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Full text of "Biographie nationale"

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in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/biographienation06acad 


BIOGRAPHIE  NATIONALE. 


A^^-y^^^/^>^ 


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9  197- 


BIOGRAPHIE  NATIONALE 


PUBLIÉE   PAR 


L'ACADÉMIE  ROYALE 


DES  SCIENCES,  DES  LETTKES  ET  DES  BEAUX-ARTS 


DE  BELGIQUE. 


TOME  SIXIEME. 


?"^*Î^^S 


BRUXELLES, 

URUYLANT-CimiSTOPHE  &  C»,  IMPRIMEURS-ÉDITEURS, 

RIE   n.lkES,    Ô3. 

1878 


B16L10THECA 


C7 


LISTE   DES   MEMBRES 


UE    LA    COMMISSION    ACADÉMIQUE    CHARGEE    DE    LA    PUBLICATION 
DE    LA    BIOGRAPHIE    NATIONALE. 


(JUILLET    1878.; 


MM.    P.-J.  van  Beneden,  délégué  de  la  classe  des  sciences,  président. 
Alph.  Wauters,  délégué  de  la  classe  des  lettres,  vice- président. 

E.  De  Busscher,  délégué  de  la  classe  des  beaux-arts,  secrétaire . 

F.  Stappaerts,  délégué  delà  classe  des  beaux-arts,  secrétaire-adj . 
L.  De  Koninck,  délégué  de  la  classe  des  sciences 

G.  Dewalque,  délégué  de  la  classe  des  sciences. 

Le  lieut. -général  Liagre,  délégué  delà  classe  des  sciences. 

Ed.  Morren,  délégué  de  la  classe  des  sciences. 

M. -P.  Gachard,  délégué  de  la  classe  des  lettres. 

J.  Heremans,  délégué  de  la  classe  des  lettres. 

Th.  Juste,  délégué  de  la  classe  des  lettres. 

Alph.  Le  Roy,  délégué  do  !a  classe  des  letties. 

Alph.  Balat,  délégué  de  la  classe  des  beaux  arts. 

Le  chev.  Léon  de  Burbure,  délégué  fie  la  classe  dos  beaux  arts 

Ad   Siret,  délégué  de  la  classe  des  beaux-arts. 


LISTE   DES    COLLABORATEURS 


DU  SIXIÈME  VOLUME  DE  LA  BIOGEAPHIE  XATIOXALE. 


Arenbergh  (E.  van),  littérateur,  àLouvain. 

Alvin  (Aug.),  préfet  honoraire  des  études  de  l'Athénée,  à  Liège. 

Alvin  (L.),  membre  de  l'iVcadémie  royale  de  Belgique,  conservateur  en  chef  de 
la  Bibliothèque  royale,  à  Bruxelles. 

Beneden  (P.-J.  van),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  professeur  à 
l'université  de  Louvain. 

Borchgrave  (Emile  de),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  conseiller 
de  légation,  à  Berlin. 

Bormans  (Stan.),  correspondant  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  conserva- 
teur des  Archives  de  l'État,  à  Namur. 

Burbure  (le  chevalier  Léon  de),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  à 
Anvers. 

De  Busscher  (Edmond),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  archiviste 
de  la  ville  de  Gand. 

Delecourt  (Jules),  vice-président  du  tribunal  de  première  instance  de  Bruxelles. 

De  Pau"W  (Nap.i.  procureur  du  roi,  à  Bruges. 


.     LISTE  DES  COLLABORATEURS. 

De  Smet  (le  chanoine  J.-J.),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  àGancl. 

Dewalque  (Gustave),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  professeur  à 
l'université  de  Liège. 

Dumont  (J.),  inspecteur  général  de  l'enseignement  moyen,  à  Bruxelles. 

Even  (Edw.  van),  archiviste  de  la  ville  de  Louvain. 

Galesloot  (L.),  chef  de  section  aux  archives  générales  du  royaume,  à  Bruxelles. 

Génard  (P.)»  archiviste  de  la  ville  d'Anvers. 

Goffart  (Alfred),  greffier  adjoint  du  tribunal  de  première  instance  de  Liège. 

Goovaerts  (AJf.),  bibliothécaire  adjoint  de  la  ville,  cà  Anvers. 

Guillaume  (le  lieut. -général  baron),  ancien  ministre  de  la  guerre,  aide  de  camp 
du  roi,  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  à  Bruxelles. 

Helbig  (H.),  homme  de  lettres  et  bibliographe,  à  Liège. 

Jacques  (Victor),  docteur  en  médecine,  à  Bruxelles. 

Juste  (Théodore),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  conservateur   du 
Musée  royal  d'antiquités,  à  Bruxelles. 

Kerchove  de  Denterghem  (Oswald  de),  avocat,  gouverneur  de  la  province 
du  Hainaut,  à  Mons. 

Kervyn  de  Volkaersbeke  (baron),  ancien  membre  de  la  Chambre  des  repré- 
sentants, bourgmestre  de  Nazareth  (Gand). 

Le  Roy  (Alph.),  mjmbre  de  l'Académie  royale  de  Belgique^  professeur  à  l'uni- 
versité de  Liège. 

Loise(Ferd.)j  correspondant  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  professeur  à  l'athé- 
née royal,  à  Mons. 

Lonay,  instituteur,  à  Verviers. 

Marchai  (le  chev.  Edmond),  secrétaire  adjoint  de  l'Académie   royale  de  Bel- 
gique, à  Bruxelles. 

Morren  (Edouard),  membre  de  l'Académie   royale  de  Belgicpie,  professeur  à 
l'université  de  Liège. 

Nève  (Félix),  membre  de  l'xVcadémie  royale  de  Belgique,  professeur  à  runiver- 
sité  de  Louvain. 

Nypels  (Guillaume),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  professeur  à 
l'université  de  Liège. 

Piot  (Ch.-G.-J.),    correspondant  de  l'Académie  royale  do    Belgique,    archiviste 
adjoint  aux  Archives  générales  du  royaume,  à  Bruxelles. 


LISTE  DES  COLLABORATEUES. 

Eahlenbeek  (Gh.),  homme  de  lettres,  à  Bruxelles. 

Renier,  à  Verviers. 

Reusens  (le  chanoine  E.),  professeur-bibliothécaire  de  l'université  de  Louvain. 

Rivier  (Alph.),  associé  de  l'Académie  royale   de  Belgique,  professeur  à  l'uni- 
versité de  Bruxelles. 

Roulez  (J.-E.-G.),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,   administrateur- 
inspecteur  honoraire  de  l'université  de  Gand. 

Siret  (Ad.),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  commissaire  d'arrondis- 
sement, à  Saint-Nicolas. 

Siret  (Paul),  littérateur,  à  Saint-Xicolas. 

StappaertS  (Félix),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  professeur  hono- 
raire d'archéologie  à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Bruxelles. 

Stecher   (J.),    correspondant  de  l'Académie    royale  de  Belgique,  professeur  à 
l'université  de  Liège. 

Tasset  (Emile),  graveur,  à  Liège. 

Terry  (L.),  correspondant  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  professeur  au  Con- 
servatoire royal  de  Liège. 

Thonissen  (J.-J.),  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique  et  de  la  Chambre 
des  représentants,  professeur  à  l'université  de  Louvain. 

Vander  Meersch  (Aug.),  avocat  et  homme  de  lettres,  à  Gand. 

Varenbergh  (Emile),  archiviste  de  la  province  de  la  Flandre  orientale,  secré- 
taire de  la  rédaction  du  Messager  des  sciences  historiques,  à  Gand. 

"Wauters  (Alph.),   membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  archiviste  de  la 
ville  de  Bruxelles. 


D 


DE  'Vt'iLDE  {Bernard),  architecte  et 
dessinateur  habile,  qui  dirigea  pendant 
plusieurs  années  les  constructions  éle- 
vées par  l'administration  communale  de 
la  ville  de  Gand.  Il  y  était  né  en  1691 
et  n'avait,  par  conséquent,  que  vingt-six 
ans  quand  il  fit  bâtir,  en  1717,  au 
Marché  aux  Grains,  sur  l'ancien  empla- 
cement du  Chàtelet,  un  vaste  bâtiment 
servant  d'entrepôt  et  qui  est  actuelle- 
ment occupé  par  le  Poids  de  la  ville. 
C'est  également  d'après  ses  plans  qu'on 
construisit  la  maison  de  la  Corporation  des 
mesureurs  de  draps  {Jtet  laken  meeteris 
htiys),  située  Marché  du  Vendredi.  Un 
assez  grand  nombre  d'autres  édifices  lui 
furent  dus ,  mais  les  deux  que  nous 
venons  de  citer  suffisent  à  caractériser 
son  mérite  et  à  reconnaître  que  De  Wilde 
savait  appliquer  avec  goût,  avec  sobriété, 
et  avec  une  certaine  ampleur,  le  style 
très-maniéré  de  son  époque.  Le  temps 
lui  a  cependant  manqué  pour  donner 
toute  la  mesure  de  ses  forces,  la  mort 
l'ayant  enlevé  en  1740,  alors  qu'il  était 
encore  dans  la  plénitude  du  talent. 

F.  Stappaerts. 

DE  ^iviLDE  (Gilles),  miniaturiste, 
historien,  écrivain  ecclésiastique,  né 
probablement  dans  le  Brabant,  mort  en 
1.503.  Il  fut  chanoine  régulier  de  l'ordre 
de  Saint-Augustin,  de  la  maison  de 
Kouge-Cloître,  près  de  Bruxelles,  où  il 
passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie 
dans  l'étude;  vers  la  fin  de  ses  jours,  il 
fut  cependant  envoyé  au    couvent    de 

ItlOf.R.    NAT.  —    T.    VI. 


Sainte-Barbe,  à  Tamise,  dont  la  direc- 
tion était  ordinairement  confiée  aux 
religieux  de  son  monastère.  C'est  là 
qu'il  termina  sa  carrière.  On  lui  doit 
divers  ouvrages,  faits  avec  grand  soin  et 
qu'il  se  plaisait  à  illustrer  de  miniatures 
dues  à  son  habile  pinceau;  ce  sont 
pour  la  plupart  des  tableaux  de  morale. 
Il  composa  aussi  une  description  de  la 
terre  promise,  ainsi  que  des  généalogies 
des  ducs  de  Brabant,  depuis  les  temps 
les  plus  reculés  jusqu'à  son  époque. 

Aug.  Vander  Meersth. 

Goethals,  Lectures  relatives  à  l'histoire  des 
sciences,  t.  I,  p.  3:2.  —  Piron,  Levensbeschryvin- 
gen. 

DE  ^viiiDE  {Jean),  poëte  latin,  pré- 
dicateur, né  à  Gand  en  1360,  mort  en 
1417.  Voir  Jean  de  Wilde. 

DE^viLDE  (/m«), homme  de  guerre, 
né  dans  le  Limbourg,  tué  en  1468.  Voir 
HoRXES  {Jean  de). 

DE  ^viT  {Gaspard),  peintre  paysa- 
giste, né  à  Anvers  en  1621,  mort  à 
Amsterdam  en  1673,  selon  quelques 
biographes,  en  1681,  selon  d'autres.  Il 
reçut  sa  première  éducation  dans  la 
maison  paternelle,  car  il  appartenait  à 
une  famille  d'artistes;  puis,  afin  de  se 
perfectionner  dans  son  art,  il  se  rendit 
en  France  et  en  Italie.  C'est  dans  cette 
dernière  contrée  que  son  talent  se  déve- 
loppa entièrement  sous  l'influence  d'un 
illustre  maître  :  il  obtint  des  leçons  de 
Claude  Lorrain  et  devint  l'un  de  ses 
plus    habiles    imitateurs.    Comme    cet 

l 


DE  WIT  —  DE  WITTE 


admirable  peintre,  il  excellait  à  repro- 
duire l'aspect  des  ruines  et  savait,  tout 
à  la  fois,  par  l'harmonie  du  coloris  et  le 
caractère  du  dessin,  prêter  à  toutes  ses 
compositions  le  charme  de  la  poésie. 
Elles  lui  valurent,  promptement,  une 
réputation  en  Italie  même  :  Fiorillo  le 
range  parmi  les  paysagistes  les  plus 
renommés;  et  cependant  son  séjour  à 
l'étranger  ne  put  être  long,  puisque 
dès  1650,  c'est-à-dire  à  l'âge  de 
trente  ans,  il  était  reçu  et  inscrit  à  la 
gilde  de  Saint-Luc,  à  Anvers,  comme 
«  fils  de  maitre  « .  Il  vécut  plusieurs  an- 
nées dans  sa  ville  natale  ;  on  l'y  trouve 
inscrit,  en  1657,  comme  un  des  consuls 
de  la  confrérie  de  la  Sainte -Vierge; 
mais  on  ne  saurait  préciser  l'époque 
à  laquelle  il  alla  s'établir  à  Amsterdam, 
ville  où,  comme  nous  l'avons  indiqué,  se 
termina  sa  carrière.  Il  nous  paraît  dou- 
teux qu'il  y  fût  déjà  fixé  au  moment  où 
l'on  exécutait  son  portrait,  qui  figure 
parmi  ceux  du  Gulden  kaoinet  publié 
par  De  Bie,  et  qui  porte,  indépendam- 
ment de  vers  louangeurs,  les  inscriptions 
Suivantes  : 

A.  GOEBOU  pinx.  ;  RiCH.  CoLLiN  sculp.  1662. 
F.  Slappaerls. 

Immerzeel,   Levens  der   Schilders.  —  Siret, 
Dict.  des  peintres. 

DE  V¥iT  (Pierre) f  peintre  paysagiste, 
né  à  Anvers  en  1620,  mort  à  Kome  en 
1669.  Ainsi  que  son  frère  Gaspard, 
dont  la  notice  biographique  précède 
celle-ci,  il  se  plut  à  reproduire  les  beaux 
sites  de  la  nature  méridionale  en  les 
caractérisant,  à  la  manière  de  Claude 
Lorrain,  par  la  représentation  de  pitto- 
resques ruines.  Cette  imitation  sympa- 
thique du  maître  français  ne  l'empêcha 
pas  d  acquérir  une  honorable  notoriété 
dans  le  pays  où  s'écoula  la  plus  grande 
partie  de  son  existence;  son  nom,  lati- 
nisé et  traduit  par  celui  de  Petrns  Albus, 
y  était,  au  contraire,  fort  connu;  son 
long  séjour  à  Kome  l'avait  en  quelqiie 
sorte  naturalisé,  et  il  y  fut  inhumé  dans 
l'église  Santa-Croce,  en  laissant,  par  son 
décès  prématuré,  de  vifs  regrets. 

Notre  artiste  ne  doit  pas  être  con- 
fondu, comme  le  fait  observer  Nagler, 


avec  un  autre  Pierre  De  Wit,  d'une 
époque  antérieure,  mais  également  pein- 
tre de  paysage.  Il  importe  encore  plus 
de  ne  pas  le  confondre  avec  un  de  ses 
homonymes,  infiniment  plus  célèbre  et 
connu  sous  le  nom  italianisé  de  Petro 
Candido  (voir  la  biographie  de  ce  der- 
nier, page  15). 

F.  Slanpaerts. 

DE  WITTE  (Egide  ou  Gilles),  connu 
aussi  sous  le  nom  latinisé  de  Cakdidus 
ou  Albanus,  théologien  janséniste,  né 
à  Gand  le  21  février  1648,  mort  à 
Utrecht  le  7  avril  1721.  Il  fit  ses  huma- 
nités au  collège  des  Jésuites  de  sa  ville 
natale  et  étudia  ensuite  la  théologie  à 
l'université  de  Louvain,  où  il  eut  pour 
compagnon  le  célèbre  Martin  Steyaert, 
avec  qui  il  se  lia  de  la  plus  étroite 
amitié.  A  la  promotion  générale  de  1666, 
il  fut  le  cinquième  de  la  première  ligne; 
on  sait  que  les  élèves  ainsi  classés  étaient 
considérés  comme  les  égaux  du  pre- 
mier. Doué  de  qualités  excellentes.  De 
Witte  avait  le  malheur  d'être  irritable. 
Il  n'avait  pas  encore  achevé  ses  cours, 
que  déjà  il  se  disputait  avec  le  P.  Estrix. 
Un  chanoine  pénitencier  de  l'évêché  de 
Gand,  le  P.  Van  Buscum,  ancien  pro- 
fesseur de  De  Witte,  avait  composé,  pour 
celui-ci,  un  écrit  donnant  les  règles  à 
suivre  dans  l'étude  de  la  théologie;  il  y 
recommandait  d'éviter  les  locutions  non 
consacrées  par  l'Ecriture  et  surtout  » 
de  jurer  par  la  parole  du  maître  ». 
Le  P.  Estrix  critiqua  cet  opuscule;  De 
Witte  lui  répondit  et  commença,  dès 
lors,  avec  les  jésuites,  cette  longue  et 
déplorable  lutte  qui  abreuva  ses  jours 
de  dégoûts,  et,  peut-être  aussi,  de  ridi- 
cule. 

Quelques  mois  après  cette  dispute, 
en  1673,  De  Witte  fit  sa  licence  en 
théologie;  il  se  rendit  ensuite  à  Paris 
pour  s'instruire  de  la  doctrihe  de  Port- 
Royal,  s'y  lia  intimement  avec  Arnauld 
et  travailla  sous  sa  direction  à  étendre 
ses  connaissances.  Elevé  dans  les  doc- 
trines de  Jansénius  et  imbu,  même  avant 
son  départ  pour  Louvain,  de  ses  prin- 
cipes, son  séjour  à  Port-Royal  ne  fit  que 
le  confirmer  dans  la  conviction  que  la 
doctrine  de  V  Au(/ustitiu8  avait  été,  dès  le 


DE  WITTE 


Commencement  de  l'Eglise,  le  fondement 
de  la  foi  catholique.  En  1684,  peu  après 
son  retour  dans  les  Pays-Bas,  il  fut 
nommé  doyen  et  curé  de  l'église  de 
Notre-Dame  au  delà  la  Dyle,  à  Ma- 
lines.  Se  trouvant,  l'année  suivante,  à  un 
fepas  donné  à  l'occasion  des  funérailles 
d'un  médeciil,  il  y  rencontra  trois  con- 
frères du  défunt,  attachés  au  parti  des 
jésuites  et  qui  amenèrent  la  conversation 
sur  l'autorité  du  pape,  sur  son  infailli- 
bilité et  sa  suprématie  sur  le  concile  gé- 
néral; De  Witte  soutint  l'opinion  con- 
traire, et  cette  causerie,  quoique  faite 
dans  l'intimité,  ayant  été  ébruitée,  fit 
sensation.  Les  ennemis  du  doyen  en  pro- 
fitèrent; leur  conduite  indigna  les  hon- 
nêtes gens;  et  l'archevêque  Alphonse  de 
Berghes,  qui  n'aimait  guère  les  jésuites, 
s'efforça  d'étouftér  l'affaire  avant  qu'elle 
eût  un  plus  grand  retentissement.  Mais 
De  Witte,  ayant  soutenu  ses  opinions 
jatisénistes  dans  divers  écrits  et  conti- 
tiuant  à  les  défendre  avec  chaleur,  même 
après  leur  condamnation  par  les  papes 
Innocent  X  et  Alexandre  YII,  fut  dé- 
itOncé;  il  ne  se  soumit  pas  et  en  appela 
an  jugement  d'un  concile  œcuménique. 
L'appel  fut  désavoué  par  la  faculté  de 
théologie  de  Lonvain,  qui  lui  contesta 
be  droit  par  acte  du  30  novembre  1685, 
et  l'auteur  eut  à  comparoir  devant  la 
cour  ecclésiastique  ;  l'affaire  traîna  en 
longueur;  des  pamphlets  pour  et  contre 
parurent  en  gtand  nombre. 

Lami  de  De  Witte  et  son  protecteur, 
Alphonse  de  Berghes,  le  dernier  défen- 
seut  des  libertés  du  peuple,  étant  venu 
à  mourir,  son  successeur  Guillaume  de 
Precipiano  se  déclara  contre  les  jansé- 
nistes, et  la  doctrine  relâchée  fut  dès  lors 
ëtl  haute  faveur.  De  Witte  prit  à  tâche 
dé  critiquer  tous  les  actes  de  ce  prélat  ; 
mais,  voyant  que  cette  lutte  inégale  ne 
pouvait  avoir  qu'un  résultat  fiîcheux 
pour  lui,  il  donna  sa  démission  de  sa 
cure  de  Malines,  vint,  au  commence- 
metit  de  1 691 ,  à  Gtind,  et  résida  quelque 
temps  chez  son  arai  le  cuté  d'Andeghem, 
près  d'Andenarde. 

Le  30  janvier  1692,  le  gouverneur 
de  cette  dernière  ville  envoya  son  secré- 
taire accompagne  d'un   adjudant  et  de 


quarante  soldats,  à  Audeghem  chez  le 
doyen,  qui  avait  accordé  un  asile  à 
De  Witte.  On  n'en  voulait  aucunement 
à  sa  personne,  qu'on  jugeait  trop  extra- 
vagante pour  être  dangereuse,  mais  on 
s'empara  de  ses  livres,  de  ses  papiers 
qui  furent  portés  chez  le  gouverneur  et 
examinés  par  le  recteur  des  jésuites,  en 
présence  de  deux  échevins  choisis,  à  cet 
effet,  par  le  magistrat  d'Audenarde.  Im- 
médiatement le  bruit  courut  qu'on  y 
trouvait  la  trame  d'une  conspiration 
contre  l'Etat.  Dans  ces  circonstances. 
De  Witte  résolut  de  s'expatrier  :  il  partit 
avec  son  collègue  André  Vauder  Schuere 
pour  Utrecht,  où  Arnauld  et  Quesnel 
étaient  déjà  arrivés.  Deux  ans  avant  sa 
mort,  il  renonça  entièrement  à  s'occuper 
des  affaires  de  l'église  d'U trecht  et  expira 
à  l'âge  de  soixante-treize  ans.  Son  corps 
fut  transporté  à  Warmond  près  de  Leyde, 
et  enterré  dans  le  tombeau  du  P.  Ques- 
nel. Par  son  testament,  il  légua  à 
Ph.  Yerhulst,  depuis  professeur  du  sé- 
minaire d'Amersfoort,  tous  ses  écrits, 
ses  livres  et  papiers. 

Il  avait  publié  en  1696,  en  flamand, 
le  Nouveau  Testament,  les  Psaumes  de 
David  et  d'autres  livres  de  la  Bible, 
ainsi  qu'une  traduction  de  l'Imitation 
de  .lésus-Christ.  Martin  Stej^aert,  son 
compagnon  d'études  et  son  ami,  ayant 
critiqué  quelques  passages  de  cette  ver- 
sion. De  Witte  lui  répondit  de  la  manière 
la  plus  brutale,  et  la  mort  de  son  adver- 
saire n'apaisa  point  son  ressentiment. 
Ce  fut  De  Witte  qui  écrivit  l'apologie 
de  Pierre  Codde,  vicaire  apostolique 
d'Utrecht  et  archevêque  de  Sébaste, 
quand  celui-ci  refusa  an  saint-siége  de 
tondamner  les  cinq  thèses  de  Jansénius. 
Cet  écrit  portait  pour  titre  :  Groote 
apologie  ofte  verJediyschrifl  van  den 
H.  H.  Peints  Codde,  behehende  de  opirer- 
pingen  hem  te  Rome  roorgedragt-n,  te 
mmen  met  zyne  anticoorden,  en  eenige 
voordere  terdedigingen  voor  de  zelfde. 
1702,  in-4o.  On  cite  encore  son  Benun- 
ciatio  solemnis  Bulhe  Vikeam  Domini 
S.\BBAOTn  jhcta  universœ  ecelesiee.  Il 
regardait  cette  bulle  comme  une  œuvre 
des  ténèbres,  digne  d'être  adoptée  et 
préchée  par  l'Antéchrist. 


DE  WITTE 


Il  avait  conçu  le  dessein  de  faire  une 
nouvelle  édition  de  V Aiigustinus  de  Jan- 
sénius,  dont  l'impression  et  le  papier 
pussent  témoigner  de  la  haute  estime 
qu'il  professait  pour  ce  livre,  et  de  le 
faire  précéder  d'une  préface  historique. 
Il  travailla  à  cet  ouvrage,  mais  il  ne  put 
l'exécuter,  la  mort  l'ayant  surpris. 

Ses  écrits  de  polémique  religieuse 
sont  nombreux;  on  eu  compte  plus  de 
cent  quarante;  presque  tous  sont  em- 
preints de  la  passion  qui  les  a  dictés.  Ils 
ont  été  publiés  pour  la  plupart  sous  des 
noms  empruntés.  Comme  ils  ne  repré- 
sentent plus  guère  qu'un  intérêt  histo- 
rique, il  parait  inutile  de  les  citer. 
Goethals  {Histoire  des  lettres,  t.  I),  qui 
entre  dans  de  longs  détails  sur  la  vie 
de  l'auteur,  en  donne  une  liste  assez 
complète.  (Voir  aussi  Barbier,  Diction- 
naire des  a7iotiymes.)  Le  plus  grand  et  le 
meilleur  ouvrage  de  De  Witte  est  la 
traduction  de  la  Bible  d'après  la  Vul- 
gate,  qui  parut  sous  le  titre  de  :  Byiel 
na  de  Vulgate  vertaeit  met  l-orte  verkla- 
ringen  opgehelderd.  Brussel,  1717,  deux 
volumes  in-folio. 

Tous  les  écrits  de  De  Witte  se  signa- 
lent par  la  vivacité  des  attaques  contre 
la  bulle  TJyngenitns.  Homme  de  mérite, 
bon  orateur,  doué  d'une  activité  prodi- 
gieuse, mais  exalté  et  entraîné  par  de 
fortes  convictions  vers  la  défense  des 
principes  condamnés  par  le  saint-siége, 
il  mena  une  vie  agitée  et  dut  abandonner 
ses  relations  de  famille.  Depuis  son 
séjour  en  Hollande,  son  caractère,  si 
irritable  déjà,  s'aigrit  au  point  qu'il  ne 
souffrait  aucune  contradiction  et  luttait 
avec  la  même  animosite  contre  ses  amis 
et  ses  ennemis.  L'âge  ne  ralentit  même 
point  cette  exaltation,  et  son  zèle  incon- 
sidéré lui  aliéna  ses  partisans,  qui,  au 
moment  où  ils  désiraient  un  accommo- 
dement avec  l'Eglise  romaine,  le  considé- 
raient comme  un  dangereux  obstacle.  Il 
mourut  réduit  à  une  solitude  complète. 

Aug.  Vandur  Meersch. 

Le  Clerc,  Idée  de  lu  vie  et  des  écrits  de  Jl  G.  De 
Witte,  pasteur  et  doyen  dans  la  ville  de  Malines, 
Home  AmsL),  1756,  in-12.  —  Patouillet,  Diction- 
naire des  livres  jansénistes. —  De  Feller,  Diction- 
naire historique.  —  Goethals,  Histoire  des  lettres, 
t.  I.  —  Delvenne,  Biographie  des  Pays-Bas.  — 
Bloramaert,  yedcrduitsche  Schryvcrs  van  Cent. 


»E  '««'ITTE  (Gérard),  ou  Candidus, 
chroniqueur,  né  à  Anvers  au  xvie  siècle. 
Il  est  l'auteur  d'un  journal  relatant  les 
événements  les  plus  remarquables  sur- 
venus dans  les  Pays-Bas,  depuis  le  mois 
d'avril  1566,  jusqu'au  mois  d'août  1579. 
Cette  relation  se  trouve  comprise  dans  la 
deuxième  partie  des  Annales  seit  Histo- 
ri(e  rermn  belgicaruM  a  diversis  auctori- 
hus  descriptœ  (publié  par  Feyerabend  à 
Francfort,  en  1580,  in-folio,  et  dont  une 
seconde  édition  parut  en  1583);  mais 
comme  elle  y  est  insérée  sans  être  pré- 
cédée d'un  titre,  il  est  assez  difficile  de 
décider  où  l'œuvre  de  Gérard  De  Witte 
commence  et  où  elle  finit. 

Aug.  Vander  Meersch. 

Sweertius,  p.  278.  —  Paquot,  Mémoires  litté- 
raires, t.  I,  p.  71.  —  Foppens,  Bibliotheca  bel- 
gica,  t.  1,  p.  347.  —  Dewiud,  Bibliotheek  der  ne- 
derlandsche  geschiedschryvers,  p.  !2oo. 

DE  '%viTTE  (Gilles),  sculpteur  fla- 
mand, travailla  à  Gand  vers  le  milieu 
du  xvie  siècle,  puis  à  Bruges,  où  l'on 
croit  qu'il  séjournait  lors  des  premiers 
excès  commis,  à  Gand,  par  les  icono- 
clastes (1566).  Le  livre  matricule  du 
métier  des  peintres,  sculpteurs  et  ver- 
riers de  cette  ville  renseigne  de  nombreux 
artistes  de  ce  nom  pour  la  période  anté- 
rieure à  1540,  époque  de  l'insurrection 
des  Gantois.  La  corporation  artistique, 
jointe  au  métier  des  merciers  par  la  con- 
cession Caroline,  fut  longtemps  désorga- 
nisée, et  les  troubles  religieux  étant 
survenus,  les  membres  se  dispersèrent. 
L'enregistrement  régulier  des  francs- 
maîtres  fut  ainsi  interrompu  jusqu'en 
1583;  mais,  si  l'année  de  l'affiliation  pro- 
fessionnelle de  Gilles  De  Witte,  à  Gand, 
est  ignorée,  nous  connaissons  du  moins 
deux  de  ses  œuvres,  décrites  dans  des 
documents  contemporains  :  années  1554 
et  1576.  L'une  d'elles,  même,  existe 
encore,  et  témoigne  d'un  talent  fort  dis- 
tingué. 

L'œuvre  de  1554,  exécutée  pour  la 
collégiale  de  Sainte-Pharaïlde,  à  Gand, 
constituait  un  retable  d'autel,  «  en  pierre 
de  touche  et  albâtre  (marbre  noir  et 
blanc)  » .  Au  centre  se  voyaient  le  Christ 
en  croix,  le  Fère  éternel  et  la  Résurrec- 
tion,  le  tout  surmonté  de  deux  autres 


DE  WITTE 


40 


représentations  sculptées  :  le  Sacrifice 
d' Abraham  et  V Elévation  du  serpent  d'ai- 
rain. Ce  remarquable  travail  fut  brisé 
en  1579,  par  les  sectaires. 

La  seconde  production  due  au  ciseau 
de  Gilles  De  Witte  est  le  Cénotaphe  de 
messire  Jean  De  Schietere  et  de  dame 
Catherine  De  Damhoudere,  son  épouse, 
posé  en  1577  dans  l'église  de  Saint- 
Sauveur,  à  Bruges.  Ce  monument  funé- 
raire est  mentionné  dans  V Inventaire 
artistique  de  la  Flandre  occidentale  (1852) 
et  la  convention  conclue  avec  l'artiste, 
en  1576,  a  été  publiée  dans  les  Annales 
de  la  société  brngeoise  d'émulation,  avec 
une  reproduction  gravée,  d'après  le  des- 
sin de  l'architecte  Rudd.  Le  soubasse- 
ment est  en  pierre,  ainsi  que  les  colonnes; 
les  statuettes  sont  en  marbre.  Dans  le 
compartiment  central,  accosté  d'écussons 
armoriés,  le  mari  et  la  femme  sont  age- 
nouillés au  pied  du  Crucifix;  derrière  eux, 
et  debout,  Saiiit  Jean  et  Sainte  Catheriyie. 
Le  cénotaphe  paraît  avoir  subi  des  mu- 
tilations, car  dans  la  convention  il  est 
parlé  de  «  statuettes  d'enfants,  placées 
sur  des  socles  « ,  et  qui  n'y  figurent  plus 
maintenant. 

Eu  158-i,  Gilles  De  Witte  n'habitait 
plus  Bruges,  ou  était  décédé.  Son  œu- 
vre, qui  avait  été  mise  en  sûreté  durant 
la  seconde  période  des  troubles  reli- 
gieux, fut  reintégrée,  cette  année-là,  dans 
l'église  de  Saint-Sauveur,  sans  sa  coo- 
pération. Edm.  De  Busscher. 

Archives  communales  de  Gand,  Registre  aux 
actes  scabniaux,  \oy>i.  —  Chan.  Carlun,  Annales 
de  la  Société  d'émulation  de  Bruges,  t.  l""".  — 
Inventaire  des  objets  d'art  des  églises  et  des  éta- 
blissements publics  de  la  Flandre  occidentale, 
18o-2.  —  Architecte  Rudd,  Monuments  de  Bruges. 

DE  ^'ITTE  {Jean),  dit  Albus, 
moine  dominicain  et  évêque,  naquit  à 
Bruges  le  6  août  1475  et  mourut  dans  la 
même  ville  le  15  août  1540.  Il  appar- 
tenait à  une  ancienne  et  noble  famille  ; 
comme,  en  ce  temps-là,  la  noblesse  fla- 
mande ne  dérogeait  pas  en  se  livrant  au 
commerce,  ses  parents  l'y  destinèrent  et 
l'envoyèrent,  àcetett'et,en  Espagne;  mais 
le  jeune  homme,  se  sentant  plus  entraîné 
vers  le  calme  de  la  vie  du  cloître  que 
vers  le  tracas  des  attaires,  se  retira  dans 
un  couvent  de  dominicains.  Sa  destinée 


n'était  pas  cependant  d'y  vi\Te  dans 
l'oubli;  Philippe  le  Beau  ayant  trans- 
féré sa  cour  en  Espagne,  après  avoir  été 
reconnu  souverain  de  ce  pays,  chercha 
pour  ses  filles  un  précepteur  qui  sût  le 
flamand  et  qui  pût  leur  enseigner  l'es- 
pagnol; il  jeta  les  yeux  sur  Jean  De 
Witte,  qui  s'acquitta  si  bien  de  sa  mis- 
sion, qu'il  laissa  à  la  cour  les  meilleurs 
souvenirs. 

Le  frère  de  ses  élèves,  Charles-Quint, 
étant  devenu  empereur,  le  nomma  à 
l'évêché  de  Cuba,  où  l'église  de  Saint- 
Jacques  venait  d'être  érigée  en  évêché 
par  Adrien  VI,  à  la  demande  de  l'empe- 
reur, ail  mois  d'avril  1523.  D'après 
Fontana,  Albus,  ou  plutôt  De  Witte 
n'aurait  été  que  le  troisième  évêque  de 
Cuba,  tandis  que  Sanderus  soutient 
qu'il  en  a  été  le  premier.  Il  fit  beaucoup 
de  bien  dans  son  diocèse,  y  propagea 
l'Evangile  et  bâtit  une  cathédrale  qu'il 
vit  achever  et  qu'il  consacra  lui-même. 

Charles-Quint  le  rappela  ensuite  à  la 
cour,  où  il  fut  nommé  confesseur  et 
aumônier  de  la  reine  Eléonore,  son  an- 
cienne élève  ;  mais  De  Witte  en  était 
venu  à  un  âge  où  l'on  n'aspire  plus 
qu'au  repos  :  il  obtint  de  se  retirer  à 
Bruges,  sa  ville  natale,  au  milieu  de  sa 
famille;  sa  demeure,  qu'il  y  fit  bâtir  lui- 
même,  était  dans  la  rue  de  l'Eekhoute. 

A  sa  demande,  le  pape  lui  accorda  la 
dispense  nécessaire  pour  disposer  de  ses 
biens;  car,  comme  religieux,  il  ne  le  pou- 
vait et  il  désirait  consacrer  sa  fortune,  qui 
était  considérable,  à  la  propagation  des 
études  dans  la  ville  de  Bruges.  Il  fonda 
donc,  par  testament,  des  leçons  de  litté- 
rature, de  philosophie  et  de  théologie, 
nommant  pour  ses  exécuteurs  testamen- 
taires Corneille  van  Baersdorp  et  Jean 
Clayessone.  Mais  ses  nombreuses  libéra- 
lités avaient  ébréché  son  avoir,  et  les 
exécuteurs  furent  sur  le  point  d'aban- 
donner l'idée  du  testateur.  Sur  ces 
entrefaites,  la  reine  Eléonore,  ayant  eu 
connaissance  du  fait,  suppléa,  par  sa 
libéralité,  à  l'insuflisance  des  ressources 
de  la  fondation  ;  elle  s'engagea  à  servir, 
au  profit  des  chaires  fondées  par  son 
ancien  précepteur,  la  pension  assez 
élevée  qu'elle  lui  avait  payée  pendant 


41 


DE  WITTE 


19 


sa  vie.  L'école  fut  inaugurée  en  1541, 
sous  la  protection  du  magistrat  de  la 
ville  :  Georges  Cassandre,  devenu  le  pre- 
mier professeur,  y  prononça  le  discours 
d'ouverture.  La  chaire  de  théologie, 
successivement  occupée  par  plusieurs 
savants  dominicains  tels  que  Husselius, 
De  Jonghe,  auteur  du  Belgium  Domini- 
canum,  Dulieu  et  Lefebvre,  fut  trans- 
férée plus  tard  au  séminaire;  les  cours 
spéciaux,  faute  de  fonds  suffisants,  furent 
supprimés,  et  la  dotation  affectée  à  des 
bourses  aux  universités  de  Douai  et  de 
Louvain. 

De  Witte  repose,  sous  un  mausolée  de 
marbre,  dans  le  chœur  de  l'église  des 
Dominicains  à  Bruges;  une  inscription 
latine  rappelle  sa  dignité  épiscopale, 
ses  différentes  fonctions,  sa  libéralité  et 

sa  pieie.  Emile  Varenbergh. 

De  Jonghe,  Belgium  Domiuicanum.  —  Piron, 
hevensbescliryvingen.  —  Biographie  de  la  Flan- 
dre occidentale. 

DE  1.VITTE  (Jean),  peintre  flamand, 
né  dans  la  première  moitié  du  xvie  siè- 
cle. Ses  œuvres  ne  sont  guère  connues,  et 
les  renseignements  biographiques  qui  le 
concernent  sont  très-incomplets.  Il  jouis- 
sait cependant  d'assez  de  renom,  jadis, 
pour  que  le  duc  Christophe  de  Wurtem- 
berg fit,  en  15  66,  appel  à  son  talent  et 
le  chargeât,  conjointement  avec  Nicolas 
van  Orley,  d'orner  de  peintures  le  palais 
qu'il  venait  de  faire  construire  à  Stutt- 
gart. C'était  cette  même  année  que  le 
duc  d'Albe  venait  d'arriver  aux  Pays- 
Bas;  et  les  deux  artistes,  frappés,  par 
lui,  de  bannissement,  durent  se  sentir 
heureux  de  trouver  en  Allemagne  un 
asile,  une  protection  et  de  fructueux 
labeurs.  Ils  continuèrent  à  rester  au 
service  de  leur  protecteur  jusqu'au  décès 
de  celui-ci,  survenu  au  mois  de  décem- 
bre 1568,  et  nous  les  retrouvons,  dès 
1569,  à  Cologne.  Ils  durent  s'y  séparer  : 
Van  Orley,  par  le  fait  de  la  condamna- 
tion qu'il  avait  subie,  était  suspect  au 
magistrat  ;  .Jean  De  Witte,  plus  heureux 
ou  plus  habile,  obtint  l'autorisation  de 
conserver  sa  résidence.  11  s'était  fait 
admettre  comme  membre  dans  l'une  des 
gildes  d'artistes  et  avait,  en  outre,  ma- 
nifesté   son    orthodoxie   en   consacrant 


son  pinceau  à  enrichir  de  quelque* 
tableaux  les  églises  de  la  ville.  Il  ne 
pouvait  j)lus,  dès  lors  être  accusé  d'ieo- 
noclastie,  et,  grâce,  tout  à  la  fois,  à  ses 
œuvres  et  à  sa  prudence,  il  acquit,  sans 
doute,  promptement  le  droit  de  bour- 
geoisie. 

Se  maria-t-il,  comme  on  l'a  dit,  à 
Cologne?  Y  mourut-il  en  laissant  des 
descendants?  Rien  n'autorise  jusqu'ici  à 
l'affirmer.  L'histoire  des  persécutions 
religieuses  de  cette  époque  apprend  seu- 
lement qu'il  y  acquit  assez  d'influenca 
pour  pouvoir  agir  utilement  en  faveur 
de  ses  compatriotes  fugitifs  ou  exilés,  et 
que  c'est  grâce  à  son  intervention  que 
son  frère  Josse  et  deux  peintres  des 
Pays-Bas,  Gaspard  Ruitz  et  François 
Hogenberg,  furent  autorisés  à  établiu 
leur  domicile  dans  la  ville  rhénane , 
après  avoir  fait  preuve  de  catholicité. 

F.  Stappaerts. 

Messager  des  sciences  historiques,  -1862  (art.  de 
M.  Rahlenbeck). 

DE  1.VITTE  (Liévin),  peintre,  miniaT 
turiste,  architecte,  né  à  Gand  au  com- 
mencement du  xv;e  siècle.  Karel  van 
Mander  le  classe  dans  la  seconde  caté- 
gorie des  maîtres  primitifs  :  «  Habile 
artiste ,  dit-il ,  surtout  dans  les  vue§ 
perspectives,  la  représentation  des  mo- 
numents, et  dont  on  connaît  un  beau  ta- 
bleau, celui  de  la  Femme  adultère,  ainsi 
que  plusieurs  vitraux,  placés  à  l'église 
Saint-Jean  (actuellement  Saint-Bavon) 
et  composés  par  lui  (die  van  zyne  teel^e- 
ning  waren).  « 

Un  érudit  de  grand  renom,  Sanderug, 
parle  de  notre  peintre  avec  plus  d'éloges 
encore  :  Livimis  De  Witte,  ■pictor  famo- 
sus,  mathematictis  et  architectus  eiiain 
insignis  fuit . 

La  notoriété  ainsi  acquise,  depuis 
longtemps,  au  nom  de  De  Witte  n'a  fait 
qu'augmenter  de  nos  jours  et,  peut-être, 
les  nombreux  problèmes  qui  se  ratta- 
chent à  sa  biographie  y  ont-ils  contri- 
bué. L'imagination  aime,  en  effet,  à  se 
donner  pleine  carrière  quand  il  s'agit 
d'œuvres  tout  à  fait  supérieures  ;  elle 
s'inquiète  fort  peu  alors  du  vrai,  ni 
même  du  vraisemblable;  or,  la  meilleure 
part  des  productions  attribuées,  contre 


13 


DE  WITTE 


44 


toute  probabilité,  à  notre  peintre  est 
renfermée  dans  le  célèbre  bréviaire  du 
cardinal  Grimani,  appartenant  à  la  bi- 
bliothèque de  Saint-Marc  à  Venise. 

On  sait  que  ce  bréviaire  contient  un 
grand  nombre  d'admirables  miniatures 
dues  à  des  maîtres  flamands,  attribution 
non-seulement  appuyée  sur  le  caractère 
et  le  style  de  ces  peintures,  mais  encore 
sur  l'assertion  positive  d'un  auteur  ita- 
lien, qui  écrivait  vers  1550,  mais  dont 
l'écrit  n'a  été  publié  qu'au  commence- 
ment de  ce  siècle  par  l'abbé  Morelli  (1). 
D'après  cet  auteur,  le  bréviaire  vendu 
pour  cinq  cents  ducats  au  cardinal  Gri- 
mani "  était  orné  de  beaucoup  de  minia- 
«  tures  par  plusieurs  bons  maîtres,  no- 
«  tarament  de  la  main  de  Zuan  Memelin 
»  (Memling?),  de  celle  de  Girardo  da 
«  Guant  (Gérard  Horebout?)  et  de  celle 
•i  de  Livieno  da  Anversa  (Liévin  De 
.   Witte?)  .' 

Bien  qu'on  ne  s'explique  guère  com- 
ment ce  dernier  pouvait  être  qualifié 
d'Anversois,  l'identité  de|Liévin  d'Anvers 
avec  Liévin  De  Witte  fut  admise  par 
quelques-uns  des  critiques  d'art  les  plus 
érudits  de  l'Allemagne  :  Passavant , 
Waagen,  Harzen.  Passavant  étendît 
même  plus  loin  son  système  d'induc- 
tion :  il  prétendit  reconnaître  le  style 
et  le  faire  de  notre  maître  dans  une 
Adoration  des  Mages  y  signée  A.  W., 
initiales  qui  ne  concordent  guère  avec 
les  noms  de  Liévin  De  Witte  et  qui  se 
retrouvent  sur  un  autre  tableau,  la  Ten- 
tation de  saint  Antoine  (2).  Les  dates  ne 
s'accordent  pas  mieux  que  les  signatures 
pour  confirmer  cette  paternité  de  l'ar- 
tiste; au  contraire,  elles  fournissent  im- 
médiatement des  motifs  fort  plausibles 
de  révoquer  en  doute  sa  collaboration 

(\]  Nodzie  d'opere  didt$eqno  netlaprima  meta  del 
xçcoln  XVI  esistetiti  in  Padova,  Creinoua,  Milaiio, 
Pavia,  Berf/amo,  Crema,  e  Venezia,  Scrilta  da 
uno  aiwiiiiiio  di  quel  tempo.  Bassaiio,  18UU,  in-S". 

(■2)  Les  anciens  peintres  flamands  par  Ciowe 
et  Cavalcaselle,  traduit  de  l'anizlais  par  0.  Dele- 
picrre.  Les  conciencieux  auteurs  de  cet  ouvrage 
ont  montré  plus  de  circonspection  que  les  Alle- 
mand.}» Liévin  pourrait  être,  disent  ils,  l'auteur 
de  quelques-uns  des  panneaux  dont  nous  venons 
d0  parler;  mais  on  ne  peut  se  dissimuler  que 
jusqu'ici  celle  question  est  encore  entourée  de 
trop  d'obscurités  pour  qu'il  soit  possible  de  la 
résoudre  avec  certitude.  » 


au  bréviaire  de  Grimani.  Il  paraît  établi 
que  le  cardinal  le  possédait  dès  l'année 
1521;  or,  en  admettant  même  qu'il  ait 
été  complété  et  achevé  après  l'acquisi- 
tion, l'âge  de  notre  peintre,  à  cette  épo- 
que, fait  obstacle  à  ce  qu'il  pût  être,  en 
Italie,  le  collaborateur  d'artistes  déjà 
éminents  et  plus  âgés  que  lui.  L'n  docu- 
ment d'une  atithenticité  incontestable 
dissipe  sous  ce  rapport  les  dernières 
incertitudes  :  »  Le  15  mars  1575, 
«  Liévin  De  Witte,  peintre  de  profes- 
»  sion,  comparut,  à  G  and,  devant  les 
»  échevins  des  Parchons  et  se  disant 
«  âgé  de  soixante-deux  ans  ou  environ 
«  {oud  LXII  ofte  ontrend),  fit  un  testa- 
"  ment  en  faveur  de  sa  servante  Suzanne 
«  De  Bleecker  pour  les  soins  prodigués 
B  à  son  frère  Jean,  décédé,  et  à  lui- 
«  même.  Il  lui  faisait  donation  du  tiers 
«  de  ses  biens  meubles  et  immeubles, 
«  se  disant  grandement  son  obligé  pour 
«  les  fidèles,  incessants  et  bons  services 
«  que  la  susdite  Suzanne  lui  avait  renr 
u  dus  pendant  dix-huit  ans,  sans  gages 
«   ni  récompenses  (3).  « 

Ce  document,  qui  peint  si  naïvement 
les  mœurs  du  temps,  a  été  découvert  aux 
archives  de  la  ville  de  Gand  par  leur 
conservateur,  M.  Edmond  De  Busscher, 
et  inséré  dans  son  intéressant  ouvrage 
sur  les  artises  gantois.  Il  résulte  dti 
texte  cité  que  De  Witte  est  né  vers  1513; 
l'expression  restrictive  :  ou  environ,  qui 
accompagne  sa  déclaration  ne  la  modifie 
guère,  car  elle  était  habituelle  de  son 
temps  et  fort  motivée  alors  que  les  in- 
scriptions des  naissances  se  faisaient  avec 
beaucoup  d'inexactitude. 

Nous  aurons  indiqué  tous  les  faits  irré- 
cusables de  la  vie  de  Liévin  De  Witte  si 
nous  ajoutons  à  l'indication  de  son  ori- 


(3)  Suzanne  De  Bleecker  s'élant  mariée  arec 
Liévin  de  Perre.  L.  De  Witte,  par  un  acte  passé 
le  9  décembre  1577  devant  les  mêmes  échevins, 
déclara  qu'il  gratifiait  les  époux  susdits  de  tout 
ce  qu'il  possédait  à  condition  de  le  loj;er,  nourrir 
et  vêtir  sa  vie  durant;  de  lui  faire  administrer 
les  Saints  Sacrements  en  cas  de  maladie,  de  faire 
ensevelir  son  corps  en  terre  sainte,  et  célébrer 
un  service  funèbre  convenable.  Les  donataires 
acceptèrent  ces  conditions  ;  mais  deux  mois  après, 
le  4  février  1î)78,  ils  se  i)résentèrent  de  nouveau 
devant  les  échevins  et  consentirent  à  l'annulation 
de  laute.  Pourquoi  ?  on  l'ignore. 


15 


DE  WITTE 


i6 


gine  flamande,  aux  dates  approximatives 
de  sa  naissance  et  de  sa  mort,  la  mention 
de  la  commande  qui  lui  fut  faite  officiel- 
lement, en  1538,  par  la  ville  de  Gand, 
de  peindre  l'étendard  de  la  chambre  de 
rhétorique  la  Fontaine  de  la  Sainte-Tri- 

tlîte.  F.  Stappaerts. 

Ed.  De  Busscher,  Recherches  sur  les  peintres 
et  sculpteurs  a  Gand.  —  Waagen,  Histoire  de  la 
peinture  flamande. — Alfred  Michiels,  Histoire  de 
la  peinture  flamande,  t.  III  et  Y. 

DE  iiViTTE  (Pierre),  dit  Candido. 
Cet  artiste  naquit  à  Bruges  en  1548  et 
mourut  à  Munich  en  1628.  On  manque 
de  détails  sur  ses  premières  études,  ainsi 
que  sur  les  circonstances  biographiques 
qui  concernent  son  existence  à  Bruges. 
On  sait  seulement  que,  très-jeune  encore, 
et  se  sentant  entraîné  vers  l'étude  des 
arts,  il  partit  avec  toute  sa  famille  pour 
l'Italie.  C'est  à  Rome,  à  Florence  et  à 
Munich  que  s'écoula  la  vie  du  célèbre 
Brugeois  ;  c'est  là  qu'il  s'illustra  à  la  fois 
comme  peintre,  comme  sculpteur  et 
comme  architecte.  A  son  arrivée  à  Flo- 
rence, Yasari,  avec  qui  il  s'était  mis  en 
relation,  l'employa  à  la  fameuse  coupole 
de  Santa-Maria  del  Fiore;  il  le  fit  tra- 
vailler également  à  Rome,  où  il  s'oc- 
cupa sous  les  ordres  du  pape.  Après 
quoi,  le  grand-duc  de  Toscane  attacha 
l'artiste  brugeois  à  sa  cour  :  c'est  de 
cette  époque  que  datent  les  cartons  que 
De  TTitte  dessina  pour  tapisseries;  c'est 
à  cette  époque  aussi  que,  pour  se  confor- 
mer au  goût  italien,  il  se  fit  appeler 
Catidido,  nom  sous  lequel  sont  signés 
beaucoup  de  ses  ouvrages,  loués  par  Yan 
Mander,  qui  l'a  connu.  Il  peignait  à 
fresque  de  préférence  à  l'huile,  trouvant 
dans  ce  genre  de  peinture  une  liberté  et 
des  allures  qui  convenaient  particulière- 
ment à  la  fougue  de  ses  idées.  L'élec- 
teur de  Bavière,  Maximilien,  qui  voya- 
geait en  Italie  et  qui  s'était  passionné 
pour  l'architecture,  rencontra  Pierre  De 
Witte  et  le  prit  sous  sa  protection. 
Devenu  roi,  il  voulut  doter  sa  capitale 
d'un  palais  digne  de  lui.  Ce  monument, 
connu  sous  le  nom  de  Palais  de  l'électeur, 
est  considéré  comme  une  des  plus  belles 
constructions  de  l'époque  :  il  fut  com- 
mencé  en    1600   et  terminé  en    1616. 


L'histoire  fait  à  l'artiste  brugeois  l'hon- 
neur d'en  avoir  dressé  les  plans  en 
collaboration  sans  doute  de  Maximilien, 
qui  avait  en  architecture  des  connais- 
sances sérieuses.  Cette  superbe  résidence 
porte  partout  les  traces  du  génie  mul- 
tiple de  Pierre  De  Witte.  M.  Hippolyte 
Fortoul,  qui  l'a  décrite  et  étudiée,  rend 
hommage  à  l'artiste  créateur  et  exécu- 
teur, qu'iln'hésite  pas  à  appeler  le  grand 
Candido.  L'escalier,  qui  est  un  chef- 
d'œuvre  d'architecture  et  de  sculpture; 
les  cours,  les  grottes,  les  fontaines, 
ornées  de  statues  mythologiques,  allé- 
goriques et  historiques;  les  dessins  de 
jardins,  pavillons,  temples,  toutes  les 
décorations,  sont  l'œuvre  de  notre  artiste, 
qui  a  inscrit  son  nom  sur  la  rampe  de 
l'escalier  et  dont  le  souvenir,  comme  le 
talent,  du  reste,  se  retrouve  partout 
dans  cette  merveilleuse  construction.  En 
1607,  Maximilien  éleva  un  oratoire  où 
ruisselaient  l'or,  les  bijoux,  les  mosaïques 
et  les  pierres  les  plus  précieuses,  ainsi 
que  des  reliquaires  du  travail  le  plus 
somptueux.  De  Witte  dut  avoir  sa  part 
dans  ce  petit  monument  d'une  richesse 
inouïe,  et  dont  les  peintures  lui  sont 
attribuées.  A  Munich,  il  exécuta  le  su- 
perbe monument  de  marbre  et  de  bronze 
élevé  par  Maximilien  à  Louis  lY,  mo- 
nument composé  de  seize  figures  co- 
lossales où  l'on  peut  apprécier  le  gétiie 
et  le  talent  du  maître.  Il  donna  aussi 
les  plans  de  la  colonne  en  marbre  rouge 
érigée  dans  la  même  ville  en  souvenir  de 
la  victoire  remportée  par  Maximilien 
près  de  Prague  sur  Frédéric  Y.  Ce  fut 
vers  ce  temps  que  se  produisit  le  mou- 
vement artistique  considérable  qui  ca- 
ractérise aujourd'hui  encore  la  Bavière; 
aussi  peut-on  revendiquer  une  bonne 
part  de  cette  situation  en  faveur  de  notre 
illustre  Pierre  De  Witte,  à  peine  connu 
dans  sa  patrie,  mais  dont  le  nom  est 
très-populaire  à  Munich,  où  on  l'appelle 
Peter  Weisse  et  où  les  Bavarois  préten- 
dent qu'il  est  né. 

Comme  peintre,  notre  artiste  a  laissé 
un  nombre  considérable  de  tableaux, 
dont  la  longue  liste  a  été  dressée  par 
Heinecke  et  Michel  Huber.  Cette  liste 
n'est  pas  complète  :  elle  ne  renferme  que 


17 


DE  WITTE  —  DE  WOLF 


48 


les  tableaux  gravés  par  les  Sadeler.  In- 
dépendamment des  peintures  que  l'on 
connaît  de  lui,  nous  signalerons,  àl'église 
Notre-Dame  à  Munich,  une  composition 
représentant  une  Réunion  de  saints;  aux 
Eécollets  de  la  même  ville,  une  Sainte 
Ursule  avec  ses  compagnes  et  au  musée  de 
Berlin,  une  Annonciation.  Parmi  ses 
dessins  de  tapisseries,  on  a  conservé  le 
souvenir  de  plusieurs  grands  sujets  qu'il 
y  avait  fait  figurer.  Ces  sujets  représen- 
taient les  exploits  de  Ottho  de  Wittels- 
bach,  et  le  Départ  de  Louis  IV  en  1327 
pour  Rome.  C'est  grâce  au  graveur 
Ch.-G.  Amling  que  ses  compositions  ne 
sont  point  perdues,  comme  le  sont  les 
vastes  peintures  murales  que  De  Witte 
avait  exécutées  au  palais  de  Maximilien, 
peintures  recouvertes  aujourd'hui  de 
plâtre  et  de  badigeon.  De  Witte  était 
un  peintre  savant  dans  toutes  les  bran- 
ches de  l'art  ;  il  connaissait  particulière- 
ment la  perspective  et  excellait  dans  la 
décoration  des  monuments.  Son  style 
est  essentiellement  italien.  Pour  le  colo- 
ris, il  surpasse  son  maître  Vasari  et  se 
rapproche  du  Parmesan.  Il  y  a  de  la 
grâce  dans  ses  modèles,  du  charme  dans 
les  attitudes  de  ses  personnages,  parti- 
culièrement dans  les  airs  de  tête.  Un 
érudit  belge,  M.  C.  Carton,  dit  qu'on 
voit,  à  la  Pinacothèque  de  Munich,  des 
tableaux  du  peintre  flamand  :  nous  les 
y  avons  vainement  cherchés.  Comme 
sculpteur  et  comme  architecte,  les  con- 
ceptions de  Pierre  De  Witte  sont  grandes, 
hardies,  élégantes  et  empreintes  du  sou- 
venir des  maîtres  qu'il  avait  si  ardem- 
ment étudiés  en  Italie. 

La  Biographie  tiniverselle  lui  attribue 
par  erreur  les  dessins  des  Ermites  de 
Bavière  gravés  par  les  Sadeler  :  ces  des- 
sins sont  de  Martin  De  Vos. 

Pierre  De  Witte  avait  un  frère  nommé 
Corneille,  qui  faisait  partie  des  gardes  du 
corps  du  duc  de  Bavière,  et  peignait  le 
paysage  avec  succès,  vers  1.573,  s'il  faut 
en  croire  Van  Mander.  Enfin,  il  a  laissé 
un  fils,  Guillaume,  né  à  Munich  en 
1585;  celui-ci  fut  un  peintre  de  talent 
et  porta  le  titre  de  peintre  de  l'électeur. 

Il  y  eut  à  Bruges,  en  1577,  un  fiilles 
De    Witte,   sculpteur,   qui    exécuta    le 


monument  de  messire  JeanDe  Schietere. 
On  voit  encore  cette  œuvre  à  l'église  de 
Saint-Sauveur  à  Bruges  et  l'on  croit  que 
ce  Gilles  fut  le  père  de  Pierre. 

Ad.  Siret. 

oi:  irVoiiF  (Josse),  poète  flamand,  né 
à  Nazareth  (Flandre  orientale),  le  16  jan- 
vier 1747.  On  ignore  les  principales 
circonstances  de  sa  vie;  on  sait  seule- 
ment que,  prêtre  et  bachelier  formel  en 
théologie,  il  fut  nommé,  le  37  novembre 
1773,  professeur  au  collège  de  Gand, 
fondé  sous  Marie-Thérèse,  lors  de  la 
suppression  des  jésuites. 

On  lui  doit  un  grand  nombre  de 
poésies  à  la  manière  de  Cats,  écrites  dans 
un  style  simple,  dépourvu  de  fard,  fait 
pour  être  compris  par  tous  les  genres  de 
lecteurs,  et  d'une  versification  assez  cor- 
recte, bien  que  les  expressions  manquent 
parfois  de  justesse.  La  collection  de  ces 
poésies  forme  environ  douze  à  quatorze 
volumes  in-S».  Voici  quelques-unes  de 
ces  œuvres  :  Den  vreugd  en  vriichtwek- 
Jcende  Theater  van  Apollo.  Gend,  1778, 
5  volumes  in- 8°.  Recueil  de  pièces  sur 
divers  sujets  de  morale  et  de  philosophie; 
ce  premier  ouvrage  de  l'auteur  est  encore 
fort  répandu.  —  2o  Astrcea,  de  waerheyd 
zoekende  Dienst-Maegd ,  verzelt  door  den 
onvlucMbaren  laster  der  weireld.  Verrykt 
met  wonderhaere  historien,  Ucîdgevende 
fabelen.  Gend,  1778,  in-80.  —  3o  Ben 
goddelyken  PhilosopJi  ofte  minnaer  der 
oprechte  wyshegd.  Gend,  1778,  in-80. 
En  vers  héroïques,  dédié  à  Vandevyver, 
échevin  de  ïermonde.  —  4o  La  réno- 
vante Pucelle  de  Gand.  En  trois  chants. 
Gand,  1779,  in- 8".  Poëme  curieux,  mais 
ridicule,  écrit  dans  un  style  prétentieux 
et  boursouflé.  C'est  la  seule  production 
écrite  en  français.  Il  a  publié  le  même 
ouvrage  en  vers  flamands.  —  h<^  De 
Herscheppingen  van  Ovidius.  In  rvm  ge- 
steld  door  J.  De  Wolf.  Gend,'  1779, 
in-80.  —  6°  Historié  van  het  Oud  Testa- 
ment.  In  helden  veerzen.  Gend,  1780, 
in-80.  —  70  Historié  vati  het  nieuw  Tes- 
tament. In  heldon  veerzen.  Gend,  1730, 
in-80.  —  %o  Ramozangen  en  hrieven  van 
den  ellendigen  halling  Publius  Ovidius 
Naso.  In  helden  veerzen.  —  9o  I^even 
der    Herdereii   door    Vii'gilius,  vrtjpostig 


i9 


DE  WOLF  —  DE  WOLFF  DE  LA  MARSELLE 


^ 


verdnytscM.  —  lO"  JJeren  van  uytspan- 
ningen  of  den  wéllust  der  velden.  Gend, 
in-8o,  sans  date.  Recueil  de  pastorales 
et  d'idylles.  —  11»  Bloemperk  d'aller- 
gewigtigste  lotgevallen.  In  rym  en  onrym. 
—  12^  Invallende  gedagten  op  verscheyde 
voorwerpen,  of  het  sehoon  tooneel  der 
gehreken.  Gend,  1780.  in-8o.  Recueil  de 
90  pièces,  parmi  lesquelles  on  en  cite 
une,  considérée  comme  la  meilleure  de 
l'auteur. 

De  Wolf  après  avoir  traduit  en  vers  fla- 
mandspresquetouteslesœuvres  d'Ovide, 
voulut  y  ajouter  V Ars  amandi ;  l'autorité 
ecclésiastique  s'en  alarma  :  on  prétend 
que  le  poëte  fut  enfermé  dans  les  prisons 
de  l'évêché  et  même  déclaré  fou.  Il  est 
plus  probable  que  De  Wolf,  craignant 
des  désagréments,  se  démit  de  ses  fonc- 
tions et  s'expatria,  car  il  paraît  qu'il  mit 
ensuite  au  jour  d'autres  publications 
anonymes.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  mem- 
bres de  sa  famille,  qui  existent  encore  à 
Nazareth,  ignorent  quand  et  où  il  ter- 
mina sa  carrière.  Aug.  Vander  Meersch. 

Kunst  en  letterblad,  -1842,  p.  8.  —  Blommacrt, 
Nederduytsche  schryvers  van  Gent.  —  Piron , 
Levensbeschryvingen.  —  Ferd.  Vander  Haeghen, 
Bibliographie  gauloise.  —  Fr.  De  Poiter  et 
J.  Broeckaert,  Geschiedenis  der  gemeenten,  deel  V. 
Nazareth. 

DE     IrVOI^FF     DE     1,.%.     MARSEI^IiE 

(Louis-Homitiiqtie-Josepk-Eegis) ,  homme 
de  guerre,  né  à  Mons,  le  13  mars  1747, 
mort  dans  la  même  ville  le  14  octobre 
1804.  La  famille  De  Wolff  appartenait 
à  la  noblesse  du  Hainaut;  elle  avait 
fourni  à  l'Espagne  et  à  l'Autriche  plu- 
sieurs vaillants  officiers  :  Nicolas  De 
Wolff  s'était  distingué  au  siège  de  Va- 
lenciennes  et  au  blocus  de  Mons  en  1678, 
ainsi  qu'à  la  bataille  de  Seneffe;  Jean- 
Alexandre  De  Wolff  avait  assisté  à  la 
bataille  de  Vienne,  aux  sièges  de  Bude 
et  de  Belgrade,  et  avait  figuré,  avec  le 
grade  de  colonel,  dans  les  gardes  du 
prince  de  T'Serclaes,  général  des  troupes 
du  prince  évêque  de  Liège.  Un  autre 
membre  de  cette  famille  était  mort 
héroïquement  à  la  bataille  de  Krotzka 
(le  22  juillet  1739),  où  plusieurs  Belges 
s'étaient  distingués. 

Louis-Dominique  voulut  suivre  les 
beaux    exemples    de    courage   que    ses 


ancêtres  lui  offraient,  et  dès  l'âge  de 
quatorze  ans  il  entra  dans  un  régiment 
d'infanterie.  C'était  en  1760,  vers  la  fi» 
de  la  guerre  de  Sept  ans.  Une  foule  de 
jeunes  gens,  fascinés  par  la  gloire  que 
cette  guerre  mémorable  avait  attirée  sur 
les  étendards  de  l'Autriche,  s'empressè- 
rent alors  de  prendre  la  carrière  deq 
armes,  mais  la  paix,  qui  fut  conclue  peu 
de  temps  après,  vint  faire  évanouir  les 
rêves  ambitieux  de  cette  jeunesse  guer- 
rière. Toutefois  le  jeune  De  Wolff  arrive 
bientôt  à  une  sous-lieutenance.  En 
1768,  il  obtint  une  compagnie  dans  le 
régiment  de  Wurtemberg,  un  des  corps 
nationaux  qui  existaient  à  cette  époque. 
Il  la  conserva  jusqu'en  1787,  époque 
de  son  élévation  au  grade  de  major, 
La  révolution  brabançonne  éclata  bien- 
tôt ;  les  troupes  impériales  durent  aban- 
donner momentanément  le  pays  et  se 
réfugier  dans  le  Luxembourg,  où  les 
idées  de  rébellion  n'avaient  pas  pénétré. 
Le  major  De  Wolff  de  la  Marselle,  qui 
servait  de  nouveau  dans  le  régiment 
wallon  de  Wurtemberg,  accompagna 
l'armée  dans  son  mouvement  de  retraite. 
La  campagne  de  1790  amena  de  nom- 
breux conflits  entre  les  troupes  autri- 
chiennes et  les  patriotes  belges,  en 
attendant  qu'elle  aboutît  au  rétablisse- 
ment du  gouvernement  impérial  d^ns 
nos  provinces.  Elle  fournit  au  majop 
De  Wolff  plusieurs  occasions  de  se  faire 
remarquer,  notamment  le  31  août,  au 
combat  d'Anseremme  :  le  colonel  du 
régiment  venait  d'être  mortellement 
frappé  en  conduisant  ses  troupes  à  l'at- 
taque de  la  position  occupée  par  le^ 
patriotes;  cet  événement  avait  jeté  le 
trouble  et  le  désordre  dans  le  régiment, 
lorsque  le  major  De  Wolff"  de  la  Marselle 
prend  résolument  la  direction  de  l'opé-? 
ration,  parvient  à  rallier  les  troupes 
presque  débandées  et,  grâce  à  son  éner- 
gie, à  son  intrépidité,  enlève  la  posi- 
tion d'Anseremme  et  s'y  établit  solide- 
ment. Le  22  septembre  suivant,  il  put 
de  nouveau  donner  d'éclatants  témoir 
gnages  de  son  intelligence  et  de  sa  bra- 
voure dans  un  combat  qui  eut  lieu  près 
de  Falmignoul,  dans  la  province  de  Na- 
mur. 


21 


DE  WOLFF  DE  LA  MARSELLE  —  DE  WRÉE 


Î2 


Pendant  les  guerres  de  l'Autriche 
contre  la  république  française,  cet  intré- 
pide officier  se  distingua  dans  plusieurs 
circonstances  :  de  1794  à  1796,  il  com- 
manda avec  distinction  un  bataillon 
formé  des  grenadiers  réunis  des  trois 
régimei^ts  wallons  de  Clerfayt,  de  Ligne 
et  de  Vierset;  en  1796,  il  reçut  le  com- 
mandement du  régiment  de  Clerfayt,  à 
la  tête  duquel  il  se  couvrit  de  gloire  à 
Kircheipe  le  19  juin  et  mérita  la  déco- 
ratipn  de  l'ordre  de  Marie-Thérèse.  On 
ne  lira  pas  sans  intérêt  le  texte  officiel 
du  considérant  qui  a  fait  décerner  au 
général  De  Wolff  de  la  Marselle  l'ordre 
militaire  de  Marie-Thérèse.  Le  voici  tel 
qu'il  a  été  rédigé  à  la  chancellerie  de 
l'ordre  :  »  M.  de  la  Marselle  étant  colonel 
«  commandant  le  régiment  d'infanterie 
«  Clerfayt  no  9,  qui  faisait  partie  de 
«  l'avant-garde  de  l'armée  impériale, 
*  laquelle,  après  la  bataille  de  Wetzlar, 
«  s'avançait  vers  le  Ehin,  se  distingua 
c  particulièrementàKircheipe,le  19 juin 
u  1796.  L'ennemi  menaçant  sérieuse- 
»  ment  les  positions  occupées  par  l'avant- 
«  garde  et  notamment  celle  de  l'aile 
«  droite,  le  colonel  De  Wolif  de  la  Mar- 
ti selle  s'offrit  spontanément  à  son 
u  commandant,  le  général  comte  de 
«  Gontrœul,  de  couvrir  et  de  dégager  la 
«  position  avec  un  bataillon  de  son  régi- 
«  ment;  il  exécuta  ce  mouvement  avec 
Il  autant  d'habileté  que  de  résolution  et 
u  de  courage.  Malgré  la  force  supérieure 
Il  de  l'ennemi,  celui-ci  attaqué  vigou- 
II  reusement  fut  repoussé  sur  tous  les 
I)  points.  Ce  résultat  sauva  l'aile  droite 
u   et  décida  du  succès  de  l'affaire.  « 

En  1799,  le  colonel  De  Wolff  de  la 
Marselle  se  rendit  dans  le  Tyrol  avec  son 
régiment  et,  là  encore,  il  se  distingua 
dans  une  foule  de  rencontres  avec  l'en- 
nemi, notamment  le  26  mars  près  de 
Schluders,  le  2  mai  près  de  Siiss  et  le 
14  près  de  Luccenberg,  où  il  enleva  les 
hauteurs  de  Sainte-Julie.  Investi  du 
commandement  d'une  brigade  et  chargé 
de  reprendre  un  des  passages  du  Saint- 
Gothard,  il  eut  à  soutenir  plusieurs 
combats  qui  facilitèrent  la  jonction  des 
différents  corps  autrichiens.  Après  le 
combat  de  Rivoli  (1 6  septembre),  sa  con- 


duite fut  récompensée  par  le  grade  de 
général-major. 

Cependant  les  Français  avaient  tra- 
versé le  mont  Cenis  ;  bientôt  ils  franchi- 
rent le  Pô  et  marchèrent  sur  Alexandrie, 
Le  général  De  Wolff'  de  la  Marselle  fut 
envoyé  à  leur  rencontre  et  leur  livra  à 
Montebello  un  combat  où  il  se  distingua 
encore,  mais  où  il  eut  la  douleur  de  voir 
tomber  à  ses  côtés  son  fils  unique  mor- 
tellement blessé.  Deux  jours  après,  fut 
livrée  la  bataille  de  Marengo,  dans 
laquelle  le  général  De  Wolff'  rendit  les 
plus  grands  services  et  où  il  reçut  deux 
blessures.  Il  demanda  sa  retraite  après 
la  paix  de  Lunéville  et  vint  finir  ses 
jours  dans  sa  ville  natale. 

Général  baron  Guillaume. 

Hirtenfelt,  Das  rnilitar,  elc.  —  Guillaume. 
Histoire  des  régiments  nationaux .  —  Reiiseigne- 
ments  fournis  iiar  la  Chancellerie  de  l'ordre  de 
la  Croix  de  Marie-Thérèse.  —Iconographie  mon- 
toise. 

»E  ^'RÉK (Jean- Baptiste),  sculpteur, 
né  à  Termonde  vers  1635,  mort  à  An- 
vers en  1726.  Voir  De  Yhée  {Jean- 
Baptiste)  . 

DE  M'RÉE  iMai'c),  compositeur  de 
musique,  né  à  Dunkerque  vers  1565. 
Voir  De  Vrée  (Marc). 

DE  lî^'BÉE  {Olivier),  ou  Vhedius, 
historien  et  poète,  né  à  Bruges  le  28  sep- 
tembre 1596  ,  y  mourut  le  21  mars 
1652.  Après  avoir  fait  d'excellentes 
études  à  Bruges  et  à  Douai,  il  se  crut 
appelé  à  la  vie  religieuse  et  entra  au 
noviciat  des  jésuites  qui  avaient  présidé 
à  son  éducation;  mais,  là  même,  un  exa- 
men plus  approfondi  lui  fit  comprendre 
que  sa  vocation  était  ailleurs  :  il  reprit 
ses  études  de  droit  à  Douai  et  en  revint 
avec  le  grade  de  licencié.  Entouré  de 
quelques  amis  de  choix,  il  s'adonna  avec 
ardeur  à  la  poésie  flamande  et  y  réussit 
d'autant  mieux,  qu'il  trouva  dans  ses 
amis  des  censeurs  éclairés.  Aujourd'hui 
encore,  ses  œuvres  poétiques,  telles  que 
J)e  vermaerde  oorlog-stukken  van  den  tcon- 
derdadit/en  veldheer  C.  de  Longtieval  et 
les  Meng eld icMen ,  io\ns?,&ni  d'une  estime 
bien  méritée.  A  la  verve  et  à  l'imagina- 
tion il  unit  une  grande  connaissance  de 
sa  langue  maternelle  et  la  manie  heureu- 
sement. Sans  renoncer  aux  muses,  qui 


23 


DE  WRÉE  —  DE  WULF 


24 


lui  avaient  procuré  tant  de  moments 
agrréables,  il  se  sentit  bientôt  attiré  aux 
études  jdIus  sévères  de  l'histoire,  d'autant 
plus  qu'à  la  fleur  de  l'âge  il  faisait  déjà 
partie  du  magistrat  de  Bruges  et  qu'après 
avoir  géré  avec  honneur  les  fonctions 
d'échevin  et  de  trésorier,  il  fut  élevé  à 
la  dignité  de  bourgmestre.  Il  n'y  était 
pas  promu  encore  quand  il  rendit  à  la 
ville  et  à  l'Etat  le  service  le  plus  impor- 
tant. A  la  mort  de  l'archiduc  Albert  et 
dans  la  désorganisation  qui  s'ensuivit, 
le  prince  d'Orange  parut  inopinément 
près  de  Bruges,  dans  l'espoir  de  sur- 
prendre la  ville ,  mais  De  Wrée  ne 
dormait  pas;  avec  l'aide  de  son  col- 
lègue Eonsart  et  d'autres  amis  dé- 
voués, il  ranima  les  esprits  abattus  et 
harangua  le  peuple  avec  tant  d'énergie, 
qu'il  parvint,  en  peu  d'heures,  à  réunir 
des  forces  assez  imposantes  pour  faire 
rebrousser  chemin  à  Maurice  de  Nassau. 
L'étude  de  notre  histoire  occupa  les 
vingt  dernières  années  du  vigilant  ma- 
gistrat. Après  qu'il  eut  réuni  à  grands 
frais  des  manuscrits,  des  sceaux  et  mé- 
dailles, matériaux  nécessaires  pour  son 
travail,  il  porta  l'enthousiasme  au  point 
d'établir  dans  sa  propre  maison  une 
imprimerie  et  un  atelier  de  gravure. 
Il  mit  alors  la  main  à  l'œuvre  et  publia 
d'abord  les  Sigilla  cornitum  Flandriœ, 
le  plus  connu  de  ses  ouvrages ,  et  la 
Genealogia  comitum  Mandrice,  qui,  tous 
deux ,  reçurent  l'honneur  d'une  tra- 
duction, mais  qui,  d'abord  vendus  au 
poids,  sont  aujourd'hui  justement  ap- 
préciés. Cette  injustice  ne  découragea 
pas  l'auteur  :  il  continua  ses  recherches 
avec  un  nouveau  zèle  ;  malheureusement 
il  s'éprit  d'un  système,  avant  d'avoir 
bien  établi  les  faits,  L^ ancienne  Tîandre, 
disait-il,  était  la  première  France,  maxime 
assurément  trop  absolue,  vers  laquelle 
il  fait  converger  tous  les  événements,  ce 
qui  l'oblige  à  en  resserrer  quelques-uns 
dans  une  sorte  de  lit  de  Procuste.  Ses 
ouvrages  Flandria  ethnica  et  Flandria 
chri.sti.ana,  qu'il  ne  considère  que  comme 
une  introduction,  Libri  prodromi  duo, 
forment  néanmoins  une  mine  inépuisa- 
ble d'érudition,  bien  que  les  explications 
en  soient  souvent  peu  justifiées.  Olivier 


De  "Wrée  mourut  dans  la  vigueur  de 
l'âge,  avant  d'avoir  pu  mener  à  fin  sa 
gigantesque  entreprise  et,  sans  doute, 
par  excès  de  travail. 

Aug.  Vander  Mfersch. 
Bibliothèque  belg.,  tom.  II,  pages  393  et  suiv. 
—  J.  De  Mersseman,  dans  la  Biogr.  des  hommes 
remarq.  de  la  Flandre  occid.,  tom.  II,  pages  283 

ei  suiv. 

DE  'WUi.F  {Chrétien),  plus  connu 
sous  le  nom  latinisé  de  Lupus,  écrivain 
ecclésiastique,  né  à  Ypres  le  23  juillet 
1612,  mort  le  10  juillet  1681.  Après 
avoir  terminé  ses  humanités  dans  sa  ville 
natale,  oii  il  eut  pour  professeur  de  rhé- 
torique le  fameux  hagiographe  Godefroid 
Heuschenius,  il  embrassa  l'état  religieux 
dans  l'ordre  des  Ermites  de  Saint-Au- 
gustin et  fit  sa  profession  en  1628,  à 
peine  âgé  de  quinze  ans.  Dès  que  ses 
études  de  théologie  furent  achevées,  ses 
supérieurs  l'envoyèrent  enseigner  la 
philosophie  à  Cologne.  Il  s'y  acquit 
l'estime  de  plusieurs  savants  et  particu- 
lièrement celle  du  cardinal  Fabio  Chigi, 
depuis  pape  sous  le  nom  d'Alexandre  Yll 
et  qui  remplissait  alors  les  fonctions  de 
nonce  et  légat  à  latere,  dans  le  quartier 
du  Rhin.  Lorsqu'il  fut  parvenu  au  pon- 
tificat, celui-ci  continua  à  honorer  De 
Wulf  des  marques  de  sa.  bienveillance. 

En  1640,  De  Wulf  fut  appelé  à  Lou- 
vain  ;  il  y  professa  avec  succès  la  théolo- 
gie, adoptant  pour  base  de  son  enseigne- 
ment la  doctrine  de  saint  Augustin,  mais 
en  la  complétant  en  quelque  sorte  par 
l'étude  des  anciens  monuments  ecclé- 
siastiques. On  rapporte  qu'il  étudiait 
quinze  heures  par  jour,  qu'aucun  livre 
n'échappait  à  sa  dévorante  activité  et 
qu'il  s'assimilait  tout  ce  qu'il  avait  lu  : 
c'est  pourquoi  on  le  surnommait  la 
Bibliothèque  ambulante.  Il  fut  ensuite 
envoyé  à  Douai,  où  son  savoir  et  son 
instruction  brillèrent  également  du  plus 
vif  éclat. 

Il  cherchait  à  obtenir  la  dignité  de 
docteur;  l'internonce  des  Pays-Bas  s'y 
opposa,  les  ennemis  du  P.  Lupus  l'ayant 
accusé  de  jansénisme.  Bientôt  l'interdit 
auquel  on  l'avait  soumis  fut  levé  par  le 
pape,  et  la  remise  du  bonnet  de  docteur 
eut  lieu  le  4  février  1653,  aux  acclama- 
tions de  l'université  de  Louvain.  Quand 


23 


DE  WULF 


26 


il  se  rendit  plus  tard  à  Rome,  il  se  jus- 
tifia sans  peine  des  accusations  injustes 
lancées  contre  lui,  et  il  y  passa  cinq 
années,  s'occupant  de  travaux  intellec- 
tuels qui  provoquèrent  l'admiration;  le 
célèbre  Holstenius  déclara  qu'il  ne  con- 
naissait personne  de  plus  instruit  dans 
l'histoire  ecclésiastique,  et  toute  la  cour 
romaine  professait  le  respect  le  plus  pro- 
fond pour  son  instruction  et  son  carac- 
tère. Le  pape  Alexandre  VII,  son  ancien 
ami,  voulant  le  retenir  dans  la  ville 
éternelle,  lui  offrit  la  dignité  de  prélat 
domestique,  avec  le  titre  d'évcque  de 
Tagaste,  puis  \me  chaire  dans  le  collège 
de  la  Sapience,  mais  il  refusa  ces  hon- 
neurs et  ces  fonctions,  préférant,  disait- 
il,  l'étude  et  le  repos  à  l'esclavage  bril- 
lant des  hautes  dignités.  Il  refusa  de 
même,  quand  Cosme  III,  grand-duc  de 
Florence  lui  fit  offrir  avec  instance  une 
pension  considérable  pour  l'attirer  à  sa 
cour.  Il  ne  voulait  pas  renoncer  à  sa 
nationalité,  ou  du  moins  il  tenait  à  ne 
consacrer  qu'à  sa  patrie  ses  talents  et 
son  savoir. 

A  son  retour  à  Louvain,  on  le  nomma 
un  des  huit  régents  de  la  faculté  de 
théologie,  et  ce  fut  pendant  cette  époque 
qu'il  compléta  ses  études  sur  l'histoire 
ecclésiastique,  les  canons,  les  sentences 
de  conciles,  et  qu'il  publia  plusieurs 
ouvrages  d'un  mérite  transcendant,  par 
lesquels  il  défendait  l'infaillibilité  du 
pape.  Il  fut  successivement  revêtu  des 
premières  charges  de  son  ordre,  mais  il 
ne  les  accepta  qu'à  son  corps  défendant 
et  se  hâta  d'y  renoncer  aussitôt  qu'il  le 
put;  il  ne  consentit  même  à  occuper  la 
chaire  de  premier  professeur  de  théolo- 
gie, à  Louvain,  devenue  vacante  parla 
mort  de  Gérard  van  Werm,  que  par  dé- 
férence pour  le  duc  de  Parme,  gouver- 
neur général  des  Pays-Bas.  Il  est  à 
remarquer  que  c'était  la  première  fois 
qu'une  chaire  de  l'université  était  accor- 
dée à  un  docteur  d'un  ordre  régulier. 

En  1677,  l'université  de  Louvain 
l'envoya  en  députation,  avec  d'autres 
théologiens,  à  Rome,  afin  de  solliciter  la 
condamnation  de  soixante-cinq  proposi- 
tions de  morale  relâchée;  il  obtint  du 
pape  Innocent  XI  un  décret  sur  la  pu-   | 


reté  de  la  doctrine  de  saint  Augustin  et 
la  permission  de  l'enseigner  publique- 
ment. Le  souverain  pontife  le  gratifia  en 
même  temps  de  deux  superbes  médailles 
en  or.  Le  P.  Lupus  mourut  à  Louvain  à 
l'âge  de  soixante  et  dix  ans,  après  avoir 
composé  lui-même  son  épitaphe,  dans 
laquelle  il  disait  modestement  qu'il  était 

dignus  nomine  reque  Lupm indigmis 

non  re,  solo  nomine,  doctor.  Les  Augustins 
lui  sont  redevables  d'avoir  formé  dans  son 
école  le  cardinal  Xoris,  et  d'avoir  enri- 
chi considérablement  leur  bibliothèque. 
Ses  ouvrages  lui  acquirent  un  grand 
renom;  un  biographe  prétend  qu'il  pas- 
sait, avec  justice,  pour  un  des  plus  sa- 
vants hommes  du  siècle;  un  autre  avance 
qu'il  n'avait  pas  son  égal  pour  l'étendue 
de  son  savoir  et  l'ardeur  de  sa  vertu. 
Tout  en  rendant  hommage  à  ses  con- 
naissances étendues,  on  serait  peut-être 
plus  près  de  la  vérité  en  disant  que 
c'était  un  habile  homme,  mais  rempli 
de  préjugés  et  d'une  extrême  opiniâ- 
treté. \'oici  les  titres  de  ses  œuvres 
principales  :  lo  Apologia  pro  anima  oni 
sensitiva.  Coloniae,  16.39,  in-4o.  — 
3"  Apologia  altéra  adversm  professores 
Marpurgen-^es.  Colonise,  1641,  in-4'J.  Ce 
sont  ses  premiers  essais,  composés  pen- 
dant qu'il  professait  la  philosophie.  — 
3'J  Synodorum  gêner alium  et  proiincia- 
lium  statuta  et  canones  cura  notis  et  histo- 
ricis  dissertationibus.  Les  tomes  1  et  2 
furent  publiés  à  Louvain  en  1665,  et  les 
tomes  .3,  4  et  .5  à  Bruxelles,  en  1673, 
de  format  in-4'J.  Espèce  d'introduction 
à  l'histoire  des  canons  des  conciles,  écrite 
dans  un  style  incorrect  et  qui  respire 
l'ultramontanisme  le  plus  prononcé  ; 
Bossuet  l'a  réfuté  dans  la  Défense  de  la 
déclaration  du  clergé.  Le  P.  Lupus  y 
donne  des  preuves  de  grande  érudi- 
tion. —  40  Quœstio  quodlibetica  de  ori- 
gine eremitarum,  clericorum  ac  sanctimo- 
nialium  ord.  S.  Augustini.  Duaci,  1651. 
—  5o  Dissertatio  dogmatica  de  germauo 
ac  avito  se7isu  SS.  FF.  unitersœ  Ecclesice 
ar  prœsertim  Tridentince  Synodi,  circa 
cliridianam  contritionem  et  attritionem. 
Lovanii,  1666,  in-4'5.  Le  sentiment  de 
l'auteur  est  que  la  contrition  de  cette 
charité  parfaite  qui  fait  aimer  Dieu  sur 


27 


DE  WULF  -  0EYNUM 


^ 


toutes  choses  suffit  pour  justifier  l'homme 
sans  l'absolution  du  prêtre.  —  60  Ter- 
tulUani  Liber  de  Prascriptionibus  contra 
kcBreficos,  ci/m  scholiis  et  notis.  Bruxel- 
lis,  1675,  in-4o.  Ecrit  avec  une  certaine 
élégance.  —  7o  Divinum  ac  immobile 
S.  Pétri  apostolorum  principis  circa  om- 
nittm  sub  calo  fiielium  ad  Romanam  ejîis 
cathedrani  AppeUationes ,  adrersus  pro- 
fanai koâie  rocum  notitates ,  assertion 
privileffuini .  Moguntise,  1681,  in-4o.  Les 
novateurs  qui  ont  excité  la  bile  du 
P.  Lupus  sont  Marca,  l'abbé  Boileau  et 
le  docteur  Gerbais.  Le  droit  d'en  appeler 
au  pape  est  démontré  par  la  nature  de 
sa  primauté.  —  80  Epistolee  ■cariorum 
patrnrn  ad  I/pliesinm  concilium.  Item, 
Gommonitorinm  Cœlestini  papa,  tituîi 
decretornm  Hilarii  papœ,  NeapoUtanum 
concilinm,  Epistolœ  Analecti  Anti-Popœ. 
Lovanii,  1682,  in-4f>.  La  vie  du  P.  Lu- 
pus, par  le  P.  Joseph  Sabatini,  religieux 
de  son  ordre,  se  trouve  à  la  tête  du 
volume  des  notes.  Ses  ouvrages  post- 
hiunes  furent  publiés  à  Bruxelles  en 
1690,  in-4o,  par  les  soins  du  P.  Guil- 
laume Wynants,  religieux  aiigustin; 
Foppens  en  fait  connaître  les  divers 
titres  et  l'on  y  voit,  outre  les  pièces 
inédites,  quelques  dissertations  impor- 
tantes, imprimées  du  vivant  de  l'auteur. 
Tous  les  ouvrages  du  P.  Chrétien  De 
Wulf  ont  été  réunis  dans  une  édition 
faite  à  Venise  en  1724  et  seqq.  en 
12  tomes  ou  6  volumes  in-folio,  précédée 
de  la  vie  de  l'auteur,  par  les  soins  du 
P.  Thomas  Philippin!,  de  Ravenne,  qui 
y  ajouta  quelques  traités  inédits,  con- 
servés dans  la  bibliothèque  des  Augus- 

tinS,   àLoUVain.  Aug.  Vaiidei  Meersch. 

Foppens,  Bibliotlieca  belqica,  t.  1.  p.  170.  — 
Kicéron,  Mcmoiret  pour  senir  a  l'histoire  des 
hommes  illustres,  t.  VU,  p.  :204.  —  Moreri.  Dic- 
tionnaire historique.  —  Delvenne,  Biographie 
des  Pays-Bas.  —  Ossinger,  Biblioiheca  augusti- 
niana,  p  594.  —  Michaud,  Biographie  unifer- 
selle.  —  Biographie  des  hommes  remarquables  de 
la  Flandre  occidentale,  t.  I,  p.  297. 

BE  '«viXF  (Jacques-Philippe),  juris- 
consulte gantois,  vivait  au  xvirie  siècle; 
nous  ignorons  la  date  exacte  de  sa  nais- 
sance comme  celle  de  sa  mort.  Il  passa 
ses  licences  le  18  décembre  1756  et  pra- 
tiqua comme  avocat  du  barreau  de  Gand 


jusqu'au  mois  de  février  1767,  époque 
à  laquelle  il  fut  nommé  pensionnaire  de 
la  ville  d'Ostende.  En  1766,  pendant 
qu'il  était  encore  avocat  à  Gand,  il  pu- 
blia la  table  générale  des  placards, 
règlements,  instructions  et  arrêtés  ren- 
fermés dans  les  neuf  in-folio  intitulés 
Recueil  des  placards  de  Flandre  de  115^ 
à  1763.  {Placaetboek ,  etc.)  Son  ouvrage 
en  un  volume  est  intitulé  :  Generalen 
index  ofte  substantieel  kortbondig  begryp 
der  materien  begrepen  in  de  vyf  Placaet- 
boeken  van  Vlaenderen  (Gand,  1768, 
1  vol.,  690  p.).  Dans  ce  travail, 
De  Wulf  résume  fort  bien  les  nombreuses 
lois  de  Flandre,  qui  étaient  la  plu- 
part du  temps  celles  de  toutes  les  pro- 
vinces. Par  cette  analyse,  où  l'auteur  a 
suivi  l'ordre  alphabétique,  et  à  laquelle 
il  a  joint  un  index  chronologique,  notis 
pouvons  nous  former  promptement  une 
idée  exacte  de  notre  ancien  droit  édictal. 
Aucun  index  de  cetteimmense  collection, 
surtout  ce  qui  a  été  fait  pour  telle  ou 
telle  branche  de  la  législation,  n'est 
aussi  complet,  aussi  érudit  que  celui  de 

l'avocat  gantois.  Ém.le  Varenbergh. 

Britz,  Mémoire  couronné. 
dey:%'i:m  (J.-B.  t.%x),  peintre  en 
miniature  et  à  la  gouache,  né  en  1620  à 
Anvers,  décédé  le  14  octobre  1669. 
Etant  issu  d'une  famille  pourvue  d'une 
belle  aisance,  il  put  librement  suivre 
ses  goûts  et  n'eut  pas  à  lutter  contre  les 
entraves  qui  retardèrent  l'éclosion  de 
tant  d'autres  artistes.  Il  fut,  en  outre, 
bien  inspiré  par  ses  prédilections  pour 
le  genre  spécial  qu'il  adopta,  car  il  par- 
vint à  donner  à  ses  miniatures  et  à  ses 
gouaches  les  qualités  élevées  qui  sem- 
blent être  l'apanage  exclusif  de  la  pein- 
ture à  l'huile.  On  vante  le  coloris  vrai 
et  harmonieux  de  ses  portraits  et  on 
loue,  non  moins  vivement,  les  qualités 
attrayantes  dont  il  a  fait  preuve  en  trai- 
tant le  paysage  ou  les  sujets  historiques. 
Ses  œuvres  furent  promptement  recher- 
chées par  l'aristocratie,  en  Autriche  et 
en  Espagne,  et  elles  ne  se  retrouvent 
plus  que  dans  les  palais  et  les  demeures 
seigneuriales  de  ces  deux  contrées  :  son 
pays  natal  n'en  a  guère  conservé. 

F,  Stappacrt». 


29 


DEYSTER  —  D'HEUR 


30 


DEYi^TER  {Louis  I»e),  peintre  d'his- 
toife  et  graveur  à  l'eau-forte,  né  à 
Bruges  en  1656,  mort  en  1711. 

Il  faut  ranger  cet  artiste  parmi  les 
JjIus  habiles  de  l'école  flamande,  bien 
qtt'il  soit  loin  d'avoir  obtenu  la  renom- 
mée qu'il  méritait  ;  ce  déni  de  justice  de 
la  postérité  n'est  peut-être   imputable 

Sti'à  une  seule  cause  :  le  coloris  et  le 
fessin  de  De  Beyster  rappellent  parfois 
sî  bien  les  œuvres  de  Van  Dyck  qu'on 
à  été  amené,  fort  injustement,  à  le 
placer,  derrière  ce  maître,  dans  le  vil 
ttoupeau  des  imitateurs.  L'énergique  in- 
dividualité de  De  Dyster  se  révèle  pour- 
tant dans  maintes  de  ses  œutres;  elle 
apparaît  particulièrement  dans  ses  es- 
quisses, où  brille  l'alliance  de  qualités 
réputées  inconciliables  :  la  largeur  et  la 
précision  de  la  touche,  une  fougue  pas- 
sionnée et  une  très-sage  entente  de  la 
composition.  Notre  artiste  n'était  ni 
moins  pittoresque ,  ni  moins  digne 
d'éloge  quand  il  tenait  le  burin,  au  lieu 
de  manier  le  pinceau.  Dans  l'un  comme 
dans  l'autre  cas,  tout  paraissait  impro- 
visé avec  abandon,  et  tout,  cependant, 
était  le  résultat  d'un  travail  patient, 
refléchi  et  ardu.  Il  ne  peignait  qu'après 
avoir  essayé  de  chaque  sujet  plusieurs 
esquisses,  et  lorsque  les  moindres  traits 
de  sa  composition  étaient  correctement 
tracés  sur  la  toile. 

Elève  de  Jean  Maes,  il  quitta  son 
iliaître  pour  se  rendre  en  Italie  avec  un 
de  ses  amis  et  de  ses  condisciples,  Jean 
Van  den  Eeckhout,  dont  il  épousa,  plus 
tard,  la  sœur.  Il  séjourna  pendant  six 
ans  à  Rome  et  à  Venise j  non  moins 
absorbé  par  l'étude  enthousiaste  des 
célèbres  maîtres  italiens  que  par  ses  pro- 
pres travaux.  Convaincu  par  d'illustres 
exemples  que  l'art  doit  s'attacher  à 
l'expression  de  grandes  et  nobles  pen- 
sées, il  s'inspira  surtout  des  scènes  de 
la  Bible  :  Judith,  —  Job,  —  la  Résur- 
t-ection  du  Christ,  —  V Ajyparition  aux 
trois  Marie,  —  la  Mort  de  la  sainte 
Vierge,  sont  comptées  au  nombre  de  ses 
principales  œuvres. 

Ses  belles  et  rares  estampes  manifes- 
tent le  même  esprit,  le  même  sentiment. 
On  cite  parmi  celles-ci  comme  les  plus  I 


dignes  d'appeler  l'àttetltidn  :  la  Fuite 
d  Agar,  dont  la  pladche  burinée  est 
conservée  à  Vienne  ;  —  la  Sainte  Made- 
leine; —  lé[  Sacrifice  de  Noé,  planche 
très-rare,  indiquée  par  Weigel  comme 
valant  trente  thalers  (plus  de  cent 
francs  !).  —  Une  Vierge  dans  une  atti- 
tude méditative,  planche  de  format  petit 
in-4^.  Deux  auteurs,  Bartsch  et  Le 
Blanc,  donnent  in  extenso  l'énumération 
des  autres  planches  attribuées  à  notre 
peintre;  le  premier  en  mentionne  sept, 
et  le  second  quatorze. 

De  Deyster  semblait  appelé  à  jouir 
d'une  grande  fortune;  ses  talents  lui  per- 
mettaient d'y  prétendre;  mais  la  versa- 
tilité de  son  caractère  et  son  imagination 
vagabonde  l'empêchèrent  d'y  parvenir. 
S'occupant  de  musique,  de  mécanique, 
de  gravure,  fabriquant,  tour  à  tour,  des 
orgues,  des  pendules,  des  violons,  des 
tableaux  et  des  estampes,  il  gaspilla  son 
temps  et  ses  forces  dans  les  directions  les 
plus  divergentes,  et  il  en  résulta  fatale- 
ment qu'il  mourut  fatigué,  déçu  dans 
ses  espérances  et  appauvri,  à  l'âge  de 
quarante-neuf  ans .  p.  Stappaens. 

Douillet,  Dict.  çiénéral  d'histoire.  —  Gault  de 
Saint-Germain,  Guide  des  amateurs  de  tableaux. 
—  Kiamm,  Levens  der  Schdders. 

DEYSTER  (Anne  de),  artiste  pein- 
tre, née  à  Bruges  vers  1617,  morte  le 
14  décembre  1747.  Elève  et  fille  de 
Louis  De  Deyster,  elle  traita,  comme  lui, 
des  sujets  historiques  et  s'assimila,  en 
outre,  si  complètement  sa  manière  de 
peindre,  qu'on  a  maintes  fois  confondu 
leurs  œuvres  et  qu'elle  a  pu  faire  passer 
ses  copies  pour  des  originaux.  Elle  pos- 
sédait, indépendamment  de  ce  talent, 
des  connaissances  littéraires  assez  éten- 
dues; un  livre  inspiré  par  la  piété 
filiale,  la  biographie  détaillée  de  son 
père,  en  a  fourni  la  preuve  évidente. 

F.  St«pp«crts. 

Siret. /)jc«.  des  peintres.  —  iBimetzeel,  Ltveits 
der  Schilders,  etc. 

d'ha^e%.<«  {Alh. -Ignace),  poète,  né 
au  pays  de  Waes.  xtiie-xriîie  siècle. 
Voir  HanIns  {Alb.-Ignace  d'). 

D'UEtiR  (Corn.-Jos.),  peintre,  né  à 
Anvers,  xvine  siècle.  Voir  Heur  (Corn.- 
Jos.  d'). 


31 


D'HOLLANDER 


32 


d'uoi.la:vdi:b  {Englebert),  jésuite, 
poëte  latin,  né  à  Gand  en  1584,  mort  à 
Ingoldstadt  en  Bavière,  le  30  août  1626. 
Après  les  années  de  noviciat,  auquel  il 
avait  été  admis  en  1605,  il  enseigna  la 
rhétorique  dans  sa  ville  natale;  plus 
tard,  il  donna  des  missions  en  Hollande. 
D'Hollander  a  laissé  plusieurs  écrits  en 
prose  et  en  vers  :  on  cite  des  drames,  la 
Vie  de  Venipereur  Henri  et  de  l'impéra- 
trice Cunéyonde.  La  mort,  qui  l'enleva 
prématurément  à  l'âge  de  quarante-deux 
ans,  interrompit  son  ouvrage  De  antiqui- 

tatibuS  Gordunis  {?).  J.  Rouiez. 

Aug.  et  Alois  De  Backer,  Bibl.  des  écrivains 
de  la  Compagnie  de  Jésus,  Vl^  sér.,  p.  2^ii. 

d'uolla^'der  {Jean),  historien, 
généalogiste,  né  à  Gand  en  1592  et  mort 
le  14  juillet  1647,  fut  chanoine  de 
Sainte-Waudru,  à  Mons,  et  protonotaire 
apostolique.  Il  fit  une  étude  particulière 
de  l'histoire  du  pays,  s'attachant  surtout 
à  la  partie  généalogique  dans  laquelle 
il  était  très- versé.  Il  rassembla  un  grand 
nombre  de  documents  concernant  la 
noblesse  de  Flandre,  la  généalogie  des 
principales  familles  et  la  biographie  des 
hommes  remarquables  que  ce  comté  a 
produits  :  travail  très-étendu,  dans 
lequel  il  avait  utilisé  les  matériaux 
réunis  par  Denis  de  Harduyn.  En  1624, 
il  se  proposait  déjà  de  mettre  au  jour 
une  partie  de  ses  recherches  sous  le  titre 
de  :  lo  De  Nobilitate  Flandrica,  compre- 
nant la  généalogie  de  cent  des  plus  illus- 
tres familles  de  Flandre. — Comme  intro- 
duction à  son  œuvre,  il  publia  plus 
tard  :  2o  De  Nobilitate  liber  prodromus 
ex  ScJiœdis  Dionysii  Harduini  collectus. 
Antverpife,  1641,  pet.  in-4o.  —  3°  Mé- 
moire de  Jean  If  Hollander ,  chanoine  de 
Sainte -TFaudru,  sur  la  révolte  des  Gantois 
en  1539,  contre  Charles  V,  empereur  des 
Romains  et  monarque  des  Espagnols^  leur 
légitime  seigneur.  Cet  ouvrage  fut  publié 
pour  la  première  fois,  en  1743,  par 
Hoynck  van  Papendrecht,  dans  ses  Ana- 
lèctabelgica,i.  III,  part.  II,  p.  233,  avec 
une  préface  de  quinze  pages,  expliquant 
certains  usages  qu'il  faut  connaître  pour 
l'intelligence  de  ces  mémoires;  il  parut 
séparément  à  La  Haye,  en  1747,  en 
un  vol  in-4').  On  prétend  que  ce  travail 


n'est  pas  dû  à  D'HoUander  :  il  aurait, 
dit-on,  été  rédigé  dans  la  chancellerie 
du  gouvernement  pour  l'information  de 
Charles- Quint  lui-même,  au  moment  où 
ce  monarque  allait  traverser  la  France 
sur  la  fin  de  l'année  1539.  Paquot  l'at- 
tribue à  Denis  de  Harduyn  et  Jean 
D'Hollander  n'en  serait  que  le  traduc- 
teur. Mais  si  cela  était,  d'où  vient  qu'à 
l'article  Harduyn,  Paquot  ne  mentionne 
pas  l'ouvrage  parmi  ceux  de  cet  auteur? 
—  4"  Recœul  de  Joan  B'Hollander,  Gan- 
tois, protono.  apostolicq  et  cJmnoine  de 
Saincte  Wauldrud,  à  Mons,  touchant  les 
baiUyfs  du  Vieux-Bourg  en  la  ville  de 
Gand,  avec  Vorigine  dudict  ojffice;  le  ma- 
nuscrit de  ce  recueil  est  conservé  aux 
archives  de  l'Etat  à  Gand,  et  il  en  reste 
une  copie  à  la  bibliothèque  de  l'univer- 
sité de  la  même  ville.  Il  vient  d'être 
publié  par  les  soins  de  M.  le  comte  de 
Limbourg-Stirum  {Messager  des  sciences 
historiques,  1874);  on  y  trouve  la  no- 
menclature des  baillis  jusqu'au  xviie  siè- 
cle, avec  quelques  notions  sur  leurs 
fonctions.  L'éditeur  en  a  complété  la 
liste  jusqu'à  l'époque  de  l'invasion  fran- 
çaise. Le  manuscrit  en  question  a  été 
connu  de  Ph.  de  l'Espinoy  et  de  Sande- 
rus,  qui  s'en  sont  servis  pour  la  liste  des 
baillis  qu'ils  ont  publiée. — D'Hollander 
a  encore  écrit  :  5o  Compendiuvi  prœci- 
puaque  facta  abbatuiu  Sancti  Barotiis. 
Sanderus  a  vu  cet  ouvrage  parmi  les 
papiers  du  chanoine  de  Sainte-Waudru, 
qui  s'apprêtait  à  mettre  au  jour  :  6'  De 
Vitis  Prasidum  sanctioris  concilii  in 
Belgio,  ainsi  que  7^  De  Vitis  Prœsidum 
concilii  provincialis  in  Flandria  et  plu- 
sieurs autres  œuvres,  restées  inédites. 

Aug.  Vander  Meersch. 

Sanderus,  De  Gandaiensibus,  p.  68.  —  Sweer- 
tius,  Aihenœ  behjicœ.  —  Valère  André.  —  Fop- 
pens,  Dibliotheca  belgica,  t.  II,  p.  661.  —  Paquot, 
Mémoires  littéraires,  t.  XI,  p.  384.  —  Messager 
des  arts,  1838,  p.  349. 

d'uoli>.%!%'der  (  Jean  -  Baptiste  ) , 
compositeur,  né  à  Gand  le  24  décembre 
1785,  mort  dans  la  même  ville  au  mois 
de  janvier  1839.  Il  apprit  la  musique 
sous  la  direction  de  son  père,  et  devint 
maître  de  chant,  d'abord  à  l'église  Saint- 
Jacques,  et  ensuite  à  l'église  de  Saint- 
Sauveur,  où  il  remplaça  son  père.  Il  fut 


33 


D'HOLLANDER        D'HOOGHE 


34 


un  des  fondateurs  de  la  société  d'Har- 
monie de  Sainte-Cécile,  à  Gand  et  en 
dirigea  l'orchestre.  De  bonne  heure 
D'Hollander  s'appliqua  à  la  composition 
musicale;  on  lui  doit  un  grand  nombre 
de  romances,  duos,  trios,  d'iui  mérite 
incontestable.  Ses  meilleures  œuvres 
sont  une  messe  faite  à  l'occasion  du 
placement,  dans  l'église  de  Saint-Sau- 
veur en  1830,  d'un  tableau  de  M.  Van 
Hanselaer,  et  le  motet  Quis  sicut  Domi- 
nus,  écrit  en  1836.  En  1819,  il  obtint 
la  mention  la  plus  flatteuse  au  concours 
musical  proposé  par  l'Institut  des  Pays- 
Bas;  en  1828,  au  concours  d'Anvers,  il 
remporta  le  second  prix.  D'Hollauder 
fut  enlevé  à  la  fleur  de  l'âge  par  un 
mal  incurable,   un  cancer  à  la  langue. 

Emile  Varcnbergh. 

Messager  des  sciences,  etc.,  1840. 
d'uo!VDT  D'.%.ncif  {Jacques-Emma- 
nuel), agronome,  né  à  Sleydinge  (Flandre 
orientale),  le  30  septembre  1771  et 
mort  à  Gand  le  24  juillet  1818.  Il  visita 
l'Angleterre  afin  d'y  comparer  les  divers 
systèmes  de  culture,  et  se  mit  en  rela- 
tions suivies  avec  les  plus  savants  agro- 
nomes de  l'époque,  entre  autres,  avec  sir 
John  Sinclair,  noble  écossais,  qui  fut 
son  ami.  On  lui  doit  :  lo  Observations 
sur  les  différentes  routines  de  rouir  le  lin, 
telles  qu'elles  sont  usitées  jusqu'aujour- 
d'hui et  sur  les  hwoiivénients  qui  en  résul- 
tent. Gand,  1813,  in-8o.  Ce  mémoire 
fut  l'objet  de  rapports  très-flatteurs  de 
la  part  de  plusieurs  hommes  spéciaux. — 
2o  De  yiclerman  's  boek  ofte  bemerkingen 
op  den  landbouw  van  Groot-Brittanien, 
in  veryelykimj  gesteld  aen  den  genen  der 
Nederlandeu.  Gent,  Bogaert-De  Clercq, 

1817,   pet.  in-8".    Il  en  existe  une  se- 
conde édition,  sans  date,  publiée  chez  le 

même  imprimeur.  Aug.  VanUer  Meersch. 
l'iron,  Lcvensbeschryvimjen. 
d'uoouue  {Antoine),  peintre  minia- 
turiste, né  à  Bruges  en  1630,  mort  à  la 
fleur  de  l'âge  le  4  août  1662.  Fils  de 
l'un  des  échevins  de  sa  ville  natale,  il 
put  suivre  sa  vocation  sans  avoir  à  sur- 
monter les  obstacles  que  rencontrent 
beaucoup  de  jeunes  artistes,  au  début 
de  leur  carrière.   Il  eut,   en  outre,  la 

mOGK.   NAT.   —  T.   VI. 


bonne  fortune  de  naître  à  une  époque 
favorable  aux  beaux-arts  :  la  glorieuse 
école  flamande  du  xviie  siècle  rayonnait 
encore  d'un  vif  éclat,  et  notre  peintre, 
tout  en  employant  des  procédés  d'exé- 
cution dissemblables  de  ceux  adoptés 
par  la  plupart  des  maîtres  contempo- 
rains, parvint  à  s'assimiler  leurs  princi- 
pales qualités.  Son  coloris  chaud,  har- 
monieux et  puissant,  atteignait  à  un  tel 
eflet,  que  Jacques  van  Oost  s'écria, 
certain  jour,  devant  une  de  ses  produc- 
tions :  "  On  croirait  voir  une  œuvre  de 
Piubens  !  « 

D'Hooghe  obtint  un  sufîrage  non 
moins  enviable  et  plus  utile,  celui  de 
David  Teniers  qui,  l'ayant  complimenté 
sur  son  habileté  après  l'examen  de  deux 
de  ses  miniatures,  s'intéressa  vivement 
à  ses  succès  et  lui  fournit  l'occasion  de 
se  faire  connaître  favorablement  de  l'ar- 
chiduc Léopold.  Charmé,  à  son  tour,  par 
l'aspect  agréable  de  ces  œuvres  d'art,  le 
prince  voulut  mettre  le  talent  du  jeune 
artiste  plus  en  relief  par  l'octroi  d'un 
titre  officiel  et  il  le  fit  nommer  conseiller 
pensionnaire  de  la  ville  de  Bruges. 
D'Hooghe  ne  put,  malheureusement, 
jouir  que  fort  peu  de  temps  de  cette 
distinction  :  il  fut  enlevé  à  l'âge  de 
trente-deux  ans,  alors  qu'il  allait  obtenir 
toutes  les  faveurs  méritées  par  son  talent 
et  son  caractère. 

Un  de  ses  frères,  Balthazak  d'Hoo- 
GHE,  quoique  devenu  moine,  continua 
aussi  à  cultiver  la  peinture;  mais  en 
adoptant,  sans  doute,  d'autres  procédés 
et  un  autre  genre  de  peinture  que  notre 
miniaturiste  :  la  tradition  rapporte  qu'il 
avait  orné  la  célèbre  abbaye  des  Dunes, 
près  de  Bruges,  de  plusieurs  grands 
tableaux  religieux,   non  dépourvus  de 

mérite.  p.  StappaerU. 

Diogr.  de  la  Flandre  occidentale. 

d'uoogue  {Henri- Bernard,  en  re- 
ligion Benoît),  écrivain  ecclésiastique, 
né  à  Gand  le  21  août  1740,  y  décédé  le 
17  mars  1803.  Le  18  octobre  1758,  il 
prit  l'habit  de  Saint-Dominique  au  cou- 
vent de  sa  ville  natale.  Après  sa  profes- 
sion, il  fut  envoyé  à  la  maison  d'études 
que  son  ordre  avait  à  Louvain  et  reçut 


35 


D'HOOGHE  -  D'HULSTER 


36 


le  grade  de  licencié  en  théologie.  Il 
devint  ensuite  premier  régent  de  ce 
même  établissement,  et  enseigna  plus 
tard  la  théologie  au  couvent  de  Gand. 
En  récompense  des  services  rendus  dans 
l'enseignement  de  cette  science,  il  fut 
nommé  par  le  général  maître  ou  doc- 
teur en  théologie  de  son  ordre.  A  la 
suppression  des  ordres  religieux  vers  la 
fin  du  xviiie  siècle^  il  refusa  courageu- 
sement de  prêter  le  serment  de  haine  à 
la  royauté  et  fut  expulsé  de  son  couvent 
avec  tous  ses  confrères.  Pour  se  sous- 
traire aux  poursuites  du  gouvernement 
républicain,  il  dut  se  cacher  chez  des 
amis;  mais  il  ne  cessa  d'administrer  se- 
crètement les  sacrements  et  d'enseigner 
la  théologie  à  de  jeunes  religieux.  Après 
le  concordat,  il  fut  nommé  curé  du 
Grand-Béguinage  le  29  décembre  1802, 
mais  ne  remplit  ces  fonctions  que  pen- 
dant deux  mois  environ,  car  il  mourut 
au  mois  de  mars  suivant.  D'Hooghe  a 
composé  les  ouvrages  suivants  :  1 .  Fer- 
handeling  van  den  Jubilé  van  Jiet  H.  Jaer. 
Gent  (1776);  vol.  in-18,  réimprimé  en 
1825.  —  2.  Uytlegginge  en  zede-puncten 
op  den  derden  Regel  van  den  H.  vader 
l)omi?iici/s.  Gent  (1790);  vol.  in-18. — 
8.  GeestelyJ^en  Rooselaere  ofte  oeffeninge 
de?'  voornaemste  deugden  op  de  vyftieu 
Mysterien  van  onze  verlossinge.  Gent, 
1799;  vol.  in-18.  Cet  opuscule  a  eu 
plusieurs  éditions;  nous  citons  la  qua- 
trième. E.-H.-J.  Reusens. 

Moelaert,  Het  groot  Beggynhofvan  Gent,  p.  413. 

d'uoop  (J.-B.),  jurisconsulte  du 
xviiie  siècle,  fut  d'abord  conseiller  pen- 
sionnaire d'Alost  et  ensuite  conseiller 
pensionnaire  des  Etats  de  Elandre.  En 
1 7  7-4,ilprésenta  à  l'Académie  des  sciences 
de  Braxelles  un  mémoire  en  flamand  sur 
cette  question  :  Qi(el  est  le  d?'oif  écrit 
dont  on  fit  usage  dans  les  provinces  néer- 
landaises depuis  le  vue  jusqu'au  xiiie  siè- 
cle, et  quel  était  le  mode  de  procédure  à 
cette  époque?  Cet  ouvrage  obtint  une 
mention  honorable  en  1776  et  fut  im- 
primé l'année  suivante  dans  le  Recueil 
des  mémoires  couronnés.  L'auteur  traite 
d'abord  des  lois  romaines  qui  régirent 
le  pays,  parce  que  les  Romains  envahi- 
rent nos  contrées  avant  l'ère  chrétienne  ; 


puis  il  parle  de  la  loi  salique  et  des 
Capitulaires,  pour  arriver  ensuite  aux 
constitutions  des  papes  et  des  conciles; 
enfin  il  traite  plus  au  long  du  droit 
coutumier,  du  droit  féodal  et  du  droit 
civil  ;  ses  principaux  chapitres  sont  con- 
sacrés à  la  procédure  du  moyen  âge,  les 
vierscharen,  le  jugement  de  Dieu,  les 
épreuves  judiciaires,  etc. 

Le  9  juin  1778,  D'Hoop  prononça  un 
discours  à  l'occasion  de  la  distribution 
biennale  des  prix  à  l'Académie  de  pein- 
turedeGand,  etprésenta,  deux  ans  après, 
un  nouveau  mémoire  à  l'Académie  de 
Bruxelles  :  Notices  et  inventaires  des 
manuscrits  relatifs  à  r histoire  de  Belgique 
qui  existent  ou  ont  existé  dans  les  diffé- 
7'ents  dépots  publics  ou  particuliers  soit 
dans  le  pays, soit  à  V  étranger.  Ce  mémoire 
fut  couronné  en  1781,  mais  n'a  jamais 
été  imprimé  :  l'Académie  en  ayant  rendu 
le  manuscrit  à  l'auteur  pour  qu'il  le 
complétât,  il  fut  détruit  lors  du  pillage 
et  de  l'incendie  de  la  maison  de  D'Hoop 
au  mois  de  novembre  1789  :  la  biblio- 
thèque royale  de  Bruxelles  en  possède 
toutefois  une  copie  portant  le  no  17791. 
Dans  le  volume  des  mémoires  de  l'an- 
née 1778  on  trouve  également  :  Extrait 
d'un  mémoire  de  M.  D'Hoop,  avocat  du 
conseil  de  Flandre,  sur  les  principales 
expéditions  et  émigrations  des  Belges. 

Emile  Varenbergh. 

Blommaert ,  De  nederduilsche  schryvers  van 
Gent.  —  Catal.  des  MS.  de  la  Bibl.  royale  de 
Bruxelles. 

d'ulxster  (Léon),  poète  et  pro- 
fesseur, né  à  Thielt  en  1784  et  mort  à 
Gand  en  1843.  Après  avoir  achevé  ses 
humanités,  il  entra  au  séminaire  de 
Gand,  pour  y  faire  son  cours  de  théo- 
logie; mais  il  s'aperçut  bientôt  qu'il 
n'était  pas  appelé  à  l'état  ecclésiastique 
et  entra  dans  la  carrière  de  l'enseigne- 
ment public,  d'abord  au  pensionnat  de 
]\Ielle,  que  dirigeait  alors  M.  Adrien 
Deschamps  et  ensuite  au  collège  de  Ter- 
monde  et  à  l'athénée  de  Gand.  Il  con- 
tinua avec  succès,  dans  cette  dernière 
école,  les  leçons  de  syntaxe  latine  et  de 
littérature  flamande,  jusqu'à  ce  qu'il 
obtînt  son  éméritat  en  1830.  Il  avait 
pris  une  part  active  aux  travaux  de  la 


37 


D'HULSTER  —  D'HUYVETTER 


38 


société  flamande  Regat  prudentia  vires, 
patronnée  par  le  gouvernement  du  roi 
Guillaume.  11  fit  de  même  partie  de  la 
commission  instituée  pour  présenter  les 
moyens  d'obtenir  l'uniformité  dans  l'or- 
thographe flamande,  et  publia,  à  cette 
occasion,  un  opuscule  concis  et  sub- 
stantiel. Feu  P.  van  Duyse,  qui  édita 
les  œuvres  de  D'Hulster  sous  le  titre 
de  D'Hulster' s  lettervruchten,  semble  le 
comparer  à  Sidronius  Hosschius,  ce  qui, 
vu  la  difterence  des  genres,  paraît  man- 
quer de  justesse.  Aug.  Vander  Meersch. 

Van  Duyse,  D'Hidster's  lettervruchten,  préface. 
—  Piron,  Algemeeue  levensbeschryving  van  man- 
uen  en  vrouwen  van  Belgie. 

D'HtJYCiELAERE  {AtigusUn) ,  bon 
poëte  flamand,  né  à  Deynze  en  1774, 
mort  à  Audenarde  le  9  décembre  1849. 
En  1812,  il  présenta  au  concours  de  la 
société  de  rhétorique  les  Fotitamistes ,  à 
Gand,  une  pièce  de  vers  intitulée  :  de  Slag 
van  Friedland;  son  poëme  populaire  sur 
Arnould  sire  de  Faviele  a  été  publié  dans 
leBelgisck  Muséum.  Il  chanta  ensuite  les 
exploits  du  capitaine  gantois  Guillaume 
Wenemaer,  qui  succomba  au  pont  de 
Rekelinge  et  dont  il  prétendait  descen- 
dre. Ses  enfants,  deux  fils  et  une  fille, 
héritèrent  de  ses  goûts  poétiques  et  pu- 
blièrent diverses  poésies. 

Emile  Vareobergli. 
Piron,  Levensbeschryvingen. 

d'uvy  VETTER  (  Jean  -  Augustin  ) , 
architecte,  né  à  Gand  le  17  juillet  1750, 
décédé  A-lans  la  même  ville  le  10  février 
1839.  Il  était  fils  d'un  menuisier  qui, 
ambitionnant  pour  son  rejeton  une  meil- 
leure destinée  que  celle  qui  lui  était 
échue,  lui  fit  donner  une  solide  éduca- 
tion et  le  vit  graduellement  passer  du 
rang  d'artisan  à  celui  d'artiste.  Dès 
1772  l'apprenti  menuisier  obtint  un 
second  prix  d'architecture  à  l'Académie 
impériale  de  Gand,  alors  récemment  or- 
ganisée ;  et  deux  ans  plus  tard,  il  fut  pro- 
clamé le  premier  de  son  cours.  Il  ne  crut 
cependant  point,  après  ces  succès  sco- 
laires, avoir  pénétré  dans  tous  les  secrets 
de  son  art;  mais,  plus  judicieux  que  la 
plupart  des  jeunes  lauréats,  on  le  vit 
redoubler  d'ardeur  et  de  zèle.  Tant  de 
ténacité  et  de  jugement  amenèrent  pres- 


que aussitôt  leur  récompense  :  le  disciple, 
à  peine  sorti  des  classes,  dut  y  rentrer, 
mais  il  y  rentra  comme  professeur  d'ar- 
chitecture, et  remplaça,  en  cette  qua- 
lité, au  mois  d'octobre  1774,  Adrien 
Van  der  Cappele.  Ces  fonctions  lui  per- 
mirent de  rendre  de  longs  et  éminents 
services;  il  forma  d'innombrables  élèves 
pendant  quarante  ans  de  professorat;  et, 
au  milieu  de  cette  foule  de  disciples, 
ses  concitoyens  se  plaisent  à  citer  par- 
ticulièrement les  architectes  gantois  : 
Pisson,  De  Broe,  Reyniers,  Colyn  et 
J.  Aelbroeck. 

D'Huyvetter  parcourut  une  longue  et 
laborieuse  carrière;  il  décéda  à  peu  près 
octogénaire,  après  avoir  laissé,  dans  sa 
ville  natale,  maint  témoignage  de  son 
talent.  Parmi  les  œuvres  qui  lui  sont 
dues,  on  remarque,  surtout,  la  construc- 
tion de  l'hôtel  du  Paradis,  l'habitation  du 
sculpteur  Van  Poucke.  Il  donna  aussi  les 
dessins  de  la  chaire  à  prêcher  de  la  cha- 
pelle Sainte-Anne,  de  l'autel  de  l'église 
Saint-Pierre  et  du  tabernacle  de  la  cha- 
pelle du  Saint -Sacrement  de  l'église 
Saint  -  Michel ,  sculpté  en  1791  par 
Joseph-Erançois  Engels. 

F.  Stappaeils. 
Immerzeel,  Levens  der  Sclnlders. 

d'uvyvetter  (  Jean  )  ,  amateur 
d'objets  d'art  et  d'antiquités,  naquit  à 
Gand  le  27  septembre  1770  et  y  mourut 
le  11  novembre  1833.  Il  fit  son  cours 
d'humanités  au  collège  des  PP.  Augus- 
tins  de  sa  ville  natale,  puis  se  rendit  à 
Louvain  pour  y  étudier  le  droit  ;  mais  il 
n'acheva  pas  ses  études,  les  troubles  qui 
agitèrent  l'université  sous  le  règne  de 
Joseph  II  l'ayant  obligé  de  rentrer  dans 
sa  famille.  Plus  tard,  il  obtint  une  place 
d'avoué  et  exerça  cette  profession  jusqu'à 
la  fin  de  ses  jours  D'Huyvetter  ne  resta 
étranger  à  aucune  des  institutions  artis- 
tiques créées  ou  existantes  de  son  temps 
dans  l'ancienne  capitale  des  Flandres. 
Lors  de  la  foiulation  de  la  Société  des 
beaux-arts  et  de  littérature,  en  l'an- 
née 1808,  il  en  fut  un  des  premiers 
membres  et  remplit  les  fonctions  de 
secrétaire  pendant  trois  ans  environ. 
En  1822,  il  devint  membre  de  la  direc- 
tion de  l'Académie  royale  de  peinture, 


39 


D'HUWETTER  -  DIAMAER 


40 


sculpture  et  architecture  et,   en  1823, 
vice-président  de   la  commission  pour 
l'encouragement   des  beaux-arts.  Enfin 
cinq   ans   après,   il  fut  appelé   à   faire 
partie  de  la  commission  pour  la  conser- 
vation des   monuments    historiques   et 
des  objets  d'art.  L'Académie  d'Amster- 
dam, voulant  reconnaître  sou  amour  de 
l'art  et  son  dévouement  aux  artistes, 
l'admit  en    1826    au   nombre   de    ses 
membres.   Parmi  les  nombreuses  collec- 
tions de  tableaux  et  d'autres  objets  d'art 
que  la  ville  de  Gand  possédait  dans  la 
première   moitié  de   ce   siècle,   celle  de 
D'Huyvetter  tenait   une  place   distin- 
guée.  Elle  se  composait  de  poteries  en 
grès  néerlandais,   vulgairement  dit  fla- 
mand, des  xve,  xvie  et  xviie  siècles,  de 
faïence  émaillée  et   à  relief  de  Bernard 
Palissy,  de  verrerie  ancienne  de  Venise, 
d'émaux,    de   vitraux  peints,  d'un  cer- 
tain  nombre   de    tableaux    anciens    de 
diverses  écoles,  de  sculptures  et  de  cise- 
lures eu  diverses  matières,  etc.  Mais  les 
suites   les    plus    nombreuses,    les    plus 
remarquables,  étaient  celles  des  poteries 
néerlandaises  et  des  verres  de  Venise. 
Il   avait  fallu  au  possesseur  de  ces  col- 
lections plus  de  vingt-cinq  années  de 
recherches  persévérantes,  même  dans  les 
circonstances  les  plus  favorables,   pour 
parvenir  à  les  rassembler.  Il  fut  récom- 
pensé de    ses  peines  par  la  notoriété 
européenne   dont  a  joui  son  nom.  Deux 
souverains  du  pays,  le  roi  Guillaume  1er 
et  le  roi  Léopold  1er  honorèrent  le  cabi- 
net D'Huyvettei"  de  leur  visite;  il  reçut 
aussi  celle  du  due  régnant  de  Saxe-W  ei- 
mar,  du  duc  Auguste  de  Leuchtenberg 
et   de   sa   sœur   la  princesse  Amélie  de 
Beauharnais.  Parmi   les  nombreux  tou- 
ristes qui  furent  également   admis  à  le 
visiter  ,    il    s'est   trouvé   de    véritables 
connaisseurs  :  il  suffit  de  citer  Passavant, 
Waagen,   Brongniart,  Labarte,   qui  en 
ont  parlé  avec  éloge   dans  leurs  écrits. 
Après  la  mort  de  Jean  d'Huyvetter,  ses 
collections   ont   été  conservées  et  même 
augmentées  pendant  dix-huit  ans  par 
ses   enfants;    o^'est  seulement  au  mois 
d'octobre    1851,    qu'elles  furent   mises 
en   vente   publique.    De  nombreuses  et 
importantes    acquisitions   furent   faites 


pour  le  musée  d'armures  et  d'antiquités 
de  Bruxelles,  et  pour  le  musée  de  Cluny 
à  Paris.  Beaucoup  d'objets  de  valeur 
passèrent  en  Angleterre. 

Dans  les  dernières  années  de  sa  vie 
Jean  d'Huyvetter  publia  une  partie  de 
son  cabinet  dans  un  ouvrage  intitulé  : 
Zeldzamheden  verzaméld  en  uitgegeven 
door  Joan.  d'Huyvetter,  in  liet  hoper 
gesneden  dor  Cli.  Onghena.  Gent , 
P.-J.  De  Goesin  Verhaeghe,  1829,  in-4" 
et  in-fol.  de  22  planches  et  de  4  pages 
de  texte.  Ce  texte  contient  seulement 
quelques  notions  générales,  mais  non 
la  description  et  l'explication  des  objets 

gravés.  j.  Rouiez. 

Notice  sur  le  cabinet  d'antiquités  nationales  de 
feu  M.  Jean  d'Huyvetter,  par  A.  Voisin  dans  le 
Messager  des  sciences  et  des  arts  de  la  Belgique, 
tom.  lil,  p.  189,  1835.  —  Description  des  antiq.  et 
objets  d'art  qui  composent  le  cabinet  d'Huyvetter, 
parB  -K.  Verhelsi,  Gand,  ISol. 

DIAMAER  (Henri-François),  ou  Dia- 
MAR,  graveur  en  taille  douce,  florissait 
dès  la  tin  du  5 vue  siècle  à  Anvers,  selon 
Chrét.  Kramm  ;  à  Bruxelles,  d'après 
Ch.  Le  Blanc  et  les  auteurs  sur  lesqtiels 
il  s'appuie.  Il  grava  de  nombreuses 
planches  pour  des  livres  édités  à  cette 
époque  en  Belgique  et  en  Hollande.  On 
cite  parmi  les  principales  productions 
de  son  burin  .-  le  portrait  de  Pierre 
Carpentier ,  gouverneur  général  des  Indes 
néerlandaises,  mort  en  1659,  d'après  le 
dessin  de  Mathieu  Balen,  de  Dordrecht; 
—  le  portrait  de  Corneille  De  Bie,  de 
Lierre,  l'écrivain  poëte  du  Gulden  cabinet 
der  edele  vry  schilder-const ,  à  l'âge  de 
quatre-vingt-un  ans,  d'après  un  des- 
sin du  sculpteur  anversois  J.-C.  Coek. 
Cette  planche,  à  souscription  flamande 
et  portant  le  millésime  1708,  fut  insérée 
dans  le  Spieghel  der  verdraeijde  uerelt, 
du  même  auteur,  publié  à  Anvers,  à 
cette  date.  Le  patricien  lierrois  fut 
peint  encore  par  deux  artistes  célèbres  : 
Erasme  Quellin  et  Gonzales  Coques  : 
l'œuvre  de  ce  dernier  artiste  appartint 
jadis  à  la  collection  Schamp  d'Aveschoot, 
à  Gand;  elle  est  passée  en  1857  dans  la 
galerie  Surmondt,  à  Aix-la-Chapelle.  — 
En  tête  de  la  deuxième  édition  des 
Opéra  diplomatica  et  historica  Auberti 
Sïircei,  imprimée  à  Louvain,  1723,  eu 


41 


DIAMAER  -  DICKEYMAN 


42 


format  in-folio,  est  placé  un  beau  por- 
trait à.'Aubert  Lemire,  le  savant  doyen 
de  la  cathédrale  d'Anvers,  gravé  par 
H.-F.  Diamaer,  d'après  Ant.  van  Dyck. 
Peint  dans  un  ovale  ;  il  est  en  costume 
professoral  ;  au-dessous  :  Aubertus 
MiR^us ,  ses  armoiries  et  la  devise 
Pictura  prospice ,  puis,  ce  quatrain  : 

Pontificum  regumque  dédit  pia  dona  Mirœus  ; 

Editus  ut  decuit  non  tamen  ante  fuit. 

Beleica  lœla  tuum  nunc  bis  mirare  Miraeum  ; 

Ingenium  in  libris,  vultus  in  sere  redit. 

Diamaer  exécuta  aussi  une  bonne 
copie,  in-folio,  du  portrait  à' Henri  Zoe- 
sius,  professeur  de  jurisprudence  à 
l'université  de  Louvain,  à  l'âge  de  cin- 
quante-six ans,  gravé  en  1627  par 
P.  Clouwet,  d'après  Abraham  van  Die- 
penbeek.  Les  portraits  susmentionnés 
sont  signés  fi". -î*'/-.  Diamaer;  c'est  donc 
à  tort  que  Charles  Le  Blanc,  qui  lui 
attribue  une  suite  de  gravures  bibliques, 
lui  donne,  selon  Heinecken,  Bryan  et 
Nagler,  les  initiales  prénominales  A.-'E. 

Edm.  De  Busscher. 

Chrét.  Kramm,  Levena  en  werken  der  holl.  et 
vl.  Schilders,  beeldhouwers,  graveurs,  elc,  1864. 
—  Charles  Le  Blanc,  Manuel  de  l'amateur  d'es- 
tampes. 

DiCKEiiE(G'?7Ze«o?<^^i(^gVAx), sculp- 
teur-statuaire en  bois,  aux  xve-xvie  siè- 
cles, à  Gand.  Il  avait  acquis  dans  cette 
ville  la  franche  maîtrise,  non-seulement 
dans  la  gilde  artistique  ,  mais  aussi 
dans  la  corporation  des  menuisiers- 
escriniers  {scrinwerckers),  afin  de  pouvoir 
exécuter  les  doubles  travaux  qu'exi- 
geaient la  confection  et  le  placement 
des  stalles  ornementées,  des  jubés  et  des 
portails  d'églises,  avec  leurs  symboles 
et  figurines,  chaque  métier  ayant  un 
droit  exclusif  aux  besognes  spéciales 
afférentes  à  la  profession.  Jouissant  des 
privilèges  de  la  bourgeoisie,  il  était,  en 
1489,  juge  conciliateur  dans  l'une  des 
sept  paroisses  de  la  ville  de  Gand  (Saint- 
Jacques).  En  1481,  Gilles  van  Dickele 
construisit  un  jubé  dans  la  chapelle  de 
Notre-Dame,  à  Edelaere  lez-Audenarde, 
et,  en  1487,  un  portail  à  l'intérieur  de 
l'église  des  Frères  prêclieurs,  à  Gand. 

D'après  un  document  conservé  au  dé- 
pôt des  archives  provinciales,  à  Gand, 
il  entreprit,  en  avril  1506,   de  confec- 


tionner, pour  le  chœur  de  l'église 
conventuelle  de  l'abbaye  de  Sainte- 
Claire,  à  Gendbrugge,  cinquante-deux 
stalles  en  bois  de  chêne,  surmontées  de 
baldaquins,  ornées  de  statuettes  de  saints 
et  de  saintes,  décorées  d'animaux  em- 
blématiques et  d'autres  représentations 
de  fantaisie.  Il  plaça,  à  l'entrée  du 
chœur,  un  J7ibé  qui  portait,  d'après  le 
dessin  de  l'artiste  :  de  face,  quinze  figures 
saintes,  et,  aux  ailes,  des  statuettes  de 
prophètes,  à  l'instar  du  jubé  de  l'ora- 
toire des  PP.  Augustins,  à  Gand,  pro- 
bablement dû  au  ciseau  du  même  maî- 
tre. Au-dessus  de  celui  des  Clarissesfut 
mis  le  Christ  en  croix  de  l'ancienne  clô- 
ture, avec  la  Vie)ye-Mère  et  .Saint  Jean. 
L'œuvre  fut  terminée  en  moins  d'une 
année,  au  prix  stipulé  dans  la  convention 
cMrop-apke ,  signée  par  l'abbesse  et  le 
sculpteur  :  soixante  livres  de  gros  de 
Flandre  (750  liv.  parisis),  environ  neuf 
mille  francs,  valeur  monétaire  actuelle. 
Durant  les  troubles  religieux  du  xvie  siè- 
cle, le  monastère  des  Clarisses  et  le  cou- 
vent des  Augustins  furent  saccagés  ;  les 
statuettes  des  stalles  et  des  jubés  de 
Gilles  van  Dickele  n'échappèrent  point 
à  la  destruction. 

Le  livre  matricule  des  admissions  à  la 
maîtrise  et  de  l'élection  des  doyens  et 
jurés  dans  la  corporation  artistique  gan- 
toise mentionne  de  nombreux  artistes 
de  ce  nom,  peintres  ou  sulpteurs.  Un 
de  ces  derniers  fut,  au  xvie  siècle,  le 
sculpteur  en  bois  Jean  van  Dickele, 
qui,  en  151.3,  obtint  la  maîtrise  sous  le 
peintre  doyen  .lean  Van  der  Brugghen  ; 
élu  juré  en  1514,  il  devint  doyen  du 
métier  en  1520.  Dans  l'église  paroissiale 
de  Notre-Dame,  sur  le  Mont  Blandin, 
lez-Gand,  il  plaça  des  clôtures  orne- 
mentées; dans  la  collégiale  de  Saint- 
Jean  (plus  tard  Saint-Bavon),  il  décora 
les  anciennes  orgues  de  belles  boiseries 

sculptées.  Edm.  De  Busscher. 

Archives  provinciales  et  communales  à  Gand, 
MSS.  contemporains. 

Di('KEYMA!V  (Je//an),  trouvère  fla- 
mand (lu  xiiic  siècle,  s'il  faut  en  croire 
Hobert  (Fables  inédites,  I,  169);  mais 
De  Keiffenberg  (Introduction  à  Philippe 
Mouskès,  I,  p.  200)  est  d'avis  qu'on  doit 


43 


DICKEYMAN  -  DIEDERIC  VAN  ASSENEDE 


le  placer  parmi  les  écrivains  de  la  pre- 
mière moitié  du  xve  siècle.  Il  est  même 
probable  que  son  vrai  nom  était  Acker- 
man  (en  latin  Agricola).  Il  chercha  à 
populariser  en  vers  français  les  Distiques 
de  Cato?i,si  souvent  traduits  en  flamand  : 

Chaton  fu  preu  chevalier  et  saige  homme  : 
Maint  bon  conseil,  en  la  cité  de  Romme 
Donna  jadis  pour  la  chose  publique  ; 
Uu  livre  lit  vaillant  et  autentique. 

Il  dédia  son   œuvre   aux  enfants  de 

Philippe  de  Montmorency,  seigneur  de 

Nevele,  qui  étaient  ses  élèves,    j.  stccher. 

A.  Dinaux,  Trouvères  de  Flandre,  p.  i27f2.  — 
C.  Serrure,  Letterk.  Geschied.  v.  Vlaenderen. 

niDACE  OE  SAisiT-AMTOiXE,  écri- 
vain ecclésiatique,  né  à  Bruxelles  le 
30  septembre  1681,  mort  le  35  novem- 
bre 1763.  Voir  De  Beckers  {Jean). 

DIEDERIC   VAX  ASSEXEDE,   pOCtc 

flamand  du  xiiie  siècle.  Les  recherches 
modernes  ont  établi  son  identité  avec  le 
clerc  de  ce  nom,  préposé  à  la  recette  des 
rentes  des  comtes  de  Flandre  appelées 
Briefs  d'Assenede  et  perçues  dans  les 
limites  de  ce  territoire,  un  des  Quatre 
Métiers  situés  entre  Anvers,  Bruges  et 
Gand.  Né  vers  1220,  Diederic  van  Asse- 
nede  mourut  peu  après  1290.  Il  est 
l'auteur  d'un  charmant  poëme  de  près 
de  quatre  mille  vers,  Floris  en  Blance- 
floer,  l'un  des  derniers  romans  de  che- 
valerie, qu'il  traduisit  librement  de 
l'original  français,  beaucoup  plus  long, 
attribué  à  Eobert  d'Orléans.  Son  poëme, 
d'une  étendue  et  d'une  facture  à  peu 
près  égales  à  celles  du  Reinaert  de  Fos, 
composé  dans  le  même  siècle,  nous 
révèle,  comme  ce  dernier,  son  nom  dans 
le  prologue;  il  l'indique  à  l'occasion  de 
la  difficulté  qu'il  dit  éprouver  d'allier 
dans  sa  traduction  la  rime  à  la  raison  : 

Men  moet  corlen  ende  lingken 

Die  taie,  sal  men  -se  te  rime  bringhen, 

Ende  te  redenen  die  aventure. 

Het's  worden  harde  te  sure 

Van  Assenede  Diederike, 

Dien  seldi/s  danken  gliemeenlike 

Hat  hyl  iiten  walsclie  heefi  gliedicht 

Ende  verstandelike  in  dietsche  bericht 

Den  ghenen  diet  walsc  niet  en  connen. 

Quant  au  sujet,  c'est  le  tableau  de 
l'amour  de  deux  enfants  de  la  race 
royale  des  Maures  d'Espagne,  séparés, 
dès  leur  berceau,  par  des  destins  con- 


traires, mais  réunis,  après  diverses  aven- 
tures, dans  le  sérail  du  Soudan  de  Ba- 
bylone,  où  le  jeune  amant  parvient  à 
pénétrer  et  à  sauver  sa  fiancée  en  atten- 
drissant le  cœur  farouche  de  V Amiral, 
sévère  gardien  du  harem.  De  leur  heu- 
reux mariage  naquit  Berthe,  la  mère  de 
Charlemagne. 

Le  poëme  flamand,  une  des  dernières 
productions  du  cycle  carolingien,  est  le 
seul  qu'on  connaisse  de  notre  poëte,  et 
doit  remonter  à  la  première  moitié  du 
xiiie  siècle,  puisqu'il  est  cité  par  Jac- 
ques van  Maerlant,  dans  son  Alexandre, 
écrit  vers  1250.  C'est  évidemment  une 
œuvre  de  jeunesse,  et  Diederic  van 
Assenede,  qu'il  ait  ou  non  abandonné 
la  carrière  des  lettres,  aura  sans  doute 
suivi,  dans  son  âge  mûr,  les  conseils  du 
père  de  la  poésie  flamande,  qui  condam- 
nait les  excès  de  l'imagination  et  de  la 
légèreté  française,  et  recommandait  le 
sérieux  et  la  vérité  dans  la  poésie  comme 
dans  la  pratique  de  la  vie.  Esprit  judi- 
cieux, Diederic  van  Assenede  avait  déjà, 
dans  sa  traduction,  abrégé  les  longueurs 
inutiles,  supprimé  les  hors-d'œuvre, 
banni  le  merveilleux  que  n'aurait  point 
accepté  l'esprit  positif  de  ses  compa- 
triotes. 

Le  rénovateur  des  lettres  flamandes, 
J.-F.  Willems,  remarqua  le  premier, 
dès  1836  (Introduction  de  son  Beinaert 
de  Vos,  p.  xvii),  que  le  poëme  de  Floris 
et  Blancefloer  devait  être  écrit  par  un 
clerc  de  la  comtesse  de  Flandre  Margue- 
rite de  Constantinople.  que  l'on  voit 
figurer  sous  le  nom  de  BiereMn  de  Has- 
senede  nodre  clerc,  dans  une  charte  de 
1273  publiée  par  le  comte  de  Saint- 
Génois  {Monuments  anciens).  Bientôt 
deux  autres  savants,  MM.  Serrure,  père 
et  fils,  dépouillant  cet  ouvrage  avec 
plus  d'attention,  recomposèrent,  pour 
ainsi  dire,  la  vie  de  notre  clerc  depuis 
1262  jusqu'en  1290.  En  la  première 
année,  Birkinns  de  Hassenede,  clericus, 
intervient  dans  un  acte  de  vente  des 
moeres  d' Assenede.  Le  8  avril  1271, 
Bierekins  nostre  clerc  reçoit,  au  nom  de 
la  comtesse  Marguerite,  «  les  bries  de 
nos  rentes  sous  Eskeldeveld  « .  En  oc- 
tobre 1273,  il  est  un  des  quatre  arbi- 


45 


DIEDERIC  VAN  ASSENEDE  —  DIELMAN 


46 


très  de  la  comtesse  »  preud'hommes  nos 
chers  amés  et  foiables  «  dans  une  contes- 
tation avec  l'abbé  de  Baudeloo,  pour  des 
moeres  situés  devant  son  couvent  au 
Petit-Sinay.  Le  8  février  1283,  DierJcin 
de  Hassenede  et  Phelippon  fil  JDierkin 
achètent  du  comte  Gui  de  Dampierre 
deux  bonniers  dans  le  muer  de  Selzate 
(sous  Assenede).  Enfin,  le  24  août  1290, 
une  donation  de  cinq  mesures  de  terre 
à  Assenede,  faite  en  faveur  de  l'abbaye 
d'Oost-Eecloo,  est  passée  par  devant  le 
prieur  des  Willelmites  à  Bouchante,  et 
DirHn  de  Clarc  van  Hasnede.  A  cette 
charte  était,  autrefois,  appendu  le  sceau 
de  ce  dernier,  qui  malheureusement 
s'en  est  détaché.  Le  clerc  d' Assenede 
mourut  peu  après  ,  car  un  acte  du 
11  juillet  1293  cite  «  Jakeme  de  Bonze  « 
comme  receveur  «  des  bries  ke  Diere- 
»  kins  d'Assenede  soloit  rechevoir,  et 
«  desquels  bries  par  la  mort  doudit 
"  Dierekin  Henri  Talluyans  a  esté  re- 
»   cheveur  jusques  à  ores.  « 

On  voit  par  ces  extraits  que  ce  clerc 
n'était  rien  moins  qu'un  fonctionnaire 
riche,  influent  et  jouissant  de  la  con- 
fiance des  souverains  du  pays.  D'autre 
part,  nos  propres  découvertes  dans  les 
archives  de  Gand  nous  permettent,  non- 
seulement  de  signaler  ici  pour  la  pre- 
mière fois  un  titre  ou  nom  nouveau  de 
notre  poëte  receveur,  mais  de  donner 
des  renseignements  intéressants  sur  les 
membres  de  sa  famille,  notamment  sur 
ses  enfants  et  petits-enfants,  qui  par- 
vinrent pendant  le  siècle  suivant  à  une 
position  sociale  encore  plus  élevée.  C'est 
dans  les  livres  de  rentes  de  Saint-Bavon, 
que  nous  voyons  apparaître  à  la  fin  du 
xilie  siècle  un  autre  de  ses  fils,  Roland, 
sous  le  nom  de  Roel  JUius  Theodorici  de 
Brikvere  de  Assenede,  puis,  au  com- 
mencement du  xive,  un  autre  Diederic 
van  Assenede  appelé  senior,  sans  doute 
fils  de  Philippe  ou  de  Roland  susdit,  et 
qui  est  probablement  celui  qui  fut  éche- 
vin  de  Gand  en  1315  {Memorie  Boek  der 
stnd  Ghent).  Sa  femme,  Catherine,  était 
veuve  en  132.5,  laissant  trois  enfants  : 
Daniel,  Biederic  van  Assenede  appelé 
junior,  et  Catherine.  La  fille  de  Thierry 
le  Jeune,  Catherine,  était  mariée  en  1388 


à  Jean  de  Meyer.  D'autre  part,  on 
trouve  dans  la  liste  des  moines  de  Bau- 
deloo près  d'Assenede,  aux  xiiie  et 
xive  siècles,  un  Birkinus  et  un  Theodo- 
ricus  de  Assenede,  sans  doute  le  même 
personnage,  et  l'on  y  voit  figurer  d'autres 
religieux  portant  les  noms  de  Hugues, 
Henri  ,  Jean  ,  Gauthier  et  Gossuin 
d'Assenede,  qui  ne  sont  pas  nécessaire- 
ment parents,  mais  originaires  du  même 
village,  comme  on  en  trouve  beaucoup 
d'autres  portant  le  nom  des  diverses 

communes  voisines.  Napoléon  de  Pauw. 

Hoffmann  von  Fallerslehen,  Horœ  Belgicœ, 
pars  m  {1836;,  xvu  el  174  pages.  —  Comte  de 
Saint-denois,  Monuments  anciens,  passim.  — 
Jonckbloel  ,  Geschiedenis  der  MiddenneJer- 
landsclie  Letterkitnde,  t.  II.  p.  214-"2»6.  —  Snel- 
laert,  Verhandelinq  over  de  yedertandsche  Uicht- 
kunst  in  Betgie,  1838,  p.  16.  —  C.-A.  Serrure, 
Lelterkundige  Geschiedenis  van  Vlaanderen , 
187:2,  t.  1,  p.  14-2-149.  —  G.-P.  Serrure,  Vader- 
landsch  Sluseum,  t.  II,  p.  333,  et  t.  V,  p.  3o7.  — 
Edelestand  du  Méril,  Floire  et  Blanchejlor.  — 
Archives  de  Saint-Bavon  et  de  Baudeloo,  à  Gand. 

DiELMA!V  (Cor7ieJUe),  écrivain  ecclé- 
siastique, né  à  Gand  en  1586  et  décédé 
dans  la  même  ville  le  25  février  1656. 
Après  avoir  terminé  ses  humanités,  il 
entra,  en  1602,  dans  l'ordre  des  Augus- 
tins  au  couvent  de  sa  ville  natale.  Ses 
talents  et  ses  succès  pendant  le  cours  de 
ses  études  le  signalèrent  à  l'attention  de 
ses  supérieurs,  qui  le  chargèrent,  en 
1616,  d'enseigner  la  philosophie  aux 
jeunes  religieux  réunis  alors  dans  la 
maison  de  Gand.  L^n  peu  plus  tard,  il 
fut  désigné  pour  donner  un  cours  de 
théologie  à  l'abbaye  de  Tronchiennes, 
de  l'ordre  de  Prémontré.  En  1619,  il 
partit  pour  Wesel  sur  le  Rhin,  et  y 
dirigea,  comme  prieur,  le  couvent  pen- 
dant environ  douze  ans.  Obligé  de  quit- 
ter cette  ville  parce  que  les  hérétiques 
s'en  étaient  emparés,  il  se  rendit  à 
Cologne,  où  il  fut  élu  prieur  en  1631. 
Puis  il  passa,  en  la  môme  qualité,  au 
couvent  de  Bruxelles,  qu'il  gouverna, 
aussi  comme  prieur,  de  1634  à  1637. 
Après  cette  époque,  il  se  consacra  tout 
entier  à  l'étude  et  obtint  alors  le  titre 
d'historiographe  de  la  province  belge  de 
l'ordre  des  Augustins.  Il  jouissait  d'une 
grande  estime  chez  les  savants  de  son 
épociue,  et  passait  pour  un  homme  doué 
de  connaissances  très-variées. 


47 


DIELMAN  —  DIEPENBEECK 


Sanderus,  dans  sa  BiUiotheca  belgica 
manuscripta,  I,  pages  295-396,  donne 
le  catalogue  des  manuscrits  qui,  en 
1638,  se  trouvaient  dans  la  bibliothèque 
du  P.  Dielman. 

On  a  de  lui  :  1 .  Fita  monasticœ  norma 
in  aliquot  viris  ordinis  FF.  Eremitarum 
S.  Aiigustini  scientia  et  vitœ  sanctimonia 
illustribus  delineata.  Gandavi,  Balduinus 
Van  den  Berghe,  1648;  vol.  in-12  de 
223  pages.  —  2.  De  discretione  spiri- 
iuuni  libri  duo,  quonmi  prior  est  Hem-ici 
de  Urimarla,  poderior  ven.  P.  Henrici 
de  Hassia,  dicti  de  Langensiein,  tma  cum 
vitis  Jiorumaiictorum.  Antverpiae,  1652; 
vol.  in-8o. —  3.  De  pane  benedicto  S.  Ni- 
colai  de  Tolentino.  Gandavi,  1643  ; 
vol.  in-12.  —  4.  Nota  in  monasticum 
P.  Crttsenii.  Travail  resté  manuscrit  et 
conservé  autrefois  chez  les  Augustins  de 

Gand.  E.-H.-J.  Reusens. 

Goyers,  Supplementum  bibliothecœ  belgicœ 
J.-F.  Foppem,  manuscrit  n»  17607  de  la  biblio- 
thèque royale  à  Bruxelles.  —  Keelhotf,  Geschie- 
denis  vanhet  kloosler  der  Eerw.  Paters  Eremij- 
ten  Augustyuen  te  Cent,  p.  -240.  —  Tombeur, 
Provincia  belgica,  p.  143.  —  Ossinger,  Bibliotlieca 
Augmtiniana,  p.  !293. 

diei.ma:v  {Pierre-Emmanuel) ,  pein- 
tre d'histoire,  de  portrait,  etc.,  né  à 
Gand  en  1800,  mort  à  Bois -le -Duc 
en  1858.  Elève  à  l'Académie  de  sa  ville 
natale  où  il  remporta  les  premiers  prix, 
il  voyagea  pendant  deux  ans  en  France, 
en  Italie,  en  Suisse,  et  rentra  dans  sa 
patrie  en  1831  avec  une  ample  moisson 
de  copies,  d'études  et  de  dessins.  Diel- 
man se  livra  avec  ardeur  au  travail  et 
fit  paraître  aux  expositions  belges  et 
étrangères  des  tableaux  de  grande  di- 
mension qui  appelèrent  l'attention  sur 
lui  :  Jupiter  et  Léda,  V Enlèvemeiit  de 
Psyché,  le  portrait  de  Grégoire  XVI,  le 
Marché  au  Poisson  à  Gand  (cabinet  de 
Sa  Majesté  le  roi  Léopold),  une  Famille 
de  péclieurs,  etc.,  furent  celles  de  ses 
productions  qui,  au  début  de  notre 
renaissance  artistique,  firent  bien  au- 
gurer de  son  avenir.  En  1841,  Diel- 
man fut  choisi  par  l'administration 
communale  de  Bois-le-Duc  pour 'diriger 
l'académie  de  dessin  et  de  peinture  de 
cette  ville  :  ce  qu'il  fit  pendant  dix-sept 
ans  avec  un  zèle  et  une  abnégation  qui 


lui  concilièrent  l'aftection  de  ses  élèves 
et  l'estime  de  ses  compatriotes  d'adop- 
tion. Il  mourut  en  1858,  laissant  la 
réputation  d'un  coloriste  audacieux  et 
d'un  professeur  excellent.  Le  nombre 
de  ses  œuvres  n'est  pas  considérable  : 
ce  qui  s'explique  par  le  dévouement 
avec  lequel  il  remplit  sa  mission  de 
directeur-professeur  de  l'Académie  de 
Bois-le-Duc. 

.\d.  Siret. 

DiEPE^'BEECK  {Abraham  taxj  , 
peintre  d'histoire  et  de  portraits,  né  à 
Bois-le-Duc  en  1599,  mort  à  Anvers 
en  1675.  La  date  de  la  naissance  de  cet 
artiste  avait  été  jusqu'ici  fixée  aux  envi- 
rons de  l'an  1607;  mais  dans  un  procès 
concernant  une  vente  de  tableaux  attri- 
bués à  Van  Dyck,  Van  Diepenbeeck 
déclare  lui-même  être  né  en  1599.  On 
est  redevable  de  cette  découverte  à 
M.  L.  Galesloot  (voir  Annales  de  V Aca- 
démie d'archéologie,  année  1868). 

Abraham  van  Diepenbeeck  fut  élève 
de  Rubens,  ainsi  que  nous  l'apprend 
l'inscription  placée  au  bas  d'un  portrait 
publié  de  son  vivant,  et  ainsi  que  nous 
le  disent  mieux  encore  ses  tableaux,  où 
la  manière  et  le  coloris  du  grand  maître 
anversois  sont  tellement  en  relief,  que 
plus  d'une  fois  les  œuvres  de  Van  Die- 
penbeeck ont  été  attribuées  à  Eubens. 
On  croit  qu'Abraham  quitta  Bois-le- 
Duc,  alors  capitale  du  Brabant  septen- 
trional, en  1629,  pour  venir,  à  Anvers, 
se  mettre  à  l'abri  des  vexations  aux- 
quelles les  familles  catholiques  étaient 
exposées  à  la  suite  de  la  reddition  de 
cette  ville  aux  Provinces -Unies.  En 
1636,  il  fut  inscrit  au  nombre  des  bour- 
geois d'Anvers  en  qualité  de  peintre  sur 
verre,  et,  en  1638,  comme  franc  maître 
de  la  corporation  de  Saint-Luc.  Le  choix 
que  l'artiste  fit  de  la  ville  d'Anvers  pour 
y  établir  son  habitation  nous  paraît 
révélé  par  ce  détail  intéressant  :  la 
cathédrale  d'Anvers  possède  encore  qua- 
tre portraits  d'aumôniers  peints  sur 
verre  en  1635  par  Abraham  van  Die- 
penbeeck ;  donc,  un  an  avant  que  l'ar- 
tiste fût  inscrit  au  registre  de  la  bour- 
geoisie. Combien  de  temps  l'artiste 
oxcrça-t-il  sa  profession  de  peintre  ver- 


DIEPENBEECK 


50 


rier?  C'est  ce  qu'on  ignore,  car  le  nombre 
des  travaux  connus  de  lui  dans  ce  genre 
est  assez  restreint.  D'ailleurs  on  a  pu 
constater  que  ses  verrières,  admirable- 
ment dessinées,  devaient  laisser  à  désirer 
sous  le  rapport  de  la  partie  technique, 
car  elles  n'ont  point  résisté  à  l'action  du 
temps.  On  sait  qu'il  s'occupa  avec  pré- 
dilection de  vitraux,  puisque  en  1644  il 
travailla  aux  verrières  de  iSaint- Jacques 
à  Anvers,  et  vers  1648  à  cellesdeSainte- 
Gudule  à  Bruxelles.  C'est  donc  abusive- 
ment qu'on  a  écrit  qu'il  se  mit  à  la 
peinture  à  l'huile  par  dégoût  de  l'art  du 
verrier.  11  est,  du  reste,  à  remarquer  que 
notre  artiste  fut  d'une  activité  prodi- 
gieuse, ainsi  que  le  constatent  la  variété 
et  le  grand  nombre  des  travaux  qui  lui 
sont  dus. 

Abraham  van  Diepenbeeck  se  rendit 
en  France  et  en  Angleterre.  Vers  1632, 
il  se  trouvait  à  Paris,  s'il  faut  en  croire 
une  note  du  catalogue  de  la  vente  Ma- 
riette, qui  mentionne  un  dessin  de  l'ar- 
tiste flamand  {Saint  Paul  à  EpJièse),  fait 
pendant  son  séjour  dans  la  capitale  de  la 
France.  Michel  Lasne  a  gravé,  en  1632, 
une  thèse  sur  les  dessins  de  Van  Die- 
penbeeck, qui  composa  aussi  pour  un 
conseiller  à  la  cour  des  aides,  .Jean  de 
Favereau,  un  grand  nombre  de  dessins 
mythologiques,  gravés  plus  tard,  en  165  5, 
par  Bloemaert  et  Matham  dans  les  Ta- 
bleaux du  temple  des  Muses.  En  Angle- 
terre, Abraham  fut  employé  par  le  duc 
de  Newcastle,  pour  lequel  il  eut  à  faire 
des  dessins,  des  vues,  des  portraits,  etc. 
Il  peignit  encore,  pendant  son  séjour,  le 
portrait  du  roi  d'Angleterre,  ('harles  II, 
gravé  par  W.  Ilollar.  On  ignore  l'époqiie 
à  laquelle  ce  voyage  eut  lieu  et  combien 
il  dura.  On  n'a  aucun  renseignement 
certain  sur  un  voyage  qu'il  aurait  fait 
en  Italie  et  dont  il  ne  reste  aucune 
trace.  Ticozzi  est  le  seul  auteur  qui 
affirme  que  Van  Diepenbeeck  ait  visité 
l'Italie  et  demeuré  longtemps  à  Rome. 
Rien,  dans  les  actes  de  notre  artiste,  et 
encore  moins  dans  sa  peinture,  ne  dé- 
cèle ([ue  l'Italie  ait  exercé  sur  lui  une 
influence  quelconque. 

V^ers  1652,  Abraham  se  fixa  dans  son 
pays,  qu'il  ne  quitta  plus.  Son  activité 


pendant  vingt-trois  ans  fut  incessante. 
Il  eut  de  nombreuses  commandes  des 
Jésuites  pour  tous  les  genres  de  travaux  : 
peinture  de  tableaux  d'histoire,  por- 
traits, vues;  dessins  pour  thèses,  titres, 
monuments,  vêtements  sacerdotaux,  ima- 
gerie religieuse,  allégories,  etc.,  tout 
afflua  chez  lui  et  lui  permit  de  subvenir 
à  l'entretien  des  nombreux  enfants  qu'il 
eut  de  ses  deux  mariages.  Il  donna  dans 
le  travers  du  temps  en  exagérant  le  sym 
bolisme  religieux  de  ses  contemporains. 

La  grande  fécondité  de  cet  artiste  ne 
paraît  pas  avoir  nui  aux  qualités  de  son 
dessin  facile  et  de  son  coloris  solide; 
mais  elle  semble  avoir  annihilé  chez  lui 
l'expression.  En  efî'et,  la  caractéristique 
du  tempérament  d'Abraham  van  Die- 
penbeeck est  l'éclat  harmonieux  de  la 
palette  joint  à  un  dessin  ferme  et  moel- 
leux. Peu  d'artistes  ont  plus  approché 
de  Rubens .  Mais  le  sentiment  lui  manque , 
et,  assez  souvent,  l'élégance  ;  il  est  par- 
fois tombé  dans  un  réalisme  jordanesque 
de  l'efl'et  le  plus  fâcheux.  Ses  composi- 
tions ont  beaucoup  de  fracas  et  une  cer- 
taine grâce  tapageuse  ;  il  sait  donner  à 
ses  airs  de  tête  une  tournure  assez 
piquante,  le  caractère  de  ses  étoftages 
est  majestueux,  ses  draperies  ont  l'am- 
pleur et  la  puissance  rubenniennes  ;  il  a 
le  secret  du  jeu  anatomique  des  corps  de 
ses  modèles,  il  sait  poser  ses  person- 
nages et  grouper  ses  créations  dans  le 
milieu  qui  leur  convient,  mais,  en  géné- 
ral, l'inspiration  émue  manque  à  son 
organisation  d'artiste,  qui  n'a  jamais  été 
que  celle  d'un  magnifique  praticien. 

Il  y  a  de  lui  des  œuvres  un  peu  par- 
tout, notamment  dans  les  églises  et  au 
Musée  d'Anvers.  A  l'église  de  Notre- 
Dame  :  Saint  Norbert;  au  Musée  :  V Extase 
de  saint  Bonaventure  ;  à  Deurne,  près 
d'Anvers,  un  de  ses  meilleurs  tableaux, 
qu'on  a  longtemps  attribué  à  Rubens, 
Saint  Norbert  bénissant  Vabbé  de  Saint- 
Michel;  à  Berlin  :  Clélie  fuyant  Porsenna 
et  le  Mariage  de  sainte  Catherine,  ma- 
gnifique composition  d'un  grand  et  beau 
style.  Paris,  Vienne,  IVn-lin,  Bruxelles, 
Munich,  Dresde,  Mayence,  Stockholm 
possèdent  des  œuvres  de  ce  maître,  qui 
a  aussi  laissé  un  très-grand  nombre  de 


DIEPENBEECK  —  DIEPENDALE 


52 


dessins  à  la  plume,  au  crayon,  au 
lavis,  etc.  Les  tableaux  d'Abraham 
n'atteignent  pas  encore,  dans  les  ventes, 
les  prix  auxquels  ils  ont  droit.  Cette  cir- 
constance est  due  à  ce  qu'en  général  ses 
œuvres  sont  de  grande  dimension.  Ses 
compositions  plus  petites  sont  recher- 
chées. 

On  ne  connaît  de  lui  qu'une  gravure. 
C'est  une  rarissime  eau-forte  rej^résen- 
tant  un  paysan  et  son  âne,  datée  de 
1630.  On  en  a  fait  une  copie  trompeuse, 
reconnaissable  en  ce  que  l'imitateur  a 
omis  dix  oiseaux  voltigeant  à  la  droite 
du  fond  au-dessus  des  montagnes.  Un 
nombre  considérable  de  graveurs  ont 
travaillé  d'après  ses  dessins  et  ses  ta- 
bleaux, notamment  Bolswert,  P.  De 
Jode,  C.  Galle,  Xatalis,  Hollar,  etc. 

Paul  Pontius  nous  a  laissé  de  ce  maî- 
tre un  portrait  qui  nous  montre  un 
visage  aux  traits  énergiques,  mais  à 
l'oeil  méfiant.  L'inscription  qui  l'accom- 
pagne mérite  d'être  reproduite.  Elle 
touche  à  l'histoire  et  à  la  réclame  : 

Abraham  Van  Biepenbeke  Est  né  à 
Boisleducq,  ayant  cy  devant  exercé  pour 
quelque  temps  Vart  de  peindre  sur  les 
vitres,  en  quoy  il  surpasse  tous  ceux  de  son 
temps,  mais  a  présent  s  est  addonné  a 
peindre  toute  sorte  de  peincture  mesmes 
aux  desseins  très  curieusement,  ayant  eu 
pour  inaistre  Pierre  Faul  Rubbens,  tient 
sa  résidence  a  Anvers. 

Abr.  a  Diepenbek pinxit .  Paul.  Pentium 
sculpsit.  Je.  Meyssens  excudit. 

Ad.  Sirot. 

DIEPEXBORRK^'  (GUles),  écrivain 
ecclésiastique,  né  vers  la  fin  du  xiv?  siè- 
cle, probablement  à  Bruxelles,  et  décédé 
à  l'abbaye  des  Sept-Fontaines,  sous 
Rhode-Saint-Genèse,  le  2  février  1451. 
Il  exerça  les  fonctions  du  saint  ministère 
à  Bruxelles  et  se  sentant,  plus  tard, 
appelé  à  une  vie  plus  parfaite,  il  entra 
au  prieuré  des  Sept-Fontaines,  de  l'ordre 
do  Saint- Augustin,  fondé  quelque  temps 
auparavant  par  un  autre  prêtre  de 
Bruxelles,  nommé  Gilles  Breedyck.  Ce 
fut  dans  cette  retraite  que  Diepenbor- 
ren  s'appliqua  à  l'étude.  Il  a  laisse  les 
ouvrages  suivants  :  1 .  Invectiva  seu 
satyra  in  malos  presbytères,   poëme  de 


cinquante  vers,  composé  à  l'occasion  des 
difficultés  qu'il  avait  rencontrées  dans 
la  fondation  d'un  prieuré  de  l'ordre  de 
Saint- Augustin  à  Werneke.  Cette  satire 
commence  par  les  mots  :  Fœdior  heu 
porcis.  —  2.  Exercitium  vitee  religiosœ. 

—  3.  Exercitium  passionis  Christi  sive 
de  quitiqiie  vtilneribus  Christi.  —  4.  2)e 
incarceratione  et  liber atione  divi  Pétri. 

—  5.  Reportata  sermonnm  primi  prioris ; 
ou  Méditations  s?ir  les  sertnons  de  Gilles 
Breedyck,  premier  prieur  des  Sept-Fon- 
taines. Ces  ouvrages  furent  tous  rédigés 
quelque  temps  avant  l'invention  de  l'im- 
primerie ;  on  les  conservait  autrefois,  / 
en  manuscrit,  au  prieuré  des  Sept-Fon- 
taines. E.-H.-.I.  Reusens. 

Wiaert,  Hiatoria  Septifontana,  p.  36.  —  Goet- 
hals,  Lectures,  IV,  p.  'il.  —  Foppens,  Bibliotheca 
belgica,  l,  p.  -29. 

DiEPEXDAi,E  (Jean  vam),  peintre 
sur  verre,  né  à  Louvain  vers  1470.  Il 
était  fils  d'Henri  van  Piependale,  l'un 
des  peintres  sur  verre  les  plus  distingués 
de  cette  époque,  et  de  Catherine  van 
Mansdale  dite  Keldermans,  fille  de 
Eombaut,  lequel  exécuta  les  verrières  de 
l'hôtel  de  ville  de  Louvain.  Le  jeune 
Van  Diependale  fut  initié  à  la  pratique 
de  son  art  dans  l'atelier  de  son  père 
(mort  avant  le  3  décembre  1509).  Il 
épousa,  avant  le  7  février  1511,  Ger- 
trude  Yanden  Putte  ou  Puttarts,  fille 
d'Egide  et  de  Barbe  Pauwels  dite  Jinoe- 
liers.  L'artiste  joiiissait  à  Louvain  d'une 
grande  considération.  En  1524,  il  était 
investi  d'une  fonction  élective  dans  la 
magistrature  de  cette  ville  et  devint 
doyen  de  la  draperie,  conjointement  avec 
un  autre  artiste  de  talent,  le  peintre 
Albert  Bouts. 

Henri  van  Diependale  père  avait 
décoré  de  verrières  les  fenêtres  de  l'église 
du  couvent  des  chartreux  de  Louvain. 
C'est  à  Jean  van  Diependale  fils  que  ces 
religieux  confièrent  l'exécution  d'une 
partie  des  verrières  destinées  au  cloître 
de  leur  monastère;  mais  comme  il  était 
surchargé  de  besogne,  il  ne  fournissait 
jamais  ses  productions  à  l'époque  fixée 
par  le  contrat  et  les  bons  pères  durent, 
àplusieursreprises,  recourir  à  des  moyens 
de  rigueur  pour  les  obtenir.  Le  19  juin 


53 


DIEPENDALE  —  DIERCXSENS 


54 


1517,  ils  lui  firent  promettre,  devant  les 
échevins,  de  placer  dans  leur  cloître, 
avant  le  dernier  dimanche  d'août  sui- 
vant, les  deux  verrières  données  par  le 
sire  de  Berghes.  On  stipula  dans  l'acte 
que  pour  le  cas  où  la  livraison  n'aurait 
pas  lieu  à  l'époque  indiquée,  le  couvent 
userait  du  droit  de  faire  appréhender  au 
corps  le  peintre.  Il  promit,  le  3  décem- 
bre 15 18,  aux  mêmes  religieux,  de 
poser,  avant  le  jour  de  la  Purification 
de  Marie,  les  verrières  qu'il  avait  encore 
à  exécuter  pour  leur  monastère.  Seize 
ans  plus  tard,  il  travailla  de  nouveau 
pour  le  même  couvent.  Le  2  octobre 
1534,  il  s'engagea  envers  .Jean  de  Heem- 
stede  dit  de  Haarlem,  économe  des 
chartreux,  à  placer,  avant  la  fête  de 
saint  Martin,  les  verrières  qu'il  venait 
d'entreprendre  pour  cette  communauté. 
C'est  grâce  aux  productions  de  Van  Die- 
pendale  que  le  couvent  jouissait,  à  juste 
titre,  d'un  grand  renom  et  qu'on  le  con- 
sidérait comme  l'un  des  plus  beaux  du 
Brabant.  Etant  diminués  en  nombre,  les 
religieux  firent  démolir,  en  1780,  les 
deux  ailes  du  cloître  situées  au  nord  et 
à  l'ouest.  Cette  circonstance  occasionna 
la  perte  d'une  partie  des  verrières.  On 
sait  que  les  chartreux  furent  supprimés 
en  1783.  Les  belles  verrières  de  leur 
cloître  furent  publiquement  vendues  en 
1786,  par  l'administration  de  la  caisse 
de  religion.  Xous  ignorons  leur  sort 
ultérieur. 

Jean  van  Diependale  travailla  pen- 
dant de  longues  années  pour  la  ville  de 
Louvain.  Il  plaça,  en  1531,  à  la  porte 
de  Diest,  alors  nouvellement  achevée, 
des  vitraux  ornés  d'armoiries.  Xous  sa- 
vons qu'il  plaça  également  des  verrières 
aux  couvents  des  Célestins,  à  Héverlé, 
et  des  Augustins,  à  Louvain^  à  l'abbaye 
de  Sainte-Gertrude,  ainsi  qu'au  refuge 
de  l'abbaye  d'Averbode.  C'est  à  notre 
artiste  que  l'on  confia  l'exécution  de  la 
verrière  destinée  à  la  magnifique  fenêtre 
de  la  Tour  de  Saint-Pierre,  au-dessus 
de  la  porte  aux  long6  escaliers  et  qui  y 
fut  posée  avant  le  2  février  1537. 

Jean  van  Diependale  mourut  avant 
le  29  avril  1538.  Il  laissa  cinq  fils, 
savoir  :  Arnould,  Adrien,  Conrad,  Henri 


et  Guillaume.  Les  trois  premiers  suivi- 
rent la  carrière  paternelle;  Adrien,  qui 
épousa  Marguerite  van  Duffel,  jeune 
fille  qui  appartenait  à  l'une  des  familles 
les  plus  distinguées  de  Louvain,  était 
un  artiste  très-remarquable;  Arnould, 
qui  se  maria  à  Barbe  Peetermans,  était 
également  un  homme  de  talent.  Mais  sa 
conduite  était  peu  exemplaire,  ainsi 
qu'il  résulte  de  documents  retrouvés  aux 
archives  de  Louvain.  Ed.  van  Even. 

Comptes  de  la  ville  de  Louvain.  —  Registres 
des  chambres  échevinales  de  Louvain.  —  Van 
Even,  L'.Ancienne  Ecole  de  peinture  de  Louvain. 

DiERCKX  {Mathieu- Ignace),  peintre 
d'histoire,  né  à  Anvers  le  16  mai  1807 
et  mort  en  1832.  Elève  de  l'Académie 
d'Anvers  sous  Yan  Brée,  il  y  remporta 
de  sérieux  succès  et  fut  envoyé  en  Italie 
pour  s'y  perfectionner  dans  un  art  qu'il 
paraissait  devoir  illustrer.  A  son  retour 
d'Italie,  il  peignit  un  Christ  au  jardin  des 
Oliviers,  qui  fut  très-remarque.  Il  fit 
encore  quelques  tableaux  qui  annon- 
çaient un  artiste  de  grand  talent  et  de 
beaucoup  d'avenir,  lorsque  la  mort  le 
surprit. 

Ad.  Siret. 

DiEncxiSEiî»  (J.-C),  historien,  né 
à  Anvers  le  5  aoiit  1702,  mort  le 
31  juillet  1779.  Il  fit  sa  philosophie  et 
sa  théologie  à  Louvain,  où  il  reçut,  en 
1726,  le  grade  de  bachelier  de  l'étroite 
faculté,  et  passa  sa  licence  en  théologie, 
en  1734.  Devenu  curé  de  l'hôpital  de 
Sainte-Elisabeth  à  Anvers,  il  s'adonna  à 
l'étude  de  l'histoire  de  la  Belgique,  sur- 
tout à  celle  de  la  province  d'Anvers,  et 
mit  au  jour  un  ouvrage  très-curieux  sur 
cette  contrée.  11  mourut  à  Fàge  de 
soixante-huit  ans  et  fut  inhumé  dans 
l'église  de  Sainte-Elisabeth. 

Xous  lui  devons  :  lo  Antrerpia  Christo 
nascens  et  crescens.  Anvers,  1737-1755, 
6  volumes  in-8o.  Ibid.,  1773,  7  volumes 
in-8o.  Cette  dernière  édition  a  déprécié 
la  première.  D'après  le  titre,  on  pourrait 
croire  que  c'est  une  histoire  uniquement 
ecclésiastique  d'.Vnvers;  mais  l'auteur  y 
explique,  en  outre,  très-souvent  des  évé- 
nements politiques  et  civils  faussement 
rapportés  dans  les  histoires  générales. 
—    2'J    Geestelyke    aenspraeken    om    de 


55 


DIEREGODGAF  —  DIERICX 


56 


zielen  te  onderwyzen,  te  troosten  en  de  op 
te  weel'en  in  de  verscheyde  staeten  van 
hunne  zieltem.  Antwerpen,  1738,  2  vol. 
in-8o,  traduit  du  français  de  M.  S.  Pon- 
tas.  —  3°  Chronicum  antverpiense  seu 
chronologia  principum  quibus  Antverpia 
paruit  (ab  ann.  298  ad  ann.  1768). 
Anvers,  1768,  in-8o.  Cette  chronique, 
publiée  sans  nom  d'auteur,  est  placée 
ordinairement  à  la  suite  de  l'histoire  de 
la  ville  d'Anvers,  du  même  auteur. 

Aug.  Vander  Meersch. 

F.-V.  Goethals,  Lectures  relatives  à  l'histoire 
des  sciences,  des  arts,  etc.,  eji  Belgique,  t.  1 
p.  243.  —  Bouillet,  Dictionnaire  universel  d'his~ 
toire,  édition  Parent. 

niEREGODG.%F  {SigcT  ou  Segher), 
vivait  au  xiiie  siècle;  il  fut  par  consé- 
quent contemporain  de  Maerlant.  Son 
nom,  que  l'on  voit  assez  souvent,  au 
moyen  âge,  abrégé  et  réduit  à  Godgaf, 
n'est  que  la  traduction  flamande  du  latin 
Deodatus,  en  iranquis  Dietidonné.  Ainsi, 
dans  un  registre  du  xiiie  siècle,  déposé 
aux  archives  de  l'Etat  à  Gand,  et  inti- 
tulé Reditus  census  de  Everghem,  nous 
trouvons  un  Arnoldus  et  un  Joannes 
Dieregodgaf.  Dans  la  liste  des  échevins 
de  Gand  en  1301,  nous  voyons  Simon 
Dieregodgaf  figurant  comme  cinqiiième 
échevin  de  la  Kenre.  Segher,  qui  était 
Gantois,  appartenait  peut-être  à  la 
même  famille  que  l'échevin;  mais  nous 
ne  savons  rien  de  sa  naissance,  ni  de  sa 
vie  :  la  seule  chose  connue  est  son  œuvre 
poétique  sur  la  guerre  de  Troie  inti- 
tulée :  het  Priëel  van  Troije,  où  il  réduit 
toute  la  guerre  à  une  seule  bataille, 
ainsi  que  le  dit  Maerlant,  dans  son  Spie- 
gliel  îiistoriael.  Le  savant  docteur  Jonck- 
bloet  est  d'avis  qu'il  ne  faut  attribuer  à 
Segher  que  le  premier  chant  de  cette 
œuvre  et  qu'il  en  a  arrangé  la  suite  au 
moyen  de  morceaux  détachés  et  réunis 
du  Trojaensche  oorlog,  de  Maerlant.  Le 
poëme  het  Priëel  van  Troije  est  divisé  en 
quatre  chants  ;  il  comprend  l'origine  de 
la  guerre  ainsi  que  les  principaux  événe- 
ments de  cette  campagne  homérique  et 
surtout  le  combat  entre  Achille  et  Hec- 
tor, suivi  de  la  mort  de  ce  dernier.  Le 
premier  chant,  intitulé  :  Dits  priëel  van 
Troijen,  qui  a  donné  son  nom  au  poëme 


entier,  est  la  description  d'une  fête  dans 
le  palais  de  Priam  ;  il  renferme,  entre  au- 
tres, des  dialogues  amoureux  assez  bien 
traités.  Le  chant  second  :  Dits  parlement 
van  Troijen,  raconte  les  négociations 
entre  les  Troyens  et  les  Grecs  pour  trai- 
ter de  la  paix,  ainsi  que  la  mort  de  Pa- 
trocle.  Le  chant  troisième  :  Dits  van  den 
grooten  strijt,  daer  her  Hector  ende  Achilles 
in  onderspraken,  ce  titre  en  dit  assez;  le 
chant  quatrième  :  Dits  hoe  dat  her  Hector 
ute  der  stad  voer  die  van  Troijen  te  huVpen. 
Hector,  retenu  dans  la  ville  par  son  père, 
voit  le  combat  du  haut  des  murs,  les 
Troyens  plient,  il  vole  à  leur  secours,  il 
combat  corps  à  corps  avec  Achille,  qui 
le  vainc  et  le  tue.  Telle  est  l'œuvre  de 
Segher  Dieregodgaf;  il  est  regrettable 
que  nous  n'en  sachions  pas  davantage 
sur  un  homme  qui  cultiva  la  poésie  avec 
succès,  à  une  époque  si  éloignée  de  nous. 

Emile  Varenbergh. 

Blommaert,  De  JS'ederduitsche  schryvers  van 
Cent. 

DIERICSL  {François),  écrivain  ecclé- 
siastique, né  à  Anvers  en  1630,  mort  à 
Herenthals  le  5  janvier  1688.  A  l'âge 
de  vingt  ans,  il  entra  dans  l'ordre  de 
Cîteaux,  à  la  célèbre  abbaye  du  Saint- 
Sauveur,  à  Anvers.  Après  avoir  rempli 
successivement  les  fonctions  de  maître 
des  novices,  prédicateur,  sous-prieur  et 
prieur,  il  fut  élu  abbé  de  son  monas- 
tère, en  1668,  et  conserva  cette  dignité 
jusqu'au  moment  de  sa  mort.  Diericx 
avait  acquis  des  connaissances  très- 
variées.  Pendant  qu'il  était  abbé,  il 
publia  les  ouvrages  suivants  :  1.  Trac- 
tatus  prceviîis  de  antiqîdssima  sacrarum 
reliquiarmn  veneratione  ah  ipsis  mundi 
exordiis.  Antverpiae,  Marcellus  Parys, 
1674;  vol.  in-12.  —  2.  Fides  ettraditio 
sacrartim  reliquiaruni  XKXVIeminentium 
sanctorum,  quœ  publicce  Christi  jidelium 
venerationi  exponnnttir  in  ecclesia  S.  Sal- 
vatoris  Antverpiee,  demonstrata.  Antver- 
pise,  Marcellus  Parys,  1674;  vol.  in-12, 
orné  d'uu  frontispice  gravé  et  de  plu- 
sieurs planches  sur  cuivre.  —  3.  Leven 
vansinte  Marcoen,  notice  imprimée  plu- 
sieurs fois  à  Anvers,  en  1  vol.  in-12.  — 
4.  L'abbé  Diericx  publia  aussi  une  édi- 
tion   du    Testamentum  quo  se   continua 


57 


DIERICX 


08 


preeparatit  ad  mortem,  du  cardinal  Bona, 
de  l'ordre  de  Cîteaux;   Anvers,   1679, 

vol.   in-ic.  E.-H.-J.  Reusens. 

Goyers,  Supplementum  bibliothecœ  belgicœ 
J  -F.  Foppens,  manuscrit  n»  17608  de  la  biblio- 
hèque  royale  à  Bruxelles. 

DIERICX  {Jean-Francois-Xatitr),  ma- 
gistrat, né  à  Alost  le  2  décembre  1721, 
mort  à  Gand  le  1er  septembre  179S.  Issu 
d'une  ancienne  famille  jjatricienne  du 
pays  d' Alost,  il  fut  destiné  dès  sa  jeu- 
nesse à  la  carrière  du  barreau.  Après  de 
brillantes  études  faites  à  l'université  de 
Louvain,  il  obtint  le  diplôme  de  doc- 
teur en  droit  le  1-1  décembre  1744,  et 
alla  se  fixer  à  Gand  où  il  fut  reçu  avocat 
près  du  conseil  de  Flandre,  le  17  jan- 
vier 1745.  Admis  dans  l'intimité  du 
célèbre  juriste  Yeldganck,  il  se  fit  bien- 
tôt remarquer  par  la  variété  de  ses  con- 
naissances et  olj.int,  par  lettres  patentes 
du  13  mars  1758  le,  titre  de  conseiller 
au  conseil  de  Flandre.  Marie-Thérèse  le 
promut  à  la  jjlace  d'avocat  fiscal  le 
16  juillet  1761,  et  quelques  années 
après,  lui  conféra  des  lettres  de  noblesse 
et  le  titre  héréditaire  de  chevalier,  pour 
services  rendus  à  l'Etat.  Etant  avocat 
fiscal,  Diericx  fut  appelé  à  rendre  un 
service  signalé  au  gouvernement.  Les 
chemins  publics  de  la  Flandre  étaient 
impraticables  et,  malgré  les  eflbrts  des 
princes  et  des  gouvernements,  la  police 
de  la  voirie  était  entièrement  oubliée  et 
inconnue.  Diericx  fut  chargé  de  remé- 
dier à  ce  déplorable  état  de  choses; 
après  s'être  concerté  avec  les  chefs-col- 
lèges du  plat  pays,  il  rédigea  l'édit  du 
3  mars  1764.  L'historien  Raepsaet  con- 
sidérait cet  édit  comme  un  titre  immor- 
tel de  Diericx  à  la  reconnaissance  du 
pays  flamand.  En  moins  de  trois  ans, 
cet  édit  fit  rfuiaître  en  Flandre  l'agri- 
culture et  le  commerce  jusqu'alors  para- 
lysés par  le  défaut  de  voies  de  commu- 
nication. En  1768,  Diericx  fut  chargé 
par  le  gouvernement  autrichien  des  né- 
gociations relatives  à  la  délimitation  des 
Pays-Bas  autrichiens  et  des  terres  ap- 
partenant aux  Etats  Généraux  de  Hol- 
lande. Le  13  juillet  de  cette  année,  il 
signa  avec  Guillaume  van  Sonsbeke,  dé- 
légué des  Etats  Généraux,  le  traité  dé- 


limitant le  métier  d'Assenede  en  Zé- 
lande  des  terres  hollandaises.  Joseph  II 
le  nomma  président  du  conseil  de  Flan- 
dre le  5  avril  1782,  et  immédiatement 
après,  conseiller  de  robe  longue  au  con- 
seil d'Etat.  Autant  la  carrière  de  Die- 
ricx avait  été  paisible  et  tranquille  jus- 
qu'alors, autant  elle  fut  troublée  et 
orageuse  pendant  les  dernières  années 
de  sa  vie.  Il  était  président  du  conseil  de 
Flandre  quand  Joseph  II  voulut  donner 
à  l'ordre  judiciaire  une  nouvelle  organi- 
sation- il  protesta  avec  ses  collègues 
contre  l'édit  du  13  janvier  1787.  Leurs 
remontrances  furent  accueillies  et,  Jo- 
seph II  ayant  révoqué  ces  innovations, 
le  conseil  de  Flandre  reprit  ses  fonc- 
tions. Bientôt  la  révolution  brabançonne 
éclata;  les  tribunaux  furent  fermés, 
sinon  de  droit,  au  moins  de  fait,  et  les 
dictateurs  de  l'époque  poursuivirent  tous 
les  magistrats  fidèles  au  régime  déchu. 
Aussi  fut-ce  pour  éviter  ces  persécutions 
que  Diericx  abandonna  Gand  et  se  ré- 
fugia avec  les  siens  à  Lille.  Les  émotions 
patriotiques,  les  tristes  scènes  surtout 
qui  accompagnèrent  et  suivirent  sa  fuite, 
son  hôtel  pillé  et  saccagé,  ses  livres  dé- 
truits^ ses  parents,  ses  amis,  jusqu'à  ses 
sernteurs,  emprisonnés,  tous  ces  désas- 
tres accablèrent  le  vieux  jiirisconsiilte 
et  ébranlèrent  sa  santé.  Il  ne  put  sur- 
vivre longtemps  à  la  chute  de  sa  patrie 
et  à  la  défaite  des  convictions  de  toute 
sa  vie;  il  revint,  après  quelques  années 
tl'exil,  s'éteindre  dans  cette  Flandre,  à 
la  régénération  de  laquelle  il  avait  si 
puissamment  contribué. 

Oswald  de  Kfrihove  de  Deutergbcm. 

Raepsaei,  Œuvres  complètes,  t.  IV.  —  Ganser, 
Histoire  du  conseil  de  Flandre.  —  Archives  du 
conseil  de  Flandre. 

DIERICX  {Charles- Louis),  juriscon- 
sulte, magistrat,  historien,  né  à  Gand  le 
lerjanvierl  75  6,  décédé  le  1er  avril  1822. 
Il  était  fils  du  chevalier  J.-F.-X.  Die- 
ricx, dernier  président  du  conseil  de 
Flandre.  Après  de  brillantes  études 
faites  à  Louvain,  il  obtint  le  diplôme  de 
docteur  utrius>jue  juris  et  s'établit  à 
(iand.  Les  emincntcs  qualités  du  jeune 
jurisconsulte  le  firent  bientôt  nommer  à 
l'une  des  places  de  conseiller  pension- 


39 


DIERICX 


60 


naire  de  la  ville  de  Gaud  (1784);  il  oc- 
cupa ces  fonctions  jusqu'à  l'époque  de 
la  suppression  du  collège  des  échevins. 
Appelé,  par  décret  du  27  janvier  1789, 
à  l'une  des  trois  places  nouvelles  que  le 
gouvernement  venait  de  créer  au  sein  du 
conseil  de  Flandre,  Diericx  vit  sa  nomi- 
nation attaquée  avec  acharnement  par  la 
majorité  des  anciens  conseillers.  Ceux-ci 
invoquaient  les  privilèges  dont  jouissait 
le  conseil,  privilèges  reconnus  par  les 
articles  18  et  19  des  instructions  des 
souverains  du  9  mai  1522  et  par  celles 
du  13  février  1685. 1.e  conseil,  disaient- 
ils,  ne  devait  pas  accepter  de  conseillers 
extraordinaires  (art.  18),  ni  permettre  à 
Charles  Diericx  de  siéger  avec  le  prési- 
dent, son  père  (art.  19).  Ils  regardaient 
comme  inconstitutionnel  le  décret  du 
souverain  autorisant  le  fils  et  le  père 
à  siéger  ensemble,  à  condition  toute- 
fois qu'ils  n'interviendraient  jamais  aux 
mêmes  jugements.  Joseph  II  espérait, 
par  ces  nominations,  modifier  la  ma- 
jorité du  conseil  et  briser  l'opposition 
sourde  et  dangereuse  qu'elle  faisait  aux 
nouveaux  édits. 

Bientôt  éclata  la  révolution  braban- 
çonne :  le  décret  du  27  janvier  1789 
ne  fut  point  exécuté.  Les  conseillers, 
hostiles  depuis  longtemps  à  la  politique 
du  gouvernement  autrichien,  s'empres- 
sèrent de  prêter  serment  aux  états  de 
Flandre,  et  plusieurs  d'entre  eux  même 
se  mirent  à  la  tête  du  mouvement  révo- 
lutionnaire. Diericx  dut  fuir.  Il  se 
réfugia  à  Lille  et,  de  cette  ville,  il 
attaqua  la  révolution  brabançonne  dans 
des  pamphlets  d'une  extrême  violence. 
Resté  fidèle  à  l'empereur,  il  devint  l'un 
des  écrivains  les  plus  actifs  du  parti  dit 
des  Jigues.  Aidé  par  ses  compatriotes 
Vervier  et  Coppens,  il  harcelait  de  ses 
critiques,  plus  violentes  que  fines,  les 
chefs  de  la  révolution  (1).  Poursuivi, 
traqué,  emprisonné  même,  Diericx  n'en 
continua  pas  moins  la  lutte  qu'il  avait 
entreprise,  et  l'animosité  qu'il  portait  à 
certains  chefs,  au  chanoine  De  Bast  entre 


(1)  Voy.  le  Livre  blanc  ou  réiolution  yor- 
dune;  —  Diis  die  excellente  firint-chromke  van 
Vtaenderen. ..  door  Jndocus  Uottelgier  (T'Anlwer- 
peti,  by  Jan  van  Glielen.  (Leiiiaire,  Garni)  :  ou- 


autres,  ne  fit  malheureusement  que  se 
développer  avec  le  temps  et  survécut  aux 
événements  politiques  qui  l'avaient  fait 
naître.  En  1791,  il  publia^  sous  le  nom 
de  son  père,  une  lettre  au  comte  de 
Mercy  d'Argenteau,  dans  laquelle  il 
raille  amèrement  les  conventions  faites  à 
La  Haye  le  18  décembre  1790. 

Lors  de  l'entrée  des  Français  en  Bel- 
gique, Diericx  fat  l'un  des  chefs  de  l'op- 
position gantoise.  Emprisonné  de  nou- 
veau, il  parvint  à  s'échapper,  grâce  au 
concours  dévoué  de  quelques  personnes 
du  peuple,  et  se  réfugia  à  Flessingue 
(Hollande).  Ses  biens  furent  confisqués. 
Le  sénatus-consulte  du  6  floréal  au  x 
(1802)  le  ramena  en  Belgique.  Nommé 
quelque  temps  après  membre  du  conseil 
général  du  département  de  l'Escaut  et 
directeur  du  Jardin  botanique  de  la  ville 
de  Gand,  Diericx,  semble-t-il,  ne  s'oc- 
cupa plus  aussi  activement  de  politique  ; 
c'est  alors  qu'il  amassa  les  matériaux  qui 
ont  servi  à  son  Histoire  de  la  ville  de 
Gand.  Son  premier  ouvrage  :  la  Topogra- 
pliie  de  V ancienne  ville  de  Gand  (Gand, 
1808,  in-8j)  fut  l'objet  des  critiques 
acerbes  du  chanoine  De  Bast,  dans  le 
Premier  Supplément  au  7'ecueil  d' antiquités 
romaines  et  gauloises,  1809.  Diericx  vou- 
lut y  répondre  immédiatement,  mais  la 
censure  lui  suscita  mille  difticultés,  et  ce 
ne  fut  pas  sans  peine  qu'il  obtint  l'auto- 
risation de  publier  son  premier  Mémoire 
sur  le  droit  public  et  politique  de  la  ville 
de  Gand,  depuis  son  institution  en  com- 
mune jusqu  au  règne  de  Charles  V,  dont 
le  titre  avait  effrayé  les  censeurs.  En 
1814,  l'ouvrage  complet  fut  publié  sous 
le  titre  de  :  Mémoires  sur  la  ville  de 
Gand.  De  1814  à  1821,  parurent  suc- 
cessivement les  Mémoires  sur  les  lois  et 
les  privilèges  des  Gantois  (2  vol.  in-S", 
Gand,  1817-1818);  V Appendice  aux 
mémoires  sur  la  ville  de  Gand  et  le  Gends 
cliarterôoekje  (1S21).  Bien  que  ne  con- 
cernant que  Gand  et  ses  environs,  ces 
ouvrages  renferment  plusieurs  diplômes 
importants   et   curieux    pour    l'histoire 


vrage  supjirimé  par  le  conseil  de  Flandre,  placard 
(lu  3  décembre  l"iM;  Den  (jrooten  en  oprechlen 
Koning-Urief  (Lemaire ,  Gand),  avec  caricatu- 
res, etc.,  etc. 


61 


DIERICX  —  DIEST 


62 


générale  de  la  Flandre  et  du  droit  fla- 
mand au  moyen  âge.  L'un  des  premiers, 
en  Belgique,  Diericx  appela  l'attention 
du  pays  sur  Jacques  et  Philippe  van 
Artevelde.  Malheureusement  on  ne  peut 
se  lier  à  l'exactitude  absolue  des  docu- 
ments qu'il  invoque  :  son  inexpérience 
dans  la  lecture  des  chartes  lui  a  fait 
commettre  des  erreurs,  et  l'historien  ne 
sut  pas  toujours  oublier  les  ressentiments 
personnels  du  partisan  de  Joseph  II. 
En  1821,  parut  le  dernier  ouvrage  de 
l^iericx,  recueil  précieux  de  chartes 
provenant  des  cartulaires  de  Saint- 
Pierre  et  de  Saint-Bavon  de  Gand. 
Diericx  avait  été  appelé  à  faire  partie 
de  l'Institut  royal  des  Pays-Bas  dès  sa 
fondation  et  avait  été,  à  plusieurs  re- 
prises, élu  membre  des  états  de  la  Flan- 
dre orientale. 

O-wald  de  Kcrrhove  de  Uenterghem. 

Archives  du  conseil  de  Flandre.  —  Warnkœnig, 
Hist.  de  la  Flandre,  t.  i.  —  Dieiicx,  Mttnoires  sur 
la  ville  de  Gand.  — Michaud,  Biographie  univer- 
selle, l.  62,  suppl.  —  Didoi,  Biographie  géné- 
rale. —  Vander  Haeghen,  Bibliographie  gantoise. 

DIEST  {Corneïlle-y^orhert  vax),  sa- 
vant humaniste,  né  à  Louvain  le  23  mars 
1805,  de  Jean- Joseph-Adrien  et  de 
Barbe-Claire  Yanden  Zanden.  11  com- 
mença ses  études  au  collège  communal 
de  sa  ville  natale  et  y  flt  des  pi'ogrès 
rapides;  comme  élève  de  rhétorique,  il 
remporta  le  premier  prix  de  langue 
latine,  qu'on  considérait  alors  comme  le 
prix  d'excellence.  Le  jeune  Yan  Diest 
entra  ensuite  à  l'université  de  Louvain, 
en  1824.  11  s'y  adonna  avec  ardeur  à  la 
philologie,  sous  la  conduite  du  professeur 
Becker,  dont  il  devint  l'ami.  En  1825,  il 
remplaça,  provisoirement,  le  professeur 
de  quatrième  au  collège  communal  de 
Louvain  et  la  manière  dont  il  s'acquitta 
de  sa  tâche  le  lit  nommer,  en  1827, 
titulaire  de  cette  chaire.  En  1831,  l'au- 
torité communale  l'appela  à  la  place  de 
professeur  de  seconde,  poste  qu'il  rem- 
plit avec  distinction  jusqu'au  14  août 
1837,  époque  de  la  suppression  du  col- 
lège. 

Tout  en  remplissant  avec  dévouement 
ses  devoirs,  Yan  Diest  ne  négligeait  pas 
ses  études  universitaires.  Le  28  mars 
1835,  il  obtint  le  diplôme  de  docteur  eu 


philosophie  et  lettres,  avec  la  plus 
grande  distinction,  et  le  14  juillet  de  la 
même  année,  celui  de  docteur  en  droit, 
avec  grande  distinction.  Bien  que  doué 
de  toutes  les  qualités  pour  conquérir 
une  place  distinguée  au  barreau,  il 
renonça  à  la  carrière  d'avocat,  pour  se 
donner  à  l'enseignement. 

En  1841,  il  fut  appelé  à  la  chaire  de 
seconde  au  collège  de  la  Haute-ColUne, 
placé  alors  sous  la  direction  de  l'univer- 
sité catholique,  et  en  1844,  à  la  chaire 
de  rhétorique.  Lorsque,  en  1S50,  le  col- 
lège communal  remplaça  le  collège  de  la 
Haute-Colline,  Yan  Diest  y  fut  nomme 
principal,  préfet  des  études  et  profes- 
seur de  rhétorique. 

Son  mérite  comme  philologue  était 
généralement  reconnu.  Le  25  octobre 
1849  il  fut  appelé  aux  fonctions  de  mem- 
bre du  jury,  pour  le  grade  d'élève  uni- 
versitaire. L'année  suivante,  il  remplit 
encore  les  mêmes  fonctions. 

Le  gouvernement,  qui  lui  avait  déjà 
donné  en  1841  une  marque  de  confiance 
en  le  nommant  membre  du  jury  du  con- 
cours entre  les  élèves  des  écoles  rurales, 
le  nomma,  le  5  septembre  1844,  inspec- 
teur de  l'enseignement  primaire.  Il 
rendit,  dans  cette  fonction,  d'incontesta- 
bles services,  et  fut  appelé,  en  1848,  par 
les  électeurs  de  Louvain,  à  siéger  au 
conseil  communal. 

^  an  Diest,  qui  avait  épousé  Anne- 
Marie-Clémentine  de  Bienne,  de  Lou- 
vain, mourut  dans  cette  ville  le  24  no- 
vembre 1850. 

On  a  de  lui  :  Flan  d'enseignement, 
publié  par  A.-G.-B.  Schayes,  dans  le 
Polyyraplie  belge,  Anvers,  1835,  p.  59. 
—  Méthode  pour  étudier  la  langue  latine. 
Louvain,  1845,  in-S"  de  136  pages.  — 
Méthode  paur  étudier  la  langue  grecque. 
Louvain,  1847,  in-S^  de  70  pages.  — 
Conférences  sur  l'enseignement  primaire. 
Méthode  simplifiée,  à  rasage  des  écoles 
françaises  et  flamandes.  Louvain,  1849, 
in- 8^  de  26  pages.  —  Conferentien  over 
het  lager  underwgs.  Leerwy:e  ten  gebruike 
der  nederduitsche  scholen.  Leuven,  1849, 
in-So  de  29  pages.  Ed.  van  Even. 

.innuairc  de  l'université  catholique  de  Louvain, 
année  1851,  p.  il-2. 


63 


DIEST  -  DIEU 


64 


DIEST  (^Jean- Baptiste  vax).  Ce  pein- 
tre paraît  avoir  joui  d'une  certaine  noto- 
riété, car  on  le  cliargea  vers  1702  de  faire 
le  portrait  de  Philippe  V  roi  d'Espagne. 
Cette  commande  lui  fut  faite  par  ordre 
de  l'électeur  Maximilien  de  Bavière,  et 
l'artiste  dut  en  réclamer  les  frais  s'éle- 
vant  à  60  écus,  ainsi  qu'on  le  voit  dans 
les  archives  du  conseil  privé  à  Bruxelles. 
Van Diest  était  peintre  de  la  cour,  et  c'est 
lui  qui  était  chargé  de  la  peinture  des 
décors  et  armoiries  lors  des  funérailles 
des  hauts  personnages.  C'est  aussi  ce 
qui  résulte  des  archives  de  la  cour  des 
comptes  dépouillées  par  M.  A.  Pinchart. 
{Archives  des  arts,  etc.,  t.  1er.) 

Ad.  Sii'el. 

DiEi'  {Daniel  de),  théologien  pro- 
testant, né  à  Bruxelles  en  1540,  mort  à 
Flessingue  en  1607.  Son  père,  Louis  de 
Dieu,  chambellan  de  l'empereur  Charles- 
Quint,  avait  été  anobli  par  ce  prince 
qu'il  avait  fidèlement  servi  en  Afrique, 
en  France  et  en  Allemagne.  Melchior 
Leydekker  rapporte  que,  s'étant  embar- 
qué pour  l'Angleterre,  il  lui  arriva  de' 
faire  la  traversée  avec  Jean  Calvin.  Les 
passagers,  gens  grossiers  pour  la  plu- 
part, ne  trouvèrent  point  de  meilleur 
passe-temps  que  les  cartes.  Comme  ils 
assaisonnaient  leur  jeu  d'atfreux  jurons, 
le  réformateur  genevois  crut  devoir 
intervenir.  Ses  observations  furent  fort 
mal  reçues.  Seul,  Louis  de  Dieu  prit  son 
parti.  Ils  se  rapprochèrent  et,  bieiitôt, 
ils  causèrent  sérieusement  ensemble. 
Cette  aventure  porta  ses  fruits.  Louis 
de  Dieu  lut  les  saintes  Ecritures  et 
embrassa  la  foi  nouvelle.  Il  s'en  cacha 
si  peu,  que  l'empereur  son  maître,  à 
l'époque  de  son  abdication,  lui  conseilla 
de  quitter  le  pays  dès  qu'il  ne  serait 
plus  là  pour  le  protéger.  Il  n'en  fit  rien 
cependant.  Il  passa  à  Bruxelles  les 
quelques  années  qui  lui  restaient  à  vivre. 
Quand  il  fut  mort,  dit-on,  les  jésuites 
témoignèrent  le  désir  d'avoir  son  cadavre 
pour  le  pendre.  L'un  d'eux  cependant, 
moins  fanatique  que  ses  collègues,  vint 
trouver  Daniel,  le  fils  du  défunt,  et 
l'aida  à  transporter  les  restes  mortels  de 
son  père  à  Anvers,  où  il  était  plus  facile 
de  les  inhumer  en  un  lieu  saint.  Pierre 


Bayle  a  rapporté  ces  faits  dans  son  Dic- 
tionnaire  historique  et  critique,  et  il  se 
contente  de  noter  en  marge  qu'il  est 
assez  singulier  qu'on  n'ait  point  parlé 
ailleurs  d'un  voyage  de  Calvin  en  Angle- 
terre. Le  reste  n'est  pas  moins  étonnant. 
Nous  avouons,  pour  notre  part,  ne  pou- 
voir accepter,  sansdebonnespreuves,  qui 
font  ici  absolument  défaut,  la  mansuétude 
de  Charles-Quint  à  l'endroit  d'un  héré- 
tique, fût-il  son  serviteur  ou  son  ami, 
et  la  trahison  d'un  jésuite  en  faveur 
d'un  mécréant  dont  les  cendres  seules 
étaient  menacées. 

Les  mêmes  auteurs,  suivis  en  ceci 
par  la  plupart  des  recueils  biographi- 
ques, disent  que  Daniel  de  Dieu  ne 
quitta  Bruxelles  qu'en  1585,  à  l'entrée 
du  duc  de  Parme,  et  après  y  avoir 
exercé  pendant  vingt-deux  ans  les  fonc- 
tions de  pasteur  réformé.  Il  y  a  à  cela 
des  obstacles  de  plus  d'une  sorte.  La 
réaction  catholique  se  déchaîne  sur  la 
Belgique  en  15  67  ;  eu  cette  même  année, 
arrive  le  duc  d'Albe;  il  institue  le  Tri- 
bunal des  troubles;  les  protestants  sont 
traqués,  poursuivis,  pendus  ou  décapités 
selon  leurs  titres  et  qualités,  mais  pas 
un  temple  protestant  ne  reste  debout 
dans  nos  provinces,  plus  un  seul  pas- 
teur réforme  n'est  là  pour  faire  entendre 
des  paroles  de  résignation  et  d'espoir 
aux  dernières  victimes  des  fureurs  inqui- 
sitoriales.  C'est  surtout  à  Bruxelles,  où 
se  trouvait  le  siège  du  gouvernement 
espagnol,  qu'il  eût  été  impossible  de 
braver  tant  de  dangers  pendant  près 
d'un  quart  de  siècle.  Le  chanoine  Pa- 
quet l'a  compris;  c'est  ainsi  que,  le 
premier,  il  déclare  Flessingue  et  non 
point  Bruxelles  être  le  lieu  où,  pendant 
vingt-deux  ans,  Daniel  de  Dieu  remplit 
les  fonctions  pastorales.  Cette  rectifica- 
tion a  pour  elle  les  dates  et  les  témoi- 
gnages les  moins  suspects.  Elle  nous 
permet  de  reprendre  et  de  poursuivre 
sans  interruption  la  vie  de  notre  person- 
nage. Son  père  l'avait  destiné  à  l'état 
ecclésiastique.  Il  étudia  donc  la  théo- 
logie, mais  il  profita  surtout  des  longues 
années  qu'il  passa  dans  l'exil  pour 
s'adonner  avec  passion  à  l'étude  des 
langues.   Quand  il  revint  à  Bruxelles, 


fio 


DIEU 


(56 


en  157 Si,  eu  qualité  de  pasteur,  il  aurait 
pu  prêcher  avec  autant  de  facilité  en 
allemand,  en  anglais  ou  en  italien  qu'en 
français  ou  en  flamand.  La  plupart  de 
ses  collègues  bruxellois  étaient  égale- 
ment des  savants.  Florianus  était  poëte 
flamand,  Plancius  astronome  et  géogra- 
phe, Trelcat  professeur  de  théologie  à 
Leyde.  Le  8  mars  1585,  ils  quittèrent 
tous  Bruxelles,  aux  termes  de  la  capitu- 
lation conclue  entre  le  duc  de  Parme  et 
la  garnison  des  Etats.  De  Dieu  se  rendit 
en  Zélande,  où  il  devint  pasteur  à  Fles- 
singue.  Cette  ville  lui  convenait  mieux 
qu'aucune  autre;  elle  était  remplie 
d'émigrés  flamands  et  wallons,  et  sa 
situation  aux  bouches  de  l'Escaut,  lui 
donnant  une  grande  importance  poli- 
tique, y  faisait  afiiuer  do  toutes  parts  les 
nouvelles.  Ou  comprend  combien  ces 
circonstances  devaient  imprimer  d'acti- 
vité à  la  correspondance  que  notre  pas- 
teur entretenait  avec  Adrien  de  Saravia 
et  Thiéri  Sonoy.  Si  ces  lettres  se  retrou- 
vaient, on  saurait  comment  et  pourquoi 
il  se  brouilla  avec  Philippe  de  Marnix, 
son  illustre  concitoyen,  qui  vivait  alors 
non  loin  de  Flessingue  dans  son  château 
de  West-Soubourg.  Tout  ce  qu'il  est 
permis  d'en  dire,  c'est  que  Daniel  de 
Dieu  était  aussi  grand  partisan  du  pro- 
tectorat anglais  que  Marnix  l'était  peu. 
Onraconte,  àce sujet,  que, peu  de  temps 
après  le  départ  du  comte  de  Leicester, 
notre  personnage  fut  chargé  d'aller  en 
Angleterre,  avec  le  pasteur  Jean  Mi- 
chiolszoon,  pour  prier  la  reine  Elisabeth 
de  donner  au  comte  Maurice  de  Nassau 
le  titre  de  gouverneur  général  des  Pro- 
vinces-Unies et  de  mettre  l'un  de  ses 
gentilshommes  à  la  tête  de  l'armée  des 
Etats.  Les  auteurs  des  additions  à  l'his- 
toire nationale  des  Pays-Bas  de  Wage- 
naer  s'élèvent  avec  force  contre  la  possi- 
bilité d'une  pareille  démarche.  11  est 
vrai  que  c'eût  été  l'équivalent  d'une 
abdication,  mais,  à  cause  de  la  confusion 
(|ui  régnait  alors  dans  toutes  choses  et 
principalement  dans  celles  qui  touchaient 
presque  autant  aux  intérêts  de  l'P'.glise 
que  de  l'Etat,  il  se  peut  que,  malgré  les 
légitimes  représentations  d'Olden  van 
Harneveld,  le   clergé   protestant  ait  cru 

BIOGR.   NAT.   —   T.   Vr. 


devoir  faire  de  la  politique.  En  tous  cas, 
si  notre  personnage  ne  se  rendit  point 
en  Angleterre  en  janvier  ou  février  1588, 
nous  l'y  voyons  arriver  au  mois  de  juin 
de  cette  même  année,  accompagné  de  ses 
collègues  Sopingius  et  Helmichius.  Cette 
fois  sa  mission  a  un  caractère  purement 
religieux.  Il  s'agit  de  démontrer  à  la 
reine  Elisabeth  et  à  ses  conseillers  le 
danger  qu'il  y  aurait  à  conclure  la  paix 
avec  le  roi  d'Espagne  sur  le  pied  d'une 
entière  «  liberté  de  conscience  et  de 
religion  « .  Les  préparatifs  militaires 
qui  se  faisaient  alors  en  Espagne,  en 
Portugal  et  en  Belgique  contribuèrent 
sans  doute,  dans  une  plus  large  part  que 
son  éloquence,  à  assurer  le  succès  de  sa 
mission.  De  Dieu  ne  sortit  plus  désor- 
mais de  ses  attributions  ecclésiastiques. 
Il  présida  en  1591  le  synode  de  Middel- 
bourg,  dans  le  même' local  où  il  s'était 
présenté  dix  ans  plus  tôt  comme  député 
des  églises  évangéliques  de  Bruxelles, 
dispersées  ou  anéanties  depuis.  En  1593, 
il  prit  une  part  active  aux  conférences 
de  Middelbourg,  dont  le  but  était  de 
savoir  quand  et  comment  ou  entrepren- 
drait une  nouvelle  traduction  des  saintes 
Ecritures.  Il  eut  deux  femmes  :  la  pre- 
mière, Elisabeth  Stockardts,  lui  donna 
un  fils,  David,  décédé  jjasteur  à  Fles- 
singue en  1608;  la  seconde,  Sarah  van 
Ceulen,  de  Gand,  une  sœur  de  Daniel 
Colonius,  eut  deux  fils,  Corneille  et 
Louis.  Ce  dernier  seul  fut  célèbre. 
Daniel  de  Dieu  mourut  à  Flessingue  et 
y  fut  enterré  dans  le  chœur  de  la  Grande 

Eglise.  c.-A.  Rahlenbeok. 

P.  Bayle,  Dictionnaire  historique  et  critique, 
éil.  de  1740,  II,  -289.  —  Glasius.  Godgeleerd  .Ve- 
derland.  1,  HtiS-Tl.  —  Paquot,  Mémoires,  etc., 
1, 103-10o.  —  Waf;eiiaer,  Vadcrt.  Hist.,  MU.  274. 
—  Leydekker,  Aphorismi  tlieoloyici  L.  de  Dieu, 
Lit.,  ■169;^,  in  prœf.  —  G.  Vrolickhert,  Levens- 
beschrijrivg  van  aile  de  liervormde  Iceraren  van 
Vlis.ttiirjen,  en/..,  17o<S,  |).  [V6.  —  Van  Wyn,  By- 
vocytelop  W'agenaer.  Vlll.  7î>,  FI.  9.  —  janssen, 
Kerkhervorming  van  Vlaandereu,  1, 1o8.  —  Brandi 
Hist.  der  reformalie,  1,  748-i)3. 

uiKC  {Louis  de),  théologien  protes- 
tant et  célèbre  orientaliste,  né  ta  Fles- 
singue de  parents  belges,  le  7  avril 
1590,  mort  à  Leyde  le  18  décembre 
lf)42.  Il  fit  ses  études  aux  frais  de  sa 
ville  natale.  Son  oncle  Daniel  van  ("eu- 


67 


DIEU  -  DIEVE 


68 


len,  qui  était  régent  du  collège  wallon 
de  Leyde,  le  prit  auprès  de  lui  et  con- 
tribua largement  au  succès  de  ses  études. 
Il  n'était  encore  que  proposant  en 
théologie,  lorsque  le  prince  Maurice  de 
Nassau,  l'ayant  entendu  prêcher  à  Eles- 
singue,  lui  fit  proposer  l'emploi  de  cha- 
pelain de  la  cour.  C'était  rencontrer  les 
honneurs  et  la  fortune  à  son  début  dans 
la  carrière.  Il  refusa  cependant,  s'excu- 
sant  sur  sa  grande  jeunesse  et  son  besoin 
de  franchise,  mais  au  fond,  il  est  permis 
de  croire  qu'il  avait  contre  la  maison 
d'Orange-Nassau  les  griefs  d'un  grand 
nombre  de  Belges  émigrés.  Aux  senti- 
ments politiques  de  son  père,  il  joignit, 
bien  certainement,  son  goût  des  études 
linguistiques.  Thomas  Erpenius,  Jac- 
ques Golius  et  David  de  Willem  se  ren- 
contrèrent à  point  nommé  pour  l'exciter 
à  poursuivre  ses  recherches  sur  le  sy- 
riaque, l'arabe  et  le  persan.  David  de 
Willem  lui  donna  une  quantité  de  ma- 
nuscrits orientaux  rapportés  de  ses 
voyages.  A  cette  collection  vinrent  bientôt 
se  joindre  les  manuscrits  et  les  livres  que 
son  père  avait  dû  abandonner  à  Bruxelles 
en  15 85.  Il  en  avait  été  question  assez 
souvent  en  famille  pour  que  Louis  de 
Dieu  sût  au  juste  où  les  trouver.  Il  vint 
donc  à  Bruxelles,  alla  droit  à  la  maison 
de  ses  pères,  et,  le  bonheur  voulant 
qu'elle  fût  habitée  par  une  famille  de 
protestants  clandestins,  on  lui  permit 
d'abattre  un  pan  de  mur  et  de  rentrer 
en  possession  de  ces  ouvrages  tant  con- 
voités. Le  prédicateur  réformé  s'efface 
désormais  devant  l'orientaliste.  Ni  Fles- 
singue  ni  Middelbourg  ne  peuvent  le 
retenir.  Il  refuse  même  les  avantages 
qui  lui  sont  oflerts  à  Utrecht,  pour 
demeurer  à  Leyde,  aux  côtés  de  son 
oncle  Van  Ceulen  ou  Colonius  et  tra- 
vailler avec  lui  à  grandir  encore  la  répu- 
tation de  l'université  et  du  collège 
wallon.  ^I.  Michel  Nicolas,  professeur 
à  ■Montauban,  résume  en  ces  mots  les 
services  que  notre  personnage  rendit  à 
la  science  :  «  Louis  de  Dieu,  dit-il,  qui 
«  vivait  dans  un  temps  et  dans  un  pays 
«  où  les  langues  sémitiques  étaient  étu- 
»  diées  avec  autant  d'ardeur  que  de  suc- 
II   ces,  a  largement  contribué,  pour  sa 


»  part,  à  en  répandre  la  connaissance  et 
Il  à  la  rendre  plus  facile  à  acquérir.  Ce 
Il  mérite  lui  est  commun  avec  plusieurs 
Il  savants  orientalistes  hollandais  du 
Il  commencement  du  xviie  siècle:  ce 
Il  qui  le  distingue  en  propre,  c'est 
Il  lo  d'avoir  le  premier  comparé  ensem- 
II  ble  et  d'une  manière  satisfaisante 
Il  l'hébreu,  le  syriaque  et  le  chaldéen, 
"  langues  appartenant  à  la  même  famille 
Il  et  indispensables  au  théologien  ; 
"  2o  d'avoir  le  premier  publié  des  élé- 
II  ments  de  grammaire  persane,  ouvrage 
«  clair,  simple,  assez  bien  ordonné,  et 
"  j)endant  longtemps  l'unique  secours 
Il  que  l'on  ait  eu  pour  apprendre  cette 
"  langue;  et  3°  enfin,  d'avoir  fait  un 
Il  usage  judicieux  de  ses  connaissances 
"  philologiques  pour  déterminer,  au 
Il  moyen  de  la  comparaison  des  diverses 
Il  langues  sémitiques  et  des  anciennes 
Il  versions,  le  sens  des  passages  difficiles 
"  et  débattus  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
«   Testament.  « 

Ce  jugement  nous  dispense  de  tout 
commentaire  et  de  l'obligation  de  repro- 
duire les  éloges  en  vers  et  en  prose,  qui 
lui  ont  été  prodigiiés  par  ses  contempo- 
rains. Il  avait  épousé  Catherine  Bogaert, 
fille  d'un  échevin  et  conseiller  de  la 
ville  de  Flessingue.  Jean  Polyander, 
Yanden  Kerkhoven  et  Abraham  Vander 
Heiden  prononcèrent  son  oraison  funè- 
bre. 

Ses  ouvrages  sont  en  grand  nombre. 
On  en  trouve  la  liste  à  peu  près  com- 
plète dans  Paquot  et  De  la  Eue. 

C.-A.  Rablenbeok. 

Bioçiraphie  qéuirule  de  Firmin  Didot,  dern. 
édit.,"XIV,  Io7-lo8.—  De  la  Rue.  Geletlerd  Zee- 
land.  Middelburg,  17;!4,  p.  liJ0-i^2.  —  A.  Heida- 
nus,  Lykpredtclù  over  de  dood  van  L  de  Dieu. 
Deventcr,  1690.  —  Paqiiot,  Mémoires  pour  servir 
à  l'histoire  littéraire  des  Paiis-Uas,  éd.  in-8",  I, 
103-111.  —  Fopi)cns.  Dibliôtli.  belij.,  11,  831.  - 
Bavie,  Dietionnaire  historique  et  critique,  éd.  de 
1740,  I,  2cii). 

DIETE  (Pierre  v.%i«),  ou  DiVjEUS, 
célèbre  historien  brabançon,  naquit  à 
Loiivain  en  1535.  Il  appartenait  à  une 
famille  distinguée  dont  la  généalogie  est 
parfaitement  établie  à  partir  de  1374. 
Son  père,  Pierre  van  Dieve,  clerc  au 
bureau  de  comptabilité  dit  het  Register 
de  la  ville  de  Louvain,  comptait  un  frère 


69 


DIEVE 


70 


qui'  occupait  le  poste  de  conseiller  à  la 
chambre    des   comptes    de    l'empereur 
Charles-Quint.   Sa  mère,  qui  portait  le 
nom  de  Marie  Heyme,  descendait  d'une 
famille  très-honorable  et  connue  à  Lou- 
vain  depuis  1280.  Par  sa  mère  et  non 
par  son  père,  ainsi  qu'on  l'a  prétendu  à 
tort,  notre  savant  tenait  aux  familles 
lignagères  de  sa  ville  natale.  Le  jeune 
Van   Dieve   s'appliqua   avec  ardeur  à 
l'étude  des  lettres.  Après  avoir  terminé 
ses  humanités,  il  suivit  un  cours  de  phi- 
losophie à  l'université  de  Louvain,  et,  à 
l'âge  de   seize   ans,   il  fut  reçu  maître 
es  arts.  Ayant  abordé  l'étude  du  droit, 
il   quitta  l'université  pour   entrer  dans 
les  bureaux  de  l'administration  commu- 
nale. Le  14  octobre  1552,  il  fut  nommé 
employé   extraordinaire   au  bureau   de 
comptabilité  {clerc  van  liet  Registe)'),  au 
traitement  de  21)  florins   Carolus.  Nous 
avons  vu  que  son  père,   qui  mourut  le 
18  septembre  1560,  était  e/^rc  au  même 
bureau.  Notre  Van  Dieve  répondit  com- 
plètement à  l'attente  de  l'autorité  et,  le 
22  juin  1558,    son  traitement  fut  porté 
à  60  florins  Carolus.  Le  22  octobre  1560, 
il  épousa  Marie  Van  den  Eynde,  fille  de 
Jacques  et  d'Anne  Bischops,   qui  tenait 
aux    familles  lignagères  de   Bruxelles, 
mais  qui  demeurait  à  Louvain.  Trois  ans 
après,    savoir  le    17   juillet   1563,  son 
traitement  fut  fixé  à  72  florins  Carolus. 
Au  milieu  des  occupations  de  son  emploi. 
Van  Dieve  continuait  à  aimer  les  lettres 
d'une  vive  et  tendre  aftection.  Le  jeune 
savant  se  livra  à  de  vastes  investigations 
sur  les  antiquités  du  pays  et  sur  l'his- 
toire du  Brabant.  Il  rechercha  la  société 
des  hommes  instruits  et  se  lia,  entre  au- 
tres, avec  Juste  Lipse,  qui  s'appliquait 
alors,   à  Louvain,  à  l'étude  de  la  juris- 
prudence, sans  négliger  l'histoire  ni  les 
antiquités.    C'est  à  lui   qu'il  communi- 
quait parfois  les  résultats  de  ses  recher- 
ches.  Van   Dieve  avait  également  des 
rapports  d'amitié  avec  Jean  Vivianus  et 
avec  Abraham  Ortelius,  l'illustre  géo- 
graphe. En  1563,  il  termina  son  Histoire 
du  lirabanl,  livre  important  et  auquel  il 
avait  consacré  plusieurs  années. 

En  1565,  il  prit  rang  parmi   les  pu- 
blicistes  en  livrant  à  la  presse  son  Traité 


des  antiquités  behjiques.  Dédié  à  Charles 
de  Croy,  ce  livre,  qui  témoigne  d'une 
grande  érudition,  est  le  seul  qui  ait  vu 
le  jour  du  vivant  de  l'auteur.  Au  bureau 
où  Van  Dieve  était  employé,  l'on  conser- 
vait non-seulement  les  comptes  commu- 
naux, mais  aussi  les  cartulaires  et  les 
autres  manuscrits  concernant  Louvain. 
En  parcourant  ces  registres,  notre  savant 
se  prit  d'un  vif  amour  pour  l'étude  des 
annales  de  sa  ville  natale.  L'autorité 
u.rbaine,  voulant  encourager  cette  ten- 
dance, le  chargea,  par  résolution  du 
27  juin  1565,  de  recueillir  et  de  trans- 
crire les  anciens  privilèges,  chartes, 
ordonnances  et  autres  documents.  A 
cette  occasion,  son  traitement  fut  porté 
à  100  florins  Carolus.  Van  DieAe  jouis- 
sait alors  d'une  grande  considération. 
Le  23  septembre  1568,  le  gouvernement 
le  nomma  membre  de  la  commission 
chargée  de  régler  la  recette  du  100e  de- 
nier. Il  avait  également  l'inspection  des 
blés,  inspection  établie  en  vue  d'obvier 
à  la  cherté  des  vivres.  Le  28  juin  1569, 
il  obtint  le  titre  d'employé  ordinaire  du 
bureau  de  comptabilité,  aux  appointe- 
ments de  150  florins  Carolus.  Il  résulte 
du  texte  de  cette  résolution  que  Van 
Dieve  s'occupait  encore,  à  cette  époque, 
d'études  historiques. 

Les  travaux  de  notre  savant  témoi- 
gnent de  recherches  considérables  et 
d'une  érudition  de  bon  aloi.  Juste  Lipse, 
Jean-Baptiste  Gramaye  et  Aubert  Le 
Mire  en  ont  proclamé  le  mérite.  Van 
Dieve  est  le  plus  ancien  et  le  plus  impor- 
tant des  historiens  de  Louvain,  et  la 
ci-devant  capitale  du  Brabant  lui  doit, 
sous  ce  rapport,  une  reconnaissance  éter- 
nelle. 

La  révolution  contre  Philippe  II  eut 
toutes  les  sympathies  de  Van  Dieve. 
Lorsque,  en  1576,  Guillaume  le  Taci- 
turne, prince  d'Orange,  parvint  à  exciter 
le  peuple  contre  le  conseil  d'Etat,  qui 
tenait  les  pouvoirs  du  gouvernement 
depuis  le  décès  de  Louis  de  Kequesens, 
et  à  établir  entre  les  états  des  provinces 
une  nouvelle  confédération,  notre  savant 
quitta  sa  ville  natale  et  se  fixa  à  Bruxelles 
pour  se  nièler  à  la  lutte.  L'administra- 
tion communale  de  Louvain,  fermement 


71 


DIEVE 


72 


attachée  au  pouvoir  royal,  fit  de  nom- 
breuses et  infructueuses  démarches  pour 
l'engager  à  reprendre  son  emploi.  11  fut 
remplacé,  le  30  décembre  1576,  par 
Michel  Yander  Hejden.  Par  son  savoir 
et  par  son  aptitude  aux  affaires,  il  cap- 
tiva l'amitié  du  prince  d'Orange,  ainsi 
que  celle  de  l'archiduc  Mathias,  frère 
de  l'empereur  Rodolphe  11,  qui  venait 
d'être  proclamé  gouverneur  des  Pavs- 
Bas. 

Au  mois  de  novembre  1578,  Yan 
Dieve  fut  appelé  aux  fonctions  de  pen- 
sionnaire de  la  ville  de  Bruxelles.  Sa 
nouvelle  promotion  excita  la  colère  d'un 
homme  influent,  Xicolas  van  Schutte- 
put,  procureur  au  conseil  de  Brabant, 
dont  le  frère,  Adrien  van  Schutteput, 
avait  vainement  sollicité  la  place.  Par 
son  instigation,  une  plainte  sur  cette 
nomination  fut  portée  devant  le  large 
conseil  de  Bruxelles.  Mais  le  magistrat 
répondit  que  le  savant  avait  été  nommé, 
conjointement  avec  Guillaume  Yan  der 
Haegen,  sur  la  proposition  de  cinq 
nations,  qui  avaient  fait  sentir  la  néces- 
sité d'avoir  deux  pensionnaires,  et  qu'il 
y  avait  d'autant  plus  lieii  de  s'étonner 
de  ces  plaintes  que  le  titulaire  avait  déjà 
fait  ses  preuves  ;  que  l'archiduc  Mathias 
et  le  prince  d'Orange,  le  conseil  d'Etat 
et  les  Etats  l'avaient  employé  maintes 
fois  dans  des  missions  difficiles,  telles 
que  celle  d'apaiser  les  Gantois  et  les 
Wallons.  }séanmoins,  les  nations  parta- 
gèrent l'avis  du  large  conseil  et  votèrent, 
le  26  janvier  1579,  la  suppression  de 
l'emploi  de  Yan  Dieve,  non  sans  le 
remercier  beaucoup  des  services  qu'il 
avait  rendus  à  la  commune.  Au  commen- 
cement de  1580,  l'archiduc  Mathias 
appela  le  savant  à  Anvers  et  le  nomma 
conseiller  de  guerre.  Le  11  février  de  la 
même  année,  les  états,  à  Anvers,  le 
désignèrent  pour  faire  partie  de  la  dé- 
putation  chargée  de  gagner  la  ville  de 
Malines,  qui  s'était  détachée  de  l'Union. 
Cette  entrevue  resta  sans  effet;  mais  on 
sait  qu'Olivier  Yan  den  Tymple  recon- 
quit la  ville  de  Malines  à  l'Union,  le 
9  avril  1580.  Le  prince  d'Orange,  qui 
agissait  au  nom  de  l'archiduc  Mathias, 
comprit,   le   1+    du    même  mois,    Yan 


Dieve  dans  la  nouvelle  magistrature  de 
cette  cité  en  qualité  de  conseiller-pen- 
sionnaire, poste  dans  lequel  il  fut  main- 
tenu l'année  suivante  par  les  états.  Mal- 
heureusement il  ne  jouit  pas  longtemps 
de  sa  nouvelle  position.  Atteint  d'une 
maladie  mortelle,  il  dicta,  le  1er  novem- 
bre 1581,  son  testament  devant  Louis 
van  Oyenbrugge  et  Jean  van  Quade- 
ribbe,  échevins  de  Malines,  et  mourut 
vers  la  fin  de  décembre  suivant.  Il  fut 
enterré  à  la  cathédrale  de  Saint-Eom- 
baut,  près  de  la  chaire  de  vérité. 

De  Marie  Yanden  Eynde  Yan  Dieve 
avait  eu  sept  enfants,  cinq  filles  mortes 
en  bas  âge,  et  deux  fils  qui  lui  survé- 
curent. L'aîné,  François  vcai  Dieve,  entra, 
en  1589,  au  couvent  de  Saint-Martin  et 
mourut  recteur  du  couvent  de  Bethan- 
gie,  à  Malines,  en  1612;  l'autre  fils. 
Corneille  van  Dieve,  licencié  en  droit, 
épousa  Catherine  Yanden  Zande  et  mou- 
rut à  Louvain,  le  11  mars  1632.  Il 
laissa  un  rejeton  Gérard- Aloys  van  Dieve, 
également  licencié  en  droit,  d'abord 
échevin  et  puis  secrétaire  de  Louvain. 
Celui-ci,  mort  le  8  septembre  1701, 
laissa,  entre  autres  enfants,  un  fils  Guil- 
laume-Antoine van  Dieve,  licencié  en 
droit,  secrétaire  de  Louvain,  lequel  fut 
le  dernier  représentant  de  sa  famille  et 
qui  s'était  également  livré  à  de  vastes 
recherches  sur  l'histoire  de  sa  ville  na- 
tale; ses  manuscrits  se  trouvent  à  la 
bibliothèque  royale  de  Bruxelles  et  aux 
archives  de  la  ville  de  Louvain. 

Nous  avons  de  Pierre  van  Dieve  : 
lo  De  Gallice  helgicœ  antiquitatibus 
liber  I,  aiatum.  ejus,  quem  sub  Romanorum 
imper io  hahdt,  compledens.  Antverpiae, 
ex  officina  Christophori  Plantini,  1564, 
in-12,  réimprimé  chez  Plantin  en  1584, 
ainsi  que  dans  ses  Opéra  varia.  Louv., 
1757,  in-folio.  —  2t>  lier  uni  Brahnnti- 
carmn  libri  XIX,  auctore  Petro  Divaeo, 
Lovaniemi ,  studio  Anberti  Mirai  pri- 
mvûi  nunc  edifi  et  illustrati.  Antv.  ,1610, 
in-4J. — Z^Rerum  Lovaniensium  libri  IV. 
—  4^  Annalium  Lovaniensinm  libri  VIII 
(240-1507).  Ces  deux  derniers  ouvrages 
n'ont  été  édités  qu'en  1757,  par  les 
soins  de  Jean-Michel  van  Langendonck. 
secrétaire  de  Louvain,  sous  le  titre  sui- 


73 


DIEVE  —  DIEZ 


74 


vant  :  Pétri  Diveei  Lovauiemis,  Urbis  ac 
Promnciœ  Mechliniensis  quondam  spidici, 
opéra  varia  :  sciliceé,  Rerum  Lovanien- 
sium  libri  IV,  Annalium  ejusdeyyi  oppidi 
ibri  VIII ;  opus  utrumque  îiactemis  i?ie- 
ditum;  de  Galliœ  BeUjicœ  antiquitatibtis 
liber  privius;  qiiibns  ad  calceni  adjecta 
sunt  Hermanni  Nuenarii  de  Gallia  Bel- 
gica  commentariolus  ejusdemqtie  de  origine 
et  sedibus  priscorum  Francorum  narratio; 
necnoti  Abr.  Ortelii  et  Joan.  Viviani 
Itinerarium.  Lovanii,  typis  Henrici 
Vander  Haert,  1757,  in-folio,  orné 
d'une  planche  sur  cuivre,  d'après  le  des- 
sin de  A.-J.  Van  Campen,  et  de  7  plan- 
ches représentant  les  armoiries  des 
familles  patriciennes  de  Louvain.  Guil- 
laume-Antoine van  Dieve  mentionné 
ci-dessus,  laissa  une  traduction  en  fla- 
mand des  Annales  Lovanienses,  traduction 
qui  aété  éditée  à  Louvain  en  1856-1857^ 
par  l'auteur  de  cette  biographie.  En 
1792  l'imprimeur  Michel,  à  Louvain, 
avait  annoncé  la  publication-  de  la  con- 
tinuation des  Annales  du  Brahant  et  de 
Louvain,  de  notre  auteur.  Mais  ce  projet 
ne  se  réalisa  point.  —  5>j  Pétri  Diva^i 
Bellum  Grimberganum,  manuscrit  à  la 
Biblioth.  royale  de  Bruxelles,  no  6583. 

Les  cinq  ouvrages  suivants  de  Van 
Dieve  n'ont  jamais  été  publiés  :  \o  Be 
Henrici  Lucemburgii  Imperatoris  rébus 
gestis;  —  2'^  De  Bucibus  Brabantiœ ;  — 
3^  Be  Godefrido  Barbato  ejusque  pos- 
teris  ;  —  4o  Rerum  Germanicarum  com- 
mentarii;  5°  Liber  de  Legibus  Brabantiœ. 
Ces  ouvrages,  mentionnés  dans  ses  Res 
Brabantiœ ,  sont  pi-obablement  perdus. 

Les  armoiries  de  la  famille  Van  Dieve 
sont  :  d'argent  à  deux  Jleurs  de  Us  au  pied 
posé  de  sable,  une  en  chef  au  deuxième  quar- 
tier et  Vautre  en  pointe  au  franc  quartier 
de  gueules.  Devise  :  Nomine  Van  Bieve, 

non  re.  Ed.  van  Evcu. 

Archires  de  la  ville  de  Louvain  —  Opitiic 
Boeck  ab  a»  l.:)7(i  ad  an.  1584,  inan.  des  archives 
(le  la  ville  de  Bruxelles.  —  tJirœi  Opéra  varia, 
Lov.,  1757,  in  folio.  —  Azevedo,  Cronyke  van 
Mechelen,  4"  vol.  p  156.  —  Stacs,  Lovensch 
Mieuivs,  4"^  vol.,  p.  .S2').  -  lîaron  de  Heitfcuberj,', 
iniroduclion  a  hiChroniquedrl'li.  M(mskes,X.  !«■■. 
—  Goethals,  Lectures,  i.  111,  p.  7G.  —  Ed.  van 
KvHti,  Kendraclu  van  Cent,  1857  el  1870. —  Henné 
et  WKUters,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  4!)D. 

nir%'OKT    (Pierre  w\%),    scul[)teur 


du  xviie  siècle.  Eeçu,  en  1695,  franc- 
maître  dans  le  métier  des  Quatre-Cou- 
ronnés  de  Bruxelles  ,  i"!  alla  bientôt 
chercher  en  Angleterre  de  fructueux 
travaux  et  l'occasion  de  se  perfectionner 
dans  son  art.  L'atelier  de  Grinling  Gib- 
bons lui  fut  ouvert  et  lui  fournit  l'occa- 
sion d'atteindre  ce  double  but.  Le  sta- 
tuaire anglais,  qui  poussait  le  fini  et  la 
délicatesse  du  travail  jusqu'à  la  minu- 
tie, avait  besoin  de  collaborateurs  ha- 
biles; Van  Dievoet  fut  un  de  ceux-ci,  et 
sa  carrière  se  fût,  sans  doute,  passée 
loin  de  son  pays  natal,  sans  les  événe- 
ments politiques  qui  vinrent,  à  cette 
époque,  agiter  l'Angleterre.  Ces  événe- 
ments le  ramenèrent  aux  Pays-Bas;  il 
alla  s'établir  à  Malines  et  y  décéda, 
étant    encore   dans  la  force    de  l'âge, 

en  1716.  F.  Stappaeris. 

Nagler,  Kunstler  lexicon. 

DIEZ  {Gustave  -  Adolphe),  peintre 
d'histoire,  naquit  à  Malines  en  1801  et 
décéda  à  Schaerbeek  le  5  juillet  1844. 
Après  avoir  terminé  ses  premières  études 
dans  sa  ville  natale,  Diez  alla  étudier, 
en  1819,  dans  l'atelier  d'Odevaere,  élève 
de  David  ;  il  en  devint  l'un  des  meil- 
leurs disciples  et  l'ami,  malgré  une  dif- 
férence d'âge  assez  grande,  et  travailla 
avec  lui  à  diverses  œuvres.  Convaincu 
de  l'importance  de  la  correction  du  des- 
sin ,  il  s'y  appliqua  avec  ardeur  et 
brilla  spécialement  par  cette  qualité, 
ainsi  que  le  témoignent  divers  de  ses 
dessins  reproduits  par  la  lithographie. 
Au  mois  d'août  1820,  il  remporta,  à 
l'Académie  des  beaux-arts  de  Gand,  le 
premier  prix  de  dessin  au  trait  ;  il  y 
obtint  un  nouveau  succès,  le  21  avril 
1821  :  il  fut  proclamé  premier  d'après 
nature  avec  un  nommé  Berton  de  Franc- 
fort; et  le  7  octobre  .suivant,  lors  de  la 
distribution  des  récompenses,  il  reçut 
deux  médailles,  dont  nn  premier  prix. 

Ce  ne  fut  que  vers  1820  que  Diez 
s'appliqua  à  la  peinture.  Atteint,  jeune 
encore,  d'une  amaurose ,  il  produisit 
peu,  et  ses  œuvres  assez  rares  ne  sont 
pas  revêtues  de  sa  signature.  D'après  le 
BictioHuaire  des  peintres,  d'Ad.  Siret,  le 
musée  de  Harlem  possède  une  produc- 


75 


DILLEN  —  DINGELSCHE 


76 


tion  de  Diez  (et  non  Dietz),  représentant 
Hebé  versant  à  hoire  à  V Aigle  de  Jupiter. 
Une  Cléopdtre  et  un  Aloïse  sauvé  des  eaux, 
deux  tableaux  avec  figures  de  grandeur 
naturelle,  obtinrent  du  succès  lors  de 
leur  apparition;  ce  dernier  appartient  à 
l'auteur  de  cette  notice.  Diez  s'appliqua 
plus  particiilièrement  à  la  peinture  de 
portraits  qu'il  réussissait  avec  une  rare 
ressemblance.  Il  fut  chargé  avec  Ode- 
vaere  des  peintures  décoraives  du  châ- 
teau de  Tervueren  lorsque  cet  édifice  fut 
construit  pour  le  prince  d'Orange,  de- 
puis Guillaume  II,  roi  des  Pays-Bas. 

Edm.  Marchai. 
Papiers  de  famille.  —  Ad.  Siret,  Dictionnaire 
des  peintres.  —  Piron,  Levensbeschnjvingeu . 

DiLEiEiv  {Jean),  licencié  en  droit, 
naquit  en  1580  à  Maestricht  et  mourut 
en  cette  ville  en  1640.  Il  habitait  la 
partie  de  Maestricht  soumise  au  duc  de 
Brabant  et  fut  nommé  par  ce  prince  con- 
seiller juré  de  sa  ville  natale  le  13  août 
1618,  échevin  le  16  août  1619,  bourg- 
mestre le  29  août  1621,  de  nouveau 
échevin  le  18  septembre  1622  et  enfin 
conseiller  juré  le  29  septembre  1624. 
Dillen  s'est  fait  connaître  comme  poëte 
et  comme  historien.  On  possède  de  lui  les 
deux  ouvrages  suivants,  que  l'on  trouve 
toujours  réunis  en  un  seul  volume  : 
lo  Joannis  Dilleni,  Juriscon-miti ,  panegy- 
ricusserenissimœ Isabellœ  Clara  JEjigenice, 
Sispaniarum  infanti  et  Belgicœ  principi 
scriptns;  addilce  notœ,  mm  exegesi  rennn 
memorabilium  a  serenissimo  arcîiiduce 
Alberto  gestarum.  Lovanii,  1623,  in-4'>. 
—  2'>  Joannis  Dilleni,  jurisconsuUi,  de 
origine  Francorum  eoricmque  regibus,  et 
stemmate  Habsburgi-Austriacoriim  archi- 
diiciim,  ab  Jiis  deducto  usque  ad  sere- 
nissimos  Albertum  et  Isabellarii  nunc 
regnantem,  Belgicœ prinàpes  historiœ  dis- 
sertât io  fies.  Lovanii,  1623,  in-4o  (1). 
Ces  deux  ouvrages  ne  manquent  ni  de 
mérite  ni  d'intérêt,  surtout  en  ce  qui 
concerne  le  règne  de  l'archiduc  Albert. 

s.  Bormans. 

Abry,  Les  Hommes  illustres  de  la  nation   lié- 

(1)  La  pagination  de  ce  livre  osl  fautive  ; 
Dillen  se  plaint,  du  reste,  amèrement  de  son  im- 
primeur. 


geoise,  Liège,  -1869,  ii>8'.  —  Foppens.  —  Devaux, 
Histoire  ecclésiastique  du  diocèse  de  Liège,  t.  V, 
p.  §70,  mémoires  inédits.  —  Van  der  Aa,  Biogra- 
pliisch  Woordetiboek,  t.  IV,  p.  54.  —  Archives  de 
la  ville  de  Maestricht. 


Dii,iiEX  (Jean),  licencié  en  théologie, 
naquit  au  commencement  du  xvie  siècle 
à  Capelle-au-Bois,  village  situé  entre 
Malines  et  Termonde.  Il  se  voua  à  l'état 
ecclésiastique,  obtint  la  place  de  lecteur 
dans  le  séminaire  de  Bois-le-Duc,  et 
devint  ensuite  directeur  en  chef  des 
célèbres  écoles  de  cette  ville.  C'est  pen- 
dant qu'il  exerçait  ces  dernières  fonctions 
que  Dillen  publia,  disent  les  bibliogra- 
phes, une  Grammatica  linguœ  latinœ, 
imprimée  à  Bois-le-Duc,  in-4o;  nous  ne 
connaissons  aucun  exemplaire  de  ce 
livre.  Dillen  alla,  en  1589,  se  fixer  à 
Louvain  et  y  dirigea  jusqu'en  1598,  le 
collège  du  Paucon.  Il  quitta  ce  poste 
pour  aller  terminer  ses  jours  à  Lille  où 
les  chanoines  de  Saint-Pierre   l'avaient 

pourvu  d'un  Canonicat.  s.  Bormans. 

Foppens.  —  Renseignements  de  M.  Fr.  Vermeu- 
len.  de  Bois-le-Duc. 

DiXAïVT  {Henri  de),  bourgmestre  de 
Liège,  xiiie  siècle.  Voir  Henri  de  Dî- 
nant. 

Di]%'CiEiiSCiiE  {Jan),  poëte  flamand 
du  xive  siècle.  Son  nom,  dit  Willems 
{Belgiscli  Muséum,  I,  348),  signifie  évi- 
demment "  Jean  d'Angleterre  ».  D'après 
un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de 
Bruxelles  (  BibliotJieca  Hidthemiana  , 
t.  YI,  p.  45,  no  192),  on  a  retrouvé  une 
piquante  satire  de  Jan  Dingelsche  sur 
les  tavernes  {Van  den  taverne).  On  y 
voit  que,  pendant  le  xive  siècle,  il  y 
avait  souvent,  pour  les  motifs  les  plus 
futiles,  de  sanglantes  querelles  parmi 
les  buveurs  qui,  tous,  portaient  tm  cou- 
teau à  la  ceinture  :  c'est  le  knive  dont 
parle  le  fameux  Kerelsliet.  «  On  se  tue 
pour  un  mot  « ,  dit  Jean  Dingelsche  : 

Want  om  een  wort,  daer  niet  an  lach, 
Wori  meneglien  nu  ghesteken  doot. 

Le  poëte  dénonce  aussi  les  jetix  frau- 
duleux, qui  absorbaient  en  une  soirée  le 
salaire  d'une  semaine.  Il  regrette  qu'on 
ne  surveille  pas  assez  ces  endroits  dan- 
gereux; mais,  déjà  au  xiiie  siècle  (-^?«- 
nales    du    comité  flamand    en    France, 


77 


DINGELSCHE  -  DINNE 


78 


t,  VIII),  il  y  avait  des  habitudes  de 
tolérance  pour  les  candes  meslées  des 
tavernes.  Jan  Dingelsche  est  un  écrivain 
de  l'école  gantoise  de  ]3oudewyn  Van  der 
Lore  :  c'est  un  spreker  qui  excelle  à 
mêler  les  détails  pittoresques  et  les  con- 
seils de  la  morale  chrétienne. 

J.  Stceher. 

Vaderlanduch  Muséum,  I,  42,  86.  —  Belgiscli 
Muséum,  I,  384. 

Di^'GEi.i^CUE  (Jan),  rhétoricien  fla- 
mand du  xve  siècle.  Un  manuscrit  de  la 
bibliothèque  de  Gand  (Saint-Génois, 
Catalogue  des  manuscrits  de  la  Bibl.  de  la 
ville  et  de  V université ,  p.  355,  no  329) 
nous  a  conservé  de  ce  poëte,  probable- 
ment gantois,  une  pièce  satirique  sous 
forme  de  ballade  adressée  au  prince  de 
la  chambre  de  rhétorique  La  l'ontaine 
de  Gand.  ^lalgré  le  grand  nombre  de 
mots  empruntés  au  français,  le  style,  la 
composition,  le  rhythme  et  l'esprit  gé- 
néral de  ces  vers  se  rattachent  encore  au 
vrai  flamand  du  moyen  âge  :  l'influence 
bourguignonne  n'apparaît  qu'à  la  sur- 
face. Le  nom  de  Dingelsche  était  très- 
connu  à  Gand  aux  xive  et  xve  siècles 
{^Annales  de  la  société  des  Beaux-arts,  IV, 
300)  ;  on  le  trouve  aussi  à  Ypres  au 
xvie  siècle  parmi  les  réformés. 

J.  Stecher. 

Vaderlandsch  Muséum,  IV,  1 14-13o. 

Di:VGUi::%'*^  {Léonard  -  François) ,  doc- 
teur en  médecine  et  professeur  royal  à 
l'université  de  Louvain,  naquit  à  Brée 
dans  la  Campine  liégeoise,  le  29  sep- 
tembre 1648.  Il  est  l'auteur  d'un  livre 
intitulé  Fundamenta  Physico-medica  ad 
scholœ  acriboloyiam  studiose  aptata;  suivi 
d'un  Tractatus  de  fehribus.  Louvain, 
Sassen,  1678,  in-fol.  L'ouvrage  est 
dédié  à  son  cousin  .Tacques  Emerix , 
docteur  en  droit  et  auditeur  de  la  Kote 
sous  Innocent  XI.  «  L'auteur,  dit 
M.  Broeckx,  traite  de  la  physiologie,  de 
l'hygiène,  de  la  pathologie,  de  la  seméio- 
tique,  de  la  thérapeutique  et  se  montre 
partisan  de  l'ouronoscopie.  Avec  Van 
Helmont,  il  admet  un  feu  existant  dans 
le  cœur,  qu'il  considère  comme  le  pro- 
duit d'une  espèce  de  fermentation  déve- 
loppée dans  le  sang.  11  traite  de  ridi- 
cule l'opinion  de  ce  réformateur  qui  ne 


voit  dans  la  vie  que  les  impressions  de 
son  archée.  «  En  somme,  il  donne  le 
résumé  des  connaissances  physiologi- 
ques de  son  temps,  et  émet  peu  d'idées 
neuves.  Dinghens  mourut  dans  sa  ville 
natale  en  1697.  Il  s'était  allié,  deux  ou 
trois  ans  avant  sa  mort,  à  une  descen- 
dante de  l'illustre  famille  des  Berthoud, 
Marie-Isabelle-Thérèse  van  Mechelen , 
dont  il  eut  une  fille. 

Chevalier  C.  de  Bormaa. 

État  civil  de  Brée.—  Foppcns,  Bibliotlieca  bel- 
gica.  —  Broeckx,  Ilist.  de  ta  médecine. 

nïïSJi^E  {Fmmamiel-Josepli),  homme 
de  guerre  et  publiciste,  né  à  Namur  le 
2  octobre  1765,  tué  dans  les  combats 
de  la  Vendée  le  25  mars  1796. 

Dinne  se  destinait  à  la  médecine  et 
allait  recevoir  le  doctorat  à  l'université 
de  Louvain  lorsque  les  événements  de  la 
révolution  brabançonne  l'entraînèrent 
dans  la  carrière  des  armes.  Le  comité 
d'insurgés  belges,  qui  s'était  formé  à 
Breda  en  1789,  lui  conféra  un  brevet 
de  lieutenant;  bientôt  après,  Dinne 
assista  au  combat  de  Turnhout  (2  7  octo- 
bre) et  à  la  prise  de  Gand  (16  novembre); 
il  annonça,  dans  ces  deux  occasions,  des 
qualités  militaires  qui  l'auraient  incon- 
testablement fait  parvenir  au  sommet  de 
la  hiérarchie  militaire  si  les  circonstances 
l'avaient  favorisé. 

Attaché  à  l'état-major  du  général  Van 
der  Mersch,  Dinne  partagea  naturelle- 
ment la  disgrâce  de  son  chef,  et  lors  de 
la  rentrée  en  Belgique  des  troupes 
autrichiennes,  il  alla  se  réfugier  à  Lille 
où  il  publia  en  1791  son  Mémoire  histo- 
rique sur  Van  der  Mersch  (3  vol.  in- 8», 
Lille,  Jacquez).  Ce  mémoire  est  une 
apologie  de  son  ancien  général  ;  il  abonde 
en  renseignements  intéressants  sur  les 
premiers  événements  de  la  révolution 
brabançonne  ;  on  y  trouve  aussi  de  nom- 
breux documents  historiques. 

Dinne  se  rendit  ensuite  à  Paris  et 
devint  secrétaire  du  comité  formé  par 
les  exilés  belges  qui  cherchaient  à  inté- 
resser à  leur  cause  les  membres  de 
l'assemblée  nationale. 

IXs  (|ue  la  France  eut  déclaré  la 
guerre  à  l'Autriche,  Dinne  prit  du  ser- 
vice dans  l'armée  républicaine  et  obtint 


79 


DINTER  —  DIRICKSENS 


80 


le  commandement  d'une  compagnie  à  la 
tête  de  laquelle  il  combattit  vaillamment 
à  Jemmapes.  Sa  conduite  dans  cette 
journée  lui  valut  même  le  grade  de  lieu- 
tenant-colonel. Après  la  défaite  que 
subirent  les  républicains  à  Neerwinden 
(mars  1793),  Dinne  fut  employé  dans  la 
Vendée  ;  il  y  commanda  le  2e  bataillon 
de  tirailleurs  et  fut  tué  dans  une  sortie 
qu'il  fit  de  la  ville  d'Angers  (25  mars 
1796).  Son  éloge  fut  prononcé  solen- 
nellement à  la  fête  civique  du  10  prai- 
rial an  IV  de  la  république  (29  mars 
1796J. 

Général  baron  Guillaume. 

Di:VTER  {Amhroiae  »e),  secrétaire 
de  Philippe  le  Bon,  né  à  Dynter  en 
1404,  mort  en  1488.  Voir  Dyxïer 
[Ambroise  de). 

DiXTER  {Edmond  ttEj,  chroniqueur, 
xve  siècle.  Voir  Dynter  (Edmond  de). 

DioxYjiiiirj^  r.%iiTui:«iiiA>'C!s»,  écri- 
vain ecclésiastique,  né  à  Ryckel  (Lim- 
bourg)  en  1394,  mort  à  Ruremonde  le 
12  mars  1471.  Voir  Dexis  le  Char- 
treux. 

DiRiCKSEXjs  {Eugène-Josise- Joseph) , 
plus  connu  sous  le  nom  de  Zetterxam, 
littérateur  flamand,  né  à  Anvers  le 
4  avril  1826  et  mort  dans  sa  ville  natale 
le  10  octobre  1855.  Tout  en  travaillant 
comme  ouvrier  peintre  en  bâtiments,  il 
s'intéressa  de  bonne  heure  au  progrès  de 
la  renaissance  littéraire.  Il  s'affilia  au 
cercle  des  Ongeachten,  dont  le  nom  était 
renouvelé  des  traditions  du  xvie  siècle, 
et  se  fit  aussitôt  remarquer  par  l'extraor- 
dinaire ardeur  de  ses  études  et  le  tour 
hardi,  original  de  son  esprit.  A  dix-neuf 
ans,  il  publiait  un  roman  fantastique 
Rowtta  ;  cette  publication  (1845)  lui 
valut  l'amitié  et  les  conseils  de  H.  Con- 
science et  du  poëte  Van  Beers.  L'année 
suivante,  une  nouvelle  intitulée  De 
Zwanen,  qu'il  fit  insérer  dans  le  Tael- 
verhond,  promettait  un  penseur  indé- 
pendant. On  remarque  même  des  ten- 
dances socialistes  dans  Twee  centen 
minder,  édité  à  part,  ainsi  que  dans 
Schetsen  uit  het  îcerJnnansleven,  qui  avait 
paru  dans  le  Nederduitsche  Jaerboekje  de 
Gand.  En  1847,  Diricksens  était  caporal 
H  Termonde   et   continuait   avec  ardeur 


ses  études  littéraires,  lorsqu'on  lui 
donna  le  conseil  de  participer  au  con- 
cours de  la  société  gantoise  De  taal  is 
gansch  het  volk  :  il  obtint  le  premier 
prix  pour  son  roman  de  mœurs  contem- 
poraines :  Mynheer  LucMervelde .  Toute 
la  ville  parla  du  jeune  soldat  qui  était 
venu  recevoir  une  couronne  à  la  Rotonde 
(salle  de  promotion  à  l'Université),  et 
qui  avait  embrassé  sa  mère  sur  l'estrade. 
Les  amis  du  lauréat  s'entendirent  aus- 
sitôt pour  réunir  la  somme  qui  devait 
l'exempter  du  service  militaire. 

Zetternam  se  maria  à  Anvers  et  s'y 
établit  comme  peintre  en  bâtiments. 
Mais  ses  travaux  littéraires,  obstinément 
poursuivis  et  son  excessive  ardeur  de 
prosélytisme  pour  le  mouvement  fla- 
mand, ne  le  favorisaient  guère  dans  sa 
modeste  profession.  Sa  santé,  d'ailleurs, 
qui  n'avait  jamais  été  robuste,  s'épuisa 
rapidement  sous  la  double  influence  des 
travaux  du  jour  et  des  études  de  la  nuit. 
Ce  que  cet  ouvrier  a  publié  en  dix  ans 
(1845-1855)  est  vraiment  incroyable. 
Après  Bernhard  de  Laet  (1847),  où  il 
attaque  la  féodalité  du  moyen  âge  ;  après 
les  récits  humoristiques,  Iloe  Pietje 
Triste fortuin  deed.  De  Toorerdoos  (1848), 
il  communiqua  au  Taelverbond ,  sous  les 
noms  d'Albrechts  et  d'Ysendyck,  des 
essais  sur  la  peinture  contemporaine, 
ainsi  que  sur  la  situation  du  théâtre 
flamand.  Dès  1849,  il  est  un  des  mem- 
bres les  plus  actifs  du  Vlaemsche  midden- 
comJteit,  comité  central  fondé  à  Bruxelles 
par  le  littérateur  Vander  Voort  pour  la 
défense  des  intérêts  de  la  langue  fla- 
mande. A  propos  d'un  article  de  la 
Revue  des  Deux  Mon'Jes,  Zetternam  lance 
un  manifeste  énergique  {lets  over  de 
vlaemsche  beschaving).  Il  était  un  de  ceux 
qui  ne  bornaient  pas  le  mouvement  fla- 
mand à  la  réhabilitation  de  la  vieille 
langue.  Il  accentue  la  propagande  avec 
plus  de  passion  encore  dans  la  brochure 
de  1850  :  Het  Bestuer  en  de  natie.  Au 
congrès  néerlandais  de  Bruxelles  (1851) 
et  aux  fêtes  littéraires  d'Anvers  et  de 
Gand,  il  montre  toute  l'énergie  de  son 
patriotisme.  En  même  temps  il  s'essaye 
dans  le  genre  dramatique  :  Margarita 
van     Constantinopelen,    Mode-zucht,    De 


81 


DTRICKSENS  —  DIRISE 


82 


vrouw  van  Egr/iont;  mais  la  tournure  un 
peu  satirique  et  personnelle  de  son  talent 
semble  plus  à  l'aise  dans  les  cadres  de 
la  narration  fictive.  Il  eut  beaucoup  de 
lecteurs  pour  ses  romans  en  général 
assez  courts  :  Eene  Lie f de;  Een  Kopje  te 
veel;  Tantje  Mortelmans;  Simon  Kocker- 
moes  :  Arnold  de  Droomer;  De  loonderhare 
Aconturen  eener  oude  ichildery  ;  Een  Mid- 
deltje  om  ryk  te  wordeu  ;  Eene  zonderlinge 
Bedelares;  De  Kimbrische  diluvie,  et  sur- 
tout son  dernier  :  Hoe  men  schilder  is 
(publication  posthume  due  à  la  généro- 
sité de  l'éditeur  gantois  E.  Yander 
Haeghen).  Comme  il  n'avait  pas  pu  faire 
d'études  historiques  bien  sérieuses,  il 
réussissait  mieux  dans  tous  les  contes 
qu'il  tirait  de  la  vie  contemporaine. 
A  côté  d'une  grande  sympathie  pour  la 
classe  ouvrière,  on  remarque  dans  ses 
œuvres  la  vive  préoccupation  d'un  idéal 
de  renaissance  artistique  c^t  intellec- 
tuelle. Son  étude  sur  les  anciens  maîtres 
flamands  {Verhandelinr/  oter  de  neder- 
landsche  scJiilderschool)  fut  couronnée,  en 
1S54,  au  concours  institué  pour  le 
400e  anniversaire  de  la  gilde  de  Saint- 
Luc.  Ce  livre,  publié  à  la  fois  dans 
l'album  de  Siut-Lukas  ;/ilde  et  dans  la 
collection  populaire  du  Willems-fonds  de 
Gand,  se  distingue  par  la  nouveauté  des 
vues  et  la  solidité  des  appréciations. 
Zetternam  écrivit  aussi  pour  le  métier 
de  peintre  décorateur,  qu'il  exerçait,  un 
manuel  qui  a  été  fort  apprécié,  Handhoek 
voor  h  II  i$-en  meubeUch  ildera  (  ïnUems-fonds 
n')  9-1853).  Vers  la  fin  de  sa  vie,  il  aida 
à  fonder  la  revue  artistique  De  vlaemsche 
school,  dont  il  rédigea  le  programme.  On 
cite  encore  sa  collaboration  aux  jour- 
naux :  Nordische  Telegraf,  Broedermin 
van  Gent,  Gazette  van  Sinte-Kikolaes, 
GentscTien  Teleyraf,  EendracJit,  Gazette 
eau  Gent,  etc.  Le  13  octobre  185.5,  les 
funérailles  de  Zetternam  furent  une  ma- 
nifestation non-seulement  anversoise, 
mais  nationale.  Pour  procurer  quelques 
ressources  à  la  veuve  (Anna-Joanna  l^e 
Ridderj  et  aux  trois  orphelins,  on  orga- 
nisa des  souscriptions,  des  publications 
et  des  fêtes  artistiques.  Plus  tard,  un 
cercle  littéraire  s'organisa  à  Gand  sous 
le  titre  :  Zetternam  '«  kriwj.  Des   édi- 


teurs anversois,  M.  Marchand  et  Cie  ont 
entrepris  la  publication  intégrale  des 
œuvres  du  jeune  romancier  {Z.  VoUedùje 
werken). 

J.  SUjcher. 

De  Vlaemsche  School,  1,  122.  —  DQrinssfeld, 
Das  Gel%tige  Leben  d.  Vlamtngen,  III.  2o6.  — £eH- 
drarlit  ISool  —  Jaerboek  van  het  Willernsfonds, 
1870. 

niBi!SE  (Lambert),  naquit  à  Monte- 
naeken  le  30  novembre  1808.  Après 
avoir  achevé  avec  distinction  son  cours 
d'humanités  au  collège  de  Saint-Trond, 
il  entra  en  1825  au  séminaire  de  Liège 
pour  y  étudier  la  philosophie  et,  à  la  fin 
de  l'année  scolaire,  il  obtint  la  première 
place  parmi  ses  nombreux  concurrents. 

Forcé  par  les  arrêtés  de  juin  1825  de 
quitter  le  séminaire,  il  se  retira  chez  le 
doyen  de  Landen,  son  oncle,  où  il  s'ap- 
pliqua aux  études  théologiques,  en  atten- 
dant des  temps  meilleurs.  Dès  que 
Mgr  l'évêque  de  Liège  eut  rouvert  son 
séminaire  (mai  1830),  le  jeune  Dirise 
s'y  rendit  pour  se  préparer  aux  ordres 
sacrés.  Le  17  décembre  1831  il  fut 
ordonné  prêtre  par  Mgr  Van  Bommel, 
qui  le  nomma  aussitôt  professeur  de 
philosophie  au  petit  séminaire,  érigé 
depuis  deux  mois  dans  l'ancienne  abbaye 
de  Eolduc.  Pendant  les  trois  années 
qu'il  y  passa,  il  sut  mériter  le  respect 
et  l'aft'ection  de  tous.  Mais  il  était  décidé 
à  se  consacrer  à  la  vie  religieuse,  et  il 
obtint  son  admission  chez  les  P.  Récol- 
lets  de  Saint-Trond. 

Reçu  au  nombre  des  novices  en  1835, 
il  fut, la  même  année, chargé  d'enseigner 
la  théologie,  et  en  1839  on  lui  confia  la 
direction  des  nonces.  Nommé  gardien 
du  couvent  de  Saint-Trond  l'année  sui- 
vante, il  employa  ce  qui  lui  restait  de 
forces  à  la  réussite  d'un  projet  qu'il  mé- 
ditait depuis  longtemps.  Convaincu  que 
le  bien  spirituel  de  son  ordre  exigeait 
que  les  couvents  de  Belgique  fussent 
séparés  des  missions  de  Hollande,  il  tra- 
vailla sans  relâche  à  obtenir  cette  faveur 
du  saint-siège,  et,  malgré  les  préventions 
qu'il  eut  à  vaincre,  le  succès  couronna 
ses  efforts.  Le  2  avril  1842  Grégoire  XVI 
prononça  la  séparation  du  couvent  de 
Saint-Trond  d'avec  la  province  de  la 
Germanie  inférieure,  la  réunion  de  tous 


83 


DIRISE  —  DlZl 


84 


les  récollets  de  Belgique  et  l'érection  de 
la  noiivelle  province  belge  de  Saint- 
Joseph,  dont  le  P.  Dirise  fut,  par  auto- 
rité apostolique,  nommé  premier  minis- 
tre provincial. 

Sa  santé,  toujours  chancelante  ne 
laissait,  à  ses  amis  ni  à  lui-même,  aucune 
illusion  sur  sa  fin  prochaine.  Il  mourut 
le  5  mars  1S43,  calme  et  serein  comme 
il  avait  vécu.  Doué  d'une  intelligence 
d'élite  ,  qu'il  cultiva  par  de  solides 
études,  il  était  l'un  des  membres  les 
plus  instruits  du  clergé  du  diocèse;  ses 
vertus,  plus  remarquables  encore ,  révé- 
lèrent ce  cachet  de  douceur  et  d'humilité 
qui  gagne  les  cœurs  et  qui  dénote  les 
âmes  d'élite. 

Lomy. 
Journal  hist.  et  litt.,  tom.  X,  pages  114-117 

DiTMAR  (Jean),  ou  Ditmee,  graveur 
en  taille  douce,  né  dans  les  Pays-Bas 
vers  1538,  selon  Huber  et  Eost,  et  y 
florissant  dans  la  seconde  moitié  du 
xvie  siècle.  Né  vers  1558  et  mort  à 
Anvers  en  1603,  d'après  Charles  Le 
Blanc.  On  ne  connaît  guère  de  détails 
biographiques  sur  cet  artiste;  on  sait 
seulement  qu'il  fut  reçu  à  la  maîtrise 
dans  la  gilde  de  Saint-Luc,  à  Anvers, 
en  1574,  et  qu'il  prit  pour  apprenti, 
l'année  smvante,  Thomas  de  Leu,  inscrit 
en  cette  qualité.  Jean  Ditmar  a  gravé 
d'après  Martin  De  Vos,  Michel  van 
Coxcie  le  Vieux  et  autres  maîtres  fla- 
mands. Il  paraît  avoir  voulu  imiter  le 
style  de  son  contemporain  le  graveur 
hollandais  Corneille  Cort,  qui  travailla 
longtemps  en  Italie,  où  il  fonda  une 
école  de  gravure  qui  produisit  d'habiles 
burinistes.  Bryan  cite  avec  éloge  l'es- 
tampe suivante  de  Jean  Ditmar,  estampe 
appelée  la  Vision  d'EzécJùel,  qu'il  dit 
avoir  en  sa  possession  :  Le  Christ  assis 
sur  les  nues,  entouré  d'anges  gui  tiennent 
les  instruments  de  la  passion  et  les  symboles 
des  quatre  Ecangélistes ,  d'après  Michel 
van  Coxcie,  1574,  pi.  gr.  in-folio. 
Charles  Le  Blanc  en  fait  deux  gravures 
distinctes  :  Le  Christ  sur  les  nues  et  Xfs 
Emblèmes  des  Evangélistes .  Le  biographe 
hollandais  Chrét.    Kramm  a  reproduit 

cette  donnée.  Edm.  Xh-.  Bnss.her 

Huber  et   Rost,  Manuel  des  amateurs  et  des 


curieux  de  l'art,  1801.  —  Heinecke,  Dict.  des  ar- 
tistes. —  Chrét.  Kramm,  Levens  en  iverken  der 
holl.en  rl.Schilders,  beeldhouwers,  graveurs, etc. 
—  Charles  Le  Blanc,  Manuel  de  l'amateur  d'es- 
tampes, 1856. 

Div.scs  {Pierre),  historien,  né  à 
Louvain  en  1535,  mort  en  1581.  Voir 
DiEVE  {Pierre  Van). 

DiviTis  {Jean),  écrivain  ecclésias- 
tique, né  à  Gand  vers  1413,  mort  vers 
1470.  Voir  De  Rycke  {Jean). 

DiiLiiVDi:  {Jean  de),  historien,  né 
à  Ypres.  xve  siècle.  Voir  Jeax  de  Dix- 

MUDE. 

Di'xmJDE  {Olivier  de),  chroniqueur, 
né  à  Ypres.  xve  siècle.  Voir  Olivier  de 

DlXMUDE. 

Dizi  {François-Joseph),  musicien,  né 
à  Xamur  le  14  janvier  1780.  Habile 
instrumentiste,  il  choisit  la  harpe  pour 
instrument  favori  et  se  fit  fréquemment 
applaudir,  bien  qu'il  n'eût  d'autre  maî- 
tre que  son  père,  qui  était  violoniste. 
A  peine  âgé  de  seize  ans,  il  conçut  le 
projet  de  voyager  et  se  rendit  en  Hol- 
lande avec  l'intention  de  passer  de  là  en 
Angleterre;  mais  une  série  d'événements 
imprévus  intervinrent  dans  l'exécution 
de  ce  programme.  En  se  promenant  sur 
le  vaisseau  qui  mettait  à  la  voile,  il  vit 
un  matelot  tomber  à  la  mer  ;  il  s'y  pré- 
cipita pour  le  sauver,  quoiqu'il  ne  sût 
pas  nager,  perdit  connaissance,  fut  re- 
pêché et  se  trouva,  en  revenant  à  lui, 
dans  une  maison  inconnue.  Entre-temps, 
le  vaisseau,  dont  il  ignorait  le  nom,  avait 
continué  sa  route,  sans  même  s'aperce  voir 
de  la  disparition  du  passager,  et  sa 
harpe,  ses  malles,  tout  ce  qu'il  possé- 
dait était  resté  à  bord  ;  il  avait  sa  bourse, 
mais  elle  contenait  à  peine  assez  d'argent 
pour  le  conduire  k  Londres.  Il  y  arriva 
dans  l'espoir  d'y  retrouver  son  navire; 
mais  ce  fut  en  vain  et,  pour  comble  de 
malheur,  il  ne  savait  pas  un  mot  d'an- 
glais. Il  était  réduit  à  la  dernière  misère, 
quand  le  hasard  le  conduisit  près  d'une 
maison  où  il  entendit  résonner  les 
accords  de  la  harpe  ;  il  y  entra,  exposa 
sa  situation  et  demanda  qu'on  voulût 
bien  lui  permettre  de  se  faire  entendre 
comme  harpiste.  La  Providence  le  ser- 
vait, cette  fois,  à  souhait,  car  la  maison 
où  il  s'était  introduit  était   habitée  par 


8o 


DIZI  —  DODOENS 


86 


Sébastien  ErarcI,  célèbre  facteur  d'in- 
struments de  musique.  Celui-ci  apprécia 
immédiatement  le  talent  du  jeune  Dizi 
et  lui  vint  en  aide  en  lui  procurant  des 
élèves.  Clementi  le  compositeur  lui  fut 
aussi  utile  par  l'estime  qu'il  témoigna 
pour  son  talent  et  Pizi  devint  en  assez 
peu  de  temps  le  harpiste  le  plus  renommé 
de  Londres.  Ce  succès  décida  de  son 
sort  :  pendant  trente  ans,  il  resta  en 
Angleterre  en  y  jouissant  d'une  bril- 
lante réputation  comme  virtuose  et 
comme  compositeur. 

Doué  de  dispositions  naturelles  pour 
la  mécanique,  il  inventa,  avec  l'assis- 
tance d'un  Polonais,  une  harpe  à  double 
action,  qu'il  appela  harpe  perpendicu- 
laire. Il  renonça,  plus  tard,  Ti  ce  système 
de  construction,  pour  se  rapprocher  de 
celui  qu'employait  Erard.  Il  imagina 
aussi,  le  premier,  de  doubler  les  tables 
d'harmonie  des  harpes,  afin  de  donner 
plus  de  résistance  aux  vibrations  des 
cordes.  Puis  il  disposa  les  pédales  de 
l'instrument  dans  un  ordre  plus  régu- 
lier, innovation  qui  fut  peu  goûtée,  parce 
qu'elle  contrariait  les  habitudes  des  har- 
pistes. En  1830,  Dizi  alla  se  fixer  à 
Paris  ;  il  y  forma  une  association  avec  la 
maison  Pleyel ,  pour  l'établissement 
d'une  fabrique  de  harpes,  entreprise  qui 
ne  réussit  guère.  Dizi  mourut  dans  cette 
ville,  après  y  avoir  obtenu  le  titre  de 
professeur  de  harpe  des  princesses  de  la 
famille  royale  de  France.  Voici  l'indica- 
tioD  des  compositions  qu'il  a  laissées 
pour  la  harpe  :  lo  Grande  sonate,  pu- 
bliée à  Londres.  —  2»  Air  saxon,  de 
Cramer,  varié.  Paris,  Janet.  — 3"  Danse 
du  Chcâle,  variée.  Ihid.  —  4o  Trois 
thèmes  originaux,  variés.  Ibiâ .  — 
5»  Douze  exercices  ou  fantaisies  pour  la 
harpe  à  deux  rangs  de  pédales,  pre- 
mière et  deuxième  suite.  Paris,  Pleyel. 
—  6o  Enfin  une  grande  quantité  de 
romances  françaises,  d'airs  anglais  et 
italiens  variés  pour  la  harpe.  Londres, 
Paris,  Erard,  Pleyel  et  autres. 

Aiip.  Vancl(!r  Meerscli. 
Fr.  Fétis,  Diofjraphie  universelle  des  musiciens, 
'2"  l'tlitiim.  —  Biographie  générale  des  Belges. 

UODOEWM  {Rembert)  ou  Dodonœus, 
médecin,  et  le  plus  savant  botaniste  de 


notre  pays,  naquit  à  Malines  le  29  fé- 
vrier 1517,  sous  le  gouvernement  de 
Marguerite  d'Autriche  ;  il  mourut  à 
Leyde  le  10  mars  1.585.  Les  auteurs  ne 
sont  pas  bien  d'accord  sur  l'époque  de 
sa  naissance;  Gocthals,  par  exemple  (1), 
la  place  en  l'an  1518.  La  date  que  nous 
donnons  est  la  moins  sujette  à  discus- 
sion, car  elle  est  fournie  par  l'épitaphe 
du  célèbre  botaniste,  composée  par  son 
fils;  il  y  est  dit  qu'il  mourut  le  10  mars 
1585  dans  la  soixante-huitième  année 
de  son  âge. 

Sprengel,  dans  son  Historia  rei  herha- 
ri(E  (I,  p.  394)et  Cuvier,  dans  son  His- 
toire des  sciences,  le  font  naître  en  Frise. 
Pultenay,  dans  ses  Esquisses  historiques 
sur  la  botanique,  émet  une  opinion  ridi- 
cvde  :  il  fait  venir  Dodonœus  au  monde 
Il  près  de  Mechlin  en  Flandre  » ,  igno- 
rant que  Mechlin  ne  peut  être  que  Ma- 
lines (Mechlinia).  La  vérité  est  que 
Dodoens  vit  le  jour  à  Malines  et  descen- 
dait d'une  famille  frisonne  ;  à  l'appui  de 
ce  fait,  on  peut  invoquer  son  propre 
témoignage,  celui  des  auteurs  contem- 
porains et  celui  de  son  fils,  dans  l'épi- 
taphe dont  nous  venons  de  parler  (2). 
Du  reste,  le  docteur  d'Avoine,  dans  son 
Éloge  de  Rembert  Dodoens  publié  en  1 8  5  0 , 
a  fait  disparaître  toutes  ces  erreurs.  Le 
bisaïeul  de  Rembert  s'appelait  Jarick 
van  .Toenckema  ou  Joenckens  ;  il  était 
né  à  Staveren,  village  maritime  de  la 
Frise (3),  et  devint  plus  tard  bourgmestre 
de  Leeuwarden,  où  il  était  allé  s'éta- 
blir. Il  eut  un  fils  nommé  Eembert  que, 
selon  l'usage  du  pays,  usage  adopté  dans 
presque  toutes  les  contrées  germaniques, 
on  désigna  sous  le  nom  de  Jaricksz  (fils 
de  Jarick)  Van  Joenckema  ou  Joenckens, 
et  qui  fut,  pendant  de  longues  années, 
vroedsman  ou  sénateur  à  vie  de  la  ville 
de  Leeuwarden  (4).  C'est  ici  le  cas  de 
relever,  en  passant,  une  erreur  de  Pa- 
quot,  qui  traduisit  mal  Suffridus  Pétri, 
et  fit  de  Eendjert  un  échevin.  Pembert 
Jaricksz  van  Joenckema  laissa  deux  en- 


(I;  Ijcclures   relatives  à   l'histoire  des  scien- 
ces, elc  ,  en  Belgique. 
'"J)  Siiffiidus  l'ciri.  [)e  .'icriptnribus  Frisœ. 
(8i  Gahbcina.  Frieschr  Lustgaarde, 
(4)  SulFiidus  l*elri,  ouvrage  cité. 


87 


DODOENS 


88 


fants  :  d'abord  une  fille  appelée  Tidea, 
qui  épousa  Féico  van  Piersma,  bourg- 
mestre de  Sneeck  dont  la  fille  devint  la 
femme  de  Suiîridus  Hopper  père  de 
Joachim  Hopper  ou  Hopperus  secrétaire 
de  Philippe  II  (1);  puis  un  fils,  appelé 
Dodo,  nom  frison  de  Denis  qui  vint 
s'établir  à  Malines  vers  la  fin  du  xve  siè- 
cle. Azevedo  (2)  attribue  cette  émigra- 
tion à  la  guerre  civile  qui  désola  la  Frise 
à  cette  époque  ;  Goethals  (3)  a  répété 
cette  assertion,  qui  n'est  qu'une  proba- 
bilité; quant  à  Suftridus  Pétri,  qui 
connut  tout  particulièrement  Dodonœus, 
il  dit  simplement  que  les  affaires  de 
commerce  auxquelles  se  livrait  Dodo  le 
Frison  l'appelèrent  à  Malines  ,  ville 
alors  fort  industrieuse  et  l'engagèrent  à 
s'y  fixer.  Il  n'y  fut  connu  que  sous  le 
nom  de  Denis  Dodoen,  et,  d'après  Pa- 
quot,  devint  marguillier  de  l'église  pa- 
roissiale de  Saint-Jean;  mais  ce  qu'il 
importe  davantage  de  savoir,  c'est  qu'il 
fut  le  père  du  célèbre  botaniste  dont 
nous  allons  retracer  la  vie.  Celui-ci,  on  le 
voit,  était  de  bonne  maison,  sinon  noble, 
du  moins  rattachée  à  la  noblesse  de  Frise 
par  de  nombreuses  alliances.  Ce  qui 
paraît  le  prouver,  c'est  la  connaissance 
que  Suffridus  Pétri  constata,  plus  tard, 
en  Dodonœus,  de  la  généalogie  de  la 
plupart  des  nobles  familles  frisonnes. 

Rembert  cependant  abandonna  le  nom 
de  ses  ancêtres  et  signa  Dodoens  ou  fils 
de  Dodo,  nom  qu'il  latinisa  plus  tard 
en  celui  de  Dodonœus,  dont  les  Français, 
en  ignorant  l'origine,  firent  Dodonée.  De 
Van  Joenckema  il  ne  resta  plus  même  le 
souvenir,  car  combien  d'hommes  savent 
encore  aujourd'hui  que  tel  est  le  véri- 
table nom  de  notre  botaniste?  Celui-ci, 
d'après  Azevedo,  fit  ses  humanités  à 
Malines ,  au  collège  municipal ,  qui 
jouissait  alors  d'une  grande  réputation  ; 
après  cela  il  se  rendit  à  l'université  de 
Louvaiu  pour  suivre  les  cours  de  méde- 
cine ;  il  y  eut  pour  maîtres  Arnold  Noot, 
Léonard  Willera^er,  Jean  Heems  et  Paul 
Roels.  Ses  succès  furent  grands  et  ra- 
il; SiiflFridus  Pétri,  ouvrage  cilc. 
cl)  Chromjcke  van  Meclielen 
",\)  Lectures  relatives  à  l'histoire  des  scien- 
ces, elc,  en  Belgique. 


pides,  car  à  l'âge  de  dix-huit  ans,  le 
10  septembre  1535,  il  fut  reçu  licencié 
en  médecine  (4).  C'est  alors  que  Dodo- 
nœus crut  nécessaire  de  parcourir  l'Eu- 
rope pour  se  perfectionner  dans  son  art. 
On  ne  sait  pas  d'une  manière  exacte  la 
date  de  ces  voyages,  ni  le  temps  qu'il  y 
consacra,  car  il  n'en  parle  lui-même 
nulle  part  ;  toutefois  il  est  à  penser  qu'il 
les  fit  dans  les  onze  années  qui  s'écou- 
lèrent entre  1535  et  1546.  Pendant  son 
séjour  à  l'étranger,  il  se  lia  avec  de 
nombreux  savants,  qui  rendirent  hom- 
mage à  ses  jeunes  talents.  Il  trouva  à 
Paris  Jean  Gunther  (Guintherus,  que  les 
Français  appellent  Gonthier)  d'Ander- 
nach,  professeur  d'anatomie  et,  depuis 
1535,  médecin  de  François  1er.  Gunther 
avait  avant  cela  enseigné  le  grec  à  l'uni- 
versité de  Louvain,  d'où  sortait  Dodo- 
nœus. Il  avait  fait  une  traduction  du 
grec  en  latin  des  œuvres  de  Paul  d'Egine 
et  pria  notre  jeune  licencié  de  la  revoir 
et  de  la  collationner  sur  le  texte  origi- 
nal, tellement  il  avait  confiance  dans  ses 
connaissances  linguistiques. 

Ce  livre  parut  à  Bàle  en  1546  sous  le 
titre  de  :  Paulus  JÈgineta  a  Joanne  Guin- 
tero  latine  conversus,  à  Remherto  Dodo- 
nœo  ad  grcecum  textum  accurate  collatus 
ac  recensitus.  Basilise,  1546,  in-S».  Il 
faut  que  Goethals  n'ait  pas  lu  ou  pas 
compris  ce  titre  pour  dire  que  Dodonœus 
se  contenta  de  revoir  les  épreuves  de 
cet  ouvrage,  afin  d'en  élaguer  les  fautes 
typographiques.  Le  docteur  Morren  (5) 
émet  l'opinion  assez  probable  que  c'est 
à  la  liaison  de  Dodonœus  "avec  Gunther 
que  le  premier  dut  son  goût  pour  l'ana- 
tomie.  "  Gunther,  dit-il,  disséquait  ou 
faisait  disséquer  beaucoup  d'animaux, 
et  eut  pour  prosecteur  notre  immortel 
Vésale,  et  le  malheureux  Servet,  brûlé 
vif  plus  tard,  à  Genève.  »  Ce  fut  aussi, 
ajoute-t-il,  ce  goût  des  autopsies  qui 
lui  fit  découvrir,  un  jour,  l'anatomie  pa- 
thologique, ce  rtambeau  de  la  médecine. 

Vers  la  fin  de  1546,  Dodonœus  était 
de  retour  à  Malines,  ainsi  que  le  prouve 
la  dédicace  de  son  ouvrage  de  cosmogra- 
phie à  Joachim  Hopperus,  son  cousin.  Ce 

,4i  Valcie  André,  Fast.  acad. 
,oj  Belgique  horticole,  1. 1,  p.  10. 


89 


DODOENS 


90 


livre,  publié  en  mai  1548  à  Anvers,  sous 
le  titre  de  :  CosinograpJda  in  astronomiam 
et  geographiam  ùagoge,  a  eu  une  seconde 
édition  en  1584  chez  Plantin,  à  Anvers, 
et  à  Leyde,  sous  le  titre  de  :  Be  spJiœra 
sive  de  astronomice  et  geographia  princi- 
piis  co^mographica  isagoge;  olim  consci'ipta 
a  Remberto  Dodonœo  medico,  nunc  vero 
ejusdem  recognitione  locvpletior  facta. 
Cette  édition,  dédiée  aux  fils  d'Hop- 
perus,  Grégoire  etCaïus  Antonius,  restée 
inconnue  à  Eloy  et  à  Paquot,  se  trouve 
à  la  bibliothèque  Mazarine  à  Paris,  et  à 
celle  de  l'université  de  Leyde.  Avant  de 
livrer  son  ouvrage  à  l'impression,  Dodo- 
nœus  en  avait  envoyé  le  manuscrit  à  son 
cousin  Hopperus,  alors  à  Orléans,  et 
auquel  il  avait  donné  des  leçons  de 
mathématiques.  Goethals  commet  une 
erreur  quand  il  dit  que  notre  auteur  fut, 
en  1546,  à  Bàle  pour  l'impression  de  sa 
cosmographie,  tandis  que  les  seules  édi- 
tions de  ce  livre  sont  celles  que  nous 
avons  citées.  C'est  vers  l'époque  oii 
parut  la  première  édition  de  cette  œuvre, 
que  Dodonœus  voulut  y  ajouter  un  com- 
plément, en  composant  un  traité  de  géo- 
graphie qui  n'a  jamais  été  imprimé. 

bon  ouvrage  cosmographique,  écrit 
spécialement  à  l'usage  des  élèves,  pour 
leur  faciliter  l'étude  de  Ptolémée  et  de 
Copernic,  forme  un  résumé  dans  lequel 
l'auteur  a  eu  en  vue  de  donner  une 
explication  complète,  claire  et  concise 
de  la  science.  Il  est  divisé  en  quatre 
livres  :  le  premier  :  de  mundo  et  quce  eo 
pertinent  in  génère,  où  il  traite  des  diffé- 
rentes parties  qui  constituent  le  monde 
et  qu'il  divise  ea  essentielles  et  acciden- 
telles; il  subdivise  les  premières  en 
élémentaires  et  éthérées,  qu'il  décrit 
d'après  le  système  de  Ptolémée;  parmi 
les  parties  accidentelles  il  range  les 
points  cardinaux  et  les  vents.  Le  second 
livre  :  de  rœlo  et  nphœrce  cœJestibus  cir- 
culis,  est  consacré  à  la  sphère  et  à 
toutes  ses  parties  ;  il  dit  que  les  corps 
célestes  se  meuvent  autour  du  globe  ter- 
restre de  deux  manières  différentes  : 
suivant  l'ordre  du  zodiaque,  c'est-à-dire 
d'occident   en    orient   ou    d'orient   eu 

(1)  Éiillre  (lédicaloiifi  des  tables  de  physiologie, 
1584. 


occident,  en  vingt-quatre  heures.  Le 
troisième  livre  :  de  terra  et  sphcerœ  ter- 
restribus  circulis;  il  y  parle  de  la  forme 
sphérique  de  la  terre  et  s'efforce  de 
prouver,  d'après  la  théorie  de  Ptolémée, 
que  la  terre  est  immobile  et  que  les 
corps  célestes  gravitent  autour  d'elles. 
Le  quatrième  livre  :  de  cœledium  corpo- 
rinn  motu,  où  il  explique,  d'après  la 
théorie  de  Ptolémée,  la  révolution  diurne 
des  corps  célestes  et  les  eff"ets  qui  en 
résultent  dans  les  différentes  zones  de 
la  terre  ;  il  y  traite  du  cours  du  soleil, 
de  l'inégalité  des  jours,  des  révolutions 
de  la  lune,  des  éclipses  de  lune  et  de 
soleil. 

En  1548,  Dodonœus  fut  nommé  mé- 
decin de  la  ville  de  Malines,  fonctions 
qu'il  partagea  avec  deux  autres  prati- 
ciens, Joachim  Roelandts  et  Jacob  De 
Moor.  L'exactitude  de  cette  date  est 
établie  par  les  comptes  de  la  ville  ;  on  y 
voit  qu'il  toucha  du  chef  de  son  emploi, 
de  même  que  ses  collègues,  un  traite- 
ment annuel  de  deux  livres  et  quinze 
escalins  de  Brabant,  plus  dix  aunes  de 
drap;  ce  traitement  fut  porté  en  15  70  à 
onze  livres;  mais  les  médecins  rece- 
vaient, en  outre,  des  honoraires  pour  ser- 
vices extraordinaires  tels  que  la  visite 
des  lépreux.  En  1570,  Dodonœus  reçut 
de  ce  chef  sept  livres.  Il  remplit  les 
fonctions  de  médecin  de  la  ville  jusqu'en 
1574,  époque  à  laquelle  il  partit  pour 
l'Allemagne. 

Pendant  les  années  qu'il  passa  dans 
sa  ville  natale,  il  s'occupa  de  former 
quelques  élèves  et  traça  des  tables  synop- 
tiques de  physiologie  (1).  Elles  furent 
imprimées  en  1.580.  C'est  également  à 
cette  époque  qu'il  s'occupa  sérieusement 
de  la  botanique,  science  qui  s'allie  si 
bien  à  l'art  médical,  et  sur  le  conseil  de 
l'imprimeur  anversois  Van  der  Loe,  son 
ami,  il  entreprit  de  décrire  en  flamand 
l'histoire  des  plantes  (2).  Le  motif,  tout 
désintéressé,  qui  le  poussa  à  ce  travail 
était  l'espoir  de  reculer  les  limites  de  la 
science  par  la  publication  de  ses  dé- 
couvertes et  non  le  désir  d'acquérir  de 
la  gloire  :  «  non   ([uod  laudem  ac  glo- 

(2j  Préface  lie  l'ouvrage  :  Stirpiiim  hhtoriœ 
pewpladex  ses. 


91 


DODOENS 


92 


riam  milii  hinc  aliquam  postulem,  sed  ut 
nostris  inventis  et  studiis  aliquo  etiam 
modo  stirpium  herbarumque  cognitio 
et  simplicis  mediciuse  studium  promo- 
veatur  « ,  dit-il  dans  l'épître  au  lecteur 
de  la  2c  partie  des  planches  de  son  Her- 
bier, imprimé  en  1554  chez  Van  der 
Loe. 

La  rédaction  de  son  histoire  des 
plantes  était  terminée  en  1552  (J  )j  mais, 
avant  de  l'éditer,  il  voulut  livrer  au 
public  un  petit  traité  où  il  s'occupe 
des  céréales,  légumes  et  fourrages,  inti- 
tulé :  Defrugum  historia,  et  qui  corres- 
pond au  quatrième  livre  de  l'Herbier.  Il 
dédia  ce  travail  à  Gérard  van  Veltwyck, 
conseiller  impérial  et  trésorier  de  l'ordre 
de  la  Toison  d'or,  amateur  distingué 
d'horticulture  et  de  botanique,  qui, 
dans  l'intérêt  de  la  science,  avait  fait 
de  nombreux  voyages  et  exploré  spécia- 
lement l'Italie  et  les  Alpes  (2).  Il  joi- 
gnit à  ce  traité  deux  lettres,  l'une 
adressée  à  son  collègue  Joachim  Roe- 
landts,  comme  lui  médecin  de  la  ville  de 
Malines,  sur  quelques  préparations  de 
céréales;  l'autre  à  Jean  Vischaven,  mé- 
decin à  Breda,  sur  la  bière  et  une  bois- 
son nommée  zythou,  en  usage  chez  les 
anciens  Egyptiens.  «  Ce  dernier  écrit, 
dit  le  docteur  Morren,  aigrit  la  bile  d'un 
médecin  gantois  nommé  Ronsse,  qui  se 
mit  à  écrire  contre  Dodoens,  et  lui  sus- 
cita assez  d'ennemis  et  de  jaloux  pour  le 
dégoûter  de  sa  ville  natale  et  même  de 
son  pays.  « 

Van  der  Loe  ayant  fait  l'acquisition 
des  planches  gravées  sur  bois  de  l'Her- 
bier de  Fuchs,  dans  le  dessein  de  les 
faire  servir  pour  l'ouvrage  de  Dodo- 
nœus,  celui-ci  y  ajouta,  dès  la  première 
édition,  environ  deux  cents  figures  nou- 
velles, gravées  d'après  ses  dessins,  et 
encore  environ  autant  aux  éditions  pos- 
térieures, en  substituant  quelques  nou- 
velles aux  anciennes  et  en  empruntant 
un  petit  nombre  aux  ouvrages  de  Ma- 
thiolus  et  d'André  Laeuna  (3). 

Ces  divers  emprunts  ont  fait  dire  qu'il 
est  fort  difficile  de  démêler,  dans  tout  ce 

(1)  Voir  le  dédicace  De  fruijum  historia. 
("2)  Voir  la  dédicace  De  Inniion  Inslorin. 
(Al  Préface  de  V Histoire  des  piaules,  1557,  —  et 


travail,  ce  qui  appartient  à  Dodonœus, 
et  que  ce  serait  seulement  par  l'examen 
chronologique  des  ouvrages  de  tous  ces 
auteurs,  que  l'on  parviendrait  à  rendre 
à  chacun  le  sien.  La  vérité  est  que 
Dodonœus  avait  étudié  bien  plus  que 
les  espèces  citées  par  Fuchs  ;  il  en 
avait  dessiné  et  fait  dessiner  beaucoup 
d'après  nature.  Nous  ne  citerons  pas  les 
plantes  dont  nous  lui  devons  les  pre- 
mières iconographies,  le  docteur  Morren 
en  a  donné  une  nomenclature  assez 
étendue,  et  nous  nous  contenterons  de 
renvoyer  à  son  ouvrage  (4).  Pendant 
qu'on  imprimait  l'Herbier,  Dodonœus 
résolut  de  faire  tirer  à  part  les  planches 
sans  le  texte,  ainsi  que  les  synonymes  de 
toutes  les  désignations,  en  grec,  latin, 
allemand,  français  et  flamand.  Il  fit  de 
cette  manière  imprimer  les  planches  des 
trois  premiers  livres.  Cet  ouvrage,  spé- 
cialement destine  aux  élèves  en  méde- 
cine, parut  le  5  juin  1553,  est  intitulé  : 
Trium  priortan  de  stirpium  Jiistoria 
comme7itariorum  imagines . 

L'Herbier  flamand  fut  édité  l'année 
suivante  sous  le  titre  de  Cruydeboeck;  il 
était  dédié  à  la  gouvernante  des  Pays- 
Bas,  Marie,  reine  de  Hongrie,  sœur  de 
Charles-Quint. 

Cette  même  année,  parut  la  seconde 
partie  des  planches,  contenant  les  figures 
des  trois  derniers  livres  de  l'Herbier. 
L'auteur  y  ajouta,  de  plus  qu'à  la  pre- 
mière partie,  des  notes  marginales  recti- 
ficatives et  critiques  des  ouvrages  de  ses 
devanciers,  et  une  série  de  notes  sem- 
blables concernant  la  première  partie. 
Cette  publication  est  intitulée  :  Poste- 
riorum  trium  de  stirpium  historia  com- 
mentarioritm  imagines,  una  cnm  viarginali- 
bus  annotationïbus .  Item  annotationes  in 
aliqtiot prioris  tomi  imagines. 

De  même  que  ces  deux  volumes  de 
planches,  l'Herbier  ou  Crtiydeboedc  fut 
vivement  recherché  et  l'édition  s'épuisa 
au  bout  de  dix  années.  Aujourd'hui 
même  il  est  rare  de  trouver  cette  œuvre 
complète. 

]-,'ouvraa:e  du   botaniste  malinois  est 


préface  de  hx'-l"  [lartic  dus  |)lanclics;(15o9  réim- 
pression). 
(4)  La  Dclijiqiic  horticole,  t.  1,  p.  11. 


93 


DODOENS 


94 


avant  tout  un  herbier  national,  s'appli- 
quant  aux  plantes  indigènes  et  par- 
ticulièrement à  celles  des  contrées  fla- 
mandes; il  indique  les  lieux  où  elles 
croissent,  l'époque  de  leur  floraison  et  de 
leur  fructification,  toutes  choses  qui  ne 
se  trouvent  pas  dans  l'herbier  de  Fuchs, 
sans  compter  les  nombreuses  variétés 
qu'il  fut  le  premier  à  signaler  et  à  dé- 
crire. Dodonœus,  en  énumérant  les  pro- 
priétés des  plantes,  reproduit  en  même 
temps  les  opinions  des  anciens  à  ce 
sujet;  il  cite  Pline,  Dioscoride,  Théo- 
phraste,  Galien,  Hippocrate,  mais  ces 
citations  ne  sont  pas  littérales  :  aj'ant 
observé  qu'elles  se  répétaient  souvent 
les  unes  les  autres,  il  les  coordonna  de 
manière  à  former  des  notes  d'une  lecture 
facile  et  surtout  d'une  grande  utilité. 
Dans  son  traité  JJefriignm,  seulement,  il 
s'écarte  de  ce'/e  méthode  et  reproduit 
textuellement  les  anciens. 

Il  adopta  dans  la  rédaction  de  son 
Herbier  une  toute  autre  marche  que 
Fuchs,  qui  avait  classé  les  plantes  par 
ordre  alphabétique;  il  les  rangea  sui- 
vant leurs  propriétés,  leurs  usages,  leur 
forme  et  leurs  affinités  réciproques. 
Voici  les  divisions  telles  qu'on  les  trouve 
dans  la  première  édition  de  son  Criajde- 
boeck.  Il  établit  six  classes,  correspon- 
dant chacune  à  un  livre;  dans  la  pre- 
mière, c'est-à-dire  dans  le  premier  livre, 
il  traite  des  végétaux  herbacés,  de  leurs 
divisions,  leur  forme,  leur  nom  et  leur 
usage;  dans  la  seconde,  ou  le  second 
livre,  des  fleurs  et  plantes  odoriférantes, 
de  leurs  semences,  etc.;  dans  la  troi- 
sième, ou  le  troisième  livre,  des  plantes 
médicinales  et  vénéneuses,  des  racines, 
leur  division,  etc.;  dans  la  quatrième, 
ou  le  quatrième  livre,  ainsi  que  dans  le 
traité  Defrvgum,  des  céréales,  légumes  et 
fourrages,  leurs  divisions,  etc.;  dans  la 
cinquième,  ou  le  cinquième  livre,  des 
jherbes ,  fruits  et  racines  d'un  usage 
culinaire,  leurs  divisions,  etc.;  dans  la 
sixième,  ou  le  sixième  livre,  des  arbres 
et  arbustes. 

Cette  classification,  bien  que  défec- 
tueuse, constituait  cependant  un  pro- 
grès, et  promettait  des  perfectionne- 
ments   ultérieurs  dans    l'étutle    de    la 


botanique.  Plus  tard,  Dodonœus  s'aper- 
çut des  défauts  de  sa  méthode  et  y  fit 
encore  des  modifications  nombreuses. 

Trois  ans  après  la  publication  du 
CruydeboecJi ,  en  1557,  Charles  de 
l'Escluse  ou  Clusius,  qui  devint  plus 
tard  directeur  des  jardins  impériaux  à 
Vienne  et  ensuite  professeur  à  Leyde(l), 
traduisit  cet  ouvrage  en  français.  r)odo- 
nœus  revit  avec  soin  cette  traduction, 
en  augmenta  le  texte  et  le  nombre  des 
gravures,  ainsi  qu'il  le  dit  dans  la  pré- 
face qu'il  y  a  insérée.  Cet  ouvrage  porte 
le  titre  de  :  Histoire  des  plantes,  etc. 

Cette  même   année,    la  municipalité 
de  Louvain,   dans  l'espoir  d'attacher  le 
savant    botaniste    à    l'universijté,     crut 
devoir  lui   proposer  une   chaire;    mais 
les  négociations  n'eurent  pas  le  succès 
qu'elle    en   attendait  (2);   voici  ce  qui 
arriva  :  elle  avait    fondé  deux  chaires 
de  médecine  et  s'était  réservé  la   no- 
mination des  titulaires.  En  1543,  par 
mesure  d'économie,    sans   doute,    elle 
en  supprima  une,  mais  en  1557,  elle 
revint  sur  cette  décision  et  voulut  la  ré- 
tablir en  faveur  de  Dodonœus,  qu'elle 
comptait  adjoindre  au  professeur  Guil- 
laume Beernaert,   de  Thielt,   titulaire 
de  l'autre  chaire.  Elle  envo3^a  donc  vers 
lui,  au  mois  de  mai  155  7,  le  secrétaire 
de  la  ville,  Barthélémy  van  Heetvelde 
et  lui  proposa  de  donner  quatre  leçons 
par  semaine,  aux  jours  à  désigner  par 
la  faculté,  ou  à  fixer  d'avance  par  lui- 
même  ,    moyennant    un    traitement    de 
200   florins  philippus.  Dodonœus,  qui 
trouva  ces  appointements  fort  minimes, 
accepta  néanmoins;  mais  bientôt  il  ap- 
prit que  la  régence  de  Louvain  était 
en  quête  d'un  autre  professeur.  Au  mi- 
lieu du  mois  de  juin,  on  vint  lui  faire 
de  nouvelles  propositions  ;  le  secrétaire 
Van  Heetvelde  était  cette  fois  accom- 
pagné du  chevalier  Van  den  Tempel  ;  ces 
intermédiaires  lui  offrirent  deux  cents 
florins  d'appointements  et  la  charge  de 
donner  des  leçons  tous  les  jours    non 
fériés  pour  la  botanique  et  les  matières 
médicales,  et,  à  tour  de  rôle  avec  Beer- 
naert, la  clinique  et  les  démonstrations 

J)  Voir  la  Biograpliie  de  ce  personnage. 
,-2)  Valère  ,\n(lic',  Fast.  acad.,  p.  '219. 


9b 


DODOENS 


9G 


anatomiques;  il  devait  s'engager  pour 
six  ans,  mais  pouvait  être  révoqué  par 
l'administration  au  bout  de  trois  ans;  en 
dehors  des  jours  de  vacance,  il  n'aurait 
eu  le  droit  de  s'absenter  de  la  ville 
qu'avec  l'autorisation  des  magistrats  (1). 
Ces  conditions  beaucoup  moins  avanta- 
geuses encore  que  celles  proposées  le 
mois  précédent  déplurent  à  notre  bota- 
niste. On  ne  put  s'entendre  et  l'affaire 
fut  abandonnée. 

Dodonœus  avait  parfaitement  raison 
de  ne  pas  vouloir  souscrire  aux  proposi- 
tions de  la  régence  de  Louvain;  pour 
une  position  mesquine,  peu  assurée  et 
tellement  dépendante  quïl  ne  lui  aurait 
pas  même  été  permis  de  soigner  ses 
propres  'intérêts,  il  se  serait  trouvé 
obligé  de  faire  les  frais  d'un  changement 
de  résidence  et  d'abandonner,  à  Malines, 
sa  clientèle  et  ses  appointements.  Il  n'en 
était  pas  là  de  devoir  accepter  ces  con- 
ditions pour  gagner  de  quoi  vivre;  sa 
fortune,  jointe  à  celle  de  sa  femme  Ca- 
therine 'S  Bruynen,  qu'il  avait  épousée 
dès  avant  1555,  ainsi  que  le  produit  de 
ses  livres,  lui  procurait  une  existence 
honnête.  Nous  voyons,  dans  les  terriers 
de  Malines,  qu'il  acheta  des  propriétés 
en  ville  ainsi  que  dans  les  environs. 
Du  reste,  il  jouissait  dans  sa  cité  natale 
d'une  grande  considération,  y  possédait 
une  nombreuse  clientèle  et  était  mar- 
guillier  de  l'église  de  Saint-Pierre  (2), 
charge,  à  cette  époque,  plus  considérée 
qu'aujourd'hui  et  même  ambitionnée  par 
des  personnages  haut  placés. 

En  1559,  Dodonœus  fit  tirer,  une 
seconde  fois,  à  part  les  planches  de  son 
Herbier,  en  y  ajoutant  toutefois  les  notes 
et  les  corrections  qu'il  avait  faites  dans 
l'Herbier  français  de  De  l'Escluse.  En 
1563,  une  nouvelle  édition  du  Crvyde- 
boeck,  revue  et  augmentée,  sortit  des 
presses  de  Yan  der  Loe.  Dodonœus 
s'étant  lié  d'amitié  avec  Plantin,  le  célè- 
bre imprimeur  anversois,  résolut  de 
refaire  son  ouvrage  et  de  le  rédiger  en 
latin;  Plantin  lui  offrit  de  l'imprimer 


(1)  Valère  André,  Fast.  acad  ,  p.  Slt».— Lettre 
(le  Dodonœus  a  Viglius;  à  la  Biblotlieque  royale 
à  Bruxelles. 

(2)  Azevtdo,  Chronyckc  van  Meclielen. 


et  il  accepta.  Une  difficulté  se  pré- 
senta alors  au  sujet  des  planches  :  le 
privilège  décennal  obtenu  par  Yan  der 
Loe  pour  l'Herbier  flamand  étant  expiré 
en  1554,  cet  imprimeur  les  fit  servir  à 
l'Herbier  de  Lyîe,  imprimé  chez  lui  en 
1578  et  qui  n'est  que  la  traduction 
anglaise  de  l'œuvre  du  botaniste  mali- 
nois.  Elles  servirent  encore  pour  les 
quatre  autres  éditions  anglaises  de  1 5  8  6 , 
1595,  1600  et  1619.  Plantin  ne  voulant 
pas  se  servir  de  planches  déjà  usées,  ou 
les  emprunter  à  un  confrère,  résolut  de 
faire  exécuter  à  ses  frais  toutes  les 
celles  dont  Dodonœus  aurait  besoin 
pour  son  ouvrage.  Celui-ci  voulait  faire 
un  livre  nouveau  plutôt  que  de  traduire 
simplement  son  Cruydeboeck  en  latin, 
car  il  s'était  aperçu  de  la  défectuosité 
de  la  classification  qu'il  avait  adoptée  ; 
cependant  il  ne  sut  à  quel  plan  s'arrêter 
d'abord;  dans  l'édition  française,  il  avait 
promis  de  commenter  Dioscoride,  mais 
ce  projet  ne  lui  souriait  plus,  bien  qu'il 
eût  déjà  commencé  à  le  mettre  à  exécu- 
tion; il  adopta  alors  une  division  entière- 
ment neuve,  dont  nous  parlerons  plus 
loin,  et  dans  laquelle  il  donna  pour 
chaque  plante  la  description  la  plus 
complète  en  même  temps  que  la  plus 
exacte  et  la  plus  concise  qu'il  lui  était 
possible  (3).  Ce  travail  devant  se  pro- 
longer trop  longtemps,  avant  de  pou- 
voir être  livré  à  l'impression,  Dodo- 
nœus prit  la  résolution  de  le  publier  par 
traités  séparés.  C'est  ainsi  que  furent 
mis  successivement  au  jour  :  1 .  Hlstoria 
frunientorum,  ler/uminuiti  palustrium  et 
aquatiUum  lierharum  (1565). — 2.  Tlorum 
corotioriarum  et  odoratarum  nonnullarum 
herhariim  hktoria  (1568).  —  3.  Piir- 
gaiitium,  radicnm,  comoltulorum  et  de- 
letariarum  lierharum  îiistoria  (1574).  Ces 
trois  ouvrages  imprimés  chez  Plantin. 
—  4.  Ifistoria  vitis  tinique  et  stirpium 
nonnullarum  aliarmn,  imprimé  en  1580 
chez  Materne  Cholin  à  Cologne.  Les 
planches  de  tous  ces  livres ,  comme 
celles  de  son  grand  ouvrage,  Pemptadfa 


^3)  "  ...  Siugitlarumque  slirpium  tiovam,  in- 
tegraiii,  pleiiain  cl  perfectam  quain  polui  brevi- 
taie  historiam  medilari  cœpi.  »  —  Préface  de 
Historiafriimeniorum. 


97 


DODOENS 


98 


sex,  qui  n'est  que  la  reproduction  des 
traités  particuliers,  sont  neuves  et  ont 
été  gravées  sous  ses  yeux,  elles  difi'èrent 
complètement  de  celles  des  volumes 
imprimés  chez  Yan  der  Loe,  et  qui  sont 
simplement  au  trait  :  le  soin  que  Dodo- 
nœus  apporta  à  l'exactitude  des  dessins 
étaittel,  qu'il  préférait  en  remettre  l'exé- 
cution plutôt  que  de  ne  pas  pouvoir 
fournir  les  plantes  fraîches  comme  mo- 
dèles. 

Son  premier  traité  Hidoria  fnimeuto- 
rum,  etc.,  fut  dédié  à  Viglius,  président 
du  conseil  d'Etat,  son  protecteur  et  son 
ami;  le  second  à  son  cousin  Joachim 
Hopperus,  alors  maître  des  requêtes  et 
conseiller  de  Philippe  IL 

Comme  il  n'avait  tenu  qu'à  Dodonœus 
d'occuper  une  chaire  à  l'université  de 
Louvain  en  1557,  il  dépendit  de  lui,  dix 
ans  plus  tard,  de  devenir  médecin  de 
Philippe  II.  Hopperus,  qui  se  trouvait  à 
la  cour  de  Madrid ,  écrivit,  à  cette  époque, 
au  président  Viglius,  que  Vésale,  méde- 
cin du  roi,  étant  parti  pour  la  Terre 
sainte,  Philippe  II  voulait  le  remplacer 
par  un  autre  médecin  des  Pays-Bas,  et 
avait  désigné  en  première  ligne  Dodo- 
nœus (1);  il  écrivit  en  même  temps  à 
notre  botaniste  pour  lui  communiquer 
ce  fait.  Viglius  répondit  que  son  pro- 
tégé n'était  pas  fort  tenté  d'accepter 
cette  place,  n'aimant  pas  à.  subir  l'escla- 
vage de  la  cour,  et  à  s'expatrier,  à  son 
âge,  avec  femme  et  enfants.  Il  avait  alors 
cinquante  et  un  ans,  et  trouvait  du 
reste  les  appointements  trop  minimes. 
Après  cela,  il  ne  fut  plus  question,  pour 
le  moment,  de  ce  projet,  et  un  médecin 
de  la  Gueldre,  Josse  van  Lom,  accepta  la 
position  et  mourut  à  Madrid  en  1572(2). 

Dodonœus  resta  donc  à  Malines  ; 
en  1572,  la  question  fut  de  nouveau 
agitée;  Philippe  II,  qui  tenait  à  avoir 
un  confesseur,  un  médecin  et  un  chirur- 
gien des  Pays-Bas,  écrivit  à  plusieurs 
reprises  au  duc  d'Albe,  qui,  content  de 
se  débarrasser  de  cette  affaire,  la  remet- 
Il)  Correspondance  de  Viglius  et  d'HopjHMiis. 
dans  les  Analecles  de  Hoynck  van  Papendrechl. 

(-2)  Con-esiiondance  de  Nigliuscilée. 

CH)  Idem. 

(l;  Idem. 

\'\\  idem. 

mOGK.   NAT.    —   T.    VI. 


tait  au  président  de  Tysnack  et  à  Vi- 
glius ;  mais  personne  ne  voulait  accepter 
les  fonctions  de  médecin,  ces  intermé- 
diaires ne  pouvant  rien  assurer  quant 
au  traitement  et  à  l'indemnité  de 
voyage  (3).  Hopperus,  à  qui  Viglius  fit 
part  de  cette  difficulté,  répondit  que  le 
traitement  du  médecin  était  de  trente 
sous  par  jour,  et  celui  du  chirurgien  et 
du  confesseur  de  douze;  toutefois  que 
selon  les  aptitudes  et  besoins  des  titu- 
laires, il  pourrait  leur  être  alloué  des 
gratifications;  que,  quant  à  l'indemnité 
de  voyage,  il  aurait  lui-même  tâché  qu'il 
en  fût  accordé  une  en  tous  points  con- 
venable (4). 

Sur  ces  entrefaites,  eut  lieu,  le  2  octo- 
bre 1572,  le  sac  de  Malines  par  les 
troupes  espagnoles;  Dodonœus  ruiné, 
comme  tous  ses  concitoyens,  informa 
Viglius  de  son  état  précaire,  et  celui-ci 
lui  parla  de  nouveau  de  la  charge  de 
médecin  du  roi.  Il  se  montra  disposé  à 
accepter  ;  cependant ,  après  mûre  ré- 
flexion ,  il  répondit  qu'à  son  âge  on 
changeait  difficilement  de  climat  et 
d'habitudes.  Il  revint  encore,  dans  la 
suite,  sur  cette  détermination,  en  po- 
sant la  condition,  qu'outre  le  traitement 
ordinaire,  on  lui  allouât  une  pension 
et  une  indemnité  de  voyage  considé- 
rable (5).  On  ne  souscrivit  pas  à  ces 
conditions  (6),  non  que  le  roi  ou  la 
cour  s'y  opposassent,  mais  le  duc  d'Albe 
voyant  avec  déplaisir  que  son  maître 
cherchait  ailleurs  qu'en  Espagne  des 
praticiens  pour  lui  donner  leurs  soins, 
et  ne  trouvant  bien  et  bon  que  ce  qui 
venait  d'Espagne,  refusait  constamment 
toute  indemnité.  «  Quant  à  lui  deman- 
der de  l'argent,  dit  Viglius  dans  une 
de  ses  lettres,  autant  vaut  parler  à 
l'oreille  d'un  sourd  (7)  « .  Le  fait  est 
que  ni  Dodonœus,  ni  aucun  autre  mé- 
decin belge  ne  partit  pour  la  cour  de 
Madrid,  aussi  longtemps  que  le  duc 
d'Albe  gouverna  les  l'ays-Bas. 

Après  le  sac  de  Malines,  Dodonœus 

(6;  «  Ipsi  (Dodonœo)  autem  lenuitas  semper 
displicuil  salarii  qui  a  vobis  offerebalur.  »  — 
Corrcspendaiice  citée. 

(7)  "  llic,  (iiiipccuiiiain  petttnt,  sitrdis  fabulam 
iiamuti.  >•  Correspondance  citée. 


DUDOENS 


100 


acheva  le  troisième  traité  de  l'histoire 
des  plantes .-  Purgantkcnialiarumqne,  etc. , 
qui  parut  en  1574;  son  soi-disant  libé- 
ralisme ne  l'empêcha  pas,  malgré  les 
pertes  que  les  soldats  espagnols  lui 
avaient  fait  essuyer,  de  dédier  ce  livre  à 
Philippe  II. 

Après  la  cour  d'Espagne,  la  cour 
impériale  chercha  à  s'attacher  le  bota- 
niste malinois  ;  c'était  bien  le  plus  bel 
hommage  qu'on  pût  rendre  à  son  ta- 
lent (1).  Nicolas  Biesius,  un  Gantois, 
médecin  de  Maximilien  II  étant  mort, 
l'empereur  jeta  les  yeux  sur  Dodonœus 
et  lui  fit  oft'rir  un  traitement  considéra- 
ble et  une  indemnité  de  voyage  de  deux 
cents  ducats  (2);  le  savant  accepta  et 
partit  de  Malines  au  mois  de  septembre 
15 74-.  Paquot  et  d'autres  écrivains  sont 
dans  l'erreur  lorsqu'ils  disent  que  Dodo- 
nœus quitta  sa  ville  natale  pour  l'Italie 
en  1570,  et  alla  de  là  directement  à  la 
cour  impériale.  Si  cela  était,  comment 
Viglins  aurait-il  pu  négocier  avec  lui 
son  entrée  à  la  cour  d'Espagne?  Du 
reste,  on  trouve  dans  un  registre  des 
archives  de  Malines  de  1573  (3),  qu'au 
mois  de  novembre  de  cette  année  Dodo- 
nœus obtint,  sur  sa  requête,  la  franchise 
des  droits  d'accise  pour  ses  vins  et 
bières,  ce  qui  prouve  qu'il  n'avait  pas 
quitté  la  ville. 

Dodonœus  arriva  à  Vienne  au  mois 
de  novembre,  et  fut  reçu  avec  bienveil- 
lance par  l'empereur,  qui  le  nomma  con- 
seiller aulique.  Il  retrouva,  dans  cette 
ville,  le  traducteur  de  son  Herbier, 
Charles  de  l'Escluse,  qui  y  était  devenu 
directeur  des  jardins  impériaux  (4). 
Maximilien  II  mourut  en  1576,  et  le 
botaniste  fut  continué  par  Rodolphe  II 
dans  ses  fonctions  de  médecin  de  l'em- 
pereur et  de  conseiller  aulique. 

Pendant  son  séjour  à  la  cour  impé- 
riale, Dodonœus  écrivit  une  consulta- 
tion sur  la  mélancolie,  que  Scholzius 
(Laurent  Scholtz)  a  publiée  dans  son 
recueil  latin  intitulé  :  Recueil  de  conml- 
tations  médicale»  écrites  par  les  médecina 
les  plus  distingués  et  les  plus  expérimentés 

(\)  Suffridus  Pciri,  De  Scrip.  Frisiœ. 
i'î)  r,orrespc(iidance  de  Viglius,  citée. 
{',^1  lieijisier  der  Camere,  cité  par  Van  Meerbeek. 


de  notre  époque.  Cette  consultation  eut 
lieu  à  propos  d'un  homme  atteint  de 
mélancolie  et  qui  avait  réclamé  les  soins 
de  Dodonœus,  de  Julius  Alexandrinus  et 
de  Jean  Krato  von  Kraftheim.  Celui-ci, 
également  médecin  de  l'empreur^  émit 
un  avis  contraire  à  celui  du  médecin 
malinois  ;  ce  Krato  était  un  homme  d'un 
commerce  extrêmement  désagréable,  et 
la  consultation  dégénéra  bientôt  en  dis- 
pute littéraire;  les  deux  praticiens  se 
lancèrent  écrits  sur  écrits  jusqu'à  ce  que 
l'empereur  leur  défendît  de  continuer. 

En  1580,  Dodonœus  reçut  à  diffé- 
rentes reprises  des  lettres  de  ses  amis 
des  Pays-Bas  qui  l'engageaient  à  retour- 
ner dans  sa  patrie  pour  soigner  ses  biens 
ravagés  par  les  factieux,  et  qu'on  aurait 
pu  considérer,  à  la  fin,  comme  abandon- 
nés. Il  possédait  un  certain  nombre  de 
maisons  à  Malines,  des  bois  et  des  terres 
à  Hever  près  de  là,  et  tenait  à  les  con- 
server (5).  Il  quitta  donc  Vienne,  avec 
l'autorisation  de  l'empereur;  mais,  ar- 
rivé à  Cologne,  il  n'osa  aller  plus  loin 
à  cause  des  troubles  dont  les  Pays-Bas 
étaient  le  théâtre.  En  s'arrêtant,  il  eut 
une  heureuse  inspiration,  car,  pendant  ce 
temps,  Malines  fut  de  nouveau  saccagé, 
mais  cette  fois  par  les  troupes  des  Etats. 
C'est  à  cette  époque  que  Dodonœus 
publia  son  traité  de  la  Vigne,  imprimé  à 
Cologne,  et  le  dédia  à  l'électeur  Daniel, 
archevêque  de  Mayence.  Suft'ridus  Pétri, 
qui  se  lia  étroitement  avec  notre  méde- 
cin, dit  qu'il  se  fit  promptement  une 
nombreuse  clientèle  dans  la  ville  élec- 
torale, ce  qui  ne  l'empêcha  pas  cepen- 
dant d'y  publier  encore  plusieurs  ou- 
vrages :  Physiologiœ  medicina  partis 
tabula  expedltce,  dédie  à  Lambert  Gru- 
terus,  évêque  de  Naples  et  chapelain  de 
l'empereur;  une  lettre  sur  l'Elan  (1581) 
où  il  combat  les  idées  erronées  des 
anciens  sur  cet  animal,  et,  sous  le  titre 
de  Medicinaliiim  observatiomim  exempla 
rara,  un  opuscule  qui  avait  déjà  paru  à 
la  suite  de  son  traité  sur  la  Vigne  l'année 
précédente. 

Parmi  les  malades  qu'il  fut  appelé  à 

(4)  Mcursius,  lAllerœ  Dalaviœ. 
(fi)  Suffridus  Pelri. 


"vio*^ 


srtltai 


lui 


DODUENS 


lU-2 


traiter  pendant  son  séjour  à  Cologne, 
se  trouvait  la  femme  de  son  ami  Suffri- 
dus  Pétri,  atteinte  d'une  maladie  qu'il 
reconnut  dès  l'aljord  pour  incurable; 
elle  expira  le  31  mars  15  80. 

Dodonœus  resta  une  année  à  Cologne, 
au  bout  de  ce  temps,  il  crut  les  cir- 
constances plus  favorables  et  rentra  dans 
son  pays.  Après  avoir  passé  quelques 
jours  à  Malines,  il  alla  s'établir  à  An- 
vers ;  là  il  surveilla,  dans  les  ateliers 
de  Plantin,  l'impression  de  son  grand 
ouvrage  sur  l'histoire  des  plantes,  qui 
fut  terminé  en  1583,  et  parut  sous  le 
titre  de  :  Stlrpium  Iddoriœ  Pemptades 
sex  sive  libri  XXX.  Il  dédia  cette  œuvre 
à  la  régence  de  la  ville  d'Anvers. 

Cette  fois,  ce  n'est  plus  en  six  livres, 
mais  en  vingt-six  groupes  que  Dodo- 
nœus distribue  les  végétaux  connus  de 
son  temps;  il  les  range  parfois  dans  un 
ordre  parfaitement  rationnel,  tandis  que 
d'autres  fois  sa  méthode  laisse  beaucoup 
à  désirer.  Dans  la  première  pemptade,  il 
décrit  tous  les  végétaux  qu'il  n'a  pu 
ranger  dans  l'une  ou  l'autre  des  classes 
qu'il  avait  établies;  mais  il  a  soin  tou- 
tefois de  réunir  tous  les  genres  et  es- 
pèces qui  présentent  entre  eux  une 
certaine  affinité.  On  trouve  dans  cette 
partie  quelques  familles  bien  groupées, 
et  des  rapprochements  heureux  entre 
les  genres.  Ainsi  il  y  introduit  les  fa- 
milles suivantes  :  géraniacées,  équiséta- 
cées,  hypéricées,  plantaginées,  rutacées, 
crassulacées ,  saxifragées  ;  des  groupes 
d'espèces  appartenant  aux  genres  sui- 
vants :  artemisia,  tanacetum,  matrica- 
ria,  arctium,  inula,  gnaphalium,  iilago, 
achillea,  centauria,  de  la  famille  des 
composées;  veronica,  euphrasia,  de  la 
famille  des  rhinantacées,  suivis  de  quel- 
ques espèces  de  scrophulariées;  quelques 
genres  de  labiées,  comme  teucrium, 
menthe,  marrubium,  melissa,  nepeta, 
prunella,  lamium  ;  les  borraginées, 
symphytum  et  pulmonaria  ;  quelques 
espèces  d'isatis  de  la  famille  des  cruci- 
fères, de  potentilla  de  celle  des  rosa- 
cées, de  scabieuses  de  celle  des  rubia- 
cées.  En  un  mot  cette  partie  décrit  la 
plupart  des  plantes  que  la  pharmacie 
(|ualitie  :1e  vulnéraires. 


La  seconde  pemptade  comprend  les 
plantes  remarquables  par  leurs  fleurs, 
soit  comme  ornement,  soit  comme  moyen 
médicinal;  puis  les  herbes  odorantes  et 
les  ombellifères  dont  la  plupart  ont  soit 
des  racines,  des  semences,  ou  un  suc 
doué  d'une  forte  odeur.  Les  plantes 
florifères  sont  divisées  en  plantes  des 
champs  et  plantes  de  jardin,  et  ces  der- 
nières subdivisées  en  bulbeuses  et  non 
bulbeuses,  d'où  cinq  groupes  formant 
le  sujet  d'autant  de  livres.  Le  premier 
livre  est  consacré  aux  non -bulbeuses 
cultivées  dans  les  jardins  :  Dodonœus 
les  subdivise  en  deux  ordres;  dans  le 
premier  il  range  celles  des  genres  viola 
(famille  des  violacées) ,  cheiranthus , 
dentaria,  lunaria,  hesperis  (famille  des 
crucifères),  campanula,  phyteuma  (fa- 
mille des  campanulacées)  ;  agrostemma, 
lychnis,  cucubalus,  dianthus,  saponaria 
(famille  des  caryophyllées)  ;  aquilegia 
(famille  des  renonculacéesj  ;  anthir- 
rinum  (famille  des  anthirrinées)  ;  cœlo- 
sia  et  amarantus  (famille  des  amaranta- 
cées);  dans  le  second  ordre,  sont  les 
genres  rosa  (famille  des  rosacées),  cystus 
(famille  des  cystées),  pœonia  (famille 
des  renonculacées).  Le  deuxième  livre 
traite  des  plantes  bulbeuses  florifères; 
celles  d'usage  culinaire  sont  rangées 
dans  la  cinquième  pemptade;  on  y 
trouve  les  familles  et  genres  suivants  : 
fritillaria,  tulipa,  hemerocallis,  hyacin- 
thus  (de  la  famille  des  liliacées)  ;  as- 
phodelus,  ornithogalum ,  scilla,  anthe- 
ricum  (de  la  famille  des  asphodélées); 
gladiolus,  iris,  crocus  (de  la  famille  des 
iridées);  narcissus,  amaryllis,  galan- 
thus,  leucoïon  (de  la  famille  des  narcis- 
sées);  satyrium,  orchis,  ophrys  (delà 
famille  des  orchidées).  Le  troisième  livre 
décrit  les  fleurs  des  champs;  il  y  a 
d'abord  le  genre  iris  (famille  des  iridées); 
acorus  (famille  des  aroïdées),  puis  un 
grand  nombre  de  genres  de  la  famille 
des  composées,  comme  centaurea,  caleu- 
dula,  tagetes,  matricaria,  scorsonera, 
anthémis,  chrysanthemum,  arnica,  he- 
lianthus,  aster,  gnaphalium,  etc.,  et 
deux  genres  de  la  famille  des  renoncu- 
lacées, qui  sont  dclphinium  et  adonis. 
Au   ([uatrième  livre   appartiennent   les 


103 


DODOENS 


104 


herbes  odorantes;  presque  toute  la  fa- 
mille des  labiées,  comme  origanum, 
thymus,  rosmarinus,  lavandula,  satu- 
teia,  ocymum,  marrubium,  mentha, 
teucrium ,  hyssopus,  salvia,  et  deux 
geures  de  composées  :  tanacetum  et 
achillea.  Son  cinquième  livre  correspond 
à  la  famille  des  ombellifères,  à  laquelle 
il  rapporte  les  genres  suivants  :  ane- 
thum,  pimpinella,  carum,  bunium,  cumi- 
num^  ammi,  sisou,  coriandrum,  œthusa, 
heracleum,  ferula,  laserpitium,peuceda- 
num,  ligusticum,  angelica,  bupleurum, 
imperatoria  et  fegopodium;  seulement 
quelques  genres  et  espèces  appartenant 
à  d'autres  familles  s'y  sont  glissés,  l'au- 
teur s'étant  laissé  abuser  par  une  simi- 
litude de  forme  ou  de  nom. 

La  troisième  pemptade  est  consacrée 
aux  plantes  médicinales,  qui  n'avaient 
pas  trouvé  place  dans  les  divisions  pré- 
cédentes; elles  sont  rangées  en  cinq 
groupes  :  1»  les  racines  douées  de  pro- 
priétés médicinales;  2°  les  plantes  pur- 
gatives; 3°  les  racines  purgatives  qui 
appartiennent  à  la  famille  des  convolvu- 
lacées, 011  sont  jointes  les  grimpantes  non 
purgatives;  4»  les  plantes  vénéneuses; 
5"  les  classes  de  végétaux  acotylédons  et 
cryptogames.  Cette  division  laisse  à  coup 
sûr  beaucoup  à  désirer,  car  des  plantes 
qui  n'ont  de  commun  que  leur  emploi 
en  médecine  ne  constituent  pas  une  clas- 
sification. La  description  de  la  vigne  et 
du  vin  termine  le  troisième  livre;  Dodo- 
nœus  passe  en  revue  les  différentes  es- 
pèces de  liqueurs  que  l'on  fabrique  avec 
le  vin  et  décrit  la  manière  de  les  pré- 
parer chez  les  anciens  et  chez  les  mo- 
dernes. 

Dans  la  quatrième  pemptade  se  trouve 
la  description  des  plantes  qui  servent  de 
nourriture  aux  hommes  et  aux  bestiaux, 
ainsi  que  celle  des  plantes  marecageiises 
et  aquatiques  ;  cette  pemptade  compte 
cinq  livres  :  dans  le  premier  sont  rangées 
les  céréales;  les  genres  triticum,  hor- 
deum,  secale,  panicum,  coïx,  holcus, 
oryza,  zea,  phalaris  et  avena  (de  la 
famille  des  graminées);  il  y  a  joint  le 
sarrasin  (polygonum  fagopyrum),  alors 
nouvelU^iiicnt  introduit  dans  nos  con- 
trées, et  {|ui  doit  appartenir  H  une  auire 


famille.  Outre  la  description  descéréales, 
l'auteur  détaille  les  produits  qu'on  en 
tire,  et  explique  la  préparation,  chez  les 
anciens  et  les  modernes,  de  la  farine,  du 
pain  et  d'autres  produits  appelés  far  (en 
flamand  gort,  en  français  gruau),  chon- 
drus,  halica,  tragus,  amylus  (amidonj, 
athera  et  gluten  que  l'on  tire  du  fro- 
ment; ptisana  (orge  mondé  ou  tisane) 
polenta,  maza,  crimnum,  maltum  (malt) 
cerevisia  (cervoise  ou  bière)  et  zython, 
qui  proviennent  de  l'orge.  Dans  le  se- 
cond livre,  se  trouvent  une  grande  jîartie 
des  légumineuses,  comme  vicia,  pha- 
seolus,  pisum,  lathyrus,  ervum,  astra- 
galus,  ononis,  lupinus,  trigonella;  puis 
quelques  plantes  qui  servaient  de  nour- 
riture chez  les  anciens,  comme sesamum, 
erysimum  galeni,  linum  sativum  et  syl- 
vestre, cannabis  et  spergula  arvensis. 
L'auteur  a  placé  dans  le  troisième  livre 
un  grand  nombre  de  plantes  qu'il  con- 
sidère comme  une  dégénérescence  des 
céréales  et  des  légumes,  ce  qui  corres- 
pond, par  conséquent,  aux  graminées  et 
aux  légumineuses  ;  il  y  range  également 
un  groupe  qu'il  appelle  vitla  frugum, 
dans  lequel  se  trouvent  quelques  espèces 
de  la  famille  des  rhinantacées.  On  a  dit 
que  Dodonœus  a  été  le  premier  botaniste 
qui  ait  décrit  la  raphanie  ou  ergotisme 
du  seigle,  mais  le  contenu  de  ce  livre 
prouve  qu'il  n'a  pas  connu  cette  variété 
de  champignons.  Le  quatrième  livre 
traite  des  fourrages,  gazons, trèfles,  etc., 
par  conséquent,  le  reste  des  graminées, 
quelques  légumineuses  et  quelques  au- 
tres plantes  que  l'auteur  y  joint  à  cause 
de  leur  similitude  dans  la  disposition 
de  leurs  feuilles.  Le  cinquième  livre 
renferme  les  plantes  vivant  dans  les  eaux 
et  les  marécages  ;  elles  sont  placées  plu- 
tôt ici  que  dans  une  autre  section  parce 
qu'il  y  en  a  qui  servent  également  à  la 
nourriture  des  bestiaux;  on  conçoit  que 
cette  classification  laisse  également  à 
désirer,  car  les  végétaux  qui  s'y  trouvent 
n'ont  de  commun  que  le  lieu  où  ils 
croissent. 

Dans  la  cinquième  pemptade,  l'auteur 
a  réuni  les  plantes  potagères  et  celles 
c|ui  servent  aux  usages  culinaires  ou 
comme  coiulimeuts;  il  y  joint  celles  qui, 


ion 


DODOENS 


106 


sans  avoir  la  même  destination,  leur 
ressemblent  par  la  forme.  Le  premier 
livre  contient  les  oléracées  ou  potagères 
proprement  dites  ;  le  second,  les  plantes 
herbacées  dont  on  mange  les  fruits, 
toute  la  famille  des  cucurbitacées  par 
conséquent;  le  troisième,  les  plantes 
d'un  usage  culinaire  par  la  racine  ou  le 
bulbe;  le  quatrième  contient  toutes  les 
plantes  qui  servent  de  condiments;  le 
cinquième  renferme  tous   les   chardons. 

La  sixième  pemptade  est  consacrée 
aux  arbres  et  aux  arbustes  :  1er  livre, 
les  arbustes  épineux;  2e  livre,  les 
arbustes  sans  épines;  3e  livre,  les  arbres 
cultivés  dans  les  jardins  et  les  potagers  ; 
4-e  livre,  les  arbres  des  forêts;  5e  livre, 
les  arbres  à  feuilles  lierpétuellement 
vertes.  Cette  division ,  dans  laquelle 
l'auteur  n'a  consulté  que  le  port  seul 
des  végétaux  pour  les  rapprocher,  est  à 
coup  sûr  défectueuse.  D'après  cet  exa- 
men, on  voit  que  Dodonœus,  a  consi- 
déré des  plantes  surtout  sous  le  rapport 
de  leurs  propriétés  et  de  leurs  usages  ;  la 
physiologie  botanique  lui  est  encore  in- 
connue, et  tandis  qu'aujourd'hui  l'orga- 
nisation intime  de  la  plante  en  déter- 
mine la  classification  ,  il  ne  voit  que 
l'application  ;  il  fait  avant  tout  de  la 
botanique  appliquée,  successivement,  à 
la  médecine,  à  l'industrie,  à  l'économie 
domestique.  On  en  sait  davantage  au- 
jourd'hui ,  mais  nous  sommes  à  trois 
siècles  du  temps  où  il  vivait. 

Outre  les  planches  contenues  dans  les 
trois  traités  spéciaux,  on  en  trouve,  dans 
les  pemptades,  un  grand  nombre  d'au- 
tres exécutées  sous  les  yeux  de  l'au- 
teur :  quelques-unes  sont  empruntées  à 
Dioscoride,  d'autres  lui  sont  communes 
avec  De  l'Escluse  et  Pe  Lobel.  Plantin, 
qui  imprima  les  ouvrages  des  trois  bota- 
nistes et  fit  les  frais  des  gravures,  obtint 
d'eux  que  les  planches  serviraient  pour 
tous  trois. 

Notre  savant  était  à  peine  depuis 
une  année  rentré  dans  les  Pays-Bas , 
quand  les  curateurs  de  l'université  de 
Leyde  lui  ofirirent  une  chaire  avec  un 
traitement  considérable  (l).   Il  accepta 

I    Suffii<Ius  Pelri. 


et  alla  donner,  dans  cette  école  naissante, 
les  cours  de  pathologie  et  de  thérapeu- 
tique générale  et  spéciale  des  maladies 
internes.  Il  avait  conçu  le  projet  de  faire 
imprimer  son  cours  et  d'y  joindre  un 
traité  sur  les  afiections  goutteuses,  mais 
la  mort  vint  le  surprendre  avant  qu'il 
eût  pu  mettre  ce  dessein  à  exécution.  Il 
mourut  après  deux  années  de  professo- 
rat, le  10  mars  1.58.5.  Un  de  ses  élèves, 
Egbertz,  satisfit,  plus  tard,  au  désir  du 
maître,  en  publiant  les  leçons  recueillies 
sous  sa  dictée;  il  les  intitula  :  Praxis 
medica.  Pendant  ces  deux  années  Dodo- 
nœus revit  son  traité  de  cosmographie 
et  en  fit  imprimer  en  1584,  à  Leyde,  une 
seconde  édition  qu'il  dédia  aux  fils  de 
son  pareut  Hopperus  ;  cette  même  année 
il  imprima  pour  la  troisième  fois  son 
ouvrage  :  Medici/ialium  ohnervationuru 
exempla  /'ara,  et  le  dédia  au  baron  AVolf- 
gang  Eumpf,  chambellan  de  l'empereur. 

Dodonœus  fut  enterré  dans  l'église 
de  Saint-Pierre  de  Leyde,  où  son  fils 
lui  fit  ériger  un  monument  surmonté 
d'un  écusson,  d'azur  à  deux  étoiles  d'ar- 
gent en  chef,  et  un  croissant  de  même 
en  pointe,  avec  cette  épitaphe  : 

D.  0.  M.  Rembekto  Dodoxœo 
Machlix.  D.  Maximiliaxi  II  ET  Rc- 

DOLPHI  II  ImPP.  MEDICO  ET  COXSILIA- 
RIO  CUJUS  IX  KE  ASTROXOMICA,  HERB. 
ET  MEDIC.  ERUDITIOSCRIPTISIXCLARVIT, 
QUI  JAM  SEXEX  IX  ACAD.  LuGDUXEXSI 
APU D BaTA VOS ,  PUBUCUS  MEDICI X.E  PRO- 
FESSOR  FELICITER  OBIITAX.  MDLXXXV 
AD  VI  IDUS  MART.  .ETATIS  SU.E  LXYIII. 
EeMBERTUS  DoDOXŒUS   FIL.   M.   P. 

La  ville  de  ^lalines,  sa  patrie,  fit 
exécuter  son  buste  en  marbre  et  le  plaça 
dans  le  jardin  botanique,  en  face  de  la 
grande  serre. 

Il  laissa,  de  sa  femme  Catherine 
'S  Bruynen  quatre  enfants  :  un  fils, 
Rembert,  et  trois  filles,  Antoinette, 
Ursule  et  Jeanne  ;  un  autre  fils,  Denis 
était  mort  en  bas  âge.  Rembert,  médecin 
comme  son  père,  s'établit  à  Vienne,  où 
il  fut  attaché  au  roi  des  Romains;  il  ne 
laissa  qu'une  fille. 

Comme  tous  les  hommes  éminents, 
Rembert  Dodonœus  eut  ses  partisans  et 
ses  détracteurs;  Haller  le  range  parm 


107 


DODOENS 


108 


les  inventeurs  dont  les  découvertes  ont 
profité  à  la  science.  Il  fut  le  premier 
dans  notre  pays  qui  publia  une  histoire 
des  plantes;  ce  fut  lui  qui,  par  ses  ou- 
vrages sur  la  botanique,  fit  faire  des 
progrès  à  cette  branche  des  connais- 
sances, et  provoqua  l'élan  qui  poussa 
De  l'Escluse,  De  Lobel  et  d'autres  en- 
core dans  la  même  voie.  Tournefort  et 
Bauhinus  ne  trouvent  en  lui  que  du 
plagiat;  à  cela  on  peut  répondre  que  le 
nombre  des  plantes  dont  on  doit  la  con- 
naissance à  Dodonœus  est  fort  considé- 
rable, ainsi  qu'il  l'a  dit  lui-même  dans 
son  épître  au  lecteur  de  l'édition  de 
1559  des  planches  de  son  Herbier,  et 
que  ëprenger  l'a  répété  dans  son  His- 
toria  rei  herbariœ,  en  énumérant  la  ma- 
jeure partie  de  ces  plantes  nouvelles. 
Plumier,  pour  honorer  sa  mémoire,  lui 
a  dédié  un  genre  de  plantes,  Dodonœa, 
de  la  famille  des  térebinthacées. 

Bien  que  Dodonreus  doive  en  grande 
partie  sa  réputation  à  ses  études  bota- 
niques ,  il  mérite  tout  autant  d'être 
connu  comme  médecin.  Son  cours  à 
l'université  de  Leyde,  publié  vingt  ans 
après  sa  mort,  reproduit  parfaitement 
son  système  et  sa  doctrine  médicale. 
Podonœus  appartenait  à  cette  école  dite 
Hippocratiste,  qiii  rallia  pendant  de  lon- 
gues années  tous  les  médecins  instruits; 
mais  aux  opinions  admises  alors  il  a 
joint  le  fruit  d'une  longue  expérience. 
Sa  Praxis  medica  renferme  deux  parties, 
l'une  consacrée  aux  fièvres,  l'autre  aux 
maladies  épidémiques  ;  chacune  com- 
prend un  certain  nombre  de  chapitres 
qui  traitent  tantôt  d'une  maladie  spé- 
ciale, tantôt  d'un  symptôme  particulier. 
Dans  le  second  cas,  l'auteur  cherche 
toujours  à  rapprocher  le  symptôme  de 
la  cause  et  dirige  le  traitement  contre 
celle-ci.  Dans  l'explication  des  mala- 
dies, il  disserte  sur  l'origine  et  la  nature 
intime  du  mal,  en  donne  une  symptoraa- 
tologie  exacte,  sinon  com.plète,  mais  ce- 
pendant en  néglige  presque  toujours  la 
marche  et  la  terminaison.  Son  traite- 
ment, qui  est  fort  rationnel,  est  basé  sur 
le  régime;  sa  médicamentation,  tant 
simple  que  composée,  est  presque  ex- 
clusivement   végétale.    Il   base    autant 


qu'il  le  peut  son  traitement  sur  son  ex- 
périence personnelle.  Dodonœus  fut,  en 
outre,  un  des  créateurs  de  l'anatomie 
pathologique,  un  des  rénovateurs  de  la 
doctrine  du  vitalisme.  L'anatomie  pa- 
thologique, c'est-à-dire  l'étude  des  mo- 
difications que  les  maladies  apportent  à 
la  structure  des  organes,  indispensable 
au  médecin,  est  impossible  à  pratiquer 
sans  la  dissection.  C'est  dans  son  ouvrage 
Medicinalium  ohservatiomivi  exempla  rara 
qu'il  raconte  le  résultat  de  ses  expé- 
riences, et  cite  un  grand  nombre  d'exem- 
ples, où  la  dissection  seule  a  pu  donner 
la  raison  du  mal. 

Voici  les  ouvrages  qu'on  a  de  Dodo- 
nœus : 

1.  Cosmog)'aphica  in  astrotiomiam  et 
geoyrapli  iam.  Isagoge  ,per  Remhertum.  Dodo- 
nœnm  Maliuatem,  medicum  et  mathemati- 
cum.  Antwerpia ,  ex  officina  .1.  Loëi. 
Anno  154S  cum  gratia  et  privilegio. 
In-12  fig.  bois,  112  pages,  très-rare.  — 
La  seconde  édition  de  cet  ouvrage  est 
intitulée  :  De  spliœra  sire  de  astronomiœ 
et  geograpliiœ  prihcipiis  cosmograpîiica 
isagoge  :  olim  conscripta  a  Remberto  Do- 
do nœo  medico,  nunc  vero  ejusdem.  recogni- 
tione  locupletior  facta.  Antwerp.  etLugd. 
Batav.,  ex  off.  Chr.  Plantini,  1584,  petit 
in-8  >,  fig.  bois  109  p.  sans  la  table.  — 

2.  Remherti  Dodonœi  Mechliniensis  me- 
dici ,  de  Trugum  historia ,  liber  imus. 
Ejusdem  epistolœ  dnœ ,  tina  de  Tare , 
Chondro ,  Trago  ,  Ptisana ,  Crirnno  et 
AVicn;  altéra  de  ZytJto  et  Cerevisia.  Antv. , 
ex  oft'.  J.  Loëi,  1552,  in-8o,  fig.  bois. — 

3.  Remberti  Dodonœi  Mechliniensis  me- 
dici,  trium  priorîim  de  stirpixim  historia 
cor/imentariorihin  imagines  ad^  vivum  ex- 
presse. TJna  cum  indicibus  greeca,  latin  a, 
officinarum-,  germanica,  brabantica,  galli- 
caque  no  mina  complectentihis .  Antv.,  ex 
officina  Loëi,  1553^  in-8o,  438  fig.  bois, 
439  pp.  — Posteriorum  trium  Remberti 
Dodonœi  Mechliniensis  niedici  de  stirpium 
historia  commentariorum  imagines  ad  vi- 
vum artificiosissiwe  expressa;  ufia  cum, 
marginalibus  annotutionibus .  Item  ejusdem. 
annotationes  in  aliquot  prioris  tomi  ima- 
gines,  qui  trium priorum.  librorum  figuras 
complectitur.  Antv. , ex  o^.  J.  Loëi,  1554, 
in-8o,  275  fig.  bois,  302  pp.— Ce  même 


109 


DODOENS 


10 


ouvrage  fut  réimprimé  en  deux  volumes, 
avec  addition  des  planches  neuves  de 
l'édition  française  par  Charles  De  l'Es- 
cluse,  sous  le  titre  de  :  Remhertl  Dodo- 
nœi  commeutariornm  de  stirpiuni  Jmtoria 
imaginum,  tomioi  primMS.  —  Tomus  secun- 
dus.  Item  annotation  H  in  ali(^uot  ntritisque 
tomi  imagines.  Et  dirpium  herharumque 
complnres  imagines  rwrce,  qiiœ  supra  priè- 
res, huic  posteriori  editioni  accesserunt. 
Antv.,  ex  off.  .1.  Loëi,  1559,  in-8o,  fig. 
bois.  —  4.  Cruydehoeck  in  den  welcken  de 
gJieheele  historié,  dut  es  't  gliesIacJit, 
't  fatsoen,  naeni,  nature,  cracht  ende 
v'erckingJie ,  van  den  cruyden,  7iiet  alleen 
Jiier  te  lande  wassende,  maer  ooch  van  den 
ttnderen  vremden  in  der  medecynen  oor- 
hoorlyck  met  grooter  neersticheyt  begrepen 
ende  verclaert  es,  met  derzelver  cruyden  na- 
tuerlick  naer  datleven conter feytsel  daer  by 
gestelt.  Der  JioocJu/eborene  ende  alderdoor- 
lucJitichsteconingJiinneende  vrouwe,  vromo 
Marien  coningMnne  donaigiere  van  Hun- 
gheren  ende  Bohemen,  eu:.  Régente  ende 
gotivernante  van  der  K.  M.  Xeerlanden, 
toegliescreven  deur  D.  Remhert  Dodoens, 
wedecyn  vander  stadt  van  Mechelen.  Ghe- 
druckt  't  Antwerpen  by  .Tan  Yander  Loe 
in  Onzer  Yrouwen  pand,  in  't  jaer  1554, 
in-fol.,  car.  goth.,  707  fig-  bois,  S18  p. 
Cet  ouvrage  est  d'une  rareté  excessive; 
la  bibliothèque  royale  de  Bruxelles  en 
possède  deux  exemplaires,  dont  l'un 
provient  de  Van  Hulthera  qui  l'avait 
cherché  pendant  vingt-cinq  ans.  —  Une 
seconde  édition,  moins  belle  et  moins 
rare  aujourd'hui, et  plus  complète,  parut 
en  1563  chez  Van  der  Loe,  in-fol., 
car.  goth.,  817  fig.,  682  pag.  —  La 
traduction  ':  Histoire  des  plantes,  par 
Charles  De  l'Escluse,  Anvers,  chez  Van 
der  Loe,  1557;  in-fol.,  fig.  bois,  584  pp. 
Le  traducteur  y  a  joint  un  :  Petit  recueil 
auquel  est  contenu  la  description  d\mcunes 
gommes  et  liqueurs,  etc.  —  La  traduc- 
tion anglaise  eut  cinq  éditions,  en  1578, 
1586,  1595,  1600,  1619.  —  5.  Histo- 
ria  frumentorum,  legumintnn,  paJustrium 
et  aquatilium  herharum,  ac  eorum  qure 
pertinent  :  Rembfrto  Dodouœo  MecJili- 
niensi  inedico  nuctore.  Additee  sunt  ima- 
gines viva,  exactissimœ,  jam.  récent  non 
ahsqiie   hnnd  vulgari    diligevtia  et    fde 


artijiciosisnme  expresses  quarumque  ple- 
r(eque  novœ  et  luœtenus  non  édita.  Antv., 
iex  off.  Christ.  Plantini ,  1565,  in-8i. 

—  2e  édit.,  1566,  in-8o.  —  3e  édi- 
tion, 1569,  in-8o,  293  pag.,  fig.  bois. 

—  6.  ilorum  et  coronariorum  odorata- 
rumque  nonmdlarum  Jierbarum  historia, 
Remberto  Dodonœo  Mechlinien-si  medico 
auctore.  Antv.,  ex  off.  Chr.  Plantini, 
1568,  in-8o,  307  pp.,   112  fig.  bois. 

—  2e  édit.,  1569,  in-8o,  309  pages., 
108  fig.  bois.  —  7-  Purgantiîim  alia- 
r unique  eo  facientium,  tam  et  radicum, 
convohulorum  ac  deletariarurn  Jierbarum, 
historice  libri  IIII,  Remberto  Dodonœo 
MecJdiniensi  medico  auctore.  Accessit 
appendix  variarum  et  quidem  rarissima- 
rum  7ionnullarum  stirpium ,  ac  forum  qtio- 
rurndam  peregrinorum  elegantissimorum- 
que  icônes  omnino  novas  nec  antea  éditas, 
singulorumque  brèves  descriptiones  conti- 
nens  :  cujm  altéra  parte  iimbellifercB 
exJiïbentur  non  paucœ,  code  m  auctore. 
Antv.,  ex  off.  Chr.  Plantini  architypo- 
graphi  regii;  1574,  in-8o,  505  pages 
220  fig.  bois.  —  2e  édit.,  1576,  in-8o. 

—  8.  Historia  vitis  vinique  et  stiipiurh 
nonmdlarum-  (diarum  :  item  medicinalium 
observationum  exempta  rara,  auctore  Rem- 
berto Dodonœo  medico  ccesareo.  Colon., 
apud  Maternum  Cholinum,  1580,  in-8o; 
réimprimé  plusieurs  fois,  1583,  1585, 
1621.  —  9.  Physiologice  medicinœ  partis 
tabidee  expeditœ  :  per  Rembertum  Dodo- 
nœum  medicum  cœsareum  olim  conscriptce, 
nunc  rero  primum  édites.  Colon.,  apud 
M.  Cholinum,  1581,  \\\-%»;  Antverp., 
1581,  in-8o;  id.,  1585,  in-8o.  — 
10.  Reinberti  Dodonœi  medici  ceesarei 
medicinalium.  observât iotiutn  exempta  rara. 
Accessere  et  alia  quadam  quorum,  elen- 
chum  pagina  post  prcefationem.  e.rJiibet  : 
Antonii  Beniveni  Florentini  medici  ac 
philosophi,  de  abditis  nonnullis  ac  niiran- 
dis  morborum  et  sanationum  cau-ùs  liber. 
Medicinalium.  observationum  exempta  rara 
ex  libris  de  cnrandis  hominum  morbis 
Valesci  Tharantani  et  Alexandri  Bene- 
dirti .  Historia  gestationis  fcptus  mortui 
in  utero,  Mathiee  Cornacis,  Egidii  Her- 
togîiii  et  Achillis  Pirminii  Gassari.  Phy- 
siologices,  medici na  partis  tabulée  expe- 
ditfS  per  R.  Dodonœum.  Colonipp,  apud 


m 


DODOENS  —  DOEVEREN 


H2 


M.  Cholinum,  1581,  iii-8o;  Harder- 
vici,  1584,  in- 8»;  Antv.  et  Lugd. 
Bat.,  ap.  Plantin.,  1585;  Antv.,  lôST), 
in-8o;  Hardervici,  1631,  in-8'3,  réim- 
pression considérablement  augmentée 
d'un  ouvrage  mentionné  au  n^  8.  — 
11.  Renibe)-ti  Dodonœi  MecJiliniensis ,  me- 
dici  cœsarei,  sth'pium  liistoriœ  pemptaden 
sex  sive  Jibri  XXX.  Antv.,  ex  off.  Chr. 
Plantini,  1583,  in-fol.,  680pp.  l,305fig. 
bois,  846  chapitres;  une  2e  édition  chez 
Moretus,  1616,  in-foL, 872pp.  l,3411ig. 
bois,  854  chap.;  les  Pemptades  furent 
traduites  en  flamand  sous  le  titre  de  : 
Herbarius,  seu  Crnydtboek  van  Rembertiis 
Dodonœvs,  volgens  syne  laetste  verbete- 
ringe,  met  byvoegseJs  acMer  elck  capittel 
ut  verscheyden  ci'uydtbeschryvers  :  Item, 
in  't  laetste  een  beschryvinge  van  de  In- 
\îaan8clie  geicassen,  meest  getrocken  nit 
de  scîiriften  van  Carolus  Chisius.  Tôt 
Leyden,  in  de  Plantynsche  drukkerye 
van  Françoys  van  Eavelingen,  1608, 
in-fol.,car.  goth.,tig.  en  bois,  1,580pp.; 
2e  édition  161S,  in-fol.,  1,495  pag.; 
3e  édition  chez  Moretus  à  Anvers,  1644, 
in-folio,  1,492  pages.  Celle-ci  est  la 
meilleure,  du  moins  elle  passe  pour 
telle  quoique,  au  verso  du  titre,  il  se 
trouve  une  note  disant  qu'elle  repro- 
duit l'édition  de  1618.  —  12.  Praxis 
medica  Remberti  Dodonœi  MecMiniensis . 
Amstel. ,  impensis  Henrici  Laurentii, 
1616,  in-8'J,  618  pag.;  in  eamdem  Sebas- 
ti.a7ii  Egberti,  considis  et  medicis  Amste- 
lodamensis  scolia;  cum  auctiiario  annota- 
tionum  Nicolai  Fontani.  1640,  in-8'>, 
565  p.  —  Une  traduction  hollandaise 
parut  en  1624,  in-4t>,  avec  notes  d'Eg- 
bertz  et  de  Wassenaar.  —  13.  Remberti 
Dodonœi  ad  Balduimim  Ronssœum  Epi- 
stola  (de  Zytko,  Cormi  et  Cerevisia), 
imprimée  dans  Balduini  Ronssœi  medici 
cehberrimi  opiiscula  medica.  Lugd.  Bat., 
1590.  —  14.  Remberti  Dodonœi  consi- 
liîtm,  médicinale  in  melancholia  per  essen- 
tiam;  publiée,  comme  nous  l'avons  dit, 
dans  Opéra  Laur.  Scholzii.  —  15.  Pau- 
lus  Œgineta,  a  Joanne  Guiîitero  latine 
conversns,  a  Remberto  Dodonœo  ad  grœ- 
cum  textum  accurate  collatus  ac  recensi- 
tu8.  Basiliae,  1546,  in-S». 

F.mile  Vnrcnhpruli. 


Hoynck  van  Papendrechi,  Analect.  belg.  — 
SuttVfdus  Pelii,  De  script.  Frisiœ.  —  Sweertz, 
Athenœ  BeUj.  —  Valère  André,  Fast.  acad.  ; 
Biblioth.  belg.  —  Goethals,  Lectures  relatives  a 
l'histoire  des  sciences.  —  Paquot.  Mémoires  pour 
servir  a  l'histoire  littéraire  — Moreri.  Dictionnaire 
historique.— Màlmà  ei  Broërius,  Tooneel  der  Ver- 
eenigde  yederlanden.  —  Van  Meerbeeck,  Re- 
cherches sur  Reuibert  Dodoens.  —  Azeveilo, 
Chronycke  van  Mechelen.  —  lievue  de  Bruxelles, 
•1841,  avril.  —  Andiives  de  Matines.  —  Morren, 
La  Belgique  horticole,  1. 1  (1831.  —  D""  D'Avoine, 
Eloge  de  Rembert  Dodoens  (18o0;.  —  Sprengel, 
Historia  rei  herbariœ.    —  Cuvier.  Histoire  des 


DOF.vEiR£.\'  {Walther  vax),  médecin 
et  professeur,  né  à  Philippine,  dans  les 
Etats  de  Flandre,  le  16  novembre  1730, 
mort  à  Leyde,  le  31  décembre  1763. 
Son  père,  Antoine  van  Doeveren,  était 
inspecteur  des  digues  et  directeur  des 
travaux  maritimes.  Après  avoir  fait  ses 
humanités  à  Goes,  le  jeune  Van  Doeve- 
ren alla,  en  1747,  à  Leyde,  étudier  la 
médecine  ;  il  y  reçut  le  diplôme  de  doc- 
teur le  21  octobre  1753,  après  avoir 
visité  Paris  pour  compléter  son  instruc- 
tion. Sa  thèse  inaugurale.  De  vermihts 
intestinalihns  ho7ninum,prceciimède  taenia, 
publiée  en  1754,  in-4o,  fut  traduite  en 
français  en  1764,  et  plus  tard,  en  alle- 
mand. Les  connaissances  et  l'habileté 
du  jeune  praticien  avaient  attiré  sur  lui 
l'attention;  le  11  juin  1754,  il  fut  chargé 
de  la  chaire  de  chirurgie  et  des  accou- 
chements à  l'université  de  Groningue  et 
prononça,  à  cette  occasion,  un  discours 
De  imprudente  ratiocinio  in  observatio- 
nibns  et  experimentis  medicis.  Ses  succès 
comme  praticien  et  comme  professeur 
furent  tels,  qu'en  1771,  après  le  décès  de 
B.  S.  Albinus,  professeur  de  chirurgie 
et  d'accouchements  à  Leyde,  il  fut 
appelé  à  remplacer  cet  illustre  anato- 
miste.  Son  discours  inaugural,  Derecen- 
tiorum  inventis,  medicinam  Jiodiernam 
veteri  prœstantiorem  reddentibus,  parut 
in-4",  comme  le  précédent.  Sept  ans 
plus  tard,  en  déposant  l'hermine  recto- 
rale, il  lut  un  autre  discours,  intitulé  : 
De  remedio  morbi,  sice  de  malis  quœ  à 
remediis,  sanandi  causa  adhibitis,  sœpe 
nnriiero  hominibus  accidere  soient;  Leyde, 
1779,  in-4o. 

Après  douze  ans  de  séjour  à  Leyde, 
Van  Doeveren  fut  enlevé  inopinément 
par   une   attaque  de  goutte.  Il  avait  eu 


113 


DOEVEREN 


D(»ISr)N 


M  4 


de  sa  femniL',  lille  de  .1.  Eck,  professeur 
de  droit  à  l'université  de  Groningue, 
trois  lils,  Antoine-Jacques,  Corneille- 
Emile  et  Jean -Arnold.  Il  laissa  une 
riche  bibliothèque  ainsi  qu'un  cabinet 
remarquable  d'instruments  de  chirur- 
gie et  de  préparations  anatomiques, 
acquis  par  l'université  de  Leyde.  Mal- 
gré une  santé  délicate,  il  était  aussi 
assidu  au  travail  que  bon  observateur 
et  fut  un  des  propagateurs  de  l'inocula- 
tion de  la  variole.  Il  pratiqua  cette  opé- 
ration sur  les  fils  du  prince  Guillaume  V, 
qui  le  nomma  leur  médecin,  puis  l'attacha 
à  sa  personne  après  la  mort  du  célèbre 
Gaubius. 

On  a  encore  de  Yan  Doeveren  : 
lo  Sermo  academicm  de  trrorihuH  tncdico- 
rum,  snâ  utilitate  noncarentibm.  Gron., 
1762,  in-4o.  —  2°  Spécimen  obserratio- 
num  acadewicarum  ad  monstrorihni  Imto- 
riam,  anatomen,  patJiologiam  et  artem 
obstetricam  prœcipnè  spectantium.  Gron. 
et  Leyde,  1765,  in-4o,  avec  fig.  — 
3o  Sermo  academicus  de  smiitatk  Gronin- 
yanorumpi'œùdiisexnrbl'inaturallhidoriâ 
derivandis.  Gron.,  1770,  in-4o;  traduit 
en  néerlandais  par  M.  van  Geuns  sous 
ce  titre  :  Redevoeriny  orer  de  gunduje  ye- 
steldheidvan  Cironinyen  voor  de  yezondlteid . 
Gron.,  1771,  in-8o.  —  4o  Epidola  ad 
clarissimnm  Edward  Sandifort  de  felici 
sticcessu  hmfionis  variolartim  Gronivya 
instituice,  1770,  in-8o. — 5°  Primœ  Uneœ 
de  cognoscendis  mulierum  morbis,  in  uhhs 
academicos.  Leyde,  1777,  in-8o.  Leip- 
zig, 1786,  in-8",  On  cite  encore  de  lui 
un  mémoire  sur  la  variole,  inséré  dans 
les  Mémoires  de  la  Société  des  sciences  de 
Harlem,  constatant  que  cette  maladie 
peut  récidiver;  et  une  note  sur  une  nou- 
velle méthode  de  ponctionner  la  vessie, 
insérée  dans  les  Annales  de  la  société 
batave  des  sciences  expérimentales  de  Rot- 
terdam. G.  Uc-walqiie. 

DeChalmol,  Ciof/c.  Wonrdeub. — Sluart,  Vader- 
latidsche  Hist.,  '.i<:  partie.  -  Van  Kemiien,  Gescliied. 
der  iiederd.  Lellcr.  en  IVeteii.ichapiici),  '2''  jiarlie. 
—  Siegcnbeck,  (iescliied.  der  Leidsclte  Hooije- 
Hchool;  Toer  en  liijl. — Van  dev  A&,  Uiogr .  [Voor- 
denboek  der  Xederlanden,  etc. 

noKVKiiY^'  {Jtiue  \.h.%),  poète  fla- 
mand, née  à  Bruxelles  en  1549,  fille 
d'Adolphe  van  l^oeveryn,  (|ui  tenait  fi  la 


famille  d'Egmont,  et  de  Philippine 
Ab.soloens,  d'une  famille  patricienne  de 
Louvain.  Après  avoir  reçu  une  bonne 
éducation,  elle  entra  au  Grand  Bégui- 
nage de  Louvain  et  y  prononça  ses  vœux 
en  1575.  La  jeune  béguine  consacra 
ses  loisirs  à  broder,  à  confectionner  des 
fleurs  pour  orner  l'église,  à  faire  des 
lectures  et  à  composer  des  poésies  fla- 
mandes. Anne  van  Doeveryn  lisait  avec 
bonheur  le  livre  de  Job  ainsi  que  les 
œuvres  des  Pères  de  l'Eglise.  Xe  possé- 
dant pas  la  langue  latine,  elle  devait  se 
contenter  de  lire  ces  écrits  dans  des  tra- 
ductions. Cela  la  contraria  tellement 
qu'elle  prit  la  résolution  de  s'appliquer 
à  rétu.de  du  latin.  La  béguine  fut  initiée 
à  la  langue  de  Cicéron  par  le  chapelain 
du  Béguinage,  Gme  Hulselmans,  docteur 
en  théologie.  Grâce  à  sa  forte  volonté, 
elle  parvint  non-seulement  à  compren- 
dre les  livres  des  SS.  Pères,  mais  à 
parler  le  latin  comme  si  c'eiit  été  sa 
langue  maternelle.  Elle  traduisit  en  fla- 
mand la  Vie  de  sainte  Aynès,  par  saint 
Ambroise,  ainsi  que  lef.  Proverbes  de  saint 
Bernard;  puis  composa,  également,  un 
nombre  considérable  de  cantiques  pieux 
en  flamand,  qu'on  lisait  jadis  dans  des 
recueils  manuscrits,  chez  les  béguines  de 
Louvain,  ainsi  que  l'afflrme  Yan  Ryckel; 
à  notre  connaissance,  ces  pièces  n'ont  pas 
été  imprimées. 

Anne  van  Doeveryn  menait  une  vie 
exemplaire,  donnant  l'exemple  de  la 
plus  complète  humilité  et  de  la  charité 
la  plus  active.  La  majeure  partie  de  .ses 
revenus  passait  entre  les  mains  des  pau- 
vres. Elle  mourut  au  Béguinage  de  Lou- 
vain, à  l'âge  de  soixante-quinze  ans,  le 
31  janvier  1625,  et  y  fut  enterrée  à 
l'église,  en  face  de  l'autel  de  Sainte- 
Marie-Madeleine.  Son  neveu,  François 
d'Ittere,  protonotaire  apostolique,  y  fit 
placer  pour  perpétuer  sa  mémoire  une 
pierre  tumulaire,  qui  a  malheureuse- 
ment disparu.  E,i.  van  Even. 

