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BIOGRAPHIE
NOUVELLE
DES CONTEMPORAINS.
Les soussignés déclarent que les Exemplaires non revêtus de
leurs signatures seront réputés contrefaits.
tm l'imprimerie de plassan, rue de VAUGIRARD, N* là.
DERRIÈRE l'odÉON.
• BIOGRAPHIE NOUVELLE
DES
CONTEMPORAINS,
ou
DICTIONNAIRE
HISTORIQUE ET RAISONNÉ
DE TOUS LES HOMMES QLI, DEPUIS LA RÉVOLUTION
FRANÇAISE, ONT ACQUIS DE LA CÉLÉBRITÉ
PAR LEURS ACTIONS, LEURS ECRITS, LEURS ERREURS OU LEURS CRIMES,
SOIT EN FRANCE, SOIT DANS LES PAYS ÉTRANGERS;
Précédée d'un TaiAcau par ordre chronologique des époques célèbres et des évène-
mens rcniarquabi^s, tant en France qu'à l'étranger, depuis lyHy jusqu'à ce jour,
cl d'une TaMe atp^iai/étique des assemMèes légistativcs, à partir de l'assemblée
constituante jusqu'aux dernières chambres des pairs et des députés.
Par mm. A. V. ARNAULT, ancien membre de l'Institut; A. JAY;
K. JOUY, DE l'Académie française; J. NORVINS, et autres
Hommes de lettres. Magistrats et Militaires.
ornée de 3oo portraits au burin,
d'après les plus célèbres artistes.
TOME QUATRIÈME.
CAB— COL
/^ /y^' " . > é AvvNyt^i^'v.^ ^
PARTS,
A tA LIBRAIRIE HTSTORIQUE, RUE SAINT-IIONORÉ
HÔTEL d'alICKE, OU RUE BAILLEUL, N" l'i.
*3
0 ^^'
BIOGRAPHIE
NOUVELLE
DES CONTEMPORAINS.
c
i_jABAL (N), l'un des généraux
de l'armée indépendante du Pé-
rou , signala ses talens militaires
et son courage dans plusieurs oc-
casions importantes. Le 5 juillet
181 5, il battit complètement le
général espagnol Vidanrrazaga ,
dans les environs de Carthagène;
flt un grand nombre de prison-
niers, parmilesquels se trouvaient
plusieurs officiers de marque et
un général. Dans une autre occa-
sion, Cabal, par une savante ma-
nœuvre , sauva les débris de l'ar-
mée du général en chef INarino,
battu et pris par les Espagnols, et
parvint à se retirer sur Popayan
en bon ordre.
CABAL (J. M.), victime de son
amour pour l'indépendance de sa
patrie, l'ut un célèbre chimiste de
l'Amérique méridionale; il résidait
à Santa-Fé-de-Bogota, oCi il exer-
çait des fonctions administratives à
l'époque de l'établissement du gou-
vernement républicain. Le sort
des armes ayant fait tomber cette
ville au pouvoir des royalistes, au
mois de juini8i6, ils y exercèrent
Z. IV.
les plus cruelles vengeances. Le
général en chef,~lJlorillo, souilla
sa victoire en faisant mettre à mort
le savant et infortuné Cabal.
CABALLERO (le marquis de),
d'uneancienne famille d'Espagne,
était secrétaire du département
de la guerre et de la justice, sous
le roi Charles IV. Lorsque ce mo-
narque , à la suite des troubles
d'Aranjuez, se fut rendu à Bayon-
ne, et y eut abdiqué la couronne
en faveur de Joseph Bonaparte,
le marquis de Caballero embrassa
avec chaleur le parti du nouveau
roi, qui, sachant apprécier sou
mérite et ses talens distingués, le
nomma conseiller- d'état, le 8
mars 1809, et président de la sec-
tion de justice des affaires ecclé-
siastiques, le 18 mai. Au mois de
septembre, M. de Caballero fut
décoré du grand-cordon de l'or-
dre royald'Espagne. Les revers de
Napoléon, en i8i3, ayant entraî-
né la chute de son frère, M. de Ca-
ballero suivit en France le roi Jo-
seph. Ferdinand VII, devenu roi
d'Espagne, rendit, au mois de fé-
a CAB
vrier 1818, une ordonnance qui
condamna IM. de Caballero à nn
exil perpétuel. Le nouveau gou-
vernement constitutionnel l'a
rappelé dans sa patrie.
CABANIS (Pierbe-Jean-Geor-
ge), philosophe, médecin, et poè-
te, naquit en 1757, à Cosnac, dé-
partement de la Charente -Infé-
rieure. Ses premiers instituteurs
furent deux respectables ecclé-
siastiques, étal)lis dans le voisi-
nage de son père. Cabanis n'avait
alors que sept ans ; mais les dis-
positions de son enfance présa-
geaient déjà un homme supérieur.
Entré au collège dellrive, le con-
traste qu'il remarqua entre la dou-
ceur de ses anciens maîtres et la
sévérité des nouveaux , produi-
sit sur son âme irritable et sen-
sible une fâcheuse impression.
Ces premiers chagrins de la vie,
qui souvent laissent dans le cœur
des hommes une mélancolie inef-
façable, auraient pu anéantir les
heureuses dispositions du jeune
Cabanis, si un maître de seconde,
plus indulgent Qt plus sage, ne
l'eût ramené par la douceur au
goût du travail et de l'instruction.
Cabanis fil des progrès rapides;
mais tombé de nouveau en rhéto-
rique sous la férule d'un homme
dur; irrité d'ailleurs des sévérités
qu'un chef de l'institution exer-
piiit contre lui, il s'arma d'une
telle obstination à ne plus rien
faire, qu'il parvint à être renvoyé
chez ses parens. Il y passa une
année, où il éprouva des rigueurs
inutiles. Au bout de ce temps, son
père, persuadé qu'un esprit aus-
si indépendant devait être sou-
mis à d'autres épreuves, le con-
duisit dans la capitale; et bien
CAB
qu'il n'eût encore que quatorze
ans, l'abandonna seul au milieu
de Paris. Ce parti, ainsi que le
fait remarquer Cabanis lui-mê-
me dans une notice, était extrê-
me, mais il eut un plein succès.
Cabanis, dés qu'il se vit libre,
sentit renaître en lui le goût de
l'instruction, et se livra au tra-
vail avec une ardeur nouvelle.
Non -seulement il compléta sa
première éducation par une lec-
ture assidue des classique» grecs
et latins, mais il étudia Locke,
et suivit avec un zèle infatigable
les cours de Brisson. N'ayant d'au-
tres pl:iisirs que le travail et la so-
ciété de quelques jeunes gens la-
borieux, il vit deux années s'é-
couler avec une rapidité incroya-
ble , jusqu'au moment où il reçut
deux lettres, l'une de son père,
qui le rappelait au sein de sa fa-
mille, l'autre d'un grand seigneur
polonais, qui lui offrait auprès de
lui une place de secrétaire. La dé-
termination du jeune Cabanis al-
lait être décisive pour son avenir.
Rentré dans sa province, il aurait
peut-être vieilli obscur; poussé par
son étoile à suivre l'autre route, el-
le le ramena sur un théâtre où ses
talens devaient prendre leur es-
sor. Bien qu'à en juger par les
récits de quelques personnes, Ca-
banis dût considérer la Pologne
comme un pays encore sauvage,
il fit, pour quelque temps, ses
adieux au sol de la patrie , et se
rendit à sa nouvelle destination.
Tous ceux qu'un long voyage a
entraînés hors de France savent
quel serrement de cœur, quelle
profonde tristesse on éprouve en
se trouvant isolé au milieu d'un
peuple noaveau. A ce sentiment
CAB
se joignait chez Cabanis uu autre
motif de répugnance. Arrivé à
Varsovie, en 1770, au niouient
où la diète }' tenait ses assem-
blées, il lut témoin des moyens
odieux qu'employaient les agens
de quelques puissances pour in-
timider ou corrompre les députés
polonais, et leur faire sanclion^-
ner l'asservissement de leur pa-
trie. Ce spectacle, si affligeant
pour toute ûine bien née , fit sur
celle de Cabanis une impression
de tristesse et d'horreur qui ne
s'effaça point; et son opinion sur
les hommes, en général, se res-
sentit quelquefois du mépris qu'il
avait si justement voué à des in-
dividus lâches et pervers. Après
deux ans de séjour en Pologne,
Cabanis, âgé de 18 ans, revint à
Paris. Présenté à Turgot, arni dfi
son père, et alors contrôleur-gé-
néral, il en reçut l'accueil le plus
obligeant ; une place lui fui pro-
mise , et ses lalens allaient sans
doute lui fournir des chances de
succès, sous un ministre aussi
savant qiwe vertueux : mais Turgot
voulait le bonheur de la nation;
une intrigue de cour le renversa.
Contraint de renoncer aux espé-
rances qu'il avait conçues de ce
-côté, Cabanis, qui, dans son voya-
ge, s'était livré à l'étude de l'al-
lemand, voulut perfectionner son
édu( ution , et reprit avec plus
d'activité que jamais les travaux
que son départ lui avait fait aban-
donner. Son père encouragea ses
résolutions, en se chargeant de
pourvoir à tous ses besoins pen-
dant plusieurs année*. Lié avec
ftoucher,que la publication deson
poëme dos Mois avait déjà rendu
i:éKbrt',Cabanis,dan»unt'nouvej-
CAB 5
le édition de cet ouvrage, inséra, à
la suite des notes, quelques fragr
mens d'une traductionen vers de
l'Iliade. Ces essais poétiques lui
valurent des encouragemens de
la part de plusieurs hommes de
lettres, et quelques succès dans
le monde; mais Cabanis aspirait
à une réputation plus brillante.
Sachant que l'Académie avait à
peine jeté quelques regards sur
SCS premiers travaux littéraires ,
il eu conçut un profond découra-
gement. L'excès du travail altéra
sa santé, et il était dans cette tris-
te disposition, lorsque, cédant
aux instances de son père, il fit
choix d'une profession utile, et s*
décida pour celle de médecin.
D^6 ce moment, ce f^it à cette
science qu'il consacra ses travav;j:
et ses veilles. Sa réso'tilion une
fois prise , rien ne put l'ébranler;
ctdMrant l'espace de six années «
il ne manqua pas un seul jour
d'accompagner le docteur Du-
breuil au chevet du lit de ses ma-
lades. Ses progrès sous ce grand
maître furent rapides. Cependant
l'état de sa santé le forçant d'al-
ler souvent à la campagne, il
choisit le séjour d'Auteuil , d'où
il pouvait promptement se ren-
dre aux occupations qui l'appe-
laient à Paris. C'est làfj[u'il eut oc-
casion de connaître la respectable
veuve d'Helvétius, qui bientôt,
le traitant comme son propre fils,
le présenta aux hommes célèbres
dont sa utaison était le rendez-
vous. Parmi ces hommes remar-
quables, on distinguait Turgot,
Condillac , Thomas , Franklin ,
Jefferson , et le baron d'Holbach.
Ce fut par l'entremise de ce der-
nier que Cabanis devint YamX (Jç
4 CAB
Diderot, de d'Alemberl, clde Vol-
taire. L'auteur de Mahomet en-
tendit avec plaisir plusieurs mor-
ceaux de riliadc, et donna au
traducteur des éloges qui purent
le consoler des dédains de l'Aca-
démie. Cabanis, occupe sans ré-
serve de son nouvel état, n'avait
cependant pas achevé sa traduc-
tion ; il paraissait avoir renoncé
pour jamais au culte des muses,
et ses adieux aux neuf sœurs sont
consignés dans^ le Serment d'un
médecin, petite pièce imprimée
en 1785. Quand la révolution écla-
ta, Cabanis, comme tous les es-
prits sages, comme tous les cœurs
généreux, en adopta les principes
et en blâma les excès. En 1789 il
fît paraître un ouvrage intitulé :
Observations sur les hôpitaux; et
peu après, par suite des droits
que lui donnait ce travail , il fut
appelé à faire partie de l'adminis-
tration des hospices de Paris. Ce-
pendant l'assemblée constituante,
ce corps qui , dans la grande ma-
jorité de ses membres, révéla à
la France tant de lumières et de
patriotisme, venait d'ouvrir ses
séances à jamais glorieuses. Par-
mi les talens remarquables qui
tout à coup se développèrent, ou
voyait dominer cet homme pro-
digieux, qui, dès l'enfance de no-
tre tribune, en fit la rivale des
tribunes de Rome et d'Athènes.
C'est de Mirabeau que nous vou-
lons parler. Une conformité ho-
norable de lumières et d'opinions
fut, entre le grand orateur et le
médecin-philosophe, la base d'u-
-ne amitié que la mort elle-même
ne put altérer. Mirabeau, comme
on sait, ne se contentait pas d'en-
richir la France du résultat do sa
CA«
propre érudition ; des hommes
savans ont plus d'une fois em-
prunté l'éclat de son éloquence
pour propager des vues nouvel-
les et des projets utiles. Cabanis
rédigea dans ce but un Travail
sur l'éducation publique. Après
la mort de Mirabeau , Cabanis,
qui était en droit de revendiquer
cetouvragetrouvé dans les papier»
de son ami, le publia en 1791. Il
fit également paraître le Journal
de la maladie et de la mort de
Mirabeau. Kt non-content de lui
avoir prodigué durant sa vie tous
les secours de l'art et de l'amitié,
il le défendit après sa mort avec
toute l'énergie de la franchise et
de la douleur. Sou attachement
pour l'illustre et malheureux Con-
dorcet ne fut ni moins noble ni
moins courageux. Cet attache-
ment semblait croître avec la
haine des persécuteurs dont cet
homme célèbre fut la victime.
Cependant Condorcet succomba
sous les proscriptions du 3i mai
1793; et dans cette triste circons-
tance, son ami ne put4ui rendre
d'autre service que celui de re-
cueillir ses écrits, cl d'être, auprès
de sa veuve, l'interprète de ses
derniers vœux. Peu de temps a-
près, Cabanis épousa la belle-
sœur de M°" Condorcet, M"* Char-
lotte Grouchy, sœur du général
de ce nom. Depuis cette époque,
il dut à cette honorable alliance
le charme et le bonheur de sa
vie. Nommé en l'an 3 profes-
seur d'hygiène, à l'école centrale
du département de la Seine ; en
l'an 41 membre de l'institut na-
tional; en l'an 5, professeur de
clinique à l'école de médecine de
Paris; député en l'an 6, il sic-
CAB
gea au conseil des cinq-cenl» ,
jusqu'au i8 brumaire an 8. Par
suite des liaisons intimes qui
existaient entre lui et le directeur
Sieyes , Cabanis prit part aux
grands changemens qui s'opérè-
rent à cette époque , dans le sys-
tème du gouvernement; devint
membre du sénat-conservateur,
et par la suite commandant de la
légion-d'honneur. Cependant de
longues méditations, et une vie
toujours remplie par le travail,
avaient affaibli sa santé. Celui qui
avait tant de fois veillé sur celle
des autres, fut obligé, pour répa-
rer ses forces, de se retirer à la
campagne. Ce fut chez son beau-
père , dans un château à douze
lieues de Paris, qu'il vint cher-
cher le repos. Le grand air, l'exer-
cice de la chasse , lui furent d'a-
bord favorables. Rendu à lui-mê-
me , il avait repris la lecture de
ses auteurs favoris ; les premiers
amis de sa jeunesse étaient ainsi
redevenus ceux de son âge mûr;
et il se disposait à continuer sa
traduction de l'Iliade, lorsqu'il
mourut, frappé d'apoplexie , le 5
mai 1808, près de Meulan, dépar-
tement de Seine-et-Oise. Caba-
nis, dans toute l'extension du
terme, était un homme de bien.
