ratifier ce
choix, bien qu'il fût « légal et cano-
niqxie «, ainsi qu'Etienne le lui déclara
dans une de ses lettres. Ce fut ce der-
nier que le gouvernement français pré-
féra; le clergé tournaisien se soumit à
la volonté du souverain, mais le pape
Celestin III fit quelques difficultés,
bientôt résolues. A en juger par une
lettre adressée à Barthélémy de Ven-
dôme, archevêque de Tours, la consé-
cration épiscopale fut donnée au nouveau
prélat, en 1192, pendant les octaves de
la Résurrection; un acte du 31 mai 1139
est daté de l'an premier de son ordina-
tion. Jean, neveu de l'abbé de Hautvil-
liers, lui succéda le jour de la Concep-
tion , pour diriger le monastère de
Sainte-Geneviève .
A partir de cette époque, Etienne,
que l'on appelle souvent' de Tournai,
parut se dévouer complètement à ses
devoirs épiscopaux : sa correspondance
nous le montre absorbé par les multiples
devoirs de son ministère. Il ne cesse, il
est vrai, de recommander l'un ou l'autre,
de donner des consultations, etc., mais
ce qui le préoccupe surtout, c'est l'état
dans lequel se trouvent les communautés
religieuses et les églises du diocèse. Il
assista au couronnement de la reine In-
geburge de Danemark et s'intéressa à
cette princesse infortunée, que Philippe-
Auguste avait bientôt repoussée de sa
couche et reléguée à Cysoing, près de
Tournai.
Etienne offre le premier exemple d'un
évêque de Tournai luttant pour le main-
tien de ses droits contre la commune de
cette ville. Avant lui, les bourgeois y
avaient conquis des franchises très-
étendues, et ses prédécesseurs s'étaient
contentés, paraît-il, d'un reste de pou-
voir. Etant influent auprès du monarque,
Etienne voulut employer au profit de son
autorité la faveur dont il jouissait et il
fut, en effet, soutenu par Philippe-Au-
guste qui très-souvent humilia les bour-
geoisies au profit du clergé.
A son avènement , les Touruaisiens
avaient refusé de lui prêter serment de
fidélité, en prétextant l'obéissance à la-
quelle ils étaient tenus envers le roi ; il
fallut que celui-ci leur enjoignît formel-
lement d'observer l'ancienne coutume et
de se lier par un serment envers le pré-
lat. De nouveaux sujets de contestation
n'ayant pas tardé k éclater, le roi chargea
l'évêque d'Arras, Pierre, et Jean, châte-
lain de Lille, de s'interposer en son nom
entre le prélat et les bourgeois; mais ces
arbitres n'obtinrent aucun résultat, les
Touruaisiens ayant déclaré qu'ils enten-
daient soumettre leurs doléances au roi
lui-même. L'archevêque de Reims leur
proposa alors de choisir la coutume de
l'une des six villes : Eeauvais, Senlis,
Amiens, Noyon, Soissons et Laon, qui
servirait dorénavant de base aux rap-
ports existants entre la cité et le clergé.
723
ETIENNE
724
Les Tournaisiens, obligés par le roi à
désigner l'une de ces villes (18 août
1196), se déterminèrent enfin pour
Senlis (en 1200).
Une guerre venait de prouver à
Etienne combien sa position était diffi-
cile. La Flandre, sous la conduite de son
jeune comte, Baudouin, dit depuis de
Constantinople, s'était déclarée contre
la France et avait contracté alliance
avec Richard Cœur de Lion, roi d'An-
gleterre. Philippe- Auguste fit jeter l'in-
terdit sur la Flandre, mais le bailli du
comté, Bernard de Robais ou Roubaix,
appela au saint-siége de la décision du
légat, et le clergé du diocèse de Toiirnai,
(dans lequel la Flandre était comprise en
partie) profita de cet appel pour se refu-
ser à exécuter la sentence d'interdit.
Accablé de menaces par ses subordonnés,
Etienne se vit bientôt assiégé dans sa
ville épiscopale, dont il représente les
bourgeois comme maniant à la fois l'épée
et la truelle, l'épée pour se défendre, la
truelle pour augmenter leurs fortifica-
tions. Malgré leur ardeur. Tournai dut
se rendre et n'obtint la conclusion d'une
trêve que moyennant le payement de
3,000 marcs (20 juillet 1197), somme
dont le chapitre de Notre-Dame et l'ab-
baye de Saint-Martin ne voulurent payer
leur part que moyennant un acte de
non-préjudice.
L'évêque Etienne a attaché son nom
à la construction d'un édifice d'une
certaine importance au point de vue
archéologique. Malgré les réclamations
des bourgeois de Tournai, il fit bâtir
entre son palais et l'église Notre-Dame
la chapelle dite de Saint- Vincent, qu'il
fit consacrer le 23 mai 1198 et par la-
quelle il pouvait se rendre, en secret, de
sa résidence dans sa cathédrale. Cet ora-
toire étant construit dans le style de la
transition romano-byzantine , renverse
complètement l'opinion d'après laquelle
le chœur de l'église, cette belle produc-
tion du style ogival, daterait des pre-
mières années du xiie siècle.
L'évoque eut à lutter pour habituer
le clergé régulier et le clergé séculier à
respecter son autorité. Il soutint des
contestations a\issi bien contre son cha-
pitre et celui de Seclin que contre les
puissantes abbayes de Saint -Bertin à
Saint-Omer, de Saint-Amand, de Saint-
Martin de Tournai. Et néanmoins il
n'oubliait ni le monastère de Saint-
Euverte, où il avait passé une partie
de sa jeunesse, ni celui de Sainte- Ge-
neviève, de Paris. Il entretenait une
correspondance active avec un grand
nombre de personnages de pays parfois
très-éloignés ; ainsi il fit présent à l'un
de ses amis d'un flacon de thériaque du
Levant, qu'il avait reçu de l'archevêque
de Mopsueste ou Mamistra, dans l'Asie
Mineure. Il en résidtait que les fonc-
tions de son chancelier , remplies en
1203 par un nommé Gisein, ne consti-
tuaient pas une sinécure.
Il donna 17 bonniers de terres et
100 livres parisis au réfectoire du cha-
pitre de Notre-Dame, k charge de con-
stituer son anniversaire par l'achat de
rentes. Outre qu'il fit cadeau à l'église
d'objets précieux en argent, tels que
deux encensoirs, un pot à laver, une
table pour le maître-autel, il lui légua
afin d'achever la voûte (non du chœur,
mais des transepts), le produit du quart
du winage ou tonlieu de Tournai, quart
qu'il avait acquis du châtelain Bau-
douin, pour un terme de dix ans. A sa
mort, arrivée en 1203, il eut pour suc-
cesseur un ecclésiastique nommé Gosuin.
L'évêque Etienne était polygraphe,
c'est-à-dire qu'il cultivait diS'érents
genres de littérature. Indépendamment
de ses lettres, qui constituent la majeure
partie de son œuvre, il a écrit quelques
sermons, un commentaire sur le décret
de Gratien et des poésies. Les sermons
ont été composés, soit pour lui-même,
soit pour l'un de ses protecteurs, Bar-
thélémy de Vendôme , archevêque de
Tours. Leur valeur est médiocre, à en
juger par le passage suivant de V Histoire
littéraire : « Ils sont bien diS'érents des
« belles homélies des saints Pères et
« de leur manière d'expliquer l'Ecriture
« sainte. On n'y trouve pas cette morale
» substantielle qui nourrit et ravive les
« âmes. Ce sont des allusions froides ou
« de petites pointes selon le goût du
H temps. «
725
ETIExNNE — ETIENNE 11
726
On n'a publié que des fragments de
ces sermons et le commentaire est encore
inédit. Quant aux poésies, elles se ré-
duisent à peu de chose, quoique Etienne
eût, de son temps, la réputation d'un
versificateur habile. Pans sa jeunesse il
en avait composé de profanes, qu'on n'a
pas daigné recueillir. A la demande de
l'abbé et des religieux de Selva-Majour ,
il écrivit l'office de leur fondateur, saint
Géraud, qui venait d'être canonisé (en
1197); ce travail, dont Papebroch a pu-
blié des fragments dans les Acta Sancto-
rutn {Ap'ilis t. I, p. 410), donne une
assez pauvre idée du poëte.
On lit avec intérêt les lettres, qui
sont pleines de détails sur les événe-
ments et les hommes du dernier tiers du
xiie siècle. L'évèque met souvent du feu
dans son style et raille parfois avec
agrément. On a publié plusieurs édi-
tions des lettres d'Etienne. Jean-Bap-
tiste Masson en fit imprimer 240, à
Paris en 1611, à la suite de la correspon-
dance de Gerbert et de Jean de Salis-
bury; son travail, qui était fort défec-
tueux parce que Masson s'était servi
d'un mauvais manuscrit, a été reproduit
dans la BlbliotJieca patrum, de Lyon
(t. XXI, p. 1 à 53). Pierre-Claude De
Molinet, chanoine régulier de la congré-
gation de France, les édita de nouveau
en 1679; il a donné 286 lettres, mais
Baluze, qui en avait revu et préparé le
texte, fut si peu content du travail de
De Molinet, qu'il en prépara un autre,
où le nombre des lettres fut porté à 319
et que l'on a utilisé dans la publication
intitulée Notice des 7nanuscrits de la
bibliothèque royale (t. X, p. 66 et suiv.)
et dans la dernière édition des lettres,
celle qui fait partie de la Patrologie de
Migne. Alphonse Wauters.
Histoire littéraire de France, t. XV, pp. §"24 et
suiv. — Cousin, Histoire de Tournai. 1. 111, p. 30:2,
et !. IV, p. 2. — Wauters, Table chronologique
des diplômes imprimés concernant l'histoire de la
Belgique, 1. 111, passim., etc.
KTiE!ViiiE II ou Stepelin (1), musi-
cien et écrivain ecclésiastique, naquit
vers le milieu du xie siècle et mourut à
{\) Ne pas le confondre avec le moine Stepelin
de Saint-Trond, que les bénédictins font vivre à
la fin du xi« siècle {Hisi. lut., l. Vlll, p. 418, 419j.
Liège le 24 janvier .1112, après avoir
gouverné pendant dix-sept ans la cé-
lèbre abbaye de Saint- Jacques. Possevin
s'est gravement trompé en le reportant
au viiie siècle, puisque ledit Cœuobium
de Saint-Jacques ne fut fondé qu'en 1014
par l'évèque Baldéric II (voy. ce nom),
immédiatement après la bataille de Hou-
gaerde, en exécution d'un vœu. Les
études y étaient très-florissantes lorsque
Etienne y entra ; il acquit un savoir peu
commun et se fit estimer en outre par
ses qualités personnelles, si bien qu'il
fut désigné pour succéder à l'abbé P^o-
bert (1095). L'un de ses premiers actes
fut l'adoption des règlements de Cluny,
qui ne tardèrent pas, par son influence,
à être également introduits dans l'abbaye
de Saint-Trond (1103). Les deux monas-
tères étaient en relations intimes : c'est
à Saint-Jacques que Eodulphe de Saint-
Trond et ses moines, dépossédés par un
intrus, cherchèrent un refuge en 1107;
Etienne les accueillit généreusement et
se fit même leur champion : il siégea en
pacificateur dans l'assemblée qui fut
convoquée à Liège par l'empereur, venu
tout exprès en cette ville pour terminer
le dift'érend.
Etienne était fort habile musicien :
on cite de lui un répons commençant
par les mots Florent mundi, en l'honneur
de saint Benoît, et un autre en l'honneur
de l'apôtre saint Jacques le Majeur. Il
laissa nombre d'autres compositions esti-
mées; elles ne sont point arrivées jus-
qu'à nous. Etienne compte aussi parmi
les écrivains ecclésiastiques : un seul de
ses écrits a été publié par Surius et par
les Bollandistes : la Vie de saint Modoald,
archevêque de Trêves, mort en 640. Le
couvent de Helmershausen, au diocèse
de Paderborn, avait obtenu de l'arche-
vêque Brunon les reliques de ce person-
nage, qu'on suppose frère d'Iduberge,
femme de Pépin d'Héristal. Pour édifier
le monde sur l'importance de ce présent,
l'abbé Tietmar résolut de faire composer
une vie du saint. Un moine ayant été
chargé de recueillir des mémoires et des
trf'^itions, la renommée d'Etienne l'at-
. .... jusqu'à Saint- Jacques, et là seule-
ment sa mission put aboutir : Etienne
727
ETIENNE II — ETIENNE WARELLE
728
entreprit lui-même des recherches et
rédigea en trois livres l'ouvrage désiré.
C'est un écrit assez prolixe, en style
fleuri, mais passable pour l'époque.
Pour en remercier l'auteur, la commu-
nauté allemande lui dédia un récit de
la Translation des reliques de saint Mo-
doald de Trêves à Helmershausen, récit
digne d'être mentionné à cause des cu-
rieiix détails, tant géographiques qu'his-
toriques, dont il abonde. En dépit de
l'épître dédicatoire, on est fondé à croire
que la dernière partie de ce morceau a
été écrite ou tout au moins revisée par
Etienne : on .y reconnaît, à ne pas s'y
méprendre, sa phraséologie. Xotons en
passant que la Gallia cJiristiana attribue
la Vie de saint Mo^oald à Etienne III,
abbé de Saint-Jacques : c'est une erreur
manifeste . Alphonse Le Roy.
Acta sanctorum, i2 mai. — Histoire littéraire
de la France, t. X, p. o2!2 et suiv. — Becdeliè-
vre, etc.
ETiEx:vE DE i^iÉciE, troisième abbé
de Saint -Airy à Terdun, écrivain ecclé-
siastique, né à Liège au commencement
du xie siècle et mort à Verdun en 1076.
Il embrassa la vie religieuse dans l'ab-
baye bénédictine qui venait d'être fon-
dée nouvellement à Verdun en l'honneur
de saint Airy, et y fut formé sous la
direction habile de Baudry, premier
abbé de ce monastère. Il devint lui-
même le troisième abbé de cette maison
après le décès de Baudry et d'Encelin,
le successeur de celui-ci. Il fit fleurir
dans l'abbaye de Saint-Airy la disci-
pline monastique et le goût des belles-
lettres, au point qu'on tira de ce mo-
nastère jusqu'à douze religieux pour
les mettre à la tête de diverses maisons
de l'ordre de Saint-Benoît. Etienne de
Liège mourut avec la réputation d'un
saint; aussi plusieurs de ses biographes,
entre autres dom Calmet, n'ont-ils pas
craint de lui donner le titre de bienheu-
reux.
Il a laissé une Fie de fsaint Airy,
ouvrage bien écrit, mais où la critique
fait un peu défaut, chose d'ailleurs peu
étonnante pour le siècle où Etienne écri-
vait.
E.-H.-.I. IlcusenB. (gg
Histoire littéraire de la France, VIII, p. 39.
ETIE^XE DE IrVAI^COURT OU
Etienne Walcourt, grammairien et
poète du XTie siècle. On a bien peu de
renseignements sur ce singulier poète.
On le croit natif de la petite et pitto-
resque ville de T\'alcourt, faisant partie
de l'ancien comté de Xamur. La date
de sa naissance est placée vers 1540. Il
fut, paraît-il, maître d'école à Anvers et
se lia avec Pierre Heyns, autre poëte et
maître d'école aussi, auquel il adressa
un sonnet. On connaît de lui les deux
publications suivantes, qui sont d'une
rareté extraordinaire: lo jVonvel A, B, C,
contenant plusieurs sentences très-utiles
pour V instruction de la jeunesse, en rimes
franqoises. Anvers, H. Hendricx, 1576,
petit in- 8°. — 2» Recueil et eslite de
plusieurs chansons joyeuses, lionnestes et
amoureuses, partie non encore veiies, colîi-
ffées des plus excellens poètes franqois , par
J. W. Anvers, chez Jean W'aesberge,
1576, in-16 ou petit in-12, contenant
12 ff. prélim. non chiftrés, 304 fi", chif-
frés et 8 ff. pour la table et la souscrip-
tion. Le titre de ce recueil, extrêmement
recherché, porte litre premier, et l'on
voit par le privilège que l'éditeur avait
l'intention d'en publier un second, ce
qu'il n'aura pas fait, car on n'en con-
naît aucun exemplaire. Etienne de Wal-
court dit qu'il y a de son labeur dans ce
recueil, qu'il j & mis le tout en ordon-
nance, et qu'il est l'auteur de la table.
Ce volume a été vendu successivement
2 livr. st. 2 sh. Eich. Heber, 715 fr.
Pichon et 760 fr. Potier.
Etienne de Walcourt se trouvait aussi
en relations avec le poëte Jean Van der
Noot, patrice d'Anvers. On trouve dans
les œuvres de ce gentilhomme anversois
une pièce de vers flamands adressée :
aen 31^ Steven van Walcourt, et un son-
net français de Walcourt adressé à Tan
der Xoot. h. Heibig.
Paquot, Mémoires, édit. in-folio, t. li. p. 242.
— OLuvres poétiques de Vander Noot. — Brunet,
Manuel, t. V. col. i40"2. — Catalogue d'Arm. Ci-
congne, Paris, 1861, p. 215, n» 1206. — Catal.
Pichon, Paris. 1869, p. 136, n" 641. — Catal.
L. Potier de 1870, p. 211, n» 1070.
ETIE!%'XE m'ARELLE OU DE Wa-
EELLE, écrivain ecclésiastique, trente-
troisième abbé de Saint-Ghislain près
729
ETIENNE WARELLE — EUCHAIRE II
730
de Mons, né vers 1280 et mort à Saint-
Ghislain le 27 février 1365. Il était
issu d'une famille distinguée et gou-
verna son abbaye pendant un demi-
siècle environ, car, en 1316, il avait
succédé à l'abbé Philippe.
Paquot luiattribue : MartyriumS. TJr-
suJœ et sociarum, commençant par les
mots Regyiante Domino et publié par
Surius, De probatis sanctorum vitis, V,
pages 32 7 et suiv. Les Bollandistes,dans
les uicta SS. Octobris, IX, pages 78 et
suiv., traitent ex professo de l'auteur
de cette vie ou homélie et prouvent
qu'elle fut écrite entre les années 900
et 1100. Il est étonnant qu'ils ne men-
tionnent pas l'attribution que Paquot
fait de cette vie à l'abbé Etienne de Wa-
relle, d'autant plus que l'auteur des
Minioires pour servir à l'histoire litté-
raire des dix-sept provinces des Pays-Bas
dit qu'un manuscrit de cette vie, attri-
buée à l'abbé Etienne, existait de son
temps à l'abbaye de Saint-Ghislain, et il
ajoute que ce travail est « précédé d'une
« lettre adressée de Cologne à l'auteur,
" commençant : Domine révérende, do-
II mine abba S. Guisleni, 7ioveris, etc.
« Etienne de Warelle écrivit sans doute
Il cette histoire quand on apporta à son
" monastère le chef de sainte tJalamène,
Il qu'on dit être l'une des onze mille
" compagnes de sainte Ursule. «
E.-H.-J. Reusens.
Paquot, Mémoires, éd. in-fol., III, p. 17.
EVCUABiVi^ {Eligius), poète latin,
né à Gand. .xvie siècle. Yoir Hoecraerq
{Eloi).
EVCUAiRE ler (Saint), XYIIe évêque
de Tongres, résidant à Maestricht (voir
l'art. Désigxat), vécut très-certaine-
ment, selon Fisen, sous le règne de
Thierry ler, roi de Metz, l'un des fils de
Clovis. Les chroniqueurs liégeois, entre
autres Jean d'Outremeuse, rapportent
son avènement à l'année 521 ; ce dernier
annaliste dit qu'il ne gouverna son église
que pendant deux ans. Le Florarium SS.
assigne à son épiscopat la même durée,
mais le fait mourir en 526; d'après
Placentius, au contraire, il aurait régné
huit ans et ne serait mort en consé-
quence qu'en 529; enfin les Acta Sanc-
torum le reportent au ve siècle et fixent
à 495 la date de son décès. Xous entre-
prendrons d'autant moins de trancher
la question, qu'ici la fable se mêle à
l'histoire : .Jean d'Outremeuse, par exem-
ple, affirme sérieusement qu'Euchaire
était, du côté de sa mère, petit-fils d'un
comte de Namur! On lui attribue, avec
plus de vraisemblance, une origine ro-
maine. En tous cas, ce qu'on sait de ce
personnage se réduit à fort peu de chose.
Le fait de sa canonisation détermine les
hagiographes à glorifier ses vertus : rien
de plus logique, mais rien de plus banal
que cette induction. Fisen ajoute que
l'église de Tongres, sous Euchaire, fut
exempte de troubles et ne connut pas
les scandales qui commençaient à dé-
soler les pays voisins ; aussi le souverain
temporel s'abstint-il de s'immiscer dans
ses aff"aires. Euchaire eut pour succes-
seur son frère germain Falcon, qui
mourut en 529 (en 512 selon les Bol-
landistes), fut également béatifié et
inhumé, comme son prédécesseur, en
l'église Saint-Servais (?) de Maestricht.
Alphonse Le Roy.
Les chroniqueurs liégeois (Chapeauville'. —
Acta Sanctorum, "20 février, t. III, p. 180. —
Placentius, Caial. anlistUum. — iisen, etc.
ECCUAiRE II (Saint), XIXe évêque
de Tongres, succéda en 530 à Falcon
(en 512 d'après les Bollandistes). Eou-
cher, et sur ses indications Miraeus et
la Gallia christiana soutiennent qu'il
occupa le siège épiscopal de532à538;
Placentius le fait vivre jusqu'en 549.
Ces assertions sont évidemment erro-
nées, puisque saint Domitien (voir ce
nom) assista en 535, en qualité de chef
de l'Eglise tongroise, au concile de
Clermont en Auvergne. On possède un
éloge d'Euchaire II par Harigère : c'est
un document insignifiant que Placentius
résume en deux mots : liominem avitœ
nobilitatis ac soUdœ perjectionis. Jean
d'Outremeuse dit que notre prélat, dé-
cédé à Maestricht en 530, y fut.enterré
à Saint-Pierre, dont il était » une preis-
tre cauon «. Xous marchons à tâtons,
comme on voit, en plein chaos.
Alphonse Le Roy.
Acla Sanciorum, "21 février, t. III, p. 686.
731
EUGÈNE DE BRUGES
732
EUGÈ^VE UE BRUGE!<!), célèbre polé-
miste de la fin du xviie siècle qui, selon
toute probabilité, vit le jour à Bruges.
Il appartenait à l'ordre des capucins et
habitait, en 1679, au couvent de cet
ordre à Louvain. On ne possède guère
de détails sur sa jeunesse ; on sait seu-
lement qu'arrivé à l'âge mûr , il fit
beaucoup parler de lui par l'exaltation
de ses convictions, et par la manifesta-
tion d'un antagonisme excessif contre la
compagnie de Jésus. Pour comprendre
aujourd'hui l'ardeur de ces controverses
religieuses, il faut se rappeler les persé-
cutions qu'eurent à subir les hommes
éminents de l'école de Port-Royal. Ar-
nauld et Nicole avaient dû prendre le
chemin de l'exil, taudis que les idées de
Jansenius s'étaient répandues dans toute
la chrétienté, en dépit de la lutte que
soutenaient contre elles les jésuites.
Ceux-ci n'hésitèrent même pas à accuser
de jansénisme le pape Innocent XI, et
osèrent ordonner des prières publiques
pour sa conversion. D'autre part la mo-
rale des jésuites était signalée au saint-
siége comme mondaine, relâchée et prête
à tous les accommodements. Le père
Eugène se jeta dans la mêlée pro-
voquée par ces dissensions ; il y fit en-
tendre sa voix, dans un sermon prononcé
à Louvain, en comparant Jansenius
à David « vainqueur de Goliath ; le fier
» ennemi de la grâce victorieuse avait
Il choisi dans les livres de saint Augus-
« tin, comme dans un ruisseau d'eau
K pure, cinq pierres très-nettes pour
« frapper et renverser le nouveau Go-
« liath ». Dans ce fougueux sermon,
il s'éleva, paraît-il, à une éloquence
si entraînante, que ses auditeurs, en
dépit de la sainteté du lieu, se mirent à
l'applaudir bruyamment.
Le père Eugène trouva bientôt, à
Gand, une nouvelle occasion de mani-
fester ses sentiments. Un jeune homme,
nommé Joseph Yande Walle, ayant été
accueilli, en 1684, dans la compagnie
de Jésus contre le gré de sa mère, qui
s'en plaignit au père Eugène, celui-ci
publia un Motif de droit sous le titre de
Den verleyden en toegli gevoerden Joseph.
Il y soutenait que les PP. jésuites avaient
entièrement défiguré la morale, banni la
bonne foi, introduit la fraude et l'in-
justice : il prétendit, en outre, les con-
vaincre d'avoir trahi Philippe IV, et
brouillé Innocent XI avec la France en
suscitant la querelle sur les Régales. En
un mot, il ne leur épargna ni injures,
ni insultes, ni accusations, si violentes
qu'elles fussent. Ce pamphlet fit encore
plus de bruit que son sermon ; il exas-
péra ses ennemis, et le Père Eugène ne
tarda guère à recueillir les fruits amers
de ses violences. Ce libelle, secrètement
imprimé , fut enlevé par les agents
du pouvoir et remis entre les mains de
ceux qui devaient en juger. L'auteur,
loin de se décourager, publia aussitôt
un petit travail, pour rendre compte de
l'ouvrage saisi, ofirant de le défendre et
de le justifier en justice. A la suite de
ce nouveau trait d'audace, il fut sus-
pendu des fonctions sacerdotales, confiné
au couvent de Maeseyck et invité à ré-
tracter ses écrits ; il fit comprendre qu'il
n'y était nullement disposé.
'Le 18 juillet 1686, la famille Yande
Walle, qui avait fait presque tous les
frais de l'édition du Motif de droit, se
vit condamnée à payer quinze cents
livres d'amende, l'imprimeur fut banni
pendant trois ans des Pays-Bas espagnols
et l'ouvrage supprimé. Il s'en fallut
de peu même qu'il ne fût livré aux
flammes par la main du bourreau.
Les écrits du P. Eugène furent envoyés
à Rome, dénoncés au saint-office et sou-
mis à l'examen du P. Michel van Hecke,
augustin flamand. L'accusé lui écrivit
trois lettres de justification ; mais on lui
fit sentir que le jansénisme répandu dans
ses ouvrages empêchait de l'absoudre.
Le P. Arsène de Fontibus étant arrivé
dans les Pays-Bas, comme visiteur apo-
stolique et commissaire général des ca-
pucins, ordonna d'enfermer étroitement
le P. Eugène (3 juillet 1 6 S 7), mesure qui ,
loin d'abattre notre moine, ne fit que
l'exalter davantage. Il trouva le moyen
de s'échapper de sa prison, se mit eu
lieu sûr dans la ville de Maeseyck, sans
toutefois abandonner l'habit religieux, et
écrivit deux lettres à son provincial et
une troisième au père Arsène. On com-
733
EUGÈNE DE BRUGES — ELPEN
734
prit alors qu'il fallait ruser avec lui : le
père Arsène l'exhorta avec beaucoup de
douceur à rentrer dans son devoir; il s'y
détermina, fut bientôt relégué dans la
clôture du couvent de Hasselt et eut à
y subir des corrections disciplinaires les
plus blessantes. Vainement persista-t-il
à vouloir se justifier, on l'enferma plus
étroitement, et resta si bien surveillé que
sa fuite devint impossible. Il en appela
cependant encore au pape dans un ou-
vrage plein de violence, resté inédit, et
qui portait pour titre : MoUnomacliia
inter capucinos provmciœ Tlandro-Belgicœ
per jesuitas et jesuiticos excitatn. Ce fut,
en effet, comme le libelle l'indique, le
dernier cri d'indigiiation poussé par le
père Eugène. Après cela on n'entendit
plus parler de lui : il disparut, quoique
vivant encore, et l'on ignore absolument
l'année de sa mort et le lieu où il ex-
pira. Aug. Vander Meerscli.
Paquot, Mémoires littéraires, t. XVIII, p. 116.
— Biographie de la Flandre occidentale, t. III,
p. ili.
EUPEiî {Plerre-Jean-Sbnon vax), né
à Anvers le 12 novembre 1744, com-
mença ses études au collège de sa ville
natale et les compléta à l'université de
Louvain. Il y prit le grade de licencié
en théologie, embrassa l'état ecclésias-
tique et fut successivement professeur
au séminaire épiscopal d'Anvers et curé
du village de Cumptich; il devint en
1775 chanoine gradué de l'église de
Notre-Dame (d'Anvers), puis doyen ru-
ral du district, censeur ecclésiastique de
la librairie et enfin, en 1776, grand
pénitencier. Il fat un des membres du
clergé qui se prononcèrent avec le plus
d'énergie contre les innovations de Jo-
seph II et qui prirent la part la plus
active au soulèvement des Belges contre
la domination autrichienne. ^Membre du
Comité 'patriotique de Bréda, il exerçait
sur ses collègues un empire que ceux-ci
subissaient sans murmure; il était le
conseiller , l'inspirateur d'Henri Van
der Noot. Ce tribun vulgaire et incapa-
ble s'étant fait nommer, par les doyens
des métiers de Bruxelles, agent plénipo-
tentiaire du peuple brabançon y Van Eupen,
sous prétexte qu'il aidait son ami à
BIOGR. NAT. — T. VI.
rédiger les dépêches diplomatiques, prit
\q iiivQ (\.e secrétaire des Etats-Unis. Il
fit rejeter les propositions d'accommode-
ment transmises au comité de Bréda par
le gouvernement impérial, et, après la
délivrance de Gand, il fut le promoteur
de l'union du Brabant et de la Flandre.
L'acte, signé le 30 novembre 1789, sti-
pulait l'engagement, pris de part et
d'autre, de n'entrer jamais que de com-
mun accord dans des pourparlers avec
le ci-devant souverain. Les Impériaux
ayant évacué Bruxelles, les membres du
comité de Bréda firent, le 18 décembre,
une entrée triomphale dans la capitale
du pays ; Van Eupen était avec A"an der
Noot en tête du cortège dans un phaéton
ouvert.
Les mandataires de toutes les pro-
vinces, à l'exception du Luxembourg,
conclurent, le 1 1 janvier 1790, le cé-
lèbre acte d'union par lequel elles
se confédéraient sous la dénomination
d'Etats belgiques îinis. Van Eupen fut
alors confirmé dans les hautes fonctions
qu'il s'était déjà attribuées au comité de
Bréda; secrétaire d'Etat de la nouvelle
république, il exerça la plus grande
influence sur les destinées de celle-ci. Il
avait la direction des affaires extérieures
et puisait sans contrôle, pour cet objet,
dans les coffres de l'Union; il eut à sa
disposition, comme fonds secrets, jusqu'à
800,000 florins à la fois. A l'intérieur,
il se montra im des plus implacables
adversaires des pi'ogressistes ou vonc-
kistes; non -seulement il prétendait
maintenir l'ancienne organisation poli-
tique du pays, mais, selon les. expres-
sions de l'époque, il aurait voulu faire
rétrograder la Belgique de deux siècles.
Quoique intelligent et habile. Van Eu-
pen fut longtemps dupe des promesses
équivoques du cabinet de Berlin et de la
cour stathoudérienne. D'autre part, il
repoussait l'appui de la France; il reje-
tait avec dédain les propositions alors
très-modérées que faisait au gouverne-
ment de Bruxelles le ministère français
sous l'influence de La Fayette. Il avait
horreur d'une assemblée nationale comme
celle de France; il s'efforçait de main-
tenir l'oligarchie qui s'était emparée du
-24
755
EUPEN
736
pouvoir après la déchéance de Joseph II,
et ne voulait pas « d'une représentation
« libre et élective choisie dans les trois
« ordres, au gré de la nation. « —
n Gardez-vous de parler de ces proposi-
II tions au public » , dit-il à celui qui en
était porteur, « si vous ne voulez pas
« recevoir des coups de bâton. «
Yan Eupen finit pourtant par résister
aux exagérés qui, après avoir vaincu les
progressistes, voulaient les mettre hors
la loi; il comprit que la désunion, si elle
se prolongeait, perdrait la république.
Le 31 mai, il eut à Douai une entrevue
avec quelques-uns des principaux vonc-
kistes. Il confessa que « le navire ne
Il pouvait voguer de la façon dont il
Il était conduit " ; il reconnut enfin que
l'appui de la Prusse était plus que dou-
teux et qu'il fallait se tourner vers la
France. En même temps il émit l'avis
qu'il fallait faire cesser les dissensions
civiles, relâcher les citoyens détenus
pour leurs opinions vonckistes, rappeler
ceux qui étaient fugitifs, s'efl^orcer de
concilier les deux systèmes, rétablir enfin
l'union qui avait présidé au soulève-
ment de 1789. Il s'engagea à faire
approuver ces préliminaires par le con-
grès. Mais il ne put tenir sa parole; il
ne put dominer les fureurs du parti
réactionnaire, qui confondait dans la
même haine la France et les adhérents
de Vonck. De nouvelles persécutions
furent dirigées contre les démocrates, et
ceux-ci finirent par désirer le retour de
la domination autrichienne. Quelques se-
maines après, la Prusse et les Provinces-
Unies abandonnaient formellement les
insurgés belges et se joignaient à l'An-
gleterre pour garantir au successeur de
Joseph II, par la convention de Eei-
chenbach, la restauration de son auto-
rité dans les Pays-Bas.
Yan Eupen se rendit à La Haye, afin
de tenter auprès du grand pensionnaire
de Hollande (M. Yan de Spiegel) un
dernier eft'ort ayant pour but de faire
déclarer l'indépendance de la Belgique
par les puissances médiatrices. L'entre-
vue eut lieu le 11 août. M. Yan de
Spiegel tâcha de faire comprendre au
conseiller de Yan der Xoot que les
changements survenus dans la situation
de l'Europe depuis la mort de Joseph II
nécessitaient le retour des Pays-Bas à la
maison d'Autriche ; que, s'il eût éclaté
une guerre générale, ou même une
rupture entre PAutriche et la Prusse (ce
qui serait probablement arrivé si Joseph
avait vécu plus longtemps), une des
suites d'un pareil événement aurait pu
être la reconnaissance de l'indépendance
de la Belgique ; mais qu'à présent que
les basés de la paix étaient posées, il ne
restait plus rien de possible qu'une
soumission, et, pour commencer, une
prompte entrée en négociation avec les
ministres des puissances alliées qui
prendraient le plus grand soin de la
" sûreté publique et particulière « des
Pays-Bas. — Il ne faut pas croire à une
soumission, répondit Yan Eupen, et nous
préférons attendre les événements ; les
Belges ne craignent rien; leur armée
s'élèvera bientôt à quarante mille hom-
mes, qui empêcheront bien les Autri-
chiens de passer la Meuse ; nous sommes
résolus de nous défendre jusqu'au der-
nier soupir. — Le grand pensionnaire
proposa de commencer une négocia-
tion ; mais Yan Eupen soutenait qu'il
fallait reconnaître préalablement l'indé-
pendance des Belges. Malgré toutes les
objections de son interlocuteur, il per-
sista à dire qu'il fallait commencer et
finir par la reconnaissance de l'indépen-
dance de la Belgique, et que, si les
négociations étaient superflues dans ce
cas, elles l'étaient bien plus dans le cas
contraire. En résumé, on ne put s'en-
tendre.
Trois mois s'écoulèrent encore dans
de stériles tentatives pour prolonger la
résistance. Le 13 novembre, à l'ouver-
ture d'une assemblée extraordinaire des
représentants du pays, Yan Eupen prit
le premier la parole et rappela avec
force les devoirs de tous envers la reli-
gion et la liberté menacées; il proposa
ensuite de jurer sur le crucifix de ne
])oint accepter les offres de l'Autriche.
Cette proposition, qu'inspiraient l'im-
puissance et le désespoir, fut accueillie
froidement par la majorité. Quelques
jours après, les troupes impériales, sous
737
EUPEN — EUSTACHE DE LENS
738
le commandement du maréchal Bender,
s'avancèrent du Luxembourg vers IS'a-
mur et, le 30 novembre, Bruxelles était
sommé de se rendre. Déjà le maréchal
Bender avait son quartier général à
l'abbaye de la Cambre lorsque le con-
grès souverain prononça sa dissolution;
de leur côté. Van der Xoot, Yan Eupen
et les autres chefs du parti oligarchique
s'étaient empressés de quitter la ville
menacée et cherchaient un asile dans les
Provinces-Unies. En 1794, lors de la
seconde invasion française, Yan Eupen
crut pouvoir rentrer dans son pays. Il
y revint effectivement, mais les conven-
tionnels, maîtres des anciens Pays-Bas
autrichiens, le firent bientôt arrêter
comme otage, et il fut successivement
détenu à Lille, à Paris et à Bicêtre. En
1795, remis en liberté, il se retira de
nouveau en Hollande et s'établit à
Zuutphaas (près d'Utrecht), où il mou-
rut le 14 mai 1804.
Th. Juste.
Ei;ST.%C'lIE CE FRAlîC'UOM.ME.
Becdelièvre et les biographes qui l'ont
copié se sont trompés, en prenant ce
titre ou ce surnom pour un nom de
famille. Ils appellent Eustache de Fran-
chomme le personnage qui fait l'objet
de cette notice : c'est Eustache le Franc-
homme de HoGNOUL , HoLGNOUL ou
HoLLENGNOUL qu'il faut lire. Eustache
le Yieux,son grand-père maternel, avait
eu pour marraine la dame de Haneâ^e,
dite la Franche-Dame ; de là lui vint la
qualification de Franchomme. Nous ne
trouvons nulle part le nom du père de
notre Eustache; les chroniqueurs rap-
portent seulement qu'il prit les armoi-
ries de sa mère, mariée au village de Ho-
gnoul (1). C'était un vaillant chevalier,
l'un des chefs du parti des Awans dans
la fameuse guerre privée qui ensanglanta
la Hesbaye pendant trente-huit ans, de
1297 à 1335. Il ne se distingua pas
seulement par ses exploits parmi les
champions de cette lutte presque épique.
De son mariage avec la fille de Jacques
de Coir (voir Blankenheim), naquirent
quinze enfants des deux sexes; ses fils
M) Vairé d'argent et d'azur, k un lambel k cinq
pendants d'or.
vécurent comme lui l'epée au poing et
perpétuèrent à leur tour une race de
preux ; le plus en renom fut Humbert
Corbeau, que l'on doit se garder de con-
fondre avec le seigneur d'Awans qui
alluma la guerre. Eustache ne vit pas la
fin des hostilités. Au commencement du
règne d'Adolphe de la Marck, la dame
de Warfusée intenta contre lui une
grave accusation : il l'avait arrêtée sur
le grand chemin, dépouillée de ses
joyaux (jocalia) par violence, débarrassée
même des chevaux de son carrosse.
Mandé devant l'évêque, le prévenu avoua
le fait, mais prétendit qu'il avait tout
simplement usé du droit de représailles :
tout récemment, au combat de Wa-
remme, le mari de la plaignante lui avait
volé ses harnais et ses chevaux. Le prélat,
tout dévoué aux Waroux, ne fit guère
attention à la défense d'Eustache et le
livra au sire de Hermalle, son plus cruel
ennemi. Celui-ci s'empressa de le faire
décapiter à Moha (1315). Les Awans
furent exaspérés : soutenus par les Petits
de Liège, ils firent irruption dans la
cité et reprochèrent hautement au prince
l'arbitraire de sa conduite. Yainement
Adolphe leur proposa d'en référer à des
arbitres ; se voyant sérieusement me-
nacé, il prit le parti de quitter sa capi-
tale. La guerre recommença plus furieuse
que jamais; enfin, de part et d'autre, on
consentit à ouvrir des négociations. Telle
fut l'origine ou l'occasion de la célèbre
Faix de Fexhe (18 septembre 1316),
regardée par les anciens Liégeois comme
la garantie la plus sacrée de leurs droits
et de leurs libertés. Alphonse I,e Roy.
Hoesem. — Heniricourt. — Becdelièvre. — Les
historiens de Liège (v. notamment F. Henaux,
t. 1, p. 336 et suiv.1.
EUSTACHE DE tEXS, écrivain ecclé-
siastique, né pendant la dernière moitié
du xiie siècle et décédé en 1225, entra
dans l'ordre de Prémontré, à l'abbaye
de Yicogue, et, plus tard, devint succes-
sivement abbé de Yal-C'hrétien et de
Yalsery dans le diocèse de Soissons. Ses
principaux écrits, restés tous manu-
scrits, sont : lo Cosmographia Moysis,
libri III; — 2° Seminaritim verbi Dei,
encyclopédie théologique classée par
,
739
EUSTAGHE DE LENS — EVE
740
ordre alphabétique; — 3o Commentarins
in recjulam S. Aiigustini, travail dédié à
Gervais, primat de Prémontré; —
4'J Commentarins in Jiymnos ab ordine
Prcemonstratensi receptos; — 5» De me-
tris liber I; — 6^ De tropis et schemutibns
liber 1; — 7° De signification ibus nonii-
num et qualitatibns rerum ex D. Gi'ego-
rio ; — S'» De mysteriis S. Scriptnrœ
liber I. Il travaillait à un traité sur le
mystère de la très sainte Trinité lorsqiie
la mort vint le surprendre en 1223. On
lui attribue aussi des commentaires sur
la Genèse, l'Exode, le Deutéronome et
les livres des Paralipomènes. La plupart
de ces ouvrages étaient conservés autre-
fois à l'abbaye de Yicogne.
E.-H.-J. Reuscns.
Foppens, Dibliotheca belgica, 1, p. 273.
EVAix [Louis- Aïignste-Frédêi'ic , ba-
ron), homme d'Etat et homme de guerre,
né à Angers (France), le IJ? août 1775,
naturalisé belge par la loi du 13 mai
1832 et mort à Bruxelles, le 25 mai
1852. Le baron Evain, après avoir
suivi les cours de l'école d'artillerie de
Châlous, fut nommé sous-lieuteuant le
ItTJuin 1793; il était parvenu au grade
de général de brigade le 13 avril 1813 et
avait fait les campagnes de 1793 à 1796,
celles de 1800 et de 1801, à l'armée du
Rhin, et celle de 1803, en Hanovre.
Sous la restauration, il parvint au grade
de lieutenant général et fut pensionné
en 1824. Réadmis dans l'armée française
après la révolution de juillet 1830, il
fut envoyé en Belgique au mois d'août
1831, à la demande du roi Léopold 1er
et admis dans l'armée belge, en qualité
de lieutenant général, iuspecteur géné-
ral d'artillerie, attaché au ministère de
la guerre. Le 21 mai 1832, il fut nommé
ministre directeur de la guerre, ensuite
ministre de la guerre, puis démissionné,
sur sa demande, le 19 août 1836, après
avoir occupé ces importantes fonctions
pendant quatre ans et trois mois.
Le baron Evain était un administra-
teur expérimenté. II avait pris part, en
France, à tous les travaux d'organisation
militaire de l'empire et de la restauration.
Napoléon Ifr avait dans ses talents une
grande confiance; aussi le chargea-t-il
de créer une nouvelle armée pour la
France, après les désastres de la retraite
de Russie. L'entrée du baron Evain au
ministère de la guerre de Belgique fut
donc accueillie avec satisfaction ; il con-
tinua l'œuvre de réorganisation qu'avait
énergiquement entreprise M. Charles de
Brouckere, après les désastres du mois
d'août 1831 ; il compléta les cadres, les
épura, améliora les détails du service et
parvint, en peu de temps, à porter
l'effectif de l'armée à plus de cent mille
hommes. C'est sous son administration
qix'ont été élaborées les lois organiques
de l'armée, notamment les lois de 1836
sur la position des officiers et sur l'avan-
cement ; c'est lui aussi qui organisa l'ar-
tillerie et créa l'école militaire, qu'il
dota généreusement de sa riche biblio-
thèque d'artilleur.
Le baron Evain fut pensionné le
18 mars 1849 ; il reçut, en même temps
que sa retraite, le titre de ministre
d'Etat. Il était grand officier des ordres
de Léopold et de la Légion d'honneur.
Génpral baron Guillaume.
Archives de la guerre. — Tlionissen, La Bel-
gique sous Léopold /cr.
EVE (Alphonse »'), musicien, instru-
mentiste et compositeur, né vers le
milieu du xviie siècle, aux environs de
Courtrai. Il étudia la musique dans cette
ville et embrassa ensuite la carrière
sacerdotale. Le chœur de l'église Saint-
Martin à Courtrai fut confié à sa direc-
tion. Il y resta longtemps attaché. Mais
la place de maître de chapelle de l'église
Notre-Dame d'Anvers étant devenue
vacante, il ambitionna ce poste où il
pouvait mieux déployer ses talents pour
la composition musicale. Un concours
fut ouvert : d'Eve obtint la palme le
5 novembre 1718. L'année suivante,
il fit exécuter, comme don de joyeuse
entrée, une messe solennelle composée
dans le style large des maîtres de l'épo-
que; elle était à neuf voix en deux
chœurs, accompagnés pour toute sym-
phonie des instruments suivants : deux
violons, viole-alto, viole-ténor, basse de
viole, violoncelle, deux hautbois, basson
et basse continue pour l'orgue. D'Eve la
dédia au chapitre de l'église Notre-
741
EVE — EVëRAERT
74-2
Dame oii on la trouve en manuscrit.
En 1725 le chapitre lui accorda sa re-
traite : il avait environ soixante-quinze
ans, et telle était sa verve et son dévoue-
ment à son art qu'il semblait vouloir
mourir sur la brèche. Les violences de
son successeur, Gruillaume de Fesch,
firent regretter la douceur du vieux
maître et honorer sa mémoire. Ses œu-
vres, restées en manuscrit dans les
archives musicales de l'église Sainte-
Walburge à Audenarde, mériteraient
d'être publiées. On y verrait combien il
importe de comprendre la langue sacrée
à ceux qui se vouent à la musique
d'église. D'Eve se distinguait par un
style tout imprégné de la majesté du
plain-chant et rempli d'une véritable
onction religieuse. Voici les titres de ses
compositions : le trois motets en solo
avec deux violons, basse de viole et
orgue. — 2o Motet à deux voix avec
orgue. — 3o Un motet à quatre voix,
avec deux violons, viole et orgue. —
4» Motet à cinq voix avec deux violons,
viole-alto, viole-ténor, basse de viole et
orgue. — 5o Dies irœ, à quatre voix,
sans intruments. — 6'^ Motet pour voix
de contralto, avec cinq instruments.
Feiil. Loise.
Fétis, Biographie des musiciens.
CVERAERT (ComelLs), poëte drama-
tique, né à Bruges vers 1480, mort
dans la même ville le 14 novembre 155 6.
Dans le manuscrit qui appartient à la
bibliothèque de Bourgogne (no 19036),
il s'iiititule clerc ou secrétaire des y^r-
cMers de Bruges. Il était fils de Cor-
nelis, teinturier et foulon. En sa qualité
de facteur ou poëte attitré des D?'ie
Sanctinnen (les trois Saintes), confrérie
de rhétorique brugeoise, Everaert fut
quelquefois obligé d'improviser des
pièces. Il avait le travail facile, le style
abondant, sans aller toutefois jusqu'à
l'exubérance des rederijkei's. Quelquefois
il se permettait des plaisanteries qui
n'étaient que trop dans le goût de l'épo-
que ; mais c'était, comme il disait, pour
mieux faire passer le sérieux de la mo-
rale. Dans ses Enbatementen ou farces,
Everaert avait gardé la naïveté et l'esprit
prime-sautier des Soternien du moyen
âge. En revanche, dans ses moralités
ou Speleu van Sitme, il était moins amu-
sant, et l'on dirait quelquefois qu'il veut
propager une sorte de luthéranisme.
Selon l'usage de ses confrères, il prenait
pour devise l'anagramme de son nom :
So reine verclaert (c'est-à-dire si nette-
ment expliqué). Parfois il remplaçait sa
signature par ces mots significatifs : ic
come om leeren (je viens pour l'instruc-
tion).
Dans le Proncl-zael der doorluclitif)e
ende ylieleerde mannen, de îoelcke zoo tôt
Briujijhe als in het landt van vryen hebhen
gebloei/t {door S. P. van Maie) on trouve
l'épitaphe d'Everaert dont voici le pas-
sage principal :
Elck mensche vioet sterven bij natuerlicke Zeden,
Maer t' es clagelick, hi/ die was vitl weienlheden
Ctaer, reijn, Insiigh, rheloricael Minerviste,
Als vader met zijn consten es oveiieden ;
Die upgequeecki heeft menigli aerdigli artiste,
Ithelorica vtil spetien hij zuvcr ivisie,
Vry, vranck van twiste;
In morale spelen en goede floratien
Den inghesturien gheest liet niet gaen te quiste
Maer met neersteghen liste
GliebruyckteJiy, alst pas gaf, in recrealien.
Ces mauvais vers rhétoricaux nous
apprennent qu'Everaert eut beaucoup
d'amis, forma quelques élèves, et s'atta-
cha à instruire autant qu'à égayer. Le
plus souvent il terminait ses pièces les
plus libres en invoquant le Saint-Esprit
qui était le patron des Drie Sanctinnen.
Sa plus ancienne composition est de
1509 : Maria hoedeJcen, une sorte de
miracle dramatique en l'honneur de la
sainte Vierge. En 1511, il fit son pre-
mier wacjlien-spel ou pièce à jouer sur un
chariot. L'année suivante, il eut le pre-
mier prix des Batementen (esbatements)
à Nieuport. En même temps il faisait
jouer un tafehpeilken (espèce de proverbe
dialogué) au banquet de Saint-Sébastien
des archers de Bruges. En 1525, en
l'honneur de la bataille de Pavie, il
composa une moralité : Tspel van den
hoof/Jien wint (François 1er). Quelques
mois plus tard, il fut chargé par la na-
tion des marchanils aragonais de Bruges
de célébrer la victoire de Charles- Quint
dans une pièce allégorique. En 1526, iî
fit le jeu de bienvenue, Tspel van den
willecome, pour le chapitre provincial
743
EVERAERT — EVERAERTS
744
des Dominicains. En 1537, sous le titre
Stout en, ombescaemt (Hardi et effronté),
Everaert fit jouer par sa confrérie une
farce devenue célèbre et souvent réim-
primée. Il n'eut pas moins de succès par
le joli dialogue intitulé De Vissclier (le
Pécheur). Mais on lui défendit de repro-
duire une pièce sur la guerre, Tspel van
den Crygh, et une autre sur l'inégalité
de la monnaie (dongliélycke munte), parce
que, comme dit l'auteur, la vérité y
était trop franchement exposée. Les
allégories d'Everaert, qui nous parais-
sent aujourd'hui languir, avaient alors le
piquant des allusions transparentes. Tel
était le jeu de Tillegîiem, à propos d'une
foire célèbre des environs de Bruges, ■ — •
ou l'esbatement de Tnjhdatie contre
Anvers et sa terrible concurrence. Au
reste, comme on le voit pour la pièce
destinée au Scietspel (grand tir) de Ghis-
telles, et pour celle qui fut jouée à Tpres
par une gilde de Furnes, les allégories
étaient souvent imposées au poëte offi-
ciel. Comme il travaillait quelquefois
sur commande, il devait se conformer
non - seulement à la circonstance (un
jubilé, une paix, etc.), mais au goût des
ordonnateurs de la fête. Le savant Wil-
lems, qui a particulièrement étudié les
farces et les moralités d'Everaert, fait
le plus grand éloge de ce digne contem-
porain de Eoger de Collerye, surnommé
Roger Bontemps. On trouve au sixième
volume du Belgisch muséum une liste dé-
taillée de trente-cinq pièces, telle qu'elle
a été rédigée par le dramatiste brugeois
lui-même. J. Stecher.
De Dietsche Warande (dSoo, n» Ij. — D^ Jan
van Vloten, Het Nederlandsch Kluchtspel. — Bel-
gisch Muséum, Il et VI. — De Eendragt, 48S9. —
D"" De Meyer, Jaerboek der koninklyke gilde van
Sint Sebasiiaen (p. iSl), Bruges, W'"" Deschryver-
Van Haecke, -ISoÔ.
EVERAERTS (^?w5er^) ou EVERARDI,
écrivain ecclésiastique, né à Arendonck
vers 1543; décédé à Louvain le 23 juil-
let 1604. Le nom à'Everaerts, c'est-à-
dire Jils d'Evrard, n'est pas celui de
la famille d'Embert, mais lui a été
donné, selon l'usage reçu autrefois, pour
rappeler le nom de baptême de son père.
Embert étudia la philosophie à l'univer-
sité de Louvain, comme élève de la
pédagogie du Porc, et y obtint, en 1561,
la 13e place, entre 153 concurrents, à
la promotion générale de la faculté des
arts. Dix ans plus tard, lorsqu'il eut
fait son cours de théologie, il fut nommé
président du collège de Savoie. Après
avoir rempli ces fonctions pendant envi-
ron une année, il les abandonna pour
devenir curé de Saint-Jacques à Lou-
vain. En 1588, il obtint la plébanie du
chapitre de Saint-Pierre dans la même
ville, à laquelle était attachée une chaire
de théologie de l'université.
Embert Everaerts collabora à l'édi-
tion des œuvres de saint Augustin, pu-
bliées à Anvers, chez Plantin, par les
soins des théologiens de Louvain ; il fut
chargé de la révision du tome lY.
A la mort de Molanus, Embert Eve-
raerts avait succédé à celui-ci dans le
personnat de l'église de Goyck (Bra-
dant). E.-H. Reusens.
Paquot, Fasti acadernici manuscripti, 1, p. 129,
manuscrit n» 17567 de la bibliothèque royale à
Bruxelles. — Foppens, Bibliotheca Belqica, I,
p. -259.
EVERAERTS {Gilles), médecin, né,
selon Valère André, à Berg-op-Zoom (an-
cien Brabant) et qui (d'après le même au-
teur) exerça la médecine avec distinction
à Anvers pendant la seconde moitié du
xvie siècle. Cependant d'après Manget,
[Bibliotheca sa'iptorum medicorum , p . 2 4 1 )
et Everaerts lui-même, dit de Eeifïen-
berg {Biographie universelle), il était né à
Anvers. Il a écrit un livre sur le tabac,
Commentarium de herba panacea, quam
alii Tabacum, alii Pefum, aut nicotianum
vocant. L'ouvrage eut trois éditions : la
première, imprimée à Anvers en 1583,
en 16o; la seconde également à Anvers
en 1587 ; la troisième à TJtrecht en 1644.
Ce traité est suivi des opuscules sui-
vants : Compendiosa narratio de usu et
praxis radicis mechoacance ex Hispania
nova Indice occidentalis nuper allât ce. —
De pestis prcesertatione libellus ad S.T.Q.
Antverpie7isem, 1565. — Galeni perga-
meni libellus de Theriaca ad JPisonetn,
itUerprete et commentatore Joanne Juvene
medico iprensi. — Ejusdem de antidotis
libri II, ab Andréa Lacuna in compen-
dium redacti. — Joannis Juvenis opuscu-
745
EVERAERTS — EVERARD
746
lur/k de medicamentis bezoardicis, quorum
usus a peste praservat. — De consuUatio-
tiibus medicorum, et methodicœ Febrium
curiationis, 1583. — De mechiaca radice,
looo. P.-J. van Beneden.
Delvenne, Biographie des Pays-Bas. — Fop-
pens, Bibliotheca belgica, t. I, p. 29 et 343. —
Sweertius, Athenœ belgicœ, p. -106. — Biographie
universelle, publiée par Michaud, t. LXIIl. —
Biographie générale, publiée par Didot. — Eloy.
Dictionnaire historique de la médecine.
EVERAERTis {Martin), médecin et
mathématicien, né à Bruges. Il vivait
vers la fin du xvie siècle et publia à
Anvers, en 1582, une espèce d'almanach
sous le titre : JE^hemeridœ vieteorologicœ
anni 1583, Antv., in-16. La suite de
cet ouvrage parut à Heidelbergeu 1600,
in-4o et fut continuée jusqu'en 1615.
Martin Everaerts a traduit de l'alle-
mand un ouvrage de A. T. Paracelse,
ayant pour titre : La petite chirurgie et le
livre de l'hôpital. Cette traduction en fla-
mand fut imprimée à Anvers en 1568,
petit in-8t>, et dans la préface qu'il y écri-
vit à la hâte le 15 octobre 1567, il se
montre grand admirateur et défenseur
de Paracelse. Le livre de l'hôpital, Tgast-
huys boec est imprimé comme le précé-
dent à Anvers en 1567.
Everaerts traduisit e^icore un livre de
Jaçob Ruffen, médecin de la ville de
Ziirich, sur les accouchements, qu'il fit
imprimer à Amsterdam, 1668, in-4-o (1).
Il en existe trois éditions 1591, 1604 et
1668.
Il a traduit également du latin 1° la
Falitica de Justus Lipsius, pendant qu'il
habitait Leyde (1590). — 2'^ La des-
cription du royaume de Congo, Congi
regni christiani in Africa nova descriptio,
en italien par Philippe Pigafetta, a été
faite également par lui à Amsterdam en
1596, in-4o, non d'après le texte origi-
nal, mais d'après le Portugais Odoard
Lopez. — 3o Une partie de Plutarque,
Tleven ende vrome daden van de Doorluch-
tige Griecsche ende Romeynsche inannen
de Darius Tibertus, traduction du latin
en flamand, imprimée à Leyde en 1601.
Serrure fait remarquer, à propos de ce
dernier ouvrage, qu'on y a traduit le nom
(i) La première édition de Rufifen est imprimée
à Francfort en io8û.
de Oalli (les Gaulois) par de Walen, les
Wallons.
Ainsi que le remarque Serrure, Eve-
raerts vivait, sans doute, encore en Hol-
lande non-seulement en 1596, lorsqu'il
fit imprimer sa traduction de la descrip-
tion du royaume de Congo, mais en 1601,
quand il publia une nouvelle édition de
Plutarque. Il y a lieu de supposer que
ces diverses traductions furent entre-
prises probablement pour pourvoir à des
moyens d'existence qu'il ne trouvait que
très-insuffisamment par l'exercice de la
médecine. p..j. ,.an Beneden.
Biographie de la Flandre occidentale. — Del-
venne, Biographie des Pays-Bas. — Serrure,
Vaderlandsch Muséum, t. II, p. 458 ; t. III, p. 130.
— Biographie générale. — Foppens, t. II, p. 854.
— Sweertius, Athenœ belgicœ, p. 549. — Eloy,
Dictionnaire de médecine. — De Meyer, Analec-
tes médicaux, p. 87 et 271. — Piron, Levensbe-
schryving, byvoegsel.