Van  Fîyikel,  Viia  S.  Befjgœ ,  \Çh{\ .  —  Het  leveii 
fiin  de  II.  Befifia,  Anlw.,  171-2,  |).  !2oS.  —  Ken- 
draclit,  18(il,  p.  7". 

i»oiMo:v  (Marc),  médecin  et  admi- 
nistrateur, né  vers  1(564  à  Vaudegies- 
au-l?ois    (prohablcnieii)    Yaudigiiies    ou 


415 


DOISON  —  DOMINIQUE  DE  FLANDRE 


416 


Waudregnies,  hameau  an  sud  de  Chiè- 
vres),  village  indiqué  comme  situé  aux 
euAdrons  de  Tournai,  et  mort  dans  cette 
ville  le  24  mars  1737,  à  l'âge  de  sep- 
tante-trois ans.  Il  fut  inscrit,  le  22  mai 
1690,  au  collège  des  médecins  de  Tour- 
nai, où  il  parvint,  par  son  mérite,  à 
être  nommé  premier  médecin  pension- 
naire. Elu  écîevin  en  1697  ;  puis,  douze 
ans  plus  tard,  'inajoris  scabinalis  eui-iœ 
senator ,  il  s'acquitta  avec  honneur  de 
ces  fonctions.  Il  s'occupa  spécialement 
des  eaux  de  Saint-Amand  et  en  donna 
une  Analyse,  dont  la  seconde  édition, 
plus  exacte,  dit-on j  que  la  première, 
parut  en  1698  :  nous  n'avons  pu  con- 
sulter ces  ouvrages.  Doison  fut  enterré 
dans  l'église  de  Saint-Brice,  à  Tournai. 
Eloy  rapporte  le  texte  de  sonépitaphe. 

G.  Dewalque. 
Eloy,  Dict.  de  médecine. 

DOI.EZ  {Jeun-Francois- Joseph),  juris- 
consulte, né  à  Mons,  le  13  mars  176-t, 
décédé  le  27  octobre  1834.  Cet  homme 
distingué,  qui  fut  bâtonnier  de  l'ordre 
des  avocats  du  barreau  de  Mons,  est  l'aii- 
teur  d'un  :  Mémoh'e  sur  la  nature  de  la 
formorture  dans  la  coutume  de  Mons. 
Mons,  de  l'imprimerie  de  Montjot,  sans 
date,  in-4o.  On  lui  doit  aussi  un  grand 
nombre  de  consultations  et  de  mémoires 

imprimés.  Aug.  Vander  Meersch. 

Ad.  Mathieu.  Biographie  niontoue. —  Piron,  Le- 
vensbeschrijvin'jen .  byvoepsel. 

iiOMi^'iKKi,  (<7?<?7ZflWMé?),  poète  latin, 
né  à  Bruges,  vivait  dans  cette  ville  en 
1565.  Sanderus  avance  et  Paquot  répète, 
d'après  lui,  qu'il  composa  d'excellentes 
poésies  latines.  Il  les  adressa  à  divers 
savants  de  ses  amis,  mais  elles  n'ont  été 
ni  recueillies  ni  publiées. 

.1.  Roulez. 

Sanderus,  De  Brugensihus,  p.  8o.  —  Paquot, 
Merii.,  tom.  V,  p.  96. 

nom:viQt:E:  de  flaivore,  philo- 
sophe, florissait  vers  1-170  et  mourut 
vers  1500.  Il  enseigna  pendant  plusieurs 
années  la  théologie  et  la  philosophie  à 
Bologne,  ce  qui  a  fait  croire  à  tort  qu'il 
était  natif  de  cette  ville  :  ainsi  s'exprime 
Yalère  André,  qui  a  eu,  sans  doute,  de 
bons  motifs  pour  considérer  Dominique 
comme  Flamand.  Cette  opinion  repo.sàt- 


elle  du  reste  uniquement  sur  le  nom  du 
personnage,  nous  serions  encore  fondés 
à  ne  pas  omettre  ici  une  biographie 
admise  par  l'auteur  de  la  Blbliotîieca 
helyica  (v.  David  de  Dixaxt).  Domi- 
nique appartenait  à  l'ordre  des  FF.  Prê- 
cheurs :  c'est  dire  qu'il  était  thomiste, 
ou,  en  d'autres  termes,  adversaire  des 
doctrines  des  Franciscains,  appuyées  sur 
l'autorité  de  Duns  Scot,  le  doctor  sub- 
t'iUs.  Il  s'inspira  néanmoins  de  ces  der- 
nières en  ajoutant  la  distinction  formelle 
aux  autres  distinctions  admises  par  son 
école.  Voici  en  quelques  mots  le  résumé 
du  commentaire  de  Dominique  de  Flan- 
dre sur  la  métaphysique  d'Aristote, 
intitulé  :  Qu(E-itiones  supra  XII  libros 
metapîiysices  Aristotelis  (Venise,  1490, 
in-foL,  Cologne,  1621).  La  métaphy- 
sique a  pour  but  d©  rechercher  le 
principe  de  toutes  choses,  l'absolu,  l'ab- 
solument  réel.  Ce  principe  est  \m;  il  est 
la  pure  réalité  sans  négation;  c'est  la 
négation  qui  différencie  les  êtres  parti- 
culiers les  uns  des  autres  :  chacun  est  ce 
que  les  autres  ne  sont  pas.  Or  les  êtres 
particuliers  diffèrent  entre  eux  de  plu- 
sieurs manières  :  de  quatre  manières, 
selon  Dominique.  La  distinction  essen- 
tielle est  celle  qui  existe  entre  l'être  et 
le  non-être,  entre  le  fini  et  l'infini  ;  la 
distinction  réelle,  celle  qui  nous  fait 
opposer  une  espèce  à  une  autre  espèce 
du  même  genre,  d'après  leurs  propriétés 
fondamentales  (l'homme  et  l'animal,  par 
exemple);  la  distinction  logique,  celle 
qui  repose  sur  une  comparaison  entre 
deux  objets  de  même  nature,  que  nous 
jugeons  inégaux  sous  tel  ou  tel  rapport; 
la  distinction  formelle  enfin,  celle  qui 
résulte  du  degré  des  attributs  possédés 
par  un  sujet  dans  de  certaines  limites, 
absolument  et  sans  réserve  par  un  autre 
être  :  ainsi,  l'humanité  et  la  divinité. 
Les  scotistes  opposaient  la  chose,  objet 
de  l'esprit,  res,  la  fjuiddité,  à  la  réalité, 
realitas  ou  aussi  formalitas,  ce  que  l'es- 
prit qualifie.  Les  thomistes,  plus  d'une 
fois  embarrassés  au  point  de  vue  théolo- 
logique,  finirent  par  mettre  les  distinc- 
tiones  rationis  ratiocinantis,  celles  que 
l'intellect  agissant  fait  à  son  gré,  en 
regard  des  distinctiones  rationis  ratioci- 


117 


DOMINIQUE  DE  FLANDRE  —  DoMITIEN 


118 


mdee,  déterminées  par  ce  que  nous  con- 
naissons des  choses  elles-mêmes.  Domi- 
nique de  Flandre,  on  le  voit,  avait  prévu 
la  difficulté  qui  ne  s'était  pas  présentée 
aux  premiers  disciples  de  saint  Thomas. 
Sans  faire  époque  dans  l'histoire  de  la 
philosophie,  son  œuvre  atteste  un  esprit 
indépendant  et  un  talent  d'analyse  qui 
conduit  sans  doute  l'auteur  à  des  subti- 
lités et  à  des  arguties,  mais,  somme  toute, 
ne  manque  pas  d'une  certaine  profon- 
deur :  c'est  à  ce  point  que  M.  Fréd. 
Morin  émet  le  vœu  de  voir  un  connais- 
seur en  faire  l'objet  d'une  monographie 
spéciale. 

On  possède  de  Dominique  de  Flan- 
dre :  Quœstiones  XX  in  libroi  posteriorum 
analjjticorum  Aridotdh,  et  Qucefitioues 
XXIII  in  Elenchos  Aristotelis.  Venise, 
1496,  et  chez  les  Juntes,  156.5;  — 
Quœstiones  quocUihetaJ ei .  Venise,  1500; 
—  Quadioties  et  aiinotationeH  in  lihroa 
Aristotelis  de  anima.  Ibid.,  1503. 

Alphonse  I.f  Roy. 

Foppens. —  Moreri. —  Tissot,  art.  Dominique  de 
Flandre  dans  le  Uict.  philos  de  Franck)  — Fréd. 
Morin,  Dict  dep'nlos.  et  de  théologie  scolasiiques 
(cmH.  .Migne).  —  Kiug,  Philos.  IVoerterbuch,  eic. 

*  DO.niTiEiT  (Saint) ,  évèque  de 
Maestricht,  naquit  en  Franconie  de  pa- 
rents nobles,  et  mourut  à  Maestricht  le 
7  mai  vers  l'année  560.  fsa  réputation 
de  sainteté  s'était  étendue  si  loin,  qu'à 
la  mort  de  saint  Eucher,  évêque  de 
Tongres,  il  fut  appelé,  malgré  lui,  à  rem- 
placer ce  prélat  sur  le  siège  épiscopal. 
Il  résida  d'abord  à  Tongres  ;  mais 
n'ayant  pu  parvenir  à  relever  cette  ville 
de  ses  ruines,  il  alla  se  fixer  à  Maestricht. 
Domitien  était  évêque  en  5.35,  puisqu'il 
siégea,  cette  année,  au  concile  de  (Ter- 
mont,  dont  il  souscrivit  les  actes  en  ces 
termes  :  Domitianvs  in  Chri^ti  nomine 
episcopus  ecclesiœ  Tungrorum ,  qnod  est 
Trajectum.  Il  assista  aussi,  en  5-i9  au 
concile  d'Orléans  convoqué  pour  com- 
battre les  hérésies  d'Eutychès  et  de  Xes- 
torius.  Comme  il  était  le  plus  éloquent 
et  le  plus  savant  des  évêques  réunis  dans 
cette  assemblée,  il  fut  seul  et  à  l'unani- 
mité chargé  de  soutenir  la  discussion,  ce 
qu'il  fit  de  façon  à  confondre  les  héré- 
tiques. Les  historiens  disent  qu'il  obtint 
dans  cette  circonstance  l'autorisation  de 


transférer  au  siège  de  Maestricht  les 
domaines  appartenant  à  l'église  de  Ton- 
gres. !Mais  les  actes  du  concile  d'Orléans 
ne  font  pas  mention  de  ce  fait;  il  n'est 
pas  douteux  que  les  biens  de  la  mense 
épiscopale  ne  lui  fussent  concédés, 
comme  avant  la  translation  du  siège. 
C'est  probablement  avec  les  revenus  de 
ces  biens  que  l'évêque  sauva  son  peuple 
de  la  famine,  fait  que  ses  biographes 
attribuent  à  un  miracle.  Domitien 
assista  sans  doute  encore  en  l'année  550 
au  concile  de  !Metz. 

Tous  les  chroniqueurs  font  du  carac- 
tère, de  l'esprit  et  de  la  piété  de  Domi- 
tien le  plus  grand  éloge;  il  était  juste, 
charitable  et  affectueux  envers  tout  le 
monde,  dit  Gilles  d'Orval;  aussi  l'avait- 
on  surnommé  la  lumière  du  monde  et  le 
■lel  de  la  terre.  Il  bâtit  et  dédia  plusieurs 
églises,  et  fonda  des  hôpitaux  pour  les 
malades  et  pour  les  voyageurs. 

Saint  Domitien  est  le  patron  de  Huy. 
La  légende  rapporte  qu'il  délivra  cette 
ville  d'un  dragon  monstrueux  qui  cor- 
rompait l'eau  des  fontaines  et,  qu'ayant 
frappé  de  son  bâton  pastoral  la  terre 
aride,  il  en  fit  jaillir  une  source.  Le  doyen 
Devaux,  cherchant  à  débrouiller  la  vérité 
qui  gît  presque  toujours  au  fond  des 
récits  fabuleux  du  moyen  âge,  croit  voir 
dans  celui-ci  une  fiction  signifiant  que 
Domitien  abattit  à  Huy  le  monstre  de 
l'idolâtrie  et  fit  jaillir  pour  les  habitants 
l'eau  vive  de  la  foi  chrétienne  ;  en  d'au- 
tres termes  que  l'évêque  évangélisa  une 
partie  du  Condroz  et  de  la  Hesbaie  aux 
environs  de  Huy,  et  non  pas  la  Taxan- 
drie  comme  le  veulent  les  historiens. 
Après  avoir  séjourné  quelque  temps  a 
Huy,  Domitien  retourna  à  Maestricht 
et  mourut  sur  le  tombeau  de  saint  Ser- 
vais où  il  s'était  fait  transporter.  Son 
corps,  ramené  à  Huy,  fut  enseveli  dans 
la  grande  église.  Les  miracles  qui  s'opé- 
rèrent sur  sa  tombe  engagèrent  Charle- 
magne  à  faire  procéder  à  l'élévation  de 
ses  restes  mortels.  Le  8  juin  1173,  les 
chanoines  de  Huy  demandèrent  une  nou- 
velle translation,  et  ses  reliques  furent 
déposées  dans  une  châsse  d'argent,  par 
Kadulphe,  évèque  de  Liège.  C'est  à  cette 
occasion  ([ue  furent  écrites   les    vies  de 


H9 


DOMITIEN  —  DONCKER 


•120 


saint  Domitieii  publiées  par  les  Bollan- 
distes.  En  10 G 6  révéque  de  Liège  Théo- 
duin  consacra  l'église  de  Hiiy  sous  l'in- 
vocation  de   Notre-Pame   et    de  saint 

Domitien  (1).  s.  Bormans. 

Bollandistes,  Acla  sauctorum,  7  mai,  t.  II, 
p  146  k  lo4.  —  Fisen,  Flores  ecclesiœ  leodiensis, 
p.  241.  —  Alban  Butler,  Vie  des  Pères,  etc.,  -18:29, 
t.  M,  p.  316.  —  Devaux.  Histoire  ecclésiastique 
du  diocèse  de  Liège,  l.  I.  p.  149;  t.  11,  p  331, 
819;  t.  III,  p.  356,  mémoires  inédits.  —  Foullon, 
Historia  leodiensis,  t.  I,  p,  70.  —  Molanus  , 
pages  86, 431.  —  Ghesquière,  II,  IV,  161. 

noii^  {P.-J.),  graveur  de  talent  et 
astronome,  né  d'une  bonne  famille  de 
fermiers  à  Eppegbem  (Brabant)  le  12  dé- 
cembre ISOl,  mort  à  Molenbeek-Saint- 
Jean  le  19  janvier  1858.  Il  était  graveur 
enclief  de  l'établissement  géographique 
de  Vandermaelen  à  Molenbeek,  où  il 
entra  le  15  janvier  1828.  Ses  principaux 
travaux  sont  :  Atlas  d'Ikirope,  165  ff. 
(Bruxelles,  1830).  —  Grande  cart»  de 
Belgique,  25  feuillets  (Bruxelles,  1853), 
et  50  feuillets  (Bruxelles,  1854).  Il 
s'occupait  de  graver  une  nouvelle  carte 
d'Europe  dont  il  avait  déjà  fait  deux 
feuilles,  quand  la  mort  le  surprit.  En 
1831  il  avait  gravé  une  Mappemonde 
remarquable  et  en  1852  wm  Système  pla- 
nétaire. Emile  VarenbiMgli. 

Pi  l'on,  Levensbeschryvmgen. 

DO^'AT  ,  hagiographe  ,  diacre  de 
l'église  de  Metz,  fut  probablement 
d'abord  moine  dans  le  monastère  de 
Sarchinium  ou  Saint-Trond,  au  pays  de 
Liège;  c'est  pour  ce  motif,  croit-on, 
qu'étant  à  Metz,  il  se  qualifiait  à'exiguus 
nltimusque  EXUL;  on  ignore  la  cause  de 
son  départ.  Comme  il  avait  quelque  ré- 
putation de  savoir,  Angelramne,  évêque 
de  Metz  de768à791,  l'engagea  à  écrire 
la  vie  de  saint  Trond  ou  Trudon,  mort 
vers  l'année  698  ,  fondateur  du  mo- 
nastère qu'il  venait  de  quitter.  Ayant 
achevé  son  ouvrage,  il  l'offrit  à  Angel- 
ramne,  par  une  dédicace  presque   inin- 

(1)  11  existe  une  vie  manuscrite  de  saint  Do- 
miiien  k  la  bibliothèque  Vallicellane.  à  Rome 
(voyez  les  Bulletins  de  la  commission  royale 
d'ihstoire,  'i"  série,  t.  X,  p  47).  Le  doyen  Devaux 
dit,  que  de  son  temps,  on  conservait  des  vies 
manuscrites  du  même  saint  an  Val-ilouge  ])r('s 
de  Bruxelles,  ii  Corsendonck  près  de  Tinnliout, 
aux  Croisiers  de  Huy,  et  ii  l'abbaye  de  Saint  Lau- 
rent prè.s  de  Liège.  Dans  une  assemblée  générale 


telligible  à  force  d'être  ampoulée.  Le 
corps  du  livre,  écrit  plus  simplement, 
est  passable  pour  le  temps,  quant  à  la 
forme.  Le  fond  se  recommande  par 
l'exactitude  ;  mais  on  reproche  à  l'auteur 
de  trop  s'attacher  aux  miracles  et  de 
manquer  de  précision  (3).  Tous  les  bio- 
graphes postérieurs  de  saint  Trond  ont 
copié  Donat,  de  même  que  l'auteur  ano- 
nyme de  la  vie  de  saint  liemacle  écrite 
au  jxe  siècle.  Mabillon  a  inséré  la  vie 
de  saint  Trond  composée  par  Donat  dans 
les  Acta  sanctorum  ordinis  sancti  Bene- 
dicti  sœc.  II,  p.  1069  à  1086. 

s.  Bormans. 

Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  IV,  p.  17î). 
—  Pertz,  Monumenta  Germaniœ  Instorica,  t.  X, 
p.  372,  387.  —  Bibliothèque  de  l'ordre  de  Saint- 
Benoit,  t.  I,  p.  238. 

noivCKER  (Philippe- Franc . -Joseph) , 
publiciste,  né  à  Tournai  le  23  septem- 
bre 1773,  mort  à  Bruxelles  le  22  février 
1834.  Il  débuta  comme  fonctionnaire 
dans  les  administrations  départemen- 
tales et  obtint  ensuite  une  recette  par- 
ticulière. Plus  tard,  il  rentra  au  barreau 
et  fut  un  des  fondateurs  d'un  recueil 
politico-littéraire  publié  sous  le  titre  de 
V  Observateur ,  et  qui  avait  pour  princi- 
paux rédacteurs  MM.  Yan  Meeuen  et 
D'Elhoungne  ;  cette  publication  périodi- 
que, commencée  le  1""  février  1815  et 
continuée  sans  interruption  jusqu'en 
1820  à  Bruxelles,  forme  19  volumes  et 
demi  in- 8°.  Elle  faisait  une  vigoureuse 
opposition  aux  tendances  du  gouverne- 
ment néerlandais  et  sera  toujours  con- 
sultée avec  fruit  par  ceux  qui  voudront 
connaître  l'histoire  des  luttes  politiques 
qui  ont  amené  la  révolution  belge  de 
1830.  Lors  de  la  création  du  royaume 
des  Pays-Bas,  Doncker  se  montra  favo- 
rable à  la  réunion  de  la  Belgique  à  la 
Hollande  ;  mais  ses  idées  se  modifièrent 
ensuite. 

En   1820,  Vander  Straeten    publia, 

de  l'ordre  de  Citeaux,  tenue  en  1246,  il  avait 
été  ordonné  à  tous  les  abbés  de  faire  des  recher- 
ches sur  la  vie  de  saint  Domitien  et  d'en  com- 
muniquer le  résultat  au  chapitre  suivant. 

(2)  Ghesquière,  Acta  sanctorum  HeUjii  selecta, 
t.  V,  p.  4.  émet  l'opinion  que  la  vie  primitive  de 
saint  Trond  a  été  écrite  en  langue  vulgaire,  Ser- 
mone  belqico,  puis  traduite  en  latin  par  Donat  et 
ensuite  par  Guikard. 


121 


DU.NCKLK  —  DUNGELBEKG 


1-2-i 


sous  le  titre  de  :  De  l'état  actuel  du 
royaume  deis  Paya-Ba^'s  et  des  moyens  de 
V améliorer,  un  livre  remarquable,  dans 
lequel  l'écrivain  examinait  soigneuse- 
ment l'administration  financière  et  le 
système  d'économie  politique  du  nou- 
veau gouvernement;  l'auteur  fut  pour- 
suivi; sept  avocats  se  présentèrent  pour 
le  défendre  :  c'étaient  Doncker,  Albert 
Beyens ,  Beyens  jeune,  ïarte  cadet, 
Barthélémy,  Defreune  et  Stevens.  Ils 
rédigèrent  une  consultation,  dans  la- 
quelle ils  établirent  que ,  loin  d'être 
coupable,  Yander  Straeten  avait  bien 
mérité  du  gouvernement  et  de  ses  con- 
citoyens, en  faisant  preuve  de  patrio- 
tisme. Les  sept  avocats  furent  suspen- 
dus de  l'exercice  de  leur  profession, 
puis  arrêtés  et  poursuivis  comme  préve- 
nus d'avoir  alarmé  ou  tenté  d'alarmer  le 
repos  public,  etc.  Ce  procès  causa  uue 
grande  émotion;  il  allait  devenir  une 
cause  nationale,  quand,  pour  éviter  un 
retentissement  aussi  fâcheux,  les  pour- 
suites furent  abandonnées  et  les  sept 
avocats  n'encoururent  que  des  peines  dis- 
ciplinaires. L'emprisonnement  qu'il  ve- 
nait de  subir  contribua  à  rendre  Donc- 
ker favorable  à  la  révolution  de  1S30,  et 
il  devint  secrétaire  général  du  départe- 
ment de  l'intérieur  lors  de  la  formation 
du  nouveau  royaume  ;  c'est  dans  l'exer- 
cice de  ces  fonctions  qu'il  mourut. 

Aug.  Vander  MeerscL. 
Biographie  universelle,  publiée  par  Michaud, 

DO^'C'KiKK  UE  no:vcEEL.  {Amold- 
FerditMtid),  homme  de  guerre,  né  à 
Liège  le  20  avril  1761,  mort  à  Saint- 
Josse-ten-Xoode  le  2  avril  1840,  entra 
au  service  de  la  Hollaude  en  1784  en 
qualité  de  cadet  dans  la  légion  des  dra- 
gons de  Matha;  dès  l'année  suivante,  il 
y  obtint  le  brevet  de  sous-lieuteuant. 
Il  passa  successivement  au  service  du 
prince  évêque  de  Liège,  puis  au  service 
de  France,  et  fit  toutes  les  campagnes 
de  la  république  et  de  l'empire.  Apres 
la  chute  de  Napoléon,  le  colonel  Donc- 
kier  revint  en  Belgique  et  y  fut  chargé 
successivement  du  commandement  des 
places  de  Tirlemont  et  de  Xieuport. 
Lors  de  l'émancipation  de  la  Belgique, 


il  s'empressa  de  manifester  ses  sympa- 
thies pour  la  cause  nationale  en  accep- 
tant, au  moment  le  plus  critique  (en 
août  1830),  le  commandement  de  la 
place  de  Liège,  commandement  dont  il 
fut  investi  officiellement  par  le  gouver- 
nement provisoire  le  23  octobre  ls30. 
Quinze  jours  après,  il  fut  élevé  au  grade 
de  général  et  le  6  janvier  1S30,  il  entra 
à  la  haute  cour  militaire,  en  qualité  de 
conseiller. 

Le  général  Donckier  s'occupa  beau- 
coup, et  avec  succès,  d'inventions  desti- 
nées au  sauvetage  des  naufragés.  Dès 
1817,  il  avait  présenté  un  nouveau  sys- 
tème de  cloche  à  plongeur,  qui  fut  expé- 
rimenté en  1829  par  ordre  du  gouverne- 
ment des  Pays-Bas  et  reconnu  supérieur, 
sous  tous  les  rapports,  aux  appareils 
employés  à  cette  époque.  La  société  géné- 
rale des  noAifrages  et  de  V union  des  na- 
tions, fondée  à  Paris,  en  1835,  par  le 
comte  Godde  de  Liancourt  et  l'amiral 
Sidney  Smith  s'empressa  d'élire  le  géné- 
ral Donckier;  elle  le  nomma  même  son 
président  d'honneur  et  lui  décerna,  en 
1836,  pour  ses  savants  travaux  sur  la 
navigation  sous-marine ,  une  médaille 
d'honneur    portant   cette   inscription    : 

DOXCKIER  DE  DOXCEEL  HOC   PRO    XAVE 

AUT  CIVE  SERVATO  TULiT.  La  description 
des  appareils  ingénieux  inventés  par  le 
général  Donckier  a  été  consignée  dans 
les  publications  de  la  Société  des  nau- 
frages et  dans  les  journaux  belges  Y  Eclair 
du  9  décembre  1835  et  V Emancipation 
du  11  du  même  mois. 

Général  baron  (juillauinc. 

Archives  de  la  guerre.  —  Papiers  de  famille. 
—  Journaux  de  la  Société  des  naufrages  et  de 
l'union  des  nations.  — Journaux  du  temps. 

DOiVGELBEitG  {Guillaume  de),  abbé 
de  Villers  et  de  Clairvaux,né  à  Bruxelles 
vers  1165  et  mort  à  Clairvaux  (France) 
le  30  septembre  1242.  Il  appartenait  à 
la  noble  famille  des  Dongelberg,  ori- 
ginaire du  Brabant  wallon  et  dont 
plusieurs  membres  jouèrent  un  rôle  im- 
portant à  la  cour  des  ducs  de  Bra- 
bant. Entré  dans  l'ordre  de  Cîteaux, 
Ciuillaume  fut  élu,  en  1221,  abbé  de 
Villers  (Brabaut),  et  gouverna  ce  mo- 
nastère  pendant   environ    quinze    ans. 


in 


DONGELBERG 


124 


Durant  cette  prélatine,  il  fonda,  en 
Belgique,  deux  nouvelles  maisons  de  son 
ordre  :  l'abbaye  de  Grandpré  lez-Namur, 
en  1231,  et  celle  de  8aint-Beruard,  sur 
l'Escaut,  deux  années  plus  tard.  Vers  la 
même  époque ,  le  duc  de  Brabaut  Henri  II 
lui  confia  la  direction  de  l'abbaye  de 
Yalduc,  monastère  de  femmes  de  l'ordre 
de  Cîteaux,  que  ce  g'énéreux  souverain 
venait  de  fonder  à  une  lieue  et  demie  de 
Louvain.  En  1236,  Guillaume  de  Don- 
gelberg  passa,  en  qualité  d'abbé,  à  la 
célèbre  abbaye  de  Clairvaux,  dont  saint 
Bernard  avait  été  l'une  des  gloires. 
Le  pape  Grégoire  IX  l'appela  à  Eome 
en  1239,  pour  prendre  une  part  aux 
travaux  du  concile  général  qui  devait  se 
réunir,  l'année  suivante,  dans  la  basi- 
lique de  Saint-Jean  de  Latran.  S'étant 
mis  en  route  avec  Guillaume,  abbé  de 
Cîteaux,  et  plusieurs  autres  prélats,  il  fut 
arrêté  et  saisi  comme  eux,  sur  les  con- 
fins de  la  Lombardie  par  les  émissaires 
de  l'empereur  Frédéric,  en  haine  du 
pape,  contre  lequel  ce  monarque  était 
alors  en  guerre  ouverte.  Les  prélats  ne 
recouvrèrent  leur  liberté  que  longtemps 
après  et  par  l'intercession  de  saint 
Louis,  roi  de  France.  Guillaume  ne 
survécut  pas  longtemps  à  sa  délivrance  : 
il  mourut  en  1242  pendant  la  cin- 
quième année  de  son  abbatiat,  et  fut 
inhumé  à  Clairvaux.  Thomas  de  Can- 
timpré,  écrivain  contemporain  de  l'abbé 
Guillaume,  loue  «  sa  bonne  administra- 
II  tion,  laquelle,  en  augmentant  les 
"  revenus  de  son  monastère,  lui  fournit 
"  plus  de  ressources  que  n'en  avaient 
"  ses  prédécesseurs  pour  améliorer  la 
Il  sustentation  de  ses  religieux,  et  pour 
./  faire  de  plus  abondantes  aumônes.  « 
Quelques  biographes  attribuent  à  tort  à 
l'abbé  Guillaume  un  opuscule  sous  le 
titre  de  Pieuses  méditations;  cet  opus- 
cule, public  sous  le  nom  de  l'abbé  Guil- 
laume parHenriquez,  dans  son  ivwc/f?</«y 
sanctorwn  ordinis  Cisternensis,  parte  II, 
n'est  autre  chose  qu'une  copie  servile  du 
traité  De  variis  modis  contemplandi  de 
saint  Edmond,   archevêque  de  Cantor- 

béry.  E.-H.-J.Rcusens. 

Sanderus,  Choroijruphia  sacra  Urabanliœ,   1. 
\K  429.  —  Henriquez,  Fasciculu-s  sanclorum  or- 


dinis Cisterciensis,  II,  p.  242;  Histoire  littéraire 
de  la  France,  XVIII,  p.  293. 

DO^'CiELatERG  OUDO^'GELBKRGUE 

(Henri-Cil.  »eJ,  homme  politique,  écri- 
v'ain  et  poëte  latin,  généalogiste,  vit  le 
jour  à  Bruxelles  le  18  août  1593  et  y 
mourut  le  30  avril  1660.  Il  était  fils 
d'Henri  de  Dongelberg  ,  seigneur  de 
Herlaer,  qui  fut  fréquemment  bourg- 
mestre de  Bruxelles  de  1590  à  1624,  et 
d'Adrienne  Borluut,  dame  de  Zillebeke. 
Dans  sa  jeunesse,  il  s'appliqua  sérieu- 
sement à  l'étude  des  belles-lettres,  puis 
à  celle  du  droit  et  prit  le  grade  de  li- 
cencié en  droit  civil  et  en  droit  canon. 
En  1625,  il  fut  nommé  échevin  de  la 
ville  de  Bruxelles  et  remplit  encore  les 
mêmes  fonctions  en  1628,  1629,  1631, 
1641  et  1642.  L'emploi  de  trésorier  de 
la  ville  lui  fut  également  confié,  dans 
les  années  1636,  1637,  1639  et  1640. 
Son  entrée,  en  qualité  de  conseiller,  au 
conseil  souverain  de  Brabant  mit  fin  à 
sa  gestion  des  attaires  municipales.  A  la 
suite  d'une  vente  faite  par  autorité  de 
justice  en  1651,  Henri-Charles  de  Don- 
gelberg acheta  la  baronie  des  Resves, 
qui  était  tenue  en  fief  de  la  seigneurie 
de  Trazegnies  et  qui  fut  érigée,  par  let- 
tres patentes  du  roi  d'Espagne  Phi- 
lippe IV,  le  2  septembre  1657,  en  baro- 
nie tenue  en  fief  du  duché  de  Brabant; 
il  obtint  alors  l'autorisation  d'écarteler 
ses  armes  de  celles  de  Eesves.  Une  autre 
acquisition  le  rendit  seigneur  de  Luttéal 
près  de  Luttre.  Deux  à  trois  ans  plus 
tard,  il  résigna  volontairement  ses  fonc- 
tions de  conseiller  et  prit  la  résolution 
d'aller  finir  ses  jours  dans  son  château 
de  Kesves.  Mais  la  mort  le  surprit  à 
Bruxelles,  dans  sa  soixante-sixième  an- 
née, avant  qu'il  pût  mettre  son  projet  à 
exécution.  Son  corps  fut  inhumé  au  mi- 
lieu du  chœur  de  l'église  de  Kesves.  De 
Dongelberg  fu  tmarié  deux  fois  :  il  épousa 
en  premières  noces  Jeanne  de  Steelant, 
morte  sans  lui  donner  d'enfants,  et  en 
secondes  noces  Jeanne-Marie,  baronne 
de  Berlo,  qualifiée  quelquefois  comtesse 
d'Oudenbourg;  il  eut  de  celle-ci  une 
fille  et  un  fils,  nommé  François-Henri, 
qui  porta  le  titre  de  marquis  de  Resves. 
La  suerre  de  la  succession   du   Lim- 


l-2o 


DONGELBEKG 


1-26 


bourg  entre  Jean  1er,  duc  de  Brabant  et 
Renaud,  comte  de  Gueldre,  se  termina, 
comme  l'on  sait,  par  l'éclatante  victoire 
que  remporta  le   premier  près  de  Woe- 
ringen  et  eut  pour  résultat  la  réunion  de 
cette  province  à  celle  de  Brabant.    La 
relation  de  cette  guerre  avait  été  écrite 
en  vers  flamands  par  Jean  van  Heelu, 
qui   s'était  trouvé   dans  les  rangs  des 
combattants.  Dongelberg  ayant  décou- 
vert, dans  un  dépôt  d'archives,  un  manu- 
scrit de  cette  chronique,  restée  inédite, 
se  décida  à  la  traduire  librement  en  vers 
latins  en  l'amplifiant  en  plusieurs   par- 
ties. Son  but,  en  entreprenant  cette  tra- 
duction, fut  de  renouveler  le  souvenir  de 
faits  d'armes  si  glorieux  pour  les  Bra- 
bançons et  qui,  après  trois  siècles,  étaient 
presque  tombés  dans  l'oubli.  Cette  pu- 
blication d'ailleurs  devait  flatter  la  va- 
nité des  familles  nobles  du  Brabant,  dont 
les  ancêtres  avaient  combattu  à  Woerin- 
gen,  et  surtout  celle  de  sa  propre  famille; 
car    les    Dongelberg    descendaient    des 
ducs  de  Brabant  par  un  fils  naturel   du 
duc  Jean  ler,  nommé  Jean  Miewe,  à  qui 
le  duc  Jean  II,  son  frère,  fit  don  en  1303, 
des  seigneuries  de  Wavre  et  de  Don- 
gelberg. Xotre   poète,   résolu   à  garder 
l'anonyme,  désirait  cependant  que  son 
poëme  parût  sous  les  auspices  des  Etats 
de  Brabant.  Il  pria,  en  conséquence,  Ery- 
cius  Puteanus  de  se  charger  du  soin  de 
l'éditer  et   d'en  écrire   la  dédicace.  Le 
professeur  de  Louvain   acquiesça  à   sa 
demande,    à    condition   cependant   que 
l'auteur  ébauchât  lui-même  la  dédicace, 
à   laquelle  il  donna  quelques   dévelop- 
pements  et   une  forme   plus  littéraire, 
plus  élégante.  Les  quatre  lettres  qu'ils 
échangèrent  entre  eux  pour  cette  aft'aire, 
et  qui  se  lisent  à  la  suite  de  l'ouvrage, 
sont  datées  des  mois  de  février  et  de 
mars   1640.    L'ouvrage  lui-même  parut 
l'année  suivante  sous  le  titre  de  :  Frœ- 
liuvi  ÎVoerhiganum  Joannis  I  Lotharin- 
guCy  Brabautia:  ducis  et  S.  Imp.  Marchio- 
nis,  (jtio  memorabih  porta   Victoria   anno 
Dîii  128 S,  «^/V  o  junii  ducatus  Limburgi 
ad  BraJmntlam  accessio   ceternum  mmisit 
objirmata.  Bruxellae,   apud  Godefridum 
Schoevartium,    1641,   in-fol.   L'auteur 
déclare,  dans  la  préface, avoir  voulu  sim- 


plement écrire  en  vers  une  histoire  vraie, 
sans  recourir  aux  fictions  ni  aux  orne- 
ments de  la  poésie.  Il  crut  devoir  même 
s'abstenir  de  donner  une  forme  et  une 
terminaison   latine   aux    noms    et    aux 
surnoms  de   famille  ;   de  façon  que  l'on 
rencontre  parfois  plusieurs  vers  de  suite, 
composés  de  mots  flamands,  sans  obser- 
vation  rigoureuse    de   la    quantité   des 
syllabes.  Après  avoir  eu  la  patience  de 
lire  d'un  bout  à  l'autre  les   seize  cents 
hexamètres  dont  se  compose  le  poëme  et 
parcouru  les  autres  parties  de  l'ouvrage, 
je    partage    l'opinion    de    Paquot    que 
Dongelberg  eût   mieux  fait  de  publier 
l'original  flamand   avec  une   traduction 
en  prose.  J'estime,  en  efi'et,  que  sa  prose 
vaut  mieux  que  ses  vers,  et,  malgré  les 
éloges  qu'Erycius  Puteanus  prodigue  à 
ceux-ci,    dans  sa  dédicace  et  dans   son 
avertissement  au  lecteur,  il  est  évident, 
pour  qui  sait  lire  entre  les  lignes,  qu'il 
n'a  pas  été  d'un  autre  sentiment.  L'au- 
teur lui-même  me   paraît  avoir   eu   la 
conscience  de  la  médiocrité  de  son  œu- 
vre. Mais  si  le  poëme  est  sans  valeur  au 
point   de  vue  littéraire,   les  renseigne- 
ments qu'il  contient,   les  notes  histori- 
ques et  généalogiques  dont  il  est  accom- 
pagné,  et  qui  forment  plus  des   trois 
quarts  du  volume,  ont  de  l'intérêt  sous 
le  rapport  historique.  Lors  de  la  publi- 
cation   de    l'ouvrage,    on    devina    sans 
doute   qu'il  sortait  de  la   plume  d'un 
membre  de   la  famille   de  Dongelberg, 
mais   on  n'en  sut  pas  davantage.    Un 
autre    professeur  de    Louvain,    Valère 
André,  dans  la  2e  édition  de  sa  Biblio- 
thèqtœ   belgique ,    qui    parut    deux    ans 
après,  en  1643,  en  attribue  la  paternité 
au  frère  aîné  de  l'auteur,   François  de 
Dongelberg,   seigneur   de   Herlaer,   de 
Zillebeke    et    de    Ressegem ,    qui    fut 
bourgmestre   de  Bruxelles,    à    diverses 
reprises,  de  1633  à  1645  et   mourut  le 
30  décembre  1648.  Cette  erreur  s'accré- 
dita et  fut  reproduite  encore  un  siècle 
plus  tard  dans  la  nouvelle  édition  de  la 
Bibliothèque   belgique   donnée   par  Fop- 
pens  en    1739.   Le   mérite   de   l'avoir 
redressée    revient   à   Paquot,  qui,    en 
parcourant  un  exemplaire  du  Preelium 
Ifoerifiganum,   couvert  de   notes   de  la 


427 


DOxNGELBERG  —  DONY 


128 


main  d'Henri-Charles  de  Dongelberg, 
en  rencontra  une  par  laquelle  celui-ci  dé- 
clarait avoir  autorisé  l'impression  dans 
la  quarante-huitième  année  de  son  âge, 
par  conséquent  en  1641.  Dongelberg 
composa,  pour  lui  et  pour  sa  femme,  une 
épitaphe  en  quatorze  vers  hexamètres, 
de  la  même  facture  que  ceux  de  son 
poëme.  On  la  trouve  insérée  dans  les 
Mémoires  de  Vaqnot .  j.  Rouiez. 

Dédicace  et  jtréfaces  de  l'ouvrage.  —  Épitaphe 
—  Paquot.  Meiiioues,  t.  III,  p.  199  à '204. —Quel- 
ques renseignements  de  M.  Alp.  Wauters,  archi- 
viste de  la  ville  de  Bruxelles. 

DO^'Y  (Jean-Jacques-Dan'ieT),  né  à 
Liège  le  2  -4  février  1759.  Inventeur  du 
zinc  industriel  à  l'état  de  métal  parfait. 

Dony  appartenait  à  une  famille  de  la 
bourgeoisie  aisée  ;  dès  l'âge  de  vingt 
et  un  ans  (17  SO),  il  s'adonnait,  dans  son 
laboratoire  de  chimie,  à  des  recherches 
scientifiques,  recherches  surtout  rela- 
tives au  zinc.  Il  y  avait  pourtant  long- 
temps que  le  zinc  était  connu.  Des  docu- 
ments authentiques  remontant  à  1425 
et  même  au  delà  indiquent  les  conces- 
sions de  mines  de  calamine,  accordées 
par  les  souverains  de  l'époque,  et  spé- 
cialement, pour  notre  pays,  par  les  ducs 
de  Limbourg.  Xous  avons  même  sous 
les  yeux  une  charte  de  concession  de 
mines  du  3  septembre  1-368,  où  nous 
lisons  ce  qui  suit  :  "  Le  doyen  et  le 
»  chapitre  de  Saint-Paul  accorde  à  plu- 
u  sieurs  personnes  dénommées  dans  la 
Il  charte  la  concession  des  plommeterie. 
Il  chalmine  et  tous  autres  métaux  que 
Il  l'église  possède  dans  sa  hauteur  et 
Il  justice  de  Eamet-sur-Meuse,  et  ce  aux 
//   conditions,  etc.,  etc.  >' 

Du  xve  au  xv'iiie  siècle,  les  seuls 
maîtres  de  métallurgie  de  Stolberg  trai- 
taient la  calamine  avec  le  cuivre  et 
obtenaient  un  produit  industriel  connu 
sous  le  nom  de  laiton.  Mais  le  zinc  à 
l'état  métallique,  jusqu'à  l'époque  des 
travaux  de  Dony,  n'avait  été  qu'entrevu. 
Quelques  alchimistes  le  préparèrent  et 
le  décrivirent,  notamment  Paracelse, 
demi-savant,  demi-charlatan.  Le  zinc 
une  fois  isolé  par  Dony,  il  fallait  ima- 
giner les  procédés  industriels  propres  à 
obtenir   ce    métal    en    quantités   assez 


grandes  pour  eu  faire  l'objet  d'un  com- 
merce important,  et  voici  ce  que  nous 
lisons  dans  une  notice  sur  le  zinc,  par 
M.  Edmond  Fuchs,  ingénieur  des  mines, 
publiée  à  la  suite  de  l'exposition  uni- 
verselle de  1867,  à  Paris  :  "  A  partir 
"  de  1780,  un  chimiste  liégeois,  l'abbé 
»  Dony,  fit,  dans  le  laboratoire,  une 
Il  série  d'essais  en  petit,  dans  le  but 
u  d'isoler  le  métal  que  renfermait  la 
"  calamine;  mais  ce  n'est  qu'en  1805, 
"  après  vingt-cinq  années  de  recherches 
Il  patientes,  que,  par  une  circonstance 
Il  toute  fortuite,  ses  eftbrts  furent  cou- 
"  ronnés  de  succès.  Il  traitait  le  minerai 
«  dans  un  petit  four  à  réverbère,  cher- 
II  chant,  mais  en  vain,  à  obtenir  sa  ré- 
II  duction  par  simple  voie  de  fusion. 
Il  Supposant,  bien  à  tort,  que  le  motif 
"  de  son  insuccès  était  dans  le  manque 
Il  de  chaleur,  il  eut  l'idée  de  mélanger 
"  à  la  calamine  du  charbon  pulvérisé; 
Il  puis,  pour  observer  les  réactions  qui 
«  se  passaient  à  l'intérieur  du  four,  il 
u  pratiqua  dans  la  paroi  de  ce  dernier. 
Il  une  ouverture  dans  laquelle  il  plaça 
Il  un  pot  à  fleurs,  qui  faisait  saillie  en 
Il   avant  du  massif. 

"  Regardant  alors  par  le  petit  trou 
Il  percé  dans  le  fond  de  ce  pot,  il  vit,  à 
u  son  grand  étonnement,  le  métal  se 
Il  condenser,  sous  forme  de  gouttelettes 
"  dans  cette  espèce  d'allonge  qui  échap- 
"   pait  à  la  température  élevée  du  four. 

Il  Le  zinc  était  trouvé,  et  la  conquête 
Il  était  d'autant  plus  complète,  qu'elle 
u  embrassait  en  même  temps  la  métal- 
"  lurgie  du  métal  nouvellement  décou- 
«  vert.  La  méthode  belge  et  le  four 
u  liégeois  ne  sont  que  des  perfectionne- 
II  ments  du  procédé  et  du  petit  fourneau 
Il   de  l'abbé  Dony.  « 

C'est  ici  le  lieu  d'expliquer  ce  titre 
d'alibé,  donné  par  l'auteur  que  nous 
citons,  à  un  homme  qui  laisse,  en  mou- 
rant, une  veuve  forcée  de  liquider  les 
débris  de  la  fortune  de  son  mari.  Dony 
était  surtout  connu  à  Liège  sous  le  titre 
de  chanoine  de  Sainte-Croix.  Avant  la  ré- 
volution française,  nos  chapitres  avaient 
des  chanoines  laïques  pris  dans  les  meil- 
leures familles  de  la  bourgeoisie.  Ces 
dignitaires  n'étaient  tenus  qu'à  faire  acte 


129 


DONY 


130 


de  présence  à  certains  offices  de  la  collé- 
giale. On  sait  que  la  collégiale  de  Ni- 
velles en  Brabant  possédait  de  même  un 
chapitre  de  chanoinesses  qui  ne  faisaient 
point  le  vœu  de  célibat. 

L'année  même  où  Dony  faisait  sa 
découverte,  le  gouvernement  français, 
après  avoir  exploité  en  régie,  ordonna 
la  mise  en  adjudication  de  la  mine  de  la 
Vieille-Montagne  (30  ventôse  an  xiii) 
(1805).  Ce  fut  le  26  frimaire  an  xiv 
(17  décembre  1805),  que  le  préfet  de 
l'Ourthe  adjugea  à  Dony  la  concession 
de  cette  mine,  à  la  charge,  entre  au- 
tres, de  payer  une  redevance  annuelle 
de  40,500  francs.  L'acte  du  préfet  fut 
homologué  par  un  décret  impérial  du 
24  mars  1806.  Dony  adressa  immédia- 
tement au  gouvernement  la  demande 
d'un  brevet  d'invention  de  quinze  ans, 
pour  la  coinposition  d'îin  fourneau  pj'opre  à 
extraire  le  zinc  de  la  calamine,  et  pour  les 
procédés  qu'il  emploie  dans  cette  opération; 
mais  il  ne  fut  définitivement  breveté  que 
par  décret  du  19  janvier  1810. 

Cependant,  Dony,  concessionnaire  de 
la  Vieille-Montagne,  s'était  mis  résolu- 
ment à  l'œuvre,  et,  dès  1807,  il  fondait 
au  faubourg  Saint-Léonard,  à  Liège,  la 
première  usine  métallurgique  produisant 
du  zinc.  C'était  beaucoup;  mais  non- 
seulement  il  fallait  produire  le  zinc,  il 
fallait  parvenir  à  le  vendre  ;  il  importait 
donc  de  lui  chercher  des  emplois  indus- 
triels. Dony  consacra  hiiit  années  de  sa 
laborieuse  existence  à  trouver  les  moyens 
de  fournir  à  la  consommation  un  métal 
que  l'on  pi'it  employer  à  la  fabrication 
(les  ornements  et  des  objets  d'art.  Puis 
il  le  produisit  en  feuilles,  sous  le  nom 
de  zinc  laminé,  et  enfin  en  vases  de 
toute  espèce  pour  une  foule  d'usages 
domestiques.  Ces  résultats  étaient  insuf- 
fisants :  il  fallait,  en  outre,  populariser 
l'emploi  du  nouveau  métal,  or,  c'est 
toujours  là  l'obstacle  contre  lequel  tant 
d'illustres  inventeurs  se  sont  heurtés 
vainement,  ou  n'ont  réussi  qu'aux  dé- 
pens de  leur  fortune  et  de  leur  santé. 
Dony  eut  à  subir  toutes  ces  contrariétés. 
Il  lui  fallait  payer  une  redevance  énorme 
pour  l'extraction  de  la  calamine,  et  les 
bénéfices  restreints  d'une  industrie  nais- 


sante ne  permettaient  point  de  subvenir 
à  d'aussi  grands  frais. 

Il  s'adressa  en   1812  au  gouverne- 
ment, et  demanda  que  le  zinc  pût  être 
employé  à  la   confectioji  des   mesures 
usuelles;  puis,  que  ce  métal  fût  admis  à 
remplacer  le  cuivre  dans  les   établisse- 
ments militaires.  MM.  de  Montalivet, 
ministre  de  l'intérieur,  et  le  comte  de 
Cessac,   ministre   de  la  guerre,    ayant 
consulté,  l'un  et  l'autre,  l'Académie  des 
sciences  de  l'Institut,   celle-ci  nomma, 
dans  son  sein,  une  commission  composée 
de  MM.  Bertholet,  Deyeux,  Vauquelin, 
Portai  et  Guyton-Morveau.   Ce   dernier 
étant  rapporteur,  la  commission  adopta 
ses  conclusions  et  proscrivit  les  vases  de 
zinc  comme  ne  pouvant,  sans  danger, 
être  employés  à  la  préparation  des  ali- 
ments et  des  boissons.  Xous  avons  sous 
les  yeux  un  mémoire,  rédigé  par  Dony 
lui-même,  en  réponse  au  rapport  dont  il 
agit,  et  nous  croyons  utile  d'en  citer 
la  conclusion  :  «    Quant   aux   opinions 
particulières  sur  les  qualités  du  zinc, 
on  a  bien  pensé  qu'il  pourrait  y  en 
avoir  de  contraires  à  l'usage  de  ce 
métal  pour  les  ustensiles  de  cuisine  : 
c'est  le   sort  de   toute  nouveauté  de 
trouver    des    contradicteurs.    L'anti- 
moine, le  quinquina,  l'inoculation,  la 
vaccine,  n'ont-ils  pas  eu,  dans  l'ori- 
gine, des  détracteurs?   Mais  l'expé- 
rience,  le  temps,  ont  démontré  que 
ces  heureuses  découvertes  étaient  de 
u   véritables  bienfaits  pour  la   société. 
»   Le   zinc   français  aura   sans  doute  le 
"   même  sort;  l'expérience,  le  temps,  le 
"   feront  triompher  des  oppositions  qu'il 
«   pourra    rencontrer  ;    et    le    puissant 
»   génie  de  la  France,  qui  a  toujours  les 
"   yeux    ouverts   sur  tous    les    moyens 
«   d'amélioration,  ne  pourra  voir  qu'avec 
«   satisfaction  les  efibrts  des  savants  et 
«  des  hommes  éclairés  en  faveur  d'un 
«   métal  extrait  et  travaillé  dans  l'inté- 
«  rieur  de  son  empire,  et  dont  l'usage 
«   est  également  réclamé  et  par  l'huma- 
"   nité   et    par    la    politi(|ue    commer- 
«   ciale.  " 

Dès  1815,  ]")ony  avait  épuisé  presqiie 
toutes  ses  ressources;  sa  santé  dépéris- 
sail    fil    même   temps;    sous   l'influence 


BIOGK.   NAT.   —  T.   VI. 


131 


DONY  -  DORLANDUS 


132 


des  chagrins  causés  par  tant  de  mé- 
comptes, Dony  fut  contraint  de  céder  sa 
concession  à  la  compagnie  Chaulet,  en 
conservant  toutefois  im  minime  intérêt 
dans  l'entreprise.  Les  événements  désas- 
treux de  1  SI 5,  et  les  mauvaises  années 
qui  suivirent,  obligèrent  Chaulet  à 
céder,  dé  son  côté,  toute  la  concession 
à  Dominique  Mosselman,  dont  les  héii- 
tiers  fondèrent  la  société  de  la  Vieille- 
Montagne. 

En  1813,  Dony  produisait  environ 
2,000  tonnes  du  nouveau  et  précieux 
métal;  en  1866,  la  production  belge 
s'en  élevait  à  35,500  tonnes!  Dony  a 
donc  créé  une  richesse  considérable  et 
doit  être  considéré  comme  un  bienfaiteur 
de  sa  ville  natale  et  du  pays  tout  entier. 

Dony  mourut  à  Liège,  sa  ville  natale, 
le  6  novembre  1819.  L'administration 
communale  liégeoise,  qui  aime  à  honorer 
la  mémoire  des  citoyens  utiles,  a  donné 
son  nom  à  la  rue  qu'il  habitait  au  mo- 
ment de  son  décès. 

Homme  d'initiative  et  de  grande 
intelligence,  Dony  était  parfaitement  au 
courant  des  progrès  de  la  science  au 
commencement  de  ce  siècle,  ainsi  que 
le  démontre  sa  réponse  au  rapport  de 
Guyton-Morveau.  Ajoutons,  pour  finir, 
que  l'un  de  ses  biographes  nous  le 
représente  comme  un  homme  du  com- 
merce le  plus  agréable,  plein  de  bonté, 
de  générosité  et  faisant  le  plus  noble 
emploi  de  sa  fortune.         Auguste  Akin. 

Delvenne,  Biographie  des  Paijs-Bas.  — Becde- 
liévre  comte  de).  Biographie  liégeoise.  —  Dony, 
Mémoire  en  réponse  au  rapport  fait  à  l'Institut 
par  Guyton-Morveau.  —  Edm.  Fuchs,  Le  Zinc. 
Extrait'des  rapports  du  jury  inlernatioiial  pour 
l'exposition  de  1867.  —  Lehon  conitel,  Rapport 
sur  la  concession  des  mines  de  la  Vieille-Monta- 
gne. —  Renseignements  iiariiculiers  dus  à  l'obli- 
geance des  Directeurs  de  la  Vieille  et  de  la  ^"ou- 
velle-Mo  niagne,  et  de  quelques  autres  personnes. 

i»ORL.%^DLiS  (Pierre)  ou  Dorlant, 
écrivain  ecclésiastique,  né  à  Diest  en 
1454  et  mort  à  Zeelhem  le  25  août  1507, 
prit  l'habit  religieux  à  la  chartreuse  de 
Zeelhem,  située  à  peu  de  distance  de  sa 
ville  natale.  Ses  talents  et  sa  piété 
rélevèrent  bientôt  à  la  dignité  de  prieur 
de  cette  maison,  où  il  mourut  d'une 
manière  édifiante,  après  une  longue  ma- 
ladie, âgé  de  cinquante-trois  ans.  Dor- 


landus  a  laissé  de  nombreux  écrits,  en 
partie  imprimés,  en  partie  manuscrits, 
qui,  tous,  témoignent  de  son  savoir  et 
de  son  activité  intellectuelle.  Voici  la 
liste  de  ceux  qui  sont  parvenus  à  notre 
connaissance  : 

Ouvrages  imprimés  : 

1.  Viola  anime per  modvra  dyalogi.  Co- 
lonise, Henr.  Quentell,  1499;  vol.  in-4o; 
réimprimé  plusieurs  fois.    Ce  traité  se 
compose  de    sept    dialogues   :   les   six 
premiers  sont  un  abrégé  de  la   Théo- 
logie 7taturelle  de  Sebonde;  le  septième 
est  tout  entier  de  Dorlandus.  —  2.  De- 
votissimi  patris  Pétri  Dorlandi,  ordinis 
CartJiusiensis ,  de  nativitate,  conversione  et 
vita   invictissimcs  viartijris  beatissimceqne 
virginis  Katlierinœ  oratione  soluta  non 
inelegans  libellus.  Lovanii,  Theodoricus 
Martinus,  2^juniil513.  — 3.  Doctis- 
simi  patris  Bomini   Pétri  Dorlandi  de 
enormi    proprietatis    monacJiorum    vicio 
dialogns  cuUimvms.   Lovanii,    Theodo- 
ricus Martinus,    13*  septembris   1613. 
— ■  4.    Tractatîis  venerahilis  patris  Pétri 
Dorlandi,  ordinis  Carthusiensis,  de  mys- 
terio  seu  spiritiiali  Jiabitus  cartliusiensis 
signijîcantia  cmn  remedio  circa  carnalem 
delectationem .      Lovanii ,     Theodoricus 
Martinus,  9*  februarii  1514.  —  5.  iJia- 
logus  de  opère  amoris  et  passione  Christi. 
Lovanii,    1516;    vol.    in-So,    cité   par 
Paquot,  qui  ajoute  que,  de  son  temps, 
on  en  conservait  le  manuscrit  à  la  biblio- 
thèque  de  l'université  de  liOuvain.  — 
6.  Chronicon  Cartlrusiense  in  qiio  de  viris 
sui    ordinis    ilhistribus ,     etc.    Coloniœ 
Agripp.,P.  Cholinus,  1608;  vol.in-12 
de  xxiv-486  pages.  Ce  travail  de  Dor- 
land  a  été  publié  avec  un  appendice  de 
172    pages,    contenant    des    notes   du 
P.   Petrœus  sur  le  Chronicon.  Il  a  aussi 
été  traduit  en  français  par  Adrien  Dris- 
cart,  etimprimédanscette  ville  en  1644. 
—  7.    Vita  ac  res  gestœ  B.  Anna  libris 
(jui7ique.    Antverpiaî,    J.    Keerbergius, 
1617. 

Ouvrages  manuscrits. 

On  conserve  à  la  Bibliothèque  royale, 
à  Bruxelles,  les  six  manuscrits  suivants 
de   Dorlandus    :    1.    Byulogus  de  fide; 


133 


DORLANDUS  —  DORNE 


134 


n^  1925  du  Catalogue.  —  2.  Para- 
bola,  etc.  ;  c'est  un  traité  sur  les  tenta- 
tions de  saint  Antoine  l'Ermite;  no  1 5  0 1 5 
(bi  Catalogue. — 3.  Translatio  S.  Antonii 
de  C.  P.  ad  Viennam;  no  15016  du 
Catalogue.  —  -i.  Sernio  kiatoricus  de  beato 
Laurentio;  no  15027  du  Catalogue.  — 
5.  In  actus  mirificos  beati  Joannu  apo- 
stoli Evangelida ;  n»  15038  du  Catalogue. 
—  6.  Ckronicon  Curthusiœ  Lovaniensis 
ab  anno  14b6;  no  15043.  Cette  chro- 
nique a  été  continuée  par  une  autre 
main  jusqu'en  1524.  Paquot,  dans  ses 
Mémoires,  éd.  in-fol.,  I,  pages  586  et 
suiv.,  donne  une  longue  liste  d'opus- 
cules et  de  traités  spirituels  qui  exis- 
taient avant  le  milieu  du  xvie  siècle  à  la 
chartreuse  de  Zeelhem  près  de  Diest. 

E.-H.-J.  Keuseos. 
Paquot,  }Iémoires,  éd.  iu-fol.,  I,  p.  386  et  suiv. 

DORiiicx.  (Pierre),  né  à  Zonhoven 
vers  la  lin  du  xvie  siècle,  étudia  la  mé- 
decine à  l'université  de  Louvain  et  y 
reçut,  en  1625,  le  grade  de  licencié. 
Ayant  obtenu,  peu  de  temps  après, 
l'emploi  de  médecin  de  la  ville  de  Diest, 
il  remplit  ces  fonctions  jusqu'en  1638, 
année  où  il  prit  le  bonnet  de  docteur  et 
fut  appelé  à  la  chaire  royale  d'anatomie 
et  de  chirurgie  de  notre  ancienne  uni- 
versité nationale.  Son  enseignement  se 
distinguait  par  des  qualités  solides  et 
brillantes.  Deux  fois,  eu  163'J  et  en 
1642,  ses  collègues  récompensèrent  son 
mérite  en  lui  conférant  la  dignité  du 
rectorat. 

Appartenant,  par  sa  naissance  et  par 
sa  famille,  à  la  principauté  de  Liège, 
Dorlicx  jouissait  de  la  confiance  illi- 
mitée de  l'autorité  ecclésiastique  de  ce 
vaste  diocèse.  Le  savant  vicaire  général 
Jean  de  Chokier  le  consulta  plusieurs 
fois  sur  le  caractère  médical  de  certains 
faits  qu'on  prétendait  offrir  un  carac- 
tère surnaturel.  En  1646,  il  fit  partie 
d'une  commission,  composée  de  dix 
théologiens  et  de  trois  professeurs  de 
médecine,  chargée  de  vérifier  l'authen- 
ticité de  miracles  attribués  à  l'interces- 
sion de  la  Vierge  de  Saint-Kemy.  Quatre 
ans  plus  tard,  il  fit  partie  d'une  autre 
commission  chargée  d'une  vérification 
analogue  à  l'égard  de  miracles  attribués 


à  l'intercession  de  la  Vierge  de  Corten- 

l^OSch.  j.j.  Thonissen. 

Ulysse  Capitaine,  Biographie  liégeoise.  —  Ma- 
nigart,  ùiva  leodiemis  cousolalrix  affliclorum, 
p.  10.  —  Lamberts,  Diva  virqo  de  Cortenbosch, 
p.  210. 

DOB.iîE  {Martin  v.%w),  peintre  de 
fleurs  et  de  fruits,  né  à  Louvain  le 
22  janvier  1736,  décédé  dans  la  même 
ville  le  2  mai  1808.  On  ignore  qui  fut 
son  maître  ;  peut-être  n'en  eut-ii  d'autre 
que  la  nature,  qu'il  étudiait  avec  un 
sentiment  d'admiration  et  qui,  le  ré- 
compensant de  ce  culte  fervent,  lui 
apprit  à  reproduire  quelques-unes  de 
ses  beautés.  Les  tableaux  de  Martin 
van  Dorne  ont,  en  effet,  pour  principal 
mérite  un  aspect  de  saisissante  vérité; 
on  voit  immédiatement  qu'ils  sont  le 
résultat,  non  d'une  pratique  facilitée 
par  une  longue  expérience,  mais  celai 
d'une  patiente  et  scrupuleuse  imitation, 
aboutissant  à  rendre  la  fraîcheur,  l'har- 
monie, la  délicatesse  des  modèles  choi- 
sis. Le  mérite  du  peintre,  trop  oublié 
aujourd'hui,  n'était  point  resté  méconnu 
de  son  vivant,  car,  bien  qu'il  résidât 
loin  de  la  cour,  le  prince  Charles  de 
Lorraine,  gouverneur  des  Pays-Bas  au- 
trichiens, lui  donna  un  éclatant  témoi- 
gnage d'estime  en  le  nommant  sou 
peintre  ordinaire,  par  lettres  patentes 
du  5  août  1779.  Il  n'est  pas  sans  intérêt 
de  faire  remarquer  que  la  peinture  des 
fleurs  jouissait  alors  de  la  vogue  et  que 
les  deux  maîtres  les  plus  estimés  en  ce 
genre ,  appartenant  tous  deux  aux 
écoles  des  Pays-Bas,  Van  Spaendonck 
et  Redouté,  allaient  bientôt  acquérir 
une  grande  célébrité  en  France. 

Doué  d'une  intelligence  active  et 
d'humeur  très-sociale.  Van  Dorne  se 
plaisait  aussi  à  versifier;  il  possédait 
une  véritable  aptitude  à  s'occuper  de 
littérature  flamande  et  ne  manquait  pas 
de  manifester  sa  verve  poétique  dès  que 
des  fêtes  de  famille  ou  des  réunions 
d'artistes  lui  en  fournissaient  l'occasion  ; 
c'est  ainsi  que,  célébrant  à  sa  manière 
le  retour  en  Belgique  du  peintre  d'his- 
toire Verhaghen,  il  décrivit,  dans  un 
petit  poème  didactique,  toutes  les  œu- 
vres exécutées   par  ce  fécond  et  habile 


'I3o 


DORNE 


136 


artiste  ,    sou    ami    et   sou    concitoj'eu. 

Van  Dorue  avait  contracté  mariage 

le    25    février    1765    avec    Pétronille 

Eckermans;    de   cette   union  naquirent 

plusieurs  enfants,  notamment  François 

van   Dorue,   également  peintre,  et  qui 

s'est  fait   connaître  comme  portraitiste 

très-estimable.  f.  stappaens. 

Ed.  van  Even.  De  Schilder  P.-J.  Verhaghen. 
—  Piron,  Algemeene  levensbeschnjving  der  Man- 
nen,  enz. 

nORH'E  (François  va^'),  peintre  por- 
traitiste, né  à  Louvain  le  10  avril  1776, 
mort  clans  la  même  ville  le  30  novembre 
1848.  Il  était  fils  d'un  peintre  de  fleurs 
estimé,  Martin  van  Dorne,  qui  n'eut 
qu'à  seconder  ses  goûts  pour  constater 
ses  heureuses  aptitudes.  Tout  ce  que 
l'enseignement  paternel  pouvait  lui  ap- 
prendre fut  bientôt  su  par  lui,  puis  il 
eut  recours  aux  lumières  d'un  maître, 
dont  la  renommée,  aujourd'hui  trop 
éteinte,  rayonnait  alors  d'un  vif  éclat, 
Joseph  Verhaghen,  peintre  de  Marie- 
Thérèse.  Les  enseignements  de  celui-ci 
eurent  pour  premier  résultat  d'ouvrir 
un  plus  large  horizon  à  la  pensée  de 
son  disciple  et  de  susciter  en  lui  la 
noble  ambition  de  traiter ,  aussi ,  la 
peinture  d'histoire.  Facile  à  concevoir, 
un  tel  projet  était,  à  cette  époque, 
assez  diffictle  à  réaliser  ;  pour  y  parvenir 
pleinement,  il  paraissait  indispensable 
de  s'expatrier ,  et  des  difficultés  de 
diverses  natures  semblaient  devoir  y 
mettre  à  jamais  obstacle  ;  mais  l'histoire 
des  arts  prouve,  par  de  nombreux  exem- 
ples, que  les  difficultés  ne  font  qu'ai- 
guillonner ceux  qui  obéissent  à  une 
vocation  véritable.  Cette  fois  il  en  fut 
encore  ainsi  ,  et  Van  Dorne ,  après 
avoir  remporté  le  prix  du  dessin  d'après 
l'antique,  à  l'Académie  nouvellement 
installée  dans  sa  ville  natale,  se  trouva 
pourvu,  en  1802,  des  ressources  néces- 
saires pour  se  rendre  à  Paris.  En  s'y 
rendant,  il  ne  visait  à  rien  moins  qu'à 
recevoir  les  leçons  du  régénérateur  de 
l'école  française,  du  maître  illustre  qui, 
déjà  à  cette  époque,  avait  développé  le  ta- 
lent de  Gérard,  de  Gros,  de  Girodet  et  de 
plusieurs  autres  peintres  célèbres;  notre 
jeune  artiste  n'ignorait  doue   pas  qu'il 


prétendait  à  une  grande  faveur,  celle  de 
pouvoir  ajouter  à  son  nom  ces  mots  : 
élève  de  David,  faveur  alors  trôs-dispu- 
tée,  qui  ne  s'accordait  qu'à  bon  escient 
et  à  la  suite  d'un  examen  préalable. 
Van  Dorne  subit  cette  épreuve  à  son 
avantage  et  fut  admis,  comme  rapin, 
parmi  une  foule  d'élèves  appartenant  à 
diverses  nationalités  et  dont  quelques- 
uus,  notamment  Ingres,  commençaient, 
dès  lors ,  à  manifester  l'originalité  de 
leur  talent. 

En  1806,  le  rapin  avait  passé  par 
les  degrés  hiérarchiques  qui  divisaient 
l'école;  lui  aussi  était  devenu  peintre, 
et,  reconnu  comme  tel,  il  avait  été 
honoré  d'une  commande  par  les  magis- 
trats de  sa  ville  natale  :  celle  d'exécuter 
le  portrait  en  pied  de  l'empereur  Napo- 
léon. L'entreprise,  quoique  ardue  pour 
un  débutant,  fut  menée  par  lui  à  bonne 
fin;  elle  lui  valut  les  éloges  de  ses  con- 
disciples, les  félicitations  de  ses  conci- 
toyens :  c'était,  paraît-il,  justice.  Vers 
la  fin  de  sa  carrière,  Van  Dorne  croyait 
pouvoir  affirmer  que  sa  première  œuvre 
avait  été  aussi  l'une  de  ses  meilleures, 
et  l'amour  paternel  ne  l'aveuglait,  sans 
doute,  pas  trop  dans  cette  appréciation, 
puisque  en  1813,  lors  de  la  rentrée  des 
alliés,  le  portrait  fut  jugé  comme  étant 
de  bonne  prise  et  enlevé,  par  le  major 
Colomb,  à  l'hôtel  de  ville  de  Louvain. 

Quoique  craintif  et  modeste  à  l'excès, 
notre  artiste,  encouragé  par  sou  maître, 
se  décida,  en  1808,  à  exposer  un  tableau 
mythologique,  une  Vénus,  au  salon  de 
Paris.  Mal  lui  en  advint  :  les  critiques 
d'art,  trop  peu  indulgents,  s'égayèrent 
tant  à  propos  de  cette  œuvre,  que  l'expo- 
sant, désespéré,  fut  atteint  d'une  ma- 
ladie mortelle  et  ne  recouvra  la  santé 
qu'en  jurant,  «  mais  un  peu  tard  «, 
qu'on  ne  l'y  prendrait  plus.  Il  se  con- 
tenta, dès  lors,  de  demander  à  la 
peinture  des  portraits  les  ressources 
nécessaires  à  l'entretien  de  son  ménage; 
il  s'était  marié  avec  une  de  ses  com- 
patriotes, appartenant,  comme  lui,  à 
une  famille  d'artistes,  Melle  Bastiné  de 
Louvain.  A  l'encontre  de  tant  d'autres 
de  ses  confrères,  qui  peignent  pour  ainsi 
dire    d'instinct,    mais    dont    le    talent 


137 


DORNE  —  DORPIUS 


138 


s'arrête  court,  faute  d'être  fécondé  par 
l'étude,  la  théorie  chez  Van  Dorne  s'éle- 
vait bien  au-dessus  de  la  pratique.  Il 
avait  fait  une  étude  comparative  et  pas- 
sionnée des  merveilles  de  la  peinture, 
alors  accumulées,  par  droit  de  conquête, 
au  musée  du  Louvre  ;  déplus,  avide  de 
savoir,  il  s'occupait  de  toutes  les  bran- 
ches scientifiques  qui  se  rattachent  à  la 
culture  des  beaux-ai'ts;  aussi,  malgré  sa 
réserve,  son  savoir  n'était-il  ignoré 
d'aucun  de  ses  condisciples.  Un  des 
plus  instruits,  des  plus  éminents  de 
ceux-ci,  Paillot  de  Montabert,  y  eut 
recours  pour  son  Traité  complet  de  pein- 
ture :  c'est  Van  Dorne  qui,  sous  le 
voile  de  l'anonyme,  donna  le  Traité  de 
perspective,  compris  dans  cette  œuvre 
colossale,  fruit  de  trente  années  de 
recherches,  et  à  laquelle  on  ne  saurait 
reprocher  que  sa  trop  grande  étendue. 

Notre  artiste  approchait  de  la  cin- 
quantaine quand  il  se  sentit  dominé  par 
le  désir  de  revoir  son  pays  :  il  revint,  en 
1822,  s'établir  à  Louvain.  Il  y  pro- 
duisit jusqu'à  la  fin  de  sa  carrière  un 
grand  nombre  de  portraits  ;  y  exécuta 
aussi,  pour  une  institution  monastique 
de  l'Angleterre,  quatre  compositions 
religieuses  représentant  divers  épisodes 
de  la  vie  de  la  sainte  Vierge  j  et,  enfin, 
il  laissa,  dans  la  collégiale  de  Saint- 
Pierre,  une  très-remarquable  copie  d'un 
chef-d'oeuvre  de  Crayer  :  Saint  Charles 
Borromée  administrant  V eucharistie  aux 
pestiférés.  Van  Dorne  avait  fait  de  ce  ta- 
bleau une  étude  approfondie,  au  musée 
du  Louvre,  avant  qu'il  allât  enrichir 
le  musée  de  Marseille. 

Pour  utiliser  ses  loisirs,  notre  artiste 
composait,  tantôt  des  tableaux  de  genre, 
spirituels  pastiches  des  vieux  flamands, 
et,  tantôt,  consignait  par  écrit  ses  ob- 
servations sur  les  peintres  qu'il  avait 
le  mieux  connus  ou  le  plus  étudiés. 
C'est  ainsi  qu'il  écrivit  la  vie  de  son 
premier  maître,  vie  restée  inédite, 
mais  dont  un  consciencieux  biograplic, 
M.  Ed.  van  Even,  déclare  s'être  gran- 
dement servi  en  rédigeant  son  livre  si 
complet  sur  les  œuvres  et  la  carrière  du 
peintre  P. -J.  Verhagheu. 

Dans  son  existence  laborieuse  et  mo- 


deste, Van  Dorne  vivait  entouré  de 
l'estime  publique  et  son  décès  suscita 
d'unanimes  regrets  parmi  ses  conci- 
toyens, p  stappaerts. 

DORWE  {Jean-Baptiste  v.%.x),  peintre 
et  musicien,  né  à  Louvain  le  28  mai 
1773,  décédé  dans  la  même  ville  le 
10  décembre  1834.  Elève  de  son  oncle, 
Martin  van  Dorne,  peintre  du  prince 
Charles  de  Lorraine,  il  le  suivit  de  très- 
près  dans  sa  manière  de  composer  et 
d'exécuter  les  tableaux  de  fleurs  et  de 
fruits.  Il  copia  aussi,  avec  autant  de 
patience  que  d'habileté,  quelques  ta- 
bleaux des  vieux  maîtres,  notamment  la 
célèbre  Madeleine  du  Corrége,  copie 
comparable  à  celle  faite  par  le  célèbre 
peintre  Dietrici,  pour  la  maison  d'Aren- 
berg  et  que  cette  maison  princière 
acquit  également,  en  vente  publique, 
après  le  décès  du  copiste. 

Jean  van  Dorne  manifesta  de  bonne 
heure  une  grande  prédilection  pour 
l'étude  de  la  musique,  mais,  né  dans  une 
condition  des  plus  modestes,  il  se  trou- 
vait dans  l'impossibilité  d'acquérir  l'in- 
strument objet  de  ses  convoitises.  Sa 
forte  volonté  et  son  adresse  suppléèrent 
à  ce  qui  lui  manquait  d'autre  part  :  il 
confectionna  lui-même  le  piano  sur 
lequel  il  devait  devenir  instrumentiste, 
étudier  l'harmonie,  et  composer  un  assez 
grand  nombre  de  morceaux,  empreints 
d'unegracieuse  naïveté, mais  qui, presque 
tous,  sont  restés  inédits. 

Non  moins  enthousiaste  de  littérature 
et  de  science  que  d'art,  notre  artiste 
put,  à  une  certaine  époque  de  sa  vie, 
donner  satisfaction  à  ses  goûts  :  devenu 
l'hôte  d'une  riche  maison  industrielle, 
celle  d'Artoise,  et  lié  d'amitié  avec  l'un 
de  ses  principaux  intéressés,  M.  Plas- 
schaert,  homme  politique  et  publiciste 
distingiié,  il  parvint,  par  suite  de  ces 
généreuses  sympathies,  à  se  former  une 
bibliothèque  considérable  qui,  dispersée 
lors  de  sa  mort,  éveilla  l'intérêt  et  l'envie 
des  bibliophiles.  p.  stappaeru. 

*  »ORi»iiJM  (MartitiKs),  ou  Martin- 
Bnrthéh'vnj  Van  Dokp,  humaniste  et 
théologien,  connu  dans  le  monde  des 
lettres  sous  la   forme  latinisée  de  son 


139 


DORPIUS 


140 


nom,  naquit  en  1485  à  Naeldwvck,  en 
Hollande.  Mais  ayant  puisé  son  instruc- 
tion à  Louvain  et  accompli  toute  sa  car- 
rière en  cette  ville,  il  s'est  placé,  sans 
contredit,  parmi  les  hommes  qui  sont 
acquis  à  la  Belgique  par  une  longue  rési- 
dence et  par  des  services  signalés. 

Issu  d'une  famille  noble,  Dorpiusfut 
envoyé,  jeune  encore,  à  l'université  de 
Louvain.  Dans  le  concours  de  philoso- 
phie de  l'an  1504,  il  fut  le  cinquième 
de  la  première  ligne,  et  peu  après  il 
professa  la  rhétorique  et  la  philosophie 
au  collège  du  Lis.  Il  se  dévoua  avec  un 
zèle  enthousiaste  au  succès  des  études 
classiques  qui  ne  faisaient  que  naître 
aux  Pays-Bas.  Lié  d'amitié  avec  plu- 
sieurs promoteurs  de  ces  études,  Erasme, 
Yivès,  J.  Busleiden,  Th.  Martens  et 
bien  d'autres,  il  seconda  leurs  efforts  et 
se  concilia  leijr  estime.  Il  ne  négligea 
rien  pour  communiquer  aux  jeunes  hu- 
manistes l'intelligence  des  anciens  au- 
teurs :  dans  cette  vue,  il  leur  fit  repré- 
senter des  pièces,  pour  lesquelles  il 
composait  lui-même,  en  vers,  des  pro- 
logues de  circonstance,  entre  autres 
deux  comédies  de  Plante,  le  Miles  et 
VAulularia  :  cette  dernière  fut  jouée  au 
Lis  avec  un  certain  apparat,  le  3  sep- 
tembre 1508,  et,  en  souvenir  de  la 
solennité,  le  maître  en  fit  imprimer  le 
texte  dans  un  curieux  recueil  publié  en 
1514  par  Thierry  Martens  et  compre- 
nant d'autres  morceaux  de  littérature 
latine. 

Dorpius  avait  compris  la  nécessité  de 
faire  servir  les  langues  savantes  au  pro- 
grès général  de  renseignement.  C'est  la 
thèse  qu'il  soutint  avec  beaucoup  de 
force  dans  sa  harangue  prononcée  en 
1513  devant  toute  l'université,  et  dans 
laquelle  il  avait  à  faire  valoir  les  préro- 
gatives de  toutes  les  sciences  :  Oratio  de 
laudïbm  sigillatim  cujusque  dkciplina- 
rum,  etc.  Il  porta  de  même  l'esprit  de 
prosélytisme  dans  l'étude  de  la  théologie 
qu'il  entreprit,  sur  les  conseils  de  Jean 
Briard.  Promu  en  1515  docteur  en  théo- 
logie, il  fut  chargé  des  leçons  d'Ecriture 
sainte  et  devint  président  du  collège  du 
Saint-Esprit.  On  le  vit  défendre,  en 
toute  circonstance,  le  prix  des  études  lit- 


téraires, l'utilité  de  l'étude  du  grec  pour 
les  théologiens  et  même  l'opportunité 
d'y  joindre  celle  de  l'hébreu. 

Le  collège  des  Trois-Langues  ayant 
été  ouvert  en  1518,  en  exécution  du 
testament  de  son  ami,  le  conseiller  Jé- 
rôme Busleiden  (voir  ce  nom,  ci-dessus, 
tome  III),  Dorpius  donna  ouvertement 
son  appui  à  cette  institution.  Il  ne  cessa 
d'encourager  tous  ceux  qui  s'adonnaient 
à  la  philologie,  les  jeunes  hommes  qui 
enseignaient  et  ceux  qui  s'occupaient  de 
la  publication  et  de  la  correction  des 
textes.  Il  profita  pour  ses  propres  écrits 
des  presses  établies  à  Louvain  par  le 
fameux  imprimeur  d'Alost,  Thierry  Mar- 
tens ;  en  outre,  il  enrichit  les  éditions 
de  divers  auteurs  de  vers  latins  et  d'épî- 
tres  dédicatoires.  Il  prit  toujours  parti 
pour  les  lettres  classiques,  alors  qu'elles 
inspiraient  de  la  défiance  à  grand  nom- 
bre d'esprits  élevés.  Il  fit  à  Erasme  de 
sérieuses  objections  sur  les  témérités 
que  contenait  son  Eloge  de  la  Folie,  et  il 
l'engagea  à  composer  lui-même  l'apolo- 
gie de  la  Sagesse.  Quoiqu'il  fût  resté  en 
bons  termes  avec  Erasme,  il  sut  se  garder 
des  écarts  de  langage  qui  avaient  provo- 
qué tant  d'animosité  contre  ce  spirituel 
écrivain. 

Quand  Dorpius  donna  au  public  en 
1519  le  plan  de  ses  leçons  sur  les  épîtres 
de  saint  Paul,  il  en  prit  occasion  de 
traiter  des  questions  alors  controversées 
entre  les  maîtres  de  l'instruction  publi- 
que, et  de  ce  nombre  l'utilité  des  langues 
et  leur  application  {Oratio  in  prœlectio- 
nem  epidolaruni  diri  Pauli,  etc.  Anvers, 
Michel  Hillen,  1519;  Bàle,  Eroben, 
1520).  L'estime  dont  Dorpius  jouissait 
à  Louvain  parmi  les  théologiens  n'était 
pas  moindre  que  celle  que  lui  témoi- 
gnaient les  humanistes.  Elle  fut  assez 
grande  pour  lui  valoir,  en  1523,  les  hon- 
neurs du  rectorat,  charge  qui  était  alors 
limitée  à  un  semestre.  Mais  l'homme 
vraiment  distingué  sur  lequel  on  fon- 
dait tant  d'espérance  mourut  à  l'âge  de 
quarante  ans,  le  31  mai  1525.  Il  fut 
pleuré  par  l'université,  et  plus  d'un 
écrivain  célèbre  composa  des  épitaphes 
latines  pour  honorer  sa  mémoire.  Celle 
qu'on  grava  sur  son  tombeau  à  la  Char- 


141 


DORPIUS  —  DOTRENGE 


142 


treuse  de  Louvain  était  de  la  main 
d'Erasme,  qui  se  montra  profondément 
affligé  de  la  mort  prématurée  de  son 
ami.  Le  nom  de  Dorpius  mérite  d'être 
conservé  comme  celui  d'un  maître  de 
théologie,  dans  les  annales  de  l'ancienne 
faculté  de  Louvain;  mais  en  même 
temps  il  a  droit  à  une  célébrité  particu- 
lière dans  l'histoire  littéraire  de  la  Bel- 
gique, puisqu'il  a,  par  sa  plume  comme 
par  ses  leçons,  favorisé  avec  sagesse  le 
mouvement  de  la  renaissance. 

Félix  Ncve. 
Foppens,  Biblioth.  belgica,  t.  11,  p.  8o-2-8h3.  — 
Aiialecla,  publ.  à  Louvain,  par  C.-F.  de  Nélis 
(tom.  !<■'•.  inachevé).  —  Goeihals,  Lectures  rela- 
tives à  l'histoire  des  sciences,  etc.,  tom.  I"^"", 
pages  41-46  —  De  Reiffenberg,  Quatrième  Mé- 
moire sur  les  premiers  siècles  de  l'L'niv.  de  Lou- 
vain, 18■^2,  pages  63-"7.  —  F.  Névc,  Mémoire 
hist.  et  litt.  sur  le  collège  des  Trois  Langues,  18o6. 
—  Martin  Dorpius  et  les  études  d'humanités 
dans  les  écoles  de  Louvain  au  commencement  du 
x\i<^  siècle,  par  le  même,  Louvain,  1873.  — Van 
Iseghem,  Biographie  de  Thiorij  Martens,  etc., 
1832. 

DO.«i$mi%'  (Pierre-Mienne),  botaniste, 
né  à  Liège  le  7  février  1777,  mort 
dans  la  même  ville,  le  20  décembre 
1852.  Il  exerça  la  profession  de  phar- 
macien, après  avoir  reçu  ses  grades  qui 
lui  furent  délivrés,  successivement,  par 
le  collège  des  médecins  de  Liège,  le 
30  janvier  1794,  et  par  le  jury  médical 
du  département  de  l'Ourthe,  le  20  août 
1808.  Il  fit  quelques  études  de  bota- 
nique à  Paris,  sous  la  direction  de 
A.  L.  de  Jussieu.  Le  premier,  il  étudia 
la  flore  rurale  de  la  province  de  Liège  ; 
le  Catalogue  des  plantes  spontanées  dii 
pays  de  Liège,  qu'il  rédigea  en  1806,  fut 
communiqué  à  Pyrame  de  CandoUe  pour 
la  rédaction  de  la  Flore  française,  au 
Dr  Lejeune,  pour  la  More  de  Spa  et  à 
d'autres  botanistes.  Dossin  a  peu  publié; 
il  était  aussi  amateur  des  beaux-arts. 
Son  Herbier  est  un  document  intéressant 
pour  l'étude  de  la  flore  nationale.  Charles 
Morren  lui  a  dédié  un  genre  de  plantes 
de  la  famille  des  Orchidées,  fondé  sur  le 
Dossinia  marmorata. 

Bibliographie.  —  Note  sur  la  Petite 
Douve  dans  :  Journ.  d'agric.  prat.  III 
(1850),  p.  392.  —  Note  sur  le  Vacci- 
nium  Fitis  idfea  et  V Arbutus  nva  ursi, 
dans  Belg.  hort.  II  (1851),  p.  200. 

Edouard  Morren. 


Ch  Morren.  Ann.  de  la  Soc.  d'agric.  et  de  bot. 
de  Gand,  IV  (1848),  p.  171.  —  Ch.  et  Ed.  Morren, 
dans  la  Belg.  hort.,  1864,  p.  1.  —  Ll.  Capitaine 
Nècrologe  liégeois  pour  l8o2  et  pour  1833.  — 
Th.  Durand,  Reliquiœ  Dossinianœ  dans  Bull. 
Soc.  rotj.  de  bot.  de  Belg.,  XIV,  1875,  p.  49. 

DOTREiiGE  {Théodore),  avocat,  pu- 
bliciste,    homme    politique,    naquit    à 
Bruxelles  en  1761   et  mourut  dans  la 
même  ville  en  1836.   Son  père,  égale- 
ment avocat   à  Bruxelles,   avait   repré- 
senté, avec  l'autorisation  spéciale  de  Ma- 
rie-Thérèse,  le  prince-évêque  de  Liège 
près  le  gouvernement  des  Pays-Bas  au- 
trichiens. Après  avoir  fait  d'excellentes 
études,    Théodore   Dotrenge   fut     reçu 
avocat  à  Louvain.  De  bonne  heure,  il  se 
signala   par  des   opinions  libérales    et 
démocratiques.  Pendant  les  orages  de  la 
révolution  brabançonne,  il  fut  proscrit 
pour  avoir  adhéré  avec  trop  d'éuergie  au 
parti  des  vonckistes;  et,  lors  de  la  pre- 
mière invasion  française,  il  fut  président 
d'un   club   qui  prit  le  titre  à' Assemblée 
provisoire  de  la  ville  libre  de  Bruxelles. 
Tout  en  subissant  l'influence  de  la  révo- 
lution française,    Dotrenge   ne   sacrifia 
jamais  ni  son  indépendance  ni  ses  con- 
victions. Nos  devanciers  rapportent  que, 
sous  le  Directoire,  il  plaida  avec  force  la 
cause  des  absents,    auxquels  on  voulait 
appliquer  la  loi  du  25  brumaire  an  m 
sur  l'émigration,  et  qu'il  composa,  à  ce 
sujet,  deux  mémoires  remarquables,  dont 
le   second,  ajoute-t-on,   n'eut   pas   peu 
d'influence  ^ur  les  déterminations  favo- 
rables que  prirent  ensuite  les  consuls  à 
l'égard  de  V absentéisme .  Le   19   février 
1799,  Dotrenge  fut  nommé  greffier   du 
tribunal  de  commerce  de  Bruxelles,  et  il 
conserva  cet  emploi  jusqu'en  1828.  Lors 
de  la  création  du  royaume  des  Pays-Bas, 
il  avait  déjà  une  grande  notoriété;  c'est 
ainsi   que,   le   22   avril   1815,  il   était 
nommé  par  Guillaume  1er  membre  de  la 
commission  chargée  de  reviser  la  loi  fon- 
damentale   des    Provinces-Unies  et    de 
l'adapter  au  nouveau  royaume.  Un  des 
collègues    de    Dotrenge    dans    la    com- 
mission  de,  révision,  J.-F.    Gendebien, 
disait  de  lui  :  «...  Il  a  été  vonckiste.  Il 
•I  est  zélé  démocrate.  Il  est  très-instruit 
«  sur  nos   histoires  et   nos   anciennes 
"  constitutions.  Il  a  beaucoup  d'esprit. 


143 


DOTRENGE 


144 


Il  II  parle  bien  et  d'une  manière  inté- 
II  ressante.  Il  écrit  très-correctement  et 
Il  rédige  ses  pensées  clairement.  Il  a  de 
Il  la  finesse.  Il  réserve  pour  lui  ses  opi- 
II  nions  et  ses  connaissances  et  en  sait 
»  tirer  parti.  Dans  les  délibérations  il 
Il  est  franc  et  opine  toujours  avec  indé- 
II  pendance.  «  Comme  membre  de  la 
commission  de  révision,  Dotrenge  ré- 
clama la  monarchie  constitutionnelle 
dans  toute  sa  vérité  et  combattit  énergi- 
quement  les  traditions  de  l'ancien  ré- 
gime. Aussi  Raepsaet,  le  plus  constant 
de  ses  adversaires,  dépeignait-il  l'ancien 
vonckiste  comme  un  antagoniste  forcené 
du  clergé  et  de  la  noblesse.  Dotrenge 
avait  demandé  notamment  que  l'on  fit 
disparaître  du  projet  de  constitution  le 
mot  seigneuries.  Les  délégués  des  pro- 
vinces septentrionales  répondaient  que 
cette  dénomination  ne  signifiait  autre 
chose  que  des  circonscriptions  territo- 
riales. —  Elle  pourrait  aussi  signifier, 
répliqua  Dotrenge,  la  résurrection  des 
droits  féodaux  qui,  depuis  vingt  ans, 
sont  abolis  en  Belgique.  On  décida  enfin 
que  le  mot  serait  conservé,  mais  qu'il 
s'agirait  de  seigneuries  légalement  établies . 
Or,  en  18 17,  la  noblesse  de  la  Flandre 
orientale,  s'appuyant  sur  cet  article  de 
la  constitution,  demanda  au  roi  le  réta- 
blissement des  seigneuries,  et,  pour  elle- 
même,  la  paisible  jouissance  de  ses 
anciens  droits  honorifiques  et'titiles.  Cette 
requête  avait  été  rédigée  par  Eaepsaet. 
Dotrenge  la  combattit  avec  beaucoup 
d'esprit  et  une  maligne  causticité  dans 
une  brochure  ayant  pour  titre  :  Opinion 
sur  la  rédaction  de  trois  articles  de  la  loi 
fondamentale.  Depuis  1815,  Dotrenge 
faisait  partie  de  la  seconde  chambre  des 
états  généraux,  et,  quoiqu'il  dût  sa  pre- 
mière nomination  au  gouvernement,  le- 
quel avait  usé  du  droit  que  lui  conférait 
la  loi  fondamentale,  il  se  signalait  par 
son  indépendance  autant  que  par  son  es- 
prit un  peu  mutin.  On  trouve  à  ce  sujet 
un  incident  assez  caractéristi([ue  dans 
un  recueil  contemporain  {L' Observateur 
belge,  do  1817)  :  «  M.  le  ministre  des  fi- 
«  nances,  profitant,  au  pied  de  la  lettre, 
H  des  honneurs  de  la  séance,  accordés  par 
«   la  constitution  aux  chefs  des  départe- 


"  ments  d'administration  générale,  ne 
Il  s'est  pas  levé  pour  parler  à  leurs 
"  nobles  puisances,  dans  la  discussion 
"  du  budget...  On  a  remarqué  qu'en 
"  lui  répliquant,  M.  Dotrenge,  après 
Il  s'être  levé  pour  demander  la  parole  à 
Il  M.  le  président,  a  affecté  de  s'asseoir 
"  aussi  pendant  la  partie  de  sa  réplique 
Il  qui  s'adressait  à  Son  Excellence.  «  L'in- 
fluence de  Dotrenge  ne  cessa  de  grandir 
et,  pendant  douze  ans,  il  fut,  avec 
Eeyi)hins  (voir  ce  nom),  à  la  tête  de 
l'opposition  libérale  belge  dans  la  se- 
conde chambre  des  états  généraux.  L^n 
de  leurs  collègues,  M.  de  Gerlache,  a 
dit  de  Dotrenge  :  «  C'était  un  homme 
'/  d'une  vaste  érudition  ;  versé  en  droit 
Il  civil,  en  droit  canon;  publiciste,  fi- 
II  nancier,  mathématicien;  épicurien  et 
"  sceptique  ;  doué  de  beaucoup  d'esprit; 
"  fort  adonné  à  l'épigramme  et  affectant 
"  de  se  moquer  de  tout.  Quoique  natu- 
"  rellement  paresseux,  il  lisait  constam- 
«  ment  ;  rien  n'échappait  à  son  immense 
"  mémoire.  Ses  discours  parlementaires, 
"  ordinairement  écrits,  longs  et  dilfus, 
"  mais  parsemés  d'anecdotes  et  de  traits 
"   piquants,  étaient  écoutés  avec  beau- 

"   coup  d'attention En   société   Do- 

"  trenge  causait  bien  et  pouvait  causer 
Il  à  peu  près  de  tout.  Chaque  jour, 
"  dans  son  bon  temps,  il  courait  de 
Il  lui  quelque  mot  nouveau  qui  faisait 
«  fortune.  "  Dotrenge  combattait  les 
mesures  financières  du  gouvernement; 
mais,  d'autre  part,  il  approuvait,  il 
encourageait  la  domination  que  celui-ci 
voulait  exercer  sur  l'instruction  pu- 
blique. C'est  ce  qui  résulte  notamment 
du  discours  prononcé,  le  15  décembre 
1825 ,  "  sur  les  lois  du  budget  pour  1826 
Il  et  sur  les  questions  incidemment 
Il  traitées  relativement  aux  derniers 
"  arrêtés  sur  l'instruction  publique.  « 
En  1828,  Dotrenge  se  laissa  nommer 
conseiller  d'Etat  et  renonça  à  ses  fonc- 
tions de  député.  La  révolution  de  1830 
vint  le  surprendre,  et,  à  certains  égards, 
le  désespérer.  Kedoutant  par  dessus 
tout  l'influence  théocratique,  Dotrenge 
n'avait  pas  assez  de  sarcasmes  contre  les 
unionistes  ;  il  fut  aussi  l'auteur  de  quel- 
ques pamphlets  anonymes  et  le  collabo. 


145 


DOTREiNGE  —  D'OUDEGHERST 


146 


rateur  du  Lpu,  journal  orangiste.  Il 
mourut  le  15  juin  1836.  Th,  Juste. 

nocAi  {Pierre  oe),  pocte,  né  en 
Flandre,  xiiic  siècle.  Voir  Pierre  de 
Douai. 

d'oiideguer!<t  {Pierre)  ou  de  Ou- 
degiierste,  historien,  né  à  Lille  le 
23  janvier  1540,  mort  à  Madrid,  le 
2  avril  1592  (n.  s.).  Sa  famille,  origi- 
naire de  Poperinglie,  s'était  établie  à 
Hesdin  en  Artois  (1).  Son  père,  nommé 
lieutenant-bailli  du  Tournaisis,  amena 
ses  sept  enfants  à  Tournai  en  1549,  puis 
à  Bruges  en  1551,  quand  il  devint  asses- 
seur du  Franc.  Pierre  a-t-il  encore  suivi 
son  père  à  Malines  en  1558,  quand 
celui-ci  fut  élevé  aii  poste  de  conseiller 
et  procureur  de  Philippe  II  «  en  son 
grand  et  privé  conseil  »  ou  bien  le  jeune 
étudiant  était-il  déjà  immatriculé  à  l'uni- 
versité de  Louvain?  Cette  dernière  sup- 
position semble  la  plus  naturelle.  Dès 
qu'il  eut  obtenu  le  bonnet  de  docteur  en 
droit,  il  s'établit  à  Bruxelles,  et,  malgré 
ses  rapides  succès  au  barreau,  s'occupa 
avec  ardeur  d'histoire  nationale.  On  cite 
parmi  ses  amis  les  plus  intimes  l'érudit 
Van  der  Haer,  de  Louvain,  et  le  poëte 
Maximilien  De  Vriendt,  de  Gand.  Juris- 
consulte de  bonne  heure  distingué,  il 
obtint  du  gouverneur  des  Pays-Bas, 
Alexandre  Farnèse,  la  lieutenance  du 
bailliage  de  Tournai,  que  son  père  avait 
eue  sous  Charles- Quint.  C'est  à  propos 
de  quelques  affaires  concernant  le  Tour- 
naisis que  Pierre  d'Oudegherst  fut  en- 
voyé en  Allemagne  en  1569  et  résida 
quelque  temps  à  la  cour  du  pacifique  et 
tolérant  empereur  Maximilien  II.  Il 
rappelle  sa  mission  dans  l'épître  dédi- 
catoire  de  ses  Annales.  »  Je  m'estoye 
pris  naguère,  etc..  «  Autant  qu'il  est 
permis  de  conclure  de  quelques  faits 
épars,  il  était  doué  d'une  nature  active 
et  entreprenante.  «  Ni  les  affaires  im- 
portantes qu'on  lui  confia,  dit  Paquot, 
ni  le  temps  qu'il  donnait  aux  exercices 

(Ij  Des  notes  écrites  par  IJaudouin,  frère  de 
riiislorieii,  sur  drs  feiiilleis  de  garde  d'un  incu- 
nable de  rUniversil'i  de  Garni  {Messager  des 
sciences  historiques,  1875),  donnenl  queUiues  ren- 
seignements complémentaires  Lu  femme  de 
Pierre  d'OudcgIiorsi  l'tait  venve  de  Ilobcri 
de   Zwaerte.   Ln  oncle  était  abbé  de  Berghes- 


du  barreau,  ni  de  fâcheux  cral)arras  do- 
mestiques qu'il  eut  à  essuyer,  ne  purent 
l'empêcher  de  faire  une  étude  appro- 
fondie des  antiquités  de  son  pays.  «  Son 
frère  aîné,  Baudouin,  qui  lui  survécut 
et  qui  fut  échevin  à  Bruges,  partageait 
ses  goûts,  mais  ne  put  guère  les  suivre  à 
cause  des  troubles  qui  suivirent  la  Paci- 
ficatiou  de  Gand  et  dont  il  fut  victime. 
Pierre,  encouragé  surtout  par  don  Fabio 
Masqui  d'Urbino,  gentilhomme  du  roi 
résidant  à  Bruxelles,  se  décida  «  à  pro- 
mulguer " ,  comme  il  disait,  une  grande 
histoire  de  son  «  noble  pays  «.  Pour 
les  premières  époques,  il  voulait  prin- 
cipalement modiiier  la  narration  de  De 
Meyere  qu'il  trouvait  trop  meslée  et  diffi- 
cile. En  même  temps  qu'il  prétendait  y 
mettre  plus  d'ordre  en  élaguant  tout  ce 
qui  concernait  les  princes  étrangers,  il 
s'attachait  à  poétiser  des  légendes  sus- 
pectes. "  C'était ,  observe  Lesbrous- 
sart,  pour  éviter  la  sécheresse;  mais  il 
manquait  de  goût,  quoiqu'il  eût  bien 
étudié  les  anciens.  «  Tandis  que  son 
prédécesseur  avait  véritablement  fondé 
l'histoire  exacte  et  positive  de  la  Flan- 
dre, il  recherchait  trop  le  ton  oratoire  et 
moraliste.  On  doit  sourire  du  style  pom- 
peux et  tourmenté  dont  il  retrace  les 
fabuleuses  aventures  d'Emergaert,  de 
Phinaert,  de  Lyderic  de  Bucq  et  des 
forestiers  Inghelram  et  Audacer. 

Son  récit,  comme  celui  de  De  Meyere, 
s'arrête  à  la  fin  du  xve  siècle  et  de  la 
domination  bourguignonne.  Il  le  fit  pa- 
raître à  Anvers  en  1571  chez  Christophe 
Plantin  (340  feuillets  in-4o).  Au  moment 
de  l'impression,  il  avait  dû  repartir  pour 
l'Allemagne,  et  c'était  sa  femme,  Clara 
Wyts,  qui  le  25  juin,  avait  obtenu  le 
privilège  royal  pour  son  livre  intitulé  : 
Les  Chronique'^  et  Annales  de  Flandres  •" 
contenantes  les  héroïcques  et  très-victorieux 
exploits  des  forestiers,  et  comtes  de  Flati- 
dres,  et  les  simjularitez  et  choses  mémora- 
bles advenues  audit  Flandres,  depuis  Van 


Saint-Winoc  Un  autre  oncle  était  seigneur  de 
Hou|)elinne.  l'ne  nièce,  Cateline,  épousa  un  des 
grands  imprimeurs  d'Anvers,  Sleels.  En  loM, 
«  le  jour  (le  Saint-Kranrois,  »  l'historien  fut  en- 
terré à  Madrid,  au  cloitre  cle  «  Ma  Signr.ria  de  la 
Victoria  nu  milan  (au  milieu)  de  la  chapelle  Sainl- 
Fran^'ois.  » 


147 


D'OUDEGHERST 


148 


de  noti'e  seigneur  Jésus- Chriat  VI'^  et  XX 
jusques  à  Vaiye  M.  CCCC  LXXVI;  nou- 
vellement composées  et  mises  en  lumière  par 
Pierre  d'Oudegherst,  docteur  es  loix. 
Dans  le  plan  de  l'auteur,  ce  grand  in-4o 
ne  devait  être  qu'une  sorte  d'introduc- 
tion à  l'histoire  détaillée  des  troubles  du 
xvie  siècle.  Sa  première  dédicace  (à 
l'empereur  ^Maximilien  II)  prouve  que 
c'était  depuis  longtemps  qu'il  s'était 
occupé  II  de  son  vieux  recueil  autresfois 
faict.  Il  Pans  l'épître  où  il  s'adresse 
»  aux  Etats  et  peuple  de  Flandre,  et 
autres  lecteurs  dignes  de  ce  nom  «  après 
avoir  rappelç  l'utilité  morale  de  l'his- 
toire Il  domestique  «  il  ajoute  :  "  Mon 
Il  intention  estoit  de  seulement  réciter  les 
Il  troubles  et  séditions  esquelles  ma  joou- 
II  vre  et  misérable  patrie  a  esté  puis  na- 
II  guère  enveloppée,  ensemble  la  final 
Il  yssue  d'icelles;  mais  le  dueil  et  juste 
Il  desplaisir  conceu  de  la  désolation  tout 
Il  récente,  aappesanty  et  retardé  le  vol  et 
«  portée  de  ma  plume «^Quant  à  l'his- 
toire lointaine,  elle  lui  semblait  moins 
ennuyeuse,  c'est-à-dire  attristante.  Eu 
outre,  elle  méritait  tous  les  soins  d'un 
écrivain  patriote.  Il  espérait,  à  son  re- 
tour d'Allemagne,  publier  son  second 
volume  {promiâguer  de  brief);  mais  il 
n'eut  pas  le  temps  d'en  coordonner  les 
matériaux.  «  Peut-être,  dit  Lesbrous- 
sart  (dans  la  notice  qui  précède  son 
édition),  les  trouvera-t-on  un  jour  dans 
une  bibliothèque  espagnole,  puisqu'il 
les  avait  emportés  à  son  second  voyage 
en  Espagne,  dont  il  n'est  pas  revenu.  « 
Au  reste,  Pierre  d'Oudegherst  semble 
avoir  été  obligé  d'abandonner  ses  études 
et  de  consacrer  entièrement  les  dernières 
années  de  sa  vie  à  des  travaux  d'admi- 
nistration publique  et  d'économie  so- 
ciale. On  peut  même  remarquer  ce  genre 
de  préoccupations  dans  les  parties  les 
plus  oratoires  de  l'unique  volume  qu'il 
a  fait  paraître.  C'est  ce  qu'ont  perdu 
de  vue  ceux  qui  ont  prétendu  continuer 
son  œuvre.  Le  tome  troisième  de  la  tra- 
duction flamande  publiée  à  Gand  en  1785 
par  J.  Ch.  Fernand  est  sans  valeur. 
M.  F.  Vander  Haeghen  signale  dans  sa 
Bibliographie  gantoise  (IV,  260)  une 
autre  continuation  éditée  par  De  Goesin 


et  comhiisant  le  récit  de  1780  à  1814. 
Quant  à  l'édition  en  2  volumes  in-8"  que 
Ph.  Lesbroussart  a  donnée  en  1789, 
elle  mérite  tous  les  éloges  que  lui  accorde 
De  TVind  (Bibliotheek  der  nederlatidsche 
geschiedschrijvers) .  M.  F.  Yander  Hae- 
ghen (lY,  300)  cite  une  note  fort  cu- 
rieuse conservée  sur  l'exemplaire  de  Yan 
Hulthem;  elle  constate  que  les  chartes 
nouvellement  insérées  dans  l'édition  de 
1789  ont  été  communiquées  à  Lesbrous- 
sart par  l'illustre  bibliophile  gantois  : 
Il  Je  fis  même,  ajoute-t-il,  pour  mon 
Il  ami  De  Goesin  la  petite  dédicace  aux 
"  Etats  de  Flandre  qui  se  trouve  au 
Il  commencement,  mais  qui,  après  la 
Il  révolution  belgique,  a  été  supprimée 
"  dans  plusieurs  exemplaires.  «  Cette 
dédicace,  datée  de  Gand,  21  novembre 
1789,  a  été  attribuée  par  plus  d'un  lec- 
teur à  Ph.  Lesbroussart  à  cause  de  l'élé- 
gance du  style  et  de  la  portée  libérale 
des  idées. 

Parmi  les  manuscrits  délaissés  par 
d'Oudegherst  à  Madrid,  on  peut  sup- 
poser qu'il  y  avait  des  notes  impor- 
tantes concernant  la  situation  écono- 
mique des  Pays-Bas,  l'appauvrissement 
de  la  noblesse  et  les  conséquences  désas- 
treuses du  luxe  des  ducs  de  Bourgogne 
et  des  guerres  de  Charles-Quint.  Laserna 
Santander,  le  célèbre  bibliographe  de 
Bruxelles,  a  communiqué  à  Ph.  Les- 
broussart un  ouvrage  espagnol  qui  four- 
nit une  preuve  éclatante  de  ces  études  et 
de  ces  recherches  d'Oudegherst.  Il  s'agit 
d'un  in-lo  publié  à  Madrid  en  1600  et 
intitulé  :  Desempeno,  c'est-à-dire  Déga- 
gement du  patrimoine  de  Sa  Majesté  et 
de  son  royaume,  sans  préjudice  pour  le 
roi  ni  pour  ses  sujets  par  le  moyen  des 
caisses  publiques  et  des  monts-de-piété. 
L'auteur,  Don  Luis  Yalle  de  la  Cerda, 
conseiller  du  roi  Philippe  II,  s'y  niontra 
extraordinairement  enthousiaste  des  vues 
économiques  du  jurisconsulte  flamand. 
Bien  que  le  panégyriste  méconnaisse  ou 
ignore  les  réformes  antérieures  au 
xvie  siècle,  il  n'est  pas  sans  intérêt  de 
constater  l'importance  de  ces  nouvelles 
tentatives.  On  s'étonne  que  ce  témoi- 
gnage, peut-être  exagéré,  mais  caracté- 
ristique des  derniers  travaux  d'Oude- 


149 


D'OUDEGHERST  —  DOUFFET 


150 


gherst,  ait  été  négligé  par  les  historiens 
des  monts-de-piété,  P.  De  Decker  {Etude 
hiUorique  et  critique,  etc. ,  1 844),  D.  Ar- 
nould  {Situation  administrative  et  finan- 
cière, etc.,  184.5)  et  A.  Blaize  {Des 
monts-de-piété  et  des  banques  de  prêt  sur 
gaffe  en  France  et  dans  les  divers  Etats  de 
l'Europe,  1866).  Donnons  donc  la  partie 
la  plus  intéressante  de  ce  passage,  dont 
on  ne  saurait  contester  l'importance  his- 
torique. 

"  Il  est  juste,  dit  don  Luis,  que  je 
"  fasse  connaître  celui  qui  le  premier  a 
"  conçu  le  projet  de  cette  utile  entre- 
"  prise  {les  caisses  publiques  et  les  monts- 
»  de-piété).  Je  dois  déclarer,  avant  d'en- 
«  trer  en  matière,  que  me  trouvant  aux 
"  Pays-Bas,  où  Sa  Majesté  m'avait 
«  envoyé  auprès  du  duc  de  Parme,  pour 
"  des  affaires  importantes,  je  fis  la  con- 
"  naissance  d'un  gentilhomme  flamand 
"  natif  de  Lille  nommé  Pierre  d'Oude- 
II  gherst^  personnage  doué  d'une  rare 
Il  vertu  et  des  plus  belles  qualités. 
Il  Comme  il  me  voyait  disposé  à  cher- 
«  cher,  ainsi  que  lui,  le  remède  aux 
"  maux  publics,  il  me  dit  un  jour. 
Il  qu'après  de  longs  voyages  qu'il  avait 
"  faits  en  Europe,  touché  des  maux 
"  qu'enfantait  l'usure  dans  la  chrétienté, 
Il  il  y  avait  trouvé  un  remède  doux  et 
Il  facile  par  l'établissement  de  caisses 
"  publiques  et  de  monts-de-piété,  qui, 
"  pour  le  bien  du  prince  et  de  ses  pro- 
"  près  sujets,  parviendraient  à  éteindre 
"  l'usure  sans  qu'il  fût  besoin  d'avoir 
Il  recours  à  la  violence  ni  à  aucune  loi. 
"  Il  me  dit  qu'il  avait  communiqué  ce 
"  projet  à  Sa  ]\Iajesté  lorsqu'il  était  en 
"  Espagne  et  qu'il  était  entré,  à  ce  sujet. 
Il  en  conférence  avec  quelques  minis- 
"  très.  Ceux-ci  le  trouvant  favorable- 
"  ment  disposé  à  servir  les  Pays-Bas, 
Il  l'y  envoyèrent  pour  se  concerter  et 
"  pour  délibérer  sur  cet  objet  avec  le 
"  conseil  de  ce  pays,  lequel  décida  que 
"  c'était  un  établissement  important  et 
"  digne  d'être  off'ert  à  la  nation.  Mais 
"  la  jalousie  et  les  contrariétés  de  ceux 
"  mêmes  qui,  par  leur  état,  auraient  dû 
"  le  favoriser,  en  empochèrent  l'exécu- 
"  tion,  comme  il  arrive  malheureuse- 
"   ment  dans   tout  ce   qui   est  bon   et 


"  utile.  M'ayant  instruit  lui-même  de 
"  ce  projet,  il  me  pria  d'en  parler  à 
"  Sa  Majesté.  De  retour  en  Espagne  et 
■'  chargé  d'autres  affaires  importantes, 
«  je  le  proposai  et  je  l'appuyai  avec  tout 
"  le  zèle  dont  j'étais  capable  et  autant 
"  que  me  le  permettait  mon  faible  cré- 
"  dit.  Je  demandai  aussi  avec  instance 
"  qu'on  appelât  d'Oudegherst  en  Es- 
"  pagne.  Il  y  vint,  et  trouvant  cette 
"  affaire  en  si  bon  train,  il  conçut  tant 
"  de  plaisir  du  point  où  je  l'avais  con- 
"  duite  qu'il  ne  me  quitta  plus  un 
"  instant.  Enfin  Sa  Majesté  fit  assem- 
"  bler,  à  cet  effet,  quelques  ministres  de 
"  considération,  et  avec  l'assistance  con- 
"  tinuelle  de  nous  deux,  on  traita  et  on 
»  discuta  très-souvent  l'importance  de 
"  cet  objet,  pendant  plus  de  six  mois 
"  que  dura  cette  assemblée.  Il  fut  résolu 
"  d'un  consentement  unanime  d'aff"er- 
"  mir  cet  établissement  sur  une  base 
Il  solide,  ce  qui  allait  être  exécuté, 
"  quand  Pierre  d'Oudegherst  mourut 
"  me  laissant  aussi  triste  et  découragé 
Il  que  dépourvu  des  talents  nécessaires 
Il  pour  l'établissement  d'un  projet  si 
"    important.  « 

Ces  lignes  forment  un  excellent  com- 
mentaire de  l'épitaphe  que  le  latiniste 
Maximilien  De  Vriendt  a  faite  pour  son 
ami  d'Oudegherst  : 

NE  PROFERES,  QUAMVIS  PROFERES,  MORITURE  VIATOR; 

STA.  LEGE,  DISCE  BREVIS  QUEM  TEGIT  URNA  VIRUM. 
HISTORI.E  ET  LEGUM  .lACET  HIC  SINE  Ll'MINE  LUME.N, 

HIC  SOFHI.-E  ET  SLAD.E  MUTA  MF.DUI.LA   JACET- 

Hk;  nsnrarum  mastix  immitis,  ET  IDEM 

MiTiS  amnr  charitiim  JUSTITI.EQUE  JACET. 
taxti:m  l.eta  virum  felici  belgica  partu 

EXTILIT,  EREPTLM  B^TICA  TERRA  RAPIT. 

J.  Stechcr. 

Foppens,  11,  i297.  —  Paquot.  111,  !269.  —  Ar- 
chives historiques  et  litt.  du  Mord  de  la  France, 
Si:  série,  t.  II,  p.  865-370.  ^  Mesaarier  des  sciences 
historif/.  de  Garni,  187o  (1''"^  livraison).  — .-iMMa/e.v 
de  Flandre  d'()ude(jherst(èA.  Lesbroussart,  1789). 
—  S.  De  Wind,  Dddioiheek  der  Xederlandsche 
gctchiedschrijrers,  II,  180. 

DOUFFET  {Gérard),  peintre  d'his- 
toire et  de  portrait,  né  à  Liège  en  1594 
et  mort  en  1660.  Il  commença  ses  études 
sous  la  direction  d'un  peintre  liégeois 
nommé  Jean  Tauler.  De  là  il  se  rendit  à 
Dinant  chez  un  artiste  qui  paraît  avoir 
eu  de  la  réputation,  mais  dont  les  œu- 
vres sont  inconnues  et  qui  s'appelait  Per- 


151 


DOUFFET  —  D'OUTREMAN 


152 


pète.  Gérard  manifestait  des  aptitudes 
telles,  que  son  père  n'hésita  point  à  l'en- 
voyer à  Anvers  dans  l'atelier  de  Rubeus. 
Le  grand  artiste  jouissait  alors  d'une  ré- 
putation immense.  Il  s'occupa  pendant 
deux  ans  de  son  nouveau  disciple,  après 
quoi  le  jeune  Gérard,  à  peine  âgé  de 
vingt  ans,  partit  pour  Rome;  mais  avant 
ce  départ  il  séjourna  assez  de  temps 
dans  sa  ville  natale  pour  y  donner  des 
preuves  de  son  savoir.  Il  peignit  une 
Judith  d'après  Rubens;  un  PrométJiée 
et  quelques  portraits. 

En  1614,  il  se  mit  enfin  en  route  pour 
Rome;  il  s'y  livra  à  de  sérieuses  études 
et  y  répara  rapidement  les  lacunes  de 
son  éducation  littéraire,  car  il  apprit 
bientôt  le  latin  et  s'appropria,  grâce  à 
une  heureuse  mémoire,  les  auteurs  clas- 
siques les  plus  vantés.  Après  un  séjour 
de  sept  ans  dans  la  ville  éternelle , 
Gérard  voulut  se  rendre  à  Naples,  mais 
une  violente  tempête  obligea  le  vaisseau 
sur  lequel  il  était  monté  à  relâcher  à 
Malte.  De  là  il  retourna  à  Rome  où  il 
se  créa  les  ressources  nécessaires  pour 
rentrer  dans  sa  patrie.  Deux  peintres 
liégeois,  Tilmant  Woot  de  Trixhe  et 
Michel  Houbar,  l'accompagnèrent  dans 
ce  voyage,  qui  fut  parsemé  d'aventures 
et  de  privations.  Toutefois,  à  Venise  ils 
rencontrèrent  Pierre  Des  Ursins,  leur 
compatriote,  qui  les  mit  en  relation  avec 
quelques  personnes  de  qualité  et,  en  peu 
de  temps,  nos  artistes  purent,  grâce  à 
leurs  travaux  largement  rémunérés,  re- 
venir à  Liège.  Ce  qu'ils  firent  au  prin- 
temps de  1623. 

Gérard  Douffet  se  maria  en  1628  et 
vécut  d'une  vie  tranquille  et  laborieuse. 
Il  eut  un  fils,  architecte,  dont  on  parle 
peu.  Aucun  fait  saillant  ne  vint  troubler 
cette  existence  toute  de  travail,  sauf 
en  1646,  époque  à  laquelle  il  dut  quitter 
Liège  livrée  alors  aux  dissenssions  pro- 
voquées par  les  Grignoux  et  les  Chi- 
roux.  Rentré  dans  son  atelier,  il  exécuta 
ensuite  de  nombreux  travaux  pour  les 
particuliers  et  les  congrégations  reli- 
gieuses. Nous  citerons  ici  ses  princi- 
pales œuvres  :  Portraits  d'hommes,  à 
Munich.  —  Visite  du  pape  Nicolas  Van 
comte\Fraîms,  à  Schleisheim.  —  Inven- 


tion de  la  vraie  croix,  à  la  pinacothèque 
de  Munich,  —  tableau  important  qui  fut 
commandé  à  l'artiste  pour  l'église  du 
monastère  de  Saint-Laurent  et  qui  paraît 
être  son  chef-d'œuvre. 

Les  tableaux  de  Douftet  sont  presque 
tous  sortis  de  la  ville  de  Liège.  Ils  ont  été 
vendus  par  les  autorités  ecclésiastiques 
et  font  aujourd'hui  l'ornement  de  mu- 
sées et  de  cabinets  étrangers.  Beaucoup 
d'œuvres  de  Douftet,  autrefois  placées 
dans  les  églises  de  Liège  par  des  familles 
du  pays,  soit  comme  ex-voto,  soit  comme 
souvenirs,  dons,  etc.,  ont  donné  lieu  à 
des  trafics  peu  édifiants.  (Voir  Histoire 
de  la  peinture  du  pays  de  Liège,  par 
J.  Helbig,  1873.) 

Gérard  Douffet  fut  un  bon  dessina- 
teur; le  style  italien  fut  l'objet  de  ses 
sympathies.  Les  chairs  de  ses  modèles 
ont  un  coloris  chaud,  surtout  dans  ses 
portraits,  généralement  bien  composés 
et  bien  dessinés.  Les  expressions  sont 
vraies  ;  mais  son  coloris  laisse  à  désirer  : 
il  manque  de  vérité.  Le  temps  a  considé- 
rablement nui  aux  tableaux  de  ce  maître, 
ils  tournent  au  noir.  On  compte  parmi 
ses  élèves  Bertholet  Plémalle,  Gérard 
Goswin,  Lambert  Campo  et  les  deux 
frères  Delcour. 

Natalis  a  gravé  d'après  lui. 

Ad.  Siret. 

d'octremam  {Antoine),  historien, 
né  à  Valenciennes  vers  la  fin  du  xvie  siè- 
cle et  décédé  dans  la  même  ville  en  1 642 . 
Il  appartenait  à  une  famille  noble,  dont 
plusieurs  membres  se  sont  distingués 
par  leurs  écrits  et  leurs  travaux  litté- 
raires. Il  embrassa  la  vie  religieuse  à  la 
fameuse  abbaye  de  Saint-Jean,  à  Valen- 
ciennes, qui  suivait  la  règle  des  cha- 
noines réguliers  de  Saint- Augustin.  Il 
y  remplit  d'abord  les  fonctions  de  prieur, 
puis  celles  de  curé,  et  fut  enfin  promu 
à  la  dignité  abbatiale  en  1636.  Sa  devise 
était  :  Ut  a  fumo  sic  ab  iiumo.  On  a 
de  lui  les  travaux  suivants  :  \.  De  ori- 
gine et  fundatione  monastei'ii  S.  Joannis 
Valencenis.  —  2.  Mes  gestte  et  vitœ  sin- 
fJnlorum  abbatum  monasterii  S.  Joannis 
Valencenis.  Ces  deux  ouvrages  sont 
restés  manuscrits.  —  3.  Lettre  à 
M.  Aubert  Le  Mire,   doyen  de  l'église 


133 


D'OUTREMAN 


454 


cathédralle  d'Anvers,  en  datte  dti  ving- 
tième juillet  M.DC.X.  Cette  lettre,  qui 
contient  une  courte  biographie  d'Henri 
D'Outreman,  auteur  de  VHistoire  de 
Falenciemies,  a  été  publiée,  en  tête  de 
cet  ouvrage,  à  Douai,  en  1639,  et  y 
occupe  les  pages  vu  à  xii.  In-fol. 

E.-H.-.I.  Reusens. 
Foppens,  Bibliotheca  belgica,  1,  p.  84. 

d'oi'Tremax  (Henri),  historien, 
seigneur  de  Rombies,  né  à  Valenciennes 
le  22  août  1546,  et  mort  dans  la  même 
ville  le  1er  octobre  1605,  appartenait 
par  sa  naissance  à  une  famille  noble 
issue  de  l'ancien  lignage  des  Outermans 
ou  Woutermans  de  Gand.  Il  fit  ses 
humanités  sous  la  direction  habile  de 
Laurent  Dachol,  régent  du  collège  de 
Saint -Jean  à  Valenciennes.  En  1562,  il 
alla  étudier  la  philosophie  et  le  droit  à 
l'université  de  Louvain,  sans  toutefois 
prendre  de  grades  dans  ces  sciences. 
Lorsqu'il  eut  terminé  ses  études  univer- 
sitaires, il  se  mit  à  voyager,  visita  plu- 
sieurs parties  de  l'Europe  et  composa 
un  journal  de  ses  voyages  dont  nous 
aurons  occasion  de  parler  plus  loin. 
De  retour  dans  sa  ville  natale,  il  prit 
rang  parmi  le  magistrat  de  la  ville,  et, 
après  avoir  rempli  successivement  les 
fonctions  d'échevin  et  de  bourgmestre, 
il  parvint  à  se  faire  élire,  par  le  comte 
de  La  Laing,  prévôt  de  la  ville  quoique 
étant  encore  très-jeune.  A  sa  mort,  on 
enterra  son  corps  au  chœur  de  l'église 
de  Saint-Jean,  où  on  lui  fit  l'épitaphe 
suivante  qui  fournit  quelques  détails 
intéressants  pour  la  généalogie  de  la 
famille  D'Outreman  : 

D.  0.  M. 

HENKICO  DOtTHEMANXO 

IIUMBISI!    TOPARCH/E,    VALENTIANARUM    U     {secun- 

[diun)  PRAEFECTO, 

VIRO  NOBILI,   DOCTO,  PROBO 

ANTI(jriTATIS,    LEGUM,  POI.ITICES  CdXSL'I.TISSIMO 

GRATIIS  NON  MINUS  (JLAM   MISIS  NATO 
RELir.lONE  IM    DEUM,    IN    REGEM    FIUE,   IN    PATRIAM 
[PIK.TATE,  IN  CIVES  AMORE, 
IN  AMICOS  OFFICIO,  IN  O.MNES   COMITATE  EXIMIO 
SUMMIS  JUXTA  ATOUE  IMIS  ACGEPTISSI.MO 
IN  REBIS  AGENDIS  PRUUENTIA,  IN  SECUNDIS  MODES- 
[TIA,  IN  ADVERSIS  CONSTANTIA  SPEGTAKIM 
NON   JIEMORI/E  ERGO,  (JIIAM    IMMORTAI.EM    SGRII'TIS, 
[KACTIS  .Sllîl    IPSE  COMI'ARAVIT,  SKI)  Al)  DESI- 
DERII  SOI.ATILM   IIAER.  M.    P. 
EX    JOANNA    ItE    LA    CROIX  ,    I.ECTISSIMA    MATRONA 

[SUSCEPTI 


HENTÎICUS    CARTIIUSIANUS  ,    PHILIPPUS   SOCIETATIS 

[JESU 
ADRIANUS  BENEDICTINUS,    PETRUS   SOCIETATIS  JESU 

JMARIA.  CAROLA,  CAELIBES,  ANNA.  BREVIS  AEVI 
VIXIT   ANNOS   LIX,  MENSEM    I,    DIES   VIII.   OB.    KAL. 
[OCTOB.  AN.  M.  DC.  V. 

Henri  D'Outreman  était  doué  de 
toutes  les  qualités  qui  font  l'homme 
d'intelligence  et  de  cœur.  H  a  laissé  plu- 
sieurs écrits  remarquables  :  1.  Descrip- 
tio  triumpJd  et  spectaculormn  serenis- 
fsiniis  Principibus  Alherto  et  Isabellœ, 
AustricE  Archidueibus,  DucibtiH  Burgim- 
dice,  comitibus  et  Dominis  Valentianis 
in  eumdem  Comitatum  ac  civitatetn  Va- 
lentianam  ingredientibiis  editorum.  Ant- 
verpiœ,  Plantin,  1602;  vol.  in-fol.  Cet 
ouvrage  a  été  imprimé  avec  un  beaii 
titre  spécial  gravé  sur  cuivre,  à  la  suite 
de  V Historica  narratio  profectionis  et 
inaugurationis  serenis-nmorum  Belgii  prin- 
cipum  Alberti  et  Isahellce  de  Jean  Bo- 
chius,  où  il  occupe  les  pages  408  à  468. 
—  2.  Histoire  de  la  ville  et  comté  de 
Falentiennes .  Douay,  Marc  Wyon,  1639; 
vol.  in-fol.  orné  d'un  portrait  et  d'une 
carte  gravés.  Ce  travail  a  été  publié, 
après  la  mort  de  l'auteur,  par  son  fils 
Pierre,  religieux  de  la  compagnie  de 
Jésus.  Une  notice  biographique  ou  éloge 
de  l'auteur,  dû  à  la  plume  d'Antoine 
D'Outreman,  son  cousin,  se  trouve  en 
tête  du  volume. 

Henri  D'Outreman  cultiva  les  belles- 
lettres  avec  succès;  il  composa  plusieurs 
poésies  françaises  et  latines.  Voici  les 
principales  mentionnées  par  ses  biogra- 
phes et  qui  sont  restées  manuscrites  : 
3.  La  Rentiade,  poème  élégiaque  sur  la 
mort  du  marquis  de  Renty,  Emmanuel 
de  La  Laing,  qui  porta  d'abord  le  titre 
de  baron  de  Montigny,  puis  celui  de 
marquis  de  Renty;  il  était  seigneur  de 
Coudé  et  grand  bailli  du  llainaut  et  de 
Valenciennes.  C'est  cette  poésie  que 
Foppens  indique  sous  le  titre  à'Epice- 
dinm  in  ooitum  Emanuëlis  Lalani,  mar- 
cJdonis  Rentiaci.  —  4.  Gesta  prœcipiia  et 
ehgia  trium  Principum,  Alexandri  Far- 
nesii ,  Parmœ  ducis ,  Alberti,  Anstriee 
archidncis,  et  Caroli  Croiaci,  ducis  Ares- 
chotani. — 5.  Epigrammata ad  F.  Cl.  Jm- 
Imn  Lipsiinn.  Juste  Lipse,  qui  estimait 
beaucoup  les  talents  poétiques  d'Henri 


455 


D'OUTREMAN 


i56 


D'Outreman,  lui  écrivit,  au  mois  d'avril 
1603,  à  l'occasion  d'un  distique  de  Mar- 
tial qu'il  avait  tourné  de  cent  cinquante 
manières  différentes  :  0  tuam  inc/ejiii 
fecunditatem  !  0  stylî  jiexïLe  acumen  ! 
JJ traque  stupenda  in  uno  sensu  loties  nml- 
tiplicato.  Non  puto  vel  a  quoquam  veterum 
factum.  —  6.  Un  très-grand  nombre  de 
poésies  sur  des  sujets  religieux,  tels  que 
la  vie  et   la   passion  du   Sauveur.   — 

7.  Journal  de  ses  voyages  en  Europe.  — 

8.  Généalogies  des  familles  romaines.  — 

9.  Chancjement  de  noms  et  d'armes.  — 

10.  Enfin  il  commença  un  traité  de  Re- 
puUica,  Il  que  la  goutte,  dit  son  biogra- 
phe, l'empescha  d'achever,  et  qui  devoit 
estre  le  fruit  principal  de  son  esprit  et 
de  ses  estudes.  «  e.-h.-j.  Ueusens. 

Éloge  d'Henri  D'Outreman  par  M.  Antoine 
D'Oittreinan,  publié  en  tète  de  l'Histoire  de  Va- 
lentiennes.  —  Foppens,  DibLotheca  belqica,  1, 
p.  458 

n'ouTREMAM  (  Pierre  ) ,  écrivain 
ecclésiastique,  né  à  Yalenciennes  en 
1591  et  décédé  dans  la  même  ville  le 
26  avril  1656  ;  il  était  fils  d'Henri,  dont 
la  biographie  précède  celle-ci.  A  l'âge 
de  vingt  ans,  il  entra  dans  la  compagnie 
de  Jésus.  Doué  d'un  talent  oratoire 
remarquable,  il  se  consacra  au  minis- 
tère de  la  chaire,  et  y  brilla  en  prê- 
chant dans  plusieurs  villes  de  la  Bel- 
gique et  du  nord  de  la  France.  On  a  de 
lui  les  écrits  suivants  :  1  La  vie  miracu- 
leuse du  P.  Joseph  Anchieta,  de  la  com- 
pagnie de  Jésus,  escrite  en  portugois  par 

le  P.  Pierre  Roderiges traduite  en 

français.  Douay,  Marc  Wyon,  1619, 
vol.  in-12.  —  2.  Tableaux  des  person- 
nages signalés  de  la  compagnie  de  Jésus, 
exposés  en  la  solennité  des  SS.  Ignace  et 
Xavier,  célébrée  par  le  collège  de  la  comp. 
de  Jésus.  Douay,  Balth.  Bellère,  1623, 
vol.  in-8'J.  —  3.  La  vie  du  vénérable 
Pierpe  VHermite.  Mons,  1632;  vol. 
in-12,  réimprimé  plusieurs  fois.  — 
4.  Constantinopolis  belgica  sive  de  rébus 
gestis  a  Balduino  et  Henrico  Impp.  Con- 
slantinopolitanis  ortu  Valentianensibus 
Belgis.  Tornaci,  Adr.  Quinqué,  1643; 
vol.  in-4'>.  —  5.  Amor  iticreatus  in 
crealuras  efficsus  sive  amor  JJei  erga  ho- 
mines.    Insulis,   De   Kache,  1651;  vol. 


in-fol.  —  %.  Le  bouquet  de  myr7'he  ou 
diverses  co?isidérations  sur  les  plaies  de 
Jésus-Christ,  composé  en  italien  par  le 
R.  P.  Louys  Sicereo...  traduit  en  fran- 
çois.  Douay,  J.  Serrurier,  1640;  vol. 
in-12,  réimprimé  chez  le  même  en 
1649  et  1650.  —  7.  Chemin  royal  pour 
arriver  bientost  à  la  perfection  par  la 
conformité  à  la  volonté  de  Dieu Com- 
posé en  espagnol  par  le  R.  P.  JeanBusèbe 
Nieremberg,  traduit  en  fi'ançois.D ovmy, 
J.  Serrurier,  1642.  —  8.  La  cour  sainte 
de  la  glorieuse  Vierge  Marie  à  Valen- 
tiennes.  Valentiennes,  J.  Boucher,  1653; 
vol.  in-8o.  — •  9.  Serenissimo  Archidud 
Leopoldo  Strena  anni  M.BC.LI.  Valen- 
tianis,  J.  Boucher,  1651;  in-4*>.  C'est 
un  compliment  adressé  à  l'archiduc  et 
suivi  de  quelques  chronogrammes.  — 
10.  Pierre  D'Outreman  a  aussi  édité  et 
augmenté  V Histoire  de  Valenciennes  que 
son  père  Henri  avait  composée,  et  que 
nous  avons  décrite  dans  la  biographie 
de  celui-ci. 

On  trouve  une  description  très  dé- 
taillée de  tous  ces  ouvrages  dans  la 
Bibliothèque  des  écrivains  de  la  Compagnie 
de  Jésus  du  P.  DeBacker,  éd.  in-fol,  II, 
col.  1655  et  suivantes. 

E.-H.-J.  Reuseiis. 

Foppens.  Bibliolheca  belgica.  II,  p.  997.  —  De 
Backer,  Bibliothèque  des  écrivains  de  la  Compa- 
gnie de  Jésus,  \l,  col.  IGoo  et  suiv. 

d'oijtremam  {Philippe),  écrivain 
ecclésiastique,  né  à  Valenciennes  en 
1585  et  décédé  dans  la  même  ville  le 
16  mai  1652,  était  fils  du  précédent.  Il 
entra  dans  la  Compagnie  de  Jésus  en 
1607  à  l'âge  de  vingt-deux  ans.  Il  se 
dévoua  pendant  vingt-six  ans  à  la  pré- 
dication et  aux  fonctions  du  saint  minis- 
tère. Il  a  publié  les  ouvrages  suivants  : 
1.  Le  Vrai  Chrestien  catholique.  Saint- 
Omer,  Ch.  Boscard,  1622,  vol.  in-12, 
traduit  en  anglais  et  édité  par  le 
même  imprimeur  en  1623.  —  2.  Le 
Pédagogue  chrestieti.  Ce  traité,  dont 
la  première  édition  parut  en  1625, 
fut  imprimé  un  très-grand  nombre  de 
fois,  et  traduit  en  flamand,  français, 
latin,  etc.  Le  P.  De  J5acker,  dans  sa 
Bibliothèque  des  écrivains  de  la  Compagnie 
de  Jésus,    éd.  in-fol.,  11,   col.    1657  et 


157 


D'OUTREMAN  —  DRAPIEZ 


158 


suiv.,  énumère  et  décrit  la  plupart  des 
éditions  et  des  traductions  du  Pédagogue 

Chrestien.  E.-H.-J.  Reusens. 

Foppens.  Bibliotheca  belgica,  II,  p.  1041.  —  De 
Backer,  Bibliothèque  des  écrivains  de  la  Compa 
gnie  de  Jésus,  éd.  in-fol.,  II,  col.  l6o7  et  suiv. 

DOl'TREPOifT  (Ch.-Z.),  juriscon- 
sulte, magistrat,  historien,  né  à  Hervé 
en  174:6,  mort  en  1809.  Voir  Outre- 
pont  {Ch.-L.  d'). 

DOCTREPOXT  i^Ch.-TJi .-Fr .),  écri- 
vain, né  à  Bruxelles  en  1777,  mort  en 
1838.  Voir  Outrepont  (CT,.-r/i.-JV.D'). 

DOC'TREPO.iiT  {Th. -G.),  musicien, 
né  à  Bruxelles  en  1779,  mort  en  1832. 
Voir  Outrepont  {Th. -G.  d'j. 

ooY.%R  {Pierre)  ou  Dedotar,  écri- 
vain ecclésiastique,  né  à  Hermalle-sous- 
Argenteau  le  28  février  1728,  décédé  à 
Clermont  le  5  novembre  1806,  entra 
dans  la  compagnie  de  Jésus  à  l'âge  de 
trente  ans  environ.  Après  la  suppression 
de  la  compagnie,  il  se  distingua  par  ses 
écrits  polémiques,  dans  lesquels  il  atta- 
quait surtout  les  partisans  du  josé- 
phisme  et  les  défenseurs  du  serment  de 
haine  à  la  royauté.  Voici  les  titres  des 
principales  publications  du  P.  Do3'ar  : 
1.  Edaircifisement  sur  la  tolérance.  Kouen 
(Liège),  1783;  vol.  in-12  de  94  pages. 

—  2.  Lettre  padorale  de  Vévéque  de 
Namur.  1787.  —  3.  L'Hlitoire  des 
profanatiom  et  des  -mcriléges.  1787.  — 
4.  Les  Pourquoi.  1787.  —  5.  Dévelop- 
pement  du    catéchisme   des    diocèses    de 

Cambrai,  de  Liège  et  de  Namur.  Maes- 
tricht,   1788-1789;    2   vol.    in-8o.   — 

6.  Extrait  {du  Dételoppement)  pour  ser- 
tir de  suite  au  catéchisme.    In-12.    — 

7.  U Ami  des  ^e/^e*.  Bruxelles,  Lemaire, 
1790,  in-8";  ce  journal  périodique  qui 
prit  ensuite  le  titre  de  Frai  Brabançon  et 
plus  tard  celui  de  Waeren  Vaderlander , 
parut  du  14  mai  1790  jusqu'en  1792. 

—  8.  Lettre  d^un  chanoine  pénitencier  de 
la  métropole  de  ***  à  un  chanoine  théo- 
logal de  la  cathédrale  de  **  sur  les  affaires 
de  la  religion.  1785  ;  vol.  in-8"  imprimé 
plusieurs  fois.  —  9.  Projet  de  mande- 
ment ou  d'imtruction  pastorale,  envoyé 
par  un  écéque  de  France  à  Messeignenrs 
li'S  arrleve'ques  et  éveques  des  Pays-Bas 
autrichiens.    Nancy,    1786;    vol.    in-12 


de  72  pages.  —  10.  Colloquia  doctoris 
Ingohtadiensls  de  rébus  ad  Ecclesiœ  doc- 
trinam  et  disciplinam  pertinentibus .  Dus- 
seldorpii,  1789  ;  vol.  in-8''  de  239  pag. 

—  11.  Réponses  aux  ob-fervatiotis  de 
M.  S.  P.  Êrnst,  curé  d'Afden,  sur  la 
déclaration  exigée  des  ministres  des  cultes. 
Sans  lieu  d'impression,  1797  ;  vol  in- 8» 
de  80  pages.  —  12.  Réponse  aux  obser- 
vations de  M.  P.  Ernut,  curé  d'Afden. 
1797  ;  vol.  de  70  pages.  On  trouve  dans 
la  Bibliot/ièque  des  écrivains  de  la  compa- 
gnie de  Jésus,  éd.  in-fol.,  I,  col.  1641- 
1642,  la  nomenclature  et  la  description 
des  ouvrages  publiés  par  Doyar  et  des 
différentes  éditions  qu'ils  ont  eues. 

E.-H.-J.  ReuEvns. 

De  Backer,  Bibliothèque  des  Êcrivaitis  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  éd.  in-fol.,  I,  coll.  1641  et 
1642. 

DOYE  (Jean),  écrivain  ecclésiastique, 
né  à  Valenciennes  vers  la  fin  du  xvie  siè- 
cle et  mort  dans  la  même  ville  le 
10  janvier  1643,  entra  dans  l'ordre  de 
Saint-Dominique  au  couvent  de  sa  ville 
natale.  On  a  de  lui  les  traductions 
suivantes  :  \.  La  Vie  du  très-saint 
pape  Pie  V...  traduite  de  V italien  du 
R.  P  F.  ArcJiange  Caraccio  de  Ripalta. 
Valenciennes,  J.  Vervliet,  1627;  vol. 
in-8o.  —  2.    Recueil  des  miracles  faits 

par  l'intercession  de  saint  I)omi?iique, 

à  la  vénération  d'une  sienne  image  appor- 
tée du  ciel  par  la  mère  de  Dieu,  au  bourg 
de  Soriano,  en  Calabre.  Traduction  de 
l'italien  de  Silvestre  Frangipani.  Valen- 
ciennes, 1637;  vol.  in-4'  de306  pages. 

—  3.    Histoire  véritable   de  la  vie  et 

miracles  dît,  B.    P.   S.  Louis  Bertran 

composée  en  espagnol  par  R.  P.  F.  Bal- 
tazar  Jean  Rocca.  Tournai,  Adr.  Quin- 
qué,  1628  ;  vol.  in- 8°  de  536  pages. 

E.-H.-J.  Reuseus. 

Quetif  et  Echard,  Scriptores  ordinLs  Prœdica- 
torum.  11,  p.  o34.  —  Paquol,  Mémoires,  éd.  in- 
fol.,  1,  p.  618. 

*  DR.%PiEz  {Pierre- Auguste- Joseph), 
naturaliste,  né  à  Lille  le  28  août  1778, 
mort  à  Bruxelles  le  2  8  décembre  1856(1). 


(I)  U Indépendance  du  '29  décembre  18o6  an- 
nonce la  mort  (qui  dut  avoir  lieu  le  iS  décembre 
1856)  et  ses  funérailles  le  :iO  décembre.  L'imlé- 
pendame  du  6  janvier  l8o7,  édition  du  matin. 


159 


DRAPIEZ 


160 


Fils  du  premier  magistrat  de  la  cité  (1), 
il  montra,  dès  son  enfance,  de  grandes 
dispositions  pour  l'étude  des  sciences 
et,  particulièrement,  pour  les  sciences 
naturelles.  Heçu,  comme  élève,  à  l'école 
polytechnique,  il  ne  tarda  pas  à  être 
nommé  répétiteur  du  cours  de  chimie  à 
cette  célèbre  école.  Tout  en  se  dévouant 
au  culte  des  sciences,  il  ne  perdit  point 
les  sentiments  de  patriotisme  qui,  à 
cette  époque,  fermentaient  dans  tous 
les  cœurs ,  et  il  s'attacha  «  à  un  gé- 
néral bien  connu,  qu'il  accompagna  en 
Italie  et  en  Egj^te.  «  11  revint  dans  son 
pays  dès  que  les  événements  rendirent 
la  liberté  à  ceux  qui  préféraient  une  vie 
studieuse  au  bruit  des  camps;  puis,  à 
l'époque  de  la  conspiration  bonapartiste 
de  Lille,  il  se  réfugia  en  Belgique,  s'y 
maria  et  s'établit  à  Bruxelles  jusqu'à  la 
fin  de  sa  carrière.  Déjà  connu  par  ses 
travaux,  il  y  devint  professeur  de  chi- 
mie, d'histoire  naturelle,  et  membre  de 
la  commission  du  musée  d'histoire  natu- 
relle. C'est  le  titre  de  professeur  dans 
ces  deux  branches  des  sciences  natu- 
relles, qu'il  se  plaisait  à  inscrire  en 
tête  de  ses  articles  d'entomologie.  Son 
zèle,  son  concours,  contribuèrent,  en 
grande  partie,  à  la  formation  des  collec- 
tions appartenant  d'abord  à  la  ville,  et 
qui  devinrent,  en  1842,  le  musée  royal 
(l'histoire  naturelle;  celui-ci  avait  eu 
pour  premier  noyau  quelques  objets  pro- 
venant des  collections  du  prince  Charles 
de  Lorraine,  et  l'Etat,  avant  d'en  faire 
l'acquisition,  en  fit  effectuer  l'expertise 
en  présence  de  Lacordaire,  Wesmael, 
Cantraine  et  Van  Beneden  ;  le  tout  com- 
prenait alors  une  trentaine  de  squelettes 
et  environ  cinq  cents  peaux  empaillées 
de  mammifères,  trois  mille  oiseaux  mon- 
tés et  un  certain  nombre  de  représen- 
tants des  autres  classes  du  règne  animal. 
Drapiez  fut  aussi  un  des  fondateurs 
de  la  ."Société  royale  d'horticulture  de 
Bruxelles  et  en  resta  longtemps  le  secré- 
taire. En  1826,  cette  société  créa  le 
Jardin  botanique  de  Bruxelles,  tel  que 
nous  le  connaissons  et  qui,  par  sa  situa- 

relalc  le  discours  prononcé  aux  obsèques,  ]iar  le 
général  Chapelle  :  là  aussi  on  indique  le  lieu  et 
i'a  date  de  naissance  à  Lille,  le  28  août  1778. 


tion  surtout,  fait  l'admiration  de  tous 
les  étrangers.  Le  célèbre  De  Candolle 
n'hésitait  pas  à  déclarer,  lors  d'une 
visite  que  nous  lui  fîmes  à  Genève,  en 
1835,  que  ce  jardin  était,  en  son  genre, 
le  plus  beau  de  l'Europe. 

Lorsque  en  1834  une  école  militaire 
fut  créée  à  Bruxelles,  Drapiez  en  devint 
examinateur  permanent  pour  les  sciences 
physiques  et  chimiques.  Il  a  rempli 
pendant  plus  de  quatorze  ans  ces 
délicates  fonctions  avec  un  zèle  et  un 
dévouement  dignes  des  plus  grands 
éloges;  le  commandant  de  l'école,  le 
général  C  hapelié,  en  prononçant  devant 
la  tombe  de  Drapiez  le  discours  d'adieu, 
lui  a  rendu,  sous  ce  rapport,  un  dernier 
et  légitime  hommage. 

Le  travail  de  cabinet  constituait  le 
goîit  dominant  de  Drapiez  :  il  avait  une 
assiduité  et  une  persévérance  incroya- 
bles. Plus  de  quarante-cinq  volumes, 
publiés  à  diverses  époques,  sont  le  fruit 
de  ses  veilles,  sans  compter  la  part  im- 
portante qu'il  prit  à  diverses  publica- 
tions. Il  est  vrai  de  dire  que  ce  n'était 
pas  toujours  la  plume  qui  fournissait  la 
copie.  Nous  l'avons  vu,  plus  d'une  fois, 
dans  son  cabinet  de  travail,  composer 
ses  articles  en  notre  présence,  alors  qu'il 
publiait  son  Dictionnaire  d'histoire  na- 
turelle. . 

Drapiez  avait  formé  dans  sa  demeure 
un  musée  d'histoire  naturelle,  et  la  plu- 
part des  objets  étaient  préparés  par  ses 
mains.  Il  a  donné  la  recette  d'une  pom- 
made arsenicale,  qui  porte  son  nom,  pour 
la  conservation  des  oiseaux.  Sa  collec- 
tion, riche  surtout  en  oiseaux  rapaces, 
renfermait  des  pièces  rares  et  estimées  ; 
un  des  premiers  ornithologistes  de  notre 
temps,  le  prince  Bonaparte,  la  visita 
souvent,  et  y  signala  plusieurs  espèces 
intéressantes.  Cette  collection  a  été  ven- 
due après  sa  mort ,  et  les  oiseaux  de 
proie,  avec  quelques  espèces  d'autres 
ordres,  ont  été  acquis  pour  le  musée  de 
Louvain  ;  le  surplus,  resté  invendu,  a 
été  donné,  par  madame  Drapiez,  à  une 
institution  particulière. 

(1)  Discours  prononcé  par  le  lieutenant  général 
Cbapelié,  commai.dant  de  l'école  militaire,  aux 
funérailles  de  Drapiez. 


IHl 


DKAPIEZ 


16^2 


Dans  la  table  alphabétique  des  auteurs, 
qui  figure  dans  son  Règne  animal ,  Cuvier 
cite  le  nom  de  Prapiez  et  fait  mention 
de  ses  mémoires  sur  de  nouvelles  espèces 
de  mammifères,  d'oiseaux  et  d'insectes. 
C'est  dans  les  Annales  générales  des 
sciences  physiques  qu'il  j)ublia  ses  prin- 
cipaux articles;  il  avait  fondé  cette  pu- 
blication avec  Van  Mons  et  Bory  de 
Saint- Vincent,  et  de  1819  à  1821  ils 
publièrent  huit  volumes. 

Bory  de  iSaint-Vincent  avait  été  porté 
sur  les  listes  de  proscription  du  24'  juil- 
let 1815,  et  banni  par  la  loi  d'amnistie. 
11  s'était  réfugié  a  Bruxelles  et  n'est 
rentré  en  France  qu'en  1820. 

C'est  dans  ces  Annales  que  le  profes- 
seur de  chimie  a  publié  ses  descriptions 
d'espèces  nouvelles  d'insectes  coléoptères 
et  lépidoptères.  Toutes  ces  descriptions 
sont  accompagnées  de  figures. 

Le  volume  11  renferme  une  descrip- 
tion, accompagnée  d'une  planche,  d'un 
traquet  nouveau  rapporté  de  la  Nou- 
velle-Hollande. 

Diverses  publications  de  Drapiez 
furent  imprimées  à  Lille  et  à  Paris.  La 
première  date  de  1804,  et  ses  Recherches 
sur  qi(el(jties  hommea  dutingvén  du  dépar- 
tement du  Nord  lurent  publiées  en  1816 
à  Lille. 

On  peut  voir,  parla  liste  de  ses  publi- 
cations, qu'il  s'occupa  des  trois  règnes 
de  la  nature  et,  à  en  juger  par  les  col- 
lections réunies  par  lui,  il  n'attachait 
pas  moins  d'importance  aux  animaux 
fossiles  qu'aux  vivants.  La  paléontologie 
commençait  dès  lors  à  intéresser  les  zoo- 
logistes. • 

L'Académie  royale  des  sciences  et 
belles  lettres  de  Bruxelles  avait  mis  au 
concours  une  ([uestion  sur  la  province 
du  llainaut,  considérée  au  point  de  vue 
géologique,  minéralogique  et  paléonto- 
logique.  Elle  était  posée  en  ces  termes  : 
«  Décrire  la  constitution  géologique  de 
la  province  du  Hainaut  ;  les  espèces 
minérales  et  les  fossiles  accidentels  que 
les  divers  terrains  renferment,  avec  l'in- 
dication des  localités  et  la  synonymie 
des  auteurs  qui  en  ont  déjà  traité.  « 

l^rapicz  fit  une  réponse!  à  cette  {| ues- 
tion, et  sur  la  proposition  de  d'Omalius 

BlOtiH.   .NAT.    —    i.    VI. 


d'Hallov,  son  travailfut  couronné.  C'était 
en  1821(1). 

Dans  son  rapport  séculaire  sur  les 
travaux  de  la  classe  des  .sciences,  M.  De- 
walque  dit  que  Drapiez  indique  bien, 
en  commençant,  qu'il  admet  trois  forma- 
tions dont  la  plus  ancienne  comprend  la 
bande  porphyrique  du  nord  de  la  pro- 
vince et  la  chaîne  quartzeuse,  également 
privée  de  fossiles,  qui  lui  est  parallèle 
vers  le  midi,  tandis  que  la  deuxième 
comprend  le  reste  de  nos  terrains  pri- 
maires, et  la  troisième  tous  les  dépôts 
horizontaux;  mais  il  ne  fait  aucun  usage 
de  cette  division,  et  il  se  borne,  ajoute 
M.  Dewalque,  à  suivre  les  diverses 
bandes  de  roches  (2). 

Dans  cette  réponse.  Drapiez  fait  men- 
tion d'ossements  d'éléphants;  mais,  tout 
en  ayant  sept  molaires,  dont  deux  par- 
faitement conservées,  il  ne  sait,  dit-il, 
s'il  doit  les  rapjwrter  à  l'éléphant  d'Asie 
ou  à  l'éléphant  d'Afrique,  ou  s'ils  ont 
fait  partie  d'espèces  ou  races  éteintes. 
Il  parle  ensuite  de  débris  de  rhinocéros, 
de  castor  et  même  d'ours  dans  les  ter- 
rains d'alluvion,  d'une  tortue  fossile  des 
carrières  de  Brugelette,  de  poissons  et 
de  mollusques. 

Dans  le  Blctlonuaire  des  honinies  de 
lettres,  des  savants  et  des  artistes  de  la 
Belgique  (1837),  nous  trouvons  l'énu- 
mération  suivante  de  ses  publications  : 

Tableau  analytique  des  initier  aux.  Lille, 
1804,  Marlier,  1  vol.  in-4o,  oblong.  — 
Sur  la  meilleure  méthode  de  propager, 
élever,  nourrir  et  abriter  les  montons  de 
la  race  existante  dans  le  département  du, 
Nord,  et  sur  les  moyens  d'en  obtenir  une 
laine  améliorée .  Douai,  1806,  Deregnau- 
court,  in-8'.  —  Recueil  d'analyses  chi- 
miques de  diverses  substances  minérales, 
végétales  et  animales.  Lille,  1808,  Leleux, 
1  vol.  in-8".  —  Essai  d'une  faune  du 
nord  delà  France.  Lille,  1808,  Marlier, 
in-8<>.  —  Essai  comparatif  des  diverses 
théories  chimiques.  Paris,  1809,  J.  Klos- 
terman,    1    vol.    in-8".  —  Sur  diverses 

i|)  Métiioires  sur  les  tfueslious  proposées  par 
l'Aaulnnie  royale  des  sciences  et  des  helles-let- 
ires  de  Bruxelles.  Bruxelles,  i^itH,  iii--4»,  Nouv. 
M.-in  ,1.  III. 

''2,  AiV  Initie  roijttlc  de  lirlfjiijiic,  iriiiihne 
iiiinii'crsaire.  Biiixellcs,  187:2,  vol.  II. 


463 


DRAPIEZ  —  DKEGNAL 


lb4 


matières  colorantes    que   V 071  peut  obtenir 
de  quelques  insectes  nouveaux  ou  peu  con- 
nus. Paris,  1809,  J.  Klosterman,  in-8'^'. 
—  Essai  sur  V amélioration  des  terres  et 
la   suppression    des  jachères.    Cambrai, 
1809,  Defremery,  1  vol.  in- 8".  —  Ré- 
sumé des  leçons  de  chimie  et  de  matière 
médicale,    données  à  V école  primaire  de 
médecine  de  Lille,  1810.  Leleux,  1   vol. 
in-4u.  - —  Sur  la  fabrication  du  sucre  de 
betteraves.   Paris,    1811,   Mme  Huzard, 
in-8".  —  Notices  nécrologiques  et  biogra- 
phiques sur  quelques  hommes  distingués  du 
département    du    Nord.    Lille,     1816, 
Vanacker,  iii-80.   —  Annales  générales 
des  sciences  physiques,  en   collaboration 
avec  MM.   Bory  de    Ï5aint-Tincent    et 
YanMons.Bruxelles,  1819-1821.  Weis- 
senbruch,  8  vol.  in-S",avec  ligures  colo- 
riées.   —    Coup   d'oeil  mlnéralogique    et 
géologique  sur  la  province  de  Maii.aut. 
Bruxelles,  1823,  P.-J.  Demat,    i   vol. 
in-4  »,  avec  figures.  —  Dictionnaire  por- 
tatif de  chimie,  de  minéralogie  et  de  géo- 
logie. Paris,  1833,  Dufour,  1  vol.  in-80, 
figures.  —  Dictionnaire  classique  d'his- 
toire   naturelle,    en    collaboration   avec 
MM.  Audouin,  Bory  de  tiaiut- Vincent, 
Bourdon,  Brongniart,  Decandolle,  etc. 
Paris,  1824,  Rey   et   Gravier,  17    vol. 
in-8".  —  Dictionnaire  portatif  de  chimie, 
de  minéralogie  et  de  géologie,  2e   édit. 
revue  et  augmentée.   Bruxelles,  1825, 
P.-J.  Demat,   1  vol.  in-80  avec  figures. 
—  Traité  de  minéralogie  usuelle.   Paris, 
1826,  Malher  et  Cie.  1    vol.   in-12.  — 
Herbier  de  V amateur  des  fleurs,   rédigé 
sur  le  plan  de  V Herbier  général  de  l'ama- 
teur, de   M.   Loiseleur-Deslongchamps. 
Bruxelles,    1828   et  années  suivantes, 
P.-J.  Demat,  8  vol.  in-8'  avec  600  pi. 
coloriées.  —  Tableau  raisonné  des  plantes 
cultivées  assez  généralement  dans  les  jar- 
dins. Ce  travail,  de  10.  feuilles  in-8",  fait 
partie  de  l'édition  du  Manuel  complet  du, 
jardinier  de  Noisette,  publié  à  Bruxelles, 
Auguste  Wahlen,  1  vol.  grand  in-8'J.  — 
Précis  oruithologique  ou  Histoire  naturelle 
des  oiseaux.  Paris,  1829,  Bailly  de  Mer- 
lieux,  2  vol.   in-8".  - —  Iconographie  des 
oiseaux    classée    suivant    la    mélJiode    de 
Cucier.  Paris,  1829,  in-12.  Il  complète 
le   Traité  élémentaire  d'ornithologie.  — 


Nouveau  dictionnaire  classique  d'histoire 
naturelle.  Bruxelles,  1829,  Wahlen  et 
Dewaet,  grand  in-80.  —  Cours  complet 
d'histoire  naturelle,  médicale  et  pharma- 
ceutique, publié  avec  le  concours  de 
MM.  Georges  Cuvier  et  Richard. 
Bruxelles,  1835,  H.  Dumont,  2  vol. 
grand  in-80  et  atlas  de  160  planches.— 
Résumé  général  des  formules  pharmaceu- 
tiques, publiées  par  les  facultés  de  mé- 
decine, ainsi  que  par  les  savants  qui 
ont  été  chargés  de  ce  soin.  Bruxelles, 
1836,  H.  Dumont,  1  vol.  in-18o.  — 
Dictionnaire  classique  des  sciences  natu- 
relles ,  en  dix  volumes  et  un  atlas , 
publié  à  Bruxelles  de  1837  à  1845.  — 
Traité  élémentaJre  d'ornithologie  ou  d'his- 
toire naturelle  des  oiseaux,  avec  atlas  de 
48  planches,  Paris,  1842,  in-18. 

Van  Beneden- 

Dictiomiaire  des  couieiiiporaiiis,  de  Yapprcau. 
—  Dictionnaire  des  hommes  de  lettres,  savants, 
artistes,  etc..  de  la  Belgique,  publié  chez  Vandei  - 
maelen  en  1837,  avec  une  bibliooraphie  jusqua 
celle  date.  —  AUjemeene  Levensbesehryvmg  der 
niannen,  enz.  van  Delgie,  door  Piron  (au  supplé- 
ment;. —  Biogr.  générale  de  Didol. 

URKG^'Ai;  (Dergan,  de  Drlgnan,  Ma- 
rie, Maroie,  ou  Marote),  trouvère  du 
xiiie  siècle.  C'est  à  Lille  qu'elle  paraît 
avoir  composé  une  chanson  assez  vive  et 
qui  devint  célèbre.  Elle  y  défiait  l'hiver 
le  plus  rigoureux  de  porter  la  moindre 
atteinte  à  son  humeur  juvénile  et  joyeuse  : 

Moût  m  abellist  {me  plait)  quant  je  voi  revenir 

Iver,  grésil,  et  gelée  apparoir; 

Car  en  tous  tans  se  doit  bien  réjoir 

Bêle  pucele,  et  joli  [joyeuxj  cuer  avoir. 

Si  [donc]  chanterai  d'amour... 

C'est  tout  à  fait  «  la  chanson  légère  à 
entendre  «  comme  s'exprimait  déjà 
Quesnes  de  Béthune.  Cette  franche  épi- 
curienne peut  très-bien  avoir  appartenu 
à  une  famill?  noble  ou  du  moins  riche 
de  la  Flandre  wallonne.  «  Il  semble,  dit 
M.  Paulin  Paris  {Hist.  Litt.  de  France, 
t.  XXIlI),que  tous  les  hommes  favorisés 
d'une  haute  naissance,  ou  possesseurs 
d'une  grande  fortune,  se  crussent  alors 
obligés  de  montrer  leur  suffisance  dans 
le  gai  savoir,  en  rimant  quelques  cou- 
plets, et  en  les  accompagnant  d'une  mé- 
lodie gracieuse  et  facile.  C'était  là  pour 


iHo 


DREGNAU  —  DKIEDO 


lb6 


eux  comme  une  preuve  de  noblesse  et  de 
bon  enseignement.  « 

Andrieu  Contredit  adressa  courtoise- 
ment plus  d'une  chanson  ou  pastourelle 
à  Marie  de  Dergan.  On  en  cite  une, 
notamment,  terminée  par  ce  gracieux 
envoi  : 

Chan(,'on,  vat-en  sans  retraire  .sans  faute) 
Vers  Dergan  soies  errant  {sur-le  champ) 
Di  Marole  la  vaillant 
Qu'elle  peusl  de  joie  faire. 

Peut-être  lui  adressa-t-il  aussi  de  ces 
jeux-partis,  comme  il  en  envoya  à  son 
ami  Guillaume  le  Vinier.  {Ed.  Màtzner, 
Altfranzômche  lieder.)  j.  siecher. 

A.  Dinaux,  Trouvères  de  la  Flandre,  p.  317- 
H:20.  -  Histoire  littéraire,  t.  XXIII.  —  Serrure, 
Geschiedenis  der  Letterkunde,  j).  51 . 

DREPPK  (Louis),  graveur,  né  à 
Liège  en  17-i4,  décédé  en  1783.  Il  fut 
élève  de  son  père,  mais  s'appliqua  sur- 
tout à  l'étude  des  belles  productions  de 
Jean  Duvivier,  le  célèbre  graveur  sur 
médailles.  On  sait  que  celui-ci  et  un 
autre  Liégeois,  son  prédécesseur,  Jean 
Warin,  s'étaient  acquis  en  France,  par 
leurs  œuvres,  la  plus  glorieuse  réputa- 
tion, et  l'on  comprend  qu'un  de  leurs 
compatriotes  ait  été  entraîné  à  étudier 
leur  dessin,  leur  style  bien  qu'il  se 
vouât,  surtout,  à  une  branche  de  l'art 
tout  à  fait  distincte  de  celle  dans  la- 
quelle ils  s'illustrèrent  :  c'est,  en  effet, 
par  les  gravures  au  burin,  dont  il  a 
orné  un  assez  grand  nombre  de  livres, 
que  le  nom  de  Dreppe  a  obtenu  une 
certaine  notoriété  et  qu'il  a  mérité  de 
survivre. 

L'artiste  n'est  cependant  parvenu 
qu'à  la  moitié  de  sa  carrière  :  il  n'avait 
que  trente-neuf  ans  quand  la  mort  vint 
l'enlever.  F.  stappacrts. 

DKIEDO  (Jtav)  ou  Dkidoens,  con- 
troversiste  et  professeur,  né  à  Turnhout 
vers  1480  et  décédé  à  Louvain  le  4  août 
1535.  Il  s'appelait  Xeys  par  son  nom  de 
famille,  qu'il  changea,  selon  l'usage  des 
lettrés  deson  temps,  en  celui  deDridoens, 
parce  qu'il  avait  vu  le  jour  au  hameau 
de  Darisdonck  sous  Turnhout.  Après 
avoir  fait  ses  humanités  sous  la  direction 
des  religieux  augustins  du  prieuré  de 


Corsendonck,  situé  à  proximité  de  la 
maison  de  ses  parents,  il  vint  à  Lou- 
vain étudier  la  philosophie,  et,  comme 
élève  de  la  pédagogie  du  Faucon,  obtint, 
en  1499,  la  première  place  au  concours 
général  de  la  faculté  des  arts.  Il  enseigna 
ensuite  la  philosophie  dans  ce  collège, 
et  dirigea,  en  qualité  de  précepteur, 
l'éducation  littéraire  du  jeune  prince 
Charles  de  Croy,  devenu  plus  tard  évê- 
que  de  Tournai.  Dans  l'entre-temps  il 
se  lia  d'étroite  amitié  avec  Adrien  YI, 
encore  professeur  de  théologie  à  Louvain 
à  cette,  époque  et  gouverneur  des  études 
du  jeune  Charles-Quint,  qui  habitait 
avec  son  maître  le  Chàteau-César,  an- 
cienne résidence  des  comtes  de  Louvain 
et  des  ducs  de  Brabant.  Ce  fut  sur  les 
conseils  d'Adrien  VI  que  Driedo,  qui 
avaitembrassé  l'état  ecclésiastique, aban- 
donna les  spéculations  abstraites  de  la 
philosophie  pour  se  livrer  avec  ardeur  à 
l'étude  des  sciences  sacrées,  comme  il 
le  raconte  lui-même  dans  la  préface  de 
sou  traité  De  captivitate  et  redemptione 
gêner is  liumani. 

Il  prit  successivement  les  grades  de 
bachelier  et  de  licencié  en  théologie,  et 
fut  promu  au  doctorat  dans  cette  science, 
le  17  août  1512,  après  avoir  subi,  de  la 
manière  la  plus  brillante,  les  épreuves 
préparatoires  à  cette  promotion,  sous 
la  présidence  d'Adrien  YI,  son  maître 
favori.  Avant  d'obtenir  cette  distinc- 
tion, il  jouissait  déjà  d'une  haute  con- 
sidération dans  le  monde  universitaire, 
car,  dès  l'année  1509,  il  avait  été  admis 
au  conseil  de  l'université  comme  un  des 
délégués  de  la  faculté  des  Arts;  l'année 
suivante  (1510J,  il  devint  chanoine  du 
chapitre  de  Saint-Pierre  à  Turnhout, 
et,  au  mois  de  juin  1512,  curé  de  Saint- 
Jacques  à  Louvain;  enfin,  l'écolàtre 
Jean  de  Houterlé,  eu  fondant  par  testa- 
ment le  collège  qui  porta  son  nom, 
nomma  Driedo  président  de  cet  établis- 
sement, que  celui-ci  dirigea  depuis  le 
2  janvier  1512,  jour  du  décès  du  fon- 
dateur, jus(|u'au  commencement  du  mois 
de  juillet  1521.  En  1520,  il  obtint  un 
canonicat  de  la  deuxième  fondation  ;i 
l'église  de  Saint-Pierre  à  Louvain,  qu'il 
échangea,  vers   la    fin  de  sa  vie  (proba- 


167 


DHltDU  —  DHIESSE.N 


\6H 


blement  le  6  juiu  1534  ou  1535),  avec 
un  canonicat  de  la  première  fondation 
dans  le  même  chapitre;  à  l'un  et  à 
l'autre  de  ces  bénéfices  était  attachée 
une  des  chaires  de  la  facidté  de  théo- 
logie de  l'Université.  Pendant  les  quinze 
années  qu'il  enseigna  les  sciences  sa- 
crées, il  se  montra  constamment  l'ad- 
versaire acharné  du  protestantisme  nais- 
sant, et  composa  plusieurs  ouvrages  de 
controverse,  encore  fort  estimés  aujour- 
d'hui. X-e  style  de  ces  écrits  est  clair, 
correct  et  sans  affectation,  au  point 
qu'Erasme,  le  censeur  acerbe  des  théo- 
logiens de  son  temps,  rend  hommage 
aux  talents  et  au  caractère  de  Driedo, 
en  disant  que  celui-ci,  dans  ses  contro- 
verses, est  tout  à  la  fois  savant  et  sans 
passion. 

Voici  la  liste  des  ouvrages  que  nous  a 
laissés  le  docte  et  pieux  professeur  de 
Louvain  :  1.  De  eccle-ùasticis  scripiiiri-s 
et  dogmatibm  Ubri  IF.  Lovanii,  Kutge- 
rus  Eescius,  1533;  vol.  in-fol.  de 
634  pages,  réimprimé  dans  la  même 
ville  en  1543  et  1550.  Le  premier  livre 
traite  des  livres  qui  composent  la  sainte 
Ecriture  ainsi  que  de  leur  authenticité, 
le  second  des  traductions,  le  troisième 
de  la  chronologie,  le  quatrième  des  livres 
apocryphes  et  des  dogmes  contenus  dans 
la  tradition.  —  2.  De  captkitate  et 
redemptioue  yeneris  humani  liber  uiihh. 
Lovanii,  Rutgerus  Rescius,  1534;  vol. 
iu-4j  de  519  pages  sans  la  longue  pré- 
face, réimprimé  en  1548  par  Barthélemi 
(i ravins.  —  3.  De  concordia  Uberl  arbi- 
tra et prœdestinationiis  dicitiœ  liber  unus. 
Lovanii,  Rutgerus  Rescius,  juillet  1537; 
vol.  in-4o  de  xti-242  pages.  —  -i.  De 
gratia  et  libero  arbitrio  libri  duo.  Lova- 
nii ,  août  1537;  volume  in-4  >  de 
xxiv-272-105  pages.  —  5.  De  liber tate 
christiana.  Lovanii,  1546.  Le  privilège 
est  daté  du  1"  octobre  de  cette  année. 

11  y  a  eu  plusieurs  éditions  des  œu- 
vres complètes  de  Priedo,  publiées  par 
les  soins  du  célèl)re  théologien  Ruardus 
Tapperus.  Elles  ont  été  imprimées  par 
Barthélemi  Gravius  en  1546,  1552 
et   1556,  et  forment  4  volumes  in-folio. 

E.M.J.  R«ii!.piih. 
Annuaire  de  iLniversile  caiholit/iw,  l8o9. 


DRiE!^»!Cuii>»  (Jacqiie/i)  ,  chroni- 
queur, xve  siècle.  Voir  Vandex  Dries- 
SCHE  {Jacques). 

DKIE!>»KE!V  {Antoine),  professeur, 
ministre  réformé,  polémiste,  né  à  Sit- 
tard,  en  1684,  mort  à  Groningue,  le 
11  novembre  1748.  Il  étudia  à  Bois-le- 
Duc,  Fraueker  et  Leyde,  et  devint  suc- 
cessivement prédicant  à  Eisden  (1704), 
àMaestricht  (1709)  et  à  Utrecht(1711) 
où  il  fut,  définitivement,  ministre  le 
1er  février  de  la  même  année.  En  1717, 
il  fut  chargé  d'enseigner  la  théologie  à 
Groningue  où  il  exerçait,  en  même  temps, 
les  fonctions  de  prédicateur  académique. 
En  prenant  possession  de  sa  chaire,  il 
prononça  un  discours  sur  l'amour  fra- 
ternel {De phUadeljjhia),  et  il  eût  été  fort 
désirable,  tant  pour  lui  que  pour  l'église, 
qu'il  eût  mis  en  pratique  les  principes 
si  bien  développés  dans  cet  écrit. 

Driessen  fut  un  savant  théologien  ; 
mais  son  zèle  exagéré  pour  l'orthodoxie 
de  l'Eglise  réformée  et  pour  la  stricte  ob- 
servation des  devoirs  lui  suscita  beau- 
coup d'enniiis  et  des  querelles,  tant  avec 
ses  collègues  qu'avec  les  ministres  ré- 
formés. Les  écrits  publiés  à  cette  occa- 
sion ne  firent  qu'envenimer  le  débat,  et 
peu  de  savants  eurent  une  vie  aussi  agi- 
tée :  le  nom  de  T)riessen  se  trouve,  pour 
ainsi  dire,  à  chaque  page  de  l'histoire 
ecclésiastique  de  cette  époque. 

Voici  quelques-unes  de  ses  principales 
publications  :  toutes  témoignent  du  sa- 
voir et  de  l'activité  de  leur  auteur,  liien 
qu'elles  aient  peu  contribué  au  progrès 
de  la  science  :  1»  Epidola  ad  rirum phir . 
vener.  et  clar.  T.  H.  v.  d.  Honert  quâ 
petitar  solutio  qnarunidam  dijficullatuui . 
—  2o  Dissertatio  clar.  Wittichii  disputa- 
tioni  opposita.  —  3'J  Ecangelische  zede- 
kunde.  Utrecht,  1716,  in-8o.  —  4'J /// 
Apocalypsin.  Trajecti,  1717.  in-4'.  — 
5"  De  principiis  et  legibus  theologiœ  em- 
bleniaticœ,  allégories,  typicœ  et  prophe- 
tirce.  Trajecti,  1717,  in-4o.  —  6'  Over 
de  wondern-erken  ran  Jésus  C/iristus. 
Utrecht,  1717,  in-4o.  —  1"  Over  de 
openbaringen  van  Joliannex.  Leiden ,  1718, 
iii-8'>.  —  8'  Ouliverp  betreffende  de  eeu- 
wige  geboorte  des  Zoom  uit  den   Vader. 


109 


DRIESSKN  —  DPaEl'X 


170 


(iroiiinghe,  1719,  in-1 '.  —  W  •  Theolo- 
gitf,  nutitrulis  âel'ineofio.  Gron.,  1719, 
in-4'.  —  10"  Orator  erangeliciis.  Gron., 
1721,  in-4'5.  —  llo  Mediiationes  in 
Geneseos  IX  cnpita  priora .  (  i  ron . ,  1721- 
1733,  3  vol.  m-\'.  —  12°  Ocer  de  pro- 
phétie van  Daniel.   Gron.,  1722,  in-4o. 

—  13°  Het  zaligmahende  (jeloof  teyen  de 
verboatering  van  Jiet  gereformeerd yiloof. 
Gron.,  1722,  in-to.  —  l^o  Orei-  de 
ahjemeene  genade.  Gron.,  1728,  in-8o. 
— 1 5  «'  Homo  vêtus  et  noviis .  Gron . ,  1728, 
in-4'.  —  \Ç)0  Leer derbyzondere genade. 
Gron.,  1732,  in-4".  —  17"  Bivinn 
auctoritas  codicis  novi  Testamenti  vindi- 
cata.  Gron.,  1733.  — •  18f>  Dissertatio 
de  vindicis  Justifia  Divines  et  satisfactio- 
nisJ.  C.  necessitate.  Gron.,  1734,  in-4'. 

—  19o  Tractattis  de  Revelationibus.  Gro- 
nintr.,  1737,  in-4",  etc.,  etc. 

Aiig.  Vandt-r  Meersch. 
Van  Abkoude,  Saamre<ji-:ier  vau  Boeken.  — 
Ypey,  Geschieilenis  der  Krixt.  Kerk.  —  Ypey  en 
Derri'iut .  Geschiedenis  der  yederl.  Iierrormde 
Kerk,  l.  III,  p.  203.  —  Muller,  Cat.  vau  Godge- 
leerde  werkeii,  p  lOH.  SuppI  ,  p.  66.—  Kobus  en 
Uivecourt,    Bektwpl   bùxiraphisch  woordenboek. 

—  Vander  Aa,  Biographisch  woordenboek. 

DRIE!V9E^'!«  [Valère- André),  histo- 
rien, jurisconsulte,  professeur,  né  à 
Desschel  (ancien  Brabant),  le  27  novem- 
bre 1588,  mort  le  29  mars  1655.  Voir 
André  {Valère). 

*  DRiEC'X  {Michel)  ou  Driutius, 
théolotcien,  né  à  Volckerinchove,  près  de 
Cassel,  en  1495,  et  décédé  à  Louvain  le 
16  septembre  1559.  Il  était  fils  d'Adrien 
Drieux  et  de  Marie  s^wartens.  Il  ensei- 
gna d'abord  à  l'université  de  Douai, 
puis  à  celle  de  Louvain,  qui  l'éleva  à  la 
dignité  de  chancelier.  Son  savoir  lui 
avait  conquis  l'estime  et  la  bienveillance 
du  prince-évêque  de  Liège,  qui  le  nomma 
officiai  de  sa  cour  spirituelle.  Par  la 
création,  à  l'université  de  Louvain,  du 
collège  qui  porte  son  nom,  ce  savant 
s'est  acquis  des  droits  à  la  reconnais- 
sance de  la  postérité.  Son  testament, 
daté  du  28  juillet  1559,  stipule  les  con- 
ditions de  cette  fondation  scientifique  et 
mentionne  les  libéralités  ([u'il  y  con- 
sacre. Michel  Driutius  était  doyen  de 
l'église  collégiale  de  Saint-Pierre,  où  il 
est  inhumé  devant  l'autel  de  Saint-Ives, 


sous  une  pierre  tiiiriulaire  portant  cette 
épitaphe  : 

VE.NERABILIS  ET  EM.MILS  J  -C.  DOMl.NUS 

MICHAEL  DKILTIUS, 

OI{Ti:s  EX  VOIXKEKINCHOVE  TEKHITORn  CASLETE.NSIS 

ARTUM  ET  JIRIS  ITRHSOIE  DOCTOR 

AN.MS  '28  OKUl.NARICS  DECRETORLM   PROFE.SSOR, 

ACADEMI.^^,  LOVAME.NSIS  CANCELLARIL'S. 

SPIRITLALIS    CURJ/E  R.  EPISCOPI   LEODlENStS 

OFFICIALIS, 

NEC  .NO.V  H^RETlCiE  PRAVITATIS  ISQIISITOR 

FUNUATOR  COLI.EGII  DRIITIAM 

CONTl.NUIS   SUMMl-sgrE    LABOKIBLS  ET  VIGILIIS 

r.Al'SA  REIP.  CHRISTIAN^  CONFECTL'S 

OBUT  16    SEPTEMBRIS  1339 

-ÎTATIS  SU.€  64. 

Baron  Kenyn  de  Volkairsbvke. 

Sanderus,  Flatidria  illustrata.  —  Baron  de 
Croeser  de  Berges,  Abrégé  genéalogiriue  de  lit 
parenté  de  mes.sire  Michel  Ùrieux  dit  Uriitliiis, 
Bruges,  I78.i. 

*  DRiECX  {Rémi)  ou  Driutius  , 
évêque  de  Bruges,  neveu  du  précédent, 
né  à  Volckerinchove  en  1519  et  décédé 
à  Bruges  le  12  mai  1594,  était  fils  de 
Rémi  frère  du  chancelier  de  Louvain  et 
de  Catherine  Fenaerts.  Il  entra  de  bonne 
heure  dans  les  ordres.  Son  amour  du 
travail  et  les  rapides  progrès  qu'il  fit 
dans  l'étude  du  droit  déterminèrent 
son  oncle  à  l'appeler  auprès  de  lui.  Reini 
Drieux  n'avait  que  vingt-cinq  ans  lors- 
que, en  1 544 ,  il  devint  professeur  de  droit 
civil  à  l'université  de  Louvain.  En  155  6, 
il  fut  nommé  doyen  du  chapitre  de  Saint- 
•lacques  et  un  an  après  il  entra  au  grand 
conseil  de  Malines.  Dans  cette  haute 
position  il  se  fit  remarquer  comme  cano- 
niste  et  comme  jurisconsulte.  Le  cardi- 
nal de  Granvelle,  alors  archevêque  de 
Malines,  rendant  hommage  à  ses  vastes 
connaissances,  le  nomma  oflBcial  à  sa 
cour  spirituelle.  Philippe  II  lui  ayant 
conféré  la  dignité  de  prévôt  de  l'église 
collégiale  de  Notre-Dame  à  Bruges,  le 
désigna  peu  de  temps  après,  en  15  60, 
pour  occuper  le  siège  épiscopal  de  Leeu- 
waerden;  mais,  les  troubles  religieux 
(jui  déchiraient  la  Frise  ne  lui  permi- 
rent pas  de  se  faire  sacrer  et  de  prendre 
possession  de  son  siège. 

Le  premier  évêque  de  Bruges,  Pierre 
Curtius,  étant  décédé  en  1567,  l'évêque 
nommé  de  Leeuwaerden,  que  les  événe- 
ments politiques  tenaient  éloigné  de 
son  diocèse,  fut  transféré,  en  1569,  à 
celui  de  Bruges  dont  il  prit  possession, 


DR  (EUX  —  DRION 


172 


après  avoir  été  consacré  solennellement, 
le  13  novembre  de  la  même  année,  à 
Malines  par  Maximilien  de  Berghes, 
archevêque  de  Cambrai,  assisté  de  Fran- 
çois Sonnius,  évêque  de  Bois-le-Duc  et 
de  Corneille  Jansenius,  premier  évêque 
de  Gand. 

La  correspondance  qu'il  entretint 
avec  ce  dernier,  avec  Maximilien  Mo- 
rillon, évêque  de  Tournai,  mais  surtout 
avec  le  cardinal  de  Granvelle  et  les  per- 
sonnages les  plus  considérables  de  son 
temps,  témoigne  à  la  fois  de  son  pro- 
fond savoir,  de  l'influence  dont  il  jouis- 
sait et  du  respect  qu'inspirait  son  noble 
caractère;  son  dévouement  au  roi  et  à 
sa  patrie  s'y  manifeste  à  chaque  ligne. 
La  part  qu'il  prit  aux  grands  événe- 
ments qui  se  sont  produits  au  xvie  siècle 
et  les  souffrances  qu'il  endura  à  cette 
époque  orageuse,  placent  Driutius  au 
premier  rang  parmi  les  hommes  qui  se 
sont  signalés  dans  les  Pays-Bas  soixs  le 
règne  de  Philippe  IL 

Driutius  s'était  lié  d'amitié  avec  le 
célèbre  Rythovius,  évêque  d'Ypres,  qui 
siégeait  comme  lui  aux  états  de  Flandre 
réunis  à  Gand  en  1577,  lorsqu'il  fut 
arrêté,  en  même  temps  que  l'évêque 
d'Ypres  et  plusieurs  autres  grands  sei- 
gneurs, pendant  la  nuit  du  28  au  29  oc- 
tobre, par  Hembyse  et  François  de  la 
Kethulle  seigneur  de  Ryhove.  Ce  coup 
d'Etat  d'une  audace  inouïe,  et  qui  servit 
de  prélude  à  d'autres  actes  d'une  vio- 
lence extrême,  avait  eu  lieu  avec  tant 
de  promptitude,  qu'aucun  des  seigneurs 
désignés  à  la  vengeance  des  deux  tribuns 
ne  parvint  à  se  soustraire  au  triste  sort 
qui  l'attendait. 

Après  une  captivité  de  deux  ans,  pen- 
dant laquelle  les  douleurs  morales  et 
physiques  ne  leur  furent  pas  épargnées, 
les  prisonniers  ayant  réussi  à  s'évader, 
Driutius  fat  obligé  de  chercher  un  refuge 
ailleurs  que  dans  sa  ville  épiscopale,  où 
ses  ennemis  s'étaient  emparés  du  pou- 
voir. Il  demanda  tour  à  tour  l'hospita- 
lité à  Tournai,  à  Courtrai  et  à  Aude- 
narde,  tandis  que  son  chapitre  s'était 
retiré  à  iSaint-Omer. 

Ce  ne  fut  qu'en  1584,  lorsque  le 
prince  de  Parme  eut  rétabli  l'ordre  dans 


le  pays,  que  Driutius  rentra  dans  sou 
diocèse.  Le  peuple  l'accueillit  avec  d'au- 
tant plus  d'allégresse  qu'une  ère  de  paix 
allait  succéder  au  tumulte  et  aux  désor- 
dres dont  il  avait  souftért.  Le  vénérable 
évêque  s'appliqua,  avec  un  zèle  vérita- 
blement évangélique,  à  cicatriser  les 
plaies  que  la  guerre  civile  avait  faites. 
Le  peuple  le  pleura  et  honora  sa  mé- 
moire. Il  fut  enterré  dans  le  chœur  de 
sa  cathédrale  à  côté  de  la  tombe  du 
comte  Louis  de  Nevers,  et  l'on  grava 
l'épitaphe  suivante  sur  la  pierre  qui 
couvre  sa  sépulture  : 

SEPULTURA  REVERENIllSSIMT  DOMINI 

■  h.  REMIGII  DRIUTU 

CASLEïANI, 

RRUCARUM  SECUNDl   EPISCOPI, 

CANCELLARH    FLANDRI^  PR/EFECTUl, 

REGIS  CATHOLICI  IN   SUPREMO  CONClLiO  MECHLINl^ï 

Xn  ANNOS    CONCILIARU. 

CUM    ML'NIA  EPISCOPATL'S  XXIV   A.NNOS, 

MENSES  SEX  EXERCUISSET, 

CADUCAM  HANC  VITAM 

CUM  ALIA  FELICIORE  COMMUTAVIT 

XII  MAII    ANNO   DOMINI  M.D,XCIV 

ORATE    PRO  ANIM^  ILLIUS  REFRIGERIO. 

Barun  Kei'vyn  de  Volkaersbeke 

Baron  de  Croeser  de  Berges,  Abrégé  généalo- 
logique  de  la  parenté  de  HJichel  de  Drieux  dit 
Driutius,  Bru<;es,  '1785.  —  De  Jonge,  Unie  van 
brussel  desjaara  1877.  —  Histoire  du  diocèse  de 
Bruges.  —  Kervyn  de  Volkaersbeke,  Mémoires 
sur  les  troubles  de  Gand,  1577-1079.  —  Annales 
de  la  Société  d'émulation  de  Bruges. 

»Rio;v  {Bieudonné  de),  prince-abbé 

de  Stavelot,  né  à  Aisomont,  au  ban  de 
VVanne,  près  de  Stavelot,  mort  le  14  juin 
1741.  Il  succéda  au  prince-abbé  De 
Massin,  dont  la  succession  fut  si  vive- 
ment disputée  par  plusieurs  princes, 
parmi  lesquels  un  duc  de  Saxe,  qui 
avait  obtenu  à  Rome  des  bulles  d'éligi- 
bilité. Après  plusieurs  scrutins,  le  révé- 
rend dom  Dieudonné  de  Drion,  prieur 
de  Malmédy,  fut  élu  prince-abbé  le 
2  août  1731,  élection  accueillie  avec 
bonheur  par  ses  nouveaux  sujets,  qui 
lui  rendirent  des  honneurs  sans  exemple. 
Drion  avait  déjà  exercé  divers  offices 
dans  son  monastère  et  avait  toujours  fait 
preuve  de  jugement,  de  sagacité  et  de 
pénétration;  à  ces  qualités  si  rares  il 
joignit  une  grande  fermeté;  mais,  il  faut 
le  dire  à  sa  louange,  jamais,  dans  une 
affaire,  il  ne  se  prononçait  qu'après 
examen   de   ses  conseillers    intimes    et 


178 


DRION  —  DRIPT 


d'une  espèce  de  conseil  privé  qu'il  avait 
H  Lié2:e. 

L'union  entre  les  autorités  de  Mal- 
médy  laissait  grandement  à  désirer;  à 
peine  revêtu  de  la  dip^nité- abbatiale,  il 
prit  à  tâche  d'aplanir  les  difficultés 
pendantes  entre  la  haute  cour  et  les 
bourgmestre  et  commissaires  de  ^[al- 
médy.  Mais  un  conflit  d'un  caractère 
plus  grave,  à  cause  de  la  qualité  des 
parties,  éclata  à  sou  sujet  :  Drion  avait 
exprimé  l'intention  de  se  faire  bénir  à 
Malmédy;  l'évêque  de  Liège  prétendit 
que  cette  cérémonie  devait  se  faire, 
comme  de  coutume,  dans  son  diocèse. 
L'archevêque  de  Cologne,  de  son  côté, 
s'opposa  à  cette  prétention;  l'affaire 
ayant  été  déférée  à  la  connaissance  de 
la  cour  de  Rome,  celle-ci  ne  donna  gain 
de  cause  à  aucun  des  deux  èvêques.  Elle 
fut  d'avis  que  le  prince  de  Stavelot  et 
de  Malmédy  ne  dépendant  ni  de  l'un  ni 
de  l'autre,  pouvait,  à  son  gré,  comme 
exempt  et  immédiatement  soumis  au 
souverain  pontife,  se  faire  bénir  dans  tel 
diocèse  qu'il  lui  conviendrait  de  choisir. 
Cette  décision  étant  transmise  par  la 
voie  de  Cologne,  Drion  s'empressa  de 
se  rendre,  incognito,  dans  cette  ville,  s'y 
fit  bénir  dans  la  chapelle  de  la  Xoncia- 
ture  et  revint,  toujours  incognito,  dans 
son  monastère  à  ]\[almédy.  Il  eut  encore 
à  mettre  fin  à  une  autre  difficulté  pen- 
dante au  Conseil  aulique  entre  le  prince 
et  le  pays  :  il  s'agissait  des  investitures. 
Plusieurs  rescrits  impériaux  avaient  fait 
connaître  que  l'empereur  verrait  avec 
plaisir  terminer  ce  difi'érend  à  l'amiable. 
Afin  de  se  conformer  à  ce  désir  et  de 
témoigner  de  leur  dévouement  an  nou- 
veau prince-abbé,  les  officiers  rassemblés 
en  corps  dans  l'abbaye  de  Stavelot  firent 
une  louable  transaction  avec  les  dé- 
putes de  Son  Altesse  ;  en  vertu  de  cette 
transaction,  les  premiers  s'obligeaient  à 
payer  une  fois  seulement,  et  sans  pré- 
judice ni  conséquence,  une  somme  de 
20,000  florins.  Le  prince,  de  son  côté, 
se  procurerait  dorénavant,  à  ses  frais 
et  à  l'entière  indemnité  du  pays,  ses 
investitures  et  payerait  les  arriérés  de 
celles  de  ses  prédécesseurs. 

11   publia  aussi  divers  mandements  et 


règlements  pour  la  bonne  administra- 
tion du  pays  ;  on  en  trouve  les  textes 
dans  De  Yillers  (Histoire  de  la  princi- 
panté  de  Malmédy  et  Stavelot),  manuscrit 
conservé  à  la  bibliothèque  de  l'université 
de  Liège.  Enfin  l'administration  de  la 
justice  fut  l'objet  de  ses  soins  particu- 
liers. Vu  règlement  provisionnel  pour 
le  magistrat  de  Stavelot,  règlement  qui 
ne  fut  guère  dugoûtdeséchevins,  devint 
la  première  source  des  difficultés  que  le 
prince  eut  avec  la  haute  cour  dudit  lieu. 
Mais  il  trancha  les  difficultés  par  un 
mandement  foudroyant  d'autorité;  ce 
fut  le  dernier  de  son  règne.  Atteint 
d'une  maladie  de  poitrine,  il  expira  à 
^Malmédy  et  fut  enterré  dans  l'église 
abbatiale,  au  côté  droit  du  maître-autel. 
Sa  tombe  érigée  en  marbre  blanc  et  noir 
fut,  après  la  démolition  de  cette  église, 
en  1782,  transférée  de  là,  ainsi  que  son 
épitaphe,  dans  le  temple  nouvellement 
construit.  Cette  épitaphe  est  mentionnée 
par  De  Yillers,  qui  rapporte,  en  même 
temps  ,  toutes  les  particularités  énu- 
mérées  dans  cette  notice  et  relatives  au 
gouvernement  du  prince-abbé. 

Aug.   Vander  Meerscli. 

DR.IPT  {Laurent  »k),  né  à  Yenloo, 
en  1638,  décédé  à  Xeuhauff,  le  27  avril 
1686,  entra  dans  l'ordre  des  bénédic- 
tins et  y  fit  sa  profession  solennelle,  le 
17  février  1652,  à  la  célèbre  abbaye  de 
Saint-Yith,  à  Gladbach.  Après  avoir, 
pendant  plusieurs  années,  enseigné  la 
théologie  dans  son  monastère  et  dans 
celui  de  Corbie,  il  fut  appelé  à  la  cour 
de  Sigismond,  évêque  et  prince  de  Pa- 
derborn,  l'un  des  protecteurs  de  son 
ordre.  Ce  prince  en  fit  son  théologien  en 
titre  et  lui  conféra,  un  peu  plus  tard,  la 
dignité  de  vicaire  général  du  diocèse. 
Ce  fut  dans  cette  paisible  retraite  qu'il 
composa  la  plupart  de  ses  ouvrages.  Il 
se  distinguait  par  une  science  réelle, 
mais  ses  opinions  théologiques  ne  sont 
pas  toutes  d'une  orthodoxie  rigoureuse. 
Il  a  laissé  les  livres  suivants  : 

1"  Anti-DecàloguH  theologico-poUticua 
reformata,  cum  appenttice  refatatoria 
Theodori  Reinkingk  çuondam  Da^iice  raii- 
rellarii  in  regimine  ecchKiastico.  Colo- 
nifp,  1672,  in-16,  et  Paderborn.  1672. 


DRI1>T  —  DUdMAl. 


I7t, 


iu-12.  2"^  Virgd  Lnuretnmi .  Xeiilms., 
1673,  iii-8o.  3'i  Statera  et  e.ramen  //- 
heUi  a  sacra  caméra  prosci'ipti  cui  titu- 
h(s  :  Monita  aalntaria  Beat  ce  Virc/itiis  ad 
sKOs  cidtores  i?idiscretos.  Colonife,  1675, 
in-8o.  4'  Spéculum  arcliidiaconale  sire 
pra.ris  officii  et  visitationis  arcliidîaco- 
valis,  in  ç/ratiam  vicariorum  generalimn, 
archidiaconorum ,  aliorumque  visitatorum 
synodalium  et  curam  animarum  haben- 
tium,  coriipilatuiii .  Xeuhxis.,  1676,  in-8'. 
5^  Cautio  jvdicialis  frœlatorum  ercle- 
siasticorvïii  et  regidarium ,  in  qno,  qnod 
fît,  sunt/nariè  de  piano,  simpliciter ,  sine 
strepitu  et  fgurajudicii,  sola  rei  veritafe 
inspecta,  et  quomodo  superiores  ecclesias- 
tici  et  regvlares  contra  suos  suhditos  in 
cansis  leribns,  gravibus  seu  criminalibns 
procedere  debeant,  paucis  demon^tratur . 
Xeuhusii,  1684,  iii- S-. 

J.  J.  Thonissen. 

Harlzeim,  Bibliotheca  coloiiinisix  —  Ziegel- 
bauer,  Historia  rei  litierariœ  nrdiiiis  S  Beue- 
dictt.l.  IV,  pass  — {^dqniti,  Matfriuux  uiaiiusnit>t. 
t.  IV,  p.  39Û  (manuscriis  do  la  Bib!ioihe(|ue 
royale). 

omYERiiiSi  {Jértmie),  professeur, 
médecin,  physicien,  né  à  Braeckel,  près 
de  Grammont,  en  1504,  mort  en  1554. 
Voir  De  Drtvere  (Jérémie). 

DROGOX  (Saint),  hagiographe,  né  à 

Ghistelles,  naquit  dans  le  troisième 
quart  du  xie  siècle  et  mourut  après 
l'année  1118.  Il  embrassa  la  règle  de 
Saint-Benoît  avant  l'année  109 S,  soit  à 
l'abbaye  d'Aftiighem,  soit  dans  un  mo- 
nastère de  la  Flandre.  Lorsque,  en  1100, 
Robert  le  Frison,  comte  de  Flandre, 
fonda  le  couvent  de  Saint- André,  près 
de  Bruges,  Progon  fit  probablement 
partie  de  la  colonie  qui  fut  envoyée  à 
Bruges.  En  1118,  il  fut  chargé  de  la 
cure  de  Ghistelles,  sa  ville  natale,  qui 
venait  d'être  incorporée  au  monastère 
de  Saint- André,  et  l'administra  jusqu'au 
moment  de  sa  mort. 

Beaucoup  de  savants  confondent  trois 
hommes  qui  ont  porté  le  nom  de  Dro- 
gon,  et  de  trois  n'en  font  qu'un  :  ces 
trois  hommes  sont  Drogou,  religieux  de 
Bergues-Saint-Winoc,Drogon,évéquede 
Thérouanne,  et  Drogon  de  Saint-André 
près  de  Bruges.  Par  uue  conséquence 
naturelle  de  cette  première  erreur,  les 


mêmes  écrivains  sont  lombes  dans  une 
seconde,  en  attribuant  à  un  seul  auteur 
tous  les  écrits  portant  le  nom  de  Dro- 
gon. Drogon,  religieux  de  Saint-André 
près  de  Bruges,  a  laissé  la  Vie  de  sainte 
Godelieve,  ]jatronne  de  Ghistelles.  Ce 
travail,  qui  est  dédié  à  Eadbodon,  évê- 
que  de  Tournai,  mort  en  1098,  a  été 
publié  par  les  Bollandistes  dans.les  Acta 
Sanctornm  Julii,  II,  p.  402-413,  sous 
le  titre  de  :  Fita  Sanctœ  Godelirce,  auc- 
tore  Brogone  monacho  et  sacerdote.  Surius 
l'avait  déjà  publié  auparavant,  dans  ses 
VitfE  sanctornm,  mais  après  en  avoir 
complètement  dénaturé  le  style. 

E.-H.-J.  Reus«ns. 

Acta  sanctornm  Julii,  11.  p.  862-370.  —  Histoire 
littéraire  de  la  France,  VIII.  \i.  il,  et  X,  p.  -lï^^. 

—  Goeihais,  Chronica  monasierii  Sancti  Andreœ 
ju.rta  Brugas,  Gandavi,  1846,  ji.  -21.  —  Polthast, 
Bibliotheca  Imiorica  inedii  œri,  p   724. 

DRObox  (Saintj  ou  Dracon,  hagio- 
gi'aphe,  né  à  Bergues,  dans  la  Flandre 
française,  et  mort  à  l'abbaye  de  Bergues- 
Saint-Winoc  vers  1070.  Jeune  encore, 
il  embrassa  la  vie  monastique  à  l'abbaye 
bénédictine  de  Bergues-Saint-Winoc,  et 
y  acheva  toutes  ses  études.  Il  fit  plu- 
sieurs grands  voyages  ;  et  visita  entre 
autres  le  Danemark,  Hambourg  et  les 
contrées  voisines.  Il  a  laissé  plusieurs 
écrits  :  lo  Vita  S.  TFinoci ,  publiée  par 
Mabillon  dans  les^c^a  Satictonan  ordinis 
S.  Benedicti,  sseculum  III,  p.  315-32  7. 
— 2"  Vita  S.  Leivince,  publiée  par  Mabil- 
lon, dans  les  Acta  SS.  0.  S.  B.,  saec.  VI, 
part.  II,  p.  112-126;  et  par  les  Bollan- 
distes, dans  les  Acta  Sanctornm  Julii,  V, 
p.  613-627.  —  3o  Vita  S.  Oswaldi, 
régis  Nort/iumbHa  ac  martyris,  publiée 
par  les  Bollandistes  dans  les  Acta  Sanc- 
torum  Augusti,  II,  p.  94-103. 

E.-H.-J.  Reusens. 
Histoire  littéraire  de  la  France,  VIII,  p.  11. 

nRO.w.%1.  (Jean),  chantre  de  l'église 
de  Sainte-Croix  à  Liège,  mort  en  1637, 
dont  on  connaît  l'ouvrage  suivant  : 
Conviviuni  niusicum,  in  quo  binis,  ternis, 
quaternis,  quinis  et  senis  vocibus,  nec  non 
et  instrunientis  recolitur,  cuni  basso  conti- 
nua. Anvers,  1641;  iu-4o,  opus  2. 

Aug.   VaUitef  .Meerscb. 

Becdelièvre,  Biographie  liégeoise,  l.  I,  p.  n03. 

—  Fr.  Félis.  Biographie  des  Musiciens,  ^'''diiinii. 


DUOOMKIIS 


178 


l»itooiii':K!«  {Jean),  poi'te  draina- 
tique  brugeois  du  xviTft  siècle.  11  était 
probablement  de  la  famille  de  C.  Droo- 
iners,  de  Dunkerque,  qui  composa  plu- 
sieurs épîtres  eu  l'honneur  de  son  ami 
^richiel  T)eS\vaen(voy.  Deïîwaen).  Quoi- 
qne  fadeur  de  la  gilde  brugeoise  de  D)'ie 
Sa7itirinen,  on  trouve  à  peine  son  nom 
dans  les  Verhmdelingen  de  Willems,  et 
il  n'est  pas  même  cité  dans  les  4  volumes 
i\%\9.  Biographie  de  la  Flandre  occiden- 
tale ni  dans  les  Annales  de  la  société 
d^ Emulation.  «  Il  fut,  dit  Snellaert 
{^Belfjisclt  muséum,  IX,  340),  un  de  ceux 
qui  essayèrent  de  réveiller  le  goût  de  la 
littérature  en  Flandre,  comme  on  le  fai- 
sait alors  à  Anvers  et  en  Brabant.  « 
Outre  quelques  vers  qui  se  trouvent 
dans  les  feuillets  liminaires  des  ouvrages 
de  ses  amis  Dr  Smits  et  J.  Vaerman, 
on  ne  connaît  de  lui  que  deux  pièces 
dramatiques  assez  bizarres  :  lu  Idonea, 
docMer  van  LotJiarins  en  Liederyl'  de 
Bnnk ,  eersten  forestier  ran  Vlaenderen . . . 
Cette  tragi-comédie  jouée  le  14  février 
1096  à  Bruges  parles  «  amateurs  de  la 
poésie  flamande  (neder-duytse)  «  eut  plus 
de  six  éditions  à  Bruges,  à  Gand  et  à 
Ypres.  Malgré  la  sévère  critique  de 
Witsen  Geysbeeck,  n'oublions  pas  l'in- 
tention patriotique  de  cette  petite  école 
brugeoise  ;  2°  De  LanghgeweyiscMe  vrede- 
vreugJit...  (La  joie  si  longtemps  désirée 
de  la  paix...)  L'édition  in-4o  (Bruges, 
Ignatius  van  Pee ,  1698)  dédiée  aux 
bourgmestre,  échevins  et  conseillers  de 
la  counnune,  contient  la  musique  notée 
des  chansons  qui  suivent  chaque  dia- 
logue ou  plutôt  chaque  monologue.  Cette 
pièce  a  été  jouée  le  .3  mai  1698  par  la 
confrérie  de  rhétorique  des  Trois  Saintes 
{Drie  Santinnen),  à  l'occasion  de  la  ker- 
messe de  Bruges  et  de  V  Ommeganck  du 
Saint-Sang.  On  célébrait  en  même  temps 
la  fameuse  paix  de  Ryswyck  (du  20  sep- 
tembre 1697j  qui  donna  queb^ue  répit 
ù  la  Belgique,  après  huit  années  d'une 
guerre  terrible,  entreprise  pour  des  inté- 
rêts qui  n'étaient  pas  les  siens.  .Jean 
Droomers  avait  été  chargé  du  tradition- 
nel Hemel  of  Reu:enspraek,  tel  qu'en 
avait  composé  Lambrecht  De  Vos  de 
1 641  à  1 644 .  Witsen  Gevsbeeck  s'étonne 


de  l'approbation  accordée  à  cette  pièce 
fantastique  par  J.  J.  de  Baillencourt, 
archidiacre  et  censor  lihrorum .  On  y  voit 
défiler  au  hasard  le  roi  d'Espagne,  les 
quatre  fils  Aymon,  le  héraut  de  P'rance, 
les  géants  Trévanus,  Aurélianus.  Ma- 
charius,  un  astrologue,  Europe,  Vénus, 
Minerve,  Apollon,  les  Muses,  Dieu  le 
Père,  Dieu  le  Fils,  la  vierge  Marie,  la 
Sainte  Eglise,  des  anges,  des  saints, 
Mahomet,  le  grand  vizir,  Lucifer,  la 
Mort,  les  diables.  Les  plus  plates  fami- 
liarités se  confondent  avec  des  tirades 
mystiques  ou  des  rodomontades  boursou- 
flées. Le  tout  se  termine  par  une  chan- 
son carnavalesque  d'Asmodée  sur  les 
maris  trompés  Choorndragers).  Ce  genre 
de  représentation,  dont  nous  n'avons 
aujourd'hui  aucune  idée,  avait  été  inter- 
rompu depuis  quelques  années,  soit  à 
cause  des  guerres,  soit  pour  d'autres 
motifs.  De  là,  un  immense  concours  de 
curieux  venus  des  villes  voisines  à  cette 
sorte  de  factie-spel  ou  de  tvagen-spel  re- 
nouvelé par  .Jean  Droomers.  Mais  les 
érudits  du  temps  se  moquèrent  de  l'ana- 
chronisme littéraire.  Un  anonyme  gan- 
tois composa  Averechts  lof-dicJd  (Eloge  ù 
rebours  du  poète  soporifique  (droomende 
poët).  Il  Jean  Droomers,  tu  as  donc  rêvé 
que  tu  étais  assis  parmi  les  Muses  du 
Parnasse  et  qu'elles  t'avaient  fait  poète? 
Entre  nous,  je  crois  que  tes  rimes  dé- 
rivent de  l'ivresse  ou  de  la  folie.  Il  faut 
plaindre  ceux  qui  sont  venus  de  si  loin 
à  V Ommeganck.  On  y  était  plus  pressé 
([u'on  ne  le  sera  à  Rome  au  prochain 
jubilé  de  1700...  «  Ecrit  au  Sas-de- 
Gand,  au  mont  Parnasse  (des  Pontai- 
nistes?). 

A  cette  plate  satire,  qui  eut  deux  édi- 
tions in-folio  piano,  .Fean  Droomers  ri- 
posta, selon  le  point  d'honneur  littéraire 
du  temps ,  par  le  même  nombre  de 
vers  (97).  {EerpUcIdige  vcrdedingh .., 
(Défense  de  mon  honneur  contre  un 
calomniateur  oblique  et  clandestin  ). 
Il  O  po("'tc  bousillfur  {klad-poè't)  un 
honnête  homme  ne  craindrait  pas  de 
signer.  Cliat-huaut  qui  fuis  la  lumière, 
tu  me  reproches  ces  noms  des  géants 
brugeois.  Est-ce  moi  qui  les  ai  in- 
ventés? Mais  toi,  qui  ne  sais  pas  même 


179 


DROOMERS  —  DRUEZ 


180 


ta  langue,  il  faut  t'appeler  aterechts, 
poëte  à  l'envers...  Quant  aux  rimes  et 
chansons  du  Ballet-icagen  (un  des  chars 
de  la  représentation)  c'est  Cornelis  Kel- 
derman  qui  en  est  l'auteur.  »  Cette  po- 
lémique, dont  les  pièces  n'existent  plus 
qu'aux  archives  de  Gand,  est  un  véri- 
table tableau  des  mœurs  rhétoricalefi  de 

l'époque.  J.  Stecher. 

Piron,  Lerensbeschryiiugen.  —  Belgisch  mu- 
séum (IX,  340,  868i.  —  L  Vander  Haeghen,  Bi- 
blioqra/ihie  qantoise,  V,  346. —  Witsen  Gevsbeeck, 
It,  -^09. 

DRi'Ez  {Louis  -  Alexandre  -  Joseph) , 
homme  de  guerre,  né  à  Tournai  le 
•21  mars  1777,  mort  le  10  février  1849. 
Il  était  encore  excessivement  jeune 
quand  il  débuta  dans  la  carrière  mili- 
taire, car  à  l'âge  de  douze  ans,  il  entra 
comme  cadet  au  3e  régiment  belge,  régi- 
ment auquel  avait  donné  naissance  la 
révolution  brabançonne.  Lorsque,  après 
la  campagne  de  1790,  le  gouvernement 
autrichien  se  trouva  rétabli  en  Belgique 
le  jeune  Druez  se  réfugia  en  Hollande. 
11  fut  incorporé  dans  l'armée  de  ce  pays 
en  1798,  fit  avec  elle  les  campagnes  de 
1798,  1799,  1800  et  1801  en  Alle- 
magne, puis  fut  embarqué  pour  la 
Louisiane,  où  il  passa  les  années  1S02 
et  180.3.  De  retour  en  Europe,  il  prit 
part  de  nouveau  aux  guerres  de  l'époque 
et  assista  notamment  au  siège  de  Stral- 
sund  (1807),  où  il  fut  blessé  et  reçut  le 
brevet  de  sous-lieutenant  du  train  d'ar- 
tillerie; trois  mois  après,  sa  conduite  et 
son  zèle  lui  méritèrent  le  grade  de 
lieutenant  adjudant-major.  Il  fit  alors 
les  campagnes  de  ISO 8  en  Danemark  et 
celles  de  1809  et  de  1  SI 0  en  Allemagne 
et  dans  le  nord.  Les  qualités  et  les  con- 
naissances de  ce  jeune  officier  attirèrent 
sur  lui  l'attention  du  général  Perrière 
qui  en  fit  son  aide  de  camp  et  le  conserva 
dans  son  état-major  lorsqu'il  passa  au 
service  de  la  France,  à  l'époque  où  vint  à 
sonner  la  dernière  heure  du  royaume  du 
roi  Louis  Bonaparte.  Ce  fut  en  cette 
qualité  d'aide  de  camp  que  Druez  fit  les 
campagnes  de  ISll  en  Italie,  de  1812 
en  Pologne  et  en  Russie,  de  1813  en 
Silésie  et  en  Saxe.  A  la  bataille  de 
Leipzig,  il  eut  un  cheval  tué  sous  lui.  Il 


avait  été  adjoint  à  l'état-major  de  la 
4e  division  du  deuxième  corps  d'armée; 
les  services  qu'il  rendit  dans  cette  posi- 
tion lui  firent  décerner  l'étoile  de  la 
Légion  d'honneur  et  le  désignèrent  au 
général  Guilleminot  pour  en  faire  sou 
aide  de  camp.  Druez  assista  en  1814  au 
siège  de  ^layence.  Après  la  première 
abdication  de  Napoléon  1er,  il  fut  appelé 
à  faire  partie  de  la  commission  chargée 
de  fixer  les  nouvelles  limites  du  nord  de 
laPrance;  ce  travail  n'était  pas  achevé 
lorsque  Napoléon,  débarquant  de  l'île 
d'Elbe,  remonta  momentanément  sur  le 
trône  et  Druez  assista  aux  batailles  des 
Quatre-Bras  et  de  Waterloo  (les  16  et 
18  juin  1815),  eut  un  cheval  tué  sous 
lui  dans  chacun  de  ces  combats  et  obtint 
la  croix  d'officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur. 

Après  la  chute  définitive  du  premier 
empire  français,  le  capitaine  Druez  resta 
au  service  de  la  Prance  et  fut  admis 
dans  le  corps  d'état-major  en  1818  et 
appelé  de  nouveau  à  faire  partie  de  la 
commission  des  limites.  En  1823,  il  fit 
la  campagne  d'Espagne  ce  qui  lui  valut 
le  grade  de  chef  de  bataillon  et  la  croix 
de  Perdinand  d'Espagne.  Après  la  révo- 
lution de  juillet  iS30,  il  fut  nommé 
chef  d'état- major  dii  général  Hulot, 
mais  il  lui  tardait  de  revenir  dans  sa 
patrie,  otilrir  au  nouveau  gouvernement 
issu  de  la  révolution  de  1S30,  le  fruit 
de  ses  talents  et  d'une  expérience  acquise 
sur  plus  de  vingt  champs  de  bataille.  Il 
fut  accueilli  avec  empressement,  entra 
dans  l'armée  belge  avec  rang  de  colonel 
d'état-major  (septembre  1831)  et  fut 
investi  des  fonctions  de  chef  d'état-major 
de  la  Ire  division  de  l'armée. 

Lorsque  la  Belgique  conclut  avec  le 
gouvernement  hollandais  la  convention 
de  Zonhoven  qui  réglait  la  voie  d'étape 
pour  les  troupes  hollandaises,  entre 
Maestricht  et  le  Brabant  septentrional, 
le  colonel  Druez  fut  nommé  commissaire 
du  roi  chargé  de  veiller  à  l'exécution  de 
cette  convention,  mission  délicate  qu'il 
accomplit  avec  beaucoup  d'intelligence 
et  de  tact  depuis  1S33  jusqu'en  1839. 
Après  la  conclusion  de  la  paix  avec  la 
Hollande,    le   colonel   Druez,  qui  avait 


I8i 


DRUF.Z  -  DRIWI': 


185 


atteint  l'àg-e  de  soixante-six  ans,  reçut, 
avec  sa  pension  de  retraite,  la  croix 
d'officier  de  l'ordre  deLéopold. 

Général  baron  Guillaume. 
Archives  de  la  guerre  de  France  et  de  Belgique. 

DRCXÉR  (Gérard)  ou  Drux.els, 
mathématicien  belge,  mort  le  23  jan- 
vier 1 601 .  Chanoine  régulier  de  l'abbaye 
de  Tongerloo,  de  l'ordre  des  prémontrés, 
il  fut  un  dea  mathématiciens  les  plus 
savants  et  les  plus  expérimentés  de  son 
temps,  comme  le  témoignent  les  instru- 
ments sur  cette  science  qu'il  a  confec- 
tionnés et  les  nombreux  écrits  dont  on 
lui  est  redevable.  Parmi  ses  ouvrages  on 
compte  :  lo  Kalmd arinw.  hutoricum  et 
jjoetiaim. —  2"  Tabula  ■^innnm.  —  3"  Ta- 
bulée ascensionum  redarvm .  —  4»  Tahvlœ 
festorum.  mobilitim  de  1582  à  1601.  — 
5o  Liber  de  itsn  quadrantis  astrolahii.  — 
6o  AHitndo  noUs  ad  dngulas  horan  ad 
latitndinew.  5 1  gradunm  et  29  mimdormn . 
Toutes  ces  œuvres,  restées  manuscrites, 
étaient  soigneusement  conservées  dans 
l'abbaye  de  Tongerloo.  Il  donna  ses 
instruments  de  mathématiques  à  Ernest 
de  Bavière,  prince-évêque  de  Liège,  qui 
professait    pour    l'auteur    une    grande 

estime.  Aug.  Vander  Meersch. 

Foppens,  Bibliotheca  belfiica,  t.  1.  p.  349.  — 
Delvenne,  Biographie  des  Pays-Bas.  —  Piron, 
Levensbe.scliryi'itigen,  byvoegsel. 

DRi'iBii;»  {Jean),  orientaliste,  né  à 
Audenarde  en  1550,  mort  en  1616. 
Voir  Vaxdex  driessche  (/m?/). 

UMJ^^'É  {Adrien-François,  en  reli- 
gion Ambroise),  écrivain  ecclésiasti([ue, 
né  à  Grammont  en  1604,  décédé  à 
Bruxelles  le  9  mai  10 65.  A  l'âge  de 
dix-sept  ans,  il  entra  dans  l'ordre  des 
Dominicains  au  couvent  de  Gand,  et  y 
lit  sa  profession  solennelle  le  12  septem- 
bre 1623.  En  1627,  le  chapitre  pro- 
vincial de  l'ordre,  tenu  à  Arras,  le 
désigna  pour  aller  à  l'université  de  Lou- 
vain  continuer  ses  études  théologiques. 
Lorsqu'elles  furent  terminées,  il  obtint 
l'autorisation  de  se  rendre  à  Paris,  au 
couvent  dit  le  Noviciat  général,  où  l'on 
venait  d'introduire  une  observance  plus 
stricte  de  la  règle  de  l'ordre.  11  y  resta 
jusqu'en  1637-  Il   revint   alors   en  Bel- 


gique au  couvent  de  Bruxelles,  qui,  à 
l'exemple  du  Noviciat  de  Paris,  avait 
embrassé  la  réforme  sévère.  Le  P.  Druwé 
y  exerça  les  fonctions  du  saint  ministère 
avec  un  zèle  extraordinaire,  et  sut  se 
concilier  l'estime  et  l'aftection  des  grands 
aussi  bien  que  des  pauvres.  En  1641, 
il  fut  nommé  chargé  d'affaires  de  l'ordre 
près  la  cour  de  Bruxelles.  En  cette 
qualité,  il  travailla  à  procurer  la  fonda- 
tion de  nouvelles  maisons  de  son  ordre, 
et  c'est  à  lui  que  les  couvents  des  Pomi- 
nicains  de  Xamur  (1649),Revin  (1652), 
Malines  (1652),  Bornhem  (1658)  et 
celui  de  la  forêt  de  Kaspaille,  sous 
Moerbeke,  près  de  Grammont  (1068) 
doivent  leur  origine. 

Elu  prieur  de  la  maison  de  Bruxelles 
en  1657,  le  P.  Druwé  parvint  à  fonder, 
dans  la  capitale  de  la  Belgique,  une 
maison  de  refuge  pour  les  filles  repenties, 
et  l'établit  près  de  la  chapelle  de  la 
Sainte-Croix.  Deux  années  avant  sa 
mort,  il  fut,  en  récompense  des  services 
qu'il  avait  rendus,  nommé  prédicateur 
général  de  la  maison  de  Bruxelles  par  le 
chapitre  provincial ,  tenu  à  Gand  en  1 6  63 . 
Un  portrait  du  P.  Druwé  se  trouve  en 
tète  de  la  notice  biographique  publiée 
sur  ce  père,  en  1864,  par  le  R.  P.  Mou- 
laert;  dans  le  Behjium  Do-mi nican uni  du 
P.  De  Jonghe,  on  trouve  une  gravure 
représentant  le  P.  Druwé  couché,  après 
sa  mort,  sur  un  lit  de  parade.  Voici  les 
écrits  publiés  par  le  P.  Druwé  :  lo  Exer- 
cices spirituels  des  religieux-  coyivers,  tant 
du  premier  que  du  tiers  ordre  de  Saint- 
Dominique,  par  F.  A.  D.  Brusselles, 
Martin  Van  Bossuyt,  1638;  vol.  in-8'>. 
—  2^  Abrégé  de  la  vie  de  S.  Hyacinthe, 
noble  Polonais,  de  V ordre  des  Frères  Prê- 
cheurs, par  F.  A.  D.  Brusselles,  .Martin 
Yan  Bossuyt,  1038;  vol.  in-]  2.  — 
3o  Les  Trophées  d' Ambroise  de  Sp/nola, 
général  des  armées  de  Sa  Majesté  Catho- 
lique aux  Pays-Bas,...  composez  en  latin 
par  Nicolas  Vermdœus,...  traduits  en 
français  par  un  religieux  de  V ordre  des 
Frères  Prescheurs  du  collège  des  PP.  Hi- 
bernoys.  Louvain,  Jaques  Zegar,  1631; 
vol.  in-8'>  de  vi-101  pages. 

E.-H.  J.  ReuteiiB. 
P.-Fr.-K.  Mniilaert.  I.erenxsrhrix  van  deii  veiir- 


18:^ 


DRUYS 


184 


rabehn  Pater  Fr.  Ambrosins  Dniué,  Leuven, 
1864;  \ol.  in-12.— /lwH«/e.<  de  ilnuliinl  archio'o- 
gique  de  la  province  de  l.usewbourrj,  VI,  p.  'Mi. 

n«i:T!$  (Jeat/)  ou  Prusius,  théolo- 
ECien ,  homme  d'Etat,  abbé  de  Parc, 
lez-Louvain,  né  à  Cumptich,  près  de 
Tirlemont,  en  1568.  Il  commença  ses 
humanités  à  Saint-Trond  et  les  continua 
à  Liège  et  à  Xamur.  Son  parent,  Am- 
broise  Loots,  abbé  de  Parc,  l'ayant  ap- 
pelé à  Louvain,  le  plaça  ensuite  à  la  pé- 
dagogie du  Lis,  où  il  s'y  appliqua  avec 
zèle  aux  belles-lettres.  Il  étudia  la  phi- 
losophie à  la  pédagogie  du  Faucon.  Reçu 
à  l'abbaye  de  Parc, à  l'âge  de  dix-sept 
ans,  il  y  prononça  ses  vœux  monastiques 
le  29  mai  1588,  et  fut  ordonné  prêtre 
le  29  septembre  1592.  Il  remplit  pen- 
dant quelque  temps  les  fonctions  de 
maître  des  novices  et  entra  ensuite  au 
collège  des  Prémontrés,  à  Louvain,  pour 
continuer  ses  études  théologiqiies.  Priiys 
obtint  le  grade  de  licencié  en  théologie 
en  1595.  De  retour  à  Parc  il  y  enseigna 
la  théologie  et  devint  en  1596,  sous- 
prieur  de  son  monastère.  L'abbé  Yan 
Vlierden  appréciait  si  bien  les  éminentes 
qualités  de  son  sous-prieur,  qu'étant  à 
la  mort,  il  lui  remit  la  bague  abbatiale 
pour  exprimer  qu'il  le  jugeait  digne 
d'être  élevé  à  la  prélature.  Jean  Druys 
fut,  en  effet,  élu  abbé  de  Parc,  le  4  juin 
ICOl,  et  sacré  par  ^fathieu  Vanden 
Hove,  archevêque  de  Malines.  Le  nou- 
vel abbé  s'appliqua  avec  la  plus  louable 
ardeur  à  relever  son  monastère  de  l'état 
déplorable  dans  lequel  les  guerres  ci- 
viles l'avaient  mis.  Il  fit  restaurer  la 
façade  de  l'église,  agrandir  le  chœur, 
orner  de  boiseries  le  réfectoire  et  exécu- 
ter d'autres  travaux  importants. 

Pruys  entra,  en  1604-,  aux  états  de 
Brabant.  Pans  cette  assemblée,  il  se  dis- 
tinguait par  ses  vastes  connaissances  et 
par  son  infatigable  application  au  tra- 
vail. Les  archiducs  Albert  et  Isabelle 
ayant  reçu  des  plaintes  au  sujet  de  l'en- 
seignejnent  des  sciences  à  l'Université 
de  Louvain,  chargèrent,  en  1607,  l'abbé 
Druys  et  Etienne  van  Craesbeke,  con- 
seiller au  conseil  de  Brabant,  de  procé- 
der à  la  visite  de  cette  institution  ;  le 
nonce   Dèce   f'araffa   y   prit   également 


part.  Leur  examen,  qui  dura  longtemps, 
se  termina  à  la  satisfaction  générale.  Les 
archiducs  approuvèrent  les  règlements 
faits  par  les  visiteurs,  le  18  avril  1607, 
et  le  le  pape  Paul  Y  les  confirma  le 
22  octobre  de  la  même  année.  Druys  se 
montra  en  toute  circonstance  le  défenseur 
des  intérêts  de  l'Université,  d'abord  eu 
1618  lorsque  les  jésuites  essayèrent  de 
s'y  introduire,  ensuite  au  moment  où 
ceux-ci  ouvrirent,  à  Liège,  une  école  de 
philosophie  que  V Aloiu  Mater  envisa- 
geait comme  contraire  aux  prérogatives 
qu'elle  tenait  du  saint-siège.  Depuis 
1604,  il  occupait  le  poste  de  vicaire  gé- 
néral de  son  ordre  pour  les  provinces  du 
Brabant  et  de  la  Prise;  en  1 W6,  il  pro- 
céda à  une  visite  de  l'université  de 
Douai.  Il  célébra,  à  Parc,  en  1620  et 
1624,  deux  chapitres  provinciaux  de 
son  ordre.  En  1620,  il  fut  chargé  de 
visiter  le  monastère  des  célestins  de 
Iléverlé,  tâche  dont  il  s'acquitta  d'une 
manière  si  satifaisante,  que  les  supé- 
rieurs de  l'ordre  le  nommèrent  inspec- 
teur permanent  de  ce  couvent. 

Druys  s'était  rendu  en  1619  au  cha- 
pitre général  de  son  ordre  à  l'abbaye  de 
Prémontré  en  France.  Au  mois  d'août 
de  la  même  année,  il  avait  aidé  le  nonce 
apostolique  dans  la  visite  de  la  collé- 
giale de  Saint-Pierre,  à  Louvain.  Druys 
jouit  alors  dans  le  pays  de  la  plus  grande 
estime  et  de  la  plus  haute  considération. 
Aussi  à  la  mort  de  Mathieu  Yanden 
Hove,  archevêque  de  Malines,  fut-il 
question  de  le  proposer  pour  sxiccéder  A 
ce  prélat.  Mais  il  déclara  qu'il  n'aspirait 
pas  à  cette  haute  dignité.  En  1628,  le 
chapitre  général  le  chargea  de  la  révi- 
sion des  statuts  de  son  ordre,  tâche  dif- 
ficile, qu'il  accepta  :  la  nouvelle  édition 
des  statuts  parut  à  Louvain,  chez  Ber- 
nardin Maes,  en  16.30.  Le  même  cha- 
pitre général  le  députa,  en  1631,  en 
Espagne  à  l'effet  de  ramener  à  l'union 
cette  province  de  l'ordre,  qui  s'en  était 
séparée  par  suite  des  guerres.  Druys,  en 
patriote  dévoué,  profita  de  cette  circon- 
stance pour  exposer  à  Philippe  lY  l'état 
malheureux  dans  lequel  se  trouvait  alors 
notre  pays  et,  par  une  supplique,  enga- 
gea le   prince   d'y   apporter  un  prompt 


183 


DRUYS  —  URYMAxNS 


186 


remède.  Le  monarque  l'acciieillit  avec 
faveur  et  voulant  honorer  son  mérite , 
il  tira  de  son  doigt  l'anneau  qu'il  por- 
tait pour  le  mettre  au  doigt  de  l'envoyé 
brabançon.  Cette  bague  est  ornée  d'un 
diamant  de  grande  valeur  et  porte  l'in- 
scription suivante  :  Fhilippm  IV  rex 
Hinpaitiee  abbati  Druilo.  d.  d.  1632. 
Elle  existe  encore  à  l'abbaye  de  Parc. 
Les  négociations  entamées  pour  rame- 
ner à  l'union  les  prémontrés  d'Espagne 
n'eurent  cependant  pas  de  résultat. 
Revenu  en  Belgique,  Druys  fut  appelé 
au  poste  de.  conseiller  d'Etat  ;  mais  il 
ne  jouit  pas  longtemps  de  cette  haute 
dignité.  Il  mourut  d'un  catarrhe  suftb- 
catif,  au  refuge  de  l'abbaye  de  Parc,  à 
Bruxelles,  le  25  mars  1634.  Le  même 
jour  il  avait  encore  dit  la  messe  un  peu 
avant  midi.  Druys  fut  inhumé  à  l'église 
de  Parc,  dans  le  caveau  qu'il  avait  fait 
construire  au  chceur. 

Nous  avons  de  lui  :  1'  Exhortatio  ad 
candidi  ordinu  Prœmomtraiemis  pro- 
cinciœ  Brabantice  Religiosofs,  de  lis  qnœ 
vocatioiieDi ,  oblitjationifmque  concernunt, 
aiitlioritate  fvperioriiin  av  capitidi  pro- 
viiiri.alis  dlctœ  Provinciœ  édita.  Lovan., 
Bernardin.  Masius,  1621,  in-12.  de 
101  pages.  2"  Statula  candidi  et  cano- 
nici  ordiiiiis  Prœuiou'itrateti'siis  reuovata  ac 
anno  1630,  à  capitulo  tjene.ruli  plane  réso- 
lu ta,  acceptata,  et  omnibus  suis  subditis  ad 
stricte  obsercaudum  imposita.  Lovanii, 
1630,  in-12  de  282  pages.  3  >  Epistola 
Andreœ  Trerisio,  intiubo  archidacis  cou- 
siliario,  22  Jtdii  1620.  Cette  lettre  ainsi 
que  les  deux  pièces  suivantes  se  trou- 
vent dans  la  Chronologia  ecclesiœ  Par- 
chensis,  de  Libert  De  Pape,  pages  413, 
417,  427.  4o  Apologia...  qnâ  se  puryat 
adrersus  cahiinniarn,  qua  Româ  nionebutur 
serenissima  Ar'cJdducissa,  etim  hnpugtutre 
Papfdeiii  niithoritatem.  ô<>  Mémoire  pré- 
senté au  roi  en  1631,  contre  les  excès 
des  militaires  espagnols  dans  le  Brabant. 
6  '  Fisitatio  almœ  Universitatis  Loca- 
fiiensis  1617,  in-4''  de  .53  pages  non 
chiffrées,  sans  nom  de  ville  ni  d'impri- 
meur. Réimprimé  dans  le  recueil  inti- 
tulé :  Pririlegia  Acadeniire  Lovaniettsis. 
1a)v.,  172s,  in-4',  sou.s  ce  titre  :  Fisi- 
latio  alince  L'nicersilatis  studil  generalis 


oppidi  Locaniensis  ,  publicata  in  auld 
monasterii  frutruni  ordinis  S.  Augustini 
ojypidi  prœdicti  ,  die  5  septembres  antii 
M.  I)C.  XVII  in  plena  universitatis  cou- 
gregatione  ibidem  indictd  et  servatâ. 

Le  portrait  de  l'abbé  Druys  se  trouve 
dans  la  galerie  de  l'abbaye  de  Parc. 

Erl    vaii  tven. 

L  de  Pa])e,  Chronoloijia  Parcheii.sis,  IMio,  S96- 
4;tô.  —  Paquol,  XVI,  :2o6.  —  Raymatckers,  Re- 
cherches Sur  l'abbaye  de  Parc,  60.  —  Archives 
de  Paie. 

DR'».M.4^'««  (Christophe),  historien  et 
maître  de  chapelle,  né  à  Loiivain  le 
17  février  1739  et  décédé  à  Lierre  le 
20  octobre  1797.  Son  père  s'appelait 
Alexandre,  et  sa  mère  Françoise  Mer- 
tens.  Après  avoir  terminé  ses  humanités, 
il  étudia  la  philosophie  à  l'université 
de  sa  ville  natale  et  obtint,  en  1759, 
comme  élève  de  la  pédagogie  du  Porc, 
la  soixante-douzième  place  de  toute  la 
promotion  de  la  faculté  des  arts.  Lors- 
qu'il eut  terminé  ses  études  théologi- 
ques, il  fut  ordonné  prêtre  et  devint 
maître  de  chapelle  ipho7iascu>, ,  zang- 
rneester)  du  chapitre  de  Saint-Ci om maire 
à  Lierre,  le  8  juin  1763,  jouissant,  à  ce 
titre  ,  d'une  prébende  de  chapelain. 
Drymans  était  un  homme  laborieux  et 
avait  la  réputation  d'être  un  excellent 
musicien. 

Parmi  ses  œuvres  musicales,  on  re- 
marque un  Opiisculum  m/isirum  uoccm 
lamentatiouum ,  dédié  à  ses  protecteurs, 
les  chanoines  de  Saint-Gommaire.  Ou 
a  de  lui  deux  travaux  historiques  très- 
importants,  conservés  encore  eu  manu- 
scrit chez  les  héritiers  de  feu  M.  l'avocat 
Stalpaert,  de  Lierre  :  1°  Lyra  mrra  seu 
chronologia  capituli  Lgrani,  adjectis  non 
paucis,  quœ  capituli  statuts ,  ordinationes 
ac  temporis  historiam  concernant;  7  vol. 
in-fol.  Les  trois  premiers  volumes  ren- 
ferment des  renseignements  curieux  sur 
l'origine  du  chapitre,  les  dignitaires  et 
les  bénéticiers;  les  derniers  volumes  con- 
tiennent les  documents  dont  plusieurs 
n'ont  guère  de  rapport  avec  le  titre  du 
manuscrit.  Un  extrait  de  ce  remarqua- 
ble travail  a  été  publié  dans  les  An(i- 
lectes  pour  serrir  à  l'histoire  ecclésiastique 
de  In  /Belgique,  t.  V  (1S6SI,  p.  18-52. 
—  2"  L  n  recueil  eu  S  vol.  in-4'J,  rcnfer- 


187 


DRYMANS  -  DUBOIS 


188 


maut  les  épitaplies  des  églises  et  cou- 
vents de  Lierre,  ainsi  que  d'autres  do- 
cuments. E.-H.-J.  Reuseus. 

Di  BirAiSEâ,  {Camille,  marquis), 
major  décoré  de  l'ordre  de  i[arie-Tlié- 
rèse,  né  à  Luxembourg  eu  1771,  mort  à 
Prague  le  2-i  juillet  1803,  entra,  dès 
l'âge  de  dix-neuf  ans,  comme  lieutenant 
dans  le  corps  franc  Londons  verts  (7  no- 
vembre 1780j,  passa,  en  1791,  dans  le 
corps  franc  O'Donnell,  puis  dans  les 
chasseurs  Le  Loup.  Il  lit  la  campagne 
de  1792,  pendant  laquelle  il  fut  griève- 
ment blessé;  puis  celle  de  1793.  Au 
siège  de  Yalencienues,  il  gagna  la  croix 
de  chevalier  de  l'ordre  de  Marie-Thé- 
rèse (promotion  du  7  juillet  179'4)  qui 
lui  fut  décernée  parce  que  le  premier  il 
traversa  le  fossé,  s'empara  de  l'ouvrage 
en  avant  de  la  porte  de  Mons  et  prit  trois 
canons.  Après  avoir  été  élevé  au  grade 
de  capitaine,  il  tit  encore  plusieurs  cam- 
pagnes dans  les  rangs  de  l'armée  autri- 
chienne: mais  ses  blessures  l'obligèrent, 
eu  1799,,  à  prendre  sa  retraite,  qu'il 
obtint  avec  le  grade  de  major. 

Général  baioo  Guillaume. 
Hirlenfeit,  Der   militàr.  Maria-Theresien  or- 
deti.  etc.  — Neyen,  Biographie  luxembourgeoise. 

DU  BLioix  (Jean),  écrivain  ecclé- 
siastique, né  à  Tournai  vers  le  milieu 
du  xvie  siècle,  mort  au  commencement 
du  siècle  suivant.  Il  entra,  après  avoir 
terminé  ses  études,  dans  l'ordre  de 
feaint-François  chez  les  Frères  Mineurs 
conventuels  du  couvent  de  Tournai  II 
tit  le  voyage  de  la  Terre  .'iainte,  pendant 
qu'il  remplissait  les  fonctions  d'aumô- 
nier auprès  de  Jean  Kheiner,  consul  à 
Tripoli,  et  parcourut  même  quelques 
pays  voisins  de  l'Orient.  A  son  retour, 
il  enseigna  la  théologie,  probablement 
dans  le  couvent  de  son  ordre  à  Liège  ou 
peut-être  à  Cologne.  On  a  de  lui  : 
lu  0 ratio jjh'dippica  qua  inter  hnjun  sacidi 
tenebras  ceritatis  doi.iicilizwi  perspicue 
demotiatratur ,  auctore  Juanne  Dubliulio, 
Nerviu,  ordinis  Minorum  convent.  mer  ce 
IheoUxjiœ projeimore.  Leodii.  apud  Hen- 
ricum  Hovium,  MDXC^'1I;  vol.  in-S" 
de  188  pages.  —  2"  Hierowlymitaïue 
pereyriiiatihuls  Jwdœporicuiii  iseptent  dia- 
tuyoruiii  llbria  explicutunt.  Colonise,  (Jer. 


Grevenbruchius,  1600;  vol.  in-8".  L'au- 
teur donne  ,  dans  cet  ouvrage  ,  la 
description  des  lieux  qu'il  a  visités  et 
même  de  quelques  contrées  voisines;  il 
y  parle  également  de  la  religion  des 
habitants.  —  3"  Foppens  lui  attribue 
aussi  un  Tractatus  de  libero  arbitrio. 

E.-H-J.  ReugeDK. 
Foppeiis.    Bibliolheca  belgica.   11,    p.   b"^3.   — 
Paquot,  Matériaux,  etc..  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque royale  à  Bruxelles.  —  De  Theux,  Biblio- 
graphie liégeoise,  1,  p  13. 

i>i.BOi!*>.  Lue  famille  d'artistes  de 
ce  nom,  venant  d'Anvers,  s'est  établie  à 
Fontainebleau  vers  1568.  Elle  doit  avoir 
exercé  une  certaine  influence  sur  cette 
école,  à  en  juger  par  les  souvenirs  et  les 
documents  venus  jusqu'à  nous. 

De  ces  artistes, Dubois  (Ambroise)  est 
le  premier  cité.  Il  venait  d'Anvers  oîi  il 
naquit  en  1543.  Quand  il  arriva  à  Paris 
en  15  68,  il  était  déjà  très-habile  dans 
son  art  et  ne  tarda  pas  à  se  faire  une 
réputation  telle,  qu'il  fut  bientôt  employé 
au  Louvre  et  à  Fontainebleau.  On  peut 
s'expliquer  sa  présence  à  Paris  par  cette 
circonstance  que  François  1er  ^  ayant 
acheté  de  vieux  tableaux  à  Anvers 
en  1529,  fit  traiter  avec  un  nommé 
Jehan  Dubois,  peut-être  le  grand-père 
ou  le  père  d'Ambroise.  Ce  fut  sans 
doute  là  le  point  de  départ  du  séjour  de 
toute  la  famille  en  France.  Ambroise 
fut  peiutre  ordinaire  et  valet  de  cham- 
bre d'Henri  lY;  naturalisé  en  1601,  il 
devint,  en  1606,  peintre  de  Marie  de 
Médicis  et  mourut  en  1614  ou  1615. 
De  ses  œuvres  il  reste  encore  :  Hidoire 
de  Théogène  et  de  CJiaricUe,  à  Fontaine- 
bleau. —  Fragments  de  V Histoire  de 
Tamrède  et  de  Clorinde,  également  à 
Fontainebleau.  Ces  dernières  peintures, 
au  nombre  de  huit,  ornaient  l'appar- 
tement de  la  reine.  —  Chariclée  subis- 
sant répreuve  du  feu,  à  Paris,  Musée 
du  Louvre.  Notre  artiste  coiuposait 
bien,  son  style  était  grand,  son  coloris 
avait  de  la  force  et  de  la  grâce.  Il  forma 
plusieurs  élèves  :  ses  deux  fils;  son 
neveu  Faut;  puis  un  Flamand  désigné 
sous  le  nom  de  Jlinet,  dans  lequel  nous 
croyons  entrevoir  quelque  confusion 
avec  Freiuinet,  allié  à  la  famille  de 
Dubois,  et  enfin  Mo</ras  de  Fontaine- 


189 


DUBOIS 


190 


bleau;  —  tous  out  eu  de  la  réputation, 
notamment  ses  fils  Jean  et  Louis. 

Ambroise  fut  marié  deux  fois.  M.  Jal, 
dans  son  Dictionnaire  critique,  a  établi, 
avec  preuves  à  l'appui,  l'état  civil  des 
Dubois  et  donné  l'indication  des  alliances 
contractées  entre  cette  famille  et  les 
De  Hoey.  Les  Archives  de  f  art  français 
publient  in  extenso  des  actes  duxviie  siè- 
cle établissant  les  charges  et  immunités 
dont  les  Dubois  ont  joui  de  père  en  fils. 

Dubois  {Eustache),  peintre  fiamand 
qui  florissait  au  xvie  siècle.  11  vivait  en 
France  sous  le  règne  de  François  1er, 
qui  le  chargea  de  grands  travaux  d'orne- 
mentation pour  la  réception  de  Charles- 
Quint  à  Fontainebleau.  On  peut  sup- 
poser que  cet  Eustache  se  rattache  à  la 
famille  d'x\mbroise  Dubois,  qui  jouissait 
d'une  certaine  inHuence  à  la  cour 
d'Henri  IV.  L'arrivée  d'Eustache  en 
France  pourrait  coïncider  avec  l'achat 
des  vieux  tableaux,  ordonné  à  Anvers, 
par  François  1er.  (Voy.  Dubois,  Am- 
broise.) 

Dubois  (Corneille  et  Edouard),  pein- 
tres paysagistes,  tous  deux  nés  à  Anvers, 
sans  que  l'on  sache  exactement  en  quelle 
année.  Corneille  florissait  en  1647.  H 
y  a  de  lui  à  Berlin,  au  Musée,  une  Fue 
d'une  conti'ée  montayneuse,  où  il  s'est 
attaché  à  imiter  Ruysdael.  Edouard  st 
né,  croit-on,  en  1622  et  mort  en  16  9. 
Il  peignait  le  paysage  et  le  portrait. 
(,'•  ries- Emmanuel ,  duc  de  Savoie,  le 
prit  pendant  quelque  temps  à  son  ser- 
vice en  Italie,  après  quoi  Edouard  se 
rendit  à  Londres,  où  il  mourut.  Cet  ar- 
tiste fut  un  heureux  imitateur  de  Hob- 
bema  et  de  lluysdael.  On  rencontre  le 
nom  d'un  Edouard  Dubois  dans  la  gilde 
de  Harlem  en  1648. 

Dubois  (Dominique-François),  peintre 
d'histoire,  né  à  Bruges  en  1800,  mort  à 
Eois-le-Duc  en  1840,  où  il  était  direc- 
teur de  l'école  royale  des  Beaux-arts.  Il 
étudia  d'abord  à  Bruges  sous  Ducq,  puis 
à  Anvers  avec  Van  Bréc  et  enfin  à  Paris, 
sous  la  direction  du  baron  Gros.  Kn 
J  828,  il  fut  nommé  à  Bois-le-Duc,  où  il 


se  voua  avec  ardeur  à  l'enseignement 
des  beaux-arts,  lesquels  lui  durent  une 
impulsion  remarquable  dans  cette  partie 
de  la  Hollande.  11  a  formé  de  bons 
élèves,  entre  autres  H.  J.  van  Groot- 
veld.  Le  palais  de  La  Haye  renferme  de 
Dubois  des  toiles  représentant  le  Décoite- 
ment  de  Van  S/jeyk.  On  trouve  encore,  à 
la  résidence  royale  du  Bois,  un  tablea  i 
de  ce  peintre  représentant  :  le  Prince 
d'Orange  remettant  les  drapeaux  à  la 
yarde  communale .  La  Belgique  ne  pos- 
sède aucune  œuvre  de  cet  artiste. 

Ad.  Sirel. 

or  uoiiii  (André)  ou  Andréas  Sil- 
vius,  historien,  mort  en  1194,  au  mois 
de  février,  à  l'âge  de  plus  de  quatre- 
vingts  ans.  H  fut  prieur  au  couvent  des 
Bénédictins  à  Marchienne  et  écrivit 
une  histoire  des  faits  et  gestes  des  rois 
de  la  race  mérovingienne,  sous  le  titre 
de  Synopsis  Franco-Merovinyicœ  ;  Ra- 
phaël de  Beauchamps  ou  de  Bellocampo, 
religieux  au  même  monastère,  la  publia 
avec  des  notes,  appendices  et  prolégo- 
mènes considérables,  sous  le  titre  de 
Hisioria  Franco- Mer  oviny  le  œ  synopsis 
seu  liistorla  succlncta  de  yestis  et  succes- 
sione  reyum  Francorum,  à  M.  F.  Domino 
Andréa  Sllvlo.  Duaci,  1633,  in-4'5. 

Aug.  Vander  Meersch. 
Fopjiens,  Bibliolheca  belgica,  t.  I,p.  o9. 

uvuoiN  (Félix),  homme  de  science, 
né  à  Bruxelles  en  1787,  décédé  dans  la 
même  ville  en  1859. 

Plein  d'ardeur  pour  l'étude,  Dubois 
fut  admis,  très-jeune  encore,  à  l'école 
polytechnique  de  France  et  sortit  de 
cette  institution  célèbre  en  étant  classé 
parmi  ses  premiers  et  meilleurs  élèves. 
Il  entra  ensuite  dans  le  corps  des  ingé- 
nieurs maritimes  et  ne  quitta  ce  service 
qu'en  1815  pour  faire  partie,  en  qualité 
de  capitaine  du  génie,  de  l'armée  qui 
venait  d'être  organisée  dans  le  nouveau 
royaume  des  Pays-lks.  Ses  prédilections 
pour  les  étmles  scientifiques  le  décidè- 
rent à  renoncer  à  la  carrière  militaire 
après  la  révolution  belge  de  1830;  il 
devint  alors  examinateur  permanent  de 
l'école  militaire,  nouvellement  créée  h 
Bruxelles,  et,  pendant  de  longues  an- 
nées, il  rendit  d'érainents  services  dans 


191 


DLBOIS 


i92 


ces  délicates  fonctions,  tant  par  ses 
conseils  que  par  les  écrits  quil  publia 
ou  commenta  au  profit  de  l'enseigne- 
ment; nous  citerons,  entre  autres,  la 
nouvelle  édition  des  Eléments  d'arithmé- 
tique et  d'algèbre  àt  Bourdon,  qu'il  avait 
enrichie  de  nombreuses  et  importantes 
additions. 

L'esprit  vif,  original,  légèrement  sar- 
castique  de  Dubois  ne  lui  permettait 
guère  de  se  circonscrire  daus  le  do- 
maine austère  de  l'enseignement  ;  il 
puldia  diverses  brochures,  les  unes  re- 
latives à  des  études  de  statistique,  les 
autres  consacrées  à  des  questions  d'ac- 
tualité. Xous  mentionnerons  parmi  ces 
dernières  un  Projet  d'agraudissemeut  de 
Bruxelles,  publié  avec  carte,  en  1836, 
projet  qui,  en  révélant  les  connaissances 
étendues  de  son  auteur,  devint  peut- 
être  la  cause  déterminante  de  son  élec- 
tion comme  couseiller  communal  et  qui 
lui  fournit  ainsi  l'occasion  d'apporter  à 
sa  ville  natale  l'utile  concours  de  ses 
lumières.  Il  convient  d'accorder  aussi 
uue  mention  à  sa  dernière  production 
littéraire,  sinon  pour  son  mérite  poé- 
tique, du  moins  comme  indice  du  carac- 
tère de  son  auteur  :  c'est  eu  1859,  et 
peu  de  temps  avant  son  décès ,  que 
Pubois  fit  paraître  le  petit  poème  sati- 
rique intitulé  :  La  miiùstérocratie. 

F.  Slappaerls. 

Bouillel,  supplément  au  liicliouuaire  d'Iii.itoire 
et  de  géographie. 

or  BOi^  (François),  plus  connu  sous 
le  nom  de  Stlvius,  écrivain  ecclésias- 
tique, né  à  Braiue-le-Comte  en  15  81  et 
décédé  à  T)ouai  le  27  février  161-9.  Son 
père  portait  le  nom  de  Guillaume;  sa 
mère,  Marguerite  de  Compère  dite  Cop, 
apjîartenait  à  la  noble  famille  des  Pruets, 
alliée  plus  tard  aux  Ghistelles.  SJylvius 
fit  ses  humanités  à  Mons  au  collège  de 
Houdeng,  et  sa  philosophie  à  l'univer- 
sité de  Louvain  comme  élève  de  la  péda- 
gogie du  Château.  Lorsqu'il  eut  fini 
son  cours  de  philosophie  et  pris  le  grade 
de  maître  es  arts,  il  se  rendit  à  Douai, 
où  il  avait  obtenu  une  bourse  d'études 
pour  la  théologie  au  séminaire  dit  des 
£cpqiies,    fondé,    en    15S6,  par  l'arche- 


vêque  de   Cambrai.  îSylvius,  tout  jeune 
encore,  fut,  dès   son   arrivée   à   Douai, 
chargé  de  donner   un   cours  de  philoso- 
phie au  collège  du  Roi,  et  remplit   ces 
fonctions  pendant  plusieurs  années,  tout 
en  se   livrant  à    l'étude    des   sciences 
sacrées.    Il  fit  de  si  rapides  progrès  eu 
théologie,  que  le  9  novembre  1610,  il 
fut  promu  au  grade  de  docteur  en  cette 
science.  Dès  ce  moment,  les  professeurs 
de  théologie  cherchèrent  un  moyen   de 
lui   faire   confier  une   chaire   dans  leur 
faculté,  car  ils^  prisaient  hautement  les 
talents  et  l'érudition  du  jeune  docteur. 
Mais,  comme  il  n'y  avait  point  de  vaca- 
ture,   le  docteur  Barthélemi   Pétri  lui 
céda   sa   leçon,  jusqu'à  ce  que  Sylvius 
fiit   pourvu  d'une   autre.   Ce  provisoire 
ne    dura    pas    longtemps    :    le    célèbre 
Estius,  qui  occupait  la  première  chaire 
de  la   faculté  de  théologie,   mourut  le 
20  septembre  1613,  et  fut  remplacé  par 
ï?ylvius.    Il   devint   aussi   président  du 
séminaire  des  Evèques  et  obtint  un  ca- 
nonicat  de  Saint-Amé  le  1"  février  1618. 
Nommé,  le  28  janvier  1622,  doyen  de  la 
même  collégiale,  il  fut,  en  cette  qualité, 
vice -chancelier  de  l'université.    Après 
avoir   rempli    ces  différentes    fonctions 
pendaut   plus   d'un   quart   de  siècle,  il 
mourut  en  odeur  de   sainteté   le  27    fé- 
vrier 1649.    ï>on   corps  fut   enterré  au 
milieu  de   la   nef  de   Saint-Amé;  mais 
exhumé  peu  de  temps  après,  et  trans- 
porté  au    milieu    du    chœur ,    où    l'on 
voyait,  autrefois,  son  épitaphe  sur  une 
plaque  de  beau  marbre  conçue  dans  les 
termes  suivants  :  I).  0.  AL.  sacrum.  Hic 
situs    est   Frunciscus   Syhins    a    Braiiia 
Comitis,  quem  Lotaniuni  pliilosopliice   et 
artium  Jaurea   coronarit ,   Duacum   ejus- 
dem  doHorem  in  Regio  sv-spexit,  prasidem- 
sibi  datuvi  episcoporum  semiuarium,  doc- 
torem  S.  Th.  remmtiatum  cathedra  eaque 
primaria    multos    amios   habuit.   Acade- 
viia  suum,  vice-canrellarium,  canouicorum 
S.    AvMti  collegiiim  et  chorus  decanum, 
eumque  per  assiduum  laborem  SS.  Augus- 
tinus  et  Thomas,  iUe  disciprâum  tenacem , 
hic  Jîdum    interpretem  ;  cni  solemne  offi- 
ciuiii     ritu     dupUci    decauaii    quotannis 
decnntundum ,   etiam  vicus  curarit  et  futt- 
darit  :  pauperes  et  religioxa  familiee,  quos 


193 


DU  BOIS 


l!j4 


honorum  morum  omnium  ex  asse  fecit 
hœredes,  liber alem  patronum ,  multin  elu- 
cubrationibus  ,  tstudiortim  laborihus  et 
morborum  acuiissimis  dolorihis  pubVico 
certatim  omnes  et  honorijico  funere  elatum 
lîixere.  Excessit  e  vlris  anno  à  Nativitate 
Christi  M.DC.XLIX.  cetatis  G9,  mensis 
februarii  die  2  7  • 

Les  armes  de  Sylvius  étaient  coupé 
au  1er  d'argent  à  trois  Uon-H  de  sable; 
a«  2  e  d'azur  à  une  sirène  d'argent  accom- 
pagnée de  trois  étoiles  de  même,  et  sa 
devise  :  Ne  nhnis.  On  trouve  son  por- 
trait dans  la  Bibliotheca  belgica  de  Fop- 
pens,  et  en  tête  des  premières  éditions 
de  son  Commentaire  sur  saint  Thomas. 

Estius  et  Sylvius  sont  les  deux  pro- 
fesseurs qui  ont  le  plus  contribué  à  la 
réputation  de  la  faculté  de,  théologie  de 
l'université  de  Douai. 

Voici  les  ouvrages  théologiques  com- 
posés et  publiés  par  Sylvius  :  1  D.  Tho- 
mœ  Aquinatls  opuscnla.  Duaci,  Petrus 
Borremannus,  1608-1609,  2  vol.  in-12. 
—  2.  ExpUcatio  doctrines  S.  Tliomœ 
Aqtiinatis.  Duaci,  Marcus  Wyon,  1609, 
vol.  in-4>.  —  3.  Liber  sententiarum,  de 
statu  kominis  post  peccatum.  Duaci, 
M.  Wyon,  1614;  vol.  in-12  réimprimé 
plusieurs  fois  depuis,  dans  la  même 
ville,  ainsi  qu'à  Louvain.  On  l'a  aussi 
publié,  en  1705,  sous  le  titre  de  :  Ge- 
nuina  Jansenistarum...  circa  quinque  fa- 
mosas  propositiones  doctrina;  vol.  in-12, 
auquel  on  a  joint  une  préface  qui  ne 
cadre  nullement  avec  les  idées  de  Syl- 
vius.  —    4.    Pastorum   instructiones 

a  S.  Car  oh  JBorromceo. . .  editœ,  ad  Eccle- 
siarum  Belgicariim  usum  accommodatce 
per  Eranciscuni  Sylvium.  Duaci,  Petrus 
Borremans,  1616;  vol.  in-16  de  4.54  p., 
plusieurs  fois  réimprimé. —  5.  Commen- 
tarii  in  Summam  theologicam  S.  Thomœ 
Aquinatis.  Duaci,  1620-1635,  4  vol. 
in-fol.  Ce  commentaire  sur  la  Somme 
théologique  de  S.  Thomas  est  un  des 
meilleurs,  et  c'est  à  lui  surtout  que 
Sylvius  doit  sa  réputation  de  théologien 
savant  et  d'érudit. — 6.  La  Règle  de  saitit 
Benolit  mise  en  français.  Douai,  ]\Iarc 
Wyon,  1621;  vol.  in-12.  —  7,  Orationes 
theologir(p.  Duaci,  Marcus  Wyon,  1621, 
vol.  in- 12    de    plus  (l(^  300    pages.   — 


8 .  Betri  Binsjeldii  Encîiiridion  theologiœ 
pastoralis...  opéra  Fra?icisci  Sijltii  locu- 
pletntnm.  Duaci,  1622,  vol,  in-16, 
réimprimé  plusieurs  fois  à  Douai,  à 
Cologne  et  à  Anvers.  —  9.  Oratio  apo- 
Ingetica  pro  D.  Thoma  Aquinate .  Duaci, 
1624,  vol.  in-12.  —  10.  Officia pnrva 
septem.   Duaci,    1628,   vol.    in-16.    — 

11.  Oratio  de  sanctissima  Trinitate. 
Duaci,   G.  Patte,  1633,  vol.  in-12.  — 

12.  Libri  sex  de  prœcipuis  fidei  nostrœ 
orthodoxœ  controversiis.  Duaci,  G.  Patte, 

1638,  vol.  in-4i  de  510  pages  sans  les 
liminaires  et  les  tables.  —  13.  Com- 
mentarius  in  Genesiin.  Duaci,  G.  Patte, 

1639,  vol.  in-4'  de  720  pages  sans  les 
liminaires  et  les  tables.  —  14.  Summa 
conciliorum  dudum  collecta  per  Bortholo- 

mcevm  Caranza ad/Hlionibus  Erancisci 

Sylvii. . .  illustrata .  Duaci ,  G. Patte ,1639, 
vol.  in- 8",  réimprimé  plus  tard  à  Lou- 
vain, à  Lyon  et  à  Paris.  —  15.  liesolit- 
tiones  variœ.  Duaci,  G.  Patte,  1641, 
vol.  in-4o  de  409  pages,  sans  les  limi- 
naires et  les  tables.  L'ne  deuxième  édi- 
tion parut  chez  le  même  imprimeur  en 
1644.  —  16.  Commentarius  in  Exodmn. 
Duaci,  G.  Patte,  1644,  vol.  in-4'5  de 
519  pages  sans  les  liminaires  et  les  ta- 
bles.— 17.  LittercE  eximiorum  I)D.  Geor- 
gii  Colvenerii,  Trancisci  Sylvii  et  Valen- 
tini  Randour..  script œ  27  julii  1648, 
quibus  testantur  se  Jansenii  docti'inam 
semper  proscriptam  voilasse .  Duaci,  1648, 
vol.  in-4o.  Cette  lettre  a  été  insérée  dans 
le  Triumphus  catholicce  veritatis  odcersiis 
novatores,  part.  IV,  p.  180  et  suiv.  — 
18.  Veritas  et  œqiiitas  censura pontip'ciœ 
PU  V,  Gregorii  XIII,  Urbani  VIH, 
super  articnlis  LXXFI  damnatis,  etc. 
Duaci,  vidua  M.  Wyon,  1649,  vol.  in-fol. 
— 19.  Epistola  ad  Internuntiiim  Aposto- 
licœ  Sedis;  lettre  écrite  par  Sylvius  peu 
de  temps  avant  sa  mort.  —  20.  Les 
commentaires  sur  la  Somme  théologique 
et  l'Ecriture  sainte,  les  traités  théolo- 
giques et  quelques  opuscules  inédits  ont 
été  réunis  en  six  volumes  in-folio  par  le 
père  dominicain  Norbert  d'Elbecque,  et 
imprimés  à  Anvers,  chez  Verdusseu  en 
1698,  sous  le  titre  à'Opera  omnia. 

On  trouve  les  titres  complets,  l'énu- 
mératiou  et  la  description  des  ouvragea 


UlOCiK.   NAT. 


T.    VI. 


195 


DU  BOIS 


196 


de  Du  Bois  daus  Paquot,  Mémoires-,  éd. 

in-fol.,   I,  p.    180.  E.-H.  J.Reusens. 

Paquot,  Mémoires,  éd.  in-fol.,  I,  p.  180. 
Di'BOijai  (François),  jurisconsulte  lié; 
geois,  mort  le  30  mai  1703.  Il  était 
licencié  en  droit,  avocat  à  la  cour  de 
Liège,  et  laissa  un  ouvrage  intitulé  : 
Repertorium  diversarum  juris  necnon 
consuetudimim  materiarum;  il  y  résume 
le  droit  civil  en  s'appuyant  sur  les  auto- 
rités de  Stockmans,  de  Méan,  et  autres 
jurisconsultes  distingués.  L'ouvrage  est 
resté  manuscrit  et  appartient  à  la  biblio- 
thèque de  la  chambre  des  représentants. 

Emile  Vaienbeigh. 
Britz,  Mémoire  couronné. 

DL'Bois  (Jean),  dit  SiLVius,  méde- 
cin et  poëte,  naquit  à  Lille  au  commen- 
cement du  xvie  siècle.  Il  fit  de  fortes 
études,  songea  d'abord  à  s'appliquer 
aux  belles-lettres,  puis  se  sentit  défini- 
tivement attiré  vers  l'art  d'Esculape.  Il 
doit  avoir  pris  ses  grades  en  médecine  à 
Louvain.  Il  s'établit  ensuite  à  Talen- 
ciennes,  où  il  partagea  son  temps  entre 
le  soin  de  ses  malades  et  les  fonctions 
de  régent  ou  de  principal  du  collège 
Saint-Jean,  laissées  vacantes  par  Lau- 
rent d'Achol,  humaniste  de  Fleurus. 
L'université  de  Douai  ayant  été  fondée 
en  1562,  Silvius  y  fut  investi,  dans  la 
faculté  de  médecine,  en  même  temps 
qu'Adrien  Khodius  et  Nicolas  Mercatel, 
d'une  chaire  qu'il  occupa  avec  distinc- 
tion pendant  treize  ans  et  demi;  il 
mourut  le  5  avril  1576.  On  connaît  de 
lui  :  lo  De  morbi  articularis  curatione 
tractatus  IV.  Antv.,  Plantin,  1565, 
in- 8»  (une  première  édition  avait  paru 
eu  1557).  —  2"  Academiœ  na>icenti>i 
Duacemis  et  profe-^sorum  ejuadem  Euco- 
m'mm,  versu  heroico.  Duaci,  ap.  Jac. 
Boscardum,  1563,  in-4o.  —  3°  JDialogi, 
seu  privatce  pueroruni  collocutiones,  et 
Carmina.  Antv.,  Plantin,  1568,  in-12. 
—  4o  Tabulœ pharmacorum.  Ibid.,  1568, 
in-12.  —  5»  De  lue  venerea  declamatio , 
anno  M.D.LVII  Lovanii  habita.  (ï.  II 
des  Ojjp.  de  Morbo  GalUco.  Ilcproductiou 
d'iiiK!  pièce  imprii«ée  k  la  suite  de  la 
première  édition  du  \v>  \.)  —  6«  Morbi 
inijinliiriter  yrasuantiH  prceaercaLlo  et  vu- 


ratio.  Lovanii,  ap.  Hier.  Willseum, 
1572,  in- 8».  —  7"  De  studiosorurii  atque 
eorum,qtd  corporis  exercitationibus  addicti 
non  sunt,  valetuditie  curanda.  Duaci, 
ap.  Boscardum,  1574,  in-8o. 

Alphonse  Le  Roy. 

Valère  André.  —  Foppens,  Bibl.  belyica,  t.  11. 
—  Paquot,  t.  Vil.  —  Cf.  d  Oulreman,  Hist.  de 
Valencieune-s,  et  Buzelin,  Gallo-Flandria. 

DiBOis  (Jean-Baptidé),  architecte 
et  sculpteur,  né  à  Arquennes  près  de 
Nivelles  le  18  novembre  1762,  alla  se 
fixer  à  Termonde  où  il  mourut  en  1851. 
Il  exécuta  plusieurs  plans  fort  recom- 
mandables,  entre  autres  celui  du  châ- 
teau de  Waesmunster,  qui  passe  pour 
une  œuvre  architecturale  remarqiiable. 
Il  dirigea  la  construction  du  Pavillon  à 
Harlem ,  élevé  d'après  les  plans  de 
l'architecte  italien  Trique tti,  alors  con- 
sul général  de  Sardaigne  à  La  Haye,  et 
se  fit  connaître  par  un  certain  nombre 
de  travaux  hydrauliques. 

Emile  Vareubei'gb. 

Piron,  Levensbeschrijvingen.  —  Immerzeel,  Le- 
vens  der  Kutist  Schilder.s. 

oi:  Boi«it  (Nicolas),  écrivain  ecclé- 
siastique et  professeur,  né  à  Vergnies 
près  Beaumont  (Hainaut),  vers  l'année 
1620,  décédé,  à  Louvain  le  16  mars 
1696.  Ses  parents,  qui  appartenaient  à 
la  classe  peu  aisée  de  la  société,  mou- 
rurent lorsque  Nicolas  était  encore  en 
bas  âge.  L'orphelin,  dénué  de  tout  moyen 
d'existence,  fut  obligé  de  filer  de  la  laine 
pour  gagner  de  quoi  vivre.  Il  s'ajipli- 
qua  daus  l'entre-temps  à  apprendre,  chez 
le  meunier  de  son  village,  les  premiers 
éléments  de  la  langue  latine;  car,  dès  sa 
jeunesse,  il  était  animé  d'un  vif  désir  de 
s'instruire.  S'apercevant  bientôt  que  les 
leçons  de  ce  professeur  improvisé  ne  pou- 
vaient le  conduire  au  but  vers  lequel  il 
aspirait,  il  chercha  un  meilleur  moyen 
pour  y  atteindre  et  résolut  de  se  rendre 
à  Mons,  en  demandant  de  porte  en  porte 
l'aumône  pour  subAcniràses  besoins. 
Arrivé  dans  cette  ville,  il  continua  à 
implorer  la  charité,  passant  la  nuit  à  la 
belle  étoile,  jusqu'à  ce  que,  grâce  aux 
démarches  de  quelques  bons  bourgeois, 
animés,  tout  à  la  fois,  de  sentiments  de 
pitié   et   cradmiration,    il    obtint    une 


191 


DU  BUIS 


l'.)s 


bourse  d'études  au  collège  de  Houdeng. 
Il  y  acheva  ses  humanités  avec  le  plus 
grand  succès,  puis  vint  à  Louvain,  où  il 
étudia  la  philosophie  à  la  pédagogie  du 
Porc,  et  obtint,  eu  1641,  la  troisième 
place  au  concours  général  de  la  faculté 
des  arts.  11  s'adonna  ensuite  à  l'étude 
du  droit  en  s'appliquant  de  préférence 
aux  questions  juridiques  qui  sont,  en 
même  temps,  du  domaine  de  la  théolo- 
gie, et  dans  cette  intention,  il  suivit  le 
cours  de  la  Somme  théolof/ique  de  saint 
Thomas,  donné,  à  cette  époque,  par  le 
célèbre  dominicain  Jean-Antoine  d'Au- 
bermont.  Au  mois  de  mai  1645,  il  prit 
le  grade  de  licencié  es  droit  ;  et,  en- 
couragé par  les  instances  de  deux  pro- 
fesseurs primaires  de  droit,  Jacques  Sant- 
voort  et  Michel  Vanden  Perre,  dont  il 
avait,  pendant  les  années  164S  à  1650, 
donné  les  coiirs  comme  suppléant,  il  son- 
gea même  à  se  soumettre  aux  épreuves 
difficiles  du  doctorat  jurls  utrimque, 
pendant  qu'il  était  professeur  de  philo- 
sophie à  la  pédagogie  du  Porc,  où  il 
avait  été  appelé,  en  1650,  pour  y  expli- 
quer Aristote.  Un  peu  après,  il  postula 
une  chaire  devenue  vacante  à  la  faculté 
de  droit;  mais,  ayant  éprouvé,  à  cette 
occasion,  un  mécompte,  il  voulut  renon- 
cer à  la  carrière  de  l'enseignement,  et, 
alin  d'obtenir  plus  facilement  une  pré- 
bende canoniale  dans  un  chapitre  de 
cathédrale,  il  résolut  de  prendre  encore 
le  grade  de  licencié  en  théologie,  ce 
qu'il  fit  le  13  janvier  1654,  à  l'université 
de  Douai,  à  cause  de  difficultés  qu'il 
avait  eues  avec  quelques  membres  de  la 
faculté  de  théologie  de  Louvain. 

La  chaire  d'Ecriture  sainte  étant 
devenue  vacante  à  Louvain  par  le  décès 
du  docteur  Libert  Froidmont,  l'archiduc 
Léopold  y  nomma  Ou  Bois,  le  22  juin 
de  la  même  année.  De  retour  à  Lou- 
vain, il  y  trouva  plusieurs  adversaires 
jaloux  de  sa  promotion  et  qui  essayèrent 
de  le  tourner  en  ridicule  en  faisant  affi- 
cher, près  de  lui,  lors  de  sa  première 
leçon,  une  caricature  représentant  un 
âne.  Il  méprisa  ces  attaques  et  remplit 
ses  devoirs  avec  le  plus  graud  zèle.  Dans 
son  cours  comme  dans  ses  écrits,  il  fut 
constamment  un  des  ennemis  les  plus 


acharnés  du  jansénisme  naissant,  et  le 
courageux  défenseur  des  prérogatives  du 
saint-siége.  A  la  leçon  d'Ecriture  sainte 
était  attachée  une  prébende  canoniale  de 
première  classe  à  l'église  de  Saint-Pierre 
à  Louvain.  Outre  la  chaire  qu'il  occu- 
pait à  Louvain,  Du  Bois  obtint  encore 
dans  la  suite  plusieurs  autres  bénéfices 
et  dignités.  Voici  les  principaux  :  \"  un 
canonicat  de  la  cathédrale  de  Saint- 
Donatien  à  Bruges  (13  juin  1667j,  qu'il 
résigna  en  1675,  en  faveur  de  son  neveu 
Nicolas  Piossignol;  2»  la  présidence  du 
collège  du  Poi  à  Louvain  (1672),  qu'il 
conserva  jusqu'au  moment  de  sa  mort  ; 
3o  un  canonicat  à  la  cathédrale  de  Saint- 
Bavon  à  Gand,  dont  il  prit  possession  le 
5  novembre  1676  et  qu'il  résigna  peu 
de  temps  après  en  faveur  de  Ferdinand 
Collage;  4-"  le  décanat  du  chapitre  de 
Saint-Pierre  à  Louvain  (3  avril  1689), 
à  l'occasion  duquel  il  eut  à  soutenir 
une  discussion  ou  procès  très-vif  avec  le 
docteur  Henri  Scaille,  dont  l'élection  à 
cette  dignité  avait  été  confirmée  par 
l'archevêque  de  Malines.  Il  était,  en 
outre,  protonotaire  apostolique,  juge  et 
examinateur  synodal,  et  censeur  des 
livres.  Du  Bois  jouissait  d'une  telle 
considération,  qu'à  la  mort  d'Alphonse 
de  Berghes,  il  fut,  un  instant,  question 
de  le  nommer  à  l'archevêché  de  Malines, 
mais  sa  basse  extraction  fut  cause  que 
l'on  abandonna  ce  projet; 

Du  Bois  commença  à  souflrir  de  la 
pierre  vers  1685,  maladie  qui  l'affaiblit 
à  tel  point,  qu'il  fut  obligé  de  prendre 
un  suppléant  pour  ses  leçons.  Vers  la  fin 
de  l'année  1692,  il  obtint  en  cette  qua- 
lité, avec  l'approbation  du  conseil  privé, 
le  docteur  en  théologie  François  Martin, 
malgré  l'opposition  de  quelques-uns  de 
ses  collègues.  Après  cette  nomination,  il 
vécut  encore  plus  de  trois  ans  et  mourut 
au  collège  du  Koi,  frappé  d'apoplexie. 

Ses  armoiries  étaient  «  écartelées, 
au  1er  et  4e  tranché  de  gueules  et  d'ar- 
gent, au  2e  et  au  3e  d'or,  à  deux  bran- 
ches écôtées  en  sautoir  de  sable.  » 

Du  Bois  avait  des  connaissances  très- 
variées;  il  était  bon  théologien,  excel- 
lent canoniste  et  historien  érudit,  comme 
le  prouvent  les  nombreux  ouvrages  sortis 


l'JD 


DU  i]UlS 


^200 


de  sa  plume  et  dont  voici  l'énumératioii 
succincte  : 

1 .  UvjjUcatlo  regularum  utrnisque  juris 
nova  arte  et  facili  metliodo  deducta ,  leyum 
et  canonum  ac  reruin  judicatarum  aucto- 
ritate  conjirmata.   Lovanii,    1653;    vol. 
in- 12  de  720  pages,  réimprimé  dans  la 
même  ville  par  H.  Nempseus,  en  1684, 
sous  le  titre  de  Regularum  seu  principio- 
runi    ntr'msque    juris    explicatio,    editio 
secunda  auctior  et  correctior  ;  vol.  in-16  j 
ce  travail  a  été  très- estimé  par  les  con- 
temporains.  —  2.   Puncta   aliquot   seu 
quastiones  in  qiàbus  varii  expommtur  et 
detegmitur  excessus  qui  contra  indulta  et 
privilégia  a  sancta  sede  vniversitati  Lova- 
niensi  et  in  ea  Facultati  Artium  gratiose 
concessa  sensim  irrepserunt,   1669;  vol. 
in-fol.  de  237  pages,  sans  nom  d'auteur, 
de  lieu  ni  d'imprimeur.  Kéimprimé  plu- 
sieurs fois,  entre  autres  :  1^  à  Eome, 
en  1671,  par  Michel  Herculis,  in-4o  de 
256  pages,   et  2"  en  un  vol.  in- 16»  de 
3;60  pages,  avec  l'indication  juxta  exem- 
plar  Roma,  auquel  on  a  ajouté  le  bref 
envoyé  à  l'université  par  le  pape   Clé- 
ment X  le  10  octobre  1673.  Cet  opus- 
cule, dans  lequel  Du  Bois  critique  l'abus 
qu'on  faisait  souvent  du  privilège  des 
nominations  accordé  à  l'université ,  et 
à    la   faculté   des   arts    en    particulier, 
lui    suscita   de    grandes   difficultés.   — 
3.   Responsum  tJieologico-jnridicum ,   quo 
resolvitur  an  et  quand o  religiosus  iiivito 
abbate  sua  possit  sola  auctoritate  episcopi 
ad  aliud  monasterium  eju^dem  ordinis  et 
regidce   trunsire;  1661,  vol.  in-12  sans 
nom  de  lieu  ni  d'imprimeur.  — 4.  Quœs- 
tiones   de  auctoritate  poiitijicia   in   deji- 
niendis  controversiis  Jidei  ac  morum,  jwis 
et  facii,  extract  ce  ex  lectionibus —  Ni- 
colal   Du   Bois.  Lovanii,    P.    Sassenus, 
1665;    vol.    in-4o   de    86   p.,    ouvrage 
réimprimé  l'année  suivante  par  le  même 
imprimeur  sous  le  titre  de  Nicolai  Dtc 

Bois Resolutiones    ex   ejusdem  acade- 

miciH  lectionibus  excerptœ ,  quibus  con- 
troversice  hodiernœ  de  Jidei  et  morum 
controversiis  extra  concilinm  decisis,  de 
queesiionib?/s  juris  et  facti,  de  sensu  ab 
aucthore  intenta,  etc.,  discutiuntur ;  vol. 
in-4'  de  43  feuillets;  et  plus  tard  sans 
nom  de  lieu  ni  d'imprimeur  avec  le  titre 


de  Extrada  ex   D.  Nicolai  Du   Bois 

lectionibus  in  apostolorum  acta;  vol.  in-4o. 
—  5 .  Ad  quadraginta  qxdnque  proposi- 
tiones  in  praxi  penticiohas  et  nuper  dam- 
natas  ac  quasdam  censuras  tractatus 
duo.  Lovanii,  P.  Sassenus,  1666,  vol. 
in-4o  de  213  pages.  Dans  la  2e  partie 
de  cet  ouvrage,  n'>  416,  Du  Bois  affirme 
que  le  concile  de  Trente  n'a  nullement 
voulu  imposer  aux  fidèles  l'obligation 
stricte  d'entendre,  le  dimanche,  la 
messe  et  les  sermons  dans  l'église  pa- 
roissiale. Le  recte'ur  magnifique  fit  saisir, 
le  8  septembre  1666,  tous  les  exem- 
plaires de  cet  ouvrage  non  encore  vendus, 
au  nombre  de  620,  et  le  prohiba  par  un 
décret  du  26  du  même  mois.  Du  Bois 
appela  de  la  sentence  au  corps  acadé- 
mique et  au  souverain  pontife.  La 
sentence  fut  cassée  et  les  exemplaires  ren- 
dus au  commencement  de  juillet  1667- 
Ce  fut  à  l'occasion  de  cette  controverse 
qu'il  composa   le  mémoire  suivant  :  — 

6.  Motivmn  juris  D.  Nicolai  Bu  Bois — 
appellantis  a  décréta  M.  Rectoris  ad  ipsam 
universitatem  in  causa  frequentatianis  pa- 
rachiarum  et  praliïbitioniH  certi  libelli  per 
ipsuni  compositi  super  XL  F  prapositio- 
nibus  nuper  a  S.  I).  N.  damnatis  et  in 
praxi perniciosis ;  vol.  in-4o,  sans  date 
et  sans  nom  de  lieu  ni  d'imprimeur.  — 

7 .  Academicœ  lectiones  in  actus  Apostolo- 
rum et  practicaruni  quœstionum  resolu- 
tiones. Lovanii,  Petrus  Sassenus,  1666, 
vol.  in-4o  de  384  pages.  —  8.  Justiji- 
catio  processus  illustrissimi  acreverendis- 
simi  I).  Eugenii  Alberii  (d'Allamont) 
Gandensis  episcopi  in  causa  BD.  Ignatii 
Gillemans  et  Pétri  Van  Buscum;  1674, 
vol.  in-4o  de  54  pages.  —  9.  Befensia 
beatissima  Firginis  Maria  etpiorum  cul- 
torum  illius  contra  libellum  intittdatum  : 
Monita  salutaria  B.  F.  Mariœ  ad  cultores 
suas  indiscretos  et  contra  epistolani  apolo- 
geticam  pro  iisdem...  authore  ïrancisco 
Ludoiscia  Bona  tJteologa.  (Moguntiae), 
Christoph.  Kûchler,  1674,  vol.  in-16 
de  218  pages;  réimprimé  à  Lintz 
en  1715,  en  un  vol.  in-8".  Du  Bois,  qui 
se  cache  ici  sous  le  pseudonyme  ana- 
graiïunatique  de  Ludoiscio  Bona  (c'est- 
à-dire  Nicolao  Bu  Bais),  avait  expliqué  à 
ses  élèves  tout  ce  qui  se  rapporte  à  la 


•201 


DU  BOIS 


■lui 


question  des  Monita  salutaria.  C!'est  ce 
commentaire  revu  et  coordonné  qui  parut 
sous  le  titre  de  Defetisio ,  etc .  — 10.  Quasiio 
theologica  excerpta  ex  publicis  lectionihus 
Ex.  JD.  Nicolal  Du  Bois. . .  an  bullis  PU  V, 
G-regorii  XIII  adversus  Baiiwi ,  Inno- 
centa X  et  Alexandri  VII  contra  Janse- 

nium recte  opponatur  doctrina  Augus- 

tini.  Moguntiae,  L.  Bourgeat ,  1677; 
vol.  in- 16  de  28  If.  non  chiffrés.  — 
11.  Novissimi  canones  pœuitentiales publi- 
cati  anno  1673,  distrib^iti  in  très  partes 
et  ad  examen  revocati.  Parisiis,  J.-B.  Coi- 
gnard,  1679;  vol.  in-13  de  58  pages. 
—  12.  Notée  in  gallicam  versionem  Novi 
Testamenti  primo  in  Hollandia  sub  emen- 
tito  nomine  Montensis  typographi  éditant, 
a  Clémente  IX damnatam,  deinde Bruxellis 
recusam  cum  hac  ad  faUendum  additione  : 
Reveue  et  corrigée.  MogunticÇ,  vidua 
Nicolai  Heyl,  1679;  vol.  in-12,  opus- 
cule traduit  en  français  sous  le  titre  de 
Remarques  cotisidérahles  sur  la  traduction 
française  du  Nouveau  Testament  impri- 
mée premièrement  en  Hollande  sous  le  nom 
contrefait  d'un  imprimeur  de  Mons,  con- 
damnée, etc.  Cologne,  Jacq.  Calcove, 
1680;  vol.  in-12  de  98  pages.  Dans  ce 
travail.  Du  Bois  critique  vivement  la 
traduction  française  du  Nouveau  Testa- 
ment, dite  de  Mons.  —  13.  Responsum 
juris  super  variis  quastionibus  concer?ie?i- 
tibus  confessiones  religiosis  factas,  etc., 
propositis  occasione  thesis  quam  in  semi- 
nario  archiepiscopali  Mechliniensi  postât 
ejusdem  setninarii  lector  et  examinator. 
Coloniîe  Agripp.,  H.  Dehmen,  1681; 
vol.  in-12  de  47  pages.  La  thèse  en 
question  était  du  chanoine  VandenVliet, 
professeur  au  séminaire.  Du  Bois  en  reçut 
un  exemplaire  le  jour  même  de  la  dé- 
fense à  10  heures  du  matin.  Il  rédigea 
immédiatement  une  réponse  qu'il  expé- 
dia à  11  heures,  par  un  exprès,  à  Ma- 
lines,  et  qui  fut  remise  à  Vanden  Vliet 
avant  qu'il  montât  en  chaire.  Du  Bois 
publia  encore  à  l'occasion  de  cette  con- 
troverse plusieurs  thèses  qu'il  fit  sou- 
tenir par  ses  élèves  à  l'occasion  des  opi- 
nions émises  par  Vanden  Vliet. 

Au  milieu  de  ces  tristes  discussions, 
parut  la  déclaration,  en  quatre  articles, 
faite    on    1682,    par  le   clergé  gallican 


contre  les  prorogatives  du  sainl-siége. 
Aussitôt  qu'il  en  eut  connaissance.  Du 
Bois,  au  lieu  de  réfuter  ces  articles, 
comme  on  fait  pour  un  ouvrage  ordi- 
naire ,  s'adressa  directement  aux  évo- 
ques de  France  en  leur  faisant  des 
remontrances  respectueuses  au  sujet  des 
principes  erronés  qu'ils  venaient  de  pro- 
clamer avec  tant  d'éclat  pour  complaire 
au  roi,  et  il  écrivit  six  traités  sur  cette 
matière.  —  14.  Ad  illustrissimos  et  reve- 
rendissimos  GalUcn  episcopos  disquisitio 
theologico-j uridica  super  dechiratione  cleri 
Gallicani  facta  Parisiis  19  martii  1682. 
Leodii,  H.  Hoyoux ,  1682;  vol.  in-4o 
de  72  pages.  —  15.  Ad  reverendos , 
admodum ,  clarissimos ,  et  quovis  titiûo 
insignitos  Bominos ,  qui  Illustrissimis 
Episcopis,  nuper  Lutetiœ  Parisiorum  con- 
gregutis  adjuncti  siint,  seu  a  Cotisiliis 
fuerunt ,  Consultationes  theologico  -juri- 
dicce.  Leodii,  H.  Hoyoux,  1682;  vol. 
in-4c>  de  118  pages.  —  16.  Prima  pars 
refutationis  argumentoi'um  seu  errorum, 
super  quibus,  relut  in  arena,  cedijicata  est 
nova  doctrina,  etc.  Leodii,  H.  Hoyoux, 
1683;  vol.  ia-4o  de  86  pages.  — 
17.  Tractatus  brebis  de  jure  et  facto, 
juris  et  facti  quœstionibus ,  decretis  super 
eisdem  et  singulorum  diversitate  ,  etc. 
Leodii,  H.  Hoyoux,  1683;  vol  in-4o 
de  8.5  pages.  —  18.  Acta  Parisiis  hoc 
anno  1688  a  Januario  usque  ad  fînem 
Mail.  Boctrina  Richeristarum  revocata 
ad  examen,  etc.  Leodii,  H.  Hoyoux, 
1683  ;  vol.  in-4o  de  58  pages.  —  19.  Il 
paraît  aussi  que  Du  Bois  fut  l'auteur  de 
la  :  Responsio  historico-tJieologica  ad  cleri 
Gallicani  de  potestate  ecclesiasiica  decla- 

rationem per  quemdam  S.  Théologies 

professorem.  ColonifP  Agripp.,  J.  Kinc- 
kius,  1 683  ;  vol.  in-8o  de  viii-2  68  pages. 
—  20.  Du  Bois  fut  aussi  engagé  dans 
la  fameuse  querelle  du  janséniste  Gilles 
De  Witte,  curé  de  Notre-Dame  au  delà 
de  la  Dyle,  à  Malines,  et  publia,  à  cette 
occasion  :  L'Advocat  fraurois  (Antoine 
Arnauld)  corrupteur  des  SS.  Pères  en  dé- 
fendant  son  misérable  client  Gille  de 
Witte,  produit  en  théâtre  par  le  profes- 
seur Bu  Bois  par devarit  Martin  Steyaert  ; 
opuscule  de  8  pages,  in-4i'.  De  Witte 
ayant  essayé  de  répliquer  dans  un  pain- 


-2(« 


DUBOIS 


204 


phlet  intitulé  :  Theatralis  gedicula- 
tor,  etc.,  Du  Bois  lui  répondit  par  la 
lettre  suivante  :  — 21 .  Epistola  de  veteri- 
hus  et  recentioribus  editionïbus  operum  Att- 
giistini,  Kieronymi,  Ambrosii,  Cypriani^ 
earum  autlioritat^  :  De  ejusdem  Cypriani 
operibus  probatis  et  apocrypJds.  Lovanii, 
Petrus  Sassenus,  1687;  vol.  in-4o  de 
30  pages.  De  Witte  riposta  par  un  nou- 
veau pamphlet  qu'il  intitula  :  Amusis 
vitiUtigator ,  auquel  Du  Bois  opposa  : 
—  22.  Epistola  ultima  ad  anonymos,  seu 
ut  ipsi  sc?'ibunt,  Amuso-vit'ditigatores  de- 
jectos.  Lovanii,  Petrus  Sassenus,  1687, 
2  pages  in-4o.  —  23.  Du  Bois  composa 
aussi  plusieurs  plaidoyers  {Motiva  ou 
Respovsa  juris)  pour  défendre  ses  pro- 
pres droits  ou  ceux  d'autres  personnes. 
Nous  avons  rencontré  le  suivant  -.Mo- 
tive pour  les  bourg emaistr es  et  ville  de 
Louvain  touchant  leur  droit  patronate  de 
la  plébanie  de  S.  Pière,  daté  du  30  dé- 
cembre 1681;  vol.  in-4o  de  37  pages, 
sans  nom  de  lieu  ni  d'imprimeur,  dans 
lequel  il  défend  comme  valide  la  nomi- 
nation comme  pléban  de  Charles  van 
Craenenbroeck,  faite  par  les  bourgmes- 
tres de  Louvain. — 24.  Enfin,  en  1692, 
il  publia  treize  lettres  à  l'occasion  de 
l'affaire  dite  des  Supplications  jansénistes. 
La  première,  datée  du  5  avril  1692,  est 
intitulée  :  Nicolai  Du  Bois  Epistola  ad 
autJiores  libelU  cui  titulus  :  Supplicatio 
ad  illustrissimos  ac  reverendissimos  ar- 
chiepiscopu7)i  Mecldiniensem  cœterosque 
Belgii  Episcopos,  etc.  Lovanii,  Hieron. 
de  Gosin,  1694  ,  brochure  in-4o,  et  la 
dernière,  de  la  fin  de  mai  1692  :  Epi- 
stola décima  tertia  ad  eosdem.  Ostenduntur 
perniciosœ  ex  doctrina  supplicantium  se- 
quelce ,  etiani  qnoad  statuni  politicmn; 
vol.  in-4o,  imprimé  la  même  année  et 
chez  le  même,  imprimeur  que  les  autres 
lettres.  La  dixième  lettre  a  un  préam- 
bule séparé,  de  sorte  que  cette  collec- 
tion intéressante  est  formée  de  quatorze 
brochures,  qui  toutes  sont  d'une  rareté 
extrême.  Plus  tard,  c'est-à-dire  le 
1er  août  1692,  Du  Bois  publia  encore 
une  dernière  lettre  au  sujet  de  la  môme 
controverse;  elle  est  intitulée  :  Nicolai 
Du  Bois  epistola  confutatoria  calumnia- 
riiw,  (juns  Kuo  pI  pradecessornm  svorum 


more  congesserunt  in  ipsum  authores  libelU 
anonynii  cui  titulus  :  Supplicatio  altéra 
Supplicationis  prioris  apologetica  ,  etc. 
Lovanii,  Hieron.  de  Gosin,  1692;  vol. 
in-4o  de  18  pages. 

En  défendant  courageusement  les 
saines  doctrines.  Du  Bois  s'était  attiré 
la  haine  de  ses  adversaires  les  jansé- 
nistes. Ceux-ci  n'épargnèrent  aucun 
moyen  pour  le  vexer;  il  était  boiteux, 
et  on  lui  fit  un  crime  de  ce  défaut 
corporel,  contracté  à  la  suite  d'une 
chute.  Des  pamphlets  anonymes  sans 
nombre  furent  lancés  contre  lui.  Nous 
nous  contenterons  d'en  citer  quelques- 
uns  :  a.  Racematio  hebdomadaria  prolap- 
sionum  D.  Nicolai  Du  Bois  per  queindam 
S.  T.  B.  Homologipoli,  apud  Fientes  et 
Prostratos;  b.  Histoire  de  Tintrusion  dn 
sieur  Du  Bois;  Cologne,  1685  ;  c.  Lettre 
d'un  ecclésiastique  à  un  de  ses  amis,  ou 
Vhistoire  véritable  de  ce  qui  s' est  passé 
dans  la  barque  de  Bruxelles  à  Anvers,  le 
14  septembre \^%'i ,  entrelesieur  Du  Bois, 
professeur  en  VEscriture  sainte  à  Louvain, 
et  7m  estranger ;  vol.  in-4o,  sans  nom  de 
lieu  ni  d'imprimeur.  On  osa  même  pu- 
blier des  écrits  de  Du  Bois,  en  les  fai- 
sant précéder  d'un  titre  et  d'une  préface 
injurieux  pour  l'auteur;  tel  fut  le  cas 
pour  le  livre  intitulé  :  Nicolaus  Du  Bois, 
J.  U.  D.,  tlieologiœ  et  sacrar.  Literar. 
LovanI  prof  essor ,  protonotari^is  apostoU- 
cus,  canon.  MecJilin.Lovan.Brugens.  ,etc. , 
judex  synodalis,  collegii  Regii  prœses, 
librorum  censor,  Ludoiscins  Bonalarvatus, 
aut  quoc7imqtie  demum  schemate  sub  luciao 
asino  minime  occidtus  sycophanta  prœva- 
ricationis  manifestée  reus.  Mogunti?e, 
Christoph.  Kiichler,  1674;  vol.  in- 13 
de  19  pages,  qui  contient  la  solution 
d'un  cas  concernant  le  sacrement  de 
mariage  donnée  par  Du  Bois  le  22  juin 
1672,  précédée  d'une  préface  remplie 
d'invectives  à  l'adresse  de  l'auteur. 

Ë.-H.-J.  heugenti. 

Paquot,  Fasti  academici  mannucripti,  manu- 
scrit (le  la  lîibliolhèque  royale  de  Bruxelles, 
n»  17367,  p.  !2i8  et  suiv.  —  C.  Carton,  iSoicf  mir 
les  travaux  littéraires  de  Nicolas  Du  Bois, 
Bruges,  1861,  in-8». 

DUitoi^  {Philibert),  négociateur  et 
homme  politique ,  né  en  1 5  5  0  àBruxelles, 
mort  M  La  Haye  vers  1621.  Ses  parents 


m 


DUBOIS 


"206 


se  (lisaient  alliés  à  l'illustre  maison  de 
Laval.  Ils  avaient  quitté  la  France  à 
l'occasion  des  premières  persécutions 
exercées  par  François  1er  contre  les 
réformés.  Bruxelles  leur  ayant  plu,  ils 
s'y  fixèrent.  Vivant  très-retirés,  ils 
échappèrent  longtemps  aux  persécu- 
tions, mais,  après  l'arrivée  du  duc  d'Albe 
aux  Pays-Bas,  leur  qualité  de  Français 
les  rendit  suspects;  ils  furent  arrêtés, 
jugés  et  condamnés  à  mort,  non  point 
comme  espions,  mais  comme  hérétiques. 
Philibert  étudiait  alors  à  Lausanne  ou  à 
Genève.  La  terrible  nouvelle  vint  l'y 
trouver.  Il  avait  tout  perdu  d'un  seul 
coup  :  famille,  patrie,  fortune.  L'un  de 
ses  condisciples,  Charles  de  Zierotin- 
Naraiest,  qui  fut  plus  tard  grand  bailli 
de  Moravie,  lui  proposa  de  l'accompa- 
gner dans  ses  voyages,  dès  que  ses  études 
seraient  terminées.  Philibert  accepta.  Il 
vit  de  cette  façon  toute  l'Europe,  séjour- 
nant partout  assez  longtemps  pour  for- 
mer de  précieuses  relations  et  connaître 
à  fond  les  mœurs  et  la  langue  d'un  pays. 
Quand  il  s'arrêta  enfin,  au  bout  de  dix 
ou  douze  ans,  il  se  trouvait  en  Hol- 
lande. Son  généreux  ami  et  compagnon 
de  voyage  l'avait  forcé  d'accepter  une 
pension.  Philibert  cependant  voulut  se 
soustraire  par  sou  travail  à  ses  bien- 
faits. 11  oftVit  au  conseil  d'Etat  de  la 
république  batave  ses  services  comme 
rédacteur  et  traducteur  en  langues 
étrangères.  On  l'employa  bien  de  temps 
à  autre,  mais  sans  lui  accorder  le  titre 
qu'il  ambitionnait.  Il  s'adressa  alors 
aux  ambassadeurs  de  divers  princes 
étrangers,  à  ces  souverains  eux-mêmes. 
Des  hommes  tels  que  l'historien  fiamand 
Van  Meteren,  le  poëte  Dominique  Bau- 
dius,  le  théologien  genevois  Simon  Gou- 
lart  et  le  savant  Frison  Ubbo  Emmius 
étaffent  ses  répondants.  Le  prince 
d'Anhalt,  étant  venu  à  La  Haye  le 
nomma  son  correspondant.  Le  célèbre 
électeur  Maurice  de  Hesse  en  fit  autant. 
Un  jour  un  courrier  que  Du  Bois  expé- 
diait en  Allemagne  fut  arrêté.  On  lui 
intenta  un  procès  criminel.  Comme  il 
n'était  point  fonctionnaire  de  la  "répu- 
blique, il  s'en  tira  à  son  honneur.  Les 
princes    cependant    qui     l'employaient 


s'empressèrent  de  régulariser  sa  position 
en  le  nommant  leur  résident  près  les 
Etats  généraux  des  Provinces-Unies.  Le 
voilà  diplomate  en  titre  et  homme  d'Etat. 
Il  put  enfin  renoncer  à  la  pension  que 
lui  faisait  son  ami,  le  grand  bailli  de 
Moravie;  ce  fut  son  premier  soin.  Les 
rapports  qu'il  adressa  en  qualité  de 
résident  en  Hollande  au  prince  Louis 
d'Anhalt  de  160.5  à  1620,  époque  pro- 
bable de  sa  mort,  ont  été  publiés  par 
M.  l'archiviste  Ebeling,  sous  le  titre 
de  :  Philibert  s  du  Bois  Diplomatiiche 
Berichte  an  den  FUrsteti  Ludicig  zu 
Anhalt  von  1605  bh  1620.  Leipzig, 
1856-1859,  2  vol.  in-8o.  L'éditeur  ne 
s'est  point  exagéré  la  valeur  de  cette 
correspondance  en  disant  que  nos  his- 
toriens auront  à  y  puiser  largement.  Il 
serait  également  k  désirer  que  les  lettres 
politiques  écrites  par  Du  Bois  à  Maurice 
de  Hesse  et  à  Henri  IV  fussent  recher- 
chées et  publiées. 

C.-\.  Ratilenbeek. 

otBOi»  (Werner  v.%!vde:v  hoi'T e^ 

dit  le  général),  né  à  Anvers  vers  1540, 
assassiné  à  Tielerwarde  en  1607.  Son 
nom  patronymique  nous  est  révélé  par 
la  correspondance  du  dykgrave  d'Anvers 
Vanden  Houte  avec  le  président  du 
conseil  d'Etat  à  Bruxelles  et  l'audien- 
cier  Verreycken.  Ce  fonctionnaire  trop 
zélé  trafiquait  des  liens  du  sang,  de  la 
confiance  habituelle  entre  proches  pa- 
rents; il  communiquait  à  ses  chefs  les 
renseignements  qu'il  pouvait  obtenir  de 
son  frère  Werner  et  d'un  autre  frère 
qui,  également  dévoué  à  la  cause  des 
Etats  généraux,  remplissait  à  Tholen, 
en  Zélande,  la  charge  de  bourgmestre. 
Les  cas  de  l'espèce  ne  sont  malheureu- 
sement pas  rares  à  cette  triste  époque 
où  la  conscience  des  valets  était  aussi 
troublée  que  la  politique  de  leurs  maî- 
tres. 

Werner  s'était  fait  une  réputation 
comme  chef  de  partisans.  11  se  distin- 
gua surtout  au  siège  de  Hulst,  en  1595, 
en  harcelant,  avec  des  cavaliers  peu 
nombreux,  les  troupes  espagnoles  et  en 
leur  tuant  beaucoup  de  monde.  Deux 
ans  plus  tai'd,  il  prit  part  comme  capi- 
taine  il   la   l)ataille   de   Turnhout.    Au 


•207 


DUBOIS  —  DU  BRŒUCQ 


-208 


mois  d'octobre  1602,  il  lit,  avec  le  capi- 
taine Eax,  une  brillante  chevauchée  sur 
les  contins  du  Brabant.  Il  surprit  plu- 
sieurs bandes  d'ordonnance  et  les  mit 
en  déroute.  Les  Etats  généraux  lui 
témoignèrent  leur  satisfaction  en  lui 
confiant  aussitôt  après  un  petit  corps 
d'armée  de  cinq  cornettes  de  cavalerie 
et  de  dix-neuf  compagnies  de  piétons,  à 
la  tête  duquel  il  devait  secourir  Emden . 
Ce  fut  la  première  fois,  croyons-nous, 
qu'il  se  fit  appeler  général.  Les  histo- 
riens du  temps  ne  lui  contestent  point 
ce  grade,  qu'à  défaut  de  patente  ses 
succès  vinrent  justifier.  Quelques  jours 
lui  suffirent  pour  forcer  le  comte  d'Oost- 
Frise  à  lever  le  siège  et  à  se  retirer 
au  delà  des  frontières.  En  1606,  la 
besogne  fut  plus  rude.  Il  dut  rejeter  le 
généî'al  espagnol.  Pompée  Justiniani, 
qui,  à  la  tête  de  quatre  mille  piétons, 
de  cinq  cents  chevaux  et  de  deux  canons, 
se  proposait  de  traverser  le  Wahal.  La 
rencontre  eut  lieu  et,  en  moins  d'une 
heure  de  combat,  les  Espagnols  lâchè- 
rent pied  avec  une  perte  de  cent  vingt 
hommes  au  nombre  desquels  cinq  capi- 
taines. 

Xotre  vieux  guerrier  portait,  paraît- 
il,  grand  ombrage  à  l'ennemi,  puisqu'on 
n'hésita  point  à  rompre  une  suspension 
d'armes  afin  de  se  débarrasser  de  lui 
Voici  comment  Yan  Meteren  raconte  sa 
fin.  Le  23  septembre  1607,  étant  en 
l'île  deThiel,il  revenait,  assez  tard  dans 
la  soirée,  d'avoir  dîné  chez  des  amis, 
quand  des  soldats  espagnols,  qui  s'étaient 
cachés  aux  environs  de  sa  demeure, 
arrêtèrent  son  carrosse  et  le  déclarèrent 
leur  prisonnier.  Comme  il  refusa  de  se 
rendre,  ils  le  tuèrent  sur  place  et  emme- 
nèrent son  jeune  fils,  qui  l'accompa- 
gnait. C.-A.  Rahlenbeek. 

E.  Van  Meteren,  Histoire  des  Pays-Bas.  Ed. 
de  1618.  f"  61'2.  —  Considéraliws  d'État  sur  le 
traité  de  paix  de  160".  Mémoires  publ.  par  la 
société  de  l'histoire  de  Belgique,  1869,  p.  86.  — 
Bosscha,  .\ee)7.  helden  te  laiid,  1,  'Sil-'àdO. — 
Vander  Aa.  —  P.  Bor. 

DU  BROEi'CQ  (Jacques),  le  Vieux, 
architecte ,  sculpteur ,  né  selon  toute 
probabilité  à  Mons  au  commencement 
du  xvie  siècle,  mort  le  30  septembre 
1584.    On   eut  longtemps    des   doutes, 


sur  son  véritable  nom  de  famille,  que 
l'on  trouve  écrit  tour  à  tour  Du  Brœucq, 
Du  Brucque,  Du  Brucq,  De  Breuck  et 
même  Beuch.  L'historien  Guichardin  et 
ses  copistes  l'ont  fait  naître  tantôt  à  Va- 
lenciennes,  tantôt  à  Saint-Omer,  par  la 
seule  raison  qu'il  fut  l'architecte  de  plu- 
sieurs monuments  érigés  en  cette  ville. 
Ses  conceptions  ont  même  parfois  été  at- 
tribuées à  son  homonyme,  Jacques  Du 
Brœucq  le  Jeune;  mais  aujourd'hui  le 
doute  sur  ces  différents  points  n'est  plus 
possible.  Feu  Lacroix  ,  archiviste  de 
l'Etat  à  ]Mons,  dans  ses  Recherches  sur 
Jacques  Du  Brœucq,  a  établi  par  un 
grand  nombre  de  pièces,  écrites  et  si- 
gnées de  la  main  de  l'artiste,  d'abord 
quelle  est  l'orthographe  véritable  de  son 
nom;  ensuite  qu'il  épousa  Jacqueline 
Le  Roy,  dont  il  n'eut  point  d'enfants  ; 
enfin  que  le  mariage  eut  lieu  en  1545, 
puisque  Du  Brœucq  reçut  alors  du  cha- 
pitre de  Sainte-Waudru  7me  couppe  en 
argent  pesant  I  S.  onces  FUI  strelins,  pré- 
sentée par  mes  demoiselles  à  M^  Jacques 
Bubrœcq,  tailleur  d'albastre,  le  jour  de 
ses  noces.  On  a  aussi  des  preuves  de  sou 
existence  postérieurement  à  l'an  1572; 
elles  dissipent  l'incertitude  où  l'on  était 
sur  le  sort  de  l'artiste,  compromis  poli- 
tiquement, après  la  prise  de  Mons  par 
le  comte  Louis  de  Nassau. 

Les  renseignements  sur  les  débuts  de 
Du  Brœucq  font  défaut.  On  sait  cepen- 
dant que,  pour  compléter  ses  études,  il 
fi.t  le  voyage  d'Italie  et  qu'il  revint  dans 
sa  patrie,  précédé  d'une  réputation  jus- 
tement acquise.  Dès  son  retour,  il  fut 
nommé  architecte  et  tailleur  d'images  de 
Marie  de  Hongrie,  gotivernante  des 
Pays-Bas,  qui  le  chargea  de  tracer  les 
plans  du  palais  de  Binche  et  du  château 
de  Mariemont;  ces  deux  édifices  furent 
livrés  aux  flammes  en  1554,  par  ordre 
d'Henri  II,  roi  de  France,  en  repré- 
sailles de  ce  que  Marie  avait  fait  sac- 
cager sa  résidence  royale  de  FoUembray, 
entre  Xoyon  et  Laon.  En  1539,  Du 
Brœucq  donna  à  Jean  de  Hennin,  comte 
de  Boussu,  le  plan  du  château  dudit 
lieu,  et  présida  à  l'exécution  des  tra- 
vaux. Ces  constructions  eurent  le  sort 
des  précédentes;  mais  leurs  ruines  don- 


-209 


1)1    BRŒlCn 


210 


nent  une  idée  de  leur  ancienne  splen- 
deur. Avant  ce  désastre,  le  château^  en 
ce  qui  concernait  ses  ornements  inté- 
rieurs, passait  pour  le  plus  riche  des 
Pays-Bas;  orné  de  statues  et  de  tableaux 
de  grands  maîtres,  il  attirait  les  jeunes 
artistes  que  leurs  faibles  ressources 
empêchaient  d'aller  étudier  les  monu- 
ments de  l'Italie.  L'architecture,  à  la 
fois  élégante  et  sévère,  était  regardée 
comme  un  chef-d'œuvre  de  goût  et  de 
style.  Au  centre  se  trouvait  une  rotonde 
dite  salon  d'Apollon;  ou  admirait  dans 
la  galerie  du  château  une  statue  d'Her- 
cule, en  argent  massif,  de  six  pieds 
de  haut,  due  à  Chevrier,  statuaire  d'Or- 
léans, et  faite  d'après  le  modèle  de  maî- 
tre Eoux.  Cette  statue,  offerte  en  1540 
par  les  Parisiens  à  Charles-Quint  lors- 
qu'il passa  par  la  capitale  de  France, 
pour  se  rendre  à  Gand,  fut  cédée  par  ce 
monarque  au  comte  de  Boussu. 

On  peut  regarder  Jacques  Du  Brœucq 
comme  le  restaurateur  de  la  sculpture 
dans  les  Pays-Bas  ;  une  grande  quantité 
d'objets  remarquables  sont  dus  à  son 
habile  ciseau.  En  1535,  il  fut  chargé, 
par  le  chapitre  noble  de  Sainte-Waudru, 
de  la  décoration  intérieure  de  la  basi- 
lique, travaux  qui,  dans  la  suite,  ser- 
virent de  modèles,  notamment  l'autel  en 
marbre  de  iJaint-Bartholomée,  orné  de 
statues  et  de  bas-reliefs;  l'autel  de 
Sainte-Madeleine,  décoré  avec  le  même 
goût,  et  que  Du  Brœucq,  accusé  de  pro- 
testantisme, éleva,  dit-on,  pour  se  sous- 
traire à  une  condamnation.  Le  premier 
de  ces  deux  autels  a  disparu;  le  second, 
placé  dans  la  quatrième  chapelle  à  gau- 
che du  chœur,  est  composé  d'un  retable 
en  style  de  la  renaissance,  orné  des  sta- 
tuettes des  quatre  évangelistes  et  d'une 
statue  de  la  Madeleine,  de  grandeur  na- 
turelle, le  tout  en  marbre.  Cette  œuvre 
passe  pour  un  des  morceaux  les  plus 
achevés  de  l'artiste.  On  lui  doit  en- 
core la  décoration  en  marbre  du  jubé 
de  la  même  église  ;  ce  chef-d'œuvre,  l'un 
des  plus  remarquables  que  possédait  la 
Belgique,  fut  détruit  en  1797,  après 
l'invasion  française ,  mais  a  été  repro- 
duit en  gravure  d'après  le  dessin  ori- 
ginal de  15;^ 5.  La  face  antérieure  était 


ornée  de  sept  statues  et  de  six  grands 
bas-reliefs  en  marbre.  Les  statues  repré- 
S;entaient  les  quatre  Vertus  cardinales  et 
les  trois  Vertus  théologales.  Quant  aux 
bas-reliefs,  c'étaient  des  scènes  de  l'An- 
cien Testament  :  Adam  et  Eve  mangeant 
le  fruit  défendu  ;  Adam  et  Ei:e  chassés  dti 
Paradis  terrestre;  Adam  condamné  au 
travail;  le  Sacrifice  de  Gain  et  d'Abel; 
Cdin  tuant  Abel ;  Agar  dans  le  désert. 
La  face  postérieure  était  ornée  de  trois 
statues  représentant  Jésus-Christ,  Moïse, 
David ,  et  de  trois  bas-reliefs,  la  Résur- 
rection, V Ascension,  la  Descente  dxi  Saint- 
Esprit  sur  les  Apôtres.  Tous  ouvrages 
d'une  exécution  finie  et  énergique. 

M.  Lacroix,  dans  ses  Recherches, 
entre  dans  de  longs  détails  sur  le  coût 
de  ce  jubé,  ainsi  que  sur  celui  d'autres 
travaux  dus  à  l'éminent  artiste,  qui  eut 
l'honneur  d'avoir  pour  disciple  Jean  de 
Bologne,   dont    il   développa   les   rares 

facultés.  Aug.  Vander  Meerscli. 

Mémoire  stu-  les  sculpteurs  et  architectes  des 
Pays-Bas,  par  Ph.  Baert,  publié  par  le  baron  de 
Reift'enberg,  dans  les  Bulletins  de  la  comintssioti 
royale  d'histoire,  b''  série,  t.  XIV,  p.  45-46,  oSii 
et  suiv.  —  Icouofjraphie  inontoise.  —  Biographie 
générale,  publiée  par  Didol.  —  Nagler,  yeuer 
allg.  Kunstlcr  lexicon.  —  Le  Mayeur,  La  Gloire 
belfjique,  t.  il,  \t.  114.  —  Mathieu,  Biographie 
monioise. —  Immcrzcel,  Levens  der  Schilders.  — 
Lacroix,  Recherches  sur  Jacques  Du  Brœucq.  — 
A.  Dinaux,  Hommes  et  choses  du  nord  de  ta 
France  et  du  midi  de  la  Belgique. 

nv  BiioEiCQ  (Jacques)  le  Jeune, 
architecte,  né  à  Mons  oii  il  florissait 
en  1612;  il  appartenait  probablement 
à  la  famille  du  précédent  artiste;  Cfi 
suppose  môme  qu'il  fut  son  neveu,  son 
filleul  et  son  élève.  Architecte  distin- 
gué ,  il  construisit  plusieurs  édifices 
considérables  tant  à  Saint-Omer  que 
dans  le  Hainaut,  et,  notamment,  en 
1634,  le  monastère  de  Saint-Guilain 
près  de  Mons.  Lorsque  Louis  XIV  se 
fut  rendu  maître  de  cette  place,  les 
bâtiments  de  l'abbaye  furent  ruinés, 
puis  réédifiés  par  Gabi,  architecte  de 
Lille,  et  Dubressi  de  Mons.  Les  con- 
ceptions de  Du  Brœucq  étaient  gran- 
dioses. »  Il  était  capable,  dit  Algarotti, 
d'exécuter  les  plus  belles  choses.  "  Les 
divisions  intérieures  de  ses  constructions 
étaient  commodes,  et  son  penchant  pour 
la   décoration    ne   nuisait   jamais    à    la 


m 


DU  BRŒUCQ  -  DU  BUISSON 


212 


solidité.  Van  Dyck,  contemporain  de 
Du  Brœiicq  le  Jeioie,  avait  pour  lui 
la  plus  grande  estime  ;  il  le  lui  témoi- 
gna eu  peignant  son  portrait,  qui  figure 
dans  le  recueil  des  portraits  gravés  de 
ce  peintre,  avec  cette  inscription  :  Ja- 
cohns  Du  Brœucq,  arcJntectus  JTo^itefisis 
in  Hannoiiia  C'est  cette  inscription  qui 
lève  tout  doute  à  l'égard  du  lieu  de 
naissance  de  l'artiste  que  l'on  avait  fait 
naître  à  Saint-Omer. 

Aug.  Vander  Meersch. 

Michaud,  Biographie  universelle,  t.  LIX.  — 
Immerzeel.  Levens  der  Schitdeis. 

Di'  BitOEi'Qi'EZ  {Jean-J'raîiçois),  ou 
Breucquez,  médecin,  né  à Monsen  1690, 
mort  le  11  juillet  17-49.  Il  fit  ses  études 
à  l'université  de  Louvain  et  exerça  sa 
profession  dans  sa  ville  natale.  Il  a 
laissé  les  ouvrages  suivants,  qui  ne  sont 
pas  dépourvus  de  mérite  :  1»  Réf  exions 
sur  la  méthode  de  traiter  les  Jjèvres  par 
le  quinquina.  Mous,  172.5,  in-12.  — 
2"  Preuves  de  la  nécessité  de  regarder  les 
urines,  et  de  V usage  que  le  médecin  doit  en 
faire  pour  la  guérison  des  maladies.  ^lons, 
1729, in-12. 

Du  Brœucquez  eut  un  fils,  nommé 
Axtoine-Fraxçois,  né  à  Belœil,  près 
d'Ath  en  1723,  mort  à  Mons  en  1767, 
qui  suivit  aussi  la  carrière  médicale  ;  il 
ftit  reçu  docteur  à  Louvain  et  exerça 
avec  distinction  à  Mons.  Il  a  publié  : 
lo  Discours  sur  Us  erreurs  vulgaires  qui 
se  commettent  dans  le  traitement  des 
mfants,  depuis  leur  enfance  jusqu^ à  Vâge 
adulte.  Mons,  1754,  in-12.  —  2"  Héfu- 
tation  des  erreurs  vulgaires  sur  le  régime 
que  la  médecine  prescrit  aux  malades  et 
aux  convalescents .  Mons,  1757,  in-12. 

Aiig.  Vandi>r  Meprsch. 

Eloy.  Dictionnaire  historique  de  la  médecine. 
—  Mathieu.  Biographie  montoise.  —  Biographie 
universelle,  publiée  à  Bruxelles  chez  Ode. 

DU  Btissox  (Jean)  ou  RuBus,  appelé 
aussi  MoxARTLS,  écrivain  ecclésiastique 
et  professeur,  né  à  Villers-Xotre-Dame 
près  d'Ath,  vers  1525  et  décédé  à  Douai 
le  11  avril  1595,  Il  étudia  la  philoso- 
phie à  l'université  de  Louvain  et  obtint, 
comme  élève  de  la  pédagogie  du  Porc, 
la  troisième  place  sur  156  concurrents, 
à  la  promotion  générale  de  la  faculté  des 


arts,  en  1544.  Lorsqu'il  eut  achevé  sa 
théologie,  il  enseigna  pendant  quelques 
années  la  philosophie  au  collège  où  il 
avait  étudié  et  se  prépara  dans  l'entre- 
temps  à  subir  les  épreuves  difficiles  du 
doctorat  en  théologie.  Mais  en  1563,  au 
moment  de  l'organisation  de  l'université 
de  Douai,  il  fut  choisi  pour  occuper,  dans 
cet  établissement,  une  chaire  de  philo- 
sophie au  collège  du  Eoi,  dont  il  devint 
le  premier  régent  ou  président.  Il  ne 
renonça  pas,  néanmoins,  à  l'étude  de  la 
théologie,  et  reçut,  le  16  juillet,  le  bon- 
net de  docteur  à  l'université  de  Douai, 
avec  le  plein  consentement  de  ses  an- 
ciens maîtres  de  Louvain. Il  passa,  vers 
la  même  époque,  de  la  chaire  de  philo- 
sophie du  collège  du  Eoi  à  une  chaire 
d'Ecriture  sainte  à  la  faculté  de  théolo- 
gie, fut  élu,  peu  de  temps  après  (vers 
1574),  prévôt  du  chapitre  de  Saint- 
Pierre,  et  reçut,  en  cette  qualité,  la 
dignité  de  vice-chancelier  de  l'univer- 
sité. Après  avoir  rempli  diverses  fonc- 
tions pendant  l'espace  de  vingt  et  un  ans, 
il  mourut  âgé  d'environ  soixante  et  dix 
ans,  en  laissant  tous  ses  biens  pour  l'en- 
tretien d'étudiants  pauvres.  Du  Buisson 
joignait  à  de  grands  talents  une  simpli- 
cité et  une  humilité  qui  le  faisaient  aimer 
et  estimer  de  ses  collègues  et  de  ses 
élèves.  On  possède  de  lui  deux  écrits 
qui  témoignent  de  sa  science  et  de  son 
érudition  :  1.  Aristotelis  Organum  uni- 
ver  sum,  una  cum  Porpliyrii  Isagoge,  in- 
terprète Joanne  Rubo  Hannonio.  Duaci, 
.lac.  Boscardus ,  1564;  vol.  in-4o  de 
viii-181  pages,  réimprimé  à  Douai  en 
159S.  Paquot  cite  aussi  une  édition 
in-4^  faite  à  Cologne  en  1572.  Cette 
version  de  V  Organum  d'Aristote  et  de 
V Isagoge  de  Porphyre  avait  été  faite  par 
Du  Buisson  lorsqu'il  enseignait  encore 
à  Louvain;  il  la  fit  imprimer  à  Douai 
pour  l'usage  ses  élèves.  Cette  traduc- 
tion fut  employée  à  Douai,  comme  ou- 
vrage classique.  —  2.  Historia  ac  har- 
monia  evangelica  seu  vita  D.  Jesu  ex 
quatuor  evangelistis  in  ununi  historiée 
corpus  congesta,  adjectn  suis  lacis  ordinis 
et  consensus  ratione.  Rom?e,  Victorius 
Aelianus,  1575.  Cette  édition  parut  à 
Rome,  sous  le  nom  de  Jean  Buisonius, 


-243 


DU  BUISSON  -  DUBUS  DE  GISIGNIES 


2 14 


en  1574  ou  1575,  pendant  un  voyage 
que  l'auteur  fit  en  Italie  vers  cette 
époqiie.  »  Vivebat  Eompe  anno  1574  ", 
dit  le  Catalogns  bihliotheca  Casanatensis, 
tom.  I,  parte  II,  «  ubi  huic  operi 
extreraam  manum  se  imposuisse  scri- 
bit  » .  La  même  année  cet  opuscule  fut 
aussi  publié  à  Douai,  chez  Jean  Bogard; 
brochure in-1 3  de  19  feuillets.  Cette  con- 
corde des  évangélistes,  tirée  en  grande 
partie  de  l'ouvrage  de  Corneille  Jansé- 
nius  de  Gand,  fut  remaniée  plus  tard 
par  le  trop  célèbre  janséniste,  Antoine 
Arnauld,  et  réimprimée  plusieurs  fois 
séparément  sous  le  titre  de  Historia  et 
conco)'dia  evangelica.  On  la  trouve  aussi 
dans  le  tome  III  de  l'édition  in-folio  de 
la  Bible  de  Sacy,  faite  à  Paris  en  1715. 
Paquot  cite  une  édition  in- 12  de  Co- 
logne, 1573;  il  y  a  lieu  de  douter  si 
réellement  cette  édition  existe. 

E.-H.-.J.  Reuseus. 

Paquot,  Mémoires,  éd.  in-fol.,  I,  p.  2H.  — 
Duthillœul,  Bibliographie  douamenne.  —  Mola- 
nus,  Hisloria  Lovaiiieimum,  1.  pages  o"26  et  601. 

nt:  BUi*B^o^'  (T/iéodore-Josep//) ,  né 
à  Mons  en  1763,  décédé  le  33  décem- 
bre 1836.  Instituteur  primaire  dans  sa 
ville  natale  et  professeur  à  l'école  nor- 
male de  la  province  de  Hainaut ,  il 
composa,  dans  l'intérêt  de  l'enseigne- 
ment ,  des  ouvrages  estimés  et  dont 
plusieurs  ont  eu  jusqu'à  sept  et  huit 
éditions  :  1°  Leçons  grammaticales  des 
meilleurs  auteurs.  Mons,  1813,  in-8'\ 
—  2"  Recueil  de  fables  suivies  d'explica- 
tions morales.  Mons,  18Ï7,  in-13.  — 
3o  La  Nouvelle  Cacographie .  Ibid. ,  1835 , 
in-1 2.  —  4"  Vocabulaire  des  mots  homo- 
nymes. Ibid.,  1825,  in-13.  —  5o  CJwix 
de  lectures  morales  et  historiques.  Ibid., 
1826,  in-13.  —  6o  Principes  de  lecture 
et  d'écriture.  Ibid.,  1826,  in-12.  — 
To  La  Syntaxe  enseignée  par  une  nouvelle 
méthode.  Wnà.,  1827,  in-12.  2e  partie, 
1828,  in-12.  —  8"  V Orthographe  ensei- 
gnée par  une  nouvelle   méthode.   Mons, 

1828,   in-12.  Aup.  Vander  Mcersch. 

Mathieu,  fiiographie  moutoise. —  l*iron,  Lei'ois- 
be.%chr]ivin<j . 

nvuvH  iiR  (;i<iii(;i;iE«  {Léonard- 
Pierre-Joseph,  vicomte),  homme  d'P]tat, 
né  au  chAteau   de   Dottignics  (Flandre 


occidentale),  le  28  février  1780,  mort 
le  31  mai  1849.  Issu  d'une  ancienne  et 
noble  famille,  il  avait  résolu  de  se  tenir 
éloigné  de  toute  position  officielle  et 
déclina  toutes  les  propositions  qui  lui 
furent  faites  à  cet  égard,  aussi  long- 
temps que  la  Belgique  fut  réunie  à 
l'empire  français.  Averti  officieusement 
que  ces  refus  successifs  seraient  consi- 
dérés comme  une  manifestation  d'hosti- 
lité et  finiraient  par  mettre  sa  famille  en 
suspicion,  il  se  laissa  enfin  nommer,  le 
30  avril  1^13,  premier  adjoint  au  maire 
de  Tournai.  Ce  magistrat  ayant  quitté 
la  ville,  lors  de  l'entrée  de  l'armée 
commandée  par  le  duc  de  Saxe-Weimar, 
celui-ci  ottrit  à  Dubus  d'être  chef  de  la 
mairie;  il  refusa,  étant  lié  par  son  ser- 
ment de  fidélité  à  Napoléon,  mais  en 
déclarant  que  si  l'empereur  abdiquait, 
il  se  considérerait  comme  dégagé  et 
serait  prêt  à  donner  son  concours.    Le 

18  mai  1814,  le  gouvernement  général 
de  la  Belgique  le  nomma  intendant  ou 
commissaire  de  l'arrondissement  de  Cour- 
trai  et  dans  ces  fonctions  il  s'acquit  la 
réputation  d'un  fonctionnaire  zélé,  in- 
struit et  actif. 

Dès  la  constitution  du  royaume  des 
Pays-Bas,  le  gouvernement  s'empressa 
de  recourir  à  ses  lumières  en  le  nom- 
mant membre  de  la  commission  chargée 
d'élaborer  un  projet  de  loi  pour  l'orga- 
nisation de  la  milice  nationale,  projet 
qu'il  défendit  ensuite  devant  la  deuxième 
chambre  des  états  généraux  où  il  fut 
appelé    à    siéger    par   arrêté    royal   du 

19  septembre  1815.  lient  ensuite  l'hon- 
neur de  présider  cette  assemblée  depuis 
le  21  octobre  1818  jusqu'en  1820.  Le 
7  mars  de  cette  année,  il  devint  gouver- 
neur de  la  province  d'Anvers.  Il  profita- 
de  son  séjour  dans  la  métropole  com- 
merciale belge,  pour  étudier  les  intérêts 
multiples  du  haut  commerce,  et  l'expé- 
rience acquise  en  cette  matière  lui  servit 
à  merveille  quand,  plus  tard,  la  con- 
fiance du  roi  l'appela  à  une  plus  émi- 
nente  position  dans  les  colonies. 

Ce  fut  en  le  nommant,  le  1er  février 
1823,  gouverneur  de  la  province  du 
Bral)ant  méridional,  que  le  roi  Guil- 
laume eut  surtout  l'occasion  d'apprécier 


21  n 


DUBIS  DE  GISIGNIES 


"246 


les  vues  élevées  et  le  caractère  de 
l'homme  qu'il  allait  charger  d'une  mis- 
sion importante  aux  Indes  néerlandaises. 
Et  voici  dans  quelles  circonstances. 
Pendant  quelques  années  le  gouverne- 
ment avait  eu  toute  confiance  dans  l'état 
des  choses  établi^  et  l'opinion  publique, 
ainsi  que  la  représentation  nationale, 
étaient  restées  assez  indifférentes  au  sort 
de  ces  contrées  lointaines.  Tout  à  coup, 
en  1824,  cette  grande  quiétude  se  chan- 
gea en  vives  appréhensions  ;  des  se- 
cours importants  avaient  été  réclamés  à 
la  mère-patrie  et  devenaient  urgents  si 
l'on  ne  voulait  voir  péricliter  les  posses- 
sions. Tel  fut  le  sentiment  de  déception 
qu'éprouva  le  gouvernement  des  Pays- 
Bas  à  la  réception  des  dépêches.  Il  de- 
venait évident  que  les  dépenses  n'étaient 
nullement  en  rapport  avec  les  recettes, 
que  le  désordre  régnait  dans  toutes  les 
branches  de  l'administration  et  que  la 
direction  donnée  aux  aiï'aires  était  en 
opposition  avec  les  principes  admis,  en 
1816,  par  les  commissaires  généraux, 
voire  même  en  opposition  avec  les  inté- 
rêts réels  des  colonies.  Il  fallait  donc, 
sans  retard,  y  entrer  dans  la  voie  des 
économies,  exercer  un  contrôle  sévère 
et,  pour  imprimer  une  réforme,  confier 
l'administration  à  un  homme  ferme, 
actif,  indépendant  et  tout  dévoué  à 
l'œuvre  de  la  réorganisation.  Ce  fut 
Dubus  de  Gisignies  que  le  roi  chargea 
de  cette  mission  si  délicate,  si  diiiicile  ! 
Un  arrêté  royal  du  10  août  1825  le 
nomma  commissaire  général  aux  Indes 
orientales,  f«î;é'.s-^^c?(?  tous  et  teh  pouvoirs 
que  S.  M.  elle-même  pourrait  y  exercer, 
si  elle  s'y  rendait  en  personne.  On  appré- 
ciera quelle  était  la  confiance  absolue 
accordée  au  nouveau  commissaire  géné- 
ral, en  lisant  les  instructions  confiden- 
tielles contenues  dans  l'arrêté  royal  du 
13  septembre  de  la  même  année,  n»  79. 
Les  pouvoirs  les  plus  étendus  lui  furent 
donnés,  et,  chose  digne  de  remarque,  il 
devait  uniquement  sa  nomination  aux 
sympathies  du  roi;  le  ministre  n'était 
intervenu  que  pour  contre-signer  l'ar- 
rêté royal. 

Tout  en  cédant  au  vœu  du  souverain, 
Dubus  désira  que  sa  mission  ne  fût  que 


temporaire  et  qu'à  son  retour  il  pût 
rentrer  dans  l'administration  de  son 
gouvernement  provincial.  Le  roi  le  lui 
promit;  mais  il  dut  pourvoir,  deux  ans 
et  demi  après  son  départ,  à  son  rempla- 
cement, et,  par  arrêté  royal  du  8  mai 
1828  ,  Dubus  fut  nommé  ministre 
d'Etat.  Il  partit  le  28  septembre  1825 
pour  Batavia.  Dès  son  arrivée  il  fit  con- 
naître que  le  but  principal  de  sa  mission 
était  d'effectuer  des  économies  et  de 
réorganiser  les  divers  services  qui  étaient 
trop  développés  pour  les  besoins  de 
l'Etat  et  la  nature  du  pays.  Ses  efforts 
tendaient  à  raviver  le  zèle  des  employés, 
qu'il  trouva  la  plupart  dans  xine  espèce 
d'apathie,  et  qui,  on  le  comprend,  ne 
lui  étaient  pas  trop  sympathiques,  son 
premier  devoir  étant  la  diminution  des 
traitements  et  la  réduction  du  personnel. 
Pour  parvenir  à  son  but,  il  eut  à  lutter 
contre  de  grandes  difficultés  et  parfois 
contre  le  mauvais  vouloir  de  person- 
nages haut  placés.  Mais  de  nombreuses 
réformes  s'opérèrent  sans  conflits;  il 
eut  assez  de  tact  pour  gagner  la  consi- 
dération et  l'attachement  des  fonction- 
naires. Accessible  et  même  affable  avec 
tout  le  monde,  il  fit  chérir  son  pouvoir; 
s'il  voulait  l'économie  dans  le  service,  il 
la  voulut  aussi  dans  sa  maison  et  en 
donna  l'exemple,  tout  en  conservant  la 
dignité  et  la  représentation  d'un  haut 
fonctionnaire. 

Il  dut  pourvoir  à  une  augmentation 
des  forces  militaires,  afin  de  réduire  à 
l'obéissance  les  princes  révoltés  ;  il  réta- 
blit l'ordre  dans  les  finances,  fit  cesser 
les  prodigalités  et  apporta  de  nom- 
breuses améliorations  dans  la  situation 
des  colonies.  Dès  le  26  février  1826, 
c'est-à-dire  quelques  jours  après  son 
arrivée,  il  introduisit  aussi  le  nouveau 
système  monétaire. 

Il  porta  pareillement  ses  soins  vers 
l'extension  du  culte  catholique  ,  qui 
avait  ses  ministres,  payés  par  l'Etat  et 
établis  à  Batavia,  à  iSamarang  et  à  Soera- 
baya,  chefs-lieux  des  trois  divisions  mi- 
litaires de  l'île  de  Java.  Il  leur  procura 
les  moyens  d'exercer  leur  ministère  dans 
les  autres  provinces  et  d'y  donner  l'in- 
struction religieuse  aux  catholiques.  Ba- 


217 


DUBUS  DE  C.ISIGNIES  —  DU  BYE 


2i8 


tavia  n'avait  pour  église  qu'un  mauvais 
bâtiment  en  location;  il  en  fit  construire 
une,  en  partie  aux  frais  de  l'Etat,  en 
partie  aux  siens. 

Il  serait  oiseux  d'entrer  dans  tous 
les  détails  relatifs  à  son  administration  ; 
pour  ceux-ci  on  ne  peut  que  renvoyer  à 
l'ouvrage  de  H.  Van  der  Wyck  (De  Ne- 
derlandache  bezittingen  onder  liet  bestuur 
van  den  kommismris  generaal  du  Bus  de 
Gisifjnies.  1826-1830.  La  Haye,  1866). 
Cet  auteur  rend  compte  de  tout  ce  qui 
a  été  opéré  par  Dubus,  en  l'appuyant 
sur  des  pièces  otticielles. 

Disons,  en  résumé,  qu'il  rendit  d'émi- 
nents  services  et  contribua  puissam- 
ment à  l'extension  des  relations  com- 
merciales de  la  métropole  et  de  la 
navigation  nationale.  Ce  fut  sous  son 
administration  qu'on  introduisit  la  cul- 
ture du  thé,  de  la  cochenille,  de  la 
cannelle  et  que,  dans  l'intérêt  du  com- 
merce, fut  fondée  la  banque  javanaise, 
qui  rendit  de  si  grands  services.  Enfin 
il  finit  par  rendre  productive  une  colo- 
nie qui,  jusqu'alors,  avait  été  une  charge 
pour  le  royaume.  L'industrie  belge  en 
particulier  lui  est  redevable  d'avoir  fa- 
cilité l'écoulement  de  ses  produits  dans 
ces  contrées  et  d'y  avoir  ouvert  de  nom- 
breux débouchés.  Le  16  janvier  1830, 
il  céda  ses  pouvoirs  au  nouveau  gouver- 
neur général,  Vanden  Bosch,  et  rentra 
dans  sa  patrie  le  16  juin  suivant.  Pour 
conserver  le  souvenir  de  sa  bonne  ad- 
ministration, un  monument  a  été  élevé 
à  sa  mémoire  dans  l'église  catholique  de 
Batavia. 

Cependant,  à  peine  nommé,  Dubus 
avait  été  impitoyablement  calomnié.  La 
calomnie  l'avait  précédé  dans  ces  pos- 
sessions et  il  eut  à  y  lutter  contre  des 
préventions  dont  un  rapport,  adressé  au 
roi  par  son  successeur,  le  général  Vanden 
Bosch,  fit  ressortir  l'injustice.  Celui-ci 
déclara  que  Dubus  avait  opéré  toutes  les 
améliorations  possibles  et  lui  avait  laissé 
bien  peu  à  faire.  L'envie  ne  fut  pas  en- 
core désarmée  tout  à  fait;  il  fallut  que 
le  roi,  qui  lui  rendit  toujours  justice,  lût 
à  son  conseil  des  ministres  le  rapport 
de  V'anden  Bosch,  si  fiatteur  pour  Tan- 
cicu  commissaire  général. 


Depuis  la  révolution  de  1830,  le 
vicomte  Dubus  se  tint  éloigné  de  la 
scène  politique,  pour  s'adonner  entière- 
ment à  l'agriculture  et  particulièrement 
au  défrichement  de  la  Campine.  Il  devint 
ensuite  président  de  la  commission  du 
Jardin  botanique  de  Bruxelles,  et,  en 
1846,  le  roi  Léopold  1er  Je  nomma  pré- 
sident du  conseil  supérieur  d'agricul- 
ture. Il  contribua  puissamment  à  la 
fondation  Terninck  à  Anvers  et  à  celle 
du  couvent  des  Trappistes,  institutions 
qui  lui  sont  en  quelque  sorte  redevables 
de  leur  prospérité. 

Dubus  fut  membre  de  l'ordre  équestre 
de  la  Flandre  occidentale  depuis  1817  ; 
le  3  novembre  1816,  il  devint  cheva- 
lier de  l'ordre  du  Lion  Belgique  ;  le 
30  juillet  1823  commandeur;  le  6  juil- 
let 1830  grand'croix;  enfin,  en  1847, 
le  roi  des  Belges  lui  conféra  la  croix 
d'officier  de  l'ordre  de  Léopold.  Le  titre 
héréditaire  de  vicomte  lui  avait  été  con- 
féré par  lettres  royales,  en  1819,  et  ses 
fils,  Bernard,  Albéric  et  Constantin,  ont 
été  personnellement  et  héréditairement 
honorés  des  titres  de  barons  en  1834. 
Les  Dubus  de  Gisignies  portent  d'azur 
à  l'écusson  d'argent  en  abîme,  entouré 
de  quatre  fleurs  de  lys  du  même. 
Devise  :  Finis  laborum  palma. 

Aiig.  Vander  Meersch. 

Pauwels-De  Vis,  Dictionnaire  Inographique  des 
Belf/es.  — Biographie  des  Belqes  niorls  ou  vivants. 

—  Vander  Aa,  Biographisch  Woordenboel;.  — 
Moniteur  belye,  18-51),  l'-'"'  semestre,  p.  1797.  — 
Vai)  Kampen.  De  Sederl.  buiten  Enropa,  l  111, 
p.  641,  668-677.  —  Roorfla  van  Evsinga,  llandb. 
der  Land  en  Volkenk.,  B.  111,  D.' Il,  p.  ^ilS-'-iit). 

—  Onze  Tyd,  D.  IV,  p.  1-8.  -  Tecnstia,  yederl. 
Overz.  Bezitt.,  p.  '289,  8-28,  o89,  861-864.  —  G.  De 
Sciiére,  Levensschets  van  Léonard  Burqgraaf 
du  Bus  de  Gisiqnies  { dans  le  Tijdscitrijt  voor 
Staathuiskunde  en  statistiek  van  baron  Sloel  loi 
Oldhuis,  t.  Vil,  p.  39,. 

DU  BïK  {Jean- Baptiste)  ou  De  Bte, 
ingénieur,  né  à  Ypres  vers  1616,  mort 
à  Boesinghe.  Il  fut  l'aïeul  de  Corneille 
De  Bye  (voir  sa  notice),  et  descendait 
d'une  famille  noble,  portant  pour  armoi- 
ries parlantes  un  écu  parsemé  d'abeilles: 
byen.  L'épitaphe  qui  se  trouve  à  l'église 
de  Boesinghe  indique  qu'il  fut  ingé- 
nieur des  quatre  métiers  de  Flandre  et 
l)ailli  (le  Boesinghe.  Il  se  distingua  par 
les  ouvrages  hydrauliques  exécutés  sous 


219 


DU  BYE  —  DUCHASTEALl 


no 


sa  direction  dans  la  Flandre.  On  sait 
qu'en  1616,  lïnfante  Isabelle  consentit, 
a  la  demande  du  magistrat  de  la  ville 
d'Ypres,  au  creusement  du  bief  supé- 
rieur du  canal  reliant  cette  ville  à  la 
mer ,  près  de  Nieuport.  Ces  travaux 
toutefois  furent  ajournés  jusqu'en  1638, 
époque  à  laquelle  on  se  mit  sérieusement 
à  l'œuvre.  Les  plans  avaient  été  dressés 
par  Barthélemi  De  Buck  qui  en  surveilla 
l'exécution.  Le  sas  construit  à  un  bas- 
sin, avec  deux  paires  de  portes  busquées, 
rachète  une  chute  de  6  mètres  80  c. 
Pour  faire  apprécier  toute  l'importance 
de  ce  travail,  on  dira  que  les  écluses  du 
fameux  canal  du  Languedoc,  qui  ont 
honoré  le  règne  de  Louis  XIV,  n'ont 
qu'une  chute  moyenne  de  4  à  5  mètres. 
Notre  sas  a  soixante  pieds  de  longueur 
sur  vingt-trois  de  largeur.  Les  écluses 
à  sas,  à  portes  busquées,  étaient  peu 
connues  à  cette  époque;  Simon  Stevin, 
dans  un  de  ses  ouvrages  publié  en  1617 
à  Eotterdam,  en  parle  comme  d'une 
chose  récemment  inventée,  dont  il  cite 
plusieurs  applications  nouvelles  ;  il 
entre  en  même  temps  dans  de  grands 
détails  sur  l'invention  des  portes  tour- 
nantes, servant  à  pratiquer  des  chasses 
dans  les  ports. 

Dès  le  mois  d'aoïit  1658,  DuBye, 
alors  ingénieur  des  quatre  métiers  de 
Flandre  et  préposé  à  la  direction  des 
écluses  de  Boesinghe  et  de  Slykens  lez- 
Ostende,  signala  les  énormes  défauts 
qui  devaient  entraîner  la  destruction 
du  nouveau  sas,  et  il  se  chargea  des 
changements  à  faire  à  cette  œuvre  gi- 
gantesque, qui  est  encore  actuellement 
d'une  conservation  parfaite. 

Aug.  Vander  Meersch. 

Archives  d'Yju'es  et  de  la  commune  de  Boe- 
singhe. —  Annales  de  la  Société  d'Emulation  de 
Bruges,  année  4846.  —  Communications  faites 
par  M.  le  chanoine  Vande  Puiie. 

DiCH.'iMTc.ti;  {N.)  OU  Du  Chas- 
TEAU,  médecin  et  philosophe,  né  à 
Chênée  (Liégej  dans  la  première  moitié 
du  xviie  siècle,  publia  en  1673,  chez 
G. -H.  Streel,  à  Liège,  un  petit  volume 
in-12,  intitulé  :  Parvum  tiuturœ  spécu- 
lum, dont  le  seul  exemplaire  connu  se 
trouve  dans  la  collection  léguée  à  la 
ville  de  Liège  par  feu  Ulysse  Capitaine. 


Malgré  de  patientes  recherches,  ce  zélé 
bibliophile,    qui   n'a  malheureusement 
pu  mettre  la  dernière  main  à  sa  Bio- 
graphie des  médecins  liégeois,  n'a  rien 
découvert  concernant  la    personne   de 
Duchasteau  :  on  sait  seulement,  par  le 
titre  de  l'ouvrage  cité,  que  ce  person- 
nage était  docteur  en  philosophie  et  en 
médecine,  et  licencié  en  théologie.  Du 
moins  son  œuvre  lui  a  survécu,  et  elle 
n'est  pas  indigne  de  quelque  attention. 
Xous  sommes  à  l'époque  où  la  scolas- 
tique  était  vivement  battue  en  brèche 
par  les  cartésiens  et  par  les  disciples  de 
Bacon.  Duchasteau  ne  dissimule  point 
son  penchant  pour  les  réformateurs  de 
la  philosophie.  «  Je  ne  viens,  dit-il,  ni 
Il   renverser,  ni  innover  quand  mèmej 
«   sans  doute  je  considère   comme  des 
«   chimères  les  formes  substantielles  et 
«   les  qualités  occultes  de  la  philosophie 
"   vulgaire  ;   mais  je  n'ai  pas  l'honneur 
Il   d'avoir  exposé  le  premier  les  idées 
Il   que  je  défends  ;  et  quant  à  ces  termes 
Il   traditionnels,  qu'on  les  conserve,  si 
«   l'on  veut,   pourvu  qu'on  leur  donne 
u   un  sens  raisonnable.  A  qui  me  ratta- 
"   chera-t-on?  Peu  importe  :  la  question 
Il   est  de  savoir  si  je  dis  vrai...  «  Là- 
dessus  il  se  préoccupe  des  causes  de  nos 
erreurs  et  s'élève  tout  d'abord  contre 
l'abus  des  définitions.  «  Mais  l'amour  de 
la  vérité,  ajoute-t-il,  contribue  lui-même 
à  nous  égarer,   quand   nous  n'écoutons 
pas  les  conseils  de  la  prudence  ;  nous 
allons  en  avant  sans  prendre   toujours 
la  peine  de  vérifier  l'exactitude  de  nos 
observations,  sans  nous  défier  suffisam- 
ment des  préjugés  de  notre  enfance  et 
des  opinions  accréditées;   puis  il  faut 
compter  avec  la  paresse  naturelle   de 
l'esprit...   Attachons-nous  donc  à  une 
méthode  sûre.  «  Cette  méthode  est  tout 
simplement   celle   de  Descartes;    mais 
Duchasteau  se  garde  bien  de  nommer 
Descartes  :    à  Liège,   au  temps  où  il 
écrivait,   il  ne  l'eût  pas  fait  impuné- 
ment. 

Ailleurs,  il  semble  faire  allusion  à 
Spinoza,  quand  il  déclare  que  nous  ne 
pouvons  prétendre  à  reproduire  dans 
l'ordre  de  nos  pensées  l'ordre  même  de 
la  création.  Ou  objectera  que  V Ethique 


2-21 


Dl  CHASTEAU  —  DU  CPIASTELER 


222 


ne  vit  le  jour  qu'eu  1677  ;  mais  il  n'est 
pas  douteux  que  les  principes  du  pan- 
théiste d'Amsterdam  ne  fussent  connus 
de  ses  amis  et  de  ses  ennemis  bien  avant 
cette  date.  Passant  de  la  discussion  à  la 
théorie,  Duchasteau  s'engage  en  plein 
dans  le  pur  cartésianisme,  en  procla- 
mant la  passivité  de  la  matière,  en 
niant  les  causes  secondes,  en  expliquant 
le  mouvement  par  la  fameuse  cliique- 
navde  de  Pascal.  Il  admet  le  système  des 
tourbillons  ;  dans  l'exposé  de  la  physique 
céleste,  en  revanche,  il  se  rapproche  des 
idées  qui  différencient  Malebranche  de 
Descartes  (voy.  Bordas-Dumoulin,  Le 
CarttiHiaimnié);  non  pas  qu'il  connût 
Malebranche  :  il  le  pressentait.  En 
somme,  son  livre  est  un  résumé  simple 
et  clair  du  traité  des  Priiicljjes,  dirigé  à 
la  fois  contre  l'Ecole  et  contre  les  adeptes 
des  sciences  occultes,  qui  faisaient  alors 
des  prosélytes  dans  la  principauté  lié- 
geoise. Duchasteau  fait  preuve  d'une 
grande  indépendance  d'esprit;  néan- 
moins il  a  soin,  en  terminant,  de  sou- 
mettre en  toute  humilité  son  œuvre  au 
jugement  de  l'Eglise  catholique. 

Alphonse  Le  R03'. 

l'I.  Capitaine,  Bioçirapliie  des  médecins  liégeois. 
—  Alph.  Le  lîoy,  La  PhUosopItie  au  pays  de  Liège. 

DV  l'U.'ljaiTEL  {Jos-Se),  ou  A    CaSTRO, 

écrivain  ascétique,  né  à  Bruxelles,  mort 
le  18  avril  1634.  Il  entra  chez  les 
Frères  mineurs,  et  ne  tarda  pas  à  se 
faire  estimer  comme  écrivain  religieux 
et  comme  prédicateur.  Il  fut  nommé 
deux  fois  provincial  de  la  Germanie 
inférieure.  On  lui  doit  lès  ouvrages  .sui- 
vants :  lo  Conciones  in  Evangelia  Domî- 
nicalia  totiui  amii  et  Octavam  rener.  8a- 
cramenti.  —  2<'  Eleiichum  ad  formandas 
concione'i pro  Feriis  qtmdraijeHimee  et  mnc- 
^w.Antverpiœ,  typis  Plantinianis,  1633, 
2  vol.  in-4o.  —  3'J  De  Cachordiim  Mo- 
rale,de  X  virtutibufi  Immaculatœ  Virghm 
annwdiatœ.  Ibid.,  1635,  2  vol.  in-4o. 
Il  mourut  à  Malines  d'une  maladie  épi- 
démique  et  fut  enterré  dans  l'église  des 
FF.  mineurs.  Son  épitaphe  a  été  repro- 
duite par  Foppens. 

Aiig.  Vauder  Mceriivb. 

K")i>|iciis,   liibliolltecu  hctgica,  l.  Il,  \>.  16H.  — 
Waulers,  HmCoire  de  Bruxelles. 


DU     tUA.«TEL,    DE  LA  U01« ARDE- 

RiE  {Pierre-Dominique  comte),  homme 
de  guerre,  né  à  Liège  le  7  avril  1776, 
mort  à  La  Haye  le  17  juillet  1839, 
appartenait  à  une  famille  noble  qui 
depuis  plusieurs  siècles  avait  compté 
parmi  ses  membres  un  grand  nombre  de 
vaillants  officiers.  Pierre  'Du  Chastel 
entra  comme  volontaire  dans  le  célèbre 
régiment  des  chevau-légers  de  Latour, 
le  21  janvier  1795.  Quelques  mois 
après,  il  fut  nommé  sous-lieutenant  en 
récompense  de  la  bravoure  qu'il  déploya 
au  combat  de  Bamberg.  Il  lit  toutes  les 
campagnes  de  la  fin  du  siècle  dernier  et 
celles  de  l'époque  napoléonienne,  se  dis- 
tingua dans  un  grand  nombre  de  com- 
bats et  conquit,  sur  les  champs  de 
bataille,  tous  ses  grades  jusqu'à  celui 
de  chef  d'escadron.  A  la  chute  du  pre- 
mier empire,  il  revint  en  Belgique,  prit 
rang,  en  qualité  de  major  dans  le  2e  ré- 
giment de  carabiniers  belges  (7  septem- 
bre 1814)et  fut  chargé,  le  10  avril  1815, 
de  présider  à  la  formation  du  régiment 
de  cuirassiers  no  9.  Le  roi  des  Pays-Bas 
le  choisit  pour  adjudant  en  1822,  lui 
donna,  le  20  décembre  1826,  le  com- 
mandement du  régiment  de  cuirassiers 
ni>  3,  puis  l'attacha  à  sa  maison  en  qua- 
lité de  vice-grand  écuyer  (1829).  Plus 
tard,  il  le  nomma  général  et  grand 
veneur,  charge  que  le  comte  du  Chastel 
conserva  jusqu'à  sa  mort. 

Général  baron  Guillaume. 

Lecouvet,  Notice  historique  sur  Ilowarderic.  — 
Vigneron,  Belgique  militaire. 

DC  cu.%!itTEi.  (Pierre),  helléniste, 
archéologue,  né  à  Grammont  en  1585, 
mort  en  1632.  Voir  Vaxde  Casteele 
(Pierre). 

DU  CilANTEUER  (AIôert-Fra)içois, 
marquis),  général  de  cavalerie,  né  le 
16  décembre  1704  à  AA'urtzbourg,  mort 
à  Bruxelles  le  16  août  183  6.  Voir  Chas- 
TELER  (Albert- François,  marquis  du). 

DU  cu.%.!>iTEL.ER  (Frauçois-Gahriel- 
Joseph,  marquis),  historien,  né  à  Mons 
le  20  mars  1744,  mort  à  Liège  le 
11  octobre  1789.  Voir  Chastelee 
(François-Gabriel- JonepU,  marquis  du). 

DU  l-u.%!!*TEL.ER  (Jeau-Ouhriel-Jo- 
hefjh- Albert,   marquis),   général  d'artil- 


"l'ïà 


Dl  CliASTELER  —  DLCHATEL 


±U 


lerie,  né  le  22  janvier  1763,  au  château 
de  ;Moulbaix  près  de  Mons,  mort  à 
Venise,  le  7  mai  1825.  Voir  Chas- 
TELEB  {Jean-Gabriel- Joseph- Albert ,  mar- 
quis du). 

DC  CHATEAi;  (Loîiis),  ou  Di"  Chas- 
TEAU,  ou  A  Castko,  théologien  et  ora- 
teur sacré,  né  à  Liège  vers  le  milieu  du 
xvie  siècle,  mourut  en  1632.  Il  entra  de 
bonne  heure  dans  l'ordre  des  religieux 
conventuels  de  Saint-François.  Doué 
d'heureuses  dispositions,  il  se  livra  avec 
ardeur  à  l'étude  de  la  théologie  et  reçut 
le  grade  de  docteur  en  cette  science.  Il 
remplit  les  plus  hautes  dignités  de  son 
ordre,  et  fut  élu  à  plusieurs  reprises, 
provincial  et  désigné  comme  député- 
commissaire  à  la  congrégation  romaine 
des  pères  pour  la  Savoie,  le  Dauphiné, 
le  Vivarais,  la  Bourgogne  et  les  pays 
voisins.  Efl'rayé  des  progrès  de  la  ré- 
forme, il  la  combattit  avec  une  vigou- 
reuse ardeur  par  ses  discours  et  par  ses 
écrits;  orateur  brillant,  il  voyait  se 
presser  autour  de  sa  chaire  un  public 
nombreux  attiré  parla  force  et  le  charme 
de  son  éloquence. 

Duchàteau  a  publié  :  lu  Za  Religion 
prétendue  des  proti7ices  belges  unies,  désu- 
nie, au  rapport  du  F.  Louys  du  Chas- 
teau  Liégeois,...  le  tout  divisé  en  trois 
parties  et  dédié  au  clergé  de  Liège. 
In- 8",  C.  Ouwerx  le  Jeune,  1619.  Ce 
livre  est  le  résumé  des  sermons  prêches 
par  notre  auteur,  en  1618,  dans  l'église 
des  Frères  mineurs  conventuels  de  Liège, 
à  l'occasion  de  la  tenue  du  synode  de 
Dordrecht.  Il  en  parut  une  seconde  édi- 
tion in-8o,  en  1621,  à  Cologne.  — 
2»  Le  Chasteaii  du  moine  opposé  à  la  Babel 
de  Hoche  de  Nembi'oth  de  la  Vujne,  c'est- 
à-dire,  Réplique  de  F.  Louis  du  Chasteau, 
Liégeois.. .  pour  un  sien  livret  imprimé 
l'an  1619,  sous  le  tiltre  de  la  Religion 
prétendue  des  provinces  bel  gigues- unies, 
désunie,  contre  la  prétendue  réfutation 
d'icelui  sortie  de  la  plume  d'un  igno- 
rant, qui  se  dit  pasteur  des  Wallons  et 
François  calvinisez ,  à  Dordrecht  ;  en 
laquelle  sont  traitées  plusieurs  matières 
importantes  et  surtout  touchant  l'Escri- 
ture,  la  foy  et  l'Eglise.  Liège,  in-8o, 
C.  Ouwerx,  1622.  —  3»  Examen  et  réfu- 


cation  du  synode  de  Dordrecht.  —  4i*>  Le 
tamp  monastique ,  ou  l'apologie  opposée 
à  la  Tour  de  Babel  de  Daniel  Hochede, 
calviniste.  —  5°  Deffence  du  mont-de- 
piété,  érigé  en  la  cité  de  Liège ,  contre  les 
libelles  diffamatoires  de  M.  Jean  de  Lil- 
1ers,  jadis  avocat  de  Cambray  et  autres 
censures.  Dédié  à  S.  A.  Sér.  de  Liège. 
C.  Ouwerx,  1627,  in-4o.  —  6»  Monts- 
de-piété  du  pays  de  Liège  et  comté  de 
Looz,  heureusement  établis  sous  les 
auspices  du  Séreniss.  prince  Ferdinand, 
archevêque  de  Cologne,  évesque  et 
prince  de  Liège,  etc.;  avec  un  abrégé 
des  raisons  démonstratives  de  la  justice 
desdits  monts,  déduictes  par  le  révérend 
père  Louys  du  Chasteau,  provincial  des 
FF.  mineurs  conventuels.  C.  Ouwerx, 
in-4o.  Cet  ouvrage  —  dont  la  première 
partie  est  de  Simon  Mouillet,  surinten- 
dant des  monts-de-piété,  et  la  seconde  de 
Duchàteau,  —  a  été  réimprimé  chez 
J.  F.  van  Milst,  1684  et  en  1702  chez 

J.   L.   de  Milst.  Alfred  Goffard. 

Foppens,  Dibl.  belg  ,  tom.  II,  829.  —  Becde- 
lièvie,  Biog.  liég.,  tom.  Il,  450.  —  De  Theux, 
Bibl.  liég.,  tom.  I. 

DU  C'UATE.Ai;  (Mathieu),  plus  connu 
sous  le  nom  latinisé  de  de  Castro, 
écrivain  ecclésiastique,  né  à  Lille  (an- 
cienne Flandre),  mort  en  1597.  Il  fut 
religieux  à  Phalempin,  de  l'ordre  des 
chanoines  réguliers,  dont  il  devint  abbé. 
Il  publia  :  Epitome  corn mentarior uni 
Cornelii  Jansenii  (l'évêque  de  Gand)  in 
concm'diam  Evangelicam.  Antverpiae , 
1593,  in-8o.  Item,  Lugd.,  1595,  in-4')  ; 
ibid.,  1648.  Il  écrivit  encore  Noctes 
liyemales  et  œstitales,  ainsi  qu'un  com- 
mentaire sur  les  Psaumes  et  autres 
ouvrages  dont  les  manuscrits  étaient 
conservés  dans  son  couvent. 

Aiig.  Vander  Meersch. 
Foppens,  Dibliotlieca  belgica,  t.  11,  p.  865. 
DiJCUATKi.  (François),  peintre  de 
sujets  de  genre  et  de  portraits,  né  à 
Bruxelles  en  1616,  d'après  Mensaert, 
et  mort  en  1694.  (Quelques  biographes 
disent  qu'il  naquit  en  1625.)  On  ne  sait 
pas  grand'chose  de  son  existence,  si  ce 
n'est  qu'il  servait  dans  un  régiment  de 
cavalerie  et  qu'il  quitta  la  carrière  mi- 
litaire, après  avoir  vu  son  meilleur  ami 


225 


DUCHATEL 


226 


tué  à  ses  côtés.  C'est  à  Bruxelles  qu'il 
vécut  et  qu'il  se  fit  peintre.  Duchatel 
eut  un  fils  qui  épousa  la  fille  de  Victor 
Honoré  Janssens.  C'est  à  ce  fils,  qui  fut 
l'ami  de  Mensaert,  que  nous  devons  le 
peu  de  détails  biographiques  qui  précè- 
dent. 

Ducliatel  doit  avoir  été  l'élève  de 
Teniers,  s'il  faut  en  juger  par  certaines 
ressemblances  dans  les  attitudes  des 
personnages  peints  par  les  deux  artistes, 
ainsi  que  par  la  finesse  des  tons.  Des- 
camps afl^irme  que  Teniers  lui  trouva 
tant  de  rapports  avec  son  génie,  qu'il 
l'adopta  comme  son  fils.  Un  autre  artiste 
avec  lequel  François  Duchatel  a  aussi 
quelques  rapports  est  Gonzales  Coques, 
et  il  ne  serait  nullement  impossible 
qu'on  eût  attribiié  à  l'un  les  œuvres  de 
l'autre.  On  a  dit  aussi,  sans  preuves, 
que  notre  Bruxellois  avait  travaillé  à 
Paris,  chez  A^an  der  Meulen;  les  travaux 
de  Duchatel  sont  d'une  grande  rareté,  et 
peut-être  faut-il  l'attribuer  à  cette  cir- 
constance. Quoi  qu'il  en  soit,  on  connaît 
de  lui  jusqu'à  présent  :  au  musée  du 
Louvre,  les  portraits  d'un  cavalier  et  de 
trois  autres  personnages;  —  au  musée 
d'Avignon  ,  V Intérieur  (Tun  corpus  de- 
garde,  provenant  de  la  collection  Sau- 
van;  —  au  musée  de  Copenhague,  la 
Partie  de  trictrac  —  et  en  Angleterre, 
dans  le  cabinet  de  M.  Howard-Gal- 
ton,  2me  Rétmion  de  paysans,  citée  par 
Waagen. 

Le  chef-d'œuvre  de  Duchatel  se  trouve 
au  musée  de  Gand.  ("est  une  toile 
peinte  avec  une  merveilleuse  habileté  et 
remplie  d'une  infinité  de  personnages. 
L>  tableau  représente  la  Fête  d'inaïuju- 
ratioH  de  Charles  II  roi  d'Espagne, 
comme  comte  de  Flandre  en  166 G,  au 
marché  du  Vendredi  à  Gand. 

Cette  toile,  qui  mesure  3  mètres  35  c. 
de  hauteur  sur  une  largeur  de  5  mètres 
35  c,  reproduit  l'aspect  de  l'ancien 
marché  ou  place  du  Vendredi  avec  ses 
vieilles  mai.sons  à  pignons  construites 
en  bois.  Au  bout  de  la  place,  à  droite, 
on  voit  l'estrade  réservée  au  comte  et  à 
la  cour.  Le  cortège  se  déroule  sur  la 
place  et  se  compose  de  personnages  de 
tout  rang  et  de  toute  qualité  vêtus  de 


costumes  resplendissants.  La  plupart  de 
ces  personnages  sont  des  portraits;  au 
premier  plan,  se  distingue  un  groupe  de 
trois  individus  peints  avec  beaucoup 
d'esprit  :  l'un  d'eux  est  Duchatel  lui- 
même  tenant  à  la  main  un  papier  sur 
lequel  on  lit  :  F.  Duchastel,  fecit. 
xVo  1668.  L'artiste  aurait  donc  eu  cin- 
quante-deux ans  lorsqu'il  peignit  ce 
chef-d'œuvre.  Sa  physionomie  cependant 
ne  semble  pas  indiquer  cet  âge  :  on  peut 
admettre  qu'il  ait  jugé  à  propos  de  se 
rajeunir  quelque  peu  et,  peut-être,  de  se 
flatter,  car  les  traits  de  son  visage  sont 
d'une  grande  finesse  et  d'une  douceur 
toute  féminine.  Ces  trois  figures  n'ont 
guère  que  le  septième  de  la  grandeur 
naturelle. 

Ce  chef-d'œuvre,  où  l'on  compte  plus 
de  mille  figures,  fut  peint  pour  le 
magistrat  de  Gand  et  ornait  autrefois 
une  des  salles  de  l'hôtel  de  ville. 
M.  Ferdinand  Vanderhaeghen  a  publié 
sur  ce  tableau  une  notice  qui  se  trouve 
insérée  dans  les  Annales  de  la  Société 
royale  des  Beaux-arts,  1867-1868.  Les 
noms  des  personnages  du  cortège  y  sont 
soigneusement  cités.  Entin^  notons  en- 
core qu'il  existe  une  belle  et  fort  cu- 
rieuse gravure  de  cette  toile  unique  ; 
elle  est  due  à  Luc  Vorsterman  ;  mais  on 
y  découvre  d'assez  nombreuses  modifi- 
cations. Cette  planche,  très-rare,  est 
gravée  en  12  feuilles. 

Nous  ne  connaissons  aucune  autre 
œuvre  de  Duchatel  reproduite  par  le 
burin.  L'Histoire  des  peintres,  de  Charles 
Blanc,  donne,  gravés  sur  bois,  lu  le 
portrait  de  Duchatel  d'après  le  tableau 
de  Gand;  2'^  le  Cavalier  du  Louvre,  et 
Z'^V Intérieur  du  corps  de  garde  du  musée 
d'Avignon. 

Les  catalogues  de  vente  ne  fournissent 
que  des  indications  insignifiantes  sur  la 
valeur  des  productions  de  Duchatel, 
vendues,  sans  doute,  sous  les  noms  de 
Teniers  et  de  Coques.  A  la  vente  de  la 
collection  du  prince  de  Rubempré,  à 
Bruxelles,  le  11  avril  1765,  nous  remar- 
quons un  panneau  sur  bois  représentant 
nue  Femme  donnant  le  sein  à  un  enfant 
(tableau  restauré),  hauteur  45  pouces, 
largeur  34-  pouces,  adjug^  pour  31   fio- 


227 


DUCHATEL  —  DU  CHATELET 


228 


rins,  soit  65  fr.  10.  Dans  les  autres 
catalogues  on  rencontre  diiFérents  por- 
traits, dout  un  de  Yan  Dyck  haut  de 
2  pieds  et  large  de  8  pouces;  celui-ci 
provenait  du  cabinet  de  M.  le  chanoine 
Wauters,  cabinet  qui  fut  dispersé  le 
1er  avril  1794. 

Ad.  Siret. 

DD  cuATEiiET  {Jean),  baron  de 
Beausoleil  et  d'Auffenbach,  inventeur 
de  mines  et  métallurgiste,  né  dans  le 
Brabant  vers  1578,  mort  à  la  Bastille  (?j 
vers  1G45.  On  manque  absolument  de 
renseignements  sur  les  premiers  et  les 
derniers  temps  de  la  vie  de  ce  person- 
nage; tout  ce  que  nous  en  savons  se 
borne  aux  données  que  renferment  ses 
écrits  et  ceux  de  sa  femme,  écrits  que 
Gobet  nous  a  conservés  dans  Les  anciens 
minéralogistes  du  royaume  de  France  et  à 
l'aide  desquels  il  a  rédigé  une  biographie 
que  nous  ne  pouvons  guère  que  copier. 

Jean  Du  Chàtelet  épousa  Martine  de 
Bertereau,  née  peut-être  la  même  année 
que  lui,  dans  la  Touraine  ou  le  Berry. 
Ils  paraissent  avoir  consacré  leurs  vies 
à  l'exploitation  des  mines  et  aux  tra- 
vaux métallurgiques;  ils  avaient  visité, 
à  les  en  croire,  les  mines  et  usines  de 
presque  toute  l'Europe  :  Allemagne, 
Hongrie,  Bohême,  Silésie,  Pologne, 
Moravie, Tyrol,  Italie,  Espagne,  France, 
Grande-Bretagne  et  Suède,  et  peut-être 
même  celles  du  Pérou.  Les  connais- 
sances de  Du  Chàtelet  lui  valurent  des 
commissions  importantes;  caries  empe- 
reurs Piodolphe  et  ]\Iathias  l'avaient 
nommé  conseiller  et  commissaire  géné- 
ral des  trois  chambres  des  mines  de  la 
Hongrie  ;  l'archiduc  Léopold  l'avait  créé 
général  des  mines  du  Tyrol  et  du  ïren- 
tin  ;  les  ducs  de  Bavière^  de  X eubourg  et 
de  Clèves  lui  avaient  donné  le  même 
titre  dans  leurs  Etats  ;  enfin  le  pape  lui 
avait  accordé  un  semblable  brevet  dans 
les  Etats  de  l'Eglise  et  la  croix  de  Saint- 
Pierre  le  Martyr  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
est  surtout  connu  par  les  recherches  de 
mines  qu'il  fit  eu  France,  conjointement 
avec  sa  femme. 