Cher à ses amis, à la patrie, à
l'humanité; savant, sans pédan-
terie ; médecin supérieur, il fit
faire de grands pas à une science
incertaine, en l'éclairant du ttain-
l>eau de la philosophie. Tous ses
ouvrages, dictés par la plus res-
pectable des intentions , celle
d'être utile, révèlent un esprit
profond, une érudition immen-
se, et un cœnr excellent. Quoi
que puissent dire quelques pé-
GAU 5
dans ridicules , aussi incapa-
bles d'imiter Cabanis que de le
comprendre, les jeunes étudians
qui se destinent à la profession de
médecin , ne sauraient choisir ni
un modèle plus estimable, ni un
guide plus éclairé. Indépendam-
ment des ouvrages déjà cités dan*
cette notice , Cabanis, à difl'éren-
tes époques, publia les œuvres ci-
après : Mélanges de littérature
allemande, ou Choix de traduc-
lions de l'allemand, etc., etc.,
Paris, 1797; cet ouvrage est dé-
dié à M"" Helvétius. Les degrés
de certitude de la médecine , Pa-
ris, 1797 et 1802, in-8°; Coup
d'œil sur les révolutions et la ré-
Jorme de la médecine, Paris,
i8o4, in-8°; Observations sur les
affections cotarrhales en général,
et particulièrement sur celles qui
sont connues sous le nom de rhu-
me de cerveau et de rhume de poi-
trine, Paris, 1807, in-8°; Disser-
tation sur le supplice de la guil-
lotine; dans laquelle l'auteur sou-
tient, contre l'opinion de M. Sue,
et celle de Sœmmering, que la dou-
leur ne se prolonge pas au-delà de
la décapitation. Cette dissertation
se Xrouycda.nsle Magasin encyclo-
pédique. Rapport du physique et
du moral de l'homme; douze /«<*'-
moires^ dont les six premiers pa-
rurent dans les vol. i et 'X, du Re-
cueil de l'Institut national, classe
des sciences morales et politiques -y
et le tout ensemble, Paris, 1803
et i8o3, deux vol. in-8°. Chénier
(ftlarie-Joseph), dans son beau
rapport sur les progrès et l'état
de la littérature en France, rap-
port qui fut mis, en 1808, 'sous
les yeux de ]Sa])oléoii , après a-
Yoir donné une aimiiytie uus&i lu-
C CAK
Inineuse que rapide des douze
mémoires dont nous venons de
parler, termine le paragraphe qui
les concerne , par ces mots : « Le
plan de son livre est aussi bien
exécuté qu'il est l)ien conç«i ; les
questionsy sont traitées avec pro-
fondeur, et l'élégance du style
leur donne autant d'intérêt qu'el-
les ont d'importance. Aussi la re-
nommée de ce bel ouvrage est
faite en Europe; elle y doit en-
core augmenter. Plus il sera lu,
plus on sentira combien de cer-
tes de connaissances , combien
de genres de mérites il fallait
réunir pour appliquer, avec au-
tant de succès, l'analyse de l'en-
tendement à la physiologie trans-
cendante, et l'art d'écrire à tous
deux. » Dans une seconde édition
du même ouvrage, on trouve, in-
dépendamment des additions faî-
tes par l'auteur lui-même, un
extrait raisonné, servant de table
analytique, par M. Destult-Tra-
cy, et des tables alphabétiques et
raisonnées des auteurs et des ma-
tières , par M. Sue. Plusieurs des
discours prononcés par Cabanis,
au conseil des cinq-cents , ont été
recueillis dans le Moniteur .Ses tra-
vauxpoétiques se composent d'u-
ne traduction duCimei/ère<^e cam-
pagne de Gray; de la Mort d'A"
donis, idylle de Bion, enfin d'une
moitié de l'Iliade d'Homtre. Plu-
sieurs fragmensde ce dernier ou-
vrage ont été lus avec succès en
séance publique de l'Institut, et
mériteront à leur auteur une pla-
ce distinguée parmi nos habiles
■versificateurs.
CABANON (Bernard), négo-
ciant à Rouen , où il possède de
grandes propriétés^ est né -à Ga-
CAIÎ
dix de parens français. Il vint fort
jeune en France, où il mérita d'ê-
tre distingué. Avant le if) mars
181 5, il était juge au tribunal, et
membre de la chambre de com-
merce de Rouen. A cette époque
il fut nommé adjoint du maire de
cette ville, et cessa d'en remplir
les fonctions après le-? ctntjourx.
En 1819, le corps électoral du dé-
partement de la Seine-Inférieure
le nomma député à une majorité
immense. Admis à la chambre, il
prit place au côté gauche, parmi
les défenseurs de la charte, avec
lesquels il a voté constamment.
Membre de la commission des
douanes, il s'est opposé à l'aug-
mentation des droits d'entrée sur
les laines étrangères. Il s'est pro-
noncé contre la nouvelle loi des
élections, comme il l'avait fait
contre les lois d'exception.
CABARRUS (François, comte
de), est né à Rayonne en 1752.
Lorsqu'il eut fini ses études chez
les pères de l'Oratoire, à Toulou-
se, il fut envoyé à Sarragosse pour
y apprendre l'espagnol, et pour
acquérir les connaissances néces-
saires aux négocians. Il y épousa
en secret M"' Galaberl, la fille de
son hôte, lequel, n'ayant pas tardé
à se réconcilier avec son gendre^
le chargea de diriger une fabrique
de savon auprès de Madrid. Cet-»
te circonstance fut très-favorable
au jeune Cabarrus. Le voisinage
de la capitale lui permit de se lier
avec des littérateurs, et ensuite
avec des hommes en place, aux-
quels il dut la confiance que lui
montra bientôt le ministre du tré'-
sor. L'Espagne ayant agi contre
l'Angleterre dans la guerre des
États-Unis, avait vu sa dette s'ac*
CAB
c-roîlre rapidement. Pour rétablir
le crédit, C;ibarriis imagina de
mettre des billets royaux portant
intérêt. Ce papier-monnaie réus-
sit parfaitement, et peu de temps
après , quand on créa la banque
de Saint-Charles, la direction en
fut confiée à Cabarrus, qui en a-
"vait formé le plan. Au moyen d'un
droit de commission, cette ban-
que procède à racquiltement de
toutes les obligations souscrites
par le trésor, pour les divers ser-
vices de l'armée, de l'intérieur et
de l'extérieur. Ces opérations,
d'une utilité reconnue, avaient
donné à Cabarrus une grande in-
fluence; mais la mort de Charles
III y mit un terme, en occasio-
nant le renouvellement du minis-
tère. Arrêté en 1790, au mois de
}uin, par LIerena, il passa deux
années dans les prisons : ce n'est
qu'en 1792 qu'il fut jugé et ac-
quitté. 11 reçut alors, avec le titre
de comte, une mission pour le
congrès de Rastadt , oii il eut le
rang de ministre plénipotentiaire.
Plus lard, il fut choisi pour l'am-
bassade de France, après avoir
contribué, depuis son retour en
Espagne, à la réforme de l'admi-
nistration. Mais le directoire, n'i-
gnorant pas les relations de Ca-
barrus avec la faction dite de Cli-
chy, le refusa, sons le prétexte
qu'il étiiit ué français. Le prince
de la Paix, qui ne le voyait pas à
Madrid .sans quelque inquiétude,
le fit envoyer en Hollinde, où il
resta jusqu'à l'abdication de Char-
les IV. Kinlré en Espagne, il
fut nommé ministre dis finances
par Ferdinand Vil, et il le sui>it
à Bayonne au mois d'avril 1808.
Lea évéueiuea» qui placèrent. lo-
CAC ^
scph Bonaparte sur le trône do3
Espagnesj ne renversèrent point
la fortune du comte de Cabarrus;
il fut confirmé dans le ministère,
ainsi que dans la direction de la
banque de Saint-Charles, et il se
vit décoré du grand-cordon de
l'ordre Royal, créé en 1809. par
le frère de Napoléon. Il est mort
le 27 avril 1820, avec la réputa-
tion d'un très-bon administrateur
en finances.
CACAULT (François), naquit
à Nantes, en 1742. Après avoir
fait de bonnes études, il vint à
Paris à l'âge de 20 ans, et ^ 22,
fut nommé professeur de mathé-
matiques à l'École-Militaire. Un
duel , où il blessa son adversaire,
le força de quitter la France , en
1769. Il parcourut l'Italie, et ar-
riva à Rome dans un dénfimcnt
complet. Il était loin de se dou-
ter qu'il dût un jour représenter
une des grandes nations de l'Eu-
rope, dans cette même ville où
il entrait à pied, et peu chargé de
bagage. Lors de son retour en
France, en 1 775, le maréchal d'Au-
beterre se l'attacha comme secré-
taire particulier, l'emmena en I-
talie, et le fit nommer, en 1785,
secrétaire de l'ambassade de Na-
ples, sous le baron de Talleyrand,
auquel Cacault succéda dans cette
résidence, en 1 791.De retour à Pa-
ris, il reçut l'ordre de partir pour
Rome, après l'assassinat de Basse-
ville; mais tontes les comniunica-
tious étant coupées par les trou-
pes de la coalition, il ne put ar-
river àsa nouvelledestinalion.S'é-
tant arrêté en Toscane, il employa
nlileinenl le tcujps «le son séjour
ù Florenc€,etd< termina le grand-
duc à se détacher de lu coalition.
8 CAC
Nommé ministre à Gènes, il si-
gna, conjointement avec le géné-
ral Bonaparte, le traité deTolen-
tino. Chargé d'en surveiller l'exé-
cution, il se rendit à cetelïctà Ro-
me, t\ Florence, puis fut rappelé :\
Paris, où il revint, ne rapportant
de ses missions, qu'une pauvreté
honorable et quelques tableaux.
Nommé, en 1798, député au con-
ieil des cinq-cents, par le départe-
ment de la Loire-Inférieure, il y
présenta, le 1 5 août, un projet sur
le mode de reddition de compte
des ministres, et proposa la dégra-
dation civiquepour ceuxquine se
soumettraient pas à cette mesure.
Après la révolution du 18 brumai-
re an 8, Cacault fut membre
du nouveau corps -législatif; et
renommé l'année suivante à
l'ambassade de Rome, il y resta
jusqu'en juillet i8o3, époque où
le cardinal Fesch vint lui succé-
der. Revenu en France , il fut
nommé présidentdu collège élec-
toral de la Loire-Inférieure. Elu
candidat par ce département, il
entra au sénat-conservateur le 6
avril i8o5, et mourut à Clisson,
le 1" octobre i8o5. Cacault, qui
avait pris en Italie le goût des
arts, laissa un beau cabinet des
divers morceaux qu'il en avait
rapportés. On a de lui les ouvrages
suivans, qui ne se distinguent ni
par l'élégance, ni même par la
correction du style : 1° Poésies ly-
riques de Ramier, traduites de
l^ allemand , Berlin, 1777, in-12;
ti" Dramaturgie , ou Observations
critiques sur plusieurs pièces de
théâtre, traduite de l'allemand
de Lessing, par un Français ,
et publié par M. J., Poris, 1785,
3 vol. in-12. Enfin plusieurs
CAD
Rapports au conseil des cinq-
cents.
CADET-GASSICOURT (Lotis-
Claiîde), pharmacien, né à Pa-
ris le .;4 juillet 1731. Son père,
chirurgien habile, mourut à la
fleur de l'âge, laissant treize en-
fans, une veuve, et dix-huit francs
pour toute fortune. Chacun des
voisins de Cadet voulait adopter
un de ses enfans. Saint- Laurent,
trésorier des colonies, ami zélé et
puissant, se chargea de pourvoir
à l'éducation de ces intéressans
orphelins, et de donner à chacun
d'eux une destination conforme i
ses talens. Louis-Claude s'étant
voué à l'étude de la pharmacie, y
fit des progrès assez rapides pour
être nommé, à 22 ans, apothicai-
re-major des Invalides. Quatre
ans après, en «757, il fut apothi-
caire-major des armées d'Allema-
gne, et ensuite de l'armée fran-
çaise en Portugal. Il se fit bientôt
distinguer par ses connaissances
en chimie. En 176G, l'académie
des sciences de Paris le reçut au
nombre de ses membres pour pro-
fesser la chimie. Les académies
de Lyon, Toulouse et Bruxelles
s'empressèrent successivement de
l'adopter pour associé ou pour
correspondant. Les mémoires de
l'académie des sciences de Paris,
le journal de physique et d'autres
recueils savans, ont été enrichis
par Cadet de vingt-trois mémoi-
res ou dissertations sur la chimie.
On y trouve des observations pré-
cieuses sur la possibilité d'extrai-
re le vitriol de l'espèce de charbon
de terre qu'on exploite dans le
Rouergue. Cadet a analysé huit
espèces d'eau minérales jusqu'a-
lors inconnues. Il a donné les
^.
/• /^ / . /
( ) ^
/,
Fivinit (//•/ <-f- > *'f/f//>
CAD
moyens de préparer l'éther à des
frais très-modiques ; ce médica-
ment, dont l'usage est tous les
jours plus répandu, et pourrait
même l'être trop, depuis que les
dames se sont familiarisées avec
ce puissant anti-spasmodique, dé-
guisé sous le nom de gouttes ano-
dines d'Hoffmann. Cadet a rédi-
gé, pour l'Encyclopédie, les arti-
cles bile et borax. 11 a fait impri-
mer séparément : 1° Une Analy-
se des eaux minérales de Passy;
2" des Observations en réponse à
Baume, sur la préparation de l'é-
ther, sur le mercure, etc. ; 3" en-
fin des Expériences sur la natu-
re du diamant. Dans ces expé-
riences sur le diamant, faites avec
les célèbres Macquer et Lavoi-
sier. Cadet eut l'avantage de met-
tre hors de doute la combustion
parfaite de ce corps singulier, et
d'apercevoir l'enduit charbon-
neux dont se couvre le diamant
lorsqu'il ne se combine que par-
tiellement avec le gaz oxigène.
Le désir d'étendre, avec le domai-
ne des sciences, no? relations
commerciales, avait fait condui-
re en France deux jeunes Chinois,
auxquels Louis XV voulut qu'on
apprît la chimie. Cadet fut char-
gé de la leur enseigner, et reçut
pour prix de ce service la seule
récompense qui pouvait le flatter,
la Collection complète des mé-
moires de V académie des scien-
ces. Lin livre instructif paie les
travaux d'un savant, comme une
armure brillante les exploits d'un
guerrier. Les falsifications que
des commerçans avides se per-
mettaient d'exercer sur les vins,
leà vinaigres et les tabacs, ayant
éveillé la sollicitude du gouver-
CAD 9
nement, Cadet fut chargé de dé-
couvrir ces fraudes pernicieuses ;
il donna à la fois les moyens de
les reconnaître, d'en arrêter le
cours, et de remédier aux abus
qu'elles entraînaient. Cadet a tra-
vaillé sur la confection du verre
et de la porcelaine ^'ecle célèbre
Fontanieu; il a laissé dans son la-
boratoire un grand nombre d'é-
chantillons qui attestent l'impor-
tance des essais qu'il a faits dans
ce genre. Ces travaux le firent
nommer commissaire du roi pour
la chimie, près la manufacture de
Sèvres. Le public accorda tou-
jours à Cadet une confiance pro-
portionnée à ses lalens. On sait
quel succès ont constamment ob-
tenu les médicamens qu'il pré-
parait. Ce succès a été trop dura-
ble pour qu'on pût l'attribuer i
la mode ou ù un engouement ir-
réfléchi. Son cabinet était ouvert,
ù toute heure, à l'humanité souf-
frante qui venait réclamer ses sa-
lijtaires avis. Ses consultations é-
taient toujours gratuites; il y joi-
gnait souvent, pour les pauvres,
le don des médicamens qu'il avait
prescrits, et quelquefois de l'ar-
gent pour qu'ils se procurassent
le bouillon, le linge, ou telle au-
tre commodité que réclamaient
leurs maladies. Ln homme, dont
l'habit et le maintien annonçait
tout au plus un pauvre habitant
de la campagne, se présente un
jour chez Cadet pour le consulter.
Le malade est accueilli avec au-
tant d'égards et de politesse, de
patience et d'attention, que si son
extérieur eOt promis le plus riche
salaire; il se retire surpris et pé-
nétré de reconnaissance. Le soir
du même jour, une Toiture s'ar-
10 CAD
rète à la porte de Cadet. In hom-
me décoré en sort, et se fait re-
coruiaître pour le malade si géné-
reusement écouté le matin : c'é-
tait ie duc de Crillon ; il émisas-
se Cadet, et lui demande son ami-
tié. Cette demande n'élait point
une vaine démonstration; le duc,
à compter de ce jour, fut et de-
meura toute sa vie l'ami intime
de Cadet. Ses derniers travaux
chimiques ont eu pour objet l'exa-
men du métal des cloches. L'a-
cadémie des sciences l'en avait
chargé conjointement avec Dar-
cet et Fourcroj. Depuis cette é-
poque , il se renferma dans ses
consultations jo"rnalières et dans
la pratique de son état. Après plus
de soixante années de travaux u-
tiles. Cadet succomba à la suite
d'une opération douloureuse qu'il
supporta avec beaucoup de cou-
rage. Il mourut le 0.5 vendémiai-
re an 8 (17 octobre 1799), laissant
un fils unique, héritier de ses ta-
lens, auxquels il en réunit d'au-
tres, etc. (Fofcz l'article ci-a-
près.)
CADET-GASSICOLRT, fils du
précédent, est né à Paris le 23
janvier 1769. Il exerça d'abord la
profession d'avocat , et l'aban-
donna en 1799, après la mort de
son père, pour se faire recevoir
pharmacien. L'étude des sciences,
des lettres et de la saine philoso-
phie remplit ses premières an-
nées. A l'époque du ij vendé-
miaire an 4 (10 octobre 1793), il
était président de la section du
31ont-iîlanc. qui marcha contre
la convention. Il fut condamné
ii mort, mais le jury du tril)unid
criminel du département de la
Seine annula ce jugement pro-
CAD
nonce par contumace. M. Cadet,
membre de la société de bienfai-
sance, l'un des fondateurs du ly-
cée républicain, membre de la
société (les belles-I«;tlres, était,
avant la restauration, pharmacien
de l'empereur, (/e.»! en cette qua-
lité qu'il fut, (Il i«So9, appelé à
Schfenbnin. nu Napoléon le nom-
ma clievalier de Tempire. Témoin
(les ])i iiicipauxévénemens de cet-
te inéiuorable campagne, et s'é-
tant trouvé à même de rassem-
bler des anecdotes curieuses, M.
Cadet les fit paraître dans un ou-
vrage fort piquant^ intitulé Voya-
gc en yiulricit, in Moravie el en
Bavière, 1 vol. in-8°. Il figura
comme témoin à décharge dans Iki
procès dirigé, en 1819, contre u-
ne prétendue réunion dite di-s a-
mis de la iiherlé de la pi-esse. In-
terrogé sur l'organisation inté-
rieure de cette assemblée : Celui
qui nous Jaisait les honneurs de
la soirée, vv.^ox\à\i M. Gassicourt,
n'élait pas jt/us un président élu
que le roi de l'Epiphanie n'est un
roi légitime. M. Cadet est un
pharmacien savant et un homme
d'esprit; et à ces deux titres, il ne
fait pas moins pour la guérison
que pour 1 amusement de ses ma-
lades. Excellent patriote, il a sou-
vent quitté son laboratoire pour
s'occuper d'objets politiques. Au-
teur de plusieurs brochures sur
des questions d'intérêt général, il
s'est livré simultanément au cul-
te de la science et à celui de la li-
berté. M. Cadet, docteur de la
faculté des sciences, est mem-
bre des académies de Turin, de
Flitrence, de Madrid, et de l aca-
démie royale de médeci.iede Pa-
ris, dont il est un des secrétaires.