ETERARD, neveu du premier duc
bénéficiaire de Lotharingie, Rainier ou
Renier au Long Col, est le plus ancien
avoué connu de l'abbaye de Stavelot. Son
nom doit être rayé de la liste des chefs
de ce célèbre monastère, où il figure à
titre de vingt-huitième abbé (10e abbé
commendataire); on ne possède du moins
aucun diplôme justifiant cette préten-
tion. Renier, à la poursuite des Nor-
mands, avait trouvé bon, en 898, de
déposséder l'abbé Richaire et de le rem-
placer par lui-même ; d'autre part, dans
des documents antérieurs à son décès,
arrivé en 913, son fils Gislebert est déjà
qualifié de « glorieux abbé de Stavelot « .
Il n'y a point place ici pour Everard;
rien ne porte à croire que ce personnage
ait jamais été autre chose que leur auxi-
liaire : Everard aura, sans doute, été
chargé, dès l'an 901, de la défense des
intérêts temporels de l'abbaye. Il mou-
rut avant 924, puisqu'un acte de cette
année mentionne un certain Burgeric
comme avoué de Stavelot.
J.-S. Renier.
MS. Villers. — Ernst. — Courtejoie. — A. de
Noile, Eludes hist. sur l'ancien pays de Stavelot
et de Malmedy. Liège, 1848, in-S».
EVERARD ou EvRARD, évêque de
Tournai, florissait pendant la dernière
moitié du xiie siècle, et mourut dans sa
ville épiscopale le 28 septembre 1191.
747
KVKlWr.l)
748
11 eut pour père Walter, seigncui i
d'Avesnes, et pour mère Tde, fille du
châtelain de Mortagne et Tournai.
Avant sa promotion à l'évêché, qui eut
lieu à Tournai vers la fin de 1173 ou
au commencement de l'année suivante,
il était archidiacre de Tournai et prévôt
du chapitre de Condé, d'autres disent
de Nivelles, Il fut un des grands bien-
faiteurs du chapitre cathédral de Tour-
nai. Il légua successivement à cette
institution, pour la table des chanoines
(car, à cette époque, les membres des
chapitres vivaient encore en commu-
nauté), les autels ou églises de Zwyn-
drecht, Berlaere près Termonde, Her-
seaux, Luigne, Huerne, Waereghem,
Ueerlyk et Moorslede. Il fonda l'ab-
baye Cistercienne de Ter Poest , à
Lisseweghe près Bruges, consacra la
chapelle de Saint-Macaire, à Gand, ap-
prouva l'érection du béguinage de
Bruges, et rendit la dignité de chance-
lier du chapitre inamovible de révocable
qu'elle était. Ce fut sous cet évêque que
Philippe-Auguste, roi de France, vint à
Tournai, et usurpa la juridiction sur
les habitants de la ville, soumis aupara-
vant à l'autorité épiscopale.
E,-H.-J. Reusfns.
Le Groux, Stimma statutornm synodalium,
p. LXXXII. — Le Maislre d'Anstaing. Recherches
sur l'église cathédrale de Tournai, 11, p. 48. —
Atialcctes pour servir à l'histoire ecclésiastique de
la Belgique, lY, p. :265--27o.
EVERARD ou EBERARD DE BÉ-
TUi'.XE, grammairien et conlroversiste
du xiiie siècle. Le lieu de naissance de
cet écrivain n'est pas douteux, car lui-
même se qualifie, au commencement de
son traité intitulé Anti-Hœresls, de
Ebrardus, natione Mander, Bethuniœ
oriundus (Ebrard, Flamand de nation,
originaire de Béthune), et, à ce propos,
il n'est pas inutile de remarquer que
Béthune resta à la Flandre, tandis que
l'Artois était annexé à la monarchie
française par Philippe- Auguste. Les ex-
pressions dont Everard se sert semblent
une protestation afl5.rmant sa nationalité.
On n'est pas d'accord sur le sens véri-
table de ce distique que rapporte un
écrivain du xvf siècle, Arnoul de Rot-
terdam, dans un ouvrage resté manu-
scrit et intitulé : Vaticanurn.
Anno milleno centeno bis duodeno
Condidit Ebrardus Grœcisntum Belhuniensis.
La Monnoye et Paquot s'en servent
pour fixer en l'année 1124 la rédaction
de l'ouvrage intitulé Gi'œcismus ; d'au-
tres, et en particulier Du Cange, Oudin,
Paunou, traduisent millenus ceutenus bis
dnodenns par 1214 et, il faut le dire,
apportent à l'appui de leur opinion des
preuves de nature à convaincre, et dont
nous aurons occasion de parler. La vie
d'Everard de Béthune nous reste com-
plètement inconnue ; seulement, on peut
supposer, avec Paquot, qu'il appartint
au clergé séculier; s'il avait été reli-
gieux, ses confrères auraient certaine-
ment revendiqué son nom comme l'une
des gloires de leur ordre. On ne le
connaît que par ses deux principaux
ouvrages : le Grœcismus et VAnti-Ha-
resis.
Le premier, intitulé Grœcismns, de
Fiffuris, et octo partibus orationis; seii
Grammaticfie regulte, versibus latinis ex'
plicat(S, est, ainsi que ce titre l'indique,
une sorte de grammaire versifiée. Comme
on l'a dit ailleurs, « on pourrait croire
» qu'il s'agit d'une grammaire grecque;
» ce n'est réellement qu'un traité de la
« langiie latine, mais de cette langue
" considérée quelquefois dans ses rap-
« ports avec celle dont elle a emprunté
» plusieurs éléments et plusieurs for-
« mes. " Le Grécisme, qui se com-
pose seulement de 2,200 vers, a été
refondu par Conrad de Mûri, chantre
de l'église de Lyon, mort le 30 mars
1281, dont l'œuvre, intitulée Novus
Ch'œcismus, ne comporte pas moins de
10,5 60 vers. Le premier de ces deux
écrits est d'ordinaire accompagné d'une
Expositio ou commentaire fort obscur,
écrit par un professeur qui enseignait à
Poitiers, Jean-Vincent Metulin ; c'est
avec ce commentaire que le livre d'Eve-
rard fut imprimé en 1483 et 1490 à
Lyon, et vers le même temps, dans d'au-
tres villes françaises. A cette époque et
au commencement du xvie siècle, le
Grofcismus était fort en usage dans les
écoles, au delà comme en deçà duEhiu;
749
EVERARl)
750
mais les travaux philologiques de l'épo-
que de la renaissauee le tirent alors
tomber dans un oubli mérité. Erasme
avait puisé à cette source ses premières
notions de grammaire, et il n'était pas
ïestè inconnu à Rabelais, qui parle
quelque part d'Hébrard-Grécisme.
Du temps d'Everard, le catholicisme
avait à combatre des doctrines hétéro-
doxes qui gagnaient du terrain tous les
jours. Les Albigeois, dans le Languedoc,
les Sladingues, au nord de l'Allemagne,
entraient en lutte ouverte avec l'Eglise,
et dans la plupart des villes des Pays-
Bas, des hérésies diverses comptaient de
nombreux sectateiirs. 1j Anti-Hœresis
d'Everard fut l'une des œuvres litté-
raires par lesquelles on essaya de com-
battre ces défections. L'œuvre est diri-
gée en vingt-huit chapitres, dont les
vingt-quatre premiers sont dirigés contre
les Pyhles, dont il combat les principes
et les tendances ; le vingt-cinquième est
dirigé contre les XabatJiates om.^ ^^xàoi?, ,
qu'il accuse en particulier d'hypocrisie
et d'orgueil et qui menaient une vie à la
fois austère et oisive, c'est-à-dire une
existence contemplative, dont le vide
n'était pas racheté par des privations
sans but. Au vingt-sixième chapitre,
Everard donne une sorte d'énumération
des différentes catégories d'hérétiques ;
au vingt-septième, il argumente contre
les juifs; eniin, dans le dernier, il
essaye, sans beaucoup de succès, de ré-
soudre 86 difficultés théologiques. En
1614, le travail de notre auteur fut pu-
blié, avec deux autres écrits du même
genre, parGretser, à Ingolstadt en Ba-
vière, d'après un manuscrit dont Jacques
de Pamele avait fait don aux dominicains
de Bruges; et que Héribert llosweyde
envoya à Gretser. Le volume (in-4o) de
celui-ci est intitulé - Trias scriptonon
adversus Waldensium sec tant; Ebr ardus
Bithuniensiis , Bernardus abbas Fontls
calidi, M-menffardus. Il a été réimprimé
depuis dans la collection des œuvres de
Gretser et dans la Bibliotheca patrum
(voir notamment l'édition de Lyon,
t. XXIV, p. 1525-1584).
On a voulu mettre en doute l'identité
des auteurs des deux ouvrages dont nous
venons de parler. Mais on a constaté
que, dans V Anti-Baresis il est plus
d'une fois fait mention des poètes de
l'antiquité, tels que Virgile, Horace,
Ovide, Perse, Claudien; on y cite aussi
la Bible et les vers sibyllins et, parmi les
auteurs ecclésiastiques, Raban Maur;
par ses goûts littéraires, le théologien
se rapproche donc du grammairien ver-
sificateur. Disons ici que tout contribue
à placer l'existence de notre auteur dans
la seconde moitié du xiie siècle et la
première du xiiie siècle. La mention
qu'il fait de Gilbert de la Porée, célèbre
théologien qui florissait vers l'an 1150,
ne permet pas de supposer qu'il serait
mort à une époque plus reculée; deux
de ses vers.
Qui simt qui piujnant audaciter, Andegavensn;
Qui sunt fjui parcent supenitis, Andegavenses,
témoignent que sa jeunesse a été frappée
des exploits et de la générosité des
princes de la maison d'Anjou. Or, cette
dernière atteignit l'apogée de sa fortune
vers l'an 1150, lorsqu'une alliance ma-
trimoniale donna l'Angleterre et la Nor-
mandie à la race des Plantagenets.
On attribue encore à Everard un
poëme en 3,000 vers, intitulé Laborin-
tJms (le Labyrinthe), essai moitié poé-
tique, moitié grammatical, dont il exis-
tait trois manuscrits à la bibliothèque
d'Helmstaedt; il y est question du Grce-
cisme et on y parle d'Alexandre de Ville-
dieu et de Gautier de Vinisauf, qui
vivaient vers l'an 1200. Vers la fin du
poëme on trouve ces vers :
Leclor condoleas, Eberardi carminis ullam
Si carient videas....
Enfin, on attribue encore à notre au-
teur : EplstolcB, secundum artem dictatœ,
recueil qui se trouvait à l'abbaye des
Dunes, dit Sanderus {Bibliotheca Bel-
i/ica , t. I, p. 119), identique sans
doute aux Epîtres manuscrites dont
parle Montfauçon ; — Proverbia Senecœ,
in poesim versa, qui existaient en manu-
scrit, d'après Padin, au collège de Gan-
ville et Canis à Cambridge ; — Snmma
anrea et Aurea summa, traités qui se
conservaient aussi en Angleterre, et dont
le second était consacré à l'alchimie; —
Eiyrardi opus qnadripartitum in iUnd
751
EVERARD — EVERARDI
752
Joannis Evangelista : In prhicipîo erat
Verbum, manuscrit des dominicains de
Cologne; — De duodecim aôusiôus se-
cuU, travail d'Everard, cité par Gol-
dast.
Il semble étonnant que l'existence
d'un écrivain aussi laborieux soit aussi
peu connue; mais, si l'on se rappelle
que le xiiie siècle vit fleurir des théo-
logiens d'un ordre plus élevé, des polé-
mistes infiniment plus sérieux et redou-
tables, on concevra que leur réputation
ait totalement eft'acé celle d'un écrivain
d'un mérite inférieur, mais dont les
écrits ne furent cependant pas sans im-
portance. AlphoDse Wauters.
Henri de Gand, c. 60 (édit de Fabricius). — La
Monnoye, Menayiana, 1. 1, p. 173. — Sweertius et
Valére" André. Bibliotheca belyica. — Du Gange,
préface du Glossarium ad scriptores mediœ et
injimœ latinitatis, % 4o. — Oudin, De scriptoribus
ecclesiasticis antiquis, l. 111, p. 'àl. —Le Duchat,
Remarques sur Rabelais, t. 1, p. 90, et surtout
Paquot, 1. 111, p 41-43, et Daunou [Histoire litté-
raire de France, t. XV, p. 129-139;.
* EVERAUDi (iV/coZa^), dont le vrai
nom était Everts, magistrat et juriscon-
sulte, né en 1462, à Grypskerke (Zé-
lande). Des auteurs disent qu'il était le
fils d'un batelier. Selon d'autres, il des-
cendait d'une famille noble, originaire
de Bavière. Smallegauge prétend le rat-
tacher à une ancienne famille du nom de
Grypskerke, connue en Zélande dès l'an-
née 1250. Cet auteur raconte que dans
sa jeunesse on lui montra souvent le lieu
où naquit Everardi, près de Middel-
bourg. Une chose certaine c'est que ce
savant jurisconsulte fut inscrit, en 1479,
dans la matricule de l'université de
Louvain, faculté des arts, sous le nom
de Nicolas Everardi, fils de Pie-rre, de
Middelbourg. Il y eut pour maîtres
deux hommes dont il a vanté lui-même
le profond savoir : Arnoul de Beka et
Pierre de Thenis ou de Tirlemont. Le
11 juin 1493 il fut proclamé docteur en
droit civil et en droit canon, à l'âge de
vingt ans, dit M. Britz; mais c'est là
une erreur, comme on vient de voir (1).
Il fut ensuite recteur magnifique de
l'université, et, après y avoir enseigné
quelque temps le droit, il remplit les
(1) Peut-être la date du 11 juin 1493 que don-
nent ses biographes est-elle fautive. C'est même
fonctions d'official, c'est-à-dire de juge
ecclésiastique, représentant l'évêque de
Cambrai, à Bruxelles. Il devint ensuite
doyen du chapitre de Saint-Pierre, à
Anderlecht, près de la même ville, et
puis du chapitre de Sainte- Gudule, selon
quelques auteurs ; mais c'est encore une
erreur, croyons-nous. X'étant pas engagé
dans les ordres sacrés, Everardi pour-
suivit la carrière où l'appelait son talent.
En 1505, Philippe le Beau lui conféra
la charge de conseiller et maître aux
requêtes au grand conseil de Malines.
Pendant qu'il siégeait dans cette haute
cour, Everardi fut délégué, avec son
collègue Philippe Wielant, pour prendre
des informations sur les excès commis
en Zélande par des mandataires ecclé-
siastiques de l'évêque d'Utrecht (1507).
Sa grande science et sa réputation de
magistrat habile et intègre lui valurent
la charge de président du conseil de
Hollande (1509). Mais cette position
élevée le mit dans le cas de devoir s'oc-
cuper d'affaires politiques et adminis-
tratives, et, malgré l'estime dont il
jouissait, il finit par s'attirer la haine
du peuple. Aussi, lorsque, en 1510, les
troupes du duc de Gueldre firent irrup-
tion dans La Haye, Everardi, voyant
les habitants soulevés, crut devoir se
mettre en sûreté. Il reprit bientôt ses
fonctions de président du conseil de
Hollande. En 1515, à l'inauguration
de Charles-Quint à Dordrecht, comme
comte de Hollande et seigneur de Frise,
ce fut le président Everardi qui prit
la parole au nom du jeune prince.
Treize ans après (1528), ce monarque
le nomma président de la haute cour où,
en 1505, il avait débuté comme con-
seiller. Il n'occupa cette charge émi-
nente, la première dans la magistrature
des dix-sept provinces, que pendant peu
de temps. Il mourut à Malines le 9 août
1532 et y fut inhumé dans l'église de
Notre-Dame. Son épitaphe, due à sa
veuve et à ses enfants, était des plus
simples. Nicolas Everardi, que ses con-
temporains citaient comme un magistrat
que rien ne pouvait détourner de ses
probable, à moins qu'on ne se trompe sur l'année
de la naissance.
753
EVERARDI
734
devoirs, fut un des jurisconsultes les
plus remarquables de son temps. Au
grand conseil il régnait en prince, sui-
vant l'expression de Godefroi,qui affirme
qu'Everardi fut un novateur dans la
science du droit. Dans un savant mé-
moire, M. Britz a donné un aperçu de
ses œuvres. « L'ouvrage, dit-il, qui a éta-
II bli la réputation d'Everardi, ce sont
Il ses Consilia site responsa juris , édités
Il par ses deux fils à Louvain, en 1554,
Il et réimprimés et augmentés en 1577
Il par le jurisconsulte Jacobus Molen-
II gravius. Lui et son contemporain, le
Il professeur Heems {de Bruxelles), sont
Il les premiers dans le pays auxquels
Il revient l'honneur d'avoir créé cette
« nouvelle source si féconde, si pré-
" cieuse du droit civil et du droit public.
Il Dans cette nouvelle voie, ils eurent
« de nombreux et brillants successeurs.
« Les Consilia d'Everardi ont conservé
« de l'autorité jusque dans les derniers
Il temps; De Ghewiet, au xviiie siècle,
Il les met encore souvent â profit. On
Il aimait à regarder ces Responsa s. Con-
II silia comme des interprétations en
Il quelque sorte souveraines des lois et
Il coutumes existantes. «
Le président Everardi était lié avec la
plupart des hommes remarquables de
son temps, avec Erasme entre autres,
qui lui adressa deux lettres. Dans l'une
d'elles, ce dernier dit que l'amitié qu'il
a pour Everardi, alors président du con-
seil de Hollande, le ferait aller au bout
du monde. Dans une autre, le savant
hollandais raconte ce qu'il a à souffrir
de quelques moines ignorants et empor-
tés. Suivant Moreri, Erasme ne se fiant
pas à ses seules forces pour la publica-
tion des lettres de saint Jérôme, con-
sulta Everardi, qui avait fait une étude
particulière de ce Père de l'Eglise. Dans
un autre ordre d'idées, nous trouvons
dans l'Histoire de la Gueldre par Slich-
tenhorst un trait qui paraît sinon con-
traire à la vérité, au moins fort exa-
géré. Un chanoine d'Utrecht, écrivant
à son frère au sujet du président, le
dépeignit comme un des plus fameux
émeutiers (roervin/ren) , issu de bateliers
de Zélande, comme un homme qui se
plaisait à opprimer les nobles et les gens
honorables, ayant fait condamner à la
peine de mort deux braves gentilshommes
Broersel et Broekhuysen, en 1528, lors
d'une invasion de Martin van Eossem.
Qualifier d'émeutier un tel magistrat,
tout dévoué à Charles- Quint, voilà qui
est au moins étrange.
De son mariage avec Elisabeth de
Bladele, de Malines (quelques-uns la
nomment de Blioul) Everardi eut, selon
Foppens, cinq fils et trois filles. Toute-
fois, nous lui connaissons un sixième fils
(François) qui est mentionné par Gru-
dius (^voir plus loin). Ce dernier dans
une lettre datée de Tolède, le 25 mars
1534 et adressée à Marins {ibid.),
exprime le désir que les papiers de feu
maître François, leur frère, soient ras-
semblés, afin qu'il les examine à son
retour. Cette qualification de maître in-
dique que François Everardi, sur lequel
nous manquons de renseignements, était
revêtu d'une charge quelconque. Quant
à ses frères (1), ils se firent tous une
grande réputation par leur talent. Chose
remarquable, une des trois filles du pré-
sident Everardi, Isabelle, qui prit le
voile, était versée dans les langues
grecque et latine. Outre cela, elle pei-
gnait à merveille. Aussi, jamais peut-
être ne vit-on, dans une seule famille,
une réunion plus heureuse d'hommes
distingués. Il n'est pas jusqu'à l'une des
filles, cette même Isabelle, la seule que
nous connaissions, qui n'ait été douée
des plus belles qualités. Nous ajou-
terons à ces détails qu'un portrait du
président Everardi se trouve dans la
BibliotJteca belgica de Foppens. Everardi
y est vu de profil. Gaie>i,.o..
Biographie manuscrite des conseillers du grand
conseil. — Sin'iverius, De {/enle .\icolaia. — Fop-
pens, liibl. bety. — Valère André, Bibl. belr/. —
Dict. de Moreri. — Brilz, mémoire sur l'ancien
droit betgique.
EVEKAKUi {Eorard), surnommé iV/-
colaï, fils du précédent, jurisconsulte et
magistrat, né à Louvain en 1498. Il fit
(1) Evrard, dit Nicolaï, Nicolas (Grudius',
Adrien {Marius, et Jean [Secundus). ;Voy. à ces
noms.) Pierre -Jérôme, un autre HIs, religieux
premontré, savant docteur en droit civil et canon,
devint abbé de Notre-Dame, à Middelbourg.
755
EVERARDl
756
ses études de droit à l'université d'In-
golstadt, en Bavière, et y obtint le bon-
net de docteur. Il débuta comme avocat
au conseil de Hollande, présidé alors
par son père. Charles-Quint ayant insti-
tué, en 1527, le conseil provincial (de
justice) de Frise, qui siégeait à Leeuwaar-
den, il conféra à Everardi une place de
conseiller. Après le décès de son père,
Everardi passa au grand conseil de Ma-
lines (25 janvier 1533, n. st.), et s'étant
fait apprécier par son grand savoir, il
ne tarda pas à . entrer au conseil privé
en qualité de conseiller et maître des
requêtes. Puis l'Empereur le nomma
président dudit conseil de Frise (juillet
1541). Enfin, la brillante carrière d'Eve-
rardi dans la magistrature fut couronnée
par sa nomination à la présidence du
grand conseil (février 1557 n. st.), charge
qu'il remplit avec éclat, assurent ses
biographes. Everardi mourut en mai
1561 ; il fut inhumé dans la même église
que son père et non loin de celui-ci.
Grudius, son frère, lui composa une
épitaphe en vers. Sa carrière y est som-
mairement retracée. Il avait épousé dame
Geneviève Van der Goes, dont il eut
deux fils et trois filles. Chose digne de
remarque, toutes trois épousèrent des
conseillers, et les deux fils furent égale-
ment des conseillers. Arnoul, fut le der-
nier président catholique du conseil de
Hollande. Il mourut en 1592. Charles,
le second, fit partie du grand conseil de
Malines, en qualité de conseiller et de
maître des requêtes. Nommé le 7 juin
1601, il mourut dans l'exercice de ses
fonctions le 13 mars 1616. Une nièce
du président, nommée Geneviève Deyn,
possédait son buste en marbre^ qu'elle
offrit, en 1656, à Pierre Cuypers, dési-
gné, dit-elle dans l'inscription dédica-
toire, pour remplir une place de con-
seiller au grand conseil. Ce buste a été
gravé au trait pour un ouvrage dont
nous ignorons le titre. Nous possédons
un exemplaire de la gravure, h^verardi
est représenté avec la robe de magistrat.
Il avait la figure pleine et les traits
accentués. Il n'a pas laissé d'ouvrages
(|ue nous sachions, mais il publia, en
1554, en collaboration avec son frère
Marins, les Consllîa sive re^ponsa jtiris,
du président, leur père. En outre, il
donna une nouvelle édition des poésies
de Jean Second, car Everardi n'était pas
seulement un savant jurisconsulte, mais
il cultiva avec succès les muses. Dans
une élégie, Jean Second vante le talent
qu'il possédait comme poëte et comme
musicien. Gaiesioot.
Biographie manuscrite des conseillers du grand
conseil. — Scriverius, De génie Nicolata. — Fop-
pens, Bd)l. belg. — Valére André, Bibl. belg. —
Dict. de Moreri.
EVERARui (Nicolas), dit Nicolaï
et plus connu sous le nom de Grudtus,
fils du président Nicolas Everardi, cité
plus haut. Il naquit à Louvain. De là le
surnom de Grndlus, cette ville ayant été,
suivant certains auteurs, la demeure des
Gnidii dont parle Jules César dans ses
commentaires sur les guerres des Gaules.
Grudius, qui s'est fait une belle réputa-
tion comme poëte latin, remplit diffé-
rentes fonctions publiques. Dans le titre
d'une pièce de vers qu'il composa à
propos de la mort de Marguerite d'Au-
triche, gouvernante des Pays-Bas (1532),
il se qualifie de secrétaire de l'empereur
Charles-Quint. Le fait est qu'en 1545, il
était à la fois secrétaire du conseil privé,
greffier de l'ordre de la Toison d'or et
receveur général des aides du duché de
Brabant. Voilà certes un cumul d'em-
plois bien divers. Mais si Grudius, dont
le nom officiel était Nicolaï, brilla comme
poëte, on ne peut pas en dire autant du
fonctionnaire, tant s'en faut. En 1554,
la reine Marie de Hongrie, gouvernante
des Pays-Bas, le fit arrêter. Une bien
grave accusation pesait sur lui : celle
d'avoir détourné de sa caisse la somme,
énorme pour le temps, de 104,000 flo-
rins. Le procureur général du conseil
de Brabant le poursuivit de ce chef
devant cette cour souveraine. Nicolaï,
prétendant qu'il n'était pas son justi-
ciable, en qualité de greffier de l'ordre
de la Toison d'or, présenta une requête
à l'Empereur pour être renvoyé devant
les juges de cet ordre. Charles- Quint,
après avoir pris l'avis du chancelier dudit
conseil de lîrabant et celui du conseil
d'Etat et de la reine de Hongrie, rejeta
757
EVERARDl
758
sa demande. Xous n'avons pas pu con-
stater comment le prévenu se tira de ce
pas difficile. Il est certain qu'il conserva
sa place de greffier de l'ordre. Mais ici
encore, les choses tournèrent mal pour
lui. Accablé de dettes, Nicolaï vida le
pays et se rendit à Venise. Ses biogra-
phes lui font faire ce voyage comme s'il
avait fait partie d'une mission diplo-
matique. Il en fut tout autrement ,
ainsi qu'on vient de le voir. Pendant
qu'il était à Venise , le duc d'Albe ,
gouverneur des Pays-Bas, l'invita à se
démettre de ses fonctions de greffier,
moyennant une somme de 3,000 flo-
rins. Nicolaï s'empressa d'accepter cette
offre. Ceci se passait en 1573. Or,
ses biographes prétendent qu'il mourut
à Venise en 1571. Il est évident qu'ils
sont dans l'erreur, puisque les détails
qui précèdent proviennent d'une source
authentique : l'inventaire des archives
de l'ordre dont il s'agit. Ces biogra-
phes ajoutent que Nicolaï fut regretté
de tous et que la république de Venise
lui fit faire de belles funérailles. Il
n'y a là rien d'invraisemblable, si l'on
tient compte de la célébrité, européenne
en quelque sorte, dont jouissaient les
différents membres de la famille d'Eve-
rardi. D'après un manuscrit de la bi-
bliothèque de Bourgogne, cité par
M. Camille Picqué, Grudius aurait été
inhumé dans la chapelle de Sainte-
Croix, en l'église d'Alsemberg, près de
Bruxelles. Evidemment, c'est là une
autre erreur. En remontant dans le passé
de Grudius, on constate qu'il a dû. être
envoyé en pays étranger, soit comme
secrétaire du conseil privé, soit pour les
aflaires de l'ordre de la Toison d'or. En
mission en Espagne, il eut la douleur
d'y perdre sa femme, Anna Cobella ou
CoebelSjde La Haye. Il a exhalé sa peine
dans une de ses Né/des. Burman a publié
de lui une lettre datée de Tolède, le
25 mars 1534. Elle est adressée à Ma-
rins. Tout en s'occupant des poésies de
ce dernier, son frère, comme' on sait,
Grudius exprime le désir de retourner
dans son pays. Il ne tarda pas à y reve-
nir. Deux autres de ses lettres, des
années 1536 et 1537, témoignent qu'il
était alors à La Haye. Un peu plus tard
nous le retrouvons à Bruxelles, où il
était domicilié. Grâce à son talent et à
son savoir, le poète Grudius compta
parmi ses amis des hommes d'élite. Scri-
verius en cite plusieurs, parmi lesquels
le cardinal de Groesbeck, prince-évêque
de Liège, admirateur de ses poésies reli-
gieuses. L'auteur publia à la suite de
celles-ci ses lettres à difi'érents savants
espagnols. Comme poète, Peerlkamp
compare Grudius à Catulle, à Properce
et à Tibulle. Après avoir donné plu-
sieurs extraits de ses vers, ce savant
critique dit qu'il y a dans les élégies de
Grudius tant de beautés, dignes du siècle
d'Auguste, qu'il serait trop long de les
mentionner. Au nombre de ses élé-
gies, il signale celle à Anne Cobella,
l'épouse du jîoëte. Celui-ci l'écrivit pen-
dant qu'il était malade en Espagne. Gru-
dius s'y est inspiré de l'esprit de Tibulle.
Enfin Peerlkamp cite encore comme un
modèle du genre un passage d'iine élé-
gie où le poète, toujours en Espagne,
invoque la muse, afin qu'elle se rende
dans sa patrie et visite la demeure pa-
ternelle. Dans ses épigrammes, Grudius,
d'après Peerlkamp, est inférieur à Jean
Second, mais il l'emporte sur ses frères.
Ainsi que le dit M. Picqué, il était avant
tout homme d'esprit : bon nombre de
ses poésies finissent par des pointes heu-
reuses. A le lire, on apprend à connaître
l'humeur peu portée au vague et à la
mélancolie des littérateurs du temps. On
trouve dans son recueil de grosses
joyeusetés, après de bien gros pleurs.
On a de Grudius : Nœnia in obitum
illust. principis Margaretœ Anstriacœ;
Louvain, ] 533 . — Epigrammata Arcuum
triumphalium Valentianis Carlo V in ejns
adventu exhihitorimi; Louvain, 1540. —
Apotheosis in obitum Maximiliaul ab E(/-
mnndo, comitis Buroni; Louvain, 1549.
— Negotia sive poemata sacra; Anvers,
1566. — Otia sive poemata profana,
comprenant : Elegiarum libri III; Epi-
grammattim lib. III; Hendecosyllaborum
liber I; Emieriim libri II; Silva et
epistolce; Leyde 1612. caiesioot.
Scriverius, De (jenle yicolaia. — Foppeiis,
Dibl. bcUj. — Pierre Hofinan Peerlkamp, Viia
789
EVERARDI
760
Belgarum qui latina carmina scripserunt. — In-
ventaire des archives de l'ordre de la Toison d'or,
manuscrit des Archives du royaume.— C. Picqué,
Revue de la numismatique belge.
EVEiCiiiini {Adrien), dit Nicolaï,
et surnommé Maeius, né à Malines. Il
était fils du président Nicolas Everardi,
mentionné plus haut. Il nous apprend
dans une épigramme pourquoi il avait
adopté le surnom de Marins : ce fut en
l'honneur de la Vierge, dont la fête
de la Nativité (8 septembre) coïncide
avec celle de saint Adrien. Les poésies
qu'il a laissées prouvent qu'il étudia
le droit à Bourges et qu'il y eut pour
maître Cujas, et à Milan, Marc- Antoine
Caimus et Jérôme Monti. Après avoir
pratiqué quelque temps comme avocat,
il fut nommé conseiller ordinaire au
conseil provincial d'Utrecht (1er sep-
tembre 1540), et peu de temps après
conseiller et maître des requêtes au
grand conseil de Malines (26 octobre
1541). Enfin^ Charles-Quint lui con-
féra, en 1547,1a charge de chancelier du
conseil souverain du duché de Gueldre
et du comté de Zutphen, institué par ce
monarque en la ville d'Arnhem. Pendant
qu'il remplissait ces fonctions, le duc
d'Albe l'appela à Bruxelles pour faire
partie de ce tribunal abhorré appelé
le conseil des troubles. Everardi eut le
triste courage d'y siéger. Il mourut à
Bruxelles le 21 mars 1568 et fut in-
humé, comme son père et son frère,
dans l'église de Notre-Dame, à Malines.
Son épitaphe, conçue en langue fla-
mande, rappelle qu'il était chevalier,
sans que nous puissions dire quand et
dans quelles circonstances il obtint ce
titre honorifique. Il résulte aussi de
cette épitaphe que le chancelier Everardi
avait épousé dame Elisabeth Blocx de
Duvenede, qui le suivit dans la tombe
le 23 octobre 1579. C'est surtout comme
poëte latin et sous le nom de Marins
qu'Everardi s'est fait une réputation
dans les lettres. Ses poemata se compo-
sent de deux livres d'élégies; le premier
de dix pièces, le second de sept; d'un
livre d'épigrammes dont plusieurs tra-
duites de l'Anthologie grecque ; d'un
livre d'épltres : elles sont au nombre de
sept; d'une satire et d'un chant funèbre
{ncenia) en vers alexandrins, sur la mort
de son frère Jean Second. Les élégies
de son premier livre sont toutes dans le
genre erotique : la dernière est une fic-
tion ingénieuse intitulée Cymba amoris.
Elle semble avoir établi la célébrité de
Marins et a été traduite en plusieurs
langues. Cats l'a imitée de main de
maître en hollandais. Telle est l'appré-
ciation que nous lisons dans la Biogra-
phie universelle de Michaud. D'autre
part, Peerlkamp cite de notre poëte une
pièce de vers auxquels , ajoute-t-il ,
Tibulle n'aurait rien eu à reprendre.
Galesloot.
Biographie manuscrite des conseillers du grand
conseil de Malines. — Scriverius, De gente ]\ico-
laia. — Foppens, Bibl. belg. — Valère André,
Bibl. belg. — Biographie unive7-selle.
ETERARDi (Jean), surnommé Secun-
dus, poëte, graveur, peintre et sculp-
teur, fils du président Nicolas Eve-
rardi. 11 fut surnommé Secundus pour
n'être pas confondu avec un oncle, frère
de son père, et qui portait le même pré-
nom de Jean. C'était, d'après la re-
marque de Foppens, un surnom d'un
heureux présage. Second, c'est ainsi
qu'il est connu dans les lettres, naquit
à La Haye le 14 novembre 1511. Il eut
pour précepteur dans les langues sa-
vantes, Jacques Volkaert, homme des
plus instruits, et Rombaut Steynemolen
dont le poëte Marins a vanté le talent.
Son père, savant jurisconsulte, lui ensei-
gna les premiers éléments du droit et
l'envoya ensuite à Bourges, pour y ache-
ver ses études. La chaire de droit y était
occupée par le célèbre André Alciat,
avec lequel le disciple se lia intimement.
Ses progrès furent si rapides, qu'il ne
tarda pas à obtenir le bonnet de docteur
sans avoir pour cela négligé ses études
littéraires et les arts. Il eut pour con-
disciples, à Bourges, des hommes remar-
quables, tels que Salmon Macrin, poëte
latin de Loudun , surnommé V Horace
français, contemporain de Marot et l'un
des familiers de François 1er, Corneille
Musius, Hollandais célèbre, Le Clercq,
auquel il a adressé la neuvième élégie
du livre premier, etc. Le 4 mars 1533,
Second reprit le chemin de Paris pour
764
EVERARDI
762
retourner aux Pays-Bas. Son professeur et
ses nombreux disciples, tous émerveillés
du jeune et brillant docteur, l'accompa-
gnèrent, lis lui donnèrent, en le quit-
tant, des témoignages des plus vifs re-
grets qu'ils éprouvaient de son départ.
Arrivé à Malines, où habitaient ses pa-
rents, le 30 avril suivant, Jean Second
quitta cette ville le 28 mai de la même
année. « Ici, dit le poète Tissot, son
Il traducteur et son biographe, je suis
Il arrêté par une contradiction assez
Il singulière entre Jean Second et ses
« historiens. Foppens rapporte, dans sa
'■ Bibliothèque Belgique, qu'au sortir de
" Bourges notre auteur partit pour
' l'Italie, où il devint secrétaire du
« pape Paul IV. Après Foppens, d'au-
" très érudits ont répété la première de
« ces assertions. Cependant Jean Second
Il lui-même dans le récit de ses voyages,
« publiés par Daniel Heinsius, trace
« presque jour par jour son itinéraire
» de Bourges à Malines, et de cette
« dernière ville en Espagne. Si je con-
« suite les deux touchantes élégies
« d'Adrien Marins et de Nicolas Gru-
II dius sur la mort de leur frère, je vois
u dans la première un récit circonstan-
« cié du voyage d'Espagne, et pas un
" mot sur celui d'Italie; la seconde.
Il plus précise encore, dit seulement
Il que Jean Second avait la confiance de
Il Charles-Quint, qui se servait de lui
" pour écrire les choses les plus secrètes
Il aux grands de Kome et au souverain
Il pontife. Je crois donc qu'il est hors de
H doute que Jean Second n'a point
Il visité l'antique maîtresse du monde. «
Second s'étant rendu en Espagne, passa
au service du cardinal Tavere, arche-
vêque de Tolède, en qualité de secré-
taire. Le bruit de ses talents parvint
aux oreilles de Charles-Quint, qui l'at-
tacha à sa personne. Second suivit l'em-
pereur dans son expédition de Tunis;
mais il tomba malade et fut contraint de
revenir. L'air du sol natal, les soins que
lui prodiguèrent sa mère et ses sœurs le
rétablirent. Il se fixa ensuite auprès
de Georges d'Egmont, abbé de Saint-
Amand, à Tournai, qui en avait fait son
secrétaire. A peine avait-il pris posses-
sion de ce nouvel emploi, qu'il fut em-
porté par une fièvre maligne, au bout
de quatre jours (8 octobre 1536). On
prétend que sa passion pour le sexe
ne fut pas étrangère à cette fin préma-
turée. Il fut inhumé dans l'église de
l'abbaye de Saint-Amand, où sa famille
lui érigea un tombeau en marbre. Son
épitaphe rappelait la célébrité qu'il
s'était acquise comme poète, comme
peintre et graveur. Le tombeau de Se-
cond fut détruit en 1566, par les ico-
noclastes. Ch. de Par, successeur de
Georges d'Egmont dans la dignité
d'abbé de Saint- Amand, le fit rétablir
par respect, disait l'inscription, pour la
mémoire d'un si heureux génie.
Jean Second a laissé des épigrammes,
des odes, des pièces funèbres, dessylves,
deux livres de lettres, trois livres d'élé-
gies, un livre de Baisers, sorte de com-
position dont il est l'inventeur, quelques
fragments de vers et une relation en
prose de ses voyages. « Jean Second
Il choisit très-bien son sujet, dit Tissot,
" compose avec sagesse et ne sort point
" du cadre qu'il s'est tracé; mais quel-
" ques-uns de ses baisers manquent de
Il sens, première qualité des grands
Il comme des petits ouvrages, ou de
" chaleur d'âme, grave défaut dans un
" poète et dans un amant. Des baisers
Il froids ne se pardonnent guère. Quel-
II quefois encore il est obscur et recher-
" ché, et son style oifre des mignardises
" non moins réprouvées par le goût que
" par la passion. En récompense, avec
" quelle chaleur, quel coloris, quelle
" variété de tons et de pensées il a
" peint le transport et l'ivresse de
" l'amour ! Tous les amis des lettres
Il admirent ce brûlant Catulle loué par
" Eénélon; je n'aurai pas la témérité
Il de comparer Jean Second à ce poète,
•I mis avec raison au nombre des clas-
II siques; mais si mon auteur a quel-
II quefois surpassé son modèle en l'imi-
II tant, ne me sera-t-il pas permis de le
Il regarder comme le plus brillant élève
Il de ce grand maître? « Le même auteur
fait remarquer, à propos des Baisers de
Second, que ce sont là le plus brillant
de ses titres de gloire. « La poésie ca
763
E\ ERARDI — EVERGHEM
" est gracieuse , ajoute-t-il , pleine
Il d'images, souvent passionnée jusqu'au
a délire, et naturelle toutes les fois
Il qu'elle est vraiment passionnée. Son
» style, quoique éloigné d'atteindre à la
Il pureté des écrivains du siècle d'Au-
" suste, surtout à leur admirable clarté,
Il sent l'antiquité, annonce partout un
/' homme qui en est rempli. L'oreille
Il retrouve quelquefois avec un vif plai-
II sir, dans ses poésies, l'harmonie jjres-
II que musicale des vers de Virgile et de
Tibulle. " Le savant critique Peerlkamp
fait un éloge non moins enthousiaste du
poëte, tout en relevant çà et là des dé-
fa iits. Ajoutons qu'un de ses contempo-
rains fit contre Second une épigramme,
où il le qualifiait de lascif, se livrant au
culte de Vénus, alors que saint Jean,
sou patron, adorait la Vierge.
Les œuvres de Jean Second ont aussi
ététraduitesenfrançaisparDorat(1786),
Mirabeau (1790) et Loraux (1812). En
Hollande, son pays natal, il compte de
nombreux traducteurs et imitateurs.
Ses œuvres y eurent diflPérentes éditions,
parmi lesquelles celles de Marins, son
frère, et de Pierre Scriverius. En 1821
parut l'excellente édition de Pierre
Bosscha, avec les notes restées inédites
de Pierre Burmann. Un portrait de ce
célèbre poëte de la renaissance se trouve
en tête de la première édition due à Scri-
verius (1619) et de la seconde (1631).
Foppens l'a reproduit. Ce portrait fut
peint par Jean van Schoorl, le maître
du poëte, auquel il enseigna l'art de
graver des médailles; Second y excella.
On connaît quelques-unes de ses œuvres.
Telles sont le buste de Julie, sa maî-
tresse, jeime Malinoise qu'il a chantée
dans ses vers, et ceux de Grudius et de
sa femme. L'exécution de ces médailles
est remarquable. Comme sculpteur et
peintre, on ne peut l'apprécier, ses œu-
vres n'étant pas parvenues jusqu'à
nous.
Eoppcns donne l'indication suivante
des ouvrages de Second : Elegiarum
libri III; — Junerum lib. I; Epiyram-
maium lib. I; Basiorum lib. I; Episto-
hirum lib. II; Odarum lib. I; Silvarwn
lib. I; Ilef/ia pccunice ; — liineraria III,
Belgicum , Gallicum et Hispanicum .
Galesloot.
Scriverius, De gente JMcolaia. — foppens,
Dtbl. bclg. — Vàlère André , Bibl. belfj. —
P. -F. Tissot, Baisers, et élégies de Jean second
avec le texte laiin. — Pierre Hofman Peerlkamp,
Vita Belgarum qui latina carmina scripseruut. —
C. Picqué, Jean second, pacte et médailleur, dans
la Revue de la numismatique belge.
KTËRE>' (Gilles VAX), peintre, né à
Anvers, xve siècle. Voir Gilles van
EVEBEN.
KVERGUE.n {Henri vax), archi-
tecte, né probablement à Bruxelles vers
l'an 1450; mort vers 1495 ou 1500.
Ce constructeur appartenait, selon toute
apparence, à une famille bruxelloise
dont une des branches, distinguée par
le surnom de Van Coeckelberghe, faisait
jadis partie des lignages ou familles pa-
triciennes. Son père, Jean van Ever-
ghem (et non pas Van Herveghem ou
Van Herneghem), était également un
architecte habile : il commença, en
1478-1479, les travaux de construc-
tion de la tour de l'église de Sainte-
Walburge, d'Audenarde, dont la masse
imposante s'élève à la hauteur de 70 mè-
tres, fortifiée à chacun de ses angles
par un contre-fort orné dé panneaux et
de pinacles, et percée, sur chaque face,
de deux étages de fenêtres en ogive.
Jean Van den Berghe dit Van Euys-
broek, le célèbre architecte bruxellois
du xve siècle, étant arrivé à un âge où il
ne pouvait plus exercer les fonctions de
maître ouvrier des maçonneries ou ar-
chitecte du prince en Brabant, Henri
van Everghem fut appelé à le rem-
placer, le 31 mars 1483-1484, et prêta
serment en cette qualité le 9 avril sui-
vant. Van Ruysbroeck avait disposé de
son emploi en faveur de son fils Guil-
laume, qui avait été architecte du roi
de France Louis XI; mais, pour des rai-
sons que l'on devine aisément, la cour
de Bruxelles se montra puu disposée à
favoriser \\n homme qui avait été l'un
des serviteurs de l'ennemi mortel de la
famille ducale de Bourgogne. Le trans-
fert de l'emploi à Guillaume fut donc
annulé « pour des raisons majeures à
nous connues « , dit l'acte de nomina-
tion d'Henri van Everghem. Toutefois,
765
EN'EKGHEM - EVEIUlELiME
766
celui-ci fut astreint à abandonner à son
prédécesseur, sa vie durant, son traite-
ment d'architecte. C'est en cette ([ualité
que nous le voyons visiter : le 18 octobre
1486, le château et les moulins du do-
maine à Jodoigue; le 29 octobre l'i87,
les moulins et les ponts de Tirlemont; le
16 septembre 1488, le château de Ge-
nappe; en 1488-1489, les bâtiments du
domaine à Tirlemont, Haelen, etc. Dans
ces occasions, Henri recevait des hono-
raires qui s'élevaient à 3 sous et 4 de-
niers de gros par jour. Peu de temps
après, probablement parce qu'il avait
adhéré au soulèvement d'une partie des
Brabançons contre Maximilieii d'Autri-
che, il fut remplacé par maître Antoine
Kelderman.
Depuis l'année 1479, Jean van Ever-
ghem avait remplacé Van Kuysbroeck
dans la direction de la reconstruction de
l'église d'Anderlecht. Lorsqu'il mourut,
à la Saint-Martin ou 11 novembre 1485,
ce fut son fils qui le remplaça, mais
bientôt, en 1489, l'emploi d'architecte
de l'église précitée fut supprimé, pro-
bablement parce que les guerres, et la
pauvreté générale qui eu résultait, obli-
gèrent la fabrique de l'église à suspen-
dre les travaux; mais l'architecte de la
ville de Louvain, Jean De Mesmaeker,
étant mort le 20 août de la même année.
Van Everghem fut nommé pour lui
succéder. Il avait déjà aidé son prédé-
cesseur dans les changements que l'on
effectuait à la chapelle de la sainte Croix
dans l'église de Saint-Jacques, de Lou-
vain; il restaura encore, en 1491, le
tabernacle de ce temple.
Là s'arrête ce que nous savons de
notre artiste. Sa mère s'appelait Mar-
guerite Suels, dite Van Vroenhoveu; lui
(ou du moins un personnage de son nom)
se fiança, le 12 novembre 148G, dans
l'église de Sainte-Gudule, de Bruxelles,
à Gillette van Haecht. D'après le peu
que nous connaissons de ses œuvres, il
resta fidèle, comme sou père, à cette
architecture ogivale flamboyante qui
atteignait alors son apogée dans nos pro-
vinces. Alphonse Wauteis.
Histoire des environs de Bruxelles, t. 1, p. 45.
— Van Even, Louvain monumental, passim. —
BIOGR. NAT. — T. VI.
Noies de M. Vancler Mccrscli, d"AuileiKirde, dans
l'ouvrage de Laborde, Les ducs de Uourgo'jne,
t. Il, ]). 397.
EVKit€;i!^L.io (Saint) ou Evekgesile,
évêque de Cologne, né à Tongres dans
la seconde moitié du ive siècle, se dis-
tingua, dès son adolescence, par sa piété
et son ardeur pour l'étude des lettres
sacrées. S. Séverin, évêque de Cologne,
qui était probablement son parent, se
chargea de son éducation, lui conféra la
dignité de diacre, l'attacha à sa personne
et lui accorda une large part dans l'ad-
ministration de son diocèse, où une
grande partie de la population était
restée attachée aux superstitions du pa-
ganisme. Evergisle s'acquitta si bien de
ces fonctions que, peu de temps après la
mort de son vénérable prédécesseur, il
fut lui-même appelé au siège épiscopal
de Cologne, par un vote nnaniine du
clergé et du peuple. C'était l'époque où
l'invasion générale des barbares avait
jeté la désolation dans les Gaules et cou-
vert de ruines les provinces voisines du
lihin. Evergisle, luttant courageusement
contre tous les obstacles, prêchait l'évan-
gile, convertissait les païens, raft'ermis-
sait la foi des fidèles et relevait les
églises et les monastères renversés par
les envahisseurs. Il ne borna pas même
son zèle aux limites de son vaste diocèse,
et il fit plus d'une fois le voyage de
Tongres pour y travailler à la conversion
de ses compatriotes. Ce fut dans un de
ces voyages que, logé au couvent de la
Sainte-Vierge, il fut, vers l'an 434,
assassiné par des brigands. Ses restes
mortels furent inhumés dans la cathé-
drale de Tongres; mais, au xe siècle,
S. Bruno les fit transporter à Cologne et
déposer dans l'église de Sainte-Cécile.
L'endroit où il fut assassiné reçut et
porte encore le nom de Gramvel-Steeg
(Chemin du crime). j..j. xhonissen.
Lecoinle, Annales ecclesiastici Francornnu
]). 69. — Gliesquière, Acta samtorum lieliiH
sclecla, t. 1, p. 441 et 4'f'2. — Butler, Vie des
Saints, t. V, p 6lo; édit De Ram.
RVKituKi.m':, nommé aussi Everliu
ou Everhelin, écrivain ecclésiastique,
rtorissait pendant la première moitié du
XI"" siècle, et mourut probablement en
1069. Il était neveu du bienheureux
125
767
EVERHELME — EVERLANGE-WITRY
768
Poppon, abbé de Stavelot, et originaire
vraisemblablement du nord de la France.
Il embrassa la vie religieuse dans l'ab-
baye. A la mort de son oncle, arrivée
en 1048, il succéda à celui-ci comme
abbé de Hautmont près de Maubeuge.
Everhelme ne suivit pas les exemples
vertueux de son oncle, mais se laissa
aller à un grand relâchement. Le 25 jan-
vier 1059, il obtint par simonie l'abbaye
de Saint-Pierre au Mont Blandin, à
Gand, dont il dissipa les biens et mal-
traita les religieux confiés à ses soins,
au point d'être accusé auprès du souve-
rain pontife Alexandre II. Celui-ci ren-
voya l'affaire à l'examen de l'archevêque
de Eeims , métropolitain du diocèse de
Tournai, dont la ville de Gand faisait
partie à cette époque. On ne connaît
pas l'issue de l'enquête instituée par
l'archevêque : elle fut, sans doute, inter-
rompue par la mort d'Everhelme, arri-
vée peu de temps après.
On a de lui une vie du bienheureux
Poppon, publiée sous le titre de Vita
B. Poppo7tis, lo d'une manière incor-
recte, par Surius, Vitœ sanctorum, édit.
de 1571, I, pp. 626-646; 2o plus fidè-
lement^ par BoUandus, Ada Sanctorum
januarii, II, pp. 638-652; 3o avec de
nouvelles observations par Mabillon,
Ada sandorum ordi?iis S. JBetiedidi, YI,
I, pp. 569-596; et enfin 4° par Wat-
tenbach, dans Pertz, Monumenta Ger-
maniœ Jiistorica, scriptorum toimis XI,
pp. 291-316, d'après trois manuscrits
anciens conservés à Malmedy, Arras et
Bruxelles. Cette vie est bien écrite pour
l'époque où elle a été composée.
E.-H.-J. Rensens.
Paquot, Mémoires, éd. in-fo! , [, p. 607. — Pot-
thast, Dibliotheca historica tnedii œvi, p. 8o7.
EVERI.AXGE-'WITRY {Louis-Hya-
cinthe n'), fils de Théodore-Ignace
d'Everlange-Witry, seigneur de Witry,
membre du siège des nobles du duché
de Luxembourg, et de Marie-Catherine-
Claude, comtesse de Gévigny de Pointe,
né au château de Witry, baptisé le
2 août 1719, mort le 17 décembre 1791,
phy.sicien et minéralogiste.
Après avoir achevé ses premières
études, il fut admis par les cardinaux
au collège flamand à Rome, distinction
réservée aux jeunes gens les plus aptes
aux études. Ensuite il embrassa l'état
ecclésiastique, en manifestant toutefois
un goiit très-prononcé pour les études
de la physique et de la minéralogie.
Cette circonstance engagea le prince
Charles de Lorraine, gouverneur géné-
ral des Pays-Bas autrichiens, à le nom-
mer directeur de son cabinet de curio-
sités. Il continua à remplir ces fonctions
jusqu'après la mort du prince. En 1780,
le gouvernement autrichien se décida à
faire vendre en grande partie les belles
collections trouvées dans la succession
du gouverneur général, et entre autres
les objets d'histoire naturelle. D'Ever-
lange fut chargé d'en dresser le cata-
logue, qui se distingue par une bonne
méthode de rédaction.
Pendant la seconde moitié du dix-
huitième siècle, le titre de chanoine de
la cathédrale de Tournai était sollicité
par les ecclésiastiques appartenant aux
familles les plus distinguées du pays ou
par des personnes d'un mérite scienti-
fique reconnu. D'Everlange fut nommé
à une prébende de ce chapitre en 1757.
Les études de la physique et de la
minéralogie lui ouvrirent les portes de
l'Académie royale des sciences et lettres
à Bruxelles. Il en fut nommé membre le
13 avril 1773.
Ses publications sont :
Mémoire sur Véledrieité, relativement
à la quantité de fluide moteur dans les
végétaux et dans le corps humain. (^lém.
de l'Acad., t. I, p. 181.) — Mémoire
sur les eaux minérales du SaucJioir. (Ibid. ,
p. 249.) — Extrait d'un Mémoire sur
les glossopètres et les hujfonites. (Ibid.,
t. II, p. 111.) — Extrait d'un Mémoire
lu à la séance du 21 mai 1776, sur un
poêle économique plus propre à échauffer
les appartements que ceux inventés jm-
qnici. (Ibid,, t. IV.) — Mémoire sur
les fossiles du Tourtuiisis, et les pétrifica-
tions en général, relativemeiit à leur utilité
pour la vie civile . (Ibid., t. III, p. 15.)
— Mémoire sur les recherches hydrau-
liques et minéralogiques dans le Tournaisis
et le Hainaut autrichiens. (Ibid . , p. 140.)
— Remarques sur les géodes aqueuses.
769
EVERLANGE-WITRY
77;0
(Ibid., t. V., p, XXVI.) — Précis des
observations faites sur V électricité médi-
cale depuis 1784«1788, par le moyen de
la machine électrique simplifiée, à l'usage
de la médecine. (Ibid., p. Lxxviri.) —
Mémoire pour servir de suite à Vhistoire
des fossiles belfjiques. (Ibid., p. 84.) —
Observations faites à Tournay sur le degré
du froid des 30 et "iX décembre 1783.
(Ibid., p. 435.) Ces Mémoires ont été
réimprimés dans un volume intitulé :
De Witry , Recueil de divers mémoires lus
à l'Académie relativement aux sciences et
aux arts utiles, Tournai, 17S9, in-S».
cil. Piot.
Namur, Hist. et bibliographie de l'Académie
royale de Belgique — Neyen, Biographie Luxem-
bourgeoise. — th. Piot, 'Notice kist. et généal.
delà maison deSiraten. — Archives du conseil des
finances et de la mortuaire du prince Charles de
Lorraine — Papiers de la famille d'Everlange-
Witry.
EVERi..%^'CïE-'««'iTRY (Robert -Jo-
sepJi i>'),fils d'Ernest-CTuillaume d'Ever-
lange-Witry, et de Marie-Anne-Alde-
gonde de Hamal de Brialmont, né au
château de Witr}^ le 6 avril 1754,
mort à Odessa le 14 mai 1815, propa-
gateur de l'ordre de Malte et de l'in-
struction en Russie. Le prince Charles
de Lorraine, gouverneur général des
Pays-Bas autrichiens, l'admit en 1761
au nombre des pages de sa cour. Il prit
ensuite du service en France, dans le
régiment Royal suédois, sous les ordres
du comte de Steeding ; le 2 1 septembre
1780, reçu chevalier de Saint- Jean de
Jérusalem, il partit pour Malte, où il ne
resta pas longtemps. Bientôt il reprit
sa place d'officier dans le régiment
Royal suédois. Entraîné dans le tour-
billon de la révolution, il demeura en
France, malgré les démarches faites par
sa famille afin de le faire rentrer chez
lui. Enfin il quitta Paris en 1796, pour
se rendre à Saint-Pétersbourg. Là il
retrouva d'anciens amis, entre autres le
comte de Steeding, des-^enu ambassadeur
de Suède près de la cour de Russie, et
de Litta, envoyé de l'ordre de Malte
près de la même cour. Il fut adjoint à ce
dernier à titre de chevalier dudit ordre.
Paul 1er, en guerre avec la Turquie,
avait intérêt à s'attacher l'ordre de
Malte, l'ennemi séculaire de la Porte.
Après avoir rétabli en Volhynie un
prieuré polonais de Saint-Jean de Jéru-
salem, l'empereur accepta en 1789, la
croix et le protectorat de cette institu-
tion. A la suite de la prise faite par les
Français de l'île de Malte, le grand-
maître Hompesch reçut la pension que
lui offraient les vainqueurs. Déclaré
traître par le prieuré de Russie, Hom-
pesch perdit tous ses titres et fut rem-
placé en qualité de grand-maître par le
czar. D'Everlange ne fut pas étranger à
ces changements : il remplissait dans
l'ordre les fonctions de chevalier-secré-
taire. Dans une lettre adressée à sa
famille, il donne la description complète
des cérémonies qui eurent lieu à l'occa-
sion de l'admission du nouveau grand-
maître. Le 27 octobre 1798, il fut nommé
commandeur du chapitre, et le czar lui
confia la charge de trésorier du prieuré
de Russie. Après l'assassinat de Paul 1er,
Alexandre, plus porté que son père à
favoriser les intérêts de la Russie, ne
se soucia guère de l'ordre de Malte.
De Litta et d'autres chevaliers renon-
cèrent aux hautes fonctions qu'ils occu-
paient. D'Everlange résolut aussi, en
février 1804, de quitter Saint-Péters-
bourg, et le 10 mars suivant, il entra
dans l'ordre des Jésuites à Dunebourg,
sous le nom de père Everlingen. Le duc
de Richelieu, nommé par le czar gou-
verneur de la Crimée, voulut associer à
l'œuvre de la réorganisation de ce pays
le père Everlingen, qu'il avait connu
aux cours de Versailles et de Saint-
Pétersbourg : il lui confia la direction
de l'instruction publique à Odessa. Pen-
dant la peste de 1812, d'Everlange se
dévoua en secourant les pestiférés à
Odessa, et continua à y résider jusqu'à
sa mort.
D'Everlange ne publia jamais rien ;
mais ses lettres, restées inédites, renfer-
ment un grand nombre de faits observés
pendant ses pérégrinations.
Cb. Piot.