Henri  IV  ayant  concédé,  avant  l'édit 
donné  à  Fontaiu(t)l(  au,  au  înois  de  juin 
1601,    les    mines    du    Languedoc,    du 


Labourd  et  de  la  Guyenne  à  Pierre  de 
Beringhen,  son  premier  valet  de  cham- 
bre et  contrôleur  général  des  mines  de 
France,  natif  des  Pays-Bas,  ce  dernier 
attira  son  compatriote  en  France,  et 
l'employa,  dit  Gobet,  dans  un  art  qui 
y  était  considérablement  négligé,  tout  le 
temps  que  M.  de  Euzé-Beaulieu  fut 
grand-maître,  en  continuant  de  faire 
des  recherches  sur  les  mines  de  la 
France.  Ceci  devait  se  passer  dans  les 
premières  années  du  xviie  siècle.  Il  est 
probable  que  c'est  après  cette  première 
mission  que  le  baron  de  Beausoleil  ac- 
complit les  longs  voyages  et  parvint 
aux  honneurs  que  nous  avons  rapportés 
tantôt.  Il  fut  rappelé  en  France  par  le 
marquis  d'Effiat,  surintendant  des  mines 
et  minières  de  ce  royaume,  «  qui  lui 
Il  accorda  une  nouvelle  commission  pour 
»  se  transporter  dans  les  provinces,  afin 
«  d'ouvrir  les  mines,  d'en  faire  des 
"  essais,  d'en  donner  des  avis  fidèles 
«   avant  de  statuer  sur  ce  qui  est  conve- 

11  nable  pour  les  affaires  de  Sa  Ma- 
.11  jesté  «.  Cette  commission  est  datée 
du  30  décembre  1626;  elle  fut  enregis- 
trée  au    parlement    de    Bordeaux,    le 

12  juin  1627  et  à  celui  de  Toulouse,  le 
S  jiiillet  suivant.  Le  baron  de  Beausoleil 
laissa  donc  des  lieutenants  aux  princi- 
pales mines  de  Hongrie  et  transmit 
l'exercice  de  sa  charge  de  commissaire 
général  des  trois  chambres  des  mines  à 
un  de  ses  fils.  Hercule  Du  Chàtelet.  Il 
était  accompagné  de  sa  femme,  aussi 
experte  que  lui,  et  amenait  en  France 
un  nombreux  personnel  technique.  Les 
recherches  qu'ils  entreprirent  dans  ce 
pays  leur  coûtèrent  des  sommes  consi- 
dérables (la  baronne  parle  de  200,000  li- 
vres dans  sa  Restitution  de  Pluton)  ;  mais 
leurs  connaissances  et  leurs  succès  leur 
attirèrent  des  ennemis  sans  nombre. 
Pendant  le  voyage  qu'il  fit  dans  le  Lan- 
guedoc, il  publia  à  Béziers  l'ouvrage  : 
Diorismus  verœ  pJdlosophite  de  mater iâ 
prima  lapidis.  Bituris,  1627,  (Jean 
Martel),  in-S^  de  30  pages.  Le  10  dé- 
cembre de  la  même  année,  sa  commis- 
sion fut  enregistrée  au  parlement  de 
l'rovence,  et  dans  cette  province  le  Dio- 
rismus parut  avec  l'adresse  Aquis  Sextiis 


nd 


DU  CHATELET 


230 


(1628).  Il  paraît  même  que  cet  ouvrage 
a  encore  été  imprimé  sous  le  titre  cité 
par  Borel   (BUjI.    chimira,    p.  41)  :  De 
sulpliure  philosophorum  libelluii.  La  même 
année,  le  baron  de  Beausoleil  se  rendit 
en  Bretagne   et   s'installa  momentané- 
ment à  Morlaix.  Un  jour  qu'il  était  allé 
visiter  une  mine  dans  la  forêt  de  Buis- 
son-Rochemares,  pendant  que  sa  femme 
allait  à  Eennes  solliciter  l'enregistre- 
ment de  la  commission,  un  prévôt  pro- 
vincial, nommé  La  Touche-Grippé,  en- 
vahit leur  domicile  pour  le  motif  qu'on 
ne    pouvait   découvrir  les    mines    sans 
magie,  et  assisté  seulement  d'un  substi- 
tut  du  procureur  général,    saisit   tous 
leurs  bagages,  bijoux,  pierreries,  échan- 
tillons  de  minerais,   instruments   pour 
les  découvrir  et  les  essayer,  procès-ver- 
baux  d'essais,  rapports   sur  les  gîtes, 
papiers  de  toute  nature,    etc.  Le  baron 
se  justifia  facilement  de   l'accusation  de 
magie  ;  mais  il  ne  put  obtenir  la  resti- 
tution des  objets  saisis  :  douze  ans  après, 
la  baronne  réclamait  encore   la  justice 
qui  lui   était   due.    Pour   restaurer  ses 
affaires,  il  retourna  en  Allemagne,  où 
l'empereur  Ferdinand  II  lui  renouvela, 
le   29    septembre   1629,    la   charge   de 
commissaire  des  mines   de  la  Hongrie. 
Il   en   revint   bientôt,  vers    16.30,  à  ce 
qu'on  croit,  et  obtint  en  16.32  des  lettres 
de   surannation  pour  faire   enregistrer 
aux  parlements  de  Paris,  de  Rouen,  de 
Dijon  et   de  Pau,  la  commission  que  le 
marquis  d'Efiiat   lui   avait  accordée  en 
1626.    C'est    à    cette    époque    que    la 
baronne   de  Beausoleil  publia  la    Véri- 
table déclaration  faicte  an  Roy  et  à  nos 
Seigneurs  de  son    Conseil  des  riches  et 
inestimables  thrésors  nouvellement  descou- 
verts dans  le  royaume  de  France,  présentée 
à  Sa  Majesté  par  la  B.  de  B.  S.  1632, 
s.  1.,   in-8'>,   16  p.   Cette  brochure  fut 
réimprimée  la  même  année  sous  ce  titre  : 
Véritable  déclaration  des  mines  et  mi- 
nières de  France  par  le  moyen  desquelles 
Sa  Majesté  et  ses  sujets  se  peuvent  passer 
de  tons  les  pays  étrangers.   Ensemble  des 
propriétés  d'aucunes  sources  et  eaux  miné- 
rales descouvertes  depuis  peu  de  temps  à 
Chnstean-Thierry.  Par  Dame  Martine  de 
Bertercau,  baronne  de  Beausoleil.  l'aris, 


1632,   in-4",    12    p.;    avec  dédicace   à 
M.  d'Effiat.  Enfin,  dans  un  privilège  du 
roi,  donné  à  Paris  le  20  avril  1640,  on 
voit  que  le  baron  et  la  baronne  de  Beau- 
soleil ont  écrit  «  un   livre  des  descou- 
«   vertes  des  mines   et  minières   qu'ils 
«   ont  faites  de  l'authorité  du  Roy  et 
«   par  l'ordre  du  Grand-Maistre  «  et  un 
autre,  intitulé  "  la  Restitution  de  Plu- 
/'  ton    « .  Il  est  regrettable  que  le  pre- 
mier de  ces  ouvrages,  dont  le  privilège 
était  accordé,  n'ait  pas  été  imprimé.  Le 
second  a  été  conservé  par  Gobet,  sous 
ce  titre  :  La  Restitution  de  Bluton  par 
Martine  de  Bertereau,  dame  et  baronne  de 
Beausoleil  et  d' Auffenbach ,  1640.  Il  est 
dédié   à   Richelieu.  On  y  trouve,  avec 
les  réclamations  réitérées  de  la  baronne, 
de   nombreux  renseignements  sur  l'art 
de  découvrir  les  mines,  de  les  exploiter 
et  d'en  traiter  les  minerais,  sur  les  com- 
binaisons astrologiques   qui  s'y  rappor- 
tent,   et   sur   l'art    de    découvrir    les 
sources;    ainsi   que    l'émimération   des 
mines  métalliques  que  nos  personnages 
avaient   découvertes  et   dont   plusieurs 
sont  encore  exploitées  aujourd'hui.  Bien 
qu'il  partageât  les   erreurs   des   alchi- 
mistes et  des  astrologues  de  son  temps, 
le  baron  de  Beausoleil  était  incontesta- 
blement  beaucoup    plus  instruit   dans 
l'art  des  mines   qu'on  ne  l'était  alors, 
surtout  en  France  ;  et  c'est  là  sans  doute 
la  cause  des  tracasseries  et  des  persécu- 
tions auxquelles  il  fut  en  butte  toute  sa 
vie,  bien  qu'il  eut  dépensé  une  grande 
partie  de  sa  fortune  dans  ses  recherches 
faites  pour  compte  de  l'Etat,  La  Resti- 
tution  de  Pluton  ne  réussit  pas  à    lui 
concilier  la  faveur  de  Richelieu,  qui,  si 
l'on  en  croit  J.    Hellot  f préface  de   la 
traduction  de  Schliiter  :  De  la  Fonte  des 
mines  et  des  fonderies,  Paris,  2  vol.  in-4o, 
1750-1753),  le  fit  arrêter  et  enfermer  à 
la  Bastille  où   l'on  croit  qu'il  mourut 
vers  1645.  Sa  femme  partagea  probable- 
ment son  sort,  car   on  ne  trouve  plus 
trace  de  l'un  ni  de  l'autre  dans  les  do- 
cuments postérieurs  à  1640. 

G.  l)p\vali|iii'. 

nohet,  Ia's  anciens  miner nloaistea  du  roijaume 
(le  France,  t.  I.  —  Wciss,  dans  la  Itiogiapliio  uiii- 
vei selle  il«  .Micliaud. 


231 


DU  CHEMIN  —  DUClS 


"23^2 


»i;  ruEMin'  (Isaac),  graveur,  né  à 
Bruxelles  au  commencement  duxvie  siè- 
cle. Cet  artiste,  qu'il  faut  ranger  parmi 
les  plus  habiles,  est  resté  inconnu  jus- 
qu'en ces  derniers  temps  :  aucun  dic- 
tionnaire de  graveurs  ne  le  mentionne 
et  Fusseli  se  borne  à  le  mentionner  dans 
son  Catalogue  sous  le  nom  latinisé  de 
Ducbemius ,  mais  sans  fournir  aucun 
renseignement  sur  son  compte;  c'est 
enfin  grâce  à  M.  Edouard  Fétis,  et  en 
quelque  sorte  fortuitement,  que  l'atten- 
tion a  été  appelée  sur  ses  œuvres. 

En  recherchant  les  faits  relatifs  au 
peintre  Adrien  De  Weert,  M.  Fétis  fut 
amené  à  constater  que  les  productions 
de  celui-ci  avaient  été  magistralement 
reproduites  par  le  burin  d'un  de  ses 
contemporains  et  concitoyens,  et  le  nom 
de  notre  graveur  sortit  de  l'obscurité 
dans  laquelle  il  était  resté  si  longtemps 
relégué. 

On  ne  connaît  jusqu'ici  que  trois 
pièces  de  Du  Chemin  :  lo  Une  Eêmr- 
rectlon  de  Lazare,  planche  grand  in-fol., 
d'après  Adrien  De  Weert,  signée  :  Isaac 
Du  Chem.i{n)HS  Briixellenns  j'ec.  ■ — ■ 
2o  Composition  allégorique  d'après  le 
même  peintre,  représentant  une  femme 
qui  réveille  un  homme  endormi  et  lui 
montre  le  soleil;  estampe  signée  :  /.  Du 
CJiemi{n)us  se.  —  3°  Une  dernière 
planche,  acquise  en  1865  par  la  Biblio- 
thèque royale  de  Bruxelles,  offrant  le 
portrait  du  poëte  flamand  Van  der  Noot, 
en  buste  de  grandeur  naturelle  et  dont 
la  tête,  ceinte  de  lauriers,  charme  le  re- 
gard par  son  intelligente  expression  ;  au 
bas,  sur  la  marge  à  droite,  on  lit  ces 
mots  :  Isack  Du  Chemin  sculpsit.  Ce 
portrait,  d'un  dessin  très-ferme  et  très- 
pixr,  peut  être  considéré  «  comme  une 
des  productions  les  plus  remarquables 
de  l'art  de  la  gravure  qu'ait  produites 
l'école  flamande  pendant  le  xviic  siè- 
cle. « 

En  voyant  que  Du  Chemin  s'était 
plu,  comme  De  Weert,  à  joindre  à  son 
nom  l'indication  de  sa  ville  natale,  on  a 
supposé,  sans  invraisemblance,  qu'ils 
avaient  subi  tous  deux  la  même  des- 
tinée, et  que  c'est  du  sein  de  l'exil 
qu'ils  avaient  voulu,  en  (iii(d(|ue    sorte, 


rappeler  leur  nationalité  à  la  patrie 
absente.  On  peut  invoquer  à  l'appui  de 
cette  hypothèse,  non-seulement  les  nom- 
breuses persécutions  ordonnées  par  le 
duc  d'Albe,  mais  un  fait  matériel  :  la 
date  inscrite  sur  la  première  des  trois 
planches  de  Du  Chemin,  citées  par 
nous.  Après  la  signature  du  graveur  on 
y  lit  :  P.  Ouerradt  exe.  1590,  Or,  cet 
Ouerradt  était  éditeur  et  marchand 
d'estampes  à  Cologne  ;  notre  artiste 
expatrié  s'y  trouvait  donc,  très-proba- 
blement, à  l'époque  indiquée  et,  quoique 
touchant  à  un  âge  avancé,  s'y  montrait 
encore  dans  la  pleine  possession  de  son 

talent.  J.-.  Slappaerts. 

Bull,  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  t 
2«  série. 

nc'C'iis  (Benoît),  compositeur  de  mu- 
sique de  la  fin  du  xve  et  de  la  première 
moitié  du  xvie  siècle.  On  ne  connaît  ni 
le  lieu,  ni  l'année  de  sa  naissance,  mais 
on  le  croit  généralement  né  à  Bruges 
dans  les  dernières  années  du  xve  siècle, 
environ  vers  1480.  Désigné  souvent 
sous  le  nom  de  Benedictus,  il  a  été  con- 
fondu avec  Benoit  d'Appenzell,  composi- 
teur suisse  de  la  même  époque,  dont 
plusieurs  œuvres  parurent  également 
sous  le  nom  de  Benedictus.  Ducis  se 
trouve  aussi  quelquefois  nommé  Dux  et 
encore  Hartoghs,  que  l'on  pense  avoir 
été  son  vrai  nom  flamand  latinisé  eu 
Ducis. 

On  ne  fait  plus  de  difliiculté  aujour- 
d'hui pour  considérer  Ducis  comme  Fla- 
mand. Dans  la  seconde  édition  de  la 
Biograpliie  universelle  des  rnusiciens , 
M.  Fétis  s'en  exprime  ainsi  :  «  Dans  la 
«  première  édition  de  cette  Biographie, 
Il  j'ai  émis  l'opinion  que  Ducis  était 
Il  Belge  de  naissance,  et  que  son  nom 
Il  flamand  était  Hertoghs  (Duc),  latinisé 
Il  dans  celui  de  Ducis;  des  documents 
Il  récemment  découverts,  dans  les  ar- 
II  chives  d'Anvers,  par  M.  Léon  de 
Il  Burbure,  démontrent  que  j'étais  dans 
Il   le  vrai.  « 

Un  fait  certain,  c'est  que  notre  com- 
positeur a  été  organiste  de  la  chapelle 
de  la  Vierge  à  la  cathédraile  d'Anvers, 
place  qu'il  occupa  jusqu'en  1515.  Cette 
année,   la  dernière  de  son  séjour  à  An- 


233 


DUCIS  —  DUCLERCQ 


-234 


vers,  Ducis  fut  élevé  ù  la  dignité  de 
Prince  de  la  gilde  de  Saint -Luc.  En 
1515,  il  quitta  Anvers  pour  se  rendre 
encore  en  Angleterre.  Une  note  trou- 
vée dans  les  comptes  de  la  chapelle 
de  la  Vierge  à  la  cathédrale  d'Anvers, 
par  M.  le  chevalier  Léon  de  Burbure, 
est  relative  à  ce  fait  :  Item,  betaelt  Be- 
nedyct,  otiser  organht,  deti  xvj  fehmary, 
ende  dat  voor  syrien  loon  dat  Jiy  ons  lange 
gedlent  heeft,  ende  dat  liy  tvechrey^de  naer 
IngJielant,  [  *  10  se.  Brab. 

Sur  le  séjour  de  Ducis  en  Angleterre 
aucune  lumière  ne  s'est  encore  faite. 

On  sait  uniquement,  par  un  morceau 
à  qiuitre  voix,  qu'il  composa  en  cette 
année,  à  l'occasion  de  la  mort  de  Josquin 
De  Près,  dont  il  avait  été  l'élève,  que 
Ducis  vivait  encore  en  1531.  Ce  mor- 
ceau a  été  publié  en  partition  dans  les 
ouvrages  sur  l'histoire  de  la  musique  de 
Burney  et  de  Forkel.  Outre  le  recueil  : 
Harmonie n  iiher  aile  'Ode»  des  Horaz,fnr 
3  und  4  stimmen,  der  TJlmer  Jugend  zu 
gefaJlen  in Druck gegehen.  Ulm.  1539,  on 
connaît  de  Ducis  plusieiirs  motets  et 
chansons  trouvés  dans  un  manuscrit 
de  la  bibliothèque  royale  de  Munich  et 
dans  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
publique  de  Cambrai,  et  une  messe  dans 
deux  autres  m^anuscrits  de  cette  dernière 
bibliothèque. 

Comme  la  plupart  des  œuvres  de 
Ducis,  ainsi  que  celles  de  Benoît  d'Ap- 
penzell,  ont  été  publiées  sous  le  nom  de 
Benedictus,  il  est  impossible  de  certifier 
lesquelles  sont  du  Benedictus  flamand  et 
quelles  ont  été  composées  par  le  Bene- 
dictus suisse. 

On  trouve  des  œuvres  signées  Bene- 
dictus,  dans  des  recueils  imprimés  à 
Wittenberg,  Nuremberg,  Heidelberg, 
Lyon  et  Augsbourg,  et  dans  les  collec- 
tions suivantes  publiées  dans  les  Pays- 
Bas  :  l»  Chansons  à  quatre  parties. 
Livre  IV,  imprimé  à  Anvers,  chez 
Tylman  Susato,  en  1544;  —  2"  Chan- 
sons à  cinq  et  à  six  parties.  Livre  V . 
1544,  chez  le  même;  —  3°  Chansons  à 
cinq  et  à  six  parties.  Livre  VI,  1545, 
chez  le  même;  —  4>  Charisons  à  cinq  et 
à  si.r  parties.  Livre  Vil.  1545,  chez  le 
même;  —  5'  Cantiones sacrée,  quas  x-nlgn 


moteta  vocant,  ex  optirnis  quibusqne  hujus 
cetatis  musicis  selectce.  1546,  chez  le 
même;  —  6"  Caniionum  sacrarum,  qtias 
vulgo  moteta  vocant,  quirique  et  sex  vocum. 
Liber  VIII.  Lovanii,  1554-1557;  — 
7°  Selectissimarum  sacrarum  cantionum, 
quas  vulgo  moteta  vocant.  Flores,  trium 
vocum.  Libri  III.  15  69,  imprimé  à  Lou- 
vain,  chez  Pierre  Phalèse;  —  8o  Livre 
septième  des  chansons  à  quatre  parties 
accommodées  tant  aux  instrumens  comme  à 
la  voix.  Anvers,  chez  la  vefve  Jean  Bel- 

lère.  1597.  Alph.  Goovaerts. 

Burney,  A  General  Histonj  of  music,  t  11, 
p.  518.  —  Becker,  Die  Tonwerke  des  xvi  und 
xvii  Jahrhuuderts.  —  De  Coussemaker,  Notice 
des  collections  musicales  de  la  Bibliothèque  de 
Cambrai,  p.  63-91.  —  Félis,  Biographie  univer- 
selle des  musiciens,  t.  111,  p.  68.  —  Forkel,  Allge- 
meine  Geschichte  der  Musik,  t.  II,  p.  601.  —  Ges- 
ner,  Biblioth.  Univers.  —  Gerber,  ISeues  Le.vikon 
der  Tonkànstler,  t.  1,  p.  97;2.  -  Kiesewelter, 
Geschichte  der  Europœisch  -  Abendlwndischen 
oder  unsrer  heutuje  Musik,  p.  M.  —  Kiesewetter, 
Supplément  du  mémoire  sur  les  musiciens  néer- 
landais, art.  3,  p.  86.  —  Romboiits  et  Van  Lerius, 
De  Liijyeren  en  andere  historische  archieven  der 
Antwerpsche  Sint-Lucasfjilde,  t.  I,  p.  83. 

ni'CLERCQ  (Jacques),  chroniqueur, 
né  à  Lille  en  1420,  mort  à  Arras  vers 
1475.  Paquot,  en  disant  que  «  il  passa 
le  gros  de  sa  vie  à  la  cour  de  Philippe  le 
Bon  " ,  semble  le  confondre  avec  son 
père,  qui  se  nommait  également  Jacques 
Duclercq.  Celui-ci,  né  à  Douai  en  1376, 
épousa  en  1409  la  fille  d'un  conseiller 
de  Flandre,  Jeanne  de  Camelin,  fut 
licencié  en  décrets,  conseiller  et  avocat 
de  Philippe  le  Bon,  pour  la  châtellenie 
de  Lille,  Douai,  Orchies,  et  résidait  à 
Lille  oii  il  mourut  en  1465.  Le  frère  de 
Jacques,  Jehan  Duclercq  mourut  abbé 
de  Saint-Vaast  lez-Arras,  à  l'âge  de 
quatre-vingt-cinq  ans  (1462).  Thomas, 
leur  père,  et  Pierre  leur  aïeul  avaient 
été  de  fidèles  serviteurs  de  la  maison 
des  comtes  de  Flandre. 

Le  chroniqueur  Jacques  Duclercq  ne 
paraît  avoir  eu  ni  une  éducation  bien 
complète,  ni  une  carrière  bien  active. 
En  1446,  il  épousa  la  fille  d'un  gentil- 
homme lillois,  Baudouin  de  la  Lacherie. 
Lui-même  avait  le  titre  d'écuyer  et  de 
seigneur  de  Beauvoir,  village  de  l'Artois 
dans  le  petit  territoire  de  Ternois,  non 
loin  de  la  ville  de  Saint-Pol.  Il  passa  la 
plus  grande  partie  de  sa  vio  d(>  In  façon 


235 


DUCLERCQ  —  DUCORRON 


236 


la  plus  monotone  et  la  plus  placide  dans 
sa  maison  d'Arras  «  dite  de  la  Mon- 
noie  " .  C'est  là  que,  dès  l'âge  de  vingt- 
huit  ans,  il  se  mit  à  compiler  des 
notes,  des  anecdotes,  des  renseignements 
bizarres,  des  pièces  curieuses  pour  en 
composer  des  mémoires.  «  Je  me  suis 
enquis,  dit-il,  au  mieux  que  j'ai  sceu  et 
peu.  «  £n  réalité,  il  ne  quitta  guère  son 
paisible  quartier  d'Arras  pour  aller  aux 
informations.  En  1760,  lorsque  le  comte 
de  Xény  fit  demander  aux  couvents  les 
manuscrits  qu'ils  possédaient  sur  l'his- 
toire nationale,  on  obtint  de  l'abbaye 
d'Arras,  la  copie  de  cette  œuvre  de 
Jacques  Duclercq  :  Mémoires  de  J.  ... 
cornmencli  unies  Van  1448  j^inhsantes 
Van  1467.  Dans  sa  «  préface  et  inten- 
tion «  l'auteur  promettait  ultérieure- 
ment deux  volumes  sur  les  événements 
qui  avaient  suivi  la  mort  de  Philippe  le 
Bon.  On  ignore  s'ils  ont  jamais  été 
composés.  Quant  aux  Mémoires,  la  pre- 
mière publication  en  est  due  au  baron 
de  Reilienberg  (Bruxelles,  1823,  4  vol. 
in-8o.  Collection  de  Mémoires  relatifs  à 
VJtistoire  des  Pays-Bas).  C'était  d'après 
la  copie  Van  Hulthem,  déposée  à  la 
bibliothèque  de  Bourgogne.  La  Collec- 
tion Petit ot  et  le  Panthéon  littéraire  de 
Buchon  ont  également  donné  place  à 
cette  chronique  dont  le  style  est  diffus, 
bizarre,  souvent  obscur  et  pénible  ;  mais 
qui  complète  très-utilement  les  narra- 
tions de  Chastelain,  d'Olivier  de  la 
Marche  et  d'autres  contemporains  de 
l'époque  bourguignonne.  C'est  ainsi  que 
vers  la  lin  du  livre  II,  Jacques Duclercq 
donne  de  précieux  détails  sur  la  bataille 
de  Gavre,  Mais,  en  général,  ilpiéfère 
circonstancier  les  menus  événements  qiii 
se  passent  dans  sa  ville  d'Arras  ou  aux 
environs.  Aucun  chroniqueur  n'a  donné 
de  détails  plus  dramatiques  sur  les  pro- 
cès de  sorcellerie  et  surtout  sur  les 
nombreux  «  vauldois  «  qui  furent  brûlés 
en  Artois,  notamment  en  14.59  et  en 
1460.  Comme  il  n'a  écrit  que  naïvement 
«  en  manière  de  passer  le  temps  «,  son 
récit,  en  quelque  sorte  domestique  et 
plein  de  crédulité  superstitieuse,  est  un 
fidèle  témoignage  de  l'esprit  du  temps. 
Les  anecdotes  nombreuses  et  souvent  des 


plus  familières  constituent,  on  peut  le 
dire,  l'histoire  intime  et  quotidienne  du 
règne  trop  bruyant  du  «  grand  duc 
d'Occident  «.  M.  Quicherat  a  trouvé  à 
Arras  un  manuscrit  plus  complet  que 
les  copies  que  l'on  connaissait'  depuis 
les  deux  faites  en  1640  par  ordre  du 
prince  Albert-Henri  de  Ligne.  Il  importe 
toutefois  de  ne  pas  oublier  que  tout  ce 
qui,  dans  Jacques  Duclercq,  concerne 
l'histoire  politique  et  générale  n'est 
guère,  comme  le  dit  M.  A.  de  Yiriville, 
qu'une  compilation  écrite  à  poste  fixe  et 
non  un  récit  de  visu.  Ces  cinq  livres 
de  ^lémoires  «  des  choses  advenues  « 
reflètent  bien  mieux  la  couleur  du  temps 
que  la  physionomie  assez  pauvre  d'un 
écrivain  où  Petitot  (l'on  ne  sait  pour- 
quoi)  trouve    "    un   esprit  juste,  franc, 

élevé.    "  j.  Stecher. 

Paquot,  II,  408.  —  Reiffenberg,  préface  de 
l'édition  de  K'è^à.  Mémoires  de  Duclercq  [passim.]. 
—  Hoefer,  Nouvelle  biographie  générale. 

DCC'ORRo:^  {Jules),  peintre  de 
paysages,  né  à  Ath  en  1770,  mort  en 
184 S.  Il  ne  commença  à  étudier  la  pein- 
ture qu'à  l'âge  de  trente-deux  ans  dans 
l'atelier  d'Ommeganck.  Il  acquit  bientôt 
un  talent  qui  fut  remarqué  et  qui  lui 
valut  de  nombreux  succès;  c'est  ainsi 
qu'il  remporta  des  médailles  d'argent 
de  vermeil  et  d'or,  à  Gand,  Bruxelles 
Tournai,  Douai,  Cambrai,  Courtrai 
Arras,  etc.  Travailleur  infatigable,  il 
produisit  coup  sur  coup  des  tableaux 
qui  jouirent  d'une  vogue  extraordinaire, 
vogue  que  le  temps  n'a  pas  consacrée. 
On  vit  les  tableaux  de  ce  fécond  artiste 
figurer  à  toutes  les  expositions  belges  et 
étrangères  depuis  1812  jusqu'en  1840. 
On  en  trouve  la  liste  dans  le  Diction- 
naire des  hommes  de  lettres,  etc.,  de  Van- 
der  Maelen(1837). 

Ducorron  était  un  excellent  profes- 
seur. Il  forma  plusieurs  élèves,  parmi 
lesquels  il  faut  surtout  citer  Mathieu, 
ancien  directeur  de  l'Académie  de  Lou- 
vain.  Doué  d'un  tempérament  d'ar- 
tiste, il  vit  sa  vocation  contrariée  par 
ses  parents,  et  n'en  eut  que  plus  d'en- 
thousiasme. Il  conserva  pendant  toute 
sa   vie    le   don   de   communiquer  le  feu 


237 


DUCORRON  —  DUCQ 


238 


sacré  à  ses  disciples,  et  c'est  à  lui  qu'on 
doit  la  création  d'une  académie  de 
dessin  dans  sa  ville  natale. 

Ail.  Siret. 

nv  €ORito:v  (Nicolas),  colonel  du 
génie  décoré  de  l'ordre  de  IN'Iarie-Thé- 
rcse,  naquit  à  Mons  en  1750  d'une 
famille  originaire  d'Ath  et  mourut  le 
6  janvier  1815. 

Après  avoir  fait  ses  études  à  l'aca- 
démie du  génie  des  Pays-Bas,  Du  Corron 
entra  dans  le  corps  des  ingénieurs  en 
1768.  'A  peine  officier,  il  fut  appelé  à 
prendre  part  aux  campagnes  des  Autri- 
chiens en  Turquie  et  en  Valaohie  et 
revint  en  Belgique,  en  1785,  avec  le 
grade  de  capitaine,  honorablement  con- 
quis par  sa  bravoure  et  par  ses  talents. 
Lors  de  la  guerre  de  l'Autriche  contre  la 
France,  Du  Corron  assista  à  la  bataille 
de  Jemmapes,  puis  aux  sièges  de  Valen- 
ciennes  et  du  Quesnoy.  Durant  tout  le 
cours  du  siège  de  cette  dernière  place, 
où  il  dirigea  les  travaux  d'attaque,  il  ne 
cessa  de  donner  des  preuves  éclatantes 
de  bravoure,  d'activité  et  de  dévoue- 
ment. Jour  et  nuit  il  parcourait  les 
endroits  les  plus  périlleux,  faisait  ré- 
parer avec  soin  les  dégâts  occasionnés 
par  le  feu  de  l'ennemi  et  entretenait 
l'ardeur  des  troupes  par  l'exemple  de 
son  intrépidité. 

En  1797,  il  prit  part  au  siège  de 
Kehl  et  conduisit  lui-même  une  des 
colonnes  d'assaut.  Il  déploya,  en  cette 
circonstance,  tant  de  prudence,  de  réso- 
lution et  de  courage  personnel,  qu'il 
parvint  à  vaincre  la  résistance  opiniâ- 
tre de  l'ennemi;  malgré  le  feu  et  la 
mitraille  qui  décimaient  sa  colonne,  il 
la  conduisit  jusqu'au  haut  de  la  brèche 
et  réussit  à  s'y  établir  assez  solidement 
pour  repousser  toutes  les  attaques  des 
assiégés.  La  belle  conduite  de  Du  Cor- 
ron obtint  les  éloges  du  maréchal  comte 
de  Latour;  elle  fut  récompensée  par  la 
croix  de  l'ordre  de  Marie-Thérèse.  Cet 
officier  distingué  assista,  la  même  année 
encore,  au  combat  de  lluningue.  De- 
venu mRJor  le  2  août  1787,  il  eut  la 
direction  des  travaux  de  défense  du  pont 
de  Kreit)o\irg.  En  1812,  Du  ('orron, 
(|ui  comptait   qiuiraiite-sept  années    de 


service  militaire,  fut  admis  à  la  pension 
avec  le  grade  de  colonel. 

Gén'Tal  baron  Guillaume. 

Hirtenfeld,  Der  Mililâr  Maria- Tlieresieti-Or- 
den. 

nvvQ  (Josepli- François),  peintre 
d'histoire  et  de  portraits,  né  à  Lede- 
ghem  (Flandre  occidentale)  le  10  sep- 
tembre 1763,  mort  le  9  avril  1829  à 
Bruges.  Son  père,  chirurgien,  le  desti- 
nait à  la  médecine,  mais  la  vocation  de 
l'enfant  l'emporta  et  il  commença  ses 
études  à  l'académie  de  Bruges,  sous  la 
direction  de  Paul-Joseph  De  Cock.  En 
1786,  il  obtint  la  médaille  poiir  le  meil- 
leur dessin  d'après  le  modèle  vivant.  La 
même  année  il  partit  pour  Paris,  où  il 
suivit  les  leçons  de  Suvée,  En  1792,  il 
remporta  le  premier  prix  de  dessin 
d'après  nature,  après  quoi  il  revint  à 
Bruges  pour  retourner  à  Paris  en  1795. 
Cinq  ans  après,  l'Institut  lui  décerna 
ainsi  qu'à  Ingres,  le  second  grand  prix 
de  peinture  avec  logement  au  palais  des 
Beaux-arts.  Le  sujet  du  tableau  était  : 
AntiocJms  renvoyant  son  pis  à  Sciplon. 
Le  premier  prix  fut  accordé  à  Jean 
Pierre  Granger.  En  1807,  Ducq  partit 
pour  l'Italie  où  il  résida  pendant  six  ans. 
Un  de  ses  tableaux  exposés  à  Paris  en 
1810  lui  valut  une  médaille  d'or.  A  son 
retour  à  Bruges  en  1815,  il  y  fut  nommé 
premier  professeur  de  l'académie,  puis 
peintre  du  roi  des  Pays-Bas,  membre  de 
l'Institut,  chevalier  de  l'ordre  du  Lion 
Belgique,  etc. 

On  a  de  lui  au  musée  de  Bruxelles 
une  Vénus  sortant  des  eaux;  à  l'Académie 
de  Bruges,  plusieurs  tableaux  et  por- 
traits, notamment  l'esquisse  du  tableau 
qui  lui  valut  à  Paris  son  deuxième  grand 
prix.  Il  fit  pour  le  palais  de  Saint-Cloud 
des  peintures  qui  ont  été  très-appré- 
ciées.  Les  Annales  de  Landon  donnent 
deux  gravures  au  trait  de  C.  Normand, 
d'après  ces  peintures  :  L'Aurore  et  la 
Nuit.  La  composition  en  est  des  plus 
gracieuses. 

On  trouve  aussi  dans  les  Annales  du 
salon  de  Garni,  etc.  ((îand,  1823)  la 
gravure  au  trait  par  Normand,  d'après 
un  tableau  (^ui  était  alors  en  possession 
du  prince  d'Orange  :  Avtondlo  de  Mes- 


239 


DUCQ  -  DU  CYGNE 


240 


sine  dans   V atelier  de    Jean  ran  Eyck. 

Ducq  dessinait  très-correctement  et 
composait  avec  facilité,  malheureuse- 
ment son  coloris  manque  de  richesse  et 
de  force. 

Fiorillo,  et  d'après  lui  Kramm,  cite 
un  E.  Ducq,  peintre  d'histoire,  né  à 
Ledeghem  près  de  Courtrai  et  vivant  à 
la  fin  du  xviiie  siècle  :  c'est  le  même 
que  celui  qui  fait  l'objet  de  la  présente 
notice.  Ad.  Sh-ei. 

orcQiJET  {BartTiélemi) ,  ou  le  Duc- 
QUET,  licencié  en  droit  et  avocat  à  la 
cour  de  Liège,  mourut  en  cette  ville  le 
2  octobre  1611.  Son  extérieur  n'annon- 
çait pas  un  homme  d'une  aussi  profonde 
érudition.  Eprouvant  un  grand  embarras 
à  exprimer  sa  pensée,  il  était  toujours 
préoccupé  de  retrancher  de  son  discours 
ce  qui  lui  paraissait  superflu,  et  s'ha- 
bitua à  un  laconisme  dont  se  ressen- 
tirent ses  œuvres..  Mais  il  avait  un 
esprit  juste  et  pénétrant,  qui  saisis- 
sait à  l'instant  le  fond  d'une  aiïaire  et 
la  dégageait  de  tout  ce  qui  n'y  avait 
pas  directement  rapport.  Il  écrivit  plu- 
sieurs volumes  de  Réponses  J2iridiques , 
courtes  et  énergiques,  sans  préface  et 
sans  commentaires,  et  un  Traité  des 
évictions  ou  saisies,  matière  aussi  utile 
qu'elle  est  fréquente  dans  nos  tribu- 
naux, dit  l'historien  Devaux.  Ces  deux 
ouvrages,  qui  étaient  autrefois  à  tout 
moment  invoqués  au  palais,  n'ont  pas 
été  livrés  à  l'impression.  On  ne  sait  ce 
que  les  manuscrits  sont  devenus. 

Jean  Ducquet,  dont  on  trouve  une 
pièce  de  vers  latins  adressée  au  P.  André 
de  Tecto,  dans  un  Recueil  de  Sermons 
imprimé  par  celui-ci  à  Liège,  en  1616, 
était  probablement  le  frère  de  Barthé- 

lemi.  s.  Bormans. 

Valère  André,  p.  iOo.  —  Abry,  Les  hommes 
illustres  delà  nation  liéç/eoise,  Liège,  -1869,  in-S». 
—  Devaux,  Histoire  ecclésiastique  du  diocèse  de 
Liège,  t.  V,  p  372.  —  Mémoires  inédits. 

DVCROQVET  {André)  ou  Croque- 
Tius,  écrivain  ecclésiastique,  né  à  Douai 
vers  1540,  décédé  dans  la  même  ville  en 
1580,  embrassa  la  vie  religieuse  dans 
l'ordre  de  Saint-Benoît  et  devint  prieur 
de  l'abbaye  d'Husnon.  11  étudia,  pen- 
dant   quelque    temps,    la    théologie    à 


l'université  de  Douai  et  y  fut  promu  au 
grade  de  docteur  en  cette  science  peu  de 
temps  après  la  fondation  de  cette  uni- 
versité en  1562.  Il  mourut  de  la  peste  à 
Valenciennes  en  1580.  On  a  de  lui  les 
ouvrages  suivants  :  1.  Catéchèses  cliris- 
tiana  Andreee  Crocquetii  Benedictini, 
S.  theologiœ  licentiatl,  confecta  et  editœ 
ofera  ac  sttidio  maximo  ex  Mathœi  Ga- 
leni...  Jiomiliis  catecheticis.  Duaci,  Lu- 
dovicus  de  Winde,  1574,  vol.  in-4o  de 
52-642-13  pages.  Cet  ouvrage  a  été 
réimprimé  à  Lj'on  en  1593.  —  2.  Com- 
vientarïi  in  epistolam  Fauli  ad  Romanos. 
Duaci,  J.  Bogardus,  1577;  vol.  in-4o. 
—  3.  Enarratio  epistolœ  ad  JSebrœos  a 
syro  sermone  in  latimirn  contersœ.  Duaci, 
J.  Bogardus,  1578;  vol.  in-S».  — 
4.  Homélies  trentnoef  contenantes  V expo- 
sition des  Set  Psalmes  pénitentièles, 
précees  eu  la  ville  de  Valencênes,  en 
Véglise  et  prévôtée  de  Notre-Dame  la 
Grande.  A  Douai,  Jean  Bogard,  1579; 
vol.  m-%>  de  92-336  pages. 

E.-H.-J.  Reusens. 
Foppens,  Bibliolheca  beltjica,  1,  p.  51.  —  Du- 
thillœul,  Bibl  ographie  douaisienne,  passim.  — 
Ziegelbauer,  Historia  rei  litterariœ  ordinis  S.  lie- 
nedicli,  p.  IV,  p.  oO,  loS  et  lo9. 

»u  C'YGiiE  {Martin),  né  à  Saint- 
Omer  en  1619,  mort  le  29  mars  1669. 
Entré  à  l'âge  de  vingt  ans  dans  la  com- 
pagnie de  Jésus,  il  consacra  toute  sa  vie 
à  l'enseignement  et  se  distingua  comme 
professeur  de  rhétorique.  On  lui  doit 
plusieurs  ouvrages  qui  ont  été  réédités, 
et  qui  sont  devenus  classiques  dans  les 
collèges  des  Pays-Bas  et  de  l'Allemagne. 
Ils  ont  été  retouchés,  corrigés  et  aug- 
mentés par  les  professeurs  qui  s'en  ser- 
vaient dans  leurs  classes,  comme  on 
joeut  le  voir  par  les  variantes  du  texte  en 
comparant  les  premières  éditions  avec 
les  dernières.  Ces  ouvrages  sont  :  1»  Ars 
historica.  —  2"  Ars  rhetorica,  manuel 
qui  se  recommande  par  la  clarté  de 
l'exposition,  la  méthode  et  le  jugement 
de  l'auteur.  On  peut  reprocher  une  trop 
grande  concision  au  traité  des  tropes 
qui  termine  ce  manuel.  Tous  les  exem- 
ples sont  tirés  de  Cicéron.  —  3»  Ars 
metrica  et  Ars  poetica.  Ces  manuels 
ont  été  surtout  modifiés  dans  les  édi- 
tions postérieures.  —  4»  Fons  eloquen- 


Ui 


DU  CYGNE  —  DUET 


242 


tia  sive  M.    T.    Cice/'O/ns  orationes,  en 
IV  volumes  in-18,  souvent  réimprimés. 
L'auteur  donne  l'argument,   la  marche 
et  l'analyse  des  discours.   Le  dernier 
volume  de  la  4e  édition,   publiée  par 
Yerdussen  à  Anvers,  se  termine  par  les 
tables   des   lieux   communs,   des   argu- 
ments,   des  transitions,   des   figures  et 
par   le   manuel  de   rhétorique   indiqué 
8uh  no  1.  Ce  4e  volume,  très-estimé,  a 
été  fréquemment  publié  tout  seul  ;  c'est 
en   quelque   sorte   le   résumé  des  trois 
premiers.    On  le  consulte   encore  avec 
fruit.  Après  la  mort  du  K.  P.  Du  Cygne, 
on  a  publié,  en  2  vol.  in-18,  douze  co- 
médies sans  grand  mérite  littéraire.  Ce 
sont  des  imitations,    assez   serviles,    du 
style  de  Térence  et  de   Plante.  Le  plus 
grand  éloge   que   l'on   puisse   en  faire, 
c'est  de  répéter  avec  le  grand  vicaire  et 
censeur  des  livres  De  Surlet  :  Ces  comé- 
dies prouvent  que  la  galanterie  nest  pas 
essentielle  au  genre  comique .  Elles  étaient 
représentées  par  les  élèves  du  collège. 
Ces  comédies  sont  intitulées  :  I.  Co- 
drillos,  pauvre  diable  qui,  sans  l'inter- 
vention   de    saint    Ignace,    allait    être 
condamné  pour  vol   :   saint  Ignace   lui 
avait  donné  ses  vêtements   avant  de  se 
retirer  du  monde.  —  II.  Dorniientes,  la 
légende  des  sept  Dormants.  — III.  Mar- 
supium  :  c'est  la  fable  du  Savetier  et  du 
Financier.  —  IV.  Sepultus  :  Saint  Orner 
ressuscite  un  ^mort  pour  convertir  les 
Morins  idolâtres.   —  V.    Gemma.  Un 
soldat  vend  à  vil  prix  un  joyau  apparte- 
nant  à   Charles  le  Téméraire,  battu  à 
Granson.  —  VI.  ViUicus.  Histoire  d'un 
fermier  qui  trompait  son  propriétaire. 
—  VII.  Gymnasium.  La  jeunesse  belge 
était  corrompue  en  1567.  Imerius  réta- 
blit la  discipline   dans  les  collèges.  — 
VIII.  Dot.  Un  mendiant  donne  une  dot 
immense   à  sa  fille,   à  condition  que  si 
elle  n'a  pas  d'enfants,    elle  fondera  un 
hospice  pour  les  pauvres.  —  IX.  Pran- 
dium.    Un    savoyard    ramone   chez    un 
hérétique;  celui-ci  l'enfume  et  il  descend 
dans  la  cheminée  d'une   maison  voisine, 
au  grand  clfroi  des  convives.  —  X.  Fer- 
nandes,  pris  par  des  pirates,  est  conduit 
à  Constantinoplo  ;  il  y  est  élevé  par  des 
musulmans;    vingt   ans   plus    tard,     il 


tombe  entre  les  mains  des  Espagnols  et 
son  père  le  reconnaît.  —  XI.  Lgtrum. 
Un  Génois  avait  besoin  de  300  écus, 
rançon  de  son  fils.  Il  fait  dire  une  messe 
pour  les  trépassés.  Un  inconnu  lui  remet 
une  lettre  de  change;  le  marchand  sur 
qui  elle  est  tirée  reconnaît  l'écriture  de 
son  père  mort  depuis  dix  ans,  et  solde 
la  lettre.  —  XII.  Franciscanus.  Xico- 
cosme  veut  devenir  religieux.  Son  père 
s'y  oppose  et  veut  le  marier  à  Eugénie. 
Le  jour  de  la  noce,  on  annonce  qu'Eugé- 
nie est  entrée  au  couvent  et  Nicocosme 
se  fait  franciscain.  j.  d„^o,„. 

Paquot,  édition  de  Louvain  1770,  XY,  73.  — 
BiofjraiJiie  wiiverselle,  V,  3o3.  —  De  Feller, 
Paris,  Mequignon,  1827,  V,  3o6. 

OUET    {Antoi7ie),    professeur,    poëte 
latin,  né  à  Mous,  mort  à  Amsterdam  le 
30  août  1.567.  On  ignore  où  il  fit  ses 
études,  mais  il  compta   au   nombre  de 
ses  maîtres  Jean  Transaquensis,  devenu 
plus    tard    curé    d'Ath    et    auquel    est 
adressée  l'une  de  ses  églogues.    «   Duet 
Il   fut,    dit    Vinchant,    un    personnage 
Il   docte  et  pieux....  Il  fut,  dans  la  ville 
Il   d'Amsterdam   en   Hollande,    recteur 
"   de  certain  collège,  où  il  enseigna  tou- 
II  jours    catholiquement   la  langue  la- 
II   tine.    //  La   manière   dont  s'exprime 
l'annaliste  du  Hainaut  semble  dénoter 
que  Duet  était  laïque,  tandis  que  les  sujets 
de    ses    écrits    pourraient   faire    croire 
qu'il   était  prêtre.    Toutes  ses  publica- 
tions datent  des  neuf  dernières  années 
de  sa  vie.  Nous  les  citerons  en  suivant 
l'ordre    chronologique,    lo   Carmen    de 
Natali  Jesu.  Antv.,  1559.  —  2"  Parce- 
nesis    ad    liberalium    artiuvi    studiosos. 
Antv.  ,    15  60.    —    3o    Paraphrasis   in 
psalmum  CCCXVIII  (121) pietatis  impie- 
tatisque  prannia   contiuens,   Ant.   Dueto 
autore,    Psalmus  LXXXIIII  ah  eodem 
expressus  carminé  lgrico(aYec  deux  pièces 
d'autres  auteurs).  Antv.  ap.  Joan.  La- 
tium,   1561,  in-8o,  —  4o  Ecloga  sacrœ 
très.    Item  psalmus  LXXI  lyrico  ver  su 
redditus.  Aut.  Dueto  auctore.   Leidae, 
ap.    Th.    (Jar.     Horst,     1565,    in-8o. 
L'identité  du  sujet  autorise  à  croire  que 
la   troisième  des  églogues  n'est  qu'une 
seconde   édition   du  no  1  cî-dcssus.  — 
5"  Paupertatis  quercln  ad  Jinnestum  rlrum 


243 


DUET  —  DU  FAING 


244 


Bavonem  Divitem  Gandemem.  Itempsalmi 
EiicJiarîstici  duo .  Ant .  Dueto  auctore ,  etc . 
Leidae,  Exe.  Th.  Ger.  Horst,  15  66, 
in-So.  A  la  suite  de  la  Paiipertatis  que- 
rela  se  trouvent  une  imitation  du 
psaume  CXXIV;  une  traduction  du 
psaume  CXLIV  et  Pro  PhiUppo  rege 
cathoUco  actio  gratiarum  —  6o  Expostu- 
latio  de  tempomm  calamitatibns  ad  Denm 
ovimpoteniem.  Ant.  Dueto  auct.  Item 
psnhnns  LXXIIII,  eodem  interprète. 
Leidfe,  Th.  G.  Horst,  1567,  in-8o.  — 
Valère  André  attribue  en  outre  à  Duet  : 
7'^  Vita  Tobiœ  majoris  en  vers  élégia- 
ques.  — ■  8o  Descriptio  Ninires.  — 
9j  Paraphrnsis  VI psalmorum.  Lecouvet 
soupçonne  que  ce  dernier  numéro  ne 
forme  pas  une  publication  spéciale,  mais 
qu'il  se  rapporte  aux  psaumes  men- 
tionnés aux  numéros  précédents.  On 
peut  objecter  à  cette  conjecture  qu'à 
l'exception  d'un  seul,  ces  psaumes  ne 
sont  pas  paraphrasés,  mais  seulement 
imités.  Duet  a  fait  emploi  pour  les 
psaumes  d'une  grande  variété  de  formes 
lyriques;  il  a  su  adapter  à  chacun  d'eux 
le  mètre  qui  lui  convient  le  mieux.  Les 
églogues  et  le  poëme  sur  les  malheurs 
du  temps  sont  en  vers  héroïques  et  la 
Paupertati'i  querela,  en  vers  élégiaques. 
On  s'aperçoit  à  la  pureté  du  style  du 
poète  montois  qu'il  s'était  nourri  de  la 
lecture  des  meilleurs  écrivains  de  Rome  ; 
plusieurs  de  ses  vers  offrent  des  réminis- 
cences de  Virgile  et  d'Horace.  On  doit 
louer  chezhii  l'expression  poétique,  et, 
dans  certaines  de  ses  pièces,  la  vigueur 
de  son  argumentation.  On  a  vanté  avec 
raison  sa  facilité,  mais  elle  dégénère 
parfois  en  longueur  et  en  verbosité.  Si 
Hofraan  Peerlkarap  eût  connu  les  poé- 
sies de  Duet,  qui  sont  devenues  d'une 
grande  rareté,  il  eût  certainement  ac- 
cordé au  poëte  montois  une  place  dans 
son  ouvrage  sur  les  poètes  latins  néer- 
landais. J.  Roulez 

Vinchanl,  Annalea  de  la  prorince  et  comté  du 
llainniii,  t.  V,  p.  -ÎH'2  de  IV'dii.  des  Bibliophiles. 
—  Vait-re  André,  Bibl.  belff.,  p.  -liil.  —  Foppcns, 
p.  7o.  —  Lecouvet,  llaunouia  poetica,  p.  79-89. 

niKZ  {Paul),  écrivain  ecclésiastique, 
né  à  Liège  en  1585,  et  décédé  à  Metz 
le  14-  avril  1644..  \\  entra  dans  la  com- 


pagnie de  Jésus  à  l'âge  de  vingt  ans  et 
enseigna  pendant  plusieurs  années  les 
humanités  dans  différents  collèges.  Après 
avoir  dirigé  les  collèges  de  Bar-le-Duc 
et  de  Sens,  il  vint  étudier  la  théologie  à 
l'université  de  Pont- à-Mousson,  et  y 
prit  le  bonnet  de  docteur  en  cette 
science.  Plus  tard  il  fut,  pendant  quatre 
ans,  recteur  magnifique  de  cet  établis- 
sement, gouvernant  en  même  temps  le 
collège  que  la  compagnie  avait  à  Pont- 
à-Mousson.  Voici  la  liste  des  ouvrages 
que  le  P.  Duez  a  laissés  :  1.  Luctus 
juventutis  academiœ  Mussîp07itanœ  in 
fimere  sereniss.  Ca.roli  III,  Calab.  LotJiar. 
BaiTi  ducis.  Mussiponti,  Melch.  Ber- 
nardus,  1608;  vol.  in-8o  de  60  feuillets. 
■ — ■  3.  CommentariuH  brevis  in  selectas 
TlbulU  et  Propertii  elegias  et  Ausonii 
MoseUam.  Mussiponti,  JMelch.  Bernar- 
dus,  1615;  vol.  in-12,  réimprimé  plu- 
sieurs fois  en  France  et  en  Belgique.  — 

3.  Cantus  musarum  ad  Henricum  II, 
serenissimum  LotliaringicB  ducem.  Mussi- 
ponti,   Melch.    Bernardus,     1615.    — ■ 

4.  Practique  delà  perfection  religieuse  et 
des  ver  tics  cîirestiennes  et  religieuses,  com- 
posée en  espagnol  par  le  R.  P.  Alphonse 
Rodriguez...  traduite  en  français  par  le 
P.  Paul  Bnez.  Paris,  1621;  vol.  in-8o, 
réimprimé  un  très-grand  nombre  de  fois 
en  France  et  en  Belgique. 

E.-H.-J.  Reusens. 

Paquet,  Mémoires,  éd.  in-fol  ,  II,  p.  38.  —  De 
Backer,  Ecrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus,  1, 
col.  1678. 

DU  r.%i«e  (Gilles),  diplomate,  écri- 
vain, chevalier,  seigneur  de  Linay, 
Grift'emont,  baron  de  .Tamoigne,  etc., 
gentilhomme  de  la  bouche  des  archiducs 
Albert  et  Isabelle,  membre  du  conseil 
de  guerre  du  roi  et  son  chambellan.  Il 
était  fils  de  Jean,  dit  de  Tassigny,  sei- 
gneur du  Faing,  etc.,  gouverneur  de 
Chiny,  et  de  Françoise  de  Cugnon,  dame 
d'Ethe  et  de  Belmont,  naquit  à  .lamoi- 
gne  vers  1560,  et  mourut  à  Gand  le 
11  décembre  1633. 

Ayant  terminé  ses  études,  il  embrassa 
la  carrière  des  armes,  entra  dans  un 
régiment  haut-allemand  et  obtint  le 
grade  de  capitaine.  Eu  cette  qualité  il 
assista  aux  sièges  d'Anvers,  de  Grave, 


nry 


DU  FAING  —  DUFAU 


246 


de  Venloo,  de  Zutphen,  de  Berg-op- 
Zoom,  de  l'Ecluse  et  de  Bommel.  Les 
preuves  de  fidélité  qu'il  avait  données 
à  la  maison  d'Espagne  engagèrent 
le  duc  de  Parme  à  l'envoyer  à  la  cour 
de  Philippe  II,  où  il  résida  pendant 
cinq  ans.  Il  y  fut  employé  aux  affaires 
des  Pays-Bas  et  de  la  Ligue.  Avant  de 
le  renvoyer  dans  son  pays  natal,  Phi- 
lippe II  le  fit  armer  chevalier  et  lui 
remit  une  chaîne  d'or,  comme  preuve  de 
haute  satisfaction.  Pans  les  Pays-Bas,  il 
fut  attaché  à  la  maison  des  archiducs 
Albert  et  Isabelle  et  parvint  à  se  faire 
nommer  (27  septembre  1596)  conseiller 
de  courte  robe  au  conseil  de  Luxem- 
bourg. Quatre  ans  plus  tard  (12  décem- 
bre 1600),  il  obtint  la  place  de  prévôt 
et  gruyer  de  Chiny.  Enfin  le  8  août  1617 
furent  signées  les  lettres  patentes  qui 
le  nommèrent  souverain  bailli  de  Flan- 
dre. 

Selon  l'état  qu'il  a  dressé  de  ses  ser- 
vices, DuFaing  aurait  reçu  vingt-six  mis- 
sions diplomatiques,  tantôt  en  France, 
tantôt  en  Lorraine,  dans  le  duché  de 
Julie rs,  à  Liège,  en  Allemagne  et  en 
Italie.  Mais  toutes  ces  missions  n'avaient 
pas,  à  proprement  parler,  un  caractère 
diplomatique.  Homme  de  cour  accom- 
pli, la  mission  de  complimenter  des  sou- 
verains étrangers  lui  incomba  souvent. 
C'est  ainsi  qu'il  fut  envoyé,  en  1603, 
vers  les  princes  et  princesses  de  Lor- 
raine et,  en  1612,  auprès  de  Chris- 
tiern  IV,  roi  de  Danemark.  Les  véri- 
tables missions  diplomatiques  qu'il  a 
remplies,  et  dont  nous  avons  pu  trou- 
ver des  traces  positives,  sont  les  sui- 
vantes :  en  1600,  il  fut  chargé,  con- 
jointement avec  Jean  de  Ilatstein  et 
Pierre  Vanden  Bossche,  président  du 
conseil  de  Namur,  de  représenter  le 
cercle  de  Bourgogne  à  la  diète  de  Spire 
et  d'y  défendre  les  droits  de  son  pays, 
que  plusieurs  princes  voulaient  exclure 
de  la  dicte.  Il  devait  aussi  examiner  les 
affaires  des  monnaies  et  les  questions 
que  soulevaient  les  procédures  enta- 
mées devant  le  conseil  de  Brabant  contre 
des  sujets  de  l'empire.  A  son  retour 
d'Allemagne,  il  fut  envoyé  vers  les  com- 
missaires  du   duc   de  Lorraine,  afin  de 


terminer  les  contestations  territoriales 
au  sujet  des  villages  de  Fresnoy , 
La  Montagne  et  la  seigneurie  de  Mon- 
tigny.  Des  contestations  semblables 
s'étant  reproduites  en  1609,  il  les  ter- 
mina également,  comme  celles  qui  sur- 
girent entre  l'électorat  de  Trêves  et  les 
Pays-Bas  à  propos  de  (quelques  localités 
situées  près  du  duché  de  Luxembourg. 
Il  écrivit,  au  sujet  du  voyage  de 
l'archiduc  Albert  en  Espagne,  une  rela- 
tion dont  la  bibliothèque  royale  de 
Bruxelles  conserve  un  exemplaire  ma- 
nuscrit. Elle  est  intitulée  :  "  Mémoire 
de  ce  qu'a  passé  au  voiage  de  la  royne 
et  de  l'archiduc  Albert  depuis  son  parte- 
ment  des  Pays-Bas  pour  Espaigne,  et  des 
choses  succédées  aux  séjour  et  retour  de 
Leurs  Altesses  Sérénissimes,  mesme  aux 
entrées  faictes  en  leurs  pays  et  estats. 
Le  tout  recueilli  par  messire  Giles  Pu 
Faing,  chevalier,  seigneur  de  laCrouvée, 
gentilhomme  de  la  maison  et  du  conseil 
de  feu  de  glorieuse  mémoire  Philippe  11 
de  ce  nom,  roy  des  Espaignes.  « 

A  sa  mort,  il  laissa  de  sa  femme  Mar- 
guerite de  Steenlant,  dame  de  Hasselt, 
Hoyen,  eic,  \\n  fils  nommé  Philippe- 
François,  baron  de  Jamoigne,  conseiller 
de  courte  robe  au  conseil  de  Luxem- 
l^ourg.  ch  Piof. 

Neyen,  Binçiraphie  lii.revihourqeoixe,  p.  179.  — 
L'Espinoy,  Antiqiiilez  de  Flanilre,  |).  96.  Ar- 
chives (Ju  conseil  d'Etat  ;i  Uiuxelles,  carions  in- 
titulés :  liinilts;  commissions.  —  Archives  de  la 
secrétaiierie  d  Elat  allemande 

ni'F.ti:  {Jean-Bapthte),  hagiographe, 
né  de  parents  belges  à  Neuvic  dans  le 
département  de  la  Corrèze  (France)  le 
1er  septembre  1813,  décédé  à  Liège  le 
21  février  1849.  Son  père,  Antoine 
Dufau  et  sa  mère,  Isabelle  Fabie,  appar- 
tenaient à  la  bonne  bourgeoisie  de  la 
ville  de  Binche.  Leur  fils  .lean-Baptiste, 
qui  avait  épousé  dame  Angélique-Amé- 
lie l^tuwez,  enseigna  pendant  quelque 
temps  la  langue  française  au  collège  de 
Saint-Servais  à  Liège.  11  a  publié  : 
l'j  Traité  éUmentaire  iVbiHtruct'ion  morale 
et  relif/ieitse.  Bruxelles,  18  13,  vol.  in-l8. 
—  2"  Le  mois  de  mai  sanctifié  e7i  Belgique 
contenant  pour  chaque  jour  :  1"  l'histo- 
rique de  la  dévotion  à  Jfarie  dans  vn  de 
nés  principaux  sanctuaires   en    Belgique; 


-24" 


DUFAl    —  DUFAY 


-24  S 


2o  In  vie  de  la  sainte  Vierge ,  etc. 
Liège,  Lardinois,  18-48,  vol.  in-lS  de 
A'ii-439  pages,  orné  d'une  lithographie. 
—  3o  La  Belgique  chrétienne  ou  histoire 
de  la  religion  en  Belgique Tome 'pre- 
mier (seul  paru),  contenant  Vhistoire  de 
l'introduction  et  du  développement  du 
christianisme  en  Belgique.  Liège,  Des- 
sain, 1847;  vol.  in-8'i  dexii-297  pag  , 
vendu  aussi  plus  tard  avec  le  nouveau 
titre  de  Histoire  de  V introduction  et  du 
développement  du  christianisme  en  Bel 
gique  jusqu'à  la  Jîn  des  invasions  et  des 
troubles.  Liège,  Lardinois.  Ces  deux 
ouvrages  de  J.-B.  Dufau  ne  contiennent 
rien  de  neuf;  ce  sont  de  simples  compi- 
lations sans  valeur  historique.  —  4^  Ha- 
giograpJiie  belge.  Bruxelles,  Jamar  1849, 
tome  1er  et  unique;  vol.  in-8o  de 
204  pages  avec  frontispice  lithographie. 
Ce  travail  fait  partie  de  la  bibliothèque 
nationale,  publiée  par  l'éditeur  .Jamar. 
La  mort  prématurée  de  l'auteur  fut 
cause  qu'il  ne  parut  qu'un  seul  volume 
de  V Hagiographie.  —  5o  Opinion  du  dia- 
ble sur  le  R.  P.  Lacordnire,  la  facidté 
de  philosophie  et  le  sénat  académique  de 
Vuniversité  de  Liège,  et  par  ricocliet  sur 
le  jubilé  de  1846.  Liège,  Lardinois,  bro- 
chure in-8o  de  16  pages.  Cet  opuscule 
obtint  un  très-grand  succès. 

C'est  à  tort  que  la  Bibliographie  liégeoise 
de  X.  de  Theiix  attribue  à  J.  B.  Dufau 
la  réimpression  des  Articles  de  VEre  nou- 
velle par  le  R.  P.  Lacordaire,  MM.  Vabbé 
Maret,  Ozanani,  de  Coux,  Charles  Sainte- 
Foi,  Lorain  de  Labaume,  J.  P.  Tessier 
et  Gotirand.  e.-h.-j.  R.usens. 

De  Theux,  Bibliograhie  liégeoise.  II. 

DCFAY  {Guillaume),  compositeur  du 
xive-xve  siècle.  Les  biographes  ne  s'ac- 
cordent ni  sur  le  lieu,  ni  sur  la  date  de 
sa  naissance;  quelques-uns  prétendent 
qu'il  était  Français;  mais  Fr.  Fétis  est 
très-explicite  en  ce  point  et  soutient 
qu'il  est  Belge  et  né  à  Chimai  vers  1350; 
il  mourut  en  1432. 

On  ne  sait  pas  précisément  l'école  à 
laquelle  il  se  forma;  cependant  on 
pense,  assez  généralement,  que  ce  fut 
en  Belgique.  Il  compléta  ensuite  ses 
études   musicales   en    France   et,   selon 


toute  probabilité,  à  la  maîtrise  de  la 
cathédrale  de  Cambrai.  Des  documents 
trouvés  à  la  chapelle  pontificale  de  Rome 
constatent  qu'en  13~>0  Dufay  remplis- 
sait, dans  cette  chapelle,  les  fonctions 
de  ténor  et  qu'il  y  fut  attaché  jusqu'à 
l'époque  de  sa  mort.  Il  dut  toutefois 
pendant  ce  temps  visiter  la  France  et 
les  Pays-Bas  :  quelques  vers  de  Martin 
Le  Franc,  qui  écrivait  en  1486  àl489, 
semblent  indiquer  que  ce  poète  l'a  vu  à 
la  cour  des  ducs  de  Bourgogne .  Dufay 
partagea  avec  Gilles  Binchois  et  Jean 
Dunstaple  le  mérite  d'avoir  épuré  l'har- 
monie et  d'en  avoir  banni  les  suites  de 
quartes,  de  quintes  et  d'octaves  que  l'on 
rencontrait  avant  lui  dans  les  produc- 
tions des  plus  habiles  musiciens  ;  il  lui  ' 
imprima  enfin  un  caractère  de  suavité 
qui  se  perfectionna  jusqu'à  la  fin  du 
xvie  siècle  dans  la  tonalité  du  plain- 
chant.  Ce  fut  aussi  lui  qui  introduisit  et 
perfectionna  l'usage  encore  peu  répandu 
de  la  notation  blanche. 

L'influence  que  ses  travaux  exercè- 
rent sur  les  progrès  de  l'art  est  attestée 
par  les  écrits  de  divers  auteurs;  ils 
citent  ce  maître  comme  ayant  pris  la 
plus  grande  part  aux  développements 
de  la  musique.  Adam  de  Fulde,  entre 
autres,  auteur  d'un  traité  écrit  en  1490, 
dit  que  Guillaume  Dufay  fut  l'auteur 
d'une  foule  d'innovations  dans  la  nota- 
tion et  dans  l'emploi  des  dissonances 
par  prolongation.  On  a  prétendu  qu'il 
aurait  ajouté  deux  octaves  au  système 
complet  d'Arezzo  ;  Fr.  Fétis  pense  qu'il 
est  plus  probable  qu'il  y  ajouta  seule- 
ment quelques  notes  au-dessous  du 
gamma-ut  grave  du  système  de  Gui  et 
quelques  autres  notes  au-dessus  de  cc-fa. 

Les  archives  de  la  chapelle  pontificale 
renferment  plusieurs  messes  composées 
par  Guillaume  Dufay;  elles  portent  les 
titres  suivants  :  Ecce  ancilla  Domini.  — 
VOmme  (l'homme)  armé.  — Se  la  face 
ay  pale.  —  Tant  me  déduis.  —  ïinc- 
toris  cite  aussi  une  messe  intitulée  Be 
Saint  Antoine.  Kiesewetter  a  publié  le 
Kyrie  (à  quatre  voix)  de  la  messe  Se  la 
face  ay  pale,  le  Bened ictus  de  la  messe 
Ecce  ancilla  Domini  (à  deux  voix),  le 
Kyrie   (h    quat;e   voix)   de  la  messe   de 


U[) 


DUFAY 


UL   l'IEl" 


250 


VHomyne  armé,  La  bibliothèque  royale  à 
Bruxelles  renferme  un  volume  provenant 
de  la  chapelle  des  ducs  de  Bourgogne  et 
qui  contient  beaucoup  de  messes  et  de 
motets  des  plus  célèbres  musiciens 
belges  au  xve  siècle  :  on  y  trouve  trois 
messes  à  trois  voix  et  trois  autres  à 
quatre  voix  de  Dufay.  Le  volume  est 
coté  1553  in-folio.  L^n  manuscrit  du 
xve  siècle,  qui  est  à  la  bibliothèque  de 
Cambrai,  sous  len'>  fi,  in-folio,  contient 
des  Kyrie,  Gloria  et  Credo  de  différentes 
messes  à  trois  et  à  quatre  parties,  au 
nombre  desquels  est  un  Gloria  à  quatre 
parties,  portant  le  nom  de  Dufay.  Bien 
que  les  autres  pièces  du  volume  soient 
sans  nom  d'auteur,  M.  de  Coussemaker 
a  cru  pouvoir  conjecturer  qu'elles  appar- 
tiennent toutes  au  même  auteur. 

Un  curieux  manuscrit,  provenant  de 
la  bibliothèque  de  Guilbert  de  Pixéré- 
court,  contient  des  motets  et  des  chan- 
sons françaises  de  Dufay,  entre  autres 
la  chanson  à  quatre  voix  Cetit  mille  escus 
fjuanije  voeldroie,  morceau  remarquable 
par  la  pureté  de  l'harmonie. 

Aug.  Vander  Meerscb. 

Fr.  Fétis,  Biographie  des  musiciens,-}"  édition. 
—  Kiesewetter,  Gescliichie  der  Europœische 
abeiidlaiidischeii  Miisik.  —  Patria,  Histoire  de 
l'art  musical  en  France.  —  De  Coussemaker,  AVj- 
lices  sur  les  collections  musicales  de  la  bibliothè- 
que de  Cambrai.  —  Gharon  et  Fayoile,  Diction- 
naire historique  des  mu-nciens. 

Dt  FAT  {Jean),  abbé  de  Saint- Bavon, 
xive  siècle.  Voir  Amaxd. 

DU  FAY  {Pierre),  écrivain  ecclésias- 
tique, né  à  Bruges  en  1385,  y  décédé 
en  janvier  1639.  Il  entra,  en  1603, 
dans  l'ordre  de  Saint-Dominique  et  fit 
sa  profession  religieuse  au  couvent  de 
Valli  Soleti,  en  Espagne,  où  il  étudia  les 
sciences.  L'an  1610,  ses  supérieurs  l'en- 
voyèrent enseigner  la  philosophie  à 
Louvain,  puis  en  1013,  la  théologie  à 
Arnis,  enfin  ils  l'appelèrent  à  occuper  la 
même  chaire  au  séminaire  de  sa  ville 
natale.  Il  remplit  diverses  charges,  no- 
tamment celle  de  prieur  des  couvents 
de  Bruges  et  de  Bruxelles;  il  avait  été 
créé  docteur  en  théologie  en  1618. 

Ou  lui  doit  les  ouvrages  suivants  : 
1"  JJi-ijjiilatiotieii  Uwologica:  de pœniteidia. 


Duaci,  1626,  in-4o.  —  2"  Discursifs 
circa  jurisdiclionem  regularium  quoad 
munus  prcedimudi,  avec  le  traité  J)e 
perpetuitate  approhationnm  religiosorum 
ad  excipiendas  confessiones  et  prcedican- 
dumverbum  Dei.  Gandavi,  1636,  in-4". 
Cet  ouvrage  fut  publié  à  Cologne  en 
1637,  sous  le  titre  de  Clypeus  ordinum 
mendicantium,  in-8'>.  —  3°  Tractatus 
de  pretiosissimo  sanynine  Salvatoris  nos- 
tri  J .  C.  qui  Brugis  asservatur ,  Brugis, 
1633,  in-4".  Ce  traité,  tout  à  la  fois 
théologique  et  historique,  est  le  meilleur 
ouvrage  du  père  Du  Fay. 

Aug.  Vaniler  Mccrsch. 

Foppens,  Bibliotheca  belgica,  t.  Il,  p.  973.  — 

Quelil",  Scriptores  ordinis  prœdicatorum,  t.  Il, 
p.  304  —  De  Jonuhe,  Belijium  dominicanuni, 
p.  181.  —  Biographie  de  la  Flandre  occidentale. 

DU  FIEF  {Nicolas),  magistrat,  arrê- 
tiste,  historien,  évêque,  né  à  Tournai 
en  1578,  mort  le  20  octobre  1651.  Il 
fit  ses  études  de  droit  à  l'université  de 
Douai  et  devint,  à  l'âge  de  vingt-six 
ans,  conseiller  de  la  chambre  des  doyens 
et  des  sous-doyens  des  arts  et  métiers 
de  sa  ville  natale,  et  plus  tard,  le  7  jan- 
vier 1611,  chanoine  hospitalier  du 
chapitre  de  la  cathédrale  de  Tournai. 
Comme  il  n'avait  pas  reçu  les  ordres 
sacrés,  cette  nomination  rencontra  quel- 
ques difficultés;  l'évoque  lui  fit  cepen- 
dant expédier  des  lettres  de  collation, 
et  Du  Fief  reçut  la  prêtrise  dans  l'année 
de  sa  promotion.  En  1615,  il  entra  au 
grand  conseil  de  Malines,  en  qualité  de 
conseiller  ecclésiastique.  Il  est  à  sup- 
poser que  le  nouveau  conseiller  ne  se 
plaisait  guère  dans  sa  position  et  se 
proposait  même  de  la  quitter;  en  effet, 
on  lit  dans  une  lettre  écrite  à  un  de  ses 
amis  :  "  Je  vous  voirai  auxdites  paques, 
»  autres  changements  ne  survenant  ; 
Il  j'en  ai  le  désir,  car  voici  le  septième 
Il  mois  que  je  n'ai  bougé  de  cette  ville, 
Il  en  laquelle  passé  longtemps,  j'ai 
Il  prins  un  tel  dégoût  de  cette  profes- 
II  sion  et  travail  continuel  et  sans  espoir 
Il  de  relâche,  que  je  suis  en  délibération 
Il  de  voir  ailleurs  si  je  ne  vivrai  avec 
Il  plus  de  conteniement  ores  qu'avec 
Il  moins  de  splendeur,  qui  n'est  que 
"   sottise  et  fumée;  sed  //ac  iuter  nos.  » 


251 


DU  FIEF 


252 


Il  fut  ensuite   revêtu   de  la  dignité  de 
prévôt   de  l'église  collégiale   de    Mau- 
beuge,  et  le  roi  d'Espagne,  Philippe  IV, 
l'appela  plus  tard  en  son  conseil  d'Etat 
de  Flandre   près  de  sa  personne  à  Ma- 
drid. Du  Fief,  homme  modeste  et  sans 
ambition,   fit  des  instances  pour  être 
dispensé  de  remplir  ce  haut  emploi  ;  il 
désirait  se  retirer  à  Tournai;  mais  tout 
ce   qu'il   put   obtenir   fut   qu'il  irait  à 
Bruxelles  en  qualité  de  membre  du  con- 
seil  privé    (1635).  Enfin   le  même  mo- 
narque lui  conféra,  le  11  mars  1637,  le 
titre  d'évêque   d'Arras.    Avant  d'avoii 
reçu  de  Rome  ses  bulles  de  confirmation, 
le  chef-lieu  de   son    diocèse   passa  au 
pouvoir  du  roi  de  France,  Louis  XIII, 
qui,  tenant  Du  Fief  en  grande  estime, 
fit  insérer  dans  la  capitulation  accordée 
à  cette  ville  un  article  spécial,  portant 
que  la  nomination  faite  à  l'évêché  d'Ar- 
ras tiendrait,  pourvu  que,  dans   un  an, 
celui  qui  y  a  été  nommé  vienne  lui  prê- 
ter  serment   de   fidélité.  Les   Etats   de 
cette  province,  l'université  de  Douai  et 
tout  le  peuple  de  ce  diocèse  applaudirent 
à  cette  faveur.  Le  roi  écrivit,  en  outre, 
à  Du  Fief  qu'il  était  le  maître  de  venir 
prendre  possession  de  son  évêché  et  l'en 
pria  instamment.  Cette  lettre  émanant 
d'un  souverain  étranger,  Du  Fief  crut 
devoir  la  porter  au  conseil  pour  l'y  faire 
ouvrir,  et  il  répondit  simplement  au  roi 
qu'il  ne  pouvait  se  résoudre  à   prendre 
possession    de    son    évêché.    Il    aimait 
mieux  renoncer  aux  avantages  de   sa 
nomination  que  d'obéir  à  une  puissance 
étrangère,  et  passa  le  reste  de  ses  jours 
dans  sa  bibliothèque,  occupé  à  compléter 
et  à  mettre  en  ordre  ses  nombreux  ma- 
nuscrits. 

Homme  de  grand  savoir,  pourvu 
d'une  érudition  exceptionnelle,  Du  Fief 
avait  une  mémoire  si  heureuse,  qu'au 
conseil  on  le  nommait  le  Répertoire. 
Travailleur  infatigable,  il  sut,  au  milieu 
des  affaires  publiques  dont  il  fut  chargé, 
trouver  encore  le  temps  de  s'occuper  des 
sciences  et  des  lettres.  Il  a  énormément 
écrit,  mais,  par  suite  de  sa  grande  mo- 
destie, presc[ue  tous  ses  ouvrages  sont 
restés  manuscrits,  et  conservés,  les  uns 
à  la  bibliothèque  de  Tournai,  les  autres 


à  la   bibliothèque  royale   à  Bruxelles. 
Foppens  en  donne  une  liste  assez  com- 
plète et  l'on  se  bornera  à  en  citer  ici  quel- 
ques-uns :  1°  Remarque  de  pratique  des 
éclieviiiages  et   baillages  de    Tournai   et 
Tournesis.  Ms.  —  2^  Centuries  et  obser- 
vations de  M.  Nicolas  Bu  Fief,  conseiller 
ecclésiastique  au  grand  conseil  de  Ma- 
lines,  collationnées  à  l'original  de  l'au- 
teur reposant  à  la  bibliothèque  de  l'ab- 
baye de  Saint-Martin  à  Tournai.  1  vol. 
in-folio  de  824  pages,  sans  comprendre 
plusieurs  tables  très-amples.  —  3o  Vo- 
lunien  IV  centuriarum  continens  arresta 
supremœ  curice  Mechliniensis.    Cet   ou- 
vrage   a    été    augmenté     et    édité    à 
Bruxelles  en   1717,   par  les  soins  de 
Du  Laury  et  de  Pierre-Claude  de  Saint- 
Vaast,  conseillers  au  grand  conseil  de 
Malines.  —  4°  Volumen  alterum  Edicto- 
rurn  consilii  sanctioris.  Ms.  —  5°  Diver- 
sarum  lectionmn  historicarum  et  antiqua- 
rum  farrago  .QqHq  œuvre  se  conserve  à  la 
bibliothèque  royale  de  Bruxelles,  fonds 
Van  Hulthem;  elle  renferme  beaucoup 
de  faits  curieux  et  peu  connus.  Le  ma- 
nuscrit en  fut  acheté  à  la  vente  de  Xélis, 
qui  l'avait  copié  de  sa  main,  tout  en  y 
faisant  de  larges  coupures.   —    6^  Bi- 
bliotheca  Tornacena,  seu  auctores  Tornaci 
mit  in  fnibus  Tornacesii.  Ms.  de  159  fi"., 
à  la  bibliothèque   royale;    l'autographe 
se  trouvait  autrefois   à   la  bibliothèque 
du  chapitre  de  la  cathédrale  de  Tournai. 
—  7*^  Qucedam  ad  res  Tornacensinm  spec- 
tantia.    Ms.   —    8°  Notœ   ad  Bictata. 
4  vol.  in-4o.  Ms.  Quelques  extraits  des 
manuscrits   historiques   ont  été  publiés 
par  le  baron  de  Reiftenberg  dans  diffé- 
rents recueils.  L'ouvrage  le  plus  estimé 
est  celui  que  les   éditeurs  français  des 
Arrêts  du  grand  conseil  de  Malines  ont 
livré  au  public  en  1773.  Ses  manuscrits 
juridiques    ont    été    mis    à    profit    par 
Du  Laury,  De  Ghewiet  et  probablement 
par  d'autres  arrêtistes   qui   n'ont  pas 
avoué  leurs  emprunts.  Dans  le  réper- 
toire français,   les  arrêts  recueillis  par 
Du  Fief  ne   vont  pas  au  delà  de  l'an- 
née 1645.  Il  est  toutefois  à  regretter  que 
les  éditeurs  n'aient  pu,  en  même  temps, 
mettre  au  jour  le  grand  noml)re  d'arrêts 
dont  la  bibliothè(iue  royale  de  Bruxelles 


253 


DU  FIEF  —  DU  FOUR 


•254 


conserve  les   manuscrits  et  qui  portent 
les  nos  12651  et  12652. 

Du  Fief  mourut  à  Bruxelles  à  l'âge  de 
soixante-douze  ans.  Sont  corps  fut  trans- 
féré à  la  cathédrale  de  Tournai  et  enterré 
sous  un  mausolée  en  marbre,  orné  d'une 
épitaphe  qui  existe  encore  à  l'entrée  de 
l'église  à  gauche.  Cette  épitaphe,  rap- 
portée par  Lemaistre  d'Anstaing  (His- 
toire (le  la  eatJiédrale  de  Tournai,  t.  IT, 
p.  298),  fait  connaître  en  abrégé  toute 
la  carrière  de  Du  Fief. 

Aiig.  Vander  Mcerscli. 

Foppeub,  Biblioiheca  beltjka,  t.  Il,  p.  908.  — 
Britz,  Mémoire  couronné,  p.  180.  Cotnptes  ren- 
dus des  séances  de  la  commission  royale  d'his- 
toire, t.  Vlll  (1844).  p.  ;^08  el  ibid.,  vol.  1,  p.  "21. 
—  Introduction  au  ^1<^  volume  de  Ph.  Mouskes.  — 
Bulletins  de  l'Académie  royale  de  Belyiiiue.  — 
Histoire  des  ducs  de  Bouryoyne  de  M.  de  Burante, 
édition  de  Reillcnberg. 

DU  FOi'R  {Henri),  FuRXius  ou  Far- 
NÈSE,  philologue,  moraliste,  professeur, 
né  à  Liège  à  la  fin  de  la  première  moitié 
du  xvie  siècle,  décédé  vraisemblable- 
ment à  Pavie  en  1609.  Son  vrai  nom 
de  famille  est  Dufour,  en  latin  Furnius; 
il  le  porta  sans  doute  jusqu'à  l'époque 
de  son  établissement  en  Italie.  Farnèse 
était  docteur  en  droit  civil  et  canon, 
grade  qu'il  reçut  on  ne  sait  dans  quelle 
université,  mais  il  s'appliqua  principa- 
lement à  l'étude  des  belles-lettres.  Il  a 
dû  même  les  enseigner  en  Belgique,  car 
son  premier  ouvrage,  né,  paraît-il,  des 
besoins  de  son  enseignement,  fut  imprimé 
à  Anvers  en  1571,  sous  le  titre  2>«  imi- 
tatione  Ciceronis,  seu  de  scribendarum 
epistolariim  ratione.  Antv, ,  ap.  .1.  Loeum, 
in- 8".  A  l'occasion  d'un  voyage  en  Ita- 
lie, les  magistrats  de  Pavie  lui  offrirent 
la  chaire  d'éloquence  à  l'université  de 
cette  ville.  Leurs  instances,  jointes  à 
celles  de  l'évêque,  le  décidèrent  à  accep- 
ter l'offre.  Vingt  années  à  peu  près 
s'écoulèrent  depuis  la  publication  de 
l'ouvrage  précité  jusqu'à  la  pulilication 
d'un  autre  ouvrage  qui  avait  aussi  rap- 
port à  son  enseignement  :  ])e  vcrboruni 
splendore  et  delectu;  Appendicea  duce  ad 
C'alepini  dictionariiim.  Venetiis,  1590. 
Cet  écrit  n'est  pas  rédigé,  comme  l'avan- 
cent plusieurs  biographes,  d'après  le 
dictionnaire  de   Calepin,    mais    donné 


comme  suite  et   complément  de  ce  dic- 
tionnaire. 

Lorsque    Erycius    Puteanus    fit    son 
voyage  d'Italie,  il  écrivit  à  Farnèse,  de 
Milan,  en  mars  1598,  pour  se  préparer 
une  bonne  réception  auprès  de  lui  ;  dans 
sa  lettre   il  témoigne  le  désir  de  nouer 
des  relations   d'amitié  avec   un  compa- 
triote que  sa  profonde  érudition  a  placé 
au  premier  rang  des  savants  d'Italie,  qui 
est  bien  vu  par  les  princes,   vénéré  par 
le  peuple  et  connu  de  tout  le  monde. 
Puteanus  avait  réellement   une    haute 
opinion    du    savoir    du   professeur    de 
Pavie,  car,  au   mois   d'août   1600,  lors 
de  son  séjour  à  Padoue  chez  Perotti,  il 
lui   envoya    une    inscription    hiérogly- 
phique, comme  il  l'appelle,   provenant 
du  musée  de  Bembo  et  que   plusieurs 
savants   avaient  essayé  en  vain  d'inter- 
préter, ajoutant  que  si  lui,  Farnèse,  ne 
parvenait  pas  à  l'expliqyier,  personne  ne 
la  déchiffrerait  jamais.  Quelles  qu'aient 
pu  être   les   connaissances  de   Farnèse 
dans  la  littérature   ancienne  et  dans  la 
science  de  l'antiquité,  ce  n'est  pas  à  ces 
branches   qu'il   consacra  les  loisirs  que 
lui  laissait  le  professorat.  L'état  social 
de  son  temps   parait  avoir  fait   surtout 
l'objet   de   ses   méditations.    Les    deux 
ouvrages  suivants   témoignent   de  cette 
direction  de  ses  études  :  Le  siviulacro 
reipiiblicœ ,  sive  de  ima(jinibu>i  politicœ  et 
œconomicœ   virtidis    libri    IF.    Pavife, 
1595,  in-8'.  —  Biphthera  Jovis ,  sive  de 
antiqua  principis   imtitiitione   libri   III. 
Mediolan.,  1607,  in-io.  Ce  dernier  ou- 
vrage était  sur  le  métier,  sinon  achevé 
déjà  en  1602,  car  au  mois  de  février  de 
cette  année,  Puteanus  lui   promit   une 
pièce  de  vers  à  placer  en  tête  du  volume. 
Dans   une    lettre   de   1606,    le    même 
savant,  alors  professeur  à  Milan,  écrit  à 
son  collègue  de  Pavie  que  l'examen  de 
son  opinion  sur  le  Laconisme  lui  a  sug- 
géré quelques  remarques  critiques.  On 
peut  croire  ([uo   cette  opinion  était  ex- 
posée  et  développée   dans  un   ouvrage 
manuscrit    ou   imprimé,   car   Puteanus 
publia  lui-même  plus  tard  un  traité  sur 
ce  sujet.   Des  biographes  attribuent  eu 
outre  à  Farnèse  un  abrégé  de  l'histoire 
du  momie  et  un    traité   de    la  connais- 


255 


DUFOUR  —  DU  GARDIN 


256 


sauce  de  soi-même  et  des  prodiges,  sans 
citer  ni  les  dates  ni  les  lieux  d'impres- 
sion. Puteanus,  qui  avait  été  appelé  à 
Louvain,  pour  y  succéder  à  Juste  Lipse, 
mort  en  1606,  donna,  en  août  1608,  à 
l'un  de  ses  élèves,  qui  se  rendait  en 
Italie,  une  lettre  de  recommandation 
pour  le  professeur  de  Pavie;  c'est  la 
dernière  en  date  qui  se  trouve  dans  le 
recueil  de  ses  lettres.  Il  est  permis  de 
conclure  de  cette  circonstance  que  la 
mort  de  Farnèse  arriva  en  1609  plutôt 
qu'en  1616  ou  1619,  comme  quelques 
auteurs  l'avancent.  On  dit  que  Putea- 
nus a  écrit  son  éloge.  J'ai  recherclié  en 
vain  cette  pièce  dans  le  volume  où  sont 
réunis  plusieurs  discours  de  ce  savant  et 
dans  plusieurs   autres  volumes  de  ses 

œuvres.  J.  Rouie?.. 

Foppens,  Biblioihcca  belgica,  l,p.  443. —  Délices 
du  pays  de  Liège,  t.  V,  p.  30.  —  Erycii  Puteani 
Episiol.  allie.  Proiniilsis,  Part.  I,  cent.  I,  ep  14, 
36,  68,  cent.  II,  ep  35.  o7,  8o,  94.  cent.  III,  ep.  30. 
Part.  11,  cent.  I,  ep.  33. 

DUFOUR  (Pierre)  ou  Du  Foue,  dit 
Salzea,  peintre  d'histoire  et  de  por- 
trait, né  à  Liège  vers  1545.  On  ignore 
la  date  précise  dersa  mort.  Il  fut  un  des 
bons  élèves  de  Lambert  Lombard,  et 
appartenait  à  une  famille  distinguée. 
Après  la  mort  de  son  maître,  il  fut 
chargé  d'un  grand  nombre  de  travaux 
importants,  parmi  lesquels  il  faut  citer 
les  tableaux  du  maître-autel  de  la  collé- 
giale de  Saint-Jacques  à  Liège,  un 
grand  triptyque  pour  l'église  Saint- 
Lambert,  un  autre  triptyque  dans  la 
même  église  pour  le  monument  de  Gé- 
rard de  Groisbcck,  un  Sai?it  Michel 
pour  l'église  de  Saint-Barthélémy  et  une 
Descente  de  Croix  (1610j  pour  l'église 
Saint-Etienne. 

Le  grand  triptyque  de  l'église  Saint- 
Lambert,  peint  en  1578,  représentait. 
Ans  le  panneau  central,  le  C//rist  au 
■»irdin  des  Oliviers,  et  sur  les  volets  les 
portraits  des  chanoines  Jean  de  Staff  et 
de  Wilthem,  donateurs  du  tableau.  Le 
triptyque  du  monument  de  Gérard  de 
Groisbeck  a  pour  sujets,  au  milieu,  la 
Résurrection,  et  sur  l'un  des  volets,  le 
portrait  du  défunt.  Ce  triptyque,  qua- 
lifié de  chef-d'œuvre,  fut  fait  en  1580 


et  renfermait  aussi  des  vers  de  Lamp- 
sonius. 

Dufour  a  joui  d'une  grande  réputa- 
tion. Cependant  le  chanoine  Hamal, 
dans  un  manuscrit  cité  par  M.  Jules 
Helbig  dans  son  Histoire  de  la  peinture 
au  pays  de  Liège,  écrit  ceci  :  «  Je  puis 
Il  assurer  que  les  ouvrages  de  ce  peintre 
Il  sont  fort  inférieurs  à  ceux  de  Lom- 
"  bard,  surtout  la  Résurrection  du  mau- 
«  solée  de  Groisbeck  et  le  Christ  au 
Il  jardin  des  Oliviers,  dans  la  chapelle 
Il  de  la  cathédrale,  deux  peintures  que 
Il  j'ai  souvent  examinées.  «  Les  nom- 
breux tableaux  de  ce  peintre  sont  dis- 
persés. Généralement  ils  ont  perdu  leur 
couleur.  Pierre  Dufour  eut  la  gloire 
d'être  un  des  maîtres  de  Jean  de  Bolo- 
gne, c'est  à  peu  près  tout  ce  qui  restera 
du  souvenir  de  ce  peintre  liégeois,  dont 
la  vie  paraît  avoir  été  très-occupée,  mais 
très-mal  dirigée,  puisque,  sur  la  fin  de  sa 
carrière,  il  fut  obligé  de  servir  comme 
portier  à  l'hôpital  Saint-Jacques. 

Ad.  .Siret. 

DU  GARDix  [Louis),  connu  aussi 
sous  les  noms  de  Gaedixius  et  d'HoR- 
TEXSius,  médecin  et  professeur,  né  à 
Yalenciennes  vers  le  milieu  du  xvie  siè- 
cle, mort  à  Douai  entre  163-4  et  1638. 
Il  prit  le  grade  de  docteur  en  médecine 
à  Douai  et  y  enseigna  pendant  vingt- 
huit  ans.  Il  obtint  quelque  célébrité  par 
ses  écrits,  notamment  à  propos  de  la 
controverse  sur  le  moment  de  l'anima- 
tion du  fœtus.  Voici  les  titres  de  ses 
ouvrages  :  1^  Alexioemos,  sive  de  pestis 
naturâ,  causis ,  signis ,  prognosticis  et 
curatione.  Duaci,  1617,  in-S»;  1631, 
in-12.  —  2o  Le  Jnimatione  fœtus,  in 
quâ  ostenditur  quod  anima  rationalis  ante 
oi'ganisationem  non  hifundatur.  Duaci, 
1623,  in-8o.  Il  s'attache  surtout  à 
essayer  de  réfuter  Thomas  Fyens  (Fie- 
nus),  professeur  à  Louvain.  —  3"  Ma- 
miductio  ad  omnes  medicina  partes ,  seu 
Institutioues  medicina.  Duaci,  1626, 
in-S",  et  1634,  in-8o.  —  M  Mamtductio 
ad  pathologiam ,  sive  Institutiotium  medi- 
cina pars  altéra.  Duaci,  1626,  in-8«. — 
5o  yînima  rationalis restituta  in  integrmn. 
Duaci,  1629,  in-8o.  C'est  la  défense  des 


Hol 


DU  GARDLN  —  DL   HAMEEL 


'2o>> 


opinions  soutenues  dans  l'ouvrage  no  2. 
—  6'^  Medicamefita  ptirgantia,  simplicia 
et  compofàia,  selecta,  usitata  et  sujfficientia, 
Remedium  errorh  in  ponderibns  medicis. 
Duaci,  J631,  in-12.  — •  7»  Circumdan- 
tiœ  et  temporel  de  variis  venis  pleuritidis 
ratione  secandis,  inter  varias  niedicinœ 
proceres  litem  dirimentia.  Duaci,  1632, 
in-4o.  —  8'>  Institutiotiton-  medicince 
liber  tertiiis,  sire  subsidiaria  medicinre. 
Duaci,  1638,  in-4",  imprimé,  après  la 
mort  de  l'auteur,  par  les  soins  de  J.  Brif- 

lault.  (i_  Dewalque. 

Fop|iens.  Bibtiotlieca  belgica. — Eloy. —  Biogra- 
phie médicale  (Panckoucke,.  —  Biographie  medi 
cale,  par  bayle  et  Phillaye. 

niGCET  (Bieudom/é),  musicien,  né 
à  Liège,  le  22  septembre  1794,  décédé 
dans  la  même  ville,  le  18  avril  1849.  Il 
était  fils  de  Joseph  Duguet  et  de  Cathe- 
rine Bierset.  Aimant  passionnément  la 
musique,  il  s'adonna,  dès  sa  jeunesse,  à 
l'étude  du  piano  et  de  la  composition, 
et  il  y  consacra  sa  vie  entière.  Dès  1821, 
il  fonda,  avec  Henrard  et  Jaspar,  une 
école  de  musique  qui  rendit  de  grands 
services  jusqu'à  l'époque  où  le  gouver- 
nement des  Pays-Bas  établit  le  Conser- 
vatoire (182 7j.  Xommé  professeur  de 
solfège  à  la  création  de  cet  établissement, 
Duguet  devint  successivement  organiste 
de  l'église  Saint-Denis  en  1829,  maître 
de  chapelle  à  la  cathédrale  en  1835,  et 
organiste  de  la  même  église  en  1837, 
lors  de  la  retraite  de  Houssard.  Frappé 
de  cécité  en  1835,  il  dut  se  retirer  du 
conservatoire  l'année  suivante  ;  mais 
malgré  cette  cruelle  infirmité ,  il  con- 
serva jusqu'à  sa  mort  ses  fonctions  à  la 
cathédrale  et  à  Saint-Denis  et  il  y  atti- 
rait les  amateurs  par  un  jeu  grave  et 
sévère,  comme  l'est  celui  de  l'école  clas- 
sique d'Allemagne.  Organiste  et  com- 
positeur des  plus  distingués ,  surtout 
comme  improvisateur,  doux  et  modeste 
de  caractère,  ennemi  de  la  réclame  et 
du  charlatanisme,  il  n'aimait  l'art  que 
pour  les  nobles  jouissances  qu'il  pro- 
cure, et  ne  cherchait  à  plaire  qu'à  un 
petit  nombre  de  vrais  connaisseurs.  De- 
venu aveugle ,  il  redoubla  d'activité  ; 
c'est  alors  qu'il  acheva  une  messe  à 
grand  orchestre  dont  les  deux  premières 

BIOCR.   NAT.   —   T.   VI. 


parties  avaient  été  écrites  avant  son  in- 
firmité et  dont  le  surplus  est  empreint 
d'une  supériorité  incontestable  et  d'une 
énergie  qui  contraste  singulièrement 
avec  le  tempérament  de  l'auteur.  Le 
motet  Satictinn  et  terribile  prouve  la 
souplesse  de  son  talent,  et  son  livre 
d'orgue  est  généralement  apprécié  avec 
de  vifs  éloges.  Duguet  avait  épousé  Ma- 
rie-Constance-Catherine Lemmens.  Son 
fils,  Jules,  professeur  d'orgue  au  Con- 
servatoire, l'a  remplacé  à  la  cathédrale. 
La  plus  grande  partie  de  l'œuvre  de 
cet  artiste  est  restée  manuscrite.  Néan- 
moins, indépendamment  de  la  messe  et 
du  motet  que  nous  venons  de  citer,  on 
possède  de  lui  un  Te  I)eum,  un  Sahe  re- 
gina  et  un  Homo  quidam  à  grand  orches- 
tre, deux  Eccepanis,  six  Tantuni  ergo  et 
Geiiitori,  deux  Genitori  et  trois  cantates 
pour  solos,  chœurs  et  orchestres,  trois 
Requiem  avec  accompagnement  d'orgue, 
de  violoncelle  et  de  contre-basse,  etc. 
Plusieurs  morceaux  de  piano,  duos, 
romances,  mélodies,  scènes  ont  été 
publiées  par  Duguet,  éditeur  à  Liège. 
La  maison  Muraille,  de  la  même  ville, 
a  édité  :  lo  des  Solfèges  en  canons,  en 
collaboration  avec  Jaspar  et  Henrard; 
1823  ;  2o  L'n  Litre  d' orgue ,  potir  V accom- 
pagnement du plain-cliunt ;  1842,  2e  édit., 
iSôl.  Cherchant  à  conserver  au  plain- 
chant  son  véritable  caractère,  l'auteur 
rejette  le  style  moderne  de  l'harmonie 
employée  par  beaucoup  d'organistes  ;  il 
place  toujours  la  mélodie  à  la  partie  su- 
périeure et  l'accompagne  en  contre-point 
simple,  note  contre  note.  3°  Un  recueil 
de  Préludes  et  versets  pour  Vergue,  1851. 
4o  Un  livre  de  Motets  et  JPsaumes  ponr 
les  processions.  5°  Un  recueil  de  34  mor- 
ceaux de  musique  sacrée  à  \,  2,  'à  et 
4  voix  avec  accompagnement  d'orgue,  en 
partitioîi  et  parties  de  chant,  1853-1855. 
6'  Un  autre  recueil  de  82  morceaux 
parut  en  1859,  avec  le  même  titre  et 
la  mention  :  Œuvres  posthumes.  7"  L  n 
recueil  de  litanies  à  1,  2  et  3  voix,  2  v, 

in-8".  G.  Dewalque. 

Renseipnemcnts  paiiiculiers.  —  Les  journaux 
du  leai|is. 

DU    u.4»iEKi<    {Alart),    architecte, 

sculpteur  et  graveur,  né  probablement 

9 


259 


DU  HAMEEL 


260 


dans  le  Brabant  septentrional,  vers  le 
milieu  du  xve  siècle,  décédé  vers  1509. 
Il  dirigea  pendant  dix-sept  ans  les  tra- 
vaux de  l'église  Saint-Jean  à  Bois-le- 
Duc,  travaux  qui  embrassèrent  toute 
l'étendue  du  transept  méridional  et  les 
commencements  de  la  nef  principale.  Il 
traça,  en  outre,  les  plans  de  la  chapelle 
de  la  confrérie  de  Xotre-Dame  {illustre 
Lieve-Vrouwe  hroederschap),  adossée  au 
chœur  de  cette  même  église,  générale- 
ment considérée  comme  l'une  des  plus 
belles  des  Pays-Bas.  Suivant  l'usage  du 
temps,  il  était,  en  raison  de  ses  fonc- 
tions, qualifié  de  maître  de  la  loge  ou  de 
maître  ouvrier  tailleur  de  pierres,  quali- 
fication qui  impliquait  l'exercice  de 
deux  arts  différents  et  que  nous  avons 
remplacée  par  celles,  plus  ambitieuses  et 
souvent  moins  exactes,  d'architecte  et 
de  statuaire.  En  1495,  Du  Hameel  céda 
son  emploi  officiel  à  son  beau-frère  Jean 
Heyns  :  il  venait  d'être  appelé  à  Louvain 
pour  y  remjDlacer  l'architecte  de  l'hôtel 
de  Wlle,  Mathieu  de  Layens,  récemment 
décédé.  On  l'y  trouve,  dès  le  25  juin 
de  cette  même  année,  désigné  dans  les 
archives  communales  comme  stadmeester 
et  jouissant  de  douze  florins  et  demi 
d'appointements  annuels.  Il  conserve  ces 
fonctions  jusqu'en  1504,  année  où  son 
nom  figure  pour  la  dernière  fois  dans 
les  comptes  des  dépenses  et  où  il  fut 
remplacé,  à  sou  tour,  par  Mathieu  Kel- 
dermans.  Indépendamment  des  travaux 
ordonnés  par  la  ville.  Du  Hameel  en  fit 
exécuter  plusieurs  autres,  notamment 
le  porche  de  la  collégiale  de  Saint-Pierre, 
ouvert  au  transept  du  côté  de  la  grande 
place,  porche  qui  est  resté  inachevé, 
sans  doute  faute  de  ressources  finan- 
cières. Plus  tard,  c'est-à-dire  en  1505, 
il  présida  aussi  aux  agrandissements 
considérables  faits  à  la  somptueuse 
abbaye  de  Parc  lez-Louvain,  par  les 
ordres  de  l'abbé  Arnoiild  Wyten. 

Nous  ne  saurions  mentionner  les  œu- 
vres sculpturales  ordonnées  par  notre 
artiste,  puisque  autrefois  on  ne  songeait 
guère  à  séparer  la  décoration  d'un  édi- 
fice de  sa  structure  intime  et  que  le 
constructeur  était  aussi  «  le  maître  des 
»  pierres  vivantes  «  ;  mais  il  nous  reste 


à  citer  des  travaux  appartenant  à  un 
art  complètement  distinct  et  par  les- 
quels Du  Ilameel.  a  su ,  également , 
manifester  la  puissance,  la  variété  de 
ses  talents  :  ses  gravures  au  burin.  On 
a  failli  dépouiller  notre  artiste  de  la 
renommée  qu'il  mérite  comme  graveur, 
et  ce  au  profit  d'un  de  ses  contempo- 
rains ,  le  célèbre  peintre  Jérôme  van 
Aeken,  plus  généralement  connu  sous 
le  nom  de  Jérôme  Bosch,  nom  emprunté 
à  son  lieu  natal,  la  ville  de  Bois-le-Duc, 
en  flamand  '«  Hertogenbosch. 

Ce  peintre  a  gravé  sur  bois,  mais,  jus- 
qu'en ces  derniers  temps,  on  lui  attri- 
buait aussi  abusivement,  les  planches 
gravées  sur  cuivre  par  l'architecte.  Ces 
dernières,  exécutées  par  pure  fantai- 
sie, dans  des  moments  de  loisir,  tantôt 
d'après  les  tableaux  de  son  ami,  tantôt 
d'après  ses  propres  dessins,  sont  d'une 
extrême  rareté  et,  par  suite,  d'un  grand 
prix.  Les  iconophiles  les  plus  érudits 
n'en  connaissent,  au  plus,  que  huit. 
Parmi  ces  planches,  les  unes  sont  re- 
vêtues de  la  signature  du  graveur;  les 
autres  de  son  monogramme,  composé  de 
la  lettre  A  mêlée  à  un  de  ces  signes 
mystiques  souvent  tracés  sur  les  pierres 
des  édifices  gothiques  ;  sur  plusieurs 
enfin,  on  lit  le  mot  Bosche  ou  Shertogen- 
bosche,  inscription  q\ii  explique  l'erreur 
commise  et  la  fausse  attribution  de  pa- 
ternité. Les  gravures  de  Du  Hameel  sont 
très-probablement  sorties  des  presses  de 
Gérard  Leempt,  imprimeur  qui  habitait 
alors  Bois-]e-Duc  et  qui  y  travailla  de 
1484  à  1490. 

Xotre  artiste  avait  épousé  Marguerite 
van  Auweninge ,  qui  décéda  à  Bois- 
le-Duc  en  1484  et  dont  la  pierre  tumu- 
laire,  accompagnée  de  son  effigie,  se 
trouve  encore  encastrée  dans  les  murs 
intérieurs  de  l'église  Saint- Jean.  On 
ignore  la  date  précise  du  décès  de 
Du  Hameel,  mais  les  comptes  de  la 
confrérie  à  laquelle  il  appartenait  éta- 
blissent que  pendant  les  années  1509 
à  1510  il  n'était  plus  de  ce  monde. 

F.  Slappaerls. 

Alex.  Piiicliart,  Archives  des  arts,  sciences  et 
lettres,  t.  l,  1860. 


^261 


DU  HAN  —  DU  JARDIN 


26-2 


DV  MAX  {François),  écrivain  polé- 
miste du  xviie  siècle.  Il  appartient  à 
une  famille  liégeoise.  Son  père,  Abraham 
Du  Han,  docteur  en  médecine,  s'était 
réfugié  à  Sedan,  où  il  mourut  dans  le 
sein  de  la  religion  réformée.  Il  y  avait 
dans  cette  ville  une  académie  protes- 
tante jouissant  d'une  réputation  méritée. 
François  et  son  frère,  Philippe,  y  firent 
de  bonnes  études.  Philippe  devint  con- 
seiller d'Etat.  Il  fut  jeté  à  la  Bastille 
en  1686  pour  n'avoir  point  voulu  abjurer 
comme  l'ordonnait  Louis  XIY.  Il  était 
seigneur  de  Jandau  en  Champagne  par  sa 
femme,  Marie  Danger,  fille  du  gouver- 
neur de  Mézières  et  de  Charle ville,  qui 
partagea  sa  captivité.  Peut-être  feigni- 
rent-ils la  soumission,  car  ils  parvinrent 
à  se  sauver  de  France,  en  1687,  avec 
leur  fils,  alors  âgé  de  deux  ans,  et  à  se 
retirer  à  Berlin. 

François  demeura,  au  contraire,  en 
France.  Il  avait  embrassé  la  carrière  des 
armes,  et  fut  assez  heureux  pour  être 
distingué  par  son  illustre  coreligion- 
naire, le  maréchal  de  Turenne.  Pendant 
quelques  années  il  remplit  auprès  de 
lui  les  fonctions  de  secrétaire.  »  Il  avait 
«  de  l'esprit  « ,  dit  une  note  rédigée 
par  le  général  de  Grimoard,  «  et  il 
«  aimait  à  boire  jusqu.'à  s'enivrer.  Il  fut 
"  chassé  par  son  maître  pour  avoir  fait 
«  quelques  profits  illicites  sur  les  passe- 
"  ports,  qui  devaient  être  délivrés  gra- 
»   tis.  » 

En  1663,  Du  Han  abjura  la  religion 
protestante  et  entra  dans  l'ordre  de 
Saint-François,  où  il  espérait  faire  à  la 
fois  son  chemin  dans  ce  bas  monde  et- 
dans  l'autre.  Il  prit  part  comme  moine 
convertisseur  aux  dragonnades  et  se 
montra  sans  pitié  pour  ses  anciens  core- 
ligionnaires. Il  composa  le  Traité  des 
droits  de  la  reine  très-chrétienne,  qui 
servit  de  base  à  la  revendication  par  la 
France  des  Pays-Bas  espagnols  et  de 
prétexte  à  la  guerre  de  1667. Louis  XIV 
le  récompensa  royalement. 

On  lui  attribue  en  outre  :  1.  La  justi- 
fication du  changement  de  doctrine  par 
les  ministres  de  la  religion  P.  R.  de 
Trame.  Paris,  1663  et  1664,  in-8o.  — 
2.  Moyen  pour  empêcher  V exercice  de  la 


religion  P.  R.  en  France.  Paris,  166.3, 
in-8o.  —  Z.  La  Condamnation  de  deux 
faits  avancés  par  les  ininist?-es  de  la  reli- 
gion P.  R.  Paris,  1663.  —  4.  Traitéoù 
il  est  prouvé  qxie  les  anges  et  les  saints 
connaissent  nos  nécessités,  quils  prient 
pour  nous,  que  nous  avons  des  anges  gar- 
diens, et  que  nous  devons  honorer  et  vénérer 
les  reliques  et  les  images  des  saints,  par 
F.  D.  H.  R.  C.  Paris  1675,  in-8o. 

C.-A.  Ralilenbeek. 

Comte  Becdelièvre ,  Biorjraphie  liégeoise.  11, 
i8o.  —  Bouilliot,  Biographie  ardennake,  140.  — 
Haag  frères,  La  France  protestante,  IV,  J&\. 
Notes  communiquées. 

Dt  JARDiiv  {Donatien),  écrivain 
ecclésiastique,  né  à  Ypres  le  31  août 
1738  et  décédé  dans  la  même  ville  au 
mois  de  mai  1804.  Il  entra  dans  la  com- 
pagnie de  Jésus,  au  noviciat  de  Ma- 
lines,  le  1er  octobre  1756,  et,  après  ses 
premiers  vœux,  enseigna  les  humanités 
à  Anvers.  Vers  1770,  lorsque  les 
PP.  Clé  et  Ghesquière  eurent  commencé 
l'organisation  du  Musauni  historictim, 
destiné  à  remplacer  le  Musœum  Bellar- 
minianum.  Du  .lardin  leur  fut  adjoint 
avec  deux  autres  pères  pour  les  aider 
dans  leur  vaste  entreprise.  Déjà  on  avait 
commencé  à  rassembler  des  matériaux, 
lorsque,  le  20  septembre  1773,  la  com- 
pagnie fut  supprimée  en  Belgique  par 
un  bref  de  Clément  XIV.  Du  Jardin 
se  retira  alors  à  l'pres,  où  il  demeura 
jusqu'au  moment  de  sa  mort.  En  1773, 
il  concourut  pour  un  des  prix  proposés 
par  l'Académie  impériale  et  royale  de 
Bruxelles,  et  fut  couronné  pour  le  tra- 
vail intitulé  :  Çommentarii  seu  responsa 
ad  qucesita  :  Quis populorum  Belgicte  anfe 
sœculum  œra  christiana  septimum  vesti' 
tus  fuerit;  quid  idioma;  quis  agricultura, 
commerça,  litterarum,  artiumque  status.^ 
Quilms  palmam  alterarn  detulit  cœsarea 
ac  regia  scientiarum  et  littercirum  Acade- 
mia  Bruxellensis  anno  M.D.CCLXXIII. 
Bruxellis,  Antonius  d'Ours,  1774;  vol. 
in-4o  de  58  pages.  Ce  travail  fait  partie 
des  anciens  Mémoires  couronnés  de  V  Aca- 
démie de  Bruxelles.  e.-H.-j.  Beuscn». 

De  Backer,  Bibliothèque  des  Éerivains  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  éd.  in-fol.,  Il,  col.  X^2. 


263. 


DU  JAKDIA 


-264 


oi  JAKUI^'  {Jacqties),  poëte,  ué  à 
Lille  en  1585,  décédé  à  Liège  le  9  no- 
vembre 1633,  entra  dans  la  compagnie 
de  Jésus  à  l'âge  de  dix- neuf  ans.  Après 
avoir  prononcé  ses  premiers  vœux,  il 
enseigna  quelque  temps  au  scolasticat 
de  la  compagnie,  en  préparant,  par  des 
répétitions,  les  jeunes  pères  appelés  à 
donner  l'enseignement  dans  les  collèges 
d'humanités.  Plus  tard,  il  devint  direc- 
teur de  la  congrégation  de  la  Sainte- 
Yierge,  qui  était  établie  à  Liège  pour 
les  gens  de  lettres,  et  remplit  cette  fonc- 
tion pendant  sept  ans.  Ce  fut  pour  ses 
congréganistes  de  Liège  qu'il  composa 
les  poésies  latines  publiées  sous  le  titre 
de  Jacohi  Jardinii  Insulensis,  e  Societate 
Jesu,  Elegiaruin  sacraruni  lïbri  très.  De 
arte  forensl  libri  duo.  Opm posthumnm. 
Duaci,  Petrus  Telu,  1636;  vol.  in-12, 
réimprimé  la  même  année  à  Anvers  et  à 
Munster  en  Westphalie.  Les  trois  livres 
d'EIéffies  furent  encore  publiés  séparé- 
ment en  1639  à  Douai,  par  la  veuve  de 
Pierre  Telu,  vol.  in-12  de  x-:308  pages. 
On  trouve  aussi,  en  tête  de  la  Vita 
S.  Lamberti  du  P.  Jean  Eoberti,  une 
ode  à  la  ville  de  Liège,  Ad  Legiam.  pro- 
trepticon,  du  P.  Jacques  Du  Jardin. 

E.-H.-J.  Reiisi-ns. 
l'aquot,  Mémoires,  éd.  in-fol.,  I,  p.  333. 

wc"  JARDi:%'  {Jean),  écrivain  ecclé- 
siastique, né  à  Douai  en  1565  et  décédé 
à  Valencienues  le  16  juin  1644,  entra 
au  noviciat  de  la  compagnie  de  Jésus,  à 
Tournai,  le  11  mars  1582.  Après  sa 
profession,  il  fut  employé  comme  pré- 
dicateur, et  consacra  toute  sa  vie  aux 
fonctions  du  saint  ministère.  Il  a  pu- 
blié :  lo  Mannale p'œciptmmm  conside- 
rationum.  —  2^  Manuale  de  peccato  mor- 
tali.  —  3»  Traicté  de  V exercice  jourtudier 
des  vertus.  Douay,  Yefve  Laurent  Kel- 
lam,  1616;  vol.'in-16.  —  4o  Traicté 
du  combat  et  de  la  victoh'e  contre  les  ten- 
tations. Douay,  chez  les  héritiers  de 
Jean  Eogart,  1B27;  vol.  petit  in-12.  — 
5"  Méditations.  Douay,  1626;  vol.  in-8o. 
Ces  trois  derniers  ouvrages  ne  sont  que 
des  versions  françaises  de  traités  com- 
posés en  espagnol  par  le  IL  P.  Alvarez 
de  Paz.  Le  I*.  Ou  Jardin  traduisit  encore 


d'autres  opuscules  du  même  auteur.  On 
trouve  les  titres  exacts  et  la  description 
de  toutes  ces  publications  dans  la  Bi- 
bliothèque des  écrivains  de  la  compagnie 
de  Jésus  du  P.  De  Backer,  éd.  in-fol., 
II,  col.  333. 

E.-H.-J.  Reusens. 

DU  J.%RDi:«  {Philippe),  magistrat, 
né  à  Tourcoing,  mort  à  un  âge  avancé 
en  1707.  D'abord  avocat  au  Grand 
Conseil  de  Malines,  il  devint  en  1669, 
substitut  du  procureur  général,  puis 
conseiller  ordinaire  audit  conseil,  en 
remplacement  de  Guillaume-Ernest  du 
Marteau,  par  lettres  patentes  du  15  aoiit 
1683  ;  entin  procureur  général,  par  let- 
tres patentes  du  28  avril  1695,  en  rem- 
placement de  Jean- Jacques  de  la  Mothe, 
promu  au  Conseil  privé. 

Xous  ne  connaissons  aucune  publica- 
tion scientifique  de  Philippe  du  Jardin, 
mais  il  a  mérité  une  mention  par  son 
attitude  dans  les  mémorables  démêlés 
qu'eut  le  Grand  Conseil,  eu  l'an  1700, 
avec  l'archevêque  de  Malines,  Humbert 
Guillaume  de  Precipiano,  au  sujet  du 
droit  d'asile  et  du  conflit  des  juridic- 
tions ecclésiastique  et  séculière.  Une 
dame,  vivement  irritée  contre  un  capi- 
taine espagnol,  avait  engagé  jDOur  l'as- 
sassiner un  spadassin  nommé  François 
van  Ophoven.  Le  guet-apens  échoua, 
et  le  coupable  se  réfugia  chez  les  domi- 
nicains. L'official,  qui  était  Aimé  de 
Coriache,  entama  l'instruction.  Les  fis- 
caux protestèrent.  Le  gouvernement 
donna  raison  d'abord  a  l'autorité  ecclé- 
siastique, ensuite  au  Grand  Conseil.  Du 
Jardin  ne  tint  nul  compte  de  deux  pro- 
testations, avec  menace  d'excommunica- 
tion, que  l'archevêque  lui  adressa.  La 
menace  fut  réalisée;  la  sentence  d'ex- 
communication, du  7  août  1700,  fut 
proclamée  dans  les  églises  de  Saint-Jean 
et  de  Saint-Eombaut  et  affichée  publi- 
quement. Le  Grand  Conseil  répondit  en 
condamnant  l'archevêqiie  à  une  amende 
de  6,000  florins,  que  les  conseillers  fis- 
caux devaient  prendre  sur  son  temporel; 
en  lui  ordonnant,  à  peine  d'une  nou- 
velle amende  de  10,000  florins,  de  lever 
l'excomuiunication  lancée  contre  le  pro- 
cureur général;   enfin,  en  défendant  à 


-265 


DU  JARDIN 


-2H6 


tout  sujet  de  Sa  Majesté  de  communi- 
quer avec  l'archevêque  oii  de  lui  fournir 
des  vivres,  tant  indirectement  que  di- 
rectement, jusqu'à  réparation  de  l'at- 
tentat dirio:é  contre  le  Grand  Conseil.  Le 
roi  dut  mettre  la  paix  ;  les  mesures  de 
rigueur  furent  rapportées  de  part  et 
d'autre  ;  l'absolution  du  procureur  gé- 
néral eut  lieu  par  sentence  du  14  sep- 
tembre 1703. 

Du  Jardin  renonça  à  sa  charge  en 
avril  1706,  vu  son  grand  âge  et  ses 
infirmités.  Il  mourut  l'an  d'après,  et 
fut  enterré  dans  le  chœur  de  l'église 
paroissiale  de  Saint-Pierre  à  Malines. 

Alphonse  Kivier. 

Fop])ens,  Histoire  du  Grand  Conseil  de  Ma- 
tines, etc.,  n»  9938 de  la  Bibliotlièquede  Bruxelles. 
—  Proost,  Histoire  du  droit  d'asile  religieux  en 
Belgique,  Gand.  1870,  p.  183-188.  —Du  Laury, 
îinèt  LXill. 

OU  j.%RDiif  (Thomas),  théologien 
distingué  de  l'ordre  des  Pères  Domini- 
cains; né  à  La  Haye  en  1653,  de  Ni- 
colas Du  Jardin,  seigneur  d'Anseghem 
et  Hemsrode,  qui  s'établit  à  Gand  en 
1659,  et  de  Françoise  Helman,  fille  du 
seigneur  de  Muilkerke;  mort  à  Gand  le 
15  juin  1733. 

Ses  parents  l'envoyèrent  étudier  à 
Louvain  et  à  Paris;  il  entra  dans  l'or- 
dre des  dominicains  et  fut  chargé,  dans 
la  première  de  ces  deux  villes,  de  la 
chaire  d'Ecriture  sainte,  même  avant 
d'avoir  reçu  son  ordination,  fait  con- 
traire.«  tous  les  usages,  mais  qui  parut 
autorisé  par  ses  succès  exceptionnels. 
Il  ne  fut  ordonné  prêtre  qu'en  1676. 
Ses  talents  devaient  bientôt  s'exercer 
sur  un  plus  vaste  théâtre.  Pendant  la 
guerre  de  la  succession  d'Espagne,  de 
1701  à  1704,  la  Belgique  fut  occupée 
tour  à  tour  par  les  armées  des  différentes 
puissances,  et  ces  invasions  successives 
firent  renaître  les  germes  de  discorde 
religieuse,  qu'on  aurait  pu  croire  étouf- 
fés. La  dispute  contre  la  réforme  et  le 
jansénisme  reprit  avec  ardeur.  Les  Alle- 
mands du  prince  Eugène  de  Savoie,  et 
surtout  les  Anglais  du  duc  de  Marlbo- 
rough  répandirent  la  doctrine  du  déisme 
et  rétablirent  les  loges  maçonniques, 
qui  restèrent  cependant  longtemps  sans 


influence  :  on  était  encore  trop  occupé 
de  la  réforme.  Du  Jardin  fut  un  des 
professeurs  qui  luttèrent  le  plus  éner- 
giquement  contre  ce  mouvement  des 
esprits.  Il  prêcha  à  Gand  et  à  Louvain, 
expliquant  le  dogme  orthodoxe,  et  afin 
que  ses  prédications  portassent  plus  de 
fruit,  il  les  publia  en  1710  sous  le  litre 
de  GeloofgescîiiUen,  in  de  welke  de  waer- 
Tieyt  van  het  roomscJi-catholyck  yelooj 
tegen  de  dicalingen  deser  laetste  tyden 
hondiglilyck  wordt  verdedight  (Gent  , 
in-4o).  Cet  ouvrage  contient  des  leçons 
sur  les  différents  points  de  religion  con- 
testés et  surtout  sur  l'infaillibilité  de 
l'Eglise.  Cet  enseignement  lui  attira 
une  réponse  du  pasteur  protestant  de 
Middelbourg,  Jacob  Leydekker,  qui 
publia  :  De  Herrormde  lerk  hit  gemeen 
verdedigd  tegen  het  pausdom  int  hyzonder 
tegen  den  hoon  der  herrormers  en  hunne  leer 
aengedaen  door  den  E.  priester  Th.  Bu- 
jardin.  Middelbourg  ,  1711  ,  in-4o. 
A  quoi  Du  Jardin  répliqua  quatre  ans 
plus  tard  par  un  écrit  in-folio  :  Spore  der 
cnthohjcke ,  gescherpt  door  sestich pointen , 
tegen  het  huytensporigh  stampen  van  den 
h.  Jacob  Leydekker,  predikant  te  Mid- 
delburgh;  in  de  welcke  de  waerheyd  van 
het  Roomseh  catholyck  geloof  tegen  de 
dicalingen  dezer  laetste  tyden...  (Gand, 
1715). 

Il  travaillait  en  même  temps  avec 
ardeur  contre  les  jansénistes,  et  réfuta 
les  cent  et  une  propositions  de  Quesnel, 
condamnées  par  le  pape  Clément  XI 
dans  sa  bulle  TJnigemtus ;  voici  le  titre 
de  son  ouxrage  :  Het  aengeicesen  rergift 
van  de  Lotstellingen  tan  Faschasim  Ques- 
nel,  gedoemt  door  Clemens  XI,  pam  van 
Roomen,  in  syne  leerbulle  TJnigenitus  ende 
de  overtuygde  pligt  aller  catholycken  om 
de  bulle  TJnigenitus,  ahsynde  van  onfeyl- 
baer  ghesag,  sonder  appel  aen  te  nemen. 
(Gand,  1724;  une  2^  édition  y  fut  pu- 
bliée en  1735). 

Quelques  années  plus  tôt,  ilavait  déjà, 
en  collaboration  avec  Fr.  d'Enghien, 
publié  une  édition  de  la  Bible,  où  sont 
corrigées  les  fautes  commises  dans  la 
traduction  d'Egide  De  Witte  ;  il  l'inti- 
tula :  Biblia  sacra  d.  i.  De  heylige  schrif- 
tiier,  rerhetert  nacr  den  hietsten  roomschfn 


267 


DU  JARDIN  —  DUL 


268 


text,  met  eene  voorrede.  Anvers,  1714, 
in-fol.,  2  vol. 

Du  Jardin  publia,  en  outre,  plusieurs 
ouvrages  et  opuscules  sur  la  vie  contem- 
plative, la  méditation,  etc.;  nous  ne 
citerons  que  les  principaux  :  De  officio 
sacerdotis  qua  judicis  et  viedici  in  sacra- 
7)ie7ito  pœnitenticB ,  in-sti'uctio  brevis  in 
gratiam  et  commodum  tironis  theologi. 
Bruxelles,  1701,  in-S^;  Malines,  172S, 
in-So;  cette  édition  est  la  meilleure; 
l'ouvrage  fut  encore  réimprimé  en  Bel- 
gique et  en  Allemagne,  à  Louvain  en 
1802,  à  MaMnes  en  1816.  —  Sermoen 
van  devotie  tôt  den  lydenden  Jésus  iiitge- 
beelt  in  't  portraict  van  'tgroot  miraculeus 
beelt  van  de  vermaerde  abdye  tôt  Gem- 
bloux,  etc.  Gand,  1703,  in-12.  — 
Geestelijl-e  tmmenspraecl-en  tusscJien  FM- 
laletes  ende  PJtilotJiea  dat  is  :  tussclien  den 
minnaer  des  vjaerJteyts  ende  de  Godtmln- 
nende  ziele,  wegens  de  goddehjcl-e  liefde, 
dry  soorten  van  invjendig  gehedt,  medi- 
tatie,  aspiratie  en  contemplatie,  de  ver- 
stercinge,  de  dorrigheden,  de  bieclite,  de 
H.  communie  ende  de  misse.  Den  tweeden 
druk  merl-elgck  verbetert  en  vermeerdert. 
Gand,  1706,  in-12;  1710,  1732;  Lou- 
vain, 171' 2.  —  Getrouwen  leidtsman 
aenivyzende  volgens  de  grondregeh  der 
GodsgeleertJieyt  verscJieyde  h'agtige  Jmlp- 
middelen  tôt  het  vlieden  van  liet  gtiaet  en 
oefenenvan  de  dengdt,  etc.,  door  Thomas 
Du  Jardin,  van  het  order  der  FF.  Fre- 
dikheeren.  Gand,  1719;  in- 8". 

Emile  Varenbergh. 

Blommaert,  De  yederduitsclie  scAri/ier*  van 
Cent.  —  Piron,  LevensbescUrijvingen,  Byvoegsel. 

Di'KER^  (François),  architecte  de  la 
cour  épiscopale  de  Liège,  né  vers  le  mi- 
lieu du  xviiie  siècle.  La  réputation  dont 
il  jouissait  dans  cette  ville  s'étendit,  gra- 
duellement, au  loin  et  lui  valut  de  nom- 
breux travaux;  la  princesse  Cunégonde 
de  Saxe,  abbesse  de  Thorn,  le  chargea, 
entre  autres,  d'agrandir  considérable- 
ment son  riche  monastère.  Ces  travaux, 
évalués  à  la  somme  de  28,000  florins, 
ainsi  que  le  constate  le  contrat  passé  le 
1er  octobre  1781,  furent  menés  à  si 
bonne  fin  quel'artiste  devint  l'architecte 
du  chapitre  et  l'homme  de  confiance  de 
la   princesse.    Plusieurs   missions    qu'il 


eut  à  remplir  en  témoignent;  elle  l'en- 
voya inspecter  les  bâtiments  des  monas- 
tères d'Essen  et  de  Borbek,  également 
placés  sous  sa  haute  direction  ;  elle  lui  ac- 
corda l'autorisation  d'acheter  en  France, 
pour  son  compte,  des  objets  d'art,  et 
lui  laissa  une  grande  latitude  pour 
embellir  l'église,  le  palais  abbatial  et, 
spécialement,  les  appartements  réservés 
à  l'évêque  de  Liège. 

^Malgré  la  position  éminente  que 
Dukers  paraît  avoir  acquise  par  son 
talent,  par  son  caractère,  les  détails  re- 
latifs à  sa  vie  et  à  ses  œuvres  nous  font 
défaut.  On  sait  seulement  qu'il  laissa 
un  fils,  Feaxçois-Joseph  Dukees,  né 
à  Liège  le  15  décembre  1792,  décédé 
dans  la  même  ville  en  1831  et  qui, 
architecte  comme  son  père,  fut  chargé, 
en  1818,  d'élever,  sur  l'emplacement  de 
l'église  des  Dominicains,  le  théâtre 
royal  de  Liège,  construction  des  plus 
médiocres  sous  le  rapport  du  style  et  du 

goût.  F.  Stappaerts. 

Alex.  Pinchart,  Archives  des  arts,  etc. 

orii  {Corneille,  Gérard  et  Fierre)  ou 
DuLL.  Ces  trois  sculpteurs  florissaient  à 
Anvers  dans  la  première  moitié  du 
xvie  siècle.  Elèves  de  leur  père,  Cor- 
neille DulZe  F?V?7, artiste  habile, qui  lui- 
même  avait  été  formé  par  Corneille  Jan 
Hermanssone  van  Bergen,  ils  furent 
employés  à  plusieurs  travaux  de  déco- 
ration artistique  dans  l'église  de  Notre- 
Dame,  avant  et  après  l'incendie  qui  y 
éclata  le  6  octobre  1533. 

Corneille  Dul  le  Jeune,  l'aîné  des 
frères,  fut  admis  dans  la  corporation  de 
Saint-Luc  en  1514,  et  reçut  comme 
élève,  en  1519,  un  apprenti  nommé 
Wynand  Eoost  ou  Maets.  Sa  femme, 
Anne  Scryvers  ou  De  Scryvere,  le  laissa 
veuf  en  1541. 

Gérard  Dul  le  Fnîné,  surnommé  By- 
voet,  reçu  dans  la  Gilde  en  même  temps 
que  ses  frères,  décéda  vers  1558.  Il 
avait  pris  pour  femme  Marie,  fille  de 
Euth  Jacops,  qui  lui  survivait  en  1559. 
Ainsi  que  la  plupart  des  artistes  de  ce 
temps,  Gérard  Dul  ne  dédaignait  pas  de 
prendre  en  location,  durant  les  grandes 
foires  bisannuelles  d'Anvers,  un  empla- 
cement dans  les  cloîtres  de  Notre-Dame 


269 


DUL  -  DU  LAURY 


270 


(0.  L.  V.  Pand),  où  il  exposait  en  vente 
les  produits  de  son  ciseau.  A  côté  de 
ceux-ci,  venaient  s'étaler  ceux  d'autres 
sculpteurs,  nommément  de  Gérard  de 
Neve,  .Tosse  Baden,  Clauderio  T"loris, 
Jean  Verhesen,  Pierre  van  Berckelaer, 
Winand  Raets  ou  JRoost,  Jean  Yanden 
Perre,  Pierre  Qaintyns,  Wautier  Yander 
Elsmaer,  Antoine  van  Breda  et  Pierre 
van  Duerne. 

Pierre  Dul,  le  cadet  des  trois  frères, 
obtint  également  son  entrée  comme  maî- 
tre dans  la  corporation  de  Saint-Luc,  en 
1514.  On  ignore  s'il  forma  des  élèves. 

CoRXEiLLE  Dul  le  Vieil,  le  père  de 
nos  artistes,  était  devenu  membre  de  la 
Gildeen  1495.  Il  reçut  en  apprentissage, 
en  1499,  un  élève  nommé  Jean  Pauwels, 
qui  obtint  la  maîtrise  en  1505.  Adrienne 
Potters  ou  De  Pottere,  sa  femme,  fille 
de  Loys,  survécut  à  son  rùari  déjà  décédé 

en  1521.  Chev.  L.  de  Burbure. 

Archives  d'Anvers.  Ligqeren  de  la  Gilde  de 
Saitit  Luc,  publiés  par  MM.  Rombouts  et  Van 
Lerius. 

DU  i^AURY  (Rémi- Albert),  chevalier, 
seigneur  de  Raveschot,  jurisconsulte,  né 
à  Gand  vers  le  milieu  du  xviie  siècle, 
mort  le  25  janvier  1716,  selon  Poppens, 
et  enterré  à  Gand  en  l'église  des  Carmes 
chaussés.  Son  père,  Jacques  du  Laury, 
grand  pensionnaire  au  collège  de  la 
Keure  de  la  ville  de  Gand,  fut  nommé 
conseiller  ordinaire  au  conseil  de  Flan- 
dre en  1651,  prêta  serment  en  1652,  et 
mourut  bientôt  après,  en  1653  ou  1654. 
Remi-Albert  du  Laury  fut  d'abord  avo- 
cat au  conseil  de  Flandre.  Il  paraît 
n'être  entré  que  tard  dans  la  magistra- 
ture. Nommé  conseiller  au  grand  conseil 
de  Malines,  en  remplacement  de  Cha- 
boteau,  par  lettres  patentes  du  3  sep- 
tembre 1707,  il  fut  appelé,  l'année 
même  de  sa  mort,  aux  fonctions  de  pro- 
cureur général,  comme  successeur  de 
M.  de  Baillet,  devenu  président  du  con- 
seil. Son  mérite,  comme  jurisconsulte  et 
comme  savant,  est  attesté  par  le  recueil 
d'arrêts  qu'a  publié,  après  sa  mort,  son 
disciple  et  aide  Pierre-Claude-Marie  de 
Saint- Vaast,  sous  le  titre  suivant  :  La 
Jurisprudence  des  Pajis-Bas  autrichiens 
établie  par  les  arrêts  du  grand  conseil  de 


Sa  Majesté  Impériale  et  Apostolique  rési- 
dant en  la  ville  de  Malines;  auxquels  sont 
ajoutés  qnelqties  décrets  portés  au  conseil 
privé  de  Sadife  Majesté.  (Bruxelles  1717, 
un  volume  in-folio;  censure  de  juillet 
1716.  — Autre  édition,  deux  volumes 
petit  in-8o.  Bruxelles,  Moris,  1761.) 
Du  Laury  préparait,  lorsque  la  mort  l'a 
surpris,  un  recueil  plus  considérable. 

On  lit  dans  la  préface  de  Saint- Yaast  : 
"  Ce  n'est  ici  que  l'ébauche  du  dessein 
»  de  l'auteur  que  j'ai  rédigé  à  deux 
Il  cens  arrêts,  qui  étoient  le  plus  en 
Il  état  de  paroître  et  que  j'îisse  aisé- 
II  ment  augmenté  de  la  moitié,  et  au 
«  delà,  ateudu  que  feu  M.  Du  Laury  a 
Il  délaissé  sufisàment  de  la  matière  pour 
Il  fournir  à  quatre  gros  volumes,  et 
»  qu'aiant  û  l'honeur  de  travailler  sous 
Il  lui  pendant  un  tems  assez  considé- 
II  rable,  j'étois  assez  informé  du  plan 
Il  qu'il  y  vouloit  être  observé  ;  mais  je 
«  n'ai  pas  trouvé  à  propos  de  m'enfon- 
II  cer  davantage  dans  un  travail  peu 
Il  convenable  à  l'immaturité  de  mou 
Il  âge.  Il  On  voit  que  l'orthographe  est 
moderne;  l'éditeur  pense  «  qu'elle  sau- 
tera aux  yeux  par  sa  nouveauté,  et  ne 
sera  peut-être  pas  exempte  de  critiqTie, 
surtout  en  un  pais  où  les  écrivains  de- 
meurent encore  attachés  à  l'ancienne 
orthographe  « . 

Le  recueil  de  Du  Laury  n'est  point 
une  simple  compilation  érudite  :  on  y 
voit  le  travail  individuel  d'un  juriste 
expérimenté,  et  ses  arrêts  sont  souvent 
accompagnés  de  véritables  dissertations 
où  le  droit  coutumifer  et  le  droit  romain 
sont  également  bien  traités.  On  pourrait 
inférer  de  quelques  lignes  de  Foppens 
[Bibliotheca  belgica,  II,  909.  Histoire 
du  (jrand  conseil  de  MaVmes,  article  Du 
Laury)  que  Du  Laury  n'aurait  guère  fait 
qu'éditer  et  augmenter  Du  Fief.  Tel 
n'est  point  le  cas,  selon  nous.  Sans 
doute.  Du  Laury  devait  utiliser  les 
excellentes  décisions  de  Du  Fief,  qu'il 
cite;  mais  il  y  a  des  différences  nom- 
breuses et  radicales,  de  proportion, 
d'étendue,  et  aussi  de  méthode  entre 
ces  deux  auteurs,  dont  l'un  est  mort 
soixante-cinq  ans  après  l'autre  et  em- 
brasse,   par    conséquent,    une    période 


274 


DU  LAURY  —  DULLAERT 


272 


beaucoup  plus  longue  de  l'activité  judi- 
ciaire du  grand  conseil. 

Du  Laurv  épousa  successivement  trois 
femmes  :  Marie  Coorenraets,  décédée 
en  1699  ;  Marie- Antoinette  Mavaes,  dé- 
cédée en  1711;  et  Suzanne  De  Smet. 
Vingt-trois  ans  après  sa  mort,  en  1739, 
son  troisième  mariage  fut  déclaré  niil 
par  l'official  de  Gand,  «  les  conjoints 
ayant  été  parents  au  quatrième  degré, 
quoique  sans  le  savoir  « . 

Alphonse  Rivier. 
Foppens,  Histoire  du  grand  conseil  de  Malines. 
MS.,  D»  9938  de  la  Bibliothèque  de  Bruxelles.  — 
Britz,  Mémoire  couronné.  —  Du  Laury,  La  Juris- 
prudence des  Pays-Bas  autrichiens  ;  préface  de 
Saint-Vaast. 

»ri.i..«.ERT  (Adrien),  chroniqueur, 
né  à  Weert  près  de  Baesrode,  dans  un 
domaine  de  l'abbaye  de  Saint-Bavon,  de 
Gand  (et  non  à  Weerde  près  de  Vilvorde) 
le  15  mars  1411-1412,  mort  en  1471. 
Dullaert  fut  baptisé  le  lendemain  de  sa 
naissance  à  Tamise,  seigneurie  qui 
appartenait  au  monastère  de  Saint- 
Pierre,  de  Gand.  Après  avoir  étudié 
pendant  quatre  ans  à  la  faculté  des  arts 
de  l'université  de  Paris,  où  il  avait  été 
conduit  par  maître  Monfrand  Alaert, 
depuis  procureur  général  du  duc  de 
Bourgogne,  et,  en  1424,  au  collège  de 
VAve  Maria,  Dullaert  consacra  dix 
années  à  l'étude  du  droit  ci%T.l  et  du 
droit  canonique;  il  reçut  le  grade  de 
licencié  à  Louvain,  puis  devint,  en  1438, 
l'un  des  secrétaires  de  la  ville  de 
Bruxelles.  Dullaert  prit  une  part  très- 
active  à  la  fondation  de  la  chartreiise 
de  Scheut,  lez-Bruxelles,  fondation  que 
le  duc  de  Bourgogne  semble  avoir  eue 
extrêmement  à  cœur.  Ce  fut  lui  qui  tit 
remarquer  que  cet  emplacement  conve- 
nait à  des  cénobites  suivant  la  règle  de 
Saint-Brunon  plutôt  qu'à  des  religieux 
mendiants.  Ce  fut  lui  encore  qui  fut 
chargé,  de  concert  avec  deux  magistrats 
de  la  ville  et  le  pensionnaire  A  Thymo, 
de  s'entendre  à  ce  sujet  avec  le  prieur 
delachartreused'Enghien.  Enmai  1454, 
il  visita  la  campagne  de  Scheut  avec  le 
prieur  et  l'architecte  Joes  et  fit  partie 
de  la  députation  qui  alla,  le  25  août  de 
l'année  suivante,  prier  l'évêque  de 
Cambrai  de  consacrer  la  chapelle  bntio 


en  cet  endroit.  Dullaert  était  l'un  des 
serviteurs  de  la  famille  de  Croy,  dont  ou 
le  qualifie  le  procureur  à  la  date  du 
11  février  1454.  Est-ce  là  qu'il  faut 
chercher  la  cause  des  déboires  dont  les 
dernières  années  de  sa  vie  furent  rem- 
plies? Le  6  mars  1463,  lui  et  son 
frère  Jean  Dullaert  furent  condamnés 
par  les  magistrats  de  Bruxelles  à  aller 
en  pèlerinage  à  Saint- Jacques  en  Galice 
et  à  payer,  au  profit  de  l'épargne  du  duc, 
une  amende  de  100  moutons  d'or.  Deux 
fois  Adrien  fut  frappé  par  des  condam- 
nations judiciaires,  après  avoir  chaque 
fois  refusé  de  comparaître.  Accusé,  de 
plus,  d'avoir  diflFamé  ses  juges,  il  fut 
dépouillé  de  son  emploi  de  secrétaire  le 
6  mars  1466-1467.  Il  se  retira  à  Ma- 
lines, oii  il  mourut,  mais  ce  fut  dans 
l'église  de  Xotre-Dame  de  la  Chapelle 
de  Bruxelles  qu'il  reçut  la  sépulture  le 
28  mai  1471. 

Dullaert  a  laissé  un  travail  intitulé  : 
Oriffo  monasterii  Nostrœ  Doininœ  de  Gra- 
tta, ordinis  Carthusiensis,  juxta  BruxeJ- 
lam,  et  dont  il  existe  une  traduction 
flamaîide,  sous  ce  titre  :  Hoe  dit  couvent 
van  0ns  Froiiice  van  gratie  der  ordenen 
van  den  Chartroesen  gemenlick  (jenoemt 
Tsckuete  es  gefiindeert  buyten  Brussele. 
(Ms.  de  la  Bibliothèque  royale  de 
La  Haye,  fonds  Gérard,  no  46.)  Cette 
traduction  fut  commencée  au  mois 
d'août  1558  et  à  peu  près  terminée  au 
bout  de  dix-huit  jours;  celui  qui  s'en 
était  chargé,  et  qui  était  probablement 
un  chartreux  de  Scheut,  partit,  en  1562, 
poiir  Lierre,  où  il  mit  la  dernière  main 
à  son  travail.  De  son  temps,  il  n'y  avait 
plus  que  peu  de  moines  à  Scheut  qui 
eussent  connaissance  de  la  véritable 
origine  de  leur  maison.  Le  travail  de 
Dullaert  a  été  publié  dans  les  Analectes 
pour  servir  à  l'histoire  ecclésiastique  de  la 
Belgique. 

Alph.    Wautcrs. 

Valère  André,  Bibliothcca  belgica.  —  Waulers, 
Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  Il,  p.  o46 
et  760.  —  Archives  de  la  ville  de  Bruxelles, 
passim.  —  Foi)pens.  Bibliotheca  belijica,  donne  à 
tort  la  qualification  de  Brabançon  à  Duliaerl,  et 
Kok  (yederlandsch  Woordenboek,  t.  Xi  11.  p.  55) 
s'est  trompé  en  le  faisant  naitie  à  Weiden,  en 
Frise,  le  o  mars  1400;  ces  erreurs  ne  se  trouvent 
pas  dans  Valcrc  André,  qui  a  cependant  servi  de 
guide. 


273 


DULLAERT  -  DUMON-DUMORTIER 


274 


DlXLAERT  (Jea)i),  professeur  et 
philosophe,  né  à  Gaiid  d'une  famille 
noble,   vers  14-70,    décédé  à  Paris  le 

19  septembre  1513.  A  l'âge  de  quatorze 
ans,  il  fut  envo^'é  à  l'université  de  Paris, 
et  y  fit  ses  études  philosophiques  sous 
la  direction  du  célèbre  Ecossais  Jean 
Major.  Après  avoir  pris  le  grade  de 
maître  es  arts,  il  fut  chargé  d'un  cours 
de  philosophie,  d'abord  au  collège  même 
oii  il  avait  étudié  et  ensuite  à  celui  de 
Beau  vais.  Ce  fut  là  que,  vers  1510,  il 
eut  pour  disciple  le  grand  humaniste 
Jean-Louis  Vives.  A  cette  époque,  Dul- 
laert  se  préparait  au  doctorat  en  théo- 
logie; il  s'était  fait  recevoir  membre  de 
la  Sorbonne,  socitis  Sorhonicus  et  avait 
déjà  pris  le  grade  de  bachelier  formel 
en  théologie,  lorsqu'il  retourna  à  Gand, 
sa  ville  natale.  Là  une  grande  épreuve 
l'attendait  :  il  fut  accusé  de  trahison 
envers  sa  patrie.  Ne  pouvant  supporter 
cette  calomnie,  il  retourna  à  Paris,  où 
bientôt  après  il  mourut  de  chagrin. 
DuUaert  étudia  beaucoup  les  œuvres 
d'Aristote,  et  publia  quelques  commen- 
taires sur  des  traités  du  péripatéticien  : 
lo  In  Arùtotdiii  lihros  péri  Hermenias 
commentaria.   Parisiis,  1509,  in-fol.  — 

20  Questiones  stiper  octo  Uhros  pMsicormn 
Aristotelis  necnon  super  lihros  de  celo  et 
mundo.  Parrhisius,  Nicolaus  de  Pratis, 
impensis  Oliverii  Senant,  23  mars  1506 
(1507  nouveau  style);  vol.  in-fol.  non 
paginé;  réimprimé  dans  le  même  format, 
dans  la  même  ville,  par  le  même  impri- 
meur, lel9  décembre  1511.  —  3^  Ha- 
hes  Jmwanisdme  lector  metlieororum.  Aris- 
totelis fadlem  expositionem  et  questiones 
super  eosdem  magistri  Johamiis  DuUaert 
de  Gandavo.  Parrhisius,  Thomas  Kees, 
30  mai  1514;  vol.  in-fol.  non  paginé. 
Tous  ces  ouvrages  sont  très-rares;  les 
nos  2  et  3  existent  à  la  bibliothèque  de 
l'université  catholique  de  Lonvain.  — 
4o  Dans  une  courte  notice  biographique 
insérée  en  tête  de  l'ouvrage  no  3,  Vives 
dit  que  DuUaert  laissa  inachevé,  au  mo- 
ment de  mourir,  un  commentaire  sur  les 
Analytica  priora  d'Aristote  :  Incepit, 
dit-il,  lihros priormn,  sed morte praventus 
intercepii  sunt.  Peut-être  est-ce  là  l'ou- 
vrage indiqué  par   Paquet  sous  le  titre 


de  Quœstiones  in  lihrum  Prcedicahilium 
Porphyrii  secundnm  viain  Nominalium  et 
ReaVmm,  qu'il  dit  avoir  été  publié  à 
Paris  en  1.520  ou  1521,  par  les  soins  de 
Jean  Drabbius  Bonicollius  (Goethals). 

E.-H.-.I.  Reusens. 

J.-L.  Vives,  Vita  Joannia  Dullardi,  publiée  en 
tète  de  l'ouvrage  ii"  >\.  —  Paquot,  Mémoires, 
6d.  in-fol.,  11,  p.  614. 

ui.noECN  {Jean),  prédicateur,  écri- 
vain ecclésiastique,  né  à  Renaix,  vers 
1526,  mort  en  1573.  Voir  Vax  der 
Haghex  {Jean). 

Dt  :»ioi,ix  (/(?a»-^^»2z)  ouDu  Mou- 
lin, musicien,  né  dans  les  dernières 
années  du  xve  siècle.  Il  fut  organiste  de 
l'église  Saint- Jean  à  Malines,  place  qu'il 
occupait  encore  en  152S,  suivant  l'an- 
notation d'un  payement  qui  lui  fut  fait 
cette  année.  On  connaît  plusieurs  com- 
positions de  ce  maître,  reproduites  dans 
des  recueils  dus  aux  musiciens  du 
xvie  siècle,  entre  autres  dans  les  Mo- 
tetti  del  Fiore  à  quattro  voci,  publié  à 
Lyon  par  Jacques  Moderne  de  Pinguento, 
en  1532-1539,  in-4o;  le  troisième  livre, 
p.  25,  renferme  le  motet  à  4  voix  In 
Do7nino  confido,  composé  par  lui;  dans 
les  Motettorum  à  Jacoho  Moderno,  alias 
Grand- Jacques,  in  unum  coactorum  et 
ah  eodem  impressorum  liher  primns  cum 
qninque  vocihus,  etc.  Lugduni,  1532- 
1542,  in-4o,  on  rencontre  les  motets  à 
cinq  voix  de  Du  Molin  :  Adonay  Domine 
et  Pater  peccavi.  Le  deuxième  livre  des 
Missarum  Dominicalium  quatuor  vocuni, 
publié  par  Pierre  Attaingnant,  en  1534, 
contient  des  messes  de  notre  compositeur. 

Aug.  Vaiuler  Meerscli. 

Fr.  Fétis,  Biographie  unirer.ielle  des  musiciens, 
!2<"  édition. 

»i;'Mo:v  -  «mouTliER  {Augustin - 
Aimahle),  homme  politique,  né  à  Lille 
le  4  décembre  1791,  mort  à  Tournai 
en  1852.  Il  s'établit  dans  cette  ville  par 
suite  de  son  mariage  avec  la  fille  unique 
de  M.  Dumortier,  un  des  plus  riches 
chaufourniers  de  l'arrondissement.  Na- 
turalisé Belge  par  le  gouvernement  pro- 
visoire le  5  novembre  1830,  il  fut,  la 
môme  année,  nommé  membre  du  con- 
seil communal  et  échevin  de  la  ville  de 


275 


DUMON-DUMORTIER  —  DUMONCEAU 


276 


Tournai.  Le  9  juin  1835,  les  électeurs 
de  l'arrondissement  l'envoyèrent  au  sé- 
nat, et,  pendant  dix-sept  années,  c'est- 
à-dire  jusqu'à  sa  mort,  il  ne  cessa  plus 
de  faire  partie  de  cette  assemblée,  aux 
travaux  de  laquelle  il  prit  constamment 
la  part  la  plus  active.  En  1836,  il  avait 
été  nommé  secrétaire  du  sénat,  et  ces 
fonctions  il  les  conserva  pendant  douze 
années.  Il  se  distinguait  par  la  sagesse 
de  ses  conseils,  par  une  intelligence 
pénétrante,  par  une  éloquence  entraî- 
nante ;  on  le  considérait  comme  un 
des  membres  les  plus  distingués  du  cen- 
tre gauche.  Telle  était  l'influence  qu'il 
exerçait,  que  trois  fois  le  roi  Léopold  1er 
l'invita  à  se  charger  de  la  direction 
des  affaires  de  l'Etat;  mais  il  déclina 
constamment  ces  offres  si  honorables 
pour  lui.  Mais  lorsque  se  constitua  le 
ministère  du  12  août  1847,  Dumon- 
Dumortier  voulut  s'associer  aux  repré- 
sentants de  l'opinion  qu'il  avait  con- 
stamment défendue  :  il  fut  nommé 
gouverneur  du  Hainaut.  Bientôt  la  loi 
sur  les  incompatibilités  l'obligea  d'opter 
entre  ces  hautes  fonctions  et  le  mandat 
de  sénateur  :  il  préféra  ce  dernier.  Le 
sénat  lui  sut  gré  de  cette  option  et  l'ap- 
pela, le  27  juin  1848,  au  fauteuil  pré- 
sidentiel. Il  possédait  l'estime  de  tous, 
car  cinq  fois  de  suite,  et  souvent  à  la 
presque  unanimité  des  suffrages,  il  fut 
proclamé  président  de  l'assemblée.  En 
1848  aussi,  il  avait  accepté  les  fonctions 
de  bourgmestre  de  Tournai,  et  il  ne 
cessa  de  les  remplir  avec  un  infatigable 
dévouement  :  par  une  habile  et  vigoii- 
reuse  impulsion,  il  sut  rendre  de  grands 
services  à  sa  ville  adoptive.  A  la  suite 
d'une  mission  diplomatique  qui  lui  fut 
confiée  près  du  roi  des  Pays-Bas  en  1849, 
il  avait  reçu  les  insignes  de  grand-croix 
de  l'ordre  de  la  Couronne  de  Chêne.  Il 
était  chevalier  de  l'ordre  de  Léopold 
depuis  1835.  Duraon-Dumortier  a  laissé 
les  plus  honorables  souvenirs,  comme 
l'un  des  plus  dignes  représentants  du 
parti  libéral;  à  la  fois  modéré  et  ferme, 
il  savait  faire  prévaloir  des  opinions 
toujours  sages  et  consciencieuses;  il 
exerçait  sur  ses  collègues,  sur  les  mem- 
bres de  son  parti  l'ascendant  que  don- 


nent une  intelligence  élevée  et  un  pa- 
triotisme désintéressé. 

Th.  Juste. 

Di.'MOitCE.%iJ  {Jean-Baptiste  comte), 
homme  de  guerre  et  d'Etat,  né  à 
Bruxelles  le  8  novembre  1760,  mort 
dans  la  même  ville  le  29  décembre  1821. 
Dumonceau  se  destina  d'abord  à  l'ar- 
chitecture, compléta  à  Eome  ses  études 
dans  cet  art  et  jouissait  déjà  d'une  cer- 
taine réputation  lorsque  les  événements 
de  la  révolution  brabançonne  l'entraî- 
nèrent dans  la  carrière  des  armes  qu'il 
devait  parcourir  avec  tant  d'éclat.  Les 
états  de  Brabant  lui  donnèrent  un  brevet 
de  sous-lieutenant  en  1789;  sa  belle 
conduite  lui  valut  successivement  les 
grades  de  capitaine  et  de  major,  et  dans 
les  combats  multipliés  que  les  patriotes 
belges  livrèrent  aux  troupes  de  Jo- 
seph II,  pendant  l'année  1790,  Dumon- 
ceau se  fit  une  réputation  de  bravoure  à 
la  tête  d'un  bataillon  de  volontaires 
namurois  que  l'on  désignait,  à  cette 
époque,  par  le  nom  de  Canaris.  Obligé 
de  se  réfugier  en  France,  lors  de  la  res- 
tauration du  gouvernement  autrichien 
en  Belgique,  Dumonceau  rejoignit  à 
Douai  ses  anciens  compagnons  d'armes, 
et  dès  que  la  France  eut  déclaré  la 
guerre  à  l'Autriche,  il  fut  appelé  au 
commandement  du  premier  bataillon 
belge  (20  avril  1792)  à  la  tête  duquel  il 
enleva  la  foudroyante  redoute  de  Qua- 
regnon,  le  jour  de  la  bataille  de  Jem- 
mapes  et  décida  par  là  l'issue  de  cette 
affaire  mémorable.  Il  continua  de  pren- 
dre part  à  toutes  les  opérations  de  Du- 
mouriez  et  reçut  le  brevet  de  colonel  en 
juin  1792.  »  Les  talents  et  l'intrépidité 
Il  du  citoyen  Dumonceau,  colonel  du 
Il  premier  bataillon  belge,  écrivaient  à 
Il  la  Convention  les  représentants  du 
"  peuple,  sont  au-dessus  de  tout  éloge.  » 
Les  services  que  le  colonel  Dumonceau 
rendit  à  la  bataille  de  Neerwinden  le 
firent  promouvoir  au  grade  de  général. 
Voici  en  quels  termes  le  général  LaMar- 
lière  motivait  cette  nomination,  dans 
une  lettre  écrite,  le  5  juin  1793,  au 
représentant  du  peuple  Gasparin  :  «  Je 
'/  vous  recommande  l'excellent  officier, 
"   le   citoyen  Dumonceau,    colonel    du 


-277 


DUMONCEAU 


278 


«  premier  bataillon  belge.  C'est  uu  gé- 
u  néral  de  brigade  que  je  serais  très-aise 
«  d'attacher  à  ma  division  ;  je  lui  con- 
«  fierais  mes  avant-postes.  «  Bientôt  de 
nouveaux  faits  d'armes  vinrent  justifier 
les  appréciations  du  général  La  Mai- 
lière.  «  Les  troupes  de  la  division  que 
«  j'ai  l'honneur  de  commander,  écrivait 
Il  le  général  Souham,  général  en  chef 
Il  de  l'armée  de  Lille,  au  ministre  de 
Il   la   guerre,   viennent   de   donner  des 

Il   preuves   du   plus    grand    courage 

«  Les  postes  de  Eoucq,  Halluin  et 
Il  Minin  n'ont  pu  tenir  contre  l'impé- 
II  tuosité  des  colonnes  commandées  par 
"   le  général  Dumonceau.  » 

La  campagne  de  179-1:  fournit  au 
général  Dumonceau  l'occasion  de  dé- 
ployer de  véritables  talents  militaires  : 
les  alliés  se  proposaient  de  marcher  sur 
Paris;  pour  les  détourner  de  ce  projet 
qui  avait  beaucoup  de  chance  de  succès, 
le  général  Dumonceau  conçut  l'idée 
d'une  diversion  de  l'armée  française  en 
Flandre.  Ce  plan  ayant  été  adopté  par  le 
général  en  chef  Pichegru  fut  couronné 
d'un  plein  succès.  La  bataille  de  Tur- 
coing  (18  mai  1794),  bientôt  suivie  de 
celle  de  Fleurus  (20  juin  1794),  assura 
aux  républicains  la  conquête  de  la  Bel- 
gique et  de  la  Hollande  et  lit  évanouir 
l'espoir  des  alliés  de  pénétrer  au  cœur 
de  la  France.  Le  général  Dumonceau, 
après  avoir  assisté  aux  sièges  de  Bois- 
le-Duc  et  de  Nimègue,  marcha  sur 
Dordrecht  en  traversant  le  Biesbos  sur 
la  glace,  s'empara  de  Breda  par  un 
hardi  coup  de  main  et  fut  investi  du 
commandement  supérieur  de  La  Haye 
(7  mars  1795).  «  Ce  commandement 
Il  important,  lui  écrivait  Pichegru,  est 
»  un  témoignage  de  ma  confiance  ;  je 
"  compte  que  de  ton  côté,  citoyen,  tu 
Il  continueras  à  me  donner  ceux  de  ta 
Il    prudence  et  de  ta  sagesse « 

Dumonceau  justifia  si  bien  les  espé- 
rances de  Pichegru  que  les  Etats  géné- 
raux lui  offrirent  le  grade  de  général  de 
division  dans  l'armée  des  Provinces- 
L^nies.  Cette  proposition,  si  flatteuse 
pour  celui  qui  en  était  l'objet,  fut  rati- 
fiée par  le  comité  de  salut  public,  et 
Dumonceau   quitta  momentanément  les 


rangs  français,  au  grand  regret  du  gé- 
néral Moreau,  qui  avait  succédé  à  Pi- 
chegru et  qui  considérait  comme  une 
perte  pour  les  armes  de  la  république 
i'éloignement  d'un  officier  général  qui 
avait  donné  tant  de  preuves  de  sou 
mérite. 

En  1799,  les  Anglais,  unis  aux 
Eusses,  espérant  que  les  échecs  que  les 
Français  avaient  .subis  en  Allemagne  et 
en  Italie  faciliteraient  le  rétablissement 
du  stadhouderat  en  Hollande,  débar- 
quèrent auHelder  et  s'établirent  dans  le 
Zyp.  Le  général  Dumonceau  les  attaqua 
dans  cette  position  et  déploya  pendant 
cette  opération  une  intrépidité  à  laquelle 
les  ennemis  mêmes  crurent  devoir  rendre 
hommage.  Quelques  jours  après,  il  rem- 
porta, à  Bergen,  une  victoire  qui,  plus 
tard,  lui  valut  le  titre  de  com.te  de  Ber- 
gendal.  Appelé  à  l'armée  d'Allemagne, 
il  fut  chargé  du  siège  de  Wurzbourg, 
mission  dont  il  s'acquitta  avec  le  zèle  et 
les  talents  dont  il  avait  déjà  donné  des 
preuves  multipliées.  Aussi,  après  la 
conclusion  du  traité  de  Luné  ville,  le 
ministre  de  la  guerre  Berthier  lui  écri- 
vit-il :  Il  C'est  dans  le  moment  où  la 
u  France  et  ses  alliés  commencent  à 
Il  jouir  du  bienfait  de  la  paix  que 
Il  leur  satisfaction  doit  se  manifester  à 
"  l'égard  de  tous  les  braves  qui  la  lui 
Il  ont  procurée  et  plus  spécialement  à 
"  l'égard  de  ceux  d'entre  eux  qui  y  ont 
Il  contribué  par  des  preuves  éclatantes 
Il  de  talents  et  de  bravoure.  Le  gouver- 
u  nement  français,  en  reportant  les 
«  yeux  sur  cette  liste  honorable,  a  vu 
Il  que  vous  y  occupiez  une  place  distin- 
«  guée  et  ne  veut  pas  vous  laisser  igno- 
II  rer  combien  il  est  satisfait  de  toute 
Il  votre  conduite  militaire  et  surtout 
Il  des  services  que  vous  avez  rendus  au 
Il   siège  de  Wurzbourg —  ■' 

Le  général  Dumonceau  fit  en  Alle- 
magne, avec  un  corps  auxiliaire  de 
troupes  bataves,  les  campagnes  de  1805 
et  de  1806.  En  1807,  il  fut  élevé  à  la 
dignité  de  maréchal  de  Hollande,  par 
le  roi  Louis,  mais  lors  de  la  réunion  de 
la  Hollande  à  la  France,  Napoléon,  mé- 
content du  peu  de  docilité  qu'il  avait 
rencontré  chez  son  frère  qui  lui  devait 


279 


DUMONCEAU  —  DUMONT 


^280 


sa  couronne,  ne  voulut  pas  reconnaître 
le  titre  de  maréchal  conféré  sans  son 
consentement  :  Dumonceau  fut  réinté- 
gré dans  les  rangs  de  l'armée  française 
avec  son  ancien  grade  de  général  de 
division  commandant  la  25&  division 
militaire  à  Mézières. 

Après  la  retraite  de  Moscou,  il  reçut 
le  commandement  d'une  di\àsion  de 
l'armée,  qui  pénétra  dans  la  Saxe  pour 
arrêter  la  marche  de  la  coalition  contre 
la  France.  Avec  des  troupes  improvisées 
qu'on  avait  levées  à  la  hâte,  Dumonceau 
fit  des  prodiges  dans  les  gorges  de  Kulm, 
et,  grâce  à  l'énergie  qu'il  sut  inspirer  à 
ses  jeunes  soldats,  il  parvint  non-seule- 
ment à  repousser  les  assauts  réitérés  de 
la  cavalerie  ennemie,  mais  il  réussit  à 
effectuer  une  honorable  retraite  en  s'ou- 
.vrant,  à  l'arme  blanche,  un  chemin  à  tra- 
vers des  lignes  prussiennes  et  russes. 
Après  le  désastre  de  Leipzig,  Dumonceau 
se  trouva  enfermé  dans  Dresde  avec  le 
corps  du  maréchal  Saint- Cyr.  Pait  pri- 
sonnier de  guerre,  au  mépris  d'une  capi- 
tulation qui  garantissait  le  retour  en 
France,  il  fut  envoyé  en  Hongrie  et  ne 
recouvra  la  liberté  qu'après  les  événe- 
ments de  1814.  Il  revint  en  Belgique 
après  la  seconde  abdication  de  Napoléon. 
Bien  qu'il  n'eût  encore  que  cinquante- 
cinq  ans,  le  général  Dumonceau  fut  mis 
à  la  retraite,  mais  en  1820  ses  conci- 
toyens l'envoyèrent  siéger  à  la  seconde 
chambre  des  Etats  généraux,  où  l'indé- 
pendance de  son  caractère  ne  se  démen- 
tit pas.  Général  baron  Guillaume.  • 

De  Stassart,  Notices  biographiques.  —  De 
Bavay,  Le  général  Dumonceau.  —  Guillaume, 
Histoire  des  réqiments  nationaux  au  service 
d'Autriche.  —  Moniteur  du  temps.  —  Jomini, 
Histoire  des  guerres  de  la  révolution .  —  Mémoires 
militaires  sur  la  campagne  de  l'armée  belgique 
dans  les  Pays-Bas  autrichiens  pendant  la  révo- 
lution de  1790. 

OC  >io:viiî  (Gilles),  historien,  né  à 
Beauraing,  dans  le  Luxembourg,  eu 
1565,  mort  à  Lille  le  17  septembre 
1624.  Après  avoir  pris  le  grade  de 
licencié  en  théologie,  il  devint  chanoine 
de  la  cathédrale  de  Namur,  fonctions 
qu'il  quitta  en  1603,  pour  entrer  dans 
la  compagnie  de  Jésus.  Successivement 
recteur  du  collège  de  Namur  et  de  Liège, 


il  remplit  ensuite  la  charge  de  préfet 
spirituel  à  Lille.  Dès  1603,  il  fit  ériger 
pour  lui-même,  un  monument  funèbre 
à  la  cathédrale  de  Namur,  avec  une  épi- 
taphe  que  Paquot  nous  a  fait  connaître. 
Le  père  Du  Monin,  qui  avait  du 
jugement  et  de  la  littérature,  s'appliqua 
à  étudier  l'histoire  de  la  Belgique.  On  a 
de  lui  :  lo  Sacrarium  insignis  ecclesice 
catheâ redis  D^  Lamherti  Leodiensis .  1618. 
Placard  in-folio  à  trois  colonnes,  com- 
prenant le  catalogue  des  évêques  de 
Liège,  des  papes,  cardinaux,  écrivains 
célèbres  qui  ont  fait  partie  du  chapitre 
de  Saint-Lambert.  —  '^o  Sao'arium  per- 
antiqui  comitatns  Naimircensis.  Leodii, 
1619,  in-12.  Opuscule  rare  et  curieux 
indiquant  les  ordres  religieux,  les  cha- 
pelles, les  couvents,  etc.,  du  pays  de 
Liège,  placés  sous  la  protection  de  la 
Sainte  Vierge.  Ce  petit  ouvrage,  bien 
qu'il  contienne  deux  ou  trois  fautes  de 
critique  littéraire,  peut  cependant  être 
utilement  consulté  et  se  distingue  par 
l'exactitude  des  faits.  —  2°  Il  a  aidé 
Arnold  de  Paisse  pour  son  Auctarium  ad 
natales  SS.  Belgii,  et  lui  a  fourni  les 
notices  des  saints  du  comté  de  Namur. 

Aug.  Vander  Meursch. 

Valère  André,  p.  27.  — Alegambe,  p.  8  —  Sot- 
wel.p.  14.  —  Paquot,  Mémoires  littéraires,  t.  VI, 
p.  261.  —  De  Backer,  Ecrivains  de  la  Compagnie, 
de  Jésus,  1. 1. 

nuMOiVT  {Jeati-Bonaventure-Thléry), 
comte  de  Gages,  né  à  Mons  le  27  sep- 
tembre 1682,  mort  à  Pampelune  le 
31  janvier  1753.  Son  père  était  con- 
seiller à  la  cour  souveraine  de  Hainatit. 
J.-B.-T.  de  Gages  se  destina  d'abord  à 
la  magistrature.  Il  faisait  ses  études 
lorsque  l'avènement  au  trône  d'Es- 
pagne de  Philippe  d'Anjou,  petit-fils  de 
Louis  XI Y,  donna  lieu  à  la  guerre  de 
la  succession,  en  vue  de  laquelle  on 
organisa,  en  Belgique,  le  célèbre  régi- 
ment des  gardes  wallones,  qui  eut  la 
gloire  de  n'avoir  jamais  tourné  le  dos  à 
l'ennemi,  bien  qu'il  ait  rougi  du  sang  de 
milliers  de  ses  officiers  et  de  ses  soldats 
les  champs  de  bataille  de  l'Espagne,  de 
l'Afrique,  de  la  France  et  de  l'Italie. 

Le  jeune  de  Gages  qui,  à  cette  épo- 
que,  n'avait   que   vingt  ans,  obtint  un 


^281 


DUMOM 


28-2 


brevet  de  sous-lieuteuant  dans  ce  corps 
d'élite,  où  entra  toute  la  jeunesse  aris- 
tocratique du  pays,  et  il  partit  pour  l'Es- 
pagne afin  de  prendre  part  à  la  lutte 
que  le  nouveau  roi  allait  devoir  sou- 
tenir afin  de  conserver  la  couronne  que 
le  testament  de  Charles  II  lui  avait 
léguée.  De  Gages  fit  avec  distinction 
toutes  les  campagnes  de  la  guerre  de  la 
succession,  prit  part  au  siège  de  Bar- 
celonne,  à  l'expédition  de  Sardaigne,  à 
celle  de  Sicile,  assista  à  la  bataille  de 
Villa  Franca,  à  l'expédition  d'Afrique, 
au  siège  de  Gibraltar,  à  la  conquête 
d'Oran,  à  la  bataille  de  Bitonto,  et 
grâce  à  sa  bravoure,  à  son  intelligence, 
il  s'éleva  de  grade  en  grade  jusqu'à 
celui  de  lieutenant-colonel  de  son  régi- 
ment avec  rang  de  lieutenant  général. 

Il  servit  en  cette  dernière  qualité 
sous  les  ordres  du  comte  de  Glymes, 
dans  l'arniée  de  Catalogne  destinée  à 
l'expédition  de  Minorque  (1740).  A  la 
fin  du  mois  de  septembre  1742,  il  fut 
investi  du  commandement  de  l'armée 
espagnole  en  Italie  et  battit  les  Autri- 
chiens le  8  février  1743,  à  la  bataille 
de  Campo  Santo,  dans  le  duché  de  Mo- 
dène.  Le  titre  de  comte  de  Campo  Santo 
fut  la  récompense  de  ce  glorieux  fait 
d'armes.  L'année  suivante,  il  se  trouva 
en  présence  de  forces  tellement  dispro- 
portionnées avec  celles  dont  il  disposait, 
qu'il  dut  se  replier  sur  le  royaume  de 
Naples.  Cette  savante  retraite,  qui  lui 
a  valu  les  suffrages  de  Frédéric  II,  le 
couvrit  de  gloire  ;  »  c'est  alors,  dit  Jeau- 
II  Jacques  Rousseau  en  parlant  de  cette 
»  campagne,  que  le  comte  de  Gages, 
Il  après  avoir  battu  les  Autrichiens  dans 
"  la  Lombard ie,  fit  cette  mémorable 
Il  retraite,  la  plus  belle  manœuvre  de 
Il  guerre  de  tout  le  siècle,  et  dont  l'Eu- 
II  rope  a  trop  peu  parlé  «.  Enfin  le 
comte  de  Gages,  parvint  à  réunir  ses 
troupes  à  l'armée  napolitaine  comman- 
dée par  le  roi  don  Carlos.  En  attendant 
la  reprise  des  hostilités,  l'armée  espa- 
gnole s'était  concentrée  à  quelques  lieues 
de  Rome,  non  loin  de  Velletri.  Dans  la 
nuit  du  10  au  11  août  1744,  elle  y  fut 
surprise  par  un  corps  de  6,000  Autri- 
chiens; un   grand   carnage  eut  lieu,  et 


le  roi  don  Carlos  eut  été  fait  prison- 
nier sans  l'intervention  énergique  des 
troupes  wallones  du  comte  de  Gages, 
qui,  après  la  victoire,  s'attribua  noble- 
ment la  faute  d'imprévoyance  commise 
par  ses  troupes  :  il  écrivit  à  Philippe  V 
cette  lettre  pleine  de  candeur  :  «  J'ai  été 
"  surpris  dans  mon  camp  ;  il  a  été  forcé  ; 
"  les  ennemis  sont  entrés  jusque  dans 
Il  notre  quartier  général  d'où  ils  ont 
Il  été  chassés  avec  perte.  Vos  armes  sont 
"  victorieuses  et  le  royaume  de  Naples 
Il  est  en  sûreté  ;  mais  ce  succès  appar- 
'/  tient  tout  entier  aux  troupes  de  Votre 
Il  Majesté,  leur  valeur  a  réparé  mes 
"  fautes  que  l'événement  n'atténue  pas 
«  et  qui  seraient  impardonnables  si  je 
Il    cherchais  à  les  dissimuler.  « 

Philippe  V  lui  répondit  en  lui  en- 
voyant le  collier  de  l'ordre  de  la  Toison 
d'or. 

L'année  suivante,  le  comte  de  Gages 
battit  l'armée  austro-sarde  à  Bassignana 
(25  novembre)  et  entra  dans  Milan  le 
19  décembre.  Au  printemps  de  l'année 
1746,  des  renforts  importants  arrivèrent 
d'Allemagne  et  rendirent  la  position  des 
Espagnols  extrêmement  périlleuse.  Le 
comte  de  Gages  avait  franchi  le  Tessin 
dès  le  8  février  et  avait  forcé  le  général 
de  Lichtenstein  à  se  replier  derrière  la 
Secchia,  mais,  en  présence  des  forces  de 
l'ennemi,  il  dut  bientôt  abandonner  les 
avantages  qu'il  avait  obtenus.  Ses  sages 
dispositions  sauvèrent  l'armée  d'une 
destruction  complète  après  la  malheu- 
reuse bataille  de  Plaisance  (16  juin) 
livrée  d'après  les  ordres  formels  de  la 
cour  d'Espagne,  et  contre  l'avis  du  comte 
de  Gages  et  de  son  collègue  le  maréchal 
de  Maillebois.  Après  avoir  vaillamment 
conduit  les  débris  de  son  armée  hors  de 
la  portée  des  coups  de  l'ennemi,  le 
comte  de  Gages  ne  voulut  pas  conserver 
plus  longtemps  un  commandement  que 
les  décisions  de  la  cour  le  mettaient  dans 
l'impossibilité  de  remplir  avec  honneur  : 
il  demanda  son  rappel.  En  1749,  il 
fut  nommé  vice-roi,  gouverneur  et  capi- 
taine général  de  la  Navarre,  et  rendit  à 
cette  province  de  grands  services  par 
l'intelligence  et  l'ordre  de  son  adminis- 
tration;  il  la  dota  notamment  de  belles 


-283 


DUMONT 


284 


routes,  à  l'exécution  desquelles  il  con- 
tribua souvent  de  ses  propres  deniers. 

Le  roi  d'Espagne  Charles  III  fit 
élever  à  ses  frais,  dans  l'église  des  capu- 
cins de  Pampelune,  à  la  mémoire  du 
comte  de  Gages,  un  superbe  mausolée 
en  marbre,  dont  il   composa   lui-même 

1  épitapiie.  Général  baron  Guillaume. 

Frédéric  H,  Histoire  démon  lewps.  — Slassart, 
Biographie  du  co)i)tc  de  Gages.—  (juiilaume,  His- 
toire des  gardes  v:aHones  au  service  d'Espagne. 

or.noxT  {André-Euberf),  géologue, 
né  à  Liège  le  15  février  1809,  décédé  en 
cette  ville  le  28  février  1857.  Son  père, 
.Jean-Baptiste,  était  géomètre  des  mines 
et  s'occupait  en  outre  de  chimie  indus- 
trielle avec  son  oncle,  Barthélémy  Du- 
mont.  L'histoire  naturelle  du  pays  avait 
aussi  attiré  leur  attention,  et  ils  collec- 
tionnaient des  minéraux  et  des  plantes. 
C'est  au  milieu  de  leurs  travaux  que  le 
jeune  André  Dumont  reçut  sa  première 
éducation.  Il  quitta  l'école  primaire  à 
l'âge  de  douze  ans;  trois  ans  j^lus  tard, 
son  père  l'envojait  à  Paris  chez  des  pa- 
rents, pour  y  apprendre  le  commerce; 
mais  sa  vocation  le  ramena  bientôt  à 
Liège.  Il  s'adonna  à  la  minéralogie,  à 
l'horticulture,  à  la  musique,  au  dessin, 
apprit  un  peu  de  mathématiques,  ac- 
compagna son  père  dans  ses  visites  de 
mines  et  l'assista  dans  ses  travaux.  Le 
27  janvier  1838,  il  fut  nommé  arpen- 
teur et  géomètre  des  mines.  Ces  pre- 
mières occupations  ont  sans  doute  influé 
beaucoup,  comme  l'a  dit  d'Omalius,  sur 
la  tendance  stratigraphique  de  sa  mé- 
thode. 

La  même  année ,  l'Académie  de 
Bruxelles  mit  au  concours,  pour  1830, 
la  question  suivante  :  "  Faire  la  des- 
«  cription  géologique  de  la  province  de 
«  Liège,  indiquer  les  espèces  minérales 
«  et  les  fossiles  quon  y  rencontre,  avec 
"  l'indication  des  localités  et  la  syno- 
"  nymie  des  noms  sous  lesquels  les 
«  substances  déjà  connues  ont  été  dé- 
"  cri  tes.  «  Dumont  profita  de  l'occa- 
sion, parcourut  la  province  dans  tous 
les  sens,  puis  soumit  à  l'Académie  un 
mémoire  portant  pour  épigraphe  :  "  On 
«  ne  peut  établir  avec  certitude  l'âge 
»  relatif  des  roches  primordiales  d'après 


Il  leur  inclinaison.  »  Sur  les  rapports 
de  d'Omalius,  de  Sauveur  et  de  Cau- 
chy,  la  médaille  d'or  fut  décernée  à 
l'auteur,  le  5  mai  1830;  le  mémoire 
parut  en  1832  {M cm.  cour.  Acad.  de 
Belcj.,  t.  YIII).  L'épigraphe  de  ce  mé- 
moire est  caractéristique  et  marque,  à 
elle  seule,  un  grand  progrès;  mais  le 
mémoire  lui-même  avait  une  tout  autre 
importance.  Aussi  d'Omalius,  désirant 
s'assurer,  avant  de  se  prononcer,  de 
l'exactitude  des  faits  avancés,  alla  à 
Liège  demander  à  l'èminent  minéralo- 
giste Lévy  d'être  mis  en  rapport  avec 
l'auteur.  Ce  grand  géologue  raconte , 
dans  la  Notice  hiograpli'iqiie  qu'il  a  con- 
sacrée à  Dumont,  l'étonnement  qu'il 
éprouva  en  présence  d'un  jeune  homme 
de  vingt  ans,  qui  paraissait  n'eu  avoir 
que  quinze,  l'anxiété  de  celui-ci,  dont 
le  premier  essai  de  démonstration  sur 
les  lieux  n'avait  pas  abouti,  et  sa  joie 
lorsqu'une  nouvelle  exploration  lui  per- 
mit de  fournir  la  preuve  de  ce  qu'il 
avait  avancé.  Dumont  lui  garda  tou- 
jours une  vive  reconnaissance  de  cette 
démarche,  et  dès  ce  moment  il  put 
compter  sur  un  protecteur,  digne  ap- 
préciateur de  son  mérite. 

La  plus  grande  partie  du  mémoire 
couronné,  et  de  beaucoup  la  plus  im- 
portante, est  consacrée  aux  terrains  pri- 
maires, ou  primordiaux,  comme  les  ap- 
pelait d'Omalius.  Comme  ce  dernier, 
Dumont  les  divise  en  trois  :  le  terrain 
ardoisier,  l'anthraxifère  et  le  houiller. 
Mais,  grâce  à  l'emploi  méthodique  de  la 
stratigraphie,  il  dépasse  de  loin  tous  ses 
prédécesseurs  par  la  démonstration  ri- 
goureuse, d'abord  de  l'ordre  de  succes- 
sion de  ces  trois  terrains,  puis  de  la 
constitution  et  de  l'allure  du  terrain  • 
anthraxifère,  dans  lequel  il  reconnaît 
quatre  systèmes  alternativement  quar- 
tzoschisteux  et  calcaires ,  disposés  en 
selles  et  bassins  dont  les  ondulations 
expliqiient  le  nombre  des  bandes  cal- 
caires du  Condroz,  variable  suivant  les 
localités.  Nous  avons  eu  l'occasion  d'ap- 
peler ce  résultat  la  plus  grande  décou- 
verte stratigraphique  du  siècle  :  nous 
persistons  à  croire  qu'aucune  autre  n'en 
dépasse    l'importance.    Son  mérite,   en 


â85 


DUMONT 


"286 


effet,  n'est  pas  exclusivement  local  : 
c'est  un  modèle  de  méthode  rigoureuse, 
dont  l'influence  se  reconnaît  bientôt 
dans  les  travaux  contemporains.  Toute- 
fois, s'il  trouva  de  chauds  partisans  à 
l'étranger,  il  n'y  rencontra  pas  d'abord 
tout  le  succès  qu'il  méritait.  Malgré 
l'assentiment  de  d'Omalius,  on  élevait 
des  doutes  sur  ses  assertions.  Mais,  en 
1835,  la  Société  géologique  de  France, 
réunie  en  session  extraordinaire  à  Mé- 
zières ,  poussa  ses  excursions  jusqu'à 
Gembloux  pour  étudier  la  question. 
D'éminents  géologues  anglais,  entre 
autres  Buckland  et  Greenough  saisirent 
cette  occasioû  pour  l'examiner.  Dû- 
ment, reçu  membre  de  la  Société,  puis 
nommé  secrétaire  lors  de  la  première 
séance  de  la  session,  eut  le  bonheur  de 
voir  ses  idées  accueillies  par  ce  savant 
aréopage  (1).  La  publication  du  compte 
rendu  dans  le  Bulletin  de  la  Société  géo- 
logique leur  donna  une  large  publicité. 
Portées  au  delà  de  la  Manche,  elles  lui 
valurent,  le  5  février  1840,  sur  la  pro- 
position de  Sedgwick  et  de  Fitton,  la 
médaille  de  WoUaston. 

Après  le  succès  du  concours  de  1830, 
Dumont  chercha  à  compléter  ses  études 
et  se  fit  inscrire  à  l'université  de  sa  ville 
natale.  Le  14  janvier  1835,  il  y  reçut 
le  diplôme  de  docteur  en  sciences  phy- 
siques et  mathématiques.  Il  était  cor- 
respondant de  l'Académie  de  Bruxelles 
depuis  le  5  avril  1834.  Le  5  décembre 
1835,  il  était  nommé  professeur  extraor- 
dinaire à  l'université  de  Liège  et  chargé 
des  cours  de  minéralogie  et  de  géologie, 
qu'il  donna  d'une  manière  brillante  jus- 
qu'à sa  mort.  Sur  sa  proposition,  et  de 
l'avis  conforme  de  l'Académie,  le  gou- 
vernement décida  l'exécution  d'une  carte 
géologique  de  la  Belgique,  sous  les  aus- 

(1)  Suivant  quelques  biographes,  Dumont  était 
sur  le  point  (le  ])artir  pour  1  Italie,  loisque  d'Oma- 
lius 1  informa  d'une  ])iocliaine  réunion  de  la 
Société  géologique  de  France  ii  Méziorcs.  Cette 
circonslauce,  ajdutcnl-iis,  ne  modilia  en  rien  la 
résolution  du  jeune  géologue,  qui  se  borna  ii  prier 
son  illustre  confrère  de  le  représenler  à  cette  réu- 
nion scienlitique.  Nous  ignorons  les  documents, 
sans  doute  inédits,  sur  lesquels  ils  s'appuient; 
mais  il  nous  parait  impossible  de  rejeter  le  texte 
formel  du  compte  rendu  injprimé,  qui  nous  si- 
gnale Dumoni  comme  un  des  secrétaires  de  la 
réunion  de  Mézières. 


pices  de  ce  corps  savant.  Un  arrêté  royal 
du  31  mai  1836  le  chargea  de  dresser 
la  carte  des  provinces  de  Hainaut,  de 
Namur,  de  Liège  et  de  Luxembourg; 
on  lui  donnait  trois  ans  pour  accomplir 
cette  mission.  Il  ambitionnait  un  plus 
vaste  travail  :  la  carte  de  tout  le  pays. 
Il  accepta  néanmoins,  et,  le  25  septem- 
bre de  l'année  suivante,  à  la  demande 
de  l'Académie,  ses  légitimes  désirs  se 
trouvèrent  accomplis  :  il  était  chargé  de 
dresser  la  carte  géologique  de  la  Bel- 
gique et  l'on  prorogea  d'un  an  le  terme 
fixé  d'abord.  Dans  l'intervalle  (15  dé- 
cembre 1836),  il  avait  été  élu.  membre 
efléctif  de  l'Académie. 

Avec  cette  mission  commence  pour 
Dumont  une  période  de  travail  assidu, 
qui  absorba,  non  pas  quatre,  mais  seize 
années  de  son  existence,  durant  chacune 
desquelles  une  centaine  de  jours  fut 
employée  aux  études  sur  le  terrain.  Sou- 
tenu par  une  volonté  énergique  et  par 
l'amour  de  la  science,  il  sut  mener  à 
bonne  fin  ce  vaste  travail,  dont  l'exac- 
titude dans  les  détails  est  d'autant  plus 
appréciée  qu'on  a  plus  souvent  l'occasion 
de  s'en  servir  et  de  le  contrôler  en  face 
des  faits. 

En  1849,  il  présenta,  manuscrite,  à 
l'Académie,  la  Carte  çjéolor/ique  de  la 
Belrjique,  à  l'échelle  du  1/160,000,  eu 
neuf  feuilles.  Bientôt  après,  il  lui  sou- 
mit la  Carte  géologique  de  la  Belgique, 
indiquant  les  terrains  qui  se  trouvent  en 
dessous  du  limon  îiesbayen  et  du  sable 
campinien  :  c'est  la  même  que  la  précé- 
dente, mais  les  dépôts  quaternaires  sont 
supposés  enlevés,  de  manière  à  montrer 
les  formations  qu'ils  nous  dérobent  gé- 
néralement sur  les  deux  tiers  du  pays. 
Ces  deux  cartes  ne  furent  mises  dans  le 
commerce  que  plus  tard.  La  première 
parut  à  Bruxelles  en  1853,  la  seconde 
en  1856,  à  l'établissement  géographique 
de  Vander  Maelen,  qui  a  rendu  tant  de 
services  au  pays.  Dans  l'intervalle , 
Dumont  avait  fait  paraître  sa  Carte 
géologique  de  la  Belgique  et  des  contréei> 
voisines,  représentant  les  terrains  gui  se 
trouvent  eu-dessous  du  limon  hesbayen  et 
du  sable  campinien,  1  f.  au  1/800,000. 
La  première  édition,  coloriée  à  la  main, 


-287 


DUMONT 


288 


vit  le  jour  à  Bruxelles,  en  1849,  chez 
Yauder  Maelen;  un  deuxième  tirage 
fut  imprimé  eu  couleurs  à  l'imprimerie 
impériale  de  Paris,  en  1855  ;  enfin,  une 
troisième  édition ,  due  aux  soins  du 
capitaine  Hennequin,  fut  imprimée  eu 
couleurs  à  Bruxelles,  chez  Eigenbrodt, 
en  1876.  Cette  carte  est  un  modèle  de 
finesse  qu'on  n'a  pas  encore  surpassé 
et  qui  justifie  le  grand  succès  qu'elle  a 
obtenu.  Xon-seulement  elle  permettait 
d'apprécier  l'immense  progrès  qu'avait 
fait  la  géologie  de  la  Belgique,  mais  en- 
core, s' étendant  jusqu'à  Paris,  à  Stras- 
bourg et  à  Mayence,  elle  montre  les  re- 
lations reconnues  par  Dumont  entre  les 
formations  contemporaines  de  la  Bel- 
gique, de  la  France  et  des  provinces 
rhénanes. 

Pendant  qu'il  travaillait  à  cette  œuvre 
colossale,  Dumont  trouva  le  temps  de 
faire  à  l'Académie  des  communications 
importantes.  Telles  sont,  tout  d'abord, 
sa  Notice  sur  t/ne  nouvelle  espèce  de  phos- 
phate ferrique  {Bull.  Acad.,  t.  Y),  et  ses 
Tableaux  analytiques  des  minéraux  et  des 
roches  {Mém.  Acad.,  t.  XII),  composés 
pour  faciliter  à  ses  élèves"  la  détermina- 
tion des  substances  minérales.  Il  cher- 
cha à  y  combiner  les  avantages  de*  la 
méthode  naturelle  et  ceux  de  la  méthode 
analytique,  et  il  y  donna  une  classifica- 
tion remarquable  comme  constitution  et 
distribution  des  familles  de  minéraux. 
Tiennent  ensuite  sa  note  Sur  la  valeur 
du  caractère  paUontolofjique  en  géologie  et 
les  deux  répliques  qu'il  adressa  à  M.  De 
Koninck  [Bull.  Acad.,  t.  XIY).  Ce 
savant  profssseur  venait  d'ouvrir  à  l'uni- 
versité de  Liège  un  cours  de  paléonto- 
logie. Dumont  saisit  l'occasion  d'atta- 
quer les  applications  de  cette  science. 
S'il  est  permis  de  penser  que  le  moment 
était  mal  choisi,  il  n'y  a  pas  lieu  de 
regretter  ce  débat,  puisqu'il  obligea  les 
savants  à  scruter  de  près  la  valeur  d'une 
méthode  dont  on  avait  parfois  abusé. 

La  Note  sur  la  division  des  terrains  en 
trois  classes  d'après  leur  formation,  et  sur 
V emploi  du  mot  geysérien  pour  désigner 
la  troisième  de  ces  classes  {Bull.  Acad. , 
t.  XIX),  —  c'est-à-dire  les  masses  que 
l'on  suppose  venues  de  l'intérieur  de  la 


terre  par  voie  aqueuse,  —  marque  aussi 
un  progrès  qui  a  été  immédiatement 
reconnu.  Dans  sa  Note  sur  V emploi  des 
caractères  géométriques  résultant  des  mou- 
vements lents  du  sol  pour  établir  le  synchro- 
nisme des  formations  géologiques  (Ibid.), 
il  appela  l'attention  sur  un  des  moyens 
les  plus  utiles  et  les  plus  sûrs  d'arriver 
à  la  solution  d'un  problème  toujours  dif- 
ficile, celui  d'établir  le  synchronisme  des 
divers  étages  d'un  terrain  dans  des  bas- 
sins distincts,  mais  voisins,  ou  même 
dans  les  parties  séparées  d'un  même 
bassin.  Joignant  l'exemple  au  précepte, 
il  appliqua  sa  méthode  à  la  détermina- 
tion du  parallélisme  de  nos  divers  étages 
tertiaires  avec  ceux  du  bassin  de  Paris 
et  ceux  des  deux  bassins  anglais.  Les 
résultats  remarquables  auxquels  il  est 
parvenu  attestent  l'importance  de  ces 
considérations  toutes  nouvelles.  Il  re- 
vint sur  ce  sujet  dans  ses  Observations 
sur  la  constitution  géologique  des  terrains 
tertiaires  de  V Angleterre  comparés  à  ceux 
de  la  Belgique  (Bull.  Acad.,  t.  XIX),  et 
dans  ses  Coupes  des  terrains  tertiaires  de 
l'Angleterre  (Ibid.).  Du  reste,  sa  Note 
sur  la  position  géologique  de  l'argile  ru- 
pélienne  (Bull.  Acad.,  t.  XVIII),  ren- 
versant le  parallélisme  établi,  d'après 
des  données  paléontologiques  insufii- 
santes,  entre  l'argile  de  Boom  et  l'argile 
de  Londres,  avait  mis  hors  de  doute  la 
superposition  de  l'argile  de  Boom  sur  le 
système  tongrien  et  de  celui-ci  sur  le 
bruxellien.  Elle  assurait  ainsi  les  fonde- 
ments de  la  classification  de  notre  ter- 
rain tertiaire. 

Dumont  avait  déjà  fait  connaître  au- 
paravant, par  neiiî  Bapports  insérés  dans 
le  Bulletin  de  l'Académie  (t.  III,  lY,  Y, 
YI,  Yll,  YIII,  XIII,  XY  et  XYÏ),  de 
1836  à  1849,  les  progrès  de  son  grand 
travail  d'exploration  et  la  classification 
qu'il  suivait.  Le  troisième  est  accom- 
pagné d'une  Carte  ifidiquant  l'étendue 
géographique  du  dépôt  moderne  de  la 
Flandre  et  les  limites  maritimes  de  la  Bel- 
gique ancienne;  le  quatrième,  d'une  Carte 
géologique  des  environs  de  Bruxelles,  et 
le  cinquième,  d'une  Carte  géologique  des 
environs  de  Louvain.  Le  huitième  s'oc- 
cupe particulièrement  des   applications 


289 


DUMONT 


290 


(le  la  géologie,  et  de  l'utilité  de  la  carte 
géologique    pour    l'agriculture    comme 
pour  l'iudustrie  minérale.  Il  y  signale 
sept  zones,  à  la  fois  géologiques  et  agri- 
coles  :   1«  les  terrains   secondaires   du 
sud  du  Luxembourg,  se  rattachant  à  la 
Lorraine;  'i'^  l'Ardenne;  3'  le  Condroz 
avec  la  Famenne;  4'  la  Hesbaye,   ou 
plutôt  la  région  recouverte  du   limon 
hesbayen;  5t>  la  Campine,  ou  mieux,  la 
région  du  sable  campinien  ;  6 ^  l'argile 
des  polders;   7°  le  sable  des  dunes.   Il 
fait  ressortir  l'influence  du  sol  de  cha- 
cune  sur   sa   végétation  et  signale   les 
amendements    que    l'agriculture    peut 
trouver  à  sa  portée.  Avec  ces  indications, 
rien  n'est  plus  simple  que  de  transfor- 
mer la  carte   géologique  en  carte  agri- 
cole; ce  qu'on  a  fait.  Le  dernier  rapport 
renferme    l'exposé  de    la    classification 
adoptée  pour  la  carte  géologique,  qu'il 
présentait   le  même  jour  à  l'Académie. 
Il  y  expose  siirtout  la  constitution  de 
notre  terrain  crétacé.   Malgré  sa  conci- 
sion, cette  notice  a  jeté  un  jour  nouveau 
sur   une    formation   qui    était   à    peine 
connue.  Les  synchronismes  que  Pumont 
admettait  peuvent  être  sans  doute  aban- 
donnés ;  mais  le  résultat  de  ses  observa- 
tions stratigraphiques  a  été  généralement 
confirmé  par  les  travaux  importants  qui 
ont  paru  depuis,  et  que  l'on  doit  surtout 
à  MM.   Briart   et  Cornet.    Quant  à  la 
classification  du    terrain  tertiaire,   elle 
fut  légèrement  modifiée,  deux  ans  plus 
tard,  dans  la  Note  sur  la  jjosition  géolo- 
gique de  Vargile  rupelienne.   C'est  alors 
qu'il  établit  le  système  panisélien,  in- 
termédiaire entre  l'yprésienet  le  bruxel- 
lien,  et   le  système  laekenien,  entre  le 
bruxellien  et  le  totigrien. 

Citons  encore  sa  Noie  sur  wie  applica- 
tion de  la  géologie  à  la  recherche  d'eaux 
souterraines  {Bull.  Acad.,  t.  XVIII), 
où  il  expose  les  principes  du  projet  qui 
a  été  réalisé  depuis  pour  l'alimentation 
de  la  ville  de  Liège. 

Des  travaux  plus  développés,  renfer- 
mant les  résultats  coordonnés  de  l'en- 
semble de  ses  observations  sur  un  tL;r- 
rain,  ont  paru  dans  les  Mémoires  in-4-o 
de  l'Académie.  INous  avons  d'abord  le 
Mémoire  sur  les  terrains  triasique  et  Ju- 

UIOGIt.   NAT.   —   T.   VI. 


rassiqne  de  la  province  de  Luxembourg 
(t.  XV;  18-i3);  puis  le  Mémoire  sur  les 
terrains  ardennais  et  rhénan  de  V  Ardenne , 
du   Rhin,    du    Brahant    et  du    Condroz 
(t.  XX,  1847,  et  t.  XXII,   1848),  mé- 
moire qui  partagea  le  premier  des  prix 
quinquennaux  'des   sciences   naturelles, 
pour  la  période    1847-1851,   avec    les 
travaux  de  MM.  De  Koniuck  et  P.  Van 
Beneden.  Les  terrains  étudiés  par  l'au- 
teur   correspondent    à    l'ancien  terrain 
ardoisier   compris  entre  l'Escaut    et  le 
lîliin.  Après  de  longues  et  laborieuses 
recherches,  Dumont  parvint  à  débrouil- 
ler presque  complètement  cette  grande 
formation,  que  l'on  connaissait  à  peine. 
Il   commence    par  y  reconnaître   deux 
parties,   séparées,  dans  les  Ardennes, 
par  une    discordance    de  stratification. 
L'inférieure  devient  le   terrain   arden- 
nais, qu'il  divise  en  trois  systèmes  :  de- 
villien,  revinien  et  salmien.   La  supé- 
rieure devient  le  terrain  rhénan,  parce 
qu'elle  est   surtout  développée  sur  les 
rives  du  Rhin;  elle  est  aussi  divisée  eu 
trois  systèmes  :  gedinnien,  coblencien  et 
ahrien.  Cette  division  du  terrain  ardoi- 
sier est  aujourd'hui  acceptée  sans  con- 
testation ;  la  subdivision  a  été  contro- 
versée,   mais    nous    sommes  convaincu 
qu'on  finira  par  reconnaître  l'exactitude 
des  vues  de  l'auteur  sur  ce  point.  Du- 
mont   a   été    moins    heureux  pour    les 
affleurements  ardoisiers  du  Brabant  et 
du  Condroz,  qu'il  rapportait  à  son  ter- 
rain rhénan  (devonien  inférieur),  tandis 
qu'ils  ont  été  reconnus  pour  siluriens, 
l'ardennais  correspondant  au  cambrien 
des  géologues   anglais.   Enfin,  dans    la 
classification  de  la   Carte  géologique,  le 
terrain  anthraxifère  a  absorbé  le  houil- 
1er ,    qui   ne    figure    plus    que    comme 
système.    Aujourd'hui    cette    classifica- 
tion  est  abandonnée  pour  la  classifica- 
tion anglaise  :  terrain  devonien  (y  com- 
pris le  rhénan)  et   terrain  carbonifère; 
mais,  ce  qui  est  plus  grave,  une  par- 
tie de  l'anthraxifère,  longeant  au  midi 
l'arête    silurienne    dtl    Condroz,   paraît 
devoir  être  considérée  comme  représen- 
tant le  rhénan  de  l' Ardenne.  Quoi  qu'il 
en   soit,   on   ne  saurait   trop   regretter 
c[u'uiie   mort   prématurée    ait    empêché 

lu 


-291 


DLMONT 


292 


Dumont  de  coordonner  de  même  l'en- 
semble de  ses  observations  sur  les  autres 
terrains  de  notre  pays  :  lui  seul  pou- 
vait le  faire.  Ses  manuscrits,  notes  de 
voyage,  cartes,  etc.,  acquis  après  sa 
mort  par  le  gouvernement  et  déposés  à 
l'université  de  Liège,  nous  avaient  été 
remis,  quelques  années  plus  tard,  pour 
être  publiés,  puis,  cà  notre  demande, 
pour  servir  de  base  à  une  description 
géologique  détaillée  du  pays.  En  atten- 
dant l'achèvement  de  ce  grand  travail, 
nous  fîmes  mettre  au  concours  ,  par 
l'Académie ,  la  description  du  bassin 
houiller  de  Liège.  Deux  mémoires  furent 
couronnés,  mais  on  n'obtint  pas  du  gou- 
vernement les  fonds  nécessaires  pour  les 
publier.  D'autre  part,  nos  géologues  les 
plus  distingués  furent  appelés  à  prendre 
part  à  l'œuvre.  MM.  Briart  et  Cornet  se 
chargèrent  du  terrain  crétacé,  M.  Ma- 
laise, du  quaternaire.  M.  Dupont,  qui 
nous  avait  refusé  son  concours,  a  fini 
par  persuader  au  gouvernement  qu'il 
était  préférable  de  publier  textuelle- 
ment tous  les  manuscrits  de  l'illustre 
géologue;  et  le  soin  de  veiller  à  leur 
publication  a  passé  de  nos  mains  dans 
les  siennes.  l'n  prochain  avenir  dira  ce 
qui  convenait  le  mieux  et  à  la  mémoire 
de  Dumont  et  aux  progrès  de  la  science. 
Après  cette  digression  sur  les  cartes 
et  les  mémoires  de  Dumont,  revenons  à 
l'auteur.  Sa  carte  achevée,  il  alla  la  pré- 
senter au  ministre  de  l'intérieur,  M.  Eo- 
gier  :  il  fut  atterré  de  la  froideur  avec 
laquelle  on  accueillait  une  œuvre  qui  ré- 
sumait d'immenses  travaux.  D'Omaliusa 
voulu  expliquer  cet  accueil  par  des  mo- 
tifs politiques  ;  mais  M.  Payn,  bien  placé 
pour  être  sûrement  informé,  l'attribue  à 
l'absence  des  mémoires  explicatifs  que 
demandait  l'arrêté  royal  décrétant  l'exé- 
cution de  la  carte  géologique.  Quoi 
qu'il  en  soit,  Dumont  en  fut  profondé- 
ment affligé.  Il  ne  tarda  pas  néanmoins 
à  trouver  à  son  chagrin  de  glorieuses 
consolations;  le  reste  de  sa  vie,  comme 
l'a  dit  excellemment  M.  A.  Le  Iloy,  ne 
fut  plus,  pour  ainsi  dire,  qu'une  longue 
vation.  Le  14  décembre  1846,  il  avait 
été  nommé  chevalier  de  l'ordre  de  Léo- 
pold;  un  des  premiers  actes  du  minis- 


tère Piercot  fut  de  l'élever  au  rang 
d'officier,  le  8  décembre  1854.  Deux 
mois  auparavant,  l'Association  des  ingé- 
nieurs sortis  de  l'école  de  Liège  lui 
avait  voté  une  médaille  d'or  de  grand 
module,  qui  lui  fut  remise  le  9  avril 
1854,  tant  pour  ses  travaux  géologi- 
ques que  pour  les  services  qu'il  avait 
rendus  à  rindu.strie  minérale.  Il  fut 
associé  aux  sociétés  savantes  les  plus 
illustres,  et  nommé  chevalier  de  la  Con- 
ception de  Yilla-Yiciosa.  Malheureuse- 
ment le  travail  excessif  auquel  il  s'aban- 
donnait finit  par  développer  en  lui  une 
affection  nerveuse,  qui  fut  attribuée  à 
une  lésion  cérébro-spinale.  Les  méde- 
cins lui  prescrivirent  un  repos  absolu, 
et,  sur  les  instances  de  sa  famille  et  de 
ses  amis,  il  résolut  de  faire  un  voyage 
en  Orient.  Du  22  mars  au  2  novem- 
bre 1853,  il  parcourut  successivement 
l'Allemagne,  l'Autriche,  la  Turquie, 
la  Grèce,  l'Italie  et  l'Espagne;  mais 
l'amour  de  la  science  l'absorbait  tout 
entier,  et  ce  qui  n'aurait  dû.  être  qu'un 
voyage  de  repos  se  transforma  en  labo- 
rieuse excursion  géologiqiie.  Le  2  no- 
vembre, il  arriva  à  Bordeaux;  le  5,  il 
assistait  à  la  séance  de  l'Académie  de 
Briixelles,  puis  courait  au  ministère  col- 
lationuer  75  exemplaires  de  sa  carte 
géologique  (coloriés  à  la  main). 

Au  cours  de  son  voyage,  il  avait  conçu 
l'idée  d'une  carte  géologique  de  l'Eu- 
rope. A  l'annonce  de  l'exposition  uni- 
verselle de  Paris,  il  se  décide  à  l'y  faire 
figurer.  Tout  à  coup,  il  apprend  qu'un 
illustre  géologue  anglais,  sir  E.  Mur- 
chison  travaille  à  une  carte  semblable, 
et  il  hésite,  mais  pour  un  instant  seu- 
lement. La  carte  fut  mise  sous  les  yeux 
de  l'Académie  le  7  juillet  1855.  Elle 
figura  manuscrite  à  l'exposition  \iniver- 
selle,  k  côté  de  celles  de  la  Belgique  et 
de  la  Carte  géologique  de  S/m,  Theux  et 
Pepinster ,  une  feuille  au  1/20,000 
(Bruxelles,  Tander  Maelen,  1854).  Ces 
cartes  valurent  à  leur  auteiir  une  grande 
médaille  d'Jionneur.  Le  rapport  du  jury 
est  lin  document  trop  important  pour 
ne  pas  être  reproduit  ici.  «  Les  tra- 
»  vaux  de  M.  Dumont  se  distinguent 
Il  2>ar  un  rare  talent  d'observatiofi,  qui 


293 


DUMONT 


294 


Il  l'a  conduit  à  subdiviser  les  forma- 
II  tions  beaucoup  plus  qu'on  ne  l'a  fait 
Il  jusqu'ici.  C'est  ainsi  que  le  système 
Il  devonien  du  Geolof/ical  Survey  est 
"  composé,  suivant  Dumont,  de  huit 
Il  parties  très-distinctes,  dont  cinq  se 
Il  rapportent  à  son  terrain  anthraxifère 
Il  et  trois  à  son  terrain  rhénan.  Bien 
Il  que  l'utilité  pratique  de  ces  subdivi- 
II  sions  ne  soit  pas  encore  généralement 
Il  admise  et  qu'elle  ait  eu  pour  consé- 
II  quence  d'imprimer  à  M.  Dumont  une 
Il  tendance  à  s'écarter  de  la  nomencla- 
II  ture  la  plus  employée,  on  ne  peut 
Il  méconnaître  la  haute  importance  des 
«  travaux  de  cet  éminent  géologue  ;  car 
n  il  faut  le  dire  et  le  répéter,  tonte  la 
y   fjéologie  de  la   Belgique   est  le   fruit 

I  exclusif  de  ses  propres  observations. 
n    Un  semblable   travail,    exécuté    d'une 

II  manière  aussi  consciencieuse,  su£it  à 
Il  remplir  la  vie  d'un  homme  et  doit  appe- 
«  1er  sur  son  auteur  les  distinctions  les 
Il  plus  /mutes.  En  conséquence  le  jury, 
Il  appréciant  la  valeur  scientifique  des 
Il  œuvres  de  M.  Dumont  en  général  et 
«  spécialement  leur  utilité  pratique , 
"  tant  pour  l'agricultiire  que  pour  l'in- 
"  dustrie  minérale,  estime  qu'il  y  a  lieu 
Il  de  lui  accorder  une  grande  médaille 
Il  d'honneur.  »  .Jamais  distinction  de  ce 
genre  ne  fut  mieux  ratifiée  par  le  monde 
savant.  A  Liège,  l'administration  com- 
munale organisa  une  fête  pour  recevoir 
les  lauréats  de  l'exposition  :  Dumont 
en  fut  le  principal  héros.  La  Société 
d'Emulation,  dérogeant  pour  la  première 
fois  à  ses  statuts,  lui  décerna  par  accla- 
mation le  titre  de  membre  honoraire. 
Quelques  jours  après,  le  roi  le  nommait 
commandeur  de  son  ordre,  tandis  que 
le  roi  de  Suède  lui  envoyait  la  croix 
de  l'Etoile  Polaire.  Enfin  les  étudiants 
lui  offrirent  son  buste,  exécuté  en  mar- 
bre par  un  compatriote,  M.  E.  Simonis, 
et  cette  manifestation  fut  pleine  de  gran- 
deur et  d'enthousiasme. 

Au  commencement  de  l'année  acadé- 
mique 18.5f)-18.57,  Dumont,  nommé 
recteur  de  l'université,  prononça  le  dis- 
cours d'usage  à  la  séance  de  rentrée.  Il 
choisit  pour  sujet  l'origine  du  monde 
physique  et  la  théorie  de  sa  formation. 


Ce  discours  n'a  pas  été  publié.  On  a  dit 
que  des  collègues  de  Dumont  l'avaient 
trouvé  quelque  peu  panthéiste.  Nous 
ignorons  ce  qui  en  est;  mais  nous  pou- 
vons assurer  que  Dumont  n'inclinait 
nullement  vers  le  panthéisme.  On  re- 
trouverait la  plus  grande  partie  de  ce 
discours  dans  son  dernier  cours  de  géo- 
logie. Il  n'est  pas  étonnant,  d'ailleurs, 
qu'abordant  pour  la  première  fois  le  ter- 
rain philosophique,  Dumont  ait  parlé 
avec  embarras  une  langue  qui  ne  lui 
était  rien  moins  que  familière.  Comme 
l'a  dit  M.  Le  Roy,  il  était  resté  presque 
étranger  à  tout  ce  qui  ne  se  rattachait 
pas  immédiatement  à  ses  études  favorites. 
Malheureusement  sa  santé  allait  s'af- 
faiblissant,  et  son  enseignement,  tout 
en  le  distrayant,  était  loin  de  porter  re- 
mède au  mal  qui  le  rainait.  Il  ne  se 
faisait  pas ,  du  reste ,  illusion  sur  son 
état.  Souvent  il  nous  confia  la  peine 
qu'il  éprouvait  à  l'idée  de  ne  pouvoir 
terminer  ses  travaux  descriptifs.  Il  était 
navré  à  l'idée  que  ses  notes  seraient 
insuffisantes  pour  tout  autre  que  pour 
lui.  Tout  à  coup,  il  fut  atteint  d'un 
anthrax  à  la  nuque  qui  l'enleva,  en  deux 
jours,  à  la  science,  à  sa  famille,  à  ses 
admirateurs  et  à  ses  amis.  Ses  funé- 
railles furent  mcagnifiques.  L'évêque  de 
Liège  y  prononça  son  oraison  funèbre. 
A  la  salle  académique ,  les  autorités 
universitaires  et  le  gouverneur  de  la 
province  déplorèrent  la  perte  que  le 
pays  venait  de  faire.  Les  élèves  de  l'école 
des  mines  prirent  le  deuil  pour  un  mois. 
A  la  chambre  des  représentants,  M.  le 
ministre  de  l'intérieur  rappela  les  titres 
du  défunt  à  la  reconnaissance  nationale. 
Une  souscription  fut  immédiatement 
ouverte  pour  élever  un  monument  au 
savant  illustre  qui  avait  rendu  tant  de 
services  au  pays;  une  statue  de  bronze, 
due  au  talent  de  M.  E.  Simonis,  fut 
élevée  devant  la  salle  académique  de 
l'université  et  inaugurée  le  17  juillet 
1806,  en  présence  de  LL.  MM.  le  roi 
et  la  reine  des  Belges.  La  veuve,  les  en- 
fants et  la  mère  de  I^umont  assistaient 
à  cette  imposante  cérémonie,  à  la  tète 
d'une  foule  d'élite  où  l'on  se  montrait 
d'éminents  géologues  étrangers. 


^295 


DUMOxNT 


^296 


Les  qualités  personnelles  de  Dumont 
lui  coucilièreut  autant  d'estime  et  d'af- 
fection que  son  talent  lui  valut  d'admi- 
ration. On  appréciait  surtout  en  lui 
«  l'homme  intègre,  qui  refusa  son  con- 
II  cours  aux  plus  brillantes  offres  de 
Il  l'agiotage  et  sut  conserver  à  la  fois  sa 
Il  propre  estime  et  celle  de  ses  conci- 
II   toyens.  « 

Pour  la  bibliographie,  nous  sommes 
forcé,  faute  de  place,  de  renvoyer  aux 
travaux   de   MM.    Capitaine,   ï"ayn    et 

Le  Roy.  g.  Oewalque. 

Souvenirs  personnels. — Les  journaux  du  tem])s. 
—  D'Omalius,  ?\otice  xiir  A.  uinnont  {Annuaire 
de  l'Académie  pour  I8a8;.—  U.  Cajjitaine,  Mécro- 
loge  liégeois  pour  1857.  —  J.  Fayn,  André  Du- 
mont,  sa  vie  et  ses  travaux  —  A.  Le  Roy, 
L'Université  de  Liège  —  G  Dewalque,  Rapport 
séculaire  sur  les  travaux  de  la  classe  des  sciences 
de  l'Académie  :  Sciences  minérales,  1872. 

i>i;mo:vt  (Henri)  ou  Du  Moxt, 
organiste,  compositeur  et  maître  de 
chapelle  de  Louis  XIV,  roi  de  France, 
naquit  à  Yillers-rEvêque,près  de  Liège, 
en  1610  et  mourut  à  Paris  en  16S-1.  Il 
fut  placé  d'abord  comme  enfant  de 
chœur  à  la  collégiale  de  Saint-Servais  à 
Maestricht,  puis,  quelques  années  plus 
tard,  il  entra  à  l'école  de  Liège,  où  il 
poursuivit  ses  études  musicales.  Cette 
école  était  florissante.  Les  préceptes  des 
vieux  maîtres  s'y  maintenaient  encore 
en  vigueur,  alors  qu'aux  Pays-Bas,  en 
Prance  et  dans  la  Basse-.^  llemagne,  par 
suite  des  troubles  de  religion,  l'art  mu- 
sical était  menace  d'une  décadence  iné- 
vitable. Dumont  rencontra  dans  la  vieille 
cité  bon  nombre  d'habiles  musiciens  et 
de  savants  compositeurs,  Léonard  Ho- 
dèniont,  maître  de  chapelle  de  la  cathé- 
drale j  Henri  Eemouchamps,  Daniel 
Raymond  et  Lambert  Colen,  attachés  à 
a  même  église  ;  Gilles  Ileyne,  qui  était 
intendant  de  la  musique  du  prince- 
évôque  Ferdinand  de  Bavière;  Jean 
Dromal,  qui  dirigeait  la  maîtrise  de  la 
collégiale  de  Sainte-Croix,  et .  d'autres 
(encore  qui  sont  tombés  dans  un  oubli 
immérité.  C'est  dans  ce  milieu  actif  et 
intelligent  que  se  forma  notre  jeune 
artiste.  Après  une  étude  approfondie 
de  l'harmonie  et  du  contrepoint,  il  se 
trouva,   un  beau  jour,  compositeur  dis- 


tingué et,  en  outre,  d'une  rare  habileté 
à  toucher  les  orgues  et  à  manier  l'ar- 
chet de  la  basse  de  viole.  Il  excella  sur- 
tout sur  l'orgue;  au  dire  des  contempo- 
rains, il  apporta  dans  le  jeu  de  cet 
instrument  une  perfection  inouïe. 

H.  Dumont,  en  sa  vingtième  année, 
avait  reçu  la  tonsure  et  portait  l'habit 
ecclésiastique.  Un  événement  inattendu 
eut  alors  une  grande  influence  sur  son 
avenir.  Un  colonel  français,  lui  ayant 
entendu  exécuter  quelques  pièces  de  sa 
façon,  eut  si  bonne  opinion  de  ses  apti- 
tudes qu'il  voulut  l'emmener  à  Paris. 
Comme  bien  l'on  pense,  il  n'eut  point 
de  peine  à  se  déterminer;  il  prêta  l'oreille 
aux  discours  de  l'étranger,  accepta  ses 
ofl'res  et  partit  avec  lui  (1630?). 

Ici  la  tradition  nous  fait  défaut. 
Nombre  d'années  s'écoulent  pendant 
lesquelles  nous  perdons  la  trace  de  notre 
musicien  :  ses  biographes  et  les  mé- 
moires du  temps  gardent  sur  cette  phase 
de  sa  vie  un  complet  silence.  Ce  n'est 
qu'en  1639,  c'est-à-dire  neuf  ans  après 
qu'il  a  quitté  le  pays,  qu'enfin  nous  le 
retrouvons  au  moment  où  il  prend  pos- 
session de  l'orgue  de  l'église  Saint- 
Paul,  rue  Saint-Antoine.  C'était  l'une 
des  plus  importantes  paroisses  de  la 
capitale  ;  jadis  elle  avait  été  celle  des 
rois  de  France,  quand  ils  résidaient  à 
l'hôtel  Saint-Paul  et  au  palais  des  Tour- 
nelles,  situés  dans  le  voisinage.  Outre 
son  organiste,  cette  église  avait  encore 
un  maître  des  enfants  de  chœur  chargé 
de  la  direction  des  chantres  au  chœur  et 
au  jubé.  Celui  qui  occupait  ce  poste  à 
l'arrivée  de  Dumont  était  ,  croyons- 
nous,  un  musicien  provençal  bien  connu, 
le  chanoine  Annibal  Gantez,  auteur  du 
curieux  petit  livre  intitulé  :  V Entretien 
des  musiciens.  Les  relations  de  nos  deux 
artistes  ne  peuvent  du  reste  avoir  été  de 
bien  longue  durée;  car,  cédant  à  une 
habitude  invétérée,  Gantez  al)andonna 
bientôt  et  place  et  confrère,  pour  se 
remettre  à  vicarier,  ainsi  qu'il  avait 
fait  naguère.  Au  demeurant,  aimable 
et  spirituel  compagnon,  bien  que 
caustique,  railleur  et  tant  soit  peu  mé- 
disant. 

On  ne  négligeait  rien,  à  l'église  Saint- 


297 


DLMONT 


298 


Paiil,  de  ce  qui  pouvait  relever  les 
cérémonies  religieuses.  Les  jours  de 
fêtes  s'y  célébraient  avec  solennité  et, 
naturellement,  la  musique  y  tenait  une 
belle  et  large  place.  L'abbé  Dumont  eut 
ainsi  la  bonne  fortune  de  se  produire 
souvent;  il  ne  se  fit  faute  d'en  profiter. 
Ses  fantaisies,  ses  improvisations  sur 
l'orgue,  les  motets,  les  psaumes  qu'il  fit 
chanter,  attirèrent  l'attention  du  public 
dilettante  et  établirent  sa  réputation 
comme  virtuose  et  comme  compositeur. 
Il  n'écrivait  pas  exclusivement  des  mor- 
ceaux religieux.  On  a  de  lui  des  livres 
de  Mélanges,  où,  à  côté  d'hymnes  et  de 
cantiques,  l'on  trouve  des  pavanes,  des 
allemandes  pour  l'orgue  et  pour  les 
violes,  et  des  pièces  de  chant  sur  les 
vers  mondains  des  poètes  galants  en 
renom.  Il  prit  une  initiative  qui  fut 
alors  très-remarquée  :  il  voulut  appli- 
quer à  ses  compositions  une  basse  instru- 
mentale distincte  de  celle  de  la  voix, 
que  l'on  nomme  basse  conthme.  Cet 
usage,  venu  d'Italie,  s'était  de  bonne 
heure  introduit  dans  l'école  de  Liège. 
Dès  1616,  l'un  des  plus  grands  maîtres 
de  cette  école,  Pierre  Bouhomius,  dont 
plusieurs  belles  œuvres  sont  aujourd'hui 
encore  au  répertoire  de  la  chapelle  pon- 
tificale, faisait  imprimer  à  Anvers,  chez 
Pierre  Phalôse,  treize  messes  à  6,  8,  10 
et  12  voix,  avec  une  basse  semblable 
{cum  hasso  covtinuo  ad  organum).  Peut- 
être  même  ses  motets,  publiés  en  1603, 
1607,  1609  et  1611,  ont-ils  déjà  un 
aci^ompagnement  de  cette  espèce.  Néan- 
moins, avant  la  venue  de  Dumont,  il 
n'était  nullement  question  de  cette  basse 
chez  les  musiciens  français.  Elle  n'appa- 
raît ni  dans  les  productions  d'Artus 
Auxcousteaux,  ni  dans  celles  des  deux 
Bournonvilie,  de  Charles  d'Helfer,  de 
Pierre  Hugard,  etc.,  qui  parurent  à 
cette  époque.  C'était  donc  une  nou- 
veauté qu'apportait  notre  artiste.  Aussi, 
est-ce  à  très  bon  droit  qu'il  passe  pour  le 
premier  musicien  qui,  en  France,  ait 
employé  la  basse  continue.  Quelques 
écrivains  mal  informés  lui  en  ont  attri- 
bué l'invention.  Or,  cet  honneur  revient 
à  Louis  Viadana,  célèbre  musicien  de 
Lodi;   et   le  premier    usage   qu'il  fit  de 


cette  basse  remonte  aux  dernières  années 
du  xvie  siècle. 

Les  succès  de  Dumont  lui  valurent 
les  faveurs  de  la  cour.  Son  Altesse 
Eoyale,  Philippe,  duc  d'Anjou,  frère 
unique  du  roi,  le  voulut  avoir  pour 
organiste  de  sa  maison.  C'était  la  porte 
ouverte  pour  arriver,  un  jour,  à  la  cha- 
pelle du  roi.  Par  suite  du  décès  de  l'un 
des  maîtres,  Eustache  Picot,  chanoine 
de  la  Sainte-Chapelle  du  palais  et  abbé 
de  Chaulmois,  une  place  devint  vacante, 
et  Louis  XIV,  qui  appréciait  l'artiste 
liégeois,  la  lui  accorda.  Il  fit  plus  :  il 
l'investit  de  la  charge  de  compositeur 
de  sa  chapelle  (1658?).  A  son  tour,  la 
reine  lui  confia  la  direction  de  sa  mu- 
sique particulière  et,  pour  le  rémunérer 
convenablement,  lui  fit  obtenir  la  riche 
abbaye  de  Silly,  au  diocèse  de  Séez,  en 
Normandie.  Les  quatre  maîtres  qui  di- 
rigeaient alors  la  chapelle  du  roi  étaient 
Pierre  Robert,  Thomas  Gobert,  Spirli 
et  Dumont,  le  nouvel  élu;  ils  fonction- 
naient à  tour  de  rôle  par  quartier  ou 
trimestre.  Dumont  eut  dans  ses  attribu- 
tions le  quartier  des  mois  d'octobre, 
novembre  et  décembre.  Vers  la  fin  de 
1666,  ou  au  commencement  de  l'année 
suivante,  Spirli  vint  à  mourir,  et,  quel- 
que temps  après,  Gobert  demanda  et 
obtint  sa  retraite  avec  la  pension.  Le 
roi  ne  les  remplaça  point,  et  Dumont  et 
Kobert  demeurèrent  seuls  chargés  du 
service  de  la  chapelle  de  Sa  Majesté, 
circonstance  qiii  a  fait  croire  cà  quelques- 
uns  que  la  chapelle  royale  n'eut  jamais 
plus  de  deux  maîtres.  C'est  une  erreur; 
il  y  en  avait  déjà  quatre  sous  le  règne 
précédent. 

A  cette  époque  sévissait  la  fameuse 
querelle  sur  les  cinq proposUionx  de  Jan- 
sénius.  liome  les  avait  condamnées; 
mais  les  jansénistes,  ne  tenant  compte 
de  cela,  s'obstinaient  à  discuter  et  à 
éterniser  le  débat.  Le  roi,  qui  veut  la 
paix,  s'impatiente  enfin  d'une  si  longue 
résistance.  Il  menace  de  saisie  au  tem- 
porel et  de  poursuites  canoniques  les 
évêques,  les  ecclésiastiques  qui  ne  sous- 
criront pas  purement  et  simplement  le 
formulaire  contre  les  cinq  propositions. 
Vax  Umu-  (jualité  de  prêtres,    Ouniout  et 


299 


DUMONT 


300 


Kobert  durent  prendre  parti.  Avaient-ils 
des  attaches  avec  les  jansénistes,  avec 
Port-Eoyal?  On  serait  tenté  de  le  croire; 
car  ils  eurent  la  témérité  de  résister  aux 
ordres  du  roi.  L'un  d'eux  alla  même 
jusqu'à  déclarer  qu'il  aimerait  mieux 
renoncer  à  son  bénéfice  et  à  sa  place, 
que  de  faire  une  telle  chose  contre  sa 
conscience.  C'était  jouer  gros  jeu  que  de 
rompre  ainsi  en  visière  à  l'impérieux 
monarque.  Il  n'en  résulta  cependant 
rien  de  fâcheux  :  Louis  XIV  affection- 
nait ses  deux  vieux  serviteurs  et  il 
daigna  fermer  les  yeux  sur  leurs  vel- 
léités de  penser  avec  indépendance 
(1669). 

Selon  certaine  légende,  dont  nul 
n'avait  ouï  parler  avant  la  seconde  moi- 
tié du  siècle  dernier,  ce  ne  serait  pas  la 
seule  circonstance  où  Dumont  se  permit 
de  contrecarrer  son  maître.  Une  autre 
fois  et  ceci  fut  plus  grave,  le  roi  ayant 
entendu,  dans  les  opéras  de  Lully,  la 
symphonie  des  violons  se  mêler  agréa- 
blement aux  voix,  manifesta  le  désir 
que  dans  les  motets  chantés  à  sa  cha- 
pelle, on  fit  aussi  intervenir  les  instru- 
ments. Eobert  l'essaya,  tant  bien  que 
mal;  Dumont,  au  contraire,  s'appuyant 
sur  les  décrets  du  concile  de  Trente,  se 
refusa  à  l'introduction  des  violons.  L'ar- 
chevêque de  Paris  s'efforça  vainement 
de  lui  démontrer  qu'il  avait  mal  inter- 
prété la  prescription  du  concile,  qui 
proscrivait  de  l'église,  non  la  sympho- 
nie, mais  la  musique  molle  et  efféminée 
si  peu  digne  d'être  ouïe  dans  les  lieux 
saints.  L'obstiné  musicien  ne  se  rendit 
pas  à  ces  raisons.  Il  ne  voulut  pas  plus 
s'incliner  devant  l'ordre  du  roi.  Celui-ci, 
en  1674,  lui  accorda  sa  vétérance.  On 
insinue,  en  terminant,  que  le  concile 
n'était  qu'un  prétexte  que  Dumont 
invoquait,  afin  de  dissimuler  son  inca- 
pacité à  se  servir  d'un  orchestre. 

Telle  est  la  légende  qui  s'est  pro- 
pagée jusqu'à  nous  comme  si  elle  disait 
la  pure  vérité.  Il  s'en  faut  bien  cepen- 
dant; on  peut  aisément  le  démontrer. 
Que  nous  parle-t-on  de  la  répugnance 
qu'aurait  eue  Dumont  à  composer  ou  à 
faire  exécuter  de  la  musique  religieuse 
avec  syniphonie?  Mais  c'est  tout  sim- 


plement un  non-sens,  puisqu'il  a  bel  et 
bien  composé  des  motets  à  grand  chœur, 
et  même  à  deux  chœurs,  avec  accompa- 
gnement d'instruments.  Que  l'on  voie 
ci-après  les  n»»  3,  5,  6  et  7  de  la  liste 
de  ses  œuvres,  et  l'on  constatera  l'exac- 
titude de  ce  que  nous  avançons.  Le  livre 
premier  des  Cantica  sacra  (no  3),  daté 
de  1662,  prouve,  en  outre,  que  Dumont 
n'a  pas  attendu  les  opéras  de  Lully  pour 
s'aviser  de  mettre  de  la  symphonie  dans 
ses  motets.  Il  est  même  en  avance  de 
dix  ans  sur  les  opéras  du  Elorentin. 
Voyons  maintenant  si  le  fait  de  la  dé- 
mission que  le  roi  aurait  donnée  à 
Dumont  en  1674,  est  plus  véridique. 
Non,  sans  doute.  Notre  musicien  a  si 
peu  été  mis  alors  à  la  pension,  qu'il 
était  encore  à  son  poste  le  31  mars  1682. 
Ce  jour-là  même,  conjointement  avec 
son  confrère  Robert,  et  en  sa  qualité  de 
maître  de  musique  du  roi,  il  donne  son 
approbation  à  Gabriel  Nivers,  qui  a 
revisé  et  corrigé  l'Antiphonaire  et  le 
Graduel  et  va  les  publier.  C'est  une 
pièce  irrécusable  à  l'appui  de  notre 
thèse.  Nous  en  mettons  le  texte  sous  les 
yeux  du  lecteur.  La  voici  : 

Nos  infra  scriptl,  Henricus  Bu  Mont, 
ahbas  Syliaci,  et  Petrus  Robert,  abbas 
Sancti Pétri  Melodimensis,  Christianissimi 
Régis  capellœ  musices  prafecti,  notum 
certum  facimus  Antiphonarium  et  Gra- 
duale  cantus  eccïesiastici,  opéra  et  studio 
Guillelmi  Gabrielis  Nivers,  ejusdem  ca- 
pellœ Régis  organistce,  necnon  RegincB 
musices  prœfecti,  correcta  et  coneimiata, 
vere  substantiam  catitus  Gregoriani  de- 
center  ac  rite  modidatam  omnino  conti- 
nere.  In  citjiis  rei  Jîdem  stibscripsimus. 
Datiim  Parisiis,  ultima  die  Martii,  anno 
gratiœ  1682. 

H.  Du  Mont.  Robert. 

De  ce  qui  précède  il  résulte  que  la 
légende  accueillie  si  facilement  par  les 
biographes  n'est  basée  que  sur  des  faits 
erronés.  Nous  croyons  l'avoir  prouvé  à 
suffisance;  n'y  insistons  donc  pas  et 
poursuivons. 

L'on  remarquait,  depuis  quelque 
temps  déjà,  que  l'attention  du  roi  se 
portait  plus  activement  que  par  le  passé 
du  côté  de  sa  chapelle-musique.  Il  veut 


301 


DUMONT 


30-2 


que  là,  comme  partout  autour  de  lui, 
régnent  la  splendeur  et  la  magnificence: 
sa  grande  préoccupation  est  d'augmenter 
sans  cesse  le  nombre  de  ses  musiciens. 
Cependant,  au  commencement  de  l'an- 
née 1684,  les  maîtres  Dumont  et  Ro- 
bert, qui  se  faisaient  vieux,  demandèrent 
à  pouvoir  se  retirer.  Avant  d'agréer  leur 
demande,  le  roi  trouva  bon  d'ouvrir  un 
concours,  auquel  tous  les  maîtres  de 
musique  des  cathédrales  du  royaume 
furent  appelés  à  prendre  part.  On 
compta  jusqu'à  trente-cinq  concurrents. 
L'épreuve  consistait  dans  la  composi- 
tion d'un  motet.  C'était  l'idée  du  roi 
d'avoir  désormais  quatre  maîtres  dans  sa 
chapelle.  Ily  eut  donc  quatre  vainqueurs, 
qui  furent  Goupillet,  maître  de  musique 
de  l'église  de  Meaux,  le  protégé  de  Bos- 
suet  et  de  la  Dauphine,  disait-on;  La- 
lande,  organiste  de  Saint-Jean-en-Grève, 
le  candidat  préféré  du  roi;  Colasse,  élève 
de  Jean-Baptiste  de  LuUy,  et  enfin, 
^linoret,  maître  de  musique  de  Saint- 
Germain  l'Auxerrois.  Dumont  et  son 
confrère  Robert  prirent  aussitôt  leur 
retraite,  comblés  des  faveurs  du  souve- 
rain. 

Henri  Dumont  survécut  bien  peu  de 
temps  à  sa  mise  à  la  pension.  Il  mourut 
à  Paris  le  8  mai  1684,  à  midi,  et  le 
surlendemain,  il  fut  inhumé  en  l'église 
Saint-Paul  sa  paroisse,  dont  il  avait  été 
organiste  pendant  quarante-cinq  ans. 
On  éleva  sur  sa  tombe,  creusée  au  pied 
de  l'un  des  piliers  du  jubé,  un  mausolée 
de  marbre  blanc  en  forme  de  pyramide 
où  son  buste  fut  attaché.  Appuyée  contre 
le  mausolée  et  sous  la  figure  d'une 
femme  éplorée,  on  voyait  la  Musique, 
ayant  à  côté  d'elle  un  orgue  et  une 
basse  de  viole,  les  instruments  favoris 
du  défunt,  et  tenant  dans  sa  main  une 
page  sur  laquelle  on  lisait  ces  paroles 
avec  le  chant  noté  :  Siispendinms  ofgana 
noatra,  et  versa  est  in  Itictum  modulatio. 
Le  décès  de  Dumont  fut  acte  ainsi  sur 
le  registre  mortuaire  de  l'église  Saint- 
Paul  :  »  Le  huictième  (may  1684), 
«  Messire  Henry  Dumont,  chanoine  de 
«  Saint-Servais  de  Maestric,  abbé  com- 
«  mendataire  de  Nostre-Dame  de  Sil- 
"   ly,   ancien  maistre  de   musique  des 


«  chapelles  du  roi  et  de  la  reine,  est 
«  décédé  dans  le  ...  .  Saint-Pierre 
"  à  midy,  duquel  le  corps  a  esté  inhumé 
"  dans  l'église  Saint-Paul,  sa  paroisse, 
«  le  10  dudict  moys.  (Signé)  Mercier, 
Il  Bignon,  Raimbault.  « 

Dumont  a  joui  en  son  temps  d'une 
réputation  justement  acquise.  Il  tint 
en  France,  lui  Liégeois,  le  premier 
rang  parmi  les  compositeurs  de  mu- 
sique religieuse;  tandis  que,  de  son 
côté,  le  Florentin  Jean-Baptiste  de 
Lully  tenait  le  sceptre  à  l'Académie 
royale  de  musique.  Les  œuvres  de  Du- 
mont, bien  qu'elles  aient  été  impri- 
mées et  réimprimées  chez  les  Ballard 

—  en  partie  du  moins,  puisque  nous 
n'avons  ni  ses  Messes,  ni  ses  Te  Deum, 

—  sont  aujourd'hui  d'une  extrême  ra- 
reté. Il  s'ensuit  que  la  génération 
actuelle  ne  connaît  plus  guère  le  vieil 
artiste  que  par  les  messes  en  plain-chant 
musical,  àiies  Messes  royales ,  qu'il  nous 
a  laissées  et  dont  la  popularité  n'est 
pas  près  de  finir.  Cependant,  dans  ces 
derniers  temps,  ces  messes  ont  été  l'ob- 
jet de  critiques  assez  peu  mesurées.  On 
leur  a  reproché,  par  exemple,  de  n'être 
pas  écrites  en  pur  style  grégorien,  et  de 
laisser  à  chaque  pas  transpirer  la  nou- 
velle tonalité.  Cela  peut  être  vrai  jus- 
qu'à un  certain  point;  mais  enfin,  il  ne 
faudrait  pas  perdre  de  vue  que  l'auteur 
lui-même  a  déclaré  les  avoir  faites  en 
"  plain-chant  musical  " .  Quoi  qu'il  en 
soit  de  ces  critiques,  il  n'en  reste  pas 
moins  de  notoriété  qu'avec  Gabriel  Xi- 
vers  et  quelques  autres,  Dumont  fut 
l'un  des  meilleurs  plain-chantistes  de 
l'époque.  S'il  en  fallait  administrer  une 
preuve,  nous  citerions  l'hymne  de  San- 
teul  :  Hymnis  dum  resouat  curia  cœUtum, 
qu'il  a  notée  dans  le  cinquième  ton 
(voy.  Ilymni  sacri  et  novi,  autore  Santolio 
Fidorino.  Parisiis,  1698.  A  la  fin); 
c'est  un  petit  chef-d'œuvre  d'expression 
et  de  goût. 

Nous  terminerons  cette  notice  en  y 
joignant  la  liste  des  œuvres  d'Henri 
Dumont,  telle  qu'il  nous  a  été  possible 
de  la  dresser  :  1"  Meslanges  à  I,  II,  III, 
IV  et  V  parties  avec  la  basse  continue, 
contenant  plusieurs  c/iuusoiis,  viotets.  Ma- 


303 


DUMONT 


304 


gnijicats,   préludes    et    allemandes   pour 
Vorgv.e  et  les  violes.  Livre premie}'.  Paris, 
Ballard,    1649,    in-4o.  —  2o   Meslan- 
ges,  etc.  Livre  second.  Ibid.,  165  7.  Ce 
livre    contient   trente    et    \ine  pièces, 
savoir    :    dix-neuf   chansons    françaises 
à  trois    voix,  une   pavane    pour   trois 
violes  et  onze  morceaux  d'église,   de- 
puis deux  jusqu'à  six  voix.  La  biblio- 
thèque du  Conservatoire  de  musique  de 
Paris  possède  les  parties  de  haute-taille 
et   de  basse  continue  de  ce  second  livre 
de  II  Meslanges  « .  Celles  de  dessus,  des- 
sus de  viole  ou  bas  dessus,  haute  taille 
et   de   basse,    se   trouvent  dans  la  pré- 
cieuse collection   de   M.  Gustave  Fran- 
cotte,  bibliophile  distingué,  à  Liège.  — 
3o   Cantica  sacra  II,   III,   IV  voc.  et 
instruTiieiitis   raodulata,    adjectce    iuidem 
litaniœ  II  vocibns,  ad  libitum  III  et  IV, 
cum  hasso  continuo.  Liber primm.  Paris, 
ibid.,  1662.  En  citant  cet  ouvrage  dans 
son  Musical iscJ/es  Lej'icon,   Walther  lui 
donne,  d'après  la  Bibliotheca  Duboisiana, 
la  date  fautive  de  1652.  Constatons  pour 
mémoire    la   présence   des   instruments 
dans  ces  Cantica,  de  même  que  ci-après 
dans  les  motets  consignés   aux  nos  5^  6 
et  7 .  —  4"  Motets  à  deux  voix  et  la  basse 
continue.  Ibid.,- 1668,  in-4o.  On  trouve 
à   la   bibliothèque  nationale  de   Paris 
(supplément  français,  no  1252),  un  ma- 
nuscrit in-folio  de  87  pages  qui,  peut- 
être,  est  une  copie  de  ce  recueil.  Il  est 
intitulé  :  Vingt-huit  Motets  à  deux  voix 
de  la  composition  de  M.  Lumont,  J/e  de 
musique  de  la  chapelle  du  roy,   recueillis 
par  Philidor  Vaisné,eu  1690. — hoMotets 
à  deux,  trois  et  quatre  parties  poiir  voix 
et  instruments,   avec   la    basse  continue. 
Paris,  Christophe  Ballard,  168],  in-4o. 
C'est,  ce  nous  semble,  le  livre  second 
des  Cantica  sacra  inscrits  sous  le  no  3 . 
—  60  Motets  pour  la  chapelle  du  roi,  mis 
en  musique  par  M.   Dumont,  etc.  Ibid., 
1686,  in-4o.  —  7°  Motets  à  denx  chœurs. 
Seize  parties.  Nous  transcrivons  ce  titre 
laconique,  ainsi  que  ceux  des  nos  8,  9 
et  10,  d'aprèsun catalogue deJ.-B.  Chris- 
tophe Ballard,  placé  à  la  suite  d'une  nou- 
velle édition  qu'il  a  donnée  de  la  messe 
Laudate,  pueri,    Dominum,    de    Pierre 
Hugard,  maître  des  enfants  de  chœur 


de  Xotre-Dame  de  Paris,  vers  le  milieu 
du  XTiie  siècle.  Il  se  pourrait  que   ces 
motets  fissent   double  emploi  avec  ceux 
du  no  6.  Dans  tous  les  cas,    voilà  bien 
des  motets  à  deux  chœurs,  avec  accom- 
pagnement de  huit  instruments.   Ajou- 
tons que  le  Conservatoire  de  musique  de 
Paris   possède    un    volume    manuscrit 
grand    in-folio,    marqué  A,   copié   par 
Philidor  l'aîné,  contenant  les  morceaux 
suivants  :  lo  Benedic,  aiiima  mea,  Do- 
mino,   à   grand    chœur   et    symphonie; 
2o  Benedictus  Domimis  Beus  Israël,  id.; 
30  Confitebimur  tibi,  Beus,  id.;  4o  Quem- 
admodum    desiderat ,    idem,    et    enfin, 
50  Magnifcat,  à  deux  chœurs,  idem.  — 
80  Motet  de  V Eternité,  à  voix  seule  avec 
la  basse  continue.  (Dans  le  catalogue  de 
Ballard,  cité  plus  haut.)  —  9»  Motets  et 
élévations  à  deux  parties,  avec  la  basse 
continue.  (Catalogue  cité.)  Nous  signa- 
lerons un  rare  petit  livret  qui  se  rapporte 
évidemment  à  ce  recueil,  et  qui  est  inti- 
tulé :  Motets  et  élévations  de  M.  Bu  Mont, 
pour  le  quai'tier  d'octobre,   novembre  et 
décembre  mil  six  cent  soi.vante-six.    S.   1. 
(Paris),  in-12.  Il  contient  le  texte  sans 
musique  des  morceaux  annoncés  ci-des- 
sus, c'est-à-dire  trente  motets  et  trente 
et  une  élévations.  —  lOo  Les  .Airs  et 
basse  continue  de  Bu  Mont,  paroles  de 
M.  Godeau.  (Catalogue  cité.)  Ces  mor- 
ceaux font  partie  du  t.  II  d'un  Recueil 
d'airs  spirituels  en  trois  volumes,  publié 
chez  Ballard.  Plusieurs  de  ces  psaumes 
reparurent  à  la  suite   de   l'ouvrage  sui- 
vant :  Le  Compagnon  divin,  ou  les  airs  à 
quatre  parties    sur   la   paraphrase    des 
Psaumes  de  Messire   Godeau,  par  J.  de 
Gouy,  esquels  on  a  ajouté  quelques  airs  de 
la  composition  de  M.  Henry  Bu  Mont  et 
une  nouvelle  pièce .  Londres,  W.  Pearson, 
s.  d.  (A^ers  1680).  Quatre  parties,  petit 
in-4o  oblong.  —  11"  Psaumes,  cantiques 
et  motets  à  quatre  voix,  avec  basse  continue . 
Ces  morceaux  se  troiivent  dans  un  volume 
manuscrit  grand  in-folio,  marqué  B,  de 
la  bibliothèque  du  Conservatoire  de  mu- 
sique de  Paris.  Ils  sont  au  nombre  de 
trente-  cinq  .Ce  volume  porte  ces  mots  en 
tête  :  Il  Copiez  et  mis  en  ordre  par  Phili- 
«   dor  l'aisné,  ordre  de  la  musique  du  roy 
«   et  l'un  des  deux  gardiens  de  la  Bi- 


30r 


DU MONT 


306 


Il  bliolhcqne  de  Sa  Majesté.  Fait  à  Ver- 
II  sailles  en  1G97  ". — ■  12"  Cmq  Messes 
en  plain-clmnt  musical,  appelées  Messes 
royales —  composées  par  M.  H.  Du  Mont, 
abbé  de  Silly  et  vinître  de  cJiapelle  du  roi. 
Paris,  J.-B.  Christophe  Eallard,  1711, 
in-folio.  C'est  la  cinquième  édition  de  ce 
format.  Nous  ignorons  quand  parurent 
les  précédentes.  A  ces  cinq  Messes,  il 
en  faut  peut-être  ajouter  nne  sixième. 
M.  Maurice  Ardant,  correspondant  de 
l'Institut  de  France,  à  Limoges,  décou- 
vrit en  1855,  deux  feuillets  de  vélin 
contenant  une  messe  inédite  en  plain- 
chant  musical,  intitulée  :  Messe  papale, 
et  portant  la  date  de  1G90,  qui^  très-pro- 
bablement, est  celle  de  la  transcription. 
nies  communiqua  à  M.  Vincent,  membre 
du  comité  de  l'Institut,  qui  en  fit  un 
rapport.  Cette  Messe  papale  est  sans  nom 
d'auteur;  mais  immédiatement  à  sa 
suite,  on  trouve  le  début  d'une  autre 
messe,  et  celle-ci  est  précisément  la 
première  du  recueil  publié  par  Dumoiit. 
De  cette  proximité  et  d'autres  considé- 
rations qu'il  fait  valoir,  le  rapporteur 
infère  avec  grande  apparence  de  vérité 
(\n.&  X^,  Messe  papale  ^eixi  fort  bien  être 
du  même  auteur.  Cette  messe  a  été 
insérée  dans  le  Bulleti)i,  du  cojnité  de  la 
lathjue,  de  Vîdstoire  et  des  arts  de  la 
France  (t.  III,  année  1855-1856),  à  la 
suite  du  rapport  de  M.  Vincent.  On  la 
trouve  également  dans  la  Revue  de  mu- 
sique ancienne  et  moderne,  publiée  par 
Th.  Xisard  (Rennes,  1856,  p.  124). 

I-.  Torry. 

Guil.  du  l'eyi  al,  L'Histoire  ecclésiastique  de  la 
cour...  de  France,  16'k).  —  Lettre  de  M.  le  Gal- 
lois à  mademoiselle  Reyiiaiilt  de  Snlier,  tonrliant 
la  musique.  KiSO  —  Lecerf  de  la  Vieville  de 
Fresiieusu',  Comparaison  de  la  Musuine  italienne 
et  de  la  Mnsiifue  française,  1703-17015.  —  Titoii 
du  Tillcl,  Le  Parnasse  français,  [T.'d.  —  Oniux, 
Histoire  ecv  lé  siastii]  ne  delà  cour  de  France,  1777. 
—  De  La  Borde,  lissai  sur  la  MnsUiac  ancienne 
et  moderne,  1780.  —  L'ulvocat,  Dictionnaire  lus- 
tnrii/ue,  Hco.  —  Lacuiiilie,  Dictionnaire  des 
Deaut-Àrts,  I7(i6  —  l''ouieiiai.  Dictionnaire  des 
artistes,  I77ti.  —  Félis,  liioijrapliie  <tcs  ntnsicii-ns, 
2''  édil.,  1.S6I)-I80';,  ('t  les  autres  hingraplies  spé 
ciaux.  —  ReiiseigneuieiUs  parlieulieis. 

nVMOilT  {Joseph),  architi^cte  distin- 
gué, né  en  ISil  à  l^^usscddorfde  parents 
belges,    mort    à    Saint-.)osse-ten-Noodc 


lez-Bruxelles  le  29  mars  1859.  Il  s'ap- 
pliqua spécialement  au  style  ogival  ; 
attaché  à  la  commission  royale  des 
monuments  comme  dessinateur  et  archi- 
tecte, il  fut  chargé  de  la  restauration 
des  églises  d'Aerschot,  Saint-Troud, 
Saint-Hubert  et  Saint-Martin  d' Ypres;  il 
restaura  également  le  chœur  et  le  cloître 
de  l'église  de  Nivelles  et  l'hôtel  de  ville 
de  Léau.  Ses  principaux  travaux  sont 
l'église  de  Saint-Boniface  à  Ixelles,  les 
prisons  cellulaires  de  Bruxelles,  Liège, 
Marche,  Dinant,  et  surtout  celle  de  Lou- 
vain  qui  lui  valut  une  médaille  d'or;  il 
bâtit  également  la  maison  de  correction 
de  Euysselede  dans  la  Flandre  occiden- 
tale, bâtiment  spacieux  approprié  pour 
huit  cents  jeunes  détenus,  qui  forment 
iine  colonie  agricole.  On  estime  qu'il 
construisit  environ  trente  églises  de 
style  ogival  en  Belgique. 

Eiiiilf  Varenbergb. 
Piron,  Levensbeschrijvinf) . 

nUMO^'T  [Paul),  écrivain  ecclésias- 
tique et  secrétaire  de  la  ville  de  Douai, 
où  il  na([ui^en  1532  et  mourut  le  29  oc- 
tobre 1602,  fit  ses  humanités  à  Cambrai 
sous  la  direction  des  clercs  de  la  vie 
commune.  Il  alla  ensuite  étudier  à  Lou- 
vain  et  à  Paris.  De  retour  à  Douai,  il 
fut  nommé  secrétaire  de  cette  ville,  et 
occupa  ces  fonctions  jusqu'à  la  fin  de  sa 
vie.  Dumont  était  un  homme  pieux  et 
zélé,  qui  consacra  tous  les  loisirs  que  lui 
laissaient  les  nombreux  devoirs  de  sa 
charge  à  étudier  les  ascétiques  et  à 
traduire  en  français  les  livres  de  piété 
écrits  originairement  en  latin,  en  italien 
ou  en  espagnol.  Voici  une  indication 
sommaire  des  publications  dues  aux 
soins  de  Paul  Dumont  :  1j  Commentaires 
sur  V oraison  dominicale  tirés  de  divers 
auteurs;  vol.  in- 12,  —  2^  La  guerre 
cJirestienne,  vol.  in-12;  ces  deux  ou- 
vrages sont  cités  par  Paquot,  qui  ajoute 
que  celui-ci  et  le  précédent  sont  les 
seuls  de  la  façon  de  l'auteur.  P.  Du- 
mont a,  on  outre,  traduit  un  grand 
noml)rc  d'opuscules  ascéticiues  dont  on 
trouve  les  titres  dans  Pacjuot.  Celui-ci 
lui  attribue  aussi  une  traduction  des 
Confessions  de  saint  Augustin,  et  de  quel- 


307 


DUMONT  DE  BURET  —  DU  MORTIER 


308 


ques  opusciiles  ascétiques  du  P.  Louis 
de  Grenade. 

E.-H.-J.  .Reuseiis. 

Paqiiot,  Mémoires,  éd.  in-fol.,  111.  p.  o68.  — 
Dulhillœul,  Bîbl.ographie  douaisieniie,  passim. 

DU  MOîXT  DE  BCKET  (Pierre), 
théologien,  né  vers  1505  à  Thorenbais- 
Saint-Trond,  près  de  Perwez,  de  Pierre 
du  Mont  et  de  Catherine  Neix.  Après 
avoir  achevé  son  cours  de  philosophie, 
et  obtenu  le  grade  de  licencié  en  théo- 
logie, il  devint  régent  de  la  pédagogie 
du  Faucon,  à  Louvain  (1589),  et  fit  si 
bien  reconnaître  sa  supériorité  dans 
cette  fonction,  qu'il  fut  proclamé  rec- 
teur magnifique  de  l'Université,  au  mois 
d'août  1542.  Investi  de  cette  haute 
dignité,  il  n'en  profita  que  pour  donner 
un  rare  exemple  d'humilité  en  prenant 
la  résolution  d'abandonner  le  monde  et 
d'entrer  dans  l'ordre  de  Saint-François. 
Après  y  avoir  prononcé  ses  vœux,  il  fut 
chargé  de  l'enseignement  de  la  théolo- 
gie, charge  qu'il  remplit  avec  le  plus 
grand  zèle  de  1545  à  1555. 

Pierre  du  Mont  devint  ensuite  gar- 
dien ou  supérieur  du  couvent  des  récol- 
lets de  Louvain.  Il  rempÏÏssait  cette 
charge  au  couvent  d'Anvers,  en  1578, 
lorsque  cà  l'occasion  de  la  Pacification  de 
Gand  les  députés  des  Etats  firent  pro- 
poser aux  récollets  une  formule  de  ser- 
ment portant  promesse  «  d'obéir  à  l'ar- 
chiduc MatUas,  de  le  défendre  an  prix  de 
leurs  biens  et  de  leur  vie,  et  d'agir  à 
V égard  de  don  Juan  d'Autriche  comme  à 
l'égard  d'un  ennemi.  «  Du  Mont,  qui  était 
doué  d'un  caractère  très-ferme,  donna 
sur-le-champ  la  réponse  suivante  :  "  Ni 
"  moi,  ni  mes  frères  nous  n'approuvons 
"  ni  ne  désapprouvons  la  Pacification 
"  de  Gand,  n'ayant  à  cet  égard  que  des 
"  armes  spirituelles  avec  lesquelles  nous 
"  prions  Dieu  d'accorder  la  paix  aux 
«  Pays-Bas  et  aux  habitants  d'Anvers, 
"  la  persévérance  dans  la  foi  catho- 
"  lique,  l'extirpation  des  hérésies  et 
«  autant  de  prospérité  temporelle  qu'il 
«  soit  nécessaire  à  leur  salut.  «  C'était 
le  dimanche  de  la  Pentecôte;  le  mer- 
credi suivant,  on  engagea  chaque  reli- 
gieux séparément  à  prêter  le  serment 
prescrit.  Le  gardien  et  quatorze  de  ses 


confrères,  ayant  refusé  de  la  manière  la 
plus  énergique,  furent  enlevés  de  leur 
couvent,  placés  dans  des  bateaux  et 
conduits  d'abord  à  Malines,  ensuite  à 
Louvain.  A  leur  arrivée  dans  cette  ville, 
une  peste  terrible  y  décimait  la  popu- 
lation. Le  père  Du  Mont  succomba  à  ce 
fléau,  le  20  avril  1579,  et  fut  enterré 
dans  l'église  de  son  monastère. 

Du  Mont  a  laissé  les  ouvrages  sui- 
vants :  lo  Dominicœ  passionis  secundinn 
quatuor  JEcangelistas  dilucida  ernditaque 
Enarratio  ex  vetericvi  orthodoxorum  com- 
mentariis  studiose  desumpta  atque  concin- 
nata.  Antv.,  1555  et  1565,  in-12.  Id., 
Multo  exactiiis  qiiam  antea  ab  ipso  authore 
recognita.  Antv.  ,  Yidua  et  hseredes 
Johannis  Stelsii  ,  1571  ,  in-12  de 
128  feuillets.  Cette  dernière  édition  est 
dédiée  à  Martin  Kythoven  ,  évêque 
d'Ypres,  par  une  lettre  datée  d'Anvers, 
31  mai  1571.  —  2»  Elucidationes  in 
septem  psalmos  pœ?iiientiales.  Antv.  , 
Johan.  Stelsius,  1569,  in-12.  —  Il 
avait  également  rédigé  une  relation  des 
vexations  endurées  par  lui  et  ses  con- 
frères en  1578.  Le  jésuite  Del  Eio  en  a 
publié  un  résumé  dans  son  ouvrage  inti- 
tulé :  Commentarius  rerum  in  Belgio 
gestarum  à  Petro  Henriquez.   Colonise, 

1611 ,  in-4o.  Edw.  van  Even. 

Molanus,  Hist.  Lov. —  Valerius  Andréas,  Fasti 
academici,  42,  iù^.  —  Veriiuheus.  Acad.  Lov., 
p.  -132.  —  Sanderus,  Chorogr.  xut.,  111,  147.  — 
Paquot,  V,  32o. 

DU  MORTIER  {JérÔ7ne),  poëte  latin, 
né  à  Lille  vers  l'an  1520  et  mort  dans 
la  même  ville  vers  1580.  Sa  famille 
appartenait  à  la  noblesse;  son  père, 
Bruno  Du  Mortier,  décédé  en  1543, 
avait  une  charge  dans  la  robe  (Prasidis 
provinciœ  assessor).  Les  maladies  qui 
affligèrent  la  jeunesse  de  Jérôme  ne  l'em- 
pêchèrent pas  d'entreprendre  l'étude  de 
la  jurisprudence,  mais  il  ne  tarda  pas  à 
éprouver  du  dégoût  pour  cette  science 
et  s'adonna  tout  entier  aux  belles-let- 
tres. On  croirait  qu'il  regretta  plus 
tard  cette  détermination;  car  dans  une 
pièce  de  vers  adressée  à  l'aîné  de  ses 
fils,  étudiant  en  droit  à  Louvain,  il 
l'engage  à  s'appliquer  sérieusement  et 
avec  persévérance  à  l'étude  des  lois,  lui 


309 


DU  MORTIER 


310 


montrant  les  avantages  qu'il  en  retirera 
un  jour.  Quoique  sa  santé  se  fût  amé- 
liorée plus  tard  et  que,  comme  il  le  dit 
lui-même,  il  ne  fût  ni  riche  ni  pauvre,  il 
ne  rechercha  aucun  emploi  public.  En 
1547  il  se  maria  avec  N.  de  la  Capelle, 
native   de  Bruges   ou   des   environs   de 
cette   ville.  Cette  union  ne   fut   pas   de 
longue  durée;  sa  femme  mourut  en  1563, 
à   l'âge  de  trente-cinq  ans,  après  avoir 
donné  à  son  mari,    dans    l'espace  de 
quinze  années,   six  fils  et  huit  filles. 
L'aînée  des  filles  était  morte  quatre  ans 
avant  sa  mère,  à  peine  âgée  de  dix  ans. 
Le  soin  d'élever  une  famille  nombreuse, 
encore  en  bas  âge,  fut  une  lourde  charge 
pour  notre  poëte.    C'est  probablement 
dans  le   but  d'en  alléger  le   poids   qu'il 
épousa  en  secondes  noces  une  demoiselle 
De  Lannoy,  de  Lille,  dont  il  n'eut  pas 
d'enfixnts.    La   peste   l'enleva,   dans   sa 
soixantième   année  ;  il  fut   enterré  dans 
l'église   de  Saint-Maurice.    Jérôme  Du 
Mortier  ne  faisait  pas  imprimer  ses  vers 
et  se  contentait  de   les  communiquer  à 
ses   amis.    Il   était  parvenu   à  l'âge  de 
quarante-huit  ans,  lorsque,   cédant  aux 
instances   de  ceux-ci,  il  se  décida  à  en 
publier  un  recueil;  la  préface,  destinée 
à  être  mise  en  tête,  est  datée  du  29  fé- 
vrier 1568.  Nous   ignorons  les   raisons 
qui  mirent  obstacle  ou  firent  renoncer  le 
poëte   à  cette   publication.    Ce   ne  fut 
qu'un  demi-siècle  plus  tard  et  quarante 
ans   après   sa  mort,  que   ce  recueil  de 
poésies    latines  ,    en    vers    élégiaques  , 
parut  sous  le  titre  suivant  :  Nobills  virl 
D.  Hieronjimi   du,  Mortier  Insidcml  poe- 
mata  posthuma.  Atrebati  ex  typ.  G.  Ei- 
verii,  1620,  de  150  pages^  non  compris 
l'index  qui  en  compte  six.  Le  recueil  est 
divisé   en   cinq   livres   qui   portent   les 
rubriques  suivantes  :  I.  De  studiis  auc- 
toris;  IL  De  rébus  bello  (jedis;  IlL  De 
Bacc/ianalibus ;  IV,  De  fuueribus  ;  V.  De 
amore  et  odio.  A  propos  de  l'envoi  parle 
poëte  d'une  pièce  de  vers  sur  la  victoire 
de  Gravelines,   dans  laquelle  respire  le 
patriotisme    le   plus   ardent,  Auger  de 
Busbecq,  qui  était  son  ami  et  son   pa- 
rent,   lui    écrivit  une   lettre    en   prose 
latine  imprimée  à  la  suite  de  la  pièce; 
les   paroles    flatteuses   qu'elle   contient 


me  paraissent  des  compliments  de  poli- 
tesse plutôt  qu'un  jugement.  Eoppens 
qualifie  Du  Mortier  de  poeta  non  infeliv; 
Paquot  estime  que  ses  vers  sont  un  peu 
au-dessus  du  médiocre.  Je  ne  puis 
qu'adhérer  à  ce  dernier  jugement.  Un 
petit-fils  de  notre  poëte,  Ferdinand  De 
Maubus,  a  résumé  sa  vie  dans  quatre 
distiques,  imprimés  à  la  fin  du  volume  : 

Du  Mortier  jacet  hic,  Mtisis  gratissimus,  oliin 

Clarus  et  anliqua  nobililale  patrum, 
Ciii  conjux  eiiixa  prior  deciesque  quaterqne  est. 

Altéra  sed  slerili  visa  cubure  tlioro. 
Hic,  ut  lustra  dcceiii  totideinque  e.regerat  annos, 

Dujnus  perpeluo  vivere,  peste  obiit. 
Si  tainen  is  moritur,  cujus  inellita  leguntur 

Carmina,  quique  volât  docta  per  ora  virum. 

i.  Roulez. 

H.   Du  Mortier,  Poemata  posthutna.  —  Fop- 
pens,  I,  \i.  482.  —  Paquot,  II,  p.  "22. 

DU  MORTIER  (Nicolas),  théologien, 
philologue,  né  à  Tourucxi  vers  l'an  1639, 
mort   à  Eome   en    1730.    Après    avoir 
achevé    ses    humanités,    vraisemblable- 
ment dans  sa   ville   natale,  il  alla  faire 
sa  philosophie  à  Louvain   au  collège  du 
Lys  et  obtint  le  huitième  rang  dans  le 
concours  général  de  l'année  1658  entre 
les    quatre    pédagogies.     Pendant    un 
voyage  en  Italie,  il  prit  la  détermina- 
tion d'embrasser  l'état  religieux  et  entra 
dans  la  congrégation  des  Clercs    régu- 
liers qui  se  vouent  au  soin  des  malades. 
L'accomplissement   des  devoirs  de   son 
ordre    ne    l'empêcha    pas    de    s'appli- 
quer à  l'étude  des  langues   grecque  et 
hébraïque  et  surtout  à  la  théologie.  Son 
mérite  lui  fit  confier  l'enseignement  de 
cette  dernière  science  dans  la  Maison  de 
Rome  et  plus  tard  la  charge  de  général 
de   sa   congrégation.   On  ne  cite  de  lui 
qu'un  seul  ouvrage  intitulé  :  EtymoJogice 
sacrœ  (jrœco-latince,  seu  e  grcecis  fontibus 
dcproviptœ,  in  qnibus  omnia pêne  vocabuJa 
ab  Hellade  oriuuda  ad  theologiam  positi- 
vam,  scliolasticum  et  moralem  spectantia, 
in   didacticis,  polemicis  et  Jiieroistoricis 
mayis   obvia ,    explicantur ,   enndeantur , 
variis    eruditionibus    ïllusirantur ,     etc. 
Romte,  typ.  J.  Jacob.   Komarck,  1703, 
in-fol.  de  xvi  et  7-1.2  pages.  Cet  ouvrage, 
dédié  au  pape  Clément  XI,  était  destiné 
non-seulement   aux   théologiens  et   aux 
prédicateurs,    mais   encore  aux  philo- 


311 


DUMORTIER 


DUMOULIN 


312 


sophes  et  aux  savants,  principalement 
à  ceux  qui  ignoraient  la  laugue  grecque. 
En  même  temps  que  la  signification  des 
mots,  il  fait  connaître  les  choses  que  ces 
mots  servent  à  désigner;  c'est  un  traité 
d'antiquités  autant  que  d'étymologie. 
Paquot,  qui  écrivait  un  demi-siècle  après 
sa  publication,  le  critique  aussi  bien 
sous  le  rapport  du  style,  qu'il  trouve 
trop  diffus,  que  sous  celui  du  fond, 
auquel  il  y  aurait,  selon  lui,  beaucoup 
à  changer  et  à  ajouter.  Il  reproche,  en 
outre,  à  l'auteur  son  recours,  peu  judi- 
cieux Il  à  des  moralités  arbitraires  et  à 
des  allégories  à  perte  de  vue  « . 

J.  Roulez. 

Paquot,  Mémoires,  etc.,  t  XI,  p.  24.  —  Bulle- 
tin de  la  Société  histor.que  et  littéraire  de  Tour- 
nai, 1. 1,  p.  133 

MJMORTIER  (Paul),  sculpteur^  né 
à  Tournai  en  1763,  mort  au  mois  de 
décembre  1S38.  Elève  à  l'Académie  de 
sa  ville  natale,  il  ne  quitta  cette  insti- 
tution qu'après  y  avoir  remporté  le  pre- 
mier prix  dans  la  classe  supérieure;  il 
se  rendit  ensuite  à  Paris  pour  s'y  per- 
fectionner dans  son  art  et  parvint  à  se 
faire  admettre  dans  l'atelier  de  Moitte, 
habile  statuaire  et  membre  de  l'Institut 
de  France.  Son  talent  s'y  développa 
promptement,  et  désireux  de  le  mani- 
fester parmi  ses  compatriotes,  il  re- 
vint se  tixer  à  Tournai;  mais  le  temps 
et  le  lieu  n'étaient  guère  favorables. 
Dumortier  comprit  les  difficultés  de  sa 
situation  et  se  décida,  bientôt,  à  diviser 
son  existence  en  deux  parts  :  l'une 
vouée  aux  travaux  productifs,  l'autre 
aux  labeurs  attrayants;  celle-ci  consa- 
crée à  satisfaire  sa  vocation,  celle-là  à 
subvenir  aux  besoins  matériels  de  chaque 
jour;  en  un  mot,  le  sculpteur  se  fit 
négociant,  et,  grâce  au  judicieux  par- 
tage de  son  temps,  il  ne  dut  pas  renon- 
cer à  la  qualification  d'artiste. 

En  1817,  il  sculpta  un  groupe  de 
grandeur  naturelle,  la  Victoire  couron- 
vant  le  Lion  behje,  groupe  dont  il  fit 
hommage  au  roi  des  Pays-Bas,  Guil- 
laume 1er,  et  qui  fut,  par  ordre  de  ce 
souverain,  placé  dans  la  bibliothèque 
publique  de  Tournai.  En  1820,  il 
envoya  à  l'exposition  à  Gand  une  statue 


de  Bacchus,  qui  révélait  ses  persévé- 
rante? études  et  justifiait  la  distinction 
de  membre  de  la  Société  royale  de  littéra- 
ture et  des  beaux-arts,  qui  avait  été  ac- 
cordée, dans  la  même  aHIc,  à  l'artiste. 

F.  Slappaerts. 

ncwornif  [Gilles),  guerrier  intré- 
pide, né,  d'après  un  annotateur  de 
Van  Gestel,  à  Wamont,  près  de  Landen, 
Oli  son  nom  ne  se  rencontre  cependant 
pas  dans  les  registres  des  baptêmes, 
mort  très-àgé  le  7  octobre  17-46.  Du- 
moulin combattit  d'abord  dans  les  armées 
espagnoles  contre  le  roi  Louis  XIV  et 
acqiiit  la  réputation  d'un  officier  aussi 
entreprenant  que  courageux.  Lorsque 
les  Pays-Bas  catholiques  passèrent  à 
Philippe  V,  duc  d'Anjou,  petit-fils  du 
monarque  français,  Dumoulin  fut  l'un 
des  chefs  de  partisans  qui  firent  le  plus 
de  mal  aux  armées  alliées.  Aussi  s  éleva- 
t-il  à  une  position  très-honorable  dans 
la  hiérarchie  militaire.  D'abord  simple 
commandant  d'une  compagnie  franche 
de  dragons,  qu'il  leva  en  170-1,  il 
devint  successivement  :  en  1707,  lieute- 
nant-colonel; en  1709,  maître  de  camp, 
et  enfin,  le  15  mai  1722,  brigadier  de 
dragons.  Après  que  la  victoire  de  Ea- 
millies  eut  dépouillé  Philippe  V  de  la 
majeure  partie  de  nos  provinces,  Du- 
moulin prit  rang  dans  l'armée  française; 
il  fut  créé  chevalier  de  l'ordre  de  Saint- 
Louis  et  forma  encore,  en  1726,  une 
compagnie  franche,  dans  laquelle  son 
fils  (jilles-Guibert  entra  comme  premier 
lieutenant. 

Le  nom  de  Dumoulin  a  acquis  qiielque 
notoriété  par  le  coup  de  main  qu'il 
tenta  sur  Louvain,  pendant  la  nuit  du 
5  août  1710,  à  la  tête  de  150  dragons 
et  de  200  fantassins.  La  célèbre  ville 
universitaire  se  trouvait  sans  garnison, 
mais  elle  avait  pour  premier  bourgmestre 
un  homme  d'une  énergie  peu  commune, 
.Jean-.Iacques  Van  de  Ven,  seigneur  de 
Piétrebais  et  de  Geet-Betz.  Après  avoir 
escaladé  les  remparts  près  du  Moulin 
de  fer  et  s'être  emparé  de  la  Vieille 
Porte  de  Bruxelles,  Dumoulin  s'avança 
jusqu'au  marché  ;  mais  il  ne  réussit  pas 
à  intimider  les  bourgeois,  qui  se  réuni- 


313 


DUMOULIN  —  DU  PLOUY 


314 


rent,  au  son  du  tocsin,  sous  la  direction 
de  Vau  de  V'eu,  attaquèrent  les  assail- 
lants et  les  mirent  dans  une  déroute 
complète.  C'est  en  récompense  de  ce 
fait  d'armes  queles  Louvanistes  reçurent 
de  Charles  d'Autriche,  depuis  empereur 
sous  le  nom  de  Charles  VI,  une  magni- 
fique clef  d'or,  qui  est  encore  conservée 
à  l'hôtel  de  ville.  Van  de  Ven  fut  créé 
vicomte  de  Louvain. 

Dumoulin  continua,  pendant  plu- 
sieurs années,  à  inquiéter  par  ses  incur- 
sions la  partie  du  Brabant  voisine  de 
la  Petite  Gette,  où  il  était  né,  où  il 
avait  des  propriétés  et  où  il  se  créa 
de  nombreux  adhérents,  notamment  à 
Orp-le-Petit,  en  intervenant  dans  une 
querelle  qui  s'était  engagée  entre  les 
habitants  de  ce  village  et  le  seigneur 
M.  de  Villers,  au  sujet  de  quelques 
prairies  que  les  premiers  soutenaient 
être  communales.  En  1711,  il  fit  arrêter 
à  Orp  M.  de  Marneffe,  l'un  des  amis  de 
M.  de  Villers,  et  le  fit  conduire  à 
Namur,  où  le  prisonnier  fut  accablé  de 
menaces  et  aurait  peut-être  péri,  si  le 
roi  de  France  ne  l'avait  fait  relâcher. 

Dumoulin  devint  peu  de  temps  après 
propriétaire  du  château  d'Orp-le-Petit, 
qui  appartient  encore  à  sa  famille  et  qui 
a  conservé  l'aspect  d'un  manoir  seigneu- 
rial du  xviie  siècle,  avec  ses  tourelles, 
ses  fenêtres  à  meneaux  croisés,  ses 
pignons  à  angles  sortants  et  rentrants. 
On  l'appelle  actuellement  la  Grande 
Censé.  Dumoulin  s'était  allié  à  Cathe- 
rine-Pétronille  Malcorps.  11  laissa  tous 
ses  biens  à  son  fils  (iilles-Guibert,  qui 
fut  capitaine  au  service  de  France,  et 
ne  légua  ([ue  200  florins  de  rente  à  sa 
fille  Dieud. -Catherine,  parce  qu'elle 
avait  épousé,  contre  son  gré,  un  capi- 
taine de  flragons  réformé,  nommé  Jean 

Marchai.  Alphonse  Waul.-r<. 

Tiirlinr  et  Waulcrs,  La   Uel<j  que  ancienne  et 
ttioderne   caiiloii  de  Jodoigiie,  p.  I5D  cl  iJîS8. 

iiuiioUTiKit  (Godefroid),  peintre 
portraitiste,  né  à  Douai  (ancienne  Flan- 
dre), exerçait  son  art  pendant  la  pre- 
mière moitié  du  xvii»'  siècle.  Il  a  gravé 
sur  bois  et  sur  cuivre;  on  connaît  no- 
tamment de  lui  une  planche  burinée, 
(le  format  in-4o,  signée  :  A.  Du  M.  Dua- 


ceuais  inv.  etfecit  liomœ,  et  représentant 
l'ambassadeur  marquis  de  Weeth.  Les 
biographes  ne  fournissent  aucun  détail 
sur  la  vie  de  notre  artiste.  On  voit 
cependant  par  l'inscription  de  la  planclie 
qui  vient  d'être  citée  qu'il  vécut  quelque 
temps  à  Eome  et,  dès  lors,  il  n'y  a  rien 
d'invraisemblable  à  supposer  qu'il  ap- 
partenait à  la  famille  de  Dumoustier  ou 
Dumontier  (comme  on  l'écrivait  indiffé- 
remment), dont  plusieurs  membres  se 
rendirent  en  Italie  et  s'y  distinguèrent, 
ainsi  que  le  rapporte  Félibien,  par  la 
bonne  exécution  de  leurs  portraits. 

F.  StappaiMis. 

Bl'iw  (  Pierre  -  Jean  -  Charles  va.iî  ) , 
écrivain  ecclésiastique,  né  à  Anvers  le 
11  août  17-15,  et  décédé  dans  la  même 
ville  le  30  avril  1824,  entra  dans  la 
compagnie  de  Jésus  à  l'âge  de  dix-huit 
ans  et  enseigna  les  humanités  successi- 
vement à  Anvers  et  à  Malines  jusqu'à  la 
suppression  de  la  compagnie.  Il  se  retira 
ensuite  à  Anvers,  où  il  fut  ordonné  prê- 
tre et  s'appliqua  surtout  au  ministère 
de  la  prédication.  On  a  de  lui  :  Leerrede- 
nen  op  de  zondagen  van  het  jaer.  T'Ant- 
werpen,  T.  J.  Janssens,  1825-1838, 
8  vol.  in- 8°.  Cet  ouvrage,  publié  après 
la  mort  de  l'auteur  par  l'abbé  Buelens, 
est  un  recueil  de  sermons  sur  les  évan- 
giles des  dimanches  et  les  principales 
vérités  de  la  religion. 

E.-II.-J.   Ucnsens. 

De  ISackcr,  Diblinthvque  des  écrivains  de  la 
Cuniiiarjnie  de  Ji'xus,  éd.  in-fol.,  I,  col.  1083. 

DiJPAiii  {GuUlanme)  ou  Dupasius, 
poiae,  né  à  (îemljloux,  mort  en  1578, 
prit  l'habit  des  prémontrés  et  devint, 
en  1552,  abbé  de  Florelfe.  C'était  un 
philologue  instruit,  qui  se  fit  connaî- 
tre par  un  recueil  de  poésies  intitulé  : 
Foemata  sacra.  Leodii,  1577,  in-S'.  Il 
mourut  à  Liège,  où  il  s'était  retiré  pour 
fuir  les  calamités  de  la  guerre. 

Aiig.  Valider  Mcerscl;. 

iMipiiens,  Dibliotheca  bclijica,  t  I,  p.  397.  — 
l'iruii,  Lcvensheschrijvincj,  byvoegscl. 

uv  M.ODV  {Philippe),  écrivain  ecclé- 
siasti(|ue,  plus  connu  sous  le  nom  de 
CvPKiLN  DE  !Saintk-Makie,  ué  à  Dix- 
mude  vers  1580  ou  151)0  et  décédé  à 
Bruxelles  le  23  mars  1653,  entra  dans 


3iî 


DU  PLOUY  —  DUPONT 


316 


l'ordre  des  Carmes  déchaussés,  où  il  se 
fit  remarquer  par  ses  talents  pour  l'étude 
de  la  philosophie  et  de  la  théologie.  Il 
fut  chargé  successivement  d'enseigner 
ces  deux  sciences  aux  jeunes  religieux 
de  son  ordre.  Il  devint  plus  tard  maître 
des  novices,  puis  prieur  dans  divers 
couvents,  et  socius  ou  consulteur  d'un 
provincial  qui  se  rendait  à  un  chapitre 
général  de  l'ordre,  convoqué  à  Eome. 
Enfin,  de  retour  en  Belgique,  il  fut 
choisi  pour  confesseur  par  le  prince 
Charles  de  Lorraine,  et  continua  à  rési- 
der à  Bruxelles  après  la  mort  du  prince 
arrivée  en  1631.  On  a  de  lui  :  1»  T//e- 
saurus  Cannelitarum,  sive  confrater^iitatis 
sacri,  scapularis  excellentia.  Colonise , 
Bern.  Gualtherus,  1627;  vol.  in-12  de 
xxii-453  pages,  orné  d'un  titre  gravé. 
—  2o  Joseplms  TJieresia;  Jioc  est  modus 
colendi  S.  Joseph  jtuia  doctrinavii  et  exem- 
plum  S.  TJieresiœ.  Herbipoli,  E.  Zinet. 
1630  ;  vol.  in-12.  —  3o  Paquot  dit  qu'il 
composa  aussi  un  Tractatihs  de  exercitiis 
spiritiudibiis,  etc.,  manuscrit  qui,  après 
avoir  appartenu  à  la  mère  Elisabeth 
de  J.-C,  prieure  des  Carmélites  dé- 
chaussées d'Ypres,  passa  à  un  Carme 
déchaussé  d'Amiens,  nommé  Lucien  de 
Sainte-Marie,  qui  mourut  à  Charenton 
le  18  décembre  1661. 

E.-H.-J.  Reusens. 
Paquot,  Mémoires,  éd.  in  fol.,  111,  p.  161. 

Di'POXT  {Henri-Benis) ,  musicien 
distingué^  naquit  à  Liège  en  1660  ;  il  y 
mourut  le  1"  septembre  1727.  Admis 
fort  jeune  parmi  les  choraux  ou  enfants 
de  chœur  de  la  célèbre  cathédrale  de 
Saint-Lambert,  il  fut  successivement 
élève  du  chanoine  Pietkin,  chef  de  cette 
maîtrise,  puis  de  son  adjoint  le  bénéfi- 
cier Pierre  Lamalle,  et  reçut  des  leçons 
d'orgue  de  Guillaume  Delexhy,  habile 
organiste  de  cette  église.  En  1680, 
celui-ci,  qui  commençait  à  sentir  le  poids 
de  l'âge  et  des  infirmités,  voulut  pren- 
dre sa  retraite.  Le  chapitre  mit  la  phice 
au  concours.  Dupont,  malgré  ses  loua- 
bles efforts,  se  vit  préférer  Mathias 
Oottire.  Cinq  ans  après,  la  place  rede- 
vint vacante  par  le  décès  subit  du  titu- 
laire. Pans  le  nouveau  concours  qui 
s'ensuivit,   Dupont  l'emporta  sur  tous 


ses  conciu'rents  (26  janvier  1685). 
Tingt-huit  ans  plus  tard,  la  maîtrise 
perdit  son  maître  habile,  Pierre  La- 
malle, et  Dupont  lui  succéda  sans  oppo- 
sition. A  son  tour,  il  dirigea  les  études 
des  jeunes  choraux,  et  notamment  celles 
de  Jean-Xoël  Hamal,  qui  fut  tout  à  la 
fois  excellent  compositeur  pour  la  scène 
et  pour  l'église. 

D'abord  simple  bénéficier,  puis,  en 
1702,  doté  d'une  prébende  de  chanoine 
impérial,  Dupont  était  un  lettré  et  avait 
la  réputation  d'être  très-versé  dans  la 
théologie.  Il  collectionnait  non-seule- 
ment des  œuvres  musicales,  mais  des 
livres.  Il  légua  sa  curieuse  bibliothèque 
à  ses  neveux,  mais  en  leur  «  défendant 
expressément  d'en  faire  aucune  vendi- 
tion  ni  publique,  ni  particulière  « .  Ce- 
pendant ses  propres  œuvres  furent  ra- 
chetées, pour  la  somme  de  trente  pis- 
toles,  par  le  chapitre  cathédral,  qui  les 
fit  déposer  dans  sa  bibliothèque  musi- 
cale. Selon  le  désir  qu'il  en  avait  ex- 
primé à  son  lit  de  mort,  notre  artiste 
fut  inhumé  dans  la  chapelle  dite  des 
Flamands,  à  la  cathédrale,  à  côté  de  ses 
deux  amis  les  chanoines  de  Gramme  et 
Eansotte  qui  l'avaient  précédé  dans  la 
tombe. 

Yoici  la  liste  succincte,  et  très-incom- 
plète sans  doute,  des  productions  de 
Dupont  :  lo  Des  Hépotis  en  contre-point 
ponr  les  principales  fêtes  de  Vannée,  à 
quatre  parties  et  avec  basse  continue  ; — 
2°  les  Grandes  Antie7ines  0 pour  VAvent, 
à  quatre  voix,  idem;  —  3»  plusieurs 
Messes  solennelles,  avec  orchestre  ;  — ' 
4»  plusieurs  J/o^é'^5,  idem;  —  5"  plu- 
sieurs Messes  des  morts,  idem  ;  —  et 
enfin,  6o  un  Te  Deiivi  pro  Tnrcarum 
destrnctione,  également  avec  orchestre," 
qui  fut  exécuté  à  la  cathédrale  de  Liège 
le  26  décembre  1717,  pour  célébrer  la 
victoire  que  le  prince  Eugène  avait  rem- 
portée sur  les  Turcs  devant  Belgrade, 
au  mois  d'août  précédent.  De  ces  divers 
ouvrages,  on  ne  possède  plus  aiijour- 
d'hui  que  quelques-uns  des  Répons  et 
les  Antiennes  de  VAtent.  j,.  jcrry. 

Registres  aux  Décrets  et  ordotniances  de  la 
Cathédrale  de  Liège.  —  Renseignements  parti- 
culiers. 


317 


DUPONT 


318 


DUPONT     {Jacques)     ou    PoXTANUS, 

théologien,  né  à  Hermalle  en  1604, 
mort  le  1er  juin  1668.  Il  fit  sa  philoso- 
phie à  Louvain,  et,  api'ès  avoir  étudié 
six  ans,  fut  nommé  professeur  au  collège 
du  Faucon,  tout  en  enseignant,  en  même 
temps,  la  théologie  à  l'abbaye  de  Parcq. 
En  1638,  il  devint  censeur  des  livres  à 
Louvain  et,  en  cette  qualité,  approuva 
avec  beaucoup  d'éloges  V Augristinus  de 
Jansenius,  ce  qui  lui  suscita  de  nom- 
breuses difficultés  quand  il  voulut  en- 
trer dans  la  régence  de  la  faculté  de 
théologie.  On  craignit  qu'il  n'y  soutînt 
la  doctrine  de  l'évêque  d'Ypres.  Dupont 
s'en  excusa  en  déclarant  qu'il  n'avait 
approuvé  cet  ouvrage  qu'à  cause  de  la 
grande  réputation  des  éditeurs,  mais 
qu'il  était  loin  d'en  adopter  la  doctrine. 
Les  docteurs  ne  se  contentèrent  pas  de 
cette  simple  déclaration  verbale,  ils  lui 
imposèrent  l'obligation  de  signer  sept 
articles  de  foi.  Ce  qui  lui  valut  momen- 
tanément du  repos. 

Pontanus  fut  successivement  doyen 
du  chapitre  de  Saint-Pierre  de  Louvain, 
président  du  collège  de  Viglius  et  de 
Craeneudonck  et  recteur  de  l'université 
en  1645  et  1658.  Il  fit  cependant  encore 
suspecter,  plus  tard,  la  sincérité  de  sa 
déclaration,  en  approuvant  difl:érents 
livres  publiés  pour  la  défense  de  Janse- 
nius, ainsi  que  la  fameuse  version  du 
Nouveau  Testament  de  Mons;  il  en  ré- 
sulta que  l'archiduc  Léopold,  gouver- 
neur des  Pays-Bas ,  d'accord  avec  le 
nonce,  le  suspendit  de  ses  fonctions. 

On  a  de  lui  :  Laudatlo  ftinebris  Jonn- 
nis  3Iam,  monasterii  Parcensis  aùbalii. 
Lovanii,  1648,  in- 12. 

Aup.  Vandur  Moerscli. 

Paquot,  Mémoires  Uuéraires,  t.  II,  p.  259  — 
Bccilelièvre,  Biographie  liégeoise,  t.  Il,  p.  ^08. 
—  Delvenne,  Biographie  des  Pays-Bas. 

DUPO^'T  (Paul)  ou  PoxTius,  nom 
latinisé  sous  lequel  il  est  le  plus  géné- 
ralement connu.  Dessinateur  et  graveur 
au  burin  ou  en  taille  -  douce ,  un  des 
plus  célèbres  qu'ait  produits  le  xviie  siè- 
cle, dit  Fr.  Basan  {Dictiomiaire  des  gra- 
veurs, 1789);  il  est  né  à  Anvers  vers 
1596,   selon  Huber  et  Rost;  en  1600 


selon  Immerseel,  mais  en  1603,  d'après 
l'inscription  de  son  portrait  gravé  et 
publié  par  Jean  Meyssens,  en  1649,  puis 
par  Corn.  De  Bie  en  1662, deux  contem- 
porains. On  ignore  aussi  l'année  précise 
de  son  décès. 

Elève,    pour    la   gravure,    de   Lucas 
Vorsterman,    on  le    compte,   avec  son 
maître  et  les  Bolswert,  parmi  les  gra- 
veurs  de  l'œuvre  de  P. -P.  Kubens  qui 
s'approprièrent  le  mieux  le  sentiment  et 
la  manière  du  rénovateur  de  l'école  fla- 
mande. Le  grand  peintre  concourut  par 
ses  conseils  à  élever  l'artiste  qu'il  avait 
pris  en  affection  au   haut   degré  d'ha- 
bileté  où   il  parvint  dans  la   pratique 
de  son  art,  et  dans  la  reproduction  des 
tableaux  de  divers  maîtres,  tels  que  Van 
Dyck,   Jordaens,   Le    Titien,   Gouzales 
Coques,   De  Crayer,  Diego  Velasquez, 
Erasme  Quellin,  Jean  van  Hoeck,  etc. 
Paul  Pontius,  disent  Huber  et   Rost 
(dans  leur   Manuel  des  curieux  et  des 
amateurs  de  Vart,  1801),  a  joint  à   la 
précision  du  dessin,  du   caractère  et  de 
l'expression   des  figures,   le    talent    de 
faire  passer  dans  ses  gravures  la  magie 
du  clair-obscur  et  l'harmonie  qui  régnait 
dans  les  œuvres  qu'il  grava  d'un  burin 
savant,  souple,  agréable   et   parfois  vi- 
goureux. «  A   Rubens  était  réservé   la 
gloire  de  rendre  les  graveurs  peintres,  « 
dit,  à  son  tour,  F.  E.  Joubert.  Toutes 
ces  qualités  sont  réunies  dans  les  plan- 
ches exécutées  par  Pontius  d'après  Ru- 
bens, et  dont  plusieurs  furent  terminées 
sous  les  yeux  du  peintre.  La  plupart  de 
ses  estampes  historiques  méritent  l'ad- 
miration des  connaisseurs.  Telles  sont, 
d'après  Rubens  :  le  Christ  mort,  sur  les 
genoux  de  sa  mère,  gravé  en  1618;  Su- 
zanne surprise  au  hain,  1624  ;  Y  Assomp- 
tion, 1624;  la  Descente  du  Saint  Esprit, 
1627;   le    Christ  dit  au  coup  de  poing, 
belle   pièce,     1631;    le   Portement    de 
Croix,  1632;  toutes  de  format  in  folio 
et  gr.   in-folio  ;  la  Présentation  au  tem- 
ple, belle  pièce  de  1638,  gr.  in-fol.;  le 
Massacre  des  Innocents,  planche  capitale, 
1643,  en  deux   feuilles  très  gr.  in-fol.; 
Saint  Roch  et  Jésus  Christ  {Eris  in  peste- 
paironns),  estampe  gr.  in-fol.,  exécutée 
en  1626,  d'après  un  des  chefs-d'œuvre 


319 


DLPONT 


320 


du  peintre  (à  la  galerie  du  Louvre,  à 
Paris)  est  réputée  le  clief-d'œu\re  du 
graveur.  On  indique  comme  kakes  :  le 
Combat  de  V Esprit  contre  la  Chair,  in-fo, 
et  la  V'itrije  présentant  le  sein  à  V enfant 
Jésus;  comme  trï:s-kares,  deux  thèses 
allégoriques  :  Saint  François  portant  trois 
ijlohes  sur  lesquels  est  assise  la  Vierge, 
grande  pièce  en  travers,  et  la  Dispute  de 
Keptune  et  de  Minerve,  thèse  philosophi- 
que soutenue  à  Douai  en  1636  et  dédiée 
au  pape  Urbain  YIII,  gr .  in  fol .  en  haut. 
Enfin,  Tomiris  faisant  plonger  la  tête  de 
Cyrus  dans  un  hassin  de  sang,  moyenne 
planche  en  hauteur,  dont  l'exécution  ne 
le  cède  point  au  Saint  Rocli.  —  Parmi 
les  sujets  reproduits  d'après  d'autres 
peintres,  on  distingue  :  la  Fête  des  Rois, 
dite  le  Roi  boit,  remarquable  gravure 
gr.  in-fol.  en  largeur,  d'après  Jacques 
Jordaens,  et  la  Faite  en  Egypte;  puis  la 
Vierge  et  V Enfant  Jésus,  in-fol.,  V Ado- 
ration des  Rois,  in-fol..  Saint  François- 
Xavier  et  Saint  Sébastien,  gr.  in  fol.,  de 
Gérard  Seghers;  le  Christ  mort  et  Sainte 
Rosalie  couronnée  par  V Enfant  Jésus,  de 
A.  van  Dyck,  deux  pi.  en  hauteur;  le 
Christ  au  tombeau,  par  le  Titien,  grand 
in-folio. 

On  n'estime  pas  moins  les  nombreux 
portraits  dus  au  burin  de  Paul  Pontius 
d'après  Eubens  et  Vau  Dyck,  ainsi  que 
ceux  d'après  Anselme  van  Huile  et  ses 
propres  dessins.  La  plupart  sont  très- 
bien  réussis,  les  caractères  et  les  expres- 
sions de  physionomie  sont  fort  exactement 
rendus.  On  cite,  d'après  Eubens  :  le 
portrait  même  du  grand  peintre,  1630, 
in-fol.;  Philippe  IV  et  Elisabeth  de 
Bourbon,  roi  et  reine  d'Espagne,  1632, 
tous  deux  en  grand  in -folio;  Elisabeth- 
Claire  Eugénie,  infante,  et  Ferdinand, 
prince  cardinal  infant,  à  cheval,  grand 
in  fol.;  Gaspard  Gusvian,  duc  d'Oliva- 
rez,  superbe  estampe,  reproduction  de 
la  copie,  faite  par  Eubens,  de  l'original 
de  Velasquez;  Christoval  de  Castel  Ro- 
drigo, pièce  belle  et  rare;  Manuel  de 
Moura  de  Cortereal  de  Castel  Rodrigo, 
et  Donade  Castel  Rodrigo,  sa  mère,  deux 
portraits  également  distingués  et  d'une 
grande  rareté.  —  D'après  Van  Dyck, 
on  en  compte  quarante-deux,  iu-4u  et 


in-fol.,  qui  ont  été  gravés  pour  le  re- 
cueil de  Jean  Meysseus  :  Images  de  diverti 
hommes  d'esprit  subliine,  qui,  par  hur 
art  et  science,  debcront  vivre  éternelle- 
ment, etc.,  à  Anvers, en  1649,  ou  publiés 
dans  le  Gidden  Cabinet  de  Corn.  De  Bie, 
Anvers,  1662,  ou  bien  ont  paru  sous  le 
titre  :  Icônes  principum,  virorum  docto- 
rum,  calcographorum,  statuariorum,  etc. 
a  VAN  Dyck  ad  vivum  expresses.  Sont  à 
mentionner  :  P.- P.  Rubetis,  Gaspard  De 
Crayer,  Th.  Rombauts,  Gérard  Hont- 
horst,  Gérard  Seghers,  Henri  van  Balen, 
Abraham  van  Diepenbeek  et  Gonzales 
Coques;  Gustave -Adolphe,  roi  de  Suède, 
Marie  de  Médicis,  reine  de  France,  et 
Jea7t  de  Nassau;  Don  Alvarez  de  Santa 
Cruz,  gouverneur  des  Pays-Bas,  Don 
Carlos  de  Colonna  et  Don  Diego  de  Gus- 
man,  généraux  espagnols,  le  Marquis  de 
Leganez,  gravures  admirables,  et  Marie 
d'Arenberg,  in-folio;  Frédéric  -  Henri  , 
prince  d'Orange,  fet  François  de  Savoie, 
prince  de  Carignan,  gr.  in-fol.  Dans  la 
collection  du  peintre  gantois  Anselme 
A^an  Huile,  reproduisant  ses  portraits 
des  plénipotentiaires  du  Congrès  d'Os- 
nabruck  et  de  Munster  (Paix  de  AYest- 
phalie),  qu'il  fit  graver  par  les  prin- 
cipaux artistes  flamands  et  paraître  en 
partie    dès    1.648  ,    à   Anvers    :    Pacis 

ANTESIGXANI,   sive  icones  legatoî'um 

ad  pacem  universalem   comstUuendam 

magna  studio  ad  vivam  expressae,  puis 
continuer  en  1649-1658,  et,  enfin, 
qui  virent  le  jour,  eu  collection  com- 
plète, à  Eotterdam,  en  1697,  titre  ainsi 
modifié  :  Pacificaïores  orbis  chris- 
TiANi,  sive  icones  principum,  ducum  et 
legatorum  qxii  Monasterii  atque  Osnabrnga 
pacem  Europœ  reconcïliarunt,  quos  singu- 
los  ad  nativani.  imaginem  expressit  A.  van 
Huile,  celsissimi  pri^icipis  auriaci  dum 
viveret pictor ,  optimorum  artijîcium  dex- 
teritate  cxxxj  tabulis  ceneis  incisa,  riunc 
demum  post  v  ri  illustris  mortem  in  lucem 
editce,  etc.,  Paul  Pontius  a  exécute  les 
quatre  portraits  in-folio  piano  placés  en 
tête  du  recueil  :  Ferdinand  III ,  empereur 
desEomains,  /'/^////^y;^//^,  roi  d'Espagne, 
Louis  XIV,  roi  de  France,  et  la  Reine 
Christine.  On  y  rencontre  de  Pontius 
une  autre  planche  également  remarqua- 


321 


DUPONT  —  DUPRET 


322 


ble  :  le  plénipotentiaire   Ahcl  Servien, 
comte  de  la  Pioclie  des  Anbins. 

Deux  portraits  de  Ferdinand  d'' Autri- 
che, ovales  de  même  grandeur,  en  re- 
gard, sont  gravés  l'un  par  Paul  Pontius, 
l'autre  par  Crispin  Queborne  :  ils  sont 
si  semblables  ,  qu'ils  paraissent  être 
Pépreuve  et  la  contre-épreuve.  —  On  re- 
marque aussi  les  portraits  de  Rubens  et 
de  Van  Byclc,  dans  un  cartouctie,  grand 
sujet  historié,  en  largeur;  rare.  A.  Van 
T>yck,  faciès  pinxii  ;  Erasme  Quellin, 
delineacit  ;  Paul  Pontius, /rtc^'es  sculpùt. 
L'œuvre  de  Paul  Pontius  comprend 
cent  dix  planclies  :  Fortraits  d'après  Ru- 
bens 11;  d'après  Van  Dyck  43;  d'après 
d'autres  maîtres  et  ses  dessins  18;  — 
Sujets  historiques  :  d'après  Kubens,  21  ; 
d'après  d'autres  peintres,  18.  • — -  En 
1643,  il  grava  les  Marques  dHionneur  de 
la  maison  princière  de  Tassis.  C'est  à 
Ilubens,  au  dire  de  Joubert,  que  Lucas 
Vorsterman  et  son  élève  Paul  Pontius 
durent  cette  savante  et  adroite  combi- 
naison de  tailles,  qui  donne  à  chaque 
objet  son  expression  et  sa  valeur,  com- 
binaison inconnue  aux  graveurs  précé- 
dents, et  que  contrariait  le  grain  carré 
introduit  par  Blommaert. 

Ce  fut  Rubens  qui  porta  ainsi  la  gra- 
vure au  degré  de  perfection  où  elle 
est  parvenue  à  son  époque.  Plusieurs 
estampes  capitales  exécutées  par  les 
Bolswert,  Lucas  Vorsterman  et  Paul 
Pontius,  ont  été  copiées  par  d'autres 
graveurs,  et  quelques-unes  si  exacte- 
ment, qu'on  les  prend  très-souvent  pour 
des  exemplaires  tirés  sur  les  planches 
primitives.  «  Lorsque  ces  copies  sont 
Il  aussi  belles  que  les  originaux,  disent 
/'  Huber  et  Rost,  le  nom  du  graveur 
Il  n'y  fera  pas  une  grande  différence.  Il 
Il  en  est  autrement  de  ces  copies,  comme 
Il  de  ces  traductions  faites  d'après  des 
Il  traductions;  il  leur  manque  l'esprit 
Il  de  l'original,  et  la  crainte  de  s'en 
Il  écarter  imprime  à  la  planche  une  cer- 
II  taine  roideur.  C'est  ce  qui  arrive  à 
./  celles  de  François  Ragot  (habile  ar- 
II  tiste  de  l'école  française  du  xviie  siè- 
»  cle)  :  quelque  belles  que  paraissent, 
Il  à  la  première  inspection ,  ses  copies 
"   d'après  les  Bolswert,  Vorsterman   et 

UlOGIl.  KAT.  —   r.  VI. 


"  Pontius,  elles  perdent  une  partie  de 
"  leur  mérite  à  la  comparaison.  Mais  il 
"  faut  être  connaisseur  pour  ne  point 
"  s'y  tromper.  «  Tel  est  le  sentiment 
exprimé  par  Huber  et  Rost  dans  V Intro- 
duction de  leur  Manuel  des  curieux  et  des 
amateurs  de  l'art,  ouvrage  judicieux  et 
estimé. 

Le  portrait  du  célèbre  artiste  flamand 
a  été  plusieurs  fois  peint  et  gravé  :  par 
lui-même,  d'après  Van  Dyck,  et  aussi 
d'après  ce  peintre,  en  mezzo  tinto  par 
J.  Watson,  in-fol.;  dans  le  Gulden  Ca- 
binet de  Corn.  De  Bie,  par  P.  De  Jode, 
d'après  J.  Lievens,  in-é",  etc. 

Edm.  De  Busscher. 

J.-Fr.  Fo]ipens,  BibJiotheca  belr/ica,  catalorius 
virorum  illustrium,  1789.  —  Fr.  ISasan,  IJict.  des 
graveurs  anciens  et  modernes,  1789.  —  Huber  et 
Rost,  Manuel  des  curieux  et  des  amateurs  de 
l'art,  1797-1808.  —  F.-E.  Joubert,  Manuel  de 
l'amateur  d'estampes,  18-21.  —  Delvenne,  Biogra- 
phie des  Pays-Bas.  —  Immerseel  et  Kramm,  Le- 
vens  en  icerken  der  liotl.  en  vl.  Scliilders,  bcetd- 
houwer.i,  plaatsnijders,  cic,  1842-18(31. 

DVPRiST  (Victor  -  Anselme  -  Gaston), 
jurisconsulte,  successivement  magistrat 
et  professeur  de  droit,  naquit  à  Ath  le 
5  juillet  1807,  d'une  famille  d'honora- 
bles négociants.  Dès  son  enfance,  il  mon- 
tra d'heureuses  dispositions.  Des  suc- 
cès non  interrompus  dans  ses  études  lui 
firent  voter  une  rémunération  extraor- 
dinaire par  l'administration  communale 
d'Ath.  A  seize  ans,  il  avait  terminé  ses 
humanités,  etquatreansplus  tard  (1837), 
l'université  de  Gand  lui  conférait  le 
grade  de  docteur  en  droit.  La  connais- 
sance de  la  langue  hollandaise  était,  à 
cette  époque,  une  condition  sine  qua  non, 
de  l'admissibilité  aux  fonctions  publi- 
ques ;  deux  années  de  séjour  à  La  tlaye 
mi^'ent  Dupret  à  môme  de  satisfaire  à 
cette  exigence  du  programme  officiel. 

La  révolution  de  1830  trouva  Dupret 
cà  Anvers  où  il  remplissait  les  fonctions 
de  secrétaire  du  parquet.  Lors  de  la 
réorganisation  des  tribunaux  belges  (no- 
vembre 1830),  il  fut  envoyé  à  Louvain, 
comme  substitut  du  commissaire  du 
gouvernement  (procureur  du  roi),  et 
deux  ans  plus  tard,  il  remplissait  les 
mêmes  fonctions  près  le  tribunal  de 
Gand.  C'est  là  que,  pour  la  première 
fois,  il  trouva  l'occasion  de  montrer  son 

11 


3-2:î 


DUPRET 


324 


aptitude  comme  jurisconsulte.  Attaché  à 
la  chambre  civile  de  l'un  des  tribunaux 
les  plus  importants  du  pays,  il  eut  à 
traiter  plusieurs  questions  délicates  de 
droit  civil.  Les  réquisitoires  qu'il  fit 
dans  ces  circonstances  révèlent  déjà  le 
jugement  solide  et  la  sagacité  dont  il 
donna  plus  tard  des  preuves  si  remar- 
quables. 

En  1834,  une  place  d'avocat  général 
étant  devenue  vacante  à  la  cour  d'appel 
de  Gand,  Dupret  fut  présenté,  en  pre- 
mière ligne,  pour  l'occuper.  Cette  pro- 
position n'eut  pas  de  suite,  uniquement 
à  cause  du  jeune  âge  du  candidat;  aussi 
trois  mois  plus  tard,  le  ministre  de  la 
justice  offrait-il  à  Dupret,  comme  dé- 
dommagement, la  place  de  procureur 
du  roi  à  Courtrai  ;  cette  offre  était  faite 
en  ternies  trop  flatteurs,  pour  pouvoir 
être  refusée. 

Cependant,  la  loi  du  23  septembre 
1835  venait  de  réorganiser  l'enseigne- 
ment supérieur.  Parmi  les  professeurs 
qui  furent  attachés  à  la  faculté  de  droit 
de  l'université  de  Liège,  se  trouvait 
Dupret.  Il  avait  été  désigné  au«choix 
du  gouvernement  par  le  ministre  de  la 
justice,  M.  X.  Ernst.  Dès  son  début,  le 
jeune  professeur,  chargé  du  cours  de 
droit  civil  approfondi,  emporta  tous  les 
suffrages  de  son  auditoire.  Il  réunissait, 
en  effet,  à  un  haut  degré,  les  qualités 
qui  distinguent  le  bon  professeur  :  esprit 
clair  et  méthodique,  élocution  sobre  et 
facile. 

Jusque-là,  Dupret  n'avait  vu  le  droit 
que  dans  son  application  immédiate  aux 
besoins  de  la  vie  civile;  les  études 
qu'exigeait  sa  nouvelle  profession  élar- 
girent le  cercle  de  ses  idées;  il  sentit  le 
besoin  de  remonter  aux  origines  loin- 
taines du  code,  afin  d'en  mieux  con- 
naître l'esprit,  et  désormais  l'école  histo- 
rique du  droit  le  compta  au  nombre  de 
ses  adeptes. 

Pendant  l'année  académique  18-11- 
18+2,  Dupret  fut  recteur  de  l'univer- 
sité de  Liège.  L'année  suivante,  il  reçut 
de  ses  collègues  un  témoignage  écla- 
tant de  sympathie.  Le  chef  d'une  uni- 
versité libre  lui  ayant  fait  offrir  une 
chaire  dans  son  établissement,   à  des 


conditions  avantageuses,  le  conseil  aca- 
démique se  réunit  et  fit  consigner  sur  les 
procès-verbaux  de  ses  séances  la  décla- 
ration suivante  :  «  Le  corps  académique 
»  a  le  plus  vif  intérêt  de  conserver  un 
H  professeur  dont  toutes  les  qualités 
Il  sont  faites  pour  honorer  la  compagnie 
"  à  laquelle  il  appartient,  et  dont  la 
Il  perte  serait  considérée  comme  une 
»  calamité  universitaire  « .  (Froc.  verb. 
de  la  séance  du  29  juillet  1843.)  En 
même  temps,  il  chargeait  une  commission 
de  se  rendre  à  Bruxelles,  pour  supplier 
le  ministre  de  l'intérieur  (M.  J.-B.  Xo- 
thomb)  "  d'employer  les  moyens  que  la 
»  loi  met  à  sa  disposition,  afin  d'en- 
»  gager  Dupret  à  conserver  la  chaire 
«  qu'il  occupe  à  l'université  de  Liège 
Il  et  qu'il  honore  par  toutes  les  qualités 
Il  de  l'homme,  du  citoyen  et  du  profes- 
u   seur  " . 

Les  vœux  de  l'université  furent  écou- 
tés. Le  gouvernement  accorda  à  Dupret 
les  avantages  pécuniaires  et  la  distinc- 
tion honorifique  que  la  loi  permettait 
de  lui  offrir.  L"n  premier  arrêté  éleva 
son  traitement  au  maximum  légal,  et 
bientôt  après,  la  croix  de  chevalier  de 
l'ordre  de  Léopold  lui  fut  donnée  comme 
marque  publique  de  la  satisfaction  de  Sa 
Majesté.  {Arr.  roy.  du  2^  décembre  1 843 .) 

Dans  d'autres  circonstances,  I)upret 
fut  sollicité  d'abandonner  la  carrière  de 
l'enseignement.  Deux  fois  ses  conci- 
toyens du  Hainaut  lui  offrirent  un  man- 
dat à  la  chambre  des  représentants  : 
deux  fois  il  refusa,  par  attachement 
pour  l'université  autant  que  par  mo- 
destie. 

A  peine  âgé  de  trente-huit  ans,  Du- 
pret était  arrivé  à  l'une  des  positions 
les  plus  élevées  que  puisse  ambitionner 
un  fonctionnaire  public,  et  la  fortune 
semblait  lui  promettre  ses  faveurs  pour 
un  grand  nombre  d'années  encore.  Cet 
espoir  fut  cruellement  déçu.  Des  cha- 
grins domestiques  réveillèrent  une  an- 
cienne maladie  nerveuse  qui  se  mani- 
festa, dès  le  principe,  par  les  symptômes 
les  plus  alarmants.  Au  mois  de  février 
184 S,  il  fut  oblige  de  suspendre  son 
cours  et  trois  ans  plus  tard,  le  5  mai 
1  8.51,  il  expirait  à  Gand,  dans  la  maison 


32S 


DUPRET  -  DU  PUYS 


3^26 


de  santé  dirigée  par  le  professeur  Guis- 
lain. 

Duprel  n'a  pas  produit  tout  ce  qu'on 
ponvait  attendre  de  lui.  La  mort  l'a 
surpris  au  moment  où  il  allait  coor- 
donner et  résumer  les  travaux  de  sa 
double  carrière  judiciaire  et  professo- 
rale. Ses  principaux  titres  scientifiques 
—  les  réquisitoires  et  les  cahiers  de 
droit  civil  —  sont  restés  inédits. 

Ses  travaux  imprimés,  peu  nombreux, 
comprennent  : 

I.  Trois  dissertations  de  droit  civil, 
fort  remarquables,  insérées  dans  la 
Revue  du  droit  français  et  étranger,  pu- 
bliée' à  Paris,  par  MM.  Fœlix,  Va- 
lette et  DuvERGiER  (1844  à  1850, 
7  vol.  in- 8^)  : 

lo  De  la  déclaration  de  bâtardise  des 
enfants  de  V épouse  dans  le  cas  d'absence 
du  mari.  Il  s'agit  d'une  question  très- 
controversée,  celle  de  savoir  comment 
et  par  qui  peut  être  provoquée  la  décla- 
ration de  bâtardise  de  l'enfant  de 
l'épouse',  dans  le  cas  d'absence  du  mari. 

2°  En  droit  français,  le  tiers  déten- 
teur a-t-il  V excej)tion  Cedendarum 
ACTIONUM,  c'est-à-dire,  est-il  libéré  de 
faction  hypothécaire,  lorsque  le  cj'éancier 
a  rendu  impossible  sa  subrogation  aux 
droits  hypothécaires  qu'il  avait  sur  d'au- 
tres immeubles  pour  sûreté  de  la  même 
créance?  Cette  dissertation,  d'un  grand 
intérêt  pratique,  exigeait  l'examen  de 
deux  théories  fort  compliquées  :  la  théo- 
rie de  la  subrogation  et  de  ses  effets,  et 
celle  du  concours  des  hypothèques  gé- 
nérales et  des  hypothèques  spéciales. 

3o  De  la  modification  des  servitudes 
par  la  prescription.  Interprétation  de  l'ar- 
ticle 10S  du  code  civil. 

II.  Note  sur  le  sens  des  mots  :  Far 
contribution  axec  les  héritiers  naturels, 
dans  l'article  1013  du  code  civil.  (Dans 
la  Revue  du  droit  français,  tome  II, 
p.  881  sq.) 

Analyse  de  la  première  partie  du 
Traité  des  privilèges  et  hypothèqxies  par 
M.  Valette.  (Même  Revue,  tome  IV, 
p.  59,  sq.) 

lïl.  Note  sur  la  question  relative  à 
V  enseignement  du  droit  civil  élémentaire 
et  du  droit  civil  approfondi.  (Imprimé 


dans  les  Documents  de  la  chambre  des 
représentants,  comme  Annexe  au  rapport 
de  la  section  centrale,  sur  le  projet  de 
révision  de  la  loi  du  27  septembre  1835. 
(Session  de  1841-1842.) 

Rapport  sur  renseignement  du  droit 
civil  à  l'école  de  droit  de  Faris,  dans  les 
Annales  des  universités  de  Belgique, 
t.  III,  p.  1087  à  1110. 

Ce  rapport  a  été  adressé  au  ministre 
de  l'intérieur,  à  la  suite  d'un  voyage  à 
Paris  que  fit  Dupret,  par  ordre  du  gou- 
vernement, pour  y  étudier  l'organisation 
de  l'enseignement  du  droit  civil  à  l'école 
de  droit  de  cette  ville.  Il  y  est  question 
encore  de  la  ligne  de  démarcation  à 
établir  entre  l'enseignement  élémentaire 
et  l'enseignement  approfondi  du  droit 
civil  moderne.  g.  Nypeis. 

Kolice  sur  la  vie  et  lestravaiixdeV  -A.-G.  Du- 
pret,  lue  à  la  séance  du  conseil  académique  de 
l'université  de  Liège,  le  12  javnier  18o2,  par 
j.-S.-G.  Nypels,  Liège,  iSoiJ.  —  L'Uuiversiié  de 
Liège,  depuis  sa  fondation,  par  A.  Leroy,  Liège, 
•18(i9,  p  2t39.  —  Souvenirs  personnels. 

DIJPIJI!^  {Charles-Hyacinthe),  plus 
connu  sous  le  nom  de  Puteanus,  écri- 
vairT  ecclésiastique,  né  à  Bruxelles  en 
1596  et  décédé  dans  la  même  ville  le 
25  mars  1626,  entra  dans  l'ordre  de 
Saint-Dominique  au  couvent  de  sa  ville 
natale,  où  il  fit  profession  en  1614.  Il 
acquit,  en  peu  de  temps,  des  connais- 
sances très-variées  et  publia,  en  1623, 
l'ouvrage  suivant  :  Dissertationes  pa- 
lœstricœ-  de  Frovideutia  et  fato,  id  est 
suprema  Dei  lege:  quce  vnriis  adiuvantibus 
causis,  ordine,  loto,  tempore,  peragitur. 
BruxellîE,  Joannes  Pepermannus,  vol. 
in-49  de  vii-70  pages.  A  peine  âgé  de 
trente  ans,  le  P.   Dupuis  fut  enlevé  par 

la  mort.  E.  H.-J.  Ueusens. 

Quelif  et  Echard,  Scriptorcs  ordinis  Prœdica- 
torunt,  II,  p.  442. 

DUPUY  {II.),  polygraphe,  né  à  Ven- 
loo  (ancien  Limbourgj,  en  1574,  mort 
en  1646.  Voir  Vande  Pctte  {Erycius). 

BC  PBVS  (^ewî), historien,  qui  vivait 
aux  xve  xvic  siècles.  Les  détails  biogra- 
phiques qii'on  possède  sur  ce  person- 
nage sont  peu  étendus.  On  sait  qu'il 
fut  chroniqueur  ou  historiographe  de 
l'empereur  Maximilien  et  de  l'archiduc 


327 


DU  PUYS  —  DUQUESNOY 


328 


Charles,  ce  qui  couste  des  lettres  pa- 
tentes du  15  février  1511,  données  à 
Malines;  que  ce  fut  sur  la  proposition 
de  Marguerite  d'Autriche  qu'il  succéda, 
eu  cette  qualité,  à  Jehan  Le  Maire,  ap- 
pelé à  d'autres  fonctions.  On  mentionne 
une  lettre  de  recommandation  oii  il  est 
dit  que  Rémi  Du  Puys,  iudiciaire  et  his- 
toriographe de  l'archiduc  ,  va  suivre 
l'armée  ajin  de  tant  mieux  veoir,  scavoir 
et  entendre  toutes  choses  qui  se  y  feront  et 
rédi(jer  j)ar  e script.  Il  publia  les  deux 
ouvrages  suivants  :  La  triiimphante  et 
solemnelle  entrée  faicte  sur  le  nouvel  et 
joi/euLv  adtenement  du  très-hauU  et  très- 
puissant  et  très-excellent  prince,  monsieur 
Charles,  prince  des  Espaipies,  arcliiduc 
d' Austriche ,  etc. ,  en  sa  ville  de  Brnges 
Van  MDXV  le  ISe  jour  d'apvril  après 
Pasqiies.  Gilles  de  Courmont  (Paris, 
1515),  livre  de  39  feuillets  avec  32  plan- 
ches en  bois.  Par  mandement  de  Charles, 
roi  de  Castille,  etc..,  daté  de  Bruxelles, 
13  avril  1516,  ce  prince  ordonne  de 
payer  à  «  son  bien  aimé  iudiciaire  maître 
"  Kemi  du  Puys,  la  somme  de  ceut  cin- 
«  quante  livres  du  prix  de  quarante 
Il  gros  monnoie  de  Flandre  la  livre. 
Il  sans  préjudice  de  sa  pension  annuelle, 
Il  en  considération  des  bons  et  agréables 
Il  services  qu'il  a  ci -devant  faits  et 
Il  fait  journellement  au  fait  des  chroui- 
«  ques,  spécialement  en  récompense 
"  d'un  grand  livre  qu'il  a  composé  tou- 
«  chant  le  triomphe  de  la  ville  de  Bruges, 
Il  à  l'entrée  de  lui  Charles,  roi  de  Cas- 
II  tille.  "  Ce  livre  rarissime  est  le  plus 
ancien  de  ce  genre  que  l'on  ait  enrichi 
de  figures  et  le  premier  de  cette  belle  et 
nombreuse  série  d'ouvrages  illustrés, 
consacrés  à  la  description  de  nos  fêtes 
publiques  et  composés  par  les  hommes 
les  i^lus  recommandables  de  leur  temps. 
Il  en  existe  un  exemplaire  relié  avec  le 
second  ouvrage,  à  la  bibliothèque  royale 
de  Bruxelles  (fonds  Yan  llulthein).  Peu 
le  peintre  Paelinck  et  M.  Caprou  en 
possédaient  un  exemplaire;  le  premier 
a  été  vendu  en  1801,  neuf  cents  francs  à 
la  vente  Yander  Linde  et  acheté,  dit- 
on,  pour  un  bil)liophile  anglais.  Le  se- 
cond a  été  adjuge  à  un  libraire  de 
Londres,  pour  la  somme  de   neuf  cent 


soixante-quinze  francs,  sans  les  frais, 
quoiqu'il  fût  incomplet  :  trois  feuillets 
avaient  été  refaits.  Cet  ouvrage  a  été 
réimprimé  à  Bruges,  en  1850,  format 
grand  in  4o,  avec  trente  trois  planches. 
■ — •  2°  Les  exeques  et  pcmpe  funerale  de 
feu  deternelle  et  irès-i/loriiîise  mémoire 
Don  Fernande,  rcy  catholique,  faicte  et 
acompUe  en  lesglise  Saincte  -  Gotde  à 
Bruxelles,  le  vendredi  14  mars  1515, 
rédigé  et  escript  par  maistre  Bemy  Bu 
Puy,  son  très-humble  secrétaire,  iudiciaire 
et  historiographe ,  1  vol.  in-folio,  de 
2  2  feuillets ,  sans  lieu  ni  date ,  ca- 
ractères romains.  Extrêmement  rare  ; 
M.  Van  Praet,  le  savant  bibliophile,  en 
cite  un  exemplaire  imprimé  sur  vélin. 

Aug.  Vancler  Meersch. 

Fojipens,  Bibliotheca  belgica,  t.  II,  p.  -1065.  — 
Archives  du  iwrd  de  la  France,  nouvelle  série, 
t.  1,  p.  147.  —  Pinchait,  Archives  des  arts,  t.  1, 
p.  3 

DiiQiJESniOY  {Jérôme)  ou  Du  QuES- 
XOY,  le  Vieux,  sculpteur  et  architecte, 
à  Bruxelles,  en  renom  dès  la  fin  du 
xvie  siècle;  mort  vers  le  milieu  du  xviie, 
dans  cette  ville,  où  il  était  établi  et 
franc-maître  de  la  corporation  des  Qua- 
tre Co/fronnés,  comprenant  les  métiers 
des  maçons,  ardoisiers,  tailleurs  de 
pierre  et  tailleurs  d'images  (statuaires). 
La  plupart  des  biographes  et  des  auteurs 
qui  ont  traité  des  beaux-arts  en  Bel- 
gique, tels  que  G. -P.  Mensaert  (Le 
Beintre  amateur  et  curieux,  1763),  J.-B. 
Pescamps  {Voyage  pittoresque  dans  la 
Ilandre  et  le  Brabunt,  17GP),  P.-J.  Ma- 
riette [Abecedario  :  notes  sur  les  arts  et 
les  artistes,  manuscrit  publié  en  1851- 
1853),  etc.,  lui  donnent  le  prénom 
d'HEXRi,  interprétant  ainsi  la  majus- 
cule H  des  lettres  H.  D.,  signature  de 
certaines  de  ses  œuvres,  tandis  que  c'est 
l'initiale  de  son  prénom  Hamand  Hiero- 
nimus,  ou  Hierosme,  comme  on  le  trouve 
dans  des  actes  français.  Le  biographe 
italien  J.-P.  Bellori,  qui  écrivit  la  vie 
du  célèbre  François  Du  Quesnoy  {Fran- 
cesco  il  Fiamingo),  le  fils  aîné  de  Jérôme 
Du  Quesnoy  le  Vieux,  ne  s'y  est  point 
trompé.  iS'appuyant  sur  les  renseigne- 
ments que  ses  relations  avec  le  peintre 
français  Nicolas  Poussin,  l'ami  le  plus 


329 


DUQUESNOY 


330 


intime  du  sculpteur  flamand,  à  Eome, 
lui  fournirent^  il  n'a  point  commis  la 
méprise  que  des  écrivains  postérieurs  ont 
propagée.  Des  signatures  authentiques 
apposées  sur  des  documents  spéciaux, 
des  annotations  de  comptabilité  offi- 
cielle, etc.,  offrent,  d'ailleurs,  la  preuve 
irrécusable  de  leur  erreur.  Jérôme  Du 
Qnemoy  le  Vieux  se  maria  deux  fois  et 
eut  plusieurs  enfants.  Les  deux  aines  : 
François  et  Jérôme,  procréés  pendant 
son  premier  mariage,  suivirent  seuls  la 
carrière  artistique,  dans  laquelle  ils 
s'élevèrent  à  un  haut  degré  de  talent. 
Il  leur  donna  l'enseignement  jusqu'au 
moment  où  ils  eurent  acquis  la  pratique 
complète  de  l'art  qu'ils  avaient  embrassé , 
en  s'exerçant  sous  ses  yeux  et  coopé- 
rant à  ses  travaux.  Aussi,  leur  a-t-on 
attribué,  tantôt  à  l'un,  tantôt  à  l'autre, 
des  œuvres  auxquelles  ils  peuvent  avoir 
aidé,  en  apprentis,  et  qui  sont  évidem- 
ment à  restituer  à  leur  maître.  On 
cite,  notamment,  une  statue  de  -  la 
Justice,  faite  pour  la  chancellerie,  à 
Bruxelles;  un  Saint  Jean,  au  château 
ducal  de  Tervueren;  deux  figures  :  la 
Vérité  et  la  Justice,  en  pierre,  de  la 
façade  de  l'hôtel  de  ville  de  Hal  (Bra- 
bant)  ;  deux  Anges  au  portail  de  l'an- 
cienne église  des  .Jésuites,  à  Bruxelles. 
Pour  ce  qui  concerne  François  Du  Ques- 
noy,  il  est  reconnu  que  la  Belgique 
ne  possède  point  de  semblables  produits 
de  son  ciseau.  —  Un  beau  groupe  en 
pierre,  à  Bruxelles  :  Sainte  Anne  et  la 
Vierr/e,  longtemps  présumé  de  Jérôme 
Du  Quesnoy  le  père,  est  de  Jérôme 
Du  Quesnoy  le  fils. 

Une  œuvre  capitale  et  authentique 
du  sculpteur-architecte  existe  encore 
dans  le  chœur  de  l'église  jadis  collégiale 
de  Saint-Martin,  à  xVlost  (Flaiulre  orien- 
tale) :  c'est  une  tourelle  en  bois,  for- 
mant le  tabernacle  du  saint  Sacrement, 
d'un  style  très-élégant,  décoré  de  bas- 
reliefs  et  detariatides  aux  angles.  Les 
bas-reliefs  sont  remarcjuables  de  modelé 
et  d'exécution;  mais  les  figures  angu- 
laires, mal  restaurées,  au  xvriip  siècle, 
par  J.-F.  l'ennequin,  ont  perdu  leur 
caractère  primitif.  Cette  belle  construc- 
tion  a   remplacé   un  ancien   tabernacle 


en  pierre,  détruit  par  les  iconoclastes, 
lors  des  troubles  religieux  de  Flandre 
au  xvie  siècle,  ainsi  qu'il  conste  de 
l'inscription  méraorative  apposée  sur 
l'œuvre  de  Jérôme  Du  Quesnoy  le 
Vieux  :  Quod  furor  Jiereticcrum  diruit, 
hoc  senatus popidmqne  alostanus  restittiit. 
Ce  travail  fut  entrepris,  en  l'année  éche- 
vinale  1600-lGOl,  par  «  Jeronijius  du 
QuESXoy  "  pour  la  somme  de  quinze 
cents  florins,  majorée  de  trois  cents  flo- 
rins en  1604,  quand  l'ouvrage  fut  ter- 
miné, et  ce,  pour  les  améliorations 
apportées  au  modèle  primitivement 
adopté  par  le  magistrat  communal  et 
les  proviseurs  de  Saint-Martin  (1).  A  la 
même  époque,  Jérôme  Du  Quesnoy  le 
Fi>?<.r  s'engagea  à  construire  et  tailler  un 
pareil  tabernacle  pour  l'église  de  Saint- 
Jacques  sur  Caudenberg,  à  Bruxelles  : 
on  ignore  ce  qui  en  advint.  En  160.5,  il 
exécuta  pour  l'autel  de  la  corporation 
des  marchands  de  vin,  dans  l'église  de 
Saint-Nicolas,  deux  statues  en  bois  de 
chêne  :  Saint  Urbain,  en  costume  épisco- 
pal,  et  le  patriarche  Noé,  portant  à  la 
main  une  grappe  de  raisins,  auxquels  un 
bouc  s'efforçait  de  mordre.  Ces  statues, 
de  qiiatre  pieds  de  haut,  ne  coûtèrent 
que  vingt-cinq  florins  du  Ehin.  D'après 
un  inventaire  des  tableaux  et  statues  du 
prieuré  de  Terdonck  lez-Louvain,  il  y 
avait  dans  l'église  conventuel  le  deux 
statues  du  même  maître  sculpteur. 

Pour  l'ancien  palais  des  ducs  de  Bra- 
bant,  à  Bruxelles,  détruit  par  l'incendie 
de  1731,  il  sculpta,  vers  1604,  des  Te'tes 
de  sérap/iins,  qui  décorèrent  la  chambre 
des  archiducs  Albert  et  Isabelle;  puis, 
en  1613,  il  plaça  des  figures  en  ])ierre 
dans  la  grotte  du  labyrinthe,  au  jardin 
ducal.  Quelques  années  après,  il  donna 
le  dessin  d'une  fontaine  à  construire  sur 
l'ancien  Marché  aux  Poissons  (près  du 
Marché  aux  Herbes),  et  l'exécuta  en 
1617,  pour  la  somme  de  cent  florins  du 
Rhin,  le  magistrat  bruxellois  lui  four- 
nissant la  pierre  de  taille.  Vers  162:2, 


(1)  Comptes  de  la  ville  d'Alosi  rt  de  IVglise 
p;iriiissiiile  de  Saint-Maniii  :  KiUO-KiOo  m  (-e  la- 
lieniacle,  dit  F.-,I  De  Smel  :  Desci'ipiion  d'.tlost, 
(Si  un  vrai  chef-d'œuvre  d'arcliileclure  et  de 
si-ulpliire.  » 


331 


DUQUESNOY. 


332 


cette  fontaine  consistait  en  un  pilier, 
surmonté  de  la  statuette  dorée  de  saint 
Michel;  deux  daupliins  lançaient  l'eau, 
et  des  têtes  de  satyres  l'ornaient  ;  d'où 
elle  reçut  le  nom  de  fontaine  des  Satyres. 

Le  13  août  1619,  Jérôme  Du  Ques- 
noy  le  Vieux  fut  chargé  par  le  magistrat 
de  Bruxelles  d'exécuter,  pour  une  autre 
fontaine  de  cette  ville,  à  statuette  en 
pierre,  dite  le  Petit  Julien  {JuUaetikens), 
une  figurine  en  bronze,  devenue  légen- 
daire. Elle  est  appelée  :  Le  plus  ancien 
bourgeois  de  Bruxelles,  et  connue  surtout 
par  la  désignation  populaire  «  'T  manne- 
ken  pist  (le  petit  homme  qui  pisse).  « 
Dette  statuette,  qui  n'a  jamais  été  sur- 
moulée, est  donc  une  œuvre  unique , 
très -achevée  et  estimée  par  les  con- 
naisseurs. En  1639,  on  mit  en  adjudi- 
cation la  construction  du  maître-autel 
en  marbre  de  l'église  de  Notre-Dame  à 
Termonde  :  le  sculpteur  anversois  Hu- 
bert Van  den  Eynde  fut  déclaré  adjudi- 
cataire, au  prix  de  8,200  florins.  Ses 
concurrents  étaient  Jérôme  Du  Quesnoy 
le  Vieux,  «  tailleur  de  pierre  et  sculp- 
teur à  Bruxelles  «  ;  André  Colleyns  de 
Noie  le  Jemie,  et  Jean  van  Mildert,  dit 
Y  Allemand,  à  Anvers. 

Jérôme  Du  Quesnoy  le  Vieux  mourut 
en  1641  ou  16-42. — Dans  les  comptes  de 
la  corporation  bruxelloise  dite  des  Quatre 
Couronnés,  il  est  cité  comme  payant  sa 
quote-part  dans  les  frais  de  la  chapelle 
jusqu'en  1641.  Ensuite,  il  appert  de 
documents  fournis  en  1654  par  les  hé- 
ritiers de  la  succession  de  son  fils  Fran- 
çois, mort  à  Livourne  en  juillet  1642, 
qu'à  cette  date  il  était  décédé  (1). 

Outre  ses  deux  fils,  François  et  Jé- 
rôme {le  Jeune),  qui  le  quittèrent  a\ant 
d  avoir  réclamé  la  maîtrise  profession- 
nelle à  Bruxelles,  Mr^Du  Quesnoy  eut, 
entre  autres,  un  apprenti  qui  passa 
franc-maître  en  1631  :  Henri  Steps. 

Edm.  De  Busschur 

P.J  Mariette,  Abecedario,  notes  sur  les  arts, 
MS.  publié  en  'l«f)l-l8.-;3.  —  G.-P.  Jlensaert,  Le 
l'cÂntre  amaieur  et  curieuj\  ntil-i.  —  J  -15.  Dcs- 
cainps,  Voijut/e  pittoresque  dans  la  Flandre  et 
le  lirubunt,  1709.   —   J.-F.    Koinbout,   Bruxelles 

(4)  Areiiives  du  royaume:  Métiers  de  Bruxelles, 
rog.  n-  ï\',\A;  comiJtes  de  460(5  ii  lGi9.  —  Conseil 
privé,  C.  1i>(j.  L.  il. 


illustrée,  -1777-1779.  —  Henné  et  Wauters,  His- 
toire de  Bruxelles.  —  Alex.  Pinchait,  Archives 
des  arts  :  Messager  des  sciences  historiques,  etc. 
Gautl,  1860-1863.  —  Immcrseel  frères  et  Chrét 
Kiamm,  Levens  der  holl.  en  vl  Schilders,  beeld- 
Uouwers,  enz.  —  Renseignements  particuliers. 

DUQVEiSMOY  (François)  ou  Du  Ques- 
noy, et  non  De  Quesnoy,  sculpteur- 
statuaire,  né  à  Bruxelles  en  1594, 
d'après  la  plupart  des  biographes,  au 
lieu  de  1592,  selon  Corn.  De  Bie  (Gul- 
den  cabinet);  mort  à  Livourne,  au  grand- 
duché  de  Toscane,  le  12  juillet  1642. 
Artiste  par  vocation,  il  montra,  dès  son 
jeune  âge,  les  plus  rares  aptitudes  plas- 
tiques. Son  père,  sculpteur-architecte 
en  réputation  au  commencement  du 
xviie  siècle,  fut  son  seul  maître,  lui  en- 
seignant les  principes  du  dessin,  du  mo- 
delage et  le  guidant  dans  ses  premiers 
essais  de  sculpture,  malgré  l'opposition 
tracassière  de  sa  seconde  femme,  belle- 
mère  de  François  Du  Quesnoy.  Celui-ci 
surmonta  les  entraves  mises  sans  cesse 
à  ses  eftbrts  et  à  son  application  :  met- 
tant à  profit  tous  ses  loisirs,  il  fuyait 
les  distractions  de  jeunesse  et  passait 
la  majeure  partie  de  ses  nuits  à  dessiner, 
à  modeler  et  à  tailler  de  petites  figures. 
Pour  tromper  la  vigilance  de  sa  belle- 
mère,  il  cachait  la  lumière  dans  uu 
vase  qu'il  avait  construit  à  cette  fin. 
Parvenu  à  un  degré  d'habileté  qui  lui 
permit  de  quitter  l'habitation  pater- 
nelle, il  se  livra  sans  obstacle  à  l'art 
auquel  il  s'était  irrésistiblement  consa- 
cré. Il  continua  probablement  à  fré- 
quenter l'atelier,  car  il  ne  conste  d'au- 
cun acte  ofiiciel  que  son  père,  maître 
affilié  à  la  corporation  bruxelloise  des 
Quatre  Couronnés  (métiers  des  maçons, 
ardoisiers,  tailleurs  de  pierre  et  sculp- 
teurs d'images),  lui  eût  fait  conférer  la 
maîtrise  ou  franchise  professionnelle. 
Un  Christ  et  un  Saint  Sébastien,  sta- 
tuettes taillées  en  ivoire,  pour  l'archiduc 
Albert,  ainsi  que  d'autres  menues  beso- 
gnes exécutées  pour  la  maison  archidu- 
cale,  valurent  à  François  Du  Quesnoy 
la  protection  de  ce  prince.  Le  19  mai 
1618,  l'artiste  lui  adressa  une  pressante 
supplique,  afin  d'en  obtenir  «  quelque 
«  traitement  ordinaire,  qui  le  mît  à 
Il   nicine  de  se  transporter  à  Pome,  de 


333 


DUQUESNOY 


3;]4 


a  s'y  entretenir  pendant  deux  ou  trois 
Il  ans  et  de  s'esvertuer  davantage  au 
u  faict  de  son  art  :  son  père  et  lui  étant 
Il  despourveus  de  moyens  à  ce  convena- 
u  blés  et  nécessaires.  «  La  requête  fut 
accueillie  favorablement,  et  il  fut  accordé 
au  suppliant,  «  de  grâce  especiale  et 
par  forme  de  mercede,  pour  s'exercer 
dans  son  art,  «  la  somme  de  six  cents 
livres,  à  solder  en  quatre  payements.  Le 
jeune  artiste  en  reçut,  le  5  août  1618, 
la  première  demi-année  et  donna  quit- 
tance dans  les  termes  suivants  :  «  Je 
Il  François  du  Quesnoy,  sculpteur,  con- 
u  fesse  avoir  receu  de  Ambroise  van 
«  Oncle,  coQseillier  et  recepveur  gene- 
»  rai  des  finances  des  archiducs,  la 
Il  somme  de  cent  cinquante  livres,  du 
»  pris  de  quarante  groz,  monnaie  de 
Il  Flandres,  la  livre,  que  à  l'ordon- 
"  nance  de  Leurs  Altezes  il  m'at  baillé 
"  et  délivré  comptant  sur  et  en  tant 
Il  moins  des  six  cens  pareilles  livres 
"  que  leurs  dictes  Altezes  m'ont  donné 
Il  et  accordé  de  grâce  especialle,  par 
"  forme  de  mercede  une  fois,  pour 
•I  exercer  mon  art  de  sculpteur  susdict, 
Il  à  en  estre  payé  desdicts  six  cens 
u  livres  en  déans  deux  années  pro- 
u  chaînes,  asscavoir  cl  livres  comptant, 
»  aultres  cl  livres  au  boult  de  l'année 
«  et  les  restans  trois  cens  livres  en  deux 
u  termes  de  demy  an  en  demy  an.  Se 
Il  faisant  ce  présent  pour  les  cent  cin- 
"  quante  livres  à  furnir  comptant,  de 
"  laquelle  somme  de  cl  livres  dudict 
Il  pris,  je  suis  content  et  bien  payé  et  en 
«  quicte  Leurs  Altezes,  ledict  recepveur 
Il  gênerai  des  finances  et  tous  aultres. 
Il  ïesmoing  mon  sein  manuel  cy  miz,  le 
u  cinc<[uiesme  jour  d'aougst  seize  cens 
1   dix-huict.     François  DU  QuESXOY.  » 

Pièce  inédite  et  la  seule  connue  avec 
sa  signature  (1). 

Ce  fut  à  l'âge  de  vingt-trois  ans,  vers 
la  fin  de  l'année  1618,  qu'il  partit 
pour  Eonie.  On  peut  conjecturer,  dit 
Ph.  Baert  (Mémoires  sur  les  sculpteurs  et 
les  architectes  des  Pays-Bas),  que  le 
crédit  de  P. -P.  Kubens  à  la  cour  des 
archiducs  contribua  à  faire  obtenir  cette 

M)  Archives  du  royaume,  à  Bruxelles  :  Papiers 
d'Etat  et  de  l'audience.  —  Recette  ijénérate. 


faveur  au  jeune  sculpteur.  La  corres- 
pondance que  l'illustre  chef  de  l'école 
flamande  entretint  avec  lui,  recomman- 
dant- même  à  sa  sollicitude  son  élève  de 
prédilection,  Antoine  van  Dyck,  quand 
celui-ci  séjourna  à  Eome,  en  1623, 
prouve  d'ailleurs  en  quelle  estime  il 
tenait  François  Du  Quesnoy.  Dans  ses 
artistes  belles  à  V étranger ,  JNl.  Ed.  Fétis 
ne  partage  pas  cependant  l'idée  émise 
par  Ph.  Baert.  Jusqu'à  1620,  François 
Du  Quesnoy  jouit  du  «  traitement  ordi- 
naire Il  qu'il  devait  à  la  bienveillance 
de  l'archiduc  Albert  ;  mais  il  ne  réussit 
point  à  faire  renouveler  le  mince  secours 
qui  le  mettait  à  l'abri  du  besoin.  La 
mort  de  ce  prince,  décédé  à  Bruxelles  le 
13  juillet  1621,  lui  en  ôta  tout  espoir, 
et  le  laissa,  loin  de  sa  patrie,  au  milieu 
de  l'étude  des  trésors  artistiques  de  la 
Eome  païenne  et  de  la  cité  papale,  en 
face  des  plus  urgentes  nécessités  de 
l'existence.  Ce  changement  de  position 
le  força  d'entrer  à  l'atelier  du  maître 
sculpteur  Claude  Loreuèse,  et  de  s'y 
occuper  de  travaux  pen.  rétribués,  mo- 
delant en  cire  des  têtes  de  saints  et  de 
saintes  pour  les  reliquaires,  taillant  en 
bois  et  en  ivoire  des  figurines  et  des 
ornements.  D'anciennes  statues  mutilées 
se  découvrant  chaque  jour  parles  fouilles 
eflectuées  dans  les  ruines  romaines,  il 
s'appliqua,  dès  lors,  et  avec  succès,  à 
leur  restauration. 

Un  marchand  néerlandais,  Pierre  De 
Yisscher,  appelé  en  Italie  Pietro  Pis- 
cator  et  qui  recueillait  à  Eome  des 
tableaux,  des  sculptures  et  autres  objets 
d'art,  s'éprit  des  petites  productions  de 
l'artiste  flamand,  et  lui  commanda  son 
premier  ouvrage  en  marbre  :  Vénus  et 
l'Amour.  François  Du  Quesnoy  y  fit 
preuve  d'une  remarquable  entente  de  la 
beauté  antique,  et  cette  œuvre  lui  valut 
des  travaux  qui  améliorèrent  sa  posi- 
tion. De  Yisscher,  dit  Bellori  {Le  Vite  di 
pittori,  sculptori,  etc.),  montra  au  Fia- 
miiKjo  (ainsi  qu'on  le  surnomma  à  Eome) 
beaucoup  d'affection,  et  le  mit  en  rela- 
tions avec  ses  compatriotes,  réunis  à 
Saint- Julien  des  Flamands.  Vers  1622, 
Jérôme  Du  Quesnot  le  Jeune  vint  à 
Eome    rejoindre    son    frère   aîné   et    se 


333 


DUQUESNOY 


336 


mettre  sous  son  habile  direction,  afin  de 
s'j'  perfectionner  aussi  dans  l'art  sculp- 
tural. En  1623,  Antoine  van  Dyck  s'y 
rencontra  avec  eux,  et  le  célèbre  élève 
de  Eubens,  reçu  en  ami,  peignit  les 
portraits  des  statuaires  bruxellois.  Quel- 
que temps  après  le  départ  de  Yan  Dyck, 
les  deux  frères,  dont  les  caractères,  les 
idées  et  les  mœurs  ne  s'accordaient 
point,  se  séparèrent. 

Yers  1625  François  Du  Quesnoy  se 
lia  d'intime  amitié  avec  le  peintre  Ni- 
colas Poussin,  comme  lui  luttant  contre 
les  difficultés  de  l'existence,  à  Eome,  et 
les  rigueurs  du  sort.  Tous  deux,  de 
même  âge,  animés  d'un  égal  amour  de 
l'art  et  d'un  ardent  désir  de  se  distin- 
gaier,  se  livrèrent  ensemble  à  l'examen 
approfondi  de  la  science  sculpturale 
des  anciens,  et  ils  s'entr'aidèrent  dans 
leurs  travaux  respectifs.  Habitant,  dé- 
sormais, sous  le  même  toit,  avec  Alex. 
Algardi,  le  statuaire  bolonais,  illustré 
par  ses  gracieuses  œuvres,  Du  Quesnoy 
et  le  Poussin  mirent  en  commun  leuis 
eftbrts  et  leurs  ressources.  Le  Tiamhujo 
continua  de  produire  de  charmantes 
figurines  en  bois,  en  ivoire,  en  marbre, 
qui  furent  bientôt  fort  recherchées  et 
dont  la  vente  fut  de  plus  en  plus  avan- 
tageuse. Le  cardinal  de  Massimi  en 
acquit  plusieurs  et  lui  paya  400  scudi 
(plus  de  6,000  livres  de  France)  une 
réduction  du  groupe  de  Laocoon  et  ses 
enfants.  «  Tandis  que  le  Poussin  ensei- 
"  gnait  à  Du  Quesnoy  la  grande  ma- 
«  nière  de  dessiner,  dit  Félibien,  le 
«  sculpteur  flamand  apprenait  au  pein- 
"  tre  français  l'art  de  reproduire  en 
Il  relief  les  modèles  antiques,  et  ce 
Il  mutuel  enseignement  eut  une  salu- 
II  taire  influence  sur  leurs  œuvres.  « 
A  cette  époque  l'Algardi  introduisit  le 
Flamingo  auprès  de  l'Albane,  le  peintre 
des  jolis  enfants,  qui  trouvait  dans  son 
propre  ménage  ses  plus  aimables  types. 
îSes  tableaux  et  ceux  du  Titien  inspirè- 
rent à  l'artiste  statuaire,  dans  la  repré- 
sentation de  l'enfance  et  de  la  jeunesse. 
Amours,  Génies  et  Anges,  ce  style  suave 
et  vrai,  que  nul  n'a  surpassé. 

Le  connétable  Philippe  Colonna,   à 
qui  le  Poussin  avait  montré  des  œuvres 


en  ivoire  de  son  ami,  commanda  à 
Du  Quesnoy  un  grand  Crucifix,  pour 
être  offert  au  pape  Urbain  VIII.  Il  fit 
ensuite  une  écritolre,  où  son  talent  se 
révéla  dans  sa  plus  charmante  expres- 
sion. Cette  pièce  était  ornée  de  deux 
enfants,  l'un  endormi,  l'autre  soufflant 
des  bulles  de  savon.  Le  noble  amateur, 
devenu  son  second  protecteur  et  à  qui  il 
dut  la  bienveillance  du  Saint-Père,  lui 
confia  la  restauration  de  plusieurs  sta- 
tues anciennes  de  sa  collection.  Il  répara 
les  mutilations  avec  une  science  archéo- 
logique et  une  connaissance  du  faire 
antique  presque  inconnues  jusqu'alors. 
Le  marquis  Vincent  Justiniani  désirant 
avoir  aussi  dans  sa  galerie  des  œuvres 
du  Tiamingo,  celui-ci  lui  modela  un 
Apollon  et  un  Mercure,  d'une  exquise 
délicatesse,  qui  furent  coulés  en  bronze. 
Bellori  les  compare  à  VAntinoiis  du  Bel- 
védère. Plus  tard,  le  marquis  résolut  de 
laisser  graver  sa  collection  sculpturale, 
et  donna  à  Du  Quesnoy  la  direction  de 
ce  recueil  (Galleria  Ginstinianï),  qui  se 
compose  de  320  planches,  publiées  en 
deux  volumes  in-folio;  nombre  de  ces 
planches  ont  été  gravées  d'après  les  des- 
sins de  l'artiste  flamand.  Un  riche  Hol- 
landais, Hugues  van  Ufflen,  qui  mourut 
à  Piome  et  dont  François  Du  Quesnoy 
orna  le  cénotaphe  (érigé  dans  l'église  de 
Santa  Maria  delV  Anima),  de  deux  admi- 
rables petits  génies,  possédait  de  lui  un 
Anioxir  bandant  son  arc.  Cette  œuvre,  fort 
estimée,  fut  acquise  par  le  magistrat 
d'Amsterdam,  au  prix  de  six  mille  flo- 
rins, et  offerte  en  présent  à  la  princesse 
d'Orange.  —  Pour  le  cardinal  Barberini 
il  sculpta  un  bas-relief  en  marbre,  repré- 
sentant des  Enfants  jouant  avec  une 
cJièvre,  et  l'on  cite  de  la  même  époque 
un  autre  bas-relief  :  le  Silène  ivre  (Silène 
et  la  nymphe  Eglé),  scène  puisée  dans 
l'églogue  VI  de  Virgile  (collection  du 
commandeur  del  Pozzo).  Plusieurs  re- 
productions de  ce  groupe  mythologique 
furent  faites  en  cire. 

Ici  se  révéla  la  seconde  phase  de  la 
carrière  artistique  du  Fiamingo  :  son 
génie  prit  son  essor,  et  le  sculpteur  au 
style  gracieux  se  montra  bientôt  sta- 
tuaire sublime. 


337 


nUQUESNOY 


33S 


A  la  recommandation  du  pape  Ur- 
bain YIII,  Ini  fut  confiée  l'exécution  des 
modèles  du  magnifique  baldaquin  que  le 
cavalière  Bernini  a  élevé  dans  la  basi- 
lique vaticane,  sous  le  dôme  et  au-dessus 
de  l'autel  pontifical.  Autour  des  colonnes 
torses,  cannelées  jusqu'au  tiers,  serpen- 
tent des  entrelacs  de  branches  de  pal- 
mier et  de  laurier,  au  milieu  desquelles 
se  jouent  de  nombreuses  figurines , 
enfanU  et  cMrnhius,  dans  les  attitudes 
les  plus  naturelles.  Quatre  statues  colos- 
sales d'a/iffes  surmontent  les  colonnes, 
et,  sur  la  corniche,  deux  anges  soutien- 
nent les  armoiries  papales.  Toute  cette 
ornementation  fut  jetée  en  bronze  pen- 
dant les  années  1626-1627,  et  la  fonte 
des  grands  anges  eut  lieu  en  1631.  Le 
baldaquin  absorba  129,000  livres  de 
bronze,  que  l'on  arracha  au  dôme  du 
Panthéon  romain.  La  partie  de  l'œuvre 
modelée  par  François  Du  Quesnoy  se 
trouva  achevée  en  1633.  La  réussite  ne 
put  être  niée,  elle  dépassait  l'attente  gé- 
nérale. Mais  l'envie,  que  ses  premiers 
succès  avaient  excitée,  ne  s'avoua  point 
vaincue;  sa  haineuse  dépréciation  ne  lui 
fut  pas  épargnée  :  «  il  ne  savait  manier 
«  que  la  terre  glaise,  la  cire,  l'ivoire, 
Il  et  ne  traiter  que  l'enfance  et  \a  jeii- 
II  nesse.  «  Heureusement,  l'occasion  lui 
fut  fournie  de  réduire  ses  détracteurs  au 
silence.  Les  boulangers  de  Kome  ayant 
résolu  d'embellir  de  quatre  statues  de 
marbre  l'église  de  Notre-Dame  de  Lo- 
rette,  où  leur  corporation  avait  sa  cha- 
pelle, l'une  d'elles  fut  commandée  à 
Erançois  Du  Quesnoy,  et  il  produisit 
une  œuvre  de  génie  et  de  profonde 
étude.  Il  avait  pris  pour  guide  1'  Uranie 
du  Capitule  romain,  et  tout  en  conser- 
vant à  sa  statue,  Sainte  Suz.a.nxe,  mar- 
Ujre,  le  type  antique,  il  lui  donna  plus 
de  grâce,  de  noblesse  d'attitude  et  la 
chaste  expression  d'une  vierge  chré- 
tienne. De  dimension  un  peu  plus  grande 
que  nature,  elle  est  admirablement  dra- 
pée. Les  connaisseurs  la  prisent  fort  et 
la  placent  au-dessus  de  la  Sainte  Blblune 
du  I5ernin.  «  C'est  une  des  plus  belles 
statues  que  l'on  puisse  voir  !  «  s'écrient 
Bellori  et  Cicognara.  Désignée  sous  le 
nom  de  Cada  Suzanna,  ses  attributs  sem- 


blent dénoter  que  l'artiste  eut  d'abord 
en  vue  de  créer  une  Sainte  Catherine.  Le 
peintre  André  Sacchi,  le  dernier  élève 
de  l'Albane,  l'a  placée  dans  son  tableau 
de  l'église  des  Capucins,  à  Piome  :  le 
Miracle  de  saint  Antoine  de  Fadone  ;  elle 
a  été  gravée  par  Piobert  van  Audenaerde 
de  G  and,  dans  le  recueil  de  Rossi  :  Jiac- 
colta  de  statue  anticJie  e  moderne,  1704. 

En  163.5,  il  prouva  qu'il  pouvait, 
avec  le  même  succès,  traiter  le  portrait, 
en  exécutant,  en  marbre,  le  buste  du 
Cardinal  Maurice  de  Savoie ,  un  vrai 
chef-d'œuvre  de  ressemblance  et  de  vie. 
Yictor-Amédée  1er,  frère  du  cardinal, 
gratifia  le  sculpteur  d'une  chaîne  d'or  à 
médaillon  ducal. 

Sur  ces  entrefaites,  et  pendant  que 
le  baldaquin  de  Saint-Pierre  s'achevait, 
on  pratiqua  dans  les  massifs  ou  pieds- 
droits  qui  soutiennent  le  gigantesque 
dôme  du  temple  chrétien,  quatre  niches, 
pour  y  poser  des  statues  colossales. 
Du  Quesnoy  fut  appelé  à  exécuter  un 
Saint  Afidré.  Quelc^ues  historiens  présu- 
ment que  c'était  un  piège  tendu  par  ses 
ennemis  :  ils  étaient  persuadés  que  son 
talent  y  échouerait.  Le  Bernin  lui-même 
se  rangea  de  leur  bord  :  «  Le  Fiarningo, 
Il  au  lieu  d'un  apôtre,  ne  produirait 
Il  qu'un  gros  enfant  «,  lui  fait-on  dire  ! 
Et  comment  l'artiste  flamand  n'aurait-il 
pas  été  sensible  à  de  tels  propos,  si 
influents  sur  le  sentiment  public?  ^lais 
il  se  roidit  contre  cette  dépréciation 
anticipée  de  son  œuvre,  qui  fut  louée 
d'une  voix  unanime  quand  ou  vit  le 
modèle  placé  dans  la  niche  destinée  à 
la  statue.  Ses  détracteurs  en  furent 
atterrés,  et  l'on  attribue  à  leur  malveil- 
lance l'accident  qui  amena  la  destruc- 
tion du  modèle,  durant  le  retour  à  l'ate- 
lier. Sans  se  décourager,  le  sculpteur 
rétablit  sa  conception  grandiose,  et, 
après  sept  années  d'études,  d'essais,  de 
travail  persévérant,  le  SaJnt  André,  en 
marbre,  de  quinze  pieds  de  hauteur,  fut 
posé  dans  la  basilique  et  éclipsa  les  trois 
aiitres  statues  :  la  Sainte  Véronique  de 
François  ^locchi;  la  Sainte  Hélène, 
d'xVndré  Bolgi;  le  Saint  Loncjin,  du  Ber- 
nin. Le  Saint  André  int  proclamé  l'une 
des  merveilles  de  Rome,  quoique,  pour 


339 


DUQUESNOY 


340 


dernière  entrave,  on  l'ait  placée  dans 
un  faux  jour. -Le  Saint  André  a  été 
gravé  par  Eobert  van  Audenaerde  et  par 
Pierre  Clouet.  Rubens,  dans  une  lettre 
datée  d'Anvers  le  17  avril  1640,  lui 
écrivait  :  Je  ne  puis  vous  exprimer  les 
»  obligations  que  je  vous  ai  pour  les 
u  modèles  que  vous  m'avez  envoyés, 
u  ainsi  que  pour  les  plâtres  de  ces  deux 
u  enfants  admirables  du  cénotaphe  de 
«  M.  Van  l'fflen,  dans  l'église  delV Ani- 
II  ma.  Ce  n'est  pas  l'art,  mais  la  na- 
u  ture  même  que  l'on  remarque  dans 
u  ce  marbre,  ainsi  attendri  et  plein  de 
«  vie.  —  Que  dirai-je  des  applaudisse- 
»  ments  universels  et  bien  mérités  que 
u  vous  attire  la  statue  de  Saitit  André? 
u  Votre  gloire  et  votre  célébrité  rejail- 
»  lissent  sur  notre  patrie  entière...  Je 
u  baise  du  plus  profond  de  mon  cœur  la 
u  main  habile  qui  exécute  ces  mer- 
u  veilles  (1).  «  Ce  jugement  se  reflète 
dans  maints  ouvrages  où  sont  décrits 
les  chefs-d'œuvre  de  la  cité  papale.  Té- 
moin l'appréciation  du  savant  abbé  Ri- 
chard {description  de  l'Italie)  :  u  La 
u  statue  de  Saint  André  est  traitée  avec 
u   la  pureté  de  style  et  la  beauté  d'ex- 

"   pression  de  l'antique La  draperie 

Il  peut  être  comparée  à  tout  ce  que  l'on 
Il  connaît  de  mieux:  dans  ce  genre,  soit 
u   antique,  soit  moderne.  « 

L  artiste  vit  donc  son  talent  incon- 
testé, et  cet  éclatant  succès  aurait  dû 
enfin  améliorer  de  beaucoup  sa  situation 
financière.  Tel  n'en  fut  pas  le  résultat, 
qui  ne  réalisa,  pas  plus  que  ses  travaux 
antérieurs,  sa  légitime  espérance.  Tandis 
que  des  artistes  médiocres  étaient  com- 
blés de  larges  rémunérations,  de  dons  et 
d'honneurs,  il  languissait  dans  l'isole- 
ment et  presque  dans  le  besoin.  Il  ne 
perçut  que  trois  mille  scudi,  ou  seize 
mille  livres  de  France,  de  son  Saint 
André,  et  la  somme  ne  suffit  pas  à  en 
solder  les  frais  :  il  se  vit  attraire  en 
justice  par  le  fondeur  de  la  croix  de 
bronze,  que  les  fabriciens  de  la  basilique 
vaticane  refusaient  de  payer.  Ces  conti- 
nuels   mécomptes   devaient    naturelle- 

(1)  Cette  lettre  intéressante  est  extraite  des 
Mémoires  de  Ph.  Barrt,  et  citée  par  Baïan,  Le 
Majeur,  Goelhals  ei  Fûlis. 


ment  abattre  son  courage,  ruiner  sa 
santé,  et  une  chute  faite  lors  de  la  pose 
de  sa  Sainte  Suzanne,  à  Xotre-Dame  de 
Lorette,  aggrava  les  souflrances  qu'il 
avait  à  endurer  pendant  ses  accès  de 
goutte.  Néanmoins,  il  produisit  encore 
quelques  ouvrages,  notamment,  pour 
un  noble  Anglais,  V Amonr  dtcochant  sa 
Jlèche,  statuette  qu'il  mit  un  temps  infini 
à  terminer,  malgré  l'impatience  du  des- 
tinataire. Dans  une  semblable  circon- 
stance, un  de  ses  amis  lui  reprochant 
de  retoucher  une  figure  déjà  parfaite,  en 
reçut  cette  réponse  :  "  Vous  avez  raison, 
»  parce  que  voiis  ne  voyez  que  la  copie 
Il  de  ma  conception.  «  Très  sévère  pour 
ses  œuvres,  il  en  étudiait  chaque  partie 
par  des  essais  et  des  modèles  répétés; 
jamais  il  ne  croyait  avoir  atteint  le  der- 
nier degré  du  fini.  Il  fallait,  en  quelque 
sorte,  les  lui  arracher.  Pans  le  temps 
qu'il  travaillait  au  Saint  André,  qui 
l'immortalisa,  un  moine  s'étant  vanté 
d'avoir  fait  réformer  au  Fiamingo  des 
défauts  de  son  modèle  primitif,  ne  fut 
plus  admis  dans  l'atelier,  où,  dès  lors, 
le  sculpteur  ne  voulut  plus  de  visiteurs 
indiscrets. 

Vers  la  fin  de  1640,  le  sort  sembla 
décidément  lui  sourire  :  Nicolas  Poussin, 
son  ancien  camarade  à  Rome,  qui,  de 
retour  en  France  et  devenu  peintre  en 
titre  du  roi  Louis  XIII,  régénérait  dans 
sa  patrie  la  peinture  nationale,  n'avait 
cessé  d'y  vanter  le  talent  du  statuaire 
flamand,  le  proclamant  seul  capable  de 
relever  l'école  de  Jean  Goujon.  Le  car- 
dinal de  Richelieu,  le  créateur  de  l'Aca- 
démie française  en  1635,  ce  puissant 
ministre  non  moins  ami  des  arts  que 
des  lettres,  écouta  le  conseil  du  Poussin, 
et  fit  inviter  François  Du  Quesnoy  à 
venir  se  fixer  en  France.  Louis  XIII 
lui  accordait  le  brevet  de  sculpteur 
royal,  avec  un  traitement  annuel  de 
trois  mille  livres  et  ses  œuvres  payées. 
Il  obtenait,  en  outre,  un  logement  gra- 
tuit au  Louvre,  à  Paris,  et  raille  écus 
d'indemnité  pour  son  déplacement  et  ses 
frais  de  route.  Douze  jeunes  artistes, 
mis  sous  sa  direction,  formeraient, 
ensuite,  une  Académie  de  sculpture.  La 
perspective  de  cet  avenir  inespéré  ra- 


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DUQUESNOY 


342 


nima  François  T)u  Quesnoy,  et  parut  lui 
rendre  la  santé.  Les  préparatifs  de  son 
voyage  ne  tardèrent  point  à  être  ache- 
vés :  hélas  !  ce  n'était  qu'une  améliora- 
tion trompeuse,  la  maladie  le  reprit 
avec  une  telle  intensité,  qu'il  fut  bientôt 
en  proie  au  délire.  Quand  la  fièvre 
diminua,  les  médecins  jugèrent  qu'un 
changement  d'air  lui  était  indispensa- 
ble, et  ils  hâtèrent  son  départ  de  Rome, 
en  dépit  des  chaleurs  de  l'été.  Il  se  mit 
en  route  vers  le  milieu  du  mois  de  juin 
1643,  accompagné  de  son  frère  Jérôme, 
qui,  de  retour  d'Espagne,  était  accouru 
de  Florence  à  la  nouvelle  de  sa- grave 
rechute.  Ils  parvinrent  jusqu'à  Li- 
vourne,  en  Toscane,  où  ils  durent  s'ar- 
rêter, l'état  de  faiblesse  du  malade  exi- 
geant le  repos.  Mais  le  mal  continua 
d'empirer  si  rapidement,  que,  le  13  juil- 
let 1643,  et  non  1643,  comme  le  disent 
plusieurs  auteurs,  le  malheureux  artiste 
rendit  le  dernier  soupir,  eu  présence  d'un 
de  ses  compatriotes,  l'orfèvre  bruxellois 
André  Ghysels,  un  ami  intime,  qui 
l'assista  dans  ses  derniers  jours.  Le 
Fiamini/o  fut  enterré  dans  l'église  des 
Frères  Mineurs  (les  Cordeliers),  à  Li- 
vourne,  où  l'éminent  sculpteur  n'a  ni 
monument,  ni  épitaphe. 

La  plupart  des  biographes  ont  attri- 
bué la  mort  de  François  Du  Quesnoy  à 
des  causes  évidemment  erronées.  Les 
uns  le  disent  empouonné  par  ses  rivaux, 
ses  envieux;  d'autres,  sans  aucune 
preuve,  lancèrent  cette  terrible  accusa- 
tion à  Jérôme  Du  Quesnoy,  son  frère. 
Ce  bruit  d'empoisonnement  se  répan- 
dit ainsi  en  Italie,  en  France,  dans 
les  Pays-Bas,  et  des  écrivains  rapportè- 
rent même  que  Jérôme  Du  Quesnoy, 
condamné  à  Gand,  douze  ans  après,  pour 
crime  de  sodomie,  se  reconnut  coupable 
du  fratricide  de  1643.  Leurs  assertions, 
seulement  appuyées  de  vagues  induc- 
tions, sont  démenties  par  des  documents 
authentiques  et  contemporains,  con- 
servés aux  archives  du  royaume  de  Bel- 
gique, à  Bruxelles,  et  aux  archives  ur- 
baines à  Gand. 

Dans  une  requête  adressée  au  roi  en 
son  conseil  privé  à  Bruxelles,  et  datée 
du  20  octobre  1654,  les  héritiers  survi- 


vants de  François  Du  Quesnoy  récla- 
mèrent leurs  parts  de  sa  succession, 
restée  indivise,  depuis  1643,  entre  les 
mains  de  son  frère  Jérôme,  récemment 
supplicié,  et  indûment  comprise  par  le 
fisc  dans  la  confiscation  de  ses  biens, 
prononcée  en  suite  de  la  peine  capi- 
tale qu'il  avait  encourue.  A  l'appui  de 
leur  droit,  ils  exposèrent  à  Sa  Majesté 
que  feu  François  Du  Quesnoy,  voya- 
geant de  Rome  vers  les  Pays-Bas,  et  la 
France,  arriva  à  Livourne,  en  compagnie 
de  son  frère  Jérôme,  comme  lui  sculp- 
teur-statuaire, avec  plusieurs  caisses 
d'œuvres  d'art,  de  matériel  de  sa  profes- 
sion, etc.j  qu'il  y  mourut,  et  que  Jé- 
rôme Du  Quesnoy,  s'étant  mis  en  pos- 
session de  tout  ce  qui  appartenait  au 
défunt ,  l'expédia  à  Bruxelles  par  un 
bâtiment  hollandais,  et  se  refusa  au 
partage  avec  les  cohéritiers,  prétextant 
que  c'étaient  des  objets  de  son  état,  et 
leur  dissimulant  l'import  des  deniers 
comptants.  Les  héritiers,  n'osant  inten- 
ter un  procès,  avaient  patienté,  lui 
abandonnant  la  jouissance  de  la  suc- 
cession fraternelle,  dans  l'espoir  que, 
Il  resté  célibataire  » ,  et  gagnant  beau- 
coup d'argent  par  ses  travaux,  il  leur 
laisserait,  un  jour,  une  double  hérédité 
à  partager.  Déçus  dans  leur  attente,  ils 
demandèrent  à  Sa  Majesté  de  leur  faire 
restituer,  à  dire  d'experts  peintres  et 
sculpteurs,  les  objets  de  la  succession  de 
François  Du  Quesnoy  encore  existants. 
Cette  supplique  fut  appuyée  de  considé- 
rations et  de  pièces  justificatives,  entre 
autres,  d'un  acte  notarié,  rédigé  en  fla- 
mand et  daté  du  16  octobre  16.54,  dans 
lequel  le  sieur  André  Ghysels,  bourgeois 
de  Bruxelles  et  orfèvre,  témoignait,  sous 
serment,  que  «  séjournant,  avec  sa 
"  femme,  en  juin-juillet  1642,  à  Li- 
II  vourne,  en  Toscane,  ils  avaient  vu 
"  arriver  dans  cette  ville  feu  le  sieur 
Il  François  Du  Quesnoy  et  son  frère 
«  Jérôme  Du  Quesnoy,  avec  leur  ba- 
II  gage  et  quatre  grandes  et  si  pesantes 
Il  caisses,  que,  pour  transporter  cha- 
II  cune  d'elles  du  navire  au  logement 
Il  des  voyageurs,  il  fallut  employer 
Il  l'aide  de  huit  hommes.  Que  François 
Il    Du  Quesnoy  fut  contraint  de  s'aliter; 


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DUQUESNOY 


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«  que,  journellement,  il  fit  visite  au 
Il  malade,  comme  à  un  compatriote  et 
Il  un  ami,  s'étant  liés  à  Rome  et  s'ai- 
II  mant  comme  deux  frères.  L'artiste 
"  lui  confia  que  depuis  maintes  années 
Il  le  roi  de  France  l'avait  fait  engager 
Il  à  aller  travailler  pour  lui,  et,  qu'ayant 
Il  accepté  ses  offres  et  reçu  deux  mille 
Il  ducats  pour  subvenir  à  ses  dépenses 
"  de  voj^age,  il  était  en  route  pour  ce 
Il  pays.  Au  bout  de  trois  semaines. 
Il  François  Du  Quesuoy  expira  dans  ses 
"  bras,  et  .Jérôme  Du  Qiiesnoy  fit  enter- 
"  rer  la  dépouille  mortelle  aux  Frères 
Il  Mineurs,  à  Livourne.  Les  caisses,  cof- 
II  fres  et  bagages  furent  embarqués  pour 
»  Bruxelles  dans  un  bâtiment  en  par- 
II  tance  pour  la  Hollande,  tandis  que 
Il  Jérôme  Du  Quesnoy  prit  la  voie  de 
"  terre,  se  rendant  par  la  France  dans 
Il  les  Pays-Bas.  «  L'intéressante  décla- 
ration de  l'orfèvre  bruxellois  contient 
un  fait  non  moins  important  à  relever, 
parce  qu'il  prouve  que  si  les  deux  frères 
s'étaient  séparés  à  Borne  par  une  sorte 
d'incompatibilité  de  manière  de  vivre, 
ils  ne  furent  ni  ennemis^  ainsi  qu'on  l'a 
prétendu,  ni  même  indifférents  l'un  à 
l'autre.  "  Au  commencement  de  l'an- 
"  néel6-il,  .Jérôme  Du  Quesuoy  revint 
'/  d'Espagne,  et  logea  pendant  neuf 
"  mois  à  Florence,  chez  André  Ghysels, 
Il  qui  y  habitait  alors.  C'est  de  là  qu'il 
Il  partit  pour  Rome,  afin  d'y  rejoindre 
Il  son  frère  malade,  et  raccompagner 
Il  dans  son  voyage  vers  les  Pays-Bas  ou 
Il  la  l'rance.  «  Ainsi  Jérôme  Du  Ques- 
noy  avait  quitté  Home  depuis  trois  ans 
au  moins,  lorsque  François  Du  Quesuoy 
éprouva  la  rechute  de  la  maladie  qui 
finit  par  l'emporter. 

Une  dernière  attestation,  concernant 
la  propriété  des  caisses  d'objets  d'art,  etc. 
emtjarqiiées  à  Jjivourne  en  1642,  pour 
Bruxelles,  et  parvenues  à  leur  destina- 
tion, fut  présentée  par  les  héritiers  de 
François  Du  Quesuoy  en  1655.  Elle 
émanait  du  Kév.  Martin  Pratz,  vicaire 
général  des  armées  royales,  aux  l'ays- 
Bas,  et  doyen  de  la  collégiale  de  Sainte- 
Gudule,  à  Bruxelles,  déclarant  «  avoir 
Il  vu  depacqueter  plusieurs  grandes 
"   caisses  contenantes   (quantité  d(vs   li- 


II  gures  de  toutte  sorte,  avec  aultres 
Il  hardes  et  jolitez  très-curieuses  et  de 
Il  prix,  appartenantes  à  feu  Francesco 
Il  de  Quesuoy,  statuaire  d'Urbain  VIII, 
Il  mort  à  Jjivourne  d'une  modorre  (1)  et 
Il  ah  intestato,  pensant  transporter  le 
Il  tout  à  Bruxelles,  ce  que  Jerosme,  son 
Il  frère,  exécuté  à  Gand  pour  crisnie,  a 
Il  faict,  et  conduict  les  dictes  hardes  par 
"  mer,  sans  pour  ce  avoir  plain  droict  à 
Il  icelles  que  pour  une  septiesme  part 
Il  d'entre  les  frères  et  sœurs  cohéritiers 
Il  du  dict  Francesco,  tellement  qu'en 
"  bonne  justice  et  conscience  ils  ne  peu- 
II  veut  estre  privez  de  la  dicte  here- 
II  dite.  "  — XII  mars  1653.  Qiiod  attes- 
tor,  J.  Grart,  not.  près. 