CAD
C'est à lui que l'on doit la créa-
tion du consoil de salubrité, ins-
titution si utile aux arts et à l'hy-
giène publique. Indépendamment
del'ouvrag»; dont nous avons par-
lé ci-dessus, M. Gassicourt en a
publié plusieurs autres, et s'est
distingué en plus d'un genre. On
a de lui Lellvts en prose et en vers-
sur la Normandie^ suivies de pil-
cesjiigitivcs; le Tombeau de Jac-
ques Molay, ou Hiytoirc secrète
des templiers francs'tnacons , il-
luminés^ etc., etc. Il donna au
Vaudeville, en 1 79.'!, le Souper île
Alolilrc, et quelques années après,
au théûtie des Troubadours, la
Visite de liucaii. 11 publia suc-
cessivement un Forma aire ma-
gistral, I vol. in- 12; un (action-
naire de chimie, 4 vol. in-S"; une
petite Pharmacie domcstifjue ii
l'usage des personnes qui habi-
tent la campagne , i vol. in- 18.
Dans un autre genre il fit paraî-
Hre : Observations sur les ptincs
infamantes . ouvrage adressé \
rassembléeconstituante.En 1 800,
'une Tiiéorie des élections, sous le
titre de Raisons d'un bon choix;
wne autre brochure ayant pour
titre Cahier de réformes. En 1 8 1 7,
il critiqua finement l'organisation
de la garde nationale, dans une
brochure intitulée : Confidence de
l'hôtel de Bazuncourt. Peu après
il fit paraître les quatre /îi^es de
la garde nationale. La môme an-
née et les deux suivantes, il pu-
blia ime Analyse raisonnée des
listes d'é'ecteurs et (télif;ib/cs ; et
deux brochures intitulées : Candi-
dats présentés aux électeur^ de
Paris pour la session d^. \9,\i^^ «t
Qui nommerons - nom ? (l'Siso).
Les autres ouvrages de €adct-
CAÔ 1 1
Gassicourt sont : 1° Un Essai sur
la vie /rii'ée de Mirabeau; a° un
Kloge de Baume; 5° Saint-Gè-
ran, ou la nouvelle Langue fran-
çaise, suivi du f oynge au mont
Vnlé.un. etc., critique enjouée
des ouvrages de M°'* de Staël et
de M. de Cliâteaubriaud. 1 vol. in-
8"; 4° '"* Cours gastronomique f
I vol. in-8*; 5* i^ Esprit des .<ots
passés, présens et à t'enir, ouvra-
ge philologique, 1 vol. in-12; 6*
/ . nU novateur, <^° h oj^t d'ins-
titut nomade; 8° des Moyens de
destruction et de résistance que
les sciences physiques peuvent of-
frir dans nie guerre nationale.
Les recueils périodiques des scien-
ces naturelles contiennent plu-
sieurs n»éin()ires intéressans de
M. (>a(let-Gassicourt, et il se pro-
pose de publier incessamment un
ouvrage très-élendu sur la salu-
brité publique, considérée dans
ses rapports avec l'administration
de lu police.
C.4DKT- DE-VAUX (AiyTOixE-
Alexis), Crère (k* Cadel-Gassicourt
(L. C), né à Parislei5 septembre
1743, exerça quelque temps la
piiarmaeie. Il traduisit les insti-
tuts de chimie de Spielman, 2 vol
in 8°, et les enrichit de notes. Ses
liaisons avec Duhamel, Tillct et
Parmentier, le portèrent vers l'é-
tude de l'économie rurale et do-
mestique. Il vendit sa pharmacie,
et se livra tout entier ai IX objets in-
téressans que pré-*eute cette scien-
ce, ('ependaot comme il avait
peu de forlnne, il ('oiiciit li oro-
jet de s'assurer d abord un<! exis-
tence par la lili. laiiir»' . <t il « réa
le ./o '■ / . (I.iui le gar-
de des Meaiix il ne de Miroiné-
Tiil lui accorda le privilège J i\ la
lî CAD
charge de s'associer M. Suard ,
M. Corancez, etc. Le Journal de
Paris ^ ce qui paraîtra incroyable
à ses lecteurs actuels, eut, dans
les premières années, le plus
grand succès. Libre de se livrer à
ses goûts et doué d'une grande phi-
lanthropie, Cadet-de-Vaux pro-
posa au gouvernement les moyens
de prévenir l'asphyxie des fosses
d'aisance; il demanda et obtint
la prohibition des comptoirs de
plomb chez les marchands devin,
des vases de cuivre pour les lai-
tières , des balances de cuivre
pour les détaillans de sel; il pro-
voqua la suppression du cimetiè-
re des Innocens. Ces travaux le
firent nommer, par M. Lenoir ,
lieutenant-général de police, ins-
pecteur des objets de salubrité de
la ville de Paris. 11 créa , avec
Parmentier, l'école de boulange-
rie, et professa gratuitement cet
artjsoit à Paris, soit dans plusieurs
provinces où l'on ne faisait que
de mauvais pain. Celui des pri-
sons et des hôpitaux fut amélioré
par les soins de ces deux philan-
thropes. Il conçut le projet des co-
mices agricoles, le ministre les
adopta; et ces réunions des plus
grands cultivateurs présidées par
Broussonet, par Cadet-de-Vaux,
firent faire de grands pas à l'agri-
culture. C'est dans ces conféren-
ces champêtres qu'il apprit aux
fermiers à prévenir la carie des
blés par un bon chaulage, qu'il
fit proscrire l'emploi du vert-de-
gris et de l'arsenic que quelques
laboureurs mêlaient à leurs se-
mences pour les préserver de ca-
rie, qu'il propagea la connais-
sance de la mouture économique.
Cadet-de-Vaux publia un mémoi-
CAD
re sur la diminution des eaux opé-
rée par le destruction des forêts ;
une instruction sur la méthode
œnologique (l'art de fabriquer le
vin) de Chaptal;une autre sur le
blanchiment à la vapeur, et plu-
sieurs écrits sur l'emploi delà gé-
latine extraite des os. En 1791 et
1793 il fut nommé président du
département de Seine-et-Oise. Il
se fit chérir dans cette place par
son activité et sa modération.
Rendu à sa vie agricole, il s'oc-
cupa de chercher tous les pro-
duits que l'on pouvait tirer des
pommes de terre, et il a publié
sur cette substance alimentaire
d'excellens écrits. lia fait connaî-
tre aussi l'avantage offert parlV/r-
cure ou courbure des branches
dans les arbres fruitiers, qui, par
cette opération, deviennent plus
productifs sans s'épuiser; il a ré-
digé une petite histoire de la tau-
pe et des moyens de la détruire.
Ce traité est plein de recherches
et d'intérêt. M. Cadet-de-Vaux a
78 ans , et son zèle ne se ralentit
point. Il vient de publier, par or-
dre du ministre de l'intérieur, u-
ne brochure pour prouver qu'il y
a un avantage d'un cinquième ;\
récolter le blé quinze jours avant
sa complète maturation, et que la
farine obtenue de ce blé est de
meilleure qualité. M. Cadet-de-
Vaux est membre de la Société
royale d'agriculture , de l'acadé-
mie royale de médecine, de celle
des Curieux de la nature, et cor-
respondant de plusieurs sociétés
savantes étrangères. Ennemi juré
de la goutte, M. Cadet-de-Vaux
conçut, il y a quelques années, le
projet de la noyer dans l\% verres
d'eau. On ne sache pas qu'un seul
CAD
goutteux ait fait en entier l'épreu-
ve de ce spécifique, qui n'a ja-
mais été à la mode malgré sa
singularité. M. Cadet-de-Vaux
est du petit nombre de ces hom-
mes recommandables qui n'ont
ambitionné d'autre gloire que cel-
le d'être utile; et il est impossi-
ble de citer, sans reconnaissance,
les nombreux services qu'il a su
rendre à la société.
CADET (Jean-Marcel) , né à
Metz le 4 septembre 1701, n'est
point de la même famille que les
précédens. 11 a résidé pendant
vingt-cinq années en Corse, où
il a été subdélégué général et ins-
pecteur des mines. Après avoir
comparé entre elles et avec celles
du continent les productions de
celte île, qu'il a plusieurs fois par-
courue dans tous les sens. Cadet
s'est servi des rouleaux du cadas-
tre pour la figurer en relief, avec
les matières mêmes du sol. Cet ou-
vrage curieux et d'une grande pa-
tience, facilite l'intelligence de
deux mémoires qu'il a publiés,
l'un sur les Jaspes et autres pier-
res précieuses de la Corse ; l'au-
tre, sur les Stations de la mer, à
différentes distances du centre de
la terre. L'importance des forêts
dt: la Corée, et les coupes intem-
pestives que l'on en faisait, ont
déterminé Cadet à faire imprimer
des Observations sur la nécessité
de régler l'abattage des arbres
d'après la latitude et l'élévation
du sol. Il est auteur du Système
de l'Angleterre, publié aux yeux
des nations , et de VÉtat de la
Corse durant la révolution. On
doit encore à Cadet le déroule-
ment, li; calque et la première
gravure du plus beau de$ rouleaux
CAD i3
connu d'écritures en hiérogly-
phes; une collection de tarifs pour
établir avec justesse et célérité les
cottes proportionnelles sur les dif-
férons revenus; un mémoire sur
l'emploi de ce qui est fait du ca-
dastre pour répartir équitable-
ment la somme de la contributioQ
foncière sur les départemens du
royaume; un préci» des voyages
entrepris pour se rendre aux In-
des par le pôle-nord; un traité de
la lenteur que mettent les subs-
tances aériformes, liquides et so-
lides, à suivre les mouvemens de
la terre , et des effets de cette
lenteur sur la salubrité, les dé-
bordemens et les alluvions. Ca-
det avait été appelé, il y a vingt
ans, à la place de directeur des
contributions du département du
Bas-Rhin. Il résidait ii Strasbourg,
où il était en même temps secré-
taire-général de la société des
sciences, lorsqu'il a été admis à
la retraite. 11 s'occupe mainte-
nant d'un ouvrage sur l'importan-
ce de la Corse, et d'un autre qui
donnera l'explication des noms
personnels symboliques.
CADOUDAL(Geobge), fils d'ua
meunier, naquit en i769,àBrech,
village, ou était établi son père, à
deux lieues d'Auray, déparlement
du Morbihan. 11 fit ses études au
collège de Vannes, et prit part à
la première insurrection royalis-
te, excitée en 1790, dans son dé-
partement. Cette tentative de
guerre civile n'ayant obtenu au-
cun succès, Cadoudal , ù la tête
d'une cinquantaine de paysans
bas-bretons, se joignit à un ras-
semblement de Vendéens, les sui-
vit dans leurs opérations, et de-
vint olïicier au siège de Graq-
i4 CAD
ville. Cadoudal, de concert avec
un noniin»'; Letnenier, s'occupa
d'enrôler des ni;ilclol.s oisifs, des
paysans privés de travail, et s'ef-
tbrça ainsi de recruter le parti
qui avait levé l'étendard de la
guerre civil*. Arrêté sur ces en-
Irelailes par un délachtinrnl ré-
publicain, il l'ut conduit dans les
prisons de Brest, et. après quel-
ques mois de détention, se «auva
déguisé en nuitelot. Ctpendant
l'année royaliste, durant l'ahsen
ce de Geoi'{!;e, avait reçu une or--
ganisation définitive : les chefs é-
taient choisis. Cieorj^e se iit nona-
mer commandant de «on canton,
et ce fut sous ce titre qu'il com-
mença cette {,nitrre de chouanne-
rie , à laquelle il dut son genre de
célébrité. Une grande constance
à braver les diverses espèces de
périls attachés aux expéditions
qu'il commandait, le rendit un
personnage redoutable; ot il se vit
bientôt à la tèle d'un rassemble-
ment nombreux. En i^gS il se
prononça contre la pacification
de la Mabilais; s'entcnditavec les
chefs du débarquement de Qui-
fceron, pour favoriser leurs entre-
prises; et après l'échec qu'ils é-
prouvèrent , rallia les chouans
-que les ofllciers émigrés , décou-.
rages par la mort de Tinteniac,
voulaient licencier. Se trouvant, à
«etteépoque,premier chef de l'in-
surrection de la Basse-Bretagne,
il essaya quelque temps de résis-
ter aux armes des troupes répu-
blicaines. La responsabilité du
désastre de Quiberon lui sem-
blant devoir peser sur M. de Pui-
.«aye, il le fit arrêter avec l'inten-
lionde le faire fusiller; et ce ne fut
4ju'i Ja auiie d'u» Jong entreitien
CAD
et de prières réitérées, que celui-ci
parvint à fléchir cette justice ex-
péditive. Malgré cette roideur,
George s^avail cependant se plier
aux circonstances, et dissimuler
quand il y avait intérêt. On l'a vu,
en i79(>, se résoudre à une feinte
soumission devant le général Ho-
che ; licencier ses troupes; s'en-
gagera opérer leur désurmement;
et donner en secret les ordres les
plu» positifs pour que le traité,
publiquement proclamé, n« s'ac-
complit pas. On l'a vu, en 1797,
après le coup manqué par les
royalistes, au 18 fructidor, tenter
de rallumer la discorde en France,
sous la protection du ministère
anglais. Après deux ans d'inac-
tion, on l'a vu accomplir ce pro-
jet en 1799; enfin A la suite des
combats de Grand-Champ et d'El-
ven , qui eurent lieu les 25 et 26
janvier 1800, on l'a vu traiter
près de ïheix avec le général
Brune; licencier ses troupes; ju-
rer la paix; et se rendre à Londres
pour concerter les moyens de ral-
lumerlaguerre. dépendant Geof'
ge reçut en Angleterre le prix de
son dévouement à la cause roya-
le. Le cordon rouge et le grade de
lieutenant-général lui furent ac-
cordés par monseigneur le comte
d'Artois , et ces marques de fa-
veur furent accompagnées des
félicitations du ministère anglais.
Revenu secrètement en Bretagne
avec le comniandement général
du Morbihan et de plusieurs au-
tres départemens, il fil de nou-
veaux efforts pour y organiser
l'insurrection : il aspirait même à
s'emparer de Belle-lleet de Brest;
mais la découverte de ce projet
le fit échouer. Ce dernier coni-
I
CAD
Diandement de George fut signalé
par la mort de M. de Bec-de-Liè-
vre, quil fit fuj^ilier, coiiiine es-
pion de la police du premi<'r con-
sul. M. Bec- de -Lièvre était le
beau-frère du général Bourmont,
lerjuel avait, contre l'avis de Geor-
ge, traité avec les agens de la ré-
publique. Cependant un attentat
horrible s^e tramait contre la vie
du chef du gouvernement fran-
çais. Désespérant de vaincre le
première consul, on avait pris
la résnlution de l'assassiner. Mais
il est des degrés dans le crime.
Tuer un homme est un forfait
horrible; le tuer par un moyen
qui doit entraîner la mort d'u-
ne foule nombreuse, est l'acte
d'une férocité stnpide. Toute la
France se souvient encore du dé-
sastre causé par l'explo-ion de
la machine infernale. Saint -Ké-
jant, ancien ollicier de marine,
employé jusque-là sous le com-
jnandement de George, lut jugé
et condamné avec Carbon , com-
me auteur de cet horrible atten-
tat. Londres fut considéré comme
le point d'où parlait la conspira-
tion ; mais George , accusé par
l'opinirin publique, nia conslam-
ment qu'il y eftt pris part. (Ce-
pendant il s'était déclaré de-
puis long-temps ennemi person-
nel du premier consul. A l'époque
où les principaux chefs de la Ven-
dée signèrent une pacification qui
terminait une guerre dev(;nue
inutile, George refuso d'y adhé-
rer; et ses diverses soumissions
au gouvernement ne furent ja-
mais que des ruses à l'abri des-
(piellcs il uiéditait de nouvelles
attaques. Dans le mois de janvier
i8o5, de» ofUciers qui avaient
CAD 1 5
servi sous le commandement de
George, se rendirent avec lui à
Hastings, d'où ils devaient s'em-
barquer secrètement pour la Fran-
ce. Le fait suivant, dontnouspou-
vons garantir l'authenticité, in-
dique vers quel but était dirigée
cette nouvelle expédition. Geor»
ge, muni d'une lettre de recom-
mandation, se présenta à lord Hut-
chinson, commandant des trou-
pes dans la comté de Kent. Cet-
te lettre, expédiée par le minis-
tère anglais , sollicitait en faveur
de l'ancien chef de chouans, une
protection spéciale ; elle priait
lord llutchinson d'assister à son
embarquement, et d'avoir pour
lui et les siens, durant leur séjour
à Hastings, toiites les prévenan-
ces possibles. Lord llutchinson
répondit sur-le-champ qu'il pour-
voirait à tous les besoins de l'em-
banpiemont; mais il ajouta : Que
d'aptes l'évidence , l'ejp édition
ne pouvant avoir un but approu-
vé par les lois de la guerre, et
coiij'onne aux droits des nations,
il ne pouvait faire à George et à
ses com; aguons aucune polites-
se, ni lier avec eux aucun rap-
port personnel. Ce lord Hutchiu-
son était le môme qui avait pré-
cédemment commandé en tgyp-
te. Cependant George, suivi de
Pichegru et de ses autres compa-
gnons, débarqua, le 21 août, au
pied de la falaise de Béville (cA-
te de Normandie). Un complot
contre la vie ou la liberté du gé-
néral Bonaparte était eflVctivc-
ment l'objet de cette expédition
hasardeuse. Les conjurés se ren-
dirent à Paris par de» routes dif-
férentes, et sous divers déguise-
mens.Si l'on en croit certain» bio-
i6
CAD
graphes , l'intention de George c-
tait d'attnquer Napoléon à force
ouvcite, au milieu de sa garde.