Neyen, Biographie Luxembourgeoise. — De Hac-
ker, Les Ecrivains de la compagnie de Jésus. —
Tannenbcrg Leben Pauls I. — Le comte de
Miiistre, Lettres et opuscules, inédits. — Ch. Piot,
Notice, hisl. et généal. de la maison de Slraten.
— Archives de la famille,
771
EVERS
772
KVERjiii {CJtaiies- Joseph , baron) ,
homme de guerre, né à Bruxelles le
8 mai 1773 et mort au château de
Jambes, près de Namur,le 9 août 1818.
Il s'engagea à l'âge de quinze ans parmi
les volontaires de Bruxelles (cavalerie)
et obtint bientôt le grade de sous-lieu-
tenant dans le régiment de dragons de
Namur. Ces corps, auxquels la révolu-
tion brabançonne avait donné naissance,
firent la campagne de 1790 contre les
troupes autrichiennes ; mais la restaura-
tion du pouvoir autrichien dans notre
pays ayant amené la dissolution de l'ar-
mée belgique, les militaires qiii en
avaient fait partie s'expatrièrent dans
les pays voisins et finirent la plupart
par s'enrôler dans les armées de la ré-
publique française. Evers entra dans un
régiment de cavalerie, se signala dans
nombre d'afl"aires et gagna chacun de ses
grades par des actions d'éclat. Il dé-
ploya surtout la plus audacieuse bra-
voure à la prise de Menin, où il entra à
la tête de l'avant-garde, et au combat
qui eut lieu sur les bords de la Lys, le
6 septembre 1793 : suivi d'un petit
nombre de Liégeois et d'autres Belges
qui, comme lui, s'étaient enrôlés dans
l'armée française, il se jeta à la nage
jîour aller délivrer des prisonniers qui
étaient tombés aux mains des Autri-
chiens, et fut blessé d'un coup de sabre
à la tête. Il était alors capitaine. Echappé
comme par miracle aux dangers au mi-
lieu desquels il s'était audacieusemeut
jeté, il parvint à se réfugier dans Lille
qui se trouvait assiégée. Les nombreuses
sorties que la garnison de cette place
effectua, fournirent à Evers plusieurs
occasions de se distinguer : un jour il se
précipita au milieu d'un retranchement
ennemi où flottait un drapeau qui avait
été enlevé aux Français, dans un combat
précédent ; un coup de feu l'atteint à la
jambe droite sans l'arrêter; il s'empare
du trophée et le rapporte dans la ville.
Après avoir servi successivement dans
les armées du Xord et de Sambre-et-
Meuse, Evers fit les campagnes du Ehin,
de Suisse, du Hanovre et d'Italie. Par-
tout il se distingua par des actions
d'éclat dont rénumération serait trop
longue. En 1803, il fut chargé de l'or-
ganisation d'une légion hanovrienne,
dont il conserva le commandement et à
la tête de laquelle il fit la campagne de
Naples, et prit, par escalade, la cita-
delle de Civitella del Tronto, après avoir
placé lui-même les premières échelles et
reçu trois coups de feu, dont un lui avait
cassé le bras, sans l'empêcher d'accom-
plir son audacieux fait d'armes. Envoyé
en Espagne et en Portugal avec sa légion
hanovrienne, il s'y couvrit de gloire et
obtint le grade de général comme récom-
pense de sa brillante conduite dans une
série de combats où il avait encore plu-
sieurs fois été blessé.
Au début de la campagne de Eussie,
Evers eut la mission d'escorter, avec
3,000 hommes, le trésor de l'armée
(11 millions). Vivement harcelé parles
Cosaques, il défendit vaillamment le
précieux convoi confié à sa garde et par-
vint à le faire entrer à. Smolensk. Ce fut
lui qui, à la tête de 5,000 cavaliers, fut
chargé aussi de protéger la retraite de
rem2)ereur à travers l'ennemi. Il rouvrit
les communications entre Wiesma et
Kalouga et rétablit les ponts brûlés par
les Prussiens. Xapoléon le nomma baron
de l'empire. Exténué de fatigue, couvert
de blessures, il dut s'arrêter à Kœnigs-
berg, où les Eusses le firent prisonnier.
Pendant sa captivité, les événements
se succédèrent rapidement en France.
La chute de l'empire Xapoléonien et le
démembrement de la France impériale
étaient des faits accomplis lorsque le
général Evers fut rendu à la liberté, à
l'intervention du prince royal de Suède.
Il rentra alors dans sa patrie et fut
nommé lieutenant général inspecteur
général de la cavalerie (18 septembre
1814). Il organisa immédiatement la
cavalerie du nouveau gouvernement et
la mit en état de se distinguer à Water-
loo.
En 1815, le baron Evers fut appelé
au commandement dont Xamur était le
quartier général et ce fut dans ces hautes
fonctions que ce guerrier illustre termina
sa glorieuse carrière, à l'âge de quarante-
cinq ans.
Le général Evers était membre de la
I
773
EVERS — EVRARD
774
Légion d'honneur depuis la création de
l'ordre; en 1809, il avait été promu
officier. Après Waterloo, le roi des Pays-
Bas le nomma commandeur de l'ordre
de Guillaume.
Général baron Guillaume.
Archives de la guerre de France et des Pays-
Bas.
EVRARD (Guillaume), sculpteur, né
dans les environs de Liège au commen-
cement du xviiie siècle. Il était berger
quand ses premiers essais de sculpture
appelèrent sur lui l'attention du grand
prévôt Van Soûle et lui valurent la pro-
tection de ce personnage. Il ne tarda
guère à justifier les flatteuses prévisions
qu'on avait eues de son avenir ; ses œu-
vres le prouvent et constatent son mé-
rite; elles seules aussi nous fournis-
sent quelques indications sur sa car-
rière.
Le mausolée du prince-évêque Geor-
ges-Louis de Berghes, commandé vers
1743, est considéré comme l'une de ses
plus importantes productions. Placé pri-
mitivement à la cathédrale de Saint-
Lambert, il se trouve actuellement dans
le réfectoire du grand séminaire et
l'on y découvre l'habileté du maître à
travers le style maniéré de l'époque. Ce
monument funèbre se compose de plu-
sieurs figures allégoriques : on y voit la
Renommée indiquant d'un geste expres-
sif le portrait en bas-relief du défunt,
tandis que deux génies, placés symétri-
quement de droite et de gauche, sym-
bolisent, par leurs attributs, l'un le
pouvoir sacerdotal, l'autre le pou-
voir temporel exercés par le prince
décédé.
Le même style, le même goût, et des
qualités analogues ont été signalés dans
deux autres mausolées, l'un érigé à la
mémoire du cardinal Jean-Théodore de
Bavière, mort en 1765; l'autre fait en
l'honneur de Charles d'Oultremont,
prince-évêque, décédé en 1772. Après
la destruction de l'église Saint-Lambert,
où ces tombeaux se trouvaient placés,
la famille d'Oultremont veilla à ce que
les cendres d'un des siens ne fussent
point profanées, et elle fit transporter le
mausolée du prince Charles dans la cha-
pelle de Lexhi, où il se trouve en-
core.
Une chronique de l'abbaye de Saint-
Hubert nous signale d'autres produc-
tions encore : d'abord une statue de saint
Sébastien percé de flèches, placée dans
la chapelle de l'abbé de cette abbaye ;
production importante, que le statuaire
se plut à reproduire dans une gravure
à l'eau-forte (son premier et peut-être
son unique essai en ce genre) et au bas
de laquelle se trouve une inscription
italienne digne d'être rapportée , car
elle prédispose à croire qu'Evrard avait
étudié en Italie :
Statua posta nella capella delV Eccmo e Revno
sicjnore b. Celestino Dejonc Abbate de S. Uberto
a cui vient dicata, e perprimo assagio in acqua
forte da Guglielmo Evrard scullore et autore.
Notre artiste enrichit , en outre ,
l'église de Saint-Hubert de quatre sta-
tues des évangélistes et de stalles fort
remarquables, achevées en 1733, et re-
présentant, d'un côté, les principaux
événements de la vie de saint Benoît, de
l'autre côté, les actes de la vie de saint
Hubert (1).
La réputation acquise par Evrard lui
permettait d'attribuer un prix assez élevé
à ses œuvres. Les comptes de la ville de
Liège en témoignent : on y voit qu'en
1746-1747, une somme considérable
pour cette époque, huit cent quatre-
vingts florins lui furent attribués pour
la sculpture des armoiries municipales
placées sur la porte Saint-Léonard et
pour la livraison d'une statue de saint
Jean Népomucène . Celle-ci se voit encore ,
cro3^ons-nous, à l'église de Saint-Denis,
ainsi qu'une autre, due au même ciseau,
représentant saint Ambroise.
On doit également à Evrard les anges
placés aux deux côtés du tabernacle à
l'église de Saint-Martin; — le beau
Christ à la Colonne de l'église Sainte-
Croix; — le groupe à'Hérode et de
saint Jean-Baptiste à l'église de Saint-
Jean; — et enfin, à la cathédrale de
Saint-Paul, les statues de Marie et de
Jésus, productions inférieures aux pré-
(I) llititoire chronique de l'abbaye de Saint-
Hubert, en Ardenne, par F. -A. Mouzon. Liège,
H. Dessain.
775
EVRARD — EYCK
776
^édentes et qui se ressentent, dirait-on,
de la vieillesse du sta;^•uaire.
Félix Stappaerts.
Nagler, Kunstler Lexicon. — Ed. Marchai, Les
Sculpteurs des Pays-Bas. — Renseignements
fournis par M . A'. Henrotte.
ETRARD (Jacqxes ou Perpèté), peintre
miniaturiste de beaucoup de talent, mais
dont la biographie est peu connue. On
le croit né à Dinantet décédé en 1727.
Plusieurs auteurs hollandais en parlent
avec grand éloge et disent avoir vu de
lui à La Haye de très-jolies miniatures
datées de 1707. On sait qu'il fut appelé
en Espagne pour y peindre la famille
royale. De là il se rendit à Vienne, puis
revint s'établir à La Haye, où il mourut.
Plusieurs de ses portraits ont été gravés.
Y a-t-il eu deux Evrard, père et fils, ou
deux frères ? C'est ce que l'on n'est point
encore parvenu à élucider.
Ad. Siret.
EX-t^ERDE {François de Kerclioxe,
baron d'), littérateur, né à Gand, mort
en 1850. Voir Keechove {François De),
baron d'Exaerde.
EY€K {Hîihert, Jean et Marguerite
Vax). Malgré l'obscurité qui enveloppe
encore l'histoire de la famille Van Eyck,
on est parvenu à établir certains faits, à
poser certaines dates, qui sont des jalons
précieux. Si la biographie des frères
Hubert et Jean n'a pas ses phases bien
déterminées, elle peut du moins sortir
des hypothèses; elle se présente à nous,
d'abord' avec ses côtés précis et bien
constatés, ensuite avec des probabilités
et des conséquences découlant directe-
ment des faits acquis. Ce qui a été le
plus contraire à l'élucidation de l'his-
toire biographique des Van Eyck, c'est
la spéculation qui, depuis un siècle et
plus, s'est attachée à la vente de leurs
œuvres. En effet, tout tableau du xve siè-
cle, peint dans le style des Van Eyck ou
par leurs élèves, ou par leurs imitateurs,
ou même simplement copié par ceux-ci,
a été présenté au public comme œuvre
originale. Or, celle-ci portant presque
toujours, soit une date commémorative,
soit une indication armoriée, soit une
inscription en forme d'ex-voto, de don,
de souvenir, soit enfin une signature
rarement originale, il en est résulté que,
pour affirmer l'authenticité du tableau
produit, une foule de contestations et de
controverses sont nées qui ont fourni
l'occasion à plusieurs écrivains de ren-
chérir encore sur ce désordre et de le
rendre en quelque sorte inextricable.
Bien plus, le fanatisme de la discussion
a été poussé si loin, qu'on a vu des gens
falsifier les dates qui annihilaient leurs
théories pour y substituer des dates
fausses qui les justifiaient. Il serait im-
possible d'énumérer toutes les fraudes
auxquelles on s'est livré, surtout dans
notre siècle, pour créer des tableaux des
Van Eyck et rendre ainsi à peu près im-
possible le rétablissement de la vérité.
Cependant quelques écrivains s'en
rapportant uniquement aux réponses
données à leurs savantes et infatigables
interrogations, sont parvenus, sinon à
établir une chronologie exacte de la vie
de nos illustres peintres, du moins à
redresser beaucoup d'erreurs et à provo-
quer des lueurs dont la clarté peut
augmenter avec le temps. Nous allons
suivre pas à pas nos prédécesseurs en
apportant nous-même dans ce travail les
résultats d'une persévérante étude. Nous
ne nous occuperons point, comme on a
essayé de le faire, du père des Van Eyck
et d'un troisième frère du prénom de
Lambert, sur lequel on a vainement
essayé d'échafauder une vie hypothé-
tique. Il faut se borner à croire avec
Van Mander que l'esprit des arts ré-
gnait dans la famille des Van Eyck et
que peut-être le père lui-même fut peintre.
Renfermons-nous donc dans la donnée offi-
cielle concernant Hubert et Jean, et sub-
sidiairement Marguerite, sur le compte
de laquelle l'histoire balbutie quelques
mots dont il faut tenir compte.
Hubert van Eyck, l'aîné des frères,
est né probablement à Eyck-sur-Meuse,
ou Maeseyck. Van Mander dit, pour
autant que cela est présumable , qu'il
naquit en 1366 : c'est la date communé-
ment adoptée. Tout ce que l'on sait d'ab-
solument certain sur Hubert, c'est la
date de sa mort, arrivée le 18 septembre
1426 à Gand, où il s'était établi en 1420.
S'il faut en croire l'abbé Carton, se ba-
777
EYCK
778
sant sur un document qui n'a pas été
retrouvé, il fut en 1422, le jour de la
fête de saint Bavon, reçu membre de la
confrérie de îs'otre-Dame-aux-Eayons.
Dans cette même année, on inscrivit
d'ofi&ce les deux frères dans la corpora-
tion des peintres et sculpteurs de Gand ,
L'original du registre étant perdu et la
copie ne datant que de l'année 1584, on
a émis des doutes sur l'exactitude de ce
renseignement; pour notre part, nous le
croyons exact, attendu que rien ne sau-
rait justifier l'inscription subreptice des
frères Van Eyck dans la corporation dont
il s'agit. Hubert fut enterré dans la
crypte de l'église de Saint -Bavon à
Gand, dans la cinquième chapelle, placée
exactement sous celle qui, dans l'église,
renferme V Adoi'utmi de V Agneau. On
croit que la dépouille de Marguerite
van Eyck se trouve dans le même tom-
beau. Le poëte Marc van Yaernewyck
déclare avoir vu dans cette église la
pierre sépulcrale d'Hubert et avoir copié
lui-même l'épitaphe flamande, gravée
sur une plaque de cuivre, tenue par un
squelette sculpté en pierre blanche.
Voici cette épitaphe :
Spiegelt u aen my, die op my treden,
Ick was als ghy, iiu ben beiieden,
Begraven dool. Alst is aen schyne,
My en liatp rael^ Const, noch medecyne ;
C.onst, heer, wysheit, macht, ryckheit groot,
Is onghespaert. als comt die doot.
Hubreclil van Eyck was ick genaemt
.V« Spyse der wormeu, voormaels befaemt
In Schitderye seer hooghe geSert :
Cort na was yet in niete verkeert.
lu 'tjaer des heeren, des zyt ghewes,
Duynent, vier hondert, twintich en ses.
In de maenl September achlien daghen viel
Pat ik met pynen Godt gaf'myn siel
Didt God voor my, die Const tninnen.
Dut ick Zyn aensicht luoet ghewinnen.
En vliet sonde, keert u ten besten,
IVaut ghy my volgen,moet] ten leslen.
(Traduction.) « Prenez exemple sur
" moi vous qui marchez sur moi, j'étais
« comme vous, maintenant je suis sous
« la terre, mort. Ni conseils, ni science,
« ni médecine n'ont pu me sauver.
» L'art, l'honneur, la sagesse, la puis-
" sance, la richesse, la grandeur sont
« inutiles quand vient la mort. Mon
« nom était Hubert van Eyck; aujour-
" d'hui la proie des vers, autrefois
« connu et très-hautement honoré pour
» mes tableaux, peu après réduit à rien.
" Dans l'année de Notre Seigneur
Il raille quatre cent vingt-six, le dix-
" huit du mois de septembre, au milieu
" des douleurs, je rendis mon âme à
Il Dieu. Priez Dieu pour moi vous qui
Il aimez l'art afin que je puisse le voir
Il face à face. Fuyez le péché, tournez -
" vous vers le bien, car à la fin vous
" devrez me suivre. «
Van Vaernewyck nous apprend en
outre qu'il a vu, dans le cimetière de
l'église de Saint-Jean (Saint-Bavon), l'os
du bras d'Hubert attaché à un anneau
de fer. C'est en 1420, que Josse Vyd,
seigneur de Pamele, allié à la famille de
Borluut, fonda une chapelle dans cette
église. Pour l'orner dignement, il com-
manda à Hubert le célèbre retable de
V Adoration de V Agneau que le peintre
ne put achever, bien qu'il y ait travaillé
jusqu'à sa mort; c'est son frère Jean qui
le termina.
Comme on le voit, ce que l'on sait se
réduit à peu de chose, mais ces rensei-
gnements sont authentiques. La com-
mande de V Adoration de V Agneau est
prouvée par l'inscription qui se trouve
sur le cadre du tableau ou du moins
cette inscription constate le travail
d'Hubert, la circonstance de sa mort, la
prière de Josse Vyd à Jean et aussi le
placement de l'œuvre à la date du 6 mai
1432.
Voici cette inscription :
PiCTOR HUBERTUS È EyCK, MAJOR QUO NEMO RE-
[PERTUS
i.nxepit : pondus, quod johankes arte, seclndus
Frater, perfectus, Judoci Vyd prece fretds.
VersU seXta Mai Vos CoLLoCat aCta VerI.
On a avancé sans preuves qu'Hubert
faisait partie de la confrérie de Notre-
Dame de Gand dès l'année 1412, et
Marguerite en 1418.
M. De Busscher, archiviste de la ville
de Gand, a découvert, dans les archives
de cette ville, deux notes où il est ques-
tion d'une visite du magistrat de Gand
à l'atelier d'Hubert van Eyck en 1424
pour y inspecter un ouvrage que ce der-
nier exécutait. W est permis de supposer
que cet ouvrage était une commande
officielle, à laquelle se rapporterait éga.
779
KYCK
780
lement la note suivante, plus explicite
et extraite des comptes communaux gan-
tois de 14-2-i :
Ghegheven meestei' HuherecM over sijn
moyte van ij betcerpen van eenre taeffeJe
die hy maecte ter hevelene van 8cepene7i,
VI s. gr. (six escalins de gros).
Nous ne parlerons que pour mémoire
de l'opinion peu sérieuse émise par
M. Wornum, qu'Hubert ne serait pas
le frère utérin de Jean, mais le fruit
d'un premier mariage (The essags oj
painting, etc., by R. N. Wormim, Lon-
dres, 1864).
Quant à l'époque où les. Van Eyck
vinrent à Bruges, puis s'établirent à
G and, nous ne pouvons rien préciser :
on ne saurait s'en rapporter qu'aux dates
fixées par les comptes pour déterminer
leur séjour tantôt à Gand, tantôt ail-
leurs. Il est certain qu'après la mort
d'Hubert et de Marguerite, décédés à
Gand, Jean alla s'établir à Bruges. Nous
supposons que la famille quitta cette
ville vers 1420, car c'est vers cette
année qu'ils durent être inscrits sur le
livre de la corporation des peintres gan-
tois. Cette inscription était exigée pour
permettre d'exercer un art quelconque
dans la commune.
On ne connaît aucune œuvre aiithen-
tique d'Hubert, si ce n'est la partie
supérieure de V Adoration de V Agneau
dont il sera question plus loin. On n'a
pas manqué de lui attribuer une assez
grande quantité de tableaux, mais jus-
qu'ici rien n'est venu confirmer ces
attributions. Hubert et Jean ont tra-
vaillé le plus souvent ensemble, et l'on
reconnaît, ou du moins on croit recon-
naître la part de collaboration d'Hubert
dans les parties les mieux traitées. On
donne à l'aîné une somme de talent plus
grande qu'à Jean, et cela serait exact si
la part du premier était vraiment celle
qu'on suppose. On pense qu'Hubert mé-
ditait et arrangeait les compositions,
qui ont po\ir la plupart un sens chrétien
allégorique et symbolique. A partir de
sa mort, on remarque que les œuvres de
Jean sont dépourvues de ce caractère :
elles revêtent un sentiment plus humain,
p'fist r^ft qui a permis do déterminer,
dans une certaine mesure, la part res-
pective des deux frères.
H faut donc se montrer très-réservé
quant aux tableaux que dans certains
musées on n'a pas hésité à croire d'Hu-
bert et ne considérer comme étant de
lui que les parties de V Adoration de
V Agneau qui seront indiquées plus loin.
Jja question de l'invention de la pein-
tiire à l'huile attribuée aux Van Eyck
ne doit pas non plus être tranchée d'une
manière absolue. Il a été démontré pé-
remptoirement par des comptes commu-
naux, d'églises, de communautés, etc.,
que la peinture à l'huile existait en
Flandre avant les frères Van Eyck, et
qu'elle était appliquée à des écussons,
des bannières, des statues et même à des
panneaux avec personnages, ce qui en-
traîne évidemment l'idée de tableaux
lorsqii'il ne s'agit point de panneaux à
reliefs. Seulement il n'est guère douteux
qu'ils y aient apporté des améliora-
tions de nature à faire subir à leur art
une transformation tellement éclatante,
qu'elle éblouit l'Europe artiste et qu'elle
émut l'Italie qui s'appropria avec rapi-
dité les procédés nouveaux. On connaît
l'épisode d'Antonello de Messine accou-
rant chez les Van Eyck afin d'apprendre
leur secret et, retournant en Italie où
un jaloiix l'assassine, sans doiite dans
l'espoir de profiter seul du nouveau mode
de peindre apporté de Flandre.
Les frères Van Eyck, ce fait est prouvé,
étaient des hommes studieux à qui cer-
taines sciences n'étaient pas étrangères.
Ils s'occupaient probablement, au point
de vue de la peinture, d'un peu de
chimie, et c'est ainsi que l'idée put leur
venir de fondre leurs couleurs dans une
matière plus susceptible de liant et
d'éclat. On a prétendu que l'honneiir de
cette découverte ou, pour parler plus
exactement, de cette amélioration, était
due plutôt à Jean qu'à Hubert. C'est
possible, quoique celui-ci, étant le plus
âgé d'environ quinze à vingt ans, diit
être doué de plus d'expérience, mais
c'est là, semble-t-il, un détail peu im-
portant, et l'histoire se contente d'attri-
buer aux deux frères, sans distinction,
l'emploi judicieux et intelligent d'un
781
EYCK
782
procédé qui ouvrit à l'art les plus ma-
gnifiques horizons.
La caractéristique du talent d'Hu-
bert, telle qu'elle apparaît dans V Ado-
ration de V Agneau, est facile à déter-
miner. Dans l'ensemble, on remarque
l'influence de l'époque, l'art byzantin et
les traditions de l'école rhénane fondus
et dominés par l'incontestable person-
nalité de l'artiste. Une certaine raideur
sculpturale pleine de majesté est impri-
mée à ses personnages et, dans leurs
yeux comme sur leurs physionomies,
éclatent une ardeur et une conviction si
pénétrantes qu'elles troublent le specta-
teur. C'est une impression à laquelle
depuis plus de quatre siècles personne
n'a échappé et qu'aiicun peintre contem-
porain n'a su provoquer avec une telle
puissance. Ainsi se révèlent la réelle
grandeur et la supériorité de l'aîné des
frères Yan Eyck; le reste peut encore
émerveiller, mais l'âme règne au-dessus
de tout dans l'œuvre matérielle de l'ar-
tiste. C'est évidemment dans la Foi,
dans l'extase de ses pensées, dans la
profondeur de son idéalisme qu'il a été
puiser les types admirables qu'il nous a
laissés et ce sens élevé et pondérateur
qni caractérise sa composition. Xous
devons insister ici sur ce que nous disons
de son idéalisme, qu'un certain nombre
d'écrivains modernes ont contesté en
s'appuyant sur cette circonstance que les
parties anatomiques de son œuvre révè-
lent un sentiment réaliste, plus particu-
lièrement accentué dans V Adam et dans
VEve de V Adoration. En admettant que
ces deux personnages soient de lui (ce
qui n'est pas prouvé), nous n'y verrions
qu'une preuve de plus de la science de
l'artiste et nullement de ses tendances
réalistes, démenties du reste par l'examen
attentif de son œuvre. Comme coloriste,
il est un des plus forts de son temps ; il
surpasse les Italiens et a tiré un magni-
fique parti du procédé qu'il découvrit.
Le résultat de ce procédé le porta à
revêtir ses personnages d'une masse
éblouissante de pierres fines, de bijoux
et d'ornements d'une richesse inouïe, le
tout traité avec une entente, un aplomb,
une intelligence, un goût qui seront
toujours l'objet d'un inépuisable éton-
neraent et d'une admiration sans ré-
serve.
Le dessin chez Hubert est digne du
reste. On peut en admirer l'ampleur, la
pureté, la finesse, la force et l'expression,
surtout dans le visage et les mains des
personnages qui SMxmonieniV Adoration.
Il semble ici se dérober à l'influence
rhénane, influence manifeste dans la
partie du tableau sortie des mains de
son frère.
Il est impossible de conjecturer com-
ment Hubert dirigea ses études et chez
qui il travailla. La beauté et la noblesse
de ses types ainsi que sa manière ne
rappellent aucun maître, ni même aucune
école, si ce n'est par quelques détails,
l'école byzantine, qu'il semble avoir
étudiée avec l'idée préconçue de ne lui
demander que le bénéfice de certaines
traditions. Il nous paraît impossible
qu'Hubert n'ait pas voyagé; il se dégage
de son œuvre, quoique restreinte, une
expérience, une synthèse si puissante,
si extraordinaire, qu'elles semblent ré-
sumer les beautés picturales de l'époque,
non-seulement de l'Allemagne, mais éga-
lement de l'Italie. Le voisinage de Liège,
où il aurait pu se rendre pour étudier, ne
saurait suffire pour expliquer un talent
si complet et qui doit s'être perfectionné
dans des conditons restées jusqu'à pré-
sent un mystère.
Il existe au musée de la Trinité à
Madrid un admirable tableau connu
sous le titre : Tons Vita, qui rappelle
dans plusieurs de ses parties, non moins
que dans la conception, le retable de
Gand. On a cru pouvoir l'attribuer tout
entier à Hubert, mais sans preuves. Il
n'est aucunement douteux qu'il soit sorti
de la main de l'un des deux frères, ou,
peut-être, des deux. Les hypothèses
analytiques qui ont été formulées sur ce
point ne renferment aucun argument
bien décisif.
11 faut consigner ici, pour mémoire,
la mention qui se trouve faite dans l'in-
ventaire des objets précieux délaissés
par l'archiduc Ernest en 1595 dans les
termes suivants : Sainte Marie et Ven-
fiint Jéms .-près d'eux se tiennent nv an (je
783
EYCK
784
et saint Bernard, par Rupert (Hubert)
van Eych.
Il existe de nombreuses reproductions,
en tout genre, du retable de Gand. La
plus utile au point de vue de l'art est
celle qui a été publiée en neuf planches
dans l'ouvrage d'Ernest Forster [Monu-
ments d'architecture, de sculpture et de
peinture, etc., publiés par Ernest Forster;
traduction par M. M. De Suckau. Paris,
A. Morel, 1865). Le même ouvrage a
donné une gravure excellente du Fons
Vitœ de Madrid. On lira avec intérêt les
deux dissertations de M. Forster sur ces
incomparables chefs-d'œuvre.
Van Vaernewyck, puis Yan Mander
ont avancé que deux personnages du
retable de Gand représentaient les deux
frères et, sur la foi de cette assertion, on
a répandu dans le monde, et par toutes
sortes de procédés, ces deux portraits.
On les retrouve plus ou moins exacte-
ment reproduits dans le tableau de Ma-
drid. Jusqu'à preuve du contraire il
faut admettre l'exactitude de l'assertion
de Van Vaernewyck.
Nous ne saurions terminer ce qu'il
nous reste à dire d'Hubert sans relever
une opiniou émise par quelques rares
écrivains, notamment par un des anno-
tateurs de Crowe et Cavalcaselle (1) :
elle consiste à affirmer qu'il n'est pas
assez prouvé qu'Hubert doive être con-
sidéré comme ayant été supérieur à son
frère. On semble inférer du silence gardé
par les auteurs sur l'aîné des deux
frères, que rien n'est moins prouvé que
sa supériorité, et on part de là pour nier
son talent.
n convient de protester contre cette
allégation. Les auteurs et les documents
n'exaltent point Hubert, c'est une vérité
explicable de plus d'une façon, ne fût-ce
que par cette circonstance qu'on n'a
parlé de la gloire des frères que vers
l'année 1432, lors de l'exposition de
V Adoration de V yignmu, c'est-à-dire six
ans après la mort d'Hubert. H est fort
possible qu'aucune œuvre grandiose des
deux frères, ou de l'un d'eux, n'ait été
exposée aux regards du public avant le
(1) Le» anciens peintres flamands, leur vie et
(eurs œuvres par J.-A. Crowe et Cavalcaselle.
retable de Gand. Remarquons cependant
que déjà l'épitaplie flamande du tombeau
d'Hubert établit d'une manière indiscu-
table sa renommée comme peintre : voor-
maels befaemt in schilderye seer hooghe
geè'ert Il faut aussi ne pas oublier que
la position officielle et élevée que Jean
occupa à la cour du duc de Bourgogne a
exercé une influence considérable sur la
popularité de son nom.
L'inscription de Y Adoration de l'A-
gneau permet de supposer avec raison
que la commande en fut faite à Hubert.
Or, il fallait que ce dernier fût un
peintre de valeur pour être chargé d'une
besogne si considérable, si compliquée,
si onéreuse, car on pense bien que, vu
la richesse de l'œuvre, celle-ci dut coû-
ter une somme élevée. Josse Vyd n'eut
point traité avec un artiste secondaire,
comme il en existait tant à Gand vers
cette époque. S'adressa-t-il aux deux
frères? Ce n'est point probable, car alors
l'inscription n'eût point relaté ce détail
que ce fut à la prière de Josse Vyd que
Jean continua le travail. C'est donc bien
Hubert qui obtint la commande et, nous
le répétons, il devait être célèbre pour
la mériter.
L'éloge contenu dans l'inscription
nous occupera peu, car on pourrait n'y
voir que l'expression exagérée de l'ami-
tié fraternelle. Cependant le major quo
nemo repertus semblerait bien outrecui-
dant s'il n'était vrai. Il en est tout
autrement de l'épitaphe flamande dont
nous venons de transcrire un passage :
il suffirait, à lui seul, pour trancher la
question. Van Vaernewyck dit avoir vu,
au cimetière Saint-Jean, le bras droit
d'Hubert, qu'on montrait au public
dans une gaîne de fer. Nous le deman-
dons, ce suprême témoignage d'admi-
ration et de vénération ne décide-t-il
point du mérite de l'artiste? Eût-on
songé à procéder ainsi s'il se fût agi
d'un mort vulgaire? Cette exposition
publique d'une relique de l'artiste, au-
teur de tant de chefs-d'œuvre, n'est-elle
pas une consécration éclatante de l'ad-
miration contemporaine? Ce n'est peut-
Traduit de l'anglais, etc., annoté par MM, A. Pin
cliart et Ch. Ruelens. Bruxelles, 1861
785
EYCK
786
être qu'un siècle après la mort du grand
peintre que Yan Yaernewyck a vu ce
bras. Donc, cette relique avait résisté
déjà pendant ce laps de temps à la des-
truction et devait avoir conservé aux
yeux du peuple un glorieux prestige.
La visite du magistrat de Gand à
l'atelier d'Hubert en 1424 pour y
inspecter un ouvrage que ce dernier
exécutait, plaide aussi en faveur du
talent supérieur du peintre ; elle semble
impliquer une commande importante
faite, officiellement, à l'artiste par la
commune. N'oublions pas que le compte
de 1424 mentionne une commande du
magistrat de Gand. Enfin un des argu-
ments les plus énergiques à invoquer en
faveur d'Hubert c'est l'examen même de
V Adoratmi de Vigneau. En effet la com-
paraison des différentes parties de l'œu-
vre établit la ligne de démarcation qui
sépare le génie des deux frères. On
arrive à la tracer, plus ou moins nette-
ment, par une analyse patiente pourvu
que l'on soit au courant de la technique
de l'art, que l'on s'assimile dans la me-
sure du possible le sentiment intime des
deux artistes, et que l'on sache tenir
compte des dépréciations subies par
l'œuvre depuis quatre cent cinquante
ans.
Jean van Eyck naquit aussi, suppose-
t-on, à Maeseyck, après l'année 1381.
Il fut l'élève de son frère et mourut
en 1440. Cyriaque d'Ancône est le pre-
mier auteur qui ait parlé de lui, à pro-
pos d'un tableau qu'il vit, le 8 juillet
1449, chez Lionel d'Est, marquis de
Ferrare; ce tableau était une Descente
de Croix avec volets peints par Roger de
Bruges (Vander Weyden). Après l'il-
lustre peintre Brvgeois Jecui , la gloire de
la peinture, Roger, à Bruxelles, peut être
considéré comme nn peintre remarquable
de notre époque. Ainsi s'exprime Cy-
riaque. Barthélémy Facius, qui écrivait
son Be viris iUustrilius en 1454 (publié
seulement en 1745), dit que « Jean est
« regardé comme le prince des peintres
» de notre siècle; qu'il est quelque peu
• instruit en littérature, mais surtout
• savant en géométrie et dans les arts
« qui contribuent au rehaussement de |
" la peinture. C'est ce qui lui a fait dé-
» couvrir, croit-on [putatur), par rap-
» port aux propriétés des couleurs ,
" beaucoup de choses dont il s'était
" inspiré dans la lecture de Pline et
« d'autres auteurs (1). «
Le père de Raphaël, Giovanni Santi,
dans la Chronique rimée des ducs d' JJr-
bin, écrite vers l'année 1485, parle aussi
de Jean et de Roger, « qui excellèrent
Il tellement dans la peinture qu'ils dé-
" passèrent souvent la vérité « .
Xous avons cru utile de rappeler le
témoignage de trois auteurs presque
contemporains de notre artiste, afin de
montrer combien sa réputation était ré-
pandue dans cette Italie, si féconde elle-
même en grands peintres. Xous borne-
rons là nos citations.
En 1425, le duc de Bourgogne s'at-
tacha Jean van Eyck en qualité de valet
de chambre et de peintre. Déjà il avait
été honoré des mêmes titres par le duc
Jean de Bavière qui résidait en Hol-
lande. Cette dernière circonstance ne
doit-elle pas faire admettre l'idée que
Jean van Eyck travailla pendant quelque
temps au milieu d'artistes hollandais
parmi lesquels son goût se forma. Ainsi
s'expliqueraient certaines ressemblances
de tendance et de manière qui caracté-
risent les gothiques de ce pays si on les
compare avec le peintre de Maeseyck.
De 1426 à 1428, il résidaàLille, s'il faut
en croire des comptes de loyer de maison
qui reposent aux archives de cette ville.
En 1426, le duc lui confie deux missions
secrètes; l'année suivante, il lui octroie
des gratifications; en 1428, l'artiste fait
partie de l'ambassade que le duc envoie
à Jean 1er, roi de Portugal, pour lui de-
mander la main de sa fille; en janvier
1429, Jean peint à Aviz le portrait de
l'infante Isabelle, portrait qui est immé-
diatement expédié au duc de Bourgogne;
le 25 décembre 1429, l'ambassade rentre
à l'Ecluse; en 1431, Jean est appelé à
Hesdin par le duc pour des travaux
restés inconnus; en 1435, il doit s'être
plaint au duc du non-payement de sa
fl) Traduction dWlexandre Pincliart, annota-
tions du livre de Crowe et Calvalcaselle sur les
anciens peintres tlaniands, i86tJ.
787
EYGK
788
pension, car il existe une lettre de celui-
ci qui réprimande son personnel du chef
de cette inexactitude; en 1432, il achète
une maison à Bruges. Du 24 juin 1432
au 24 juin 1440, il paye une rente hy-
pothéquée sur cette maison; en 1432,
le duc va voir dans l'atelier de son
peintre V Adoration de V Agneau mis en
place la même année au mois de mai;
vers cette époque, le magistrat de Bruges
fait aussi une visite à l'atelier; en 1432
ou 1433 Jean se marie; en 1434 Phi-
lippe le Bon donne six tasses d'argent à
son peintre à l'occasion du baptême de
son enfant. Est-ce un garçon? Est-ce
une fille? On ne sait, La circonstance
que le duc fut parrain de l'enfant ne
résout pas la question. Toujours est-il
qu'en 1449 le duc Philippe fit à une
fille de Jean, nommée Liévine, un don
d'argent pour lui permettre de se faire
religieuse au monastère de Maeseyck.
En 1436, Jean est payé pour de grands
voyages faits au nom du duc ; on ne sait
où, mais ils durent avoir une certaine
importance puisqu'il lui fut compté de
ce chef 720 livres de 40 gros de Flandre
la livre; même année nouveau don du
duc consistant en six tasses d'argent.
C'est en 1439, qu'il est question une
dernière fois de .Tean van EjTk, dans un
compte assez insignifiant du receveur
des finances du duc, mais il n'y est plus
qualifié de valet de chambre ou de
peintre du duc. Le 9 juillet 1440, Jean
van Eyck meurt et est inhumé dans le
pourtour extérieur de Saint-Donatien.
En 1442, on l'exhume et on le place près
des fonts baptismaux ; il y reposa jus-
qu'au jour où des révolutionnaires fu-
rieux, jaloux de toute gloire humaine,
crurent éteindre la sienne en jetant sa
poussière au vent.
Jean a subi l'influence rhénane. Ce
point ne semble pas contestable. La plu-
part de ses modèles sont raides ; ses per-
sonnages ont, en général, des poses for-
cées ; le haut du corps contourné ; les
visages de femmes sont gras et pleins;
l'expression des physionomies n'est ja-
mais extatique, mais humaine, sinon
réaliste, comme on l'a soutenu en ad-
mettant, bien entendu, que le réalisme
soit l'exagération du naturalisme. Jean
n'a pas, dans les idées, l'élévation et
l'esprit de son frère, ni la finesse de
l'observation, ni la conscience de l'âme.
Il a les mêmes procédés, mais le souffle
intérieur lui fait défaut. Il drape ses
étoffes avec raideur et monotonie; sous
ce rapport encore Hubert lui est incom-
parablement supérieur, il avait la poésie
du mouvement dans les plis et possédait
le goiit inné des élégances auxquelles
ou peut soumettre la matière. Jean n'a
rien de cela. En résumé, on se fera une
idée des mérites d'Hubert si l'ou consi-
dère que le talent de Jean, déjà si remar-
quable , n'est qu'un rappel affaibli de
celui de son frère.
Jean est un admirable coloriste, sur-
tout dans les demi-teintes de ses por-
traits, où on lui trouvera difficilement
un égal. Hubert avait moins de légèreté
dans la touche. Jean déploie dans les
détails une délicatesse exquise. Les yeux
de ses personnages sont pleins de vie,
d'éclat : ils regardent, mais ne pensent
point. Il montre, daiis l'exécution des
rides du visage et des autres accidents
qui s'y peuvent rencontrer, une observa-
tion de physionomiste très-expert. Il
connaît en anatomiste l'ossature de la
tête. Il ne poétise rien, au contraire.
En un mot il a l'expression et non le
sentiment. Il est rare de rencontrer de
lui un modèle de femme qui attire et
retienne, comme le font les Vierges
d'Hubert et presque toutes les femmes
sorties du pinceau de Memling. Ses
vierges sont, en général, lourdes et mas-
sives; on les a inconsidérément appe-
lées des vierges flamandes. Hubert et
Memling ont prouvé que les vierges fla-
mandes pouvaient posséder l'idéalisme
et la grandeur inhérentes à leur nature.
Dans cette partie de son œuvre, Jean se
sauve par son dessin serré, facile et
expressif et surtout par l'incontestable
beauté de son coloris, dont rien ne sur-
passe la limpidité, la ténuité et la soli-
dité. Hubert fut l'initiateur de Jean, et
nous estimons que ces deux grands maî-
tres ont été les premiers phares de notre
école : l'un éclairant les voies du spiri-
tualisme, l'autre celles du naturalisme.
789
EYCK
790
II y a quatre cent cinquante ans que
ces phares ont été allumés : à l'heure
actuelle, ils servent encore de guides.
Des travaux spéciaux ont démontré
que Jean s'est occupé de la peinture sur
verre et qu'il a fait accomplir à cet art un
progrès marqué. Il a également exécuté
ïesdessinspour tapisseries de haute lisse
et broderies. ÎSa devise était Als ick kan
(comme je puis), devise pleine d'espé-
rance et de modestie que son talent a
toujours dépassée.
Toutes les nations de l'Europe ont
tenu à posséder des œuvres de Jean van
Eyck et il faut s'étonner que l'on ait pu
en réunir un ensemble aussi considéra-
ble, à ne parler, bien entendu, que de ce
qui est authentique. Après avoir mis de
côté ce que la fraude, la spéculation et
l'ignorance n'ont pas manqué de pré-
senter comme œuvres originales, il reste
encore un contingent magnifique, que
nous allons présenter à nos lecteurs en
leur faisant observer que, dans la no-
menclature suivante, les noms des deux
frères seront souvent mêlés.
En Allemagne, le musée de Berlin
possède les six panneaux originaux de
\ Adoration de V Agneau dont Gand n'a
que les copies faites par Michel Coxcie eu
1559, sur les ordres de Philippe II.
Ces panneaux, dont nous ferons l'histoire
plus loin, sont : lo Les juges ; 2° Les
champions du Christ; 3'> Les saints er-
mites; 4o Les pieux pèlerins ; ^^ Les anges
qtd chantent; 6o Les anges Jouant des
instruments.
Au revers de ces panneaux sont
peints : lo ie donateur Josse Vijd ;
2o Saint Jean-Baptiste; 3» Saint Jean
V Evangéliste ; 4o La femme du donateur :
Elisabeth Borluut; 5o Vavge Gabriel;
6o Marie à genoux.
Le même musée renferme une tête du
Christ signée et datée de 1438.
La participation d'Hubert à la con-
fection des six panneaux est difficile à
déterminer. En supposant qu'il y ait
mis la main, ce ne pouvait être que pour
quelqiies figures où l'expression est plus
caractérisée et le style plus élevé. Pour
ce qui concerne les draperies, on y voit
manifestement le style et la main de
Jean. La tête du Christ n'est point un
de ses meilleurs ouvrages.
A Dantzig figure un de ses chefs-
d'œuvre : le Jugement dérider, auquel il
convient de s'arrêter. L'histoire de ce
tableau se réduit à ceci : En 1473, il
appartenait à Thomas Portinari, con-
seiller de Charles le Téméraire. Dans le
cours de cette année, il expédia le Juge-
metit dernier pour l'Angleterre sur un.
navire qui fut capturé par le capitaine
d'un vaisseau parti de Dantzig, alors en
guerre avec la Hollande. Le vaisseau
revint à Dantzig et le tableau fut, dès
lors, placé sur l'autel Saint-Georges,
dans l'église oii il est encore. Depuis
plus de quatre cents ans, il n'a quitté sa
place que pendant les guerres de Napo-
léon. L'empereur Rodolphe II en offrit
quatre mille florins d'or. Pierre le Grand
fit également des propositions qui ne
furent jjoint acceptées. L^^n jour vint ce-
pendant où on faillit perdre le chef-
d'œuvre : en 1807, Napoléon le fit enle-
ver et transporter à Paris.
En 1815, on le restitua à l'Allemagne.
Berlin voulut le conserver et fit, dans
ce but, des offres magnifiques que refusa
la municipalité de Dantzig. Bref, en
1816, après avoir été restauré très reli-
gieusement par un peintre nommé Bock,
il remonta sur l'autel Saint-Georges.
Le Jugement dernier de Dantzig rap-
pelle beaucoup celui de Beaune, dont il
sera question plus loin. On y retrouve
quantité de motifs presque semblables
qui font croire qu'il a été peint dans le
même atelier ; ce dernier semble être en
quelque sorte la préparation de celui de
Dantzig.
De l'aveu de tous, ce retable frappe
d'admiration non moins que le retable
de Gand, auquel il a été souvent com-
paré pour la beauté des types. On croit
que la collaboration d'Hubert n'y est
pas étrangère. On peut tout au moins
conjecturer que si c'est l'œuvre de Jean,
il s'est modelé, dans beaucoup de par-
ties, sur les travaux de son frère.
Le Jugement dernier est disposé de la
manière suivante : la pièce du milieu
représente Jésus trônant s\ir un arc-en-
ciel; à sa gauche rayonne \v ' "oée, à sa
791
EYCK
792
droite un lis. Derrière figurent les douze
apôtres; à gauche, la sainte Yiergej
à droite, saint Jean-Baptiste. Sous le
Christ sont placés trois anges sonnant
de la trompette. Dans le bas du tableau
s'opère la résurrection générale au mi-
lieu de laquelle apparaît saint ]\Iichel
tenant la balance. Le panneau de droite
représente l'entrée du paradis. Le pan-
neau de gauche figure l'enfer. L'exté-
rieur des volets représente la Vierge et
l'enfant Jésus. Le donateur est à genoux.
Le volet de gauche reproduit saint Mi-
chel terrassant le démon; la donatrice
est agenouillée dans le bas. Sur la pre-
mière marche de l'escalier du paradis se
lit cette inscription, qui aurait dû. être
placée ailleurs : Restauré en 1718, le
%^ juillet. Chrktophe Krag.
A Vienne, au musée du Belvédère, se
voit La Vierge et V enfant Jésus dans une
sorte d'arcature gothique. Deux petites
statuettes figurent dans le haut à droite
et à gauche ; elles représentent Adam et
Eve, souvenir du retable de Gand. Le
vsiage de la Vierge est gras et plein,
l'enfant d'un dessin peu élégant, la dra-
perie du vêtement de la Vierge admi-
rable. Ce tableau passe pour être apo-
cryphe. Mais Forster ne le considère
pas comme tel ; il en fait un grand
éloge et en donne une excellente gra-
vure.
A Dresde, on voit au musée une
Vierge avec V enfant Jésus dans une cha-
pelle gothique, avec sainte Catherine et
saint Michel placés sur les volets. Ici
encore on suppose la collaboration
d'Hubert.
Le musée de Munich ne possède
qu'une tête du Christ, copie de celle du
musée de Berlin, copie ancienne, attri-
buée à Jean. Les autres tableaux de la
pinacothèque attribués à Jean ne sont
pas de lui, mais, vraisemblablement, de
Roger Vander Weyden.
A Francfort-sur-Mein on voit la Ma-
done de Lucques, provenant de la galerie
de Guillaume II, roi de Hollande.
En Angleterre, la galerie nationale
possède le précieux Mariage d^Arnol-
phini avec la belle-sccur de Jean van
Eyck. Il porte la date de 1434 et cette
inscription peu compréhensible : JoTian-
nes de EycJc fuit Jiic. 1434. On doit l'ex-
plication du sujet à la perspicacité de
M. James Weale. M. De Laborde, dans
les Ducs de Bourgogne, avait donné de
ce tableau une description inexacte et
ridicule. De plus, l'explication du sujet
constituait un outrage à la mémoire de
Jean. M. De Laborde intitulait ce ta-
bleau La Légitimation et supposait que
l'auteur s'était représenté lui-même ré-
gularisant une situation anormale vis-à-
vis du monde et vis-à-vis de celle qu'il
prenait pour femme légitime.
La même galerie renferme un portrait
d'homme coiff'é d'un turban avec l'in-
scription : Ah ick Jean. Jolies de Eyck
me fecit anno MCCCC 33 21 octobris,
ainsi qu'un autre portrait d'homme dont
l'authenticité n'est pas généralement
reconnue. Ce portrait porte l'inscription
suivante, dont le premier mot est figuré
en caractères grecs : Thimotheos leal
sovenir. Acttimano dTii 1432 10 die octo-
bris a ioJi de Eyclc.
A Inceblundel Hall, existait en 1865
une Vierge assise sous un dais et por-
tant Venfant Jésus, avec l'inscription :
Aïs ick kan. Completum anno domini
MCCCCXXXn per Jolmnnem de Eyck,
E rugis.
A Burleigh House, existait aussi en
1865 une Vierge debout dans une église
gothique avec l'enfant Jésus bénissant
un moine agenouillé. On attribue ce
merveilleux petit panneau à Hubert et
à Jean.
Xous ne parlerons pas d'autres ta-
bleaux qui existent en Angleterre, mais
sur l'authenticité desquels régnent des
doutes que le temps dissipera peut-être.
Nous userons de la même réserve quant
aux compositions disséminées çà et là
en Europe, nous bornant strictement à
ce qui est reconnu l'œuvre du maître.
En Autriche, le musée du Belvédère
renferme le portrait de Jean De Leeuw,
daté de 1436 et accompagné d'une in-
scription flamande. La même galerie
possède le portrait d'un homme qu'on a
dit être Josse Vyd, le donateur du re-
table de Gand; nous ne le croyons pas,
le personnage du retable de Gand ayant
793
EYCK
794
le crâne complètemeut dénudé et celui
du musée du Belvédère portant quelques
touffes de cheveux. La Société Viennoise
pour la propagation des gravures en a
donné (1873) une magnifique reproduc-
tion en chromolithographie.
La Belgique possède d'importants ta-
bleaux des deux frères. En voici l'énu-
mération en procédant par ordre alpha-
bétique de villes :
A Anvers, le musée en compte trois :
lo Sainte Barbe avec signature et date
1437 ; 2o Une sainte Vierge avec V enfant
Jésus, signé et daté 1439. Ce tableau
provient du curé du village de Dickel-
venne en Flandre, auquel il fut acheté
en 1830 ; 3^ La sainte Vierge, saint
Georges et saint Donatien. Ce panneau
est presque une répétition de celui de
l'académie de Bruges. L'un et l'autre
étaient autrefois placés dans l'église de
Saint-Donat de cette ville. Plus tard
celui du musée d'Anvers orna l'église de
Watervliet, près d'Eecloo (Flandre).
Celui du musée de Bruges fut peint en
1436.
Il existe aussi au musée d'Anvers
une copie ancienne du retable de
Gand.
Bruges possède deux productions de
Jean. C'est d'abord la Vierge du clianoine
de Pala (Yander Paele), tableau réaliste,
d'un aspect peu agréable, dans lequel on
ne saurait guère admirer que la figure
de Pala, puis le portrait de la femme
de Jean van Eyck, peinture d'une grande
finesse. Ce portrait, qui représente un
visage assez disgracieux, porte sur le
cadre l'inscription suivante : Conjux
meus Johannes me complevit anno 1439,
17 junii. — ^tas mea triginta tritim
annorum — als ick T<an. Nous ne parle-
rons pas de la tête du Christ, œuvre peu
digne de Jean et qu'on a eu tort de lui
attribuer.
Le musée de Bruxelles a acquis de la
fabrique de l'église de Saint-Bavon, à
Gand , les deux panneaux originaux ,
croit- on, à' Adam et Eve, que, par con-
venance, cette administration avait ca-
chés aux yeux du public. Ces panneaux
sont désormais à l'abri de tout« dépré-
dation.
Adam et Eve sont de grandeur natu-
relle. Adam a une figure ignoble, sau-
vage. Les parties du corps chevelues et
poilues accusent une forte organisation.
Eve n'a pas la moindre grâce, c'est un
modèle peu heureux, mais non invrai-
semblable. Le coloris oô're une intensité
et une force admirables. Le dessin est
plus serré que correct, surtout dans les
jambes.
Les revers des panneaux représentent
des sibylles; elles sont trop médiocres
pour croire qu'elles sortent de la même
main qui a brossé l'intérieur. C'est évi-
demment un élève qui a exécuté cette
partie de l'œuvre. Dans la partie infé-
rieure des volets fermés, on remarque
d'un côté une perspective de rue de
ville (celle de Gand?) et de l'autre, des
ustensiles, le tout dessiné et peint très-
habilement. On ne comprend pas très-
bien que le génie inventif des deux
frères n'ait rien trouvé à substituer à ces
deux motifs d'une insignifiante appa-
rence.
Le cabinet de M. Nieuwenhuis ren-
ferme une Vierge dans une cliapeïle go-
thique.
Gand possède le joyau des frères
Yan Eyck dans le tableau de V Adora-
tion de V Agneau, à l'église de Saint-
Bavon. Placé sur l'autel de la chapelle
de .Josse Vyd, il y est exposé depuis
quatre cent cinquante ans à l'admiration
du monde. Il convient de nous arrêter
quelques instants devant ce chef-d'œu-
vre.
Le polyptyque se compose de douze
panneaux principaux, plus deux petits
panneaux surmontant les deux ailes. La
composition se divise horizontalement
en deux parties. La partie supérieure
offre sept panneaux en hauteur. Celui
du milieu représente Dieu le Père bénis-
sant. A la gauche du spectateur, la
Vierge lisant, à droite saint Jean l'Evati-
géliste le visage tourné vers Dieu le Père,
la main droite levée et ayant un livre sur
les genoux. A droite et à gauche, des
anges célèbrent par leurs chants et leurs
accords le triomphe de l'Agneau pascal ;
aux extrémités de la partie supérieure
sont placés Adam et Eve surmontés d^
795
EYCK
7%
deux petits sujets, figurant, au-dessus
d'Adam, le Sacrifce d'Abel, et au-dessus
d'Eve, le Meurtre de Caïn. Le grand
panneau, représentant l'Agneau mys-
tique, occupe le point central de la par-
tie inférieure. Les panneaux de côté
figurent les juges, les pèlerins, les mar-
tyrs, les ermites.
En se fermant, le polyptyque montre
des sujets qui, presque tous, ne sont pas
moins admirablement peints, savoir :
V Annonciation , saint Jean- Baptiste,
saint Jean V EvangéUste , la Sibylle de
Cumes, la Sibylle d' Erythrée , le prophète
Zacharie, le prophète Michée, Josse Vyd
et Isabelle Borlnut.
La composition du panneau central
est allégorique : le sujet, pris de l'Apo-
calypse de saint Jean, chapitre XIY,
montre l'Agneau personnifiant Jésus et
rachetant de son sang les péchés des
hommes. L'Agneau est au milieu du
tableau et autour de lui sont figurées,
par des groupes, les cent quarante-
quatre mille voix dont parle saint Jean.
Rien de comparable à l'exécution de ce
morceau où le sentiment, l'expression,
la technique fascinent et éblouissent le
regard. Ce n'est qu'en présence de ce
chef-d'œuvre que l'on peut apprécier le
génie vraiment extraordinaire de Yan
Eyck et c'est en vain que l'on con-
sulte les temps modernes, si fiers de
leurs progrès ; ils n'offrent rien de com-
parable H ce retable jirodigieux qui,
après quatre siècles et demi, excite en-
core l'admiration.
Voici le résumé des vicissitudes qu'a
subies ce célèbre retable : on le suppose
commandé par Josse Vyd en 1420 ; il
est mis en place en 1432 ; en 1530
il est restauré par les peintres Lancelot
Blondeel et Jean Schoreel ; en 1559,
Michel Coxcie en fait une copie pour
Philippe II qui n'avait pu obtenir l'ori-
ginal; en 15G6, pour le préserver des
iconoclastes, il est transporté par les
chanoines dans la nouvelle citadelle; on
le replace, croit-on, en 1567; en 1578,
les calvinistes le décrochent et le font
porter à l'hôtel de ville avec intention
de le donner à la reine d'Angleterre,
mais le sire de Lovendeshem , Josse
Triest,fait valoir ses droits sur l'œuvre-
Il gagne sa cause. Le tableau reste à
l'hôtel de ville jusqu'en 1584; la même
année on le remet en place; un incen-
die éclate dans le toit de l'église en
1641, le retable est déposé en lieu sûr;
en 1663, il est nettoyé par le peintre
Antoine Vanden Heuvele ; en 1791,
l'administration de l'église fait enlever
les panneaux représentant Adam et Eve;
les commissaires français, en 1794,
emportent les panneaux du milieu; les
autres restent cachés à Gand; eu 1799,
les panneaux enlevés sont exposés à
Paris, dans la grande galerie du Louvre ;
en 1815, ces panneaux reviennent dans
le pays et en 1816, ils sont remis en
place, mais sans ceux qu'on avait cachés
en 1784; en 1816, les volets non re-
placés sont vendus à M. Nieuwenhuis
pour trois mille florins; il les revend à
M. Solly pour cent mille francs. Le roi
de Prusse les achète pour quatre cent
mille francs. En 1822, un incendie
éclate dans les toits de l'église ; on sauve
à grand'peine le retable au milieu d'une
pluie de plomb fondu. Les panneaux
sont détériorés. En 1826, un peintre
nommé Lorcnt restaure le retable; ce
travail, terminé en 1828, coûte huit
cent vingt-cinq francs; en 1834, on
signale à la fabrique d'église l'état fâ-
cheux dans lequel se trouvent les pan-
neaux d'Adam et Eve, reposant aux
greniers de la cathédrale. Il est fait
droit à ces observations en 1858. Enfin,
en 1861, le gouvernement belge achète
ces panneaux et les remplace par des
copies peintes par M. Lagye, qui a dû
recouvrir de peaux de bête certaines nu-
dités. De plus, le gouvernement donne à
la fabrique d'église les panneaux copiés
par Michel Coxcie, lesquels remplacent
les originaux qui sont à Berlin.
Le Triomphe de la foi nouvelle ou le
Fons Vitœ se trouve en Espagne au musée
de la Trinité de Madrid. C'est une pen-
sée identiqiie à celle qui inspira la con-
ception du retable de Gand et un chef-
d'œuvre que les critiques attribuent
assez généralement à Hubert, du moins
pour ce qui concerne la composition . Le
retable est disposé à peu près comme
797
EYCK
798
celui de Gand. Au milieu de la partie
supérieure, on voit Dieu le Père bénis-
sant ; à sa droite, la Vierge lisant ; à sa
gauche, saint Jean l'Évangéliste, fixant
les yeux sur un livre ouvert sur ses ge-
noux. Ils sont, à peu de chose près,
posés comme à Gand. Sous la Vierge et
saint Jean se tiennent des anges musi-
ciens. Aux pieds de Pieu le Père est
couché l'Agneau, et de dessous le trône de
Dieu le Père sort un ruisselet dont l'eau
tombe dans la fontaine formant le centre
de la partie inférieure. La fontaine con-
tient une vasque renfermant l'eau où
surnagent des hosties. A droite de la
fontaine, sont les représentants de la foi
nouvelle, à gauche ceux du mosaïsme.