Dans  les  déclarations  auxquelles  les 
héritiers  durent,  en  1655,  le  décret  de 
mise  en  possession  de  leurs  parts  encore 
existantes  de  la  succession  de  François 
Du  Quesnoy,  il  n'y  a  pas  ombre  de 
réticence  ou  d'une  allusion  quelconque 
au  soi-disant  empoisowiement  fratricide, 
que  ni  les  médecins  de  Jiome,  ni  ceux 
de  Livourne,  ni  André  Ghysels  même, 
n'auraient  pu  méconnaître.  Et  si  André 
Ghysels  avait  appris  ou  soupçonné  le 
meurtre;  s'il  avait  reculé  depuis  1642 
devant  l'horrible  révélation,  en  1654  il 
n'y  avait  plus  lieu  de  se  taire.  Quant  à 
l'aveu  qu'en  aurait  fait  Jérôme  Du 
Quesnoy  à  l'heure  de  la  mort,  cette 
assertion  est  controuvée,  et  peut  être 
le  résultat  d'une  fausse  interprétation. 
Tous  les  documents  de  la  procédure  cri- 
minelle de  1654  :  interrogatoires  éche- 
viuaux,  explications,  dénégations  et 
déclarations  émises,  avant  on  après  tor- 
ture, par  l'accusé,  et  signées  de  sa 
main,  existent  aux  archives  communales 
de  Gand  :  sa  dernière  déclaration  con- 
state seulement  l'aveu  du  crime  de  so- 
domie, témoignage  formel  exigé  par  la 
coutume  avant  l'exécution  de  la  sen- 
tence capitale. 

Un  écrivain  hollandais,  poète  et  ju- 
dicieux observateur  ,  messire  Vander 
Mervvede,  seigneur  de  Cloqtwyk,  qui 
séjourna  en  Italie  au  temps  de  François 

(l)  Diî  l'ospagnol  moilorra,  grand  assoiipisse- 
meiit  (l(!s  sens;  troubles  du  cerveau;  all'iîclioii 
ly[ilioïile  ehroiii(|ue. 


345 


DUQUESNOV 


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T)ii  Quesnoy,  qu'il  nomme  Fraxcesco 
FiAMiXGO,  a  publié  à  La  Haye,  en  1651, 
un  poëme  intitulé  :  Uylhei^imtyi  Oodog 
of  Roomse  min-triomfeu.  Parlant  de  la 
statue  de  ,Sa'mt  André,  posée,  dans  la 
basilique  vaticane,  à  Kome,  par  les 
intrigues  de  rivaux  envieux  et  le  dépit 
duBernin,  à  une  place  éclairée  à  rebours 
et  qui  n'était  pas  destinée  à  l'œuvre, 
ajoute  :  »  Cette  contrariété  et  d'autres 
»  affronts  furent  tellement  sensibles  à 
«  l'artiste,  qu'il  en  perdit  la  raison  et 
«  la  vie.  On  rapporte  aussi  que  les  Ita- 
«  liens,  en  mêlant  quelque  ingrédient 
Il  dans  son  vin,  l'avaient  rendu  idiot.  « 
Cette  relation  oontemporaiue  explique 
le  dire  propagé  par  Bellori,  et  que  ce- 
pendant Passeri,  autre  biographe  romain 
de  l'époque,  ne  mentionne  point  (1). 

Il  Ainsi  mourut,  empoisonné  par  ses 
Il  envieux,  selon  l'opinion  commune,  le 
Il  plus  excellent  sculpteur  qui  ait  existé 
Il  depuis  la  renaissance  des-  arts  «, 
s'écrie  Le  Mayeur_,  dans  son  poëme 
national  :  La  Gloire  belfjiqne.  Cette  ver- 
sion est  la  seule  vraie,  interprétée  dans 
le  sens  que  les  continuels  déboires  qu'eut 
à  subir  le  Fiamivgo,  dans  sa  laborieuse 
carrière,  empoisonnèrent  son  existence. 
Au  reste,  il  est  une  erreur  non  moins 
étrange,  que  l'on  rencontre  dans  des 
auteurs  d'ordinaire  bien  informés  :  Flo- 
rent le  Comte  et  d'autres,  après  lui, 
n'ont-ils  pas  confondu  les  deux  frères 
au  point  d'écrire  que  François  Du 
Quesnoy  (mort  à  Livourne  en  16-i2)  a 
été  supplicié  eu  1654  à  Gand  !... 

Le  dernier  ouvrage  sculpté  par  Fran- 
çois Du  Quesnoy,  à  Eome,  fut  le  Cupiâon 
décochant  sa  JiècJie,  qui  passa  au  palais 
du  duc  de  Kent,  à  Londres.  ^lais  outre 
les  œuvres  mentionnées  dans  cette  no- 
tice, on  cite  encore  un  remarquable  mé- 
daillon sur  le  tombeau  du  professeur 
Bernard  Gabriel! ;  une  charmante ^V/«;-e 
sur  le  mausolée  dii  peintre  belge  Jean 
De  Haese,  et,  dans  plusieurs  églises  de 
Kome,  des  bustes  de  saints  et  de  saintes, 
exécutés  en  argent  d'a])rès  ses  modèles  : 
Saint  Silvestre,  Saint  François  de  Faule, 

(i)  J.-P.  lîellDri,  nioit  ù  Rume  en  1676,  y  pu- 
blia, on  'I67i,  ses  Via  des  peintres,  sculpteurs  et 
archiieclcs  modernes.  —  J.-B.   l'assci'i,  iiijrl  à 


Sni/'t  Henri,  Saint  Charles,  la  Madeleine, 
Sainte  Marthe,  la    Fierye  et  les   bien- 
heureux Bor(jia  et  Stanislas.    Quelques 
œuvres  sont  dispersées  en  Europe  :  à 
Xaples,    dans  l'église  de  Santa  Maria 
delV Anima,  l'épitaphe  de  Gaspard  De 
\isscher,  décorée  du  buste  et  de   deux 
génies;    à  l'église  des  Apôtres,  dans  la 
chapelle    du   cardinal    Filomarini,    un 
grand  bas-relief,   représentant  un  Con- 
cert d'anyes,  morceau  admirable  ;  dans 
la  galerie  de  Florence,  un  Enfant  rieur; 
à  Monaco,  dans  les  bains  du  palais,  un 
Cupidon,  en  bronze;  à  Madrid^   au  pa- 
lais,   deux   bas-reliefs  en   marbre  :  un 
Jeu  d'enfants,  offert  à  Philippe  III  par 
le  cardinal   Barberini,   et   Eercide,  au 
berceau,  étoujfant  un  serpent;  à  tienne  : 
un    Christ,   en   ivoire,    sculpté  pour  le 
prince    de    Lichtenstein;    à    Manheim 
(palais  électoral),  un  Saiiit  Sébastien  et 
Jésus  à  la  colonne,  figurines  en  ivoire. 
A  Amsterdam  existait  en  1733,  dans  la 
collection  Ten  Kate,  les  bustes  en  mar- 
bre de  Flaton  ou  Sophocle  et  de  Xéno- 
phon.    Ils  furent   vendus  par  licitation 
mortuaire  et  sont  rangés  parmi  les  plus 
belles  œuvres  du  statuaire  flamand.  Bel- 
lori prise  fort  une  statue  en   marbre  de 
Jésus-Christ  attaché  à  la  colonne,  faite 
pour  M.  Hesselin,  maître  de  la  chambre 
aux  deniers   de  Louis  XIII.   Pour  ce 
monarque.    Du   Quesnoy  avait  modelé 
une  statue  de  Fierye  martijre,  qui  devait 
le   précéder   en  France.  Parmi  ses  bas- 
reliefs  on   distingue   :  V Amour  profine 
terrassé  par  V  Amour  divin;  puis  la  Bac- 
chanale enfantine  de  la  villa  Borghèse,  à 
Eome,   bas-relief   traité    en    pierre    de 
touche  sur  fond  de  lazulite.  La  Belgique 
est  la  moins  bien   partagée,  à  peine   y 
trouve-t-on   quelques  Christs  en  ivoire, 
et  une  statue  de  la  Vierge  dans  la  cathé- 
drale d'x\nvers. 

Les  modelés  de  ses  œuvres  et  les 
reproductions  eu  cire,  en  terre  cuite,  en 
plâtre,  ont  toujours  été  recherchés. 
M.  Crozat,  marquis  de  Chàtel,  amateur 
renommé  à  Paris,  en  possédait  soixante- 
cinq  dans  sa  galerie,  ainsi  qu'une  statue 

Rome  en  1679,  a  ('cril  les  Vies  des  peitilres,  sculp- 
teurs et  urtlutectes  qui  liavaillcicnl  à  Rome,  de 
son  temps,  jusqu'en  1673. 


J47 


DUQUESNOY 


348 


antique,  en  marbre,  de  quatre  pieds  de 
haut,  restaurée  par  Du  Quesnoy  :  le 
Jeune  Bacclim,  qu'on  regardait  comme  le 
morceau  le  plus  précieux  de  son  cabinet. 
«  Il  ne  restait  d'entier  à  cet  antique, 
«  dit  Mariette,  que  le  corps  et  la  tête  : 
H  François  Flamand  y  avait  ajouté  les 
1/  bras,  les  cuisses  et  les  jambes.  Quel 
«  restaurateur!  «  M.  Crozat  avait  en- 
core les  bustes  à' Antinous  et  d'Horace, 
ainsi  que  la  tête  du  Gladiateur  ;  M.  Ma- 
riette :  une  copie  du  torse  antique,  une 
Jgrippine  et  le  buste  de  la  femme  de 
Nicolas  Poussin.  Le  cardinal  Barberini 
posséda  deux  têtes  en  terre  cuite,  Jésus- 
Christ  et  la  Vierge  Marie,  qui  furent 
reproduites  en  argent,  la  première  pour 
la  reine  d'Angleterre,  la  seconde  pour 
le  cardinal  Camille  Massimi. 

Les  biographes  n'indiquent  pas  d'au- 
tres élèves  de  François  Du  Quesnoy, 
après  son  frère  Jérôme,  le  plus  habile 
d'entre  eux,qu'Artus  Quellin,  le  Vieux, 
d'Anvers,  qui  enrichit  la  Hollande  de 
SCS  principales  œuvres;  Rombaut  Pau- 
wels,  dit  Pauli,  de  Malines,  qui  tra- 
vailla longtemps  à  Gand;  Louis  Le 
Doux,  de  Mons,  sculpteur  et  architecte, 
dont  les  ouvrages  sont  estimés;  D'Orphé 
Bruselli,  qui  fit,  d'après  le  modèle  de 
son  maître,  une  statue  de  Saint  Ani- 
broise.  Un  orfèvre  liégeois  très-distin- 
gué, Pierre  Du  Fresne,  fut  élève  mode- 
leur du  Fiamingo. 

Le  portrait  de  François  Du  Ques- 
KOT ,  peint  à  Eome  par  Antoine  van 
Dyck,  et  qui  montre  le  sculpteur  tenant 
à  la  main  une  tête  de  Faune  antique,  a 
été  gravé  en  manière  noire,  à  Bruxelles, 
en  1751,  par  Pierre  van  Bleeck,  en  for- 
mat in-fol.  Une  inscription  anglaise  re- 
produit la  fausse  accusation  d'empoison- 
nement contre  Jérôme  Du  Quesnoy,  ainsi 
que  le  prétendu  ave\i  de  16.54.  L'œuvre 
originale  de  Yan  Dyck,  vendue  à  Lon- 
dres en  1S33,  est  tenue  pour  fort  res- 
semblante; elle  offre  exactement  le  por- 
trait qu'a  tracé  du  statuaire  bruxellois 
un  de  ses  contemporains.  «  D'une  taille 
«  élancée,  c'était  un  des  plus  beaux 
Il  hommes  de  son  temps;  il  avait  la  che- 
«  velurc  blonde  et  les  yeux  bleus;  son 
«   regard  mélancolique  et  presque  triste 


«  dénotait  son  extrême  aménité.  Ni  l'en- 
II  vie,  ni  l'ambition  n'entrèrent  dans  son 
Il  cœur;  sa  probité,  la  régularité  de  ses 
Il  mœurs  et  son  commerce  agréable  lui 
Il  procurèrent  d'honorables  amitiés.  « 
L'image  de  François  Du  Quesnoy  nous 
a  été  transmise  aussi  par  le  burin  de 
Gérard  Edelinck,  d'après  Van  Dyck , 
et  une  copie  par  Desvachez,  élève  de 
Calamatta,  à  Bruxelles;  par  Gérard  Au- 
dran,  d'après  Le  Brun,  et  par  Eandon 
dans  la  Galei'ie  des  artistes  célèbres,  etc. 
—  Un  portrait  peint  par  Jean  van 
Hoeck,  d'Anvers,  représentant  François 
Du  Quesnoy,  dit  le  Flamand,  tenant  de 
la  main  droite  une  Bacchanale ,  en  bas- 
relief,  a  été  vendu,  à  Versailles,  en 
1850,  avec  la  collection  du  comte  Des- 
pignoy.  Le  graveur  belge  A.  Jouvenel 
a  exécuté  une  médaille  mémorative, 
portant,  de  face,  le  buste  de  François 
Du  Quesnoy,  et  au  revers  une  inscrip- 
tion biographique  succincte. 

Edm.  De  Bussoher. 

Corn.  De  Bie,  Ilet  guldeu  cabinet  der  edele  vrye 
Schilderconst,  enz.  —  Ph.  Baeit.  Mémoire  sur  les 
sculpteurs  et  architectes  des  Pays-Bas,  M  S.  — 
Hcniie  et  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles.  —  Del- 
venne,  Biograidue  des  Pays-Bas.  —  Mariette, 
Abecedario,  notes  sur  les  arts.  etc.  MS  publié 
en  ISul-lSo;!  —  Ed.  Fétis,  Les  Artistes  belges  à 
l'étranfjer,  4837.  —  Eug.  Gaiiss'^in.  Hommes  il- 
lustres de  la  Belgique.  —  Alex.  Pint;liart,  Les 
archives  des  «)7.s' (Messager  de.ç  sciences  et  des 
arts>, '1860-'1863. —  Goethals,  Lectures  relatires  à 
l'histoire  de  l'art  eu  Belgique,  IH'Ad.  —  J  -A.  Clia- 
bannes,  Album  biographique  belge,  1848.  —  Di- 
dol,  Biographie  générale  —  Immeiseel  et  Kramm, 
Levens  der  holl  en  vl.  Schilders,  becldhouwers, 
enz.  —  Hip.  Kluyskens,  Médailles  des  hommes 
célèbres  belges.  —  Archives  du  loyaume  de  Bel- 
gique, à  Bruxelles,  et  archives  urbaines  à  Gand, 
Documents  MS. 

DVQtiE^^xoY  (Jérôme)  ou  Du  Ques- 
noy, le  Jeune,  sculpteiir-statuaire ,  ar- 
chitecte et  graveur  de  médailles,  né  à 
Bruxelles  en  1602, mort  àGand  le2Ssep- 
tembre  1654.  Frère  puîné  de  François 
Du  Quesnoy,  il  se  sentit,  ainsi  que  lui, 
attiré  dès  son  enfimce  vers  la  sculpture, 
et,  sans  autre  enseignement  que  celui 
de  Mre  Jérôme  Du  Quesnoy,  le  Vieux, 
son  père,  ses  progrès  dans  l'art  plastique 
furent  rapides.  La  réputation  qu'acqué- 
rait en  Italie  le  frère  aîné  porta  Jérôme 
Du  Quesnoy  le  Jeune  à  aller  le  rejoin- 
dre à  Pome,  vers  1621.  Simple  apprenti 
de  l'atelier  paternel,  il  partit  plein  d'ar- 


849 


DIIQUESNOY 


350 


cleur,  avec  la  volonté  de  se  perfectionner 
dans  la  profession  qu'il  avait  choisie. 
Guidé  par  les  conseils  de  son  frère,  il 
s'adonna  à  l'étude  et  à  l'imitation  des 
chefs-d'œuvre  de  la  statuaire  antique, 
et  parvint  à  un  remarquable  degré  de 
pratique  sculpturale.  Dans  la  taille  du 
bois,  de  l'ivoire  et  du  marbre,  dans  le 
modelé  des  chairs,  l'exécution  des  fi- 
gures enfantines  et  l'expression  de  la 
beauté  féminine,  il  s'assimila  si  complè- 
tement le  faire  de  son  habile  maître, 
que  nombre  de  leurs  œuvres  déroutent 
les  connaisseurs  les  plus  experts  : 
Il  Par  Du  Quesnoy  «,  dit-on  communé- 
ment, et  sans  autre  dénomination.  Té- 
moin la  plupart  de  leurs  C'hrùts  et  leurs 
gracieux  Anges  ow.  Génies. 

De  caractères,  de  sentiments  et  de 
mœurs  qui  ne  concordaient  point,  les 
deux  frères  ne  sympathisaient  nulle- 
ment :  aussi,  de  fréquents  difi'érends  ne 
tardèrent  pas  à  produire  la  désunion.  Ils 
se  séparèrent,  chacun  continuant,  à  sa 
guise,  ses  travaux  et  son  genre  de  vie. 
L'existence  de  François  fut  toujours  ré- 
gulière; celle  de  Jérôme,  agitée  et  dis- 
solue. Leur  séparation  eut  lieu  quelque 
temps  après  le  séjour  que  fit  à  Kome 
Antoine  van  Dyck.  L'illustre  élève  de 
Rubens  y  peignit  leurs  portraits,  et  sem- 
ble avoir  voulu  faire  connaître  les  ten- 
dances artistiques  des  deux  sculpteurs, 
en  représentant  François  Du  Quesnoy 
une  tête  de  Faune  antlqtie  à  la  main,  et 
Jérôme  Du  Quesnoy  montrant  un  buste 
A!  Enfant. 

C'est  à  cette  époque  que  s'établirent 
des  relations  d'étroite  amitié  entre  Ni- 
colas Poussin,  François  Du  Quesnoy  et 
Alexandre  Algardi,  réunis  dans  la  même 
habitation.  Quant  à  Jérôme  Du  Ques- 
noy, il  y  a  ici  une  lacune  biographique  : 
on  sait  qu'il  resta  à  Eome  pendant 
plusieurs  années,  s'absentant  à  maintes 
reprises ,  mais  on  n'a  pas  de  notions 
positives  sur  les  productions  qu'il  mit  au 
jour  en  Italie,  ni  sur  celles  qui  marquè- 
rent ses  voyages  en  Espagne,  où  Phi- 
lippe IV  l'appela  et  lui  commanda  des 
ouvrages  qui  lui  valurent  la  faveur 
royale.  A  quelles  dates  faut-il  rapporter 
ses  excursions  en  Italie  et    ses  séjours 


en  Espagne?  On  n'est  guère  fixé  à  cet 
égard;  toutefois  il  était  revenu  d'Es- 
pagne vers  1641,  et  logeait  depuis  neuf 
mois  à  Florence,  chez  un  compatriote, 
l'orfèvre  bruxellois  André  Ghysels  , 
quand  survint,  en  1642,  la  grave  ma- 
ladie de  François  Du  Quesnoy,  à  Rome, 
pendant  ses  préparatifs  de  départ  pour 
la  France.  Jérôme  Du  Quesnoy  quitta 
aussitôt  Florence,  pour  se  rendre  au- 
près de  lui.  Les  médecins,  n'espérant 
le  rétablissement  de  la  santé,  depuis 
longtemps  languissante,  de  leur  ma- 
lade, que  du  changement  de  climat  et 
d'une  existence  meilleure,  lui  prescri- 
virent de  se  mettre  en  route  sans  retard, 
malgré  les  chaleurs  de  la  saison  d'été. 
Les  deux  frères  partirent  ensemble,  en 
juin  1642;  mais,  arrivés  à  Livourne,  la 
fièvre,  qui  s'était  momentanément  apai- 
sée, reprit  avec  une  nouvelle  intensité, 
et  ils  furent  forcés  de  s'arrêter.  Trois 
semaines  après,  François  Du  Quesnoy 
succomba  au  mal  chronique  qiii  le  mi- 
nait; il  expira,  le  12  juillet  1642,  entre 
les  bras  d'André  Ghysels,  qui,  chaque 
jour,  lui  avait  prodigué  la  plus  aflèc- 
tueuse  assistance.  Le  peintre  Nicolas 
Poussin,  revenu  depuis  peu  en  Italie,  et 
lequel,  au  dire  des  biographes,  s'était 
joint  aussi  au  malheureux  artiste,  n'avait 
pas  quitté  Rome;  il  ne  retourna  plus  en 
France.  Jérôme  Du  Quesnoy  fit  ensevelir 
les  restes  mortels  de  son  illustre  frère 
dans  l'oratoire  des  Minorités  ou  Corde- 
liers,  à  Livourne,  et  prit  possession  de 
ses  bagages,  de  ses  caisses  d'objets  d'art, 
qu'il  embarqua  sur  un  navire  en  desti- 
nation des  Pays-Bas.  Il  s'y  achemina 
lui-même,  par  la  route  de  France.  De 
retour  à  Bruxelles,  il  se  fixa  dans  cette 
ville,  et  refusa  de  partager,  avec  les 
cohéritiers  du  défunt,  les  objets  rappor- 
tés d'Italie,  prétextant  que  ce  n'était 
que  du  matériel  de  sa  profession.  Ils 
s'accordèrent  à  en  laisser  la  jouissance  à 
ce  parent  «  déjà  vieux  célibataire  » , 
comptant  qu'un  jour  sa  succession  les  en 
dédommagerait. 

Dès  lors,  réputé  le  plus  habile  sta- 
tuaire de  son  époque,  aux  Pays-Bas,  il 
se  vit  accablé  de  commandes  et  se  mit 
activement  au  travail,  dotant  sa  patrie 


3ol 


DUQUESNOY 


352 


de  productions  remarquables.  Parmi  les 
œuvres  que  l'eu  distingue ,  ou  cite  : 
à  Bruxelles,  dans  la  nef  de  la  collé- 
giale des  iSS.  Michel  et  Gudule,  quatre 
grandes  statues  en  pierre,  les  apôtres 
Saint  Paul,  Saint  Thomas,  Saint  Barthé- 
lemy  et  Saint  Muthius,  puis,  sur  l'autel 
de  tfaint-Josse,  deux  Anges,  et  au  repo- 
soir  du  Saint  Sacrement  une  Fierté  et 
l'Enfant  Jésus,  eu  marbre;  dans  l'église 
de  Xotre-Dame  de  la  Chapelle,  l'apôtre 
Saint  Mathieu  ;  ViVi  Parc,  une  Machlei/œ; 
dans  Péglise  de  Xotre-Dame  des  Vic- 
toires, au  SabloUj  ornant  le  retable  de 
Poratoire  funéraire  des  princes  de  La 
Tour  et  Tassis,  une  statue  de  Sainte 
Ursule,  en  prière,  et  deux  Anges.  Dans 
le  ci-devant  oratoire  conventuel  des 
PP.  Kécollets  il  plaça  une  épitaphe  en 
marbre,  décorée  d'un  huste  et  de  deux 
Génies,  dont  l'impératrice  de  Ptussie  lit, 
plus  tard,  l'acquisition.  De  l'hôtel  du 
priuce  de  La  Tour,  on  transporta  à  Eatis- 
bouue  uue  statue  de  Bellone,  en  marbre. 
L'abbaye  de  Saint-Michel,  à  Auvers, 
commanda  à  Partiste  trois  statues 
d'apôtres,  eu  albâtre  :  Saint  Muthias, 
Saint  Tliadée  et  Saint  Simon.  L'église  de 
Saint-Alexis,  au  Grand  Béguinage  de 
Malines,  possède  un  Christ  en  croix,  de 
76  centim.  de  longueur,  scuipté  d'une 
seule  pièce  d'ivoire.  «  L'exécution  de  ce 
"  magnifique  ouvrage  «,  dit  M.  Xeelis 
dans  VInventaire  artistique  de  Malines 
(1S69),  "  est  digne  du  graud  maître 
Il  qui  en  est  l'auteur.  L'expression 
"  de  la  tête  est  admirable.  «  En  1864, 
lors  de  l'exposition  d'antiquités  reli- 
gieuses en  cette  ville,  ce  Christ  fut  sur- 
moulé, et  l'on  en  possède  ainsi  des 
reproductions.  A  cette  exposition  se 
voyait  aussi  le  beau  Christ  de  l'oratoire 
épiscopal  de  Gaud,  ivoire  du  même 
artiste,  très-apprécié.  Le  statuaire  ma- 
liuois  Luc  Fayd  herbe  avait  de  Jérôme 
Du  Quesnoy  le  Jeune  un  groupe  de 
Ganymède  et  V Aigle  de  Jupiter,  qu'il 
donna  à  son  fils  l'architecte  Jean-Luc 
Payd'herbe.  La  chute  de  ce  groupe  causa 
la  mort  de  ce  dernier,  en  1704,  pendant 
les  opérations  d'un  déplacement. 

En  164.5,  Jacques  Francquart,  nommé 
architecte  de  la  cour  sous  le  gouverne- 


ment des  archiducs  Albert  et  Isabelle, 
se  trouvant,  par  suite  d'une  maladie 
incurable,  dans  l'impossibilité  de  rem- 
plir les  devoirs  de  son  office,  Jérôme 
Du  Quesnoy  lui  fut  adjoint,  pour  l'aider 
ou  le  remplacer  éventuellement.  La 
commission,  du  26  octobre  1645,  oc- 
troyée par  le  gouverneur  général  des 
Pays-Bas,  Léopold-Guillaume  d'Autri- 
che, pour  et  au  nom  du  roi  Philippe  IV 
d'Espagne,  s'exprimait  ainsi  :  "  Son 
Il  Excellence,  pour  le  bon  rapport  que 
Il  faict  luy  a  esté  de  la  personne  de 
"  Jtrosiiie  Bu  Quesnoy,  se  confiant  à 
«  plein  de  ses  leaulté,  preudhommie  et 
"  expérience  au  faict  de  l'architecture, 
"  l'a  commis,  ordonné  et  establi  à 
"  Pestât  ai! architecte,  statuaire  et  sculp- 
«  leur  de  la  cour,  luy  donnant  mande- 
"  ment  de  faire  et  dresser  les  modelles 
Il  et  dessings  des  bastimens,  statues  et 
"  aultres  ouvrages  que  luy  seront  ordon- 
"  nez,  et,  au  surplus,  d'y  vacquer  et 
"  d'eu  prendre  soing,  tout  ainsy  et 
"  avecq  le  mesme  pouvoir  qu'en  a  le 
Il  dict  Jacques  Francquart,  et  aux 
Il  employs  qui  luy  seront  donnez,  lors- 
II  C|u'icelluy  n'y  pourra  vacquer,  et  ce 
»  sans  auciins  gages,  ains  seullement  aux 
Il  honneurs,  proj/icts,  emoluniens,  frati- 
II  chises,  exemptions  et  lihertez  apjiarie- 
II  nans  au  dict  estât,  et  tels  semblables 
Il  dont  jouit  le  dict  Jacques  Francquart, 
"  sur  quoy,  et  de  soy  bien  et  duement 
Il  acquitter  en  l'exercice  dudict  estât, 
Il  le  dict  Jérosme  Du  Quesuoy  sera  tenu 
«  de  faire  le  serment  es  mains  du  pre- 
II  sident  et  gens  de  la  chambre  des 
n  comptes  en  Brabant  (1).  "  —  Quand 
Jacques  Francquart  mourut,  Jérôme  Du 
Quesnoy  lui  succéda,  au  même  titre. 

Toutes  les  productions  de  Jérôme  Du 
Quesnoy  le  Jeune  sont  estimées;  son 
talent  s'y  révèle  par  un  style  pur  et  cor- 
rect, une  élégance  et  une  morbidesse  qui 
ont  élevé  l'artiste  bruxellois  au  rang 
des  maîtres  de  Part.  De  naïves  et  char- 
mantes figurines,  telles  que  les  Enfants 
à  la  chèvre,  V Enfant  et  le  jeune  Faune, 
ivoires  de  la  collection  du  feu  comte  de 


(1)  Archives  du  royaume  de  Belgique,  registre 
n»  HGS.  —  Alex.  IMiicliart,  Archives  des  arts, 
l.  l",  18CU. 


353 


DUQUESNOY 


3o4 


Kuypers  de  R^^menam,  d'Anvers,  ainsi 
que  les  Anr/es  et  les  Génies  qu'il  tailla  en 
marbre,  lui  ont  mérité,  comme  à  son  frère 
Francesco  il  Fiaaiixgo,  d'être  sur- 
nommé l'A-lbanede  la  sculpture. 

C'est  à  la  période  qui  s'écoula  de  1 643 
à  1654  qu'appartiennent  ses  œuvres 
capitales,  entre  autres  :  la  statue  de 
Sainte  Ursule,  cette  gracieuse  concep- 
tion que  les  connaisseurs  prisent  à  l'égal 
de  la  Sainte  Suzanne  de  son  frère,  à 
Notre-Dame  de  Lorette  à  Eome,  avec 
laquelle  elle  présente  tant  de  similitude 
féminine,  et  le  groupe  de  Sainte  Anne  et 
la  Vierge,  en  pierre,  posé  en  1653  au- 
dessus  du  portail  de  la  chapelle  dédiée 
à  la  mère  de  Marie,  à  Bruxelles,  puis 
transféré  dans  le  sanctuaire  (1).  Dans 
Bruxelles  illustrée ,  J.-A.  Eombaut  relate 
que  des  religieux  [les  Jésuites?]  ayant 
commandé  au  fumeux  Bu  Quesnoy  une 
statue  de  Sainte  Anne,  en  marbre  blanc, 
refusèrent  d'accepter  le  groupe  en  pierre 
de  Sainte  Anne  et  la  Vierge,  bien  que 
l'artiste  leur  déclarât  «  qu'il  craignait 
"  de  ne  plus  pouvoir  faire  une  pareille 
"  œuvre  « .  lis  persistèrent  dans  leur 
refus,  et  il  dut  tenter  l'épreuve,  puisque 
J.-B.  Descamps  et  Ph.  Baert  ont  constaté 
l'existence  du  groupe  en  marbre  dans 
l'ancienne  église  des  Jésuites,  à  Bruxel- 
les, peu  d'années  avant  la  suppression  de 
l'ordre.  Cette  reproduction,  longtemps 
perdue  de  vue,  est  mentionnée  dans 
l'Inventaire  a?'tistique  de  Matines  :  «  A 
"  l'église  de  Saint-Jean,  dans  la  cha- 
«  pelle  du  Saint-Sacrement,  se  voit  le 
«  monument  funèbre,  érigé,  au  xixe  siè- 
«  cle  seulement,  par  la  famille  Van  de 
"  Venue,  à  la  mémoire  de  Jean  van 
«  Leyen,  mort  en  1580.  C'est  un  pié- 
II  destal  de  marbre  noir,  surmonté  d'un 
"  groupe,  d'une  seule  pièce  de  marbre 
"  blanc,  représentant  Sainte  A.nne  et  la 
Il  Vierge.  »  Les  deux  figures  sont 
attribuées  à  Jérôme  Du  Quesnoy.  (En 
note  :  né  en  1602.)  Suivant  V Inventaire, 
Il  l'œuvre,  quoique  gracieuse,  soignée, 
«  bien  rendue,  n'est  point,  si  elle  ap- 
«   partient  au  célèbre  sculpteur  bruxel- 


(l)  A  tort,s'api)uyant  sur  les  initiales  H.  Q.,on 
l'a  allribué  à  Jérôme  Du  Quesnoy  le  Vieux. 


Il  lois,  un  de  ses  chefs-d'œuvre.  »  C'est 
bien  là  cependant  le  groupe  fait  pour 
les  Jésuites  de  Bruxelles;  le  baron  Van 
de  Venue  l'acquit  en  cette  ville,  et  le 
jugement  de  M.  Neefls  justifie  l'appré- 
hension si  judicieusement  exprimée  par 
l'artiste ,  au  regard  de  cette  répéti- 
tion d'une  première  production  bien 
réussie. 

Son  ouvrage  le  plus  important,  le 
plus  digne  d'admiration,  son  vrai  chef- 
d'œuvre  enfin,  est  le  Mausolée  de  l'évêque 
de  Gand,  Antoine  ïriest,  érigé  en  1654, 
dans  le  splendide  chœur  de  la  cathédrale 
de  Saint-Bavon.  Selon  l'appréciation 
unanime  des  artistes  et  des  connaisseurs, 
ce  monument  funéraire  égale  les  plus 
renommés.  Sur  un  sarcophage  de  marbre 
noir,  on  voit,  à  demi  couchée,  la  statue, 
en  marbre  blanc,  du  vénérable  prélat, 
revêtu  de  ses  habits  pontificaux,  le  coude 
droit  appuyé  sur  des  coussins;  son  atti- 
tude est  calme  et  il  porte  ses  regards  sur 
le  Christ,  qui  lui  montre  sa  croix,  tan- 
dis qu'en  face  du  Rédempteur  apparaît 
la  Vierge-Mère  (deux  belles  statues  de 
grandeur  naturelle).  L'image  de  l'évê- 
que, traitée  magistralement  et  d'une 
parfaite  ressemblance,  vit  :  le  marbre 
semble  s'être  animé  sous  le  ciseau.  Six 
petits  Anges  ou  Génies  décorent  le  mo- 
nument :  deux,  en  haut-relief,  sur  la 
face  du  sarcophage,  de  chaque  côté  de 
l'épitaphe;  deux,  soutenant  l'écusson 
aux  armoiries  du  défunt,  et  formant, 
au-dessous  de  la  frise,  l'amortissement 
du  mausolée;  les  deux  derniers,  assis  au 
bas  des  faces  latérales  :  l'un  s'appuyant 
sur  un  flambeau  renversé,  l'autre  sur 
une  clepsydre.  Ces  deux  très-remarqua- 
bles figurines,  qui  ott'rent  les  types  et  le 
faire  délicat  de  François  Du  Quesnoy, 
lui  sont  attribuées.  L'iconographe  fran- 
çais P,-J.  Mariette,  amateur  d'art  et 
Il  le  plus  fin  connaisseur  qui  ait  existé  " , 
suivant  MM.  Ph.  de  Chennevières  et 
A.  de  Montaiglon,  les  savants  éditeurs 
de  son  Abecedario,  y  donne,  à  la  date 
du  27  juin  1766,  les  détails  que  lui 
écrivit,  au  sujet  du  monument  épisco- 
pal  gantois,  M.  Aydama,  un  de  ses 
correspondants  :  «  M.  Tricst  avoit  en- 
II   voyé,  en  1642,  sou  portrait  à  cet  ar- 

i'2 


35o 


DIQUESNOY 


'A'6\) 


tiste  célèbre  François  Du  Q,uesuoy,  en 
le  priant  d'exécuter  le  monument  dont 

il    vouloit   décorer   sa   cathédrale 

La  satisfaction  d'obliger  un  compa- 
triote et  la  générosité  avec  laquelle 
Triest  réconipeusoit  les  talents,  en- 
gagèrent le  Quesnoy  à  entreprendre 
cet  ouvrage.  Mais  la  proposition  de 
passer  en  France  [avec  de  brillants 
avantages]  détermina  cet  excellent 
homme  à  suivre  la  fortune  qui  lui 
tendoiù  les  bras  pour  la  première  fois. 
Le  portrait  de  M.  Triest  et  le  plan 
de  son  tombeau  furent  donc  renvoyés 
en  Flandres.  Ils  furent  accompagnés 
de  deux  petits  enfants,  destinés  à 
orner  ce  tombeau,  s'il  venoit  à  être 
exécuté  par  un  autre  sculpteur... 
M.  ïriest  écrivit  mille  félicitations 
au  Quesnoy,  et  joignit  à  sa  lettre 
cent  pistoles  d'Espagne  [quatre  cents 
florins],  pour  les  deux  enfants  qu'il 
avoit  reçus.  —  Après  la  mort  de  Fran- 
çois Quesnoy,  son  frère  Jérôme,  qui 
estoit  pour  lors  en  Italie^  retourna  à 
Bruxelles,  et  Triest  lui  proposa  d'exé- 
cuter son  tombeau,  ce  qu'il  accepta. 
Mais,  comme  il  estoit  aussi  débauché 
que  son  illustre  frère  estoit  sobre  et 
vertueux,  et  que,  d'ailleurs,  il  estoit 
accablé  par  une  infinité  d'ouvrages 
moins  considérables  que  le  tombeau 
de  l'évêque,  et  qui,  par  conséquent, 
lui  rapportoient  plus  tôt  de  l'argent, 
l'exécution  de  ce  tombeau  traîna  en 
longueur,  et  ne  fut  fini  qu'en  1654.  " 
—  Le  prix  du  mausolée  fut  fixé  à  la 
somme  de  huit  mille  florins. 

Ces  détails,   qui  paraissent  avoir  été 

puisés  à  de  bonnes  sources,  concordent, 

dans  leur  ensemble,   avec  la"  tradition 

locale.   Toutefois,   Mariette  inclinait  à 

croire  que   les   deux  petits  enfants   ou 

génies  avaient  été  sculptés  par  Jérôme 

Du    Quesnoy,    d'après   des   modèles    de 

rançois  Du  Quesnoy.  •>   Il  est  notoire, 

dit-il,  que  les  belles  sculptures  de  ce 

tombeau  sont  de  Jérôme  Du  Quesnoy, 

qui,   dans  certaines  parties  de   son 

art,  et  surtout  dans  celle  de  manier 

le  marbre,  marchoit  de  fort  près  sur 

les  traces   de   son  frère.  —  J'ai  vu 

deux    petits    enfants    d'yvoirc,    qui 


«  sont,  à  n'en  pas  douter,  exécutés  sur 
Il  les  modèles  de  François  le  Flamand, 
Il  où  l'on  voit  les  initiales  :  J.  Q.  «  Du 
reste,  que  les  enfants  ou  génies  au  flam- 
beau et  à  la  clepsydre  soient  de  François 
Du  Quesnoy,  on  peut  l'admettre,  sans 
amoindrir  le  mérite  de  Jérôme,  qui 
sculpta  les  autres  enfants  ou  génies  et 
les  trois  grandes  statues  qui  complètent 
l'œuvre .  Dans  Les  Artistes  belles  à  l'étran- 
ger (Brux.  1857),  M.  Ed.  Fétis  assure 
que  François  Du  Quesnoy  envoya  de 
Kome,  avec  les  deux  petits  génies  des 
faces  latérales  de  la  tombe,  la  Statue  du 
prélat,  dont  il  avait  éhauché  la  tête.  D'où 
provient  cette  assertion  évidemment  er- 
ronée, qu'infirme  d'ailleurs  létaux  delà 
rémunération  accordée  en  1642?  Peut- 
être  du  fait  que  Jérôme  Du  Quesnoy  n'a 
pu  donner  le  dernier  Ji ni  à  la  figure  de 
l'évêque  Triest,  opération  qu'il  avait 
réservée  jusqu'à  l'assemblage  complet 
ou  la  pose  du  mausolée,  et  qui  fut  em- 
pêchée par  de  fatales  circonstances.  Au- 
jourd'hui la  figure  est  encore  dans  le 
même  état,  «  les  environs  du  nez  et  des 
yeux  sont  durs  et  raboteux  « . 

Jérôme  Du  Quesnoy  arriva  à  Gaud  le 
6  juillet  1654;  il  s'installa,  avec  ses 
aides,  dans  une  chapelle  de  la  cathédrale, 
pour  y  dresser  et  achever  les  pièces  de 
ce  tombeau  admirable,  qui  aurait  pu  être 
le  premier  fleuron  d'une  nouvelle  cou- 
ronne sculpturale,  s'il  n'y  avait  trouvé 
la  plus  malheureuse  fin.  Dans  les  der- 
niers jours  du  mois  d'août,  une  étrange 
rumeur  cireiila  dans  la  ville  de  Gand  : 
le  sculpteur  Jérôme  Du  Quesnoy  était 
incarcéré  au  Châtelet,  accusé  d'avoir 
mésusé  de  deux  jeunes  garçons  dans  la 
chapelle  où  il  travaillait.  Aux  interro- 
gatoires des  31  août  et  1er  septembre,  il 
reronnut  qu'il  les  avait  admis  dans  son 
atelier,  pour  dessiner  au  crayon  leurs 
bras  et  leur  poitrine,  mais  nia  l'action 
qu'on  lui  imputait,  malgré  l'aveu  de  ses 
complices.  Dans  un  troisième  interroga- 
toire, le  3  septembre,  avec  mise  à  la 
torture,  il  avoua  sa  culpabilité.  Les 
procès-verbaux,  rédigés  en  flamand  et 
conservés  aux  archives  communales  de 
Gand,  sont  signés  :  IL  {Hieronimus)  Du 
Quesnoy. 


337 


DUQUESNOY 


338 


Dès  le  2  septembre,  Du  Quesnoy 
avait  présenté  une  requête  au  roi  d'Es- 
pagne, en  son  conseil  privé  aux  Pays- 
Bas,  et,  à  titre  «  à! architecte  et  uigéniaire 
de  S.  M.  « ,  justiciable  de  l'alcadie  de 
cour,  à  Bruxelles,  il  avait  décliné  la 
juridiction  échevinale  de  Gand,  deman- 
dant, subsidiairement,  l'interruption  de 
la  procédure  criminelle  jusqu'à  décision 
sur  la  compétence  judiciaire.  La  requête 
fut  envoyée  à  l'examen  du  magistrat 
gantois,  »  tenant  toute  procédure  irré- 
parable en  estât  de  surséance  » .  Le 
10  septembre,  le  grand  bailli  et  les 
échevins  remirent  au  conseil  privé  leur 
avis  défavorable,  avec  copie  des  interro- 
gatoires subis  par  l'artiste  et  par  ses 
complices.  La  décision  gouvernementale 
traînant  en  longueur,  des  délégués  de 
l'échevinage  se  rendirent  à  Bruxelles, 
afin  de  hâter  la  solution  et  d'obtenir 
l'autorisation  de  prononcer  la  sentence. 
Entretemps,  les  proches  parents  et  des 
amis  du  sculpteur  bruxellois  s'adres- 
sèrent directement  à  l'archiduc  Léo- 
pold-Guillaume,  gouverneur  général  des 
Pays-Bas,  et,  par  une  suppliqiie  du 
4  septembre,  appuyèrent  la  requête  de 
Jérôme  Du  Quesnoy,  en  implorant  la 
bienveillance  du  prince.  Par  une  sup- 
plique du  17  septembre,  rédigée,  comme 
la  première,  en  langiie  latine,  et  qu'ap- 
puya, de  son  côté,  le  vénérable  évêque 
Triest,  ils  exposèrent  à  Son  Altesse  Sé- 
rénissime  »  que  l'infortuné  était  toujours 
sous  la  menace  d'une  décision  mortelle, 
et  que  si  son  crime  secret  et  inusité  se 
divulguait,  ce  serait  un  scandale  public, 
d'un  pernicieux  effet ,  et  une  tache 
d'infamie  pour  sa  parenté,  jusque-là  ho- 
norable. Enfin,  que  l'exécution  de  la 
sentence  causerait  une  perte  irréparable 
à  l'art  sculptural,  tant  religieux  que 
civil,  auquel  il  avait  déjà  rendu  de 
grands  services.  Ils  suppliaient  Son  Al- 
tesse Sérénissime  de  le  faire  extraire 
de  sa  prison  et  conduire,  sous  bonne 
escorte,  à  Bruxelles,  pour  y  comparoir 
devant  le  conseil  privé  de  Sa  Majesté, 
et  qu'ensuite  Son  Altesse  Sérénissime 
daignât,  dans  sa  bonté  et  sa  clémence, 
commuer  la  peine  de  mort  en  une  déten- 
tion perpétuelle,  afin  que  le  crime  restât 


secret,  sans  être  impuni,  et  que  le  talent 
du  sculpteur-statuaire  fût  conservé  à 
l'art  et  au  service  de  Son  Altesse  Séré- 
nissime. 

Mais  les  seigneurs  du  conseil  d'Etat 
ayant  délibéré  sur  la  réclamation  de 
Du  Quesnoy,  sur  les  requêtes  de  ses 
proches,  et  examiné  les  pièces  de  la 
procédure  criminelle,  soumirent  leur 
"  consulte  «  à  l'archiduc,  en  opinant  au 
rejet  de  tout  recours,  parce  que,  «  quand 
Il  même  l'artiste  auroit  le  droit  de  dé- 
"  cliner  la  judicature  du  magistrat  de 
"  Gand,  il  y  auroit  matière  suffisante, 
"  en  terme  de  justice,  de  l'en  déclarer 
"  décheu  et  indigne;  ensuite,  comme  il 
«  convient  de  nécessité  d'en  faire  un 
"  chastoy  exemplaire,  afin  de  couper 
"  s'il  se  pouvoit,  par  sa  racine,  ce  mal 
>i  qui  se  vat  glissant  et  serpente  parmy 
"  le  monde,  il  nous  a  semblé  que  Votre 
"  Altesse  pourroitestre  servie  de  refuser 
"  la  grâce  requise,  et,  pour  le  surplus, 
"  en  laisser  convenir  le  magistrat  de 
"  Gand,  là  où  le  crime  et  l'esclandre  ont 
«  esté  commis  et  le  procès  instruit.  <• 
Cet  avis  impitoyable  fut  apostille  ainsi 
par  le  prince  :  Me  conprmo  in  tutto,  et 
parafé  de  sa  main.  En  conséquence,  le 
conseil,  dans  sa  séance  du  22  septembre, 
formula  en  décret  la  résolution  défini- 
tive, avec  confiscation  de  biens,  «  au 
profit  du  souverain  «.  Le  chev.  C.-L. 
Diericx,  dans  ses  Mémoirefs  sur  la  ville 
de  Gand  (t.  1er,  préface),  rapporte  la 
réponse  personnelle  que  fit  l'archiduc 
Léopold-Guillaume  aux  pressantes  solli- 
citations qui  lui  furent  adressées  en 
faveur  d'un  artiste  honoré  de  sa  protec- 
tion distinguée  et  souvent  appelé  son 
ami  :  Doleo  rniserabilern,  casum  amici  mei, 

sed  fiât  jîistitia  ! Le  décret  parvint  à 

Gand  le  25  septembre,  et  tout  espoir 
s'évanouit. 

En  même  temps  y  arriva,  pour  la 
mise  à  exécution  de  la  confiscation  des 
biens  de  Jérôme  Du  Quesnoy  à  Bruxelles 
et  à  Gand,  l'ordre  d'inventorier  les 
effets  qu'il  avait  apportés  avec  lui,  et 
de  l'interroger  sur  les  objets  mobiliers 
laissés  à  Bruxelles,  dans  sa  demeure 
(Place  des  Wallons).  Puis  vint,  avec  une 
délégation  du  majordome  de  la  cour,  un 


3.H9 


DUQUESNOY 


360 


orfèvre  bruxellois,  atin  de  réclamer  de 
Tartiste  le  moule  d'une  imao;e  de  Notre- 
Dame,  qu'il  avait  à  jeter  eu  argent,  pour 
Son  Altesse  Sérénissime  le  gouverneur 
général.  Vers  le  milieu  du  xviie  siècle, 
l'habile  sculpteur  s'était  placé  parmi  les 
médailleurs  de  la  Belgique  et  il  avait 
gravé,  en  l'honneur  de  l'archiduc  Léo- 
pold-Guillaume,  une  médaille  portante 
l'avers  le  portrait  du  prince,  et  au  revers 
cette  allégorie  :  une  croix  chargée  de 
deux  branches  d'olivier,  abritant  un 
agneau  poursuivi  par  un  lion.  —  Signa- 
ture :   HIEE-DV-QVESXOY.  F. 

Le  28  septembrel654,fut  prononcée, 
en  assemblée  spéciale,  réunie  dans  la 
salle  de  justice,  à  Gand,  la  sentence  cri- 
minelle, que,  selon  la  coutume,  on  exé- 
cuta ce  jour,  dans  toute  sa  teneur.  For- 
mulée en  langue  flamande,  en  voici  la 
traduction  littérale  :  «  Parce  que  vous, 
"  Jérôme  Du  Qjiesnoy ,  on  ainsi  que 
"  vous  êtes  nommé  ou  surnommé,  né  à 
Il  Bruxelles  et  âgé  de  cinquante-deux 
Il  ans,  vous  vous  êtes  oublié,  en  divers 
Il  lieux  et  à  diverses  reprises,  jusqu'à 
Il  commettre  le  crime  de  sodomie  et  au- 
«  très  abominations,  plus  amplement 
"  mentionnées  an  procès,  ce  dont  il 
Il  conste  par  vos  propres  confessions  ou 
Il  autrement,  à  suffisance  de  dioit,  toutes 
"  choses  intolérables  dans  une  ville  à  ju- 
II  dicature,  et  qui  méritent  une  punition 
Il  condigne  et  exemplaire  j  les  échevins 
•I  de  la  keure  de  Gand,  ouï  le  réquisi- 
II  toire  criminel  dressé  à  votre  charge 
Il  par  l'officier  municipal  ;  vu  les  lettres 
Il  reçues  de  la  part  de  Sa  Majesté  sur 
Il  le  même  sujet  et,  le  tout  considéré, 
"  faisant  justice,  vous  condamnent  à 
Il  être  attaché  à  un  poteau,  étranglé  et 
Il  votre  corps  réduit  en  cendres,  sur  le 
Il  Marché  aux  grains  de  cette  ville.  Dé- 
"  clarant  saisis  et  confisqués  tous  vos 
Il  biens,  fiefs,  meubles  et  immeubles,  là 
Il  où.  ils  se  trouvent  ou  sont  situes,  rien 
•I  exempté,  ni  réservé,  les  frais  de  jus- 
II   tice  préalablement  déduits.  « 

L'exécution  eut  lieu  avec  l'appareil 
usité  :  le  bailli  de  Gand,  deux  échevins 
délégués  et  l'amman,  à  cheval,  y  prési- 
daient, accompagnés  du  conseiller  crimi- 
nel, du  clerc  du  sang,  des  gens  de  justice 


et  des  secrétaires  communaux.  L'offi- 
cier des  hautes-œuvres,  Gérard  van  Was- 
semburch,  fonctionnait  avec  ses  aides, 
sous  la  protection  des  hallebardiers  du 
bailli.  Quelques  auteurs  ont  reculé  la 
date  du  châtiment  jusqu'au  2-i  octobre 
1654;  des  documents  authentiques  con- 
statent que,  le  2  octobre,  le  malheureux 
sculpteur  n'existait  plus.  L'historien 
gantois  Diericx  assure  que  la  f/^^âce  de 
Jérôme  Du  Quesnoy  arriva  le  lendemain 
de  son  supplice,  «  seulement  pour  que 
les  biens  ne  fussent  pas  confisqués  «  : 
c'est  une  autre  erreur.  Les  héritiers  ne 
furent  mis  en  possession  du  restant  de 
la  succession,  que  sur  leurs  instances 
réitérées  et  par  décret  royal  du  15  dé- 
cembre 1656.  En  165 S,  ils  réclamèrent 
de  la  mortuaire  de  l'évêque  Triest,  dé- 
cédé en  1657,  mille  florins  encore  à 
solder  sur  le  prix  du  mausolée.  Un  long 
procès  s'ensuivit,  devant  le  conseil  de 
Flandre,  et  se  termina  par  transaction, 
le  6  mai  1671. 

Le  portrait  de  Jérôme  Du  Quesxoy 
le  Jeune,  peint  à  Rome  par  Ant.  van 
Dyck,  a  été  publié  à  Bruxelles,  en  1779, 
gi'avé  à  la  manière  noire  par  Eichard 
Broockshaw,  artiste  anglais.  Ce  portrait 
est  d'une  ressemblance  caractéristique. 

Sous  la  gravure  se  lit  l'inscription 
suivante  : 

HIC  ILLE  EST  QUONDAM  FRATRI  VTX  DISPAR  IN  ARTE, 
FELIX  !  INFEUX  ATTAIIEN  IGNE  PERIT  : 

NON  PERIIbSE,  ABIISSE  SCIAS  ;  SUA  FAMA  CELEBRIS 
ARTE  MANET  :  REDIIT;  NAM  REDIVIVUS  ADEST. 

En  eft'et,  si  une  mort  infamante  voua 
sa  mémoire  à  l'oubli,  ses  œuvres  ont 
sauvé  sa  renommée  artistique  :  il  est 
toujours  en  Belgique,  comme  son  frère 
François  Du  Quesnoy  en  Italie,  le 
fameux  Du  Quesnoy.  —  On  cite  de  ses 
élèves  :  Jean  Voorspoel,  qui  exécuta, 
au  xviiie  siècle,  dans  l'église  de  Sainte- 
(iudule,  à  Bruxelles,  l'autel  en  marbre 
de  Notre-Dame  de  Délivrance,  ainsi 
(|ue  le  tombeau  du  comte  Ernest  d'Isem- 
boui'Si-;  Kenry  JMatthys,  qui  posa, 
dans  la  cathédrale  de  Gand,  le  mausolée 
du  chanoine  Joachim  du  Buget,  baron 
de  la  Serre,  sarco])hage  surmonté  d'un 
obélisque,  avec  médaillon  a  portrait,  en 


361 


DUQUESNOY  —  DURAND 


:^62 


marbre  blanc;  Ph.  De  Backer,  sculpteur 
et  peintre,  à  Bruxelles. 

Eilm.  De  Biissoher. 

Mensaert,  Le  peintre  amateur  et  curieux,  1764, 

—  Descaraps,  Voiiaqe  pittoresque  en  Flandre  et 
en  Brabant,  1769  et  l79iJ.  —  J-A.  Rombout, 
Bruxelles  illustrée,  1777- 17'9.  —  P.-J.  Mariette, 
Abecedario,  notes  sur  les  arts,  MS.  publié  en 
1851.  —  J.-V.  Goethals.  Lectures  rel.  aux  arts 
en  Belgique,  1838.  —  Ph  Baerl,  Mémoires  sur 
tes  sculpteurs  et  architectes  des  Pays-Bas,  177o- 
•1779.  —  Bibliothèque  royale  et  Bulletins  de  la 
commission  dhisioire ,  tomes  XIV  et  XV.  — 
Alex.  Pinchart.  Archives  des  arts,  1860-1868; 
Messager  des  sciences  et  arts,  Gaiid.  —  Histoire 
de  la  gravure  des  médailles  en  Belgique,  mém. 
acad  ,  I8li8.  —  Immcrseel  et  Kramm,  Levens  der 
holl.  en  ri.  Schilders ,  beeldhouwers,  etc.  — 
P.-J.  De  Goesin  et  J  -J.  De  Smel,  Description  de 
l'église  cathédrale  de  Saint  Baron.  — ■  Aug.  van 
Lokeren.  Messager  des  sciences  et  des  arts,  1801-5. 

—  E.  >'eeffs.  Inventaire  artistique  de  Malines, 
1869.  —  Archives  du  royaume  de  Belgique,  Con- 
seil privé.  —  Archives  communales  de  Gaiid,  Re- 
gistres des  enquêtes  criminelles,  missives,  rescrip- 
lions  échevinales,  etc. 

nURAiiD,  évêqiie  de  Liège,  naquit 
à  Morialmé,  dans  la  partie  de  l'Entrc- 
Sambre-et-Meuse  qui  appartenait  à  la 
principauté  de  Liège,  et  mourut  dans 
sa  ville  épiscopale  le  23  janvier  10.24 
ou  1025  (1).  Il  était  d'origine  obscure 
et  vassal  des  seigneurs  de  Morialmé, 
qui  le  recommandèrent  à  l'évêque  Not- 
ger.  Instruit  par  les  soins  de  ce  prélat, 
Durand, se  distingua  si  bien  par  sa 
science  et  ses  vertus,  que  l'empereur 
Henri  II  ayant  demandé  à  "Wolbodon, 
successeur  de  Xotger,  un  homme  re- 
commandable  par  son  mérite,  ce  prélat 
lui  adressa  Durand.  Henri  II  lui  donna 
le  titre  de  vice-chancelier  de  l'Empire, 
le  mit  bientôt  à  la  tête  des  écoles  de 
l'église  de  Bamberg  et  le  désigna,  à  la 
mort  de  W'olbodon,  pour  remplacer  celui- 
ci  sur  le  siège  épiscopal  de  Liège .  D urand , 
dit  Gilles  d'Orval,  était  en  route  pour 
prendre  possession  de  son  évêohé  lors- 
qu'il rencontra,  à  Juliers,  le  grand  pré- 
vôt du  chapitre  de  Saint  -  Lambert , 
Godescalc,  seigneur  de  Morialiué,  que 
les  chanoines  de  la  cathédrale  avaient 
élu  comme  évêqiie,  et  qui  se  rendait 
auprès  de  l'Empereur  pour  obtenir  la 
confirmation  de  son  élection  et  l'inves- 
titure des  droits  régaliens.  Alors  s'éleva 
entre   les   deux   caiulidats  une  lutte  de 

,1)  Suivant  Gilles  Boucher,  le  \"  février  1023. 


générosité  dans  laquelle  l'ancien  vassal 
fut  vaincu.  Godescalc  rebroussa  chemin 
et  présenta  lui-même  Durand  au  clergé 
liégeois.  A  la  vérité,  ce  récit,  dont  l'his- 
torien Anselme  ne  dit  pa.s  un  mot,  pa- 
raît avoir  été  imaginé  par  Gilles  d'Or- 
val; on  ne  peut  donc  y  ajouter  foi.  Ce 
qui  est  certain,  c'est  que  le  nouvel 
évèque  refusa  de  recevoir,  de  la  part  de 
Godescalc,  l'hommage  que  devaient  lui 
prêter  tous  les  dignitaires  de  la  princi- 
pauté dans  la  cérémonie  de  sou  inaugu- 
ration. 

L'administration  de  Durand  fut  heu- 
reuse et  paisible  ;  sa  plus  grande  préoc- 
cupation était  la  prospérité  des  écoles 
qui  l'avaient  élevé  à  une  si  haute 
position  et  dans  lesquelles  il  se  plaisait 
encore  à  enseigner  lui-même  Albéric  de 
Trois-Fontaines  fait  l'éloge  de  ses  ta- 
lents littéraires  :  in  utraque  lltterarum 
scientia  lonije  salis  erat  expeditus. 

A  la  demande  de  Durand,  l'Empereur 
confirma  à  l'église  de  Trêves  la  pro- 
priété de  l'abbaye  de  Saint-Servais  de 
Maestricht;  le  25  juillet  1022,  le  prélat 
dédia  l'église  de  Gembloux,  et,  le 
18  septembre  de  la  même  année,  il  con- 
firma l'accord  que  l'évêque  Xotger  avait 
conclu  avec  l'abbaye  de  Saint-Ricquier 
pour  l'engagère  de  quelqiies  biens  de  ce 
monastère.  Ayant  eu  un  différend  avec 
Pilegrin,  archevêque  de  Cologne,  au 
sujet  de  l'abbaye  de  Borcette,  un  con- 
cile, présidé  par  l'Empereur,  fut  tenu  en 
1023  à  Aix-la-Chapelle  :  Durand  sortit 
vainqueur  du  débat.  Lorsque  Henri  II 
mourut  en  102-1,  deux  Conrad,  petits- 
fils  d'Otton,  duc  de  Eranconie,  se  dispu- 
tèrent le  trône  :  l'évêque  de  Tongres  et 
presque  tous  ceux  de  la  Germanie  se  pro- 
noncèrent d'abord  pour  le  plus  jeune; 
mais,  ensuite,  revenant  sur  leur  première 
décision,  ils  embrassèrent  le  parti  de 
l'aîné,  qui  fut  élu  sous  le  nom  de  Con- 
rad II.  Le  2  octobre  1024,  Durand 
obtint  du  nouvel  Empereur  la  restitution 
à  l'église  de  Liège  du  domaine  de  Her- 
wardes  dont  Henri  II  s'était  emparé;  le 
diplôme  est  daté  de  Liège  :  actitm  in 
clcitate  Legia  féliciter.  On  attribue  aussi 
à  Durand  la  fondation  de  l'église  de 
Fumai  en  l'honneur  de   saint  Hubert. 


:^63 


DURAND  —  DURANS 


364 


Quelques  auteurs  avancent  que  le  comte 
de  Namur  releva  de  lui  en  fief  le  comté 
de  Brugeron. 

L'abréviateur  de  Eupert,  qui  n'est 
autre  que  Renier  de  Saint-Laurent,  his- 
torien de  la  fin  du  xiie  siècle,  et  Renier 
lui-même,  rapportent  que  quatre  évo- 
ques de  Liège,  et  notamment  Durand, 
spolièrent  successivement  l'abbaye  de 
Saint-Laurent.  Importuné,  disent-ils, 
par  les  demandes  d'argent  de  ses  ofiî- 
ciers,  Durand  leur  partagea  400  marcs 
que  son  prédécesseur  avait  légués  à 
ce  monastère  ;  il  en  éprouva  par  la 
suite  des  remords  si  violents  qu'il  se 
crut  poursuivi  par  Ja  colère  de  Wolbo- 
don  et  mourut,  après  avoir  ordonné  la 
restitution  du  legs,  auquel  il  ajouta  la 
donation  du  domaine  de  Wasseige,  dans 
le  comté  de  Namur.  Sauf  la  donation,  ce 
récit  paraît  aussi  sujet  à  caution;  ni 
Anselme  qui  écrivait  en  1056,  ni  Sige- 
bert,  auteur  du  commencement  du 
xiip  siècle,  n'en  font  mention. 

Conformément  au  désir  exprimé  à  son 
lit  de  mort,  Durand  fut  enseveli  en 
dehors  de  l'église  de  Saint-Laurent; 
mais  en  l'année  1030,  l'abbé  Etienne  le 
fit  transporter  dans  l'enceinte  même  du 
temple  et  les  vers  suivants  furent  gravés 
sur  son  tombeau  : 

DIRANDUS  JACET  HIC,  QVl  PAl'LO  PLUS  TRIBI'S  ANMS 

TL'NGRENSEM  REXIT  NOBILITER  CATHEDRAM  : 
PAUPERIS  IN    NIDO  PATRIMONU  NATL'S,  ET  ALTUS 

INT.EMO,  SIMMOS  EVOI.AT  AD  PROCERES. 
yrOS  TL'LERAT  DOMINOS,  IISDEM  FAMUEANTIBUS  USUS, 

IN  THEATRO  MlîNDI  FABULA  QUANTA  FUIT  ! 
SEPTI.MA  LUX  URNAM  FUNDENTIS  IN  ORBE  FLUEBAT 

CUM  FACERÊT  REBUS  TRISTE  VALE,  SENIOR. 

On  a  attribué  à  tort  à  Durand  une 
lettre  écrite  par  l'évêque  Théoduin  à 
Henri  1er  roi  de  France,  au  sujet  de 
l'hérésie  de  Bérenger.  s.  Uormans. 

(Rallia  christiana,  t.  111,  p  83-2.  —  Fisen,  Flo- 
res ecclesiœ  leodiensis,  p.  69.  —  Les  délices  du 
pays  de  Liège,  t.  V,  p.  19.  —  Bibliothèque  de 
l'ordre  de  Saint  Benoit,  Bouillon,  1778,  t  IV, 
p.  16.  —  Devaux,  Histoire  ecclésiastique  du  dio- 
cèse de  Licge,  t.  I,  p.  161,  mémoires  inédits.  — 
Balderic ,  Gcsla  episcoporum  caineracensium, 
l.  m,  n"  oO.  —  Migne,  Patroloijie,  t.  CLXX, 
p  (<8.1;  I.  CCIV,  p.  a09.  —  Chapeauville,  Gesla 
pontijicuin  leodiensium ,  t.  1,  pages  217,  460,  et 
les  autres  historiens  liégeois. 

ui:it.%:\n  {Jacques- Honoré),  mathé- 
niaticicn,    né   à   Bruxelles    vers    15Î)S. 


mort  à  Gratz  le  28  août  1644.  Il  entra 
dans  la  compagnie  de  Jésus  en  1615,  et 
après  deux  années  de  noviciat,  alla 
étudier,  à  Louvain,  la  philosophie,  la 
théologie  et  les  mathématiques.  Ses 
supérieurs  l'envoyèrent  ensuite  (1627) 
à  Gratz,  en  Styrie,  oïl  il  enseigna  suc- 
cessivement les  diverses  branches  scien- 
tifiques, objets  de  ses  études  à  l'univer- 
sité; il  y  donna  aussi  un  cours  de 
théologie  morale.  On  lui  doit  :  1»  Eii- 
clidis  sexprimi  Elementorum  Geometrico- 
rum  libri  per  P.  CJiristoplioncm  Ginen- 
hergerum  è  societate  Jesu.  Accessit  item 
ferme  ex  CJavio  brevis  trigonometria  pla- 
nornm;  cum  tahulis  simmm,  tangentium 
et  secantium,  ad  partes  radii  100,000  jt?^ 
sex prima  scapula  graduum.  Per  P.  Jaco- 
bum  Honorandum  Durandum.  Graecii, 
1636,  in-12.  —  2°  ProUema  Matlietna- 
ticum,ex  arcJdtectura militari  de  Mœnibns 
inferiorib?is,  sive  Falsd-Bragâ;  an  ea 
hifra  Jiorizontem,  an  supracoUocatida  sit? 
Grsecii,  1636,  in-4'.  —  3'^  Machina 
matliematice  et physice  demonstrata.  L'au- 
teur n'eut  pas  le  temps  d'achever  cet 
ouvrage,  la  mort  l'ayant  surpris  pen- 
dant qu'il  s'en  occupait. 

Aug.  V:mder  Meersch. 

Foppens,  Bibliotheca  belqica,  t.  F,  p.  516.  — 
Parfuut,  ■Mémoires  littéraires,  t  XI(,  p  101.  — 
Sotwel,p.  .373.  —  Alegambe,  p  203.  —  De  Backer. 
Ecrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus,  t.  I 

nVR.^x^i,  trouvère  du  xiiie  siècle, 
vécut  à  Douai  (ancienne  Flandre).  Il 
dut  sa  célébrité  à  un  fabliau  des  plus 
amusants  :  c'est  le  Dit  des  Trois  Bossus. 
Vn  riche  bossu  de  Douai,  aussi  laid  que 
méchant,  avait  épousé  une  jeune  fille, 
belle  et  noble,  mais  pauvre.  Un  jour, 
comme  le  jaloux  était  en  sentinelle  à  sa 
porte,  il  se  vit  al)ordé  par  trois  méné- 
triers bossus.  Après  avoir  bien  régalé 
ses  confrères,  il  les  renvo^^a  en  leur 
disant  :  «  Regardez  bien  cette  maison  ; 
"  si  jamais  vous  vous  avisez  d'y  remettre 
"  les  pieds,  je  vous  ferai  jeter  à  l'eau.  « 
INIais  la  dame  du  logis,  qui  s'ennuyait 
fort,  les  fit  rentrer  chez  elle  secrètement 
pour  entendre  leurs  chansons.  Au  pre- 
mier bruit  du  mari  qui  revenait  de  sa 
ronde,  elle  les  fit  cacher  dans  trois  cof- 
fres; mais  ils  y  moiinireiit  asphyxiés.  La 


363 


DURANS  -  DU  RIEU 


366 


dame^  voyant  alors  passer  un  vigoureux 
paysan,  l'appelle  et  il  consent,  pour 
trente  livres,  à  porter  un  de  ces  cada- 
vres à  la  rivière.  A  son  retour,  elle 
prétend  que  le  cadavre  est  revenu,  et 
elle  le  montre  dans  le  second  coffre.  Le 
porteur,  croyant,  comme  bien  on  pense, 
aux  revenants  et  aux  sorciers,  finit, 
sans  le  savoir,  par  jeter  les  trois  bossus 
dans  la  rivière.  Comme  il  revenait  de  sa 
troisième  expéditioUj  il  aperçoit  le  maî- 
tre du  logis  qui  rentrait  chez  lui.  Fu- 
rieux, il  l'assomme  et  l'envoie  rejoindre 
les  trois  autres  cadavres.  Il  raconta  naï- 
vement l'aventure  à  la  dame  qui,  devi- 
nant tout  et  n'en  laissant  rien  paraître, 
se  hâta  de  payer  le  vilain  et  se  félicita 
intérieurement  du  quiproquo  qiii  lui 
rendait  la  liberté. 

Durans,  qui  son  conte  défine  (termine) 
Dit  qu'oncques  Diex  ne  fitmeschiiie  'jouvencelle 
Qu'on  ne  peut  por  deniers  avoir. 

Ce  conte  fournit  au  xviiie  siècle  l'ar- 
lequinade  des  Trois  Jumeaux.  On  le 
considéra  longtemps  comme  le  chef- 
d'œuvre  du  genre  gaulois;  mais  le 
mérite  du  trouvère  Durans  consistait 
surtout  dans  les  détails  pittoresques, 
comiques  et  spirituels  dout  il  avait 
enrichi  une  vieille  légende  colportée 
depuis  des  siècles  et  sans  cesse  transfor- 
mée par  les  conteurs  tartares,  persans  et 
arabes.  On  en  trouve  le  canevas  très-re- 
connaissable  dans  les  Piacevoli  Notti  du 
Napolitain  Straparola,  les  1001  qiiarts- 
d' heure  de  Gueulette,  et  d'autres  re- 
cueils. Cf.  V Histoire  des  Romans  de 
Dunlop  (trad.  T.  Liebrecht)  et  Keller, 
préface  du  Roman  des  Sept  Sages.  Il  est 
très-probable  que  cette  aventure,  si  peu 
édifiante,  a  été,  dans  l'origine,  un  conte 
dévot  des  missionnaires  bouddhistes  du 
ve  siècle  avant  notre  ère.  Telles  sont  les 
étrangres  vicissitudes  des  données  litté- 


Hiitoire  littéraire  de  France,  t  XXIII.  —  Ser- 
rure, Gexchied.  d.  Letterk.,  p.  33.  —  Fabliaux  et 
Contes  publiés  par  Barbezan,  nouv.  édition  par 
Méon.  Paris,  18Ù8.  —  Uinaux,  Trouvères  /la- 
inands,  p.  149. 

DCRBVY  (les  comtes  de).  Le  P.  Ber- 
tholet  (voy.  ce  nomj  dit  que  le  comté  de 
Durbuy  fut,  dès  son  origine,  un  apanage 


des  cadets  de  Xamur;  il  est  établi,  du 
moins,  qu'il  échut  à  Hexri,  fils  d'Al- 
bert II,  comte  de  Xamur,  vraisembla- 
blement (selon  le  savant  Ernst,  curé 
d'Afden),  par  l'alliance  qu'il  avait 
contractée  avec  une  fille  héritière  de  ce 
comté.  Cet  Henri  n'est  connu  que  par 
son  intervention  dans  quelques  chartes 
du  temps,  et  l'on  constate  par  l'une 
d'elles  qu'il  vivait  encore  le  5  avril 
1089.  Henri  II,  son  fils,  prit  parti 
contre  l'évêque  de  Liège  Otbert  ,  le 
protecteur  du  malheureux  empereur 
Henri  IV.  Il  eut  l'occasion  de  s'emparer 
de  sa  personne  et  le  fit  conduire  à  Dur- 
buy,  usant  de  si  peu  de  ménagements 
enversle  prélat,  que  celui-ci  ne  fut  jamais 
bien  guéri  des  contusions  qu'il  reçut  en 
cette  rencontre  (1100).  Hexri  III  suc- 
céda à  son  père  avant  1124,  étant  encore 
mineur  et  placé  sous  la  tutelle  de  Gode- 
froid  d'Assche.  On  ne  sait  ce  qu'il  devint 
ni  s'il  eut  des  enfants;  en  tous  cas  le 
comté  de  Durbuy  fut  remis  en  1184  à 
Raoul,  évêque  de  Liège,  pour  en  jouir 
sa  vie  durant,  sauf  à  retourner  à  Bau- 
douin, comte  de  Hainaut,  lorsque  ce 
dernier  serait  entré  en  possession  des 
comtés  de  Xamur  et  de  Luxembourg, 
dont  Henri  l'Aveugle  lui  assurait  la 
succession  éventuelle.  Mais  ce  dernier 
Henri,  décédé  en  1196,  laissa  une  fille 
qui  fut  mariée  à  Thibaut  de  Bar,  lequel 
devint  comte  de  Luxembourg  et  reven- 
diqua le  Xamurois  contre  Philippe  le 
Xoble,  second  fils  de  Baudouin.  Le  traité 
deDinant(29  juillet  1199)  termina  ces 
contestations  et  annexa  sans  retour  le 
comté  de  Purbuy  au  Luxembourg. 

A.  Alvin. 

Atnplissiina  collectio,  t.  IV.  --  Miraeus,  Chro- 
nique de  Baudouin  d'Avesues  —  Ernst,  f)es 
comtes  de  Durbuy  et  de  la  Hoche.  —  P.,  Histoire 
du  Limbourg,  préface. 

OU  RIE17  (Florent),  peintre  et  poëte, 
né  vers  1620  et,  selon  toute  probabilité, 
H  Xamur.  Ses  tableaux,  pas  plus  que 
ses  vers,  n'ont  pu  sauver  son  nom  de 
l'oubli.  Il  mérite  néanmoins  un  souvenir 
par  un  ouvrage  assez  curieux  et  fort 
rare,  qu'il  publia  sous  ce  titre  :  Les 
tableaux  parlans  du  peintre  tiamurois. 
A  Namur,  chez  Pierre    Gérard,   impri- 


367 


DU  RIEU  —  DURON DEAU 


368 


meiir  juré,  à  Vopposite  du  parloir  âes 
pères  de  Ja  Coinpa(/7iie  de  Jésns,  1658, 
in-12,  de  6  ff.  prél.  non  chiffrés,  36,  81 
et  28  pages  chiffrées,  plus  3  ff'.  non 
chiffrés  à  la  fin.  Ce  livre,  divisé  en 
trois  parties,  est  dédié  à'  Philippe  de 
Croy,  de  Chimay  et  d'Arenberg.  Dans 
les  poésies  de  Du  Eieu,  on  remarque  du 
mauvais  goût,  de  l'incorrection,  mais 
par  ci  par  là  quelques  éclairs  poétiques. 
On  rencontre,  dans  le  même  volume, 
plusieurs  pièces  de  vers  d'un  autre  poëte 
Gaspard  de  la  Boitverie,  également  pein- 
tre et  ami  de  Du  Eieu,  avec  lequel  il 
était  lié  depuis  1687;  tous  les  deux 
avaient  la  passion  des  médailles  et  des 
antiquités  romaines. 

Feu  M.  de  Eeiffenberg  a  publié  un 
article  intéressant  sur  l'ouvrage  de 
Du  Eieu  dans  le  Bulletin  du  Bihliophile 
belge,  tome  II,  p.  207-210. 

H.  Helbig. 

or  KiECX  {Géri)  ou  Eivius^  juris- 
consulte, né  à  Chièvres,  en  Hainaut, 
vers  1580.  Il  étudia  la  jurisprudence  à 
Louvain,  et  s'y  étant  distingué,  fut  élu 
fisc  et  doyen  des  bacheliers  de  la  Faculté 
de  droit  ;  il  reçut  le  grade  de  licencié 
en  1603  et  s'établit  comme  avocat  pos- 
tulant au  grand  conseil  de  Malines.  Il 
publia  :  Jïisti  Lipsii  Principutus  litiei'a- 
r'ius,  a  Gauf/erico  Rivio,  J.  C.  et  in 
snprema  cnria  Belgica  Mecldinice  caussa- 
rnm  patrono,  scriptus  ad  rittnn  piriscum. 
Antverpiae,  Plantin,  1607,  in-4o.  Le 
même  ouvrage  a  été  reproduit  dans  les 
œuvres  de  Juste  Lipse,  Justi  Lipsii  Tama 
posthiima,  de  l'édition  de  1613.  Eivius 
fut  un  des  élèves  de  cet  illustre  savant  ; 
il  demeura  chez  lui  et  s'en  fit  aimer  par 
son  naturel,  sa  capacité  et  sa  bonne  con- 
duite. Aug.  Vand«r  Meerscb. 

Sweertius,  Alhenœ  belgicœ.  p.  268.  —  Valère 
André,  Fasti  academici,  p.  !215.  —  Foppens,  Di- 
bliotlieca  belfjica,  t.  I,  p.  S81.—  Paquol,  Mémoires 
litlcraires,  t.  VIII. 

Di'ROifDE.«c  (François),  docteur  en 
médecine,  naturaliste,  historien,  né  à 
Bruxelles  le  30  août  1732,  mort  dans  la 
même  ville  le  3  avril  1803.  L'Académie 
royale  et  impériale  de  Bruxelles  se  l'as- 
socia le  25  mai  1773,  et  ses  goûts  labo- 
rieux non  moins  que  sa  position  émi- 


nente  de  médecin  de  la  cour,  pendant 
l'administration  des  deux  gouverneurs 
généraux  autrichiens  qui  se  succédèrent 
de  1767  à  1788,  lui  permirent  d'exercer 
une  utile  influence  dans  la  docte  com- 
pagnie; en  outre,  il  ne  cessa  de  prendre 
la  part  la  plus  active  à  tous  ses  travaux. 

Il  semble  que  le  rang  distingué  qu'il 
occupait  comme  homme,  comme  savant, 
aurait  dû,  non-seulement,  préserver  son 
nom  de  l'oubli,  mais  encore  contribuer 
à  nous  faire  connaître  les  principaux 
événements  de  sa  carrière.  S'il  n'en  est 
rien,  si  aucun  détail  de  ce  genre  ne  nous 
a  été  transmis,  c'est  qu'au  xviiie  siècle 
on  s'occupait  infiniment  plus  des  pro- 
grès scientifiques,  considérés  collective- 
ment, que  des  particularités  faites  pour 
caresser  l'amour-propre  des  académi- 
ciens. L'insouciance  était  si  complète,  à 
cet  égard,  que  les  procès-verbaux  des 
séances  de  l'Académie  ne  contiennent 
guère  que  des  généralités,  et  qu'au  décès 
d'un  membre  ••  fût-il  des  plus  distingués, 
quelques  lignes  à  jDeine  lui  étaient  con- 
sacrées (1)  " .  Durondeau  obtint-il  cet 
hommage  posthume  et  laconique  ?  Tout 
invite  à  le  croire.  Nos  recherches  ont, 
cependant^  été  vaines  pour  retrouver  le 
texte  des  paroles  prononcées  à  l'occasion 
de  sa  mort.  Pour  faire  apprécier  l'éten- 
due ,  la  variété  de  ses  connaissances, 
nous  en  sommes  donc  réduit  à  mention- 
ner ses  travaiix  ;  nous  nous  bornerons  à 
citer  les  principaux. 

Durondeau  dut  son  admission  à  l'Aca- 
démie à  un  mémoire  de  concours  pré- 
senté à  la  Société  littéraire  de  Bruxelles 
et  fait  en  réponse  à  la  question  suivante  : 
Quelles  sont  les  plantes  les  plus  utiles  du 
pays,  et  quel  est  leur  tisage  dans  la  méde- 
cine et  dans  les  arts?  L'auteur  du  travail 
n'obtint  qu'un  accessit,  qu'il  convenait 
de  lui  accorder,  dit  le  rapport,  «  bien 
qu'il  n'eût  pas  résolu  la  question,  mais 
parce  qu'il  avait  fait  d'utiles  expériences 
qu'on  ne  pourrait,  faute  d'accorder  cette 
distinction,  rendre  publiques.  «  Pendant 
l'intervalle  qui  s'écoula  entre  la  présen- 


(1)  Etudes  pour  servir  à  l'histoire  des  sciences 
et  des  lettres  peudaut  la  seconde  moitié  du 
XV1U«  siècle,  par  Ed.  Maillv,  Mem.  couronnes, 
t.  XVII,  1877. 


369 


DURONDEAU  —  DU  THIELT 


370 


tation  et  le  jugement  du  mémoire,  la 
Société  littéraire  s'était  transformée  en 
Académie  ;  Durondeau  s'y  fit  présenter, 
et  sa  demande  ayant  été  bien  accireillie, 
son  élection  fut  soumise  à  l'agréation  de 
S.  A.  R.  le  prince  Charles  de  Lorraine. 

Le  nouvel  élu  ne  tarda  pas  à  donner 
des  preuves  de  son  incessante  activité, 
soit  par  son  initiative  pour  les  questions 
mises  au  concours,  soit  pour  le  jugement 
des  Mémoires  présentés,  soit  enfin,  et 
surtout,  comme  auteur  de  nombreux 
travaux  appartenant  aux  branches  les 
plus  divergentes.  Un  certain  nombre  de 
ses  communications  à  l'Académie  se  rat- 
tachent aux  sciences  naturelles,  à  l'hy- 
giène, à  l'exercice  delà  médecine,  tandis 
que  d'autres  traitent  des  sujets  histori- 
ques ou  archéologiques.  A  la  première 
catégorie  appartiennent  :  les  Expériences 
sur  le  sérum  du  smuj  (1774);  les  Obser- 
vations sur  les  effets  pernicieux  des  mordes 
(1777);  le  Mémoire  sur  la  sangsue  médi- 
cale (1778),  celui  sur  la  sèche  fossile  ;  la 
Note  sur  V électricité  médicale,  qui  eut 
pour  résultat  l'introduction  dans  les 
hôpitaux  de  "  la  nouvelle  méthode  cura- 
tive  »  ;  enfin  le  Mémoire  sur  V endroit  le 
plus  favorahle  à  bâtir  un  Jiôtel-Dieu,  mé- 
moire qui  fut  communiqué  d'urgence  au 
ministre  plénipotentiaire,  le  prince  de 
Stahremberg.  Pans  la  seconde  catégorie 
des  sujets  traités  par  notre  auteur,  il 
faut  citer  les  méiroires  sur  les  Druides 
et  les  sacrifices  liumains  des  Gaulois  et 
sur  la  décadence  du  royatime  de  Lotltier. 
Durondeau  avait,  en  outre,  commencé, 
dès  le  mois  de  décembre  1779,  une  suite 
(^Observations  météorolocjiqves,  dont  le 
résumé  fut  imprimé  dans  le  tome  III  des 
Anciens  Mémoires. 

Par  diverses  indications  contenues 
dans  les  écrits  de  Durondeau,  on  voit 
qu'il  visita  plus  d'une  fois  les  établis- 
sements médicaux  de  Paris  et  de  Mont- 
pellier; qu'il  acquit  une  riche  clientèle  ; 
et  qu'il  vivait  dans  une  vaste  habitation, 
puisqu'on  put  y  installer  le  cabinet 
d'histoire  naturelle  ,  que  l'Académie 
commençait  à  former  et  que  l'humidité 
des  salles  académiques  détériorait.  Du- 
rondeau se  trouva  ainsi  de  fait,  et  jus- 
qu'à la  fin  de  sa  vie,  le  conservateur  de 


la  collection  naissante,  appelée  à  rece- 
voir, de  nos  jours,  un  si  vaste  dévelop- 
pement. Aug   Valider  Mferith. 
Archives  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 

i»i:  RiiSiSEAi;  {Raoul),  polygraphe. 
xve  siècle.  Voir  Raoul  a  Rivo. 

»i:<B!«AiJi.x  {Gérard)  ou  Du  Saule, 
en  latin  Gerardus  a  Salice,  com- 
positeur de  musique,  vivait  au  com- 
mencement du  xvie  siècle.  Les  données 
biographiques  sur  ce  compositeur  belge 
font  totalement  défaut;  on  sait  cependant 
qu'il  fut  prêtre  et  composa  le  motet  Os 
justi  meditabitur  sapientium,  le  psaume 
Laudate  Dominum,  omnes  gentes,  tous 
deux  à  quatre  voix,  rapportés  par  Gla- 
réan  (Dodecach.),  fol.  280-287-  "  Ces 
morceaux,  dit  Fr.  Fétis  {Biographie  uni- 
verselle des  musiciens,  2e  édition),  bien 
écrits,  sont  du  onzième  mode  appelé  hy- 
polydien  par  Glaréan,  bien  qu'il  ne  soit 
pas  l'hypolydien  des  didactiques  grecs, 
et  qu'il  corresponde  au  iastien  d'Aris- 
toxèire  et  au  ionien  d'Alypius.  « 

Aug.  Vander  Meersch. 

DU  THiei^T  {Guillatime),  peintre  et 
graveur  en  taille-douce,  élève  de  Ru- 
bens,  naquit  à  Ypres  vers  la  fin  du 
xvie  siècle  et  décéda  vers  l'année  1669. 
Du  Thielt  s'adonna  plus  à  la  gravure 
qu'à  la  peinture.  C'est  à  lui  que  sont 
dues  les  armoiries  de  l'ouvrage  de  Phi- 
lippe de  l'Espinoy  {Recherche  des  anti- 
qriités  et  noblesse  de  Flandre.  Douai, 
16.31,  in-foL);  elles  -sont  gravées  sur 
cuivre  avec  beaucoup  de  finesse.  Les 
deux  belles  planches  en  taille-douce  qui 
ornent  la  relation,  publiée  par  Adrien 
van  Schrick,  du  fameux  siège  d' Ypres 
par  les  Anglais  et  les  Gantois  en  1383 
(à  Ypres,  chez  François  Bellet,  1610, 
in-12),  sont  également  dues  au  burin 
de  cet  artiste  :  l'une  de  ces  gravures 
représente  le  plan  de  la  ville  d'Ypres 
avec  ses  faubourgs  au  xive  siècle  ;  l'au- 
tre, la  procession  de  Notre-Dame  de 
Thuyne,  organisée  au  mois  d'août  1609, 
à  l'occasion  de  la  trêve  de  douze  années 
conclue  à  Anvers  le  9  avril  précédent, 
entre  les  archiducs  et  les  Provinces- 
Unies.  Du  Thielt  a  laissé  aussi  plusieurs 


37t 


DU  THIELT  -  DU  TRIEZ 


372 


sujets  religieux,  des  titres  de  livres,  etc. 

Ses  ouvrages  de  peinture  sont  peu 
nombreux;  l'église  de  Saint-Pierre  à 
Ypres  possède  de  lui  quatre  beaux 
tableaux,  savoir  :  l'^  un  Portement  de 
croix  ;  2»  un  Crucifiement;  3^  une  Des- 
cente de  croix;  et  4o  un  Christ  au  tom- 
beau. Les  trois  derniers  ont  dix-huit 
pieds  de  large  sur  douze  cle  hauteur. 

Comme  peintre  et  graveur,  Pu  Thielt 
jouissait,  en  son  temps,  d'une  assez 
grande  réputation.      Aug  Vai,d,r  Metrsch. 

Biographie  des  hommes  remarquables  de  la 
Flandre  occidentale,  l  111.  —  Messager  des 
sciences  historiques,  -18o9.  —  Vereecke.  Histoire 
militaire  de  la  ville  d' Ypres.  —  Nagler,  yeues 
algeiueiite  kunsiler  lexicon. 

DU  TOiCT  (Nicolas),  connu  aussi  sous 
le  nom  espagnol  de  r)ELTECHO,né  à  Lille 
en  1611,  mort  en  1680  dans  la  ville  des 
Saints-Apôtres,  dans  le  Guarani  (Amé- 
rique méridionale),  entra  dans  la  com- 
pagnie de  Jésus  en  1630.  Après  avoir 
enseigné  pendant  quelque  temps  les 
humanités  dans  la  province  gallo-belge 
de  l'ordre  des  Jésuites,  et  fait  ses  quatre 
grands  vœux  en  16-19,  il  partit  pour  les 
missions  d'Amérique  et  changea,  à  cette 
occasion,  son  nom  de  Du  Toict  en  celui 
de  Del  TecJio.  Il  devint  supérieur  des 
missions  du  Paraguay  et  de  l'Uruguay. 
Il  fut  aussi  recteur  du  collège  de  la 
ville  de  l'Assomption.  On  a  de  ce  mis- 
sionnaire :  lo  Historia  provinciœ  Para- 
quaria  societatis  Jesn ,  autliore  P.  Ni- 
colao  Del  TecJio.  Leodii,  Joan.  Mathias 
Hovius,  1673;  vol.  in-fol.  de  xl-390- 
XX  pages.  —  2°  Quelques  extraits  insé- 
rés dans  la  Relatio  triplex  de  rébus  iiidi- 
cis,  imprimée  à  Anvers,  chez  Meursius, 
en  1654.  —  3°  Un  manuscrit  intitulé 
Décades  virorum  ilhcstrium,  provincige 
Paraquariœ  societatis  Jesu.  On  trouve 
la  description  de  ces  ouvrages,  et  des 
détails  au  sujet  de  leurs  traductions  et 
réimpression,  dans  la  Bibliothèque  des 
écrivains  de  la  compagnie  de  Jésus  des 
PP.  I)eBacker,éd.in-fol<-,III,col.ll35. 

P:.-H  J.  Ui-usens. 

Dt  TitiEB  {Philippe),  écrivain,  né  à 
Havré  en  1.580  ctmort  i\T)ouai  en  1645. 
Il  fit  ses  humanités  au  collège  de  Binche, 
l)iiis  il  suivit  les  cours  de  philosophie  à 


Louvain,  où  il  prit  le  grade  de  maître 
es  arts,  et  obtint  le  premier  rang  à  la 
promotion  de  1599.  Après  avoir  étudié 
la  théologie,  il  occupa  la  chaire  de  phi- 
losophie au  collège  du  Château  à  la 
même  université,  pendant  deux  ans  et 
quatre  mois,  et  n'abandonna  son  cours 
que  pour  se  faire  admettre  dans  l'ordre  des 
Jésuites;  il  fit  son  entrée  au  noviciat  de 
Tournai,  le  27  mai  1603.  Depuis,  il 
enseigna  successivement  les  humanités, 
la  philosophie  et  la  théologie  à  Douai, 
où  il  prit  le  bonnet  de  docteur  en  théo- 
logie. Philippe  du  Trieu  mourut  en 
cette  ville  au  moment  où  il  se  préparait 
à  publier  divers  ouvrages  de  philosophie 
et  de  théologie.  Nous  avons  de  lui  : 
Manuductio  ad  logicam,  site  dialectica 
studiosœ  juventnti  ad  logicam  prcepa- 
randœ  cotiscripta. Dnaci,  Balth.  Bellerus, 
1615,  in-12.  Cet  ouvrage,  spécialement 
destiné  par  son  auteur  aux  universités 
de  Louvain  et  de  Douai,  fut  adopté  dans 
tous  les  collèges  des  Pays-Bas  catholi- 
ques. On  en  connaît  plus  de  vingt  édi- 
tions diiférentes.  Emmanuel  Noeffs. 

Paquot,   Mémoires.    —    Foppens,    Diblotheca 
belgica.  —  Bibliothèque  roijale.  Mss.  4". 

OU  TRIEZ  {Robert)  ou  Du  Trieu, 
poète,  né  à  Lille,  sans  doute  dans  le 
premier  quart  du  xvie  siècle.  On  n'a 
sur  lui  aucun  détail  biographique.  Lui- 
même  se  donne  la  qualification  à'archer 
de  corps  pensionné  ;  il  avait,  par  consé- 
quent, fait  partie  de  ces  vieilles  bandes 
d'archers  flamands  qui  prirent  une  part 
si  active  dans  les  dittërentes  guerres  que 
nos  provinces  eurent  à  soutenir  à  cette 
époque.  Le  vieux  bibliographe  La  Croix 
du  i\Iaine  cite  Du  Triez  comme  auteur 
de  poésies  françaises  de  difierents  genres; 
malheureusement,  il  n'a  pas  donné  les 
titres  de  ces  productions,  aujourd'hui 
perdues  pour  la  plupart.  On  ne  connaît 
de  Du  Triez  que  les  deux  ouvrages  sui- 
vants :  lo  Chantz  funèbres  sur  la  luort  et 
trespas  de  feu  excellent  prince  et  illustre 
seigneur,  mes-iire  Maximilien  d'Egmont, 
chevalier  de  Tordre  en  son  vivant,  et  comte 
de  Buren.  Par  Robert  du  Triez  de  Lille 
en  Flandres,  archer  de  corps  pensionné 
à  la  M.  A  Gand,  devant  la  maison  de 
ville,   à  l'enseigne  du  Quadrant   Muet. 


373 


DU  TRIEZ 


DUVENEDE 


374 


Par  Henry  Van  den  Keere,  imprimeur 
juré  de  la  monnoye  du  roi  nostre  sire, 
sans  date,  petit  in-8'>  de  36  ff.  non  chif- 
frés, mais  avec  réclames  et  signatures 
A  2-E  2.  Le  privilège  étant  daté  de 
Bruxelles  le  6  juin  1559,  et  les  deux 
épîtres  dédicatoires,  l'une  adressée  à 
Françoise  de  Lannoy,  comtesse  de  Buren, 
et  l'autre  h  Philippe  de  Nassau,  comte 
de  Buren,  étant  également  datées  de 
1559,  il  est  très-probable  que  cette 
impression  parut  en  cette  même  année. 

—  2°  Les  rtises,  jiyiL'sses  et  impostures 
(les  esprits  malins.  Cambray,  Xicolas 
Lombard,  15  63,  in-4o.  Ouvrage  sur  la 
sorcellerie,  très-rare.  h.  Heibig. 

Bulletin  du  Bibliophile  belije,  t.  F,  p.  luâ  doB. 

—  Biunet,  Manuel,  t.  II,  col.  9!2i.  —  Ferd. 
Viiti'lorliaeghen  ,  Bibliographie  gantoise ,  t.  I, 
p.  11)9-170. 

nVTM.(Mat/deu-François),Yétér'm{i[Te, 
né  à  Verviers  le  5  juillet  1730,  mort 
vers  1790.  Il  a  laissé  :  l»  V Anti-Ma- 
réchal, chirurgie  complette  et  traité  d'opé- 
rations en  ce  qui  concerne  les  maladies 
externes  des  chevaux.  Liège,  1773,  2  vol. 
in-8''.  —  2'J  Les  ruses  du  macpiifjnoîinaf/e. 
Liège,  1773,  inSo.  g.  Dt-waiq»,-. 

Delvenne,  Biographie  des  Pays  Bas  —  Becde- 
lievre,  Biographie  liégeoise. 

DL'TAi^  (François- Pyr au)  ou  De  La- 
val, voyageur,  né  à  Stembert,  près  de 
Verviers,  en  1570,  mort  à  Saint-Malo 
en  1652.  Voir  Ptrau  de  Laval  (Frati- 
qois). 

DIJVAl.  DE  BEAULIEt.  Voir  BeAU- 
LIEU. 

DWETVEDE  {Murc  v.%x),  peintre 
d'histoire,  né  à  Bruges  vers  1674,  mort 
dans  la  même  ville  le  4  février  1730.  Il 
fit  son  apprentissage  chez  un  artiste 
fort  médiocre,  mais  assez  bon  graveur, 
J.-B.  Herregoudts,  qui  eut  cependant 
le  mérite  de  développer  si  rapidement 
ses  dispositions,  qu'à  l'âge  de  quinze  ans 
on  put  l'inscrire  dans  la  corporation  des 
peintres.  Il  n'y  obtint  la  maîtrise  que 
onze  ans  plus  tard,  en  1700,  et  résolut 
aussitôt  de  se  rendre  en  Italie.  L'itiné- 
raire qu'il  suivit  pour  étudier  les  chefs- 
d'œuvre    réunis    dans    les    principaux 


musées  nous  est  resté  inconnu  ;  nous 
savons  seulement  qu'il  se  fixa  d'abord, 
et  pendant  deux  ans,  à  Xaples. 

Plus  encore  que  les  écoles  des  autres 
grandes  villes  italiennes,  celle  de  Na- 
ples  était  alors  à  son  déclin.  Sa  princi- 
pale illustration,  Luca  Giordano,  esti- 
mait que  la  promptitude  d'exécution 
constituait  une  qualité  essentielle  et, 
comme  lui,  ses  meilleurs  élèves  s'atta- 
chaient plus  à  faire  vite  qu'à  faire  bien. 
Loin  d'être  séduit  par  cette  dangereuse 
méthode,  notre  Flamand  en  reconnut, 
sans  doute,  les  ccueils,  car  il  alla  s'éta- 
blir à  Porae  et  se  mit  sous  la  discipline 
d'un  maître  comparativement  sévère. 
Carlo  Maratta  y  tenait  alors  le  sceptre 
de  la  peinture  et,  bien  qu'il  fut  âgé  de 
soixante-quinze  ans,  pendant  plus  de 
dix  ans  il  devait  le  garder  encore.  Son 
prestige  était  dCi  à  cette  double  circon- 
stance que  ses  plus  glorieux  rivaux 
avaient  déjà  disparu  de  la  scène  du 
monde,  et  qu'il  comptait  le  pape  élé- 
ment XI ,  au  nombre  de  ses  anciens 
disciples. 

Bientôt  Duvenede  fut  plus  et  mieux 
qu'un  excellent  élève  du  célèbre  maître 
romain,  il  en  devint  l'habile  imitateur. 
Charmé  par  la  vigoureuse  largeur  de  son 
pinceau,  par  les  puissants  contrastes 
introduits  dans  ses  compositions,  par  le 
beau  style  de  ses  draperies,  il  voulut 
s'approprier  quelques-unes  de  ces  qua- 
lités et  il  y  parvint  sous  l'influence  d'une 
sympathique  admiration.  La  postérité  a, 
tout  à  la  fois,  constaté  que  Duveuede 
exagérait  l'excellence  de  son  maître  ; 
qu'en  italianisant  son  talent,  il  avait 
perdu  quelques-unes  de  ses  qualités 
natives,  et,  peut-être,  la  principale  de 
toutes,  le  caractère  d'une  inspiration 
individuelle;  aussi  reconnaît-on  à  la  pre- 
mière vue  les  œuvres  antérieures  à  son 
voyage  d'Italie  et  celles  qu'il  a  exécutées 
après  son  retour  dans  sa  ville  natale. 

Cette  transformation  de  talent  fut 
cependant  loin  de  lui  nuire  financière- 
ment. Elle  augmenta  son  succès;  on 
s'étonna  d'abord,  ou  s'enthousiasma  en- 
suite de  ce  qu'il  y  avait  de  correct, 
d'accentué  et  surtout  d'inusité  dans  ses 
productions.  Les  commandes  affluèrent 


375 


DUVENEDE  —  DU  VIVIER 


376 


chez  lui,  tant  de  la  part  des  corporations 
et  des  fabriques  d'égHsg,  que  de  la  part 
de  particuliers.  Stimulé  par  cet  accueil, 
il  produisit  alors  un  assez  grand  nom- 
bre de  bons  tableaux,  parmi  lesquels  il 
convient  de  citer  élogieusement,  son 
Martyre  de  saint  Laurent  et  sa  Sainte 
Claire  entourée  de  jeunes  filles.  Cette 
phase  d'activité  dans  la  vie  de  notre 
peintre  fut,  malheureusement,  de  courte 
durée  et  ce  qui  semblait  devoir  assurer 
le  bonheur  de  sa  vie  devint  la  cause  in- 
directe de  sa  perte  :  il  avait  épousé  une 
jeune  femme  accorte,  active,  entrepre- 
nante (Marie-Anne  Yolders),  qui,  réali- 
sant de  grands  bénéfices  par  son  com- 
merce de  dentelles,  introduisit  au  foyer 
domestique  toutes  les  douceurs  du  bien- 
être.  Naturellement  enclin  au  dolce  far- 
niente, notre  artiste  crut  n'avoir  plus 
rien  à  faire,  puisqu'il  n'avait  rien  à  dé- 
sirer. Il  renonça  donc  à  peindre,  et  pour 
remplir  les  vides  de  cette  existence 
oisive,  il  substitua,  graduellement,  aux 
douceurs  du  travail  les  entraînements 
des  passions.  Cette  déchéance  ne  fut  pas 
moins  préjudiciable  à  sa  santé  qu'à  son 
renom;  il  contracta  par  ses  désordres 
une  maladie  chronique,  qui,  après  d'as- 
sez longues  souffrances,  le  conduisit  au 
tombeau,  à  l'âge  de  cinquante-six  ans. 
Quoique  devenu  infécond  pendant  la 
dernière  période  de  sa  vie,  son  talent  et 
son  expérience  d'artiste,  lui  permirent 
cependant  encore  de  rendre  un  service 
signalé  à  sa  ville  natale  :  il  contribua 
grandement  à  la  fondation  de  l'acadé- 
mie des  beaux-arts  établie,  à  Bruges, 

en  1717.  Fél.  Slappaerts. 

Bouillet,  Dictionnaire  univei-aei  d'/iixt.  —  Im- 
ineisi'el,  Lerens  en  irerken  der  hollandache  en 
vlaaniscke  kunstschilders.  —  Na.uler,  Kiinsi- 
lexicon.  —  Diof/raphie  des  h<mttnes  les  plus  re- 
marquables delà  Flandre  occidentale,  t.  1. 

Di'viviER  {Charles  -  Ernest  -  Emma- 
miel,  chevalier),  né  à  Liège  le  5  novem- 
bre 1799,  décédé  en  la  même  ville  le 
1er  février  1863.  Il  descendait  d'une 
ancienne  famille  de  la  Hesbaye,  anoljlie 
par  l'empereur  Charles  YI  d'Autriche. 
Son  père,  ayant  relevé  en  1782  le  fief 
noble  de  Streel  devant  la  cour  féodale 
de  Liège,   le  fils  fut   autorisé  à  ajouter 


ce  nom  à  son  nom  patronymique.  Le  roi 
Léopold  1er  lui  conféra,  le  18  janvier 
1859,  le  titre  de  chevalier,  réversible  à 
ses  neveux  par  droit  de  progéniture.  Il 
signait  donc,  à  la  fin  de  sa  carrière,  che- 
valier Ch.  Du  Vivier  de  iStreel.  L'un  de 
ses  biographes  affirme  que,  dans  les  der- 
nières années  de  sa  vie,  il  attachait  une 
grande  importance  à  sa  noblesse.  On 
peut  s'en  convaincre  en  visitant  l'église 
de  Saint- Jean,  dont  les  cloîtres  renfer- 
ment des  pierres  tumulaires  de  ses  ancê- 
tres et  de  ses  alliés. 

Puvivier  fit  ses  humanités  au  collège 
de  Verviers  et  au  petit  séminaire  de 
Namur.  Il  se  fit  instituteur  dans  la 
même  ville.  Ses  premiers  essais  dans 
cette  carrière  ne  paraissent  pas  avoir 
été  très-heureux,  et  c'est  sans  doute  à 
cette  circonstance  que  l'on  doit  sa  dé- 
termination de  continuer  ses  études.  Il 
entra  au  séminaire  de  Namur,  où  il 
termina  sa  théologie  en  1823.  Ordonné 
prêtre  la  même  année,  il  fut  bientôt 
attaché  comme  professeur  de  grammaire 
(4e  latine)  au  petit  séminaire  de  Liège. 

Les  établissements  d'enseignement 
moyen  du  clergé  ayant  été  supprimés 
en  1825,  Duvivier  fut  nommé  vicaire 
dans  la  paroisse  de  Saint-Jean-en-Isle 
et  fut  investi,  quelques  années  après,  le 
7  février  1834,  des  fonctions  de  curé  de 
cette  importante  église,  fonctions  qu'il 
conserva  pendant  près  de  trente  ans. 
Les  fatigues  du  ministère  altérèrent  sa 
santé  au  point  de  déterminer  le  chef  du 
diocèse  à  lui  donner  un  coadjuteur. 

Duvivier  n'était  pas  l'ami  du  gouver- 
nement que  les  traités  de  1815  nous 
avaient  imposé  ;  la  fibre  patriotique 
s'était  éveillée  en  lui  plusieurs  années 
avant  1830,  et  dès  1823,  il  créait  le  Con- 
servateur helye,  revue  hebdomadaire,  qui 
contenait,  outre  les  articles  dus  à  sa 
plume,  les  travaux  les  plus  remarqua- 
bles publiés  par  les  principaux  organes 
religieux  de  la  France.  Il  contribua 
aussi  de  ses  deniers  à  la  création  de 
journaux  de  Bruxelles,  fondés  pour  la 
défense  des  intérêts  nationaux.  En  même 
temps,  dit  son  regretté  biographe, 
Ulysse  Capitaine,  il  composa,  tant  eu 
wallon  qu'en  français,  des  chansons  po- 


;-J77 


DUVIVIER 


378 


litiques  qui   lui  valurent  une  véritable 
popularité. 

Quelques  jours  après  les  grandes 
journées  bruxelloises,  Duvivier  se  porta 
à  Sainte-Walburge,  lors  du  combat  du 
30  septembre  1830,  et  prodigua  ses 
secours  aux  blessés  et  aux  mourants; 
puis,  bénissant  la  terre,  il  enterra  les 
morts  à  l'endroit  même  où  étaient  tom- 
bés les  martyrs  de  notre  délivrance.  La 
Croix  de  Fer  lui  fut  décernée  en  récom- 
pense d'un  dévouement  aussi  patriotique 
que  chrétien.  Telle  a  été  la  carrière  reli- 
gieuse et  politique  du  curé  de  ."Saint- 
Jean,  considérée  dans  son  ensemble. 

Duvivier  a  droit  encore  à  l'estime  et 
aux  sympathies  par  des  travaux  litté- 
raires que  nous  allons  énumérer. 

Après  la  révolution,  dès  que  l'agita- 
tion politique  devint  moins  intense, 
Duvivier,  qui  avait  conservé  le  goût  des 
études  pédagogiques,  reprit  la  rédaction 
d'un  Cours  d'instruction  à  l'usage  des 
écoles  publiques.  Ses  publications,  au- 
jourd'hui surannées,  obtinrent  alors  un 
grand  et  légitime  succès.  Elles  consti- 
tuaient en  effet  un  progrès  remarquable 
et  servirent  longtemps  de  guide  à  une 
foule  d'instituteurs,  dont  la  science  pé- 
dagogique laissait  beaucoup  à  désirer. 

Il  La  reine  Louise  »,  dit  Ulysse  Ca- 
pitaine, Il  professait  une  haute  estime 
"  pour  les  travaux  scolastiques  de  l'ho- 
"  norablecuré;  elle  en  accepta  la  dédi- 
«  cace  et  demanda  pour  l'auteur  la 
Il  croix  de  l'ordre  de  Léopold  «,  dis- 
tinction qui  lui  fut  accordée  en  1845. 

Duvivier  fut  l'un  des  fondateurs  de 
la  Société  liét/eoise  de  littérature  wallonne  ; 
mais  une  question  d'orthographe,  et 
certain  froissement  d'amour-propre,  le 
portèrent  bientôt  à  cesser  tout  rapport 
avec  la  société  ;  il  conserva  cependant 
jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  des  relations  très- 
iutimes  avec  quelques-uns  des  membres 
les  plus  instruits  de  cette  compagnie. 
Le  digne  curé  considérait  le  patois  de 
Liège  comme  une  langue  pleine  de  vita- 
lité et  qui  devait  faire  éciore  une  litté- 
rature originale.  Les  travaux  accomplis 
depuis  vingt  ans,  les  productions  char- 
mantes de  nos  poètes  liégeois,  ont,  en 
effet,  prouvé  qu'il  ne  se  trompait  pas  sur 


l'avenir  réservé  à  l'idiome  dé  sa  prédi- 
lection. 

Duvivier  fut  un  des  promoteurs  de  ce 
mouvement  littéraire.  Ses  chansons  ou 
jjasqtiéies  se  chantaient  dans  nos  rues 
dès  avant  1830.  Laissons  à  cet  égard, 
la  parole  à  l'un  de  ses  biographes  déjà 
cité  :  Il  Dans  ses  poésies  wallonnes,  dit 
Il  Ul.  Capitaine,  Duvivier  se  révèle  en- 
'/  faut  du  terroir,  fier  de  son  pays,  avec 
"  cela  frondeur  aimable  des  travers  de 
"  ses  compatriotes,  moraliste  jusque 
Il  dans  ses  moments  d'abandon  et  de 
Il  belle  humeur...  Où  il  excelle,  c'est 
"  surtout  dans  la  peinture  ou  plutôt 
"  dans  la  satire  des  mœurs  de  l'époque, 
Il  dans  la  critique  des  actes  de  l'admi- 
II  nistration  locale,  dans  l'énumération 
"  des  trésors  qui  gisent  au  fond  de  la 
Il  dive  bouteille.-..  Essentiellement  réa- 
II  liste,  il  est  peintre  de  mœurs,  peintre 
"  de  genre,  mais  non  réaliste  brutal;  il 
Il  a  le  sens  de  l'art  et  infiniment  plus 
Il   de  goût  en  wallon  qu'en  français.  « 

Il  s'exerça  dans  le  genre  héroï-co- 
mique :  sa  Cinéide,  poème  en  vingt- 
quatre  chants,  raconte  la  guerre  de  la 
vache,  guerre  qui  se  résume  eu  pillages 
de  châteaux  et  en  grands  coups  d'épée. 
"  On  voit  que  Duvivier  a  pris  pour 
Il  modèle  les  poètes  italiens  quant  à 
"  l'économie  générale  du  plan,  quant  à 
"  l'abondance  et  à  la  désinvolture  du 
"  langage;  dans  les  détails,  il  lâche  la 
Il  bride  à  sa  verve  éburonne  (Ij.  Comme 
"  poète  français,  il  ne  paraît  pas  se 
Il  douter  qu'il  écrivait  au  xixe  siècle. . . . 
"  le  souffle  de  l'inspiration  moderne  ne 
"   l'anime  point  (2j. 

Il  a  laissé  en  wallon  quelques  pièces 
pleines  de  verve  et  de  mordante  satire, 
notamment  Li  Pantalon  troicé,  que 
M.  Alphonse  Le  lioy  appelle,  avec  rai- 
son, un  chef-d'œuvre. 

Citons  encore  de  lui  un  Dictmmaire 
îcalloH  dans  le  genre  de  celui  de  Forir, 
puis  un  dictionnaire  des  rimes,  deux 
ouvrages  restés  inédits ,  ainsi  qu'un 
recueil  de  pasqnéies  qu'il  réservait  à  ses 
amis  les  plus  intimes,  aux  jours  d'épan- 


(1)  Alphonse  Le  Roy,  Aotjce  mr  Duvivier. 
[-2)  Ibid. 


379 


DUVIVIER 


380 


chement  et  de  joyeuse  humeur.  Pour 
faire  connaître  entièrement  l'homme  et 
l'écrivain,  nous  ne  saurions  mieux  faire 
que  de  reproduire  ici  le  portrait  qu'en  a 
tracé  M.  Alphonse  Le  Eoy  {Annuaire 
de  la  Société  liégeoise  de  littérature  wal- 
lonne, 1864)  : 

'/  Aumônier  général  des  décorés  de 
Il  la  Croix  de  Fer,  membre  titulaire  de 
Il  l'Institut  archéologique  liégeois,  cor- 
II  respondant  d'une  quantité  de  sociétés 
*  savantes,  tant  françaises  que  belges, 
»  Duvivier  pouvait  faire  suivre  son 
u  nom,  à  la  tète  de  ses  opuscules,  d'une 
"  jolie  petite  pyramide  de  titres  en 
Il  forme  de  cul-de-larupe.  Mais  il  ne  se 
«  donnait  qu'à  lui-même  ces  petites 
»  satisfactions  d'amour-propre;  la  va- 
"  nité,  même  la  plus  innocente,  n'était 
«  pas  le  fond  de  son  caractère;  s'il 
u  tenait  à  tout  cela,  c'était  plutôt  pour 
»  paraître  respectable  à  ses  propres 
«  yeux.  En  somme,  cœur  d'or,  dévoué 
»  à  sa  mission  sacerdotale,  chrétien 
u  dans  toute  l'acception  du  mot,  c'est-à- 
u  dire  humain,  charitable  et  bon;  sati- 
«  rique  pour  se  récréer,  mais  armé  seu- 
»  lement  d'une  épingle  et  ne  faisant 
u  qu'effleurer  la  peau;  et  encore,  ne 
«  s'en  prenant  jamais  aux  personnes, 
u  mais  aux  abus  et  aux  ridicules  pu- 
«  blics  ;  patriote  par  excellence,  planant 
«  au-dessus  des  partis  politiques,  dé- 
»  voué  aux  idées  de  l'ancienne  Union, 
u  tolérant  autant  que  croyant,  mais  ne 
"  transigeant  pas  plus  avec  ses  convic- 
»  tions,  qu'il  ne  variait  dans  ses  afl'ec- 
1   tions.  Il 

Duvivier  a  publié  : 

ExsEiGXEMEXT  PRiMAlKE. — 1'^  Nou- 
veau Recueil  de  ca7itiques  à  Vnsage  des 
écoles  et  des  paroisses.  Ce  recueil  a  eu 
huit  éditions  :  Ye  Duvivier,  à  Liège, 
Demat  à  Bruxelles;  Casterman  à  Tour- 
nai ;  Grandmont-Donders  et  Lardinois 
à  Liège;  tous  sans  date.  —  2^  Une 
foule  de  syllabaires  et  de  livres  d'écoles, 
chez  Grandmont-Donders,  Lemarié,  etc. 
—  3o  Grammaire  française  et  leço7is 
ff  analyse  grammaticale ,  extraites  de  Xoël 
et  Chapsal.  —  4o  V Art  épistolaire. 
Veuve  Duvivier,  1836.  —  5o  Arithmé- 
tique, Ire  et  2e  parties.  Grandmont.  — 


6o  Géographie  des  écoles,  en  trente  le- 
çons. 

Mélanges. — 1° L' Imitation  de  Jésus- 
Christ,  avec  réflexions.  Liège,  Lardi- 
nois (Dessain,  1840).  —  2o  Lettre  à 
M.  le  rédacteur  du  Journal  historique  et 
littéraire,  1847.  —  3°  La  Cifiéide  ou  la 
Fâche  reconquise.  Liège,  Grandmont, 
1852,  in-12  de  254  pages,  tirés  à 
90  exempl.  Seconde  édit.  à  Bruxelles, 
Goemaere,  1854,  in-12,  de  viii-344  p. 

—  4'J  Lettre  à  Ulysse  Capitaiiie,  à  propos 
de  la  chanson  patriotique  Belge  valeu- 
reux. Chez  Carmanne,  1855,  in- 8°  de 
14  pages.  —  5'J  (Quelques  données  anti- 
ques sur  le  quartier  de  VUe  de  la  ville  de 
Liège.  Renard  (Carmanne),  1859. 

Productions  "wallonnes. — 1»  Quel- 
ques chansons  wallonnes,  par  l'auteur  du 
Pantalou  trowé  (Lardinois,  1842).  Ou- 
dart.  —  2o  Poésies  wallonnes,  par  le 
même,  Liège  (Lardinois).  Ledoux,  1842. 

—  3o  L  ne  foule  de  jjasqti.éies,  sans  nom 
d'éditeur. 

Une  grande  partie  des  œuvres  poli- 
tiques et  philosophiques  de  Duvivier  est 
restée  inédite.  En  1854,  Duvivier  vou- 
lait publier  un  choix  de  ses  poésies,  tant 
françaises  que  wallonnes,  avec  notes  et 
commentaires;  l'état  de  sa  santé  ne  lui 
permit  pas  de  réaliser  ce  projet. 

A.  Alvin. 
yécrologe  liégeois  de  1863,  par  Ulysse  Capi- 
taine. —  Charles  Duvivier,  par  Alphonse  Le  Roy, 
18t)4.  —  Pièces  relatives  à  Duvivier  trouvées  dans 
les  papiers  délaissés  par  Bailleux,  secrétaire  de 
la  Société  liégeoise  de  littérature  wallonne. 

Di'TiviER  (Claude),  écrivain  reli- 
gieux, né  à  Mon  s  vers  1568,  mort  le 
7  août  1630.  11  appartenait  à  l'ordre 
des  frères  mineurs,  dont  il  devint  pro- 
vincial à  Paris.  En  Belgique,  il  fonda  la 
province  de  Saint-François  de  Paule, 
qu'il  dirigea  trois  fois,  et  rendit  de 
grands  services  à  son  ordre.  Il  mourut 
en  odeur  de  sainteté,  à  Liège,  à  l'âge 
de  soixante-deux  ans,  après  avoir  été 
prédicateur  des  infants  Albert  et  Isa- 
belle. Le  P.  Duvivier  acquit  une  répu- 
tation d'éloquence  en  prêchant  trente- 
trois  années,  tous  les  jours  de  l'Avent, 
tant  en  Belgique  qu'en  France.  Un  de 
ses  biographes  n'hésite  pas  à  le  ranger 
parmi  les  hommes  illustres  de  son  temps; 


381 


DUVIVIER 


38-2 


quoi  qu'il  en  soit  de  cette  hyperbole,  il 
mérita  d'être  considéré  comme  un  sa- 
vant théologien.  On  lui  doit  :  La  Vie 
et  les  Iliracles  de  saint  François  de  Paule. 
Douai,  1622,  in-8',  écrit  dans  un  style 
élégant.  On  prétend  qu'il  composa,  en 
outre,  plusieurs  autres  ouvrages,  dont 
les  titres  ne  sont  pas  mentionnés. 

Aug.  Valider  Mucrsch. 

Du  Saussay,  Marlyroloyiuin  (jallicum.  —  Fop- 
pcns,  Dibliolheca  belgica,  l.  1,  p.  188.  —Mathieu, 
Biographie  mouloise. 

DVYit'iER  (Jean-Bernard),  né  à 
Bruges  le  23  juin  1762,  mort  à  Paris  le 
21  novembre  1837.  Sa  vocation  d'artiste 
se  révéla  dès  sa  plus  tendre  jeunesse  :  il 
s'emparait  de  toutes  les  images  qui  lui 
tombaient  sous  la  main  et  s'eôbrçait  de 
les  copier.  Un  professeur  de  l'Académie, 
Paul  De  €ock,  vit  ces  essais  incomplets 
qui  laissaient  déjà  entrevoir  le  don  de 
l'imitation,  et  il  obtint  des  parents  du 
futur  artiste  l'autorisation  de  lui  donner 
un  professeur  de  dessin.  Il  choisit  à 
cet  effet  son  frère,  tout  en  s'attachant 
lui-même,  pendant  les  cours  académi- 
ques ,  à  diriger  les  études  du  jeune 
disciple.  Celui-ci  passa  rapidement  à 
travers  les  différentes  classes  scolaires, 
en  remportant,  dans  toutes,  les  premiers 
prix.  Sa  moisson  complète  de  lauriers 
était  faite  en  1782  et  dès  lors  il  s'essayait 
dans  la  peinture  à  l'huile,  en  exécutant 
des  paysanneries  à  la  manière  de  Te- 
niers,  quand  une  circonstance  fortuite 
vint  lui  imposer  une  plus  lourde  charge. 
Les  gouverneurs  généraux  du  pays, 
l'archiduchesse  xMarie-Christine  et  son 
époux,  le  duc  de  Saxe-Tesschen,  arrivè- 
rent à  Bruges  ;  ils  y  visitèrent  une  an- 
cienne et  célèbre  confrérie,  celle  des 
chevaliers  de  Saint-George,  et  les  con- 
frères, fort  honorés  de  cette  visite,  vou- 
lurent en  perpétuer  le  souvenir  en 
faisant  orner  des  portraits  de  Leurs 
Altesses  la  salle  destinée  à  leurs  réu- 
nions. Duvivier  fut  chargé  de  réaliser 
ce  projet,  et,  selon  la  mode  du  jour,  il  fit 
une  composition  allégorique  dans  la- 
quelle il  introduisit  les  portraits  des 
deux  augustes  visiteurs.  C'était  là,  et  ce 
ne  pouvait  être  qu'une  œuvre  de  débu- 
tant (le  peintre  atteignait  à  peine  à  sa 


vingt  et  unième  année);  mais  dans  ce  ta- 
bleau, qui  occupe  encore  son  emplace- 
ment primitif,  on  entrevoit  déjà  les 
prémices  d'un  talent  appelé  à  se  déve- 
lopper brillamment. 

Duvivier  ne  cessait  d'étudier  la  na- 
ture ;  il  peignait  adroitement  des  ma- 
rines, des  pay.sages,  des  scènes  emprun- 
tées à  la  vie  des  pêcheurs  sur  les  côtes 
de  Blankenberghe ;  mais,  trop  intelli- 
gent pour  se  contenter  d'aussi  faciles 
succès,  il  aspirait  à  un  plus  large  hori- 
zon :  vivre  à  Paris,  était  devenu  le  but 
de  son  ambition.  Ce  but  il  l'atteignit  au 
mois  de  septembre  1783.  Admis  à 
l'Académie  royale  des  beaux-arts,  il 
devint  en  même  temps  élève  de  son 
compatriote  Suvée.  Ce  maître,  toujours 
délicat  et  gracieux,  même  dans  les 
sujets  qui  demandaient  des  qualités  plus 
vigoureuses,  jouissait  alors  de  la  vogue; 
il  devint  le  protecteur  de  Duvivier  et 
éveilla,  très-probablement,  en  lui  le 
désir  de  se  rendre  en  Italie.  Xotre  jeune 
peintre  ayant,  dès  1785,  remporté  le 
second  prix  de  peinture  à  l'Académie 
de  Paris,  celle-ci  lui  octroya,  en  outre, 
un  prix  de  300  livres,  fondé  par  Latour, 
peintre  du  roi;  et  la  ville  de  Bruges  y 
ajouta  bientôt,  à  titre  d'encouragement, 
un  don  de  cinquante  couronnes.  En 
présence  de  cette  richesse  relative,  les 
rêves  de  Duvivier  le  menaient  constam- 
ment à  Eome  et  il  devait,  grâce  à  sa 
bonne  chance,  en  prendre  réellement  le 
che'min  :  un  somptueux  ami  des  arts, 
nommé  Boudelet,  le  décida  à  partir 
en  1790,  en  s'engageant  à  lui  fournir, 
pendant  trois  ans,  les  moyens  de  vivre 
dans  la  terre  classique  des  beaux-arts. 
Il  y  trouva  sans  doute,  assez  rapidement, 
les  ressources  qui  n'y  manquent  jamais 
aux  artistes  laborieux,  car,  au  lieu  d'y 
rester  trois  ans,  il  en  consacra  six  à 
poursuivre  ses  études  à  Milan,  à  Venise, 
à  Florence  et  à  Rome. 

Ce  n'est  qu'en  1796  qu'il  revint  à 
Paris,  chargé  d'études  d'après  nature, 
de  copies  d'après  les  maîtres,  de  dessins 
d'après  les  monuments  et  aussi  d'une 
œuvre  importante  :  le  tableau  de  la 
Mort  d' Hector  pleurce  par  sa  famille. 
L'école   de  Louis  David  avait  alors  un 


383 


DUVIVIER 


384 


grand  ascendant,  et  Duvivier  se  con- 
forma au  goût  dominant  de  cette  époque, 
tant  pour  le  choix,  du  sujet  que  pour  le 
style  de  sa  composition.  Elle  fit  sensa- 
tion, fut  discutée,  et,  tant  par  les  cri- 
tiques que  par  les  éloges  qu'elle  suscita, 
assigna  un  rang  honorable  à  son  auteur. 
Ce  même  tableau,  exposé  à  Gand  en 
1S23,  y  fut  gravé  pour  la  Société  des 
Beaux-arts  et  publié  dans  les  Annales 
du  Salon,  circonstance  favorableau  pein- 
tre, auquel  elle  valut  la  vente  d'autres 
œuvres,  parmi  lesquelles  on  peut  citer 
comme  l'une  des  plus  gracieuses  celle 
appartenant  autrefois  au  cabinet  du 
baron  Depret  d'Anvers  et  représentant 
la  Charité  entourée  d'enfants. 

En  1832,  Duvivier  était  professeur  à 
l'école  normale,  à  Paris.  En  cette  année, 
il  composa  une  Assomption  de  la  Vierge, 
et  fit  plusieurs  portraits  estimés.  On  cite 
encore  de  lui  une  Vue  de  Blacas,  près 
de  Moustris,  dans  les  basses  Alpes;  Ci- 
modoces ,  profitant  du  sommeil  de  son  père, 
et  volant  auprès  d'Eudore  pou.r  partager 
avec  lui  la  palme  du  martyre;  et  V Hama- 
dryade  sortant  de  V arbre  qui  la  revétissait 
de  son  écorce,  et  suppliant  un  jeune  chas- 
seur de  détourner  Tonde  rapide  qui  déra- 
cine cet  arbre  auquel  sa  vie  est  attachée. 

Parvenu  à  la  maturité  de  l'âge  et 
marié  à  la  fille  d'un  artiste  distingué, 
M.  Dandillon,  Duvivier  adopta  un 
instrument  de  labeur  plus  conforme  à 
ses  goûts  sédentaires  :  il  substitua  le 
burin  au  pinceau  comme  moyen  expres- 
sif de  son  goût,  de  son  sentiment,  et 
acquit  encore  la  réputation  d'un  graveur 

ll'll^ile.  Félix  Stappaerts. 

Annales  de  l'école  flamande,  par  Voisin  — 
Iminerzeel,  Levens  en  iverken  der  hollandsclie 
Kunstschilders.  —  De  Bait,  Annales  du  salon  de 
Gand. 

DCTiTiER  (Jean),  célèbre  graveur 
en  médailles,  né  à  Liège  le  7  février 
1687,  mort  à  Paris  le  30  avril  1761.  Il 
semblait  appelé  à  devenir  excellent 
peintre;  sa  vocation  l'y  destinait  peut- 
être;  cependant  l'imprévu,  qui  joue  un 
rôle  si  actif  dans  les  affaires  humaines, 
le  poussa  vers  une  autre  carrière,  dans 
laquelle  il  s'illustra  et  se  maintint  au 
premier   rang.    Son    père,    Gendulphc 


Duvivier,  graveur  des  cachets  et  de  la 
vaisselle  du  prince-évêque  de  Liège, 
avait  résolu  qu'il  deviendrait  son  suc- 
cesseur, et,  par  devoir,  il  ciselait  déjà 
habilement  les  somptueux  plats  d'ar- 
gent réservés  à  la  table  de  son  souve- 
rain; mais  par  goût,  il  se  livrait  aussi 
à  lin  autre  labeur  et  on  le  voyait,  à 
chaque  instant  de  loisir,  s'essayant  à 
peindre  et  y  réussissant  si  bien,  qu'à  la 
longue  la  volonté  paternelle  dut  fléchir 
et  lui  permettre  de  substituer  le  pinceau 
au  burin. 

Plein  d'espoir,  rempli  de  confiance  et 
trop  énergique  pour  hésiter  sur  les 
moyens  d'arriver  au  biit,  Jean  Duvivier 
sortit  bientôt  de  Liège  et  prit  à  pied 
le  chemin  qui  mène  à  Pome,  en  assi- 
gnant Paris  pour  point  d'une  première 
étape.  La  lenteur  de  ce  mode  de  loco- 
motion était  amplement  compensée  par 
les  incessants  sujets  d'étude  qu'il  four- 
nissait. Forcé,  par  lassitude,  de  faire 
des  haltes  nombreuses,  le  futur  artiste 
trouvait  en  chaque  lieu  de  repos  l'occa- 
sion d'y  étudier  ce  qu'il  ofl'rait  de  cu- 
rieux ou  de  pittoresque.  Il  arriva  donc 
surchargé  de  croquis,  et  pas  à  pas,  dans 
la  capitale  de  la  France.  Admis  à  l'Aca- 
démie des  beaux-arts,  il  y  fut  prompte- 
ment  classé  parmi  les  bons  élèves  et, 
déjà,  il  se  disposait  à  prendre  part  an 
concours  pour  le  prix  de  Rome,  quand 
il  s'en  vit  exclu  en  vertu  de  sa  nationa- 
lité :  ce  concours  n'était  ouvert  qu'aux 
sujets  du  roi  de  France. 

Aucun  mécompte  ne  pouvait  lui  être 
plus  cruel  !  Le  vaste  horizon  entrevu  par 
lui,  mentalement,  se  fermait,  tout  à 
coup,  devant  ses  regards.  Que  faire 
avec  des  ressources  insuffisantes?  Que 
devenir  sans  cette  perspective  d'avenir  ? 
Duvivier  n'eut  point  de  défaillance  :  il 
reprit  bravement  son  métier  et  s'oft'rit  à 
graver  la  vaisselle  du  roi.  Eientôt  il  ne 
manqua  de  rien.  Sa  main  aussi  active 
qu'adroite  lui  procura  tous  les  éléments 
du  bien-être;  mais  il  visait  à  une  plus 
haute  récompense  que  celle  résultant 
d'un  large  salaire;  l'àme  de  l'artiste 
s'agitait  toujours  en  lui  et,  pour  se  satis- 
faire, il  appliqua  son  burin  à  l'exécution 
d'un  portrait  en  taille  douce,  celui  de 


385 


DUVIVIER 


386 


Gouges,  doyen  des  avocats  au  conseil. 
Il  retrouvait  ainsi,  adroitement,  le  che- 
min perdu,  car  le  mérite  de  cette  gra- 
vure fut  constaté  :  un  juge  compétent  (1) 
y  reconnut  la  marque  d'un  dessinateur 
sûr,  une  belle  fermeté  d'exécution  et 
l'annonce  d'un  talent  qui  «  serait  devenu 
supérieur  dans  cette  partie,  s'il  l'eût 
CTiltivée  «.  C'était  beaucoup  que  de 
révéler  de  telles  aptitudes;  ce  n'était 
pas  assez  pourtant  :  il  fallait,  pour  les 
mettre  en  lumière,  un  protecteur  in- 
fluent. Duvivier  le  chercha  et  le  trouva 
en  allant  se  présenter  chez  M.  De  Yal- 
dor,  résident  du  prince-évêque  de  Liège 
près  de  la  cour  de  France.  Cette  visite 
fut  décisive  pour  son  avenir  ;  le  diplo- 
mate cherchait  précisément  un  graveur 
en  médailles  afin  de  perpétuer  le  souve- 
nir du  traité  de  Baden  (1714),  en  vertu 
duquel  son  souverain,  Joseph-Clément, 
électeur  de  Bavière,  avait  pu  rentrer 
dans  ses  Etats.  Après  un  instant  d'hési- 
tation, Duvivier  accepta  la  proposition 
de  se  charger  de  ce  travail.  Tl  repré- 
senta, d'un  côté,  sur  sa  médaille,  le 
buste  du  prélat  et,  de  l'autre  côté,  un 
paysage  accidenté,  surmonté  d'un  arc- 
en-ciel,  avec  cette  légende:  recordabor 
FŒDERis.  Dans  ce  premier  essai  de  ses 
forces,  accueilli  avec  grande  faveur,  et 
qui  lui  valut  une  nouvelle  commande 
du  prince-évêque  (celle  de  la  médaille 
perpétuant  le  souvenir  de  la  Confrérie 
de  Saint- Michel),  on  voit  déjà,  en  germe, 
ses  qualités  caractéristiques  :  elles  seront, 
sans  doute,  développées,  agrandies,  et 
portant  davantage  le  sceau  de  son  in- 
dividualité dans  les  productions  d'une 
date  postérieure  ;  mais  la  marque  de 
supériorité  y  est  déjà  et  ni  le  goût,  ni  le 
style  ne  subiront  plus  de  modifications 
essentielles. 

Après  ce  brillant  début,  Duvivier 
éprouva  cependant  encore  un  grand  dé- 
couragement :  le  coin  de  la  première 
médaille  commandée  pour  compte  de 
l'Etat  se  brisa  par  la  trempe  de  l'acier, 

(1)  Éloge  de  Duvivier  par  l'abbé  Gongenot, 
notice  manuscrite  de  la  Biblothèque  royale  de 
Bruxelles.  M.  Ed.  Fétis  en  a  donné  la  substance 
dans  son  intéressant  ouvrage  :  Les  Artistes  belges 
à  (Hrnpger,  t   Fi.  Bruxelles.  1858. 

BIOGR.  NAT.   —   T.   VI. 


I   et  l'artiste  en  ressentit  une  si  vive  con- 
trariété, qu'il  voulut  redevenir  peintre, 
I   partir   pour  l'Italie,  et  que,  dans  cette 
I   intention,   il   revint    à  Liège   faire  ses 
adieux  à  sa  famille.  Heureusement  qu'à 
son  retour  à  Paris,  le  directeur  de  la 
!  monnaie  mit  obstacle  à  ce  projet  en  lui 
I   ordonnant  de   recommencer  le   travail, 
i   qui,    cette    fois,    réussit    tout    à   fait. 
I   L'avènement  de  Louis  XV,    âgé  seule- 
i   ment  de  cinq  ans,  lui  valut  une  nouvelle 
j   commande,  et  le   graveur  ne  cessa,  dès 
lors,   de  suivre,  le  burin  à  la  main,   le 
j  jeune   monarque,    en   reproduisant    les 
principaux   épisodes  de  son  enfance,  de 
son  adolescence  et  de  sa  jeunesse.  Dans 
cette  série  biographique  la  médaille,  de 
grand  module,  représentant  le  sacre,  est 
considérée  comme  l'une  des  plus  impor- 
tantes. 

Le  génie  d'un  autre  Liégeois  avait 
retracé  de  même  une  partie  du  règne  de 
Louis  XIV  :  TVarin  avait  consacré,  sous 
une  forme  admirable,  l'image  de  ce  roi- 
soleil,  qui  ne  voulut  plus,  en  vieillis- 
sant, se  reconnaître  que  dans  les  por- 
traits de  son  maître  graveur.  C'est  donc 
à  ce  type  que  Duvivier  recourut  en  exé- 
cutant ses  premières  médailles,  notam- 
ment celles  relatives  à  la  campagne  de 
Flandre  (1649),  aux  prises  d'Ypres, 
Landau,  Douai,  Lerida,  Xeuf-Brissac, 
et  aux  deux  célèbres  traités  de  paix  de 
Westphalie  et  d'XJtrecht. 

On  croit  volontiers  à  l'authenticité  des 
faits  inscrits  sur  le  bronze  ;  parfois 
cependant  leur  réalité  est  plus  contes- 
table que  celle  des  faits  consignés  dans 
des  documents  ordinaires.  Ainsi  l'on 
trouve  dans  l'œuvre,  siconsidéral)le,  de 
notre  graveur  des  médailles  rappelant 
des  événements  éventuels  et  non  réali- 
sés :  telle  est  celle  frappée  à  l'occasion 
du  projet  de  mariage  entre  Louis  XV  et 
une  infatnte  d'Espagne,  œuvre  d'art 
charmante,  montrant  l'infante  présentée 
à  la  France  par  l'Hymen,  mais  indication 
historique  erronée,  puisque  l'infante  re- 
tourna en  Espagne  et  que  Marie  Lec- 
zinska,  fille  du  roi  de  Pologne,  vint 
prendre  sa  place  dans  la  couche  royale. 
Telle  est  encore  la  médaille  faite  lors 
des  préliminaires  do  la  paix  eu   1721   : 

13 


387 


DU  VIVIER 


388 


Mars  et  Minerve,  formant  alliance,  y 
apparaissent  près  d'un  olivier  chargé 
des  armoiries  des  puissances  hostiles  et 
accompagnés  de  cette  légende  :  pacia 
œternœ  Jundatœ.  On  sait  combien  l'es- 
poir de  »  cette  paix  éternelle  »  s'éva- 
nouit vite.  Ce  qui  fut  seul  durable, 
c'est  le  goût  délicat  manifesté  dans  cette 
composition  allégorique.  Ici  se  montre 
l'incontestable  supériorité  de  Duvivier; 
Warin,plus  grandiose  que  lui  alors  qu'il 
ne  s'agit  que  de  modeler  une  tête,  doit 
lui  céder  la  place  quand  on  compare  les 
revers  de  leurs  médailles  sous  le  rapport 
du  dessin,  de  l'invention  et  de  la  grâce. 
Voltaire  a  donc  été  fort  injuste,  ou 
singulièrement  oublieux,  quand  il  a  dé- 
cerné à  Warin  seul  des  éloges  excessifs, 
qu'il  convenait  de  partager  équitable- 
ment  entre  lui  et  son  émule.  "  Xous 
"  avons,  dit-il,  égalé  les  anciens  dans 
"  les  médailles.  Warin  fut  le  premier 
"  qui  tira  cet  art  de  la  médiocrité  sur  la 
Il  fin  du  règne  de  Louis  XIII.  C'est 
Il  maintenant  une  chose  admirable  que 
Il  ces  poinçons  et  ces  carrés  qu'on  voit 
"  rangés  par  ordre  historique  dans  l'en- 
"  droit  de  la  galerie  du  Louvre  occupé 
Il   par  les  artistes.  « 

Le  classement  historique  des  médailles 
du  Louvre  aurait  dû  rappeler  au  «  pa- 
triarche de  Ferney  «  que  Warin  avait 
un  glorieux  rival  et  qu'à  celui-ci  étaient 
dus  bon  nombre  des  chefs-d'œuvre  qu'il 
admirait  avec  raison.  L'analogie  des  ser- 
vices rendus  par  les  deux  maîtres  devait 
aussi  l'en  faire  souvenir.  En  eifet,  la 
réforme  métallique,  commencée  par  l'un 
sous  Louis  XIII,  s'acheva  par  l'autre 
sous  Louis  XV.  La  notoriété  publique 
ne  les  séparait  pas  d'ailleurs j  elle  assi- 
milait, au  contraire,  leurs  talents  et 
semblait  portée  à  y  voir  un  des  attributs 
de  leur  nationalité.  Quand,  à  la  mort  de 
Duvivier,  il  fut  question  de  pourvoir  à 
son  remplacement,  l'intendant  des  mon- 
naies répondit  sans  hésitation  au  roi  : 
Il  Sire,  il  n'y  a  que  les  Liégeois  qui 
Il  soient  habiles  à  saisir  l'effigie  des  rois 
"  de  France  et  il  faut  attendre  qu'il  se 
■  Il  rencontre  un  artiste  de  cette  na- 
"   tien.  Il 

Duvivier  avait-il  déplu  à  Voltaire  en 


s'abstenant   de   rendre  hommage    à   sa 
royauté  littéraire  ?  On  serait  tenté  de  le 
croire,  tant  il  semble  étrange  que  celui- 
ci   omette  de  le  citer  alors   qu'il  parle 
implicitement  de  lui.  C'est,  en  effet,  de 
notre  artiste  qu'il  s'agit  quand  Voltaire 
raconte,  dans  ses  Anecdotes  sur  Pierre  le 
Grand,   une  des   gracieusetés  faites  au 
czar  :  "  Il  alla  dîner  à  Petitbourg,  chez 
"   le  duc  d'Antin,  et  la  première  chose 
Il   qu'il   vit  fut  son   portrait  en   grand, 
Il   avec  l'habit  qu'il  portait.  De  même, 
Il   quand  il  alla  voir  la  monnaie  ro^^ale 
Il   des  médailles,  on  en  frappa  de  toute 
Il   espèce  et  on  les  lui  présentait  ;  enfin 
Il   on  en  frappa  une,  qu'on  laissa  exprès 
Il   tomber  à  ses  pieds,  et  qu'on  lui  laissa 
Il   ramasser.   Il   s'y  vit  gravé  d'une  ma- 
II   nière  parfaite,  avec  ces  mots  :  Pierre 
Il   le  Grand.  Le  revers  était  une  Renom- 
II   mée   et  la   légende  :    F'ires  acquirit 
Il   eundo.  «    La   médaille  ramassée,  im- 
provisée et  exécutée  sans  faire  poser  le 
modèle,  ne  doit  pas  être  citée  comme  un 
tour  d'adresse  ou  un  motif  de  surprise, 
car,  malgré  la  promptitude  mise  à  l'exé- 
cution,  c'est,   tout  simplement,  un  des 
chefs-d'œuvre  du  maître.   La  fermeté 
de  la  touche,  la  noblesse  introduite  dans 
le  caractère  de  la  tête,  l'ampleur  donnée 
aux  détails  du  costume,  toutes  les  qua- 
lités habituelles  du  graveur  s'y  retrou- 
vent;  mais,  cette  fois,    en   vertu    des 
circonstances,  elles  furent  plus  chaleu- 
reusement proclamées  qu'à  l'ordinaire. 
On  était  à  l'époque  de  la  régence,  la 
réputation  de  Duvivier  avait  atteint  à 
son  apogée;  de  toutes  parts  on  s'adres- 
sait à  lui  pour  lui  faire  des  commandes  ; 
les   principales    villes   de    France,    les 
grandes   administrations   de    l'Etat,    le 
haut  clergé,  les  corps  savants,  les  corpo- 
rations d'artistes,  lui  demandaient,  avec 
insistance,  soit  des  jetons  ornés  d'attri- 
buts, soit  des  médailles  historiques,  allé- 
goriques ou  commémoratives.  Il  eut,  de 
plus,  à  exécuter  une  série  de  portraits, 
comprenant  d'abord  les  membres  de  la 
famille  royale  de  France,  quelques  sou- 
verains  étrangers  (entre  autres  Marie- 
Thérèse  pour  les  états  de  Tournai),  bon 
nombre   de   grands   personnages   et   de 
ministres,  notamment  le   cardinal  Du- 


389 


DUVIVIER 


390 


bois,  dont  la  médaille,  si  parfaite,  inté- 
resse à  plus  d'un  titre.  Elle  avait  pour 
légende  :  Sedes  supremo  numine  digna? 
Dubois  était  alors  premier  ministre  : 
l'inscription  ne  choqua  personne;  mais, 
après  son  décès,  elle  parut  beaucoup 
trop  ambitieuse  et  Duvivier  fut  immé- 
diatement chargé  d'y  ajuster  un  autre 
revers,  qui,  loin  de  contenir  la  moindre 
allusion  aux  vertus  du  cardinal,  n'indi- 
quait plus  que  son  titre,  la  date  de  sa 
naissance  et  celle  de  sa  mort. 

Le  mérite  incontesté  de  Duvivier  lui 
permettait,  depuis  plusieurs  années,  de 
prétendre  aux  honneurs  et  de  se  faire 
admettre  à  l'Académie  de  peinture  et  de 
sculpture.  Il  s'y  présenta  en  1717,  fut 
agréé  la  même  année  et  devint  membre 
titulaire  le  28  mars  1718.  Le  corps 
savant,  qui  venait  de  le  recevoir  lui  de- 
manda aussitôt  deux  médailles  pour  les 
prix  de  l'école  :  il  les  commença  et  ne 
put,  dit-on,  faute  de  temps,  les  achever. 
La  surabondance  de  ses  travaux  permet, 
en  effet,  de  croire  qu'il  ne  put  satisfaire 
ses  confrères.  Ceux-ci  rendaient  justice 
à  son  mérite,  à  sa  fécondité  et  aussi 
[malheureusement  pour  lui]  à  son  intrai- 
table caractère.  Comme  la  plupart  des 
esprits  chagrins,  il  parvenait  à  découvrir 
de  l'amertume  dans  les  plus  douces 
choses  de  sa  vie,  et,  ne  voyant  que  des 
ennemis  partout,  il  devenait  presque 
toujours  la  première  victime  des  duretés 
dont  il  abreuvait  les  autres.  Sa  réception 
à  l'Académie  fut  suivie  de  telles  gros- 
sièretés qu'on  pensa  l'en  exclure.  Il 
s'attira  le  mauvais  vouloir  du  célèbre 
statuaire  Bouchardon,  qui  lui  montrait 
un  de  ses  dessins  comme  modèle  d'une 
gravure  à  exécuter  et  auquel  il  répon- 
dit :  »  Vous  ne  faites  rien  qui  vaille;  je 
ne  m'en  charge  point.  «  Cette  incartade 
le  priva  pendant  dix  ans,  des  commandes 
royales  et  de  la  satisfaction  d'exécuter 
l'histoire  métallique  du  nouveau  règne. 

(I)  Passage  cité  par  l'abbé  Gougenot  et  em- 
prunté par  lui  aux  notes  manuscrites  de  Jean 
Duvivier. 

(2]  Jean  Duvivier  est  inconlestablemenl  l'au- 
teur des  planches  suivantes  :  portrait  de  Bertho- 
let  Flemalle  d'après  ce  peintre  ;  portrait  des 
Gouges  d'après  Tournièrc;  vignette  aux  armes 
d'Orléans  1  ni'!);  le  ^raiilioiiiètrc  avec  l'cxplica- 
tiou  de  son   mécanisme  (ITii).  Il  y  a  moins  de 


Aux  contrariétés  produites  par  son  hu- 
meur noire  s'ajoutèrent,  ensuite,  des 
chagrins  trop  réels  :  il  perdit  sa  femme, 
Louise  Vignon,  qui,  seule,  avait  su 
jusqu'alors  tempérer  sa  misanthropie;  et 
des  dix-sept  enfants  issus  de  son  ma- 
riage, quatorze  lui  furent  successivement 
enlevés.  Il  ne  lui  resta,  vers  la  fin  de  sa 
vie,  qu'une  fille  et  deux  garçons,  l'un 
qui,  élève  de  Chardin,  devint  peintre 
médiocre,  l'autre,  qui  se  fit  graveur 
malgré  la  vive  opposition  de  son  père. 
Celui-ci  manifestait  au  sujet  de  son  ave- 
nir les  plus  fâcheuses  prévisions;  il  ne 
sentait  pas  en  lui  «  ce  génie  ferme  et 
vif,  ce  génie  liégeois,  qu'il  lui  désirait, 
et  se  disait  qu'apparemment  le  terroir 
influait  sur  les  enfants  comme  sur  les 
plantes  transportées  de  son  pays  et  qui 
dégénéraient  en  France  (1)  « .  Rien 
cependant  ne  justifiait  ces  alarmes,  con- 
signées par  écrit  sur  des  cartes,  qu'il 
amoncelait  et  qui  étaient  ses  seuls  confi- 
dents. Son  fils,  tout  en  étant  fort  loin 
de  l'égaler,  ne  fut  pas  dépourvu  de 
talent  :  il  hérita  de  ses  travaux  officiels; 
il  eut  son  logement  au  Louvre  ;  il  laissa, 
entre  autres  travaux  estimables,  une 
gravure  à  l'effigie  de  son  père. 

Vers  la  fin  de  sa  vie,  Jean  Duvivier 
revenait  parfois  à  la  gravure  au  burin 
et  semblait  puiser  dans  la  pratique  de 
cet  art  délicat  un  regain  de  jeunesse.  On 
connaît  de  lui  quelques  planches,  et  l'on 
a  voulu  en  augmenter  le  nombre  en  lui 
attribuant  celles  signées  G.  dît,  Fiv/er, 
et  en  supposant  que  l'initiale  G  repré- 
sentait son  prénom  italianisé  :  Giovanni. 
M.  Ed.  Fétis  a,  le  premier,  rectifié 
l'erreur  commise  en  indiquant  que  cette 
initiale  désignait  probablement  Gen- 
dulphe  Duvivier,  père  de  notre  artiste 
et  auteur  présumé  de  plusieurs  gra- 
vures (2).  La  dextérité  manuelle,  l'ap- 
titude innée  à  s'occuper  de  ditterents 
arts,  semblent  s'être  transmises  hérédi- 

certitude  pour  lui  attribuer  les  planches,  au 
nombre  de  cinq,  repiésenlant  les  Eraugclixies, 
Thétia  cl  Chirou,  le  Flûteur,  le  Buveur  et  un 
paysage. 

Il  convient  d'attribuer  les  planches  suivantes 
au  père  de  notre  artiste,  qui  signait  :  G.  De  Vivier 
ou  Duvivier  f'ecit  :  La  Cuisinière  flamande,  le 
Christ  mis  au  Imtibean  et  la  Tenlation  de  saint 
Antoine,  d'aiirès  Antoine  Van  dua  Heuvel. 


391 


DUVIVIER 


399 


tairement  dans  cette  famille  ;  Jean  Du- 

vivier  se  livrait  avec  la  même  adresse 
aux  travaux  les  plus  grossiers  et  aux 
plus  fins  :  il  façonnait  ses  outils  et  leur 
prêtait  de  nouvelles  formes;  il  mode- 
lait finement  en  cire  et  dessinait  avec 
une  grande  correction  ;  il  perfectionnait 
et  inventait  des  instruments  de  musique, 
en  jouait  avec  habileté  et  composait  non 
sans  goût.  Ses  travaux  habituels  n'en 
souff'rirent  jamais  ;  sa  fiévreuse  activité 
suffisait  à  tout  ;  selon  un  de  ses  biogra- 
phes, l'abbé  Gougenot,  il  a  gravé  dix- 
sept  têtes  de  roi  à  différents  âges,  trois 
têtes  de  reine,  deux  dessus  de  médailles 
avec  des  couples  royaux,  dix  têtes  de 
personnages  illustres,  quatre  grands 
dessus  et  quarante-deux  revers,  et  près 
de  deux  cents  coins  de  jetons. 

Duvivier  fut  atteint,  en  1760,  d'une 
attaque  d'apoplexie,  qui  le  laissa  lan- 
guissant pendant  un  an,  puis  l'enleva 
dans  sa  soixante-quatorzième  année.  Bien 
que  son  caractère  ait  jeté  une  ombre  sur 
son  talent,  ce  talent  brille  encore  au 
premier  rang  parmi  ceux  dont  la  patrie 
doit  s'enorgueillir.  FéUx  siappaeru. 

Histoire  de  la  gravure  des  médailles  en  Bel- 
gique, Alexandre  Pincharl,  tome  XXXV  des  Mém. 
cour,  par  l'Académie  roy.  de  Belgic[ue.  —  Bul- 
letins de  l'Académie,  2»  série,  t.  IV.—  Bouillet, 
Dictionnaire  univ.  d'histoire  et  de  géographie. 

»B  viviEK  {Jean-Martin),  ciseleur 
et  orfèvre  liégeois  du  xvie  siècle.  Le 
chapitre  de  Saint-Lambert,  à  Liège,  lui 
confia  l'exécution  d'une  grande  croix 
portative,  dont  les  tréjonciers  se  ser- 
vaient les  jours  de  fêtes  solennelles; 
c'était  une  croix  clechée,  portant  aux 
extrémités  quatre  médaillons  représen- 
tant la  Vienje  et  les  évêques  saint  Ma- 
terne, saint  Lambert  et  saint  Hubert; 
elle  était  enrichie  de  pierres  précieuses, 
et  pesait  trois  cent  cinquante  onces 
d'or  et  d'argent. 

On  présume  que  Du  Vivier  est  le  chef 
de  la  famille  d'artistes  de  ce  nom  ;  ce- 
pendant les  recherches  sur  ce  point, 
aux  archives  de  Liège,  sont  restées  in- 
fructueuses. Abry  le  nomme  Martin  de 
Vivier,  et  le  cite  en  compagnie  de  Henri 
Zutman,  l'auteur  du  célèbre  buste  de 
saint  Lambert  faisant  actuellement  par- 


tie du  trésor  de  Saint-Paul,  cathédrale 
de  Liège.  On  sait  que  cette  œuvre  d'art 
fut  exécutée  de  1506  à  1512. 

Emile  Tasset. 
Abry,  Les  Hommes  illustres  de  la  nation  lié- 
geoise, p.  301.  —  Van  den  Steen,  Essai  historique 
sur  l'ancienne  cathédrale  de  Saint -Lambert  à 
Liège,  p.  208  209.  —  Kramm,  Levens  der  Kunst- 
schilders. 

DVTiviER  {Aîiguste- Joseph),  admi- 
nistrateur, homme  politique,  né  à  Mons 
le  12  décembre  1772,  mort  à  Bruxelles 
le  1er  juillet  1846;  il  est  le  frère  des 
deux  généraux  de  ce  nom. 

Après  avoir  fait  ses  humanités  au 
collège  de  Hoiidaing  à  Mons,  il  étudia 
la  médecine  à  l'université  de  Louvain, 
y  obtint  le  diplôme  de  docteur  et  se 
rendit  à  Paris  pour  fréquenter  les  leçons 
de  clinique.  De  retour  dans  sa  ville 
natale,  il  fut  nommé,  le  17  avril  1798, 
professeur  d'histoire  naturelle  à  l'école 
centrale  du  département  de  Jemmapes, 
chaire  qu'il  ne  cessa  d'occuper  qu'à  la 
suppression  de  cette  institution,  pour 
entrer  alors  dans  l'administration  des 
droits  réunis.  Un  avancement  rapide 
l'attendait  :  il  devint  successivement 
inspecteur  dans  le  département  de  Jem- 
mapes, puis  dans  ceux  des  Vosges,  du 
Morbihan,  de  ]\Iont-Tonnerre,  et  fut 
élevé,  le  30  avril  1811,  au  grade  d'in- 
specteur général,  d'abord  dans  le  dépar- 
tement d'Ille-et-Vilaine,  puis  dans  ceux 
de  la  Lys,  de  Jemmapes,  des  Deux- 
Nèthes  et  de  l'Escaut.  Il  conserva  cet 
emploi  important  jusqu'à  la  chute  de 
l'empire,  tout  en  remplissant,  de  1809 
à  1814,  plusieurs  missions  administra- 
tives dans  les  provinces  rhénanes  et  en 
Espagne,  où  il  organisa  la  régie  des 
tabacs.  Il  se  trouva  ainsi  chargé,  lors  de 
la  retraite  de  l'armée  du  maréchal  Su- 
chet,  duc  d'Albufera,  de  faire  rentrer 
en  France  les  tabacs  de  la  régie,  dont 
la  valeur  s'élevait  à  une  somme  consi- 
dérable. 

A  son  retour  en  Belgique  (1815),  le 
gouvernement  des  Pays-Bas  s'empressa 
d'utiliser  son  savoir  et  son  expérience  :  il 
le  nomma  receveur  principal  des  douanes 
à  Courtrai.  L'année  suivante,  Duvivier 
devint  receveur  des  convois  et  licences 
de  la  province  d'Anvers,  puis  directeur 


393 


DUVÏVIER 


394 


des  contributions  directes;  enfin  le 
13  décembre  1827,  il  fut  appelé  dans  le 
Brabant  méridional  pour  y  remplir  les 
mêmes  fonctions.  En  1830,  le  gouver- 
nement provisoire  le  maintint  d'abord 
dans  cet  emploi,  puis  le  chargea,  au  mois 
d'octobre,  de  l'administration  des  contri- 
butions directes,  et  le  nomma,  le  12  dé- 
cembre suivant,  administrateur  définitif 
desdites  impositions. 

Dans  ces  diverses  positions,  Duvivier 
rendit  les  plus  grands  services;  aussi 
Surlet  de  Chokier  n'hésita-t-il  pas  à  lui 
confier  ad  intérim  le  portefeuille  des 
finances,  qu'il  conserva  depuis  le  30  mai 
1831  jusqu'au  24  juillet  suivant.  Il  fut 
encore  chargé,  de  nouveau,  intérimaire- 
ment,  du  même  département  en  1832  et 
devint  ministre  définitif  de  1833  à  1834 
(4  août).  A  sa  sortie  du  ministère,  il  fut 
honoré  du  titre  de  ministre  d'Etat,  juste 
récompense  de  longs  et  intelligents  ser- 
vices rendus  à  son  pays. 

Elu  membre  de  la  chambre  des  repré- 
sentants par  l'arrondissement  de  Soi- 
gnies,  le  6  octobre  1831,  il  ne  cessa  de 
faire  partie  de  cette  assemblée  jusqu'au 
moment  de  sa  mort.  Il  était  officier  de 
l'ordre  de  Léopold  (7  juin  1839)  et  offi- 
cier de  la  Légion  d'honneur  (28  septem- 
bre 1839).  Duvivier  laissa  quelques 
pièces  de  poésies  fugitives,  qu'il  ne  des- 
tina pas  à  la  publicité.  Sa  ville  natale  a 
voulu  lui  rendre  hommage  en  plaçant 
son  portrait  dans  la  galerie  des  illustra- 
tions montoises,  à  l'hôtel  de  ville. 

Aug.  Vander  Meersch. 
Biographie  générale  des  Belges  morts  et  vi- 
vants. —  Bouillet,  Dictionnaire  universel  et  clas- 
sique d'histoire,  édilioii  Parent.  —  Mathieu, 
Biographie  montoise.  —  Iconographie  vtonloise, 
article  d'Hip.  Roussell. 

DUVIVIER  (If/nace - Loïds ,  baron), 
homme  de  guerre,  né  à  Mons  le  13  mars 
1777,  mort  dans  la  même  ville  le 
5  mars  1853.  Duvivier  n'avait  que  seize 
ans  lorsqu'il  s'enrôla  dans  le  5e  régi- 
ment de  hussards  français  (15  juillet 
1793).  Il  fit,  avec  ce  corps,  la  campagne 
de  Hollande  et  assista  aux  combats  de 
Bois-le-Duc,  de  Nimègue  et  de  Ben- 
theim,  où  il  fut  blessé.  Il  passa  alors 
dans  le  3e  régiment  de  dragons  (2  5  dé- 
cembre  1795)  et  partit  pour  l'Italie. 


Après  avoir  pris  part  à  presque  tous  les 
combats  de  ces  immortelles  campagnes, 
où  brillèrent  dans  tout  leur  éclat  le 
génie  militaire  de  Bonaparte  et  celui  de 
l'archiduc  Charles,  le  jeune  Duvivier 
était  arrivé,  de  grade  en  grade,  jusqu'à 
celui  de  sous-lieutenant,  qu'il  obtint  le 
15  avril  1800.  Peu  de  temps  après,  il 
passa  dans  la  garde  à  cheval  des  con- 
suls, garde  dont  Napoléon  fit  plus  tard 
le  noyau  de  la  garde  impériale.  La  bra- 
voure déployée  par  Duvivier  dans  une 
foule  de  circonstances  le  fit  comprendre 
parmi  les  premiers  chevaliers  de  la  Lé- 
gion d'honneur,  lors  de  la  création  de  cet 
ordre.  Pendant  la  campagne  d'Allemagne 
et  plus  tard,  pendant  celles  de  Prusse 
et  de  Pologne,  Duvivier  se  distingua 
fréquemment  par  sa  valeur  et  son  au- 
dace. A  léna,  il  pénétra,  l'un,  des  pre- 
miers, dans  un  carré  prussien;  à  Eylau, 
il  reçut  deux  blessures  dans  cette  mé- 
morable charge  de  cavalerie  qui  enfonça 
le  centre  de  l'armée  russe.  En  1807,  il 
fut  nommé  capitaine  adjudant  -  major 
dans  les  chevau-légers  polonais  de  la 
garde,  se  distingua  de  nouveau  à  Abens- 
berg,  à  Essling  et  surtout  à  Wagram, 
où  il  fut  encore  blessé,  mais  où  il  reçut, 
en  récompense  de  sa  belle  conduite,  la 
croix  d'officier  de  la  Légion  d'honneur, 
qui  lui  fut  remise  sur  le  champ  de 
bataille.  Envoyé  à  l'armée  d'Espagne, 
Duvivier  assista  à  un  grand  nombre 
d'actions  sanglantes  de  cette  giierre  si 
funeste  à  la  France;  se  distingua  à 
Somo-Sierra  et  fut  promu  major  (20  fé- 
vrier 1811),  avec  le  titre  de  chevalier 
de  l'empire  et  la  constitution  d'un  ma- 
jorât. 

Duvivier  fit  en  1812  la  campagne  de 
Russie,  et  en  1813,  celle  de  Saxe.  Sa 
brillante  conduite  à  la  bataille  de  Baut- 
zen  lui  valut  le  grade  de  colonel  du 
2e  régiment  de  cuirassiers  et  les  félicita- 
tions publiques  du  général  en  chef  Lau- 
riston.  Le  26  août  suivant,  on  le  re- 
trouva parmi  les  morts  sur  le  champ  de 
bataille  de  Dresde  :  il  avait  été  frappé 
de  quatre  coups  de  sabre  et  de  trois 
coups  de  lance.  Ces  blessures  ne  l'em- 
pêchèrent pas  de  faire,  l'année  suivante, 
la  campagne   de   Franco   à  la  tête   du 


395 


DUVIVIER 


396 


Ifie  régiment  de  chasseurs  à  cheval.  Il 
eut,  pendant  cette  campagne,  quatre 
chevaux  tués  sous  lui  et  reçut  les  félici- 
tations de  l'empereur  par  l'intermédiaire 
du  prince  de  Xeuchàtel. 

Après  la  première  abdication  de  Na- 
poléon, Duvivier  resta  en  France  et  prit 
le  commandement  du  régiment  des  chas- 
seurs de  la  reine;  mais  le  80  novembre 
1814,  il  donna  sa  démission,  revint 
dans  sa  patrie  et  fut  placé,  par  le  prince 
souverain  des  Pays-Bas,  à  la  tête  du 
régiment  de  hussards  n»  8  (15  avril 
1815).  Ce  fut  avec  ce  corps  qu'il  com- 
battit à  Waterloo.  La  bravoure  qu'il 
déploya  dans  cette  bataille  lui  fit  décer- 
ner la  décoration  de  l'ordre  militaire  de 
Guillaume.  Il  obtint,  peu  de  temps 
après,  le  brevet  de  général-major  (24  no- 
vembre 1816)  et  le  diplôme  de  baron 
(15  mars  1823). 

Lors  de  l'émanci^iation  de  la  Belgique 
en  1830,  le  gouvernement  provisoire 
s'empressa  d'élever  le  baron  Duvivier 
au  grade  de  général  de  division  (5  octo- 
bre 1830)  et  de  lui  confier  le  comman- 
dement supérieur  des  Flandres.  Le  ré- 
gent l'appela  ensuite  au  commandement 
de  la  2e  division  militaire;  le  roi  y  joi- 
gnit le  commandement  de  la  division  de 
cavalerie,  le  titre  d'inspecteur  général 
de  l'arme  et  enfin  le  commandement  de 
la  3e  division  territoriale  (4  août  1834), 
position  que  le  général  Duvivier  con- 
serva jusqu'à  sa  retraite,  qu'il  obtint  le 

l'Z  mars   io4,«.  Générai  baron  Guillaume. 

Archives  de  la  guerre.  —  Vigneron,  La  Belgi- 
que militaire.  —  Iconographie  moutoise. 

ni' VIVIER.  (  Vincent-Marie-  Constan- 
tin), homme  de  guerre,  frère  aîné  du 
précédent,  né  à  Mons  le  12  décembre 
1774,  décédé  dans  la  même  ville  le 
4  novembre  1851.  Après  avoir  fait  ses 
études  au  collège  de  Mons,  Vincent 
Duvivier  s'enrôla,  le  18  janvier  1793, 
dans  le  régiment  des  hussards  de  Jem- 
mapes,  un  des  corps  qui  avaient  été 
créés  à  la  suite  de  la  révolution  bra- 
bançonne, et  qui  fut  incorporé  dans 
l'armée  française  après  l'invasion  de 
la  Belgique.  A  la  fin  de  la  campagne 
de  1793,  le  jeune  Duvivier  avait  déjà 
conquis   le   grade   de   sous-lieutenant. 


Il  prit  part  à  toutes  les  campagnes 
depuis  1794  jusqu'à  1799,  en  faisant 
partie  successivement  de  l'armée  du 
Nord,  de  l'armée  de  Sambre-et-Meuse, 
de  celle  d'Italie  et  de  celle  d'Egypte.  Il 
était  arrivé,  à  cette  époque,  au  grade  de 
capitaine  ;  ce  fut  en  cette  qualité  qu'il 
fit,  en  1801,  la  campagne  de  Syrie,  pen- 
dant laquelle  il  se  distingua  tellement, 
qu'il  fut  promu  au  grade  de  chef  d'esca- 
dron. Les  blessures  qu'il  avait  reçues  en 
Egypte,  notamment  à  la  bataille  d'Abou- 
kir,  et  celles  qu'il  reçut  dans  les  nom- 
breux combats  des  campagnes  de  1803, 
1804  et  1805  à  la  grande  armée,  de 
1806  et  1807  en  Allemagne  et  en  Po- 
logne, l'obligèrent,  en  1807, à  prendre  sa 
pension,  bien  qu'il  eût  à  peine  trente- 
trois  ans;  mais,  lorsque,  en  1812,  les 
gardes  nationales  furent  organisées  à 
l'instar  de  l'armée,  le  commandant  Du- 
vivier y  rendit  de  grands  services  en 
qualité  d'adjudant-major. 

Après  la  chute  de  l'empire,  Duvivier 
revint  dans  sa  patrie,  et  lors  de  l'organi- 
sation militaire  du  nouveau  royaume  des 
Pays-Bas,  il  fut  investi  du  commande- 
ment de  la  place  de  Mons  et  élevé,  bien- 
tôt après,  au  grade  de  colonel.  A  l'époque 
des  événements  de  1830,  le  colonel  Du- 
vivier, qui,  jouissait  de  l'estime  et  de 
l'affection  de  toute  la  population  de 
Mons,  exerça  une  grande  influence  pour 
le  maintien  de  l'ordre;  aussi  le  gouver- 
nement provisoire  lui  conféra  le  grade 
de  général  et  le  maintint  dans  les  fonc- 
tions de  commandant  de  place ,  qu'il 
occupa  jusqu'au  16  janvier  1841,  époque 
où  le  roi  Léopold  1er  lui  accorda  sa  re- 
traite avec  le  grade  honoraire  de  lieu- 
tenant général. 

Le  général  Duvivier  était  officier  de 
l'ordre  de  Léopold,  officier  de  la  Légion 
d'honneur  et  chevalier  de  l'ordre  mili- 
taire de  Guillaume. 

(iéiiéral  baron  Guillaume. 

Archives  de  la  guerre. 

»tj  VIVIER  {Joseph -Hippoly té),  écri- 
vain ecclésiastique,  né  à  Mons  le  20  avril 
1752,  décédé  à  Tournai  le  25  janvier 
1834  à  l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans. 
Après  avoir  fait  d'excellentes  études  la- 


397 


DU  VIVIER 


398 


tines   dans  sa  ville  natale,  il  fut  envoyé 
à  l'université  de  Louvaiu  pour  s'y  appli- 
quer à  la  philosophie,  à  la  théologie   et 
au  droit,  et  prit  le  grade  de  licencié  en 
droit  canonique.    Il   entra  ensuite  chez 
les   Oratoriens  de  sa  ville  natale,   reçut 
la  prêtrise  en  1778,  et  se  consacra  à 
l'enseignement  des   humanités   et   à  la 
prédication.  Doué  d'un  esprit  très-vif  en 
même   temps   que  d'un  caractère  droit, 
ferme   et   résolu,  le  jeune  oratorien  ne 
pouvait  rester   spectateur  indifférent  de 
la    lutte    entre    l'Église    et  l'État    qui 
venait  de  s'engager.  Dès  l'année  1787, 
il  publia,    sans  y  mettre  son  nom,  une 
première  brochure  pour  venger  les  droits 
de  l'Eglise  contre  les  usurpations  de  l'em- 
pereur Joseph  II.  Cette  première  bro- 
chure fut  bientôt  suivie  d'une  deuxième, 
également  anonyme, plus  étendue,  et  qui 
obtint  le  succès  le  plus  inattendu.  Le 
cardinal  de   Franckenberg,   archevêque 
de  Malines,  n'avait  pu  lire  les  écrits  de 
Du  Vivier  sans  éprouver  le  vif  désir  d'en 
connaître  l'auteur;  et  ayant  découvert, 
à  force  d'investigations,  que   c'était  un 
jeune  ecclésiastique  de  Mons,  il  se  l'at- 
tacha comme  secrétaire  et  le  fit  élire,  à 
l'unanimité,  chanoine  gradué  de  l'église 
métropolitaine.  Dans  cette  nouvelle  posi- 
tion, l'abbé  Du  Vivier  rendit  des  services 
signalés   au   cardinal-archevêque,  non- 
seulement  en   suggérant   à   celui-ci   les 
questions  à  proposer  aux  professeurs  du 
séminaire   général   érigé  à  Louvain  par 
l'empereur,  contrairement  aux  vues  de 
l'épiscopat,  mais  aussi  en  accompagnant 
le  cardinal  pendant  la  visite  qu'il   fit   à 
Louvain,  en  l'assistant  dans  son  examen 
des  doctrines  des  professeurs,  et  princi- 
palement en  rédigeant  la  célèbre  Décla- 
ration  sur  V enseignement  du   séminaire 
général  de  Louvain.  A  la  suite   de   tout 
ce  qui  eut  lieu  à  l'occasion  de  la  Décla- 
ration, Du  Vivier  devint   l'homme   de 
confiance  du  cardinal,  qui  l'envoya  plu- 
sieurs  fois    comme   délégué   auprès  du 
ministre  Trauttmansdorft"  pour  négocier 
les  affaires   les  plus  délicates.  Sa  fran- 
chise et  son  inflexibilité  lui  valurent  un 
mois  de  captivité  dans  la  prison  de  la 
porte  de  Laeken  à  Bruxelles.  Lorsque 
survinrent  les  troubles  de  la  révolution 


brabançonne,    Du   Vivier,    rendu   à    la 
liberté,  se  montra  véritable  patriote,  et 
défendit,   par  plusieurs   écrits,   l'indé- 
pendance de  la  Belgique.   Pendant  la 
révolution  française,  il  redoubla  de  cou- 
rage, et  partagea  l'exil  du  cardinal  de 
Franckenberg,  qui,  aidé  par  les  conseils 
et  la  plume  de  son  secrétaire,  continua, 
à   distance,  de  gouverner  son  diocèse. 
Rentré  à   Malines  en  1793,  il  y    resta 
jusqu'au  moment  où  parut  le  décret  du 
18  fructidor   an  v  (4  septembre  1797) 
qui  condamnait  à  la  déportation  tous  les 
ecclésiastiques  refusant  de  prêter  le  ser- 
ment de  haine  à  la  royauté.  Du  Vivier, 
après  avoir  suivi  pendant  quelque  temps 
l'archevêque  dans  l'exil,  retourna  à  Mons 
dans  sa  famille  ;  mais  il  n'y  fut  qu'un 
instant.  Inscrit  sur  les   fatales  listes  de 
déportation,  il  fut  arraché  à  sa  famille  et 
conduit  à  la  citadelle  de  Valeaciennes 
pour  être  dirigé  ensuite  vers  Sinamary. 
Il   arriva   à   Valencienues  dans  un  tel 
état  de  faiblesse,  qu'il  fut  impossible  de  " 
le   faire    mener   plus   loin;    il   dut  son 
élargissement  à   cette   circonstance.  La 
famille    Du   Vivier   redoubla  d'activité 
pour  l'arracher  à  la  prison,  et  l'époux, 
d'une  de   ses   sœurs,  M.    Dolez  (père 
de   M.  Dolez,  sénateur   actuel)  alla  à 
Paris  trouver  le  ministre  de   la   police 
générale,    et,    après    avoir    subi    plu- 
sieurs refus   ironiques,  obtint  de    faire 
examiner,  à  Valencienues,  l'état  de  la 
santé   du   condamné   à   la  déportation. 
Cette   décision   sauva    Du  Vivier,    qui 
retourna  à  Mons,  où  il  fut  placé  sous  la 
surveillance  de   la   municipalité.  Ce  ne 
fut   que  sous  le  consulat  qu'il  récupéra 
son   entière   liberté.  Pendant   le   séjour 
forcé  qu'il  fit  à   Mons,  il  ne   resta  pas 
inactif;  il  composa  plusieurs  brochures 
de  circonstance   contre    le   serment   de 
haine.  Après  le  concordat.  Du  Vivier  fut 
nommé   chanoine   de   la   cathédrale   de 
Tournai,  archidiacre   et  vicaire  général 
du    diocèse,  et   quelque    temps    après, 
doyen   du  chapitre.  Lorsque,  en  1811, 
Mgr.  Hirn,  évêque  de  Tournai,  se  ren- 
dit au  prétendu  concile  national  convo- 
qué par  Napoléon,  il  se  fit  accompagner 
par  Du  Vivier  en  qualité  de  théologien. 
A  la  demande    de   son  évêque,  celui-ci 


399 


DUVIVIER 


400 


composa  le  célèbre  Mémoire  sur  l'incom- 
pétence du  concile  national,  prouvée  par  la 
nullité  des  pouvoirs  épiscopaux,  etc.  Le 
travail  de  T)u  Vivier  servit  de  base  au 
rapport  que  Mgr.  Hirn,  assisté  de 
l'évêque  de  Troyes,  rédigea  pour  prou- 
ver que  le  concile  n'avait  aucune  mis- 
sion, aucune  autorité.  Ce  rapport, 
adopté  par  la  commission,  irrita  l'em- 
pereur au  point  qu'il  prononça  la 
dissolution  du  concile,  fit  arrêter  les 
évêques  de  Gand,  de  Tournai  et  de 
Troyes,  avec  leurs  théologiens,  etordonna 
qu'on  les  conduisît  au  donjon  de  Vin- 
cennes,  pour  y  être  gardés  dans  le  secret 
le  plus  rigoiireux.  Du  Vivier  obtint  sa 
liberté  provisoire  au  mois  de  mars  1S12, 
mais  avec  injonction  d'aller  résider  dans 
la  petite  ville  de  Vervins,  où  il  demeura 
jusqu'au  23  février  181-i.  Après  les 
événements  de  1814,  il  revint  à  Tour- 
nai, et  remplit  les  fonctions  de  vicaire 
général  jusqu'au  moment  de  sa  mort, 
sous  les  évêques  Hirn  et  Delplanque. 
En  1830,  il  avait  été  nommé  député  au 
Congrès  national  par  le  district  de  Soi- 
gnies,  mais  il  s'excusa  à  cause  de  sa 
santé  et  de  son  grand  âge  ;  car,  s'il  avait 
pu  se  rendre  à  cette  assemblée,  il  en  eût 
été  le  doyen  d'âge,  en  place  de  M.  Gen- 
debien.  On  trouve  un  portrait  lithogra- 
phie de  Du  Vivier  dans  le  Messager  des 
sciences  historiques,  1840,  p.  1.  Le 
chanoine  Du  Vivier  a  publié  un  très- 
grand  nombre  d'ouvrages  :  lo  Défense  de 
Joseph  II  ou  Mémoire  apologétique  sur  les 
droits  de  l'Eglise  et  sur  ceux  du  souverain 
relativement  au  gouverneynent  de  la  reli- 
gion. Bruxelles  (imprimé  à  Mons,  chez 
Lelong),  1787;  vol.  in-8o.  Ce  travail 
est  une  réponse  à  une  brochure  ano- 
nyme que  l'abbé  Dufour  avait  publiée 
en  faveur  du  joséphisme  sous  le  titre  de 
Réflexions  sur  les  édits  émanés  aux  Pays- 
Bas  de  la  part  de  l'empereur  en  matière 
ecclésiastique.  Du  Vivier  donne  ironique- 
ment à  son  travail  le  titre  de  Défense, 
car  il  attaque  vivement  les  usurpations 
de  l'empereur.  —  2o  Apologie  du  mariage 
chrétien  ou  Mémoire  critique,  canonique 
et  politique,  servant  de  réponse  au  commen- 
taire intitulé  :  Des  empêchements  diri- 
mant  le  contrat  de  mariagi^  dans  les  Pays- 


Bas  autrichiens .  Strasbourg  (imprimé  à 
Liège,  chez  Lemârié),  1788;  vol.  in-8o. 
Dans  cet  écrit,  qui  fit  sensation.  Du  Vi- 
vier réfute  un  travail  de  M.  Doutrepont. 
Celui-ci,  bien  qu'il  eut  prorais  quatre  vo- 
lumes pour  défendre  les  prétendus  droits 
de  Joseph  II,  s'arrêta  après  le  premier 
volume.  C'est  à  la  suite  de  la  lecture  de 
V Apologie  du  mariage  chrétien,  que  le 
cardinal  de  Eranckenberg  chercha  à 
s'attacher  Du  Vivier  comme  secrétaire. 

—  3^  Déclaration  de  Son  Eminence  le 
cardinal  de  Eranckenberg,  archevêque  de 
Matines,  sur  V  enseignement  du  séminaire 
génércd  de Louvain.  Malines,  1790,  vol. 
in-8  >.  C'est  la  première  édition  authen- 
tique de  cet  écrit  ;  elle  est  revêtue  de  la 
signature  de  Du  Vivier  lui-même  ou  de 
son  collègue  au  secrétariat  de  l'archevê- 
ché. Une  édition  in-4f  avait  été  impri- 
mée à  Saint-Trond  dès  l'année  1789 
(vol.  in-4o  de  111  pages)  par  Michel; 
mais  cette  impression  fut  faite,  à  l'insu 
de  l'auteur,  d'après  une  des  copies  de 
son  manuscrit  qui  avait  été  dérobée.  — 
Du  Vivier  publia  encore  d'autres  ou- 
vrages contre  le  séminaire  général  : 
4»  Réflexions  d'un  citoyen  paciflque  sur 
l'affaire  de  Louvain,  etc.  (Mons,  1788), 
brochure  in-8o.  —  5o  Examen  de  la 
réponse  que  firent  les  professeurs  de  Lou- 
vain. Malines,  1789,  brochure  in-S».  — 
6o  Paraphrase  de  la  lettre  du  docteur 
Marant  à  Son  Emitience  le  cardinal  arche- 
vêque de  Malines.  Malines,  1789,  in- 8». 

—  lo  Le  retour  de  Bruxelles  ou  l'esta- 
minet des  six  professeurs.  Première  et 
seconde  soirées.  Malines,  1789;  2  bro- 
chures in- 8°.  —  8»  Lettres  curieuses  sur 
l'affaire  de  Louvain.  Malines,  1789; 
brochure  in- 8°.  —  Pendant  la  révolu- 
tion brabançonne,  il  fit  paraître  :  9o  Let- 
tre d'un  membre  du  ci-devant  conseil  royal 
à  Bruxelles  à  un  royaliste  intrigant. 
Bruxelles,  imp.  patriotique,  1790;  bro- 
chure in-8'J.  —  iOo  Déclaration  des 
Etats  de  Hollande  et  de  TFest-Frise, 
donnée  à  Harlem  le  16  octobre  1587. 
Bruxelles,  Lemaire,  1790;  broch.  in-S» 
de  12  pages.  —  Ho  Lettre  du  citoyen 
Ten  Hnlscher,  archiprêtre  de  Holla)ide, 
de  Zélande  et  de  Jf est-Frise ,  au  citoyen 
rédacteur  de  la  Gazette  de  Harlem.,  etc. 


401 


DUVIVIER  —  DUYM 


402 


Amsterdam,  1795,  in-8o.  —  12o  Re- 
merciement à  MM.  l'avocat  et  consorts 
pour  leur  avis  à  MM.  Brosius,  Fetler, 
Du  Vivier  et  autres.  Bruxelles,  impr. 
patriotique,  1790;  vol.  in- 12  de  331  p. 
—  13°  Examen  du  manifeste  de  la  pro- 
vince dti  Hainaut  servant  de  supplément 
à  la  brochure  intitulée  :  Remerciement . 
Bruxelles,  1790,  in-8'j  de  28  pages.  — 
14o  Lettre  de  M.  V abbé  Bu  Vivier ,  secré- 
taire de  Son  Eminence  le  cardinal  arche- 
vêque de  Malines,  au  rédacteur  du  Journal 
général  de  l'Europe.  Malines,  1 790,  in-S». 
Ces  trois  derniers  ouvrages  sont  les  seuls 
qui  portent  le  nom  de  M.  Du  Vivier  sur 
leur  titre.  Il  publia  ensuite,  sous  la 
république  et  le  premier  empire,  une 
quantité  de  brochures  et  d'écrits  de  cir- 
constance pour  combattre  le  serment  de 
haine  à  la  royauté,  sur  le  concordat,  etc. 
On  trouve  l'énumération  et  la  descrip- 
tion de  tous  ces  écrits  dans  la  notice  sur 
Jos.  Hipp.  Du  Vivier,  insérée  dans  le 
Messager  des  sciences  et  des  arts  de  1840. 
Pendant  qu'il  était  détenu  à  Vervins, 
il  s'occupa  activement  de  la  composition 
d'un  ouvrage  de  longue  haleine.  Ce  tra- 
vail, resté  manuscrit  et  renfermant  la 
matière  de  deux  ou  trois  volumes  in-8o 
est  intitulé  :  La  Révolution  et  les  grandes 
calamités  coït-sidérées  dans  leur  source 
principale,  avec  les  moyens  deles  prévenir, 
d'en  réparer  les  dommages  et  d' en  prévenir 

le  retour.  E.-H.-J.  Reusens. 

Messager    des     sciences    historiques ,     1848 , 
pages  1-!2I. 

Di'YM  {Jacques),  guerrier  et  poète 
flamand,  naquit  à  Louvain  en  154)7.  Il 
appartenait  à  une  famille  distinguée  et 
portait  la  qualification  de  gentilhomme 
ow.  jonkheer.  Bonaventure  Vulcanus  l'ap- 
pelle vir  nobilis.  Duj'm  avait  fait  une 
étude  approfondie  des  langues  classi- 
ques :  c'était  un  homme  d'une  très-vaste 
érudition.  L'insurrection  contre  la  do- 
mination espagnole  trouva  en  lui  un 
partisan  des  plus  dévoués.  Il  s'enrôla 
dans  l'un  des  régiments  du  prince 
d'Orange  et  obtint,  par  sa  bravoure,  le 
grade  de  capitaine.  Il  prit  une  part  très- 
grande  à  la  défense  du  fort  de  Lillo. 
Malheureusement,  dans  le  combat  à  la 
digue  de  Couwenstein,   qui  eut  lieu  au 


mois  de  juillet  1585,  il  tomba  entre  les 
mains  des  Espagnols,  sous  la  conduite 
de  Montdragon.  Enfermé  au  château  de 
Xamur,  il  y  passa  vingt-deux  mois. 
Après  la  réduction  d'Anvers  en  1587, 
Duym  recouvra  la  liberté,  moyennant 
une  rançon  considérable.  Le  long  empri- 
sonnement qu'il  venait  de  subir  lui 
avait  fait  contracter  une  maladie  dans 
les  jambes  dont  il  ne  guérit  jamais.  De- 
venu impropre  au  service  militaire,  il 
chercha  une  occupation  et  une  consola- 
tion dans  la  culture  des  lettres.  En  1588, 
Duym  se  fixa  à  Leyde,  où  il  eut  le  bon- 
heur de  trouver  d'autres  Flamands  qui 
avaient  quitté  leur  sol  natal  pour  se 
soustraire  à  la  tyrannie  espagnole. 
A  l'instar  de  ce  qui  existait  dans  leur 
pays,  ces  Flamands  y  érigèrent  une  cham- 
bre de  rhétorique  pour  la  culture  et  la 
propagation  de  la  littérature  nationale. 
Cette  société  portait  la  dénomination  de 
Lis  Orangé  {Oranje  Lelie)  et  avait  pour 
devise  :  Croissant  en  amitié  (in  liefde 
groeyende).  Duym  fut  appelé  aux  fonc- 
tions de  chef  de  cette  association  (Ze^s^, 
empereur)  et  lui  rendit  de  grands  ser- 
vices. Dans  une  pièce  de  vers  faite  en 
son  honneur  par  les  rhétoriciens,  on  lit  : 

Zynen  volcomenlofcanniemand  weluylspreecken, 
Sèer  lieflick  heeft  hy  oiis.  als  Keyser  .sheregeert, 
0ns  Lely-kamer  teer  uyt  Viaenderen  .gheweecken. 
Hy  heeft  voorwaer  de  const  op  Helicon  gheleert. 

La  chambre  le  Lis  Orangé  exerça  en 
Néerlande  une  grande  et  heureuse  in- 
fluence sur  le  développement  de  la  lit- 
térature. L'esprit  sociable  de  Duym  y 
contribua.  Il  vécut  à  Leyde  dans  l'inti- 
mité de  B.  Vulcanus,  Scriverius,  Guil- 
laume Codde,  Daniel  Heyns,  Charles 
van  Mander  et  d'autres  hommes  de 
mérite.  Le  poëte  travailla  surtout  pour 
le  théâtre,  empruntant  les  sujets  de  ses 
pièces  à  l'histoire  de  l'insurrection  des 
Pays-Bas  contre  Philippe  II  :  \ Assas- 
sinat du  prince  d'Orange,  la  Réduction 
d'Anvers,  la  Prise  de  Breda,  le  Siège  de 
Leiden  et  d'autres  grands  épisodes  l'in- 
spirèrent. Comme  versificateur ,  il  n'a 
pas  un  grand  mérite;  mais  il  employait 
un  langage  clair  et  pur  et  doit  être  con- 
sidéré comme  l'un  des  premiers  écri- 
vains qui  contribuèrent  à  éliminer  de  la 


403 


DUYM  —  DUYSE 


404 


langue  nationale  les  mots  étrangers  qui 
déparent  presque  toutes  les  productions 
flamandes  du  xvi^  siècle. 

Persuadé  que  la  connaissance  des 
annales  de  la  patrie  exerce  une  salutaire 
influence  sur  l'éducation  du  peuple, 
Duym  rédigea  une  Histoire  des  Pays- 
Bas  qui  n'est  pas  sans  intérêt.  Il  publia 
en  outre  une  Narration  de  la  révolution 
dîi  xvie  siècle.  Pans  tous  ses  écrits  on  re- 
trouve le  citoyen  dévoué,  qui  n'éprouve 
d'autre  désir  que  de  contribuer  à  la 
prospérité  de  sa  patrie  d'adoption. 

Le  1er  janvier  1606,  Duym  demeurait 
au  Quai  au  Foin  [op  de  HooyrjracM)  à 
Leyde.  Il  y  décéda  sans  doute;  mais 
nous  ignorons  l'époque  de  sa  mort.  Sa 
devise  était  :  Beden  verwint.  En  1600, 
Jacques  de  Gheyn  exécuta  son  portrait, 
et  la  belle  planche  qui  le  reproduit 
porte  l'inscription  suivante  :  Jacohns 
Duym,  Lovajnensis,  œtatis  suœ  LUI, 
ovno  ClOIOC.  Elle  est  ornée  des  armoi- 
ries du  porte.  Notre  Louvaniste  était 
marié  lorsqu'il  fut  fait  prisonnier  en 
1585.  Nous  ignorons  s'il  laissa  des  en- 
fants. 

Duym  rendit  d'incontestables  services. 
Il  doit  être  considéré  comme  l'un  des 
promoteurs  du  mouvement  littéraire  qui 
donna,, plus  tard,  à  la  Hollande  Josse 
Vanden  Vondel,  Jacques  Cats  et  tant 
d'autres   poètes   d'un  mérite  supérieur. 

Xous  connaissons  de  lui  :  1»  Een  spie- 
(jelhoech  inlioudende  ses  spiegels,  tcaer  in 
réel  deuckden  claer  aen  te  mercken  zyn, 
seer  cortwylich  ende  sticJitelyck  voor  aile 
menschen  om  te  lesen.  Nieu  gevonden  ende 
speehvys  in  diclit  gJiesteÛ  door  Jacob 
Duym.  Tôt  Leyden,  by  Jan  Bouwensz. 
Anno  MDC,  in-4o.  —  2o  Een  Ghedenck- 
Boeck,  liet  icelck  ons  leert  aen  al  Jiet  quaet 
en  den  (jrooten  moeticil  van  de  Spaingnaer- 
den  en  haren  aenlianck  ons  aenghedaen  te 
gJiedencken,  ende  de  groote  liefde  ende 
trou  van  de  princen  nyt  den  liuyse  van 
Nassau,  aen  ons  betoent  eeuwelick  te 
onthonden.  Speel-wys  in  dicjit  gliestelt 
door  Jacob  Duym.  Ghedruckt  tôt  Ley- 
den, by  Henrick  Lodewycx  zoon  van 
TFaesten,  in  den  jaere  1606,  in-4'i.  — 
8o  Oudt-Bafaviam  nu  genaemt  Holland. 
Jloe  endi'  in  w'it  manieren,  ende  ran  uien 


Hollandt,  Zeelandt  ende  Vrieslandt  eerst 
beicoont  isgeiceest.  Auctore  Saxone  Gram- 
matico.  Mits-gaders  des  ïands  oude  graven 
en  niewce  gouverneiirs  :  die  by  de  Ko.  Ma. 
van  Hispanien  ah  by  de  E.  E.  H.  Staten 
der  vereenichde  proviyieien,  ten  tyde  van 
de  teghetmoordighe  troubelen  gliestelt  zyn. 
Beschreven  door  Jacob  Duym.  Tôt  Ley- 
den, by  Andries  Clouck,  in  den  ghe- 
croondeu  Engliel,  in't  jaer  Ons  Hee- 
ren  1606,  in-12  de  328  pages.  Le 
travail  s'arrête  à  1605.  —  4o  Corte 
JiistoriscJie  beschryvinghe  der  nederland- 
scJie  oorlogen  van  den  beginne  en  aenvangh 
of  der  beroerte  tôt  het  hcalfjarig  bestand 
toe,  door  J.  J.  D.  (joukheer  Jacob 
Duym).  Arnhem,  1602,  in-12;  réim- 
primé à  Arnhem,  en  1614  et  à  Amster- 
dam en  1646.  Ed.vanEven. 

La  dédicace,  par  Duym,  de  son  Gedenck- 
boeck,  à  Maurice  de  Nassau.  —  Eiiterpe,  publiée 
par  Jacques  Kantelaar  et  Mat.  Siegenbeek,  Ams- 
terdam, 1810.  i)ages  109-111.  —  M.  J.-P.  Vander 
Auwera,  dans  les  Haiideliuqen  du  congrès  litté- 
raire tenu  à  Maestricht  en  1875,  pages  120:Î-!20;S. 

i>i;y!Ve:%'  (Isaac  vax),  peintre,  né  à 
Anvers,  d'après  le  biographe  hollandais 
Chrétien  Kramm,  mais  à  date  ignorée. 
Il  peignit,  très  -  artistement,  de  jolis 
sujets  de  nature  morte,  étoffés  de  pois- 
sons de  mer  et  de  rivière,  recherchés 
par  les  amateurs  et  à  bon  prix.  En  1664, 
il  s'était  fixé  à  La  Haye,  où  il  s'affilia, 
en  1665,  à  la  gilde  ou  confrérie  des 
peintres  (Haegsclie  confrerye  ende  Schil- 
ders  broederschap),  et  mourut  dans  cette 
ville  en  1668  ou  1669.  Kramm  ne  sait 
s'il  était,  ainsi  que  l'insinue  Pierre  Ter- 
westen  (Ms.),  parent,  et  peut-être  père 
ou  frère  de  J.-B.  van  Duynen,  peintre 
de  portraits  à  l'aquarelle,  né  à  Anvers 
en  1620,  selon  Immerseel.  —  Bryan- 
Stanley  le  croit  natif  de  ^Dordrecht 
(Hollande)  et  y  florissant  vers  1670, 
peignant  même  le  poisson  en  grandeur 

naturelle.  Edm.  De  Busscher. 

DKVSE  {Prudent  vax),  pocte,  né  à 
Termonde  le  17  septembre  1804,  mort 
à  G  and  le  13  novembre  1859.  Son  père, 
originaire  de  Kieldrecht,  appartenait  à 
une  des  plus  anciennes  familles  agricoles 
du  pays  de  Waes;  il  avait  épousé  The- 
resia  Hanssens  et  exerçait  la  profession 


40c 


DUYSE 


406 


de  médecin.  Il  se  délassait  de  ses  tra- 
vaux en  apprenant  le  flamand  et  même 
le  latin  à  ses  deux  enfants,  Prudens  et 
Nathalia.  On  peut  affirmer  que  cette 
éducation  domestique  fut  des  plus  heu- 
reuses et  qu'elle  exerça  une  influence 
considérable  sur  le  caractère  moral  des 
poésies  de  Van  Duyse.  Il  aima  à  chanter 
ces  leçons  données  «  sous  les  beaux 
ormes  » .  L'enseignement  paternel  était 
complété  par  celui  du  collège,  et  l'amour 
de  la  langue  néerlandaise  avait  alors  à 
Termonde  plus  d'un  stimulant.  Les 
séances  littéraires  n'y  étaient  pas  rares. 
En  1820,  à  la  représentation  donnée  par 
le  Kumtliefde ,  on  put  applaudir  Diana 
Daenens  dans  son  rôle  de  Zaïre.  Dès 
1822,  Yan  Duyse  compose  des  poésies 
jubilaires  (Govxie  juhel-croon)  pour  des 
amis  de  sa  famille.  L'année  suivante, 
tandis  qii'il  débute  à  Laeken  comme 
clerc  de  notaire,  il  obtient  un  prix  de 
poésie  au  concours  de  Deerlyk,  près  de 
Courtrai.  Dès  lors  jusqu'à  la  fin  de  sa 
vie,  on  le  voit  emporté  par  une  incroya- 
ble facilité  à  tout  exprimer,  et  même  à 
tout  improviser  en  vers.  Pendant  plus 
de  trente  ans,  il  se  prodigue  pour  les 
moindres  événements  de  la  renaissance 
flamande;  il  est  comme  le  faktor  de 
toutes  les  sociétés  de  rhétorique.  Ses 
poésies  de  circonstance  sont,  pour  ainsi 
dire,  un  mémorial  de  l'époque. 

Après  quelques  mois  de  résidence  à 
Laeken,  Van  Duyse  alla  se  faire  inscrire 
à  l'université  de  Louvain  pour  devenir 
avocat.  Mais  pendant  deux  ans  (1823- 
1825),  il  s'obstina  à  mener  de  front 
l'étude  de  la  jurisprudence,  de  la  litté- 
rature, de  la  peinture  et  de  la  musique. 
L'étudiant  maniait  le  pinceau  avec  faci- 
lité et  passait  pour  un  virtuose  sur  le 
violon.  En  même  temps  qu'il  essayait 
de  traduire  Virgile  en  rimes  flamandes, 
il  triomphait  aux  concours  de  Furnes  et 
de  Bruges  et  l'emportait  sur  le  Hollan- 
dais Oudemans  pour  chanter  la  bataille 
de  Courtrai  {Bundel  der  Maatschappij 
van  Taal-en  Letterhmâe.  Bruges,  1821- 
1829).  En  outre,  il  envoyait  des  pièces 
à  plusieurs  recueils  périodiques  du  pays. 
A  peine  rentré  à  Termonde,  sans  avoir 
achevé  ses  études  universitaires,  il  rélé- 


bra,  avec  cette  complaisance  que  sa  verve 
lui  permit  toujours,  l'académie  de  des- 
sin de  sa  ville  natale  et  prit   dès   lors 
l'habitude  d'ajouter  à  ses  vers  des  com- 
mentaires dont   l'érudition  fut  souvent 
remarquée.    On   le  sollicitait   pour   les 
sujets  les  moins  poétiques  ;  mais  il  savait 
les  relever  soit  parla  bonhomie,  soit  par 
le   patriotisme,  alors  même   qu'il  chan- 
tait la  promotion  de  J.  Olbrechts,  inspec- 
teur des  contributions  à  Anvers  riS2.5). 
En  1826,  il  publia,  au  profit  des  Hel- 
lènes, une  ode  sur  la  Grèce  et  une  can- 
tate sur  Waterloo.  On  a  remarqué  que 
Van  Duyse,  qui  ne  fut  point  décoré  par 
la  Hollande,  composa,  presque  chaque 
année,  un  morceau  de  poésie  en  souvenir 
de  la  bataille  où  le  prince  d'Orange  fut 
blessé.  Le  poète,  tourmenté  par  l'abon- 
dance de  ses  inspirations,  se  présentait 
à  presque  tous  les  concours  des  sociétés 
de  rhétorique  ;  mais,  outre  l'intérêt  lit- 
téraire,  il  y   avait   encore   celui  d'une 
vive  émulation.  Les   prix   étaient  vail- 
lamment disputés  dans  les  plus  humbles 
bourgades,  par   les   Hollandais  comme 
par  les  Belges.   C'étaient  les  premières 
escarmouches   du  mouvement   flamand. 
A  Deynze,    Van  Duyse   l'emporta   sur 
Ledeganck.  S'il  échoua  à  Eecloo  contre 
Rens,  il  eut  sa  revanche  par  une  traduc- 
tion en  vers  français   de   son  principal 
modèle   de   style,   Helmers.    Cette   tra- 
duction, dédiée   au   ministre  Falck,  se 
trouve   dans   un   recueil  bruxellois    de 
1827,    dont   il  n'a  paru  qu'un  volume 
{Revue  explicative  des  principes  fondamen- 
taux et  des  beautés  de  la  langue  néerlan- 
daise). Peu  de  temps  après,  l'infatigable 
littérateur  obtenait  de  la  Concordia  de 
Bruxelles  le  premier  prix   pour  l'éloge 
de   l'idiome   national    {LofdicJit    op    de 
nederlandscîie  tad).  Le  style  de  ce  poème, 
un  peu  dithyrambique,  à   la  façon   de 
Helmers,  annonçait  toutefois   un   écri- 
vain complètement  aff'ranchi  de  ce  qu'il 
devait  lui-même  appeler,  plus   tard,    le 
faux  goût  des  rJietorikasters.  C'était  bien 
le  Belge  qui  avait  profité  de  la  renais- 
sance littéraire  favorisée  par  le  gouver- 
nement des  Pays-Bas.  Le   Dr   Snellaert 
admirait  particulièrement  la  noblesse  de 
ses  vers. 


407 


DUYSE 


408 


Au  commencement  de  1830,  Van 
Duvse  était  élève  de  l'Université  de 
Gaud.  Il  y  avait  repris  l'étude  du  droit, 
lorsqu'il  publia  un  poème  satirique  en 
quatre  chants  intitulé  :  De  Wanorde  en 
Omicenteliyig  op  den  vlaamschen  Zangherg, 
c'est-à-dire,  le  désordre  et  la  révolution 
sur  le  Parnasse  flamand.  Grâce  à  un 
système  de  notes  surabondantes,  c'est 
non-seulement  un  poëme  amusant,  mais 
un  trésor  de  faits  curieux.  La  petite 
guerre  du  Parnasse  flamand  avait  sur- 
tout pour  théâtre  les  sociétés  qui  pullu- 
laient dans  la  "West-Flandre.  L'auteur 
pressentait  le  développement  du  parti- 
cularisme ;  mais  son  œuvre  eut  le  tort 
d'avoir  trop  tôt  raison.  Elle  ne  fut  pas 
appréciée  à  sa  valeur  réelle  et  on  lui 
attribua  même  injustement  une  tendance 
dénigrante.  Au  fond,  pas  plus  que  Boi- 
leau,  l'étudiant-rimeur  n'allait  au  delà 
Il  de  la  haine  d'un  sot  livre  « .  C'étaient 
ses  classiques  hollandais  qui  lui  inspi- 
raient le  dégoût  de  la  vieille  afféterie 
rhétoricale. 

Au  bruit  de  ces  querelles  où  il  ou- 
bliait ses  intérêts  personnels,  il  n'en- 
tendit pas  venir  la  révolution  de  1830. 
Ayant  vainement  réclamé  pour  les  droits 
d'une  langue  qu'on  semblait  écarter  de 
l'école  et  de  l'administration,  il  partit 
pour  la  Hollande  où  il  arriva  presque  en 
même  temps  que  le  Dr  Snellaert.  «  Er- 
II  rant  de  lieu  en  lieu,  dit  celui-ci. 
Il  sans  autres  ressources  que  son  cou- 
II  rage  d'étudiant  aventureux,  il  noua 
Il  des  relations  avec  les  principaux  lit- 
II  térateurs  du  pays.  «  C'est  alors  qu'il 
connut  le  célèbre  Tollens,  d'origine 
gantoise.  A  La  Haye,  le  libraire-éditeur 
Immerzeel  l'accueillit  en  ami  et  flt  im- 
primer ses  Gedicîiten  (1831).  Il  publia 
aussi  Krijgsgesclial  en  Volksgezang  où, 
avec  Snellaert  et  d'autres,  il  déplorait 
le  divorce  national  et  la  chute  du 
royaume  des  Pays-Bas.  «  Le  poète  eut 
cependant  la  bonne  inspiration  de  ne 
pas  s'engager  dans  le  diflerend politique, 
à  part  ses  justes  observations  concernant 
la  langue  flamande.  «  (Notice  académique 
de  1871.)  Il  revint  bientôt  à  Gand,  s'y 
consola  par  l'étude  et  obtint,  dès  le 
14  août  1832,  le  diplôme  de  docteur  en 


droit.  Il  avait  obtenu  antérieurement 
celui  de  candidat  notaire.  Eentré  à  Ter- 
monde,  au  sein  de  sa  famille,  il  fut 
nommé  aux  fonctions  d'archiviste  de  la 
commune  et  de  secrétaire  de  l'académie 
de  dessin.  En  cette  double  qualité,  il  a 
su  se  rendre  utile.  Le  souvenir  de  ses 
services  a  été  consacré  par  une  pierre 
commémorative  que  la  régence  a  fait 
placer  au  coin  du  Marché  aux  grains,  où 
s'élevait  la  maison  paternelle  du  poète. 
Tout  en  remplissant  ponctuellement  ses 
nouveaux  devoirs,  il  égayait  ou  relevait 
de  ses  vers  si  faciles  la  moindre  cir- 
constance ou  publique  ou  privée.  Pas  de 
fête  d'école  ou  de  famille  sans  quelque 
improvisation  complaisante.  Au  reste, 
le  retour  au  pays  lui  avait  inspiré  une 
œuvre  fine,  exquise  et,  à  bon  droit,  sa 
favorite  :  la  première  élégie  à  sa  sœur 
Nathalia.  C'est  un  modèle  de  poésie  do- 
mestique. En  même  temps  il  se  remet- 
tait aux  concours,  où  il  voyait  l'avenir 
de  sa  langue  maternelle.  En  1835,  il 
composa  Lierzang  aen  Belgie,  d'où  une 
société  littéraire  de  Gand  tira  son  nom  : 
JDe  taal  is  gansch  îietvolk  :  la  langue  c'est 
toute  la  nation  (ou  plutôt,  le  peuple). 

Vers  la  même  époque.  Van  Duyse  se 
mit  à  collaborer  activement  aux  diverses 
publications  mises  au  service  du  mou- 
vement flamand  :  les  Bijdragen  de  la 
Gazette  van  G  eut,  les  Nederdîiitsche  Let- 
teroefeningen,  de  Ph.  Blommaert  et  Ser- 
rure, et  enfin  le  Behjisck  Museimi  auquel 
il  demeura  fidèle  jusqu'à  la  fin.  Toujours 
à  l'affrit  de  tout  ce  qui  pouvait  illustrer 
la  littérature  nationale,  il  découvrit  un 
Willem  Tell,  une  tragédie  faite  par 
J.  Wouters,  ouvrier  à  Lierre.  Il  fut 
bien  mal  récompensé  de  son  empresse- 
ment à  corriger  cette  œuvre  pour  une 
représentation  destinée  à  procurer  quel- 
ques ressources  à  la  veuve  et  aux  orphe- 
lins de  l'auteur;  le  dévouement  de 
l'éditeur  fut  taxé  de  plagiat.  En  revan- 
che, sa  verve,  prodiguée  à  la  façon 
d'Ovide,  lui  suscitait  de  toutes  parts  des 
compliments  et  des  amitiés  sincères.  Il 
en  trouvait  jusque  chez  les  Wallons  :  il 
avait  fait  couronner  à  Mons  une  pièce 
française  où  il  célébrait  le  courage  des 
Nerviens  contre  César.  Il  eut  l'occasion 


409 


DUYSE 


41U 


de  rappeler,  à  propos  de  ce  nouveau 
triomphe,  nos  vieilles  fêtes  flamandes 
où  l'on  concourait  In  duytscher  en  waal- 
scJier  talen.  Un  critique  hollandais,  Tan 
Vloten  {Bloemlezing)  a  fait  remarquer 
que  Van  Duyse  avait  nui  à  son  propre 
talent  en  le  prodiguant  dans  les  moin- 
dres concours  et  jusque  dans  les  cir- 
constances les  moins  clignes  d'une  con- 
sécration poétique.  De  là,  l'inégalité  de 
ses  œuvres  :  la  plupart  sont  trop  impro- 
visées et  n'ont  pas  eu  la  surama  mantis. 
11  faudrait  un  triage  sévère  pour  ces 
innombrables  petites  pièces  échappées  à 
sa  veine  trop  abondante.  Plus  d'une  ne 
paraît  obscure  que  par  l'exubérance  de 
la  poésie. 

En  1837,  lors  de  l'ouverture  du  che- 
min de  fer  entre  Gand  et  Termonde, 
Yan  Duyse  fit  une  ode  française  qu'aus- 
sitôt après  il  remit  en  vers  flamands.  11 
essaya  des  vers  dans  d'autres  langues 
encore,  en  latin,  en  italien,  en  alle- 
mand. Quelquefois  tout  un  poëme  sor- 
tait du  plus  humble  concours.  En 
1838,  aux  Motionisten  de  Grammont,  il 
n'envoya  pas  moins  de  quatre  chants 
didactiques  sur  l'influence  du  théâtre. 
Aussi  bien,  il  pouvait  dire  :  Qîddqyiid 
tentabam  dicere,  versus  erat.  Quoiqu'il 
eût  une  prose  assez  remarquable,  le  vers 
semblait  sa  langue  instinctive.  A  Sotte- 
ghem,  à  peine  a-t-il  reçu  sa  médaille, 
qu'il  complimente  à  son  tour  voor  de 
vuist,  à  l'impromptu,  les  juges,  les  ri- 
vaux, le  public,  tout  le  monde.  C'était 
un  véritable  improvisateur,  supérieur, 
sous  ce  rapport,  à  VV.  De  Clercq  et  à 
Da  Costa.  11  le  prouva  en  1839,  lorsque 
le  spirituel  rimeur  français  Eugène  de 
Pradel  se  fit  applaudir  dans  la  salle 
de  la  Eotonde,  à  l'université  de  Gand. 
On  vit  tout  à  coup  Van  Duyse  s'élancer 
sur  l'estrade,  et  lutter  de  dextérité  et 
d'abondance  avec  le  virtuose  de  la  rime. 
Il  improvisa  en  son  honneur  une  ode 
flamande  sur  un  sujet  que  l'improvisa- 
teur étranger  avait  courtoisement  en- 
tamé :  Qui  chérit  son  pays  a  toujours  le 
cœur  grand.  Comme  pour  consacrer 
l'union  des  deux  littératures,  les  deux 
poètes  s'embrassèrent,  aux  applaudisse- 
ments  d'un  public   électiisé.   Ajoutons 


que  l'improvisateur  flamand  improvisa 
avec  la  même  facilité  la  traduction  de  ses 
propres  vers.  11  y  avait  quelque  chose 
de  méridional  dans  cette  soudaineté 
exubérante,  assez  rare  chez  nos  littéra- 
teurs, comme  le  remarque  W.-J.  Hofdijk. 

Van  Duyse  était  venu  s'établir  à  Gand 
depuis  1836.  11  y  fit  d'abord  un  cours 
d'histoire  de  la  littérature  flamande  à 
l'athénée  communal;  mais  ce  jeune  audi- 
toire était  mal  préparé,  et  par  là  assez 
peu  sympathique.  Le  professeur  fut 
mieux  apprécié,  plus  tard,  à  l'académie 
de  peinture  et  de  sculpture,  où,  parlant 
de  ra,rt  national,  il  trouvait  d'ailleurs 
un  sujet  entièrement  conforme  à  ses  goût  s. 

Ce  fut  en  1838  que  Van  Duyse  rem- 
plaça Parmentier  aux  archives  de  la 
ville  de  Gand.  Cette  richesse  de  docu- 
ments l'enivra;  il  fit  vingt  projets 
d'études  pour  réhabiliter  le  passé  dg  la 
fière  commune,  traitée  de  turbulente  dès 
le  xive  siècle;  il  fut  le  premier,  peut- 
être,  à  s'intéresser  aux  détails  locaux  de 
la  fameuse  Pacification  de  1576.  Avec 
une  activité  dévorante,  il  se  mit  à  com- 
pulser les  vieux  registres;  il  se  faisait 
tout  Gantois  et  semblait  évoquer,  dans 
ses  plus  minutieux  détails,  le  passé  de 
sa  ville  adoptive  pour  on  ne  sait  quelle 
création  poétique.  Tout  en  continuant 
le  gaspillage  de  ses  rimes,  le  nouvel 
archi\"iste  se  proposait  comme  une  loi  le 
mot  du  savant  comte  de  La  Borde  : 
i>  Les  comptes  sont  les  documents  les 
«  plus  explicites  et  les  moins  contesta- 
»  blés  » .  Le  Belgisch  Muséum,  le  Messa- 
ger des  arts  et  des  sciences  historiques  et 
d'autres  revues  profitèrent  de  ce  zèle  de 
néophyte.  De  1848  à  1859,  l'archiviste- 
poëte  prépara  V Inventaire  anahjtiqtœ  des 
chartes  et  documents  des  archives  com- 
munales de  Gand.  Le  quatrième  fasci- 
cule, interrompu  par  sa  mort,  fut  achevé 
par  son  successeur,  M.  De  Busscher. 

En  1839,  la  société  des  Beaux-arts 
de  Gand  nomma  Van  Duyse  secrétaire 
général,  plus  tard  vice-président,  après 
l'avoir  souvent  couronné  dans  ses  con- 
cours littéraires.  Il  déploya  dans  ces 
nouvelles  fonctions  les  meilleures  qiia- 
lités  de  sa  nature  aimable  et  sympa- 
thique. C'était,  comme  dit   M.  Ricourt 


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DUYSE 


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de  Lille,  un  libéral  tolérant.  Il  inséra  de 
nouveaux  articles  dans  les  Aimâtes  de  la 
Société;  mais  le  pêle-mêle  des  sujets 
prouve  combien  l'auteur  était  ivresse  de 
produire.  Il  était,  au  surplus,  devenu 
trop  populaire  pour  se  dérober  facile- 
ment aux  occasions  de  publicité. 

«  Une  activité  remarquable,  aidée 
Il  d'une  vaste  mémoire  et  d'une  rare 
Il  facilité  d'élocution  toujours  fleurie, 
Il  une  insatiable  ambition  de  se  pro- 
u  duire  jointe  à  un  patriotisme  incon- 
u  testable,  poussèrent  Yan  Duyse  vers 
Il  toutes  les  grandes  réunions  comme 
«  l'homme  de  la  situation.  On  le  ren- 
II  contrait  devant  la  tombe  du  modeste 
Il  ouvrier  comme  du  grand  artiste, 
Il  comme  de  l'honorable  magistrat,  au 
Il  pied  du  moiiumentdu  grand  citoyen, 
Il  qu'il  fût  homme  d'épée  ou  de  plume. 
Il  adhérent  de  Genève  ou  de  Eome;  à 
Il  tous  il  vouait  sa  parole  ou  ses  accents 
«  harmonieux.  Pas  de  canton,  presque 
'/  pas  de  commune  dans  le  pays  flamand 
Il  qui  n'acclamât  avec  joie  le  poëte  tou- 
II  jours  prêt  à  se  porter  au-devant  du 
«  désir  bien  légitime  de  voir  rehausser 
Il  l'éclat  des  fêtes  par  le  prestige  de  la 
Il  poésie.  Pas  un  concours  littéraire  où 
Il  Van  Ihiyse  ne  parût  soit  comme  con- 
II  ciirrent,  soit  en  qualité  de  juge. 
Il  A  toute  fête  séculaire  ou  nationale  en 
Il  l'honneur  d'un  individu  ou  en  commé- 
II  moration  d'un  événement,  on  trouva 
Il  Van  Duy«e  ou  un  poëme  de  lui.  « 
(Dr  Snellaert,  notice  académique.) 

Ce  poëte,  si  passionnément  flamand,  ne 
l'était  pas  au  point  d'en  devenir  exclusif. 
Non-seulemf  nt  il  fut  un  des  premiers  à  ré- 
pondre à  l'appel  du  Comité  des  Flamands 
de  France,  mais  il  s'attacha  à  traduire 
les  plus  heureuses  productions  de  ses 
compatriotes  wallons,  tels  que  Mathieu, 
Clesse  et  Daufresne.  Il  se  décida,  en 
1840,  à  réunir  en  trois  volumes  publics 
chez  Léon  Hebbelynck  (  Fado'tandscJie 
Poezij)  la  plupart  des  pièces  que  lui 
avait  inspirées  ou  l'à-j^ropos  patriotique 
ou  le  culte  des  souvenirs  nationaux. 
Dans  une  préface  qui  fut  remarquée,  il 
rappela  que  l'union  des  Pays-Bas  avait 
en  quinze  ans  préparé  le  mouvement  de 
rciuiissance  littéraire.  11  voulait,  disait- 


il,  donner  l'exemple  d'une  poésie  tirée 
des  légendes,  des  souvenirs  et  des  émo- 
tions de  la  patrie.  Et,  en  efl'et,  depuis 
les  quatre  fils  Aymon  et  Geneviève  de 
Brabant  jusqu'à  Waterloo  et  à  l'inaugu- 
ration de  nos  chemins  de  fer,  il  parcourt 
toute  l'histoire  littéraire,  artistique  et 
politique  de  nos  provinces.  Employant 
tour  à  tour  le  cadre  du  conte,  de  la 
romance  ou  de  la  ballade,  il  y  fait  entrer 
les  sujets  les  plus  variés.  On  y  trouve 
même  la  thèse  de  la  fraternité  avec  «  la 
grande  Allemagne  « .  Mais  ces  petits 
poëmes,  qui  rappellent  la  manière  de 
Bilderdyk,  de  Tollens,  de  Ledeganck  et 
de  Van  liyswyck,  sont  tous  destinés  à 
prouver  que,  sans  patrie,  il  n'y  a  plus 
de  poésie.  De  copieuses  annotations  (ha- 
bitude favorite  de  l'auteur)  complètent 
cette  propagande  de  patriotisme.  La 
même  année.  Van  Duyse  tenta  la  forme 
dramatique.  Il  y  avait  songé  plus  d'une 
fois.  Dans  le  Tooneetbundel  où  il  figure  à 
côté  de  Van  Eyswyck,  de  Eosseels  et  de 
Van  Boeckel,  il  ne  put  placer  qu'une 
pâle  imitation  du  Gastronome  sans  argent. 
L'année  suivante,  il  ne  fut  guère  plus 
heureux  dans  ses  deux  comédies  sur 
Bubens  et  sur  Van  Dyck.  Cet  homme 
de  cabinet,  formé  par  l'éducation  do- 
mestique, n'était  pas  habitué  à  observer 
le  mouvement  de  la  vie  réelle.  En  outre, 
il  avait  le  tempérament  trop  lyrique 
pour  réussir  dans  le  drame.  Néanmoins 
son  nom  mérite  de  figurer  avec  ceux 
d'Ondereet,  de  Eosseels  et  de  Van  Peene 
dans  l'histoire  de  la  rénovation  du  théâ- 
tre flamand.  Il  aida  du  moins  à  popula- 
riser ces  tentatives.  (JPatria  belgica,  III, 
551.) 

En  1842,  l'éditeur  gantois  Ch.  An- 
noot  annonçait,  «  pour  le  compte  de 
l'auteur  «,  la  publication  de  quatre  élé- 
gies groupées  sous  le  nom  de  Nathalia, 
la  sœur  chérie  du  poëte.  Il  n'a  peut-être 
jamais  rien  écrit  avec  plus  d'àme  ni 
avec  plus  de  soin;  ici,  il  a  vraiment 
discipliné  son  style.  Au  reste,  il  avait 
conscience  de  l'importance  de  son  œuvre. 
C'est  ce  qui  résulte  de  sa  conversation 
avec  la  baronne  Ida  von  Dùringsfeld 
{Von  der  Schelde  bis  zur  Maas,  III,  80). 
Par   une   sorte   do   contraste,  il   publia 


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DUYSE 


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presque  en  même  tempa  le  Sj)eUings- 
oorlog,  poëme  héroï-comique  en  quatre 
chants,  à  propos  des  querelles  d'ortho- 
graphe qui  divisaient  les  flamingants. 
Cette  année  1842  montre  chez  le  poëte 
des  merveilles  de  fécondité.  Tandis  qu'il 
chante  le  Lion  belge  de  Waterloo,  qu'il 
improvise  des  compliments  pour  la  fête 
des  Fontai7iisteH  à  l'hôtel  de  ville  de 
Gand  et  qu'il  traduit  Lahis  (le  gallo- 
mane  anglais  deMilton),il  trouve  encore 
le  temps  de  produire  une  œuvre  impo- 
sante :  GodfriedofdegodsdieiidopHveld. 
En  décrivant  les  beautés  poétiques  de  la 
religion  dans  la  vie  des  champs,  Yan 
Duyse  a  des  accents  émus  pour  célébrer 
la  piété  et  la  tolérance.  C'était  encore 
l'idée  patriotique  qui  l'inspirait.  Puis, 
revenant  à  des  sujets  moins  austères,  il 
compose  Vader  Adam  Flamitic,  amu- 
sante satire,  pastiche  de  vieux  vers 
thiois,  et  toute  en  l'honneur  du  profes- 
seur Bormans,  ainsi  que  de  la  nouvelle 
orthographe.  Autre  fantaisie  de  dilet- 
tante :  il  met  en  vers  flamands  le  Ve7't- 
Vert  {Crroentjé)  de  Grasset.  Ensuite,  il 
traduit  Paul  et  Virginie,  comme  pour 
montrer  que  sa  prose  peut  quelquefois 
égaler  ses  vers.  Il  l'a  prouvé  mieux 
encore  par  certaines  dissertations  d'une 
grande  fermeté  de  style. 

Lors  de  la  réaction  qui  éclata  à  Gand 
en  1845  contre  Charles-Quint,  dont  la 
popularité  avait  longtemps  éclipsé  celle 
d'Artevelde,  Yan  Duyse  prodigua  les 
satires  et  les  plaisanteries.  On  eût  dit 
un  Gantois  encore  surexcité  par  la  ré- 
volte de  1549.  Mais  c'est  le  même  esprit 
de  «  Gantois  adoptif  «  qui  l'amène  plus 
tard  à  revendiquer  »  la  gloire  du  Char- 
lemagne  gantois,  si  mauvais  bourgeois 
qu'il  ait  pu  être  « .  Il  proteste  contre 
ceux  qui,  d'après  le  chevalier  I>iericx, 
accusent  Charles  Y  d'avoir  fait  détruire 
les  archives  de  sa  ville  natale.  Le  poé- 
tique érudit,  malgré  la  fréquente  exal- 
tation de  sa  muse,  penche  au  fond  pour 
les  idées  modérées.  Chez  lui,  la  boirté  et 
le  bon  sens  contre-balancent  la  fougue 
poétique.  Elle  a  tout  son  abandon,  toute 
sa  naïveté  dans  des  œuvres  plus  paisi- 
bles de  la  même  année  :  la  réhabilitation 
de  la  vieille  devise   gantoise  :  Fides  et 


amor  {Jiou  ende  trou),  l'inauguration  du 
buste  de  Sidronius  Hosschius  dans  la 
campagne  du  chevalier  De  Coninck  de 
Merckem,  et  enfin  l'ode  saphique  ingé- 
nieusement composée  pour  orner  l'édi- 
tion qu'il  prépare  des  poésies  de  son 
ami  D'Hulster. 

En  1846,  un  grand  événement  reten- 
tit dans  la  vie  de  Yan  Duyse.  Il  fut  un 
des  principaux  fondateurs  d'une  alliance 
artistique  entre  la  Belgique  et  l'Alle- 
magne. Ze  Duitsch-  Vlaenucli  zavgverbond 
eut  surtoiit  une  influence  considérable 
sur  le  développement  du  chant  choral. 
A  Bruxelles,  à  la  Grande  Harmonie,  le 
poëte  récita  lui-même  son  ode  pour  féli- 
citer  la   nouvelle   association.  En  juin 

1847,  au  Casino  et  au  Palais  de  Justice, 
à  Gand,  il  fut  le  grand  promoteur  d'une 
brillante  fête  qui  dura  cinq  jours.  On 
imprima  de  lui  un  compliment  de  bien- 
venue bilingue  (du  flamand  germanisé) 
adressé  aux  sociétés  chantantes,  52  d'Al- 
lemagne et  52  de  Belgique.  Pour  mieux 
stimuler  leur  zèle,  il  composa  un  grand 
nombre  de  cantates  et  d'autres  poésies 
qui  pouvaient  se  prêter  à  une  exécution 
chorale.  Comme  il  était  enthousiaste 
sans  être  exclusif,  il  publia  même  quel- 
ques romances  françaises,  dont  il  avait 
fait  la  musique  et  les  paroles.  Dans  ses 
rêves  naïfs  d'une  vaste  république  des 
arts  et  des  lettres  germaniques,  il  fut 
véritablement  fier  d'avoir  obtenu  la  pré- 
sidence du  Zangverhond.  C'est  en  cette 
qualité  qu'il  adressa  des  vers  de  félici- 
tation  à  M.  Aug.  Gevaert,  lauréat  du 
grand  concours,  et  dont  l'œuvre  allait 
être  chantée  à  Cologne. 

Toujours  en  quête  de  nouveautés  qui 
pussent  élargir  l'horizon  de  la  littéra- 
ture nationale,  Yan  Duyse  composa, 
sous  le  titre  de  Klaverhlad  (feuille  de 
trèfle),  un  grand  recueil  de  légendes,  de 
ballades,  de  traditions  et  de  croyances 
des  pays  les  plus  divers.  D'un  autre 
côté,  habitué  à  tout  mettre  en  vers  plu- 
tôt qu'en  prose,  il  fait  des  couplets 
contre  le  socialisme  qu'on  propageait  en 

1848.  Hk  het  zijf/e,  disait-il,  à  chacun 
le  sien,  et  cet  aphorisme  de  la  législation 
romaine,  il  l'appliquait  à  la  liberté  de 
lanaue  et  de  religion  comme  aux  autres 


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DUYSE 


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libertés.  En  même  temps ,  le  poëte 
s'adressait  à  la  Chambre  des  représen- 
tants pour  protester  de  son  déAOuement 
à  la  monarchie.  L'année  suivante,  à  la 
fête  du  deuxième  anniversaire  de  la 
Société  de-i  Gens  de  lettres  de  Bruxelles, 
le  Flamingant  fut  accueilli  comme  un 
vaillant  champion  de  l'union  belge. 

Dans  ses  biographies  d'auteurs  fla- 
mands (III,  79),  Mme  la  baronne  Ida 
von  Piiringsfeld  observe  que  ce  grand 
promoteur  de  la  rénovation  littéraire 
n'était  vraiment  heureux  qu'au  milieu 
de  ses  enfants.  C'est  ce  qui  explique  le 
naturel,  l'élégance  et  la  supériorité  de 
tout  ce  qu'il  écrivit  sur  la  vie  de  famille. 
Epoux  et  père,  il  chanta  son  bonheur 
domestique  comme  il  n'avait  cessé  de 
chanter  les  plus  humbles  joies  de  son 
premier  foyer.  Aimant  profondément  la 
vie  intime  et  recueillie,  à  la  flamande, 
il  composa  des  pièces  qui  renouvelèrent 
le  genre  illustré  par  Van  Alj)hen.  De  là, 
deux  volumes  de  Petites  poésies  pour 
V enfance  {Gedichtjes  voor  kinderen).  Bien 
ne  fait  mieux  connaître  le  bonheur  que 
goûta  le  père  en  travaillant,  en  étudiant 
au  milieu  de  ses  enfants.  Ici,  il  échap- 
pait à  toute  obsession  de  ce  lyrisme 
transcendant  qui  le  tourmente  dans  la 
plupart  de  ses  autres  compositions. 
Encouragé  par  le  succès  que  rencontra 
son  livre,  inspiré  surtout  par  sa  grande 
expérience  de  l'éducation  domestique, 
il  publia,  avec  le  poëte  Dautzenberg,  un 
VoUsleesboek  (lecture  morale  et  patrio- 
tique pour  l'école  et  la  famille). 

Les  congrès  néerlandais,  rendez- vous 
annuels  des  littérateurs  de  Hollande  et 
de  Belgique, ont  trouvé  dans  VanDuyse, 
dès  leur  origine  (1849),  un  de  leurs  plus 
utiles  zélateurs.  Par  son  érudition  variée, 
par  la  souplesse  de  son  génie,  il  occupa 
naturellement  une  place  éminente  dans 
ces  "  grands  jours  «  de  la  cause  fla- 
mande. Les  Handelingen,  annales  de  ces 
congrès,  témoignent  de  sa  verve  et  de 
sa  science.  Il  faut,  au  surplus,  renoncer 
à  le  suivre  dans  toutes  ses  excursions 
de  poëte,  d'humaniste,  de  patriote,  d'ar- 
chéologue, de  flamingant,  d'orateur,  de 
critique  et,  pour  tout  dire,  de  dilettante 
universcL   Un   coup  d'oeil  jeté    sur   le 


catalogue  de  ses  œuvres  suflït  pour  re- 
connaître une  activité  dévorante,  excep- 
tionnelle. "  En  dehors  de  cette  liste,  dit 
»  M.  Fr.  de  Potter  {Volledige  clirono- 
n  logische  lijst),  Yan  Duyse  a  laissé  de 
«  nombreux  manuscrits  et  notamment 
//  des  chansons  populaires,  des  bou- 
«  tades,  des  épigrammes,  des  bluettes 
Il  de  toute  sorte.  On  cite^  en  outre,  une 
Il  dissertation  sur  les  gallicismes  et  les 
"  germanismes  qu'on  rencontre  surtout 
Il  dans  les  journaux  flamands  (1)  ;  enfin, 
Il  à  propos  de  toutes  ses  publications 
«  connues,  une  prodigieuse  quantité  de 
Il  notes  qui  attestent  de  grandes  re- 
II  cherches  et  des  connaissances  très- 
"  variées.  " 

En  1850,  tandis  que  Van  Duyse  pro- 
digue les  chants  flamands  et  les  traduc- 
tions françaises  en  l'honneur  de  la  reine 
Louise-Marie  que  la  Belgique  venait  de 
perdre,  il  ne  dédaigne  pas  le  jubilé  de 
son  ancienne  Académie  de  Termonde. 
C'est  avec  la  même  verve  qu'il  célèbre 
aussi  les  simples  fêtes  de  l'ouvrier  fla- 
mand. Il  composa  une  improvisation 
touchante  (un  Knie  dicJitje  dans  le  meil- 
leur sens  du  mot)  pour  Joseph  Canneel, 
qui  avait  été  pendant  cinquante  ans 
contre-maître  dans  les  ateliers  d'impri- 
merie des  frères  De  Busscher.  S'inspi- 
rant  de  son  cœur  encore  plus  que  de  son 
esprit,  le  poëte  réussit  à  féliciter  les 
patrons  en  couronnant  l'ouvrier.  Mais 
c'était  surtout  l'ami  de  la  maison  qui 
parlait  ici.  Van  Duyse  y  était  aimé  de 
tout  le  monde.  Au  reste,  il  ne  rencontra 
nulle  part  de  véritables  inimitiés;  sa 
bonhomie  désarmait  les  plus  difiiciles. 

On  peut  dire  que,  dans  le  mouve- 
ment flamand,  il  fut,  avec  Willems,  un 
véritable  centre  d'attraction.  Il  se  fai- 
sait, pour  ainsi  dire,  tout  à  tous,  dès 
qu'il  y  voyait  l'intérêt  de  la  littérature 
nationale.  Il  avait,  au  reste,  les  qualités 
plutôt  que  les  défauts   des  véritables 

(1)  M.  Edmond  de  Busscher  nous  a  communi- 
qué le  manuscrit  autographe  de  Van  Duyse  [Over 
de  barbarismen).  C'est  un  mémoire  encore  inédit, 
couronné  par  la  société  gantoise  :  De  Taal  is 
gansch  het  volk.  Etude  curieuse  et  originale  où, 
malgré  la  promesse  du  titre,  on  remonte  bien 
au  delà  de  18IW.  Ici  comme  ailleurs.  Van  Duyse  se 
laisse  aller  au  gré  de  sa  verve;  mais  l'érudition 
et  l'esprit  dispensent  d'un  ordre  sévère. 


417 


DUYSE 


4i8 


gens  de  lettres.  Le  peu  de  fanatisme  qui 
entrait  dans  sa  nature  ne  se  réveillait 
que  quand  il  s'agissait  de  la  langue 
néerlandaise.  De  bonne  heure,  il  en 
étudia  avec  amour  les  origines  et  les 
affinités  germaniques.  En  1836,  lors  du 
concours  royal  institué  pour  la  fixation 
de  l'orthographe  flamande,  il  avait  en- 
voyé un  mémoire  qui  fut  remarqué, 
mais  qui  ne  put  obtenir  le  prix.  En  1848, 
l'Institut  royal  des  Pays-Bas  mit  au 
concours  l'histoire  de  la  versification 
néerlandaise.  Yan  Duyse  obtint  la  palme 
en  1851  et  déploya  dans  une  vaste  dis- 
sertation une  science  vraiment  cosmopo- 
lite. On  regrette  seulement  que  l'auteur 
n'ait  pas  été  un  peu  plus  méthodique  et 
qu'il  se  soit  trop  complu  à  de  pures 
curiosités.  Malgré  cette  complaisance 
du  poëte  pour  les  citations  piquantes, 
ces  deux  volumes  publiés  à  La  Haye, 
chez  Nijhoff  en  1854,  sont  un  répertoire 
complet  de  l'ancienne  prosodie  des  peu- 
ples les  plus  divers.  Ce  chercheur  curieux 
passe  tour  à  tour  en  revue  la  strophe 
héroïque  des  Nibelungen,  le  vers  rapide 
de  nos  fabliaux  flamands  ou  wallons,  les 
caprices  et  les  pédanteries  de  l'art  clas- 
sique, les  fantaisies  et  les  raffinements 
subtils  des  Orientaux,  Arabes,  Indiens, 
Malais,  etc.  C'était  encore  une  fois  un 
de  ces  sujets  qu'il  avait  souvent  caressés 
et  dont  il  ne  savait  pas  se  déprendre. 
Plus  d'une  fois  il  avait  essayé  de  traduire 
métriquement ,  à  la  façon  allemande, 
des  poètes  grecs  et  latins.  De  là  cette 
traduction  des  Bucoliques  et  de  quel- 
ques fragments  de  l'Enéide,  qu'il  fit 
paraître  en  1859.  Quant  au  mémoire 
couronné  par  l'Institut  néerlandais,  il 
complète  le  curieux  travail  de  Kinker, 
autrefois  professeur  à  Liège  (Proeve  eeiier 
hollandsche  prosodie,  1810).  La  médaille 
d'or  fut  accordée  à  l'unanimité  au  con- 
current belge.  Il  a  été  le  premier  et  le 
dernier  de  nos  compatriotes  qui  ait 
triomphé  dans  les  concours  de  cet  Insti- 
tut, supprimé  en  1854. 

Quoique  poète  d'actualité,  de  cir- 
constance, au  point  que  l'ordre  chi-ono- 
iogique  de  ses  vers  constituerait  une 
sorte  de  chronique  flamande  pendant 
plus  d'un  quart  de  siècle.    Van   Duyse 

BIOGR.  NAT.    —   T.   VI 


aimait  aussi  à  se  plonger  dans  l'histoire 
la  plus  lointaine.  Dans  ces  excursions, 
il  recherchait  de  préférence  la  couleur 
locale.  Il  la  reproduisait  dans  ses  pasti- 
ches avec  une  amusante  fidélité,  par 
exemple,  dans  ces  strophes  à  la  Maer- 
lant, imprimées  en  caractères  gothiques, 
qu'il  s'amusa  à  envoyer  à  l'abbé  Carton, 
nommé  docteur  honorifique  de  l'univer- 
sité de  Louvaiu.  Il  a  montré  son  goût 
pour  les  archaïsmes  dans  une  étude  qui 
fut  lue  au  quatrième  congrès  néerlandais 
(celui  d'Utrecht).  Cette  prédilection 
pour  le  vieux  thiois  se  retrouve  encore 
dans  l'importance  qu'il  attribue  aux 
dialectes  de  la  West-Flandre,  et  parti- 
culièrement à  celui  de  Furnes,  qui  était 
celui  de  la  femme  qu'il  épousa  en  1842 
(Mlle  Sophie  Wouters). 

En  1856,  Van  Duyse  composa  un 
chant  national  en  l'honneur  de  la  Taal- 
Commissie,  commission  des  griefs  fla- 
mands. Presque  en  même  temps,  il 
célébrait  la  fidélité  du  roi  Léopold  1er 
à  son  serment  constitutionnel.  L'année 
suivante,  le  poëte  patriote  chanta,  au 
nom  de  ses  cinq  enfants,  le  vingt-cin- 
quième anniversaire  d'un  règne  qui  avait 
respecté  toutes  les  libertés.  «  N'ayant 
»  pu  continuer  à  être  Néerlandais, 
Il  disait-il,  je  me  félicite  du  moins 
Il  d'échapper  à  l'annexion  française  par 
Il  l'indépendance  belge.  "  Cette  ode  fut 
couronnée  dans  le  grand  concours  insti- 
tué pour  fêter  le  jubilé  constitutionnel. 
C'est  au  même  poëte  que  le  gouverne- 
ment commanda  une  cantate  pour  la 
grande  commémoration.  Les  Verhaleu 
tiit  de  Geschiedenis  van  Belgie  sont  encore 
de  cette  époque  :  ces  récits  patriotiques 
et  populaires  avaient  été  commandés  par 
la  commission  des  écoles  gratuites  de  la 
ville  de  Cjiand.  C'était  l'introduction 
nécessaire  au  Volksleesboek  composé  en 
collaboration  avec  Dautzenberg.  Bientôt 
cette  collaboration  devint  plus  impor- 
tante :  elle  fonda  une  revue  pédagogique 
{De  Toekomst,  L'Avenir),  qui  existe 
encore.  Van  Duyse  fut  invité  par  l'édi- 
teur Duquesne  à  composer  une  introduc- 
tion pour  la  réimpression  de  V Histoire 
joyeuae  et  récréative  de  Tiel  Ulespiegle, 
traduit  du  flameng  en  françois,  A  Or- 

14 


419 


DUYSE 


420 


léans,  par  Eloy  Gibier,  1531.  De  là 
naquit  une  spirituelle  couférence  faite 
en  français  à  la  Société  littéraire  de 
Gand.  Le  souvenir  en  a  été  curieuse- 
ment rappelé  par  un  des  auditeurs, 
M.  A.  'RicoviY {Annales  du  comité Jlamand 
de  ïrance,  t.  V). 

L'affection  si  vive  que  Van  Duyse 
avait  vouée  à  la  réhabilitation  des  let- 
tres flamandes  lui  faisait  oublier  les 
soins  nécessaires  au  maintien  de  sa 
santé.  Elle  n'était  pas  cependant  des 
plus  robustes,,  et  devait  fatalement  être 
comjjromise  jDar  le  labeur  incessant  d'un 
travailleur  qui  semblait  avoir  pour  de- 
vise :  One  repos.  Van  Duyse  ne  se  plai- 
gnait jamais,  mais  depuis  plusieurs 
mois,  on  s'alarmait  de  ce  qu'il  y  avait 
de  désordonné  dans  ses  allures,  de  sac- 
cadé et  de  précipité  dans  sa  démarche. 
Le  13  novembre  1859,  il  parla  de 
quelque  malaise,  lui  qui  ne  se  plai'gnait 
jamais;  et  lorsque  les  hommes  de  l'art 
arrivèrent  devant  son  lit,  Van  Duyse 
avait  cessé  de  vivre.  Son  chant  de  cygne 
fut  la  pièce  envoyée,  le  5  novembre,  à 
Stuttgart,  pour  la  fête  de  Schiller. 

Le  11  mai  1860,  dans  la  séance  so- 
lennelle de  la  classe  des  lettres  de 
l'Académie  royale^  le  président  M.  Ga- 
chard  remit  au  fils  aîné  du  poète,  à 
M.  Elorimond  van  Duj-se,  la  triple 
couronne  que  son  père  avait  méritée  jDar 
ses  derniers  travaux  :  deux  mémoires 
académiques  sur  Cats  et  sur  les  cham- 
bres de  rhétorique,  et,  pour  le  j^rix 
quinquennal  de  littérature  flamande,  une 
épopée  sur  Artevelde,  une  traduction 
poétique  de  Virgile  et  un  recueil  inti- 
tulé Nazomer  (Arrière-été).  Le  vaillant 
lutteur,  chevalier  de  l'ordre  de  Léopold 
et  membre  de  l'Académie  royale,  repose 
•au  cimetière  de  Saint-Amand  lez-Gand, 
entre  Willems  et  Ledeganck.  Van  Duyse, 
en  efl"et,  a  été,  comme  eux,  un  des  pro- 
moteurs de  la  renaissance  flamande. 
Outre  les  œuvres  déjà  citées,  il  faut 
encore  noter  les  collaborations  sui- 
vantes :  AhnanaJc  voor  BUjgeestigen 
(1827-1830);  —  Nederduitsche  letter- 
oefeningen  (1834);  —  Bijdragen  voor 
jMteren  v.  Gazette  van  Cent  (183G- 
1839);     -      JMgisrJ,    Mvsevm    (1837- 


1847);  —  NederdiiitscJi  letterlundig 
jaarhoelje  (1835-1859);  ■ —  Muzen-Al- 
wanal'  (1845-1848);  —  De  Eendragt 
(1846-1859);  —  ^ww6-^-  en  Letterblad 
(1840-1843);  —  Le  Noordstar  (Anvers, 
1 840-1 842)  ;  —  De  Middeleer  (Louvain , 
1842);  —  Het  Vaderland  (Anvers, 
1844-1845);  — Jf«er^flw^(Thielt,  1853); 

—  Taeherbond   (Anvers,    1845-1858); 

—  Wodana  (Gand,  1843);  —  De 
Vlaemsclie  letterhode  (Anvers,  1843- 
1844);  — De  vlaemsclie  Stem  (Bruxelles, 
lM^);—DeSchoolkronijk(\\^Yts,l^4.1); 

—  De  Moedertael  (S>\-vc^e\\&s,,  1849);  — 
De  FlaemscJie  ScJiool  (Anvers,  1855- 
1858)  ;  —  De  Vlaemsclie  Rederijker  (An- 
vers, 1845-1859);  —  Lectuur  voor  de 
Miiskamer  (Leyden,  1854-1857);  — 
DrentUna  (1851-1852);  —  Nederland- 
sclie  Muzen-Almanali  (La  Haj^e,  1831- 
1 8  5  9)  ;  —  Vergeet-my-niet,  Muzen-Albtim 
(1844-1857);  —  Vollsalmanak  voor  ne- 
derlandsclie  katliolieken  (Amsterdam, 
1853-1858);— -^?«w«(La  Haye,  1841- 
1859);  —  Almanak  voorliollandsche  blij- 
geestigen  (Amsterdam,  1847-1859);  — 
Erato  voor  Néerlands  schoonen  (Utrecht, 
1855-1859);  —  Almanak  voor  liet  sclioone 
e^ï^oe^e  (Amsterdam,  1851-1859); — Al- 
bum der  sclioone  ktmsten  (Harlem,  1850- 
1853);  — .^iZ'/m  (Utrecht,  1853-1854); 

—  Jaarboekje  voor  Eederijkers  (Amster- 
dam, 1858-1859);— C«<7s««(?n:«  (18  5  8); 

—  De  Bederijker  (Leiden,  1857);  — 
De  dietsclie  Warande  (1856);  —  De 
.S^cwis^w^  (1852-1853);  —  Lettervrucli- 
ten  van  het  leuvenscli  genootscliap  Met  iyd 
en  vlyt  (1845);  —  De  Verbroedering 
(Bruxelles,  1853);  —  Letterblad  (An- 
vers, 1856);  —  Èekel  en  Luim  (Hasselt, 
1856);  —  Volksalmanak  voor  het  Wil- 
lemsfonds  (1853-1859);  —  Leesmnsevm; 

—  Pangermane  (Bruxelles,  1859). 

J.  Slecher. 

Snellaert,  Notice  xiir  P.  Vau  Duyse  (Annuaire 
de  l'Académie,  187ij,  —  F.  De  Poiîer,  Volledige 
chronologisclie  lyst  [Annales  de  la  soc.  des  Beaux- 
Arts  et  de  Lin.  de  Gand,  tom.  MU).  — P.  Valider 
Meerseli,  Notice  (ibid.).  —  Annales  du  comité  fla- 
mand de  France,  t.  V  (Lille,  1860).  —  Varia  de 
P.  Van  Duyse  (cf-lleclion  Goetpliebuer,  bibliolliè- 
(jue  de  Gand).  —  Notes  et  manuscrits  (collection 
(le  M.  l'aiTliivistc  Edmond  de  Busscher).  —  Ida 
von  hûrin(jsleld  (von  dcr  Schelde  bis  zur  Maas, 
m,  77).  — "  Vaderlandsche  Poezy,  Gent,  Hebbe- 
lynck  1840  (3  vol.'  et  autres  ouvrages  de   Van 


421 


DYCK 


4-22 


Duyse  {passim).  —  Verhandelingen  der  Nederl. 
Taalcongressen  {1849-18o9).  —  Verhandelingen 
over  den  Nederl.  Versbouw  (La  Haye,  1854). 

DY€K.  {Antoim  vax),  peintre  d'his- 
toire et  de  portraits,  né  à  Anvers  en 
1599  et  mort  à  Londres  en  1641.  Sa 
mère,  femme  intelligente  et  distinguée, 
lui  donna,  dans  son  extrême  jeunesse, 
des  leçons  de  dessin;  malheureuse- 
ment elle  mourut  lorsque  Antoine  avait 
à  peine  huit  ans.  Négociant  et  chargé 
d'une  famille  de  douze  enfants  (dont 
Antoine  était  le  septième),  le  père  de 
Van  Dyck  eut  le  bon  esprit  d'encourager 
les  tendances  artistiques  de  son  fils.  Il 
le  plaça  chez  Henri  van  Balen,  qui 
avait,  àcette  époque,  une  certaine  vogue. 
On  ne  sait  combien  de  temps  il  resta 
chez  ce  maître.  En  1618,  il  fut  reçu 
franc-maître  à  la  gilde  de  Saint-Luc  ; 
en  1620,  il  était  déjà  élève  de  Rubens, 
puisque,  dans  le  contrat  intervenu  entre 
le  supérieur  des  jésuites  et  Rubens,  au 
sujet  des  trente-neuf  plafonds  de  l'église 
de  la  Compagnie,  il  est  dit  que  le  peintre 
"  pourra  se  faire  aider  par  Van  Dyck 
«  et  quelques  autres  de  ses  élèves  « . 
Dans  le  même  contrat,  on  stipule  que  le 
supérieur  s'engage  à  commander,  en 
temps  opportun,  un  tableau  d'autel  à 
^'an  Dyck.  Cette  clause  permet  de  con- 
stater le  cas  particulier  que  Rubens  fai- 
sait de  son  principal  élève  et  les  soins 
qu'il  prenait  de  son  avenir.  Les  premiers 
biographes  de  l'élève  de  Rubens  nous 
ont  laissé,  sur  le  séjour  de  Van  Dyck 
dans  l'atelier  de  son  maître,  une  anec- 
dote qui  se  retrouve  dans  l'histoire  de 
plusieurs  artistes  italiens  :  Rubens  avait 
quitté  l'atelier,  et  les  élèves  en  jouant 
aux  armes  ou  en  gesticulant,  avaient 
effacé  une  partie  fraîche  encore  du 
tableau  que  le  maître  avait  sur  le  che- 
valet. Van  Dyck  fut  unanimement  choisi 
pour  réparer  le  dégât.  Il  le  fit  avec  un 
tel  succès  que  Rubens  rentré  dans  l'ate- 
lier et  examinant  la  partie  restaurée, 
s'écria  :  «  Voilà  certes  ce  que  j'ai  fait 
«  de  mieux  aujourd'hui.  » 

Moins  d'un  an  après,  Antoine  van 
Dyck  partit  pour  Londres  où  il  acquit 
immédiatement  une  grande  notoriété.  Il 
fut    reçu   à   la  cour,  et  .Jacques   l'-''  lui 


commanda  différents  tableaux.  Le  16  jan- 
vier 1621,  ce  roi  lui  fit  remettre  une 
somme  de  cent  livres  pour  un  service 
particulier  rendu  par  lui  à  Sa  Majesté.  Il 
est  permis  de  supposer  qu'il  s'agit  ici 
d'un  portrait  intime.  Le  28  du  même 
mois,  »  monsieur  Antoine  van  Dyck, 
serviteur  de  Sa  Majesté,  obtint  un  passe- 
port pour  voyager  durant  huit  mois,  en 
vertu  de  la  permission  de  Sa  Majesté  u . 

En  1622,  l'artiste  vint  à  Anvers  pour 
recueillir  le  dernier  soupir  de  son  père 
qui  mourut  dans  ses  bras  en  lui  faisant 
promettre  de  peindre  un  tableau  pour 
les  religieuses  dominicaines  en  remercî- 
ment  des  soins  touchants  qu'elles  avaient 
eus  pour  lui.  (On  trouvera  plus  loin 
l'histoire  de  ce  tableau.) 

En  1 623 ,  Van  Dyck  partit  pour  l'Ita- 
lie, £)ù  le  poussaient  son  tempérament 
d'artiste  et,  sans  doute  aussi,  les  conseils 
de  Rubens  qui,  dit-on,  lui  fit  don  d'un 
cheval  blanc.  C'est  à  ce  moment  de 
sa  vie  qu'on  place  l'épisode  légendaire 
de  Saventhem  :  on  prétend  qu'en  pas- 
sant dans  ce  village,  il  aurait  été  séduit 
par  les  charmes  d'une  jeune  paysanne, 
Anna  van  Ophem,  avec  laquelle  il  aurait 
vécu  quelque  temps.  Il  aurait  également 
peint  pour  elle  le  beau  tableau  qui  se 
trouve  dans  l'église  du  village  :  Saint 
Martin  coupant  son  manteau  pour  le  dis- 
tribuer aux  pauvres.  Il  est  prouvé  main- 
tenant que  cette  histoire  romanesque 
est  due  à  la  féconde  imagination  de 
Campo  Weyerman,  et  que  le  Saint  Mar- 
tin a  été  commandé  à  l'artiste  pour  la 
somme  de  deux  cents  florins. 

C'est  également  ici  qu'il  faut  placer 
l'épisode  raconté  dans  les  termes  suivants 
par  Mariette  dans  son  Abecedario  (1)  : 

"  J'ai  trouvé  écrit  aux  marges  de 
«  mon  exemplaire  de  l'Académie  des 
"  sciences  et  des  arts  d'Isaac  Bullart, 
"  à  l'article  de  Van  Dyck,  que  ce  grand 
Il  artiste  ayant  quitté  la  Sicile  sans 
"  avoir  eu  la  précaution  de  se  munir 
Il  d'un  bulletin  de  santé,  fut  arrêté  sur 
"  les  côtes  du  royaume  de  Naples  et 
"   condamné  aux  galères,  où,  s'étant  fait 

(1)  La  rédaction  suivante  donnée  par  Walpole 
n'est  pas  semblable  à  l'original  imprimé  en  1851- 
1853,  mais  le  sens  csl  le  même. 


423 


DYCK 


AU 


«  connaître  pour  ce  qu'il  était  avant 
"  que  d'être  mis  à  ]a  chaîne,  il  fit  quel- 
"  ques  portraits  si  beaux,  qu'ils  lui  va- 
«  lurent  la  liberté.  Le  vice-roi  de  Na- 
"  pies  se  le  fit  amener,  lui  fit  accueil, 
»  l'employa  pendant  quelque  temps  et 
«  lui  permit  de  continuer  sa  route  vers 
"  Gênes.  Celui  qui  avait  écrit  cette 
"  anecdote  indiquait  qu'il  la  tenait  de 
"  Bozzon,  peintre  de  marine,  dont  le 
"  père,  qui  était  pareillement  peintre, 
"  et  contemporain  de  Tan  Dyck,  avait 
"  pu  le  connaître  à  Gênes.  (Notes  de 
"   Walpole.)  " 

En  Italie,  Van  Dyck  se  prit  d'admi- 
ration pour  le  Giorgone  et  le  Titien.  Il 
visita  Venise,  Gênes,  où  il  fit  un  bon 
nombre  de  portraits,  principalement  des 
personnages  les  plus  distingués;  Eome, 
où  il  demeura  dans  le  palais  du  cardinal 
Bentivoglio;  Palerme;  Florence  et  les 
autres  villes  de  la  Péninsule.  Partout 
on  lui  fit  de  brillantes  propositions  pour 
le  retenir  :  il  revint  au  pays  après  avoir 
refusé  à  la  comtesse  d'Arùndel  de  se 
rendre  en  Angleterre  où  elle  lui  garan- 
tissait une  position  des  plus  enviables. 
Il  revint  donc  à  Anvers  en  1628  et  y 
resta  quatre  ans,  pendant  lesquels  il 
peignit  de  grands  tableaux  pour  plu- 
sieurs églises.  En  1632,  il  se  ressouvint 
des  instances  de  la  comtesse  et  partit 
pour  l'Angleterre  :  notons  qu'avant  cette 
époque  la  reine  Marie  de  Médicis,  lors 
de  son  séjour  à  Anvers,  vint  visiter  son 
atelier.  Il  jouissait  donc  alors  d'une  ré- 
putation qui,  à  l'égal  de  celle  de  Eubens, 
remplissait  l'Europe. 

A  Londres,  Van  Dyck  logea,  aux  frais 
de  la  couronne,  chez  le  comte  d'Arùn- 
del :  son  existence  n'y  fut  qu'une  suite 
non  interrompue  de  succès  en  tout 
genre.  Charles  1er  le  combla  de  faveurs  ; 
il  lui  fit  préparer  des  appartements  ù 
Blackfriars  et  une  résidence  d'été  à 
Eltham  ;  il  le  nomma  son  peintre  et  le 
créa  chevalier  en  1632.  Jamais  fortune 
plus  rapide  ne  sourit  à  un  artiste.  De 
tous  les  côtés  il  était  sollicité  pour  faire 
des  portraits  ou  des  tableaux,  surtout 
des  portraits,  aussi  en  exécuta-t-il  un 
nombre  considérable  qui  font  aujour- 
d'hui In  richesse  dos  musées  et  des  cabi- 


nets. Il  créa,  à  Londres,  une  confrérie 
semblable  à  celle  de  Saint-Luc,  établie 
à  Anvers.  Le  registre  de  cette  corpora- 
tion existe  encore  et  prouve  que  les 
artistes  anglais  avaient  compris  l'utilité 
de  l'institution  et  s'y  étaient  affiliés.  On 
a  dit  que  Van  Dyck  aimait  passionné- 
ment les  femmes  et  qu'il  dut  à  ses  suc- 
cès auprès  d'elles  la  ruine  d'une  santé 
jadis  brillante.  Il  n'y  a  rien  d'impossible 
à  cela,  mais  nous  ferons  remarquer  qu'à 
part  la  fameuse  légende  de  Saventhem 
forgée  par  Campo  Weyerman.  et  la  ridi- 
cule invention  de  Houbraken  au  sujet 
de  la  passion  de  notre  artiste  pour  la 
femme  de  Eubens,  rien  n'a  révélé  que 
l'existence  du  peintre  anversois  ait  été 
compromise  par  la  violence  d'un  tem- 
pérament surexcité.  Ce  ne  sont  là  que 
des  inductions  tirées  de  la  beauté  phy- 
sique de  l'artiste  et  des  relations  forcées 
que  sa  qualité  de  peintre  de  portraits 
l'obligeait  d'avoir  avec  les  plus  belles 
dames  de  la  cour.  Il  y  a  loin  des  réa- 
lités aux  suppositions  fantaisistes  de 
ses  premiers  biographes ,  Houbraken  , 
Descamps  et  autres.  Pendant  près  de 
deux  siècles,  la  calomnie  s'est  attachée 
à  la  réputation  de  Van  Dyck.  N'a-t-on 
pas  prétendu,  entre  autres,  que  notre 
artiste  avait  refusé  la  main  de  la  fille 
de  Eubens,  parce  qu'il  aimait  la  mère? 
Or,  Van  Dyck  était  revenu  d'Italie  peu 
après  Iff  mort  de  la  première  femme  de 
son  maître,  laquelle  ne  lui  avait  point 
donné  de  fille,  et  il  partit  pour  l'Angle- 
terre alors  que  le  grand  peintre  venait 
de  se  marier  une  seconde  fois.  Cette 
fable  a  été  reproduite  récemment  en- 
core et  dans  des  livres  sérieux.  Des  écri- 
vains français  ont  même  ajouté  que  le 
Christ  anx  limhes  de  Eubens,  du  musée 
d'Anvers,  représente,  dans  la  partie 
inférieure,  Hélène  Fourment  et  Van 
Dyck  dans  les  flammes,  peints  inten- 
tionnellement par  le  grand  Pierre-Paul 
afin  de  transmettre  à  la  postérité  les 
traits  de  ceux  qui  l'avaient  trompé. 
Nous  croyons  inutile  de  relever  en  y 
appuyant  tout  ce  qui  a  été  débité  sur  ce 
sujet.  Notre  protestation  générale  suffit, 
le  bon  sens  du  lecteur  fera  le  reste. 
Van  Dvck  désirait  se  marier  avec  la 


i5.S 


DYCK 


426 


douairière  de  lord  Henry  Stanhope.  Ces 
démarches  ne  réussirent  pas.  Il  jeta  les 
yeux  sur  Marie  Ruthven,  attachée  à  la 
personne  de  la  reine.  Marie  était  une 
des  plus  belles  personnes  de  la  cour, 
fille  d'un  médecin  distingué  et  petite- 
fille  de  lord  Kuthven,  comte  de  Gow- 
rie.  Il  l'épousa  et  résida  en  Angleterre 
jusqu'en  1640,  époque  à  laquelle  il  se 
mit  à  voyager,  dans  l'espoir  de  rétablir 
une  santé  compromise  par  un  travail 
assidu  et  aussi,  croit-on,  un  peu  désil- 
lusionné de  n'avoir  pu  mettre  à  exécu- 
tion un  projet  grandiose  qu'il  avait 
rêvé  :  celui  d'orner  de  peintures  mo- 
numentales la  salle  des  banquets  de 
Whitehall  où  se  trouvaient  déjà  des 
peintures  de  son  maître  Rubens.  L'état 
de  délabrement  dans  lequel  se  trouvait  la 
fortune  du  roi  parait  avoir  été  la  cause 
de  la  non-exécution  de  ce  projet.  Van 
Dyck  vint  à  Anvers  avec  sa  femme,  on 
ne  sait  pas  exactement  en  quel  mois , 
mais  on  croit  que  ce  fut  vers  la  fin  de 
l'automne.  Toujours  est-il  qu'en  janvier 
1641,  il  se  trouvait  à  Paris,  s'il  faut 
admettre  la  version  de  Mariette.  Il  y 
était  encore  le  16  novembre  de  cette 
même  année,  ainsi  qu'il  résulte  d'une 
de  ses  lettres.  Cette  lettre,  des  plus 
intéressantes  à  divers  points  de  vue, 
est,  peut-être,  le  dernier  document  écrit 
de  la  main  du  célèbre  peintre,  la  voici  : 

Monsieur  (1), 

Je  vois  par  votre  très-agréable,  comme 
aussi  j'entends  par  bouche  du  monsieur 
Montagu,  l'estime  et  l'honneur  que  me 
fait  Monseigneur  le  cardinal.  Je  plains 
infiniment  le  malheur  de  mon  indispo- 
sition, qui  me  rend  incapable  et  indigne 
de  tant  de  faveur.  Je  n'aurai  jamais 
honneur  plus  dêsiderée  que  de  servir 
Sa  Emi^^  et  si  je  puis  l'ecouvrier  mon 
salut,  comme  j'espère,  je  ferait  un  voyage 
tout  exprès  pour  recevoir  ses  comman- 
dements. Cependant  je  m'estime  extrê- 
mement redevable  et  obligé,  et  comme 
je  me  trouve  de  jour  en  jour  pire,  je 
désire  con  toula  diligence  de  m'avancer 


ilj  On  ne  sait  à  qui  cette  lettre  était  adressée. 
Voir  le  Journal  des  Beaux- Arts  de  Belgique, 
31  décembre  1876. 


envers  ma  maison  en  Angleterre,  pour 
laquelle  je  vous  supplie  de  me  faire  tenir 
un  passe-port  pour  moi  et  cinq  servi- 
teurs, ma  carosse  et  quatre  servants  et 
m'obligerer  infiniment  d'être  votre  à 
jamais,  comme  je  suis, 
Monsieur, 

Votre  très-humble  et  très-obligé  ser- 
viteur, 

Anto  Van  Dyck. 

"  Il  16  novembris  1641.  » 

Cette  lettre,  rapprochée  d'un  passage 
de  Mariette,  détermine  le  séjour  de  Van 
Dyck  à  Paris,  pendant  l'année  1641  à 
peu  près  tout  entière.  En  eftet,  voici  ce 
que  Mariette  dit,  à  ce  sujet,  dans  son 
Abecedario  :  »  Van  Dyck  était  à  Paris 
«  au  mois  de  janvier  1641.  J'ai  un 
Il  billet  portant  cette  date  que  le  peintre 
"  Claude  Vignon  écrivait  à  Langlois, 
"  dit  Ciartres,  pour  le  prier  de  vouloir 
"  bien  l'introduire  auprès  de  Van  Dyck 
"  tout  fraîchement  an'ivé  à  Paris  » .  Le 
départ  du  grand  artiste  ayant  eu  lieu  en 
novembre,  il  est  donc  avéré  qu'il  résida 
l'année  1641  à  Paris.  Van  Dyck  parle 
dans  sa  lettre,  dont  la  rédaction  et  l'or- 
thographe sont  des  plus  négligées,  de 
l'estime  et  de  Vlionneur  que  lui  fait  Mon- 
seigneur le  cardinal.  Sans  doute  il  a  été 
question  d'un  portrait  à  exécuter,  car 
il  est  assez  difficile  de  supposer  qu'il  se 
soit  agi  de  politique,  comme  on  a  essayé 
de  l'insinuer.  Le  voyage  de  Paris  a-t-il 
été  fait  en  vue  de  consulter  quelque 
grand  médecin  sur  l'état  de  santé  de 
l'artiste?  Etait-ce  dans  le  but  unique 
d'exécuter  le  portrait  du  cardinal?  Etait- 
ce,  comme  on  l'a  dit  sans  preuves,  dans 
le  désir  d'être  chargé  de  quelque  grand 
travail  soit  au  Louvre,  soit  ailleurs, 
désir  qui  aurait  été  contrecarré  par 
le  Poussin,  disent  les  uns,  par  Simon 
Vouet,  disent  les  autres?  C'est  ce  qu'on 
ne  sait  pas  jusqu'à  présent.  Toujours 
est-il  {[ue  si  Van  Dyck  s'était  rendu  à 
Paris  avec  un  train  de  maison  consi- 
dérable, c'était  évidemment  pour  s'y 
établir  pendant  un  certain  temps,  et 
très-probablement  avec  l'arrière-pensée 
d'y  travailler.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  évi- 
dent dans  cette  lettre,  c'est  le  cri  de 


4-27 


DYCK 


428 


détresse  que  le  grand  artiste  jette  à 
propos  de  sa  santé  (son  salut)  et  l'espoir 
qu'il  conserve  encore  de  la  recouvrer. 
Rien  n'est  venu  apporter  quelque  éclair- 
cisseiDent  sur  ce  séjour  de  toute  une 
année  dans  la  capitale.  Les  Archives  des 
arts,  les  Mémoires  du  temps  publiés  par 
le  groupe  infatigable  d'écrivains  qui  ont 
constitué,  dans  ces  derniers  temps,  la 
Société  de  l'histoire  de  l'art  français, 
tout  est  muet.  Ce  silence  est  au  moins 
étrange,  car  il  convient  de  remarquer 
qu'en  1641  une  vie  extraordinaire  ani- 
mait le  monde  artiste  à  Paris,  en  même 
temps  que  de  nombreuses  intrigues  l'agi- 
taient. Il  est  permis  de  supposer  que  des 
sentiments  de  jalousie  ne  furent  pas 
étrangers  au  vide  qui  paraît  s'être  fait 
autour  de  Yan  Dyck. 

Van  Dyck  mourut  à  Londres  le  9  dé- 
cembre, peu  de  temps  après  son  retour 
de  Prance,  quelques  mois  avant  la  ré- 
volution qui  fit  décapiter  Charles  1er,  et 
huit  jours  seulement  avant  la  naissance 
de  Justinienne,  l'unique  enfant  qu'il 
eut  de  Marie  Kuthven.  Il  avait  pourvu 
auparavant  au  sort  de  sa  fille  naturelle 
Marie-Thérèse  van  Dyck;  il  avait  légué 
les  biens  qu'il  possédait  à  Anvers  à  ses 
deux  sœurs  béguines,  et  assuré  la  for- 
tune de  sa  femme  et  de  sa  fille  légitime. 
Il  fut  enterré  dans  l'église  de  Saint- 
Paul. 

Marie  Euthven  convola  en  secondes 
noces  avec  sir  Richard  Pryse  de  Goger- 
dan.  Sa  fille  épousa,  alors  qu'elle  n'avait 
que  douze  ans,  sir  John  Stepney  de 
Prendergast.  Le  mariage  eut  lieu  en 
1654,  ainsi  qu'il  est  prouvé  par  des 
documents  authentiques  conservés  à 
Anvers.  On  ne  sait  quand  mourut  le 
mari  de  la  jeune  Justinienne  ,  mais 
celle-ci  se  remaria  avec  Martin  de  Car- 
bonell. 

Cette  Justinienne  paraît  ne  pas  avoir 
été  heureuse.  Sa  fortune  lui  fut  enlevée 
par  des  dépositaires  infidèles,  et  elle  se 
vit  réduite  à  demander  au  roi  une  pen- 
sion, qu'elle  obtint.  Il  existe  d'elle  aux 
state-paper  ojfice,  à  Londres,  deux  péti- 
tions sans  dates,  reproduites  dans  le 
livre  de  Carpenter.  Dans  la  dernière, 
elle  sollicite   du   roi   trois  cents   livres 


pour  se  rendre  à  Anvers,  en  Brabant, 
àl'eflretde  recueillir  la  succession  d'une 
tante. 

Avant  de  nous  occuper  du  mérite  et 
des  œuvres  du  peintre,  disons  encore 
qu'il  faut  ranger  au  nombre  des  fables 
où  sont  déjà  placées  la  légende  de  Saven- 
them  et  l'histoire  des  chanoines  de  Cour- 
trai  touchant  l'insanité  de  leur  jugement 
à  propos  d'un  tableau  fourni  par  l'ar- 
tiste, ce  qui  a  été  hasardé  sur  les  mœurs 
dissolues  de  Van  Dyck  et  ce  qu'on  a 
raconté  de  lui  comme  alchimiste.  D'après 
certains  de  ses  historiens  ,  il  aurait 
cherché  la  pierre  philosophale  !...  cette 
pierre  qu'il  portait  dans  son  pinceau. 
Il  a  été  fait  bonne  justice  de  toutes 
ces  balivernes,  et  aujourd'hui  la  belle 
figure  de  Van  Dyck  se  dégage,  nette  et 
brillante,  des  vapeurs  malsaines  répan- 
dues autour  d'elle  par  Campo  Weyer- 
man,  Houbraken,  Descamps  et  d'au- 
tres. , 

Antoine  van  Dyck  fut,  après  Rubens, 
le  plus  grand  peintre  de  l'école  fla- 
mande. Il  excella  dans  les  portraits,  et 
sut,  dans  ce  genre,  joindre  les  perfec- 
tions de  l'art  aux  charmes  de  la  vérité; 
jamais  artiste  n'a  poussé  plus  loin  cette 
précieuse  faculté  ;  son  dessin  large , 
noble  et  élégant,  ses  contours  libres  et 
comme  inspirés  d'une  sorte  de  majesté, 
n'ont  jamais  été  surpassés.  Les  mains 
de  ses  personnages  sont  surtout  d'une 
beauté  remarquable,  malgré  une  cer- 
taine recherche  et  un  peu-de  monotonie 
dans  la  pose  des  doigts.  Ses  airs  de  tête 
offrent  une  grâce  ravissante  ou  une 
mâle  énergie,  et  dans  les  yeux  expres- 
sifs, rêveurs  ou  animés  des  modèles,  se 
révèle  toute  leur  àme.  Dans  les  ajuste- 
ments, dans  les  accessoires,  enfin  dans 
les  mille  détails  de  ses  portraits,  se 
manifeste  le  goût  le  plus  délicat  et  le 
plus  irréprochable.  Van  Dyck  sait  met- 
tre toute  chose  en  son  lieu,  sans  nuire 
à  l'unité  de  l'ensemble.  Sa  manière 
de  composer  emprunte  beaucoup  à  l'am- 
pleur et  aux  beautés  sévères  des  cos- 
tumes de  l'époque. 

Dans  ses  tableaux  d'histoire ,  il  a 
moins  d'originalité  et  de  fougue  que 
Rubens,  mais  il  montre,  en  revanche, 


429 


DYCK 


430 


une  sobriété  presque  trop  austère,  et 
une  sensibilité  qui,  par  beaucoup  d'en- 
droits, touche  à  la  mélancolie. 

Son  coloris  constitue  une  admirable 
harmonie,  tendant  plutôt  vers  les  tons 
graves  et  sombres  que  vers  les  tonalités 
gaies  et  légères.  Il  y  ade  lui  des  jaunes, 
des  bruns  et  des  gris  qui  portent  son 
nom.  La  délicatesse  et  la  force  de  son 
pinceau  resteront  toujours,  pour  ceux 
qui  s'occupent  de  la  technique,  des  mo- 
dèles inimitables. 

On  ne  peut  savoir  au  juste  le  nombre 
exact  des  tableaux  et  des  portraits  de 
Yan  D^'ck.  Nous  donnerons  l'indication 
des  principaux  avec  la  mention  des  lieux 
oii  ils  se  trouvent. 

La  ville  d'Anvers  possède  vingt-quatre 
tableaux  du  maître  dans  son  Musée  et 
dans  ses  églises.  Plusieurs  particuliers 
en  possèdent  également  de  très-authen- 
tiques. Parmi  les  œuvres  publiquement 
exposées  il  faut  remarquer  :  le  Christ  en 
croix,  le  portrait  de  Jean  Malcle rus,  Saint 
Augustin  en  extase,  le  Christ  au  hassin, 
le  Christ  au  tombeau,  le  portrait  de  César 
Scaylia.  —  Les  autres  tableaux  à  citer 
qu'on  rencontre  en  Belgique  sont  :  à 
Gand,  le  Christ  en  croix,  — ■  à  Bruxelles 
le  Martyre  de  saint  Pierre,  Saint  Fran- 
çois en  extase,  le  Christ  en  croix,  Saint 
Antoine  de  Padoue  tenant  V enfant  Jésus, 
Silène  ivre,  —  à  Bruges,  la  Vierge  et 
V enfant  Jésus,  —  à  Malines,  le  Cruci- 
fiement,  —  à  Saventhem  (Brabant), 
Saint  Martin  coupant  son  rnanteati.  — 
Dans  les  autres  villes  de  l'Europe,  il 
importe  de  signaler  :  à  Paris,  un  Exvoto, 
la  Femme  adultère.  Saint  Sébastien,  Vé- 
nus  et  V Amour,  V Embarquement  d'Enée, 
Mars  et  Vénus,  le  portrait  en  pied  de 
CJutrles  /cr,  le  portrait  de  François  de 
Moncade,  —  à  Amsterdam,  le  portrait 
du  bourgmestre  Vander  Borght,  —  à 
I^a  Haye,  la  Famille  Huijgens,  le  duc  de 
Buckinghnni,  la  duchesse  de  Buckingham, 

—  à  Londres,  le  portrait  de  liubens.  Saint 
Ambroise  refusant  Ventrée  du  temple  à 
Théodose  (copie  du  tableau  de  Paibens,du 
musée  de  Yienne),  portrait  de  Gevartius, 

—  à  Ilamptoncourt,  le  portrait  de  alar- 
guer ite  Lemon,  le  portrait  de  Charles  /er, 
Samson  et  Dalili,  —  a  AA'indsor,  la  ga- 


lerie Yan  Dyck  qui  compte  plus  de 
trente  œuvresdu  maître  parmi  lesquelles  : 
les  portraits  de  Charles  /er  et  de  la  reine 
Henriette,  —  à  Madrid,  vingt-deux 
tableaux  :  la  Vierge  aux  Roses,  Les  por- 
traits de  Ryckaert,  du  comte  de  Bergh, 
de  la  duchesse  d'Oxford,  —  à  Gênes,  le 
portrait  équestre  de  Georges  Balbi,  celui 
de  Spinola  dans  sa  cuirasse,  —  à  Rome, 
le  Christ  mort  sur  les  genoux  de  la  Vierge 
.  (gravé  par  Yorsterman),  —  à  Saint- 
Pétersbourg,  la  Fuite  en  Egypte,  les  por- 
traits d&  Charles  /er  et  de  sa  femme,  les 
portraits  de  Sneyders  et  de  sa  femme,  — 
à  Florence,  la  Vierge  et  V enfant  Jésus, — 
à  Berlin,  Jésus  insulté  par  les  soldats,  la 
Vierge  et  Venfant  Jésus,  —  à  Dresde, 
Silène  ivre,  —  à  Munich,  la  Déposition, 
—  à  Turin,  portrait  du  prince  de  Cari- 
gnan . 

Nous  ne  pouvons,  dans  une  notice 
comme  celle-ci,  mentionner  toutes  les 
œuvres  de  Yan  Dyck  ,  ni  consigner 
dans  notre  travail  toutes  les  histoires 
plus  ou  moins  légendaires  qui  se  rat- 
tachent à  bon  nombre  de  tableaux  du 
célèbre  Anversois.  Toutefois,  en  ce  qui 
concerne  ce  dernier  point,  nous  devons 
conserver  ici  le  souvenir  de  ce  que  l'on 
sait  touchant  le  tableau  que  fit  Yan 
Dyck,  en  exécution  de  la  promesse  tenue 
au  lit  de  mort  de  son  père.  Ce  tableau 
est  le  beau  Christ  en  croix  du  musée 
d'Anvers.  Lorsque  le  couvent  des  Do- 
minicaines fut  supprimé  par  Joseph  II 
en*  1783,  le  tableau  fut  transporté  à 
Bruxelles  et  exposé  avec  d'autres  en 
vente  au  couvent  des  Riches-Claires  au 
mois  de  septembre  1785.  Après  une  mise 
à  prix  de  21,000  francs,  il  fut  adjugé 
pour  la  somme  de  6,000  francs  ;  on 
ignore  à  qui,  mais  ce  fut  sans  doute  à 
quelque  généreux  Anversois,  car  en 
1794,  ce  Christ  ornait  la  sacristie  de 
l'église  des  Dominicains.  Pendant  cette 
même  année,  les  commissaires  de  la  Con- 
vention française  l'enlevèrent.  En  1815, 
il  fut  restitué  à  la  Belgique,  et  depuis 
lors  il  appartient  au  musée. 

Yan  Dyck  a  excellemment  gravé  à 
l'eau-forte.  Ses  gravures  ont  une  célé- 
brité qui  nous  oblige  à  nous  y  arrêter. 
Elles  sont  au  nombre  de  vingt-trois.  Ce 


431 


DYCK 


432 


chiffre  est  reconnu  aujourd'hui  pour  être 
le  seul  vrai,  après  bien  des  discussions 
et  des  examens  auxquels  se  sont  livrés 
les  plus  célèbres  iconophiles  de  l'Eu- 
rope. Ces  eaux-fortes,  précieuses  entre 
toutes,  sont  connues  sous  les  titres  sui- 
vants :  Lt  Titien  et  sa  Maîtresse,  Le  Christ 
xu  roseau,  puis  vingt  et  un  portraits, 
(îsquels  se  divisent  eux-mêmes  en  deux 
catégories  très-distinctes.  La  première 
catégorie  se  compose  de  seize  pièces, 
demi-figures  et  têtes.  La  seconde  caté- 
gorie est  composée  de  cinq  portraits 
classés  par  M.  Carpenter,  le  savant 
directeur  du  cabinet  d'estampes  au  mu- 
sée britannique  de  Londres,  à  qui  l'on 
doit  un  livre  spécial  sur  Antoine  van 
Dyck  (1),  livre  justement  considéré 
comme  étant  ce  qui  a  été  écrit  de  meil- 
leur sur  ce  sujet.  Voici  la  désignation 
des  portraits  de  la  première  catégorie  : 
Jean  et  Pierre  Breughel.  —  Erasme.  — 
Franck.  —  Momper  (première  planche). 

—  Van  Oort.  —  Snellinck  (première 
planche).  —  Suttermans.  —  Vorster- 
man.  —  De  Wael.  —  Van  Dyck.  — 
B^n  Philippe  Le  Poy.  —  Snyders.  — 
Paul  De  Vos.  —  Pontius.  —  Guillaume 
De  Vos.  Ceux  de  la  seconde  catégorie 
sont  :  Cornelissen.  —  Momper  (seconde 
planche).  —  Snellinck  (seconde  planche). 

—  Triest.  —  Waverius.  • —  P.  Stevens. 
(Ce  dernier  portrait  paraît  devoir  être 
rayé  de  la  seconde  catégorie,  d'après  une 
note  manuscrite  de  Carpenter,  écrite 
après  la  publication  de  son  livre.)  Tou- 
tefois il  est  bon  de  noter  que  l'on  ne 
sait  pas  encore  exactement  le  nombre 
des  eaux-fortes  dues  à  Van  Dyck  :  les 
uns  le  fixent  à  vingt  et  un  ;  les  autres 
à  vingt-trois;  d'autres  encore  à  vingt- 
sept.  On  pourra  lire,  à  cet  égard,  les  tra- 
vaux de  MM.  Carpenter,  Weber  (2)  et 
Duplessis  (3).  Ces  eaux-fortes  et  d'au- 
tres, faites  sous  les  yeux  du  maître  et 
sous  sa  direction,  furent  publiées  après 
sa  mort  eu  un  recueil  de  cent  portraits, 
publié  en   1645   par  Gilles  Hendricx, 

(I)  Piciorial  notices  :  consistiiuj  of  a  meinoir 
of  Sir  Authony  Van  Dyck,  with  a  dexcripCire 
cutulofitie  of  the  elching.s  ejceciued  by  him  :  and 
n  l'uriele'  af  iulere.sliiiif  parliculan  rcluliuij  to 
Other  nriisi  patronized. 

12/  Catalogue  dcsoiampes  anciennes  qui  coin- 


sous  le  titre  suivant  :  Icônes  priueipum 
virorum  doctortim,  pictorum,  chnlcogra- 
phortim,  statuariorum  necnon  amatorum 
pictorice  artis  numéro  centmn  ah  Antonio 
Van  Dyck  pictore  ad  vivum  expressee 
eiusque  S7iniptihm  ceri  incisa.  Antverpise, 
Gillis  Hendricx  excudit  anno  1645. 
Presque  toutes  les  planches  de  l'Icono- 
graphie de  Van  Dyck  ont  été  acquises 
en  1851,  pour  le  Louvre,  de  M.  Van 
Marcke,  de  Liège,  pour  la  somme  de 
2,500  francs,  payable  en  estampes  de  la 
chalcographie. 

De  nombreuses  éditions  de  Vlcono- 
graphie  ont  été  publiées  et  l'ont  vulga- 
risée; mais  il  est  à  peine  nécessaire  de 
faire  remarquer  que  la  première  édition 
est  la  plus  pure  de  toutes,  considérée 
dans  son  ensemble.  Le  célèbre  peintre 
s'occupa  pendant  une  grande  partie  de 
son  existence  à  réunir  cette  fameuse 
collection  de  portraits.  Simon  Vouet  et 
Jacques  Callot  furent  faits  à  Rome  et 
à  Plorence  avant  1626  d'après  nature. 
En  1632,  lors  de  son  premier  séjour  en 
Angleterre  il  fit  les  portraits  de  Inigo 
Jones,  Horace  Gentileschi,  Daniel  My- 
tens  et  sir  Kenelm  Digby.  Les  gravures 
de  V Iconographie  furent  exécutées  à  ses 
frais  :  Ah  A.  Van  Dyck  expressœ  ejusq. 
sumptibus  ceri  incisœ;  il  en  confia  la  vente 
et  l'exploitation  à  un  éditeur  d'Anvers, 
Martin  Van  den  Enden.  Celui-ci  ne  pu- 
blia jamais  ces  gravures  réunies  sous 
forme  de  volume.  C'est  l'éditeur  Gilles 
Hendricx,  comme  on  vient  de  le  voir,  qui 
eut  le  premier  cette  idée,  mais  seule- 
ment quatre  ans  après  la  mort  du  pein- 
tre. 

Les  eaux-fortes  de  Van  Dyck  attei- 
gnent, dans  les  ventes,  des  prix  considé- 
rables autant  à  cause  de  leur  beauté  que 
de  leur  excessive  rareté.  Voici  quelques- 
uns  de  ces  prix  obtenus  à  la  vente  de  la 
collection  Liphart  (5  décembre  1 S  7  6)  que 
nous  prenons  pour  type  non  pas  parce 
qu'elle  établit  catégoriquement  la  va- 
leur commerciale  des  eaux-fortes  signa- 

posent  le  magasin  deHermann  Weber,  marchand 
d'esiampps,  l""»  partie.  Portraits  gravés  par  et 
d'après  Van  Dyck,  Bonn.  18o2. 

(ii)  Eaux-f  ries  de  A  Van  Dyck  reproduites  et 
publiées  par  Aniand  Durand.  Texte  par  G.  Du- 
plessis. Paris,  sans  date. 


433 


DYCK 


434 


lées,  mais  parce  qu'elle  a  eu  lieu  pen- 
dant la  composition  du  présent  travail  : 
îe  Christ  au  roseau,  250  marks;  le  Titien 
et  sa  maîtresse,  200  marks;  Portrait  de 
F.  BreiKjhel,  500  marks  ;  Portrait 
d'Erasme  ,  301  marks  ;  Portrait  de 
Fr.  Franck,  323  marks;  Portrait  du 
baron  Leroy,  320  marks; 
Suttermans,  401  marks 
L .  Vorsterman ,  585 
états    obtiennent    des 


Portrait  de 

Portrait    de 

marks.   Certains 

prix    fabuleux. 


Pendant  l'impression  de  cette  notice, 
un  état  unique  du  portrait  de  Momper 
(celui  de  la  collection  Wolf)  s'est  vendu 
cinq  mille  francs. 

Le  nombre  des  graveurs  qui  ont  re- 
produit les  tableaux  de  Yan  Dyck  est 
considérable.  Voici  quelques-unes  de 
ses  principales  compositions  reproduites 
par  le  burin  des  artistes  les  plus  en 
renom  :  La  Vierge  en  contemplation,  par 
Pontius.  —  La  Vierge,  V Enfant  Jésus 
et  sainte  Catherine,  par  Schelte  a  Bols- 
wert.  — •  La  Vierge,  V Enfant  Jésus  et 
saint  Joseph,  ])-drJ^.  Clouet. — La  Vierge, 
l'Enfant  Jésus,  saint  Joseph  et  un  ange, 
par  Schelte  a  Bolswert.  —  V Enfant 
Jésus  caressant  le  petit  saint  Jean,  par 
Arnold  de  Jode.  — La  Charité  entourée 
de  trois  enfants,  par  C.  Cauckerken.  — 
Jésus- Christ  élevé  en  croix,  par  Schelte  a 
Bolswert.  —  Le  Couronnement  d'épines, 
par  Schelte*  a  Bolswert.  —  Le  Christ 
crucifié  entre  les  deux  larrons,  la  Vierge 
et  la  Madeleine  au  pied  de  la  croix,  par  le 
même.  —  Le  Christ  mort  sur  les  genoux 
de  la  Vierge  adoré  par  des  anges,  par  le 
même.  —  TJn  Christ  mort  sur  les  genoux 
de  la  Vierge  adoré  par  deux  anges,  par 
Lucas  Vorsterman.  —  Saint  Augustin 
en  extase  soutenu  par  des  anges,  par  P.  de 
Jode.  —  Silène  ivre  soutenu  par  une  Bac- 
chante, et  un  Homme  avec  deux  satyres, 
par  Schelte  a  Bolswert. 

Ce  sont  les  graveurs  de  l'école  formée 
par  Kubens  qui  ont  le  mieux  rendu  les 
tableaux  de  Van  Dyck.  Dans  les  temps 
modernes,  de  célèbres  graveurs,  Strange 
et  beaucoup  d'autres,  ont  gravé  les 
grands  portraits  peints  par  l'artiste  an- 
versois.  Enlin  l'école  moderne  de  gravure 
flamande  compte ,  entre  autres,  Erin 
Corr,  qui  a  buriné  un  Christ  en  croix  de 


Van*Dyck,  et  .T.  Franck,  qui  a  reproduit 
le  beau  Saint  Martin  de  Saventhem. 

L^ne  liste  de  l'œuvre  gravé  d'Antoine 
Van  Dyck  se  trouve  insérée  dans  le  Ca- 
talogue de  la  plus  précieuse  collection  d'es- 
tampes de  P. -P.  Pubens  et  d'Antoine 
Van  Dyck,  etc.,  du  cabinet  de  messire 
Delmarmol,  1794.  Semblable  énumé- 
ration  se  rencontre  dans  des  diction- 
naires biographiques  allemands,  notam- 
ment dans  Nagler. 

Un  chapitre  qui  ne  saurait  manquer 
d'intérêt  est  celui  qui  concerne  les  prix 
de  vente  des  tableaux  de  Van  Dyck, 
depuis  les  ventes  les  plus  anciennes 
dont  on  ait  conservé  le  souvenir,  jus- 
qu'aujourd'hui. Voici  un  court  aperçu  à 
ce  sujet (1). 

1726.  Vente  du  marquis  Saint-Phi- 
lippe ,  ambassadeur  d 'Espagne  à  La  Haye . 

Un  général  à  cheval,  d'après  nature, 
100  florins.  — 1729.  Portrait  du  prince 
de  Croy  (vente  à  La  Haye),  100  florins. 

—  1737-  Saint  Pierre  en  prison  (vente  à 
La  Haye),  50  florins. — 1741.  Le  prince- 
cardinal  à  cheval  (vente  Van  Brée  à  An- 
vers), 50  florins.  —  1746.  Pamille  an- 
glaise, composée  de  12  figures  (vente 
Vervoort  à  Bruxelles)  (hauteur,  2  pieds 
6  pouces;  largeur,  3  pieds  4  pouces), 
1,200  florins.—  1752.  Enfants  et  fruits 
(vente  Pierre  Snyers,  à  Anvers),  155  flo- 
rins. —  Id.  Le  Christ  avec  les  douze 
apôtres  (même  vente).  (Il  y  eut  à  cette 
vente  7  tableaux  de  Van  Dyck.)  202  flo- 
rins . — 1 7  6  7 .  i'  Archiduc  Léopold  et  V  In- 
fante Eugénie  (vente  Julienne) ,  3  4  0  li v res . 

—  1777.  Un  homme  jouant  de  la  guitare 
(vente  de  Brunoy),  6,000  livres.  — 
Id.  Portrait  de  Cromioell  (même  vente"), 
500  livres.  —  Id.  Portrait  de  Langlois, 
dit  dartres  représenté  par  un  homme 
jouant  de  la  musette;  il  est  vêtu  de 
rouge.  L^^ne  tète  de  chien  se  voit  au  bas 
(vente  prince  de  Conti),  8,001  livres.  — 
Id.  Portrait  de  Bichardot  {yeniQ  Kandon 
de  Boisset),  10,400  livres.  —  1793.  Le 
Joueur  de  musette  (vente  Choiseul-Pras- 


(1;  Nous  faisons  ce  relevé  d'après  les  calalo- 
gues  originaux  que  nous  avons  sous  les  yeux. 
Nous  avons  choisi  les  vent^'s  ijni  offraient  le  iijiis 
(le  garnntips  (raiiihenticili-.  I.o  fl  iijn  «le  Hollan<lc 
va  m  -J  fr.  10e. 


435 


DYCK 


436 


lin),  8,800  livres.— 1882.  Le  Baiser  de 
Judas  (vente  Erard),  10,080  francs.  — 
1845.  Madeleine  repentante  (vente  du 
cardinal  Fescli),  18,414  francs. — 1850. 
Portrait  de  Philippe  Je  Eoy  (vente  Guil- 
laume II),  avec  le  pendant,  représentant 
la  femme  de  ce  seigneur,  144, 944 francs. 

Nous  ne  pensons  pas  devoir  pousser 
"plus  loin  cette  nomenclature,  par  la 
raison  que,  depuis  vingt  à  trente  ans,  les 
ventes  manquent  en  général  de  sincé- 
rité, et  que  certains  prix  sont  plutôt  le 
résultat  de  machinations  commerciales 
que  l'indication  sincère  et  véritable  de 
la  valeur  des  tableaux. 

Ce  serait  une  étude  spéciale  assez  cu- 
rieuse à  faire  que  celle  des  portraits  qui 
ont  été  gravés  de  Yan  Dyck  par  lui- 
même  et  par  les  autres.  Le  type  est  gé- 
néralement le  même  :  figure  ronde, 
charmante  et  juvénile,  moustaches  re- 
troussées, œil  doux  et  brillant,  cheveux 
abondants  et  bouclés  à  la  hauteur  de  la 
nuque.  Ce  type  paraît  découler  d'un 
portrait  fait  par  lui-même  au  début  de 
ses  succès  dans  l'atelier  de  Eubensj  il 
accuse  dans  les  traits  une  gracilité  qui 
serait  toute  féminine,  sans  les  moustaches 
qui  déterminent  la  virilité  faciale  du 
modèle.  Le  meilleur  des  portraits  faits 
par  lui-même,  et  on  peut  le  croire  natu- 
rellement flatté,  est  celui  qu'il  produisit 
vers  l'âge  de  trente  ans.  Là,  sa  figure  est 
plus  mâle  et  tient  de  la  physionomie  un 
peu  avantageuse  du  mousquetaire.  La 
tête  seule  est  gravée.  Jacques  Xeefs  a 
terminé  la  planche  et  a  fixé  le  buste  sur 
un  socle  qui  sert  de  frontispice  à  la  pre- 
mière édition  de  Y  Iconographie  de  Van 
Dyck.  C'est  le  Musée  Britannique  qui 
possède  le  dessin  original.  La  beauté 
plastique  du  visage  de  l'artiste  diminue 
à  mesure  qu'il  avance  en  âge  et  cela  avec 
une  rapidité  effrayante,  si  bien  que  le 
dernier  portrait  qu'on  a  de  lui  ne  montre 
plus  que  le  visage  flétri,  hâve  et  dé- 
charné d'un  poitrinaire  aux  apparences 
anticipées  de  la  veillesse.  Il  n'avait  pas 
quarante  deux  ans! 

En  général,  tout  ce  qui  a  été  dit 
sur  ce  peintre  fameux  par  les  auteurs 
du  xviiie  siècle  ne  mérite  aucune  con- 
fiance. La  science  investigatrice,  l'esprit 


d'analyse  et  l'amour  de  la  vérité  ont 
placé  aujourd'hui  la  vie  et  le  talent  de 
Van  Dyck  dans  leur  véritable  lumière. 

Ad.  Siret. 

DYCK  {Daniel  vax  ou  v.%x  oex) 
ou  Dtk,  peintre  d'histoire  dont  le  lieu 
de  naissance  est  contesté  ;  les  uns  le  font 
naître  en  France,  les  autres,  avec  plus 
de  probabilité,  dans  les  Pays-Bas.  On 
le  trouve  inscrit  en  1631-1632,  comme 
élève  d'un  artiste  nommé  Pierre  Ver- 
haegt,  dans  les  Liggeren  anversois.  Il 
travailla  longtemps  à  Venise,  oii  il  fut 
inspecteur  de  la  galerie  du  duc  de 
Mantoue  en  1658.  Pilkington  dit  qu'il 
mourut  au  service  du  duc  en  1670.  On 
voit  de  lui,  dans  plusieurs  églises  de 
Venise,  des  tableaux  où  l'on  retrouve  la 
trace  de  son  origine  flamande,  fondue 
dans  le  style  vénitien.  Il  épousa  à  Ve- 
nise une  artiste  nommée  Lucrèce,  fille 
de  Nicolas  Hegnier  Mabuse. 

Daniel  van  Dyck  est  plus  connu  et 
plus  estimé  comme  graveur  à  l'eau- 
forte.  Ses  principales  planches  sont  :  la 
Chaste  Suzanne:  —  la  Sainte  Vierge  et 
V Enfant  Jésus;  —  Sainte  Catherine;  — 
Diane  et  Endymion  ;  —  la  Déification 
d'Eiiée  (son  chef-d'œuvre);  —  la  Bac- 
chanale. —  Il  a  aussi  gravé  de  petites 
planches  pour  différents  ouvrages  pu- 
bliés en  Italie;  quelques-unes  seulement 
ont  été  relevées.  Cet  aquafortiste  avait 
un  style  large  et  décidé  et  savait  em- 
ployer le  pointillé  avec  infiniment  de 
tact.  On  a  prétendu  que  certaines  eaux- 
fortes  attribuées  à  Antoine  van  Dyck 
sont  de  Daniel,  et  que  la  ressemblance 
des  noms  a  été  l'origine  de  cette  fausse 
attribution.  Ad.  Siret. 

DVrii.  {Jacques),  écrivain  ecclésias- 
tique, né  à  Ruremonde  le  25  juillet 
1576  et  décédé  à  Gand  le  29  mai  1635, 
entra  dans  la  compagnie  de  Jésus  en 
1596,  enseigna  pendant  cinq  ans  les 
humanités  et  remplit  ensuite  longtemps 
les  fonctions  de  procureur  ou  économe. 
Il  fut  aussi  pendant  trois  ans  recteur  du 
collège  de  Maestricht.  Il  a  publié  quel- 
ques ouvrages  ascétiques  et  un  petit  tra- 
vail   sur  les  découvertes  des  mission- 


437 


DYNTER 


438 


naires  au  Thibet.  Voici  rindication 
sommaire  de  ces  publications,  dont  on 
trouve  l'énuraération  détaillée  et  la  des- 
cription exacte  dans  la  Bibliothèque  des 
écrivains  de  la  compagnie  de  Jésus  des 
PP.  De  Backer,  éd.  in-fol.,  I,  col.  1696 
et  suiv.  l'J  Inwendiglie  oeffeninghen  van 
deuchden  der  cliristelicker  zlelen,  etc. 
Ghendt,  1627;  vol.  in-16,  réimprimé 
plusieurs  fois  à  Anvers,  à  Loiivain,  etc., 
avec  des  variantes  dans  le  titre.  — 
2°  Den  BoecJc  des  levens.  Ghendt,  1627; 
vol.  in-16.  —  S""  Ontdecking  van  den 
grooten  Cathai  (in  den  Thibet),  uyt  de 
jaerlyksche  brieven  van  P.  Antonitis  An- 
drada.  —  4o  Open-hof  ende  vry-tafel  ans 
Saligkmakers  Jesu  Christi.  Antwerpen, 
1662;  vol.  in-32.  —  t)'^  Praxis  et  brevls 

declaratio    vitœ    splrltualis aiictore 

M.  P.  Ludovico  de  Palma Ex  hispa- 

tiico  vertit  R.  P.  Jacobus  Dyck.  Antv., 
1634;  vol.  in-8o  qui  eut  plusieurs 
réimpressions.  e.-h.-j.  Reusens. 

De  Backer,  Bibliothèque  des  écrivains  de   la 
Compagnie  de  Jésus,  I,  col  1697  et  suiv. 

*  DYMPHXE  (  Sainte  )  ou  plutôt 
DiMPHNE,  princesse  irlandaise,  née  dans 
la  province  septentrionale  d'Ulster  vers 
l'année  570  et  martyrisée  à  Gheel,  en 
Campine,  vers  l'année  600.  Son  père 
était  idolâtre;  mais  sa  mère,  qui  avait 
embrassé  la  foi  chrétienne,  fit  élever  ses 
enfants  dans  la  vraie  religion.  Après  la 
mort  de  la  mère,  le  prince,  épris  d'un 
amour  incestueux,  voulut,  sur  le  con- 
seil de  ses  courtisans,  épouser  sa  propre 
fille.  Dès  que  celle-ci  eut  connaissance 
du  monstrueux  projet  de  son  père,  elle 
s'embarqua,  accompagnée  d'un  prêtre 
nommé  Gérébern,  qui  l'avait  baptisée  et 
instruite  dans  la  foi,  et  de  deux  fidèles 
serviteurs.  Ils  abordèrent  à  Anvers  et, 
après  y  avoir  séjourné  très-peu  de  temps, 
allèrent  se  fixer  à  Zammel  sous  Gheel. 
A  peine  le  père  eut-il  appris  le  départ 
de  sa  fille  vers  le  continent,  qu'il  s'em- 
barqua avec  une  suite  nombreuse  et  fit 
voile  vers  Anvers.  Arrivé  dans  cette 
ville,  il  envoya  immédiatement  des 
émissaires  dans  toutes  les  directions 
pour  s'enquérir  de  la  retraite  de  Dim- 
phne.  Quelques-uns  de  ceux-ci  vinrent 


à  Westerloo,  village  situé  à  deux  lieues 
environ  de  Gheel,  et  y  passèrent  la  nuit. 
Lorsque  le  lendemain  ils  payèrent  leurs 
dépenses  en  monnaie  irlandaise,  le 
maître  de  l'hôtellerie  leur  dit  qu'il  avait 
reçu,  il  n'y  avait  pas  longtemps,  des 
pièces  semblables  de  personnes  qui 
étaient  venues  s'établir  dans  le  voisi- 
nage. Cette  circonstance  fortuite  trahit 
Dimphne.  Les  espions  se  firent  mon- 
trer par  l'hôtelier  l'endroit  ,  situé  à 
une  demi-lieue  de  Westerloo,  qu'habi- 
tait la  vierge  fugitive,  et,  après  «'être 
assurés  de  la  présence  de  leurs  compa- 
triotes à  Zammel  sous  Gheel,  retournè- 
rent en  toute  hâte  à  Anvers  pour  avertir 
leur  maître.  Celui-ci  s'empressa  de  les 
suivre  en  Campine,  et  y  rencontra,  à 
Cxheel,  sa  fille  et  Gérébern.  Il  fit  immé- 
diatement trancher  la  tête  au  saint 
prêtre,  et  se  mit,  après  ce  premier 
crime,  à  faire  à  Dimphne  les  plus  belles 
promesses  pour  l'engager  à  consentir  à 
l'union  incestueuse  qu'il  méditait.  Mais 
la  chaste  vierge  resta  inébranlable  dans 
son  refus.  Xe  pouvant  plus  se  contenir, 
le  prince  ordonna  aux  gens  de  sa  suite 
de  trancher  la  tête  à  sa  fille,  comme  ils 
venaient  de  le  faire  à  Gérébern  ;  aucun 
n'eut  le  triste  courage  d'exécuter  cet 
ordre.  Alors,  plein  de  rage  et  de  dépit, 
il  saisit  son  glaive  et  décapita  lui-même 
sa  fille  Dimphne.  Les  habitants  de  Gheel 
ensevelirent  avec  respect  les  corps  des 
deux  confesseurs  de  la  foi  dans  un 
endroit  voisin  du  lieu  du  martyre,  où 
s'éleva  plus  tard  la  belle  église  ogivale 
consacrée  à  sainte  Dimphne,  qui  existe 
encore  et  conserve  jusqu'aujourd'hui  un 
grand  nombre  d'objets  d'art  des  plus 
remarquables  du  moyen  âge.  Sainte 
Dimphne  est  spécialement  invoquée  par 
les  fidèles  pour  obtenir  la  guérison  des 
maladies  mentales.  C'est  à  ce  culte  que 
la  ville  de  Gheel  et  le  célèbre  hospice 
d'aliénés  qui  y  est  établi  doivent   leur 

origine.  E.-H.  J.  Ressens. 

Kuyl,  Gheel  vermaerd  door  den  eerdienst  der 
heilige  Dimphna,  Antwerpen,  1863,  vol.  in-8", 
passiiii . 

DTXTKR  [Ambrolse  de),  maître  es 
arts,  né  vers  140.5,  l'un  des  fonction- 
naires les  plus  instruits  de  son  époque. 


439 


DYNTER 


440 


Fils  de  maître  Edmond  de  Dynter  et 
d'Hildegonde  van  Olmen,  il  épousa, 
avant  le  22  décembre  1429,  Catherine 
Coele,  ainsi  qu'il  résulte  d'un  acte  des 
échevins  de  Louvain  ;  dans  cet  acte  il 
est  déjà  qualifié  de  secrétaire  du  duc  de 
Brabantj  charge  qu'il  remplissait  con- 
jointement avec  son  père.  Il  était  en 
fonctions  dès  1425,  et  Philippe  le  Bon 
savait  l'apprécier,  comme  il  conste  d'un 
acte  du  31  mars  1444,  par  lequel  il  lui 
accorda  plusieurs  faveurs. 

Ambroise  de  DjTiter  devint  vicomte 
de  Dormale,  propriétaire  du  manoir  de 
Ten  Broeke,^Qià.ei  la  seigneurie  de  Gaes- 
beek,  et,  vers  1452,  propriétaire  de  la 
cour  ou  seigneurie  de  Wolfshagen,  à 
Leeuw-Saint-Pierre . 

Le  sachant  très-expert  en  comptabi- 
lité, Philippe  le  Bon  le  chargea,  en  1459, 
de  procéder  à  une  enquête,  avec  le  che- 
valier Henri  Magnus  et  Simon  de 
Herbaix,  au  sujet  des  abus  commis  par 
quelques-uns  de  ses  officiers  dans  l'admi- 
nistration des  finances.  A  cette  époque, 
il  était  conseiller-maître  de  la  chambre 
des  comptes  à  Bruxelles,  poste  auquel 
il  fut  appelé  par  le  duc  de  Bourgogne 
et  où  on  le  maintint  lorsque  Charles  le 
Téméraire  réunit, enl473,  les  chambres 
des  comptes  de  Lille  et  de  Bruxelles  en 
une  seule  qui  fut  établie  à  Malines.  Il 
resta  pareillement  en  place  quand  Marie 
de  Bourgogne  rétablit  les  anciennes 
chambres  des  comptes  et  qu'elle  fixa  le 
siège  de  celle  de  Brabant  à  Bruxelles. 
Après  avoir  rendu  des  services  notables 
à  son  pays,  De  Dynter  mourut  le  20  no- 
vembre 1490,  laissant  a]Ti"ès  lui  une 
nombreuse  famille.  Ses  fils  étaient  : 
1"  Jean  de  Dynter,  seigneur  de  Dor- 
male, qui  vivait  eu  1470;  2»  Jacques 
de  Dynter ,  prieur  du  monastère  de 
Groenendael,  mort  le  4  mars  1512,  à 
l'âge  dé  soixante  et  dix  ans  ;  3"  Am- 
broise de  Dynter,  chanoine  et  écolàtre 
de  Notre-Dame,  à  Anvers,  et  4"  Nicolas 
de  Dynter,  d'abord  chanoine  de  Saint- 
Pierre,  à  Louvain,  ensuite  chanoine  de 
Notre-Dame,  à  Anvers,  qui  vivait  en- 
core en  1494.  Le  chanoine  Ambroise  de 
Dynter,  homme  très-instruit,  était  en 
relation  avec  plusieurs  savailtsde  l'épo- 


que. Le  célèbre  Rodolphe  Agricola  en 
parle  avec  éloge.  Ambroise  de  Dynter 
et  Catherine  Coele  laissèrent  en  outre 
les  trois  filles  suivantes  :  Hildegonde, 
qui  épouse  Amelis  van  Bouchem  ;  Ca- 
therine, mariée  à  Sigier  van  Ophem,  et 
Marie  qui  devint  la  femme  du  chevalier 
Michel  Absoloens.  bourgmestre  de  Lou- 
vain en  1476.  Éd.  vaaEven. 

Actes  des  échevins  de  Louvain.  —  Chronique 
du  monastère  du  trône  de  Motre-Dame,  à  Grob- 
bendonck.  —  Mgr  de  Ram,  Introduction  à  la 
chronique  d'Edmond  de  iJynter,  Bruxelles,  i8o4- 
1860. 

dy:%'TI<:r  {Edmond  de),  fonction- 
naire et"  historien,  naquit  vers  1375, 
selon  toute  probabilité,  au  village  dont 
il  portait  le  nom,  et  qui  est  situé  dans 
l'ancienne  mairie  de  Bois-le-Duc.  On 
pense  qu'il  appartenait  à  une  branche 
collatérale  de  l'ancienne  et  noble  famille 
de  Dynter.  Le  titre  de  magister  qu'il 
prend  dans  les  pièces  officielles  permet 
de  croire  qu'il  termina  ses  études  à  une 
université,  probablement  celle  de  Paris, 
alors  très-fréquentée  par  les  jeunes  gens 
de  notre  pays.  Il  était,  suppose-t-on, 
maître  es  arts.  Ce  qui  est  certain,  c'est 
qu'il  possédait  une  très-vaste  et  très- 
remarquable  érudition.  Il  entra  de  bonne 
heure  au  service  d'Antoine  de  Bour- 
gogne, duc  de  Brabant,  et  était  déjà  en 
fonction  lorsque  ce  prince  fut  inauguré 
à  Louvain,  le  18  décembre  1406. 
De  Dynter  épousa  Hildegonde  van 
Olmen,  qui  appartenait  à  la  noblesse 
brabançonne.  Notre  fonctionnaire,  qui 
se  distinguait  par  de  grandes  et  rares 
qualités,  jouissait  de  la  confiance  et  de 
l'estime  de  son  maître.  Antoine  l'em- 
ploya dans  les  circonstances  les  plus 
difficiles.  Le  17  août  1412,  il  lui  donna 
des  pleins  jjouvoirs  pour  se  rendre,  con- 
jointement avec  Gilles  de  Rademaeker  et 
Guillaume  de  Seyne,  à  Prague,  près  de 
Wenceslas  YI,  roi  de  Bohême  et  des 
Romains,  à  l'effet  d'aplanir  les  difficultés 
que  venait  d'occasionner  l'engagère  du 
duché  de  Luxembourg  faite  par  ce  sou- 
verain dans  l'acte  de  mariage  de  sa  nièce, 
Elisabeth  de  Gorlitz,  avec  le  duc  de  Bra- 
bant. Dans  cette  circonstance  il  servit, 
avec  non  moins  d'adresse  que  de  dévoue- 


444 


DYNTER 


442 


ment,  les  intérêts  du  prince.  Au  mois  de 
février  1414,  une  ambassade  partit  pour 
le  concile  de  Constance.  De  Dynter  se 
trouvait  au  nombre  des  délégués  braban- 
çons envoyés  à  cette  assemblée  mémora- 
ble. Au  mois  d'aoïlt  de  la  même  année, 
il  fit  partie  de  l'ambassade  envoyée  par 
le  duc  de  Brabant  à  Sigismond,  roi  des 
Romains,  qui  venait  d'arriver  à  Coblentz 
et  qui  se  rendit  ensuite  au  concile  de 
Constance,  après  avoir  été  couronné  à 
Aix-la-Chapelle. 

Au  mois  d'octobre  1415^  le  duc  An- 
toine entra  en  France  à  la  tête  de  son 
armée,  aiin  d'aider  à  y  combattre  les 
Anglais.  De  Dynter  voulait  rejoindre 
son  souverain j  mais,  arrivé  à  Douai,  le 
26  octobre,  il  y  apprit  la  perte  de  la 
bataille  d'Azincourt  et  la  mort  de  son 
maître.  Jean  IV,  le  fils  et  successeur 
d'Antoine,  le  maintint  dans  ses  fonc- 
tions de  secrétaire,  et  il  continua  à  être 
chargé  des  missions  les  plus  importantes. 
Mais  à  la  cour  même,  il  eut  à  subir 
beaucoup  d'ennuis,  à  la  suite  de  diffi- 
cultés qui  s'élevèrent  entre  Jean  IV  et 
son  épouse,  la  fameuse  Jacqueline  de 
Bavière. 

On  sait  que  c'est  sur  les  instances  réi- 
térées de  l'autorité  communale,  que 
Jean  IV  érigea  l'Université  de  Louvain. 
Lorsque  le  duc  eut  accordé,  le  18  aoiit 
1426,  ses  lettres  patentes  pour  l'exécu- 
tion de  la  bulle  d'érection,  donnée  par 
le  pape  Martin  V,  De  Dynter  se  rendit 
à  Louvain  pour  y  faire  la  remise  officielle 
de  cette  pièce.  Il  y  fut  reçu  avec  joie  et 
logé,  aux  frais  de  la  commune,  àl'auberge 
de  V Homme  sauvage,  derrière  l'église  de 
Saint-Pierre. 

Après  la  mort  de  Jean  IV,  arrivée  le 
17  avril  1427,  son  successeur  Philippe 
de  Saint-Pol  maintint  De  Dynter  dans 
ses  fonctions  de  secrétaire.  Il  en  fut  de 
même  après  le  règne  si  court  de  ce  der- 
nier. Sous  le  règne  de  Philippe  le  Bon, 
De  Dynter  continua  à  prendre  une  part 
active  aux  affaires,  et,  dans  un  acte  reçu 
par  les  échevius  de  Louvain  (26  mars 
1432),  il  prend  le  titre  de  secrétaire  de 
Monseigneur  le  duc  de  Bourgogne  et  de 
Brabant . 

Sa  femme,   llildegonde  vau  Olmen, 


mourut  peu  de  temps  avant  cette  épo- 
que. Dégoûté  de  la  vie  de  cour,  et 
épuisé  par  plus  de  quarante  années  de 
travail,  il  chercha  le  repos.  Ayant  em- 
brassé l'état  ecclésiastique,  il  obtint  de 
Philippe  le  Bon  un  canonicat  au  cha- 
pitre de  Saint-Pierre,  à  Louvain;  mais 
passa  les  dernières  années  de  son  exis- 
tence dans  la  capitale  de  la  Belgique.  Il 
y  habitait  une  vaste  maison,  située  près 
de  la  Montagne  de  la  Cour,  allant  par- 
fois chercher  quelques  jours  de  repos  au 
monastère  de  Corsendonck,  où  il  comp- 
tait des  parents  et  des  amis.  Edmond 
de  Dynter  mourut,  à  Bruxelles,  le  17  fé- 
vrier 1448,  et  fut  inhumé  dans  l'église 
de  l'abbaye  de  Saint-Jacques  sur  Cau- 
denbergj  devant  l'autel  du  Saint-Sacre- 
ment, où  son  fils  Ambroise  lui  fit  ériger 
un  monument  portant  l'inscription  sui- 
vante : 

H)C  JACET 
MAGISTER  EDMUNDUS  DE  DYNTER, 
ILLUSTRIU.M  PRINCIP.  ET  DOMINORUM  QUONDAM 

ANTONII,  JOANNIS  ET  PHILIPPI,  ETC. 

AC  ETIAM  PHU^IPPI  BURGUNDl.C  ET  BRABANTI^,   ETC. 

DUCUM  SECRETARIUS 

QUI  OBUT   ANiNO  DOMINI  M.CCCC.XLVIII, 

MENS.  FEBRUARII  XVH  CUJUS  ANIMA 

R.  /.  P. 

Ce  monument  disparut  en  1776,  lors 
de  la  reconstruction  de  l'église  de  Saint- 
Jacques  sur  Caudenberg. 

Aubert  le  Mire  (Mirœus)  a  publié  un 
portrait  de  De  Dynter,  exécuté  d'après 
un  tableau  contemporain  placé,  au  com- 
mencement du  xviie  siècle,  à  l'églLse  de 
Caudenberg.  Ce  portrait,  qu'on  trouve 
également  dans  la  Bihliotheca  helgica  de 
Foppens,  a  été  reproduit,  sous  la  direc- 
tion de  Calamatta,  pour  l'édition  de  la 
Chronique  de  De  Dynter,  publiée  par 
Mgr  de  llam. 

Edmond  de  Djaiter  occupe  une  place 
distinguée  parmi  les  historiens  natio- 
naux. Il  laissa  un  livre  qui  présente  un 
intérêt  capital  pour  l'étude  de  nos  an- 
nales, notamment  la  Chronùpie  des  ducs 
de  Brabant,  écrite  à  la  demande  de  Phi- 
lippe le  Bon,  et  à  laquelle  il  consacra  les 
dix  dernières  années  de  sa  vie.  Pour  la 
rédaction  des  trois  premiers  livres,  il 
prit  pour  guide  la  Chronique  de  frère 
André,  connu  sous  le  nom  de  Sylvius, 
moine  de  L'abbaye  de  IMarchienne,  qui 


443 


DYNTER 


444 


vivait  en  1184.  C'est  au  quatrième  livre 
seulement  que  commence  son  travail  ori- 
ginal. Comme  secrétaire  du  duc,  il  eut 
l'avantage,  bien  rare  autrefois,  de  puiser 
ses  matériaux  dans  les  dépôts  officiels, 
et  tous  les  documents,  à  partir  de  1100, 
sont  tirés  des  archives  du  duché  de  Bra- 
bant  ou  des  collections  des  chartes  des 
églises  et  des  corporations  religieuses. 
Depuis  1406,  De  Dynter,  en  sa  qua- 
lité de  secrétaire  de  son  souverain, 
joua  un  rôle  actif  dans  plusieurs  événe- 
ments de  son  époque  et  se  trouvait  ainsi 
fort  avantageusement  placé  pour  con- 
naître tout  ce  qui  se  passait  de  plus  im- 
portant. Aussi  mentionne-t-il  ces  évé- 
nements avec  une  sûreté  d'information 
irrécusable.  Le  sixième  livre  de  sa  Chro- 
nique s'arrête  vers  1442.  Il  semble  ré- 
clamer une  suite,  restée  inachevée  peut- 
être  par  suite  de  la  mort  de  l'auteur. 

Le  prologue  du  quatrième  livre  de  la 
Chronique  renferme  la  généalogie  des 
ducs  de  Lothier  et  de  Brabant.  Dans  ce 
livre,  l'auteur  s'attache  à  exposer  la 
suite  des  ducs  de  Lorraine  de  la  mai- 
son d'Ardenne,  celle  des  comtes  de  Lou- 
vain  et  de  Bruxelles,  jusqu'à  la  mort 
d'Henri  III  (1261).  Il  renferme  égale- 
ment des  renseignements  très-intéres- 
sants sur  les  institutions  monastiques  et 
féodales,  les  transactions  publiques  et 
privées,  les  croisades,  les  investitures  et 
les  luttes  des  vassaux  contre  leurs  sei- 
gneurs. Le  cinquième  livre  contient 
l'histoire  du  Brabant  depuis  le  règne 
d'Alix  de  Bourgogne  (1261),  jusqu'à  la 
mort  de  Jean  III  (1355).  Le  sixième 
livre,  qui  forme  presque  tout  un  volume, 
se  rapporte  aux  règnes  de  Jeanne  et 
de  Wenceslas,  Antoine  de  Bourgogne, 
Jean  IV,  Philippe  de  Saint-Pol  et  Phi- 
lippe le  Bon  jusqu'en  1442.  Cette  partie 
de  l'ouvrage  brille  par  la  richesse  des 
documents  authentiques  intercalés  dans 


la  narration  et,  fait  digne  d'être  observé, 
l'auteur  nous  a  transcrit  ces  actes  sans 
aucune  altération  ni  modification.  Beau- 
coup d'écrivains  ont  mis  à  profit  le  tra- 
vail de  notre  auteur.  Butkens  y  puisa 
largement  pour  la  rédaction  de  ses  Tro- 
phées de  Brahant.  Plusieurs  savants  des 
xviie  et  xviiie  siècles  songèrent  à  mettre 
au  jour  la  Chronique  de  De  Dynter. 
En  1611,  Aubert  le  Mire,  en  1676, 
Gaspard  Gevartius  eurent  l'intention 
de  la  faire  imprimer.  Le  savant  Paquot 
écrivait,  en  1763,  qu'elle  était  sur  le 
point  de  paraître  sous  les  auspices  du 
comte  de  Cobenzl,  ministre  plénipoten- 
tiaire d'Autriche,  dans  un  recueil  d'ou- 
vrages importants  pour  l'histoire  de  Bel- 
gique. Les  circonstances  empêchèrent 
la  réalisation  de  ces  différents  projets. 
L'intéressant  ouvrage  a  été  édité ,  à 
notre  époque ,  par  Mgr  de  Eam  en 
trois  volumes  in-4o,  renfermant  le  texte 
latin  de  De  Dynter  accompagné  de 
notes  et  suivi  d'une  ancienne  traduction 
latine  par  Jehan  Wauquelin,  secrétaire 
ou  clerc  de  Philippe  le  Bon.  Cette  pu- 
blication porte  le  titre  suivant  :  Chro- 
nique des  ducs  de  Brabant,  par  Edmond 
De  Dynter,  en  six  livres,  publiée  d'après 
le  manuscrit  du  monastère  de  Corsen- 
donck.  Bruxelles,  1854-1860.  Une  re- 
marquable étude  sur  la  vie  et  les  tra- 
vaux de  De  Dynter,  placée  en  tête  de 
cette  édition,  a  été  mise  à  profit  pour 
la  rédaction  de  cette  notice.  Les  re- 
cherches faites  dans  les  archives  de  Lou- 
vain  ont  permis  d'y  joindre  quelques 
dates  et  renseignements  nouveaux. 

Ed.  van  Even. 

Actes  des  échevins  de  Louvain.  —  Mirœus, 
Elogia  illustrium  Belgii  scriploritm.  —  Paquot, 
Mémoires,  t.  1,  p.  o06.  —  Henné  et  Waulers. 
Histoire  de  Bruxelles,  t.  1,  p.  228,  t.  111,  p.  S&ï. 
—  De  Ram,  lulroduclion  à  la  chronique  d'Ed.  de 
Dynter,  etc.  —  Foppens ,  Bibliotheca  belgica, 
t.l,  p.  261. 


E 


EBBON 


EBBO.if^  32e  archevêque  de  Keims  et 
19e  abbé  de  Stavelot,  naquit  vers  778 
au  pays  rhénan,  de  parents  serfs,  atta- 
chés à  un  domaine  impérial.  Sa  mère 
ayant  été  appelée  à  la  cour  en  qualité  de 
nourrice  du  prince  Louis  (plus  tard  le 
Débounnire),  Ebbon  eut  la  chance  de  se 
trouver  le  frère  de  lait  du  futur  succes- 
seur de  Charlemagne  et  de  recevoir  avec 
lui  son  éducation.  L'empereur  remarqua 
sa  vive  intelligence  et  son  goût  décidé 
pour  les  études-  il  l'affranchit  et  le  mit 
à  même  d'entrer  dans  les  ordres.  Loiiis 
ayant  pris  le  gouvernement  de  l'Aqui- 
taine, se  l'attacha  ensuite  comme  secré- 
taire et  bibliothécaire,  et  le  pourvut 
d'une  abbaye.  Le  8  août  816  vint  à 
mourir  Fulcaire,  archevêque  de  Reims  : 
le  peuple  élut  Gislemer,  qui  ne  fut  point 
agréé  par  les  évêques;  Louis  proposa 
Ebbon,  et  ce  choix  rallia  tous  les  suf- 
frages. On  verra  tout  à  l'heure  si  la  con- 
fiance impériale  avait  été  bien  placée. 

Animé  d'un  zèle  apostolique,  le  nou- 
veau prélat,  après  avoir  assisté  en  829 
au  concile  de  Paris,  se  rendit  à  Eome, 
du  consentement  de  son  maître,  pour 
obtenir  du  souverain  pontife  une  mission 
chez  les  peuples  du  Nord.  Pascal  I  l'en- 
voya évangéliser  les  Danois  idolâtres  et 
lui  adjoignit  Halitgaire,  évêque  de 
Caml)rai  ;  il  eut  encore  l'occasion  de  se 
rendre  utile  à  l'illustre  S.  Anschaire, 
placé  par  le  pape  Grégoire  IV  sur  le 
siège   épiscopal   de    Hambourg.    Mais 

BIOGR.   NAT.   —  T.   VI. 


l'éclat  de  ses  services  fut  terni  par  la 
conduite  qu'il  tint  dès  son  retour  à 
Reims.  Quelque  opinion  qu'on  professe 
sur  l'incapacité  du  Débonnaire,  il  est 
difficile  d'excuser  Ebbon  de  s'être  mis  à 
la  tête  du  parti  des  évêques  qui  encou- 
ragèrent des  fils  dénaturés  à  provoquer 
la  déchéance  et  l'humiliation  de  leur 
père  :  tout  au  moins  devait-il  s'abstenir 
d'agir  directement  contre  son  bienfai- 
.  teur.  Lothaire  le  récompensa  en  le  gra- 
tifiant de  l'abbaye  de  Saint- Vaast  (833). 
Deux  ans  plus  tard,  la  roue  de  la 
fortune  tourna  :  Louis  sortit  du  cloître 
où  il  avait  été  relégué  ;  Ebbon  dut  pren- 
dre la  fuite,  mais  il  fut  arrêté,  conduit  à 
Fulde  et  amené  ensuite  à  Thiouville , 
pour  s'entendre  accuser  par  la  propre 
voix  de  l'empereur.  Dans  une  nouvelle 
assemblée  tenue  à  Metz,  Ebbon  fut  obligé 
de  reconnaître  solennellement  qu'il  avait 
prononcé  contre  son  souverain  légitime 
une  sentence  injuste;  il  dut  se  soumettre 
à  une  pénitence  publique  et  signer  de  sa 
main  l'acte  par  lequel  il  était  dépossédé 
du  siège  de  Reims,  sur  le  vote  de  qua- 
rante évêques.  Il  ne  recouvra  la  liberté 
qu'en  840,  après  la  mort  de  Louis.  Le 
6  décembre,  Lothaire  le  fit  réinstaller 
à  Reims,  du  consentement  de  vingt  pré- 
lats ;  mais  il  n'y  resta  qu'un  an,  le  pape 
lui  ayant  refusé  une  nouvelle  institution 
canonique.  Sa  position  fut  encore  aggra- 
vée par  la  circonstance  que  le  territoire 
de  Reims  se  trouva  compris  en  8-t3  dans 

15 


447 


EBBON  —  EBERARD 


448 


la  part  de  Charles  le  Chauve.  11  n'eut 
plus  alors  qu'à  chercher  un  refuge  au- 
près (le  Lothaire,  qui  lui  donna,  en  844, 
l'abbaye  de  Stavelot  et  celle  de  Saint-Co- 
lumban  en  Italie.  Le  règlement  définitif 
des  affaires  d'Ebbon  fui  une  des  préoc- 
cupations du  concile  qui  se  tint  à  Sois- 
sous  en  853  :  l'intéressé,  ayant  refusé  d'y 
comparaître,  fut  définitivement  déchu, 
et  les  ordinations  qu'il  avait  faites  de- 
puis sa  déposition  déclarées  nulles.  Il 
se  retira  en  Allemagne,  où  Louis  le 
Germanique  lui  fit  obtenir  l'évêché  de 
Hildesheim  ;  il  mourut  en  cette  ville  vers 
853.  Les  historiens  l'ont  jugé  très-diffé- 
remment :  dans  tous  les  cas,  il  compro- 
mit en  se  faisant  chef  de  parti  et  en  se 
montrant  ingrat,  une  carrière  commen- 
cée non  sans  gloire.  Il  n'est  pas  vrai- 
semblable qu'Ebbon  ait  été  quelque 
temps,  comme  certains  historiens  l'ont 
écrit,  chancelier  de  Charles  le  Chauve. 
Ebbon  a  rédigé  des  Statuts  et  règle- 
ments qu'on  trouve  imprimés  à  la  suite 
de  XHUtoire  ecclésiastique  de  Reims,  par 
Elodoard  ;  dans  le  même  ouvrage  et  à  la 
tète  du  Pénitentiel  de  Halitgaire,  on  lit 
une  lettre  adressée  par  Ebbon  à  ce  der- 
nier, pour  l'engager  à  composer  ce  livre, 
en  s'appuyant  sur  les  canons  et  sur  les 
écrits  des  Pères;  enfin  il  paraît  avoir 
publié  une  Apologie  de  sa  conduite  à 
Thionville,  et  l'on  s'accorde  à  lui  attri- 
buer un  autre  document  du  même  genre 
intitulé  :  Narratio  clericorum  Kemensium 
de  duplici  depositione  M'honis  (voy.  les 
Scriptores  hist.  franc.  ,  d'André  Du- 
chesne).  Il  serait  encore  l'auteur  de 
l'épitaphe  de  sa  mère,  et  d'une  inscrip- 
tion placée  jadis  au  grand  portail  de  la 
cathédrale  de  Eeims.  j..s.  Renier. 

Marlcne,  Amplissima  colleclio,  t.  II.  -  Labbc, 
Coticil ,  t.  Vil.  —  Dachery,  Spicileg.  —  D.  Bou- 
qiiel,  Gallia  Christiann.  '  Les  historiens  de  Sta- 
velot ■Devillei's,  A  de  Noue,  A.  (îourlesoie,  etc.). 

EBER.%RD  OU  Ebraud,  religieux  du 
monastère  de  Watten ,  près  de  Saint- 
Omer,  mort  vers  11 2  4,  né  probable- 
ment en  Flandre  vers  le  milieu  du 
xie  siècle.  Après  avoir  passé  les  pre- 
mières années  de  sa  jeunesse  à  Reims, 
avec  Rodolphe,  qui  devint  depuis  ar- 
chevêque de  cette  ville,  en  IIOS,  Ebe- 


rard  prit  l'habit  religieux  à  Watten.  Il 
avait  déjà  visité  une  première  fois  cette 
localité,  où  il  n'existait  alors  qu'une 
petite  église,  dépendante  de  l'abbaye  de 
iSaint-Winoc.  Le  prêtre  Alphuminus, 
qui  la  desservait,  se  fit  un  plaisir  de 
donner  l'hospitalité  à  Eberard  et  de  lui 
rendre  tous  les  services  imaginables. 
Quelque  temps  après,  un  autre  ecclé- 
siastique, du  nom  d'Olfrid  ou  Otfrid, 
parvint  à  établir  en  cet  endroit  \n\ 
couvent  de  chanoines  réguliers  de  Saint- 
Augustin,  dont  il  fut  le  premier  prévôt, 
de  1072  à  1085.  Vers  l'année  1121, 
Eberard  remplit  les  mêmes  fonctions, 
qu'il  occupa,  parait-il,  jusqu'à  la  fin  de 
sa  vie,  arrivée  peu  de  temps  après. 

Eberard  est  l'auteur  d'une  chronique 
du  monastère  de  Watten  {Chronicon  mo- 
nasterii  Guatinensis),  dont  une  copie 
manuscrite,  provenant  de  l'ancienne 
abbaye  des  Dunes,  existe  à  la  biblio- 
thèque de  Bruges,  Elle  a  été  éditée  par 
Martène  et  Durand  dans  le  Thésaurus 
novus  anecdotorum,  t.  III,  pages  798  et 
suivantes,  et,  en  partie,  dans  le  Recueil 
des  Jiistoriens  de  France,  i.  XI,  pages  104 
et  108.  Ecrite  dans  un  style  aft'ecté  et 
prétentieux,  cette  chronique  donne  quel- 
ques détails  sur  l'époque  qui  s'étend 
depuis  la  fondation  du  couvent  de  W^at- 
ten  en  1072  jusqu'à  la  mort  d'Otfrid  à 
Gand  en  1082.  L'auteur  y  parle  des  dé- 
mêlés du  clergé  de  Thérouanne  avec  la 
cour  de  Rome,  mais  sa  phraséologie  nuit 
considérablement  à  l'intérêt  que  son 
récit  pourrait  présenter.  La  même  ma- 
nière se  fait  remarquer  dans  un  autre 
travail,  ce  dernier  anonyme  et  portant 
pour  intitulé  :  Iliraculmri  de  quodani 
Guafmensi  religioso  per  sanctum  Bonatian . 
ah  agrittidine  sua  sanato  {Thésaurus  anec- 
dotorum, loc.  cit.,  col.  830  et  suiv.). 
Eberard,  à  qui  on  l'attribue  générale- 
ment, y  fait  allusion  à  la  guérison  subite 
d'un  de  ses  confrères,  nommé  Tancrade, 
atteint  d'une  paralysie  et  qui  eu  fut  dé- 
livré en  1088  à  Bruges,  par  l'interces- 
sion, disait-on,  de  saint  Donatien.  C'est 
en  tête  de  cette  seconde  œuvre  que  le 
religieux  de  Watten  rappelle  à  l'arche- 
vêque de  Reims  leur  ancienne  liaison  ; 
il  ajoute  qu'il  a  été  encouragé  à  écrire 


449 


EliEKAHD  —  EDELUEER 


4oO 


le  fait  miraculeux  cité  ci-dessus  par 
l'archevêque  Eodolphe  lui-même,  pen- 
dant que  le  prélat  se  trouvait  à  Thé- 
rouanne,  où  il  avait  à  s'occuper  de 
questions  de  discipline  ecclésiastique.  Il 
compare,  à  ce  propos,  sa  première  exis- 
tence, toute  mondaine,  avec  le  genre  de 
vie  qu'il  avait  adopté  depuis. 

On  trouve  dans  les  écrits  d'Eberard 
quelques  indications  intéressantes  sur 
Watten,  mais  il  fait  preuve  d'un  pauvre 
esprit  de  critique  en  retrouvant  dans 
cette  localité  les  Bataves  qu'Orose  place 
avec  les  Ménapiens  et  les  Morins,  en 
face  du  Ratnpi  portus  de  l'Angleterre. 
Ces  Bataves  d'Orose  sont  et  ne  peuvent 
être  que  le  peuple  si  célèbre  de  la  Hol- 
lande et  non  les  prétendus  fondateurs 
d'une  localité  dont  l'origine,  expliquée 
de  cette  manière,  ne  repose  que  sur  une 
vague  ressemblance  de  nom. 

Alplionse  WaiilTS. 

Martène  et  Durand,  Thésaurus  atiecdotorum , 
l.  m,  col.  798.  —  Paiiuoi,  t.  III,  p.  276  (édition 
in-folioj 

ECBERT,  EgEBERTUS    OU    EcKEBER- 

TUS,  écrivain,  pocte,  florissait  vers  1060, 
au  rapport  de  Trithème.  11  est  qualifié 
de  clerc  de  l'église  de  Liège  par  le  même 
auteur,  qui  le  dépeint  comme  très- 
instruit  dans  les  sciences  profanes  aussi 
bien  qu'en  théologie.  On  lui  doit  un 
recueil  d'énigmes  champêtres  {DejEnig- 
ynatibiis  rusficis  libri  II),  versifiées  avec 
élégance  {eleganti  métro).  Sigebert  nous 
apprend  que  ce  n'était  d'abord  qu'un 
opuscule  assez  court,  mais  que  l'auteur, 
encouragé  par  le  succès,  en  élargit  le 
cadre  et  y  ajouta  un  second  livre,  éga- 
lement en  vers.  Les  Enigmes  existaient 
encore  à  la  fin  du  xve  siècle.  Mirfcus, 
qui  rapporte  ce  dernier  fait,  attribue  au 
même  Ecbertus  une  Vie  de  saint  Amour 
d'Aquitaine  (voy.  ce  nom),  dont  le  corps 
repose  en  l'église  Notre-Dame  de  Mun- 
sterbilsen.  L'abbaye  de  Saint-Laurent 
de  Liège,  entre  autres,  possédait  des 
exemplaires  manuscrits  de  cette  notice. 

Alphonse  Le  Roy. 

Sifîf'bfTi,  uiiiioié  par  Mirrrus.  —  Trilht'ine. 
—  Fabriciu-,  Bibl.  iiie.tiœ  cl  tiijiiiiw  laiiiiitatis, 
lib  V. —  Foupens,  l.  \.—  Histoire  liiicr aire  de  la 
France,  t.  Vil,  p.  oOl. 


ECK  (iV.  va:%),  peintre  de  fleurs,  qui 
florissait  en  1690  à  Bruxelles,  où  il 
naquit.  Selon  Campo  Weyerman,  il  ap- 
partenait à  la  noblesse  de  Bruxelles  et 
fut  bourgmestre  de  cette  ville.  Le  même 
auteur  fait  un  grand  éloge  de  notre 
artiste,  qui  peignait  d'après  nature  et 
avait  orné  de  ses  tableaux  les  palais  de 
la  résidence  des  gouverneurs  des  Etats. 
11  paraît  avoir  joui  d'une  vogue  méritée. 
Le  chevalier  de  Burtin,  dans  le  catalogue 
de  tableaux  qu'il  a  dressé  vers  1803, 
mentionne  notre  peintre  sous  le  nom 
de  Van  den  Eck  et  cite  de  lui  plu- 
sieurs tableaux  de  fleurs  et  de  fruits 
qui  ont  paru  dans  les  ventes  Platte- 
borse.  Du  .lardin  Saint-George  et  Van 
den  Xessen.  aj.  .siret. 

EDELUEER  (Jacqites),  jurisconsulte 
et  littérateur,  né  à  Louvain  le  28  fé- 
vrier 1597,  mourut  à  Anvers  le  23  juin 
1657.  11  fit  ses  études  dans  sa  ville  na- 
tale et  les  couronna  par  le  grade  de 
licencié  en  droit.  Ses  talents,  son  élo- 
quence et  son  instruction  solide  lui  pro- 
curèrent immédiatement  une  fructueuse 
clientèle  et  lui  ouvrirent,  à  peine  sorti 
de  l'adolescence,  l'accès  de  la  magistra- 
ture communale.  Conseiller  en  1617  et 
en  1618,  il  remplit  les  fonctions  d'éche- 
vin  pendant  les  deux  années  suivantes. 
Quatre  ans  plus  tard,  il  devint  pension- 
naire de  la  ville  d'Anvers,  emploi  qui 
offrait  une  grande  analogie  avec  celui 
des  assesseurs  des  magistrats  chez  les 
Romains  et  qui  consistait  à  guider  les 
magistrats  de  la  cité,  dans  l'exercice  de 
la  juridiction  civile  et  criminelle. 

A  l'étude  assidue  du  droit,  à  l'ac- 
complissement scrupuleux  des  devoirs 
Inhérents  à  ses  hautes  fonctions,  Edel- 
heer  joignait  le  culte  passionné  des  arts 
et  des  lettres.  Possesseur  d'une  fortune 
considérable,  il  en  consacrait  une  grande 
partie  à  convertir  en  véritables  musées 
sa  demeure  d'Anvers  et  une  vaste  maison 
de  campagne  située  dans  les  environs  de 
cette  ville.  L' ne  bibliothèque  nombreuse 
et  choisie,  des  manuscrits  précieux,  des 
tableaux  des  grands  maîtres,  des  œuvrea 
de  scidpture  dues  au  ciseau  des  meil- 
leurs artistes  des  Pays-Bas  et  de  l'étaan- 


4:ii 


EDELHEER 


45^ 


ger,  attestaient  la  science  profonde  et  le 
goût  exquis  de  leur  propriétaire.  Les 
étrangers  venaient  en  grand  nombre 
visiter  ces  merveilles,  et  Edelheer,  qui 
parlait  plusieurs  langues,  se  plaisait  à 
leur  fournir  lui-même  les  explications 
nécessaires. 

La  Belgique  se  trouvait  alors  dans 
une  position  difficile  et  dangereuse.  La 
mort  de  l'archiduc  Albert  avait  fait  des- 
cendre Isabelle  au  rang  de  gouvernante 
pour  compte  des  souverains  de  Madrid, 
et  la  perspective  du  retour  de  la  domi- 
nation espagnole  alarmait  et  irritait  les 
classes  supérieures.  Les  vastes  connais- 
sances d'Edelheer  furent,  dans  ces  cir- 
constances alarmantes,  d'un  précieux 
secours  pour  les  états  de  Brabant.  Ils 
recouraient  à  ses  lumières  pour  la  sohi- 
tion  de  toutes  les  afl'aires  importantes  ; 
ils  s'attachaient  surtout  à  prendre  son 
avis,  chaque  fois  qu'ils  avaient  à  se  pro- 
noncer sur  une  question  en  rapport  avec 
le  droit  public  du  pays.  Il  répondit  si 
bien  à  leur  attente  et  ses  services  étaient 
tellementappréciésqu'il  devint,  en  1632, 
l'un  des  députés  que  les  états  généraux, 
qui  se  défiaient  du  pouvoir,  envoyèrent 
d'abord  à  Maestiicht  et  ensuite  à 
La  Haye,  pour  négocier  directement  un 
traité  de  paix  avec  les  états  généraux 
des  Provinces-Unies.  Le  bourgmestre, 
les  échevins  et  le  conseil  de  la  ville 
d'Anvers  l'avaient  désigné  à  cette  fin 
par  commission  du  3  septembre  1632. 

îsous  n'avons  pas  à  rappeler  ici  les 
méfiances,  les  intrigues  et  les  autres 
obstacles  qui  firent  échouer  cette  mémo- 
ri:ble  tentative  des  représentants  des 
provinces  belges.  Nous  nous  bornerons 
à  dire  que  Jacques  Edelheer,  qui  pre- 
nait une  part  active  et  prépondérante  à 
toutes  les  négociations,  fut  l'un  des  pre- 
miers à  découvrir  les  manœuvres  tor- 
tueuses de  la  diplomatie  française  et  à 
les  signaler  à  ses  commettants.  M.  limm. 
Neefs  a  récemment  publié,  dans  le 
BiiJlifHn  de  la  communion  royale  dhin- 
tnire,  un  journal  autographe,  tenu  par 
Edelheer  et  ronferniaut  l'indication  mi- 


1 1  hiariiim  depuliildnnii  profiiicuirittn  Ik'iji 
ohedirtitiuin,  etc.,  ad  priiicipein  Annucmn  el 
Staltia  l'iovinciariim  Lnilnniin  pro  pave.  Bulle- 


nutieuse  de  tous  les  actes  qui  se  ratta- 
chent à  ce  curieux  et  intéressant  épisode 
de  nos  annales  (1). 

Les  négociations  ayant  été  interrom- 
pues, le  1"  décembre  1633,  par  la  mort 
d'Isabelle,  Edelheer  reprit  son  poste  de 
pensionnaire  de  la  ville  d'Anvers  et  con- 
tinua à  mettre  sa  science  et  son  expé- 
rience au  service  des  états  de  sa  pro- 
vince. Il  conserva  cette  position  jusqu'en 
1653,  lorsqu'il  fut  nommé  membre  d^ 
la  chambre  mi- partie  instituée  par  le 
funeste  traité  de  Munster  du  30  janvier 
1648.  On  sait  que  cette  chambre,  com- 
posée de  huit  juges  et  devant  siéger 
alternativement  à  Malines  et  à  Por- 
drecht,  était  chargée  de  vider  les  diffé- 
rends que  l'exécution  du  traité  ferait 
surgir  entre  les  sujets  des  Provinces- 
Lînies  et  les  habitants  des  Pays-Bas 
catholiques. 

Edelheer  était  devenu  l'un  des  hommes 
les  plus  considérés  de  son  temps,  lorsque 
la  mort  vint  l'enlever  à  ses  fonctions  et 
à  ses  études  favorites. 

Quelques  auteurs  contemporains  lui 
attribuent  deux  poèmes  élégiaques  en 
vers  latins,  l'un  sur  sa  maison  de  cam- 
pagne, l'autre  sur  une  statue  qui  ornait 
sa  maison  d'Anvers  et  qu'il  mettait  au 
premier  rang  de  sa  riche  collection.  Ber- 
nard Heymbachius,  professeur  de  Lou- 
vain,  a  publié,  dans  sa  Biatriba  urbis 
^^'î/é'M-sîA,  d'autres  vers  latins  d'EdeIhe(  r, 
qui  ne  sont  pas  dépourvus  d'inspiration 
et  de  grâce. 

Outre  ces  poésies  et  le  Diarhnn  que 
nous  avons  cité,  Edelheer  a  laissé  les 
manuscrits  suivants  :  1*>  Bemerkivyen 
nopende  den  tyd  en  de  wyse  op  de  welcke 
die  ahten  ofte  preJaten  van  den  lande  van 
Brabant  nitHny  yenonien  Tiebben  in  de  sfa- 
ten  tan  het  Land ;  in-folio  de  324  pages  ; 
- —  2o  Motifs  de  droit  en  faveur  des  ecclé- 
siastiçnes  de  la  ville  d' Anvers  pour  être 
e-veiripts  des  yabelles;  267  pages  in-fol. 

J.  J.  Thuiiii>si-n. 

(liiethals.  Histoire  des  lettres,  etc.,  t.  111  — 
Gachard,  Arles  des  rlnls  grtieraii.r  de  l()82,  t.  I, 
y.  IS.  Duiniiiit  c\\<  .  —  1  h.  Juste.  (lnii\plratinn 
(le  lu  noblesse  be>ye  coiiire  l'Iispaijiie  eu  lliM. 

tin  de  la  commission,  IV»  série,  l  II,  p.  l2uS 
et  suiv. 


i.-}3 


EDELINCK 


4r.i 


EDEL,i:vCK  {Gérard),  graveur  au  bu- 
rin, né  à  Anvers,  où  il  a  été  baptisé  en 
l'église  de  Saint-Jacques,  le  20  octobre 
1640,  mort  à  Paris  le  3  avril  1707.  Il 
était  fils  de  Bernard  Edelinck  et  d'Anne 
de  Winter,  qui  eurent  de  leur  union 
douze  enfants,  dont  trois  :  Gérard,  Gas- 
pard et  Jean  se  vouèrent  à  la  gravure  ; 
mais  les  deux  derniers  avec  moins  de 
succès  que  leur  aîné.  On  sait  le  brillant 
essor  que  l'art  de  la  gravure  avait  pris, 
chez  nous,  sous  l'impulsion  vivifiante  de 
P. -P.  Rubens.  Lorsque  le  grand  peintre 
parut,  il  y  avait  longtemps  que  la  ville 
d'Anvers  était  en  possession  d'un  im- 
mense commerce  d'images  de  sainteté  ; 
elle  en  fournissait  le  marché  du  monde 
entier.  De  nombreux  ateliers  s'étaient 
établis  et  d'habiles  praticiens  s'y  étaient 
formés.  Le  génie  de  Rubens  sut  tirer  de 
la  foule  de  ces  ouvriers  des  artistes 
excellents  :  les  Bolswert,  les  Pontius, 
les  Vorsterman  et  bien  d'autres  encore 
dont  le  burin  multiplia  les  chefs-d'œu- 
vre du  maître  anversois. 

Lorsque  l'aîné  des  Edelinck  se  trouva 
en  âge  de  choisir  une  profession,  la  dé- 
cadence commençait  à  se  faire  sentir; 
mais  les  ateliers  subsistaient  dans  toute 
leur  activité,  les  procédés  de  l'école 
n'étaient  point  oubliés  et  le  jeune  Gé- 
rard, entrant  comme  apprenti,  à  l'âge 
de  onze  ans,  chez  le  graveur-éditeur 
Gaspard  Huberti  ou  Huybrechts,  artiste 
médiocre,  mais  marchand  bien  acha- 
landé, put  être  initié  à  toutes  les  prati- 
ques traditionnelles  et  à  tous  les  progrès 
accomplis  par  ses  devanciers.  Quelques 
membres  de  la  glorieuse  pléiade  qui 
avait  illustré  le  commencement  du  siècle 
vivaient  encore,  et  leur  jeune  émule  eut 
la  bonne  fortune  de  pouvoir  profiter  des 
leçons  d'un  maître  habile  qui  avait  déjà 
formé  Nicolas  Pitau.  Admis  dans  l'ate- 
lier de  Corneille  Galle,  le  .Jeune,  il  ne 
tarda  point  à  donner  des  preuves  de  son 
génie,  ce  que  le  maître  reconnut  aussi- 
tôt. Gérard  Edelinck  ne  fut  pas  long- 
temps à  prouver  qu'il  était  en  état  de 
voler  de  ses  propres  ailes;  il  avait  vingt- 
trois  ans  lorsqu'il  fut  admis  dans  la 
gilde  de  Saint-Luc  en  qualité  de  maître. 
Les    écrivains    français    qui,    non   sans 


quelque  raison,  revendiquent  cet  artiste 
comme  un  des  leurs,  —  en  efiet  Gérard 
Edelinck  a  reçu  du  roi  Louis  XIV  des 
lettres  de  naturalisation,  — -  voudraient 
aussi  qu'il  dût  son  talent  aux  leçons  de 
maîtres  de  leur  pays.  La  Belgique  doit 
le  compter  au  nombre  des  artistes  nés  et 
formés  sur  son  sol.  Douze  années  d'études 
et  d'apprentissage  d;ins  les  ateliers 
anversois,  des  épreuves  très-sérieuses 
pour  l'admission  à  la  maîtrise  sont  des 
faits  qui  suffiraient  pour  établir  qu'il 
avait  acquis  un  talent  réel  lorsqu'il 
quitta  sa  patrie,  si  même  on  ne  possé- 
dait point  un  autre  témoignage  plus 
concluant,  une  estampe  exécutée  avant 
son  départ.  Mariette  s'exprime  en  ces 
termes,  à  propos  de  la  gravure  du  Com- 
bat des  quatre  cavaliers,  dans  les  notes 
qui  accompagnent  sa  lettre  au  comte  de 
Caylus  sur  Léonard  de  Vinci  :  «  Cette 
"  estampe  est  au  burin  et  un  des  pre- 
»  miers  ouvrages  de  Gérard  Edelinck. 
1  II  la  grava  à  Anvers,  avant  de  venir 
«  s'établir  en  France.  «  Il  est  vrai  que 
Mariette  ajoute  :  «  Il  n'y  faut  point 
"  chercher  la  même  beauté  d'exécution 
"  que  dans  ce  qu'il  a  fait  depuis.  «  Lue 
telle  appréciation  paraîtra  sévère  à  qui- 
conque aura  sous  les  yeux  une  bonne 
épreuve  de  cette  gravure  enlevée  d'un 
burin  magistral.  Pour  moi,  au  contraire, 
elle  démontre  à  l'évidence  que  Gérard 
Edelinck,  lorsqu'il  devint  le  collabora- 
teur, non  l'élève,  de  Poilly,  n'avait  rien 
à  apprendre  du  graveur  français.  Quant 
à  la  critique  que  l'auteur  de  V Abece- 
dario  fait  de  cette  estampe  sous  le  rap- 
port du  dessin,  elle  s'adresse  moins  au 
graveur  qu'à  l'auteur  de  la  reproduction 
d'après  laquelle  il  a  travaillé  ;  cette 
réproduction  est  de  P. -P.  Rubens  qui, 
durant  son  séjour  en  Italie,  copia,  en  hii 
imprimant  son  cachet  personnel,  cette 
composition  ainsi  que  la  Cène  de  Léo- 
nard . 

La  date  de  sgn  arrivée  à  Paris  se 
trouve  établie  par  deux  documents  au- 
thentiques. Le  portrait  du  médecin  hol- 
landais Renier  Graaf  et  les  lettres  de 
naturalisation  qui  furent  octroyées  à 
(iérard  Edelinck  par  Louis  XIV. 

Son  frère  Jean  l'avait  précédé  et  était 


455 


EDELINCK 


430 


établi  dans  la  capitale  de  la  France, 
lorsque  Gérard  y  arriva.  C'est  chez  lui 
qu'il  descendit.  Mariette  nous  rapporte 
que  le  nouveau  venu,  mettant  le  temps 
à  profit,  commença  et  acheva,  dans  la 
journée,  la  tête  du  docteur,  pendant 
que  Jean,  qui  n'avait  point  de  ménagère, 
était  allé  aux  provisions  et  préparait 
tout  ce  que  réclamait  la  présence  de  son 
hôte.  Or,  on  lit  sur  ce  portrait  :  Regne- 
rus  de  Graaf  medicinœ  doctor  A^  aetatis 
suae  25,  1666. 

Cette  petite  anecdote  donne  aussi  une 
idée  de  l'habileté  de  Gérard.  Les  lettres 
de  naturalisation  octroyées  k  Edelinck 
ont  été  publiées  pour  la  première  fois 
dans  les  Archives  de  Vart  français, 
année  1873.  On  y  lit  ce  qui  suit  : 
«  Gérard  Edelinck  nous  a  fait  remon- 
«  trer  qu'il  fait  sa  demeure,  depuis  dix 
Il  ans  ou  environ,  dans  notre  royaume.  « 
Les  lettres  étant  datées  du  25  octobre 
1675,  on  peut  fixer  à  l'année  1666 
l'arrivée  du  graveur  anversois  à  Paris. 
Il  ne  demeura  que  peu  de  temps  chez 
son  frère  ;  il  trouva  du  travail  auprès 
d'un  compatriote  qui  lui  donna  le  loge- 
ment. Nicolas  Pitau  s'était  établi  à  Paris 
en  1656  et  s'y  était  fait  une  belle  posi- 
tion. Edelinck  demeura  chez  lui  pendant 
trois  ou  quatre  ans  et  n'en  sortit  qu'à 
la  mort  de  son  hôte  et  collaborateur  qui 
eut  lieu  en  1671.  Après  la  mort  préma- 
turée de  Nicolas  Pitau,  —  il  n'avait  que 
trente-huit  ans,  —  Edelinck  reporta  sur 
Jacques,  le  fils  de  celui-ci,  sa  reconnais- 
sance et  son  affection.  Il  prit  soin  de 
l'instruire  et  en  avait  fait  un  de  ses 
meilleurs  élèves.  C'est  dans  l'atelier  de 
N.  Pitau  et  sur  sa  commande,  qu'Ede- 
linck  grava  plusieurs  planches  telles  que 
V Annonciation,  d'après  le  Poussin,  Un 
Miracle  arrivé  dans  le  saint  Sacrement  en 
1668  et  la -Sa?rtarz7aiwe  de  Philippe  de 
Champagne.  Mariette,  à  qui  j'emprunte 
ces  détails,  les  accompagne  de  cette  ré- 
flexion :  «  Quelque  habile  que  fût  Ede- 
"  linck  lorsqu'il  arriva  à  Paris,  l'on  ne 
«  peut  disconvenir  qu'il  n'ait  beaucoup 
«  appris  auprès  de  Pitau  et  lui-même  le 
'/  reconnaissait  « .  Outre  les  ouvrages 
qu'on  vient  de  mentionner,  Pitau  l'em- 
ploya encore  dans  ses  propres  travaux, 


particulièrement  dans  le  portrait  de 
Louis  XIV,  un  de  ses  derniers  ouvra- 
ges, gravé  en  1670,  d'après  Lefèvre, 
et  dans  celui  du  comte  de  Steenbock, 
dont  Edelinck  grava  les  trophées  et  les 
autres  ornements.  Ce  n'est  qu'après  la 
mort  de  son  compatriote  que  Gérard  a 
dû  entrer  dans  l'atelier  de  Poilly,  et  l'on 
peut  juger  par  ce  que  je  viens  de  rappeler 
si  l'on  est  en  droit  de  le  donner  comme 
élève  au  graveur  français,  qui  d'ailleurs 
n'abusa  point  de  sa  position  et  ne  mit 
aucun  obstacle  à  l'extension  de  la  réputa- 
tion de  son  collaborateur.  En  etfet  l'ori- 
ginalité du  talent  du  graveur  flamand  ne 
pouvait  manquer  de  se  faire  jour  et 
d'être  remarquée.  Il  se  produisait  en 
France,  à  cette  époque,  un  grand  mouve- 
ment artistique  :  Colbert,  servant  les 
goûts  de  son  maître,  y  attirait  les  pein- 
tres et  les  graveurs  de  tous  les  pays. 
Edelinck,  quoique  n'ayant  point  été 
invité  à  se  rendre  à  Paris,  devait  con- 
naître la  situation;  il  savait  aussi  qu'il 
y  avait  pour  lui  peu  de  chance  d'avenir 
à  demeurer  dans  sa  patrie.  Les  compa- 
gnons et  les  maîtres  graveurs  étaient 
alors  fort  nombreux  à  Anvers,  toutes  les 
positions  devaient  être  encombrées,  et 
l'on  était  arrivé  à  cette  période- de  déca- 
dence où  l'éditeur  s'inquiète  moins  de 
la  qualité  que  de  la  quantité  et  de  la 
facilité  d'écoulement  de  productions,  où 
l'on  ne  fabrique  plus  qu'en  vue  du  com- 
merce et  de  l'exportation.  Paris,  au 
contraire,  voyait  grandir  une  école  de 
graveurs  auxquels  la  munificence  du 
grand  roi  assurait  des  travaux  ayant  un 
caractère  moins  mercantile.  L'édit  de 
1660,  daté  de  Saint- Jean-de-Luz,  avait 
déclaré  la  gravure  un  art  libre,  distinct 
des  arts  mécaniques,  et  délivré  les  gra- 
veurs des  entraves  de  la  maîtrise.  Re- 
mar([Uons  que  ce  n'est  que  plus  d'un 
siècle  plus  tard  que  l'impératrice  Marie- 
Thérèse,  par  acte  du  20  mars  1773,  dé- 
clara que  la  peinture,  la  gravure,  la 
sculpture  et  l'architecture  ne  dérogent 
point  à  la  noblesse  et  que  tout  le  monde 
peut  exercer  librement  ces  arts  et  en 
vendre  les  produits. 

Un  autre  de  ses  compatriotes,  Philippe 
de    Champagne  vint  en  aide   à  Gérard 


EDELLXCK 


458 


Edelinck  et  lui  ouvrit  l'accès  auprès  du 
dispensateur  des  faveurs  royales  dans  la 
sphère  des  beaux-arts,  le  peintre  clas- 
sique des  batailles  d'Alexandre.  Le  Brun 
ayant  vu  la  gravure  d'Edelinck  d'après 
le  Saint  Jérôme  du  peintre  bruxellois,  en 
fut  extrêmement  satisfait,  il  la  mit  sous 
les  yeux  du  roi  qui  témoigna  l'intention 
d'accorder  quelque  faveur  au  graveur. 
Celui-ci,  invité  à  formuler  une  requête, 
demanda  à  être  admis  au  nombre  des 
pensionnaires  qu£  le  roi  de  France  entre- 
tenait dès  lors  à  Eome  pour  leur  donner 
l'occasion  de  compléter  leur  éducation 
d'artiste.  La  demande,  qui  témoignait 
de  plus  de  modestie  que  d'ambition, 
avait  été  bien  accueillie,  mais  le  ministre 
Colbert  ne  jugea  pas  à  propos  de  faire 
expédier  le  brevet  de  la  pension.  Il 
aima  mieux  fixer  définitivement  en 
France  un  artiste  d'un  tel  mérite  et 
utiliser  immédiatement  des  talents  qui, 
selon  lui,  ne  le  cédaient  en  rien  à  ceux  des 
graveurs  italiens  de  l'époque.  Du  reste 
Edelinck  n'eut  point  à  se  plaindre  de  ce 
contre-ordre.  Il  reçut  une  commande 
importante  qui  accrut  sa  réputation  et 
le  mit  de  plus  en  plus  en  évidence.  Le 
ministre  le  chargea  de  graver  la  Sainte 
Famille  de  Eaphaël,  faisant  partie  de  la 
collection  du  cabinet  du  roi.  Cette  es- 
tampe, un  des  chefs-d'œuvre  du  maître, 
devait  décorer,  suivant  la  coutume  du 
temps,  la  thèse  du  fils  de  Colbert.  On 
est  tenté  de  voir  dans  l'acte  qui  retenait 
Edelinck  en  France  l'influence  de  Le 
Brun  ;  en  fixant  le  graveur  flamand  à 
Paris,  il  s'assurait  un  interprète  de  pre- 
mier ordre  pour  ses  propres  composi- 
tions. Le  graveur,  de  son  côté,  ne  dut 
point  regretter  ce  revirement;  en  peu 
d'années,  il  avait  conquis  le  premier 
rang  dans  son  art  :  en  1677,  il  était  reçu 
membre  de  l'Académie  royale  de  pein- 
ture et  de  sculpture,  qui,  peu  de  temps 
après,  l'investit  des  fonctions  de  con- 
seiller. Il  avait  été  présenté  au  roi  par 
son  protecteur  le  jour  où  celui-ci  mit 
.sous  les  yeux  du  monarque  la  gravure  de 
la  Madeleine  repentante,  un  des  meilleurs 
ouvrages  de  Le  Brun,  dans  l'interpréta- 
tion duquel  le  graveur  a  déployé  toutes 
les  ressources  d'un  burin  sachant  allier 


la  vigiieur  au  moelleux.  A  la  suite  de 
cette  audience,  Edelinck  reçut  le  brevet 
d'une  pension  et  le  titre  de  graveur  du 
roi,  avec  un  logement  aux  Gobelins.  Il 
fut  encore  reçu  par  Louis  XIV  à  l'occa- 
sion d'une  autre  estampe  qui  obtint  un 
très-grand  succès  et  qui  reproduit  un 
tableau  de  Le  Brun  :  le  Christ  aux  Atigts. 
Si  le  graveur  eut  à  se  louer  de  la  pro- 
tection du  peintre,  il  ne  demeura  point 
en  reste  avec  lui  :  au  contraire  de  ce  qui 
arrive  communément,  le  traducteur,  loin 
de  trahir  l'auteur  original,  l'a  puissam- 
ment servi;  il  a  conservé  à  la  postérité 
de  riches  et  savantes  compositions  aux- 
quelles le  pinceau  du  maître  n'aurait 
point  assuré  une  telle  durée;  ce  que  la 
couleur  laissait  à  désirer,  le  burin  du 
Flamand  l'a  ajouté,  et  c'est  ce  qui  a  per- 
pétué le  succès  de  ces  productions.  Ede- 
linck a  gravé  douze  tableaux  de  Le  Brun 
dont  six  portraits;  il  a  aussi  reproduit 
des  ouvrages  des  peintres  les  plus  célè- 
bres de  son  temps  et  de  quelques  illus- 
tres anciens  :  de  Eaphaël,  j'ai  cité  plus 
haut  la  Sainte  Famille  d'après  ce  maître; 
de  Léonard  de  Tinci,  le  fameux  Combat 
de  quatre  cavaliers,  une  des  merveilles 
de  l'art  du  graveur;  du  Poussin,  de  Paul 
Yéronèse ,  de  Guido  Eeni ,  de  Carlo 
^laratte.  Son  compatriote  et  ami  Phi- 
lippe de  Champagne  lui  confia  la  gra- 
vure de  neuf  de  ses  tableaux  parmi 
lesquels  :  le  Moïse,  le  Christ  et  la  Sama- 
ritaine, la  Vierge  de  douleurs,  le  Roi 
Salo7non  et  son  portrait  peint  par  lui- 
même,  encore  un  chef-d'œuvre,  dont 
l'original  est  au  musée  de  Bruxelles. 

Allié  par  sa  femme  au  célèbre  graveur 
français  Xanteuil,  Gérard  Edelinck,  après 
la  mort  de  celui-ci,  acheva  la  magnifique 
planche  de  Moïse  proclamant  la  loi  du 
Seigneur  doymée  sur  le  mont  Sinai. 

D'autres  honneurs  encore  vinrent  con- 
sacrer le  mérite  du  graveur;  il  a  signé 
plusieurs  de  ses  ouvrages  en  faisant  sui- 
vre son  nom  de  la  qualification  :  Fques 
romanus.  Ses  biographes  ont  négligé  de 
nous  indiquer  la  date  à  laquelle  il  reçut 
cette  distinction,  et  à  quelle  occasion. 
Ou  trouve,  dans  le  catalogue  de  ses  œu- 
vres, deux  portraits  de  papes,  celui  de 
Clément  IX   et   celui  d'Innocent   XII; 


439 


EDELINCK 


460 


mais  ce  ne  sont  pas  ses  meilleurs  ou- 
vrages, on  rapporte  même,  à  l'égard  du 
dernier,  une  anecdote  qui  ferait  croire 
que  l'artiste  n'acceptait  point  celte  pro- 
duction comme  sienne. 

Le  nombre  des  pièces  gravées  par 
Gérard  Edelinck  s'élève,  d'après  la  liste 
dressée  par  M.  Robert  Dumesnil,  dans 
le  Peintre-graveur  français,  à  trois  cent 
trente-neuf.  M.  George  Duplessis,  dans 
le  supplément  du  même  ouvrage,  en 
ajoute  une  trois  cent  quarantième.  Dans 
ce  nombre  sont  comprises  les  reproduc- 
tions des  médailles  du  livre  intitulé  : 
Médailles  sur  les  principaux  événements  du 
règne  de  Loîiis  le  Grand  Paris,  impri- 
merie royale,  MDCCII.  Le  nombre  de 
portraits  dus  à  cet  infatigable  burin  est 
vraiment  extraordinaire,  on  en  connaît 
deux  cents,  la  plupart  de  grand  format 
et  toujours  d'une  exécution  très-soignée, 
soit  qu'il  reproduisît  une  peinture,  soit 
qu'il  travaillât  d'après  le  modèle  vivant. 
Pour  l'appréciation  du  talent  de  l'ar- 
tiste, on  peut  s'en  rapporter  aux  auteurs 
du  Dictionnaire  de  peinture,  publié  à 
Paris  en  1792.  Voici  en  quels  termes 
s'exprime  M.  Lévesque,  au  tome  II, 
page  582  de  ce  livre  : 

«  On  reconnaît  en  lui  le  compatriote 
«  de  ces  fameux  graveurs,  élèves  de 
«  Rubens.  Son  travail,  en  même  temps 
Il  fier  et  précieux,  annonce  un  sentiment 
u  profond  de  la  couleur.  Son  burin  est 
Il  plus  soigné  que  celui  des  Yorsterman, 
Il  des  Bolswert,  sans  être  moins  pitto- 
«  resque;  mais,  chez  lui,  le  soin  ne 
«  dégénérait  pas  en  petitesse  et  n'en- 
«  traînait  pas  cette  longueur  de  temps 
Il  que  les  graveurs  mettent  aujourd'hui 
«  à  leurs  ouvrages,  qui  leur  inspire 
Il  l'ennui  de  leur  art  et  amène  avec  lui 
il  la  froideur.  La  grandeur  et  le  nombre 
«  de  ses  estampes  témoignent  de  son 
«  étonnante  facilité.  Que  l'on  jette  un 
Il  coup  d'oeil  rapide  sur  sa  Madeleine 
«  pénitente,  on  en  admire  l'efi'et,  l'ex- 
*  pression,  la  propreté;  qu'on  la  regarde 
"  plus  attentivement,  on  est  étonné  de 
«  la  hardiesse  de  touche  qui  y  répand 
»  un  esprit  de  vie.  Ce  secret  semble 
»  être  mort  avec  lui  pour  les  graveurs 
»   au  burin.  Le  Brun,  dans  cette  estampe. 


Il  paraît  grand  coloriste,  et  l'on  doit 
Il  avouer  que  ce  très-habile  maître,  tra- 
«  duit  par  Edelinck,  semble  avoir  eu 
Il   des  perfections  qui  lui  manquaient. 

«  Edelinck  n'a  pas  fait  d'ouvrages 
«  médiocres;  on  trouve  dans  tous  de  la 
Il  chaleur:  toutes  ses  têtes  sont  vivantes. 
//  On  compte  entre  ses  chefs-d'œuvre  la 
Il  Sainte  Famille  d'après  Raphaël,  la 
Il  Famille  de  Darius  devant  Alexandre, 
Il  la  Madeleine  et  le  Christ  aux  Jnyes, 
Il  d'après  Le  Brun;  les  portraits  de 
'/  Desjardins,  de  Le  Brun,  de  Rigaud  ; 
Il  mais  de  toutes  ses  estampes,  c'est  au 
u  portrait  de  Philippe  de  Champagne 
Il  qu'il  donna  la  préférence,  et  on  ne 
"  lui  refusera  pas  la  qualité  de  connrtis- 
«  seur.  Sa  Sainte  Famille  est  plus  vantée 
Il  que  tout  le  reste,  parce  que  c'est  le 
Il  premier  ouvrage  qui  ait  fait  sa  répu- 
«  tation  :  on  continua,  lorsque  l'auteur 
Il  se  fut  surpassé  lui-même,  à  répéter 
Il  les  éloges  qu'on  avait  d'abord  donnés 
u  à  cette  estampe,  qui  est,  en  eflet, 
Il   d'une  grande  beauté.  » 

La  France,  qui  n'a  jamais  fait  de 
difficulté  à  donner  droit  de  cité  aux 
artistes  éminents  qui  lui  sont  venus  du 
dehors,  fait  figurer  Gérard  Edelinck  au 
nombre  de  ses  illustrations.  Les  écri- 
vains de  cette  nation  se  sont  trouvés 
d'autant  plus  à  l'aise  pour  lui  prodiguer 
des  éloges  bien  mérités  assurément;  on 
ne  doit  point  trop  les  chicaner  sur  la 
prétention  que  plusieurs  d'entre  eux 
mettent  en  avant,  essayant  d'établir  que 
le  graveur  flamand  a  été  formé  à  l'école 
de  quelque  artiste  français.  Il  suffit  de 
voir  une  des  belles  estampes  d'Edeliuck 
pour  reconnaître  son  origine;  il  est  le 
légitime  descendant  des  illustres  maî- 
tres qui  ont  mérité  la  dénomination  de 
graveurs  de  Rubens.  Il  résume  en  lui 
tous  les  progrès  de  cette  brillante  et 
vigoureuse  école,  unissant  la  grâce  à 
l'énergie  et  surtout  conservant  cette 
faculté  essentiellement  flamande  de  re- 
produire les  effets  du  coloris. 