Quoi qu'il en soit, la police de
France était depuis long- temps
informée de la nouvelle conspi-
ration ourdie en Angleterre. Les
recherches les plus actives étaient
ordonnées, sur tous les points,
contre les conspirateurs. George,
néanmoins, se trouvait en France
depuis plus de six mois, sans
qu'on fût parvenu à s'emparer de
sa personne, lorsqu'au mois de
mars i8o4, des renseignemens
positifs apprirent à la police qu'il
était à Paris. L'arrestation de plu-
sieurs de ses complices avait eu
lieu précédemment, entre autres
celle de Pichegru , incarcéré le
28 février. Le 9 mars, des agens
de police furent distribués dans
toutes les directions autour du
dernier domicile habité par Geor-
ge. Vers sept heures du soir on le
vit sortir en cabriolet, d'une mai-
son située rue Saint-Hyacinthe,
montagne Sainte- Geneviève. II
descendit avec une vitesse extrê-
me la rue des Fossés-M.-le-Prin-
ce, et avait déjà gagné le carre-
four Bussy, quand les agens qui
le suivaient l'entourèrent. George
renversa d'un coup de pistolet ce-
lui qui se présenta au marche-
pied; blessa dangereusement ce-
lui qui s'était emparé des rênes
du cheval; et s'étant élancé hors
du cabriolet, il avait déjà fait quel-
ques pas pour s'évader, quand les
cris à l'assassin, et la détonation
des armes, attirèrent la foule. Ln
boucher se jeta sur le fugitif, et
se colleta avec lui jusqu'au mo-
ment où les agens de police,
î'ayant euveloppé de toutes parts,
CAD
le lièrent et le transportèrent dan»
une voiture de place , à la préfec-
ture de police. De là Cadoudal fut
conduit au Temple, où il demeu-
ra durant rinstructif)n prépara-
toire. Transféré à la Conciergerie
quand la procédure judiciaire com-
mença, le prévenu répondit à ses
juges avec une grande fermeté,
évitant de compromettre aucun
de ses adhérens, et il entendit la
sentence qui le condamnait à
mort, sans manifester la moindre
émotion. Des démarches, dont
sa grâce devait être le résultat,
lui furent conseillées; il s'y refusa,
et reçut la mort avec une grande
intrépidité. Condamné le ai prai-
rial an 12 (10 juin, i8o4), son
jugement fut confirmé le 4 mes-
sidor suivant (23 juin), et exécu-
té le 6 (25 juin). Plusieurs nobles
compromis et condamnés comme
George , montrèrent moins de
fermeté que ce partisan plébéien.
MiALArmandet Julesde Polignac,
Bouvet deLozier, Lajolais, Char-
les d'Hozier, Russillion, Rochelle,
Gaillard et de Rivière, demandè-
rent leur grâce et l'obtinrent. Il
est un de ces nobles amnistiés ,
qui dut la sienne aux sollicita-
tions du général Murât, depuis
roi de Naples. L'acharnement a-
vec lequel il fit rechercher ce
princeproscrit à son tour en 181 5,
ne permet pas de penser qu'il eût
connaissance du service que ce
dernier lui avait rendu. George
Cadoudal était sans doute un
homme d'un courage extraordi-
naire ; mais jamais il ne versa
que le sang français, et des actes
de barbarie signalèrent trop sou-
vent la présence des hommes dont
il avait le commandement. Il est
CAD
juste toutefois de dire qu'il fut,
jusqu'à son dernier jour, dévoué
sans réserve à la cause qu'il a-
vait embrassée. Son père et son
frère Joseph furent anoblis par
ordonnance du roi, en octobre
»8i/|. Durant les cent jours , ce
même Joseph Cadoudal ayant or-
ganisé un rassemblement dans
les environs de Vannes, fut, après
le second retour du roi, nommé
colonel de la légion du Morbi-
han, par ordonnance du 3o octo-
bre 181 5.
CADROY (Pierre). Avant la
révolution, il avait embrassé la
profession d'avocat. Il lut nom-
mé, en i;'9i, administrateur du
département des Landes, et, au
mois de septembre 1792, député
à la convention nationale. Atta-
ché au parti de la Gironde, il re-
connut son incompétence, com-
me juge, dan^le procès de Louis
XVI; mais s'il vota, comme légis-
lateur, pourla détention et le sur-
sis, ce fut après avoir rejeté l'ap-
pel au peuple, qui eftt été le seul
moyen de sauver le roi. Celte po-
sition équivoque, choisie par une
sorte de prudence, lui donna beau-
coup d'inquiétude, lorsque le pou-
voir du comité de subit public
n'eut point de bornes. Au milieu
dts frayeurs qui l'obsédaient, il
sut toutefois conserver assez de*
présence d'esprit piAir ne pas gros-
sir le nombre des >ictimes. Mais
on vil bientôt à quels principes
appartenait ce qu'on avait pris
chez lui pour de la modération.
Après s'être déclaré l'ennemi de
toutes les sociétés populaires, et
en avoir provoqué la destruction
en demandant spécialement que
la salle des jacobins fût convertie
CAD 17
eu une fabrique ij'armes, il reçut,
pour le Midi, une mission dont
l'objet paraissait être de rétablir
la paix en comprimant les hom-
mes qui avaient mérité le nom de
terroristes. On k'scomprima, mais
en les remplaçant. Cadroy fut un
de ceux qui dans Lyon, dans Tou-
lon, dans Marseille, contribuèrent
le plus àxorganiser une réaction
aussi sanguinaire que l'avaient été
les mesures reprochées avec tant
de raison au parti jacobin. Lors-
que les conseils remplacèrent la
convention, Cadroy fut membre
de celui des cinq-cents. Le 29
vendémiaire an l\, il y fut dénon-
cé par l'elissier (des Bouches-du-
Khône), conime l'auteur des as-
sassinats du fort Saint-Jean. Cet-
te accusation n'eut pas de suites,
et ce fut aussi vainement qu'un
grand nombre d'habilans de Mar-
seille la renouvelèrent quarante-
huit jours après : trop de scènes
déplorables semblaient habituer
à Timpunité, comme si elle était
quelquefois une nécessité de»
temps. Cadroy trouvait d'ail-
leurs un appui dans l'assemblée
mêuje, où chaque jour le parti do
Clichy exerçait une plus grande
influence. Aussi ne craignait -il
pas d'attaquer vivement Tallien,
qui sans cesse blâmait l'indulgen-
ce du directoire envers les auteur»
des excès du Midi. Cependant la
journée du 18 fructidor décon-
certa leurs protecteurs secrets, et
Cadroy fut compris dans la liste
de déportation signée par les
triumvirs, qui firent cerner la sal-
le des cinq-cents. Ilenlréen Fran-
ce après rétablissement du con-
sulat, il se retira dans le dépar*
leoicot des Laudes y ù Saint-Se-
18
CAl-
ver, où il rempli les fonctions de
maire jusqu'i'i sa mort, arrivée au
mois (le novembre i8i3.
CAFFAIIELLI-DU-FALCA
(L0tiIS-MARIEJ05KPn-MAXIMILIF,.\),
général de division, d'une ancien-
ne famille du Languedoc, naquit
au Falga, le i3 lévrier 17 5(3. Des
dispositions naturelles que secon-
dèrent de très-bonnes éludes, et
nn zèle ardent pour le travail, ex-
pliquent les progrès qu'il fit dans
le corps royal du génie, où il pui-
sa ses premières connaissances
militaires. Aîné de nouf enlans
devenus orphelins, Caflarelli-du-
Falga servit de père à ses frères
et sœurs, et ne voulut recueillir
de la succession paternelle qu'u-
ne part égale à celle de chacun
d'eux, bien que les coutumes du
pays l'autorisassent alors à s'en
approprier la moitié. Jamais hom-
me ne porta plus loin le désir de
s'instruire, le besoin de s'occuper
du bonheur des autres, et de se
rendre utile à lasociété. Aussi dès
sa jeunesse avait-il l'habitude
d'observer, de réfléchir, de re-
cueillir des notes sur tous les ob-
jets quelconques d'intérêt géné-
ral, attendant avec impatience
l'occasion de les appliquer.Quand
la révolution éclata, il en adopta
les principes : il fit ses premières
campagnes à l'armée du Rhin, où
son mérite l'éleva rapidement aux
premiers grades. Lorsque après la
journée du lo août 1792, la dé-
chéance de Louis XVI fut pronon-
cée, des commissaires de l'assem-
blée législative étant venus en no-
tifier les décrets à Tarmée qui pa-
rut y applaudir, lui seul protesta,
et fut destitué. Il ne quitta point
Ja France, et subit, sous le gou-
CAF
vernement révolutionnaire, unfi
détention de quatorze mois. Ren-
du à la liberté, il fut employé
dans fes bureaux du comité mili-
taire. Enfin il reprit du service,
et se trouva sous les ordres du
général Riéber, au passage du
Rhin, qui eut lieu près de Dussel-
dorf en septembre 1793. Peu de
temps après, combattant à côté
du brave Marceau sur les bord»
de la Nahe, il fut atteint d'un bou-
let de canon qui lui fracassa la
jambe gauche. L'amputation ayant
été jugée nécessaire, il n'hésita
pas à s'y résigner. Presque dans
le même letnps, CafTarelli-du-Fal-
ga, auteur d'excellons mémoires,
alors inédits, sur l'instruction pu-
blique, sur des matières philoso-
phiques, et sur diverses branches
de l'administration, fut nommé
membre associé de l'institut. En
septembre 1 798, il suivit ep Egyp-
te le vainqueur d'Italie, qui, juste
appréciateur de ses talens. avait
Toulu se l'attacher en qualité de
général de brigade , chef de l'ar-
me du génie. La gloire acquise
par les armes, et la gloire que
procurent des découvertes utiles,
lui étant également chères, il n'y
eut presque point de succès mili-
taires ou scientifiques auxquels il
ne prît part daqs le cours de l'ex-
•pédition. Dévoué au général en
chef, qu'il acôompagnait toujours
dans les occasions les plus péril-
leuses, il avait couru le risque d'ê-
tre englouti avec lui dans la mer,
au moment du débarquement, et
plus tard, au passage de la mer
Rouge. Sa glorieuse carrière de-
vait se terminer sous les murs de
Saint-Jean-d'Acre, où, le 9 avril
1799, une balle lui cassa le
CÂF
bras droit. Sa mort, occa.sionée
par l'amputalion, excita les re-
grets de toute rarmée.'Klle per-
dait un de ses généraux les plus
reconnmandables, mais la France
eut ù. regretter un citoyen émi-
nemment distingué par les senti-
mens les plus nobles, par son dé-
vouement A la patrie, par la jus-
tesse de son jugement, par les
connaissances les plus vastes en
économie politique et en admi-
nistration, parla bonté et la gé-
nérosité de son caractère, et en-
fin par un amour du vrai, du grand
et du juste, qui fut toujours la rè-
gle de sa conduite. La tombe que
dan» sa douleur l'armée lui éleva
auprès de Saint-Jean-d'Acre, sub-
siste encore, et est conservée par
les Arabes avec un soin religieux,
ainsi que l'ont rapporté des odi-
tiers de marine de la station du
Levant, qui l'ont visitée il y a
peu de temps. L'homme de bien
est respecté de toutes les nations.
C AFFARJîLLI (Aigvste), com-
te; lieutenant -général, frère du
précédent, né au Falga le 7 octo-
bre 1765, servait avant la révolu-
tion dans les troupes sardes; mais
prévoyant que la.guerre pourrait
s'allumer entre la Sardaigne et la
France, et bien résolu à ne ja-
mais porter les armes contre sa
patrie, il quitta ce service en 1 79 1 ,
et en 92, il s'enrôla comme* sim-
ple dragon lorsque les troupes es-
pagnoles envahirent le Roussil-
Ion. Promu au grade d'adjudant-
général en 93, ce fut en cette qua-
lité qu'il développa ses talens mi»
Jitairesdans plusieurs campagnes.
Après le 18 brumaire, Bonaparte
le nomma son aide-de-camp : il
fte tarda pas i\ devenir général dv
CAF ig
brigade, et alla à Bruxelles avec
le premier consul en j8o3. Char-r
gé, en 1804, de se rendre à Rome
pour déterminer le pape à venir
en France sacrer Napoléon em-
pereur, il s'acquitta avec beau-
coup d'intelligetice de cette mis-
sion délicate. Fn i8o5,ilfut nom-
mé général de division et gouver-
neur des Tuileries. Presque dans
le même temps. Napoléon, qui
croyait qu^ de grandes fonctions
civiles ajoutaient à la gl(fire mili-
taire, le nomma président du col-
lège électoral du Calvados. Vers la
fin de l'année, il commandait dans
les champs d'Auslerlitz la division
du général liisson, mis hors de
comftat par une blessure grave. La
part qu'il prit à cette journée im-
mortelle lui fit obtenir le titre de
grand-oflicier, et peu de jours a-
près le grand-cordon de la légion-
d'honneur. En mars 1806, il fut
nommé ministre de la guerre et
de la marine du royaume d'Italie,
fonctions qu'il remplit jusqu'en
1810 : il fut envoyé ensuite dans
le Nord de l'Espagne; et quelques
jours après son arrivée à Viitoria,
il fit échouer une tentative de dé'»
barquement faite par les Anglais
à Santonia sur la côte de Santan-
der. Vers ce même temps, il en^.
leva un convoi considérable de
munitions, après avoir battu le
fameux Mina. En septembre 1812,
il s'empara de lîilbao; il avait pré--
cédemment dispersé des bandes
qui s'étaient réunie» en Navarre
et dans les environs de Sarragosr
se. Enfin, après s'être signalé en
diverses rencontres, après avoir
contribué à faire lever aux AOiv
glais le siège de Ijurgos, après a*
voir, ^li la plus graode apjiy^è|i
»o CAF
travaillé à maintenir la tranquil-
lité dans son commanilenicnt, il
fut rappelé en 18 15. La France
fut envahie en 1814 ; il fut alors
assez heureux pour prouver en
même temps sa reconnaissance à
son bienfaiteur, son attacheinent
à sa patrie, et son dévouement à
l'impératrice et à son fils, qu'il
voulut accompagner à Vienne.
Rentré en France, le général Caf-
farelli fut jiommé , en janvier
181 5, au commandement de la
13°" division militaire, lise trou-
vait à Rennes lorsque Napoléon
débarqua à Fréjus. Il fut appelé
auprès de Son Altesse le duc de
JBiOurbon, qui se trouvait alors à
Angers investi d'un grand Com-
mandement; il reçut l'ardre de
retourner à Rennes pour y Jaiie
tout le bien, et empêcher tout le
mal qu'il pourrait (ce sont les
expressions du prince). Le géné-
ral Caffarelli, de retour à Paris,
eut vers la fin des cent jours le
commandement de la 1" division
militaire. Un ordre du ministre de
la guerre le fit partir pour Metz,
qui fut presque aussitôt bloquée
par les Russes. Depuis il n'a été
appelé à aucune fonction, et vit
dans la retraite,
CAFFARELLI (Locis- Marie-
Joseph), comte, conseiller-détat,
préfet mariliine, grand-officier de
la légion -d'honneur, frère des
précédons, né comme eux au châ-
teau du Falga, département de la
Haute-Garonne, en 1760, fut d'a-
bord cadet au régiment de Breta-
gne, infanterie, et peu de temps
après entra dans la marine; fit
toute la guerre d'Amérique, et
se trouvait, au commencement
de la révolution j liciteAnt de
CAF
vaisseau déjà ancien. Forcé de
quitter ce service pour cause de
santé, il s'ervit comme auxiliaire
au corps du génie, et fit à l'armée
des Pyrénées-Orientales les trois
campagnes qui furent suivies de
la paix (le Bâle. Son activité et
ses connaissances rendirent ses
services très -utiles. Lors de la
création du conseil -d'état, il y
entra un des , premiers comme
membre de la section de la ma-
rine. Le 20 juillet i.-'oo, il fut
nommé préfet maritime à Brest.
Dans ce poste, il rendit les servi-
ces les plus importans par l'ordre
et l'économie qu'il établit dans
toutes les parties de l'administra-
tion, par les constructions bien
entendues qu'il fit exécuter, par
sa probité sévère et par les idées
qu'il propagea, afin de rendre le
corps de la marine aussi utile que
l'état a droit de l'attendre. En
1804 et i8o5, il avait été porté à
la candidature du sénat-conserva-
teur par le corps électoral de son
département. En i8i5, il fut nom-
mé grand'croix de l'ordre de la
Réunion. En janvier 1814, il fut
chargé de se rendre dans la 10""
division militaire qu'essayait de
troubler une association connue
sous le nom de confédé ration
chrétienne , formée, disait-on, à
Toulouse depuis quelque temps. '
Des enquêtes lui procurèrent la
liste de ces perturbateurs, qu'il ju-
gea plus méprisables que dange-
reux. Ses fonctions cessèrent lors-
que les alliés envahirent Paris.