A droite et à gauche de la composi-
tion, se trouvent des tourelles gothiques,
_ dans lesquelles des anges chantent des
cantiques. Dieu le Père est surmonté
d'un dais orné de pinacles, d'arcatures,
de contre-forts, de statuettes d'animaux
symboliques, etc. On retrouve dans ce
tableau les deux têtes qui sont dans
V Adoration de Gand et qui passent,
comme on sait, pour être les portraits
des deux frères. Nous estimons qu'ici
encore la partie supérieure est le travail
d'Hubert, à qui l'on doit aussi quelques
têtes de la partie inférieure. Certaines
figures rappellent la manière de Jean de
façon à ne pouvoir s'y méprendre.
L'histoire de ce retable n'est pas
connue. Un écrivain espagnol, Antoine
Pons, le décrit dans son Fo)ja(je eu Es-
pagne. Il l'a vu, en 1785, dans une cha-
pelle de l'église de Palencia. Primitive-
ment il figurait au monastère de Par-
sal, près de ïiégovie.
Le musée du Louvre, à Paris, possède
de Jean van Eyck une Madone avec
V enfant Jésus, devant laquelle est age-
nouillé Nicolas Kolin, chancelier de
Bourgogne. Cette œuvre remarquable
était autrefois à l'église Notre-Dame, à
. Autun, patrie du chancelier. Au fond,
dans une perspective charmante , on
voit la ville de Maestricht.
M. le baron de Rothschild a dans sa
collection une Vierge avec l'enfant Jésus
bénissant un dominicain. Au fond, une
ville. Ce panneau, d'une couleur admi-
BIOGR. NAT. — T. VI.
rable, renferme des détails d'un fini et
d'un charme qu'on ne peut se lasser
d'admirer.
La France possède encore, d'après
M. Alfred Michiels, un retable de Jean
van Eyck, placé à Beaune, à l'hôpital St-
Antoine; il figure le Jugement dernier,
et serait, en quelque sorte, une ébauche
préparant le Jugement dernier de Dant-
zig, avec lequel celui de Beaune a de
frappantes similitudes.
Le musée de Naples montre un Saint
Jérôme avec le lion, attribué jadis à
Colantonio del Piore, puis à Hubert
van Eyck et maintenant à Jean. On
suppose, avec apparence de raison, que
c'est le Suint Jérôme de Laurent de Mé-
dicis, mentionné par Vasari. Dans la
même ville, la chapelle du Castel-Nuovo
montre aux voyageurs une Adoration
des Mages. C'est, selon M. Alfred Mi-
chiels, avec le Mariage d'ArnoJphini,
le plus beau morceau peint par Jean
van Eyck. Cette Adoration fut expédiée
par le peintre à Alphonse 1er, roi d'Ara-
gon et de Sicile j elle enthousiasma tel-
lement Antonello de Messine qu'après
l'avoir vue, il se rendit immédiatement
à Bruges.
Au palais de l'Ermitage , à Saint-
Pétersbourg, Jean van Eyck est repré-
senté par une belle Annonciation, prove-
nant de la collection de Guillaume II.
On prétend que Philippe le Bon com-
manda cette œuvre à l'artiste pour une
église de Dijon.
Quelques tableaux importants des
Van Eyck sont perdus. On en trouve
la désignation dans des comptes, dans
des relations de voyage, dans des do-
cuments contemporains. H ne sera pas
inutile d'en désigner qiielques - uns :
Marie avec l'enfant Jésus, un ange et
saint Bernard, par Hubert. Cette indica-
tion figure dans un inventaire dé l'ar-
chiduc Ernest, mort en 1595. ^ — Un
triptyque de Jean, signalé par Barth.
Facius ayant appartenu à Alphonse le
Magnanime, et représentant au centre
ï Annonciation ; snv les volets, <Sa/«^ Jean-
Baptiste et Saint Jérôme. — Le portrait
à' Isabelle de Borlugal, fait à Aviz pour
Philippe le Bon. — Le portrait de Jean
26
799
EYCK
800
van Uyck, existant autrefois à Saint-
Donat, à Bruges, et qui formait le pen-
dant du portrait de sa femme. — Le
Globe du ?nonde, fait par Jean pour Phi-
lippe le Bon. — Adoration des 7/wffes,
par Jean, autrefois à Venise, à Santa-
Maria-dei-Servi. — Femmes sortant du
bain, par Jean, ayant appartenu à un
cardinal nommé Octavien. — Uyie pein-
ture de Notre-Dame et du duc Plàtippi
qui est venu de Maillarâef, couvert de
satin... Tait de la main de Johannes.
(Inventaire de Marguerite d'Autriche,
1516.) — Une Vierge, par maistre Jehan
le peintre. (Id.) — Monseigneur De Ligne,
par maistre Jehan le peintre (Id.) ■ —
Nicolo De Lampognano f négociant mi-
lanais, comptant avec son jacteur, per-
sonnage à mi-corps, daté de 1440, par
Jean. — Paysage peint sur toile : des
pécheur i venant de prendre une loutre.
Deux personnages sont près d'eux, par
Jean. — La Vierge avec V enfant Jésus,
commandé à Jean van Eyck pour l'église
Saint-Martin, à Ypres. M. Alfred xMi-
chiels dit que ce tableau n'a disparu
qu'en 1864.
L'ne remarque essentielle à faire ici
c'est que les Yan Eyck, ou tout au
moins Jean, ont traité l'histoire reli-
gieuse et profane, le portrait, le genre,
le paysage, la nature morte et les inté-
rieurs, avec une supériorité qui ne se
dément nulle part. La perspective leur
était parfaitement connue , ainsi que
le prouvent les délicieux lointains de
ville et l'architecture gothique, qu'ils
ont traitée, comme tout le reste^ de main
de maître. L'anatomie du corps humain
ne leur était pas étrangère ; si quelques-
uns de leurs nus laissent à désirer, ce
n'est jamais sous le rapport scientifique,
mais dans le choix des formes, ainsi
qu'on peut s'en assurer en analysant les
deux panneaux d'Adam et Eve.
Nous n'avons point à nous occuper
des attributions qui ?ont le fait d'er-
reurs, d'exagérations ou d'illusions de
la part des amateurs, mais nous croyons
bon d'indiquer les œuvres des Yan Eyck
qui, dans quelques établissements pu-
blics, ont usurpé leur nom. A Dijon,
signalons un portrait du musée ainsi
qu'un autre portrait sur fond vert. —
A Paris, au Louvre, quelques dessins.
— A Yienne, dans la galerie impériale :
Une Sainte Catherine, Marie et V enfant
Jésus et un Christ descendu de la croix,
tous trois attribués à Jean. - — A Bruges,
la tête de Christ de l'Académie, attri-
buée au même. — A Bruxelles, au
musée, une Adoration des mages, prove-
nant en dernier lieu de la collection
Yan Kotterdam et aptérieurement de
celle de Mme Maertens-Yan Eotterdam.
— A Madrid, deux volets dont l'un est
daté de 1430 et signé Henri Werlis.
— ■ A l'hôtel de ville de Kouen, une
Vierge sur un trône arec V enfant Jésus,
entourée de plusieurs saintes.
Marguerite van Eyck a, dans l'his-
toire de l'art, une place dont il est im-
possible de constater l'importance, mais
on peut croire que si elle n'a pas eu de
célébrité effective, elle était digne de la
posséder. En effet, voici les mots élo-
gieux qui, du xvie siècle, sont venus
jusqu'à nous pour affirmer son mérite;
ils sont concluants. C'est le poëte-pein-
tre Lucas De Heere qui les exprime par
deux vers dans le panégyrique suspendu
autrefois à Saint -Ba von, en face de
V Adoration de l'Agneau :
Hy rust begraven hier, de suster hem omirent,
Die met Itaer schildery oock menich heejt ver-
[wonJeri.
En français :
» Il repose ici enterré près de sa
« sœur, qui a aussi beaucoup étonné par
* ses peintures. «
Il n'est donc pas douteux qu'elle eut
du talent, puisque, après un siècle, un
poëte le rappelle encore publiquement,
mais aucune œuvre ne porte la trace
de son nom et jusqu'à présent on est
livré aux conjectiires les plus fantai-
sistes : certains auteurs en ont fait une
brodeuse célèbre, et d'autres une savante
miniaturiste. Toujours est-il qu'on aime
à se reporter par la pensée dans cet ate-
lier mystérieux où Hubert dominait par
l'austérité de ses pensées et la gravité
de son âge ; où Jean, plus jeune, plus
réaliste, essayait, sans doute, d'amener
son frère à ses idées, et où Marguerite
formait le trait d'union entre l'ascétisme
801
EYCK
802
de l'un et le naturalisme de l'autre. Et
combien l'imagination ne s'exalte-t-elle
pas encore quand on voit, mentalement,
les deux frères expérimenter, dans le si-
lence et l'anxiété, leurs merveilleuses
préparations chimiques, destinées à faire
éclore sous leurs doigts tant d'inappré-
ciables chefs-d'œuvre !
Le burin se prête peu à la reproduc-
tion des tableaux gothiques, aussi ne
pouvons-nous consigner ici l'existence
d'aucun travail remarquable de ce genre,
fait d'après les Van Eyck. La pointe
sèche et l'eau-forte, systèmes mieux
adaptés au talent des deux frères, ont
popularisé, dans tous les formats, leurs
travaux. La société anglaise, Arundel,
a reproduit très -magnifiquement, par
des chromolithographies, le retable de
Gand dans les pièces principales. D'au-
tres reproductions du même genre ont
été livrées au public. La lithographie
aussi, surtout en Belgique , a servi à
vulgariser l'œuvre des chefs de la pein-
ture flamande. Parmi les eaux-fortes au
trait renforcé de quelques hachures pour
indiquer les jeux de lumière, les meil-
leures sont celles que M. Forster a pu-
bliées dans le livre cité plus haut.
Depuis une vingtaine d'années, la pho-
tographie a puissamment aidé à vul-
gariser les productions des Van Eyck;
enfin, tous les arts de reproduction ont
été employés, sans que jusqu'ici une
œuvre vraiment supérieure soit à men-
tionner. Les deux portraits signalés par
Van Vaernewyck ont été également re-
produits de toutes façons, mais rien de
spécialement beau ne s'est imposé au
public, comme cela a eu lieu pour des
artistes bien inférieurs à ceux dont nous
nous occupons.
Les catalogues de Rudolphe Weigel
donnent l'indication de beaucoup de
reproductions des Van Eyck. Les curieux
■ feront bien de les consulter.
La biographie des frères Van Eyck
est considérable. Cependant beaucoup
d'audace et beaucoup d'ignorance se
sont fait jour depuis Cyriaque d'Ancône
jusqu'à l'heure présente. Ce n'est que
depuis une trentaine d'années que des
travaux sérieux ont paru. Il faut enre-
gistrer ici parmi les meilleurs, au point
de vue historique, les recherches de
M. James Weale et de M. Alexandre
Pinchart. Après eux, on citera les livres
de MM. Waagen , Passavant , Crovve
et Cavalcaselle, comte de Laborde et
Alfred Michiels. Pour la partie esthé-
tique, MM. Otho Rathgeber et Forster
entre autres , ainsi que Mme Scho-
penhauer occupent une place impor-
tante. Il faut dire toutefois que ces
auteurs se sont parfois laissé entraîner
à des divagations métaphysiques exa-
gérées et souvent obscures. Waagen,
dans ses attributions, s'est plus d'une
fois trompé, déjugé et même compromis.
Le volume de M. A. Michiels, consacré
aux Van Eyck, est le meilleur de son
œuvre sur V Histoire de la feinture jla-
mande. Ce volume sera lu avec fruit par
ceux qui voudront trouver réunis tous
les documents concernant celte famille
d'artistes, ainsi que les opinions émises
sur le talent de chacun de ses membres.
On peut également consulter le livre
verbeux de Kramm. Nous ne parlerons
pas de Luc De Heere, Fiorillo, Van
Mander, Weyerman, Descamps et d'au-
tres, venus après eux et qui n'ont fait
que répéter les -récits de leurs devan-
ciers, non moins que la masse considé-
rable d'auteurs, allemands et belges sur-
tout, qui dans les revues locales ont
traité la question des Van Eyck. Parmi
ces derniers, MM. Heris, Carton, Van
Hasselt, Ruelens ont produit des dis-
sertations oii l'on rencontrera de la
science, de l'observation et des opinions
souvent contestables, mais raisonnées.
En France on s'est peu occupé des Van
Eyck. En Angleterre, on ne peut guère
citer que des travaux mis au jour pour
justifier l'apparition d'un Van Eyck
nouveau, ou pour appuyer une vente,
ou enfin pour exalter quelque galerie
particulière.
A l'époque de la Renaissance, lorsque
l'art gothique était tombé en un tel dis-
crédit que Rubens lui-même le quali-
fiait avec mépris à' art barbare, les ta-
bleaux des Van Eyck devaient se vendre
à très-bas prix. Cette défaveur, qui ho-
nore peu nos ancêtres sous le rapport du
.803
EYCK
EYCKEN
b(i4
goût, dura longtemps, car vers la fin du
siècle dernier, en 1761, une Adoration
des mages d'Hubert se vendit à La Haye
nonante-six florins; en 1740, une Sainte
famille du même, quinze florins ! C'est
vers le commenc&ment de ce siècle que
les choses changèrent de face et que jus-
tice fut rendue, après plusieurs siècles
d'ingratitude, d'oubli et d'ignorance, à
ces puissants chefs d'école. Depuis lors,
les tableaux des Van Eyck ont été avi-
dement recherchés et conservés avec le
plus grand soin. On en rencontre rare-
ment dans les ventes. En 1850, V Au-
nouciatiou de la collection Guillaume II
fut adjugée à onze mille deux cent qua-
tre-vingtsfrancs, et la 3Iadone de Lucques
à six mille francs. (Le panneau mesure
64 centimètres sur 47.) — A la vente
Stalberg, à Hanovre, en 1859, la Vierge
avec Veuj'ant Jésus entouré de trois per-
sonn( ges fut payée quatre mille six cent
trente-quatre francs. — IJ Adam et XEie
du musée de Bruxelles ont coûté au gou-
vernement cinquante mille francs, sans
compter les conditions qui augmentent
considérablement ce prix. A l'heure
qu'il est, le moindre Van Eyck authen-
tique de petite dimension acquiert une
valeur inestimable. Pes panneaux de
vingt à trente centimètres sont prisés
loyalement à quinze et vingt mille francs.
Que doivent donc valoir le retable de
Gand, le Jugement dernier de Dantzig,
et le Jons vitœ de Madrid !
Ail. Siret.
EYCK {Gaspard vax), peintre de
marine et de batailles maritimes. Né à
Anvers au commencement du xviie siè-
cle ; mort en 1673. Cet artiste adopta
un genre spécial d'un caractère bien
tranché : presque tous ses tableaux re-
présentent des combats sur mer entre
chrétiens et Turcs.
En 1632, Van Eyck fut reçu à la
gilde de .Saint-Luc à Anvers, ce qui rend
impossible la date de 1625, adoptée jus-
qu'ici comme étant celle de sa naissance.
Tout ce que l'on sait de lui, c'est qu'il
était bon dessinateur et qu'il peignait
facilement. Dans les ventes qui ont eu
lieu en Hollande et en Belgique au
xviiie siècle, on rencontre de lui des
marines qui se sont vendues à des prix
indiquant qu'elles étaient recherchées.
Ad. Siret.
EYCK. (Nicolas \\\k) ; peintre de
scènes militaires. Naquit à Anvers en
1627 et mourut en 1677. On le croit
frère de Gaspard. Corneille DeBie, dans
son Guldeu cabinet, nous fait connaître
qu'il était capitaine de la garde bour-
geoise. Les Liggeren d'Anvers men-
tionnent un Nicolas van Eyck II qui fut
reçu en 1670, et inscrit comme fils de
maître. Ce que l'on connaît du peintre
qui fait l'objet de cette notice est une
Halte militaire dans un village, tableau
qui figure au musée de Vienne et qui
est signe. Il y avait autrefois du même
maître, au musée de Dresde, une halte
qui ne s'y trouve plus aujourd'hui.
Les œuvres de Nicolas van Eyck
étaient recherchées au xviiie siècle;
comme on n'en rencontre plus guère, on
suppose avec raison qu'elles sont attri-
buées à des maîtres plus méritants
ou plus en vcgue. Ad. sir^t.
EYCKE.^' {Jean-Baptiste f .%»"), pein-
tre d'histoire, de portraits, etc., né à
Bruxelles le 16 septembre 1809, décédé
à t5chtierbeek lez-Bruxelles, le 19 dé-
cembre 1853. Il était fils de Corneille
van Eyckeu et d'Elise Cordemans, qui
l'employèrent, malgré ses répugnances
probables, à leur métier de boulanger.
En 1829, il perdit son père : dès lors, il
put se livrer exclusivement au précoce
instinct qui le poussait vers l'art. Ses
progrès furent rapides. En 1830, il
entre à l'Académie de Bruxelles; en
1S35, il en sort lauréat du grand prix
de dessin d'après nature avec la j^lus
grande distinction, et, quatre ans après,
il y rentre avec le titre de professeur de
dessin et de peinture.
Ses premières études datent d'août
•1831.
Encouragé, en 1S37, par un subside
de neuf cents francs qui lui fut alloué
par le gouvernement et la ville de Bru-
xelles, il partit pour Paris. L'année
étant éfoulée, il voulut, par un scrupule
de désintéressement et de dignité, se
sufhre à lui-même, et pria le ministre de
805
EYCKEN
806
l'intérieur de disposer du subside en fa-
veur de jeunes confrères moins faA'o-
risés.
En 1838, il ga^na l'Italie. Schnetz et
De la Koche à Paris, Ingres à Rome,
pressentant sans doute son avenir, l'ho-
norèrent de leurs conseils.
Il consacra tout son temps, en Italie,
à des études. Fra Beati Angelico et Ra-
phaël lui inspirèrent surtout un culte
d'admiration, et il semble même qu'il
leur a dérobé, pliTs tard, la grâce onc-
tueuse et la sensibilité presque féminine
de sa Passion de Notre-Seignenr.
■ En 1839, il revint en Belgique. La
première œuvre qui devait éclore de ses
inspirations classiques, c'était la Clé-
mence divine. Ce grand tableau, où se
révèlent de nouvelles tendances dans
l'interprétation des sujets religieux,
reçut la consécration d'un prompt suc-
cès : il valut à Van Eycken sa nomina-
tion de professeur à l'Académie de Bru-
xelles, celle de membre correspondant
de la Société des Beaux-arts de France
(1er juillet 1840), et une médaille d'or,
qui lui fut décernée au nom de la pro-
vince de Brabant.
En 1840, il obtint la médaille d'or à
l'exposition de Paris.
Le 4 juin de cette année, il épousait
Julie - Anne - Marie Koël , doublement
digne de lui par le cpur et par l'intel-
ligence. Mais les jeunes époux, à qui il
ne manquait plus pour être heureux que
le temps de l'être, furent bientôt sépa-
rés par la mort : Julie Xoël s'éteignit
de langueur, le 11 février 1843. Dans
l'intervalle, l'artiste avait cherché dans
ses pinceaux une consolation. Il peignit
deux grands tableaux pour l'église de la
Chapelle : le Rachat des captifs chrétiens
et Sailli Boniface, commandés par M. le
curé Willaert.
Par une dernière illusion, l'homme
croit respirer quelque chose encore de
son bonheur près de ceux qui en furent
témoins. C'est ce qui attacha intimement
Van Eycken à ^I. Willaert, et c'est à
cette amitié, dont le vénérable ecclésias-
tique profita dans l'intérêt de l'art, que
sont dus les quatorze tableaux de la
Passion de Notre- Seigneur, qui ornent
l'église de la Chapelle. Détail peu
connu, l'artiste, comme pour sceller sa
douleur dans son œuvre, y a tracé le
portrait de sa femme à côté du sien.
En septembre 1847, ces tableaux
furent exposés pendant huit jours au
musée de Bruxelles, et valurent à Van
Eycken la décoration de l'ordre de Léo-
pold.
L'exposition de 1848 accrut encore
la renommée de son talent. Il exposa,
entre autres œuvres, la Femme du pri-
sonnier et le Dernier Chant de sainte
Cécile, où respire la mélancolie habi-
tuelle de ses pensées et qui comptent
parmi ses principales productions. ^lais
aucune d'elles n'atteignit au succès de
vogue de son tableau allégorique : V Abon-
dance, dont il a raconté lui-même l'ori-
gine. " Se promenant un jour dans les
Il champs aux environs de Bruxelles,
" que couvraient, en 1847, de magni-
« fiques récoltes, il cueillit un épi dou-
// ble, et ce fut cet éoi qui lui donna
'/ l'idée de représenter une jeune mère
H figurant la bonne terre, contemplant
n ses deux jumeaux couchés au milieu
« des produits de la terre. «
La reine des Belges, Louise-Marie,
ofi"rit ce tableau à la reine d'Angleterre
laquelle, preuve flatteuse d'admiration,
chargea Van Eycken d'en faire une copie
pour le cabinet du prince Albert.
C'est à cette époque que Van Eycken
fut éhx membre de l'Académie de Bel-
gique.
En 1849, parut son fameux tableau :
la Chute des feuilles, élégie picturale
d'une grâce exquise et d'une mélancolie
pénétrante. Il y a, dans ces deux
amants, autour desquels tombe la pluie
des feuilles comme une auréole de mort,
le souvenir évident de son bonheur
brisé.
En 184'>, Van Eycken avait proposé
à l'Académie de Belgique de mettre au
concours la peinture murale; sa pjopo-
. sition figura au programme, mais les
concurrents firent défaut.
L'artiste, qui espérait (comme il le di-
sait lui-même) que la peinture murale
ferait s'épanouir en nombreux chefs-
d'œuvre la peinture d'histoire en Bel-
807
EYCKEN
808
gique, ne se découragea pas. Non con-
tent de ses recherctes et de ses essais,
il partit pour l'Allemagne afin d'étu-
dier par lui-même les procédés et la
manière des maîtres qui ont illustré
l'école germanique. Il en reçut l'accueil
le plus flatteur : Cornélius lui expliqua
ses merveilleux cartons; Kaulbach lui
communiqua le procédé allemand dit
Wasserglass. A son retour, le gouverne-
ment engagea Van Eycken à introduire
la peinture murale en Belgique et à
faire choix d'un emplacement pour l'exé-
cution (10 décembre 1850). L'artiste,
fidèle à son amitié pour M. le curé Wil-
laert, choisit une chapelle dans son
église. Abordant de front, avec la har-
diesse du talent, toutes les difficultés, il
usa des diff'érents procédés, la fresque,
le Wasserglass, l'encaustique. A la voûte
gothique de la chapelle, les huit béati-
tudes, personnifiées par huit figures
s'élançant vers un centre lumineux,
furent peintes d'après un procédé de son
invention. Ce procédé, il le communiqua
à la classe des beaux-arts de l'Académie
de Belgique le 3 juin 1852, veille de
l'inauguration de son œuvre.
Ces premiers essais de peinture mu-
rale, achevés en dix-huit mois, accrurent
encore le retentissement de son nom.
Ces travaux terminés, la gravure en
devait reproduire l'ensemble, et lui-
même guidait de son expérience un jeune
artiste, M. Campotosto, à qui ce travail
avait été confié. Mais Van Eycken ne
devait pas voir l'achèvement de cette
publication ; les sources de la vie étaient
taries en lui. Toutefois le mal qui minait
l'homme n'abattait pas l'artiste : il en-
treprit pour l'église de la Chapelle, sur
les murs de laquelle il avait écrit les
plus belles pages de son talent, un
grand carton, représentant V Assomption
de la Vierge.
Cependant la maladie s'aggravait. En
vain avait-il demandé remède aux dis-
tractions des voyages; il finit par quitter
la ville et alla s'isoler aux portes de
Bruxelles, dans le calme et l'atmosphère
plus salubre de la campagne. Bientôt
même il dut abandonner ses pinceaux ;
mais fidèle, jusque dans la mort, aux
deux religions de sa vie, l'amitié et
l'art, il modelait, avec un talent délicat
de sculpteur, les médaillons de ses amis :
c'est dans cette pieuse occupation qu'il
s'endormit en Dieu le 19 décembre
1858.
Nous donnons ici la liste des princi-
pales œuvres de Van Eycken.
Les Saintes Femmes au tombeau (1835),
dans l'église de Molenbeek-Saint-Jean.
— Jeune Mère avec son enfant mort
(1837), musée de Lisieux. — Le Christ
au tombeau (1837), musée de Liège. —
Saint Boniface implorant le secours de la
Vierge pour les malheureux (1841), dans
l'église de la Chapelle. — Descente de
croix (1841), dans l'église de Thourout.
— Rachat des captifs chrétiens (1841),
dans l'église de la Chapelle. — Le
Christ pleurant sur Jérusalem (1844), au
Vatican. — Peintures murales com-
mandées par le gouvernement pour
l'église de la Chapelle (1851).
Ses plus célèbres toiles sont : U Abon-
dance (1848), acquise par la reine d'An-
gleterre. — Rêverie {\%^%) , gravée à la
manière noire par Calamatta et Lelli. —
La Chute des feuilles {1849), gravée à la
manière noire par Lelli. — Le Far-
mesan (1849), gravé au burin, par
M. Franck. — \j' Espagnole (1849),
achetée parla commission de l'exposition
nationale (gravée à la manière noire par
Calamatta et Lelli).
Les tableaux de Van Eycken, qui
touchent, comme on voit, à divers gen-
res, sont empreints d'un cachet person-
nel très-net. Toute son âme est dans son
œuvre : élévation, grâce, sensibilité. On
lui reconnaît généralement un coloris
puissant dans sa sobriété, et un mérite
de dessin dont déjà on pourrait chercher
l'indice dans son précoce triomphe de
1835. En outre, artiste consciencieux,
il avait compris qu'à la hauteur oii le
plaçait son talent, l'art n'est plus un
métier, mais une mission : aussi dessi-
nait-il avec une scrupuleuse sévérité
même les cartons de son œuvre.
L'homme en lui était égal à l'artiste.
Il y avait dans cette âme douce, ai-
mante, sensible même jusqu'à la mala-
die, comme un reflet de l'âme de Fra
809
EYGKEN — EYNATTEN
810
Beati Angelico et de Raphaël qu'il avait
jadis aimé d'une si tendre prédilection.
Il n'échappa toutefois pas à la calomnie,
cette gloire douloureuse du mérite. On
ne lui pardonna pas la confiance qu'in-
spiraient son talent et son caractère
droit, et qui, lui attirant de nombreuses
commandes , relevèrent à une condition
aisée. On oublia l'usage généreux qu'il
fit de sa fortune ; il sauva de jeunes
artistes de leurs détresses d'argent ,
avec cette délicatesse discrète qui sem-
ble inconsciente du bienfait, et se fit
remplacer par eux dans les commandes
de travaux que lui valait sa renommée.
Sa mort imposa silence à l'envie.
Malgré un froid excessif, un concours
énorme de monde de tous rangs, ses an-
ciens élèves, les artistes de la capitale,
ses collègues de l'Académie royale de
Belgique, se pressèrent à ses funérailles,
qui furent comme le triomphe funèbre
d'un artiste éminent et d'un homme de
Dien. Emile van Arenbergh.
EWCKEKis. Voir les artistes de ce
nom au mot Ykens.
EiTEi* (Gilbert vam), écrivain ecclé-
siastique, né à Gand, mort en 1283.
Voir Gilbert van Eten.
EifUiATTEM (Arnold, o'), Hiérony-
mite, enseignait les humanités au col-
lège de son ordre, à Liège, au commen-
cement du xvie sièle. Il compta parmi
ses élèves, vers 1521, Jean Sturm de
Schleiden, et exerça sur cet éminent
philologue, professeur et polygraphe,
une influence durable (Arnoldum Eina-
tensem quem Leodii audivî in collegio Ilie-
ronymitano ità amavi, ut adhuc in visce-
ribus et medullis hœreat. Sturm, Epist.
class., I, 88). La famille d'Eynatten
était très-ancienne et illustre au pays de
Liège (voy. Loyens). — Le nom d'Ar-
nold a échappé à Delprat et aux autres
écrivains qui se sont occupés, après lui,
de l'histoire des Frères de la vie com-
mune. Le passage de Sturm, reproduit
ci-dessus, a été relevé par M. de Rau-
mQx(Geschichteder Peedagogik, Stuttgart,
1846, in-8o,t. I, p. 231).
Alphonse Le Roy.
EiriVATTEur (Maximilien »'), théolo-
gien, né en 1574, mort en 1631. Cet
écrivain appartenait à une ancienne fa-
mille d'Aerschot, qui possédait, entre
autres biens, le manoir de Schoonhoven,
situé à peu de distance de cette ville,
vers l'est. Maximilien naquit, d'après
l'opinion commune, à Aerschot, ou à
Bruxelles si l'on en croit Paquot, qui
étaye son opinion sur un cahier manu-
scrit dont il avait eu communication. Il
était fils d'Arnoul d'Eynatten, seigneur
de Schoonhoven, qui mourut en 1613,
et de Philippine de Schore, qui survécut
onze ans à son mari. Après avoir fait sa
philosophie au collège du Porc, à Lou-
vain, il étudia la théologie et reçut le
grade de licencié. En 1607, il obtint un
canonicat du chapitre de Notre-Dame
d'Anvers, dont il devint l'écolâtre en
1619 et le garde des sceaux en 1616. Il
mourut, comme nous l'apprend son épi-
taphe , le 2 9 juin 1631, âgé de cinquante-
six ans, laissant la réputation d'un prêtre
qui alliait à la vertu une grande politesse,
Maximilien d'Eynatten a laissé un
livre qui a joui d'une certaine renom-
mée, puisqu'il en a été publié jusque
trois éditions successives. L'approbation
ecclésiastique donnée à la première par
l'évêque d'Anvers, Jean Malderus, est
datée du 23 juin 1618 et l'octroi des
archiducs qui accorde à l'imprimerie
plantinienne le droit exclusif de le pu-
blier, du 7 août suivant. Il parut en
1619 (in-8'0 et fut édité une deuxième
fois cà Anvers en 1648 (in-12), et encore
à Bruxelles en 1713 (in- 16). Il est
intitulé : Manuale exorcismorum , conti-
nens instructiones et exorcismos ad eji-
ciendos e corporibus obsessis spiritus mali-
gnos et ad quœvis maleficia depellenda et
ad quascumque infestationes damonum
reprimendas. Un travail pareil pouvait
être de quelque utilité à une époque où
l'on croyait aux sorcières, aux posses-
sions diaboliques; de notre temps il ne
rappelle plus que le souvenir des aber-
rations de l'esprit humain.
Aiphonsi* Waulfrs.
Swcerlius, p. 561. — Valère-AncinS p. 664
et gt;9. _ Foppens, Bibltoiheca beUjica, t. Il,
p. 882. — Paquot, t. 111, p. 463.
8ii
EYNHOUDTS — EYSCHEN
812
El'iîHOUDTS (Romain ou Bomhaut)
et non Eynhoedts ou Etxhouedts,
comme il est parfois nommé. Né à An-
vers en 1605 et mort en 1679 ; élève
d'Adam van Noort en 1636; franc-
maître de la Gilde anversoise en 1636-
1637. Il peignit des portraits, mais il
est plus connu comme graveur. On cite
de lui les planches suivantes : La Vierge
assise sons un berceau , par Kubens. — •
La Vierge assise sur le trône et entourée
de plusieurs saints, du même. — L'Ado-
ration des magi-s, du même. — Le Christ
mort, d'après Palma, le Jeune. ^ — • Jésus-
Christ sortant du tombeau, d'après Ru-
bens. — Le Christ ressuscité, d'après
Palma, le Vieux. — Le Christ mort et
trois anges, d'après Palma, le Jeune. - —
L'Assomption de la Vierge, d'après
C. Schut. — La Trinité, d'après C. Scliut.
— Saint Christophe , d'après Eubens. —
Le Martyre de saint George, d'après
C. Schut. (Le tableau est au musée
d'Anvers.) — Saint Grégoire et plusietirs
autres figures, d'après Kubens. — Saint
Jean-Baptiste, d'après Palma, le Yieux.
— Sai7it Pierre et saint Paul, d'après
Rxibens. — Sainte Anne, d'après C. Schut.
— Les docteurs de VEjUse, d'après Eu-
bqjis. — La paix et la prospérité , d'après
Kubens. — Le Jugement de Cambyse,
d'après Eubens. Nous citons ses plan-
ches d'après Basan, Gori, Huber et
Rost, Nagler et Le Blanc, mais nous
croyons que l'œuvre de ce graveur est
plus considérable. C'était un dessinateur
plus spirituel que correct ; son burin
était facile et il s'entendait particulière-
ment aux effets du clair-obscur.
Ad. Siret.
EY!«CHE!V {Georges t'oi;), écrivain
ecclésiastique, né à Arlon le 19 février
1592, mort le 19 février 1664. Il fit ses
humanités à Louvain et sa philosophie à
Trêves ; s'adonna ensuite à l'étude du
droit et de la théologie ; puis étant de-
venu licencié en ces sciences, il obtint
la prêtrise et fut pourvu de la cure de
Saint-Jean in curiâ à Cologne, ainsi
que d'un canonicat dans la collégiale
de Notre-Dame ad Gradus qui y était
annexé.
Dans l'exercice de ces fonctions, il'
sut si bien se faire remarquer par son
assiduité, son zèle et sa science, que le
duc François de Lorraine, doyen du
chapitre métropolitain de Cologne, le
choisit pour son aumônier, son chape-
lain, son conseiller intime. Le duc ayant
été nommé évêque de Verdun, bien qu'il
n'eût reçu aucun ordre, Eyschen l'aida
à conduire le diocèse et pendant plus
de quarante années qu'il fut attaché à sa
personne, lui rendit d'éminents services '
que récompensèrent des honneurs et
des dignités ecclésiastiques. Plus tard,
l'évêque le dota d'un fief considérable
et se fit accompagner par lui quand il
alla faire la reprise de la principauté
de Verdun des mains de. l'empereur Fer-
dinand II. Von Eyschen assista à l'en-
trevue qu'il eut, en cette circonstance, ■
avec l'empereur, et sut si bien captiver
les bonnes grcices de ce dernier qu'il en
reçut des lettres de noblesse avec octroi
d'armoiries, pour lui, ses collatéraux et
leurs descendants (1627).
Von Eyschen fit un noble usage des
revenus que lui donnaient ses prébendes
et ses biens. Les églises et les pauvres
reçurent de lui de grandes libéralités. Il
fonda entre autres, pour les PP. Eécol-
lets, le couvent de Boppard, dans le
diocèse de Trêves, et pourvut pendant
toute sa vie aux besoins de ces religieux.
Il employa huit mille florins pour l'éta-
blissement des PP. de l'Oratoire dans
sa paroisse de Cologne. A Arlon, sa
ville natale, il bâtit une chapelle dédiée
à Notre-Dame du Eosaire et fit encore
un grand nombre de fondations, parmi
lesquelles , par acte autographe du
1er mars 1639, deux bourses au collège
dit Montanum, pour deux enfants de sa
famille ou, à leur défaut, pour deux
écoliers d'Arlon ou du pays de Luxem-
bourg. Ces bourses subsistent encore et
ont été transférées aux universités prus-
siennes depuis la suppression de celle de
Cologne.
Georges von Eyschen fut inhumé de-
vant les marches de l'autel de Saint-
Etienne qu'il avait fondé et doté, dans
la cathédrale de Cologne, où l'on voit
son épitaphe.
813
EYSCHEN — EZELON
R14
On a de lui : lo Lehen des H. Ley-
schwester Maria von der Memchwerdimcj ,
stifferin des carmeliter-ord. in Frank-
reick. Cologne, 1630. — 2o Passio
J). N. Jesu Chrlstl secnndum IV Ecan-
gelistas descripta. Colonise, 1656, in-45.
Ces deux ouvrages sont dédiés par l'au-
teur à son bienfaiteur, le prince Fran-
çois de Lorraine. A l- J M
Auj. Vander Meersch.
Calmet, Iliiioire de Lorraine. — Paquot, Mé-
moires littérriires, t. V, p. 63. — Neyen, Biogra-
plue luxembourgeoise.
Ezci^oiv ou Hezelon, hagiographe
et architecte, fleurit au commencement.
du xiie siècle. D'abord chanoine de
Liège, il prit la résolution d'embrasser
la vie monastique et choisit pour lieu de
sa retraite l'abbaye de Cluny, alors dans
toute sa splendeur. Pierre le Vénérable
vante son savoir et son éloquence ; vir
amplioris litteraturœ, dit Hildebert du
Mans. Avec la collaboration du moine
Gilon, plus tard évêque de Tusculum,
Ezelon composa une vie de saint Hugues,
mort en 1109 après avoir gouverné pen-
dant soixante-trois ans, au rapport
d'Albéric, le célèbre monastère bour-
guignon. Des extraits de cette biogra-
phie ont été insérés dans les Acta Sanc-
torum, 29 avril, tome IIl, page 655 ;
il semble que Hugues n'était pas mort
depuis longtemps lorsqu'elle fut rédigée.
On sait que l'église de Cluny, l'un des
monuments les plus purs et les plus
grandioses du style roman, fut construite
ou du moins commencée en 1089 sous
Hugues, à l'aide des libéralités d'Al-
phonse IV, roi de Castille. La direction
de ce grand travail, qui ne reçut son
entier achèvement qu'en 1130, échut à
Ezelon ; nous avons lieu de croire qu'il
n'en vit pas la fin. Alphon.e Le Roy.
Peiri Venerabilis Epiât , 111. 2. — Diblioth.
Clumac. — Acia Sinictontm. — Fabririus Dibl
Iniina medii œvi. lih. VII. — llist. liit.' de la
France, t. X. Viollet-Leduc. Di t. dcl'ar'-hiiec-
ture t. I, p. 1-2"). — Lemaveur, la Gloire belgiqne.
FABER
FABKR {^gidius) ou Fabri, théolo-
gien, historien, homme d'Etat, né à
Bruxelles vers 1440, mort en 1506.
Voir De Smedt {Gilles).
rABER (Frédéric-Théodore), peintre
et graveur, né à Bruxelles en 1782,
mort en 1844. Elève de son père, puis
d'Ommeganck, dans l'atelier duquel il
se rendit à l'âge de dix-sept ans, devint
un peintre d'animaux et de paysages
remarquable. Faber érigea une fabrique
de porcelaine et se mit à peindre des
petits chefs-d'œuvre sur la pâte. Il fit,
pour le roi de Hollande, un service de
table sur lequel se trouvaient repro-
duits, de sa main, les plus beaux châ-
teaux du pays. En 1820, lors d'une
exposition de produits de l'industrie
nationale, il obtint une médaille d'or;
il avait abandonné la peinture sur toile
pour la peinture sur porcelaine. On lui
doit aussi 108 gravures à l'eau-forte,
qui ont été cataloguées à Paris par Hil-
lemacher en 1843. Sa première eau-
forte, qui est son portrait, date de 1807-
La dernière est de janvier 1844. Beau-
coup de ses gravures sont faites d'après
Ommegançk. On lui doit aussi quelques
tableaux de genre et quelques portraits.
Ad. Siret.
FABER (Jacques), écrivain ecclésias-
tique, né à Tourcoing (ancienne Flan-
dre.) Voir Lkfebvke (Jacques).
FABER (Jean- Adam- Joseph), compo-
siteur de musique du xviiie siècle, et
chantre à l'église Notre-Dame d'Anvers.
En 1720, étant encore imberbe [comme
il le dit lui-même dans sa dédicace au
chapitre des chanoines], il composa une
messe à huit voix et orchestre. Faber
entra dans les ordres et devint chanoine
de Notre-Dame, où il chantait encore
en 1759. Il composa une seconde messe
à cinq voix et orchestre, en 1726. Ces
deux compositions, les seules que l'on
connaisse de notre artiste, existent en
manuscrit dans la collection de Notre-
Dame d'Anvers. Alph. Goovaerts.
F.-J Fétis, Biographie universelle des musi-
ciens, 2"= éd., t. 111, p. 173.
FABER (Jean) ou Fabre, surnommé
d'OMALius, du nom de son lieu de
naissance, Omal, dans le pays de Liège,
né en 1540, mort en janvier 1622; ju-
risconsulte renommé. Il écrivit de nom-
breux traités sur le droit, qui ne furent pas
imprimés, mais qui devaient cependant
avoir quelque valeur, puisque, au dire
de Foppens, qui en donne les titres, il
en existait un certain nombre de copies.
Faber a laissé, d'abord, un recueil
d'arrêts; puis des traités sur les devoirs
d'un proconsul, d'un trésorier, d'un
capitaine des gardes, d'un prêteur, d'un
bailli; enfin sur le divorce, la répudia-
tion, le cens, les impôts, les étangs, les
viviers, les fleuves, les forêts et la chasse.
817
FABER — FABIUS
818
Il existe un portrait de Faber, gravé par
L. Fines, dans les Délices du pays de
Liiege^ t. V . Jules Delecourt.
Foppens, Bibliotheca belgica. — Délices du
pays de Liège. — Becdelièvre, v» Omalius.
FABER {Jean), jurisconsulte, né à
Malines vers la fin du xvie siècle, mort
à une époque inconnue. Il laissa les
ouvrages suivants, dont le premier est
une réfutation d'une opinion énoncée
par Alciat : lo JJtrius juramentum ser-
vandum sit, si jurans alienare funduni
dotaient, postea cum jurejurando contra -
rewia^. Colonise, 1569; — 2'^ Breviarium
in Justiniani imperatoris codicem. Lug-
duni, 1579; — 3° Progymnasmatajuris
canonici. Lovanii, typis Eutgeri Velpii,
1566, in- 8°. Foppens loue sa science et
son style. Jules Delecourt.
Foppens. — Sweertius.
F.4BEB {Martin- Herman) , peintre et
orfèvre, né à Bruges ou à Embden. Il
traita l'histoire et le portrait sous la di-
rection de son ami Finsonius, qu'il
connut à Aix et avec lequel il se lia
d'une vive affection. C'est grâce à cette
circonstance que l'on doit de connaître
Faber, dont les productions jouissent de
beaucoup d'estime en Provence, où il
passa toute sa vie. Comme Finsonius, il
peignit dans le genre du Caravage.
Quelques-unes de ses œuvres sont datées
de 1613. Ad. Siret.
FABER {Salomon), humaniste et poète
latin, né et mort à Ypres au xvie siècle.
Son père, Petrus Faber (Pierre De
Smedt?), était un érudit de Courtrai,
qui s'établit à Ypres, où il obtint le
droit de bourgeoisie en épousant la fille
de Gaspard Vanden Steene, un des plus
notables citoyens. Salomon fut envoyé à
l'université de Louvain pour y faire ses
études de jurisprudence. Il est certain
qu'il y résidait en 1563 et en 1564,
puisqu'on possède des lettres de cette
date, échangées entre l'étudiant et le la-
tiniste Sluper, chapelain à Boesinghe,
près d' Ypres. En 1567, Petrus Faber,
sa femme et le frère cadet de Salomon,
Jacques, ayant embrassé le calvinisme,
s'enfuirent en Angleterre, à l'arrivée du
duc d'Albe . Ils résidèrent successivement
à Sandwich et à Norwich, en compagnie
d'un grand nombre d'Yprois émigrés.
M.Diegerickx a trouvé dans les archives
d'Ypres des lettres fort curieuses, tour
à tour en flamand familier et en latin
élégant. Le père exilé s'adresse à son
fils Salomon, revenu de Louvain et de-
meurant à Ypres pour y surveiller les
intérêts de la famille et défendre la mé-
moire de son père. Salomon paraît avoir
été un humaniste libéral plutôt qu'un
calviniste décidé, à en juger d'après ses
relations avec Sluper, Antoine Meyer et
d'autres amis de la renaissance, qui ha-
bitaient la Flandre et l'Artois.
Notre auteur signait ordinairement
Faber TynopJianus Tprensis. Nous croyons
avec M. Diegerickx que Tynophanus est
un mot composé à la mode pédantesque
du temps et qu'il signifie de V église de
Notre-Dame des Thunes, dont on célé-
brait la fête au Tuin-dag (jour de l'en-
ceinte, du town, du tuun). Les princi-
paux écrits de Salomon Faber sont :
Paroenesin de institutione mornm pueri-
lium sive de legibus scholasticis diversorum
carininum UpùyiiuvairL/Mv sylvam. —
Famulitium Lud. Vivis carminé elegiaco
napa^a<7Ttv-<tw; reddidit. On trouve aussi
quelques pièces de Salomon Faber parmi
les Poemata que son ami Jacques Sluper
fit imprimer à Anvers, en 1563, chez
Joh. WithagiuS. J. Stecher.
J. Diegerickx, Lettres à M. Carton (Annales de
la société d'émulation de Bruges, IX, iO, 32, 'J53.
Cf. 2^ série, Xlll, 1U7;.
FABIUS {Arnaud), écrivain ecclésias-
tique, né à Louvain. xvii? siècle. Voir
BooNE {Amand).
FABiVNi {Aug.), écrivain ecclésias-
tique, né à Beeringen, mort à Tongres
en 1612. Voir Boonê {Atig.).
FABiU!^ {Guillaume), helléniste, né à
Hilvarenbeek (ancien Brabant). xvie siè-
cle. Voir BooNAERTS {Guillaume).
FABiV!^ (Nicaisé), antiquaire, né à
Beaumont (Hainaut). xviie siècle. Il
embrassa l'état ecclésiastique, fit ses
études universitaires et obtint le grade
de licencié in utroqne jure; peu après
il devint chanoine à Comines, puis au
chapitre de la cathédrale de Tournai.
gl9
FABIUS — FABRICIUS
8^0
Nicais-e Fabius, dans son temps, jouis-
sait d'une grande réputation ; on lui
attribuait des connaissances étendues,
surtout en ce qui concernait les anti-
quités du pays, objet de ses études
favorites, et • sur lesquelles il composa
quelques ouvrages intéressants restés
manuscrits, mais dont parle avec éloge
Sanderus dans son Toniacmn illustra-
tuni . Ang. Yander Meeisch.
Le Maistre d'Anstaing, Hi-iinire de ta cathé-
drale de Tourihti, t. H. p. -297.
fAhri (Gilles), homme d'Etat, écri-
vain ecclésiastique, né à Bruxelles vers
1440, mort le 19 février 1506. Voir
De Smedt (Gilles).
FABRi DE CARTi^TO (Jean), écri-
vain ecclésiastique, né à Carvin-l'Espi-
noy (ancien Hainaut). xve siècle. Voir
LeFebvre (Jean).
FAB1CI (Jérôme), prédicateur, écri-
vain, né à Gand en 1.58.5, mort en 1641.
Voir Temmermaxs (Jérôme).
FABRiiiiis (André), philosophe,
poëte, théologien, prédicateur, né à
Hodeigevers 1520, mort en 15 SI. Voir
Lefevre (André).
FABRirir» (François), médecin et
poète, naquit à Pairemonde, vers 1510.
Il étudia les belles-lettres à Cologne et
acquit une connaissance approfondie des
langues grecque et latine. Il étudia
ensuite la médecine et, en 1533, on le
trouve exerçant l'art de guérir à Deven-
ter. On doit supposer que le succès ne
répondit pas à son attente. Toiijours est-
il qu'il quitta Deventer pour aller s'éta-
blir à Aix-la-Chapelle. Ici il se distingua
par les cures qu'il opérait au moyen des
eaux thermales de cette ville. Il analysa
ces eaux célèbres, étudia leurs effets et
en régla l'usage dans un livre qui obtint
trois éditions et jouit d'une grande au-
torité parmi les médecins de son siècle.
Dans ses heiires de loisir, il se plaisait à
cultiver la poésie, et on lui doit une
traduction en vers latins de la tragédie
grecque intitulée le Christ sonljrant
(XoiTToç Tzvj/yj), qu'on a longtemps
attribuée à saint Grégoire de Nazianze.
Les vers sont médiocres et n'ont d'autre
mérite que la correction du style. Tout
ce qu'on sait avec certitude des inci-
dents de la vie de Fabricius, après son
départ de Deveutèr, c'est qu'il exerçait,
fructueusement, sa profession de méde-
cin à Aix-la-Chapelle en 1545 et 1552.
L'année de son décès n'est pas connue.
Ses ouvrages sont : 1^ Tliermœ aqiienses,
sive de Balneorum naturalimn, prœc.ipne .
earmn quce sunt Aquisfjrani et Porceti,
naturâ et facnltatihus , et qnâ notione illis
ntendum sit, liber perutUis. Colonise,
Jaspar Gennepaeus, 1546,in-4o. It. ih.,
Maternus Cholinus, 1564, in-12. It.,
ibid., Joannes Kirchius, 1617, in-S^. —
2o Cflnsilia de arthridite, dans l'ouvrage
de Henricius : Consilia de arthriditis
praserratione et curatione. Francofurti,
1592. — 3o Divi Gregorii Nazianzeni
tlieologi Traejedia Christiis patiens, Intino
carminé reddifa, per Franciscmn Fabri-
cinm, lînremondannm , medicum aquisgra-
nîcjim. Antverpiae, Strelius, 1550, in-8?.
J -J. Thonissen.
Paqiiot, Mémoires pour servir à l'Hisioire litté-
raire des Pat/s-Das. — Van der Aa, Dinfirapliisch
jvoor lenboek. — l-.loy, Diciionnnire historique de
la médecine. — Hoflman-Pecrlkamp, Ue viia ac
doctriiia Ptelqaritin qui lalina carminn conipo-
suerinit. — Fopi)ens, Hibliotheca belqica.
FABRifHr* (Jean), poëte latin du
xvip siècle, né à Bolland , près de Hervé,
localité faisant partie de l'ancien duché
de Limbourg et actuellement de la
province de Liège, Son vrai nom était
peut-être Lefèvre ou Fabry. On n'a
giière de renseignements sur sa vie, et
les bibliographes du pays ne font aucune
mention de lui. Xé, probablement, pen-
dant les premières années du xvip siècle,
il paraît avoir passé ime grande partie
de sa vie à Cologne, ville où parurent
toutes ses œuvres poétiques. Le savant
jésuite Hartzheim n'a pu néanmoins
recueillir aucun renseignement sur notre
poëte, et se contente de copier les deux
lignes que lui a consaci'ées Conrad Ges-
ner, le père des bibliographe». On connaît
de Fabricius : l'> De moin monasteriensi,
eleginco rarmlne scripti, libri X. Colonia?,
apud Gymnicum, 1541, in-8o. —
2 ' Psalterium Daridis, lyrico carminé
reddiins. ibid., in-8o. — 3» T)n(p ora-
tiones panegyricce elegiacis versibns con-
scriptcp, qnarumprior mista partim conti-
8-il
FABRICIUS — FABRY
net regina Mariœ ad Leodium urhem
adcentiim et tractatlonem, partim ejusdem
cicitatis deacriptionem, altéra ver o pur a
Maria ejus familia laudes variis exor-
nata loch comiiiimibus complectitur, etc.
Colonige, ex officm. typogr. Antonii Cœ-
sarii, 1552, petit iu- 8^. Ces ouvrages sont
extrêmement rares; du dernier, qui inté-
resse notre histoire, on ne connaît qu'un
exemplaire très-incomplet, duquel il ne
reste que les pièces liminaires.
H. Hulbig.
Biblioilu'ca Co». Gesneri, à Jus. Simiero aucta.
'ligui'i, 1374, in-fol.. |i. oti4. Hanzheiin ,
liibliotli. (.oloniensis, \^. 169. — Mexsaijer des
sciences fiisl., année lbb4, p. 141.
F.%BRY (François- Louis), médecin,
né probablement à Dinant vers 1655,
mort à un âge fort avancé. II remplit les
fonctions de utédecin des pauvres de la
ville de Dinant, où il pîatiqua, pendant
un grand nombre d'années, les diverses
branches de Tart de guérir. On lui doit :
Traité instructif et familier des accouche-
ments. Dinant, 173fi, in-12. C'est un
traité élémentaire, fruit de cinquante
années de pratique. « Eclairer les sages-
» femmes " ,dit Ul. Cnpitaine (Bio^rap/iie
liégeoise), » dévoiler leur incurie et leur
« charlatanisme, enseigner aux femmes
Il enceintes les soins et le traitement
" que réclame leur po.sition, tel est le
« but que l'auteur s'est proposé à une
1 époque où l'art des accouchements,
« dans nos campagnes surtout, n'avait
» fait aucun progrès depuis le moyen
" âge. " Aiig. Varnle: Meersch.
F.iLBKir {Jacques-Hgacinthé) , juris-
consulte et homme politique, naquit à
Liège le 13 (Lcembre 1758 et y mourut
le 13 janvier 1351, c'est-à-dire plus que
nonagénaire. Il était tils de Jac:^ues-
JosEPH(voir l'article suivantj; l'exemple
et les leçons d'un tel père, autant que
ses propensions naturelles, le portèrent
de bonne heure à s'intéresser aux allaires
publiques. Reçu licencié en droit le
■1 septembre l/SO, il fut womxaiimayenr
enféauté dès le mois de mars de l'année
suivante, avec une dispense d'âge : Fa-
bry père avait ol)tenu du prince N'elbruck
la faculté de résigner cette place en sa
faveur. Le jeune magistrat s'acquitta de
ses fonctions, au rapport d'un contem-
porain cité par ]\l. Capitaine, « avec
une intelligence et un zèle auxquels ses
devanciers n'avaient pas habitué le pu-
blic ". Rien n'y fit : le 22 mars 17 86,
il fut inopinément destitué, sans aver-
tissement préalable, sansprétexte coloré,
sans motif apparent. Mais on était alors
en pleine réaction : Velbruck avait fait
place àHoensbroeck, et Jacques-Joseph
Fabry, en communauté d'opinions avec
les philosophes français, n'était pas, tant
s'en faut, eu crédit auprès du nouveau
prince : l'attitude qu'il avait prise dans
l'affaire de tipa, quelques résistances
administratives, enfin le fait que Hoens-
broeck, prêtant l'oreille à des insinua-
tions malveillantes, le regardait comme
l'auteur d'un pamphlet violent intitulé :
Cri général du peuple liégeois (1), c'en
était trois fois plus qu'il ne fallait pour
le mettre mal en cour. Pourquoi cepen-
dant frapper le père dans la personne du
fils? Ou repondra qu'il ne convenait pas
de laisser un fonctionnaire dans une po-
sition fausse, obligé peut-être de pour-
suivre son propre père ou ses amis les
plus chers; il y aurait eu lieu, néan-
moins, selon la judicieuse remarqiie de
l'historien Borgnet, d'aviser à une com-
pensation, et, en tout cas, de ne point
imprimera la sentence le caractère d'une
disgrâce injurieuse. L'opinion publique
en jugea ainsi, puisque les Seize cham-
bres, dont la majorité n'était certes pas
imbue d'idées révolutionnaires, s'em-
pressèrent d'élire Hyacinthe Fabry, à la
presque unanimité, en avril 1787, ren-
tier ou receveur général de la Cité : ses
concurrents avaient même eu la délica-
tesse de se désister \olontairement. H
faut rendre cette justice au prince, qu'il
s'abstint ici de toute intervention (13or-
gnet).
La révolution liégeoise éclata le
18 août 1789 (2). Chestret parut au per-
ron de l'hôtel de ville et invita la foule
qui eucomijrait le marché à élire de nou-
veaux magistrats. Chestret et J.-J. Fabry
il) L'auteur de ceUc brochure était le peintre
Lt'onurd Del'rauce.
[i] V\ y. Chestret. il faut lire col. 63, 1. 1, 18 au
lieu de 17 août.
823
FABRY
824
furent acclamés bourgmestres; Hya-
cinthe fut investi du mandat de conseil-
ler. Il siégea au Comiéé chargé de la
formation d'une généralité municipale,
puis fut délégué par la ville de Visé à
l'assemblée générale du pays de Liège,
où les bonnes villes renouvelèrent leur
pacte d'alliance. Dès le 22 août, il prit
une part sérieuse à la rédaction du Jour-
nal patriotique fondé par Bassenge, Eey-
nier et Henkart, ses amis d'enfance^ il
y développa en toute franchise la pro-
fession de foi politique dont il ne
s'écarta jamais dans la suite.
Une brochure qu'il publia en 1790
(Réjîexions d'im vrai patriote sur la for-
mation de la garde nationale liégeoise)
mérite d'être mentionnée en passant. La
déchéance du prince avait été prononcée;
on se croyait à la veille d'une guerre.
L'auteur proposa tout un système. Il
s'élevait d'abord avec force contre le
remplacement militaire ; il voulait que
tout citoyen fût appelé au service actif
de vingt à cinquante ans, n'admettant
d'exemptions que pour les ministres du
culte, les infirmes et les indigents. Les
magistrats et les ecclésiastiques autres
que les curés et les vicaires pourront
obtenir une dispense, ajoutait-il, mais à
■condition de payer une prime qui variera
selon la gravité des circonstances : enfin
les fonctionnaires électifs seront déchar-
gés du service pendant la durée de leur
mandat. De cette manière, Liège aura
toujours de9,000àl0,000hommessous
la main; et si toutes les communes du pays
suivent l'exemple de la capitale, on dis-
posera de 50,000 hommes, force relati-
vement supérieure à celle de la France,
si l'on a égard au peu d'étendue des
frontières liégeoises. Quelques-unes de
ces idées furent utilisées dans le Règle-
ment de la garde nationale liégeoise,
approuvé par la commune le 29 août de
la même année (Ul. Capitaine).