Gérard  Edelinck  mourut  le  3  avril 
1707  et  fut  inhumé  à  Saint-Hippolyte, 
paroisse  des  Gobelins,  oîi  l'on  sait  que  le 
roi  lui  avait  donné  un  logement  et  le 
titre  de  professeur  perpétuel  de  l'Aca- 


4C1 


EDELINCK  —  EERSEL 


462 


demie  annexée  à  cet  établissement  pour 
l'instruction  des  tapissiers. 

Le  dernier  ouvrage  qu'il  a  laissé  est  la 
suite  de  quatorze  statues  de  Versailles, 
d'après  les  dessins  de  Chaufourier; 
douze  seulement  étaient  achevées  lors  du 
décès  du  graveur;  il  n'existe  qu'une 
seule  épreuve  d'essai  des  deux  autres 
non  terminées. 

Son  protecteur,  le  ministre  Colbert, 
avait  négocié  son  mariage  avec  Mlle  E.e- 
gnesson,  tille  d'un  riche  graveur;  c'est 
par  cette  union  qu'il  se  trouva  l'allié  de 
Xanteuil,  un  des  plus  célèbres  graveurs 
français,  qui,  le  précédant  dans  la  tombe, 
eut  pour  héritière  sa  nièce,  l'épouse  du 
graveur  anversois. 

Edelinck  eut  plusieurs  enfants  qui 
lui  furent  enlevés  en  bas  âge,  à  l'excep- 
tion de  deux  :  une  fille  qui  épousa  Jean 
Chaufourier,  dessinateur-paysagiste,  et 
un  fils,  Nicolas,  qui  montra  quelques 
dispositions  pour  la  gravure. 

Ce  fils,  né  en  France,  d'un  père  na- 
turalisé français  et  d'une  mère  française, 
peut  d'autant  moins  trouver  place  dans 
la  Bioyraph'ie  nationale  de  la  Belgique, 
qu'il  reçut  toute  son  éducation  dans  son 
pays  natal,  qu'il  ne  cessa  d'habiter  jus- 
qu'à sa  mort.  i,.  Aivm. 

EDELi:\'t'K  {Jean),  graveur  anver- 
sois. On  ignore  la  date  précise  de  sa 
naissance;  il  mourut,  selon  Mariette, 
en  1680;  mais  comme  on  connaît  celle 
de  son  entrée  en  apprentissage  chez  le 
graveur  Huybrechts  (en  1658;,  c'est-à- 
dire  six  ans  après  son  frère  Gérard, 
on  peut  en  conclure  qu'il  était  plus 
jeune  que  celui-ci.  On  a  toutefois  sup- 
posé le  contraire,  parce  que  Jean  fut 
le  premier  des  deux  qui  s'expatria  et 
qu'il  habitait  déjà  Paris  quand  son  frère 
aîné  le  vint  retrouver.  C'est  aux  succès 
et  au  talent  éminent  de  ce  dernier  qu'il 
doit  l'honneur  de  participer  à  l'illustra- 
tion du  nom  qu'il  portait;  son  talent 
personnel  ne  l'eût  point  sauvé  de  l'oubli. 
Jean  a  gravé  d'après  des  maîtres  italiens, 
français  et  hollandais.  Il  a  aussi  exécuté 
des  planches  destinées  à  illustrer  des 
livres,  notamment  les  Tragédies  et  autres 
poésies  latines  du  Père  La  Rue  (Rueus) 
de  la  société  de  Jésus. 


Mariette  dit  qu'il  mourut  à  Paris  en 
1 6  8  0 .  Il  avait  laissé  inachevée  la  planche 
du  Déluge  d'après  Alexandre  Veronèse. 
C'est  son  plus  jeune  frère  Gaspard  qui 
l'acheva  sous  la  direction  de  Gérard. 

L.  Alvin. 

E  OE  L.I  .%c  K  (  Gaspard-Fran  çois) .  Le 
dernier  des  quatre  fils  de  Bernard,  gra- 
veur, né  a  Anvers  le  18  noveml)re  1652, 
mort  à  Paris  en  1722.  Il  reçut  des  leçons 
de  ses  deux  frères  Gérard  et  Jean.  Il  ne 
doit  pas  avoir  fait  de  grands  progrès, 
puisqu'il  abandonna  l'art  de  bonne 
heure  pour  se  livrer  à  d'autres  occupa- 
tions. Il  n'a  laissé  aucun  ouvrage  digne 
d'être  mentionné,  si  ce  n'est  une  œuvre 
de  son  frère  Jean,  qu'il  termina  après  la 
mort  de  celui-ci  (1680),  avec  l'aide  de 
son  frère  Gérard.  On  n'a  pas  conservé  la 
date  du  décès  de  Gaspard-François. 

L.  Alvin. 

EDMOifD  DE  DYKTER,  fonction- 
naire et  historien,  né  vers  1375,  mort 
le    17    février   1448.    Voir    dyxter 

{Edmond  de). 

EECKEii  {Jean  -  Baptiste) ,  écrivain 
dramatique,  prédicateur,  né  à  Liège, 
vers   1552,  mort  en   161.3.  Voir  glex 

{Jean- Baptiste) . 

EErKMAU  {Edouard),  dessinateur, 
graveur  sur  bois  et  en  camaïeu,  vit  le 
jour  à  Malines  dans  la  première  moitié 
du  xviie  siècle.  Il  quitta  sa  patrie  pour 
se  rendre  à  Paris,  où  il  s'appliqua  à 
graver  d'après  J.  Callot.  Il  travailla 
également  d'après  L.  Bussink  et  d'après 
A.  Bosse.  Ses  planches,  ornées  de  figures, 
sont  exécutées  avec  délicatesse.  Selon  de 
Marolles,  l'œuvre  d'Eeckman  consiste 
en  105  pièces;  le  Manuel  de  V amateur 
d'estampes  n'en  cite  cependant  que  trente- 
sept.  Emmanuel  Nwffs. 

Nagler,  IV,  70,  yeuea  allijemcines  kiinsiler 
Lexicon.  ~  Cli  \.t^\Sinz,  Manuel  de  l'aiiiaieiir 
d'estampes,   18oS.  Basan,    Dirtuninaire   dex 

(jraveurs  (Bryan,  1,  374  ;  Gaii,  I,  181  .—  lSio(/ra- 
phie  générale,  Didot,  etc.). 

EERHEL  {Govard-Gérard),  seizième 
évéque  de  Gand,  né  à  Anvers  le  28  dé- 
cembre 1713,  mort  à  Gand  le  24  mai 
1778.  Après  avoir  achevé  brillamment 
ses  humanités,  il  étudia  la  philosophie  à 
Louvain,  à  la   pédagogie  du  Porc,  et  y 


463 


EERSEL 


464 


fut  proclamé  premier  "  au  concours  de 
1734.  La  suite  de  ses  études  ne  démentit 
point  cet  heureux  début  :  il  fit  ses 
licences  en  théologie  et  en  droit  aux 
applaudissements  de  ses  professeurs.  En 
17-i2,  il  fut  pourvu  d'une  prébende  de 
chanoine  gradué  à  la  cathédrale  de  Gand, 
devint,  dès  l'année  suivante,  archidiacre, 
examinateur  synodal  et  député  du  clergé 
aux  états  de  Flandre.  Ses  talents  se 
rehaussaient  encore  par  une  intégrité, 
une  prudence  et  une  exactitude  rares, 
aussi  l'impératrice  Marie-Thérèse  lui 
conféra  la  dignité  de  prévôt  de  Saiut- 
Bavon,  dont  il  prit  possession  le  27  mai 
1765. 

L'évêque  Maximilien  Yander  Xoot, 
accablé  d'infirmité,  et  ne  pouvant  plus 
remplir  seul  les  devoirs  de  l'épiscopat, 
appela  Yan  Eersel  à  remplir  les  fonc- 
tions de  vicaire  général  (1767),  et  le 
chapitre  à  son  tour  le  nomma  vicaire 
capitulaire  lors  de  la  mort  du  prélat.  Il 
devait  bientôt  remplacer  celui-ci;  le 
30  avril  1773,  le  pape  Clément  XIV 
l'éleva  au  siège  épiscopal  de  Gand.  Sa 
charité,  ses  sentiments  évangéliques,  sa 
foi  ardente  ne  tardèrent  pas  à  se  mani- 
fester. Il  publia  des  instructions  tendant 
à  réformer  les  mœurs ,  à  préconiser 
l'obéissance  du  clergé  au  pouvoir  tem- 
porel, et,  plus  particulièrement,  à  com- 
battre le  paupérisme,  la  mendicité, 
sources  d'une  foule  de  désordres  sociaux . 
Il  ne  se  bornait  point  à  écrire  à  ce  sujet 
une  excellente  exhortation,  qui  fut  pu- 
bliée par  le  comte  Yilain  XIIII,àrépoque 
où  l'on  fondait  la  maison  de  détention  de 
Gand,  mais  il  combattait  par  ses  lar- 
gesses le  fléau  qu'il  signalait,  et  consa- 
crait chaque  année  à  cette  réforme  des 
sommes  considérables.  Gand  ne  possé- 
dait alors  aucun  grand  hospice  pour  les 
pauvres  vieillards  :  quelqiies  établisse- 
ments isolés  et  restreints  venaient  seuls 
en  aide  à  la  misère  et  à  la  vieillesse. 
Yan  Eersel  travailla  ardemment  à  com- 
bler cette  singulière  et  regrettable  lacune 
dans  une  ville  aussi  populeuse.  Ayant 
obtenu  en  location  les  vieux  bâtiments 
de  la  cour  de  Saint-Antoine  {Hof  van 
Sinte-Anto)ims),  qui  n'abritaient  plus 
cfu'un  petit  nombre  d'indigents,  il  trouva 


un  moyen  aussi  simple  qu'ingénieux  afin 
de  recueillir  des  ressources  financières 
pour  réaliser  ses  charitables  intentions. 
A  cet  efiet,  il  fit  préparer  dans  son 
palais  un  souper  somptueux,  auquel  il 
convia  la  noblesse,  les  principaux  né- 
gociants et  les  notables  de  la  ville.  Yers 
la  fin  de  ce  banquet,  quand  il  s'aperçut 
que  ses  convives  se  trouvaient  dans  des 
dispositions  favorables,  il  leur  peignit, 
avec  une  chaleureuse  éloquence  ,  la 
triste  condition  des  ouvriers  qui,  après 
une  honnête  et  laborieuse  existence,  se 
trouvaient  réduits,  en  raison  de  leurs 
infirmités,  à  vivre  pêle-mêle  avec  les 
vagabonds  qui  pullulent  dans  toutes  les 
grandes  villes.  Habitant  de  Gand,  comme 
vous  tous,  dit-ilj  je  veux  avoir  ma  part 
des  charges  que  cette  qualité  impose,  et 
pour  soulager  tant  de  misères,  pour 
venir  en  aide  à  tant  de  malheureux,  je 
vous  demande  de  nous  entendre,  de  nous 
unir;  les  moyens  secourables  se  trouvent 
en  nos  mains  :  faisons  une  souscription 
en  faveur  de  nos  pauvres,  et  notre  au- 
mône collective  sufira  à  atténuer  tous 
les  maux  que  nous  déplorons. 

On  ne  pouvait  rester  sourd  à  une 
pareille  exhortation;  tous  les  convives 
parurent  disposés  à  se  montrer  bienfai- 
sants; et  le  prélat,  prenant  l'initiative, 
s'inscrivit  le  premier  pour  20,000  flo- 
rins. C'était  prêcher  d'exemple.  Cent 
mille  florins  furent  recueillis  ce  jour-là, 
et  la  contagion  de  la  bienfaisance  ga- 
gnant de  proche  en  proche,  on  réunit  en 
quelques  semaines  les  fonds  nécessaires 
à  entretenir  quatre  cents  pauvres  vieil- 
lards des  deux  sexes.  Plus  tard,  la  ré- 
gence de  Gand  vendit  définitivement  le 
local  au  nom  de  G.  van  Eersel,  du  baron 
Yander  Meersch  de  Berlaere,  du  sieur 
Moeraert,  et  l'hospice  aujourd'hui  si 
important,  fut  fondé.  Il  devint  ensuite 
la  propriété  des  hospices  civils  de  Gand; 
grâce  aux  libéralités  successives  qui  y 
ont  été  faites  et  à  la  sage  direction,  il 
est  aujourd'hui  un  modèle  pour  les  éta- 
blissements de  bienfaisance.  C'est  comme 
fondateur  de  cette  belle  institution  cha- 
ritable que  le  nom  de  Vau  Eersel  mérite 
d'occuper  une  place  spéciale  dans  la 
BiograpJiie  vatiovaîe. 


465 


EERSEL  -  EESBEECK 


46fi 


Par  son  testament,  le  pienx  évêque 
légua  des  sommes  considérables  aux 
indigents,  entre  autres  une  somme  de 
dix-huit  mille  florins  de  Brabant  aux 
pauvres  impotents  des  deux  sexes  placés 
à  la  cour  Saint-xVntoine  ;  il  laissa  sa 
bibliothèque  au  séminaire  épiscopal  et 
fonda  aussi  des  bourses  d'études  à  l'uni- 
versité de  Louvain. 

On  voit  dans  la  cathédrale  de  Saint- 
Bavon  le  monument  érigé  en  l'honneur 
de  Van  Eersel,  monument  pour  lequel 
le  sculpteur  Ch.  van  Poucke  exécuta  la 
statue  de  la  Charité,  et  F.-.T.  Janssens 
la  statue  allégorique  de  la  Toi.  La  sé- 
pulture et  l'épitaphe  du  prélat  se  trou- 
vent dans  la  crypte,  et  son  portrait, 
travaillé  en  mosaïque  est  incrusté  dans 
le  monument. 

Aiig.  Vinilrr  MciTsch. 
Hellin,  Histoire  chronoloçfiqiie  du  chapitre  de 
Siiiul-Hninni,  t.  I.  —  Van  Beuu'liein,  Oralio  in 
lidtere  C.  (i.  Van  Eeisci.  —  Vandfnelde,  Synop- 
sis ttiottuiiientorinii,  i.  Il,  p  riol  et  toine  III. 
]).  SCO.  1)0  lîruii,  Sfinodicum  Beliiicum  Gand  , 
p.  40a.  —  Heljbelynck,  }\olice  biof/raphique  (pu- 
bliéi!  ilans  le  Messager  des  sciences  historiques, 
aiiniV"  1844  , 

KKSBF.ECti.  {HoHoré- Henri  o'j,  dit 
V.WDER  Haghek,  seigneur  de  Pdviere- 
d'Arschot,  etc.,  magistrat  et  homme 
d'Etat,  fils  de  Henri  d'Eesbeeck  dit 
Valider  Haghen,  qui  fut  successivement 
écheviu  et  trésorier  de  Bruxelles.  Il 
naquit  en  cette  ville  le  8  octobre  1659. 
Sa  famille,  originaire  du  Brabant,  était 
noble  et  ancienne.  D'Eesbeeck  débuta 
dans  la  carrière  judiciaire  comme  avocat 
au  conseil  de  Brabant.  Il  ne  tarda  pas  à 
se  faire  remarquer  par  son  mérite.  Le 
grand  conseil  de  Malines  le  proposa, 
avec  deux  autres  candidats,  pour  une 
place  de  conseiller,  devenue  vacante 
dans  son  sein.  L'électeur  de  Bavière, 
gouverneur  général  des  Pays-Bas,  donna 
la  préférence  à  d'Eesbeeck,  qui  fut 
nommé  par  lettres  patentes  du  7  no- 
vembre 1696.  En  1707,  il  obtint  la 
charge  de  surintendant  de  la  justice  mi- 
litaire, sans  cesser  de  remplir  ses  fonc- 
tions au  grand  conseil.  On  se  trouvait 
alors  au  milieu  de  la  guerre  pour  la  suc- 
cession d'Espagne.  La  plus  grande  partie 
des  Pays-Bas  avait  été  conquise  par  les 
alliés.  Laconférence,  qui  représentait  les 


deux  puissances  maritimes  à  Bruxelles, 
sut  apprécier  les  talents  du  conseiller 
d'Eesbeeck  et  le  fit  entrer  au  conseil 
d'Etat,  établi  par  ces  puissances  pour  le 
gouvernement  de  nos  provinces  (1711). 
Mais  les  ministres  anglais  et  hollandais 
ayant  voulu  imposer  aux  membres  du 
conseil  un  serment  qid  les  eût  assujettis 
à  toutes  leurs  réquisitions,  parfois  très- 
préjudiciables  aux  intérêts  du  pays, 
d'Eesbeeck  donna  sa  démission  avec  ses 
collègues,  et  reprit  ses  fonctions  au 
grand  conseil,  car  ce  fut  sous  cette  ré- 
serve qu'il  avait  accepté  un  siège  au 
conseil  d'Etat.  Il  ne  tarda  pas  à  être  rap- 
pelé à  Bruxelles.  Après  la  paix  d'L'trecht, 
qui  mit  l'empereur  Charles  VI  en  pos- 
session des  Pays-Bas,  le  comte  de  Konig- 
segg,  ministre  plénipotentiaire  de  ce 
monarque  à  Bruxelles,  jeta  les  yeux  sur 
d'Eesbeeck  et  lui  confia  la  direction  et 
l'expédition  de  toutes  les  affaires  qui 
étaient  du  ressort  des  anciens  conseils 
d'Etat  et  privé.  D'E-esbeeck  s'acquitta 
de  cette  tâche  difficile  d'une  manière 
qui  lui  valut  l'entière  approbation  du 
comte.  Sous  le  ministère  du  marquis 
de  Prié,  qui  succéda  à  KiJnigsegg,  il  fut 
chargé  de  fonctions  tout  aussi  élevées  et 
fit  partie  du  conseil  privé.  Il  assista  le 
marquis  dans  les  affaires  les  plus  im- 
portantes du  gouvernement,  surtout  lors 
des  troubles  qui  éclatèrent  à  Bruxelles 
et  qui  eurent  pour  dénoûment  l'exécu- 
tion du  doyen  Anneessens.  Il  s'attira 
ainsi  la  haine  du  peuple  et  dut  se  mettre 
en  sûreté  avec  sa  famille.  La  maison 
qu'il  occupait  n'échappa  que  par  hasard 
au  pillage.  D'Eesbeeck  n'en  resta  pas 
moins  le  serviteur  dévoué  du  pouvoir. 
Xous  le  retrouvons  siégeant  comme  con- 
seiller de  robe  longue  au  conseil  d'Etat 
institué  par  un  diplôme  de  l'empereur 
du  29  mai  1718,  diplôme  qui  donna  une 
nouvelle  forme  au  gouvernement  du  pays. 
En  1724,  Charles  VI  l'appela  à  Vienne 
et  le  nomma  du  conseil  suprême  des 
Pays-Bas.  Enfin,  l'année  suivante,  il  ré- 
corçpensa  ses  longs  et  fidèles  services  par 
la  charge  émiuente  de  chancelier  du  con- 
seil de  Brabant  (pat.  du  18  juin)  et  en 
l'honorant  du  titre  de  vicomte.  D'Ees- 
beeck occupa  cette  charge  pendant  près- 


1 


467 


EESBEECK  -  EGAS 


468 


que  toute  la  durée  du  gouvernement, 
peu  marquant  dans  notre  histoire,  de 
l'archiduchesse  Marie-Elisabeth,  sœur  de 
Charles  VI.  Le  vicomte  d'Haghen,  car 
tel  est  le  nom  qu'il  porta  dès  1725, 
mourut  à  Bruxelles  le  1er  juin  1739.  Il 
fut  inhumé  dans  l'église  des  PP.  Augus- 
tins,  où  il  s'était  fait  ériger  un  beau 
mausolée,  portant  une  épitaphe  qui  rap- 
pelait les  traits  principaux  de  sa  car- 
rière. Sa  femme,  Cornélie-Pauline  Ku- 
bens ,  descendait  en  ligne  directe  du 
peintre.  Le  chancelier  d'Eesbeeck  n'a 
pas  écrit,  que  nous  sachions,  des  ou- 
vrages sur  le  droit  ni  d'autres.  Toute- 
fois, il  existe  de  lui,  dans  les  Archives 
du  conseil  de  Brabant  (archives  du 
royaume),  la  minute  d'un  mémoire  sur 
un  point  de  l'ancien  droit  brabançon. 

L.  Galesloot. 

Biographies  mamtscriies  des  membres  du  con- 
seil privé  et  du  conseil  de  Brabant.  —  Biilz, 
Mémoire  sur  l'ancien  droit  belgique. 

EG.4.«»  {Anequin  de),  de  Bruxelles, 
architecte,  mort  à  Tolède  en  14-94.  Les 
écrivains  espagnols  sont  les  seuls  qui 
parlent  de  ce  grand  artiste,  sur  lequel 
rien  n'a  encore  été  découvert  en  Bel- 
gique. Seulement,  comme  Anequin  ou 
Hans  est  évidemment  une  forme  dif- 
férente du  prénom  Jean  et  que  Ega 
signifie  chêne  en  espagnol,  on  a  supposé 
qu'il  s'appelait  en  réalité  Jean  Vander 
Eycken.  Or  il  a  existé  dans  notre  pays 
deux  tailleurs  de  pierre  et  architectes 
de  ce  nom  :  l'un,  qui  fut  le  dernier  des 
maîtres  des  maçonneries  de  la  collégiale 
de  Sainte-Gudule  et  qui  travailla  à 
l'achèvement  de  cette  église  en  1491  et 
1499,  le  même  sans  doute  que  le  Jean 
Vander  Eecken,  de  Bruxelles,  auquel 
s'adressèi'ent  les  magistrats  d'Audenarde 
en  1505, pour  obtenir  un  modèle  d'hôtel 
de  ville;  le  même  encore  qui,  sous  le 
nom  de  maître  Vander  Eycken,  fut  puni 
d'amende,  à  Bruxelles,  en  1509,  pour 
ne  pas  avoir  observé  le  règlement  de 
police  sur  la  chaux  ;  l'autre  Vander 
Eycken,  antérieur  d'un  demi- siècle, 
qui,  en  1448,  exécuta  quelques  modèles 
pour  les  tailleurs  de  pierre  travaillant 
à  l'hôtel  de  ville  de  Louvain  et  qui  était 
payé  à  l'égal  de  l'architecte  de  cet  édi- 


fice, à  raison  de  12  plaques  par  jour, 
selon  Van  Even  {Les  Artidefi  de  Vhôtel 
de  ville  de  Louvain,  p.  24). 

Ne  serait-ce  pas  ce  dernier  qui,  ayant 
quitté  le  pays,  serait  allé  en  Espagne.'' 
Là,  en  1459,  il  est  chargé,  en  qualité  de 
maître  des  œuvres  de  l'église  primatiale 
de  Tolède,  de  diriger  les  travaux  qui 
s'y  effectuent,  et  c'est  lui,  notamment, 
qui  élève  la  célèbre  porte  des  Lions, 
avec  l'aide  d'un  grand  nombre  d'hommes 
de  talent,  la  plupart  ses  compatriotes, 
tels  que  Jean  et  Pierre  Guas,  François 
Arenas  ou  Vande  Sande,  François  de 
Las  Cuebas,  etc.  Une  grande  partie  de 
l'édifice,  où  le  style  flamboyant  se  dé- 
ploie avec  une  grandeur  qu'il  atteignit 
rarement,  est  due  probablement  à  Egas, 
qui  resta  en  fonctions  jusqu'en  1494, 
époque  de  sa  mort.  Mais  on  regarde 
comme  son  chef-d'œuvre  la  porte  dont 
nous  venons  de  parler  et  qui  offre  une 
ressemblance  marquée  avec  plusieurs 
portails  de  la  Belgique,  sauf  que  la 
décoration  en  est  beaucoup  plus  riche. 

"  Cette  façade,  dit  M.  Jean  Rous- 
»  seau,  doit  son  nom  à  une  grille  dont 
«  les  intervalles  sont  remplis  par  six 
c  colonnes  surmontées  chacune  d'un 
«  lion  tenant  un  écusson  dans  ses  griffes.  « 
..."  A  écrire,  à  nommer,  ou  seulement  à 
u  compter  les  anges,  les  saints  et  les 
»  prélats  qui  fourmillent  dans  les  ni- 
«  ches  et  sur  les  piédestaux  de  cette 
«  façade,  le  pied  en  prendrait  racine 
"  devant  cette  admirable  porte,  écrit 
»  M.  de  la  Tour,  dans  son  Voyage  en 
1  Espagne.  •<  Péjà  Antonio  Ponz,  dans 
son  Fiage  de  Espana,  avait  signalé  la 
façade  de  la  cathédrale  de  Tolède  comme 
une  merveille  d'exécution. 

Jean  de  Egas  eut  un  fils,  architecte 
hors  ligne  et  qui  parcourut  une  brillante 
carrière.  Il  s'appelait  Hendrique  de 
Egas  et  souvent  on  le  nommait  et  lui- 
même  signait  simplement  Hendrique. 
Dès  l'année  1495,  il  fut  appelé  à  rem- 
plir l'emploi,  que  son  père  avait  occupé, 
d'architecte  de  la  cathédrale  de  Tolède, 
et  il  l'occupa  jusqu'en  1534.  En  1504, 
l'archevêque  de  Saragosse,  don  Alonso 
d'Aragon,  avait  désiré  qu'il  se  chargeât 
de  restaurer  le  clocher  de  l'église  de  la 


469 


EGAS 


170 


?eu,  clans  cette  ville,  clocher  dont  on 
craignait  l'écroulement  ,  mais  Henri 
s'excusa  sur  ce  qu'il  avait  reçu  du  roi 
Ferdinand  l'ordre  de  s'occuper  de  la 
construction  du  grand  hôpital  de  Saint- 
Jacques  de  Corapostelle.  En  1516,  on 
le  trouve  à  Séville,  visitant  les  voûtes 
que  l'on  élevait  au  clocher  de  la  grande 
église,  et  trois  ans  après,  il  revient 
inspecter  ces  constructions,  auxquelles 
il  donna  son  approbation.  Ce  fut  lui  qui, 
en  1519,  ouvrit  des  jours  dans  la  cha- 
pelle mozarabe  de  Tolède,  dans  la  partie 
au-dessus  de  laquelle  on  édifia,  un  siècle 
plus  tard,  la  lanterne  ou  dôme  vitré,  dit 
de  Theotocopouli.  Il  alla  encore  exami- 
ner, en  1520,  la  cathédrale  de  Sara- 
gosse;  en  1522,  celle  de  Salamanque; 
en  1528,  celle  de  Malaga,  et  mourut 
en  1543. 

Il  serait  difficile  de  retrouver  dans 
ces  différents  édifices,  répandus  sur 
presque  tous  les  points  de  l'Espagne,  ce 
qui  appartient  en  propre  à  Henri  de 
Egas;  il  n'y  fit  guère  que  compléter  ou 
corriger  la  pensée  d'autrui,  et  souvent  il 
avait,  pour  ces  missions,  des  collègues, 
avec  les  idées  desquels  il  devait  compter. 
Par  bonheur,  il  nous  est  resté  de  lui 
deux  productions  merveilleuses,  où  son 
talent  a  pulibrement  s'épanouir.. Te  veux 
parler  du  grand  Collège  de  Valladolid  et 
de  l'Hospice  des  enfants  abandonnés  de 
Tolède,  ce  dernier  converti  aujourd'hui 
en  Ecole  militaire.  Le  cardinal  Petro 
Gonzalez,  de  Mendoza,  archevêque  de 
.Tolède,  à  qui  l'on  doit  la  fondation  de 
l'hospice,  avait  chargé  Anequi'i  de  Egas 
d'en  donner  les  plans  et  d'en  diriger  la 
construction,  mais  la  mort  empêcha  l'ar- 
chitecte bruxellois  de  s'occuper  de  ce 
travail,  qui  fut  donné  à  son  fils  et  réa- 
lisé par  lui  de  1504  à  1514.  On  peut 
dire,  déclare  un  critique,  que  la  nature 
avait  doué  celui-ci  d'un  sentiment  ex- 
quis de  l'élégance.  S'emparant  d'une 
idée  nouvelle  en  architecture,  il  réussit 
à  lui  donner,  pour  ainsi  dire,  la  vie,  et 
la  force  à  s'épanouir  en  un  temps  donné, 
en  se  montrant  dans  toute  la  richesse  de 
sa  floraison. 

Il  sait  combiner   la   régularité   et   la 
grâce  gréco-romaine  avec  les  poétiques 


fantaisies  du  style  mozarabe.  Ses  qua- 
lités, il  les  déploie  surtout  dans  l'exécu- 
tion de  la  porte  principale  de  l'hospice, 
vrai  bijou  d'architecture  et  dans  un 
escalier  monumental ,  d'un  eflét  sans 
pareil.  La  façade  du  collège  est  égale- 
ment d'une  beauté  achevée  et  le  tom- 
beau du  cardinal  Mendoza,  dans  la  ca- 
thédrale de  Tolède,  une  œuvre  des  plus 
réussies  du  genre  dit  plateresque. 

Ce  deuxième  Egas  était-il  Espagnol 
ou  Belge?  Il  faudrait,  pour  décider  cette 
question,  connaître  l'âge  auquel  il  par- 
vint et  s'il  était  déjà  né  en  1459,  date 
de  l'apparition  de  son  père  en  Espagne. 
Disons  seulement  qu'il  y  avait  en  Bel- 
gique, au  xve  siècle,  un  maître  tailleur 
de  pierre  du  nom  de  Henri  Vander 
Eyckfn;  il  entreprit  en  1445,  des  four- 
nitures de  matériaux  pour  l'hôtel  de  ville 
de  Louvain.  Nous  trouvons  à  Bruxelles, 
parmi  les  jeunes  gens  qui  se  fiancèrent 
dans  l'église  Saiute-Cîudule,  à  la  date 
du  1er  août  14S4,  Henri  Vander  Eycken 
et  Catherine  Vander  Beken  ;  au  2^  août 
14S5,  Pierre  Vander  Eycken  et  Suzanne 
Popeliers. 

Henri  de  Egas  ne  fut  pas  le  dernier 
représentant  de  sa  famille.  Après  lui 
apparaissent  ses  fils  Diego  et  Pierre. 
Le  premier  exécuta,  avec  Melchior  de 
Salmeron,  les  ornements  et  les  sculp- 
tures de  la  chapelle  que  l'on  construisit 
dans  la  cathédrale  de  Tolède  et  du  mau- 
solée splendide,  dit  des  nouveaux  rois, 
que  l'on  y  plaça  avec  l'autorisation  de 
Charles-Quint.  Diego  et  Melchior  s'en 
acquittèrent  à  la  satisfaction  du  cha- 
pitre de  la  cathédrale  et  de  l'architecte, 
Alonzo  de  Covarrubias.  Le  sarcophage 
du  roi  Jean  II  est  regardé  comme  un 
chef-d'œuvre.  Quant  à  Pierre  de  Egas, 
il  était  peintre,  et  dirigea,  avec  Jean  de 
Bourgogne,  la  peinture  du  grand  reta- 
ble de  la  chapelle  dont  nous  venons  de 
parler ,  peinture  exécutée  par  François 
de  Coraontes,  en  1537.  Il  fut  en  outre 
l'un  des  experts  chargés  d'examiner 
l'exécution  des  peintures  dont  on  avait 
orné  les   portes   des   orgues   du   même 

temple.  Alphonse  Wautci s. 

Pons,   Viage  de  Espana,  t.    I.  —  Bermudez, 
Moticiua  de  los  archiiecios  de  Espana,  t  I,  p.  133- 


4TI 


ËGAS  —  EGINHARÎ) 


À1^2 


Joo  el  passiin.—  Magasin  pilloresque,  XI<^  année, 
p.  314.  -  Rousseau,  L'Espagne  monumentale.  De 
quelques  maîtres  flamands  \Bulleiin  des  commis- 
sions d'art  ei  d'archéologie,  IX<=  année,  p.  o-26 
et  suiv.,.  —  SchoY,  Histoire  de  l'injluence  ita- 
lienne sur  l'arcliitecture  dans  les  Pays-Bas, 
p    48. 

KGCiERT  {Guill.),  financier,  homme 
d'Etat,  né  probablement  à  Gand  vers 
1340,  mort  le  15  juillet  1417  ;  quelques 
biographes  le  croient  originaire  de  Wa- 
terland.  Les  données  sur  ses  premières 
années  manquent;  on  le  trouve  citoyen 
d'Amsterdam,  y  remplissant  les  fonc- 
tions d'échevin,  pourvu  d'une  fortune 
colossale  et  en  haute  faveur  auprès  de 
Guillaume  VI,  auquel  il  vint  en  aide  en 
lui  fournissant  des  sommes  considéra- 
bles, lorsque,  en  1392,  celui-ci  dut 
s'enfuir  du  trône  de  son  père,  le  duc 
Albert  de  Bavière.  Guillaume  se  souvint 
de  ces  bienfaits;  à  peine  parvenu  au 
pouvoir,  un  de  ses  premiers  actes  fut  de 
nommer  Guillaume  Eggert,  conseiller 
de  la  ville  d'Amsterdam,  écuyer  et  tré- 
sorier de  Hollande.  Eggert  fut  de  noii- 
veau  dans  le  cas  de  rendre  de  grands 
services  à  ce  prince  en  mettant  de  l'ordre 
dans  ses  finances,  fort  obérées  par  suite 
de  dépenses  excessives.  Guillaume  estima 
hautement  les  mérites  d'Eggert;  il  lui 
donna  des  marques  de  sa  confiance  en  le 
chargeant  de  négocier  la  trêve  de  trois 
ans  (26  avril  1414).  Dans  cette  circon- 
stauce,  Eggert  se  montra  à  la  hauteur  de 
sa  tâche  et  fit  preuve  de  connaissances 
étendues  en  diplomatie. 

Eggert  n'était  point  d'extraction  no- 
biliaire; mais,  grâce  à  sa  grande  for- 
tune, il  se  fit  construire  un  château 
somptueux  au  Purmer-meer,  et  le  luxe 
étalé  par  lui  y  attirait  tant  d'habitants, 
qu'il  devint  le  fondateur  de  la  ville  de 
Purmerend,  seigneurie  qui  lui  fut  con- 
cédée ainsi  que  celle  de  Purmerland  par 
Guillaume  A'I,  qui  lui  accorda  aussi 
d'importants  privilèges  pour  la  ville 
d'Amsterdam.  Cette  ville  lui  a  beau- 
coup d'obligations  :  il  y  fonda,  entre 
autres,  en  1414  la  Xouvelle-Eglise  et 
puis,  concurremment  avec  son  fils  Jean, 
le  collège  théologique.  Il  demeurait  alors 
à  Amsterdam,  sur  le  Pam. 

!Sa  faveur  était  grande  auprès  de  Guil- 


laume VI,  qui  le  combla  d'assez  d'hon- 
neurs pour  rendre  la  noblesse  envieuse; 
aussi  ne  laissa-t-elle  échapper  aucune 
occasion  de  lui  rendre  la  vie  désagréa- 
ble. Mais  le  prince  lui  prouva  sa  recon- 
naissance en  déclarant  aux  nobles  qu'il 
leur  recommandait  d'une  manière  toute 
spéciale  son  ami  Eggert,  et  qu'il  s'en 
prendrait  à  eiix  si  une  tuile  seulement 
venait  à  lui  tomber  sur  la  tête  et  lui 
occasionnait  des  blessures.  Il  mourut  à 
Purmerstein  et,  si  l'on  peut  en  croire 
quelques-uns  de  ses  biographes,  il  mou- 
rut par  suite  des  chagrins  que  lui  cau- 
sait l'aristocratie.  Son  corps  fut  trans- 
porté à  Amsterdam  et  enterré  dans  la 
Xouvelle-Eglise^  dans  la  chapelle  nom- 
mée Guillaume  Eggert,  où  son  épitaphe 
est  encore  conservée.  Il  existe  un  por- 
trait de  Guillaume  Eggert. 

Aug.  Valider  Meeisch. 

Vander  Aa,  Biographisch  woordenboek,  et  les 
ouvrages  cités  par  cet  auteur. 

EGIDE  »E  G.%:\'D,  philosophe,  phy- 
sicien, né  à  Gand.  xiiie  siècle.  Voir 
Gilles  de  Gaxd 

EC:i:%'UARD    ou    plutôt    EllIUAnD, 

car  il  signait  Eixhardus,  historien, 
vécut  au  ixp  siècle  et  mourut  en  844, 
d'après  la  chronique  de  Saint-Bavon.  On 
manque  de  données  exactes  pour  établir 
l'époque  de  sa  naissance;  mais  comme 
il  raconte  qu'il  fut  élevé  avec  les  en- 
fants de  Charlemagne,  nous  pouvons 
supposer  qu'il  était  du  même  âge  qu'eux; 
ainsi,  en  admettant  qu'il  soit  né  de  770 
à  775  (1),  on  fixe  une  date  probable, 
attendu  que  le  fils  aîné  de  Charlemagne, 
Pépin,  naquit  en  770.  Le  lieu  de  sa 
naissance  n'a  pu  être  rigoureusement 
déterminé;  certains  biographes  suppo- 
sent qu'il  est  né  au  pays  de  Liège, 
d'autres  affirment  qu'il  naquit  dans 
l'Odenwald,  canton  du  grand-duché  de 
Hesse-Darmstadt;  quoi  qu'il  en  soit, 
une  grande  partie  de  son  existence  se 
rattache  à  l'histoire  de  la  Belgique  et 
celle-ci  peut  le  revendiquer  comme  étant 
tm  de  ses  enfants.  La  haute  naissance 
d'Eginhard   ne  peut  guère  être  mise  en 

(I)  Cette  dernii're  (laie  est  donnée  par  A  Butler 
(édit.  1834),  t.  Ml,  p.  -118  noie. 


473 


EGINHARD 


-iT4 


doute  ;  il  appartenait  probablement  aune 
de  ces  familles  illustres  dont  les  enfants 
fréquentaient  l'école  palatine  d'Aix-la- 
Chapelle,  dirigée  par  le  célèbre  Alcuin, 
et  où  les  fils  de  l'empereur  recevaient 
également  l'instruction.  «  Quem  Carolus 
princeps  propria  aula  nutrivit  «  dit  Ra- 
ban  Maur  dans  l'épitaphe  d'Eginhard. 
Cette  école,  fondée  en  788,  en  vertu  de 
la  célèbre  constitution  :  »  Constitutio  de 
scholis  per  singula  episcopia  et  monas- 
teriainstituendis(l)  «, marque  la  renais- 
sance des  lettres  au  moyen  âge.  r)'aprôs 
Alcuin  lui-même,  Eginhard  fit  de  ra- 
pides progrès  dans  les  lettres  grecques 
et  latines,  ainsi  que  dans  les  sciences 
exactes.  Deux  détails  nous  le  prouvent, 
du  reste  :  Alcuin  ayant  adressé  quelques 
problèmes  de  mathématiques  à  Charle- 
magne,  celui-ci  s'en  reposa  sur  Egin- 
hard pour  les  expliquer;  et  c'est  encore 
Eginhard  que  Loup  de  Eerrières,  dans 
sa  quatrième  lettre,  consulte  sur  quel- 
ques difficultés  du  premier  livre  de 
l'arithmétique  de  Booce'(2).  L'école  pa- 
latine avait  adopté  une  coutume  qui  eut 
des  imitateurs  plus  tard  :  au  seuil  de 
l'école,  chacun  quittait  son  nom  mon- 
dain pour  en  prendre  un  autre  emprunté 
à  l'antiquité;  ainsi  Charlemagne  prit 
celui  de  David,  Alcuin  celui  de  Flaccus, 
Angilbert  celui  d'Homère,  Eginhard 
reçut  le  nom  de  Bezéléel  :  or,  ce  Bezé- 
léel  était,  d'après  l'Ecriture,  un  neveu 
de  Moïse,  auquel  Dieu  avait  accordé, 
avec  le  don  de  la  sagesse,  l'aptitude  né- 
cessaire à  travailler  le  bois  et  tous  les 
métaux  destinés  à  l'Arche  et  au  Taber- 
nacle. Ce  surnom  fut  comme  une  pré- 
destination ;  car  plus  tard,  Eginhard  fut 
préposé  par  Charlemagne  à  l'exécution 
des  travaux  publics  dans  ses  immenses 
Etats.  C'est  seulement  sur  la  foi  du  car- 
tulaire  de  Lorsch,  formé  à  la  fin  du 
xii^  siècle,  qu'on  a  cru  qu'il  avait  été 
notaire  et  archichapelain  de  Charle- 
magne  (3);  s'il   avait   occupé   ces   em- 

d;  Baluze,  I,  iJOl-202. 

{•2  Alcuini  Opéra,  Edit.  Foppens,  1,  l2o.  — 
Teiilcl,  Œuvres  complètes  d'Eginhard,  Paris, 
18'.:i.  II,XCIV  etl69-l7;i 

(A)  De  Wailly,  Eléments  de  Paléoriraphte, 
a  (lre.-sé,  d'après  les  acies  authentiques,  une  liste 
complète  des  notaires  de  Cliarleiiiaene  et  de  ses 
chanceliers  ;  le  nom  dEf,'inliard  ne  s  y  trouve  pas. 


plois,  Raban  ^laur,  son  contemporain, 
qui  composa  son  épitaphe,  n'aurait  pas 
manqué  d'en  faire  mention,  et  comme 
il  n'en  dit  rien,  ou  peut  supposer  que 
cette  croyance  est  sans  fondement.  En 
802  ou  803,  le  nom  d'Eginhard  ap- 
paraît pour  la  première  fois  dans  un 
acte  public,  oii  il  est  cité  parmi  les 
grands  chargés  de  la  garde  des  otages 
saxons,  et  qui  devaient  les  représenter 
à  l'assemblée  de  Mayence  (4).  En  806, 
il  reçut  la  mission  d'aller  porter  au  pape 
Léon  l'acte  de  partage  des  Etats  de 
Charlemagne,  afin  que  le  pontife  y  appo- 
sât sa  signature.  En  813,  ce  fut  lui 
qui,  dans  l'assemblée  solennelle  d'Aix- 
la-Chapelle,  d'après  le  témoignage  d'Er- 
moldus  Xigellus  (.5),  provoqua  la  décla- 
ration par  laquelle  Charles  associa  son 
fils  Louis  à  l'empire.  On  rapporte  qu'il 
proposa  à  Charlemagne  de  joindre  la  mer 
d'Allemagne,  la  Méditerranée  et  la  mer 
Xoire,  au  moyen  de  deux  canaux,  dont 
le  premier  aurait  communiqué  de  la 
Moselle  à  la  Saône,  et  le  second  du 
Rhin  au  Danube.  Il  est  permis  de  croire 
avec  Yan  Lokeren  (6),  qu'il  obtint  les 
deux  abbayes  de  Saint-Pierre  au  mont 
Blandin  (faussement  appelée  Rlandigny 
par  les  auteurs  français)  et  de  Saint- 
Bavon  à  Gand,  dès  l'année  811,  lorsque 
l'empereur  vint  avec  lui  dans  cette  ville 
pour  inspecter  les  navires  qu'il  y  faisait 
construire,  afin  de  préserver  les  bouches 
de  l'Escaut  des  invasions  des  pirates 
normands.  Ce  qui  est  hors  de  doute,  c'est 
que  cette  donation  est  antérieure  à  l'an- 
née 814,  époque  de  la  mort  de  Charle- 
magne. Mais  on  se  trompe, croyons-nous, 
en  attribuant  à  Eginhard  la  reconstruc- 
tion de  l'abbaye  de  Saint-Bavon  :  cette 
reconstruction  avait  été  commencée  par 
son  prédécesseur  Briddo  ;  on  est  en  droit 
seulement  de  supposer  qu'il  l'acheva, 
attendu  qu'en  819,  le  monastère  se 
troixvait  tout  à  fait  en  état  (7).  Louis, 
devenu  seul  maître  de  l'empire,  confirma 

;'»;  I*crtz,  Scriplores,  II,  427. 

îi,  Teulet,  II,  Piec.  jnstif.,  VII. 

;6l  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint- Ho roii,  Iti  — 
Cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint-Pierre  au  moni 
Blandin.  I,  2«  part  ,  XLVIil 

(7)  Van  Lokeren,  Hisl.  de  l'abbaye  de  Saini- 
Bavon,  lo  et  16. 


475 


EGINHARD 


476 


Eginhard  dans  son  emploi  de  chef  des 
travaux  publics  (1),  et,  en  817  ou  peu 
après,  le  nomma  gouverneur  de  Lothaire, 
quand  il  associa  celui-ci  à  l'empire  (2). 
Le  11  janvier  815,  l'empereur  lui  donna 
les  deux  domaines  de  Mulinheim  ou 
Ober-Muhlheim,  près  de  Mayence,  et 
de  Michelstadt,  dans  l'Odeuwald,  pour 
en  jouir,  hii  et  ses  héritiers.  C'est  à 
Mulinheim  qu'Eginhard  se  retira  peu 
après  la  mort  de  Charlemagne;  il  ne 
quitta  plus  sa  retraite  que  pour  paraître 
de  temps  en  temps  à  la  cour,  ou  dans 
de  graves  occasions,  par  exemple,  quand 
il  se  rendit  à  Compiègne,  afin  de  s'op- 
poser aux  tentatives  criminelles  de  Lo- 
thaire contre  son  père.  C'est  à  Mulinheim 
que,  de  815  à  820,  il  s'occupa  d'écrire  la 
vie  de  Charlemagne,  et  qu'il  fonda  une 
congrégation  de  prêtres  séculiers  chargés 
du  service  divin  dans  cet  endroit.  Le 
2  juin  815,  il  obtint  de  Louis  la  con- 
firmation des  privilèges  d'immunité  ac- 
cordés par  Charlemagne  à  l'abbaye  de 
k^aint-Pier^e  au  mont  Blandin  (3j.  C'est 
à  l'époque  d'Eginhard  qu'appartiennent 
les  registres  territoriaux  et  les  livres 
censuels  de  l'abbaye  de  Saint-Pierre,  si 
précieux  pour  l'étude  des  mœi^rs  sous 
le  régime  des  Carolingiens.  iS'os  deux 
abbayes  furent  les  premières  que  posséda 
Eginhard;  mais  cette  possession  n'im- 
pliquait pas  l'idée  qu'il  fût  moine;  pen- 
dant longtemps,  en  efi'et,  il  fut  abbé 
bénéficiaire  ou  commendataire.  Il  eut 
encore  plusieurs  autres  maisons  reli- 
gieuses, car  le  cumul,  bien  que  défendu 
par  les  canons,  était  toléré  alors;  ainsi 
en  817,  Eginhard  reçut  l'abbaye  de 
Fontenelle  ou  de  Sainte-Waudrille  dans 
le  diocèse  de  Eouen,  qu'il  céda,  en  823, 
à  son  ami  Anségise  (4);  le  monastère  de 
Saint-Servais  à  Maestricht  lui  appartint 
au  plus  tard  depuis  819  ou  821;  du 
moins  on  est  autorisé  à  le  croire  d'après 
une  charte  d'affranchissement  accordée 
à  ^Meginfrid  (5).  Il  posséda  aussi  le  mo- 
nastère de  Saint-Cloud  ;   nous  ignorons 

(1;  Cfiroviqne  (le Fontenelle.- Tcu\ei,\l  Pièces 
jii.siif.,  VIII. 

iâ)  Letire  d'Eginliard  à  Lnthaire,  dans  Teuitt, 
11   54. 

(8;  Miraeus,  !,  ii'A.  —  Van  Lokercn,  Ontulaire 
de  Saint-Pierre,  I,  I,  15. 


OÙ  était  située  cette  maison  ;  un  passage 
de  son  Histoire  de  la  translation  des 
reliques  des  SS.  Pierre  et  Marcelin,  nous 
apprend  toutefois  que  ce  n'était  pas  près 
de  Paris  (6)  Antérieurement  à  828, 
l'église  de  Saint  -  Jean  -  Baptiste  -  des- 
Dames  à  Pavie  lui  fut  également  don- 
née. Eginhard  se  maria,  du  vivant  de 
Charlemagne,  aune  femme  d'une  illustre 
naissance,  qui  portait  le  nom  d'Emma  ou 
Imma  :  la  légende  en  a  fait  la  fille  de 
l'empereur,  mais  cette  croyance  ne  ré- 
siste pas  à  un  sérieux  examen.  On  dit 
aussi  qu'avant  d'embrasser  l'état  reli- 
gieux, Eginhard  eut  un  fils  nommé 
Yussin  ,  auquel  les  comtes  d'Erbach 
actuels  attribuent  leur  origine.  Pour 
cela,  il  faudrait  que  ce  fils  fût  né  après 
819  ;  en  efl^'et,  cette  année-là,  le  12  sep- 
tembre, Eginhard,  d'accord  avec  sa 
femme,  donna  à  l'abbaye  de  Lorsch  le 
domaine  de  Michelstadt,  en  se  réservant 
l'usufruit,  et  il  ajoute  :  «  Et  s'il  arrive 

11  que  nous  ayons  des  enfants,  l'un  d'eux 
"  nous  succédera  dans  le  domaine  à 
"  titre  précaire  «,  texte  qui  ferait  sup- 
poser qu'Eginhard  n'avait  pas  encore  de 
postérité.  Cette  hypothèse  est  admis- 
sible, attendu  que  Yussin  étudia  àEulde, 
sous  la  direction  de  Kaban  Maur,  qui  en 
fut  abbé  de  822  à  847.  Yussin  aurait 
donc  eu  environ  vingt-cinq  ans  à  l'époque 
où  Eaban  devint  archevêque  de  Mayence. 
Toutefois  une  lettre  d'Eginhard  (7)  à 
Yussin  ferait  supposer  que  celui-ci  avait 
déjà  choisi  une  profession  lorsque  son 
père  l'envoya  à  Fulde.  Teulet  déduit  de 
tout  cela  que  la  charte  du  12  septembre 
pourrait  bien  avoir  été  interpolée  par 
les  moines  qui  la  récrivirent  à  la  demande 
d'Eginhard.  L'empereur  Louis,  prenant 
en  considération  que  son  père  avait  placé 
sous  sa  protection  le  monastère  de  Ganda 
(Saint -Bavon),  accorde   à    celui-ci,   le 

12  avril  de  cette  même  année  819,  des 
lettres  d'immunité  et  de  sauvegarde  et 
lui  assure  la  paisible  possession  de  ses 
biens  (8).  En  827,  Eginhard  fit  rappor- 

'4  Teulft,  II,  Pik.  /«.vt//..  Vlll. 

(o;  1(1.,  i6!./.,4l9 

(6)  M.,  ibid  ,  198. 

(7)  TcNJet,  11,  4i 

i8)  .A'cliiv.  de  1  évéclié  de  Gand    —  Miiaeus, 
1,  18. 


477 


EGINHARD 


478 


ter  de  Rome,  par  son  notaire  Ratleigh, 
les  reliques  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Marcellin,  et  les  fit  déposer  d'abord  à 
Michelstadt,  puis,  au  commencement  de 
828,  transférer  à  Mulinheim.  Il  trans- 
forma alors  la  congrégation  de  prêtres 
laïques,  qu'il  avait  fondée  en  cet  endroit, 
en  un  couvent  auquel  il  donna  la  règle 
de  Saint  -  Benoît  ;  il  le  dirigea  comme 
abbé  et  changea  le  nom  de  Mulinheim 
en  celui  de  Seligenstadt.  C'est  vers  ce 
temps  sans  doute  qu'il  entra  dans  la 
vie  religieuse  ;  la  plupart  des  auteurs 
croient  que  ce  fut  beaucoup  plus  tôt, 
mais  un  détail  cité  par  Diericx  (1)  où  il 
est  dit  qu'en  826  les  moines  de  Saint- 
Pierre  à  Gand  l'élurent  pour  leur  abbé 
(le  droit  d'élire  leurs  abbés  leur  avait 
été  octroyé  par  Louis  le  Débonnaire), 
nous  a  suggéré  l'idée  que  ce  changement 
dans  l'existence  d'Eginhard  pourrait 
bien  avoir  eu  lieu  vers  cette  année-là. 
Nous  croyons,  du  reste,  avec  Van  Lo- 
keren,  et  d'après  les  Annales  abhatiœ 
Sancti  Pétri  (2),  qu'Eginhard  ne  fut 
d'abord  qu'abbé  commendataire  ou  bé- 
néficiaire de  Saint -Pierre  et  de  Saint- 
Bavon  ;  ce  qui  le  prouve  pour  nous,  c'est 
qu'il  existe  des  chartes  où  il  détermine 
la  portion  des  revenus  de  l'abbaye  ré- 
servée à  l'entretien  des  moines;  la  tota- 
lité devait  donc  lui  appartenir  exclusi- 
vement (3).  Selon  Teulet,  le  titre  de 
venerabilis  abbas,  qu'on  lui  donnait  dès 
819,  prouve  qu'à  cette  époque  déjà,  il 
avait  embrassé  la  vie  monastique;  mais 
nous  doutons  que  ce  soit  là  une  preuve 
suffisante.  Tous  les  abbés  bénéficiaires 
de  Saint-Martin  de  Tours  jusqu'à  Hu- 
gues Capet  eurent  le  titre  de  venerabUis 
nhbns.  En  830,  tandis  que  Louis  entre- 
prenait son  expédition  contre  la  Bre- 
tagne, son  fils  Lothaire  passa  les  Alpes 
pour  joindre  ses  troupes  à  celles  de  ses 
frères  :  Eginhard  était  alors  à  Aix-la- 
Chapelle  avec  l'impératrice  Judith,  et 
écrivit  à  Lothaire  une  lettre  de  respec- 
tueux reproches  qui  resta  sans  effet. 
L'empereur  lui  ordonna  de  se  rendre  à 

fi)  Mémoires  sur  la  ville  de  Gand,  1,  ;>28.  — 
MS.  des  archives  de  l'Etal  k  Gand  :  De  prima 
tniidalioiie  ac  origine  donius  lilandinieusis 

12)  Publiées  par  le  chanoine  Van  de  Putte  de 
Bruges. 

BIOGB.  NAT.  —  T.  VI. 


Compiègne  pour  avoir  une  entrevue  avec 
son  fils.  Eginhard  obéit,  mais  tomba 
malade  à  Valenciennes  pendant  le  trajet, 
et  se  fit  transporter  par  eau  à  Saint- 
Bavon.  De  là,  il  écrivit  à  son  maître  et 
à  l'impératrice  pour  s'excuser,  leur  di- 
sant qu'il  allait  à  Gand  implorer  les 
secours  du  ciel  lorsqu'il  n'y  avait  plus 
rien  à  espérer  sur  la  terre  (4).  La  ma- 
ladie empira  au  point  qu'Eginhard  se' 
crut  près  de  sa  fin;  c'est  alors  qu'il 
adressa  à  un  ami,  qu'on  croit  être  Ger- 
ward,  son  bibliothécaire,  une  lettre  dans 
laquelle  il  lui  dicte  quelques-unes  de 
ses  dernières  volontés  et  recommande  à 
Imma,  sa  sœur  chérie,  de  veiller  à  leur 
exécution  (5).  Eginhard  se  rétablit  tou- 
tefois, mais  il  resta  affecté  de  graves 
infirmités  qui  lui  servirent  de  prétexte 
plausible  pour  ne  pas  rentrer  aux  af- 
faires, malgré  les  vives  instances  de 
l'empereur.  Il  avait  environ  soixante 
ans.  L'âge  du  repos  était  venu  pour  lui 
et  il  retourna  à  Seligenstadt,  où  il  vécut 
dans  la  retraite  jusqu'à  sa  mort.  La 
plupart  des  lettres  que  nous  possédons 
de  lui  appartiennent  à  cette  époque  de 
sa  vie,  ou  lui  sont  fort  peu  antérieures  ; 
elles  montrent  en  général  que,  malgré 
son  éloignement  de  la  cour  et  des  affaires , 
il  avait  conservé  un  grand  crédit.  D'après 
un  certain  nombre  d'actes  de  815  à  830, 
on  pourrait  supposer  qu'Eginhard  fit 
son  séjour  presque  habituel  des  abbayes 
de  Saint-Pierre  et  de  Saint-Bavon  ;  mais 
rien  n'est  plus  contraire  à  la  vérité  : 
nous  possédons  une  pièce,  entre  autres, 
dans  laquelle  il  dit  qu'il  a  confié  la  ges- 
tion de  l'abbaye  de  Saint-Bavon  à  un 
prêtre  nommé  Willebold,  agent  fidèle, 
dit-il,  «  ut  credimus  «.  En  833,  Egin- 
hard dut  se  rendre  à  Compiègne  pour 
l'assemblée  des  trois  fils  de  Louis  le 
Débonnaire,  afin  de  rendre  hommage  de 
ses  bénéfices.  En  836,  la  mort  lui  en- 
leva sa  femme;  cette  perte  l'affecta  beau- 
coup, et  quelques  auteurs  croient  que 
ce  fut  seulement  à  la  suite  de  cet  événe- 
ment qu'il  se  fit  religieux.  En  837,   il 

Ç,]  Van   Lokercn,    Cariulaire  de   l'ahbaye  de 
Saint-Pierre  au  mont  Blandin,  I,  I,  9  et  16. 
(4)  Teulet,  11,  71.  —  Lettre  k  riinuératrice. 
{o,  Id.,  II.  50. 


IG 


479 


EGLXHARD 


480 


siégea,  comme  abbé  de  Seligeustadt,  à 
l'assemblée  d'Aix-la-Chapelle,  et  sou- 
scrivit au  jugement  rendu  contre  les  pré- 
tentions d'Aldric,  évêque  du  Mans,  sur 
les  libertés  de  l'abbaye  de  Saint-Calais. 
11  mourut,  ainsi  que  nous  l'avons  dit, 
d'après  la  cbronique  de  Saint-Bavon, 
en  8-14,  et  devait  avoir  alors  environ 
.  soixante-quatorze  ans.  Toutefois  nous 
trouvons  dans  l'édition  de  183-i  des 
Fies  des  Pères,  de  Butler  (t.  I,  118), 
qu'il  a  assisté  en  848  à  un  synode 
tenu  à  Mayence  par  l'archevêque  Kaban 
Maur,  et  qu'il  trépassa  saintement  peu 
après.  C'est  aussi  l'avis  de  Jean  de  Trit- 
tenheim.  Le  Chronicon  NortMumioram, 
édité  par  Kruze  (p.  108),  le  fait  mourir 
en  831 .  Feller  le  fait  vivre  jusqu'en  839; 
la  date  de  844  est  de  toutes  la  plus  gé- 
néralement admise  et  la  plus  probable. 
11  fut  enterré  dans  son  abbaye  de  Seli- 
geustadt . 

Voilà  tout  ce  que  nos  recherches  nous 
ont  révélé  sur  la  vie  d'Egiuhard;.  mais 
de  même  que  la  plupart  des  grands 
hommes,  comme  Charlemagne,  son  maî- 
tre et  son  ami,  Eginhard  a  sa  légende. 
Elle  est  trop  poétique  pour  que  nous  ne 
la  rappelions  pas,  car  elle  l'a  même  fait 
connaître  plus  que  ses  écrits.  Nous  en 
extrayons  le  récit  du  cartulaire  de 
Lorsch.  Eginhard  était  très-bien  vu  à  la 
cour,  et  surtout  vivement  aimé  par  la 
fille  de  l'empereur,  Imma,  fiancée  du  roi 
des  Grecs.  Mais  retenus  par  la  crainte 
de  la  colère  de  Charlemagne,  les  amants 
tremblaient  d'être  surpris.  Une  nuit, 
Eginhard,  décidé  à  tout  braver,  se  rendit 
à  l'appartement  de  la  jeune  lille  et  s'an- 
non(;a  comme  porteur  d'un  message  de 
l'empereur;  il  entra,  et  y  resta  jusqu'à 
l'approche  du  jour;  au  moment  de  se 
retirer  il  s'aperçut  avec  effroi  qu'il  était 
tombé  beaucoup  de  neige.  Alors  Imma, 
que  l'amour  rendait  audacieuse,  résolut 
de  sauver  son  amant  et  de  se  sauver 
elle-même  :  elle  prit  Eginhard  sur  ses 
épaules,  le  porta  à  travers  la  neige  jus- 
qu'au logis  qu'il  habitait  et  prenant  soin 
en  revenant,  de  suivre  la  trace  de  ses 
pas.  L'empereur,  qui  s'était  levé  avant  le 
jour,  vit  de  sa  fenêtre  ce  manège  amou- 
reux; il  eût  d'abord  de   la  peine  à  se 


contenir  ;  mais  son  irritation  s' étant 
calmée,  il  unit  les  deux  amants  et  leur 
donna,  entre  autres  domaines,  Mulin- 
heim  et  Michelstadt.  Cette  légende  a  été 
admise  par  des  hommes  remarquables, 
Mabillon  entre  autres.  Cependant  une 
objection  la  renverse  d'emblée  :  de  l'avis 
même  d' Eginhard ,  Charlemagne  n'a 
jamais  eu  de  fille  du  nom  d'Imma;  en 
outre  Eginhard  ne  fut  jamais  notaire  et 
archichapelain  de  l'empereur,  ainsi  que 
le  dit  le  cartulaire. 

Il  existe  sur  lui  un  autre  récit  émané 
d'un  moine  de  Reichenau,  dans  son  His- 
torla  translationis  sanyuiuis  Dont'mi  (1). 
Au  commencement  du  xe  siècle,  dit-il, 
un  Sarrasin  nommé  Azan,  gouverneur 
de  Jérusalem,  ayant  un  vif  désir  de  voir 
Charlemagne,  écrivit  au  pape  pour  lui 
obtenir  une  entrevue  jiar  son  entremise  ; 
il  s'engageait  à  apjDorter  de  magnifiques 
présents  et  le  vrai  sang  du  Sauveur. 
Aussitôt  l'empereur  se  rendit  à  Home  et 
Azan,  de  sou  côté,  partit  de  Jérusalem  : 
mais,  ayant  débarqué  en  Corse,  il  y 
tomba  malade  et  envoya  prier  Charle- 
magne de  veuir  auprès  de  lui  recevoir  le 
précieux  trésor  qu'il  apportait.  Cette 
invitation  ne  sourit  guère  à  l'empereur 
qui,  dit  la  chronique,  avait  une  peur 
effroyable  de  la  mer  ;  il  convoqua  son 
conseil  et  voulut  donner  la  commission 
à  Eginhard;  celui-ci  lui  répondit  que 
comme  lui,  il  redoutait  de  s'aventurer 
sur  les  flots  :  les  pourparlers  durèrent  trois 
jours;  enfin  Yaldo,  abbé  de  Eeichenau, 
et  liunfrid,  gouverneur  d'Istrie,  se  dé- 
vouèrent et  apportèrent  le  saint  sang, 
qui  fut  déposé  à  Reichenau. 

Les  ouvrages  d'Eginhard  sont:  La  Vie 
de  CJiarlemayne,  Vita  Karoli  imperatoris. 
L'écrivain  a  adopté  le  plan  de  l'Histoire 
d'Auguste  dans  celle  des  douze  Césars 
de  Suétone  :  c'est  nue  œuvre  d'art,  en 
même  temps  qu'un  portrait  fidèle,  un 
tableau  rapide  et  impartial.  Eginhard 
avait  de  quarante-cinq  à  cinquante  ans  à 
l'époque  où  il  entreprit  ce  travail  ;  il  de- 
vait l'avoir  terminé  en  820,  car,  à  cette 
date,  la  Vie  de  Charlemagne  figure  parmi 
les  livres  du  monastère  de  Siifdleozes- 

(I)  P.rtz,  Script.,  IV, -147. 


481 


EtlINIlARD  —  EGMOiNT 


•i8'2 


Au  (1).  Ou  eu  couuait  soixaute  mauu- 
scrits  complets.  —  Les  Anuales,  Annales 
Francoruin,  de  741  à  829,  embrassent 
doue  un  espace  deqviatre-viugt-buit  ans, 
depuis  l'avéuement  de  i'epiu  et  de  Car- 
lomau  jusqu'à  la  (quatorzième  auuée  de 
Louis  le  Débonnaire.  Egiuhard  avait 
trouvé  au  monastère  de  Lorsch  des  An- 
nales qui  servirent  de  base  à  son  livre, 
il  les  refondit,  et  en  se  les  appropriant, 
fit  usage  d'un  style  plus  eerrect  et  plus 
élégant.  A  dater  de  788,  toutefois,  les 
Annales  sont  une  œuvre  originale;  ou  en 
connaît  120  manuscrits.  —  Les  Letlrts  : 
lorsque,  en  816,  les  moines  de  Saint-lîa- 
von,  menacés  par  les  Normands,  se  réfu- 
gièrent d'abord  à  Saint-Omer,  puis  à 
Laon,  ils  emportèrent  leurs  reliques  et 
leurs  archives;  mais  les  lettres  d'Egin- 
hard  furent  laissées  par  eux.  dans  cette 
dernière  ville  i[ui  les  possède  encore 
daus  sa  bibliothèque  ;  c'est  là  que  Pertz 
les  découvrit.  —  Hinioria  trandationh 
heatorum  C'hrkti  Martynun,  MarceUinl  et 
Pétri;  écrite  en  830  et  divisée  en  1  liv. 

—  Un  Poème  sur  le  martyre  de  ces  deux 
saints.  —  L^n  ouvrage  intitulé  De  Cruve 
adorcvnda,  qui  ne  nous  est  pas  parvenu, 
mais  dont  nous  avons  connaissance  par 
une  lettre  de  Loup  de  Ferrières,  à  qui  il 
était  dédié  (2).  —  Ou  a  encore  attribué 
à  Eginhard  une  histoire  des  Saxons, 
Likellm  de  adventu,  vwi'ibm  et  stiperstl- 
tione  Saxonuni,  dont  la  première  partie 
est  due  à  Rudolf,  moine  de  Fulde,  et  la 
seconde  à  Meginhard,  aussi  moine  de 
Fulde  et  disciple  de  Rudolf.  —  Une 
Chronique  qui  n'est  autre  chose  qu'un 
abrégé  des  Six  Ages  du  moade  de  Bède 
le  Vénérable.  —  L'n  psautier,  Libellm 
EinJiardi  de  Psahiùa;  Pertz  pense  qu'il 
est  d'un  autre  personnage  du  même 
nom.  —  J.  P.  Schunck,  chanoine  de 
Mayence,  dans  ses  Beitrage  zur  mainzer 
Gesf^jc/^^e,  lui  attribue  encore  uae  Vie  de 
Louis  le  Débonnaire  ;  les  Campagnes  de 
Charlemagne  en  Pannonie  ;  les  Annales 
du  couvent  de  Lorsch,  et  les  Souvenirs 
de  l'archange  Ga1)riel  eu  XII  chapitres. 

—  La  meilleure  édition  d'Eginhaïd  date 

r,  Neugiirl,  EpiscofiittHs  Con.'ittiniifiisis,  &'M  \ 
nW,  pur  l'en/,,  Scrtfjt.,  (1,  127. 
'i    leulel,  11,109. 


de  18-10;  elle  a  été  publiée  a  T'aris,  en 
2  vol.  iu-8  ',  par  Teulet,  avec  traduction 
française  en  regard ,  et  renferme  les 
ouvrages  dont  la  paternité  appartient 
sans  contredit  à  Eginhard.  —  Les  ar-. 
cliives  de  l'Etat  à  Gaud  possèdent  deux 
chartes  portant  la  signature  autographe 

d'Eginhard.  k,,,;,,  Varcibergh. 

Histoire  litlfiaire  de  la  France,  IV,  ooO.  — 
Sminckius.  IJe  Vita  et  Scriplin  Eqiiihardi  il7il  , 
dans  son  édition  de  la  Vie  do  Cliarlemagne.  — 
Teulet,  Œuvres  complètes  d'ICijiuhnrd.  Paris, 
1840.  —  Cousin,  Histoire  de  l'empire  d'Occident. 

—  liiitler,  Lille,  183i,  t.  Vil,  i..  118.  —  Hellin. 
Chronique  de.  Saint- Baron.  —  Baluze.  — Mirœus. 

—  l*eru,  Scriji)tores.  —  Van  Lukeren,  Histoire  de 
l'abbaye  de  Saint-Bavon.  —  Van  Lokeren,  Car 
lulaire  de  l'abbaye  de  Saint-Pie)  re  au  ntont 
Blandin.  —  Dierii;x,  Mémoires  sur  la  ville  de 
Gand.  —  Annales  abbati(t  S.  Pétri.  —  Acla 
Sanctoruni  des  Bollanclistes,  juin  —  Mabillon. — 
IJecdclièvre,  Bioip-aphie  liégeoise.  —  Deîvaux  de 
Foui'on.  —  Biographie  générale  de  Didot. —  Bio- 
graphie universelle  de  Micliaud  —  Moréri,  Dicl. 
histor.  —  l'eller,  Biographie  universelle.  — 
Kervyn,  Histoire  de  Flandre.  —  Codex  Lauris  - 
lianensis  diplonialicus,  publié  à  Manheini  par 
l'Académie  Théodoio-palatine.  —  Lecoinle,  An- 
nales Eccl.  Ir.  —  Weinckius,  Eginhartus  illus- 
tratus.  —  Aieliives  de  l'Etal,  à  Gand. 

KonoXT  {Charles  n'j,  né  à  Gavre  le 
9  novembre  1167,  était  fils  d'Adolphe 
d'Egmont,  qui  avait  dû  céder  la  Gueldre 
à  Charles  le  Téméraire,  et  de  Catherine 
de  Boiirbo)!.  Après  la  prise  de  Nimègue 
par  les  Bourguignons,  Charles  d'Egmont 
avait  été  conduit  à  Gaud,  tandis  que 
son  père  était  enfermé  au  château  de 
Vilvorde.  A  peine  Charles  le  Téméraire 
avait-il  succombé  devant  Nancy  que  les 
Gantois  obligèrent  la  duchesse  Marie  à 
relâcher  Adolphe  d'Egmont,  et  peut-être 
l'eussent-ils  également  forcée  de  le  pren- 
dre pour  époux,  si  ce  prince  n'avait 
trouvé  la  mort  devant  Tournai.  Cepen- 
dant Maximilien  d'Autriche  revendiqua 
les  droits  acquis  sur  la  Gueldre  par 
Charles  le  Téméraire;  l'héritier  légitime 
du  duché  paraissait  résigné  et  servait 
même  la  maison  de  Bourgogne  contre 
les  Français.  En  1187,  dans  un  combat 
près  deBéthune,  il  tomba  entre  les  mains 
de  ces  derniers,  et  ou  prétendit  alors  qu'il 
s'était  laissé  prendre  volontairement.  En 
réalité,  Charles  VIII  lui  fit  un  bon 
accueil  et  résolut  de  le  remettre  en  pos- 
session de  ses  domaines  héréditaires  pour 
susciter  à  la  maison  d'Autriche  un  dan- 
gereux  ennemi.    Vm    1192,    il    relâche 


483 


EGMONT 


484 


Charles  d'Egmont,  et  celui-ci  s'ache- 
mine vers  laGueldre,  par  la  Lorraine  et 
le  pays  de  Liège,  sous  l'escorte  de  mille 
cavaliers  français  ;  la  plupart  des  villes 
et  des  seigneurs  se  déclarent  pour  lui, 
et  les  garnisons  allemandes  sont  chassées. 
En  vain  le  chef  de  l'empire  marche-t-il 
lui-même  contre  Charles  d'Egmont;  il 
ne  peut  l'expulser.  Il  forme  alors  une 
coalition  avec  le  duc  de  Clèves,  le  duc 
de  Juliers  et  le  comte  de  Buren  ;  il  est 
décidé  qu'ils  partageront  le  territoire 
conquis.  La  Gueldre  est  de  nouveau 
envahie  en  1498,  et  Charles  d'Egmont 
eût  succombé  sans  les  secours  que 
Louis  XII  lui  envoya  et  la  médiation 
qu'il  exerça  pour  lui  faire  obtenir  des 
trêves  successives. 

En  150.5,  Philippe  le  Beau,  s'étant 
réconcilié  avec  Louis  XII  par  les  traités 
de  Blois  et  ayant  reçu  l'investiture  impé- 
riale du  duché  de  Gueldre  et  du  comté 
de  Zutphen,  résolut  de  faire  la  conquête 
définitive  de  ces  pays  avant  de  partir 
pour  l'Espagne.  Il  se  mit  lui-même  à  la 
tête  de  ses  troupes  et  se  rendit  maître 
d'Aj-nhem  ainsi  que  des  quatre  autres 
villes  qui  formaient  son  quartier.  Charles 
d'Egmont,  délaissé  par  Louis  XII^ 
accepta  les  conditions  qui  lui  étaient 
offertes  par  le  roi  de  Castille.  Pans  une 
entrevue  qu'il  eut  avec  lui  au  château 
de  Rosendael,  près  d'Arnhem,  le  27  juil- 
let 1505,  il  fut  résolu  qu'il  abandonne- 
rait à  Philippe  les  places  que  celui-ci 
avait  conquises  jusqu'à  ce  que  des  arbi- 
tres eussent  vidé  la  querelle;  il  promit 
en  outre  de  l'accompagner  en  Espagne. 
Il  suivit  l'archiduc  victorieux  jusqu'à 
Anvers;  mais  lorsqu'il  eut  touché  dans 
cette  ville  3,000  florins  d'or  qui  lui 
avaient  été  promis  pour  faire  le  voyage 
de  Castille,  il  trompa  ses  gardes,  se  dé- 
guisa et  revint  dans  ses  Etats  où  il  pos- 
sédait encore  les  quartiers  de  Nimègue  et 
de  Ruremonde,  ainsi  que  le  pays  de 
Zutphen.  Après  le  départ  du  roi  de  Cas- 
tille, Charles  d'Egmont,  encouragé  par 
la  France,  reprend  les  armes  et  menace 
la  Hollande  et  le  Brabant.  Louis  XII 
assurait,  sur  sa  foi  et  la  damnation  âe  son 
âme,  qu'il  n'assistait  plus  le  duc  de 
Gueldre,   et   cependant  il  le  secourait 


d'argent  et  de  soldats;  quand  il  eut  été 
enfin  obligé  d'en  convenir,  il  déclara 
que  le  roi  de  Castille  n'avait  aucun  droit 
sur  la  Gueldre  et  qu'il  ne  laisserait  pas 
détruire  Charles  d'Egmont,  son  parent 
et  serviteur.  La  mort  de  Philippe  le  Beau 
(à  Burgos,  le  25  septembre  1506)  ne 
suspendit  pas  cette  intervention  déloyale 
du  roi  de  France.  Louis  XII  ne  cessa 
de  soutenir  efficacement  le  prince  guel- 
drois;  il  finit  même  par  déclarer  qu'il 
risquerait  sa  couronne  plutôt  que  d'aban- 
donner son  utile  et  fidèle  allié.  Aidé  par 
les  auxiliaires  français  que  lui  avait 
amenés  Engelbert  de  Clèves,  secondé 
par  Eobert  de  la  Marck,  seigneur  de 
Sedan,  Charles  d'Egmont  obligea  les 
troupes  des  Pays-Bas  à  lever  le  siège  de 
Poederoyen,  importante  forteresse  située 
sur  les  confins  du  Brabant  et  de  la  Hol- 
lande; puis  il  traversa  la  Campine  et 
fondit  sur  la  Hesbaye,  livrant  au  pillage 
Turnhout,  Tirlemout  et  d'autres  places 
encore.  Les  auxiliaires  français  entre- 
prirent ensuite  de  rentrer  dans  leur  pays 
par  le  Luxembourg,  tandis  que  les 
Gueldrois,  après  s'être  rabattus  sur  la 
Hollande,  dévastaient  la  campagne  et  em- 
portaient Bodegrave,  Muiden  et  Weesp. 
Charles  d'Egmont  essaya  aussi  de  s'em- 
parer d'Amsterdam  ;  mais  il  fut  repoussé 
par  les  habitants.  En  1508,  les  Hollan- 
dais, fidèles  à  la  maison  d'Autriche, 
prirent  enfin  Poederoyen,  et  Weesp  allait 
également  retomber  en  leur  pouvoir 
lorsque  la  ligue  de  Cambrai,  c'est-à-dire 
la  coalition  de  la  France  et  de  la  maison 
d'Autriche  contre  la  république  de  Ve- 
nise, vint  changer  la  face  des  choses. 
Dans  le  traité  qui  fut  juré  le  10  décem- 
bre 1508,  il  était  dit  que  les  contesta- 
tions relatives  à  la  Gueldre  seraient 
soumises  à  un  arbitrage;  en  attendant, 
le  duché  de  Gueldre  et  le  comté  de 
Zutphen  resteraientprovisoirement  entre 
les  mains  de  Charles  d'Egmont  Le  traité 
de  Cambrai  ne  fut  respecté  par  aucune 
des  parties;  Charles  d'Egmont  et  Mar- 
guerite d'Autriche,  régente  des  Pays- 
Bas,  s'accusaient  réciproquement  d'avoir 
violé  la  trêve,  et  l'un  et  l'autre  pou- 
vaient ne  pas  avoir  tort. 

Pès  le  commencement   de   1509,  la 


485 


EGMONT 


48G 


lutte  avait  reroran-encé,  et  les  Gueldrois 
ne  cessaient  d'attaquer  la  Hollande  et 
d'inquiéter  le  Brabant.  Marguerite,  ne 
pouvant  abattre  son  redoutable  adver- 
saire, espère  l'amuser  par  de  nouvelles 
négociations;  en  1510,  elle  obtient  de 
l'empereur  qu'il  donnera  son  assenti- 
ment à  un  projet  de  mariage  d'Isabelle 
d'Autriche,  sa  petite-fille,  avec  Charles 
d'Egmont.  Il  serait  stipulé  en  même 
temps  que  l'empereur  ainsi  que  l'archi- 
duc Charles,  son  petit-tils,  conserve- 
raient les  titres  de  duc  de  Gueldre  et  de 
comte  de  Zutphen,  attendu  que  ces  pays 
devaient  leur  échoir  au  cas  où  du  ma- 
riage projeté  ne  proviendrait  pas  d'hoir 
mâle.  Mais  ce  projet,  ayant  été  désap- 
prouvé par  le  roi  d'Angleterre,  fut  bien- 
tôt abandonné,  et  cette  interminable 
lutte,  qui  épuisait  en  même  temps  les 
Pays-Bas  et  la  Gueldre,  continua  avec 
plus  de  furie.  On  faisait  retomber  sur 
Marguerite  d'Autriche,  trop  docile,  di- 
sait-on, à  suivre  les  instructions  de  l'em- 
pereur, la  responsabilité  de  cette  guerre, 
et  sa  popularité  en  soufl'rit  beaucoup. 
Lorsque,  par  l'entremise  de  l'archevêque 
de  Cologne,  une  nouvelle  trêve  de  quatre 
ans  eafc  été  conclue  le  31  juillet  1 .513,  tel 
fut  le  contentement  général  que  les  Etats 
de  Brabant  votèrent  un  don  de  20,000liv. 
comme  récompense  des  peines  que  Mar- 
guerite s'était  données  pour  obtenir  ce 
résultat. 

François  1er  fut,  comme  Louis  XII, 
le  vigilant  protecteur  de  Charles  d'Eg- 
moni,  et  celui-ci  saisissait  toutes  les 
occasions  de  montrer  son  dévouement  à 
la  France.  En  1515,  quand  se  prépara 
l'expédition  d'Italie,  le  duc  de  Gueldre 
rejoignit  François  It  à  Lyon  avec 
6,000  lansquenets  et  l'accompagna  au 
delà  des  Alpes.  Mais,  apprenant  que  des 
maraudeurs  brabançons  se  sont  jetés  sur 
des  villages  gueldrois,  il  veut  reprendre 
imnàédiatement  la  route  de  ses  Etats  ; 
il  laisse  le  commanflement  de  ses  lans- 
quenets à  son  neveu  Charles  de  Lor- 
raine et  revient  à  Lyon,  où  il  tombe 
dangereusement  malade.  Quand  il  a 
enfin  revu  la  Gueldre,  il  se  hâte  de 
réorganiser  ces  compagnies  de  vieux  et 
impitoyables   soudards,  qu'on   appelait 


la  batide  yioire;  il  se  jette  dans  la  Frise 
qu'il  dispute  à  la  maison  d'Autriche; 
mais,  ayant  investi  Leeuwaarden,  il  est 
battu  et  repoussé.  François  1er  vient  à 
son  aide  :  Charles  d'Autriche,  qui  a 
sollicité  le  traité  de  Noyon  du  13  août 
1516,  est  contraint  de  conclure  avec  la 
Gueldre  une  nouvelle  trêve  jusqu'au 
mois  de  mai  1517.  Malgré  les  recom- 
mandations du  roi  de  France,  Charles 
d'Egmont  reprend  les  armes  sans  même 
attendre  l'expiration  de  cet  armistice. 
La  hunde  noire  parcourt  la  Frise  et  pé- 
nètre en  Hollande,  où  elle  se  signale 
par  d'efl'royables  excès.  Les  troupes  des 
Pays-Bas  la  refoulent  dans  la  Gueldre  où 
elles  portent  à  leur  tour  le  ravage  et 
l'incendie.  Aruhem,  qui  était  retombé 
naguère  au  pouvoir  de  Charles  d'Eg- 
mont, va  succomber  lorsque  la  France 
intervient  encore  et  obtient  ime  nouvelle 
trêve  de  six  mois,  qui  est  conclue  à 
L^trecht  le  17  septembre  1517.  Quoique 
Charles  d'Egmont  gardât  une  attitude 
menaçante,  cette  trêve,  au  mois  d'avril 
1518,  est  prolongée  pour  un  an. 

Au  printemps  de  l'année  suivante,  le 
duc  de  Gueldre  épouse  la  fille  du  duc 
Henri  de  Brunsvvick-Lunebourg.  On 
cherche  alors  à  conclure  un  traité  qui 
eût  assuré  à  Charles  d'Egmont  et  à  ses 
hoirs  mâles  la  Gueldre  «  comme  arrière- 
fief  mouvant  du  duché  de  Brabant  «  ; 
mais  les  négociations  n'aboutissent  qu'à 
un  renouvellement  de  la  trêve.  En  1524, 
après  une  vaine  tentative  pour  arracher 
la  Frise  et  l'Over-Yssel  aux  Impériaux, 
une  troisième  trêve  est  conclue  à  Heus- 
den  ;  Charles  lui-même  en  demande  la 
prolongation,  lorsque  Louise  de  Savoie, 
régente  de  France  pendant  la  captivité 
de  François  1er,  eut  repoussé  l'oftVe 
d'une  puissante  diversion  en  Hollande 
ou  en  Brabant. 

La  réforme  ayant  suscité  des  troubles 
à  l'trecht,  Charles  d'Egmont  accourt 
avec  ses  terribles  lansquenets;  de  son 
côté,  Henri  de  Bavière  sollicite  l'inter- 
vention de  l'empereur.  Par  un  traité 
conclu  à  Schoonhoven,  le  15  novembre 
1527,  Charles-Quint  est  reconnu  sou- 
verain temporel  du  "  haut  et  du  bas 
cvêché  " .  Des  levées  considérables  sont 


48'i 


EGMONT 


488 


ordonnées  clans  les  diverses  provinces 
des  Pays-Bas;  les  Gueldrois,  qui  ont 
envahi  la  Hollande,  sont  repoussés,  et 
Charles  d'Egmont  se  voit  enfin  obligé  de 
demander  merci.  Le  traité,  signé  à  Gor- 
cum  le  3  octobre  1528,  confirme  la 
suzeraineté  de  l'empereur  sur  l'trecht 
et  sur  rOver-Yssel:  quant  à  la  Gueldre, 
Charles  d'Egmont  en  conservera  la  sou- 
veraineté, mais  il  doit  également  re- 
connaître la  suzeraineté  impériale  et 
Charles-Quint  héritera  du  duché,  à  dé- 
faut de  postérité  mâle. 

En  1534,  cédant  aux  suggestions  de 
François  1er,  Charles  d'Egmont  veut 
substituer  la  suzeraineté  française  à  la 
suzeraineté  impériale;  il  prétend  en 
outre  frustrer  Charles-Quint  de  son  hé- 
ritage en  transférant  ses  droits  au  duc  de 
Lorraine.  Mais,  dans  l'impossibilité  de 
lutter  victorieusement  contre  les  Impé- 
riaux, Charles  d'Egmont  est  obligé 
d'adhérer  de  nouveau  aux  stipulations 
du  traité  de  Gorcum.  Le  10  décembre 
1536,  il  reconnaît  encore  une  fois  la 
suzeraineté  de  Charles-Quint,  lequel 
demeure  son  héritier,  à  défaut  de  posté- 
rité légitime;  en  outre,  l'empereur 
sarde  les  seigneuries  de  Drenthe  et 
Groningiie,  qui  ont  été  enlevées  aux 
Gueldrois.  Mais  plus  Charles  d'Egmont 
doit  s'humilier,  plus  augmente  sa  haine 
contre  la  maison  d'Autriche.  X'ayant 
point  de  fils  légitime,  il  notifie  brusque- 
ment aux  états  de  Gueldre  (octob.  1537) 
l'intention  d'assurer  sa  succession  au  roi 
de  France  et  il  demande  que  le  serment 
de  fidélité  soit  immédiatement  jjrété  à 
François  I".  Les  états  lui  opposent  un 
refus  formel  et  sont  appuyés  par  les 
villes,  taudis  que  le  maréchal  Van  Ros- 
sem  et  les  principaux  capitaines  guel- 
drois reconnaissent  le  roi  de  France. 
Après  une  lutte  acharnée  entre  l'armée 
et  les  principales  villes,  il  est  décidé, 
dans  une  assemblée  générale  tenue  à 
Nimègue  le  27  janvier  1538,  que,  si  le 
duc  meurt  sans  enfants,  procréés  eu 
légitime  mariage,  ses  Etats  écherront  à 
Guillaume,  héritier  de  Juliers  et  de 
Clèves.  Charles  d'Egniout,  délaissé  par 
ses  bandes,  est  contraint  d'accepter  cette 
convention.  Cinq  mois  plus  tard  (30  juin 


1538),  il  s'éteignit  à  Arnhem,  en  mau- 
dissant l'ingratitude  de  ce  peuple  pour 
lequel  il  avait  combattu  pendant  un 
demi-siècle.  Après  lui,  l'indcpendance 
de  la  Gueldre  succomba  définitivement  ; 
Charles-Quint  entra  dans"  le  pays  en 
conquérant  et  força  Guillaume  de  Clèves. 
vaincu  et  repentant,  à  reconnaître  la 
suprématie  impériale.  xh.  Just^. 

Le<  himnrieiis  gueldroU.  —  Th.  Juste,  Charlcu- 
Quint  et  Marguerite  d'Autriche.  —  .\.  Henné. 
Histoire  du  régne  de  Charles-Quint  en  Belgique. 

ECiMO^'T  mirent  d'),  né  en  14fi9. 
était  fils  de  Frédéric,  seigneur  d'Yssel- 
stein,  devenu  comte  de  Buren,  du  chef 
de  sa  femme,  Marie  de  Culembourg. 
En  1501,  Florent  est  déjà  un  des  prin- 
cipaux personnages  de  la  cour  de  Phi- 
lippe le  Beau,  souverain  des  Pays-Bas, 
qu'il  accompagne  dans  son  premier 
voyage  en  Espagne;  en  1505,  il  est  créé 
chevalier  de  la  Toison  d'or  et  l'année 
suivante,  après  la  mort  de  Philippe  le 
Beau,  il  devient  membre  du  conseil  de 
Marguerite  d'Autriche.  Nommé  siat- 
houder  de  Frise  en  1515,  il  eut  à  répri- 
mer une  révolte  fomentée  par  Charles 
d'Egmont,  duc  de  Gueldre;  il  défit  les 
insurgés  près  de  (iorcum,  força  Charles 
d'Egmont  à  lever  le  siège  de  Leeuwaar- 
den,  prit  Dockura,  mais  assiégea  inuti- 
lement Sueek.  Xou-seulement  il  avait  à 
protéger  la  Frise,  mais  il  était  aussi 
lieutenant  du  stathouder  de  Hollande, 
.Jean  d'Egmont,  frère  de  Frédéric.  Capi- 
taine général  des  bandes  d'ordonnance 
en  1522,  Florent  d'Egmont  pénètre  en 
Picardie,  assiège  Doullens  et  Hesdin,  et, 
de  concert  avec  les  Anglais,  s'avance 
jusqu'à  onze  lieues  de  Paris.  Pendant 
les  années  suivantes,  il  continue  à  com- 
battre les  Gueldrois  et,  après  la  paix  de 
Grave,  prend  part  à  une  nouvelle  cam- 
pagne contre  la  France.  Il  termina  sa 
belliqueuse  carrière  le  11  octobre  1539. 

Th.  Jaste. 

EGMOXT  {MaximiUe»  d'),  seigneur 
d'Ysselstein  et  comte  de  Buren,  chevalier 
de  la  l^oison  d'or,  stathouder  de  Frise. 
était  fils  du  précédent.  La  valeur  qu'il 
déploya  dans  la  campagne  de  France  de 
1537  lui  avait  valu  l'admiration  de 
rariuéc;  conimaiularit  df";  bits  Allemands 


489 


EGMONT 


490 


au  siège  de  Saint-Pol,  il  s'était  le  pre- 
mier élancé  sur  la  brèche.  En  1542,  il 
défend  habilement  la  Frise  et  l'Over- 
Yssel  contre  les  bandes  qui  sont  à  la 
solde  de  la  France.  T)eux  années  après, 
nous  le  retrouvons  devant  Montreuil, 
qu'il  assiège  avec  le  duc  de  Xorfolk. 
Mais  l'expédition  qui  mit  le  sceau  à  sa 
renommée  fut  celle  de  1546,  lorsqu'il 
traversa  l'Allemagne  pour  amener  à 
Charles-Quint  les  troupes  des  Pays-Bas. 
Il  passa  le  Pihin  près  de  Mayence  et, 
malgré  les  efforts  du  comte  d'Olden- 
bourg, s'avança  jusqu'à  Nuremberg; 
évitant  ensuite  l'armée  du  landgrave  de 
Hesse  qui  se  trouvait  à  Donawerth,  il 
arriva,  le  15  septembre,  au  camp  de 
l'empereur,  devant  Ingolstadt,  avec  plus 
de  15,00(J  combattants.  Charles-Quint, 
accompagné  de  tous  les  gentilshommes 
de  sa  maison,  était  allé  au-devant  de  lui 
pour  lui  témoigner  sa  satisfaction.  Quel- 
ques semaines  après,  renvoyé  dans  les 
Pa\-s-Bas  afin  de  protéger  la  Frise  et  les 
pays  adjacents,  il  s'empare,  chemin  fai- 
sant, de  Darmstadt  et  de  Francfort.  Ce 
grand  capitaine,  l'un  des  meilleurs  de 
son  temps,  avait  les  mœurs  rudes.  Dans 
le  vingt  et  unième  chapitre  de  l'ordre  de 
la  Toison  d'or  tenu  à  Utrecht  au  mois 
de  décembre  1545,  il  avait  été  accusé 
«  de  faire  quelquefois  des  excès  dans  le 
"  boire  et  dans  le  manger;  de  jurer  fré- 
"  quemment;  de  parler  de  la  religion 
.'  avec  peu  de  respect  et  de  discrétiou 
»   et  d'en  mépriser  les  devoirs   les  plus 

*  es.sentiels,  manquant  souvent  la  messe 
«  les  dimanches  et  fêtes,  et  faisant  pu- 
•I  bliquement  gras  pendant  le  carême, 
»  sans  •  nécessité  ;  enfin  de  porter  la 
1  débauche  au  point  de  violer  la  foi 
'<   conjugale  et  de  ne  pas  avoir  honte  de 

*  s'en  vanter  dans  les  compagnies  ou 
«  assemblées  qu'il  fréquentait  « .  Maxi- 
milieu  d'Egmont  couronna  par  une  mort 
imposante  les  exploits  de  sa  glorieuse 
carrière.  Il  se  trouvait  à  Bruxelles  en 
1548  lorsqu'il  fut  atteint  d'une  esqui- 
nancie;  bientôt  on  désespéra  de  lui  et 
André  Vésale,  son  médecin,  lui  prédit 
qu'il  n'avait  plus  que  cinq  à  six  heures 
à  vivre.  C'était  le  23  septembre.  Maxi- 
railien  dicta  son  testament,  se  confessa. 


et,  après  avoir  communié,  se  fit  revêtir 
de  ses  habits  les  plu«  somptueux,  et 
armer  de  pied  en  cap  ;  ainsi  vêtu,  avec 
l'épée  au  côté  et  le  collier  de  la  Toison 
d'or  sur  la  poitrine,  il  ordonna  qu'on  le 
transportât  en  la  grande  salle  de  son 
hôtel  ot\,  assis  dans  un  fauteuil,  il  fit 
successivement  ses  adieux  à  ses  compa- 
gnons d'armes,  aux  officiers  qui  avaient 
servi  sous  ses  ordres,  puis  à  ses  servi- 
teurs sans  en  oublier  un  seul.  On  lui 
apporta  ensuite  une  grande  coupe  pleine 
de  vin;  il  la  prit  et,  soutenu  par  deux 
de  ses  gentilshommes,  voulut  boire  une 
dernière  fois  à  la  sauté  de  l'empereur. 
•Sentant  que  sa  fin  approchait,  il  détacha 
son  collier  de  la  Toison  d'or,  le  remit  au 
comte  d'Arenberg,  qui  l'assistait  comme 
frère  d'armes,  dit  également  adieu  à 
l'évêque  d'Arras,  but  «  le  vin  de  l'étrier 
et  de  la  mort  « ,  puis,  tournant  la  tête  et 
apercevant  Yésale  derrière  lui,  il  le 
remercia  de  son  avertissement.  Il  expira 
entre  les  bras  de  ceux  qui,  le  voyant  à 
tonte  extrémité,  avaient  voulu  le  porter 
sur  son  lit. 

La  branche  des  comtes  d'Eç-mont- 
Buren  s'éteignit  dans  la  personne  di- 
Maximilien  qui,  de  son  union  avec  Fran- 
cine  de  Lannoy,  ne  laissa  qu'une  fille, 
nommée  Aune.  Elle  porta  le  comté  de 
Buren  et  les  seigneuries  deLeerdam. 
d'isselstein,  etc.,  dans  la  maison  de 
Xassau  par  son  mariage  avec  Guillaume 
dit  le  Taciturne.  -fh.  juste. 

J.  Schellema ,  StaatkuwHg  yederland.  — 
Brantôme,  Viea  des  homme.t  iÙiistres  esirnngers 
—  Henné,  Histoire  du  règne  de  Charles-  min  fii 
Belgique,  elc. 

ECiwo'VT  iLanwrnl  comte  i»' i  iiacjuit 
le  18  novembre  1522  au  château  de  la 
llamaide,  dans  l'ancienne  chàtelleiiie 
d'Ath.  Son  père  était  .Jean  IV,  deuxième 
comte  d'Egmont,  chevalier  de  la  Toison 
d'or,  conseiller  et  chambellan  de  Charles- 
Quint,  général  des  chevau-légers  en. 
Italie,  mort  à  Milan  en  1528;  Jean 
d'Egmont  avait  épousé  Françoise  de 
Luxembourg,  sœur  et  héritière  de  .Jac- 
ques de  Luxembourg,  gouverneur  de  la 
Flandre,  prince  de  Steenhuyze  et  de 
Gavre,  etc.  En  1538,  Lamoral  et  son 
frère  aîné  Charles  d'Kgmont  se  renilirenl 


41)1 


EGMONÏ 


49^2 


en  Espagne,  et  Charles  succéda  à  son 
père  dans  la  dignité  de  chambellan  de 
l'empereur.  Les  deux  frères  se  signa- 
lèrent ensuite  dans  l'expédition  que 
Charles-Quint  dirigea  en  1541  contre 
Alger.  Le  7  décembre,  Charles  d'Egmont 
mourait  à  Carthagène  des  blessures  qu'il 
avait  reçues  sur  le  sol  africain,  et, 
comme  il  ne  laissait  point  de  postérité, 
Lamoral  devint  dès  lors  le  chef  d'une 
des  plus  puissantes  maisons  des  Pays- 
Bas.  Indépendamment  des  biens  situés 
en  Hollande,  la  maison  d'Egmont  possé- 
dait en  Flandre  une  principauté,  sept  ou 
huit  baronnies  et  plusieurs  autres  sei- 
gneuries. 

Lamoral  donne  bientôt  de  nouvelles 
preuves  de  bravoure  en  combattant  les 
bandes  gueldroises  qui,  en  1542,  ont 
pénétré  dans  le  Brabant;  il  suit  l'em- 
pereur dans  le  duché  de  Juliers  et  assiste 
à  la  prise  de  la  ville  de  Duren.  Le 
8  avril  1544,  dans  la  cité  impériale  de 
Spire,  le  comte  d'Egmont  épouse  Sa- 
bine, comtesse  palatine  du  Rhin  et 
duchesse  en  Bavière  ;  à  ces  noces  assis- 
taient l'empereur  Charles-Quint,  Ferdi- 
nand, roi  des  Romains,  les  électeurs  et 
la  plupart  des  princes  de  l'Allemagne. 
Deux  mois  après  son  mariage  avec  Sa- 
bine de  Bavière,  Lamoral  d'Egmont  qui 
ne  savait,  disent  les  contemporains,  ce 
que  c'était  que  de  vivre  en  paix,  joignit 
l'armée  impériale  prête  à  envahir  la 
France.  Il  assista  au  siège  et  à  la  prise 
de  la  ville  de  Saint-Dizier,  en  Cham- 
pagne, et,  après  le  trépas  de  René  de 
Chàlons,  prince  d'Orange,  reçut  le  com- 
mandement d'une  compagnie  d'hommes 
d'armes  de  cinquante  lances  des  célèbres 
bdtvles  d'ordonnance  des  Pays-Bas.  Une 
plus  haute  récompense  lui  était  réser- 
vée :  au  mois  d'octobre  1546,  Charles- 
Quint,  présidant,  dans  la  cathédrale 
d'Utrecht,  le  chapitre  général  de  l'ordre 
de  la  Toison  d'or,  y  fit  admettre  le 
comte  d'Egmont,  bien  que  celui-ci  n'eût 
que  vingt-quatre  ans. 

Nous  retrouvons  Lamoral  d'Egmont 
près  de  l'empereur  à  la  célèbre  diète 
tenue  à  Augsbourg  en  1548,  et  l'année 
suivante  il  accompagne  Philippe,  prince 
d'Espagne,   dans   toutes   les    villes   de 


Hollande  et  de  Zélande  où  le  fils  de 
Charles- Quint  est  inauguré  comme  le 
futur  souverain  des  dix-sept  provinces. 
Dans  la  guerre  de  1552,  Lamoral  rendit 
de  nouveaux  services  à  sa  patrie  et  à  son 
souverain.  Lorsque  Pierre- Ernest  de 
Mansfeld,  gouverneur  du  Luxembourg, 
eut  été  forcé  de  capituler  à  Ivoy,  le 
comte  d'Egmont,  chargé  de  le  rem- 
placer, sut  remplir  cette  tâche  difficile. 
Avec  des  troupes  peu  nombreuses  il  par- 
vint à  rejeter  de  la  province  les  Français 
commandés  par  le  seigneur  de  Jametz  et 
à  faire  face  aux  vieilles  bandes  du  mar- 
quis Albert  de  Brandebourg  qui,  refu- 
sant d'adhérer  au  traité  de  Passau,  avait 
également  pénétré  dans  le  Luxembourg 
comme  l'auxiliaire  de  Henri  II.  Ayant 
ensuite  rejoint  l'armée  impériale  qui 
assiégeait  Metz,  le  comte  d'Egmont  fut 
envoyé  à  Pont-à-AIousson  avec  deux 
mille  chevaux  noirs  harnais  allemands 
et  autre  gendarmerie  pour  défendre  les 
avenues  du  camp.  Le  siège  levé,  il  reçut 
le  commandement  de  l'arrière-garde  et 
demeura  des  derniers  pour  protéger  la 
retraite  des  Impériaux. 

Eu  1553,  nous  trouvons  le  comte 
d'Egmont  dans  l'Artois  avec  les  autres 
chefs  des  bandes  d'ordonnance.  Tombés 
dans  une  embuscade  à  Talmas  (18  août) 
et  assaillis  par  des  forces  supérieures,  ils 
firent  des  prodiges  ;  Egmont,  emporté 
par  son  ardeur,  passa  trois  fois  au  tra- 
vers d'un  des  escadrons  français  :  il 
revint  sain  et  sauf,  tandis  que  le  prince 
d'Espiuoy,  gouverneur  de  Tournai  et  du 
Tournesis,  restait  au  nombre  des  morts. 
L'année  suivante,  Charles-Quint  donnait 
au  comte  d'Egmont  une  nouvelle  preuve 
de  confiance  en  le  nommant  chef  de 
l'ambassade  chargée  d'arrêter  définitive- 
ment le  mariage  du  prince  d'Espagne 
avec  Marie  Tudor,  reine  d'Angleterre. 
Il  se  rendit  deux  fois  à  Londres  (au 
mois  de  janvier  et  au  mois  de  mars  1554) 
pour  accomplir  cette  mission.  Il  fut 
ensuite  chargé  de  porter  en  Espagne  les 
pouvoirs  qui  conféraient  la  régence  de 
ce  pays  à  la  princesse  doua  Juana  pen- 
dant l'absence  de  Philippe,  son  frère;  et 
il  accompagna  ensuite  l'héritier  de 
Cast.ille   dans   la  Ci rande- Bretagne.    Le 


A\)?, 


EGMONT 


494 


25  octobre  1555,  Lamoral  d'Egmout, 
comme  chevalier  de  la  Toison  d'or  et 
comme  prince  de  Gavre,  assista,  avec 
les  députés  des  Pays-Bas,  à  cette  séance 
mémorable  dans  lacjuelle  Charles-Quint 
remit  la  souveraine  puissance  entre  les 
mains  de  son  tîls. 

La  guerre  avec  la  France  ayant  re- 
commencé en  1557,  le  comte  d'Egmont, 
nommé  chef  et  capitaine  général  de  tous 
les  chevau-légers  levés  aux  Pays-Bas, 
servit  en  cette  qualité  dans  l'armée 
commandée  par  Emmanuel-Philibert, 
duc  de  Savoie.  Ce  furent  les  bandes 
d'ordonnance  et  les  chevau-légers  des 
Pays-Bas,  placés  sous  les  ordres  du 
comte  d'Egmont,  qui  déterminèrent,  le 
10  août,  l'éclatante  victoire  remportée 
près  de  la  ville  de  Saint- Quentin  sur 
l'armée  française  qui  avait  à  sa  tête  le 
connétable  xYnne  de  Montmorency.  Es- 
pagnols, Français,  Allemands,  Italiens 
furent  unanimes  pour  attribuer  le  gain 
de  cette  grande  journée  à  la  soudaine 
initiative  et  à  la  brillante  valeur  du 
comte  d'Egmont.  Chargé  l'année  sui- 
vante de  délivrer  la  T\" est-Flandre  des 
bandes  que  commandait  le  maréchal  de 
Termes,  Egmont  rencontra  celui-ci  près 
deGravelines,  le  13  juillet,  et  remporta 
une  nouvelle  victoire  qui  consacra  sa 
renommée.  Ces  hauts  faits  lui  avaient 
donné  de  l'orgueil  ;  le  cœur  rempli  d'une 
fierté  guerrière,  il  montrait  une  con- 
fiance merveilleuse  en  sa  fortune.  Bran- 
tôme le  dépeint  comme  «  le  seigneur 
de  la  plus  belle  façon  et  de  la  meil- 
letre  grâce  »  qu'il  eût  jamais  vu,  fût-ce 
parmi  les  grands ,  parmi  ses  égaux , 
parmi  les  gens  de  guerre  et  parmi  les 
dames  ».  Et,  en  eflPet,  il  se  signalait  par 
sa  bonne  grâce  et  sa  courtoisie  non 
moins  que  par  sa  prodigalité  fastueuse. 

Par  des  lettres  patentes  données  à 
Gand  le  7  août  1559,  Philippe  II  dé- 
clara nommer  le  comte  d'Egmont  gou- 
verneur et  capitaine  général  de  la  Flandre 
"  en  considération  des  grands,  loyaux, 
«  notables  et  agréables  services  qu'il 
'    avait  faits  durant  plusieurs  années  à 

feu  l'empereur,  et  depuis  à  lui- 
'  même,  en  la  dernière  guerre  contre  la 
•    France  «.  Eu  même   temps   Philippe 


l'appela  au  conseil  d'Etat  dont  il  avait 
déjà  fait  partie  sous  le  duc  de  Savoie  : 
mais  le  comte  renvoya  sa  nomination  au 
président  Yiglius,  alléguant  que  les 
ati'aires  importantes  se  traitaient  sans  la 
participation  des  seigneurs  nationaux. 
Philippe,  intervenant  alors,  lui  ordonna 
expressément  d'accepter  la  charge  de 
conseiller  et  l'assura  qu'il  aurait  toute 
autorité  dans  les  affaires.  Au  mépris  de 
cette  promesse,  le  roi  institua  au  sein 
même  du  conseil  d'Etat  un  comité  secret 
qui  fut  véritablement  investi  de  l'auto- 
rité effective  et  qui,  à  certains  égards, 
dominait  la  duchesse  de  Parme,  chargée 
du  gouvernement  général.  Ce  comité 
secret  ou  consulte,  destiné  à  servir  de 
contre-poids  à  la  prépondérance  de  la 
haute  noblesse,  était  composé  de  Gran- 
velle,  évêque  d'Arras,  de  Yiglius,  pré- 
sident du  conseil  privé,  et  du  baron  de 
Berlaymont,  chef  du  conseil  des  finances. 
La  lutte  s'engage  immédiatement  entre 
Granvelle,  devenu  premier  ministre,  et 
le  prince  d'Orange,  le  comte  d'Egmont 
et  leurs  alliés.  Egmont  prit  l'initiative 
de  la  rupture;  il  avait  douze  ans  de  plus 
que  Guillaume  de  Nassau  et,  à  cette 
époque,  il  exerçait  une  certaine  influence 
sur  son  ami.  Il  l'engagea  à  rédiger 
(23juillet  1561j  une  lettre  dans  laquelle 
les  deux  seigneurs  rappelaient  à  Phi- 
lippe la  promesse  qu'il  leur  avait  faite 
avant  son  départ.  Ils  disaient  que  cette 
promesse  avait  été  méconnue;  qu'ils 
n'étaient  appelés  au  conseil  que  pour  des 
choses  de  nulle  ou  de  petite  importance, 
tandis  que  les  affaires  majeures  étaient 
traitées  à  leur  insu  pai*  une  ou  deux 
personnes;  ne  voulant  pas  avoir  à  ré- 
pondre de  ce  qui  se  faisait  sans  eux,  ils 
priaient  le  roi  d'accepter  leur  démission 
ou  d'ordonner  que  toutes  les  affaires 
fussent  dorénavant  traitées  et  résolues 
en  plein  conseil  d'Etat.  Dans  la  réponse 
que  Philippe  II  leur  adressa  le  29  sep- 
tembre, il  ajournait  sa  résolution,  tout 
en  recommandant  au  comte  d'Egmont  et 
au  prince  d'Orange  la  boniie  adminis- 
tration des  provinces  dont  ils  étaient 
gouverneurs,  le  maintien  de  la  religion 
catholique  et  le  châtiment  de  ceux  qui 
atfissaieut    contre    elle.    Le    comte     de 


m 


EGMONT 


496 


H  ornes,  qui  avait  accompagné  le  roi  en 
Espagne  en  qualité  d'amiral  et  de  capi- 
taine des  archers  de  la  garde,  revint 
dans  les  Pays-Bas  au  mois  de  novembre 
et  prit  également  place  au  conseil  d'Etat. 
Il  était  porteur  de  la  résolution  annon- 
cée par  Philippe  II  dans  sa  lettre  du 
29  septembre;  la  duchesse  de  Parme 
dcA-ait  donner  au  comte  d'Egmont  et  au 
prince  d'Orange  l'assurance  que  rien  ne 
serait  plus  désormais  soustrait  à  leur 
connaissance.  Bien  que  la  gouvernante 
connût  le  néant  de  cette  promesse, 
encore  l'avait-elle  faite  contre  son  gré  : 
elle  mandait  au  roi  qu'elle  avait  de 
justes  raisons  de  soustraire  les  affaires 
principales  à  la  connaissance  du  comte 
d'Egmont  et  de  ses  amis.  De  son  côté, 
Granvelle  prétendait  que  la  correspon- 
dance entretenue  par  le  comte  d'Egmont 
avec  le  roi  de  Bohême  (l'archiduc  Maxi- 
milien  d'Autriche)  pourrait  bien  avoir 
pour  but  de  mettre  ce  prince  à  la  tête 
du  gouvernement  des  Pays-Bas.  Lorsqne 
la  guerre  civile  etit  éclaté  en  France, 
Granvelle  s'opposa  à  la  convocation  des 
états  généraux  qui  était  demandée  par 
le  comte  d'Egmo'nt;  il  empêcha  en  outre 
que  celui-ci  ne  fût  mis,  comme  capi- 
taine général,  à  la  tête  des  gens  de 
guerre.  Le  comte  avait  encore  d'autres 
griefs.  Le  gouvernement  de  Hesdin 
étant  devenu  vacant,  il  avait  proposé  de 
le  confier  à  Jean  de  Croy,  comte  du 
Rœulx,  et  Granvelle  fit  donner  la  préfé- 
rence à  un  autre  candidat.  Irrité,  le 
comte  d'Egmont,  en  plein  conseil  d'Etat, 
et  malgrré  la  présence  de  la  duchesse  de 
Parme,  s'éleva  avec  indignation  contre 
loutrecuidance  du  cardinal  de  Gran- 
velle, et  il  se  plaignit  avec  amertume  du 
roi  qui,  disait-il,  se  laissait  gouverner 
par  un  prêtre.  Le  comte  de  Hornes  ayant 
mis  en  avant  le  projet  de  former  une 
liffue  contre  le  ministre  tout-puissant, 
Egmont  et  le  Taciturne  cherchèrent  à  y 
entraîner  les  autres  seigneurs.  Granvelle 
conseille  alors  au  roi  d^  donner  satis- 
faction au  comte  d'Egmont:  d'après  lui, 
ce  personnage  était  de  tous  les  membres 
de  la  ligue  le  plus  traitable  et  le  plus 
facile  à  entendre  raison;  il  n'avait  que 
le  tort  de  se  Uiisser  infineucer  "  par  des 


hommes  vils  et  méchants  « .  Mais,  loin 
de  se  séparer  de  ses  amis,  Egmont  signa 
avec  eux,  le  11  mars  15  63,  une  nou- 
velle requête  pour  demander  au  roi 
l'éloignement  du  cardinal;  ils  y  attri- 
buaient le  mécontentement  du  pays  à 
l'autorité  excessive  de  ce  ministre;  ils 
demandaient  de  pouvoir  se  retirer  du 
conseil  d'Etat,  car  il  ne  leur  semblait 
pas  convenable,  tant  pour  le  service  du 
roi  que  pour  leur  réputation,  de  siéger 
plus  longtemps  avec  le  cardinal  ;  ils 
donnaient  d'ailleurs  l'assurance  que,  en 
ce  qui  concernait  la  religion,  ils  feraient 
toujours  les  devoirs  de  bons  sujets  et  de 
vassaux  catholiques.  Cette  requête  en- 
voyée, le  comte  d'Egmont  se  rendit  en 
Hollande;  il  paraissait  alors  très-agité  : 
il  parlait  avec  toute  sorte  de  gens  (écri- 
vait la  duchesse  de  Parme  au  roij,  les 
exhortant  à  s'unir  pour  la  liberté  et  le 
bien  dii  pays. 

Piépondant,  le  9  juin,  à  la  requête  du 
11  mars,  le  roi  exprima  le  désir  que 
l'un  des  trois  seigneurs  fît  le  voyage 
d'Espagne  afin  de  mieux  l'instruire  de 
bouche  des  motifs  de  leurs  plaintes,  et, 
dans  une  lettre  autographe  adressée  au 
comte  d'Egmont,  il  l'engageait  à  rem- 
plir cette  mission.  Le  btit  de  Philippe  II 
était  de  détacher  le  vainqueur  de  Gra- 
velines  de  la  ligue  en  lui  faisant  entre- 
voir un  «  agrandissement  futur  »  ;  mais, 
après  de  nouvelles  conférences  avec  se» 
amis,  Egmont  vint  déclarer  à  la  régente 
qu'il  ne  pouvait  se  rendre  en  Espagne 
pour  se  faire  l'accusateur  du  cardinal  de 
Granvelle;  cela  ne  convenait,  dit-il,  ni 
à  sa  réputation  ni  au  service  même  du 
souverain.  Quelques  jours  après,  Eg- 
mont et  ses  alliés  présentaient  à  la  ré- 
gente une  remontrance  où  ils  réclamaient 
la  convocation  des  états  généraux  et 
annonçaient  de  nouveau  qu'ils  s'abstien- 
draient désormais  de  siéger  au  conseil 
d'Etat  avec  le  cardinal  de  Granvelle. 
"  voulant  faire  cesser  ainsi  l'ombre  dont 
ils  y  avaient  servi  pendant  quatre  ans  • . 
Une  troisième  requête  ayant  été  adressée 
à  Philippe  II  le  29  juillet,  la  régente, 
jalouse  elle-même  de  la  prépondérance 
attribuée  au  cardinal,  finit  par  l'aban- 
donner.   Au    mois   d'août,    elle   e4ivo\a 


497 


EGiMONT 


498 


Thomas  Armenteros,  son  secrétaire,  en 
Espagne,  avec  la  mission  secrète  de 
demander  le  rappel  de  Granvelle.  Vou- 
lant peut-être  se  mettre  en  garde  contre 
les  calomnies  dont  il  était  l'objet  et 
même  se  concilier  Philippe  II,  Egmont 
chargea  Armenteros  de  certifier  au  roi 
que,  pour  le  service  de  Dieu  et  le  sien, 
et  pour  la  défense  de  l'ancienne  et  ca- 
tholique religion,  il  exposerait  toujours 
sa  vie  et  sa  fortune  :  si  son  propre  fils 
ou  frère,  disait-il,  faisait  quelque  chose 
contre  elle,  il  le  jetterait  dans  le  feu  de 
ses  propres  mains.  Pour  ne  pas  avoir 
l'apparence  de  céder  aux  adversaires  de 
Granvelle,  Philippe  écrivit  à  celui-ci 
qu'il  ferait  bien  de  quitter  momentané- 
ment les  Pays-Bas  et  d'aller  voir  sa  mère 
en  Bourgogne.  Le  cardinal  partit  de 
Bruxelles  le  1.3  mars  1.564.  et  quelques 
jours  après,  le  comte  d' Egmont  et  ses 
amis  reparaissaient  au  conseil  d'Etat  : 
ils  avaient  toutefois  déclaré  à  la  régente 
que,  si  le  cardinal  revenait,  ils  en  sorti- 
raient de  nouveau  et  incontinent.  Xon- 
seulement  le  comte  d'Egmont  se  mon- 
trait assidu  près  de  la  duchesse  de 
Parme,  mais  les  cardinalistes  lui  repro- 
chèrent de  rechercher  la  faveur  de  la 
bourgeoisie  de  Bruxelles,  de  se  mêler 
aux  fêtes  des  métiers,  de  tirer  l'oiseau 
avec  eux  et  de  s'entretenir  affectueuse- 
ment avec  les  assistants.  Pu  fond  de  la 
Bourgogne ,  Granvelle  excitait  encore 
ses  partisans  à  combatti-e  la  suprématie 
que  s'arrogeait  maintenant  le  conseil 
d'Etat.  H  Puisque  vous  voyez,  écrivait-il 
"  à  Yiglius,  que  ces  gens  militaires 
"  s'arment  contre  l'Eglise  et  la  justice 
"  et  les  longues  robes,  il  faut  lutter 
"  contre,  car,  s'ils  triomphent,  la  répu- 
"   blique  ne  saurait  se  soutenir.  " 

Le  comte  d'Egmont,  après  avoir  con- 
sulté ses  amis,  prit  soudainement  la 
résolution  de  se  rendre  en  Espagne  afin 
d'obtenir  du  roi  des  -concessions  qui 
missent  un  terme  à  l'agitation  des  pro- 
vinces; mais  il  fondait  aussi  des  espé- 
rances personnelles  sur  ce  voyage  :  il  se 
plaignait  de  n'avoir  eu  d'autre  récom- 
pense qu'une  indemnité  de  50,000  du- 
cats, tandis  qu'il  avait,  disait-il,  huit 
tilles  et  deux  garçons  et  des  milliers  de 


florins  de  dettes.  En  réalité,  il  possédait 
un  revenu  annuel  de  plus  de  62,000  fl.; 
il  avait  un  hôtel  principal  à  Bruxelles  et 
d'autres  résidences  à  Malines,  à  Gand, 
à  Bruges,  à  La  Haye,  à  Arras;  bientôt 
il  allait  acquérir,  pour  la  somme  de 
110,000  ducats,  la  baronnie  de  Gaes- 
beek  qui  lui  donnait  entrée  aux  états  de 
Brabant  (1). 

Sans  attendre  l'autorisation  du  roi, 
le  comte  d'Egmont  partit  poi\r  l'Espagne 
le  18  janvier  1.56.5;  il  arriva  à  ^Ladrid 
au  commencement  du  mois  de  mhî-s. 
ff  Mon  cousin,  soyez  le  très-bien  venu  « , 
lui  dit  Philippe  II.  Dupe  de  cette  bien- 
veillance apparente,  Esmont  n'épargna 
aucun  effort  pour  obtenir  les  concessions 
réclamées  par  le  parti  national.  De  son 
côté,  Philippe  cherchait  à  éveiller  la 
jalousie  des  autres  grands  de  la  Belgique 
en  prodiguant  au  vainqueur  de  Grave- 
lines  des  faveurs  personnelles,  et  quand 
celui-ci  prit  congé  de  lui,  il  l'assura  que 
toute  la  maison  d'Egmont  pourrait  tou- 
jours compter  sur  sa  protection  la  plus 
déclarée.  Le  comte  fut  de  retour  à 
Bruxelles  le  .30  avril,  plein  de  confiance 
dans  les  bonnes  intentions  et  les  pro- 
messes du  roi.  En  réalité  il  n'avait  rien 
obtenu.  Tout  à  coup  arrivèrent  de  Val- 
ladolid  des  dépêches  qui,  ne  tenant 
aucun  compte  des  conférences  de  Phi- 
lippe II  avec  le  noble  ambassadeur, 
prescrivaient  l'exécution  rigoureuse  des 
édits  contre  les  anabaptistes  et  les  autres 
hérétiques.  Egmont  devint  sombre  et 
triste  ;  il  se  plaignit  au  conseil  d'Etat 
du  désaccord  qui  existait  entre  les  dé- 
pêches de  Valladolid  et  les  promesses 
qu'il  avait  recueillies  de  la  bouche  du 
roi;  il  manifesta  même  l'intention  de 
quitter  la  cour  et  de  se  retirer  chez  lui. 
"  .le  ne  puis  ni  ne  veux,  disait-il,  con- 
"  tester  avec  le  roi  ;  mais  à  tout  autre 
Il  je  soutiendrai  que  j'ai  été  trompé.  " 
De  nouvellesdépêches  viennent  aggraver 
la  situation.   Le   17   octobre,  Philippe 

M)  A  la  vérilé,  les  états  de  Flandce  lui  avaii 
ci'rent  à  cet  effpt  80,000  fl.;  Irs  étals  de  Brabant 
lui  iirélt>ront  une  soinme  équivalente  et  les  habi- 
tants (le  la  baronnie  lui  votèrent,  à  titre  dcjoyeus.' 
entrée,  un  subside  de  8,000  11.  —  Le  e'omie 
d'Egmont  devint  propriétaire  de  la  seigneurie  de 
(.aeslieek  le  i  octotire  |;i6o. 


499 


EGMONT 


5U0 


ordonne  que  l'inquisition  soit  maintenue 
et  qu'elle  continue  d'être  exercée  comme 
auparavant;  il  veut  que  les  placards 
de  Charles-Quint  ainsi  que  toutes  les 
autres  lois  ayant  pour  but  la  répression 
de  l'hérésie  soient  exécutés  sans  aucun 
changement.  Egmont  déclara  à  la  ré- 
gente, devant  le  conseil  d'Etat,  qu'il 
aurait  remis  son  gouvernement  de  Flan- 
dre et  d'Artois  entre  les  mains  du  roi, 
lors  de  son  voyage  en  Espagne,  s'il 
avait  pu  prévoir  de  pareilles  résolutions. 
Il  écrivit  à  Philippe  II  lui-même  que, 
après  avoir  vu  ses  ordres  concernant 
l'inquisition  et  les  placards,  il  ne  pou- 
vait s'empêcher  de  craindre  qu'il  n'en 
résultât  de  grands  maux. 

Au  commencement  de  la  mémora- 
ble année  1566,  Egmont,  après  avoir 
inspecté  les  places  de  son  gouverne- 
ment, avertit  de  nouveau  le  roi  du  mé- 
contentement général  qu'il  avait  constaté 
en  Flandre.  Mais  en  même  temps  il 
résistait  aux  suggestions  des  bouillants 
gentilshommes  qui  venaient  de  signer  le 
Compromis  et  qui  auraient  voulu  pousser 
le  vainqueur  de  Gravelines  à  la  tête  du 
parti  de  l'action.  Au  mois  de  mars,  le 
prince  d'Orange  convoqua  au  château 
de  Hoogstraeten  ses  compagnons  de  la 
Toison  d'or  et  ses  collègues  du  conseil 
d'Etat  pour  s'entretenir  avec  eux  de 
l'état  alarmant  des  aflaires;  ils  y  ren- 
contrèrent Louis  de  Nassau,  le  comte  de 
Culembourg  et  d'autres  gentilshommes 
qui  étaient  entrés  dans  la  ligue  contre 
l'inquisition.  Dans  sa  Défense  persou- 
uelle,  Egmont  déclara  que  ceux-ci  appe- 
lèrent l'attention  des  seigneurs  du  con- 
seil d'Etat  sur  la  redoutable  agitation 
provoquée  par  les  ordres  de  Philippe  II; 
et  que,  le  matin  même  de  son  départ,  il 
apprit  d'un  de  ses  collègues  que  Bréde- 
rode  et  d'autres  gentilshommes  se  pro- 
posaient de  présenter  une  requête  à  la 
régente  au  sujet  de  l'inquisition  et  des 
placards.  Il  prétendit  avoir  manifesté 
la  crainte  que  la  requête  ne  fût  mal 
interprétée  par  le  roi,  et  aurait  ajouté 
qu'il  ne  conseillerait  à  nul  de  ses  amis 
d'être  de  la  compagnie  ou  d'y  entrer. 
Toutefois  deux  gentilshommes  attachés 
à  sa  maison,  ('hrist0]d>e    de  l.eefdiiel  et 


Maximilien  de  Blois  signèrent  le  Com- 
promis, et  parmi  les  adhérents  se  trou- 
vait aussi  Jean  de  Casenbroot,  seigneur 
de  Beckerzeel,  secrétaire  et  conseiller 
du  comte.  Dès  son  arrivée  à  Bruxelles, 
Egmont,  selon  ce  qui  avait  été  convenu 
à  Hoogstraeten,  avertit  la  régente  de  la 
démarche  que  se  proposaient  de  faire 
les  gentilshommes  confédérés;  au  sur- 
plus, il  s'engagea  à  combattre  ceux  qui 
ne  se  contenteraient  pas  de  l'abolition 
de  l'inquisition  et  de  la  modération  des 
placards.  En  même  temps,  il  signale 
encore  une  fois  à  Philippe  II  les  dan- 
gers qui  menacent  les  Pays-Bas.  Il 
regardait  comme  un  devoir  de  l'avertir, 
disait-il,  des  intelligences  qiie  les  héré- 
tiques de  ces  provinces  avaient  avec 
ceux  de  France,  d'Allemagne  et  d'An- 
gleterre ;  il  ne  croyait  pas  que  l'on  son- 
geât à  une  rébellion  contre  le  roi  ;  mais 
il  craignait  que  les  Français  ne  profi- 
tassent de  la  situation  des  esprits  pour 
s'emparer  de  quelques  villes;  il  enga- 
geait le  roi  à  se  rendre  lui-même  aux 
Pays-Bas.  Y  avait-il  contradiction  dans 
la  conduite  adoptée  par  le  vainqueur  de 
Gravelines?  Conseiller  de  Philippe  II, 
il  signalait  les  écueils  que  le  roi  devait 
éviter;  il  lui  indiquait  les  concessions 
qu'il  devait  faire  pour  rassurer  les 
esprits  :  il  demeurait  fidèle  à  la  foi 
catholique,  mais  abhorrait  l'inquisition, 
parce  que  l'inquisition  susciterait  la 
guerre  civile.  Les  espions  de  Philippe  II 
accusèrent  néanmoins  le  comte  d'Egmont 
de  se  déclarer  en  toutes  choses  d'une 
manière  très-préjudiciable  au  service  du 
roi;  et  comme  tout  le  monde  avait  les 
yeux  tournés  vers  lui,  ajoutaient-ils,  sa 
conduite  produisait  le  plus  grand  mal. 
Lorsque  le  conseil  d'Etat  délibéra  sur  la 
réponse  que  la  régente  ferait  à  la  re- 
quête des  confédérés,  Egmont  s'éleva 
contre  l'inquisition,  odieuse,  disait-il, 
et  contre  les  placards,  qui  étaient  trop 
rigoureux;  il  demanda  une  amnistie 
pour  les  repentants;  quant  aux  dognia- 
tiseurs  et  aux  ministres,  au  lieu  de  les 
livrer  aux  flammes  d'un  bûcher,  il  de- 
mandait qu'ils  fussent  punis  par  le 
glaive  comme  perturbateurs  du  repos 
public.  «  Le  comte  d'Egmont  croit,  écri- 


SOI 


EGMONT 


802 


Il  vait  la  duchesse  de  Parme  au  roi 
»  (25  mars  1566)  qu'en  accordant  la 
«   modération  des  placards  et  l'abolition 

I  de  l'inquisition,  et  aux  confédérés  un 
»   pardon    général   pour    le    passé,    on 

II  empêcherait  que  les  choses  n'allassent 
H  plus  loin.  le  refus  de  donner  cette 
"  satisfaction  doit,  au  contraire,  selon 
»  lui,  entraîner  la  ruine  du  pays.  «  On 
fit  plus  tard  un  grief  au  comte  d'Egmont 
d'avoir  parlé  avec  trop  d'égards  des  con- 
fédérés qui,  le  5  avril,  vinrent  présenter 
leur  requête  à  la  régente.  Comme  un 
membre  du  conseil  d'Etat  proposait  de 
procéder  contre  eux,  le  comte  répliqua  : 
»  Laissez-les,  car  ce  sont  gentilshommes 
H  et  personnes  principales.  «  La  régente 
écrivit  au  roi  que,  le  6  avril,  Egmont, 
Homes  et  Orange,  entrés  dans  la  maison 
de  Culembourg,  avaient,  en  buvant  avec 
les  confédérés,  crié  :  Virent  les  gueux! 
La  vérité  était,  comme  l'affirma  le  comte 
d'Egmont  dans  sa  Défense persomi elle, 
que  ce  nom  de  gueux  frappait  pour  la 
première  fois  leurs  oreilles  et  qu'ils  n'en 
demandèrent  même  pas  la  signification. 

Le  conseil  d'Etat  ayant  été  appelé  à 
délibérer  sur  les  instructions  qui  seraient 
données  au  marquis  de  Berghes  et  au 
baron  de  Montigny,  chargés  de  faire 
connaître  au  roi  la  situation  du  pays, 
Egmont  dit  derechef  que,  pour  ramener 
le  calme,  le  souverain  devait,  en  pre-- 
mier  lieu,  consentir  à  l'abolition  de 
l'inquisition  et  accorder  la  modération 
des  placards;  qu'il  devait  ensuite  se 
rendre  dans  les  Pays-Bas  par  l'Italie  et 
sans  être  accompagné  d'Espagnols.  Le 
18  juillet,  Egmont  était  délégué,  avec  le 
prince  d'Orange,  pour  s'abouchera  Duf- 
fel  avec  les  mandataires  des  confédérés 
alors  réunis  à  Saint-Trond  au  nombre 
de  plus  de  deux  mille.  On  l'accusa  plus 
tard  d'avoir  promis  aux  confédérés  et 
aux  consistoires  de  les  prendre  sous  sa 
sauvegarde,  de  se  joindre  à  eux  et  de 
mourir  à  cheval,  en  les  défendant.  Il 
n'alla  pas  si  loin  :  il  fit  dire  aux  confé- 
dérés par  Beckerzeel,  l'un  de  leurs  man- 
dataires, que,  s'ils  n'excédaient  point  la 
requête  du  5  avril,  il  ne  souffrirait  pas 
qu'aucun  tort  leur  fût  fait.  Au  mois 
d'août,  le  comte  d'Egmont  fut  envoyé 


dans  la  Flandre  pour  empêcher  les  prê- 
ches, désarmer  les  sectaires,  rétablir 
l'autorité  de  la  justice;  mais  la  régente 
ne  mit  pas  un  seul  homme  de  guerre  à 
sa  disposition.  Comment  donc  aurait-il 
pu  s'opposer  au  torrent?  Marguerite  de 
Parme  écrivit  cependant  au  roi  qu'elle 
n'avait  pu  amener  le  comte  d'Egmont 
à  consentir  à  l'emploi  de  la  force  contre 
les  sectaires;  mais  cette  force,  il  ne  la 
possédait  pas,  et  il  la  réclamait  en  vain. 
Telle  était  d'ailleurs  la  fureur  de  la 
tempête,  qu'il  était  devenu  impossible  de 
la  combattre.  De  retour  à  Bruxelles, 
Egmont  se  joignit  au  prince  d'Orange 
pour  conseiller  à  la  régente  de  transi- 
ger avec  les  confédérés  :  le  25  août, 
elle  leur  donna  des  lettres  d'' assurance  ; 
en  échange,  ils  promirent  de  faire  cesser 
le  saccagement  des  églises,  de  châtier 
ceux  qui  avaient  commis  des  sacrilèges, 
de  désarmer  la  populace.  Egmont  re- 
tourne ensuite  en  Flandre  avec  l'unique 
escorte  de  ses  domestiques  et  de  quel- 
ques hallebardiers.  Il  négocie  avec  les 
sectaires,  maîtres  de  la  plupart  des 
églises,  ou  leur  impose,  sur  les  bases  de 
l'accord  du  25  août,  des  conventions 
tendantes  au  rétablissement  de  la  paix  ; 
ils  devaient  s'engager  à  ne  plus  empê- 
cher l'exercice  de  la  religion  catholique 
et  à  ne  plus  s'assembler  dans  l'intérieur 
des  ^dlles  ;  mais  ils  auraient  le  droit  de 
tenir  leurs  prêches  les  dimanches  et 
fêtes  dans  des  lieux  qui  leur  seraient 
désignés.  Cet  arrangement  serait  main- 
tenu jusqu'à  ce  que  le  roi,  d'accord  avec 
les  états  généraux,  eût  pris  une  autre 
résolution.  Le  3  octobre,  le  comte  d'Eg- 
mont eut  une  entrevue  à  Termonde 
avec  le  prince  d'Orange  et  le  comte  de 
Hornes.  Le  Taciturne  fournit  les  preuves 
de  l'irritation  du  roi  contre  eux,  et  on 
délibéra  s'il  ne  valait  pas  mieux  quitter 
le  pays  et  se  mettre  en  sûreté  que  de 
demeurer  en  une  crainte  perpétuelle. 
Tel  ne  fut  point  l'avis  du  comte  d'Eg- 
mont. Il  déclara  qu'il  n'avait  nul  moyen 
de  vivre  en  pays  étranger,  selon  son 
état  et  sa  qualité,  loin  de  tous  ses  biens, 
avec  sa  femme,  ses  enfants  et  sa  maison. 
On  prétend  aussi  qu'il  fut  résolu  de 
prendre  les  armes  ;  mais,  dans  son  prc  - 


b03 


EGMONT 


o04 


ces,  le  comte  d'Egmout  a  toujours  sou- 
tenu le  contraire.  En  fait,  il  regardait  la 
convocation  des  états  généraux  comme 
le  moyen  suprême,  et  il  engagea  les 
quatre  membres  de  Flandre  à  la  réclamer. 
Dans  de  nouvelles  réunions  du  conseil 
d'Etat,  Egmont  émit  le  vœu  que  la 
régente,  pour  satisfaire  les  catholiques 
et  les  protestants,  réclamât  de  Pilippe  11 
la  liberté  de  conscience  pour  chacun,  à 
condition  que  les  prêches  cesseraient. 
Elle  demanderait  également  la  convo- 
cation des  états  généraux  à  une  épo- 
que déterminée  ;  une  amnistie  générale  ; 
enfin  la  venue  prochaine  du  roi,  mais 
sans  armée  et  sans  recours  à  la  violence. 
Marguerite  de  Parme  ayant  refusé  de 
transmettre  ces  propositions  à  Madrid, 
le  comte  d'Egmont  écrivit  directement 
à  Philippe  II  ;  après  avoir  repoussé  les 
êalomnies  dont  il  se  savait  l'objet,  il 
ajoutait  (15  novembre)  :  «  Je  sujjplierai 
"  Votre  Majesté  de  regarder  ces  pau- 
"  vres  jîays  d'un  œil  bénin  et  clément, 
»  vous  souvenant  des  services  qu'au- 
"  trefois  ils  vous  ont  faits  et  à  vos  pré- 
"  décesseurs  et  considérant  ceux  qu'ils 
»  pourront  encore  faire.  Que  Votre  Ma- 
«  jesté  croie  aussi  que  je  n'ai  moindre 
»  envie  de  lui  faire  très-humble  ser\  ice 
"   que  j'ai  eu  de  tout  temps.  « 

Les  excès  des  iconoclastes  avaient 
provoqué  une  réaction  dont  Marguerite 
de  Parme  se  servit  habilement.  Voyant 
décliner  l'influence  des  confédérés,  elle 
refuse  de  donner  son  approbation  aux 
arrangements  conclus  parle  comte  d'Eg- 
mont avec  les  religionnaires  de  la  Flan- 
dre. Elle  veut  introduire,  de  gré  ou  de 
force,  des  garnisons  catholiques  et  roya- 
listes dans  les  villes  où  les  protestants 
dominent.  Elle  impose  à  «  tous  officiers 
de  l'Ordre,  chefs,  capitaines,  hommes 
d'armes,  archers,  etc.  «,  un  nouveau 
serment  qui  doit  les  obliger  à  servir  le 
roi  envers  et  contre  tous.  Protestant  de 
sa  fidélité  au  souverain  et  de  son  atta- 
chement à  la  foi  catholique,  Egmont 
hésite  d'abord  à  s'associer  à  un  acte  qui 
incriminerait  sa  loyauté.  Il  est  retourné 
eu  Flandre  pour  y  maintenir  l'ordre  et 
aussi  pour  faire  observer  l'accord  conclu 
îivec  les  confédérés  (janvier  1567).  Mais 


bientôt  on  constate  une  sorte  de  trans- 
formation ;  par  faiblesse  ou  par  excès  de 
loyauté,  le  vainqueur  de  Gra vélines  se 
détache  graduellement  de  ses  anciens 
alliés  pour  soutenir  la  régente.  Le  Taci- 
turne l'ayant  prié  de  se  rendre  à  Breda 
afin  de  conclure  une  nouvelle  ligue  qui 
devait  avoir  pour  but  de  s'opposer  à 
l'entrée  des  troupes  espagnoles  dans  les 
Pays-Bas,  le  comte  d'Egmont  décline 
cette  invitation.  Il  écrit  à  ses  anciens 
alliés  pour  les  exhorter  à  se  conduire 
comme  des  vassaux  fidèles,  à  défaut  de 
quoi,  dit-il,  il  les  tiendra  pour  ennemis. 
Quant  à  la  crainte  de  voir  le  gouverne- 
ment des  Pays-Bas  remis  entre  les  mains 
des  Espagnols,  il  ajoutait  que,  si  on  le 
traitait  d'une  manière  insupportable,  il 
ne  prendrait  pas  pour  cela  les  armes 
contre  le  roi,  mais  qu'il  se  retirerait  en 
sa  maison  et,  s'il  le  fallait,  hors  du 
pays.  Cette  rupture  eut  des  conséquences 
funestes.  Elle  permit  au  duc  d'Albe  de 
pénétrer  dans  les  Pays-Bas  avec  les 
vieilles  bandes  espagnoles;  elle  permit  à 
Philippe  II  de  réaliser  ses  terribles  pro- 
jets. Si  le  comte  d'Egmont,  disent  les 
contemporains,  se  fût  déclaré  ouverte- 
ment pour  les  confédérés,  il  eût  soulevé 
le  pays,  il  eût  pu  rassembler  autour  de 
lui  50,000  hommes,  réduire  en  sa  puis- 
sance la  ville  de  Bruxelles  et  peut-être 
abattre  la  domination  castillane.  Sans 
le  concours  du  comte  d'Egmont,  dont  la 
popularité  était  sans  égale,  le  prince 
d'Orange  et  les  autres  seigneurs  pa- 
triotes ne  pouvaient  venir  à  bout  de 
leur  entreprise.  Mais  déjà  ils  ne  devaient 
plus  compter  sur  leur  ancien  auxiliaire. 
Egmont  venait  de  signer  le  serment 
demandé  par  la  régente,  et  il  avait 
même  requis  celle-ci  d'envoyer  au  sou- 
verain un  double  de  l'acte  souscrit  par 
lui.  Il  alla  plus  loin  :  il  proposa  d'en- 
voyer les  gardes  mêmes  de  la  régente 
contre  les  bandes  calvinistes  qui  étaient 
venues  s'établir  près  d'Anvers. 

Le  Taciturne  voulut  encore  faire  un 
efl'ort  pour  ramener  le  comte  d'Egmont 
et  lui  dessiller  les  yeux.  Le  3  avril  1567, 
ils  eurent  une  dernière  entrevue  à  T\  il- 
lebroeck.  Egmont  déclara  qu'il  n'aban- 
donnerait   ))uiiit    le    roi    et    conjura   le 


.SOo 


EGMONT 


806 


Taciturne  de  suivre  son  exemple  en  res- 
tant dans  le  pays.  Si  vous  agissez  autre- 
ment, dit-il,  vous  aurez  à  regretter  la 
ruine  de  votre  maison.  —  Vous  voulez, 
répondit  Guillaume,  vous  voulez  aller 
au-devant  du  duc  d'Albe  ! . . . .  Allez,  mon 
cousin,  votre  tète  lui  servira  de  guide  et 

votre  corps  de  planche  ! —  Le  comte 

d'Egmont  s'enfonçait  de  plus  eu  plus 
dans  l'abîme  que  l'astuce  espagnole  creu- 
sait sous  ses  pas.  Entraîné  par  la  réac- 
tion, il  se  vantait,  dans  une  lettre  adres- 
sée à  Philippe  II  le  13  avril,  d'avoir 
fait  cesser  les  prêches  et  l'exercice  de  la 
nouvelle  religion  :  le  peuple  était  main- 
tenant désarmé  et  les  prédicants  eu 
fuite;  lorsque  les  troubles  commencè- 
rent, s'il  avait  eu  à  sa  disposition,  di- 
sait-il, les  huit  ou  dix  compagnies  d'in- 
fanterie qui  lui  obéissaient  k  présent,  il 
les  aurait  empêchés;  il  espérait  donc  que 
le  monarque  serait  satisfait  de  sa  conduite . 
L'aveuglement  était  complet.  Gaspard  de 
Kobbes,  seigneur  de  Billy,  venait  de  rem- 
plir eu  Espagne  une  mission  dont  l'avait 
chargé  la  gouvernante;  le  lendemain  de 
son  retour,  le  comte  alla  le  trouver.  — 
Comment  suis-je  avec  le  roi?  —  Fort  mal. 
—  Le  comte  voulant  s'expliquer,  Billy 
reprit  :  «  Si  vous  savez  votre  cause  si 
"  bonne  et  juste,  allez  vous  purger  près 
"  du  roi;  mais  si  vous  vous  sentez  eu 
"  aucune  manière  coupable,  sauvez-vous, 
"  car  il  y  va  de  votre  vie.  «  Egmont 
demeura. 

Au  mois  de  juillet,  le  duc  d'Albe  entre 
dans  les  Pays-Bas  avec  les  vieilles  bandes 
espagnoles.  Le  comte  d'Egmont,  accom- 
pagné de  quarante  gentilshommes,  l'at- 
tendait à  Tirlemont.  Xe  pouvant  d'abord 
dissimuler  ses  véritables  sentiments,  le 
duc  luimontraun  visage  triste  et  presque 
froid;  et  les  soldats  espagnols  serraient 
leurs  rangs  pour  l'empêcher  de  passer, 
affectaient  de  ue  poiut  le  saluer  et  l'ap- 
pelaient à  voix  haute  :  Luthérien,  traître 
à  Dieu  et  au  roi.  Le  comte  se  troubla; 
mais  deux  des  principaux  officiers  du 
duc  s'approchèrent  et  s'ettbrcèrent  de 
faire  oublier  par  leurs  prévenances  l'at- 
titude menaçante  des  soldats  et  l'accueil 
glacial  de  leur  chef.  Pas  de  jour  ne  se 
passait,  depuis  l'entrevue  de  Tirlemont 


sans  que  le  vainqueur  de  Gravelines 
fût  prévenu  des  projets  sinistres  du 
représentant  de  Philippe  II  ;  il  répondait 
constamment  »  qu'il  sentait  sa  conscience 
"  nette  et  que,  s'il  était  éloigné  de  cent 
"  lieues  de  Bruxelles,  il  y  viendrait  par 
Il  la  poste  pour  se  justifier  des  cas  qu'on 
//  voudrait  lui  imposer.  »  Pendant  la 
nuit  du  8  au  9  septembre,  un  mestre  de 
camp  espagnol  vint  mystérieusement 
dans  l'hôtel  du  comte  d'Egmont  et  con- 
seillaà  celui-ci  de  partir  immédiatement. 
Mais,  se  prévalant  toujours  des  écla- 
tants services  qu'il  avait  rendus  à  la 
couronne  d'Espagne,  Egmont  rejeta  de 
nouveau  ces  suggestions.  Le  lendemain 
il  était  arrêté  avec  le  comte  de  Hornes 
daus  l'hôtel  du  duc  d'Albe  o\i  ils  avaient 
été  attirés  sous  prétexte  d'examiner  les 
plans  des  fortifications  de  Thionville  et 
de  Luxembourg.  Le  23,  les  illustres 
prisonniers  étaient  transférés  au  château 
de  G  and  sous  l'escorte  de  dix-sept  cents 
hommes  d'infanterie  et  de  cinq  cents 
cavaliers.  Comme  chevalier  de  la  Toison 
d'or,  le  comte  d'Egmont  était  justiciable 
du  chapitre  de  l'Ordre  et,  comme  baron 
de  Gaesbeek,  du  conseil  souverain  du 
Brabant.  Le  duc  d'Albe  fit  juger  le  vain- 
queur de  Gravelines  par  une  commission 
où  dominaient  deux  Espagnols,  que  le 
Taciturne  appelait  des  «  faquins  «,  pas 
même  dignes  d'être  les  valets  de  ses 
compagnons  de  l'ordre.  Non-seulement 
le  comte  d'Egmont  était  détenu,  mais 
ses  biens  avaient  été  immédiatement 
séquestrés.  »  J'espère,  écrivait  Sabine 
"  de  Bavière  au  roi,  que  Votre  Majesté 
"  ne  voudra  pas  souffrir  que  je  sorte  de 
"  ces  provinces  avec  mes  onze  enfants 
Il  pour  aller  ailleurs  chercher  moyen  de 
Il  vivre,  ayant  été  amenée  dans  ce  pays 
Il  par  feu  de  bonne  mémoire  l'empereur, 
Il   Aotre  père.  « 

Le  2-4  octobre,  le  duc  d'Albe  mandait 
à  Philippe  II  que  l'on  trouverait  des 
charges  suffisantes  à  l'égard  du  comte 
d'Egmont  parce  que,  eu  outre  des  })a- 
piers  saisis  chez  Beckerzeel,  ce  dernier 
faisait  chaque  jour  des  aveux  et  qu'on 
pouvait  s'attendre  à  ce  qu'il  dirait  des 
Il  merveilles  «,  lorsqu'il  serait  mis  à  la 
torture.  Pendant  quatre  jours  (13-16  no- 


507 


EGMONT 


508 


vembre)  le  comte  d'Egmont  fut  interrogé 
par  les  commissaires  du  conseil  des 
Troubles.  Ils  posèrent  au  prisonnier 
cent  quarante-huit  questions  embrassant 
tous  les  faits  qui  avaient  marqué  la 
régence  de  Marguerite  de  Parme,  et  ils 
requirent  l'accusé,  dépourvu  de  ses  pa- 
piers, de  répondre  immédiatement.  Sans 
être  toujours  très-précis  dans  ses  ré- 
ponses, Egmont  ne  désavoua  point  sa 
conduite  passée;  mais  il  ne  reconnut 
jamais  qu'il  avait  eu  le  dessein  de  se 
révolter  contre  le  roi.  Le  11  janvier 
1568,  il  reçut  notification  du  réquisi- 
toire du  procureur  général;  cet  acte 
d'accusation  comprenait  quatre-vingt- 
deux  articles  ou  charges  tendant  à  prou- 
ver que  l'accusé  s'était  rendu  coupable 
de  crime  de  lèse-majesté,  en  favorisant 
les  ennemis  de  la  religion  catholique  et 
en  méditant  le  détrônement  de  Phi- 
lippe II  comme  souverain  des  Pays-Bas; 
huit  charges  supplémentaires  avaient 
pour  but  d'incriminer  plus  fortement  la 
conduite  tenue  en  Flandre  dans  la  crise 
de  1566.  I>e  prisonnier  rédigea  son  mé- 
moire de  défense  sans  aucune  aide  et 
sans  avoir  à  sa  disposition  les  documents 
nécessaires;  le  12  février,  il  le  remit  au 
capitaine  espagnol,  gardien  du  château 
de  Gand.  Il  y  exposait  comment  il  avait 
agi  depuis  ses  différends  avec  le  cardinal 
de  Granvelle  jusqu'à  l'envoi  du  duc 
d'Albe  dans  les  Pays-Bas,  et  soutenait 
que  ses  intentions  avaient  toujours  été 
droites,  qu'il  avait  toujours  cherché  le 
service  de  Pieu  et  du  roi  ;  ayant  rempli 
loyalement  ses  devoirs  de  vassal  et  de 
conseiller,  il  demandait  que  la  justice 
du  duc  d'Albe  lui  restituât  et  son  hon- 
neur et  sa  liberté. 

Le  1er  juin,  le  conseil  des  Troubles 
déclara  forclos  les  deux  seigneurs  pri- 
sonniers. Le  3,  ils  furent  extraits  du 
chcàteau  de  Gand  pour  être  reconduits  à 
Bruxelles  sous  l'escorte  de  plus  de  trois 
mille  soldats  espagnols,  f'es  troupes 
s'avançaient  enseignes  déployées  et  tam- 
bour battant.  Le  funèbre  convoi  passa  la 
nuit  à  Termonde,  et  le  lendemain  il 
entra  dans  Bruxelles.  Les  prisonniers 
furent  conduits  à  la  Mai/^nn  du  Bot,  en 
face  de  l'hôtel  de  ville,  et  logés  séparé- 


ment.  Le   4,   le  duc   d'Albe  réunit  le 
conseil  des  Troubles  et  revêtit  de  sa 
signature  la  sentence  qui  condamnait  à 
être  exécuté   par  l'épée  Lamoral  d'Eg- 
mont, prince  de  Gavre  et  comte  d'Eg- 
mont, chevalier  de  l'ordre  de  la  Toison 
d'or,  conseiller  d'Etat,  baron  de  Fiennes, 
d'Auxy  et  de  Gaesbeek,  seigneur  d'Ar- 
mentières,  pair  de  Hainaut,  etc.,  ancien 
gouverneur   et    capitaine   général    des 
pays  de  Flandre  et  d'Artois,  pour  crime 
de  lèse-majesté  et  de  rébellion.  La  sen- 
tence prononçait  en  outre  la  confiscation 
au  profit  du   roi  de   tous  les  biens  du 
condamné.  Pans  la  nuit,  Martin  Rit- 
hove ,     évêque    d'Ypres,    vint    assister 
l'infortuné  seigneur.    »  Si  j'ai  failli,  dit 
«   le   condamé,  que   ma  mort   soit  l'ex- 
II   piation  de  mes  fautes  ;  mais  pourquoi 
«   vouloir    me    déshonorer,    avilir    ma 
«   postérité,   faire  souffrir  ma  femme  et 
Il  mes  enfants  par  la  confiscation  de  mes 
Il  biens?  Il  me  semble  que  mes  services 
Il   passés  méritent  qu'on  use  de  quelque 
Il   grâce  à  mon  égard.  «  Le  prisonnier  se 
confessa,   ouït  la  messe    et   communia 
avec  la   plus   grande  dévotion.  Mais  sa 
pensée    se    reportait    toujours   vers   sa 
femme  et  ses  enfants,  que  sa   condam- 
nation plongeait  dans  la  misère.  A  deux 
heures  après  minuit,  il  écrivit  deux  let- 
tres, l'une  au  roi,  l'autre  au  duc  d'Albe, 
pour  leur  recommander  ceux  qu'il  allait 
laisser  orphelins.    Prêt   à  mourir,  selon 
ses  expressions,  il  disait  à  Philippe  II 
qu'il  n'avait  jamais  eu  l'intention  de  rien 
faire  contre  le  service  du   souverain   ni 
contre  l'ancienne  et  catholique  religion. 
Il   Si,  ajoutait-il,  j'ai,  durant  ces  trou- 
II   blés,    conseillé    ou  permis    de    faire 
Il   quelque  chose  qui   semble   autre,  c'a 
•I   été  toujours  avec  une  vraie  et  bonne 
"  intention  au  service  de  Pieu  et  de 
Il   \  otre  ]\Iajesté,  et  pour  la  nécessité  du 
Il   temps.  "  L'échafaud  avait  été  dressé 
sur  le  ]\tarché,  en  face  de  la  maison  du 
Koi;  il  était  entouré  de  vingt-deux  com- 
pagnies d'arquebusiers,   rangés   en   ba- 
•  taille,  mèches  allumées.  Vers  onze  heures 
le  comte  d'Egmont  descendit  les  degrés 
de  la  ^Maison  du  Roi  entre  le  mestre  de 
camp  Julian  Romeroetl'évêque  d'Ypres; 
arrivé  sur  l'échafaud,  il  se  mit  à  "renoux 


SOÎ) 


EGMONT 


ilO 


avec  son  ronfesseur,  et  ils  dirent  ensem- 
ble l'Oraison  dominicale;  puis  l'évêque 
se  retira  et  le  condamné  joignit  les  mains 
en  disant  à  haute  voix  :  In  marim  tuas. 
Domine,  commendo  spiritum  rneura.  Lors- 
que tomba  la  tête  du  vainqueur  de  Gra- 
velines,  un  cri  d'angoisse  et  d'horreur 
sortit  du  sein  de  la  foule  qui  se  pressait 
derrière  les  arquebusiers.  En  voyant 
immoler  ensuite  le  comte  de  Hornes,  ce 
fidèle  ami  du  comte  d'Egraont,  les  gé- 
missements du  peuple  redoublèrent;  et 
sa  douleur,  sa  consternation  furent  por- 
tées au  comble  quand  le  bourreau  atta- 
cha sur  des  crochets  de  fer  les  têtes  des 

illustres  victimes! V  trois  heures  de 

l'après-midi  le?  dépouilles  des  seigneurs 
décapités  furent  transférées  au  couvent 
des  Récollets  et  de  là  à  l'église  collé- 
giale. Tous  les  assistants  pleuraient, 
écrit  un  témoin  oculaire.  Le  cadavre  du 
comte  d'Egmont  ayant  été  enfin  déposé 
au  couvent  de  .Sainte-Claire,  en  atten- 
dant qii'il  reçût  la  sépulture  dans  le 
bourg  de  Sottegem,  on  vit  des  adver- 
saires secrets  de  la  tyrannie  espagnole 
entourer  le  cercueil,  l'embrasser  et  prier 
Dieu  de  châtier  les  auteurs  d'une  si  hor- 
rible tragédie.  Th.  Just*-. 

\.e  comte  d'Erjmonl  et  le  comte  de  Hornes, 
d'après  des  document  authentique»  et  inédits, 
par  Th.  Juste,  Bruxelles,  1862. 

EGTio^T  {Philippe  comte  »'j,  fils  de 
Lamoral  et  de  Sabine  de  Bavière,  naquit 
à  Bruxelles  en  1.5 .5 S.  Après  l'arrestation 
de  son  père,  il  s'était  retiré  en  Alle- 
magne sous  la  protection  de  l'empereur 
Miiximilien  IL  £.n  1576,  nous  le  re- 
trouvons dans  les  Pays-Bas,  où  il  em- 
brassa avec  ardeur  la  cause  fédérale  et 
nationale.  Nommé  par  les  états  généraux 
colotiel  d'un  régiment  wallon,  il  se  joi- 
gnit aux  troupes  (\\ù,  sous  le  comman- 
dement du  marquis  d'Havre,  entrepri- 
rent de  défendre  Anvers  contre  les 
espagnols  mutinés  :  il  se  comporta 
vaillamment  dans  l'horrible  journée  du 
+  HOvenil)re  jusqu'au  moment  où  il  fut 
fait  prisonnier  et  conduit  au  château. 
Pendant  l'orageux  et  belliqueux  gou- 
vernement de  don  Juan  d'Autriche,  il 
demeura  fidèle  à  la  cause  fédérale. 
Alexandre  Farnèse,  ayant  succédé  à  son 

BIOGR.  NAT.   —   T.  VI. 


oncle,  s'efforça  de  gagner  les  chefs  des 
régiments  wallons  qui  s'étaient  déclarés 
pour  la  religion  catholique  et  contre  les 
Gantois.  Dès  le  .3  novembre  1578,  il 
écrivit  à  Philippe  II,  du  camp  de  Bouges, 
qu'il  a  fait  sonder  le  comte  d'Egmont 
ainsi  que  les  seigneurs  de  Hèze,  de 
"Montigny  et  de  Câpres.  Egmont  ne 
résista  point  aux  suggestions  de  Far- 
nèse; quoiqu'il  appartînt  encore  ostensi- 
blement au  parti  des  états,  il  tenta  de 
lui  enlever  Bruxelles,  où  il  résidait  avec 
ses  sœurs.  Dans  la  matinée  du  -t  juin 
1579,  il  fit  approcher  son  régiment,  qui 
était  cantonné  dans  les  environs  de  la 
ville,  s'empara  de  la  porte  d'Obbrussel, 
se  dirigea  vers  le  ^larché  et  se  rendit 
maître  de  l'hôtel  de  ville  et  de  la  Mai- 
son du  roi.  Pour  tromper  la  bourgeoisie, 
Egmont  fit  publier  qu'il  avait  été  nommé 
au  commandement  de  la  ville  par  les 
états  généraux;  mais  un  exprès  envoyé 
en  poste  à  Anvers  rapporta  bientôt  leur 
réponse  :  ils  ordonnaient  au  comte  d'Eg- 
mont de  sortir  de  Bruxelles  dans  les 
vingt-quatre  heures.  La  bourgeoisie 
exaspérée  courut  aux  armes  et  barricada 
toutes  les  avenues  de  la  Grand'place. 
«  Le  lendemain  " ,  disent  les  auteurs  de 
V Histoire  de  Bruxelles,  «  les  bourgeois 
«  débouchèrent  sur  le  ^larché  par  sept 
«  issues  secrètes  et  refoulèrent  les  Wal- 
»  Ions  dans  l'hôtel  de  ville.  .Manquant 
"  de  vivres,  sans  espérance  d'être  se- 
«  courus,  apprenant  que  des  renforts 
"  accouraient  de  tous  côtés  pour  sou- 
"  tenir  leurs  ennemis,  qui  voulaient 
"  mettre  le  feu  «  ez  maisons  d'allentour 
«  du  Marché  pour  les  brusler  «,  les 
"  royalistes  demandèrent  à  capituler, 
"  menaçant,  en  cas  de  refus,  de  faire 
"  sauter  P hôtel  de  ville.  Sur  les  vives 
«'  instances  du  magistrat,  les  bourgeois 
H  consentirent  à  une  convention,  en  suite 
"  de  laquelle  d'Egmont  fit  sortir  de  la 
«  ville  ses  soldats  et  ses  adhérents.  » 
La  foule,  qui  l'entourait  sur  le  Marché 
où  il  était  resté  un  des  derniers,  l'acca- 
blait d'imprécations;  on  l'appelait  traî- 
tre et  fils  dénaturé;  on  lui  montrait  la 
place  où  onze  ans  auparavant  son  père 
avait  eu  la  tête  tranchée  par  les  Espa- 
gnols.  Ce  fut  en  versant  des  larmes  de 

i7 


5H 


ËGMONT 


d12 


rage  qu'il  se  dirigea  enfin  vers  la  porte 
d'Anderlecht,  d'oii  il  gagna  le  château 
de  Gaesbeek.  Il  avait  juré  de  se  venger. 
Le  19  juillet,  de  son  camp  près  de  Maes- 
tricht,  Farnèse  informa  Philippe  II  que 
le  comte  d'Egmont  s'était  rendu  à  Lille 
près  du  seigneur  de  Eassenghien  et  y 
avait  fait  une  déclaration  formelle  pour 
le  roi  et  la  religion  catholique  ;  qu'il 
avait  donné  aussitôt  une  preuve  du  nou- 
veau zèle  qui  l'animait  en  réduisant 
Nivelles,  Grammont  et  Ninove.  Malgré 
cette  éclatante  défection,  Philippe  d'Eg- 
mont, quelques  jours  après,  eut  l'audace 
d'écrire  au  magistrat  de  Bruxelles  pour 
se  justifier  des  soupçons  de  trahison  qui 
planaient  sur  lui.  «  Nous  n'eûmes  jamais 
«  en  pensée,  disait-il,  de  nous  allier 
«  aux  Espagnols  si  pernicieux.  «  En- 
fermé dans  la  ville  de  Ninove,  d'où  il 
pouvait  ravager  tout  le  pays  entre  la 
Dendre  et  l'Escaut,  Egmont  se  montrait 
en  réalité  un  des  plus  redoutables  sou- 
tiens de  l'Espagne.  Enfin,  le  30  mars 
1580,  la  garnison  de  Ninove  fut  assaillie 
à  l'improviste  par  La  Noue  et,  après 
quelques  jours  de  combat,  obligée  de  se 
rendre  à  discrétion.  Philippe  d'Egmont 
fut  d'abord  conduit  au  fort  de  Kamme- 
kens,  eu  Zélande,  puis  transféré  à  Gand 
où  le  peuple  voulut  le  mettre  en  pièces. 
Il  resta  captif  pendant  cinq  années  au 
Prinsen-Hof.  En  1585,  il  fut  enfin 
échangé  avec  d'autres  capitaines  contre 
La  Noue  que  les  Espagnols  avaient  fait 
prisonnier  à  leur  tour. 

Philippe  II  récompensa  le  comte 
d'Egmont  en  le  créant  chevalier  de  la 
Toison  d'or  et  en  lui  conférant  le  gou- 
vernement de  l'Artois.  On  l'a  appelé 
lâche  courtisan  et  guerrier  téméraire  ; 
en  réalité  il  s'était  toujours  montré 
vacillant  en  politique  et  très-brave  sur 
les  champs  de  bataille.  En  1590,  Far- 
nèse l'envoya  en  France  au  secours  du 
duc  de  Mayenne,  chef  de  la  Ligue.  Cette 
expédition  lui  devint  fatale.  Le  24  mars, 
il  fut  tué  à  la  bataille  d'Ivry.  Il  s'était 
engagé  dans  la  mêlée  à  la  tête  de 
1,200  lances  et  d'un  escadron  de  reî- 
tres  :  un  capitaine  des  carabiniers 
royaux  fondit  sur  lui  et  lui  cassa  la  tête 
d'un  coup  de  pistolet. 


Philippe  d'Egmont  avait  épousé  Ma- 
rie de  Hornes,  fille  de  Martin,  comte  de 
Houtkercke,  et  d'Anne  de  Croy,  vicom- 
tesse de  Furnes  ;  il  n'eut  point  de  pos- 
térité. Sa  devise  était  :  2^'il  mihl  tollit 
Jiyems.  Th.  Juste. 

Correspondance  d'Alexandre  Farnèse,  prince 
de  Panne,  gouverneur  (jéniral  des  Patjs-Das, 
avec  Philippe  II,  publiée  par  M.  Gachard.  — 
Docuntents  liistoriques  inéaits  concernant  les 
troubles  des  Pays-Bas,  publiés  par  Ph  Kervyn 
de  Volkaersbeke  et  J.  Diegerick.  —  Histoire  de  la 
ville  de  Bruxelles,  par  Heinie  et  Wauters,  etc. 

Ef^no^T  (Juste  \.\yi),  peintre  d'his- 
toire et  de  portrait.  Dans  les  documents 
publiés  par  M.  L.  Dussieux  {Archives 
des  arts,  t.  I,  p.  358),  il  est  dit  que 
Juste  van  Egmont  est  né  à  Anvers  et 
mort  à  l'âge  de  cinquante-cinq  ans  :  deux 
fautes  en  une  ligne.  De  Bie,  qui  vivait 
de  son  temps,  dit  qu'il  est  né  à  Leyde 
en  1602.  Il  mourut  à  Anvers  en  167-1, 
donc  à  l'âge  de  soixante -douze  ans  et 
non  de  cinquante-cinq.  Juste  van  Eg- 
mont, élève  de  Rubens,  après  l'avoir 
été  de  Van  Hoeck  alors  qu'il  avait  qua- 
torze ans,  quitta  son  maître  fort  jeune 
et  alla  s'établir  à  Paris,  où  il  vécut  une 
quarantaine  d'années.  Son  départ  dut 
avoir  lieu  après  1628;  en  effet,  à  cette 
époque  on  le  trouve  inscrit  à  la  gijde 
de  Saint-Luc.  En  France,  notre  artiste 
joua  sans  doute  un  rôle  assez  important, 
car  on  le  voit  ti'ès-souvent  employé  par 
Simon  Youet;  les  rois  Louis  XIII  et 
Louis  XIV  firent  cas  de  son  talent;  il 
devint,  en  1648,  un  des  douze  fonda- 
teurs de  l'Académie  française  de  pein- 
ture et  de  sculpture.  En  1649,  il  offrit 
à  cette  même  Académie  le  portrait  de 
monseigneur  Gaston  d'Orléans.  De  plus, 
De  Bie  assure  que  les  plus  hauts  per- 
sonnages le  comblèrent  de  toutes  sortes 
de  faveurs.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de 
faire  remarquer  que  ce  furent  quatre 
artistes  du  Nord  qui  contribuèrent  dans 
une  mesure  très-large,  d'après  les  mé- 
moires du  temps,  à  la  fondation  de  la 
célèbre  compagnie  :  A'an  Egmont,  d'An- 
vers, Pierre  van  Mol,  d'Anvers;  Gérard 
van  Opstal,  de  Bruxelles,  et  Van  Plat- 
tenberg,  d'Anvers. 

La  vie  de  Van  Egmont  doit  avoir  été 
très    active   comme    artiste    d'abord   et 


.sis 


KG.MONT 


•H  14 


comme  conseiller  ensuite,  s'il  est  permis 
de  s'exprimer  ainsi.  Comme  artiste,  s'il 
reste  peu  de  tableaux  de  lui  (on  ne  sait 
pourquoi),  on  a  pourtant  considérable- 
ment gravé  d'après  ses  œuvres  j  ce  qui 
permet  d'avoir  une  certitude  sur  leur 
quantité  et  leur  caractère.  Comme  con- 
seiller, on  le  voit  travailler  assidûment 
à  la  fondation  de  l'Académie.  En  1651, 
il  signe,  en  qualité  de  délégué,  le  con- 
trat d'alliance  entre  l'Académie  et  la 
turbulente  confrérie  française  de  Saint- 
Luc.  Sauf  ce  qui  précède,  on  m  sait  pas 
grand'chose  de  Van  Egmont.  On  croit 
qu'il  se  rendit  en  Espagne;  en  1661,  il 
est  encore  en  France,  puis  on  signale  sa 
mort  à  Anvers  en  167^.  Un  an  avant, 
on  voyait  de  lui,  à  l'exposition  publique 
faite  par  l'Académie  à  Paris,  la  qua- 
trième du  règne  de  Louis  XIV,  deux 
tableaux,  dont  voici  la  mention  d'après 
le  livret  de  1673  :  De  M.  Juste,  le  père, 
deux  tableaux  :  dam  Vun  des  deux  sont 
les  portraits  de  monsieur  et  madame  Per- 
seval;  et  dans  Vautre  de  monsieur  Per- 
sevul  leur  pu.  Cette  note  nous  apprend 
que  le  nom  de  Van  Egmont  était  déci- 
dément remplacé  par  celui  de  Juste,  et 
secondement  que  notre  artiste  avait  un 
tils  qui  peut  avoir  été  peintre  aussi , 
puisque  le  mot  père  semble  avoir  été 
placé  là  pour  distinguer  les  travaux  du 
père  de  ceux  du  tils.  A  propos  du  nom 
fie  Juste  qui  semble  avoir  remplacé  celui 
de  Van  Egmont,  rappelons  ici  que  Ma- 
riette rapporte  que  le  peintre  aurait 
adopté  ce  nom  de  Juste  ou  Justus  pour 
faire  sa  cour  au  roi  Louis  XIII,  dit  le 
Juste  {\). 

Van  Egmont  avait  épousé  une  Fla- 
mande s'il  faut  en  juger  par  le  nom  : 
elle  s'appelait  Emérence  Bosschaert  et 
fut  enterrée  près  de  son  mari  en  1685, 
a  Saint-Jacques,  à  Anvers. 

On  connaît  de  Juste  van  Egmont  les 
portraits  suivants  :  à  Vienne,  ceux  de 
Philippe  IV  enfant  et  celui  de  l'archiduc 

(I;  Voici  ce  (|ue  Mariette  dit  à  propos  de  notre 
artiste.  EcMOST  iJuste  Verm  d';  d'Anvers  ;  ce 
peintre  qui  estoit  excellent  pour  peindre  les  por- 
iraus,  vint  à  Paris  sous  le  régne  de  Louis  XIII 
et  y  acquit  une  grande  réputation.  En  effect  per- 
sonne u'estoit  plus  capable  que  luy  de  bien  pein- 
dre une  teste.  J'en  ai  veu  qui  sont  dignes  de  Van 


Léopold-Guillaume  ;  à  Pommersfelden, 
ceux  d'un  homme  et  d'une  femme.  Dans 
les  ventes  anciennes,  on  a  vu  quelques- 
uns  de  ses  portraits  vendus  à  des  prix 
dérisoires.  Ce  peintre  donnait  à  ses  œu- 
vres un  aspect  agréable ,  son  coloris 
était  chaud  et  clair,  mais  il  avait  une 
brosse  un  peu  molle.  Ces  nuances  se 
faisaient  remarquer  dans  une  Xaissatice 
de  Vénus,  qui  fut  vendue  300  florins  à 
la  vente  Kegaus  (1775). 

Les  portraits  les  plus  remarquables 
qui  aient  été  gravés  d'après  Van  Egmont 
sont  ceux  de  Louis  XIII,  de  Louis  XIV, 
du  duc  d'Anjou  (1643),  de  Charles  de 
la  Porte,  d'Anne  d'Autriche  et  de  Marie 
de  Gonzague.  Xanteuil  a  admirablement 
gravé  le  portrait  de  Charles  de  la  Porte. 
Il  existe  aussi  beaucoup  de  gravures 
d'après  des  sujets  d'histoire  religieuse 
et  il  faut  croire  que  le  peintre  en  exploi- 
tait la  vente  lui-même,  puisque,  sous 
\vsxQ  de  ces  estampes ,  il  donne  son 
adresse  :  rue  de  Richelieu,  à  V enseigne  de 
Louis  XIII,  le  Juste. 

D'après  Jal  (Bictiontmire  critique  de 
hiograplne  et  d'histoire),  Van  Egmont 
s'appelait  aussi  Constant  et  aurait  eu 
deux  femmes.  Les  renseignements  qu'il 
donne  à  ce  sujet  permettent  de  penser 
qu'il  y  a  confusion  entre  Juste  et  un 
autre  peintre  du  roi  du  prénom  de 
Constant,  lequel  fut  inhumé  le  mardy 
^1  janvier  1679,  d'après  les  registres 
de  Saint-Germain  l'Auxerrois,  à  Paris. 
L^épitaphe  de  notre  artiste  et  de  sa 
femme,  dans  l'église  Saint-Jacques,  a 
Anvers,  porte  ce  qui  suit  : 

D.  0.  M. 

ICSTUS   VERUS    .\B   EGMONT 

ET 

EMERENT1.\  BOSSCHAEKT 

CONIUG. 

OBIIT  ILLE  8  JASUARII    1671 

ILLA  VERO  19  JU.NU   1683. 

R.  I.  P. 

Comme  on  le  voit,  les  éclaircissements 
que   Jal    donne    sur    la    question    sont 

Dyck,  tant  elles  sont  peintes  avec  fraîcheur... 
Hoinbourg,  dans  sa  description  sommaire  des 
peintures  qui  sont  à  Lyon,  dit  que  le  tableaudu 
grand  autel  des  Jacobins  de  cette  ville,  représen- 
tant le  Baptdine  de  .V.  S  ,  est  de  Juste,  peintre  du 
grand-duc. 


ol; 


EGMONT  —  EILBODE 


116 


plutôt  de  nature  à  l'embrouiller  qu'à 
Téhicider.  Nous,  croyons  qu'il  y  a  con- 
fusion entre  le  père  et  le  fils  et  que  cer- 
taines dates  relevées  par  Jal  concernent 
ce  dernier.  Ad.  Siret. 

EHRE^'BEKG(G««7/ffMwevAiî),  pein- 
tre d'architecture,  né  à  Anvers  en  1630, 
mort  en  1675  ou  1677.  Reçu  franc- 
maître  de  la  corporation  de  Saint-Luc  à 
Anvers  en  1662,  en  1666,  il  fut  admis 
en  qualité  à^amateur  dans  la  chambre 
de  rhétorique  de  Olyftal-  à  laquelle  il 
offrit  le  tableau  qui  se  trouve  actuelle- 
ment au  musée  d'Anvers  et  qui  repré- 
sente Caricine  devant  le  roi  d'Ethiopie. 
Toute  la  partie  architecturale  de  cette 
œuvre  est  de  lui,  les  figures  sont  d'Kenri 
van  Minderhout.  On  ne  sait  qui  fut  son 
maître,  mais  il  acquit  rapidement  une 
grande  notoriété  par  la  peinture  des 
fonds  d'architecture  et  les  effets  de  per- 
spective. La  plupart  des  grands  artistes 
de  son  temps  étoffèrent  ses  tableaux,  et 
lui-même,  par  réciprocité,  orna  de  mo- 
numents et  de  détails  architecturaux  les 
œuvres  de  ses  confrères.  Son  extrême 
habileté  dans  ce  genre  en  fait  un  des 
artistes  les  plus  originaux  du  xviie  siè- 
cle. On  ignore  la  date  précise  de  sa 
mort.  Indépendamment  du  tableau  du 
musée  d'Anvers,  il  faut  citer  de  Van 
Ehrenberg  le  fond  monumental  si  re- 
marquable du  chef-d'œuvre  de  Biset  qui 
se  trouve  au  musée  de  Bruxelles  et  qui 
représente  Guillaume  Tell  abattant  la 
pomme  placée  sur  la  tête  de  son  fils.  Le 
Musée  de  Vienne  renferme  de  lui  un 
Intérieur  d'église,  signé  et  daté  de  1664. 
Excellent  perspectiviste  ,  dessinateur 
élégant  et  ingénieux ,  coloriste  souple 
et  adroit,  notre  artiste  est  souvent 
appelé  Hardenberf/,  Ondenbergh,  Van 
Eerdenborch,  Van  Arembercît  et  Van 
Aerdenborch.  Un  super1)e  tableau  de 
Biset  représentant  Jupiter  et  Danaé,  fut 
vendu  en  1763,  à  la  vente  Lormier,  à 
Jja  Haye.  Van  Ehrenberg,  qui  avait  fait 
une  partie  du  fond  avec  (lysels,  Vee- 
rcndael  et  Spierings,  est  désigné  dans  le 
catalogue  sous  le  nom  de  Ilardenberg . 


A.l.  Siicl. 


i:  11,11  i:icT 


(If   l'iciihcun-ux),   comte 


de  riorennes,  né  vers  le  commencement 
du  xe  siècle,  était  fils  aîné  d'Ebroin  et 
de  Liberté,  que  la  légende  fait  descendre 
des  comtes  de  Narbonne.  Pendant  sa 
jeunesse,  Eilbert  ne  cessa  de  guerroyer, 
suivant  en  cela  les  usages  des  seigneurs 
de  son  époque;  et,  pour  se  défendre 
contre  ses  ennemis,  il  construisit  sept 
châteaux  forts.  Dans  son  ardeur  belli- 
queuse, il  se  laissa  entraîner,  un  jour, 
jusqii'à  piller  la  ville  de  Reims  et  incen- 
dier la  belle  basilique  qui  y  était  élevée 
en  l'honneur  de  Notre-I)ame.  La  raison 
qui  l'avait  poussé  à  ces  excès  était 
cependant  des  plus  futiles  ;  c'était  pour 
récupérer  une  pierre  précieuse  donnée 
en  gage  pour  un  cheval  !  !  Revenu  plu^^ 
tard  à  des  idées  plus  calmes,  et  poussé 
par  des  sentiments  de  componction,  il 
construisit  sept  monastères  avec  l'inten- 
tion d'expier  ainsi  les  crimes  de  sa  jeu- 
nesse. Le  dernier  des  monastères  qu'il 
fonda,  fut  celui  de  Waulsort,  situé  sur 
la  Meuse  entre  Dinant  et  Givet.  Il  le 
dota  richement,  en  946,  de  concert  avec 
son  épouse  Héresinde.  Après  la  mort  de 
celle-ci,  Eilbert  mena  une  vie  retirée  et 
séjourna  presque  constamment  à  Waul- 
sort,  consacrant  son  temps  à  la  prière. 
Il  y  mourut  le  28  mars  977. 

i:.-H.-.l.   Reus-iiv 

Raissius.  Ad  natales  sanctorurti  JlelijnJoannis 
Molaui  aiiciariiim.  ]).  48. 

EiLBonE,  EiLBODox,  ouHetlbodk, 
châtelain  de  Courtrai,  dont  le  nom  pour- 
rait bien  signifier  messager  de  ])onheur, 
de  hegl,  bonheur  et  bode,  messager.  Jl 
vivait  au  xe  siècle  en  Flandre,  sous  le 
règne  du  comte  Baudouin  le  Barbu. 
L'histoire  d'Eilbode  est  celle  de  beau- 
coup de  seigneurs  et  d'officiers  du  moyen 
âge,  qui,  au  milieu  de  l'espèce  de  chaos 
politique  d'où  devait  sortir  une  organi- 
sation complète,  essayèrent  de  se  tailler 
un  domaine  indépendant;  il  y  eut  seu- 
lement cette  difi'érence,  que  le  châtelain 
de  Courtrai  ne  parvint  pas  à  consolider 
une  usurpation  bien  réussie  dans  le 
principe,  tandis  que  d'autres  ont  fondé 
des  Etats,  qui  sont,  par  le  temps,  de- 
venus des  ])uissauces. 

Nouslisonsdans  une  vii'ille  chronique 
flamande  que  »  Baldwiu  le  Rarbu  fut  le 


EILBODE  —  EISEN 


ol8 


«  premier  qui  créa  des  nobles  et  des 
«  chevaliers  en  Flandre  ;  il  leur  donna 
«  des  domaines  et  des  châteaux  et  leur 
"  confia  la  garde  des  villes  " .  C'est 
ainsi  qu'à  Courtrai  on  construisit  un 
linr(j  dont  le  commandement  fut  donné 
a  Eilbode,  homme  d'une  haute  naissance 
«  splendido  loco  iiatus  « ,  à  ce  que  dit 
l'annaliste  Meyer. 

A  peine  nommé,  le  châtelain  résolut 
de  profiter  de  la  jeunesse  du  comte  pour 
s'affranchir  de  son  autorité.  Son  gouver- 
nement comprenait  une  assez  grande 
portion  du  territoire  de  la  Flandre, 
autour  du  hury  de  Courtrai,  il  s'en  em- 
para, et  se  mit  à  la  régir  pour  son  propre 
couipte.  Seulement  afin  de  se  maintenir 
avec  succès  dans  cet  état  de  rébellion 
ouverte,  il  lui  fallait  nécessairement 
s'assurer  l'appui  des  populations  des 
villes  de  Courtrai,  d'Harlebeke,  et  des 
gens  du  plat  pays.  Dans  ce  but,  il 
accorda  à  tous  les  habitants  de  son 
pseudo-comté  certains  avantages  ,  au 
prix  desquels  ils  consentirent  à  se  ranger 
de  son  parti;  il  parvint  même  à  leur  faire 
promettre  de  résister  à  Baudouin,  si 
celui-ci  en  venait  à  vouloir  revendiquer 
.ses  droits  sur  le  burcj  et  la  chàtellenie  de 
Courtrai.  Harlebeke  cependant  refusa 
d'entrer  dans  la  conjuration,  et  malgré 
tous  les  eôbrts  d'Eilbode,  persista  dans 
sa  fidélité  au  comte  de  Flandre. 

La  souveraineté  d'Eilbode  dura  quel- 
ques années,  et  il  se  croyait,  sans  doute, 
déjà  assuré  de  l'impunité,  quand  la  mort 
le  surprit.  Cet  événement  semblait  devoir 
mettre  fin  à  la  révolte,  mais  il  n'en  fut 
rieu,  et  les  Courtraisiens  continuèrent  à 
vouloir  former  un  Etat  indépendant. 

Baudouin  le  Barbu,  sur  ces  entre- 
faites, avait  atteint  l'âge  de  gouverner 
entièrement  par  lui-même  ;  un  des  pre- 
miers projets  qu'il  voulut  mettre  à  exé- 
cution fut  d'aller  revendiquer  la  portion 
de  territoire  que  le  châtelain  félon  lui 
avait  si  audacieusement  enlevée.  Les 
bourgeois  de  Courtrai  en  furent  infor- 
més, et  ils  envoyèi'cnt  quinze  des  leurs 
mettre  le  feu  aux  quatre  coitis  d'Harle- 
beke, pour  punir  cette  ville  de  sa  fidé- 
lité au  comte.  Harlebeke  brûla  tout 
entier  et  ce  fut  à  grande  peine  et  comme 


par  miracle  qu'un  clerc  parvint  à  sauver 
les  reliques  de  saint  Bertulphe.  Cet 
attentat  indigna  les  populations  contre 
les  rebelles;  de  nombreux  sujets  du 
comte  se  joignirent  à  lui  et  l'on  marcha 
sur  Courtrai.  Eilbode,  qui  avait  été 
l'ame  de  la  révolte,  n'était  plus  là  pour 
l'alimenter,  et  Baudouin  eut  bientôt 
raison  des  bourgeois.  Ceux-ci  ne  persis- 
taient dans  leur  rébellion  que  dans  la 
crainte  du  châtiment  qui  les  attendait; 
se  voyant  complètement  isolés  et  sans 
appui,  ils  se  soumirent.  Il  est  probable 
que  le  comte  de  Flandre  les  châtia  sévè- 
rement, car  il  n'eut  plus  de  longtemps  à 
réprimer  une  insurrection  de  ce  genre. 

Emile  Varenbeigli. 

Vila  s.  Rertulphi ,  apud  Ghesqiiiére;  Aciu 
SS.  Belgii,  v.  483.  —  Brève  geneat.  corp.  cliroii. 
Ftuiidr.,  t.  XIll.  —  Chron.  coin.  FtuiitL,  dans 
(.orp.  clir.,  44.  —  Kervyn,  HUt  de  ta  Flandre, 
t.  I,  ±21-^21^.— Le  filay,  Hist.  des  comte.',  de  Flan- 
dre, t.  I,  lo(3.  —  Meyèr,  Aiinale.s,  (.dannuni  9S8. 

Ei!*EX  {François),  peintre  et  graveur, 
né  à  Bruxelles  vers  1685,  et  non  en 
1700  (comme  l'indiquent  abusivement 
plusieurs  biographes j,  mort  à  Paris  à  un 
âge  fort  avancé,  vers  1775,  selon  toute 
probabilité.  Encore  jeune,  il  alla  s'éta- 
blir eu  France ,  à  Yalenciennes ,  s'y 
maria  en  1716,  et  s'y  livra  fructueuse- 
ment à  son  art  en  peignant  des  sujets 
de  sainteté  pour  les  églises  du  Bégui- 
nage, des  Brigittines,  des  L'rsulines,  de 
l'abbaye  de  A^icoigne  et  pour  d'autres 
institutions  monastiques.  Il  n'eût  pas 
discontinué  à  exploiter  une  si  bonne 
veine,  s'il  ne  s'était  buté,  en  174'5, 
contre  le  mauvais  vouloir  de  l'adminis- 
tration communale,  et,  surtout,  si  la 
venue  d'un  de  ses  confrères,  le  peintre 
Gilis,  n'avait  en  partie  arrêté  son  suc- 
cès. Sotis  l'influence  de  ces  déboires, 
il  revint  dans  sa  ville  natale,  et  il  pro- 
jetait de  s'y  fixer,  quand  le  bombarde- 
ment de  Bruxelles  par  l'armée  française 
le  força  de  s'en  éloigner  de  nouveau  : 
une  ville  dévastée  et  appauvrie  ne 
pouvait  guère  offrir  des  ressources  à 
un  artiste.  Il  alla  donc  chercher  for- 
tune à  Faris,  ne  l'y  trouva  point,  mais 
acquit  assez  rapidement  la  vogue.  Ses 
agréables  tableaux  de  genre,  qui  réunis- 
saient  à    une   certaine   ingénuité   d'ex- 


519 


EISEN  —  ELBURG 


o20 


pression  et  à  l'élégance  des  costumes  le 
coloris  et  le  faire  précieux  des  A-ieux 
Flamands,  furent  bientôt  recherchés; 
les  gens  du  monde  s'en  engouèrent  à 
première  vue;  les  vrais  connaisseurs  y 
découvrirent  de  sérieuses  et  solides  qua- 
lités. A  ce  moment  l'Académie  eût  même 
ouvert  ses  portes  à  Eisen,  si,  plus  sou- 
cieux de  sa  gloire,  il  fût  allé  y  heurter,  en 
sollicitant,  indirectement,  ses  sufirages 
par  l'exécution  d'une  œuvre  historique. 
11  se  borna  à  profiter  de  sa  bonne  chance, 
comme  si  elle  ne  devait  jamais  cesser,  et 
l'argent  afflua  dans  son  ménage  sans  ce- 
pendant y  abonder.  Ce  ménage  compre- 
nait, en  effet,  une  dizaine  de  personnes; 
marié  jeune  avec  ^Marguerite  Gainze,  il 
en  eut  sept  enfants,  entre  autres  un 
fils,  Charles  Eisex,  né  à  Yalenciennes 
le  17  août  1720,  justement  célèbre 
comme  graveur  et  qui,  dès  1742,  l'avait 
précédé  à  Paris  pour  entrer  dans  l'ate- 
lier de  Lebas. 

Ce  fils,  Charles  Eisen,  revint  mourir 
fortuitement  à  Bruxelles  le  4  janvier 
1778  et  fut  enterré  au  cimetière  de 
Sainte-Gudule.  Il  s'était  rendu  en  Bel- 
gique, disait-on,  pour  arranger  ses  affai- 
res; mais,  en  réalité,  il  n'y  était  venu  que 
pour  fuir  ses  créanciers  et  ajouter  de  nou- 
velles dettes  aux  anciennes.  Livré  à  des 
mœurs  dissolues;  séparé,  depuis  plus  de 
dix  ans,  de  ses  enfants  et  de  sa  femme 
légitime;  enfin  dépourvu  de  conscience 
et  de  moralité,  le  nom  de  l'homme  ne 
mériterait  point  de  survivre,  si  le  talent 
de  l'artiste  n'eût  été  admirable.  Sa  rare 
fécondité,  la  prestesse  de  sa  main,  son 
imagination  si  vive  et  si  capricieuse  di- 
minuèrent cependant  vers  la  fin  de  sa 
\ie  :  sous  l'influence  délétère  de  ses 
vices,  il  ne  produisait  plus  guère  que 
harcelé  par  le  besoin.  Son  œuvre  est 
cependant  des  plus  abondants;  mais,  au 
milieu  de  tant  de  gravures,  la  plupart 
attrayantes,  correctes,  empreintes  d'une 
grâce  un  peu  maniérée,  on  citera  tou- 
jours comme  ses  chefs-d'œuvre  les  plan- 
ches exécutées  pour  len  Baisers  de  Dorât 
et  celles  des  Contes  de  La  Fontaine,  dans 
la  splendide  édition  dite  des  fermiers 
généraux. 

Son  père,    François  Eisen,  avait  éga- 


lement gravé  à  l'eau-forte.  On  cite  sur- 
tout sa  planche  d'après  Eubens,  Jésvn 
remettant  les  clefs  à  saint  Pierre.  Comme 
nous  l'avons  dit,  il  peignit  d'aliord  des 
sujets  religieux;  ensuite  des  scènes  de 
salon,  élégantes  ou  galantes;  enfin, 
quand  le  goût  se  modifia  et  que  sou 
talent  eut  veilli,  il  lui  fallut  l'accommo- 
der à  la  mode  du  jour,  en  peignant  des 
tabagies  et  des  bambochades.  Quoique 
octogénaire,  son  intelligence  était  restée 
éveillée  et  sa  vue  si  bonne,  qu'il  pouvait 
travailler  sans  lunettes.  Il  produisait 
chaque  mois  deux  à  trois  tableautins  de 
6  à  7  pouces  de  hauteur,  et  qu'on  lui 
payait  tfois  louis,  ressource  suffisante 
pour  se  maintenir  au-dessus  de  la  pau- 
vreté. Celle-ci  vint  pourtant  à  pas  lents, 
et  faute  de  pain,  il  se  fit  admettre,  avec 
sa  femme,  à  l'hospice  des  Incuraliles,  où 
tous  deux  moururent.      péiix  stappaens. 

biographie  Valenciennoise  'par  Hécari),  recueil 
de  noticiîs  extraites  de  la  Feuille  de  Yalencien- 
nes fie  -18-21  à  18!26.  —  Bulletin  de  la  Société 
de  l'histoire  de  l'art  français,  1867.  —  L'Art  au 
xvm"=  siècle,  par  Ed.  et  Jules  de  Goncourl,  1  vol. 
in-80,  Paris,  i874. 

*Ei,BtJRG(Je««VA:*'),  peintre  de  ma- 
rines et  de  figures,  né  à  Elburg  en  Guel- 
dre,  florissait  pendant  les  années  1500 
à  1553.  Il  se  trouve  inscrit  dans  les 
Liffffereu  d'Anvers,  sous  la  date  de  153(i 
et  appelé  Hansken  van  Elburcht  {alias 
Klein  Hansken).  Yan  Mander  dit  qu'il 
vint  à  Anvers  en  1535.  Les  Liggeren 
donnent  en  note  un  extrait  des  comptes 
de  l'église  de  Xotre-Dame  d'Anvers,  du- 
quel il  résulte  qu'à  la  ]S'oël  en  1552- 
1553,  Petit  Jean  fut  chargé  de  peindre 
des  images  de  Marie  sur  des  bannières. 
En  1551,  les  Liggeren  mentionnent  un 
peintre  nommé  Melsen  Salebos  comme 
élève  de  notre  artiste. 

Jean  van  Elburg  est  considéré  comme 
fun  des  fondateurs  de  la  peinture  de 
marine;  il  y  excellait  et  parvenait  à 
rendre  admirablement  les  tempêtes;  il 
s'occupa  aussi  de  peinture  d'histoire 
religieuse  et  de  paysage.  On  voyait 
autrefois  de  lui,  d'après  Van  Mander,  à 
l'église  de  Xotre-Parae  d'Anvers,  une 
Fe'che  miraculeuse,  aujourd'hui  disparue. 
Kramm  signale  encore,  au  musée  d'An- 
vers, le  Miracle  de  la  midtiplicntion  des 


0-21 


ELBURG  —  ELDEREiX 


322 


paim  :  le  récent  catalogue  de  ce  musée 
(187-ij  ne  le  mentionne  pas.  Immerzeel, 
qui  fait  naître  notre  peintre  en  1500,  en 
fait,  d'après  Van  Mander,  un  grand  éloge. 
Descamps,  qui  publiait,  eu  1753,  sa  Fie 
des  pehitres,  dit  :  «  On  voit  encore  de 
»  Van  Elburcht,  dans  l'église  de  Notre- 
«  Dame  d'Anvers,  le  tableau  d'autel  de 
«  la  chapelle  des  marchands  de  poisson; 
"  il  représente  la  Pèche  miraculeuse  » 
(déjà  signalé  cent  cinquante  ans  aupa- 
ravant par  Van  Mander).  «  On  voit 
«  trois  autres  petits  tableaux  derrière 
Il  les  chandeliers,  dans  lesquels  il  a 
"  peint  des  sujets  tirés  de  l'Evangile.  « 
Dans  son  Voyage  pittoresque ,  le  même 
auteur,  en  parlant  de  ces  tableaux,  dit  : 
«  Ils  ne  sont  pas  sans  mérite,  mais  le 
"  dessin  en  est  roide  et  tout  y  est  peint 
"   avec  trop  de  sécheresse  « . 

Ad.  Siret. 

ELDEREX  {Jean-Louis,  baron  d'), 
LXIIIe  évêque  de  Liège,  fils  de  Guil- 
laume,  seigneur  de  Genoels-Elderen , 
Kechoven,  Koye,  etc.  (1),  et  d'Elisabeth 
de  Warnant,  naquit  dans  les  premières 
années  du  xviie  siècle  et  mourut  presque 
subitement  à  Liège,  d'un  catarrhe  suffo- 
cant, le  1er  février  1694.  Il  était  entré 
de  bonne  heure  dans  les  ordres.  Reçu 
chanoine  tréfoncierle  8  novembre  1636, 
par  collation  de  Ferdinand  de  Bavière, 
il  fut  élu  grand  chantre  en  1661  et 
grand  doyen  de  Liège  huit  ans  plus 
tard;  il  porta  également  le  titre  de 
prévôt  de  Saint-Barthélemi,  en  cette 
ville,  puis  celui  de  prévôt  de  Notre- 
Dame  de  Tongres.  Le  prince  Maximi- 
lien-Henri  ayant  rendu  le  dernier  sou- 
pir à  Bonn  le  3  juin  1688,  le  chapitre 
cathédral  s'empara  aussitôt  du  pouvoir 
exécutif,  au  lieu  de  convoquer  les  états, 
suivant  l'antique  usage,  pour  la  nomi- 
nation d'un  mamboiirg  (3)  :  c'est  de  là, 
par  parenthèse,  que  datent  les  premières 
monnaies  sede  vacante,  frappées  au  nom 

(1)  Le  famille  d'Elderen  se  rattachait  au  lii;nage 
de  Tomjrea ;  elle  portail  de  vair,  après  le  pre- 
mier trait  en  chief  une  fasce  d'or,  les  vairs  nom- 
bres de  4,  3  et  "2  (V.  Loyens,  Rec.  Herald .  el  Ern. 
de  Rye,  Traité  dea  maisons  nobles  du  pays  de 
Liégt,  p.  99). 

\^)  Sur  celte  (|uesiion  controversée,  voy.  Poul- 
lel,  Les  ('onstitiUions  nationales  belges  (Méni.  de 
l'.4cad.,  in-8»,  t.  XIVl,  p.  88). 


dudit  chapitre,  à  l'effigie  de  saint  Lam- 
bert. Cependant  il  fallait  en  finir  :  les 
intrigues  commençaient  à  se  nouer.  La 
France  recommandait  vivement  la  can- 
didature du  cardinal  de  Furstenberg; 
elle  y  perdit  sa  peine.  Les  chanoines 
jetèrent  leur  dévolu  sur  Jean-Louis,  qui 
ne  songeait  à  rien  moins  qu'au  pouvoir. 
C'est  peut-être  pour  cela  qu'ils  le  choi- 
sirent, parce  qu'il  était  doux,  aftable, 
sans  ambition  personnelle;  aussi  bien, 
l'intérêt  du  petit  Etat  de  Liège  était  de 
se  prêter  le  moins  possible  aux  compé- 
titions étrangères,  d'ôter  aux  grandes 
pii.issances  voisines  et  rivales  tout  pré- 
texte à  s'immiscer  dans  ses  affaires. 
Elevé  à  le  principauté  le  17  août, 
d'Elderen  fut  consacré  évêque  le  27  dé- 
cembre suivant,  en  l'église  des  Prémon- 
trés. Le  peuple  témoigna  une  franche 
allégresse  :  on  se  félicitait  de  voir  enfin 
sur  le  trône  un  gentilhomme  du  pays. 
Le  règne  de  Maximilien-Henri  avait  été 
agité,  sinistre,  liberticide.  Il  n'y  avait 
plus  à  revenir  sur  le  passé,  ftit-on  resté 
grignoux  au  fond  de  l'àme  :  l'opposition 
avait  usé  son  énergie  ;  on  se  résignait  ; 
du  moins  on  comptait  respirer  sous  un 
prince  du  caractère  de  d'Elderen  : 
Il  Un  très-saint  homme,  dit  Mme  de  La- 
//  fayette,  que  l'esprit  ne  conduit  pas 
Il  à  de  grands  desseins,  et  qui  peut- 
II  être,  à  l'heure  qu'il  est,  est  très-faché 
//  d'avoir  été  élu.  «  Mais  il  n'est  pas 
toujours  possible  de  rester  pacifique. 
Citons  encore  Mme  de  Lafayette,  d'après 
Villenfagne  :  «  Louis  XIV  fut  offensé 
"  que  le  chapitre  de  Liège  n'eût  pas 
Il  suivi  ses  intentions;  il  s'en  consola 
Il  par  la  quantité  de  contributions  qu'il 
Il  espéra  tirer  de  tout  le  pays.  «  L'oc- 
casion ne  lui  manqua  pas.  Jean-Louis 
n'avait  pas  encore  reçu  de  Piome  sa  bulle 
de  confirmation,  qu'il  eut  maille  à  partir 
avec  le  grand  roi.  La  puissante  armée 
qui  devait  envahir  l'Allemagne  se  jeta 
en  passant  sur  le  territoire  liégeois  et 
s'y  conduisit  en  ennemie.  L'évêque  pro- 
testa et  obtint,  grâce  aux  déiuarches  de 
son  envoyé  à  Versailles,  le  comte  de 
Groesbeeck,  que  la  principauté  serait 
épargnée,  à  condition  :  lo  qu'une  somme 
de  150,000  livres  serait  payée  annuel- 


;^23 


ELDEREN 


)24 


lement  à  la  France  pendant  la  durée  de 
la  guerre  ;  2o   qu'une   autre   somme  de 
90,000  livres  servirait  d'indemnité  pour 
divers  travaux   exécutés  entre  autres  à 
Huy  ;  S'J  que  la  citadelle  élevée  par  le 
dernier    prince    serait    démolie.    Liège 
devait,  finalement,  garder  la  neutralité. 
Qu'arriva-t-il?  Des  annalistes  préten- 
dent que  les  Liégeois  saisirent  un  convoi 
«  de  munitions  de  guerre  et  de  bouche  « 
de  provenance  française;  d'autre  part 
des  troupes  de  la  coalition  furent  intro- 
duites dans  leur  ville,  bien  qu'on  leur 
eiit  fait  dire  que  s'ils  les  recevaient,  ils 
pourraient  avoir  lieu  de  s'en  repentir. 
Etait-ce  manque  de  foi?  N'ayant   point 
de  troupes,  pouvaient-ils  rester  neutres? 
X'étaient-ils   pas  à  la  merci  du  premier 
occupant?  Cédèrent-ils   parce   qu'il  le 
fallut  bien,  ou  n'écoutant  que  leurs  pré- 
férences ?  Bref ,  d'Elderen  se  vit  mis  en 
demeure  de  se  justifier  ou  de  se  pronon- 
cer. Longtemps  il  hésita  :  poussé  à  bout, 
il  déclara  la  guerre  à  la  France  et  leva 
sans  retard  4,000  hommes,  qu'il  mit  à 
la  disposition  des  alliés.  Outrecuidance! 
s'écria-t-on.  D'autres,  au  contraire,  van- 
tèrent le  courage  et  la  présence  d'esprit 
du   prince,   dont   l'attitude  en  efl'et  ne 
laissa  pas  que  d'inquiéter  les  politiques 
de  Paris.  En  tout   cas,  la  malheureuse 
ville  de  Liège  le  paya  cher.  Vers  la  tin 
du  mois   de   mai   1691,1e  maréchal  de 
Bouftiers  entra  en  campagne.  Le  1er  juin, 
mardi  de  la  Pentecôte,  il  s'approcha  de 
la  cité,  du  côté  de  la  Chartreuse,  avec 
fiO  escadrons  et  20  bataillons (15,000  ou 
16,000  hommes),  douze  mortiers  et  plu- 
sieurs canons.    Le   bombardement   fut 
ouvert  le  4  :  les  mortiers  firent  leur  ter- 
rible office  pendant  deux  fois  vingt-quatre 
heures,  et,  dix-huit  heures  durant,  les 
autres  bouches  à  feu  vomirent  des  bou- 
lets rouges  sur  les  quartiers  les  plus 
])opuleux.  Le  feu  gagna  surtout  les  quais 
de  la  Meuse  (rive  gauche),  ainsi  que  les 
maisons  situées  entre   la   rivière   et   le 
Marché   :   l'église  îSainte -Catherine  et 
l'hôtel  de  ville  furent  réduits  en  cen- 
dres ;  le  faubourg  d'Amercœur  et  la  Bo- 
verie  eurent  le  même  sort.  Les  troupes 
(le  Brandebourg  mirent  le  comble   à  la 
JésoUition  des  habitants  eu  se  livrant  au 


pillage,  comme  si  elles  n'avaient  pas  été 
appelées  pour  les  protéger.  Heureuse- 
ment le  bruit  de  l'arrivée  d'une  autre 
armée  allemande  se  répandit  dans  le 
camp  de  Boufflers,  qui  délogea  sans  ten- 
ter de  se  rendre  maître  de  la  ville  incen- 
diée. D'Elderen  désirait  ardemment  la 
paix;  elle  ne  fut  conclue  qu'après  sa 
mort,  en  1697  (traité  de  Eyswick);  dans 
l'intervalle  du  moins,  grâce  aux  me- 
sures prudentes  et  à  l'attitude  énergique 
du  général  Coehorn,  Liège  fut  à  l'abri 
des  coups  de  main  et  put  songer  à 
réparer  ses  désastres.  Un  autre  fait  qui 
ne  manque  pas  d'importance  se  rattache 
au  règne  de  Jean-Louis.- — V\\  de  ses  pa- 
rents, le  comte  d'Oyembrugge,  était  à 
la  tête  de  l'ordre  équestre  lorsque  le 
pouvoir  souverain  lui  fut  conféré.  Sur 
les  instances  de  ce  personnage,  le  prince 
publia  (1691)  un  édit  portant  que  les 
gentilshommes  qui  voudraient  désormais 
s'agréger  audit  ordre  auraient  à  fournir 
la  preuve  de  quatre  quartiers  paternels 
d'état  noble  ancien  et  militaire  ,  et 
pareillement  de  quatre  quartiers  mater- 
nels, reçus  dans  les  chapitres  où  l'on 
exige  la  même  preuve.  Il  en  résulta 
qu'avec  le  temps,  un  grand  nombre  de 
fiimilles  nobles,  en  possession  de  fiefs 
considérables,  se  virent  exclues  de  toute 
participation  directe  au  gouvernement 
du  pays;  le  but  poursuivi  avait  été  de 
concentrer  les  hautes  dignités  sur  un 
petit  nombre  de  têtes.  Quand  éclata  la 
révolution  liégeoise  ,  l'état  noble  se 
composait  à  peine  d'une  douzaine  de 
membres,  parents  les  uns  des  autres. 
Villenfagne  conteste  formellement  la 
constitutionnalité  de  l'acte  de  1691, 
quoi  que  l'on  en  pense,  Jean-Louis  en- 
gagea l'Etat  dans  une  voie  dangereuse  : 
en  réduisant  outre  mesure  un  corps 
investi  de  pouvoirs  étendus,  il  l'exposa 
fatalement  à  dégénérer  en  coterie.  — 
L'Histoire  de  Liège  de  B.  Fisen  fut 
réimprimée  en  1694,  un  peu  avant  la 
mort  de  notre  prince,  et  augmentée  d'un 
second  volume  :  c'est  le  point  de  dé- 
part du  mouvement  littéraire  que  noua 
avons   signalé   dans    l'article    fi eoirges- 

Louis  de  BergheS.  Alphonse  Le  Roj. 

Los   liisioi'ifiis   ilo    Liège   (de   Gei'Iache,   He- 


5'2o 


ELDEREN  -  ELÉONORE 


m 


naux,  etc.}  —  Loyens,  Recueil  héraldique.  —  De 
Renesse,  S'utnism'atique  liégeoise.  —  De  la  Hodde, 
Histoire  de  Louis  XIV.  —  Villenfagne,  Recher- 
ches. —  Vanden  SteRti,  Essai  sur  la  cathédrale 
lie  S.  Lambert.  —  PoiiUel,  Les  Constitutions  na- 
tionales, X. —  (J.  del  Marmol),  Le  peuple  liégeois. 
T-  Mémoires  et  journaux  du  lumps. 

ELEM  {Jérôme)  ou  Elexus,  juriscon- 
sulte, né  à  Baelen,  dans  la  Campine, 
mort  à  Anvers  en  1576.  Il  fit  ses  études 
il  l'université  de  Louvain,  au  collège  du 
Château;  y  ayant  obtenu,  en  1542,  le 
grade  de  maître  es  arts,  il  s'appliqua 
particulièrement  à  l'étude  de  l'histoire, 
de  la  jurisprudence,  de  la  philologie, 
de  l'économie  politique  et  de  la  philo- 
sophie. A  l'exemple  de  plusieurs  autres 
érudits  belges,  il  se  rendit  en  France, 
afin  de  compléter  son  instruction  et  sui- 
vit à  Paris  le  cours  de  langue  grecque 
donné  par  Jean  Strazelius,  son  compa- 
triote, et  à  Orléans  le  coy.rs  de  droit 
professé  par  Hopperus,  savant  dont  il 
obtint  l'amitié.  De  retour  à  Louvain,  il 
y  enseigna  le  grec  et  le  droit  et  s'établit, 
à  la  fin  de  sa  carrière,  à  Anvers,  où  il 
pratiqua  comme  avocat;  il  y  mourut 
dans  un  âge  peu  avancé. 

La  réputation  d'Elen  comme  juriste 
de  la  nouvelle  école  est  attestée  par  ses 
œuvres.  On  lui  doit  :  V>  J .  Laticeloti 
Institutiones  jitrîis  cationici.  Anvers  , 
1566,  in-8ù.  —  2°  Biatr'ibaruiii  seu 
exercitatiotium  ad  Juh  civile  libri  III. 
Anvers,  1576,  in-S».  Ou  y  ajoute  son 
poëme  De  Jure  Pratorii  Antverpiensis . 
Cet  ouvrage,  relatif  aux  règles  du  droit 
civil,  au  mode  d'étudier  le  droit,  et  à 
certaines  anomalies  dans  les  lois,  est 
très-recherché  et  justement  estimé  ;  il  a 
été  réimprimé  plusieurs  fois,  entre  autres, 
dans  le  Thésaurus  jnris  romani,  d'Eve- 
rard  Otthon,  en  1725,  t.  H,  p.  1393. 

Aug.  Valider  Meersch. 

Fo|)pens,  Uibliolhecu  latina,  t.  I,  p.  481.  — 
.Moreri.  Uxtionnaire  bioqraphiqiie.  —  biographie 
générale,  publ'ée  par  Didot.  —  Brilz,  Mémoire 
couronné,  p.  98. 

ÉL,Éo.\ORE  d'Aitriche  ,  née  à 
Bruxelles  le  30  novembre  1498,  était  l'aî- 
née des  enfants  issus  du  mariage  de  Phi- 
lippe le  Beau  avec  Jeanne  de  Castille. 
Elle  avait  douze  ans  à  peine  et  se  trou- 
vait sous  la  tutelle  de  sa  tante  Margue- 
rite,   l'illustre    régente   des    Fays-Bas, 


lorsque  déjà  on  disposait  de  sa  destinée. 
Pour  amener  un  arrangement  avec  les 
Gueldrois,  l'empereur  Maximilien  né- 
gocia le  mariage  d'Eléonore  avec  le  duc 
de  Lorraine  ;  mais  Louis  XII  réussit  à 
faire  rompre  ce  projet.  Quatre  ans  plus 
tard,  Ferdinand,  roi  d'Aragon  et  père 
de  Jeanne  de  Castille,  offrit  sa  petite- 
fille  à  Louis  XII  lui-même,  veuf  d'Anne 
de  Bretagne.  Cette  proposition,  fondée 
sur  des  calculs  purement  politiques,  fut 
également  écartée.  Quand  des  ambassa- 
deurs danois  vinrent  ensuite  demander 
la  main  d'Eléonore  pour  le  roi  Chris- 
tiern  II,  l'empereur  objecta  que  cette 
princesse  était  maintenant  promise  à 
Emmanuelle  Fortuné,  roi  de  Portugal. 
Pour  la  troisième  fois,  on  disposait  de 
la  jeune  archiduchesse  sans  son  aveu. 
Elle  s'était  éprise,  à  la  cour  de  Bruxel- 
les ,  du  comte  Frédéric  de  Bavière , 
cadet  de  la  maison  palatine,  et  lui  avait 
même  remis  une  promesse  de  mariage. 
Celui  qui  allait  devenir  Charles-Quint 
surprit  entre  les  mains  de  sa  sœur  une 
lettre  d'amour  du  comte  qui  l'appelait 
sa  mie  et  où  il  réitérait  son  serment  de 
n'être  jamais  qu'à  elle.  Charles,  irrité, 
fit  rompre  devant  un  notaire  aposto- 
lique, en  présence  de  plusieurs  témoins, 
et  par  la  déclaration  des  deux  parties, 
l'engagement  qu'elles  avaient  pris  l'une 
à  l'égard  de  l'autre.  Il  éloigna  ensuite 
de  la  cour  le  comte  Frédéric  et  condui- 
sit sa  sœur  en  Espagne,  où  il  allait 
prendre  possession  des  couronnes  de 
Castille  et  d'Aragon.  Il  partit  de  Mid- 
delbourg  le  7  septembre  1517.  Mais 
deux  ans  s'écoulèrent  encore  avant  l'ac- 
complissement du  mariage  d'Emmanuel 
de  Portugal  avec  Eléonore  d'Autriche. 
En  1519,  Eléonore  fut  conduite  en 
Portugal  par  le  baron  de  Trazegnies 
et  la  dame  de  Chièvres  ;  le  mariage  fut 
célébré  le  7  mars.  Emmanuel  le  For- 
tuné, né  en  1469,  était  veuf  d'Isabelle 
et  de  Marie  de  Castille;  pendant  un 
règne  déjà  long  il  avait  fait  du  Portugal 
une  nation  puissante  et  glorieuse.  Eléo- 
nore, alors  âgée  de  21  ans,  était,  selon 
Brantôme,  très-belle  et  n'avait  d'autre 
défaut  physique  que  la  bouche  grande 
et    avancée,    défaut   héréditaire   de    la 


o27 


ËLÉONORE 


528 


maison  de  Bourgogne.  Emmaniitl  mou- 
rut le  10  décembre  1521,  laissant,  de 
son  mariage  avec  Eléonore,  dona  Maria 
de  Portugal. 

Charles-Quint  devait  également  sa- 
crifier Eléonore  à  ses  ambitieux  desseins. 
En  1523,  elle  fut  promise,  avec  une 
dot  de  100,000  écus,  au  connétable  de 
Bourbon,  à  condition  que  celui-ci  s'uni- 
rait à  l'empereur  envers  et  contre  tous. 
Ce  mariage  ne  s'étant  pas  accompli, 
Charles-Quint  réserva  sa  sœur  pour 
François  1er,  lorsque  le  roi-chevalier, 
vaincu  et  pris  à  Pavie,  négociait  sa  déli- 
vrance. Le  14.  janvier  1526,  Fran- 
çois 1er  jura  solennellement  d'observer 
les  clauses  du  traité  de  Madrid.  Six 
jours  après,  Lannoy,  vice-roi  de  Naples, 
muni  de  la  procuration  de  la  reine  de 
Portugal,  vint  trouver  le  roi  de  France, 
pour  procéder  à  la  cérémonie  des  fian- 
çailles. Ce  fut  du  lit,  où  le  retenait  la 
fièvre,  que  François  I"  accomplit  cette 
cérémonie.  Le  16  février,  Charles  et 
François  partirent  à  cheval  de  Madrid 
pour  aller  voir  la  reine  Eléonore,  qui 
était  venue  de  Tolède  à  Illescas.  L'en- 
tretien eut  lieu  le  lendemain  en  pré- 
sence de  la  reine  Germaine  de  Foix, 
veuve  de  Ferdinand  le  Catholique.  On 
rapporte  que  lorsque  François  1er  s'ap- 
procha d'Eléonore ,  celle-ci  tomba  à 
genoux  et  voulut  prendre  sa  main  pour 
la  baiser.  «  Ce  n'est  pas  la  main  que  je 
vous  dois,  lui  dit  le  roi  en  la  relevant, 
c'est  la  bouche.  «  Et  il  l'embrassa. 
L'historien  de  la  Rivalité  de  François  1er 
et  de  Charles-Quint  ajoute  :  «  Prenant 
ensuite  sous  le  bras  la  reine,  sa  fiancée, 
tandis  que  l'empereur  conduisait  de  la 
même  manière  la  veuve  de  son  aïeul, 
ils  entrèrent  dans  une  salle  qui  avait  été 
préparée  pour  la  danse.  Les  deux  mo- 
narques assistèrent  à  cette  fête  pendant 
deux  heures  et  retournèrent  fort  avant 
dans  la  nuit  coucher  à  Torrejon.  Le  len- 
demain ils  revinrent  à  Illescas  et  visi- 
tèrent de  nouveau  la  future  reine  de 
France.  « 

On  sait  comment  François  I<"i",  devenu 
libre  et  refusant  d'exécuter  les  clauses 
du  traité  de  Madrid,  provoqua  une  nou- 
velle guerre.    Celle-ci  fut    tcruiinée   par 


le  traité  signé  à  Cambrai  le  3  août  1529 
et  qui  stipulait,  entre  autres,  que  le  ma- 
riage de  François  1er  et  d'Eléonore  se- 
rait célébré  après  le  payement  de  la 
rançon  fixée  pour  le  dauphin  et  le  duc 
d'Orléans,  retenus  comme  otages  en 
Espagne.  Le  1er  juillet  1530,  ils  furent 
délivrés  et  conduits  sur  la  rive  française, 
tandis  que  la  reine  Eléonore,  accompa- 
gnée de  ses  dames,  traversait  également 
la  Bidassoa.  Elle  se  mit  ensuite  avec  le 
dauphin  et  le  duc  d'Orléans  en  marche 
pour  Bordeaux,  où  le  roi  et  toute  la  cour 
étaient  venus  les  attendre.  Le  mariage 
ayant  été  célébré,  François  1er  et  la  nou- 
velle reine  prirent  le  chemin  de  Paris 
sur  des  haquenées,  suivis  de  toute  la 
cour  à  cheval.  F"'rançois  1er,  qui  avait 
épousé  Eléonore  par  contrainte  et  non 
par  amour,  se  comportait  avec  courtoi- 
sie, mais  sa  froideur  était  plus  qu'appa- 
rente.  Eléonore,  cependant,  s'efforçait 
de  maintenir  de  bons  rapports  entre  les 
anciens  rivaux,  et  pendant  sept  ans  la 
guerre  fut  suspendue.  Lorsqu'elle  se 
ralluma  en  1536,  «  la  pauvre  prin- 
cesse ",  comme  dit  Brantôme,  «  n'eu 
pouvait  mais  »  ;  elle  avait  fait  ce  qu'elle 
avait  pu  pour  la  prévenir.  N'ayant  pu 
l'empêcher,  elle  tâcha  de  l'abréger  ;  dès 
le  mois  de  juillet  1537,  d'accord  avec  sa 
sœur  Marie  de  Hongrie,  régente  des 
Pays-Bas,  elle  négociait  une  trêve  de 
dix  mois  qui  fut  comme  la  préface  de 
la  trêve  de  dix  ans  conclue  à  Nice  le 
18  juin  1538. 

Toutefois  François  1er  ne  déposa  défi- 
nitivement les  armes  que  six  années 
après,  c'est-à-dire  après  avoir  vainement 
essayé ,  par  une  quatrième  guerre , 
d'abattre  sou  rival.  La  reconciliation  fut 
signée  à  Crespy  le  18  septembre  1544. 
l'n  mois  après,  le  22  octobre,  la  reine 
Eléonore  vint  à  Bruxelles,  accompagnée 
du  duc  d'Orléans,  pour  rendre  visite  à 
l'empereur  et  à  sa  sœur,  Marie  de  Hon- 
grie. Son  séjour,  prolongé  jusqu'au  3  no- 
vembre, fut  signalé  par  des  fêtes  splen- 
dides. 

François  1er  étant  mort  en  1547,  la 
reine,  sa  veuve,  résolut  bientôt  de  quit- 
ter définitivement  la  France.  Henri  II, 
ennemi    inflexible    de  la  maison   d'Au- 


o'29 


ÉLÉONORK  —  ÉLÉOXORE  DE  SAINT-BEKNAHD 


530 


triche,  affectait  de  traiter  la  sœur  de 
Charles-Quint  avec  une  sorte  de  dédain. 
Dans  l'automne  de  1548,  Eléonore  sor- 
tit de  Paris  sans  que  le  roi  voulût  rece- 
voir ses  adieux  ni  même  lui  donner  une 
escorte.  Le  5  décembre,  elle  arrivait  à 
Bruxelles,  où  elle  fut  reçue  avec  des 
honneurs  qui  la  dédommagèrent  des 
vexations  dont  elle  avait  eu  à  souffrir  sur 
le  territoire  français.  Elle  visita  les 
autres  villes  de  la  Belgique,  et  partout 
elle  trouva  une  patriotique  réception. 

Eléonore  d'Autriche  se  retira  de  la 
scène  en  même  temps  que  Charles-Quint 
et  Marie  de  Hongrie.  Le  17  septembre 
1556,  les  deux  reines  douairières  de 
France  et  de  Hongrie  s'embarquèrent 
pour  l'Espagne  sur  un  vaisseau  flamand 
qui  accompagnait  la  flotte  dont  Charles- 
Quint  était  escorté.  Elles  suivirent  leur 
frère  jusqu'à  Yalladolid,  où  l'empereur 
leur  fit  ses  adieux.  Au  mois  de  septem- 
bre de  l'année  suivante,  elles  visitèrent 
l'empereur  au  monastère  de  Yuste,  et 
leur  séjour  dans  le  château  voisin  de 
Jarandilla  se  prolongea  pendant  deux 
mois  et  demi.  Le  14  décembre,  elles 
prirent  congé  de  l'empereur  et  se  mirent 
en  route  pour  Badajoz,  où  Eléonore  at- 
tendit sa  fille  dona  Maria.  Celle-ci  arriva 
le  27  janvier  1558  et,  malgré  les  mar- 
ques de  tendresse  que  lui  prodigua  sa 
mère  et  les  sages  conseils  de  sa  tante, 
elle  reprit,  au  bout  de  quinze  jours,  le 
chemin  de  Lisbonne.  Non-seulement 
elle  s'était  refusée  à  vivre  en  Espagne 
en  compagnie  de  sa  mère,  mais  elle  ne 
manifesta  pas  même  l'intention  d'aller 
visiter  l'empereur,  son  oncle.  Elle  ne 
pardonnait  ni  à  Charles-Quint  ni  à  Phi- 
lippe II  de  lui  avoir  préféré  Marie  Tudor, 
tandis  qu'ils  lui  avaient  d'abord  donné 
l'espérance  d'épouser  l'héritier  de  Cas- 
tille.  Après  cette  froide  entrevue,  les 
deux  reines  revinrent  tristement  sur 
leurs  pas  avec  le  dessein  de  faire  un 
pèlerinage  à  Notre-Dame  de  Guadalupe. 
Mais,  arrivée  à  Talaveruela,  la  reine 
Eléonore  tomba  gravement  malade  et  ce 
fut  là  qu'elle  mourut  le  18  février. 
Lorsque  Charles-Quint  apprit  que  la 
reine  Eléonore  n'était  plus,  de  grosses 
larmes   coulèrent  sur   son   visage   et  de 


tristes  pressentiments  agitèrent  son  es- 
prit. Eléonore  méritait  ces  regrets  :  sans 
posséder  les  hautes  qualités  de  Marie  de 
Hongrie,  douce,  bienveillante,  elle  avait 
montré  à  son  frère,  et  dans  toutes  les 
occasions,  un  dévouement  sans  bornes. 

Th.  Juste. 

Brantôme,  Vies  des  dames  illustres.  —  Mignet, 
Rivalité  de  François  /«■■  et  de  Charles-Quint.  — 
A.  Henné,  Histoire  du  règne  de  Charles-Quint  en 
Belgique.  —  Th.  Jnste,  Charles-Quint  et  Jlar- 
(jueriie  d'Autriche.  —  Id.  Vie  de  Mane  de  Hon- 
grie, etc. 

ÉluKOyiOVtE  DE  .«*.%l.%T-BER^'.%Rn, 

fondatrice  de  plusieurs  couvents  de  Car- 
mélites en  Belgique,  née  le  6  mars  1577 
à  Spa,  où  sa  mère  prenait  les  eaux,  et 
morte  à  Gand  le  12  avril  1639,  était 
fille  de  Jean  Corbari  Spinola,  gentil- 
homme génois,  et  d'Eléonore  de  Bavière, 
princesse  de  l'illustre  famille  de  ce  nom. 
Lorsqu'elle  eut  atteint  l'âge  de  huit  ans, 
ses  parents  quittèrent  l'Italie  pour  aller 
se  fixer  à  Madrid,  où  elle  perdit  sa  mère 
quatre  ans  après.  Sa  vocation  à  la  vie 
religieuse  se  manifesta  bientôt  :  elle 
entra  chez  les  carmélites  de  Las  Luacha-s, 
le  20  septembre  1597,  et  fit  profession  le 
4  octobre  de  l'année  suivante.  En  1604, 
elle  fut  envoyée  en  France,  avec  cinq 
autres  religieuses,  pour  y  fonder,  dans 
la  capitale  de  ce  pays,  le  premier  cou- 
vent de  carmélites.  Parmi  ses  compagnes 
se  trouvaient  deux  religieuses  très-célè- 
bres :  Anne  de  Jésus  et  Anne  de  Saint- 
Barthélemi.  Elles  s'établirent  au  fau- 
bourg de  Montmartre  sous  la  direction 
de  la  mère  Anne  de  Jésus.  Eléonore  de 
Saint-Bernard,  après  avoir  été  maîtresse 
des  novices,  devint  sous-prieure  de  ce 
couvent.  Lorsque,  en  janvier  1607,  l'in- 
fante Isabelle,  notre  archiduchesse,  in- 
troduisit dans  les  Pays-Bas  l'institut  des 
carmélites  déchaussées,  la  vénérable 
mère  Anne  de  Jésus,  à  qui  cette  nou- 
velle fondation  fut  confiée,  se  fit  accom- 
pagner par  la  mère  Eléonore,  pour  diri- 
ger, à  Bruxelles,  le  noviciat  qu'elle 
voulait  établir  dans  cette  première  mai- 
son belge.  Celle-ci  s'acquitta  de  ces  fonc- 
tions pendant  dix  mois,  au  bout  desquels 
elle  fut  chargée  successivement  de  l'or- 
ganisation des  couvents  de  Louvain  et  de 
Mons,  et  elle  devint  la  première  prieure 


Y,?,\ 


K.LKOXORE  DE  SAINT-BEfiNARD  —  ELEUÏHÉRE 


o3-2 


lie  cette  deruicre  commuijauté.  Après 
quelque  temps,  elle  demanda  à  être  dé- 
chargée de  ces  fonctions,  et  revint  à 
Bruxelles,  où  elle  travailla  à  faire  ar- 
river les  carmes  réformés  dans  les  Pays- 
Bas  espagnols.  Eu  1612,  elle  alla  fonder 
le  couvent  d'Anvers  avec  la  vénérable 
mère  Anne  de  Saiut-Bartliélemi,  et  éta- 
blit, en  1617,  celui  de  Malines,  dont 
elle  fut  la  première  prieure.  Peu  de 
temps  après,  nous  la  retrouvons  à  Mous 
en  la  même  qualité.  Elle  y  resta  jus- 
qu'en 1623,  lorsqu'elle  fut  envoyée  à 
Gand  pour  diriger  le  couvent  nouvelle- 
ment fondé  dans  cette  ville  par  cinq 
dames  d'honneur  de  l'infante  Isabelle, 
qui  y  prirent  elles-mêmes  l'habit  sous 
la  direction  de  la  mère  Eléonore.  Elle 
fut  encore  la  première  prieure  àe  cette 
maison  et  y  demeura  jusqu'au  moment 
de  sa  mort. 

La  mère  Eléonore  de  Saint-Bernard 
était  une  religieuse  fervente  et  exem- 
plaire. On  lui  attribue,  dit  Paquot,  une 
Vie  de  la  vénérable  mère  Anne  de  Saint- 
Bar  thélenii ,  mais  on  ne  dit  pas  si  cette 
vie  a  été  imprimée,  ni  où  elle  se  trouve. 

E  -H.-J.  Reu».  us. 

Paquot.  Mémoires,  éd.  in  fol  ,  II,  p.  317.  — 
Houix,  Autoh  oqraphie  de  lu  vetiertihle  mère 
Anne  rie  Saiut-Barihélemi,  Paris,  1869,  éd. 
iii-8  ,  p.  99-102  —  r,h.  P.ousselle.  Le  Monastère 
dr.s  Carmelttes  déchaussées  de  Mons,  daus  les 
Prcc.s  historiques  Ue  ly'îti. 

ÉLEUTuioRE,  saiut,  évêque,  né  à 
Tournai  eu  454  ou  456,  mort  en  531. 
Parmi  les  néophytes  qui,  à  la  prédica- 
tiou  de  saint  Piat,  avaient  embrassé  le 
christianisme,  se  trouvaient  Serenus  et 
>on  épouse  Bianda,  appartenant  à  une 
famille  gallo-romaine,  mais  probable- 
ment originaire  de  la  Grande-Grèce  ;  un 
de  leurs  aïeux  portait,  en  effet,  le  nom 
grec  d'I renée  et  ils  avaient  donné  à  leur 
Hls  celui  d'Eleuthère.  A  cette  époque, 
un  tribun,  encore  idolâtre,  gouvernait 
l'ancien  Tornacura  ;  il  obligea  les  prin- 
cipaux chrétiens  à  s'exiler  au  village  de 
Blandain,  situe  à  une  lieue  de  la  ville. 
Ceux-ci  y  fondèrent  une  école,  où  le 
jeune  Eleuthère  lit  de  tels  progrès  dans 
la  science  et  ilans  la  piété ,  que  saint 
Médani,  son  condisciple,  osa  lui  pré- 
dire  qu'il    porterait   un  jour  la  crosse 


et  la  mitre,  prédication  qui,  en  effet,  se 
réalisa  quand  la  mort  enleva  Théodore 
ou  Théodoric,  premier  évêque  de  Tour- 
nai, en  486.  Eleuthère,  âgé  alors  de 
trente  ans,  fut  élu  pour  lui  succéder,  et 
le  pape  saint  Félix  IV  confirma  cette 
nomination.  Le  jeune  prélat  passa  à 
Blandain  les  premières  années  de  sou 
épiscopat  :  ce  fut  pour  lui  un  temps  d'é- 
preuves et  de  troubles  pénibles.  Aux 
excès  commis  par  les  Francs ,  restés 
païens,  venaient  s'ajouter  des  doctrines 
contraires  au  dogme  de  l'Incarnation  de 
Jésus-Christ,  et  qui  se  répandaient  im- 
punément parmi  les  fidèles.  Le  jeune 
évêque  se  montra  à  la  hauteur  de  sa  mis- 
sion :  il  parvint  à  arracher  une  multitude 
de  Francs  à  leurs  vieilles  superstilions 
et  confondit,  à  la  fois,  les  hérétiques 
par  ses  discours  et  ses  écrits.  Cependant 
il  eut  encore  longtemps  à  gémir  sur  l'hé- 
résie et  les  désordres  qu'elle  entraîne 
après  elle;  mais  rien  ne  put  lasser  son 
courage  dans  l'accomplissement  de  sa 
tâche.  Il  parvint  même  à  convertir 
le  tribun  persécuteur,  dont  la  fille  avait 
été  guérie  d'un  mal  mortel  grâce,  dit- 
on,  à  ses  soins  et  à  ses  prières.  D'autres 
miracles  lui  furent  encore  attribués  et, 
quand,  à  la  conversion  de  Clovis,  les 
portes  de  Tournai  se  rouvrirent  aux 
chrétiens,  Eleuthère  baptisa,  en  une 
seule  semaine,  plus  de  onze  mille  ido- 
lâtres. Le  roi  des  Francs  s'étant  rendu 
à  Tournai  pour  remercier  le  Seigneur  des 
conquêtes  qu'il  venait  de  faire  sur  les 
princes  voisins,  rencontra  le  vertueux 
évêque  sur  le  seuil  du  saint  temple  :  «  .)  e 
sais  pourquoi  vous  vous  êtes  rendu  ici  » , 
lui  dit  Eleuthère;  surpris  de  ces  paroles, 
le  conquérant  lui  assura  qu'aucun  motif 
particulier  n'avait  déterminé  sa  visite. 
«  Ne  parlez  pas  ainsi  « ,  répondit  vivement 
le  prélat.  A  ces  mots,  le  vainqueur  de 
Tolbiac  se  troubla  et,  fondant  en  larmes, 
il  le  supplia  de  célébrer  la  messe  pour 
lui  et  d'implorer  du  ciel  le  pardon  de 
ses  crimes.  Eleuthère  se  mit  en  prières 
pendant  la  nuit  tout  entière ,  et  ses 
vœux  furent  exaucés  ;  tout  à  coup  (s'il 
faut  en  croire  la  légende)  une  lumière 
éclaira  l'église  et  un  ange  apparaissant 
à  l'cvêque  lui  remit   un  écrit  qui  conte- 


.h:î:^ 


ËLEUTHÈRE  —  ELIIOUNGNE 


SHl 


liait  le  pardon  accordé  au  prince.  C'iovis, 
reconnaissant  envers  la  bonté  divine,  lit 
des  dons  considérables  à  l'église  de 
Tournai  et,  si  la  vérité  du  miracle  peut 
être  contestée,  on  ne  saurait  révorpier  en 
doute  les  représentations  courageuses  de 
l'évêque  et  le  repentir  public  du  conqué- 
rant. Tout  ce  récit  reflète,  d'ailleurs,  les 
véritables  sentiments  du  peuple  à  cette 
époque  reculée. 

Pour  extirper  dans  son  diocèse  les 
dernières  racines  de  l'hérésie,  Eleuthère 
convoqua  un  synode  diocésain,  où  il  dé- 
montra victorieusement  le  dogme  de 
l'Incarnation;  mais  l'ardeur  de  son  zèle 
rendit  les  hérétiques  furieux,  et  un  jour 
qu'il  sortait  de  l'église,  ces  forcenés 
se  précipitèrent  sur  lui  et  l'accablèrent 
de  coups.  Tout  meurtri,  à  peine  put-il 
rentrer  dans  le  temple,  et  là,  agenouillé 
au  pied  des  autels,  il  pria  le  Seigneur 
une  dernière  fois  de  bénir  son  diocèse 
et  le  supplia  en  faveur  de  ceux-là  mêmes 
qui  venaient  d'attenter  à  ses  jours. 
Après  quoi  il  se  mit  à  rédiger  la  nou- 
velle profession  de  foi  qu'il  avait  lue  au 
synode  et  qu'un  clerc  fut  chargé  de 
porter  au  pape  Boniface  IL 

La  tâche  du  vénérable  pontife  était 
terminée  :  il  mourut,  et  son  service  fut 
célébré  par  saint  Médard.  L'église  de 
Tournai  fête  son  anniversaire  le  20  fé- 
vrier. Dans  la  BlUiothèque  des  Pères  de 
Cologne  et  de  ]^yon,  on  trouve  quelques 
opuscules  attribués  à  saint  Eleuthère. 
Ce  sont  lo  une  Profession  de  foi  sur  le 
mystère  de  la  sainte  Trinité,  2"  un 
Sermon  sur  le  même  sujet ,  prononcé, 
dit-on,  dans  le  synode  précité,  3o  trois 
autres  Sermons,  l'un  sur  l'Incarnation 
du  Verbe,  l'autre  sur  la  naissance  du 
Sauveur  et  le  troisième  sur  l'Annoncia- 
tion, 41  une  prière  que  le  Pontife  pro- 
nonça au  lieu  de  sa  mort  pour  la  foi  et 
l'église  de  Tournai.  D'après  les  criti- 
ques, il  n'est  pas  admissible  que  saint 
Eleuthère  soit  l'auteur  des  deux  pre- 
miers et  du  dernier  de  ces  opuscules, 
mais  les  trois  sermons,  bien  qu'ils  por- 
tent des  traces  évidentes  d'interpola- 
tion, leur  paraissent  cependant  pouvoir 
lui  être  attribués.       A,.g.  Van.i.T  Met-rsch. 

Acta   SS.   flflgii  si>l«<:tn,  1.   I,   |i.   -i.SH.  —  I>e 


Maisire  d'Anstaing,  Calhé'h-ale  de  Tournai,  t.  Il , 
l>.  9.  —  M'ilaniis.  .\ntalex  Snuci.  Belr/ii,  p.  MS.  — 
Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  III,  \>.  [bii.  — 
Builer.  Vies  des  S'iints,  édii.  De  Ram.  t.  I, 
p.  441. 

erciARu  (Nicolas),  Elchard  ou  aiî 
Elcheraidt,  écrivain  ecclésiastique,  né 
à  Nobressart  près  d'Arlon,  vers  l'an- 
née 1547  et  mort  à  Erfurt  le  11  août 
L587,  prit  le  grade  de  docteur  en  théo- 
logie, devint  chanoine  de  l'église  collé- 
giale de  Saint-Maurice  à  Augsbourg,  et 
fut  sacré,  vers  1.570,  évêque  auxiliaire 
de  l'électeur  de  Mayence  avec  le  titre 
d'évêque  d'Ascalon  in  partihns  iyifidc- 
linm.  Il  fixa  alors  sa  résidence  à  Erfurt. 
Il  composa  plusieurs  traités  théolo- 
giques, dont  un  seul,  ayant  pour  objet 
VEloge  de  la  virginité,  fut  publié  après 
la  mort  de  l'auteur,  par  un  éditeur  qui 
eut  l'indélicatesse  de  mettre  son  propre 
nom  sur  le  titre  à  la  place  de  celui  de 
l'auteur.  e.  H.-.I.  Rpi.sons. 

Foppens.  UMiotheca  belgica.  II,  p.  90o. 

ELUor XG XE  {Antoine-François-Ma- 
rie o'),  jurisconsulte  et  publiciste,  né  à 
Louvain  en  17S2,  décédé  à  Bruxelles 
en  18.57.  Doué  d'une  vive  intelligence 
et  d'un  grand  amour  pour  le  travail,  il 
fit  de  brillantes  études  universitaires 
dans  sa  ville  natale,  et  déjà  il  était  gra- 
dué en  droit  quand,  par  suite  de  son 
mariage,  il  se  décida  à  changer  de  car- 
rière. Il  entra,  en  1808,  dans  l'admi- 
nistration des  finances  et  parvint,  gra- 
duellement, à  l'emploi  de  receveur  des 
contributions  directes  à  Aerschot.  11 
avait  divisé  sa  vie  en  deux  parts,  l'une 
vouée  avec  passion  à  des  études  litté- 
raires et  philosophiques,  l'autre  consa- 
crée à  l'accomplissement  de  ses  devoirs. 
Son  ambition  paraissait  satisfaite  d'une 
modeste  aisance,  et  rien  ne  semblait 
devoir  interrompre  le  cours  paisible 
de  son  existence  quand  un  rude  coup 
vint  l'atteindre  :  le  gouvernement  des 
Pays-Bas  le  destitua  à  la  fin  de  l'an- 
née 1817. 

Ce  n'était  pas  le  fonctionnaire  public 
qu'on  frappait  par  cette  mesure  de  ri- 
gueur, mais  le  publiciste,  le  rédacteur 
d'un  journal  d'opposition,  qu'on  voulait 
punir.  D'Elhoungne  était  l'un  des  trois 


835 


ELHOUNGNt 


.H36 


fondateurs  de  l'Observateur  belge  et  l'op- 
position faite  par  ce  journal  heurtait 
d'autant  plus  vivement  le  pouvoir , 
qu'on  la  formulait  avec  verve,  avec 
compétence ,  et  en  s'attaquant  à  de 
véritables  abus.  On  ne  pouvait  guère 
avouer  un  tel  motif  de  révocation  ;  mais 
d'Elhoungue  avait  ,  maladroitement  , 
fourni  lui-même  un  motif  très  plau- 
sible de  le  destituer  :  il  avait  sollicité 
un  cono:é  de  six  mois  pour  se  rendre 
en  Hollande  " ,  où  l'appelaient  des 
intérêts  de  famille ,  et  où  (comme  il 
l'écrivit  plus  tard)  il  comptait  aussi  uti- 
liser son  séjour,  pendant  la  session  des 
Etats  généraux,  en  dissipant  le  voile 
épais  qui  enveloppait  les  travaux  de  la 
représentation  nationale.  «  Six  semaines 
plus  tard,  l'autorité  supérieure  n'avait 
pas  encore  statué  sur  sa  demande;  im- 
patienté de  cette  lenteur,  il  partit  sans 
permission ,  après  avoir  installé  son 
neveu  comme  gérant  provisoire  de  sa 
recette.  C'était  la  faute  commise,  celle 
que  l'arrêté  royal  de  démission  signa- 
lait, en  la  qualifiant  de  «  négligence 
grave  " .  Le  receveur  destitué  protesta 
contre  l'illégalité  de  la  mesure  prise,  il 
invoqua  l'inamovibilité  des  emplois  et 
prétendit  avoir  été  nommé  receveur  à 
vie.  Il  est  à  peine  nécessaire  d'ajouter 
que  l'action  intentée  par  lui  contre  les 
agents  du  gouvernement,  ainsi  que  ses 
requêtes  au  roi  et  au  ministre  Falck, 
restèrent  absolument  sans  effet.  Il  lui 
fallut  se  résigner,  chercher  une  autre 
sphère  d'activité,  aviser  aux  moyens  de 
pourvoir,  comme  père  de  famille,  aux 
nécessités  de  chaque  jour.  D'Elhoungue 
se  rendit  à  Liège  afin  d'y  achever  ses 
études  en  droit  et,  reçu  docteur,  il  re- 
vint, en  1822,  se  faire  inscrire  comme 
avocat  au  barreau  de  Louvain. 

Il  entrait  ainsi,  tardivement,  à  l'âge 
de  quarante  ans,  dans  une  nouvelle  car- 
rière :  plein  d'ardeur,  de  confiance,  de 


(I)  Les  i)rerniers  numéros  Av  Vobsoraicur 
parurent  d'abord  par  feuilles,  qui,  réunies  au 
nombre  de  vingl-six,  forment  le  tome  1.  Celui-ci, 
publié  en  18lo,  avait  poor  titre  :  VObserraieur 
politique,  adminnlralifjïistoriiiue  et  littéraire  de 
ta  Belfiiqite,  par  une  société  de  jurisconsultes  a 
d'hominesde  lettres.  Ce  litre  fut  bienlôi  uiodilié  ; 
les  noms  de  MM.  d'Elhoungue,  Doncker  et  Van 


force  morale,  il  y  entrait  sans  hésita- 
tion ;  orgueil  légitime ,  car  l'étendue 
de  son  savoir,  la  rectitude  de  sa  vie,  sa 
parfaite  loyauté  ne  furent  même  jamais 
contestées  par  ses  confrères;  et,  ceux-ci, 
en  le  nommant,  à  diverses  reprises,  bâ- 
tonnier de  leur  ordre,  ne  lui  marchan- 
dèrent pas  leur  sympathique  estime . 
L'écrivain  politique  et  le  jurisconsulte 
primèrent  cependant  toujours  en  lui  l'a- 
vocat plaidant  et  il  devait  bien  plus  le 
succès  de  ses  plaidoyers  à  l'autorité  ac- 
quise par  son  caractère  qu'au  charme  de 
son  éloquence.  La  phase  la  plus  brillante 
de  son  existence  fut  évidemment  celle 
où,  associé  à  deux  hommes  de  mérite  et 
leur  égal  par  le  patriotisme,  il  combat- 
tait, chaque  jour,  pour  le  triomphe  de 
ses  convictions  politiques. 

Il  est  devenu  fort  difficile  ,  aujour- 
d'hui, de  classer  les  articles  publiés  par 
les  trois  jurisconsultes  fondateurs  de 
Y  Observateur  belge,  MM.  d'Elhoungue, 
Doncker  et  Yan  Meenen  (1).  La  part 
légitime  de  paternité  qui  revient  à  cha- 
cun d'eux  semble  pourtant  avoir  été  en- 
trevue par  un  critique  doué  du  goût  le 
plus  sûr  et  le  plus  délicat,  M.  Alph. 
Leroy  :  »  Les  articles  de  d'Elhoungne, 
plus  spéciaux  que  ceux  de  Yan  Meenen, 
ne  sont  pas  moins  remarquables,  dit-il; 
ils  brillent  par  une  dialectique  déliée, 
par  un  style  coulant,  plein  de  ver^e,  par 
un  esprit  d'à-propos  qui  les  rend  agréa- 
bles à  lire.  Benjamin  Constant  en  faisait 
grand  cas  et  en  reproduisit  plusieurs 
dans  la  Minerve,  avec  fort  peu  de  chan- 
gements (2).  " 

Les  rédacteurs*  de  Y  Observateur  belge, 
qui  avaient  tant  contribué  à  entretenir 
la  fermentation  des  esprits,  ne  restèrent 
pas  iuactifs  quand  la  lutte  passa  de  la 
sphère  des  idées  dans  celle,  plus  dange- 
reuse ,  des  collisions.  Yan  ileenen  et 
d'Elhoungne,  tous  deux  domiciliés  à 
Louvain,  y  contribuèrent  puissamment  à 


Meenen,  devenus  propr'étaires  du  recueil,  rein- 
placèrenl  l'indication  collective.  La  collection 
complète  comitrend  vingt  volumes  in-8»;  elle 
est  devenue  fort  rare  et  sera  toujours  consultée 
avec  fruit  pour  l'histoire  politique  de  ré|ioque. 

("2)  Annuaire  de  l'Académie  des  sciences,  des 
lettres  et  des  beaux-arts  de  Belgique,  1877  (1  vol. 
iuHïJ',  notice  sur  Pierre-Fraii(,ois  van  Meenen. 


S31 


ËLHOIÎNGNE  —  ÉLIE  DE  COXIDE 


o38 


l'explosion  de  la  révolution.  Le  premier 
exerçait  une  grande  influence  morale  par 
ses  conseils  ;  le  second  agissait  davan- 
tage sur  les  faits  et  gestes  delà  jeunesse, 
par  l'intermédiaire  de  son  fils,  alors 
étudiant  en  droit  à  l'Université  et  ami 
intime  de  Van  Camp  et  d'Ad.  Roussel, 
avec  lesquels  il  devint  l'un  des  princi- 
paux promoteurs  de  l'agitation  popu- 
laire. Quand  la  révolution  fut  accomplie 
et  triomphante ,  d'EUioungne ,  esprit 
désintéressé  et  philosophe  pratique,  ren- 
tra dans  soH  cabinet  d'étude,  comme  si 
rien  d'important  ne  s'était  passé.  Il  as- 
sista à  la  curée  des  places  sans  songer, 
un  instant,  à  y  prendre  part.  Ses  con- 
citoyens, l'arrachant  à  ses  spéculations 
abstraites,  l'envoyèrent  pourtant  au  Con- 
grès national.  11  n'y  démentit  point  son 
caractère,  et,  loin  de  rechercher  la  po- 
pularité par  la  virulence  des  déclama- 
tions, il  osa  se  montrer  plein  de  modé- 
ration, de  bon  sens,  et  exclusivement 
préoccupé  des  intérêts  positifs  du  pays; 
il  intervint  dans  la  plupart  des  débats 
soulevés  par  l'examen  des  questions 
économiques  et  financières. 

D'Elhoungne  s'était  uni  une  première 
fois  à  une  Hollandaise  ,  mademoiselle 
Marres  de  Breda  :  elle  lui  donna  un  fils, 
Prosper  d'Elhoungne,  dont  nous  venons 
de  parler  et  qui,  décoré  de  la  croix  de 
fer  comme  combattant  de  septembre, 
décéda,  à  Bruxelles,  à  l'âge  de  trente 
ans.  Sa  seconde  femme,  mademoiselle 
Lints  de  Louvain,  et  les  trois  filles  issues 
de  cette  union,  lui  furent  de  même  en- 
levées prématurément;  parvenu  à  la  fin 
de  sa  carrière,  il  se  vit  donc  réduit  à  un 
cruel  isolement,  et  à  une  extrême  mé- 
diocrité de  fortune;  quelques-uns  de 
ses  anciens  amis ,  devenus  influents , 
s'inquiétèrent  de  cet  état  de  choses,  le 
gouvernement  s'en  émut  à  son  tour , 
et  nomma  d'Elhoungne  commissaire  à 
l'hôtel  des  Monnaies.  11  avait  atteint 
l'âge  de  soixante-cinq  ans,  quand  il  fut 
appelé  à  ces  fonctions  et  les  conserva 
encore  dix  ans,  c'est-à-dire  jusqu'au 
jour  de  son  décès.  Féhx  stappaens. 

Eiii^KUTS  (Jean-Françoi«).  Cet  ar- 
tiste naquit  à  Deurne-lez-Anvers  le  30 


décembre  ]  761(1)-  Il  fréquenta  l'Aca- 
démie de  cette  ville  et  s'exerça  à  la 
peinture  de  fleurs  et  de  fruits.  Ses  mo- 
dèles de  préférence  étaient  les  œuvres 
de  ses  compatriotes  Daniel  Seghers,  Van 
Thielen,  Van  Huysum,etc.  C'est  à  l'Aca- 
démie d'Anvers  qu'il  fit  la  connaissance 
de  Georges-Frédéric  Ziesel  et  de  Pierre 
Faes  qui,  comme  lui,  excellaient  dans 
la  peinture  de  fleurs.  S'étant  rendu  à 
Paris,  notre  compatriote  obtint  la  place 
de  professeur  à  l'Institut  de  la  Légion 
d'honneur  à  St-Denis.  Sentant  sa  fin 
s'approcher,  Eliaerts  voulut,  avant  de 
mourir,  revoir  l'endroit  où  il  était  né. 
Il  mourut  à  Anvers  le  17  mai  1848. 
La  majeure  partie  des  œuvres  d'Eliaerts 
se  trouve  en  France  ;  le  musée  d'Anvers 
possède  un  tableau  de  ce  maître  qui 
permet  d'apprécier  les  grandes  qualités 
du  peintre  :  composition  riche,  dessin 
pur,  coloris  vigoureux.  p.  oénaid. 

KME    »E     C'OXIDE     OU     COXYDK, 

ainsi  nommé  du  lieu  de  sa  naissance, 
village  situé  près  de  Furnes,  fut  le  sep- 
tième abbé  des  Dunes,  de  l'ordre  de  Cî- 
teaux  ;  il  avait  été  élevé  à  cette  dignité 
en  1189,  après  la  mort  de  l'abbé  Walter, 
qui  l'avait  désigné  pour  son  succes- 
seur. Il  mourut  en  odeur  de  sainteté,  le 
16  août  1203,  et  fut  inscrit  au  nécroloye 
de  l'ordre,  à  la  date  du  8  octobre.  C'était 
un  homme  extrêmement  pieux  et  fort 
savant  pour  son  temps. 

De  Visch  dit,  dans  son  ouvrage  sur 
les  écrivains  de  l'ordre  de  Cîteaux  . 
auquel  il  appartenait  lui-même,  que 
"  l'Europe  entière  admirait  la  sainteté 
et  la  doctrine  de  l'abbé  Elie  « .  Sous  sa 
gestion,  l'abbaye  des  Dunes  prospéra 
beaucoup,  grâce  aux  dons  faits  par  Ri- 
chard Cœur  de  Lion,  roi  d'Angleterre, 
et  à  l'accroissement  du  nombre  des  re- 
ligieux: Elie  en  avait  cent  vingt-cinq, 
autant  moines  que  frères  laïques.  Aussi, 
le  monastère  étant  devenu  trop  petit, 
Elie  conçut  le  dessein  de  le  rebâtir  sur 
un  nouveau  plan,  avec  plus  d'extension 

M)  C'est  par  erreur  que  le  catalogue  du  Musée 
(rAi)vPis,  auquel  nous  empruntons  quelques-uns 
(les(lél:iils  ci-dessus,  indique  la  date  du  I""  jan- 
vier Ï76I  comme  étant  celle  de  la  naissante 
d'Kliaerts. 


.S3*^ 


KLIE  1)K  COXIDi:  —  ËLIE  DE  SAINTE-TIIÉRÉSE 


.S40 


et  (le  splendeur;  mais  la  mort  le  surprit 
avant  que  ce  projet  eût  pu  recevoir  un 
commencement  d'exécution.  L'abbé  Elle 
doit  en  grande  partie  sa  célébrité  à  la 
délivrance  de  Eichard  Cœur  de  Lion, 
événement  mémorable  auquel  il  fut  ac- 
tivement mêlé.  Lorsque  le  monarque 
anglais,  à  son  retour  de  la  terre  sainte, 
se  vit  retenu  prisonnier  en  Allemagne, 
la  reine,  sa  femme,  qui  était  tille  du  roi 
de  Navarre,  et  sa  mère,  la  reine  douai- 
rière Eléonore  de  fhxienne,  envoyèrent 
en  Allemagne  plusieurs  personnages 
chargés  d'obtenir  la  liberté  du  captif. 
Elie  fut  l'un  de  ces  ambassadeurs  et, 
s'il  faut  en  croire  les  chroniqueurs, 
l'empereur,  touché  par  ses  prières  élo- 
ïjuentes,  consentit  à  relâcher,  moyen- 
nant une  forte  rançon,  Eichard,  qu'il 
avait  eu  dessein  de  retenir  dans  une 
prison  perpétuelle.  Ce  serait  donc  en 
grande  partie  à  l'abbé  des  Dîmes  que 
le  roi  d'Angleterre  dut  de  revoir  son 
royaume.  Eeconnaissant  de  ce  service, 
il  concéda  à  l'abbaye  des  Dunes  les 
(limes  de  l'île  de  Sheppey,  ainsi  que  le 
domaine  d'Estkirke,  dans  la  même  île. 
Elie  fut,  en  outre,  nommé  conseiller 
du  roi,  avec  droit  de  siéger  au  parle- 
ment, et  tous  les  abbés  ses  successeurs 
jouirent  de  ce  privilège  jusqu'au  règne 
d'Elisabeth.  Eichard  lit  également  don 
du  marbre  qui  décora  depuis  le  maître- 
autel  de  l'abbaye.  Adrien  De  Bi;dt,  dans 
son  Chroniciwi  dnnense,  raconte  que  l'abbé 
des  Dunes  dut  surtout  le  succès  de  sa 
négociation  en  faveur  de  Eichard  à  d'an- 
ciennes relations  qu'il  avait  eues  avec 
le  duc  d'Autriche.  Yoicice  qu'il endit  : 
Pendant  qu'Elie  était  à  la  tète  de  l'ab- 
baye des  Dunes,  le  duc  d'Autriche  Léo- 
pold,  que  le  chroniqueur  appelle  Astul- 
phe,  se  présenta  au  monastère,  et  y  prit 
.service  comme  cuisinier.  t?es  manières 
plurent  à  l'abbé,  qui  l'attacha  au  ser- 
vice de  sa  personne.  Pendant  ce  temps, 
la  famille  du  duc  le  faisait  chercher  par- 
tout :  ceux  qui  étîiient  à  sa  poursuite 
arrivèrent  par  hasard  aux  Dunes  et  re- 
connurent le  prince,  qui  retourna  ensuite 
avec  eux.  Lors  de  la  troisième  croisade, 
le  duc  combattit  aux  côtés  de  Richard, 
qui, au  siège  de  Saint-.Tean-d'Acre,  l'in- 


sulta en  faisant  jeter  ses  armes  dans  un 
bourbier;  à  la  suite  de  cet  affront,  Léo- 
pokl  quitta  l'armée  et  rentra  dans  ses 
Etats;  mais,  à  son  retour  de  la  terre 
sainte,  Eichard,  ayant  été  forcé  de  tra- 
verser l'Allemagne  et  tienne,  fut  re- 
connu peindant  son  passage,  et  le  duc, 
après  l'avoir  fait  jeter  en  prison,  le  livra 
à  l'empereur  Henri  YL  Ce  serait  donc 
auprès  de  son  ancien  cuisinier  qxie  l'abbé 
des  Dunes  aurait  été  envoyé  pour  obte- 
nir, par  son  entremise,  la  grâce  du  roi 
d'Angleterre.  Les  auteurs  de  VHIsfoh-'^ 
littéraire  de  la  France  (t.  XVI,  p.  433) 
contestent  la  vérité  de  ce  récit  et  le  fait 
de  l'intervention  de  l'abbé  Elie  dans  la 
mise  en  liberté  de  Eichard  ;  ils  ajoutent 
que  si  cette  intervention  est  réelle,  elle 
n'aboutit  qu'à  faire  vendre  le  roi  d'An- 
gleterre à  l'empereur  par  le  duc  d'Au- 
triche. On  peut  répondre  à  cela  que  l'in- 
tervention de  l'abbé  est  consignée  dans 
un  grand  nombre  de  récits;  qu'Elie  arriva 
en  Allemagne  quand  déjà  Léopold  avait 
remis  Eichard  à  l'empereur,  et  que,  s'il 
réussit  par  son  éloquence  à  sauver  le  roi, 
fût-ce  à  prix  d'argent,  d'une  détention 
qui  menaçait  d'être  perpétuelle,  ce  ser- 
vice seul  était  assez  grand  pour  exciter  la 
reconnaissance  du  monarque.  Quant  au 
récit  de  De  Budt,  on  peut  sans  doute  le 
ranger  au  nombre  des  histoires  dont  les 
chroniqueurs  sont  prodigues;  toutefois 
nous  avons  cru  devoir  le  rapporter , 
parce  que  nous  ne  nous  croyons  pas  au- 
torisés à  le  démentir.  La  bibliothèque  de 
l'abbaye  des  Dunes  contenait  plusieurs 
homélies  composées  par  l'abbé  Elie,  dont 
deux  avaient  été  prononcées  par  lui  dans 
des  chapitres  généraux  de  l'ordre.  De 
Visch  a  reproduit  celle  intitulée  :  Bec- 
torerii  te  conHtituervvt . 

Kniile  Varenhcrph. 

Hpni'i(|iiez,  \n  \ecrnlogio  cisterc.  —  Cli.  De 
Visch.  Itibl  Script,  ord.  cisterc.  —  Sainie-Mar- 
(lie,  Gall.  christ,  de  abbat.  dunens.  —  Valére 
.Viidré,  Bibl.  beUj.  —  A.  Oe  Biult,  Chroti.  Dutiense. 

—  .Moieri,  [)ict.  hist.  —  Biographie  des  hommes 
remarquables  de  la  Flandre  occidentale.  —  Fop- 
l>er\s,Bibl.  belij.,  t.  I.  —  Fabiicius,  Biblioth.  In- 
tina.  —  Histoire  lilirraire  de  la  France,  l.  XVI. 

—  Mirseus,  II. 

K.LiE  ni:  w.%i%TK-TUÉRi-:!iiE,  écri- 
vain ecclésiastique,  né  à  Anvers,  vers 
1580,  mort  en  1640.  Voir"V\"iLS  (/.-5.). 


541 


ELINCX 


o42 


enxcx  {Jean),  poëte  flamand,  né  à 

Malines  vers  1660.  En  1687  "  étant  en- 
core assez  jeune  « ,  dit-il,  dans  sa  préface, 
il  adressa  aux  autorités  de  sa  ville  natale 
un  recueil  de  quatrains  formant  chrono- 
gramme. C'était  pour  célébrer  la  proro- 
gation de  toute  la  magistrature  locale 
{gewemchte  rerlenghinghe  der  Weth).  Le 
poëte  malinois  complimentait  tour  à  tour, 
en  demandant  pardon  de  la  liberté  grande 
{trypoHticheydt) ,  l'ecoutète  ,  les  deux 
bourgmestres ,  le  premier  échevin ,  les 
deux  pensionnaires,  le  premier  doyen 
(prerdeken) ,  les  maîtres  des  orphelins 
{iveesmeesten),  les  ùe\x\  fou7'riei's,  licen- 
ciés i?i  utroquejure,  etc.  Cette  œuvre  bi- 
zarre forme  un  in-4ooblong,  imprimé  chez 
l'imprimeur  juré  de  la  ville,  Jean  Jaj-e. 
Voici  le  commencement  du  titre  :  Eer- 
galm  oter  de  edele,  achtbaere,  icyse,  voor- 
sienige,  ende  seer  discrète  heeren,  scJiou- 
teth,  communi-meesters ,  vorschepen,  enz. 
En  1688,  Elincx  montra  la  même  manie 
de  poésie  chronogrammatique  [tydt  jae- 
rigJie  vaersen)  dans  une  espèce  de  comé- 
die allégorique  intitulée  :  Tooneel  der 
on-gebreydelde  îiefde,  rertoonende  met  zege- 
prael  van  een  bly  eynde  spel,  naer  druck 
gehœk,  in  jaerteUende  vaersen  gesteli 
(Malines,  in-4^).  Catal.  Tan  Hulthem, 
nj  24318).  Cette  pièce,  destinée  à  mon- 
trer les  dangers  de  l'amour  sans  frein, 
a  été  jouée  par  la  Peoene,  la  principale 
société  de  rhétorique  de  Malines,  le 
22  février  1688  (  door  de  tucJitige  comt- 
liefhebbers  der  rederyke  guide  van  Sint- 
Jan.  Willems  et  Witsen-Geysbeek  se  sont 
amusés  à  donner  un  échantillon  de  ces 
vers  qui  tous  contiennent  le  millésime  de 
1688.  On  a  rarement  mieux  réussi  à 
rendre  une  poésie  illisible.  Aussi  Willems 
y  voit-il  un  curieux  document  de  déca- 
dence. Elincx  a  été  nommé,  le  25  mars 
1691,  facteur  ou  poëte  à  titre  d'office  de 
lagildemalinoise  de  Saint-Jean,  connue 
surtout  sous  le  nom  de  là  Pivoine.  Il  suc- 
cédait à  Henri  Fayd'herbe.  En  1699,  il 
est  déjà  remplacé  par  (îyseleers;  mais 
il  ligure  encore,  le  9  mai  1700,  au  con- 
cours des  drie  santinnen  de  Bruges,  où 
ses  confrères  devaient  jouer  une  de  ses 
pièces.  Ni  les  comptes  de  Malines  ni  les 
archives  de  la  Peoene  {Besluitboeken  der 

BIOGR.  NAT.  —   T.    VI. 


gildé)  n'en  donnent  le  titre.  En  1701, 
Elincx  eut  quelques  difficultés  avec  la 
chambre  de  rhétorique  à  propos  des  dé- 
penses du  concours  brugeois  ;  mais  une 
transaction  intervint  l'année  suivante. 
Van  Melckebeke  a  trouvé  encore  dans 
les  listes  des  membres  de  la  Peoene  trois 
dates  d'inscription  qui  se  rapportent  à 
la  famille  Elincx  :  le  16  avril  1673, 
Jean-Jacques  Elincx,  bailli  de  Gestel  ; 
le  13  mars  1681,  Jean  Elincx /?<«/c?- 
(probablement  notre  poëtej,  et  enfin  le 
18  mars  169 5, François  Elincx.  Il  s'agit 
sans  doute  de  trois  frères.  Quanta  Jean 
Eliyicx,  auteur  d'un  livre  de  controverse 
contre  les  protestants  :  CathoJycke  ant- 
îvoorde  op  eenen  brief  van  Isaac  Snyers 
(Ghendt,  Max.  de  Graet  1662,  8),  on 
ignore  s'il  était  d'une  autre  branche  de 
la  même  famille.  Né  à  Louvain,  il  fut 
d'abord  vicaire  à  Thielt,  puis  successive- 
ment,en  1646,  desservantet,  le  24  sep- 
tembre 16.51,  curé  de  Bellem  dans  la 
Flandre  orientale.  Par  un  acte  du  30 
août  1663,  il  a  fait  don  à  son  église  de 
vingt-quatre  arpents  de  terre  (gemeten) 
à  défricher  au  profit  de  l'organiste. 
Elincx,  qui  mérita  l'éloge  de  son  épita- 
phe  :  Dispersit,  dédit  pavperibus,  s'en- 
tendit avec  le  chevalier  Ehym,  seigneur 
de  Bellem^  pour  dégager  l'église,  l'orner 
de  ses  premières  orgues  et  d'une  belle 
chaire  de  vérité,  et  contribua  beaucoup 
à  l'érection  de  la  tour  qu'on  y  admire 
encore.  Jean  Elincx  a  dédié  sa  Catho- 
lycke  anticoorde  aux  curés  du  diocèse  de 
Gand  (doyennés  de  Peynze,  Everghera 
et  ThieltJ  qu'il  a  appris  à  connaître 
dans  les  conférences  mensuelles.  Il  s'a- 
dresse aussi  aux  protestants  de  ^liddel- 
bourg  en  Zélande.  Il  leur  raconte  qu'une 
femme  protestante  de  leur  ville,  Josinke 
Stevens,  étant  venue  voir  des  parents 
qu'elle  avait  à  Bellem,  lui  a  soumis  quel- 
ques objections  religieuses;  que,  plus 
tard,  le  20  août  1660,  Isaac  Snyers, 
ministre  de  la  religion  réformée  à  ^Iid- 
delbourg,  est  intervenu  par  une  sorte  de 
lettre  de  défi,  et  qu'il  s'est  décidé  à  ré- 
pondre publiquement.  Elincx  est  mort 
curé  de  Bellem,  le  3  décembre  1665. 

J.  Sleeher. 
Wiiscn-Geysbeek,  Biographisch ,  anlhologhch 

18 


543 


ELISABETH 


544 


woordenboek,  H,  166.  — Willems,  Verhandeling, 
11,  1*7.  —  Van  MeUkfbeke,  Geschiedkitndùje  aen- 
teekeningen  rakende  Ue  Sint  -  Jaiis  Gilde  de 
Peoeiie  ;Mechekn,  1862).  —  Fraiis  de  Potier  en 
Broeckaeri,  De  (jemeenten  van  Oostvlaanderen,  I 
;Bellem;.  —  J.  Vander  Haeghen,  Bibliographie 
gauloise  {y\ax.  de  Graer.  —  Notes  tirées  des  ar- 
chives de  Bellem  et  communiquées  par  AI.  J.  De 
Smedt,  curé  actuel. 

i:li<!1.%betu  ou  dbabeac  de  h.%i- 

XALT,  reine  de  France,  née  en  1169, 
morte  le  15  mars  1190,  fille  de  Bau- 
douin Y,  dit  le  Courageux,  comte  de 
Hainaut,  et  de  Marguerite  de  Flandre. 
Elle  épousa,  à  Bapaume,  le  lundi  après 
le  dimanche  de  la  Quasimodo,  l'an  1180, 
Philippe  II,  roi  de  France,  surnommé 
Auguste,  et  fut  couronnée  le  jour  de 
l'Ascension,  29  mai  de  la  même  année, 
par  l'archevêque  de  Sens,  dans  la  basi- 
lique de  Saint-Denis.  La  jeune  reine  y 
fixa  tous  les  regards  par  ses  grâces  et  sa 
beauté.  Ce  mariage  fut  pour  les  Français 
un  double  sujet  de  joie;  il  valut  d'abord 
à  la  couronne  de  France  le  comté  d'Ar- 
tois qu'Elisabeth  de  Hainaut  porta  en 
dot;  puis,  comme  cette  princesse  des- 
cendait de  la  race  carlovingienne ,  ils 
virent  avec  bonheur  le  sang  de  Hugues 
Capet  réuni  à  celui  de  Charlemagne.  Il 
est  vrai  que  depuis  deux  siècles  cette 
illustre  dynastie  avait  cessé  de  régner  en 
France  ;  mais  il  en  restait  de  profondes 
racines  dans  le  cœur  du  peuple,  qui 
l'appelait  encore  la  race  des  grands 
rois. 

En  1183,  de  graves  dissensions  s'éle- 
vèrent entre  le  roi  de  France  et  Philippe, 
comte  de  Flandre  ;  Elisabeth  embrassa 
trop  chaleureusement  les  intérêts  de  son 
oncle  et  Philippe-Auguste,  quelque  sin- 
cère que  fût  son  attachement  pour  elle, 
fut  vivement  offensé  de  cette  préférence  : 
il  lui  ordonna  de  s'éloigner  de  la  cour; 
elle  était  accusée  d'en  trahir  les  intérêts 
et  elle  dut  se  retirer  quelque  temps  à 
Senlis.  Déjà  même  le  roi  avait  assemblé 
un  synode  pour  dissoudre  son  mariage, 
lorsque  Elisabeth  parvint  à  fléchir  le  mo- 
narque par  une  lettre  affectueuse  et  sou- 
mise. Revenue  à  la  cour,  elle  mit  au 
monde,  en  1187,  un  fils  (Louis  VIII). 
En  1190,  à  peine  âgée  de  vingt  et  un 
ans,  elle  décéda  en  couches  de  deux 
enfants   mâles,   qiii   moururent  au  ber- 


ceau; elle  fut  enterrée  avec  pompe,  à 
Xotre-Dame  de  Paris. 

Ang.  Vsnder  Meersch- 
EI^IJSABETII    ou    ■«ii.%BEI.I.E  d'.4IJ- 

TBicuE,  reine  de  Danemark,  de  Suède 
et  de  Norvège,  naquit  le  18  juillet  1501 
à  Bruxelles,  où  elle  fut  baptisée  par 
l'évêque  de  Cambrai,  Henri  de  Berg, 
et  mourut  à  Swynaerde  lez-Gand,  le 
19  janvier  1526.  Elle  était  fille  de  Phi- 
lippe le  Beau  et  de  Jeanne  la  Folle,  et 
sœur  cadette  de  Charles-Quint. 

A  l'âge  de  treize  ans,  elle  fut  de- 
mandée en  mariage  par  le  roi  de  Dane- 
mark, Christiern  ou  Christian  II,  sur- 
nommé, plus  tard,  le  Néron  du  Nord  et 
le  législateur,  qui,  par  élection,  avait 
succédé,  en  1513,  à  son  père  Jean  II,  et 
espérait,  par  une  alliance  puissante,  se 
soustraire  à  la  dépendance  constitution- 
nelle dans  laquelle  le  tenaient  le  clergé 
et  la  noblesse  de  ses  Etats.  Il  n'obtint 
toutefois  la  jeune  princesse  qu'à  la  con- 
dition de  renvoyer  sa  maîtresse,  la  belle 
Hollandaise  Duiveke  Willems.  Chris- 
tiern avait  connu  cette  femme  à  Bergen 
où  elle  était  allée  habiter  avec  sa  mère 
Siegbritte,  qui,  tandis  que  sa  fille  capti- 
vait le  cœur  du  roi,  s'était  emparée  de 
l'esprit  du  monarque  au  point  d'arriver 
en  peu  de  temps  à  gouverner  le  pays  à 
sa  volonté.  Le  mariage  fut  célébré  par 
procuration  à  Bruxelles  le  11  juin  1514; 
Elisabeth  fit  son  entrée  le  10  août  à 
Copenhague,  où,  deux  jours  après,  il  y 
eut  dans  la  cathédrale  une  seconde  cé- 
rémonie. La  jeune  reine  avait  failli  ne 
jamais  voir  sa  capitale;  assaillie  par  une 
tempête  sur  les  côtes  de  Seeland,  elle 
fut  bien  près  de  faire  naufrage,  et  était 
encore  fort  malade  quand  elle  débarqua. 
On  croit  qu'elle  apprit  à  Elseneur  les 
relations  de  son  époux  avec  Duiveke,  et 
la  peine  qu'elle  en  éprouva  ne  fit  qu'ag- 
graver son  état.  Christiern,  malgré  l'en- 
gagement formel  qu'il  en  avait  pris,  n'a- 
bandonna pas  sa  maîtresse  ;  il  se  montra 
cependant  jaloux  de  plaire  à  Elisabeth  : 
à  son  instigation,  il  fit  venir  de  Flandre 
une  colonie  de  villageois  qu'il  établit 
dans  l'île  d'Amak,  en  fixée  de  Copen- 
hague, et  leur  accorda  divers  privilèges, 
comme    celui   d'élire   eux-mêmes  leurs 


;4o 


ELISABETH 


546 


magistrats;  il  leur  imposa  toutefois  la 
condition  de  fournir  de  légumes  et  de 
fruits  la  table  du  roi  à  Copenhague.  Ces 
nouveaux  venus  introduisirent  dans  le 
nord  les  modes  de  culture  et  les  procédés 
en  usage  dans  les  laiteries  des  Pays-Bas, 
et  transformèrent  en  un  fertile  jardin 
l'espace  inculte  qui  leur  avait  été  confié; 
leurs  descendants  habitent  encore  l'île 
d'Araak  et  ont  en  partie  conservé  les 
mœurs,  les  coutumes  et  l'idiome  des 
premiers  colons. 

La  présence  de  la  fille  de  Philippe  le 
Beau  fut  aussi  le  signal  d'une  espèce 
de  révolution  dans  les  habitudes,  jus- 
qu'alors peu  policées,  du  palais  de  Co- 
penhague, où  elle  introduisit  le  luxe  et 
les  modes  de  la  brillante  cour  des  ducs 
de  Bourgogne.  En  1.519,  pendant  que 
Christiern  était  allé  conquérir  la  Suède, 
la  jeune  reine  réussit  à  confondre  les 
trames  de  l'aristocratie  mécontente  des 
réformes  que  projetait  le  roi,  et  à  apaiser 
les  ressentiments  de  la  Hanse  :  «  Sous 
«  son  visage  riant,  dit  un  auteur,  et 
Il  sous  son  air  de  jeunesse,  qui  ne  sem- 
«  blait  promettre  que  des  jeux,  elle 
a  cachait  un  sens  et  un  sérieux  dont 
Il  ceux  qui  traitaient  avec  elle  étaient 
a  surpris.  »  (Altmeyer,  Hist.  des  rela- 
tions, etc.)  La  Suède  conquise,  Chris- 
tiern et  Elisabeth  furent  couronnés; 
après  quoi,  le  roi  se  rendit  dans  les 
Pays-Bas  et  en  Allemagne,  où  il  adopta 
l'hérésie  de  Luther  dont  il  espérait  tirer 
parti  pour  détruire  dans  ses  Etats  l'op- 
pobition  du  clergé.  A  son  retour,  il 
voulut  forcer  la  reine  à  embrasser  la 
nouvelle  doctrine,  mais  elle  résista  et 
envoya  son  chambellan  vers  Charles- 
Quint  pour  lui  faire  connaître  la  con- 
duite de  Christiern.  L'empereur  fit  à  son 
beau-frère  quelques  observations  qui 
furent  fort  mal  accueillies  et  faillirent 
occasionner  presque  une  rupture  entre 
eux. 

Pendant  le  voyage  de  Christiern,  les 
ferments  de  mécontentement  qui  exis 
talent  contre  lui  se  tirent  jour.  En 
Suède,  les  cruautés  auxquelles  il  s'était 
livré  lui  avaient  aliéné  tous  les  esprits  ; 
en  Danemark,  le  clergé  et  la  noblesse, 
peu  satisfaits   de  ses  réformes,  et  crai- 


gnant des  excès  semblables  à  ceux  dont 
la  Suède  avait  été  le  théâtre,  ourdirent 
une  conjuration,  et  le  déposèrent  le 
20  janvier  1523.  Elisabeth  ne  fut  pas 
enveloppée  dans  la  même  réprobation 
que  son  mari  :  les  Etats  du  LXinemark 
lui  offrirent  les  conditions  les  plus  hono- 
rables pour  l'engager  à  ne  pas  abandon- 
ner le  royaume  ;  le  sénat  se  montrait 
même  disposé  à  proclamer  roi  son  fils, 
le  prince  Jean,  avec  une  régence.  Mais 
Elisabeth  répondit  qu'elle  aimait  mieux 
vivre  avec  son  époux  dans  l'exil  que  de 
régner  sans  lui.  En  agissant  ainsi  à 
l'égard  d'un  homme  qui  n'était  pas  digne 
d'une  telle  abnégation,  elle  sacrifiait  à 
son  titre  d'épouse  celui  de  reine  et  de 
mère,  et  même  l'avenir  de  ses  enfants. 
La  première  condition  pour  conserver 
les  droits  des  descendants  de  Christiern 
était  de  rester  dans  le  pays,  au  sein  de 
la  capitale  toute  dévouée  à  la  famille 
royale,  d'y  organiser  la  résistance  et 
d'empêcher  ainsi  ses  ennemis  de  déshé- 
riter sa  dynastie.  Christiern,  aussi,  aurait 
sans  doute  pu  résister,  mais  son  énergie 
l'abandonna,  et  il  quitta  le  Danemark  le 
14  avril  1523  avec  une  flotte  de  vingt 
voiles,  emmenant  avec  lui  la  reine,  ses 
enfants,  ses  joyaux  et  Siegbritte,  la 
mère  de  son  ancienne  maîtresse,  Dui- 
veke,  qui  était  morte  empoisonnée,  dit- 
on,  en  1517. 

Christiern  comptait  obtenir  des  se- 
cours de  Charles-Quint;  mais  celui-ci 
n'était  pas  aux  Pays-Bas,  et  le  roi 
détrôné  se  rendit  avec  la  reine  à  Green- 
wich,  auprès  d'Henri  YIIl,  démarche 
qui  n'aboutit  à  aucun  résultat.  Elisa- 
beth rentra  alors  aux  Pays-Bas,  où  la 
gouvernante  Marguerite  d'Autriche  lui 
assigna,  ainsi  qu'à  son  mari,  la  ville  de 
Lierre  pour  résidence,  et,  peu  après,  leur 
enleva  leurs  enfants  qu'elle  conduisit  à 
Malines  pour  les  soustraire  à  l'influence 
de  leur  père,  qui  avait  embrassé  la  doc- 
trine luthérienne.  Désespérant  d'inté- 
resser C  harles-Quint  à  sa  cause,  Chris- 
tiern crut  être  plus  heureux  auprès  des 
princes  de  l'Empire  dont  il  avait  adopté 
la  religion.  Il  se  rendit  en  Allemagne 
avec  la  reine,  et  fit  de  nouveaux  ert'orts 
pour  la  convertir,  ainsi  que  son  entou- 


547 


ELISABETH 


S48 


rage ,  à  l'hérésie  ;  quelques  écrivains 
protestants  soutiennent  qu'il  y  réussit, 
mais  nous  avons  lieu  d'en  douter.  Ces 
persécutions  , -jointes  à  tous  les  cha- 
grins dont  Elisabeth  avait  été  abreuvée 
depuis  dix  ans,  développèrent  en  elle 
les  germes  de  la  maladie  qui  devait 
l'emporter.  En  vain  lui  ordonna-t-on  les 
eaux  d'Aix-la-Chapelle  ;  elle  rentra  dans 
les  Pays-Bas;  le  6  décembre  1525,  elle 
s'arrêtait  avec  son  époux,  en  Flandre, 
à  un  château  nommé  Eoosselaer,  situé 
à  Loo-Christy  et  appartenant  à  l'abbé 
de  Saint-Bavon;  elle  n'y  séjourna  que 
peu  d'instants,  et  vers  midi  elle  se  diri- 
gea, avec  une  suite  de  huit  chariots,  en 
traversant  la  ville  de  G  and,  vers  le  châ- 
teau de  Swynaerde,  où  l'abbé  de  Saint- 
Pierre,  Gérard  Cuelsbroeck,  lui  avait 
offert  l'hospitalité.  A  peine  installée 
dans  cette  nouvelle  résidence,  qui  devait 
être  la  dernière,  son  état  s'aggrava,  et, 
le  19  janvier  1526,  elle  expira  en  pré- 
sence de  son  époux,  de  son  fils  Jean  et 
de  ses  deux  filles,  Dorothée  et  Chris- 
tine, de  l'abbé, de  Saint-Pierre,  de  Cor- 
neille de  Scepper  ou  Scepperus,  de 
Melchior  de  Germania,  secrétaire  de 
Christiern,  de  Philippe  de  Sonatre  et  de 
quelques  autres  personnages  de  distinc- 
tion. Elle  fat  assistée,  dans  ses  derniers 
moments,  par  Thomas  Blanckaert,  no- 
taire apostolique  et  impérial,  et  curé  de 
Swynaerde.  C'est  lui  qui  dressa  le  procès- 
verbal  des  derniers  moments  de  cette 
reine  douce  et  bonne,  qui  n'avait  connu 
de  la  vie  que  ses  amertumes. 

Meerman  dit  qu'elle  mourut  protes- 
tante, mais  le  témoignage  du  curé  Blanc- 
kaert prouve  à  l'évidence  le  contraire. 
Les  restes  d'Elisabeth  furent  transportés 
à  l'oratoire  de  l'abbaye  de  Saint-Pierre 
à  Gand  où  on  lui  éleva  un  mausolée.  Le 
prince  Jean  ne  survécut  pas  longtemps 
à  sa  mère,  et  son  corps  fut  déposé  dans 
la  même  tombe.  Ce  monument,  démoli 
parles  iconoclastes  en  1578,  fut  relevé 
en  1652,  et  violé  une  seconde  fois  en 
1798,  par  les  sans-culottes;  il  existe 
encore  aujourd'hui  ;  mais  dans  un  état 
de  conservation  fort  peu  satisfaisant. 

Emile  Varenbergh. 
Diilot,  liioijraphie  générale.  —  Belyiscli  Mu- 


séum, II,  -196.  —  Hans  Gramm,  Revue  enryclo- 
pédique,  1819.  —  Meerman,  Berichlen  ointrent 
bel  Nonrden-yoordoosten  van  Eiiropa,  1. —  Meui- 
sius,  Vita  Cliristierni  II.  —  Hilurion  de  Coste, 
Ekxje  des  feïumes  fortes.  —  Altmeyr  r,  Histoire  des 
relations  commerciales  des  Pays-Bas  avec  le 
Nord  de  l'Europe  —  Id.,  Isabelle  d'Autriche  et 
Christiern  11.  —  Barnii  Kcnyn  de  Volkaeisbi  ke, 
Les  Eglises  de  Gand,  II.  —  baron  Jul.  de  Saint- 
Génois,  Feuillets  détachés  —  Id.  missions  diplo- 
matiques de  Corneille  Duplicius  De  Scepper  dit 
Scepperits.  —  Sanderus,  Flandria  Illusirata.  — 
De  Busscher ,  L'Abbaye  de  Suint-Pierre.  — 
Bcigman ,  Geschicdcnis  van  Lier.  —  Diericx, 
Mémoires  sur  la  ville  de  Gand  (appeiidicr).  — 
Arcliives  de  l'Etat  à  (land,  Annales  et  chronologia 
abbaticeS.  Pétri.  Ms.  -  Malingie,  Verba  dierùm; 
le  Livre  des  jours,  Ms,  inédit  dans  lequel  se  trouve 
le  procès-verbal  de  Thomas  Blanckaert.  —  Allen, 
he  rébus  Christiani  Secundi  Uuniœ,  JSorwegiœ  et 
Suecice  régis,  exsulis  Commentatio.  —  Bulletins 
de  la  commission  royale  d'histoire,  t.  II,  V.  XI, 
XIV.  — Archives  départementales  de  Lille ;\onds 
de  la chambie  des  comptes. 

ELISABETH      DE     CORLITZ,      du- 

chesse  de  Luxembourg  et  duchesse  de 
Brabant,  née  vers  la  fin  du  xive  siècle, 
morte  à  Trêves  le  3  août  1451,  Elle 
était  fille  de  Jean  de  Luxembourg,  duc 
de  Gorlitz,  et  de  Eicharde,  fille  du  duc 
Albert  II  de  Mecklembourg,  roi  de 
Suède.  A  peine  nubile,  elle  fut  recher- 
chée en  mariage  par  Antoine  de  Bour- 
gogne, duc  de  Brabant,  déjà  veuf  de 
Jeanne  de  Luxembourg,  fille  de  Wale- 
ran  III,  comte  de  Saint-Pol,  connétable 
de  France.  Le  mariage  fut  célébré  en 
1409;  à  l'occasion  de  cette  union,  Wen- 
ceslas,  roi  de  Bohême  et  duc  de  Luxem- 
bourg, qui  n'avait  pas  d'enfant,  céda  à 
Elisabeth  et  à  Antoine,  mais  seulement 
à  titre  d'engagère,  le  duché  de  Luxem- 
bourg et  le  comté  de  Chiny,  à  la  condi- 
tion de  les  racheter  de  Josse  de  Moravie 
auquel  il  avait  déjà  engagé  ces  deux  do- 
maines. Le  rachat  eut  lieu  deux  ans 
après;  Antoine  opéra  le  remboursement 
à  Josse,  et  resta  avec  sa  femme  engagiste 
pour  des  sommes  considérables.  Cette 
situation  était  onéreuse,  et  les  revenus 
du  duché  y  suffisaient  à  peine.  Pour  y 
obvier,  le  roi  Wenceslas  révoqua  toutes 
les  engagères  d'un  seul  coup  en  1411. 
Aussitôt  après  leur  mariage,  Antoine 
et  Elisabeth  prirent  le  titre  de  duc  et 
duchesse  de  Lothier,  de  Brabant  et  de 
Luxembourg,  avec  ceux  de  marquis  et 
marquise  du  Saint-Empire,  de  comte  et 
comtesse  de  Chiny,  et  furent  reconnus 
en    CCS   qualités    dans   leurs    différents 


349 


ELISABETH 


530 


Etats.  Le  premier  soiu  d'Elisabeth  et  de 
son  mari  fut  de  réglementer  la  police 
dans  le  duché  de  Luxembourg  et  de 
confirmer  les  privilèges  de  plusieurs 
nlles,  entre  autres  Luxembourg  et  Gre- 
venmacher. 

Antoine  de  Bourgogne  fut   tué  à  la 
bataille    d'Azincourt    eu   1415,    et    sa 
veuve  continua  à  gouverner  le  duché  de 
Luxembourg:  Elisabeth  avait  un  carac- 
tère fier  et  altier,  et  ne  sut  pas  se  faire 
aimer  de  ses  sujets,  qui  se  soulevèrent 
contre  elle  en  141S;  dans  ces  conjonc- 
tures, elle  eut  recours  au  duc  de  Bour- 
gogne Jean  sans   Peur,  qui  rétablit  la 
tranquillité;  mais   elle    mécontenta   de 
nouveau  les  Luxembourgeois  par  la  ma- 
nière dont  elle  usa  de  sa  victoire.  Pour 
prévenir  le   retour   de   ces   dissensions 
sanglantes,  elle   songea   à   convoler   en 
secondes  noces.  Yers  la  fin  de  141  S,  elle 
épousa  Jean  de  Bavière  surnommé  Sans 
Pitié,  élu  de  Liège,  auquel  les  pères  du 
concile  de  Constance  accordèrent  dis- 
pense du  sous-diaconat.  Ce  prince,  beau- 
coup plus  occupé  de  guerroyer  en  Hol- 
lande,  pour  y  soutenir  les   prétentions 
qu'il  croyait  avoir  à  la  possession  de  ce 
comté,  qu'à  donner  ses  soins  au  gouver- 
nement du  Luxembourg,  mourut  en  1424 
laissant  Elisabeth  veuve  pour  la  seconde 
fois.    Celle-ci   eut  beaucoup  de  peine  à 
maintenir  son  autorité  ;  d'un  autre  côté 
le  duc  de  Brabant  Philippe  de  Saint- 
Pol,    avait   formé  des  prétentions  à  sa 
charge  et  l'avait  même  actionnée  devant 
la  cour  de  Zanthoven.  Elle  eut  de  nou- 
veau  recours   au    duc    de    Bourgogne, 
c'était  alors  Philippe   le  Bon,   fils  de 
Jean   sans  Peur,  et   lui  céda   tous   ses 
droits   d'engagère;   celui-ci   obtint   en- 
suite la  renonciation  du  duc  de  Brabant 
à  ses  prétentions,  moyennant  rétroces- 
sion des  droits  H  lui  cédés.  Cette  remise 
en  possession  de  ses  Etats  ne  rendit  pas 
la  tranquillité  à  Elisabeth,  dont  le  règne 
ue     fut    qu'une    suite    de     difticultés. 
En    1431,    elle    voulut   augmenter  les 
taxes: les  Luxembourgeois  s'adressèrent 
à  l'empereur  Sigismond,  propriétaire  du 
duché    et    obtinrent    gain    de    cause. 
En  1438,  Albert  d'Autriche,  successeur 
de  l'empereur  Sigismond,  et  par  consé- 


quent propriétaire  du  duché,  voulut  en 
faire  le  retrait.  Il  avertit  Elisabeth  de 
se  rendre  en  personne  ou  par  procureur 
à  Nuremberg,  à  la  Saint  Georges,  pour 
en  recevoir  le  prix.  Mais  ce  retrait  n'eut 
pas  lieu,  Albert  mourut  en  1439,  et 
l'impératrice  sa  veuve  céda  la  propriété 
duLuxembourg  et  deChinyà  son  gendre 
Guillaume  duc  de  Saxe,  mari  de  sa  fille 
Anne. 

La  nouvelle  de  cette  cession  fut  ac- 
cueillie avec  joie  dans  le  Luxembourg 
à  cause  du  peu  de  sympathie  que  l'on 
y  éprouvait  pour  Elisabeth.  Celle-ci 
voyant  ses  domaines  près  de  lui  échap- 
per, voulut  essayer  de  se  concilier  les 
esprits  par  quelques  concessions;  ainsi 
elle  confirma  les  privilèges  des  francs 
hommes  de  la  prévôté  de  Bastogne, 
qu'elle  appelle  prévôté  d'Ardenne  ou 
mayerie  de  Hoftelt. 

Le  duc  de  Saxe,  résolu  de  s'approprier 
le  Luxembourg  auquel  l'acte  de  cession 
lui  donnait  des  droits  conditionnels,  y 
entretenait  des  intelligences  et  excitait 
sous  main  les  mécontents,  afin  de  s'em- 
parer du  pays  sans  payer  des  sommes  que 
probablement  il  ne  possédait  pas.  Elisa- 
beth, hors  d'état  de  lutter,  chercha  du 
secours  auprès  de  la  plupart  des  princes 
de  l'Empire,  dit  Olivier  de  la  Marche, 
mais  n'en  trouva  aucun  qui  voulût  sou- 
tenir ses  intérêts.  Elle  s'adressa  de  nou- 
veau à  Philippe  le  Bon;  celui-ci,  voyant 
tout  le  parti  qu'il  pourrait  tirer  de  ce  pro- 
tectorat, s'engagea  à  l'aider.  Elisabeth, 
Il  eu  égard  aux  circonstances  critiques 
de  guerre  et  calamités  de  mort  et  d'in- 
cendie, où  ses  sujets  se  trouvaient,  et  à 
quoi  comme  femme  et  veufve  elle  ne 
pouvoit  remédier  » ,  le  nomma  mambour 
ou  gouverneur  du  pays  par  acte  daté  de 
Thionville  le  5  mars  1441. 

Cette  nomination  fut  loin  de  ramener 
la  paix  dans  le  Luxembourg;  elle  fut,  au 
contraire,  suivie  de  beaucoup  de  contes- 
tations et  d'une  guerre  entre  le  duc  de 
Bourgogne  et  Guillaume  de  Saxe.  Phi- 
lippe le  Bon  eut  beau  accorder  ou  con- 
firmer des  privilèges,  rien  n'y  fit  :  les 
Luxembourgeois,  excités  sans  aucun 
doute  par  le  duc  de  Saxe,  se  révoltèrent, 
déclarant   qu'ils  ne  voulaient  pas  obéir 


551 


ELISABETH  -  ELLE 


552 


au  duc  de  Bourgogne  ;  ils  assiégèrent  le 
palais  de  la  duchesse,  qui  fut  obligée  de 
fair  avec  sa  suite.  Elle  se  réfugia  à  Di- 
jon, auprès  du  duc,  lui  demandant  son 
appui  pour  rentrer  dans  ses  Etats.  Le 
duc  de  Bourgogne  sentant  que  l'aflront 
fait  à  Elisabeth  rejaillissait  sur  lui,  mam- 
bour,  votlut  cependant,  avant  d'avoir 
recours  à  la  force,  essayer  de  parlemen- 
ter; il  envoya  des  députés  à  Luxembourg 
pour  engager  les  états  à  rappeler  la 
duchesse,  les  menaçant,  s'ils  refusaient 
et  persistaient  dans  leur  révolte,  de  les 
réduire  à  l'obéissance.  Les  députés  fu- 
rent fort  mal  reçus  ;  alors  Philippe  ras- 
sembla son  armée  et  entra  dans  le  pays, 
accompagné  de  la  duchesse  Elisabeth 
qui,  vieille  et  infirme,  se  faisait  trans- 
porter en  litière.  Toutes  les  villes 
ouvrirent  leurs  portes  ;  Luxembourg  et 
Thionville  seuls  tinrent  encore  pour  le 
duc  de  Saxe.  Toutefois,  celui-ci,  voyant 
qu'il  n'était-  pas  assez  fort  pour  lutter 
longtemps  contre  le  puissant  duc  de 
Bourgogne,  préféra  tenter  un  accommo- 
dement. La  conférence  n'aboutit  pas,  à 
cause  des  prétentions  trop  opposées  des 
parties,  et  la  guerre  continua.  Philippe 
ayant  demandé  la  bataille  au  gouver- 
neur saxon  de  Luxembourg,  qui  refusa, 
se  décida  à  s'emparer  de  la  ville  par 
escalade.  Cette  entreprise  eut  lieu  avec 
un  plein  succès  dans  la  nuit  du  21  au 
22  novembre  1443  ;  le  château  tenait 
encore,  mais  il  se  rendit  le  11  décembre. 

Ces  événements  amenèrent  la  conclu- 
sion de  la  paix  entre  le  duc  de  Bourgogne 
pour  compte  d'Elisabeth  et  le  duc  (iluil- 
laume  de  Saxe,  qui  renonça  à  tous  ses 
droits  sur  le  Luxembourg  moyennant 
une  somme  d'argent.  Le  duc  Philippe 
publia  ensuite  une  amnistie  générale  au 
nom  de  la  duchesse. 

Après  cette  pacification,  en  reconnais- 
sance des  services  que  lui  avait  rendus 
le  duc  de  Bourgogne,  et  aussi  sans  doute 
pour  se  décharger  de  tout  souci,  Elisa- 
beth céda  à  Philippe  le  Bon  tous  ses 
droits  au  duché  de  Luxembourg,  au 
comté  de  Chiny  et  à  l'avocatie  d'Alsace. 

La  cession  se  fit  solennellement  par 
une  donation  entre-vifs,  sur  une  mon- 
tagne près  du  Grunewald,   qui  depuis 


ce  temps  porta  le  nom  de  Mo)itag»e  de  la 
jevime  morte  :  Elisabeth,  par  suite  de  cet 
acte,  étant  morte  civilement  à  toutes  ses 
prétentions.  Elle  ne  se  réserva  qu'une 
pension  de  huit  mille  florins  et  une 
somme  de  onze  mille  florins  en  capital, 
puis  se  retira  à  Trêves,  où  elle  vécut 
encore  sept  ans.  Elle  fut  enterrée  dans 
l'église  des  Observantins. 

Emile  Vaivnbei'jjh. 

Olivier  de  la  Marche.  —  BertlioUet,  Histoire 
ecclèsiasiique  et  civile  du  duché  de  Luxem- 
bourg, etc. 

EL,i.E  (Ferdmand),  habile  portraitiste, 
qui  exerça  son  art,  surtout  en  France,  où 
son  nom  est  ordinairement  transformé 
en  celui  de  Ferdinand  Hellé.  Il  brillait 
au  commencement  du  xviie  siècle  ;  la 
date  de  sa  naissance,  à  Malines,  est  in- 
connue; mais  celle  de  sa  mort,  à  Paris, 
peut  être  fixée  entre  les  années  1637  et 
1640. 

Bien  que  son  talent  ait  été  fécond, 
hautement  reconnu,  et  que  la  gravure 
reproduisît  quelques-unes  de  ses  œu- 
vres, celles-ci  ne  sont  guère  citées,  et  les 
biographes  se  bornent,  la  plupart,  à  le 
mentionner.  Félibien,  juge  fort  com- 
pétent, le  loue  pourtant  en  termes  très- 
concis  ;  après  avoir  nommé  élogieuse- 
ment  plusieurs  des  peintres  qui  ornèrent 
l'hôtel  de  ville  de  Paris  (entre  autres 
Porbus),  il  ajoute  :  «  mais  l'un  de  ceux 
Il  qui  étaient  le  plus  en  réputation  pour 
"  ces  sortes  d'ouvrages  s'appelait  Fer- 
II   dinand  Elle,  de  Malines  «. 

Peu  de  temps  après  son  arrivée  eu 
France,  Elle  fut  chargé  «  de  fournir  un 
grand  tableau  représentant  le  prévôt 
des  marchands ,  les  cchevins ,  procu- 
reurs du  roi  et  grefliers  de  Paris  » .  11 
reçut  de  ce  chef,  le  19  août.  1609,  les 
quatre  cents  livres  tournois  que  la  ville 
s'était  engagée  à  lui  payer.  L'exécution 
de  son  œuvre  inspira  une  telle  confiance 
aux  officiers  municipaux,  qu'ils  lui  lais- 
sèrent le  soin  d'en  commander  le  pen- 
dant, lequel  fut  fait  par  (icorges  l'Alle- 
mand, artiste  dont  l'atelier  était  alors 
des  plus  fréquentés  et  qui  avait  eu 
l'honneur  d'y  accueillir  Philippe  de 
Champagne  à  ses  dél)uts. 

La   vogue  et  la   renommée   de   Elle 


oo3 


ELLE  -  ELLEBAUDT 


5o4 


s'étendirent;  il  obtint  le  titre  de  peintre 
ordinaire  du  roi  et  une  des  charges  de 
valet  de  chambre  de  Sa  Majesté,  charges 
que  les  artistes  achetaient  parfois,  mais 
que,  d'autres  fois,  les  princes  leur  accor- 
daient à  titre  gratuit,  comme  récom- 
pense honorifique  de  leur  mérite. 

Elle  s'était  marié  vers  1609  avec  une 
protestante,  Marie  Ferdinand;  il  appar- 
tenait à  la  même  religion,  mais  il  jugea 
très-probablement  utile  de  ne  pas  le 
déclarer,  puisque,  en  1625,  il  tint  sur  les 
fonts  de  baptême  de  l'église  Saint-Sul- 
pice  le  septième  enfant  d'un  de  ses  con- 
frères, Richard  !Masson  de  La  Eichar- 
dière,  miniaturiste  estimé.  Sa  femme, 
décédée  le  15  février  1649,  lui  avait 
donné  quatre  enfants,  deux  filles  et  deux 
fils,  Louis  et  Pierre.  Ceux-ci, continuant 
la  carrière  paternelle,  maintinrent  pen- 
dant environ  un  siècle  la  brillante  ré- 
putation acquise  par  le  chef  de  leur 
lignée.  Par  respect  filial,  ils  adoptèrent 
même  son  prénom  de  Ferdinand  et 
l'ajoutèrent,  comme  une  dénomination 
générique,  à  leurs  autres  noms.  Cet 
usage  prévalut  :  les  Elle  furent  dits  Fer- 
dinand. 

Le  fils  aîné,  Louis  Elle  Ferdinand, 
très-habile  élève  de  son  père,  acquit 
promptement  le  renom  d'un  artiste  dis- 
tingué :  en  16.36,  il  avait  déjà  reçu 
plusieurs  commandes  du  roi.  De  sa 
femme,  Elisabeth  d'Allemagne,  il  eut 
deux  enfants,  une  fille  et  un  fils,  Louise 
et  Louis  Elle  ou  Ferdinand  II  "  maître 
peintre  du  roi  « .  Ce  dernier  artiste  alla 
vivre  à  Reims,  où  il  décéda  en  1717,  à 
l'âge  de  soixante-neuf  ans.  Entre  autres 
œuvres,  il  peignit  en  cette  ville,  pour 
la  riche  corporation  des  orfèvres,  un  ta- 
bleau placé  dans  l'église  Notre-Dame  et 
représentant  un  des  fils  de  Sceva,  prince 
des  apôtres,  battu  par  le  démcn. 

Nous  ignorons  quelles  furent  les  pro- 
ductions de  son  oncle  Pierre  Elle  Ferdi- 
nand, également  honoré  du  titre  de 
peintre  de  Sa  Majesté  et  qui  décéda  à 
Paris,  le  4  septembre  1665. 

Félix  Slappaerti. 
Nag'er,  Kumilerlexicon.  —  Bulletin  ae  l'his- 
toire de  l'art  en  France. 

I::lleb.%vdt  [Nicaise),    Van  Elle- 


BODE  ou  Ellebodius,  médecin,  philo- 
sophe et  poète,  né  à  Cassel  au  commen- 
cement duxvie  siècle,  mort  à  Presbourg 
en  Hongrie,  d'une  fièvre  pestilentielle  le 
14  juin  1577,  d'après  la  Biographie 
médicale,  ou  le  4  juin,  d'après  d'autres. 
Il  fit  ses  études  à  Padoue,  où  il  obtint 
le  grade  de  maître  es  arts  et  de  docteur 
en  médecine.  Il  était  fort  versé  dans  les 
lettres  grecques;  ses  diverses  et  pro- 
fondes connaissances  lui  concilièrent 
l'aftèction  d'un  grand  nombre  d'hommes 
remarquables  de  son  époque  :  le  cardinal 
Granvelle,  Jean  et  Vincent  Pinelli,  Paul 
Manuce,  Denys  Lambin  et  Etienne  Ra- 
dicius,  vice-roi  de  Hongrie  et  évêque 
d'Egra,  qui  lui  procura  un  canonicat 
danï  sa  cathédrale. 

On  possède  d'Ellebaudt  une  traduc- 
tion en  latin  du  Livre  de  la  nature  de 
VJiomme,  par  l'évêque  Nemesius  d'Emèse, 
en  Syrie,  qui  vivait  vers  la  fin  du 
ive  siècle   (1)    :    INéy-îTioy    £-i(7xo-o-j  -/.ai 

Anvers,  15  65,  chez  Plantin,  in-12,  et 
Oxford,  1671.  Cette  traduction,  nette 
et  correcte,  redresse  un  grand  nombre 
de  passages  de  l'écrivain  grec,  mal 
interprétés  par  Georges  Valla,  médecin 
de  Plaisance,  qui  avait  défiguré  plutôt 
que  traduit  Nemesius.  La  traduction 
d'Ellebodius  fut  imprimée  de  nouveau 
en  1671,  in-S«,  à  Auxonne,  cum  anno- 
tationihus.  Elle  se  trouve  aussi  parmi  la 
Bibliothcca  Patrum,  édition  de  Lvon, 
t.  VIII,  618-649. 

On  a  encore  de  lui  des  lettres  sur 
différents  sujets  scientifiques,  écrites  en 
latin,  et  publiées  dans  les  Epistolœ 
illusti'iuni  Belgarum,  de  Daniel  Heiii- 
sius.  —  Une  Epistola  ad  Ca7'olum  Clu- 
sium,  dans  les  Exercit.  de  Thomas  Cre- 
nius,  t.  II.  —  Quelques  poésies  latines 
imprimées   dans    les    Beliciœ  poetarum 

Behjarura  de  GruterUS.       Émile  Varenbergh. 

Elo}',  Dictionnaire  de  médecine.  —  Paquot, 
t.  M.'—  Piron.  —  Miraeus,  Elogia  Belgica.  — 
Fopiiens,  t.  11.  —  Biographie  médicale,  t  IV. — 
Swertius.  —  Didol,  Biographie  générale  — 
Clusius,  hlpLslola  ad  J.  Lipsium.  -  Marchant, 
liesr.r.  l'iand.  —  Moreri,  Dict.  Hisl.  —  Valère 
André,  Bibl.  Belg. 

(Ij  Cet  ouvrage  avait  été  longtemps  aUribué  à 
saint  Grégoire  de  Kysse. 


55.^ 


ELOl 


556 


*  E1.0I  (Saint),  évêque,  patron  des 
orfèvres,  né  vers  588  dans  un  village 
près  de  Limoges,  que  les  uns  appellent 
Cadaillac,  d'autres  Chatelac,  d'autres 
Cadillac,  mort  à  Xoyon,  daus  la  nuit  du 
30  novembre  au  1er  décembre  659.  Ses 
parents  étaient  chrétiens  et  de  condition 
libre;  son  père  s'appelait  Eucherius  et 
sa  mère  Terrigia.  Saint  Oiien,  son  bio- 
graphe, raconte  que  sa  naissance,  comme 
celle  de  saint  Jean-Baptiste,  fut  annoncée 
à  sa  mère  par  un  prodige  :  elle  vit,  en 
songe,  \m  aigle  voler  au-dessus  de  son 
lit  et  l'appeler  par  trois  fois  ;  en  répon- 
dant à  cet  appel,  elle  s'éveilla.  Quand 
le  moment  de  s'accoucher  fut  arrivé, 
elle  éprouva  des  douleurs  telles,  que  son 
mari,  inquiet,  envoya  quérir  un  moine 
voisin  à  qui  il  demanda  de  prier  pour 
elle;  mais  celui-ci,  empruntant  les  ex- 
pressions du  langage  divin,  prédit  que 
l'enfant  deviendrait  un  grand  saint,  le 
plus  illustre  entre  tous  ceux  de  sa  race  ; 
on  l'appela  Eloi,  qui  signifie  élu  de  Dieu. 
Dès  son  jeune  âge,  il  montra  une  grande 
habileté  dans  ses  travaux  manuels,  et  ses 
parents  le  mirent  en  apprentissage  chez 
un  orfèvre,  nommé  Abbon,  maître  de  la 
monnaie  de  Limoges.  Plus  tard,  Eloi, 
aj^ant  quitté  l'Aquitaine  pour  venir  en 
Neustrie,  y  fit  la  connaissance  de  Bol- 
Ion,  trésorier  du  roi.  Quelque  temps 
après,  Clotaire  II  l'attacha  à  sa  per- 
sonne, moins  à  cause  de  son  habileté, 
comme  le  disent  plusieurs  biographes, 
qu'à  la  suite  d'un  acte  de  probité.  Eloi 
lui  avait  été  recommandé  par  Bollon,  et 
le  roi,  ayant  voulu  se  faire  fabriquer  un 
trône  d'une  grande  richesse,  lui  avait 
remis  à  cet  effet  une  considérable  quan- 
tité d'or  et  de  pierres  précieuses  ;  mais 
le  jeune  orfèvre  se  montra  digne  de  la 
confiance  qu'il  avait  su  inspirer  :  avec 
la  matière  fournie,  au  lieu  d'un  trône, 
il  en  fit  deux;  telle  fut  l'origine  de 
la  faveur  dont  il  joait  auprès  du  mo- 
narque. Il  se  faisait  remarquer,  à  cette 
époque,  par  sa  piété  et  ses  vertus.  A  la 
mort  de  Clotaire,  Dagobert,  son  fils  et 
successeur,  honora  Eloi  d'une  amitié 
plus  vive  encore;  il  en  fit  son  argentier, 
et  lui  soumettait  d'ordinaire  les  affaires 
les  plus  importantes  de  son   royaume. 


Nous  ne  rappellerons  ici  la  légende,  qui 
s'est  transformée  en  une  chanson  popu- 
laire, que  pour  y  reconnaître  un  sou- 
venir traditionnel  du  haut  degré  de 
confiance  que  le  roi  mettait  en  lui. 
Dagobert  le  combla  de  bienfaits,  mais 
Eloi  n'en  usait  guère  pour  lui-même  : 
il  élevait  des  hospices  et  des  abbayes  sur 
les  terres  dont  on  le  gratifiait,  distri- 
buait aux  pauvres  l'argent  qu'il  recevait 
ou  l'employait  au  rachat  des  captifs  ;  sa 
charité  était  telle,  que  bien  souvent  il 
se  trouvait  dépourvu  de  ressources. 
En  635,  Dagobert  se  vit  menacé  par  le 
roi  de  Bretagne  Judicaël,  qui  inquiétait 
les  frontières  du  royaume  ;  il  lui  envoya 
Eloi,  dont  les  discours  empreints  de 
douceur  et  les  manières  affables  ame- 
nèrent le  Breton  à  conclure  la  paix. 
Après  la  mort  de  saint  Achaire,  arrivée 
en  639,  le  monarque,  décidé  à  combat- 
tre énergiquement  l'hérésie  simoniaque, 
dont  les  progrés  n'avaient  cessé  de  croî- 
tre depuis  le  règne  de  Brunehaut ,  fit 
entrer  son  argentier  dans  les  ordres  et 
le  fit  sacrer  évêque  de  Xoyon,  Tournai 
et  Yermand,  qui  n'avaient  alors  qu'un 
seul  évêque  :  «  Il  l'établit  gardien  et 
protecteur  des  villes  et  municipes  de 
Vermand,  qui  est  la  ville  métropoli- 
taine, et  de  Tournai,  qui  était  ville 
royale  autrefois,  ainsi  que  de  Noyon  et 
de  la  Flandre,  de  Gand  et  de  Courtrai  « 
{Vie  de  saint  Eloi,  par  saint  Ouen). 
En  même  temps,  saint  Ouen,  son  ami 
et  son  biographe,  fut  nommé  évêque  de 
Rouen.  L'ordination  eut  lieu  le  14  mai 
640  et  l'installation  d'Eloi  le  21  mai; 
Meyer,  dans  ses  annales,  donne  pour 
cette  cérémonie  la  date  de  648  ;  Cousin, 
celle  de  647,  et  Gazet,  dans  la  Ch?-o- 
nique  de  Cysoing,  celle  de  649.  Malgré 
ses  hautes  dignités,  Eloi  continuait  à 
fabriquer  des  objets  d'orfèvrerie  pour 
les  églises;  ainsi,  il  fit  les  châsses  de 
saint  Quentin,  de  saint  Crépin  et  de 
saint  Fiat.  Il  visita  et  évangélisa  avec 
sollicitude  les  Flamands,  les  Anversois, 
les  Frisons,  les  peuplades  suèves  et 
saxonnes  de  la  Flandre,  et  eut  besoin 
de  toute  sa  patience  et  de  tout  son  zèle 
pour  amener  dans  le  giron  de  l'Eglise 
des  nations  aussi  barbares.  D'abord  fort 


557 


ELOI  -  ELOY 


558 


mal  reçu,  maltraité  même  parfois  lors- 
qu'il traversait  les  campagnes,  son  dé- 
vouement surmonta  tous  les  obstacles. 
Dans  la  plupart  de  ses  prédications,  il 
était  accompagné  par  undisciple,  nommé 
ïhillon  d'Iseghem,  qui  devint,  phis  tard 
évêque  de  ^Maestricht.  Il  établit  le  plus 
souvent  sa  résidence  à  Tournai  pour  être 
plus  rapproché  des  parties  septentrio- 
nales de  son  triple  diocèse,  lesquelles 
avaient  le  plus  besoin  de  sa  sollicitude. 
Le  25  octobre  644,  suivant  saint  Ouen,  il 
assista  au  concile  de  Châlons-sur-Saône, 
après  lequel  il  vécut  encore  iine  quin- 
zaine d'années.  Quelque  temps  avant 
de  mourir,  il  prédit  sa  fin.  Xous  avons 
dit  à  quelle  époque  elle  eut  lieu,  d'après 
saint  Ouen  et  les  Bollandistes;  Sanderus 
et  Cousin  la  fixent  à  la  même  date  ;  mais 
Mej'er,  dans  ses  Annales,  le  fait  décéder 
seulement  en  665.  Il  fut  enterré  dans 
le  monastère  de  Saint-Loup  ,  près  de 
No  von,  qui  prit  alors  le  nom  de  Saint- 
Eloij  en  1661,  on  transféra  son  corps 
sous  une  voûte  construite  derrière  le 
sanctuaire.  En  1462,  un  arrêt  du  par- 
lement en  ordonna  la  translation  dans  la 
cathédrale. 

Eloi  peut  être  considéré  à  juste  titre 
comme  l'apôtre  de  la  Flandre,  oii  il 
fonda  les  églises  d'Aldenbourg,  de  Ro- 
denbourgj  d'Oostbourg,  de  Saint-Sau- 
veur à  Bruges,  et  de  Saint-Martin  à 
Courtrai,  l'abbaye  de  Saint-Martin  à 
Tournai  et  le  collège  des  chanoines 
réguliers  de  Séclin.  En  France,  il  bâtit 
le  monastère  de  Solignac,  avec  les  libé- 
ralités du  roi,  voulant  (suivant  ses  pro- 
pres paroles)  lui  construire  une  échelle  à 
l'aide  de  laquelle  ils  pussent  monter 
tous  deux  au  ciel,  l'église  de  Saint-Paul 
hors  Paris,  le  couvent  de  Sainte-Anne 
dans  Paris,  et  d'autres  maisons  encore, 
il  existe  de  saint  Eloi  cinq  pièces  de 
monnaie  portant  au  revers  :  EUgim  mo- 
iietarius  (voy.  Leblanc),  et  l'on  croit^ 
d'après  leur  date,  ([u'il  ne  fut  argentier 
ou  maître  de  la  monnaie  (pie  sous  Dago- 
bert  et  dans  les  premières  années  de 
Clovis  II.  Il  était  en  même  temps  maître 
de  la  monnaie  de  Paris. 

Saint  Ouen,  qui  écrivit  sa  vie,  vante 
son  éloquence,  et  les  fragments  de  ser- 


mons qui  nous  restent  de  saint  Eloi  sont 
une  preuve  de  la  véracité  de  son  bio- 
graphe. Toutefois  les  XVJT  homélies 
imprimées  sous  son  nom  ne  lui  sont 
attribuées  que  par  erreur,   s'il  faut  en 

croire  Dufau .  Émile  Varecbergh. 

Dufau,  Hagioqvaphie  belge.  —  Cousin,  Histoire 
de  Tournai.  —  Meyer,  Annalea  de  Flandre  — 
Le  Maistre  dAnstalug,  Histoire  de  la  cathédrale 
de  Tournai.  —  Acta  .sanctorum  des  Bollandistes. 

—  Sanderus,  Flandria  itlustrata.  —  Moreri , 
Dict  tiistor.  —  Feller,  bict.  histor.  —  Butler, 
Vies  des  Pères.  —  Foppens.  Hibl.  Belg.  —  Didol, 
Bioqr.  générale.  —  Michaud,  Biogr.  universelle. 

—  Sweertius.  —  Grasse,  Lehrbucii  einer  altgem. 
liierar.  geschiclite.  —  Surius,  Ad  diem  1  déc.  m 
martyrol.  —  Bucelin,  Ann.  Gall.  Fland.  —  .Mo- 
lanus  ,  Natal.  Belg.  —  Sainte-Marthe  ,  Gall. 
Christ  —  Saint  Ouen,  Vie  de  Saint  Eloij. 

ELOY  {Gérard),  connu  plutôt  sous  le 
nom  d'ELiGius,  historien,  né  le  21  juil- 
let   1590  au  hameau  du  Petit-Han,  dé- 
pendant de  la  commune  du  Grand-Han 
dans  la  province  de  Luxembourg,   et 
mort  à  Bruxelles,  le  20  décembre  1641. 
Il  fit  ses  premières  études  dans  son  vil- 
lage,   et,   à   l'âge  de   treize   ans,   alla, 
malgré  ses  parents  qui  n'étaient  pas  en 
état  de  faire  des  frais  pour  lui,  achever  ses 
humanités  chez  les  jésuites  à  Anvers  ;  il 
s'y  distingua  par  son  zèle  et  son  intelli- 
gence, et  obtint,  au  terme  de  ses  études, 
la  charge  de  précepteur  d'un  jeune  Por- 
tugais, qu'il  accompagna  à  Louvain.  Le 
séjour  de  cette  ville  lui  permit  de  faire 
ses  études  académiques.  Il  ne  resta  pas 
longtemps  dans  cette  position,  car  Ery- 
cius  Puteanus  le  prit  chez  lui,  en  qua- 
lité de  familier,    espèce  de   domesticité 
déguisée,    qui  laissait  au  jeune   homme 
assez  de  loisirs.  Quelque   temps  après, 
Eligius  se  rendit  à  Douai  afin  d'y  suivre 
les  cours  de  philosophie,  puis,  changeant 
subitement  de  résolution,   il  entra  à  la 
Chartreuse  de  Bruxelles,  oii  il  prit  l'ha- 
bit  le   3  mars  1612,  âgé  seulement  de 
vingt-deux  ans.  Là  il  fut  chargé,  par  le 
prieur,  de  faire  une  copie  des  archives 
de  la  maison  et  de  tous  les  actes  histo- 
riques, ainsi  que  l'histoire  de  sa  fonda- 
tion, pour  le  chapitre  général  de  l'ordre. 
On  l'envoya  ensuite  à  Bois-le-Duc  comme 
vicaire  ou  aide  du  prieur.  La  guerre  le 
chassa  de  cet  asile.  Après  l'expiration  de 
la  trêve  de  douze  ans,  les  chartreux  du 
monastère  de  Sainte-Sophie  de  Bois  le- 


559 


ELOV 


560 


Duc  se  réfugièrent  auprès  du  gouverneur 
(lu  fort  de  Boxtel;  mais  le  fort  dut  se 
rendre  à  Mansfeld.  Eligius  alors  se  re- 
tira chez  les  Clarisses;  il  y  composa  la 
biographie  du  bienheureux  Juste  de 
Gouda,  qui  parut  en  1624,  sous  le  voile 
de  l'anonyme,  et  s'occupa  aussi  à  rédiger 
les  annales  de  la  maison  de  Sainte-So- 
phie. Il  passa  bientôt  après  à  Anvers, 
en  qualité  de  recteur;  mais  son  admi- 
nistration n'ayant  pas  été  heureuse,  il 
fut  rappelé  à  Bruxelles  en  1630,  où  on 
le  nomma  vicaire  du  prieur  en  lui  don- 
nant la  charge  d'instruire  les  novices. 
Il  y  resta  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  onze 
ans  après. 

On  a  de  lui  :  Vita  et  martiriuni 
B.  Justi  Goudani,  cartusiœ  DeJpliensis  m 
Hollmidia  profrssi  et  sacristœ.  Bruxelles, 
1624,  in-é»),  avec  une  épître  dédicatoire 
àBrunod'Outtelair,  prieur  de  Bruxelles, 
datée  comme  suit  :  Ex  solitudine  Campa- 
nile pridie  Idus  oct.  1623,  unus  ex pusel- 
lis  vestris  F.  G.  E.  Cette  biographie  a 
été  traduite  en  français  et  publiée  par 
Ad.  Driscart,  à  la  suite  de  sa  traduction 
française  de  V Histoire  des  chartretix  de 
Dorlandus.  Tournai,  1644,  in-4o,  sous 
ce  titre  :  Le  Juste  victorieux  ou  discours 
sur  la  vie  et  le  martyre  du  B.  Juste  de 
Gouda,  religieux  profès  et  sacristain  de 
la  chartreuse  de  Delft  en  Hollande,  tiré 
et  abrégé  en  nostre  vulgaire,  de  celui 
qu'a  publié  en  latin  le  E.  P.  Gérard 
Eloy,  religieux  chartreux  de  Bruxelles, 
par  un  religieux  du  même  ordre.  ■ — - 
Fita  S.  Brunonis  cai'tusiensium  insti- 
tutoris  priitii ,  commetitario  illustrata. 
Bruxelles,  1639,  in-8  ';  l'entête  de  la 
première  page  explique  mieux  l'ouvrage 
d'Eligius  :  Ex  ea  guœ  est  a  R.  F.  Eran 
cisco  de  Puteo,  et  P.  Blomevenna  primum 
édita  qc  postmodum  à  V .  P.  Laurevtio 
Surio  recensita  et  paraphrastico  reddita. 
Commentationihus  rariis  ,  additionihns 
etiani  ac  supplementis  illustrata.  Quce 
onmia  ex  ipsis  fontihus  hansta,  ex  oriyiva- 
lihusUtteris,  dijilnwatihus,  pririlcf/iis  car- 
tusiœ Calahrice  recenter  eruta,  et  SHinina 
fide  studioque  acluarii  transumpta  hahen  ■ 
tur.  Comwentatore  G.  Suriano  Behjœ. 
Son  commentaire  occupe  426  pages  :  à 
la  fin  du  volume,  se  trouve  une  pièce  de 


vers  latins  par  Auge  Schotte.  chartreux 
de  Bruxelles.  —  La  Fie  de  sainte  Ger- 
trude,  première  abbesse  de  Nivelles, 
tirée  des  cayers  de  Nivelles,  de  Landen, 
de  Neustade  en  Allemagne  et  ailleurs. 
Mise  premièrement  en  lumière  en  latin 
par  le  R.  P.  J.  G.  de  Eickel  et  traduite 
en  français  par  P.  A.  B.  C.  Bruxelles, 
1639,  in-12;  bien  que  le  célèbre  abbé 
de  Sainte-Gertrude,  Gerolf  de  Ryckel 
paraisse  dans  le  titre  comme  l'auteur 
véritable  de  cette  biographie,  elle  est 
réellement  d'Eloy,  qui  prêta  sa  plume 
à  son  supérieur.  —  On  lui  doit  aussi 
une  Fie  abrégée  de  saint  Anthelme,  une 
traduction  de  l'espagnol  en  latin  de  la 
Fie  de  saint  Brunon,  de  Jean  de  Ma- 
driaga,  et  les  Exe?'cices  spirituels  d'An- 
toine Molina.  Émile  Varenbergh. 

Foppens,  Bibl.  Delg.,  t.  I,  p.  349.  —  Piron,  Le- 
vensùeschrijvingen.  —  Goetlials,  Lectures  rela- 
tives à  l'histoire  des  sciences,  elc,  t.  111. 

ELOY  {Nicolas-François-Joseph),  mé- 
decin, biographe,  né  à  Mons  le  20  sep- 
tembre 1714,  mort  le  10  mars  1788.  Il 
fit  ses  humanités  au  collège  de  Houdeng 
et  étudia  la  médecine  à  l'université  de 
Louvain,  où  il  obtint  le  doctorat  le 
3  septembre  1736.  Il  se  rendit  ensuite 
à  Paris  pour  suivre  les  cours  de  profes- 
seurs en  renom  et  les  cliniques  données 
dans  les  principaux  hôpitaux.  Revenu 
dans  sa  ville  natale,  il  s'y  établit  comme 
médecin  et  exerça  sa  profession  avec 
beaucoup  d'honneur  et  de  désintéresse- 
ment pendant  l'espace  de  cinquante- 
deux  ans.  En  1752,  il  fut  nommé  mé- 
decin pensionnaire  de  la  ville  de  Mons, 
et  la  princesse  Charlotte  de  Lorraine  le 
choisit,  en  1754,  pour  son  conseiller- 
médecin,  fonctions  qu'il  remplit  pen- 
dant plus  de  vingt  années.  Le  prince 
Charles-Alexandre  de  Lorraine,  son 
frère,  lui  accorda  la  même  confiance  et 
le  même  titre.  Continuellement  appliqué 
à  l'étude,  il  publia  différents  ouvrages 
qui  se  rattachent  aux  sciences  médicales; 
nous  citerons  les  suivants  :  Réflexions 
sur  l'usage  du  lié.  Mons,  1750,  in-12, 
il  y  démontre  l'abus  que  l'on  fait  de 
cette  boisson.  On  attaqua  cet  écrit  par 
\ine  Apologie  du  thé,  1750,  in-12  ;  Eloy 
y  répondit  aussitôt  par  des  Réjiexions 


561 


ELOY  —  ELSEN 


56^2 


sur  une  hrocliure  intitulée  Apologie  du 
thé.  Mons,  1751,  in- 12.  Son  adversaire 
anonyme  répliqua,  à  son  tour,  par  un 
Supplément  à  V Apologie  du  thé,  qui  mit 
fin  à  cette  dispute  fastidieuse. 

Le  Dictionnaire  historique  de  la  méde- 
cine ancienne  et  moderne  de  notre  auteur 
eut  deux  éditions  :  la  première  faite  à 
Liég-e,  1751,  en  2  volumes  in-8';  la 
seconde,  beaucoup  plus  complète,  à 
Mons  en  1778,  4  volumes  in-i^.  Cette 
piiblication,  accueillie  avec  faveur,  valut 
à  Eloy  le  titre  de  membre  correspondant 
de  l'Académie  royale  de  médecine  de 
Paris  ;  elle  fut  traduite  en  italien,  sur 
la  première  édition,  avec  augmenta- 
tions, 1761  et  années  suivantes,  7  vo- 
lumes in-8o.  Eloy  recueillit  beaucoup 
de  matériaux  chez  ses  devanciers  et  pro- 
fita notamment  de  la  publication  de 
Carrere,  dont  il  relève  assez  aigrement 
les  erreurs  ;  bien  que  son  ouvrage  en  ren- 
ferme aussi,  il  témoigne  de  ses  conscien- 
cieuses recherches  et  présente,  d'une 
manière  concise,  l'histoire  des  progrès 
de  la  médecine  et  des  révolutions  qu'elle 
a  essuyées;  dans  le  discours  prélimi- 
naire ,  il  s'attache  particulièrement  à 
faire  voir  lis  dangers  de  l'esprit  de  sys- 
tème et  de  la  manie  de  généraliser.  Les 
notices  des  médecins,  le  résumé  de  leur 
vie  et  le  catalogue  de  leurs  ouvrages 
sont  faits,  en  général,  avec  soin  et  im- 
partialité. 

Il  publia  en  outre  :  1.  Mémoire  sur 
la  marche,  la  nature,  les  causes  et  le  trai- 
tement de  la  dyssenterie.  Mons,  1780, 
in-8o.  —  1.  Si  V usage  du  café  est  avan- 
tageux à  la  santé  et  s' il  se  peut  concilier 
avec  le  bien  de  VEtat  dans  les  provinces 
belgiques.  Mons,  1781,  in-8o.  Eloy  par- 
ticipa aussi  à  la  rédaction  du  Codex 
medicamentarius  amplissimi  senatus  Mon- 
lensis  auctoritate  munitus.  ]\rons,  1755, 
in-4o.  Le  docteur  Broeckx  dans  ses 
Documents  pour  servir  à  Vhistoire  de  la 
Bibliographie  médicale  belge,  lui  attri- 
bue Enchiridium  medicum  of  H  medecyn 
boekxken  icuerin  verhandelt  worden  veel 
siekten  die  dagelyks  voorvallen,  daerby  de 
remedien  om  die  te  genesen.  Antwerpen, 
1757,  in-8o.  Quelques  biographes  lui 
ont  attribué  également  le  Cours  élémen- 


taire des  accouchements,  imprimé  à  Mons 
en  1775  et  en  1782;  ce  qui  est  une 
erreur  :  le  manuscrit  autographe,  con- 
servé à  la  bibliothèque  publique  de 
Mons,  porte  le  nom  du  véritable  auteur, 
Henri  Capiaumont. 

Vers  la  fin  de  sa  carrière,  les  Etats  du 
comté  de  Hainaut,  en  récompense  de 
ses  longs  et  honorables  services,  lui 
offrirent  une  magnifique  tabatière  d'or, 
arcisteraent  ciselée,  portant  d'un  côté 
un  écussou  aux  armes  du  Hainaut,  avec 
l'inscrijjtion  :  Ex  dono  Patriœ,  et  de 
l'autre  côté  un  génie  représentant  la 
renommée  avec  ces  paroles  :  ^'Emulatio- 
nis  incitamentum.  Ce  précieux  bijou  doit, 
aux  termes  d'une  disposition  testamen- 
taire datée  du  22  mars  1781,  être  con- 
servé de  génération  en  génération,  par 
l'aîné  des  descendants  d'Eloy,  comme 
un  sujet  d'émulatiou  et  d'excitation  à 
travailler  pour  le  bien  de  leur  patrie.  Il 
existe  un  portrait  du  médecin  montois 
au  Musée  communal  de  sa  ville  natale; 
il  a   été  reproduit  dans  l'Iconographie 

montoise.  Aug.  Vander  Meersch. 

Paquot,  Mémoires  liitèraires,  t.  IX..— De  Feller, 
Dictionnaire  historique.  —  Delveime,  Biographie 
des  Pays-Bas.  —  Iconographie  monlnise.  — 
Ad.  Mathieu,  Biographie  monioise  —  Michaud, 
Biographie  universelle.  —  Biographie  gimrale, 
publiée  par  Didot.  —  Biographie  médicale,  t  lY, 
p.  37. 

ELSEX  {Philippe)  ou  Elsius,  bio- 
graphe, né  à  Bruxelles  vers  la  fin  du 
xvie  siècle,  mort  en  1654.  Il  fut  reli- 
gieux de  l'ordre  des  Ermites  de  Saint- 
Augustin,  au  couvent  de  sa  ville  natale, 
où  il  professa  longtemps  les  humanités 
et  devint  préfet  du  collège.  On  lui  doit  : 
Encomistic07i  Augustinianum  in  quo  per- 
sonce  ord.  erem.  S.  Augustini,  sanctitate, 
prœlatura  ,  legationibus ,  scriptis ,  etc. , 
prœstantes  enarrantur.  Bruxeljae,  1634, 
1  vo!.  in-folio.  L'ouvrage  se  compose 
des  éloges  des  membres  les  plus  dis- 
tingués de  l'ordre  de  Saint-Augustin. 
L'auteur,  animé  d'un  zèle  excessif,  y  a 
fait  entrer  des  notices  sur  tous  les  fon- 
dateurs ou  réformateurs  d'autres  cou- 
grégations  religieuses,  et  même  des  écri- 
vains qui  y  sont  totalement  étrangers  ; 
il  parvient  ainsi  à  réunir  près  de  deux 
mille    cinq    cents   articles,   classés   par 


o63 


ELSEN  —  ELZEVIER 


564 


rang  alphabétique  des  prénoms.  La  par- 
tie bibliographique  y  est  traitée  sans 
soin  et  sans  discernement  ;  aussi  la 
BiMiothecn  augustiniana ,  publiée  par 
Ossinger,  est-elle  préférée  au  travail  du 

père  Elsen.  Aug.  Vauder  Meerscli. 

Ossinger,  Bibliotheca  augustiniana,  p.  ^14.  — 
Labbe,  Bibliotheca,  p.  Ai"!.  -  Foppeus,  Biblio- 
theca belgica,  t.  II,  p.  1031  —  Baillet,  Jugement 
des  savants  sur  les  critiques  historiques.  —  Del- 
venne,  Biographie  des  Pays-Bas. 

EL!«iuO£rHT  (Jean),  sculpteur,  né 
à  Bruxelles  pendant  la  première  moitié 
du  xviiie  siècle.  En  1762,  il  quitta 
son  pays  pour  aller  s'établir  à  Lille  et 
prit  immédiatement  les  mesures  requises 
pour  s'y  faire  admettre  dans  la  corpora- 
tion des  sculpteurs,  «  tailleurs  de  pierres 
bleues  et  croqueteursde  grès  «.  Il  com- 
mença, à  cet  etfet,  pour  soumettre  à 
l'examen  de  ses  confrères  une  statue 
de  saint  Jérôme,  qui  leur  plut  et  dont 
ils  louèrent  «  la  correction  du  dessin  et 
la  bonté  des  musqués  «  (des  muscles  ?). 
Cette  première  preuve  de  capacité  était 
insuffisante  pour  être  agréé.  D'après  les 
règlements  établis,  il  fallait  que  l'aspi- 
rant exécutât  seul,  dans  une  des  salles 
de  l'hôtel  de  ville,  transformée,  ce  jour- 
là,  en  atelier,  la  statue  en  bois  du  Lao- 
coon,  haute  de  trois  pieds  et  demi  (1). 
Elshoecht  se  soumit  à  cette  épreuve  et 
eu  sortit  à  son  honneur.  Le  jury  nommé 
pour  apprécier  son  travail,  et  composé 
de  trois  maîtres  peintres,  conclut  élo- 
gieusement  en  sa  faveur  et  le  trouva 
très-expert  dans  l'art  de  la  sculpture. 
Eeçu  maître  par  ses  confrères,  il  s'acquit 
même,  parmi  eux,  tant  d'estime,  qu'ils 
le  nommèrent  doyen  de  leur  corpora- 
tion. 

L'artiste  s'était-il  marié  à  Lille? 
Y  devint-il  la  souche  de  plusieurs  géné- 
rations d'artistes?  Des  renseignements 
positifs  nous  font  défaut  à  ce  sujet; 
cependant  on  a  supposé,  et  non  sans 
vraisemblance,  que  Charles  ou  Karl 
Elshoecht,  né  à  Dunkerque  et  mort  en 
1856,  à  Paris,  était  l'un  de  ses  descen- 
dants.   Ce  dernier,    après  avoir   aussi 

(T  Lîi  plupart  des  staUits  adoptés  dans  les 
villes  de  r  landre  étaient  analogues  à  ceux  des 
peintres  et  tailleurs  d  images  de  la  ville  de  Paris, 
publiés  dés   lo9i,  et  qui  stipulaient  dans  leur 


commencé  par  sculpter  en  bois  pour  la 
marine,  était  devenu,  en  1822,  élève  du 
statuaire  Bosio  et  avait  conquis  graduel- 
lement par  ses  œuvres  un  rang  très- 
honorable  dans  le  monde  des  arts. 

Félix  SlappaorU. 

Alex.  Pincliart,  Archives  des  arts,  t.  I.  —  Di- 
naux,  Archives  du  Xord,  t.  I,  2«  série. 

ELZETIER,    ElSEVIEE,  ElSCHEVIER 

OU  Helschevier.  Famille  renommée 
d'imprimeurs  et  de  libraires,  dont  l'il- 
lustration est  due  à  d'éclatants  services 
rendus,  pendant  cent  trente  ans,  aux 
lettres  et  aux  sciences.  C'est  à  ces  im- 
primeurs si  justement  vantés  que  l'on 
doit  les  célèbres  éditions,  en  petit  for- 
mat, qui  brillent  par  la  beauté,  la  net- 
teté des  caractères  et  la  correction  typo- 
graphique. 

Il  ne  peut  entrer  dans  le  cadre  de  la 
Biographie  nationale  de  donner  un  cata- 
logue des  publications  elseviriennes;  il 
serait  d'ailleurs  difficile  d'en  faire  un  in- 
ventaire tant  soit  peu  exact.  Beaucoup 
d'ouvrages  imprimés  sous  leur  nom  ne 
sont  pas  sortis  de  leurs  presses,  et  d'au- 
tre part,  un  grand  nombre  qu'ils  ont 
imprimés  ne  portent  pas  leur  adresse. 
Disons  cependant,  que,  d'après  les  An- 
nales de  Vimprimerie  Elsevirienne,  pu- 
bliées par  Charles  Pieters,  le  nombre 
total  des  ouvrages  de  tout  genre  portant 
leur  nom  s'élève  à  1,213;  968  sont  en 
latin;  éi  en  grec;  126  en  français; 
32  en  flamand;  22  en  langues  orien- 
tales; 11  en  allemand;  10  en  italien. 
Parmi  ces  volumes,  il  s'en  faut  que  tous 
soient  également  corrects  et  recherchés. 
L'ardeur  des  bibliomanes  se  portait  jadis 
sur  les  éditions  petit  in-12  des  clas- 
siques latins;  depuis  quelques  années, 
ils  s'acharnent  surtout  sur  les  ouvrages 
français.  L'engouement  est  devenu  tel, 
que,  parfois  le  nom  seul  d'Elzevier,  mis 
au  bas  d'un  titre  d'ouvrage,  lui  donne 
de  l'intérêt  :  sans  cette  circonstance,  il 
passerait  inaperçu.  On  peut  citer  le 
Paàtissier  français,  bouquin  sans  méritp, 
que   Daniel    Elzevier   ne    vendait   que 

premier  article,  «  que  nul  ne  serait  regu  au 
meslier,  pour  estre  maistre,  jusqu'à  ce  qu'il  ait 
fait  un  chef  d'œuvre  et  qu'il  foit  témoigné  suffi- 
sant par  les  jurez  et  gardes  dudit  mestier.  >■ 


565 


ELZEVIER 


566 


treize  sols  de  Hollande,  en  1675,  et  qui 
fut  adjugé  en  1875,  à  Paris,  chez  Ben- 
zon,    3,255  francs,   sans  les  frais.    On 
ne  saurait  dire  cependant  que  l'engoue- 
ment des  amateurs  ait   atteint  ses   der- 
nières limites.  Il  est  vrai  que  le  Pastis- 
der  passe   pour  le  volume  le  plus  rare 
de  toute  la  collection,  bien  qu'on  en  con- 
naisse déjà  une  trentaine  d'exemplaires. 
Les  biographes  furent  longtemps  en 
désaccord  sur  le  berceau  de  cette  famille; 
les  uns   la  croyaient  de  Liège  ou  de 
Louvain  ;  d'autres  prétendaient  qu'elle 
était  originaire  d'Espagne.    On   suppo- 
sait aussi   que   ce   nom  était  un  nom 
adopté  ou  arbitrairement  changé,  mais, 
en  tout  cas,  que  les   Elzevier  apparte- 
naient à  une  famille  noble  ;  on  indiquait 
même  ses  armoiries   :  d'azur  à  la  croix 
pleine   en   talus   d'or,    cantonnées   aux 
1  et  4  d'un  lion  passant  d'or,  aux  2  et  3 
de  trois  fleurs  de  lys  d'argent,  deux  et 
une.   Lambrequins  et  bourlet   d'or  et 
d'azur.  Cimier  un  lion  d'or  tenant  une 
croix  recroisettée  de  gueules.  Le  Lion 
tourné  à  senestre.  Supports  deux  Lions 
d'or.  Comme  ces  armes  paraissent  com- 
munes avec   celles   de    Verduyn,   on   a 
supposé  que  cette  famille   se  nommait 
proprement  Yerduyu.   Dans  ce  cas,  ne 
seraient-ce  pas  plutôt  les  armoiries  de  la 
femme  d.e  Louis  Elzevier  que  la  famille 
aurait    adoptées  ;    on    verra    plus    loin 
qu'elle  se  nommait  Duverduyn.  On  ci- 
tait aussi  d'azur  à  la  croix  d'or,  au  1 
et  4  de  trois  lys  d'argent,  aux  2  et  3  d'un 
Lion  de  gueules.  Pour  cimier  le  Lion  de 
l'écu   tenant   une  croix  de   Jérusalem. 
En  effet  quelques  Elzevier  ont  fait  usage 
de    ces    armoiries.    Maintenant    on    se 
trouve  d'accord  sur  un  point  essentiel  : 
les  nombreux  Helschevier  ou  Elschevier 
que  les  anciens  registres  de   naissance 
et  de  mariage  de  Louvain  mentionnent, 
établissent  que  cette  famille  en  est  ori- 
ginaire; elle  y  était  déjà  connue  avant 
1533,  c'est-à-dire  dix  ans  avant  la  nais- 
sance de  celui   qu'on   considère  comme 
son  chef.    Elle   n'appartenait   ni    à    la 
noblesse  ni  aux  sept  lignages  ou  hommes 
de  Saint-Pierre  ;   elle  n'était  même  pas 
de  grande  extraction  :  Michel  Helsche- 
vier, simple  cordonnier,  fut,  en  1533, 


doyen  ou  Waranâeerder  de  cette  corpo- 
ration; Bertel  Helschevier,  probable- 
ment son  frère,  exerçait  le  même  métier. 
Au  reste  la  question  de  noblesse  n'a 
qu'une  importance  secondaire  ;  les  pro- 
duits des  presses  elseviriennes  donnent 
assez  de  lustre  à  cette  famille  pour  qu'il 
ne  faille  pas  en  chercher  d'autre.  Si  la 
Hollande  se  vante  d'avoir  vu  créer  les 
productions  typographiques  de  cette  il- 
lustre famille,  la  Belgique  peut  se  glo- 
rifier à  plus  juste  titre  encore  d'avoir 
été  le  berceau  de  ces  typographes. 

Le  premier  Elzevier  dont  il  soit  fait 
mention,  et  qu'on  peut  regarder  comme 
le  chef,  se  nommait  Louis,  né  à  Louvain 
vers  1540,  inhumé  à  Leyde  le  4  février 
1617.  On  a  peu  de  détails  sur  les  pre- 
mières années  de  sa  vie  ;  on  sait  qu'en 
1563,  âgé  de  vingt-trois  ans,  il  épousa 
Marie  Puverdyn.  Devenu  relieur  et 
libraire,  il  exerça  ces  deux  fonctions  à 
Anvers,  à  Wesel,  et  à  Douai.  Par  suite 
de  son  adhésion  à  la  réforme  il  s'ex- 
patria et  transféra  son  établissement  à 
Leyde  au  mois  de  septembre  1580.  H 
embrassa  de  bonne  heure  les  nouvelles 
idées  religieuses,  et  c'est  probablement 
à  cette  circonstance  qu'il  faut  attribuer 
ses  déplacements  successifs  et  par  suite 
la  naissance  de  ses  enfants  dans  des 
villes  différentes.  Son  arrivée  à  Leyde 
est  constatée  par  un  ancien  registre  de 
recensement  de  la  population  de  cette 
ville,  portant  que  Loys  Elzevier,  relieur 
de  Louvain,  est  venu  s'y  fixer,  au  mois 
de  septembre  1580 ,  avec  Mayke,  sa 
femme,  Thys,  Gilles,  Loys,  Joost,  Aernt, 
Mayke,  leurs  enfants,  et  Paul  Reyniers, 
de  Louvain,  son  compagnon.  H  y  obtint 
une  certaine  considération  et  les  cura- 
teurs de  l'université  le  nommèrent,  le 
30  septembre  1586,  appariteur  {Pedel) 
de  cette  institution  scientifique. 

Le  premier  livre  publié  à  Leyde  par 
Louis  Elzevier  fut  le  Brusil  Ebraïcarum 
(luœstloimm,  sive  responsionum  lib?'i  duo. 
Lugd.  Bat.  1583,  in-8>.  Le  titre  porte 
une  vignette  avec  la  devise  agimbili- 
tate  et  au  bas  de  la  page  126  (errata) 
on  lit  Veiiemit  Lugdutii  Batavorum  apud 
Ludovicum  Elseviriura ,  e  reglone  schola 
novœ.  Le  second  ouvrage  qu'il  publia  a 


>67 


ELZEVIER 


n68 


de  la  célébrité  :  c'est  VEufropius,  qui 
parut  en  1592,  aussi  à  Leyde.  —  On 
cite  Louis  Elzevier  comme  le  plus  an- 
cien des  imprimeurs  de  ce  nom;  cepen- 
dant il  ne  paraît  pas  avoir  exercé  lui- 
même  l'art  de  l'imprimerie.  Mais  en 
1594,  il  forma,  dit-on,  une  associa- 
tion avec  Jean  Paets,  et  ils  publièrent 
plusieurs  ouvrages  pour  alimenter  les 
grandes  relations  de  librairie  qu'entre- 
tenait Louis  Elzevier  avec  les  libraires 
de  Cologne,  Louvain,  Franeker,  Ypres, 
Paris  et  Francfort.  On  a  cru  que  lui- 
même  avait  fondé  des  librairies  dans 
quelques-unes  de  ces  villes  ;  il  semble 
plus  probable  qu'il  n'y  eut  que  des  cor- 
respondants, peut-être  des  dépôts  déli- 
vres en  consignation.  Les  divers  voyages 
qu'il  fit  à  Paris  et  aux  foires  de  Franc- 
fort permettent  de  le  supposer.  Il  se 
trouvait  entre  autres  dans  la  capitale  de 
la  France,  en  1602,  alors  que,  avec 
l'autorisation  des  curateurs,  il  se  fit 
remplacer  pendant  deux  mois  par  son 
fils,  dans  ses  fonctions  d'appariteur,  afin 
de  vaquer  à  ses  aftaires.  Sa  présence  y 
est  encore  constatée  au  mois  d'août  1609. 
Il  est  prouvé  qu'en  1601,  il  ouvrit  un 
établissement  à  La  Haye,  dans  le  palais 
des  états  généraux  {op  de  Zaaï),  géré 
d'abord  par  son  fils  Gilles  et  puis  par 
Louis  II  ;  un  de  ses  petits-fils  l'exploita 
ensuite. 

Depuis  1 .5  9  7  jusqu'en  1 6 1 7 ,  on  trouve 
le  nom  de  Louis  Elzevier  au  bas  d'un 
très-grand  nombre  de  volumes  ;  on  pense 
que  cette  date  de  1597  indique  l'époque 
de  son  admission  dans  la  corporation 
des  libraires  de  Leyde;  ce  ne  fut  que  le 
8  août  1594,  après  quatorze  années 
d'habitation  qu'il  y  obtint  le  droit  de 
boiirgeoisie  ou  Foorters  redit.  Sa  marque 
d'imprimeur  représentait  un  aigle  sur 
un  cippe,  avec  un  faisceau  de  flèches,  et 
pour  devise  Concordiâ  res parvfs  crescunt. 
Il  mourut  à  Leyde  et  fut  enterré  dans 
l'église  de  Saint-Pierre  de  cette  ville, 
auprès  de  sa  femme  Mayke  Duverdyn, 
décédée  le  3  décembre  161.3.  Il  eut  de 
ce  mariage  sept  fils  et  deux  filles.  On 
compte  parmi  les  premiers  :  1<'  Mathieu 
ou  Maïtiits  Elzevier,  né  à  Anvers, 
vers  1564,  ce  qui  conste  de  l'acte  de  son 


premier  mariage;  il  est  mort  à  Leyde 
le  6  décembre  1640,  âgé  de  plus  de 
soixante -quinze  ans  et  enterré  dans 
l'église  de  Saint-Pierre.  Il  avait  suivi 
son  père  à  Leyde  en  15S0,où  il  fut  reçu 
en  1591  dans  la  corporation  des  li- 
braires et  obtint  la  bourgeoisie  en  1594. 
Le  13  novembre  1607,  il  fut  nommé 
appariteur  de  l'université  sur  la  recom- 
mandation de  Scaliger,  place  qu'il  per- 
dit en  1616,  à  cause  d'un  incendie  à 
l'université,  attribué  à  son  imprudence; 
à  la  mort  de  son  père,  on  le  réintégra 
dans  cette  fonction. 

Après  le  décès  de  Louis  1er,  il  s'as- 
socia avec  son  frère  Bonaventure  pour 
exploiter  la  librairie  de  Leyde ,  son 
fils  Isaac  imprimant  pour  eux.  Cette 
association  fut  dissoute  en  septembre 
1622  et  Mathieu  céda  sa  part  à  Abra- 
ham, son  fils  aîné,  qu'il  avait  probable- 
ment déjà  initié  aux  aff'aires.  On  ne 
connaît  que  deiix  ouvrages  où  son  nom 
se  trouve  suivi  de  celui  de  Bonaventure, 
son  frère,  ce  sont  le  Castramétatio7i  et  la 
Nouvelle  fortif  cation  par  écluses,  dus  au 
célèbre  mathématicien  Simon  Stevin  et 
tous  deux  publiés  eh  1618.  Il  entretint 
des  relations  de  librairie  fort  étendues  à 
Francfort,  à  Paris  et  à  Venise. 

En  1591,  il  épousa  Barbara  Lopes, 
morte  le  27  juillet  1624,  dont  les  pa- 
rents, nés  comme  les  siens  à  Louvain, 
s'étaient  également  établis  à  Leyde. 
Dans  leur  acte  de  mariage,  Mathieu  est 
déjà  qualifié  de  libraire  et  l'on  peut 
supposer  que,  dès  lors,  il  assistait  son 
père  dans  la  gestion  des  aflaires.  En 
1594,  trois  jours  avant  son  père,  il 
obtint  le  droit  de  bourgeoisie,  sur  le 
témoignage  d'Honesto  Lopes,  son  beau- 
père,  qui  se  constitua  sa  caution.  On  a 
prétendu  que  Barbara  Lopes  était  la 
petite-fille  de  Pedro,  gentilhomme  de 
la  cour  de  Charles-Quint  et  qui  fut 
choisi  par  ce  prince,  en  1515,  pour  con- 
duire en  Danemark  sa  sœur  Isabelle 
d'Autriche,  lors  du  mariage  de  celle-ci 
avec  Christiern  II.  L'ancien  registre  de 
la  population  de  Leyde  constate  qu'Ho- 
nesto  Lopes,  le  père  de  Barbara,  vint 
s'établir  dans  cette  ville  comme  Hoze- 
hrelâer  (chaussetier).  Il  faut  révoquer  en 


569 


ELZEVIER 


570 


doute  sa  parenté  avec  don  Pedro  Lopes 
de  Haro,  gentilhomme.  Il  eut  de  ce 
mariage  cinq  enfants.  Le  10  novem- 
bre 1624,  il  épousa  en  secondes  noces 
Marie  van  Cenlen,  de  Pelft,  morte  sans 
enfants,  en  1626,  et  convola  en  troi- 
sièmes noces  le  7  juillet  1626,  avec 
Elisabeth  De  Smit  ou  de  De  Smet, 
morte  sans  enfants  en  juin  1639. 

II.  Loris  II  Elzevier,  né  à  Anvers 
en  1566  ou  1567,  épousa,  le  30  juin 
1590,  Wilhelmine  van  Leiden .  En  1 5  9  8 , 
il  remplaça  pendant  trois  mois  le  col- 
lègue de  son  père  dans  ses  fonctions 
d'appariteur.  Dès  1599  ,  il  était  li- 
braire à  La  Haye  et  y  succéda  à  Gilles; 
il  ne  fut  pas  imprimeur.  On  connaît 
cependant  quatre  ouvrages  portant  son 
nom  comme  éditeur.  D'après  une  réso- 
lution des  états  généraux  du  29  avril 
1610,  il  obtint  un  privilège  de  six  ans 
pour  imprimer  et  vendre  La  repentance 
de  Jean  Haren  et  son  retour  en  V église  de 
Dieu,  publiquement  par  lui  récité  en 
l'église  icallonne  de  Wesel.  Il  employa, 
ainsi  que  son  père,  l'aigle  comme  marque 
typographique.  Après  sa  mort,  Bona- 
venture  et  Abraham  continuèrent  ses 
affaires  et  les  cédèrent  à  Jacques,  fils 
de  Mathieu,  lorsque  celui-ci  s'établit  à 
La  Haye,  en  1621. 

III.  Gilles  ou  Egide  Elzevier,  né 
à  Wesel,  mort  à  Leyde  en  1651,  géra 
pendant  un  an  la  succursale  de  son  père 
à  La  Haye  et  se  livra  ensuite  à  d'autres 
spéculations  commerciales.  Son  nom  pa- 
raît sur  le  titre  de  Nacigatio  JoJi.  Hu- 
gonis  Lindschotani,  imprimé  à  La  Haye 
en  1599,  in-folio.  C'est  le  seul  livre 
connu  portant  son  adresse.  Il  épousa,  le 
4  février  1597,  Annette  Hartshals,  de 
Louvain  et  en  juin  1600  Francina  Hen- 
driks,  veuve  d'Etienne  Bellaert.  Il  fut 
inhumé  à  Leyde  le  1er  juillet  1651,  âgé 
d'environ  quatre-vingts  ans. 

IV.  JoosT  ou  JossE  Elzevier,  né 
probablement  à  Douai,  mort  à  Utrecht 
vers  1617,  où  il  exerça  la  librairie  au 
moins  de  1603  à  1607.  On  ne  connaît 
pas  de  livres  portant  son  nom.  Il  épousa, 
en  août  1 5  9  8 ,  Marguerite  Vander  Woert, 
d'Utrecht,  où  il  obtint  la  bourgeoisie  le 
30   septembre   1600.  Il   eu  eut  quatre 


enfants,  parmi  lesquels  Louis,  qui  fut 
le  fondateur  de  l'imprimerie  elsevirienne 
à  Amsterdam. 

V.  Arxout  Elzevier  vit  probable- 
ment le  jour  à  Douai,  vers  1575,  mort 
en  1648.  Il  fut  peintre  de  paysage, 
inscrit  à  Dordrecht  en  1646  dans  la 
corporation  des  peintres  et  acquit  une 
certaine  réputation. 

VI.  BoNAVEXTURE  Elzevier,  impri- 
meur et  libraire,  né  à  Leyde  en  1583, 
mort  le  17  septembre  1652,  enterré 
dans  l'église  de  Saint-Pierre  à  Leyde. 
On  a  longtemps  supposé,  à  tort,  que 
Bonaventure  était  fils  de  Mathieu;  les 
dernières  découvertes  ont  levé  tout  doute 
à  cet  égard  :  Bonaventure  est  bien  le 
sixième  fils  de  Louis  I.  Il  tint  son  pré- 
nom du  professeur  Bonaventure  Vulca- 
nius,  son  parrain.  Il  épousa,  le  22  août 
1625,  Sara  van  Ceulen,  fille  de  Daniel, 
ministre  protestant.  Dès  1601,  il  s'oc- 
cupait de  librairie  dans  sa  ville  natale; 
à  la  fin  du  mois  d'août  1606,  il  fit  un 
voyage  en  Italie,  où  il  connut  les  deux 
Spigelius  de  Bruxelles,  alla  à  Paris  en 
1608,  voyage  dont  parle  Scaliger  et, 
dans  le  courant  de  1610,  il  fit  une  ou 
deux  excursions  à  Louvain.  En  1608,  il 
commence  à  figurer  comme  éditeur.  On 
a  vu  à  l'article  concernant  Mathieu  qu'il 
fut  associé  avec  Bonaventure  et  que  leur 
association  fut  dissoute  en  1626.  Ce 
dernier  contracta  une  nouvelle  société 
avec  Abraham,  fils  de  Mathieu  et  ils 
devinrent  alors  les  imprimeurs  jurés  de 
l'université.  Pour  obtenir  cette  faveur 
ils  firent  valoir  la  possession  de  l'impri- 
merie orientale  d'Erpennius  qu'ils  met- 
taient à  la  disposition  de  l'université. 

La  plupart  des  livres  qu'ils  ont 
d'abord  publiés  ont  été  imprimés  par 
Isaac  Elzevier,  frère  d'Abraham,  dont 
ils  reprirent  l'imprimerie  par  acte  du 
24  décembre  1625.  Ils  firent  rouler 
leurs  presses  à  Leyde,  pendant  vingt- 
huit  ans,  et  l'on  peut  dire  que  cette 
association  de  Bonaventure  avec  Abra- 
ham a  été  le  fondement  de  la  réputation 
de  cette  célèbre  famille.  Ce  sont  ces  deux 
Elzevier  surtout  qui,  par  leurs  admira- 
bles éditions  des  classiques  latins  et  de 
quelques   volumes    français,    véritables 


571 


ELZEVIER  —  EMEBERT 


572 


chefs-d'œuvre  de  tyi30graphie,ont  donné 
à  leur  nom  une  illustration  qxii  s'est 
conservée  jusqu'à  nos  jours.  Les  deux 
associés  restèrent  unis  jusqu'à  leur 
mort,  survenue  la  même  année, en  1652, 
à  un  mois  d'intervalle.  Dès  le  commen- 
cement de  leur  commerce,  le  15  mai 
1626,  ils  eurent  des  états  de  Hollande 
le  privilège  d'imprimer  les  petits  traités 
de  statistique  si  connus  sous  le  nom  de 
Respnhlicœ  variée,  collection  importante 
qui  fut  pour  ainsi  dire  l'avant-coureur 
des  magnifiques  volumes  qu'ils  produi- 
sirent plus  tard  et  qui  font  encore  l'ad- 
miration des  bibliophiles.  On  trouvera 
des  renseignements  détaillés  sur  leurs 
diverses  impressions  dans  les  ouvrages 
cités  comme  sources.  Ils  avaient  pour 
marque  d'imprimerie  un  arbre,  avec  le 
solitaire  et  la  devise  non  solus. 

Aug.  Vander  Meerseli. 

Adry,  Notice  sw  les  Elzeviers  'dans  le  H'agasin 
encyc[opéi'i<iue,  1804).  —  Algemecti  Kunst  en 
letterblad,  1807,  t.  1,  p.  117.  -  B>  rard,  Essai 
b  bliographique  sur  les  éditions  des  Elzevirs , 
Paris^  '182"2.  —  Rammelman-Elsevir,  i'itkomsten 
van  een  onderzoek  omirent  de  Elsevirs.  —  Dodt 
van  Flensburg,  Over  de  Elseviers,  \8't\,  dans  le 
Tydsrhrift  voor  gescliiedenis.  —  De  Reume,  Re- 
cherches liist.,  geneal.,  et  bibliogr.  sur  les  Else- 
virs,  Bruxelles,  1847.  —  Ch.  Pieters,  Analyse 
des  matériaux  les  plus  utiles  pour  les  futures 
annales  'le  l'imprimerie  des  Elsevirs,  Gand,  1843. 
—  Motteley,  Aperçu  sur  les  erreurs  de  la  biblio 
graphie  dès  Elzeviers,  Paris,  1849.  —  Ch  Nodier, 
Théorie  complète  des  éditions  EIzeviriennes,  dans 
les  mélanges  tires  d'une  petite  bibliothèque.  — 
Ch.  Pieters,  iSotice  de  la  collection  des  auteurs 
imprimes  en  petit  format  par  les  Elzeviers,  Gand, 
■1849.  —  Du  même.  Annales  de  l'imprimerie  El- 
sévirienne,  Gand,  1851.  —  Ader,  Platarque  des 
Pays-Bas,  t.  III.  —  Vander  Aa,  Diographisch 
woordenboek.  —  Brunet,  Manuel  du  libraire. 

EMEBERT  OU  Ablebeet,  évêquc  de 
Cambrai,  mort  en  6-10  (?j.  La  chronolo- 
gie des  évéqiies  cambrésiens  au  vue  siè- 
cle présente  encore  bien  des  incerti- 
tudes, et  il  n'en  est  pas  d'exemple  plus 
frappant  que  la  vie  d'Emebert,  au  sujet 
duquel  les  biographes  sont  loin  d'être 
d'accord.  D'après  le  plus  ancien  et  le 
meilleur  des  écrivains  de  l'église  de 
Cambrai,  Ablebert  (que  les  habitants  du 
pays  et  ses  voisins  connaissaient  sous  le 
nom  d'Emebert)  naquit  dans  le  Brabant, 
c'est-à-dire  dans  le  pays  de  ce  nom,  dont 
l'Escaut,  la  Haine  et  la  Dyle  formaient 
à  peu  près  la  limite.  Ses  parents  ap- 
partenaient à  une   race   tout  à   la   fois 


noble  et  distinguée  par  de  rares  vertus; 
il  eut,  en  effet  pour  père  le  comte 
Witger,  pour  mère  Amelberge,  pour 
sœurs  Eainilde,Sarachilde  ou  Pharaïlde, 
Ermelinde  et  Guodile  ou  Gudule.  Celle- 
ci,  qui  était  la  plus  jeune,  laissa  un 
renom  de  vertu  supérieur  encore  à  celui 
de  ses  sœurs,  et,  d'après  Baldéric,  dans 
la  légende  qui  relate  ses  vertus,  on  cite 
le  prélat  son  frère  comme  un  homme 
doué  des  phis  rares  qualités  et  dont  la 
vie  fut  d'une  grande  sainteté.  Gudule, 
élevée,  comme  on  sait,  par  les  soins  de 
sainte  Gertrude,  abbesse  de  Nivelles, 
se  retira  à  Moorsel  près  d'Alost  et  de- 
vint la  patronne  de  Bruxelles,  où  ses 
restes  furent  transportés  au  xe  siècle; 
Ermelinde  ne  peut  être  confondue,  pa- 
raît-il, avec  la  vierge  de  ce  nom  qui  est 
honorée  à  Meldert;  Pharaïlde  a  eu  à 
Gand  un  temple  bâti  sous  son  invocation 
et  est  encore  vénérée  à  Steen-Ockerzeel; 
enfin  Kainilde  après  avoir  essayé  de  se 
faire  admettre  dans  le  monastère  de 
Lobbes,  termina  sa  vie  à  Saintes,  où 
elle  fut  égorgée  et  où  sa  mémoire  est 
restée  en  honneur. 

On  connaît  peu  de  chose  des  actions 
d'Emebert.  On  sait  seulement  qu'il 
frappa  d'anathème  les  sacrilèges  qui 
avaient  violé  le  tombeau  de  sa  sœur  Gu- 
dule. Il  mourut  dans  un  lieu  appelé 
Martine,  où  il  avait  un  domaine  consi- 
dérable (Jamiliis  rpddem  et  rébus  circicm- 
JJuis  lociipletissimi(m),  dont  il  fit  don  à  la 
cathédrale  de  Cambrai,  mais  une  inva- 
sion de  païens  {infestatio  pagavorum), 
peut-être  l'anarchie  qui  suivit  les  ra- 
vages des  Normands,  empêcha  cette 
église  d'en  conserver  la  possession.  Eme- 
bert  expira  dans  une  localité  appelée 
Ham,  située  également  en  Brabant;  ses 
restes  y  furent  ensevelis  et  plus  tard, 
on  les  transporta  à  Martina  et  de  là  à 
Maubeuge,  où  ils  restèrent.  Au  com- 
mencement du  xviF  siècle,  le  chœur  de 
l'église  de  Sainte-Aldegonde,  dans  cette 
ville,  ayant  été  complètement  réparé, 
Bollandus,  le  célèbre  hagiographe,  pria 
l'un  de  ses  amis,  Antoine  de  Winghe, 
abbé  de  Liessies,  de  s'assurer  si  l'on  n'y 
retrouverait  pas  des  traces  de  la  sépul- 
ture de  l'évêque  de  Cand)rai;  mais  toutes 


EMEliEKT  —  ENCKEN  OORï 


0/4 


les  recherches  restèrent  infructueuses. 

Les  principales  particularités  de  la 
vie  de  notre  prélat  ont  soulevé  des  dé- 
bats qui  ne  sont  pas  terminés.  D'après 
Balderic,  il  aurait  succédé  à  Bertoald  et 
aurait  eu  pour  successeur,  vers  6-iO, 
saint  Aubert.  A  en  croire  les  Bollan- 
distes,  il  aurait  vécu  beaucoup  plus  tard 
et  serait  identique  à  Hildebert,  qui 
occupa  le  siège  épiscopal  de  Cambrai 
après  Vindicien,  en  705  ou  708.  Un 
simple  rapprochement  empêche  d'adop- 
ter cette  opinion  ,  qui  compte  pour- 
tant de  nombreux  défenseurs.  Sainte 
Gertrude,  la  protectrice  de  sainte  Gu- 
dule,  mourut  en  659  ou  664  :  est-il 
croyable  qu'Emebert  ne  serait  devenu 
évêque  que  quarante  et  un  à  quarante- 
quatre  ans  plus  tard  ?  Il  aurait  dû ,  dans 
ce  cas,  atteindre  un  âge  excessivement 
avancé.  Il  est  vrai  que  certaines  parti- 
cularités secondaires  des  légendes  de  ses 
sœurs  s'expliquent  difficilement,  mais 
ces  particularités  sont-elles  d'une  exac- 
titude rigoureuse,  d'une  réalité  incon- 
testable ? 

Quel  est  le  Ham  où  mourut  Emebert  ? 
Suivant  les  uns,  il  faut  y  reconnaître  le 
château  de  Ham,  près  de  Moorsel;  sui- 
vant d'autres,  Hamme  près  de  Wemmel; 
suivant  une  troisième  opinion  enfin, 
Ham  près  de  Saintes,  où  mourut  sainte 
Rainilde.  Le  premier  sentiment  est  plits 
conforme  aux  faits  de  la  vie  de  sainte 
Gudule,  d'après  laquelle  Ham  n'était 
éloigné  de  Moorsel  que  de  deux  milles  ; 
le  deuxième  se  concilie  mieux  avec  les 
traditions  populaires.  Quant  à  Mm'- 
tince ,  c'est  évidemment  Martenne,  sous 
Castillon  (province  de  Xamur)  et  nulle- 
ment Merchtem,  comme  l'a  cru  le  doc- 
teur Le  Glay,  et  comme  je  l'ai  dit 
moi-même  :  c'est  moins  encore  Mar- 
pent,  à  proximité  de  Maubeuge,  ainsi 
que  Waulde,  religieux  de  Lobbes,  l'a 
prétendu.  On  ne  peut  supposer,  comme 
cet  auteur  l'a  fait,  qu'il  faut  lire,  dans 
Balderic,  Marpinne  au  lieu  de  Martina; 
des  modifications  de  ce  genre  seraient 

par  trop  commodes.  Alphonse  Wauters. 

Balderic.  Gtsla  Episcoporiim  Cameracciisium , 
1.  1,  c.  l(),  dans  Pertz  {Mniiiimeiita,  Scriplores, 
t.  Ml,  11.  108)  et  dans  les  éditions  de  ce  clironi- 

BIOGR.  NAT.   —  T.  VI. 


queur  publiées  par  Colvener  et  le  docteur  Le 
Glay.  —  Bollandus,  Acta  Sanciortitn,  Jamiani 
t.  1,  p.  1077-1080,  où  Ton  a  publié  une  courte  vie 
de  saint  Emebcrl,  d'après  le  Breviarhim  Malbo- 
diense,  vie  qui  ])arait  avoir  été  calquée  sur  le  récit 
de  Balderic.  —  Ghesquière,  Acta  Sanctorum  Del- 
fjii,  passim.  —  Waulde.  La  Vie  et  les  tiiiracles  de 
saint  L'rsmcr,  p.  "286.  —  Wauters,  Histoire  des 
environs  de  Bruxelles,  t.  Il,  p.  61.  —  Annales 
du  Cercle  archéologique  de  .Vons,  t.  Xll,  p.  \'2'2. 

EURLRACT,  peintre,  né  à  Anvers, 
en  1612,  mort  en  1668.  Voir  Hemel- 

KAET. 

F.HMO^'  (Saint)  ou  Immon,  évêque 
de  Tournai  et  de  Noyon,  vivait  pendant 
la  première  moitié  du  ixe  siècle.  Quel- 
ques auteurs  le  disent  originaire  de 
Tournai.  Selon  les  chroniques  contem- 
poraines, il  assista  à  plusieurs  conciles  : 
en  846  à  Paris,  en  849  à  Tours,  et 
en  853  au  synode  ou  concile  provincial 
réuni,  dans  le  monastère  de  Saint-Mé- 
dard  à  Soissons,  par  Hincmar,  arche- 
vêque de  Eeims.  Il  présenta  à  cette 
dernière  assemblée  un  mémoire  pour 
protester  contre  ceux  "'qui  avaient  reçu 
les  ordres  sacrés  d'Ebbon,  archevêque 
déposé  de  Reims.  En  855,  il  obtint  de 
Charles  le  Chauve  la  confirmation  des 
privilèges  et  des  donations  faites  à 
l'évêque  Chrasmaire  par  le  roi  Chilpéric, 
ainsi  que  du  décret  fixant  à  trente  le 
nombre  des  chanoines  de  la  cathédrale 
de  Tournai.  Il  obtint  du  même  prince 
l'approbation  de  la  donation  de  la  terre 
de  Lamain  et  d'autres  biens  situés  en 
Flandre.  L'évêque  Emmon  fut  massacré 
par  les  Normands,  sur  le  seuil  de  la 
cathédrale,  pendant  le  sac  de  Tournai, 
vers  l'an  859  ou  860.      e.-h.-,i.  Rcusons. 