De retour dans cette ville, il
fut nommé par le roi conseiller-
d'état honoraire; il se retira à la
campagne, et y demeura jusqu'à
Tépoque des cent jours. Le 5 juin
CAF
181 5, un décret impérial de Na-
poléon le créa pair de France, di-
gnité dont il n'a pas joui. II a vécu
depuis dans la retraite.
CAFFAKELLI (Charles -Am-
broise), baron, préfet, membre
de la légion -d'honneur, né au
château du Falga le i5 janvier
1758, destiné dès sa jeunesse au
ministère des autels, reçut une é-
ducation conforme à cet état. Il
était chanoine de Toul en 1789.
Obligé de se retirer dans «a famil-
le , et livré à l'étude, il fut en
butte aux persécutions révolu-
tionnaires, et subit, avec son frè-
re aîné et deux de ses sœurs, une
longue détention qui ne finit pas
même à la mort de Robespierre.
Le 18 brumaire apporta du chan-
gement à sa situation. Le nom de
CaffarcUi, déjà honoré par plu-
sieurs de ses frères, attira sur lui
les regards du premier consul,
qui le nomma d'abord préfet du
département de l'Ardèche, et en-
suite de celui du Calvados. La mo-
dération de son caractère, et la
sagesse de son administration, le
firent également estimer dans l'un
et l'autre de ces départemens. En
1810, il passa à la préfecture du
département de l'Aube; mais l'em-
pereur Napoléon le destitua en
1814 pour n'être pas rentré à
Troycs avec l'armée française.
Cette destitution, prononcée dans
un premier mouvement, n'a af-
faibli en rien dans les deux dépar-
temens administrés par M. Char-
les de Caffarelli, l'estime profon-
de que leurs habitons lui ont vouée
pour son esprit de justice, ses lu-
mières, son intégrité, sa bienfai-
sance et son empressement à pro-
poser toutes les mesures qui
CAP 21
pouvaient tendre au bien de ses
administrés. Le baron Caffarelli
n'a rempli aucune fonction depuis
le retour du roi; il a publié, en
1800, un mémoire sur l'établisse-
ment des percepteurs à vie. On
lui doit aussi plusieurs autres ou-
vrages estimés sur l'économie po-
litique.
CAFFARELLI (Jeak-Baptiste-
Marie), frère des précédens, né
le 1" avril 1760, est mort à Saint-
Brieux le 1 1 janvier 181 5. Il avait
embrassé l'état ecclésiasiique. Per-
sécuté, il fut obligé, en 1792, de
fuir en Espagne, ainsi que beau-
coup d'autres ecclésiastiques fran-
çais, et ne put rentrer dans sa fa-
mille qu'en 1799. ^^ *"* nommé,
en 1803, évêque de Saint-Brieux,
et occupa ce siège jusqu'à sa mort:
il remplit constamment ses de-
voirs avec le zèle et la simpli-
cité d'un apôtre. Ses principes é-
taient aussi purs que solides; sa
piété éclairée, sa charité, son in-
dulgence et sa bonté lui gagnaient
tous les cœurs, tandis qu'une con-
duite exemplaire, et l'exercice de
toutes les vertus, commandaient
la considération et le respect. Il
fut, ii la fin de i8o5, chargé de
présider le collège électoral du
déparlement du Nord. En i8o5,
l'évêque de Saint-Brieux a, dans
un mandement adressé aux habi-
tans de son diocèse , célébré la
victoire d'Austerlitz d'une maniè-
re digne de ce grand événement.
Durant le concile de Paris, il don-
na une preuve remarquable de la
fermeté de son caractère, par le
zèle qu'il mit à défendre les prin-
cipes religieux et les lois de sa
conscience.
CAFFIERI (Juan - Jacqces) ,
82
CXd.
naquit, on 1725, d'une faiDÎlle 0-
riginairc de Rome et connue dans
la sculpture. II étudia sous Le-
tnoine, et il devint bient«)t un ar-
tiste distingué. Dé).^ sculpteur du
roi, et professeur de l'académie
de peinture, il fut reçu membre
de l'académie des sciences et bel-
les-lettres de llouen , et membre
honoraire de celle de Dijon. On
lui reprochait un malheureux pen-
chant à la jalousie; mais on assu-
re qu'il parvint à le surmonter
vers la fin de ses jours. Sa mort
a eu lieu le 21 juin 1792. La sta-
tue de Molière passe pour son
chef-d'œuvre ; il la fit par ordre
de Louis XVL CalTieria laissé de
nombreux ouvrages; ou admire
particulièrement le buste d'Hel-
vétius, et ceux de Corneille et de
Piron , placés tous deux dans le
foyer du ThéStre-Francais.
CAGIGAL (Don N. ), général
espagnol. Il remplaça Montever-
de dans les fonctions de capitaine-
général de Venezuela. A la tête
des divisions Cevallos et Calzada
et de quelques troupes de la gar-
nison de Coro, il attaqua, au mois
de mai i8i4> l'armée républicai-
ne dans les plaines de Carabolo.
Après avoir prolongé le combat
avec beaucoup de persévérance, il
se vit enfin réduit à quitter le
champ de bataille; il avait perdu
beaucoup d'hommes, et une gran-
de quantité d'armes et de muni-
tions. Cependant il ne tarda pas
à retirer de cette défaite autant
d'ùvantages que lui en eût donné
la victoire. Bolivar plein de con-
fiance après un tel succès, ne crai-
gnit pas de se séparer des géné-
raux Vadaneta et Marino. Alors
Cagigal réunissant divers déta-
CAG
chcmens , marcha de nouve.iii
contre les iudépendans, et rem-
porta sur eux un avantage déci-
sif qui lui livra les villes de Ca-
raccas, de la Guaira et de Va-
lencia.
CAGLIOSTRO (JosEfH-BALSA-
Mo) , naquit à Palerme le 8 juin
1743. Ses parens étaient pauvres
et obscurs. Cagliostro prit la ré-
solution de devenir riche et célè-
bre. Sa jeunesse fut orageuse; a-
vant de se faire chevalier d'in-
dustrie, comte et sorcier, il se fil
escroc. Un orfèvre de Palerme ,
nommé Marano, figure le pre-
mier sur la liste de ses dupes. Ca-
gliostro qui tirait le diable par la
fjueiœ se vanta de le connaître in-
timement , et promit à Marano
que moyennant une somme con-
sidérable, il le rendrait posses-
seur d'un trésor enfoui dans une
grotte sous la garde des démons.
La somme fut payée ; le diable
garda son trésor, et Cagliostro
prit la poste. Le Juif errant n'a
pas vu plus de pays , n'a pas vi-
sité plus de villes que Cagliostro.
11 parcourut successivement la
Grèce, l'Egypte, l'Arabie, la Per-
se, Rhodes, l'île de Malte. La
Turquie fut surtout le théâtre où
il signala son savoir-faire. Il n'en
cofita pas plus à Cagliostro de se
faire médecin qu'il ne lui en avait
coûté de se faire comte; il vendit
des drogues aux descendans de
Mahomet, et passa pour le plus
savant des hommes chez le plus
ignorant des peuples. Il séjourna
quelque temps à Médine chez le
muphfy Sala BayouV. Cagliostro,
d'après un usage commun à tous
les grands personnages , voya-
geait incognito, changeant de
CAG
nom et de titre presque aussi sou-
vent qu'il changeait de résidence.
C'était tantôt le chevalier de Tis-
chio, tantôt le marquis de Mélis-
ga, tantôt le baron de Belnionte,
de Pellt'j^rini , d'Anna , de Fenix,
de Harat, enfin c'était Alexandre,
comte de (Jagliostro, noms et ti-
tre sous lesquels il est devenu un
des personnages les plus fameux
du 18°" siècle. Ayant obtenu à
Rlalte des lettres de recomman-
dation du grand -maître , il visi-
ta successivement Naples et Ro-
me. Ce l'ut, selon les uns, dans
cette dernière ville , selon les au-
tres à Venise , qu'il connut Lo-
renza Feliciana , personne d'une
grande beauté qui bientôt devint
sa femme. Les mémoires du temps
ont accusé Cagliostro d'avoir tiré
son épouse d'une maison qui n'é-
tait rien moins qu'un couvent ,
bien que les femmes y vécussent
en conmiunauté; mais de pareil-
les inculpations ne sauraient être
admises sans preuves, et ne sont
point du grnre de celles qu'il nous
convient d'aprofondir. Ce qu'ily
a de sûr, c'est que M"' Caglios-
tro devenue comtesse, servit mer-
veilleusement les projets de M.
le comte. Se piquant de lui être
plus utile que fidèle, et magi-
cienne ù sa manière, la charman-
te Lorcnza tira son époux de plus
d'un mauvais pas. Pleine d'esprit
et de beauté, elle opé»ait des en-
chantemens qui s'achevaient sans
miracle. Quoi qu'il en soit, Ca-
gliostro, une fois marié, ne re-
nonça pas i voir du pays. Le nort-
Teau ménage se rendit en Hols-
tein, afin d'y faire un» visite au
comte de Saint - Germ.iin , per-
sonnage mystérieux qui s'occu-
CAG
25
pait d'alchimie, et qui semblait
avoir trouvé la pierre philosopha-
le, puisque sans posséder un sou
il dépensait beaucoup d'argent.
De là, M. le comte et M"" la com-
tesse se rendirent en Russie, en
Pologne, parcoururent l'Allema-
gne et arrivèrent à Strasbourg en
septembrei^So.Si l'on s'en rappor-
te à la chronique d'alors, leur ap-
parition produisit dans cette ville
un effet prodigieux. Ils exerçaient
conjointement la médecine, et il
faut croire que Cagliostro avaii
quelques connaissances réelles ,
puisqu'il opéra dans plusieurs
pays des cures assez remarqua-
bles.La comtesse, qui n'avait guè-
re que vingt ans, parlait sans af-
fectation de son fils aîné qui de-
puis long- temps était capitaine
au servic#ie Hollande. Celle ruse
produisit son eflet; toutes les da-
mes qui avaient des fils capitai-
nes, entourèrent M"" Cagliostro,
et lui payèrent généreusement le
secret de devenirplus jeunes que
leurs enfans. Au reste, si ce cou-
ple singulier s'entendait merveil-
leusement à exploiter la créduli-
té des riches , il paraît certain
qu'un rare désintéressement et
des actes dé bienfaisance nom-
breux le recommandaient ù la re-
connaissance des pauvres. Arrivé
à Paris , Cagliostro s'annonça
comme le fondateur de la franc-
maçonnerie égyptienne, ce qui
commença à le mettre en vogue;
mais bientôt ses talens comme
magicien eurent un succès qui te-
nait du prodige. Il n'y eut pas de
belle dame qui ne voulut souper,
avec l'ombre de Lucrèce, de co-
lonel qui ne voulut raisonner ba*
taille avec César, de conseiller
2/,
CAG
nu Clu'ttclct qui ne voulut discu-
ter avec l'ombre de Cicéron. Tou-
tes ces entrevues se payaient fort
cher : on ne dérange pas les morts
à bon marche. M""* Cagliostro de
son côté continuait son étal d'en-
chanteresse. Plusieurs dames se
firent initier aux mystères de son
art, et l'on raconte les choses les
plus bizarres au sujet des épreu-
ves que les récipiendaires de-
vaient subir. Du reste, toujours
fidèle à son rôle et ne perdant ja-
mais la tête dans les entretiens les
plus intimes, la belle Lorenza
manifestait de grandes inquiétu-
des au sujet de son mari, qui, di-
sait-elle, avait la faculté de se
rendre invisible et d'être dans plu-
sieurs lieux à la fois. Elle parlait
en outre d'un traité conclu entre
Cagliostro et le diable, •'aité dont
cependant personne n'a jamais vu
l'original. Toutefois Cagliostro
comptait au rang de ses amis ou
de ses dupes des personnes non
moins remarquables par leur es-
prit que considéra1)les par- leur
fortune et leur position dans le
tiionde. Ce fut en 178.5, époque
de son second voyage à Paris ,
que le prince cardinal de Rohan ,
avec lequel il avait Mes liaisons
intimes, fut compromis dans la
fameuse affaire du collier, et que
l'on entama cette procédure où
l'on vit figurer le nom le plus au-
guste. Les amis de Cagliostro
prévirent les désagrémens que
cette affaire pouvait lui attirer, et
firent tout leur possible pour le
déterminer à prendre la fuite. Ca-
gliostro s'y refusa, et fut mis à
la Bastille, le 22 août 1^85. La
comtesse de La Motte l'accusa
d'avoir reçu le collier des mains
C.\G
du cardinal, et de l'avoir dépecé
pour en grossir le trésor occulte
d'une fortune /'noua',, Cagliostro
répondit par la publication d'un
mémoire dont la rédaction fut at-
tribuée à un magistrat célèbre.
Dans cet écrit, Cagliostro , ^sans
lever entièrement le voile mys-
térieux dont il s'enveloppait, lais-
se entendre que sa naissance est
illustre. 11 raconte une partie du
roman de sa vie , cite les person-
nages importans avec lesquels il
s'est trouvé en rapport d'intimi-
té, et indique le nom des divers
banquiers de l'Europe chez les-
quels des crédits lui sont ouverts,
laissant toutefois ignorer quelle
est la source de cette fortun<; con-
sidérable. Le parlement f par un
arrêt du 3i mai ijSO, déchargea
le prince Louis et Cagliostro des
accusations dirigées contre eux.
La justice les avait déclarés in-
nocens, le ministère les exila,
Cagliostro passa en Angleterre ,
y resta deux ans ; puis revint sur
le continent, et se rendit à Rome
en traversant la Suisse. C'est
dans la capitale du monde chré-
tien que l'ami intime du démon
devait trouver sa perte, Caglios-
tro fut arrêté à Rome, mis au châ-
teau Saint-Ange le 27 décembre
1789, et, après une longue pro-
cédure, condamnéà mort comme
franc -maçon. Cet arrêt cruel et
slupide ne«reçut pas son exécu-
tion. La peine de Cagliostro, sui'
vantles principes de la clémence,
fut commuée en celle d'une dé-
tention perpétuelle. En consé-
quence on le transféra au château
de Saint-Léon où il mourut, dit-
on, en 1795. Sa femme fut éga-
lement arrêtée^ et condamnée à fi-
CAG
hir ses jours dans un couvent.
Qu'était-ce que CaglioslroPun im-
posteur habile qui eut l'esprit tle
deviner à quel degré de sottise
pouvait s'abaisser ou s'élever la
crédulité de certains hommes.
Ayant des connaissances en chi-
mie, science alors bien moins a-
vancée que de nos jours , il en fit
l'application à l'art de guérir ,
l'exerça envers les pauvres avec
désintéressement ; et sous ce rap-
port , soit par calcul , soit par pen-
chant, il sut se rendre utile à la
société. Eloquent, fin, délié, il
■Jut mettre à profit l'exallation de
quelques cerveaux enthousiastes,
et par des moyens connus aujour-
d'hui dans toutes les fantasmago-
ries, s'entoura de morts qui l'ai-
daient à duper les vivans. Mari
d'une femme charmante, il n'en
fut pas jaloux, et eut beaucoup
d'amis. Cagliostro se moquait des
liommes pour leur argent. Nous
connaissons certains pays où l'on
voit certains ministres qui, sans
être sorciers, sorrt nantis de ce
privilège. En un mot, le comte
de Cagliostro eûttrés-bien figuré
devant un tribunal de police cor-
rectionnelle : mais il y a loin d'un
mauvais sujet à un grand crimi-
nel. La conduite de Cagliostro à
Paris est un modèle d'impuden-
ce, la sentence rendue contre lui
ù Rome est un monument de
cruauté.
CAGNOLI (Antoine), célèbre
astronome, Itatien d'origine , na-
quit dans l'île de Zante. En 177O,
il accompagna en France l'ambas-
sadeur vénitien. C'est alors mie
se développa tout à coup sodHÉfe-
chant pour J'astronomie. ^R-
duit par un sentiment de curiosi-
té, à l'Observatoire de Paris, la
vue de Saturne et de son anneau
lui fit une impression profonde,
et donna pour le reste de ses jours
une nouvelle direction à ses tra-
vaux. Livré à l'étude des sciences
exactes, il fit, en moins d'un an, les
progrès les plus rapides. S'étant
fixé à Vérone en 1782, il établit
dans sa propre maison un obser-
vatoire, pourvu de tous les ius-
Irumens nécessaires. D'importan-
tes observations le placèrent au
rang des hommes utiles, dont le
mérite a droit à tous les égards.
Lorsque les Français prirent Vé-
rone , en 1797, ils firent réparer,
aux frais de l'état, son observa-
toire, que n'avaient pas épargné
les désastres de la guerre. D'au-
tres circonstances l'ayant décidé
toutefois à vendre ses instrumens,
ils furent transférés à l'observa-
toire de Brera, dans la ville de
Milan. Pour lui, il se rendit à Mo-
dène , en qualité de professeur
d'astronomie de l'Ecole-Militaire.