On peut admettre qu'Hyacinthe dut
à cette excursion sur le terrain militaire
d'être appelé au poste de colonel provi-
soire des chasseurs liégeois. Il n'accepta
du reste cet honneur qu'à sou corps dé-
fendant : colonel postiche, disait son
père; et véritablement ce chef improvisé
n'avait rien du soldat : par bonheur il
pouvait compter sur l'expérience de son
lieutenant-colonel Lonhienne , ancien
major dans le régiment de Fyon. Ils dé-
butèrent par une excursion d'un jour à
Aix et dans les villages voisins, puis
assistèrent à l'affaire indécise de Suten-
dael (1). Le colonel provisoire ne resta
pas longtemps sous les armes; on l'ad-
joignit à Bassenge et à Chestret pour
aller négocier à Berlin. Il s'agissait de
parer un coup terrible : la Prusse se
rapprochait visiblement de l'Autriche;
la restauration de Hoensbroeck était
imminente. Les députés essayèrent de
gagner du temps ; toute leur diplomatie
fut inutile : la Prusse, après avoir en-
couragé, enhardi les Liégeois, les dé-
laissa brusquement quand elle jugea que
leur révolution ne pouvait plus la ser-
vir. On crut habile, à Liège, de s'adres-
ser directement à l'Autriche : les deux
Fabry partirent pour Vienne; ils ne
furent point reçus. Jacques- Joseph, au
retour, fit halte à Wezel, où son fils alla
le rejoindre. C'en était fait : le 13 jan-
vier 1791, Liège ouvrait ses portes aux
troupes autrichiennes, précédant une
commission executive. Les premières
mesures de réaction atteignirent Hya-
cinthe, qui fut dépouillé de sa charge
de rentier (2) et porté, en octobre 1791,
sur une liste de proscription. Il rejoignit
à Bouillon son père, exilé l'un des pre-
miers. Le 13 janvier suivant, ils parti-
rent pour Paris, où ils n'arrivèrent que
le 20, mais à temps pour prendre part
aux travaux du Comité des Belges et des
Liégeois réunis. Vonck, alors à Lille,
était entré en rapport avec le Comité;
pas plus que les Pabry, il ne put s'en-
tendre avec les avancés du parti. De
guerre lasse, Hyacinthe regagna Bouil-
lon; mais, sur ces entrefaites, la France
avait rompu avec l'Autriche. Les Fabry
allèrent voir à Givet le général Lafayette
pour le mettre en garde contre leurs
adversaires. Ces pourparlers ne condui-
sirent à rien. Lafayette franchit la fron-
tière, mais se replia aussitôt. Dumouriez
(1) Voy. l'art. Chestret.
(-2) Il fut remplacé par l'ex-bourgmestre Mé-
lotte-Nizel.
825
FABRY
826
lui succéda : on sait comment il » brus-
qua « l'invasion de la Belgique. Méan,
qui venait de succéder à Hoensbroeck,
quitta sa capitale : ce fut le signal d'une
explosion. Le conseil municipal proscrit
fut provisoirement réinstallé; Hyacinthe
y retrouva sa place, puis fut élu, le
20 décembre 1792, député à la Con-
veniion îiationale liét/eoise.
L'idée d'une réunion à la France se
faisait jour parmi les patriotes; les Fa-
bry s'y rallièrent ; ^cependant Jacques-
Joseph n'y adhéra que sous certaines
réserves, ce qui déplut aux sans-culottes
et le fit considérer comme une sorte de
Girondin; néanmoins ses conseils préva-
lurent (voir l'article suivant). Hyacinthe
alla sonder, dans la partie flamande du
pays, les dispositions des habitants; il y
trouva peu d'enthousiasme, surtout à
Saint-Trond. A ce moment même les Au-
trichiens reparurent. Les commissaires
français plièrent bagage ; les administra-
teurs de la Cité se résignèrent à les
suivre, Hyacinthe, entre autres, mais
sans perdre courage. Son premier acte,
dans l'exil, fut de coopérer à la rédac-
tion d'une adresse des Liégeois à la
• Convention, pour réclamer la réunion.
Mais ici lui et ses amis eurent encore à
compter avec les montagnards franchi-
montois, qui firent ouvertement scission
et finirent par les dénoncer comme dou-
teux. Les Fabry se retirèrent à Ver-
sailles, attendant avec anxiété le rapport
du Comité révolutionnaire ; Hyacinthe
parvint à obtenir un petit emploi dans
l'administration départementale. Bas-
senge fut arrêté; les réfugiés flottèrent
ainsi entre rin([uiétude et un vague
espoir jusqu'au 9 thermidor. Alors ce
fut un cri de délivrance ! Fabry père put
écrire à un ami : » La farce est finie. Je
» suis libre. Liège à présent doit être
• libre aussi ! '
Hs revirent en efl"et la terre natale.
Hyacinthe avait perdu sa confiance dans
le succès d'une révolution purement lié-
geoise. D'autre part, il avoua dans une
lettre à Henkart que la perte de sa na-
tionalité lui paraissait préférable à un
retour à l'ancien régime : il en était
venu à craindre que la république fran-
çaise ne renonçât à un agrandissement
de territoire.
Méan, rentré à Liège à la suite des
Impériaux, signala son retour par des
actes de violence (1). Son règne devait
être éphémère. La bataille de Fleur us
livra aux Français la Belgique et le pays
de Liège : pays conquis! Ils furent litté-
ralement traités comme tels. L'adminis-
tration liégeoise fut renouvelée et épu-
rée : Hyacinthe en fit partie avec une
majorité modérée. Voulant ensuite rom-
pre l'î^^uïe de l'ancienne principauté, la
république institua des administrations
d'arrondissement : Hyacinthe entra
dans celle de Liège, mais n'y resta que
peu de temps, ne voulant pas se prêter
aux exactions des proconsuls (le main-
tien du maximum sur les denrées, aboli
à Paris). Il eut l'occasion, dans des cir-
constances difficiles, de faire preuve de
courage civil; bientôt de nouvelles
fonctions lui furent confiées. Bassenge
ayant été nommé procureur de la com-
mune, Henkart et Hyacinthe Fabry de-
vinrent ses substituts. En 1795, peu
avant la division des provinces belges en
départements, ce dernier fut député
avec Lesoinne à Bruxelles, pour régler
des questions de territoire. Le 18 no-
vembre, nous trouvons son nom sur la
liste des administrateurs du départe-
ment de rOurthe; enfin, en 1797, les
Liégeois l'envoyèrent au conseil des
Cinq-Cents, où l'inflexibilité de son ca-
ractère, sa haute impartialité et la net-
teté de ses idées le firent bientôt remar-
quer. « Pendant toute la durée de son
« séjour à Paris, dit Ul. Capitaine, le
» député de la nation liégeoise fut une
« véritable providence pour ses compa-
« triotes, qu'un pouvoir inquiet et
* ombrageux exposait à chaque instant
» à des dangers imminents. »
Del799àl802, Hyacinthe siégea au
Corps législatif. L'attitude du premier
consul lui parut incompatible avec ses
instincts d'indépendance et le respect
qu'il devait à ses serments : il se retira
sans bruit et n'hésita pas à refuser la
[\) Voy. l'art. Chapuis, où nous signalerons
une distraction. C'est Méan et non Hoeasbroeck,
qui tit exécuter le martyr verviétois.
827
FABRY
8-28
préfecture de l'Ain, que le sénateur
Lambrechts lui fit offrir. La période des
orages était passée; il ne songea plus
qu'à se rendre paisiblement utile. Nommé
juge au tribunal criminel de la Meuse-
Inférieure, le 23 germinal an xi (1803),
il devint conseiller à la cour de Liège le
4 août 1807. Là, comme ailleurs, il se
fit estimer et respecter. En accordant sa
retraite au vénérable veillard, le 16 oc-
tobre 1830, le gouvernement provisoire
belge lui confia le titre de président ho-
noraire.
Homme public , Hyacinthe Fabry
n'écouta jamais que la voix de sa con-
science. Il se distingua non-seulement
par sa fermeté et sa sincérité, mais par
une dialectique serrée et par une grande
clairvoyance en matière économique et
financière, ami du progrès sage, mais
inexorable pour les vaines utopies. Il
n'était pas indifterent aux délassements
des muses, partageant en cela le goût de
beaucoup de ses contemporains, même
de ceux qui étaient le plus engagés dans
les grandes affaires. Eu 1823, il fut l'un
des éditeurs des Loisirs de trois amis
(avec N. Ansiaux et P. Dcstriveaux :
voir l'article Bassewjé). Hors de là, il
ne publia qu'un petit nombre d'écrits
politiques de circonstance; on en trou-
vera la liste à la fin de la notice d'Ul.
Capitaine. Dans la vie privée, le magis-
trat sévère devenait un modèle d'urbanité
et de bonté véritable; aussi s'était-il
concilié des affections qu'il rendait avec
usure, n'élant pas de ceux qui ne sont
dévoués qu'en paroles. Il eut le bonheur
de conserver ses facultés jusqu'aux der-
nières limites d'une vie presque sécu-
laire. Alphonse Le Roy.
Ad. Horgnct, Histoire de la révolution liégeoise
de 1789. — Uaris, ///«/. du diocèse et de la prin-
cipauté de Liifje ;i724-18o2, t. H ei 111. —
F. Heniux. llisi. du pays de l.ie(ie,'.Vèd , l. II.—
CI. Canilainc, Moticesur Hyacinthe Fabrij, Liige,
-185!, 111-112.
F.%BRV {Jacques- Joseph), homme po-
litique éminent, naquit à Liège le 3 no-
vembre 1722 et y mourut le 11 février
1798. Il appartenait à une ancienne
famille dont le nom se rencontre fré-
quemment dans Ips fastes consulaires de
kl cité. Nous manquons de renseigne-
ments sur son éducation, qui dut être
brillante, et sur sa jeunesse : il n'appa-
rut sur la scène que dans un âge déjà
mûr ; mais alors son activité patriotique
se déploya si énergiquement et le mit
dans un tel relief, que l'histoire de la
révolution liégeoise pouirait se résumer
tout entière dans sa biographie. En
attendant l'heure des combats, nous le
voyons se complaire dans la société des
gens de lettres et des artistes. C'est ainsi
qu'il était très-assidu au salon du tré-
foncier De Harlez, poëte et musicien,
à qui, par parenthèse, Grétry dut ses
premiers encouragements. Le pittoresque
idiome du pays de Liège jouissait alors
d'une grande faveur : De Harlez, De
Cartier, Yivario et Fabry surent l'élever
presque à la hauteur d'une langue lit-
téraire, sans lui faire rien perdre de son
originalité, de sa verdeur, de sa franche
gaieté gauloise. Ils composèrent d'abord
un petit opéra, Li voijège di Chaudfon-
taine, une perle en son genre, dont la
musique fut écrite par J.-N. Hamal,
maître de chapelle de la cathédrale;
ensuite Fabry versifia seul le libretto du
L'tyeois èycuji (1757), qui obtint égale-
ment un succès du meilleur aloi dans
les concerts de l'hôtel de ville, et plus
tard au palais de Seraing, où Velbruck
voulut le faire entendre au stathouder
de Hollande (1). Mais c'étaient là des
délassements passagers ; Fabry dirigea
bientôt toute sou attention sur les graves
questions qui commençaient à émouvoir
les esprits : n'oublions pas que nous
sommes à l'époque où les encyclopédistes
français firent pour ainsi dire invasion
dans la principauté, qu'ils avaient choisie
pour centre de leur propagande. Fabry
épousa résolument leurs idées et les pro-
fessa sans hésiter, soit dans la presse,
soit plus tard dans les discussions philo-
sophiques et politiques qui se renouve-
laient chaque jour à la Société d'Emula-
tion, fondée par Velbruck en 1779,
(!) La musique de crUe piè'-e est aus§i.de
llamal. Les cotnpositions de labry et de ses col-
laborateurs ont été léunies, dus le siècle denricr,
en un volume inliiulé : Tluàie LiyeoLi, souvent
réimprimé depuis, et encore populaire La meil-
leure éditinn est celle de F. Bailleux. tl. Capi-
taine, J. Stecher etJ. Helbig (Liège, Carmanue,
18ui, iii-l'2j.
829
FABRY
830
pour l'encouragement des sciences, des
lettres et des arts. Pendant cette même
période, il élabora un grand nombre d'ar-
ticles pour le Dictionnaire de J.-J. Ko-
binet (1) et donna une édition, considé-
rablement augmentée, du Voyage d'îin
amateur des arts en Flandre, dans les
Pays-Bas, etc., par M. de la K, (J. de
la Roche), Amsterdam (Liège) F. De-
soer, 1783, 4 vol. in-12. Le prince
Charles d'Oultremont, d'autre part,
octroya, le 16 avril 1764, à l'imprimeur
Desoer, le privilège de la Gazette de
Liège, journal officiel; le 28 avril 1766,
une convention nouvelle, intervenue
entre Fabry et Desoer, fut approuvée
par l'autorité. Le premier devait diriger
et composer la Gazette; le second se
chargeait de l'impression et de la dis-
tribution, sauf à percevoir le produit
des abonnements et des annonces. Les
choses marchèrent ainsi pendant douze
ans : tout d'un coup Hoensbroeck, ju-
geant les principes de Fabry trop indé-
pendants, trouva bon de lui retirer sa
confiance et de remettre à H. -F. -M. Col-
son, mayeur en féauté, le soin d'écrire
des articles sur les affaires du pays
(18 mars 1788). Desoer conserva son
mandat jusqu'au 1er janvier 1791; dé-
possédé à son tour pour cause de libéra-
lisme, il résolut de créer un journal
non officiel. Non sans avoir subi de
nombreuses vicissitudes, cette feuille a
traversé toutes les révolutions et n'a
cessé de grandir en format et en impor-
tance. Elle appartient encore à la famille
Desoer : nous avons nommé le Journal
de Liège.
Tout en se livrant aux labeurs absor-
bants du journalisme, Fabry prenait
rang parmi les hommes publics. Ses dé-
buts remontent à l'épiscopat de Jean-
Théodore de "Bavière : nous le trouvons
successivement conseiller de la Chambre
des comptes (15 novembre 1762) et
mayeur en féauté (9 avril 1761); il ne
résigua ces dernières fonctions qu'en
mars 1781, au profit de son fils aîné
(voir l'art, précédent). Conseiller intime
(1} Dictionnaire universel des sciences morales.
Londres (Neuchàlel), 1777-178:^, 30 vol. in i«.
[i) Velbruck n'ignorait pas cependant que Fa-
BIOGR. NAT. — T. VI.
de l'électeur de Cologne (titre purement
honorifique), nommé conseiller actuel
de Velbruck le 3 janvier 1773 (2), deux
fois bourgmestre de la cité, en 1780
et 1783, il se vit honoré des princes
autant qu'aimé du peuple jusqu'au com-
mencement du règne de Hoensbroeck.
Mais des nuages allaient bientôt s'amon-
celer sur sa tête. A propos de l'affaire
de Spa, il osa contester au chef de
l'Etat le droit d'édicter en matière de
police; d'un autre côté, la hardiesse de
ses idées avait offusqué certaines per-
sonnes, qui ne manqurèent pas de cher-
cher à le faire tomber en disgrâce : bref,
il passa aux yeux du prélat pour un
homme dangereux, une sorte de philo-
sophe révolutionnaire. Le fait est que
Fabry en vint peu à peu à considérer la
puissance temporelle du clergé comme
un véritable malheur pour sa patrie. Les
mandements publiés au sujet des jeux,
le décret de prise de corps lancé contre
Redouté et ses adhérents (voir l'article
J.-R. DE Chestret), le tribunal des
XXII menacé dans son indépendance,
autant de mesures violentes ou arbi-
traires dont gémissaient avec lui les
patriotes attachés à l'ancienne constitu-
tion liégeoise. La chambre impériale de
Wetzlar tardant à se prononcer sur l'ap-
pel dont elle était saisie, ils eurent
quelque raison de ne pas se croire en
sûreté. Reynier et Bassenge se réfugiè-
rent à Cologne; Fabry, sans quitter
Liège, se tint prêt à tout événement.
Ses premières relations avec Dohm, re-
présentant de la cour de Berlin auprès
du Cercle de Westphalie, datent de cette
période critique (1787). Les Pays-Bas
autrichiens étaient en ébuUition : Jo-
seph II, d'autre part, en prenant fait et
cause pour la Russie , brouillée avec
la Porte, s'exposait à de graves em-
barras en Orient, embarras qui s'ac-
croîtraient encore si une insurrection
éclatait à Liège; pouvait-on répondre,
en effet, que Brabançons et Liégeois ne
finiraient pas par s'entendre? La Prusse
au contraire devait se réjouir, semblait-
bry avait patronné la candidature de son compé-
titeur, le vicaire général Ch.-Hyac. de Rougrave
(Borgnet, I, 19).
•27
831
FABRY
83-2
i] , de voir Hoensbroeck aux prises avec
ses sujets. Attentive à contrecarrer les
Habsbourg, elle avait d'autant plus
d'intérêt à soutenir l'oppositionliégeoise,
que l'évêque, de même que les autres
princes ecclésiastiques de l'Empire, gra-
vitait forcément dans l'orbite de la poli-
tique autricbienne. Frappé de toutes
ces considérations, Fabry tourna donc
ses regards du côté de Frédéric-Guil-
laume ; son désir était » d'amener les
choses au point que S. M. Prussienne
en fût l'arbitre « . Avances dangereuses,
qu'U eut sans doute à regretter plus
tard; mais en ce moment où la corde
était tendue à se rompre, lui et ses amis
n'avaient qu'une idée fixe : « délivrer
leur pays du joug des prêtres « ; on ver-
rait après. Fabry, cependant, répugnait
aux moyens extrêmes : résistant aux
impatients qui, dès lors, ne projetaient
rien de moins que l'enlèvement du prince
et la révolution ouverte, il jugea plus
sûr et plus opportun de se tenir sur le
terrain des négociations. Il aurait bien
voulu être chargé de représenter offi-
ciellement la Prusse à Liège, ne fût-ce
que pour jouir des immunités diploma-
tiques; mais ici son espoir fut déçu :
un autre observateur , le baron de Senfft
de Pilsach arriva de Berlin, Le candi-
dat évincé en conçut du mécontentement;
une explication nette rendit cette im-
pression passagère.
Quelques mois s'écoulèrent en pour-
parlers avec Berlin et Wetzlar, tandis
que Hoensbroeck, persistant dans son
système de compression et s'obstinant à
maintenir un impôt qui passait pour
vexatoire, mettait le comble à son impo-
pularité. Tout à coup la nouvelle de la
prise de la Bastille éclata comme un
coup de foudre : » Faiseurs d'enquêtes,
* oppresseurs de l'innocence, osa écrire
» Bassenge dans V Avant-coureur , voyez
• Paris et tremblez ! » L'évêque eut
peur en effet; le 13 août 1789, il
annonça l'intention de convoquer les
Etats et de se prêter à une transaction.
Les patriotes répondirent, par l'organe
du même publiciste, qu'avant tout il
fallait rendre à la nation liégeoise les
garanties qui lui manquaient, c'est-à-
dire abolir le règlement de 1684. Le
17 août, la cocarde rouge et jaune des
Liégeois, la cocarde verte et blanche de
ceux de Franchimont se montrèrent dans
les rues de la cité ; le lendemain, Fabry
et Chestret étaient acclamés bourgmes-
tres par la foule assemblée sur le Mar-
ché. Le soir même du 18, Hoensbroeck,
mandé de Seraing à l'hôtel de ville,
approuvait l'élection du nouveau magis-
trat et signait, la cocarde sur l'habit,
l'abrogation du règlement de Maximi-
lien-Henri. Le 26, il quitta furtivement
le château de Seraing pour se retirer à
l'abbaye de Saint-Maximin, près de
Trêves. Le peuple triomphait; mais le
grand danger à craindre, c'était que le
but ne fût dépassé. Deux ans plus tard,
Fabry écrivait mélancoliquement à un
de ses amis de Yerviers : « Ils ont raison
« ceux qui disent que notre révolution
« a été trop hâtive. Je ne la voulais pas
u au moment où on l'a faite. J'avais su
0 apprécier nos têtes, qui la voulaient
u alors. Je l'avais dit un an auparavant
» à Mirabeau, qui en avait jugé comme
« moi, et qui ne s'attendait pas lui-
« même, dans ce temps-là, à la révolu-
» tion française. L'exemple des Fran-
« çais échauffa nos têtes; on se hâta le
« 18 août, et je fus entraîné comme les
" autres (1). «
Des dissidences se produisirent dès
les premiers jours au sein des Etats,
réunis le 31 août. Le Tiers, avide de
réformes radicales, se sépara des deux
premiers ordres, sauf à être bientôt
laissé en arrière par les ultrà-avancés
de Franchimont. De son côté, la cham-
bre de Wetzlar, presque gagnée à la
cause des patriotes en présence des fautes
de Hoensbroeck, changea brusquement
d'attitude sous l'impression des événe-
ments de Liège. Par sa sentence du
2 7 août, elle enjoignit aux princes direc-
teurs du Cercle de Westphaiie (2) de
prêter aide et assistance à l'évêque, de
rétablir les choses telles qu'elles étaient
avant le 18, enfin de poursuivre crimi-
(1) Lettre à Lonhienne, du 22 juillet 1791 (ap.
Borgne», I, 148;.
(^; Le roi de Prusse comme duc de Clèves,
l'électeur-palatin comme duc de Juliers, l'électeur
de Cologne comme prince-évèque de Munster.
833
FABRY
834
nellement les auteurs de la sédition. Des
députés liégeois partirent aussitôt pour
Wetzlar, partageant la confiance de Fa-
bry, qui tenait pour assuré que ni Fré-
déric-Guillaume, ni le palatin ne prê-
teraient la main à l'exécution. Des
démarches furent tentées en même temps
auprès de Hoensbroeck, mais sans abou-
tir. On s'adressa directement à la
Prusse : c'était le seul moyen d'obtenir
du répit. Fabry se rendit lui-même à
Berlin, où il proposa un accommode-
ment : Hoensbroeck resterait souverain,
mais rendrait aux Liégeois, sans réserve,
les garanties constitutionnelles pour
lesquelles ils s'étaient soulevés. Ces
ouvertures déplurent aux démocrates :
le député fut hautement accusé de vendre
son pays à la Prusse. Une décision était
cependant urgente ; enfin les Etats con-
sentirent à la transaction proposée^ mais
on avait compté sans le prince, qui
intervint à son tour auprès du roi,
déclarant que la violence seule avait
pu lui arracher des concessions. Dans
ces conjonctures, Frédéric-Guillaume,
voyant les Autrichiens sur le point
d'être expulsés de la Belgique, jugea
que le moment était venu pour lui d'oc-
cuper une position qui lui ouvrait l'en-
trée des Pays-Bas (1). Le 30 novembre,
ses troupes prirent possession de la
citadelle de Liège. Leur présence eut
en tout cas pour eflfet de contenir les
partisans de l'évêque, qui nourrissaient
toujours l'espoir d'une restauration pure
et simple. Mais une nouvelle sentence
de Wetzlar (4 décembre), proclamant
nulles et non avenues les concessions
arrachées le 18 août, ordonnant l'exé-
cution du premier décret sans délai, etc. ,
vint compliquer les difficultés. La Prusse
agit sur Hoensbroeck et parvint à l'in-
timider ; le chapitre cathédral vint alors
à la rescousse et repoussa tout arrange-
ment. Se sentant encouragé, l'évêque
ne voulut plus rien entendre. Les pa-
triotes furent exaspérés; la Prusse, de
guerre lasse, considéra son œuvre de
médiation comme terminée : le corps
d'occupation quitta Liège le 16 avril
1790. Craignant pour sa sûreté, le cha-
(1) Borgnet, I, 477.
pitre crut prudent de se retirer à Aix-
la-Chapelle : il n'y eut plus dès lors
d'Etat primaire sérieux. Cette circon-
stance contribua, on peut le croire, à
envenimer les haines des partis.
Les patriotes franchirent le Rubicon.
Dès le 17 avril, la déchéance de Hoens-
broeck comme prince de Liège fut pro-
clamée, le conseil privé suspendu, la
mense épiscopale confisquée. Les ré-
formes se succédèrent : la suppression
des corporations de métiers, regardées
comme des oligarchies municipales, con-
sacra l'établissement d'une démocratie
pure. Puis, considérant que la dernière
rénovation magistrale n'avait pas été
très-régulière, on prépara un système
électoral provisoire : le 26 juillet, Fabry
fut reporté au pouvoir avec l'avocat
Donceel pour collègue : on évinça Ches-
tret, commandant des troupes, sous pré-
texte d'incompatibilité (voir l'art. Ches-
tret).
Tout en partageant l'enthousiasme de
la première heure, les chefs du mouve-
ment ne pouvaient se dissimuler que
leurs chants de victoire ne désarmeraient
pas les puissances. Ils songèrent à se
rapprocher des Belges, toujours dans la
conviction que la Prusse verrait d'un
bon œil l'union des deux révolutions.
Fabry se mit donc en rapport avec
Van Eupen ; il fallut bientôt reconnaître
qu'on poursuivait une chimère : les sécti-
larisateurs de Liège n'avaient rien de
commun avec les adversaires d'un mo-
narque philosophe.
Le péril était imminent, la chambre
de Wetzlar se montrant inexorable. Bon
gré, mal gré, on se vit mis en demeure
de songer à la défense. Fabry eut toute
la peine du monde à contenir les exaltés :
dans ces instants difficiles, il fit preuve
d'autant de prudence que d'énergie.
Improviser une armée et surtout la sol-
der, ce n'était pas chose aisée. On entra
en campagne tant bien que mal et l'on
eut à se féliciter d'un premier succès.
Les chances se balancèrent ensuite (à
Sutendael) ; le grand résultat fut que les
électeurs se découragèrent et s'adressè-
rent à l'Autriche. Le successeur de Jo-
seph II ne demandait pas mieux que de
835
FABRY
836
saisir une occasion qui lui permettrait
peut-être de recouvrer les Pays-Bas j
mais à ce moment même, d'autres con-
voitises absorbaient ses préoccupations :
il résolut de faire d'une pierre deux
coups. La tournure que prenait la révo-
lution française commençait à inquiéter
Frédéric-Guillaume, si bien que ce po-
tentat en vint à prêter tout doucement
l'oreille à des offres séduisantes de l' Au-
trichien. Celui-ci lui laissa entrevoir
qu'il pourrait s'entendre avec la Prusse
et la Russie pour un second partage de
la Pologne, si la première de ces deux
puissances consentait à abandonner les
Belges et les Liégeois. La coalition fut
préparée au congrès de Pieichenbach le
27 juillet 1790, juste le lendemain de
la réélection de Fabry comme bourg-
mestre de Liège.
Les patriotes ne s'étaient attendus à
rien de semblable. Dans leur ignorance
de la véritable situation, ils avaient visé
droit à leur but : refondre leur gouver-
nement sans s'inquiéter de la politique
générale de l'Europe, des rapports de
Liège avec l'empire, de qui ou de quoi
que ce fût. L'ne régence de onze mem-
bres devait présider à l'administration
du pays ; ce corps ne pouvant marcher
sans tête, on résolut d'établir un mam-
bour, conformément aux anciennes tra-
ditions (1). Leur choix tomba sur le
prince Ferdinand de Eohan-Guéraénée,
archevêque de Cambrai et tréfoncier de
Liège. Mesure imprudente s'il en fut
une ! C'était en quelque sorte défier les
princes de ramener Hoensbroeck à Liège .
Une vague inquiétude s'empara tout
d'un coup des patriotes. Ils crurent un
instant que la France épouserait leur
cause : l'Assemblée constituante reçut
gracieusement leurs députés, ne leur
épargna pas les beaux discours (2), mais
les laissa partir comme ils étaient venus.
On ouït parler, sur ces entrefaites, des
préliminaires de Reichenbach : stupeur
(l) Herzberg lui-même, ministre de Prusse,
leur avait donné ce conseil, mais antérieurement
au rapprochement des deux puissances alle-
mandes.
'\i) • Vous avez vu, messieurs, resplendir sur
« la France le soleil de la liberté, et vous, ses
« antiques sectateurs, vous vous êtes levés avec
« ell» pour l'adorer, etc., etc. »
générale. Un congrès allait s'ouvrir à
Francfort : des envoyés liégeois y furent
mandés. Ils y apprirent qu'une restau-
ration était devenue inévitable, moyen-
nant des conditions à régler de concert
avec la cour de Berlin. Dohm apporta
aux Liégeois des propositions aussi rai-
sonnables que le comportaient les cir-
constances : Hoensbroeck remonterait
sur son trône, mais le règlement de
1684 serait définitivement aboli, en ce
sens qu'il serait stipulé que les repré-
sentants du Tiers-état seraient désor-
mais élus librement par le peuple, sans
aucune influence ni concurrence du prince.
Les Etats eussent peut-être accepté, à ce
prix, une réconciliation avec l'Empire;
mais la bourgeoisie, au comble de l'ef-
fervescence, ne voulut rien entendre :
Fhi^ de Hoeiisbroeck ! Tel était son cri
unanime de ralliement. Fabry perdit
alors ses dernières illusions : il était
évident que les Liégeois allaient rester
isolés, et alors...
Ce fut un douloureux épisode de sa
vie. Quand on sut que les princes alle-
mands, fatigués d'attendre, avaient en-
voyé un ultimatum aux Etats de Liège
existant de fait; quand on apprit que
l'Autriche, parvenue à pacifier les Pays-
Bas, était décidée à ne pas tolérer une
révolution à leurs frontières, on tomba
littéralement en démence, Fabry put
apprécier alors combien la popularité
est chose fragile. 11 s'entendit maudire
par ceux qui s'étaient habitués à a oir en
lui le premier soutien de l'indépendance
nationale. Les amis de Hoensbroeck ne
manquèrent pas d'attiser le feu, bien
convaincus, de leur côté, qu'en déconsi-
dérant Fabry ils frapperaient la révolu-
tion au cœur. Ils le poursuivirent avec
un acharnement incroyable, d'autant
plus injuste que celui qu'ils traitaient
ainsi avait tout fait pour prévenir la
crise. L'émigré français Sabatier de
Castres (3) trempa de nouveau dans le
fiel la plume qu'il avait déjà, l'année
précédente, exercée contre le bourg-
mestre. Dans la Valise décousue ,
(A) Personnage assez équivoque, à qui les rail-
leries de Voltaire avaient fait une certaine répu-
tation.
837
FABRY
838
quelques formes avaient encore été
observées ; dans les Observations amicales
aux Liégeois, plus de retenue, plus de
pudeur. « Jamais peut-être, dit Ad. Bor-
» gnet, la haine ne fit entendre d'aussi
» sauvages accents ; tous les hommes de
* la révolution y sont dépeints sous les
« traits les plus hideux, attaqués avec
Il une grossièreté dont il est difficile de
« se faire une idée. « Pabry eut le tort
de daigner relever le gant ; Hoensbroeck
lui-même regretta les violences de Saba-
tier. De quels reproches n'accablait-on
pas Fabry ? L'historien cité ne peut con-
tenir son indignation : » Lui qui avait
« sacrifié ses intérêts à la défense de son
Il parti, lui qui n'avait retiré de la ré-
•I volution que les inquiétudes et les
« soucis de la vie politique, dont la
M vieillesse n'avait en perspective que
« l'exil et les douleurs qui l'accompa-
II gnent, se vit accusé d'avoir criminel-
» lement spéculé sur les troubles de sa
Il patrie ! Il avait à son profit dilapidé le
Il trésor public, lui qui ne cessait de
Il crier à l'économie ; volé l'argent de
" l'Etat pour acquérir une propriété en
Il France, lui qui bientôt allait se trou-
II ver sans un asile pour abriter ses
Il cheveux blancs ; accaparé les emplois
Il dans sa famille, lui à qui son opposi-
« tion au gouvernement de Hoensbroeck
Il avait fait perdre une position avanta-
I geuse, pour ne lui donner en défini-
» tive que la charge honorable, mais
II stérile, de chef de la Cité ; lui dont le
Il fils aîné, chargé provisoirement de
" l'organisation d'un régiment, tâche
" que personne ne voulait entrepren-
» dre, avait, par délicatesse et pour ne
" pas être accusé de cumul, résigné les
Il fonctions lucratives de rentier (rece-
II veur) de la cité; lui dont le fils cadet,
« par délicatesse toujours et pour ne
» pas fournir une arme aux ennemis de
» son père, avait refusé une compagnie
Il dans un autre régiment, quoique, par
Il son expérience dans le service mili-
II taire, il fût plus apte à commander
Il que beaucoup d'autres ! Et quel ave-
II nir l'attendait? Aujourd'hui poursuivi
» par le prince comme un révolution-
» naire endurci, demain attaqué par les
» ardents de son parti comme coupable
Il de modér autisme ! Ah! s'il est vrai
" que de cruels déboires sont la récom-
" pense souvent réservée aux services
Il de l'homme d'Etat, nul ne l'éprouva
Il d'une manière plus sensible que le
Il patriote honorable dont le nom n'a
« pas cessé d'être populaire à Liège.
Il Car il convient d'ajouter que s'il
« resta, comme toujours, quelque chose
" de la calomnie, Fabry néanmoins
Il resta soutenu par la majorité de ses
" concitoyens; que ceux mêmes dont
Il la confiance avait été ébranlée ne tar-
" dèrent pas à lui revenir, et surtout
« que la plupart de ses collègues, aux
Il Etats comme au conseil de la cité,
" mieux placés que les autres pour
Il apprécier ses vertus et son dévoue-
" ment, ne le délaissèrent jamais. «
A la fois harcelé par les contre-révo-
lutionnaires et en butte aux suspicions
des exaltés, qui l'accusaient de s'être
laissé jouer par la diplomatie prussienne
et de vouloir maintenant se jeter dans
les bras de l'empereur, Fabry se trouva
dans la situation la plus fausse et la
plus pénible, jusqu'au moment où la
population, saturée de désordres, se prit
à désirer la paix, ou reconnut qu'il y
aurait folie à résister davantage. Le
23 décembre 1790, le conseil et les Etats
s'entendirent pour s'en remettre entière-
ment à la volonté suprême de V empereur.
Mais quelle serait la conduite de Léo-
pold? En présence des résistances de
Hoensbroeck et de ses chanoines, qui
ne voulaient s'en rapporter qu'à la
Chambre impériale, accepterait-il la
mission d'arbitre? On se remit à négo-
cier : l'ambassade de Fabry à Vienne
n'aboutit pas même à une audience;
enfin l'Autriche fit savoir qu'elle ne
pouvait plus retarder le départ de ses
troupes, lesquelles appuieraient immé-
diatement, avec celles des électeurs,
l'exécution des sentences de Wetzlar.
Le 11 janvier 1791, le conseilde la cité
passa la nuit à composer une adresse de
protestation : telle était la panique,
qu'il ne se trouva pas un imprimeur
pour la publier. Le lendemain 12, les
Kaiserlicks entraient à Liège ; la com-
839
FABRY
8iO
mission d'exécution y arriva le 18; le 19,
le chapitre reparut,
Eéaction complète : rétablissement du
conseil privé, des métiers, du magistrat
tel qu'il était avant le 18 août 1789 (1).
Hoensbroeck revint le 12 février ; le 32,
il proclama une amnistie jsowr les actes
qui le conce7'naient personnellement, res-
triction menaçante. Personne n'y fut
pris : les émigrations se multiplièrent;
la cour de Vienne fut la première à
s'impatienter de l'aveuglement du prince ,
qui laissait échapper une si belle occa-
sion de se refaire des partisans. Fabry,
resté à Wezel en revenant de Vienne,
passa de cette ville à Venloo, puis à
Givet et finalement à Bouillon, proscrit
et dépouillé de ses biens. De la terre
d'exil, il lança une proclamation fulmi-
nante où Hoensbroeck, les chanoines et
les juges vendus qui prêtaient leur appui
à la restauration par leurs sentences
iniqtœs et sanguinaires, étaient déclarés
ennemis de la patrie; le temps de l'ex-
piation, ajoutait-il, n'était pas éloigné.
En attendant, Bouillon, où sa famille
l'avait rejoint, devint. le poste d'obser-
vation des patriotes liégeois.
Ceux-ci n'avaient plus rien à espérer
de la Prusse : Dohm et Herzberg avaient
perdu leur crédit. Par l'organe de
Fabry, les exilés sollicitèrent de nou-
veau la médiation de l'Autriche, faisant
entendre qu'il serait difficile de contenir
la population liégeoise, si la rigueur
des mesures réactionnaires n'était pas
tempérée. Les avancés, Levoz en tête,
n'y tenaient plus : ils voulaient rompre
tout simplement en visière avec Léo-
pold et tançaient vertement l'attitude
expectante du négociateur. Fabry avait
obtenu de Metternich une promesse
d'intervention : le diplomate autrichien
s'entremit en effet auprès de Hoens-
broeck, mais sans succès. Livré à ses
propres inspirations, l'évêque se fût
peut-être montré accommodant; il était
par malheur à la dévotion de son cha-
pitre, opiniâtrement décidé à effacer
jusqu'à la dernière trace de la révolu-
tion. Une amnistie limitée fut publiée le
(l)'Moins cinq membres du conseil, qui s'étaient
déclarés pour les patriotes.
20 octobre : elle imposait à la masse
des patriotes une soumission déshono-
rante et déclarait, en termes formels, que
les chefs fauteurs ou moteurs des troubles
passés n'avaient point de grâce à atten-
dre. Alors Fabry laissa un libre coiirs à
son indignation ; la chambre de Wetzlar
elle-même s'émut. Metternich ne cacha
pas son dépit; mais que faire? Se disant
qu'un seul mot de blâme contre le cha-
pitre suffirait pour rejeter Liège en
pleine révolution, il recula devant un
parti extrême, se contenta de travailler
au rappel de la commission exécutrice
et de réclamer des tréfonciers, au nom
de son gouvernement, des explications
nettes et précises.
Pendant ce temps, les bannis, sans se
rendre compte des difficultés qu'éprou-
vait Metternich, publiaient une Adresse
à l'empereur rédigée par Bassenge, c'est-
à-dire brûlaient leurs vaisseaux, en si-
gnifiant à la cour de Vienne qu'ils ne
comptaient plus sur elle. Démarche non
moins hasardeuse : sans être sûrs que la
France se brouillerait avec l'Allemagne,
ils se persuadèrent que l'Assemblée con-
stituante, au point où les choses en
étaient arrivées, se déciderait enfin à
leur prêter son secours. Fabry, entraîné
par l'enthousiasme, se mit à combiner
des plans. « La coalition des despotes est
« imminente (ainsi s'exprimait-il dans
« une note destinée au comité diploma-
« tique); le gouvernement français ne
« doit pas attendre qu'elle soit définiti-
u vement formée ; les Belges et les Lié-
i; geois sont mécontents; ceux-ci n'at-
« tendent, pour se soulever de nouveau,
u que la certitude d'un appui ; au
Il moment où éclatera leur insurrection.
Il que vingt ou trente mille Français se
" jettent sur Namur, sur le Luxem-
II bourg, sur Liège ; les Belges se sou-
II lèveront aussi et les Impériaux seront
« refoulés sur le Ehin. — L'Assemblée,
Il ajoutait-il, ne voudra peut-être pas
Il prendre l'initiative d'une attaque :
Il tout au moins qu'elle permette d'en-
« régimeuter les réfugiés, pour en
t former un corps qui restera sur la
« frontière , préparé à tout événe-
« ment. » Reconnaît-on le sage tem-
841
FABRY
842
porisateur dans l'homme qui propo-
sait ainsi, sans prévoyance du lende-
main, d'attirer sur sor^ pays les fléaux
de la guerre ? Les souffrances de tant de
proscrits réduits à la misère expliquent,
si l'on veut, mais ne justifient pas suffi-
samment un tel acte. Dans tous les cas,
ces projets échouèrent : les affaires ne
prirent une autre tournure que quand
l'Assemblée législative eut remplacé la
Constituante.
Il eût fallu aussi, pour réussir, être
bien assuré avant tout de l'accord des
Belges et des Liégeois. Or dans les deux
camps on était divisé. Comment les pa-
triotes de Liège se seraient-ils entendus
avec les conservateurs brabançons? Avec
les vonckistes, soit; mais Vonck, de son
côté, n'eût pas légèrement pactisé avec
les Franchimontois. Un projet de répu-
blique fédérative, comprenant le pays de
Liège, fut, à la vérité, formulé : il ne
put tenir devant les scrupules de Vonck
et les aménités de Levoz à l'endroit de
Fabry, qui n^ avait jamais voulu la liberté
du peuple et n'était qu'un ambitieux
égoïste et vindicatif, un ex-agent de la
Prusse, etc. Ces débats et ces récrimina-
tions cessèrent momentanément lors-
qu'on apprit que la France avait déclaré
la guerre à l'Autriche. Lafayettefut mis
à la tête de l'armée; Levoz et ses amis
du Comité révolutionnaire le suivirent
avec quelques centaines d'hommes, qui
manifestèrent leurs intentions en ran-
çonnant les caisses publiques dans l'en-
tre-Sambre-et-Meuse et en abattant
partout les écussons aux armes du prince-
évêque. Hoensbroeck se plaignit à bon
droit de ces déprédations, car, en défini-
tive, c'était à l'Autriche et non à l'Em-
pire que la France avait envoyé un
cartel; Lafayette, au surplus, le savait si
bien, que, malgré l'avis du ministre
Dumouriez, il n'avait point permis à ses
soldats de se rendre complices des bandes
liégeoises. Disons que Fabry avait eu
soin de se rendre à Givet pour recom-
mander au général de se défier des
avancés. On en était là quand Hoens-
broeck vint à mourir, dans la nuit du 3
au 4 juin ; en désignant Méan pour lui
succéder, le chapitre prouva qu'il était
aussi tenace que jamais : ce serait un
combat à outrance. Ces changements
précédèrent de peu la grande crise du
10 août, la déposition de Louis XVI,
la coalition prévue des puissances du
Nord contre la France. Lafayette, com-
promis par son dévouement au malheu-
reux monarque, se retira du pays, mais
fut arrêté et livré à l'Autriche. Prus-
siens et Autrichiens envahirent en même
temps la frontière française. Dumouriez,
qui avait pris le commandement des
troupes, les rencontra en Belgique et
remporta la victoire de Jemmapes. Méan
n'eut que le temps de quitter Liège avec
sa cour; Fabry se hâta de publier une
proclamation pour recommander à ses
compatriotes la plus grande modération;
sa voix fut écoutée. Dès le 3 décembre,
il rentra en ville et fut nom.xa.é président
du conseil municipal, avec Bassenge
pour secrétaire (le titre de bourgmestre
avait été supprimé). Dumouriez, reçu
par les Liégeois comme un sauveur,
invita le peuple souverain à nommer les
membres d'une Convention nationale lié-
geoise : Fabry fut élu des premiers, avec
Bassenge, Lesoinne et Levoz. Les liens
qui unissaient la principauté à l'empire
germanique se trouvèrent ainsi formel-
lement rompus; mais on n'en resta pas
là : on vota la réunion à la France.
Fabry, ne voyant plus d'autre issue, n'y
fit pas opposition; seulement il proposa
certaines réserves quant à l'arrangement
des affaires intérieures. Ses ennemis lui
firent un grief de ce dernier effort pa-
triotique : ils lui reprochèrent d'avoir
osé dire en pleine assemblée provinciale :
« Nous souhaitons tous de devenir
« Français; mais, pour mériter cette
« adoption, faut-il absolument oublier
« qu'on est Liégeois? • — Oui, s'était
il écrié un sans-culotte , il le faut
11 oublier. Et! vous perdriez au change
« peut-être? Dites que le nom français
« va vous avilir ! « Il n'en est pas moins
vrai, comme l'écrivait Bassenge, qu'en
se ralliant aux propositions de Fabry,
la municipalité liégeoise avait fait son
devoir.
Mais la fièvre révolutionnaire était
arrivée à son paroxysme : les nouveaux
843
FABRY
844
gouvernants ne surent pas garder la
mesure. On s'acharna sur les monu-
ments religieux; les églises servirent de
casernes et de magasins; la démolition
de la magnifique cathédrale de Saint-
Lambert fut décrétée (1); d'autre part,
on se hâta de mettre sous séquestre les
bien des partisans du prince et ceux des
émigrés français qui avaient acquis des
immeubles dans le pays. On accumulait
ainsi des ruines sans réflexion, et en
même temps il fallait subir les exigences
des commissaires de la république, qui
cependant manquèrent leur but lors-
qu'ils essayèrent d'obtenir la circulation
des assignats au pair, et ne furent pas
plus heureux dans le prélèvement d'un
impôt pour l'entretien de l'armée. Du-
mouriez, aux abois, ne put contenter ses
troupes qu'en vidant la caisse de la cité
et en empruntant 114,000 livres aux
collégiales.
Le 17 février 1793 avait été consti-
tuée une Administration générale provi-
soire, sous la présidence de Fabry, qui
se faisait vieux : heureusement il pou-
vait compter sur Bassenge, son vice-
président. Ils eurent à peine le temps
de siéger : les Autrichiens avançaient à
grandes marches. Liège tressaillit encore
une fois et connut de près l'anarchie ;
enfin les sans-culottes s'enfuirent en
désordre, non sans avoir signalé leurs
adieux par le massacre de quelques prê-
tres émigrés. Cobourg prit possession
de la ville, rétablit aussitôt l'ancienne
magistrature et décréta une forte con-
tribution de guerre; il manda d'autre
part à l'évêque fugitif que son retour
devait être ajourné. Méan dévora son
déplaisir; il ne reparut que le 21 avril,
et il est triste d'avoir à constater que
ses dispositions étaient fort éloignées de
celles d'Auguste disant à Cinna : Soyons
amis. Les patriotes liégeois se replièrent
sur Paris, faisant fond sur la Conven-
tion. C'est alors que les Franchimontois
se séparèrent nettement des Fabriciens,
qu'ils qualifiaient de Girondins : Fabry
en particulier fut dénigré avec une
(i) Les événements retardèrent d "un an l'exé-
cution de cet arrêté stupide : on en chargea le
peintre Defrance.
véritable rage, ce qui surexcita son
caractère naturellement irritable. Urban,
l'ancien éditeur de V Avant-coureur, paya
les services que le chef de la révolution
lui avait rendus, en lançant contre lui
une dénonciation : après le 31 mai,
c'était une terrible épée de Damoclès.
Fabry se retira à Versailles avec son fils
Hyacinthe et se hâta d'adresser au
ministre une protestation très-digne, où
il se contentait d'invoquer son passé. La
lumière se fit enfin et la terreur eut son
terme, au moment même où les hosti-
lités recommençaient dans le Nord. Le
9 thermidor (27 juillet 1794), jour de
la chute de Robespierre, les Français,
vainqueurs à Fleurus, opérèrent leur
rentrée dans Liège; Méan s'était de
nouveau éclipsé dès le 20 juillet. Les
Autrichiens se maintinrent cependant à
la Chartreuse, d'où ils bombardèrent le
quartier d'Amercœur; ils ne délogèrent
qu'après la bataille d'Esneux (16 sep-
tembre). La famille de Fabry ne lui per-
mit de quitter Versailles qu'après leur
départ : aussi bien le vénérable vieil-
lard, décidé à ne plus se mêler des
affaires publiques, n'était pas impatient
de se mettre en route.
Tandis que les Liégeois paisibles,
traités en peuple conquis par leurs libé-
rateurs , s'avouaient douloureusement
qu'ils n'avaient fait que changer de ser-
vitude, les partisans de la Montagne ne
connaissaient point de borne à leur inso-
lence : les Fabry, les Bassenge, les
Chestret étaient signalés en termes gros-
siers à l'animadversion publique. On
eut à traverser de mauvais jours, signa-
lés par des persécutions et des actes de
vandalisme, des jours assombris encore
par les exactions des agents français.
Les exaltés n'obtinrent qu'un résultat : le
pays de Liège perdit, sans réserve et sans
conditions, son antique indépendance.
Le 1er octobre 1795, la principauté reçut
le nom de département de l'Ourthe.
Fabry vécut encore trois ans. Il avait
beaucoup souffert; mais il eut du moins,
dit justement Ad. Borgnet, la satisfac-
tion de voir, par l'élection de son fils (2)
(2j Au conseil des Cinq-Cents (voy. l'art, pré-
cédent).
845
FABRY — FAÇON
8iB
et de trois de ses meilleurs amis (J), que
ses concitoyens n'avaient « ni cédé aux
clameurs de l'envie acharnée contre lui,
ni renié les opinions du parti dont il
avait été si longtemps le chef respecté. «
Bassenge, envoyé à Eupen et à Mal-
médy pour y calmer une révolte d'ou-
vriers, ne put faire acte de présence à
ses obsèques. A son retour, il pria l'ad-
ministration d'écrire une lettre de con-
doléance à Hyac. Fabry. « Celui, ajouta-
" t-il, celui qui le premier fit retentir
'' parmi nous le mot sacré de souverai-
" neté du peuple en signalant aux Lié-
II geois les usurpateurs de leurs droits,
Il celui dont toute la vie, toutes les
" facultés furent consacrées à préparer
" la chute des tyrans et le triomphe des
« hommes libres, celui qui ne respira
" que pour le bonheur et la gloire de
" ses concitoyens, Fabry n'est plus ! Il
" n'est plus ! Il n'y a rien à ajouter à
" ces mots. Vous vous êtes empressés
" de jeter des fleurs sur sa tombe, de
" la couvrir de palmes civiques. Vos
" larmes, celles de ses concitoyens l'ont
" arrosée et la voix de la vérité, de la
" sensibilité, de la justice a rendu un
" dernier hommage à ses mânes. Cette
« scène touchante, à laquelle je n'ai
" point assisté, honore à la fois et celui
" qui en fut l'objet et ceux qui lui ofFri-
" rent le tribut de vénération et de
» reconnaissance. C'est un nouveau ser-
" ment, prononcé sur la tombe de
" l'homme de bien, de suivre ses géné-
" reux exemples, d'adorer et de servir
" comme lui, jusqu'au tombeau, la
" liberté et la République. " Il va sans
dire que Bassenge reçut mission de ré-'
diger lui-même la lettre de condo-
léance (2).
Fabry fut enterré, selon son désir,
dans le jardin d'une villa qu'il possédait
aux Tawes, derrière la citadelle de Liège.
Il paraît que ses restes mortels ont été
transportés depuis au cimetière de Ro-
bermont. Alphonse Le Roy.
Ad. Borgnet, Histoire de la révolution liégeoise.
— Daris, Histoire du diocèse et de la principauté
de Liège ■17-24-18o''2 , 1. 1. II et lll.— X. deTheux,
Supplément au Recueil héraldique de Loyens et
d'Ouhoven. — Henaux, Histoire du pays de Liège,
t. 11 (3« édition). — Ul. Capitaine, Recherches sur
FABRY (Jean-Fhllippe de), juris-
consulte, fils de Jean, l'un des maîtres
et commissaires de la cité de Liège, né
en cette ville dans la première moitié du
xviie siècle, fut élevé trois fois à la
dignité de bourgmestre, en 1663, 1668
et 1673, sous le régime du règlement
de 1649, modifiant le rescrit impérial
de 1603 (voir les art. Beeckman et
Ferdinand de Bavière). A sa deuxième
magistrature se rattache la publication
d'un document important pour l'histoire
du droit public liégeois, les Findicia
libertatis Jurium et exemptionum DD . com-
missariorum inclytœ civitatis Leodiensis;
on aura l'occasion d'y revenir ailleurs.
En février 1674, avant l'expiration de
son troisième mandat. De Fabry fut
envoyé (3) en ambassade auprès de l'em-
pereur, pour le prier d'obtenir de
Louis XIV le respect de la neutralité du
pays. La députation liégeoise reçut le plus
gracieux accueil et, à la suite de sa
démarche, le roi de France promit d'éva-
cuer Maeseyck, si, de leur côté, les Impé-
riaux renonçaient à pénétrer dans la
principauté. Les négociations avec l'Es-
pagne furent alors reprises par Mathias
de Graty (voir ce nom). Nous n'avons
pu trouver la date de la mort de Jean-
Philippe. AlphoDse Le Roy.
Loyens, Recueil héraldique. — Daris, Hist. du
diocèse et de la principauté de Liège au xvil« siè-
cle, t. Il, p. 60 et suiv.
FACOX (^oi), écrivain ecclésiastique,
plus connu sous le nom de Bass^eus ou
de De la Bassée, parce qu'il naquit
dans la petite ville d'Artois de ce nom
vers l'année 1585, mourut à Lille le
25 novembre 1670. Il prit d'abord l'ha-
bit religieux chez les chanoines réguliers
de saint Augustin à l'abbaye de Cysoing.
Plus tard, mû par le désir de mener une
vie plus austère, il entra chez les capu-
cins, et y fit sa profession le 31 novem-
bre 1630. Il fut chargé d'enseigner la
théologie et remplit ces fonctions bril-
les journaux liégeois. — Théâle ligeois, éd. Bail-
leux. — Documents inédits
\,\) Bassenge au conseil des Cinq-Cents; Hau-
zeur et Lesoinne au conseil des Anciens.
(2, Daris, t. 111, p 174.
(3) Avecrofficial Walterde Liverloz et le baron
d'Oultremont, grand bailli de Moha.
847
FAÇON — FAIGNIENT
848
lamment pendant de longues années. Il
exerça aussi, dans l'entre-temps, plu-
sieurs emplois dans la direction de
la province belge de l'ordre. Il mou-
rut au couvent de Lille , âgé de
quatre-vingt-cinq ans. On a de lui :
lo Flores toiius theologiœ pradica tiim
sacramentalis tum moralis. Duaci, 1639,
1 vol. in-fol., réimprimé avec des addi-
tions à Anvers, par Bellère en 1643
(1 vol. in-fol.), et à Lyon en 1653
(1 vol. in-fol.). Dans cet ouvrage l'au-
teur s'applique à résoudre bon nombre
de cas de conscience, et s'y pose (chose
rare pour son temps) comme le défenseur
du probabilisme. — 2° Supplementum
theologiapractica . Lugduni, 1658, in-fol.
réimprimé à Lyon en 1663, et à Venise
en 1 6 9 0 . Le père Grégoire de Salamanque
a, sous le titre de Compevdium summce
R. P. Migii Bassœi, donné un abrégé
des Flores de Bassseus, imprimé à Lyon
en 1674 et 1678, 1 vol. in-fol.
E.-H.-J. Reusens.
Paquot, Mémoires, éd. in-fol., II, p. 382.
rAES {Pierre), peintre, né à Meir
(province d'Anvers) en 1750, mort en
1814. Elève de l'académie d'Anvers, il
s'adonna à la peinture des fleurs et des
fruits, genre dans lequel il se fit une
réputation légitime. Marie-Christine,
qui afi'ectionnait particulièrement le ta-
lent de cet artiste, fit transporter du
château de Laeken plusieurs de ses
tableaux à Vienne. Il fut intimement lié
avec Van Spaendonck, Van Dael et
Ommeganck et devint parent par al-
liance du peintre André-Corneille Lens.
Beaucoup de ses tableaux existent dans
des collections particulières. Une grande
finesse de touche caractérise le talent de
Pierre Faes, dont le coloris très-harmo-
nieux manque souvent de force.
Ad. Sirel.
FAiETA {Jean), Lille abbé de Saint-
Bavon à Gand, prédicateur, écrivain
ecclésiastique. Voir Jean de Saint-
Amand.
FAiGMiEKT {Noé OU Noël), célèbre
compositeur de musique dont la bio-
graphie est restée très-obscure jusqu'ici.
Fétia a dit avec raison qu'il vécut à An-
vers vers 1570. Faignient acquit le
droit de bourgeoisie dans cette ville le
23 janvier 1561; il fut inscrit sous le
nom de Noé le Ménestrel, fils de Sébas-
tien, né à Cambrai, musicien (iVoe Me-
nestriers Bastiaenssone geboren van Came-
ryck speelman). Cette inscription, que
nous sommes heureux d'avoir décou-
verte dans les Poortershoecken déposés
aux archives de la ville d'Anvers, et
dont l'importance n'échappera à per-
sonne, nous apprend donc le lieu de
naissance d'un artiste réputé un des
meilleurs de son temps et dont Fétis a
dit " qu'imitateur du style de Koland
« de Lassus, il a presque égalé ce maître
« par la douceur de son harmonie. «
Déjà avant de s'établir à Anvers, notre
artiste avait contracté mariage, car deux
mois et demi seulement après son arrivée
dans cette ville, le 10 avril 1561, il lui
naquit une fille dont nous avons retrouvé
l'acte de baptême sur les registres pa-
roissiaux de Notre-Dame. Cette enfant
fut nommée Lucrèce; sa mère est sim-
plement désignée dans l'acte sous le nom
de Jeanne. Notre artiste publia à Paris,
en 1567, sa collection à^airs, motets et
madrigales à trois parties, et à Anvers,
en 1568, chez la veuve de Jean de Laet,
un recueil de chansons, madrigales et
motets à quatre, cinq et six parties.
Faignient doit, pensons-nous, s'être
remarié quelques années après, car nous
avons encore découvert, sur les registres
paroissiaux de Notre-Dame d'Anvers,
les actes de baptême de deux fils de
maître Noé Faignient et d'une femme
nommée Anne, son épouse. Le premier
de ces enfants, Michel, fut baptisé le
22 décembre 1575 et eut pour parrain
maître Michel de Backere ; le second,
appelé Barthélemi, le fut le 8 décembre
1577 et fut tenu sur les fonts par Bar-
thélemi Froeminger, peut-être un artiste
de nationalité allemande. Il faut que
Noé Faignient ou son épouse ait exercé
à Anvers un commerce, les comptes de
la ville nous ayant appris que de 1575
à 1580, celle-ci lui donna à loyer la
boutique n" 53, sous l'hôtel de ville, le
premier terme de trois années à cin-
quante-quinze livres d'Artois et le se-
849
FAIGNIENT
850
cond terme à cinquante. M. le chevalier
Léon de Burbure a bien voulu nous
signaler ce détail.
En 1569, Eaignient publia à Anvers
son troisième recueil de musique sous
le titre de Motetti e Madrigali a quattro,
cinque e sei voci, qui ne fut suivi qu'en
1595 d'un volume intitulé : MadrigaU
a cinque, sei, sette et otto voci, également
imprimé à Anvers.
Les typographes musicaux, Pierre
Phalèse le vieux, de Louvain, et Jean
Bellère d'Anvers, associés depuis plus
de vingt ans pour la publication d'œu-
vres musicales, donnèrent en 1574, un
volume composé en grande partie de
compositions de Faignient, qu'ils nom-
mèrent : La Fleur des chansons à trois
parties, contenant un Recueil, produit de
la divine musique de Jehan Castro, Severin
Cornet, Noé Faignient, et autres excellens
aucteurs; ce volume contient quinze
chansons françaises de notre composi-
teur.