Le  Grou ,  Summa  staïutorum  sijnodalium , 
p.  XLIV.  —  Le  Maistre  d'Anstaing,  Recherches 
sur  la  cathédrale  de  Tournai,  il,  p.  2i. 

EXCK.EVOORT    {Guillaume     v.%x), 

l'un  des  deux  cardinaux  promus  par 
Adrien  VI,  appartenait  à  une  famille 
maestrichtoise.  Il  naquit  à  Mierlo  en 
Brabant  et  mourut  à  Rome  le  29  juillet 
1 5  34,  âgé  de  soixante  et  dix  ans.  Licencié 
eii  théologie  de  l'université  de  Louvain, 
il  fut  successivement  chanoine  de  Notre- 
Pame  d'Anvers,  prévôt  de  l'église  de 
Saint-Rombaud  de  Malines  (où  il  institiia 
deux  fondations),  doyen  de  Saint- Jean 
l'Evangcliste  à   Bois-le-Duc,  puis  curé 

19 


OÎ5 


ENCKEVOORT  —  ENGELBERT 


576 


d'Assche.  Le  perso/mat  dont  il  jouissait 
à  ce  dernier  titre  fut  attribué  par 
Paul  III,  en  1534,  sur  le  désir  qu'il  en 
avait  exprimé,  avec  tous  les  biens  et 
dîmes  qui  en  dépendaient,  au  collège 
du  pape  Adrien  VI,  à  Louvain  :  de  là 
Enckevoort  doit  être  considéré  comme 
le  second  fondateur  de  ce  célèbre  éta- 
blissement. Nous  le  trouvons,  en  1506, 
porté  en  outre  sur  la  liste  des  membres 
du  chapitre  de  Saint- Lambert,  à  Liège, 
et  qualifié  d'archidiacre  de  Eamène.  Il 
avait  eu  pour  condisciple,  à  Louvain, 
Adrien  Boyens  :  ils  se  prirent  d'une 
affection  mutuelle  et  ne  s'oublièrent 
jamais.  Elevé  au  cardinalat,  Adrien  se 
démit  aussitôt,  en  faveur  de  son  ami,  de 
la  prévôté  de  Saint-Sauveur  d'Utrecht; 
devenu  souverain  pontife,  le  même  di- 
gnitaire mit  le  comble  à  ses  bontés,  en 
nommant  d'abord  Enckevoort  évêque  de 
Tortose  en  Espagne  et  sou  protoda- 
taire;  ensuite,  la  veille  même  de  sa 
mort,  en  lui  envoyant  le  chapeau,  au 
titre  de  Saint- Jean  et  Saint-Paul.  Clé- 
ment YII  le  pourvut  ultérieurement  du 
siège  d'Utrecht;  mais  Enckevoort  ne 
paraît  pas  avoir  quitté  Eome.  Il  voulut 
témoigner  d'une  manière  éclatante  la 
reconnaissance  dont  il  était  pénétré  à 
l'égard  de  son  bienfaiteur.  Il  obtint  la 
translation  de  la  dépouille  mortelle 
d'Adrien, de  Saint-Pierre  à  Sainte-Marie 
de  anima  (dite  des  Allemands),  et  il  la 
fit  recouvrir  d'un  mausolée  magnifique, 
décoré  de  riches  sculptures  et  de  bas- 
reliefs.  Les  deux  amis  reposent  là  côte  à 
côte;  sur  le  tombeau  d'Enckevoort,  on 
lit  une  inscription  assez  longue,  rappe- 
lant ses  dignités  et  ses  vertus.  En  fait 
d'écrits,  on  ne  connaît  de  lui  qu'une 
Oratio  ad  facidtatem  S.  theologiœ  Lova- 
fiiensem,  renseignée  dans  le  Nomendator 
cardinalium,  publié  à  Toulouse  en  1614. 

Alphonse  Le  Roy. 

Foppens,  t.  1,  ii.  ;-{98  --A^alère  André,  Fanii 
acad.  Lnvan.,  p  âOo.  —  Becdelièvre.  —  Gaillard, 
Epiiaplies  de  Mcerlaudais  enterres  à  Rome.  — 
Van  den  Steen,  Essai  sur  la  cathédrale  de  Saint- 
Lambert  (de  Liège). 

EKCiEi.  {Adolphe),  peintre  paysagiste, 
né  à  Courtrai  en  1801,  mort  à  Gand  en 
1833.  Il  appartenait  à  une  famille  sué- 
doise depuis  longtemps  fixée  en  Belgique 


et  s'adonna  fort  jeune  à  l'étude  de  la 
peinture.  Il  eut  pour  maître  P.  F.  De 
Noter,  qui  fut,  pendant  vingt  ans  pro- 
fesseur à  l'Académie  des  beaux-arts  à 
Gand,  et  qui  le  décida,  dès  1822,  à 
exposer  en  cette  ville  son  premier 
tableau.  Depuis  cette  époque,  il  ne  cessa 
de  prendre  part  à  toutes  les  expositions 
organisées  dans  la  métropole  des  Flan- 
dres et  s'y  fit  avantageusement  re- 
marquer par  l'envoi  des  productions 
suivantes  :  trois  paysages  avec  des  ani- 
maux, salon  de  1826;  deux  paysages 
avec  figures,  1829  ;  vue  prise  à  Durbuy, 
1830;  paysage  montueux  et  côte  sablon- 
neuse, 1831.  Tous  ces  tableaux  révé- 
laient une  véritable  aptitude  pour  la 
peinture,  mais  le  jeune  artiste  était 
encore  dans  le  premier  épanouissement 
de  son  talent  lorsque  la  mort  l'enleva, 
et  il  n'a  été  accordé  qu'à  un  petit  nombre 
de  ses  confrères  d'apprécier,  par  la  vaste 
collection  de  ses  études  d'après  nature, 
tout  ce  qu'on  aurait  pu  attendre  de  lui 
s'il  fût  parvenu  à  la  maturité  de  l'âge. 

Félix  Stappaerls. 

Nagler,  Kunstler  lexicon.  —  Balkema,  Vie  des 
peintres  hollandais  et  flamands. 

e::\gei.bert  de  i.a  .^iarck,  évê- 
que de  Liège.  1348  *.  Voir  Marck  {En- 
gelbert  de  la). 

EiVGELBERT,  moinc  de  l'abbaye  bé- 
nédictine de  Saint-Laurent  à  Liège,  vers 
le  milieu  du  xie  siècle,  s'occupa  d'as- 
tronomie, science  cultivée  alors  avec 
plus  de  zèle  que  de  succès,  si  l'on  con- 
sidère du  moins  «  qu'un  mauvais  levain 
la  fit  dégénérer  en  astrologie  judiciaire  « , 
comme  s'expriment  les  auteurs  de  V His- 
toire littéraire  de  la  France.  Engelbert 
rassembla  (compaginavif)  des  documents 
utiles  au  point  de  vue  du  comput  ecclé- 
siastique et  recueillit  de  nombreuses 
observations.  Le  moine  Eainier,  de  son 
monastère,  parle  de  ses  travaux  assidus 
avec  une  sorte  d'enthousiasme  et  se  fait 
un  devoir  de  Villtistrer,  dit-il,  en  lui 
appliquant  des  vers  virgiliens  : 

j^;«!  numéros  cu:li({ue  vias,  qui  sidéra  nosset, 
Dcfecius  solis  varias,  lunœque  labores, 
L'ndè  tremor  terris,  quà  vi  fnaria  alta  tumes- 

[cunt,  etc. 

Becdelièvre  mentionne  un  Engelbert 


577 


ENGELBEKT 


o78 


de  Liège,  écrivain  religieux,  également 
moine  de  Saint-Laurent,  décédé  en  1 2 1 8 . 
Peut-être  les    deux    personnages    n'en 

font-ils  qu'un.  Alpliouse  Le  Roy. 

Pez,  Thés,  anecd.,  t.  IV,  part.  III,  p.  23.  — 
Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  VII,  p.  137. 

E.%eEïiEi«  (Guillaume  vam),  plus 
connu  sous  le  nom  de  Gulielmus  ab 
Angelis,  né  à  Bois-le-Duc  en  1583, 
déftédé  à  Louvain  en  1649,  occupait  un 
rang  distingué  parmi  les  théologiens  et 
les  polémistes  du  xviie  siècle.  Après 
avoir  fait  ses  humanités  au  collège  de  sa 
ville  natale,  il  suivit  un  cours  de  philo- 
sophie à  l'université  de  Louvain,  au 
collège  du  Porc,  et  obtint,  en  1600,  la 
septième  place  à  la  promotion  générale. 
Il  se  livra  ensuite  à  l'étude  du  droit, 
avec  l'intention  de  se  consacrer  au  bar- 
reau ou  à  la  magistrature  ;  mais  il  ne 
tarda  pas  à  changer  de  résolution  et  prit 
le  parti  d'entrer  dans  les  ordres.  Reçu 
au  collège  du  Roi,  où  le  célèbre  docteur 
Jean  Malderus  enseignait  alors  la  théo- 
logie avec  un  vif  éclat,  il  y  resta  jusqu'en 
1606,  année  où  il  fut  rappelé  au  collège 
du  Porc,  pour  y  enseigner  d'abord  la 
langue  grecque  et  ensuite  la  théologie. 
Ordonné  prêtre  en  1607,  il  obtint,  le 
jour  même  où  il  célébra  sa  première 
messe,  le  grade  de  licencié  en  théologie. 
En  1614,  il  devint  chanoine  de  la  col- 
légiale de  Saint-Pierre  et  joignit  à  son 
cours  de  théologie  l'enseignement  de  la 
morale.  En  1616,  il  fut  proclamé  doc- 
teur en  théologie  et  quitta  le  collège  du 
Porc  pour  prendre  la  présidence  du 
collège  de  Viglius.  En  1625,  il  renonça 
à  son  cours  de  morale  et  accepta  la 
charge  de  lecteur  en  théologie  à  la  belle 
et  riche  abbaye  de  Parc.  Ayant  rempli 
ces  fonctions  pendant  près  de  quinze 
années,  il  fut  enfin,  en  1639,  appelé  à 
un  poste  digne  de  son  talent  et  de  sa 
science.  Le  28  mai  de  cette  année,  il 
succéda,  dans  la  chaire  royale  de  théo- 
logie, à  l'illustre  Wiggers,  dont  il  avait 
été  le  disciple  et  l'ami  intime.  Deux  ans 
plus  tard,  il  passa  de  la  présidence  du 
collège  de  Viglius  à  celle  du  collège 
d'Adrien  VL  Ce  fut  là  qu'il  apprit,  en 
1648,  sa  nomination  à  l'évèchéde  Ru- 


remonde;  mais  il  mourut  l'année  sui- 
vante, avant  d'avoir  reçu  ses  bulles  de 
Rome. 

Théologien  profond,  professeur  élo- 
quent et  habile,  G.  van  Engelen  jouis- 
sait d'une  grande  autorité  parmi  ses 
collègues  et  ses  élèves.  Le  rôle  impor- 
tant qu'il  joua  dans  les  longues  et 
bruyantes  querelles  suscitées  par  le  jan- 
sénisme lui  valurent,  en  même  temps, 
beaucoup  d'éloges  de  la  part  des  catho- 
liques et  beaucoup  de  tracasseries  de  la 
part  des  défenseurs  de  l'évêque  d'Ypres. 
Ceux-ci,  qui  ne  manquaient  pas  plus 
d'esprit  que  d'audace,  l'accablèrent  de 
satires  où  ils  s'eft'orçaient  de  ridiculiser 
sa  personne  et  ses  doctrines  ;  ils  lui 
suscitèrent  même  des  procès  désagréables 
et  coûteux.  Les  compensations,  il  est 
vrai,  ne  lui  faisaient  guère  défaut.  L'ar- 
chiduc Léopold-Guillaume,  gouverneur 
général  des  Pays-Bas  catholiques,  le 
tenait  en  haute  estime  et  le  signala  au 
roi  Philippe  IV  comme  l'homme  le  plus 
digne  d'occuper  le  siège  épiscopal  de 
Ruremonde,  vacant  depuis  neuf  années. 
Le  nonce  Antoine  Bichi  encourageait 
ses  efforts  et  les  papes  Urbain  VIII  et 
Innocent  X  lui  accordèrent  plus  d'une 
fois  des  éloges  mérités.  Il  n'était  pas 
homme,  d'ailleurs,  à  se  laisser  rebuter 
par  l'ardeur  de  la  lutte  et  la  vivacité 
des  attaques;  en  se  jetant  résolument 
dans  la  mêlée,  il  croyait  remplir  un 
devoir  de  conscience.  Engagé  par  deux 
èvêqiies  et  plusieurs  abbés  à  garder,  par 
amour  de  la  paix,  un  prudent  silence 
sur  les  doctrines  de  Jansenius,  il  leur 
répondit  :  «  Si  vous  jugez  qu'un  docteur 
Il  et  un  professeur  public  de  théologie 
Il  peut  se  taire,  lorsqu'il  voit  la  foi  et 
Il  l'autorité  du  saint-siège  en  danger. 
Il  je  suis  prêt  à  le  faire,  car  je  hais  sou- 
II  verainement  ces  disputes  ;  mais  les 
•I  choses  en  sont  venues  à  un  point  où 
Il  ma  conscience  ne  me  permet  pas  de 
Il   garder  le  silence.  « 

G.  van  Engelen  n'avait  pas  toujours 
été  l'antagoniste  de  Corneille  .Jansenius. 
En  1630,  il  figura,  à  côté  du  futur 
évêque  d'Ypres,  dans  une  polémique  qui 
mérite  d'être  rapportée.  Après  l'expul- 
sion  du  clergé   catholique  de  Bois-le- 


379 


ENGELBERÏ  —  ENGELEN 


)80 


Duc,  le?  états  généraux  y  avaient 
envoyé  quatre  ministres  instruits  et  ha- 
biles, pour  combattre  la  vieille  foi  et 
tâcher  de  faire  passer  le  peuple  au  pro- 
testantisme. Ces  ministres  firent  afficher, 
le  16  mai  1630,  une  sommation  aux 
catholiques  en  général  et  aux  prêtres  en 
particulier  de  se  présenter  à  une  confé- 
rence publique,  oii  la  vérité  et  l'ancien- 
neté de  la  foi  protestante  seraient  pu- 
bliquement discutées,  en  présence  du 
magistrat  de  la  ville.  Par  un  placard 
affiché  à  Louvain,  le  9  juin  suivant, 
G.  van  Engelen  et  Jansenius  accep- 
tèrent ce  défi  ;  mais  ils  y  mirent  pour 
condition  que  la  dispute  se  tiendrait  en 
lieu  de  sîjreté  pour  les  deux  partis,  que 
la  présidence  serait  conférée  à  un  ma- 
gistrat étranger  à  l'un  et  à  l'autre,  que 
les  arbitres  seraient  versés  dans  les 
études  théologiques  et,  enfin,  que  de 
part  et  d'autre  on  serait  muni  de  sauf- 
conduits.  Ces  conditions  n'ayant  pas  été 
acceptées,  la  guerre,  comme  le  dit  Pa- 
quot,  au  lieu  de  se  faire  par  paroles,  se 
fit  par  écrit,  et  G.  van  Engelen  publia 
à  cette  occasion  le  livre  suivant  :  Den 
dehmmtel  des  catholycke  naenis  afgertœJct 
van  de  leere  die  de  calvinsche  predicaiiten 
2)ooyen  tôt  «'  Hertogen- Bosch  in  te  voeren, 
oft  verweyringe  voor  liet  otidt  catliolyk  en 
apostoJisch  geloove,  tegen  de  nieuwigîieden 
ran  fier  kettersche  v:oordendienaers  tôt 
s'  Rertogenhoscli .  Louvain,  Oliviers  et 
Coenestejm,  1630;  in- 12  de  265  pages. 
Les  quatre  ministres  contre  lesquels  cet 
écrit,  où  le  calvinisme  est  pris  rudement 
à  partie,  se  trouvait  dirigé,  portaient  les 
noms  de  Gisbert  Yoet,  Godefroid  Vde- 
mans,  Henri  van  Swalmen  et  Samuel 
Everwyn.  Ils  ont  joué  un  rôle  important 
dans  la  polémique  religieuse  de  leur 
temps.  G,  van  Engelen  en  voulait  sur- 
tout à  Gisbert  Yoet  et  publia  contre  lui 
plusieurs  brochures  qui  ne  sont  point 
parvenues  jusqu'à  nous. 

En  1641,  G.  van  Engelen  composa, 
en  collaboration  avec  ses  collègues  Jean 
Schinkels  et  Chrétien  Beusecum,  ime 
intéressante  relation  latine  des  troubles 
suscités  à  Louvain  par  l'impression  de 
l'Augustinus  de  Jansenius.  Elle  fut  en- 
voyée au  pape  L^rbain  YIII  et  se  trouve, 


en  grande  partie,  dans  la  Disqnisitio 
historico-theologica...  per  Jacobum  de 
Monhron  (Cologne,  héritiers  Widenfelt, 
1692,  in-12).  Le  souverain  pontife  en 
fut  très-satisfait  et  chargea  l'internonce 
Stravius  de  transmettre  aux  auteurs 
l'expression  de  son  entière  approbation. 

G.  van  Engelen  fut  aussi  l'un  des 
rédacteurs  de  la  Beclaratio  sive  protes- 
tatio  octo  theologorum  et  professornm 
lovaniensium,  datée  du  18  juin  1642, 
par  laquelle  ces  professeurs  déclarent 
qu'ils  ont  voté  contre  la  résolution  prise 
par  l'université  de  surseoir  à  l'exécu- 
tion du  bref  qu'Urbain  YIII  leur  avait 
adressé  le  mois  précédent.  Elle  se 
trouve,  accompagnée  d'une  lettre  adres- 
sée à  l'internonce  Stravius,  dans  le  livre 
de  Monbron  cité  ci-dessus. 

C'est  surtout  par  son  enseignement 
que  G.  van  Engelen  s'était  fait  connaître 
et  apprécier  de  ses  contemporains.  Il 
possédait  à  fond  et  savait  exposer  avec 
une  grande  lucidité  toutes  les  parties  de 
la  théologie  dogmatique  et  scolastique. 
Sa  mort  fut  le  signal  d'un  deuil  public 
dans  la  vieille  cité  académique,  où  son 
caractère  franc  et  loyal  lui  avait  gagné 
toutes  les  sympathies.  Le  docteur  Dave, 
son  collègue  et  son  ami,  prononça  son 
oraison  funèbre.  j.  j.  Thonissen. 

Paquot,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  litté- 
raire des  Pays-Bas.  —  Ant.  Davi  oratio  Junebris 
in  parenialibus  G.  ab  Angelis,  Lov.,  i649,  in-4». 
—  Valerius  Andréas,  Bibliotheca  betgica  et  Fasti 
academici.  —  Foppens,  Bibliotheca  belgica.  — 
Van  der  Aa,  Biographisch  woordenboek.  —  Gla- 
sius,  Biographisch  woordenboek.  —  Biographie 
générale  publiée  par  Didot. 

E:«CiEi.EX  {Roelmid  VAx),Blommaert 
dit  Eafael,  poëte  flamand,  né  à  Anvers 
au  xviie  siècle.  On  ne  le  connaît  guère 
que  par  la  publication  des  trois  ouvrages 
suivants  : 

lo  PubJius  Virgilins  Maro  verdnytst. 
C'est  une  traduction  de  l'Enéide  en  vers 
flamands  d'un  style  curieux  par  l'intro- 
duction de  quelques  locutions  popu- 
laires. L'édition  de  1662,  publiée  à 
Anvers  par  Marcelis  Parijs,  est  enrichie 
de  gravures  d'Abraham  Diepenbeek, 
Caukercken  et  P.  De  Jode.  La  préface 
adressée  au  lecteur  impartial  {tôt  den 
onverdielden  lezer),    expose    la    théorie 


o81 


ENGELEN  —  ENGELGRAVE 


r)8ï>. 


d'une  orthographe  bizarre.  Après  avoir 
affirmé  la  supériorité  du  flamand  su.r  le 
français,  a\i  moins  en  poésie^  il  propose 
de  renoncer  à  l'ancienne  orthographe 
qui  ne  convient,  dit-il,  qu'à  la  Campine 
ou  au  Limbourg.  Tantôt  il  veut  des  re- 
doublements de  voyelles  :  qiiaadt,  diint, 
tantôt  des  combinaisons  nouvelles  :  moii- 
dich  (moedig) ,  zieleu  (zeeleu) ,  tieneu 
(teenen),  bliek  (bleek).  Quant  à  sa  tra- 
duction de  Virgile,  il  l'a  entreprise 
pour  aider  à  interpréter  le  latin  clas- 
sique, et  non  pour  faire  parler  ce  latin 
de  cuisine  {keuken  latyn)  dont  se  servent 
à  Louvain  les  servantes  elles-mêmes. 

2°  Pastorjîdo  verdiiyts.  Cette  traduc- 
tion de  la  célèbre  pastorale  italienne  est 
dédiée  au  beau  sexe,  dans  les  termes  les 
plus  galants,  (Imprimée  à  Anvers  sans 
date.) 

3^  Den  Ooninck  van  Napels  oft  in 
umnJioop  Jioop.  (Imprimé  à  Anvers  sans 
date.)  Au  jugement  du  Dr  Snellaert, 
cette  tragi-comédie  se  rattache,  comme 
les  pièces  de  Strypen  et  de  Van  den 
Brande,  à  l'école  anversoise  qui  s'inspi- 
rait de  Caldéron,  tandis  que  De  Conincq 
préférait  imiter  Lope  de  Vega.  Cette 
pièce  a  été  jouée  plusieurs  fois  par  les 
vioUeren  de  la  gilde  de  Saint-Luc  d'An- 


Snellaert ,  Scheis  eener  gescliied.  d.  Nederl. 
lellerkunde,  164,  466,  196.  —  Witsen  Heysbeek, 
Bioqraphiscli,  antliol.  luoordenboek.  — Les  œuvres 
de  Van  Engelen. 

EM(>EL.GR.%.VE  (Jeau- Baptiste),  né  à 
Anvers  en  1601.  Il  entra  à  l'âge  de  dix- 
huit  ans  au  noviciat  de  la  maison  pro- 
fesse des  jésuites,  dans  sa  ville  natale. 
Il  devint  de  bonne  heure  recteur  du 
collège  de  son  ordre  à  Bruges.  Son  mé- 
rite personnel  lui  valut  deux  fois  l'hon- 
neur d'être  choisi  pat  la  célèbre  compa- 
gnie comme  provincial  de  Flandre.  On 
le  retrouve,  à  la  fin  de  sa  carrière, 
supérieur  de  la  maison  professe  d'An- 
vers; il  y  mourut  à  l'âge  de  cinquante- 
sept  ans. 

On  a  de  lui  .•  Meditationes  pro  toto 
anno  in  très  partes  distribnta,  in  omnes 
dominicas  et  festa,  ouvrage  qui  est  resté 
très-estimé  dans  la  compagnie  de  .lésus. 
Anvers,  1664,  in-4'>.  aur.  Aivin. 


E^'CiKLGRAYE  {Henri),  frère  du 
précédent,  né  en  1610.  Il  entra  fort 
jeune  dans  la  compagnie  de  Jésus  en 
1628  :  il  n'avait  que  dix-huit  ans.  Ega- 
lement distingué  dans  son  ordre,  on  le 
trouve  successivement  à  la  tête  des  col- 
lèges d'Audenarde,  de  Cassel  et  de 
Bruges.  Il  mourut  à  Anvers  en  1670. 

Il  a  laissé  de  nombreux  ouvrages 
parmi  lesquels  on  cite  avec  éloge  :  lo  Lux 
evangelica  suh  vélum  sacrorum  emllema- 
tum,  avec  des  récits  édifiants  pour  tous 
les  dimanches  de  l'année.  Ce  livre  est 
en  trois  parties.  Il  a  été  réimprimé 
plusieurs  fois,  à  Anvers,  à  Amsterdam 
et  à  Cologne.  —  2»  Cœluin  JEmpyratum. 
—  Citons,  en  troisième  lieu,  un  ouvrage 
écrit  dans  la  langue  vulgaire  de  sa  ville 
natale,  et  qui  a  pour  titre  :  Meditatien, 
ofte  soete  hemerckingen  op  Jiet  bitter  lyden 
Christi.  On  a  de  lui  divers  autres  ou- 
vrages de  moindre  importance  et  di- 
verses pièces  en  vers  latins.  Si  l'on  en 
croit  le  père  De  Backer,  il  y  aurait  à 
Cologne  un  livre  contenant  les  œuvres 
complètes  d'Engelgrave,  et  publié  dans 
cette  ville  en  1725.  Ang.  AWin. 

K!Vc;r:L,c:RAve  {Assiiérus),  frère  des 
précédents,  né  à  Anvers,  entra  dans 
l'ordre  de  Saint-Dominique  ;  il  commen- 
çait à  se  faire  connaître  et  promettait 
d'avoir  une  carrière  plus  brillante,  peut- 
être,  que  celle  de  ses  trois  frères  lors- 
qu'il fut  enlevé  par  une  mort  préma- 
turée le  21  juillet  1640.  On  conserve 
dit-on,  dans  les  maisons  de  son  ordre,  à 
Bruges  et  à  Anvers,  les  sermons  qu'il 
écrivit  dans  la  langue  vulgaire  et  qui, 
paraît-il,  respirent  une  chaleur  et  une 
onction  chrétiennes,  qui  faisaient  accou- 
rir la  foule  à  ses  prédications.  Ces  ser- 
mons, dit  Paquot,  étaient  si  pleins  de 
force  et  d'élégance,  qu'ils  lui  méritèrent 
le  prœlum.  Son  frère  François  (le  troi- 
sième d'après  l'ordre  de  primogéniture) 
fut,  à  Louvain,  supérieur  de  l'ordre 
des  dominicains  et  mourut  en  1662  à 
Utrecht,  pendant  qu'il  y  remplissait 
une  mission  apostolique.        Aug.  Aivin. 

Sources  pour  les  trois  Engelgrave  :  Piron, 
Levensbeschryving.  —  Paquet,  Mnnoires  litlé- 
rairc'S,  tome  Xil.  —  Delvenne,  Bioyrafjhie  des 
/'((//.s-/>'(/.s-.— Qut'lit.  Scripliirrs  aidims  pr(fdica- 


583 


ENGELGRAVE  -  ENGELRAMS 


584 


torum,  tome  11,  p.  8-22.  —  Biographie  générale, 
publiée  par  Didot.  -  De  Backer,  Ecrivains  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  —  Foppens,  Bibliotheca 
belgica.  —  Archives  de  Maestricht. 

EXGEL.RAM    OU    IXGELRAM,    envoyé 

royal  de  Charles  le  Chauve  dans  les 
contrées  du  nord  de  la  Gaule,  ou  fores- 
tier de  Flandre.  Il  succéda  dans  cette 
fonction  à  son  père  Liederick  d'Harle- 
beke  à  qui,  en  792,  elle  avait  été  confiée 
par  Charlemagne.  On  ignore  le  lieu  et 
l'époque  de  la  naissance  d'Engelram,  et 
l'on  n'est  pas  d'accord  sur  la  date  de  sa 
mort,  qui  semble  devoir  être  reportée  à 
l'année  863,  conformément  à  la  chrono- 
logie des  épitaphes  d'Harlebeke.  La 
confusion  qui  existe  chez  les  historiens 
résulte  de  ce  que  les  uns,  s'en  rappor- 
tant à  la  Grande  Chronique  de  Flandre, 
regardent  ce  personnage  comme  l'aïeul 
de  Baudouin  Bras  de  Fer,  premier  comte 
de  Flandre,  qui,  dans  cette  hypothèse, 
serait  issu  d'Audoacre,  fils  d'Engelram, 
tandis  que  les  autres  font  d'Engelram  le 
père  de  Baudouin  et  considèrent  le  nom 
d'Audoacre  comme  un  dérivé  à'attdacer, 
Audax,  surnom  donné  à  Engelram  ou 
plutôt  à  Baudouin. 

En  comparant  ce  que  disent  à  ce  sujet 
les  annales  d'Oudegherst  annotées  par 
Lesbroussart,  les  historiens  Le  Glay  et 
Kervyn  de  Lettenhove,  on  est  amené  à 
se  ranger  à  l'opinion  qu'Engelram  est 
le  père  et  non  l'aïeul  de  Baudouin,  pre- 
mier comte  de  Flandre,  et  à  ne  voir  dans 
Audoacre  ({w'uin.  personnage  imaginaire. 

Ainsi  que  le  fait  observer  Oudegherst 
dans  ses  Annales  de  Flandre,  l'histoire 
ne  rapjiorte  rien  des  actes  de  l'adminis- 
tration d'Engelram  ;  la  Chronique  de 
Flandre  se  borne  à  le  qualifier  de  vii' 
prceatantissimns,  atidax,  et  fortissimus  vi- 
ribus  (Chronique  de  Flandre  publiée  par 
M.  De  Smet,  p.  34);  mais  Lesbroussart, 
le  savant  annotateur  des  Annales  d'Ou- 
degherst, dit  qu'Engelram  s'appliqua 
surtout  à  réprimer  les  brigandages  et 
les  pirates  qui  infestaient  les  mers; 
à  défricher  des  bois,  à  dessécher  des 
marais.  Il  veillait,  ajoute-t-il,  à  l'ob- 
servation des  lois  faites  par  Charle- 
magne. Engelram  bâtit  plusieurs  églises 
et  répara  les  forteresses  que  les  Van- 


dales et  les  Huns  avaient  détruites 
quelques  siècles  auparavant  ;  enfin,  il 
secondait,  pour  la  richesse  future  de  la 
nation,  les  fatigues  des  moines  qui,  d'un 
côté,  fertilisaient  la  terre  par  les  tra- 
vaux de  l'agriculture,  et  de  l'autre, 
éclairaient  les  esprits. 

Général  baron  Guillaume. 

Chronique  de  Flandres. — Oudegherst,  Annales 
de  Flandre.  —  Kervyn  de  Lettenhove,  Histoire 
de  Flandre.  —  Le  Glay,  Histoire  des  comtes  de 
Flandre. 

EiiCiEiiRAiM«^  {Corneille),  ou  En- 
GHELRAMS  OU  Ingelrams,  peintre,  né 
en  1527  à  Malines,  où  il  mourut  le 
8  juin  1580.  H  fut  incorporé  dans  la 
gilde  de  &aint-Luc  de  sa  ville  natale,  le 
17  septembre  1546.  Sa  spécialité  étant 
la  peinture  à  la  détrempe,  la  fragilité 
de  ce  procédé  n'a  pas  permis  à  ses 
ouvrages  d-e  résister  à  l'action  du  temps. 
L'église  de  Saint-Eombaut  possédait 
autrefois  de  cet  artiste  les  Sept  Œuvres  de 
la  miséricorde  en  sept  tableaux.  Si  l'on 
s'en  rapporte  aux  auteurs  qui  ont  vu  ces 
compositions,  l'artiste  était  parvenu  à 
donner  tant  d'expression  aux  physiono- 
mies de  ses  personnages,  que  «  l'on  dis- 
tinguait aisément  les  vrais  pa\ivres  de 
ceux  qui,  par  fourberie,  en  aflectaient 
la  mise  « .  On  y  voyait  aussi  des  joueurs 
de  bastringue  et  des  musiciens. 

La  plupart  des  productions  de  ce 
peintre  furent  vendues  en  Allemagne  et 
spécialement  à  Hambourg,  où  elles  at- 
teignirent parfois  des  prix  élevés.  Guil- 
laume ler,  prince  d'Orange,  convia 
Engelrams  à  venir  au  château  d'Anvers 
pour  y  exécuter  l'histoire  de  David, 
d'après  les  dessins  de  Luc  De  Heere. 
L'artiste  malinois  fut  aidé  dans  cette 
besogne  par  Jean  Vredeman,  qui  s'ac- 
quitta de  la  partie  simulant  les  orne- 
ments d'architecture.  L'église  de  Sainte- 
Catherine  à  Malines  possédait  jadis  de 
maître  Corneille  une  Conversiofi  de  saint 
Paul,  mais  cette  œuvre  tomba  de  vé- 
tusté. A  la  vente  de  M.  Pierets  de  Croo- 
nenburgh  de  Malines  en  1838,  fut  vendu 
un  tableau  d'Engelrams,  qui  représen- 
tait tm  procureur  lisant  mie  reque'te  pré- 
sentée par  deux  bourgeois  (haut.  1  m.  36, 
larg.  1  m.). 


58S 


ENGELRAMS  —  ENGELSPACH 


086 


(Corneille  eut  un  fils  qui,  à  l'exemple 
de  son  père,  se  livra  à  l'étude  de  la 
peinture  et  entra  dans  la  corporation  de 
Malines  le  27  mai  1571.  André  Engel- 
rams  mourut  avant  1595. 

Corneille  forma  divers  élèves  :  Jac- 
ques De  Munck  (1564);  Jacques  Ser- 
mertens(156'i);  Corneille  Vanden  Eynde 
(1568);  Hippolyie  Berthout  (1573). 

Emmanuel  NeeCTs. 

Emmanuel  Neeffs,  Histoire  de  la  peinture  et  de 
ta  sculpture  a  Maintes,  t.  1,  p.  215. 

EifGELf^PAC-ii  {Auguste),  dit  Laki- 
VIÈRE,  est  né  à  Bruxelles  le  18  floréal 
an  VII  de  la  république  française  (7  mai 
1799),  d'un  père  Alsacien  et  d'une  mère 
Belge.  Le  père,  artiste  dramatique,  était 
connu  au  théâtre  sous  le  nom  de  Lari- 
vière,  nom  qui  figure  sur  l'acte  de  nais- 
sance du  fils  et  que  celui-ci  a  toujours 
ajouté  à  son  nom  patronymique,  signant 
Engelspach-Larivière . 

Une  place  lui  appartiendrait  parmi 
les  savants  de  son  pays;  mais  les  événe- 
ments en  ont  fait  un  homme  politique  : 
son  souvenir  se  rattache  honorablement 
à  la  révolution  belge  de  1830,  dans 
laquelle  il  a  joué  un  rôle  de  peu  de 
durée,  quoique  d'une  grande  impor- 
tance. Mort  à  l'âge  de  trente-deux  ans, 
il  n'a  pu  accomplir  entièrement  la  car- 
rière scientifique  dans  laquelle  il  s'était 
fait  remarquer  ;  mais  quelque  courte 
qu'ait  été  la  durée  du  pouvoir  illimité 
dont  il  s'est  trouvé  investi  durant  la 
période  la  plus  critique  de  notre  révo- 
lution, sa  conduite  a  été  au-dessus  de 
tout  éloge,  et  la  part  qu'il  a  prise  à  ces 
mémorables  événements  le  place  au 
nombre  des  fondateurs  de  la  nationalité 
belge.  Avant  d'aboi'der  cette  époque  de 
sa  vie,  si  voisine  de  sa  fin,  il  convient 
de  dire  quelques  mots  de  ses  premières 
années  et  des  travaux  scientifiques  qui 
lui  avaient  déjà  acquis  une  certaine 
renommée  lorsqu'il  se  trouva,  sans  pré- 
méditation, comme  saisi  dans  l'engre- 
nage des  événements  révolutionnaires. 

On  n'a  point  de  renseignements  pré- 
cis touchant  l'éducation  qui  lui  fut 
donnée  :  la  situation  précaire  de  ses 
parents  permet  de  supposer  qu'elle  n'a 
pas  suivi  la  marche  ordinaire  des  études 


qu'on  impose  aux  fils  de  famille.  Ses 
goûts  le  portaient  vers  les  sciences  d'ob- 
servation, et  ses  étudesfurent  plus  scien- 
tifiques que  littéraires.  Il  avait  vingt 
ans  lorsqu'il  fut  admis,  après  examen 
passé  devant  un  jury  de  professeurs  de 
l'école  royale  des  mines  de  Paris,  dans 
lequel  figuraient  MM.  Haûy  et  Vauque- 
lin,  à  concourir  pour  la  place  d'élève 
interne.  Il  est  à  présumer  que,  pour 
obtenir  cette  faveur,  il  dut  réclamer  sa 
qualité  de  Français,  étant  né  à  l'étran- 
ger d'un  père  de  cette  nationalité.  Il  ne 
parait  pas  que  le  succès  ait  répondu  à 
son  attente,  puisque,  deux  ans  plus  tard 
on  le  voit  entreprendre,  avec  ses  seules 
ressources,  un  voyage  qui,  à  cette,époque 
(1821),  présentait  de  sérieuses  dilficul- 
tés.  Le  but  de  ce  voyage  était  de  s'avan- 
cer dans  l'étude  de  la  minéralogie  et 
de  la  géologie.  Il  parcourut  donc  en 
explorateur,  et  en  grande  partie  à  pied, 
l'Allemagne  du  nord,  le  Danemark,  la 
Suède,  la  Xorvége,  la  Russie,  la  Prusse, 
la  Hollande,  la  France,  la  Suisse  et 
l'Angleterre.  Il  y  employa  deux  années 
pendant  lesquelles  il  recueillit  un  nombre 
considérable  de  notes  géognostiques, 
mais  il  n'eut  le  temps  de  publier  que 
celles  relatives  anx  l/locs  ermtiqîies.  En- 
gelspach  dessinait  le  paysage  avec  beau- 
coup de  facilité,  et  ce  talent  lui  fut 
d'un  grand  secours,  pour  fixer  ses  sou- 
venirs. Les  environs  de  Saint-Péters- 
bourg attiraient  assez  son  attention  pour 
qu'il  en  fît  l'objet  d'une  brochure  qu'il 
publia  à  Bruxelles  avant  1830.  Son 
séjour  dans  la  capitale  de  la  Russie  fut 
marqué  par  des  incidents  qui  ont  quel- 
quefois été  exploités  contre  lui,  surtout 
lorsqu'il  s'est  trouvé  en  évidence  et  en- 
gagé dans  les  luttes  politiques.  N'ayant 
point  de  fortune,  ne  jouissant  d'aucune 
subvention  de  l'Etat,  il  était  obligé  de 
faire  face  par  son  travail  à  tous  les  frais 
du  voyage;  il  sut  tirer  parti  de  ses 
talents  quand  l'occasion  s'en  présentait, 
mais  il  arrivait  quelquefois  que  la  néces- 
sité de  vivre  l'obligeait  à  accepter  des 
fonctions  que  nos  mœurs  nous  font 
trouverhurailiantes.  Ainsi, pour  se  mettre 
à  même  de  retourner  dans  son  pays,  il 
se  fit  garçon  de  café  à  Saint-Pétersbourg 


387 


ENGELSPACli 


.H88 


et  demeura  dans  cette  humble  condition 
jusqu'à  ce  qu'il  eût  amassé  de  quoi 
pourvoir  aux  frais  du  retour. 

Le  gouvernement  des  Pays-Bas  avait 
eu  l'idée   de  l'envoyer,   en  qualité  de 
consul  à  Baliia,  mais   Engelspach  pré- 
féra la  carrière  de  l'enseignement;   il 
demanda  et  obtint  une  chaire  de  géo- 
logie au  musée  des  sciences  et  des  let- 
tres de  Bruxelles.    Il  allait   entrer  en 
fonctions,  son   discours  inaugural  était 
déjà   écrit,    lorsque   l'institution    passa 
des  mains  du  gouvernement  dans  celles 
de  la  régence.  Cette   autorité  refusa  de 
ratifier  la  nomination,   et  la  chaire  de 
géologie  se  trouva   de  fait  supprimée. 
Déjà   à  cette  époque  les  titres  scientifi- 
ques  d'Engelspach   étaient   incontesta- 
bles. En  1836,  il  avait  publié  dans  le 
Messager  des  arts   et   des    sciences,    de 
Gand,  une  notice  sur  le  calcaire  magné- 
sien; deux  ans  plus  tard,  il  travaillait  à 
un  mémoire  en  réponse  à  une  question 
proposée  par  l'Académie   de  Bruxelles, 
sur  la  géologie  du  Luxembourg,  et  pu.- 
bliait   un   travail  sur  un  silicate  d'alu- 
mim  considéré  sous  le  rapport  chimique, 
minéralogiqiie    et    géognostique    (in- 8", 
Bruxelles).   Cette  brochure  avait  pour 
but  d'établir  l'identité  entre  la  benzinite 
et  l'halloyste.  La  même  année,  parut  la 
Description  géognostique  du  grand-duché 
de   Luxembourg    (in-4o    avec  planches, 
Bruxelles),    C'est  son  œuvre   capitale, 
elle  lui  avait  valu  la  médaille  d'argent 
au  concours  académique  de  1829.  L'il- 
lustre Alex,  de  Humboldt  lui  adressa,  à 
propos  de  cette  publication,  une  lettre 
qui  peut  être  considérée  comme  un  des 
plus  honorables   titres  scientifiques  du 
savant  belge.  La  société  de  Harlem  avait 
mis  au  concours  une  question  sur  les 
blocs  erratiques.  Engelspach  y  répondit; 
mais  il  fut  moins  heureux  cette  fois  qu'il 
ne  l'avait   été   à  Bruxelles.   Cependant 
ses  recherches  furent  consignées  dans 
un  opuscule  qui  parut   sous  le  titre  de 
Considérations  sur  les  blocs  erratiques  de 
roches  primordiales  (in-S»,    1829).    Son 
dernier  travail  a  vu  le  jour  au  commen- 
cement de  l'année  1830.  Il  a  pour  titre  : 
])e  la  géognosie  considérée  dans  ses  diffé- 
rents rapports.  {Messager  des  arts  et  des 


sciences  de  Gand.)  Il  fut  fait  de  cette 
notice  un  tiré  à  part  d'un  fort  petit 
nombre  d'exemplaires.  L'auteur  y  avait 
ajouté  un  supplément  qui  n'est  pas  de 
lui. 

En  1828,Engelspachavait  été  nommé 
membre  de  la  commission  de  statistique 
du  Brabant  méridional  ;  il  avait  professé 
la  géologie  à  l'école  de  commerce  de 
Bruxelles;  il  était  membre  des  Acadé- 
mies royales  des  sciences  de  Turin,  de 
Naples,  de  Metz,  de  la  Société  géolo- 
gique de  France,  de  la  Société  grand- 
ducale  de  minéralogie  d'Iéna,  du  lycée 
d'histoire  naturelle  de  New -York.  Il 
avait  entretenu  des  relations  suivies  avec 
quelques  chimistes  éminents,  tant  de  la 
Belgique  que  de  l'étranger;  à  Stockholm, 
il  avait  profité  des  conseils  de  Berzelius, 
et,  dans  son  propre  pays,  il  avait  eu 
pour  initiateur  l'illustre  Yan  Mons. 

Engelsjjach,  durant  ses  voyages,  avait 
formé  une  collection  de  minéralogie  ;  il 
avait  trafiqué,  à  l'occasion,  troquant  ou 
vendant  des  pierres  fines.  Il  se  plaint, 
dans  ses  notes,  d'avoir  plusieurs  fois  été 
trompé  dans  ce  commerce,  n'étant  guère 
adroit  aux  spéculations  mercantiles.  En 
1823,  il  s'était  marié  à  Paris. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  reproduire 
le  récit  des  événements  qui  ont  amené 
la  dissolution  du  royaume  des  Pays-Bas. 
Il  suffira  de  rappeler  qu'au  milieu  d'une 
prospérité  que  nos  contrées  méridio- 
nales n'avaient  plus  connues  depuis  près 
d'un  siècle,  au  moment  même  où  venait 
de  s'ouvrir  une  brillante  exposition 
témoignant  des  progrès  déjà  accomplis 
par  l'industrie  nationale  et  présageant 
un  développement  considérable  de  la 
richesse  publique,  une  émeute  éclatant 
à  Bruxelles,  particulièrement  dirigée 
contre  le  ministre  Yan  Maanen  et  ses 
créatures,  surprit  le  pouvoir,  qui  se 
trouva  désarmé  et  incapable  de  la  répri- 
mer; la  cour  et  toutes  les  autorités 
supérieures  se  trouvant,  cette  année-là 
à  La  Haye.  Les  bourgeois  de  Bruxelles, 
redoutant  les  conséquences  de  ces  trou- 
bles, s'organisèrent  spontanément  pour 
le  maintien  de  l'ordre  et  la  défense  des 
pro))riétés  menacées  du  pillage  et  de 
l'inrendie.  Ils  prirent  les   armes,  ne  se 


589 


ENGELSPACH 


390 


fiant  point  à  l'action  de  la  troupe,  d'ail- 
leurs insuffisante  pour  répondre  à  tous 
les  besoins.  L'autorité  municipale,  peu 
populaire,  s'adjoignit  d'abord  quelques 
citoyens  connus  par  leur  patriotisme  et 
finit,  elle  aussi,  par  céder  la  place, 
comme  l'avait  fait  l'armée.  Un  mois 
entier  s'écoula  dans  cette  situation, 
grâce  aux  tergiversations  du  gouverne- 
ment, qui  ne  savait  point  se  décider. 
L'occasion  était  trop  belle  pour  n'en 
point  profiter  :  aussi  le  parti  qui  s'était 
formé,  quelques  années  auparavant,  par 
l'alliance  des  catholiques  politiques  et 
des  libéraux,  ne  la  laissa  point  échapper. 
Ce  parti  intervint  et  prit  la  direction  du 
mouvement,  réclamant  le  redressement 
immédiat  et  complet  des  griefs  que  les 
provinces  méridionales  avaient  déjà  for- 
mulées dans  d'innombrables  pétitions. 
Le  gouvernement  s'obstina,  ne  sut  point 
faire,  en  temps  opportun,  les  conces- 
sions demandées.  Il  commit  tant  d'im- 
prudences, que  l'émeute  devint  une  ré- 
volution. 

Durant  la  période  qui  s'écoula  entre  le 
24  août  et  le  23  septembre,  les  efforts 
des  citoyens  armés  ne  tendirent  qu'au 
maintien  de  l'ordre  et  au  rétablisse- 
ment de  rapports  réguliers  entre  les 
deux  parties  du  royaume.  Mais  les  auto- 
rités improvisées,  qui  poursuivaient  ce 
but  louable,  ne  tardèrent  point  à  être 
débordées  et  durent  céder  la  place  à  la 
multitude  exaspérée,  lorsque  le  dessein 
du  roi  de  faire  attaquer  Bruxelles  par 
l'armée  fut  connu  de  la  population. 

Engelspach  a  joué  un  rôle  important 
dans  les  deux  phases  qui  viennent  d'être 
indiquées,  réglant  sa  conduite  d'après 
l'esprit  qui  dominait  dans  la  ville. 
Conservateur  et  défenseur  de  l'ordre 
dans  la  pr.emière  phase,  révolutionnaire 
et  la  cheville  ouvrière  de  l'insurrection 
au  moment  de  la  crise  suprême. 

Dans  des  notes  restées  inédites,  se 
rencontre  une  profession  de  foi  expli- 
quant l'attitude  d'Engelspach  durant 
les  trente-deux  jours  pendant  lesquels 
il  s'est  trouvé  en  évidence. 

Engelspach  faisait  partie  du  premier 
détachement  de  bourgeois  armés,  com- 
mandés par  MM.  Opdenberg  et  Brug- 


mann ,  qui  sortit,  le  20  août,  à  six 
heures  du  matin,  de  la  caserne  des 
Annonciades,  et  qui,  après  avoir  par- 
couru différents  quartiers  de  la  ville, 
vint  faire  halte  devant  le  palais  de  jus- 
tice. Il  se  trouvait  là  un  rassemblement 
considérable  de  peuple  armé  qui  vint 
fraterniser  avec  les  nouveaux  arrivés. 
La  colonne  s'étant  remise  en  marche, 
remontait  la  Montagne  de  la  Cour  lors- 
qu'elle fut  arrêtée  devant  la  petite  rue 
du  Musée  qui  portait  alors  le  nom  de 
rue  des  Cocus.  Un  détachement  de  gre- 
nadiers, posté  dans  cette  rue,  en  face  du 
Palais  de  l'Industrie  où  l'exposition  était 
installée,  faisait  mine  de  s'opposer  au 
passage  des  bourgeois  armés.  Deux 
hommes  de  bonne  volonté,  Engelspach 
et  Borremans,  qui  fut  depuis  colonel, 
furent  envoyés  en  parlementaires  auprès 
de  l'officier  commandant  le  détache- 
ment. Les  deux  envoyés  faillirent  essuyer 
le  feu  de  la  troupe  en  entrant  dans  la 
Petite  rue  du  Musée.  Heureusement 
l'officier  qui  la  commandait,  l'adjudant- 
major  Van  Swieten,  aperçut  le  mouchoir 
blanc  qu'agitait  Engelspach  et  releva 
de  son  épée  les  canons  des  fusils  qui 
allaient  faire  feu. 

Le  général  Vautier  se  trouvait  der- 
rière les  grenadiers.  Les  parlementaires 
obtinrent  de  lui  que  la  colonne  bour- 
geoise seconderait  la  troupe  pour  pro- 
téger contre  les  agressions  du  peuple 
l'Exposition  de  l'industrie  ainsi  que  le 
Palais  du  musée  ;  mais  la  colonne  avait 
continué  sa  route  vers  la  place  Royale. 
Le  rassemblement  croissait  de  moment 
en  moment  et  tous  les  efforts  d'Engels- 
pach avaient  pour  but  d'empêcher  une 
collision  sanglante,  dans  laquelle  la 
troupe  aurait  certainement  fini  par  avoir 
le  dessous  et  les  précieux  établisse- 
ments qu'il  s'agissait  de  préserver  au- 
raient été  infailliblement  dévastés.  Cette 
situation  critique  dura  de  sept  heures 
du  matin  à  midi.  C'est  à  ce  moment  que 
M.  Vande  Weyer  arriva,  conduisant  un 
détachement  de  bourgeois  armés.  Il  fut 
possible  alors  de  dégager  les  grenadiers 
retranchés  derrière  la  grille,  dans  la 
cour  du  musée  et  dans  les  salles  du  rez- 
de-chaussée  du  palais,  ce  qui   leur  per- 


S91 


ENGELSPACH 


592 


mit  de  rejoindre  leur  régiment  stationné 
devant  le  palais  du  roi.  A  partir  de  ce 
moment,  la  porte  du  palais  de  l'indus- 
trie fut  occupée  par  les  bourgeois  : 
Engelspach  en  partagea  le  commande- 
ment avec  M.  Vande  Weyer.  Dès  le 
lendemain  27,  on  conçut  l'idée  de  pro- 
fiter des  événements  pour  réclamer  le 
redressement  des  griefs,  M.  Van  Mee- 
nen,  arrivant  de  Louvain,  venait  de- 
mander à  son  ami  Yande  Weyer  des 
instructions  sur  la  direction  à  donner 
au  mouvement  qui  s'était  déjà  propagé 
dans  la  ville  qu'il  habitait.  La  révolution 
avait  fait  un  premier  pas.  En  effet, 
le  38,  Vande  Weyer  était  relevé  de  son 
commandement  afin  de  prendre  part  à 
la  réunion  qui  devait  rédiger  une. adresse 
au  roi  et  envoyer  une  députation  à 
La  Haye. 

Dans  les  premiers  jours  de  septembre, 
Engelspach  rentra  dans  le  bataillon  de 
la  5*  section  dont  il  venait  d'être  nommé 
chef  d'état-major.  C'était  cette  section 
qui  était  spécialement  chargée  de  four- 
nir un  poste  de  25  hommes  pour  la  garde 
du  château  de  Tervueren.  Les  mesures 
intelligentes  et  énergiques  que  sut 
prendre  le  chef  d'état-major  de  la  5e  sec- 
tion sauvèrent  de  la  destruction  ce  do- 
maine royal.  Un  complot  ayant  pour 
but  le  pillage  et  l'incendie  du  château 
fut  déjoué  par  ces  mesures  et  par  l'atti- 
tude du  détachement  qui  avait  été  choisi 
par  Engelspach  parmi  des  hommes  sûrs, 
tous  anciens  militaires.  Des  attestations 
très-formelles  de  M.  De  Coux,  intendant 
de  S.  A.  E.  le  prince  d'Orange,  témoi- 
gnent de  ce  service  rendu  à  la  chose 
publique  par  Engelspach. 

Le  20  septembre,  la  commission  de 
sûreté  publique,  qui  depuis  le  commen- 
cement du  mois  remplaçait  toutes  les 
autorités  dans  la  ville,  fut  renversée  par 
un  mouvement  populaire.  Bruxelles 
tombait  dans  une  anarchie  complète; 
les  hommes  qui  jusque-là  avaient  joui 
de  la  confiance  du  peuple  se  trouvèrent 
dans  la  situation  la  plus  critique,  expo- 
sés d'une  part  à  l'irritation  populaire,  et 
devant  s'attendre  à  tout  si  le  Hollandais 
vainqueur  les  trouvait  dans  la  ville. 
Tous  s'étaient  cachés  ouéloigncs,  n'ayfvnt 


plus  à  espérer  d'appui  nulle  part.  Pen- 
dant deux  jours  la  ville  de  Bruxelles 
fut  absolument  dépourvue  de  toute  au- 
torité et  le  peuple,  maître  de  se  livrer 
à  tous  les  excès,  montra  une  sagesse  et 
une  modération  auxquelles  on  était  loin 
de  s'attendre.  Des  citoyens  dévoués  réu- 
nirent leurs  efforts  pour  constituer  un 
pouvoir.  Un  gouvernement  provisoire 
fut  annoncé,  c'est  le  Courrier  des  Pays- 
Bas  qui  l'apprend  à  ses  lecteurs,  dans 
son  numéro  du  lendemain;  on  y  lit  : 
«  Un  gouvernement  provisoire  a  été 
Il  annoncé  partout.  Il  se  compose  de 
Il  MM.  le  comte  Félix  de  Mérode,  Gen- 
//  debien,  avocat,  baron  de  Stassart, 
Il  comte  d'Oultremont,  de  Liège,  Rai- 
"  kem,  avocat  député  aux  états  géné- 
II  raux.  De  Potter  et  Vande  Weyer. 
Il  Cette  proclamation  a  été  accueillie 
Il  par  des  applaudissements.  Les  sec- 
»  tions  se  réunissent  pour  nommer  le 
"  gouvernement  et  les  personnes  dési- 
II  gnées  recevront  probablement  aujour- 
II  d'hui  communication  de  leur  (sic)  ré- 
«  solution  et  feront  connaître  après  si 
Il  elles  acceptent  le  mandat  populaire.  « 
Ce  n'était  là  évidemment  qu'un  ballon 
d'essai,  ayant  pour  but  de  tranquilliser 
la  population.  Quelle  apparence,  en 
effet,  de  pouvoir  obtenir  l'adhésion  de 
personnes  dont  quelques-unes  étaient  en 
ce  moment  éloignées  de  Bruxelles?  Une 
tentative  mieux  conçue  obtint  un  résul- 
tat immédiat.  Le  mercredi  22,  M.  Plé- 
tinckx,  plus  tard  général  commandant 
la  garde  civique  de  la  capitale  et  alors 
commandant  en  second  de  la  garde 
bourgeoise,  convoqua,  pour  trois  heures 
de  l'après-midi,  à  l'hôtel  de  ville,  les 
chefs  de  section  de  ladite  garde.  Trois 
chefs  seulement  répondirent  à  l'appel  : 
c'étaient  MM.  Michiels,  de  la  Sp  section, 
Vander  Stegen  de  Putte,  de  la  3"  et 
Engelspach-Larivière  faisant  fonction  de 
commandant  de  la  5e.  A  ce  premier 
groupe  se  joignirent  le  baron  Vander- 
linden  d'Hooghvorst,  Adolplie  Koussel, 
Ed.  Ducpetiaux,  Ad.  et  Félix  Bayet,  le 
docteur  Feigueaux,  Nique,  Jean  Pal- 
maert  et  Joseph  Vanderlinden.  C'est 
dans  cette  réunion  que  fut  décidé  l'en- 
voi d'une  députation  au  priuce  Frédéric. 


593 


ENGELSPACH 


594 


On  sait  que,  contre  le  droit  des  gens, 
le  prince  retint  les  parlementaires  et  les 
envoya,  comme  prisonniers  de  guerre, 
à  Anvers.  L'assemblée  n'avait  encore 
rien  arrêté  quant  à  la  constitution  d'un 
pouvoir  dirigeant,  lorsqu'elle  fut  con- 
trainte de  se  disperser  devant  un  mou- 
vement populaire. 

De  nouveaux  efforts  furent  tentés  le 
lendemain  ;  il  en  résulta  une  commission 
d'ordre  public  composée  de  MM.  le 
baron  Vanderlinden  d'Hooghvorst,  pré- 
sident, Jolly,  vice-président,  Pourbaix, 
Vermeulen  de  Cock,  De  Coppin,  Del- 
fosse,  Van  Hoorde,  Lippens  et  Engels- 
pach.  Il  n'était  encore  question  que  de 
tenter  d'arrêter  l'effusion  du  sang  et  de 
tâcher  de  traiter  avec  les  Hollandais. 
Mais  cela  n'entrait  pas  dans  les  idées 
du  peuple  qui  avait  engagé  la  lutte  et 
résistait  à  l'invasion.  Enfin  le  24,  à 
midi,  une  réunion  de  patriotes  décidés 
à  soutenir  la  lutte  se  constitue  sous  la 
dénomination  de  commission  administra- 
tive. Les  affiches  émanées  de  cette  au- 
torité éphémère  nous  ont  conservé  les 
noms  des  hommes  qui  en  firent  partie, 
ainsi  que  leur  situation  hiérarchique. 
On  y  voit  figurer  MM.  le  baron  d'Hoogh- 
vorst, Charles  Eogier,  président,  Jolly, 
et  comme  secrétaires,  de  Coppin  et  Xi- 
colay.  Le  dernier  acte  de  cette  autorité 
porte  la  date  du  25  septembre. 

Le  26,  parut  enfin  le  gouvernement 
provisoire.  Il  s'annonce  par  une  procla- 
mation signée  de  neuf  membres,  parmi 
lesquels  se  trouvent  tous  ceux  qui  fai- 
saient partie  de  la  commission  adminis- 
trative. Voici  en  quels  termes  la  procla- 
mation s'exprime  :  «  Vu  l'absence  de 
»  toute  autorité,  tant  à  Bruxelles  que 
«  dans  la  plupart  des  villes  et  com- 
«   munes  de  la  Belgique; 

«  Considérant  que  dans  les  circon- 
«  stances  actuelles  un  centre  général 
"  d'opérations  est  le  seul  moyen  de 
"  vaincre  nos  ennemis  et  de  faire 
"   triompher  la  cause  du  peuple  belge  ; 

•I  Le  gouvernement  provisoire  de- 
«  tneure  constitué  de  la  manière  sui- 
«    vante  «  (suivent  les  noms). 

Le  mot  demeure  ferait  supposer  que 
le    gouvernement   provisoire    avait   été 


proclamé  antérieurement  au  36  septem- 
bre. Il  n'a  point  été  conservé  de  trace 
de  cette  première  proclamation.  La  seule 
autorité  constituée  à  Bruxelles,  la  veille 
encore,  c'est  la  commission  adininistra- 
tive,  dont  le  dernier  acte,  affiché  sur  les 
murs  de  la  ville,  porte  la  date  du  25. 
On  a  vu  plus  haut  que  cette  commission 
s'était  formée  le  24,  vers  raidi,  au  mo- 
ment où  M.  Ch.  Eogier,  —  qui  d'ail- 
leurs n'était  point,  sorti  du  pays,  — 
rappelé  en  ville  par  le  bruit  du  canon, 
avait  pu  se  joindre  aux  combattants. 

Engelspach  qui,  depuis  le  20  sep- 
tembre, avait  assisté  et  activement  coo- 
péré à  toutes  les  réunions  de  l'hôtel  de 
ville,  s'était  surtout  occupé  du  soin  de 
pourvoir  aux  besoins  les  plus  pressants 
et  avait  négligé  de  faire  mettre  son  nom 
au  bas  des  proclamations.  Mais  la  com- 
mission administrative,  rendant  hom- 
mage à  son  activité,  à  son  aptitude,  lui 
avait  confié  les  plus  importantes  fonc- 
tions. Jugeant  qu'il  était  indispensable 
de  charger  une  seule  personne  de  la 
direction  des  services  relatifs  à  l'appro- 
visionnement de  la  ville,  à  la- défense  et 
à  toutes  les  mesures  que  nécessiteraient 
les  circonstances  suprêmes  dans  les- 
quelles on  se  trouvait,  elle  avait  investi 
Engelspach-Larivière  de  cette  mission 
et  lui  avait  conféré  le  titre  à' agent  géné- 
ral,, le  laissant  libre  d'agir  comme  il 
l'entendrait.  Le  nouvel  agent  général 
s'installa  immédiatement  dans  une  salle 
de  l'hôtel  de  ville  qu'il  ne  quitta  point 
un  seul  instant  pendant  toute  la  durée 
de  la  crise.  Il  ne  se  dissimula  point  la 
responsabilité  qu'il  assumait  en  se  char- 
geant de  faire  marcher  simultanément 
tous  les  services  et  de  pourvoir  à  tous 
les  besoins,  sans  s'inquiéter  du  plus  ou 
moins  de  légalité  des  actes  qu'il  allait 
avoir  à  ordonner.  Il  était  soutenu  dans 
cette  tâche  par  le  sentiment  du  devoir 
civique  qu'il  remplissait  en  se  dévouant 
pour  sauver  d'un  désastre  imminent  sa 
ville  natale;  et,  dans  ce  moment,  la 
chance  n'avait  pas  encore  tourné  du  côté 
des  insurgés. 

En  un  clin  d'œil,  se  groupèrent  autour 
de  lui  des  citoyens  de  bonne  volonté 
tout  prêts  à  suivre  son  exemple  et  à  le 


Ô95 


ENGELSPACH 


o96 


seconder.  L'un  des  premiers  soins  de 
l'agent  général  fut  de  s'emparer  du  ser- 
vice de  la  poste.  Il  donna  l'ordre  au 
directeur  des  postes  de  suspendre  toute 
distribution  de  lettres  ou  de  dépêches, 
et  de  ne  laisser  partir  aucun  courrier, 
aucun  cheval,  sans  une  autorisation 
expresse.  Il  fit  faire  immédiatement  le 
relevé  des  grains  et  farines  existant  dans 
la  ville.  Une  circulaire  fut  expédiée  à 
tous  les  boulangers  ainsi  qu'aux  mar- 
chands de  grains  qui,  le  même  soir, 
vinrent  tous  faire  leur  déclaration.  Ce 
recensement  constata  que  la  ville  se. 
trouvait  approvisionnée  de  farines  pour 
dix  jours.  La  mesure  était  d'autant  plus 
importante  que  le  prince  Frédéric  pou- 
vait s'apercevoir  qu'il  avait  commis  une 
très-grande  faute  en  ne  se  mettant  point 
à  cheval  sur  les  différentes  chaussées 
afin  d'intercepter  les  communications 
avec  l'extérieur.  Les  munitions  de  guerre 
ne  réclamaient  pas  moins  de  sollicitude 
de  la  part  de  l'agent  général;  elles  di- 
minuaient à  vue  d'œil.  Sur  les  observa- 
tions réitérées  d'Engelspach,  la  com- 
mission administrative  confia  à  M.  Suel 
la  mission  d'aller  acheter  des  poudres  à 
Castiaux.  11  n'y  avait  en  ville  que  quatre 
dépôts  où  se  fabriquaient  et  où  se  dis- 
tribuaient les  cartouches.  C'était  chez 
Schavaye,  rue  de  la  Putterie  ;  à  l'hôtel 
du  gouvernement,  rue  du  Chêne  ;  chez 
M.  Gouman,  rue  de  l'Evêque  et  chez 
un  autre  patriote,  Vieux  Marché  aux 
Grains.  Ces  différents  dépôts  ont  fabri- 
qué, pendant  les  quatre  journées  de 
combat,  environ  trois  cent  vingt  mille 
cartouches.  Le  2-i,  à  dix  heures  du  soir, 
l'agent  général  fit  faire  le  relevé  de 
l'état  des  cartouches  existant  dans  les 
quatre  dépôts,  il  n'en  restait  plus  que 
quatre  mille  six  cents.  Engelspach  en- 
voya l'ordre  de  ne  plus  en  distribuer  une 
seule  sans  un  bon  signé  de  sa  main,  et 
fit  partir  immédiatement  sept  personnes 
de  confiance  en  courrier  dans  (liflérentes 
directions  avec  pouvoir  d'enlever  des 
poudres  de  gré  ou  de  force  partout  où 
l'on  en  trouverait.  MM.  Fievet,  Roussel, 
Van  der  Cammen,  furent  de  ce  nombre. 
Le  25,  le  combat  recommença  avec  un 
acharnement  sans  égal;  les  munitions 


de  guerre,  malgré  la  sévère  économie 
qui  présidait  à  leur  distribution,  furent 
bientôt  épuisées.  Vers  dix  heures  du 
matin,  M.  Fafchamps,  de  Charleroi , 
arriva  à  l'hôtel  de  ville  avec  cinq  ou  six 
kilogrammes  de  poudre,  on  échangea 
cette  poudre  contre  cent  cinquante  car- 
touches, elle  fut  précieusement  réservée 
pour  former  quelques  charges  d'artille- 
rie. 

La  lutte  contre  les  Hollandais  n'était 
pas  la  seule  préoccupation  des  citoyens 
siégeant  à  l'hôtel  cje  ville.  Les  disposi- 
tions du  peuple  étaient  parfois  hostiles. 
Les  cris  de  trahison  se  faisaient  entendre, 
et  plus  d'une  fois  l'agent  général  ne  dut 
la  vie  qu'à  sa  fermeté  et  à  sa  présence 
d'esprit. 

Vers  les  deux  heures,  la  commission 
avait  rédigé  une  proclamation  annon- 
çant l'intention  de  traiter  avec  le  prince 
Frédéric.  Elle  était  déjà  composée,  En- 
gelspach fit  briser  les  formes  chez  l'im- 
primeur et  adressa  à  la  commission  les 
plus  vives  représentations  sur  le  danger 
d'une  pareille  publication.  Dans  cette 
situation  éminemment  critique,  Engels- 
pach ne  se  découragea  point.  Craignant 
de  ne  point  recevoir  les  poudres  qu'on 
attendait  du  dehors,  il  prit,  vers  quatre 
heures  de  l'après-midi,  des  mesures 
pour  en  faire  fabriquer.  Il  chargea  de 
ce  travail  M.  Maréchal,  ancien  employé 
des  poudres  et  salpêtre  sous  le  gouverne- 
ment français.  On  établit  chez  M.  Scha- 
vaye les  premiers  ateliers  de  manipula- 
tion. On  s'occupait  de  chercher  en  ville 
un  emplacement  propre  à  y  établir  un 
séchoir,  lorsque  M.  Xiellon,  arrivant  à 
minuit,  apportant  quatre  barils  de 
poudre,  fit  cesser  les  travaux  de  mani- 
pulation. Il  est  diflicile  de  se  faire  une 
idée  de  l'effet  que  produisit  l'arrivée  de 
ces  quatre  barils  de  poudre.  On  se  féli- 
citait, on  s'embrassait.  A  une  heure 
après  minuit,  ces  quatre  barils  étaient 
convertis  en  cartouches.  Les  envoyés  de 
l'agent  général  arrivèrent  successive- 
ment dans  la  journée.  Entre  trois  et 
quatre  heures  heures  du  matin,  M.  Snel 
amenait  80  barils,  et  dès  six  heures,  il 
y  en  avait  1-45  dans  la  cour  et  le  vesti- 
bule de  l'hôtel  de  ville. 


597 


ENGELSPACII 


o9S 


A  chaque  moment  augmentait  le  ' 
nombre  des  combattants  et  aussi  celui 
des  morts  et  des  blessés.  Les  plus  gra- 
vement atteints  étaient  portés  à  l'hôpital 
Saint- Jean,  alors  situé  au  milieu  de  la 
ville.  Le  25,  les  sallee  des  morts  de  cet 
hospice  étaient  tellement  encombrées, 
que  l'on  pouvait  redoxfter  d'en  voir  sortir 
une  terrible  épidémie.  Engelspach,  de 
concert  avec  l'avocat  Godecharle,  prit 
toutes  les  mesures  que  réclamaient  les 
circonstances. 

Dans  la  nuit  du  26  au  27,  une  ving- 
taine d'individus  se  présentèrent  devant 
la  porte  de  VAmigo  réclamant,  pour  les 
mettre  à  mort,  quelques  officiers  hollan- 
dais qu'on  y  avait  écroués.  Engelspach 
fut  assez  heureux,  en  employant,  tantôt 
la  persuasion,  tantôt  la  menace,  pour 
dissiper  le  rassemblement  qui  s'était 
rapidement  grossi.  Il  fut  secondé  dans 
cette  œuvre  d'apaisement,  par  M.  Cou- 
rouble,  chargé  spécialement,  depuis  qua- 
rante-huit heures,  du  commandement 
de  la  grande  garde  et  de  la  surveillance 
de  la  prison  de  V Amigo.  Les  troupes 
hollandaises  en  se  retirant  avaient  pillé 
et  saccagé  l'hôtel  du  chargé  d'affaires  des 
Etats-Unis.  Le  peuple,  probablement 
instigué,  voulait  user  de  représailles  et 
suivre  cet  exemple.  Plusieurs  hôtels  et 
notamment  celui  de  l'ambassade  d'Au- 
triche se  trouvaient  menacés.  Engels- 
pach comprit  combien  il  importait  de 
faire  respecter  les  propriétés  non-seule- 
ment des  particuliers,  mais  surtout  celles 
des  personnes  dont  le  caractère  devait, 
dans  toutes  circonstances,  les  mettre  à 
l'abri  des  réactions  populaires;  les  ten- 
tatives s'étant  renouvelées  devant  la 
maison  du  consul  de  .Suisse  et  à  la  porte 
de  l'ambassade  d'Angleterre,  l'agent  gé- 
néral prit  les  mesures  les  plus  énergi- 
ques, qui  mirent  fin  à  ces  scandaleux 
excès. 

Les  incendies  firent,  le  2.5,  de  grands 
ravages,  et  la  compagnie  des  sapeurs- 
pompiers  était  en  quelque  sorte  désorga- 
nisée. Les  hommes  qui  la  composaient 
s'étaient  dispersés  et  plusieurs  faisaient 
le  coup  de  feu  contre  les  Hollandais. 
Engelspach  dut  encore  user  des  moyens 
les  plus  énergiques  pour  ramener  les 


sapeurs-pompiers  sous  les  ordres  de  leur 
chef,  le  major  Gillot,  atteint  d'une  bles- 
sure grave  à  la  jambe,  et  qui  n'en  conti- 
nuait pas  moins  son  service  avec  un  zèle 
infatigable. 

Lorsque  M.  De  Potter,  arrivé  le  27, 
fut  présenté  au  peuple  au  balcon  de 
l'hôtel  de  ville,  ce  fut  Engelspach  qui 
le  conduisit  par  la  main  recevoir  l'ova- 
tion populaire.  Il  dit,  dans  les  notes 
qu'il  a  laissées,  qu'aucun  des  membres 
du  gouvernement  provisoire  n'avait  voulu 
se  charger  de  cette  mission  et' que  l'un 
d'eux  lui  avait  dit  :  «  Xous  ne  nous  sou- 
"  cions  guère  de  présenter  M.  De  Potter 
Il   au  peuple,  veuillez  le  faire.  « 

On  peut  dire  que  du  20  au  30  sep- 
tembre, Engelspach  exerça  un  pouvoir  à 
peu  près  illimité,  prenant  tout  sur  lui 
et  signant  les  ordres  les  plus  graves  et 
les  plus  compromettants,  si  les  choses 
avaient  mal  tourné,  délivrant  des  bons 
pour  fournitures  de  toute  espèce.  Tous 
ses  ordres  de  service  furent  exécutés; 
tous  les  bons  délivrés  par  lui  trouvèrent 
accueil  chez  les  marchands  et  ils  étaient 
au  nombre  de  plus  de  dix  mille. 

L'accueil  enthousiaste  que  l'exilé  de 
la  veille  avait  reçu  de  la  population  dé- 
termina les  membres  du  gouvernement 
provisoire  à  se  l'associer.  Le  nom  de 
De  Potter  fut  donc  ajouté  aux  neuf  noms 
qui  jusque-là  avaient  figuré  au  bas  des 
proclamations  de  l'autorité  improvisée 
le  26  septembre.  Engelspach-Larivière 
crut  le  moment  favorable  pour  réclamer 
la  récompense  de  ses  services.  Voici  la 
réponse  qu'il  reçut  le  28  :  «  Le  gouver- 
»  nement  provisoire  ne  croit  pas  pou- 
//  voir  admettre  M.  Engelspach  comme 
Il  un  de  ses  membres,  et  l'admission  de 
«  M.  De  Potter  ne  peut,  à  ce  qu'il 
Il  semble,  être  un  titre  suffisant  à  cet 
Il  égard  pour  M.  Engelspach,  malgré 
Il  les  services  rendus. 

Il  II  sera  ultérieurement  pourvu  à 
Il  placer  utilement  M.  Engelspach  selon 
Il   ses  mérites. 

Il  II  est  engagé  à  continuer  provi- 
»  soirement  ses  fonctions  d'agent  du 
Il  gouvernement,  en  y  mettant  la  modé- 
('  ration  et  la  prudence  nécessaires  aux 
Il  circonstances.  Signé,  Ch.  Kogier,  Ni- 


m 


ENGELSPACH  —  ENGHIEN 


600 


«  colay,  De  Potter,  G.  de  Coppin,  Syl- 
,,  vain  Van  de  Weyer,  Jolly,  Joseph 
(/   Vanderlinden.  " 

Engelspach  continua  en  effet  de  rem- 
plir ses  fonctions  d'agent  général  jus- 
qu'au 30  inclusivement. 

Il  s'adressa  au    gouvernement   pro- 
visoire,  demandant  la   formation  d'un 
comité   chargé    de  vérifier   sa  compta- 
bilité. Il  fut  fait  droit  à  sa  demande; 
les  commissaires,  après  un  scrupuleux 
examen,  firent  leur  rapport,  et  le  gou- 
vernement provisoire  confirma,  en  ces 
termes,  les  déclarations  du  procès-verbal  : 
«   Considérant  les  services  rendus  par 
«   M.    Engelspach  -  Larivière    dans   les 
j   premiers  jours  de  la  révolution,  le 
«  comité  central  du  gouvernement  pro- 
II   visoire  lui  en  donne  acte  et  remercie 
Il  le  citoyen  zélé  de  son   patriotisme. 
Il   Signé  :  De  Potter,  Ch.  Eogier,  comte 
«  Eélix  de  Mérode,  Alex.  Gendebien, 
Il   Sylvain  Van  de  Weyer.  Par  ordon- 
II   nance,   le   secrétaire  J.    Vanderlin- 
II   den.  Il 

Engelspach  attendit  vainement  l'effet 
des  promesses  qui  lui  avaient  été  faites 
le  28  septembre.  Ses  réclamations  n'ob- 
tinrent d'autre  résultat  que  l'offre  d'une 
place  aux  appointements  de  1,500  flo- 
rins, qu'il  ne  crut  pas  devoir  accepter. 
Engelspach  mourut  le  2  3  j  uillet  1831, 
sans  avoir  obtenu  la  récompense  de  ses 
services.  Il  avait  été  frappé  d'apoplexie 
_dans  un  bain  où  il  avait  eu  l'imprudence 
d'entrer  trop  peu  de  temps  après  son 
repas.  Le  roi  Léopold  venait  d'être 
inauguré.  Un  des  premiers  actes  du  sou- 
verain fut  d'accorder,  sur  sa  cassette 
particulière,  une  subvention  à  la  veuve 
de  celui  qui  avait  le  plus  contribué  à  la 
séparation  des  deux  parties  dont  se  com- 
posait le  royaume  des  Pays-Bas.  Le  gou- 
vernement du  régent  avait  aussi  négligé 
d'assurer  l'existence  de  l'homme  qui 
s'était  si  entièrement  dévoué  à  la  cause 
de  la  révolution. 

M.  Ch.  Kogier  étant  devenu  ministre 
de  Pintérieur,  soumit  au  roi,  le  12  dé- 
cembre 1833,  un  projet  de  loi  accordant 
à  la  veuve  d' Engelspach  une  pension 
viagère  de  1,500  francs.  La  loi  votée 
par  la  législature  a  été  promulguée  par 


le  Moniteur  belgele  33  décembre,  n^  357. 
L'exposé  des  motifs,  rédigé  par  le  mi- 
nistre, rend  un  hommage  sans  restric- 
tion au  dévouement,  au  zèle,  à  l'activité, 
à  l'intelligence  de  Pancien  agent  général 
du  gouvernement  provisoire.  C'est  en 
quelque  sorte  la  confirmation  officielle 
des  faits  rapportés  dans  cette  notice. 

L.  Alvin. 

E]«€;uif:!%'  {François  o')ou  Van  Ebin- 
G£N,  théologien,  né  à  Bruxelles  en  1648, 
mort  à  Gand  le  9  novembre  1722.  Il 
descendait  d'une  ancienne  famille  nobi- 
liaire; son  père  Guillaume  d'Enghien, 
était  comte  de  Santa-Cruz,  et  sa  mère 
Béatrice-Thérèse  de  Boischot.  Il  entra 
dans  l'ordre  de  Saint-Dominique  à 
Gand,  fit  ses  études  à  Louvain,  y  obtint 
le  doctorat  en  théologie  le  21  janvier 
1685  et  professa,  successivement,  la  phi- 
losophie et  la  théologie.  Devenu  régent 
des  études  de  son  ordre,  il  assista  au 
chapitre  général  à  Eome  en  1694,  y 
séjourna  assez  longtemps  auprès  du 
pape  Clément  XI,  et  ne  revint  qu'en 
1703  dans  son  pays  pour  y  reprendre 
ses  premières  fonctions. 

Homme  modeste  et  studieux, Enghien 
refusa,  en  1706,  Pévêché  d'Anvers,  pré- 
férant se  retirer  dans  son  couvent  à 
Gand,  où  il  finit  ses  jours  dans  l'étude. 
Il  composa  :  lo  Eesponsio  Mstorico- 
theologica  ad  Cleri  GaîUcani  de  po- 
testate  ecclesiastica  declarationem.  Co- 
logne, 1685,  in-8o.  —  2°  Auctoritas 
sedis  apodolicœ pro  S.  Gregorio  papa  Vil 
vindicata  adxersiis  R.  P.  F.  Natalem 
Alexandrum,  ord.  FF.  Prœdicat.  Co- 
logne, 1689,  in- 8".  —  3o  Vindicice 
adveJ'susaviUnn  academicum .  Gand,  1711, 
in-8o.  C'est  un  traité  sur  la  puissance 
des  papes.  —  4o  De  dodrina  S.  Thomœ 
ad  gratiam  efficacé%i.  Louvain,  1703, 
in.go.  —  5o  Positio  faciens  satis  insolites 
oppositioni  contra  constit^dionem  sedis 
apostolica  TJnigenitm .  Gand ,  1 7 1 5 ,  in- 8° . 

Aug.  Vander  Mecrscd. 
Echard  et  Quétif,  Scriptores  ordhiis  prœdica- 
torum,  t.  11,  p.  798.  — Richard  et  Giraud,  Bxbba- 
ihèque  sacrée. 

EWGUiEiv  (Jacquesn'),  écrivain  ecclé- 
siastique, né  à  Mons,  en  1470,  mort 
en  1553.  Voir  Jacques  u'Enghien. 


601 


EiNGHlEN 


60-2 


exguie:v  {Jean  d'),  priuce-abbé  de 
Stavelot,  évêque  de  Liège.  1286  *.  Voir 
Jean  d'Exghien. 

e:vouie^~  {Jean  »'),  dit  de  Kestek- 
GAT, chroniqueur, mort  le  12  août  1478, 
était  fils  de  sire  Engelbert  d'Enghien, 
qui  fut  tué  à  Azincourt  aux  côtés  du  duc 
de  Brabant,  Antoine  de  Bourgogne,  et 
petit-fils  de  sire  Colard,  enfant  natu- 
rel de  Walter,  seigneur  d'Enghien.  Co- 
lard avait  eu  pour  sa  part  dans  l'héritage 
paternel  le  village  de  Tubize  et  d'aut-res 
localités  voisines,  qiii  étaient  tenues  en 
fief  du  duché  de  Brabant.  Jean,  à  son 
tour,  fut  investi  de  la  seigneurie  de 
Kestergat,  qui  relevait  d'Enghien,  et 
était  située  à  Pepinghen,  et  d'un  châ- 
teau à  Haeren,  provenant  de  sa  mère; 
il  y  joignit  ensuite  la  tour  de  Ter- 
Tommen  et  la  chàtellenie  héréditaire  de 
Grimberghe,  qu'il  acheta  en  1448. 

Son  frère  aîné,  Engelbert  II,  seigneur 
de  Kiunera,  Tubize,  etc.,  était  l'un  des 
conseillers  du  duc  de  Brabant  Jean  TV, 
lorsqu'il  fut  arrêté  à  Bruxelles  en  1421, 
par  ordre  de  Philippe  de  Saint-Pol, 
ruward  de  Brabant  et  frère  de  Jean  IV. 
Le  seigneur  de  Kestergat  alla  rejoindre 
le  duc  de  Bourgogne  Philippe  ,  avec 
lequel  il  se  trouva  au  siège  mis  devant 
Meaux,  en  1420,  par  le  roi  d'Angleterre 
Henri  V.  Il  resta  au  service  de  ce  prince 
jusqu'en  1430  et  revint  avec  lui  en 
Brabant,  où  le  nouveau  souverain  de  ce 
pays  le  nomma  conseiller  et  chambellan 
et,  par  lettres  patentes  du  10  octobre, 
amman  de  la  ville  de  Bruxelles  ;  de  plus, 
en  1444,  il  fut  créé  l'un  des  maîtres 
d'hôtel  du  duc.  Ce  fut  lui  qui  suggéra 
aux  magistrats  bruxellois  l'idée  d'ap- 
peler des  chartreux  pour  occuper  le 
couvent  que  l'on  se  proposait  d'établir  à 
Scheut,  montrant,  dans  cette  circon- 
stance, à  quel  point  il  connaissait  la 
faveur  particulière  dont  l'ordre  de  Saint- 
Bruno  jouissait  à  la  cour  de  Bour- 
gogne. Meilleur  courtisan  que  citoyen, 
Jean  d'Enghien  ne  figura  a  la  tête  de  la 
magistrature  communale  de  Bruxelles 
que  pour  défendre  les  droits  et  les  pré- 
tentions du  prince  contre  les  immunités 
de  la  cité.  En  1458,  il  refusa  de  faire 


exécuter  des  condamnations  prononcées 
contre  des  malfaiteurs,  et  la  commune 
ayant,  à  son  défaut,  chargé  de  ce  soin 
un  sergent  de  l'ammanie,  il  recourut  au 
conseil  de  Brabant  et  soutint  que  le 
privilège  allégué  n'avait  pas  force  de 
loi,  comme  ayant  été  octroyé  en  temps 
de  trouble.  Bientôt  il  souleva  encore 
d'autres  réclamations,  prétendant  que 
la  ville  avait  porté  de  nombreuses 
atteintes  aux  droits  du  domaine.  Il  fut 
immédiatement  récompensé  de  son  zèle; 
le  duc  Philippe  lui  abandonna,  à  lui  et  à 
son  fils  Louis,  la  jouissance  de  l'ammanie 
à  titre  viager  ;  il  les  autorisa  à  se  donner 
un  successeur  révocable  à  leur  volonté 
et  à  se  réserver,  sur  les  produits  de 
l'ammanie,  une  pension  annuelle  de 
400  florins  du  Rhin. 

Par  sa  mère,  Isabelle  De  Hertoghe, 
et  par  sa  femme,  Marie  De  Mol,  Jean 
d'Enghien  était  allié  aux  familles  les 
plus  influentes  de  Bruxelles,  mais  il 
comptait  aussi  dans  cette  ville  de  nom- 
breux ennemis.  Dans  une  grande  réu- 
nion, qui  eut  lieu  à  l'hôtel  de  ville,  le 
30  septembre  1468,  il  avoua  que,  pour 
défendre  sa  vie  et  ses  biens,  il  avait  dû 
se  former  un  parti,  mais  qu'il  était  prêt, 
dans  l'intérêt  de  la  paix  publique,  à 
oublier  ses  rancunes.  Le  lendemain  soir 
il  y  eut  un  grand  dîner  en  son  hôtel, 
Vhôtel  de  Ke&tergat,  que  la  A'ille  acquit 
de  ses  héritiers  en  1522,  pour  percer  la 
rue  dite  aujourd'hui,  la  Rue  neuve  des 
Carmes;  Jean  d'Enghien  y  invita  les 
notables  de  Bruxelles  et  y  renouvela  sou 
serment  d'oublier  les  chagrins  qui  lui 
avaient  été  causés;  tous  ses  convives,  de 
leur  côté,  répondirent  à  ses  paroles  de 
conciliation  par  des  protestations  de  con- 
corde . 

Après  la  mort  du  duc  Charles  le  Té- 
méraire, les  métiers  de  Bruxelles,  sou- 
levés à  la  voix  de  leurs  chefs,  s'emparè- 
rent violemment  de  l'hôtel  de  ville  et  de 
l'administration  de  la  commune.  Louis 
d'Enghien  qui,  après  plusieurs  nomina- 
tions et  retraites  successives,  remplissait 
les  fonctions  d'amman  depuis  le  1er  fé- 
vrier 1475-1476,  était  signalé  à  la  haine 
du  peuple.  Lorsque  l'émeute  éclata,  les 
séditieux  avaient  pris  avec  eux  le  bour- 


603 


ENGHIEN  —  ENGUERRAxND  DE  BAK 


6U4 


reau,  avec  l'intention  de  faire  couper  la 
tête  à  Jean  d'Enghien.  Mais  il  échappa 
à  ce  sort  funeste  et  fut  seulement  banni 
de  Bruxelles,  avec  son  père  Jean  et  nom- 
bre d'autres  patriciens. L'année  suivante 
Jean  mourut  j  il  reçut  la  sépulture  dans 
l'église  conventuelle  des  Carmes,  à  côté 
de  sa  femme,  qui  était  décédée  depuis 
le  25  mars  1464. 

Comme  la  plupart  des  courtisans  du 
duc  de  Bourgogne,  le  seigneur  de  Kes- 
tergat  était  un  ami  des  plaisirs  et  des 
lettres.  Quand  le  dauphin  Louis  de 
France,  depuis  roi  sous  le  nom  de 
Louis  XI ,  se  réfugia  en  Belgique  et 
reçut  l'hospitalité  au  château  de  Ge- 
nappe,  il  fut  l'un  des  joyeux  convives 
qui  racontèrent,  à  sa  table,  les  récits 
graveleux  publiés  sous  le  nom  des  Cent 
nouvelles  nouvelles.  Ayant  eu  l'occasion 
de  lire  plusieurs  travaux  sur  l'histoire 
du  Brabant,  il  conçut  le  projet  de  les 
traduire  du  flamand  en  français  et  de  les 
condenser  en  un  seul  volume.  Le  duc 
Philippe  l'encouragea  dans  ce  dessein, 
qui  ne  fut  réalisé  qu'après  la  mort  de  ce 
prince.  L'œuvre  littéraire  de  Jean  d'En- 
ghien, qui  fut  offerte  à  Charles  le  Témé- 
raire, faisait  partie  de  la  bibliothèque 
du  palais  de  Bruxelles,  du  temps  des 
archiducs  Albert  et  Isabelle.  Gramaye 
y  puisa  largement,  comme  le  dit  Yin- 
chant  dans  ses  Annales  du  Hainaut 
(t.  IV,  p.  264),  où  l'on  donne,  à  tort,  à 
l'auteur  le  prénom  de  Jacques.  Elle 
était  restée  inconnue  lorsque  Gachet, 
en  1847,  en  signala  un  court  fragment. 
Depuis,  Jules  Borgnet  la  retrouva,  mais 
incomplète,  chez  M.  le  comte  Charles 
d'Aspremont  de  Lynden,  de  Haltinues. 
Le  Livre  des  Cronicrpies  de  Brabant  est 
évidemment  copié  de  Yan  Boendale  et 
de  Dynter  et  du  traducteur  français  de 
celui-ci,  Jean  Wauquelin;  l'auteur  a 
également  puisé  dans  le  poëme  sur  la 
guerre  de  Grimberghe.  C'est  dire  que 
l'on  y  trouverait  difficilement  du  neuf, 
d'autant  plus  que  le  sixième  et  dernier 
livre,  celui  pour  la  rédaction  duquel 
l'auteur  aurait  pu  puiser  dans  ses  sou- 
venirs personnels,  n'a  pas  été  retrouvé. 
Le  style,  dit  Borgnet,  en  est  suffisam- 
ment clair;  il  offre  même  du  charme 


lorsque  l'auteur  raconte  les  belles  "  ap- 
pertises  «  d'armes  de  ses  héros. 

Alphonse  Waiilers. 

Bulletins  de  la  commission  roj/ale  d'histoire, 
Ife  série,  t.  XllI,  p.  290,  el2«  sériei  l.  VIll,  p.  355- 
387.  —  Henné  et  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles, 
passim.  —  Wauters,  Histoire  des  environs  de 
Bruxelles,  t.  H,  p.  233.  —  De  Ram,  Dynteri  chro- 
nica  Brabantiœ,  t.  I,  p.  CXV. 

EXGIJERRAXD  DE  BAR,  chroni- 
queur et  poète,  chanoine  et  écolàtre  de 
Liège,  naquit  vers  le  milieu  du  xiie  siè- 
cle et  mourut  en  1215  à  Lestinnes  en 
Hainaut,  oii  il  avait  demeuré  longtemps, 
dit  Jean  d'Outremeuse,  «  por  le  fil  (1) 
de  son  oncle,  qui  aidât  le  duc  de  Bra- 
bant en  la  warde  de  StejDS  « .  Enguerrand 
était  fils  du  comte  Bertrand  et  petit-fils 
de  Renaud  le  Borgne,  celui  qui  dut 
rendre  Bouillon  à  l'évêque  de  Liège 
Albéron  II  (voy.  ce  nom),  le  21  septem- 
bre 1141.  L'oncle  dont  il  s'agit  est 
Thibaut  1er  de  Bar,  «  qui  puis  mangnat 
sa  langue  en  la  prison  le  roy  de 
Franche  » .  En  sa  qualité  d'écolâtre, 
Enguerrand  avait  mission  de  tenir  au 
courant  les  chroniques  du  pays.  Une 
circonstance  particulière  l'obligea  d'en- 
treprendre, à  la  demande  du  chapitre, 
une  œuvre  beaucoup  plus  considérable. 
Lambert  le  Bègue  (voy.  ce  nom),  ce 
Savonarole  du  xiie  siècle,  avait,  dans  un 
mouvement  d'éloquence,  en  1181,  me- 
nacé des  colères  célestes  une  église  dont 
les  chefs  s'étaient  souillés  de  toutes 
sortes  de  turpitudes.  Quatre  ans  plus 
tard,  la  cathédrale  de  Liège  fut  presqiie 
entièrement  détruite  par  les  flammes  : 
le  peuple  vit  dans  ce  désastre  l'accom- 
plissement de  la  prophétie  du  vénéré 
prédicateur;  l'histoire  côtoie  ici  la  lé- 
gende. Tant  est-il  que  les  anciennes 
chartes,  les  chroniques,  en  un  mot 
toutes  les  archives  furent  brûlées,  et  que 
l'écolâtre  se  vit  chargé  de  recueillir  les 
éléments  d'une  nouvelle  histoire  offi- 
cielle. Il  ne  jugea  pas  à  propos  de 
remonter,  comme  ses  prédécesseurs,  jus- 
qu'aux rois  de  Tongres;  il  prit  pour  point 
de  départ  l'apostolat  de  saint  Materne 
et  poursuivit  son  récit,  en  insistant  sur- 
tout sur  les  événements  contemporains, 

(1)  A  cause  de,  à  l'occasion  de. 


605 


ENGUERRAND  DE  BAR  —  ENNETIÉRES 


606 


jusqu'en  1203,  année  où  le  travail 
entier  fut  remis  aux  chanoines.  Ceux-ci 
le  firent  enchaîner  dans  la  librairie  de  la 
cathédrale  et  le  tinrent  pendant  quelque 
dix  ans  en  grand  crédit.  Les  passages 
relatifs  à  l'afl'aire  de  Bouillon  furent 
transcrits  par  un  habile  calligraphe  en 
tête  à\x pasnonnal ;  on  les  lisait  à  matines 
le  jour  de  la  translation  de  saint  Lam- 
bert. Mais  il  arriva  que  la  sincérité  de 
l'écrivain  fut  mise  en  doute;  il  avait, 
disait-on,  dénaturé  les  faits  pour  blan- 
chir la  mémoire  de  son  aïeul  llenaud,  à 
propos  de  la  surprise  de  Bouillon  ;  il 
avait  abusé  de  la  iDonne  foi  du  clergé  de 
Saint-Lambert,  qui  ne  savait  pas  au 
juste  comment  les  choses  s'étaient  pas- 
sées. Suspect  sur  un  point,  il  le  fut 
bientôt  sur  tous,  si  bien  que  sa  chro- 
nique fut  reléguée  aux  oubliettes  (psteu 
et  répons,  ù  que  reproveis),  pour  être 
remplacée,  quelques  années  après,  par 
celle  de  .Jean  de  Hocsem  (voy.  ce  nom). 
Si  l'on  peut  s'en  rapporter  ici  à  Jean 
d'Outremeuse,  Enguerrand  lui-même,  à 
lit  de  sa  mort,  aurait  fait  l'aveu  de  sa 
supercherie  en  présence  de  plusieurs 
dignitaires  ecclésiastiques,  ce  dont  pro- 
cès-verbal aurait  été  dressé.  L'ouvrage 
a  été  si  bien  caché,  qu'on  n'en  a  re- 
trouvé aucune  trace.  Le  baron  de  Reif- 
fenberg  pensait  qu'Enguerrand  s'était 
servi  de  la  langue  romane,  peut-être 
parce  que  Jean  d'Outremeuse  qualifie 
l'auteur  de  grand  poëte.  Ce  devait  être 
alors  une  sorte  de  geste  en  vers,  du 
genre  de  celle  de  ce  dernier  chroni- 
queur. Alphonse  Le  Roy. 

Jean  d'Outremeuse,  t.  IV,  p.  .^S-",  376;  t.  V, 
1).  160.  —  De  Theux,  Le  Chapitre  de  Saint-Lam- 
berC,  t.  I,  p.  186.  —  Becdelièvre,  etc. 

K%iit:Ewt.wtAyin  (de  Forest),  poëte  et 
chevalier  du  xiie  siècle,  mort  à  Frémy 
en  1197.  Il  descendait  de  Herbert  le 
Fort  qui  figura  au  fameux  tournoi  d'An- 
chin  en  1096.  Le  chroniqueur  Gelic  dit 
qu'Enguerrand  était  surnommé  ame- 
fame,  traduction  romane  du  latin  arnator 
famœ.  Il  recherchait  la  gloire  des  lettres 
et  des  armes.  On  n'a  encore  rien  re- 
trouvé de  ses  chansons  ou  de  ses  poëmes. 
Il  fut  le  bienfaiteur  des  églises  de  Saint- 
André,    d'Aubert   d'Anchin,   d'Honne- 

BIOGR.   NAT.    —   T.    V|. 


court  et  de  Frémy,  dans  le  Cambrésis. 
C'est  dans  le  cloître  de  Frémy  qu'il 
fut  enterré.  Voici  son  épitaphe  en  vrai 
style  roman  : 

Hic  recumbit  Ingiierramtis 
Dictas  quondam  famœ  caru.t 
In  Fore.ito  fuit  qnariis; 
Miles  vixit  terris  rarus 
Musis  gratus,  Marte  sanns 
JS'obis  largus,  sibi  parcus 
Virgo  obiit,  cœlo  aignus. 

Les  seigneurs  de  Forest  portaient 
d'argent  à  trois  croissants  de  sable  et 
criaient  Triih  (trajectus?  pont?)  comme 
Eenier  de  Trith  du  Hainaut. 

J.  Siecher. 

A.  Dinaux,  Trouvères  du  Cambrésis.— Archives 
du  Xord  de  la  France,  tom.  lU,  p.  40. 

EifGVEiiRAXD  icfOisy),  troiivèrc  du 
xiiie  siècle,  né  au  village  d'Oisy,  qui 
faisait  alors  partie  du  Cambrésis.  Il 
s'intitulait  lui-même  clerc  et  paraît  avoir 
été  chapelain  de  quelque  grand  seigneur 
du  canton  d'Arleux.  Xous  ne  pouvons 
plus  juger  de  son  talent  poétique  que 
par  un  fabliau  un  peu  gaulois  d'allure, 
mais  qui  a  été  souvent  reproduit,  no- 
tamment par  Legrand  d' A  ussy  (Fabliaux, 
3e  vol.)  et  par  Francisque  Michel  (Paris, 
Sylvestre,  183.3).  C'est  dans  cette  der- 
nière publication  que  se  trouve  le  texte 
le  plus  exact  de  ce  chef-d'œuvre  de 
narration  badine.  Il  s'agit  d'une  mésa- 
venture amoureuse  du  meunier  d'Ar- 
leux, et  d'un  procès  comique  qui  en  fut 
la  suite. 

Li  baillius  prist  à  conjurer 
Les  eskïevins  por  dire  voir. 

L'auteur,  Engnerrans  li  clers,  H 
d'Oisi  a  esté  et  nés  et  tiori,  a  assisté  au 
banquet  que  le  bailli  goguenard  donna 
aux  dames  et  aux  chevaliers  du  canton, 
comme  dénoûment  de  l'épisode.  Enguer- 
rand dit  naïvement,  ou  peut-être  par 
ironie,  que  s'il  a  raconté  l'histoire  Don 
rnonnier  de  Aleus,  c'est  qu'il  y  a  reconnu 
une  portée  morale.  Lafontaine  n'y  a  vu 
depuis  qu'une  occasion  de  rire. 

J.  Stecher. 

A.  Dinaux,  Trouvères  du  Cambrésis  —  A.  Van 
Hassell,  Mém.  sur  la  litt.,  etc. 

E:v%'ETiF.RE!ii  {Marie  d'),  fille  de 
Jérôme  d'Ennetières   seiçrneur  de  \\'as- 


607 


ENNETIÊRES 


608 


tines,  née  à  Tournai  vers  l'an  1500. 
Cette  dame  est  le  plus  ancien  membre 
de  la  famille  si  lettrée  des  d'Ennetières 
de  Tournai  dont  l'histoire  littéraire 
fasse  mention.  Mais  les  anciens  bio- 
graphes, Foppens,  Moreri  et  Paquot, 
en  parlent  assez  vaguement  et  d'une 
façon  peu  explicite.  Ils  assurent  qu'elle 
fut  célèbre  par  son  savoir,  sa  piété,  et 
qu'elle  devint  religieuse,  mais  sans  dire 
où,  ni  dans  quel  ordre.  D'après  eux, 
!Marie  aurait  fait  imprimer,  en  1539, 
une  Epistre  contre  les  Turcs,  Juifs,  Inf- 
dèles,  Faulx  chrestiens.  Anabaptistes  et 
Luthériens,  sans  ajouter  où  ce  livre  a 
paru,  ni  sans  en  désigner  le  format.  Or, 
personne  n'en  a  vu  un  exemplaire;  il 
est  même  très-probable  qu'il  ne  fut  ja- 
mais livré  à  la  presse  ;  mais  qu'étant 
resté  manuscrit,  il  aura  été  perdu  comme 
tant  d'autres.  H.  Heibig. 

Paquot,  Méinoire.i,  édit.  in-folio,  t.  III,  p.  606. 
—  Messager  des  sciences  historiques,  année  4861. 
p.  '2il.  —  Les  d'Eunetiéres  de  Toitrnay,  nouvelles 
recherches  sur  cette  famille,  ibid.,  année  1873. 
p.  484.  —  Emile  Desmazières,  youvelles  recher- 
ches sur  quelques  membres  de  la  famille  d'Enne- 
tiéres.  Paris  et  Leipzig.  1878,  in-S",  p.  6-7. 

EXXETiÈnES  (Ja^par  d')  ,  cheva- 
lier, seigneur  de  Beaumez,  poëte,  na- 
quit à  Tournai  vers  1555  et  mourut  le 
20  avril  1622.  Il  épousa  Anne  de  la 
Rivière.  Il  était  conseiller  commis  des 
domaines  et  finances  des  archiducs 
Albert  et  Isabelle  et  fut  nommé  juré  de 
Tournai  en  1 5  8  9 ,  second  prévôt  en  1 5  9  0 , 
1595,  1598,  1599,  mayeur  des  échevins 
de  Tournai  en  1592,  1593,  grand  pré- 
vôt en  1602,  1603,  1607  et  1608.  Jas- 
par  était  fils  de  François  d'Ennetières, 
seigneur  de  Beaumez,  et  neveu  de  Marie 
d'Ennetières,  qui  précède. 

Sauf  quelques  sonnets  et  autres  pièces 
de  vers  que  l'on  rencontre  dans  diverses 
publications  qui  parurent  de  son  temps, 
on  ne  connaît  de  lui  que  les  deux  ou- 
vrages suivants  : 

1"  Elégie  et  chans  funèbres  sur  le  très- 
pas  de  nuidamoyselte  Margverite  de  Mar- 
brais. Douay,  Jean  Bogard,  1584,  petit 
in-8  '  de  XLVii  pages,  titre  compris.  Le 
seul  exemplaire  connu  de  ce  petit  ou- 
vrage se  trouve  à  la  Inbliothèque  pu- 
bliq\ic  (le  Tournai. 


2'J  La  Vie  de  saint  Malchus,  moine 
syrien,  tirée  des  épitres  de  S.  Hierosme. 
Tournai,  Adrien  Q,uinqué,M.D.C.XXI, 
pet.  in-8o  de  8  ff.  et  88  pages. 

Ce  poëme,  extrêmement  rare,  est  di- 
visé en  3  livres  ou  chants  ;  il  a  été  erro- 
nément  attribué  à  son  fils,  Jean  d'En- 
netières, qui  suit.  H.  Heibig 

Messager  des  sciences  historiques,  année  186-1, 
p.  2-J-2  et  suiv.,  et  année  1875,  p.  483.  -  Nouvelles 
recherches  sur  quelques  membres  de  la  famille 
d'Ennetières,  par  Emile  Desmazières.  Paris  et 
Leipzig,  1878.  in-8o,  p.  8-10. 

EXXETiÈRE!*  (Jean  »'),  chevalier, 
seigneur  du  Maisnil,  poëte,  était  le  fils 
aîné  de  Jaspar  d'Ennetières  et  d'Aune 
de  la  Rivière.  Il  naquit  à  Tournai  vers 
1590  et  fit  preuve,  pendant  toute  sa 
vie,  d'une  véritable  passion  pour  la  poé- 
sie, ou  plutôt  pour  la  rime;  il  y  consa- 
cra une  grande  partie  de  ses  loisirs. 

Jean  d'Ennetières  était  juré  de  Tour- 
nai en  1621;  mayeur  des  échevins  en 
1625,  1626;  second  prévôt  en  1629, 
1630,  et  grand  prévôt  en  1635,  1636. 
La  Biographie  universelle  de  ]\Iichaud  le 
fait  mourir  vers  1650  ;  mais  il  est  positif 
qu'il  mourut  au  commencement  d'août 
1661.  Il  a  publié  les  ouvrages  suivants  : 

1°  Les  Amours  de  Théagines  et  de  Phi- 
loxène,  et  autres  poésies.  Lille,  Pierre 
Derache,  1616,  de  8  ïï.  limin.,  239  p. 
et  4  ft'.  poiir  la  table.  Il  en  parut  une 
seconde  édition  chez  le  même  impri- 
meur en  1620,  à  moins  que  ce  ne  soit 
là  qu'un  nouveau  titre. 

2o  Clmnsons  spirituelles ,  reueues,  cor- 
rigées et  augmentées  de  /«  moitié  par  Van- 
theur.  Lille,  Pierre  Derache,  1616,  pet. 
in-12  de  104  pages.  La  première  édition 
a  dû  paraître  à  Lille  de  1605  à  1616 
dans  un  recueil  de  chansons  spirituelles. 
L^ne  troisième  édition  fut  imprimée  chez 
le  même  libraire,  en  1620,  pet.  in-12 
de  6  ff. ,  140  pages  et  2  ff.  pour  la 
table.  L'édition  de  1616  contient 
46  chansons,  odes  et  ballades;  celle  de 
1620  en  renferme  57. 

3o  Vers  panégyriques  sur  la  vie  et  mort 
de  messire  Nicolas  de  Catris.  Tournay, 
Adrien  Quinqué,  M.DCXXI,  pet.  in-8" 
de  3  ff.  et  32  pages.  On  n'en  connaît 
(lu'un  seul  exemplaire. 


609 


ENNETIÈRES  —  ENOCH 


610 


4»  La  Consolation  de  la  philosophie 
de  Severin  Boece ;  traduite  du  latin  en 
françois.  Tournay,  Adrien  Quinqué. 
M.D.C.XXIX  pet.  in-8o  de  ]  G  ff.  limin. 
et  326  pages,  sans  le  frontispice  gravé^ 
le  portrait  de  Jean  d'Ennetières  et  nne 
autre  gravure.  La  traduction  est  précé- 
dée de  la  vie  de  Boëce.  Brunet  parie  de 
la  grande  rareté  de  cette  traduction, 
mais  ajoute  "  qu'elle  ne  mérite  guère 
d'être  recherchée  « .  Le  savant  biblio- 
graphe ne  l'aura  pas  bien  examinée,  car 
elle  est  loin  d'être  ce  que  Jean  d'Enne- 
tières a  produit  de  plus  mauvais. 

5o  ie  Chevalier  sans  reproche  Jean  de 
Lalain.  Tournay,  Quinqué,  1633,  petit 
in-8o  de  7  ff.^  418  pages  et  13  pour  la 
table,  avec  frontispice  et  gravures.  C'est 
l'ouvrage  le  plus  connu  de  l'auteur,  le 
seul  même  qui  soit  mentionné  par  les 
anciens  bibliographes.  Brunet  dit  que 
c'est  une  œuvre  «  en  prose  et  en  vers  « . 
Or,  tout  y  est  en  rimes,  sauf  le  titre, 
l'approbation,  le  privilège  et  la  table. 
De  ReiflFenberg  avait,  un  peu  à  la  lé- 
gère, accusé  Jean  d'Ennetières  de  pla- 
giat, à  propos  de  ce  livre;  mais  il  a  été 
suffisamment  lavé  de  ce  reproche  mal 
fondé. 

6o  Les  Quatre  Baisers  que  Tâme  dévote 
petit  donner  à  son  Dieu  dans  ce  monde. 
Tournay,  Quinqué,  MDCXLI,  petit 
in-12  de  6  ff.  prél.  et  274  pages.  Ce 
poëme  pieux,  fort  rare,  est  en  vers  de 
huit  syllabes  et  divisé  en  4  livres. 

7"'  Sainte  Aldegonde,  comédie.  Tour- 
nay, Quinqué,  MDCXLV  (1645),  petit 
in-8o  de  3  ff.  et  103  pages.  Pièce  aussi 
rare  qu'elle  est  médiocre. 

8"  La  Vie  de  sainte  Colette.  Tournay, 
1647,  in-8".  Cette  vie  en  vers  n'a  peut- 
être  jamais  été  imprimée,  ou  bien  elle 
est  perdue;  on  n'en  connaît  aucun  exem- 
plaire. Il  en  est  de  même  d'une  : 

9"  Vita  beatœ  Magdalence .  Ces  deux 
vies,  en  vers  latins  l'une  et  l'autre, 
paraît-il ,  doivent  être  restées  manu- 
scrites. 

Jean  d'Ennetières  s'est  encore  fait 
l'éditeur  de  l'ouvrage  suivant  : 

10)  UHermite  pèlerin ,  par  Pierre  Ca- 
mus, évesque  et  seigneur  de  Belley.  Douai, 
Balth.  Bellère,  1628,  in- 8-  de  298  p., 


en  l'accompagnant  d'un  avertissement 
et  d'autres  pièces  liminaires.  Il  a  pris 
aussi  une  part  active  à  une  édition  du 
Paradis  de  la  Solitude,  par  F.  Michel  de 
Saiîite- Sabine.  Tournai,  Quinqué,  s.  d. 
pet.  in-12  de  258  pages,  précédées  de 
6  if. ,  à  laquelle  il  a  ajouté  beaucoup  de 
pièces  de  vers.  On  rencontre  en  outre 
de  ses  pièces  de  vers  dans  bon  nombre 
de  livres  publiés  de  son  temps  à  Tour- 
nai et  dans  d'autres  villes.  Tous  les 
ouvrages  de  Jean  d'Ennetières  sont  plus 
ou  moins  rares  et  se  payent  à  des  prix 
très-élevés. 

D'autres  membres  de  la  famille  d'En- 
netières se  sont  fait  connaître  par  leur 
goût  pour  la  poésie  et  les  lettres,  tant 
au  xvie  qu'au  xviie  siècle.  Tels  sont  : 
Pierre,  Claude,  Jean-Paul  et  Robert 
d'Ennetières,  pour  lesquels  on  peut  con- 
sulter la  curieuse  brochure  de  M.  Emile 
Desmazières,  intitulée  :  Nouvelles  Re- 
cherches sur  quelques  membres  de  la  famille 
d'Ejinetières.  Paris,  Leipzig  et  Tournai, 
1878,  in-8o  de  18  pages.        h.  Heibig. 

Foppens,  Biblioth.  Belgica,  p.  631.  —  Paquot, 
Mémoires,  in-fol.,  t.  III,  p.  681.  —  Messager  des 
sciences  historiques,  année  1861,  p.  220-239.  — 
/6jrf.,  année  1875,  p.  484-491.  -  Brunet,  Manuel, 
t.  Il,  col.  986;  et  la  brochure  précitée  de  M.  Des- 
mazières. 

EXOCH  (  Gaspar  -  Jean) ,  professeur , 
né  à  Bruxelles  vers  l'année  1720  et 
décédé  à  Louvain  le  4  novembre  1790, 
fit  ses  études  à  Louvain  et  devint, 
en  1744,  professeur  de  philosophie  à  la 
pédagogie  du  Château,  et  plus  tard, 
curé  du  Béguinage  de  Louvain,  profes- 
seur d'éloquence  sacrée  et  chanoine  de 
Saint-Pierre.  Dans  son  cours,  il  s'occu- 
pait spécialement  des  antiquités  ecclé- 
siastiques, dans  lesquelles  il  était  très- 
versé.  Il  légua  les  nombreux  manuscrits 
qu'il  avait  composés  au  docteur  et 
professeur  François  Yande  Velde,  qui 
parle  de  lui  avec  de  grands  éloges  dans 
plusieurs  endroits  de  son  Synopsis  niouii- 
mentorum. 

Il  existe,  au  musée  académique,  formé 
dans  la  grande  salle  de  la  bibliothèque 
de  l'université  de  Louvain,  un  grand 
portrait  du  curé  Enoch,  portant  l'in- 
scription suivante  :  (r.-J.  Exoch,Brux., 


611 


ENOCH  -  ENSCH 


612 


^T.  svm  ANXO  70.  F.  Jacquin  pinxit 

1790.  E.-H.-J.  ReuBeos. 

Annuaire  de  l'Université  catholique  de  Louvoin, 
1853,  p.  182. 

ETVJ^CH  {François,  baron  de),  homme 
de  guerre,  décoré  de  l'ordre  de  Marie- 
Thérèse,  né  à  Luxembourg  le  16  janvier 
1773  (1)  et  mort  à  Baden,  en  Autriche 
le  15  mars  1861.  Il  était  d'une  humble 
origine^  bien  que  sa  mère  appartînt  à 
une  des  premières  familles  de  l'Italie, 
dont  l'un  des  membres  avait  été  ambas- 
sadeur de  la  république  de  Venise  près 
de  l'empereur  Ferdinand  III.  Le  jeune 
Ensch  manifesta,  dès  son  enfance,  des 
goûts  qui  révélaient  un  caractère  éner- 
gique et  décidé,  et  s'enrôla,  en  1792, 
dans  le  régiment  d'infanterie  no  26,  qui 
se  trouvait,  à  cette  époque,  en  garnison 
à  Luxembourg.  Sa  conduite  et  son  appli- 
cation lui  firent  franchir,  en  peu  d'an- 
nées, lés  grades  subalternes;  il  était 
arrivé  à  celui  d'enseigne  lorsque  son 
régiment  se  rendit  sur  le  Ehin,  puis  en 
Italie,  où  il  prit  part  aux  campagnes 
contre  la  république  française.  Le 
27  mars  1799,  Ensch  fut  nommé  sous- 
lieutenant,  puis  lieutenant  le  14  juin 
1800.  Quelques  années  après,  il  passa 
dans  le  corps  des  chasseurs  tyroliens. 
Pendant  la  campagne  de  1805,  il  avait 
été  placé,  sur  sa  demande,  aux  avant- 
postes,  dans  le  désir  de  se  distinguer 
par  quelque  action  d'éclat.  L'occasion 
s'en  ofi'rit  bientôt.  La  défense  de  Mi- 
chelsberg ,  position  importante  près 
d'Uhn,  lui  avait  été  confiée.  Le  18  oc- 
tobre, il  se  vit  attaqué  par  des  forces 
imposantes;  mais,  dès  le  début  du  com- 
bat, une  balle  l'atteignit  à  la  cuisse 
gauche.  En  même  temps,  sa  compagnie, 
accablée  par  la  supériorité  numérique 
de  l'ennemi,  commençait  à  plier.  Ensch, 
en  vo\'ant  le  désordre  (jui  s'introduit 
dans  sa  troupe,  s'élance  au  milieu  de  ses 
soldats  débandés;  la  vue  du  sang  qui 
s'échappe  de  la  blessure  de  leur  com- 
mandant les  rappelle  au  devoir;  ils  se 
précipitent  sur  les  Français,  les  arrêtent 
et  soutiennent  avec  bonheur  un  combat 
inégal  jusqu'à  l'arrivée  de  renforts  qui 

(1)  L'état  de  service  dit  1779.  —  Hirtonfcld  dit 


viennent  les  délivrer.  Au  moment  où  il 
faisait  cet  effort  suprême,  Ensch  est 
frappé  d'une  seconde  balle  dans  le  flanc 
droit  et  tombe  évanoui  sur  le  champ  de 
bataille  !  Sa  belle  conduite  dans  cette 
affaire  lui  valut  d'être  cité  dans  un 
ordre  du  jour  à  l'armée  ;  elle  lui  fit 
décerner  plus  tard  la  croix  de  chevalier 
de  l'ordre  de  Marie-Thérèse  (1er  mars 
1808).  Le  prince  Charles,  qixi  avait  été 
témoin  de  l'héroïsme  déployé  par  Ensch 
au  Michelsberg,  voulut  attacher  lui- 
même  la  décoration  sur  la  poitrine  du 
noble  soldat.  Il  obtint,  en  outre,  pour 
lui  le  titre  de  chevalier  et  le  brevet  de 
capitaine. 

La  campagne  de  1809  fournit  au 
chevalier  de  Ensch  plus  d'une  occasion 
de  se  distinguer  :  citons,  entre  autres 
combats,  les  batailles  d'Aspern  et  de 
Wagram,  où  sa  brillante  conduite  lui 
valut  non-seulement  le  grade  de  major, 
mais  encore  des  lettres  patentes  de 
noblesse  lui  conférant  le  titre  de  baron. 
Ces  lettres  patentes,  qui  sont  datées  du 
22  mai  1813,  rappelent  les  états  de 
service  de  Ensch,  et  constituent  la  bio- 
graphie complète  de  cet  intrépide  guer- 
rier jusqu'au  jour  où  il  fut  anobli; 
mais  il  reste  à  y  ajouter  plusieurs  faits 
d'armes  glorieux;  car  pendant  les  cam- 
pagnes de  1814  et  de  1815,  le  baron  de 
Ensch  continua  de  combattre  vaillam- 
ment en  Italie,  surtout  le  25  avril  1815 
au  passage  de  la  Eonco. 

En  1821,  ayant  été  nommé  lieute- 
nant-colonel, il  fit  partie  du  corps  d'ar- 
mée que  le  général  baron  Frimont  con- 
duisit dans  les  Abruzzes  et  en  Calabre, 
pour  y  combattre  l'insurrection  des 
Napolitains.  Là  encore,  le  baron  de 
Ensch  rendit  les  plus  grands  services. 
Le  grade  de  colonel  lui  fut  donné  en 
1831  (20  janvier),  et  celui  de  général 
lionoraire  en  1836,  lorsque  l'âge  et  les 
nombreuses  blessures  qu'il  avait  reçues 
pendant  une  carrière  de  près  d'nn  demi- 
siècle  le  forcèrent  à  solliciter  l'autori- 
sation de  se  reposer.  En  lui  accordant 
sa  retraite,  l'empereur  y  attacha  des 
avantages  particuliers. 

Indépendamment  de  la  croix  de  l'ordre 
de  Marie-Thérèse,  le  baron   de   Enscli 


613 


ENSCH  —  EPINOY 


614 


avait  reçu  les  décorations  de  Saint-Fer- 
dinand et  de  Saint-Georges  des  Deux- 
Siciies,  et  il  était  membre  de  première 
classe  de  l'institution  militaire  Elisa- 
beth-Thérésienne,  ordre  distingué  qui 
ne  peut  être  conféré  qu'à  vingt  et  un 
officiers  du  grade  de  colonel  ou  de  géné- 
ral, pour  une  carrière  de  plus  de  trente 
ans  de  service. 

Le  baron  de  Ensch  avait  épousé  en 
premières  noces,  en  1814,  la  fille 
unique  du  baron  Hauer,  ministre  des 
finances  de  l'empire  d'Autriche;  il  con- 
tracta une  seconde  alliance,  en  1820, 
avec  Mlle  Claire  de  Lindenheim,  qui  le 
rendit  père,  entre  autres  enfants,  d'un 
fils,  aujourd'hui  officier  supérieur  dans 
l'armée  autrichienne. 

Géneial  baron  Guillaume. 

Hirlenfeld,  Der  militai-  Maria  Tlieresien  or- 
den.  —  D""  Neyen,  Bioy.  luxeinbourqeoixe.  — 
Archives  militaires  de  la  chancellerie  de  Vienue. 

EPixoY  {Philipotte- Christine  de  La- 
laing,  princesse  d')  était  la  fille  d'Em- 
manuel-Philibert de  Lalaing,  et  d'Anne 
de  Croy,  marquise  de  Renty,  vicomtesse 
de  Bourbourg,  dame  de  Chièvres  ;  elle  na- 
quit probablement  à  Condé,  au  château  de 
son  père  Philibert,  baron  de  Montigny, 
seigneur  de  Condé  et  de  Leuze,  cheva- 
lier de  la  Toison  d'or  et  amiral  de  la 
mer.  Elle  épousa  Pierre  de  Melun, 
prince  d'Epinoy,  marquis  de  Riche- 
bourg,  baron  d'Antoiug,  de  Werchin  et 
autres  terres,  sénéchal  de  Haiuaut,  gou- 
verneur de  Tournai.  Ce  grand  seigneur 
tenait  le  gouvernement  de  Tournai  pour 
les  états  généraux ,  en  révolte  contre 
l'autorité  de  Philippe  II. 

Cependant,  le  prince  de  Parme  venait 
de  succéder,  dans  le  gouvernement  de  nos 
provinces,  à  Requesens  et  à  don  Juan 
d'Autriche.  Ce  nouveau  gouverneur, 
habile  autant  que  brave,  ayant  appris 
que  le  prince  d'Epinoy  était  allé  soutenir 
en  Flandre  la  cause  du  prince  d'Orange 
(septembre  1581),  se  décida  à  profiter 
aussitôt  de  cette  absence  et  i\  tenter  une 
entreprise  sur  Tournai,  dont  la  garni- 
son, considérablement  diminuée ,  sem- 
blait ne  pouvoir  ottrir  une  bien  longue 
résistance. 

TjC   prince   d'Epinoy   avait   laissé  sa 


femme  en  qualité  de  gouvernante  de  la 
ville,  en  lui  adjoignant,  pour  les  affaires 
militaires,  son  lieutenant  le  sire  d'Es- 
trelles.  La  ville  fut  aussi  bien  défendue 
que  le  pouvait  être  une  place  assez  mal 
fortifiée  et  n'ayant  qu'une  garnison  de 
quelques  centaines  de  combattants. 

Voici  ce  que  dit  Bentivoglio  du  rôle 
de  notre  héroïne  pendant  ce  siège  mé- 
morable :  "  Aussitôt  que  la  tranchée 
«  eut  été  ouverte  et  poussée  assez  loin, 
"  on  établit  trois  batteries  contre  les 
«  trois  ouvrages  dont  on  vient  de  par- 
II  1er.  Les  assiégés  firent  un  feu  très- 
"  vif  du  haut  de  ces  boulevards,  et  la 
Il  considération  de  leur  petit  nombre  ne 
Il  les  empêcha  pas  de  se  signaler  par 
Il  de  vigoureuses  sorties.  La  princesse 
Il  d'Epinoy  enflammait  leur  ardeur  et 
Il  s'acquittait  avec  une  activité  incroya- 
«  ble  des  fonctions  du  gouverneur  le 
"  plus  vigilant.  Elle  exhortait  les  uns. 
Il  suppliait  les  autres,  menaçait,  cares- 
II  sait  tour  à  tour,  montrant  elle-même 
Il  l'exemple,  et  n'épargnait  rien  pour 
Il  prolonger  sa  résistance.  Mais  Farnèse 
"  avait  l'œil  à  tout  «...  Poussant  avec 
\'igueur  ses  tranchées,  faisant  agir  avec 
plus  de  force  que  jamais  sa  terrible  artil- 
lerie, qui  ne  cessa  de  jeter  dans  la  place 
un  nombre  toujours  plus  considérable 
de  projectiles,  ne  cessant  de  battre  les 
ouvrages  de  défense,  il  eut  enfin  la 
satisfaction  de  voir  la  brèche  assez  large 
pour  tenter  un  assaut. 

"  Rien  n'égalait,  continue  Bentivo- 
II  glio,  la  valeur  et  la  bonne  volonté 
Il  avec  laquelle  les  assiégeants  s'y  pré- 
"  paraient,  si  ce  n'est  le  courage  et  la 
Il  résolution  des  assiégés  à  l'attendre. 
Il  Le  combat  fut  terrible  et  meurtrier. 
Il  On  perdit  beaucoup  de  monde  des 
"  deux  côtés.  La  princesse  d'Epinoy  se 
Il  distingua  surtout  au  plus  fort  de  la 
"  mêlée,  avec  une  bravoure  prodigieuse. 
Il  Courant  au-devant  du  danger,  elle 
"  criait  à  ses  soldats  :  C'ed  moi,  cest  la 
Il  femme  de  votre  gouverneur,  qui  marche 
Il  à  votre  tête  et  sait  braver  la  mort  pour 
Il  le  service  de  la  patrie.  Suive:  mon 
Il  exemple,  je  quitterai  plutôt  la  vie  que 
•1  la  brèche.  Cette  héroïne,  accompa- 
"   gnant   ce  peu  de  mots   par  des  faits 


615 


EPINOY  —  ERACLE 


616 


Il  d'armes  étonnants,  se  précipite  au 
Il  milieu  du  carnage  et  est  blessée  au 
»  bras.  Les  assiégés,  jaloux  de  l'imiter, 
H  se  battent  avec  tant  de  valeur,  que 
Il  les  assiégeants  sont  repoussés  et  coîi- 
«  traints  de  se  retirer  après  avoir  perdu 
«   beaucoup  de  monde.    « 

Cet  héroïsme  et  la  blessure  reçue  sont 
attestés  par  le  cardinal  Bentivoglio  dans 
son  Histoire  des  giierres  de  ïlandre;  par 
Le  Petit,  dans  sa  Grande  chronique  an- 
cienne et  moderne,  imprimée  à  Dordrecht; 
par  Leclercq,  dans  son  Histoire  des  Pro- 
vinces-unies des  Pffy6-^«5;parEmmanuel 
van  MetereUjdans  son  Histoire  des  Pays- 
Bas;  par  Strada,  qui  "  a  appris  de  la 
»  comtesse  d'Egmont,  dont  le  père  était 
Il  au  siège  de  cette  ville,  que  la  prin- 
«  cesse  avait  reçu  au  bras  une  blessure. 
Il  s'étant  meslée  avec  ceux  qui  combat- 
II  talent  «  ;  par  M.  Chotin  et  par  le 
comte  de  Melun,  qui  partagent  l'opinion 
d'un  autre  historien,  chanoine  de  la  ca- 
thédrale de  Tournai. 

Ln  écrivain  distingué,  M.  Gachard, 
dont  l'autorité  est  bien  grande,  sans  con- 
tester absolument  le  fait  de  la  blessure, 
émet  des  doutes  sur  son  authenticité.  Il 
nous  est  impossible  de  partager  ce  doute, 
en  présence  des  autorités  que  nous 
venons  de  citer.  Nous  ferons  remarquer 
queWarny  de  Wisempier,  auteur  d'une 
relation  du  siège,  ne  parle  guère  de  la 
gouvernante,  si  ce  n'est  pour  rapporter 
les  paroles,  faits  et  gestes  qui  peuvent 
lui  nuire  dans  l'esprit  des  partisans  du 
roi;  que  la  lettre  de  condoléance,  écrite 
par  l'archiduc  Mathias  à  la  princesse,  à 
propos  d'une  blessure  qu'elle  avait  reçue 
en  1579,  ne  prouve  pas  que  l'héroïne 
de  Tournai  ne  puisse  avoir  été  blessée 
en  158 J.  On  a  encore  objecté  que  les 
dépêches  de  Farnèse  à  Philippe  II  n'en 
parlent  pas  non  plus  :  mais  est-il  bien 
certain  qu'aucune  de  ces  dépêches  ne  se 
soit  égarée  ?  Quoi  qu'il  en  soit,  malgré 
cette  belle  défense,  les  forces  des  assié- 
gés diminuaient  sensiblement  :  déjà  la 
lutte  suprême  avait  coûté  près  de  deux 
cents  hommes,  et  l'ardeur  des  bourgeois 
attachés  aux  idées  nouvelles  allait  en 
s'affaiblissant.  C'est  en  vain  que  la  prin- 
cesse voulait  leur  faire  partager  la  réso- 


lution de  vaincre  ou  de  s'ensevelir  sous 
les  ruines  de  Tournai.  C'est  en  vain 
aussi  qu'elle  espérait  l'arrivée  de  secours 
considérables  promis  par  son  mari  et  par 
le  duc  d'Alençon  ;  elle  dut  se  résigner  à 
traiter  et  à  rendre  la  ville  à  l'armée 
royale. 

Elle  obtint  toutefois,  par  la  capitula- 
tion, l'autorisation  de  pouvoir  sortir  de 
la  place  avec  tout  ce  qu'elle  possédait 
et  avec  la  facxdté  de  se  rendre  où  elle 
voudrait.  Elle  se  réfugia  à  Anvers  dans 
un  couvent  et  y  mourut  l'année  sui- 
vante. A..g.  Alvin. 

Nobiliaire  des  Pays-Bas.  —  Bentivoglio,  His- 
toire des  guerres  de  Flandre.  — Le  Petit,  Grande 
chronique  ancienne  et  moderne,  Dordrecht,  1601. 
—  Leclercq,  Histoire  des  Prorinces- Unies.  — 
Em.  DeMeteren,  Histoire  des  Pays-Bas,  i6l8.  — 
Strada,  1661.  —  Chotin,  AVarny  de  Wisempier.  — 
Comte  de  Meluu,  Note  présentée  n  la  Société 
littéraire  de  Lille.  —  Chanoine  Voisin  de  la 
cathédrale  de  Tournai. 

EPiiSCOPiiiiii  (Philippe),  poète  latin, 
né  à  Gand.  xvie  siècle.  Voir  De  Bis- 
SCHOP  {Philippe). 

EPPES  {Jean  n'),  évêque  de  Liège, 
xiiie  siècle.  Voir  Jean  d'Eppes. 

£RACL.E  OUEVERACB.E,  XXVe  évê- 

que  de  Liège,  successeur  de  Balderic  1er 
et  prédécesseur  de  Notger,  gouverna 
son  église  «  en  bon  pasteur  «  pendant 
douze  ans,  de  959  à  971,  date  de  sa 
mort  (27  octobre).  Il  appartenait  à  une 
famille  noble,  d'origine  saxonne:  mais 
c'est  à  son  savoir,  à  ses  qualités  person- 
nelles et  à  ses  vertus  qu'il  dut  surtout 
son  illustration.  Il  étudia  d'abord  à 
Cologne,  puis  s'initia  plus  profondément 
aux  belles-lettres  sous  la  direction  du 
célèbre  et  malheureux  Rat  hère  (voy.  ce 
nom),  qu'il  connut  soit  au  pays  de  Liège, 
soit  en  Allemagne.  Eracle  se  plut  tou- 
jours à  le  nommer  son  maître  et  se  fit 
un  devoir  de  le  soutenir  jusqu'à  la  fin, 
dans  les  circonstances  les  plus  dirticiles. 
Nommé,  jeune  encore,  prévôt  de  l'église 
de  Bonn,  Eracle  fut  élevé  au  siège 
vacant  de  Liège  sur  la  recommandation 
d'Othon  I",  qui  l'avait  pris  en  affection, 
et  de  l'archevêque  de  Cologne  Brunon, 
frère  de  l'empereur  et  aussi  élève  de 
Rathère.  Il  n'est  point  inutile  de  noter, 
à  ce  propos,   que  l'èvèché  de  Liège  ne 


617 


ERACLE 


618 


constituait  pas,  à  cette  époque,  une 
principauté  indépendante  ;  les  succes- 
seurs de  Charlemagne  en  Austrasie  se 
réservaient  le  droit  d'approuver  ou  de 
rejeter  le  choix  que  le  clergé  et  le  peu- 
ple faisaient  d'un  pasteur;  quelquefois 
même  ils  désignaient  leur  candidat  pré- 
féré sans  consulter  personne  (Ij.  Hâtons- 
nous  d'ajouter  que  ce  ne  fut  point  le  cas 
pour  Eracle  qui,  loin  d'être  imposé  à 
ses  futures  ouailles,  put  se  prévaloir  de 
leurs  suffrages  unanimes. 

Il  justifia  bientôt  la  confiance  dont  il 
était  l'objet,  en  s'appliquant  avec  un 
grand  zèle  à  relever  les  écoles  de  Liège, 
légitimement  célèbres  sous  l'évêque 
Francon,  qui  y  avait  importé  les  tradi- 
tions de  l'école  palatine  des  Carlovin- 
giens.  Leur  lustre  ne  s'était  point  terni 
sous  Etienne,  formé  à  Metz  et  placé  à  la 
tète  de  la  savante  abbaye  de  Lobbes 
avant  d'être  appelé  à  l'épiscopat.  Mais 
des  troubles  intérieurs  avaient  ensuite 
agité  l'église  liégeoise  et  paralysé  les 
efforts  de  Rathère,  l'un  des  hommes  les 
plus  instruits  du  siècle.  Balderic  1er  eut 
de  bonnes  intentions,  c'est  tout  ce  qu'on 
en  peut  dire.  Enfin  Eracle  parut,  et 
sous  son  impulsion  vigoureuse,  l'école- 
cathédrale  de  Liège  ne  tarda  pas  à 
occuper  le  premier  rang  parmi  toutes 
celles  du  nord-ouest  de  la  Germanie. 
L'ambition  d'Eracle  était  de  la  voir 
rivaliser  avec  l'école  de  Tours,  si  bril- 
lante au  temps  de  Charlemagne.  Sa 
pensée  s'accuse  par  le  seul  fait  qu'il 
adopta  saint  Martin  pour  patron  ;  de 
plus,  lorsqu'il  eut  fondé  un  collège  de 
trente  chanoines  sous  l'invocation  du 
même  saint,  il  voulut  que  des  rela- 
tions étroites  {conjraternitas)  s'établissent 
entre  eux  et  leurs  collègues  de  la  ïou- 
raine.  Il  institua,  d'autre  part,  des  cours 
d'études  dans  un  grand  nombre  de  mo- 
nastères de  son  diocèse,  fit  venir  de 
l'étranger  des  clercs  renommés,  et  n'épar- 
gna point  ses  propres  fonds  pour  les 
récompenser  dignement.  Il  visitait  fré- 
quemment les  classes,    ne  cessant  d'ai- 

\\)  Vilienfagne,  à  qui  ap|)articnl  coUc  remar- 
que iRech.,  t.  1,  p.  '2in\  rétule  l'opinioa  de  ceux 
nui  prétendent  qu'F^acle  porta  le  premier  le  titre 
aévêifue  <l>-  Litçie ;  Farahert  aurait  déjà  pris 
cette  qualification  au  concile d'Ingellieim,  en  948. 


guillonner  les  élèves,  excitant  leur  ému- 
lation, recommandant  aux  maîtres  de 
n'abandonner  un  sujet,  dussent-ils  y 
revenir  cent  fois,  que  quand  ils  seraient 
tout  à  fait  sûrs  d'avoir  été  bien  compris. 
De  loin  comme  de  près,  il  surveillait  les 
progrès  de  la  jeunesse.  Othon  et  Brunon 
l'appelaient  souvent  auprès  d'eux  pour 
s'éclairer  de  ses  conseils  :  ces  absences 
se  prolongeaient-elles,  il  avait  soin  d'en- 
tretenir une  correspondance  suivie  avec 
ses  collaborateurs  :  tantôt  c'étaient  de 
petites  pièces  de  vers  de  sa  façon,  desti- 
nées à  stimuler  les  étudiants,  tantôt  de 
douces  exhortations  à  ses  cliersjils,  pour 
leur  faire  apprécier  les  avantages  d'une 
instruction  solide.  M.  Cramer  croit  pou- 
voir inférer  d'un  ancien  texte  {lectiones 
majuscidis  tradidit),  qu'il  recommandait 
une  méthode  d'enseignement  mutuel  ana- 
logue à  celle  qui  a  illustré  de  nos  jours 
le  nom  de  Lancaster.  Cette  méthode,  au 
reste,  n'était  pas  nouvelle;  on  en  re- 
trouverait des  traces  jusque  chez  les 
juifs,  et  elle  avait  été  pratiquée  en  521 
par  Ferreolus,  évêque  de  Xarbonne.  On 
lit  dans  sa  règle  monastique  :  »  Les 
»  élèves  se  répartiront  en  décuries  pour 
»  réciter  les  psaumes  de  mémoire  ; 
//  chaque  décurie  aura  son  lecteur  (son 
«  moniteur f  dirait-on  aujourd'hui),  qui 
«  prescrira  aux  autres  ce  qu'ils  auront 
«  à  faire.  «  Ce  procédé  s'est  retrouvé 
plus  tard  chez  les  Frères  de  la  vie  com- 
mune. 

Eracle  était  passionné  pour  les  sciences  ; 
dans  ses  voyages,  il  saisissait  toutes  les 
occasions  d'étendre  ses  connaissances 
en  conversant  avec  des  gens  d'élite.  Il 
n'était  pas  seulement  versé  dans  la  litté- 
rature ancienne  ;  les  mathématiques  et 
l'astronomie  l'occupaient  volontiers.  Le 
trait  suivant  prouve  du  moins  qu'il  ne 
partageait  pas  les  grossières  erreurs  de 
ses  contemporains.  Othon  1er  étant  parti 
en  969  pour  une  expédition  en  Calabre, 
l'armée  allemande  tout  entière  fut  ter- 
rifiée par  une  éclipse  totale  de  soleil.  On 
crut  à  la  fin  du  monde,  on  se  débanda, 
on  chercha  des  antres  pour  se  cacher. 
Eracle,  témoin  de  cette  panique,  parvint 
à  ramener  et  à  rassurer  les  fuyards,  en 
leur  faisant  comprendre  clairement  qu'il 


649 


ERACLE  —  ERLEBOLD 


20 


ne  s'agissait  que  d'uu  événement  natu- 
rel. Le  soleil  reparut;  la  peur  fit  place  à 
de  joyeuses  acclamations. 

Eracle  érigea  non-seulement  la  collé- 
giale de  Saint-Martin  au  Publémont, 
mais  celle  de  Saint-Paul  en  Isle;  il  fonda 
en  outre  la  célèbre  abbaye  de  Saint- 
Laurent,  mais  n'eut  pas  le  temps  de  la 
voir  achevée  :  il  ne  put  faire  construire 
que  la  chapelle  souterraine  et  quelques 
bâtiments  qui  lui  servirent  d'abord  à 
assurer  un  asile  à  l'évêque  grec  Léon, 
exilé.  On  est  fondé  à  croire  que  ce  prélat 
employa  ses  loisirs  à  initier  les  clercs 
liégeois  à  la  langue  de  son  pays. 

Les  derniers  jours  de  notre  évèque 
furent  assombris  par  des  désordres  pu- 
blics dont  la  véritable  cause  est  restée 
un  mystère.  Voulut-il,  comme  l'ont  pré- 
tendu les  adversaires  de  la  politique  qui 
prévalut  sous  Xotger,  asservir  la  cité, 
qui  voulait  relever  directement  et  uni- 
quement de  l'empire?  Pensa-t-il  plutôt 
à  mettre  un  frein  à  l'audace  de  quel- 
ques seigneurs,  à  contenir  leur  violence? 
Xous  n'essayerons  pas  de  résoudre  ces 
questions.  Toujours  est-il  qu'un  homme 
de  sang  noble,  Henri  de  Marlague, 
accompagné  «  de  puissants  amis  et  de 
jouvenceaux  « ,  envahit  le  palais  épisco- 
pal  et  en  vida  les  celliers  si  bel  et  si 
bien,  disent  les  chroniqueurs,  que  les 
ruisseaux  de  vin  coulèrent  jusque  dans 
la  Meuse.  Eracle  dédaigna  de  se  venger; 
Xotger,  plus  tard,  s'acquitta  de  ce  soin 
avec  une  rigueur  qui  trahit  la  barbarie 
des  mœurs  de  ce  temps  :  Henri  de  Mar- 
lagne  fut  pendu  avec  environ  deux  cents 
de  ses  adhérents  ! 

Eracle  mourut  paisiblement,  comme 
il  avait  vécu;  on  l'inhuma,  selon  son 
désir,  dans  l'église  de  Saint-Martin.  Il 
nous  reste  de  lui  deux  écrits  :  1°  une 
lettre  adressée  à  Eathère,  lorsque  celui- 
ci  eut  été  rétabli  sur  son  siège  de  Vé 
rone.  »  Quoiqu'elle  ne  soit  qu'une 
«  effusion  du  cœur,  disent  les  bénédic- 
«  tins  de  Saint-Maur,  le  style  n'en  est 
u  pas  assez  naturel.  «  —  2  >  La  relation 
d'un  miracle  dont  il  aurait  lui-même  été 
favorise,  ayant  été  guéri  par  l'interces- 
sion de  saint  Martin  de  Tours  «  d'une 
espèce  de  cancer  auquel  on  ne  trouvait 


aucun  remède  « .  La  fondation  de  l'église 
du  Publémont  et  l'établissement  de  rap- 
ports de  confraternité  entre  les  deux 
églises  de  Liège  et  de  Tours  seraient  dus 

à  cette  circonstance.  Alphonse  Le  Roy. 

Les  historiens  de  Luge  (Fisen,  Foullon,etc.).  — 
Martène,  Amptissima  coÙectio,  t  IV.  —  Gallia 
Lhristiana.  —  Histoire  littéraire  de  la  France, 
t.  Vil,  p.  335.  —  Villenfagne,  Recherches.  —  Cra- 
mer, Gesch.  des  L'nterrichls  in  deu  yiederlanden. 
—  Stallaert  et  Vander  Haeghen,  De  l'instruction 
publique  au  moyen  âge. 

ERARD    DE   E.%   MARCK,    dit   CÂB- 

DiXAL  DE  Bouillon,  prince-évêque  de 
Liège,  mort  en  1538.  Voir  ^Lvkck 
(Erakd  de  la). 

ERLEBOLD,  XLIVe  abbé  de  Stave- 
lot,  profès  de  l'abbaye  bénédictine  de 
Saint-Laurent  à  Liège.  Son  frère  utérin, 
le  célèbre  Wibald,  élu  abbé  de  Stavelot 
en  1130,  le  fit  entrer  dans  cette  maison 
avec  le  titre  d'archiviste  et  de  chapelain, 
et  c'est  à  lui  qu'il  en  confiait  l'adminis- 
tration pendant  ses  fréquentes  absences. 
Il  le  chargeait  de  missions  plus  délicates 
lorsque  des  difficultés  s'élevaient  entre 
les  abbayes  de  Waulsort  et  de  Hastiere. 
Erlebold  réussit  à  les  aplanir  et  fut 
dépêché  à  Rome  sous  Etienne  III,  à 
propos  de  l'envahissement,  par  le  comte 
de  X'amur,  de  la  villa  de  Tourines-la- 
Chaussée,  en  Hesbaye,  localité  qui  ap- 
partenait à  l'abbaye  de  Stavelot.  Cette 
affaire  avait  été  arrangée  une  première 
fois  en  1139,  par  Albéron  I^r,  prince- 
évêque  de  Liège,  mais  de  nouveaux  dif- 
férends étant  survenus,  ce  fut  seulement 
vers  1151  qu'ils  prirent  fin,  grâce  aiLN 
eff'orts  d'Erlebold.  Wibald  étant  mort  le 
11  juillet  115 S,  au  moment  qu'il  reve- 
nait d'une  ambassade  près  de  l'empereur 
d'Orient,  à  Buthélie  en  Paphlagonie, 
Erlebold  fut,  à  l'unanimité,  appelé  à  lui 
succéder.  Son  premier  soin  fut  de  faire 
revenir  la  dépouille  mortelle  de  son  frère 
à  Stavelot,  où  il  la  reçut  en  grf^nde 
pompe  en  1159.  Le  prince-évêque  Henri 
de  Leyen  assista  à  cette  cérémonie. 
Erlebold  profita  de  sa  présence  pour  lui 
faire  consacrer  la  chapelle  de  Saint- Vith, 
contiguë  à  l'abbaye,  et  que  Wibald  avait 
fait  construire.  Cette  même  année  il 
autorisa  Adélard  de  Roanne  à  bâtir  une 
chapelle  à  Bernard-Fagne  (aujourd'hui 


6-21 


ERLEBOLD  —  ERMEL 


62-2 


Saint-Roch),  laquelle  devint,  en  1250, 
uu  monastère  desservi  par  les  frères 
Guillemins  de  Liège,  de  l'ordre  de 
Saint -Augustin.  En  1161,  l'antipape 
Victor  IV  lui  accorda  le  droit  de  porter 
l'anneau,  la  mitre,  la  dalmatique,  les 
sandales,  non-seulement  sur  ses  terres 
abbatiales,  mais  encore  à  la  cour  impé- 
riale. De  plus  il  l'autorisait  à  haranguer 
le  peuple  dans  l'église,  fonction  qui  ne 
pouvait  s'exercer  alors  qu'en  vertu  d'un 
privilège  ou  commission  spéciale.  Erle- 
bold  à  qui  ce  privilège  avait  été  confié, 
le  transmit  à  ses  successeurs,  élevés  dès 
lors  comme  lui  au  rang  d'abbés  mitres. 
En  1167,  l'évêque  de  Liège,  Alexan- 
dre II,  accordci  à  Erlebold  la  paroissiale 
de  îStavelot  avec  les  filiales  de  Roanne, 
Gleize  et  Francorchamps,  avantage  dont 
il  profita  jusqu'en  1182  et  qu'il  trans- 
mit alors  au  prieur  et  à  son  chapitre,  à 
charge  de  célébrer  une  messe  quoti- 
dienne. Il  renouvela  en  1179  la  confra 
ternité  entre  les  deux  monastères  de 
iStavelot  et  de  Malmèdy,  de  même 
qu'avec  le  chapitre  de  Sainte-Marte  ad 
gra/ht-Sy  à  Cologne,  et  la  maison  de  Cor- 
nelimunster.  Malmédy  doit  à  la  charité 
de  ce  dignitaire  l'érection  de  la  chapelle 
de  tSainte-Marie-Madeleine,  dite  des 
Malades,  qu'il  dota  pour  y  recevoir  les 
ladres  :  telle  fut  l'origine  du  premier 
hospice  de  Stavelot,  dont  la  chapelle, 
reconstruite  depuis,  existe  encore.  En 
1192,  Erlebold,  très-àgé  et  voulant 
mieux  se  préparer  à  la  mort,  se  démit 
volontairement  de  sa  charge.  Il  expira 
le  4  mars  1193.  Tout  porte  à  croire 
qu'il  était,  de  même  que  Wibald,  né  au 
pays  de  Stavelot,  Leur  frère  Erhebert 
était  chancelier  de  l'empereur  Conrad, 
qu'il  accompagna  en  Palestine,  en  115  8. 
Le  château  paternel,  dont  il  était  devenu 
possesseur,  lui  fut  enlevé  avec  d'autres 
biens  appartenant  à  l'abbaye,  par  Henri 
de  Laroche,  que  l'évêque  de  Liège 
admonesta  pour  ce  fait,  au  nom  du 
pape.  La  sœur  de  Wibald,  d'Erlebold  et 
d'Erhebert  prit  le  voile  au  monastère  de 
Gerisheim,  dont  elle  devint  abbesse. 

J.  s.  Renier. 
Manuscrit  De  Villers.  —  A.  de  Noue.  —  A.  Cour- 
lejoie.  —  Ue  Becdelicvrc,  litoijrapliie   liégeoise, 
k  la  date  1166. 


ERMEii  {Louifs-Comtant)y  instrumen- 
tiste et  compositeur,  né  à  Gand  le  37  dé- 
cembre 1798,  mort  à  Paris  en  1870.  Il 
apprit  les  éléments  de  la  musique  et  l'art 
du  pianiste,  sous  la  direction  de  son 
père,  originaire  de  Mons,  et  établi  dans 
la  ville  de  Gand  dès  l'année  1762. 
Pianiste  distingué,  compositeur  et  chan- 
teur aimable ,  »  personne ,  dit  1'^»- 
tiuaire  dramatique  hehje  pour  1843,  ne 
Il  chantait  la  romance  avec  plus  de  goût 
Il  et  de  pureté  \  sa  méthode  d'enseigne- 
II  ment  était  excellente  et  éprouvée,  et 
«  nombre  de  nos  pianistes  les  plus  bril- 
II  lants  dans  les  classes  distinguées  de 
"  la  société  étaient  ses  élèves.  Ermel 
Il  a  également  écrit  la  musique  et  sou- 
II  vent  les  paroles  de  plusieurs  canti- 
"  lènes  et  aria  qu'on  entend  quelque- 
'/  fois  chanter,  et  qui  plaisent,  sinon 
"  par  la  fougue  et  la  verve  du  composi- 
«  teur,  du  moins  par  la  vérité  et  les 
Il  grâces  de  l'expression  et  du  senti- 
"    ment.    » 

Louis  Ermel  doué  des  plus  heureuses 
dispositions,  put,  à  peine  âgé  de  huit  ans, 
tenir  le  piano  dans  un  trio  de  Haydn. 
Pour  compléter  son  instruction  musi- 
cale, il  se  rendit  à  Paris  et  entra,  en 
1820,  comme  élève  au  conservatoire  de 
cette  ville,  où  il  obtint  de  brillants  suc- 
cès. L'année  même  de  son  admission,  il 
remporta  le  premier  prix  d'harmonie  et 
le  second  de  piano;  en  1821,  le  pre- 
mier prix  de  piano  et  le  second  prix 
de  fugue.  En  1823,  lors  du  concours  à 
l'Académie  des  beaux-arts,  de  l'Institut 
de  France,  il  reçut  le  grand  prix  de 
Rome. -Le  sujet  du"  concours  était  la  can- 
tate avec  orchestre  de  Pyrame  et  Thishé. 
Ce  succès  lui  donnait  le  titre  et  les 
avantages  de  pensionnaire  du  gouver- 
nement, avec  un  traitement  annuel  de 
3,600  francs,  pour  voyager  pendant 
trois  ans  à  l'étranger.  La  société  royale 
des  Beaux-Arts  de  la  ville  de  Gand  lui 
décerna  en  séance  publique  une  médaille 
d'or,  comme  expression  de  satisfaction. 

Ermel  résida  plusieurs  années  en 
Allemagne  et  en  Italie,  visita  successi- 
vement Rome,  Naplcs  et  Milan.  A  son 
passage  par  Florence,  le  grand-duc  de 
Toscane   le   détermina  à    se    rendre    à 


623 


ERMEL 


ERMENS 


6-24 


Vienne,  où  l'empereur  le  combla  de 
présents. 

On  connaît  de  lui  :  lu  Une  ouverture, 
exécutée  à  Vienne  à  la  cour  impériale. 

—  2°  Une  messe  à  grand  orchestre,  qu'il 
envoya,  en  1826,  de  Vienne  à  la  société 
royale  des  Beaux-Arts  de  Gand,  comme 
témoignage  de  reconnaissance  et  qui  fut 
l'objet ,  à  l'Institut  de  France  ,  d'un 
rapport  spécial,  très -flatteur  pour  le 
jeune  compositeur;  la  société  des  Beaux- 
Arts  de  Gand  fit  exécuter  solennelle- 
ment cette  messe  dans  l'église  de  Saint- 
Michel,  en  présence  des  autorités.  — 
3"  Une  cantate,  intitulée  le  Drapeau 
belge,  composée  en  1834,  lors  du  con- 
cours pour  l'anniversaire  de  la  révolu- 
tion de  1830,  et  qui  lui  valut  le  se- 
cond prix.  —  -lo  Le  Testament,  opéra 
comique  en  un  acte,  représenté  à  Liège, 
le  6  mars  1836,  puis  au  théâtre  de 
Bruxelles,  en  1838.  —  5»  Un  solfège 
choral  transporté,  pubUé  à  Paris  chez 
Brandus,  in-8o.  —  6o  Un  Stabat  mater, 
à  grand  orchestre,  exécuté  dans  diffé- 
rentes églises.  Cette  œuvre,  couronnée 
en  1 841 ,  par  la  société  royale  des  Beaux- 
Arts,  fut  chantée  ensuite  par  la  société 
des  chopurs  et  les  élèves  du  conserva- 
toire de  musique,  accompagnés  d'un 
orchestre  de  quatre-vingts  musiciens. 
Le  Messager  de  Gand,  rendant  compte 
de  cette  solennité,  accorda  les  plus 
grands  éloges  à  cette  composition,  et 
finit  son  appréciation  en  disant  que 
«  chaque  partie  de  cette  œuvre,  qui 
»  suflirait  pour  assigner  à  l'auteur  une 
«  place  distinguée  parmi  les  composi- 
•  teurs  dont  la  Belgique  s'honore,  a  été 
"  accueillie  par  des  applaudissements 
«  souvent  réitérés  de  l'assemblée.  » 
A  la  sollicitation  de  la  société  royale  des 
Beaux-Arts,  le  ministère  de  l'intérieur 
accorda  un  subside  à  l'auteur  pour  pu- 
blier cette  vaste  composition  religieuse. 

Aiig.  V.indiT  .Meersch. 

Fr.  P'élis,  Biographie  des  mnsii  ietis,^''  édiiion. 

—  Edm.  De  Busscher,  Précis  historique  de  la  so- 
ciiié  royale  des  lieaitx-Àris  de  Gand,  p.  i06  et 
I.To-l.')7.  —  Supplément  et  cowplonent  a  la  Bto- 
(jraphie  universelle  des  musiciens  de  F.-J.  Fetis, 
par  A.  Pougin,  1878.  —  Renseignements  |)arli- 
culiers. 

KRMKXA   {Joseph),  bibliophile,  né  à 


Bruxelles  en  1736,  où  il  fut  baptisé  le 
18  mars  dans  l'église  de  Saint-Xicolas, 
mort  dans  la  même  ville  le  27  ventôse 
an  XIII  (18  mars  1805).Ermens  étaitfils 
de  Corneille  Ermens  et  de  Catherine  van 
Ophem.  Il  fut  longtemps  établi  Marché 
aux  Charbons  et  expira  rue  du  Petit- 
Coq  (ou  de  la  Chapelle),  laissant  pour 
héritier  son  frère  Lambert. 

Ermens  n'était  pas  seulement  un  édi- 
teur actif,  mais  il  était  aussi  un  bon 
bibliophile  et  il  prit  une  grande  part  au 
mouvement  littéraire  qui  se  manifesta 
dans  les  Pays-Bas  autrichiens,  sous  les 
règnes  de  Marie-Thérèse  et  de  Joseph  II. 
Il  a  réédité  plusieurs  bons  livres  aux- 
quels Paquot  avait  ajouté  des  notes,  tels 
que  V Histoire  du  comté  de  Namur,  de 
De  Marne  (Bruxelles,  1781,  2  vol. 
in-8o);  VHistorice  Flandriœ  synopsis, 
ab  anonynio  scriptore,  Flandriœ  generosœ 
titulo,  circa  annum  1162  exhibita,  que 
Galopin  avait  publié  en  1643  (Bruxelles, 
1781,  in-4o);  le  Traité  de  V origine  des 
ducs  et  du  duché  de  Brabant,  de  De  Vad- 
dere  (Bruxelles,  1783,  2  vol.  in-8o).  Le 
travail  de  Verhoeven  :  Algemeyne  inley- 
dinge  tôt  de  aloude  en  middentydsche 
BeJgische  historié  fBrux.,  1781,  in  4'), 
a  aussi  paru  chez  lui,  ainsi  que  quelques 
contrefaçons  :  V Histoire  de  Marie  de 
Bourgogne,  de  Gaillard  (nouvelle  édition 
précédée  d'une  préface  historique  et  cri- 
tique. Bruxelles,  1783,  in-12),  et  V His- 
toire du  cardinal  Granvelle,  par  Denans 
de  Courchetet  fédition  dont  l'introduc- 
tion est  curieuse  par  les  particularités  bi- 
bliographiques qu'elle  renferme.  Brux., 
1784,  in-12.) 

On  lui  doit  plusieurs  publications  qui 
ont  au  moins  le  mérite  d'être  utiles, 
telles  que  :  Le  Recueil  chronologique  de 
tous  les  placards,  édits  et  o^rdonnances  qui 
se  trouvent  dans  les  vingt-quatre  volumes 
de  la  collection  complète,  in-folio,  des  pla- 
cards de  Brabant  et  de  Flandre,  et  dans 
le  livre  intitulé  :  Jurisprudentia  heroica, 
de  Christyn,  concernant  les  titres  et  mar- 
ques d'honneur  ou  de  noblesse,  depuis 
Van  1763  iicsquà  la  fin  de  Vannée  177'J 
(Bruxelles,  1780,  in-S^);  —  la  Table 
alphabétique  des  auteurs  et  une  autre  des 
ouvrages  anonymes  du  catalogue  des  livres 


(j-25 


ERMENS 


626 


choisis  de  la  bibliothèque  des  ci-devant 
jésuites  des  Pays-Bas  (Bruxelles,  1780, 
in- 8");  —  les  Tables  alphabétiques  pour 
servir  àV ouvrage  du  baron  Le  Roy ,  intitulé 
Notitia  marchionatus  8acri  Romani  im- 
per ii,  do7it  la  première  fait  mention  des 
familles,  la  secotide  des  armoiries  et  sceaux 
des  familles  tiobles,  et  la  troisième  des 
villes,  bourgs,  villages,  hameaux  et  monas- 
tères mentionnés  dans  cet  ouvrage  (Brux., 
1781,  in-fol.);  —  \^  Liste  des  titres 
de  noblesse,  chevalerie  et  autres  marques 
d'honneur ,  accordés  par  les  sotcverains 
des  Pays-Bas  depuis  Fan  1Q^9  jusqu'à  la 
fin  de  1782,  etc.,  (Bruxelles,  178-4, 
in-8o)  ;  un  nouveau  Recueil  chronologique 
«emblable  à  celui  cité  plus  haut,  mais 
comprenant  le  texte  des  diplômes  de- 
puis 1431  jusqu'au  mois  de  mai  1785, 
avec  tables  chronologiques  et  alphabétiques 
(Brux.,  1785,  2  vol.  in-8o).  On  lui  doit 
également  des  reproductions  de  plu- 
sieurs livres  et  brochures  devenus  rares, 
tels  que  la  liste  intitulée  :  Prélats, 
barons,  etc.,  de  ceste  illustre  duché  de 
Brabant,  par  de  l'Espinoy,'  publié  à  An- 
vers, chez  Gérard  Vanden  Kerckhove, 
en  1628;  —  le  Kort  begryp  en  bericht 
van  de  historié  van  Brabant,  de  Haver- 
mans,  qui  avait  paru  à  Leyde,  en  1656, 
in-40  ;  ■ — •  le  Kluchtich  en  belachelyk  ver- 
hael  van  aile  het  gène  men  roept, ...  op  de 
straeten  van  Brussel,  bluette  qui  date  du 
commencement  du  xviie  siècle  et  qui, 
moins  dédaignée  que  les  meilleurs  livres, 
a  eu  l'insigne  honneur  d'avoir  plusieurs 
éditions.  Enfin  Ermens  a  rédigé  avec 
soin  et  enrichi  de  notes  utiles  les  cata- 
logues de  plusieurs  bibliothèques  impor- 
tantes et  collections  d'objets  d'art. 

Ermens  annonça  encore,  sans  toute- 
fois pouvoir  en  hasarder  la  publication, 
les  deux  ouvrages  ou  plutôt  les  deux 
compilations  suivantes  :  Table  chronolo- 
gique des  ducs  de  Loth  ier ,  de  Brabant ,  etc . , 
leurs  gouverneurs  généraux  et  capitaines 
généraux  desdits  pays  et  duchés,  depuis 
Godefroid  dit  à  la  Barbe,  dtic  de  Lo- 
thier,  etc.,  jusqu'à  V avènement  de  V empe- 
reur Joseph  LI,  présentement  régnant  (un 
volume  in-8o),  et  Supplément  aux  pla- 
cards de  Brabant  depuis  176!J  jusqu'à 
présent,  avec  trois  tables  en  français  et  en 


flamand  de  toute  la  collection  (3  volumes 
in-folio).  Mais  l'œuvre  à  laquelle  Ermens 
consacra  presque  tous  ses  loisirs,  celle 
par  laquelle  il  espérait  se  faire  une  ré- 
putation, c'est  sa  Bibliographie  histo- 
rique des,  Pays-Bas,  travail  que  l'on 
réclame  depuis  longtemps  et  qu'aucun 
bibliophile  ne  daigne  nous  donner  pour 
toute  sorte  de  motifs  moins  sérieux  les 
uns  que  les  autres  et  en  place  duquel 
nous  avons  des  bibliographies  partielles 
dont  l'absence  causerait  moins  de  dé- 
plaisir. Au  surplus,  Ermens,  comme 
De  Reiffenberg  l'a  dit  {Bibliophile  belge, 
t.  I,  p.  453),  avait  des  instincts  litté- 
raires, mais  malheureusement  très-mal 
secondés  par  ses  connaissances  et  la  cul- 
ture de  son  esprit.  Les  notes  qu'il  a 
laissées  dénotent  un  compilateur  infati- 
gable ;  elles  ne  révèlent  en  aucune  façon 
l'intelligent  appréciateur  du  mérite  d'un 
bon  livre  et  de  son  importance.  Après 
avoir  obtenu  pour  l'entreprise  qu'il 
méditait  un  octroi  exclusif,  en  date  du 
12  juillet  1783,  Ermens  quitta  la  pro- 
fession de  libraire  dans  l'intention  de 
faire  un  voyage  en  France  et  dans  les 
Provinces-Unies,  afin  d  explorer  les  bi- 
bliothèques et  d'y  prendre  note  des  livres 
qui  avaient  échappé  à  ses  investigations. 
Les  événements  qui  survinrent  l'empê- 
chèrent de  réaliser  ce  projet,  et  lorsque 
Ermens  mourut,  la  Belgique  était  unie 
à  l'empire  français  et  ses  souvenirs  his- 
toriques s'oubliaient.  Notre  libraire, 
qui  avait  tant  travaillé  pour  en  ranimer 
le  culte,  s'éteignit  sans  que,  pour  ainsi 
dire,  on  y  prît  garde. 

Il  avait  rédigé  le  catalogue  de  sa 
bibliothèque,  qui  forme  trois  volumes 
in-8".  On  en  opéra  la  vente  en  novem- 
bre 1805.  Van  Ilulthem  acheta  alors  une 
partie  de  ses  manuscrits,  qui  ont  passé 
depuis  dans  la  Bibliothèque  royale.  Ceux 
que  ce  dépôt  possède  sont  les  suivants  : 
No  13944,  Catalogue  d'une  bibliothèque, 
2  vol.  in-folio,  ne  comprenant  que  des 
titres.  —  N'^s  13982  et  17810  (en  dou- 
ble), portant  pour  titres  :  le  premier, 
Liste  alphabétique  des  historiens  des  Pays- 
Bas;  le  second,  qui  a  été  ainsi  qualifié 
par  V^an  W\\\t\\em,  TAste par  ordre  alpha- 
;  bétique  des  auteurs  belgiques  qui  se  trou- 


6-27 


ERMENS  —  ERMESINDE  DE  NAMUR 


628 


vetit  dans  les  ouvrages  de  Valère  André, 
François  Stveertius,  Jean-Tranqois  Fop- 
petis,  Nicéron  et  Jean-Noël  Paqiiot,  avec 
une  itidication  des  livres  et  de  la  page  de 
tous  les  auteurs  compris  dans  ces  quatre 
ouvrages,  1790  ;  à  la  fin  il  y  a  un  cahier 
in-4o,  intitulé  :  Tahle  des  auteurs  conte- 
nus dans  la  Bibliographie  des  Pays-Bas  de 
J.  Firraens  en  quatre  volumes . — No  1 4  6  0  7 , 
Notes  bibliographiques,  petit  in-4 '.  — 
No  17641,  Histoire  de  la  vie  de  Sigebert 
de  Gembloux,  avec  un  catalogue  raisonné 
de  ses  ouvrages,  écrit  de  la  viain  de  Joseph 
Ermens,  petit  in-folio  de  61  feuillets.  — 
No  17807,  Index  scriptortim  rerum  Bel- 
gicarnm  auctore  Joan.  Baptista  Ver- 
dussen,  scabino  Antverpiensi,  nunc  exma- 
nuscripto  autographo  quod  extat  Brtixellis 
in  bibliotheca  puhlica  dicta  Burgundica  in 
sex  vol.  if i  folio,  descripfus  et  duplo 
auctus  a  Joanne3rmens,bibUopola  bruxel- 
lensi;  les  livres  sont  ici  rangés  par  noms 
d'auteurs  et  de  localités.  —  N"  17809, 
Notice  sur  les  ouvrages  d.  Aubert  le  Mire, 
par  Joseph  Ermens,  de  Bruxelles,  in-4o 
de  14  pages.  —  Nos  17811,  17815 
et  17817,  Bibliographie  historique  des 
Pays-Bas,  5  vol.  in  fol.  et  1  vol,  in-4j. 
—  No  17869,  Trois  tables  des  livres 
imprimés  dans  le  xve  siècle  que  Von 
trouve  dans  les  troisième  et  ^^latrième  ca- 
taloguef  des  livres  des  couvents  supprimés 
(en  1784,  par  l'empereur  Joseph  II), 
dont  la  première  contient  la  table  des  au- 
teurs et  de  leurs  ouvrages,  la  deuxième 
la  table  des  villes  où,  lesdits  ouvrages  sont 
imprimés,  et  la  troisième  celle  des  impri- 
meurs des  mêmes  livres  (ms.  iu-8o,  datant 
de  1792.) 

Il  On  ne  peut  refuser  à  M.  Ermens,  dit 
Van  Hulthera,  dans  une  note  placée 
en  tète  de  la  Bibliographie  historique  des 
Pays-Bas,  et  qui  a  été  reproduite  dans 
la  Bibliotheca  Hulthemiana  (tome  VI, 
p.  265),  de  grandes  connaissances  bi- 
bliographiques. Les  titres  des  livres 
sont  transcrits  en  entier  avec  exactitude; 
il  a  connu  la  plupart  des  éditions  des 
livres  anciens  et  indique  un  grand 
nombre  de  manuscrits  peu  connus  sur 
l'histoire  des  Pays-Bas.  11  se  contente 
pour  l'ordinaire  de  rappeler  sur  la  plu- 
part de  ces  ouvrages  le  jugement  d'au- 


tres auteurs,  tels  que  Baillet,  Paquot, 
Feller,  etc.;  il  n'avait  pas  assez  lu  lui- 
même  et  n'était  pas  suffisamment  instruit 
pour  donner  son  propre  jugement  sur 
ces  ouvrages  ;  il  a  néanmoins  beaucoup 
fait  et  les  amateurs  de  l'histoire  belgique 
lui  en  doivent  de  la  reconnaissance. 
Cependant  beaucoup  de  ces  notices  sont 
incomplètes  ;  un  grand  nombre  de  bons 
ouvrages  lui  sont  restés  inconnus.  Sa 
diction  manque  de  pureté  et  les  mêmes 
expressions  y  reviennent  trop  souvent. 
Il  serait  impossible  d'imprimer  ces  arti- 
cles tels  qu'ils  sont  écrits  par  l'auteur. 
Ce  sont  de  précieux  matériaux  dont 
quelqu'un  qui  voudrait  faire  un  pareil 
ouvrage  pourrait  se  servir  avec  avan- 
tage. Les  titres  sont  exactement  tran- 
scrits, mais  presque  toutes  les  notices 
devraient  être  refaites.  «  Cette  apprécia- 
tion, fort  juste,  du  mérite  d'Ermens, 
nous  exempte  d'en  présenter  une  autre. 

Alphonse  Waulcrs. 

Bibliotheca  Hulthemiana,  t.  I,  p.  XXV,  et  t.  VI, 
p.  265.  —  Bibliophile  belge,  passim. 

er:«be:!§i:vde  de  iîamcb,  dite  aussi 
Ermexsox  ou  Ermexsette,  comtesse  de 
Luxembourg,  née  en  1186,  morte  le 
11  février  1247. 

Henri  l'Aveugle,  comte  de  Namur  et 
de  Luxembourg,  vivait  depuis  quinze 
ans  séparé  de  fait  de  sa  femme,  Agnès, 
sœur  du  comte  de  Gueldre,  lorsque 
tout-à-coup  il  se  rapprocha  d'elle.  Le 
chroniqueur  hennuyer  Giselbert  ajoute 
avec  un  dépit  marqué,  que  ce  rappro- 
chement eut  lieu  à  la  suggestion  de 
l'archevêque  de  Cologne,  du  comte  de 
Flandre  Philippe  d'Alsace  et  du  duc  de 
Louvain  Henri  1er.  D'après  lui,  ces 
princes  travaillaient  à  faire  déshériter 
par  Henri  l'Aveugle  le  comte  Baudouin , 
le  protecteur  de  Giselbert.  Agnès  ne  tarda 
pas  à  devenir  mère  d'une  fille,  à  laquelle 
on  donna  le  nom  d'Ermesinde,  qui  avait 
déjà  été  porté  par  son  aïeuie  paternelle 
(juillet  1186). 

Cette  naissance  imprévue  anéantissait, 
en  effet,  les  espérances  du  comte  Bau- 
douin. Quelles  que  fussent  les  conven- 
tions conclues  entre  lui  et  le  comte  de 
Namur,  celui-ci  ne  pouvait  de  gaieté  de 
coeur  dépouiller  entièrement  sa  fille.  Si 


629 


ERMESINDE  DE  NAMUR 


630 


l'on  objectait  son  sexe  pour  lui  refuser  la 
possession  de  ses  domaines,  on  pouvait 
répondre  en  son  nom  qu'une  Ermesinde 
avait  porté  le  comté  de  Luxembourg  à 
Godefroid,  comte  de  Namur,  le  père 
d'Henri  l'Aveugle,  et  que  c'était  une 
femme,  la  comtesse  Kichilde,  qui  avait 
procuré  la  possession  du  Hainaut  à  la 
famille  comtale  de  Flandre.  Ces  considé- 
rations n'empêchèrent  pas  le  comte  Bau- 
douin de  poursuivre  avec  un  acharne- 
ment sans  exemple,  et  en  tout  cas  peu 
honorable,  la  déshérence  de  la  jeune 
Ermesinde.  Vers  les  Pâques  de  1187, 
sur  le  bruit,  plus  ou  moins  fondé,  que  le 
comte  de  Xamur  voulait  négocier  le 
mariage  de  cette  princesse  et  d'Henri, 
comte  de  Champagne,  il  envoya  à  l'em- 
pereur Frédéric  l'abbé  de  Saint-Ghislain 
et  ce  même  Gislebert  qui  nous  a  raconté 
ces  événements,  en  assignant  toujours, 
on  le  comprend,  le  beau  rôle  à  son 
maître.  Frédéric,  qui  se  trouvait  à  Toul, 
répondit  qu'à  la  mort  du  comte  de 
Xamur,  il  se  réservait  de  conférer  ses 
fiefs  et  qu'il  ne  les  concéderait  qu'à 
Baudouin,  à  qui  il  avait  déjà  donné  le 
tout,  fiefs  et  alleux;  que,  pour  ce  qui 
était  des  alleux  en  particulier,  jamais 
personne  du  royaume  des  Français  ne 
pourrait  les  acquérir.  Politique  vraiment 
habile,  qui  favorisait  sous  tous  les  rap- 
ports le  plus  actif  agent  de  la  politique 
française  en  Lotharingie  et  qui  donne  une 
idée  singulière  de  la  manière  dont  les 
faits  étaient  exposés  à  Frédéric  ! 

Le  comte  de  Champagne  n'en  vint 
pas  moins  à  Namur  au  mois  de  juillet, 
s'engagea,  par  son  serment  et  celui  de 
ses  chevaliers,  à  épouser  Ermesinde  et 
la  fit  aussitôt  conduire  dans  ses  Etats. 
Baudouin,  de  son  côté,  ne  cessa  d'agir 
auprès  de  l'empereur,  mais,  quoi  qu'en 
dise  (jislebert,  il  ne  put  obtenir  tout  ce 
qu'il  aurait  voulu,  car,  en  1188,  nous 
voyons  Baudouin  réconcilié  en  apparence 
avec  son  oncle  et  adopté  par  celui-ci 
comme  héritier  du  comté  de  Xamur,  sans 
qu'il  soit  question  du  Luxembourg,, 
auquel,  à  partir  de  ce  moment,  Bau- 
douin semble  avoir  renoncé.  Mais  il  ne 
tarda  pas  à  se  brouiller  avec  son  oncle. 
Près  de  Naraur  même,  il  fit  brûler  un 


malfaiteur,  comme  s'il  était  déjà  le 
maître  du  comté,  et  une  entrevue  qu'il 
eut  ensuite  avec  son  oncle  fit  éclater 
une  guerre,  pendant  laquelle  Namur  fut 
pris,  pillé  et  brûlé.  Henri  l'Aveugle 
fut  soutenu  par  le  comte  de  Champagne 
et  le  duc  Henri  1er,  tandis  que  Baudouin 
continuait  à  s'appuyer  à  la  fois  sur  le 
roi  de  France  et  sur  l'empereur.  Mais 
sa  politique  toute  personnelle  lui  aliéna 
bientôt  le  premier  de  ces  monarques,  et 
le  second  ne  lui  concéda  que  les  alleux 
namurois,  dont  il  constitua,  avec  les 
fiefs  de  Namur,  de  La  Eoche  et  de 
Durbuy,  une  seule  tenure  qui  fut  érigée 
en  un  marquisat,  qui  devait  rester  uni 
au  comté  de  Hainaut. 

Henri  l'Aveugle  paraît  être  mort  en 
1196.  L'empereur  Henri  VI,  fils  de 
Frédéric  Barberousse,  avait  donné  le 
Luxembourg  à  son  frère  Othon,  comte 
de  Bourgogne,  mais  cet  acte  de  spolia- 
tion ne  s'accomplit  ou  ne  subsista  pas. 
Ermesinde  avait  été  rendue  à  son  père 
depuis  plusieurs  années,  et  le  comte  de 
Champagne  avait  renoncé  à  sa  main. 
Thibaut,  comte  de  Bar,  à  qui  elle  fut 
mariée,  détermina  le  comte  Othon,  dit 
le  chroniqueur  Albéric,  à  prix  d'argent, 
à  renoncer  à  ses  droits.  Puis  il  com- 
mença à  guerroyer  contre  Philippe,  à 
qui  son  père  Baudouin  V,  comte  de 
Hainaut,  avait  laissé  le  marquisat  de 
Namur.  Soit  que  le  comte  de  Bar  ait 
remporté  de  grands  succès,  soit  que  l'on 
désirât  extrêmement  le  faire  entrer  dans 
la  ligue  formée  sous  les  auspices  de  l'Angle- 
terre contre  la  France  et  contre  Philippe 
de Souabe,  frère  et  successeur  d'Henri  VI, 
Thibaut  obtint,  le  26  juillet  1199,  la 
conclusion  d'une  paix  qui  lui  assura  la 
possession  de  toute  la  partie  de  l'héri- 
tage d'Henri  l'Aveugle,  située  à  l'est 
de  la  Meuse,  sauf  la  forêt  d'Arche  et  le 
territoire  qui  se  trouve  entre  cette  forêt 
et  le  fleuve. 

Thibaut  mourut  le  12  février  1214, 
après  avoir  légué  ]\Iarvilleet  son  château 
à  sa  femme  et  aux  enfants  qu'il  avait  eus 
d'elle  et  dont  on  ne  connaît  qu'un  seul  : 
Isabelle  ou  Elisabeth.  La  comtesse  ne 
tarda  pas  à  se  remarier  à  Waleran,  fils 
d'Henri,  duc  de  Limbourg.  En   faveur 


631 


ERMESINDE  DE  NAMUR  —  ERNEST  DE  DAVIÈRE 


632 


de  cette  union,  Henri  fit  don  d'Arlon  et    I 
de  sou  marquisat  à  son  fils,  à  Ermesinde   ] 
et    aux   enfants    qui   naîtraient   d'eux ,    j 
à  condition   de   relever  ce   domaine  du   j 
duché  de  Limbourg  et  de  ne  confier  la 
garde  du  château  d'Arlon  qu'à  des  vas- 
saux  des   comtes   de    Luxembourg,   de 
La  Roche  et  de  Durbuy  (mai  1214).  L'ne 
seconde  alliance  resserra  encore  les  liens 
qui    venaient    d'unir    les    maisons     de 
Luxembourg  et  de  Limbourg;    Isabelle 
de  Bar,  fille  d'Ermesinde  et  de  son  pre- 
mier mari,  devint  la  femme  de  Waleran 
de  Limbourg,  seigneur  de  Fauquemont 
et  de  Alontjoie,   fils  de  Waleran  et  de 
sa  première  femme. 

Possesseur  à  la  fois  du  duché  de  Lim- 
bourg, du  marquisat  d'Arlon,  des  comtés 
de  Luxembourg,  de  La  Roche,  de  Dur- 
buy, d'une  partie  du  Xamurois,  de 
l'avouerie  de  S^tavelot,  Waleran  fit  ré- 
gner dans  l'Ardenne  une  tranquillité 
inaccoutumée,  malgré  quelques  guerres 
dont  il  sortit  avec  honneur,  mais  il 
mourut  dès  1226,  cinq  ans  seulement 
après  son  père.  Le  Limbourg  et  le 
Luxembourg  furent  alors  séparés  de 
nouveaii.  Tandis  que  le  premier  de 
ces  Etats  reconnaissait  pour  souverain 
Henri,  le  fils  aîné  de  Waleran,  le  se- 
cond continua  à  être  gouverné  par  Er- 
mesinde, qui  se  montra  à  la  hauteur  de 
cette  tâche.  Elle  marqua  son  règne  par 
deiix  grandes  chartes  qu'elle  accorda 
aux  villes  d'Echternach  et  de  Luxem- 
bourg et  par  lesquelles  elle  y  améliora 
considérablement  la  situation  des  bour- 
geois (novembre  1236  et  août  1243). 
Elle  accorda  de  nombreux  privilèges  aux 
maisons  religieuses  et,  en  particulier,  à 
l'abbaye  de  Xotre-Dame  ou  du  ^Munster 
de  Luxembourg ,  à  laquelle  elle  con- 
firma, le  24  octobre  1231,  le  droit  de  di- 
riger et  de  surveiller  les  écoles  de  cette 
ville.  La  maison  pieuse  de  Beaulieu  ou 
de  Clairefontaine,  de  l'ordre  de  Cîteaux, 
située  à  une  lieue  d'Arlon,  fut  fondée 
par  elle,  et  la  prédilection  d'Ermesinde 
pour  les  religieuses  qui  y  habitaient  alla 
si  loin  que,  le  11  février  1246-1247, 
elle  leur  légua  son  haras,  q\ii  consistait 
eu  64  juments  et  9  poulains,  des  mou- 
tons, etc.  La   comtesse  de  Luxembourg 


mourut,  pleine  de  gloire,  le  17  du  même 
mois,  et  fut  enterrée  dans  l'abbaye  de 
Clairefontaine.  Elle  avait  eu  de  Waleran 
trois  enfants  :  Henri,  surnommé  le 
Blond,  qui  fut,  après  elle,  comte  de 
Luxembourg  et  de  La  Roche;  Gérard, 
qui  reçut  en  partage  le  comté  de  Dur- 
buy, et  Catherine,  femme  de   Mathieu, 

duc  de  Lorraine.  Alphonse  Wauters. 

fiislebert,  Chrotiica  llannomœ,  p.  1î)4. 159,  i61, 
177,  192,  etc.  (édit.  du  marquis  de  Chasteler;.  — 
iîerlholet.  Histoire  du  duché  de  Luxembourg, 
t.  IV,  p.  228  et  suiv.  —  Ernst,  Histoire  du  Lim- 
bourg, t.  IV,  p.  Il  et  suiv. 

ERMITE.  Voir  L'hermite. 

ER!VE!iiT  DE  B.^TIÈRE,    89e  évêqUC 

de  Liège,  fils  d'Albert  Y,  duc  des  deux 
Bavières  et  comte  palatin  du  Rhin,  et 
d'Aune  d'Autriche,  fille  de  l'empereur 
Ferdinand  I",  naquit  le  17  décembre 
1554  et  mourut  le  17  février  1612, 
au  château  d'Arnsberg  en  Westphalie. 
Le  cumul  des  dignités  ecclésiastiques 
n'était  pas  rare  à  cette  époque  ;  Ernest 
nous  en  fournit  un  curieux  exemple. 
Pourvu  de  l'évêché  de  Freisingen  dès 
l'âge  de  onze  ans  (1565),  il  obtint  en 
outre,  en  1575,  celui  de  Hildesheim  ;  le 
30  janvier  1581  (1),  il  fut  élu  évèque  et 
prince  de  Liège;  le  11  février  suivant, 
prince-abbé  deStavelot,  et  dans  le  cou- 
rant de  la  même  année,  prévôt  de  Mag- 
debourg;  le  23  mai  1583,  archevêque- 
électeur  de  Cologne  ;  enfin,  évèque  de 
^lunster  en  1585,  en  remplacement  de 
Guillaume  de  Meurs,  duc  de  Clèves  et 
de  Juliers,  qui  venait  de  renoncer  à  son 
diocèse  pour  se  marier.  C'est  ainsi  que 
l'appât  du  pouvoir  temporel  introduisait 
des  abus  dans  le  régime  de  l'Eglise: 
ajoutons  que  notre  prélat  quitta  ce 
monde  sans  avoir  été  sacré. 

Son  prédécesseur  à  Liège  n'avait  pas 
eu  un  règne  paisible.  Les  religionnaires 
levant  partout  la  tête  ;  la  neutralité  per- 
pétuelle du  pays,  quoique  garantie  par 
les  grandes  puissances  voisines  (traité 
de  Senlis,  23  mai  1493),  méconnue  en 
toute  occasion  par  les   gens  de  guerre  ; 


(i)  l.e  29,  selon  Koullon,  le  Hl,  d'après  Bouille, 
le  28  février  au  dire  de  Lovens  :  le  MS.  Delvaulx 
(Bibl.  de  Lier/r,  n"  82:-!)  rélahlit  la  vt-rilaMe  dali^ 

(l.  V). 


633 


ERNEST  DE  BAVIÈRE 


-634 


les  Liégeois  jaloux  de  se  gouverner  eux- 
mêmes  et  intentant  un  procès  à  leur 
prince  pour  la  garde  des  clefs  de  la  cité, 
ville  libre  et  impériale  :  autant  de  sombres 
nuages  à  l'horizon.  Voyant  approcher 
sa  dernière  heure,  Gérard  de  Groesbeek 
(voir  ce  nom)  résolut  d'assurer  l'avenir 
en  recommandant  au  Chapitre  cathédral 
un  chef  d'Etat  assez  puissant  pour  se 
faire  respecter  des  étrangers  et,  d'autre 
part,  assez  ferme  pour  tenir  en  bride  un 
peuple  turbulent.  Il  fit  choix  d'Ernest 
de  Bavière  qui,  par  son  caractère,  comme 
par  son  rang  et  ses  alliances,  répondait 
en  effet  plus  que  tout  autre  à  l'idéal 
qu'il  avait  conçu.  Cependant  à  peine  le 
siège  fut-il  vacant,  que  deux  concur- 
rents redoutables  se  présentèrent  :  d'un 
côté,  François  de  Valois,  duc  d'Anjou 
et  d'Alençon,  frère  du  roi  de  France 
Henri  III;  de  l'autre,  l'archiduc  Ma- 
thias,  appuyé  par  les  Etats  des  provinces 
confédérées  établis  à  Anvers,  par  le 
Conseil  de  Brabant  et  par  les  Etats  infé- 
rieurs réunis  à  Delft,  ceux-ci  agissant 
auprès  des  bourgmestres.  Alexandre  de 
Parme  députa  le  conseiller  Vanderburch 
à  Liège,  pour  engager  le  Chapitre  à 
éconduire  ces  prétendants;  sa  démar- 
che réussit,  mais  sans  profit  pour  l'Es- 
pagne. Le  chanoine  Charles  d'Oyem- 
brugge  de  Duras  se  rendit  en  Alle- 
magne, dans  le  but  de  décider  le  protégé 
de  l'évêque  défunt  à  partir  sur-le-champ 
pour  Liège  et  à  venir  en  personne  se 
recommander  à  ses  collègues.  Ernest 
arriva  le  24  janvier  1581,  et  aussitôt 
tout'is  les  voix  lui  furent  acquises.  Ce 
fut  le  signal  d'une  allégresse  générale  : 
aux  espérances  que  faisait  naître  la  haute 
position  du  nouveau  prince  se  joignaient 
les  séductions  de  son  éloquence  et  de  ses 
manières  ;  nul  ne  songeait  alors  qu'un 
souverain  pour  qui  la  principauté  de 
Liège  n'était,  en  définitive,  qu'une  pos- 
session accessoire,  pourrait,  tôt  ou  tard, 
dans  des  circonstances  données,  trouver 
gênantes  les  libertés  publiques  et  en 
faire  bon  marché.  On  sut  plus  tard  à 
quoi  s'en  tenir  (voir  les  articles  Ferdi- 
nand et  Maximiliex-Henki  de  Ba- 
vière). 

Tous  les  historiens  liégeois  se  sont  plu 


a  décrire,  d'après  Jean  Polit  (voir  ce 
nom),  historiographe  et  poète  officiel, 
les  fêtes  splendides  du  15  juin  1581, 
date  de  la  Joyeuse  entrée  d'Ernest  (1). 
Le  prince,  parti  le  matin  de  Visé,  fut 
reçu  au  rivage  de  Coronmeuse  par  les 
officiers  de  la  cité  et  conduit  à  la  cathé- 
drale en  grand  cortège.  Les  bourgmestres 
lui  présentèrent  les  clefs  magistrales  ; 
mais  il  eut  soin  de  les  leur  remettre 
aussitôt  :  Vous  les  avez  toujours  gardées, 
dit-il,  et  f  ose  espérer  que  vous  les  gar- 
derez toujours  loyalement.  La  porte  de  la 
ville  (S-aint-Léonard)  ne  s'ouvrit,  d'après 
cela,  que  sur  une  injonction  consulaire. 
Pendant  le  trajet,  le  prince  n'eut  pas  à 
prêter  moins  de  quatre  serments  :  d'abord 
il  promit  de  respecter  les  anciennes  Pa^'or, 
notamment  celle  de  Fexhe  (de  1316); 
ensuite  les  arbalétriers  lui  ayant  présenté 
leur  drapeau,  il  s'engagea  à  ne  point 
les  troubler  dans  leurs  privilèges  sécu- 
laires; en  présence  des  échevins,  il  jura 
de  faire  rendre  la  justice  selon  les  cou- 
tumes et  usages  du  pays;  enfin,  parvenu 
à  l'église  Saint-Lambert,  il  acheva  de  se 
lier  en  adhérant  à  une  capitulation  écrite 
où  étaient  nettement  résumés,  en  quel- 
ques articles,  les  points  fondamentaux 
du  droit  public  liégeois.  Les  Etats  s'as- 
semblèrent le  même  jour  :  il  les  remercia 
respectueusement,  puis  leur  demanda  de 
continuer  à  prélever  la  contribution 
extraordinaire  de  12,000  florins  décrétée 
pour  la  réparation  des  places  fortes.  Les 
trois  ordres  y  con^^entirent  pour  deux 
ans,  et  incontinent  le  don  gratuit  d'usage 
fut  offert  à  l'évêque.  Les  cérémonies  de 
l'inauguration  et  du  serment  se  répétè- 
rent les  jours  suivants  dans  les  bonnes 
villes;  notons  en  passant  qu'Ernest  fut 
le  dernier  prince  qui  alla  s'y  faire  recon- 
naître. Il  rapporta  de  cette  tournée,  dit 
M.  Henaux,  les  impressions  les  plus 
défavorables  :  élevé  dans  la  féodale 
Allemagne,  il  ne  comprenait  rien  à  l'at- 
titude de  ses  sujets  des  rives  de  la  Meuse; 

1)  Voici  ]e  titre  exact  de  la  relation  de  Polit  : 
Révérend,  ac  Seren.  Principts  Ernesli,  ittriusqiie 
Bavariœ  ducit,  in  Leodiensium  principum  XENO- 
TIMIA,  illiu.iqite  in  suain  civitaiem,  ac  rcliquas 
Leodiurr  palriœ  urbes  solennis  Inauguratio,  etc., 
a  Johanuc  Poliio  Leodio.  Coloniae  Agrippinae, 
apud  Jo.  Gymnicum,  in  Monocerate.  MDLXWlil, 
petit  in-S". 


635 


ERNEST  DE  BAVIÈRE 


636 


au  lieu  de  lui  montrer  une  humble  sou- 
mission, ils  n'avaient  parlé  que  de  leurs 
libertés,  de  leurs  franchises,  de  leurs 
droits.  La  lutte  était  imminente  :  le 
procès  des  clefs,  que  le  prélat  semblait 
avoir  terminé  le  jour  de  sa  réception,  fut 
même  recommencé  sur  nouveaux  frais. 
Mais,  comme  il  était  à  prévoir,  ce 
furent  là  les  moindres  préoccupations 
d'Ernest  :  les  affaires  du  dehors  absor- 
bèrent de  plus  en  plus  son  attention. 
Après  avoir  pris  des  mesures  sévères 
contre  les  soldats  vagabonds  et  les  gens 
de  rapine  qui  fourmillaient  dans  le 
pays,  il  se  rendit  dans  le  pays  rhénan 
sur  l'invitation  de  l'empereur,  pour 
affaires  de  religion.  En  avril  1.581,  il 
avait  déjà  été  envoyé  en  qualité  de  com- 
missaire impérial  à  Aix-la-Chapelle,  où 
les  calvinistes,  formant  un  parti  puis- 
saut,  réclamaient  avec  énergie  le  libre 
exercice  de  leur  culte  :  c'est  de  là  qu'il 
était  venu  se  faire  inaugurer  à  Liège. 
L'année  suivante,  ce  ne  fut  plus  seule- 
ment à  des  difficultés  locales  qu'il  eut  à 
faire  face.  Gebhard  Truchsess,  arche- 
vêque de  Cologne,  devenu  éperdument 
amoureux  de  la  belle  chanoinesse Agnès, 
fille  du  comte  (jeorges  de  Mansfeld, 
venait  d'embrasser  le  calvinisme  et  de 
contracter  mariage,  mais  n'en  pi'éten- 
dait  pas  moins  conserver  son  électorat. 
Lue  diète  s'ouvrait  justement  à  Augs- 
bourg;  beaucoup  de  princes  protestants 
y  siégeaient;  Gebhard  crut  pouvoir 
compter  sur  leur  appui.  Le  sénat  et  le 
chapitre  de  Cologne  s'émurent  ;  à  la 
suite  d'une  entrevue  secrète  arec  Ernest, 
qui  faisait  aussi  partie  de  l'assemblée  et 
y  déployait  une  activité  influente,  ils  op- 
posèrent à  l'archevêque  apostat  une  ré- 
sistance inébranlable.  L'empereur  et  le 
pape,  de  leur  côté,  n'étaient  pas  sans 
éprouver  de  vives  inquiétudes.  Si  Geb- 
hard persistait  dans  sa  défection,  non- 
seulement  on  pouvait  craindre  de  voir 
les  provinces  du  Rhin  se  détacher  de  la 
vieille  Eglise,  mais  sur  les  sept  électeurs 
il  ne  resterait  plus  que  trois  catholiques  : 
la  prépondérance  de  Jiome  et  de  la  poli- 
tkjue  de  Charles-Quint  serait  donc  com- 
promise en  Allemagne  !  Tous  les  efforts 
ayant  échoué  auprès  de  Truchsess,  une 


sentence  d'excommunication  et  de  dé- 
position fut  solennellement  lancée,  et  le 
23  mai  1583,  ainsi  qu'on  l'a  dit  plus 
haut,  Ernest  fut  élu,  à  l'unanimité, 
archevêque  et  électeur  de  Cologne.  Il  ne 
put  toutefois  être  inauguré  que  l'année 
suivante  :  Truchsess  tenait  la  campagne 
et  avait  noué  des  alliances,  entre  autres 
avec  le  palatin  .Jean-Casimir.  Le  Bava- 
rois leva  des  troupes  à  Liège  ;  leur  bra- 
voure et  l'habileté  de  leur  commandant, 
Herman  de  Linden,  contribuèrent  pour 
une  large  part  à  faire  tomber  en  son 
pouvoir  les  principales  forteresses  de  la 
principauté .  Les  luthériens  finirent  pour- 
tant par  se  fatiguer  de  soutenir  un  prince 
qui  avait  préféré  la  doctrine  de  l'Eglise 
réformée  à  la  confession  d'Augsbourg  : 
abandonné  à  lui-même,  l'époux  d'Agnès 
se  vit  réduit  à  chercher  un  refuge  à 
Pelft,  oii  l'assassinat  du  Taciturne 
acheva  de  le  déconcerter.  Elisabeth  re- 
fusa de  l'accueillir  en  Angleterre;  il 
reparut  sur  les  bords  du  Rhin,  rentra 
même  un  instant  dans  Bonn,  mais  ne 
put  s'y  maintenir,  et  après  avoir  perdu 
Rheinberg,  son  dernier  boulevard,  alla 
mourir  o\iblié  en  Hollande,  le  21  mai 
1601(1). 

La  guerre  de  Cologne  et  la  prise  de 
possession  de  l'évêché  de  Munster  ne 
permirent  pas  à  Ernest,  jusqu'en  1586, 
de  faire  de  longs  séjours  à  Liège.  Quel- 
ques faits  importants  se  rattachent  néan- 
moins à  cette  première  période  de  son 
règne  :  l'établissement  définitif  des  jé- 
suites dans  la  cité,  l'adoption  du  calen- 
drier grégorien,  la  publication  du  con- 
cile de  Trente.  Quelques  Pères  de  la 
compagnie  de  Jésus  s'étaient  installés  à 
Liège  dès  1566  (2),  sous  (jérard  de 
Groesbeek;  leurs  prédications  les  avaient 
mis  en  renom;  ils  passaient  du  reste 
pour  de  simples  missionnaires.  Les 
princes-évêques  leur  réservèrent  bientôt 
un  autre  rôle.  Les  Hiérorymites  ou 
Frères  de  la  rie  commune  tenaient  depuis 
longtemps   dans    Vile   aux   Hochets,    à 

(1)  Midi,  ab  Isselt,  De />  Colon,  lib.  /!',  Col. 
1584,  in-8'.  -  J  -D  Koeleri,  De  acivt  et  factis 
Gebli.  Truclisessii,  Altd.  I72:V 

(2)  Leur  première  apparilion  remonte  plus 
haut;  mais  ce  n'est  (iii'alors  ([u'ils  |irirenl  ■■  une 
espère  de  domicile   • 


637 


ERNEST  DE  BAVIÈRE 


638 


l'endroit  même  où  s'élève  actuellement 
l'Université,  des  écoles  populaires  et  un 
collège  d'humanités  qui  avait  jeté  un 
certain  éclat  ;  mais  soit  que  leur  insti- 
tution fût  tombée  en  décadence,  ainsi 
qu'on  l'a  prétendu  pour  justilier  la  me- 
sure dont  ils  furent  l'objet,  soit  que 
leurs  tendances  ascétiques  et  antiscolas- 
tiques  les  eussent  rendus  suspects  (1), 
leurs  jours  furent  bientôt  comptés.  Gé- 
rard avait  songé  sérieusement  à  les 
remplacer  par  les  Jésuites;  il  n'eut  pas 
le  temps  de  donner  suite  à  son  projet; 
l'un  des  premiers  soins  d'Ernest  fut  de 
le  réaliser.  Le  10  novembre  1581,  les 
Jésuites  obtinrent  les  locaux  des  Fratres 
et  les  revenus  y  attachés;  le  1er  janvier 
suivant,  ils  commencèrent  à  desservir 
leur  nouveau  temple;  le  30  avril  s'ou- 
vrirent les  classes.  Ernest  regagna  l'Al- 
lemagne en  pleine  sécurité  :  la  défense 
de  l'orthodoxie  était  désormais  confiée  à 
une  milice  vigilante,  et  l'éducation 
qu'allait  recevoir  la  jeunesse  répondait 
de  l'avenir. 

L'affaire  du  calendrier  ne  put  être 
réglée  qu'en  1583,  par  la  suppression 
de  dix  jours;  on  passa  immédiatement 
du  2  au  12  novembre. 

La  publication  du  concile  de  Trente 
se  fit  dans  des  circonstances  toutes  par- 
ticulières. Une  partie  du  clergé  s'y 
opposait,  alléguant  que  certains  canons 
portaient  atteinte  aux  libertés  et  aux 
prérogatives  de  l'Eglise  liégeoise.  Au 
commencement  de  novembre  1585,  le 
prince  étant  absent,  arriva  tout  d'un 
coup  à  Liège  Jean-François  Bonhomme, 
évêque  de  Verceil,  en  qualité  de  nonce 
apostolique.  Son  premier  devoir  fut 
d'assembler  un  synode.  Il  s'y  éleva  éner- 
giquement  contre  les  abus  qui  s'étaient 
glissés  dans  l'Eglise.  Le  meilleur  moyen 
de  combattre  les  hérétiques,  s'écria-t-il, 
c'est  de  ne  pas  mériter  leurs  reproches  ! 
Le  trafic  honteux  des  bénéfices,  les 
confidences  simoniaques,  les  mariages 
clandestins,  les  dérèglements  des  ecclé- 
siastiques devaient  sans  retard  faire 
place  à  l'observance  rigoureuse  des  dé- 

il,  V.  Delprat,  Die  Bruderschafl  des  f/eineiu- 
samen  Lebens,  Leipzig,  -1840,  in-8',  et  Kauiner. 
Gescli.  der  Pœday  ,  l.  I,  p.  66  el  suiv. 

BIOGK,  NAT.  —  T.  VI. 


crets  du  concile.  Plusieurs  chefs  de  col- 
légiales essayèrent  de  protester  ou  de- 
mandèrent, du  moins,  des  modifications 
aux  articles  qu'ils  regardaient  comme 
leur  portant  préjudice.  Le  nonce  déclara 
qu'il  ne  pouvait  toucher  à  une  seule 
décision  d'un  concile  œcuménique;  il 
fut  convenu  qu'on  en  référerait  à  Eome. 
Le  pape  ne  répondit  pas;  dans  tous  les 
cas,  sa  réponse  ne  fut  point  attendue. 
L'évêque  de  Verceil  considéra  purement 
et  simplement  les  canons  comme  adoptés; 
l'année  n'était  pas  écoulée  que  déjà  ils 
étaient  mis  en  vigueur.  Vainement  les 
dissidents  manifestèrent  leur  surprise. 
Il  Je  vous  ai  pris  par  finesse  « ,  répliqua 
le  nonce,  faisant  allusion  à  une  parole 
de  saint  Paul.  Bon  gré,  mal  gré,  il  fallut 
s'incliner.  Ernest  s'empressa  de  venir  à 
la  rescousse  en  renforçant  les  tribunaux 
ecclésiastiques  :  quelques  condamnations 
de  clercs  convaincus  de  mauvaises  mœurs 
ou  de  simonie  suffirent  pour  imposer 
silence  aux  derniers  récalcitrants. 

Pendant  tout  ce  temps,  la  princi- 
pauté, toujours  privée  de  la  présence  de 
son  chef,  resta  exposée  aux  brigandages 
des  soldats  étrangers.  Quand  les  Etats 
représentèrent  aux  officiers  espagnols 
que  le  pays  était  neutre,  on  leur  répon- 
dit :  Nécessité  fait  loi.  Les  Hollandais  et 
les  Français,  au  nord  et  au  sud,  n'étaient 
pas  plus  trai tables.  On  eut  pourtant  un 
peu  de  répit  sur  la  fin  de  1586,  Ernest 
étant  rentré  à  point  pour  s'occuper  d'af- 
faires militaires.  Mais  les  progrès  des 
religionnaires  vinrent  alors  lui  causer 
de  nouvelles  inquiétudes  :  il  résolut 
d'engager  une  lutte  à  outrance.  D'abord 
il  obtint  des  Etats  que  les  officiers  pu- 
blics, le  jour  même  de  leur  élection, 
jureraient  désormais  fidélité  à  l'Eglise 
romaine;  tous  les  habitants  devaient 
pratiquer  ouvertement  le  catholicisme, 
et  il  était  ordonné  à  ceux  qui  refuse- 
raient de  se  soumettre,  de  quitter  le 
pays  dans  un  délai  donné.  Ces  mesures 
furent  complétées  en  1589  par  un  décret 
confiant  au  vicaire  général  la  surveil- 
lance des  écoles  et  des  livres  classiques, 
et  par  l'établissement  de  la  censure 
ecclésiastique  sur  la  presse  et  sur  les 
spectacles.  En  même  temps,  comme  il  y 

121 


639 


ERNEST  DE  BAVIÈRE 


640 


avait  pénurie  de  prêtres,  Ernest  institua 
deux  séminaires,  l'un  à  Saint-Trond, 
pour  les  humanités,  l'autre  à  Liège, 
pour  la  philosophie  et  la  théologie, 
d'après  le  plan  prescrit  par  le  concile  de 
Trente.  Le  séminaire  de  Liège  devait 
être  entretenu  au  moyen  d'une  contri- 
bution d'un  demi-patar  (3  c.)  par  muid 
de  revenu,  prélevée  sur  le  clergé;  mais 
celui-ci  invoqua,  pour  s'exonérer,  les 
malheurs  du  temps,  si  bien  que  l'entre- 
tien des  séminaristes  ne  put  être  assuré 
qu'en  1592,  par  l'accession  à  leur  éta- 
blissement des  biens  de  l'hôpital  de 
Saint-Mathieu,  dit  à  la  Chaîne.  Le  sé- 
minaire ou  Collège  de  Liège,  annexé  en 
1605  à  l'université  de  Louvain,  dut 
aussi  sa  fondation  à  Ernest  de  Bavière. 

Ce  zèle  pour  l'orthodoxie,  cette  géné- 
rosité prévoyante  n'empêchèrent  pas 
Ernest  d'être  desservi  à  Rome.  Mandé 
auprès  du  souverain  pontife  en  vertu 
d'une  mesure  générale,  pour  rendre 
compte  de  l'administration  de  ses  dio- 
cèses, il  avait  cru  pouvoir  se  dispenser 
de  franchir  les  Alpes;  on  lui  reprochait, 
en  outre,  d'ajourner  indéfiniment  son 
entrée  dans  les  ordres.  Il  se  fit  défendre 
par  un  ambassadeur  qui  n'épargna  ni 
excuses  ni  promesses  :  l'afl^aire  n'eut  pas 
de  suite;  elle  n'eut  pour  eifet  que  d'ex- 
citer le  prince  à  redoubler  de  rigueur 
envers  les  réformés,  nonobstant  les  ré- 
clamations et  les  menaces  des  Etats  de 
Hollande. 

Ceux-ci  n'entendaient  pas  abandonner 
la  cause  de  la  liberté  de  conscience  : 
l'occasion  allait  les  servir.  Ernest  dut  se 
rendre,  en  1594,  à  la  diète  de  Eatis- 
bonne,  on  sa  parole  toujours  écoutée  et 
ses  qualités  politiques  le  rendirent  si 
utile,  qu'il  reçut  des  compliments  du 
pape  et  que  l'empereur  refusa  de  le 
laisser  revenir  à  Liège,  bien  que  sa  pré- 
sence y  fût  plus  que  jamais  nécessaire. 
Les  Italiens  au  service  du  gouverneur 
des  Pays-Bas,  ne  touchant  pas  leur  solde, 
s'étaient  mis  à  rançonner  les  Liégeois, 
qui  n'en  pouvaient  mais;  d'un  autre  côté 
la  guerre  allait  éclater  entre  la  France  et 
l'Espagne,  affaiblie  par  la  mort  récente 
d'Alexandre  Farnèse  :  la  principauté  se 
voyait  exposée  à  tous  les  dangers.  C'est 


ce  moment  que  les  Hollandais  choisirent 
pour  tenter  un  grand  coup.  Pour  assurer 
leurs  communications  avec  les  troupes 
d'Henri  IV,  répandues  dans  le  Luxem- 
bourg et  le  Namurois,  ils  résolurent  dé 
s'emparer  par  surprise  de  là  citadelle  dé 
Huy.  LTn  certain  Henri  Worsen  dé 
Hasselt,  surnommé  Orevessè  (1),  se  laissa 
gagner  par  Haraugier,  gouverneur  de 
Bréda,  se  chargea  de  l'expédition  et 
commença  par  se  lier  avec  le  comman- 
dant de  la  place,  ce  qui  lui  permit  d'étu- 
dier les  lieux.  Le  7  février  1595,  une 
escalade  nocturne  le  mit  en  possession 
du  château  :  il  n'avait  eu  besoin  que  de 
trente  hommes.  L'évêque,  enfin  de  re- 
tour d'Allemagne,  envoya  aussitôt  des 
milices  au  secours  de  là  ville  consternée; 
mais  Grevesse  avait  prévenu  Hâraugiér, 
qui  somma  les  Hutôis  de  se  rendre.  Là 
capitulation  fut  violée,  les  environs 
ravagés  par  les  Hollandais.  Ernest  pro- 
testa sans  succès,  et  par  la  force  et  par 
les  moyens  diplomatiques;  les  Espagnols 
intervinrent,  reprirent  la  ville  et  le  châ- 
teau, n'épargnèrent  pas  les  violences  et 
parurent  d'intention  de  garder  leur  con- 
quête. Ernest  ne  put  recouvrer  Huy 
qu'à  des  conditions  Onéreuses.  Les  habi- 
tants en  pâtirent;  un  édit  les  dépouilla 
d'une  partie  de  leurs  privilèges,  sous  le 
prétexte  qu'ils  s'étaient  livrés  trop  faci- 
lement aux  soldats  des  Provinces-Unies. 
Huy  renfermait  efiectivement  beaucoup 
de  protestants,  circonstance  qui  avait 
enhardi  Haraugier .  Immédiatement  après 
la  reddition,  cent  deux  personnes  furent 
condamnées  comme  suspectes  d'héré- 
sie; les  dissidents  disparurent  depuis 
lors  de  la  ville,  mais  pour  se  répandre 
dans  le  plat  pays  ou  se  réfugier  à  Liégé 
même.  Ernest,  sérieusement  ému,  pres- 
crivit l'exécution  rigoureuse  des  édits  de 
1589  et  renforça  les  ordres  religieux. 
U cpuration  s'accomplit  également  dans 
diverses  petites  villes,  dont  l'industiie 
se  trouva  compromise  par  l'émigration 
des  ouvriers  protestants.  Enfin  la  ter- 
reur rétablit  le  calme;  l'électeur  put 
songer  à  rentrer  à  Cologne,  où  il  jugea 
opportun  de  se  donner  un  coadjuteur.  Il 

(•1)  Ecrevis$e.  par  allusion  à  l'enSeign*  d«  sa 
maison 


641 


ERNEST  DE  BAVIÈRE 


642 


obtint  ce  titre  pour  son  neveu  Ferdinand, 
âgé  seulement  de  onze  ans. 

Ernest  ne  se  montra  pas  seulement 
inexorable  envers  les  dissidents  :  les  an- 
nales judiciaires  de  son  règne  contien- 
nent d'autres  sombres  épisodes  ;  paya- 
t-il  son  tribut  aux  superstitions  de 
l'époque,  ou  peut-être,  ainsi  qu'on  l'a 
supposé,  affecta-t-il  de  considérer  comme 
des  sabbats  diaboliques  les  conventicules 
nocturnes  des  sectaires?  Toujours  est-il 
que  ce  fut  sous  son  administration  qu'on 
commença  à  instruire  des  procès  de  sor- 
cellerie. Eien  de  plus  triste  et  de  plus 
stupide  que  les  détails  qui  nous  ont  été 
transmis  par  l'inquisiteur  Chapeauville 
sur  ces  odieuses  enquêtes,  où  la  terreur 
arrachait  l'aveu  de  crimes  imaginaires. 
Le  P.  Bouille  n'ose  y  insister. 

Des  troubles  occasionnés  par  de  nou- 
veaux impôts  sur  les  denrées,  décrétés 
par  les  bourgmestres  sans  le  consente- 
ment des  métiers,  rappelèrent  Ernest  à 
Liège  en  1.598.  Il  reconnut  le  bien-fondé 
des  réclamations  populaires;  tout  s'apaisa 
pour  un  temps.  Mais  inopinément  surgit 
une  question  des  plus  graves,  la  ques- 
tion électorale. 

D'après  le  règlement  de  Heinsberg, 
en  vigueur  depuis  près  de  deux  siècles, 
les  bourgmestres  étaient  nommés  par 
82  électeurs,  choisis,  dans  les  chambres 
des  métiers,  par  les  commissions  de  la 
cité,  un  électeur  dans  chaque  chambre. 
Ce  système  ouvrait  la  porte  à  des  intri- 
gues, à  des  tentatives  de  corruption  de 
toute  sorte  :  une  réforme  était  devenue 
urgente.  En  1603,  Ernest  eut  l'idée 
d'accorder  aux  métiers  une  part  d'in- 
tervention plus  directe  dans  les  élections. 
Il  décréta  d'abord  que  tous  les  bourgeois 
majeurs,  résidant  à  Liège  ou  dans  la 
banlieue,  seraient  désormais  de  plein 
droit  membres  des  métiers;  ensuite  (rè- 
glement du  14  avril),  que  tous  auraient 
voix  dans  les  assemblées  et  pourraient 
être  directement  élus  aux  offices  muni- 
cipaux; quant  aux  bourgmestres,  que 
trois  bourgeois  seraient  désignés  par  le 
«oy^  dans  chaque  chambre;  que  ces  trois 
bourgeois  (96  en  tout)  en  choisiraient 
trois  autres,  un  trente-deux  et  deux 
j'urés,  par  voix  de  ballottage,  et  que  les 


trente-deux  se  réuniraient  tout  de  suite 
à  l'hôtel  de  ville  pour  y  dresser,  à  huis 
clos,  une  liste  de  candidats,  laquelle 
liste  serait  communiquée  aux  vinyt-deux 
commissaires,  siégeant  dans  la  salle  voi- 
sine. Les  vingt-deux  avaient  pour  mis* 
sion  à' épurer  cette  liste  qui,  par  paren- 
thèse, ne  devait  contenir  aucun  nom 
suspect  d'hérésie;  finalement  les  trente- 
deux  choisissaient  les  bourgmestres,  à  la 
majorité  des  voix,  parmi  les  candidat» 
non  récusés.  Un  bourgmestre  ne  pouvait 
être  réélu  qu'après  un  intervalle  de 
quatre  ans.  Ces  mesures  démocratiques 
furent  bien  accueillies,  mais  il  semble 
qu'elles  n'apportèrent  aucun  remède  aux 
abus  dont  on  s'était  plaint,  au  contraire  : 
on  dut  en  venir,  vers  1610,  à  la  res- 
source extrême  d'un  appel  à  Vienne, 
chaque  élection  donnant  lieu  «  à  des 
scènes  tumultueuses  et  souvent  san- 
glantes Il .  Trois  ans  plus  tard,  sous 
l'évêque  Ferdinand,  l'empereur  Mathias 
ordonna  le  rétablissement  du  règlement 
de  Heinsberg,  sauf  quelques  modifica- 
tions; mais  ce  qui  satisfit  les  uns  mé- 
contenta les  autres.  L'ordonnance  impé- 
riale ne  fut  pas  même  respectée.  Le 
P.  Foullon  n'a  pas  tort  de  considérer 
l'essai  infructueux  d'Ernest,  en  présence 
des  prétentions  exagérées  des  partis  et 
de  leurs  manœuvres  peu  scrupuleuses, 
comme  ayant  donné  lieu  aux  regretta- 
bles événements  qui  remplirent  le  règne 
de  son  successeur. 

L'état  noble  avait  compris  jusque-là 
non-seulement  tous  les  gentilshommes 
de  race,  mais  encore  tous  les  possesseurs 
de  fiefs.  C'était  un  corps  nombreux  et 
jaloux  de  ses  prérogatives.  Ernest  ré- 
solut de  le  réduire  à  sa  plus  simple 
expression  et  de  le  séparer  nettement  du 
peuple,  en  n'admettant  à  l'avenir  aux 
Journées  d'état  que  les  nobles  à  quar- 
tiers. Jean-Louis  d'Elderen  (voir  ce 
nom),  à  la  fin  du  siècle  suivant,  s'en- 
gagea plus  avant  encore  dans  cette  voie 
dangereuse.  On  dirait  qu'Ernest,  dont 
la  ligne  de  conduite  ne  s'explique  pas 
toujours  aisément,  se  laissa  infiuencer 
par  ses  ministres,  tantôt  dans  un  sens, 
tantôt  dans  un  autre. 

Tout  en  vaquant  aux  affaires   de   ses 


643 


EKNESÏ  DE  BAVIÈRE 


644 


principautés,  tout  eu  étreignant  les  pro- 
testants de  sa  main  de  fer,  tout  en 
poursuivant  d'activés  négociations  tantôt 
avec  le  roi  de  France,  tantôt  avec  ses 
autres  voisins,  pour  délivrer  le  pays  de 
Liège  des  brigandages  de  la  soldatesque, 
notre  prélat  trouvait  le  temps  de  s'aban- 
donner à  son  goût  pour  les  sciences. 
Poursuivit-il  la  recliercliedu.^m;i!C?^Mi;/*e, 
ajouta-t-il  foi  aux  rêves  de  l'astrologie? 
Nous  laisserons  la  responsabilité  de  ces 
suppositions  aux  historiens  qui  les  ont 
émises.  Ce  qu'on  sait,  c'est  qu'il  entre- 
tenait dans  son  palais  d'Outre-Meuse 
deux  astronomes,  Gérard  Stempel  de 
Gouda  et  Adrien  Zelst,  qui  rédigèrent  à 
son  intention  et  sous  son  patronage  un 
Traité  de  Vastrolahe  (1),  et  que,  d'autre 
part,  sou  médecin  P.  Gherincx  (voir  ce 
nom)  lui  enseigna  la  chimie.  Lui-même 
analysa  les  eaux  de  la  Fontaine  de  Fline\ 
près  de  Tongres.  Le  temps  lui  manqua 
pour  donner  suite  au  projet  du  poëte 
Dominique  Lampson,  qui  lui  avait  con- 
seillé, dans  une  pièce  de  vers  latins 
"  dignes  d'Ovide  « ,  dit  Villenfagne,  de 
décorer  ladite  fontaine  «  par  un  monu- 
ment d'une  belle  architecture  « ,  Il  n'est 
pas  probable  cependant  que  Tongres  eût 
détrôné  Spa,  dont  la  réputation  s'éten- 
dait dès  lors  jusqu'en  Moscovie. 

Ernest  rendit  aussi  des  services  à 
l'exploitation  des  mines,  entre  autres  à 
celle  de  la  calamine,  du  soufre  et  de 
l'alun,  et  au  traitement  de  la  couperose. 
D'autre  part,  à  l'exemple  de  ses  derniers 
prédécesseurs,  il  tint  à  honneur  de  pro- 
téger les  lettres  et  les  arts.  Erudits  et 
poètes  humanistes  continuèrent^  à  sa 
cour,  d'habiller  leurs  pensées  à  la  ro- 
maine :  le  français  gagna  pourtant  du 
terrain;  on  tourna  volontiers  des  son- 
nets; on  aborda  même  les  sujets  politi- 
ques, mais  avec  une  précaution  extrême, 
car  la  censure  avait  les  cent  yeux  d'Ar- 
gus. Des  poètes  tonsurés  (ils  l'étaient 
presque  tous)  ne  pouvaient  guère  songer 
non  plus  à  célébrer  l'amour  :  de  là  une 
certaine  sécheresse  dans  les  compositions 
liégeoises  de  ce   temps;  leurs  auteurs 

(i)  L'niuMfue  Asirolabii  Jabrica  et  usas.  Liège, 
Ouwercx,  160!2,  in-4». 


sont  des  courtisans  ou  des  chercheurs 
de  concetti  (voir  Peetermans  et  Helbig, 
Fleurs  des  poètes  liégeois.  Liège,  1859, 
in- 12).  Les  salons  du  prince  furent  sur- 
tout fréquentés  par  les  héritiers  des 
latinistes  de  la  renaissance  :  il  suffit  de 
citer  Laevinus  Torrentius,  Dominique 
Lampson,  Juste  Lipse  et  Langius.  Quant 
à  Ernest,  malgré  toutes  ses  sévérités, 
c'était  un  prince  mondain,  très-mondain 
même,  s'il  en  faut  croire  Henri  IV,  le 
roi  Vert-Galant,  qui  disait  de  lui  : 
Il  Mon  cousin  de  Liège  me  ressemble 
Il  jusqu'à  la  ceinture.  « 

Ernest  avait  des  défauts,  mais  aussi 
des  vertus  :  il  était  éminemment  chari- 
table, et  à  ce  titre  on  doit  beaucoup  lui 
pardonner.  Une  société  de  gens  aisés 
s'était  formée  à  Liège,  tout  à  la  fin  du 
xvie  siècle,  dans  le  but  de  fonder  et 
d'entretenir  un  hospice  pour  les  pauvres 
malades  (l'hôpital  de  la  Miséricorde). 
Les  fonds  manquèrent,  les  dettes  s'ac- 
crurent; sans  la  générosité  du  prince, 
qui  fit  libéralement  cession  du  beau 
palais  et  des  jardins  spacieux  qu'il  avait 
acquis  à  grands  frais  dans  le  quartier 
d'Outre-Meuse,  l'établissement  à  peine 
installé  aurait  dû  fermer  ses  portes. 
Telle  est  l'origine  de  V hôpital  de  Bavière, 
aujourd'hui  comme  au  (  emps  du  P .  Bouille 
Il  le  plus  peuplé  et  le  plus  riche  de  la 
cité  " ,  mais  devenu  tout  à  fait  insuffi- 
sant (2).  Sa  première  institution  date  de 
l'an  1600  (de  1606,  selon  Fisen). 

Les  opinions  ou  les  passions  des  his- 
toriens '  ont  influé  sur  les  jugements 
qu'ils  ont  portés  sur  Ernest.  Les  uns 
l'exaltent  pour  avoir  arraché  les  pro- 
vinces rhénanes  et  notamment  la  ville 
d'iVix-la-Chapelle  au  protestantisme , 
pour  avoir  extirpé  l'hérésie  du  pays  de 
Liège,  pour  avoir  discipliné  son  clergé 
tout  en  se  montrant  jaloux  des  immu- 
nités ecclésiastiques  ;  les  autres  n'ont 
en  vue  que  son  intolérance  et  l'attri- 
buent à  son  intérêt  plutôt  qu'à  ses  con- 
victions, considérant  (|u'il  ne  se  décida 
jamais  à  se  faire  ordonner  prêtre  et  que 
sa  vie  privée  ne  fut  pas  tout  à  fait  exem- 

("iji^ll  bera  prochainement  déplacé  et  reconstruit 
dans  les  terrains  de  la  Volitre  (quartier  de 
^Ouebt^ 


64f> 


ERNEST  DE  BAVIÈRE  —  ERNEST  D'AUTRICHE 


646 


plaire.  Le  jésuite  Eoullon  rapporte  une 
légende  qui  le  place  en  purgatoire  ;  nous 
ne  serons  pas  plus  sévère  que  lui,  si  nous 
avons  égard  aux  illusions  et  aux  préjugés 
du  siècle  où  il  vécut.  Il  serait  injuste,  à 
notre  sens ,  de  ne  pas  le  croire  sincère  ; 
mais  il  ne  fut  pas  en  vain  le  contempo- 
rain de  son  cousin  Philippe  II,  et,  d'un 
autre  côté,  l'on  ne  saurait  méconnaître 
qu'il  est  toujours  malheureux  pour  un 
peuple  d'être  soumis  à  des  gouvernants 
étrangers  qui  n'ont  pas  une  juste  idée 
de  son  véritable  esprit. 

Ernest  mourut  pieusement,  témoi- 
gnant un  grand  repentir  de  ses  fautes. 
Il  fut  inhumé  dans  la  cathédrale  de 
Cologne  (chapelle  des  Trois  Eois).  On  lit 
sur  son  sarcophage  : 

Enientus  Bavarorum  (lux  iiiclyU(S,  ar- 
cJiipreesid  Coloniensis  et  princeps  elector, 
religionis  ac  public  a  pacis  Assertor,  Pa- 
tries Pater  laudabilis,  hoc  tuimdo gloriomm 
pree-itolatnr  resurrectionem,  devotis  qtion- 
dnm  sui  gregis  se  commendans  precihus. 
Electus  23  maii  1583.  ObUtll  fehruarii 

nnno  1612  .  Alphonse  Le  Roy. 

Chapeauville,  Foullon,  Fisen.  —  Mélart.  Hist. 
de  Huy  —  De  Thou.  —  .Ms   Del  vaux  —  Bouille. 

—  Loyens  —  Van  Alpen,  Gesch.  der  frûnckUchen 
Rheinufers.  —  Yillent'agne,  Recli.,  t.  II.  —  Le- 
noir,  Hisl.  du  proteslaninme  au  pays  de  Liège. 

—  Becdelièvre.  —  Dewez,  de  Gerlache,  F.  Henaux. 

ER^'EiST  n'ACTRiCHE  (l'archiduc), 
gouverneur  général  des  Pays-Bas.  Fils 
de  l'empereur  Alaximilien  II  et  frère  de 
l'empereur  Rodolphe,  il  fut  élevé  à  la 
cour  de  Philippe  II,  son  oncle,  qui  le 
traitait  comme  son  enfant  et  lui  desti- 
nait la  main  de  sa  fille  aînée,  avec  les 
Pays-Bas  pour  dot.  Ernest  se  distingua 
dans  les  guerres  contre  les  Turcs,  et  ac- 
'(uit,  en  Hongrie,  la  réputation  d'un  bon 
administrateur.  Lorsque  Philippe  II  lui 
offrit  la  gouvernance  générale  des  Pays- 
Bas,  du  consentement  de  l'empereur,  il 
refusa  d'abord,  mais  finit  par  céder  aux 
instances  du  roi.  Il  arriva  en  Belgique 
en  janvier  1594,  accompagné  d'une  suite 
brillante  et  fut  accueilli  par  les  témoi- 
gnages de  sympathie  de  la  nation  qui  se 
flattait  de  lui  voir  conclure  une  paix 
avantageuse  avec  les  Provinces-Unies. 
îSon  premier  soin  fut  de  convoquer  les 
Etats  généraux,  qui  le  reconnurent  pour 


le  lieutenant  du  roi;  il  reçut  les  hom- 
mages de  la  noblesse  et  gagna  tous  les 
cœurs  par  son  caractère  affable  et  ses 
manières  polies.  Mais  la  situation  ne 
laissait  pas  que  d'être  difficile.  En 
France,  la  conversion  d'Henri  IT  avait 
aftaibli  les  affaires  de  la  Ligue;  les 
grandes  villes  se  ralliaient  successive- 
ment à  la  cause  royale.  Le  comte  Charles 
de  Mansfeld,  qui  opérait  dans  le  Xord, 
suspendit  les  hostilités  et  rejoignit  l'ar- 
chiduc à  Bruxelles.  En  Hollande,  le 
prince  Alaurice  de  Nassau,  employant 
tour  à  tour  la  force  et  la  ruse,  portait 
des  coups  sensibles  à  l'Espagne.  Yer- 
dugo,  qui  commandait  les  troupes  his- 
pano-belges, s'opposait  en  vain  à  sa 
marche  en  avant.  Le  prince,  de  succès 
en  succès,  mit  bientôt  le  siège  devant 
Groningue.  L'archiduc  saisit  ce  moment 
pour  renouer  des  négociations  avec  les 
Pronnces-Unies.  Par  l'intermédiaire  de 
deux  jurisconsultes  distingués,  Othon 
Hertius  et  .lérôme  Coomans,  qui  étaient 
allés  à  La  Haye  pour  traiter  des  affaires 
personnelles  du  prince  de  Chimay,  il 
écrivit  aux  Etats ,  sous  la  date  du 
6  mai, une  lettre  dans  laquelle  il  leur 
faisait  connaître  le  vif  désir  qu'il  avait 
de  conclure  la  paix,  énumérait  tous 
les  maux  causés  par  la  guerre,  pro- 
testait de  ses  bonnes  intentions  à  leur 
égard  et  leur  recommandait  de  rentrer 
sous  l'obéissance  du  roi,  s'eugageant  à 
leur  obtenir  des  conditions  raisonnables. 
Cette  démarche,  l'archiduc  l'avait  faite 
malgré  ses  conseillers  espagnols  qui  ré- 
pugnaient à  toute  idée  de  conciliation 
avec  les  rebelles.  Le  comte  de  Fuentès, 
notamment,  lui  avait  représenté  que 
l'ennemi  était  parfaitement  au  courant 
de  l'état  des  choses  dans  les  Pays-Bas, 
qu'il  envisagerait  les  propositions  de  l'ar- 
chiduc comme  dictées  par  la  peur  et  la 
faiblesse  ;  qu'une  paix  favorable  ne  pou- 
vait être  obtenue  qu'à  la  suite  d'une 
guerre  avantageuse  à  la  Belgique,  qu'il 
fallait  donc  attendre  une  occasion  meil- 
leure, que  c'était  au  roi  à  dicter  la  paix, 
non  à  la  recevoir.  L'événement  prouva 
que  Fuentès  n'avait  pas  mal  jugé  la  si- 
tuation. La  lettre  de  l'archiduc  fut  ac- 
cueillie avec  dédain,  les  intermédiaires 


647 


ERNEST  D'AUTRICHE 


648 


purent  à  peine  se  faire  écouter  et  les 
négociations  restèrent  sans  résultat.  Le 
gouvernement  des  Provinces-Unies  ré- 
pondit, le  27  mai,  par  un  mémoire,  qui 
était  un  véritable  réquisitoire  contre 
l'Espagne  et  ne  laissait  aucun  espoir 
d'arrangement.  A  tous  les  griefs  qu'on 
avait  articulés  contre  la  politique  de 
Philippe  II,  on  en  ajoutait  de  nouveaux. 
On  prétendait  que  l'archiduc,  Fuentès 
et  ses  principaux  conseillers  avaient  sou- 
doyé des  assassins  pour  se  défaire  de 
tous  ceux  qui  les  gênaient.  Ainsi  Fuen- 
tès aurait  tenté  de  faire  assassiner  la 
reine  d'Angleterre  et  le  roi  de  France. 
On  croyait  avoir  des  preuves  certaines 
que  l'archiduc  aurait  tramé  la  mort  du 
prince  Maurice.  Des  misérables  dépo- 
sèrent en  ce  sens.  Michel  Renichon, 
prêtre  du  pays  de  Namur,  qui  abjura  le 
catholicisme  avant  de  mourir,  déclara 
qu'il  avait  accepté  la  mission  de  tuer  le 
prince.  Hertius  et  Coomans  demandèrent 
que  Renichon  fût  confronté  avec  le  comte 
de  Berlaymont  qu'il  accusait  de  l'avoir 
suborné;  mais  cette  proposition  n'eut 
pas  de  suite.  Un  soldat  obscur,  nommé 
Pierre  Dufour,  prétendit  également  avoir 
été  acheté  par  les  conseillers  de  l'ai'chi- 
duc;  mais  on  n'eut  d'autres  preuves  de 
ce  dessein  odieux  que  la  parole  d'un 
homme  taré. 

Le  siège  de  Groningue  continua  pen- 
dant ces  pourparlers.  Verdugo  avait 
vainement  demandé  des  secours.  Le 
prince  Maurice,  ayant  gagné  secrète- 
ment le  bourgmestre  Van  Baalen,  livra 
un  dernier  assaut  qui  ne  fut  repoussé 
que  pour  la  forme,  et  la  ville  se  rendit 
à  discrétion.  Comme  partout  l'exercice 
du  culte  catholique  fut  interdit  et  la 
religion  réformée  seule  autorisée.  La 
possession  de  Groningue  était  un  fait 
d'armes  important  qui  consomma  l'éta- 
blissement de  la  république  des  Pro- 
vinces-Unies. 

Aux  revers  militaires  s'ajoutaient  les 
embarras  intérieurs.  Les  troupes  régu- 
lières se  mutinèrent;  Ernest  acheta  leur 
soumission  moyennant  6,000  florins. 
Mais  les  bandes  italiennes  et  autres  mer- 
cenaires se  soulevèrent  également,  sous 
prétexte  que  depuis  la  mort  du  duc  de 


Parme,  ils  n'avaient  plus  reçu  de  solde, 
pillèrent  et  ravagèrent  la  contrée  et  se 
livrèrent  à  toute  sorte  d'excès.  Défaits 
par  les  troupes  que  l'archiduc  envoya 
contre  eux,  les  mutins  furent  soutenus 
par  Maurice  de  Xassau  qui  leur  permit 
de  se  retrancher  à  Bréda  et  à  Gertruy- 
denberg.  Aussitôt  qu'ils  furent  réorga- 
nisés, ils  marchèrent  sur  la  petite  ville 
de  Sichem,  dont  ils  s'emparèrent  et  où, 
s'arrogeant  des  droits  régaliens,  ils  for- 
mèrent une  sorte  d'Etat  indépendant 
sous  le  nom  de  république  italienne. 
Maurice  fit  un  traité  d'alliance  avec  eux. 
Refoulés  par  les  troupes  hispano-belges 
jusque  près  de  Bois-le-Duc,  ils  reçurent 
du  prince  hollandais  des  renforts  d'ar- 
tillerie et  de  cavalerie.  Les  garnisons  de 
Dunkerque,  de  Saint- Amand  et  d'autres 
places  fortes  suivirent  l'exemple  des  Ita- 
liens. L'archiduc  se  vit  finalement  forcé 
d'entrer  en  pourparlers  avec  eux  ;  il  leur 
assigna  la  ville  de  Diest^  où  ils  restèrent 
près  d'un  an  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent 
payés  :  telle  était  la  détresse  du  trésor. 
Pendant  ce  temps,  un  nouvel  orage 
fvvait  fondu  sur  les  Pays-Bas.  Henri  IV, 
uni  aux  Hollandais  et  aux  Anglais,  ré- 
solut de  porter  tout  l'eftort  de  ses  armes 
sur  les  provinces  belges.  Le  23  octobre 
15 94,  il  nomma  le  duc  de  Bouillon  gé- 
néral en  chef  de  ses  troupes.  Le  vieux 
comte  de  Mansfeld  fut  opposé  au  duc 
et  à  Philippe  de  Nassau  et,  aidé  des 
comtes  de  's  Heerenberg  et  de  Berlayr 
mont,  il  força  l'ennemi  à  rentrer  en 
France;  Bouillon  n'avait  réussi  qu'à  se 
rendre  maître  de  quelques  petites  villes 
du  Luxembourg.  L'archiduc  n'avait 
pas  attendu  ces  événements  pour  sol- 
liciter de  pressants  secours  à  Madrid. 
Il  avait  successivement  envoyé  à  Phi- 
lippe II  son  chambellan  le  sire  de  Mo- 
Inrd,  puis  le  seigneur  de  Dietrichstein, 
et,  enfin,  son  secrétaire  Westernach. 
N'ayant  rien  obtenu  du  roi,  l'archiduc 
convoqua  les  Etats  le  5  décembre,  à 
Bruxelles.  L'assemblée,  ne  se  trouvant 
pas  en  nombre,  fut  prorogée  jusqu'au 
mois  de  janvier.  Deux  des  membres, 
Haiiiaut  et  Artois,  se  plaignirent  vive- 
ment de  ce  que  leur  proximité  avec  la 
France  les  exposait  à  (les  calamités  sans 


649 


ERNEST  D'AUTRICHE  —  ER.XEST  DE  SAINT-JOSEPH 


6o0 


nombre  et  demandèrent  instamment  que 
la  paix  fût  conclue  avec  Henri  lY.  Le 
roi  leur  avait  mandé  que  si  les  troupes 
espagnoles  n'évacuaient  pas  le  pays  et 
ne  juraient  qu'elles  ne  rentreraient  ni  à 
Cambrai,  ni  dans  le  Cambrésis,  il  leur 
déclarerait  la  guerre,  mais  s'abstien- 
drait de  toute  hostilité  jusqu'au  1er  jan- 
vier. Les  Etats  des  deux  provinces,  sur 
l'avis  de  l'archiduc,  répondirent  qu'elles 
n'avaient  rien  à  répondre  au  message 
royal. 

Lorsque  les  Etats  généraux  se  réu- 
nirent en  janvier  1595,  leducd'Arschot, 
répondant  à  l'archiduc  qui  avait  assuré 
que  le  roi  ne  désirait  que  la  paix,  fit 
observer  qu'il  ne  fallait  s'attendre  à  au- 
cune pacification  tant  qu'il  y  aurait  des 
troupes  étrangères  dans  le  pays  et  que 
les  Espagnols  resteraient  à  la  tête  du 
pouvoir.  Le  clergé  et  la  noblesse  ap- 
puyèrent cette  opinion,  que  l'archiduc 
promit  de  faire  connaître  à  Madrid.  Ils 
demandèrent  aussi  l'avis  de  Juste-Lipse 
qui,  très  au  courant  des  affaires  des  Pro- 
vinces-Unies, répondit  que,  «  eu  égard 
à  l'audace  des  confédérés,  et  à  l'amour 
de  la  nouveauté  chez  le  peuple,  on  ne 
pouvait  pas  compter  sur  la  paix,  mais 
tout  au  plus  sur  une  trêve.  « 

Sur  ces  entrefaites,  Henri  IV  déclara, 
le  17  janvier,  la  guerre  à  l'Espagne. 
Turenne  se  jeta  sur  le  Luxembourg, 
Philippe  de  Xassau  le  rejoignit  avec  des 
troupes  hollandaises,  et  ils  prirent  plu- 
sieurs villes,  bien  que  l'armée  d'Ernest 
se  défendît  avec  gloire  et  infligeât  à 
l'ennemi  plusieurs  revers.  Le  succès  le 
plus  important  des  alliés  fut  la  prise  de 
Huy,  à  laquelle  ils  arrivèrent  par  la 
trahison  du  capitaine  de  la  forteresse,  que 
le  commandant  de  Bréda,le  sire  de  Hé- 
raugier,  était  parvenu  à  acheter.  Huy 
appartenait  au  prince-évêque  de  Liège; 
celui-ci  protesta  vainement  auprès  des 
Provinces-Unies  contre  la  violation  du 
traité  de  neijtralité  conclu  entre  eux. 
Ernest  essaya  encore  de  réparer  ce  nou- 
veau désastre;  il  envoya  des  troupes 
pour  reconquérir  la  place;  mais  lorsque 
ses  généraux  arrivèrent  devant  les  murs 
de  la  ville,  ils  apprirent  que  l'archiduc 
était  décédé  dans  la  nuit  du  20  au  21  fé- 


vrier 1595.  On  fit  courir  toutes  sortes 
de  bruits  sur  sa  mort;  on  parla  même 
d'empoisonnement;  ce  qu'il  y  a  de  plus 
probable,  c'est  que  son  médecin,  le 
Dr  Xunez,  ignorant  la  vraie  cause  de  sa 
maladie,  l'avait  traité  mal. 

»  Prince  d'un  caractère  doux,  franc 
et  paisible,  dit  Grotius,  ennemi  du  luxe 
et  du  faste,  aussi  peu  ambitieux  que  peu 
entreprenant,  qui  n'avait  ni  les  vices 
qui  font  les  méchants  princes,  ni  les 
vertus  qui  font  les  grands  hommes.  « 
Avant  de  mourir,  il  avait  désigné  le 
comte  de  Fuentès  pour  le  remplacer. 

Il  fut  enterré  dans  l'église  de  Sainte- 
Gudule  à  Bruxelles  où  l'archiduc  Albert, 
son  frère,  lui  fit  graver  l'inscription  sui- 
vante : 

MEMORI.E    SERENISSIMI    PRI.NCIPIS    ERNESTI  ARCHI- 

[DUCIS 

AusTRi-ï,  Maximiliaxi  II  Imperatûris  FiLU,  Ex 

i.Maria 

CAROLI  LmPERATORIS  FILIA  !  FERDIXAXI'I  I  Nepotis 
MAXIMILIAM  I   ABSEPOTIS,  RCDOLPHl  H   Fratris. 

t)li  clm  regnlm  hlngari.t  et  finitima  loca  per 
axxos  1"  fortiter  felicnerqre  admimstrasset, 
Ad  Belgu  gubeknacl'la  vocatus  easdem  pro- 

[VINCIAS 
ETSI  BREVI  13  MENSICM   SPATIO,  CUM  ^TERSA 

Sl'a  laude  et  gratia  rexit.  In  avita  religione. 

In  page,  in  IMPERIO  REDUCENDA  INTENTLS,  IN  IISQUE 

Clris  mortuus  anno  MI3XCV.  x  kal.  mart. 

CuM  VIXJSSET  ANNIS  XLl,  MENSES  Mil,   OIES  V. 
POSUIT  ALBERTUS  ARCHIDUX  AlSTRI.€,  BELGII 

Slngllari  in  fratrem  affectu  ejusuue  corpus 
Ex  auversû  DcciM  Brabanti^  tcmulo  RELIQUIT 

MONUMENTUM   HIC   VOLUIT  EXTARE   ». 

Emile  de  Borchgravi-. 

Bentivoglio,  Guerres  de  Flandre.  —  Van  Meteren. 
— Bor.— Wagenaar,  Vaderlandsche  Historié,  MU. 
—  Chronyke  van  Vlaenderen,  ill. —  Bitlleiin  de  la 
commission  royale  d'histoire,  'à<'  série,  XI,  314. 

ERNEST  DE  «AiXT- JOSEPH,  écri- 
vain ecclésiastique,  appelé  dans  le  monde 
Hautraarets,  naquit  dans  le  pays  de 
Liège  vers  la  fin  du  xviie  siècle,  et  entra 
dans  l'ordre  des  carmes  déchaussés.  H 
publia,  en  1718,  chez  l'imprimeur 
F. -A.  Barchon,  à  Liège,  un  ouvrage 
intitulé  :  Ze  ministère  du  confesseur  en 
pratique,  ou-  le  sage  et  prudent  dispensa- 
teur du  sacrement  de  pénitence;  2  vol. 
in-8'1  de  xiv-4'i-i  et  vni-lS3  pages, 
avec  titres  imprimés  en  rouge  et  noir. 
La  date  de  sa  mort  nous   est  inconnue. 

E.-H.-J.  Reusi-n». 
Cosmas  De  Villiers,  Biblioiheca  Cannelitana, 
1,  p.  449.  —  X.  de  Theux,  bibliographie  liégeoise, 
l,p.  i09.  y    f  V 


ôol 


ERNST 


6S2 


ER^'fST  {Antouie-yîcoJas-JosepJi),  ju- 
risconsulte,professeur,  homme  politique, 
né  à  Aubel  le  20  mars  1796,  décédé  à 
Boppart(sur  le  Rhin)  le  10  juillet  1841. 
Il  était  le  troisième  des  quatre  fils  d'Ul- 
ric-Pierre- Antoine,  échevin  de  la  cour 
foncière  et  seigneuriale  de  Gorchem 
(duché  de  Limbourg),  mort  en  1808. 
Ernst  aÎ7ié  (voy.  l'article  suivant),  notre 
Antoine  et  Lambert,  le  plus  jeune,  se 
vouèrent  à  l'enseignement  du  droit  ; 
Ulric-Antoine-Joseph,  le  second,  bourg- 
mestre d' Aubel  en  1830,  ne  quitta  point 
son  pays  natal  et  s'y  contenta  des  mo- 
destes fonctions  de  juge  de  paix  (1).  La 
création  d'une  école  de  droit  à  Bruxelles 
ayant  décidé  Ernst  aîné  à  poursuivre  ses 
études  en  cette  ville,  Antoine  et  Lam- 
bert l'y  rejoignirent,  achevèrent  leurs 
humanités  au  lycée  impérial,  puis  se 
préparèrent,  sous  la  direction  de  leur 
frère,  à  entrer  au  barreau.  Antoine  sortit 
de  l'école  de  droit  le  6  juin  1816  avec 
le  grade  de  licencié,  obtenu  summâ  cirni 
lande.  Il  se  fit  immédiatement  inscrire 
au  tableau  des  avocats,  mais  donna  en 
même  temps  des  répétitions  de  droit  ro- 
main, ce  qui  l'attira  peu  à  peu  dans 
l'orbite  de  l'enseignement  académique. 
Nommé  le  1.3  février  1822  professeur 
extraordinaire  à  la  faculté  de  droit  de 
Liège,  où  son  aîné  occupait  une  chaire 
depuis  la  fondation  de  l'université,  il 
fut  promu  à  l'ordinariat  dès  le  3  juillet 
suivant.  Sa  carrière  se  divise  naturelle- 
ment en  trois  périodes  :  dans  la  pre- 
mière et  la  dernière,  il  se  consacra  tout 
entier  à  sa  mission  professorale  ;  dans  la 
seconde,  il  prit  une  part  considérable 
aux  a9"aires  de  l'Etat.  Bien  qu'étant 
resté  étranger  aux  événements  de  sep- 
tembre, il  fut  élu  membre  suppléant 
du  Congrès  national  ;  mais  il  refusa 
obstinément  de  siéger  dans  cette  mémo- 
rable assemblée  après  la  mort  de  M.  Xa- 
gelraackers;  malgré  les  instances  de  ses 
amis,  ce  ne  fut  qu'en  1833,  à  la  suite 
de  la  dissolution  des  Chambres,  qu'il 
consentit  à  accepter  un  mandat  parle- 
mentaire. Xous  le  considérerons  tour  à 
tour  comme  professeur  et  comme  homme 

(1)  11  mourut  à  Monizen  en  1844;   Lambert 
finit  ses  jours  à  Louvain,  le  15  novembre  1872. 


d'Etat,  ainsi  que  nous  l'avons  fait  dans 
le  Liher  Memorialis. 

Il  débuta  par  un  cours  très-sommaire 
de  droit  commercial;  ce  n'est  que  plus 
tard,  sous  Godet,  que  cet  enseignement 
acquit  une  importance  réelle  à  Liège. 
Ernst  donna,  par  contre,  tous  ses  soins 
aux  cours  d'encyclopédie  du  droit,  de 
droit  civil  élémentaire  et  de  droit  ro- 
main (Insti tûtes),  dont  il  fut  successive- 
ment chargé.  Le  cours  d'encyclopédie 
était  facultatif;  néanmoins  les  élèves  y 
affluaient.  Xi  chez  nous,  ni  en  France, 
on  n'avait  encore  entendu  rien  de  sem- 
blable :  l'influence  allemande  se  faisait 
définitivement  sentir.  "  De  précieuses 
»  recherches  sur  l'origine  du  droit,  un 
«  tableau  des  législations  anciennes,  un 
"  appendice  sur  le  droit  coutumier,  la 
"  transition  du  droit  romain  au  droit 
"  moderne  parfaitement  marquée,  le  tout 
Il  mis  en  rapport  avec  nos  besoins  et 
Il  l'état  de  notre  législation,  le  tout 
Il  envisagé  au  double  point  de  vue  de  la 
-  philosophie  et  de  l'histoire,  c'en  était 
u  plus  qu'il  en  fallait  pour  retenir  une 
u  jeunesse  qui  commençait  à  se  passion- 
y  ner  vivement  pour  les  sciences  morales 
"  et  politiques.  «  Ernst  ne  se  traînait 
pas  cependant,  il  est  bon  de  le  dire,  à  la 
remorque  des  auteurs  étrangers  :  il  avait 
son  plan  à  lui,  synthétique  plutôt 
qu'historique  ;  c'était  avant  tout  un 
théoricien,  un  logicien  comme  son  frère, 
ce  qui,  du  reste,  n'excluait  pas  chez  lui 
l'esprit  pratique.  Mais  il  brilla  surtout 
comme  professeur  de  droit  civil  et  d'In- 
stitutes.  Laissons  parler  le  chanoine 
De  Ram  :  «  Avant  M.  Ernst,  il  n'y  avait 
u  guère  dans  nos  universités  que  des 
"  leçons  approfondies  sur  une  partie  du 
Il  Code;  le  jeune  professeur  comprit  qu'il 
"  y  aurait  avantage  à  placer,  à  côté  de 
Il  ce  cours  de  haute  discussion,  un  cours 
»  plus  restreint  aux  principes,  et  qui 
"  embrasserait  en  deux  ans  l'ensepable 
"  du  Code.  Le  succès  fut  tel,  qu'aujour- 
u  d'hui  encore  (2)  ses  anciens  élèves  n'en 
"  parlent  qu'avec  enthousiasme  ;  ils  se 
Il  souviennent  toujours  de  cette  patience 
«  d'analyse,  qui   permettait  au  profes- 

(2)  1841. 


653 


ERNST 


654 


«  seur  de  simplifier  les  matières  les  plus 
«  compliquées  et  de  les  présenter  en  un 
u  tableau  succinct  qui  frappait  tous  les 
«  esprits.  —  Dans  le  cours  des  Insti- 
«  tûtes,  il  avait  parfaitement  saisi  la 
Il  limite  qui  sépare  ce  cours  de  celui  des 
Il  Pandectes;  il  réunissait  les  deux  an- 
II  ciennes  méthodes  presque  exclusives  : 
»  celle  du  traité,  qui  ne  donnait  que  les 
»  principes  sans  voir  les  textes,  et  celle 

I  du  commentaire ,  qui  s'attachait  à  ex- 
»  pliquer  sèchement  la  lettre,  sans  vue 

II  d'unité  et  sans  point  de  départ.  Pen- 
II  dant  six  mois  d'abord,  M.  Ernst  ex- 
II  pliquait  les  Institiites  en  forme  de 
Il  traité  ;  il  résumait  avec  ordre  les  prin- 
»  cipes  généraux  de  tout  le  droit  romain, 
»  mais  toujours  en  prenant  les  Institutes 
«  pour  base,  et  ce  n'était  qu'en  passant 
"  qu'il  commentait  çà  et  là  l'un  ou 
«  l'autre  passage  difficile.  Chaque  cha- 
«  pitre,  chaque  titre  avait  en  tête  l'in- 
II  dication  des  sources,  Institutes,  Pan- 
«  dectes.  Code,  Novelles,  où  le  profes- 
u  seur  puisait  les  principes  qui  formaient 
Il  et  complétaient  le  beau  plan  de  cette 
«  première  partie  de  son  cours.  La  se- 
«  conde  était  essentiellement  pratique  : 
u  M.  Ernst  y  aidait  ses  élèves,  fortifiés 
«  déjà  par  le  suc  d'une  saine  doctrine, 
«  à  expliquer  la  lettre  même  des  prin- 
»  cipales  matières  des  Institutes.  »  Sa 
tradition  lui  survécut  à  Liège  dans  l'en- 
seignement du  professeur  Fr.  Kupff"er- 
schlaeger  (f  1866),  d'abord  son  sup- 
pléant, puis  son  successeur  pour  les 
Institutes.  Les  cours  d'Antoine  Ernst 
sont  toutefois  demeurés  inédits  ;  peut- 
être  y  eût-il  eu  imprudence  à  déférer  au 
vœu  exprimé  à  cet  égard  par  son  bio- 
graphe :  la  science  n'est  pas  restée  sta- 
tionnaire,  et  il  n'est  pas  même  certain 
que  l'enseignement  d'Ernst,  à  Louvain, 
n'ait  été  que  la  répétition  de  son  ensei- 
gnement à  Liège. 

Recteur  de  l'université  de  cette  der- 
nière ville  en  18.31-1832,  Antoine  inter- 
rompit ses  cours  l'année  suivante,  ainsi 
qu'on  l'a  dit  plus  haut,  pour  se  jeter 
dans  l'arène  politique.  Il  y  combattit 
vaillamment  pendant  six  ans,  au  risque 
de  compromettre  sa  santé  assez  délicate. 
Suivons-le  dans  cette  nouvelle  carrière 


avant  de  le  retrouver  à  côté  de  ses 
frères,  professeur  comme  eux  à  l'Uni- 
versité catholique. 

Sans  être  fertile  en  grands  événe- 
ments, la  période  de  1833  à  1839  mar- 
quera dans  l'histoire  de  la  jeune  Bel- 
gique, à  raison  de  la  gravité  des  questions 
débattues  au  sein  du  Parlement,  et  de 
l'influence  exercée  sur  l'attitude  des 
partis  et  même  sur  les  destinées  de  nos 
institutions  par  les  solutions  qu'elles 
reçurent.  Il  s'agissait  de  l'exécution  du 
traité  des  Vingt-quatre  articles,  ratifié 
à  la  fin  de  1831.  La  neutralité  belge 
était  garantie  par  cette  convention,  mais 
en  échange  du  sacrifice  d'une  partie  du 
territoire.  La  conférence  de  Londres 
aurait  voulu  laisser  la  Belgique  et  la 
Hollande  s'arranger  directement  entre 
elles;  or,  la  Belgique  demandait,  avant 
toute  négociation,  l'évacuation  d'Anvers, 
occupé  par  les  troupes  hollandaises.  Le 
roi  Guillaume  1er  cherchant  à  tergiver- 
ser, la  France  et  l'Angleterre  résolurent 
de  le  mettre  en  demeure  ;  cette  inter- 
vention déplut  aux  Belges,  qui  n'enten- 
daient pas  être  placés  sous  une  sorte  de 
tutelle.  Le  ministère,  disposé  à  tout  mé- 
nager, ne  put  obtenir  de  la  Chambre 
des  représentants  un  vote  de  confiance; 
le  Sénat  se  montra  de  meilleure  compo- 
sition. Sur  ces  entrefaites  apparurent  les 
Français  :  le  général  Chassé,  après  une 
héroïque  défense,  dut  rendre  la  citadelle 
d'Anvers  le  23  décembre  1832.  On  ne 
pardonna  pas  aux  ministres  d'avoir  ac- 
cepté le  secours  d'une  puissance  amie  : 
ils  durent  se  retirer,  mais  pour  repren- 
dre bientôt  leurs  portefeuilles,  le  roi  ne 
parvenant  pas  à  constituer  une  adminis- 
tration nouvelle.  Peux  fois  démission- 
naire, deux  fois  maintenu  par  la  force 
des  choses,  le  cabinet  n'entrevit  plus 
qu'une  issue  :  l'appel  au  pays.  La  se- 
conde Chambre  fut  dissoute;  mais  les 
élections  ne  modifièrent  pas  sensiblement 
la  majorité  :  de  là,  une  agitation  géné- 
rale, qui  eut  pour  premier  effet  de  ren- 
dre des  espérances  à  l'orangisme.  L'op- 
position devint  violente  et  saisit  tous  les 
prétextes  :  il  s'en  fallut  de  peu  que 
Lebeau,  ministre  de  la  justice,  ne  fût 
mis  en  accusation  au  sujet  d'une  ques- 


685 


ERNST 


6^6 


tion  (l'extradition.  C'est  dans  ces  cir- 
constances qu'Antoine  Ernst  fut  élu 
représentant.  Catholique  unioniste,  il 
n'avait  pas,  comme  on  l'a  prétendu, 
donné  des  arrhes  au  parti  libéral  ;  on  fut 
donc  injuste  à  son  égard  lorsqu'on  le 
qualifia  de  transfuge,  en  observant  son 
attitude  à  l'égard  du  ministère.  Dans 
l'affaire  Lebeau,  il  déclara  «  que  son 
«  serment  à  la  Constitution  l'obligerait 
"  de  souscrire  à  l'acte  d'accusation,  s'il 
«  était  formulé.  «  Cependant  il  n'était 
pas  antiministériel  quand  même  :  on  en 
eut  la  preuve  le  jour  où  le  gouverne- 
ment, pour  en  finir,  déposa  un  projet 
de  loi  sur  l'extradition.  Nommé  rappor- 
teur de  la  section  centrale,  il  n'hésita 
pas,  dût-il  indisposer  ses  amis,  à  sou- 
tenir le  projet  en  pleine  Chambre,  sauf 
à  appuyer  sur  les  amendements  présentés 
en  section  dans  le  but  de  rendre  impos- 
sible toute  mesure  arbitraire.  Il  enten- 
dait ne  s'inféoder  qu'à  sa  conscience; 
mais  s'il  défendait  ce  qu'il  croyait  juste 
et  vrai  avec  les  ministres,  il  n'en  était 
pas  moins  persuadé  de  la  nécessité  d'une 
reconstitution  du  cabinet.  La  modération 
du  langage  n'était  pas  précisément  sa 
qualité  dominante  :  ses  premières  phi- 
lippiques  causèrent  même  un  certain 
émoi  ;  mais  on  s'y  fit  et  plus  on  le  con- 
nut, plus  on  l'estima  pour  sa  franchise 
et  sa  droiture.  Il  dépassa  pourtant  le 
but  en  1834,  qiiand  il  proposa  formelle- 
ment, avec  Dubus,  d'infliger  un  blâme 
au  gouvernement,  dont  la  faiblesse,  en 
présence  des  pillages,  lui  paraissait  in- 
concevable ;  la  Chambre  ne  le  suivit  pas 
sur  ce  terrain,  elle  se  contenta  de  voter 
une  loi  sévère  contre  les  manifestations 
orangistes,  et  elle  n'eut  pas  tort.  Le 
ministère  reconquit  à  ce  moment  une 
majorité  imposante  :  tout  d'un  coup, 
le  1er  août,  à  la  surprise  générale, 
MM.  Rogier  et  Lebeau  donnèrent  leur 
démission  :  on  se  perdit  en  conjectures, 
il  s'agissait  simplement  du  ministre  de 
la  guerre  (baron  Evain),  dont  ils  n'avaient 
pu  obtenir  le  renvoi.  Cette  fois  la  dislo- 
cation était  irrévocable  ;  elle  était  même 
prévue  chez  les  initiés,  puisqu'il  est 
avéré  que  des  démarches  officieuses 
avaient  été  tentées  auprès  d'Ernst  dès  le 


mois  de  juillet,  pour  le  décider  à  entrer 
dans  une  nouvelle  combinaison.  Le 
4  août,  un  cabinet  mixte  fut  constitué  : 
Ernst  et  le  baron  d'Huart  y  entrèrent  à 
titre  de  libéraux,  en  regard  des  catho- 
liques De  Theux  et  De  Muelenaere.  Une 
telle  alliance  fit  gloser;  nous  avons  dit 
qu'Ernst  était  unioniste,  c'est  sa  justifi- 
cation. Mais  r  Union  n'avait  plus  long- 
temps à  vivre  :  bientôt  les  partis  se  sé- 
parèrent nettement,  comme  le  démontra 
la  création  presque  simultanée  des  deux 
universités  libres.  Il  va  sans  dire  que  le 
cabinet  de  1834  passa,  dès  lors,  pour 
homogène. 

Comme  ministre  de  la  justice,  Ernst 
se  vit  un  jour  reprocher  une  prétendue 
contradiction  avec  les  principes  qu'il 
avait  professés  à  l'époque  où  il  faisp,it 
partie  de  l'opposition.  La  question  de 
l'extradition  avait  été  résolue  alors;  celle 
de  l'expulsion  des  étrangers  n'était  pas 
encore  tranchée.  Ernst  jugea  qu'en  pa- 
reille matière  des  arrêtés  de  circonstance 
ne  pouvaient  suffire;  il  réussit  à  faire 
voter  la  loi  du  22  septembre  1835.  Or, 
environ  deux  ans  plus  tard,  il  arriva  que 
le  gouvernement  français  réclama  le 
banqueroutier  Malafosse,  réfugié  en 
Belgique.  Le  fugitif  fut  arrêté  à  Anvers, 
nanti  de  valeurs  assez  considérables  ; 
mais  comme  les  pièces,  transmises  par 
le  tribunal  à  l'administrateur  de  la  sû- 
reté publique,  n'étaient  pas  en  règle,  il 
adressa  d'urgence  une  réclamation  au 
Parlement.  On  se  hâta  de  remplir  les 
formalités;  mais  le  ministre,  «  ce  grand 
"  ennemi  de  l'arbitraire,  «  n'en  fut  pas 
moins  rendu  responsable  d'une  arresta- 
tion illégale.  Il  déclara  qu'il  n'avait  été 
pour  rien  dans  cet  acte,  mais  que  s'il 
avait  été  consulté,  il  aurait  ordonné  à 
ses  inférieurs  d'agir  ainsi  qu'ils  l'avaient 
fait;  quant  à  l'extradition,  il  la  différa 
par  respect  pour  la  Chambre.  Les  jour- 
naux jetèrent  feux  et  flammes;  le  mi- 
nistre les  laissa  épuiser  leur  arsenal  ; 
l'affaire  n'eut  pas  de  suite. 

D'autres  susceptibilités  se  firent  jour 
à  propos  de  la  peine  de  mort,  supprimée 
en  fait  depuis  la  révolution  et  remise  en 
vigueur  par  Ernst  en  1835.  C'estàlui.en 
effet,  que  s'applique  le  passage  suivant 


657 


ERNST 


658 


d'un  rapport  présenté  au  Sénat  français, 
en  1 8  6  7 ,  par  M .  de  la  Guéronnière  :  «  En 
M  Belgique,  pendant  une  période  de  cinq 
Il  années,  de  1830  à  1834,  la  peine  de 
Il  mort,  quoique  maintenue  en  droit,  a 
u  été  pratiquement  abolie,  et  cependant 
Il  les  crimes  entraînant  cette  peine  ne 
"  se  sont  pas  accrus.  Toutefois,  le  gou- 
«  vernement  belge  n'a  pas  jugé  pouvoir 
Il  prolonger  l'expérience  et  Véchajaud, 
Il  quon  croyait  ahattu,  g  est  relevé  (1).  « 
Voici  les  faits.  Au  sénat,  MM.  de  Mé- 
rode  et  de  Sécus  ayant  attribué  la  mul- 
tiplication des  crimes  à  \&  famse  philan- 
thropie du  ministre  de  la  justice,  celui-ci 
répondit  que  la  peine  de  mort  n'était 
abolie  en  aucune  manière,  et  que,  pour 
sa  part,  il  n'avait  jamais  sollicité  la  grâce 
d'un  assassin.  11  fit  incontinent  dresser 
une  statistique  criminelle  :  pour  justifier 
son  consentement  à  des  rigueurs  aux- 
quelles on  n'était  plus  habitué,  il  avait 
besoin  d'établir  que  l'expérience  en  dé- 
montrait la  nécessité.  Or,  avant  que  la 
statistique  fût  terminée,  il  advint  que 
sept  condamnations  à  mort  furent  pro- 
noncées par  la  cour  d'assises  de  la  Flan- 
dre occidentale.  Six  condamnés  obtinrent 
une  commutation  de  peine;  mais  la  tête 
du  septième,  l'assassin  Nys,  tomba  sur 
la  place  de  Courtrai  (9  février  1837).  Le 
jour  même,  M.  H.  de  Brouckere  repro- 
duisit à  la  Chambre  des  représentants 
une  motion  qu'il  avait  déjà  présentée, 
pour  l'abolition  de  la  peine  de  mort. 
Elle  fut  prise  en  considération  et  ren- 
voyée aux  sections;  M.  Milcamps  pré- 
senta un  rapport  au  nom  de  la  section 
centrale,  puis  le  débat  fut  ajourné  indé- 
finiment, parce  qu'on  jugea  indi.spen- 
sable  de  consulter  avant  tout  les  cours 
et  tribunaux.  Quant  à  Ernst,  il  avait 
certainement  cru  remplir  un  devoir  en 
refusant  d'intercéder  pour  Nys.  Aussi 
bien  son  imagination  était  frappée  :  il 
lisait  dans  les  journaux  étrangers  que  la 
Belgique  devenait  un  repaire  de  crimi- 
nels. C'était  une  calomnie  évidente  :  on 
avait  mis  la  main  sur  des  bandes  de 
brigands,  mais  hors  de  là,  rien  n'attes- 
tait  une  recrudescence  générale  de  la 

(-l)  A  Liège  et  dans  tout  le  ressort  de  la  cour 
d'appel,  on  n'a  plus  exécuté  depuis  18:24. 


criminalité;  enfin,  l'expérience  d'une 
seule  année  ne  pouvait  être  décisive, 
Ernst  eut  le  tort,  il  faut  l'avouer,  de  ne 
point  attendre  la  publication  de  la  sta- 
tistique; mais  s'exagérant  la  situation, 
il  se  crut  obligé,  en  toute  hâte  et  sous  sa 
responsabilité,  de  rassurer  les  honnêtes 
gens.  Pans  d'autres  conditions,  la  ques- 
tion se  serait  sans  doute  présentée  tout 
autrement  à  son  esprit. 

Ernst  a  laissé  la  réputation  d'un  chef 
rigide,  mais  absolument  intègre,  d'un 
administrateur  habile  et  impartial,  en- 
nemi des  intrigues  et  des  coteries.  La 
Chambre  rendit  hommage  à  son  équité 
en  confiant  au  gouvernement  le  premier 
choix  des  nouveaux  conseillers,  lors- 
qu'elle augmenta  le  personnel  de  la  Cour 
d'appel  de  Bruxelles  (1836).  Il  intro- 
duisit d'utiles  réformes  dans  ses  bureaux 
et  montra  un  grand  zèle  en  fait  de  bien- 
faisance publique  :  Namur  lui  doit  son 
pénitencier  pour  les  femmes,  et  le  pre- 
mier il  eut  la  pensée  d'instituer  une 
maison  du  même  ordre  pour  les  jeunes 
délinquants  (2).  Il  prit  une  part  très- 
active  aux  débats  parlementaires  de  1 8  3  5 
et  1836  sur  l'enseignement  supérieur, 
sur  les  lois  provinciale  et  communale. 
Une  question  financière  vint  inopiné- 
ment ébranler  le  cabinet.  La  Société 
Générale,  caissière  de  l'Etat, s'était  trou- 
vée tout  d'un  coup  en  butte  à  des 
attaques  incessantes  :  «  elle  spéculait, 
Il  disait-on,  avec  les  deniers  des  contri- 
II  buables;  le  roi  Guillaume,  possédant 
«  les  trois  quarts  des  actions,  les  béné- 
II  fices  étaient  transportés  à  La  Haye, 
"  d'où  ils  servaient  à  solder  la  contre- 
II  révolution.  »  La  Banque  de  Belgique 
fut  créée  pour  servir  de  contre-poids  à 
la  Société  :  prévoyant  que  sa  rivale  de- 
viendrait tôt  ou  tard  un  établissement 
national,  celle-ci  résolut  de  se  rattacher 
ostensiblement  au  régime  nouveau  :  elle 
ambitionna  le  titre  de  ministre  d'Etat 
pour  M.  de  Meeus ,  son  gouverneur,  et 
pour  M.  Coghen,  l'un  de  ses  directeurs. 
Ernst  concourut  avec  De  Theux  et 
D'Huart  à  repousser  énergiquement  ces 
prétentions,  soutenues   par   De  Muele- 

("2)  Allusion  au  pénitencier  de  Saint-Hubert, 
fondé  plus  tard. 


6o9 


ERNST 


660 


naere  ;  «  il  y  a  là  un  véritable  danger  pour 
le  pays  !  s'écria-t-il;  plutôt  que  de  céder, 
j'abandonnerai  mon  portefeuille.  «  Ce  fut 
De  Muelenaere  qui  se  retira.  Des  dis- 
sidences analogues  s'étant  produites  à 
propos  du  refus  d'autoriser  la  Société  de 
mutualité  industrielle ,  Ernst  ofi'rit  une 
seconde  fois  sa  démission;  elle  ne  fut 
point  acceptée. 

La  Hollande  finit  par  adhérer  au 
traité  des  Vingt-quatre  articles.  On  se 
vit  en  présence  d'une  terrible  question  : 
les  Belges  pouvaient-ils  dignement  con- 
sentir à  se  séparer  de  trois  cent  quatre- 
vingt  mille  de  leurs  frères,  acheter  leur 
neutralité,  leur  sécurité,  au  prix  de  la 
cession  d'une  partie  du  Limbourg  et  du 
Luxembourg?  Ernst  et  D'Huart  ne  le 
pensèrent  pas  :  le  cabinet  se  divisa.  Le 
31  janvier  1839,  les  deux  ministres  dis- 
sidents se  séparèrent  décidément  de 
leurs  collègues,  sauf  à  leur  venir  à  la 
rescousse  dès  le  lendemain,  pour  éviter 
une  dissolution  des  Chambres.  Le  mandat 
d'Ernst  expirait  au  mois  de  juin  :  il  fit 
savoir  aux  électeurs  liégeois  qu'il  n'en 
accepterait  pas  le  renouvellement  et 
rentra  dans  la  vie  privée.  Ses  adver- 
saires politiques,  ceux  mêmes  qui  pen- 
sèrent alors  que  le  salut  de  la  patrie 
valait  bien  le  plus  douloureux  des  sacri- 
fices, ne  purent  refuser  leur  hommage  à 
une  si  noble  conduite.  S'était-il  trompé? 
Sa  bonne  foi,  son  patriotisme  du  moins 
étaient  indiscutables.  Il  emporta  dans 
sa  retraite  l'estime  générale.  Des  fonc- 
tions publiques,  des  distinctions  hono- 
rifiques lui  furent  offertes  :  il  refusa 
tout.  Le  recteur  de  l'université  de  Lou- 
vain  eut  seul  assez  d'influence  sur  lui 
pour  le  décider  à  accepter  une  chaire. 

Le  roi  félicita  M.  De  Ram  à  ce  sujet, 
témoignage  d'autant  plus  flatteur  qu'An- 
toine Ernst  n'avait  pas  craint,  à  l'occa- 
sion, d'exprimer  hardiment  toute  sa 
pensée  en  haut  lieu.  Le  professeur  d'In- 
stitutes  reprit  son  cours  et  s'y  distingua 
comme  autrefois,  ne  se  contentant  pas 
d'enseigner,  mais  prodiguant  en  particu- 
lier les  bons  conseils  à  ses  élèves,  élargis- 
sat\t  leur  horizon,  éveillant  en  eux  les 
sentiments  élevés  qui  doivent  être  l'apa- 
nage de  tout  vrai  jurisconsulte.  Malheu- 


reusement il  se  sentait  aff'aibli;  il  n'avait 
pas  impunément,  pendant  son  minis- 
tère, déployé  une  activité  presque  fé- 
brile, sans  rapport  avec  ses  forces.  Une 
irritation  des  intestins  se  déclara;  on  lui 
conseilla  d'aller  consulter,  à  Heidelberg, 
un  médecin  en  renom.  Il  partit  avec  une 
de  ses  filles  ;  sur  le  bateau  à  vapeur  du 
Uhin,  entre  Coblence  et  Mayence,  il  se 
trouva  si  mal  qu'on  fut  obligé  de  le 
débarquer  à  Boppart,  le  9  juillet  1841. 
On  n'eut  que  le  temps  de  lui  administrer 
les  secours  de  la  religion;  le  lendemain 
il  avait  cessé  de  vivre.  11  mourut  à  l'éta- 
blissement hydrosudopathique  du  doc- 
teur Schmidt;  le  corps  fut  transporté  à 
Louvain  huit  jours  plus  tard,  et  inhumé 
au  cimetière  du  Parc,  où  la  famille 
Ernst  possède  un  caveau. 

Le  talent  de  Jean-Gérard  et  de  Lam- 
bert Ernst  était  surtout  didactique  ;  chez 
Antoine,  l'orateur  parlementaire  et  le 
professeur  se  contre-balançaient  ;  sous 
l'influence  d'un  autre  concours  de  cir- 
constances, le  barreau  eiit  été  également 
son  fait.  Il  avait  l'ardeur  du  polémiste, 
la  dialectique  serrée  de  l'homme  de  loi, 
la  forte  éloquence  que  donnent  seules 
des  convictions  profondes  et  des  idées 
nettes.  Il  a  pu  quelquefois  faire  fausse 
rou.te,  mais  il  n'en  rappelle  pas  moins  le 
justum  ac  tenacem  d'Horace.  Il  se  défen- 
dait avec  chaleur  et  attaquait  avec  vio- 
lence, parce  qu'il  croyait  fermement  à 
ce  qu'il  disait.  »  Un  jour  viendra,  répé- 
»  tait-il  volontiers,  où  l'on  me  rendra 
Il  justice.  "  —  Il  ne  trouva  guère  le 
temps  d'écrire  ;  à  part  ses  thèses  :  De 
confîisiove.  De  Vadoption  et  de  ses  effets 
(1816),  nous  ne  connaissons  de  lui  qu'un 
petit  nombre  d'articles,  remarquables 
d'ailleurs,  insérés  dans  la  T/iéi>/is,  et  des 
rapports  adressés  au  Parlement.  Citons 
seulement  celui  qu'il  rédigea  pour  ap- 
puyer une  proposition  de  M.  B.  Dumor- 
tier,  relativement  à  la  réorganisation  de 
l'Académie  royale  (14  janvier  1834). 
Ernst  pensait,  comme  son  collègue, 
qu'il  y  avait  lieu  de  promulguer  .une  loi 
spéciale.  Ils  ne  réussirent  pas  :  la  con- 
stitution du  premier  corps  savant  du 
pays  fut  réglée  par  un  simple  arrête 
royal  (l^r  décembre  1845).  Le  rapport 


bbl 


EKNST 


665J 


dont  il  s'agit  a  été  publié  dans  V An- 
nuaire de  l'Académie,  1846,  pages  104- 
117. 

Afin  de  reconnaître  les  services  rendus 
au  pays  par  l'ancien  ministre  de  la  jus- 
tice, le  roi  Léopold  II,  donnant  suite 
aux  intentions  paternelles,  a  octroyé 
aux  fils  d'Antoine  Ernst  des  lettres  de 
noblesse  (31  janvier  1871).  Un  décret 
pontifical  du  6  août  1875  leur  a  conféré 
en  outre  le  titre  de  baron  pour  eux  et 
pour  leur  descendance. 

Alphonse  Le  Roy. 

Discours  du  chanoine  De  Ram  (17  juillet  1841;. 
—  Thonissen,  La  Belgique  sous  Léopold  /«>".  — 
Hymans,  Hislnire parlementaire.  —  Alph.  Le  Hoy, 
Ltber  meiuorialis.  —  Annuaire  de  la  noblesse 
belge,  1871.  —  Annuaire  de  l'Cniversité  catho- 
lique de  Louvain,  1877.  —  Renseigueinenis  parti- 
culiers. 

■  ERXST  (  Jean  -  Gérard  -  Joneph  ) ,  dit 
Ernst  aitié  (voy.  l'article  précédent), 
jurisconsulte  et  professeur  distingué , 
naquit  à  Aubel  le  13  octobre  1782  et 
mourut  à  Louvain  le  6  octobre  1842. 
Ses  humanités  terminées  à  Aix-la-Cha- 
pelle, il  se  rendit  à  Liège  et  se  plaça 
sous  la  direction  de  l'avocat  Jean-Hu- 
bert Vincent,  ancien  premier  de  Louvain, 
qui  l'initia  aux  éléments  des  sciences 
juridiques.  Depuis  la  suppression  de 
Y Alnia  Mater,  les  aspirants  au  barreau 
en  étaient  ainsi  réduits  à  chercher  quel- 
que patron  qui  consentit  à  leur  servir 
de  guide  dans  leurs  études  privées. 
Enfin  la  loi  du  22  ventôse  an  XII  insti- 
tua douze  écoles  de  droit  ;  Ernst  n'eut 
rien  de  plus  pressé  que  de  se  faire  in- 
scrire à  celle  de  Bruxelles,  qui  fut  so- 
lennellement installée  le  25  mars  1800. 
Reçu  bachelier  le  9  mars  1807  et  licen- 
cié le  21  avril  suivant,  il  attira  si  bien 
sur  lui  l'attention  de  ses  maîtres,  qu'ils 
ne  tardèrent  pas  à  le  considérer  comme 
un  futur  collègue.  Le  22  janvier  1810, 
sur  la  demande  du  doyen  de  la  faculté, 
le  grand-maître  de  l'université  (Fon- 
tanes)  nomma  Ernst  professeur  sujd- 
pléant,  pour  remplacer  le  romaniste 
Maurissens,  qui  venait  d'échanger  sa 
chaire  contre  uii  fauteuil  de  magistrat. 
Le  14  juin  de  la  même  année,  le  jeune 
homme  mit  le  sceau  à  sa  réputation 
naissante  en  subissant,  avec  un  éclat  ex- 


traordinaire ,  les  dernières  épreuves 
prescrites  par  la  loi  ;  le  recteur  Van 
Hulthem  et  le  doyen  Van  Gobbelschroy 
le  complimentèrent  publiquement  ;  il 
fut,  en  outre,  décidé  que  le  procès- ver- 
bal de  la  séance  serait  imprimé  et  com- 
muniqué au  grand-maître.  Le  diplôme 
de  docteur  fut  remis  à  Ernst  le  6  juillet  ; 
l'école  de  Bruxelles  conférait  ce  grade 
pour  la  première  fois;  elle  n'eût  pu  dé- 
buter plus  heureusement.  Quant  à  Jean- 
Gérard,  il  inaugurait  sa  brillante  car- 
rière sous  les  meilleurs  auspices.  Son 
mérite,  relevé  par  une  modestie  véri- 
table, n'offusquait  personne;  il  y  avait 
en  lui  une  sorte  de  candeur  qui  plaisait 
au  premier  abord  ;  il  ne  comptait  que 
des  amis  parmi  ses  anciens  condisciples 
et  parmi  les  professeurs  de  la  faculté. 
L'année  suivante,  une  chaire  de  Code 
Napoléon  devint  vacante  ;  Ernst  était 
trop  jeune  pour  prendre  part  au  con- 
cours (il  fallait  être  âgé  de  trente  ans)  ; 
on  lui  accorda  une  dispense  d'âge  ;  mais 
le  concours  fut  ajourné  jusqu'en  1813. 
Il  remporta  la  palme  et  fut  aussitôt 
nommé  en  remplacement  de  Cahuac. 
Tels  furent  les  services  qu'il  rendit  à  la 
faculté  de  droit,  que  le  commissaire  gé- 
néral de  l'intérieur  lui  accorda,  le  5  juin 
1815,  un  subside  destiné  à  l'exonérer 
de  la  milice  nationale;  si  l'on  tient 
compte  de  l'époque,  ce  fait  en  dit  assez. 
Assuré  du  lendemain,  Ernst  se  fit  tout 
d'abord  un  devoir  de  s'occuper  de  ses 
trois  jeunes  frères  ;  ils  vinrent  le  re- 
joindre à  Bruxelles  et  il  n'eut  jamais 
certes  à  se  repentir  des  soins  presque 
paternels  qu'il  leur  prodigua.  Il  ne  prit 
aucune  part  aux  événements  politiques 
qui  eurent  pour  issue  notre  réunion  à  la 
Hollande;  cependant  le  nouveau  gou- 
vernement ne  le  perdit  pas  de  vue.  Lors 
de  la  création  des  universités  de  l'Etat, 
on  lui  offrit  une  chaire  en  lui  laissant 
Toption;  il  n'hésita  pas  à  choisir  Liège, 
pour  se  rapprocher  de  sa  famille.  Sa 
nomination  (le  professeur  ordinaire  de 
droit  civil,  de  droit  naturel  et  de  droit 
public  fut  confirmée  par  arrêté  royal  du 
3  juin  1817. 

Beaucoup  d'anciens  élèves  de  Bruxelles 
le  suivirent  à  Liège,  ainsi  que  ses  frères 


663 


ERNST 


6  64 


Antoine  et  Lambert,  qui  prirent  rang  à 
leur   tour   dans   le    corps    académique. 
(Quelques  années  s'écoulèrent  paisible- 
ment, entre  les  joies  intimes  de  l'étude 
et  les  joies  plus  intimes  encore  du  foyer. 
Ernst   s'était   marié   en   1818  et   il   se 
voyait  revivre  dans  une  charmante  fa- 
milléj  lorsque  là  mort  lui  enleva  coup 
sur  coup  deux  enfants  et  sa  compagne 
chérie.  Il  lui  fallut  toute  sa  religion  et 
tout   son   dévouement   envers  les  deux 
enfants  qui  lui  restaient  pour  supporter 
cette  épreuve  trois  fois  douloureuse;  sa 
santé  même  fut  sérieusement  ébranlée. 
En  1826,  Van  Rees  étant  recteur,  il  eut 
à  payer  de   sa   personne,  inopinément, 
dans  des  circonstances  assez  délicates. 
Un  règlement  sur  la  fréquentation  des 
cours,  promulgué  le  10  décembre,  avait 
mis  toute  l'université  en  émoi.  "  La  jeu- 
nesse d'alors   commençait   à  entrer  en 
eflervescence  ;  elle  était  disposée  à  re- 
garder comme  tyrannique  toute  mesure 
d'autorité.   Les  ferments  de  l'agitation 
politique  qui  prit  trois  ans  plus  tard  un 
caractère  si  grave  n'étaient  pas  encore 
en  travail;  mais  le  gouvernement  per- 
dait peu  à  peu  sa  popularité,  et  l'esprit 
d'opposition   se  faisait  jour  partout  où 
il  trouvait  une  issue,  encore  inconscient 
du  but  à  poursuivre,  mais  disposé  à  ré- 
sister  énergiquement   à    toute   oppres- 
sion {Liber  Memorialis).  «  Le  Mathieu 
LaenshergJi  attisa  le  feu  :  ses  collabora- 
teurs ne  cessaient  de   répéter  aux  étu- 
diants qu'ils  ne  devaient  pas  se  laisser 
traiter  comme  des  enfants;  une  protesta- 
tion   adressée  au  recteur  au  nom  des 
élèves  fut  même  rédigée,  paraît-il,  par 
un    correspondant    de    ce   journal.   Au 
sénat   académique,    on    arrêta   le  texte 
d'une  proclamation  à  la  jeunesse  :  cette 
pièce  ayant  été  simplement  affichée  ad 
voiras  au  lieu  d'être  distribuée,  l'irrita- 
tion prit  un  caractère  aigu  :  on  en  vou- 
lait surtout  au  professeur  Warnkœnigj 
regardé  comme  uti  des  principaux  inspi- 
rateurs   du    malencontreux   règlement. 
Tout  d'un  coup,  les  curateurs  de  l'uni- 
versité   prirent  sur   eux   de  sus])endre 
provisoirement  l'exécution  des  nouvelles 
mesures  ;  Cette  fois,  ce  furent  les  profes- 
seurs qui  se  plaignirent.  On  eut  finale- 


ment recours  au  ministre,  on  aboutit  à 
une  transaction  et ,  comme  il  arrive 
presque  toujours  en  pareil  cas,  dès  que 
les  amours-propres  furent  satisfaits,  on 
relégua  aux  oubliettes  règlement  et  pro- 
testations. Tout  le  mérite  de  cet  apaise- 
ment général  revient  à  Ernst,  qui  fit 
preuve  ici  de  véritables  qualités  de  né- 
gociateur. Le  gouvernement  le  récom- 
peiisa  en  l'élevant  au  rectorat  pour 
l'année  académique  1827-1828;  ces 
hautes  fonctions  lui  avaient  déjà  été 
confiées  en  1819-1820.  Il  refusa  une 
prolongation  de  mandat  et  n'accepta 
que  l'ordre  du  Lion  Belgique  ,  dis- 
tinction largement  due  à  son  mérite 
autant  qu'à  sa  conduite.  Il  s'était  j 
d'ailleurs,  rendu  utile  à  l'instruction 
publique  en  dehors  de  l'université,  et 
dans  la  suite  on  put  encore  faire  fond 
sur  son  zèle.  Il  s'occupa  notamment  dés 
bourses  d'études  à  restituer  aux  familles 
des  fondateurs  et  de  la  révision  des 
règlements  de  l'instruction  moyenne. 
Son  entière  franchise  et  la  noble  indé- 
pendance de  son  caractère  se  révèlent, 
ainsi  que  la  sagesse  de  ses  conseils,  dans 
la  correspondance  qu'il  entretint  alors 
avec  le  ministre;  or,  en  1828,  il  fallait 
un  courage  plus  qu'ordinaire  pour  s'ex- 
primer sans  réticence.  La  révolution 
éclata  ;  Ernst  en  accepta  les  consé- 
quences. Dès  le  13  août  1831,  Teich- 
mann,  chargé />«r  intérim  du  portefeuille 
de  l'intérieur,  le  fit  entrer  dans  la  com- 
mission qui  fut  nommée  pour  jeter  les 
bases  d'une  loi  sur  l'instruction  pu- 
blique. Il  s'y  distingua  comme  toujours 
et  gagna  de  plus  en  plus  la  confiance 
du  gouvernement.  En  mai  1832,  M.  De 
Theux  lui  proposa  la  place  de  secrétaire- 
inspecteur  de  l'université  de  Liège  ;  il 
refusa  ce  «  surcroît  de  besogne  (1)  « . 
Deux  ans  après,  l'université  catholique 
fut  fondée  à  Malines  sous  le  patronage 
des  évêques,  puis  bientôt  transférée  à 
Louvain.  Cédant  aux  instances  du  cha- 
noine De  Ram,  recteur  magnifique,  et 
poussé,  d'ailleurs,  par  son  zèle  religieux, 
Ernst  se  décida  tout  d'un  coup  à  quitter 
Liège.  Le  13  juillet  183.5,  il  fut  désigné 

il]  Expressions  de  la  lettre  ministérielle. 


ERNST 


666 


cdmme  titulaire  de  la  chaire  de  droit 
national  et  de  droit  civil  approfondi 
dans  l'université  louvaniste.  Les  étu- 
diants délaissés  ne  dissimulèrent  pas 
leur  mécontentement.  Lambert  Ernst 
(le  plus  jeune  des  quatre  frères)  en  sut 
quelque  chose.  Antoine  et  Lambert 
finirent  par  aller  rejoindre  leur  aîné  : 
pour  la  troisième  fois  ils  se  trouvèrent 
réunis.  Cette  vie  heureuse  ne  dura  pas 
longtemps  :  une  affection  des  poumons^ 
qui  minait  Jean-Gérard,  s'aggrava  subi- 
tement; il  mourut  à  peine  sexagénaire. 
Comme  jurisconsulte  et  comme  pro- 
fesseur, notre  Ernst  resta  fidèle  aux  ha- 
bitudes de  l'école  française  ;  la  méthode 
historique,  importée  alors  d'Outre-Rhin 
par  Warnkœnig,  ne  lui  inspirait  aucune 
sympathie.  Sa  manière  se  rapprochait  de 
celle  de  Merlin;  il  s'en  tenait  au  texte 
de  là  loi,  le  serrant  de  près,  en  expri- 
mant pour  ainsi  dire  toute  la  sève,  con- 
sidérant le  Code  II  comme  un  tout  com- 
II  plet  et  indivisible ,  dont  un  même 
»  souffle  pénètre  et  vivifie  tous  les  or- 
»  ganes  «.  Le  cours  de  droit  civil  élé- 
mentaire initiait  les  élèves  à  la  langue 
juridique  et  aux  grands  principes  ;  le 
cours  approfondi,  qui  durait  plusieurs 
années,  leur  montrait  comment  on  ap- 
plique ces  principes  et  comment  on  éta- 
blit une  controverse  savante.  Ernst  bril- 
lait surtout  dans  la  discussion,  par  sa 
logique  rigoureuse  et  par  son  érudition 
solide.  Parfois  il  s'animait  ;  lorsqu'il 
attaquait  les  doctrines  de  TouUier,  par 
exemple,  c'était  un  feu  roulant  d'apo- 
strophes, de  sarcasmes,  de  saillies  impré- 
vues :  toute  l'artillerie  légère  du  dis- 
cours intervenait  dans  la  bataille.  Il  s'en 
prenait  volontiers  aux  autorités  les  plus 
accréditées  et  s'inquiétait  plus  d'avoir 
raison  en  théorie  que  de  faire  état  de  la 
jurisprudence  reçue.  On  lui  a  reproché 
cette  tendance  militante  et  ce  dogma- 
tisme intransigeant  ;  il  se  considérait 
avant  tout  comme  professeur,  pleine- 
ment maître  de  ses  prémisses  et  de  ses 
déductions.  Il  faut  dire  aussi  qu'Ernst 
était  entré  dans  l'enseignement  peu  de 
temps  après  la  promulgation  du  Code 
civil  ;  il  avait  eu  pour  ainsi  dire  à  dé- 
fricher un  soi  vierge.  Il  y  avait  travaillé 


vigoureusement  par  lui-même,  à  peu 
près  privé  de  tout  secours  étranger  :  dé 
là  il  se  forma  des  opinions  très-arrêtées 
et  n'en  démordit  guère  dans  la  suite.  On 
aurait  néanmoins  tort  de  le  juger  d'après 
certains  cahiers  publiés,  pendant  la  mi- 
norité de  son  fils,  par  d'anciens  élèves 
trop  zélés.  Le  fait  est  qu'Ernst  avait 
coutume  d'étudier  à  nouveau,  comme 
s'il  ne  s'en  était  jamais  occupé,  les  ma* 
tières  qui  se  représentaient  dans  son  en- 
seignement; c'est  même  parce  qu'il  était 
animé  du  désir  de  faire  toujours  mieux 
qu'il  refusa  jusqu'à  la  fin  de  confier  le 
résultat  de  ses  travaux  à  la  lettre  mou- 
lée, malgré  les  instances  de  ses  amis. 
On  ne  connaît  donc  pas  sn  dernière 
pensée  et  il  serait  injuste  de  dire  qu'il  ne 
progressa  pas  avec  la  science.  C'était 
dans  tous  les  cas  un  esprit  essentielle- 
ment conservateur,  à  preuve  son  cours 
de  droit  naturel,  foncièrement  chrétien 
et  impitoyable  pour  le  transcendanta- 
lisme  allemand. 

Ernst  aîné  n'a  guère  mis  au  jour  que 
ses  thèses  de  1813  (1»  De  acquirendâ  vel 
amittendâ  hcereditate  ;  2"  Sur  les  succes- 
sions irrégulières)  et  quelques  rapports. 
Il  n'en  jouit  pas  moins  d'une  réputation 
considérable  ;  on  le  consultait  de  toutes 
parts  et  ses  jugements  faisaient  souvent 
pencher  la  balance.  Sa  complaisance 
était  sans  bonnes;  on  a  de  lui  des  notes 
qui  constituent  de  véritables  mémoires. 
Il  siégea  pendant  quelque  temps  à  l'hô- 
tel de  ville  de  Liège  ;  le  maintien  du 
collège  de  cette  ville  fut  dû  en  grande 
partie  aux  arguments  sérieux  qu'il  fit 
valoir  dans  un  rapport  au  conseil  com- 
munal. Son  fils,  M.  U.  Ernst,  procureur 
général  à  la  cour  d'appel  de  Liège,  est 
en  possession  de  ce  document,  ainsi  que 
de  plusieurs  dissertations  remarquables, 
que  le  laborieux  professeur  avait  rédi- 
gées pour  ses  élèves.  Le  rapport  adressé 
au  gouvernement  des  Pays-Bas  en  1828, 
au  sujet  de  la  révision  des  règlements 
de  l'instruction  publique,  a  été  imprimé 
officiellement    à    La    Haye    (17    pages 

in-folio).  Alphonse  Le  Roy. 

Discours  de  P.-F.-X.  De  Ram,  prononcé  le 
iO  octobre  184-2  au  cimetière  de  l'ahbaye  du  Parc 
lez-Louvain.  —  Discours  de  MM.  yùirini,  Van 


667 


.ERNST 


668 


Bockel  et  SchoUaert,  id.  —  Alph.  Le  Roy,  Liber 
memorialh,  col.  :2b6-282.  —  Renseignements  par- 
ticuliers. 

F.RX!*T  {Simon -Pierre),  théologien 
et  historien,  de  la  même  famille  que  les 
précédents,  né  à  Aubel  le  2  août  IT-ié, 
mourut  à  Afden  lez-Eolduc  le  11  dé- 
cembre 1817-  Il  était  le  deuxième  des 
trois  iils  (1)  de  Guillaume,  avocat,  mem- 
bres des  états  provinciaux  et  maire 
d'Aubel,  et  de  Marie- Jeanne  Dael  ou 
Doel.  Guillaume  avait  pris  ses  grades  à 
l'université  de  Louvain,  après  s'être 
initié  à  la  jurisprudence  sous  la  direc- 
tion du  célèbre  canoniste  Yan  Espen, 
dont  il  habitait  la  maison  ;  il  est  permis 
de  croire  que  les  traditions  paternelles 
ne  furent  pas  sans  influence  sur  la  direc- 
tion d'esprit  du  jeune  Simon-Pierre. 
Celui-ci  fut  d'abord  mis  en  pension 
chez  le  curé  d'Eis  (Limbourg),  qui  lui 
apprit  les  premiers  éléments  du  latin  ; 
ensuite  il  passa  sept  années  au  collège 
de  Mayence,  dont  le  recteur,  Jean- 
Thomas  Emonts,  était  sou  cousin  ger- 
main. A  l'âge  de  dix-neuf  ans,  il  aborda 
les  études  ecclésiastiques  ;  pieux  et  stu- 
dieux, il  se  fit  respecter  par  son  zèle 
édifiant  et  admirer  à  raison  de  son  éru- 
dition précoce  :  peut-être  rêva-t-il  dès 
lors  de  devenir  l'émule  des  savants  bé- 
nédictins de  Saint-Maur,  Il  alla  vivre 
tranquille  à  Eolduc  {S^-Hertoyenrode , 
ail.  Herzogenrath),  à  deux  lieues  d'Aix- 
la-Chapelle,  dans  la  célèbre  abbaye  de 
chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin 
dite  Cloderroch.  Il  y  enseigna  pendant 
plusieurs  années  la  théologie  et  l'Ecri- 
ture sainte ,  remplit  en  même  temps  les 
fonctions  de  bibliothécaire  et  ne  tarda 
pas  à  se  distinguer  par  d'importants 
travaux  de  recherches.  Toutes  ses  pré- 
dilections étaient  pour  l'histoire  natio- 
nale ;  on  2)eut  dire  que,  jusqu'au  dernier 
moment,  ses  loisiis  y  furent  entière- 
ment consacrés.  En  1783,  l'Académie 
impériale  et  royale  des  sciences  et 
belles-lettres  de  Bruxelles  couronna  un 
mémoire  d'Ernst  sur  la  question  contro- 
versée  de  la  date  de  l'admission  des 

(1)  Melchior,  l'ainé,  entra  dans  les  ordres  et 
mourut  le  48  septembre  1817,  curé  de  Wankum  en 
Gueidre  Ltonurd,  le  ctidel,  se  disiiiiyua  au  bar- 


ecclésiastiques  aux  Etats  de  Brabant  ; 
les  années  suivantes  virent  paraître 
d'autres  ouvrages  sur  nos  anciennes 
institutions  parlementaires,  notamment 
,  une  étude  sur  le  Tiers-Etat  du  même 
duché,  sur  l'origine  des  communes  et 
sur  l'intervention  de  leurs  députés  aux 
assemblées  de  la  nation  (1788).  Cette 
existence  paisible  devait  être  momenta- 
nément troublée  par  le  concours  de  di- 
verses circonstances.  D'abord  vinrent 
des  embarras  financiers.  Les  religieux 
de  Rolduc  avaient  pris  la  résolution,  dès 
1742,  d'exploiter  eux-mêmes  les  mines 
de  houille  de  leur  district,  abandonnées 
jusque-là,  sous  l'empire  d'une  législa- 
tion imprévoyante,  à  des  particuliers  ou 
à  des  associations  éphémères  qui,  en 
multipliant  les  petites  entreprises,  n'a- 
vaient réussi  qu'à  ruiner  les  fosses  et  à 
se  ruiner  du  même  coup  (2).  Les  débuts 
des  chanoines  ne  furent  pas  plus  heu- 
reux :  il  fallut  consacrer  de  grosses 
sommes  aux  travaux  d'appropriation, 
si  bien  qu'au  moment  où  la  révolution 
éclata,  l'abbaye  se  vit  absolument  hors 
d'état  de  satisfaire  ses  créanciers.  Sans 
les  événements,  cette  gêne  n'eût  été 
que  passagère,  puisqu'il  y  avait  cinq 
fosses  en  pleine  activité  lors  de  l'arrivée 
des  Erançais,  et  que  ceux-ci  purent 
mettre  en  réquisition  plus  d'un  million 
de  quintaux  de  charbon.  Mais  les  agents 
de  la  république  ne  s'arrêtèrent  pas  làj 
malgré  la  résistance  de  l'administration 
centrale  de  Maestricht,  ils  s'emparèrent 
non-seulement  du  produit  des  mines, 
mais  même  des  houillères,  avant  la  sup- 
pression de  l'abbaye,  et  ce  du  consente- 
ment du  Directoire  (3).  Ou  autorisa  les 
religieux  à  faire  valoir  leurs  réclama- 
tions, sauf  à  n'y  pas  donner  suite.  Ils 
finirent  néanmoins  par  trouver  les 
moyens  de  s'acquitter. 

Eu  1798,  Ernst  acquit  avec  les  autres 
chanoines,  au  prix  de  161,000  francs, 
la  pleine  propriété  de  l'abbaye  et  de  ses 
dépendances.  Curé  d'Afden  depuis  un 
an,  assermenté,  il  ne  craignait  pas  d'être 
inquiété  ;    nous    verrons  bientôt   que , 

reau  et  fut,  comme  son  père,  membre  des  Etals. 
("2)  Histoire  du  Limbvury,  t.  1,  p.  il'i. 
(3;  IbiJ.,  p.  114. 


G  69 


ERNST 


670 


précisément  à  raison  du  serment,  il  fut 
détourné  de  ses  études  chéries  plus 
longtemps  qu'il  ne  l'aurait  voulu.  Pour 
en  finir  avec  Rolduc,  notons  que  quatre 
des  acquéreurs  étaient  encore  vivants  en 
1817.  Par  son  testament  du  20  septem- 
bre de  cette  année,  Ernst  légua  sa  part, 
avec  trois  mille  cinq  cents  couronnes  de 
France,  un  capital  de  mille  deux  cents 
thalers  et  une  riche  collection  de  livres, 
au  séminaire  de  Liège.  Ses  confrères 
s'entendirent  également  pour  abandon- 
ner leurs  droits ,  si  le  gouvernement 
consentait  à  l'établissement  d'un  sémi- 
naire préparatoire  dans  les  bâtiments 
abbatiaux.  Guillaume  1er  refusa  le 
13  juillet  1818,  "  attendu  qu'il  est 
Il  très  -  déconseillable  et  dangereux  de 
«  destiner  des  jeunes  gens,  de  les  former 
Il  et  préparer  à  la  carrière  ecclésiastique, 
"  avant  qu'ils  soient  en  état  de  juger 
"  s'ils  ont  bien  la  vocation  requise  pour 
Il  cette  carrière,  etc.  «  C'est  alors  que 
Barrett,  vicaire  capitulaire  de  Liège, 
acheta  l'abbaye  de  Bernardfagncj  telle 
est  l'origine  du  petit  séminaire  de  Saint- 
Roch,  ouvert  le  1er  janvier  1820  (1). 
Rolduc  fut  de  nouveau  présenté  au  gou- 
vernement (belge)  en  1831,  Yan  Bom- 
mel  étant  évoque  de  Liège.  Cette  fois 
l'offre  fut  acceptée  :  le  prélat  organisa 
lui-même  les  études  du  nouvel  établisse- 
ment, qui  ne  tarda  pas  à  devenir  floris- 
sant, grâce  à  des  professeurs  tels  que 
Tits,  Ubaghs,  Lonay,  Van  Oyen  et  Bel- 
lefroid  (2j. 

Nous  venons  de  dire  que  S. -P.  Ernst 
occupait,  depuis  1797,  la  succursale 
d'Afden,  située  pour  ainsi  dire  aux 
portes  du  couvent  où  s'étaient  écoulées 
pour  lui  des  années  si  heureuses  ;  nous 
avons  ajouté  qu'il  n'y  reprit  pas  immé- 
diatement ses  habitudes.  En  sa  qualité 
de  noiottissioniste,  comme  on  disait  alors, 
il  eut  à  soutenir  d'ardentes  polémiques. 
Sans  accepter  toutes  les  idées  de  la  ré- 
volution, il  n'était  que  médiocrement 
partisan  de  l'ancien  régime,  et  les  me- 
sures prises  par  les  Français  en  matière 


(1)  Remplacé  depuis  par  une  école  normale. 

^'■2)  Daris,  t.  IV.  —  Le  petit  séminaire  de  Uol- 
duc  a  été  transféré  à  Saint-Trond  en  18  W  ivoyez 
Courlejoie,  Hi.st.  de  Saini-Troml). 

BIOGK.   NAT.  —   T.   VI. 


de  culte,  lorsque  la  première  effer- 
vescence fut  calmée,  ne  répugnaient  pas 
à  sa  conscience.  Il  eut  l'occasion,  dès 
1797,  de  s'expliquer  publiquement  à  cet 
égard.  La  loi  du  7  vendémiaire  an  vi 
ayant  été  partiellement  publiée  à  Liège 
le  18  avril,  les  ministres  du  culte  se 
virent  tenus,  sous  peine  de  démission, 
d'adhérer  formellement  au  principe  de 
la  souveraineté  du  peuple  et  de  promet- 
tre Il  soumission  et  obéissance  aux  lois 
"  de  la  république  « .  Le  synode  jugea 
qu'avant  de  faire  cette  déclaration,  il 
y  avait  lieu  d'attendre  la  décision  du 
saint-siège.  De  leur  côté,  les  curés  de 
la  cité  s'adressèrent  à  l'administration 
locale  pour  la  prier  de  surseoir  à  l'exé- 
cution de  la  loi;  ils  reçurent  une  ré- 
ponse négative,  mais  n'en  continuèrent 
pas  moins  de  remplir  leurs  fonctions. 
L'administration  montra  du  méconten- 
tement ;  cependant  elle  leur  laissa  la 
liberté  de  recourir  directement  au  Corps 
législatif,  permission  dont  ils  usèrent 
sans  retard.  Sur  ces  entrefaites,  le  vice- 
curé  de  Saint-André  de  Liège,  Gohi,  eut 
l'idée  de  poser  deux  questions  pour  son 
propre  compte  à  l'autorité  centrale.  Il 
demandait  si  la  déclaration  exigée  des 
membres  du  clergé  se  renfermait  exclu- 
sivement dans  l'ordre  civil  et  politique 
et  si,  d'après  cela,  elle  ne  portait  au- 
cune atteinte  à  la  liberté  des  opinions 
religieuses.  Satisfaction  lui  fut  donnée 
sur  ces  deux  points  ;  alors  il  publia  sa 
lettre  et  la  réponse  officielle,  ce  qui  mit 
fin  à  la  résistance  de  la  très-grande  ma- 
jorité de  ses  confrères.  Les  récalcitrants 
furent  traduits  en  justice  et  condamnés 
à  la  prison  et  à  l'amende  (mai  1797); 
en  même  temps,  le  Directoire  ordonna 
l'exécution  rigoureuse  de  la  loi  en  Bel- 
gique. C'est  à  ce  moment  que  Simon- 
Pierre  Ernst  crut  devoir  intervenir. 
^I.  le  chanoine  Daris,  dont  nous  résu- 
mons ici  la  relation  très-intéressante  et 
très-fidèle,  analyse  comme  suit  sa  pre- 
mière brochure,  intitulée  :  Obsertatiovi 
sur  la  (Jéclarntion,  etc.  L'auteur  «  essaye 
Il  d'y  établir  que  la  souveraineté  réside 
"  dans  la  nation  ;  que  celle-ci  peut 
"  changer  la  forme  du  gouvernement; 
1    II  qu'on   peut,  en  conséquence,   recou- 

'11 


674 


ERNST 


672 


Il  naître  que  l'universalité  des  citoyens 
Il  français  est  le  souverain,  et  que  par 
Il  là  on  ne  nie  point  que  la  souveraineté 
»  réside  originairement  en  Dieu  et  dé- 
II  rive  de  lui  à  la  société.  Il  essaye  d'éta- 
II  blir,  en  second  lieu,  que  par  la  sou- 
"  mission  et  l'obéissance  qu'on  promet 
u  aux  lois,  on  s'engage  seulement  à  ne 
Il  pas  abuser  de  son  ministère  pour 
«  porter  le  peuple  à  la  désobéissance 
//  aux  lois  et  à  la  révolte.  « 

Cet  écrit  fit  sensation  et  trouva  de 
nombreux  approbateurs  à  Liège,  notam- 
ment le  chanoine  Bellefroid,  les  profes- 
seurs Aubée  et  Xhauilair,  les  PP.  Mi- 
neurs, etc.  Le  jésuite  Dedoyar,  en 
revanche,  publia  une  réponse  à  Ernst; 
il  y  soutint  que,  dans  la  pensée  du  légis- 
lateur, l'universalité  des  citoyens  était 
bien  la  source  première  de  la  souverai- 
neté, et  que  les  signataires  de  la  décla- 
ration donnaient  aveuglément  leur  ap- 
probation à  toutes  les  lois  injustes  qui 
pourraient  être  ultérieurement  procla- 
mées. Un  prêtre  de  Saint-Trond,  Van 
Hoeren,  combattit  Ernst  à  son  tour. 
Branle-bas  sur  toute  la  ligne  dans  les 
deux  camps  :  libelles  anonymes,  disser- 
tations latines  ou  françaises,  accusations 
d'hérésie,  réponses  indignées,  protesta- 
tions contre  la  réunion  à  la  république, 
pétitionnement  général  des  anti-soumis- 
sionistes,  aucun  moyen  d'attaque  ou  de 
défense  ne  fut  négligé.  Le  résultat  le 
plus  clair  de  ces  débats  tumultueux  fut 
la  mise  en  vigueur  de  toute  la  loi  sur  la 
police  des  cultes  et  la  promulgation  de 
la  loi  du  5  septembre,  prescrivant  aux 
ecclésiastiques  le  serment  de  haine  à  la 
royauté  et  à  V anarchie,  et  leur  interdi- 
sant toute  fonction  avant  de  l'avoir 
prêté  (1).  Le  14  fut  convoquée,  par  les 
soins  du  vicaire  général  De  Kougrave, 
une  assemblée  du  clergé  liégeois  ;  un 
seul  membre  ,  Serwier ,  examinateur 
synodal,  s'éleva  contre  le  serment  de 
haine;  dès  le  lendemain,  la  plupart  des 
prêtres  de  la  ville  le  prêtèrent  ;  il  en  fut 
autrement  dans  les  autres  parties  du 
pays  (778  refus).  De  là  un  véritable 
schisme,    la    fermeture    de    beaucoup 

(!)  Daris,  t.  III,  p.  -136. 


d'églises,  et  ailleurs  une  répugnance 
évidente  de  la  part  des  municipalités  à 
prendre  des  mesures  de  rigueur.  Le 
19  septembre,  le  cardinal  De  Francken- 
berg,  archevêque  de  Malines,  se  pro- 
nonça contre  le  serment  dans  une  lettre 
énergique  qui  fut  répandue  à  profusion 
parmi  les  membres  du  sacerdoce.  Ernst 
rentra  en  lice  ;  la  règle  de  conduite 
tracée  par  l'archevêque,  dit-il,  ne  re- 
garde que  ses  diocésains  ;  ceux  de  Liège 
sont  tenus  en  conscience  de  suivre  l'avis 
du  synode.  Le  serment  n'est,  d'ailleurs, 
illicite  que  dans  le  sens  où  l'entend  l'ar- 
chevêque; il  est,  au  contraire,  licite  en 
ce  sens,  que  les  prêtres  ont  à  promettre, 
non  de  vouer  leur  haine  soit  au  roi,  soit 
à  la  dignité  royale,  mais  seulement  de 
ne  rien  faire  pour  renverser  le  gouver- 
nement et  rétablir  la  royauté  (2). 

La  question  de  savoir  si  les  fidèles 
pouvaient  se  séparer  de  leurs  curés  légi- 
times, même  au  cas  où  ceux-ci  auraient 
prêté  un  serment  illicite,  fut  ensuite 
traitée  par  Ernst  dans  un  Entretien  entre 
un  curé  et  un  laïque,  qui  fut  traduit  en 
flamand  et  dont  les  conclusions  reçurent 
l'approbation  publique  de  plusieurs  prê- 
tres. Le  14  décembre.  De  Eougrave  or- 
donna aux  retardataires  de  prêter  le 
serment  ;  mais  ils  ne  se  pressèrent 
point,  étant  imbus  de  l'idée  que  l'évêque 
de  Liège  n'était  pas  d'accord  avec  son 
vicaire  général,  et  qu'il  ne  maintenait 
ce  dernier  en  fonctions  que  pour  ne  pas 
aggraver  le  désordre.  Ernst  tailla  de 
nouveau  sa  plume  et  trouva  cette  fois 
à  Saint-Trond  un  contradicteur  qui  lui 
lança  à  la  tête  non-seulement  des  argu- 
ments, mais  des  aménités  telles  que 
Cato  rodensis,  Quesnellimis  pastor,  hypo- 
crita,  etc.  Il  ne  se  tint  pas  pour  battu  : 
dans  un  nouvel  écrit  (juin  1798),  il 
invoqua  une  lettre  du  vicaire  général  de 
Cologne,  Marx,  déclarant  que  le  Vatican 
n'était  jDas  encore  décidé  à  se  prononcer 
sur  le  serment.  Marx  se  trompait  ;  avant 
d'être  enlevé  de  Eome  le  20  février  pré- 
cédent. Pie  VI  avait  approuvé  verbale- 
ment la  décision  de  la  congrégation  des 
cardinaux    préposés    aux    affaires     de 

(2)  Daris,  j).  •147. 


673 


ERNST 


674 


France,  déclarant  le  serment  illicite. 
Xouvelle  brochure  d'Ernst  en  octobre  ; 
l'approbation  du  pape  ne  lui  est  rien 
moins  que  prouvée,  et  il  a  lieu  de  croire 
que  les  cardinaux,  mieux  éclairés,  ont 
retiré  leur  résolution.  L'irritation  des 
partis  redouble  ;  Ernst  est  vivement  har- 
celé ;  sa  justification  laisse  percer  de 
l'amertume.  Bientôt  arrivèrent  des  dé- 
clarations assez  nettes  du  souverain  pon- 
tife; elles  parurent  ébranler  les  asser- 
mentés ;  Ernst  écrivit  deux  brochures 
pour  en  atténuer  la  portée.  Cependant 
l'évêque  de  Liège  ne  pouvait  plus  tem- 
poriser :  Roma  locuta  est,  causa  finita 
est.  Il  exigea  des y?<?"ez<rs  une  rétractation 
expresse  :  un  bon  tiers  se  soumirent  ;  les 
autres  tergiversèrent.  De  Rougrave  en 
ayant  appelé  à  Rome,  de  concert  avec 
ses  confrères  de  Tournai,  de  Gand  et  de 
Bruges  (janvier  1800).  Coup  sur  coup 
parurent,  à  propos  de  la  rétractation, 
cinq  brochures  d'Ernst,  non  signées,  et 
une  Instruction  familière,  de  Lys,  curé 
de  Soiron,  où  on  lit  que  les  schisma- 
tiques  sont  les  prêtres  et  les  fidèles  qui 
ne  communiquent  pas  avec  les  asser- 
mentés. Pour  Ernst,  il  semblait  consi- 
dérer les  rétractations  comme  ayant  été 
extorquées.  La  polémique  recommença 
de  plus  belle,  mais  brusquement  le  curé 
d'Afden  abandonna  à  Lys  le  soin  de  la 
continuer.  Il  dut  lui  en  coûter  de  lais- 
ser sans  réplique  un  factum  intitulé  : 
M.  Ernst  condamné  par  lui-même;  M.  Da- 
ris  suppose  que  le  nonce  et  l'archevêque 
de  Cologne  <•  lui  avaient  fait  de  graves 
«  reproches  et  des  menaces  sérieuses.  » 
En  tous  cas  il  se  tut  ;  d'ailleurs  l'arrivée 
à  Paris  du  cardinal  Caprara,  muni  d'in- 
structions sur  l'afliaire  du  serment, 
changea  la  situation  en  un  clin  d'œil. 
On  finit  par  convenir  d'une  formule,  et 
graduellement  tout  s'apaisa.  Aussi  bien 
le  coup  d'Etat  de  Napoléon  avait  été  le 
premier  pas  vers  la  restauration  officielle 
du  culte  catholique,  et  la  publication  du 
Concordat  amena  des  transactions  pra- 
tiques satisfaisantes,  grâce  à  la  bonne 
volonté  des  deux  pouvoirs. 

Une  dernière  fois,  quelques  années 
plus  tard,  nous  retrouvons  Ernst  sur  le 
terrain  théologique.  Conformément  à  la 


loi  organique  de  1802  (an  x),  le  gou- 
vernement avait  fait  composer,  par  des 
clercs  de  son  choix,  un  catéchisme  officiel 
destiné  uniformément  à  toutes  les  églises 
de  France.  Le  cardinal-légat  était  entré 
dans  les  vues  de  l'empereur  :  on  dit 
même  qu'ils  rédigèrent  ensemble  la  leçon 
traitant  de  l'obéissance  due  au  souve- 
rain (1).  Bref,  le  30  mars  1806,  le  caté- 
chisme impérial  reçut  l'approbation  de 
Caprara  et,  le  4  avril  suivant,  fut  intro- 
duit, par  ordre,  dans  les  difi"érents  dio- 
cèses. Caprara  aurait  dû  incontestable- 
ment consulter  le  saint-siége;  mais  on 
ferma  les  yeux  à  Rome,  ce  qui  n'empê- 
cha pas  un  assez  vif  mécontentement  de 
se  produire  dans  le  monde  sacerdotal. 
En  Belgique  surtout,  où  l'on  se  souve- 
nait de  Joseph  II,  les  prêtres  ne  se  rési- 
gnaient point  à  admettre  qu'une  ordon- 
nance purement  civile  organisât  et 
réglât  l'enseignement  religieux.  A  Liège, 
l'évêque  Zaepffel,  livré  à  lui-même,  au- 
rait peut-être  cédé;  mais  son  entourage 
était  moins  accommodant  ;  on  en  eut 
pour  preuve  l'apparition  successive  de 
plusieurs  brochures  anonymes.  Sur  la 
demande  de  son  supérieur  (2),  Ernst  fut 
chargé  d'examiner  la  question.  Ses  Obser- 
vations pacifiques,  d'abord  soumises  à 
Zaepffel,  furent  envoyées  à  Portails  en 
juillet  1807-  Mais  le  ministre  des  cultes 
étant  venu  à  mourir  le  25  août,  notre 
apologiste  perdit  sa  peine,  et  il  n'eut 
plus  aucune  nouvelle  de  son  manuscrit. 
Ernst  doit  sa  légitime  célébrité  aux 
travaux  historiques  qu'il  entreprit  dès 
sa  jeunesse,  et  qu'il  ne  perdit  jamais  en- 
tièrement de  vue,  même  lorsque  les  exi- 
gences du  moment  semblèrent  le  plus 
l'absorber.  Il  ne  cessa  d'entretenir  des 
relations  littéraires  avec  les  derniers  re- 
présentants de  la  grande  école  bénédic- 
tine, entre  autres  avec  Pom  Brial;  elles 
l'amenèrent  à  collaborer  activement  à 
VArt  de  vérifier  les  dates.  L'histoire 
nationale  était  «  le  vray  gibbier  de  son 
»  estude  »,  pour  emprunter  le  langage 

(1)  Daris.t.  IV,  p.  •21-2. 

(2)  Zaepffel  aurait  bien  voulu  avoir  Ernst  au- 
près de  lui;  il  ne  put  le  décider  à  accepter  le 
titre  de  vicaire  général,  offre  d'autant  plus  ten- 
tante que  la  cure  d'Afden  était  l'une  des  plu 
pauvres  du  canton, 


675 


ER.NST 


b76 


de  Montaigne  :  il  allait  droit  aux  sour- 
ces, abordait  de  préférence  les  sujets 
difficiles  et  que  personne  avant  lui 
n'avait  traités,  s'orientait  dans  les  dé- 
dales les  plus  obscurs,  ne  se  laissait 
point  déborder  par  les  menus  détails  et 
avait  à  son  service  une  sûreté  de  coup 
d'oeil  et  une  sagacité  que  les  connais- 
seurs admirent  encore  aujourd'hui,  c'est- 
à-dire  en  un  temps  où  l'on  considère  le 
sens  critique  comme  une  des  principales 
qualités  de  l'historien.  Il  ne  lui  fut  pas 
donné  de  voir  son  œuvre  capitale  livrée 
à  la  publicité  ;  il  eut  du  moins  la  satis- 
faction de  ne  pas  la  laisser  à  l'état 
d'ébauche,  et  il  put  se  flatter  en  mou- 
rant de  l'espoir  qu'elle  verrait  tôt  ou 
tard  le  jour.  Avant  de  dresser  l'inven- 
taire des  travaux  d'Ernst,  profitons 
d'une  communication  toute  privée  pour 
pénétrer  un  instant  dans  le  secret  de 
cette  existence  de  laborieux  anacho- 
rète. 

«  Voici  ce  que  m'a  dit  un  jour,  nous 
Il  écrit  un  membre  de  la  famille  Ernst, 
Il  un  vieillard  qui  avait  connu  dans  sa 
Il  jeunesse  M.  le  curé  d'Afden.  —  Il 
Il  travaillait  beaucoup,  priait  beaucoup. 
Il  était  extrêmement  modeste ,  voyait 
«  peu  de  monde,  était  extrêmement  cha- 
•I  ritable,  à  tel  point  que  tout  ce  qu'il 
"  avait  passait  en  aumônes  :  les  trois 
Il  quarts  du  temps  il  n'avait  qu'une  che- 
II  mise,  celle  qu'il  portait.  —  Il  lui 
Il  arrivait  souvent  de  donner  aux  pau- 
II  vres  le  mince  plat  de  viande  qu'il 
Il  avait  sur  sa  table,  au  grand  chagrin 
"  de  sa  servante.  Les  pauvres,  qui  le 
"  connaissaient,  ne  manquaient  jamais 
Il  d'assiéger  la  cure  aux  heures  de  re- 
«  pas,  et  toujours  abusaient  de  la  cha- 
II  rite  sans  limites  de  leur  bon  curé.  — 
Il  Toutes  ses  dépenses  étaient  pour  eux 
«  et  pour  ses  livres.  Il  est  mort  à  l'écart 
«  comme  il  a  vécu,  et  c'est  sans  doute 
»  pour  cela  que  les  détails  biographiques 
Il  qui  le  concernent  sont  si  rares.  «  Ils 
sont  si  rares,  en  effet,  que  l'administra- 
tion communale  d'Aubel,  qui  tenait  à 
lui  rendre  un  hommage  posthume,  n'a 
jamais  pu  savoir  s'il  existait  de  lui  un 
portrait  peint,  gravé  ou  sculpté;  elle  a 
dû  se  contenter  de  faire  inscrire  sur  une 


plaque  de  granit  les  faits  de  sa  vie  géné- 
ralement connus.  On  peut  voir  cette 
pierre  encastrée  dans  une  muraille  de  la 
maison  natale  du  vénérable  pasteur. 
C'est  une  ferme  à  vaches  située  loin  du 
centre  du  village,  comme  on  en  ren- 
contre partout  dans  le  pays  de  Hervé. 

Ernst  travaillait  véritablement  pour 
s'instruire  et  pour  instruire  les  autres, 
sans  aucune  arrière-pensée.  Une  seule 
distinction  vint  le  trouver  dans  sa  re- 
traite :  l'institut  des  Pays-Bas  lui  en- 
voya son  diplôme  en  1814.  Il  n'eut 
guère  le  loisir  de  contribuer  à  l'éclat  de 
ce  corps  savant.  Une  afi'ection  nerveuse 
se  compliqua  d'une  hydropisie  de  poi- 
trine; quelques  semaines  de  souffrances, 
et  tout  fut  dit.  Il  avait  73  ans. 

Voici  la  liste  de  ses  ouvrages  : 

I.  Polémique,  etc. 

lo  Ze  masque  limèourffeois  se  lève. 
Liège,  1791,  in-4o.  (Ecrit  anonyme  sur 
les  troubles  du  duché  de  Limbourg.)  — 
2°  Observations  sur  Vinstructioti  en  forme 
de  catéchisme,  publiée  par  le  professeur 
Eulogius  Schneider,  de  Bonn,  par  un 
ami  de  la  vérité.  Cologne,  1791,  in-8'J 
(en  allemand).  —  3»  Traduction  en 
allemand  de  la  Lettre  pastorale  de 
S.  A.  Vévéque  et  prince  de  Liège,  en  date 
du  7  septembre  1793.  Cologne,  1794, 
in-8o.  —  4'>  Observations  sur  la  déclara- 
tion exigée  des  ministres  des  cidtes,  en 
vertu  de  la  loi  du  7  vendémiaire  an  iv. 
Maestricht,  in-8o  (1er  juin  1797).  — 
5o  Apologie  des  ministres  des  cultes  qui 
ont  prêté  la  déclaration  exigée,  etc.,  con- 
tre les  critiques  de  MM.  Dedoyar  et 
Van  Hoeren,  les  Motifs  de  Matines  et 
autres  brochures.  Maestricht,  1797, 
in-8o  (anonyme).  6°  Réjlexions  sur  la 
lettre  de  M.  V archevêque  de  Matines,  rela- 
tivement au  serment  exigé  des  ecclésias- 
tiques,  par  un  ancien  professeur  de 
théologie.  Liège,  1797,  in-12  — 1^  En- 
tretien dhin  curé  et  dhin  laïque  sur  la 
question  :  Est-il  permis  d'assister  aux 
messes  des  prêtres  assermentés  en  vertu 
des  lois  du  7  A'endémiaire  an  iv,  et  du 
19  fructidor  dernier,  et  quel  est  le  sens 
de  ces  serments?  Maestricht,  an  v,  in-8» 
(anonyme).  —  Le  même  ouvrage  en  al- 


677 


ERNST 


678 


lemaiid  (Aix-la-Chapelle,  in-8'^).  — 
80  Explanatio  formida  jurisjurandi  de 
odio  in  reg'iam  potestatem,  etc.,  galUcè 
JParisiis  editum  latinum  fecit,  adjicnctâ 
prœfatione  apologeticâ,  adversiis  epistolam 
pastoris  anonymi,  S. -P.  Ei'nst,  etc.  Tra- 
jecti  ad  Mosam,  ap.  Nypels,  an  vi,  in-80. 
Le  texte  original  de  VExplanatio  est 
attribué  à  l'abbé  de  Malaret.  —  9o  Ré- 
jiexions  sur  le  décret  de  Rome  et  la  déci- 
sion de  quelques  évéques,  relativement  au 
serment  de  haine,  etc.,  par  un  ami  de  la 
vérité  et  de  la  paix.  Maestriclit,  an  vu, 
,  in-80.  —  IQu  Examen  delà  seconde  lettre 
du  jurisconsulte  français  au  ci-devant  no- 
taire des  Pays-Bas,  sur  la  communica- 
tion, en  fait  de  religion,  avec  les  prêtres 
qui  ont  prêté  le  serment  de  haine  à  la 
royauté,  etc.  Maestricht,  in-S"^.  — Ré- 
ponse à  une  censure  assez  vive  publiée  à 
Liège  en  1798.  —  llo  Pensées  diverses 
d'u7i  bon  et  franc  catholique,  à  l'occasion 
du  bref  de  N.  S.  P.  le  pape  à  M.  l'arche- 
vêque de  Malin  es,  sur  le  serment  de 
haine  à  la  royauté.  Maestricht,  an  vu, 
in-80.  —  l2o  Encore  un  mot  sur  le  ser- 
ment de  haine,  etc.  et  la  rétractation  or- 
donnée par  les  réponses  de  M.  di  Pietro, 
évêque  d'Isaure,  etc.,  par  un  homme  de 
sang- froid .  A  Anvers  (Maestricht)  an  viii , 
in-8<J. — 1^0  Le  triomphe  delavérité,  ou  le 
serment  de  haine  à  la  royauté  justifié  par 
un  bref  de  N.  S.  P.  le  pape  Pie  VI  et 
par  la  déclaration  du  corps  législatif, 
par  le  citoyen  Astère.  Bruxelles  (Maes- 
tricht), in-80.  —  14o  Trois  lettres  d'un 
homme  à  trois  grands  vicaires  :  Corneille 
Lemaigre,  de  Namur  ;  J.-H.  Lands- 
heere,  de  Malines,  et  Titius,  de  Liège, 
pour  les  prêtres  nommés  fidèles,  relati- 
vement au  serment  de  haine,  à  la  pro- 
messe de  fidélité  et  au  schisme.  Maes- 
tricht, an  VIII,  in-Sii.  —  Iho  Réf  exions 
pacifiques  et  catholiques  sur  l'instruction 
importante,  par  demandes  et  par  ré- 
ponses ,  relativement  au  serment  de 
haine  et  à  la  promesse  de  fidélité.  Maes- 
tricht, an  VIII,  in-80.  —  I60  La  mau- 
vaise foi  dévoilée  ou  réponses  aux  bro- 
chures intitulées  :  Notice  sur  Vabbé 
Sicard,  etc.,  et  Défense  légitime,  etc., 
relatives  au  serment  de  haine  et  au 
schisme,  avec  quelques  oljservations  sur 


les  lettres  pastorales  de  M.  l'évêque  de 
Liège.  Maestricht,  an  ix  (1800j,  in-So. 
—  17°  Le  serment  de  haine  et  le  schisme, 
considérés  dans  une  lettre  de  M.  le 
nonce  de  Cologne,  du  2  janvier  1801, 
à  quelques  prêtres  sermentés.  En  Eu- 
rope, an  IX  (1801),  in-80.  —  180  Obser- 
vations pacifiques  sur  quelques  écrits 
anonymes  contre  le  catéchisme,  à  l'usage 
de  toutes  les  églises  de  l'empire  français 
(juillet  1807).  —  Manuscrit  perdu. 

II.  Histoire  nationale. 

19'j  Mémoire  sur  la  question  :  Vers 
quel  temps  les  ecclésiastiques  commen- 
cèrent-ils à  faire  partie  des  Etats  de 
Brabant  ?  Quels  furent  ces  ecclésias- 
tiques et  quelles  ont  été  les  conditions 
de  leur  admission?  Bruxelles,  de  l'im- 
primerie académique,  1783,  in-4o.  Ou- 
vrage couronné  en  1783  par  l'Acadé- 
mie I.  et  R.  des  sciences  et  belles-lettres 
de  Bruxelles  (voy.  le  Journal  des  savans 
du  mois  d'octobre  1784).  —  30  j  Obser- 
vations historiques  et  critiques  sur  la  pré- 
tendue époque  de  l'admission  des  ecclé- 
siastiques aux  Etats  de  Brabant,  vers 
l'an  1383,  par  M***.  Maestricht, 
1786,  in-4o.  —  21o  Ordines  apud  Bra- 
bantos  ejusdem  eorum  principibus  esse 
cetatis...  Traj.  ad  Mosam, Lekens,  1788, 
in-80.  —  22^  Histoire  abrégée  du  Tiers- 
Etat  de  Brabant,  ou  Mémoire  historique 
dans  lequel,  après  un  coup  d'œil  sur  la 
constitution  des  villes  en  général  au 
moyen  âge,  on  voit  l'origine  dès  com- 
munes en  Brabant,  l'époque  et  les  causes 
de  l'intervention  de  leurs  députés  aux 
assemblées  de  la  nation,  etc.  Maestricht, 
1788,  in-80.  —  33"  Examen  impartial 
des  observations  sur  la  constitution  pri- 
mitive et  originaire  des  trois  Etats  de 
Brabant,  publiées  par  les  commissaires 
de  la  Société  des  (soi-disant)  amis  du 
bien  public ,  établie  à  Bruxelles.  A 
Maestricht  (Bruxelles),  1791,  in-80 
(anonyme).  —  La  bibliothèque  de  l'uni- 
versité de  Liège  possède  un  manuscrit 
(no  755)  contenant  deux  mémoires 
d'Ernst,  rédigés  pour  l'Académie,  en  ré- 
ponse à  des  questions  de  concours.  Le 
premier,  reçu  le  13  août  1783,  fut 
renvoyé   à    l'auteur    le    27,   ainsi  qu'il 


679 


ERNST 


680 


coDste  d'une  note  signée  Jos.  Ghes- 
quière.  Le  second  parvint  six  jours 
après  l'expiration  du  délai  fatal  et  con- 
séquemment  ne  fut  point  admis  à  con- 
courir. Ils  sont  respectivement  intitulés  : 
24°  Mé'/noire  historique  sur  les  comtes  de 
Hainaut  de  la  première  race,  pour  servir 
de  réponse  à  la  question  proposée  par 
l'Académie  I.  etE.  des  sciences  et  belles- 
lettres  de  Bruxelles  en  1783.  —  2^^Bis- 
sertation  historique  et  critique  sur  la 
maison  royale  des  comtes  d^ Ardennes.  — 
26»  Tableau  historique  et  chronologique 
des  suffragantsou  co-évéques  de  Liège,  etc. , 
où  l'on  a  joint  des  notices  sur  l'ori- 
gine des  maisons  religieuses...  dans 
la  ville  et  la  banlieue.  Liège,  1806, 
un  vol.  in-8°.  ■ —  Ouvrage  très-curieux, 
abondant  en  renseignements  qu'on  cher- 
cherait vainement  ailleurs.  —  27°  Col- 
laboration à  VArt  de  vérifier  les  dates 
(publié  à  Paris,  par  les  bénédictins  de 
Saint-Maur),  notamment  des  articles  sur 
les  comtes  de  Louvain,  sur  les  comtes 
et  les  ducs  de  Limbourg,  les  sires 
de  Heinsberg  et  de  Fauquemont,  les 
comtes,  puis  ducs  de  Clèves,  les  comtes 
et  ducs  de  Berg,  les  comtes  de  la 
Marck,  les  comtes  et  ducs  de  Guel- 
dre,  etc.  (au  t.  III,  in-folio).  —  2^0  Des 
comtes  de  Burbuy  et  de  La  Roche,  par 
M.  S. -P.  Erust,  curé  d'Afden,  publ. 
par  M.  Ed.  Lavalleye,  agrégé  à  l'uni- 
versité de  Liège.  Liège,  1836,  in-8o. 
—  29o  Mémoire  sur  les  comtes  de  Lou- 
vain jusqu'à  Godefroid  le  Barbu,  par 
M.  S. -P.  Ernst.  Ouvrage  posthume,  pu- 
blié par  M.  Ed.  Lavalleye,  etc.,  Liège, 
1837,  in-8o.  —  Quelques  passages  de 
cet  opuscule  ont  été  insérés  dans  V Art 
de  vérifier  les  dates  (voy.  n^  27);  les  Nou- 
velles archives  historiques  des  Pays-Bas, 
t.  III,  en  contiennent  une  édition  com- 
plète, due  aux  soins  du  baron  de  Eeif- 
fenberg.  Ce  dernier  personnage  avait 
des  idées  à  lui  sur  la  propriété  litté- 
raire :  il  dit  simplement  en  note  que  le 
mémoire  en  question  est  tiré  des  papiers 
de  S. -P.  Ernst,  ce  qui  induit  le  lecteur 
à  croire  que  l'éditeur  aurait  eu  le  mé- 
rite de  coordonner  des  documents  épars. 
Il  n'en  est  rien  :  c'est  littéralement  le 
mémoirr  d'Ernst,  tel  qu'il  a  été  écrit,  à 


part  quelques  changements  de  mots,  qui 
ligure  dans  les  Archives  historiques. 
M.  Ed.  Lavalleye,  acquéreur  des  manu- 
scrits de  l'auteur  en  1836,  ne  découvrit 
le  plagiat  qu'au  moment  d'achever  l'im- 
pression de  sa  propre  édition.  Cette 
affaire  fit  grand  bruit;  cédant  aux  con- 
seils de  ses  amis,  M.  Lavalleye  résolut 
d'attendre,  pour  se  plaindre  tout  haut, 
la  publication  du  tome  I",  alors  sous 
presse,  de  V Histoire  du  Limbourg  (no 3 3). 
Il  ne  donna  pas  suite  à  son  projet.  Qué- 
rard  se  chargea  plus  tard  du  rôle  de 
grand  justicier.  —  30o  Chronologie  his- 
torique des  sires  de  Salm  Reifferscheid  en 
Ardennes,  publiée  par  le  baron  de  Reif- 
fenberg  dans  les  Nouvelles  Archives.  En- 
core un  ouvrage  d'Ernst.  —  31»  Mé- 
moire sur  les  sires  de  C'uycA-,  présenté 
par  ledit  baron  à  Tx^cadémie  de  Bru- 
xelles le  7  mai  1829  et  inséré  dans  les 
Nouveaux  Mémoires,  t.  YI  (1830),  in-4o. 
Même  observation.  —  32»  Supplément  à 
V Art  de  vérifier  les  dates  et  aux  recueils 
diplomatiques,  ou  Mémoires  sur  quel- 
ques anciens  fiefs  de  la  Belgique  {Nouv. 
Mémoires  de  VAcad.,  t.  YIII,  1833, 
in-4o).  —  Œuvre,  non  du  baron,  mais 
de  S. -P.  Ernst  et  du  P.  Nép.  Stephani 
(voy.  la  France  littéraire,  t.  XII,  p.  73, 
et  surtout  les  Supercheries  littéraires  de 
Quérard,  t.  III,  col.  360  et  suiv.).  — 
33>3  Histoire  du  Limbourg,  suivie  de 
celle  des  comtes  de  Daelhem  et  Pauque- 
mont,  des  annales  de  l'abbaye  deEolduc, 
par  M.  S. -P.  Ernst,  curé  d'Afden,  etc., 
publiée  avec  notes  et  appendices  et 
précédée  de  la  vie  de  [auteur,  par 
M.  Ed.  Lavalleye,  agrégé  à  l'université 
de  Liège.  Liège,  1837-1852,  7  vol. 
in-8o.  — C'est  l'ouvrage  capital  d'Ernst, 
et  l'on  peut  en  dire  justement  :  prolem 
sine  matre  creatam.  Le  baron  de  Reif- 
fenberg  écrivait  les  lignes  suivantes 
dans  sa  notice  sur  Ernst  [Biogr.  Mi- 
chaud,  suppl.,  t.  LXIII,  Paris,  1837, 
in-8«)  :  "  En  1828,  le  gouvernement 
«  des  Pays-Bas  et  les  administrateurs 
"  de  l'imprimerie  normale  nous  avaient 
"  invité  à  revoir  et  à  publier  V Histoire 
"  du  Limbourg.  La  révolution  de  1830 
«  s'opposa  à  ce  dessein,  que  nous  re- 
»  prîmes   avec   le    libraire  Lacrosse  en 


681 


ERNST  —  ERP 


682 


»  1834;  maia  il  ae  parut  qu'un  pro- 
»  spectus  de  cet  ouvrage  où  il  y  a  plus 
"  de  savoir  que  de  talent,  plus  de  labeur 
»  que  d'idées.  "  On  appréciera  la  déli- 
catesse et  l'opportunité  de  ce  jugement; 
voici  en  tous  cas  les  faits,  d'après  le 
journal  liégeois  VEspoir,  bien  informé 
(voy.  Quérard,  Supercheries,  t.  III, 
col.  361)  :  "  Après  la  mort  de  M.  Ernst, 
»  M.  Terwagne,  héritier  de  celui-ci,  se 
«  trouva  propriétaire  des  manuscrits  de 
■'  ce  savant  religieux  et  chargea  M.  Kitz, 
"  conseiller  municipal  à  Aix-la-Cha- 
«  pelle,  de  les  mettre  au  jour.  M.  Ritz 
"  n'ayant  pu,  probablement  par  des 
'■  circonstances  indépendantes  de  sa  vo- 
"  lonté ,  publier  lui-même  ces  manu- 
"  scrits,  les  envoya,  sans  le  consente- 
"  ment  de  M.  Terwagne,  au  ministre 
«  Van  Gobbelschroy,  pour  être  publiés 
«  par  la  Commission  royale  d'histoire, 
«  mais  sous  le  nom  de  M.  Ernst  :  c'était 
«  la  condition  de  la  cession.  M.  de  Reif- 
«  fenberg  fut  chargé  de  la  correction  de 
"  ces  manuscrits,  qui  lui  furent  remis 
«  en  six  volumes  reliés.  Dans  le  nombre 
Il  des  pièces  se  trouvaient  quelques  co- 
«  pies  dont  M.  Ritz  avait  gardé  les  ori- 
"  ginaux.  La  Commission  ayant  été 
.'  dissoute  par  la  révolution,  M.  de  Reif- 
■'  fenberg,  au  lieu  de  restituer  les  ma- 
"  nuscrits  à  M.  Kitz,  dont  il  les  tenait, 
"  les  remit  directement  aux  héritiers  du 
•'  défunt.  Pourquoi?  Parce  que  M.  de 
"  ReifFenberg,  ayant  envie  de  tirer  parti 
"  du  Vie  volume,  ne  leur  remit  que  les 
"  cinq  premiers,  et  que  les  héritiers, 
"  n'ayant  jamais  eu  connaissance  des 
"  six  volumes  envoyés  à  Louvain ,  ne 
"  pouvaient  s'apercevoir  de  l'absence 
"  du  sixième.  «  Le  baron  s'appropria 
effectivement  le  bien  d'autrui,  et  ses 
premiers  plagiats  n'ayant  pas  été  re- 
marqués, il  s'enhardit.  Mais  il  avait 
compté  sans  les  originaux  restés  dans 
les  mains  de  M.  Ritz  :  la  mine  fut  tout 
d'un  coup  éventée,  et  Reiffenberg  dut 
signer,  en  présence  de  deux  témoins, 
une  déclaration  qui  rappelle  la  fable  du 
Geai  paré  des  plumes  du  paon.  La  leçon 
lui  profita  si  peu,  qu'en  1845  il  publia 
sous  son  nom  un  ouvrage  important  de 
M.  Edra.   De   Busscher  {Etudes  sur  les 


loges  de  Raphaël)  ;  mais  passons.  — 
U Histoire  du  Limboiirg  est  précédée 
d'une  description  détaillée  et  d'une  sta- 
tistique du  pays  et  de  ses  ressources. 
Elle  commence  aux  temps  les  plus  recu- 
lés et  s'arrête  à  l'année  1427.  L'éditeur 
se  proposait  de  la  continuer  jusqu'en 
1795  j  il  abandonna  ce  projet  et  ne 
rédigea  pas  même  la  biographie  qui  de- 
vait figurer  en  tête  du  premier  volume. 
Le  tome  V  contient  l'histoire  des  comtes 
de  Daelhem  et  des  seigneurs  de  Fau- 
quemont;  le  Vie,  le  Codex  diplomaticus 
de  Fauquemont  et  celui  du  Limbourg; 
le  Vile  enfin ,  les  Annales  Rodenses, 
poursuivies  jusqu'en  1700.  Le  tout 
forme  un  monument  d'érudition  sé- 
rieuse, un  peu  lourdement  écrit,  mais 
solide  et  instructif  comme  tous  les  tra- 
vaux qui  se  ressentent  de  l'influence  de 
l'école  bénédictine.  M.  Lavalleye  y  a 
joint  des  dissertations  qui  sont  loin 
d'être  sans  prix,  ce  qui  peut  se  dire  éga- 
lement des  notes  dont  il  a  parsemé  tout 
l'ouvrage. 

Le  baron  de  Eeilfenberg  rapporte 
qu'avant  l'invasion  française,  on  avait 
engagé  Ernst  à  écrire  l'histoire  ecclé- 
siastique du  pays  de  Liège,  mais  qu'il 
n'accepta  pas  ce  fardeau  et  se  contenta 
de  recherches  partielles.  Nous  n'avons 
pu  vérifier  cette  assertion. 

Alphonse  Le  Roy. 
Kurze  Biographie  des  verstorbenen  Hei'rn  SiMOX 
Peter  Ernst,  Pfarrer  zu  Afdeu,  etc.  Aix-la- 
Chapelle,  M.  Weiss,  1818,  in-1"2.  —  Maitzinger, 
Gelehrten  und  SchriflsteÙer  Lexicon  der  Teut- 
schen  caiholischen  Geisilicheen.  Landshut,  182!^, 
t.  III,  p.   i23.   —  Namur,   Bibliogr.  académique. 

—  Becdelièvre.  —  Biogr.  Michaud ,  Suppt., 
t.  LXIU  ;arl.  du  baron  de  Reiffenberg).  —  Note 
;de  Reiffenberg;  dans  1  introduction  du  t.  l"^""  de  la 
Chrotiique  rirnée  de  Ph.  Mouskés.  Bruxelles, 
1836,  in-4»,  p.  LXVl    —  France  littéraire,  t.  Xll. 

—  Supercheries  littéraires  dévoilées  (Quérard), 
^^  édit..  l  ill.  —  Daris,  Hist.  du  diocèse  de  Liège 
(17^4-1832),  t.  111  et  IV.  —  Renseignements  par- 
ticuliers. 

ERP  {Gérard  v.%ii)  ou  Van  Herp. 
Ce  peintre,  sur  lequel  on  ne  possède  jus- 
qu'à présent  que  des  renseignements 
incomplets,  naquit  à  Anvers  et  y  fut 
baptisé  dans  l'église  de  Saint-.Jacques, 
le  5  octobre  1605.  Il  était  fils  de  Jean 
van  Erp  et  d'Elisabeth  Gelders.  Par 
son  père,  il  appartenait  à  une  famille 
alliée  à  celle   de   P. -P.    Rubens,  et  qui 


683 


ERP 


684 


avait  produit  plusieurs  artistes  dont  le 
Ligr/ere  de  la  confrérie  de  Saint-Luc 
d'Anvers  nous  a  conservé  les  noms. 

P'après  la  tradition,  A" an  Erp  fut 
admis  dans  l'atelier  de  Eubens,  ce  qui, 
en  vertu  des  privilèges  accordés  au 
o-rand  peintre,  l'exempta  d'entrer  dans 
la  gilde  de  Saint-Luc  ;  mais  cette  dis- 
pense eut  pour  effet  de  nous  priver  de 
renseignements  détaillés  sur  ses  faits  et 
gestes.  L'église  de  Saint-Augustin  à  An- 
vers possède  de  lui  un  tableau  représen- 
tant un  épisode  de  la  vie  du  célèbre 
évêque  d'Hippone.  Au  musée  de  Berlin, 
on  voit  les  Paysans  sovff.ant  le  chaud  et 
le  froid;  d'autres  tableaux  se  trouvent 
disséminés  dans  les  cabinets  de  plu- 
sieurs amateurs  de  notre  pays. 

Ce  maître  resta  fidèle  à  la  grande 
école  de  Eubens  ;  il  avait  la  composition 
facile,  le  style  noble,  le  dessin  correct, 
le  coloris  brillant  et  harmonieux.  Na- 
gler  donne  à  notre  artiste  le  nom  de 
Va»  Harp.  Kramm,  dans  ses  Vies  des 
•peintres  néerlandais,  lui  consacre  deux 
articles  différents,  sans  cependant  pou- 
voir percer  le  mystère  qui  enveloppe  sa 
carrière.  p.  cénard. 

>'oies   personnelles   et    Aauteekeninqen    over 
P. -P.  liiibeus   —  Ih.   Van   Lerius  et  Ph.  Rom 
bouts,  Liggcreii  der  St  Lucas  gilde. 

ERE»  (Henri  »'),  écrivain  mystique, 
né  à  Erp,  vers  le  commencement  du 
xvie  siècle,  mort  à  Malines  le  22  fé- 
vrier 1478.  Voir  Henri  b'Erp. 

EnE'K  (Jea7i  vaxjou  Herpe,  dessina- 
teur et  enlumineur,  à  Gaud,  au  xve  siè- 
cle, né,  d'après  les  biographes  hollan- 
dais Immerseel  frères,  en  1432  j  mort 
en  1486.  Jean  van  Erpe  ou  Herpe,  et 
non  Jérôme,  comme  le  nomme  le  cheva- 
lier Diericx  dans  ses  Mémoires  sur  la 
ville  de  Gaud,  fut  l'un  des  premiers 
enlumineurs  affiliés  à  la  corporation 
gantoise  des  peintres,  sculpteurs  et  ver- 
riers. Il  était  fort  habile  dessinateur  à  la 
plume  et  peintre  à  l'aquarelle,  rehaus- 
sant ses  travaux  estimés  d'or  et  d'argent, 
sur  papier,  parchemin  et  ivoire.  Jus- 
qu'en 1463  les  dessinateurs  à  la  plume 
{verlichters  met  de  penne),  rubricateurs  et 
enlumineurs  d'images,  exerçaient  libre- 
ment leur  modeste  talent;    mais,   lors- 


qu'ils en  vinrent  à  empiéter  sur  le 
domaine  des  miniaturistes,  leurs  produc- 
tions éveillèrent  la  jalousie  de  ceux-ci, 
la  miniature  étant  une  des  branches  du 
métier  privilégié  des  peintres.  Aussi, 
par  suite  de  leurs  réclamations,  et  pour 
mettre  un  terme  à  cet  exercice  illégal  et 
non  affranchi  de  la  miniature  propre- 
ment dite,  Mre  Daniel  De  Rycke,  doyen 
de  la  corporation,  avec  ses  jurés  ou  sous- 
doyens,  eut  recours  à  la  magistrature 
communale  de  Gand.  Par  une  ordon- 
nance du  haut-bailli  et  du  collège  éche- 
vinal  de  la  Keure,  en  date  du  13  juin 
1463,  les  enlumineurs  au  pinceau  {ver- 
lichters met  dm  peyicheele),  qui  étaient, 
en  effet,  devenus  de  véritables  miniatu- 
ristes interlopes,  furent  forcés  d'entrer 
dans  le  métier  plastique  et  d'y  acquérir 
la  franchise  professionnelle,  en  payant 
le  quart  de  la  rétribution  et  des  droits 
afférents  à  la  section  picturale.  Ils 
obtinrent  ainsi,  pour  eux  et  leurs  des- 
cendants mâles,  le  droit  d'avoir  des 
apprentis  et  de  pouvoir  enluminer  au 
pinceau  toutes  images  non  destinées  à 
des  missels  ou  à  d'autres  livres;  ce  der- 
nier genre  de  peintures  ne  pouvait 
s'exécuter  que  par  des  miniaturistes 
passés  francs-maîtres  peintres,  ou  jouis- 
sant de  l'entier  affranchissement  de  pro- 
fession. Toutefois,  l'enlumineur  déjà 
partiellement  affranchi  avait  la  faculté 
d'acheter  la  franchise  complète,  en  sup- 
pléant les  trois  quarts  restants  de  l'im- 
position habituelle  payée  par  les  pein- 
tres (1).  —  C'est  ce  que  fit,  en  juillet 
1463,  Jacques  Van  der  Guchte,  à  Gand; 
mais  Jean  van  Erpe,  Henri  van  Bueren 
et  Alexandre  Bening,  de  qui  Hugues 
Van  der  Goes  fut  le  garant,  ne  pratiquè- 
rent à  cette  époque  que  l'enluminure 
et  non  la  miniature,  ni  la  peinture.  Ils 
eurent  dans  leur  spécialité  artistique 
beaucoup  de  succès  et  de  réputation. 

Edni.  De  Busicher. 

C.-L.  Diericx,  J/émoi>es  sur  la  ville  de  Gand, 
1815.  —  Immerseel  frères,  Levens  en  werken  der 
holl.  en  vl.  Schilders,  etc.,  1842.  —  E.  De  Bus- 
scher,  Recherches  sur  les  peintres  gantois  aujc 
\i\'  et  \\<=  siècles,  1858.  —  Messager  des  sciences 
historiques,  Gand. 

.1)  (>ette  réunion  des  enlumineurs  aux  peintres 
avait  eu  lieu  à  Venise  en  1441,  à  Bruges  en  1454. 


68? 


ERRAR  -  ERREMBAULT 


686 


ERRA»  (J^awj,  graveur  à  l'eau-forte 
du  xvrie  siècle,  qui  a  signé  du  mono- 
gramme I.  E.  /.  un  ^paysage  d'après 
Antoine  Waterloo,  décrit  par  Bartsch 
(Le  Peintre- Graveur,  i.  II,  p.  43,  no  35), 
sous  le  titre  :  Le  Troupeau  de  moutons 
traversant  Veau.  »  Nous  ignorons,  dit 
«  Brulliot,  quel  fondement  il  y  a  dans 
u  l'interprétation  de  ces  lettres,  n'ayant 
«  pas  vu  d'autres  ouvrages  de  cet  ar- 
«  tiste,  que  Malpé  nomme  graveur  lié- 
«  geois  du  xviie  siècle,  et  auquel  il 
«  attribue  la  suite  entière  d'après  Wa- 
«  terloo.  '/  Ajoutons  que  Malpé,  quant 
à  l'interprétation  des  initiales,  n'a  fait 
que  reproduire  ce  que  Roland  le  Yirloys 
avait  avancé  longtemps  avant  lui. 

Il  ne  sera  pas  sans  intérêt  peut-être 
de  rappeler  que  le  monogramme  dont 
Errar  s'est  servi  appartient  également 
à  Jean -François  Erraels ,  peintre  de 
paysages  et  graveur  à  l'eau-forte,  né 
en  1641  dans  les  environs  de  Cologne. 
On  trouve  ce  monogramme  sur  une 
estampe  de  ce  dernier  maître,  représen- 
tant un  bâtiment  en  ruine. 

Emile  TaBSet. 

Roland  le  Virloys,  ùicl.  d'architecture,  1770, 
t.  1.  p.  ooO.  —  Malpé,  Notice  sur  les  graveurs, 
1807,  t.  I,  p.  -244.  —  Brulliot,  Dici.  des  mono- 
grauiines,  t.  I,  p.  220  et  t.  Il,  ii  184.  —  Kramm, 
Lerens  der  Kunstschtlders,  t.  Il,  p   439. 

EBn.%.Rn  (  Gérard  -  Léonard  )  ou 
Erard,  sculpteur  et  graveur  liégeois  du 
xviie  siècle.  Voir  Hérard  {Gérard-Léo- 
nard). 

ERREHBAL'LT  (Louis),  président 
du  conseil  de  Flandre,  président  à  mor- 
tier du  parlement  de  Tournai.  Il  appar- 
tenait à  une  ancienne  famille  noble  de 
nom  et  d'armes  du  Tournaisis  qui  se 
flattait  de  compter  parmi  ses  ancêtres 
deux  lieutenants  généraux  de  la  prévôté 
de  Montreuil  en  1390  et  un  grand  bailli 
de  la  prévôté  de  Saint-Bertin,  a  Saint- 
Omer.  Il  était  seigneur  de  Dudzeele, 
du  Breucq,  de  Fermont,  qu'il  acquit  par 
acte  du  26  mars  1664,  de  Coolkerke, 
de  Ramscapelle,  de  Sablens,  du  Coul- 
tre,  etc.,  et  portait,  comme  ses  ancêtres 
depuis  plusieurs  générations,  le  titre  de 
maréchal  héréditaire  du  Boulonnais.  Il 
était  fils  de  Gilles,  écuyer,  greffier  cri- 


minel de  Tournai,  etde  Jeanne Desmons, 
et  naquit  à  Tournai  le  7  mai  1625.  Il 
fut  admis  à  la  bourgeoisie  de  cette  ville, 
le  9  février  1650  et  épousa,  en  la  pa- 
roisse de  Saint-Michel,  à  Gand,  le  5  août 
suivant,  Marie  vander  Beken,  fille  de 
messire  Denis  vander  Beken,  conseiller 
au  conseil  de  Flandre,  et  de  dame  Marie 
Hovinnes. 

Errembault  fut  nommé  conseiller  au 
bailliage  de  Tournai,  par  lettres  pa- 
tentes du  roi  Philippe  d'Espagne,  le 
28  janvier  1651,  puis  le  19  mai  1657, 
conseiller  et  maître  des  requêtes  au 
grand  conseil  de  Malines.  Le  4  décem- 
bre 1667,  il  fut  chargé,  avec  deux  autres 
commissaires,  par  le  marquis  de  Castel- 
Rodrigo,  de  se  rendre  dans  la  Gueldre, 
pour  y  entendre  les  plaintes  des  états,  en 
apprécier  la  valeur,  et,  le  cas  échéant, 
porter  remède  aux  maux  que  l'on 
dénonçait  et  ramener  la  paix  et  la  tran- 
quillité dans  la  province. 

Il  s'acquitta  avec  honneur  de  ces  di- 
vers mandats  et,  fort  de  la  satisfaction 
du  gouvernement,  n'hésita  pas  à  briguer 
le  poste  de  président  du  conseil  de 
Flandre,  lorsqu'il  devint  vacant  par  la 
mort  du  titulaire,  Jean-Baptiste  délia 
Faille  d'Assenede.  Le  roi,  considérant 
u  les  sens,  prudence,  littérature  et  expé- 
rience en  fait  de  justice,  de  même  que 
les  grands  et  notables  services  »  d'Er- 
rembault,  le  nomma  à  ce  haut  emploi 
par  patentes  du  7  mars  1668,  et,  par  un 
autre  diplôme  de  la  même  date,  conseil- 
ler-trésorier et  garde  des  Chartres  de 
Flandre.  Les  deux  charges  furent  à  partir 
de  ce  moment  tenues  par  une  seule  et 
même  personne.  En  1668,  Errembault 
fut  chargé  par  le  marqtiis  de  Castel- 
Rodrigo,  en  1669  et  1670,  par  le  con- 
nétable de  Castille,  de  procéder  au 
renouvellement  de  la  loi  de  la  ville  de 
Gand  et  il  lui  fut  spécialement  recom- 
mandé de  choisir  «  dextrement  et  secrè- 
tement les  plus  gens  de  bien,  idoines, 
catholiques  et  zéleux  du  service  de 
Sa  Majesté  et  du  bien  public  « .  Le 
25  juillet  1668,  le  roi  Charles  ayant 
promulgué  un  règlement  pour  «  apporter 
le  remède  convenable  aux  désordres 
assez  connus   au   fait  de  la  milice,  tant 


687 


ERREMBAULT 


688 


pour  le  regard  des  places  fortes,  paye- 
ment de  la  milice,  monstres,  pain  de 
munition,  faits  et  oppression  s  de  ses  bons 
subjets  et  ruines  de  leurs  biens  et  com- 
merce "  nomma  encore,  par  patentes  du 
2 S  juillet  suivant,  Errembault  «  com- 
missaire intendant  général  de  la  province 
de  Flandre  pour  veiller  à  l'exécution 
dudit  règlement  » .  Le  président  devint, 
en  cette  dernière  qualité,  inspecteur  des 
troupes  hispano-belges  et  les  passa  plus 
d'une  fois  en  revue. 

Ses  talents,  la  haute  fortune  à  la- 
quelle il  arriva  à  un  âge  peu  avancé,  la 
justice  sévère  qu'il  fit  régner  en  Flandre 
«  en  y  réprimant  les  voleries  et  les  abus 
d'autorité  » ,  lui  suscitèrent  de  nombreux 
et  de  puissants  ennemis  et  l'impliquè- 
rent dans  des  difficultés  sur  lesquelles 
il  est  difficile  de  se  prononcer  aujour- 
d'hui et  qu'il  faut  dès  lors  se  borner  à 
exposer  simplement.  Il  eut  des  démêlés 
éclatants  presque  à  la  fois  avec  le  nou- 
veau gouverneur  général,  comte  de  Mon- 
terey,  avec  le  conseil  privé,  avec  le  con- 
seil de  Flandre,  avec  les  ecclésiastiques 
et  membres  de  la  province.  Monterey  lui 
était  moins  favorable  que  Castel-Eodrigo 
et  il  semble  avoir  écouté  avec  complai- 
sance ceux  qui  étaient  hostiles  à  Errem- 
bault. Cehii-ci  fut  arrêté  à  Bruxelles; 
mais  le  connétable  de  Castille  mit 
l'affaire  en  surséance  et  leva  son  arrêt 
par  décret  du  5  juillet  1670.  A  peine 
libre,  Errembault,  fort  irrité,  attaqua 
avec  vivacité  le  conseil  privé  et  le  con- 
seil de  Flandre  dans  une  brochure  :  Re- 
marques sur  les  abus,  etc.,  qu'il  leur 
adressa.  Il  fut  aussitôt  ajourné  devant 
l'un  et  l'autre  corps,  sous  le  prétexte 
qu'il  les  avait  à  diverses  reprises  inju- 
riés et  calomniés,  et  qu'il  avait,  en  vio- 
lation de  ses  arrêts,  quitté  les  Pays-Bas. 
Le  conseil  de  Flandre  condamna,  par  un 
arrêt  rendu  le  18  juillet  1671,  «  la  bro- 
chure à  être  déchirée;  le  défendeur 
(Errembault),  pour  l'avoir  publiée  et 
produite  au  procès,  à  comparoir  en 
chambre  secrète  du  conseil ,  portes  closes, 
à  demander  pardon  à  Dieu  tout-puissant 
et  à  ladite  cour  au  nom  de  la  justice,  à 
déclarer  au  surplus  qu'il  se  repent  de 
tout  cœur  de  la  chose;  le  condamne,  en 


outre,  à  l'amende  de  2,000  florins  caro- 
lus  au  profit  de  Sa  Majesté  et  aux  frais 
et  mises  de  justice,  au  taux  de  la  cour  » . 
Le  même  jour,  coïncidence  au  moins 
singulière,  le  conseil  privé  rendit  un 
arrêt  analogue,  rédigé  également  dans 
les  termes  les  plus  durs,  imposant  une 
rétractation  humiliante  à  Errembault 
et  le  condamnant  à  une  amende  de 
6,000  florins,  aux  dépens  et  frais  du 
procès  et  au  bannissement  pendant  six 
ans. 

Le  président  n'avait  pas  attendu  cette 
double  condamnation  pour  se  mettre 
hors  d'atteinte.  Quittant  furtivement  le 
pays,  il  s'était  rendu  en  Espagne  en 
prenant  les  précautions  nécessaires  pour 
n'être  pas  reconnu.  Admis  devant 
Charles  II,  il  se  jeta  à  ses  pieds,  défen- 
dit sa  cause  avec  éloquence  et  demanda 
"  avec  l'accent  respectueux  de  l'inno- 
cence que  sa  tête  soit  portée  sur  un  écha- 
faud  si  la  plus  petite  des  calomnies  por- 
tées contre  lui  étoit  seulement  apparente 
et  qu'il  demandoit  des  juges  pour  en  con- 
noître  " .  La  reine-régente  fit  examiner 
l'affaire  à  nouveau  par  le  président  et  le 
conseil  suprême  à  Madrid,  à  l'interven- 
tion de  trois  conseillers  du  conseil  royal 
de  Castille,  qui  trouvèrent  que  les 
charges  alléguées  contre  Errembault 
Il  étaient  l'œuvre  de  la  calomnie,  enfan- 
tée par  ses  ennemis,  envieux  de  son 
mérite  et  de  son  austère  et  ferme  impar- 
tialité " .  Par  un  décret  du  18  septembre 
1673,  Errembault  fut  rétabli  dans  tous 
ses  emplois,  honneurs  et  biens  et,  par 
un  autre  du  7  mars  1675,  il  lui  fut 
enjoint  de  retourner  promptement  aux 
Pays-Bas  pour  reprendre  ses  fonctions. 
On  raconte  que  son  retour  »  porta  la 
joie  dans  tous  les  cœurs  honnêtes  :  une 
tradition  constante  porte  que  les  Gan- 
tois célébrèrent  le  jour  de  son  arrivée  de 
Madrid  par  des  feux  de  joie  ».  Il  est 
probable  que  les  esprits  étaient  partagés 
et  que  si  le  président  avait  de  redouta- 
bles adversaires,  il  comptait  aussi  de 
chauds  partisans.  Quoi  qu'il  en  soit,  sa 
disgrâce  avait  fait  du  bruit  à  l'étranger; 
son  retour  de  fortune  y  fit  de  l'éclat.  La 
Gazette  d' Amsterdam  (25  juillet  1675, 
u"   30 j   en    parla   à   ses   lecteurs.    Elle 


689 


ERREMBAULT 


690 


raconta  qu'à  son  arrivée  dans  le  pays, 
Errembault  se  rendit  à  l'armée  où  se 
trouvait  alors  le  duc  de  Villa-Hermosa, 
le  nouveau  gouverneur  général,  avec  les 
seigneurs  de  la  cour  qui  tous  félicitèrent 
le  président  de  sa  rentrée  en  faveur  et 
de  ce  «  qu'une  personne  de  tant  de  mé- 
rite et  de  tant  de  réputation  se  soit  si 
bien  défendue  contre  les  fausses  accusa- 
tions de  ses  ennemis  qui,  quelque  puis- 
sants qu'ils  puissent  être,  ne  laissent 
pas  d'avoir  bien  de  la  confusion  de  voir 
sa  vertu  triompher  des  calomnies  aux- 
quelles ils  avaient  trop  légèrement 
ajouté  foi  contre  la  bonne  conduite  de 
ce  digne  ministre  qui  a  toujours  été  sans 
reproche  « .  La  Gazette  ajoute  que,  le 
lendemain  de  son  retour  à  Gand,  le 
11  juillet  1675,  le  président  alla  au 
conseil  de  Flandre  où  il  reprit  sa  place 
ordinaire  et  qu'il  y  fut  reçu  par  les 
applaudissements  «  tant  des  conseillers 
que  des  avocats  et  autres  gens  de  pra- 
tique et  d'une  foule  extraordinaire  d'au- 
tres personnes  qui  s'étaient  rendues 
dans  la  grande  salle  du  conseil,  pour  le 
complimenter  et  voir  le  rétablissement 
de  ce  ministre  qui  n'avait  été  traversé 
que  pour  avoir  tâché  de  remettre  .les 
choses  en  leur  premier  état  et  de  faire 
refleurir  la  justice;  comme  les  députés 
des  ecclésiastiques,  de  la  noblesse  et  du 
commerce  de  la  même  ville  l'ont  aussi 
hautement  avoué  lorsqu'ils  ont  été  com- 
plimenter le  ministre  dont  ils  ont  reçu 
toute  la  satisfaction  qu'on  pouvait  atten- 
dre d'un  homme  qui  sait  la  donner  à 
chacun  « . 