11 était correspondant de l'insti-
tut de France, et fut un des pre-
miers savans décorés de la Cou-
ronne de fer. La société italienne
le choisit pour président; et Ca-
gnoli lui lut très-utile, soit par
ses propres sacrifices, soit en em-
ployant pour elle tout son cré-
dit. Il resta à Modène jusqu'aux
événemens de i8i4» qui le rame-
nèrent à Vérone, où une attaque
d'apoplexie termina ses jours, le
G août 18 iG. On avait lu durant
plusieurs années, en tête d'un al-
manach publié par Cagnoli, de»
Dissertations |)leines d'agrément,
auxquelles il conserva ce titre,
lorsque ensuite il les publia en is
volumes : elles forment un traité
îiÔ CAH
d'astronomie éléincriUhc. On lui
doit aussi une Tri^onomélrie uni-
verselle, qui est regardée comme
classique. Enfin il a laissé la tra-
duction italienne de V t'JJicacité
médicale de l'alcali volatil , par
Le Sage.
CAHIER-DE-GERVILLE (B.
C), ancien avocat au parlement
fte Paris , adopta franchement les
principe? de la révolution, et de-
vint, en 1789, procureur-syndic-
adjoint du département de Paris.
Au mois de juin 1790, il dénonça
et fit poursuivre les auteurs d'un
libelle, où le général La Fayette
était indignementcalomnié. Après
les événemens malheureux arri-
vés à Nancy, le 5i août de la mê-
me année , le pouvoir exécutif le
chargea de se rendre dans cette
ville , afin d'y faire une enquête
sur les causes de l'insurrection
des soldats. Dans le rapport qu'il
en fit au conseil, il attribua ces
causes à l'incivisme d'un grand
nombre d'officiers du régiment
du roi. D'après cette opinion il
arrêta les procédures commen-
cées , et fit mettre en li!)erté les
soldatsconsidérésd'abord comme
coupables. Cette conduite ne sa-
tisfit pas tout le monde. On accu-
sa M. Cahier-de-Gerville de faire
triompher le parti, par qui l'ordre
social était menacé d'une désor-
ganisation complète, et cette ac-
cusation était principalement fon-
dée sur ce qu'il avait fait rouvrir
les sociétés populaires. Porté au
ministère de l'intérieur, par les a-
mis de la constitution, lorsqu'il fut
présenté au roi, le 27 novembre
179», Louis XVI , qui n'était pas
exempt de préventions défavora-
bles à son égard, lui adressa ces
CArt
mots : « Vous vous chargez là,
monsieur, d'une tâche bien dif-
ficile.— Sire, réponditM. Cahier,
il n'y a rien d'impossible à un
ministre populaire auprès d'un
roi patriote.» 11 éprouva dans cel-
te place des désagrémens conti-
nuels, particulièrement de la part
de M. Bertrand-de-MoUeville, mi-
nistre de la marine, avec lequel
il se trouvait en opposition direc-
te. Ce dernier, qui avait toute la
confiance de Louis XVI, regardait
Cahier comme un républicain en-
nemi des rois, et cherchant à dé-
truire toutes les institutions mo-
narchiques. Cependant il avouait
que son collègue observait reli-
gieusement la constitution. A cet-
te époque malheureuse, où la plus
légère nuance d'opinion suffisait
pour diviser les hommes, les dé-
putés de la Girortde désignèrent
Roland pour succéder à Cahier,
qui fut obligé de donner sa dé-
mission, à la suite de différentes
attaques que lui portèrent Ver-
gniaud , Ducos et Grangeneuve.
Ce qui avait achevé de le brouil-
ler avec tous les partis, c'était son
rapport, fait le 18 février 1792,
sur la situation de la France, rela-
tivement aux troubles religieux,
rapport où dénonçant à la fois
l'intolérance sacerdotale et le fa-
natisme politique, il demandait
d'une part qu'il fût pris des me-
sures énergiques pour déconcer-
ter les espérances des contre-ré-
volutionnaires; et de l'autre, que
les clubs fussent fermés. 11 quitta
le ministère le 24 mars 1792 , et
sa carrière politique finit à cette
épjÉiue. Bertrand-de-Molleville,
quf^vait cessé d'être ministre
quelque temps avant Cahier-de-
CAÎ
Gerville, le considérait comme
l'auteur de sa disgrâce. Le député
Bonnemain le dénonça; mais com-
me il n'occupait plus de place , il
n'inspirait plus de haine ni d'en-
vie, et la convention passa à l'or-
dre du jour sur la dénonciation.
CAILHAVA (Jeas-Fra>çois),
pé le 28 avril ijôi à Toulouse,
est auteur d'un grand nombre de
pièces de théâtre , parmi lesquel-
les ou distingue le Tuteur dupé,
le Mariage interrompu, ei/esE~
trennes de l'Amour. Ces trois co-
médies ont eu du succès; les su-
jets des deux premières sont ti-
rés de Plaute. Cailhava a encore
publié des observations sur Mo-
lière, et un ballet pantomime pré-
senté à l'institut, intitulé : La
Descente de Bonaparte en É-
pypte. Ses productions offrent
plusieurs trait» d'une gaieté pi-
quante ; mais son style est en gé-
néral incorrect, et sa poésie res-
semble trop à la prose. En 1792,
Cailhava fit partie de l'assem-
blée électorale de Paris: et, dans
le mois de germinal an G, il rem-
plaça à l'institut M. de Fontanes,
condamné à la déportation le 18
fructidor. Cailhava est mort le 21
juin i8i5.
CAILLAKD (Antoine Berw akd),
diplomate, naquit, en 1757, à
Aignayen Bourgogne. Sesparens
voulant lui assurer les avantages
de l'état ecclésiastique, l'envoyè-
rent terminer ses études à Sain^
Sulpice ; mais bientôt il fit un au-
tre choix, et dél)uta , en 17G1 ,
dans la carrière des affaires pu-
bliques, sous les auspices dcTur-
got, alors intendant à Limoges.
Auprès d'un tel maître qui l'ho-
noru de son amitié, Caillard pui-
CAI
^1
sa des notions saines sur les gou-
vernemens et sur l'économie po-
litique, et il se plut toujours à
rapporter ses succès au grand
homnie sous lequel il s'était for-
mé. En 1769, sur la recomman-
dation de Turgot , il fut attaché à
M. de Boisgelin, frère de l'arche-
vêque d'Aix, en qualité de secré-
taire de la légation de Varme. Il
remplit les mêmes fonctions en
1775, auprès du comte de Vérac,
ministre à Cassel ; il l'accompa-
gna l'année suivante à Copenha-
gue , et, en 1780, à Pétersbourg.
Chargé d'affaires dans ces deux
cours pendant l'absence de l'am-
bassadeur, Caillard justifia cette
confiance par une conduite pleine
démesure. Il se lia, pendant son
séjour en Russie, avec le comte de
Goërtz , ministre prussien. La
considération dont il s'était envi-
ronné dans le Nord, lui ménagea
une réception flatteuse à Berlin
et à Potsdam, où il s'arrêta quel-
que temps à son retour en Fran-
ce. L'accueil que lui avait parti-
culièrement fait le grand Frédé-
ric produisit une grande sensa-
tion à Versailles. On lui confia,
en 1785, une i^ission secrète en
Hollande , où il fut renvoyé quel-
que temps aprè^ avec le titre de
chargé d'affaires. La révolution
trouva Caillard fidèle aux princi-
pes de Turgot. En 1792, il fut ac-
crédité auprès de la diète de Ra-
tisbonne, comme ministre pléni-
potentiaire, et il passa en 1795 à
Berlin, revêtu du même caractè-
re. Dans ces deux résidences il
surmonta les difTicultés dont les
circonstances compliquaient se»
travaux diplomatiques. La place
de chef des archives des relations
aS
CAÎ
eilérieiircs devint pour lui hue
retraite laborieuse qu'il quitta un
moment pour négocier un traité
avec la Bavière, et pour tenir,
en 1801, le portefeuille des af-
faires étrangères en l'absence de
M. de Talleyrand, qui lui-même
avait détiigné Gaillard pourle rem-
placer. Jl est mort à Paris d'une
paralysie «au cerveau, le 6 mai
1807. Il était très -versé dans la
connaissance des langues ancien-
nes et modernes, et suffisamment
initié dans les hautes mathémati- '
ques pour avoir mérité le sufl'rage
d'Euler. Il fut l'un des traduc-
teurs de laphysiognomoniedeLa-
valer, 1781-87, in-4''. On lui
doit encore quelques morceaux
philologiques dans le Magasin
encyclopédique , et un Mémoire
sur la réi'olution de Hollande ,
en 1807. Cet écrit inséré dans le
Tableau politique de l'Europe ,
ouvrage de M. de Ségur, est re-
marquable par la fermeté des prin-
cipes, et par la lumière qu'il jette
sur la constitution hollandaise.
CAILLAU(J.-M.), médecin à
Bordeaux , a publié plusieurs é-
crits , entre autres : Avis aux ma-
res sur l'éducation physique et
morale des enjans, in-S", 1797;
Journal des mères de famille , 4
vol. in-8*, 1797; Examen de la
philosophie médicale de M. La-
Jron,in-8'', 1797; '* traduction
dupoëme de Cl. Quillet, intitulé:
la Callipédie , ou l'Art d'avoir
de beaux enjans, in-8'', 1799;
Réflexions générales sur les fem-
mes considérées comme gardes-
malades dans les hôpitaux ,in-S° ,
1808; Epitre à l'Espérance, in-
4°, 18 1 1 ; et Mémoire sur le croup f
in-8% 1812. En 1808, M. Caillau
CAI
a encore fait paraître un poëme
en trois chants, intitulé: V Anto-
niade.
CAILLEMEl^ (Cbakles-Fkaî»-
çois-Loms), né, le i5 novembre
1757, en Normandie, était avo-
cat avant la révolution, et fut
nommé , en 1792 , juré à la haute
cour nationale d'Orléans. Prési-,
dent de l'administration centrale
du département de la Manche, il
y fut choisi, en 1799, pour dé|)U-
té au conseil des anciens. M. Cail-
lemer se montra d'abord dans le
parti du directoire ; mais ensuite
il participa aux préparatifs du 18
brumaire, et fut nommé tribun
après l'établissement du gouver-
nement consulaire. En 1801 , M.
Caillemer eut le malheur de vo-
ter pour l'établissement des tri-
bunaux spéciaux, et se prononça
contre le projet du code civil.
Sorti du tribunal en i8o3, il
fut envoyé en qualité de com-
missaire-général de police, à
Toulon, où il resta jusqu'en
1814. A la fin du mois de mars
181 5, il obtint une place de lieu-
tenant extraordinaire de police,
et cessa d'être employé après la
bataille de Waterloo.
CAILLY (dtj CAtvADOs), se
montra dès le commencement de
la révolution un de ses partisans,
et après avoir occupé différentes
fonctions dans son département,
il y exerça celle de commissaire
Hll directoire en 1796. Soupçon-
né de jacobinisme, il fut destitué
quelque temps avant la journée
du 18 fructidor; mais fut ce-
pendant élu, en l'an 6, mem-
bre du conseil des anciens. L'an-
née suivante il fut nommé secré-
taire de l'assemblée, et fut chargé
CAL
de faire un rapport sur le nota-
riat, dans lequel il étnblit les
droits de la république sur les suc-
cessions des émigrés. Ses opinions
politiques connues du premier
consul, l'éloignèrent des fonc-
tions législatives après la révolu-
tion du 18 brumaire; mais il ne
tarda pas ù devenir président
de la C0ur d'appel de Caen. Il
occupait encore cette place en
1819.
CALDER (sir Robert), prit très-
jeune du service dans la marine
anglaise, et assista comn)e capi-
taine à la bataille du 27 février
1797, où le comte de Saint-Vin-
cent, qui commandait une flotte,
acquit son titre. En croisière, en
i8o5, devant le Ferrol, il rencon-
tra la flotte combinée française et
espagnole, commandée par les a-
miraux Villeneuve et Cravina, et
après un combat, dans lequel il
soufl'rit beaucoup lui-même, il
parvint à s'emparer de deux vais-
seaux espagnols. L'amiral Calder
espérait attaquer le lendemain son
ennemi et le détruire entièrement;
il l'avait même annoncé à son
gouvernement : mais, contrarié
par les vents, il ne put s'opposer
à la retraite que Villeneuve exé-
cuta sous ses yeux. Trompés dans
leurs espérances, les Anglais at-
tribuèrent ce défaut de succès à
sir Robert, qui fut obligé de de-
mander lui-même sa mise en ju-
gement. Le conseil de guerre de
Port.xmouth, «levant lequel il l'ut
traduit, l'acquitta de toute impu-
tation de liU'lieté; mais il décida
qu'il n'avait pas fait tout ce qu'il
aurait pu pour détruire les vais-
seaux ennemis, et cette faute fut
allribuéç à une erreur de jugc-
CAL 29
ment. Condamné à être sévère-
ment réprimandé, Calder n'en a
pas moins continué à servir dans
la marine, et était encore, en 1816,
amiral du Pavillon-Blanc.
CALDERARI (le comte Otto-
ne), né Ters 1 ^So à Vicence , se
livra dans sa jeunesse à l'étude
des lettres et des beaux-arts. Le
goût qu'il avait pris pour Tarchi-
tecture à l'école vicentine, et dans
l'étude des ouvrages du célèbre
Palladio, ne tarda point à se dé-
velopper d'une manière étonnan-
te, et malgré sa jeunesse, il fut ad-
mis à l'académie olympique de
Vienne. Les principaux ouvrages
qu'on cite du comte Caldera»i sont
le Palais Losclii, le Palais Boni-
ni, et le Palais Cordellinaà Vi"
cence; enfin le Séminaire de Vé-
rone , qui passe pour un chef-
d'œuvre. Le pays Vicentin est or-
né d'une foule de maisons de
campagne, pleines de goût et d'é-
légance, dont Calderari est l'ar-
chitecte. Cet habile artiste a en-
core donné difîérens morceaux de
poésie et des ouvrages didacti-
ques importans sur son art. Il est
mort en i8o5. Membre des prin-
cipales académies de l'Italie, il
était en outre associé de l'institut
de France.
CALÉS (J. M. ), exerçait à Tou-
louse la profession d'avocat, lors-
que les principes de la liberté fu-
rent proclamés. M. Calés les em-
brassa avec ardeur, fut choisi par
le département de la Hatite-Ga-
ronne comme député à l'assem-
blée législative, et l'année suivan-
te, à la convention nationale. Dans
le procès de Louis XVI, il vota
pour la mort sans sursis ni appel,
et fut envoyé, dans te moi» de juil.
5o
CAL
let l'^çyS, près de l'armée des Arden-
oes. Bientôt rappelé, M. Calcx ne
prit aucune part aux horreurs de
cette ixialheureuse époque, et re-
çut, après la chute de Robespier-
re, l'honorable mission d'all^jr ré-
tablir le règne des lois dans le dé-
partement de la Côtc-d'Or. Il s'y
conduisit avec la plus sage modé-
ration, et mérita les mêmes élo-
ges au comité de sAreté générale,
dont il fit partie lors de son re-
tour à la convention. Au i3 ven-
démiaire, il se déclara contre les
sections rebelles, et fit, à la tête
de la force armée, évacuer la gal-
le, où se réunissait la section du
Théâtre-Français. Elu membre du
conseil des cinq -cents, avec les
deux tiers conventionnels, M. Ca-
lés fit partie de la commission des
inspecteurs pendant la révolution
du i8 fructidor, sortit de l'assem-
blée en 1798, et vécut dans la
retraite sous le gouvernement de
Napoléon. Au mois de mai 181 5,
la nation, libre dans ses choix, se
fit en général représenter par des
citoyens vertueux, que les fa-
veurs des souverains n'avaient
point corrompus. M. Calés fut
de ce nombre; aussi, peu de temps
après, compris dans la loi d'am-
nistie du 16 janvier 1816, il fut
contraint de se retirer en Suisse.
CALLEJAS (don Félix), géné-
néral espagnol, commandait, en
1 8 1 o , dans le Mexique , la garni-
son établie à San-Louis du Poto-
se, lorsque Hidalgo souleva les
peuples de ces contrées. Ce chef
redoutable , à la tête d'une armée
ide 80,000 hommes , composée
il'Indiens, de Créoles, et de quel-
ques troupes réglées , après s'être
,<miparé, à la suite do divers suc-
CAL
ces, de la place de Toluca, mar-
chait sur Mexico, où régnait dé-
jà la plus grande fermentation ; et
il était prêt à donner l'assaut à
cette ville, lorsqu'il fut lui-même
attaqué djns son camp , par Cal-
lejas. Ce général n'avait que
7,000 hommes, dont la moitié
seulement était européenne. Ce-
pendant il parvint, parja supé-
riorité de ses manœuvres, à met-
tre en fuite les patriotes, dont il
fit un grand carnage. 11 se mit à
leur poursuite, s'empara d'un dé-
filé qu'ils avaient fortifié, et leur
prit 25 pièces de canon. Bientôt
il les attaqua dans Guanaxoato,
où ils s'étaient retranchés; la place
fut emportée d'assaut, malgré la
plus vigoureuse résistance. Mais
Callejas ternit l'éclat de ces bril-
lants faits d'armes, par l'atrocité
de sa conduite. Pendant deux
heures il mit la ville au pillage,
et donna l'ordre de fusiller une
foule d'ofTiciers prisonniers, et
de citoyens. Au nombre de ces
derniers , se trouvait le célèbre
minéralogiste Chovel. Il publia
un décret, portant peine de mort,
contre tous les individus qui sç
rassembleraient plus de trois ,
ou qui ne rendraient pas leurs
armes dans les vingt-quatre heu-
res. Ces mesures cruelles fu^
renl loin d'atteindre le but que
le général royaliste se proposait;
elles ne firent an contraire que
fortifier le parti républicain. Hi-
dalgo parvint à rallier son armée,
et se retira en bon ordre à Guada-
laxara, ville inimense , située à
5o lieues de Mexico. Plusieurs
provinces se soulevèrent en mê-
me temps, et particulièrement la
ville de Somblai, de laquelle les
CAL
républicains tirèrent 45 pièces de
canon. Callejas fit aussitôt mar-
cher sur Zaniora le général Crux,
qui battit un corps insurgé , et
s'empara de la ville de Vallado-
lid, où il mit à exécution le sys-
tème sanguinaire du général en
chef. Celui-ci se porta lui-mê-
me vers Guadalaxara, où Hidalgo
s'était retranché sur un plateau
défendu par i5o pièces de canon.