Il nous reste à dire dans quels re-
cueils de musique des xvie et xviie siè-
cles on trouve des compositions de Fai-
gnient : cette petite liste donnera une
idée de la vogue dont les motets, les
madrigaux, les chansons et les psaumes
de Faignient ont dû jouir pendant la vie
de leur auteur et durant le siècle sui-
vant. On trouve donc : 1° Cinq compo-
sitions sur paroles françaises dans le
Tiers livre du recueil des fleurs produictes
de la divine musique. Louvain, Pierre
Phalèse, 1569. — 2» Trois sur textes
flamands dans le volume Een duytsch
musyck èo^c^, publié en 1572, par Pierre
Phalèse de Louvain et Jean Bellère
d'Anvers. — 3° Cinq morceaux dans le
premier livre, et quatre dans le second
du Meslange des psaumes et cantiques à
trois parties, recueillis de la musique
d'Orlande de Lassus, et autres excellens
musiciens de nostre temps, publié en 1 5 7 7 .
— 4o Deux compositions italiennes dans
la Musica divi?ia di XIX autori illustri,
dont des éditions furent faites à Anvers,
chez Phalèse et Bellère, en 1583, 1591,
1594 et 1595. — 5o Deux italiennes
aussi dans le recueil d'André Pever-
nage, intitulé i7ar»îO«îa céleste di diversi
eccellentissimî musici et publié par les
mêmes en 1583, 1589 et 1593. —
6o Des œuvres dans le Pratum musicum
d'Emmanuel Adriaensen qui parut chez
les mêmes éditeurs en 1584 et en 1600.
— 7° L^n psaume Laudate Dominum à
8 voix, dans les Sacrée Cantiones de
Lindner. Nuremberg, Catherine Ger-
lach, 1585. — 8° Une composition ita-
lienne dans le Liher secundus Gemmée
musicalis de Lindner, publié chez la
même en 1589. — 9° Une chanson
allemande dans BrechteVs Teutschen Lied-
lein. Nuremberg, 1590. — 10" Plusieurs
compositions dans la Melodia Olympica
de Pierre Philips, publiée à Anvers chez
Phalèse, en 1594. — llo Un psaume à
six voix : On a beau sa maison bastir
(Nisi Dominus) dans la collection de
Cinquante Fsaumes de David , avec la
musique à cinq parties, d'Orhmde de Las-
sm. Vingt autres Psaumes à ci?iq et six
parties, par divers excellents musiciens de
nostre temps, imprimés en 1597, par
Jérôme Commeliu. — L2o Trois chan-
sons françaises dans Le Rossig^iol musical
des chansons. x\nvers, Pierre Phalèse,
1597 et 1598. — 13o Quelques compo-
sitions àdLn?>\Q% Flores musicceàt J. Eude.
Heidelberg, Vôgel, 1600. — 14° Une
composition italienne dans Nervi d'Or-
feo di Eccellentissimi Autori. Leiden,
Haestens, 1605. — 15» Deux motets
latins dans le Hortulus musicalis du père
Michel Herrerius. Munich, Adam Berg,
1609. — 16o Trois chansons dans le
Livre septième des Chansons vulgaires de
divers autheurs, publié à Anvers, chez
Pierre Phalèse en 1613 et réédité
en 1636, par ses héritiers. — 17" Des
compositions dans l'édition allemande
de .1. Woltz : Nova musices organicœ
Tabulatura. Bàle, Johann Jacob Genath,
1617.
Finissons en signalant ce fait que
M. Robert van Maldeghem vient d'in-
sérer, dans le volume pour 1877 du
Trésor musical, àtwx madrigaux italiens,
pleins de charme, de Noé Faignient.
Aipli. Goovaerts.
F.-J. Fétis, Biof/raphie universelle des musi-
ciens, 2« éd., t. III, p. ill. — Becker, Die Ton-
werke des XVI und XVU Jahrhunderis — R. van
851
FAILLE
852
Maldeghem, Trésor musical, 1877. Mas. Prof.,
p. 15-19 — Robert Eilner, Bibliographie der
musik-sarnmelwerke des XVI und XVII jahrkun-
derts. — Alph, Goovaerts, Notice biographique et
bibliographique sur Pierre Phalèse, imprimeur
de musique à Anvers au xvie siècle, suivie du
catalogue chronologique de ses impressions.
FAiLiii: {Jean-Baptiste délira), che-
valier, seigneur d'Assenede, Eecloo,
Maria-Lierde, Hermès, Galathas, Saint-
Pol, Nieubourg, etc., magistrat, né à
G and, mort le 28 août 1666. Il des-
cendait d'une ancienne et opulente fa-
mille, qui, d'après une tradition con-
stante, était originaire de l'Italie; elle
aurait eu pour auteur Jean Délia Faille
ou Délia Faglia, chef de la cavale-
rie sous le pape Alexandre VI, pen-
dant la guerre contre Virginie des
Ursins, en 1492, et plus tard conseiller
laïque de l'Eglise sous Paul III. Celui-ci
lui donna une marque particulière de
sa bienveillance, en l'autorisant à aug-
menter ses armes de trois fleurs de lis,
que ce pape portait dans les siennes.
Cette opinion est confirmée par un di-
plôme concédé à François-Albert Délia
Faille et portant la date du 11 fé-
vrier 1736. Quelques généalogistes sup-
posent les Délia Faille originaires de
Constantinople, d'autres de la France,
d'autres enfin leur donnent la Belgique
pour berceau. Il n'y a pas lieu ici à
discuter ces questions généalogiques.
Il suffit de dire que le personnage
qui fait le sujet de cette notice était
fils de Jean, seigneur de Rymenam, et
de dame Marie Van de Wouvere, et
frère de Vincent, seigneur dudit Ky-
menam. Il obtint la mercede de cheva-
lier, par lettres patentes du 5 juillet
1644 et fut d'abord conseiller ordinaire
du conseil de Flandre, par commission
du 28 mai 1632, à la place de Schrevel
van Driel qui, à cause de son grand âge
et de ses infirmités, venait de donner sa
démission. Eu 1650, le profond savoir
et les éminentes qualités du conseiller
Jean-Baptiste Délia Faille relevèrent à
la présidence du même conseil, devenue
vacante par la mort de messire Philippe-
Guillaume de Steenhuyse. Ce fut sous
sa présidence que s'introduisit la cou-
tume, observée par les président et con-
seillers, de donner un festin annuel à
tout le corps du conseil, le 19 du mois
de mai, le jour de saint Ivon, patron
des avocats et des hommes de loi. Il
mourut à G and, dans l'exercice de ses
fonctions et fut inhumé devant le maî-
tre-autel de l'église paroissiale de Saint-
Michel à Gand, où son ariière-petit-fils
a fait restaurer magnifiquement sa sé-
pulture. Aug, Vander Mcersch.
Théâtre de la noblesse du Brabant, p. 280. —
Héraut d'armes, t. I, p. 236. — Vander Vynckt,
Recueil des recherches historiques et chronolo-
giques du conseil provincial ordonné en Flandre.
Manuscrit conservé aux archives de l'Etat à
Gand, p. 66 et 251.
FAiLiiE {Jean-Charles dei,i,a), ma-
thématicien, né à Anvers en 1597, mort
à Barcelone le 4 novembre 1652. Il fit
brillamment ses humanités au collège
de sa ville natale et embrassa, quoique
l'aîné d'une famille noble et opulente, la
vie religieuse. Il entra (16 septembre
1613) dans la compagnie de Jésus, au
noviciat de Malines, faisant ensuite sa
philosophie à la maison professe d'An-
vers, où il rencontra deux mathémati-
ciens renommés : le P. d'Aiguillon et
le P. Grégoire de Saint- Vincent. Ses
relations avec ces deux savants si dis-
tingués stimulèrent son ardeur. Il
s'adonna, avec passion, pendant trois
ans, à l'étude des mathématiques, sous
la direction de Grégoire de Saint- Vin-
cent, avec lequel il eut longtemps des
rapports intimes. Ses supérieurs l'ayant
envoyé à Dôle pour s'initier à la théo-
logie, il y enseigna, en même temps,
avec supériorité les mathématiques. Plus
tard, il professa ces hautes sciences, à
Louvain, auxétudiants de la compagnie,
en instruisant aussi, mais séparément, .
d'autres jeunes gens ; le système de
leçons particulières était alors imposé
aux jésuites, afin de ne pas éveiller la
jalousie de l'université.
Le collège impérial de Madrid ayant
été fondé, on s'empressa d'y adjoindre
le P. Délia Faille, afin qu'il donnât
le cours de mathématiques; il alla,
le 23 mars 1629, prendre posses-
sion en Espagne de la chaire nou-
vellement créée. Tout en s'occupant
des devoirs de son professorat, il donna
853
FAILLE
854
des leçons particulières à quelques
grands personnages, parmi lesquels on
cite deux neveux du nonce à Madrid,
l'ambassadeur de Gênes, le comte de
Grajal, le marquis d'Aytona, et plu-
sieurs autres. ISes nombreux élèves ne
pouvaient se lasser de l'entendre et tous
admiraient ses profondes connaissances.
Sa réputation parvint aux oreilles du
roi : Philippe IV fit appeler le jeune
maître à la cour^ et il eut bientôt le
P. Délia Paille en si haute estime, qu'il
recourut fréquemment à ses lumières
pour la défense ou pour la construction
des places fortes de son royaume. Deux
ans plus tard, il lui conféra le titre
de cosmographe du conseil des Indes,
le chargeant au surplus d'instruire
ses pages dans l'art militaire et celui
des fortifications. Un carrosse du palais
venait le prendre chaque soir et le ra-
mener au collège à l'issue de ses leçons.
En 1641, il fut envoyé avec les troupes
sur les frontières du Portugal et placé
sous les ordres du duc d'Albe. De retour
à Madrid, le roi le nomma professeur
de mathématiques de son fils don Juan
d'Autriche. Ce fut probablement à cette
occasion qu'il reçut le titre de conseil-
ler de Sa Majesté qu'on lit au bas
d'une gravure contemporaine, exécutée
d'après son portrait, peint par Van
Dyck. La conversation et les manières
du savant religieux plurent tellement
au jeune prince, que celui-ci ne voulut
plus s'en séparer. Au milieu des dissi-
pations de la cour, le P. Délia Faille
conserva ses goûts modestes : le roi, à
diverses reprises, le proposa pour des
sièges épiscopaux en Espagne et tou-
jours l'humble religieux refusa, disant
qu'il ne saurait trouver de délassement
dans ses travaux, s'il fallait s'y livrer
ailleurs que dans une pauvre cellule de
sa bien-aimée compagnie.
Les relations du prince avec le
P. Délia Faille devinrent des plus in-
times. Lorsque, en loi?, éclata l'insur-
rection de Sicile et de Naples, le roi
d'Espagne fit armer une flotte, placée
sous le commandement de don Juan,
nommé généralissime; le P. Délia Faille
fit partie de l'expédition. Il accom-
pagna le même prince au siège de Por-
to-Longone, forteresse de l'île d'Elbe.
Ce fut là que, lors d'une épidémie, en
soignant les malades et les blessés, il
contracta les germes de la maladie qui
l'emporta au bout de onze jours. Malgré
la malignité de l'épidémie, le prince ne
cessa pas de visiter son ami, plusieurs
fois par jour. Don Juan fut inconso-
lable; pendant trois journées entières,
il ne voulut recevoir personne; le roi
aussi pleura cette mort. Il fit faire des
obsèques maguifiques et consacra l'ex-
pression de ses regrets par un monu-
ment funéraire, avec épitaphe, rap-
portée par Foppens {Bibliotheca belgica)
et par Ad. Quetelet (i^/s^oîVe des sciences
mathématiques et physiques). Non content
de lui témoigner sa vénération par ces
témoignages publics, le prince fit dire
quinze mille messes pour le repos de
son âme.
Le P. Délia Faille fut un mathémati-
cien célèbre ; quand il quitta le collège
d'Anvers, il avait déjà dans ses notes,
dit le P. Grégoire de Saint-Vincent, de
véritables trésors de science, fruits pré-
cieux de ses lectures ou de ses recher-
ches personnelles. Le mathématicien
brugeois avait une si haute opinion du
talent et des connaissances du P. Délia
Faille que, lorsqu'il eut terminé l'ébauche
de son ouvrage sur la quadrature du
cercle, qui lui fit faire de si ingénieuses
découvertes, sans l'amener à résoudre
un problème insoluble, il envoya son
important travail au P. Délia Faille à
Madrid, le conjurant de le revoir et d'y
ajouter ses propres observations.
Le P. Délia Faille étant professeur à
Dole avait fait défendre par ses élèves
des thèses, dont il publia quelques-unes,
sous le titre de : Thèses Mechanicce .
DolîB, 1625. Elles contenaient des théo-
ries toutes nouvelles, quifrappèrent vive-
ment l'attention de son ancien maître ;
celui-ci les soumit au jugement du
P. Paul Guldin, qui enseignait alors en
Autriche et qui lui répondit qu'il ap-
prouvait de tout point les théories du
P. Délia Faille, que même pour les dé-
velopper, il avait préparé un livre.
Voulant empêcher qu'un étranger ne
855
FAILLE - FAILLY
856
recueillit le bénéfice d'une invention
due tout entière à un Belge, j'écrivis
sur-le-champ, raconte-t-il lui-même, en
Espagne, engageant le P. Délia Faille
à prendre les devants de son collègue.
Pour toute réponse, il fit savoir qu'il
lui paraissait peu équitable qu'un élève
devançât son maître. Le P. de Saint-
Vincent ne se paya pas de cette excuse,
il insista plus vivement et parvint à
décider le modeste religieux à faire im-
primer son livre, qui parut sous le titre
de Joannis Délia Faille, Atdverpiensis,
e societate Jesu, in Academia Matriteiisi
collegii imperialis regii matheseos pro-
fessoris, theoremata de centra gravitatis
partium clrculi et elipsis. Antverpise,
1632, in-4o. L'ouvrage fut accueilli
par un véritable succès et le P. Guldin
lui-même, après avoir lu le livre, écrivit
au P. de Saint- Vincent : Vraiment
nous avons un nouvel ArcMmède, et,
quand trois ans plus tard, il édita son
ouvrage sur le centre de gravité, il y
fit le plus grand éloge de celui de son
savant concurrent. Le célèbre Chrétien
Huygens, ayant examiné les deux publi-
cations, écrivit au P. de Saint-Vincent :
J'ai lu attentivement les deux ouvrages,
composés l'un par votre ancien élève,
l'autre par votre ancien condisciple ;
mais, croyez-m'en, l'élève l'emporte
beaucoup sur le condisciple. Le même
savant, dans la préface de son écrit sur
la quadrature du cercle de Grégoire de
Saint-Vincent (t. II, p. 312, Leyde,
in-4o), parle de la manière la plus
honorable du P. Délia Faille. On doit
remarquer que l'ouvrage de ce dernier
a précédé celui du P. Guldin , que
l'on regarde communément comme l'au-
teur de la théorie de la gravitation. Il
ne sera pas inutile cependant de faire
connaître aussi l'appréciation de deux
autres juges compétents, Montucla et
Adolphe Quetelet : » Ce géomètre, digne
d'éloges, dit le premier, y assigne, à la
vérité, d'une manière fort prolixe et
embarrassée, les centres de gravité des
diflerentes parties, tant du cercle que
de l'ellipse ; il y fait surtout voir la liai-
son qui existe entre cette détermination
et celle de la quadration de ces courbes,
ou leur rectification et, comment l'une
des deux étant donnée, l'autre l'est aussi
nécessairement.// -/ Il nous a paru, dit à
son tour Ad. Quetelet dans son ouvrage
précité, que les énoncés du P. Délia
Faille sont, en général, si spécieux, qu'il
est douteux qu'on puisse jamais en faire
usage ; d'autre part, la démonstration,
dans plusieurs cas, se ferait d'une ma-
nière beaucoup plus directe et plus
claire, en employant la simple théorie
des projections, au lieu de la méthode
suivie par l'auteur, dont les idées pa-
raissent, du reste, ingénieuses sous
plusieurs rapports. //
Le P. Délia Faille a laissé beau-
coup de manuscrits, dont une partie fut
conservée par don Juan dans une cham-
bre à Barcelone; on avait le projet d'en
faire imprimer quelques-uns. On ignore
ce qu'ils sont devenus. Le nombre doit
en être immense, puisque, au dire du
P. tle Saint- Vincent, dès 1632, au lieu
d'éditer un seul volume, l'auteur eût pu
en publier une trentaine.
Celui-ci était en relation avec la plu-
part des savants du pays et de l'étran-
ger, entre autres avec le célèbre huma-
niste Erycius Puteanus; quelques-unes
de ses lettres ont été publiées dans les
deux volumes des centuries de ce sa-
vant. Il était surtout en correspon-
dance assidue avec Michel van Langren,
cosmographe du roi; cette correspon-
dance fait partie de la bibliothèque royale
de Bruxelles, sous le n» 19676 de la
section des manuscrits, et contient une
foule de détails biographiques concer-
nant le P. Délia Faille.
Aug. Vander Meersch.
Delvenne, Biographie des Pays-Bas. — Fop-
\)eQS, Bibliocheca bel(jii;a,i.U, p.604. — DeBacker,
Ecrivains de la compagnie de Jésus, t. II. — Pré-
cis historiques, année 1874.
r.%iiiiiY ÇEtienne- Auguste baron de)
homme de guerre et ministre, né à
Bruxelles le 17 avril 1789, mort dans
la même ville le 24 avril 1853. Le baron
de Failly, fit ses études à l'école mili-
taire de Fontainebleau et en sortit le
11 novembre 1806 avec le grade de
sous-lieutenant au 4e régiment d'infan-
terie légère. Il fit les campagnes de
857
FAILLY — FALCK
858
1806 et de 1807 en Pologne, se distin-
gua à la bataille d'Eylau et fut blessé
d'un coup d'obus à l'épaule gauche au
siège de Dantzig le 15 avril 1807- Il
passa à l'armée d'Espagne, fit avec elle
les campagnes de 1808 et de 1809, et
ayant été promu lieutenant le 8 novem-
bre 1809, il passa à l'armée d'Alle-
magne. Bientôt après, il retourna en
Espagne et prit part aux campagnes de
1810, 1811 et 1812. Sa conduite à la
prise de Lambier, le 17 février 1811,
où il fut blessé d'un coup de feu à la
tête, et au combat de Lerma, où il reçut
une nouvelle blessure à la jambe droite,
lui valut le grade de capitaine au 15e ré-
giment d'infanterie légère. Rentré en
France, il y fit encore les campagnes de
1813 et de 1814 et obtint l'étoile de la
Légion d'honneur par un décret impé-
rial du 7 février 1813,
Rentré dans sa patrie après la chute
de l'empire, le baron de Failly fut admis
dans l'armée des Pays-Bas le 16 décem-
bre 1814 avec le grade de colonel com-
mandant le 5e bataillon de chasseurs, à
la tête duquel il assista à la bataille de
Waterloo. Le 27 janvier 1826, il fut
nommé colonel commandant la 5 e divi-
sion d'infanterie et, en 1829, le roi
Guillaume lui conféra la décoration du
Lion belgique.
Après les événements de 1830 et après
qu'il eut obtenu sa démission du service
des Pays-Bas, le baron de Failly se mit
d'abord dans les rangs des volontaires,
puis entra dans l'armée belge avec le
grade de général-major commandant la
province d'Anvers. Peu de mois après,
le régent l'appela aux difficiles fonctions
de ministre de la guerre (18 mai 1831).
La funeste issue de la campagne du
mois d'août 1831 contre les Hollandais
a été attribuée en grande partie à
la mauvaise administration du géné-
ral baron de Failly. Les reproches
qu'on lui a adressés ont même été telle-
ment graves que devant la réprobation
générale qui s'est manifestée, il a dû.
donner sa démission de ministre de la
guerre et s'expatrier pourquelque temps.
Un examen impartial de la conduite du
général de Failly donne la conviction
que le jugement porté contre lui, sous
l'infiuence des passions qui, à cette
époque, agitaient les masses, a été,
sinon injuste, au moins trop sévère. On
n'a pas assez tenu compte des difficultés
qu'a rencontrées ce ministre de la guerre
aussi inexpérimenté en fait d'adminis-
tration militaire que presque tous ceux
qui l'avaient précédé et qui s'étaient
succédé presque de mois en mois depuis
l'affranchissement de la Belgique. Aucun
des services de son administration n'était
sérieusement organisé; les magasins
étaient vides; l'esprit public égaré par
les succès de septembre 1830, croyait
qu'il ne fallait, pour faire la guerre,
que des volontaires en blouse; une
presse dévergondée attaquait sans re-
lâche toutes les mesures prises par l'au-
torité; elle avait des échos jusque
dans le Congrès, qui refusa aux de-
mandes instantes du ministre de la
guerre les ressources qu'il déclarait être
indispensables; qui lui refusa même
l'argent nécessaire pour acheter des
armes ! En relisant les comptes rendus
de certaines séances du Congrès, on
constate qu'alors déjà des gens qui aft'ec-
taient un grand patriotisme, mais qui
en réalité ne recherchaient qu'une vaine
popularité, s'indignaient de ce qu'ils
appelaient les ruineuses profusions de
l'administration de la guerre, et fou-
droyaient ces déplorables budgets au mo-
ment où l'ennemi passait la frontière.
Il n'est que juste de tenir compte au
général de Failly, en jugeant sa con-
duite, des résistances qu'il a rencontrées
dans l'accomplissement de sa mission
diniClle. Général baron Guillaunie.
Archives de la guerre. — Thonissen, la Bel-
gique sous le règne de Léopold l". — Huyttens,
t. IJl et IV. — Moniteur du temps.
* FALCK. {Antoine- Reinhard, baron),
homme d'Etat, né à Utrecht le 19 mars
1776, mort à Bruxelles le 16 mars 1843.
Il fit ses premières études à V Athenaum
■illustre d'Amsterdam et les compléta à
l'université de Leyde. En 1795 et en
1796, il visita la Belgique et la France.
Les lettres qu'il écrivait à cette époque
révélaient déjà toute la finesse et la
sagacité du futur diplomate. Repre-
859
FALCK
860
nant ensuite ses études à l'université
de Leyde, il les couronna en 1799 par
une dissertation doctorale sur le ma-
riage : De matrimonio. Le lauréat de
Leyde possédait admirablement l'anti-
quité et connaissait la plupart des lan-
gues modernes. Il perfectionna encore
son instruction dans le séjour qu'il fit en
Allemagne en 1799 et en 1800. En 1802,
il se rendit en Espagne comme secré-
taire de la légation entretenue par la
république batave à Madrid. Le chef de
cette légation ayant été rappelé, Falck
revint aussi en Hollande, qu'il retrouva
érigée en royaume pour Louis Bona-
parte. Très-apprécié du nouveau roi,
qui le considérait comme « un jeune
homme très-instruit et d'une grande
espérance «, Falck remplit successive-
ment les fonctions de secrétaire du mi-
nistère des affaires étrangères et du dé-
partement des colonies. Mais lorsque
Napoléon 1er eut décrété la réunion
effective de la Hollande à l'empire fran-
çais, Falck refusa tout concours. Il de-
vint même très-suspect à la haute police
et plus d'une fois, surtout au déclin de
l'empire, il eut à craindre les consé-
quences d'une surveillance persévérante.
Capitaine de la garde nationale d'Am-
sterdam, membre de l'Institut de Hol-
lande, il avait d'ailleurs acquis une
véritable importance. En 1813, il fut
un des promoteurs du soulèvement na-
tional contre la domination étrangère.
Il remplit un rôle éminent pendant cette
grande crise. Le prince d'Orange, qui
devint bientôt après le roi Guillaume 1er,
le récompensa en se l'attachant comme
secrétaire d'Etat. En cette qualité,
Falck prit une part considérable à la
fondation du royaume des Pays-Bas et
déploya une admirable activité dans le
cabinet de La Haye et dans les missions
dont il fut chargé à Paris et à Vienne.
Il participa largement à la fondation
des trois universités de Liège, de Lou-
vain et de Gand, et présida à la pose-
de la première pierre de cette dernière ;
il termina son discours d'ouverture par
ces mots mémorables : Perpétua estu !
Les vues qu'il préconisait étaient larges
et impartiales. En 1820, il avait été
nommé ministre du commerce, des co-
lonies, de l'instruction publique et des
beaux-arts. Il tenait surtout à ces der-
nières attributions, et il n'épargna au-
cun efl'ort pour justifier les sympathies
que son administration éclairée et conci-
liante faisait naître. On lui dut aussi le
rétablissement de l'Académie fondée par
Marie-Thérèse. Falck était le plus avisé
et le plus prévoyant des conseillers de
Guillaume 1er. En 1834, vers l'époque
où la politique du roi des Pays-Bas
allait prendre une direction exclusive et
dangereuse, Falck quitta le ministère
pour représenter son souverain à Lon-
dres. Il n'avait point désiré ce change-
ment; l'initiative venait du roi. Il résida
en Angleterre jusqu'en 1832, très-bien
vu des principaux hommes d'Etat et
consacrant ses loisirs à la lecture de
Plutarque dans l'original et à une nou-
velle étude des poètes latins. Lorsque,
vers la fin de 1829, il entreprit un
voyage en Italie, il ne se dissimulait
plus l'état inquiétant des esprits dans
les provinces belges. Les événements
qui se pressaient, en justifiant ses pré-
visions, le rappelèrent à son poste. Les
Belges se soulèvent et, dès le 11 sep-
tembre 1830, Falck considère la sépa-
ration du nord et du midi des Pays-Bas
comme un fait à peu près accompli.
Après l'insuccèsde l'expédition du prince
Frédéric contre Bruxelles, il se prononce
énergiquement contre toute nouvelle
tentative de dompter les Belges par la
force. Ambassadeur de Guillaume Iff à
Londres, il protestait, en acquit de son
devoir, contre les protocoles de la con-
férence; mais il ne croyait plus ni à la
reconstitution de l'ancien royaume des
Pays-Bas, ni à la restauration de l'an-
cienne dynastie en Belgique. Pour la
sécurité même de son pays, il désirait
réellement la fondation, dans les an-
ciennes provinces méridionales, d'un
Etat monarchique, que l'Europe pût
reconnaître et qui fût capable de servir
de boulevard à la Hollande. « Je ne puis
" désirer autre chose, disait-il, que
" l'établissement de cet avant - mur
» comme nous l'avons eu longtemps
" dans les Pays-Bas espagnols et autri-
861
FALCK — FALENS
862
« chiens. « Guillaume 1er avait des vues
tout à fait opposées. Aussi, au mois
d'avril 1832, Faick fut-il rappelé de
Londres et momentanément aifranchi de
tous devoirs politiques. Il passa l'hiver
à Nice, puis, au mois de juillet 1833,
il s'établit dans une modeste maison de
campagne près de La Haye. Elle s'ap-
pelait Het hiiis ter noot; sur la porte on
lisait : Deus nobis hœc otia fecit. Ce fut
peut-être l'époque la plus heureuse dans
la vie de Falck; il pouvait donner main-
tenant libre carrière à ses goûts, re-
prendre ses lectures favorites, corres-
pondre activement avec les savants,
redevenir enfin homme de lettres lui-
même. M. Cousin, qui le vit en 1836
dans sa retraite, le dépeignait en ces
termes : « Il est, à mes yeux, du très-
II petit nombre de véritables hommes
" d'Etat qu'il y ait aujourd'hui en Eu-
» rope, et il ne serait déplacé à la
If tête des affaires d'aucun pays. C'est
Il l'homme qui a le plus servi le roi à
Il son retour en Hollande. Il a été
Il d'abord secrétaire d'Etat, puis mi-
11 nistre de l'instruction publique, en-
II suite ambassadeur à Londres. Il occu-
« pait ce poste à la révolution de 1830;
Il il l'a quitté depuis quelques années, à
« la fin de la conférence, et il vit main-
« tenant à La Haye, en qualité de
Il ministre d'Etat très-considéré, mais
» non employé. M. Falck est profondé-
« ment Hollandais ; il possède les qua-
» lités de sa nation à un degré éminent.
" Celles que je lui ai d'abord reconnues
« sont la rectitude et la fermeté du
" jugement, plus de force que de sou-
" plesse, avec un grand gouvernement
" de soi-même... En politique, il m'a
» paru libéral à la façon de Niebuhr et
Il de Savigny, à la fois patriote et aris-
« tocrate dans le sens le plus élevé de
Il ces deux mots; en philosophie, il est
Il de l'école d'Hemsterhuis et de Wyt-
y tenbach ; en religion, antimétho-
II diste. Il — Après la ratification du
traité de paix du 19 avril 1839, Guil-
laume 1er s'adressa de nouveau au dé-
vouement de son sincère et fidèle con-
seiller; il le nomma envoyé extraordinaire
et ministre plénipotentiaire des Pays-
WOGR. NAT. — T. VI.
Bas à Bruxelles. Falck accepta cette
position délicate, mais à la condition
expresse qu'on le laisserait dans l'igno-
rance absolue des efforts que l'on pour-
rait faire secrètement, d'accord avec le
parti orangiste, afin de recouvrer le
trône perdu. Il avait de sa mission une
idée très-haute et très-sensée. Il vou-
lait, comme il le disait, détruire des
préjugés, éteindre des méfiances, forti-
fier même en Belgique, par ses conseils,
l'indépendance nouvelle et la neutra-
lité. Falck reçut la récompence de sa
droiture. Il fut dignement apprécié à
Bruxelles et y retrouva de vives amitiés.
Le savant obtint autant de succès que
l'homme d'Etat. Promoteur, le 17 mai
1816, du rétablissement de l'Acadé-
mie des sciences et des belles-lettres de
Bruxelles, membre honoraire de la com-
pagnie, Falck vint plus d'une fois s'as-
seoir parmi ses collègues. Les sympathies
des Belges le suivirent dans la tombe.
De 1839 à 1843, c'est-à-dire jusqu'à sa
mort, il avait noblement représenté son
pays dans la Belgique indépendante.
Les dépouilles mortelles de cet homme
éminent furent transportées à Utrecht
pour être déposées dans le caveau de sa
famille.
Falck avait épousé une dame belge, la
baronne de Roisin. Th. Juste.
Brievenvan A. R. Falck (1795-4843;, La Haye,
1857, 1 vol. in-8". Ces lettres ont été publiées par
M.-O.-W. Hora Siccama, qui fut aUaché à Falck
en la double qualité de neveu et de secrétaire. —
Arnbls-Drieven van A. R. Falck, 1802-1842. La
Haye, 1878, 1 vol. — Notice sur Falck par Que-
telel, dans son ouvrage Sciences mathématiques
et physiques chez les Belges au commencement
du xixe siècle, p. 702-726.
FAi:.coMO!«T {Thiery III »e),
homme de guerre, né au château de Fau-
quemont, dans le Limbourg, vers la fin
du xiiie siècle, mort en 1316. Voir
Fauquemont (TMéty De).
FALEXS (Charles va.u), peintre, né
à Anvers en 16 83, mort à Paris en 1733.
Elève de Constantin Francken, en 1696,
il s'adonna à l'étude du paysage, des
animaux et des figures en petit. A l'âge
de vingt ans, il se rendit à Paris, où il
réussit à se faire une réputation, non-
seulement comme peintre, mais aussi
28
863
FALENS — FALLON
864
comme restaurateur de tableaux. Il
acquit en cette qualité une notoriété si
considérable que d'importants travaux
au Louvre lui furent confiés; ce qui ne
l'empêcha pas de peindre de nombreux
tableaux dans le genre de Wouwerman.
Il poussa l'imitation si loin qu'il pour-
rait à bon droit passer pour un copiste
de ce maître. Sa vogue se soutint et le
conduisit à l'Académie, dont il fut reçu
membre en 1720. Il devint peintre du
roi de France et épousa en 1706 Marie
Slodtz, fille du sculpteur des bâtiments
du roi, et sœur des artistes de ce nom.
On connaît de lui, au musée du Louvre,
\in Rendez-vous de chasse et une Halte
de chasseurs, qui ne manquent pas de
charme. Ce furent ses morceaux de ré-
ception à l'Académie. Ils ont été gravés
par Moyreau en 1736. On voit de lui,
au musée de Stockholm, des Personnages
à cheval ; à Dresde, le Départ pour la
chasse au héron; au musée de Berlin, un
Paysage enrichi de figures. Lebas, Ave-
line et Filleul ont gravé d'après lui. La
touche de Van Falens est généralement
molle, mais il a su emprunter à Wou-
werman la coloration argentée de ses
meilleurs tableaux. Son pinceau est ha-
bile, et il met du soin à son exécution.
A la vente Dubois, qui eut lieu en
1861, on vendit de lui un Départ pour
la chasse au prix de 425 francs. Quel-
ques-uns de ses travaux ont été telle-
ment bien imités de Wouwerman, qu'il
n'est pas rare de rencontrer des collec-
tions où ils sont portés sous le nom de
leur illustre modèle. Ad.sïret.
FAL.L,iXE {Jean motte, dit), chi-
rurgien et naturaliste, né à Liège le
28 août 1719, y mourut vers 1790. Sa
famille était d'origine française. Paul
Motte, la Motte ou de la Motte ayant
épousé en 1625 Marie Fallize, une Lié-
geoise, l'usage substitua le nom de
Fallize à celui de Motte. Les descen-
dants de Paul se distinguèrent comme
chirurgiens pendant quatre générations;
notre Jean, qui représente la quatrième,
reçut sa licence du collège des chirur-
giens de Liège le 30 octobre 1741. Il
se signala particulièrement dans la pra-
tique obstétricale, ce qui lui valut d'être
choisi par le prince Velbruck, le 2 jan-
vier 1783, pour diriger une Ecole gra-
tuite sur Vart de V accoucheur , dont la
surveillance fut confiée à la Société
d'Emulation. Une institution semblable
avait été ouverte à Stavelot l'année pré-
cédente, et déjà le bienfait en était
apprécié ; l'école de Liège ne rendit pas
moins de services. Il fut décrété que les
sages-femmes ne seraient plus admises à
l'avenir par le collège des médecins, que
sur la production d'un certificat consta-
tant qu'elles avaient suivi assidûment
et avec fruit le cours de Fallize, asses-
seur dudit collège. Malheureusement
Hoensbroeck n'imita point le zèle de
son prédécesseur : l'école ne survécut
guère à Velbruck. Fallize a laissé quel-
ques écrits : lo Des Observations météo-
rologiques tenues de 1736 à 1783,
dépouillées plus tard par Thomassin et
mises à profit par E. Courtois, dans le
t. I de sa Statistique de la province de
Liège ; — 2'J un Essai sur l'analyse de
Veau minérale de la Grande-ïlémalle sur
Meuse, entre Liège et Huy. Liège, Ev.
Kints, 1750, in-8o; 2e édit., 1754.
L'auteur a répété les expériences faites
par le docteur de Presseux sur les eaux
de Spa : il croit » qu'ayant démontré la
» ressemblance des principes des eaux
Il de Spa et de Flémalle, il est naturel
" de conclure que les efifets et les vertus
" de ces fontaines doivent être sembla-
« blés u. Ul. Capitaine a relevé, dans
V Esprit des journaux, une intéressante
Lettre de M. W. Blakey à M. fallize,
chirurgien et savant naturaliste , sur le
mémoire de M. Ferret relatif à V acier.
Alphonse Le Roy.
L'I. Capitaine, Étude sur les médecins liégeois
Bull, de l'Institut archéol. liégeois, t. 111, p. 493
et suiTj. — A. Body, Bibliographie spadoise.
FALLO.'V {Jean-Baptiste-Isidore- Ghis-
Zam), jurisconsulte et administrateur, né
le 28 mars 1780, mort le 22 janvier
1861.
Ainsi que deux autres hommes qui
ont parcouru une brillante carrière : le
général et géographe Fallon, dont feu le
général Guillaume a écrit la biographie,
et Théophile Fallon, l'aucien président
86c
FALLON
866
de la cour des comptes, Isidore P'allon
naquit à Xamur de Louis-Augustin,
avocat -pensionnaire des Etats de Na-
mur, et de Marie-Françoise Stiénon.
Il fit de bonnes études et embrassa la
profession d'avocat, dans laquelle il se
fit remarquer par les qualités essen-
tielles du jurisconsulte : un jugement
sûr, une vaste érudition, une grande
application au travail.
Non-seulement il devint l'un des
membres les plus distingués du barreau
de sa ville natale, mais il y rendit de
grands services en acceptant des fonc-
tions pénibles et presque toujours ou
gratuites ou peu lucratives, mais dans
lesquelles il put s'initier à la science
de l'administration et se préparer à
occuper avec honneur des positions plus
importantes. Il avait à peine atteint sa
majorité et terminé son stage quand le
gouvernement français utilisa ses capa-
cités. Un arrêté du préfet du départe-
ment de Sambre-et-Meuse, du 14 ther-
midor an XII (2 août 180-i), le désigna
pour faire partie de la commission admi-
nistrative des hospices de Xamur et, le
2-i avril 1811, un décret de Napoléon 1er
le nomma premier substitut du procureur
impérial près le tribunal de la même
ville. La chute de l'empire n'eut pas
pour résultat de l'éloigner des positions
officielles; au contraire, il prit alors aux
travaux administratifs une part plus
active. Tandis qu'un arrêté royal du
18 décembre 1815 le nommait membre
de la régence namuroise, et qu'il entrait,
le It juin 1818, par la voie de l'élec-
tion, au conseil provincial, il ne renon-
çait pas à ses anciennes occupations
judiciaires. Il devint, le 16 décembre
1815, juge suppléant près du tribunal
de première instance de Namur; le 8 fé-
vrier 1817, l'avocat des domaines dans
la province de ce nom, et, le 28 août
suivant, l'avocat, près des tribunaux de
Namur et de Dinant, des administra-
tions des impositions indirectes et dos
convois et licences,
La révolution de 1830 le trouva
jouissant d'une grande réputation, et l'on
ne doit pas s'étonner si ses concitoyens
le choisirent, le 4 novembre, comme dé-
puté suppléant au Congrès national, où
il entra définitivement le 24 février
1831, comme remplaçant le baron de
Stassart , démissionnaire. Son mandat
législatif lui fut continué par ses conci-
toyens jusqu'en 1848 que, mis en de-
meure d'opter, en vertu de la loi sur les
incompatibilités, il donna la préférence à
sa position de président du conseil des
mines. A la chambre des représentants,
Fallon joua un rôle actif, mais plus réel
que brillant. Il ne prit jamais place
parmi les orateurs qui attirent et com-
mandent l'attention; mais il se fit dis-
tinguer par des qualités sérieuses. On le
vit^ en plusieurs circonstances, expri-
mer son opinion avec une grande fran-
chise : c'est ainsi qu'en 1831-1832 il
critiqua l'état de siège imposé à la ville
de Gand; en 1832-1833,11 accusa le gou-
vernement d'avoir manqué de déférence
envers la chambre et, à la session sui-
vante, il proposa un amendement qui
impliquait un blâme de la conduite du
ministère. Nourri des grandes idées de
liberté qui avaient inspiré les rédacteurs
de la Constitution et qui dominaient en-
core la plupart des membres des deux
chambres, il aurait voulu asseoir notre
régime municipal sur des bases plus larges
que celles qui sont inscrites dans la loi
communale. Il refusait une voix délibé-
rative au bourgmestre qui serait choisi
hors du sein du conseil de la commune
et prétendait que les échevins devaient
être élus par leurs concitoyens, comme
cela s'était pratiqué en 1830, et non
désignés par le roi parmi les conseillers;
ces deux points furent adoptés par la
chambre les 7 et 8 mai 1835, contrai-
rement à ce que le sénat avait décidé;
mais, au deuxième vote de la loi, un sys-
tème contraire prévalut, malgré l'oppo-
sition de Fallon. Il y eut alors de nou-
veaux débats, auxquels il participa moins
qu'aux premiers, mais il s'occupa beau-
coup de la loi sur les naturalisations, du
projet de loi sur les mines, du traité dea
vingt-quatre articles. Son influence était
devenue si grande qu'il fut élu vice-
président en 1832 et qu'il ne quitta ce
poste (sauf de 1833 à 1835) que pour
devenir président, le 18 novembre 1839;
867
FALLON
868
en 1842 (dans la séance du 8 novembre),
il allégua des motifs de santé pour
décliner cet honneur; en réalité, il
n'était plus en complète harmonie
d'idées avec ses collègues de la droite
qui constituaient alors la majorité.
Un homme tel que Fallon ne pouvait
passer inaperçu dans un gouvernement
constitutionnel, où le talent a mille oc-
casions de se produire et se met franche-
ment et naturellement en relief. Le roi
Léopold 1er l'appela, le 12 novembre
1831, à occuper le poste de ministre de
l'intérieur, ce poste si important auquel
on n'avait pas alors enlevé la direction
des travaux publics et celle de l'instruc-
tion publique; une trop grande défiance
de ses forces engagea Fallon à décliner
cette position éminente et difficile, pour
laquelle d'ailleurs il n'avait peut-être
pas l'aptitude nécessaire ; son esprit
studieux et tranquille se pliait mieux
aux paisibles travaux de cabinet qu'aux
occupations délicates et multiples d'un
homme politique. Cependant, en 1832,
lorsque les ministres, peu de temps
avant le siège de la citadelle d'Anvers,
présentèrent au roi leur démission col-
lective, il fut chargé de former une
nouvelle administration, mais cette ho
norable mission resta sans objet, les
ministres aj'ant consenti à reprendre
leurs portefeuilles.
Originaire d'une province où les mines
entrent pour une large part dans la
richesse publique, Fallon n'avait eu
garde de négliger les lois qui se ratta-
chent à leur exploitation, et chaque fois
qu'il en était question à la tribune na-
tionale, il avait pris une part impor-
tante à la discussion. Lorsque le Conseil
des mines fut organisé, il en devint le
président et le resta depuis le 27 mai
1837 jusqu'au 20 mai 1858, qu'il fut
admis à prendre sa retraite. La législa-
tion relative aux mines avait été négligée
du temps de l'administration hollandaise
et un grand nombre de gîtes houillers
et métallifères n'étaient ni explorés, ni
utilisés. Sous l'influence du mouvement
extraordinaire que la révolution de 1830
imprima aux esprits, les demandes de
concessions affluaient de plus en plus ;
les examiner et y répondre réclamait un
travail ardu et considérable. Le nou-
veau président du conseil y prit la plus
large part, feuilletant les dossiers, dis-
cutant les questions de droit les plus
épineuses avec une attention minu-
tieuse, et l'on peut dire que si les ri-
chesses du sol belge sont mises à profit
dans des proportions infiniment plus
fortes qu'elles ne l'étaient autrefois, on
le doit surtout à l'activité qu'il imprima
au service dont la direction lui était
confiée.
Fallon fut encore chargé, en 1838,
de concert avec Dujardin, depuis ho-
noré, comme lui , du titre de baron,
de réclamer de la conférence de Lon-
dres des modifications au partage de
la dette de l'ancien royaume des Pays-
Bas, et, en 1839, après la conclusion de
la paix, de régler, à Utrecht, avec des
délégués de l'administration hollan-
daise, des intérêts nombreux et compli-
qués. Chaque fois il s'acquitta avec
conscience de la tâche qu'on lui avait
imposée. Lors de la discussion qui s'en-
gagea à la chambre, en séance secrète,
du 28 au31janvieret le lerfévrier J 843,
au sujet de l'exécution du traité conclu
avec la Hollande le 3 novembre précé-
dent, Fallon rendit compte de la part
qu'il y avait prise; ses explications pa-
rurent si satisfaisantes, que la chambre
ordonna l'impression' de son discours.
Le gouvernement ne lui marchanda pas
les récompenses : nommé d'emblée offi-
cier de l'ordre de Léopold le 12 août
1839, il devint grand-officier le 1er juin
1845 ; il fut, à la fois, décoré de la croix
de fer et nommé commandeur du Lion
Néerlandais. Enfin, le 15 juin 1858, le
roi lui accorda une distinction qu'il
convoitait ardemment, plus pour les
siens que pour, lui-même : il fut créé
baron, et ce titre fut déclaré transmis-
sible à ses petits-fils puînés, Anatole-
Jules-Louis et Félicien-Frédéric-Marie,
pour être laissé par eux à leurs descen-
dants par ordre de primogéuiture.
Fallon ne survécut pas longtemps à
sa retraite des affaires publiques. Il mou-
rut à Namur, où il avait conservé sa
résidence habituelle, à l'âge de qua-
869
FALLON
870
tre-vingt-uu ans. Après avoir reposé
dans l'ancien cimetière de cette ville,
qui est devenu un magasin de bois, ses
restes ont été transférés, en 1866, au
nouveau lieu d'inhumation, à la Plante,
où sa tombe attend encore une inscrip-
tion. Il a laissé les plus honorables sou-
venirs dans l'administration qu'il a si
longtemps dirigée, et où l'on se rap-
pelle encore la bienveillance de son
caractère, l'étendue de ses connais-
sances, son activité et son intégrité.
Alphonse Wauters.
Renseignements ofiSciels. — Hymans, Histoire
de la Belgique, passim. — Le Livre d'or de
l'ordre de Léopold, p. 3i0. — Discours (resté
manuscrit) prononcé par M. Vinchent, succes-
seur de Fallon en qualité de président du Con-
seil des mines.
FAi.i.o^ {Louis- Auguste), homme de
guerre et géographe, né à Namur en
1776, mort à Vienne le 4 septembre
1828, fit ses études à l'Académie des
ingénieurs militaires de Vienne, d'où il
sortit le 1er septembre 1796. Il entra
dans l'armée autrichienne en qualité de
sous-lieutenantdugénie, etdèsle 1er août
de l'année suivante, il obtint le brevet
de lieutenant. Lorsque, au commence-
ment de l'année 1799, une nouvelle
guerre éclata entre l'Autriche et la
France, le lieutenant Fallon fut attaché
à l'état-major de l'armée commandée
par l'archiduc Charles et il assista aux
batailles de Stockach et de Zurich.
Nommé capitaine le 15 janvier 1803, il
passa, en cette qualité, à l'état-major du
quartier-maître général lorsque en 1805
l'Autriche, de concert avec la Russie,
entra de nouveau en lutte avec la France;
il assista à plusieurs combats de cette
immortelle campagne et notamment à la
bataille d'Austerlitz, où il fut blessé
après s'être vaillamment conduit. Le
18 août ISO 8, il fat élevé au grade de
major, et en 1809 il devint aide de camp
de l'archiduc Jean, chef d'une des trois
grandes armées que l'Autriche mit sur
pied contre la France. Les services dis-
tingués que le major Fallon rendit dans
ces nouvelles fonctions lui valurent le
grade de lieutenant-colonel qu'il obtint
le 27 septembre, un an seulement après
sa nomination de major. Le 13 octobre
1813, il reçut le brevet de colonel et
après l'évacuation de l'Italie par l'ar-
mée autrichienne, il fut appelé à la di-
rection générale du bureau topogra-
phique à Vienne.
Dans cette position, le colonel Fallon
rendit de grands services à sa patrie
d'adoption; il rédigea plusieurs ouvrages
fort estimés, fit dresser la carte de la
monarchie autrichienne et associa son
nom à toutes les grandes entreprises
scientifiques qui s'exécutèrent à cette
époque, notamment à la triangulation
exécutée, de concert, entre la France,
l'Autriche et plusieurs Etats italiens
pour déterminer la longueur de l'arc du
parallèle moyen compris entre Bordeaux
et la ville de Fiume, en Istrie. Ce fut
le général Fallon (il avait été nommé
général le 15 juillet 1825) qui, par la
méthode des feux à poudre, détermina
l'amplitude astronomique de l'arc com-
pris entre la tour de Saint-Justin de
Padoue et celle de Fiume. Ces observa-
tions délicates, qui furent insérées dans
les EpJiémérides de Milan pour l'an-
née 1829, se composaient de quatre-
vingt-dix feux à poudre, groupés de dix
en dix et donnés, pendant neuf jours sur
le Monte Maggiore par les officiers de
l'état-major autrichien. Ces feux étaient
observés simultanément dans la tour de
Saint-Marc à Venise par les officiers au-
trichiens, à l'Observatoire de Padoue par
le professeur Santini et par le général
Fallon dans le jardin Scarpa, près de
Fiume, au point précis où M. Biot de
l'Institut de France avait fait, en 1825,
des observations azimuthales et de lon-
gueur de pendule simple. Les résultats
de ces neuf séries de feux à poudre,
obtenus dans l'intervalle du 15 août au
3 septembre 1827, présentaient, dit le
colonel Broussaud dans son remarqua-
ble travail sur la mesure d'un arc de pa-
rallèle moyen entre le pôle et Véqtiateur,
une exactitude qui doit inspirer une
grande confiance, puisque, en admettant
que ces observations ne sont pas aflFectées
d'une erreur constante, le calcul des
probabilités fait voir que l'erreur pro-
bable du résultat moyen ne surpasse
871
FALLON — FALLOT-LAURILLARD
87^2
point huit centièmes (0,08) de seconde de
temps.
Parmi les ouvrages que publia le gé-
néral Fallon, le plus considérable est
sans contredit la carte en neuf feuilles
de l'smpire d'Autriche à l'échelle de
1,864,000. Elle porte le titre suivant :
Bas œderreicTiuche Kaiserthum mit be-
trachtlichen TJieilen der angrenzenden
Staaten. Cette carte est gravée sur cuivre
et elle fut publiée pour la première fois
en 1822. Dès son apparition, ce remar-
quable travail fut rangé au nombre des
plus parfaits qu'on eût possédés jus-
qu'alors; c'était, en effet, un véritable
monument.
Le général Fallon est encore auteur
d'un ouvrage intitulé : Hypsometrie von
Œsterreich mit Karten. Ce livre fut publié
à Vienne en 1825, après la mort de
l'auteur j il est chaque jour consulté
avec fruit. Céueral biron Guillaume.
Archives militaires de Vienne. — Ephémérides
de Milan pour 1829. — Biot, Traité élémentaire
d'astronomie et de physique. — Broussaud, la
mesure d'un arc de parallèle moyen entre le pôle
et Féquateur. — Paissant. IS'ouvelle description
géométrique de la France. — Guillaume, Notice
biographique sur le général Fallon. - Papiers de
famille.
F.4I.I.OT - L.%i]RiLL.%RD ( Cliarles-
Guillaume- Antoine) , ofBcier du génie,
écrivain stratégiste. Le nom de Fallot
est celui sous lequel ont été générale-
ment connus en Belgique deux frères
qui y ont laissé les plus honorables sou-
venirs. Leur nom patronymique était
Laurillard. Les familles Laurillard et
Fallot , victimes de la révocation de
l'édit de Nantes, s'étaient réfugiées
en 1685 en Hollande, et c'est là qu'elles
s'unirent, et de cette alliance naquit le
10 février 1787, à La Haye, Charles-
Guillaume-Antoine , lequel mourut à
Bruxelles le 18 septembre 1842. Son
père était médecin. Le soin de sa clien-
tèle absorbait tous ses moments et ne
lui laissait point le loisir de s'occuper
de l'éducation de ses enfants; mais il
était suppléé dans cette tâche par une
épouse douée d'autant d'intelligence
que de vertus et qui s'appliqua à faire
germer dans le cœur de ses enfants le
sentiment religieux en même temps
qu'elle ornait leur esprit. Le jeune
Charles ne jouit pas longtemps de ce
précieux enseignement; il n'avait que
dix ans quand la mort lui enleva cette
institutrice que nous donne la nature
et que rien ne remplace. La suite de
ses études s'en ressentit, et c'est à l'in-
fluence d'un parent, officier d'artille-
rie, qu'il dut de pouvoir aborder, dans
d'assez bonnes conditions, la carrière des
armes. Il fut admis, à l'âge de treize
ans (le 17 août 1800), comme élève d'ar-
tillerie, et fit, muni du grade d'élève
sous-officier, la campagne de Hanovre,
en 1806. Nommé sous-lieutenant dans
les armes du génie et de l'artillerie de
l'armée hollandaise en 1807, il fit partie
de la division envoyée en Espagne. Les
premiers faits d'armes auxquels il prit
part sont le combat sanglant de Du-
rango (appelé aussi de Zornoso) le 31 oc-
tobre, et la prise de Bilbao, le 1er no-
vembre 1808. Employé, durant l'hiver
qui suivit, à l'établissement des fortifi-
cations de ^ladrid, il rejoignit l'armée
active au mois de mars et assista aux
batailles de Medellin, le 28 mars, et de
Talavera, le 28 juillet 1809. S'étant
particulièrement distingué à cette occa-
sion, il fut proposé pour la Légion d'hon-
neur, et pour le grade de lieutenant ;
mais il n'obtint que l'avancemont et non
la décoration.
Rappelé dans sa patrie vers la fin
d'août de cette même année, il se trou-
vait de retour à La Haye le 4 octobre,
n fut alors attaché au bureau de la
guerre pour les travaux géodésiques. Le
royaume de Hollande ayant été sup-
primé et incorporé dans le vaste empire
français, C. Fallot fut envoyé, en qua-
lité d'officier d'état-major du génie, à
La Rochelle, en mai 1811. Il ne de-
meura pas longtemps dans cette situation
relativement peu active. Le 14 juillet,
il reçut l'ordre de rejoindre l'armée de
Catalogne commandée par le maréchal
Macdonald. Il trouva en arrivant le
brevet de capitaine, et c'est en cette
qualité qu'il prit part au siège de Fi-
guières et pénétra dans cette place, qui
capitula le 19 août. Les travaux extraor-
dinaires qu'il avait acceptés pendant ce
873
FALLOT-LAURILLARD
874
siège, bien que ses forces fussent affai-
blies par la fièvre, l'obligèrent, dès le
lendemain, de se faire transporter à
l'hôpital de Perpignan. On peut attri-
buer les fièvres intermittentes, qui le
tourmentèrent à maintes reprises pen-
dant tout le reste de son existence, aux
fatigues et aux privations qu'il avait
supportées durant cette campagne.
Dès qu'il put reprendre son service,
il fut envoyé à l'île d'Oléron qu'on
craignait de voir attaquée par les An-
glais. Fallot fut chargé de mettre cette
île en état de défense.
L'année 1813, qui vit s'aggraver les
désastres de l'empire français, offrit à
Fallot un nouveau théâtre. Une armée
d'observation se réunissait à Udine,
sous les ordres du prince Eugène de
Beauharnais ; il y fut envoyé et prit une
part importante aux opérations qui si-
gnalèrent la savante retraite du vice-roi
dans le Tyrol inférieur. A la journée de
Bassano, il mérita d'être mis à l'ordre
du jour de l'armée. Il avait été chargé
de reconnaître les positions de l'ennemi
et, sous le feu des tirailleurs tyroliens,
il avait levé tous les points occupés par
les troupes autrichiennes. L'étoile de la
Légion d'honneur qui, pour la seconde
fois lui était promise sur un champ de
bataille, lui fut enfin décernée; il en
reçut le brevet le 3 décembre. Ses ser-
vices ne furent ni moins importants ni
moins appréciés aux combats de Cal-
diero, le 15 novembre, de Castagnero,
le 4 décembre 1813, et de Minao, le
8 février 1814. Fallot pouvait donc
croire qu'un brillant avenir allait s'ou-
vrir devant lui. Capitaine à vingt-sept
ans, et décoré, que ne pouvait-il pas
espérer dans une armée toujours en
mouvement et où la mort faisait tant de
vides ! La chute de l'empire vint inter-
rompre une carrière si bien commencée.
Dégagé de son serment par l'abdication
de Fontainebleau, il rentra dans sa
patrie, mais ne fut incorporé à l'armée
des Pays-Bas que le 8 décembre 1815.
Il n'eut donc point la douleur de com-
battre ses anciens frères d'armes dans les
plaines de Waterloo.
Son grade lui avait été conservé ; mais
il n'avait pas reçu d'avancement lors-
que, en 1826, il quitta le service. Il
avait pourtant été activement employé ;
c'est lui qui avait étudié et fait exécuter
les fortifications de la ville de Menin.
La croix de l'ordre militaire de Guil-
laume lui avait été décernée en 1823.
Lorsque cette grande entreprise fut
terminée, il aurait voulu prendre sa
retraite, mais le prince Frédéric, alors
ministre de la guerre, qui avait pour
Fallot beaucoup d'estime, lui accorda la
jouissance du traitement de non-activité.
Il n'avait que trente-neuf ans; mais il
payait de sa personne depuis l'âge de
treize ans, il avait bien le droit de jouir
enfin du repos. Il se retira à Xamur où
il se maria en février 1828. C'est dans
cette situation que le trouva la révolu-
tion qui eut pour conséquence la sépa-
ration des deux parties constituant le
royaume des Pays-Bas.
Ce qui avait décidé son choix en fa-
veur des bords de la Meuse, c'est d'abord
la présence à Xamur de son frère aîné,
Louis, le docteur, qui s'y était marié
en 1817, et ensuite la prédilection qu'il
a toujours montrée pour les sites pitto-
resques du fleuve qui baigne- les rem-
parts de cette forteresse.
Durant la nouvelle interruption de
ses services militaires, il ne demeura
point oisi^. Il occupa ses loisirs par des
travaux scientifiques et littéraires et, ne
pouvant se passer d'activité physique, il
remplit les fonctions d'ingénieur civil
et construisit plusieurs routes, notam-
ment celle de Dînant à Neufchâteau.
Devenu Belge après la séparation des
deux parties qui avaient constitué le
royaume des Pays-Bas, le capitaine Fal-
lot ne fat cependant rétabli sur les cadres
de l'armée qu'en février 1834 et n'ob-
tint que l'année suivante le grade de
major. Il était entré comme professeur
du cours d'art militaire et de fortijica-
tioti dans le personnel enseignant de
l'école militaire nouvellement créée à
Bruxelles, Il conserva cette fonction
jusqu'à sa mort. Les autorités les plus
compétentes ont rendu hommage à l'ex-
cellence de ses leçons dont on peut d'ail-
leurs apprécier le mérite au moyen des
87S
FALLOT-LAURILLARD
876
écrits que l'habile professeur a laissés.
Ses travaux théoriques s'appuyaient en-
core, même durant cette période, de
l'expérience pratique. A la demande du
ministre de la guerre, il avait accepté
de s'occuper des projets de fortification
de Diest. Lorsque le ministre Desmai-
sières proposa au roi d'organiser la com-
mission chargée de publier les Annales
des travaux publics , le professeur eut sa
place marquée dans cette commission,
dont il fut nommé secrétaire par arrêté
royal du 8 novembre 1841. Il ne devait
pas conserver longtemps ces fonctions,
dans lesquelles il déploya pourtant un
zèle et une activité qui ne cédèrent que
devant la maladie, forcé qu'il fut, dès
l'été suivant, d'aller demander aux eaux
de TViesbaden le rétablissement de sa
santé.
La croix de l'ordre de Léopold vint
se joindre sur sa poitrine à la Légion
d'honneur et à l'ordre militaire de Guil-
laume, témoignage des services qu'il
avait rendus à sa patrie sous les trois
régimes auxquels elle avait été soumise
pendant les quarante dernières années.