Bien  qu'il  eût  obtenu  justice  et  réussi 
à  confondre  ses  accusateurs,  Errembault 
n'en  garda  pas  moins  un  ressentiment 
amer  des  avanies  qu'il  avait  subies  et, 
lorsqu'il  dut  choisir  entre  les  Espagnols 
et  les  Français,  il  n'hésita  pas  à  se  pro- 
noncer en  faveur  de  ces  derniers.  On 
connaît  les  événements  de  la  guerre  de 
Hollande.  Le  1er  mars  1678,  Louis  XIV. 
mit  le  siège  devant  Gand  et  la  ville  se 
rendit  le  9  suivant.  Le  conseil  proposa 
au  maréchal  d'Humières,  chargé  des  né- 
gociations, une  capitulation  particulière 
dont  le  principal  article  stipulait  que 
les  président,  conseillers,  etc.,  seraient 


libres  de  continuer  à  séjourner  à  Gand 
pendant  deux  ans  et  y  tenir  leurs  délibé- 
rations, et  qu'en  cas  de  départ,  ils  pour- 
raient le  faire  librement  et  quand  bon 
leur  semblerait.  Mais  le  monarque  fran- 
çais entendait  les  choses  autrement.  Il 
exigea  que  les  membres  du  conseil  dé- 
clarassent dans  les  quinze  jours  s'ils 
voulaient  »  demeurer  ses  officiers  ou 
non  II .  Au  cas  qu'ils  demeureraient,  ils 
seraient  maintenus  dans  leurs  charges, 
dignités  et  privilèges;  au  cas  contraire, 
ils  jouiraient  des  délais  accordés  par 
Sa  Majesté  aux  bourgeois  de  Gand  qui 
voudraient  s'en  aller.  Cette  alternative 
fit  naître  un  grave  dissentiment  dans  la 
haute  assemblée.  Le  conseil  se  compo- 
sait à  cette  époque  de  vingt-deux  mem- 
bres. Le  président  Errembault  et  dix 
conseillers  se  décidèrent  à  accepter  les 
oflxes  de  la  France  et  prêtèrent  serment 
à  Louis  XIV  le  23  mars;  les  onze  autres, 
à  la  tête  desquels  se  trouvait  le  conseil- 
ler De  Piop,  leur  ancien,  avertirent  le 
même  jour  le  maréchal  d'Humières  de 
leur  intention  de  rester  au  service  de 
Sa  Majesté  Catholique  et  se  retirèrent  à 
Bruges.  Peu  de  temps  après,  le  11  mai, 
Louis  XIV  nomma  Errembault  le  troi- 
sième des  commissaires  royaux  pour  le 
renouvellement  du  magistrat  de  la  ville. 
Lorsque,  en  vertu  de  la  paix  de  Xi- 
mègue,  Gand,  Courtrai  et  Audenarde 
furent  rendues  à  l'Espagne,  la  fraction 
du  conseil  qui  résidait  à  Bruges  fut  rap- 
pelée à  Gand.  Le  gouvernement  de 
Bruxelles  rendit  hommage  au  principe 
de  l'inamovibilité  en  maintenant  en 
fonctions  tous  les  membres  du  conseil 
aussi  bien  ceux  qui  étaient  restés  à  Gand 
que  ceux  qui  s'étaient  transportés  à 
Bruges.  Seul,  le  président  Errembault 
ne  profita  point  de  la  mesure,  et  il  de- 
meura au  service  de  la  France.  Louis  XIV 
ne  négligea  rien,  du  reste,  pour  se  l'at- 
tacher. Par  un  acte  du  12  janvier  1680, 
Sa  Majesté  »  désirant  lui  donner  des 
marques  de  son  affection  et  lui  témoigner 
le  gré  qu'elle  lui  savait  de  son  zèle  et 
de  sa  fidélité  »,  ordonna  que,  en  atten- 
dant que  vînt  ù  vaquer  une  charge  de 
président  dans  le  conseil  souverain  de 
Tournai   ou  dans   le   conseil  provincial 


691 


EKREMBAULT 


692 


d'Artois,  Errembault  jouît  de  toutes  les 
exemptions,  prééminences,  privilèges  et 
franchises  dont  jouissaient  les  présidents 
de  ces  conseils.  Presque  en  même  temps 
Errembault  obtint  des  «  exécutoriales  " 
en  France  pour  faire  sortir  ses  effets  au 
décret  de  1673  touchant  le  rétablisse- 
ment dans  sa  charge,  et  les  dommages 
et  intérêts  qu'il  fit  monter  à  84,000  flo- 
rins. Ces  lettres  furent  adressées  au 
gouverneur  général  des  Pays-Bas,  duc 
de  Villa-Hermosa.  Un  autre  acte,  du 
15  juin  1681,  signé  Louis  XIV  et  con- 
tre-signe Letellier,  rappelle  les  services 
rendus  par  Errembault  à  la  France  et 
lui  confère  le  titre  et  le  rang  d'un  pré- 
sident honoraire.  "  Mettant  en  considé- 
ration, y  est-il  dit,  les  bons  et  fidèles 
services  que  M.  Louis  Errembault,  cy- 
devant  président  du  conseil  de  Flandre 
nous  auroit  rendus  après  la  réduction 
du  château  de  Gand  en  notre  obéissance 
et  pendant  le  temps  que  nous  avons  été 
en  possession  de  ladite  place  et  l'affection 
qu'il  a  depuis  témoigné  vivre  en  cet 
état,  ayant  mieux  aimé,  après  la  resti- 
tution que  nous  avions  faite  de  laditte 
ville  et  château  de  Gand  au  Roi  Catho- 
lique en  conséquence  du  traité  de  paix 
de  Ximègue,  abandonner  saditte  charge 
de  président  au  conseil  de  Flandres  et 
se  retirer  dans  les  terres  de  notre  obéis- 
sance avec  sa  famille  que  de  demeurer 
au  service  dudit  Roi  Catholique,  et  dési- 
rant lui  témoigner  la  satisfaction  qui 
nous  est  demeurée,  nous  avons  estimé 
ne  pouvoir  pour  cette  fin  rien  faire  ni 
qui  réponde  mieux  à  ce  qu'il  nous  a 
témoigné  désirer  et  à  la  dignité  qu'il  a 
eue  dans  ledit  conseil  de  Flandre  qu'en 
lui  en  donnant  une  en  notre  conseil 
souverain  de  ïournay,  le  faisant  servir 
en  qualité  de  président  honoraire  en 
iceluy  où  même  nous  espérons  que  n'y 
ayant  dans  ledit  conseil  que  deux  con- 
seillers flamands,  il  nous  y  servira  d'au- 
tant plus  utilement  et  )e  public  qu'outre 
l'expérience  consommée  qu'il  a  de  toutes 
les  affaires  de  judicature,  il  a  l'intelli- 
gence de  la  langue  et  une  connaissance 
particulière  des  coutumes  dudit  pays  de 
Flandres...  «  Errembault  devait  avoir 
«    entrée,    voix  et  opinion  délibérative 


tant  aux  audiences  qu'au  conseil,  assem- 
blées de  chambre  et  en  toutes  autres 
séances  «  y  «  tenir  rang  après  les  deux 
présidents  et  devant  les  chevaliers  d'hon- 
neur Il  y  II  jouir  des  mêmes  honneurs, 
prérogatives,  prééminences  et  libertés 
dont  jouissent  les  officiers  dudit  conseil  « , 
mais  il  ne  pouvait  point  «  avoir  part 
aux  épices  dudit  conseil  ni  prendre 
aucuns  gages,  droits  et  émoluments 
quelconques  « .  Errembault  ne  fut  mis 
en  possession  effective  de  sa  charge  que 
le  31  octobre  1689.  Il  devint  aussi  con- 
seiller du  roi  en  ses  conseils.  Il  reçut 
une   dernière  faveur  de  Louis  XIV  en 

1693.  Le  monarque  français  avait  créé 
trois  charges  de  président  à  mortier 
héréditaires  au  parlement  de  Tournai 
qu'il  avait  institué  en  1668.  Le  taux  de 
chacune  était  de  45,000  livres.  Errem- 
bault en  obtint  une  aiiprix  de  37,500  li- 
vres. Mais  il  n'en  jouit  pas  longtemps. 
Il  décéda  le  14  juillet  1694.  Sa  veuve, 
qui  mourut  le  25  septembre  1712,  céda 
la  charge  à  M.  d'Hermaville,  qui  obtint 
les  provisions  royales  après  les  formali- 
tés accoutumées.  L'opinion  commune  est 
que  Louis  Errembault  fut  un  magistrat 
de  mérite,  instruit,  impartial  et  droit; 
mais  l'obscurité  qui  entoure  une  période 
intéressante  de  sa  vie  empêche  de  porter 
un  jugement  définitif  sur  son  compte. 

Ses  armes  étaient  :  de  sable  à  la  fasce 
d'or  accompagné  en  chef  de  deux  fleurs  de 
lys  d'argent  au  pied  coupé.  Il  fut  enterré, 
ainsi  que  sa  femme,  dans  le  chœur  de 
la  cathédrale  de  Tournai  avec  l'épitaphe 
suivante  : 

"  Icy  gisent  noble  messire  Louis 
Errembault  cy  devant  chevalier,  seigneur 
de  Dudzeele,  conseiller  et  maistre  des 
requêtes  au  grand  conseil  de  Malines, 
intendant  et  président  de  la  province  de 
Flandre,  et  à  sa  mort,  arrivée  le  14  juin 

1694,  président  de  la  cour  du  parlement 
de  Tournay,    âgé  de  soixante  neuf  ans, 

'deux  mois,  douze  jours,  et  dame  Marie 
vander  Beken,  son  épouse,  dame  dudit 
Dudzeele,  décédée  le  25  septembre  1712, 
âgée  de  quatre-vingt-trois  ans ,  onze 
mois,  huit  jours.  « 

Il   Requiescant  in  pace.   » 

Kniilf  ct«  Uoieligravp. 


693 


EKKEMBAULT  —  ERTVELT 


H94 


Archives  de  la  famille  Erreinbault  de  Dudzeele. 
—  Archives  du  conseil  de  Flandre,  n"'  293,  294, 
408,  410,  el  Resolutien  van  den  Hove,  IGKMôTS, 
MS.  de  la  Bibliothèque  de  l'Université  de  Gand, 
n'^  44,  Register  van  Sententien.  —  Gaillard,  Ar- 
chives du  Conseil  de  Flandre  —  Ganser,  Le  Con- 
seil de  Flandre.  —  Hoverlant  de  Bauweiaere, 
Histoire  de  Tournai,  t.  73.  —  Des  Janneaux,  His- 
toire du  parlement  de  Tournai.  —  Le  Maistre 
d'Anstaing,  Histoire  de  la  cathédrale  de  Tour- 
nai, I. 

ERTBOR^'  {Florent- Joseph,  chevalier 
VAî«),  né  à  Anvers  en  1783,  mort  à 
La  Haye  en  1840.  Cet  homme  remar- 
quable, vrai  philosophe,  voua  toute  sa 
vie  à  la  culture  des  lettres  et  des  beaux- 
arts.  Il  fut  à  la  fois  le  protecteur  et  le 
conseiller  des  artistes,  et  sut  faire  le 
plus  noble  usage  de  sa  fortune. 

Il  avait  été  bourginestre  de  sa  ville 
natale  ,  quand  le  gouvernement  des 
Pays-Bas  le  fit  gouverneur  de  la  pro- 
vince d'Utrecht.  Guillaume  lerle  nomma 
son  chambellan,  et  bientôt  après,  mem- 
bre de  l'Institut  néerlandais.  Les  mé- 
rites de  cet  administrateur  distingué  ne 
furent  pas  reconnus  seulement  par  ses 
compatriotes  :  son  nom  eut  du  retentis- 
sement à  l'étranger  :  nous  le  voyons  suc- 
cessivement chevalier  de  l'ordre  de 
Malte,  de  l'Eperon  d'or,  de  la  Légion 
d'honneur  et  du  Lion  néerlandais. 
Quoique  Belge,  il  avait  suivi  la  fortune 
du  monarqiie  qui  avait  régné  quinze  ans 
sur  la  Belgique. 

Il  n'oublia  pas  pourtant  sa  ville  na- 
tale. Sa  belle  collection  de  tableaux, 
presque  tous  datant  du  xve  siècle,  fut 
léguée  à  la  ville  d'Anvers,  qui  l'a  placée 
dans  son  muséum  et  dans  une  salle  spé- 
ciale, connue  sous  le  nom  de  Musée  oan 
Ertborn.  Aug.  aivId. 

Piron,  Levensbeschryving. —  Immerseel,  Levens 
der  Schilders.  —  Kramm,  Levens  der  Kunstschil- 
ders. 

EHTBORii  {Joseph  -  Charles  -  Emma- 
nuel, baron  vai«),  né  à  Anvers  en  1767, 
mort  en  1823.  11  fit  .ses  études  d'huma- 
nités au  collège  de  Juilly  et,  de  là, 
passa  au  collège  des  Anglais  (collège 
Irlandais)  à  Liège,  d'où  ses  parents 
l'envoyèrent  achever  ses  hautes  études 
à  Munster,  capitale  de  la  Westphalie. 

Revenu  dans  sa  patrie  peu  de  temps 
après  la  conquête  de  nos  provinces  par 
les  Français,  il   fut  nommé  par  le  nou- 


veau gouvernement  secrétaire  général 
du  département  des  Deux-Nèthes.  Plus 
tard,  lorsque  l'Académie  de  peinture  fut 
fondée  à  Anvers,  il  devint  membre  du 
conseil,  et  en  même  temps,  secrétaire  de 
cette  institution,  puis  il  remplit  succes- 
sivement les  fonctions  d'auditeur  au 
conseil  d'Etat,  et  de  sous-préfet  à  Aude- 
narde.  C'est  vers  cette  époque  qu'on 
lui  conféra  le  titre  de  baron . 

Dès  1814,  il  était  membre  de  la 
commission  des  finances  instituée  à 
Bruxelles ,  et  il  devint ,  lorsque  le 
royaume  des  Pays-Bas  fut  définitive- 
ment constitué,  inspecteur  général  des 
finances,  puis  directeur  des  contribu- 
tions indirectes  pour  la  partie  méri- 
dionale du  nouveau  royaume. 

Il  a   publié  les   ouvrages  suivants  : 

lo  Recherches  historiques  sur  V  Académie 

d'Anvers.  —  2»  Rederykhamers  van  Ant- 

werpen.  — ■  3o  Dissertation  sur  la  gilde 

de  Saint-Luc  à  Anvers.  Aug.  Aivin. 

Piron,  Levensbeschryving.  —  Delvenne,  Bio- 
graphie des  Pays-Bas. 

ERTVEt,T  {André  •v\'%)  ou  .\rte- 
VELï.  La  carrière  de  ce  peintre  remar- 
quable est  peu  ou  pas  connue.  D'après 
les  registres  baptismaux  de  l'église 
Xotre-Dame  à  Anvers,  il  y  fut  baptisé 
le  2.5  mars  1590.  Il  était  fils  d'André 
van  Ertvelt  et  de  Claire  Borrewater. 
Son  parrain  fut  André  De  la  Fontaine  ; 
sa  marraine,  Marie  Vervoort. 

Admis  en  1609  à  la  maîtrise  de  la 
gilde  de  Saint-Luc,  sous  le  décanat  du 
peintre  Henri  van  Balen  et  du  graveur 
Théodore  Galle,  Yan  Ertvelt  acquit 
bientôt  une  grande  réputation  comme 
peintre  de  marine  ;  ses  œuvres  ont  un 
aspect  grandiose. 

Ayant  contracté  mariage  avec  Cathe- 
rine De  Vlieger,  il  perdit  sa  femme  en 
1626-1627,  ainsi  que  le  constate  le 
payement  de  la  dette  mortuaire  fait,  à 
cette  époque,  à  la  gilde  de  Saint-Luc. 

Notre  peintre  était  en  relations  avec 
les  premiers  maîtres  de  son  siècle  ;  il  eut 
l'honneur  de  voir  son  portrait  exécuté 
par  Antoine  van  Dyck,  et  cette  œuvre 
d'art  fut  reproduite  en  gravure  par 
Scheltema  à  Bolswert. 

Van  Ertvelt  forma   plusieurs  élèves; 


69K 


ERTVELT  —  ESNE 


696 


le  Liggere  nous  apprend  qu'en  1622- 
1623 ,  il  reçut  dans  son  atelier  Guillaume 
Van  den  Metere  et  en  1625-1626,  Gas- 
pard vanEyck. 

En  1642-1643,  probablement  à  la 
suite  d'une  contestation  entre  vendeur 
et  acheteur,  une  de  ses  œuvres  fut  pri- 
sée, officiellement,  par  les  doyens  et  les 
délégués  de  la  gilde  de  Saint-Luc. 

Suivant  les  comptes  de  la  même  con- 
frérie et  ceux  de  la  cathédrale,  André 
van  Ertvelt  mourut  à  Anvers  vers  le 
11  août  1652. 

Le  musée  de  Gand  possède  un  tableau 

de  ce  maître,  dont  les  œuvres  paraissent 

être  devenues  rares.  p.  cénard. 

Notes  personnelles.— Ph.  Rombouts  et  Th.  van 
Lerius,  Liggeren  der  S^-Lucas  gilde. 

ES  (Jacques  VAx)  ou  Van  Essen. 
Certains  auteurs  font  naître  ce  peintre 
en  1556  et  d'autres  en  1570;  le  fait  est 
qu'il  vit  le  jour  à  Anvers  le  15  octobre 
1606  et  y  fut  baptisé  le  même  jour 
dans  la  cathédrale.  Son  père  Jean  van  Es 
fut  admis  à  la  maîtrise  de  Saint-Luc  en 
1609.  Sa  mère  s'appelait  Jeanne  de 
Winckeleers.  Inscrit  en  1620  dans  la 
gilde  de  Saint-Luc  comme  élève  d'Omer 
van  Ommen,  Jacques  van  Es  n'y  fut 
reçu,  en  qualité  de  fils  de  maître,  qu'en 
1647-1648  sous  le  décanat  de  Mathieu 
Musson.  Ce  fait  semble  indiquer  qu'il 
quitta  pendant  quelque  temps  le  pays 
et  perfectionna  probablement  son  talent 
à  l'étranger.  Le  peintre  Jean  Meyssens 
fit  son  portrait,  qui  fut  gravé  par  Wen- 
ceslas  Hollar  et  publié  en  1649.  L'in- 
scription placée  sous  la  planche  donne 
à  Van  Es  le  titre  de  «  peinctre  excellent 
«  enfruicts,  poissons,  oiseauz  et  fleurs, 
«  lesquelles  il  faict  extrêmement  bien 
"  au  naturel;  —  il  demeure  à  Anvers, 
"   y  estant  né  " . 

Il  fut  lié  d'amitié  avec  les  premiers 
peintres  de  l'époque,  surtout  avec  Jac- 
ques Jordaens,  et  travailla  quelquefois 
avec  lui.  Au  musée  de  Vienne,  on  voit 
deux  grands  tableaux  de  sa  main  ornés 
de  figures  par  Jordaens. 

Jacques  van  Es  mourut,  suivant  le 
Liggere,  en  1666;  d'après  les  recherches 
de  M.  le  chevalier  Léon  de  Burbure,  cet 
événement  eut  lieu  entre  le  18  septem- 


bre 1665  et  le  17  du  même  mois  1666. 
Le  portrait  de  notre  maître,  accompagné 
de  vers  élogieux,  parut  dans  le  Gulden 
cabinet  de  Corneille  De  Bie.  La  plupart 
de  nos  musées  possèdent  de  ses  œuvres. 

p.  Génard. 

Notes  personnelles.  —  Kramm.  Levens  der 
Kunstficlnlders.  —  Van  Lerius  et  Ph.  Rombouts, 
Liggeren  der  S'-Lucas  gilde.  —  Catalogue  du 
musée  d'Anvers. 

ESius  (Richard),  professeur  de  lan- 
gues anciennes,  né  à  Maestricht  en  1546, 
décédé  à  Plaisance  en  1629,  entra  dans 
la  compagnie  de  Jésus  en  1588.  Ses 
supérieurs  l'envoyèrent  dans  la  province 
de  Venise,  où  il  s'occupa  de  l'enseigne- 
ment des  humanités  pendant  quarante- 
deux  années.  Les  bibliographes  de  l'ordre 
des  jésuites  lui  attribuent  les  ouvrages 
suivants  :  1°  Institutiones  grammaticce 
latinœ.  —  2°  Institutiones  linguœ  grœcœ. 
—  3»  Compendium  linguœ  grœcœ  ex  Ni- 
colao  Clenardo.  — 4o  Compendium  linguee 
latinœ  ex  Emmanuele  Alvaro.  —  5»  7)e 
qiiantitate  syllaharum.  —  6o  Simmœ  RJio- 
dii  bipennem  qnœ  TJieocrito  addi  consuevit, 
e  grœco  latine  reddidit.  —  7°  Prosodia 
rudimenta  ex  Emmanuele  Alvaro,  illtis- 
trata.    Parmœ,    typis    Anthsei    Viothi, 

1624,  in-16.  j.  j.  Thonissen. 

De  Backer,  Bibliothèque  des  écrivains  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  —  J.  Blancanus,  Loci  Ma- 
tlieiitatici  Arisiotelis  ad  quœstiones  Mectianicas, 
quœst.  XIX. 

ES*E  (Michel  o'),  poëte,  écrivain, 
évêque,  né  en  1540,  mort  le  1er  octobre 
1614.  On  le  croit  natif  de  Tournai; 
quelques  biographes  cependant  lui  assi- 
gnent la  ville  de  Cambrai  comme  lieu  de 
naissance.  Son  père  était  seigneur  de 
Betencourt  et  de  Servin-Villers  ;  Michel 
d'Esne  signait  presque  tous  ses  ouvrages 
de  son  titre  nobiliaire  :  de  Betencourt; 
sa  mère  était  également  de  race  aristo- 
cratique et  se  nommait  Bonne  de  La- 
laing.  Il  fit  ses  humanités  au  collège  de 
Houdain,  à  Mons,  et,  à  peine  âgé  de 
quinze  ans,  fut  admis  comme  page  à  la 
cour  du  roi  Philippe  II;  il  embrassa 
ensuite  la  carrière  des  armes,  et  servit 
pendant  près  de  six  ans  en  Flandre  et 
en  Espagne.  Pe  retour  dans  son  pays, 
son  attachement  à  son  archevêque  et 
à  son    souverain   lui  suscita  beaucoup 


697 


ESNE  —  ESPEN 


698 


d'embarras,  surtout  lorsque  Baudouin 
de  Gavre  eut  livré  la  ville  de  Cambrai 
aux  Etats  et  que  le  duc  d'Alençon  se  fut 
rendu  maître  de  la  ville  et  de  la  cita- 
delle. Il  renonça  alors  au  service  mili- 
taire pour  s'adonner  à  l'étude  de  la 
théologie,  à  la  culture  des  lettres  et  par- 
ticulièrement à  celle  de  la  poésie  ;  il 
entra  dans  les  ordres,  fut  ordonné  prêtre 
le  5  janvier  1589,  et  vécut  à  Douai  sans 
y  jouir  d'aucun  bénéfice  et  en  s'y  occu- 
pant à  mettre  enfranqais  des  ouvrages  de 
piété  et  des  histoires  édifiantes.  On 
trouvera  la  nomenclature  complète  des 
œuvres  de  Michel  d'Esne,  dans  le  Mes- 
saffer  des  sciences  histo?'iqiies,s.nnée  1861, 
p.  281  (article  biographique  par  Lecou- 
vet).  On  cite  onze  de  ses  ouvrages,  dont 
dix  ne  sont  que  des  traductions  ;  la  seule 
oeuvre  en  vers  qui  ait  été  publiée  est 
intitulée  :  Les  quinze  mystères  du  rosaire 
de  la  sacrée  vierge  Marie,  mis  en  vers 
français  par  le  sr  de  Betencourt,  en  quinze 
estampes  coloriées.  Anvers ,  Plantin ,  1588, 
in-4o.  En  1595,  il  traduisit  la  vie  de 
saint  François  de  Borgia  qu'il  dédia  au 
roi  d'Espagne.  Ce  monarque  pour  le 
récompenser  de  sa  fidélité  le  proposa 
pour  occuper  le  siège  épiscopal  de  Tour- 
nai, dignité  qu'on  eut  de  la  peine  à  lui 
faire  accepter.  Il  s'y  décida  enfin  et  sa 
nomination  ayant  été  confirmée  par  le 
pape  le  29  novembre  1597,  il  gouverna 
son  diocèse  pendant  l'espace  de  dix-sept 
années.  La  fondation  d'un  grand  nombre 
d'établissements  utiles,  la  création  ou 
l'augmentation  des  bibliothèques  des 
jésuites  à  Tournai,  à  Douai,  à  Comines, 
à  Lille,  furent  des  preuves  de  ses  judi- 
cieuses libéralités.  En  1600,  il  tint,  dans 
sa  cathédrale,  un  synode  diocésain,  dont 
il  publia  les  statuts  avec  ceux  de  ses 
prédécesseurs.  Ce  fut  lui  aussi  qui  intro- 
duisit dans  la  prélature  l'usage  de  s'ha- 
biller en  violet  :  jusque-là  les  évêques 
et  chanoines  portaient  chape  et  chape- 
ron noirs.  En  1599,  il  reçut  dans  sa 
cathédrale  les  archiducs  Albert  et  Isa- 
belle, qui  y  prêtèrent  le  serment  accou- 
tumé d'observer  les  droits,  privilèges  et 
libertés  de  l'Eglise.  Il  fonda,  en  mou- 
rant, un  office  en  l'honneur  de  saint 
Michel,  archange,  son  patron,  fit  plu- 


sieurs dons  à  la  cathédrale,  lui  laissant 
par  testament  tout  ce  qui  lui  venait  de 
l'Eglise,  et  en  stipulant  que  ses  biens 
patrimoniaux  retourneraient  à  sa  famille. 
Généreux,  compatissantet  fort  judicieux , 
il  apportait  le  plus  grand  soin  dans  le 
choix  des  membres  du  clergé  et  il  n'ap- 
pela dans  le  chapitre  que  des  hommes 
aussi  doctes  que  vertueux.  Sa  devise 
était  :  Virtute  non  sanguine. 

Aiig.  Vandei-  Mei^rsch. 

Buzelinus,  Gallo-Fland.,  p.  61o.  —  Sweertius, 
p.  567.  —  Raissius.  Belg.  Christ ,  p.  277.  —  Pa- 
quet, Mémoires  littéraires,  t.  III,  p.  288.  —  Du- 
thillœul,  Bibliographie douaisienne.  -  LeMaistre 
d'Anstaing,  Histoire  de  la  cathédrale  de  Tournai, 
t.  II,  p.  H6. 

EîiiPEi*  {Félix  vam),  peintre  paysa- 
giste, né  à  Herent  lez-Louvain,  le  25  no- 
vembre 1817  et  mort  dans  la  même  ville 
le  13  mai  1857. 

Issu  d'une  famille  de  riches  cultiva- 
teurs et  élevé  dans  une  ferme  située  au 
milieu  d'une  vaste  plaine  {het  lang  veld), 
le  futur  artiste  fut  tout  naturellement 
amené,  dès  sa  plus  tendre  enfance,  à 
observer  les  difl'érents  aspects  de  la  na- 
ture et  s'essaya  bientôt  à  les  reproduire . 
De  la  plume  avec  laquelle  il  avait  grif- 
fonné ses  devoirs  d'écolier,  il  griftbnnait 
aussi,  et  souvent  sur  les  mêmes  pages, 
d'informes  croquis.  Sa  vocation  se  ma- 
nifestait et  ses  parents,  loin  de  la  con- 
trarier, lui  laissèrent  une  libre  expan- 
sion. Il  fut  autorisé  à  se  rendre  aux 
cours  de  l'académie  des  beaux-arts  éta- 
blie dans  la  ville  voisine  ;  il  les  suivit 
assidûment,  y  obtint  le  premier  prix 
d'après  la  figure  antique,  et  s'y  lia 
d'amitié  avec  un  jeune  peintre,  Charles 
Vander  Eycken,  qui  l'avait  précédé  de 
quelques  années  dans  la  carrière  des 
arts  et  qui  devint  son  maître.  Celui-ci 
s'était  formé  par  l'étude  des  chefs- 
d'œuvre  réunis  dans  la  célèbre  galerie 
Vanden  Schrieck,  et  ses  premières  pro- 
ductions semblaient  inspirées  par  Ruys- 
dael;  moins  impressionnable  ou  moins 
enthousiaste,  son  élève  manifesta  au 
contraire,  dès  son  début,  un  sentiment 
très-personnel  dans  sa  manière  d'inter- 
préter la  nature,  sentiment  qui  s'accen- 
tua davantage,  surtout  après  ses  voyages 
en   Suisse  et  en  Italie.  Van  Espen  ne 


699 


ESPEA 


700 


reproduisit  cependant  qu'exceptionnel- 
lement les  sites  grandioses  de  ces  deux 
contrées;  il  s'attacha  de  préférence  à 
peindre  les  paysages  boisés,  rocailleux, 
parsemés  d'eaux  vives  qui  abondent 
dans  les  Ardennes,  le  pays  de  Liège  et 
la  province  de  Xamur.  En  les  reprodui- 
sant, il  leur  prêtait  en  même  temps 
l'aspect  sombre,  mystérieux,  en  harmo- 
nie avec  les  sentiments  mélancoliques 
qui  l'animaient  habituellement.  La  pré- 
dominance de  ses  idées  noires  ne  fit 
qu'augmenter  avec  l'âge,  et,  bien  qu'il 
n'eût  à  se  plaindre  ni  des  critiques  d'art, 
ni  des  conditions  matérielles  de  son 
existence,  un  si  complet  désenchante- 
ment s'empara  de  lui,  que  certain  jour, 
après  avoir  relu  la  vie  de  Léopold  Ro- 
bert, il  se  coupa  la  gorge,  ainsi  que 
l'avait  fait  le  célèbre  peintre  français.  Il 
n'avait  pas  encore  atteint  l'âge  de  qua- 
rante ans  et  promettait  de  devenir  un 
maître  plus  indépendant  de  la  tradition 
et  plus  varié  dans  ses  œuvres  que  bon 
nombre  de  paysagistes  contemporains. 
Yan  Espen  avait  débuté  à  Bruxelles, 
au  salon  de  1836,  par  iine  Vue  prise  aux 
environs  de  Louvain;  il  fit  ensuite  plu- 
sieurs envois  aux  expositions  ouvertes 
en  Allemagne  ;  enfin  il  prit  part,  non 
sans  succès,  aux  expositions  nationales 
de  1842,  1845  et  1854,  en  y  envoyant 
successivement  une  Elable  avec  riioutons, 
—  un  Site  de  la  vallée  de  Horenhergs,  — 
et  une  Vue  prise  en  Toscane,  à  Buoncon- 
vento.  Quelques-uns  de  ses  plus  impor- 
tants tableaux  sont  restés  dans  la  pos- 
session   de    son   frère ,    M.    Jean    van 

Espen.  Félix  Stappaerls. 

Renseignements  particuliers. 

■;.«i»E>"  {Zeger-Bernard  v.*:*),  célè- 
bre jurisconsulte  et  canoniste,  né  à  Lou- 
vain le  9  juillet  1646,  mort  à  Amers- 
foort  le  2  octobre  1728.  Son  savoir  et 
son  caractère  lui  valurent  une  réputation 
européenne  ;  ils  inspirèrent  une  si  haute 
estime  que  les  tribunaux,  les  évêques, 
les  princes  firent,  parfois,  appel  à  scn 
jugement  et  se  montrèrent  disposés  à  s'y 
soumettre.  Les  persécutions  qu'il  subit 
augmentèrent  encore  sa  renommée;  et, 
bien  (pie  les  conflits  religieux  dans  les- 


quels il  intervint  n'excitent  plus  guère 
d'intérêt,  le  prestige  de  sa  célébrité 
subsiste.  «  Yan  Espen,  a  dit  un  émi- 
"  nent  jurisconsulte,  M.  Dupin,  est 
"  le  plus  savant,  le  plus  judicieux,  le 
"   plus  exact  de  tous  les  canonistes.  « 

Les  premières  études  de  Yan  Espen 
se  firent  à  Tamise,  chez  les  pères  de 
l'Oratoire.  Il  étudia  ensuite  la  philoso- 
phie au  collège  du  Porc,  à  Louvain,  et 
fut  élevé  à  la  dignité  sacerdotale  après 
avoir,  en  1673,  obtenu  le  grade  de 
licencié  et  de  docteur  en  droit.  Dès 
1674,  le  magistrat  de  Louvain  l'appela 
à  donner,  à  l'université,  la  leçoti  dite  de 
six  semaines,  dénomination  due  à  ce  que 
cette  leçon  était  donnée  pendant  la  durée 
des  vacances  afin  de  retenir  les  élèves  au 
travail.  Le  professeur,  dont  la  célébrité 
devait  s'étendre  dans  le  monde  entier, 
voulut  conserver  ce  cours  jusqu'à  la  fin 
de  sa  carrière,  bien  qu'il  ne  lui  rappor- 
tât que  trente  écus  par  an. 

Après  avoir  occupé  aussi,  pendant 
quelque  temps  ,  la  chaire  de  droit 
canon,  Yan  Espen  résolut,  en  1677,  de 
se  retirer  au  collège  du  Pape  afin  de  s'y 
vouer  entièrement  à  l'étude.  Il  y  com- 
posa un  livre  qui  suflSrait,  à  lui  seul, 
pour  le  rendre  illustre  :  Jm  ecclesias- 
ticum  universunt,  ouvrage  qui  eut  onze 
éditions,  publiées  successivement  à  Lou- 
vain, à  Cologne,  à  Venise,  à  Eouen,  à 
Lyon  et  à  Madrid  (1). 

La  plupart  des  écrits  de  Yan  Espen 
traitent  de  la  discipline  de  l'Eglise,  des 
questions  purement  canoniques,  et  de 
l'intervention  du  pouvoir  civil  dans  les 
affaires  religieuses.  Le  régime  politique 
actuel,  si  dissemblable  de  celui  qui 
existait  lors  de  la  publication  de  ces 
écrits,  leur  a  enlevé  toute  utilité  usuelle  : 
ils  ne  reflètent  plus  que  l'image  d'une 
société  qui  a  cessé  d'être.  Cependant 
Yan  Espen  s'élève  bien  aii-dessus  du  ni- 
veau intellectuel  de  ses  contemporains 
par  l'ampleur  de  ses  vues  et  par  un 
esprit  de  tolérance,  d'autant  plus  re- 
marquable qu'il  était  fort  rare,  il  y  a 
deux  siècles.  Les  troubles  que  le  jansé- 
nisme avait  excités  en  France  agitèrent 

(1;  Lune  des  éditions  les  plus  répandues  est 
celle  de  Louvain,  1733,  o  vol.  m  folio. 


701 


ESPEN 


702 


aussi  notre  pays;  un  prélat  plein  de 
passion  les  fit  naître,  alors  qu'on  parais- 
sait être  entré,  déjà,  dans  la  phase  pai- 
sible des  transactions.  L'archevêque  de 
Malines,  Humbert  de  Précipiano,  était 
à  peine  investi  depuis  trois  mois  de  la 
dignité  épiscopale,  quand  il  commença 
à  dépouiller  de  leurs  bénéfices  bon  nom- 
bre de  prêtres,  sous  prétexte  qu'ils 
étaient  jansénistes.  L'université  de  Lou- 
vain  protesta  contre  cette  iniquité  ;  elle 
en  référa  au  saint-siége  et  le  pape  défen- 
dit de  reproduire  d'aussi  vagues  accusa- 
tions; mais  l'archevêque  ne  tint  nul 
compte  de  ce  bref  et  les  persécutions 
continuèrent.  Les  ecclésiastiques  dé- 
pouillés durent  en  appeler  aux  tribunaux 
et  les  Etats  de  Brabant,  par  une  con- 
sulte adressée  à  l'empereur  (1708),  si- 
gnalèrent, à  leur  tour,  les  abus  commis. 
Loin  d'écouter,  en  cette  circonstance,  les 
conseils  d'une  prudente  réserve.  Van 
Espen,  bien  qu'il  appartînt  au  clergé, 
intervint  immédiatement  dans  ce  conflit. 
Il  On  traite  impunément  de  janséniste 
H  qui  on  veut,  écrivait-il,  et  malgré  le 
»  bref  d'Innocent  XII,  on  exclut  des 
»  degrés  théologiques ,  des  ordres  sacrés , 
«  de  tout  office  ou  bénéfice  ecclésias- 
«  tique,  un  grand  nombre  de  sujets 
»  capables,  qu'on  ne  peut  accuser  d'avoir 
»  soutenu  aucune  des  cinq  fameuses  pro- 
«  positions;  mais  qui  ont  de  la  peine 
H  à  affirmer  avec  serment  que  ces  cinq 
u  propositions  se  trouvent  dans  le  livre 
»  de  Jansénius  (1).  « 

Ce  n'étaient  pas  les  excitations  mes- 
quines de  l'esprit  de  parti,  mais  le  souci 
de  la  vérité,  l'amour  de  ce  qui  lui  pa- 
raissait rationnel  et  juste,  qui  poussèrent 
Van  Espen  à  se  déclarer  aussi  ouverte- 
ment. Bien  avant  que  ces  contestations 
violentes  n'eussent  éclaté,  il  s'expri- 
mait avec  non  moins  de  netteté.  «  Après 
«  tout  qu'importe  à  l'Eglise  et  à  l'Etat, 
»  disait-il,  qu'on  croie  ou  qu'on  ne  croie 
Il  pas  que  Jansénius  ait  enseigné  cinq 
»  hérésies,  pourvu  que  tout  le  monde 
Il  les  déteste  et  les  anathématise?  Le 
u  formulaire  est  inconnu  dans  les  églises 
«   d'Italie,  d'Allemagne  et  d'Espagne, 

(I)  Causa  Espeniana.    Méin.  litt.   0,  n»  463 

el  ni. 

BIOGR.  NAT.  —  T.  VI. 


»  sans  qu'elles  en  soient  moins  catho- 
«  liques  et  moins  heureuses.  «  Eien  de 
plus  judicieux  que  cette  appréciation, 
mais  les  suggestions  du  bon  sens  ne 
sauraient  être  écoutées  quand  l'intolé- 
rance parle,  et  l'épiscopat  de  notre  pays, 
comme  celui  de  France,  se  plut  toujours 
à  confondre  la  question  de  fait  et  la 
question  de  principe. 

Sans  s'émouvoir  des  attaques  réité- 
rées que  lui  suscitaient,  tout  à  la  fois, 
son  savoir,  sa  célébrité  et,  surtout,  son 
indépendance  de  caractère.  Van  Espen 
s'attacha  pendant  la  plus  grande  partie 
de  sa  carrière  à  répandre  les  véritables 
notions  du  droit  et  à  déterminer  les 
limites  dans  lesquelles  devaient  se  ren- 
fermer l'exercice  du  pouvoir  civil  et  celui 
du  pouvoir  religieux.  Rendre  à  Dieu  ce 
qui  appartient  à  Dieu  et  à  César  ce  qui 
appartient  à  César,  telle  était  sa  règle. 
C'est  afin  de  l'observer  qu'il  publia,  en 
1700  ,  la  Concordance  de  T immunité 
ecclésiastique  et  du  pouvoir  civil;  qu'il 
défendit  les  mêmes  principes  dans  un 
mémoire  écrit  en  1707,  pour  le  curé 
de  la  paroisse  de  Sainte-Catherine  à 
Bruxelles;  qu'il  écrivit  son  Traité  du 
droit  d'asile;  qu'il  fit  réimprimer,  en 
1  712,  son  ouvrage  sur  le  droit  ecclésias- 
tique universel;  et  qu'enfin,  parvenu  à 
l'âge  de  soixante-dix-neuf  ans,  il  fit 
paraître  son  Traité  sur  le  recours  au 
prince  {De  recursu  ad  principem). 

L'énergie  de  son  intelligence  persis- 
tait pendant  que  les  infirmités  de  la 
vieillesse  commençaient  à  l'assaillir. 
Une  cataracte  l'avait  privé  depuis  long- 
temps de  la  faculté  d'écrire,  mais  sa 
prodigieuse  mémoire  suppléait  en  quel- 
que sorte  à  son  manque  de  clairvoyance 
et  lui  permettait  d'indiquer  tous  les 
documents  qu'il  voulait  consulter.  Il 
résistait  non  moins  énergiquement  aux 
attaques  de  ses  ennemis.  Rien  ne  parais- 
sait pourtant  lasser  leur  haine,  et  le 
torrent  de  calomnies,  d'invectives  qu'ils 
déversaient,  loin  de  les  calmer,  inspira, 
peut-être,  à  l'un  d'eux,  l'idée  d'un 
crime.  On  représenta  Van  Espen  comme 
l'instigateur  d'une  conspiration  aussi 
préjudiciable  à  l'Etat  qu'odieuse  au 
clergé  :  il  s'agissait  de  réclamer  la  pro- 

23 


703 


ESPEN 


704 


tection  des  Provinces-Unies,  d'expulser 
les  envoyés  de  la  cour  de  Eome,  et  d'en- 
seigner publiquement  le  jansénisme. 
Pour  donner  de  la  vraisemblance  à  une 
telle  accusation,  un  moine  augustin,  le 
père  Désirant,  contrefit  la  signature  de 
Van  Espen  et  le  dénonça  au  recteur  de 
l'université  de  Louvain.  Il  en  résulta 
d'abord  un  conflit  de  juridiction  entre 
l'université  et  le  conseil  de  Brabant, 
puis  un  procès  célèbre,  qui  ne  se  ter- 
mina qu'après  quinze  mois  de  procédure 
par  la  condamnation  de  l'accusateur  (1). 
On  déclara  faux,  supposés,  scandaleux 
et  séditieux,  les  écrits  incriminés;  ils 
furent  brûlés  le  15  juin  1708,  en  place 
publique  à  Bruxelles,  et,  en  exécution 
du  même  jugement,  le  père  Désirant  fut 
banni  «  à  perpétuité  de  tous  les  pays  de 
l'obéissance  de  Sa  Majesté  «  ;  ce  qui  ne 
l'empêclia  point  de  rester  en  faveur  à  la 
cour  pontificale. 

Van  Espen  fit  une  guerre  incessante 
aux  abus,  aux  privilèges,  aux  immuni- 
tés que  prétendait  maintenir  le  clergé, 
tout  en  respectant  ce  qu'il  jugeait  être 
conforme  aux  lois  et  à  l'équité.  Cette 
résistance  aux  empiétements,  de  quel- 
que côté  qu'ils  vinssent,  transforma  sa 
vie  en  un  long  combat.  Mais  son  in- 
fluence augmentait  en  même  temps  que 
le  nombre  de  ses  ennemis;  elle  était 
puissante  dans  les  tribunaux;  elle  se 
manifestait  même  dans  les  mesures 
prises  par  le  gouvernement,  témoin  le 
placet  royal  exigé  en  1722,  pour  tous 
les  actes  émanés  du  saint-siége.  Le  grand 
conseil  de  Malines  donna  aussi  une 
preuve  de  la  haute  estime  que  lui  inspi- 
rait Van  Espen  en  condamnant  la  cri- 
tique de  ses  ouvrages  publiée  par  un  de 
ses  membres  (2).  Ce  fut  la  phase  la  plus 
brillante  de  la  carrière  du  célèbre  cano- 
niste. 

Après  être  sorti  victorieux  de  tant  de 
luttes,  il  devait  succomber  à  son  tour  et 


(■1)  Ce  proc(''s  est  ordinairement  désigné  sous 
le  nom  de  la  Fourberie  de  Louvaiu,  qualification 
devenue  liislorique  et  qui  s'attache  comme  une 
flétrissure  à  la  mémoire  du  père  Désirant. 

(2;  Le  ^)ère  Govaerts  qui,  dès  -1699,  avait  atta- 
qué Van  Lspen  sur  la  liberté  de  l'Eglise  et  qui, 
après  avoir  fait  une  critique  hargneuse  du  grand 
ouvrage  sur  lo  droit  ecclésiastique  universel,  fut 


son  intervention  dans  un  conflit,  dont 
rien  n'annonçait  d'abord  l'extrême  gra- 
vité, devint  la  cause  de  son  exil.  Comme 
d'autres  docteurs  de  Louvain,   il  avait 
approuvé  l' élection  par  le  clergé  d'Utrecht 
d'un  archevêque.   Corneille  Steenoven, 
élection   et  ordination  non  admises  par 
le  saint-siége  et  dont  Van  Espen,  con- 
sulté par  le  chapitre,   maintint  cepen- 
dant, au  point  de  vue  juridique,  la  vali- 
dité (.3).  L'écrit  publié  par  lui   à  cette 
occasion,   la  Réponse  épisiolaii'e ,   ayant 
été  dénoncé  au  conseil  d'Etat  par  l'in- 
ternonce,  la  lacération  en  fut  ordonnée 
sans  que  l'auteur  fût  même  admis  à  se 
défendre.  Il  crut  alors  devoir  porter  ses 
«  remontrances  »  jusqu'au  pied  du  trône 
impérial  et  elles  y  furent  indirectement 
appuyées  par  la  faculté  de  médecine  de 
l'université  de  Louvain,  qui,  en  s'adres- 
sant  au  médecin  de  l'empereur,  affirma 
que  Van  Espen,  «  aussi  pieux  que   sa- 
II  vaut,  était  la  gloire  de  l'université  «. 
Ses  ennemis  n'en  persistèrent  pas  moins 
à  arracher  au  corps  universitaire  une 
condamnation.    Le  vice-recteur,  le  cé- 
lèbre docteur  Eega,  fut  chargé  d'instruire 
le  procès  et  de  former  une  commission, 
qui,  bien  que  défaite  et  refaite  par  la 
cour,  eût  encore  donné  gain  de  cause  au 
prévenu  si  on  lui  eût  permis  de  pronon- 
cer un  jugement  définitif.  On  s'y  opposa 
afin  d'attendre  la  venue  d'un  recteur 
mieux  disposé  à  violer  toutes  les  garan- 
ties académiques.  En  efi"et,  dès  que  le 
rectorat  fut  changé,  Van  Espen  se  vit 
suspendu  de  ses  fonctions  et  sommé  de 
rétracter  son  écrit  (1er  février  1728).  Ce 
n'était  pas  assez  :  l'archevêque  vint  en 
aide  aux  persécuteurs  en  exigeant  une 
profession    de   foi.     Cette    exigence    à 
l'égard  d'un   prêtre,   d'un  docteur  qui 
enseignait  depuis   cinquante   ans,  sans 
que  son  orthodoxie   eût  été  suspectée, 
constituait  une  injure  gratuite.  Le  con- 
seil souverain    d'abord,    les  Etats    du 


condamné  à  laisser  biffer  de  cette  critique  tout  ce 
qu'elle  renfermait  d'injurieu.\.  Ajrét  du!22  février 
f72a. 

{\^)  On  contestait  au  chapitre  d'L'trecht  le  droit 
d'élire  son  évoque  et  l'église  de  Hollande  reven- 
diquait l'exercice  de  ce  droit  en  se  fondant  sur 
d'antiaues  privilèges.  Van  Espea  émit  un  avis 
favorable  à  cette  prétention. 


705 


ESPEN  —  ESPINOSA 


706 


Brabant  ensuite,  s'en  émurent  et  signa- 
lèrent cet  abus  de  pouvoir  à  la  gouver- 
nante des  Pays-Bas;  mais  celle-ci  et  le 
président  du  conseil  privé  étaient  alors 
complètement  dominés  par  les  membres 
de  la  compagnie  de  Jésus.  Van  Espen 
n'avait  plus  de  justice  à  attendre  :  il  ne 
lui  restait  d'autre  alternative  que  de  fuir 
ou  de  démentir  lui-même  les  convictions 
qu'il  avait  hautement  affirmées  pendant 
un  demi-siècle.  11  ne  pouvait  hésiter  : 
il  se  réfugia,  en  premier  lieu,  à  Maes- 
tricht.  puis  à  Amersfoort,  où  il  mourut 
à  l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans  et  huit 
mois. 

Comme  l'avait  déclaré  l'illustre  octo- 
génaire peu  de  temps  avant  de  mourir, 
il  s'était  expatrié,  non  par  crainte  des 
tribulations  et  des  souffrances,  mais 
parce  que,  vu  le  déclin  de  ses  forces,  il 
redoutait  que  ses  persécuteurs  ne  par- 
vinssent par  violence  à  lui  arracher  un 
désaveu  de  ses  principes;  et  c'est  sans 
doute  grâce  à  cet  acte  de  prudence  que 
rien  n'est  venu  altérer  la  glorieuse  unité 
de  sa  carrière.  Félix  siappseiu. 

Du  Parc  de  Bellegarde,  Vie  de  Van  Eapen,  par 
un  licencié  en  droit.  Louvain.  1767.  —  De  Bavay, 
Van  Espen  juriscnnsuUe  et  canonisie  belge, 
Bruxelles,  -1846.  —  F.  Laurent.  Van  Espen,  élude 
hmoiique  sur  l'Eglise  et  l'Etat,  Bruxelles,  1860. 

EKPEREX  {Pierre- Joseph),  né  à  Gand 
le  29  janvier  1780,  mort  à  Malines  le 
13  août  1847.  Engagé  volontaire,  en 
1803,  dans  le  112e  de  ligne,  il  fut 
blessé  à  Wagramet  nommé, sur  le  champ 
de  bataille,  lieutenant  de  voltigeurs;  il 
prit  part  aux  campagnes  d'Allemagne  et 
de  Eussie.  Blessé  de  nouveau,  le  23  août 
1813,  à  Goldsberg,  en  Silésie,  il  put  se 
rétablir  assez  promptement  pour  faire 
k,  campagne  de  Toscane.  Il  obtint  sa 
pension  en  1817,  mais  sa  rentrée  au 
service,  pendant  les  événements  de  1830- 
1831,  lui  valut  le  titre  de  major.  Le 
major  Esperen  est  une  des  notoriétés  de 
la  pomologie  à  laquelle  il  s'est  adonné 
sans  relâche  de  1817  à  1847.  Emule  de 
Van  Mons,  il  fut  plus  réservé  et  plus 
judicieux  que  lui.  Son  jardin  était  situé 
à  Duffel.  Son  nom  est  attaché  à  plusieurs 
fruits  très-estimés,  la  Bergamotte  Espe- 
ren, le  Bezy  Esperen,  etc.,  mais  il  en 
produisit  quantité  d'autres  et  des  meil- 


leurs, par  exemple,  la  Joséphine  de 
Malines  et  le  Soldat  laboureur.  Il  n'a 
pas  composé  de  livres,  mais  ses  produc- 
tions sont  plus  durables  et  ont  plus 
ajouté   au   bien-être   de  l'humanité  que 

beaucoup  d'écrits.  Ed.  Jlorren. 

L.  Berchmans.  dans  les  Annales  de  la  Soc.  de 
bot.  et  d'af/ric.  de  f;a??rf,  1848,  p.  188.  —  J.  De- 
caisne,  dans  \e  Jardin  fruitier  du  Muséum,  article 
Esperen  «  Poire  Esperen  ». 

ESME^'XES  »»  FAY  (Jean  »'),  cha- 
noine, poëte  latin,  né  à  Mons  en  1592 
ou  1593,  mort  à  Xamur,  le  21  dé- 
cembre 1640.  Voir  D'Espienxes  du 
Eat  (Jean). 

EPiPiifOSA  (Antoine- Alard  ou  Ece- 
rard  oe),  religieux  capucin,  mission- 
naire, prédicateur,  douzième  évêque 
d'Anvers.  Il  naquit  à  Termonde  à  la  fin 
du  mois  de  décembre  1659,  fut  ondoyé 
le  28  du  même  mois  et  baptisé  le  10  oc- 
tobre de  l'année  suivante.  Son  père,  qui 
appartenait  à  une  famille  espagnole  très- 
distinguée,  fixée  depuis  quelque  temps 
en  Belgique,  était  don  Diego  Gomez, 
comte  de  Espinosa,  chevalier  de  l'ordre 
militaire  de  Saint-Jacques,  conseiller  du 
conseil  suprême  de  guerre  de  Sa  Majesté 
Catholique,  mestre  de  camp  général  de 
ses  armées  aux  Pays-Bas,  et  successive- 
ment gouverneur  des  forts  de  la  Bassée, 
d'Ostende,  de  Gand,  de  Termonde  et 
d'Anvers.  Sa  mère  était  Marie-Margue- 
rite d'Aubermont,  fille  de  Gaspard-An- 
toine, seigneur  de  Eibaucourt  et  de 
Grimberghe,  mestre  de  camp  d'un  tercio 
d'infanterie  wallonne,  conseiller  du  con- 
seil suprême  de  guerre,  gouverneur  et 
grand-bailli  de  Termonde,  et  de  Ma- 
rie-Lambertine  d'Enghien  de  Kester- 
gate.  Issu  d'une  famille  essentiellement 
militaire,  Antoine-Everard  fut  destiné 
d'abord  à  la  carrière  des  armes.  Il  devint 
capitaine  d'un  escadron  de  cavalerie  ; 
mais  ses  goûts  le  portaient  ailleurs. 
A  peine  âgé  de  dix-huit  ans,  il  se  voua 
à  l'état  ecclésiastique  et  fut  nommé  cha- 
noine de  la  collégiale  de  Sainte-Gudule, 
le  29  juillet  1677.  Il  obtint  en  même 
temps  l'autorisation  de  faire  les  hautes 
études  théologiques  à  l'université  de 
Louvain.  Un  peu  plus  tard,  il  se  sentit 
irrésistiblement  attiré  vers  le  cloître  et 


707 


ESPINOSA 


708 


prit  l'habit  de  capucin,  à  Louvain,  le 
3  avril  1681,  sous  le  nom  de  frère 
CJiarles  de  Termonde.  Il  devint  successi- 
vement »  gardien  «  à  Tirlemont  et  vi- 
caire à  Tervueren,  fut,  pendant  huit  ans, 
curé  et  missionnaire  au  fort  d'Ysendyke 
et  nommé,  en  1711,  en  la  même  qualité 
à  Sambeeck,  près  Boxmeer,  en  Gueldre, 
où  il  demeura  douze  ans.  Sou  mérite 
comme  prédicateur,  son  zèle  de  mission- 
nai re  et  ses  éminentes  vertus  lui  acquirent 
un  tel  renom  que  le  cardinal  d'Alsace, 
alors  archevêque  de  Malines,  demanda 
qu'il  devînt  son  coadjuteur.  Cette  pro- 
position fut  agréée  à  Rome  et  Espinosa 
fut  préconisé  au  siège  de  Tricala,  dans 
la  Turquie  d'Europe,  in  partibus  infide- 
lium,  le  23  septembre  1722.  Sa  famille 
lui  fit  à  cette  occasion  une  pension  de 
4,000  florins.  Le  conseil  d'Etat  éleva 
d'abord  des  objections  au  sujet  de  cette 
nomination,  prétextant  que  l'installation 
d'évêques  coadjuteurs  était  tombée  en 
désuétude  ;  mais  il  ne  persista  pas  dans 
cette  manière  de  voir  et  Espinosa  fut 
sacré  à  Malines  le  29  septembre  1723, 
par  le  cardinal  d'Alsace,  assisté  des 
évêques  d'Anvers  et  de  Bruges.  Il  fut  en 
même  temps  nommé  confesseur  de  l'ar- 
chiduchesse Marie-Elisabeth  qui  avait 
l'habitude  de  l'appeler  «  mon  évêque  « . 
Bien  que,  modeste  et  humble,  Espinosa 
ne  recherchât  aucune  sorte  de  dignité, 
il  ne  tarda  pas  à  être  présenté  pour  le 
siège  épiscopal  d'Anvers,  devenu  vacant 
par  la  mort  de  Mgr.  Pierre-Joseph  de 
Francken-Sierstoff,  décédé  le  19  octobre 
1727.  Le  pape  Benoît  XIII  le  préconisa 
le  23  juin  1728,  et  il  prit  possession  de 
son  nouveau  diocèse  le  15  juillet  de  la 
même  année.  Son  administration,  qui 
dura  quatorze  ans  ,  fut  tout  entière 
occupée  par  des  œuvres  de  piété  et  de 
charité  dont  les  archives  de  la  cathé- 
drale de  Notre-Dame  d'Anvers  contien- 
nent les  nombreux  témoignages.  Il  mou- 
rut le  31  juillet  1742,  pleuré  et  regretté 
de  tous.  Son  testament  reflète  les  senti- 
ments de  profonde  humilité  qui  l'animè- 
rent pendant  toute  sa  vie.  Il  voulut  être 
enterré  sans  aucune  pompe,  défendit 
(jue  son  écusson  fût  exposé  et  qu'aucun 
discours  fût  prononcé  sur  sa  tombe.   Il 


résulte  d'un  extrait  des  comptes  de  la 
cathédrale  que  les  frais  de  ses  funérailles 
se  montèrent  à  peine  à  143  florins.  Il 
fit  de  grandes  largesses  aux  pauvres  en 
même  temps  que  des  legs  pieux  et  institua 
un  certain  nombre  de  bourses  d'études 
en  faveur  de  jeunes  gens  hollandais, 
en  souvenir  des  douze  ans  qu'il  avait 
passés  aiix  Pays-Bas.  Il  fut  inhumé,  à  sa 
demande  expresse,  dans  le  cimetière  de 
la  cathédrale,  au  pied  de  la  croix.  On 
lisait  sur  le  mausolée  l'épitaphe  sui- 
vante, qu'il  avait  composée  lui-même  : 

F.   CAROLUS   DE  ESPINOSA 

EX  ORDINE   CAPUCINORUM,   EPISCOPUS  TRICALENSIS, 

SUFFRAGANEUS   EM™'  CARDINALIS  DE  ALSATIA, 

ARCHIEPISCOPI  MECHLINIENSIS, 

DEMUM   EPISCOPUS    ANTVERPIENSIS 

HIC  JACEO, 
ULTIMUM  JUDICn    DIEM   EXPECTANS. 
SORS  MEA,  QUAE   TE  LATET,   LECTOR, 

MIHJ   MODO  NOTA  EST; 

AUT  BENIGNISSIMUM  REDEMPTOREM, 

AUT  ^ÛUISSIMUM    JUDICEM  EXPERIOR, 

HIC  STA 

ET  ENIXO  VOTO  MEO  ANNUE. 

TU  HUNC  ET  ILLUM  EX  NUNC 

IN  .ÏTERNUM  LAUDA. 

IDEM  ENIM  DEUS  EST,  SANCTUS  ET  JUSTUS 

IN   OMNIBUS  OPERIBUS   SUIS. 

ORA  PRO  ME,  UT   ^TERNA 

R.   I.  P. 

OBHT  31  JOUI,  ANNO   174'2. 

Par  suite  de  l'érection  de  la  statue  de 
Rubens  sur  la  Place  Verte,  où  était 
autrefois  le  cimetière  de  Notre-Dame, 
les  restes  d'Espinosa  furent  exhumés,  le 
13  mai  1843,  et  solennellement  trans- 
portés à  l'église  où  on  les  plaça  provi- 
soirement dans  le  caveau  du  chapitre. 
Ils  furent  déposés  définitivement  dans  le 
caveau  des  anciens  évêques  d'Anvers, 
sous  le  maître-autel. 

Espinosa  portait  :  écartelé  aux  1  et  4 
d'argent  à  l'arbre  de  sinople  terrassé  de 
même,  accosté  de  deux  loups  aflfrontés 
de  sable  et  rampants  contre  l'arbre; 
bordé  d'une  bordure  de  gueules  à  huit 
étoiles,  à  six  rais  d'or;  aux  2  et  3  de 
sable  au  lys  éployé  d'argent;  l'écu  des 
1  et  4  brochant  sur  le  tout.  Devise  :  Arce 

lypOS.  Emile  de  Boreligrave. 

F.  Perier,  A.  E.  de  Espinosa,  etc.,  Dender- 
monde,  187"2.  —  De  Ram,  Synodicum  Anlver- 
piense.  —  Vande  Velde,  Synopsis.  —  Piron, 
Levensbeschryving.  —  Goelhals,  Dict.  généalogique 
et  héraldique.  —  Journal  historique  et  littéraire 
de  Liège,  juin  1848.  —  MS.  n»  ^\\m  de  la  Biblio- 
tlièquc  de  Bourgogne  :  Levens  der  zeer  doorl,  en 


709 


ESPINOSA  —  ESSCHE 


710 


huogw .  Biachoppen  van  Antwerpen ,  etc.,  par 
Vander  Straelen.  —  Inscriptiows  funéraires  d'An- 
vers, p.  56. 

ESPixoY  {Charles  de  i,'),  magis- 
trat, mort  à  Douai  en  1585.  Voir  De 
l'Espinot  {Charles). 

ESPIXOY  {Philippe  DE  I.'),  héral- 
diste  et  généalogiste,  né  vers  1552, 
mort  à  Gand  vers  1633.  Voir  De  l'Es- 
pinot {Philippe). 

ESSCHE  {Nicolas  vaî«),  Esschius  ou 
EscHius,  théologien,  né  à  Oosterwyck, 
près  Bois-le-Duc  (ancien  Brabant),  en 
1507,  mort  le  1 9  juin  1 5  7  8 .  Elevé  pieu- 
sement, il  manifesta  dès  son  enfance  une 
ferveur  extraordinaire.  Après  avoir  suivi 
les  basses  classes  de  l'école  des  Clercs  de 
la  vie  commune  à  Bois-le-Duc, il  étudia, 
à  Louvain,  d'abord  la  philosophie,  puis 
la  théologie,  y  obtint  le  baccalauréat, 
fut  sacré  prêtre  à  Liège  et  partit  pour 
Cologne,  où  il  s'occupa  de  l'éducation 
d'un  assez  grand  nombre  de  jeunes  gens. 
Plusieurs  hommes  éminents  sortirent  de 
son  école,  entre  autres  Pierre  Canisius, 
jésuite,  et  Laurent  Surius,  chartreux. 
Son  savoir  et  sa  piété  lui  valurent  l'offre 
honorable  de  se  charger  de  l'éducation 
du  jeune  duc  de  Juliers;  les  désordres 
qui  régnaient  parmi  les  gens  de  la  cour 
l'empêchèrent  d'accepter  cette  mission. 
Lui-même  vivait  de  plus  en  plus  avec 
austérité  et  avait  un  désir  extrême  de 
se  faire  chartreux  ;  mais  la  faiblesse  de 
sa  constitution  ne  lui  permettant  point 
d'observer  la  discipline  sévère  de  cet 
ordre,  il  dut  se  borner  à  imiter  la  vie 
solitaire  de  ces  moines  et  il  obtint  une 
cellule  à  la  Chartreuse  de  Cologne,  où 
il  se  retirait  assez  souvent. 

En  1538,  il  fut  nommé  curé  du  bé- 
guinage de  Sainte-Catherine  à  Diest; 
mais  il  renonça  à  cette  fonction  pour 
retourner  à  la  Chartreuse  de  Cologne.  Ce 
fut  pour  peu  de  temps.  Le  prêtre  qui  le 
remplaçait  ayant  abandonné  la  cure,  les 
supérieures  du  béguinage  élurent  Van 
Esschen  une  seconde  fois  pour  leur  pas- 
teur ;  il  dut  obéir,  et  ce  fut  alors  qu'il 
introduisit  et  fit  observer  de  nombreuses 
et  judicieuses  réformes  dans  la  commu- 
nauté.  Plus  tard  il  fonda  une  maison 


semblable  à  Oosterwyck,  lieu  de  sa  nais- 
sance. La  ville  de  Diest  lui  doit  aussi 
deux  collèges  destinés  à  de  jeunes  gar- 
çons :  l'un,  nommé  de  Saint-Sauveur, 
fut  fondé  près  de  la  maison  pastorale, 
l'autre  reçut  le  nom  de  collège  des  Per- 
sonnes ou  curés.  Enfin  il  rebâtit  près  du 
béguinage  de  Diest  un  couvent  de  sœurs 
grises,  dit  le  Val  de  Sainte-Anne  et  dont 
les  religieuses  se  vouaient  au  service  des 
malades. 

Malgré  ses  vertus,  on  osa  dénoncer 
Eschius  aux  inquisiteurs.  Euard  Tapper, 
doyen  de  Louvain,  et  Michel  Driutius, 
officiai  de  Liège ,  firent  les  perquisi- 
tions les  plus  minutieuses  et  procla- 
mèrent hautement  l'innocence  de  l'ac- 
cusé. Sa  renommée  de  vertu  devint 
même  si  grande,  que  Maximilien  Moril- 
lon, vicaire  général  de  Malines  et  plus 
tard  évêque  de  Tournai,  le  chargea  de 
réformer  diverses  maisons  religieuses 
où  la  discipline  s'était  rélâchée.  Après 
avoir  rencontré  quelque  résistance,  il 
réussit  dans  cette  tâche  difficile,  et  le 
cardinal  de  Granvelle,  appréciant  ses 
services ,  le  nomma  archiprêtre  du 
doyeimé  de  Diest. 

Ce  fut  dans  l'exercice  de  ces  diverses 
fonctions  que  Van  Esschen  termina  sa 
carrière  remplie  de  bonnes  œuvres.  Son 
tombeau  se  trouve  au  bas  du  maître- 
autel  des  Béguines  de  Diest,  avec  son 
épitaphe,  rapportée  par  Paquot.  Sa  vie 
a  été  écrite  par  Arnould  de  Jean,  son 
successeur  à  Diest,  et  son  portrait  se 
voit  dans  la  même  église  sous  un  cru- 
cifix, avec  une  inscription  flamande.  Il 
existe  encore  d'autres  portraits  de  Nie. 
Eschius ,  dont  un  gravé  par  J.  Ber- 
terham,  reproduit  dans  Foppens>  placé 
en  tête  de  sa  vie. 

On  a  de  lui  :  lo  La  Perle  de  V Evan- 
gile, traduit  du  saxon  en  flamand.  An- 
vers, 1539,  in-12.  Ibid.,  1629,  in-12. 
Outre  cette  traduction,  Eschius  a  fait 
celle  de  Margarita  Evangelica,  in  lihros 
quatuor  divisa.  Colonise,  1545,  in-12; 
l'auteur  de  ce  traité  est,  paraît-il,  une 
religieuse  allemande.  Sa  Margarita  a  été 
souvent  réimprimée  en  latin,  en  fran- 
çais, en  flamand  et  en  allemand.  — • 
2"  Templnm  animée.  Antv.,  1543,  in-12; 


711 


ESSCHE  —  ESSCHEN 


712 


raité  dû  au  même  auteur  que  le  précé- 
dent. On  trouve  en  tête  de  ce  volume  : 
Isayoge,  she  introductio  ad  vitam  con- 
troversam  caijeHcendam .  —  3»  D.  Joannis 
Thauleri  De  Fita  et  passione  Sahatoris 
nostri  Jesu  Christi ,  nunc  demmn  ex 
idiomate  germanico  reddita  latine.  Ad- 
junda  aunt  ejuhdem  ferme  arpimenti  alla 
quadara  exercitia  anthore  D.  Nicolao 
Eschio.  Coloniœ,  1348,  2  vol.  in-12. 
Plusieurs  fois  réimprimé  et  traduit.  Pa- 
quot  donne  de  longs  détails  à  ce  sujet. 
Dans  l'édition  flamande  de  ces  exercices 
de  piété,  on  trouve  la  vie  d'Eschius, 
traduite  aussi  en  flamand.  —  4°  Règle- 
ment de  vie,  dressé  pour  lui-même  et 
que  le  père  A'an  Esscte  s'eflbrça  de  sui- 
vre; opuscule,  apparemment  écrit  en 
latin  par  l'auteur,  mais  qu'on  trouve 
rédigé  en  flamand  à  la  suite  de  sa  vie, 
p.  135-142.  Il  laissa  encore  d'autres 
ouvrages  restés  manuscrits. 

Aug,  Vander  Meerscli. 

Sweertius.  Alhenœ  belgicœ,  p  o7o.  —  Foppens, 
Bibtiotheca  belgica,  t.  11,  p.  9Uo.  —  Paquot,  Jile 
moires  liitiraires,  t.  Xll,  p.  88.  —  De  Feller,  Lic- 
tionuaire  historique.  —  Delvenne,  Biographie  des 
Pays-Bas.  —  Glasius,  Biocjraphisch  wooraeiiboek. 
—  Moreri.  Grand  Liiciionuaire  historique. 

t:mfiVUE%  (Pierre- Josse  v.%x),  méde- 
cin et  poëte,  né  à  Bruxelles  le  5  mai 
1805,  mort  à  Louvain  le  18  janvier 
1838. 

Le  titre  de  poëte  est  dû.  à  Van  Es- 
sclien,  car  non-seulement  il  a  laissé  un 
recueil  de  poésies  inédites,  mais  il  a 
remporté  le  prix  dans  un  concours  qui 
a  eu  un  grand  retentissement  :  il  s'agis- 
sait de  célébrer,  en  vers,  le  Triomphe  de 
l'indépendance  )iatio7iale  et  les  destinées 
de  la  patrie.  Le  ministre,  M.  Charles 
Kogier,  avait  institué,  en  1834,  ce  con- 
cours à  l'occasion  du  quatrième  anni- 
versaire de  la  révolution  de  1830. 
Soixante-seize  concurrents  prirent  part 
à  la  lutte  pour  la  poésie  française.  Le 
jury  était  composé  des  hommes  les  plus 
compétents }  c'étaient  MM.  le  baron 
de  Stassart,  le  baron  de  Eeiftenberg, 
Ph.  Lesbroussart,  J.-B.  Yautier,  André 
van  Jlasselt ,  Baron  et  Bergeron.  Le 
jugement  unanime  du  jury  a  été  ratifié 
par  l'opinion  publique.  Les  vers  de 
Van  Esschen   sont  d'une  facture  sage. 


les  pensées  sont  élevées,  le  sentiment 
est  d'un  patriotisme  ardent. 

Dans  un  travail  intéressant  et  spiri- 
tuel, un  de  nos  plus  féconds  écrivains 
spécialistes,  feu  le  docteur  Broeckx,  a 
relevé  quarante-six  noms  de  médecins 
qui  se  sont  fait  connaître  comme  poètes. 
Pour  arriver  à  ce  chiffre,  il  a  dû  remon- 
ter jusqu'au  xvie  siècle.  On  rencontre 
dans  la  liste  vingt-neuf  docteurs-poëtes 
ayant  écrit  en  latin,  onze  ayant  employé 
l'idiome  flamand,  cinq  le  français  et  un 
la  langue  grecque.  Il  résulte  de  cette 
statistique  que  la  qualité  de  poëte  se 
trouve  rarement  unie  à  celle  de  méde- 
cin, en  Belgique  du  moins.  Van  Esschen 
a  prouvé  que  s'il  a  cultivé  les  muses, 
celles-ci  ne  lui  ont  pas  fait  négliger  les 
études  et  les  devoirs  de  sa  profession. 
C'est  ce  qui  ressortira  de  l'analyse  des 
travaux  qui  ont  rempli  sa  trop  courte 
carrière. 

Il  avait  fait,  à  l'athénée  royal  de 
Bruxelles,  de  fortes  études  d'humanités 
et  c'est  à  l'université  de  Gand  qu'il 
étudia  la  médecine  et  prit  ses  grades, 
subissant  tous  ses  examens  summa  cum 
lande.  Sa  dissertation  pour  l'obtention 
du  doctorat  a  eu  lieu  le  25  août  1828. 
Elle  est  intitulée  :  Spécimen  inaugurale 
physiologico-medicum  de  animi  pathema- 
tum  in  corpus  humanum  ayendi  modo, 
31  pages  in-4o. 

Immédiatement  après  avoir  été  reçu 
docteur,  il  fut  nommé  répétiteur  de  la 
faculté  de  médecine  de  la  même  univer- 
sité, fonctions  qu'il  remplit  durant  deux 
ans.  Il  devint,  en  1831,  docteur  en  chi- 
rurgie et  en  accouchements,  après  avoir 
subi,  à  cet  ettèt,  ses  examens  avec  la 
plus  grande  distiiiction.  La  législation 
n'exigeait  pas  alors  la  réunion  des  trois 
doctorats  pour  pouvoir  pratiquer  l'art  de 
guérir. 

En  cette  même  année  1831,  il  fut 
nommé  professeur  et  bibliothécaire  à 
l'école  spéciale  de  médecine  de  Bruxelles. 
Il  reçut  alors  du  gouvernement  le  titre 
de  membre  de  la  commission  nationale 
des  récompenses,  et  c'est  en  cette  qua- 
lité qu'il  procéda  à  l'examen  des  blessés 
de  1830. 

Lorsque  l'université  libre  fut  érigée. 


713 


ESSCHEN 


714 


en  1834,  l'école  de  médecine  devint  une 
des  facultés  de  la  nouvelle  institution 
académique.  Yan  Esschen  figura  dès  lors 
sur  le  programme  comme  professeur 
ordinaire  des  cours  de  inédeciae  léyale  et 
d'histoire  de  la  médecine.  Il  ne  conserva 
point  longtemps  cette  position.  Le  corps 
épiscopal  avait,  de  son  côté,  érigé  à 
Malines  une  université  catholique,  qui 
ne  reçut  son  entier  développement  que 
lorsque  la  loi  de  1835  sur  l'enseignement 
supérieur  ayant  supprimé  l'université  de 
l'Etat  établie  à  Louvain  en  1817,  l'uni- 
versité catholique  quitta  Malines  pour 
occuper  les  locaux  abandonnés  jiar  celle 
de  l'Etat.  Van  Esschen  fut  une  des 
recrues  de  la  nouvelle  institution  :  il  vint 
y  occuper  les  chaires  à.t  pathologie  interne 
et  de  médecine  légale,  mais  ne  les  con- 
serva que  durant  trois  années. 

A  l'époque  où  l'on  commençait  à 
s'occuper  sérieusement  des  projets  de 
lois  ayant  pour  objet  la  réorganisation 
de  l'instruction  publique,  après  la  crise 
de  1830,  Yan  Esschen  avait  adressé  à 
M.  Ph.  Lesbroussart,  administrateur 
général  de  l'instruction  publique,  une 
lettre  mr  Vétat  actuel  de  V enseignement 
médical  en  Belgique,  et  sur  les  moyens  de 
V améliorer .  Cette  lettre  parut  en  une  bro- 
chure de  56  pages  in-So.  Yan  Esschen  a 
publié  en  outre  les  opuscules  suivants  : 
Du  choléra- morbus  asiatique,  mémoire 
couronné  par  la  société  des  sciences  mé- 
dicales et  naturelles  de  Bruxelles  (1833, 
180  pages  in-8o).  A  l'apparition  de  la 
redoutable  épidémie,  il  avait  été  envoyé 
par  la  régence  de  Bruxelles  à  Gand  et  à 
Tournai  pour  y  étudier  la  maladie  avant 
qu'elle  eût  fait  invasion  dans  la  capitale. 
C'est  lui  qui,  en  1833,  avait  organisé, 
en  qualité  de  commissaire  du  gouverne- 
ment, les  services  sanitaires  dans  les 
communes  de  Willebroeck,  de  Blaesvelt, 
de  Puers,  de  Hingene,  de  Bosschen,  de 
Tamise,  de  Rupelmonde  et  de  Basel. 
Il  fut  requis,  à  la  même  époque,  par 
l'administration  communale  de  jMolen- 
beek-Saint-Jean  pour  donner  ses  soins 
aux  cholériques.  Aussi  fut-il  compris  au 
nombre  des  médecins  auxquels  le  gou- 
vernement décerna  une  médaille  en 
souvenir    des   services  rendus   à   l'hu- 


manité dans    ces  tristes   conjonctures. 

La  Bibliographie  médicale  peut  encore 
citer  comme  sorties  de  la  plume  féconde 
de  Van  Esschen  les  productions  sui- 
vantes : 

udfialgse  du  mémoire  sur  V ophthalmo' 
loyie  qui  règne  dans  V armée  belge,  par  le 
docteur  Jungken,  processeur  à  V université 
de  Berlin  ;  réjiexions  sur  les  maladies 
épidémiques  et  sur  la  contagion.  Ces  deux 
écrits  ont  été  insérés  dans  V  Observateur 
médical  belge.  Il  avait,  quelques  mois 
auparavant,  donné  au  Recueil  encyclo- 
pédique belge  plusieurs  articles,  parmi 
lesquels  on  peut  citer,  comme  se  rap- 
portant à  ces  mêmes  questions,  celui  qui 
a  pour  titre  :  De  la  difficulté  de  constater 
les  causes  des  épidétnies. 

Lorsque  le  Recueil  encyclopédique  cessa 
de  paraître,  c'est  V  Observateur  médical 
qui  recueillit  sa  succession  ,  remise 
entre  les  mains  de  Yan  Esschen.  Il  pour- 
suivit la  publication  de  ce  dernier  jusqu'à 
ce  que  ce  recueil  lui-même  et  V Abeille, 
à  laquelle  le  Dr  Lequime  collaborait 
aussi,  firent  place  aux  Annales  de  méde- 
cine belge  et  étrangère,  dont  la  carrière  à 
été  moins  éphémère  que  celle  de  ses 
devanciers. 

Au  nombre  des  écrits  de  Van  Esschen 
on  doit  encore  citer  le  discours  qui 
servit  d'introduction  à  son  cours  d'his- 
toire de  la  médecine  et  qui  fut  prononcé 
en  décembre  1835  à  l'université  libre  de 
Bruxelles  (15  pages  in-8o).  Ces  travaux, 
déjà  considérables  eu  égard  à  l'âge  de 
leur  auteur,  avaient  valu  à  celui-ci 
d'honorables  et  flatteuses  distinctions 
de  la  part  de  nombre  de  sociétés  sa- 
vantes du  pays  et  de  l'étranger.  Il  avait 
été  élu  membre  de  la  Société  des  sciences 
?nédlcales  et  naturelles  de  Bruxelles,  le 
7  juin  1833,  de  la  Société  polytechnique 
de  Paris,  le  5  mai  1834,  de  la  Société 
royale  médico-chirurgicale  de  Berlin,  le 
29  mai,  de  la  Société  de  médecine  de 
Gand,  le  3  septembre,  de  VInstitut 
historique  de  Paris,  le  13  décembre  de 
la  même  année,  de  la  Société  des  sciences, 
des  lettres  et  des  arts  du  Hainaut,  le 
5  février,  de  la  Société  de  médecine  de 
Caen,  le  10  mars,  et  de  la  Société  des 
sciences,  des  lettres  et  des  arts  d'Anvers, 


V 


715 


ESSCHEN  —  ESTRIX 


746 


le  12  mai  1835.  La  mort  prématurée  de 
Yan  Esschen  produisit  une  douloureuse 
impression,  dont  le  recteur  magnifique 
de  l'université  catholique  de  Louvain  se 
fit  l'éloquent  organe  lors  des  obsèques 
du  savant  et  regretté  professeur.  Ce 
discours  a  été  reproduit  dans  V  Annuaire 
de  V université  catholique  de  1839,  avec 
de  précieuses  notes  où  l'on  peut  voir 
que,  parmi  les  manuscrits  délaissés  par 
le  défunt,  se  trouvaient  :  un  recueil  de 
poésies  françaises  qui  n'ont  point  vu  le 
jour  ;  les  cahiers  des  cours  dont  il  était 
chargé  tant  sur  la  pathologie  que  sur 
l'histoire  de  la  médecine  ;  des  lettres  sur 
l'éclectisme;  des  notes  sur  le  système 
nerveux,  le  somnambulisme,  le  magné- 
tisme animal,  le  suicide,  la  folie  ;  un 
écrit  intitulé  :  Un  mot  sur  V action  du 
gouvernement  en  fait  d'instruction  et  sur 
les  effets  probables  de  la  concurrence.  On 
peut  dire  sans  exagération  que  cette 
courte  carrière  a  été  bien  remplie  et 
que  Van  Esschen  a  bien  mérité  de  la 
science.  l.  AWin. 

EfSiTiKVEXART  {Jean-Baptistc-Ful- 
gence),  médecin,  né  à  Dour  le  30  mars 
1765,  y  décédé  le  1er  juin  1839.  Il 
étudia  la  médecine  à  l'université  de 
Louvain,  obtint  le  doctorat  le  31  mars 
1788  et  se  fit  connaître  par  l'ouvage 
suivant  :  De  preecipuis  ab  ira  in  corpore 
humano  productis  effectibus.  Lovanii, 
1788,  in-8o.  Une  seconde  édition  en  fut 
publiée  dans  la  même  ville   en  1796, 

in-8o.  Aug.  Vandcr  Meersch. 

Mathieu,  Biographie  montoise,'^.  304.  —  Piron, 
Levenabeschryvingen. 

KSTRix.  {Egide),  ou  Esscherix, 
polémiste,  né  à  Malines  le  5  septembre 
1624  et  mort  à  Rome  le  23  avril  1694. 
Il  était  fils  de  Melchior  et  de  Barbe 
NeeiTs.  Après  être  entré  le  30  septembre 
1641,  au  noviciat  de  la  compagnie  de 
Jésus  à  Malines,  il  alla  à  Courtrai 
achever  ses  humanités,  sous  la  direction 
de  Sidronius  Hosschius,  et  étudia  la 
philosophie  dans  la  maison  de  son  ordre 
à  Louvain,  Il  se  voua  ensuite  à  l'ensei- 
gnement pendant  quelques  années,  au 
bout  desquelles  ses  supérieurs  l'envoyè- 
rent à  Rome  pour  faire  sa  théologie.  Il 


y  fut  ordonné  prêtre  en  1657.  Revenu 
dans  sa  patrie,  Estrix  occupa  la  chaire 
de  philosophie  au  collège  des  jésuites 
d'Anvers.  Plus  tard  il  donna  le  cours  de 
théologie  scolastique  au  collège  de 
Louvain,  dont  il  devint  préfet  des  études, 
puis  recteur.  Pendant  qu'il  remplissait 
cette  dernière  charge,  il  fut  nommé  pro- 
vincial de  la  province  Flandro-belge,  le 
27  avril  1684,  fonction  qu'il  conserva 
jusqu'en  1687.  Peu  de  temps  après,  il 
partit  pour  Rome,  où  il  décéda. 

Le  P.  Estrix  composa  quatorze  ou- 
vrages théologiques,  la  plupart  relatifs 
au  concile  de  Trente  :  les  uns  sont  signés 
de  son  nom,  les  autres  ont  paru  sous  le 
pseudonyme  François  Simonis.  Ces  écrits 
sont  dirigés  contre  certains  docteurs  de 
l'université  de  Louvain,  qui,  par  leurs 
enseignements,  rendaient  presque  inac- 
cessible le  tribunal  de  la  pénitence. 
Estrix  attaqua  en  ce  même  point  d'autres 
théologiens,  tels  que  le  chanoine  Van 
Buscom  de  Gand  et  un  curé  de  Bruges, 
Pierre  Moens.  Le  P.  DeBacker  a  donné 
la  liste  de  ces  divers  ouvrages,  dont 
quelques-uns  ont  été  traduits  en  d'autres 
langues.  Le  portrait  d'Egide  Estrix  a 
été  gravé  sur  cuivre  par  A.  Op  de  Beeck 
de  Malines,   aux  frais  du  chroniqiieur 

Azevedo.  Emmanuel  Neeffs. 

De  Backer,  Bibliothèque  des  écrivains  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  —  Sources  manuscrites  di- 
verses. 

E!i«TRix  (Jean)  ou  Esscherix,  écri- 
vain ecclésiastique,  né  à  Malines  le 
8  septembre  1602,  décédé  le  3  août 
1665.  Cousin  germain  du  précédent 
Egide  Estrix,  il  était  fils  de  Corneille  et 
d'Anne  Van  den  Hove,  nièce  de  l'arche- 
vêque Hovius.  Il  fut  différentes  fois 
prieur  et  maître  des  novices  chez  les 
Augustins,  dans  diverses  villes,  et  devint 
visiteur  provincial  de  la  province  de 
Cologne,  qui  comprenait  les  provinces 
belges. 

En  1632,  le  chapitre  des  Augustins, 
réuni  à  Bruxelles,  désigna  le  P.  Estrix 
pour  introduire  des  réformes  au  couvent 
de  Waldringe  (Sarrelouis).  Il  s'acquitta 
de  cette  mission  avec  tant  de  succès, 
qu'en  1641  le  général  de  l'ordre  l'en- 
voya en  Autriche,   en  qualité  de   com- 


717 


ESTRIX  —  ETIENNE 


718 


missaire  général,  dans  les  couvents  des 
Augustins,  afin  de  les  rappeler  à  une 
plus  sévère  observance,  Estrix  traduisit 
en  flamand  :  La.  Vie  de  saint  Thomas  de 
Villeneuve,  publiée  en  espagnol  par  Mi- 
chel Salonius,  ouvrage  imprimé  à  An- 
vers chez  Henri  Haertssens,  1660;  — 
la  Vie  de  saint  Thomas  de  Jésus,  d'après 
le  même  auteur, —  et  jErumnce  Christi. 
Mais  ce  dernier  ouvrage  ne  fut  pas  livré 
à  l'impression;  on  sait  seulement  que  le 
couvent  de  Saint- Augustin,  à  Gand,  en 
possédait  autrefois  le  manuscrit. 

Emmanuel  NéelTs. 

Chronicon  cotiventus  Eremum  S.  Augustini 
Mechliniœ  ab  anno  l'2o2  per  Fratrem  Lamhertum 
à  S.  Joanne.  MSS.  —  De  Tombeur.  MSS.  sur 
les  Augustins  belges.  Tome  I,  p.  40o.  Tome  III, 
p.  486.  Tome  IV,  p.  n84  et  598.  —  De  Tombeur, 
Belgica  Aiujustiniana,  Lovanii,  4727,  p.  1 16. 

E!*TRUEX  {Jean),  trouvère,  né  à 
Tournai,  xiiie  siècle.  Voir  Je-IN  d'£s- 

TRUEN. 

ETiEXXE,  XXXVIIIe  évêque  de 
Liège  (dixième  successeur  de  saint  Hu- 
bert, qui  transporta  en  cette  ville  le  siège 
de  l'ancien  diocèse  de  Tongres),  mourut 
le  19  mai  930,  après  un  règne  d'environ 
dix-huit  ans.  Il  était  de  race  noble,  allié 
à  la  famille  royale  de  France,  ainsi  que 
le  témoigne  en  termes  formels  un  diplôme 
de  Charles  le  Simple.  Les  historiens  lié- 
geois le  qualifient  de  comte  de  Salm  (de 
Sayn,  selon  Jean  d'Outremeiise?);  saint 
Gérard  de  Brogne  (voir  ce  nom)  était 
son  neveu  du  côté  maternel.  Il  étudia 
d'abord  à  Metz,  puis  à  V Ecole  du  Palais, 
où  il  eut  pour  maître  le  philosophe 
Maunon;  Kadbod  et  Mancion,  qui  de- 
vinrent dans  la  suite  évêques,  l'un 
d'Utrecht,  l'autre  de  Châlons-sur-Marne , 
y  furent  ses  condisciples.  Trithème  et 
Launoi,  d'après  Sigebert  et  des  chroni- 
queurs plus  anciens,  le  représentent 
comme  doué  d'une  grande  facilité  de 
parole,  particulièrement  habile  à  inter- 
préter l'Ecriture  sainte,  aussi  familier 
avec  la  littérature  profane  qu'avec  la 
littérature  sacrée,  pourvu  de  connais- 
sances toutes  spéciales  en  musique  et  en 
liturgie.  Peu  soucieux  cependant  des 
avantages  que  pouvaient  lui  procurerson 
savoir,  sa   naissance   et  le   séjour  de  la 


cour,  il  alla  vivre  dans  la  retraite  à 
Metz,  simple  chanoine  de  la  cathédrale. 
Il  eut  beau  faire,  son  mérite  ne  pouvait 
rester  méconnu  :  il  fut  pourvu  de  l'ab- 
baye de  Saint-Mihel  en  Lorraine,  pro- 
bablement dès  888,  si  l'on  doit  admettre 
avec  les  Bénédictins  que  l'abbé  Etienne 
qui  assista  (seul  de  ce  titre)  au  concile 
de  Metz  tenu  cette  année,  ne  saurait  être 
autre  que  notre  personnage.  Quoi  qu'il 
en  soit,  l'évêque  de  Liège  Francon  (voir 
ce  nom)  étant  mort  en  903,  Etienne  fut 
choisi  pour  le  remplacer.  Il  commença 
par  aider  à  la  restauration  de  Moustier- 
sur-Sambre  et  de  quelques  autres  mo- 
nastères dévastés  par  les  Normands; 
avec  Dodilon,  évêque  de  Cambrai,  il  fit 
la  dédicace  de  l'église  renouvelée  de 
l'abbaye  de  Lobbes,  alors  déjà  réunie  à 
l'évêché  de  Liège  (904).  Le  roi  Louis  de 
Germanie  lui  confirma  cette  possession 
en  907,  ainsi  que  celle  de  Fosses,  le  fisc 
de  Tedis  (Theux),  le  tonlieu  et  la  mon- 
naie de  Maestricht,  enfin  l'abbaye  de 
Herihotesheim  (Eberstein-Munster  en 
Alsace  ?).  En  outre  Charles  le  Simple  lui 
fit  don  (915)  de  la  forêt  de  Theux  et  lui 
assura  des  droits  sur  Malines.  Ce  der- 
nier point  est  moins  bien  établi  :  en 
tous  cas,  les  prétentions  de  Liège  à 
l'égard  de  Malines  furent  confirmées  ulté- 
rieurement par  Othon  1er  et  Othon  III. 
Tout  en  veillant  ainsi  à  l'accroissement 
et  à  la  prospérité  de  son  domaine  ecclé- 
siastique, Etienne  s'acquitta  des  charges 
du  saint  ministère  avec  le  plus  grand 
zèle;  il  suivit  notamment  ses  prédilec- 
tions naturelles  en  s'adonnant  à  l'ensei- 
gnement, tant  à  Liège  qu'à  Lobbes  (qui 
le  compte  au  nombre  de  ses  abbés). 
C'est  à  Liège  qu'il  eut  pour  disciple 
Hilduin,  qui  faillit  devenir  son  succes- 
seur et  parvint  en  revanche  à  l'archevê- 
ché de  Milan;  c'est  à  Lobbes  qu'il  fit 
l'éducation  littéraire  de  Rathère,  dont 
on  racontera  plus  loin  la  vie  agitée,  de 
Scamin  et  de  Theoduin.  Non-seulement 
il  enseigna,  mais  il  écrivit  et  fit  écrire. 
Il  refondit  la  Vita  et  passio  S.  Lamherti 
du  diacre  Gottschalck,  dont  les  lettrés 
tournaient  en  ridicule  le  langage  gros- 
sier :  on  possède  encore  cet  ouvrage, 
ainsi   que   l'épître   dédic^toire  adressée 


719 


ETIENNE 


720 


par  Etienne  à  son  métropolitain  Heri- 
man,  archevêque  de  Cologne,  pour  le  lui 
soumettre,  A  vrai  dire,  cette  épître  est 
elle-même  assez  peu  élégante  j  le  reste 
est  plus  tolérable,  mais  d'un  ton  affecté 
en  rapport  avec  le  goût  de  l'époque;  le 
récit,  par  parenthèse,  est  souvent  entre- 
coupé de  vers  de  la  façon  du  digne 
évêque.  C'est  sur  l'ordre  d'Etienne, 
d'autre  part,  que  Hucbald  de  Saint- 
Amand,  l'un  de  ses  admirateurs,  com- 
posa la  vie  de  sainte  Eictrude.  On 
attribue  encore  à  notre  prélat  différents 
offices,  entre  autres  celui  de  V Invention 
de  saint  Etienne^  dont  la  musique  a  été 
très-vantée,un^r</fJffliV^  dédié  à  Kobert, 
évêque  de  Metz,  et  quelques  traités  éga- 
lement perdus  :  les  curieux  en  trouve- 
ront l'indication  dans  l'Histoire  littéraire 
delà  France,  t.  YI,  p.  170-172.  Etienne 
mourut  paisible  et  respecté,  au  com- 
mencement du  règne  d'Henri  l'Oise- 
leur; il  fut  enterré  dans  la  crypte  de 
l'église  de  Saint-Lambert  de  Liège. 

Alphonse  Le  Roy. 

Surius.  —  Chapeauville.  —  Wauters,  Table 
chronol.  des  diplômes  imprimés,  t.  1.  — Mabillon, 
A7in.  S.  Bened.,  t.  VII.  —  Les  Bibliothèques  des 
écrivains  ecclésiastiques.  —  Fisen  et  les  autres 
historiens  de  Liège. 

*  ETiExxE,  évêque  de  Tournai,  né 
à  Orléans  en  1128,  mort  en  1203. 

Ce  prélat,  qui  prit  une  part  très- 
active  aux  actes  accomplis  par  le  roi 
Philippe-Auguste  pendant  les  premières 
années  de  son  règne ,  fut  évidemment 
placé  sur  le  siège  épiscopal  de  Tournai 
pour  seconder  la  politique  de  ce  mo- 
narque en  Flandre  et  dans  les  contrées 
voisines.  Né  à  Orléans  le  19  février 
1128,  comme  l'a  établi  l'un  des  savants 
rédacteurs  de  VITistoire  littéraire  de 
Fratice  (et  non  en  1132  ou  en  1135), 
il  reçut  ses  premières  leçons  d'un  pro- 
fesseur qu'il  ne  désigne,  dans  une  de 
ses  lettres,  que  par  l'initiale  de  son 
prénom,  À.  Il  abandonna  ensuite  les 
écoles  de  l'église  Sainte  -  Croix  d'Or- 
léans, pour  aller  étudier  le  droit  à  Bo- 
logne, sous  le  célèbre  Bulgarus,  et  il 
compta  parmi  ses  condisciples  le  car- 
dinal Gratien,  l'évoque  de  Césarée  Hé- 
raclius,  le  pape  Urbain  III,  ainsi  qu'en 
témoignent  divers  passages  de  sa  cor- 


respondance; il  semble  même  qu'après 
s'être  raillé  des  devoirs  de  sa  profession 
d'avocat,  il  l'exerça  pendant  quelque 
temps. 

Vers  1155,  il  prit  l'habit  religieux 
dans  l'abbaye  de  Saint-Evurce  ou  Eu- 
verte,  dont  il  devint  le  supérieur  huit 
ans  plus  tard.  Pendant  les  premières 
années  après  sa  profession,  il  avait  re- 
commencé à  se  livrer  à  l'étude  et  se 
rendit  à  Chartres  pour  y  fréquenter  les 
écoles;  il  mettait  tant  de  zèle  à  com- 
pléter son  instruction  que  son  abbé, 
Eoger,  qui  abdiqua  plus  tard  en  sa 
faveur,  dut  lui  écrire  à  trois  reprises 
pour  le  faire  revenir  au  monastère. 
A  peine  occupait-il  le  siège  abbatial 
qu'un  incident  mit  en  relief  l'énergie 
de  son  caractère  et  ses  capacités.  Le 
doyen  de  l'église  Sainte-Croix,  Jean  de 
la  Chaîne,  ayant  été  assassiné,  il  fut 
chargé  de  prononcer,  dans  un  synode 
qui  se  tenait  à  Sens,  un  discours  ayant 
pour  but  d'émouvoir  l'assemblée  et  de 
la  déterminer  à  sévir  contre  les  meur- 
triers. Mais,  soit  qu'il  ait,  en  cette  occa- 
sion, méconnu  les  droits  de  l'autorité 
suprême,  soit  pour  une  autre  cause,  ce 
fut  contre  lui  que  se  tourna  l'indignation 
du  roi  Louis  VII,  et  il  en  aurait  ressenti 
les  effets,  sans  l'intervention  bienveil- 
lante de  Guillaume  de  Champagne, 
alors  évêque  de  Chartres  et  grand  pro- 
tecteur des  lettres. 

Après  avoir  signalé  son  administra- 
tion par  la  restauration  des  bâtiments  de 
l'abbaye,  Etienne  fut  appelé  à  diriger 
le  célèbre  monastère  de  Sainte-Gene- 
viève, de  Paris,  au  grand  regret  de  sa 
communauté,  qui  lui  témoigna  sa  re- 
connaissance pour  son  habile  gestion 
en  lui  assignant  une  pension  viagère. 
A  Paris,  le  nouvel  abbé  se  montra  éga- 
lement à  la  hauteur  de  sa  mission  :  il  fit 
prospérer  le  monastère  en  même  temps 
qu'il  maintenait  chez  ses  religieux  une 
discipline  sévère  et  développait  parmi 
eux  le  goût  de  l'étude.  Il  semble  avoir 
été  très-peu  sympathique  aux  études  qui 
se  faisaient  à  l'université  ou,  pour  mieux 
dire,  dans  les  grandes  écoles  de  Paris, 
car  il  en  écartait  ses  subordonnes.  «  Si 
c'est  votre  intention  « ,  écrit-il  à  Absa- 


721 


ETIENNE 


722 


Ion,  archevêque  de  Lund ,  en  Suède, 
Il  de  faire  de  votre  neveu  un  homme  du 
Il  monde,  vous  pouvez  choisir  pour  son 
Il  instruction  une  autre  ville  que  Paris, 
Il  car  je  ne  pourrais  souffrir  que,  sous 
Il  mes  yeux,  il  se  livrât  au  verbiage  et 
Il  aux  détours  de  la  dispute  ;  cela  tour- 
"   nerait  à  ma  confusion.  » 

Philippe-Auguste  avait,  dès  cette 
époque,  choisi  Etienne  pour  l'un  des 
hommes  aptes  à  remplir  des  missions 
délicates  et  importantes.  On  peut  être 
assuré  que  Guillaume  de  Champagne, 
devenu  archevêque  de  Reims  et  l'un  des 
prélats  les  plus  puissants  de  France,  ne 
resta  pas  étranger  à  son  élévation.  Le 
monarque  l'envoya  ,  en  1181  ,  vers 
Henri,  évêque  d'Albano,  légat  du  saint- 
siége,  qui  parcourait  alors  le  Languedoc, 
où  la  guerre  avait  multiplié  les  ruines  ; 
il  dut  se  rendre  ensuite  auprès  du  pape 
Lucius  III,  en  remplacement  de  l'arche- 
vêque Guillaume,  dont  le  roi  jugeait  la 
présence  indispensable  en  Prance  ;  mais 
au  moment  où  il  allait  partir,  Philippe- 
Auguste,  à  ce  qu'il  paraît,  changea 
d'avis.  Un  fils,  qui  fut  appelé  Louis 
comme  son  aïeul  Louis  VII  et  son 
bisaïeul  Louis  VI,  étant  né  au  roi  en 
1187,  Etienne  fut  son  parrain. 

En  1191,  le  siège  épiscopal  de  Tour- 
nai vint  à  vaquer  par  la  mort  d'Everard 
d'Avesnes.  Pierre,  chantre  de  la  cathé- 
drale de  Paris,  ayant  été  élu  pour  le  rem- 
placer, l'archevêque  de  Reims,  qui  gou- 
vernait le  royaume  en  l'absence  du  roi, 
alors  en  Palestine,  se  refusa  à  ratifier  ce 
choix,  bien  qu'il  fût  «  légal  et  cano- 
niqxie  «,  ainsi  qu'Etienne  le  lui  déclara 
dans  une  de  ses  lettres.  Ce  fut  ce  der- 
nier que  le  gouvernement  français  pré- 
féra; le  clergé  tournaisien  se  soumit  à 
la  volonté  du  souverain,  mais  le  pape 
Celestin  III  fit  quelques  difficultés, 
bientôt  résolues.  A  en  juger  par  une 
lettre  adressée  à  Barthélémy  de  Ven- 
dôme, archevêque  de  Tours,  la  consé- 
cration épiscopale  fut  donnée  au  nouveau 
prélat,  en  1192,  pendant  les  octaves  de 
la  Résurrection;  un  acte  du  31  mai  1139 
est  daté  de  l'an  premier  de  son  ordina- 
tion. Jean,  neveu  de  l'abbé  de  Hautvil- 
liers,  lui  succéda  le  jour  de  la  Concep- 


tion ,    pour    diriger    le    monastère    de 
Sainte-Geneviève . 

A  partir  de  cette  époque,  Etienne, 
que  l'on  appelle  souvent'  de  Tournai, 
parut  se  dévouer  complètement  à  ses 
devoirs  épiscopaux  :  sa  correspondance 
nous  le  montre  absorbé  par  les  multiples 
devoirs  de  son  ministère.  Il  ne  cesse,  il 
est  vrai,  de  recommander  l'un  ou  l'autre, 
de  donner  des  consultations,  etc.,  mais 
ce  qui  le  préoccupe  surtout,  c'est  l'état 
dans  lequel  se  trouvent  les  communautés 
religieuses  et  les  églises  du  diocèse.  Il 
assista  au  couronnement  de  la  reine  In- 
geburge  de  Danemark  et  s'intéressa  à 
cette  princesse  infortunée,  que  Philippe- 
Auguste  avait  bientôt  repoussée  de  sa 
couche  et  reléguée  à  Cysoing,  près  de 
Tournai. 

Etienne  offre  le  premier  exemple  d'un 
évêque  de  Tournai  luttant  pour  le  main- 
tien de  ses  droits  contre  la  commune  de 
cette  ville.  Avant  lui,  les  bourgeois  y 
avaient  conquis  des  franchises  très- 
étendues,  et  ses  prédécesseurs  s'étaient 
contentés,  paraît-il,  d'un  reste  de  pou- 
voir. Etant  influent  auprès  du  monarque, 
Etienne  voulut  employer  au  profit  de  son 
autorité  la  faveur  dont  il  jouissait  et  il 
fut,  en  effet,  soutenu  par  Philippe-Au- 
guste qui  très-souvent  humilia  les  bour- 
geoisies au  profit  du  clergé. 

A  son  avènement ,  les  Touruaisiens 
avaient  refusé  de  lui  prêter  serment  de 
fidélité,  en  prétextant  l'obéissance  à  la- 
quelle ils  étaient  tenus  envers  le  roi  ;  il 
fallut  que  celui-ci  leur  enjoignît  formel- 
lement d'observer  l'ancienne  coutume  et 
de  se  lier  par  un  serment  envers  le  pré- 
lat. De  nouveaux  sujets  de  contestation 
n'ayant  pas  tardé  k  éclater,  le  roi  chargea 
l'évêque  d'Arras,  Pierre,  et  Jean,  châte- 
lain de  Lille,  de  s'interposer  en  son  nom 
entre  le  prélat  et  les  bourgeois;  mais  ces 
arbitres  n'obtinrent  aucun  résultat,  les 
Touruaisiens  ayant  déclaré  qu'ils  enten- 
daient soumettre  leurs  doléances  au  roi 
lui-même.  L'archevêque  de  Reims  leur 
proposa  alors  de  choisir  la  coutume  de 
l'une  des  six  villes  :  Eeauvais,  Senlis, 
Amiens,  Noyon,  Soissons  et  Laon,  qui 
servirait  dorénavant  de  base  aux  rap- 
ports existants  entre  la  cité  et  le  clergé. 


723 


ETIENNE 


724 


Les  Tournaisiens,  obligés  par  le  roi  à 
désigner  l'une  de  ces  villes  (18  août 
1196),  se  déterminèrent  enfin  pour 
Senlis  (en  1200). 

Une  guerre  venait  de  prouver  à 
Etienne  combien  sa  position  était  diffi- 
cile. La  Flandre,  sous  la  conduite  de  son 
jeune  comte,  Baudouin,  dit  depuis  de 
Constantinople,  s'était  déclarée  contre 
la  France  et  avait  contracté  alliance 
avec  Richard  Cœur  de  Lion,  roi  d'An- 
gleterre. Philippe- Auguste  fit  jeter  l'in- 
terdit sur  la  Flandre,  mais  le  bailli  du 
comté,  Bernard  de  Robais  ou  Roubaix, 
appela  au  saint-siége  de  la  décision  du 
légat,  et  le  clergé  du  diocèse  de  Toiirnai, 
(dans  lequel  la  Flandre  était  comprise  en 
partie)  profita  de  cet  appel  pour  se  refu- 
ser à  exécuter  la  sentence  d'interdit. 
Accablé  de  menaces  par  ses  subordonnés, 
Etienne  se  vit  bientôt  assiégé  dans  sa 
ville  épiscopale,  dont  il  représente  les 
bourgeois  comme  maniant  à  la  fois  l'épée 
et  la  truelle,  l'épée  pour  se  défendre,  la 
truelle  pour  augmenter  leurs  fortifica- 
tions. Malgré  leur  ardeur.  Tournai  dut 
se  rendre  et  n'obtint  la  conclusion  d'une 
trêve  que  moyennant  le  payement  de 
3,000  marcs  (20  juillet  1197),  somme 
dont  le  chapitre  de  Notre-Dame  et  l'ab- 
baye de  Saint-Martin  ne  voulurent  payer 
leur  part  que  moyennant  un  acte  de 
non-préjudice. 

L'évêque  Etienne  a  attaché  son  nom 
à  la  construction  d'un  édifice  d'une 
certaine  importance  au  point  de  vue 
archéologique.  Malgré  les  réclamations 
des  bourgeois  de  Tournai,  il  fit  bâtir 
entre  son  palais  et  l'église  Notre-Dame 
la  chapelle  dite  de  Saint- Vincent,  qu'il 
fit  consacrer  le  23  mai  1198  et  par  la- 
quelle il  pouvait  se  rendre,  en  secret,  de 
sa  résidence  dans  sa  cathédrale.  Cet  ora- 
toire étant  construit  dans  le  style  de  la 
transition  romano-byzantine ,  renverse 
complètement  l'opinion  d'après  laquelle 
le  chœur  de  l'église,  cette  belle  produc- 
tion du  style  ogival,  daterait  des  pre- 
mières années  du  xiie  siècle. 

L'évoque  eut  à  lutter  pour  habituer 
le  clergé  régulier  et  le  clergé  séculier  à 
respecter  son  autorité.  Il  soutint  des 
contestations  a\issi  bien  contre  son  cha- 


pitre et  celui  de  Seclin  que  contre  les 
puissantes  abbayes  de  Saint -Bertin  à 
Saint-Omer,  de  Saint-Amand,  de  Saint- 
Martin  de  Tournai.  Et  néanmoins  il 
n'oubliait  ni  le  monastère  de  Saint- 
Euverte,  où  il  avait  passé  une  partie 
de  sa  jeunesse,  ni  celui  de  Sainte- Ge- 
neviève, de  Paris.  Il  entretenait  une 
correspondance  active  avec  un  grand 
nombre  de  personnages  de  pays  parfois 
très-éloignés  ;  ainsi  il  fit  présent  à  l'un 
de  ses  amis  d'un  flacon  de  thériaque  du 
Levant,  qu'il  avait  reçu  de  l'archevêque 
de  Mopsueste  ou  Mamistra,  dans  l'Asie 
Mineure.  Il  en  résidtait  que  les  fonc- 
tions de  son  chancelier ,  remplies  en 
1203  par  un  nommé  Gisein,  ne  consti- 
tuaient pas  une  sinécure. 

Il  donna  17  bonniers  de  terres  et 
100  livres  parisis  au  réfectoire  du  cha- 
pitre de  Notre-Dame,  k  charge  de  con- 
stituer son  anniversaire  par  l'achat  de 
rentes.  Outre  qu'il  fit  cadeau  à  l'église 
d'objets  précieux  en  argent,  tels  que 
deux  encensoirs,  un  pot  à  laver,  une 
table  pour  le  maître-autel,  il  lui  légua 
afin  d'achever  la  voûte  (non  du  chœur, 
mais  des  transepts),  le  produit  du  quart 
du  winage  ou  tonlieu  de  Tournai,  quart 
qu'il  avait  acquis  du  châtelain  Bau- 
douin, pour  un  terme  de  dix  ans.  A  sa 
mort,  arrivée  en  1203,  il  eut  pour  suc- 
cesseur un  ecclésiastique  nommé  Gosuin. 

L'évêque  Etienne  était  polygraphe, 
c'est-à-dire  qu'il  cultivait  diS'érents 
genres  de  littérature.  Indépendamment 
de  ses  lettres,  qui  constituent  la  majeure 
partie  de  son  œuvre,  il  a  écrit  quelques 
sermons,  un  commentaire  sur  le  décret 
de  Gratien  et  des  poésies.  Les  sermons 
ont  été  composés,  soit  pour  lui-même, 
soit  pour  l'un  de  ses  protecteurs,  Bar- 
thélémy de  Vendôme  ,  archevêque  de 
Tours.  Leur  valeur  est  médiocre,  à  en 
juger  par  le  passage  suivant  de  V Histoire 
littéraire  :  «  Ils  sont  bien  diS'érents  des 
«  belles  homélies  des  saints  Pères  et 
«  de  leur  manière  d'expliquer  l'Ecriture 
«  sainte.  On  n'y  trouve  pas  cette  morale 
»  substantielle  qui  nourrit  et  ravive  les 
«  âmes.  Ce  sont  des  allusions  froides  ou 
«  de  petites  pointes  selon  le  goût  du 
H   temps.  « 


725 


ETIExNNE  —  ETIENNE  11 


726 


On  n'a  publié  que  des  fragments  de 
ces  sermons  et  le  commentaire  est  encore 
inédit.  Quant  aux  poésies,  elles  se  ré- 
duisent à  peu  de  chose,  quoique  Etienne 
eût,  de  son  temps,  la  réputation  d'un 
versificateur  habile.  Pans  sa  jeunesse  il 
en  avait  composé  de  profanes,  qu'on  n'a 
pas  daigné  recueillir.  A  la  demande  de 
l'abbé  et  des  religieux  de  Selva-Majour , 
il  écrivit  l'office  de  leur  fondateur,  saint 
Géraud,  qui  venait  d'être  canonisé  (en 
1197);  ce  travail,  dont  Papebroch  a  pu- 
blié des  fragments  dans  les  Acta  Sancto- 
rutn  {Ap'ilis  t.  I,  p.  410),  donne  une 
assez  pauvre  idée  du  poëte. 

On  lit  avec  intérêt  les  lettres,  qui 
sont  pleines  de  détails  sur  les  événe- 
ments et  les  hommes  du  dernier  tiers  du 
xiie  siècle.  L'évèque  met  souvent  du  feu 
dans  son  style  et  raille  parfois  avec 
agrément.  On  a  publié  plusieurs  édi- 
tions des  lettres  d'Etienne.  Jean-Bap- 
tiste Masson  en  fit  imprimer  240,  à 
Paris  en  1611,  à  la  suite  de  la  correspon- 
dance de  Gerbert  et  de  Jean  de  Salis- 
bury;  son  travail,  qui  était  fort  défec- 
tueux parce  que  Masson  s'était  servi 
d'un  mauvais  manuscrit,  a  été  reproduit 
dans  la  BlbliotJieca  patrum,  de  Lyon 
(t.  XXI,  p.  1  à  53).  Pierre-Claude  De 
Molinet,  chanoine  régulier  de  la  congré- 
gation de  France,  les  édita  de  nouveau 
en  1679;  il  a  donné  286  lettres,  mais 
Baluze,  qui  en  avait  revu  et  préparé  le 
texte,  fut  si  peu  content  du  travail  de 
De  Molinet,  qu'il  en  prépara  un  autre, 
où  le  nombre  des  lettres  fut  porté  à  319 
et  que  l'on  a  utilisé  dans  la  publication 
intitulée  Notice  des  7nanuscrits  de  la 
bibliothèque  royale  (t.  X,  p.  66  et  suiv.) 
et  dans  la  dernière  édition  des  lettres, 
celle  qui  fait  partie  de  la  Patrologie  de 

Migne.  Alphonse  Wauters. 

Histoire  littéraire  de  France,  t.  XV,  pp.  §"24  et 
suiv. —  Cousin,  Histoire  de  Tournai.  1. 111,  p.  30:2, 
et  !.  IV,  p.  2.  —  Wauters,  Table  chronologique 
des  diplômes  imprimés  concernant  l'histoire  de  la 
Belgique,  1. 111,  passim.,  etc. 

KTiE!ViiiE  II  ou  Stepelin  (1),  musi- 
cien et  écrivain  ecclésiastique,  naquit 
vers  le  milieu  du  xie  siècle  et  mourut  à 

{\)  Ne  pas  le  confondre  avec  le  moine  Stepelin 
de  Saint-Trond,  que  les  bénédictins  font  vivre  à 
la  fin  du  xi«  siècle  {Hisi.  lut.,  l.  Vlll,  p.  418, 419j. 


Liège  le  24  janvier  .1112,  après  avoir 
gouverné  pendant  dix-sept  ans  la  cé- 
lèbre abbaye  de  Saint- Jacques.  Possevin 
s'est  gravement  trompé  en  le  reportant 
au  viiie  siècle,  puisque  ledit  Cœuobium 
de  Saint-Jacques  ne  fut  fondé  qu'en  1014 
par  l'évèque  Baldéric  II  (voy.  ce  nom), 
immédiatement  après  la  bataille  de  Hou- 
gaerde,  en  exécution  d'un  vœu.  Les 
études  y  étaient  très-florissantes  lorsque 
Etienne  y  entra  ;  il  acquit  un  savoir  peu 
commun  et  se  fit  estimer  en  outre  par 
ses  qualités  personnelles,  si  bien  qu'il 
fut  désigné  pour  succéder  à  l'abbé  P^o- 
bert  (1095).  L'un  de  ses  premiers  actes 
fut  l'adoption  des  règlements  de  Cluny, 
qui  ne  tardèrent  pas,  par  son  influence, 
à  être  également  introduits  dans  l'abbaye 
de  Saint-Trond  (1103).  Les  deux  monas- 
tères étaient  en  relations  intimes  :  c'est 
à  Saint-Jacques  que  Eodulphe  de  Saint- 
Trond  et  ses  moines,  dépossédés  par  un 
intrus,  cherchèrent  un  refuge  en  1107; 
Etienne  les  accueillit  généreusement  et 
se  fit  même  leur  champion  :  il  siégea  en 
pacificateur  dans  l'assemblée  qui  fut 
convoquée  à  Liège  par  l'empereur,  venu 
tout  exprès  en  cette  ville  pour  terminer 
le  dift'érend. 

Etienne  était  fort  habile  musicien  : 
on  cite  de  lui  un  répons  commençant 
par  les  mots  Florent  mundi,  en  l'honneur 
de  saint  Benoît,  et  un  autre  en  l'honneur 
de  l'apôtre  saint  Jacques  le  Majeur.  Il 
laissa  nombre  d'autres  compositions  esti- 
mées; elles  ne  sont  point  arrivées  jus- 
qu'à nous.  Etienne  compte  aussi  parmi 
les  écrivains  ecclésiastiques  :  un  seul  de 
ses  écrits  a  été  publié  par  Surius  et  par 
les  Bollandistes  :  la  Vie  de  saint  Modoald, 
archevêque  de  Trêves,  mort  en  640.  Le 
couvent  de  Helmershausen,  au  diocèse 
de  Paderborn,  avait  obtenu  de  l'arche- 
vêque Brunon  les  reliques  de  ce  person- 
nage, qu'on  suppose  frère  d'Iduberge, 
femme  de  Pépin  d'Héristal.  Pour  édifier 
le  monde  sur  l'importance  de  ce  présent, 
l'abbé  Tietmar  résolut  de  faire  composer 
une  vie  du  saint.  Un  moine  ayant  été 
chargé  de  recueillir  des  mémoires  et  des 
trf'^itions,  la  renommée  d'Etienne  l'at- 
.  ....  jusqu'à  Saint- Jacques,  et  là  seule- 
ment sa  mission  put  aboutir  :  Etienne 


727 


ETIENNE  II  —  ETIENNE  WARELLE 


728 


entreprit  lui-même  des  recherches  et 
rédigea  en  trois  livres  l'ouvrage  désiré. 
C'est  un  écrit  assez  prolixe,  en  style 
fleuri,  mais  passable  pour  l'époque. 
Pour  en  remercier  l'auteur,  la  commu- 
nauté allemande  lui  dédia  un  récit  de 
la  Translation  des  reliques  de  saint  Mo- 
doald  de  Trêves  à  Helmershausen,  récit 
digne  d'être  mentionné  à  cause  des  cu- 
rieiix  détails,  tant  géographiques  qu'his- 
toriques, dont  il  abonde.  En  dépit  de 
l'épître  dédicatoire,  on  est  fondé  à  croire 
que  la  dernière  partie  de  ce  morceau  a 
été  écrite  ou  tout  au  moins  revisée  par 
Etienne  :  on  .y  reconnaît,  à  ne  pas  s'y 
méprendre,  sa  phraséologie.  Xotons  en 
passant  que  la  Gallia  cJiristiana  attribue 
la  Vie  de  saint  Mo^oald  à  Etienne  III, 
abbé  de  Saint-Jacques  :  c'est  une  erreur 

manifeste .  Alphonse  Le  Roy. 

Acta  sanctorum,  i2  mai.  —  Histoire  littéraire 
de  la  France,  t.  X,  p.  o2!2  et  suiv.  —  Becdeliè- 
vre,  etc. 

ETiEx:vE  DE  i^iÉciE,  troisième  abbé 
de  Saint -Airy  à  Terdun,  écrivain  ecclé- 
siastique, né  à  Liège  au  commencement 
du  xie  siècle  et  mort  à  Verdun  en  1076. 
Il  embrassa  la  vie  religieuse  dans  l'ab- 
baye bénédictine  qui  venait  d'être  fon- 
dée nouvellement  à  Verdun  en  l'honneur 
de  saint  Airy,  et  y  fut  formé  sous  la 
direction  habile  de  Baudry,  premier 
abbé  de  ce  monastère.  Il  devint  lui- 
même  le  troisième  abbé  de  cette  maison 
après  le  décès  de  Baudry  et  d'Encelin, 
le  successeur  de  celui-ci.  Il  fit  fleurir 
dans  l'abbaye  de  Saint-Airy  la  disci- 
pline monastique  et  le  goût  des  belles- 
lettres,  au  point  qu'on  tira  de  ce  mo- 
nastère jusqu'à  douze  religieux  pour 
les  mettre  à  la  tête  de  diverses  maisons 
de  l'ordre  de  Saint-Benoît.  Etienne  de 
Liège  mourut  avec  la  réputation  d'un 
saint;  aussi  plusieurs  de  ses  biographes, 
entre  autres  dom  Calmet,  n'ont-ils  pas 
craint  de  lui  donner  le  titre  de  bienheu- 
reux. 

Il  a  laissé  une  Fie  de  fsaint  Airy, 
ouvrage  bien  écrit,  mais  où  la  critique 
fait  un  peu  défaut,  chose  d'ailleurs  peu 
étonnante  pour  le  siècle  où  Etienne  écri- 


vait. 


E.-H.-.I.  IlcusenB.    (gg 


Histoire  littéraire  de  la  France,  VIII,  p.  39. 


ETIE^XE       DE        IrVAI^COURT       OU 

Etienne  Walcourt,  grammairien  et 
poète  du  XTie  siècle.  On  a  bien  peu  de 
renseignements  sur  ce  singulier  poète. 
On  le  croit  natif  de  la  petite  et  pitto- 
resque ville  de  T\'alcourt,  faisant  partie 
de  l'ancien  comté  de  Xamur.  La  date 
de  sa  naissance  est  placée  vers  1540.  Il 
fut,  paraît-il,  maître  d'école  à  Anvers  et 
se  lia  avec  Pierre  Heyns,  autre  poëte  et 
maître  d'école  aussi,  auquel  il  adressa 
un  sonnet.  On  connaît  de  lui  les  deux 
publications  suivantes,  qui  sont  d'une 
rareté  extraordinaire:  lo jVonvel A,  B,  C, 
contenant  plusieurs  sentences  très-utiles 
pour  V instruction  de  la  jeunesse,  en  rimes 
franqoises.  Anvers,  H.  Hendricx,  1576, 
petit  in- 8°.  —  2»  Recueil  et  eslite  de 
plusieurs  chansons  joyeuses,  lionnestes  et 
amoureuses,  partie  non  encore  veiies,  colîi- 
ffées  des  plus  excellens  poètes  franqois ,  par 
J.  W.  Anvers,  chez  Jean  W'aesberge, 
1576,  in-16  ou  petit  in-12,  contenant 
12  ff.  prélim.  non  chiftrés,  304  fi",  chif- 
frés et  8  ff.  pour  la  table  et  la  souscrip- 
tion. Le  titre  de  ce  recueil,  extrêmement 
recherché,  porte  litre  premier,  et  l'on 
voit  par  le  privilège  que  l'éditeur  avait 
l'intention  d'en  publier  un  second,  ce 
qu'il  n'aura  pas  fait,  car  on  n'en  con- 
naît aucun  exemplaire.  Etienne  de  Wal- 
court dit  qu'il  y  a  de  son  labeur  dans  ce 
recueil,  qu'il  j  &  mis  le  tout  en  ordon- 
nance, et  qu'il  est  l'auteur  de  la  table. 
Ce  volume  a  été  vendu  successivement 
2  livr.  st.  2  sh.  Eich.  Heber,  715  fr. 
Pichon  et  760  fr.  Potier. 

Etienne  de  Walcourt  se  trouvait  aussi 
en  relations  avec  le  poëte  Jean  Van  der 
Noot,  patrice  d'Anvers.  On  trouve  dans 
les  œuvres  de  ce  gentilhomme  anversois 
une  pièce  de  vers  flamands  adressée  : 
aen  31^  Steven  van  Walcourt,  et  un  son- 
net français  de  Walcourt  adressé  à  Tan 
der  Xoot.  h.  Heibig. 

Paquot,  Mémoires,  édit.  in-folio,  t.  li.  p.  242. 
—  OLuvres  poétiques  de  Vander  Noot.  —  Brunet, 
Manuel,  t.  V.  col.  i40"2.  —  Catalogue  d'Arm.  Ci- 
congne,  Paris,  1861,  p.  215,  n»  1206.  —  Catal. 
Pichon,  Paris.  1869,  p.  136,  n"  641.  —  Catal. 
L.  Potier  de  1870,  p.  211,  n»  1070. 

ETIE!%'XE     m'ARELLE    OU    DE    Wa- 

EELLE,   écrivain  ecclésiastique,  trente- 
troisième  abbé   de  Saint-Ghislain  près 


729 


ETIENNE  WARELLE  —  EUCHAIRE  II 


730 


de  Mons,  né  vers  1280  et  mort  à  Saint- 
Ghislain  le  27  février  1365.  Il  était 
issu  d'une  famille  distinguée  et  gou- 
verna son  abbaye  pendant  un  demi- 
siècle  environ,  car,  en  1316,  il  avait 
succédé  à  l'abbé  Philippe. 

Paquot  luiattribue  :  MartyriumS.  TJr- 
suJœ  et  sociarum,  commençant  par  les 
mots  Regyiante  Domino  et  publié  par 
Surius,  De  probatis  sanctorum  vitis,  V, 
pages  32 7  et  suiv.  Les  Bollandistes,dans 
les  uicta  SS.  Octobris,  IX,  pages  78  et 
suiv.,  traitent  ex  professo  de  l'auteur 
de  cette  vie  ou  homélie  et  prouvent 
qu'elle  fut  écrite  entre  les  années  900 
et  1100.  Il  est  étonnant  qu'ils  ne  men- 
tionnent pas  l'attribution  que  Paquot 
fait  de  cette  vie  à  l'abbé  Etienne  de  Wa- 
relle,  d'autant  plus  que  l'auteur  des 
Minioires  pour  servir  à  l'histoire  litté- 
raire des  dix-sept  provinces  des  Pays-Bas 
dit  qu'un  manuscrit  de  cette  vie,  attri- 
buée à  l'abbé  Etienne,  existait  de  son 
temps  à  l'abbaye  de  Saint-Ghislain,  et  il 
ajoute  que  ce  travail  est  «  précédé  d'une 
«  lettre  adressée  de  Cologne  à  l'auteur, 
"  commençant  :  Domine  révérende,  do- 
II  mine  abba  S.  Guisleni,  7ioveris,  etc. 
«  Etienne  de  Warelle  écrivit  sans  doute 
Il  cette  histoire  quand  on  apporta  à  son 
"  monastère  le  chef  de  sainte  tJalamène, 
Il  qu'on  dit  être  l'une  des  onze  mille 
"   compagnes  de  sainte  Ursule.  « 

E.-H.-J.  Reusens. 
Paquot,  Mémoires,  éd.  in-fol.,  III,  p.  17. 

EVCUABiVi^  {Eligius),  poète  latin, 
né  à  Gand.  .xvie  siècle.  Yoir  Hoecraerq 
{Eloi). 

EVCUAiRE  ler  (Saint), XYIIe  évêque 
de  Tongres,  résidant  à  Maestricht  (voir 
l'art.  Désigxat),  vécut  très-certaine- 
ment, selon  Fisen,  sous  le  règne  de 
Thierry  ler,  roi  de  Metz,  l'un  des  fils  de 
Clovis.  Les  chroniqueurs  liégeois,  entre 
autres  Jean  d'Outremeuse,  rapportent 
son  avènement  à  l'année  521  ;  ce  dernier 
annaliste  dit  qu'il  ne  gouverna  son  église 
que  pendant  deux  ans.  Le  Florarium  SS. 
assigne  à  son  épiscopat  la  même  durée, 
mais  le  fait  mourir  en  526;  d'après 
Placentius,  au  contraire,  il  aurait  régné 
huit  ans  et  ne  serait  mort  en  consé- 


quence qu'en  529;  enfin  les  Acta  Sanc- 
torum le  reportent  au  ve  siècle  et  fixent 
à  495  la  date  de  son  décès.  Xous  entre- 
prendrons d'autant  moins  de  trancher 
la  question,  qu'ici  la  fable  se  mêle  à 
l'histoire  :  .Jean  d'Outremeuse,  par  exem- 
ple, affirme  sérieusement  qu'Euchaire 
était,  du  côté  de  sa  mère,  petit-fils  d'un 
comte  de  Namur!  On  lui  attribue,  avec 
plus  de  vraisemblance,  une  origine  ro- 
maine. En  tous  cas,  ce  qu'on  sait  de  ce 
personnage  se  réduit  à  fort  peu  de  chose. 
Le  fait  de  sa  canonisation  détermine  les 
hagiographes  à  glorifier  ses  vertus  :  rien 
de  plus  logique,  mais  rien  de  plus  banal 
que  cette  induction.  Fisen  ajoute  que 
l'église  de  Tongres,  sous  Euchaire,  fut 
exempte  de  troubles  et  ne  connut  pas 
les  scandales  qui  commençaient  à  dé- 
soler les  pays  voisins  ;  aussi  le  souverain 
temporel  s'abstint-il  de  s'immiscer  dans 
ses  aff"aires.  Euchaire  eut  pour  succes- 
seur son  frère  germain  Falcon,  qui 
mourut  en  529  (en  512  selon  les  Bol- 
landistes),  fut  également  béatifié  et 
inhumé,  comme  son  prédécesseur,  en 
l'église  Saint-Servais  (?)  de  Maestricht. 

Alphonse  Le  Roy. 
Les  chroniqueurs   liégeois  (Chapeauville'.  — 
Acta  Sanctorum,  "20  février,  t.  III,   p.  180.  — 
Placentius,  Caial.  anlistUum.  —  iisen,  etc. 

ECCUAiRE  II  (Saint),  XIXe  évêque 
de  Tongres,  succéda  en  530  à  Falcon 
(en  512  d'après  les  Bollandistes).  Eou- 
cher,  et  sur  ses  indications  Miraeus  et 
la  Gallia  christiana  soutiennent  qu'il 
occupa  le  siège  épiscopal  de532à538; 
Placentius  le  fait  vivre  jusqu'en  549. 
Ces  assertions  sont  évidemment  erro- 
nées, puisque  saint  Domitien  (voir  ce 
nom)  assista  en  535,  en  qualité  de  chef 
de  l'Eglise  tongroise,  au  concile  de 
Clermont  en  Auvergne.  On  possède  un 
éloge  d'Euchaire  II  par  Harigère  :  c'est 
un  document  insignifiant  que  Placentius 
résume  en  deux  mots  :  liominem  avitœ 
nobilitatis  ac  soUdœ  perjectionis.  Jean 
d'Outremeuse  dit  que  notre  prélat,  dé- 
cédé à  Maestricht  en  530,  y  fut.enterré 
à  Saint-Pierre,  dont  il  était  »  une  preis- 
tre  cauon  «.  Xous  marchons  à  tâtons, 
comme  on  voit,  en  plein  chaos. 

Alphonse  Le  Roy. 
Acla  Sanciorum,  "21  février,  t.  III,  p.  686. 


731 


EUGÈNE  DE  BRUGES 


732 


EUGÈ^VE  UE  BRUGE!<!),  célèbre  polé- 
miste de  la  fin  du  xviie  siècle  qui,  selon 
toute  probabilité,  vit  le  jour  à  Bruges. 
Il  appartenait  à  l'ordre  des  capucins  et 
habitait,  en  1679,  au  couvent  de  cet 
ordre  à  Louvain.  On  ne  possède  guère 
de  détails  sur  sa  jeunesse  ;  on  sait  seu- 
lement qu'arrivé  à  l'âge  mûr ,  il  fit 
beaucoup  parler  de  lui  par  l'exaltation 
de  ses  convictions,  et  par  la  manifesta- 
tion d'un  antagonisme  excessif  contre  la 
compagnie  de  Jésus.  Pour  comprendre 
aujourd'hui  l'ardeur  de  ces  controverses 
religieuses,  il  faut  se  rappeler  les  persé- 
cutions qu'eurent  à  subir  les  hommes 
éminents  de  l'école  de  Port-Royal.  Ar- 
nauld  et  Nicole  avaient  dû  prendre  le 
chemin  de  l'exil,  taudis  que  les  idées  de 
Jansenius  s'étaient  répandues  dans  toute 
la  chrétienté,  en  dépit  de  la  lutte  que 
soutenaient  contre  elles  les  jésuites. 
Ceux-ci  n'hésitèrent  même  pas  à  accuser 
de  jansénisme  le  pape  Innocent  XI,  et 
osèrent  ordonner  des  prières  publiques 
pour  sa  conversion.  D'autre  part  la  mo- 
rale des  jésuites  était  signalée  au  saint- 
siége  comme  mondaine,  relâchée  et  prête 
à  tous  les  accommodements.  Le  père 
Eugène  se  jeta  dans  la  mêlée  pro- 
voquée par  ces  dissensions  ;  il  y  fit  en- 
tendre sa  voix,  dans  un  sermon  prononcé 
à  Louvain,  en  comparant  Jansenius 
à  David  «  vainqueur  de  Goliath  ;  le  fier 
»  ennemi  de  la  grâce  victorieuse  avait 
Il  choisi  dans  les  livres  de  saint  Augus- 
«  tin,  comme  dans  un  ruisseau  d'eau 
K  pure,  cinq  pierres  très-nettes  pour 
«  frapper  et  renverser  le  nouveau  Go- 
«  liath  ».  Dans  ce  fougueux  sermon, 
il  s'éleva,  paraît-il,  à  une  éloquence 
si  entraînante,  que  ses  auditeurs,  en 
dépit  de  la  sainteté  du  lieu,  se  mirent  à 
l'applaudir  bruyamment. 

Le  père  Eugène  trouva  bientôt,  à 
Gand,  une  nouvelle  occasion  de  mani- 
fester ses  sentiments.  Un  jeune  homme, 
nommé  Joseph  Yande  Walle,  ayant  été 
accueilli,  en  1684,  dans  la  compagnie 
de  Jésus  contre  le  gré  de  sa  mère,  qui 
s'en  plaignit  au  père  Eugène,  celui-ci 
publia  un  Motif  de  droit  sous  le  titre  de 
Den  verleyden  en  toegli  gevoerden  Joseph. 
Il  y  soutenait  que  les  PP.  jésuites  avaient 


entièrement  défiguré  la  morale,  banni  la 
bonne  foi,  introduit  la  fraude  et  l'in- 
justice :  il  prétendit,  en  outre,  les  con- 
vaincre d'avoir  trahi  Philippe  IV,  et 
brouillé  Innocent  XI  avec  la  France  en 
suscitant  la  querelle  sur  les  Régales.  En 
un  mot,  il  ne  leur  épargna  ni  injures, 
ni  insultes,  ni  accusations,  si  violentes 
qu'elles  fussent.  Ce  pamphlet  fit  encore 
plus  de  bruit  que  son  sermon  ;  il  exas- 
péra ses  ennemis,  et  le  Père  Eugène  ne 
tarda  guère  à  recueillir  les  fruits  amers 
de  ses  violences.  Ce  libelle,  secrètement 
imprimé ,  fut  enlevé  par  les  agents 
du  pouvoir  et  remis  entre  les  mains  de 
ceux  qui  devaient  en  juger.  L'auteur, 
loin  de  se  décourager,  publia  aussitôt 
un  petit  travail,  pour  rendre  compte  de 
l'ouvrage  saisi,  ofirant  de  le  défendre  et 
de  le  justifier  en  justice.  A  la  suite  de 
ce  nouveau  trait  d'audace,  il  fut  sus- 
pendu des  fonctions  sacerdotales,  confiné 
au  couvent  de  Maeseyck  et  invité  à  ré- 
tracter ses  écrits  ;  il  fit  comprendre  qu'il 
n'y  était  nullement  disposé. 

'Le  18  juillet  1686,  la  famille  Yande 
Walle,  qui  avait  fait  presque  tous  les 
frais  de  l'édition  du  Motif  de  droit,  se 
vit  condamnée  à  payer  quinze  cents 
livres  d'amende,  l'imprimeur  fut  banni 
pendant  trois  ans  des  Pays-Bas  espagnols 
et  l'ouvrage  supprimé.  Il  s'en  fallut 
de  peu  même  qu'il  ne  fût  livré  aux 
flammes  par  la  main  du  bourreau. 

Les  écrits  du  P.  Eugène  furent  envoyés 
à  Rome,  dénoncés  au  saint-office  et  sou- 
mis à  l'examen  du  P.  Michel  van  Hecke, 
augustin  flamand.  L'accusé  lui  écrivit 
trois  lettres  de  justification  ;  mais  on  lui 
fit  sentir  que  le  jansénisme  répandu  dans 
ses  ouvrages  empêchait  de  l'absoudre. 

Le  P.  Arsène  de  Fontibus  étant  arrivé 
dans  les  Pays-Bas,  comme  visiteur  apo- 
stolique et  commissaire  général  des  ca- 
pucins, ordonna  d'enfermer  étroitement 
le  P.  Eugène  (3  juillet  1 6 S 7),  mesure  qui , 
loin  d'abattre  notre  moine,  ne  fit  que 
l'exalter  davantage.  Il  trouva  le  moyen 
de  s'échapper  de  sa  prison,  se  mit  eu 
lieu  sûr  dans  la  ville  de  Maeseyck,  sans 
toutefois  abandonner  l'habit  religieux,  et 
écrivit  deux  lettres  à  son  provincial  et 
une  troisième  au  père  Arsène.  On  com- 


733 


EUGÈNE  DE  BRUGES  —  ELPEN 


734 


prit  alors  qu'il  fallait  ruser  avec  lui  :  le 
père  Arsène  l'exhorta  avec  beaucoup  de 
douceur  à  rentrer  dans  son  devoir;  il  s'y 
détermina,  fut  bientôt  relégué  dans  la 
clôture  du  couvent  de  Hasselt  et  eut  à 
y  subir  des  corrections  disciplinaires  les 
plus  blessantes.  Vainement  persista-t-il 
à  vouloir  se  justifier,  on  l'enferma  plus 
étroitement,  et  resta  si  bien  surveillé  que 
sa  fuite  devint  impossible.  Il  en  appela 
cependant  encore  au  pape  dans  un  ou- 
vrage plein  de  violence,  resté  inédit,  et 
qui  portait  pour  titre  :  MoUnomacliia 
inter  capucinos provmciœ  Tlandro-Belgicœ 
per  jesuitas  et  jesuiticos  excitatn.  Ce  fut, 
en  effet,  comme  le  libelle  l'indique,  le 
dernier  cri  d'indigiiation  poussé  par  le 
père  Eugène.  Après  cela  on  n'entendit 
plus  parler  de  lui  :  il  disparut,  quoique 
vivant  encore,  et  l'on  ignore  absolument 
l'année  de  sa  mort  et  le  lieu  où  il  ex- 
pira. Aug.  Vander  Meerscli. 

Paquot,  Mémoires  littéraires,  t.  XVIII,  p.  116. 
—  Biographie  de  la  Flandre  occidentale,  t.  III, 
p.  ili. 

EUPEiî  {Plerre-Jean-Sbnon  vax),  né 
à  Anvers  le  12  novembre  1744,  com- 
mença ses  études  au  collège  de  sa  ville 
natale  et  les  compléta  à  l'université  de 
Louvain.  Il  y  prit  le  grade  de  licencié 
en  théologie,  embrassa  l'état  ecclésias- 
tique et  fut  successivement  professeur 
au  séminaire  épiscopal  d'Anvers  et  curé 
du  village  de  Cumptich;  il  devint  en 
1775  chanoine  gradué  de  l'église  de 
Notre-Dame  (d'Anvers),  puis  doyen  ru- 
ral du  district,  censeur  ecclésiastique  de 
la  librairie  et  enfin,  en  1776,  grand 
pénitencier.  Il  fat  un  des  membres  du 
clergé  qui  se  prononcèrent  avec  le  plus 
d'énergie  contre  les  innovations  de  Jo- 
seph II  et  qui  prirent  la  part  la  plus 
active  au  soulèvement  des  Belges  contre 
la  domination  autrichienne.  ^Membre  du 
Comité  'patriotique  de  Bréda,  il  exerçait 
sur  ses  collègues  un  empire  que  ceux-ci 
subissaient  sans  murmure;  il  était  le 
conseiller ,  l'inspirateur  d'Henri  Van 
der  Noot.  Ce  tribun  vulgaire  et  incapa- 
ble s'étant  fait  nommer,  par  les  doyens 
des  métiers  de  Bruxelles,  agent  plénipo- 
tentiaire du  peuple  brabançon  y  Van  Eupen, 
sous  prétexte  qu'il   aidait    son   ami   à 

BIOGR.  NAT.  —  T.  VI. 


rédiger  les  dépêches  diplomatiques,  prit 
\q  iiivQ  (\.e  secrétaire  des  Etats-Unis.  Il 
fit  rejeter  les  propositions  d'accommode- 
ment transmises  au  comité  de  Bréda  par 
le  gouvernement  impérial,  et,  après  la 
délivrance  de  Gand,  il  fut  le  promoteur 
de  l'union  du  Brabant  et  de  la  Flandre. 
L'acte,  signé  le  30  novembre  1789,  sti- 
pulait l'engagement,  pris  de  part  et 
d'autre,  de  n'entrer  jamais  que  de  com- 
mun accord  dans  des  pourparlers  avec 
le  ci-devant  souverain.  Les  Impériaux 
ayant  évacué  Bruxelles,  les  membres  du 
comité  de  Bréda  firent,  le  18  décembre, 
une  entrée  triomphale  dans  la  capitale 
du  pays  ;  Van  Eupen  était  avec  A"an  der 
Noot  en  tête  du  cortège  dans  un  phaéton 
ouvert. 

Les  mandataires  de  toutes  les  pro- 
vinces, à  l'exception  du  Luxembourg, 
conclurent,  le  1 1  janvier  1790,  le  cé- 
lèbre acte  d'union  par  lequel  elles 
se  confédéraient  sous  la  dénomination 
d'Etats  belgiques  îinis.  Van  Eupen  fut 
alors  confirmé  dans  les  hautes  fonctions 
qu'il  s'était  déjà  attribuées  au  comité  de 
Bréda;  secrétaire  d'Etat  de  la  nouvelle 
république,  il  exerça  la  plus  grande 
influence  sur  les  destinées  de  celle-ci.  Il 
avait  la  direction  des  affaires  extérieures 
et  puisait  sans  contrôle,  pour  cet  objet, 
dans  les  coffres  de  l'Union;  il  eut  à  sa 
disposition, comme  fonds  secrets,  jusqu'à 
800,000  florins  à  la  fois.  A  l'intérieur, 
il  se  montra  im  des  plus  implacables 
adversaires  des  pi'ogressistes  ou  vonc- 
kistes;  non -seulement  il  prétendait 
maintenir  l'ancienne  organisation  poli- 
tique du  pays,  mais,  selon  les.  expres- 
sions de  l'époque,  il  aurait  voulu  faire 
rétrograder  la  Belgique  de  deux  siècles. 
Quoique  intelligent  et  habile.  Van  Eu- 
pen fut  longtemps  dupe  des  promesses 
équivoques  du  cabinet  de  Berlin  et  de  la 
cour  stathoudérienne.  D'autre  part,  il 
repoussait  l'appui  de  la  France;  il  reje- 
tait avec  dédain  les  propositions  alors 
très-modérées  que  faisait  au  gouverne- 
ment de  Bruxelles  le  ministère  français 
sous  l'influence  de  La  Fayette.  Il  avait 
horreur  d'une  assemblée  nationale  comme 
celle  de  France;  il  s'efforçait  de  main- 
tenir l'oligarchie  qui  s'était  emparée  du 

-24 


755 


EUPEN 


736 


pouvoir  après  la  déchéance  de  Joseph  II, 
et  ne  voulait  pas  «  d'une  représentation 
«  libre  et  élective  choisie  dans  les  trois 
«  ordres,  au  gré  de  la  nation.  «  — 
n  Gardez-vous  de  parler  de  ces  proposi- 
II  tions  au  public  » ,  dit-il  à  celui  qui  en 
était  porteur,  «  si  vous  ne  voulez  pas 
«   recevoir  des  coups  de  bâton.  « 

Yan  Eupen  finit  pourtant  par  résister 
aux  exagérés  qui,  après  avoir  vaincu  les 
progressistes,  voulaient  les  mettre  hors 
la  loi;  il  comprit  que  la  désunion,  si  elle 
se  prolongeait,  perdrait  la  république. 
Le  31  mai,  il  eut  à  Douai  une  entrevue 
avec  quelques-uns  des  principaux  vonc- 
kistes.  Il  confessa  que  «  le  navire  ne 
Il  pouvait  voguer  de  la  façon  dont  il 
Il  était  conduit  "  ;  il  reconnut  enfin  que 
l'appui  de  la  Prusse  était  plus  que  dou- 
teux et  qu'il  fallait  se  tourner  vers  la 
France.  En  même  temps  il  émit  l'avis 
qu'il  fallait  faire  cesser  les  dissensions 
civiles,  relâcher  les  citoyens  détenus 
pour  leurs  opinions  vonckistes,  rappeler 
ceux  qui  étaient  fugitifs,  s'efl^orcer  de 
concilier  les  deux  systèmes,  rétablir  enfin 
l'union  qui  avait  présidé  au  soulève- 
ment de  1789.  Il  s'engagea  à  faire 
approuver  ces  préliminaires  par  le  con- 
grès. Mais  il  ne  put  tenir  sa  parole;  il 
ne  put  dominer  les  fureurs  du  parti 
réactionnaire,  qui  confondait  dans  la 
même  haine  la  France  et  les  adhérents 
de  Vonck.  De  nouvelles  persécutions 
furent  dirigées  contre  les  démocrates,  et 
ceux-ci  finirent  par  désirer  le  retour  de 
la  domination  autrichienne.  Quelques  se- 
maines après,  la  Prusse  et  les  Provinces- 
Unies  abandonnaient  formellement  les 
insurgés  belges  et  se  joignaient  à  l'An- 
gleterre pour  garantir  au  successeur  de 
Joseph  II,  par  la  convention  de  Eei- 
chenbach,  la  restauration  de  son  auto- 
rité dans  les  Pays-Bas. 

Yan  Eupen  se  rendit  à  La  Haye,  afin 
de  tenter  auprès  du  grand  pensionnaire 
de  Hollande  (M.  Yan  de  Spiegel)  un 
dernier  eft'ort  ayant  pour  but  de  faire 
déclarer  l'indépendance  de  la  Belgique 
par  les  puissances  médiatrices.  L'entre- 
vue eut  lieu  le  11  août.  M.  Yan  de 
Spiegel  tâcha  de  faire  comprendre  au 
conseiller  de  Yan   der   Xoot    que    les 


changements  survenus  dans  la  situation 
de  l'Europe  depuis  la  mort  de  Joseph  II 
nécessitaient  le  retour  des  Pays-Bas  à  la 
maison  d'Autriche  ;  que,  s'il  eût  éclaté 
une  guerre  générale,  ou  même  une 
rupture  entre  PAutriche  et  la  Prusse  (ce 
qui  serait  probablement  arrivé  si  Joseph 
avait  vécu  plus  longtemps),  une  des 
suites  d'un  pareil  événement  aurait  pu 
être  la  reconnaissance  de  l'indépendance 
de  la  Belgique  ;  mais  qu'à  présent  que 
les  basés  de  la  paix  étaient  posées,  il  ne 
restait  plus  rien  de  possible  qu'une 
soumission,  et,  pour  commencer,  une 
prompte  entrée  en  négociation  avec  les 
ministres  des  puissances  alliées  qui 
prendraient  le  plus  grand  soin  de  la 
"  sûreté  publique  et  particulière  «  des 
Pays-Bas.  —  Il  ne  faut  pas  croire  à  une 
soumission,  répondit  Yan  Eupen,  et  nous 
préférons  attendre  les  événements  ;  les 
Belges  ne  craignent  rien;  leur  armée 
s'élèvera  bientôt  à  quarante  mille  hom- 
mes, qui  empêcheront  bien  les  Autri- 
chiens de  passer  la  Meuse  ;  nous  sommes 
résolus  de  nous  défendre  jusqu'au  der- 
nier soupir.  —  Le  grand  pensionnaire 
proposa  de  commencer  une  négocia- 
tion ;  mais  Yan  Eupen  soutenait  qu'il 
fallait  reconnaître  préalablement  l'indé- 
pendance des  Belges.  Malgré  toutes  les 
objections  de  son  interlocuteur,  il  per- 
sista à  dire  qu'il  fallait  commencer  et 
finir  par  la  reconnaissance  de  l'indépen- 
dance de  la  Belgique,  et  que,  si  les 
négociations  étaient  superflues  dans  ce 
cas,  elles  l'étaient  bien  plus  dans  le  cas 
contraire.  En  résumé,  on  ne  put  s'en- 
tendre. 

Trois  mois  s'écoulèrent  encore  dans 
de  stériles  tentatives  pour  prolonger  la 
résistance.  Le  13  novembre,  à  l'ouver- 
ture d'une  assemblée  extraordinaire  des 
représentants  du  pays,  Yan  Eupen  prit 
le  premier  la  parole  et  rappela  avec 
force  les  devoirs  de  tous  envers  la  reli- 
gion et  la  liberté  menacées;  il  proposa 
ensuite  de  jurer  sur  le  crucifix  de  ne 
])oint  accepter  les  offres  de  l'Autriche. 
Cette  proposition,  qu'inspiraient  l'im- 
puissance et  le  désespoir,  fut  accueillie 
froidement  par  la  majorité.  Quelques 
jours  après,  les  troupes  impériales,  sous 


737 


EUPEN  —  EUSTACHE  DE  LENS 


738 


le  commandement  du  maréchal  Bender, 
s'avancèrent  du  Luxembourg  vers  IS'a- 
mur  et,  le  30  novembre,  Bruxelles  était 
sommé  de  se  rendre.  Déjà  le  maréchal 
Bender  avait  son  quartier  général  à 
l'abbaye  de  la  Cambre  lorsque  le  con- 
grès souverain  prononça  sa  dissolution; 
de  leur  côté.  Van  der  Xoot,  Yan  Eupen 
et  les  autres  chefs  du  parti  oligarchique 
s'étaient  empressés  de  quitter  la  ville 
menacée  et  cherchaient  un  asile  dans  les 
Provinces-Unies.  En  1794,  lors  de  la 
seconde  invasion  française,  Yan  Eupen 
crut  pouvoir  rentrer  dans  son  pays.  Il 
y  revint  effectivement,  mais  les  conven- 
tionnels, maîtres  des  anciens  Pays-Bas 
autrichiens,  le  firent  bientôt  arrêter 
comme  otage,  et  il  fut  successivement 
détenu  à  Lille,  à  Paris  et  à  Bicêtre.  En 
1795,  remis  en  liberté,  il  se  retira  de 
nouveau  en  Hollande  et  s'établit  à 
Zuutphaas  (près  d'Utrecht),  où  il  mou- 
rut le  14  mai  1804. 

Th.  Juste. 
Ei;ST.%C'lIE       CE      FRAlîC'UOM.ME. 

Becdelièvre  et  les  biographes  qui  l'ont 
copié  se  sont  trompés,  en  prenant  ce 
titre  ou  ce  surnom  pour  un  nom  de 
famille.  Ils  appellent  Eustache  de  Fran- 
chomme  le  personnage  qui  fait  l'objet 
de  cette  notice  :  c'est  Eustache  le  Franc- 
homme  de  HoGNOUL ,  HoLGNOUL  ou 
HoLLENGNOUL  qu'il  faut  lire.  Eustache 
le  Yieux,son  grand-père  maternel,  avait 
eu  pour  marraine  la  dame  de  Haneâ^e, 
dite  la  Franche-Dame  ;  de  là  lui  vint  la 
qualification  de  Franchomme.  Nous  ne 
trouvons  nulle  part  le  nom  du  père  de 
notre  Eustache;  les  chroniqueurs  rap- 
portent seulement  qu'il  prit  les  armoi- 
ries de  sa  mère,  mariée  au  village  de  Ho- 
gnoul  (1).  C'était  un  vaillant  chevalier, 
l'un  des  chefs  du  parti  des  Awans  dans 
la  fameuse  guerre  privée  qui  ensanglanta 
la  Hesbaye  pendant  trente-huit  ans,  de 
1297  à  1335.  Il  ne  se  distingua  pas 
seulement  par  ses  exploits  parmi  les 
champions  de  cette  lutte  presque  épique. 
De  son  mariage  avec  la  fille  de  Jacques 
de  Coir  (voir  Blankenheim),  naquirent 
quinze  enfants  des  deux  sexes;  ses  fils 

M)  Vairé  d'argent  et  d'azur,  k  un  lambel  k  cinq 
pendants  d'or. 


vécurent  comme  lui  l'epée  au  poing  et 
perpétuèrent  à  leur  tour  une  race  de 
preux  ;  le  plus  en  renom  fut  Humbert 
Corbeau,  que  l'on  doit  se  garder  de  con- 
fondre avec  le  seigneur  d'Awans  qui 
alluma  la  guerre.  Eustache  ne  vit  pas  la 
fin  des  hostilités.  Au  commencement  du 
règne  d'Adolphe  de  la  Marck,  la  dame 
de  Warfusée  intenta  contre  lui  une 
grave  accusation  :  il  l'avait  arrêtée  sur 
le  grand  chemin,  dépouillée  de  ses 
joyaux  (jocalia)  par  violence,  débarrassée 
même  des  chevaux  de  son  carrosse. 
Mandé  devant  l'évêque,  le  prévenu  avoua 
le  fait,  mais  prétendit  qu'il  avait  tout 
simplement  usé  du  droit  de  représailles  : 
tout  récemment,  au  combat  de  Wa- 
remme,  le  mari  de  la  plaignante  lui  avait 
volé  ses  harnais  et  ses  chevaux.  Le  prélat, 
tout  dévoué  aux  Waroux,  ne  fit  guère 
attention  à  la  défense  d'Eustache  et  le 
livra  au  sire  de  Hermalle,  son  plus  cruel 
ennemi.  Celui-ci  s'empressa  de  le  faire 
décapiter  à  Moha  (1315).  Les  Awans 
furent  exaspérés  :  soutenus  par  les  Petits 
de  Liège,  ils  firent  irruption  dans  la 
cité  et  reprochèrent  hautement  au  prince 
l'arbitraire  de  sa  conduite.  Yainement 
Adolphe  leur  proposa  d'en  référer  à  des 
arbitres  ;  se  voyant  sérieusement  me- 
nacé, il  prit  le  parti  de  quitter  sa  capi- 
tale. La  guerre  recommença  plus  furieuse 
que  jamais;  enfin,  de  part  et  d'autre,  on 
consentit  à  ouvrir  des  négociations.  Telle 
fut  l'origine  ou  l'occasion  de  la  célèbre 
Faix  de  Fexhe  (18  septembre  1316), 
regardée  par  les  anciens  Liégeois  comme 
la  garantie  la  plus  sacrée  de  leurs  droits 

et  de  leurs  libertés.  Alphonse  I,e  Roy. 

Hoesem.  —  Heniricourt.  —  Becdelièvre.  —  Les 
historiens  de  Liège  (v.  notamment  F.  Henaux, 
t.  1,  p.  336  et  suiv.1. 

EUSTACHE  DE  tEXS,  écrivain  ecclé- 
siastique,  né  pendant  la  dernière  moitié 
du  xiie  siècle  et  décédé  en  1225,  entra 
dans  l'ordre  de  Prémontré,  à  l'abbaye 
de  Yicogue,  et,  plus  tard,  devint  succes- 
sivement abbé  de  Yal-C'hrétien  et  de 
Yalsery  dans  le  diocèse  de  Soissons.  Ses 
principaux  écrits,  restés  tous  manu- 
scrits, sont  :  lo  Cosmographia  Moysis, 
libri  III;  —  2°  Seminaritim  verbi  Dei, 
encyclopédie    théologique     classée    par 


, 


739 


EUSTAGHE  DE  LENS  —  EVE 


740 


ordre  alphabétique;  —  3o  Commentarins 
in  recjulam  S.  Aiigustini,  travail  dédié  à 
Gervais,  primat  de  Prémontré;  — 
4'J  Commentarins  in  Jiymnos  ab  ordine 
Prcemonstratensi  receptos;  —  5»  De  me- 
tris  liber  I;  —  6^  De  tropis  et  schemutibns 
liber  1;  —  7°  De  signification ibus  nonii- 
num  et  qualitatibns  rerum  ex  D.  Gi'ego- 
rio  ;  —  S'»  De  mysteriis  S.  Scriptnrœ 
liber  I.  Il  travaillait  à  un  traité  sur  le 
mystère  de  la  très  sainte  Trinité  lorsqiie 
la  mort  vint  le  surprendre  en  1223.  On 
lui  attribue  aussi  des  commentaires  sur 
la  Genèse,  l'Exode,  le  Deutéronome  et 
les  livres  des  Paralipomènes.  La  plupart 
de  ces  ouvrages  étaient  conservés  autre- 
fois à  l'abbaye  de  Yicogne. 

E.-H.-J.  Reuscns. 
Foppens,  Dibliotheca  belgica,  1,  p.  273. 

EVAix  [Louis- Aïignste-Frédêi'ic ,  ba- 
ron), homme  d'Etat  et  homme  de  guerre, 
né  à  Angers  (France),  le  IJ?  août  1775, 
naturalisé  belge  par  la  loi  du  13  mai 
1832  et  mort  à  Bruxelles,  le  25  mai 
1852.  Le  baron  Evain,  après  avoir 
suivi  les  cours  de  l'école  d'artillerie  de 
Châlous,  fut  nommé  sous-lieuteuant  le 
ItTJuin  1793;  il  était  parvenu  au  grade 
de  général  de  brigade  le  13  avril  1813  et 
avait  fait  les  campagnes  de  1793  à  1796, 
celles  de  1800  et  de  1801,  à  l'armée  du 
Rhin,  et  celle  de  1803,  en  Hanovre. 
Sous  la  restauration,  il  parvint  au  grade 
de  lieutenant  général  et  fut  pensionné 
en  1824.  Réadmis  dans  l'armée  française 
après  la  révolution  de  juillet  1830,  il 
fut  envoyé  en  Belgique  au  mois  d'août 
1831,  à  la  demande  du  roi  Léopold  1er 
et  admis  dans  l'armée  belge,  en  qualité 
de  lieutenant  général,  iuspecteur  géné- 
ral d'artillerie,  attaché  au  ministère  de 
la  guerre.  Le  21  mai  1832,  il  fut  nommé 
ministre  directeur  de  la  guerre,  ensuite 
ministre  de  la  guerre,  puis  démissionné, 
sur  sa  demande,  le  19  août  1836,  après 
avoir  occupé  ces  importantes  fonctions 
pendant  quatre  ans  et  trois  mois. 

Le  baron  Evain  était  un  administra- 
teur expérimenté.  II  avait  pris  part,  en 
France,  à  tous  les  travaux  d'organisation 
militaire  de  l'empire  et  de  la  restauration. 
Napoléon  Ifr  avait  dans  ses  talents  une 
grande  confiance;  aussi  le   chargea-t-il 


de  créer  une  nouvelle  armée  pour  la 
France,  après  les  désastres  de  la  retraite 
de  Russie.  L'entrée  du  baron  Evain  au 
ministère  de  la  guerre  de  Belgique  fut 
donc  accueillie  avec  satisfaction  ;  il  con- 
tinua l'œuvre  de  réorganisation  qu'avait 
énergiquement  entreprise  M.  Charles  de 
Brouckere,  après  les  désastres  du  mois 
d'août  1831  ;  il  compléta  les  cadres,  les 
épura,  améliora  les  détails  du  service  et 
parvint,  en  peu  de  temps,  à  porter 
l'effectif  de  l'armée  à  plus  de  cent  mille 
hommes.  C'est  sous  son  administration 
qix'ont  été  élaborées  les  lois  organiques 
de  l'armée,  notamment  les  lois  de  1836 
sur  la  position  des  officiers  et  sur  l'avan- 
cement ;  c'est  lui  aussi  qui  organisa  l'ar- 
tillerie et  créa  l'école  militaire,  qu'il 
dota  généreusement  de  sa  riche  biblio- 
thèque d'artilleur. 

Le  baron  Evain  fut  pensionné  le 
18  mars  1849  ;  il  reçut,  en  même  temps 
que  sa  retraite,  le  titre  de  ministre 
d'Etat.  Il  était  grand  officier  des  ordres 
de  Léopold   et  de  la  Légion  d'honneur. 

Génpral  baron  Guillaume. 

Archives  de  la  guerre.  —  Tlionissen,  La  Bel- 
gique sous  Léopold  /cr. 

EVE  (Alphonse  »'),  musicien,  instru- 
mentiste et  compositeur,  né  vers  le 
milieu  du  xviie  siècle,  aux  environs  de 
Courtrai.  Il  étudia  la  musique  dans  cette 
ville  et  embrassa  ensuite  la  carrière 
sacerdotale.  Le  chœur  de  l'église  Saint- 
Martin  à  Courtrai  fut  confié  à  sa  direc- 
tion. Il  y  resta  longtemps  attaché.  Mais 
la  place  de  maître  de  chapelle  de  l'église 
Notre-Dame  d'Anvers  étant  devenue 
vacante,  il  ambitionna  ce  poste  où  il 
pouvait  mieux  déployer  ses  talents  pour 
la  composition  musicale.  Un  concours 
fut  ouvert  :  d'Eve  obtint  la  palme  le 
5  novembre  1718.  L'année  suivante, 
il  fit  exécuter,  comme  don  de  joyeuse 
entrée,  une  messe  solennelle  composée 
dans  le  style  large  des  maîtres  de  l'épo- 
que; elle  était  à  neuf  voix  en  deux 
chœurs,  accompagnés  pour  toute  sym- 
phonie des  instruments  suivants  :  deux 
violons,  viole-alto,  viole-ténor,  basse  de 
viole,  violoncelle,  deux  hautbois,  basson 
et  basse  continue  pour  l'orgue.  D'Eve  la 
dédia    au  chapitre   de    l'église    Notre- 


741 


EVE  —  EVëRAERT 


74-2 


Dame  oii  on  la  trouve  en  manuscrit. 
En  1725  le  chapitre  lui  accorda  sa  re- 
traite :  il  avait  environ  soixante-quinze 
ans,  et  telle  était  sa  verve  et  son  dévoue- 
ment à  son  art  qu'il  semblait  vouloir 
mourir  sur  la  brèche.  Les  violences  de 
son  successeur,  Gruillaume  de  Fesch, 
firent  regretter  la  douceur  du  vieux 
maître  et  honorer  sa  mémoire.  Ses  œu- 
vres, restées  en  manuscrit  dans  les 
archives  musicales  de  l'église  Sainte- 
Walburge  à  Audenarde,  mériteraient 
d'être  publiées.  On  y  verrait  combien  il 
importe  de  comprendre  la  langue  sacrée 
à  ceux  qui  se  vouent  à  la  musique 
d'église.  D'Eve  se  distinguait  par  un 
style  tout  imprégné  de  la  majesté  du 
plain-chant  et  rempli  d'une  véritable 
onction  religieuse.  Voici  les  titres  de  ses 
compositions  :  le  trois  motets  en  solo 
avec  deux  violons,  basse  de  viole  et 
orgue.  —  2o  Motet  à  deux  voix  avec 
orgue.  —  3o  Un  motet  à  quatre  voix, 
avec  deux  violons,  viole  et  orgue.  — 
4»  Motet  à  cinq  voix  avec  deux  violons, 
viole-alto,  viole-ténor,  basse  de  viole  et 
orgue.  —  5o  Dies  irœ,  à  quatre  voix, 
sans  intruments.  —  6'^  Motet  pour  voix 
de  contralto,  avec  cinq  instruments. 

Feiil.  Loise. 
Fétis,  Biographie  des  musiciens. 

CVERAERT  (ComelLs),  poëte  drama- 
tique, né  à  Bruges  vers  1480,  mort 
dans  la  même  ville  le  14  novembre  155  6. 
Dans  le  manuscrit  qui  appartient  à  la 
bibliothèque  de  Bourgogne  (no  19036), 
il  s'iiititule  clerc  ou  secrétaire  des  y^r- 
cMers  de  Bruges.  Il  était  fils  de  Cor- 
nelis,  teinturier  et  foulon.  En  sa  qualité 
de  facteur  ou  poëte  attitré  des  D?'ie 
Sanctinnen  (les  trois  Saintes),  confrérie 
de  rhétorique  brugeoise,  Everaert  fut 
quelquefois  obligé  d'improviser  des 
pièces.  Il  avait  le  travail  facile,  le  style 
abondant,  sans  aller  toutefois  jusqu'à 
l'exubérance  des  rederijkei's.  Quelquefois 
il  se  permettait  des  plaisanteries  qui 
n'étaient  que  trop  dans  le  goût  de  l'épo- 
que ;  mais  c'était,  comme  il  disait,  pour 
mieux  faire  passer  le  sérieux  de  la  mo- 
rale. Dans  ses  Enbatementen  ou  farces, 
Everaert  avait  gardé  la  naïveté  et  l'esprit 
prime-sautier  des  Soternien   du   moyen 


âge.  En  revanche,  dans  ses  moralités 
ou  Speleu  van  Sitme,  il  était  moins  amu- 
sant, et  l'on  dirait  quelquefois  qu'il  veut 
propager  une  sorte  de  luthéranisme. 
Selon  l'usage  de  ses  confrères,  il  prenait 
pour  devise  l'anagramme  de  son  nom  : 
So  reine  verclaert  (c'est-à-dire  si  nette- 
ment expliqué).  Parfois  il  remplaçait  sa 
signature  par  ces  mots  significatifs  :  ic 
come  om  leeren  (je  viens  pour  l'instruc- 
tion). 

Dans  le  Proncl-zael  der  doorluclitif)e 
ende  ylieleerde  mannen,  de  îoelcke  zoo  tôt 
Briujijhe  als  in  het  landt  van  vryen  hebhen 
gebloei/t  {door  S.  P.  van  Maie)  on  trouve 
l'épitaphe  d'Everaert  dont  voici  le  pas- 
sage principal  : 

Elck  mensche  vioet  sterven  bij  natuerlicke  Zeden, 

Maer  t'  es  clagelick,  hi/  die  was  vitl  weienlheden 

Ctaer,  reijn,  Insiigh,  rheloricael  Minerviste, 

Als  vader  met  zijn  consten  es  oveiieden  ; 

Die  upgequeecki  heeft  menigli  aerdigli  artiste, 

Ithelorica  vtil  spetien  hij  zuvcr  ivisie, 

Vry,  vranck  van  twiste; 

In  morale  spelen  en  goede  floratien 

Den  inghesturien  gheest  liet  niet  gaen  te  quiste 

Maer  met  neersteghen  liste 

GliebruyckteJiy,  alst  pas  gaf,  in  recrealien. 

Ces  mauvais  vers  rhétoricaux  nous 
apprennent  qu'Everaert  eut  beaucoup 
d'amis,  forma  quelques  élèves,  et  s'atta- 
cha à  instruire  autant  qu'à  égayer.  Le 
plus  souvent  il  terminait  ses  pièces  les 
plus  libres  en  invoquant  le  Saint-Esprit 
qui  était  le  patron  des  Drie  Sanctinnen. 

Sa  plus  ancienne  composition  est  de 
1509  :  Maria  hoedeJcen,  une  sorte  de 
miracle  dramatique  en  l'honneur  de  la 
sainte  Vierge.  En  1511,  il  fit  son  pre- 
mier wacjlien-spel  ou  pièce  à  jouer  sur  un 
chariot.  L'année  suivante,  il  eut  le  pre- 
mier prix  des  Batementen  (esbatements) 
à  Nieuport.  En  même  temps  il  faisait 
jouer  un  tafehpeilken  (espèce  de  proverbe 
dialogué)  au  banquet  de  Saint-Sébastien 
des  archers  de  Bruges.  En  1525,  en 
l'honneur  de  la  bataille  de  Pavie,  il 
composa  une  moralité  :  Tspel  van  den 
hoof/Jien  wint  (François  1er).  Quelques 
mois  plus  tard,  il  fut  chargé  par  la  na- 
tion des  marchanils  aragonais  de  Bruges 
de  célébrer  la  victoire  de  Charles- Quint 
dans  une  pièce  allégorique.  En  1526,  iî 
fit  le  jeu  de  bienvenue,  Tspel  van  den 
willecome,  pour  le   chapitre   provincial 


743 


EVERAERT  —  EVERAERTS 


744 


des  Dominicains.  En  1537,  sous  le  titre 
Stout  en,  ombescaemt  (Hardi  et  effronté), 
Everaert  fit  jouer  par  sa  confrérie  une 
farce  devenue  célèbre  et  souvent  réim- 
primée. Il  n'eut  pas  moins  de  succès  par 
le  joli  dialogue  intitulé  De  Vissclier  (le 
Pécheur).  Mais  on  lui  défendit  de  repro- 
duire une  pièce  sur  la  guerre,  Tspel  van 
den  Crygh,  et  une  autre  sur  l'inégalité 
de  la  monnaie  (dongliélycke  munte),  parce 
que,  comme  dit  l'auteur,  la  vérité  y 
était  trop  franchement  exposée.  Les 
allégories  d'Everaert,  qui  nous  parais- 
sent aujourd'hui  languir,  avaient  alors  le 
piquant  des  allusions  transparentes.  Tel 
était  le  jeu  de  Tillegîiem,  à  propos  d'une 
foire  célèbre  des  environs  de  Bruges,  ■ — • 
ou  l'esbatement  de  Tnjhdatie  contre 
Anvers  et  sa  terrible  concurrence.  Au 
reste,  comme  on  le  voit  pour  la  pièce 
destinée  au  Scietspel  (grand  tir)  de  Ghis- 
telles,  et  pour  celle  qui  fut  jouée  à  Tpres 
par  une  gilde  de  Furnes,  les  allégories 
étaient  souvent  imposées  au  poëte  offi- 
ciel. Comme  il  travaillait  quelquefois 
sur  commande,  il  devait  se  conformer 
non  -  seulement  à  la  circonstance  (un 
jubilé,  une  paix,  etc.),  mais  au  goût  des 
ordonnateurs  de  la  fête.  Le  savant  Wil- 
lems,  qui  a  particulièrement  étudié  les 
farces  et  les  moralités  d'Everaert,  fait 
le  plus  grand  éloge  de  ce  digne  contem- 
porain de  Eoger  de  Collerye,  surnommé 
Roger  Bontemps.  On  trouve  au  sixième 
volume  du  Belgisch  muséum  une  liste  dé- 
taillée de  trente-cinq  pièces,  telle  qu'elle 
a  été  rédigée  par  le  dramatiste  brugeois 

lui-même.  J.  Stecher. 

De  Dietsche  Warande  (dSoo,  n»  Ij.  —  D^  Jan 
van  Vloten,  Het  Nederlandsch  Kluchtspel.  —  Bel- 
gisch Muséum,  Il  et  VI.  —  De  Eendragt,  48S9. — 
D""  De  Meyer,  Jaerboek  der  koninklyke  gilde  van 
Sint  Sebasiiaen  (p. iSl),  Bruges,  W'""  Deschryver- 
Van  Haecke,  -ISoÔ. 

EVERAERTS  (^?w5er^)  ou  EVERARDI, 

écrivain  ecclésiastique,  né  à  Arendonck 
vers  1543;  décédé  à  Louvain  le  23  juil- 
let 1604.  Le  nom  à'Everaerts,  c'est-à- 
dire  Jils  d'Evrard,  n'est  pas  celui  de 
la  famille  d'Embert,  mais  lui  a  été 
donné,  selon  l'usage  reçu  autrefois,  pour 
rappeler  le  nom  de  baptême  de  son  père. 
Embert  étudia  la  philosophie  à  l'univer- 
sité de   Louvain,   comme   élève    de   la 


pédagogie  du  Porc,  et  y  obtint,  en  1561, 
la  13e  place,  entre  153  concurrents,  à 
la  promotion  générale  de  la  faculté  des 
arts.  Dix  ans  plus  tard,  lorsqu'il  eut 
fait  son  cours  de  théologie,  il  fut  nommé 
président  du  collège  de  Savoie.  Après 
avoir  rempli  ces  fonctions  pendant  envi- 
ron une  année,  il  les  abandonna  pour 
devenir  curé  de  Saint-Jacques  à  Lou- 
vain. En  1588,  il  obtint  la  plébanie  du 
chapitre  de  Saint-Pierre  dans  la  même 
ville,  à  laquelle  était  attachée  une  chaire 
de  théologie  de  l'université. 

Embert  Everaerts  collabora  à  l'édi- 
tion des  œuvres  de  saint  Augustin,  pu- 
bliées à  Anvers,  chez  Plantin,  par  les 
soins  des  théologiens  de  Louvain  ;  il  fut 
chargé  de  la  révision  du  tome  lY. 

A  la  mort  de  Molanus,  Embert  Eve- 
raerts avait  succédé  à  celui-ci  dans  le 
personnat  de  l'église  de  Goyck  (Bra- 
dant). E.-H.  Reusens. 

Paquot,  Fasti  acadernici  manuscripti,  1,  p.  129, 
manuscrit  n»  17567  de  la  bibliothèque  royale  à 
Bruxelles.  —  Foppens,  Bibliotheca  Belqica,  I, 
p. -259. 

EVERAERTS  {Gilles),  médecin,  né, 
selon  Valère  André,  à  Berg-op-Zoom  (an- 
cien Brabant)  et  qui  (d'après  le  même  au- 
teur) exerça  la  médecine  avec  distinction 
à  Anvers  pendant  la  seconde  moitié  du 
xvie  siècle.  Cependant  d'après  Manget, 
[Bibliotheca  sa'iptorum  medicorum ,  p .  2  4 1  ) 
et  Everaerts  lui-même,  dit  de  Eeifïen- 
berg  {Biographie  universelle),  il  était  né  à 
Anvers.  Il  a  écrit  un  livre  sur  le  tabac, 
Commentarium  de  herba  panacea,  quam 
alii  Tabacum,  alii  Pefum,  aut  nicotianum 
vocant.  L'ouvrage  eut  trois  éditions  :  la 
première,  imprimée  à  Anvers  en  1583, 
en  16o;  la  seconde  également  à  Anvers 
en  1587  ;  la  troisième  à  TJtrecht  en  1644. 
Ce  traité  est  suivi  des  opuscules  sui- 
vants :  Compendiosa  narratio  de  usu  et 
praxis  radicis  mechoacance  ex  Hispania 
nova  Indice  occidentalis  nuper  allât  ce.  — 
De pestis  prcesertatione  libellus  ad  S.T.Q. 
Antverpie7isem,  1565.  —  Galeni  perga- 
meni  libellus  de  Theriaca  ad  JPisonetn, 
itUerprete  et  commentatore  Joanne  Juvene 
medico  iprensi.  —  Ejusdem  de  antidotis 
libri  II,  ab  Andréa  Lacuna  in  compen- 
dium  redacti.  —  Joannis  Juvenis  opuscu- 


745 


EVERAERTS  —  EVERARD 


746 


lur/k  de  medicamentis  bezoardicis,  quorum 
usus  a  peste  praservat.  —  De  consuUatio- 
tiibus  medicorum,  et  methodicœ  Febrium 
curiationis,  1583.  —  De  mechiaca  radice, 

looo.  P.-J.  van  Beneden. 

Delvenne,  Biographie  des  Pays-Bas.  —  Fop- 
pens,  Bibliotheca  belgica,  t.  I,  p.  29  et  343.  — 
Sweertius,  Athenœ  belgicœ,  p.  -106.  —  Biographie 
universelle,  publiée  par  Michaud,  t.  LXIIl.  — 
Biographie  générale,  publiée  par  Didot.  —  Eloy. 
Dictionnaire  historique  de  la  médecine. 

EVERAERTis  {Martin),  médecin  et 
mathématicien,  né  à  Bruges.  Il  vivait 
vers  la  fin  du  xvie  siècle  et  publia  à 
Anvers,  en  1582,  une  espèce  d'almanach 
sous  le  titre  :  JE^hemeridœ  vieteorologicœ 
anni  1583,  Antv.,  in-16.  La  suite  de 
cet  ouvrage  parut  à  Heidelbergeu  1600, 
in-4o  et  fut  continuée  jusqu'en  1615. 

Martin  Everaerts  a  traduit  de  l'alle- 
mand un  ouvrage  de  A.  T.  Paracelse, 
ayant  pour  titre  :  La  petite  chirurgie  et  le 
livre  de  l'hôpital.  Cette  traduction  en  fla- 
mand fut  imprimée  à  Anvers  en  1568, 
petit  in-8t>,  et  dans  la  préface  qu'il  y  écri- 
vit à  la  hâte  le  15  octobre  1567,  il  se 
montre  grand  admirateur  et  défenseur 
de  Paracelse.  Le  livre  de  l'hôpital,  Tgast- 
huys  boec  est  imprimé  comme  le  précé- 
dent à  Anvers  en  1567. 

Everaerts  traduisit  e^icore  un  livre  de 
Jaçob  Ruffen,  médecin  de  la  ville  de 
Ziirich,  sur  les  accouchements,  qu'il  fit 
imprimer  à  Amsterdam,  1668,  in-4-o  (1). 
Il  en  existe  trois  éditions  1591,  1604  et 
1668. 

Il  a  traduit  également  du  latin  1°  la 
Falitica  de  Justus  Lipsius,  pendant  qu'il 
habitait  Leyde  (1590).  —  2'^  La  des- 
cription du  royaume  de  Congo,  Congi 
regni  christiani  in  Africa  nova  descriptio, 
en  italien  par  Philippe  Pigafetta,  a  été 
faite  également  par  lui  à  Amsterdam  en 
1596,  in-4o,  non  d'après  le  texte  origi- 
nal, mais  d'après  le  Portugais  Odoard 
Lopez.  —  3o  Une  partie  de  Plutarque, 
Tleven  ende  vrome  daden  van  de  Doorluch- 
tige  Griecsche  ende  Romeynsche  inannen 
de  Darius  Tibertus,  traduction  du  latin 
en  flamand,  imprimée  à  Leyde  en  1601. 
Serrure  fait  remarquer,  à  propos  de  ce 
dernier  ouvrage,  qu'on  y  a  traduit  le  nom 

(i)  La  première  édition  de  Rufifen  est  imprimée 
à  Francfort  en  io8û. 


de  Oalli  (les  Gaulois)  par  de  Walen,  les 
Wallons. 

Ainsi  que  le  remarque  Serrure,  Eve- 
raerts vivait,  sans  doute,  encore  en  Hol- 
lande non-seulement  en  1596,  lorsqu'il 
fit  imprimer  sa  traduction  de  la  descrip- 
tion du  royaume  de  Congo,  mais  en  1601, 
quand  il  publia  une  nouvelle  édition  de 
Plutarque.  Il  y  a  lieu  de  supposer  que 
ces  diverses  traductions  furent  entre- 
prises probablement  pour  pourvoir  à  des 
moyens  d'existence  qu'il  ne  trouvait  que 
très-insuffisamment  par  l'exercice  de  la 

médecine.  p..j.  ,.an  Beneden. 

Biographie  de  la  Flandre  occidentale.  —  Del- 
venne, Biographie  des  Pays-Bas.  —  Serrure, 
Vaderlandsch  Muséum,  t.  II,  p.  458  ;  t.  III,  p.  130. 

—  Biographie  générale.  —  Foppens,  t.  II,  p.  854. 

—  Sweertius,  Athenœ  belgicœ,  p.  549.  —  Eloy, 
Dictionnaire  de  médecine.  —  De  Meyer,  Analec- 
tes  médicaux,  p.  87  et  271.  —  Piron,  Levensbe- 
schryving,  byvoegsel. 

ETERARD,  neveu  du  premier  duc 
bénéficiaire  de  Lotharingie,  Rainier  ou 
Renier  au  Long  Col,  est  le  plus  ancien 
avoué  connu  de  l'abbaye  de  Stavelot.  Son 
nom  doit  être  rayé  de  la  liste  des  chefs 
de  ce  célèbre  monastère,  où  il  figure  à 
titre  de  vingt-huitième  abbé  (10e  abbé 
commendataire);  on  ne  possède  du  moins 
aucun  diplôme  justifiant  cette  préten- 
tion. Renier,  à  la  poursuite  des  Nor- 
mands, avait  trouvé  bon,  en  898,  de 
déposséder  l'abbé  Richaire  et  de  le  rem- 
placer par  lui-même  ;  d'autre  part,  dans 
des  documents  antérieurs  à  son  décès, 
arrivé  en  913,  son  fils  Gislebert  est  déjà 
qualifié  de  «  glorieux  abbé  de  Stavelot  « . 
Il  n'y  a  point  place  ici  pour  Everard; 
rien  ne  porte  à  croire  que  ce  personnage 
ait  jamais  été  autre  chose  que  leur  auxi- 
liaire :  Everard  aura,  sans  doute,  été 
chargé,  dès  l'an  901,  de  la  défense  des 
intérêts  temporels  de  l'abbaye.  Il  mou- 
rut avant  924,  puisqu'un  acte  de  cette 
année  mentionne  un  certain  Burgeric 
comme  avoué  de  Stavelot. 

J.-S.  Renier. 

MS.  Villers.  —  Ernst.  —  Courtejoie.  —  A.  de 
Noile,  Eludes  hist.  sur  l'ancien  pays  de  Stavelot 
et  de  Malmedy.  Liège,  1848,  in-S». 

EVERARD  ou  EvRARD,  évêque  de 
Tournai,  florissait  pendant  la  dernière 
moitié  du  xiie  siècle,  et  mourut  dans  sa 
ville  épiscopale  le  28  septembre  1191. 


747 


KVKlWr.l) 


748 


11  eut  pour  père  Walter,  seigncui  i 
d'Avesnes,  et  pour  mère  Tde,  fille  du 
châtelain  de  Mortagne  et  Tournai. 
Avant  sa  promotion  à  l'évêché,  qui  eut 
lieu  à  Tournai  vers  la  fin  de  1173  ou 
au  commencement  de  l'année  suivante, 
il  était  archidiacre  de  Tournai  et  prévôt 
du  chapitre  de  Condé,  d'autres  disent 
de  Nivelles,  Il  fut  un  des  grands  bien- 
faiteurs du  chapitre  cathédral  de  Tour- 
nai. Il  légua  successivement  à  cette 
institution,  pour  la  table  des  chanoines 
(car,  à  cette  époque,  les  membres  des 
chapitres  vivaient  encore  en  commu- 
nauté), les  autels  ou  églises  de  Zwyn- 
drecht,  Berlaere  près  Termonde,  Her- 
seaux,  Luigne,  Huerne,  Waereghem, 
Ueerlyk  et  Moorslede.  Il  fonda  l'ab- 
baye Cistercienne  de  Ter  Poest ,  à 
Lisseweghe  près  Bruges,  consacra  la 
chapelle  de  Saint-Macaire,  à  Gand,  ap- 
prouva l'érection  du  béguinage  de 
Bruges,  et  rendit  la  dignité  de  chance- 
lier du  chapitre  inamovible  de  révocable 
qu'elle  était.  Ce  fut  sous  cet  évêque  que 
Philippe-Auguste,  roi  de  France,  vint  à 
Tournai,  et  usurpa  la  juridiction  sur 
les  habitants  de  la  ville,  soumis  aupara- 
vant à  l'autorité  épiscopale. 

E,-H.-J.  Reusfns. 

Le  Groux,  Stimma  statutornm  synodalium, 
p.  LXXXII.  —  Le  Maislre  d'Anstaing.  Recherches 
sur  l'église  cathédrale  de  Tournai,  11,  p.  48.  — 
Atialcctes  pour  servir  à  l'histoire  ecclésiastique  de 
la  Belgique,  lY,  p.  :265--27o. 

EVERARD    ou    EBERARD   DE  BÉ- 

TUi'.XE,  grammairien  et  conlroversiste 
du  xiiie  siècle.  Le  lieu  de  naissance  de 
cet  écrivain  n'est  pas  douteux,  car  lui- 
même  se  qualifie,  au  commencement  de 
son  traité  intitulé  Anti-Hœresls,  de 
Ebrardus,  natione  Mander,  Bethuniœ 
oriundus  (Ebrard,  Flamand  de  nation, 
originaire  de  Béthune),  et,  à  ce  propos, 
il  n'est  pas  inutile  de  remarquer  que 
Béthune  resta  à  la  Flandre,  tandis  que 
l'Artois  était  annexé  à  la  monarchie 
française  par  Philippe- Auguste.  Les  ex- 
pressions dont  Everard  se  sert  semblent 
une  protestation  afl5.rmant  sa  nationalité. 
On  n'est  pas  d'accord  sur  le  sens  véri- 
table de  ce  distique  que  rapporte  un 
écrivain  du  xvf  siècle,  Arnoul  de  Rot- 


terdam, dans  un   ouvrage  resté  manu- 
scrit et  intitulé  :   Vaticanurn. 

Anno  milleno  centeno  bis  duodeno 
Condidit  Ebrardus  Grœcisntum  Belhuniensis. 

La  Monnoye  et  Paquot  s'en  servent 
pour  fixer  en  l'année  1124  la  rédaction 
de  l'ouvrage  intitulé  Gi'œcismus  ;  d'au- 
tres, et  en  particulier  Du  Cange,  Oudin, 
Paunou,  traduisent  millenus  ceutenus  bis 
dnodenns  par  1214  et,  il  faut  le  dire, 
apportent  à  l'appui  de  leur  opinion  des 
preuves  de  nature  à  convaincre,  et  dont 
nous  aurons  occasion  de  parler.  La  vie 
d'Everard  de  Béthune  nous  reste  com- 
plètement inconnue  ;  seulement,  on  peut 
supposer,  avec  Paquot,  qu'il  appartint 
au  clergé  séculier;  s'il  avait  été  reli- 
gieux, ses  confrères  auraient  certaine- 
ment revendiqué  son  nom  comme  l'une 
des  gloires  de  leur  ordre.  On  ne  le 
connaît  que  par  ses  deux  principaux 
ouvrages  :  le  Grœcismus  et  VAnti-Ha- 
resis. 

Le  premier,  intitulé  Grœcismns,  de 
Fiffuris,  et  octo  partibus  orationis;  seii 
Grammaticfie  regulte,  versibus  latinis  ex' 
plicat(S,  est,  ainsi  que  ce  titre  l'indique, 
une  sorte  de  grammaire  versifiée.  Comme 
on  l'a  dit  ailleurs,  «  on  pourrait  croire 
»  qu'il  s'agit  d'une  grammaire  grecque; 
»  ce  n'est  réellement  qu'un  traité  de  la 
«  langiie  latine,  mais  de  cette  langue 
"  considérée  quelquefois  dans  ses  rap- 
«  ports  avec  celle  dont  elle  a  emprunté 
»  plusieurs  éléments  et  plusieurs  for- 
«  mes.  "  Le  Grécisme,  qui  se  com- 
pose seulement  de  2,200  vers,  a  été 
refondu  par  Conrad  de  Mûri,  chantre 
de  l'église  de  Lyon,  mort  le  30  mars 
1281,  dont  l'œuvre,  intitulée  Novus 
Ch'œcismus,  ne  comporte  pas  moins  de 
10,5  60  vers.  Le  premier  de  ces  deux 
écrits  est  d'ordinaire  accompagné  d'une 
Expositio  ou  commentaire  fort  obscur, 
écrit  par  un  professeur  qui  enseignait  à 
Poitiers,  Jean-Vincent  Metulin  ;  c'est 
avec  ce  commentaire  que  le  livre  d'Eve- 
rard fut  imprimé  en  1483  et  1490  à 
Lyon,  et  vers  le  même  temps,  dans  d'au- 
tres villes  françaises.  A  cette  époque  et 
au  commencement  du  xvie  siècle,  le 
Grofcismus  était  fort  en  usage  dans  les 
écoles,  au  delà  comme  en  deçà  duEhiu; 


749 


EVERARl) 


750 


mais  les  travaux  philologiques  de  l'épo- 
que de  la  renaissauee  le  tirent  alors 
tomber  dans  un  oubli  mérité.  Erasme 
avait  puisé  à  cette  source  ses  premières 
notions  de  grammaire,  et  il  n'était  pas 
ïestè  inconnu  à  Rabelais,  qui  parle 
quelque  part  d'Hébrard-Grécisme. 

Du  temps  d'Everard,  le  catholicisme 
avait  à  combatre  des  doctrines  hétéro- 
doxes qui  gagnaient  du  terrain  tous  les 
jours.  Les  Albigeois,  dans  le  Languedoc, 
les  Sladingues,  au  nord  de  l'Allemagne, 
entraient  en  lutte  ouverte  avec  l'Eglise, 
et  dans  la  plupart  des  villes  des  Pays- 
Bas,  des  hérésies  diverses  comptaient  de 
nombreux  sectateiirs.  1j  Anti-Hœresis 
d'Everard  fut  l'une  des  œuvres  litté- 
raires par  lesquelles  on  essaya  de  com- 
battre ces  défections.  L'œuvre  est  diri- 
gée en  vingt-huit  chapitres,  dont  les 
vingt-quatre  premiers  sont  dirigés  contre 
les  Pyhles,  dont  il  combat  les  principes 
et  les  tendances  ;  le  vingt-cinquième  est 
dirigé  contre  les  XabatJiates  om.^ ^^xàoi?, , 
qu'il  accuse  en  particulier  d'hypocrisie 
et  d'orgueil  et  qui  menaient  une  vie  à  la 
fois  austère  et  oisive,  c'est-à-dire  une 
existence  contemplative,  dont  le  vide 
n'était  pas  racheté  par  des  privations 
sans  but.  Au  vingt-sixième  chapitre, 
Everard  donne  une  sorte  d'énumération 
des  différentes  catégories  d'hérétiques  ; 
au  vingt-septième,  il  argumente  contre 
les  juifs;  eniin,  dans  le  dernier,  il 
essaye,  sans  beaucoup  de  succès,  de  ré- 
soudre 86  difficultés  théologiques.  En 
1614,  le  travail  de  notre  auteur  fut  pu- 
blié, avec  deux  autres  écrits  du  même 
genre,  parGretser,  à  Ingolstadt  en  Ba- 
vière, d'après  un  manuscrit  dont  Jacques 
de  Pamele  avait  fait  don  aux  dominicains 
de  Bruges;  et  que  Héribert  llosweyde 
envoya  à  Gretser.  Le  volume  (in-4o)  de 
celui-ci  est  intitulé  -  Trias  scriptonon 
adversus  Waldensium  sec  tant;  Ebr  ardus 
Bithuniensiis ,  Bernardus  abbas  Fontls 
calidi,  M-menffardus.  Il  a  été  réimprimé 
depuis  dans  la  collection  des  œuvres  de 
Gretser  et  dans  la  Bibliotheca  patrum 
(voir  notamment  l'édition  de  Lyon, 
t.  XXIV,  p.  1525-1584). 

On  a  voulu  mettre  en  doute  l'identité 
des  auteurs  des  deux  ouvrages  dont  nous 


venons  de  parler.  Mais  on  a  constaté 
que,  dans  V Anti-Baresis  il  est  plus 
d'une  fois  fait  mention  des  poètes  de 
l'antiquité,  tels  que  Virgile,  Horace, 
Ovide,  Perse,  Claudien;  on  y  cite  aussi 
la  Bible  et  les  vers  sibyllins  et,  parmi  les 
auteurs  ecclésiastiques,  Raban  Maur; 
par  ses  goûts  littéraires,  le  théologien 
se  rapproche  donc  du  grammairien  ver- 
sificateur. Disons  ici  que  tout  contribue 
à  placer  l'existence  de  notre  auteur  dans 
la  seconde  moitié  du  xiie  siècle  et  la 
première  du  xiiie  siècle.  La  mention 
qu'il  fait  de  Gilbert  de  la  Porée,  célèbre 
théologien  qui  florissait  vers  l'an  1150, 
ne  permet  pas  de  supposer  qu'il  serait 
mort  à  une  époque  plus  reculée;  deux 
de  ses  vers. 

Qui  simt  qui  piujnant  audaciter,  Andegavensn; 
Qui  sunt  fjui  parcent  supenitis,  Andegavenses, 

témoignent  que  sa  jeunesse  a  été  frappée 
des  exploits  et  de  la  générosité  des 
princes  de  la  maison  d'Anjou.  Or,  cette 
dernière  atteignit  l'apogée  de  sa  fortune 
vers  l'an  1150,  lorsqu'une  alliance  ma- 
trimoniale donna  l'Angleterre  et  la  Nor- 
mandie à  la  race  des  Plantagenets. 

On  attribue  encore  à  Everard  un 
poëme  en  3,000  vers,  intitulé  Laborin- 
tJms  (le  Labyrinthe),  essai  moitié  poé- 
tique, moitié  grammatical,  dont  il  exis- 
tait trois  manuscrits  à  la  bibliothèque 
d'Helmstaedt;  il  y  est  question  du  Grce- 
cisme  et  on  y  parle  d'Alexandre  de  Ville- 
dieu  et  de  Gautier  de  Vinisauf,  qui 
vivaient  vers  l'an  1200.  Vers  la  fin  du 
poëme  on  trouve  ces  vers  : 

Leclor  condoleas,  Eberardi  carminis  ullam 
Si  carient  videas.... 

Enfin,  on  attribue  encore  à  notre  au- 
teur :  EplstolcB,  secundum  artem  dictatœ, 
recueil  qui  se  trouvait  à  l'abbaye  des 
Dunes,  dit  Sanderus  {Bibliotheca  Bel- 
i/ica ,  t.  I,  p.  119),  identique  sans 
doute  aux  Epîtres  manuscrites  dont 
parle  Montfauçon  ;  —  Proverbia  Senecœ, 
in  poesim  versa,  qui  existaient  en  manu- 
scrit, d'après  Padin,  au  collège  de  Gan- 
ville  et  Canis  à  Cambridge  ;  —  Snmma 
anrea  et  Aurea  summa,  traités  qui  se 
conservaient  aussi  en  Angleterre,  et  dont 
le  second  était  consacré  à  l'alchimie;  — 
Eiyrardi  opus  qnadripartitum    in   iUnd 


751 


EVERARD  —  EVERARDI 


752 


Joannis  Evangelista  :  In  prhicipîo  erat 
Verbum,  manuscrit  des  dominicains  de 
Cologne;  —  De  duodecim  aôusiôus  se- 
cuU,  travail  d'Everard,  cité  par  Gol- 
dast. 

Il  semble  étonnant  que  l'existence 
d'un  écrivain  aussi  laborieux  soit  aussi 
peu  connue;  mais,  si  l'on  se  rappelle 
que  le  xiiie  siècle  vit  fleurir  des  théo- 
logiens d'un  ordre  plus  élevé,  des  polé- 
mistes infiniment  plus  sérieux  et  redou- 
tables, on  concevra  que  leur  réputation 
ait  totalement  eft'acé  celle  d'un  écrivain 
d'un  mérite  inférieur,  mais  dont  les 
écrits  ne  furent  cependant  pas  sans  im- 
portance. AlphoDse  Wauters. 

Henri  de  Gand,  c.  60  (édit  de  Fabricius).  —  La 
Monnoye,  Menayiana,  1. 1,  p.  173.  —  Sweertius  et 
Valére"  André.  Bibliotheca  belyica.  —  Du  Gange, 
préface  du  Glossarium  ad  scriptores  mediœ  et 
injimœ  latinitatis,  %  4o.  —  Oudin,  De  scriptoribus 
ecclesiasticis  antiquis,  l.  111,  p.  'àl.  —Le  Duchat, 
Remarques  sur  Rabelais,  t.  1,  p.  90,  et  surtout 
Paquot,  1. 111,  p  41-43,  et  Daunou  [Histoire  litté- 
raire de  France,  t.  XV,  p.  129-139;. 

*  EVERAUDi  (iV/coZa^),  dont  le  vrai 
nom  était  Everts,  magistrat  et  juriscon- 
sulte, né  en  1462,  à  Grypskerke  (Zé- 
lande).  Des  auteurs  disent  qu'il  était  le 
fils  d'un  batelier.  Selon  d'autres,  il  des- 
cendait d'une  famille  noble,  originaire 
de  Bavière.  Smallegauge  prétend  le  rat- 
tacher à  une  ancienne  famille  du  nom  de 
Grypskerke,  connue  en  Zélande  dès  l'an- 
née 1250.  Cet  auteur  raconte  que  dans 
sa  jeunesse  on  lui  montra  souvent  le  lieu 
où  naquit  Everardi,  près  de  Middel- 
bourg.  Une  chose  certaine  c'est  que  ce 
savant  jurisconsulte  fut  inscrit,  en  1479, 
dans  la  matricule  de  l'université  de 
Louvain,  faculté  des  arts,  sous  le  nom 
de  Nicolas  Everardi,  fils  de  Pie-rre,  de 
Middelbourg.  Il  y  eut  pour  maîtres 
deux  hommes  dont  il  a  vanté  lui-même 
le  profond  savoir  :  Arnoul  de  Beka  et 
Pierre  de  Thenis  ou  de  Tirlemont.  Le 
11  juin  1493  il  fut  proclamé  docteur  en 
droit  civil  et  en  droit  canon,  à  l'âge  de 
vingt  ans,  dit  M.  Britz;  mais  c'est  là 
une  erreur,  comme  on  vient  de  voir  (1). 
Il  fut  ensuite  recteur  magnifique  de 
l'université,  et,  après  y  avoir  enseigné 
quelque  temps  le  droit,  il  remplit  les 

(1)  Peut-être  la  date  du  11  juin  1493  que  don- 
nent ses  biographes  est-elle  fautive.  C'est  même 


fonctions  d'official,  c'est-à-dire  de  juge 
ecclésiastique,  représentant  l'évêque  de 
Cambrai,  à  Bruxelles.  Il  devint  ensuite 
doyen  du  chapitre  de  Saint-Pierre,  à 
Anderlecht,  près  de  la  même  ville,  et 
puis  du  chapitre  de  Sainte- Gudule,  selon 
quelques  auteurs  ;  mais  c'est  encore  une 
erreur,  croyons-nous.  X'étant pas  engagé 
dans  les  ordres  sacrés,  Everardi  pour- 
suivit la  carrière  où  l'appelait  son  talent. 
En  1505,  Philippe  le  Beau  lui  conféra 
la  charge  de  conseiller  et  maître  aux 
requêtes  au  grand  conseil  de  Malines. 
Pendant  qu'il  siégeait  dans  cette  haute 
cour,  Everardi  fut  délégué,  avec  son 
collègue  Philippe  Wielant,  pour  prendre 
des  informations  sur  les  excès  commis 
en  Zélande  par  des  mandataires  ecclé- 
siastiques de  l'évêque  d'Utrecht  (1507). 
Sa  grande  science  et  sa  réputation  de 
magistrat  habile  et  intègre  lui  valurent 
la  charge  de  président  du  conseil  de 
Hollande  (1509).  Mais  cette  position 
élevée  le  mit  dans  le  cas  de  devoir  s'oc- 
cuper d'affaires  politiques  et  adminis- 
tratives, et,  malgré  l'estime  dont  il 
jouissait,  il  finit  par  s'attirer  la  haine 
du  peuple.  Aussi,  lorsque,  en  1510,  les 
troupes  du  duc  de  Gueldre  firent  irrup- 
tion dans  La  Haye,  Everardi,  voyant 
les  habitants  soulevés,  crut  devoir  se 
mettre  en  sûreté.  Il  reprit  bientôt  ses 
fonctions  de  président  du  conseil  de 
Hollande.  En  1515,  à  l'inauguration 
de  Charles-Quint  à  Dordrecht,  comme 
comte  de  Hollande  et  seigneur  de  Frise, 
ce  fut  le  président  Everardi  qui  prit 
la  parole  au  nom  du  jeune  prince. 
Treize  ans  après  (1528),  ce  monarque 
le  nomma  président  de  la  haute  cour  où, 
en  1505,  il  avait  débuté  comme  con- 
seiller. Il  n'occupa  cette  charge  émi- 
nente,  la  première  dans  la  magistrature 
des  dix-sept  provinces,  que  pendant  peu 
de  temps.  Il  mourut  à  Malines  le  9  août 
1532  et  y  fut  inhumé  dans  l'église  de 
Notre-Dame.  Son  épitaphe,  due  à  sa 
veuve  et  à  ses  enfants,  était  des  plus 
simples.  Nicolas  Everardi,  que  ses  con- 
temporains citaient  comme  un  magistrat 
que  rien  ne  pouvait  détourner  de  ses 

probable,  à  moins  qu'on  ne  se  trompe  sur  l'année 
de  la  naissance. 


753 


EVERARDI 


734 


devoirs,  fut  un  des  jurisconsultes  les 
plus  remarquables  de  son  temps.  Au 
grand  conseil  il  régnait  en  prince,  sui- 
vant l'expression  de  Godefroi,qui  affirme 
qu'Everardi  fut  un  novateur  dans  la 
science  du  droit.  Dans  un  savant  mé- 
moire, M.  Britz  a  donné  un  aperçu  de 
ses  œuvres.  «  L'ouvrage,  dit-il,  qui  a  éta- 
II  bli  la  réputation  d'Everardi,  ce  sont 
Il  ses  Consilia  site  responsa  juris ,  édités 
Il  par  ses  deux  fils  à  Louvain,  en  1554, 
Il  et  réimprimés  et  augmentés  en  1577 
Il  par  le  jurisconsulte  Jacobus  Molen- 
II  gravius.  Lui  et  son  contemporain,  le 
Il  professeur  Heems  {de  Bruxelles),  sont 
Il  les  premiers  dans  le  pays  auxquels 
Il  revient  l'honneur  d'avoir  créé  cette 
«  nouvelle  source  si  féconde,  si  pré- 
"  cieuse  du  droit  civil  et  du  droit  public. 
Il  Dans  cette  nouvelle  voie,  ils  eurent 
«  de  nombreux  et  brillants  successeurs. 
«  Les  Consilia  d'Everardi  ont  conservé 
«  de  l'autorité  jusque  dans  les  derniers 
Il  temps;  De  Ghewiet,  au  xviiie  siècle, 
Il  les  met  encore  souvent  â  profit.  On 
Il  aimait  à  regarder  ces  Responsa  s.  Con- 
II  silia  comme  des  interprétations  en 
Il  quelque  sorte  souveraines  des  lois  et 
Il   coutumes  existantes.  « 

Le  président  Everardi  était  lié  avec  la 
plupart  des  hommes  remarquables  de 
son  temps,  avec  Erasme  entre  autres, 
qui  lui  adressa  deux  lettres.  Dans  l'une 
d'elles,  ce  dernier  dit  que  l'amitié  qu'il 
a  pour  Everardi,  alors  président  du  con- 
seil de  Hollande,  le  ferait  aller  au  bout 
du  monde.  Dans  une  autre,  le  savant 
hollandais  raconte  ce  qu'il  a  à  souffrir 
de  quelques  moines  ignorants  et  empor- 
tés. Suivant  Moreri,  Erasme  ne  se  fiant 
pas  à  ses  seules  forces  pour  la  publica- 
tion des  lettres  de  saint  Jérôme,  con- 
sulta Everardi,  qui  avait  fait  une  étude 
particulière  de  ce  Père  de  l'Eglise.  Dans 
un  autre  ordre  d'idées,  nous  trouvons 
dans  l'Histoire  de  la  Gueldre  par  Slich- 
tenhorst  un  trait  qui  paraît  sinon  con- 
traire à  la  vérité,  au  moins  fort  exa- 
géré. Un  chanoine  d'Utrecht,  écrivant 
à  son  frère  au  sujet  du  président,  le 
dépeignit  comme  un  des  plus  fameux 
émeutiers  (roervin/ren) ,  issu  de  bateliers 
de  Zélande,  comme   un  homme  qui   se 


plaisait  à  opprimer  les  nobles  et  les  gens 
honorables,  ayant  fait  condamner  à  la 
peine  de  mort  deux  braves  gentilshommes 
Broersel  et  Broekhuysen,  en  1528,  lors 
d'une  invasion  de  Martin  van  Eossem. 
Qualifier  d'émeutier  un  tel  magistrat, 
tout  dévoué  à  Charles- Quint,  voilà  qui 
est  au  moins  étrange. 

De  son  mariage  avec  Elisabeth  de 
Bladele,  de  Malines  (quelques-uns  la 
nomment  de  Blioul)  Everardi  eut,  selon 
Foppens,  cinq  fils  et  trois  filles.  Toute- 
fois, nous  lui  connaissons  un  sixième  fils 
(François)  qui  est  mentionné  par  Gru- 
dius  (^voir  plus  loin).  Ce  dernier  dans 
une  lettre  datée  de  Tolède,  le  25  mars 
1534  et  adressée  à  Marins  {ibid.), 
exprime  le  désir  que  les  papiers  de  feu 
maître  François,  leur  frère,  soient  ras- 
semblés, afin  qu'il  les  examine  à  son 
retour.  Cette  qualification  de  maître  in- 
dique que  François  Everardi,  sur  lequel 
nous  manquons  de  renseignements,  était 
revêtu  d'une  charge  quelconque.  Quant 
à  ses  frères  (1),  ils  se  firent  tous  une 
grande  réputation  par  leur  talent.  Chose 
remarquable,  une  des  trois  filles  du  pré- 
sident Everardi,  Isabelle,  qui  prit  le 
voile,  était  versée  dans  les  langues 
grecque  et  latine.  Outre  cela,  elle  pei- 
gnait à  merveille.  Aussi,  jamais  peut- 
être  ne  vit-on,  dans  une  seule  famille, 
une  réunion  plus  heureuse  d'hommes 
distingués.  Il  n'est  pas  jusqu'à  l'une  des 
filles,  cette  même  Isabelle,  la  seule  que 
nous  connaissions,  qui  n'ait  été  douée 
des  plus  belles  qualités.  Nous  ajou- 
terons à  ces  détails  qu'un  portrait  du 
président  Everardi  se  trouve  dans  la 
BibliotJteca  belgica  de  Foppens.  Everardi 
y  est  vu  de  profil.  Gaie>i,.o.. 

Biographie  manuscrite  des  conseillers  du  grand 
conseil.  —  Sin'iverius,  De  {/enle  .\icolaia.  —  Fop- 
pens, liibl.  bety.  —  Valère  André,  Bibl.  belr/.  — 
Dict.  de  Moreri.  —  Brilz,  mémoire  sur  l'ancien 
droit  betgique. 

EVEKAKUi  {Eorard),  surnommé  iV/- 
colaï,  fils  du  précédent,  jurisconsulte  et 
magistrat,  né  à  Louvain  en  1498.  Il  fit 

(1)  Evrard,  dit  Nicolaï,  Nicolas  (Grudius', 
Adrien  {Marius,  et  Jean  [Secundus).  ;Voy.  à  ces 
noms.)  Pierre -Jérôme,  un  autre  HIs,  religieux 
premontré,  savant  docteur  en  droit  civil  et  canon, 
devint  abbé  de  Notre-Dame,  à  Middelbourg. 


755 


EVERARDl 


756 


ses  études  de  droit  à  l'université  d'In- 
golstadt,  en  Bavière,  et  y  obtint  le  bon- 
net de  docteur.  Il  débuta  comme  avocat 
au  conseil  de  Hollande,  présidé  alors 
par  son  père.  Charles-Quint  ayant  insti- 
tué, en  1527,  le  conseil  provincial  (de 
justice)  de  Frise,  qui  siégeait  à  Leeuwaar- 
den,  il  conféra  à  Everardi  une  place  de 
conseiller.  Après  le  décès  de  son  père, 
Everardi  passa  au  grand  conseil  de  Ma- 
lines  (25  janvier  1533,  n.  st.),  et  s'étant 
fait  apprécier  par  son  grand  savoir,  il 
ne  tarda  pas  à  .  entrer  au  conseil  privé 
en  qualité  de  conseiller  et  maître  des 
requêtes.  Puis  l'Empereur  le  nomma 
président  dudit  conseil  de  Frise  (juillet 
1541).  Enfin,  la  brillante  carrière  d'Eve- 
rardi  dans  la  magistrature  fut  couronnée 
par  sa  nomination  à  la  présidence  du 
grand  conseil  (février  1557  n.  st.),  charge 
qu'il  remplit  avec  éclat,  assurent  ses 
biographes.  Everardi  mourut  en  mai 
1561  ;  il  fut  inhumé  dans  la  même  église 
que  son  père  et  non  loin  de  celui-ci. 
Grudius,  son  frère,  lui  composa  une 
épitaphe  en  vers.  Sa  carrière  y  est  som- 
mairement retracée.  Il  avait  épousé  dame 
Geneviève  Van  der  Goes,  dont  il  eut 
deux  fils  et  trois  filles.  Chose  digne  de 
remarque,  toutes  trois  épousèrent  des 
conseillers,  et  les  deux  fils  furent  égale- 
ment des  conseillers.  Arnoul,  fut  le  der- 
nier président  catholique  du  conseil  de 
Hollande.  Il  mourut  en  1592.  Charles, 
le  second,  fit  partie  du  grand  conseil  de 
Malines,  en  qualité  de  conseiller  et  de 
maître  des  requêtes.  Nommé  le  7  juin 
1601,  il  mourut  dans  l'exercice  de  ses 
fonctions  le  13  mars  1616.  Une  nièce 
du  président,  nommée  Geneviève  Deyn, 
possédait  son  buste  en  marbre^  qu'elle 
offrit,  en  1656,  à  Pierre  Cuypers,  dési- 
gné, dit-elle  dans  l'inscription  dédica- 
toire,  pour  remplir  une  place  de  con- 
seiller au  grand  conseil.  Ce  buste  a  été 
gravé  au  trait  pour  un  ouvrage  dont 
nous  ignorons  le  titre.  Nous  possédons 
un  exemplaire  de  la  gravure,  h^verardi 
est  représenté  avec  la  robe  de  magistrat. 
Il  avait  la  figure  pleine  et  les  traits 
accentués.  Il  n'a  pas  laissé  d'ouvrages 
(|ue  nous  sachions,  mais  il  publia,  en 
1554,   en   collaboration   avec   son  frère 


Marins,  les  Consllîa  sive  re^ponsa  jtiris, 
du  président,  leur  père.  En  outre,  il 
donna  une  nouvelle  édition  des  poésies 
de  Jean  Second,  car  Everardi  n'était  pas 
seulement  un  savant  jurisconsulte,  mais 
il  cultiva  avec  succès  les  muses.  Dans 
une  élégie,  Jean  Second  vante  le  talent 
qu'il  possédait  comme  poëte  et  comme 
musicien.  Gaiesioot. 

Biographie  manuscrite  des  conseillers  du  grand 
conseil.  —  Scriverius,  De  génie  Nicolata.  —  Fop- 
pens,  Bd)l.  belg.  —  Valére  André,  Bibl.  belg.  — 
Dict.  de  Moreri. 

EVERARui  (Nicolas),  dit  Nicolaï 
et  plus  connu  sous  le  nom  de  Grudtus, 
fils  du  président  Nicolas  Everardi,  cité 
plus  haut.  Il  naquit  à  Louvain.  De  là  le 
surnom  de  Grndlus,  cette  ville  ayant  été, 
suivant  certains  auteurs,  la  demeure  des 
Gnidii  dont  parle  Jules  César  dans  ses 
commentaires  sur  les  guerres  des  Gaules. 
Grudius,  qui  s'est  fait  une  belle  réputa- 
tion comme  poëte  latin,  remplit  diffé- 
rentes fonctions  publiques.  Dans  le  titre 
d'une  pièce  de  vers  qu'il  composa  à 
propos  de  la  mort  de  Marguerite  d'Au- 
triche, gouvernante  des  Pays-Bas  (1532), 
il  se  qualifie  de  secrétaire  de  l'empereur 
Charles-Quint.  Le  fait  est  qu'en  1545,  il 
était  à  la  fois  secrétaire  du  conseil  privé, 
greffier  de  l'ordre  de  la  Toison  d'or  et 
receveur  général  des  aides  du  duché  de 
Brabant.  Voilà  certes  un  cumul  d'em- 
plois bien  divers.  Mais  si  Grudius,  dont 
le  nom  officiel  était  Nicolaï,  brilla  comme 
poëte,  on  ne  peut  pas  en  dire  autant  du 
fonctionnaire,  tant  s'en  faut.  En  1554, 
la  reine  Marie  de  Hongrie,  gouvernante 
des  Pays-Bas,  le  fit  arrêter.  Une  bien 
grave  accusation  pesait  sur  lui  :  celle 
d'avoir  détourné  de  sa  caisse  la  somme, 
énorme  pour  le  temps,  de  104,000  flo- 
rins. Le  procureur  général  du  conseil 
de  Brabant  le  poursuivit  de  ce  chef 
devant  cette  cour  souveraine.  Nicolaï, 
prétendant  qu'il  n'était  pas  son  justi- 
ciable, en  qualité  de  greffier  de  l'ordre 
de  la  Toison  d'or,  présenta  une  requête 
à  l'Empereur  pour  être  renvoyé  devant 
les  juges  de  cet  ordre.  Charles- Quint, 
après  avoir  pris  l'avis  du  chancelier  dudit 
conseil  de  lîrabant  et  celui  du  conseil 
d'Etat  et  de  la  reine  de  Hongrie,  rejeta 


757 


EVERARDl 


758 


sa  demande.  Xous  n'avons  pas  pu  con- 
stater comment  le  prévenu  se  tira  de  ce 
pas  difficile.  Il  est  certain  qu'il  conserva 
sa  place  de  greffier  de  l'ordre.  Mais  ici 
encore,  les  choses  tournèrent  mal  pour 
lui.  Accablé  de  dettes,  Nicolaï  vida  le 
pays  et  se  rendit  à  Venise.  Ses  biogra- 
phes lui  font  faire  ce  voyage  comme  s'il 
avait  fait  partie  d'une  mission  diplo- 
matique. Il  en  fut  tout  autrement , 
ainsi  qu'on  vient  de  le  voir.  Pendant 
qu'il  était  à  Venise ,  le  duc  d'Albe , 
gouverneur  des  Pays-Bas,  l'invita  à  se 
démettre  de  ses  fonctions  de  greffier, 
moyennant  une  somme  de  3,000  flo- 
rins. Nicolaï  s'empressa  d'accepter  cette 
offre.  Ceci  se  passait  en  1573.  Or, 
ses  biographes  prétendent  qu'il  mourut 
à  Venise  en  1571.  Il  est  évident  qu'ils 
sont  dans  l'erreur,  puisque  les  détails 
qui  précèdent  proviennent  d'une  source 
authentique  :  l'inventaire  des  archives 
de  l'ordre  dont  il  s'agit.  Ces  biogra- 
phes ajoutent  que  Nicolaï  fut  regretté 
de  tous  et  que  la  république  de  Venise 
lui  fit  faire  de  belles  funérailles.  Il 
n'y  a  là  rien  d'invraisemblable,  si  l'on 
tient  compte  de  la  célébrité,  européenne 
en  quelque  sorte,  dont  jouissaient  les 
différents  membres  de  la  famille  d'Eve- 
rardi.  D'après  un  manuscrit  de  la  bi- 
bliothèque de  Bourgogne,  cité  par 
M.  Camille  Picqué,  Grudius  aurait  été 
inhumé  dans  la  chapelle  de  Sainte- 
Croix,  en  l'église  d'Alsemberg,  près  de 
Bruxelles.  Evidemment,  c'est  là  une 
autre  erreur.  En  remontant  dans  le  passé 
de  Grudius,  on  constate  qu'il  a  dû.  être 
envoyé  en  pays  étranger,  soit  comme 
secrétaire  du  conseil  privé,  soit  pour  les 
aflaires  de  l'ordre  de  la  Toison  d'or.  En 
mission  en  Espagne,  il  eut  la  douleur 
d'y  perdre  sa  femme,  Anna  Cobella  ou 
CoebelSjde  La  Haye.  Il  a  exhalé  sa  peine 
dans  une  de  ses  Né/des.  Burman  a  publié 
de  lui  une  lettre  datée  de  Tolède,  le 
25  mars  1534.  Elle  est  adressée  à  Ma- 
rins. Tout  en  s'occupant  des  poésies  de 
ce  dernier,  son  frère,  comme'  on  sait, 
Grudius  exprime  le  désir  de  retourner 
dans  son  pays.  Il  ne  tarda  pas  à  y  reve- 
nir. Deux  autres  de  ses  lettres,  des 
années  1536  et  1537,  témoignent  qu'il 


était  alors  à  La  Haye.  Un  peu  plus  tard 
nous  le  retrouvons  à  Bruxelles,  où  il 
était  domicilié.  Grâce  à  son  talent  et  à 
son  savoir,  le  poète  Grudius  compta 
parmi  ses  amis  des  hommes  d'élite.  Scri- 
verius  en  cite  plusieurs,  parmi  lesquels 
le  cardinal  de  Groesbeck,  prince-évêque 
de  Liège,  admirateur  de  ses  poésies  reli- 
gieuses. L'auteur  publia  à  la  suite  de 
celles-ci  ses  lettres  à  difi'érents  savants 
espagnols.  Comme  poète,  Peerlkamp 
compare  Grudius  à  Catulle,  à  Properce 
et  à  Tibulle.  Après  avoir  donné  plu- 
sieurs extraits  de  ses  vers,  ce  savant 
critique  dit  qu'il  y  a  dans  les  élégies  de 
Grudius  tant  de  beautés,  dignes  du  siècle 
d'Auguste,  qu'il  serait  trop  long  de  les 
mentionner.  Au  nombre  de  ses  élé- 
gies, il  signale  celle  à  Anne  Cobella, 
l'épouse  du  jîoëte.  Celui-ci  l'écrivit  pen- 
dant qu'il  était  malade  en  Espagne.  Gru- 
dius s'y  est  inspiré  de  l'esprit  de  Tibulle. 
Enfin  Peerlkamp  cite  encore  comme  un 
modèle  du  genre  un  passage  d'iine  élé- 
gie où  le  poète,  toujours  en  Espagne, 
invoque  la  muse,  afin  qu'elle  se  rende 
dans  sa  patrie  et  visite  la  demeure  pa- 
ternelle. Dans  ses  épigrammes,  Grudius, 
d'après  Peerlkamp,  est  inférieur  à  Jean 
Second,  mais  il  l'emporte  sur  ses  frères. 
Ainsi  que  le  dit  M.  Picqué,  il  était  avant 
tout  homme  d'esprit  :  bon  nombre  de 
ses  poésies  finissent  par  des  pointes  heu- 
reuses. A  le  lire,  on  apprend  à  connaître 
l'humeur  peu  portée  au  vague  et  à  la 
mélancolie  des  littérateurs  du  temps.  On 
trouve  dans  son  recueil  de  grosses 
joyeusetés,  après  de  bien  gros  pleurs. 
On  a  de  Grudius  :  Nœnia  in  obitum 
illust.  principis  Margaretœ  Anstriacœ; 
Louvain,  ]  533 .  —  Epigrammata  Arcuum 
triumphalium  Valentianis  Carlo  V  in  ejns 
adventu  exhihitorimi;  Louvain,  1540. — 
Apotheosis  in  obitum  Maximiliaul  ab  E(/- 
mnndo,  comitis  Buroni;  Louvain,  1549. 
—  Negotia  sive poemata  sacra;  Anvers, 
1566.  —  Otia  sive  poemata  profana, 
comprenant  :  Elegiarum  libri  III;  Epi- 
grammattim  lib.  III;  Hendecosyllaborum 
liber  I;  Emieriim  libri  II;  Silva  et 
epistolce;  Leyde  1612.  caiesioot. 

Scriverius,   De  (jenle   yicolaia.   —  Foppeiis, 
Dibl.  bcUj.  —  Pierre   Hofinan  Peerlkamp,  Viia 


789 


EVERARDI 


760 


Belgarum  qui  latina  carmina  scripserunt.  —  In- 
ventaire des  archives  de  l'ordre  de  la  Toison  d'or, 
manuscrit  des  Archives  du  royaume.— C.  Picqué, 
Revue  de  la  numismatique  belge. 

EVEiCiiiini  {Adrien),  dit  Nicolaï, 
et  surnommé  Maeius,  né  à  Malines.  Il 
était  fils  du  président  Nicolas  Everardi, 
mentionné  plus  haut.  Il  nous  apprend 
dans  une  épigramme  pourquoi  il  avait 
adopté  le  surnom  de  Marins  :  ce  fut  en 
l'honneur  de  la  Vierge,  dont  la  fête 
de  la  Nativité  (8  septembre)  coïncide 
avec  celle  de  saint  Adrien.  Les  poésies 
qu'il  a  laissées  prouvent  qu'il  étudia 
le  droit  à  Bourges  et  qu'il  y  eut  pour 
maître  Cujas,  et  à  Milan,  Marc- Antoine 
Caimus  et  Jérôme  Monti.  Après  avoir 
pratiqué  quelque  temps  comme  avocat, 
il  fut  nommé  conseiller  ordinaire  au 
conseil  provincial  d'Utrecht  (1er  sep- 
tembre 1540),  et  peu  de  temps  après 
conseiller  et  maître  des  requêtes  au 
grand  conseil  de  Malines  (26  octobre 
1541).  Enfin^  Charles-Quint  lui  con- 
féra, en  1547,1a  charge  de  chancelier  du 
conseil  souverain  du  duché  de  Gueldre 
et  du  comté  de  Zutphen,  institué  par  ce 
monarque  en  la  ville  d'Arnhem.  Pendant 
qu'il  remplissait  ces  fonctions,  le  duc 
d'Albe  l'appela  à  Bruxelles  pour  faire 
partie  de  ce  tribunal  abhorré  appelé 
le  conseil  des  troubles.  Everardi  eut  le 
triste  courage  d'y  siéger.  Il  mourut  à 
Bruxelles  le  21  mars  1568  et  fut  in- 
humé, comme  son  père  et  son  frère, 
dans  l'église  de  Notre-Dame,  à  Malines. 
Son  épitaphe,  conçue  en  langue  fla- 
mande, rappelle  qu'il  était  chevalier, 
sans  que  nous  puissions  dire  quand  et 
dans  quelles  circonstances  il  obtint  ce 
titre  honorifique.  Il  résulte  aussi  de 
cette  épitaphe  que  le  chancelier  Everardi 
avait  épousé  dame  Elisabeth  Blocx  de 
Duvenede,  qui  le  suivit  dans  la  tombe 
le  23  octobre  1579.  C'est  surtout  comme 
poëte  latin  et  sous  le  nom  de  Marins 
qu'Everardi  s'est  fait  une  réputation 
dans  les  lettres.  Ses  poemata  se  compo- 
sent de  deux  livres  d'élégies;  le  premier 
de  dix  pièces,  le  second  de  sept;  d'un 
livre  d'épigrammes  dont  plusieurs  tra- 
duites de  l'Anthologie  grecque  ;  d'un 
livre  d'épltres  :  elles  sont  au  nombre  de 
sept;  d'une  satire  et  d'un  chant  funèbre 


{ncenia)  en  vers  alexandrins,  sur  la  mort 
de  son  frère  Jean  Second.  Les  élégies 
de  son  premier  livre  sont  toutes  dans  le 
genre  erotique  :  la  dernière  est  une  fic- 
tion ingénieuse  intitulée  Cymba  amoris. 
Elle  semble  avoir  établi  la  célébrité  de 
Marins  et  a  été  traduite  en  plusieurs 
langues.  Cats  l'a  imitée  de  main  de 
maître  en  hollandais.  Telle  est  l'appré- 
ciation que  nous  lisons  dans  la  Biogra- 
phie universelle  de  Michaud.  D'autre 
part,  Peerlkamp  cite  de  notre  poëte  une 
pièce  de  vers  auxquels ,  ajoute-t-il , 
Tibulle  n'aurait  rien  eu  à  reprendre. 

Galesloot. 

Biographie  manuscrite  des  conseillers  du  grand 
conseil  de  Malines. —  Scriverius,  De  gente  ]\ico- 
laia.  —  Foppens,  Bibl.  belg.  —  Valère  André, 
Bibl.  belg.  —  Biographie  unive7-selle. 

ETERARDi  (Jean),  surnommé  Secun- 
dus,  poëte,  graveur,  peintre  et  sculp- 
teur, fils  du  président  Nicolas  Eve- 
rardi. 11  fut  surnommé  Secundus  pour 
n'être  pas  confondu  avec  un  oncle,  frère 
de  son  père,  et  qui  portait  le  même  pré- 
nom de  Jean.  C'était,  d'après  la  re- 
marque de  Foppens,  un  surnom  d'un 
heureux  présage.  Second,  c'est  ainsi 
qu'il  est  connu  dans  les  lettres,  naquit 
à  La  Haye  le  14  novembre  1511.  Il  eut 
pour  précepteur  dans  les  langues  sa- 
vantes, Jacques  Volkaert,  homme  des 
plus  instruits,  et  Rombaut  Steynemolen 
dont  le  poëte  Marins  a  vanté  le  talent. 
Son  père,  savant  jurisconsulte,  lui  ensei- 
gna les  premiers  éléments  du  droit  et 
l'envoya  ensuite  à  Bourges,  pour  y  ache- 
ver ses  études.  La  chaire  de  droit  y  était 
occupée  par  le  célèbre  André  Alciat, 
avec  lequel  le  disciple  se  lia  intimement. 
Ses  progrès  furent  si  rapides,  qu'il  ne 
tarda  pas  à  obtenir  le  bonnet  de  docteur 
sans  avoir  pour  cela  négligé  ses  études 
littéraires  et  les  arts.  Il  eut  pour  con- 
disciples, à  Bourges,  des  hommes  remar- 
quables, tels  que  Salmon  Macrin,  poëte 
latin  de  Loudun  ,  surnommé  V Horace 
français,  contemporain  de  Marot  et  l'un 
des  familiers  de  François  1er,  Corneille 
Musius,  Hollandais  célèbre,  Le  Clercq, 
auquel  il  a  adressé  la  neuvième  élégie 
du  livre  premier,  etc.  Le  4  mars  1533, 
Second  reprit  le  chemin  de  Paris  pour 


764 


EVERARDI 


762 


retourner  aux  Pays-Bas.  Son  professeur  et 
ses  nombreux  disciples,  tous  émerveillés 
du  jeune  et  brillant  docteur,  l'accompa- 
gnèrent,  lis  lui   donnèrent,  en  le  quit- 
tant, des  témoignages  des  plus  vifs  re- 
grets qu'ils  éprouvaient  de  son  départ. 
Arrivé  à  Malines,  où  habitaient  ses  pa- 
rents, le  30  avril  suivant,  Jean  Second 
quitta  cette  ville  le  28  mai  de  la  même 
année.    «    Ici,  dit  le  poète  Tissot,  son 
Il   traducteur  et  son  biographe,  je  suis 
Il   arrêté   par    une    contradiction    assez 
Il   singulière  entre  Jean   Second  et  ses 
«   historiens.  Foppens  rapporte,  dans  sa 
'■   Bibliothèque  Belgique,  qu'au  sortir  de 
"   Bourges    notre    auteur    partit    pour 
'   l'Italie,   où   il   devint   secrétaire   du 
«  pape  Paul  IV.  Après  Foppens,  d'au- 
"   très  érudits  ont  répété  la  première  de 
«   ces  assertions.  Cependant  Jean  Second 
Il   lui-même  dans  le  récit  de  ses  voyages, 
«   publiés  par  Daniel   Heinsius,   trace 
«   presque  jour   par  jour  son  itinéraire 
»   de  Bourges  à  Malines,   et   de   cette 
«   dernière  ville  en  Espagne.  Si  je  con- 
«   suite    les    deux    touchantes    élégies 
«   d'Adrien  Marins  et  de  Nicolas  Gru- 
II   dius  sur  la  mort  de  leur  frère,  je  vois 
u   dans  la  première  un  récit  circonstan- 
«   cié  du  voyage  d'Espagne,  et  pas  un 
"   mot  sur  celui   d'Italie;  la   seconde. 
Il   plus  précise   encore,    dit    seulement 
Il   que  Jean  Second  avait  la  confiance  de 
Il   Charles-Quint,   qui  se  servait   de  lui 
"   pour  écrire  les  choses  les  plus  secrètes 
Il  aux  grands  de  Kome  et  au  souverain 
Il   pontife.  Je  crois  donc  qu'il  est  hors  de 
H  doute    que    Jean    Second    n'a    point 
Il  visité  l'antique  maîtresse  du  monde.  « 
Second  s'étant  rendu  en  Espagne,  passa 
au  service  du  cardinal  Tavere,    arche- 
vêque de   Tolède,  en  qualité  de   secré- 
taire. Le  bruit  de  ses   talents  parvint 
aux  oreilles  de  Charles-Quint,  qui  l'at- 
tacha à  sa  personne.  Second  suivit  l'em- 
pereur dans   son  expédition   de   Tunis; 
mais  il  tomba  malade  et  fut  contraint  de 
revenir.  L'air  du  sol  natal,  les  soins  que 
lui  prodiguèrent  sa  mère  et  ses  sœurs  le 
rétablirent.    Il  se  fixa  ensuite    auprès 
de  Georges  d'Egmont,   abbé  de  Saint- 
Amand,  à  Tournai,  qui  en  avait  fait  son 
secrétaire.  A  peine  avait-il  pris  posses- 


sion de  ce  nouvel  emploi,  qu'il  fut  em- 
porté par  une  fièvre  maligne,  au  bout 
de  quatre  jours  (8  octobre  1536).  On 
prétend  que  sa  passion  pour  le  sexe 
ne  fut  pas  étrangère  à  cette  fin  préma- 
turée. Il  fut  inhumé  dans  l'église  de 
l'abbaye  de  Saint-Amand,  où  sa  famille 
lui  érigea  un  tombeau  en  marbre.  Son 
épitaphe  rappelait  la  célébrité  qu'il 
s'était  acquise  comme  poète,  comme 
peintre  et  graveur.  Le  tombeau  de  Se- 
cond fut  détruit  en  1566,  par  les  ico- 
noclastes. Ch.  de  Par,  successeur  de 
Georges  d'Egmont  dans  la  dignité 
d'abbé  de  Saint-  Amand,  le  fit  rétablir 
par  respect,  disait  l'inscription,  pour  la 
mémoire  d'un  si  heureux  génie. 

Jean  Second  a  laissé  des  épigrammes, 
des  odes,  des  pièces  funèbres,  dessylves, 
deux  livres  de  lettres,  trois  livres  d'élé- 
gies, un  livre  de  Baisers,  sorte  de  com- 
position dont  il  est  l'inventeur,  quelques 
fragments  de  vers  et  une  relation  en 
prose  de  ses  voyages.  «  Jean  Second 
Il  choisit  très-bien  son  sujet,  dit  Tissot, 
"  compose  avec  sagesse  et  ne  sort  point 
"  du  cadre  qu'il  s'est  tracé;  mais  quel- 
"  ques-uns  de  ses  baisers  manquent  de 
Il  sens,  première  qualité  des  grands 
Il  comme  des  petits  ouvrages,  ou  de 
"  chaleur  d'âme,  grave  défaut  dans  un 
"  poète  et  dans  un  amant.  Des  baisers 
Il  froids  ne  se  pardonnent  guère.  Quel- 
II  quefois  encore  il  est  obscur  et  recher- 
"  ché,  et  son  style  oifre  des  mignardises 
"  non  moins  réprouvées  par  le  goût  que 
"  par  la  passion.  En  récompense,  avec 
"  quelle  chaleur,  quel  coloris,  quelle 
"  variété  de  tons  et  de  pensées  il  a 
"  peint  le  transport  et  l'ivresse  de 
"  l'amour  !  Tous  les  amis  des  lettres 
Il  admirent  ce  brûlant  Catulle  loué  par 
"  Eénélon;  je  n'aurai  pas  la  témérité 
Il  de  comparer  Jean  Second  à  ce  poète, 
•I  mis  avec  raison  au  nombre  des  clas- 
II  siques;  mais  si  mon  auteur  a  quel- 
II  quefois  surpassé  son  modèle  en  l'imi- 
II  tant,  ne  me  sera-t-il  pas  permis  de  le 
Il  regarder  comme  le  plus  brillant  élève 
Il  de  ce  grand  maître?  «  Le  même  auteur 
fait  remarquer,  à  propos  des  Baisers  de 
Second,  que  ce  sont  là  le  plus  brillant 
de  ses  titres  de  gloire.  «  La  poésie  ca 


763 


E\ ERARDI  —  EVERGHEM 


"  est  gracieuse  ,  ajoute-t-il  ,  pleine 
Il  d'images,  souvent  passionnée  jusqu'au 
a  délire,  et  naturelle  toutes  les  fois 
Il  qu'elle  est  vraiment  passionnée.  Son 
»  style,  quoique  éloigné  d'atteindre  à  la 
Il  pureté  des  écrivains  du  siècle  d'Au- 
"  suste,  surtout  à  leur  admirable  clarté, 
Il  sent  l'antiquité,  annonce  partout  un 
/'  homme  qui  en  est  rempli.  L'oreille 
Il  retrouve  quelquefois  avec  un  vif  plai- 
II  sir,  dans  ses  poésies,  l'harmonie  jjres- 
II  que  musicale  des  vers  de  Virgile  et  de 
Tibulle.  "  Le  savant  critique  Peerlkamp 
fait  un  éloge  non  moins  enthousiaste  du 
poëte,  tout  en  relevant  çà  et  là  des  dé- 
fa  iits.  Ajoutons  qu'un  de  ses  contempo- 
rains fit  contre  Second  une  épigramme, 
où  il  le  qualifiait  de  lascif,  se  livrant  au 
culte  de  Vénus,  alors  que  saint  Jean, 
sou  patron,  adorait  la  Vierge. 

Les  œuvres  de  Jean  Second  ont  aussi 
ététraduitesenfrançaisparDorat(1786), 
Mirabeau  (1790)  et  Loraux  (1812).  En 
Hollande,  son  pays  natal,  il  compte  de 
nombreux  traducteurs  et  imitateurs. 
Ses  œuvres  y  eurent  diflPérentes  éditions, 
parmi  lesquelles  celles  de  Marins,  son 
frère,  et  de  Pierre  Scriverius.  En  1821 
parut  l'excellente  édition  de  Pierre 
Bosscha,  avec  les  notes  restées  inédites 
de  Pierre  Burmann.  Un  portrait  de  ce 
célèbre  poëte  de  la  renaissance  se  trouve 
en  tête  de  la  première  édition  due  à  Scri- 
verius (1619)  et  de  la  seconde  (1631). 
Foppens  l'a  reproduit.  Ce  portrait  fut 
peint  par  Jean  van  Schoorl,  le  maître 
du  poëte,  auquel  il  enseigna  l'art  de 
graver  des  médailles;  Second  y  excella. 
On  connaît  quelques-unes  de  ses  œuvres. 
Telles  sont  le  buste  de  Julie,  sa  maî- 
tresse, jeime  Malinoise  qu'il  a  chantée 
dans  ses  vers,  et  ceux  de  Grudius  et  de 
sa  femme.  L'exécution  de  ces  médailles 
est  remarquable.  Comme  sculpteur  et 
peintre,  on  ne  peut  l'apprécier,  ses  œu- 
vres n'étant  pas  parvenues  jusqu'à 
nous. 

Eoppcns  donne  l'indication  suivante 
des  ouvrages  de  Second  :  Elegiarum 
libri  III;  —  Junerum  lib.  I;  Epiyram- 
maium  lib.  I;  Basiorum  lib.  I;  Episto- 
hirum  lib.  II;  Odarum  lib.  I;  Silvarwn 
lib.  I;  Ilef/ia pccunice ;  —  liineraria  III, 


Belgicum ,     Gallicum     et     Hispanicum . 

Galesloot. 

Scriverius,  De  gente  JMcolaia.  —  foppens, 
Dtbl.  bclg.  —  Vàlère  André ,  Bibl.  belfj.  — 
P. -F.  Tissot,  Baisers,  et  élégies  de  Jean  second 
avec  le  texte  laiin.  —  Pierre  Hofman  Peerlkamp, 
Vita  Belgarum  qui  latina  carmina  scripseruut. — 
C.  Picqué,  Jean  second,  pacte  et  médailleur,  dans 
la  Revue  de  la  numismatique  belge. 

KTËRE>'  (Gilles  VAX),  peintre,  né  à 
Anvers,   xve  siècle.  Voir  Gilles  van 

EVEBEN. 

KVERGUE.n  {Henri  vax),  archi- 
tecte, né  probablement  à  Bruxelles  vers 
l'an  1450;  mort  vers  1495  ou  1500. 
Ce  constructeur  appartenait,  selon  toute 
apparence,  à  une  famille  bruxelloise 
dont  une  des  branches,  distinguée  par 
le  surnom  de  Van  Coeckelberghe,  faisait 
jadis  partie  des  lignages  ou  familles  pa- 
triciennes. Son  père,  Jean  van  Ever- 
ghem  (et  non  pas  Van  Herveghem  ou 
Van  Herneghem),  était  également  un 
architecte  habile  :  il  commença,  en 
1478-1479,  les  travaux  de  construc- 
tion de  la  tour  de  l'église  de  Sainte- 
Walburge,  d'Audenarde,  dont  la  masse 
imposante  s'élève  à  la  hauteur  de  70  mè- 
tres, fortifiée  à  chacun  de  ses  angles 
par  un  contre-fort  orné  dé  panneaux  et 
de  pinacles,  et  percée,  sur  chaque  face, 
de  deux  étages  de  fenêtres  en  ogive. 

Jean  Van  den  Berghe  dit  Van  Euys- 
broek,  le  célèbre  architecte  bruxellois 
du  xve  siècle,  étant  arrivé  à  un  âge  où  il 
ne  pouvait  plus  exercer  les  fonctions  de 
maître  ouvrier  des  maçonneries  ou  ar- 
chitecte du  prince  en  Brabant,  Henri 
van  Everghem  fut  appelé  à  le  rem- 
placer, le  31  mars  1483-1484,  et  prêta 
serment  en  cette  qualité  le  9  avril  sui- 
vant. Van  Ruysbroeck  avait  disposé  de 
son  emploi  en  faveur  de  son  fils  Guil- 
laume, qui  avait  été  architecte  du  roi 
de  France  Louis  XI;  mais,  pour  des  rai- 
sons que  l'on  devine  aisément,  la  cour 
de  Bruxelles  se  montra  puu  disposée  à 
favoriser  \\n  homme  qui  avait  été  l'un 
des  serviteurs  de  l'ennemi  mortel  de  la 
famille  ducale  de  Bourgogne.  Le  trans- 
fert de  l'emploi  à  Guillaume  fut  donc 
annulé  «  pour  des  raisons  majeures  à 
nous  connues  « ,  dit  l'acte  de  nomina- 
tion d'Henri  van  Everghem.  Toutefois, 


765 


EN'EKGHEM  -  EVEIUlELiME 


766 


celui-ci  fut  astreint  à  abandonner  à  son 
prédécesseur,  sa  vie  durant,  son  traite- 
ment d'architecte.  C'est  en  cette  ([ualité 
que  nous  le  voyons  visiter  :  le  18  octobre 
1486,  le  château  et  les  moulins  du  do- 
maine à  Jodoigue;  le  29  octobre  l'i87, 
les  moulins  et  les  ponts  de  Tirlemont;  le 
16  septembre  1488,  le  château  de  Ge- 
nappe;  en  1488-1489,  les  bâtiments  du 
domaine  à  Tirlemont,  Haelen,  etc.  Dans 
ces  occasions,  Henri  recevait  des  hono- 
raires qui  s'élevaient  à  3  sous  et  4  de- 
niers de  gros  par  jour.  Peu  de  temps 
après,  probablement  parce  qu'il  avait 
adhéré  au  soulèvement  d'une  partie  des 
Brabançons  contre  Maximilieii  d'Autri- 
che, il  fut  remplacé  par  maître  Antoine 
Kelderman. 

Depuis  l'année  1479,  Jean  van  Ever- 
ghem  avait  remplacé  Van  Kuysbroeck 
dans  la  direction  de  la  reconstruction  de 
l'église  d'Anderlecht.  Lorsqu'il  mourut, 
à  la  Saint-Martin  ou  11  novembre  1485, 
ce  fut  son  fils  qui  le  remplaça,  mais 
bientôt,  en  1489,  l'emploi  d'architecte 
de  l'église  précitée  fut  supprimé,  pro- 
bablement parce  que  les  guerres,  et  la 
pauvreté  générale  qui  eu  résultait,  obli- 
gèrent la  fabrique  de  l'église  à  suspen- 
dre les  travaux;  mais  l'architecte  de  la 
ville  de  Louvain,  Jean  De  Mesmaeker, 
étant  mort  le  20  août  de  la  même  année. 
Van  Everghem  fut  nommé  pour  lui 
succéder.  Il  avait  déjà  aidé  son  prédé- 
cesseur dans  les  changements  que  l'on 
effectuait  à  la  chapelle  de  la  sainte  Croix 
dans  l'église  de  Saint-Jacques,  de  Lou- 
vain; il  restaura  encore,  en  1491,  le 
tabernacle  de  ce  temple. 

Là  s'arrête  ce  que  nous  savons  de 
notre  artiste.  Sa  mère  s'appelait  Mar- 
guerite Suels,  dite  Van  Vroenhoveu;  lui 
(ou  du  moins  un  personnage  de  son  nom) 
se  fiança,  le  12  novembre  148G,  dans 
l'église  de  Sainte-Gudule,  de  Bruxelles, 
à  Gillette  van  Haecht.  D'après  le  peu 
que  nous  connaissons  de  ses  œuvres,  il 
resta  fidèle,  comme  sou  père,  à  cette 
architecture  ogivale  flamboyante  qui 
atteignait  alors  son  apogée  dans  nos  pro- 
vinces. Alphonse  Wauteis. 

Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  1,  p.  45. 
—  Van  Even,  Louvain  monumental,  passim.  — 

BIOGR.  NAT.   —  T.  VI. 


Noies  de  M.  Vancler  Mccrscli,  d"AuileiKirde,  dans 
l'ouvrage  de  Laborde,  Les  ducs  de  Uourgo'jne, 
t.  Il,  ]).  397. 

EVKit€;i!^L.io  (Saint)  ou  Evekgesile, 
évêque  de  Cologne,  né  à  Tongres  dans 
la  seconde  moitié  du  ive  siècle,  se  dis- 
tingua, dès  son  adolescence,  par  sa  piété 
et  son  ardeur  pour  l'étude  des  lettres 
sacrées.  S.  Séverin,  évêque  de  Cologne, 
qui  était  probablement  son  parent,  se 
chargea  de  son  éducation,  lui  conféra  la 
dignité  de  diacre,  l'attacha  à  sa  personne 
et  lui  accorda  une  large  part  dans  l'ad- 
ministration de  son  diocèse,  où  une 
grande  partie  de  la  population  était 
restée  attachée  aux  superstitions  du  pa- 
ganisme. Evergisle  s'acquitta  si  bien  de 
ces  fonctions  que,  peu  de  temps  après  la 
mort  de  son  vénérable  prédécesseur,  il 
fut  lui-même  appelé  au  siège  épiscopal 
de  Cologne,  par  un  vote  nnaniine  du 
clergé  et  du  peuple.  C'était  l'époque  où 
l'invasion  générale  des  barbares  avait 
jeté  la  désolation  dans  les  Gaules  et  cou- 
vert de  ruines  les  provinces  voisines  du 
lihin.  Evergisle,  luttant  courageusement 
contre  tous  les  obstacles,  prêchait  l'évan- 
gile, convertissait  les  païens,  raft'ermis- 
sait  la  foi  des  fidèles  et  relevait  les 
églises  et  les  monastères  renversés  par 
les  envahisseurs.  Il  ne  borna  pas  même 
son  zèle  aux  limites  de  son  vaste  diocèse, 
et  il  fit  plus  d'une  fois  le  voyage  de 
Tongres  pour  y  travailler  à  la  conversion 
de  ses  compatriotes.  Ce  fut  dans  un  de 
ces  voyages  que,  logé  au  couvent  de  la 
Sainte-Vierge,  il  fut,  vers  l'an  434, 
assassiné  par  des  brigands.  Ses  restes 
mortels  furent  inhumés  dans  la  cathé- 
drale de  Tongres;  mais,  au  xe  siècle, 
S.  Bruno  les  fit  transporter  à  Cologne  et 
déposer  dans  l'église  de  Sainte-Cécile. 
L'endroit  où  il  fut  assassiné  reçut  et 
porte  encore  le  nom  de  Gramvel-Steeg 
(Chemin  du  crime).  j..j.  xhonissen. 

Lecoinle,  Annales  ecclesiastici  Francornnu 
]).  69.  —  Gliesquière,  Acta  samtorum  lieliiH 
sclecla,  t.  1,  p.  441  et  4'f'2.  —  Butler,  Vie  des 
Saints,  t.  V,  p  6lo;  édit   De  Ram. 

RVKituKi.m':,  nommé  aussi  Everliu 

ou   Everhelin,    écrivain   ecclésiastique, 

rtorissait  pendant  la  première  moitié  du 

XI""  siècle,  et  mourut  probablement  en 

1069.  Il  était  neveu  du  bienheureux 

125 


767 


EVERHELME  —  EVERLANGE-WITRY 


768 


Poppon,  abbé  de  Stavelot,  et  originaire 
vraisemblablement  du  nord  de  la  France. 
Il  embrassa  la  vie  religieuse  dans  l'ab- 
baye. A  la  mort  de  son  oncle,  arrivée 
en  1048,  il  succéda  à  celui-ci  comme 
abbé  de  Hautmont  près  de  Maubeuge. 
Everhelme  ne  suivit  pas  les  exemples 
vertueux  de  son  oncle,  mais  se  laissa 
aller  à  un  grand  relâchement.  Le  25  jan- 
vier 1059,  il  obtint  par  simonie  l'abbaye 
de  Saint-Pierre  au  Mont  Blandin,  à 
Gand,  dont  il  dissipa  les  biens  et  mal- 
traita les  religieux  confiés  à  ses  soins, 
au  point  d'être  accusé  auprès  du  souve- 
rain pontife  Alexandre  II.  Celui-ci  ren- 
voya l'affaire  à  l'examen  de  l'archevêque 
de  Eeims ,  métropolitain  du  diocèse  de 
Tournai,  dont  la  ville  de  Gand  faisait 
partie  à  cette  époque.  On  ne  connaît 
pas  l'issue  de  l'enquête  instituée  par 
l'archevêque  :  elle  fut,  sans  doute,  inter- 
rompue par  la  mort  d'Everhelme,  arri- 
vée peu  de  temps  après. 

On  a  de  lui  une  vie  du  bienheureux 
Poppon,  publiée  sous  le  titre  de  Vita 
B.  Poppo7tis,  lo  d'une  manière  incor- 
recte, par  Surius,  Vitœ  sanctorum,  édit. 
de  1571,  I,  pp.  626-646;  2o  plus  fidè- 
lement^ par  BoUandus,  Ada  Sanctorum 
januarii,  II,  pp.  638-652;  3o  avec  de 
nouvelles  observations  par  Mabillon, 
Ada  sandorum  ordi?iis  S.  JBetiedidi,  YI, 
I,  pp.  569-596;  et  enfin  4°  par  Wat- 
tenbach,  dans  Pertz,  Monumenta  Ger- 
maniœ  Jiistorica,  scriptorum  toimis  XI, 
pp.  291-316,  d'après  trois  manuscrits 
anciens  conservés  à  Malmedy,  Arras  et 
Bruxelles.  Cette  vie  est  bien  écrite  pour 
l'époque  où  elle  a  été  composée. 

E.-H.-J.  Rensens. 

Paquot,  Mémoires,  éd.  in-fo!  ,  [,  p.  607.  —  Pot- 
thast,  Dibliotheca  historica  tnedii  œvi,  p.  8o7. 

EVERI.AXGE-'WITRY     {Louis-Hya- 

cinthe  n'),  fils  de  Théodore-Ignace 
d'Everlange-Witry,  seigneur  de  Witry, 
membre  du  siège  des  nobles  du  duché 
de  Luxembourg,  et  de  Marie-Catherine- 
Claude,  comtesse  de  Gévigny  de  Pointe, 
né  au  château  de  Witry,  baptisé  le 
2  août  1719, mort  le  17  décembre  1791, 
phy.sicien  et  minéralogiste. 

Après  avoir  achevé  ses  premières 
études,    il   fut   admis  par  les  cardinaux 


au  collège  flamand  à  Rome,  distinction 
réservée  aux  jeunes  gens  les  plus  aptes 
aux  études.  Ensuite  il  embrassa  l'état 
ecclésiastique,  en  manifestant  toutefois 
un  goiit  très-prononcé  pour  les  études 
de  la  physique  et  de  la  minéralogie. 
Cette  circonstance  engagea  le  prince 
Charles  de  Lorraine,  gouverneur  géné- 
ral des  Pays-Bas  autrichiens,  à  le  nom- 
mer directeur  de  son  cabinet  de  curio- 
sités. Il  continua  à  remplir  ces  fonctions 
jusqu'après  la  mort  du  prince.  En  1780, 
le  gouvernement  autrichien  se  décida  à 
faire  vendre  en  grande  partie  les  belles 
collections  trouvées  dans  la  succession 
du  gouverneur  général,  et  entre  autres 
les  objets  d'histoire  naturelle.  D'Ever- 
lange  fut  chargé  d'en  dresser  le  cata- 
logue, qui  se  distingue  par  une  bonne 
méthode  de  rédaction. 

Pendant  la  seconde  moitié  du  dix- 
huitième  siècle,  le  titre  de  chanoine  de 
la  cathédrale  de  Tournai  était  sollicité 
par  les  ecclésiastiques  appartenant  aux 
familles  les  plus  distinguées  du  pays  ou 
par  des  personnes  d'un  mérite  scienti- 
fique reconnu.  D'Everlange  fut  nommé 
à  une  prébende  de  ce  chapitre  en  1757. 

Les  études  de  la  physique  et  de  la 
minéralogie  lui  ouvrirent  les  portes  de 
l'Académie  royale  des  sciences  et  lettres 
à  Bruxelles.  Il  en  fut  nommé  membre  le 
13  avril  1773. 

Ses  publications  sont  : 

Mémoire  sur  Véledrieité,  relativement 
à  la  quantité  de  fluide  moteur  dans  les 
végétaux  et  dans  le  corps  humain.  (^lém. 
de  l'Acad.,  t.  I,  p.  181.)  —  Mémoire 
sur  les  eaux  minérales  du  SaucJioir.  (Ibid. , 
p.  249.)  —  Extrait  d'un  Mémoire  sur 
les  glossopètres  et  les  hujfonites.  (Ibid., 
t.  II,  p.  111.)  —  Extrait  d'un  Mémoire 
lu  à  la  séance  du  21  mai  1776,  sur  un 
poêle  économique  plus  propre  à  échauffer 
les  appartements  que  ceux  inventés  jm- 
qnici.  (Ibid,,  t.  IV.)  — Mémoire  sur 
les  fossiles  du  Tourtuiisis,  et  les  pétrifica- 
tions en  général,  relativemeiit  à  leur  utilité 
pour  la  vie  civile .  (Ibid.,  t.  III,  p.   15.) 

—  Mémoire  sur  les  recherches  hydrau- 
liques et  minéralogiques  dans  le  Tournaisis 
et  le  Hainaut  autrichiens.  (Ibid . ,  p.  140.) 

—  Remarques  sur  les  géodes  aqueuses. 


769 


EVERLANGE-WITRY 


77;0 


(Ibid.,  t.  V.,  p,  XXVI.)  —  Précis  des 
observations  faites  sur  V électricité  médi- 
cale depuis  1784«1788,  par  le  moyen  de 
la  machine  électrique  simplifiée,  à  l'usage 
de  la  médecine.  (Ibid.,  p.  Lxxviri.)  — 
Mémoire  pour  servir  de  suite  à  Vhistoire 
des  fossiles  belfjiques.  (Ibid.,  p.  84.)  — 
Observations  faites  à  Tournay  sur  le  degré 
du  froid  des  30  et  "iX  décembre  1783. 
(Ibid.,  p.  435.)  Ces  Mémoires  ont  été 
réimprimés  dans  un  volume  intitulé  : 
De  Witry ,  Recueil  de  divers  mémoires  lus 
à  l'Académie  relativement  aux  sciences  et 
aux  arts  utiles,  Tournai,  17S9,  in-S». 

cil.  Piot. 

Namur,  Hist.  et  bibliographie  de  l'Académie 
royale  de  Belgique  —  Neyen,  Biographie  Luxem- 
bourgeoise. —  th.  Piot,  'Notice  kist.  et  généal. 
delà  maison  deSiraten. — Archives  du  conseil  des 
finances  et  de  la  mortuaire  du  prince  Charles  de 
Lorraine  —  Papiers  de  la  famille  d'Everlange- 
Witry. 

EVERi..%^'CïE-'««'iTRY  (Robert -Jo- 
sepJi  i>'),fils  d'Ernest-CTuillaume  d'Ever- 
lange-Witry,  et  de  Marie-Anne-Alde- 
gonde  de  Hamal  de  Brialmont,  né  au 
château  de  Witr}^  le  6  avril  1754, 
mort  à  Odessa  le  14  mai  1815,  propa- 
gateur de  l'ordre  de  Malte  et  de  l'in- 
struction en  Russie.  Le  prince  Charles 
de  Lorraine,  gouverneur  général  des 
Pays-Bas  autrichiens,  l'admit  en  1761 
au  nombre  des  pages  de  sa  cour.  Il  prit 
ensuite  du  service  en  France,  dans  le 
régiment  Royal  suédois,  sous  les  ordres 
du  comte  de  Steeding  ;  le  2 1  septembre 
1780,  reçu  chevalier  de  Saint- Jean  de 
Jérusalem,  il  partit  pour  Malte,  où  il  ne 
resta  pas  longtemps.  Bientôt  il  reprit 
sa  place  d'officier  dans  le  régiment 
Royal  suédois.  Entraîné  dans  le  tour- 
billon de  la  révolution,  il  demeura  en 
France,  malgré  les  démarches  faites  par 
sa  famille  afin  de  le  faire  rentrer  chez 
lui.  Enfin  il  quitta  Paris  en  1796,  pour 
se  rendre  à  Saint-Pétersbourg.  Là  il 
retrouva  d'anciens  amis,  entre  autres  le 
comte  de  Steeding,  des-^enu  ambassadeur 
de  Suède  près  de  la  cour  de  Russie,  et 
de  Litta,  envoyé  de  l'ordre  de  Malte 
près  de  la  même  cour.  Il  fut  adjoint  à  ce 
dernier  à  titre  de  chevalier  dudit  ordre. 

Paul  1er,  en  guerre  avec  la  Turquie, 
avait    intérêt    à   s'attacher  l'ordre   de 


Malte,  l'ennemi  séculaire  de  la  Porte. 
Après  avoir  rétabli  en  Volhynie  un 
prieuré  polonais  de  Saint-Jean  de  Jéru- 
salem, l'empereur  accepta  en  1789,  la 
croix  et  le  protectorat  de  cette  institu- 
tion. A  la  suite  de  la  prise  faite  par  les 
Français  de  l'île  de  Malte,  le  grand- 
maître  Hompesch  reçut  la  pension  que 
lui  offraient  les  vainqueurs.  Déclaré 
traître  par  le  prieuré  de  Russie,  Hom- 
pesch perdit  tous  ses  titres  et  fut  rem- 
placé en  qualité  de  grand-maître  par  le 
czar.  D'Everlange  ne  fut  pas  étranger  à 
ces  changements  :  il  remplissait  dans 
l'ordre  les  fonctions  de  chevalier-secré- 
taire. Dans  une  lettre  adressée  à  sa 
famille,  il  donne  la  description  complète 
des  cérémonies  qui  eurent  lieu  à  l'occa- 
sion de  l'admission  du  nouveau  grand- 
maître.  Le  27  octobre  1798,  il  fut  nommé 
commandeur  du  chapitre,  et  le  czar  lui 
confia  la  charge  de  trésorier  du  prieuré 
de  Russie.  Après  l'assassinat  de  Paul  1er, 
Alexandre,  plus  porté  que  son  père  à 
favoriser  les  intérêts  de  la  Russie,  ne 
se  soucia  guère  de  l'ordre  de  Malte. 
De  Litta  et  d'autres  chevaliers  renon- 
cèrent aux  hautes  fonctions  qu'ils  occu- 
paient. D'Everlange  résolut  aussi,  en 
février  1804,  de  quitter  Saint-Péters- 
bourg, et  le  10  mars  suivant,  il  entra 
dans  l'ordre  des  Jésuites  à  Dunebourg, 
sous  le  nom  de  père  Everlingen.  Le  duc 
de  Richelieu,  nommé  par  le  czar  gou- 
verneur de  la  Crimée,  voulut  associer  à 
l'œuvre  de  la  réorganisation  de  ce  pays 
le  père  Everlingen,  qu'il  avait  connu 
aux  cours  de  Versailles  et  de  Saint- 
Pétersbourg  :  il  lui  confia  la  direction 
de  l'instruction  publique  à  Odessa.  Pen- 
dant la  peste  de  1812,  d'Everlange  se 
dévoua  en  secourant  les  pestiférés  à 
Odessa,  et  continua  à  y  résider  jusqu'à 
sa  mort. 

D'Everlange  ne  publia  jamais  rien  ; 
mais  ses  lettres,  restées  inédites,  renfer- 
ment un  grand  nombre  de  faits  observés 
pendant  ses  pérégrinations. 

Cb.  Piot. 
Neyen,  Biographie  Luxembourgeoise. —  De  Hac- 
ker, Les  Ecrivains  de  la  compagnie  de  Jésus.  — 
Tannenbcrg  Leben  Pauls  I.  —  Le  comte  de 
Miiistre,  Lettres  et  opuscules,  inédits.  —  Ch.  Piot, 
Notice,  hisl.  et  généal.  de  la  maison  de  Slraten. 
—  Archives  de  la  famille, 


771 


EVERS 


772 


KVERjiii    {CJtaiies- Joseph  ,    baron)  , 
homme   de   guerre,    né   à  Bruxelles   le 
8   mai   1773   et  mort   au   château    de 
Jambes,  près  de  Namur,le  9  août  1818. 
Il  s'engagea  à  l'âge  de  quinze  ans  parmi 
les  volontaires  de  Bruxelles  (cavalerie) 
et  obtint  bientôt  le  grade  de  sous-lieu- 
tenant dans  le  régiment  de  dragons  de 
Namur.  Ces  corps,  auxquels  la  révolu- 
tion brabançonne  avait  donné  naissance, 
firent  la  campagne  de   1790  contre  les 
troupes  autrichiennes  ;  mais  la  restaura- 
tion  du   pouvoir  autrichien  dans  notre 
pays  ayant  amené  la  dissolution  de  l'ar- 
mée   belgique,    les    militaires    qiii    en 
avaient  fait  partie   s'expatrièrent  dans 
les  pays  voisins  et  finirent  la  plupart 
par  s'enrôler  dans  les  armées  de  la  ré- 
publique française.  Evers  entra  dans  un 
régiment  de   cavalerie,  se  signala  dans 
nombre  d'afl"aires  et  gagna  chacun  de  ses 
grades  par  des  actions  d'éclat.   Il  dé- 
ploya surtout  la  plus  audacieuse  bra- 
voure à  la  prise  de  Menin,  où  il  entra  à 
la  tête   de  l'avant-garde,  et  au  combat 
qui  eut  lieu  sur  les  bords   de  la  Lys,  le 
6   septembre   1793   :   suivi  d'un   petit 
nombre  de  Liégeois  et  d'autres  Belges 
qui,  comme  lui,    s'étaient  enrôlés  dans 
l'armée  française,   il  se  jeta  à  la  nage 
jîour  aller  délivrer  des   prisonniers  qui 
étaient   tombés   aux   mains   des   Autri- 
chiens, et  fut  blessé  d'un  coup  de  sabre 
à  la  tête.  Il  était  alors  capitaine.  Echappé 
comme  par  miracle   aux  dangers  au  mi- 
lieu  desquels  il  s'était  audacieusemeut 
jeté,  il  parvint  à  se  réfugier  dans  Lille 
qui  se  trouvait  assiégée.  Les  nombreuses 
sorties  que  la  garnison  de   cette   place 
effectua,  fournirent  à  Evers   plusieurs 
occasions  de  se  distinguer  :  un  jour  il  se 
précipita  au  milieu  d'un  retranchement 
ennemi  où  flottait  un  drapeau  qui  avait 
été  enlevé  aux  Français,  dans  un  combat 
précédent  ;  un  coup  de  feu  l'atteint  à  la 
jambe  droite  sans  l'arrêter;  il  s'empare 
du  trophée  et  le  rapporte  dans  la  ville. 
Après  avoir  servi  successivement  dans 
les  armées  du  Xord  et   de  Sambre-et- 
Meuse,  Evers  fit  les  campagnes  du  Ehin, 
de  Suisse,  du  Hanovre  et  d'Italie.  Par- 
tout  il   se    distingua    par    des    actions 
d'éclat  dont  rénumération  serait  trop 


longue.  En  1803,  il  fut  chargé  de  l'or- 
ganisation d'une  légion  hanovrienne, 
dont  il  conserva  le  commandement  et  à 
la  tête  de  laquelle  il  fit  la  campagne  de 
Naples,  et  prit,  par  escalade,  la  cita- 
delle de  Civitella  del  Tronto,  après  avoir 
placé  lui-même  les  premières  échelles  et 
reçu  trois  coups  de  feu,  dont  un  lui  avait 
cassé  le  bras,  sans  l'empêcher  d'accom- 
plir son  audacieux  fait  d'armes.  Envoyé 
en  Espagne  et  en  Portugal  avec  sa  légion 
hanovrienne,  il  s'y  couvrit  de  gloire  et 
obtint  le  grade  de  général  comme  récom- 
pense de  sa  brillante  conduite  dans  une 
série  de  combats  où  il  avait  encore  plu- 
sieurs fois  été  blessé. 

Au  début  de  la  campagne  de  Eussie, 
Evers  eut  la  mission  d'escorter,  avec 
3,000  hommes,  le  trésor  de  l'armée 
(11  millions).  Vivement  harcelé  parles 
Cosaques,  il  défendit  vaillamment  le 
précieux  convoi  confié  à  sa  garde  et  par- 
vint à  le  faire  entrer  à.  Smolensk.  Ce  fut 
lui  qui,  à  la  tête  de  5,000  cavaliers,  fut 
chargé  aussi  de  protéger  la  retraite  de 
rem2)ereur  à  travers  l'ennemi.  Il  rouvrit 
les  communications  entre  Wiesma  et 
Kalouga  et  rétablit  les  ponts  brûlés  par 
les  Prussiens.  Xapoléon  le  nomma  baron 
de  l'empire.  Exténué  de  fatigue,  couvert 
de  blessures,  il  dut  s'arrêter  à  Kœnigs- 
berg,  où  les  Eusses  le  firent  prisonnier. 

Pendant  sa  captivité,  les  événements 
se  succédèrent  rapidement  en  France. 
La  chute  de  l'empire  Xapoléonien  et  le 
démembrement  de  la  France  impériale 
étaient  des  faits  accomplis  lorsque  le 
général  Evers  fut  rendu  à  la  liberté,  à 
l'intervention  du  prince  royal  de  Suède. 
Il  rentra  alors  dans  sa  patrie  et  fut 
nommé  lieutenant  général  inspecteur 
général  de  la  cavalerie  (18  septembre 
1814).  Il  organisa  immédiatement  la 
cavalerie  du  nouveau  gouvernement  et 
la  mit  en  état  de  se  distinguer  à  Water- 
loo. 

En  1815,  le  baron  Evers  fut  appelé 
au  commandement  dont  Xamur  était  le 
quartier  général  et  ce  fut  dans  ces  hautes 
fonctions  que  ce  guerrier  illustre  termina 
sa  glorieuse  carrière,  à  l'âge  de  quarante- 
cinq  ans. 

Le  général  Evers  était  membre  de  la 


I 


773 


EVERS  —  EVRARD 


774 


Légion  d'honneur  depuis  la  création  de 
l'ordre;  en  1809,  il  avait  été  promu 
officier.  Après  Waterloo,  le  roi  des  Pays- 
Bas  le  nomma  commandeur  de  l'ordre 
de  Guillaume. 

Général  baron  Guillaume. 

Archives  de  la  guerre  de  France  et  des  Pays- 
Bas. 

EVRARD  (Guillaume),  sculpteur,  né 
dans  les  environs  de  Liège  au  commen- 
cement du  xviiie  siècle.  Il  était  berger 
quand  ses  premiers  essais  de  sculpture 
appelèrent  sur  lui  l'attention  du  grand 
prévôt  Van  Soûle  et  lui  valurent  la  pro- 
tection de  ce  personnage.  Il  ne  tarda 
guère  à  justifier  les  flatteuses  prévisions 
qu'on  avait  eues  de  son  avenir  ;  ses  œu- 
vres le  prouvent  et  constatent  son  mé- 
rite; elles  seules  aussi  nous  fournis- 
sent quelques  indications  sur  sa  car- 
rière. 

Le  mausolée  du  prince-évêque  Geor- 
ges-Louis de  Berghes,  commandé  vers 
1743,  est  considéré  comme  l'une  de  ses 
plus  importantes  productions.  Placé  pri- 
mitivement à  la  cathédrale  de  Saint- 
Lambert,  il  se  trouve  actuellement  dans 
le  réfectoire  du  grand  séminaire  et 
l'on  y  découvre  l'habileté  du  maître  à 
travers  le  style  maniéré  de  l'époque.  Ce 
monument  funèbre  se  compose  de  plu- 
sieurs figures  allégoriques  :  on  y  voit  la 
Renommée  indiquant  d'un  geste  expres- 
sif le  portrait  en  bas-relief  du  défunt, 
tandis  que  deux  génies,  placés  symétri- 
quement de  droite  et  de  gauche,  sym- 
bolisent, par  leurs  attributs,  l'un  le 
pouvoir  sacerdotal,  l'autre  le  pou- 
voir temporel  exercés  par  le  prince 
décédé. 

Le  même  style,  le  même  goût,  et  des 
qualités  analogues  ont  été  signalés  dans 
deux  autres  mausolées,  l'un  érigé  à  la 
mémoire  du  cardinal  Jean-Théodore  de 
Bavière,  mort  en  1765;  l'autre  fait  en 
l'honneur  de  Charles  d'Oultremont, 
prince-évêque,  décédé  en  1772.  Après 
la  destruction  de  l'église  Saint-Lambert, 
où  ces  tombeaux  se  trouvaient  placés, 
la  famille  d'Oultremont  veilla  à  ce  que 
les  cendres  d'un  des  siens  ne  fussent 
point  profanées,  et  elle  fit  transporter  le 
mausolée  du  prince  Charles  dans  la  cha- 


pelle de    Lexhi,    où    il    se    trouve   en- 
core. 

Une  chronique  de  l'abbaye  de  Saint- 
Hubert  nous  signale  d'autres  produc- 
tions encore  :  d'abord  une  statue  de  saint 
Sébastien  percé  de  flèches,  placée  dans 
la  chapelle  de  l'abbé  de  cette  abbaye  ; 
production  importante,  que  le  statuaire 
se  plut  à  reproduire  dans  une  gravure 
à  l'eau-forte  (son  premier  et  peut-être 
son  unique  essai  en  ce  genre)  et  au  bas 
de  laquelle  se  trouve  une  inscription 
italienne  digne  d'être  rapportée ,  car 
elle  prédispose  à  croire  qu'Evrard  avait 
étudié  en  Italie  : 

Statua  posta  nella  capella  delV  Eccmo  e  Revno 
sicjnore  b.  Celestino  Dejonc  Abbate  de  S.  Uberto 
a  cui  vient  dicata,  e  perprimo  assagio  in  acqua 
forte  da  Guglielmo  Evrard  scullore  et  autore. 

Notre  artiste  enrichit ,  en  outre , 
l'église  de  Saint-Hubert  de  quatre  sta- 
tues des  évangélistes  et  de  stalles  fort 
remarquables,  achevées  en  1733,  et  re- 
présentant, d'un  côté,  les  principaux 
événements  de  la  vie  de  saint  Benoît,  de 
l'autre  côté,  les  actes  de  la  vie  de  saint 
Hubert  (1). 

La  réputation  acquise  par  Evrard  lui 
permettait  d'attribuer  un  prix  assez  élevé 
à  ses  œuvres.  Les  comptes  de  la  ville  de 
Liège  en  témoignent  :  on  y  voit  qu'en 
1746-1747,  une  somme  considérable 
pour  cette  époque,  huit  cent  quatre- 
vingts  florins  lui  furent  attribués  pour 
la  sculpture  des  armoiries  municipales 
placées  sur  la  porte  Saint-Léonard  et 
pour  la  livraison  d'une  statue  de  saint 
Jean  Népomucène .  Celle-ci  se  voit  encore , 
cro3^ons-nous,  à  l'église  de  Saint-Denis, 
ainsi  qu'une  autre,  due  au  même  ciseau, 
représentant  saint  Ambroise. 

On  doit  également  à  Evrard  les  anges 
placés  aux  deux  côtés  du  tabernacle  à 
l'église  de  Saint-Martin;  —  le  beau 
Christ  à  la  Colonne  de  l'église  Sainte- 
Croix;  —  le  groupe  à'Hérode  et  de 
saint  Jean-Baptiste  à  l'église  de  Saint- 
Jean;  —  et  enfin,  à  la  cathédrale  de 
Saint-Paul,  les  statues  de  Marie  et  de 
Jésus,  productions  inférieures  aux  pré- 

(I)  llititoire  chronique  de  l'abbaye  de  Saint- 
Hubert,  en  Ardenne,  par  F. -A.  Mouzon.  Liège, 
H.  Dessain. 


775 


EVRARD  —  EYCK 


776 


^édentes  et  qui  se  ressentent,  dirait-on, 
de  la  vieillesse  du  sta;^•uaire. 

Félix  Stappaerts. 

Nagler,  Kunstler  Lexicon.  —  Ed.  Marchai,  Les 
Sculpteurs  des  Pays-Bas.  —  Renseignements 
fournis  par  M .  A'.  Henrotte. 

ETRARD  (Jacqxes  ou  Perpèté),  peintre 
miniaturiste  de  beaucoup  de  talent,  mais 
dont  la  biographie  est  peu  connue.  On 
le  croit  né  à  Dinantet  décédé  en  1727. 
Plusieurs  auteurs  hollandais  en  parlent 
avec  grand  éloge  et  disent  avoir  vu  de 
lui  à  La  Haye  de  très-jolies  miniatures 
datées  de  1707.  On  sait  qu'il  fut  appelé 
en  Espagne  pour  y  peindre  la  famille 
royale.  De  là  il  se  rendit  à  Vienne,  puis 
revint  s'établir  à  La  Haye,  où  il  mourut. 
Plusieurs  de  ses  portraits  ont  été  gravés. 
Y  a-t-il  eu  deux  Evrard,  père  et  fils,  ou 
deux  frères  ?  C'est  ce  que  l'on  n'est  point 
encore  parvenu  à  élucider. 

Ad.  Siret. 

EX-t^ERDE  {François  de  Kerclioxe, 
baron  d'),  littérateur,  né  à  Gand,  mort 
en  1850.  Voir  Keechove  {François  De), 
baron  d'Exaerde. 

EY€K  {Hîihert,  Jean  et  Marguerite 
Vax).  Malgré  l'obscurité  qui  enveloppe 
encore  l'histoire  de  la  famille  Van  Eyck, 
on  est  parvenu  à  établir  certains  faits,  à 
poser  certaines  dates,  qui  sont  des  jalons 
précieux.  Si  la  biographie  des  frères 
Hubert  et  Jean  n'a  pas  ses  phases  bien 
déterminées,  elle  peut  du  moins  sortir 
des  hypothèses;  elle  se  présente  à  nous, 
d'abord'  avec  ses  côtés  précis  et  bien 
constatés,  ensuite  avec  des  probabilités 
et  des  conséquences  découlant  directe- 
ment des  faits  acquis.  Ce  qui  a  été  le 
plus  contraire  à  l'élucidation  de  l'his- 
toire biographique  des  Van  Eyck,  c'est 
la  spéculation  qui,  depuis  un  siècle  et 
plus,  s'est  attachée  à  la  vente  de  leurs 
œuvres.  En  effet,  tout  tableau  du  xve  siè- 
cle, peint  dans  le  style  des  Van  Eyck  ou 
par  leurs  élèves,  ou  par  leurs  imitateurs, 
ou  même  simplement  copié  par  ceux-ci, 
a  été  présenté  au  public  comme  œuvre 
originale.  Or,  celle-ci  portant  presque 
toujours,  soit  une  date  commémorative, 
soit  une  indication  armoriée,  soit  une 
inscription  en  forme  d'ex-voto,  de  don, 
de  souvenir,    soit  enfin  une  signature 


rarement  originale,  il  en  est  résulté  que, 
pour  affirmer  l'authenticité  du  tableau 
produit,  une  foule  de  contestations  et  de 
controverses  sont  nées  qui  ont  fourni 
l'occasion  à  plusieurs  écrivains  de  ren- 
chérir encore  sur  ce  désordre  et  de  le 
rendre  en  quelque  sorte  inextricable. 
Bien  plus,  le  fanatisme  de  la  discussion 
a  été  poussé  si  loin,  qu'on  a  vu  des  gens 
falsifier  les  dates  qui  annihilaient  leurs 
théories  pour  y  substituer  des  dates 
fausses  qui  les  justifiaient.  Il  serait  im- 
possible d'énumérer  toutes  les  fraudes 
auxquelles  on  s'est  livré,  surtout  dans 
notre  siècle,  pour  créer  des  tableaux  des 
Van  Eyck  et  rendre  ainsi  à  peu  près  im- 
possible le  rétablissement  de  la  vérité. 

Cependant  quelques  écrivains  s'en 
rapportant  uniquement  aux  réponses 
données  à  leurs  savantes  et  infatigables 
interrogations,  sont  parvenus,  sinon  à 
établir  une  chronologie  exacte  de  la  vie 
de  nos  illustres  peintres,  du  moins  à 
redresser  beaucoup  d'erreurs  et  à  provo- 
quer des  lueurs  dont  la  clarté  peut 
augmenter  avec  le  temps.  Nous  allons 
suivre  pas  à  pas  nos  prédécesseurs  en 
apportant  nous-même  dans  ce  travail  les 
résultats  d'une  persévérante  étude.  Nous 
ne  nous  occuperons  point,  comme  on  a 
essayé  de  le  faire,  du  père  des  Van  Eyck 
et  d'un  troisième  frère  du  prénom  de 
Lambert,  sur  lequel  on  a  vainement 
essayé  d'échafauder  une  vie  hypothé- 
tique. Il  faut  se  borner  à  croire  avec 
Van  Mander  que  l'esprit  des  arts  ré- 
gnait dans  la  famille  des  Van  Eyck  et 
que  peut-être  le  père  lui-même  fut  peintre. 
Renfermons-nous  donc  dans  la  donnée  offi- 
cielle concernant  Hubert  et  Jean,  et  sub- 
sidiairement  Marguerite,  sur  le  compte 
de  laquelle  l'histoire  balbutie  quelques 
mots  dont  il  faut  tenir  compte. 

Hubert  van  Eyck,  l'aîné  des  frères, 
est  né  probablement  à  Eyck-sur-Meuse, 
ou  Maeseyck.  Van  Mander  dit,  pour 
autant  que  cela  est  présumable ,  qu'il 
naquit  en  1366  :  c'est  la  date  communé- 
ment adoptée.  Tout  ce  que  l'on  sait  d'ab- 
solument certain  sur  Hubert,  c'est  la 
date  de  sa  mort,  arrivée  le  18  septembre 
1426  à  Gand,  où  il  s'était  établi  en  1420. 
S'il  faut  en  croire  l'abbé  Carton,  se  ba- 


777 


EYCK 


778 


sant  sur  un  document  qui  n'a  pas  été 
retrouvé,  il  fut  en  1422,  le  jour  de  la 
fête  de  saint  Bavon,  reçu  membre  de  la 
confrérie  de  îs'otre-Dame-aux-Eayons. 
Dans  cette  même  année,  on  inscrivit 
d'ofi&ce  les  deux  frères  dans  la  corpora- 
tion des  peintres  et  sculpteurs  de  Gand , 
L'original  du  registre  étant  perdu  et  la 
copie  ne  datant  que  de  l'année  1584,  on 
a  émis  des  doutes  sur  l'exactitude  de  ce 
renseignement;  pour  notre  part,  nous  le 
croyons  exact,  attendu  que  rien  ne  sau- 
rait justifier  l'inscription  subreptice  des 
frères  Van  Eyck  dans  la  corporation  dont 
il  s'agit.  Hubert  fut  enterré  dans  la 
crypte  de  l'église  de  Saint -Bavon  à 
Gand,  dans  la  cinquième  chapelle,  placée 
exactement  sous  celle  qui,  dans  l'église, 
renferme  V Adoi'utmi  de  V Agneau.  On 
croit  que  la  dépouille  de  Marguerite 
van  Eyck  se  trouve  dans  le  même  tom- 
beau. Le  poëte  Marc  van  Yaernewyck 
déclare  avoir  vu  dans  cette  église  la 
pierre  sépulcrale  d'Hubert  et  avoir  copié 
lui-même  l'épitaphe  flamande,  gravée 
sur  une  plaque  de  cuivre,  tenue  par  un 
squelette  sculpté  en  pierre  blanche. 
Voici  cette  épitaphe  : 

Spiegelt  u  aen  my,  die  op  my  treden, 

Ick  was  als  ghy,  iiu  ben  beiieden, 

Begraven  dool.  Alst  is  aen  schyne, 

My  en  liatp  rael^  Const,  noch  medecyne  ; 

C.onst,  heer,  wysheit,  macht,  ryckheit  groot, 

Is  onghespaert.  als  comt  die  doot. 

Hubreclil  van  Eyck  was  ick  genaemt 

.V«  Spyse  der  wormeu,  voormaels  befaemt 

In  Schitderye  seer  hooghe  geSert  : 

Cort  na  was  yet  in  niete  verkeert. 

lu  'tjaer  des  heeren,  des  zyt  ghewes, 
Duynent,  vier  hondert,  twintich  en  ses. 
In  de  maenl  September  achlien  daghen  viel 
Pat  ik  met  pynen  Godt  gaf'myn  siel 
Didt  God  voor  my,  die  Const  tninnen. 
Dut  ick  Zyn  aensicht  luoet  ghewinnen. 
En  vliet  sonde,  keert  u  ten  besten, 
IVaut  ghy  my  volgen,moet]  ten  leslen. 

(Traduction.)  «  Prenez  exemple  sur 
"  moi  vous  qui  marchez  sur  moi,  j'étais 
«  comme  vous,  maintenant  je  suis  sous 
«  la  terre,  mort.  Ni  conseils,  ni  science, 
«  ni  médecine  n'ont  pu  me  sauver. 
»  L'art,  l'honneur,  la  sagesse,  la  puis- 
"  sance,  la  richesse,  la  grandeur  sont 
«  inutiles  quand  vient  la  mort.  Mon 
«  nom  était  Hubert  van  Eyck;  aujour- 
"  d'hui  la  proie  des  vers,  autrefois 
«   connu  et  très-hautement  honoré  pour 


»    mes  tableaux, peu  après  réduit  à  rien. 

"  Dans  l'année  de  Notre  Seigneur 
Il  raille  quatre  cent  vingt-six,  le  dix- 
"  huit  du  mois  de  septembre,  au  milieu 
"  des  douleurs,  je  rendis  mon  âme  à 
Il  Dieu.  Priez  Dieu  pour  moi  vous  qui 
Il  aimez  l'art  afin  que  je  puisse  le  voir 
Il  face  à  face.  Fuyez  le  péché,  tournez - 
"  vous  vers  le  bien,  car  à  la  fin  vous 
"   devrez  me  suivre.  « 

Van  Vaernewyck  nous  apprend  en 
outre  qu'il  a  vu,  dans  le  cimetière  de 
l'église  de  Saint-Jean  (Saint-Bavon),  l'os 
du  bras  d'Hubert  attaché  à  un  anneau 
de  fer.  C'est  en  1420,  que  Josse  Vyd, 
seigneur  de  Pamele,  allié  à  la  famille  de 
Borluut,  fonda  une  chapelle  dans  cette 
église.  Pour  l'orner  dignement,  il  com- 
manda à  Hubert  le  célèbre  retable  de 
V  Adoration  de  V Agneau  que  le  peintre 
ne  put  achever,  bien  qu'il  y  ait  travaillé 
jusqu'à  sa  mort;  c'est  son  frère  Jean  qui 
le  termina. 

Comme  on  le  voit,  ce  que  l'on  sait  se 
réduit  à  peu  de  chose,  mais  ces  rensei- 
gnements sont  authentiques.  La  com- 
mande de  V Adoration  de  V Agneau  est 
prouvée  par  l'inscription  qui  se  trouve 
sur  le  cadre  du  tableau  ou  du  moins 
cette  inscription  constate  le  travail 
d'Hubert,  la  circonstance  de  sa  mort,  la 
prière  de  Josse  Vyd  à  Jean  et  aussi  le 
placement  de  l'œuvre  à  la  date  du  6  mai 
1432. 

Voici  cette  inscription  : 

PiCTOR   HUBERTUS  È  EyCK,   MAJOR  QUO  NEMO  RE- 

[PERTUS 

i.nxepit  :  pondus,  quod  johankes  arte,  seclndus 
Frater,  perfectus,  Judoci  Vyd  prece  fretds. 
VersU  seXta  Mai  Vos  CoLLoCat  aCta  VerI. 

On  a  avancé  sans  preuves  qu'Hubert 
faisait  partie  de  la  confrérie  de  Notre- 
Dame  de  Gand  dès  l'année  1412,  et 
Marguerite  en  1418. 

M.  De  Busscher,  archiviste  de  la  ville 
de  Gand,  a  découvert,  dans  les  archives 
de  cette  ville,  deux  notes  où  il  est  ques- 
tion d'une  visite  du  magistrat  de  Gand 
à  l'atelier  d'Hubert  van  Eyck  en  1424 
pour  y  inspecter  un  ouvrage  que  ce  der- 
nier exécutait.  W  est  permis  de  supposer 
que  cet  ouvrage  était  une  commande 
officielle,  à  laquelle  se  rapporterait  éga. 


779 


KYCK 


780 


lement  la  note  suivante,  plus  explicite 
et  extraite  des  comptes  communaux  gan- 
tois de  14-2-i  : 

Ghegheven  meestei'  HuherecM  over  sijn 
moyte  van  ij  betcerpen  van  eenre  taeffeJe 
die  hy  maecte  ter  hevelene  van  8cepene7i, 
VI s.  gr.  (six  escalins  de  gros). 

Nous  ne  parlerons  que  pour  mémoire 
de  l'opinion  peu  sérieuse  émise  par 
M.  Wornum,  qu'Hubert  ne  serait  pas 
le  frère  utérin  de  Jean,  mais  le  fruit 
d'un  premier  mariage  (The  essags  oj 
painting,  etc.,  by  R.  N.  Wormim,  Lon- 
dres, 1864). 

Quant  à  l'époque  où  les.  Van  Eyck 
vinrent  à  Bruges,  puis  s'établirent  à 
G  and,  nous  ne  pouvons  rien  préciser  : 
on  ne  saurait  s'en  rapporter  qu'aux  dates 
fixées  par  les  comptes  pour  déterminer 
leur  séjour  tantôt  à  Gand,  tantôt  ail- 
leurs. Il  est  certain  qu'après  la  mort 
d'Hubert  et  de  Marguerite,  décédés  à 
Gand,  Jean  alla  s'établir  à  Bruges.  Nous 
supposons  que  la  famille  quitta  cette 
ville  vers  1420,  car  c'est  vers  cette 
année  qu'ils  durent  être  inscrits  sur  le 
livre  de  la  corporation  des  peintres  gan- 
tois. Cette  inscription  était  exigée  pour 
permettre  d'exercer  un  art  quelconque 
dans  la  commune. 

On  ne  connaît  aucune  œuvre  aiithen- 
tique  d'Hubert,  si  ce  n'est  la  partie 
supérieure  de  V Adoration  de  V Agneau 
dont  il  sera  question  plus  loin.  On  n'a 
pas  manqué  de  lui  attribuer  une  assez 
grande  quantité  de  tableaux,  mais  jus- 
qu'ici rien  n'est  venu  confirmer  ces 
attributions.  Hubert  et  Jean  ont  tra- 
vaillé le  plus  souvent  ensemble,  et  l'on 
reconnaît,  ou  du  moins  on  croit  recon- 
naître la  part  de  collaboration  d'Hubert 
dans  les  parties  les  mieux  traitées.  On 
donne  à  l'aîné  une  somme  de  talent  plus 
grande  qu'à  Jean,  et  cela  serait  exact  si 
la  part  du  premier  était  vraiment  celle 
qu'on  suppose.  On  pense  qu'Hubert  mé- 
ditait et  arrangeait  les  compositions, 
qui  ont  po\ir  la  plupart  un  sens  chrétien 
allégorique  et  symbolique.  A  partir  de 
sa  mort,  on  remarque  que  les  œuvres  de 
Jean  sont  dépourvues  de  ce  caractère  : 
elles  revêtent  un  sentiment  plus  humain, 
p'fist  r^ft  qui  a  permis   do   déterminer, 


dans  une  certaine  mesure,  la  part  res- 
pective des  deux  frères. 

H  faut  donc  se  montrer  très-réservé 
quant  aux  tableaux  que  dans  certains 
musées  on  n'a  pas  hésité  à  croire  d'Hu- 
bert et  ne  considérer  comme  étant  de 
lui  que  les  parties  de  V Adoration  de 
V  Agneau  qui  seront  indiquées  plus  loin. 

Jja  question  de  l'invention  de  la  pein- 
tiire  à  l'huile  attribuée  aux  Van  Eyck 
ne  doit  pas  non  plus  être  tranchée  d'une 
manière  absolue.  Il  a  été  démontré  pé- 
remptoirement par  des  comptes  commu- 
naux, d'églises,  de  communautés,  etc., 
que  la  peinture  à  l'huile  existait  en 
Flandre  avant  les  frères  Van  Eyck,  et 
qu'elle  était  appliquée  à  des  écussons, 
des  bannières,  des  statues  et  même  à  des 
panneaux  avec  personnages,  ce  qui  en- 
traîne évidemment  l'idée  de  tableaux 
lorsqii'il  ne  s'agit  point  de  panneaux  à 
reliefs.  Seulement  il  n'est  guère  douteux 
qu'ils  y  aient  apporté  des  améliora- 
tions de  nature  à  faire  subir  à  leur  art 
une  transformation  tellement  éclatante, 
qu'elle  éblouit  l'Europe  artiste  et  qu'elle 
émut  l'Italie  qui  s'appropria  avec  rapi- 
dité les  procédés  nouveaux.  On  connaît 
l'épisode  d'Antonello  de  Messine  accou- 
rant chez  les  Van  Eyck  afin  d'apprendre 
leur  secret  et,  retournant  en  Italie  où 
un  jaloiix  l'assassine,  sans  doiite  dans 
l'espoir  de  profiter  seul  du  nouveau  mode 
de  peindre  apporté  de  Flandre. 

Les  frères  Van  Eyck,  ce  fait  est  prouvé, 
étaient  des  hommes  studieux  à  qui  cer- 
taines sciences  n'étaient  pas  étrangères. 
Ils  s'occupaient  probablement,  au  point 
de  vue  de  la  peinture,  d'un  peu  de 
chimie,  et  c'est  ainsi  que  l'idée  put  leur 
venir  de  fondre  leurs  couleurs  dans  une 
matière  plus  susceptible  de  liant  et 
d'éclat.  On  a  prétendu  que  l'honneiir  de 
cette  découverte  ou,  pour  parler  plus 
exactement,  de  cette  amélioration,  était 
due  plutôt  à  Jean  qu'à  Hubert.  C'est 
possible,  quoique  celui-ci,  étant  le  plus 
âgé  d'environ  quinze  à  vingt  ans,  diit 
être  doué  de  plus  d'expérience,  mais 
c'est  là,  semble-t-il,  un  détail  peu  im- 
portant, et  l'histoire  se  contente  d'attri- 
buer aux  deux  frères,  sans  distinction, 
l'emploi   judicieux   et   intelligent   d'un 


781 


EYCK 


782 


procédé  qui  ouvrit  à  l'art  les  plus   ma- 
gnifiques horizons. 

La  caractéristique  du  talent  d'Hu- 
bert, telle  qu'elle  apparaît  dans  V Ado- 
ration de  V Agneau,  est  facile  à  déter- 
miner. Dans  l'ensemble,  on  remarque 
l'influence  de  l'époque,  l'art  byzantin  et 
les  traditions  de  l'école  rhénane  fondus 
et  dominés  par  l'incontestable  person- 
nalité de  l'artiste.  Une  certaine  raideur 
sculpturale  pleine  de  majesté  est  impri- 
mée à  ses  personnages  et,  dans  leurs 
yeux  comme  sur  leurs  physionomies, 
éclatent  une  ardeur  et  une  conviction  si 
pénétrantes  qu'elles  troublent  le  specta- 
teur. C'est  une  impression  à  laquelle 
depuis  plus  de  quatre  siècles  personne 
n'a  échappé  et  qu'aiicun  peintre  contem- 
porain n'a  su  provoquer  avec  une  telle 
puissance.  Ainsi  se  révèlent  la  réelle 
grandeur  et  la  supériorité  de  l'aîné  des 
frères  Yan  Eyck;  le  reste  peut  encore 
émerveiller,  mais  l'âme  règne  au-dessus 
de  tout  dans  l'œuvre  matérielle  de  l'ar- 
tiste. C'est  évidemment  dans  la  Foi, 
dans  l'extase  de  ses  pensées,  dans  la 
profondeur  de  son  idéalisme  qu'il  a  été 
puiser  les  types  admirables  qu'il  nous  a 
laissés  et  ce  sens  élevé  et  pondérateur 
qni  caractérise  sa  composition.  Xous 
devons  insister  ici  sur  ce  que  nous  disons 
de  son  idéalisme,  qu'un  certain  nombre 
d'écrivains  modernes  ont  contesté  en 
s'appuyant  sur  cette  circonstance  que  les 
parties  anatomiques  de  son  œuvre  révè- 
lent un  sentiment  réaliste,  plus  particu- 
lièrement accentué  dans  V  Adam  et  dans 
VEve  de  V Adoration.  En  admettant  que 
ces  deux  personnages  soient  de  lui  (ce 
qui  n'est  pas  prouvé),  nous  n'y  verrions 
qu'une  preuve  de  plus  de  la  science  de 
l'artiste  et  nullement  de  ses  tendances 
réalistes, démenties  du  reste  par  l'examen 
attentif  de  son  œuvre.  Comme  coloriste, 
il  est  un  des  plus  forts  de  son  temps  ;  il 
surpasse  les  Italiens  et  a  tiré  un  magni- 
fique parti  du  procédé  qu'il  découvrit. 
Le  résultat  de  ce  procédé  le  porta  à 
revêtir  ses  personnages  d'une  masse 
éblouissante  de  pierres  fines,  de  bijoux 
et  d'ornements  d'une  richesse  inouïe,  le 
tout  traité  avec  une  entente,  un  aplomb, 
une   intelligence,    un   goût   qui    seront 


toujours  l'objet  d'un  inépuisable  éton- 
neraent  et  d'une  admiration  sans  ré- 
serve. 

Le  dessin  chez  Hubert  est  digne  du 
reste.  On  peut  en  admirer  l'ampleur,  la 
pureté,  la  finesse, la  force  et  l'expression, 
surtout  dans  le  visage  et  les  mains  des 
personnages  qui  SMxmonieniV Adoration. 
Il  semble  ici  se  dérober  à  l'influence 
rhénane,  influence  manifeste  dans  la 
partie  du  tableau  sortie  des  mains  de 
son  frère. 

Il  est  impossible  de  conjecturer  com- 
ment Hubert  dirigea  ses  études  et  chez 
qui  il  travailla.  La  beauté  et  la  noblesse 
de  ses  types  ainsi  que  sa  manière  ne 
rappellent  aucun  maître,  ni  même  aucune 
école,  si  ce  n'est  par  quelques  détails, 
l'école  byzantine,  qu'il  semble  avoir 
étudiée  avec  l'idée  préconçue  de  ne  lui 
demander  que  le  bénéfice  de  certaines 
traditions.  Il  nous  paraît  impossible 
qu'Hubert  n'ait  pas  voyagé;  il  se  dégage 
de  son  œuvre,  quoique  restreinte,  une 
expérience,  une  synthèse  si  puissante, 
si  extraordinaire,  qu'elles  semblent  ré- 
sumer les  beautés  picturales  de  l'époque, 
non-seulement  de  l'Allemagne,  mais  éga- 
lement de  l'Italie.  Le  voisinage  de  Liège, 
où  il  aurait  pu  se  rendre  pour  étudier,  ne 
saurait  suffire  pour  expliquer  un  talent 
si  complet  et  qui  doit  s'être  perfectionné 
dans  des  conditons  restées  jusqu'à  pré- 
sent  un  mystère. 

Il  existe  au  musée  de  la  Trinité  à 
Madrid  un  admirable  tableau  connu 
sous  le  titre  :  Tons  Vita,  qui  rappelle 
dans  plusieurs  de  ses  parties,  non  moins 
que  dans  la  conception,  le  retable  de 
Gand.  On  a  cru  pouvoir  l'attribuer  tout 
entier  à  Hubert,  mais  sans  preuves.  Il 
n'est  aucunement  douteux  qu'il  soit  sorti 
de  la  main  de  l'un  des  deux  frères,  ou, 
peut-être,  des  deux.  Les  hypothèses 
analytiques  qui  ont  été  formulées  sur  ce 
point  ne  renferment  aucun  argument 
bien  décisif. 

11  faut  consigner  ici,  pour  mémoire, 
la  mention  qui  se  trouve  faite  dans  l'in- 
ventaire des  objets  précieux  délaissés 
par  l'archiduc  Ernest  en  1595  dans  les 
termes  suivants  :  Sainte  Marie  et  Ven- 
fiint  Jéms  .-près  d'eux  se  tiennent  nv  an  (je 


783 


EYCK 


784 


et  saint  Bernard,  par  Rupert  (Hubert) 
van  Eych. 

Il  existe  de  nombreuses  reproductions, 
en  tout  genre,  du  retable  de  Gand.  La 
plus  utile  au  point  de  vue  de  l'art  est 
celle  qui  a  été  publiée  en  neuf  planches 
dans  l'ouvrage  d'Ernest  Forster  [Monu- 
ments d'architecture,  de  sculpture  et  de 
peinture,  etc.,  publiés  par  Ernest  Forster; 
traduction  par  M.  M.  De  Suckau.  Paris, 
A.  Morel,  1865).  Le  même  ouvrage  a 
donné  une  gravure  excellente  du  Fons 
Vitœ  de  Madrid.  On  lira  avec  intérêt  les 
deux  dissertations  de  M.  Forster  sur  ces 
incomparables  chefs-d'œuvre. 

Van  Vaernewyck,  puis  Yan  Mander 
ont  avancé  que  deux  personnages  du 
retable  de  Gand  représentaient  les  deux 
frères  et,  sur  la  foi  de  cette  assertion,  on 
a  répandu  dans  le  monde,  et  par  toutes 
sortes  de  procédés,  ces  deux  portraits. 
On  les  retrouve  plus  ou  moins  exacte- 
ment reproduits  dans  le  tableau  de  Ma- 
drid. Jusqu'à  preuve  du  contraire  il 
faut  admettre  l'exactitude  de  l'assertion 
de  Van  Vaernewyck. 

Nous  ne  saurions  terminer  ce  qu'il 
nous  reste  à  dire  d'Hubert  sans  relever 
une  opiniou  émise  par  quelques  rares 
écrivains,  notamment  par  un  des  anno- 
tateurs de  Crowe  et  Cavalcaselle  (1)  : 
elle  consiste  à  affirmer  qu'il  n'est  pas 
assez  prouvé  qu'Hubert  doive  être  con- 
sidéré comme  ayant  été  supérieur  à  son 
frère.  On  semble  inférer  du  silence  gardé 
par  les  auteurs  sur  l'aîné  des  deux 
frères,  que  rien  n'est  moins  prouvé  que 
sa  supériorité,  et  on  part  de  là  pour  nier 
son  talent. 

n  convient  de  protester  contre  cette 
allégation.  Les  auteurs  et  les  documents 
n'exaltent  point  Hubert,  c'est  une  vérité 
explicable  de  plus  d'une  façon,  ne  fût-ce 
que  par  cette  circonstance  qu'on  n'a 
parlé  de  la  gloire  des  frères  que  vers 
l'année  1432,  lors  de  l'exposition  de 
V Adoration  de  V yignmu,  c'est-à-dire  six 
ans  après  la  mort  d'Hubert.  H  est  fort 
possible  qu'aucune  œuvre  grandiose  des 
deux  frères,  ou  de  l'un  d'eux,  n'ait  été 
exposée  aux  regards  du  public  avant  le 

(1)  Le»  anciens  peintres  flamands,  leur  vie  et 
(eurs  œuvres  par  J.-A.   Crowe  et  Cavalcaselle. 


retable  de  Gand.  Remarquons  cependant 
que  déjà  l'épitaplie  flamande  du  tombeau 
d'Hubert  établit  d'une  manière  indiscu- 
table sa  renommée  comme  peintre  :  voor- 
maels  befaemt  in  schilderye  seer  hooghe 

geè'ert Il  faut  aussi  ne  pas  oublier  que 

la  position  officielle  et  élevée  que  Jean 
occupa  à  la  cour  du  duc  de  Bourgogne  a 
exercé  une  influence  considérable  sur  la 
popularité  de  son  nom. 

L'inscription  de  Y  Adoration  de  l'A- 
gneau permet  de  supposer  avec  raison 
que  la  commande  en  fut  faite  à  Hubert. 
Or,  il  fallait  que  ce  dernier  fût  un 
peintre  de  valeur  pour  être  chargé  d'une 
besogne  si  considérable,  si  compliquée, 
si  onéreuse,  car  on  pense  bien  que,  vu 
la  richesse  de  l'œuvre,  celle-ci  dut  coû- 
ter une  somme  élevée.  Josse  Vyd  n'eut 
point  traité  avec  un  artiste  secondaire, 
comme  il  en  existait  tant  à  Gand  vers 
cette  époque.  S'adressa-t-il  aux  deux 
frères?  Ce  n'est  point  probable,  car  alors 
l'inscription  n'eût  point  relaté  ce  détail 
que  ce  fut  à  la  prière  de  Josse  Vyd  que 
Jean  continua  le  travail.  C'est  donc  bien 
Hubert  qui  obtint  la  commande  et,  nous 
le  répétons,  il  devait  être  célèbre  pour 
la  mériter. 

L'éloge  contenu  dans  l'inscription 
nous  occupera  peu,  car  on  pourrait  n'y 
voir  que  l'expression  exagérée  de  l'ami- 
tié fraternelle.  Cependant  le  major  quo 
nemo  repertus  semblerait  bien  outrecui- 
dant s'il  n'était  vrai.  Il  en  est  tout 
autrement  de  l'épitaphe  flamande  dont 
nous  venons  de  transcrire  un  passage  : 
il  suffirait,  à  lui  seul,  pour  trancher  la 
question.  Van  Vaernewyck  dit  avoir  vu, 
au  cimetière  Saint-Jean,  le  bras  droit 
d'Hubert,  qu'on  montrait  au  public 
dans  une  gaîne  de  fer.  Nous  le  deman- 
dons, ce  suprême  témoignage  d'admi- 
ration et  de  vénération  ne  décide-t-il 
point  du  mérite  de  l'artiste?  Eût-on 
songé  à  procéder  ainsi  s'il  se  fût  agi 
d'un  mort  vulgaire?  Cette  exposition 
publique  d'une  relique  de  l'artiste,  au- 
teur de  tant  de  chefs-d'œuvre,  n'est-elle 
pas  une  consécration  éclatante  de  l'ad- 
miration contemporaine?  Ce  n'est  peut- 

Traduit  de  l'anglais,  etc.,  annoté  par  MM,  A.  Pin 
cliart  et  Ch.  Ruelens.  Bruxelles,  1861 


785 


EYCK 


786 


être  qu'un  siècle  après  la  mort  du  grand 
peintre  que  Yan  Yaernewyck  a  vu  ce 
bras.  Donc,  cette  relique  avait  résisté 
déjà  pendant  ce  laps  de  temps  à  la  des- 
truction et  devait  avoir  conservé  aux 
yeux  du  peuple  un  glorieux  prestige. 

La  visite  du  magistrat  de  Gand  à 
l'atelier  d'Hubert  en  1424  pour  y 
inspecter  un  ouvrage  que  ce  dernier 
exécutait,  plaide  aussi  en  faveur  du 
talent  supérieur  du  peintre  ;  elle  semble 
impliquer  une  commande  importante 
faite,  officiellement,  à  l'artiste  par  la 
commune.  N'oublions  pas  que  le  compte 
de  1424  mentionne  une  commande  du 
magistrat  de  Gand.  Enfin  un  des  argu- 
ments les  plus  énergiques  à  invoquer  en 
faveur  d'Hubert  c'est  l'examen  même  de 
V Adoratmi  de  Vigneau.  En  effet  la  com- 
paraison des  différentes  parties  de  l'œu- 
vre établit  la  ligne  de  démarcation  qui 
sépare  le  génie  des  deux  frères.  On 
arrive  à  la  tracer,  plus  ou  moins  nette- 
ment, par  une  analyse  patiente  pourvu 
que  l'on  soit  au  courant  de  la  technique 
de  l'art,  que  l'on  s'assimile  dans  la  me- 
sure du  possible  le  sentiment  intime  des 
deux  artistes,  et  que  l'on  sache  tenir 
compte  des  dépréciations  subies  par 
l'œuvre  depuis  quatre  cent  cinquante 
ans. 

Jean  van  Eyck  naquit  aussi,  suppose- 
t-on,  à  Maeseyck,  après  l'année  1381. 
Il  fut  l'élève  de  son  frère  et  mourut 
en  1440.  Cyriaque  d'Ancône  est  le  pre- 
mier auteur  qui  ait  parlé  de  lui,  à  pro- 
pos d'un  tableau  qu'il  vit,  le  8  juillet 
1449,  chez  Lionel  d'Est,  marquis  de 
Ferrare;  ce  tableau  était  une  Descente 
de  Croix  avec  volets  peints  par  Roger  de 
Bruges  (Vander  Weyden).  Après  l'il- 
lustre peintre  Brvgeois  Jecui ,  la  gloire  de 
la  peinture,  Roger,  à  Bruxelles,  peut  être 
considéré  comme  nn  peintre  remarquable 
de  notre  époque.  Ainsi  s'exprime  Cy- 
riaque. Barthélémy  Facius,  qui  écrivait 
son  Be  viris  iUustrilius  en  1454  (publié 
seulement  en  1745),  dit  que  «  Jean  est 
«  regardé  comme  le  prince  des  peintres 
»   de  notre  siècle;  qu'il  est  quelque  peu 

•  instruit  en  littérature,  mais  surtout 

•  savant  en  géométrie  et  dans  les  arts 

«   qui  contribuent   au   rehaussement  de  | 


"  la  peinture.  C'est  ce  qui  lui  a  fait  dé- 
»  couvrir,  croit-on  [putatur),  par  rap- 
»  port  aux  propriétés  des  couleurs , 
"  beaucoup  de  choses  dont  il  s'était 
"  inspiré  dans  la  lecture  de  Pline  et 
«   d'autres  auteurs  (1).    « 

Le  père  de  Raphaël,  Giovanni  Santi, 
dans  la  Chronique  rimée  des  ducs  d'  JJr- 
bin,  écrite  vers  l'année  1485,  parle  aussi 
de  Jean  et  de  Roger,  «  qui  excellèrent 
Il  tellement  dans  la  peinture  qu'ils  dé- 
"   passèrent  souvent  la  vérité  « . 

Xous  avons  cru  utile  de  rappeler  le 
témoignage  de  trois  auteurs  presque 
contemporains  de  notre  artiste,  afin  de 
montrer  combien  sa  réputation  était  ré- 
pandue dans  cette  Italie,  si  féconde  elle- 
même  en  grands  peintres.  Xous  borne- 
rons là  nos  citations. 

En  1425,  le  duc  de  Bourgogne  s'at- 
tacha Jean  van  Eyck  en  qualité  de  valet 
de  chambre  et  de  peintre.  Déjà  il  avait 
été  honoré  des  mêmes  titres  par  le  duc 
Jean  de  Bavière  qui  résidait  en  Hol- 
lande. Cette  dernière  circonstance  ne 
doit-elle  pas  faire  admettre  l'idée  que 
Jean  van  Eyck  travailla  pendant  quelque 
temps  au  milieu  d'artistes  hollandais 
parmi  lesquels  son  goût  se  forma.  Ainsi 
s'expliqueraient  certaines  ressemblances 
de  tendance  et  de  manière  qui  caracté- 
risent les  gothiques  de  ce  pays  si  on  les 
compare  avec  le  peintre  de  Maeseyck. 
De  1426  à  1428, il  résidaàLille,  s'il  faut 
en  croire  des  comptes  de  loyer  de  maison 
qui  reposent  aux  archives  de  cette  ville. 
En  1426,  le  duc  lui  confie  deux  missions 
secrètes;  l'année  suivante,  il  lui  octroie 
des  gratifications;  en  1428,  l'artiste  fait 
partie  de  l'ambassade  que  le  duc  envoie 
à  Jean  1er,  roi  de  Portugal,  pour  lui  de- 
mander la  main  de  sa  fille;  en  janvier 
1429,  Jean  peint  à  Aviz  le  portrait  de 
l'infante  Isabelle,  portrait  qui  est  immé- 
diatement expédié  au  duc  de  Bourgogne; 
le  25  décembre  1429, l'ambassade  rentre 
à  l'Ecluse;  en  1431,  Jean  est  appelé  à 
Hesdin  par  le  duc  pour  des  travaux 
restés  inconnus;  en  1435,  il  doit  s'être 
plaint  au  duc   du   non-payement  de   sa 

fl)  Traduction  dWlexandre  Pincliart,  annota- 
tions du  livre  de  Crowe  et  Calvalcaselle  sur  les 
anciens  peintres  tlaniands,  i86tJ. 


787 


EYGK 


788 


pension,  car  il  existe  une  lettre  de  celui- 
ci  qui  réprimande  son  personnel  du  chef 
de  cette  inexactitude;  en  1432,  il  achète 
une  maison  à  Bruges.  Du  24  juin  1432 
au  24  juin  1440,  il  paye  une  rente  hy- 
pothéquée sur  cette  maison;  en  1432, 
le  duc  va  voir  dans  l'atelier  de  son 
peintre  V Adoration  de  V Agneau  mis  en 
place  la  même  année  au  mois  de  mai; 
vers  cette  époque,  le  magistrat  de  Bruges 
fait  aussi  une  visite  à  l'atelier;  en  1432 
ou  1433  Jean  se  marie;  en  1434  Phi- 
lippe le  Bon  donne  six  tasses  d'argent  à 
son  peintre  à  l'occasion  du  baptême  de 
son  enfant.  Est-ce  un  garçon?  Est-ce 
une  fille?  On  ne  sait,  La  circonstance 
que  le  duc  fut  parrain  de  l'enfant  ne 
résout  pas  la  question.  Toujours  est-il 
qu'en  1449  le  duc  Philippe  fit  à  une 
fille  de  Jean,  nommée  Liévine,  un  don 
d'argent  pour  lui  permettre  de  se  faire 
religieuse  au  monastère  de  Maeseyck. 
En  1436,  Jean  est  payé  pour  de  grands 
voyages  faits  au  nom  du  duc  ;  on  ne  sait 
où,  mais  ils  durent  avoir  une  certaine 
importance  puisqu'il  lui  fut  compté  de 
ce  chef  720  livres  de  40  gros  de  Flandre 
la  livre;  même  année  nouveau  don  du 
duc  consistant  en  six  tasses  d'argent. 

C'est  en  1439,  qu'il  est  question  une 
dernière  fois  de  .Tean  van  EjTk,  dans  un 
compte  assez  insignifiant  du  receveur 
des  finances  du  duc,  mais  il  n'y  est  plus 
qualifié  de  valet  de  chambre  ou  de 
peintre  du  duc.  Le  9  juillet  1440,  Jean 
van  Eyck  meurt  et  est  inhumé  dans  le 
pourtour  extérieur  de  Saint-Donatien. 
En  1442, on  l'exhume  et  on  le  place  près 
des  fonts  baptismaux  ;  il  y  reposa  jus- 
qu'au jour  où  des  révolutionnaires  fu- 
rieux, jaloux  de  toute  gloire  humaine, 
crurent  éteindre  la  sienne  en  jetant  sa 
poussière  au  vent. 

Jean  a  subi  l'influence  rhénane.  Ce 
point  ne  semble  pas  contestable.  La  plu- 
part de  ses  modèles  sont  raides  ;  ses  per- 
sonnages ont,  en  général,  des  poses  for- 
cées ;  le  haut  du  corps  contourné  ;  les 
visages  de  femmes  sont  gras  et  pleins; 
l'expression  des  physionomies  n'est  ja- 
mais extatique,  mais  humaine,  sinon 
réaliste,  comme  on  l'a  soutenu  en  ad- 
mettant, bien  entendu,  que  le  réalisme 


soit  l'exagération  du  naturalisme.  Jean 
n'a  pas,  dans  les  idées,  l'élévation  et 
l'esprit  de  son  frère,  ni  la  finesse  de 
l'observation,  ni  la  conscience  de  l'âme. 
Il  a  les  mêmes  procédés,  mais  le  souffle 
intérieur  lui  fait  défaut.  Il  drape  ses 
étoffes  avec  raideur  et  monotonie;  sous 
ce  rapport  encore  Hubert  lui  est  incom- 
parablement supérieur,  il  avait  la  poésie 
du  mouvement  dans  les  plis  et  possédait 
le  goiit  inné  des  élégances  auxquelles 
ou  peut  soumettre  la  matière.  Jean  n'a 
rien  de  cela.  En  résumé,  on  se  fera  une 
idée  des  mérites  d'Hubert  si  l'ou  consi- 
dère que  le  talent  de  Jean,  déjà  si  remar- 
quable ,  n'est  qu'un  rappel  affaibli  de 
celui  de  son  frère. 

Jean  est  un  admirable  coloriste,  sur- 
tout dans  les  demi-teintes  de  ses  por- 
traits, où  on  lui  trouvera  difficilement 
un  égal.  Hubert  avait  moins  de  légèreté 
dans  la  touche.  Jean  déploie  dans  les 
détails  une  délicatesse  exquise.  Les  yeux 
de  ses  personnages  sont  pleins  de  vie, 
d'éclat  :  ils  regardent,  mais  ne  pensent 
point.  Il  montre,  daiis  l'exécution  des 
rides  du  visage  et  des  autres  accidents 
qui  s'y  peuvent  rencontrer,  une  observa- 
tion de  physionomiste  très-expert.  Il 
connaît  en  anatomiste  l'ossature  de  la 
tête.  Il  ne  poétise  rien,  au  contraire. 
En  un  mot  il  a  l'expression  et  non  le 
sentiment.  Il  est  rare  de  rencontrer  de 
lui  un  modèle  de  femme  qui  attire  et 
retienne,  comme  le  font  les  Vierges 
d'Hubert  et  presque  toutes  les  femmes 
sorties  du  pinceau  de  Memling.  Ses 
vierges  sont,  en  général,  lourdes  et  mas- 
sives; on  les  a  inconsidérément  appe- 
lées des  vierges  flamandes.  Hubert  et 
Memling  ont  prouvé  que  les  vierges  fla- 
mandes pouvaient  posséder  l'idéalisme 
et  la  grandeur  inhérentes  à  leur  nature. 
Dans  cette  partie  de  son  œuvre,  Jean  se 
sauve  par  son  dessin  serré,  facile  et 
expressif  et  surtout  par  l'incontestable 
beauté  de  son  coloris,  dont  rien  ne  sur- 
passe la  limpidité,  la  ténuité  et  la  soli- 
dité. Hubert  fut  l'initiateur  de  Jean,  et 
nous  estimons  que  ces  deux  grands  maî- 
tres ont  été  les  premiers  phares  de  notre 
école  :  l'un  éclairant  les  voies  du  spiri- 
tualisme, l'autre  celles  du  naturalisme. 


789 


EYCK 


790 


II  y  a  quatre  cent  cinquante  ans  que 
ces  phares  ont  été  allumés  :  à  l'heure 
actuelle,  ils  servent  encore  de  guides. 

Des  travaux  spéciaux  ont  démontré 
que  Jean  s'est  occupé  de  la  peinture  sur 
verre  et  qu'il  a  fait  accomplir  à  cet  art  un 
progrès  marqué.  Il  a  également  exécuté 
ïesdessinspour  tapisseries  de  haute  lisse 
et  broderies.  ÎSa  devise  était  Als  ick  kan 
(comme  je  puis),  devise  pleine  d'espé- 
rance et  de  modestie  que  son  talent  a 
toujours  dépassée. 

Toutes  les  nations  de  l'Europe  ont 
tenu  à  posséder  des  œuvres  de  Jean  van 
Eyck  et  il  faut  s'étonner  que  l'on  ait  pu 
en  réunir  un  ensemble  aussi  considéra- 
ble, à  ne  parler,  bien  entendu,  que  de  ce 
qui  est  authentique.  Après  avoir  mis  de 
côté  ce  que  la  fraude,  la  spéculation  et 
l'ignorance  n'ont  pas  manqué  de  pré- 
senter comme  œuvres  originales,  il  reste 
encore  un  contingent  magnifique,  que 
nous  allons  présenter  à  nos  lecteurs  en 
leur  faisant  observer  que,  dans  la  no- 
menclature suivante,  les  noms  des  deux 
frères  seront  souvent  mêlés. 

En  Allemagne,  le  musée  de  Berlin 
possède  les  six  panneaux  originaux  de 
\ Adoration  de  V Agneau  dont  Gand  n'a 
que  les  copies  faites  par  Michel  Coxcie  eu 
1559,  sur  les  ordres  de  Philippe  II. 
Ces  panneaux,  dont  nous  ferons  l'histoire 
plus  loin,  sont  :  lo  Les  juges  ;  2°  Les 
champions  du  Christ;  3'>  Les  saints  er- 
mites; 4o  Les  pieux  pèlerins  ;  ^^  Les  anges 
qtd  chantent;  6o  Les  anges  Jouant  des 
instruments. 

Au  revers  de  ces  panneaux  sont 
peints  :  lo  ie  donateur  Josse  Vijd  ; 
2o  Saint  Jean-Baptiste;  3»  Saint  Jean 
V Evangéliste  ;  4o  La  femme  du  donateur  : 
Elisabeth  Borluut;  5o  Vavge  Gabriel; 
6o  Marie  à  genoux. 

Le  même  musée  renferme  une  tête  du 
Christ  signée  et  datée  de  1438. 

La  participation  d'Hubert  à  la  con- 
fection des  six  panneaux  est  difficile  à 
déterminer.  En  supposant  qu'il  y  ait 
mis  la  main,  ce  ne  pouvait  être  que  pour 
quelqiies  figures  où  l'expression  est  plus 
caractérisée  et  le  style  plus  élevé.  Pour 
ce  qui  concerne  les  draperies,  on  y  voit 
manifestement  le  style  et  la  main  de 


Jean.  La  tête  du  Christ  n'est  point  un 
de  ses  meilleurs  ouvrages. 

A  Dantzig  figure  un  de  ses  chefs- 
d'œuvre  :  le  Jugement  dérider,  auquel  il 
convient  de  s'arrêter.  L'histoire  de  ce 
tableau  se  réduit  à  ceci  :  En  1473,  il 
appartenait  à  Thomas  Portinari,  con- 
seiller de  Charles  le  Téméraire.  Dans  le 
cours  de  cette  année,  il  expédia  le  Juge- 
metit  dernier  pour  l'Angleterre  sur  un. 
navire  qui  fut  capturé  par  le  capitaine 
d'un  vaisseau  parti  de  Dantzig,  alors  en 
guerre  avec  la  Hollande.  Le  vaisseau 
revint  à  Dantzig  et  le  tableau  fut,  dès 
lors,  placé  sur  l'autel  Saint-Georges, 
dans  l'église  oii  il  est  encore.  Depuis 
plus  de  quatre  cents  ans,  il  n'a  quitté  sa 
place  que  pendant  les  guerres  de  Napo- 
léon. L'empereur  Rodolphe  II  en  offrit 
quatre  mille  florins  d'or.  Pierre  le  Grand 
fit  également  des  propositions  qui  ne 
furent  jjoint  acceptées.  L^^n  jour  vint  ce- 
pendant où  on  faillit  perdre  le  chef- 
d'œuvre  :  en  1807,  Napoléon  le  fit  enle- 
ver et  transporter  à  Paris. 

En  1815,  on  le  restitua  à  l'Allemagne. 
Berlin  voulut  le  conserver  et  fit,  dans 
ce  but,  des  offres  magnifiques  que  refusa 
la  municipalité  de  Dantzig.  Bref,  en 
1816,  après  avoir  été  restauré  très  reli- 
gieusement par  un  peintre  nommé  Bock, 
il  remonta  sur  l'autel  Saint-Georges. 

Le  Jugement  dernier  de  Dantzig  rap- 
pelle beaucoup  celui  de  Beaune,  dont  il 
sera  question  plus  loin.  On  y  retrouve 
quantité  de  motifs  presque  semblables 
qui  font  croire  qu'il  a  été  peint  dans  le 
même  atelier  ;  ce  dernier  semble  être  en 
quelque  sorte  la  préparation  de  celui  de 
Dantzig. 

De  l'aveu  de  tous,  ce  retable  frappe 
d'admiration  non  moins  que  le  retable 
de  Gand,  auquel  il  a  été  souvent  com- 
paré pour  la  beauté  des  types.  On  croit 
que  la  collaboration  d'Hubert  n'y  est 
pas  étrangère.  On  peut  tout  au  moins 
conjecturer  que  si  c'est  l'œuvre  de  Jean, 
il  s'est  modelé,  dans  beaucoup  de  par- 
ties, sur  les  travaux  de  son  frère. 

Le  Jugement  dernier  est  disposé  de  la 
manière  suivante  :  la  pièce  du  milieu 
représente  Jésus  trônant  s\ir  un  arc-en- 
ciel;  à  sa  gauche  rayonne  \v  '  "oée,  à  sa 


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EYCK 


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droite  un  lis.  Derrière  figurent  les  douze 
apôtres;  à  gauche,  la  sainte  Yiergej 
à  droite,  saint  Jean-Baptiste.  Sous  le 
Christ  sont  placés  trois  anges  sonnant 
de  la  trompette.  Dans  le  bas  du  tableau 
s'opère  la  résurrection  générale  au  mi- 
lieu de  laquelle  apparaît  saint  ]\Iichel 
tenant  la  balance.  Le  panneau  de  droite 
représente  l'entrée  du  paradis.  Le  pan- 
neau de  gauche  figure  l'enfer.  L'exté- 
rieur des  volets  représente  la  Vierge  et 
l'enfant  Jésus.  Le  donateur  est  à  genoux. 
Le  volet  de  gauche  reproduit  saint  Mi- 
chel terrassant  le  démon;  la  donatrice 
est  agenouillée  dans  le  bas.  Sur  la  pre- 
mière marche  de  l'escalier  du  paradis  se 
lit  cette  inscription,  qui  aurait  dû.  être 
placée  ailleurs  :  Restauré  en  1718,  le 
%^  juillet.  Chrktophe  Krag. 

A  Vienne,  au  musée  du  Belvédère,  se 
voit  La  Vierge  et  V enfant  Jésus  dans  une 
sorte  d'arcature  gothique.  Deux  petites 
statuettes  figurent  dans  le  haut  à  droite 
et  à  gauche  ;  elles  représentent  Adam  et 
Eve,  souvenir  du  retable  de  Gand.  Le 
vsiage  de  la  Vierge  est  gras  et  plein, 
l'enfant  d'un  dessin  peu  élégant,  la  dra- 
perie du  vêtement  de  la  Vierge  admi- 
rable. Ce  tableau  passe  pour  être  apo- 
cryphe. Mais  Forster  ne  le  considère 
pas  comme  tel  ;  il  en  fait  un  grand 
éloge  et  en  donne  une  excellente  gra- 
vure. 

A  Dresde,  on  voit  au  musée  une 
Vierge  avec  V enfant  Jésus  dans  une  cha- 
pelle gothique,  avec  sainte  Catherine  et 
saint  Michel  placés  sur  les  volets.  Ici 
encore  on  suppose  la  collaboration 
d'Hubert. 

Le  musée  de  Munich  ne  possède 
qu'une  tête  du  Christ,  copie  de  celle  du 
musée  de  Berlin,  copie  ancienne,  attri- 
buée à  Jean.  Les  autres  tableaux  de  la 
pinacothèque  attribués  à  Jean  ne  sont 
pas  de  lui,  mais,  vraisemblablement,  de 
Roger  Vander  Weyden. 

A  Francfort-sur-Mein  on  voit  la  Ma- 
done de  Lucques,  provenant  de  la  galerie 
de  Guillaume  II,  roi  de  Hollande. 

En  Angleterre,  la  galerie  nationale 
possède  le  précieux  Mariage  d^Arnol- 
phini  avec  la  belle-sccur  de  Jean  van 
Eyck.  Il  porte  la  date  de  1434  et  cette 


inscription  peu  compréhensible  :  JoTian- 
nes  de  EycJc  fuit  Jiic.  1434.  On  doit  l'ex- 
plication du  sujet  à  la  perspicacité  de 
M.  James  Weale.  M.  De  Laborde,  dans 
les  Ducs  de  Bourgogne,  avait  donné  de 
ce  tableau  une  description  inexacte  et 
ridicule.  De  plus,  l'explication  du  sujet 
constituait  un  outrage  à  la  mémoire  de 
Jean.  M.  De  Laborde  intitulait  ce  ta- 
bleau La  Légitimation  et  supposait  que 
l'auteur  s'était  représenté  lui-même  ré- 
gularisant une  situation  anormale  vis-à- 
vis  du  monde  et  vis-à-vis  de  celle  qu'il 
prenait  pour  femme  légitime. 

La  même  galerie  renferme  un  portrait 
d'homme  coiff'é  d'un  turban  avec  l'in- 
scription :  Ah  ick  Jean.  Jolies  de  Eyck 
me  fecit  anno  MCCCC  33  21  octobris, 
ainsi  qu'un  autre  portrait  d'homme  dont 
l'authenticité  n'est  pas  généralement 
reconnue.  Ce  portrait  porte  l'inscription 
suivante,  dont  le  premier  mot  est  figuré 
en  caractères  grecs  :  Thimotheos  leal 
sovenir.  Acttimano  dTii  1432  10  die  octo- 
bris a  ioJi  de  Eyclc. 

A  Inceblundel  Hall,  existait  en  1865 
une  Vierge  assise  sous  un  dais  et  por- 
tant Venfant  Jésus,  avec  l'inscription  : 
Aïs  ick  kan.  Completum  anno  domini 
MCCCCXXXn  per  Jolmnnem  de  Eyck, 
E  rugis. 

A  Burleigh  House,  existait  aussi  en 
1865  une  Vierge  debout  dans  une  église 
gothique  avec  l'enfant  Jésus  bénissant 
un  moine  agenouillé.  On  attribue  ce 
merveilleux  petit  panneau  à  Hubert  et 
à  Jean. 

Xous  ne  parlerons  pas  d'autres  ta- 
bleaux qui  existent  en  Angleterre,  mais 
sur  l'authenticité  desquels  régnent  des 
doutes  que  le  temps  dissipera  peut-être. 
Nous  userons  de  la  même  réserve  quant 
aux  compositions  disséminées  çà  et  là 
en  Europe,  nous  bornant  strictement  à 
ce  qui  est  reconnu  l'œuvre  du  maître. 

En  Autriche,  le  musée  du  Belvédère 
renferme  le  portrait  de  Jean  De  Leeuw, 
daté  de  1436  et  accompagné  d'une  in- 
scription flamande.  La  même  galerie 
possède  le  portrait  d'un  homme  qu'on  a 
dit  être  Josse  Vyd,  le  donateur  du  re- 
table de  Gand;  nous  ne  le  croyons  pas, 
le  personnage  du  retable  de  Gand  ayant 


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EYCK 


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le  crâne  complètemeut  dénudé  et  celui 
du  musée  du  Belvédère  portant  quelques 
touffes  de  cheveux.  La  Société  Viennoise 
pour  la  propagation  des  gravures  en  a 
donné  (1873)  une  magnifique  reproduc- 
tion en  chromolithographie. 

La  Belgique  possède  d'importants  ta- 
bleaux des  deux  frères.  En  voici  l'énu- 
mération  en  procédant  par  ordre  alpha- 
bétique de  villes  : 

A  Anvers,  le  musée  en  compte  trois  : 
lo  Sainte  Barbe  avec  signature  et  date 
1437  ;  2o  Une  sainte  Vierge  avec  V enfant 
Jésus,  signé  et  daté  1439.  Ce  tableau 
provient  du  curé  du  village  de  Dickel- 
venne  en  Flandre,  auquel  il  fut  acheté 
en  1830  ;  3^  La  sainte  Vierge,  saint 
Georges  et  saint  Donatien.  Ce  panneau 
est  presque  une  répétition  de  celui  de 
l'académie  de  Bruges.  L'un  et  l'autre 
étaient  autrefois  placés  dans  l'église  de 
Saint-Donat  de  cette  ville.  Plus  tard 
celui  du  musée  d'Anvers  orna  l'église  de 
Watervliet,  près  d'Eecloo  (Flandre). 
Celui  du  musée  de  Bruges  fut  peint  en 
1436. 

Il  existe  aussi  au  musée  d'Anvers 
une  copie  ancienne  du  retable  de 
Gand. 

Bruges  possède  deux  productions  de 
Jean.  C'est  d'abord  la  Vierge  du  clianoine 
de  Pala  (Yander  Paele),  tableau  réaliste, 
d'un  aspect  peu  agréable,  dans  lequel  on 
ne  saurait  guère  admirer  que  la  figure 
de  Pala,  puis  le  portrait  de  la  femme 
de  Jean  van  Eyck,  peinture  d'une  grande 
finesse.  Ce  portrait,  qui  représente  un 
visage  assez  disgracieux,  porte  sur  le 
cadre  l'inscription  suivante  :  Conjux 
meus  Johannes  me  complevit  anno  1439, 
17  junii.  —  ^tas  mea  triginta  tritim 
annorum  —  als  ick  T<an.  Nous  ne  parle- 
rons pas  de  la  tête  du  Christ,  œuvre  peu 
digne  de  Jean  et  qu'on  a  eu  tort  de  lui 
attribuer. 

Le  musée  de  Bruxelles  a  acquis  de  la 
fabrique  de  l'église  de  Saint-Bavon,  à 
Gand ,  les  deux  panneaux  originaux , 
croit- on,  à' Adam  et  Eve,  que,  par  con- 
venance, cette  administration  avait  ca- 
chés aux  yeux  du  public.  Ces  panneaux 
sont  désormais  à  l'abri  de  tout«  dépré- 
dation. 


Adam  et  Eve  sont  de  grandeur  natu- 
relle. Adam  a  une  figure  ignoble,  sau- 
vage. Les  parties  du  corps  chevelues  et 
poilues  accusent  une  forte  organisation. 
Eve  n'a  pas  la  moindre  grâce,  c'est  un 
modèle  peu  heureux,  mais  non  invrai- 
semblable. Le  coloris  oô're  une  intensité 
et  une  force  admirables.  Le  dessin  est 
plus  serré  que  correct,  surtout  dans  les 
jambes. 

Les  revers  des  panneaux  représentent 
des  sibylles;  elles  sont  trop  médiocres 
pour  croire  qu'elles  sortent  de  la  même 
main  qui  a  brossé  l'intérieur.  C'est  évi- 
demment un  élève  qui  a  exécuté  cette 
partie  de  l'œuvre.  Dans  la  partie  infé- 
rieure des  volets  fermés,  on  remarque 
d'un  côté  une  perspective  de  rue  de 
ville  (celle  de  Gand?)  et  de  l'autre,  des 
ustensiles,  le  tout  dessiné  et  peint  très- 
habilement.  On  ne  comprend  pas  très- 
bien  que  le  génie  inventif  des  deux 
frères  n'ait  rien  trouvé  à  substituer  à  ces 
deux  motifs  d'une  insignifiante  appa- 
rence. 

Le  cabinet  de  M.  Nieuwenhuis  ren- 
ferme une  Vierge  dans  une  cliapeïle  go- 
thique. 

Gand  possède  le  joyau  des  frères 
Yan  Eyck  dans  le  tableau  de  V  Adora- 
tion de  V Agneau,  à  l'église  de  Saint- 
Bavon.  Placé  sur  l'autel  de  la  chapelle 
de  .Josse  Vyd,  il  y  est  exposé  depuis 
quatre  cent  cinquante  ans  à  l'admiration 
du  monde.  Il  convient  de  nous  arrêter 
quelques  instants  devant  ce  chef-d'œu- 
vre. 

Le  polyptyque  se  compose  de  douze 
panneaux  principaux,  plus  deux  petits 
panneaux  surmontant  les  deux  ailes.  La 
composition  se  divise  horizontalement 
en  deux  parties.  La  partie  supérieure 
offre  sept  panneaux  en  hauteur.  Celui 
du  milieu  représente  Dieu  le  Père  bénis- 
sant. A  la  gauche  du  spectateur,  la 
Vierge  lisant,  à  droite  saint  Jean  l'Evati- 
géliste  le  visage  tourné  vers  Dieu  le  Père, 
la  main  droite  levée  et  ayant  un  livre  sur 
les  genoux.  A  droite  et  à  gauche,  des 
anges  célèbrent  par  leurs  chants  et  leurs 
accords  le  triomphe  de  l'Agneau  pascal  ; 
aux  extrémités  de  la  partie  supérieure 
sont  placés  Adam  et  Eve  surmontés  d^ 


795 


EYCK 


7% 


deux  petits  sujets,  figurant,  au-dessus 
d'Adam,  le  Sacrifce  d'Abel,  et  au-dessus 
d'Eve,  le  Meurtre  de  Caïn.  Le  grand 
panneau,  représentant  l'Agneau  mys- 
tique, occupe  le  point  central  de  la  par- 
tie inférieure.  Les  panneaux  de  côté 
figurent  les  juges,  les  pèlerins,  les  mar- 
tyrs, les  ermites. 

En  se  fermant,  le  polyptyque  montre 
des  sujets  qui,  presque  tous,  ne  sont  pas 
moins  admirablement  peints,  savoir  : 
V Annonciation  ,  saint  Jean- Baptiste, 
saint  Jean  V EvangéUste ,  la  Sibylle  de 
Cumes,  la  Sibylle  d' Erythrée ,  le  prophète 
Zacharie,  le  prophète  Michée,  Josse  Vyd 
et  Isabelle  Borlnut. 

La  composition  du  panneau  central 
est  allégorique  :  le  sujet,  pris  de  l'Apo- 
calypse de  saint  Jean,  chapitre  XIY, 
montre  l'Agneau  personnifiant  Jésus  et 
rachetant  de  son  sang  les  péchés  des 
hommes.  L'Agneau  est  au  milieu  du 
tableau  et  autour  de  lui  sont  figurées, 
par  des  groupes,  les  cent  quarante- 
quatre  mille  voix  dont  parle  saint  Jean. 
Rien  de  comparable  à  l'exécution  de  ce 
morceau  où  le  sentiment,  l'expression, 
la  technique  fascinent  et  éblouissent  le 
regard.  Ce  n'est  qu'en  présence  de  ce 
chef-d'œuvre  que  l'on  peut  apprécier  le 
génie  vraiment  extraordinaire  de  Yan 
Eyck  et  c'est  en  vain  que  l'on  con- 
sulte les  temps  modernes,  si  fiers  de 
leurs  progrès  ;  ils  n'offrent  rien  de  com- 
parable H  ce  retable  jirodigieux  qui, 
après  quatre  siècles  et  demi,  excite  en- 
core l'admiration. 

Voici  le  résumé  des  vicissitudes  qu'a 
subies  ce  célèbre  retable  :  on  le  suppose 
commandé  par  Josse  Vyd  en  1420  ;  il 
est  mis  en  place  en  1432  ;  en  1530 
il  est  restauré  par  les  peintres  Lancelot 
Blondeel  et  Jean  Schoreel  ;  en  1559, 
Michel  Coxcie  en  fait  une  copie  pour 
Philippe  II  qui  n'avait  pu  obtenir  l'ori- 
ginal; en  15G6,  pour  le  préserver  des 
iconoclastes,  il  est  transporté  par  les 
chanoines  dans  la  nouvelle  citadelle;  on 
le  replace,  croit-on,  en  1567;  en  1578, 
les  calvinistes  le  décrochent  et  le  font 
porter  à  l'hôtel  de  ville  avec  intention 
de  le  donner  à  la  reine  d'Angleterre, 
mais   le  sire  de   Lovendeshem ,    Josse 


Triest,fait  valoir  ses  droits  sur  l'œuvre- 
Il  gagne  sa  cause.  Le  tableau  reste  à 
l'hôtel  de  ville  jusqu'en  1584;  la  même 
année  on  le  remet  en  place;  un  incen- 
die éclate  dans  le  toit  de  l'église  en 
1641,  le  retable  est  déposé  en  lieu  sûr; 
en  1663,  il  est  nettoyé  par  le  peintre 
Antoine  Vanden  Heuvele  ;  en  1791, 
l'administration  de  l'église  fait  enlever 
les  panneaux  représentant  Adam  et  Eve; 
les  commissaires  français,  en  1794, 
emportent  les  panneaux  du  milieu;  les 
autres  restent  cachés  à  Gand;  eu  1799, 
les  panneaux  enlevés  sont  exposés  à 
Paris,  dans  la  grande  galerie  du  Louvre  ; 
en  1815,  ces  panneaux  reviennent  dans 
le  pays  et  en  1816,  ils  sont  remis  en 
place,  mais  sans  ceux  qu'on  avait  cachés 
en  1784;  en  1816,  les  volets  non  re- 
placés sont  vendus  à  M.  Nieuwenhuis 
pour  trois  mille  florins;  il  les  revend  à 
M.  Solly  pour  cent  mille  francs.  Le  roi 
de  Prusse  les  achète  pour  quatre  cent 
mille  francs.  En  1822,  un  incendie 
éclate  dans  les  toits  de  l'église  ;  on  sauve 
à  grand'peine  le  retable  au  milieu  d'une 
pluie  de  plomb  fondu.  Les  panneaux 
sont  détériorés.  En  1826,  un  peintre 
nommé  Lorcnt  restaure  le  retable;  ce 
travail,  terminé  en  1828,  coûte  huit 
cent  vingt-cinq  francs;  en  1834,  on 
signale  à  la  fabrique  d'église  l'état  fâ- 
cheux dans  lequel  se  trouvent  les  pan- 
neaux d'Adam  et  Eve,  reposant  aux 
greniers  de  la  cathédrale.  Il  est  fait 
droit  à  ces  observations  en  1858.  Enfin, 
en  1861,  le  gouvernement  belge  achète 
ces  panneaux  et  les  remplace  par  des 
copies  peintes  par  M.  Lagye,  qui  a  dû 
recouvrir  de  peaux  de  bête  certaines  nu- 
dités. De  plus,  le  gouvernement  donne  à 
la  fabrique  d'église  les  panneaux  copiés 
par  Michel  Coxcie,  lesquels  remplacent 
les  originaux  qui  sont  à  Berlin. 

Le  Triomphe  de  la  foi  nouvelle  ou  le 
Fons  Vitœ  se  trouve  en  Espagne  au  musée 
de  la  Trinité  de  Madrid.  C'est  une  pen- 
sée identiqiie  à  celle  qui  inspira  la  con- 
ception du  retable  de  Gand  et  un  chef- 
d'œuvre  que  les  critiques  attribuent 
assez  généralement  à  Hubert,  du  moins 
pour  ce  qui  concerne  la  composition .  Le 
retable  est  disposé  à  peu  près  comme 


797 


EYCK 


798 


celui  de  Gand.  Au  milieu  de  la  partie 
supérieure,  on  voit  Dieu  le  Père  bénis- 
sant ;  à  sa  droite,  la  Vierge  lisant  ;  à  sa 
gauche,  saint  Jean  l'Évangéliste,  fixant 
les  yeux  sur  un  livre  ouvert  sur  ses  ge- 
noux. Ils  sont,  à  peu  de  chose  près, 
posés  comme  à  Gand.  Sous  la  Vierge  et 
saint  Jean  se  tiennent  des  anges  musi- 
ciens. Aux  pieds  de  Pieu  le  Père  est 
couché  l'Agneau,  et  de  dessous  le  trône  de 
Dieu  le  Père  sort  un  ruisselet  dont  l'eau 
tombe  dans  la  fontaine  formant  le  centre 
de  la  partie  inférieure.  La  fontaine  con- 
tient une  vasque  renfermant  l'eau  où 
surnagent  des  hosties.  A  droite  de  la 
fontaine,  sont  les  représentants  de  la  foi 
nouvelle,  à  gauche  ceux  du  mosaïsme. 

A  droite  et  à  gauche  de  la  composi- 
tion, se  trouvent  des  tourelles  gothiques, 
_  dans  lesquelles  des  anges  chantent  des 
cantiques.  Dieu  le  Père  est  surmonté 
d'un  dais  orné  de  pinacles,  d'arcatures, 
de  contre-forts,  de  statuettes  d'animaux 
symboliques,  etc.  On  retrouve  dans  ce 
tableau  les  deux  têtes  qui  sont  dans 
V Adoration  de  Gand  et  qui  passent, 
comme  on  sait,  pour  être  les  portraits 
des  deux  frères.  Nous  estimons  qu'ici 
encore  la  partie  supérieure  est  le  travail 
d'Hubert,  à  qui  l'on  doit  aussi  quelques 
têtes  de  la  partie  inférieure.  Certaines 
figures  rappellent  la  manière  de  Jean  de 
façon  à  ne  pouvoir  s'y  méprendre. 

L'histoire  de  ce  retable  n'est  pas 
connue.  Un  écrivain  espagnol,  Antoine 
Pons,  le  décrit  dans  son  Fo)ja(je  eu  Es- 
pagne. Il  l'a  vu,  en  1785,  dans  une  cha- 
pelle de  l'église  de  Palencia.  Primitive- 
ment il  figurait  au  monastère  de  Par- 
sal,  près  de  ïiégovie. 

Le  musée  du  Louvre,  à  Paris,  possède 
de  Jean  van  Eyck  une  Madone  avec 
V enfant  Jésus,  devant  laquelle  est  age- 
nouillé Nicolas  Kolin,  chancelier  de 
Bourgogne.  Cette  œuvre  remarquable 
était  autrefois  à  l'église  Notre-Dame,  à 
.  Autun,  patrie  du  chancelier.  Au  fond, 
dans  une  perspective  charmante ,  on 
voit  la  ville  de  Maestricht. 

M.  le  baron  de  Rothschild  a  dans  sa 
collection  une  Vierge  avec  l'enfant  Jésus 
bénissant  un  dominicain.  Au  fond,  une 
ville.  Ce  panneau,  d'une  couleur  admi- 

BIOGR.  NAT.   —  T.   VI. 


rable,  renferme  des  détails  d'un  fini  et 
d'un  charme  qu'on  ne  peut  se  lasser 
d'admirer. 

La  France  possède  encore,  d'après 
M.  Alfred  Michiels,  un  retable  de  Jean 
van  Eyck,  placé  à  Beaune,  à  l'hôpital  St- 
Antoine;  il  figure  le  Jugement  dernier, 
et  serait,  en  quelque  sorte,  une  ébauche 
préparant  le  Jugement  dernier  de  Dant- 
zig,  avec  lequel  celui  de  Beaune  a  de 
frappantes  similitudes. 

Le  musée  de  Naples  montre  un  Saint 
Jérôme  avec  le  lion,  attribué  jadis  à 
Colantonio  del  Piore,  puis  à  Hubert 
van  Eyck  et  maintenant  à  Jean.  On 
suppose,  avec  apparence  de  raison,  que 
c'est  le  Suint  Jérôme  de  Laurent  de  Mé- 
dicis,  mentionné  par  Vasari.  Dans  la 
même  ville,  la  chapelle  du  Castel-Nuovo 
montre  aux  voyageurs  une  Adoration 
des  Mages.  C'est,  selon  M.  Alfred  Mi- 
chiels,  avec  le  Mariage  d'ArnoJphini, 
le  plus  beau  morceau  peint  par  Jean 
van  Eyck.  Cette  Adoration  fut  expédiée 
par  le  peintre  à  Alphonse  1er,  roi  d'Ara- 
gon et  de  Sicile  j  elle  enthousiasma  tel- 
lement Antonello  de  Messine  qu'après 
l'avoir  vue,  il  se  rendit  immédiatement 
à  Bruges. 

Au  palais  de  l'Ermitage ,  à  Saint- 
Pétersbourg,  Jean  van  Eyck  est  repré- 
senté par  une  belle  Annonciation,  prove- 
nant de  la  collection  de  Guillaume  II. 
On  prétend  que  Philippe  le  Bon  com- 
manda cette  œuvre  à  l'artiste  pour  une 
église  de  Dijon. 

Quelques  tableaux  importants  des 
Van  Eyck  sont  perdus.  On  en  trouve 
la  désignation  dans  des  comptes,  dans 
des  relations  de  voyage,  dans  des  do- 
cuments contemporains.  H  ne  sera  pas 
inutile  d'en  désigner  qiielques  -  uns  : 
Marie  avec  l'enfant  Jésus,  un  ange  et 
saint  Bernard,  par  Hubert.  Cette  indica- 
tion figure  dans  un  inventaire  dé  l'ar- 
chiduc  Ernest,  mort  en  1595.  ^ —  Un 
triptyque  de  Jean,  signalé  par  Barth. 
Facius  ayant  appartenu  à  Alphonse  le 
Magnanime,  et  représentant  au  centre 
ï  Annonciation  ;  snv  les  volets,  <Sa/«^  Jean- 
Baptiste  et  Saint  Jérôme.  —  Le  portrait 
à' Isabelle  de  Borlugal,  fait  à  Aviz  pour 
Philippe  le  Bon.  —  Le  portrait  de  Jean 

26 


799 


EYCK 


800 


van  Uyck,  existant  autrefois  à  Saint- 
Donat,  à  Bruges,  et  qui  formait  le  pen- 
dant du  portrait  de  sa  femme.  —  Le 
Globe  du  ?nonde,  fait  par  Jean  pour  Phi- 
lippe le  Bon.  —  Adoration  des  7/wffes, 
par  Jean,  autrefois  à  Venise,  à  Santa- 
Maria-dei-Servi.  —  Femmes  sortant  du 
bain,  par  Jean,  ayant  appartenu  à  un 
cardinal  nommé  Octavien.  —  Uyie  pein- 
ture de  Notre-Dame  et  du  duc  Plàtippi 
qui  est  venu  de  Maillarâef,  couvert  de 
satin...  Tait  de  la  main  de  Johannes. 
(Inventaire  de  Marguerite  d'Autriche, 
1516.) —  Une  Vierge,  par  maistre  Jehan 
le  peintre.  (Id.) — Monseigneur  De  Ligne, 
par  maistre  Jehan  le  peintre  (Id.)  ■ — 
Nicolo  De  Lampognano  f  négociant  mi- 
lanais, comptant  avec  son  jacteur,  per- 
sonnage à  mi-corps,  daté  de  1440,  par 
Jean.  —  Paysage  peint  sur  toile  :  des 
pécheur i  venant  de  prendre  une  loutre. 
Deux  personnages  sont  près  d'eux,  par 
Jean.  —  La  Vierge  avec  V enfant  Jésus, 
commandé  à  Jean  van  Eyck  pour  l'église 
Saint-Martin,  à  Ypres.  M.  Alfred  xMi- 
chiels  dit  que  ce  tableau  n'a  disparu 
qu'en  1864. 

L'ne  remarque  essentielle  à  faire  ici 
c'est  que  les  Yan  Eyck,  ou  tout  au 
moins  Jean,  ont  traité  l'histoire  reli- 
gieuse et  profane,  le  portrait,  le  genre, 
le  paysage,  la  nature  morte  et  les  inté- 
rieurs, avec  une  supériorité  qui  ne  se 
dément  nulle  part.  La  perspective  leur 
était  parfaitement  connue ,  ainsi  que 
le  prouvent  les  délicieux  lointains  de 
ville  et  l'architecture  gothique,  qu'ils 
ont  traitée,  comme  tout  le  reste^  de  main 
de  maître.  L'anatomie  du  corps  humain 
ne  leur  était  pas  étrangère  ;  si  quelques- 
uns  de  leurs  nus  laissent  à  désirer,  ce 
n'est  jamais  sous  le  rapport  scientifique, 
mais  dans  le  choix  des  formes,  ainsi 
qu'on  peut  s'en  assurer  en  analysant  les 
deux  panneaux  d'Adam  et  Eve. 

Nous  n'avons  point  à  nous  occuper 
des  attributions  qui  ?ont  le  fait  d'er- 
reurs, d'exagérations  ou  d'illusions  de 
la  part  des  amateurs,  mais  nous  croyons 
bon  d'indiquer  les  œuvres  des  Yan  Eyck 
qui,  dans  quelques  établissements  pu- 
blics, ont  usurpé  leur  nom.  A  Dijon, 
signalons  un  portrait  du  musée  ainsi 


qu'un  autre  portrait  sur  fond  vert.  — 
A  Paris,  au  Louvre,    quelques   dessins. 

—  A  Yienne,  dans  la  galerie  impériale  : 
Une  Sainte  Catherine,  Marie  et  V enfant 
Jésus  et  un  Christ  descendu  de  la  croix, 
tous  trois  attribués  à  Jean.  - —  A  Bruges, 
la  tête  de  Christ  de  l'Académie,  attri- 
buée au  même.  —  A  Bruxelles,  au 
musée,  une  Adoration  des  mages,  prove- 
nant en  dernier  lieu  de  la  collection 
Yan  Kotterdam  et  aptérieurement  de 
celle  de  Mme  Maertens-Yan  Eotterdam. 

—  A  Madrid,  deux  volets  dont  l'un  est 
daté  de  1430  et  signé  Henri  Werlis. 
— ■  A  l'hôtel  de  ville  de  Kouen,  une 
Vierge  sur  un  trône  arec  V enfant  Jésus, 
entourée  de  plusieurs  saintes. 

Marguerite  van  Eyck  a,  dans  l'his- 
toire de  l'art,  une  place  dont  il  est  im- 
possible de  constater  l'importance,  mais 
on  peut  croire  que  si  elle  n'a  pas  eu  de 
célébrité  effective,  elle  était  digne  de  la 
posséder.  En  effet,  voici  les  mots  élo- 
gieux  qui,  du  xvie  siècle,  sont  venus 
jusqu'à  nous  pour  affirmer  son  mérite; 
ils  sont  concluants.  C'est  le  poëte-pein- 
tre  Lucas  De  Heere  qui  les  exprime  par 
deux  vers  dans  le  panégyrique  suspendu 
autrefois  à  Saint -Ba von,  en  face  de 
V Adoration  de  l'Agneau  : 

Hy  rust  begraven  hier,  de  suster  hem  omirent, 
Die  met  Itaer  schildery  oock  menich  heejt  ver- 

[wonJeri. 

En  français  : 

»  Il  repose  ici  enterré  près  de  sa 
«  sœur,  qui  a  aussi  beaucoup  étonné  par 
*  ses  peintures.  « 

Il  n'est  donc  pas  douteux  qu'elle  eut 
du  talent,  puisque,  après  un  siècle,  un 
poëte  le  rappelle  encore  publiquement, 
mais  aucune  œuvre  ne  porte  la  trace 
de  son  nom  et  jusqu'à  présent  on  est 
livré  aux  conjectiires  les  plus  fantai- 
sistes :  certains  auteurs  en  ont  fait  une 
brodeuse  célèbre,  et  d'autres  une  savante 
miniaturiste.  Toujours  est-il  qu'on  aime 
à  se  reporter  par  la  pensée  dans  cet  ate- 
lier mystérieux  où  Hubert  dominait  par 
l'austérité  de  ses  pensées  et  la  gravité 
de  son  âge  ;  où  Jean,  plus  jeune,  plus 
réaliste,  essayait,  sans  doute,  d'amener 
son  frère  à  ses  idées,  et  où  Marguerite 
formait  le  trait  d'union  entre  l'ascétisme 


801 


EYCK 


802 


de  l'un  et  le  naturalisme  de  l'autre.  Et 
combien  l'imagination  ne  s'exalte-t-elle 
pas  encore  quand  on  voit,  mentalement, 
les  deux  frères  expérimenter,  dans  le  si- 
lence et  l'anxiété,  leurs  merveilleuses 
préparations  chimiques,  destinées  à  faire 
éclore  sous  leurs  doigts  tant  d'inappré- 
ciables chefs-d'œuvre  ! 

Le  burin  se  prête  peu  à  la  reproduc- 
tion des  tableaux  gothiques,  aussi  ne 
pouvons-nous  consigner  ici  l'existence 
d'aucun  travail  remarquable  de  ce  genre, 
fait  d'après  les  Van  Eyck.  La  pointe 
sèche  et  l'eau-forte,  systèmes  mieux 
adaptés  au  talent  des  deux  frères,  ont 
popularisé,  dans  tous  les  formats,  leurs 
travaux.  La  société  anglaise,  Arundel, 
a  reproduit  très -magnifiquement,  par 
des  chromolithographies,  le  retable  de 
Gand  dans  les  pièces  principales.  D'au- 
tres reproductions  du  même  genre  ont 
été  livrées  au  public.  La  lithographie 
aussi,  surtout  en  Belgique ,  a  servi  à 
vulgariser  l'œuvre  des  chefs  de  la  pein- 
ture flamande.  Parmi  les  eaux-fortes  au 
trait  renforcé  de  quelques  hachures  pour 
indiquer  les  jeux  de  lumière,  les  meil- 
leures sont  celles  que  M.  Forster  a  pu- 
bliées dans  le  livre  cité  plus  haut. 
Depuis  une  vingtaine  d'années,  la  pho- 
tographie a  puissamment  aidé  à  vul- 
gariser les  productions  des  Van  Eyck; 
enfin,  tous  les  arts  de  reproduction  ont 
été  employés,  sans  que  jusqu'ici  une 
œuvre  vraiment  supérieure  soit  à  men- 
tionner. Les  deux  portraits  signalés  par 
Van  Vaernewyck  ont  été  également  re- 
produits de  toutes  façons,  mais  rien  de 
spécialement  beau  ne  s'est  imposé  au 
public,  comme  cela  a  eu  lieu  pour  des 
artistes  bien  inférieurs  à  ceux  dont  nous 
nous  occupons. 

Les  catalogues  de  Rudolphe  Weigel 
donnent   l'indication    de    beaucoup   de 
reproductions  des  Van  Eyck.  Les  curieux 
■  feront  bien  de  les  consulter. 

La  biographie  des  frères  Van  Eyck 
est  considérable.  Cependant  beaucoup 
d'audace  et  beaucoup  d'ignorance  se 
sont  fait  jour  depuis  Cyriaque  d'Ancône 
jusqu'à  l'heure  présente.  Ce  n'est  que 
depuis  une  trentaine  d'années  que  des 
travaux  sérieux  ont  paru.  Il  faut  enre- 


gistrer ici  parmi  les  meilleurs,  au  point 
de  vue  historique,  les  recherches  de 
M.  James  Weale  et  de  M.  Alexandre 
Pinchart.  Après  eux,  on  citera  les  livres 
de  MM.  Waagen ,  Passavant ,  Crovve 
et  Cavalcaselle,  comte  de  Laborde  et 
Alfred  Michiels.  Pour  la  partie  esthé- 
tique, MM.  Otho  Rathgeber  et  Forster 
entre  autres  ,  ainsi  que  Mme  Scho- 
penhauer  occupent  une  place  impor- 
tante. Il  faut  dire  toutefois  que  ces 
auteurs  se  sont  parfois  laissé  entraîner 
à  des  divagations  métaphysiques  exa- 
gérées et  souvent  obscures.  Waagen, 
dans  ses  attributions,  s'est  plus  d'une 
fois  trompé,  déjugé  et  même  compromis. 
Le  volume  de  M.  A.  Michiels,  consacré 
aux  Van  Eyck,  est  le  meilleur  de  son 
œuvre  sur  V Histoire  de  la  feinture  jla- 
mande.  Ce  volume  sera  lu  avec  fruit  par 
ceux  qui  voudront  trouver  réunis  tous 
les  documents  concernant  celte  famille 
d'artistes,  ainsi  que  les  opinions  émises 
sur  le  talent  de  chacun  de  ses  membres. 
On  peut  également  consulter  le  livre 
verbeux  de  Kramm.  Nous  ne  parlerons 
pas  de  Luc  De  Heere,  Fiorillo,  Van 
Mander,  Weyerman,  Descamps  et  d'au- 
tres, venus  après  eux  et  qui  n'ont  fait 
que  répéter  les  -récits  de  leurs  devan- 
ciers, non  moins  que  la  masse  considé- 
rable d'auteurs,  allemands  et  belges  sur- 
tout, qui  dans  les  revues  locales  ont 
traité  la  question  des  Van  Eyck.  Parmi 
ces  derniers,  MM.  Heris,  Carton,  Van 
Hasselt,  Ruelens  ont  produit  des  dis- 
sertations oii  l'on  rencontrera  de  la 
science,  de  l'observation  et  des  opinions 
souvent  contestables,  mais  raisonnées. 
En  France  on  s'est  peu  occupé  des  Van 
Eyck.  En  Angleterre,  on  ne  peut  guère 
citer  que  des  travaux  mis  au  jour  pour 
justifier  l'apparition  d'un  Van  Eyck 
nouveau,  ou  pour  appuyer  une  vente, 
ou  enfin  pour  exalter  quelque  galerie 
particulière. 

A  l'époque  de  la  Renaissance,  lorsque 
l'art  gothique  était  tombé  en  un  tel  dis- 
crédit que  Rubens  lui-même  le  quali- 
fiait avec  mépris  à' art  barbare,  les  ta- 
bleaux des  Van  Eyck  devaient  se  vendre 
à  très-bas  prix.  Cette  défaveur,  qui  ho- 
nore peu  nos  ancêtres  sous  le  rapport  du 


.803 


EYCK 


EYCKEN 


b(i4 


goût,  dura  longtemps,  car  vers  la  fin  du 
siècle  dernier,  en  1761,  une  Adoration 
des  mages  d'Hubert  se  vendit  à  La  Haye 
nonante-six  florins;  en  1740,  une  Sainte 
famille  du  même,  quinze  florins  !  C'est 
vers  le  commenc&ment  de  ce  siècle  que 
les  choses  changèrent  de  face  et  que  jus- 
tice fut  rendue,  après  plusieurs  siècles 
d'ingratitude,  d'oubli  et  d'ignorance,  à 
ces  puissants  chefs  d'école.  Depuis  lors, 
les  tableaux  des  Van  Eyck  ont  été  avi- 
dement recherchés  et  conservés  avec  le 
plus  grand  soin.  On  en  rencontre  rare- 
ment dans  les  ventes.  En  1850,  V Au- 
nouciatiou  de  la  collection  Guillaume  II 
fut  adjugée  à  onze  mille  deux  cent  qua- 
tre-vingtsfrancs,  et  la  3Iadone  de  Lucques 
à  six  mille  francs.  (Le  panneau  mesure 
64  centimètres  sur  47.)  —  A  la  vente 
Stalberg,  à  Hanovre,  en  1859,  la  Vierge 
avec  Veuj'ant  Jésus  entouré  de  trois  per- 
sonn( ges  fut  payée  quatre  mille  six  cent 
trente-quatre  francs.  —  IJ Adam  et  XEie 
du  musée  de  Bruxelles  ont  coûté  au  gou- 
vernement cinquante  mille  francs,  sans 
compter  les  conditions  qui  augmentent 
considérablement  ce  prix.  A  l'heure 
qu'il  est,  le  moindre  Van  Eyck  authen- 
tique de  petite  dimension  acquiert  une 
valeur  inestimable.  Pes  panneaux  de 
vingt  à  trente  centimètres  sont  prisés 
loyalement  à  quinze  et  vingt  mille  francs. 
Que  doivent  donc  valoir  le  retable  de 
Gand,  le  Jugement  dernier  de  Dantzig, 
et  le  Jons  vitœ  de  Madrid  ! 

Ail.  Siret. 

EYCK  {Gaspard  vax),  peintre  de 
marine  et  de  batailles  maritimes.  Né  à 
Anvers  au  commencement  du  xviie  siè- 
cle ;  mort  en  1673.  Cet  artiste  adopta 
un  genre  spécial  d'un  caractère  bien 
tranché  :  presque  tous  ses  tableaux  re- 
présentent des  combats  sur  mer  entre 
chrétiens  et  Turcs. 

En  1632,  Van  Eyck  fut  reçu  à  la 
gilde  de  .Saint-Luc  à  Anvers,  ce  qui  rend 
impossible  la  date  de  1625,  adoptée  jus- 
qu'ici comme  étant  celle  de  sa  naissance. 
Tout  ce  que  l'on  sait  de  lui,  c'est  qu'il 
était  bon  dessinateur  et  qu'il  peignait 
facilement.  Dans  les  ventes  qui  ont  eu 
lieu  en  Hollande  et  en  Belgique  au 
xviiie  siècle,  on   rencontre  de  lui  des 


marines  qui  se  sont  vendues  à  des  prix 
indiquant  qu'elles  étaient  recherchées. 

Ad.  Siret. 

EYCK.  (Nicolas  \\\k)  ;  peintre  de 
scènes  militaires.  Naquit  à  Anvers  en 
1627  et  mourut  en  1677.  On  le  croit 
frère  de  Gaspard.  Corneille  DeBie,  dans 
son  Guldeu  cabinet,  nous  fait  connaître 
qu'il  était  capitaine  de  la  garde  bour- 
geoise. Les  Liggeren  d'Anvers  men- 
tionnent un  Nicolas  van  Eyck  II  qui  fut 
reçu  en  1670,  et  inscrit  comme  fils  de 
maître.  Ce  que  l'on  connaît  du  peintre 
qui  fait  l'objet  de  cette  notice  est  une 
Halte  militaire  dans  un  village,  tableau 
qui  figure  au  musée  de  Vienne  et  qui 
est  signe.  Il  y  avait  autrefois  du  même 
maître,  au  musée  de  Dresde,  une  halte 
qui  ne  s'y  trouve  plus  aujourd'hui. 

Les  œuvres  de  Nicolas  van  Eyck 
étaient  recherchées  au  xviiie  siècle; 
comme  on  n'en  rencontre  plus  guère,  on 
suppose  avec  raison  qu'elles  sont  attri- 
buées à  des  maîtres  plus  méritants 
ou  plus  en  vcgue.  Ad.  sir^t. 

EYCKE.^'  {Jean-Baptiste  f .%»"),  pein- 
tre d'histoire,  de  portraits,  etc.,  né  à 
Bruxelles  le  16  septembre  1809,  décédé 
à  t5chtierbeek  lez-Bruxelles,  le  19  dé- 
cembre 1853.  Il  était  fils  de  Corneille 
van  Eyckeu  et  d'Elise  Cordemans,  qui 
l'employèrent,  malgré  ses  répugnances 
probables,  à  leur  métier  de  boulanger. 
En  1829,  il  perdit  son  père  :  dès  lors,  il 
put  se  livrer  exclusivement  au  précoce 
instinct  qui  le  poussait  vers  l'art.  Ses 
progrès  furent  rapides.  En  1830,  il 
entre  à  l'Académie  de  Bruxelles;  en 
1S35,  il  en  sort  lauréat  du  grand  prix 
de  dessin  d'après  nature  avec  la  j^lus 
grande  distinction,  et,  quatre  ans  après, 
il  y  rentre  avec  le  titre  de  professeur  de 
dessin  et  de  peinture. 

Ses  premières  études  datent  d'août 
•1831. 

Encouragé,  en  1S37,  par  un  subside 
de  neuf  cents  francs  qui  lui  fut  alloué 
par  le  gouvernement  et  la  ville  de  Bru- 
xelles, il  partit  pour  Paris.  L'année 
étant  éfoulée,  il  voulut,  par  un  scrupule 
de  désintéressement  et  de  dignité,  se 
sufhre  à  lui-même,  et  pria  le  ministre  de 


805 


EYCKEN 


806 


l'intérieur  de  disposer  du  subside  en  fa- 
veur de  jeunes  confrères  moins  faA'o- 
risés. 

En  1838,  il  ga^na  l'Italie.  Schnetz  et 
De  la  Koche  à  Paris,  Ingres  à  Rome, 
pressentant  sans  doute  son  avenir,  l'ho- 
norèrent de  leurs  conseils. 

Il  consacra  tout  son  temps,  en  Italie, 
à  des  études.  Fra  Beati  Angelico  et  Ra- 
phaël lui  inspirèrent  surtout  un  culte 
d'admiration,  et  il  semble  même  qu'il 
leur  a  dérobé,  pliTs  tard,  la  grâce  onc- 
tueuse et  la  sensibilité  presque  féminine 
de  sa  Passion  de  Notre-Seignenr. 
■  En  1839,  il  revint  en  Belgique.  La 
première  œuvre  qui  devait  éclore  de  ses 
inspirations  classiques,  c'était  la  Clé- 
mence divine.  Ce  grand  tableau,  où  se 
révèlent  de  nouvelles  tendances  dans 
l'interprétation  des  sujets  religieux, 
reçut  la  consécration  d'un  prompt  suc- 
cès :  il  valut  à  Van  Eycken  sa  nomina- 
tion de  professeur  à  l'Académie  de  Bru- 
xelles, celle  de  membre  correspondant 
de  la  Société  des  Beaux-arts  de  France 
(1er  juillet  1840),  et  une  médaille  d'or, 
qui  lui  fut  décernée  au  nom  de  la  pro- 
vince de  Brabant. 

En  1840,  il  obtint  la  médaille  d'or  à 
l'exposition  de  Paris. 

Le  4  juin  de  cette  année,  il  épousait 
Julie  -  Anne  -  Marie  Koël ,  doublement 
digne  de  lui  par  le  cpur  et  par  l'intel- 
ligence. Mais  les  jeunes  époux,  à  qui  il 
ne  manquait  plus  pour  être  heureux  que 
le  temps  de  l'être,  furent  bientôt  sépa- 
rés par  la  mort  :  Julie  Xoël  s'éteignit 
de  langueur,  le  11  février  1843.  Dans 
l'intervalle,  l'artiste  avait  cherché  dans 
ses  pinceaux  une  consolation.  Il  peignit 
deux  grands  tableaux  pour  l'église  de  la 
Chapelle  :  le  Rachat  des  captifs  chrétiens 
et  Sailli  Boniface,  commandés  par  M.  le 
curé  Willaert. 

Par  une  dernière  illusion,  l'homme 
croit  respirer  quelque  chose  encore  de 
son  bonheur  près  de  ceux  qui  en  furent 
témoins.  C'est  ce  qui  attacha  intimement 
Van  Eycken  à  ^I.  Willaert,  et  c'est  à 
cette  amitié,  dont  le  vénérable  ecclésias- 
tique profita  dans  l'intérêt  de  l'art,  que 
sont  dus  les  quatorze  tableaux  de  la 
Passion   de   Notre- Seigneur,   qui  ornent 


l'église  de  la  Chapelle.  Détail  peu 
connu,  l'artiste,  comme  pour  sceller  sa 
douleur  dans  son  œuvre,  y  a  tracé  le 
portrait  de  sa  femme  à  côté  du  sien. 

En  septembre  1847,  ces  tableaux 
furent  exposés  pendant  huit  jours  au 
musée  de  Bruxelles,  et  valurent  à  Van 
Eycken  la  décoration  de  l'ordre  de  Léo- 
pold. 

L'exposition  de  1848  accrut  encore 
la  renommée  de  son  talent.  Il  exposa, 
entre  autres  œuvres,  la  Femme  du  pri- 
sonnier et  le  Dernier  Chant  de  sainte 
Cécile,  où  respire  la  mélancolie  habi- 
tuelle de  ses  pensées  et  qui  comptent 
parmi  ses  principales  productions.  ^lais 
aucune  d'elles  n'atteignit  au  succès  de 
vogue  de  son  tableau  allégorique  :  V  Abon- 
dance, dont  il  a  raconté  lui-même  l'ori- 
gine. "  Se  promenant  un  jour  dans  les 
Il  champs  aux  environs  de  Bruxelles, 
"  que  couvraient,  en  1847,  de  magni- 
«  fiques  récoltes,  il  cueillit  un  épi  dou- 
//  ble,  et  ce  fut  cet  éoi  qui  lui  donna 
'/  l'idée  de  représenter  une  jeune  mère 
H  figurant  la  bonne  terre,  contemplant 
n  ses  deux  jumeaux  couchés  au  milieu 
«  des  produits  de  la  terre.  « 

La  reine  des  Belges,  Louise-Marie, 
ofi"rit  ce  tableau  à  la  reine  d'Angleterre 
laquelle,  preuve  flatteuse  d'admiration, 
chargea  Van  Eycken  d'en  faire  une  copie 
pour  le  cabinet  du  prince  Albert. 

C'est  à  cette  époque  que  Van  Eycken 
fut  éhx  membre  de  l'Académie  de  Bel- 
gique. 

En  1849,  parut  son  fameux  tableau  : 
la  Chute  des  feuilles,  élégie  picturale 
d'une  grâce  exquise  et  d'une  mélancolie 
pénétrante.  Il  y  a,  dans  ces  deux 
amants,  autour  desquels  tombe  la  pluie 
des  feuilles  comme  une  auréole  de  mort, 
le  souvenir  évident  de  son  bonheur 
brisé. 

En  184'>,  Van  Eycken  avait  proposé 

à  l'Académie  de  Belgique  de  mettre  au 

concours  la  peinture  murale;  sa  pjopo- 

. sition   figura  au  programme,   mais   les 

concurrents  firent  défaut. 

L'artiste,  qui  espérait  (comme  il  le  di- 
sait lui-même)  que  la  peinture  murale 
ferait  s'épanouir  en  nombreux  chefs- 
d'œuvre  la  peinture  d'histoire  en  Bel- 


807 


EYCKEN 


808 


gique,  ne  se  découragea  pas.  Non  con- 
tent de  ses  recherctes  et  de  ses  essais, 
il  partit  pour  l'Allemagne  afin  d'étu- 
dier par  lui-même  les  procédés  et  la 
manière  des  maîtres  qui  ont  illustré 
l'école  germanique.  Il  en  reçut  l'accueil 
le  plus  flatteur  :  Cornélius  lui  expliqua 
ses  merveilleux  cartons;  Kaulbach  lui 
communiqua  le  procédé  allemand  dit 
Wasserglass.  A  son  retour,  le  gouverne- 
ment engagea  Van  Eycken  à  introduire 
la  peinture  murale  en  Belgique  et  à 
faire  choix  d'un  emplacement  pour  l'exé- 
cution (10  décembre  1850).  L'artiste, 
fidèle  à  son  amitié  pour  M.  le  curé  Wil- 
laert,  choisit  une  chapelle  dans  son 
église.  Abordant  de  front,  avec  la  har- 
diesse du  talent,  toutes  les  difficultés,  il 
usa  des  diff'érents  procédés,  la  fresque, 
le  Wasserglass,  l'encaustique.  A  la  voûte 
gothique  de  la  chapelle,  les  huit  béati- 
tudes, personnifiées  par  huit  figures 
s'élançant  vers  un  centre  lumineux, 
furent  peintes  d'après  un  procédé  de  son 
invention.  Ce  procédé,  il  le  communiqua 
à  la  classe  des  beaux-arts  de  l'Académie 
de  Belgique  le  3  juin  1852,  veille  de 
l'inauguration  de  son  œuvre. 