L'intrépide Callejas se précipite,
à la tête de sa cavalerie , sur
les batteries, qu'il enlève à l'ar-
me blanche. Le brave Hidalgo
trouva la mort dans une charge,
qu'il exécuta lui-même. Son ar-
mée fut mise en déroute, et le
général espagnol remporta une
victoire complète, qu'il déshono-
ra encore par ses cruautés. Par
suite de cette bataille , la forte-
resse de Zitaquaro fut bientôt at-
taquée; elle fut prise d'assaut,
et ses défenseurs furent tous pas-
sés au fil de l'épée. Un décret de
Callejas acheva de souleverla na-
tion entière, et dès lors la liberté
fut assurée. Quoique la conduite
des Espagnols , pendant tout le
temps de cette guerre, soit par-
faitement connue, nous pensons
qu'il ne sera pas inutile de rappe-
ler les principales dispositions de
ce décret. « Les Indiens du Z,ita-
«quaro (portait-il) et de son dé-
» partement, seront privés de leurs
«propriétés Ces propriétés
» confisquées , ainsi que celPes des
«Américains méridionaux, qui
» ont pris p'art à l'insurrection, qui
» ont accompagné les rebelles dans
• leur fuite, ou qui ont quitté la
• ville à l'entrée des troupes du
• roi , appartiendront au trésor
«public. Si ceux qui sont com-
CÂL
3i
»pris dans ce décret veulent se
«présenter devant moi, donner
»des preuves de leur repentir, et
«travailler à la réparation des
«routes, ils recevront leur par-
»don, mais leurs propriétés ne
«leur seront point rendues. Alten-
))du que les habitans de cette vil-
»le criminelle détestent le gou-
«vernenient monarchique; qu'ils
«ont soutenu trois engagemens
«avec les troupes du roi; qu'ils
«ont planté sur des poteaux, à
«l'entrée de leurs murs, les têtes
«de plusieurs de nos chefs morts
«en sacrifiant leur vie pour le
«bien public; tous les bîîtimens
«de Zitaquaro seront rasés, ou
«bien détruits par le feu Il
» est expressément défendu de ré-
«tablirla ville de Zitaquaro, ou
«toute autre qui pourra être dé-
» truite à l'avenir, pour avoir
«participé à la rébellion. » Le dé-
sespoir ranima les insurgés ; par-
tout ils se réunirent, et formèrent
deux corps de guérillas, sous les
ordres de Villagran, de Rayou, et
de plusieurs autres officiers, avec
lesquels ils firent un mal incalcu-
lable aux Espagnols. Bientôt ils
eurent proclamé la liberté dans
presque toutes les provinces du
Midi ; cl ils avaient établi leur
quartier-général à Quantla-Arail-
pan , à 25 lieues de Mexico, lors-
qu'ils furent attaqués par Calle-
jas, qui venait de recevoir du ren-
fort de la métropole. L'intrépi-
de prêtre Morelos, qui avait été
nonmié chef souverain du pou-
voir-exécutif, défendit la place
avec tant d'opiniâtreté, qu'après
un assaut de six heures, il con-
traignit l'ennemi il se retirer. CaU
lejas ne fut point rebuté par cet
3a
CAL
échec; il fit aussitôt ses disposi-
tions pour assiéger régulièrement
Quanlla-Amilpan, et enfin il força
par la famine les habitans et la
garnison à abandonner la ville,
après avoir donné les preuves
de la fermeté la plus étonnante.
«Leur enthousiasme, écrivait lui-
» même le général espagnol, pen-
»dant le siège, est sans exemple;
«nous les entendons continuelle-
«ment jurer qu'ils s'enterreront
»sous les ruines de la place, plu-
»tôt que de la livrer. Ils dansent
«autour des bombes qui viennent
»de tomber. ... Morelos donne ses
*» ordres d'un ton prophétique, et
«quels qu'ils soient, ils sont tou-
njours ponctuellement exécutés.
«Quelques peines et quelques fa-
«tigues qui puissent nous en coû-
»ter, ajoutait-il, nous précipite-
«rons cette ville, et ses habitans,
«dans le fond de l'enfer. » Tout
en rendant justice à la valeur des
républicains, le général espagnol
ji 'en conserva pas moins sa féro-
cité ; il se mit à la poursuite des
fugitifs, dès qu'il fut instruit de
leur départ, et il en massacra un
grand nombre, malgré les trou-
pes réglées qui firent des prodi-
ges de courage dans cette retrai-
te. La guerre continuait avec des
succès variés, et Callejas avait
jûbtenu pour récompense de ses
services la vice-royauté du Mexi-
x(ue, lorsqu'en octobre i8i5,
une division espagnole lit prison-
xiier, après l'avoir battu, le brave
Morelos, qui était allé recevoir
des munitions , que lui appor-
taient le colonel Toledo et l'ex-
général français Humbert. In-
sensible aux instances comme aux
#î?enace5 du congrès , qui lui avait
CAL
déclaré qu'il agirait de représail-
les sur sa personne, s'il tom-
bait en leur p!)uvoir, le vice-roi,
après avoir fait dépouiller More-
losdes ordres ecclésiastiques, le fit
sortir de la capitale, dont il crai-
gnait les habitans, et conduire à
San-Christoval, où ce respectable
chef fut lâchement fusillé par der-
rière. Une amnistie, que Callejas
publia, n'empêcha point la guerre
de continuer jusqu'en 1816, épo-
que à laquelle l'Jispagne , qui ne
voyait d'autre résultat dans le sys-
tème de destruction qu'elle avait
adopté, que d'augmenter les forces
du parti républicain, crut devoir
confier la vice royauté à un hom-
me plusmodéré. Don JuanR. d'A-
podaca remplaça dans ces fonc-
tions Callejas, qui, en 1817, s'em-
barqua pour revenir en Espa-
gne.
CALLET (JeanFbançois), pro-
fesseur d'hydrographie, naquit à
Versailles le 25 octobre i744i <^t
mourut à Paris le 14 novembre
1 798, D'excellentes études l'ayant
mis à même de faire des progrès
dans toutes les sciences, il mani-
festa de bonne heure son goût
pour les mathématiques. Venu à
Paris en 1768, il y resta jusqu'en
1788, époque où il obtint une
chaire d'hydrographie à Vannes.
Pendant cet espace de temps, il
avait formé, pour l'école du génie,
un grand nombre d'élèves d'un
méritfe reconnu, avait remporté,
en 1779, le prix^f»* Its Echappe-
mens, proposé par la «Société des
arts de Genève, et avait terminé,
eu 1783, son édition des Tables
de Gardiner. En j 792 , Callet
alla de Vannes à Dunkerque , en
qualité de professeur des ingé-
I
I
CAL
nieurs~gtof;raplies. En 1 795, il re-
Tint de nouveau à Paris, où depuis
i^ a constamment joui d'une gran-
de considération comme profes-
seur de mathématiques. Il conçut
l'idée d'une langue télégraphique,
dont les signes s'adapteraient à
douze mille mois français, dont il
proposaitde faire un dictionnaire,
il adressa ce plan à l'institut vers
la fin de 1797. Bien que sa santé
allât toujours en décroissant, il pu-
blia, peu de temps avant sa mort,
son 6iippU'int'ntà la Trigonomé-
trie sphcri(fue et à la Navigation
de Bi'zoïit.
CALOIGNE (N.), sculpteurcé-
lèbre parmi les élèves couronnés
de l'académie de Bruges, est né
dans cette ville. Caloigne étant
venu à Paris pour terminer ses
études , remporta le grand prix
en 1806, ce qui lui fit obtenir
la faveur d'aller à Rome aux dé-
pens du gouvernement. Ce fut
dans cette ville, où il demeura
plusieurs années, qu'il fit son A-
phror/ilc , -pethc figure d'une cor-
rection parfaite, que ses formes
élégantes et gracieuses rendent
admirable. Ce chef-d'œuvre est
l'un des ornemcns du salon des
arts à Gand. M. Caloigne, rési-
dant à Bruges, y occupait encore,
en 181 9, la place d'inspecteur des
travaux publics.
CaLON (Édouabd-Nicoiasde),
chevalier de Saiut-Loiiis. Il était
officier-général quand la révolu -
lion commença. 11 accepta aussi-
tôtla place d'administrateur dans
le département de l'Oise, et, au
mois de septembre 1791, il fut
nommé ;'i l'assemblée législative.
Il se joignit des lors aux adversai-
res de la cAarj mais avec une mo-
CAL
53
dération qu'il démentit plus tard :
quelquefois cependant il se plai-
gnait qu'on n'accueillit pas conve-
nablement les rapports et les corn-,
niunications des ministres. Ce fut
lui qui, le 10 août, dans la loge
du logographe, où se trouvait
Louis XVI, le conjura d'éloi-
gner certains personnages qui l'a-
vaient suivi : il disait que le peu-
ple les regardait comme suspects,
et qu'il pourrait recourir à la vio-
lence pour les arracher d'auprès
du roi. Ce député sacrifia sa croix
de Saint-Louis en faveur des veu-
ves et des orplielins dont le mal-
heur était une suite de la journée
du 10 août. Elu membre de la
convention, il fit partie du comi-
té militaire. Il siégea du côté de
la Montagne; et, dans le procès
de Louis XVI, il vota la mort sans
sursis et sans appel. Lorsque cette
assemblée eut terminé «es séan-
ces, M. Calon reprit du service
avec le titre d'adjndant-général ;
mais depuis le 18 brumaire, il a
vécu dans la retraite.
GALONNE (Charles-Alexatî-
DRE de), conlrûleur- général des
finances, naquit à Douai le 3o
janvier 1734. Son père était pre-
mier président. Destiné à le rem-
placer à la tôte du parlement de
sa province, il fut envoyé très-
jeune encore à Paris, où il lit des
études brillantes , présage des ta-
lens qu'on lui reconnut plus tard.
Mais de tels succès, peu impor-
tans en eux-mêmes, doivent in-
fluer sur le caractère à l'enlrée de
la vie. Peut-être commencèrent-
ils il inspirer au jeune do Galon-
né cette confiance en lui-même,
qui devait un jour l'égarer dan»
rMl^unistratiotf des intérêts d«
34 CAL
l'ôtat. Cet abus de la facilité de
sou esprit, cette audace impié-
vo^arUe liâta la catastrophe iné-
vitable qui affligea la France en
la régénérant, mais qui la cou-
vrit de gloire dès que 1< .s autres
cabinets eurent arrêté qu'elle se-
rait rayée du nombre des grandes
puissances. Peu de temps après
s'être consacré au barreau, M. de
Galonné avait été nommé avocat-
général au conseil provincial
d'Artois. 11 fut ensuite procureur-
général au parlement de Douai ;
et, sous le titre de maître-des-re-
quêtes , il entra au conseil d'état.
Comme il s'étaitfait un nom dans
les démêlés qui avaient eu lieu
entre le parlement et le clergé, on
le choisit pour remplir les fonc-
tions de procureur-général de la
commission nommée dans l'affai-
re du duo d'Aiguillon , comman-
dant de la Bretagne, et de La
Chalotais, procureur -général du
parlement de cette province. 11
crut conforme aux intérêts de son
ambition de prendre le parti du
ministère, et ce dévouement alla
même jusqu'à lui attiter le repro-
Ghed'avoirabusédelaconfiancede
La Chalotais, en communiquant
au garde- des -sceaux une lettre
dont il n'avait pas le droit de fai-
re un semblable usage. M. deCa-
lonne repoussa cette accusation,
que d'ailleurs on oublia dès qu'on
vit l'affaire jugée avec plusd'indul-
geoce que ne l'avait prétendu la
cour. Après avoir été durant i5an-
nées intendant à Metz, puis à Lille,
M. de Calonne remplaça» en 178Ô,
M. d'Ormesson, au contrôle-gé-
néral des finances. Soutenu parla
cour , et par M. de Vergennes ,
ministre des affaires étiang^i^,
CAL
il l'emporta sur tout le parti de ta
magistrature, et sur le garde-d«8*
sceaux Miromesnil. Mais après a-
voir surmonté toutes ces didicul-
té», il en rencontra de plus gran-
de» encore dans le ministère qu'il
avait désiré si ardemment. Il pa-
rutentreprendre de se les déguiser
à lui-même : se souciant peu des
besoins du peuple, et se dispen-
sant de soulager la détresse gé-
nérale, il se proposa surtout de
conserver sa place, et il voulut
éblouir par la prospérité apparen-
te du trésor, les hommes dont
l'appui lui était nécessaire. Il
trouva d'abord les moyens de sa-
tisfaire l'avidité de la cour, ne re-
fusa ni pensions, ni gratifications,
et n'entendit que des louanges. II
paya les dettes des princes. On
solda l'arriéré ; on acheta Saint-
Cloud et Rambouillet, on soutint
le cours des effets publics , et mê-
me on entreprit la refonte de»
monnaies : c'est avec cette vani-
té, c'est avec ce charlatanisme
qu'on achève de renverser les em-
pires. On cachait l'état des choses,
mais on ne le changeait pas. On
augmentait le mal qu'avaient fait
d'année en année la faiblesse des
monarques, l'égoïsme de la no-
blesse, et la connivence des minis-
tres : en un moti, on décidait la
révolution. Bientôt il ne fut plwd
possible d'ajouter aux impôts ; et
quant au crédit, huit cents mil-
lions empruntés par un esprit »
fécond en funestes ressources, et»
amenèrent la chute totale. Après
quatre années d'administration ,
limprudent ministre se vit réduit
à provoquer lui-même, non pas
la convocation des états -génâ-
viuXf mais celle d'une assemblée
CAL
tîc notables : résolution t(|uivo-
que, parti mixte qui, ne salis-
iaisant personne, acheva d'entra-
ver la marche des uns , et de pré-
cipiter celle des antres. Le minis-
tre se flattait toutefois que son
impéritie ne serait pas constatée.
Il préparait un compte de l'arrié-
ré dans lequel il attribuait à son
prédécesseur les causes du défi-
cit, et de plus il avait imaginé un
nouveau système de finances pour
lequel il comptait sur l'approba-
tion du roi. Mais il éprouva dans
le conseil mênjc une forte oppo-
sition . et le projet de réunir des
notables fut surtout désapprou-
vé par MM. de Brcteuil et de Mi-
roinesnil. dépendant M. de Ver-
gennes, qui avait conservé le por-
tefeuille des affaires étrangères,
s'étant laissé persuader, Louis
XVI adopta, sans autre e.\amen,
ce plan qui n'eut pas les suites
qu'on s'en promettait. La nation,
inquiète et mécontente, jugeait
que les réforniesne seraient jamais
opérées que par elle-même. C'est
dans les états -généraux qu'elle
avait mis son espoir ; elle vil avec
surprise que les notables fussent
seuls appelés, dans une circons-
tance si grave, à régler les inté-
rêts de toutes les classes. Le con-
trôleur-général se croyait sûr de
l'appui de la reine, parce qu'el-
le aimait sa conversation et l'a-
grément de se» manières, il se
flattait aussi d'obtenir de l'ascen-
dant sur les notables intéressés à
soutenir la cour. Enfin il avait u-
ne sibonneopinion de sesmoyens,
qu'il espérait pcrsua<lerle peuple
même par la suppression entière
ou partielle do quelques impôts
voéreux , et par des sacrifices
CAL
55
cju'on exigerait du haut clergé. Il
se présenta donc avec une sorte
d'assurance dans l'assemblée dont
l'ouverture eut lieu le 22 février
1787. Cette illusion Se dissipa
aussitôt. Ses premières opérations
fiscales avaient discrédité ses
plans : ses idées ne furent point
accueillies; les notables voulu-
rent que tout fût expliqué, ils pré-
tendirent tout voir par eux-mê-
mes. Réduit à des aveux, le mi-
nistre allégua que l'arriéré re-
montait au temps de l'abbé ïer-
ray, qu'à ces 4^ millions anciens
l'administration de Neckercn a-
vait joint /jo autres, et qu'il n'a-
vait pu lui-même éviter que, de-
puis 1783, le déficit ne s'aocrût
encore de 55 millions. Necker de-
vait répondre : il le fit, et on
l'exila ; mais il emporta les regrets
de la France , et l'estime qu'il ob-
tint s'augmenta de l'idée qu'on se
formait des malversations du nou-
veau contrôleur-général. Il était
évident que celui-ci ne pourrait
plus même fournir aux prodigali-
tés de Versailles; il vit donc tous
les partis se réunir pour l'accuser
d'avoir porté le désordre dans l'an-
cienneconiptabilité,afin de mettre
ses propres comptes à l'abri. Il était
du nombre des hommes qui, dans
les aflaires, méconnaissent le dan-
ger réel, mais souvent tardif, d'u-
ne conduite immorale; ainsi il
compta pour peu de chose la mau-
vaise opinion qu'on s'était formée
de sa personne, à l'époque même
où l'on avait espéré beaucoup dé
ses moyens. 11 lutta, durant quel-
ques jours, et il réussit même à fai-
re écarter Aliroir»csnil, en faveur
de Lamoigiion, ({ui, se trouvant
en opposition avec les parlemens.