Voici le relevé des travaux scientifiques
et littéraires qui ont été le produit de
l'activité intellectuelle de Charles Fal-
lût : lo De V application de la vapeur à la
défense des places fortes. Ce mémoire ,
divisé en six chapitres , rédigé vers
1833, avait attiré l'attention de l'au-
torité sur le savant officier et déter-
miné le gouvernement à lui confier un
cours à l'école militaire. Il ne fut tou-
tefois imprimé qu'en 1843 , après la
mort de l'auteur, dans les trois pre-
mières livraisons du tome troisième de
la Revue militaire belge . — 2» Cours d'art
militaire, ou leçons sur Vart militaire
et les fortifications. Les deux premières
parties, publiées en 1837, traitent de
la tactique et de la fortification de cam-
pagne; la troisième (1839), de l'histoire
de la fortification permanente; la qua-
trième (1841), de l'application des prin-
cipes de la fortification aux terrains
accidentés. La cinquième partie pose
d'une manière spéciale les règles de l'at-
taque et de la défense des places. Cette
partie a été publiée, après la mort de
l'auteur, par les soins du capitaine La-
grange. Ce livre eut un grand succès
auprès des principales puissances mili-
taires de l'Europe. — S^ De la neutra-
lité de la Belf/ique et de l'armée, brochure
in-B^, qui parut en 1839, chez Demat, à
Bruxelles, avait pour épigraphe ce dic-
ton populaire : Qui se fait brebis, le loup
le mange, indiquant suffisamment dans
quel esprit elle était écrite.
On ne peut omettre une autre publi-
cation, d'un caractère tout diff"érent, et
qui témoigne de la variété des aptitudes
et de l'enjouement que cet esprit sérieux
savait quelquefois manifester. Le petit
volume in-18, imprimé en 1835 chez
Collardin, à Liège et portant le titre de
Canzoniere, range Ch. Fallot parmi les
meilleurs chansonniers de notre pays. Le
baron de Stassart, qui a consacré à
C. Fallût, dans les Annales des travaux
publics, une notice aussi élégante par la
forme quevéridique pour le fond, appré-
cie ce petit volume en ces termes :
" Sous la modeste forme de chansons,
" s'y trouvent fondus, avec un talent
" fort remarquable , la malice et la
" bonhomie; l'esprit et le naturel; la
" philosophie la plus élevée, la sensi-
" bilité la plus exquise et la gaieté la
" plus franche, la plus expansive. Je
" n'ai rien vu dans les meilleurs chan-
" sonniers français, de plus attachant
" que la Dédicace, la Belgique, le Pont
Il aux ânes, les Consolations, la Fin du
Il monde, la Crémaillère , le Départ, En
Il avant, V Arc de triomphe de VEtoile,
Il V Aveugle, les Revenants... .Te n'hésite
« pas à le dire, Désaugiers et Béranger
'/ ne désavoueraient point ces char-
« mantes pièces et vingt autres que je
" pourrais citer. J'ai besoin toutefois
Il d'ajouter, pour être bien compris.
Il qu'elles ne brillent pas de cet admi-
" rable coloris poétique de trente à
" quarante chefs-d'œuvre qui font de
• l'auteur du Dieu des bonnes gens un
" homme à part et le placent au pre-
» mier rang de nos poètes lyriques. »
Ce petit volume, qui compte 280 pages,
n'est pas tout entier de Charles. Il con-
tient plusieurs pièces de Louis, le frère
aîné, le docteur que l'Académie royale
877
FALLOT-LAURILLARD - FALLÛT DE BEAUMONT
878
de médecine de Belgique a compté parmi
ses illustres présidents. C'est ce que
nous apprend un passage de la courte
préface. » Toutes ces chansons, cepen-
« dant, ne sont pas de moi; mais celles
Il qui ne me sont pas propres partent
» d'une main si chère, si étroitement
Il unie à la mienne qu'on peut les con-
II fondre sans inconvénient. Si l'on ren-
II contre quelques couplets dont la pen-
II sée est plus délicate, la tournure plus
Il vive, l'expression plus heureuse, on
Il peut les attribuer à mon frère; ni l'un
Il ni l'autre, nous n'aurons droit de
Il nous plaindre. «
Charles Fallot a laissé plusieurs tra-
vaux inédits qui ne sont pas sans impor-
tance et qui présentent au moins un
certain intérêt anecdotique. De 1806
à 1814, il a tenu un journal de ses
voyages, de ses relations de service et
de société, des événements auxquels il
a participé. Ayant contracté l'habitude
de tenir note de l'impression qu'il res-
sentait de ses lectures, il a écrit un
énorme volume in-folio dans lequel est
consignée l'analyse de plus de cinq cents
ouvrages sur toute sorte de matières :
histoire, politique, voyages, œuvres
scientifiques, poésies, romans, beaux-
arts, etc. Ce manuscrit renferme en
outre de piquantes anecdotes parmi les-
quelles son biographe, M. le baron de
Stassart, a exhumé celle qui a rapport à
l'offre de la couronne de Belgique que
M. J. Lebeau aurait faite au général
La Fayette.
C. Fallot s'est aussi essayé dans le
roman et dans l'art dramatique. On a
trouvé après sa mort, parmi ses papiers
une nouvelle intitulée : Les Deux Com-
tesses, et quatre vaudevilles : La Croi-
sade ou le Départ pour la Grèce; A bon
chat hon rat; V Avoué comédien, et la Sen-
sibilité ou V Homme des métaphores.
Charles Fallot, aussi bien que son
frère Louis, a montré que les hommes
les plus éminents peuvent allier à l'étude
sérieuse des sciences le goût de la poésie
et que, pour être un illustre médecin et
un ingénieur excellent, il n'est pas ab-
solument nécessaire d'avoir fait divorce
avec les lettres et les arts. l. Aivio.
* FAI.I.OT OE BEACMOiîT {Etieune-
André-François de Paule), évêque de
Gand, né à Avignon le 1er avril 1750.
mort à Paris le 26 octobre 183.5. Il des-
cendait d'une ancienne et noble famille,
embrassa l'état ecclésiastique, devint
successivement vicaire général de Blois,
coadjuteur de l'évêque de Vaison dans
le comtat d'Avignon, puis évêque en
titre, mais il vit supprimer son siège par
la Constitution civile du clergé, fut forcé
de chercher un asile dans les Etats pon-
tificaux en Italie, et de donner sa démis-
sion en 1801, lorsque Pie VI la demanda
à tous les évêques français. L'année sui-
vante, Napoléon le nomma évêque de
Gand ; il reçut sa nomination canonique
le 15 mai 1802, vint résider dans sa
ville épiscopale dès le mois suivant et
s'occupa immédiatement de l'organi-
sation de son vaste diocèse, qui com-
prenait alors les départements de l'Es-
caut et de la Lys avec une population
de plus de 1,200,000 âmes. Le 15 juil-
let suivant, il institua, pour l'adminis-
tration diocésaine et, particulièrement,
pour le district de Gand, qu'il s'était
réservé, un conseil épiscopal, érigea,
pour la partie soumise autrefois aux
Etats de Hollande, quatre cures secon-
daires qu'il pourvut d'églises, et obtint,
grâce à ses Wves instances, le décret du
30 novembre 1S02, créant plusieurs
nouvelles paroisses et succursales, La
même année, en vertu des pleins pou-
voirs reçus du cardinal légat, il orga-
nisa son chapitre cathédral et érigea
vingt nouveaux doyennés. Le concordat
ayant aboli tous les privilèges et usages
des anciens chapitres, l'évêque dressa
de nouveaux statuts, qui reçurent l'ap-
probation du cardinal-légat et du gou-
vernement impérial. Il formula les
instructions pour les confesseurs et les
prédicateurs ainsi que sur les cas réser-
vés; cette matière difficile fut éclaircie,
par ordre du prélat, dans un petit ou-
vrage publié en 1805, où tous les doutes
sont levés par l'explication authentique
de l'ordinaire.
Pour parvenir à s'entourer d'un clergé
instruit, il remit en pratique les exa-
mens et les concours. C'est dans le
879
FALLOT DE BEAUMONT — FANTON-LEKEU
880
même but qu'il travailla avec tant de
zèle à l'établissement de son séminaire,
où il créa un cours de philosophie, y
réunissant, en même temps, un collège
ou petit séminaire, transféré plus tard
à l'ancien couvent de Sainte -Barbe, que
le séminaire venait d'acquérir par dona-
tion. L'évêque avait aussi établi un
petit séminaire à Roulers. On lui doit
encore plusieurs instructions pastorales,
destinées à inculquer au prêtre l'obliga-
tion d'édifier le peuple par ses œuvres,
ses paroles, son maintien, et d'utiliser
ses talents; il encouragea particulière-
ment la pratique des retraites ecclé-
siastiques. C'est de la Flandre que ces
réunions sacerdotales, consacrées au
recueillement, furent étendues, long-
temps après, à d'autres diocèses de la
Belgique.
On sait que, par suite de la suppres-
sion des couvents et des corporations
religieuses, le pape avait soumis le
clergé régulier à la juridiction de l'or-
dinaire. Mgr de Beaumont adressa, le
28 novembre 1803, aux religieux de-
meurant dans son diocèse, une instruc-
tion paternelle, afin de les assurer de
sa bienveillance; il ne pouvait d'abord
les placer tous ; mais pour leur faciliter
la vie commune, il érigea en succur-
sales l'église des Augustins et celle de
Sainte-Anne à Gand, comme il avait érigé
en oratoires publics les églises des Do-
minicains, des Carmes chaussés et dé-
chaussés; il en avait confié l'administra-
tion aux religieux respectifs. Il en fit de
même dans d'autres endroits du dio-
cèse.
En 1807, Mgr. Fallot de Beaumont
fut transféré au siège de Plaisance et
eut pour successeur à Gand le prince de
Broglie. Ici nous entrons dans une nou-
velle phase de la carrière de De Beau-
mont. Lors du concile de 1811, il
compta parmi les prélats les plus dé-
voués à la politique de Napoléon ; aussi
fit-il partie de la députation envoyée à
Kome, au mois d'août, pour obtenir du
pape quelques concessions. En 1813, il
fut nommé au siège archiépiscopal de
Bourges, dont il prit possession, sans
cependant recevoir des bulles d'institu-
tion. Lors des cent jours (mars 1816),
Napoléon le nomma son premier aumô-
nier et le fit entrer ensuite à la chambre
des pairs. Ce fut lui qui, à la cérémonie
du Champ de Mars, présenta le livre
des évangiles à l'empereur pour faire le
serment. Enfin, en 1816, il renonça à
son évêché de Plaisance, dont il était
encore titulaire, obtint une pension de
l'archiduchesse et se retira à Paris, oii
il mourut. Aug. Vander Meersch.
Journal historique et littéraire de Liéqe, t. II.
p. 427. y ' .
FAWMics (Guillaume) ou Fanius,
chanoine de Saint-Materne " dans la
cathédrale de Liège « , dit Abry, naquit
vers le milieu du xvie siècle ; il vivait
encore en 1608. Jean de Rieux (Rivius),
docteur en théologie et moine augustin
à Louvain, possédait les manuscrits auto-
graphes de trois ouvrages de la composi-
tion de Fannius, savoir : Chronicon uni-
versale , potissimum hujus patria ; — De
vita S. Jnliance (Sainte Julienne de Cor-
nillon) et institidione Ven. Sacramenti;
— Vita S. Annœ. Le P. Bertholet cite
Fannius dans la préface de son Histoire
de V institution de la Fête-Dieu.
Alphonse Le Roy.
Abry. — Foppens, Bibl. belgica, t. 1.
FAXTOX-tEKEC (H.-J. -Ferdinand),
paysagiste, né à Liège vers 1791, y
mourut le 28 juin 1858. Vivroux fut
son professeur de dessin ; Hennequin et
ensuite Eug. Verboeckhoven lui appri-
rent à manier le pinceau. L'influence de
ce dernier maître est sensible dans ses
meilleures compositions, celles où figu-
rent des moutons. On connaît de lui,
outre quelques tableaux, un assez grand
nombre de dessins à la mine de plomb,
d'une touche élégante et délicate, qui
lui valurent une médaille au salon de la
Société d'Emulation. Il dessinait aussi
à l'encre de Chine; la collection de
l'université de Liège renferme quelques
intéressants spécimens de son talent,
entre autres une Vue des ruines de la
cathédrale de Saint- Lambert, une Scène
de buveurs, etc.; comme peintre, il a
laissé une Vue prise aux environs de
Chaud fontaine , des Paysages avec bes-
881
FANTON-LEKEU — FARDÉ
88-2
tiaux, un Clair de lune, des Effets de
soleil couchant, etc. Fanton était d'une
modestie excessive ; moins défiant de
lui-même, avec un peu plus d'initiative,
il eût certainement obtenu mieux que
des succès d'estime. Ses dessins n'ont
pas cessé d'être recherchés.
Alphonse Le Ror.
Becdelièvre. — Piron, Byvoeqsel. — L'I. Capi-
taine, Nécrologe liégeois dSoS;. — Ad. Siret,
l)icc. des peint/es. — Renier. Catalogue des des-
sins de la collection de Liège. — Souvenirs per-
sonnels.
FARABERT OU PhARABERT ,
XLIe évêque de Liège et abbé de
Lobbes, fut élevé à cette double dignité
en 947 et mourut le 28 août 953. Jean
d'Outremeuse le dit fils d'un comte de
Saint-Pol et, par sa mère, petit-fils d'un
comte de Xamur : on sait à quoi s'en
tenir sur les généalogies fantaisistes du
bon chroniqueur. Ce qu'il y a de positif,
c'est que Farabert fut tiré du monastère
de Prûm et qu'il ne brilla guère, lors-
qu'il se vit appelé à diriger celui de
Lobbes, par son zèle à y faire observer
la discipline et la frugalité : il est vrai
qu'au milieu de ce malheureux xe siècle,
l'anarchie et le relâchement régnaient
un peu partput, dans les cloîtres comme
dans les cours. En 948, notre prélat fut
appelé à siéger au concile d'Ingelheim,
où fut excommunié Hugues, comte de
Paris, " usurpateur du siège de Eeims « .
Rentré dans son diocèse, il consacra ses
soins à l'agrandir et à en régulariser
l'administration. C'est ainsi que, d'une
part, il obtint de l'empereur Othon,
en 949, à la demande du duc Conrad,
l'annexion du monastère d'Eyck (près
Maeseyck) à l'église de Liège, et que,
d'autre part, il divisa en paroisses sa
ville diocésaine et fit bâtir plusieurs
nouveaux temples. Fisen rapporte que
saint Gérard, obligé de se rendre en
France, alla le voir pour le prier de
prendre sous sa protection l'abbaye de
Brogne aussi longtemps qu'il resterait
absent ; nous croyons qu'il y a ici confu-
sion (voir de Marne, Hist. de Namur).
De même que ses prédécesseurs, Fara-
bert s'attacha fermement à la politique
des empereurs et contribua, pour autant
qu'il fut en lui, à réprimer les tentatives
d'insurrection des seigneurs lotharin-
giens. Sa mort coïncide à peu près avec
l'avènement de Brunon le Grand au
duché de Lotharingie; il eut pour suc-
cesseur à Liège le célèbre Rathère.
ÂlpboDEe Le Roy.
Les historiens liégeois. — Wauters, Table det
diplômes, etc.
FARCIE {Jacques »e), écrivain ecclé-
siastique, né dans la partie wallonne
de l'ancien duché de Brabant, versl570
ou 1580, mort le 22 août 1633. Il prit
l'habit des frères mineurs ou récollets,
s'appliqua particulièrement au minis-
tère de la chaire et s'acquit un certain
renom comme prédicateur. La théologie
morale, dont il fut assez longtemps lec-
teur, était l'objet de ses études favo-
rites. Son mérite l'éleva aux emplois
et lui procura plusieurs fois la charge
de gardien. Il connaissait parfaitement
plusieurs langues étrangères. Envoyé à
Maestricht pour le service des malades,
il y contracta les germes d'une maladie
qui l'emporta au tombeau, au couvent
de Weert, dans le Limbourg. On lui
doit, indépendamment d'autres opus-
cules, l'ouvrage suivant : Traité de la
vraie manière de servir Bien, composé en
espagnol par le R. P. Alphonse de Ma-
drid, traduit en latin far le R. P. Hen-
tenius, docteur de Louvain, et mis en
famand par le P. Jacques de Farcin,
récollet. On ignore la date et les autres
particularités relatives à cette version.
Aog. Vander Meersch.
Sweertius, Aihenœ belgicœ, p. 361. — Waddin-
gius, Scriptores nrdinis Min. — Paquot, Mémoires
littéraires, t. XVIU, p. ^4.
FARDÉ {Pierre) ou Fardet, voya-
geur, missionnaire, naquit à Gand en
1651 et mourut à Aix-la-Chapelle le
16 juin 1691, épuisé par les chagrins
et les fatigues, après les aventures les
plus étonnantes. 11 entra jeune dans
l'ordre des récollets où il fit sa profession
en 1671. Vers 1680, il obtint de se<v-
supérieurs l'autorisation de partir pour
la Terre Sainte ; après avoir séjourné à
Jérusalem jusqu'en 1683, il fut renvoyé
dans son pays afin de quêter pour la
délivrance des chrétiens retenus pri-
sonniers en Palestine, et se rendit à cet
883
FARDÉ — FARIAUX
884
effet en Hollande et en Angleterre. En
1686, il fut de nouveau envoyé en Pa-
lestine et s'embarqua à Amsterdam. Le
navire qui le portait, après avoir failli
être capturé par des pirates algériens à
la hauteur des Açores, finit par être pris
en entrant dans la Méditerranée. Fardé
et trois de ses compagnons furent vendus
à un riche Arabe qui les emmena à Agades
en Nigritie. Notre récollet parvint à
s'insinuer dans la confiance de son
maître, grâce à ses connaissances en
architecture, et lui construisit une mai-
son de campagne. Poussé par son zèle
religieux, il convertit deux cents des
ouvriers employés aux travaux. L'auto-
rité, ayant eu connaissance du fait, le
condamna à recevoir cent coups de bâ-
ton, à être conduit autour de la ville et
battu de verges dans l'intervalle. Son
maître nommé Soura Belya ayant payé
deux cents rixdalers pour le crime de
son esclave et promis de le renvoyer
hors du royaume aiissitôt que la maison
serait achevée, Fardé en fut quitte à bon
marché, mais Soura Belya entendait être
remboursé avant de le mettre en liberté.
Le récollet écrivit alors à ses supérieurs,
et en avril 1688, il apprit, par l'inter-
médiaire d'un négociant hollandais
nommé Calk, établi à Saint-Georges sur
les côtes de Guinée, que la somme était
à sa disposition. Il put alors partir et se
mit en route pour Saint-Georges à tra-
vers les plaines et les montagnes; deux
Maures le conduisirent jusqu'à Ouber;
plus loin il fut attaqué et dépouillé par
des Arabes, et quelques jours après,
empoisonné par des fruits vénéneux que,
poussé par la fain, il avait mangés sans
en connaître les propriétés. Heureuse-
ment pour lui, une caravane le recueillit
et le conduisit presque expirant à Congo.
De là il partit avec une autre caravane
pour Angora, où il s'embarqua pour
Saint-Georges. En passant près de l'île
<le Sainte-Hélène, le navire fut assailli
par une tempête et abîmé dans les flots.
Fardé s'accrocha à une planche et par-
vint .seul à se sauver; il fut jeté mou-
rant sur un îlot désert après avoir été
ballotté durant trois jours et quatre
nuits, n séjournait là depuis cent qua-
rante-trois jours, ne se nourrissant que
de poisson et d'eau, quand il aperçut un
navire qui envoya un canot pour le
prendre. Par malheur ses sauveurs étaient
des pirates qui le conduisirent à Salé,
où il dut travailler à réparer les navires;
il y lia connaissance avec un marchand
de Hambourg qui l'aida à se racheter,
quitta l'Afrique et arriva à Hambourg
en décembre 1690; de là il se rendit à
Gand. Afin de rétablir sa santé ébranlée,
il alla prendre les eaux à Aix-la-Cha-
pelle, où il mourut. Fardé a laissé des
lettres d'où sont extraits les renseigne-
ments contenus dans cette notice. Ces
lettres sont d'une lecture attachante et
témoignent de l'énergie et du courage
de cet homme qui était maigre, blond
et fort frêle en apparence. Elles ont été
imprimées à Gand chez Aug. Graet,
à V Ange , en 1720 en un in-12 de
92 pages et en 1778 à Bruges, chez la
veuve Beernaerts en un in - 8» de
125 pages. Elles portent le titre de ;
Copie van de brieven van den godvrucJi-
tigen religieus broeder Peeter Fardé,
minderbroeder recollet van de provincie
van S. Joseph, in //et graefschap Vlaen-
deren, en and ère brieven van diversche
persoonen, die schryven vjat hem over-
komen is onderwege, als hj voor de tweede
mael zoude gaen naer Jérusalem, waerom
hy deze reyze aenveerde, en hoe hy gevan-
gen werd door de algiersche zeeroevers ,enz .
Emile Varenbergh.
Blonimarl, De nederduitache schrijvers van
Gent. — Baron Jul. de Saint-Génois, Les voya-
geurs belges. — Piron, Levensbescin-yringen. —
Lettres de Fardé.
FARiAVX {Jacques »e), vicomte de
Maulde, né à Mous le 8 janvier 1627,
mort à Ath le 26 avril 1695, entra au
service dans les armées espagnoles, et
après s'être fait remarquer au siège de
Valenciennes en 1656, pendant l'expé-
dition du Portugal en 1662 et au siège
de Villa- Viciosa en 1667, il devint suc-
cessivement colonel d'un régiment d'in-
fanterie et général de bataille en 1673.
Lorsque Louis XIV, préludant à la
conquête des Provinces-Unies et cédant
aux sollicitations de l'électeur de Co-
logne qui voulait se débarrasser du voi-
885
FARIAUX — FARVACQUES
886
sinage des troupes hollandaises, vint en
personne assister au siège de Maestricht,
le premier de ces grands sièges qui
tiennent dans l'histoire militaire de ce
temps une place importante, il trouva le
général Fariaux à la tête de la garnison
de cette place. Il fallut le génie de Vau-
ban et la perfection que ce grand homme
de guerre avait introduite depuis peu
dans la conduite de l'attaque des fortifi-
cations pour vaincre le courage héroïque
que Fariaux sut inspirer à ses soldats
qui luttèrent pendant vingt et un jours
de tranchée ouverte et ne capitulèrent
que lorsqu'ils y furent contraints par la
beourgeoisie de la ville. Louis XIV ne
put refuser d'honorer la valeur de son
ennemi.
Fariaux qui, pendant sa carrière, avait
assisté à trois grandes batailles et à dix-
neuf sièges, fut nommé, par Charles II,
chevalier de la Toison d'or, membre du
conseil de guerre et gouverneur de la
viUe d'Ath en 1690. Sa terce de Maulde
avait été érigée en vicomte en 1679. Ce
guerrier fut inhumé dans l'église de
Saint- Julien, d'Ath, mais la foudre dé-
truisit son mausolée le 10 août 1817.
Général baron Guillaume.
Boussu, Histoire de Mons. — Roussel, Histoire
de Louvois. — Baron de Stassart, Biographie de
Fariaux.
FARi.\'.%BT (Jean), écrivain ecclé-
siastique, né à Chièvres (Haiuaut), en
1560, mort le 3 juin 1635. Ayant ter-
miné ses humanités au collège d'Ath, il
résolut d'embrasser la vie monastique
et entra, le 2 juillet 1577, à l'abbaye de
Cambron, de l'ordre de Cîteaux. Ses
supérieurs l'envoyèrent à Douai pour
y étudier la théologie; il y obtint le
grade de bachelier et plus tard (14 octo-
bre 1598) celui de docteur. Le père
Farinart remplit successivement diverses
charges : d'abord directeur de l'abbaye
des Prés à Douai, de 1590 à 1595, il
fut ensuite prieur et abbé de celle de
Cambron (16 janvier 1614). Il devint
enfin vicaire général de son ordre pour
les monastères des Pays-Bas et de la
principauté de Liège et assista, en 1626,
comme définiteur au chapitre général de
Cîteaux, où il eut l'occasion de pronon-
cer des harangues.
Pendant son administration il effectua
de notables améliorations au monastère,
à ses dépendances, ainsi qu'à la biblio-
thèque; grâce à ses soins, l'église fut
aussi enrichie de diverses reliques.
Il mourut à Cambron et fut enterré
sous une tombe de marbre, où l'on voit
son efiigie en bronze et son épitaphe
rapportée par Paquot (Mémoires litté-
raires, t. VII, p. 36). On lui doit :
Liber de statu religioso, recueil manu-
scrit de ses leçons à Cambron ; ce livre y
était conservé en manuscrit, ainsi que le
suivant : De histitutione novitioritm. S'il
faut en croire le père Ch. De Visch, le
biographe de l'ordre de Citeaux (qui en
possédait pareillement un exemplaire),
l'ouvrage est excellent et plein d'éclair-
cissements précieux.
Aug. Vander Meerscli.
De \isch,Bii)liotheca scriplorum ordinis cister-
cieiisis, p. "218. — Ant. le Waitte, Hist. Cambe-
ron. — to])])ens, Bibliotheca belyica,l. II, p. 637.
— Brasseur, Sydera Hannoniœ.
f.%r^'E!^e: (Henri), philosophe, mo-
raliste, professeur, né à Liège à la fin
de la première moitié du xvie siècle,
mort à Pavie en 1609. Voir De Four
(Henri).
FA»v.4CÇUE!i» (François), écrivain
ecclésiastique, né à Lille en 1622, dé-
cédé à Louvain le 30 juillet 1689. Après
avoir terminé ses humanités, il embrassa
la vie religieuse chez les ermites de
Saint-Augustin dans le couvent de sa
ville natale, où il fit sa profession. Il
enseigna, pendant quelque temps, la
philosophie au collège du Koi, à l'uni-
versité de Douai. Envoyé au couvent de
Louvain en 1655 pour s'y perfectionner
dans l'étude de la théologie, il prit, le
23 septembre 1657, le grade de docteur
en cette science. Il donna ensuite un
cours de théologie aux jeunes religieux
de l'abbaye noble de Sainte-Gertrude, à
Louvain, et continua ces leçons jusqu'en
1680 environ, tout en remplissant les
fonctions de régent des études dans son
propre monastère. Son séjour à Louvain
lui fit faire la connaissance de son con-
frère Chrétien Lupus, religieux augustin
887
FARVACQUES
888
et professeur à lu faculté de théologie
de l'université. Celui-ci lui inspira le
goût des antiquités chrétiennes et des
études historiques. A la mort da Père
Lupus, qui arriva le 10 juillet 1681, le
père Farvacques fut choisi pour lui suc-
céder comme professeur de théologie à
l'université et comme membre de la
stricte Faculté. Une maladie lente et
rebelle à tous les soins épuisa ses forces
et le mena au tombeau à l'âge de
soixante-sept ans. Son corps fut enterré
dans le chœur de l'église des Augustins
à Louvain; on lui plaça l'épitaphe sui-
vante : D. O. M. P. M. ADii. R. AC
EXiMii P. Magistei Feancisci Fak-
VACQUES, ORD. S. AUGUSTINI, IX ALMA
HAC UNIVERSITATE S. THEOLOGI.î; DOC-
T0RI3 ET PROFESSORIS ORDINARII, CHA-
RITATIS AUGUSTINIAN.E ET YERITATIS
VINDICIS MITISSIMI. ObIIT 30 JULII
1689. E. I. p.
Le P. Farvacques était un théologien
érudit, qui possédait à fond les pères
latins; il fut aussi un des zélés défen-
seurs de l'infaillibilité du souverain
pontife dans les' matières dogmatiques.
Il a laissé plusieurs ouvrages très- remar-
quables : l'J D'isquisitio theoJogica an
peccata dubïa sint in sacramentali co7ifes-
sione exj)lica?ida, in qua Lutheri negantis
dogma rej'erttcr et confuiatur , etc. Lova-
nii, Cyprianus Coenestein, 1665; vol.
in-4o de 15 6 pages. Ce travail est dirigé
spécialement contre les opinions larges
du P. Caramuel. — 2 ' Qiiœstio quodlibe-
tica de attritione, seu quœ fnerit mens
concilii Tridentini de snfficientia attri-
tionis servilis in sacramento Pœnitentiœ.
Lovanii, vidua Bernardini Masii, 1666;
vol. in--io de 66 pages. L'auteur nie, ce
qui est communément admis aujourd'hui
par les moralistes, que l'attrition dite
servile soit suffisante pour le sacrement
de pénitence. — 3» Appendix ad quœs-
tionem quodlibeticam, etc., in qua propo-
nuntur tedimonia tum antiques sacra
facultatin Iheologicœ Lovaniensis .... ium
celeberrimorum ejusdem facultatis theolo-
gorum, etc. Lovanii, hseredes Bernardini
Masii, 1666; vol. in-lo de 14 pages. —
4o Xenium theologicum, in quo dilectionis
Dei i?i sacramento Pcenitentia; necesnitas
per quœstionem quodlibeticam asserta sta-
bilitur et conjirmatur , etc. Lovanii,
haeredes Bernardini Masii, 1668; vol.
in-4j de 60 pages. — 5o Apologia pro
Xenio dilectionis, in qua dilectionis Dei
i?i sacramento Pœniteyitiri nécessitas rursus
propygnatur, etc. Lovanii, Cyprianus
Coenesteinius, 1669; vol. in-4j de
48 pages. — 6° Opuscula theologica ad
teritatis et charitatis stateram erpensa.
Ces opuscules, au nombre de trois, por-
tent chacun un titre spécial : le premier,
Opusculum in quo de sacramentis Nova
Legis generatim agitur. Leodii , Guil.
Streel, 1680; vol. in-12 de 403 pages;
le second, Opusculum de sacramento bap-
tismi. Pars secunda. Leodii, G. Streel,
1683 ; vol. in-12 de 403 pages; le troi-
sième, Opusculum de sacramento confir-
mationis. Pars tertia. Leodii, G. Streel,
1683; vol. in-12 de 185 pages. L'auteur
se proposait de continuer cette série
d'opuscules, mais il fut empêché de le
faire par une maladie de langueur dont
il fut atteint vers la fin de ses jours.
Le P. Farvacques fit aussi défendre,
sous sa présidence, plusieurs thèses oii
il développa ses opinions théologiques.
Nous avons les suivantes : 7° Veritas et
charitas, seu mens concilii Tridentini,
sess. XI F, cap. 4, de attritione ex metu
gehennœ concepta. Lovanii, 1669. —
8o Vindicice veritatis et charitatis. Lo-
vanii, 1669, défendue le 26 août de
cette année. — 9j Disceptationes apolo-
geticœ pro veritate et charitate. Lovanii,
1670, défendue le 18 mars de cette
année. La fin de l'épitaphe que nous
avons rapportée ci-dessus fait allusion à
ces deux thèses. — IOj Charitas chris-
tiana in moribus et amoribus christianis
ordinata. Lovanii, Martinus Hulle-
gaerde, 1680; vol. in-12 de 88 pages.
Ces dernières thèses furent défendues
sous la présidence de Farvacques le
21 mai de cette année à l'occasion de
la célébration du chapitre général de la
province à Louvain. — 11° Oratio in
futiere eximii Patris Christiani Lupi.
Foppens dit que cette oraison funèbre
a été imprimée, e.-h.-j. Reusem.
Paquot, Mémoires, éd. in-fol., 111, p. 377.
889
FARVACQUES — FASSIN
890
rABTACQVCs {Robert de), Ferva-
cus, Fekvacius ou Fervaquius, naquit
à Lille (ancienne Flandre) vers la fin
du xvie siècle. Eloy déduit de ce que
Georges Matthias lui donne la qualifi-
cation de : iti Pharmaceutis clarus, qu'il
n'était qu'apothicaire; et, d'après Man-
get, il n'en cite qu'un seul ouvrage :
Disquisitio medica : num pilula dejectoria
cum cœna recte exhibeantur . Patavii, apud
Livium Pasquatum, 1637, in-4'j. Or
Farvacques était un médecin d'une
haute science : il était archiatre de l'ar-
chiduc Léopold-Guillaume d'Autriche,
gouverneur des Pays-Bas pour le roi
d'Espagne, Philippe IV, et du prince
don Juan d'Autriche; plus tard il devint
le médecin de Charles II, roi d'Espagne,
qui, en 1662, l'éleva à la noblesse pour
son mérite comme praticien et comme
écrivain (il portait un écu d'argent à
trois papillons de gueules, écartelé de
même). A Bruxelles, où il pratiqua pen-
dant cinquante-sept ans, il fut l'un des
principaux fondateurs du collège médi-
cal. Il publia les statuts de ce collège
sous le titre : Statuta collegii medici
Bruxellensis et amplissimo senatu san-
cita , etc. Bruxellse, ex off. Joannis
Mommarti, 1650,in-8o. Il publia encore
entre autres ouvrages, un volumineux
commentaire de la pharmacopée en
usage à cette époque : Medicina tliera-
peutica, of g root aUjemeene schat-kamer
der drooghereidende geneeskonst door den
heer Robertvs de Farvaques, eerste lyfme-
dicus van Zyne Majeiteit Karel den
tweede, enz. Tôt Brussel, by Fr. Fop-
pens, in de Gasthuystraet, 1681, in-fol.
Une nouvelle édition de cet ouvrage fut
imprimée en 1741 à Leyde par Isaak Se-
verinus. Farvacques succomba le 17 oc-
tobre 1689 à Bruxelles, victime de
l'épidémie dyssentérique qui régnait
dans cette ville. Docteur Victor Jacques.
Eloy, Dictionnaire historique de la méd. anc.
et moà. — Manget, Bibliotheca scriptorum medi-
coriiin. — Journal de méd., de chirurg. et de
pharmac. de Bruxelles, oclob. 1878, p. 392. —
Ouvrages cités.
FASSE* B (Paul), écrivain ecclésias-
tique, né dans les environs de Mons,
vers 1635, mort le 9 avril 1691. Il
entra dans l'ordre de Saint-Dominique,
au couvent de Mons, où il prononça ses
vœux le 9 septembre 1653; il étudia la
philosophie et la théologie au collège de
yaint-ïhomas à Douai, prit le grade de
licencié en 1671 et enseigna lui-même
quelque temps ces deux sciences. Le
père Fasseau remplit diverses charges
dans son ordre : successivement premier
régent d'étude au collège de Douai, dé-
finiteur de la province de la Basse-Alle-
magne, puis définiteur général, il assista
en cette dernière qualité au chapitre
tenu à Rome en 1677, et fut trois fois
prieur du couvent de Mons, où il mou-
rut. On a de lui : Authoritas Germani
Pkilaletls Eupistini contra Prœmotiones
Physicas pro scientiâ média, exauthorata
pro Prœmotionibus Physicis contra scien-
tiam mediam. Duaci, 1670, in-12. Le
P. Fasseau publia cet écrit à l'occasion
de l'ouvrage rédigé par le P. Charles
de l'Assomption (Charles de Bryas) sous
le nom de Germanus Philalethes Eupis-
*^^^S. Aug. Vander Meersch.
Quetif, Scriptores ordinis prœdicatorum, t. H,
p. 7-i8. — De Jonghe. Belgiurn dominicanum,
p. 361 et 429. — Paquot, Mémoires littéraires,
t. VII, p. 404.
FAJ§i§iG!ViES (Umm. de), homme de
guerre, né à Mons en 1718, mort le
17 mai 1772. Voir Gaillard de Fas-
siGNiES {Emm. de).
FASSix {Christophe), écrivain ecclé-
siastique, né à Stembert près de Ver-
viers, et décédé à Liège en 1794, vivait
pendant la dernière moitié du xviiie siè-
cle. Il était récollet au couvent de
Liège et enseigna pendant de longues
années la théologie aux jeunes religieux
de son ordre. Il fut tué dans la rue du
Pont-d'Amercœur, atteint par une balle
partie des rangs des Autrichiens, pen-
dant qu'il portait le saint viatique à un
malade. Le P. Fassin était très-versé
dans l'herméneutique sacrée. On a de
lui : Epitome chronologo-theologo-geogra-
phica historia sacra a creatione miindi
usque ad mortem S. Joannis evang., ex
sacro textujuxta Vulgatam collecta. Leo-
dii, S. Bourguignon, 1750-1751, 4 vol.
891
FASSIN
892
in-So, avec gravures par Demeuse et
Jacoby. E.-H.-J. Reusens.
De Becdelièvre, Biographie liégeoise, I, p. 514.
— De Theux, Bibliographie liégeoise, 1, p. 5248.
FAJssix (Nicolas- Henri- Joseph de),
peintre de paysage et d'animaux, né à
Liège le 20 avril 1728, mort le 21 jan-
vier 1811. Fassin appartenait à une
famille de notables du pays de Liège.
Son père avait rempli, entre autres
dignités, celles d'échevin de la cour sou-
veraine, de bourgmestre et de minis-
tre du prince Georges-Louis deBerghes.
La carrière de Passin est pleine de péri-
péties. Malgré le goût prononcé qui
l'entraînait vers l'étude des beaux-arts,
il ne put s'y consacrer entièrement
qu'après un rude apprentissage de la
vie. Son père désirait qu'il devînt ma-
gistrat et lui fit commencer ses études
au collège de Labeys. Fassin était bien
doué au point de vue de la mémoire ; il
avait en outre l'esprit prompt, le juge-
ment sûr. Cependant la vocation artis-
tique perçait déjà chez lui et il délais-
sait volontiers l'étude des auteurs pour
s'appliquer à dessiner des animaux. Son
père, ne voulant pas contrarier entière-
ment ses aptitudes précoces, lui permit
de passer ses heures de récréation chez
le peintre Coclers. Il semble que des
lors il ne pouvait plus y avoir pour lui
d'obstacles graves à surmonter. Il n'en
fut rien cependant, et divers événements
imprévus vinrent encore retarder l'éclo-
sion de son talent. Le principal empê-
chement vint, toutefois, de Fassin lui-
même, dont le caractère ardent était
porté vers une vie aventureuse.
A l'âge de vingt ans il fit un voyage à
Paris; c'était pendant la guerre de Sept
ans et Fassin s'engagea dans les mous-
quetaires gris du roi de France ; il ne
tarda pas à passer officier, puis en 1754,
il abandonna les mousquetaires et or-
ganisa une compagnie dans le régiment
de cavalerie créé par ordre du maréchal
de Belle-Isle, devenu ministre. Il eut à
cette époque une cruelle épreuve à
subir : les officiers l'accusèrent d'avoir
voulu passer à l'ennemi ; une commission
spéciale ayant été nommée pour exa-
miner l'altaire, l'innocence de Fassin
fut bientôt reconnue et proclamée par
elle. Ce grave événement eut une heu-
reuse influence sur sa destinée : la ca-
lomnie à laquelle il venait d'être en
butte le remplit de dégoût et le décida
à abandonner le métier des armes. Ke-
venu en Belgique, Fassin reprit ses
travaux d'artiste et alla à Anvers étu-
dier les chefs-d'œuvre de l'école fla-
mande. Il se trouvait pour la première
fois en présence des productions des
grands maîtres et leur étude lui révéla
toute sa médiocrité. Loin de s'en décou-
rager, il se remit bravement au travail
et les malheurs qui vinrent atteindre sa
famille ne firent que stimuler son ardeur.
Par suite du décès de son père, tous
les biens de la famille échurent, en 1766,
à son frère aîné; dans de telles condi-
tions, il ne devait plus compter que sur
lui-même ; parvenu à l'âge de trente-
quatre ans, il comprit que sa ténacité
au travail pouvait seule lui faire espérer
d'arriver à une position indépendante ;
et plein d'ardeur il se rendit à Anvers
pour y entreprendre de nouvelles études
à l'Académie. Il y dessina durant plu-
sieurs années , étudia les maîtres et
copia celles de leurs œuvres qui lui
étaient le plus sympathiques. Ce n'est
qu'à quarante ans qu'il put entreprendre
le voyage d'Italie. Il séjourna à Kome
et à j^aples ; y fit encore bon nombre de
copies et visita ensuite la Suisse. Ces
deux voyages durent agir favorablement
sur son imagination, par le mélange des
beautés de l'art et des beautés de la
natxxre qu'il avait eu l'occasion d'ad-
mirer. Il séjourna assez longtemps à
Genève et y commença sa réputation
en y .faisant la connaissance de Tron-
chu, amateur célèbre et possesseur d'une
remarquable collection de tableaux, dans
laquelle notre artiste copia quelques-
unes des plus belles toiles de Both et de
Berghem, deux maîtres vers l'étude
desquels il se sentait attiré et qui don-
nèrent en quelque sorte un pli décisif à
son talent.
Fassin eut l'occasion de voir Voltaire
à Ferney. Le philosophe l'accueillit
très-bien et lui permit même de faire
son portrait. Fassin retourna ensuite à
893
FASSIN — FASTRADE
894
Kome, demeura quelque temps à Mar-
seille, puis, fit encore quelques paysages
en Savoie.
Ce n'est -qu'en 1770 qu'il revint à
Liège. Il venait y voir les quelques pa-
rents qui lui restaient. Malgré sa longue
absence, sa réputation était faite dans
le pays et quand il vint résider à
Bruxelles et à Anvers, il fut reçu à bras
ouverts par les artistes et par les ama-
teurs. Il ne laissa pas échapper l'occa-
sion, il se mit résolument au travail, et
comme il avait une rare facilité, il acheva
un grand nombre de tableaux. Fassin
retrouva à Liège un de ses anciens amis
le peintre Defrance; ils renouvelèrent
leur ancienne intimité et conçurent le
projet de doter Liège d'une académie de
dessin, de peinture et de sculpture. Ce
projet obtint un solide et puissant appui,
celui du prince Velbruck, qui l'accueil-
lit avec enthousiasme et affecta à sa
réalisation une partie des biens des jé-
suites, dont l'ordre avait été récemment
supprimé.
Fassin s'était établi à Spa quand
éclata la révolution liégeoise. Par suite
de cet événement ses travaux furent
interrompus ; mais on se souvint que le
peintre avait été soldat au commence-
ment de sa vie et on lui confia le com-
mandement de la milice locale.
Quand l'ancien pays de Liège fut
réuni à la France, Fassin vint se fixer
définitivement à Liège. Son activité, loin
de décroître, ne fit qu'augmenter avec
l'âge. Quant à son caractère, il resta en
ses vieux jours tel qu'il avait été dans
sa jeunesse, affable, gai et vif d'intelli-
gence; seulement, selon la manie habi-
tuelle des vieillards et surtout des vieux
militaires, il aimait à raconter souvent
ses aventures d'autrefois.
La manière de peindre de Fassin était
souple, élégante et ferme. Il est cepen-
dant à remarquer qu'il ne put se livrer
à la peinture qu'à un âge où les autres
artistes sont déjà arrivés au point cul-
minant de leur talent et en possession
d'une renommée. Pour réussir aussi
tardivement qu'il l'a fait, il fallait
être doué d'un heureux tempérament,
d'une imagination fortement accentuée
B10(.U. NAT. — T. VI.
et surtout d'un caractère virilement
trempé.
Le grand défaut de Fassin, c'est l'ab-
sence d'originalité et un système de
coloris un peu mou. Il a trop mis ses
facultés naturelles au service des œuvres
qu'il copiait. On trouve dans ses ta-
bleaux les idées de Berghem et de Both,
ce qui prouve qu'il peut y avoir un dan-
ger dans l'excès de ce genre d'études,
même quand il s'agit des œuvres des
grands maîtres. Les ouvrages de Fassin
se trouvent en Allemagne et en Angle-
terre. Quelques collectionneurs de Liège
possèdent aussi des tableaux très-esti-
més, notamment les Quatre Points du jour
qu'il peignit pour Henkart. On ren-
contre dans les ventes publiques des
paysages de son meilleur temps qui se
vendent moins bien maintenant que de
son vivant. A la vente Verhulst (1799)
un Paysage avec animaux et figures se
vendit 200 florins.
On doit à M. Helbig {Histoire de la
peinture dans le pays de Liège, 1873) une
notice intéressante sur notre artiste.
Nous y avons puisé les principaux élé-
ments de cet article. pj,ui siret.
FASTRADE, l'uue dcs femmes de
Charlemagne, morte en 794.
Quelques auteurs admettent que le
grand empereur eut à la fois plusieurs
épouses et qu'il vivait en même temps
avec elles; cette thèse, que Capefigue,
entre autres, a soutenue {Histoire de
Charlemagne, t. II, p. 166), ne se con-
cilie pas avec le témoignage des bio-
graphes du monarque, qui distinguent
nettement ses épouses légitimes de ses
concubines ou favorites. Les premières
se succédèrent régulièrement, et il est
facile de comprendre qu'il aurait été
dangereux de les froisser publiquement
par une sorte de polygamie, réprouvée à
la fois par la religion et par la morale.
Charlemagne était le plus puissant des
souverains de l'Europe, mais ses com-
pagnes appartenaient à de fières tribus
germaniques. S'il put répudier Désidé-
rade ou Désirée, qui était Lombarde,
issue, par conséquent, d'une nation enne-
mie, il n'aurait osé, sans les plus graves
^29
89?
FASTRADE— FASTRAETS
896
motifs, agir de même avec celles qui
partagèrent ensuite son trône et son
lit.
Après la mort d'Hildegarde, qui lui
avait donné trois fils et trois filles et qui
expira le 30 avril 783, Charlemagne se
remaria avec Fastrade, dont il n'eut
que deux filles : Théoderade et Hil-
trude. Tandis que Hildegarde était
Suève ou Souabe, Fastrade naquit de
Rodolphe, l'un des comtes du pays des
Francs orientaux ou transrhénans, c'est-
à-dire de la Franconie. Cette nouvelle
union ne subsista que pendant neuf
années; Fastrade mourut à Francfort-
sur-Mein en 794, pendant que l'on
tenait un concile dans cette ville. Ses
restes furent transportés à Mayence et
ensevelis dans l'église Saint-Aubin, où
on lit encore une inscription rappelant
le souvenir de la reine, mais qui date
d'une époque moins reculée que le
viiie siècle.
Charlemagne paraît avoir eu une pré-
dilection marquée pour les belles filles
de la vallée du Rhin, car ce fut de l'Al-
lemanie, qui se confond d'ordinaire avec
la Souabe , que vint Luitgarde ou
Lutgarde, dont la présence devait le
consoler de la perte de Fastrade et dont
la vie se termina dès 800, sans que la
nouvelle souveraine eût eu d'enfants.
De toutes les femmes que Charlemagne
aima, aucune n'exerça sur lui, paraît-il,
autant d'influence que Fastrade. On a
conservé une lettre qu'il lui écrivit en
791, probablement au mois de juillet ou
d'août, pendant une guerre en Hongrie.
Son fils Pépin, dit le roi, avait vaincu
les xAvares et il avait ordonné des- prières
publiques pour le jour des nones (ou
5 de septembre); il insiste auprès de la
reine pour qu'elle ne reste plus aussi
longtemps sans lui donner de ses nou-
velles. C'est, dit-on, pour Fastrade que
Charles fit composer les litanies dans
lesquelles on prie pour lui et pour ses
fils u très-sacrés « : Charles, Pépin et
Louis.
Il semble que l'influence de cette
épouse du grand homme a été plutôt
fâcheuse que favorable ; mais nous
sommes si peu instruits des détails de
l'histoire interne de l'empire franc à
cette époque, qu'il est difficile de se for-
mer sur ce point une opinion bien arrê-
tée. L'élévation de Fastrade fut presque
immédiatement suivie de troubles dans
le pays d'où elle était originaire. Peut-
être la reine traita-t-elle avec partialité
des voisins ou des rivaux de ses proches.
En 785, une conjuration éclata parmi
les Francs orientaux ou Franconiens,
sous la direction du comte Hardrade ;
elle fut bientôt découverte et fut déjouée
sans peine ; on traita sévèrement les
coupables, qui furent les uns aveuglés,
les autres envoyés en exil. Bientôt s'éle-
vèrent des plaintes violentes contre la
cruauté de Fastrade; en 792, il se forma
une nouvelle ligue de mécontents, à la
tête de laquelle se plaça Pépin, fils de
Charlemagne et d'une de ses concubines
nommée Himiltrude. On avait, dit-on,
l'intention de tuer le roi, mais peut-on
accepter légèrement cette accusation,
qui impliquait, chez le prince, l'inten-
tion de commettre un parricide? Le
projet, vrai ou supposé, échoua, et celui
qui le révéla, le Lombard Pardulphe,
fut récompensé par le don de l'abbaye
de Saint-Denis près de Paris ; Pépin fut
enfermé dans un monastère et ses com-
plices pendus ou décapités. La plupart
des écrivains attribuent à Fastrade les
actes de cruauté par lesquels le restau-
rateur de l'empire d'Occident souilla
son règne, mémorable sous tant de rap-
ports. Alphonse Wautcis.
Einhardi Annales, passim. — Einhardi Vita
Karoli Magni, ch. XVIII. — Recueil des historiens
de France, t. V, p. 623, etc.
FASTRAETS {Christian), religieux
de l'ordre de Saint-Dominique à Lou-
vain, né à Saint-Trond vers la fin du
xve siècle. C'est à Louvain qu'il com-
posa un miracle dramatique dont le
professeur Mone fit connaître les pre-
miers vers. Il s'agit d'une biographie
dramatisée de saint Trudo ou saint
Trond dont le manuscrit original figure
au no 247 de la bibliothèque de l'uni-
versité de Liège (Fiess et Grandjean,
Catalogue des manuscrits, Liège, 1875).
La vie du saint hesbignon nous est trans-
mise ici en deux pièces de théâtre en
897
FASTRAETS — FAUDACQ
898
vers flamands. C'étaient, sans doute,
deux journées, à la mode des anciens
mystères et miracles. Chacun de ces
deux drames légendaires estprécédé d'un
prologue dans lequel figure Lucifer,
siégeant en enfer, entouré de ses aco-
lytes. Le prologue delà première pièce
est en vers à écho.
Sous le titre Het leven van sint Truy-
den, in rhetorycxsche dichte, c'e&t toute la
légende de saint Trond découpée en
scènes naïves. Les vers sont très-variés,
quelquefois même strophiques. On
s'aperçoit que le poëte avait encore tout
l'instinct du rhythme du moyen âge.
Quoique le manuscrit annonce que les
deux pièces ont été composées selon les
règles de la rhétorique, il y règne encore
assez de naturel, surtout dans les dia-
bleries qui sont nombreuses et dévelop-
pées. Les dialogues entre Lucifer, Lévia-
than et Baalberith (le démon des colères,
dttyvel der gramschapen) sont très-vifs et
d'un style franchement populaire. Pres-
que toujours ils sont coupés par sticho-
métrie, c'est-à dire qu'au lieu de cou-
plets ou de tirades, on a constamment
des acteurs qui se répondent vers pour
vers. Celui que Fastraets emploie pour
les diableries est très-court; il n'a que
trois accents toniques. Ce rhythme achève
de donner une tournure burlesque à ces
personnages qui rappellent les badins ou
ainnekens d'autres pièces flamandes. On
dirait des duos comiques destinés à faire
ressortir, par contraste, la mysticité
des grandes scènes où figurent Trudo,
son père Wilbold, les évèques Eemacle
et Glodulphe, les chevaliers, Jizabel, le
peuple, la Divinité, les anges, les théo-
logiens, etc. C'est une cohae d'acteurs
comme dans les drames les plus touffus
de l'Espagne. Au milieu de la pièce
s'avance le factor ou poëte pour remer-
cier la dévote assistance : « Demain
' nous représenterons le reste; le soir
» tombe; amusez-vous en paix!... «
Dans la seconde partie, il y a une scène
d'ordination et de consécration mystique
qui, par l'accumulation des détails,
rappelle l'ampleur naïve du premier
tableau du Cid de Guillem de Castro.
C'est, au reste, à cette abondance con-
crète et minutieuse que se reconnaissent
dans toute l'Europe les drames encore
inspirés par le moyen âge. La biblio-
thèque de Liège possède également une
traduction latine de ce double drame
flamand; elle atténue considérablement
la grossièreté de quelques expressions,
et semble avoir été composée pour une
représentation patronale du couvent de
Gembloux (m tisum frat. Trud. de Gem-
blaco in Gallo-Brabantia, dit une note du
manuscrit liégeois). j. sécher.
Mone, Ubersicht de Xiederland volksliteratur.
— Université de Liège Manuscrit n<' 247,. —
J. Stecher \Pairia Belgica, 111, 317,).
FAVDACQ ( Corneille-François) na-
quit à Xamur, dans la paroisse de Saint-
Jean l'Evangéliste, le 6 mars 1697, de
Jean Faudacq et de Catherine Machoux.
Quelques écrivains lui attribuent à tort
le prénom de Charles : ses ouvrages et
les actes de l'état civil qui le concernent
portent celui de Corneille. Sa vocation
pour les études médicales et chirurgi-
cales auxquelles il devait consacrer sa
vie, lui vint alors qu'il était encore bien
jeune; puisque à l'âge de seize ans on le
voit déjà fréquenter assidûment l'hôpi-
tal de Xamur. Mais il comprit bientôt
que l'enseignement donné dans sa ville
natale était bien incomplet, et il partit,
vers 1720, pour Paris dans l'intention
de suivre les leçons de Petit et de
Morand. Son séjour à Paris se prolongea
pendant onze ans, dont six furent passés
à r Hôtel-Dieu. Il revint à Namur vers
1731 ; il y avait déjà acquis une cer-
taine réputation quand, en 1735, il
publia son premier ouvrage intitulé :
Réflexions sur lesplayes, ou la méthode de
procéder à leur cicration suivant les prin-
cipes modernes; la structure naturelle des
parties et leurs mouvemens mechaniques,
fondez sur l'expérience la plus certaiyie,
avec des remarques des plus grands Mai'
très de Vart, et leurs observations les plus
curieuses et les plus instructives^ tou-
chant les playes des trois Ventres, par
C.-F. Faudacq, chirurgien; à Namur,
chez Ch. Lahaye, 1735, in- 8°. Ce livre
vit le jour à la suite d'une querelle sur-
venue entre Faudacq et ses confrères, à
propos d'un Essay de chirurgie, traité
899
FAUDACQ
900
qu'il avait fortement critiqué corame
n'étant plus en rapport avec les progrès
de la science. Mais l'idée d'appuyer ses
théories sur une publication uniquement
destinée à combattre celles de ses adver-
saires ne lui suffisait pas; il visait plus
haut : ce qu'il avait retenu des leçons
de ses maîtres, ce qu'il avait appris
pendant ses longues années de travail
à l'Hôtel-Dieu de Paris, il voulait l'en-
seigner à son tour. Aussi modifia-t-il le
plan et l'ordre de son ouvrage, comme
il le dit dans son avertissement, » en
« faveur des jeunes chirurgiens pour
« lesquels j'essaie de donner une théorie
» succincte sur les principes des Playes,
» avec la pratique fondée sur l'expé-
• rience la plus certaine « . Dans cet
avertissement il donne aussi le plan de
son ouvrage : il s'occupera d'abord » des
» principes sur les Playes, c'est-à-dire
• de tout ce qu'il est indispensable de
• sçavoir pour en avoir une connois-
• ?ance claire et méthodique (ch. 1
» à 10); " puis du traitement (ch. 11
à 12) ; il passera ensuite successivement
en revue les plaies de tête, les plaies de
poitrine et les plaies de l'abdomen.
L'avertissement se termine par la pro-
messe d'une suite prochaine à ce pre-
mier ouvrage.
Beaucoup de biographes, se répétant
les uns les autres, ont trouvé que dans
ce traité Faudacq s'est trop répandu en
raisonnements : il serait beaucoup plus
exact de dire que le chirurgien namu-
rois se montre à la hauteur d'un profes-
seur qui veut se faire comprendre, et
qu'il ne se contente pas de rapporter ce
qui avait cours dans la science à cette
époque, mais encore qu'il y joint en maint
endroit des observations qui lui sont
personnelles. C'est ainsi, par exemple,
qu'appréciant l'insuffisance et l'inexac-
titude du mécanisme, de Vhnmorisme et
du vitalisme, il prend à chacune de ces
théories ce qui lui semble le plus ration-
nel et tâche de ne laisser aucun point
sans une explication physiologique aussi
claire que possible. P^audacq avait l'am-
bition d'enseigner à son tour, de fonder
en quelque sorte une école de médecine
à Namur. Aussi, peu de temps après,
adressa-t-il au magistrat une requête
afin d'obtenir une chambre à l'hôpital
Saint-Jacques pour y enseigner l'ana-
tomie et la médecine opératoire. Le
magistrat , par résolution datée du
23 décembre 1735, voulut bien « se-
« conder le bon dessein du suppliant
" tendant au bien public de cette ville « ,
et lui accorda « par forme d'essai « une
salle à l'hôpital. Mais dans cette ville
les ressources des anatomistes devaient
être bien précaires, puisque les démon-
strations ne pouvaient être faites, à cette
époque, que sur le cadavre des suppliciés,
et encore une autorisation spéciale était-
elle chaque fois exigée : ce que l'on peut
voir dans une demande d'autorisation
de ce genre datée du 18 juin 1738 et
signée Piron , doyen des chirurgiens,
et Faudacq, maître chirurgien, " pro-
" mettant de ne distraire du corps au-
u cune partie, mais de le remettre en
Il entier après ladite démonstration
u finie, même de le faire inhumer avec
Il un service et quantité de messes qu'ils
'/ feront célébrer pour le repos de son
« âme, etc. «
Cependant la réputation de Faudacq
s'étendait non-seulement dans le pays,
mais encore à l'étranger, et plusieurs
villes lui avaient fait les propositions les
plus brillantes pour l'attirer chez elles.
Il les refusa, mais il s'en prévalut tou-
tefois pour obtenir la survivance de
l'emploi de chirurgien pensionnaire de
la ville, alors occupé par Hubert Mu-
niez. Cette survivance lui fut accordée
par le magistrat, et la décision ratifiée
par le gouverneur le 10 décembre 1738.
Il reçut sa commission quatre ans après,
à la mort de Muniez. Cette pièce existe
encore : elle donne de curieux détails
sur ce qu'était cette charge, sur les
émoluments qui y étaient attachés, sur
les obligations auxquelles le titulaire
était astreint : c'est ainsi qu'entre autres
choses, il était défendu au pensionnaire
de sortir de la ville pour plus d'un jour
sans l'autorisation expresse du magis-
trat.