Ces  premiers  essais  de  peinture  mu- 
rale, achevés  en  dix-huit  mois,  accrurent 
encore  le  retentissement  de  son  nom. 

Ces  travaux  terminés,  la  gravure  en 
devait  reproduire  l'ensemble,  et  lui- 
même  guidait  de  son  expérience  un  jeune 
artiste,  M.  Campotosto,  à  qui  ce  travail 
avait  été  confié.  Mais  Van  Eycken  ne 
devait  pas  voir  l'achèvement  de  cette 
publication  ;  les  sources  de  la  vie  étaient 
taries  en  lui.  Toutefois  le  mal  qui  minait 
l'homme  n'abattait  pas  l'artiste  :  il  en- 
treprit pour  l'église  de  la  Chapelle,  sur 
les  murs  de  laquelle  il  avait  écrit  les 
plus  belles  pages  de  son  talent,  un 
grand  carton,  représentant  V Assomption 
de  la  Vierge. 

Cependant  la  maladie  s'aggravait.  En 
vain  avait-il  demandé  remède  aux  dis- 
tractions des  voyages;  il  finit  par  quitter 
la  ville  et  alla  s'isoler  aux  portes  de 
Bruxelles,  dans  le  calme  et  l'atmosphère 
plus  salubre  de  la  campagne.  Bientôt 
même  il  dut  abandonner  ses  pinceaux  ; 
mais  fidèle,  jusque   dans  la  mort,  aux 


deux  religions  de  sa  vie,  l'amitié  et 
l'art,  il  modelait,  avec  un  talent  délicat 
de  sculpteur,  les  médaillons  de  ses  amis  : 
c'est  dans  cette  pieuse  occupation  qu'il 
s'endormit  en  Dieu  le  19  décembre 
1858. 

Nous  donnons  ici  la  liste  des  princi- 
pales œuvres  de  Van  Eycken. 

Les  Saintes  Femmes  au  tombeau  (1835), 
dans  l'église  de  Molenbeek-Saint-Jean. 

—  Jeune  Mère  avec  son  enfant  mort 
(1837),  musée  de  Lisieux.  —  Le  Christ 
au  tombeau  (1837),  musée  de  Liège.  — 
Saint  Boniface  implorant  le  secours  de  la 
Vierge  pour  les  malheureux  (1841),  dans 
l'église  de  la  Chapelle.  —  Descente  de 
croix  (1841),  dans  l'église  de  Thourout. 

—  Rachat  des  captifs  chrétiens  (1841), 
dans  l'église  de  la  Chapelle.  —  Le 
Christ  pleurant  sur  Jérusalem  (1844),  au 
Vatican.  —  Peintures  murales  com- 
mandées par  le  gouvernement  pour 
l'église  de  la  Chapelle  (1851). 

Ses  plus  célèbres  toiles  sont  :  U Abon- 
dance (1848),  acquise  par  la  reine  d'An- 
gleterre. —  Rêverie  {\%^%) ,  gravée  à  la 
manière  noire  par  Calamatta  et  Lelli. — 
La  Chute  des  feuilles  {1849),  gravée  à  la 
manière  noire  par  Lelli.  —  Le  Far- 
mesan  (1849),  gravé  au  burin,  par 
M.  Franck.  —  \j' Espagnole  (1849), 
achetée  parla  commission  de  l'exposition 
nationale  (gravée  à  la  manière  noire  par 
Calamatta  et  Lelli). 

Les  tableaux  de  Van  Eycken,  qui 
touchent,  comme  on  voit,  à  divers  gen- 
res, sont  empreints  d'un  cachet  person- 
nel très-net.  Toute  son  âme  est  dans  son 
œuvre  :  élévation,  grâce,  sensibilité.  On 
lui  reconnaît  généralement  un  coloris 
puissant  dans  sa  sobriété,  et  un  mérite 
de  dessin  dont  déjà  on  pourrait  chercher 
l'indice  dans  son  précoce  triomphe  de 
1835.  En  outre,  artiste  consciencieux, 
il  avait  compris  qu'à  la  hauteur  oii  le 
plaçait  son  talent,  l'art  n'est  plus  un 
métier,  mais  une  mission  :  aussi  dessi- 
nait-il avec  une  scrupuleuse  sévérité 
même  les  cartons  de  son  œuvre. 

L'homme  en  lui  était  égal  à  l'artiste. 
Il  y  avait  dans  cette  âme  douce,  ai- 
mante, sensible  même  jusqu'à  la  mala- 
die, comme  un  reflet  de  l'âme  de  Fra 


809 


EYGKEN  —  EYNATTEN 


810 


Beati  Angelico  et  de  Raphaël  qu'il  avait 
jadis  aimé  d'une  si  tendre  prédilection. 
Il  n'échappa  toutefois  pas  à  la  calomnie, 
cette  gloire  douloureuse  du  mérite.  On 
ne  lui  pardonna  pas  la  confiance  qu'in- 
spiraient son  talent  et  son  caractère 
droit,  et  qui,  lui  attirant  de  nombreuses 
commandes ,  relevèrent  à  une  condition 
aisée.  On  oublia  l'usage  généreux  qu'il 
fit  de  sa  fortune  ;  il  sauva  de  jeunes 
artistes  de  leurs  détresses  d'argent , 
avec  cette  délicatesse  discrète  qui  sem- 
ble inconsciente  du  bienfait,  et  se  fit 
remplacer  par  eux  dans  les  commandes 
de  travaux  que  lui  valait  sa  renommée. 
Sa  mort  imposa  silence  à  l'envie. 
Malgré  un  froid  excessif,  un  concours 
énorme  de  monde  de  tous  rangs,  ses  an- 
ciens élèves,  les  artistes  de  la  capitale, 
ses  collègues  de  l'Académie  royale  de 
Belgique,  se  pressèrent  à  ses  funérailles, 
qui  furent  comme  le  triomphe  funèbre 
d'un  artiste  éminent  et  d'un  homme  de 

Dien.  Emile  van  Arenbergh. 

EWCKEKis.  Voir  les  artistes  de  ce 
nom  au  mot  Ykens. 

EiTEi*  (Gilbert  vam),  écrivain  ecclé- 
siastique, né  à  Gand,  mort  en  1283. 
Voir  Gilbert  van  Eten. 

EifUiATTEM  (Arnold,  o'),  Hiérony- 
mite,  enseignait  les  humanités  au  col- 
lège de  son  ordre,  à  Liège,  au  commen- 
cement du  xvie  sièle.  Il  compta  parmi 
ses  élèves,  vers  1521,  Jean  Sturm  de 
Schleiden,  et  exerça  sur  cet  éminent 
philologue,  professeur  et  polygraphe, 
une  influence  durable  (Arnoldum  Eina- 
tensem  quem  Leodii  audivî  in  collegio  Ilie- 
ronymitano  ità  amavi,  ut  adhuc  in  visce- 
ribus  et  medullis  hœreat.  Sturm,  Epist. 
class.,  I,  88).  La  famille  d'Eynatten 
était  très-ancienne  et  illustre  au  pays  de 
Liège  (voy.  Loyens).  — Le  nom  d'Ar- 
nold a  échappé  à  Delprat  et  aux  autres 
écrivains  qui  se  sont  occupés,  après  lui, 
de  l'histoire  des  Frères  de  la  vie  com- 
mune. Le  passage  de  Sturm,  reproduit 
ci-dessus,  a  été  relevé  par  M.  de  Rau- 
mQx(Geschichteder  Peedagogik,  Stuttgart, 
1846,  in-8o,t.  I,  p.  231). 

Alphonse  Le  Roy. 


EiriVATTEur  (Maximilien  »'),  théolo- 
gien, né  en  1574,  mort  en  1631.  Cet 
écrivain  appartenait  à  une  ancienne  fa- 
mille d'Aerschot,  qui  possédait,  entre 
autres  biens,  le  manoir  de  Schoonhoven, 
situé  à  peu  de  distance  de  cette  ville, 
vers  l'est.  Maximilien  naquit,  d'après 
l'opinion  commune,  à  Aerschot,  ou  à 
Bruxelles  si  l'on  en  croit  Paquot,  qui 
étaye  son  opinion  sur  un  cahier  manu- 
scrit dont  il  avait  eu  communication.  Il 
était  fils  d'Arnoul  d'Eynatten,  seigneur 
de  Schoonhoven,  qui  mourut  en  1613, 
et  de  Philippine  de  Schore,  qui  survécut 
onze  ans  à  son  mari.  Après  avoir  fait  sa 
philosophie  au  collège  du  Porc,  à  Lou- 
vain,  il  étudia  la  théologie  et  reçut  le 
grade  de  licencié.  En  1607,  il  obtint  un 
canonicat  du  chapitre  de  Notre-Dame 
d'Anvers,  dont  il  devint  l'écolâtre  en 
1619  et  le  garde  des  sceaux  en  1616.  Il 
mourut,  comme  nous  l'apprend  son  épi- 
taphe ,  le  2  9  juin  1631,  âgé  de  cinquante- 
six  ans,  laissant  la  réputation  d'un  prêtre 
qui  alliait  à  la  vertu  une  grande  politesse, 

Maximilien  d'Eynatten  a  laissé  un 
livre  qui  a  joui  d'une  certaine  renom- 
mée, puisqu'il  en  a  été  publié  jusque 
trois  éditions  successives.  L'approbation 
ecclésiastique  donnée  à  la  première  par 
l'évêque  d'Anvers,  Jean  Malderus,  est 
datée  du  23  juin  1618  et  l'octroi  des 
archiducs  qui  accorde  à  l'imprimerie 
plantinienne  le  droit  exclusif  de  le  pu- 
blier, du  7  août  suivant.  Il  parut  en 
1619  (in-8'0  et  fut  édité  une  deuxième 
fois  cà  Anvers  en  1648  (in-12),  et  encore 
à  Bruxelles  en  1713  (in- 16).  Il  est 
intitulé  :  Manuale  exorcismorum ,  conti- 
nens  instructiones  et  exorcismos  ad  eji- 
ciendos  e  corporibus  obsessis  spiritus  mali- 
gnos  et  ad  quœvis  maleficia  depellenda  et 
ad  quascumque  infestationes  damonum 
reprimendas.  Un  travail  pareil  pouvait 
être  de  quelque  utilité  à  une  époque  où 
l'on  croyait  aux  sorcières,  aux  posses- 
sions diaboliques;  de  notre  temps  il  ne 
rappelle  plus  que  le  souvenir  des  aber- 
rations de  l'esprit  humain. 

Aiphonsi*  Waulfrs. 

Swcerlius,  p.  561.  —  Valère-AncinS  p.  664 
et  gt;9.  _  Foppens,  Bibltoiheca  beUjica,  t.  Il, 
p.  882.  —  Paquot,  t.  111,  p.  463. 


8ii 


EYNHOUDTS  —  EYSCHEN 


812 


El'iîHOUDTS  (Romain  ou  Bomhaut) 
et  non  Eynhoedts  ou  Etxhouedts, 
comme  il  est  parfois  nommé.  Né  à  An- 
vers en  1605  et  mort  en  1679  ;  élève 
d'Adam  van  Noort  en  1636;  franc- 
maître  de  la  Gilde  anversoise  en  1636- 
1637.  Il  peignit  des  portraits,  mais  il 
est  plus  connu  comme  graveur.  On  cite 
de  lui  les  planches  suivantes  :  La  Vierge 
assise  sons  un  berceau ,  par  Kubens.  — • 
La  Vierge  assise  sur  le  trône  et  entourée 
de  plusieurs  saints,  du  même.  —  L'Ado- 
ration des  magi-s,  du  même.  —  Le  Christ 
mort,  d'après  Palma,  le  Jeune. ^ — •  Jésus- 
Christ  sortant  du  tombeau,  d'après  Ru- 
bens.  —  Le  Christ  ressuscité,  d'après 
Palma,  le  Vieux.  —  Le  Christ  mort  et 
trois  anges,  d'après  Palma,  le  Jeune.  - — 
L'Assomption  de  la  Vierge,  d'après 
C.  Schut.  — La  Trinité,  d'après  C.  Scliut. 

—  Saint  Christophe ,  d'après  Eubens.  — 
Le  Martyre  de  saint  George,  d'après 
C.  Schut.  (Le  tableau  est  au  musée 
d'Anvers.) — Saint  Grégoire  et plusietirs 
autres  figures,  d'après  Kubens.  —  Saint 
Jean-Baptiste,  d'après  Palma,  le  Yieux. 

—  Sai7it  Pierre  et  saint  Paul,  d'après 
Rxibens. — Sainte  Anne,  d'après  C.  Schut. 

—  Les  docteurs  de  VEjUse,  d'après  Eu- 
bqjis.  —  La  paix  et  la  prospérité ,  d'après 
Kubens.  —  Le  Jugement  de  Cambyse, 
d'après  Eubens.  Nous  citons  ses  plan- 
ches d'après  Basan,  Gori,  Huber  et 
Rost,  Nagler  et  Le  Blanc,  mais  nous 
croyons  que  l'œuvre  de  ce  graveur  est 
plus  considérable.  C'était  un  dessinateur 
plus  spirituel  que  correct  ;  son  burin 
était  facile  et  il  s'entendait  particulière- 
ment aux  effets  du  clair-obscur. 

Ad.  Siret. 

EY!«CHE!V  {Georges  t'oi;),  écrivain 
ecclésiastique, né  à  Arlon  le  19  février 
1592,  mort  le  19  février  1664.  Il  fit  ses 
humanités  à  Louvain  et  sa  philosophie  à 
Trêves  ;  s'adonna  ensuite  à  l'étude  du 
droit  et  de  la  théologie  ;  puis  étant  de- 
venu licencié  en  ces  sciences,  il  obtint 
la  prêtrise  et  fut  pourvu  de  la  cure  de 
Saint-Jean  in  curiâ  à  Cologne,  ainsi 
que  d'un  canonicat  dans  la  collégiale 
de  Notre-Dame  ad  Gradus  qui  y  était 
annexé. 


Dans  l'exercice  de  ces  fonctions,  il' 
sut  si  bien  se  faire  remarquer  par  son 
assiduité,  son  zèle  et  sa  science,  que  le 
duc  François  de  Lorraine,  doyen  du 
chapitre  métropolitain  de  Cologne,  le 
choisit  pour  son  aumônier,  son  chape- 
lain, son  conseiller  intime.  Le  duc  ayant 
été  nommé  évêque  de  Verdun,  bien  qu'il 
n'eût  reçu  aucun  ordre,  Eyschen  l'aida 
à  conduire  le  diocèse  et  pendant  plus 
de  quarante  années  qu'il  fut  attaché  à  sa 
personne,  lui  rendit  d'éminents  services  ' 
que  récompensèrent  des  honneurs  et 
des  dignités  ecclésiastiques.  Plus  tard, 
l'évêque  le  dota  d'un  fief  considérable 
et  se  fit  accompagner  par  lui  quand  il 
alla  faire  la  reprise  de  la  principauté 
de  Verdun  des  mains  de. l'empereur  Fer- 
dinand II.  Von  Eyschen  assista  à  l'en- 
trevue qu'il  eut,  en  cette  circonstance,  ■ 
avec  l'empereur,  et  sut  si  bien  captiver 
les  bonnes  grcices  de  ce  dernier  qu'il  en 
reçut  des  lettres  de  noblesse  avec  octroi 
d'armoiries,  pour  lui,  ses  collatéraux  et 
leurs  descendants  (1627). 

Von  Eyschen  fit  un  noble  usage  des 
revenus  que  lui  donnaient  ses  prébendes 
et  ses  biens.  Les  églises  et  les  pauvres 
reçurent  de  lui  de  grandes  libéralités.  Il 
fonda  entre  autres,  pour  les  PP.  Eécol- 
lets,  le  couvent  de  Boppard,  dans  le 
diocèse  de  Trêves,  et  pourvut  pendant 
toute  sa  vie  aux  besoins  de  ces  religieux. 
Il  employa  huit  mille  florins  pour  l'éta- 
blissement des  PP.  de  l'Oratoire  dans 
sa  paroisse  de  Cologne.  A  Arlon,  sa 
ville  natale,  il  bâtit  une  chapelle  dédiée 
à  Notre-Dame  du  Eosaire  et  fit  encore 
un  grand  nombre  de  fondations,  parmi 
lesquelles ,  par  acte  autographe  du 
1er  mars  1639,  deux  bourses  au  collège 
dit  Montanum,  pour  deux  enfants  de  sa 
famille  ou,  à  leur  défaut,  pour  deux 
écoliers  d'Arlon  ou  du  pays  de  Luxem- 
bourg. Ces  bourses  subsistent  encore  et 
ont  été  transférées  aux  universités  prus- 
siennes depuis  la  suppression  de  celle  de 
Cologne. 

Georges  von  Eyschen  fut  inhumé  de- 
vant les  marches  de  l'autel  de  Saint- 
Etienne  qu'il  avait  fondé  et  doté,  dans 
la  cathédrale  de  Cologne,  où  l'on  voit 
son  épitaphe. 


813 


EYSCHEN  —  EZELON 


R14 


On  a  de  lui  :  lo  Lehen  des  H.  Ley- 
schwester  Maria  von  der  Memchwerdimcj , 
stifferin  des  carmeliter-ord.  in  Frank- 
reick.  Cologne,  1630.  —  2o  Passio 
J).  N.  Jesu  Chrlstl  secnndum  IV  Ecan- 
gelistas  descripta.  Colonise,  1656,  in-45. 
Ces  deux  ouvrages  sont  dédiés  par  l'au- 
teur à  son  bienfaiteur,  le  prince  Fran- 
çois de  Lorraine.  A      l-    J     M 

Auj.  Vander  Meersch. 

Calmet,  Iliiioire  de  Lorraine.  —  Paquot,  Mé- 
moires  littérriires,  t.  V,  p.  63.  —  Neyen,  Biogra- 
plue  luxembourgeoise. 

Ezci^oiv  ou  Hezelon,  hagiographe 
et  architecte,  fleurit  au  commencement. 
du  xiie  siècle.  D'abord  chanoine  de 
Liège,  il  prit  la  résolution  d'embrasser 
la  vie  monastique  et  choisit  pour  lieu  de 
sa  retraite  l'abbaye  de  Cluny,  alors  dans 
toute  sa  splendeur.  Pierre  le  Vénérable 
vante  son  savoir  et  son  éloquence  ;  vir 
amplioris  litteraturœ,  dit  Hildebert  du 
Mans.  Avec  la  collaboration  du  moine 
Gilon,  plus  tard  évêque  de  Tusculum, 


Ezelon  composa  une  vie  de  saint  Hugues, 
mort  en  1109  après  avoir  gouverné  pen- 
dant soixante-trois  ans,  au  rapport 
d'Albéric,  le  célèbre  monastère  bour- 
guignon. Des  extraits  de  cette  biogra- 
phie ont  été  insérés  dans  les  Acta  Sanc- 
torum,  29  avril,  tome  IIl,  page  655  ; 
il  semble  que  Hugues  n'était  pas  mort 
depuis  longtemps  lorsqu'elle  fut  rédigée. 
On  sait  que  l'église  de  Cluny,  l'un  des 
monuments  les  plus  purs  et  les  plus 
grandioses  du  style  roman,  fut  construite 
ou  du  moins  commencée  en  1089  sous 
Hugues,  à  l'aide  des  libéralités  d'Al- 
phonse IV,  roi  de  Castille.  La  direction 
de  ce  grand  travail,  qui  ne  reçut  son 
entier  achèvement  qu'en  1130,  échut  à 
Ezelon  ;  nous  avons  lieu  de  croire  qu'il 

n'en  vit  pas  la  fin.  Alphon.e  Le  Roy. 

Peiri  Venerabilis  Epiât  ,  111.  2.  —  Diblioth. 
Clumac.  —  Acia  Sinictontm.  —  Fabririus  Dibl 
Iniina  medii  œvi.  lih.  VII.  —  llist.  liit.' de  la 
France,  t.  X.  Viollet-Leduc.  Di  t.  dcl'ar'-hiiec- 
ture  t.  I,  p.  1-2").  —  Lemaveur,  la  Gloire  belgiqne. 


FABER 


FABKR  {^gidius)  ou  Fabri,  théolo- 
gien, historien,  homme  d'Etat,  né  à 
Bruxelles  vers  1440,  mort  en  1506. 
Voir  De  Smedt  {Gilles). 

rABER  (Frédéric-Théodore),  peintre 
et  graveur,  né  à  Bruxelles  en  1782, 
mort  en  1844.  Elève  de  son  père,  puis 
d'Ommeganck,  dans  l'atelier  duquel  il 
se  rendit  à  l'âge  de  dix-sept  ans,  devint 
un  peintre  d'animaux  et  de  paysages 
remarquable.  Faber  érigea  une  fabrique 
de  porcelaine  et  se  mit  à  peindre  des 
petits  chefs-d'œuvre  sur  la  pâte.  Il  fit, 
pour  le  roi  de  Hollande,  un  service  de 
table  sur  lequel  se  trouvaient  repro- 
duits, de  sa  main,  les  plus  beaux  châ- 
teaux du  pays.  En  1820,  lors  d'une 
exposition  de  produits  de  l'industrie 
nationale,  il  obtint  une  médaille  d'or; 
il  avait  abandonné  la  peinture  sur  toile 
pour  la  peinture  sur  porcelaine.  On  lui 
doit  aussi  108  gravures  à  l'eau-forte, 
qui  ont  été  cataloguées  à  Paris  par  Hil- 
lemacher  en  1843.  Sa  première  eau- 
forte,  qui  est  son  portrait,  date  de  1807- 
La  dernière  est  de  janvier  1844.  Beau- 
coup de  ses  gravures  sont  faites  d'après 
Ommegançk.  On  lui  doit  aussi  quelques 
tableaux  de  genre  et  quelques  portraits. 

Ad.  Siret. 

FABER  (Jacques),  écrivain  ecclésias- 
tique, né  à  Tourcoing  (ancienne  Flan- 
dre.) Voir  Lkfebvke  (Jacques). 


FABER  (Jean- Adam- Joseph),  compo- 
siteur de  musique  du  xviiie  siècle,  et 
chantre  à  l'église  Notre-Dame  d'Anvers. 
En  1720,  étant  encore  imberbe  [comme 
il  le  dit  lui-même  dans  sa  dédicace  au 
chapitre  des  chanoines],  il  composa  une 
messe  à  huit  voix  et  orchestre.  Faber 
entra  dans  les  ordres  et  devint  chanoine 
de  Notre-Dame,  où  il  chantait  encore 
en  1759.  Il  composa  une  seconde  messe 
à  cinq  voix  et  orchestre,  en  1726.  Ces 
deux  compositions,  les  seules  que  l'on 
connaisse  de  notre  artiste,  existent  en 
manuscrit  dans  la  collection  de  Notre- 
Dame  d'Anvers.  Alph.  Goovaerts. 

F.-J  Fétis,  Biographie  universelle  des  musi- 
ciens, 2"=  éd.,  t.  111,  p.  173. 

FABER  (Jean)  ou  Fabre,  surnommé 
d'OMALius,  du  nom  de  son  lieu  de 
naissance,  Omal,  dans  le  pays  de  Liège, 
né  en  1540,  mort  en  janvier  1622;  ju- 
risconsulte renommé.  Il  écrivit  de  nom- 
breux traités  sur  le  droit,  qui  ne  furent  pas 
imprimés,  mais  qui  devaient  cependant 
avoir  quelque  valeur,  puisque,  au  dire 
de  Foppens,  qui  en  donne  les  titres,  il 
en  existait  un  certain  nombre  de  copies. 

Faber  a  laissé,  d'abord,  un  recueil 
d'arrêts;  puis  des  traités  sur  les  devoirs 
d'un  proconsul,  d'un  trésorier,  d'un 
capitaine  des  gardes,  d'un  prêteur,  d'un 
bailli;  enfin  sur  le  divorce,  la  répudia- 
tion, le  cens,  les  impôts,  les  étangs,  les 
viviers,  les  fleuves,  les  forêts  et  la  chasse. 


817 


FABER  —  FABIUS 


818 


Il  existe  un  portrait  de  Faber,  gravé  par 
L.  Fines,  dans  les  Délices  du  pays  de 

Liiege^   t.    V  .  Jules  Delecourt. 

Foppens,  Bibliotheca  belgica.  —  Délices  du 
pays  de  Liège.  —  Becdelièvre,  v»  Omalius. 

FABER  {Jean),  jurisconsulte,  né  à 
Malines  vers  la  fin  du  xvie  siècle,  mort 
à  une  époque  inconnue.  Il  laissa  les 
ouvrages  suivants,  dont  le  premier  est 
une  réfutation  d'une  opinion  énoncée 
par  Alciat  :  lo  JJtrius  juramentum  ser- 
vandum  sit,  si  jurans  alienare  funduni 
dotaient,  postea  cum  jurejurando  contra - 
rewia^.  Colonise,  1569;  —  2'^  Breviarium 
in  Justiniani  imperatoris  codicem.  Lug- 
duni,  1579;  —  3°  Progymnasmatajuris 
canonici.  Lovanii,  typis  Eutgeri  Velpii, 
1566,  in- 8°.  Foppens  loue  sa  science  et 

son  style.  Jules  Delecourt. 

Foppens.  —  Sweertius. 

F.4BEB  {Martin- Herman) ,  peintre  et 
orfèvre,  né  à  Bruges  ou  à  Embden.  Il 
traita  l'histoire  et  le  portrait  sous  la  di- 
rection de  son  ami  Finsonius,  qu'il 
connut  à  Aix  et  avec  lequel  il  se  lia 
d'une  vive  affection.  C'est  grâce  à  cette 
circonstance  que  l'on  doit  de  connaître 
Faber,  dont  les  productions  jouissent  de 
beaucoup  d'estime  en  Provence,  où  il 
passa  toute  sa  vie.  Comme  Finsonius,  il 
peignit  dans  le  genre  du  Caravage. 
Quelques-unes  de  ses  œuvres  sont  datées 

de   1613.  Ad.  Siret. 

FABER  {Salomon),  humaniste  et  poète 
latin,  né  et  mort  à  Ypres  au  xvie  siècle. 
Son  père,  Petrus  Faber  (Pierre  De 
Smedt?),  était  un  érudit  de  Courtrai, 
qui  s'établit  à  Ypres,  où  il  obtint  le 
droit  de  bourgeoisie  en  épousant  la  fille 
de  Gaspard  Vanden  Steene,  un  des  plus 
notables  citoyens.  Salomon  fut  envoyé  à 
l'université  de  Louvain  pour  y  faire  ses 
études  de  jurisprudence.  Il  est  certain 
qu'il  y  résidait  en  1563  et  en  1564, 
puisqu'on  possède  des  lettres  de  cette 
date,  échangées  entre  l'étudiant  et  le  la- 
tiniste Sluper,  chapelain  à  Boesinghe, 
près  d' Ypres.  En  1567,  Petrus  Faber, 
sa  femme  et  le  frère  cadet  de  Salomon, 
Jacques,  ayant  embrassé  le  calvinisme, 
s'enfuirent  en  Angleterre,  à  l'arrivée  du 
duc  d'Albe .  Ils  résidèrent  successivement 


à  Sandwich  et  à  Norwich,  en  compagnie 
d'un  grand  nombre  d'Yprois  émigrés. 
M.Diegerickx  a  trouvé  dans  les  archives 
d'Ypres  des  lettres  fort  curieuses,  tour 
à  tour  en  flamand  familier  et  en  latin 
élégant.  Le  père  exilé  s'adresse  à  son 
fils  Salomon,  revenu  de  Louvain  et  de- 
meurant à  Ypres  pour  y  surveiller  les 
intérêts  de  la  famille  et  défendre  la  mé- 
moire de  son  père.  Salomon  paraît  avoir 
été  un  humaniste  libéral  plutôt  qu'un 
calviniste  décidé,  à  en  juger  d'après  ses 
relations  avec  Sluper,  Antoine  Meyer  et 
d'autres  amis  de  la  renaissance,  qui  ha- 
bitaient la  Flandre  et  l'Artois. 

Notre  auteur  signait  ordinairement 
Faber  TynopJianus  Tprensis.  Nous  croyons 
avec  M.  Diegerickx  que  Tynophanus  est 
un  mot  composé  à  la  mode  pédantesque 
du  temps  et  qu'il  signifie  de  V église  de 
Notre-Dame  des  Thunes,  dont  on  célé- 
brait la  fête  au  Tuin-dag  (jour  de  l'en- 
ceinte, du  town,  du  tuun).  Les  princi- 
paux écrits  de  Salomon  Faber  sont  : 
Paroenesin  de  institutione  mornm  pueri- 
lium  sive  de  legibus  scholasticis  diversorum 
carininum  UpùyiiuvairL/Mv  sylvam.  — 
Famulitium  Lud.  Vivis  carminé  elegiaco 
napa^a<7Ttv-<tw;  reddidit.  On  trouve  aussi 
quelques  pièces  de  Salomon  Faber  parmi 
les  Poemata  que  son  ami  Jacques  Sluper 
fit   imprimer  à  Anvers,  en  1563,  chez 

Joh.   WithagiuS.  J.  Stecher. 

J.  Diegerickx,  Lettres  à  M.  Carton  (Annales  de 
la  société  d'émulation  de  Bruges,  IX,  iO,  32,  'J53. 
Cf.  2^  série,  Xlll,  1U7;. 

FABIUS  {Arnaud),  écrivain  ecclésias- 
tique, né  à  Louvain.  xvii?  siècle.  Voir 
BooNE  {Amand). 

FABiVNi  {Aug.),  écrivain  ecclésias- 
tique, né  à  Beeringen,  mort  à  Tongres 
en  1612.  Voir  Boonê  {Atig.). 

FABiU!^  {Guillaume),  helléniste,  né  à 
Hilvarenbeek  (ancien  Brabant).  xvie  siè- 
cle. Voir  BooNAERTS  {Guillaume). 

FABiV!^  (Nicaisé),  antiquaire,  né  à 
Beaumont  (Hainaut).  xviie  siècle.  Il 
embrassa  l'état  ecclésiastique,  fit  ses 
études  universitaires  et  obtint  le  grade 
de  licencié  in  utroqne  jure;  peu  après 
il  devint  chanoine  à  Comines,  puis  au 
chapitre  de  la  cathédrale  de  Tournai. 


gl9 


FABIUS  —  FABRICIUS 


8^0 


Nicais-e  Fabius,  dans  son  temps,  jouis- 
sait d'une  grande  réputation  ;  on  lui 
attribuait  des  connaissances  étendues, 
surtout  en  ce  qui  concernait  les  anti- 
quités du  pays,  objet  de  ses  études 
favorites,  et  •  sur  lesquelles  il  composa 
quelques  ouvrages  intéressants  restés 
manuscrits,  mais  dont  parle  avec  éloge 
Sanderus   dans   son    Toniacmn  illustra- 

tuni .  Ang.  Yander  Meeisch. 

Le  Maistre  d'Anstaing,  Hi-iinire  de  ta  cathé- 
drale de  Tourihti,  t.  H.  p. -297. 

fAhri  (Gilles),  homme  d'Etat,  écri- 
vain ecclésiastique,  né  à  Bruxelles  vers 
1440,  mort  le  19  février  1506.  Voir 
De  Smedt  (Gilles). 

FABRi  DE  CARTi^TO  (Jean),  écri- 
vain ecclésiastique,  né  à  Carvin-l'Espi- 
noy  (ancien  Hainaut).  xve  siècle.  Voir 
LeFebvre  (Jean). 

FAB1CI  (Jérôme),  prédicateur,  écri- 
vain, né  à  Gand  en  1.58.5,  mort  en  1641. 
Voir  Temmermaxs  (Jérôme). 

FABRiiiiis  (André),  philosophe, 
poëte,  théologien,  prédicateur,  né  à 
Hodeigevers  1520,  mort  en  15 SI.  Voir 
Lefevre  (André). 

FABRirir»  (François),  médecin  et 
poète,  naquit  à  Pairemonde,  vers  1510. 
Il  étudia  les  belles-lettres  à  Cologne  et 
acquit  une  connaissance  approfondie  des 
langues  grecque  et  latine.  Il  étudia 
ensuite  la  médecine  et,  en  1533,  on  le 
trouve  exerçant  l'art  de  guérir  à  Deven- 
ter.  On  doit  supposer  que  le  succès  ne 
répondit  pas  à  son  attente.  Toiijours  est- 
il  qu'il  quitta  Deventer  pour  aller  s'éta- 
blir à  Aix-la-Chapelle.  Ici  il  se  distingua 
par  les  cures  qu'il  opérait  au  moyen  des 
eaux  thermales  de  cette  ville.  Il  analysa 
ces  eaux  célèbres,  étudia  leurs  effets  et 
en  régla  l'usage  dans  un  livre  qui  obtint 
trois  éditions  et  jouit  d'une  grande  au- 
torité parmi  les  médecins  de  son  siècle. 
Dans  ses  heiires  de  loisir,  il  se  plaisait  à 
cultiver  la  poésie,  et  on  lui  doit  une 
traduction  en  vers  latins  de  la  tragédie 
grecque  intitulée  le  Christ  sonljrant 
(XoiTToç  Tzvj/yj),  qu'on  a  longtemps 
attribuée  à  saint  Grégoire  de  Nazianze. 
Les  vers  sont  médiocres  et  n'ont  d'autre 
mérite  que  la  correction  du  style.  Tout 


ce  qu'on  sait  avec  certitude  des  inci- 
dents de  la  vie  de  Fabricius,  après  son 
départ  de  Deveutèr,  c'est  qu'il  exerçait, 
fructueusement,  sa  profession  de  méde- 
cin à  Aix-la-Chapelle  en  1545  et  1552. 
L'année  de  son  décès  n'est  pas  connue. 
Ses  ouvrages  sont  :  1^  Tliermœ  aqiienses, 
sive  de  Balneorum  naturalimn,  prœc.ipne  . 
earmn  quce  sunt  Aquisfjrani  et  Porceti, 
naturâ  et  facnltatihus ,  et  qnâ  notione  illis 
ntendum  sit,  liber  perutUis.  Colonise, 
Jaspar  Gennepaeus,  1546,in-4o.  It.  ih., 
Maternus  Cholinus,  1564,  in-12.  It., 
ibid.,  Joannes  Kirchius,  1617,  in-S^. — 
2o  Cflnsilia  de  arthridite,  dans  l'ouvrage 
de  Henricius  :  Consilia  de  arthriditis 
praserratione  et  curatione.  Francofurti, 
1592.  —  3o  Divi  Gregorii  Nazianzeni 
tlieologi  Traejedia  Christiis  patiens,  Intino 
carminé  reddifa,  per  Franciscmn  Fabri- 
cinm,  lînremondannm ,  medicum  aquisgra- 
nîcjim.  Antverpiae,  Strelius,  1550,  in-8?. 

J  -J.  Thonissen. 

Paqiiot,  Mémoires  pour  servir  à  l'Hisioire  litté- 
raire des  Pat/s-Das.  —  Van  der  Aa,  Dinfirapliisch 
jvoor  lenboek. —  l-.loy,  Diciionnnire  historique  de 
la  médecine.  —  Hoflman-Pecrlkamp,  Ue  viia  ac 
doctriiia  Ptelqaritin  qui  lalina  carminn  conipo- 
suerinit.  — Fopi)ens,  Hibliotheca  belqica. 

FABRifHr*  (Jean),  poëte  latin  du 
xvip  siècle,  né  à  Bolland ,  près  de  Hervé, 
localité  faisant  partie  de  l'ancien  duché 
de  Limbourg  et  actuellement  de  la 
province  de  Liège,  Son  vrai  nom  était 
peut-être  Lefèvre  ou  Fabry.  On  n'a 
giière  de  renseignements  sur  sa  vie,  et 
les  bibliographes  du  pays  ne  font  aucune 
mention  de  lui.  Xé,  probablement,  pen- 
dant les  premières  années  du  xvip  siècle, 
il  paraît  avoir  passé  ime  grande  partie 
de  sa  vie  à  Cologne,  ville  où  parurent 
toutes  ses  œuvres  poétiques.  Le  savant 
jésuite  Hartzheim  n'a  pu  néanmoins 
recueillir  aucun  renseignement  sur  notre 
poëte,  et  se  contente  de  copier  les  deux 
lignes  que  lui  a  consaci'ées  Conrad  Ges- 
ner,  le  père  des  bibliographe».  On  connaît 
de  Fabricius  :  l'>  De  moin  monasteriensi, 
eleginco  rarmlne  scripti,  libri  X.  Colonia?, 
apud  Gymnicum,  1541,  in-8o.  — 
2  '  Psalterium  Daridis,  lyrico  carminé 
reddiins.  ibid.,  in-8o.  —  3»  T)n(p  ora- 
tiones  panegyricce  elegiacis  versibns  con- 
scriptcp,  qnarumprior  mista  partim  conti- 


8-il 


FABRICIUS  —  FABRY 


net  regina  Mariœ  ad  Leodium  urhem 
adcentiim  et  tractatlonem,  partim  ejusdem 
cicitatis  deacriptionem,  altéra  ver  o  pur  a 
Maria  ejus  familia  laudes  variis  exor- 
nata  loch  comiiiimibus  complectitur,  etc. 
Colonige,  ex  officm.  typogr.  Antonii  Cœ- 
sarii,  1552,  petit  iu- 8^.  Ces  ouvrages  sont 
extrêmement  rares;  du  dernier,  qui  inté- 
resse notre  histoire,  on  ne  connaît  qu'un 
exemplaire  très-incomplet,  duquel  il  ne 
reste  que  les  pièces  liminaires. 

H.  Hulbig. 

Biblioilu'ca  Co».  Gesneri,  à  Jus.  Simiero  aucta. 
'ligui'i,  1374,  in-fol..  |i.  oti4.  Hanzheiin , 
liibliotli.  (.oloniensis,  \^.  169.  —  Mexsaijer  des 
sciences  fiisl.,  année  lbb4,  p.  141. 

F.%BRY  (François- Louis),  médecin, 
né  probablement  à  Dinant  vers  1655, 
mort  à  un  âge  fort  avancé.  II  remplit  les 
fonctions  de  utédecin  des  pauvres  de  la 
ville  de  Dinant,  où  il  pîatiqua,  pendant 
un  grand  nombre  d'années,  les  diverses 
branches  de  Tart  de  guérir.  On  lui  doit  : 
Traité  instructif  et  familier  des  accouche- 
ments. Dinant,  173fi,  in-12.  C'est  un 
traité  élémentaire,  fruit  de  cinquante 
années  de  pratique.  «  Eclairer  les  sages- 
»  femmes  "  ,dit  Ul.  Cnpitaine (Bio^rap/iie 
liégeoise),  »  dévoiler  leur  incurie  et  leur 
«  charlatanisme,  enseigner  aux  femmes 
Il  enceintes  les  soins  et  le  traitement 
"  que  réclame  leur  po.sition,  tel  est  le 
«  but  que  l'auteur  s'est  proposé  à  une 
1  époque  où  l'art  des  accouchements, 
«  dans  nos  campagnes  surtout,  n'avait 
»   fait  aucun  progrès   depuis   le   moyen 

"     âge.    "  Aiig.  Varnle:   Meersch. 

F.iLBKir  {Jacques-Hgacinthé) ,  juris- 
consulte et  homme  politique,  naquit  à 
Liège  le  13  (Lcembre  1758  et  y  mourut 
le  13  janvier  1351,  c'est-à-dire  plus  que 
nonagénaire.  Il  était  tils  de  Jac:^ues- 
JosEPH(voir  l'article  suivantj;  l'exemple 
et  les  leçons  d'un  tel  père,  autant  que 
ses  propensions  naturelles,  le  portèrent 
de  bonne  heure  à  s'intéresser  aux  allaires 
publiques.  Reçu  licencié  en  droit  le 
■1  septembre  l/SO,  il  fut  womxaiimayenr 
enféauté  dès  le  mois  de  mars  de  l'année 
suivante,  avec  une  dispense  d'âge  :  Fa- 
bry  père  avait  ol)tenu  du  prince  N'elbruck 
la  faculté  de  résigner  cette  place  en  sa 
faveur.  Le  jeune  magistrat  s'acquitta  de 


ses  fonctions,  au  rapport  d'un  contem- 
porain cité  par  ]\l.  Capitaine,  «  avec 
une  intelligence  et  un  zèle  auxquels  ses 
devanciers  n'avaient  pas  habitué  le  pu- 
blic ".  Rien  n'y  fit  :  le  22  mars  17 86, 
il  fut  inopinément  destitué,  sans  aver- 
tissement préalable,  sansprétexte  coloré, 
sans  motif  apparent.  Mais  on  était  alors 
en  pleine  réaction  :  Velbruck  avait  fait 
place  àHoensbroeck,  et  Jacques-Joseph 
Fabry,  en  communauté  d'opinions  avec 
les  philosophes  français,  n'était  pas,  tant 
s'en  faut,  eu  crédit  auprès  du  nouveau 
prince  :  l'attitude  qu'il  avait  prise  dans 
l'affaire  de  tipa,  quelques  résistances 
administratives,  enfin  le  fait  que  Hoens- 
broeck,  prêtant  l'oreille  à  des  insinua- 
tions malveillantes,  le  regardait  comme 
l'auteur  d'un  pamphlet  violent  intitulé  : 
Cri  général  du  peuple  liégeois  (1),  c'en 
était  trois  fois  plus  qu'il  ne  fallait  pour 
le  mettre  mal  en  cour.  Pourquoi  cepen- 
dant frapper  le  père  dans  la  personne  du 
fils?  Ou  repondra  qu'il  ne  convenait  pas 
de  laisser  un  fonctionnaire  dans  une  po- 
sition fausse,  obligé  peut-être  de  pour- 
suivre son  propre  père  ou  ses  amis  les 
plus  chers;  il  y  aurait  eu  lieu,  néan- 
moins, selon  la  judicieuse  remarqiie  de 
l'historien  Borgnet,  d'aviser  à  une  com- 
pensation, et,  en  tout  cas,  de  ne  point 
imprimera  la  sentence  le  caractère  d'une 
disgrâce  injurieuse.  L'opinion  publique 
en  jugea  ainsi,  puisque  les  Seize  cham- 
bres, dont  la  majorité  n'était  certes  pas 
imbue  d'idées  révolutionnaires,  s'em- 
pressèrent d'élire  Hyacinthe  Fabry,  à  la 
presque  unanimité,  en  avril  1787,  ren- 
tier ou  receveur  général  de  la  Cité  :  ses 
concurrents  avaient  même  eu  la  délica- 
tesse de  se  désister  \olontairement.  H 
faut  rendre  cette  justice  au  prince,  qu'il 
s'abstint  ici  de  toute  intervention  (13or- 
gnet). 

La  révolution  liégeoise  éclata  le 
18  août  1789  (2).  Chestret  parut  au  per- 
ron de  l'hôtel  de  ville  et  invita  la  foule 
qui  eucomijrait  le  marché  à  élire  de  nou- 
veaux magistrats.  Chestret  et  J.-J.  Fabry 


il)  L'auteur  de  ceUc  brochure  était  le  peintre 
Lt'onurd  Del'rauce. 

[i]  V\  y.  Chestret.  il  faut  lire  col.  63, 1.  1,  18  au 
lieu  de  17  août. 


823 


FABRY 


824 


furent  acclamés  bourgmestres;  Hya- 
cinthe fut  investi  du  mandat  de  conseil- 
ler. Il  siégea  au  Comiéé  chargé  de  la 
formation  d'une  généralité  municipale, 
puis  fut  délégué  par  la  ville  de  Visé  à 
l'assemblée  générale  du  pays  de  Liège, 
où  les  bonnes  villes  renouvelèrent  leur 
pacte  d'alliance.  Dès  le  22  août,  il  prit 
une  part  sérieuse  à  la  rédaction  du  Jour- 
nal patriotique  fondé  par  Bassenge,  Eey- 
nier  et  Henkart,  ses  amis  d'enfance^  il 
y  développa  en  toute  franchise  la  pro- 
fession de  foi  politique  dont  il  ne 
s'écarta  jamais  dans  la  suite. 

Une  brochure  qu'il  publia  en  1790 
(Réjîexions  d'im  vrai  patriote  sur  la  for- 
mation de  la  garde  nationale  liégeoise) 
mérite  d'être  mentionnée  en  passant.  La 
déchéance  du  prince  avait  été  prononcée; 
on  se  croyait  à  la  veille  d'une  guerre. 
L'auteur  proposa  tout  un  système.  Il 
s'élevait  d'abord  avec  force  contre  le 
remplacement  militaire  ;  il  voulait  que 
tout  citoyen  fût  appelé  au  service  actif 
de  vingt  à  cinquante  ans,  n'admettant 
d'exemptions  que  pour  les  ministres  du 
culte,  les  infirmes  et  les  indigents.  Les 
magistrats  et  les  ecclésiastiques  autres 
que  les  curés  et  les  vicaires  pourront 
obtenir  une  dispense,  ajoutait-il,  mais  à 
■condition  de  payer  une  prime  qui  variera 
selon  la  gravité  des  circonstances  :  enfin 
les  fonctionnaires  électifs  seront  déchar- 
gés du  service  pendant  la  durée  de  leur 
mandat.  De  cette  manière,  Liège  aura 
toujours  de9,000àl0,000hommessous 
la  main;  et  si  toutes  les  communes  du  pays 
suivent  l'exemple  de  la  capitale,  on  dis- 
posera de  50,000  hommes,  force  relati- 
vement supérieure  à  celle  de  la  France, 
si  l'on  a  égard  au  peu  d'étendue  des 
frontières  liégeoises.  Quelques-unes  de 
ces  idées  furent  utilisées  dans  le  Règle- 
ment de  la  garde  nationale  liégeoise, 
approuvé  par  la  commune  le  29  août  de 
la  même  année  (Ul.  Capitaine). 

On  peut  admettre  qu'Hyacinthe  dut 
à  cette  excursion  sur  le  terrain  militaire 
d'être  appelé  au  poste  de  colonel  provi- 
soire des  chasseurs  liégeois.  Il  n'accepta 
du  reste  cet  honneur  qu'à  sou  corps  dé- 
fendant :  colonel  postiche,  disait  son 
père;  et  véritablement  ce  chef  improvisé 


n'avait  rien  du  soldat  :  par  bonheur  il 
pouvait  compter  sur  l'expérience  de  son 
lieutenant-colonel  Lonhienne ,  ancien 
major  dans  le  régiment  de  Fyon.  Ils  dé- 
butèrent par  une  excursion  d'un  jour  à 
Aix  et  dans  les  villages  voisins,  puis 
assistèrent  à  l'affaire  indécise  de  Suten- 
dael  (1).  Le  colonel  provisoire  ne  resta 
pas  longtemps  sous  les  armes;  on  l'ad- 
joignit à  Bassenge  et  à  Chestret  pour 
aller  négocier  à  Berlin.  Il  s'agissait  de 
parer  un  coup  terrible  :  la  Prusse  se 
rapprochait  visiblement  de  l'Autriche; 
la  restauration  de  Hoensbroeck  était 
imminente.  Les  députés  essayèrent  de 
gagner  du  temps  ;  toute  leur  diplomatie 
fut  inutile  :  la  Prusse,  après  avoir  en- 
couragé, enhardi  les  Liégeois,  les  dé- 
laissa brusquement  quand  elle  jugea  que 
leur  révolution  ne  pouvait  plus  la  ser- 
vir. On  crut  habile,  à  Liège,  de  s'adres- 
ser directement  à  l'Autriche  :  les  deux 
Fabry  partirent  pour  Vienne;  ils  ne 
furent  point  reçus.  Jacques- Joseph,  au 
retour,  fit  halte  à  Wezel,  où  son  fils  alla 
le  rejoindre.  C'en  était  fait  :  le  13  jan- 
vier 1791,  Liège  ouvrait  ses  portes  aux 
troupes  autrichiennes,  précédant  une 
commission  executive.  Les  premières 
mesures  de  réaction  atteignirent  Hya- 
cinthe, qui  fut  dépouillé  de  sa  charge 
de  rentier  (2)  et  porté,  en  octobre  1791, 
sur  une  liste  de  proscription.  Il  rejoignit 
à  Bouillon  son  père,  exilé  l'un  des  pre- 
miers. Le  13  janvier  suivant,  ils  parti- 
rent pour  Paris,  où  ils  n'arrivèrent  que 
le  20,  mais  à  temps  pour  prendre  part 
aux  travaux  du  Comité  des  Belges  et  des 
Liégeois  réunis.  Vonck,  alors  à  Lille, 
était  entré  en  rapport  avec  le  Comité; 
pas  plus  que  les  Pabry,  il  ne  put  s'en- 
tendre avec  les  avancés  du  parti.  De 
guerre  lasse,  Hyacinthe  regagna  Bouil- 
lon; mais,  sur  ces  entrefaites,  la  France 
avait  rompu  avec  l'Autriche.  Les  Fabry 
allèrent  voir  à  Givet  le  général  Lafayette 
pour  le  mettre  en  garde  contre  leurs 
adversaires.  Ces  pourparlers  ne  condui- 
sirent à  rien.  Lafayette  franchit  la  fron- 
tière, mais  se  replia  aussitôt.  Dumouriez 

(1)  Voy.  l'art.  Chestret. 

(-2)  Il  fut  remplacé  par  l'ex-bourgmestre  Mé- 
lotte-Nizel. 


825 


FABRY 


826 


lui  succéda  :  on  sait  comment  il  »  brus- 
qua «  l'invasion  de  la  Belgique.  Méan, 
qui  venait  de  succéder  à  Hoensbroeck, 
quitta  sa  capitale  :  ce  fut  le  signal  d'une 
explosion.  Le  conseil  municipal  proscrit 
fut  provisoirement  réinstallé;  Hyacinthe 
y  retrouva  sa  place,  puis  fut  élu,  le 
20  décembre  1792,  député  à  la  Con- 
veniion  îiationale  liét/eoise. 

L'idée  d'une  réunion  à  la  France  se 
faisait  jour  parmi  les  patriotes;  les  Fa- 
bry  s'y  rallièrent  ;  ^cependant  Jacques- 
Joseph  n'y  adhéra  que  sous  certaines 
réserves,  ce  qui  déplut  aux  sans-culottes 
et  le  fit  considérer  comme  une  sorte  de 
Girondin;  néanmoins  ses  conseils  préva- 
lurent (voir  l'article  suivant).  Hyacinthe 
alla  sonder,  dans  la  partie  flamande  du 
pays,  les  dispositions  des  habitants;  il  y 
trouva  peu  d'enthousiasme,  surtout  à 
Saint-Trond.  A  ce  moment  même  les  Au- 
trichiens reparurent.  Les  commissaires 
français  plièrent  bagage  ;  les  administra- 
teurs de  la  Cité  se  résignèrent  à  les 
suivre,  Hyacinthe,  entre  autres,  mais 
sans  perdre  courage.  Son  premier  acte, 
dans  l'exil,  fut  de  coopérer  à  la  rédac- 
tion d'une  adresse  des  Liégeois  à  la 
•  Convention,  pour  réclamer  la  réunion. 
Mais  ici  lui  et  ses  amis  eurent  encore  à 
compter  avec  les  montagnards  franchi- 
montois,  qui  firent  ouvertement  scission 
et  finirent  par  les  dénoncer  comme  dou- 
teux. Les  Fabry  se  retirèrent  à  Ver- 
sailles, attendant  avec  anxiété  le  rapport 
du  Comité  révolutionnaire  ;  Hyacinthe 
parvint  à  obtenir  un  petit  emploi  dans 
l'administration  départementale.  Bas- 
senge  fut  arrêté;  les  réfugiés  flottèrent 
ainsi  entre  rin([uiétude  et  un  vague 
espoir  jusqu'au  9  thermidor.  Alors  ce 
fut  un  cri  de  délivrance  !  Fabry  père  put 
écrire  à  un  ami  :  »  La  farce  est  finie.  Je 
»  suis  libre.  Liège  à  présent  doit  être 
•   libre  aussi  !  ' 

Hs  revirent  en  efl"et  la  terre  natale. 
Hyacinthe  avait  perdu  sa  confiance  dans 
le  succès  d'une  révolution  purement  lié- 
geoise. D'autre  part,  il  avoua  dans  une 
lettre  à  Henkart  que  la  perte  de  sa  na- 
tionalité lui  paraissait  préférable  à  un 
retour  à  l'ancien  régime  :  il  en  était 
venu  à  craindre  que  la  république  fran- 


çaise ne  renonçât  à  un  agrandissement 
de  territoire. 

Méan,  rentré  à  Liège  à  la  suite  des 
Impériaux,  signala  son  retour  par  des 
actes  de  violence  (1).  Son  règne  devait 
être  éphémère.  La  bataille  de  Fleur  us 
livra  aux  Français  la  Belgique  et  le  pays 
de  Liège  :  pays  conquis!  Ils  furent  litté- 
ralement traités  comme  tels.  L'adminis- 
tration liégeoise  fut  renouvelée  et  épu- 
rée :  Hyacinthe  en  fit  partie  avec  une 
majorité  modérée.  Voulant  ensuite  rom- 
pre l'î^^uïe  de  l'ancienne  principauté,  la 
république  institua  des  administrations 
d'arrondissement  :  Hyacinthe  entra 
dans  celle  de  Liège,  mais  n'y  resta  que 
peu  de  temps,  ne  voulant  pas  se  prêter 
aux  exactions  des  proconsuls  (le  main- 
tien du  maximum  sur  les  denrées,  aboli 
à  Paris).  Il  eut  l'occasion,  dans  des  cir- 
constances difficiles,  de  faire  preuve  de 
courage  civil;  bientôt  de  nouvelles 
fonctions  lui  furent  confiées.  Bassenge 
ayant  été  nommé  procureur  de  la  com- 
mune, Henkart  et  Hyacinthe  Fabry  de- 
vinrent ses  substituts.  En  1795,  peu 
avant  la  division  des  provinces  belges  en 
départements,  ce  dernier  fut  député 
avec  Lesoinne  à  Bruxelles,  pour  régler 
des  questions  de  territoire.  Le  18  no- 
vembre, nous  trouvons  son  nom  sur  la 
liste  des  administrateurs  du  départe- 
ment de  rOurthe;  enfin,  en  1797,  les 
Liégeois  l'envoyèrent  au  conseil  des 
Cinq-Cents,  où  l'inflexibilité  de  son  ca- 
ractère, sa  haute  impartialité  et  la  net- 
teté de  ses  idées  le  firent  bientôt  remar- 
quer. «  Pendant  toute  la  durée  de  son 
«  séjour  à  Paris,  dit  Ul.  Capitaine,  le 
»  député  de  la  nation  liégeoise  fut  une 
«  véritable  providence  pour  ses  compa- 
«  triotes,  qu'un  pouvoir  inquiet  et 
*  ombrageux  exposait  à  chaque  instant 
»   à  des  dangers  imminents.  » 

Del799àl802,  Hyacinthe  siégea  au 
Corps  législatif.  L'attitude  du  premier 
consul  lui  parut  incompatible  avec  ses 
instincts  d'indépendance  et  le  respect 
qu'il  devait  à  ses  serments  :  il  se  retira 
sans   bruit   et  n'hésita  pas  à  refuser  la 

[\)  Voy.  l'art.  Chapuis,  où  nous  signalerons 
une  distraction.  C'est  Méan  et  non  Hoeasbroeck, 
qui  tit  exécuter  le  martyr  verviétois. 


827 


FABRY 


8-28 


préfecture  de  l'Ain,  que  le  sénateur 
Lambrechts  lui  fit  offrir.  La  période  des 
orages  était  passée;  il  ne  songea  plus 
qu'à  se  rendre  paisiblement  utile.  Nommé 
juge  au  tribunal  criminel  de  la  Meuse- 
Inférieure,  le  23  germinal  an  xi  (1803), 
il  devint  conseiller  à  la  cour  de  Liège  le 
4  août  1807.  Là,  comme  ailleurs,  il  se 
fit  estimer  et  respecter.  En  accordant  sa 
retraite  au  vénérable  veillard,  le  16  oc- 
tobre 1830,  le  gouvernement  provisoire 
belge  lui  confia  le  titre  de  président  ho- 
noraire. 

Homme  public  ,  Hyacinthe  Fabry 
n'écouta  jamais  que  la  voix  de  sa  con- 
science. Il  se  distingua  non-seulement 
par  sa  fermeté  et  sa  sincérité,  mais  par 
une  dialectique  serrée  et  par  une  grande 
clairvoyance  en  matière  économique  et 
financière,  ami  du  progrès  sage,  mais 
inexorable  pour  les  vaines  utopies.  Il 
n'était  pas  indifterent  aux  délassements 
des  muses,  partageant  en  cela  le  goût  de 
beaucoup  de  ses  contemporains,  même 
de  ceux  qui  étaient  le  plus  engagés  dans 
les  grandes  affaires.  Eu  1823,  il  fut  l'un 
des  éditeurs  des  Loisirs  de  trois  amis 
(avec  N.  Ansiaux  et  P.  Dcstriveaux  : 
voir  l'article  Bassewjé).  Hors  de  là,  il 
ne  publia  qu'un  petit  nombre  d'écrits 
politiques  de  circonstance;  on  en  trou- 
vera la  liste  à  la  fin  de  la  notice  d'Ul. 
Capitaine.  Dans  la  vie  privée,  le  magis- 
trat sévère  devenait  un  modèle  d'urbanité 
et  de  bonté  véritable;  aussi  s'était-il 
concilié  des  affections  qu'il  rendait  avec 
usure,  n'élant  pas  de  ceux  qui  ne  sont 
dévoués  qu'en  paroles.  Il  eut  le  bonheur 
de  conserver  ses  facultés  jusqu'aux  der- 
nières limites  d'une  vie  presque  sécu- 
laire. Alphonse  Le  Roy. 

Ad.  Horgnct,  Histoire  de  la  révolution  liégeoise 
de  1789.  —  Uaris,  ///«/.  du  diocèse  et  de  la  prin- 
cipauté de  Liifje  ;i724-18o2,  t.  H  ei  111.  — 
F.  Heniux.  llisi.  du  pays  de  l.ie(ie,'.Vèd  ,  l.  II.— 
CI.  Canilainc,  Moticesur  Hyacinthe  Fabrij,  Liige, 
-185!,  111-112. 

F.%BRV  {Jacques- Joseph),  homme  po- 
litique éminent,  naquit  à  Liège  le  3  no- 
vembre 1722  et  y  mourut  le  11  février 
1798.  Il  appartenait  à  une  ancienne 
famille  dont  le  nom  se  rencontre  fré- 
quemment dans  Ips  fastes  consulaires  de 
kl   cité.  Nous  manquons  de  renseigne- 


ments sur  son  éducation,  qui  dut  être 
brillante,  et  sur  sa  jeunesse  :  il  n'appa- 
rut sur  la  scène  que  dans  un  âge  déjà 
mûr  ;  mais  alors  son  activité  patriotique 
se  déploya  si  énergiquement  et  le  mit 
dans  un  tel  relief,  que  l'histoire  de  la 
révolution  liégeoise  pouirait  se  résumer 
tout  entière  dans  sa  biographie.  En 
attendant  l'heure  des  combats,  nous  le 
voyons  se  complaire  dans  la  société  des 
gens  de  lettres  et  des  artistes.  C'est  ainsi 
qu'il  était  très-assidu  au  salon  du  tré- 
foncier  De  Harlez,  poëte  et  musicien, 
à  qui,  par  parenthèse,  Grétry  dut  ses 
premiers  encouragements.  Le  pittoresque 
idiome  du  pays  de  Liège  jouissait  alors 
d'une  grande  faveur  :  De  Harlez,  De 
Cartier,  Yivario  et  Fabry  surent  l'élever 
presque  à  la  hauteur  d'une  langue  lit- 
téraire, sans  lui  faire  rien  perdre  de  son 
originalité,  de  sa  verdeur,  de  sa  franche 
gaieté  gauloise.  Ils  composèrent  d'abord 
un  petit  opéra,  Li  voijège  di  Chaudfon- 
taine,  une  perle  en  son  genre,  dont  la 
musique  fut  écrite  par  J.-N.  Hamal, 
maître  de  chapelle  de  la  cathédrale; 
ensuite  Fabry  versifia  seul  le  libretto  du 
L'tyeois  èycuji  (1757),  qui  obtint  égale- 
ment un  succès  du  meilleur  aloi  dans 
les  concerts  de  l'hôtel  de  ville,  et  plus 
tard  au  palais  de  Seraing,  où  Velbruck 
voulut  le  faire  entendre  au  stathouder 
de  Hollande  (1).  Mais  c'étaient  là  des 
délassements  passagers  ;  Fabry  dirigea 
bientôt  toute  sou  attention  sur  les  graves 
questions  qui  commençaient  à  émouvoir 
les  esprits  :  n'oublions  pas  que  nous 
sommes  à  l'époque  où  les  encyclopédistes 
français  firent  pour  ainsi  dire  invasion 
dans  la  principauté,  qu'ils  avaient  choisie 
pour  centre  de  leur  propagande.  Fabry 
épousa  résolument  leurs  idées  et  les  pro- 
fessa sans  hésiter,  soit  dans  la  presse, 
soit  plus  tard  dans  les  discussions  philo- 
sophiques et  politiques  qui  se  renouve- 
laient chaque  jour  à  la  Société  d'Emula- 
tion,   fondée   par   Velbruck    en    1779, 

(!)  La  musique  de  crUe  piè'-e  est  aus§i.de 
llamal.  Les  cotnpositions  de  labry  et  de  ses  col- 
laborateurs ont  été  léunies,  dus  le  siècle  denricr, 
en  un  volume  inliiulé  :  Tluàie  LiyeoLi,  souvent 
réimprimé  depuis,  et  encore  populaire  La  meil- 
leure éditinn  est  celle  de  F.  Bailleux.  tl.  Capi- 
taine, J.  Stecher  etJ.  Helbig  (Liège,  Carmanue, 
18ui,  iii-l'2j. 


829 


FABRY 


830 


pour  l'encouragement  des  sciences,  des 
lettres  et  des  arts.  Pendant  cette  même 
période,  il  élabora  un  grand  nombre  d'ar- 
ticles pour  le  Dictionnaire  de  J.-J.  Ko- 
binet  (1)  et  donna  une  édition,  considé- 
rablement augmentée,  du  Voyage  d'îin 
amateur  des  arts  en  Flandre,  dans  les 

Pays-Bas,  etc.,  par  M.  de  la  K, (J.  de 

la  Roche),  Amsterdam  (Liège)  F.  De- 
soer,  1783,  4  vol.  in-12.  Le  prince 
Charles  d'Oultremont,  d'autre  part, 
octroya,  le  16  avril  1764,  à  l'imprimeur 
Desoer,  le  privilège  de  la  Gazette  de 
Liège,  journal  officiel;  le  28  avril  1766, 
une  convention  nouvelle,  intervenue 
entre  Fabry  et  Desoer,  fut  approuvée 
par  l'autorité.  Le  premier  devait  diriger 
et  composer  la  Gazette;  le  second  se 
chargeait  de  l'impression  et  de  la  dis- 
tribution, sauf  à  percevoir  le  produit 
des  abonnements  et  des  annonces.  Les 
choses  marchèrent  ainsi  pendant  douze 
ans  :  tout  d'un  coup  Hoensbroeck,  ju- 
geant les  principes  de  Fabry  trop  indé- 
pendants, trouva  bon  de  lui  retirer  sa 
confiance  et  de  remettre  à  H. -F. -M.  Col- 
son,  mayeur  en  féauté,  le  soin  d'écrire 
des  articles  sur  les  affaires  du  pays 
(18  mars  1788).  Desoer  conserva  son 
mandat  jusqu'au  1er  janvier  1791;  dé- 
possédé à  son  tour  pour  cause  de  libéra- 
lisme, il  résolut  de  créer  un  journal 
non  officiel.  Non  sans  avoir  subi  de 
nombreuses  vicissitudes,  cette  feuille  a 
traversé  toutes  les  révolutions  et  n'a 
cessé  de  grandir  en  format  et  en  impor- 
tance. Elle  appartient  encore  à  la  famille 
Desoer  :  nous  avons  nommé  le  Journal 
de  Liège. 

Tout  en  se  livrant  aux  labeurs  absor- 
bants du  journalisme,  Fabry  prenait 
rang  parmi  les  hommes  publics.  Ses  dé- 
buts remontent  à  l'épiscopat  de  Jean- 
Théodore  de  "Bavière  :  nous  le  trouvons 
successivement  conseiller  de  la  Chambre 
des  comptes  (15  novembre  1762)  et 
mayeur  en  féauté  (9  avril  1761);  il  ne 
résigua  ces  dernières  fonctions  qu'en 
mars  1781,  au  profit  de  son  fils  aîné 
(voir  l'art,  précédent).  Conseiller  intime 

(1}  Dictionnaire  universel  des  sciences  morales. 
Londres  (Neuchàlel),  1777-178:^,  30  vol.  in  i«. 
[i)  Velbruck  n'ignorait  pas  cependant  que  Fa- 

BIOGR.  NAT.    —    T.   VI. 


de  l'électeur  de  Cologne  (titre  purement 
honorifique),  nommé  conseiller  actuel 
de  Velbruck  le  3  janvier  1773  (2),  deux 
fois  bourgmestre  de  la  cité,  en  1780 
et  1783,  il  se  vit  honoré  des  princes 
autant  qu'aimé  du  peuple  jusqu'au  com- 
mencement du  règne  de  Hoensbroeck. 
Mais  des  nuages  allaient  bientôt  s'amon- 
celer sur  sa  tête.  A  propos  de  l'affaire 
de  Spa,  il  osa  contester  au  chef  de 
l'Etat  le  droit  d'édicter  en  matière  de 
police;  d'un  autre  côté,  la  hardiesse  de 
ses  idées  avait  offusqué  certaines  per- 
sonnes, qui  ne  manqurèent  pas  de  cher- 
cher à  le  faire  tomber  en  disgrâce  :  bref, 
il  passa  aux  yeux  du  prélat  pour  un 
homme  dangereux,  une  sorte  de  philo- 
sophe révolutionnaire.  Le  fait  est  que 
Fabry  en  vint  peu  à  peu  à  considérer  la 
puissance  temporelle  du  clergé  comme 
un  véritable  malheur  pour  sa  patrie.  Les 
mandements  publiés  au  sujet  des  jeux, 
le  décret  de  prise  de  corps  lancé  contre 
Redouté  et  ses  adhérents  (voir  l'article 
J.-R.  DE  Chestret),  le  tribunal  des 
XXII  menacé  dans  son  indépendance, 
autant  de  mesures  violentes  ou  arbi- 
traires dont  gémissaient  avec  lui  les 
patriotes  attachés  à  l'ancienne  constitu- 
tion liégeoise.  La  chambre  impériale  de 
Wetzlar  tardant  à  se  prononcer  sur  l'ap- 
pel dont  elle  était  saisie,  ils  eurent 
quelque  raison  de  ne  pas  se  croire  en 
sûreté.  Reynier  et  Bassenge  se  réfugiè- 
rent à  Cologne;  Fabry,  sans  quitter 
Liège,  se  tint  prêt  à  tout  événement. 
Ses  premières  relations  avec  Dohm,  re- 
présentant de  la  cour  de  Berlin  auprès 
du  Cercle  de  Westphalie,  datent  de  cette 
période  critique  (1787).  Les  Pays-Bas 
autrichiens  étaient  en  ébuUition  :  Jo- 
seph II,  d'autre  part,  en  prenant  fait  et 
cause  pour  la  Russie  ,  brouillée  avec 
la  Porte,  s'exposait  à  de  graves  em- 
barras en  Orient,  embarras  qui  s'ac- 
croîtraient encore  si  une  insurrection 
éclatait  à  Liège;  pouvait-on  répondre, 
en  effet,  que  Brabançons  et  Liégeois  ne 
finiraient  pas  par  s'entendre?  La  Prusse 
au  contraire  devait  se  réjouir,  semblait- 

bry  avait  patronné  la  candidature  de  son  compé- 
titeur, le  vicaire  général  Ch.-Hyac.  de  Rougrave 
(Borgnet,  I,  19). 

•27 


831 


FABRY 


83-2 


i] ,  de  voir  Hoensbroeck  aux  prises  avec 
ses  sujets.  Attentive  à  contrecarrer  les 
Habsbourg,  elle  avait  d'autant  plus 
d'intérêt  à  soutenir  l'oppositionliégeoise, 
que  l'évêque,  de  même  que  les  autres 
princes  ecclésiastiques  de  l'Empire,  gra- 
vitait forcément  dans  l'orbite  de  la  poli- 
tique autricbienne.  Frappé  de  toutes 
ces  considérations,  Fabry  tourna  donc 
ses  regards  du  côté  de  Frédéric-Guil- 
laume ;  son  désir  était  »  d'amener  les 
choses  au  point  que  S.  M.  Prussienne 
en  fût  l'arbitre  « .  Avances  dangereuses, 
qu'U  eut  sans  doute  à  regretter  plus 
tard;  mais  en  ce  moment  où  la  corde 
était  tendue  à  se  rompre,  lui  et  ses  amis 
n'avaient  qu'une  idée  fixe  :  «  délivrer 
leur  pays  du  joug  des  prêtres  «  ;  on  ver- 
rait après.  Fabry,  cependant,  répugnait 
aux  moyens  extrêmes  :  résistant  aux 
impatients  qui,  dès  lors,  ne  projetaient 
rien  de  moins  que  l'enlèvement  du  prince 
et  la  révolution  ouverte,  il  jugea  plus 
sûr  et  plus  opportun  de  se  tenir  sur  le 
terrain  des  négociations.  Il  aurait  bien 
voulu  être  chargé  de  représenter  offi- 
ciellement la  Prusse  à  Liège,  ne  fût-ce 
que  pour  jouir  des  immunités  diploma- 
tiques; mais  ici  son  espoir  fut  déçu  : 
un  autre  observateur ,  le  baron  de  Senfft 
de  Pilsach  arriva  de  Berlin,  Le  candi- 
dat évincé  en  conçut  du  mécontentement; 
une  explication  nette  rendit  cette  im- 
pression passagère. 

Quelques  mois  s'écoulèrent  en  pour- 
parlers avec  Berlin  et  Wetzlar,  tandis 
que  Hoensbroeck,  persistant  dans  son 
système  de  compression  et  s'obstinant  à 
maintenir  un  impôt  qui  passait  pour 
vexatoire,  mettait  le  comble  à  son  impo- 
pularité. Tout  à  coup  la  nouvelle  de  la 
prise  de  la  Bastille  éclata  comme  un 
coup  de  foudre  :  »  Faiseurs  d'enquêtes, 

*  oppresseurs  de  l'innocence,  osa  écrire 
»   Bassenge  dans  V Avant-coureur ,  voyez 

•  Paris  et  tremblez  !  »  L'évêque  eut 
peur  en  effet;  le  13  août  1789,  il 
annonça  l'intention  de  convoquer  les 
Etats  et  de  se  prêter  à  une  transaction. 
Les  patriotes  répondirent,  par  l'organe 
du  même  publiciste,  qu'avant  tout  il 
fallait  rendre  à  la  nation  liégeoise  les 
garanties  qui  lui  manquaient,  c'est-à- 


dire  abolir  le  règlement  de  1684.  Le 
17  août,  la  cocarde  rouge  et  jaune  des 
Liégeois,  la  cocarde  verte  et  blanche  de 
ceux  de  Franchimont  se  montrèrent  dans 
les  rues  de  la  cité  ;  le  lendemain,  Fabry 
et  Chestret  étaient  acclamés  bourgmes- 
tres par  la  foule  assemblée  sur  le  Mar- 
ché. Le  soir  même  du  18,  Hoensbroeck, 
mandé  de  Seraing  à  l'hôtel  de  ville, 
approuvait  l'élection  du  nouveau  magis- 
trat et  signait,  la  cocarde  sur  l'habit, 
l'abrogation  du  règlement  de  Maximi- 
lien-Henri.  Le  26,  il  quitta  furtivement 
le  château  de  Seraing  pour  se  retirer  à 
l'abbaye  de  Saint-Maximin,  près  de 
Trêves.  Le  peuple  triomphait;  mais  le 
grand  danger  à  craindre,  c'était  que  le 
but  ne  fût  dépassé.  Deux  ans  plus  tard, 
Fabry  écrivait  mélancoliquement  à  un 
de  ses  amis  de  Yerviers  :  «  Ils  ont  raison 
«  ceux  qui  disent  que  notre  révolution 
«  a  été  trop  hâtive.  Je  ne  la  voulais  pas 
u  au  moment  où  on  l'a  faite.  J'avais  su 
0  apprécier  nos  têtes,  qui  la  voulaient 
u  alors.  Je  l'avais  dit  un  an  auparavant 
»  à  Mirabeau,  qui  en  avait  jugé  comme 
«  moi,  et  qui  ne  s'attendait  pas  lui- 
«  même,  dans  ce  temps-là,  à  la  révolu- 
»  tion  française.  L'exemple  des  Fran- 
«  çais  échauffa  nos  têtes;  on  se  hâta  le 
«  18  août,  et  je  fus  entraîné  comme  les 
"   autres  (1).  « 

Des  dissidences  se  produisirent  dès 
les  premiers  jours  au  sein  des  Etats, 
réunis  le  31  août.  Le  Tiers,  avide  de 
réformes  radicales,  se  sépara  des  deux 
premiers  ordres,  sauf  à  être  bientôt 
laissé  en  arrière  par  les  ultrà-avancés 
de  Franchimont.  De  son  côté,  la  cham- 
bre de  Wetzlar,  presque  gagnée  à  la 
cause  des  patriotes  en  présence  des  fautes 
de  Hoensbroeck,  changea  brusquement 
d'attitude  sous  l'impression  des  événe- 
ments de  Liège.  Par  sa  sentence  du 
2  7  août,  elle  enjoignit  aux  princes  direc- 
teurs du  Cercle  de  Westphaiie  (2)  de 
prêter  aide  et  assistance  à  l'évêque,  de 
rétablir  les  choses  telles  qu'elles  étaient 
avant  le  18,  enfin  de  poursuivre  crimi- 

(1)  Lettre  à  Lonhienne,  du  22  juillet  1791  (ap. 
Borgne»,  I,  148;. 

(^;  Le  roi  de  Prusse  comme  duc  de  Clèves, 
l'électeur-palatin  comme  duc  de  Juliers,  l'électeur 
de  Cologne  comme  prince-évèque  de  Munster. 


833 


FABRY 


834 


nellement  les  auteurs  de  la  sédition.  Des 
députés  liégeois  partirent  aussitôt  pour 
Wetzlar,  partageant  la  confiance  de  Fa- 
bry,  qui  tenait  pour  assuré  que  ni  Fré- 
déric-Guillaume, ni  le  palatin  ne  prê- 
teraient la  main  à  l'exécution.  Des 
démarches  furent  tentées  en  même  temps 
auprès  de  Hoensbroeck,  mais  sans  abou- 
tir. On  s'adressa  directement  à  la 
Prusse  :  c'était  le  seul  moyen  d'obtenir 
du  répit.  Fabry  se  rendit  lui-même  à 
Berlin,  où  il  proposa  un  accommode- 
ment :  Hoensbroeck  resterait  souverain, 
mais  rendrait  aux  Liégeois,  sans  réserve, 
les  garanties  constitutionnelles  pour 
lesquelles  ils  s'étaient  soulevés.  Ces 
ouvertures  déplurent  aux  démocrates  : 
le  député  fut  hautement  accusé  de  vendre 
son  pays  à  la  Prusse.  Une  décision  était 
cependant  urgente  ;  enfin  les  Etats  con- 
sentirent à  la  transaction  proposée^  mais 
on  avait  compté  sans  le  prince,  qui 
intervint  à  son  tour  auprès  du  roi, 
déclarant  que  la  violence  seule  avait 
pu  lui  arracher  des  concessions.  Dans 
ces  conjonctures,  Frédéric-Guillaume, 
voyant  les  Autrichiens  sur  le  point 
d'être  expulsés  de  la  Belgique,  jugea 
que  le  moment  était  venu  pour  lui  d'oc- 
cuper une  position  qui  lui  ouvrait  l'en- 
trée des  Pays-Bas  (1).  Le  30  novembre, 
ses  troupes  prirent  possession  de  la 
citadelle  de  Liège.  Leur  présence  eut 
en  tout  cas  pour  eflfet  de  contenir  les 
partisans  de  l'évêque,  qui  nourrissaient 
toujours  l'espoir  d'une  restauration  pure 
et  simple.  Mais  une  nouvelle  sentence 
de  Wetzlar  (4  décembre),  proclamant 
nulles  et  non  avenues  les  concessions 
arrachées  le  18  août,  ordonnant  l'exé- 
cution du  premier  décret  sans  délai,  etc. , 
vint  compliquer  les  difficultés.  La  Prusse 
agit  sur  Hoensbroeck  et  parvint  à  l'in- 
timider ;  le  chapitre  cathédral  vint  alors 
à  la  rescousse  et  repoussa  tout  arrange- 
ment. Se  sentant  encouragé,  l'évêque 
ne  voulut  plus  rien  entendre.  Les  pa- 
triotes furent  exaspérés;  la  Prusse,  de 
guerre  lasse,  considéra  son  œuvre  de 
médiation  comme  terminée  :  le  corps 
d'occupation  quitta  Liège  le  16  avril 
1790.  Craignant  pour  sa  sûreté,  le  cha- 
(1)  Borgnet,  I,  477. 


pitre  crut  prudent  de  se  retirer  à  Aix- 
la-Chapelle  :  il  n'y  eut  plus  dès  lors 
d'Etat  primaire  sérieux.  Cette  circon- 
stance contribua,  on  peut  le  croire,  à 
envenimer  les  haines  des  partis. 

Les  patriotes  franchirent  le  Rubicon. 
Dès  le  17  avril,  la  déchéance  de  Hoens- 
broeck comme  prince  de  Liège  fut  pro- 
clamée, le  conseil  privé  suspendu,  la 
mense  épiscopale  confisquée.  Les  ré- 
formes se  succédèrent  :  la  suppression 
des  corporations  de  métiers,  regardées 
comme  des  oligarchies  municipales,  con- 
sacra l'établissement  d'une  démocratie 
pure.  Puis,  considérant  que  la  dernière 
rénovation  magistrale  n'avait  pas  été 
très-régulière,  on  prépara  un  système 
électoral  provisoire  :  le  26  juillet,  Fabry 
fut  reporté  au  pouvoir  avec  l'avocat 
Donceel  pour  collègue  :  on  évinça  Ches- 
tret,  commandant  des  troupes,  sous  pré- 
texte d'incompatibilité  (voir  l'art.  Ches- 
tret). 

Tout  en  partageant  l'enthousiasme  de 
la  première  heure,  les  chefs  du  mouve- 
ment ne  pouvaient  se  dissimuler  que 
leurs  chants  de  victoire  ne  désarmeraient 
pas  les  puissances.  Ils  songèrent  à  se 
rapprocher  des  Belges,  toujours  dans  la 
conviction  que  la  Prusse  verrait  d'un 
bon  œil  l'union  des  deux  révolutions. 
Fabry  se  mit  donc  en  rapport  avec 
Van  Eupen  ;  il  fallut  bientôt  reconnaître 
qu'on  poursuivait  une  chimère  :  les  sécti- 
larisateurs  de  Liège  n'avaient  rien  de 
commun  avec  les  adversaires  d'un  mo- 
narque philosophe. 

Le  péril  était  imminent,  la  chambre 
de  Wetzlar  se  montrant  inexorable.  Bon 
gré,  mal  gré,  on  se  vit  mis  en  demeure 
de  songer  à  la  défense.  Fabry  eut  toute 
la  peine  du  monde  à  contenir  les  exaltés  : 
dans  ces  instants  difficiles,  il  fit  preuve 
d'autant  de  prudence  que  d'énergie. 
Improviser  une  armée  et  surtout  la  sol- 
der, ce  n'était  pas  chose  aisée.  On  entra 
en  campagne  tant  bien  que  mal  et  l'on 
eut  à  se  féliciter  d'un  premier  succès. 
Les  chances  se  balancèrent  ensuite  (à 
Sutendael)  ;  le  grand  résultat  fut  que  les 
électeurs  se  découragèrent  et  s'adressè- 
rent à  l'Autriche.  Le  successeur  de  Jo- 
seph II  ne  demandait  pas  mieux  que  de 


835 


FABRY 


836 


saisir  une  occasion  qui  lui  permettrait 
peut-être  de  recouvrer  les  Pays-Bas  j 
mais  à  ce  moment  même,  d'autres  con- 
voitises absorbaient  ses  préoccupations  : 
il  résolut  de  faire  d'une  pierre  deux 
coups.  La  tournure  que  prenait  la  révo- 
lution française  commençait  à  inquiéter 
Frédéric-Guillaume,  si  bien  que  ce  po- 
tentat en  vint  à  prêter  tout  doucement 
l'oreille  à  des  offres  séduisantes  de  l' Au- 
trichien. Celui-ci  lui  laissa  entrevoir 
qu'il  pourrait  s'entendre  avec  la  Prusse 
et  la  Russie  pour  un  second  partage  de 
la  Pologne,  si  la  première  de  ces  deux 
puissances  consentait  à  abandonner  les 
Belges  et  les  Liégeois.  La  coalition  fut 
préparée  au  congrès  de  Pieichenbach  le 
27  juillet  1790,  juste  le  lendemain  de 
la  réélection  de  Fabry  comme  bourg- 
mestre de  Liège. 

Les  patriotes  ne  s'étaient  attendus  à 
rien  de  semblable.  Dans  leur  ignorance 
de  la  véritable  situation,  ils  avaient  visé 
droit  à  leur  but  :  refondre  leur  gouver- 
nement sans  s'inquiéter  de  la  politique 
générale  de  l'Europe,  des  rapports  de 
Liège  avec  l'empire,  de  qui  ou  de  quoi 
que  ce  fût.  L'ne  régence  de  onze  mem- 
bres devait  présider  à  l'administration 
du  pays  ;  ce  corps  ne  pouvant  marcher 
sans  tête,  on  résolut  d'établir  un  mam- 
bour,  conformément  aux  anciennes  tra- 
ditions (1).  Leur  choix  tomba  sur  le 
prince  Ferdinand  de  Eohan-Guéraénée, 
archevêque  de  Cambrai  et  tréfoncier  de 
Liège.  Mesure  imprudente  s'il  en  fut 
une  !  C'était  en  quelque  sorte  défier  les 
princes  de  ramener  Hoensbroeck  à  Liège . 
Une  vague  inquiétude  s'empara  tout 
d'un  coup  des  patriotes.  Ils  crurent  un 
instant  que  la  France  épouserait  leur 
cause  :  l'Assemblée  constituante  reçut 
gracieusement  leurs  députés,  ne  leur 
épargna  pas  les  beaux  discours  (2),  mais 
les  laissa  partir  comme  ils  étaient  venus. 
On  ouït  parler,  sur  ces  entrefaites,  des 
préliminaires  de  Reichenbach  :  stupeur 

(l)  Herzberg  lui-même,  ministre  de  Prusse, 
leur  avait  donné  ce  conseil,  mais  antérieurement 
au  rapprochement  des  deux  puissances  alle- 
mandes. 

'\i)  •  Vous  avez  vu,  messieurs,  resplendir  sur 
«  la  France  le  soleil  de  la  liberté,  et  vous,  ses 
«  antiques  sectateurs,  vous  vous  êtes  levés  avec 
«  ell»  pour  l'adorer,  etc.,  etc.  » 


générale.  Un  congrès  allait  s'ouvrir  à 
Francfort  :  des  envoyés  liégeois  y  furent 
mandés.  Ils  y  apprirent  qu'une  restau- 
ration était  devenue  inévitable,  moyen- 
nant des  conditions  à  régler  de  concert 
avec  la  cour  de  Berlin.  Dohm  apporta 
aux  Liégeois  des  propositions  aussi  rai- 
sonnables que  le  comportaient  les  cir- 
constances :  Hoensbroeck  remonterait 
sur  son  trône,  mais  le  règlement  de 
1684  serait  définitivement  aboli,  en  ce 
sens  qu'il  serait  stipulé  que  les  repré- 
sentants du  Tiers-état  seraient  désor- 
mais élus  librement  par  le  peuple,  sans 
aucune  influence  ni  concurrence  du  prince. 
Les  Etats  eussent  peut-être  accepté,  à  ce 
prix,  une  réconciliation  avec  l'Empire; 
mais  la  bourgeoisie,  au  comble  de  l'ef- 
fervescence, ne  voulut  rien  entendre  : 
Fhi^  de  Hoeiisbroeck  !  Tel  était  son  cri 
unanime  de  ralliement.  Fabry  perdit 
alors  ses  dernières  illusions  :  il  était 
évident  que  les  Liégeois  allaient  rester 
isolés,  et  alors... 

Ce  fut  un  douloureux  épisode  de  sa 
vie.  Quand  on  sut  que  les  princes  alle- 
mands, fatigués  d'attendre,  avaient  en- 
voyé un  ultimatum  aux  Etats  de  Liège 
existant  de  fait;  quand  on  apprit  que 
l'Autriche,  parvenue  à  pacifier  les  Pays- 
Bas,  était  décidée  à  ne  pas  tolérer  une 
révolution  à  leurs  frontières,  on  tomba 
littéralement  en  démence,  Fabry  put 
apprécier  alors  combien  la  popularité 
est  chose  fragile.  11  s'entendit  maudire 
par  ceux  qui  s'étaient  habitués  à  a  oir  en 
lui  le  premier  soutien  de  l'indépendance 
nationale.  Les  amis  de  Hoensbroeck  ne 
manquèrent  pas  d'attiser  le  feu,  bien 
convaincus,  de  leur  côté,  qu'en  déconsi- 
dérant Fabry  ils  frapperaient  la  révolu- 
tion au  cœur.  Ils  le  poursuivirent  avec 
un  acharnement  incroyable,  d'autant 
plus  injuste  que  celui  qu'ils  traitaient 
ainsi  avait  tout  fait  pour  prévenir  la 
crise.  L'émigré  français  Sabatier  de 
Castres  (3)  trempa  de  nouveau  dans  le 
fiel  la  plume  qu'il  avait  déjà,  l'année 
précédente,  exercée  contre  le  bourg- 
mestre.     Dans     la     Valise    décousue , 

(A)  Personnage  assez  équivoque,  à  qui  les  rail- 
leries de  Voltaire  avaient  fait  une  certaine  répu- 
tation. 


837 


FABRY 


838 


quelques  formes  avaient  encore  été 
observées  ;  dans  les  Observations  amicales 
aux  Liégeois,  plus  de  retenue,  plus  de 
pudeur.  «  Jamais  peut-être,  dit  Ad. Bor- 
»  gnet,  la  haine  ne  fit  entendre  d'aussi 
»  sauvages  accents  ;  tous  les  hommes  de 
*  la  révolution  y  sont  dépeints  sous  les 
«  traits  les  plus  hideux,  attaqués  avec 
Il  une  grossièreté  dont  il  est  difficile  de 
«  se  faire  une  idée.  «  Pabry  eut  le  tort 
de  daigner  relever  le  gant  ;  Hoensbroeck 
lui-même  regretta  les  violences  de  Saba- 
tier.  De  quels  reproches  n'accablait-on 
pas  Fabry  ?  L'historien  cité  ne  peut  con- 
tenir son  indignation  :  »  Lui  qui  avait 
«  sacrifié  ses  intérêts  à  la  défense  de  son 
Il  parti,  lui  qui  n'avait  retiré  de  la  ré- 
•I  volution  que  les  inquiétudes  et  les 
«  soucis  de  la  vie  politique,  dont  la 
M  vieillesse  n'avait  en  perspective  que 
«  l'exil  et  les  douleurs  qui  l'accompa- 
II  gnent,  se  vit  accusé  d'avoir  criminel- 
»  lement  spéculé  sur  les  troubles  de  sa 
Il  patrie  !  Il  avait  à  son  profit  dilapidé  le 
Il  trésor  public,  lui  qui  ne  cessait  de 
Il  crier  à  l'économie  ;  volé  l'argent  de 
"  l'Etat  pour  acquérir  une  propriété  en 
Il  France,  lui  qui  bientôt  allait  se  trou- 
II  ver  sans  un  asile  pour  abriter  ses 
Il  cheveux  blancs  ;  accaparé  les  emplois 
Il  dans  sa  famille,  lui  à  qui  son  opposi- 
«  tion  au  gouvernement  de  Hoensbroeck 
Il   avait  fait  perdre  une  position  avanta- 

I  geuse,  pour  ne  lui  donner  en  défini- 
»   tive   que  la   charge  honorable,    mais 

II  stérile,  de  chef  de  la  Cité  ;  lui  dont  le 
Il  fils  aîné,  chargé  provisoirement  de 
"  l'organisation  d'un  régiment,  tâche 
"  que  personne  ne  voulait  entrepren- 
»  dre,  avait,  par  délicatesse  et  pour  ne 
"  pas  être  accusé  de  cumul,  résigné  les 
Il  fonctions  lucratives  de  rentier  (rece- 
II  veur)  de  la  cité;  lui  dont  le  fils  cadet, 
«  par  délicatesse  toujours  et  pour  ne 
»  pas  fournir  une  arme  aux  ennemis  de 
»  son  père,  avait  refusé  une  compagnie 
Il  dans  un  autre  régiment,  quoique,  par 
Il  son  expérience  dans  le  service  mili- 
II  taire,  il  fût  plus  apte  à  commander 
Il  que  beaucoup  d'autres  !  Et  quel  ave- 
II  nir l'attendait?  Aujourd'hui  poursuivi 
»  par  le  prince  comme  un  révolution- 
»   naire  endurci,  demain  attaqué  par  les 


»  ardents  de  son  parti  comme  coupable 
Il  de  modér  autisme  !  Ah!  s'il  est  vrai 
"  que  de  cruels  déboires  sont  la  récom- 
"  pense  souvent  réservée  aux  services 
Il  de  l'homme  d'Etat,  nul  ne  l'éprouva 
Il  d'une  manière  plus  sensible  que  le 
Il  patriote  honorable  dont  le  nom  n'a 
«  pas  cessé  d'être  populaire  à  Liège. 
Il  Car  il  convient  d'ajouter  que  s'il 
«  resta,  comme  toujours,  quelque  chose 
"  de  la  calomnie,  Fabry  néanmoins 
Il  resta  soutenu  par  la  majorité  de  ses 
"  concitoyens;  que  ceux  mêmes  dont 
Il  la  confiance  avait  été  ébranlée  ne  tar- 
"  dèrent  pas  à  lui  revenir,  et  surtout 
«  que  la  plupart  de  ses  collègues,  aux 
Il  Etats  comme  au  conseil  de  la  cité, 
"  mieux  placés  que  les  autres  pour 
Il  apprécier  ses  vertus  et  son  dévoue- 
"   ment,  ne  le  délaissèrent  jamais.  « 

A  la  fois  harcelé  par  les  contre-révo- 
lutionnaires et  en  butte  aux  suspicions 
des  exaltés,  qui  l'accusaient  de  s'être 
laissé  jouer  par  la  diplomatie  prussienne 
et  de  vouloir  maintenant  se  jeter  dans 
les  bras  de  l'empereur,  Fabry  se  trouva 
dans  la  situation  la  plus  fausse  et  la 
plus  pénible,  jusqu'au  moment  où  la 
population,  saturée  de  désordres,  se  prit 
à  désirer  la  paix,  ou  reconnut  qu'il  y 
aurait  folie  à  résister  davantage.  Le 
23  décembre  1790,  le  conseil  et  les  Etats 
s'entendirent  pour  s'en  remettre  entière- 
ment à  la  volonté  suprême  de  V empereur. 
Mais  quelle  serait  la  conduite  de  Léo- 
pold?  En  présence  des  résistances  de 
Hoensbroeck  et  de  ses  chanoines,  qui 
ne  voulaient  s'en  rapporter  qu'à  la 
Chambre  impériale,  accepterait-il  la 
mission  d'arbitre?  On  se  remit  à  négo- 
cier :  l'ambassade  de  Fabry  à  Vienne 
n'aboutit  pas  même  à  une  audience; 
enfin  l'Autriche  fit  savoir  qu'elle  ne 
pouvait  plus  retarder  le  départ  de  ses 
troupes,  lesquelles  appuieraient  immé- 
diatement, avec  celles  des  électeurs, 
l'exécution  des  sentences  de  Wetzlar. 
Le  11  janvier  1791,  le  conseilde  la  cité 
passa  la  nuit  à  composer  une  adresse  de 
protestation  :  telle  était  la  panique, 
qu'il  ne  se  trouva  pas  un  imprimeur 
pour  la  publier.  Le  lendemain  12,  les 
Kaiserlicks  entraient  à  Liège  ;  la  com- 


839 


FABRY 


8iO 


mission  d'exécution  y  arriva  le  18;  le  19, 
le  chapitre  reparut, 

Eéaction  complète  :  rétablissement  du 
conseil  privé,  des  métiers,  du  magistrat 
tel  qu'il  était  avant  le  18  août  1789  (1). 
Hoensbroeck  revint  le  12  février  ;  le  32, 
il  proclama  une  amnistie  jsowr  les  actes 
qui  le  conce7'naient  personnellement,  res- 
triction menaçante.  Personne  n'y  fut 
pris  :  les  émigrations  se  multiplièrent; 
la  cour  de  Vienne  fut  la  première  à 
s'impatienter  de  l'aveuglement  du  prince , 
qui  laissait  échapper  une  si  belle  occa- 
sion de  se  refaire  des  partisans.  Fabry, 
resté  à  Wezel  en  revenant  de  Vienne, 
passa  de  cette  ville  à  Venloo,  puis  à 
Givet  et  finalement  à  Bouillon,  proscrit 
et  dépouillé  de  ses  biens.  De  la  terre 
d'exil,  il  lança  une  proclamation  fulmi- 
nante où  Hoensbroeck,  les  chanoines  et 
les  juges  vendus  qui  prêtaient  leur  appui 
à  la  restauration  par  leurs  sentences 
iniqtœs  et  sanguinaires,  étaient  déclarés 
ennemis  de  la  patrie;  le  temps  de  l'ex- 
piation, ajoutait-il,  n'était  pas  éloigné. 
En  attendant,  Bouillon,  où  sa  famille 
l'avait  rejoint,  devint. le  poste  d'obser- 
vation des  patriotes  liégeois. 

Ceux-ci  n'avaient  plus  rien  à  espérer 
de  la  Prusse  :  Dohm  et  Herzberg  avaient 
perdu  leur  crédit.  Par  l'organe  de 
Fabry,  les  exilés  sollicitèrent  de  nou- 
veau la  médiation  de  l'Autriche,  faisant 
entendre  qu'il  serait  difficile  de  contenir 
la  population  liégeoise,  si  la  rigueur 
des  mesures  réactionnaires  n'était  pas 
tempérée.  Les  avancés,  Levoz  en  tête, 
n'y  tenaient  plus  :  ils  voulaient  rompre 
tout  simplement  en  visière  avec  Léo- 
pold  et  tançaient  vertement  l'attitude 
expectante  du  négociateur.  Fabry  avait 
obtenu  de  Metternich  une  promesse 
d'intervention  :  le  diplomate  autrichien 
s'entremit  en  effet  auprès  de  Hoens- 
broeck, mais  sans  succès.  Livré  à  ses 
propres  inspirations,  l'évêque  se  fût 
peut-être  montré  accommodant;  il  était 
par  malheur  à  la  dévotion  de  son  cha- 
pitre, opiniâtrement  décidé  à  effacer 
jusqu'à  la  dernière  trace  de  la  révolu- 
tion. Une  amnistie  limitée  fut  publiée  le 

(l)'Moins  cinq  membres  du  conseil,  qui  s'étaient 
déclarés  pour  les  patriotes. 


20  octobre  :  elle  imposait  à  la  masse 
des  patriotes  une  soumission  déshono- 
rante et  déclarait,  en  termes  formels,  que 
les  chefs  fauteurs  ou  moteurs  des  troubles 
passés  n'avaient  point  de  grâce  à  atten- 
dre. Alors  Fabry  laissa  un  libre  coiirs  à 
son  indignation  ;  la  chambre  de  Wetzlar 
elle-même  s'émut.  Metternich  ne  cacha 
pas  son  dépit;  mais  que  faire?  Se  disant 
qu'un  seul  mot  de  blâme  contre  le  cha- 
pitre suffirait  pour  rejeter  Liège  en 
pleine  révolution,  il  recula  devant  un 
parti  extrême,  se  contenta  de  travailler 
au  rappel  de  la  commission  exécutrice 
et  de  réclamer  des  tréfonciers,  au  nom 
de  son  gouvernement,  des  explications 
nettes  et  précises. 

Pendant  ce  temps,  les  bannis,  sans  se 
rendre  compte  des  difficultés  qu'éprou- 
vait Metternich,  publiaient  une  Adresse 
à  l'empereur  rédigée  par  Bassenge,  c'est- 
à-dire  brûlaient  leurs  vaisseaux,  en  si- 
gnifiant à  la  cour  de  Vienne  qu'ils  ne 
comptaient  plus  sur  elle.  Démarche  non 
moins  hasardeuse  :  sans  être  sûrs  que  la 
France  se  brouillerait  avec  l'Allemagne, 
ils  se  persuadèrent  que  l'Assemblée  con- 
stituante,  au  point  où    les  choses  en 
étaient  arrivées,   se  déciderait  enfin  à 
leur  prêter  son  secours.  Fabry,  entraîné 
par  l'enthousiasme,  se  mit  à  combiner 
des  plans.  «  La  coalition  des  despotes  est 
«  imminente   (ainsi  s'exprimait-il  dans 
«   une  note  destinée  au  comité  diploma- 
«   tique);   le  gouvernement  français  ne 
«   doit  pas  attendre  qu'elle  soit  définiti- 
u  vement  formée  ;  les  Belges  et  les  Lié- 
i;   geois  sont  mécontents;  ceux-ci  n'at- 
«   tendent,  pour  se  soulever  de  nouveau, 
u   que   la   certitude    d'un    appui  ;    au 
Il  moment  où  éclatera  leur  insurrection. 
Il   que  vingt  ou  trente  mille  Français  se 
"  jettent  sur  Namur,   sur  le  Luxem- 
II   bourg,  sur  Liège  ;  les  Belges  se  sou- 
II   lèveront  aussi  et  les  Impériaux  seront 
«   refoulés  sur  le  Ehin.  — L'Assemblée, 
Il   ajoutait-il,  ne  voudra  peut-être  pas 
Il   prendre  l'initiative  d'une  attaque  : 
Il  tout  au  moins  qu'elle  permette  d'en- 
«   régimeuter    les    réfugiés,    pour    en 
t   former  un  corps  qui  restera  sur  la 
«  frontière ,    préparé    à    tout    événe- 
«  ment.  »  Reconnaît-on  le  sage  tem- 


841 


FABRY 


842 


porisateur  dans  l'homme  qui  propo- 
sait ainsi,  sans  prévoyance  du  lende- 
main, d'attirer  sur  sor^  pays  les  fléaux 
de  la  guerre  ?  Les  souffrances  de  tant  de 
proscrits  réduits  à  la  misère  expliquent, 
si  l'on  veut,  mais  ne  justifient  pas  suffi- 
samment un  tel  acte.  Dans  tous  les  cas, 
ces  projets  échouèrent  :  les  affaires  ne 
prirent  une  autre  tournure  que  quand 
l'Assemblée  législative  eut  remplacé  la 
Constituante. 

Il  eût  fallu  aussi,  pour  réussir,  être 
bien  assuré  avant  tout  de  l'accord  des 
Belges  et  des  Liégeois.  Or  dans  les  deux 
camps  on  était  divisé.  Comment  les  pa- 
triotes de  Liège  se  seraient-ils  entendus 
avec  les  conservateurs  brabançons?  Avec 
les  vonckistes,  soit;  mais  Vonck,  de  son 
côté,  n'eût  pas  légèrement  pactisé  avec 
les  Franchimontois.  Un  projet  de  répu- 
blique fédérative,  comprenant  le  pays  de 
Liège,  fut,  à  la  vérité,  formulé  :  il  ne 
put  tenir  devant  les  scrupules  de  Vonck 
et  les  aménités  de  Levoz  à  l'endroit  de 
Fabry,  qui  n^ avait  jamais  voulu  la  liberté 
du  peuple  et  n'était  qu'un  ambitieux 
égoïste  et  vindicatif,  un  ex-agent  de  la 
Prusse,  etc.  Ces  débats  et  ces  récrimina- 
tions cessèrent  momentanément  lors- 
qu'on apprit  que  la  France  avait  déclaré 
la  guerre  à  l'Autriche.  Lafayettefut  mis 
à  la  tête  de  l'armée;  Levoz  et  ses  amis 
du  Comité  révolutionnaire  le  suivirent 
avec  quelques  centaines  d'hommes,  qui 
manifestèrent  leurs  intentions  en  ran- 
çonnant les  caisses  publiques  dans  l'en- 
tre-Sambre-et-Meuse  et  en  abattant 
partout  les  écussons  aux  armes  du  prince- 
évêque.  Hoensbroeck  se  plaignit  à  bon 
droit  de  ces  déprédations,  car,  en  défini- 
tive, c'était  à  l'Autriche  et  non  à  l'Em- 
pire que  la  France  avait  envoyé  un 
cartel;  Lafayette,  au  surplus,  le  savait  si 
bien,  que,  malgré  l'avis  du  ministre 
Dumouriez,  il  n'avait  point  permis  à  ses 
soldats  de  se  rendre  complices  des  bandes 
liégeoises.  Disons  que  Fabry  avait  eu 
soin  de  se  rendre  à  Givet  pour  recom- 
mander au  général  de  se  défier  des 
avancés.  On  en  était  là  quand  Hoens- 
broeck vint  à  mourir,  dans  la  nuit  du  3 
au  4  juin  ;  en  désignant  Méan  pour  lui 
succéder,  le  chapitre  prouva  qu'il  était 


aussi  tenace  que  jamais  :  ce  serait  un 
combat  à  outrance.  Ces  changements 
précédèrent  de  peu  la  grande  crise  du 

10  août,  la  déposition  de  Louis  XVI, 
la  coalition  prévue  des  puissances  du 
Nord  contre  la  France.  Lafayette,  com- 
promis par  son  dévouement  au  malheu- 
reux monarque,  se  retira  du  pays,  mais 
fut  arrêté  et  livré  à  l'Autriche.  Prus- 
siens et  Autrichiens  envahirent  en  même 
temps  la  frontière  française.  Dumouriez, 
qui  avait  pris  le  commandement  des 
troupes,  les  rencontra  en  Belgique  et 
remporta  la  victoire  de  Jemmapes.  Méan 
n'eut  que  le  temps  de  quitter  Liège  avec 
sa  cour;  Fabry  se  hâta  de  publier  une 
proclamation  pour  recommander  à  ses 
compatriotes  la  plus  grande  modération; 
sa  voix  fut  écoutée.  Dès  le  3  décembre, 
il  rentra  en  ville  et  fut  nom.xa.é  président 
du  conseil  municipal,  avec  Bassenge 
pour  secrétaire  (le  titre  de  bourgmestre 
avait  été  supprimé).  Dumouriez,  reçu 
par  les  Liégeois  comme  un  sauveur, 
invita  le  peuple  souverain  à  nommer  les 
membres  d'une  Convention  nationale  lié- 
geoise :  Fabry  fut  élu  des  premiers,  avec 
Bassenge,  Lesoinne  et  Levoz.  Les  liens 
qui  unissaient  la  principauté  à  l'empire 
germanique  se  trouvèrent  ainsi  formel- 
lement rompus;  mais  on  n'en  resta  pas 
là  :  on  vota  la  réunion  à  la  France. 
Fabry,  ne  voyant  plus  d'autre  issue,  n'y 
fit  pas  opposition;  seulement  il  proposa 
certaines  réserves  quant  à  l'arrangement 
des  affaires  intérieures.  Ses  ennemis  lui 
firent  un  grief  de  ce  dernier  effort  pa- 
triotique :  ils  lui  reprochèrent  d'avoir 
osé  dire  en  pleine  assemblée  provinciale  : 
«  Nous  souhaitons  tous  de  devenir 
«  Français;  mais,  pour  mériter  cette 
«  adoption,  faut-il  absolument  oublier 
«  qu'on  est  Liégeois?  • —  Oui,  s'était 
il   écrié    un    sans-culotte  ,    il    le    faut 

11  oublier.  Et!  vous  perdriez  au  change 
«  peut-être?  Dites  que  le  nom  français 
«  va  vous  avilir  !  «  Il  n'en  est  pas  moins 
vrai,  comme  l'écrivait  Bassenge,  qu'en 
se  ralliant  aux  propositions  de  Fabry, 
la  municipalité  liégeoise  avait  fait  son 
devoir. 

Mais  la  fièvre  révolutionnaire  était 
arrivée  à  son  paroxysme  :  les  nouveaux 


843 


FABRY 


844 


gouvernants  ne  surent  pas  garder  la 
mesure.  On  s'acharna  sur  les  monu- 
ments religieux;  les  églises  servirent  de 
casernes  et  de  magasins;  la  démolition 
de  la  magnifique  cathédrale  de  Saint- 
Lambert  fut  décrétée  (1);  d'autre  part, 
on  se  hâta  de  mettre  sous  séquestre  les 
bien  des  partisans  du  prince  et  ceux  des 
émigrés  français  qui  avaient  acquis  des 
immeubles  dans  le  pays.  On  accumulait 
ainsi  des  ruines  sans  réflexion,  et  en 
même  temps  il  fallait  subir  les  exigences 
des  commissaires  de  la  république,  qui 
cependant  manquèrent  leur  but  lors- 
qu'ils essayèrent  d'obtenir  la  circulation 
des  assignats  au  pair,  et  ne  furent  pas 
plus  heureux  dans  le  prélèvement  d'un 
impôt  pour  l'entretien  de  l'armée.  Du- 
mouriez,  aux  abois,  ne  put  contenter  ses 
troupes  qu'en  vidant  la  caisse  de  la  cité 
et  en  empruntant  114,000  livres  aux 
collégiales. 

Le  17  février  1793  avait  été  consti- 
tuée une  Administration  générale  provi- 
soire, sous  la  présidence  de  Fabry,  qui 
se  faisait  vieux  :  heureusement  il  pou- 
vait compter  sur  Bassenge,  son  vice- 
président.  Ils  eurent  à  peine  le  temps 
de  siéger  :  les  Autrichiens  avançaient  à 
grandes  marches.  Liège  tressaillit  encore 
une  fois  et  connut  de  près  l'anarchie  ; 
enfin  les  sans-culottes  s'enfuirent  en 
désordre,  non  sans  avoir  signalé  leurs 
adieux  par  le  massacre  de  quelques  prê- 
tres émigrés.  Cobourg  prit  possession 
de  la  ville,  rétablit  aussitôt  l'ancienne 
magistrature  et  décréta  une  forte  con- 
tribution de  guerre;  il  manda  d'autre 
part  à  l'évêque  fugitif  que  son  retour 
devait  être  ajourné.  Méan  dévora  son 
déplaisir;  il  ne  reparut  que  le  21  avril, 
et  il  est  triste  d'avoir  à  constater  que 
ses  dispositions  étaient  fort  éloignées  de 
celles  d'Auguste  disant  à  Cinna  :  Soyons 
amis.  Les  patriotes  liégeois  se  replièrent 
sur  Paris,  faisant  fond  sur  la  Conven- 
tion. C'est  alors  que  les  Franchimontois 
se  séparèrent  nettement  des  Fabriciens, 
qu'ils  qualifiaient  de  Girondins  :  Fabry 
en    particulier    fut    dénigré   avec    une 

(i)  Les  événements  retardèrent  d "un  an  l'exé- 
cution de  cet  arrêté  stupide  :  on  en  chargea  le 
peintre  Defrance. 


véritable  rage,  ce  qui  surexcita  son 
caractère  naturellement  irritable.  Urban, 
l'ancien  éditeur  de  V Avant-coureur,  paya 
les  services  que  le  chef  de  la  révolution 
lui  avait  rendus,  en  lançant  contre  lui 
une  dénonciation  :  après  le  31  mai, 
c'était  une  terrible  épée  de  Damoclès. 
Fabry  se  retira  à  Versailles  avec  son  fils 
Hyacinthe  et  se  hâta  d'adresser  au 
ministre  une  protestation  très-digne,  où 
il  se  contentait  d'invoquer  son  passé.  La 
lumière  se  fit  enfin  et  la  terreur  eut  son 
terme,  au  moment  même  où  les  hosti- 
lités recommençaient  dans  le  Nord.  Le 
9  thermidor  (27  juillet  1794),  jour  de 
la  chute  de  Robespierre,  les  Français, 
vainqueurs  à  Fleurus,  opérèrent  leur 
rentrée  dans  Liège;  Méan  s'était  de 
nouveau  éclipsé  dès  le  20  juillet.  Les 
Autrichiens  se  maintinrent  cependant  à 
la  Chartreuse,  d'où  ils  bombardèrent  le 
quartier  d'Amercœur;  ils  ne  délogèrent 
qu'après  la  bataille  d'Esneux  (16  sep- 
tembre). La  famille  de  Fabry  ne  lui  per- 
mit de  quitter  Versailles  qu'après  leur 
départ  :  aussi  bien  le  vénérable  vieil- 
lard, décidé  à  ne  plus  se  mêler  des 
affaires  publiques,  n'était  pas  impatient 
de  se  mettre  en  route. 

Tandis  que  les  Liégeois  paisibles, 
traités  en  peuple  conquis  par  leurs  libé- 
rateurs ,  s'avouaient  douloureusement 
qu'ils  n'avaient  fait  que  changer  de  ser- 
vitude, les  partisans  de  la  Montagne  ne 
connaissaient  point  de  borne  à  leur  inso- 
lence :  les  Fabry,  les  Bassenge,  les 
Chestret  étaient  signalés  en  termes  gros- 
siers à  l'animadversion  publique.  On 
eut  à  traverser  de  mauvais  jours,  signa- 
lés par  des  persécutions  et  des  actes  de 
vandalisme,  des  jours  assombris  encore 
par  les  exactions  des  agents  français. 
Les  exaltés  n'obtinrent  qu'un  résultat  :  le 
pays  de  Liège  perdit,  sans  réserve  et  sans 
conditions,  son  antique  indépendance. 
Le  1er  octobre  1795,  la  principauté  reçut 
le  nom  de  département  de  l'Ourthe. 

Fabry  vécut  encore  trois  ans.  Il  avait 
beaucoup  souffert;  mais  il  eut  du  moins, 
dit  justement  Ad.  Borgnet,  la  satisfac- 
tion de  voir,  par  l'élection  de  son  fils  (2) 

(2j  Au  conseil  des  Cinq-Cents  (voy.  l'art,  pré- 
cédent). 


845 


FABRY  —  FAÇON 


8iB 


et  de  trois  de  ses  meilleurs  amis  (J),  que 
ses  concitoyens  n'avaient  «  ni  cédé  aux 
clameurs  de  l'envie  acharnée  contre  lui, 
ni  renié  les  opinions  du  parti  dont  il 
avait  été  si  longtemps  le  chef  respecté.  « 

Bassenge,  envoyé  à  Eupen  et  à  Mal- 
médy  pour  y  calmer  une  révolte  d'ou- 
vriers, ne  put  faire  acte  de  présence  à 
ses  obsèques.  A  son  retour,  il  pria  l'ad- 
ministration d'écrire  une  lettre  de  con- 
doléance à  Hyac.  Fabry.  «  Celui,  ajouta- 
"  t-il,  celui  qui  le  premier  fit  retentir 
''  parmi  nous  le  mot  sacré  de  souverai- 
"  neté  du  peuple  en  signalant  aux  Lié- 
II  geois  les  usurpateurs  de  leurs  droits, 
Il  celui  dont  toute  la  vie,  toutes  les 
"  facultés  furent  consacrées  à  préparer 
"  la  chute  des  tyrans  et  le  triomphe  des 
«  hommes  libres,  celui  qui  ne  respira 
"  que  pour  le  bonheur  et  la  gloire  de 
"  ses  concitoyens,  Fabry  n'est  plus  !  Il 
"  n'est  plus  !  Il  n'y  a  rien  à  ajouter  à 
"  ces  mots.  Vous  vous  êtes  empressés 
"  de  jeter  des  fleurs  sur  sa  tombe,  de 
"  la  couvrir  de  palmes  civiques.  Vos 
"  larmes,  celles  de  ses  concitoyens  l'ont 
"  arrosée  et  la  voix  de  la  vérité,  de  la 
"  sensibilité,  de  la  justice  a  rendu  un 
"  dernier  hommage  à  ses  mânes.  Cette 
«  scène  touchante,  à  laquelle  je  n'ai 
"  point  assisté,  honore  à  la  fois  et  celui 
"  qui  en  fut  l'objet  et  ceux  qui  lui  ofFri- 
"  rent  le  tribut  de  vénération  et  de 
»  reconnaissance.  C'est  un  nouveau  ser- 
"  ment,  prononcé  sur  la  tombe  de 
"  l'homme  de  bien,  de  suivre  ses  géné- 
"  reux  exemples,  d'adorer  et  de  servir 
"  comme  lui,  jusqu'au  tombeau,  la 
"  liberté  et  la  République.  "  Il  va  sans 
dire  que  Bassenge  reçut  mission  de  ré-' 
diger  lui-même  la  lettre  de  condo- 
léance (2). 

Fabry  fut  enterré,  selon  son  désir, 
dans  le  jardin  d'une  villa  qu'il  possédait 
aux  Tawes,  derrière  la  citadelle  de  Liège. 
Il  paraît  que  ses  restes  mortels  ont  été 
transportés  depuis  au  cimetière  de  Ro- 

bermont.  Alphonse  Le  Roy. 

Ad.  Borgnet,  Histoire  de  la  révolution  liégeoise. 
—  Daris,  Histoire  du  diocèse  et  de  la  principauté 
de  Liège  ■17-24-18o''2  , 1. 1.  II  et  lll.— X.  deTheux, 
Supplément  au  Recueil  héraldique  de  Loyens  et 
d'Ouhoven.  —  Henaux,  Histoire  du  pays  de  Liège, 
t.  11  (3«  édition).  —  Ul.  Capitaine,  Recherches  sur 


FABRY  (Jean-Fhllippe  de),  juris- 
consulte, fils  de  Jean,  l'un  des  maîtres 
et  commissaires  de  la  cité  de  Liège,  né 
en  cette  ville  dans  la  première  moitié  du 
xviie  siècle,  fut  élevé  trois  fois  à  la 
dignité  de  bourgmestre,  en  1663,  1668 
et  1673,  sous  le  régime  du  règlement 
de  1649,  modifiant  le  rescrit  impérial 
de  1603  (voir  les  art.  Beeckman  et 
Ferdinand  de  Bavière).  A  sa  deuxième 
magistrature  se  rattache  la  publication 
d'un  document  important  pour  l'histoire 
du  droit  public  liégeois,  les  Findicia 
libertatis  Jurium  et  exemptionum  DD .  com- 
missariorum  inclytœ  civitatis  Leodiensis; 
on  aura  l'occasion  d'y  revenir  ailleurs. 
En  février  1674,  avant  l'expiration  de 
son  troisième  mandat.  De  Fabry  fut 
envoyé  (3)  en  ambassade  auprès  de  l'em- 
pereur, pour  le  prier  d'obtenir  de 
Louis  XIV  le  respect  de  la  neutralité  du 
pays.  La  députation  liégeoise  reçut  le  plus 
gracieux  accueil  et,  à  la  suite  de  sa 
démarche,  le  roi  de  France  promit  d'éva- 
cuer Maeseyck,  si, de  leur  côté,  les  Impé- 
riaux renonçaient  à  pénétrer  dans  la 
principauté.  Les  négociations  avec  l'Es- 
pagne furent  alors  reprises  par  Mathias 
de  Graty  (voir  ce  nom).  Nous  n'avons 
pu  trouver  la  date  de  la  mort  de  Jean- 
Philippe.  AlphoDse  Le  Roy. 

Loyens,  Recueil  héraldique.  —  Daris,  Hist.  du 
diocèse  et  de  la  principauté  de  Liège  au  xvil«  siè- 
cle, t.  Il,  p.  60  et  suiv. 

FACOX  (^oi),  écrivain  ecclésiastique, 
plus  connu  sous  le  nom  de  Bass^eus  ou 
de  De  la  Bassée,  parce  qu'il  naquit 
dans  la  petite  ville  d'Artois  de  ce  nom 
vers  l'année  1585,  mourut  à  Lille  le 
25  novembre  1670.  Il  prit  d'abord  l'ha- 
bit religieux  chez  les  chanoines  réguliers 
de  saint  Augustin  à  l'abbaye  de  Cysoing. 
Plus  tard,  mû  par  le  désir  de  mener  une 
vie  plus  austère,  il  entra  chez  les  capu- 
cins, et  y  fit  sa  profession  le  31  novem- 
bre 1630.  Il  fut  chargé  d'enseigner  la 
théologie  et  remplit  ces  fonctions  bril- 

les  journaux  liégeois.  —  Théâle  ligeois,  éd.  Bail- 
leux.  —  Documents  inédits 

\,\)  Bassenge  au  conseil  des  Cinq-Cents;  Hau- 
zeur  et  Lesoinne  au  conseil  des  Anciens. 

(2,  Daris,  t.  111,  p  174. 

(3)  Avecrofficial  Walterde  Liverloz  et  le  baron 
d'Oultremont,  grand  bailli  de  Moha. 


847 


FAÇON  —  FAIGNIENT 


848 


lamment  pendant  de  longues  années.  Il 
exerça  aussi,  dans  l'entre-temps,  plu- 
sieurs emplois  dans  la  direction  de 
la  province  belge  de  l'ordre.  Il  mou- 
rut au  couvent  de  Lille  ,  âgé  de 
quatre-vingt-cinq  ans.  On  a  de  lui  : 
lo  Flores  toiius  theologiœ  pradica  tiim 
sacramentalis  tum  moralis.  Duaci,  1639, 
1  vol.  in-fol.,  réimprimé  avec  des  addi- 
tions à  Anvers,  par  Bellère  en  1643 
(1  vol.  in-fol.),  et  à  Lyon  en  1653 
(1  vol.  in-fol.).  Dans  cet  ouvrage  l'au- 
teur s'applique  à  résoudre  bon  nombre 
de  cas  de  conscience,  et  s'y  pose  (chose 
rare  pour  son  temps)  comme  le  défenseur 
du  probabilisme.  —  2°  Supplementum 
theologiapractica .  Lugduni,  1658,  in-fol. 
réimprimé  à  Lyon  en  1663,  et  à  Venise 
en  1 6  9  0 .  Le  père  Grégoire  de  Salamanque 
a,  sous  le  titre  de  Compevdium  summce 
R.  P.  Migii  Bassœi,  donné  un  abrégé 
des  Flores  de  Bassseus,  imprimé  à  Lyon 
en  1674  et  1678,  1  vol.  in-fol. 

E.-H.-J.  Reusens. 
Paquot,  Mémoires,  éd.  in-fol.,  II,  p.  382. 

rAES  {Pierre),  peintre,  né  à  Meir 
(province  d'Anvers)  en  1750,  mort  en 
1814.  Elève  de  l'académie  d'Anvers,  il 
s'adonna  à  la  peinture  des  fleurs  et  des 
fruits,  genre  dans  lequel  il  se  fit  une 
réputation  légitime.  Marie-Christine, 
qui  afi'ectionnait  particulièrement  le  ta- 
lent de  cet  artiste,  fit  transporter  du 
château  de  Laeken  plusieurs  de  ses 
tableaux  à  Vienne.  Il  fut  intimement  lié 
avec  Van  Spaendonck,  Van  Dael  et 
Ommeganck  et  devint  parent  par  al- 
liance du  peintre  André-Corneille  Lens. 
Beaucoup  de  ses  tableaux  existent  dans 
des  collections  particulières.  Une  grande 
finesse  de  touche  caractérise  le  talent  de 
Pierre  Faes,  dont  le  coloris  très-harmo- 
nieux manque  souvent  de  force. 

Ad.  Sirel. 

FAiETA  {Jean),  Lille  abbé  de  Saint- 
Bavon  à  Gand,  prédicateur,  écrivain 
ecclésiastique.  Voir  Jean  de  Saint- 
Amand. 

FAiGMiEKT  {Noé  OU  Noël),  célèbre 
compositeur  de  musique  dont  la  bio- 
graphie est  restée  très-obscure  jusqu'ici. 
Fétia  a  dit  avec  raison  qu'il  vécut  à  An- 


vers vers  1570.  Faignient  acquit  le 
droit  de  bourgeoisie  dans  cette  ville  le 
23  janvier  1561;  il  fut  inscrit  sous  le 
nom  de  Noé  le  Ménestrel,  fils  de  Sébas- 
tien, né  à  Cambrai,  musicien  (iVoe  Me- 
nestriers  Bastiaenssone  geboren  van  Came- 
ryck  speelman).  Cette  inscription,  que 
nous  sommes  heureux  d'avoir  décou- 
verte dans  les  Poortershoecken  déposés 
aux  archives  de  la  ville  d'Anvers,  et 
dont  l'importance  n'échappera  à  per- 
sonne, nous  apprend  donc  le  lieu  de 
naissance  d'un  artiste  réputé  un  des 
meilleurs  de  son  temps  et  dont  Fétis  a 
dit  "  qu'imitateur  du  style  de  Koland 
«  de  Lassus,  il  a  presque  égalé  ce  maître 
«  par  la  douceur  de  son  harmonie.  « 
Déjà  avant  de  s'établir  à  Anvers,  notre 
artiste  avait  contracté  mariage,  car  deux 
mois  et  demi  seulement  après  son  arrivée 
dans  cette  ville,  le  10  avril  1561,  il  lui 
naquit  une  fille  dont  nous  avons  retrouvé 
l'acte  de  baptême  sur  les  registres  pa- 
roissiaux de  Notre-Dame.  Cette  enfant 
fut  nommée  Lucrèce;  sa  mère  est  sim- 
plement désignée  dans  l'acte  sous  le  nom 
de  Jeanne.  Notre  artiste  publia  à  Paris, 
en  1567,  sa  collection  à^airs,  motets  et 
madrigales  à  trois  parties,  et  à  Anvers, 
en  1568,  chez  la  veuve  de  Jean  de  Laet, 
un  recueil  de  chansons,  madrigales  et 
motets  à  quatre,  cinq  et  six  parties. 

Faignient  doit,  pensons-nous,  s'être 
remarié  quelques  années  après,  car  nous 
avons  encore  découvert,  sur  les  registres 
paroissiaux  de  Notre-Dame  d'Anvers, 
les  actes  de  baptême  de  deux  fils  de 
maître  Noé  Faignient  et  d'une  femme 
nommée  Anne,  son  épouse.  Le  premier 
de  ces  enfants,  Michel,  fut  baptisé  le 
22  décembre  1575  et  eut  pour  parrain 
maître  Michel  de  Backere ;  le  second, 
appelé  Barthélemi,  le  fut  le  8  décembre 
1577  et  fut  tenu  sur  les  fonts  par  Bar- 
thélemi Froeminger,  peut-être  un  artiste 
de  nationalité  allemande.  Il  faut  que 
Noé  Faignient  ou  son  épouse  ait  exercé 
à  Anvers  un  commerce,  les  comptes  de 
la  ville  nous  ayant  appris  que  de  1575 
à  1580,  celle-ci  lui  donna  à  loyer  la 
boutique  n"  53,  sous  l'hôtel  de  ville,  le 
premier  terme  de  trois  années  à  cin- 
quante-quinze livres  d'Artois  et  le  se- 


849 


FAIGNIENT 


850 


cond  terme  à  cinquante.  M.  le  chevalier 
Léon  de  Burbure  a  bien  voulu  nous 
signaler  ce  détail. 

En  1569,  Eaignient  publia  à  Anvers 
son  troisième  recueil  de  musique  sous 
le  titre  de  Motetti  e  Madrigali  a  quattro, 
cinque  e  sei  voci,  qui  ne  fut  suivi  qu'en 
1595  d'un  volume  intitulé  :  MadrigaU 
a  cinque,  sei,  sette  et  otto  voci,  également 
imprimé  à  Anvers. 

Les  typographes  musicaux,  Pierre 
Phalèse  le  vieux,  de  Louvain,  et  Jean 
Bellère  d'Anvers,  associés  depuis  plus 
de  vingt  ans  pour  la  publication  d'œu- 
vres  musicales,  donnèrent  en  1574,  un 
volume  composé  en  grande  partie  de 
compositions  de  Faignient,  qu'ils  nom- 
mèrent :  La  Fleur  des  chansons  à  trois 
parties,  contenant  un  Recueil,  produit  de 
la  divine  musique  de  Jehan  Castro,  Severin 
Cornet,  Noé  Faignient,  et  autres  excellens 
aucteurs;  ce  volume  contient  quinze 
chansons  françaises  de  notre  composi- 
teur. 

Il  nous  reste  à  dire  dans  quels  re- 
cueils de  musique  des  xvie  et  xviie  siè- 
cles on  trouve  des  compositions  de  Fai- 
gnient :  cette  petite  liste  donnera  une 
idée  de  la  vogue  dont  les  motets,  les 
madrigaux,  les  chansons  et  les  psaumes 
de  Faignient  ont  dû  jouir  pendant  la  vie 
de  leur  auteur  et  durant  le  siècle  sui- 
vant. On  trouve  donc  :  1°  Cinq  compo- 
sitions sur  paroles  françaises  dans  le 
Tiers  livre  du  recueil  des  fleurs  produictes 
de  la  divine  musique.  Louvain,  Pierre 
Phalèse,  1569.  —  2»  Trois  sur  textes 
flamands  dans  le  volume  Een  duytsch 
musyck  èo^c^,  publié  en  1572,  par  Pierre 
Phalèse  de  Louvain  et  Jean  Bellère 
d'Anvers.  —  3°  Cinq  morceaux  dans  le 
premier  livre,  et  quatre  dans  le  second 
du  Meslange  des  psaumes  et  cantiques  à 
trois  parties,  recueillis  de  la  musique 
d'Orlande  de  Lassus,  et  autres  excellens 
musiciens  de  nostre  temps,  publié  en  1 5  7  7 . 
—  4o  Deux  compositions  italiennes  dans 
la  Musica  divi?ia  di  XIX  autori  illustri, 
dont  des  éditions  furent  faites  à  Anvers, 
chez  Phalèse  et  Bellère,  en  1583,  1591, 
1594  et  1595.  —  5o  Deux  italiennes 
aussi  dans  le  recueil  d'André  Pever- 
nage,  intitulé  i7ar»îO«îa  céleste  di  diversi 


eccellentissimî  musici  et  publié  par  les 
mêmes  en  1583,  1589  et  1593.  — 
6o  Des  œuvres  dans  le  Pratum  musicum 
d'Emmanuel  Adriaensen  qui  parut  chez 
les  mêmes  éditeurs  en  1584  et  en  1600. 
—  7°  L^n  psaume  Laudate  Dominum  à 
8  voix,  dans  les  Sacrée  Cantiones  de 
Lindner.  Nuremberg,  Catherine  Ger- 
lach,  1585.  —  8°  Une  composition  ita- 
lienne dans  le  Liher  secundus  Gemmée 
musicalis  de  Lindner,  publié  chez  la 
même  en  1589.  —  9°  Une  chanson 
allemande  dans  BrechteVs  Teutschen  Lied- 
lein.  Nuremberg,  1590. — 10"  Plusieurs 
compositions  dans  la  Melodia  Olympica 
de  Pierre  Philips,  publiée  à  Anvers  chez 
Phalèse,  en  1594.  —  llo  Un  psaume  à 
six  voix  :  On  a  beau  sa  maison  bastir 
(Nisi  Dominus)  dans  la  collection  de 
Cinquante  Fsaumes  de  David ,  avec  la 
musique  à  cinq  parties,  d'Orhmde  de  Las- 
sm.  Vingt  autres  Psaumes  à  ci?iq  et  six 
parties,  par  divers  excellents  musiciens  de 
nostre  temps,  imprimés  en  1597,  par 
Jérôme  Commeliu.  —  L2o  Trois  chan- 
sons françaises  dans  Le  Rossig^iol  musical 
des  chansons.  x\nvers,  Pierre  Phalèse, 
1597  et  1598.  —  13o  Quelques  compo- 
sitions àdLn?>\Q%  Flores musicceàt  J.  Eude. 
Heidelberg,  Vôgel,  1600.  —  14°  Une 
composition  italienne  dans  Nervi  d'Or- 
feo  di  Eccellentissimi  Autori.  Leiden, 
Haestens,  1605.  —  15»  Deux  motets 
latins  dans  le  Hortulus  musicalis  du  père 
Michel  Herrerius.  Munich,  Adam  Berg, 
1609.  —  16o  Trois  chansons  dans  le 
Livre  septième  des  Chansons  vulgaires  de 
divers  autheurs,  publié  à  Anvers,  chez 
Pierre  Phalèse  en  1613  et  réédité 
en  1636,  par  ses  héritiers.  —  17"  Des 
compositions  dans  l'édition  allemande 
de  .1.  Woltz  :  Nova  musices  organicœ 
Tabulatura.  Bàle,  Johann  Jacob  Genath, 
1617. 

Finissons  en  signalant  ce  fait  que 
M.  Robert  van  Maldeghem  vient  d'in- 
sérer, dans  le  volume  pour  1877  du 
Trésor  musical,  àtwx  madrigaux  italiens, 
pleins  de  charme,  de  Noé  Faignient. 

Aipli.  Goovaerts. 

F.-J.  Fétis,  Biof/raphie  universelle  des  musi- 
ciens, 2«  éd.,  t.  III,  p.  ill.  —  Becker,  Die  Ton- 
werke  des  XVI  und  XVU  Jahrhunderis  —  R.  van 


851 


FAILLE 


852 


Maldeghem,  Trésor  musical,  1877.  Mas.  Prof., 
p.  15-19  —  Robert  Eilner,  Bibliographie  der 
musik-sarnmelwerke  des  XVI  und  XVII  jahrkun- 
derts.  —  Alph,  Goovaerts,  Notice  biographique  et 
bibliographique  sur  Pierre  Phalèse,  imprimeur 
de  musique  à  Anvers  au  xvie  siècle,  suivie  du 
catalogue  chronologique  de  ses  impressions. 

FAiLiii:  {Jean-Baptiste  délira),  che- 
valier, seigneur  d'Assenede,  Eecloo, 
Maria-Lierde,  Hermès,  Galathas,  Saint- 
Pol,  Nieubourg,  etc.,  magistrat,  né  à 
G  and,  mort  le  28  août  1666.  Il  des- 
cendait d'une  ancienne  et  opulente  fa- 
mille, qui,  d'après  une  tradition  con- 
stante, était  originaire  de  l'Italie;  elle 
aurait  eu  pour  auteur  Jean  Délia  Faille 
ou  Délia  Faglia,  chef  de  la  cavale- 
rie sous  le  pape  Alexandre  VI,  pen- 
dant la  guerre  contre  Virginie  des 
Ursins,  en  1492,  et  plus  tard  conseiller 
laïque  de  l'Eglise  sous  Paul  III.  Celui-ci 
lui  donna  une  marque  particulière  de 
sa  bienveillance,  en  l'autorisant  à  aug- 
menter ses  armes  de  trois  fleurs  de  lis, 
que  ce  pape  portait  dans  les  siennes. 
Cette  opinion  est  confirmée  par  un  di- 
plôme concédé  à  François-Albert  Délia 
Faille  et  portant  la  date  du  11  fé- 
vrier 1736.  Quelques  généalogistes  sup- 
posent les  Délia  Faille  originaires  de 
Constantinople,  d'autres  de  la  France, 
d'autres  enfin  leur  donnent  la  Belgique 
pour  berceau.  Il  n'y  a  pas  lieu  ici  à 
discuter  ces  questions  généalogiques. 
Il  suffit  de  dire  que  le  personnage 
qui  fait  le  sujet  de  cette  notice  était 
fils  de  Jean,  seigneur  de  Rymenam,  et 
de  dame  Marie  Van  de  Wouvere,  et 
frère  de  Vincent,  seigneur  dudit  Ky- 
menam.  Il  obtint  la  mercede  de  cheva- 
lier, par  lettres  patentes  du  5  juillet 
1644  et  fut  d'abord  conseiller  ordinaire 
du  conseil  de  Flandre,  par  commission 
du  28  mai  1632,  à  la  place  de  Schrevel 
van  Driel  qui,  à  cause  de  son  grand  âge 
et  de  ses  infirmités,  venait  de  donner  sa 
démission.  Eu  1650,  le  profond  savoir 
et  les  éminentes  qualités  du  conseiller 
Jean-Baptiste  Délia  Faille  relevèrent  à 
la  présidence  du  même  conseil,  devenue 
vacante  par  la  mort  de  messire  Philippe- 
Guillaume  de  Steenhuyse.  Ce  fut  sous 
sa  présidence  que  s'introduisit  la  cou- 
tume, observée  par  les  président  et  con- 


seillers, de  donner  un  festin  annuel  à 
tout  le  corps  du  conseil,  le  19  du  mois 
de  mai,  le  jour  de  saint  Ivon,  patron 
des  avocats  et  des  hommes  de  loi.  Il 
mourut  à  G  and,  dans  l'exercice  de  ses 
fonctions  et  fut  inhumé  devant  le  maî- 
tre-autel de  l'église  paroissiale  de  Saint- 
Michel  à  Gand,  où  son  ariière-petit-fils 
a  fait  restaurer  magnifiquement  sa  sé- 
pulture. Aug,  Vander  Mcersch. 

Théâtre  de  la  noblesse  du  Brabant,  p.  280.  — 
Héraut  d'armes,  t.  I,  p.  236.  —  Vander  Vynckt, 
Recueil  des  recherches  historiques  et  chronolo- 
giques du  conseil  provincial  ordonné  en  Flandre. 
Manuscrit  conservé  aux  archives  de  l'Etat  à 
Gand,  p.  66  et  251. 

FAiLiiE  {Jean-Charles  dei,i,a),  ma- 
thématicien, né  à  Anvers  en  1597,  mort 
à  Barcelone  le  4  novembre  1652.  Il  fit 
brillamment  ses  humanités  au  collège 
de  sa  ville  natale  et  embrassa,  quoique 
l'aîné  d'une  famille  noble  et  opulente,  la 
vie  religieuse.  Il  entra  (16  septembre 
1613)  dans  la  compagnie  de  Jésus,  au 
noviciat  de  Malines,  faisant  ensuite  sa 
philosophie  à  la  maison  professe  d'An- 
vers, où  il  rencontra  deux  mathémati- 
ciens renommés  :  le  P.  d'Aiguillon  et 
le  P.  Grégoire  de  Saint- Vincent.  Ses 
relations  avec  ces  deux  savants  si  dis- 
tingués stimulèrent  son  ardeur.  Il 
s'adonna,  avec  passion,  pendant  trois 
ans,  à  l'étude  des  mathématiques,  sous 
la  direction  de  Grégoire  de  Saint- Vin- 
cent, avec  lequel  il  eut  longtemps  des 
rapports  intimes.  Ses  supérieurs  l'ayant 
envoyé  à  Dôle  pour  s'initier  à  la  théo- 
logie, il  y  enseigna,  en  même  temps, 
avec  supériorité  les  mathématiques.  Plus 
tard,  il  professa  ces  hautes  sciences,  à 
Louvain,  auxétudiants  de  la  compagnie, 
en  instruisant  aussi,  mais  séparément,  . 
d'autres  jeunes  gens  ;  le  système  de 
leçons  particulières  était  alors  imposé 
aux  jésuites,  afin  de  ne  pas  éveiller  la 
jalousie  de  l'université. 

Le  collège  impérial  de  Madrid  ayant 
été  fondé,  on  s'empressa  d'y  adjoindre 
le  P.  Délia  Faille,  afin  qu'il  donnât 
le  cours  de  mathématiques;  il  alla, 
le  23  mars  1629,  prendre  posses- 
sion en  Espagne  de  la  chaire  nou- 
vellement créée.  Tout  en  s'occupant 
des  devoirs  de  son  professorat,  il  donna 


853 


FAILLE 


854 


des  leçons  particulières  à  quelques 
grands  personnages,  parmi  lesquels  on 
cite  deux  neveux  du  nonce  à  Madrid, 
l'ambassadeur  de  Gênes,  le  comte  de 
Grajal,  le  marquis  d'Aytona,  et  plu- 
sieurs autres.  ISes  nombreux  élèves  ne 
pouvaient  se  lasser  de  l'entendre  et  tous 
admiraient  ses  profondes  connaissances. 
Sa  réputation  parvint  aux  oreilles  du 
roi  :  Philippe  IV  fit  appeler  le  jeune 
maître  à  la  cour^  et  il  eut  bientôt  le 
P.  Délia  Paille  en  si  haute  estime,  qu'il 
recourut  fréquemment  à  ses  lumières 
pour  la  défense  ou  pour  la  construction 
des  places  fortes  de  son  royaume.  Deux 
ans  plus  tard,  il  lui  conféra  le  titre 
de  cosmographe  du  conseil  des  Indes, 
le  chargeant  au  surplus  d'instruire 
ses  pages  dans  l'art  militaire  et  celui 
des  fortifications.  Un  carrosse  du  palais 
venait  le  prendre  chaque  soir  et  le  ra- 
mener au  collège  à  l'issue  de  ses  leçons. 

En  1641,  il  fut  envoyé  avec  les  troupes 
sur  les  frontières  du  Portugal  et  placé 
sous  les  ordres  du  duc  d'Albe.  De  retour 
à  Madrid,  le  roi  le  nomma  professeur 
de  mathématiques  de  son  fils  don  Juan 
d'Autriche.  Ce  fut  probablement  à  cette 
occasion  qu'il  reçut  le  titre  de  conseil- 
ler de  Sa  Majesté  qu'on  lit  au  bas 
d'une  gravure  contemporaine,  exécutée 
d'après  son  portrait,  peint  par  Van 
Dyck.  La  conversation  et  les  manières 
du  savant  religieux  plurent  tellement 
au  jeune  prince,  que  celui-ci  ne  voulut 
plus  s'en  séparer.  Au  milieu  des  dissi- 
pations de  la  cour,  le  P.  Délia  Faille 
conserva  ses  goûts  modestes  :  le  roi,  à 
diverses  reprises,  le  proposa  pour  des 
sièges  épiscopaux  en  Espagne  et  tou- 
jours l'humble  religieux  refusa,  disant 
qu'il  ne  saurait  trouver  de  délassement 
dans  ses  travaux,  s'il  fallait  s'y  livrer 
ailleurs  que  dans  une  pauvre  cellule  de 
sa  bien-aimée  compagnie. 

Les  relations  du  prince  avec  le 
P.  Délia  Faille  devinrent  des  plus  in- 
times. Lorsque,  en  loi?,  éclata  l'insur- 
rection de  Sicile  et  de  Naples,  le  roi 
d'Espagne  fit  armer  une  flotte,  placée 
sous  le  commandement  de  don  Juan, 
nommé  généralissime;  le  P.  Délia  Faille 
fit   partie    de    l'expédition.  Il    accom- 


pagna le  même  prince  au  siège  de  Por- 
to-Longone,  forteresse  de  l'île  d'Elbe. 
Ce  fut  là  que,  lors  d'une  épidémie,  en 
soignant  les  malades  et  les  blessés,  il 
contracta  les  germes  de  la  maladie  qui 
l'emporta  au  bout  de  onze  jours.  Malgré 
la  malignité  de  l'épidémie,  le  prince  ne 
cessa  pas  de  visiter  son  ami,  plusieurs 
fois  par  jour.  Don  Juan  fut  inconso- 
lable; pendant  trois  journées  entières, 
il  ne  voulut  recevoir  personne;  le  roi 
aussi  pleura  cette  mort.  Il  fit  faire  des 
obsèques  maguifiques  et  consacra  l'ex- 
pression de  ses  regrets  par  un  monu- 
ment funéraire,  avec  épitaphe,  rap- 
portée par  Foppens  {Bibliotheca  belgica) 
et  par  Ad.  Quetelet  (i^/s^oîVe  des  sciences 
mathématiques  et  physiques).  Non  content 
de  lui  témoigner  sa  vénération  par  ces 
témoignages  publics,  le  prince  fit  dire 
quinze  mille  messes  pour  le  repos  de 
son  âme. 

Le  P.  Délia  Faille  fut  un  mathémati- 
cien célèbre  ;  quand  il  quitta  le  collège 
d'Anvers,  il  avait  déjà  dans  ses  notes, 
dit  le  P.  Grégoire  de  Saint-Vincent,  de 
véritables  trésors  de  science,  fruits  pré- 
cieux de  ses  lectures  ou  de  ses  recher- 
ches personnelles.  Le  mathématicien 
brugeois  avait  une  si  haute  opinion  du 
talent  et  des  connaissances  du  P.  Délia 
Faille  que,  lorsqu'il  eut  terminé  l'ébauche 
de  son  ouvrage  sur  la  quadrature  du 
cercle,  qui  lui  fit  faire  de  si  ingénieuses 
découvertes,  sans  l'amener  à  résoudre 
un  problème  insoluble,  il  envoya  son 
important  travail  au  P.  Délia  Faille  à 
Madrid,  le  conjurant  de  le  revoir  et  d'y 
ajouter  ses  propres  observations. 

Le  P.  Délia  Faille  étant  professeur  à 
Dole  avait  fait  défendre  par  ses  élèves 
des  thèses,  dont  il  publia  quelques-unes, 
sous  le  titre  de  :  Thèses  Mechanicce . 
DolîB,  1625.  Elles  contenaient  des  théo- 
ries toutes  nouvelles,  quifrappèrent  vive- 
ment l'attention  de  son  ancien  maître  ; 
celui-ci  les  soumit  au  jugement  du 
P.  Paul  Guldin,  qui  enseignait  alors  en 
Autriche  et  qui  lui  répondit  qu'il  ap- 
prouvait de  tout  point  les  théories  du 
P.  Délia  Faille,  que  même  pour  les  dé- 
velopper, il  avait  préparé  un  livre. 
Voulant  empêcher  qu'un  étranger  ne 


855 


FAILLE  -  FAILLY 


856 


recueillit  le  bénéfice  d'une  invention 
due  tout  entière  à  un  Belge,  j'écrivis 
sur-le-champ,  raconte-t-il  lui-même,  en 
Espagne,  engageant  le  P.  Délia  Faille 
à  prendre  les  devants  de  son  collègue. 
Pour  toute  réponse,  il  fit  savoir  qu'il 
lui  paraissait  peu  équitable  qu'un  élève 
devançât  son  maître.  Le  P.  de  Saint- 
Vincent  ne  se  paya  pas  de  cette  excuse, 
il  insista  plus  vivement  et  parvint  à 
décider  le  modeste  religieux  à  faire  im- 
primer son  livre,  qui  parut  sous  le  titre 
de  Joannis  Délia  Faille,  Atdverpiensis, 
e  societate  Jesu,  in  Academia  Matriteiisi 
collegii  imperialis  regii  matheseos  pro- 
fessoris,  theoremata  de  centra  gravitatis 
partium  clrculi  et  elipsis.  Antverpise, 
1632,  in-4o.  L'ouvrage  fut  accueilli 
par  un  véritable  succès  et  le  P.  Guldin 
lui-même,  après  avoir  lu  le  livre,  écrivit 
au  P.  de  Saint- Vincent  :  Vraiment 
nous  avons  un  nouvel  ArcMmède,  et, 
quand  trois  ans  plus  tard,  il  édita  son 
ouvrage  sur  le  centre  de  gravité,  il  y 
fit  le  plus  grand  éloge  de  celui  de  son 
savant  concurrent.  Le  célèbre  Chrétien 
Huygens,  ayant  examiné  les  deux  publi- 
cations, écrivit  au  P.  de  Saint-Vincent  : 
J'ai  lu  attentivement  les  deux  ouvrages, 
composés  l'un  par  votre  ancien  élève, 
l'autre  par  votre  ancien  condisciple  ; 
mais,  croyez-m'en,  l'élève  l'emporte 
beaucoup  sur  le  condisciple.  Le  même 
savant,  dans  la  préface  de  son  écrit  sur 
la  quadrature  du  cercle  de  Grégoire  de 
Saint-Vincent  (t.  II,  p.  312,  Leyde, 
in-4o),  parle  de  la  manière  la  plus 
honorable  du  P.  Délia  Faille.  On  doit 
remarquer  que  l'ouvrage  de  ce  dernier 
a  précédé  celui  du  P.  Guldin ,  que 
l'on  regarde  communément  comme  l'au- 
teur de  la  théorie  de  la  gravitation.  Il 
ne  sera  pas  inutile  cependant  de  faire 
connaître  aussi  l'appréciation  de  deux 
autres  juges  compétents,  Montucla  et 
Adolphe  Quetelet  :  »  Ce  géomètre,  digne 
d'éloges,  dit  le  premier,  y  assigne,  à  la 
vérité,  d'une  manière  fort  prolixe  et 
embarrassée,  les  centres  de  gravité  des 
diflerentes  parties,  tant  du  cercle  que 
de  l'ellipse  ;  il  y  fait  surtout  voir  la  liai- 
son qui  existe  entre  cette  détermination 
et  celle  de  la  quadration  de  ces  courbes, 


ou  leur  rectification  et,  comment  l'une 
des  deux  étant  donnée,  l'autre  l'est  aussi 
nécessairement.//  -/  Il  nous  a  paru, dit  à 
son  tour  Ad.  Quetelet  dans  son  ouvrage 
précité,  que  les  énoncés  du  P.  Délia 
Faille  sont,  en  général,  si  spécieux,  qu'il 
est  douteux  qu'on  puisse  jamais  en  faire 
usage  ;  d'autre  part,  la  démonstration, 
dans  plusieurs  cas,  se  ferait  d'une  ma- 
nière beaucoup  plus  directe  et  plus 
claire,  en  employant  la  simple  théorie 
des  projections,  au  lieu  de  la  méthode 
suivie  par  l'auteur,  dont  les  idées  pa- 
raissent, du  reste,  ingénieuses  sous 
plusieurs  rapports.    // 

Le  P.  Délia  Faille  a  laissé  beau- 
coup de  manuscrits,  dont  une  partie  fut 
conservée  par  don  Juan  dans  une  cham- 
bre à  Barcelone;  on  avait  le  projet  d'en 
faire  imprimer  quelques-uns.  On  ignore 
ce  qu'ils  sont  devenus.  Le  nombre  doit 
en  être  immense,  puisque,  au  dire  du 
P.  tle  Saint- Vincent,  dès  1632,  au  lieu 
d'éditer  un  seul  volume,  l'auteur  eût  pu 
en  publier  une  trentaine. 

Celui-ci  était  en  relation  avec  la  plu- 
part des  savants  du  pays  et  de  l'étran- 
ger, entre  autres  avec  le  célèbre  huma- 
niste Erycius  Puteanus;  quelques-unes 
de  ses  lettres  ont  été  publiées  dans  les 
deux  volumes  des  centuries  de  ce  sa- 
vant. Il  était  surtout  en  correspon- 
dance assidue  avec  Michel  van  Langren, 
cosmographe  du  roi;  cette  correspon- 
dance fait  partie  de  la  bibliothèque  royale 
de  Bruxelles,  sous  le  n»  19676  de  la 
section  des  manuscrits,  et  contient  une 
foule  de  détails  biographiques  concer- 
nant le  P.  Délia  Faille. 

Aug.  Vander  Meersch. 

Delvenne,  Biographie  des  Pays-Bas.  —  Fop- 
\)eQS, Bibliocheca  bel(jii;a,i.U,  p.604.  — DeBacker, 
Ecrivains  de  la  compagnie  de  Jésus,  t.  II.  —  Pré- 
cis historiques,  année  1874. 

r.%iiiiiY  ÇEtienne- Auguste  baron  de) 
homme  de  guerre  et  ministre,  né  à 
Bruxelles  le  17  avril  1789,  mort  dans 
la  même  ville  le  24  avril  1853.  Le  baron 
de  Failly,  fit  ses  études  à  l'école  mili- 
taire de  Fontainebleau  et  en  sortit  le 
11  novembre  1806  avec  le  grade  de 
sous-lieutenant  au  4e  régiment  d'infan- 
terie légère.    Il   fit  les  campagnes  de 


857 


FAILLY  —  FALCK 


858 


1806  et  de  1807  en  Pologne,  se  distin- 
gua à  la  bataille  d'Eylau  et  fut  blessé 
d'un  coup  d'obus  à  l'épaule  gauche  au 
siège  de  Dantzig  le  15  avril  1807-  Il 
passa  à  l'armée  d'Espagne,  fit  avec  elle 
les  campagnes  de  1808  et  de  1809,  et 
ayant  été  promu  lieutenant  le  8  novem- 
bre 1809,  il  passa  à  l'armée  d'Alle- 
magne. Bientôt  après,  il  retourna  en 
Espagne  et  prit  part  aux  campagnes  de 
1810,  1811  et  1812.  Sa  conduite  à  la 
prise  de  Lambier,  le  17  février  1811, 
où  il  fut  blessé  d'un  coup  de  feu  à  la 
tête,  et  au  combat  de  Lerma,  où  il  reçut 
une  nouvelle  blessure  à  la  jambe  droite, 
lui  valut  le  grade  de  capitaine  au  15e  ré- 
giment d'infanterie  légère.  Rentré  en 
France,  il  y  fit  encore  les  campagnes  de 
1813  et  de  1814  et  obtint  l'étoile  de  la 
Légion  d'honneur  par  un  décret  impé- 
rial du  7  février  1813, 

Rentré  dans  sa  patrie  après  la  chute 
de  l'empire,  le  baron  de  Failly  fut  admis 
dans  l'armée  des  Pays-Bas  le  16  décem- 
bre 1814  avec  le  grade  de  colonel  com- 
mandant le  5e  bataillon  de  chasseurs,  à 
la  tête  duquel  il  assista  à  la  bataille  de 
Waterloo.  Le  27  janvier  1826,  il  fut 
nommé  colonel  commandant  la  5  e  divi- 
sion d'infanterie  et,  en  1829,  le  roi 
Guillaume  lui  conféra  la  décoration  du 
Lion  belgique. 

Après  les  événements  de  1830  et  après 
qu'il  eut  obtenu  sa  démission  du  service 
des  Pays-Bas,  le  baron  de  Failly  se  mit 
d'abord  dans  les  rangs  des  volontaires, 
puis  entra  dans  l'armée  belge  avec  le 
grade  de  général-major  commandant  la 
province  d'Anvers.  Peu  de  mois  après, 
le  régent  l'appela  aux  difficiles  fonctions 
de  ministre  de  la  guerre  (18  mai  1831). 

La  funeste  issue  de  la  campagne  du 
mois  d'août  1831  contre  les  Hollandais 
a  été  attribuée  en  grande  partie  à 
la  mauvaise  administration  du  géné- 
ral baron  de  Failly.  Les  reproches 
qu'on  lui  a  adressés  ont  même  été  telle- 
ment graves  que  devant  la  réprobation 
générale  qui  s'est  manifestée,  il  a  dû. 
donner  sa  démission  de  ministre  de  la 
guerre  et  s'expatrier  pourquelque  temps. 
Un  examen  impartial  de  la  conduite  du 
général  de  Failly  donne  la  conviction 


que  le  jugement  porté  contre  lui,  sous 
l'infiuence  des  passions  qui,  à  cette 
époque,  agitaient  les  masses,  a  été, 
sinon  injuste,  au  moins  trop  sévère.  On 
n'a  pas  assez  tenu  compte  des  difficultés 
qu'a  rencontrées  ce  ministre  de  la  guerre 
aussi  inexpérimenté  en  fait  d'adminis- 
tration militaire  que  presque  tous  ceux 
qui  l'avaient  précédé  et  qui  s'étaient 
succédé  presque  de  mois  en  mois  depuis 
l'affranchissement  de  la  Belgique.  Aucun 
des  services  de  son  administration  n'était 
sérieusement  organisé;  les  magasins 
étaient  vides;  l'esprit  public  égaré  par 
les  succès  de  septembre  1830,  croyait 
qu'il  ne  fallait,  pour  faire  la  guerre, 
que  des  volontaires  en  blouse;  une 
presse  dévergondée  attaquait  sans  re- 
lâche toutes  les  mesures  prises  par  l'au- 
torité; elle  avait  des  échos  jusque 
dans  le  Congrès,  qui  refusa  aux  de- 
mandes instantes  du  ministre  de  la 
guerre  les  ressources  qu'il  déclarait  être 
indispensables;  qui  lui  refusa  même 
l'argent  nécessaire  pour  acheter  des 
armes  !  En  relisant  les  comptes  rendus 
de  certaines  séances  du  Congrès,  on 
constate  qu'alors  déjà  des  gens  qui  aft'ec- 
taient  un  grand  patriotisme,  mais  qui 
en  réalité  ne  recherchaient  qu'une  vaine 
popularité,  s'indignaient  de  ce  qu'ils 
appelaient  les  ruineuses  profusions  de 
l'administration  de  la  guerre,  et  fou- 
droyaient ces  déplorables  budgets  au  mo- 
ment où  l'ennemi  passait  la  frontière. 

Il  n'est  que  juste  de  tenir  compte  au 
général  de  Failly,  en  jugeant  sa  con- 
duite, des  résistances  qu'il  a  rencontrées 
dans  l'accomplissement  de    sa  mission 

diniClle.  Général  baron  Guillaunie. 

Archives  de  la  guerre.  —  Thonissen,  la  Bel- 
gique sous  le  règne  de  Léopold  l".  —  Huyttens, 
t.  IJl  et  IV.  —  Moniteur  du  temps. 

*  FALCK.  {Antoine- Reinhard,  baron), 
homme  d'Etat,  né  à  Utrecht  le  19  mars 
1776,  mort  à  Bruxelles  le  16  mars  1843. 
Il  fit  ses  premières  études  à  V  Athenaum 
■illustre  d'Amsterdam  et  les  compléta  à 
l'université  de  Leyde.  En  1795  et  en 
1796,  il  visita  la  Belgique  et  la  France. 
Les  lettres  qu'il  écrivait  à  cette  époque 
révélaient  déjà  toute  la  finesse  et  la 
sagacité    du    futur  diplomate.  Repre- 


859 


FALCK 


860 


nant  ensuite  ses  études  à  l'université 
de  Leyde,  il  les  couronna  en  1799  par 
une  dissertation  doctorale  sur  le  ma- 
riage :  De  matrimonio.  Le  lauréat  de 
Leyde  possédait  admirablement  l'anti- 
quité et  connaissait  la  plupart  des  lan- 
gues modernes.  Il  perfectionna  encore 
son  instruction  dans  le  séjour  qu'il  fit  en 
Allemagne  en  1799  et  en  1800.  En  1802, 
il  se  rendit  en  Espagne  comme  secré- 
taire de  la  légation  entretenue  par  la 
république  batave  à  Madrid.  Le  chef  de 
cette  légation  ayant  été  rappelé,  Falck 
revint  aussi  en  Hollande,  qu'il  retrouva 
érigée  en  royaume  pour  Louis  Bona- 
parte. Très-apprécié  du  nouveau  roi, 
qui  le  considérait  comme  «  un  jeune 
homme  très-instruit  et  d'une  grande 
espérance  «,  Falck  remplit  successive- 
ment les  fonctions  de  secrétaire  du  mi- 
nistère des  affaires  étrangères  et  du  dé- 
partement des  colonies.  Mais  lorsque 
Napoléon  1er  eut  décrété  la  réunion 
effective  de  la  Hollande  à  l'empire  fran- 
çais, Falck  refusa  tout  concours.  Il  de- 
vint même  très-suspect  à  la  haute  police 
et  plus  d'une  fois,  surtout  au  déclin  de 
l'empire,  il  eut  à  craindre  les  consé- 
quences d'une  surveillance  persévérante. 
Capitaine  de  la  garde  nationale  d'Am- 
sterdam, membre  de  l'Institut  de  Hol- 
lande, il  avait  d'ailleurs  acquis  une 
véritable  importance.  En  1813,  il  fut 
un  des  promoteurs  du  soulèvement  na- 
tional contre  la  domination  étrangère. 
Il  remplit  un  rôle  éminent  pendant  cette 
grande  crise.  Le  prince  d'Orange,  qui 
devint  bientôt  après  le  roi  Guillaume  1er, 
le  récompensa  en  se  l'attachant  comme 
secrétaire  d'Etat.  En  cette  qualité, 
Falck  prit  une  part  considérable  à  la 
fondation  du  royaume  des  Pays-Bas  et 
déploya  une  admirable  activité  dans  le 
cabinet  de  La  Haye  et  dans  les  missions 
dont  il  fut  chargé  à  Paris  et  à  Vienne. 
Il  participa  largement  à  la  fondation 
des  trois  universités  de  Liège,  de  Lou- 
vain  et  de  Gand,  et  présida  à  la  pose- 
de  la  première  pierre  de  cette  dernière  ; 
il  termina  son  discours  d'ouverture  par 
ces  mots  mémorables  :  Perpétua  estu  ! 
Les  vues  qu'il  préconisait  étaient  larges 
et  impartiales.   En  1820,  il  avait   été 


nommé  ministre  du  commerce,  des  co- 
lonies, de  l'instruction  publique  et  des 
beaux-arts.  Il  tenait  surtout  à  ces  der- 
nières attributions,  et  il  n'épargna  au- 
cun efl'ort  pour  justifier  les  sympathies 
que  son  administration  éclairée  et  conci- 
liante faisait  naître.  On  lui  dut  aussi  le 
rétablissement  de  l'Académie  fondée  par 
Marie-Thérèse.  Falck  était  le  plus  avisé 
et  le  plus  prévoyant  des  conseillers  de 
Guillaume  1er.  En  1834,  vers  l'époque 
où  la  politique  du  roi  des  Pays-Bas 
allait  prendre  une  direction  exclusive  et 
dangereuse,  Falck  quitta  le  ministère 
pour  représenter  son  souverain  à  Lon- 
dres. Il  n'avait  point  désiré  ce  change- 
ment; l'initiative  venait  du  roi.  Il  résida 
en  Angleterre  jusqu'en  1832,  très-bien 
vu  des  principaux  hommes  d'Etat  et 
consacrant  ses  loisirs  à  la  lecture  de 
Plutarque  dans  l'original  et  à  une  nou- 
velle étude  des  poètes  latins.  Lorsque, 
vers  la  fin  de  1829,  il  entreprit  un 
voyage  en  Italie,  il  ne  se  dissimulait 
plus  l'état  inquiétant  des  esprits  dans 
les  provinces  belges.  Les  événements 
qui  se  pressaient,  en  justifiant  ses  pré- 
visions, le  rappelèrent  à  son  poste.  Les 
Belges  se  soulèvent  et,  dès  le  11  sep- 
tembre 1830,  Falck  considère  la  sépa- 
ration du  nord  et  du  midi  des  Pays-Bas 
comme  un  fait  à  peu  près  accompli. 
Après  l'insuccèsde  l'expédition  du  prince 
Frédéric  contre  Bruxelles,  il  se  prononce 
énergiquement  contre  toute  nouvelle 
tentative  de  dompter  les  Belges  par  la 
force.  Ambassadeur  de  Guillaume  Iff  à 
Londres,  il  protestait,  en  acquit  de  son 
devoir,  contre  les  protocoles  de  la  con- 
férence; mais  il  ne  croyait  plus  ni  à  la 
reconstitution  de  l'ancien  royaume  des 
Pays-Bas,  ni  à  la  restauration  de  l'an- 
cienne dynastie  en  Belgique.  Pour  la 
sécurité  même  de  son  pays,  il  désirait 
réellement  la  fondation,  dans  les  an- 
ciennes provinces  méridionales,  d'un 
Etat  monarchique,  que  l'Europe  pût 
reconnaître  et  qui  fût  capable  de  servir 
de  boulevard  à  la  Hollande.  «  Je  ne  puis 
"  désirer  autre  chose,  disait-il,  que 
"  l'établissement  de  cet  avant  -  mur 
»  comme  nous  l'avons  eu  longtemps 
"   dans  les  Pays-Bas  espagnols  et  autri- 


861 


FALCK  —  FALENS 


862 


«  chiens.  «  Guillaume  1er  avait  des  vues 
tout  à  fait  opposées.  Aussi,  au  mois 
d'avril  1832,  Faick  fut-il  rappelé  de 
Londres  et  momentanément  aifranchi  de 
tous  devoirs  politiques.  Il  passa  l'hiver 
à  Nice,  puis,  au  mois  de  juillet  1833, 
il  s'établit  dans  une  modeste  maison  de 
campagne  près  de  La  Haye.  Elle  s'ap- 
pelait Het  hiiis  ter  noot;  sur  la  porte  on 
lisait  :  Deus  nobis  hœc  otia  fecit.  Ce  fut 
peut-être  l'époque  la  plus  heureuse  dans 
la  vie  de  Falck;  il  pouvait  donner  main- 
tenant libre  carrière  à  ses  goûts,  re- 
prendre ses  lectures  favorites,  corres- 
pondre activement  avec  les  savants, 
redevenir  enfin  homme  de  lettres  lui- 
même.  M.  Cousin,  qui  le  vit  en  1836 
dans  sa  retraite,  le  dépeignait  en  ces 
termes  :  «  Il  est,  à  mes  yeux,  du  très- 
II  petit  nombre  de  véritables  hommes 
"  d'Etat  qu'il  y  ait  aujourd'hui  en  Eu- 
»  rope,  et  il  ne  serait  déplacé  à  la 
If  tête  des  affaires  d'aucun  pays.  C'est 
Il  l'homme  qui  a  le  plus  servi  le  roi  à 
Il  son  retour  en  Hollande.  Il  a  été 
Il  d'abord  secrétaire  d'Etat,  puis  mi- 
11  nistre  de  l'instruction  publique,  en- 
II  suite  ambassadeur  à  Londres.  Il  occu- 
«  pait  ce  poste  à  la  révolution  de  1830; 
Il  il  l'a  quitté  depuis  quelques  années,  à 
«  la  fin  de  la  conférence,  et  il  vit  main- 
«  tenant  à  La  Haye,  en  qualité  de 
Il  ministre  d'Etat  très-considéré,  mais 
»  non  employé.  M.  Falck  est  profondé- 
«  ment  Hollandais  ;  il  possède  les  qua- 
»  lités  de  sa  nation  à  un  degré  éminent. 
"  Celles  que  je  lui  ai  d'abord  reconnues 
«  sont  la  rectitude  et  la  fermeté  du 
"  jugement,  plus  de  force  que  de  sou- 
"  plesse,  avec  un  grand  gouvernement 
"  de  soi-même...  En  politique,  il  m'a 
»  paru  libéral  à  la  façon  de  Niebuhr  et 
Il  de  Savigny,  à  la  fois  patriote  et  aris- 
«  tocrate  dans  le  sens  le  plus  élevé  de 
Il  ces  deux  mots;  en  philosophie,  il  est 
Il  de  l'école  d'Hemsterhuis  et  de  Wyt- 
y  tenbach  ;  en  religion,  antimétho- 
II  diste.  Il  —  Après  la  ratification  du 
traité  de  paix  du  19  avril  1839,  Guil- 
laume 1er  s'adressa  de  nouveau  au  dé- 
vouement de  son  sincère  et  fidèle  con- 
seiller; il  le  nomma  envoyé  extraordinaire 
et  ministre  plénipotentiaire  des  Pays- 

WOGR.  NAT.  —  T.    VI. 


Bas  à  Bruxelles.    Falck    accepta  cette 
position   délicate,    mais   à  la  condition 
expresse  qu'on  le  laisserait  dans  l'igno- 
rance absolue  des  efforts  que  l'on  pour- 
rait faire  secrètement,   d'accord  avec  le 
parti    orangiste,   afin    de    recouvrer    le 
trône  perdu.  Il  avait  de  sa  mission  une 
idée  très-haute  et  très-sensée.    Il   vou- 
lait, comme   il   le   disait,  détruire    des 
préjugés,  éteindre  des  méfiances,  forti- 
fier même  en  Belgique,  par  ses  conseils, 
l'indépendance   nouvelle   et  la   neutra- 
lité. Falck  reçut   la   récompence   de   sa 
droiture.    Il  fut   dignement  apprécié  à 
Bruxelles  et  y  retrouva  de  vives  amitiés. 
Le   savant   obtint  autant  de  succès  que 
l'homme  d'Etat.  Promoteur,  le    17  mai 
1816,    du    rétablissement    de   l'Acadé- 
mie des  sciences  et  des  belles-lettres  de 
Bruxelles,  membre  honoraire  de  la  com- 
pagnie, Falck  vint   plus  d'une  fois  s'as- 
seoir parmi  ses  collègues.  Les  sympathies 
des  Belges  le  suivirent  dans  la  tombe. 
De  1839  à  1843,  c'est-à-dire  jusqu'à  sa 
mort,  il  avait  noblement  représenté  son 
pays   dans    la  Belgique    indépendante. 
Les  dépouilles  mortelles  de   cet  homme 
éminent  furent  transportées  à  Utrecht 
pour  être  déposées  dans  le  caveau  de  sa 
famille. 

Falck  avait  épousé  une  dame  belge,  la 
baronne  de  Roisin.  Th.  Juste. 

Brievenvan  A.  R.  Falck  (1795-4843;,  La  Haye, 
1857, 1  vol.  in-8".  Ces  lettres  ont  été  publiées  par 
M.-O.-W.  Hora  Siccama,  qui  fut  aUaché  à  Falck 
en  la  double  qualité  de  neveu  et  de  secrétaire.  — 
Arnbls-Drieven  van  A.  R.  Falck,  1802-1842.  La 
Haye,  1878,  1  vol.  —  Notice  sur  Falck  par  Que- 
telel,  dans  son  ouvrage  Sciences  mathématiques 
et  physiques  chez  les  Belges  au  commencement 
du  xixe  siècle,  p.  702-726. 

FAi:.coMO!«T  {Thiery  III  »e), 
homme  de  guerre,  né  au  château  de  Fau- 
quemont,  dans  le  Limbourg,  vers  la  fin 
du  xiiie  siècle,  mort  en  1316.  Voir 
Fauquemont  (TMéty  De). 

FALEXS  (Charles  va.u),  peintre,  né 
à  Anvers  en  16 83, mort  à  Paris  en  1733. 
Elève  de  Constantin  Francken,  en  1696, 
il  s'adonna  à  l'étude  du  paysage,  des 
animaux  et  des  figures  en  petit.  A  l'âge 
de  vingt  ans,  il  se  rendit  à  Paris,  où  il 
réussit  à  se  faire  une  réputation,  non- 
seulement  comme   peintre,   mais   aussi 

28 


863 


FALENS  —  FALLON 


864 


comme  restaurateur  de  tableaux.  Il 
acquit  en  cette  qualité  une  notoriété  si 
considérable  que  d'importants  travaux 
au  Louvre  lui  furent  confiés;  ce  qui  ne 
l'empêcha  pas  de  peindre  de  nombreux 
tableaux  dans  le  genre  de  Wouwerman. 
Il  poussa  l'imitation  si  loin  qu'il  pour- 
rait à  bon  droit  passer  pour  un  copiste 
de  ce  maître.  Sa  vogue  se  soutint  et  le 
conduisit  à  l'Académie,  dont  il  fut  reçu 
membre  en  1720.  Il  devint  peintre  du 
roi  de  France  et  épousa  en  1706  Marie 
Slodtz,  fille  du  sculpteur  des  bâtiments 
du  roi,  et  sœur  des  artistes  de  ce  nom. 
On  connaît  de  lui,  au  musée  du  Louvre, 
\in  Rendez-vous  de  chasse  et  une  Halte 
de  chasseurs,  qui  ne  manquent  pas  de 
charme.  Ce  furent  ses  morceaux  de  ré- 
ception à  l'Académie.  Ils  ont  été  gravés 
par  Moyreau  en  1736.  On  voit  de  lui, 
au  musée  de  Stockholm,  des  Personnages 
à  cheval  ;  à  Dresde,  le  Départ  pour  la 
chasse  au  héron;  au  musée  de  Berlin,  un 
Paysage  enrichi  de  figures.  Lebas,  Ave- 
line et  Filleul  ont  gravé  d'après  lui.  La 
touche  de  Van  Falens  est  généralement 
molle,  mais  il  a  su  emprunter  à  Wou- 
werman la  coloration  argentée  de  ses 
meilleurs  tableaux.  Son  pinceau  est  ha- 
bile, et  il  met  du  soin  à  son  exécution. 
A  la  vente  Dubois,  qui  eut  lieu  en 
1861,  on  vendit  de  lui  un  Départ  pour 
la  chasse  au  prix  de  425  francs.  Quel- 
ques-uns de  ses  travaux  ont  été  telle- 
ment bien  imités  de  Wouwerman,  qu'il 
n'est  pas  rare  de  rencontrer  des  collec- 
tions où  ils  sont  portés  sous  le  nom  de 
leur  illustre  modèle.  Ad.sïret. 

FAL.L,iXE  {Jean  motte,  dit),  chi- 
rurgien et  naturaliste,  né  à  Liège  le 
28  août  1719,  y  mourut  vers  1790.  Sa 
famille  était  d'origine  française.  Paul 
Motte,  la  Motte  ou  de  la  Motte  ayant 
épousé  en  1625  Marie  Fallize,  une  Lié- 
geoise, l'usage  substitua  le  nom  de 
Fallize  à  celui  de  Motte.  Les  descen- 
dants de  Paul  se  distinguèrent  comme 
chirurgiens  pendant  quatre  générations; 
notre  Jean,  qui  représente  la  quatrième, 
reçut  sa  licence  du  collège  des  chirur- 
giens de  Liège  le  30  octobre  1741.  Il 
se  signala  particulièrement  dans  la  pra- 


tique obstétricale,  ce  qui  lui  valut  d'être 
choisi  par  le  prince  Velbruck,  le  2  jan- 
vier 1783,  pour  diriger  une  Ecole  gra- 
tuite sur  Vart  de  V accoucheur ,  dont  la 
surveillance  fut  confiée  à  la  Société 
d'Emulation.  Une  institution  semblable 
avait  été  ouverte  à  Stavelot  l'année  pré- 
cédente, et  déjà  le  bienfait  en  était 
apprécié  ;  l'école  de  Liège  ne  rendit  pas 
moins  de  services.  Il  fut  décrété  que  les 
sages-femmes  ne  seraient  plus  admises  à 
l'avenir  par  le  collège  des  médecins,  que 
sur  la  production  d'un  certificat  consta- 
tant qu'elles  avaient  suivi  assidûment 
et  avec  fruit  le  cours  de  Fallize,  asses- 
seur dudit  collège.  Malheureusement 
Hoensbroeck  n'imita  point  le  zèle  de 
son  prédécesseur  :  l'école  ne  survécut 
guère  à  Velbruck.  Fallize  a  laissé  quel- 
ques écrits  :  lo  Des  Observations  météo- 
rologiques tenues  de  1736  à  1783, 
dépouillées  plus  tard  par  Thomassin  et 
mises  à  profit  par  E.  Courtois,  dans  le 
t.  I  de  sa  Statistique  de  la  province  de 
Liège  ;  —  2'J  un  Essai  sur  l'analyse  de 
Veau  minérale  de  la  Grande-ïlémalle  sur 
Meuse,  entre  Liège  et  Huy.  Liège,  Ev. 
Kints,  1750,  in-8o;  2e  édit.,  1754. 
L'auteur  a  répété  les  expériences  faites 
par  le  docteur  de  Presseux  sur  les  eaux 
de  Spa  :  il  croit  »  qu'ayant  démontré  la 
»  ressemblance  des  principes  des  eaux 
Il  de  Spa  et  de  Flémalle,  il  est  naturel 
"  de  conclure  que  les  efifets  et  les  vertus 
"  de  ces  fontaines  doivent  être  sembla- 
«  blés  u.  Ul.  Capitaine  a  relevé,  dans 
V Esprit  des  journaux,  une  intéressante 
Lettre  de  M.  W.  Blakey  à  M.  fallize, 
chirurgien  et  savant  naturaliste ,  sur  le 
mémoire  de  M.  Ferret  relatif  à  V acier. 

Alphonse  Le  Roy. 

L'I.  Capitaine,  Étude  sur  les  médecins  liégeois 
Bull,  de  l'Institut  archéol.  liégeois,  t.  111,  p.  493 
et  suiTj.  —  A.  Body,  Bibliographie  spadoise. 

FALLO.'V  {Jean-Baptiste-Isidore-  Ghis- 
Zam),  jurisconsulte  et  administrateur,  né 
le  28  mars  1780,  mort  le  22  janvier 
1861. 

Ainsi  que  deux  autres  hommes  qui 
ont  parcouru  une  brillante  carrière  :  le 
général  et  géographe  Fallon,  dont  feu  le 
général  Guillaume  a  écrit  la  biographie, 
et  Théophile  Fallon,  l'aucien  président 


86c 


FALLON 


866 


de  la  cour  des  comptes,  Isidore  P'allon 
naquit  à  Xamur  de  Louis-Augustin, 
avocat -pensionnaire  des  Etats  de  Na- 
mur,  et  de  Marie-Françoise  Stiénon. 
Il  fit  de  bonnes  études  et  embrassa  la 
profession  d'avocat,  dans  laquelle  il  se 
fit  remarquer  par  les  qualités  essen- 
tielles du  jurisconsulte  :  un  jugement 
sûr,  une  vaste  érudition,  une  grande 
application  au  travail. 

Non-seulement  il  devint  l'un  des 
membres  les  plus  distingués  du  barreau 
de  sa  ville  natale,  mais  il  y  rendit  de 
grands  services  en  acceptant  des  fonc- 
tions pénibles  et  presque  toujours  ou 
gratuites  ou  peu  lucratives,  mais  dans 
lesquelles  il  put  s'initier  à  la  science 
de  l'administration  et  se  préparer  à 
occuper  avec  honneur  des  positions  plus 
importantes.  Il  avait  à  peine  atteint  sa 
majorité  et  terminé  son  stage  quand  le 
gouvernement  français  utilisa  ses  capa- 
cités. Un  arrêté  du  préfet  du  départe- 
ment de  Sambre-et-Meuse,  du  14  ther- 
midor an  XII  (2  août  180-i),  le  désigna 
pour  faire  partie  de  la  commission  admi- 
nistrative des  hospices  de  Xamur  et,  le 
2-i  avril  1811,  un  décret  de  Napoléon  1er 
le  nomma  premier  substitut  du  procureur 
impérial  près  le  tribunal  de  la  même 
ville.  La  chute  de  l'empire  n'eut  pas 
pour  résultat  de  l'éloigner  des  positions 
officielles;  au  contraire,  il  prit  alors  aux 
travaux  administratifs  une  part  plus 
active.  Tandis  qu'un  arrêté  royal  du 
18  décembre  1815  le  nommait  membre 
de  la  régence  namuroise,  et  qu'il  entrait, 
le  It  juin  1818,  par  la  voie  de  l'élec- 
tion, au  conseil  provincial,  il  ne  renon- 
çait pas  à  ses  anciennes  occupations 
judiciaires.  Il  devint,  le  16  décembre 
1815,  juge  suppléant  près  du  tribunal 
de  première  instance  de  Namur;  le  8  fé- 
vrier 1817,  l'avocat  des  domaines  dans 
la  province  de  ce  nom,  et,  le  28  août 
suivant,  l'avocat,  près  des  tribunaux  de 
Namur  et  de  Dinant,  des  administra- 
tions des  impositions  indirectes  et  dos 
convois  et  licences, 

La  révolution  de  1830  le  trouva 
jouissant  d'une  grande  réputation,  et  l'on 
ne  doit  pas  s'étonner  si  ses  concitoyens 
le  choisirent,  le  4  novembre,  comme  dé- 


puté suppléant  au  Congrès  national,  où 
il  entra  définitivement  le  24  février 
1831,  comme  remplaçant  le  baron  de 
Stassart ,  démissionnaire.  Son  mandat 
législatif  lui  fut  continué  par  ses  conci- 
toyens jusqu'en  1848  que,  mis  en  de- 
meure d'opter,  en  vertu  de  la  loi  sur  les 
incompatibilités,  il  donna  la  préférence  à 
sa  position  de  président  du  conseil  des 
mines.  A  la  chambre  des  représentants, 
Fallon  joua  un  rôle  actif,  mais  plus  réel 
que  brillant.  Il  ne  prit  jamais  place 
parmi  les  orateurs  qui  attirent  et  com- 
mandent l'attention;  mais  il  se  fit  dis- 
tinguer par  des  qualités  sérieuses.  On  le 
vit^  en  plusieurs  circonstances,  expri- 
mer son  opinion  avec  une  grande  fran- 
chise :  c'est  ainsi  qu'en  1831-1832  il 
critiqua  l'état  de  siège  imposé  à  la  ville 
de  Gand;  en  1832-1833,11  accusa  le  gou- 
vernement d'avoir  manqué  de  déférence 
envers  la  chambre  et,  à  la  session  sui- 
vante, il  proposa  un  amendement  qui 
impliquait  un  blâme  de  la  conduite  du 
ministère.  Nourri  des  grandes  idées  de 
liberté  qui  avaient  inspiré  les  rédacteurs 
de  la  Constitution  et  qui  dominaient  en- 
core la  plupart  des  membres  des  deux 
chambres,  il  aurait  voulu  asseoir  notre 
régime  municipal  sur  des  bases  plus  larges 
que  celles  qui  sont  inscrites  dans  la  loi 
communale.  Il  refusait  une  voix  délibé- 
rative  au  bourgmestre  qui  serait  choisi 
hors  du  sein  du  conseil  de  la  commune 
et  prétendait  que  les  échevins  devaient 
être  élus  par  leurs  concitoyens,  comme 
cela  s'était  pratiqué  en  1830,  et  non 
désignés  par  le  roi  parmi  les  conseillers; 
ces  deux  points  furent  adoptés  par  la 
chambre  les  7  et  8  mai  1835,  contrai- 
rement à  ce  que  le  sénat  avait  décidé; 
mais,  au  deuxième  vote  de  la  loi,  un  sys- 
tème contraire  prévalut,  malgré  l'oppo- 
sition de  Fallon.  Il  y  eut  alors  de  nou- 
veaux débats,  auxquels  il  participa  moins 
qu'aux  premiers,  mais  il  s'occupa  beau- 
coup de  la  loi  sur  les  naturalisations,  du 
projet  de  loi  sur  les  mines,  du  traité  dea 
vingt-quatre  articles.  Son  influence  était 
devenue  si  grande  qu'il  fut  élu  vice- 
président  en  1832  et  qu'il  ne  quitta  ce 
poste  (sauf  de  1833  à  1835)  que  pour 
devenir  président, le  18  novembre  1839; 


867 


FALLON 


868 


en  1842  (dans  la  séance  du  8  novembre), 
il  allégua  des  motifs  de  santé  pour 
décliner  cet  honneur;  en  réalité,  il 
n'était  plus  en  complète  harmonie 
d'idées  avec  ses  collègues  de  la  droite 
qui  constituaient  alors  la  majorité. 

Un  homme  tel  que  Fallon  ne  pouvait 
passer  inaperçu  dans  un  gouvernement 
constitutionnel,  où  le  talent  a  mille  oc- 
casions de  se  produire  et  se  met  franche- 
ment et  naturellement  en  relief.  Le  roi 
Léopold  1er  l'appela,  le  12  novembre 
1831,  à  occuper  le  poste  de  ministre  de 
l'intérieur,  ce  poste  si  important  auquel 
on  n'avait  pas  alors  enlevé  la  direction 
des  travaux  publics  et  celle  de  l'instruc- 
tion publique;  une  trop  grande  défiance 
de  ses  forces  engagea  Fallon  à  décliner 
cette  position  éminente  et  difficile,  pour 
laquelle  d'ailleurs  il  n'avait  peut-être 
pas  l'aptitude  nécessaire  ;  son  esprit 
studieux  et  tranquille  se  pliait  mieux 
aux  paisibles  travaux  de  cabinet  qu'aux 
occupations  délicates  et  multiples  d'un 
homme  politique.  Cependant,  en  1832, 
lorsque  les  ministres,  peu  de  temps 
avant  le  siège  de  la  citadelle  d'Anvers, 
présentèrent  au  roi  leur  démission  col- 
lective, il  fut  chargé  de  former  une 
nouvelle  administration,  mais  cette  ho 
norable  mission  resta  sans  objet,  les 
ministres  aj'ant  consenti  à  reprendre 
leurs  portefeuilles. 

Originaire  d'une  province  où  les  mines 
entrent  pour  une  large  part  dans  la 
richesse  publique,  Fallon  n'avait  eu 
garde  de  négliger  les  lois  qui  se  ratta- 
chent à  leur  exploitation,  et  chaque  fois 
qu'il  en  était  question  à  la  tribune  na- 
tionale, il  avait  pris  une  part  impor- 
tante à  la  discussion.  Lorsque  le  Conseil 
des  mines  fut  organisé,  il  en  devint  le 
président  et  le  resta  depuis  le  27  mai 
1837  jusqu'au  20  mai  1858,  qu'il  fut 
admis  à  prendre  sa  retraite.  La  législa- 
tion relative  aux  mines  avait  été  négligée 
du  temps  de  l'administration  hollandaise 
et  un  grand  nombre  de  gîtes  houillers 
et  métallifères  n'étaient  ni  explorés,  ni 
utilisés.  Sous  l'influence  du  mouvement 
extraordinaire  que  la  révolution  de  1830 
imprima  aux  esprits,  les  demandes  de 
concessions  affluaient  de  plus  en  plus  ; 


les  examiner  et  y  répondre  réclamait  un 
travail  ardu  et  considérable.  Le  nou- 
veau président  du  conseil  y  prit  la  plus 
large  part,  feuilletant  les  dossiers,  dis- 
cutant les  questions  de  droit  les  plus 
épineuses  avec  une  attention  minu- 
tieuse, et  l'on  peut  dire  que  si  les  ri- 
chesses du  sol  belge  sont  mises  à  profit 
dans  des  proportions  infiniment  plus 
fortes  qu'elles  ne  l'étaient  autrefois,  on 
le  doit  surtout  à  l'activité  qu'il  imprima 
au  service  dont  la  direction  lui  était 
confiée. 

Fallon  fut  encore  chargé,  en  1838, 
de  concert  avec  Dujardin,  depuis  ho- 
noré, comme  lui ,  du  titre  de  baron, 
de  réclamer  de  la  conférence  de  Lon- 
dres des  modifications  au  partage  de 
la  dette  de  l'ancien  royaume  des  Pays- 
Bas,  et,  en  1839,  après  la  conclusion  de 
la  paix,  de  régler,  à  Utrecht,  avec  des 
délégués  de  l'administration  hollan- 
daise, des  intérêts  nombreux  et  compli- 
qués. Chaque  fois  il  s'acquitta  avec 
conscience  de  la  tâche  qu'on  lui  avait 
imposée.  Lors  de  la  discussion  qui  s'en- 
gagea à  la  chambre,  en  séance  secrète, 
du  28  au31janvieret  le  lerfévrier  J  843, 
au  sujet  de  l'exécution  du  traité  conclu 
avec  la  Hollande  le  3  novembre  précé- 
dent, Fallon  rendit  compte  de  la  part 
qu'il  y  avait  prise;  ses  explications  pa- 
rurent si  satisfaisantes,  que  la  chambre 
ordonna  l'impression'  de  son  discours. 
Le  gouvernement  ne  lui  marchanda  pas 
les  récompenses  :  nommé  d'emblée  offi- 
cier de  l'ordre  de  Léopold  le  12  août 
1839,  il  devint  grand-officier  le  1er  juin 
1845  ;  il  fut,  à  la  fois,  décoré  de  la  croix 
de  fer  et  nommé  commandeur  du  Lion 
Néerlandais.  Enfin,  le  15  juin  1858,  le 
roi  lui  accorda  une  distinction  qu'il 
convoitait  ardemment,  plus  pour  les 
siens  que  pour,  lui-même  :  il  fut  créé 
baron,  et  ce  titre  fut  déclaré  transmis- 
sible  à  ses  petits-fils  puînés,  Anatole- 
Jules-Louis  et  Félicien-Frédéric-Marie, 
pour  être  laissé  par  eux  à  leurs  descen- 
dants par  ordre  de  primogéuiture. 

Fallon  ne  survécut  pas  longtemps  à 
sa  retraite  des  affaires  publiques.  Il  mou- 
rut à  Namur,  où  il  avait  conservé  sa 
résidence  habituelle,   à   l'âge  de   qua- 


869 


FALLON 


870 


tre-vingt-uu  ans.  Après  avoir  reposé 
dans  l'ancien  cimetière  de  cette  ville, 
qui  est  devenu  un  magasin  de  bois,  ses 
restes  ont  été  transférés,  en  1866,  au 
nouveau  lieu  d'inhumation,  à  la  Plante, 
où  sa  tombe  attend  encore  une  inscrip- 
tion. Il  a  laissé  les  plus  honorables  sou- 
venirs dans  l'administration  qu'il  a  si 
longtemps  dirigée,  et  où  l'on  se  rap- 
pelle encore  la  bienveillance  de  son 
caractère,  l'étendue  de  ses  connais- 
sances, son  activité  et  son  intégrité. 

Alphonse  Wauters. 

Renseignements  ofiSciels.  —  Hymans,  Histoire 
de  la  Belgique,  passim.  —  Le  Livre  d'or  de 
l'ordre  de  Léopold,  p.  3i0.  —  Discours  (resté 
manuscrit)  prononcé  par  M.  Vinchent,  succes- 
seur de  Fallon  en  qualité  de  président  du  Con- 
seil des  mines. 

FAi.i.o^  {Louis- Auguste),  homme  de 
guerre  et  géographe,  né  à  Namur  en 
1776,  mort  à  Vienne  le  4  septembre 
1828,  fit  ses  études  à  l'Académie  des 
ingénieurs  militaires  de  Vienne,  d'où  il 
sortit  le  1er  septembre  1796.  Il  entra 
dans  l'armée  autrichienne  en  qualité  de 
sous-lieutenantdugénie,  etdèsle  1er  août 
de  l'année  suivante,  il  obtint  le  brevet 
de  lieutenant.  Lorsque,  au  commence- 
ment de  l'année  1799,  une  nouvelle 
guerre  éclata  entre  l'Autriche  et  la 
France,  le  lieutenant  Fallon  fut  attaché 
à  l'état-major  de  l'armée  commandée 
par  l'archiduc  Charles  et  il  assista  aux 
batailles  de  Stockach  et  de  Zurich. 
Nommé  capitaine  le  15  janvier  1803,  il 
passa,  en  cette  qualité,  à  l'état-major  du 
quartier-maître  général  lorsque  en  1805 
l'Autriche,  de  concert  avec  la  Russie, 
entra  de  nouveau  en  lutte  avec  la  France; 
il  assista  à  plusieurs  combats  de  cette 
immortelle  campagne  et  notamment  à  la 
bataille  d'Austerlitz,  où  il  fut  blessé 
après  s'être  vaillamment  conduit.  Le 
18  août  ISO 8,  il  fat  élevé  au  grade  de 
major,  et  en  1809  il  devint  aide  de  camp 
de  l'archiduc  Jean,  chef  d'une  des  trois 
grandes  armées  que  l'Autriche  mit  sur 
pied  contre  la  France.  Les  services  dis- 
tingués que  le  major  Fallon  rendit  dans 
ces  nouvelles  fonctions  lui  valurent  le 
grade  de  lieutenant-colonel  qu'il  obtint 
le  27  septembre,  un  an  seulement  après 


sa  nomination  de  major.  Le  13  octobre 
1813,  il  reçut  le  brevet  de  colonel  et 
après  l'évacuation  de  l'Italie  par  l'ar- 
mée autrichienne,  il  fut  appelé  à  la  di- 
rection générale  du  bureau  topogra- 
phique à  Vienne. 

Dans  cette  position,  le  colonel  Fallon 
rendit  de  grands  services  à  sa  patrie 
d'adoption;  il  rédigea  plusieurs  ouvrages 
fort  estimés,  fit  dresser  la  carte  de  la 
monarchie  autrichienne  et  associa  son 
nom  à  toutes  les  grandes  entreprises 
scientifiques  qui  s'exécutèrent  à  cette 
époque,  notamment  à  la  triangulation 
exécutée,  de  concert,  entre  la  France, 
l'Autriche  et  plusieurs  Etats  italiens 
pour  déterminer  la  longueur  de  l'arc  du 
parallèle  moyen  compris  entre  Bordeaux 
et  la  ville  de  Fiume,  en  Istrie.  Ce  fut 
le  général  Fallon  (il  avait  été  nommé 
général  le  15  juillet  1825)  qui,  par  la 
méthode  des  feux  à  poudre,  détermina 
l'amplitude  astronomique  de  l'arc  com- 
pris entre  la  tour  de  Saint-Justin  de 
Padoue  et  celle  de  Fiume.  Ces  observa- 
tions délicates,  qui  furent  insérées  dans 
les  EpJiémérides  de  Milan  pour  l'an- 
née 1829,  se  composaient  de  quatre- 
vingt-dix  feux  à  poudre,  groupés  de  dix 
en  dix  et  donnés,  pendant  neuf  jours  sur 
le  Monte  Maggiore  par  les  officiers  de 
l'état-major  autrichien.  Ces  feux  étaient 
observés  simultanément  dans  la  tour  de 
Saint-Marc  à  Venise  par  les  officiers  au- 
trichiens, à  l'Observatoire  de  Padoue  par 
le  professeur  Santini  et  par  le  général 
Fallon  dans  le  jardin  Scarpa,  près  de 
Fiume,  au  point  précis  où  M.  Biot  de 
l'Institut  de  France  avait  fait,  en  1825, 
des  observations  azimuthales  et  de  lon- 
gueur de  pendule  simple.  Les  résultats 
de  ces  neuf  séries  de  feux  à  poudre, 
obtenus  dans  l'intervalle  du  15  août  au 
3  septembre  1827,  présentaient,  dit  le 
colonel  Broussaud  dans  son  remarqua- 
ble travail  sur  la  mesure  d'un  arc  de  pa- 
rallèle moyen  entre  le  pôle  et  Véqtiateur, 
une  exactitude  qui  doit  inspirer  une 
grande  confiance,  puisque,  en  admettant 
que  ces  observations  ne  sont  pas  aflFectées 
d'une  erreur  constante,  le  calcul  des 
probabilités  fait  voir  que  l'erreur  pro- 
bable du  résultat   moyen   ne  surpasse 


871 


FALLON  —  FALLOT-LAURILLARD 


87^2 


point  huit  centièmes  (0,08)  de  seconde  de 
temps. 

Parmi  les  ouvrages  que  publia  le  gé- 
néral Fallon,  le  plus  considérable  est 
sans  contredit  la  carte  en  neuf  feuilles 
de  l'smpire  d'Autriche  à  l'échelle  de 
1,864,000.  Elle  porte  le  titre  suivant  : 
Bas  œderreicTiuche  Kaiserthum  mit  be- 
trachtlichen  TJieilen  der  angrenzenden 
Staaten.  Cette  carte  est  gravée  sur  cuivre 
et  elle  fut  publiée  pour  la  première  fois 
en  1822.  Dès  son  apparition,  ce  remar- 
quable travail  fut  rangé  au  nombre  des 
plus  parfaits  qu'on  eût  possédés  jus- 
qu'alors; c'était,  en  effet,  un  véritable 
monument. 

Le  général  Fallon  est  encore  auteur 
d'un  ouvrage  intitulé  :  Hypsometrie  von 
Œsterreich  mit  Karten.  Ce  livre  fut  publié 
à  Vienne  en  1825,  après  la  mort  de 
l'auteur  j    il   est   chaque   jour   consulté 

avec  fruit.  Céueral  biron  Guillaume. 

Archives  militaires  de  Vienne.  —  Ephémérides 
de  Milan  pour  1829.  —  Biot,  Traité  élémentaire 
d'astronomie  et  de  physique.  —  Broussaud,  la 
mesure  d'un  arc  de  parallèle  moyen  entre  le  pôle 
et  Féquateur.  —  Paissant.  IS'ouvelle  description 
géométrique  de  la  France.  —  Guillaume,  Notice 
biographique  sur  le  général  Fallon.  -  Papiers  de 
famille. 

F.4I.I.OT  -  L.%i]RiLL.%RD  (  Cliarles- 
Guillaume- Antoine) ,  ofBcier  du  génie, 
écrivain  stratégiste.  Le  nom  de  Fallot 
est  celui  sous  lequel  ont  été  générale- 
ment connus  en  Belgique  deux  frères 
qui  y  ont  laissé  les  plus  honorables  sou- 
venirs. Leur  nom  patronymique  était 
Laurillard.  Les  familles  Laurillard  et 
Fallot ,  victimes  de  la  révocation  de 
l'édit  de  Nantes,  s'étaient  réfugiées 
en  1685  en  Hollande,  et  c'est  là  qu'elles 
s'unirent,  et  de  cette  alliance  naquit  le 
10  février  1787,  à  La  Haye,  Charles- 
Guillaume-Antoine  ,  lequel  mourut  à 
Bruxelles  le  18  septembre  1842.  Son 
père  était  médecin.  Le  soin  de  sa  clien- 
tèle absorbait  tous  ses  moments  et  ne 
lui  laissait  point  le  loisir  de  s'occuper 
de  l'éducation  de  ses  enfants;  mais  il 
était  suppléé  dans  cette  tâche  par  une 
épouse  douée  d'autant  d'intelligence 
que  de  vertus  et  qui  s'appliqua  à  faire 
germer  dans  le  cœur  de  ses  enfants  le 
sentiment   religieux    en    même    temps 


qu'elle  ornait  leur  esprit.  Le  jeune 
Charles  ne  jouit  pas  longtemps  de  ce 
précieux  enseignement;  il  n'avait  que 
dix  ans  quand  la  mort  lui  enleva  cette 
institutrice  que  nous  donne  la  nature 
et  que  rien  ne  remplace.  La  suite  de 
ses  études  s'en  ressentit,  et  c'est  à  l'in- 
fluence d'un  parent,  officier  d'artille- 
rie, qu'il  dut  de  pouvoir  aborder,  dans 
d'assez  bonnes  conditions,  la  carrière  des 
armes.  Il  fut  admis,  à  l'âge  de  treize 
ans  (le  17  août  1800),  comme  élève  d'ar- 
tillerie, et  fit,  muni  du  grade  d'élève 
sous-officier,  la  campagne  de  Hanovre, 
en  1806.  Nommé  sous-lieutenant  dans 
les  armes  du  génie  et  de  l'artillerie  de 
l'armée  hollandaise  en  1807,  il  fit  partie 
de  la  division  envoyée  en  Espagne.  Les 
premiers  faits  d'armes  auxquels  il  prit 
part  sont  le  combat  sanglant  de  Du- 
rango  (appelé  aussi  de  Zornoso)  le  31  oc- 
tobre, et  la  prise  de  Bilbao,  le  1er  no- 
vembre 1808.  Employé,  durant  l'hiver 
qui  suivit,  à  l'établissement  des  fortifi- 
cations de  ^ladrid,  il  rejoignit  l'armée 
active  au  mois  de  mars  et  assista  aux 
batailles  de  Medellin,  le  28  mars,  et  de 
Talavera,  le  28  juillet  1809.  S'étant 
particulièrement  distingué  à  cette  occa- 
sion, il  fut  proposé  pour  la  Légion  d'hon- 
neur, et  pour  le  grade  de  lieutenant  ; 
mais  il  n'obtint  que  l'avancemont  et  non 
la  décoration. 

Rappelé  dans  sa  patrie  vers  la  fin 
d'août  de  cette  même  année,  il  se  trou- 
vait de  retour  à  La  Haye  le  4  octobre, 
n  fut  alors  attaché  au  bureau  de  la 
guerre  pour  les  travaux  géodésiques.  Le 
royaume  de  Hollande  ayant  été  sup- 
primé et  incorporé  dans  le  vaste  empire 
français,  C.  Fallot  fut  envoyé,  en  qua- 
lité d'officier  d'état-major  du  génie,  à 
La  Rochelle,  en  mai  1811.  Il  ne  de- 
meura pas  longtemps  dans  cette  situation 
relativement  peu  active.  Le  14  juillet, 
il  reçut  l'ordre  de  rejoindre  l'armée  de 
Catalogne  commandée  par  le  maréchal 
Macdonald.  Il  trouva  en  arrivant  le 
brevet  de  capitaine,  et  c'est  en  cette 
qualité  qu'il  prit  part  au  siège  de  Fi- 
guières  et  pénétra  dans  cette  place,  qui 
capitula  le  19  août.  Les  travaux  extraor- 
dinaires qu'il  avait  acceptés  pendant  ce 


873 


FALLOT-LAURILLARD 


874 


siège,  bien  que  ses  forces  fussent  affai- 
blies par  la  fièvre,  l'obligèrent,  dès  le 
lendemain,  de  se  faire  transporter  à 
l'hôpital  de  Perpignan.  On  peut  attri- 
buer les  fièvres  intermittentes,  qui  le 
tourmentèrent  à  maintes  reprises  pen- 
dant tout  le  reste  de  son  existence,  aux 
fatigues  et  aux  privations  qu'il  avait 
supportées  durant  cette  campagne. 

Dès  qu'il  put  reprendre  son  service, 
il  fut  envoyé  à  l'île  d'Oléron  qu'on 
craignait  de  voir  attaquée  par  les  An- 
glais. Fallot  fut  chargé  de  mettre  cette 
île  en  état  de  défense. 

L'année  1813,  qui  vit  s'aggraver  les 
désastres  de  l'empire  français,  offrit  à 
Fallot  un  nouveau  théâtre.  Une  armée 
d'observation  se  réunissait  à  Udine, 
sous  les  ordres  du  prince  Eugène  de 
Beauharnais  ;  il  y  fut  envoyé  et  prit  une 
part  importante  aux  opérations  qui  si- 
gnalèrent la  savante  retraite  du  vice-roi 
dans  le  Tyrol  inférieur.  A  la  journée  de 
Bassano,  il  mérita  d'être  mis  à  l'ordre 
du  jour  de  l'armée.  Il  avait  été  chargé 
de  reconnaître  les  positions  de  l'ennemi 
et,  sous  le  feu  des  tirailleurs  tyroliens, 
il  avait  levé  tous  les  points  occupés  par 
les  troupes  autrichiennes.  L'étoile  de  la 
Légion  d'honneur  qui,  pour  la  seconde 
fois  lui  était  promise  sur  un  champ  de 
bataille,  lui  fut  enfin  décernée;  il  en 
reçut  le  brevet  le  3  décembre.  Ses  ser- 
vices ne  furent  ni  moins  importants  ni 
moins  appréciés  aux  combats  de  Cal- 
diero,  le  15  novembre,  de  Castagnero, 
le  4  décembre  1813,  et  de  Minao,  le 
8  février  1814.  Fallot  pouvait  donc 
croire  qu'un  brillant  avenir  allait  s'ou- 
vrir devant  lui.  Capitaine  à  vingt-sept 
ans,  et  décoré,  que  ne  pouvait-il  pas 
espérer  dans  une  armée  toujours  en 
mouvement  et  où  la  mort  faisait  tant  de 
vides  !  La  chute  de  l'empire  vint  inter- 
rompre une  carrière  si  bien  commencée. 
Dégagé  de  son  serment  par  l'abdication 
de  Fontainebleau,  il  rentra  dans  sa 
patrie,  mais  ne  fut  incorporé  à  l'armée 
des  Pays-Bas  que  le  8  décembre  1815. 
Il  n'eut  donc  point  la  douleur  de  com- 
battre ses  anciens  frères  d'armes  dans  les 
plaines  de  Waterloo. 

Son  grade  lui  avait  été  conservé  ;  mais 


il  n'avait  pas  reçu  d'avancement  lors- 
que, en  1826,  il  quitta  le  service.  Il 
avait  pourtant  été  activement  employé  ; 
c'est  lui  qui  avait  étudié  et  fait  exécuter 
les  fortifications  de  la  ville  de  Menin. 
La  croix  de  l'ordre  militaire  de  Guil- 
laume lui  avait  été  décernée  en  1823. 
Lorsque  cette  grande  entreprise  fut 
terminée,  il  aurait  voulu  prendre  sa 
retraite,  mais  le  prince  Frédéric,  alors 
ministre  de  la  guerre,  qui  avait  pour 
Fallot  beaucoup  d'estime,  lui  accorda  la 
jouissance  du  traitement  de  non-activité. 
Il  n'avait  que  trente-neuf  ans;  mais  il 
payait  de  sa  personne  depuis  l'âge  de 
treize  ans,  il  avait  bien  le  droit  de  jouir 
enfin  du  repos.  Il  se  retira  à  Xamur  où 
il  se  maria  en  février  1828.  C'est  dans 
cette  situation  que  le  trouva  la  révolu- 
tion qui  eut  pour  conséquence  la  sépa- 
ration des  deux  parties  constituant  le 
royaume  des  Pays-Bas. 

Ce  qui  avait  décidé  son  choix  en  fa- 
veur des  bords  de  la  Meuse,  c'est  d'abord 
la  présence  à  Xamur  de  son  frère  aîné, 
Louis,  le  docteur,  qui  s'y  était  marié 
en  1817,  et  ensuite  la  prédilection  qu'il 
a  toujours  montrée  pour  les  sites  pitto- 
resques du  fleuve  qui  baigne-  les  rem- 
parts de  cette  forteresse. 

Durant  la  nouvelle  interruption  de 
ses  services  militaires,  il  ne  demeura 
point  oisi^.  Il  occupa  ses  loisirs  par  des 
travaux  scientifiques  et  littéraires  et,  ne 
pouvant  se  passer  d'activité  physique,  il 
remplit  les  fonctions  d'ingénieur  civil 
et  construisit  plusieurs  routes,  notam- 
ment celle  de  Dînant  à  Neufchâteau. 

Devenu  Belge  après  la  séparation  des 
deux  parties  qui  avaient  constitué  le 
royaume  des  Pays-Bas,  le  capitaine  Fal- 
lot ne  fat  cependant  rétabli  sur  les  cadres 
de  l'armée  qu'en  février  1834  et  n'ob- 
tint que  l'année  suivante  le  grade  de 
major.  Il  était  entré  comme  professeur 
du  cours  d'art  militaire  et  de  fortijica- 
tioti  dans  le  personnel  enseignant  de 
l'école  militaire  nouvellement  créée  à 
Bruxelles,  Il  conserva  cette  fonction 
jusqu'à  sa  mort.  Les  autorités  les  plus 
compétentes  ont  rendu  hommage  à  l'ex- 
cellence de  ses  leçons  dont  on  peut  d'ail- 
leurs apprécier  le  mérite  au  moyen  des 


87S 


FALLOT-LAURILLARD 


876 


écrits  que  l'habile  professeur  a  laissés. 
Ses  travaux  théoriques  s'appuyaient  en- 
core, même  durant  cette  période,  de 
l'expérience  pratique.  A  la  demande  du 
ministre  de  la  guerre,  il  avait  accepté 
de  s'occuper  des  projets  de  fortification 
de  Diest.  Lorsque  le  ministre  Desmai- 
sières  proposa  au  roi  d'organiser  la  com- 
mission chargée  de  publier  les  Annales 
des  travaux  publics ,  le  professeur  eut  sa 
place  marquée  dans  cette  commission, 
dont  il  fut  nommé  secrétaire  par  arrêté 
royal  du  8  novembre  1841.  Il  ne  devait 
pas  conserver  longtemps  ces  fonctions, 
dans  lesquelles  il  déploya  pourtant  un 
zèle  et  une  activité  qui  ne  cédèrent  que 
devant  la  maladie,  forcé  qu'il  fut,  dès 
l'été  suivant,  d'aller  demander  aux  eaux 
de  TViesbaden  le  rétablissement  de  sa 
santé. 

La  croix  de  l'ordre  de  Léopold  vint 
se  joindre  sur  sa  poitrine  à  la  Légion 
d'honneur  et  à  l'ordre  militaire  de  Guil- 
laume, témoignage  des  services  qu'il 
avait  rendus  à  sa  patrie  sous  les  trois 
régimes  auxquels  elle  avait  été  soumise 
pendant  les  quarante  dernières  années. 
Voici  le  relevé  des  travaux  scientifiques 
et  littéraires  qui  ont  été  le  produit  de 
l'activité  intellectuelle  de  Charles  Fal- 
lût :  lo  De  V application  de  la  vapeur  à  la 
défense  des  places  fortes.  Ce  mémoire , 
divisé  en  six  chapitres ,  rédigé  vers 
1833,  avait  attiré  l'attention  de  l'au- 
torité sur  le  savant  officier  et  déter- 
miné le  gouvernement  à  lui  confier  un 
cours  à  l'école  militaire.  Il  ne  fut  tou- 
tefois imprimé  qu'en  1843  ,  après  la 
mort  de  l'auteur,  dans  les  trois  pre- 
mières livraisons  du  tome  troisième  de 
la  Revue  militaire  belge . — 2»  Cours  d'art 
militaire,  ou  leçons  sur  Vart  militaire 
et  les  fortifications.  Les  deux  premières 
parties,  publiées  en  1837,  traitent  de 
la  tactique  et  de  la  fortification  de  cam- 
pagne; la  troisième  (1839),  de  l'histoire 
de  la  fortification  permanente;  la  qua- 
trième (1841),  de  l'application  des  prin- 
cipes de  la  fortification  aux  terrains 
accidentés.  La  cinquième  partie  pose 
d'une  manière  spéciale  les  règles  de  l'at- 
taque et  de  la  défense  des  places.  Cette 
partie  a  été  publiée,  après  la   mort  de 


l'auteur,  par  les  soins  du  capitaine  La- 
grange.  Ce  livre  eut  un  grand  succès 
auprès  des  principales  puissances  mili- 
taires de  l'Europe.  —  S^  De  la  neutra- 
lité de  la  Belf/ique  et  de  l'armée,  brochure 
in-B^,  qui  parut  en  1839,  chez  Demat,  à 
Bruxelles,  avait  pour  épigraphe  ce  dic- 
ton populaire  :  Qui  se  fait  brebis,  le  loup 
le  mange,  indiquant  suffisamment  dans 
quel  esprit  elle  était  écrite. 

On  ne  peut  omettre  une  autre  publi- 
cation, d'un  caractère  tout  diff"érent,  et 
qui  témoigne  de  la  variété  des  aptitudes 
et  de  l'enjouement  que  cet  esprit  sérieux 
savait  quelquefois  manifester.  Le  petit 
volume  in-18,  imprimé  en  1835  chez 
Collardin,  à  Liège  et  portant  le  titre  de 
Canzoniere,  range  Ch.  Fallot  parmi  les 
meilleurs  chansonniers  de  notre  pays.  Le 
baron  de  Stassart,  qui  a  consacré  à 
C.  Fallût,  dans  les  Annales  des  travaux 
publics,  une  notice  aussi  élégante  par  la 
forme  quevéridique  pour  le  fond,  appré- 
cie ce  petit  volume  en  ces  termes  : 
"  Sous  la  modeste  forme  de  chansons, 
"  s'y  trouvent  fondus,  avec  un  talent 
"  fort  remarquable ,  la  malice  et  la 
"  bonhomie;  l'esprit  et  le  naturel;  la 
"  philosophie  la  plus  élevée,  la  sensi- 
"  bilité  la  plus  exquise  et  la  gaieté  la 
"  plus  franche,  la  plus  expansive.  Je 
"  n'ai  rien  vu  dans  les  meilleurs  chan- 
"  sonniers  français,  de  plus  attachant 
"  que  la  Dédicace,  la  Belgique,  le  Pont 
Il  aux  ânes,  les  Consolations,  la  Fin  du 
Il  monde,  la  Crémaillère ,  le  Départ,  En 
Il  avant,  V Arc  de  triomphe  de  VEtoile, 
Il  V Aveugle,  les  Revenants...  .Te  n'hésite 
«  pas  à  le  dire,  Désaugiers  et  Béranger 
'/  ne  désavoueraient  point  ces  char- 
«  mantes  pièces  et  vingt  autres  que  je 
"  pourrais  citer.  J'ai  besoin  toutefois 
Il  d'ajouter,  pour  être  bien  compris. 
Il  qu'elles  ne  brillent  pas  de  cet  admi- 
"  rable  coloris  poétique  de  trente  à 
"  quarante  chefs-d'œuvre  qui  font  de 
•  l'auteur  du  Dieu  des  bonnes  gens  un 
"  homme  à  part  et  le  placent  au  pre- 
»    mier  rang  de  nos  poètes  lyriques.  » 

Ce  petit  volume,  qui  compte  280  pages, 
n'est  pas  tout  entier  de  Charles.  Il  con- 
tient plusieurs  pièces  de  Louis,  le  frère 
aîné,   le  docteur  que  l'Académie  royale 


877 


FALLOT-LAURILLARD  -  FALLÛT  DE  BEAUMONT 


878 


de  médecine  de  Belgique  a  compté  parmi 
ses  illustres  présidents.  C'est  ce  que 
nous  apprend  un  passage  de  la  courte 
préface.  »  Toutes  ces  chansons,  cepen- 
«  dant,  ne  sont  pas  de  moi;  mais  celles 
Il  qui  ne  me  sont  pas  propres  partent 
»  d'une  main  si  chère,  si  étroitement 
Il  unie  à  la  mienne  qu'on  peut  les  con- 
II  fondre  sans  inconvénient.  Si  l'on  ren- 
II  contre  quelques  couplets  dont  la  pen- 
II  sée  est  plus  délicate,  la  tournure  plus 
Il  vive,  l'expression  plus  heureuse,  on 
Il  peut  les  attribuer  à  mon  frère;  ni  l'un 
Il  ni  l'autre,  nous  n'aurons  droit  de 
Il   nous  plaindre.  « 

Charles  Fallot  a  laissé  plusieurs  tra- 
vaux inédits  qui  ne  sont  pas  sans  impor- 
tance et  qui  présentent  au  moins  un 
certain  intérêt  anecdotique.  De  1806 
à  1814,  il  a  tenu  un  journal  de  ses 
voyages,  de  ses  relations  de  service  et 
de  société,  des  événements  auxquels  il 
a  participé.  Ayant  contracté  l'habitude 
de  tenir  note  de  l'impression  qu'il  res- 
sentait de  ses  lectures,  il  a  écrit  un 
énorme  volume  in-folio  dans  lequel  est 
consignée  l'analyse  de  plus  de  cinq  cents 
ouvrages  sur  toute  sorte  de  matières  : 
histoire,  politique,  voyages,  œuvres 
scientifiques,  poésies,  romans,  beaux- 
arts,  etc.  Ce  manuscrit  renferme  en 
outre  de  piquantes  anecdotes  parmi  les- 
quelles son  biographe,  M.  le  baron  de 
Stassart,  a  exhumé  celle  qui  a  rapport  à 
l'offre  de  la  couronne  de  Belgique  que 
M.  J.  Lebeau  aurait  faite  au  général 
La  Fayette. 

C.  Fallot  s'est  aussi  essayé  dans  le 
roman  et  dans  l'art  dramatique.  On  a 
trouvé  après  sa  mort,  parmi  ses  papiers 
une  nouvelle  intitulée  :  Les  Deux  Com- 
tesses, et  quatre  vaudevilles  :  La  Croi- 
sade ou  le  Départ  pour  la  Grèce;  A  bon 
chat  hon  rat;  V  Avoué  comédien,  et  la  Sen- 
sibilité ou  V Homme  des  métaphores. 

Charles  Fallot,  aussi  bien  que  son 
frère  Louis,  a  montré  que  les  hommes 
les  plus  éminents  peuvent  allier  à  l'étude 
sérieuse  des  sciences  le  goût  de  la  poésie 
et  que,  pour  être  un  illustre  médecin  et 
un  ingénieur  excellent,  il  n'est  pas  ab- 
solument nécessaire  d'avoir  fait  divorce 
avec  les  lettres  et  les  arts.         l.  Aivio. 


*  FAI.I.OT  OE  BEACMOiîT  {Etieune- 
André-François  de  Paule),  évêque  de 
Gand,  né  à  Avignon  le  1er  avril  1750. 
mort  à  Paris  le  26  octobre  183.5.  Il  des- 
cendait d'une  ancienne  et  noble  famille, 
embrassa  l'état  ecclésiastique,  devint 
successivement  vicaire  général  de  Blois, 
coadjuteur  de  l'évêque  de  Vaison  dans 
le  comtat  d'Avignon,  puis  évêque  en 
titre,  mais  il  vit  supprimer  son  siège  par 
la  Constitution  civile  du  clergé,  fut  forcé 
de  chercher  un  asile  dans  les  Etats  pon- 
tificaux en  Italie,  et  de  donner  sa  démis- 
sion en  1801,  lorsque  Pie  VI  la  demanda 
à  tous  les  évêques  français.  L'année  sui- 
vante, Napoléon  le  nomma  évêque  de 
Gand  ;  il  reçut  sa  nomination  canonique 
le  15  mai  1802,  vint  résider  dans  sa 
ville  épiscopale  dès  le  mois  suivant  et 
s'occupa  immédiatement  de  l'organi- 
sation de  son  vaste  diocèse,  qui  com- 
prenait alors  les  départements  de  l'Es- 
caut et  de  la  Lys  avec  une  population 
de  plus  de  1,200,000  âmes.  Le  15  juil- 
let suivant,  il  institua,  pour  l'adminis- 
tration diocésaine  et,  particulièrement, 
pour  le  district  de  Gand,  qu'il  s'était 
réservé,  un  conseil  épiscopal,  érigea, 
pour  la  partie  soumise  autrefois  aux 
Etats  de  Hollande,  quatre  cures  secon- 
daires qu'il  pourvut  d'églises,  et  obtint, 
grâce  à  ses  Wves  instances,  le  décret  du 
30  novembre  1S02,  créant  plusieurs 
nouvelles  paroisses  et  succursales,  La 
même  année,  en  vertu  des  pleins  pou- 
voirs reçus  du  cardinal  légat,  il  orga- 
nisa son  chapitre  cathédral  et  érigea 
vingt  nouveaux  doyennés.  Le  concordat 
ayant  aboli  tous  les  privilèges  et  usages 
des  anciens  chapitres,  l'évêque  dressa 
de  nouveaux  statuts,  qui  reçurent  l'ap- 
probation du  cardinal-légat  et  du  gou- 
vernement impérial.  Il  formula  les 
instructions  pour  les  confesseurs  et  les 
prédicateurs  ainsi  que  sur  les  cas  réser- 
vés; cette  matière  difficile  fut  éclaircie, 
par  ordre  du  prélat,  dans  un  petit  ou- 
vrage publié  en  1805,  où  tous  les  doutes 
sont  levés  par  l'explication  authentique 
de  l'ordinaire. 

Pour  parvenir  à  s'entourer  d'un  clergé 
instruit,  il  remit  en  pratique  les  exa- 
mens et   les   concours.    C'est  dans   le 


879 


FALLOT  DE  BEAUMONT  —  FANTON-LEKEU 


880 


même  but  qu'il  travailla  avec  tant  de 
zèle  à  l'établissement  de  son  séminaire, 
où  il  créa  un  cours  de  philosophie,  y 
réunissant,  en  même  temps,  un  collège 
ou  petit  séminaire,  transféré  plus  tard 
à  l'ancien  couvent  de  Sainte -Barbe,  que 
le  séminaire  venait  d'acquérir  par  dona- 
tion. L'évêque  avait  aussi  établi  un 
petit  séminaire  à  Roulers.  On  lui  doit 
encore  plusieurs  instructions  pastorales, 
destinées  à  inculquer  au  prêtre  l'obliga- 
tion d'édifier  le  peuple  par  ses  œuvres, 
ses  paroles,  son  maintien,  et  d'utiliser 
ses  talents;  il  encouragea  particulière- 
ment la  pratique  des  retraites  ecclé- 
siastiques. C'est  de  la  Flandre  que  ces 
réunions  sacerdotales,  consacrées  au 
recueillement,  furent  étendues,  long- 
temps après,  à  d'autres  diocèses  de  la 
Belgique. 

On  sait  que,  par  suite  de  la  suppres- 
sion des  couvents  et  des  corporations 
religieuses,  le  pape  avait  soumis  le 
clergé  régulier  à  la  juridiction  de  l'or- 
dinaire. Mgr  de  Beaumont  adressa,  le 
28  novembre  1803,  aux  religieux  de- 
meurant dans  son  diocèse,  une  instruc- 
tion paternelle,  afin  de  les  assurer  de 
sa  bienveillance;  il  ne  pouvait  d'abord 
les  placer  tous  ;  mais  pour  leur  faciliter 
la  vie  commune,  il  érigea  en  succur- 
sales l'église  des  Augustins  et  celle  de 
Sainte-Anne  à  Gand,  comme  il  avait  érigé 
en  oratoires  publics  les  églises  des  Do- 
minicains, des  Carmes  chaussés  et  dé- 
chaussés; il  en  avait  confié  l'administra- 
tion aux  religieux  respectifs.  Il  en  fit  de 
même  dans  d'autres  endroits  du  dio- 
cèse. 

En  1807,  Mgr.  Fallot  de  Beaumont 
fut  transféré  au  siège  de  Plaisance  et 
eut  pour  successeur  à  Gand  le  prince  de 
Broglie.  Ici  nous  entrons  dans  une  nou- 
velle phase  de  la  carrière  de  De  Beau- 
mont. Lors  du  concile  de  1811,  il 
compta  parmi  les  prélats  les  plus  dé- 
voués à  la  politique  de  Napoléon  ;  aussi 
fit-il  partie  de  la  députation  envoyée  à 
Kome,  au  mois  d'août,  pour  obtenir  du 
pape  quelques  concessions.  En  1813,  il 
fut  nommé  au  siège  archiépiscopal  de 
Bourges,  dont  il  prit  possession,  sans 
cependant  recevoir  des  bulles  d'institu- 


tion. Lors  des  cent  jours  (mars  1816), 
Napoléon  le  nomma  son  premier  aumô- 
nier et  le  fit  entrer  ensuite  à  la  chambre 
des  pairs.  Ce  fut  lui  qui,  à  la  cérémonie 
du  Champ  de  Mars,  présenta  le  livre 
des  évangiles  à  l'empereur  pour  faire  le 
serment.  Enfin,  en  1816,  il  renonça  à 
son  évêché  de  Plaisance,  dont  il  était 
encore  titulaire,  obtint  une  pension  de 
l'archiduchesse  et  se  retira  à  Paris,  oii 

il  mourut.  Aug.  Vander  Meersch. 

Journal  historique  et  littéraire  de  Liéqe,  t.  II. 
p.  427.  y  '         . 

FAWMics  (Guillaume)  ou  Fanius, 
chanoine  de  Saint-Materne  "  dans  la 
cathédrale  de  Liège  « ,  dit  Abry,  naquit 
vers  le  milieu  du  xvie  siècle  ;  il  vivait 
encore  en  1608.  Jean  de  Rieux  (Rivius), 
docteur  en  théologie  et  moine  augustin 
à  Louvain,  possédait  les  manuscrits  auto- 
graphes de  trois  ouvrages  de  la  composi- 
tion de  Fannius,  savoir  :  Chronicon  uni- 
versale ,  potissimum  hujus  patria  ;  —  De 
vita  S.  Jnliance  (Sainte  Julienne  de  Cor- 
nillon)  et  institidione  Ven.  Sacramenti; 
—  Vita  S.  Annœ.  Le  P.  Bertholet  cite 
Fannius  dans  la  préface  de  son  Histoire 
de  V institution  de  la  Fête-Dieu. 

Alphonse  Le  Roy. 
Abry.  —  Foppens,  Bibl.  belgica,  t.  1. 

FAXTOX-tEKEC  (H.-J.  -Ferdinand), 
paysagiste,  né  à  Liège  vers  1791,  y 
mourut  le  28  juin  1858.  Vivroux  fut 
son  professeur  de  dessin  ;  Hennequin  et 
ensuite  Eug.  Verboeckhoven  lui  appri- 
rent à  manier  le  pinceau.  L'influence  de 
ce  dernier  maître  est  sensible  dans  ses 
meilleures  compositions,  celles  où  figu- 
rent des  moutons.  On  connaît  de  lui, 
outre  quelques  tableaux,  un  assez  grand 
nombre  de  dessins  à  la  mine  de  plomb, 
d'une  touche  élégante  et  délicate,  qui 
lui  valurent  une  médaille  au  salon  de  la 
Société  d'Emulation.  Il  dessinait  aussi 
à  l'encre  de  Chine;  la  collection  de 
l'université  de  Liège  renferme  quelques 
intéressants  spécimens  de  son  talent, 
entre  autres  une  Vue  des  ruines  de  la 
cathédrale  de  Saint- Lambert,  une  Scène 
de  buveurs,  etc.;  comme  peintre,  il  a 
laissé  une  Vue  prise  aux  environs  de 
Chaud  fontaine ,    des   Paysages  avec  bes- 


881 


FANTON-LEKEU  —  FARDÉ 


88-2 


tiaux,  un  Clair  de  lune,  des  Effets  de 
soleil  couchant,  etc.  Fanton  était  d'une 
modestie  excessive  ;  moins  défiant  de 
lui-même,  avec  un  peu  plus  d'initiative, 
il  eût  certainement  obtenu  mieux  que 
des  succès  d'estime.  Ses  dessins  n'ont 
pas  cessé  d'être  recherchés. 

Alphonse  Le  Ror. 

Becdelièvre.  —  Piron,  Byvoeqsel.  —  L'I.  Capi- 
taine, Nécrologe  liégeois  dSoS;.  —  Ad.  Siret, 
l)icc.  des  peint/es.  —  Renier.  Catalogue  des  des- 
sins de  la  collection  de  Liège.  —  Souvenirs  per- 
sonnels. 

FARABERT      OU      PhARABERT  , 

XLIe  évêque  de  Liège  et  abbé  de 
Lobbes,  fut  élevé  à  cette  double  dignité 
en  947  et  mourut  le  28  août  953.  Jean 
d'Outremeuse  le  dit  fils  d'un  comte  de 
Saint-Pol  et,  par  sa  mère,  petit-fils  d'un 
comte  de  Xamur  :  on  sait  à  quoi  s'en 
tenir  sur  les  généalogies  fantaisistes  du 
bon  chroniqueur.  Ce  qu'il  y  a  de  positif, 
c'est  que  Farabert  fut  tiré  du  monastère 
de  Prûm  et  qu'il  ne  brilla  guère,  lors- 
qu'il se  vit  appelé  à  diriger  celui  de 
Lobbes,  par  son  zèle  à  y  faire  observer 
la  discipline  et  la  frugalité  :  il  est  vrai 
qu'au  milieu  de  ce  malheureux  xe  siècle, 
l'anarchie  et  le  relâchement  régnaient 
un  peu  partput,  dans  les  cloîtres  comme 
dans  les  cours.  En  948,  notre  prélat  fut 
appelé  à  siéger  au  concile  d'Ingelheim, 
où  fut  excommunié  Hugues,  comte  de 
Paris,  "  usurpateur  du  siège  de  Eeims  « . 
Rentré  dans  son  diocèse,  il  consacra  ses 
soins  à  l'agrandir  et  à  en  régulariser 
l'administration.  C'est  ainsi  que,  d'une 
part,  il  obtint  de  l'empereur  Othon, 
en  949,  à  la  demande  du  duc  Conrad, 
l'annexion  du  monastère  d'Eyck  (près 
Maeseyck)  à  l'église  de  Liège,  et  que, 
d'autre  part,  il  divisa  en  paroisses  sa 
ville  diocésaine  et  fit  bâtir  plusieurs 
nouveaux  temples.  Fisen  rapporte  que 
saint  Gérard,  obligé  de  se  rendre  en 
France,  alla  le  voir  pour  le  prier  de 
prendre  sous  sa  protection  l'abbaye  de 
Brogne  aussi  longtemps  qu'il  resterait 
absent  ;  nous  croyons  qu'il  y  a  ici  confu- 
sion (voir  de  Marne,  Hist.  de  Namur). 
De  même  que  ses  prédécesseurs,  Fara- 
bert s'attacha  fermement  à  la  politique 
des  empereurs  et  contribua,  pour  autant 
qu'il  fut  en  lui,  à  réprimer  les  tentatives 


d'insurrection  des  seigneurs  lotharin- 
giens.  Sa  mort  coïncide  à  peu  près  avec 
l'avènement  de  Brunon  le  Grand  au 
duché  de  Lotharingie;  il  eut  pour  suc- 
cesseur à  Liège  le  célèbre  Rathère. 

ÂlpboDEe  Le  Roy. 

Les  historiens  liégeois.  —  Wauters,  Table  det 
diplômes,  etc. 

FARCIE  {Jacques  »e),  écrivain  ecclé- 
siastique, né  dans  la  partie  wallonne 
de  l'ancien  duché  de  Brabant,  versl570 
ou  1580,  mort  le  22  août  1633.  Il  prit 
l'habit  des  frères  mineurs  ou  récollets, 
s'appliqua  particulièrement  au  minis- 
tère de  la  chaire  et  s'acquit  un  certain 
renom  comme  prédicateur.  La  théologie 
morale,  dont  il  fut  assez  longtemps  lec- 
teur, était  l'objet  de  ses  études  favo- 
rites. Son  mérite  l'éleva  aux  emplois 
et  lui  procura  plusieurs  fois  la  charge 
de  gardien.  Il  connaissait  parfaitement 
plusieurs  langues  étrangères.  Envoyé  à 
Maestricht  pour  le  service  des  malades, 
il  y  contracta  les  germes  d'une  maladie 
qui  l'emporta  au  tombeau,  au  couvent 
de  Weert,  dans  le  Limbourg.  On  lui 
doit,  indépendamment  d'autres  opus- 
cules, l'ouvrage  suivant  :  Traité  de  la 
vraie  manière  de  servir  Bien,  composé  en 
espagnol  par  le  R.  P.  Alphonse  de  Ma- 
drid, traduit  en  latin  far  le  R.  P.  Hen- 
tenius,  docteur  de  Louvain,  et  mis  en 
famand  par  le  P.  Jacques  de  Farcin, 
récollet.  On  ignore  la  date  et  les  autres 
particularités  relatives  à  cette  version. 

Aog.  Vander  Meersch. 

Sweertius,  Aihenœ  belgicœ,  p.  361.  —  Waddin- 
gius,  Scriptores  nrdinis  Min. —  Paquot,  Mémoires 
littéraires,  t.  XVIU,  p.  ^4. 

FARDÉ  {Pierre)  ou  Fardet,  voya- 
geur, missionnaire,  naquit  à  Gand  en 
1651  et  mourut  à  Aix-la-Chapelle  le 
16  juin  1691,  épuisé  par  les  chagrins 
et  les  fatigues,  après  les  aventures  les 
plus  étonnantes.  11  entra  jeune  dans 
l'ordre  des  récollets  où  il  fit  sa  profession 
en  1671.  Vers  1680,  il  obtint  de  se<v- 
supérieurs  l'autorisation  de  partir  pour 
la  Terre  Sainte  ;  après  avoir  séjourné  à 
Jérusalem  jusqu'en  1683,  il  fut  renvoyé 
dans  son  pays  afin  de  quêter  pour  la 
délivrance  des  chrétiens  retenus  pri- 
sonniers en  Palestine,  et  se  rendit  à  cet 


883 


FARDÉ  —  FARIAUX 


884 


effet  en  Hollande  et  en  Angleterre.  En 
1686,  il  fut  de  nouveau  envoyé  en  Pa- 
lestine et  s'embarqua  à  Amsterdam.  Le 
navire  qui  le  portait,  après  avoir  failli 
être  capturé  par  des  pirates  algériens  à 
la  hauteur  des  Açores,  finit  par  être  pris 
en  entrant  dans  la  Méditerranée.  Fardé 
et  trois  de  ses  compagnons  furent  vendus 
à  un  riche  Arabe  qui  les  emmena  à  Agades 
en  Nigritie.  Notre  récollet  parvint  à 
s'insinuer  dans  la  confiance  de  son 
maître,  grâce  à  ses  connaissances  en 
architecture,  et  lui  construisit  une  mai- 
son de  campagne.  Poussé  par  son  zèle 
religieux,  il  convertit  deux  cents  des 
ouvriers  employés  aux  travaux.  L'auto- 
rité, ayant  eu  connaissance  du  fait,  le 
condamna  à  recevoir  cent  coups  de  bâ- 
ton, à  être  conduit  autour  de  la  ville  et 
battu  de  verges  dans  l'intervalle.  Son 
maître  nommé  Soura  Belya  ayant  payé 
deux  cents  rixdalers  pour  le  crime  de 
son  esclave  et  promis  de  le  renvoyer 
hors  du  royaume  aiissitôt  que  la  maison 
serait  achevée,  Fardé  en  fut  quitte  à  bon 
marché,  mais  Soura  Belya  entendait  être 
remboursé  avant  de  le  mettre  en  liberté. 
Le  récollet  écrivit  alors  à  ses  supérieurs, 
et  en  avril  1688,  il  apprit,  par  l'inter- 
médiaire d'un  négociant  hollandais 
nommé  Calk,  établi  à  Saint-Georges  sur 
les  côtes  de  Guinée,  que  la  somme  était 
à  sa  disposition.  Il  put  alors  partir  et  se 
mit  en  route  pour  Saint-Georges  à  tra- 
vers les  plaines  et  les  montagnes;  deux 
Maures  le  conduisirent  jusqu'à  Ouber; 
plus  loin  il  fut  attaqué  et  dépouillé  par 
des  Arabes,  et  quelques  jours  après, 
empoisonné  par  des  fruits  vénéneux  que, 
poussé  par  la  fain,  il  avait  mangés  sans 
en  connaître  les  propriétés.  Heureuse- 
ment pour  lui,  une  caravane  le  recueillit 
et  le  conduisit  presque  expirant  à  Congo. 
De  là  il  partit  avec  une  autre  caravane 
pour  Angora,  où  il  s'embarqua  pour 
Saint-Georges.  En  passant  près  de  l'île 
<le  Sainte-Hélène,  le  navire  fut  assailli 
par  une  tempête  et  abîmé  dans  les  flots. 
Fardé  s'accrocha  à  une  planche  et  par- 
vint .seul  à  se  sauver;  il  fut  jeté  mou- 
rant sur  un  îlot  désert  après  avoir  été 
ballotté  durant  trois  jours  et  quatre 
nuits,  n  séjournait  là  depuis  cent  qua- 


rante-trois jours,  ne  se  nourrissant  que 
de  poisson  et  d'eau,  quand  il  aperçut  un 
navire  qui  envoya  un  canot  pour  le 
prendre.  Par  malheur  ses  sauveurs  étaient 
des  pirates  qui  le  conduisirent  à  Salé, 
où  il  dut  travailler  à  réparer  les  navires; 
il  y  lia  connaissance  avec  un  marchand 
de  Hambourg  qui  l'aida  à  se  racheter, 
quitta  l'Afrique  et  arriva  à  Hambourg 
en  décembre  1690;  de  là  il  se  rendit  à 
Gand.  Afin  de  rétablir  sa  santé  ébranlée, 
il  alla  prendre  les  eaux  à  Aix-la-Cha- 
pelle, où  il  mourut.  Fardé  a  laissé  des 
lettres  d'où  sont  extraits  les  renseigne- 
ments contenus  dans  cette  notice.  Ces 
lettres  sont  d'une  lecture  attachante  et 
témoignent  de  l'énergie  et  du  courage 
de  cet  homme  qui  était  maigre,  blond 
et  fort  frêle  en  apparence.  Elles  ont  été 
imprimées  à  Gand  chez  Aug.  Graet, 
à  V Ange ,  en  1720  en  un  in-12  de 
92  pages  et  en  1778  à  Bruges,  chez  la 
veuve  Beernaerts  en  un  in  -  8»  de 
125  pages.  Elles  portent  le  titre  de  ; 
Copie  van  de  brieven  van  den  godvrucJi- 
tigen  religieus  broeder  Peeter  Fardé, 
minderbroeder  recollet  van  de  provincie 
van  S.  Joseph,  in  //et  graefschap  Vlaen- 
deren,  en  and  ère  brieven  van  diversche 
persoonen,  die  schryven  vjat  hem  over- 
komen  is  onderwege,  als  hj  voor  de  tweede 
mael  zoude  gaen  naer  Jérusalem,  waerom 
hy  deze  reyze  aenveerde,  en  hoe  hy  gevan- 
gen  werd  door  de  algiersche  zeeroevers ,enz . 

Emile  Varenbergh. 

Blonimarl,  De  nederduitache  schrijvers  van 
Gent.  —  Baron  Jul.  de  Saint-Génois,  Les  voya- 
geurs belges.  —  Piron,  Levensbescin-yringen.  — 
Lettres  de  Fardé. 

FARiAVX  {Jacques  »e),  vicomte  de 
Maulde,  né  à  Mous  le  8  janvier  1627, 
mort  à  Ath  le  26  avril  1695,  entra  au 
service  dans  les  armées  espagnoles,  et 
après  s'être  fait  remarquer  au  siège  de 
Valenciennes  en  1656,  pendant  l'expé- 
dition du  Portugal  en  1662  et  au  siège 
de  Villa- Viciosa  en  1667,  il  devint  suc- 
cessivement colonel  d'un  régiment  d'in- 
fanterie et  général  de  bataille  en  1673. 
Lorsque  Louis  XIV,  préludant  à  la 
conquête  des  Provinces-Unies  et  cédant 
aux  sollicitations  de  l'électeur  de  Co- 
logne qui  voulait  se  débarrasser  du  voi- 


885 


FARIAUX  —  FARVACQUES 


886 


sinage  des  troupes  hollandaises,  vint  en 
personne  assister  au  siège  de  Maestricht, 
le  premier  de  ces  grands  sièges  qui 
tiennent  dans  l'histoire  militaire  de  ce 
temps  une  place  importante,  il  trouva  le 
général  Fariaux  à  la  tête  de  la  garnison 
de  cette  place.  Il  fallut  le  génie  de  Vau- 
ban  et  la  perfection  que  ce  grand  homme 
de  guerre  avait  introduite  depuis  peu 
dans  la  conduite  de  l'attaque  des  fortifi- 
cations pour  vaincre  le  courage  héroïque 
que  Fariaux  sut  inspirer  à  ses  soldats 
qui  luttèrent  pendant  vingt  et  un  jours 
de  tranchée  ouverte  et  ne  capitulèrent 
que  lorsqu'ils  y  furent  contraints  par  la 
beourgeoisie  de  la  ville.  Louis  XIV  ne 
put  refuser  d'honorer  la  valeur  de  son 
ennemi. 

Fariaux  qui,  pendant  sa  carrière,  avait 
assisté  à  trois  grandes  batailles  et  à  dix- 
neuf  sièges,  fut  nommé,  par  Charles  II, 
chevalier  de  la  Toison  d'or,  membre  du 
conseil  de  guerre  et  gouverneur  de  la 
viUe  d'Ath  en  1690.  Sa  terce  de  Maulde 
avait  été  érigée  en  vicomte  en  1679.  Ce 
guerrier  fut  inhumé  dans  l'église  de 
Saint- Julien,  d'Ath,  mais  la  foudre  dé- 
truisit son  mausolée  le  10  août  1817. 

Général  baron  Guillaume. 

Boussu,  Histoire  de  Mons.  —  Roussel,  Histoire 
de  Louvois.  —  Baron  de  Stassart,  Biographie  de 
Fariaux. 

FARi.\'.%BT  (Jean),  écrivain  ecclé- 
siastique, né  à  Chièvres  (Haiuaut),  en 
1560,  mort  le  3  juin  1635.  Ayant  ter- 
miné ses  humanités  au  collège  d'Ath,  il 
résolut  d'embrasser  la  vie  monastique 
et  entra,  le  2  juillet  1577,  à  l'abbaye  de 
Cambron,  de  l'ordre  de  Cîteaux.  Ses 
supérieurs  l'envoyèrent  à  Douai  pour 
y  étudier  la  théologie;  il  y  obtint  le 
grade  de  bachelier  et  plus  tard  (14  octo- 
bre 1598)  celui  de  docteur.  Le  père 
Farinart remplit  successivement  diverses 
charges  :  d'abord  directeur  de  l'abbaye 
des  Prés  à  Douai,  de  1590  à  1595,  il 
fut  ensuite  prieur  et  abbé  de  celle  de 
Cambron  (16  janvier  1614).  Il  devint 
enfin  vicaire  général  de  son  ordre  pour 
les  monastères  des  Pays-Bas  et  de  la 
principauté  de  Liège  et  assista,  en  1626, 
comme  définiteur  au  chapitre  général  de 


Cîteaux,  où  il  eut  l'occasion  de  pronon- 
cer des  harangues. 

Pendant  son  administration  il  effectua 
de  notables  améliorations  au  monastère, 
à  ses  dépendances,  ainsi  qu'à  la  biblio- 
thèque; grâce  à  ses  soins,  l'église  fut 
aussi  enrichie  de  diverses  reliques. 

Il  mourut  à  Cambron  et  fut  enterré 
sous  une  tombe  de  marbre,  où  l'on  voit 
son  efiigie  en  bronze  et  son  épitaphe 
rapportée  par  Paquot  (Mémoires  litté- 
raires, t.  VII,  p.  36).  On  lui  doit  : 
Liber  de  statu  religioso,  recueil  manu- 
scrit de  ses  leçons  à  Cambron  ;  ce  livre  y 
était  conservé  en  manuscrit,  ainsi  que  le 
suivant  :  De  histitutione  novitioritm.  S'il 
faut  en  croire  le  père  Ch.  De  Visch,  le 
biographe  de  l'ordre  de  Citeaux  (qui  en 
possédait  pareillement  un  exemplaire), 
l'ouvrage  est  excellent  et  plein  d'éclair- 
cissements précieux. 

Aug.  Vander  Meerscli. 

De  \isch,Bii)liotheca  scriplorum  ordinis  cister- 
cieiisis,  p.  "218.  —  Ant.  le  Waitte,  Hist.  Cambe- 
ron.  —  to])])ens,  Bibliotheca  belyica,l.  II,  p.  637. 
—  Brasseur,  Sydera  Hannoniœ. 

f.%r^'E!^e:  (Henri),  philosophe,  mo- 
raliste, professeur,  né  à  Liège  à  la  fin 
de  la  première  moitié  du  xvie  siècle, 
mort  à  Pavie  en  1609.  Voir  De  Four 

(Henri). 

FA»v.4CÇUE!i»  (François),  écrivain 
ecclésiastique,  né  à  Lille  en  1622,  dé- 
cédé à  Louvain  le  30  juillet  1689.  Après 
avoir  terminé  ses  humanités,  il  embrassa 
la  vie  religieuse  chez  les  ermites  de 
Saint-Augustin  dans  le  couvent  de  sa 
ville  natale,  où  il  fit  sa  profession.  Il 
enseigna,  pendant  quelque  temps,  la 
philosophie  au  collège  du  Koi,  à  l'uni- 
versité de  Douai.  Envoyé  au  couvent  de 
Louvain  en  1655  pour  s'y  perfectionner 
dans  l'étude  de  la  théologie,  il  prit,  le 
23  septembre  1657,  le  grade  de  docteur 
en  cette  science.  Il  donna  ensuite  un 
cours  de  théologie  aux  jeunes  religieux 
de  l'abbaye  noble  de  Sainte-Gertrude,  à 
Louvain,  et  continua  ces  leçons  jusqu'en 
1680  environ,  tout  en  remplissant  les 
fonctions  de  régent  des  études  dans  son 
propre  monastère.  Son  séjour  à  Louvain 
lui  fit  faire  la  connaissance  de  son  con- 
frère Chrétien  Lupus,  religieux  augustin 


887 


FARVACQUES 


888 


et  professeur  à  lu  faculté  de  théologie 
de  l'université.  Celui-ci  lui  inspira  le 
goût  des  antiquités  chrétiennes  et  des 
études  historiques.  A  la  mort  da  Père 
Lupus,  qui  arriva  le  10  juillet  1681,  le 
père  Farvacques  fut  choisi  pour  lui  suc- 
céder comme  professeur  de  théologie  à 
l'université  et  comme  membre  de  la 
stricte  Faculté.  Une  maladie  lente  et 
rebelle  à  tous  les  soins  épuisa  ses  forces 
et  le  mena  au  tombeau  à  l'âge  de 
soixante-sept  ans.  Son  corps  fut  enterré 
dans  le  chœur  de  l'église  des  Augustins 
à  Louvain;  on  lui  plaça  l'épitaphe  sui- 
vante :  D.  O.  M.  P.  M.  ADii.  R.  AC 
EXiMii  P.   Magistei  Feancisci  Fak- 

VACQUES,  ORD.  S.  AUGUSTINI,  IX  ALMA 
HAC  UNIVERSITATE  S.  THEOLOGI.î;  DOC- 
T0RI3  ET  PROFESSORIS  ORDINARII,  CHA- 
RITATIS  AUGUSTINIAN.E  ET  YERITATIS 
VINDICIS      MITISSIMI.     ObIIT    30     JULII 

1689.  E.  I.  p. 

Le  P.  Farvacques  était  un  théologien 
érudit,  qui  possédait  à  fond  les  pères 
latins;  il  fut  aussi  un  des  zélés  défen- 
seurs de  l'infaillibilité  du  souverain 
pontife  dans  les' matières  dogmatiques. 
Il  a  laissé  plusieurs  ouvrages  très- remar- 
quables :  l'J  D'isquisitio  theoJogica  an 
peccata  dubïa  sint  in  sacramentali  co7ifes- 
sione  exj)lica?ida,  in  qua  Lutheri  negantis 
dogma  rej'erttcr  et  confuiatur ,  etc.  Lova- 
nii,  Cyprianus  Coenestein,  1665;  vol. 
in-4o  de  15  6  pages.  Ce  travail  est  dirigé 
spécialement  contre  les  opinions  larges 
du  P.  Caramuel.  — 2  '  Qiiœstio  quodlibe- 
tica  de  attritione,  seu  quœ  fnerit  mens 
concilii  Tridentini  de  snfficientia  attri- 
tionis  servilis  in  sacramento  Pœnitentiœ. 
Lovanii,  vidua  Bernardini  Masii,  1666; 
vol.  in--io  de  66  pages.  L'auteur  nie,  ce 
qui  est  communément  admis  aujourd'hui 
par  les  moralistes,  que  l'attrition  dite 
servile  soit  suffisante  pour  le  sacrement 
de  pénitence.  —  3»  Appendix  ad  quœs- 
tionem  quodlibeticam,  etc.,  in  qua propo- 
nuntur  tedimonia  tum  antiques  sacra 
facultatin  Iheologicœ  Lovaniensis  ....  ium 
celeberrimorum  ejusdem  facultatis  theolo- 
gorum,  etc.  Lovanii,  hseredes  Bernardini 
Masii,  1666;  vol.  in-lo  de  14  pages. — 
4o  Xenium  theologicum,  in  quo  dilectionis 
Dei  i?i  sacramento  Pcenitentia;  necesnitas 


per  quœstionem  quodlibeticam  asserta  sta- 
bilitur  et  conjirmatur ,  etc.  Lovanii, 
haeredes  Bernardini  Masii,  1668;  vol. 
in-4j  de  60  pages.  —  5o  Apologia  pro 
Xenio  dilectionis,  in  qua  dilectionis  Dei 
i?i  sacramento Pœniteyitiri nécessitas  rursus 
propygnatur,  etc.  Lovanii,  Cyprianus 
Coenesteinius,  1669;  vol.  in-4j  de 
48  pages.  —  6°  Opuscula  theologica  ad 
teritatis  et  charitatis  stateram  erpensa. 
Ces  opuscules,  au  nombre  de  trois,  por- 
tent chacun  un  titre  spécial  :  le  premier, 
Opusculum  in  quo  de  sacramentis  Nova 
Legis  generatim  agitur.  Leodii ,  Guil. 
Streel,  1680;  vol.  in-12  de  403  pages; 
le  second,  Opusculum  de  sacramento  bap- 
tismi.  Pars  secunda.  Leodii,  G.  Streel, 
1683  ;  vol.  in-12  de  403  pages;  le  troi- 
sième, Opusculum  de  sacramento  confir- 
mationis.  Pars  tertia.  Leodii,  G.  Streel, 
1683;  vol.  in-12  de  185  pages.  L'auteur 
se  proposait  de  continuer  cette  série 
d'opuscules,  mais  il  fut  empêché  de  le 
faire  par  une  maladie  de  langueur  dont 
il  fut  atteint  vers  la  fin  de  ses  jours. 

Le  P.  Farvacques  fit  aussi  défendre, 
sous  sa  présidence,  plusieurs  thèses  oii 
il  développa  ses  opinions  théologiques. 
Nous  avons  les  suivantes  :  7°  Veritas  et 
charitas,  seu  mens  concilii  Tridentini, 
sess.  XI F,  cap.  4,  de  attritione  ex  metu 
gehennœ  concepta.  Lovanii,  1669.  — 
8o  Vindicice  veritatis  et  charitatis.  Lo- 
vanii, 1669,  défendue  le  26  août  de 
cette  année.  —  9j  Disceptationes  apolo- 
geticœ pro  veritate  et  charitate.  Lovanii, 
1670,  défendue  le  18  mars  de  cette 
année.  La  fin  de  l'épitaphe  que  nous 
avons  rapportée  ci-dessus  fait  allusion  à 
ces  deux  thèses.  —  IOj  Charitas  chris- 
tiana  in  moribus  et  amoribus  christianis 
ordinata.  Lovanii,  Martinus  Hulle- 
gaerde,  1680;  vol.  in-12  de  88  pages. 
Ces  dernières  thèses  furent  défendues 
sous  la  présidence  de  Farvacques  le 
21  mai  de  cette  année  à  l'occasion  de 
la  célébration  du  chapitre  général  de  la 
province  à  Louvain.  —  11°  Oratio  in 
futiere  eximii  Patris  Christiani  Lupi. 
Foppens  dit  que  cette  oraison  funèbre 
a  été  imprimée,  e.-h.-j.  Reusem. 

Paquot,  Mémoires,  éd.  in-fol.,  111,  p.  377. 


889 


FARVACQUES  —  FASSIN 


890 


rABTACQVCs  {Robert  de),  Ferva- 
cus,  Fekvacius  ou  Fervaquius,  naquit 
à  Lille  (ancienne  Flandre)  vers  la  fin 
du  xvie  siècle.  Eloy  déduit  de  ce  que 
Georges  Matthias  lui  donne  la  qualifi- 
cation de  :  iti  Pharmaceutis  clarus,  qu'il 
n'était  qu'apothicaire;  et,  d'après  Man- 
get,  il  n'en  cite  qu'un  seul  ouvrage  : 
Disquisitio  medica  :  num  pilula  dejectoria 
cum  cœna  recte  exhibeantur .  Patavii,  apud 
Livium  Pasquatum,  1637,  in-4'j.  Or 
Farvacques  était  un  médecin  d'une 
haute  science  :  il  était  archiatre  de  l'ar- 
chiduc Léopold-Guillaume  d'Autriche, 
gouverneur  des  Pays-Bas  pour  le  roi 
d'Espagne,  Philippe  IV,  et  du  prince 
don  Juan  d'Autriche;  plus  tard  il  devint 
le  médecin  de  Charles  II,  roi  d'Espagne, 
qui,  en  1662,  l'éleva  à  la  noblesse  pour 
son  mérite  comme  praticien  et  comme 
écrivain  (il  portait  un  écu  d'argent  à 
trois  papillons  de  gueules,  écartelé  de 
même).  A  Bruxelles,  où  il  pratiqua  pen- 
dant cinquante-sept  ans,  il  fut  l'un  des 
principaux  fondateurs  du  collège  médi- 
cal. Il  publia  les  statuts  de  ce  collège 
sous  le  titre  :  Statuta  collegii  medici 
Bruxellensis  et  amplissimo  senatu  san- 
cita ,  etc.  Bruxellse,  ex  off.  Joannis 
Mommarti,  1650,in-8o.  Il  publia  encore 
entre  autres  ouvrages,  un  volumineux 
commentaire  de  la  pharmacopée  en 
usage  à  cette  époque  :  Medicina  tliera- 
peutica,  of  g  root  aUjemeene  schat-kamer 
der  drooghereidende  geneeskonst  door  den 
heer  Robertvs  de  Farvaques,  eerste  lyfme- 
dicus  van  Zyne  Majeiteit  Karel  den 
tweede,  enz.  Tôt  Brussel,  by  Fr.  Fop- 
pens,  in  de  Gasthuystraet,  1681,  in-fol. 
Une  nouvelle  édition  de  cet  ouvrage  fut 
imprimée  en  1741  à  Leyde  par  Isaak  Se- 
verinus.  Farvacques  succomba  le  17  oc- 
tobre 1689  à  Bruxelles,  victime  de 
l'épidémie    dyssentérique    qui    régnait 

dans  cette  ville.  Docteur  Victor  Jacques. 

Eloy,  Dictionnaire  historique  de  la  méd.  anc. 
et  moà.  —  Manget,  Bibliotheca  scriptorum  medi- 
coriiin.  —  Journal  de  méd.,  de  chirurg.  et  de 
pharmac.  de  Bruxelles,  oclob.  1878,  p.  392.  — 
Ouvrages  cités. 

FASSE* B  (Paul),  écrivain  ecclésias- 
tique, né  dans  les  environs  de  Mons, 
vers  1635,   mort  le   9   avril    1691.   Il 


entra  dans  l'ordre  de  Saint-Dominique, 
au  couvent  de  Mons,  où  il  prononça  ses 
vœux  le  9  septembre  1653;  il  étudia  la 
philosophie  et  la  théologie  au  collège  de 
yaint-ïhomas  à  Douai,  prit  le  grade  de 
licencié  en  1671  et  enseigna  lui-même 
quelque  temps  ces  deux  sciences.  Le 
père  Fasseau  remplit  diverses  charges 
dans  son  ordre  :  successivement  premier 
régent  d'étude  au  collège  de  Douai,  dé- 
finiteur  de  la  province  de  la  Basse-Alle- 
magne, puis  définiteur  général,  il  assista 
en  cette  dernière  qualité  au  chapitre 
tenu  à  Rome  en  1677,  et  fut  trois  fois 
prieur  du  couvent  de  Mons,  où  il  mou- 
rut. On  a  de  lui  :  Authoritas  Germani 
Pkilaletls  Eupistini  contra  Prœmotiones 
Physicas  pro  scientiâ  média,  exauthorata 
pro  Prœmotionibus  Physicis  contra  scien- 
tiam  mediam.  Duaci,  1670,  in-12.  Le 
P.  Fasseau  publia  cet  écrit  à  l'occasion 
de  l'ouvrage  rédigé  par  le  P.  Charles 
de  l'Assomption  (Charles  de  Bryas)  sous 
le  nom  de  Germanus  Philalethes  Eupis- 

*^^^S.  Aug.  Vander  Meersch. 

Quetif,  Scriptores  ordinis  prœdicatorum,  t.  H, 
p.  7-i8.  —  De  Jonghe.  Belgiurn  dominicanum, 
p.  361  et  429.  —  Paquot,  Mémoires  littéraires, 
t.  VII,  p.  404. 

FAJ§i§iG!ViES  (Umm.  de),  homme  de 

guerre,  né  à  Mons  en  1718,  mort  le 
17  mai  1772.  Voir  Gaillard  de  Fas- 
siGNiES  {Emm.  de). 

FASSix  {Christophe),  écrivain  ecclé- 
siastique, né  à  Stembert  près  de  Ver- 
viers,  et  décédé  à  Liège  en  1794,  vivait 
pendant  la  dernière  moitié  du  xviiie  siè- 
cle. Il  était  récollet  au  couvent  de 
Liège  et  enseigna  pendant  de  longues 
années  la  théologie  aux  jeunes  religieux 
de  son  ordre.  Il  fut  tué  dans  la  rue  du 
Pont-d'Amercœur,  atteint  par  une  balle 
partie  des  rangs  des  Autrichiens,  pen- 
dant qu'il  portait  le  saint  viatique  à  un 
malade.  Le  P.  Fassin  était  très-versé 
dans  l'herméneutique  sacrée.  On  a  de 
lui  :  Epitome  chronologo-theologo-geogra- 
phica  historia  sacra  a  creatione  miindi 
usque  ad  mortem  S.  Joannis  evang.,  ex 
sacro  textujuxta  Vulgatam  collecta.  Leo- 
dii,  S.  Bourguignon,  1750-1751,  4  vol. 


891 


FASSIN 


892 


in-So,   avec    gravures   par  Demeuse   et 

Jacoby.  E.-H.-J.  Reusens. 

De  Becdelièvre,  Biographie  liégeoise,  I,  p.  514. 
—  De  Theux,  Bibliographie  liégeoise,  1,  p.  5248. 

FAJssix  (Nicolas- Henri- Joseph  de), 
peintre  de  paysage  et  d'animaux,  né  à 
Liège  le  20  avril  1728,  mort  le  21  jan- 
vier 1811.  Fassin  appartenait  à  une 
famille  de  notables  du  pays  de  Liège. 
Son  père  avait  rempli,  entre  autres 
dignités,  celles  d'échevin  de  la  cour  sou- 
veraine, de  bourgmestre  et  de  minis- 
tre du  prince  Georges-Louis  deBerghes. 
La  carrière  de  Passin  est  pleine  de  péri- 
péties. Malgré  le  goût  prononcé  qui 
l'entraînait  vers  l'étude  des  beaux-arts, 
il  ne  put  s'y  consacrer  entièrement 
qu'après  un  rude  apprentissage  de  la 
vie.  Son  père  désirait  qu'il  devînt  ma- 
gistrat et  lui  fit  commencer  ses  études 
au  collège  de  Labeys.  Fassin  était  bien 
doué  au  point  de  vue  de  la  mémoire  ;  il 
avait  en  outre  l'esprit  prompt,  le  juge- 
ment sûr.  Cependant  la  vocation  artis- 
tique perçait  déjà  chez  lui  et  il  délais- 
sait volontiers  l'étude  des  auteurs  pour 
s'appliquer  à  dessiner  des  animaux.  Son 
père,  ne  voulant  pas  contrarier  entière- 
ment ses  aptitudes  précoces,  lui  permit 
de  passer  ses  heures  de  récréation  chez 
le  peintre  Coclers.  Il  semble  que  des 
lors  il  ne  pouvait  plus  y  avoir  pour  lui 
d'obstacles  graves  à  surmonter.  Il  n'en 
fut  rien  cependant, et  divers  événements 
imprévus  vinrent  encore  retarder  l'éclo- 
sion  de  son  talent.  Le  principal  empê- 
chement vint,  toutefois,  de  Fassin  lui- 
même,  dont  le  caractère  ardent  était 
porté  vers  une  vie  aventureuse. 

A  l'âge  de  vingt  ans  il  fit  un  voyage  à 
Paris;  c'était  pendant  la  guerre  de  Sept 
ans  et  Fassin  s'engagea  dans  les  mous- 
quetaires gris  du  roi  de  France  ;  il  ne 
tarda  pas  à  passer  officier,  puis  en  1754, 
il  abandonna  les  mousquetaires  et  or- 
ganisa une  compagnie  dans  le  régiment 
de  cavalerie  créé  par  ordre  du  maréchal 
de  Belle-Isle,  devenu  ministre.  Il  eut  à 
cette  époque  une  cruelle  épreuve  à 
subir  :  les  officiers  l'accusèrent  d'avoir 
voulu  passer  à  l'ennemi  ;  une  commission 
spéciale  ayant  été  nommée  pour  exa- 
miner l'altaire,    l'innocence   de   Fassin 


fut  bientôt  reconnue  et  proclamée  par 
elle.  Ce  grave  événement  eut  une  heu- 
reuse influence  sur  sa  destinée  :  la  ca- 
lomnie à  laquelle  il  venait  d'être  en 
butte  le  remplit  de  dégoût  et  le  décida 
à  abandonner  le  métier  des  armes.  Ke- 
venu  en  Belgique,  Fassin  reprit  ses 
travaux  d'artiste  et  alla  à  Anvers  étu- 
dier les  chefs-d'œuvre  de  l'école  fla- 
mande. Il  se  trouvait  pour  la  première 
fois  en  présence  des  productions  des 
grands  maîtres  et  leur  étude  lui  révéla 
toute  sa  médiocrité.  Loin  de  s'en  décou- 
rager, il  se  remit  bravement  au  travail 
et  les  malheurs  qui  vinrent  atteindre  sa 
famille  ne  firent  que  stimuler  son  ardeur. 

Par  suite  du  décès  de  son  père,  tous 
les  biens  de  la  famille  échurent,  en  1766, 
à  son  frère  aîné;  dans  de  telles  condi- 
tions, il  ne  devait  plus  compter  que  sur 
lui-même  ;  parvenu  à  l'âge  de  trente- 
quatre  ans,  il  comprit  que  sa  ténacité 
au  travail  pouvait  seule  lui  faire  espérer 
d'arriver  à  une  position  indépendante  ; 
et  plein  d'ardeur  il  se  rendit  à  Anvers 
pour  y  entreprendre  de  nouvelles  études 
à  l'Académie.  Il  y  dessina  durant  plu- 
sieurs années ,  étudia  les  maîtres  et 
copia  celles  de  leurs  œuvres  qui  lui 
étaient  le  plus  sympathiques.  Ce  n'est 
qu'à  quarante  ans  qu'il  put  entreprendre 
le  voyage  d'Italie.  Il  séjourna  à  Kome 
et  à  j^aples  ;  y  fit  encore  bon  nombre  de 
copies  et  visita  ensuite  la  Suisse.  Ces 
deux  voyages  durent  agir  favorablement 
sur  son  imagination,  par  le  mélange  des 
beautés  de  l'art  et  des  beautés  de  la 
natxxre  qu'il  avait  eu  l'occasion  d'ad- 
mirer. Il  séjourna  assez  longtemps  à 
Genève  et  y  commença  sa  réputation 
en  y  .faisant  la  connaissance  de  Tron- 
chu,  amateur  célèbre  et  possesseur  d'une 
remarquable  collection  de  tableaux,  dans 
laquelle  notre  artiste  copia  quelques- 
unes  des  plus  belles  toiles  de  Both  et  de 
Berghem,  deux  maîtres  vers  l'étude 
desquels  il  se  sentait  attiré  et  qui  don- 
nèrent en  quelque  sorte  un  pli  décisif  à 
son  talent. 

Fassin  eut  l'occasion  de  voir  Voltaire 
à  Ferney.  Le  philosophe  l'accueillit 
très-bien  et  lui  permit  même  de  faire 
son  portrait.  Fassin  retourna  ensuite  à 


893 


FASSIN  —  FASTRADE 


894 


Kome,  demeura  quelque  temps  à  Mar- 
seille, puis,  fit  encore  quelques  paysages 
en  Savoie. 

Ce  n'est -qu'en  1770  qu'il  revint  à 
Liège.  Il  venait  y  voir  les  quelques  pa- 
rents qui  lui  restaient.  Malgré  sa  longue 
absence,  sa  réputation  était  faite  dans 
le  pays  et  quand  il  vint  résider  à 
Bruxelles  et  à  Anvers,  il  fut  reçu  à  bras 
ouverts  par  les  artistes  et  par  les  ama- 
teurs. Il  ne  laissa  pas  échapper  l'occa- 
sion, il  se  mit  résolument  au  travail,  et 
comme  il  avait  une  rare  facilité,  il  acheva 
un  grand  nombre  de  tableaux.  Fassin 
retrouva  à  Liège  un  de  ses  anciens  amis 
le  peintre  Defrance;  ils  renouvelèrent 
leur  ancienne  intimité  et  conçurent  le 
projet  de  doter  Liège  d'une  académie  de 
dessin,  de  peinture  et  de  sculpture.  Ce 
projet  obtint  un  solide  et  puissant  appui, 
celui  du  prince  Velbruck,  qui  l'accueil- 
lit avec  enthousiasme  et  affecta  à  sa 
réalisation  une  partie  des  biens  des  jé- 
suites, dont  l'ordre  avait  été  récemment 
supprimé. 

Fassin  s'était  établi  à  Spa  quand 
éclata  la  révolution  liégeoise.  Par  suite 
de  cet  événement  ses  travaux  furent 
interrompus  ;  mais  on  se  souvint  que  le 
peintre  avait  été  soldat  au  commence- 
ment de  sa  vie  et  on  lui  confia  le  com- 
mandement de  la  milice  locale. 

Quand  l'ancien  pays  de  Liège  fut 
réuni  à  la  France,  Fassin  vint  se  fixer 
définitivement  à  Liège.  Son  activité,  loin 
de  décroître,  ne  fit  qu'augmenter  avec 
l'âge.  Quant  à  son  caractère,  il  resta  en 
ses  vieux  jours  tel  qu'il  avait  été  dans 
sa  jeunesse,  affable,  gai  et  vif  d'intelli- 
gence; seulement,  selon  la  manie  habi- 
tuelle des  vieillards  et  surtout  des  vieux 
militaires,  il  aimait  à  raconter  souvent 
ses  aventures  d'autrefois. 

La  manière  de  peindre  de  Fassin  était 
souple,  élégante  et  ferme.  Il  est  cepen- 
dant à  remarquer  qu'il  ne  put  se  livrer 
à  la  peinture  qu'à  un  âge  où  les  autres 
artistes  sont  déjà  arrivés  au  point  cul- 
minant de  leur  talent  et  en  possession 
d'une  renommée.  Pour  réussir  aussi 
tardivement  qu'il  l'a  fait,  il  fallait 
être  doué  d'un  heureux  tempérament, 
d'une  imagination  fortement  accentuée 

B10(.U.   NAT.   —   T.   VI. 


et  surtout  d'un  caractère  virilement 
trempé. 

Le  grand  défaut  de  Fassin,  c'est  l'ab- 
sence d'originalité  et  un  système  de 
coloris  un  peu  mou.  Il  a  trop  mis  ses 
facultés  naturelles  au  service  des  œuvres 
qu'il  copiait.  On  trouve  dans  ses  ta- 
bleaux les  idées  de  Berghem  et  de  Both, 
ce  qui  prouve  qu'il  peut  y  avoir  un  dan- 
ger dans  l'excès  de  ce  genre  d'études, 
même  quand  il  s'agit  des  œuvres  des 
grands  maîtres.  Les  ouvrages  de  Fassin 
se  trouvent  en  Allemagne  et  en  Angle- 
terre. Quelques  collectionneurs  de  Liège 
possèdent  aussi  des  tableaux  très-esti- 
més,  notamment  les  Quatre  Points  du  jour 
qu'il  peignit  pour  Henkart.  On  ren- 
contre dans  les  ventes  publiques  des 
paysages  de  son  meilleur  temps  qui  se 
vendent  moins  bien  maintenant  que  de 
son  vivant.  A  la  vente  Verhulst  (1799) 
un  Paysage  avec  animaux  et  figures  se 
vendit  200  florins. 

On  doit  à  M.  Helbig  {Histoire  de  la 
peinture  dans  le  pays  de  Liège,  1873)  une 
notice  intéressante  sur  notre  artiste. 
Nous  y  avons  puisé  les  principaux  élé- 
ments de  cet  article.  pj,ui  siret. 

FASTRADE,  l'uue  dcs  femmes  de 
Charlemagne,  morte  en  794. 

Quelques  auteurs  admettent  que  le 
grand  empereur  eut  à  la  fois  plusieurs 
épouses  et  qu'il  vivait  en  même  temps 
avec  elles;  cette  thèse,  que  Capefigue, 
entre  autres,  a  soutenue  {Histoire  de 
Charlemagne,  t.  II,  p.  166),  ne  se  con- 
cilie pas  avec  le  témoignage  des  bio- 
graphes du  monarque,  qui  distinguent 
nettement  ses  épouses  légitimes  de  ses 
concubines  ou  favorites.  Les  premières 
se  succédèrent  régulièrement,  et  il  est 
facile  de  comprendre  qu'il  aurait  été 
dangereux  de  les  froisser  publiquement 
par  une  sorte  de  polygamie,  réprouvée  à 
la  fois  par  la  religion  et  par  la  morale. 
Charlemagne  était  le  plus  puissant  des 
souverains  de  l'Europe,  mais  ses  com- 
pagnes appartenaient  à  de  fières  tribus 
germaniques.  S'il  put  répudier  Désidé- 
rade  ou  Désirée,  qui  était  Lombarde, 
issue,  par  conséquent,  d'une  nation  enne- 
mie, il  n'aurait  osé,  sans  les  plus  graves 

^29 


89? 


FASTRADE—  FASTRAETS 


896 


motifs,  agir  de  même  avec  celles  qui 
partagèrent  ensuite  son  trône  et  son 
lit. 

Après  la  mort  d'Hildegarde,  qui  lui 
avait  donné  trois  fils  et  trois  filles  et  qui 
expira  le  30  avril  783,  Charlemagne  se 
remaria  avec  Fastrade,  dont  il  n'eut 
que  deux  filles  :  Théoderade  et  Hil- 
trude.  Tandis  que  Hildegarde  était 
Suève  ou  Souabe,  Fastrade  naquit  de 
Rodolphe,  l'un  des  comtes  du  pays  des 
Francs  orientaux  ou  transrhénans,  c'est- 
à-dire  de  la  Franconie.  Cette  nouvelle 
union  ne  subsista  que  pendant  neuf 
années;  Fastrade  mourut  à  Francfort- 
sur-Mein  en  794,  pendant  que  l'on 
tenait  un  concile  dans  cette  ville.  Ses 
restes  furent  transportés  à  Mayence  et 
ensevelis  dans  l'église  Saint-Aubin,  où 
on  lit  encore  une  inscription  rappelant 
le  souvenir  de  la  reine,  mais  qui  date 
d'une  époque  moins  reculée  que  le 
viiie  siècle. 

Charlemagne  paraît  avoir  eu  une  pré- 
dilection marquée  pour  les  belles  filles 
de  la  vallée  du  Rhin,  car  ce  fut  de  l'Al- 
lemanie,  qui  se  confond  d'ordinaire  avec 
la  Souabe  ,  que  vint  Luitgarde  ou 
Lutgarde,  dont  la  présence  devait  le 
consoler  de  la  perte  de  Fastrade  et  dont 
la  vie  se  termina  dès  800,  sans  que  la 
nouvelle  souveraine  eût  eu  d'enfants. 
De  toutes  les  femmes  que  Charlemagne 
aima,  aucune  n'exerça  sur  lui,  paraît-il, 
autant  d'influence  que  Fastrade.  On  a 
conservé  une  lettre  qu'il  lui  écrivit  en 
791,  probablement  au  mois  de  juillet  ou 
d'août,  pendant  une  guerre  en  Hongrie. 
Son  fils  Pépin,  dit  le  roi,  avait  vaincu 
les  xAvares  et  il  avait  ordonné  des-  prières 
publiques  pour  le  jour  des  nones  (ou 
5  de  septembre);  il  insiste  auprès  de  la 
reine  pour  qu'elle  ne  reste  plus  aussi 
longtemps  sans  lui  donner  de  ses  nou- 
velles. C'est,  dit-on,  pour  Fastrade  que 
Charles  fit  composer  les  litanies  dans 
lesquelles  on  prie  pour  lui  et  pour  ses 
fils  u  très-sacrés  «  :  Charles,  Pépin  et 
Louis. 

Il  semble  que  l'influence  de  cette 
épouse  du  grand  homme  a  été  plutôt 
fâcheuse  que  favorable  ;  mais  nous 
sommes  si  peu  instruits  des  détails  de 


l'histoire  interne  de  l'empire  franc  à 
cette  époque,  qu'il  est  difficile  de  se  for- 
mer sur  ce  point  une  opinion  bien  arrê- 
tée. L'élévation  de  Fastrade  fut  presque 
immédiatement  suivie  de  troubles  dans 
le  pays  d'où  elle  était  originaire.  Peut- 
être  la  reine  traita-t-elle  avec  partialité 
des  voisins  ou  des  rivaux  de  ses  proches. 
En  785,  une  conjuration  éclata  parmi 
les  Francs  orientaux  ou  Franconiens, 
sous  la  direction  du  comte  Hardrade  ; 
elle  fut  bientôt  découverte  et  fut  déjouée 
sans  peine  ;  on  traita  sévèrement  les 
coupables,  qui  furent  les  uns  aveuglés, 
les  autres  envoyés  en  exil.  Bientôt  s'éle- 
vèrent des  plaintes  violentes  contre  la 
cruauté  de  Fastrade;  en  792,  il  se  forma 
une  nouvelle  ligue  de  mécontents,  à  la 
tête  de  laquelle  se  plaça  Pépin,  fils  de 
Charlemagne  et  d'une  de  ses  concubines 
nommée  Himiltrude.  On  avait,  dit-on, 
l'intention  de  tuer  le  roi,  mais  peut-on 
accepter  légèrement  cette  accusation, 
qui  impliquait,  chez  le  prince,  l'inten- 
tion de  commettre  un  parricide?  Le 
projet,  vrai  ou  supposé,  échoua,  et  celui 
qui  le  révéla,  le  Lombard  Pardulphe, 
fut  récompensé  par  le  don  de  l'abbaye 
de  Saint-Denis  près  de  Paris  ;  Pépin  fut 
enfermé  dans  un  monastère  et  ses  com- 
plices pendus  ou  décapités.  La  plupart 
des  écrivains  attribuent  à  Fastrade  les 
actes  de  cruauté  par  lesquels  le  restau- 
rateur de  l'empire  d'Occident  souilla 
son  règne,  mémorable  sous  tant  de  rap- 
ports. Alphonse  Wautcis. 

Einhardi  Annales,  passim.  —  Einhardi  Vita 
Karoli  Magni,  ch.  XVIII. —  Recueil  des  historiens 
de  France,  t.  V,  p.  623,  etc. 

FASTRAETS  {Christian),  religieux 
de  l'ordre  de  Saint-Dominique  à  Lou- 
vain,  né  à  Saint-Trond  vers  la  fin  du 
xve  siècle.  C'est  à  Louvain  qu'il  com- 
posa un  miracle  dramatique  dont  le 
professeur  Mone  fit  connaître  les  pre- 
miers vers.  Il  s'agit  d'une  biographie 
dramatisée  de  saint  Trudo  ou  saint 
Trond  dont  le  manuscrit  original  figure 
au  no  247  de  la  bibliothèque  de  l'uni- 
versité de  Liège  (Fiess  et  Grandjean, 
Catalogue  des  manuscrits,  Liège,  1875). 
La  vie  du  saint  hesbignon  nous  est  trans- 
mise ici  en  deux  pièces  de  théâtre  en 


897 


FASTRAETS  —  FAUDACQ 


898 


vers  flamands.  C'étaient,  sans  doute, 
deux  journées,  à  la  mode  des  anciens 
mystères  et  miracles.  Chacun  de  ces 
deux  drames  légendaires  estprécédé  d'un 
prologue  dans  lequel  figure  Lucifer, 
siégeant  en  enfer,  entouré  de  ses  aco- 
lytes. Le  prologue  delà  première  pièce 
est  en  vers  à  écho. 

Sous  le  titre  Het  leven  van  sint  Truy- 
den,  in  rhetorycxsche  dichte,  c'e&t  toute  la 
légende  de  saint  Trond  découpée  en 
scènes  naïves.  Les  vers  sont  très-variés, 
quelquefois  même  strophiques.  On 
s'aperçoit  que  le  poëte  avait  encore  tout 
l'instinct  du  rhythme  du  moyen  âge. 
Quoique  le  manuscrit  annonce  que  les 
deux  pièces  ont  été  composées  selon  les 
règles  de  la  rhétorique,  il  y  règne  encore 
assez  de  naturel,  surtout  dans  les  dia- 
bleries qui  sont  nombreuses  et  dévelop- 
pées. Les  dialogues  entre  Lucifer,  Lévia- 
than  et  Baalberith  (le  démon  des  colères, 
dttyvel  der  gramschapen)  sont  très-vifs  et 
d'un  style  franchement  populaire.  Pres- 
que toujours  ils  sont  coupés  par  sticho- 
métrie,  c'est-à  dire  qu'au  lieu  de  cou- 
plets ou  de  tirades,  on  a  constamment 
des  acteurs  qui  se  répondent  vers  pour 
vers.  Celui  que  Fastraets  emploie  pour 
les  diableries  est  très-court;  il  n'a  que 
trois  accents  toniques.  Ce  rhythme  achève 
de  donner  une  tournure  burlesque  à  ces 
personnages  qui  rappellent  les  badins  ou 
ainnekens  d'autres  pièces  flamandes.  On 
dirait  des  duos  comiques  destinés  à  faire 
ressortir,  par  contraste,  la  mysticité 
des  grandes  scènes  où  figurent  Trudo, 
son  père  Wilbold,  les  évèques  Eemacle 
et  Glodulphe,  les  chevaliers,  Jizabel,  le 
peuple,  la  Divinité,  les  anges,  les  théo- 
logiens, etc.  C'est  une  cohae  d'acteurs 
comme  dans  les  drames  les  plus  touffus 
de  l'Espagne.  Au  milieu  de  la  pièce 
s'avance  le  factor  ou  poëte  pour  remer- 
cier la  dévote  assistance  :  «  Demain 
'  nous  représenterons  le  reste;  le  soir 
»  tombe;  amusez-vous  en  paix!...  « 
Dans  la  seconde  partie,  il  y  a  une  scène 
d'ordination  et  de  consécration  mystique 
qui,  par  l'accumulation  des  détails, 
rappelle  l'ampleur  naïve  du  premier 
tableau  du  Cid  de  Guillem  de  Castro. 
C'est,   au  reste,  à  cette  abondance  con- 


crète et  minutieuse  que  se  reconnaissent 
dans  toute  l'Europe  les  drames  encore 
inspirés  par  le  moyen  âge.  La  biblio- 
thèque de  Liège  possède  également  une 
traduction  latine  de  ce  double  drame 
flamand;  elle  atténue  considérablement 
la  grossièreté  de  quelques  expressions, 
et  semble  avoir  été  composée  pour  une 
représentation  patronale  du  couvent  de 
Gembloux  (m  tisum  frat.  Trud.  de  Gem- 
blaco  in  Gallo-Brabantia,  dit  une  note  du 
manuscrit  liégeois).  j.  sécher. 

Mone,  Ubersicht  de  Xiederland  volksliteratur. 
—  Université  de  Liège  Manuscrit  n<'  247,.  — 
J.  Stecher  \Pairia  Belgica,  111,  317,). 

FAVDACQ  (  Corneille-François)  na- 
quit à  Xamur,  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Jean  l'Evangéliste,  le  6  mars  1697,  de 
Jean  Faudacq  et  de  Catherine  Machoux. 
Quelques  écrivains  lui  attribuent  à  tort 
le  prénom  de  Charles  :  ses  ouvrages  et 
les  actes  de  l'état  civil  qui  le  concernent 
portent  celui  de  Corneille.  Sa  vocation 
pour  les  études  médicales  et  chirurgi- 
cales auxquelles  il  devait  consacrer  sa 
vie,  lui  vint  alors  qu'il  était  encore  bien 
jeune;  puisque  à  l'âge  de  seize  ans  on  le 
voit  déjà  fréquenter  assidûment  l'hôpi- 
tal de  Xamur.  Mais  il  comprit  bientôt 
que  l'enseignement  donné  dans  sa  ville 
natale  était  bien  incomplet,  et  il  partit, 
vers  1720,  pour  Paris  dans  l'intention 
de  suivre  les  leçons  de  Petit  et  de 
Morand.  Son  séjour  à  Paris  se  prolongea 
pendant  onze  ans,  dont  six  furent  passés 
à  r Hôtel-Dieu.  Il  revint  à  Namur  vers 
1731  ;  il  y  avait  déjà  acquis  une  cer- 
taine réputation  quand,  en  1735,  il 
publia  son  premier  ouvrage  intitulé  : 
Réflexions  sur  lesplayes,  ou  la  méthode  de 
procéder  à  leur  cicration  suivant  les  prin- 
cipes modernes;  la  structure  naturelle  des 
parties  et  leurs  mouvemens  mechaniques, 
fondez  sur  l'expérience  la  plus  certaiyie, 
avec  des  remarques  des  plus  grands  Mai' 
très  de  Vart,  et  leurs  observations  les  plus 
curieuses  et  les  plus  instructives^  tou- 
chant les  playes  des  trois  Ventres,  par 
C.-F.  Faudacq,  chirurgien;  à  Namur, 
chez  Ch.  Lahaye,  1735,  in- 8°.  Ce  livre 
vit  le  jour  à  la  suite  d'une  querelle  sur- 
venue entre  Faudacq  et  ses  confrères,  à 
propos  d'un  Essay  de  chirurgie,  traité 


899 


FAUDACQ 


900 


qu'il  avait  fortement  critiqué  corame 
n'étant  plus  en  rapport  avec  les  progrès 
de  la  science.  Mais  l'idée  d'appuyer  ses 
théories  sur  une  publication  uniquement 
destinée  à  combattre  celles  de  ses  adver- 
saires ne  lui  suffisait  pas;  il  visait  plus 
haut  :  ce  qu'il  avait  retenu  des  leçons 
de  ses  maîtres,  ce  qu'il  avait  appris 
pendant  ses  longues  années  de  travail 
à  l'Hôtel-Dieu  de  Paris,  il  voulait  l'en- 
seigner à  son  tour.  Aussi  modifia-t-il  le 
plan  et  l'ordre  de  son  ouvrage,  comme 
il  le  dit  dans  son  avertissement,  »  en 
«  faveur  des  jeunes  chirurgiens  pour 
«  lesquels  j'essaie  de  donner  une  théorie 
»  succincte  sur  les  principes  des  Playes, 
»   avec   la  pratique   fondée   sur  l'expé- 

•  rience  la  plus  certaine  « .  Dans  cet 
avertissement  il  donne  aussi  le  plan  de 
son  ouvrage  :  il  s'occupera  d'abord  »  des 
»  principes  sur  les  Playes,    c'est-à-dire 

•  de  tout  ce  qu'il  est  indispensable  de 

•  sçavoir   pour   en   avoir  une  connois- 

•  ?ance  claire  et  méthodique  (ch.  1 
»  à  10);  "  puis  du  traitement  (ch.  11 
à  12)  ;  il  passera  ensuite  successivement 
en  revue  les  plaies  de  tête,  les  plaies  de 
poitrine  et  les  plaies  de  l'abdomen. 
L'avertissement  se  termine  par  la  pro- 
messe d'une  suite  prochaine  à  ce  pre- 
mier ouvrage. 

Beaucoup  de  biographes,  se  répétant 
les  uns  les  autres,  ont  trouvé  que  dans 
ce  traité  Faudacq  s'est  trop  répandu  en 
raisonnements  :  il  serait  beaucoup  plus 
exact  de  dire  que  le  chirurgien  namu- 
rois  se  montre  à  la  hauteur  d'un  profes- 
seur qui  veut  se  faire  comprendre,  et 
qu'il  ne  se  contente  pas  de  rapporter  ce 
qui  avait  cours  dans  la  science  à  cette 
époque,  mais  encore  qu'il  y  joint  en  maint 
endroit  des  observations  qui  lui  sont 
personnelles.  C'est  ainsi,  par  exemple, 
qu'appréciant  l'insuffisance  et  l'inexac- 
titude du  mécanisme,  de  Vhnmorisme  et 
du  vitalisme,  il  prend  à  chacune  de  ces 
théories  ce  qui  lui  semble  le  plus  ration- 
nel et  tâche  de  ne  laisser  aucun  point 
sans  une  explication  physiologique  aussi 
claire  que  possible.  P^audacq  avait  l'am- 
bition d'enseigner  à  son  tour,  de  fonder 
en  quelque  sorte  une  école  de  médecine 
à  Namur.  Aussi,   peu  de  temps  après, 


adressa-t-il  au  magistrat  une  requête 
afin  d'obtenir  une  chambre  à  l'hôpital 
Saint-Jacques  pour  y  enseigner  l'ana- 
tomie  et  la  médecine  opératoire.  Le 
magistrat  ,  par  résolution  datée  du 
23  décembre  1735,  voulut  bien  «  se- 
«  conder  le  bon  dessein  du  suppliant 
"  tendant  au  bien  public  de  cette  ville  « , 
et  lui  accorda  «  par  forme  d'essai  «  une 
salle  à  l'hôpital.  Mais  dans  cette  ville 
les  ressources  des  anatomistes  devaient 
être  bien  précaires,  puisque  les  démon- 
strations ne  pouvaient  être  faites,  à  cette 
époque,  que  sur  le  cadavre  des  suppliciés, 
et  encore  une  autorisation  spéciale  était- 
elle  chaque  fois  exigée  :  ce  que  l'on  peut 
voir  dans  une  demande  d'autorisation 
de  ce  genre  datée  du  18  juin  1738  et 
signée  Piron ,  doyen  des  chirurgiens, 
et  Faudacq,  maître  chirurgien,  "  pro- 
"  mettant  de  ne  distraire  du  corps  au- 
u  cune  partie,  mais  de  le  remettre  en 
Il  entier  après  ladite  démonstration 
u  finie,  même  de  le  faire  inhumer  avec 
Il  un  service  et  quantité  de  messes  qu'ils 
'/  feront  célébrer  pour  le  repos  de  son 
«   âme,  etc.  « 

Cependant  la  réputation  de  Faudacq 
s'étendait  non-seulement  dans  le  pays, 
mais  encore  à  l'étranger,  et  plusieurs 
villes  lui  avaient  fait  les  propositions  les 
plus  brillantes  pour  l'attirer  chez  elles. 
Il  les  refusa,  mais  il  s'en  prévalut  tou- 
tefois pour  obtenir  la  survivance  de 
l'emploi  de  chirurgien  pensionnaire  de 
la  ville,  alors  occupé  par  Hubert  Mu- 
niez.  Cette  survivance  lui  fut  accordée 
par  le  magistrat,  et  la  décision  ratifiée 
par  le  gouverneur  le  10  décembre  1738. 
Il  reçut  sa  commission  quatre  ans  après, 
à  la  mort  de  Muniez.  Cette  pièce  existe 
encore  :  elle  donne  de  curieux  détails 
sur  ce  qu'était  cette  charge,  sur  les 
émoluments  qui  y  étaient  attachés,  sur 
les  obligations  auxquelles  le  titulaire 
était  astreint  :  c'est  ainsi  qu'entre  autres 
choses,  il  était  défendu  au  pensionnaire 
de  sortir  de  la  ville  pour  plus  d'un  jour 
sans  l'autorisation  expresse  du  magis- 
trat. 

Un  congé  dut  donc  lui  être  accorde 
dès  le  début  de  son  entrée  en  fonc- 
tions, puisque  au  mois  d'octobre  de  cette 


1)0 1 


FAUDACO 


9D2 


année,  il  était  attaché  en  qualité  de 
chirurgien  au  régiment  du  prince 
d'Arenberg,  et  suivait  les  armées  an- 
glo  -  autrichiennes  confédérées  contre 
Louis  XV.  A  la  bataille  d'Ettingen  ou 
de  Dettingen  (26  juin  1743),  le  prince 
d'Arenberg  reçut  une  balle  dans  la  poi- 
trine. Faudacq  fut  assez  heureux  pour 
sauver  les  jours  de  l'illustre  blessé  qui 
le  prit  dès  lors  en  grande  amitié  et 
l'attacha  spécialement  à  sa  personne.  Le 
prince  lui  ayant  demandé  à  plusieurs 
reprises  d'écrire  un  traité  sur  les  mala- 
dies et  les  accidents  les  plus  fréquents 
en  campagne,  le  modeste  chirurgien 
s'excusa  d'abord,  alléguant  «  son  insuf- 
fisance «  ;  mais  il  finit  par  se  rendre  aux 
désirs  de  son  protecteur.  Il  fut  inter- 
rompu dans  son  travail  par  des  afl"aires 
de  famille  qui  le  rappelèrent  à  Namur, 
où  il  retrouva  sa  place  de  chirurgien 
pensionnaire,  et  il  se  remit,  un  peu  plus 
tard,  à  ses  études  afin  de  publier  le  livre 
qu'il  avait  promis.  Mais  Faudacq  n'était 
plus  alors  le  théoricien  qui  se  laissait 
entraîner  à  des  querelles  d'école  :  d'un 
jugement  plus  rassis,  il  voulait  ne  rien 
publier  avant  d'être  complètement  sa- 
tisfait de  son  œuvre.  Craignant  de  suc- 
comber aune  "  émulation  mal  entendue  « 
comme  il  le  dit,  il  pensa  un  instant 
abandonner  l'ouvrage  commencé,  se  fé- 
licitant de  ce  que  son  rappel  à  Namur 
lui  avait  fourni  «  un  prétexte  spécieux 
«  et  honnête  pour  dégager  sa  parole, 
»  et  du  même  coup  sauver  sa  réputation 
'  •  naissante  d'un  écueil  assuré.  «  La 
guerre  se  rapprochant  des  frontières 
vint  lui  rapp^r  l'utilité  de  son  entre- 
prise ;  il  reprit  l'œuvre  délaissée  et  peu 
après  parut  le  Nouveau  traité  de»  plaies 
d'armes  à  feu,  avec  des  7'emarqves  et 
observations  sur  différentes  maladies  du 
ressort  de  la  chirurgie  par  Faudacq,  cM- 
ruryien  juré  et  pensionnaire  pour  les  pau- 
vres de  la  ville  de  Namur  et  de  ses  hôpi- 
taux; à  Namur  ,  chez  J.  d'Etienne  , 
1746,  in-8o. 

Ce  traité  avait,  comme  le  premier,  un 
but  didactique  et  était  destiné  aux 
jeunes  chirurgiens  «  non  initiés  dans 
•  les  principes  de  la  matière  « .  Les 
observations  personnelles  sont   ici  bien 


plus  nombreuses  encore  que  dans  son 
premier  ouvrage,  et  l'auteur  reçut  l'ap- 
probation et  les  félicitations  unanimes 
de  ses  confrères.  Ce  n'est  pas  que  l'on  y 
trouve  beaucoup  de  théories  nouvelles, 
ce  n'est  pas  que  l'auteur  y  brille  par  son 
style,  mais  il  y  fait  preuve  d'expérience; 
et,  s'il  a  consulté  «  Ambroise  Paré, 
«  Beloste  et  particulièrement  M.  Le 
"  Dran,  dont  l'ouvrage  est  le  meilleur 
"  que  nous  ayons  en  ce  genre  «,  il  a  su 
également  les  critiquer  quand  sa  pra- 
tique personnelle  s'est  trouvée  en  oppo- 
sition avec  leurs  théories.  Il  ne  brille 
pas  par  son  style,  disions-nous,  mais, 
comme  l'auteur  l'avoue  lui-même,  «  si 
»  le  stil  n'est  pas  poli  et  fleuri,  je  prie 
•  le  lecteur  de  faire  attention  que  je 
»  suis  d'un  pays  où  le  patois  est  natu- 
«  rel  " .  Dans  ce  second  ouvrage  Fau- 
dacq traite  surtout  des  plaies  par  armes 
à  feu;  mais  il  fait  suivre  les  considéra- 
tions intéressantes  qu'il  émet  à  leur 
sujet,  de  dix-neuf  observations  dans  les- 
quelles il  passe  en  revue  diverses  mala- 
dies du  ressort  de  la  chirurgie  et  qui 
prouvent  une  fois  de  plus  que  leur 
auteur  était  aussi  habile  chirurgien 
qu'écrivain  instruit.  Enfin  il  promet  de 
continuer  ses  publications  pour  peu  que 
son  livre  soit  bien  accueilli  du  public. 
11  avait  fait,  il  est  vrai,  la  même  pro- 
messe en  publiant  son  premier  ouvrage  ; 
on  n'en  possède  toutefois  de  lui  aucun 
autre. 

En  1748,  il  donna  sa  démission  de 
chirurgien  pensionnaire  et  fut  remplacé 
par  le  chirurgien  Lahaut.  Depuis  cette 
époque  jusqu'en  1768,  il  se  présente 
dans  la  biographie  de  Faudacq  une 
lacune  :  il  est  cependant  probable  qu'au- 
cun événement  de  quelque  importance 
ne  vint  interrompre  cette  longue  période 
de  sa  vie  laborieuse.  Il  existe  une  pièce 
datée  de  cette  année  1768  prouvant  que 
le  maître  chirurgien  n'avait  pas,  malgré 
son  âge,  abandonné  complètement  l'idée 
de  reprendre  la  plume.  Cette  pièce,  qui 
fut  affichée  à  Namur  par  les  soins  du 
magistrat,  informe  le  public  que  Fau- 
dacq a  l'intention  de  publier  un  nouvel 
ouvrage  ;  après  avoir  indiqué  les  di- 
verses parties  que  l'auteur  se  propose  de 


903 


FAUDACQ  —  FAUKEEL 


904 


traiter,  elle  se  termine  par  cette  phrase 
curieuse  :  »  Cependant  comme  ledit  Cor- 
.  neille  Faudacq,  avant  de  mettre  cet 
Il  ouvrage  en  lumière  et  de  le  produire 
u  en  public,  souhaite  d'avoir  sur  ces 
u  différents  sujets  les  observations  et 
u  réflexions  concursives  au  bien  géné- 
«  rai,  de  ses  confrères  et  autres  experts 
.  dans  l'art,  afin  de  les  insérer  dans  le 
»  corps  de  son  ouvrage  avec  les  noms 
»  de  ceux  qui  auront  bien  voulu  l'aider 
«  de  leur  secours  et  de  leurs  connois- 
■  sauces  particulières  dans  ces  diffé- 
«  rentes  parties  qui  s'aîinoncent  comme 
«  si  intéressantes;  mesdits  sieurs  en 
«  vue  de  seconder  les  bonnes  intentions 
«  dudit  Corneille  Faudacq,  invitent 
«  tous  les  curieux  à  bien  vouloir  se 
0  prêter  à  cet  avantage  général  par 
«   leurs  remarques  et  observations  sur 

•  ces  différentes  matières  et  de  les  faire 
«  remettre  d'eux  signées  sous  cachet  au 
t   greffe  de  cette  cour  le  plus  tôt  possible, 

•  pour  les  faire   parvenir   ensuite  en 

•  toute  sécurité  à  l'autheur. 

«  Fait  au  magistrat  à  Namur  le 
«  20  juillet  1768,  par  ordonnance  : 
«  Motteau,  1768.  « 

Dans  la  bonne  ville  de  Namur,  était- 
ce  l'usage  au  siècle  dernier  de  faire  col- 
laborer «  les  curieux  "  aux  publications 
savantes?  Il  est  en  tous  cas  regrettable 
que  Faudacq  n'ait  donné  aucune  suite  à 
son  projet  :  l'histoire  de  la  médecine  et 
des  médecins  y  a  perdu  un  monument 
qui  eût  été  intéressant  à  plus  d'un  titre. 

Faudacq  mourut  à  Namur  dans  la 
paroisse  de  Notre-Dame,  le  27  novem- 
bre 1771,  et  l'acte  de  décès  porte  qu'il 
fut  enseveli  «  in  templo  « .  On  ignore 
s'il  a  été  marié  et  s'il  eut  des  enfants, 
car  l'acte  de  décès  n'en  fait  aucune  men- 
tion. M.  Borgnet  dit  que  les  Faudacq, 
encore  nombreux  à  Namur  à  la  fin  du 
xvine  siècle,  n'existent  plus  aujour- 
d'hui. 

Un  dernier  détail  pour  finir  :  il  est 
emprunté  à  la  notice  que  M.  Borgnet  a 
consacrée  à  son  modeste  compatriote. 
En  1803,  on  jugea  le  vieil  édifice  de 
Notre-Dame  caduc,  et,  selon  une  règle 
généralement  observée  à  Namur,  au  lieu 
de  le  reparer,   on    l'abattit.    Les  nom- 


breux ossements  que  huit  ou  neuf  siècles 
avaient  accumulés  dans  l'antique  collé- 
giale et  les  encloîtres,  furent  jetés  igno- 
minieusement dans  la  Meuse  du  haut  de 
la  tour  du  Doyen.  Ceux  que  les  flots 
n'emportèrent  pas  à  la  première  débâcle 
servirent  à  rehausser  le  chemin  de  ha- 
lage.  Et  c'est  ainsi,  termine  l'historien 
namurois,  qu'après  avoir  servi  utilement 
sa  patrie,  notre  pauvre  Faudacq  ne  put 
même  reposer  en  paix  sous  le  vieux 
pavement  où   il  avait  élu  sa  dernière 

demeure.  Docteur  Victor  Jacques. 

Messager  des  sciences  historiques,  etc.,  4849, 
p.  454.  —  Eloy,  Dictionnaire  historique  de  la 
médecine  ancienne  et  moderne,  t.  II,  p.  lOy.  — 
Uelvenne,  Biographie  des  Pays-Bas,  t.  1,  p.  377. 
—  Piron,  Algenieene  levens  beschryving ,  enz. 
^by■voegselJ. —  Biographie  médicale,  t.  IV,  p.  117. 
— Arctiives  de  la  société  archéologique  de  Namur, 
t.  11,  p.  ^^.—  Journal  de  médecine,  de  chirurgie 
et  de  pharmacologie  de  Bruxelles,  t.  XV,  p.  '6\ 
et  120. 

FACKEEi.  {Eerman) ,  Fauckel  , 
FoEKEL,  Faukelius,  théologicu  pro- 
testant, né  à  Bruges  vers  1560,  mort  à 
Middelbourg  en  ]  625.  Ses  parents  ayant 
embrassé  la  réforme  voulurent  que  leur 
fils  se  préparât  à  la  mission  de  prédica- 
teur par  des  études  complètes.  En  1580, 
Faukeel  quitta  sa  ville  natale  pour 
suivre  à  Gand  les  cours  de  l'université 
calviniste  que  les  échevins  venaient  d'y 
établir.  Il  y  trouva  des  maîtres  de  latin, 
d'éloquence  et  de  philosophie.  C'est  là 
qu'il  rencontra,  pour  l'étude  approfon- 
die de  la  théologie,  le  ministre  Jacques 
Kimedonck  et  le  docteur  Lambert  Da- 
neau  ou  Danœus  de  Beaugency  près 
d'Orléans.  On  admira  la  facilité  de  sa 
parole  et  la  vivacité  d^sa  dialectique 
lorsque,  le  2  mars  1583,  il  défendit 
publiquement,  sous  la  présidence  de 
Daneau,  dix-huit  propositions  tirées  de 
la  deuxième  partie  du  catéchisme  de 
Heidelberg. 

Peu  de  temps  après,  son  maître  pré- 
féré ayant  quitté  définitivement  l'uni- 
versité de  Gand  pour  retourner  en 
France,  Faukeel  s'en  alla  en  Hollande 
et  fut  inscrit  comme  élève  de  l'univer- 
sité de  Leyde,  le  23  juin  1583.  Il  s'y 
attacha  particulièrement  aux  leçons  de 
Drusius,  le  grand  orientaliste  d'Aude- 
narde.   En  1585,  appelé  à  Cologne  par 


905 


FAUKEEL  —  FAULBECKER 


906 


une  communauté  secrète,  il  en  devint  le 
ministre,  et  la  dirigea  pendant  quatorze 
ans  avec  courage  et  prudence.  Dès  1594, 
Middelbourg  voulut  l'avoir  comme  pré- 
dicateur; elle  ne  l'obtint  que  le  37  juin 
1599,  après  l'avoir  longtemps  disputé 
à  Cologne  et  à  Amsterdam,  qui  le  ré- 
clamaient avec  la  même  insistance.  Le 
savant  pasteur  fut  pendant  vingt-cinq 
ans  l'idole  des  fidèles  de  Middelbourg. 
Dès  les  premiers  jours  ils  avaient  admiré 
sa  voix  puissante,  sa  diction  soignée, 
sa  logique  claire,  ses  mouvements  natu- 
rellement oratoires,  et  surtout  son  dé- 
vouement, sa  loyauté  chevaleresque  et 
son  activité  infatigable.  Ces  qualités  ne 
furent  pas  moins  appréciées  dans  les 
nombreuses  assemblées  religieuses  où  il 
figura.  Lors  du  mouvement  ecclésiastique 
de  1618-1619,  le  synode  provincial 
de  Zéiande  le  délégua  au  synode  na- 
tional de  Dordrecbt.  Il  fut  aussitôt  pro- 
clamé assesseur,  déploya  une  activité  sans 
égale,  et  contribua,  par  son  éloquence, 
aux  plus  importantes  décisions  de  l'as- 
semblée. Adversaire  des  remontrants, 
il  sut  concilier  le  rigorisme  calviniste 
avec  la  tolérance  chrétienne.  C'est,  en 
somme,  une  des  plus  nobles  figures  du 
groupe  des  ardents  gomaristes.  Après 
ces  rudes  controverses,  Faukeel  s'estima 
très-heureux  de  pouvoir  retourner  à  sa 
communauté  de  Middelbourg.  Mais  sa 
réputation  était  trop  grande  pour  qu'on 
l'oubliât.  En  1621,  il  dut  présider  l'ad- 
ministration des  églises  des  Indes  orien- 
tales. En  même  temps,  on  l'invoquait 
pour  tous  les  grands  débats  théologi- 
ques, si  nombreux  alors  en  Hollande. 
L'ardeur  de  la  dispute  ne  lui  fit  jamais 
oublier  sa  mansuétude  évangélique. 

Faukeel  n'était  pas  moins  remar- 
quable comme  philologue.  Sa  traduction 
du  Nouveau  Testament  grec,  publiée 
en  1617  et  sa  version  littérale  des  livres 
hébreux  (manuscrit  de  la  chambre  con- 
sistoriale  de  Middelbourgj  le  désignè- 
rent aux  suô'rages  du  synode  de  Dor- 
drecht.  Il  fut  un  des  plus  célèbres 
membres  du  comité  des  traducteurs 
officiels.  C'était,  avant  Schultens,  un 
des  exégètes  les  plus  estimés.  Parmi  les 
travaux  suscités  par  le   synode,  on  cite 


sa  comparaison  des  diverses  traductions 
de  la  confession  de  la  foi  et  divers  écrits 
de  doctrine  religieuse.  En  1620,  il  com- 
posa contre  les  anabaptistes  qui  se  mul- 
tipliaient en  Zéiande,  son  traité  Babel, 
dat  is,  verwerihiffhe  der  wederdooperen 
onder  malkanderen,  oter  meest  aile  de 
stuclen  der  christelycke  leere. 

Le  7  mai  1625,  il  discutait  encore 
avec  la  plus  grande  ardeur  dans  une 
assemblée  de  théologiens.  Deux  jours 
après  il  était  mort.  N'ayant  plus  de 
parents,  il  avait  légué  sa  bibliothèque 
au  consistoire  de  Middelbourg  où  elle 
est  encore.  Faukeel  avait  pour  devise  : 
Tionos,  onus;  fasces,  fasces.  On  publia  à 
Middelbourg,  après  sa  mort,  le  Bruilofts- 
lied  ter  eeren  vanJ.-C.  (1628)  et  Jesuah 
Jeliovœ  (1633),  deux  recueils  de  ses 
meilleurs  sermons.  j.  stecher. 

Vander  Aa,  Btographisch  woordenboek ,  V. 
(1862  .  —  W.  Te  Watei-,  Kort  verhaal  der  her- 
vorinde  kerk  en  doorluchlige  school  le  Gem.  — 
J.  Borsius.  H.  Faukelius  m  zyn  leven,  karakter 
en  leiierkunde.  —  P.  Fredericq,  .Vote  sur  l'uni- 
versité calviniste  de  Gand. 

FACiiBECKER  {Jean- Baptiste),  écri- 
vain classique,  né  à  Luxembourg  le 
9  mars  1764,  mort  le  10  mars  1846.  Il 
fit  ses  humanités  au  collège  de  sa  ville 
natale,  puis  entra  en  1788,  à  l'abbaye 
de  Wadgasse,  de  l'ordre  de  Prémontré, 
où  il  reçut  la  prêtrise.  Son  séjour  ne  fut 
pas  long  dans  ce  paisible  monastère  : 
les  lois  républicaines  françaises  venant 
de  supprimer  les  couvents,  il  dut  fuir 
de  son  abbaye  et  fut  poursuivi  pendant 
plusieurs  années  comme  réfractaire,  re- 
fusant de  prêter  le  serment  de  haine  à 
la  royauté.  Arrêté,  enfin,  et  amené  de- 
vant le  tribunal  révolutionnaire,  il  y 
fut  acquitté  et  déclaré  citoyen.  Il  obtint 
plus  tard  une  cure  aux  environs  de  la 
Moselle  et  devint  en  1804,  secrétaire 
du  vicaire  général  de  Luxembourg,  fonc- 
tion qu'il  occupa  pendant  huit  ans, 
cumulant  en  même  temps  celles  de 
vicaire  de  la  paroisse  de  Saint- Pierre  et 
d'aumônier  du  monastère  de  la  congré- 
gation de  Notre-Dame,  dite  de  Sainte- 
Sophie. 

Prêtre  instruit,  Faulbecker  se  distin- 
gua par  ses  efforts  persévérants  pour 
propager    et    populariser    l'iustructioa 


907 


FAULBECKER  -  FAULCONNIER 


908 


publique.  Sa  ville  natale  lui  doit  beau- 
coup à  cet  égard  :  il  fut,  en  effet,  l'un 
des  premiers  de  ceux  qui  s'associèrent 
en  1820  pour  fonder  l'école  normale  de 
Luxembourg,  destinée  à  former  des 
instituteurs  primaires;  de  plus,  il  con- 
tribua à  la  fondation  de  cette  école,  non- 
seulement  de  sa  bourse,  mais  de  sa  per- 
sonne, en  y  donnant  des  cours  gratuits 
et  publics.  A  cette  occasion,  il  mit  au 
jour,  avec  le  professeur  Ducbène,  un 
ouvrage  ayant  pour  titre  :  Calcul  intuitif 
d'après  la  métliode  de  Pestalozzi,  1  vol. 
in-8o,  dont  il  existe  une  seconde  édi- 
tion, imprimée  à  Luxembourg  en  1829. 

Aug.  Vander  Meersch. 
Neyen,  Biographie  luxeinbourgeoise. 
FAVI.COIVIVIER  {Pierre),  historien, 
né  à  Dunkerque,   mort  dans  cette  ville 
en  septembre  1735. 

Cet  auteur  de  la  Description  historique 
de  Dunkerque  appartenait  à  une  famille 
noble  qui  a  rendu  de  grands  services  à 
la  France  depuis  que  cette  puissance 
est  devenue  maîtresse  de  la  ville  où 
Faulconnier  vit  le  jour.  Cet  ancien  port 
de  la  Flandre  fut,  comme  on  sait,  pris 
par  le  prince  de  Condé  vers  1650;  Pierre 
Faulconnier,  le  père  de  notre  écrivain, 
y  était  bourgmestre,  fonctions  aux- 
quelles le  jeune  roi  Louis  XIV,  ou  plu- 
tôt son  premier  ministre,  joignit  celles 
de  grand  bailli.  Dunkerque  ayant  été 
repris  par  les  Espagnols,  une  armée 
franco-anglaise  vint  en  faire  le  siège  et, 
après  la  sanglante  bataille  dite  des 
Dunes,  força  le  gouverneur  à  capituler 
une  seconde  fois.  A  cette  époque,  le 
célèbre  Cromwell  gouvernait  la  Grande- 
Bretagne  avec  le  titre  de  lord  protecteur; 
il  voulut  procurer  à  sa  nation  une  pos- 
session sur  le  continent  et  exigea  que 
"Dunkerque  fût  remis  entre  ses  mains. 
Mais,  plus  tard,  le  roi  Charles  II  con- 
sentit à  vendre  ses  droits  à  Louis  XIV, 
à  l'insu  et  malgré  le  vœu  du  parle- 
ment. La  garnison  traversait  la  mer  du 
Nord  pour  revenir  en  Angleterre,  lors- 
qu'elle rencontra  un  bateau  sur  lequel 
était  un  messager  porteur  de  la  défense 
au  gouverneur  de  Dunkerque  de  livrer 
cette  ville  aux  généraux  français.  La 
chambre  des  communes  avait  été  jouée 


et  il  était  trop  tard  ;  la  convention  était 
signée  et  exécutée.  C'était  Faulconnier 
père  qui  avait  avancé  l'argent  au  moyen 
duquel  on  avait  levé  les  scrupules  des 
officiers  anglais.  Aussi  ne  faut-il  pas  s'é- 
tonner que  lors  de  l'entrée  du  roi  de 
France  dans  sa  nouvelle  possession,  le 
2  décembre  1662,  il  accueillit  fort  bien 
ce  serviteur  dévoué,  que  le  maréchal 
d'Estrades  lui  présenta  et  à  qui  il  fit 
présent  d'une  chaîne  d'or,  ornée  d'un 
médaillon. 

Pierre,  le  fils  du  bailli  et  de  Made- 
leine Hendricxsen,  fit  ses  premières 
études  chez  les  jésuites  de  Dunkerque, 
puis  étudia  la  philosophie  à  Douai  et 
le  droit  à  Paris.  Lorsque  son  père  mou- 
rut, en  1674,  Pierre  était  trop  jeune  pour 
profiter  des  lettres  de  survivance  des 
fonctions  de  grand  bailli  qui  lui  avaient 
été  délivrées;  mais,  deux  ans  après,  on 
l'autorisa  à  en  jouir.  Il  est  vrai  qu'en 
1692,  pour  faire  face  aux  énormes  dé- 
penses que  la  guerre  entraînait,  toutes 
les  charges  municipales  furent  déclarées 
réunies  au  domaine  royal  et  les  titulaires 
ne  purent  les  conserver  qu'en  les  payant 
largement.  Malgré  d'activés  démarches, 
malgré  ses  longs  services,  Faulconnier 
dut  subir  la  loi  commune. 

Le  gouvernement  de  Louis  XIV  ne 
respecta  pas  longtemps  les  usages  chers 
à  la  population  de  Dunkerque  et  les 
privilèges  qu'elle  avait  obtenus.  C'est 
ainsi  qu'un  édit  du  26  mai  1664  enjoi- 
gnit au  magistrat  de  ne  plus  se  servir 
pour  les  procédures  que  de  la  langue 
française .  De  nombreuses  atteintes  furent 
portées  aux  franchises  du  port.  Enfin,  la 
destruction  de  ce  dernier  et  des  travaux 
entrepris  à  Mardick,  destruction  exigée 
par  l'Angleterre  à  la  suite  de  la  conclu- 
sion du  traité  d'Utrecht,  menaça  de 
tarir  dans  sa  source  la  prospérité  de 
Dunkerque.  Faulconnier,  accompagné 
de  l'échevin  de  Meulebeque,  se  rendit  à 
Paris  afin  d'obtenir  pour  cette  ville  des 
compensations  à  ses  pertes,  et  ses  actives 
démarches  ne  restèrent  pas  sans  fruit. 
Elles  lui  valurent  sans  doute  sa  nomina- 
tion au  poste  de  président  de  la  chambre 
de  commerce,  qu'il  remplit  jusqu'à  sa 
mort. 


909 


FAULCONNIER  —  FAUQUEMONT 


910 


Faulconnier  consacra  ses  loisirs  à 
l'ouvrage  auquel  son  nom  est  resté  atta- 
ché. La  Description  historique  de  Dun- 
kerque,  ville  maritime  et  port  très-jameux 
dans  la  Flandre  occidentale,  parut  en 
1730  à  Bruges,  chez  Pierre  Van  de  Cap- 
pelle  et  André  Wydts.  Elle  forme  deux 
volumes  in-folio,  ornés  de  quelques 
planches  gravées  par  Krafft  et,  pour  la 
plupart,  imprimées  dans  le  texte  même. 
Le  frontispice  nous  offre,  dans  le  haut, 
la  Renommée  tenant  le  portrait  du  «  cé- 
lèbre «  auteur. 

L'ouvrage  est  dédié  au  bourgmestre, 
aux  échevins  et  au  conseil,  formant  le 
magistrat  de  Dunkerque.  Il  s'arrête  en 
1718.  C'est  une  compilation  estimable, 
où  l'on  rencontre  une  foule  de  détails 
intéressants,  mais  assemblés  avec  peu 
d'art.  Faulconnier  déclare  qu'il  n'a 
avancé  aucun  fait  qui  ne  soit  tiré  des 
archives  ;  on  ne  peut  néanmoins  le  suivre 
qu'avec  défiance,  surtout  pendant  les 
époques  les  plus  reculées.  Ainsi  il  place 
à  Dunkerque  le  port  Iccius,  il  attribue 
la  fondation  de  la  ville  a  saint  Eloy  qui 
y  serait  venu  prêcher  l'évangile  à  un 
peuple  nommé  les  Diabintes ,  c'est-à- 
dire,  die  Hapinden,  navigantes  in  portu 
aecuris  formée,  naviguant  dans  un  port 
qui  a  la  forme  d'une  hache  (les  Dia- 
hlintes,  sans  doute,  de  César,  qui,  en 
réalité  habitaient  près  de  Jablentz,  dans 
le  département  de  l'Aveyron)  et  fonda 
sur  leur  territoire  un  temple  chrétien, 
qui  de  sa  situation  s'appelait  VEglise 
des  Dunes  {Duyn  Kerke)  ;  il  admet  que 
le  comte  de  Flandre  Baudouin  III  en- 
toura d'un  mur  les  habitations  bâties  en 
cet  endroit,  etc.  Dunkerque,  dit-il,  peut 
s'appeler  une  ville  moderne ,  l'époque 
de  sa  fondation  étant  le  xe  siècle  :  il 
aurait  dû  dire,  pour  être  exact,  la  se- 
conde moitié  du  xiie  siècle. 

Faulconnier  a  laissé,  dit-on,  huit 
volumes  in-folio  d'observations  manu- 
scrites sur  des  sujets  d'histoire;  ce  re- 
cueil ne  se  compose  sans  doute  que  des 
matériaux  à  l'aide  desquels  il  a  rédigé 
ce  livre.  Il  serait  utile  de  rechercher  en 
quoi  cette  collection  consiste,  et  quelle 
en  est  la  véritable  valeur.  Notre  écrivain 
fut  enterré  dans  le  chœur  de  l'église  con- 


ventuelle des  Récollets,  ainsi  que  plu- 
sieurs autres  membres  de  sa  famille.  Il 
avait  épousé,  en  1677,  Anne  deBoistel, 
fille  d'un  commissaire  de  guerres,  morte 
eu  1733,  après  avoir  donné  le  jour  à 
16  enfants,  dont  3  seulement  lui  survé- 
curent :  deux  filles,  mortes  célibataires, 
et  un  fils,  Pierre- Jean- Joseph  Faulcon- 
nier, qui  succéda  aux  charges  de  son 
père  et  laissa  de  la  postérité. 

Alphonse  Wauters. 

Paquot,  Mémoires,  t.  III,  p  398-400.  —  Bio- 
graphie ancienne  et  moderne  de  Michaud,  t.  XIV, 
p.  194. 

FAVQDEMOIVT  {Thierry,  sire  de), 
homme  de  guerre,  né  au  château  de 
Fauquemont,  dans  le  Limbourg,  vers 
la  fin  du  xiiie  siècle,  mort  à  Yottem, 
dans  le  pays  de  Liège,  en  1346.  Il  était 
fils  puîné  de  Renaud  sire  de  Fauque- 
mont, de  Montjoie,  de  Saint- With,  de 
Bulgenbach,  de  Heinskercke,  etc.,  qiii 
avait  eu  des  démêlés  avec  le  duc  de 
Brabant  et  dont  l'historien  De  Hemri- 
court  dit  que  c'était  »  le  plus  brave  et  le 
plus  courageux  des  Flamands  «  Son  fils 
aîné  Waleram  ayant  été  tué  en  1329  à 
la  défense  du  château  de  la  famille, 
Thierry  succéda  à  son  père  dans  les 
domaines  patrimoniaux  et,  comme  son 
père,  il  se  fit  une  grande  réputation  de 
capitaine  habile  et  courageux. 

En  1332,  le  duc  de  Brabant  ayant 
refusé  d'obtempérer  aux  injonctions  du 
roi  de  France,  qui  voulait  que  Robert 
d'Artois,  réfugié  à  la  cour  de  Jean  III. 
lui  fût  livré  ou  tout  au  moins  fût  expulsé 
des  Etats  du  duc  de  Brabant,  vit  se 
former  contre  lui,  à  l'instigation  du  roi 
de  France,  une  ligue  de  tous  les  princes 
ses  voisins,  lesquels  espéraient  s'enri- 
chir des  dépouilles  du  duc  de  Brabant 
dont  la  perte  leur  semblait  assurée. 
Thierry  de  Fauquemont,  qui  avait  à 
venger  les  griefs  de  son  père  Renaud  et 
la  mort  de  son  frère  Waleram,  était 
l'àme  et  le  chef  de  cette  confédération  à 
laquelle  le  comte  d'Eu,  connétable  de 
France,  vint  se  joindre,  avec  un  corps  de 
troupes  françaises.  Le  duc  de  Brabant 
montra  une  grande  fermeté  dans  ces  cir- 
constances critiques;  il  chercha  à  attirer  à 
un  combat  ses  ennemis  qui  se  conduisaient 


9H 


FAUQUEMONT  —  FAVELET 


912 


non  en  soldats  ni  en  chevaliers,  mais  en 
véritables  brigands,  pillant  et  brûlant  les 
domaines  de  leur  ennemi,  mais  fuyant 
la  bataille.  Grâce  à  l'intervention  du 
comte  de  Hainaut  et  au  départ  volon- 
taire de  Eobert  d'Artois  pour  l'Angle- 
terre, le  roi  de  France  s'apaisa  et  la 
ligue  des  princes  se  rompit. 

Thierry  de  Fauquemont,  à  qui  le  repos 
était  insupportable  et  qui  recherchait 
les  occasions  de  faire  la  guerre,  s'em- 
pressa de  promettre  son  concours  à 
Edouard  III  d'Angleterre,  lorsque  ce 
prince  imagina  de  revendiquer  la  cou- 
ronne de  France,  et  il  s'allia  dans  ce 
but  avec  ce  même  duc  de  Brabant  que 
peu  de  temps  auparavant  il  cherchait  à 
dépouiller  de  ses  Etats.  En  attendant 
que  les  armements  d'Edouard  III  fus- 
sent terminés,  il  secourut  le  duc  Jean 
contre  l'évéque  de  Liège. 

Enfin  les  forces  militaires  au  moyen 
desquelles  Edouard  III  espérait  réaliser 
ses  vues  ambitieuses  se  trouvèrent  réu- 
nies en  1339,  et  on  débuta  par  le  siège 
de  Cambrai,  place  fortifiée  qui,  à  cette 
époque,  était  considérée  comme  la  clef 
de  la  France.  Thierry  de  Fauquemont 
se  distingua  dans  toutes  les  rencontres. 
Edouard  III  lui  avait  confié  un  com- 
mandement; il  fut  tellement  satisfait  de 
ses  services  qu'il  lui  accorda  une  rente 
de  1,200  écusd'or. 

Depuis  lors,  le  sire  de  Fauquemont 
semble  s'être  attaché  à  Edouard  III,  ce 
qui  ne  l'empêcha  pas  d'intervenir  dans 
les  querelles  des  princes  des  Pays-Bas. 
C'est  ainsi  qu'on  le  voit  figurer  à  la 
tête  de  l'armée  de  l'évéque  de  Liège 
lors  des  démêlés  de  ce  prince  avec  les 
habitants  de  Huy  et  d'autres  viUes  ré- 
voltées de  ses  Etats.  Dans  cette  cir- 
constance la  fortune  trahit  la  valeur  du 
sire  de  Fauquemont  :  l'armée  épiscopale 
éprouva  une  défaite  complète  à  Yottem, 
dans  le  pays  de  Liège,  et  son  chef  fut 
retrouvé  sur  le  champ  de  bataille  parmi 

les  morts.  Générai  baron  Guillaume. 


Ernst,  Histoire  du  Limbourq.  —  Perreau,  No- 
tice historique  sur  les  sires  de  Fauquemont  Revue 
belge,  18W).  —  Nej'en,  Biog.  luxembourgeoise. 
—  Becdelièvre, — "Piron,  —  Michaud,  —  Le- 
œayeur.  Gloire  Belgique. 


PAVEi-ET  {Jean-Françoii)  naquit  le 
18  avril  1674  au  fort  de  la  Perle,  com- 
mune de  Calloo,  près  d'Anvers.  Il  était 
fils  de  Jean  Favelet,  enseigne  au  service 
du  roi  d'Espagne  et  d'Ursule  Cays,  qui 
appartenaient  l'un  et  l'autre  à  de  très- 
bonnes  familles.  Orphelin  de  bonne 
heure,  il  fut  recueilli  à  l'âge  de  sept  ans 
par  l'un  de  ses  cousins,  N.  Hernandès, 
curé  de  Londerzeele,  qui  voulut  bien  se 
charger  de  son  éducation.  C'est  cet 
homme  vénérable  qui  sut  inspirer  au 
jeune  Favelet  cette  charité  sans  bornes, 
cet  amour  profond  de  ses  semblables, 
qui  ont  fait  le  bonheur  de  toute  sa  vie. 
Jean  Favelet  commença  ses  humanités 
au  collège  de  MoU  (Campine),  puis  peu 
de  temps  après,  il  alla  les  continuer  à 
iMalines  chez  les  pères  de  l'Oratoire.  Les 
succès  qu'il  y  obtint  firent  dès  lors  pré- 
voir à  ses  maîtres  et  à  son  protecteur 
l'avenir  brillant  auquel  il  était  destiné  : 
aussi  fut-il  envoyé  à  Louvain  pour  y 
étudier  la  philosophie.  Il  fut  reçu  dans 
la  maison  de  Standonck,  et  suivit  pen- 
dant quinze  mois  les  leçons  du  collège 
du  Porc.  Mais  la  philosophie  n'avait  que 
peu  d'attraits  pour  lui,  et  il  fut  heu- 
reux d'abandonner  ces  études  abstraites 
pour  suivre  les  leçons  de  Peeters,  de 
H.  Somers  et  de  Ph.  Verheyen,  qui  re- 
présentaient, à  cette  époque,  la  faculté 
de  médecine.  De  nouveaux  succès  et  de 
nouveaux  triomphes  l'attendaient  dans 
ses  nouvelles  études.  A  l'âge  de  vingt- 
trois  ans,  ses  maîtres  lui  conférèrent  le 
titre  de  fisc  et  de  doyen  des  bachelier». 
Cette  charge  et  ce  titre  étaient  accordés 
à  Louvain,  à  ceux  qui,  après  avoir  sou- 
tenu pendant  trois  mois  les  exercices  de 
l'école  dans  les  disputes  publiques, 
avaient  présidé  à  douze  thèses  pendant 
ce  temps  (Eloy,  Bict.  Jtist.  de  la  méde- 
cine anc.  et  moderne,  Mons,  1778;  t.  II). 
Favelet  subit  ces  épreuves  de  la  ma- 
nière la  plus  brillante. 

L'enseignement  de  l'Ecole  étant  plus 
théorique  que  pratique,  il  accepta  avec 
empressement  la  proposition  qui  lui  fut 
faite  d'aller  à  Malines  diriger,  en  qualité 
de  médecin,  l'hôpital  royal  des  militaires. 
Puis,  en  1701,  il  retourna  à  Louvain 
pour  se  faire  recevoir  licencié.  Il  obtint 


913 


FAVELET 


914 


ce  grade  le  5  septembre  de  cette  année, 
avec  un  succès  si  éclatant,  que,  moins  de 
quatre  ans  après,  l'ancien  élève  deve- 
nait professeur  à  son  tour.  Maximilien- 
Emmanuel,  duc  de  Bavière  et  gouver- 
neur des  Pays-Bas  pour  le  roi  d'Espagne 
Philippe  V,  le  nomma,  au  nom  de 
Sa  Majesté,  à  la  chaire  de  botanique 
devenue  vacante  par  le  décès  du  profes- 
seiir  Guillaume  van  Limborch.  Il  siégea 
pour  la  première  fois  au  conseil  de  la 
faculté  de  médecine  le  1er  octobre  1705. 
Cette  même  année,  la  régence  de  Lou- 
vain  lui  confia  la  direction  de  l'hôpital 
civil  dont  G.  van  Limborch  avait  été 
également  chargé.  En  1710,  à  la  mort  de 
l'anatomiste  Philippe  Verheyen,  il  fut 
nommé  professeur  d'anatomie  et  de  chi- 
rurgie, laissant  la  chaire  de  botanique 
à  son  ancien  condisciple,  Xarez  (3  mars 
1710).  Ses  remarquables  leçons  atti- 
raient autour  de  lui  un  auditoire  nom- 
breux, que  charmaient,  tour  à  tour,  son 
éloquence  pénétrante  et  la  puissance  de 
sa  dialectique.  Aussi  devait-il  être  un 
rude  adversaire  pour  ceux  de  ses  col- 
lègues ou  pour  les  savants  de  son  époque 
qui  prêtaient  l'oreille  aux  théories  nou- 
velles que  Stahl  et  Hofi'mann,  d'un  côté, 
et  Boerhaeve,  d'un  autre,  tentaient  d'in- 
troduire dans  la  science. 

Le  19  février  1718,Eavelet  qui,  ainsi 
que  ses  collègues  Xarez  et  Eega,  n'était 
encore  que  licencié  en  médecine,  reçut 
le  bonnet  de  docteur,  et  huit  jours  après, 
le  26  février,  il  fut  appelé  à  remplacer 
à  l'une  des  deux  premières  chaires  de 
médecine,  son  ancien  professeur,  Henri 
Somers,  qui  venait  de  mourir.  Depuis 
cette  époque,  Favelet,  arrivé  à  l'apogée 
de  sa  gloire,  fut  considéré  comme  le  pre- 
mier médecin  du  pays.  Non-seulement 
la  noblesse  du  Brabant,  mais  encore 
tous  les  personnages  importants  des  pro- 
vinces voisines  tenaient  à  honneur  de  le 
consulter  et  de  lui  prodiguer  des  preuves 
d'amitié.  En  1735,  quand  la  sérénis- 
sime  archiduchesse  Marie  -  Elisabeth 
arriva  dans  les  Pays-Bas  pour  en  prendre 
le  gouvernement  au  nom  de  son  frère, 
l'empereur  Charles  VI,  elle  honora  le 
célèbre  professeur  de  Louvain  du  titre 
de  son  conseiller  archiatre   et  de   pre- 


mier médecin  de  sa  cour.  L'érudition 
de  Favelet  n'était  pas  seulement  appré- 
ciée dans  notre  pays,  mais  sa  réputation 
était  même  parvenue  en  France  :  en 
1729,  l'Académie  des  sciences  de  Paris 
le  nomma  au  nombre  de  ses  associés 
étrangers.  L'année  suivante,  il  se  rendit 
à  Paris,  et  dans  la  séance  du  9  août  de  la 
même  Académie,  il  prononça  un  discours 
de  remercîment  qui  fut  imprimé  et  qui 
nous  est  parvenu  sous  le  titre  :  Gratiarum 
adio  panegyrica  instituta  per  J .-T .  Fave- 
let prima  quâ  lllustrisslmœ  ac  Régies 
Parinensium  Academia  comitiis  intererat 
vice  9  aug.  1730.  Parisiis  ex  typog. 
Langlois,  1730,  in-4o. 

Favelet  revint  ensuite  à  Louvain  où 
il  reprit  ses  cours  à  l'université.  A  sa 
mort,  le  professeur  Xarez  reçut  la  chaire 
de  médecine  et  la  place  de  directeur  de 
l'hôpital  de  Louvain. 

Paquot  {Mém.  pour  servir  à  Vhisi.  lit- 
téraire des  dix-sept  provinces,  etc.,  etc., 
Louvain,  1764,  t.  III,  p.  337)  nous 
apprend  que  Favelet  fut  marié  trois  fois  : 
il  épousa,  à  l'âge  de  vingt  ans,  Marie 
Wimmers,  veuve  d'un  médecin  nommé 
Adrien  Kegnault  (25  oct.  1697).  Cette 
union  ne  fut  pas  longue  et  il  épousa  une 
autre  veuve,  nommée  Anne  Le  Febvre, 
qui  mourut  au  commencement  du  mois 
de  décembre  1722.  Enfin  il  se  maria  une 
troisième  fois  avec  une  demoiselle  noble, 
Catherine  van  Hove.  Cette  dernière  lui 
survécut  jusqu'au  20  juillet  1791. 

Voici  maintenant  un  court  aperçu  des 
ouvrages  de  Favelet.  L'illustre  profes- 
seur n'était  pas  un  écrivain  :  sa  réputa- 
tion eut  uniquement  pour  base  l'érudi- 
tion dont  il  faisait  preuve  dans  ses 
leçons,  et,  s'il  a  été  amené  à  écrire,  ce 
n'est  en  quelque  sorte  qu'à  la  suite  des 
circonstances  spéciales  dans  lesquelles 
il  s'est  trouvé  placé.  Ce  qui  donne  une 
grande  importance  à  ses  écrits,  c'est  que 
les  querelles  d'école  auxquelles  il  a  été 
mêlé  étaient  le  procès  fait  à  l'ancienne 
médecine,  avec  son  cortège  de  polyphar- 
macie,  par  de  hardis  novateurs.  Une 
fièvre  d  expérimentation  etd'observation 
agitait  alors  les  savants.  Les  progrès  de 
la  physique  et  de  la  chimie  devaient  for- 
cement conduire  à  une  révolution  pro- 


9iS 


FAVELET 


91 H 


fonde  dans  les  sciences  médicales  dès 
que  l'on  aurait  tenté  d'appliquer  à 
celles-ci  les  découvertes  nouvelles  qui 
émerveillaient  et  qui  passionnaient  les 
esprits.  Cette  révolution  eut  ses  parti- 
sans et  ses  adversaires  acharnés  dans 
tous  les  pays;  chez  nous,  c'est  surtout  à 
l'université  de  Louvain  que  la  division 
fut  profonde  entre  les  défenseurs  de  la 
chimiafrie  humorale  et  leurs  antago- 
nistes, partisans  de  Viatromécanisme  et 
du  solidisme.  Favelet  compte  au  nombre 
des- premiers,  De  Villers  au  nombre  de 
ces  derniers. 

Déjà  en  1721,  Favelet  s'en  prit  à  un 
célèbre  médecin  de  Paris,  Ph.  Hecquet, 
doyen  de  la  faculté  de  médecine,  qui 
avait  publié  un  livre  intitulé  :  Le  la 
digestion  des  aliments  et  des  maladies  de 
V estomac,  suivant  les  systèmes  de  la  tri- 
turation et  du  broyement,  sans  l'aide  des 
levains  ou  de  la  fermentation,  dont  on  fait 
7Joir  r impossibilité  en  santé  et  en  maladie. 
Paris,  Fournier,  1712.  Le  professeur  de 
Louvain  combattit  cette  doctrine  en 
publiant  :  Frodromvs  apologice  fermenta- 
tionis  in  animantibns ,  instructus  animad- 
versionibîis  aliquotinlibrumde  Digestione, 
nuper  editumper  Cl.  virum  D.  Philippum 
Hecquetium,  medicince  iu  illustri  Pari- 
siensiîtm  universitate  doctorem,  professo- 
rem..  Lovanii,  Petr.  Aug.  Denique, 
1721,  in-12,  228  p.;  et  son  argumenta- 
tion serrée  sut  tellement  bien  découvrir 
les  points  faibles  de  son  adversaire  que, 
de  tous  les  ouvrages  faits  sur  cette  ma- 
tière, le  sien,  de  l'aveu  des  médecins  de 
l'époque,  est  celui  où  Hecquet  est  réfuté 
avec  le  plus  de  force  et  de  solidité  :  c'est 
du  moins  l'opinion  du  Journal  des  sa- 
raus  (édit.  d'Amsterdam,  février  1723, 
p.  176). 

Mais  voici  qu'un  des  anciens  élèves 
de  Favelet,  Augustin  De  Villers,  entre  à 
son  tour  dans  le  conseil  de  la  faculté  de 
médecine  de  Louvain,  chargé  du  cours 
des  institutions  médicales  (physiologie 
et  hygiène).  Au  bout  de  peu  de  temps, 
De  Villers  s'aperçoit  que  les  ouvrages 
classiques,  qu'il  est  obligé  d'expliquer  à 
ses  élèves,  ne  sont  plus  à  la  hauteur  de 
la  science,  et  il  annonce  la  publication 
de  ses  histitutionum  medicarum  lihri  duo. 


romplectentes  pliysiologiam  et  Jiygieinem, 
veterum  placitis ,  legibus  hydranlicis  ,prin- 
cipiis  mec/tanicis,  recentioru7n  inventis, 
nec  non  solidis  ac  demonstrativis  inde 
deductis  ratiociniis  innixi .  Lovanii^  1736, 
in-4o,  p.  420).  A  cette  nouvelle,  Fave- 
let s'emporte  contre  son  collègue,  qu'il 
accuse  de  venir  jeter  le  trouble  dans  la 
faculté  et  de  montrer  la  plus  noire 
ingratitude  envers  son  ancien  protecteur; 
enfin,  il  charge,  le  15  juillet  1735,  l'un 
de  ses  élèves  de  soutenir  une  thèse  contre 
ces  théories  audacieuses.  Lui-même 
prend  la  défense  de  cette  thèse  dans  un 
écrit  publié  peu  de  temps  après  :  Ani- 
madversiones  aliquot  in  medico  critieas 
Institutiones  Cl.  D.  Serv.  Aug.  de  Vil- 
lers, med.  doct.  etprofess.,  uti  et  in  ejtis- 
dem  examen  Theseos  cujuspiam  de  Bile 
quas  eruditorum  examini,  simid  et  medi- 
cinee  studiosis  pro  strenâ  et  antidoto  sistit 
J.-F.  Favelet.  Lovanii,  typis  Joannis  Ja- 
cobs,  1735  ;  suivi  à  quelques  jours  de  là 
d'un  autre  écrit  :  Ventilabrum  examinis 
cujuspiam  Theseos  de  Bile,  instituti  per 
Cl.  D.  de  Fillers,  med.  D.  et  professo- 
rem,  prœmissis  tamen  et  subsequentibvs 
nonnullis  ad  ejusdem  Cl.  viri  medicinee 
fundamenta  salutaribus  notis  et  animad- 
versionibus.  Cela  n'empêcha  pas  De  Vil- 
lers de  répondre  par  de  nouvelles  bro- 
chures et  de  publier,  l'année  suivante,  le 
traité  annoncé.  Ce  traité  fut  loué  publi- 
quement par  le  professeur  Rega,  qui 
avait  également,  à  Louvain,  reconnu  la 
nécessité  d'une  transformation  dans  les 
cours  de  médecine.  Favelet  ne  se  tint 
pas  pour  battu  :  dans  Examen  quo- 
rumdam  impertinentium  et  absonorum  qua 

in  Cl.  D.  de  Villers ventilationibus  et 

epistola  iis  adjuncta  occurrunt,  il  accusa 
les  partisans  du  solidisme  d'abandonner 
les  théories  humorales  par  ignorance  de 
la  chimie.  Sans  nier  que  les  solides  ne 
puissent  éprouver  des  mouvements  de 
contraction  sous  l'influence  des  liquides, 
il  est  impossible,  dit-il,  que  ces  solides 
aient  une  influence  quelconque  sur  la 
digestion  par  suite  d'oscillations  tritu- 
rant les  aliments  ;  les  liquides  seuls  sont 
altérés  dans  les  diverses  maladies  ;  vous 
ne  pouvez  rejeter  mes  preuves  :  les 
liqiiides  jouent  seuls   un   rôle    certain 


917 


AVELET  -  FAYD'HEHBE 


918 


dans  la  nutrition  par  la  fermentation 
qu'ils  font  subir  aux  aliments  pour  les 
transformer  en  chyme.  De  Yillers,  avec 
les  solidistes,  allait  jusqu'à  nier  l'acidité 
du  suc  gastrique  et  l'alcalinité  de  la  bile. 
Favelet  a  facilement  raison  de  ces  con- 
tre-vérités. Enfin  De  Yillers  prétend  à 
tort  que  ses  théories  sont  exactement  les 
mêmes  que  celles  d'Hoffmann  et  de 
Boerhaeve  :  ces  savants  ont  admis  en 
partie  la  fermentation,  et  vous  ne  pou- 
vez vous  appuyer  sur  leur  autorité,  dit 
Favelet.  Mais  ici  il  semble  que  son  entê- 
tement lui  ait  fait  méconnaître  la  véri- 
table doctrine  de  ces  auteurs. 

Pourquoi  fallait-il  qu'au  milieu  d'ou- 
vrages qui  étaient  la  preuve  de  sa  grande 
érudition,  Favelet  ait  cru  devoir  intro- 
duire des  critiques  acerbes  et  des  atta- 
ques personnelles  à  l'adresse  de  son 
adversaire  et  des  partisans  de  celui-ci 
à  l'université?  Parvenu  à  la  position 
prépondérante  qu'il  occupait,  il  négli- 
gea sans  doute  de  se  mettre  au  courant 
des  progrès  de  la  science,  il  continua  à 
suivre  les  sentiers  battus,  et  il  crut  que 
sa  dignité  et  sa  réputation  lui  faisaient 
un  devoir  d'imposer  son  opinion  à  un 
collègue  qui  avait  été  son  élève.  Kega, 
qui  avait  donné  toute  son  approbation  à 
De  Villers,  ne  fut  pas  plus  ménagé.  A  la 
suite  de  son  dernier  ouvrage,  Favelet  fit 
imprimer  :  Appendix  epistolaris  ad  expe- 
rimentissinmm  et  Clariss.  J).  Rega,  med. 
B.  et  prof.,  etc.,  etc.,  qui  se preemisds 
disputatio7irbus  vano  admoduni  conatu 
hmnisaiit.  Cette  lettre  est  loin  d'av»ir  la 
valeur  des  travaux  qui  l'ont  précédée  :  la 
critique  sage  et  mesurée  y  est  remplacée 
par  un  emportement  sans  bornes  et 
même  par  des  divagations  incohérentes. 

Tous  ces  ouvrages  furent  réunis  en 
un  seul  volume  et  publiés  avec  un  avant- 
propos  et  une  conclusion  sous  le  titre  de 
Novarum  quee  in  medicina  a  paucis  annis 
repullartmt  hypotheseon  lydius  lapis,  quo 
mediante  ostenditur ,  quaritum  et  quousqite 
sit  hypothesibus  novis  in  medicina  fiden- 
dum,  authore  J.-F.  Favelet,  etc.  Aquis- 
grani,  Joan.  Org.  Const.  MuUer,  1737, 
in-12,  pp.  520. 

•Si,  comme  savant,  Favelet  fut  enfin 
vaincu   sur   le   terrain    de    la   science, 


comme  homme  de  cœur,  il  ne  fut  jamais 
vaincu  sur  le  terrain  de  la  charité.  Dans 
son  auditoire  aux  Halles,  il  avait  fait 
placer  le  texte  suivant  de  l'Ecriture  : 
Beatus  ille  qui  intelligit  super  egenum  et 
paupurem  :  in.die  niala  Uherahit  eum  Do- 
minus.  Ce  fut  là  sa  règle  de  conduite, 
et  il  emporta  dans  la  tombe  le  regret 
des  pauvres  qui  n'avaient  jamais  en 
vain  réclamé  le  secours  de  son  art,  et 
pour  lesquels  sa  bourse  était  toujours 
ouverte. 

Il  mourut  le  30  juin  1743  à  huit 
heures  du  matin,  épuisé  par  des  vomis- 
sements continuels  et  incoercibles,  après 
avoir  été  incommodé  pendant  quelques 
temps  de  la  goutte. 

Docleiir  Victor  Jacques. 

Paquot,  Mém.  pour  servir  à  l'hist.  littéraire  def 
dix-sept  provinces,  etc.,  etc.  Louvain,  1784. 1. 111. 
Piron,  Algeineene  Levensbeschryving ,  etc.  — 
Delvenne,  Bior/raphie  des  Pays-Bas.  —  Eloy, 
Dict.  historique  de  la  méd.  anc.  et  mod.  —  An- 
nuaire de  l'université  de  Louvain,  18'fl.  —  Bio- 
graphie  médicale,  t.  IV.  —  Biographie  générale 
de  Didot. 

f.IlYd'herbi:  {Atitoine),  sculpteur, 
frère  puîné  d'Henri;  né  à  Malines,  y 
décédé  le  8  octobre  1653.  Il  devint 
franc-maître  de  la  gilde  malinoise  de 
Saint-Luc  le  11  juillet  1605  et  occupa 
plus  tard,  en  1621  et  en  1628,  les 
fonctions  de  doyen  de  cette  association. 

Il  vendit  à  l'hôpital  d'Hulst  une  sta- 
tue de  la  Sainte  Vierge,  deux  Anges, 
une  statue  de  Sainte  Elisabeth  et  une 
autre  de  Saint  Augustin,  images  qui 
avaient  été  polychromées  par  son  frère 
Henri, 

En  1623,  il  exécuta,  à  raison  de  sept 
florins,  pour  compte  de  l'église  de  Saint- 
Jean  à  Malines,  la  statuette  de  Notre- 
Dame  de  Montaigu,  qu'on  y  voit  encore. 
En  1627,  il  toucha  septante  florins 
pour  une  statue  représentant  Notre- 
Dame  des  Sept  Douleurs,  destinée  à 
l'église  Xotre-Dame  au  delà  de  laDyle. 
Cette  œuvre  est  perdue.  Pendant  le  cou- 
rant de  la  même  année,  il  fournit  aussi 
cinq  figures  destinées  à  être  placées  sur 
le  buffet  d'orgue  de  l'église  d'AnJer- 
lecht.  Les  comptes  communaux  de  Ma- 
lines de  1634-1635  consignent  encore 
divers  autres  travaux  ,  moins  impor- 
tants,  dont     le    sculpteur    s'occupa    a 


919 


FAYDHERBE 


920 


l'occasion  de  l'entrée  du  prince  cardi- 
nal. Il  eut  pour  élève  François  Ver- 
straeten. 

Antoine  Fayd'herbe  eut  de  sa  femme 
Charlotte  van  Casteele  six  filles  dont 
une,  portant  le  prénom  de  Marie,  cul- 
tiva l'art  de  la  sculpture  et  dont  on 
trouvera  plus  loin  la  notice. 

Emmanuel  Neeffs. 

E.   Neeffs,    Histoire  de  la  peinture  et  de  la 
sculpture  à  Malines.  T.  II,  p.  158  etsuiv. 

fayd'herbe  {Henri),  enlumineur, 
doreur  et  sculpteur  de  figurines  en 
albâtre,  né  à  Malines  en  1574,  y  décédé 
le  30  avril  1629.  Il  était  fils  d'Antoine, 
brasseur,  et  entra,  dès  l'âge  de  qua- 
torze ans,  dans  la  gilde  de  Saint-Luc, 
en  commençant  son  apprentissage  chez 
^lelchior  d'Assonville,  étofteur  brugeois 
établi  à  Malines.  Devenu  franc-maître 
le  17  juillet  1599,  il  ouvrit  un  atelier; 
mais  il  dut,  vers  lôO-t,  par  suite  de 
revers  de  fortune,  se  retirer  momentané- 
ment à  Anvers.  Dans  V Histoire  des 
sculpteurs  malinois,  nous  avons  fait  con- 
naître quelques  œuvres  de  cet  artiste; 
nous  rappellerons  ici  les  travaux  de 
dorure  qu'il  fut  chargé  d'appliquer  à 
un  tableau  appartenant  à  l'infante  d'Es- 
pagne, ainsi  que  le  constate  une  dépêche 
du  duc  d'Havre,  qui  l'appelle,  à  cet 
effet,  à  la  cour  de  Bruxelles.  Henri 
Fayd'herbe  donna  les  premières  leçons 
d'art  à  son  fils  Luc;  il  fat  aussi  le  maî- 
tre de  Philippe  Eael ,  Eombaut  van 
Avont  ,  Antoine  Yermeulen  (1599), 
Jean  Ceulemans  (1619),  Jacques  Lau- 
wers  (1620),  Gérard  Yander  Meulen 
(1622),  et  de  Antoine  de  Helt  (1623). 

Henri  Fayd'herbe  jouissait,  en  outre, 
d'une  certaine  réputation  comme  poète 
flamand;  plusieurs  de  ses  productions 
sont  insérées  dans  le  recueil  Schadtkiste 
der philosophen  ende  poeten.  Mechelen, 
H.  Jaye,  1621,  grand  in-4o;  elles  sont 
signées  de  la  devise  Groote  liist,  selden 
rust.  L'épitaphe  inscrite  sur  sa  tombe, 
placée  au  cimetière  de  Saint-Kombaut, 
est  également  de  sa  composition. 

Emmanuel  Nevffs. 

Einm.  Neeffs.  Histoire  de  la  îieiiilure  et  de  lu 
iculpture  a  Malines.  T.  Il,  p.  147. 


F.%Y»'iiERBE  {Jean-Luc),  sculpteur 
et  architecte,  baptisé  à  Malines  à  Saint- 
Rombaut  le  28  août  1654,  décédé  en 
cette  ville  le  29  juillet  1704.  Il  était 
fils  de  Luc.  D'abord  élève  de  sou  père, 
il  alla  plus  tard  à  Anvers,  où  il  prati- 
quait librement  dès  1673-1674.  Revenu 
dans  sa  ville  natale,  il  adressa  en  1684 
une  supplique  à  l'autorité  communale 
afin  d'y  obtenir  l'érection  d'une  acadé- 
mie libre  de  beaux-arts,  vœu  qui  ne  fut 
pas  accueilli.  L'historien  De  Bie  nous 
apprend  que  J.-L.  Fayd'herbe  repro- 
duisit au  ciseau  une  peinture,  la  Nati- 
vité du  Sauveur,  d'après  A.  van  Dyck. 
C'est  la  seule  œuvre  sculpturale  dont  la 
mention  nous  soit  parvenue.  Comme 
architecte,  il  produisit  le  plan  de  la 
façade  du  monastère  de  Leliendael,  du 
côté  de  la  rue  du  Brul,  à  Malines  (16  8  7), 
et  celui  du  local  de  la  gilde  la  Jeune 
Arbalète,  au  Marché  aux  grains.  Ces 
édifices  sont  conçus  dans  le  style  qu'af- 
fectionnait le  père  de  l'artiste;  ils  se 
distinguent  par  un  caractère  élégant. 

Emmanuel  Neeffs. 
Emm.  Neeffs,  Histoire  de  la  peinture  et  delà  ' 
sculpture  à  Malines.  T.  II,  p.  188  et  suiv. 

fayd'herbe  {Marie),  sculpteur, 
née  à  Malines  le  22  janvier  1611,  fille 
d'Antoine  et  de  Charlotte  van  Casteele. 
Convaincue  de  la  valeur  de  son  talent, 
elle  adressa,  le  20  décembre  1632,  une 
requête  au  magistrat  de  Malines,  afin 
d'être  agrégée  à  la  corporation  de  Saint- 
Luc.  A  l'appui  de  sa  demande,  elle  fit 
valoir  que  son  ciseau  n'était  pas  infé- 
rieur à  celui  des  plus  adroits  sculpteurs 
de  Malines,  et  elle  pria  l'autorité  de 
lui  permettre  d'entrer  en  concours  avec 
ceux-ci.  Huit  artistes  répondirent  au 
défi  :  nous  ignorons  quel  fut  le  résultat 
de  cette  lutte  artistique,  et  même  si  elle 
eut  réellement  lieu.  Quoi  qu'il  en  soit, 
c'est  à  la  proposition  hardie  faite  par 
elle,  que  Marie  Fayd'herbe  doit  sa  no- 
toriété, car  aucune  de  ses  œuvres  ne 
paraît  être  parvenue  jusqu'à  nous. 

Emmanuel  Nueffs. 

Emm.  Neeffs.  Histoire  de  la  peinture  et  de  la 
sculpture  à  Malines.  T.  II,  p.  loo  et  191. 

fayd'herbe  {Luc),  architecte  et 
sculpteur,   baptisé  à   Saint-Rorabaut  à 


9^1 


FAYD'HERBE 


9-2-i 


Malines  le  19  janvier  1617;  mort  eu 
cette  ville  le  31  décembre  1697;  fils 
d'Henri  Fayd'herbe  et  de  Cornélie 
Franchoys.  Il  reçut,  par  l'enseignement 
paternel,  les  premières  notions  d'art; 
son  père  étant  mort  lorsqu'il  n'avait  que 
douze  ans,  il  continua  ses  études  sous  la 
direction  de  Maximilien  Labbé,  second 
époux  de  sa  mère.  En  1636,  il  entra 
dans  l'atelier  de  P. -P.  Rubens  à  An- 
vers. Le  grand  peintre  s'attacha  par  les 
liens  d'une  étroite  amitié  à  son  élève  ; 
celui-ci  ne  quitta  Anvers  qu'en  16-tO, 
année  où  son  illustre  maître  mourut  ;  il 
vint  alors  acquérir  la  franche-maîtrise 
à  Malines.  La  séparation  de  Rubens  et 
de  Fayd'herbe  avait  été  pénible,  ils 
avaient  en  cette  circonstance  échangé 
des  productions  d'art  :  Rubens  reçut  du 
sculpteur  plusieurs  statuettes  en  ivoire, 
qui  passèrent  dans  la  suite  dans  les  col- 
lections de  l'électeur  palatin.  Le  grand 
peintre  remit  en  outre  à  son  disciple,  le 
5  avril  1640,  un  certificat  constatant  son 
talent  en  termes  très-élogieux. 

Le  1er  mai  de  la  même  année,  Fayd'- 
herbe épousa  à  Malines  Marie  Snyers, 
union  qui  fut  si  longue,  qu'elle  permit 
aux  époux  de  célébrer  le  cinquantième 
anniversaire  de  leur  mariage  et  qu'elle 
donna  le  jour  à  douze  enfants.  Notre 
statuaire,  emporté  par  une  maladie  de 
langueur,  reçut  la  sépulture  à  l'église 
de  Saint-Rombaut  dans  la  tombe  de  ses 
beaux-parents.  Gonzales  Coques  nous  a 
laissé  son  portrait,  gravé  ensuite  par  De 
Jode  ;  il  y  apparaît  doué  de  traits  ex- 
pressifs, d'une  complexion  nerveuse  et 
d'une  taille  peu  élevée;  le  musée  de 
Malines  possède  une  autre  reproduction 
des  traits  du  statuaire  par  Pierre  Fran- 
choys; J.-A.  Coxie,  dans  un  tableau  de 
famille,  représenta  aussi  Luc  Fayd'herbe 
entouré  de  ses  parents  les  plus  proches; 
enfin  la  ville  de  Malines  fit  exécuter 
en  1854  par  J.-J.  De  Bay  une  statue 
monumentale  rappelant  la  mémoire  du 
grand  sculpteur. 

Luc  Fayd'herbe  se  livra  spécialement 
à  l'étude  de  l'architecture  et  à  celle 
de  la  sculpture.  Comme  architecte,  il 
produisit  des  monuments  remarqua- 
bles,  parmi   lesquels  nous  citerons,  à 


Malines  :  les  bâtiments  claustraux,  la 
tour  et  l'église  de  Notre-Dame  d'Hans- 
wyck,  qui  est  couronnée  par  une  coupole 
hardie  mesurant  sous  la  clef  de  voûte 
117  pieds  de  hauteur  (1663);  l'hôtel  de 
la  commanderie  teutonique  de  Pitzem- 
bourg  (1664),  démoli  en  1836;  l'église 
du  prieuré  de  Leliendael  (1674)  et  plu- 
sieurs habitations  particulières.  Le  maî- 
tre-autel de  l'église  de  Saint-Rombaut 
peut  être  compté  parmi  ses  œuvres  ar- 
chitecturales, en  raison  de  ses  propor- 
tions colossales;  ce  travail,  érigé  en 
1665,  fut  achevé  d'après  un  plan  gé- 
néral d'ornementation  adopté  pour  le 
chœur,  mais  dont,  actuellement,  il  ne 
reste  que  les  portiques  latéraux  sur- 
plombant des  tombes  ;  encore  l'une  de 
celles-ci  n'est-elle  point  conforme  au 
projet  primitif. 

Une  des  œuvres  les  plus  considéra- 
bles de  l'architecte  malinois  est  l'église 
abbatiale  d'Averbode  (1664j;  il  fournit 
également,  tant  pour  des  édifices  reli- 
gieux de  Malines,  que  de  Bruxelles, 
d'Anvers,  de  Louvain,  etc.,  plusieurs 
modèles  d'autels  et  de  tombeaux.  Le 
style  de  Fayd'herbe  rappelle  dans  toutes 
ses  parties  l'époque  de  P. -P.  Rubens; 
l'on  y  trouve  les  ornements  rustiques, 
les  pilastres  et  les  colonnes  à  bossages, 
les  chapiteaux  corinthiens,  les  frontons 
rompus,  les  consoles  renversées,  en  un 
mot  tous  les  détails  caractérisant  l'art 
flamand  du  xviie  siècle. 

Les  œuvres  sculpturales  deL.  Fayd'- 
herbe étant  pour  ainsi  dire  innombra- 
bles ,  nous  devons  nous  borner  à  en 
indiquer  les  principales.  Celles-ci  se 
trouvent  réunies  dans  sa  ville  natale, 
bien  qu'il  ait  laissé  aussi  des  traces  de 
talent  à  Bruxelles,  à  Anvers,  à  Lierre, 
à  Audenarde  et  dans  plusieurs  villa- 
ges. 

Les  productions  les  plus  importantes 
que  Malines  conserve  de  lui  sont  : 
à  l'église  de  Notre-Dame  d'Hanswyck  : 
les  deux  grands  bas-reliefs  de  la  cou- 
pole, représentant  la  Natinitt  de  Jésus 
et  le  Portement  de  la  Croix.  Hauteur 
4  mètres  50,  longueur  7  mètres.  Ces 
œuvres,  les  plus  grandes  en  ce  genre 
que  l'on  connaisse  en  Belgique,  déno- 


923 


FAYirilEHBE  —  FAYN 


924 


tent  le  plus  beau  talent,  cependant  la 
composition  pêche  par  trop  de  minu- 
ties. Les  bustes,  en  pierre,  de  Saint 
Augndin  et  de  Saint  Anthroiae,  sous  le 
dôme;  dans  le  chœur  les  bustes  en 
marbre  de  la  Sainte  Vierge  et  de  Saint 
Augustin . 

A  l'église  métropolitaine  de  Saint- 
Rombaut  les  groupes  en  pierre  de  Sainte 
Anne  accompagnée  de  la  Saitite  Vierge 
(1670),  de  Saint  JoacJdm  accompagné 
d'unAnge(lQ12);  les  statues  en  pierrede 
Saint  Charles  Borromée  (1675),  de  Saint 
Joseph  (1G72);  les  statues  colossales  de 
Saint  Constant  debout  et  de  deux  meur- 
triers couchés,  au-dessus  du  maître-autel 
(1665) ,  pierre.  Les  morceaux  si  remar- 
quables dans  ce  temple  sont  le  groupe 
de  Saint  François  Xavier  agenouillé  de- 
vant la  Sainte  Vierge  assise  et  tenant  son 
divin  fils  sur  les  genoux,  pierre;  et  celui 
qui  surmonte  le  tombeau  de  V archevêque 
Cruesen,  marbre. 

A  l'église  de  Notre-Dame,  au  delà  de 
la  Dyle  :  un  petit  bas-relief,  terre  cuite, 
V Erection  de  la  croix;  statues  de  la 
Sainte  Vierge  ayant  C enfant  Jésus  sur  les 
bras,  pierre;  de  Notre-Dame  des  Sept 
Douleurs,  bois  (1642). 

A  l'église  du  Grand-Béguinage  :  dans 
la  façade  l'on  remarque  deux  statues  en 
])ierre  :  Dieu  le  Père,  haut-relief,  et 
Sainte  Catherine.  A  l'intérieur  :  Muter 
dolorosa  (1640),  Salvator  mundi,  pierre. 
Au-dessus  de  l'autel,  la  Sainte  Vierge  et 
V Enfant  Jésus,  marbre  (1671).  L'église 
de  Saint-Jean  renferme  quelques  œuvres 
décoratives  et  un  bas-relief  en  pierre  de 
notre  artiste.  Enfin  le  musée  de  Ma- 
lines  possède,  outre  plusieurs  pièces 
d'importance  secondaire,  une  statue  de 
la  Sainte  Vierge  ayant  son  fils  sur  les 
bras.  Hauteur  2  mètres  90,  pierre. 

Les  statues  de  L.  Fayd'herbe,  ses 
bas-reliefs  ainsi  que  les  ornements  qu'il 
tailla  dénotent  une  grande  vigueur,  de 
la  hardiesse  et  de  la  largeur  d'exécu- 
tion :  toute  sa  manière  révèle  l'influencoi 
de  P. -P.  Rubens. 

Fayd'herbe  forma  plusieurs  élèves  qui 
se  signalèrent  dans  jastatuaire,  les  prin- 
cipaux sont  :  les  Malinois  ,I.-F.  Jîrocckx- 
stuyns,  Xif.  \  an  dcr  \'(!kene,  ¥r.  Lan- 


gheraans,   et   le  Bruxellois   J. 
len. 


van  De- 


Emmanuel  Neeffs. 
Emm.  Neeffs,  Histoire  de  la  peinlme  et  de  la 
sculiHiire  à  Matines.  1.  II,  p.  d57  et  suivantes 

FAY'W  (Etienne),  architecte  et  gra- 
veur, né  à  Liège  au  xviiie  siècle.  Il  fut 
un  des  membres  fondateurs  de  la  société 
libre  d'Emulation  de  Liège,  dont  il 
grava  le  diplôme,  l'année  même  de  la 
fondation  (1779),  ainsi  que  la  planche 
des  reçus  (1783).  En  1780,  il  signait 
architecte  de  S.  À.  C.  —  M.  le  cheva- 
lier Edmond  Marchai  (Mémoire  sur  les 
sculpteurs  aux  Pays-Bas)  le  range,  par 
erreur,  au  nombre  des  sculpteurs  lié- 
geois et  cite  à  l'appui  un  passage  de 
De  Feller  (Voyages),  ne  s'apercevant  pas 
que  cet  auteur,  parlant  du  grand  autel 
du  monastère  de  Saint-Remy,  près  de 
Rochefort,  vrai  chef-d'reuvre  dû  à  Fayn, 
cite  celui-ci  comme  architecte.  Il  est 
étonnant  que  De  Feller,  en  s'occupant 
de  l'abbaye  d'Orval,  ne  signale  pas  la 
collaboration  de  Fayn.  En  eflet,  dans 
l'ouvrage  de  Jean  Antoine,  publié  en 
1768,  on  lit  que  ce  fut  Fayn,  architecte 
à  Liège,  qui  a  continué,  en  1763,  la 
maison  d'Orval,  en  corrigeant  le  goût 
trop  ancien  du  Sr  Dewez.  Parmi  les  tra- 
vaux de  Fayn,  mentionnons  un  plan  de 
la  rectification  des  jardins  du  château 
de  Seraing  de  S.  A.  C.  le  prince-évêque 
de  Liège.  Ce  plan  est  conservé  par  un 
des  descendants  de  l'auteur,  M.  J.  Fayn, 
ingénieur  à  Liège,  qui  possède  en  outre 
plusieurs  dessins  dus  à  sa  plume.  Dar- 
tois  nous  apprend,  dans  ses  notes,  que 
Fayn  est  l'auteur  de  l'église  et  du  beau 
monastère  du  Val-Saint-Lambert,  dé- 
moli, et  que  le  prince-évêque  Yelbruck 
lui  demanda  le  plan  d'un  hôpital  géné- 
ral, considéré  comme  un  chef-d'œuvre, 
d'après  l'avis  des  artistes.  Devenu  ardent 
patriote,  il  grava,  en  1790,  le  portrait 
de  Fabry,  bourgmestre  de  Liège,  et 
dédia  des  dessins  à  la  plume  au  citoyen 
Rensonnet,  à  madame  Rcnsonnet  et  au 
citoyen  Bassenge,  son  ami,  avec  lequel 
il  fut  en  correspondance  suivie.  Au 
nombre  des  estampes  sorties  de  son 
biuin,  on  conuaît  encore  le  portrait  de 
Jacques  de  Hubin,  prince-abbé  de  Sta- 
vclot  et  de  Malmèdy  (1782),  et  celui  de 


9-25 


FAYN 


926 


Benjamin  IrankUn;  une  Vue  d\iiie partie 
de  la  ville  de  Liéye,  prise  sur  le  pont  de 
Meuse,  et  celle  du  Château  de  Hex, 
toutes  deux  de  1783,  et  un  frontispice  : 
Campement  dans  le  pays  des  Grands  Na- 
maquois.  Il  a  laissé  un  dessin  au  crayon 
noir  :  la  Mort  de  Cléopâtre,  d'après  le 
Corrége,  et  plusieurs  dessins  à  la  plume 
avec  dédicace,  dont  la  variante  n'est  pas 
sans  intérêt  :  Vue  prise  sur  la  Meuse 
(Chokier),  dédiée  à  monsieur  de  Paix, 
tréfoncier,  conseiller  privé  et  des  finances 
de  S.  A.  C.  le  prince-évêque  de  Liège, 
par  son  très-humble  et  très-obéissant  ser- 
tvï^wrFayn,  architecte  et  graveur  (17  85); 
Vue  prise  aux  environs  de  Liège  (Vaux- 
sous-Chèvremont),  même  dédicace,  même 
date;  Vue  de  Chèvremont,  prise  sur  le 
chemin  de  Chaudfontaine,  au  citoyen 
Rensonnet,  général  de  brigade,  par  son 
concitoyen  Fayn  ;  Vue  de  la  ville  de  Liège, 
prise  du  moulin  de  Herstal,-  à  madame 
Rensonnet,  par  son  concitoyen  Fayn; 
Vue  du  grand  pont  de  Meuse  et  de  la  cita- 
delle de  Liège,  dessinée  en  1790,  au 
citoyen  Bassenge,  député  au  conseil  des 
Cinq  Cents,  par  son  atni  Fayn  ;  Vue  des 
bains  de  Chaudfontaine,  département  de 
rOurthe,  même  dédicace.  La  plupart 
de  ces  pièces  et  beaucoup  d'autres  ont 
figuré  aux  diverses  expositions  organi- 
sées par  la  société  d'Emulation  de  1781 
à  1788.  On  présume  que  Fayn  se  propo- 
sait de  publier  une  suite  de  vues  des 
environs  de  Liège;  en  effet, nous  voyons, 
par  le  catalogue  de  1784,  qu'il  exposa  : 
lo  une  estampe  iV"»  1  de  la  collection  des 


vues  du  Pays  de  Liège;  2"  un  dessin,  au 
crayon  noir  rehaussé  de  blanc,  repré- 
sentant une  Vue  des  environs  de  Chaud- 
fontaine, servant  de  suite  à  cette  collection; 
3o  un  dessin  à  la  plume  représentant 
une  Vue  du  Val- Saint-Lambert  et  du 
paysage  qui  l'avoisine,  servant  de  suite  à 
la  même  collection,  etc. 

Le  burin  de  Fayn  est  assez  rude,  sur- 
tout dans  le  portrait;  quant  à  ses  Vues, 
elles  ont  le  mérite  de  reproduire  avec 
beaucoup  de  vérité,  paraît-il,  le  site 
choisi.  Ce  qui  fait  dire  à  D.-D.  Mal- 
herbe : 

Fayn  a  dessiné  nos  plus  charmans  rivages 
Avec  beaucoup  de  vérité  : 
En  voyant  ces  frais  paysages. 
Tout  Liégeois  s'y  trouve  transporté. 

Les  Extraits  des  comptes  de  la  cité, 
ainsi  que  la  Table  des  registres  aux  recès 
de  la  cité  de  Liège,  publiés  par  M.  Stan. 
Bormans,  mentionnent  plusieurs  paye- 
ments faits  à  Fayn,  architecte,  entre 
autres  celui  de  deux  carlins,  pour  son 
dessin  à  l'occasion  de  l'illumination 
(14  septembre  1764).  Emile  Tasset. 

Jean  Antoine,  Traité  d'architecture  (Voy.  au 
bictionnaire  des  architectes,  pages  non  numéro- 
tées), Trêves  1768.  —  D.-D.  Malherbe,  Hommage 
à  la  société  d  Emulation,  Liège,  180!2.  p.  46.  — 
De  Feller,  Itinéraire  ou  Voyages,  ouvrage  post- 
hume, Paris  et  Liège,  •18;20,  t.  11,  p.  176.  —  Bul- 
letin de  l'Institut  archéologique  liégeois,  t.  VU, 
p.  413,  421;  t.  VIII,  p.  287.  —  Emile  Tasset, 
Catalogue  de  l'Exposition  de  gravures  de  1869, 
publié  dans  les  Annales  de  l'Union  des  artistes 
liégeois,  t.  IV,  p.  74,  84.  —  Helbig  et  Grandjean, 
Catalogue  des  collections  Capitaine,  Liège,  1872, 
t.  m,  p.  53, 86, 116. 


FIN  DU  SIXIÈME  VOLUME. 


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