Un congé dut donc lui être accorde
dès le début de son entrée en fonc-
tions, puisque au mois d'octobre de cette
1)0 1
FAUDACO
9D2
année, il était attaché en qualité de
chirurgien au régiment du prince
d'Arenberg, et suivait les armées an-
glo - autrichiennes confédérées contre
Louis XV. A la bataille d'Ettingen ou
de Dettingen (26 juin 1743), le prince
d'Arenberg reçut une balle dans la poi-
trine. Faudacq fut assez heureux pour
sauver les jours de l'illustre blessé qui
le prit dès lors en grande amitié et
l'attacha spécialement à sa personne. Le
prince lui ayant demandé à plusieurs
reprises d'écrire un traité sur les mala-
dies et les accidents les plus fréquents
en campagne, le modeste chirurgien
s'excusa d'abord, alléguant « son insuf-
fisance « ; mais il finit par se rendre aux
désirs de son protecteur. Il fut inter-
rompu dans son travail par des afl"aires
de famille qui le rappelèrent à Namur,
où il retrouva sa place de chirurgien
pensionnaire, et il se remit, un peu plus
tard, à ses études afin de publier le livre
qu'il avait promis. Mais Faudacq n'était
plus alors le théoricien qui se laissait
entraîner à des querelles d'école : d'un
jugement plus rassis, il voulait ne rien
publier avant d'être complètement sa-
tisfait de son œuvre. Craignant de suc-
comber aune " émulation mal entendue «
comme il le dit, il pensa un instant
abandonner l'ouvrage commencé, se fé-
licitant de ce que son rappel à Namur
lui avait fourni « un prétexte spécieux
« et honnête pour dégager sa parole,
» et du même coup sauver sa réputation
' • naissante d'un écueil assuré. « La
guerre se rapprochant des frontières
vint lui rapp^r l'utilité de son entre-
prise ; il reprit l'œuvre délaissée et peu
après parut le Nouveau traité de» plaies
d'armes à feu, avec des 7'emarqves et
observations sur différentes maladies du
ressort de la chirurgie par Faudacq, cM-
ruryien juré et pensionnaire pour les pau-
vres de la ville de Namur et de ses hôpi-
taux; à Namur , chez J. d'Etienne ,
1746, in-8o.
Ce traité avait, comme le premier, un
but didactique et était destiné aux
jeunes chirurgiens « non initiés dans
• les principes de la matière « . Les
observations personnelles sont ici bien
plus nombreuses encore que dans son
premier ouvrage, et l'auteur reçut l'ap-
probation et les félicitations unanimes
de ses confrères. Ce n'est pas que l'on y
trouve beaucoup de théories nouvelles,
ce n'est pas que l'auteur y brille par son
style, mais il y fait preuve d'expérience;
et, s'il a consulté « Ambroise Paré,
« Beloste et particulièrement M. Le
" Dran, dont l'ouvrage est le meilleur
" que nous ayons en ce genre «, il a su
également les critiquer quand sa pra-
tique personnelle s'est trouvée en oppo-
sition avec leurs théories. Il ne brille
pas par son style, disions-nous, mais,
comme l'auteur l'avoue lui-même, « si
» le stil n'est pas poli et fleuri, je prie
• le lecteur de faire attention que je
» suis d'un pays où le patois est natu-
« rel " . Dans ce second ouvrage Fau-
dacq traite surtout des plaies par armes
à feu; mais il fait suivre les considéra-
tions intéressantes qu'il émet à leur
sujet, de dix-neuf observations dans les-
quelles il passe en revue diverses mala-
dies du ressort de la chirurgie et qui
prouvent une fois de plus que leur
auteur était aussi habile chirurgien
qu'écrivain instruit. Enfin il promet de
continuer ses publications pour peu que
son livre soit bien accueilli du public.
11 avait fait, il est vrai, la même pro-
messe en publiant son premier ouvrage ;
on n'en possède toutefois de lui aucun
autre.
En 1748, il donna sa démission de
chirurgien pensionnaire et fut remplacé
par le chirurgien Lahaut. Depuis cette
époque jusqu'en 1768, il se présente
dans la biographie de Faudacq une
lacune : il est cependant probable qu'au-
cun événement de quelque importance
ne vint interrompre cette longue période
de sa vie laborieuse. Il existe une pièce
datée de cette année 1768 prouvant que
le maître chirurgien n'avait pas, malgré
son âge, abandonné complètement l'idée
de reprendre la plume. Cette pièce, qui
fut affichée à Namur par les soins du
magistrat, informe le public que Fau-
dacq a l'intention de publier un nouvel
ouvrage ; après avoir indiqué les di-
verses parties que l'auteur se propose de
903
FAUDACQ — FAUKEEL
904
traiter, elle se termine par cette phrase
curieuse : » Cependant comme ledit Cor-
. neille Faudacq, avant de mettre cet
Il ouvrage en lumière et de le produire
u en public, souhaite d'avoir sur ces
u différents sujets les observations et
u réflexions concursives au bien géné-
« rai, de ses confrères et autres experts
. dans l'art, afin de les insérer dans le
» corps de son ouvrage avec les noms
» de ceux qui auront bien voulu l'aider
« de leur secours et de leurs connois-
■ sauces particulières dans ces diffé-
« rentes parties qui s'aîinoncent comme
« si intéressantes; mesdits sieurs en
« vue de seconder les bonnes intentions
« dudit Corneille Faudacq, invitent
« tous les curieux à bien vouloir se
0 prêter à cet avantage général par
« leurs remarques et observations sur
• ces différentes matières et de les faire
« remettre d'eux signées sous cachet au
t greffe de cette cour le plus tôt possible,
• pour les faire parvenir ensuite en
• toute sécurité à l'autheur.
« Fait au magistrat à Namur le
« 20 juillet 1768, par ordonnance :
« Motteau, 1768. «
Dans la bonne ville de Namur, était-
ce l'usage au siècle dernier de faire col-
laborer « les curieux " aux publications
savantes? Il est en tous cas regrettable
que Faudacq n'ait donné aucune suite à
son projet : l'histoire de la médecine et
des médecins y a perdu un monument
qui eût été intéressant à plus d'un titre.
Faudacq mourut à Namur dans la
paroisse de Notre-Dame, le 27 novem-
bre 1771, et l'acte de décès porte qu'il
fut enseveli « in templo « . On ignore
s'il a été marié et s'il eut des enfants,
car l'acte de décès n'en fait aucune men-
tion. M. Borgnet dit que les Faudacq,
encore nombreux à Namur à la fin du
xvine siècle, n'existent plus aujour-
d'hui.
Un dernier détail pour finir : il est
emprunté à la notice que M. Borgnet a
consacrée à son modeste compatriote.
En 1803, on jugea le vieil édifice de
Notre-Dame caduc, et, selon une règle
généralement observée à Namur, au lieu
de le reparer, on l'abattit. Les nom-
breux ossements que huit ou neuf siècles
avaient accumulés dans l'antique collé-
giale et les encloîtres, furent jetés igno-
minieusement dans la Meuse du haut de
la tour du Doyen. Ceux que les flots
n'emportèrent pas à la première débâcle
servirent à rehausser le chemin de ha-
lage. Et c'est ainsi, termine l'historien
namurois, qu'après avoir servi utilement
sa patrie, notre pauvre Faudacq ne put
même reposer en paix sous le vieux
pavement où il avait élu sa dernière
demeure. Docteur Victor Jacques.
Messager des sciences historiques, etc., 4849,
p. 454. — Eloy, Dictionnaire historique de la
médecine ancienne et moderne, t. II, p. lOy. —
Uelvenne, Biographie des Pays-Bas, t. 1, p. 377.
— Piron, Algenieene levens beschryving , enz.
^by■voegselJ. — Biographie médicale, t. IV, p. 117.
— Arctiives de la société archéologique de Namur,
t. 11, p. ^^.— Journal de médecine, de chirurgie
et de pharmacologie de Bruxelles, t. XV, p. '6\
et 120.
FACKEEi. {Eerman) , Fauckel ,
FoEKEL, Faukelius, théologicu pro-
testant, né à Bruges vers 1560, mort à
Middelbourg en ] 625. Ses parents ayant
embrassé la réforme voulurent que leur
fils se préparât à la mission de prédica-
teur par des études complètes. En 1580,
Faukeel quitta sa ville natale pour
suivre à Gand les cours de l'université
calviniste que les échevins venaient d'y
établir. Il y trouva des maîtres de latin,
d'éloquence et de philosophie. C'est là
qu'il rencontra, pour l'étude approfon-
die de la théologie, le ministre Jacques
Kimedonck et le docteur Lambert Da-
neau ou Danœus de Beaugency près
d'Orléans. On admira la facilité de sa
parole et la vivacité d^sa dialectique
lorsque, le 2 mars 1583, il défendit
publiquement, sous la présidence de
Daneau, dix-huit propositions tirées de
la deuxième partie du catéchisme de
Heidelberg.
Peu de temps après, son maître pré-
féré ayant quitté définitivement l'uni-
versité de Gand pour retourner en
France, Faukeel s'en alla en Hollande
et fut inscrit comme élève de l'univer-
sité de Leyde, le 23 juin 1583. Il s'y
attacha particulièrement aux leçons de
Drusius, le grand orientaliste d'Aude-
narde. En 1585, appelé à Cologne par
905
FAUKEEL — FAULBECKER
906
une communauté secrète, il en devint le
ministre, et la dirigea pendant quatorze
ans avec courage et prudence. Dès 1594,
Middelbourg voulut l'avoir comme pré-
dicateur; elle ne l'obtint que le 37 juin
1599, après l'avoir longtemps disputé
à Cologne et à Amsterdam, qui le ré-
clamaient avec la même insistance. Le
savant pasteur fut pendant vingt-cinq
ans l'idole des fidèles de Middelbourg.
Dès les premiers jours ils avaient admiré
sa voix puissante, sa diction soignée,
sa logique claire, ses mouvements natu-
rellement oratoires, et surtout son dé-
vouement, sa loyauté chevaleresque et
son activité infatigable. Ces qualités ne
furent pas moins appréciées dans les
nombreuses assemblées religieuses où il
figura. Lors du mouvement ecclésiastique
de 1618-1619, le synode provincial
de Zéiande le délégua au synode na-
tional de Dordrecbt. Il fut aussitôt pro-
clamé assesseur, déploya une activité sans
égale, et contribua, par son éloquence,
aux plus importantes décisions de l'as-
semblée. Adversaire des remontrants,
il sut concilier le rigorisme calviniste
avec la tolérance chrétienne. C'est, en
somme, une des plus nobles figures du
groupe des ardents gomaristes. Après
ces rudes controverses, Faukeel s'estima
très-heureux de pouvoir retourner à sa
communauté de Middelbourg. Mais sa
réputation était trop grande pour qu'on
l'oubliât. En 1621, il dut présider l'ad-
ministration des églises des Indes orien-
tales. En même temps, on l'invoquait
pour tous les grands débats théologi-
ques, si nombreux alors en Hollande.
L'ardeur de la dispute ne lui fit jamais
oublier sa mansuétude évangélique.
Faukeel n'était pas moins remar-
quable comme philologue. Sa traduction
du Nouveau Testament grec, publiée
en 1617 et sa version littérale des livres
hébreux (manuscrit de la chambre con-
sistoriale de Middelbourgj le désignè-
rent aux suô'rages du synode de Dor-
drecht. Il fut un des plus célèbres
membres du comité des traducteurs
officiels. C'était, avant Schultens, un
des exégètes les plus estimés. Parmi les
travaux suscités par le synode, on cite
sa comparaison des diverses traductions
de la confession de la foi et divers écrits
de doctrine religieuse. En 1620, il com-
posa contre les anabaptistes qui se mul-
tipliaient en Zéiande, son traité Babel,
dat is, verwerihiffhe der wederdooperen
onder malkanderen, oter meest aile de
stuclen der christelycke leere.
Le 7 mai 1625, il discutait encore
avec la plus grande ardeur dans une
assemblée de théologiens. Deux jours
après il était mort. N'ayant plus de
parents, il avait légué sa bibliothèque
au consistoire de Middelbourg où elle
est encore. Faukeel avait pour devise :
Tionos, onus; fasces, fasces. On publia à
Middelbourg, après sa mort, le Bruilofts-
lied ter eeren vanJ.-C. (1628) et Jesuah
Jeliovœ (1633), deux recueils de ses
meilleurs sermons. j. stecher.
Vander Aa, Btographisch woordenboek , V.
(1862 . — W. Te Watei-, Kort verhaal der her-
vorinde kerk en doorluchlige school le Gem. —
J. Borsius. H. Faukelius m zyn leven, karakter
en leiierkunde. — P. Fredericq, .Vote sur l'uni-
versité calviniste de Gand.
FACiiBECKER {Jean- Baptiste), écri-
vain classique, né à Luxembourg le
9 mars 1764, mort le 10 mars 1846. Il
fit ses humanités au collège de sa ville
natale, puis entra en 1788, à l'abbaye
de Wadgasse, de l'ordre de Prémontré,
où il reçut la prêtrise. Son séjour ne fut
pas long dans ce paisible monastère :
les lois républicaines françaises venant
de supprimer les couvents, il dut fuir
de son abbaye et fut poursuivi pendant
plusieurs années comme réfractaire, re-
fusant de prêter le serment de haine à
la royauté. Arrêté, enfin, et amené de-
vant le tribunal révolutionnaire, il y
fut acquitté et déclaré citoyen. Il obtint
plus tard une cure aux environs de la
Moselle et devint en 1804, secrétaire
du vicaire général de Luxembourg, fonc-
tion qu'il occupa pendant huit ans,
cumulant en même temps celles de
vicaire de la paroisse de Saint- Pierre et
d'aumônier du monastère de la congré-
gation de Notre-Dame, dite de Sainte-
Sophie.
Prêtre instruit, Faulbecker se distin-
gua par ses efforts persévérants pour
propager et populariser l'iustructioa
907
FAULBECKER - FAULCONNIER
908
publique. Sa ville natale lui doit beau-
coup à cet égard : il fut, en effet, l'un
des premiers de ceux qui s'associèrent
en 1820 pour fonder l'école normale de
Luxembourg, destinée à former des
instituteurs primaires; de plus, il con-
tribua à la fondation de cette école, non-
seulement de sa bourse, mais de sa per-
sonne, en y donnant des cours gratuits
et publics. A cette occasion, il mit au
jour, avec le professeur Ducbène, un
ouvrage ayant pour titre : Calcul intuitif
d'après la métliode de Pestalozzi, 1 vol.
in-8o, dont il existe une seconde édi-
tion, imprimée à Luxembourg en 1829.
Aug. Vander Meersch.
Neyen, Biographie luxeinbourgeoise.
FAVI.COIVIVIER {Pierre), historien,
né à Dunkerque, mort dans cette ville
en septembre 1735.
Cet auteur de la Description historique
de Dunkerque appartenait à une famille
noble qui a rendu de grands services à
la France depuis que cette puissance
est devenue maîtresse de la ville où
Faulconnier vit le jour. Cet ancien port
de la Flandre fut, comme on sait, pris
par le prince de Condé vers 1650; Pierre
Faulconnier, le père de notre écrivain,
y était bourgmestre, fonctions aux-
quelles le jeune roi Louis XIV, ou plu-
tôt son premier ministre, joignit celles
de grand bailli. Dunkerque ayant été
repris par les Espagnols, une armée
franco-anglaise vint en faire le siège et,
après la sanglante bataille dite des
Dunes, força le gouverneur à capituler
une seconde fois. A cette époque, le
célèbre Cromwell gouvernait la Grande-
Bretagne avec le titre de lord protecteur;
il voulut procurer à sa nation une pos-
session sur le continent et exigea que
"Dunkerque fût remis entre ses mains.
Mais, plus tard, le roi Charles II con-
sentit à vendre ses droits à Louis XIV,
à l'insu et malgré le vœu du parle-
ment. La garnison traversait la mer du
Nord pour revenir en Angleterre, lors-
qu'elle rencontra un bateau sur lequel
était un messager porteur de la défense
au gouverneur de Dunkerque de livrer
cette ville aux généraux français. La
chambre des communes avait été jouée
et il était trop tard ; la convention était
signée et exécutée. C'était Faulconnier
père qui avait avancé l'argent au moyen
duquel on avait levé les scrupules des
officiers anglais. Aussi ne faut-il pas s'é-
tonner que lors de l'entrée du roi de
France dans sa nouvelle possession, le
2 décembre 1662, il accueillit fort bien
ce serviteur dévoué, que le maréchal
d'Estrades lui présenta et à qui il fit
présent d'une chaîne d'or, ornée d'un
médaillon.
Pierre, le fils du bailli et de Made-
leine Hendricxsen, fit ses premières
études chez les jésuites de Dunkerque,
puis étudia la philosophie à Douai et
le droit à Paris. Lorsque son père mou-
rut, en 1674, Pierre était trop jeune pour
profiter des lettres de survivance des
fonctions de grand bailli qui lui avaient
été délivrées; mais, deux ans après, on
l'autorisa à en jouir. Il est vrai qu'en
1692, pour faire face aux énormes dé-
penses que la guerre entraînait, toutes
les charges municipales furent déclarées
réunies au domaine royal et les titulaires
ne purent les conserver qu'en les payant
largement. Malgré d'activés démarches,
malgré ses longs services, Faulconnier
dut subir la loi commune.
Le gouvernement de Louis XIV ne
respecta pas longtemps les usages chers
à la population de Dunkerque et les
privilèges qu'elle avait obtenus. C'est
ainsi qu'un édit du 26 mai 1664 enjoi-
gnit au magistrat de ne plus se servir
pour les procédures que de la langue
française . De nombreuses atteintes furent
portées aux franchises du port. Enfin, la
destruction de ce dernier et des travaux
entrepris à Mardick, destruction exigée
par l'Angleterre à la suite de la conclu-
sion du traité d'Utrecht, menaça de
tarir dans sa source la prospérité de
Dunkerque. Faulconnier, accompagné
de l'échevin de Meulebeque, se rendit à
Paris afin d'obtenir pour cette ville des
compensations à ses pertes, et ses actives
démarches ne restèrent pas sans fruit.
Elles lui valurent sans doute sa nomina-
tion au poste de président de la chambre
de commerce, qu'il remplit jusqu'à sa
mort.
909
FAULCONNIER — FAUQUEMONT
910
Faulconnier consacra ses loisirs à
l'ouvrage auquel son nom est resté atta-
ché. La Description historique de Dun-
kerque, ville maritime et port très-jameux
dans la Flandre occidentale, parut en
1730 à Bruges, chez Pierre Van de Cap-
pelle et André Wydts. Elle forme deux
volumes in-folio, ornés de quelques
planches gravées par Krafft et, pour la
plupart, imprimées dans le texte même.
Le frontispice nous offre, dans le haut,
la Renommée tenant le portrait du « cé-
lèbre « auteur.
L'ouvrage est dédié au bourgmestre,
aux échevins et au conseil, formant le
magistrat de Dunkerque. Il s'arrête en
1718. C'est une compilation estimable,
où l'on rencontre une foule de détails
intéressants, mais assemblés avec peu
d'art. Faulconnier déclare qu'il n'a
avancé aucun fait qui ne soit tiré des
archives ; on ne peut néanmoins le suivre
qu'avec défiance, surtout pendant les
époques les plus reculées. Ainsi il place
à Dunkerque le port Iccius, il attribue
la fondation de la ville a saint Eloy qui
y serait venu prêcher l'évangile à un
peuple nommé les Diabintes , c'est-à-
dire, die Hapinden, navigantes in portu
aecuris formée, naviguant dans un port
qui a la forme d'une hache (les Dia-
hlintes, sans doute, de César, qui, en
réalité habitaient près de Jablentz, dans
le département de l'Aveyron) et fonda
sur leur territoire un temple chrétien,
qui de sa situation s'appelait VEglise
des Dunes {Duyn Kerke) ; il admet que
le comte de Flandre Baudouin III en-
toura d'un mur les habitations bâties en
cet endroit, etc. Dunkerque, dit-il, peut
s'appeler une ville moderne , l'époque
de sa fondation étant le xe siècle : il
aurait dû dire, pour être exact, la se-
conde moitié du xiie siècle.
Faulconnier a laissé, dit-on, huit
volumes in-folio d'observations manu-
scrites sur des sujets d'histoire; ce re-
cueil ne se compose sans doute que des
matériaux à l'aide desquels il a rédigé
ce livre. Il serait utile de rechercher en
quoi cette collection consiste, et quelle
en est la véritable valeur. Notre écrivain
fut enterré dans le chœur de l'église con-
ventuelle des Récollets, ainsi que plu-
sieurs autres membres de sa famille. Il
avait épousé, en 1677, Anne deBoistel,
fille d'un commissaire de guerres, morte
eu 1733, après avoir donné le jour à
16 enfants, dont 3 seulement lui survé-
curent : deux filles, mortes célibataires,
et un fils, Pierre- Jean- Joseph Faulcon-
nier, qui succéda aux charges de son
père et laissa de la postérité.
Alphonse Wauters.
Paquot, Mémoires, t. III, p 398-400. — Bio-
graphie ancienne et moderne de Michaud, t. XIV,
p. 194.
FAVQDEMOIVT {Thierry, sire de),
homme de guerre, né au château de
Fauquemont, dans le Limbourg, vers
la fin du xiiie siècle, mort à Yottem,
dans le pays de Liège, en 1346. Il était
fils puîné de Renaud sire de Fauque-
mont, de Montjoie, de Saint- With, de
Bulgenbach, de Heinskercke, etc., qiii
avait eu des démêlés avec le duc de
Brabant et dont l'historien De Hemri-
court dit que c'était » le plus brave et le
plus courageux des Flamands « Son fils
aîné Waleram ayant été tué en 1329 à
la défense du château de la famille,
Thierry succéda à son père dans les
domaines patrimoniaux et, comme son
père, il se fit une grande réputation de
capitaine habile et courageux.
En 1332, le duc de Brabant ayant
refusé d'obtempérer aux injonctions du
roi de France, qui voulait que Robert
d'Artois, réfugié à la cour de Jean III.
lui fût livré ou tout au moins fût expulsé
des Etats du duc de Brabant, vit se
former contre lui, à l'instigation du roi
de France, une ligue de tous les princes
ses voisins, lesquels espéraient s'enri-
chir des dépouilles du duc de Brabant
dont la perte leur semblait assurée.
Thierry de Fauquemont, qui avait à
venger les griefs de son père Renaud et
la mort de son frère Waleram, était
l'àme et le chef de cette confédération à
laquelle le comte d'Eu, connétable de
France, vint se joindre, avec un corps de
troupes françaises. Le duc de Brabant
montra une grande fermeté dans ces cir-
constances critiques; il chercha à attirer à
un combat ses ennemis qui se conduisaient
9H
FAUQUEMONT — FAVELET
912
non en soldats ni en chevaliers, mais en
véritables brigands, pillant et brûlant les
domaines de leur ennemi, mais fuyant
la bataille. Grâce à l'intervention du
comte de Hainaut et au départ volon-
taire de Eobert d'Artois pour l'Angle-
terre, le roi de France s'apaisa et la
ligue des princes se rompit.
Thierry de Fauquemont, à qui le repos
était insupportable et qui recherchait
les occasions de faire la guerre, s'em-
pressa de promettre son concours à
Edouard III d'Angleterre, lorsque ce
prince imagina de revendiquer la cou-
ronne de France, et il s'allia dans ce
but avec ce même duc de Brabant que
peu de temps auparavant il cherchait à
dépouiller de ses Etats. En attendant
que les armements d'Edouard III fus-
sent terminés, il secourut le duc Jean
contre l'évéque de Liège.
Enfin les forces militaires au moyen
desquelles Edouard III espérait réaliser
ses vues ambitieuses se trouvèrent réu-
nies en 1339, et on débuta par le siège
de Cambrai, place fortifiée qui, à cette
époque, était considérée comme la clef
de la France. Thierry de Fauquemont
se distingua dans toutes les rencontres.
Edouard III lui avait confié un com-
mandement; il fut tellement satisfait de
ses services qu'il lui accorda une rente
de 1,200 écusd'or.
Depuis lors, le sire de Fauquemont
semble s'être attaché à Edouard III, ce
qui ne l'empêcha pas d'intervenir dans
les querelles des princes des Pays-Bas.
C'est ainsi qu'on le voit figurer à la
tête de l'armée de l'évéque de Liège
lors des démêlés de ce prince avec les
habitants de Huy et d'autres viUes ré-
voltées de ses Etats. Dans cette cir-
constance la fortune trahit la valeur du
sire de Fauquemont : l'armée épiscopale
éprouva une défaite complète à Yottem,
dans le pays de Liège, et son chef fut
retrouvé sur le champ de bataille parmi
les morts. Générai baron Guillaume.
Ernst, Histoire du Limbourq. — Perreau, No-
tice historique sur les sires de Fauquemont Revue
belge, 18W). — Nej'en, Biog. luxembourgeoise.
— Becdelièvre, — "Piron, — Michaud, — Le-
œayeur. Gloire Belgique.
PAVEi-ET {Jean-Françoii) naquit le
18 avril 1674 au fort de la Perle, com-
mune de Calloo, près d'Anvers. Il était
fils de Jean Favelet, enseigne au service
du roi d'Espagne et d'Ursule Cays, qui
appartenaient l'un et l'autre à de très-
bonnes familles. Orphelin de bonne
heure, il fut recueilli à l'âge de sept ans
par l'un de ses cousins, N. Hernandès,
curé de Londerzeele, qui voulut bien se
charger de son éducation. C'est cet
homme vénérable qui sut inspirer au
jeune Favelet cette charité sans bornes,
cet amour profond de ses semblables,
qui ont fait le bonheur de toute sa vie.
Jean Favelet commença ses humanités
au collège de MoU (Campine), puis peu
de temps après, il alla les continuer à
iMalines chez les pères de l'Oratoire. Les
succès qu'il y obtint firent dès lors pré-
voir à ses maîtres et à son protecteur
l'avenir brillant auquel il était destiné :
aussi fut-il envoyé à Louvain pour y
étudier la philosophie. Il fut reçu dans
la maison de Standonck, et suivit pen-
dant quinze mois les leçons du collège
du Porc. Mais la philosophie n'avait que
peu d'attraits pour lui, et il fut heu-
reux d'abandonner ces études abstraites
pour suivre les leçons de Peeters, de
H. Somers et de Ph. Verheyen, qui re-
présentaient, à cette époque, la faculté
de médecine. De nouveaux succès et de
nouveaux triomphes l'attendaient dans
ses nouvelles études. A l'âge de vingt-
trois ans, ses maîtres lui conférèrent le
titre de fisc et de doyen des bachelier».
Cette charge et ce titre étaient accordés
à Louvain, à ceux qui, après avoir sou-
tenu pendant trois mois les exercices de
l'école dans les disputes publiques,
avaient présidé à douze thèses pendant
ce temps (Eloy, Bict. Jtist. de la méde-
cine anc. et moderne, Mons, 1778; t. II).
Favelet subit ces épreuves de la ma-
nière la plus brillante.
L'enseignement de l'Ecole étant plus
théorique que pratique, il accepta avec
empressement la proposition qui lui fut
faite d'aller à Malines diriger, en qualité
de médecin, l'hôpital royal des militaires.
Puis, en 1701, il retourna à Louvain
pour se faire recevoir licencié. Il obtint
913
FAVELET
914
ce grade le 5 septembre de cette année,
avec un succès si éclatant, que, moins de
quatre ans après, l'ancien élève deve-
nait professeur à son tour. Maximilien-
Emmanuel, duc de Bavière et gouver-
neur des Pays-Bas pour le roi d'Espagne
Philippe V, le nomma, au nom de
Sa Majesté, à la chaire de botanique
devenue vacante par le décès du profes-
seiir Guillaume van Limborch. Il siégea
pour la première fois au conseil de la
faculté de médecine le 1er octobre 1705.
Cette même année, la régence de Lou-
vain lui confia la direction de l'hôpital
civil dont G. van Limborch avait été
également chargé. En 1710, à la mort de
l'anatomiste Philippe Verheyen, il fut
nommé professeur d'anatomie et de chi-
rurgie, laissant la chaire de botanique
à son ancien condisciple, Xarez (3 mars
1710). Ses remarquables leçons atti-
raient autour de lui un auditoire nom-
breux, que charmaient, tour à tour, son
éloquence pénétrante et la puissance de
sa dialectique. Aussi devait-il être un
rude adversaire pour ceux de ses col-
lègues ou pour les savants de son époque
qui prêtaient l'oreille aux théories nou-
velles que Stahl et Hofi'mann, d'un côté,
et Boerhaeve, d'un autre, tentaient d'in-
troduire dans la science.
Le 19 février 1718,Eavelet qui, ainsi
que ses collègues Xarez et Eega, n'était
encore que licencié en médecine, reçut
le bonnet de docteur, et huit jours après,
le 26 février, il fut appelé à remplacer
à l'une des deux premières chaires de
médecine, son ancien professeur, Henri
Somers, qui venait de mourir. Depuis
cette époque, Favelet, arrivé à l'apogée
de sa gloire, fut considéré comme le pre-
mier médecin du pays. Non-seulement
la noblesse du Brabant, mais encore
tous les personnages importants des pro-
vinces voisines tenaient à honneur de le
consulter et de lui prodiguer des preuves
d'amitié. En 1735, quand la sérénis-
sime archiduchesse Marie - Elisabeth
arriva dans les Pays-Bas pour en prendre
le gouvernement au nom de son frère,
l'empereur Charles VI, elle honora le
célèbre professeur de Louvain du titre
de son conseiller archiatre et de pre-
mier médecin de sa cour. L'érudition
de Favelet n'était pas seulement appré-
ciée dans notre pays, mais sa réputation
était même parvenue en France : en
1729, l'Académie des sciences de Paris
le nomma au nombre de ses associés
étrangers. L'année suivante, il se rendit
à Paris, et dans la séance du 9 août de la
même Académie, il prononça un discours
de remercîment qui fut imprimé et qui
nous est parvenu sous le titre : Gratiarum
adio panegyrica instituta per J .-T . Fave-
let prima quâ lllustrisslmœ ac Régies
Parinensium Academia comitiis intererat
vice 9 aug. 1730. Parisiis ex typog.
Langlois, 1730, in-4o.
Favelet revint ensuite à Louvain où
il reprit ses cours à l'université. A sa
mort, le professeur Xarez reçut la chaire
de médecine et la place de directeur de
l'hôpital de Louvain.
Paquot {Mém. pour servir à Vhisi. lit-
téraire des dix-sept provinces, etc., etc.,
Louvain, 1764, t. III, p. 337) nous
apprend que Favelet fut marié trois fois :
il épousa, à l'âge de vingt ans, Marie
Wimmers, veuve d'un médecin nommé
Adrien Kegnault (25 oct. 1697). Cette
union ne fut pas longue et il épousa une
autre veuve, nommée Anne Le Febvre,
qui mourut au commencement du mois
de décembre 1722. Enfin il se maria une
troisième fois avec une demoiselle noble,
Catherine van Hove. Cette dernière lui
survécut jusqu'au 20 juillet 1791.
Voici maintenant un court aperçu des
ouvrages de Favelet. L'illustre profes-
seur n'était pas un écrivain : sa réputa-
tion eut uniquement pour base l'érudi-
tion dont il faisait preuve dans ses
leçons, et, s'il a été amené à écrire, ce
n'est en quelque sorte qu'à la suite des
circonstances spéciales dans lesquelles
il s'est trouvé placé. Ce qui donne une
grande importance à ses écrits, c'est que
les querelles d'école auxquelles il a été
mêlé étaient le procès fait à l'ancienne
médecine, avec son cortège de polyphar-
macie, par de hardis novateurs. Une
fièvre d expérimentation etd'observation
agitait alors les savants. Les progrès de
la physique et de la chimie devaient for-
cement conduire à une révolution pro-
9iS
FAVELET
91 H
fonde dans les sciences médicales dès
que l'on aurait tenté d'appliquer à
celles-ci les découvertes nouvelles qui
émerveillaient et qui passionnaient les
esprits. Cette révolution eut ses parti-
sans et ses adversaires acharnés dans
tous les pays; chez nous, c'est surtout à
l'université de Louvain que la division
fut profonde entre les défenseurs de la
chimiafrie humorale et leurs antago-
nistes, partisans de Viatromécanisme et
du solidisme. Favelet compte au nombre
des- premiers, De Villers au nombre de
ces derniers.
Déjà en 1721, Favelet s'en prit à un
célèbre médecin de Paris, Ph. Hecquet,
doyen de la faculté de médecine, qui
avait publié un livre intitulé : Le la
digestion des aliments et des maladies de
V estomac, suivant les systèmes de la tri-
turation et du broyement, sans l'aide des
levains ou de la fermentation, dont on fait
7Joir r impossibilité en santé et en maladie.
Paris, Fournier, 1712. Le professeur de
Louvain combattit cette doctrine en
publiant : Frodromvs apologice fermenta-
tionis in animantibns , instructus animad-
versionibîis aliquotinlibrumde Digestione,
nuper editumper Cl. virum D. Philippum
Hecquetium, medicince iu illustri Pari-
siensiîtm universitate doctorem, professo-
rem.. Lovanii, Petr. Aug. Denique,
1721, in-12, 228 p.; et son argumenta-
tion serrée sut tellement bien découvrir
les points faibles de son adversaire que,
de tous les ouvrages faits sur cette ma-
tière, le sien, de l'aveu des médecins de
l'époque, est celui où Hecquet est réfuté
avec le plus de force et de solidité : c'est
du moins l'opinion du Journal des sa-
raus (édit. d'Amsterdam, février 1723,
p. 176).
Mais voici qu'un des anciens élèves
de Favelet, Augustin De Villers, entre à
son tour dans le conseil de la faculté de
médecine de Louvain, chargé du cours
des institutions médicales (physiologie
et hygiène). Au bout de peu de temps,
De Villers s'aperçoit que les ouvrages
classiques, qu'il est obligé d'expliquer à
ses élèves, ne sont plus à la hauteur de
la science, et il annonce la publication
de ses histitutionum medicarum lihri duo.
romplectentes pliysiologiam et Jiygieinem,
veterum placitis , legibus hydranlicis ,prin-
cipiis mec/tanicis, recentioru7n inventis,
nec non solidis ac demonstrativis inde
deductis ratiociniis innixi . Lovanii^ 1736,
in-4o, p. 420). A cette nouvelle, Fave-
let s'emporte contre son collègue, qu'il
accuse de venir jeter le trouble dans la
faculté et de montrer la plus noire
ingratitude envers son ancien protecteur;
enfin, il charge, le 15 juillet 1735, l'un
de ses élèves de soutenir une thèse contre
ces théories audacieuses. Lui-même
prend la défense de cette thèse dans un
écrit publié peu de temps après : Ani-
madversiones aliquot in medico critieas
Institutiones Cl. D. Serv. Aug. de Vil-
lers, med. doct. etprofess., uti et in ejtis-
dem examen Theseos cujuspiam de Bile
quas eruditorum examini, simid et medi-
cinee studiosis pro strenâ et antidoto sistit
J.-F. Favelet. Lovanii, typis Joannis Ja-
cobs, 1735 ; suivi à quelques jours de là
d'un autre écrit : Ventilabrum examinis
cujuspiam Theseos de Bile, instituti per
Cl. D. de Fillers, med. D. et professo-
rem, prœmissis tamen et subsequentibvs
nonnullis ad ejusdem Cl. viri medicinee
fundamenta salutaribus notis et animad-
versionibus. Cela n'empêcha pas De Vil-
lers de répondre par de nouvelles bro-
chures et de publier, l'année suivante, le
traité annoncé. Ce traité fut loué publi-
quement par le professeur Rega, qui
avait également, à Louvain, reconnu la
nécessité d'une transformation dans les
cours de médecine. Favelet ne se tint
pas pour battu : dans Examen quo-
rumdam impertinentium et absonorum qua
in Cl. D. de Villers ventilationibus et
epistola iis adjuncta occurrunt, il accusa
les partisans du solidisme d'abandonner
les théories humorales par ignorance de
la chimie. Sans nier que les solides ne
puissent éprouver des mouvements de
contraction sous l'influence des liquides,
il est impossible, dit-il, que ces solides
aient une influence quelconque sur la
digestion par suite d'oscillations tritu-
rant les aliments ; les liquides seuls sont
altérés dans les diverses maladies ; vous
ne pouvez rejeter mes preuves : les
liqiiides jouent seuls un rôle certain
917
AVELET - FAYD'HEHBE
918
dans la nutrition par la fermentation
qu'ils font subir aux aliments pour les
transformer en chyme. De Yillers, avec
les solidistes, allait jusqu'à nier l'acidité
du suc gastrique et l'alcalinité de la bile.
Favelet a facilement raison de ces con-
tre-vérités. Enfin De Yillers prétend à
tort que ses théories sont exactement les
mêmes que celles d'Hoffmann et de
Boerhaeve : ces savants ont admis en
partie la fermentation, et vous ne pou-
vez vous appuyer sur leur autorité, dit
Favelet. Mais ici il semble que son entê-
tement lui ait fait méconnaître la véri-
table doctrine de ces auteurs.
Pourquoi fallait-il qu'au milieu d'ou-
vrages qui étaient la preuve de sa grande
érudition, Favelet ait cru devoir intro-
duire des critiques acerbes et des atta-
ques personnelles à l'adresse de son
adversaire et des partisans de celui-ci
à l'université? Parvenu à la position
prépondérante qu'il occupait, il négli-
gea sans doute de se mettre au courant
des progrès de la science, il continua à
suivre les sentiers battus, et il crut que
sa dignité et sa réputation lui faisaient
un devoir d'imposer son opinion à un
collègue qui avait été son élève. Kega,
qui avait donné toute son approbation à
De Villers, ne fut pas plus ménagé. A la
suite de son dernier ouvrage, Favelet fit
imprimer : Appendix epistolaris ad expe-
rimentissinmm et Clariss. J). Rega, med.
B. et prof., etc., etc., qui se preemisds
disputatio7irbus vano admoduni conatu
hmnisaiit. Cette lettre est loin d'av»ir la
valeur des travaux qui l'ont précédée : la
critique sage et mesurée y est remplacée
par un emportement sans bornes et
même par des divagations incohérentes.
Tous ces ouvrages furent réunis en
un seul volume et publiés avec un avant-
propos et une conclusion sous le titre de
Novarum quee in medicina a paucis annis
repullartmt hypotheseon lydius lapis, quo
mediante ostenditur , quaritum et quousqite
sit hypothesibus novis in medicina fiden-
dum, authore J.-F. Favelet, etc. Aquis-
grani, Joan. Org. Const. MuUer, 1737,
in-12, pp. 520.
•Si, comme savant, Favelet fut enfin
vaincu sur le terrain de la science,
comme homme de cœur, il ne fut jamais
vaincu sur le terrain de la charité. Dans
son auditoire aux Halles, il avait fait
placer le texte suivant de l'Ecriture :
Beatus ille qui intelligit super egenum et
paupurem : in.die niala Uherahit eum Do-
minus. Ce fut là sa règle de conduite,
et il emporta dans la tombe le regret
des pauvres qui n'avaient jamais en
vain réclamé le secours de son art, et
pour lesquels sa bourse était toujours
ouverte.
Il mourut le 30 juin 1743 à huit
heures du matin, épuisé par des vomis-
sements continuels et incoercibles, après
avoir été incommodé pendant quelques
temps de la goutte.
Docleiir Victor Jacques.
Paquot, Mém. pour servir à l'hist. littéraire def
dix-sept provinces, etc., etc. Louvain, 1784. 1. 111.
Piron, Algeineene Levensbeschryving , etc. —
Delvenne, Bior/raphie des Pays-Bas. — Eloy,
Dict. historique de la méd. anc. et mod. — An-
nuaire de l'université de Louvain, 18'fl. — Bio-
graphie médicale, t. IV. — Biographie générale
de Didot.
f.IlYd'herbi: {Atitoine), sculpteur,
frère puîné d'Henri; né à Malines, y
décédé le 8 octobre 1653. Il devint
franc-maître de la gilde malinoise de
Saint-Luc le 11 juillet 1605 et occupa
plus tard, en 1621 et en 1628, les
fonctions de doyen de cette association.
Il vendit à l'hôpital d'Hulst une sta-
tue de la Sainte Vierge, deux Anges,
une statue de Sainte Elisabeth et une
autre de Saint Augustin, images qui
avaient été polychromées par son frère
Henri,
En 1623, il exécuta, à raison de sept
florins, pour compte de l'église de Saint-
Jean à Malines, la statuette de Notre-
Dame de Montaigu, qu'on y voit encore.
En 1627, il toucha septante florins
pour une statue représentant Notre-
Dame des Sept Douleurs, destinée à
l'église Xotre-Dame au delà de laDyle.
Cette œuvre est perdue. Pendant le cou-
rant de la même année, il fournit aussi
cinq figures destinées à être placées sur
le buffet d'orgue de l'église d'AnJer-
lecht. Les comptes communaux de Ma-
lines de 1634-1635 consignent encore
divers autres travaux , moins impor-
tants, dont le sculpteur s'occupa a
919
FAYDHERBE
920
l'occasion de l'entrée du prince cardi-
nal. Il eut pour élève François Ver-
straeten.
Antoine Fayd'herbe eut de sa femme
Charlotte van Casteele six filles dont
une, portant le prénom de Marie, cul-
tiva l'art de la sculpture et dont on
trouvera plus loin la notice.
Emmanuel Neeffs.
E. Neeffs, Histoire de la peinture et de la
sculpture à Malines. T. II, p. 158 etsuiv.
fayd'herbe {Henri), enlumineur,
doreur et sculpteur de figurines en
albâtre, né à Malines en 1574, y décédé
le 30 avril 1629. Il était fils d'Antoine,
brasseur, et entra, dès l'âge de qua-
torze ans, dans la gilde de Saint-Luc,
en commençant son apprentissage chez
^lelchior d'Assonville, étofteur brugeois
établi à Malines. Devenu franc-maître
le 17 juillet 1599, il ouvrit un atelier;
mais il dut, vers lôO-t, par suite de
revers de fortune, se retirer momentané-
ment à Anvers. Dans V Histoire des
sculpteurs malinois, nous avons fait con-
naître quelques œuvres de cet artiste;
nous rappellerons ici les travaux de
dorure qu'il fut chargé d'appliquer à
un tableau appartenant à l'infante d'Es-
pagne, ainsi que le constate une dépêche
du duc d'Havre, qui l'appelle, à cet
effet, à la cour de Bruxelles. Henri
Fayd'herbe donna les premières leçons
d'art à son fils Luc; il fat aussi le maî-
tre de Philippe Eael , Eombaut van
Avont , Antoine Yermeulen (1599),
Jean Ceulemans (1619), Jacques Lau-
wers (1620), Gérard Yander Meulen
(1622), et de Antoine de Helt (1623).
Henri Fayd'herbe jouissait, en outre,
d'une certaine réputation comme poète
flamand; plusieurs de ses productions
sont insérées dans le recueil Schadtkiste
der philosophen ende poeten. Mechelen,
H. Jaye, 1621, grand in-4o; elles sont
signées de la devise Groote liist, selden
rust. L'épitaphe inscrite sur sa tombe,
placée au cimetière de Saint-Kombaut,
est également de sa composition.
Emmanuel Nevffs.
Einm. Neeffs. Histoire de la îieiiilure et de lu
iculpture a Malines. T. Il, p. 147.
F.%Y»'iiERBE {Jean-Luc), sculpteur
et architecte, baptisé à Malines à Saint-
Rombaut le 28 août 1654, décédé en
cette ville le 29 juillet 1704. Il était
fils de Luc. D'abord élève de sou père,
il alla plus tard à Anvers, où il prati-
quait librement dès 1673-1674. Revenu
dans sa ville natale, il adressa en 1684
une supplique à l'autorité communale
afin d'y obtenir l'érection d'une acadé-
mie libre de beaux-arts, vœu qui ne fut
pas accueilli. L'historien De Bie nous
apprend que J.-L. Fayd'herbe repro-
duisit au ciseau une peinture, la Nati-
vité du Sauveur, d'après A. van Dyck.
C'est la seule œuvre sculpturale dont la
mention nous soit parvenue. Comme
architecte, il produisit le plan de la
façade du monastère de Leliendael, du
côté de la rue du Brul, à Malines (16 8 7),
et celui du local de la gilde la Jeune
Arbalète, au Marché aux grains. Ces
édifices sont conçus dans le style qu'af-
fectionnait le père de l'artiste; ils se
distinguent par un caractère élégant.
Emmanuel Neeffs.
Emm. Neeffs, Histoire de la peinture et delà '
sculpture à Malines. T. II, p. 188 et suiv.
fayd'herbe {Marie), sculpteur,
née à Malines le 22 janvier 1611, fille
d'Antoine et de Charlotte van Casteele.
Convaincue de la valeur de son talent,
elle adressa, le 20 décembre 1632, une
requête au magistrat de Malines, afin
d'être agrégée à la corporation de Saint-
Luc. A l'appui de sa demande, elle fit
valoir que son ciseau n'était pas infé-
rieur à celui des plus adroits sculpteurs
de Malines, et elle pria l'autorité de
lui permettre d'entrer en concours avec
ceux-ci. Huit artistes répondirent au
défi : nous ignorons quel fut le résultat
de cette lutte artistique, et même si elle
eut réellement lieu. Quoi qu'il en soit,
c'est à la proposition hardie faite par
elle, que Marie Fayd'herbe doit sa no-
toriété, car aucune de ses œuvres ne
paraît être parvenue jusqu'à nous.
Emmanuel Nueffs.
Emm. Neeffs. Histoire de la peinture et de la
sculpture à Malines. T. II, p. loo et 191.
fayd'herbe {Luc), architecte et
sculpteur, baptisé à Saint-Rorabaut à
9^1
FAYD'HERBE
9-2-i
Malines le 19 janvier 1617; mort eu
cette ville le 31 décembre 1697; fils
d'Henri Fayd'herbe et de Cornélie
Franchoys. Il reçut, par l'enseignement
paternel, les premières notions d'art;
son père étant mort lorsqu'il n'avait que
douze ans, il continua ses études sous la
direction de Maximilien Labbé, second
époux de sa mère. En 1636, il entra
dans l'atelier de P. -P. Rubens à An-
vers. Le grand peintre s'attacha par les
liens d'une étroite amitié à son élève ;
celui-ci ne quitta Anvers qu'en 16-tO,
année où son illustre maître mourut ; il
vint alors acquérir la franche-maîtrise
à Malines. La séparation de Rubens et
de Fayd'herbe avait été pénible, ils
avaient en cette circonstance échangé
des productions d'art : Rubens reçut du
sculpteur plusieurs statuettes en ivoire,
qui passèrent dans la suite dans les col-
lections de l'électeur palatin. Le grand
peintre remit en outre à son disciple, le
5 avril 1640, un certificat constatant son
talent en termes très-élogieux.
Le 1er mai de la même année, Fayd'-
herbe épousa à Malines Marie Snyers,
union qui fut si longue, qu'elle permit
aux époux de célébrer le cinquantième
anniversaire de leur mariage et qu'elle
donna le jour à douze enfants. Notre
statuaire, emporté par une maladie de
langueur, reçut la sépulture à l'église
de Saint-Rombaut dans la tombe de ses
beaux-parents. Gonzales Coques nous a
laissé son portrait, gravé ensuite par De
Jode ; il y apparaît doué de traits ex-
pressifs, d'une complexion nerveuse et
d'une taille peu élevée; le musée de
Malines possède une autre reproduction
des traits du statuaire par Pierre Fran-
choys; J.-A. Coxie, dans un tableau de
famille, représenta aussi Luc Fayd'herbe
entouré de ses parents les plus proches;
enfin la ville de Malines fit exécuter
en 1854 par J.-J. De Bay une statue
monumentale rappelant la mémoire du
grand sculpteur.
Luc Fayd'herbe se livra spécialement
à l'étude de l'architecture et à celle
de la sculpture. Comme architecte, il
produisit des monuments remarqua-
bles, parmi lesquels nous citerons, à
Malines : les bâtiments claustraux, la
tour et l'église de Notre-Dame d'Hans-
wyck, qui est couronnée par une coupole
hardie mesurant sous la clef de voûte
117 pieds de hauteur (1663); l'hôtel de
la commanderie teutonique de Pitzem-
bourg (1664), démoli en 1836; l'église
du prieuré de Leliendael (1674) et plu-
sieurs habitations particulières. Le maî-
tre-autel de l'église de Saint-Rombaut
peut être compté parmi ses œuvres ar-
chitecturales, en raison de ses propor-
tions colossales; ce travail, érigé en
1665, fut achevé d'après un plan gé-
néral d'ornementation adopté pour le
chœur, mais dont, actuellement, il ne
reste que les portiques latéraux sur-
plombant des tombes ; encore l'une de
celles-ci n'est-elle point conforme au
projet primitif.
Une des œuvres les plus considéra-
bles de l'architecte malinois est l'église
abbatiale d'Averbode (1664j; il fournit
également, tant pour des édifices reli-
gieux de Malines, que de Bruxelles,
d'Anvers, de Louvain, etc., plusieurs
modèles d'autels et de tombeaux. Le
style de Fayd'herbe rappelle dans toutes
ses parties l'époque de P. -P. Rubens;
l'on y trouve les ornements rustiques,
les pilastres et les colonnes à bossages,
les chapiteaux corinthiens, les frontons
rompus, les consoles renversées, en un
mot tous les détails caractérisant l'art
flamand du xviie siècle.
Les œuvres sculpturales deL. Fayd'-
herbe étant pour ainsi dire innombra-
bles , nous devons nous borner à en
indiquer les principales. Celles-ci se
trouvent réunies dans sa ville natale,
bien qu'il ait laissé aussi des traces de
talent à Bruxelles, à Anvers, à Lierre,
à Audenarde et dans plusieurs villa-
ges.
Les productions les plus importantes
que Malines conserve de lui sont :
à l'église de Notre-Dame d'Hanswyck :
les deux grands bas-reliefs de la cou-
pole, représentant la Natinitt de Jésus
et le Portement de la Croix. Hauteur
4 mètres 50, longueur 7 mètres. Ces
œuvres, les plus grandes en ce genre
que l'on connaisse en Belgique, déno-
923
FAYirilEHBE — FAYN
924
tent le plus beau talent, cependant la
composition pêche par trop de minu-
ties. Les bustes, en pierre, de Saint
Augndin et de Saint Anthroiae, sous le
dôme; dans le chœur les bustes en
marbre de la Sainte Vierge et de Saint
Augustin .
A l'église métropolitaine de Saint-
Rombaut les groupes en pierre de Sainte
Anne accompagnée de la Saitite Vierge
(1670), de Saint JoacJdm accompagné
d'unAnge(lQ12); les statues en pierrede
Saint Charles Borromée (1675), de Saint
Joseph (1G72); les statues colossales de
Saint Constant debout et de deux meur-
triers couchés, au-dessus du maître-autel
(1665) , pierre. Les morceaux si remar-
quables dans ce temple sont le groupe
de Saint François Xavier agenouillé de-
vant la Sainte Vierge assise et tenant son
divin fils sur les genoux, pierre; et celui
qui surmonte le tombeau de V archevêque
Cruesen, marbre.
A l'église de Notre-Dame, au delà de
la Dyle : un petit bas-relief, terre cuite,
V Erection de la croix; statues de la
Sainte Vierge ayant C enfant Jésus sur les
bras, pierre; de Notre-Dame des Sept
Douleurs, bois (1642).
A l'église du Grand-Béguinage : dans
la façade l'on remarque deux statues en
])ierre : Dieu le Père, haut-relief, et
Sainte Catherine. A l'intérieur : Muter
dolorosa (1640), Salvator mundi, pierre.
Au-dessus de l'autel, la Sainte Vierge et
V Enfant Jésus, marbre (1671). L'église
de Saint-Jean renferme quelques œuvres
décoratives et un bas-relief en pierre de
notre artiste. Enfin le musée de Ma-
lines possède, outre plusieurs pièces
d'importance secondaire, une statue de
la Sainte Vierge ayant son fils sur les
bras. Hauteur 2 mètres 90, pierre.
Les statues de L. Fayd'herbe, ses
bas-reliefs ainsi que les ornements qu'il
tailla dénotent une grande vigueur, de
la hardiesse et de la largeur d'exécu-
tion : toute sa manière révèle l'influencoi
de P. -P. Rubens.
Fayd'herbe forma plusieurs élèves qui
se signalèrent dans jastatuaire, les prin-
cipaux sont : les Malinois ,I.-F. Jîrocckx-
stuyns, Xif. \ an dcr \'(!kene, ¥r. Lan-
gheraans, et le Bruxellois J.
len.
van De-
Emmanuel Neeffs.
Emm. Neeffs, Histoire de la peinlme et de la
sculiHiire à Matines. 1. II, p. d57 et suivantes
FAY'W (Etienne), architecte et gra-
veur, né à Liège au xviiie siècle. Il fut
un des membres fondateurs de la société
libre d'Emulation de Liège, dont il
grava le diplôme, l'année même de la
fondation (1779), ainsi que la planche
des reçus (1783). En 1780, il signait
architecte de S. À. C. — M. le cheva-
lier Edmond Marchai (Mémoire sur les
sculpteurs aux Pays-Bas) le range, par
erreur, au nombre des sculpteurs lié-
geois et cite à l'appui un passage de
De Feller (Voyages), ne s'apercevant pas
que cet auteur, parlant du grand autel
du monastère de Saint-Remy, près de
Rochefort, vrai chef-d'reuvre dû à Fayn,
cite celui-ci comme architecte. Il est
étonnant que De Feller, en s'occupant
de l'abbaye d'Orval, ne signale pas la
collaboration de Fayn. En eflet, dans
l'ouvrage de Jean Antoine, publié en
1768, on lit que ce fut Fayn, architecte
à Liège, qui a continué, en 1763, la
maison d'Orval, en corrigeant le goût
trop ancien du Sr Dewez. Parmi les tra-
vaux de Fayn, mentionnons un plan de
la rectification des jardins du château
de Seraing de S. A. C. le prince-évêque
de Liège. Ce plan est conservé par un
des descendants de l'auteur, M. J. Fayn,
ingénieur à Liège, qui possède en outre
plusieurs dessins dus à sa plume. Dar-
tois nous apprend, dans ses notes, que
Fayn est l'auteur de l'église et du beau
monastère du Val-Saint-Lambert, dé-
moli, et que le prince-évêque Yelbruck
lui demanda le plan d'un hôpital géné-
ral, considéré comme un chef-d'œuvre,
d'après l'avis des artistes. Devenu ardent
patriote, il grava, en 1790, le portrait
de Fabry, bourgmestre de Liège, et
dédia des dessins à la plume au citoyen
Rensonnet, à madame Rcnsonnet et au
citoyen Bassenge, son ami, avec lequel
il fut en correspondance suivie. Au
nombre des estampes sorties de son
biuin, on conuaît encore le portrait de
Jacques de Hubin, prince-abbé de Sta-
vclot et de Malmèdy (1782), et celui de
9-25
FAYN
926
Benjamin IrankUn; une Vue d\iiie partie
de la ville de Liéye, prise sur le pont de
Meuse, et celle du Château de Hex,
toutes deux de 1783, et un frontispice :
Campement dans le pays des Grands Na-
maquois. Il a laissé un dessin au crayon
noir : la Mort de Cléopâtre, d'après le
Corrége, et plusieurs dessins à la plume
avec dédicace, dont la variante n'est pas
sans intérêt : Vue prise sur la Meuse
(Chokier), dédiée à monsieur de Paix,
tréfoncier, conseiller privé et des finances
de S. A. C. le prince-évêque de Liège,
par son très-humble et très-obéissant ser-
tvï^wrFayn, architecte et graveur (17 85);
Vue prise aux environs de Liège (Vaux-
sous-Chèvremont), même dédicace, même
date; Vue de Chèvremont, prise sur le
chemin de Chaudfontaine, au citoyen
Rensonnet, général de brigade, par son
concitoyen Fayn ; Vue de la ville de Liège,
prise du moulin de Herstal,- à madame
Rensonnet, par son concitoyen Fayn;
Vue du grand pont de Meuse et de la cita-
delle de Liège, dessinée en 1790, au
citoyen Bassenge, député au conseil des
Cinq Cents, par son atni Fayn ; Vue des
bains de Chaudfontaine, département de
rOurthe, même dédicace. La plupart
de ces pièces et beaucoup d'autres ont
figuré aux diverses expositions organi-
sées par la société d'Emulation de 1781
à 1788. On présume que Fayn se propo-
sait de publier une suite de vues des
environs de Liège; en effet, nous voyons,
par le catalogue de 1784, qu'il exposa :
lo une estampe iV"» 1 de la collection des
vues du Pays de Liège; 2" un dessin, au
crayon noir rehaussé de blanc, repré-
sentant une Vue des environs de Chaud-
fontaine, servant de suite à cette collection;
3o un dessin à la plume représentant
une Vue du Val- Saint-Lambert et du
paysage qui l'avoisine, servant de suite à
la même collection, etc.
Le burin de Fayn est assez rude, sur-
tout dans le portrait; quant à ses Vues,
elles ont le mérite de reproduire avec
beaucoup de vérité, paraît-il, le site
choisi. Ce qui fait dire à D.-D. Mal-
herbe :
Fayn a dessiné nos plus charmans rivages
Avec beaucoup de vérité :
En voyant ces frais paysages.
Tout Liégeois s'y trouve transporté.
Les Extraits des comptes de la cité,
ainsi que la Table des registres aux recès
de la cité de Liège, publiés par M. Stan.
Bormans, mentionnent plusieurs paye-
ments faits à Fayn, architecte, entre
autres celui de deux carlins, pour son
dessin à l'occasion de l'illumination
(14 septembre 1764). Emile Tasset.
Jean Antoine, Traité d'architecture (Voy. au
bictionnaire des architectes, pages non numéro-
tées), Trêves 1768. — D.-D. Malherbe, Hommage
à la société d Emulation, Liège, 180!2. p. 46. —
De Feller, Itinéraire ou Voyages, ouvrage post-
hume, Paris et Liège, •18;20, t. 11, p. 176. — Bul-
letin de l'Institut archéologique liégeois, t. VU,
p. 413, 421; t. VIII, p. 287. — Emile Tasset,
Catalogue de l'Exposition de gravures de 1869,
publié dans les Annales de l'Union des artistes
liégeois, t. IV, p. 74, 84. — Helbig et Grandjean,
Catalogue des collections Capitaine, Liège, 1872,
t. m, p. 53, 86, 116.
FIN DU SIXIÈME VOLUME.
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I