5o
CAL
pourrait le soutenir dans le
cas où la magistrature se join-
drait aux notables. Mais ce fut le
dernier avantage qu'il remporta;
il ne put éloigner le baron de
Breleuil , qui avait toute la con-
fiance (le la reine. Abandonné de
cette {»rint'e?se, et poursuivi par
la haine du peuple, disgracié, dé-
pouillé de la décoration de l'or-
dre du Saint-Esprit, dénoncé au
parlement, et craignant d'être ar-
rêté , il se réfugia en Angleterre,
où il reçut, de Catherine II, un
témoignage d'estime tout parti-
<5ulier. 11 ne parut pas qu'il se fût
retiré avec l'espoir ou l'intention
de jouir du repos. Le parlement
de Douai ayjmt rendu plainte
contre lui , et d'autres cours
l'ayant attaqué, il lit parvenir à
Versailles un mémoire justificatif,
où, présentant ses opérations pré-
cédentes, comme très-propres à
-opérer le rétablissement des finan-
ces , il priait le roi de déclarer
que tout avait été fait de son con-
sentement, ou par ses ordres. U-
ne autre lettre , en 1789, eut pour
objet de prémunir le roi contre
le système de Necker, qu'on n'a-
vait pu éviter de remettre à la
tête des finances. Quelque temps
après, Calonne se rendit en
Flandre, pour se faire nom-
mer député aux étals-généraux.
On ne le nomma pas, et il se mit
à écrire contre la révolution. Dès
que l'on émigra', il servit la cau-
se des princes; il devint un de
leurs agens les plus actifs et les
plus dévoués. Il consacra à leur
service la fortune considérable
que la veuve de M. d'Harvelay
.vint lui offrir, à Londres, avec sa
main. II parcourut l'Allemagne,
CAL
l'Italie, la Russie, et lorsqu'il
crut voir les espérance-»- des Bour-
bons entièrement détruites, par
l'inefTicace intervention des mo-
narqiies , il retourna en Angle-
terre, où parmi d'autres occupa-
tions , il composa quelques ou-
vrages politiques. Négligé du par-
ti pour lequel il avait fait tant de
démarc hes , et frappé, dit-on , de
l'ingratitude des cours, il deman-
da, en 1802, au premier consul,
la permission.de rentrer en Fran-
ce. Il l'obtint; mais il jouit peu
du bonheur de se retouver dans
sa patrie; il mourut en octobre,
un mois après son arrivée. Sa
femme végéta quelques années à
Paris, dans un état voisin de l'indi-
gence. 11 avait eu, dans les derniers
temps qui précédèrent les journées
de 1 789, une influence assez gran-
de, pour qu'on lise volontiers ici
son portrait, esquissé par l'auteur
du Tableau de, la révolution J'ran-
caisc. ('Bienfaiteur et victime du
«luxe de la cour, poursuivi par la
«vertu deïurgot, par l'inflexible
» sagesse de Necker;trompant tout
«le monde, trompé par lui-mê-
»me, ajoutant toutes les illusions
» du crédit à tous les hasards de la
«fortune, spéculateur de lu fa-
rt veur, aventurier du ministère,
«audacieux, léger, fantasque, dis-
«sipateur, homme de cour dans
»le cabinet, homnie de plaisirs à
«la cour, homme d'état dans un
«cercle, enjoué dans les affaires
«sérieuses, sans systèmes, .sans
«passions, sans principes, trai-
» tant l'état comme il avait fait son
«patrimoine , abandonné aux suc-
«ces de l'esprit et à l'empire des
«femmes : tel était l'homme sur
«lequel reposaient la sécurité du
I
I
CAL
»roiel le salut de l'état.» Ce mi-
nislre a publié ^u^ les finances et
sur diverses questions politiques ,
plusieurs écrits où l'on trouve des
docuinens utiles. Son style, gé-
néralement analogue à ce qu'on
a vu de son caractère, est facile et
quelquefois difl'us; il est négligé ,
mai» plein d'élégance. 11 a publié
successivement : i" Contspon-
danct de JStcker et de Catonne,
1787, in-4°; 2" Requête au roi,
in-8°, Londres, 1787; 5° Réponse
de Caloniw à l'cciit de Necker,
in-4°» Londres, 1788; [^ Lettre
de Calonnc au roi, 9 février 1789;,
5° Seconde lettre de Calonne au
roi, 5 avril 1789; 6° Note sur le
mémoire, remis par Necker, au
comité des subsistances, Londres,
1789 ; 7° De l'état de la France,
présent et avenir, in-8°, 1790; 8°
i)e l'état de la France , tel (fu'il
peut et qu'il doit être , Londres,
1790 ; 9° Observations sur les fi-
nances, in-4''> Londres , .1790;
10° Lettres d'un puùliciste de
France à un puùliciste d^ Alle-
magne, 1791; ïi° Esquisse de
l'état de la France , in-8% 1791;
la* Tableau de l'Europe, en no-
vembre 1795, etc., in -8", Lon-
dres. (On prétend que l'auteur fut
mal avec les princes , à cause de
cet ouvrage, auquel répondit le
consciller-d'étal , de Montyon.)
i3° Des finances publiques de ta
France , in-8% 1797; 14° Lettre à
l'auteur des consuléralions sur
les affaires publiques, in-8", 1798.
On attribue à Calonne un Traité
sur la police , pour l'Angleterre ;
une Réponse à Montjon; enfin
des Remarques sur l'histoire de
la ré\'(flution de Riissir , par Rul-
bièrc. Ou croit uussi qu'il u laissé,
CAL
^7
particulièrement sur des objets
d'art, diflërens manuscrits dont
sa mort à empC-ché l'impression.
CALDSO (Thomas Valperga db
CoNTi Di Masino), savant distin-
gué et littérateur célèbre , né à
Turin en 1755. Au sortir de l'cn-
fanôe, il fut page du grand-maîlre
de Malte, et après avoir achevé
ses études à IVomc au collé{;e du
jNazareno, il prit du service dans
la n>arine de l'Ordre. Son gofit
pour les sciences lui ayant fait a-
bandonner cette carrière à l'âge
de 24 ans, il se rendit ù Naples,
oi"! il remplit les fonctions du sa-
cerdoce. De retour dans sa ville
natale, il y fut membre du grand-
conseil de l'université, directeur
de l'observatoire astronon)ique ,
enfin professeur de langue grec-
que et de langues orientales. Pri-
vé de cette place en 1814, il est
mort le i" avril 181 5. Corres-
pondant de l'institut de France,
et membre de la société italien-
ne, ainsi que de l'académie de
Turin, il possédait les mathéma-
tiques dans leurs rapports avec
l'astronomie ou la navigation, et
avec la supputation des temps. Il
porta beaucoup de lumière dans
les diflicultés de la philosophie de»
Grecs et des Latins. U écrivit en
hébreu et en égyptien : les lar>-
gues modernes ne lui étaient pas
moins familières, et il appréciait
les beautés les plus secrètes des
littératures française, espagnole
et anglaise. Celte vaste érudition
n'était pas le principal mérite de
l'abbé Caluso; il pratiquait loulcs^
les vertus de la vie privée. Il n'a
pas fait un grand nombre de li-
vres, et on n'aurait qu'une faible
idée de son savoir, si l'on en ju-
38
CAL
geait par les seuls fruits qui nous
restent de ses travaux assidus. Il
a laissé néanmoins, sur la poésie
italienne, trois traités qui sont des
modèles de critique. On a aussi
de lui plusieurs pièces de vers en
latin et en italien. Mais son plus
important ouvrage est celui qu'il
écrivit en français sur la philoso-
phie; on y trouve une métaphy-
sique pleine de justesse et même
d'intérêt. Le premier homme cé-
lèhre qui lui rendit justice fut Al-
fieri ; il se lia étroitement avec
Caluso, qju'il se plaisait à appeler
le nouveau Montaigne.
C A LVEÏ( Jean- Jacqtjes). Quand
la révolution commença, il était
garde-du-corps. Député à l'assem-
blée législative, il fut sincère-
ment attaché à la constitution de
1791; cependant il poussa un peu
loin l'indulgence pour ceux qui
se rendaient au-delà du Rhin. Au
mois d'avril 1792, il s'éleva con-
tre le crédit de six millions de-
mandés par Dumouriez, alors mi-
nistre des aflaires étrangères, pour
ses dépenses secrètes. Le 29 mai
suivant, il fut envoyé à la prison
de l'Abbaye, comme coupable
d'invectives envers les députés
qui avaient parlé de complots
formés par la nouvelle garde du
roi. Plus lard il s'efforça vaine-
ment d'empêcher les insurgés des
faubourgs de défiler, le 20 juin,
devant l'assemblée. Le 8 août
il faillit être assassiné à Tissue de
la séance, pour avoir mis obsta-
cle au décret d'accusation propo-
sé contre le général La Fayette.
Après la journée du 10, il quitta
l'assemblée. Il y avait fait partie
des comités militaire et de sur-
\eillanee, ce qui l'avait souvent
CAL
conduit s\ la tribune. Calvet dot
son salut à l'obscurité dans laquel-
le il vécut depuis ce moment. Il
ne reparut sur la scène politique
qu'en i8i3, lorsque le départe-
ment de l'Arriége le choisit pour
député au corps-législatif. Nom-
mé de nouveau les années suivan-
tes par le niême département, il
continua à siégerdans la chambre
des députés jusqu'à sa mort, ar-
rivée en 1820. On l'a vu asseï
constamment voter avec le mi-
nistère; cependant, en 1819, il
s'est rangé parmi les défenseur»
de la liberté de la presse et de V\
liberté individtielle.
CALVET, médecin à Avignon,
antiqiraire et numismate, a insti-
tué la ville d'Avignon son héritière
universelle, et lui a légué la bellp
collection de médailles et d'anti-
quesqu'unelongue vieet ungrand
amour de la science lui avaient
procuré les moyens de rassembler-
Le testament de M. Calvet est sin-
gulier par les détails qu'il renfer-
me sur le mode antique, selon le-
quel il prescrit à ses exécuteurs
testamentaires de faire procéder
à son inhumation. On voit avec
plaisir et intérêt, à Avignon, le
musée Calvet , à l'entretien et à
l'administration duquel ilest pour-
vu ail moyen des dotations éta-
blies par feu M. Calvet, 4écédè
dans celte ville en 1806. La ville
d'Avignon a soutenu un procès
long et dispendieux contre un ac-
quéreurd'un des biens donnés à la
ville par M. Calvet. Ces mémoi-
res ont été imprimés, soit à Avi-
gnon, soitàINîmes, et renferment
des particularités intéressante*
sur le caractère du testateur.
CALXADA (SÉBASTIEN DE Ll).
I
II commandait une division de
l'armée d'Espagne dans la provin-
ce-de Caraccas, et conjointement
avec le général Cevallos, il assié-
geait Valencia en i8i4; mais ils
se retirèrent tons deux dès qu'ils
apprirent la victoire remportée à
Bocachica, parMarino et Montil-
lo sur Boves et Rosette. La même
année, après l'affaire du 16 avril,
où Marino fut battu, Calzada re-
prit l'offensive, et il réunit ses for-
ces à celles du général en chef
Cagigal. Cependant l'armée roya-
liste fut vaincue à Caraholo; mais
Cahada fit sa retraite en bon or-
dre, et il marcha bientôt contre les
insurgés, sur lesquels il remporta
des avantages qui contribuèrent
à la résolution que prit Marino de
se renfermer dans Cumana. Cal-
zada servait constamment In cau-
se des royalistes, et lorsque ('ar-
thagène fut tombée entre leurs
mains, il eut aussi un succès Irès-
honorable; il réduisit les provin-
ces de Tunja et de Pamplona.Mais
imequerelleaveCiMorillo,cn 1817,
le décida tout à coitp i passer du
côté des indépendans avec 800
Créoles réunis sous son comman-
dement. Était-ce là le seul motif
de sa désertion?
CAMBACÉRÈS (Je ai»- Jacques-
Ricis), cx-duçde Parme, ex-prin-
ce et archi-chancelier de l'empi-
re franî;ais, grand -cordon de la
légion -d'honiïenr et de presque
tous les ordres de l'Etirope, issu
d'une ancienne famille de robe,
est né à Montpellier le 18 octobre
1753. Destiné à entrer dans Puii
des parlemens du royaume, les
événcmens de 1771 et des inté-
rèLs de famille déconcertèrent ce
projet. Le jeune Carnbaccrès re-
CABl
59
fusa des places dans les nouveaux
tribunaux; il montra dans cette
occasion assez de résistance pour
que ses parcnsen fussent alarmés.
Jusqu'au rétablissement de la ma-
gistrature, il s'occupa de l'étude
des lois, y fit des progrès rapides,
et acquit des connaissances qui lui
méritèrent une considération pré-
coce. En 1771, il fut reçu con-
seiller en la cour des comptes, ai-
des et finances de Montpellier, sur
la démission de son père, qui é-
tait en même temps maire de la
ville. Les succès qu'il obtint dans
sa compagnie achevèrent de lui
concilier l'estime publique. Il a-
vait embrassé les principes parle-
mentaires, lorsque les parlemens
étaient les seuls défenseurs des
droits communs; dès que 1>t révo-
lution s'arma pour rétablir ces
droits, il adopta les principes de
la révolution. Sa conduite dans
ces commcncemens orageux le
fit choisir par l'ordre de la no-
blesse pour rédiger les cahiers
et pour remplir la seconde dépu-
tation aux états -généraux T|aè
la sénéchaussée de Montpelliet-
croyait avoir le droit d'envoyer
d'après l'étal de sa population et
les exemples du passé. Cette dé-
putation n'ayant point été admi-
se, Cambacérès exerça quelques
fondions administratives, et fut
nommé, en 1791, président du
tribun&l criminel. Il mit en actit
tivité l'institution du jfiry dans le
département de l'Hérault, rem-
plit ses fonctions avec une telle
exactitude, qu'aucun de sesjuge-
mens ne fut cassé, et avec une
telle impartialité , que malgré la
défavcnr attachée aux classes pri-
vilégiées, il fut nommé député à
îo CAM
la convention nationale. Encom-
mençant sa carrière législative, il
prévit que l'assemblée serait ora-
geuse. Usant d'une extrême ré-
serve, il observa beaucoup et par-
ia peu. Placé au comité de légis-
lation, il s'y livra à divers travaux,
et ne prit la parole que pour pro-
poser ou pour défendre des pro-
jets purement législatifs. Lors du
procès du roi, il établit, dans une
opinion très-étendue, que la con-
vention n'avait pas le droit de le
juger : assertion qui lui attira des
reproches, et lui fit des ennemis.
Intimidé par la gravité des cir-
constances, son vote sur les ques-
tions se ressentit de cette impres-
sion. 11 n'adopta point l'appel au
peuple; et sur l'application de la
peine, il s'expliqua de manière à
concilier ses sentimenspersonnels
avec le besoin de veiller à sa pro-
pre conservation. Sur sa déclara-
lion, son vote fut confondu avec
celui des députés qui avaient vou-
li> sauver le roi. La condition
rnjçe par Cambacérès à ce vote
étaït si absolue, que l'assemblée
ne mit aucune différence entre
son suffrage et le suffrage de ceux
de ses membres qui voulaient
soustraire le roi i\ la peine de
mort. Pour justifier cette asser-
tion, il suffit de consulter le pro-
cès-verbal contenant le recense-
ment des votes. Cambacérès se
Srononça pour le sursis; dans la
iographie.de Michaud, on dit
qu'il vota contre. Cette erreur est
grave, fût-elle involontaire, l'i-
gnorance en matière pareille n'est
pas une excuse : les procès-ver-
baux constatent ce fait; ils cons-
tatent aussi que c'est à la pro-
position de Cambacérès que l'in-
CAM
fortuné monarque dut la faciil'
té de communiquer librement a-
vec ses conseils et avec sa famil-
le, ainsi que celle de se choisir
un confesseur d'après le vœu li-
bre de sa conscience. Après le ju-
gement de Louis XVI, Cambacé-
rès chercha à calmer les impres-
sions que les meneurs de la Mon-
tagne avaient paru prendre con-
tre lui; il ménagea assez évidem-
ment les factions opposées pour
qu'on soit autorisé à croire que
ses principes étaient de souffrir ce
qu'il ne pouvait empêcher, et de
céder pour avoir occasion de mo-
difier. Dans la séance du lo mars
1 795, il proposa de réunir le pou-
voir exécutif ii la puissance légis-
lative jusqu'à la mise en activité
de la constitution. Des clameurs
s'élevèrent contre celte opinion de
circonstance, à laquelle l'assem-
blée revint en créant le comité de
salul public. Un biographe remar-
que avec plus de malignité que de
justice que le 26 du même mois,
Cambacérès fit au nom du comité
de salut public un rapport sur la
trahison de Dumouriez,dont, quel-
ques jours auparavant, il avait loué
le civisme. Qu'en peut-on conclu-
re contre lui? Qui de Dumouriez
ou de Cambacérès avait changé de
principes? Dumoirriez, dont Cam-
bacérès avait loué la fidélité, é-
tait-il resté fidèle? Dans ce même
temps, il se livra, avec d'autres
membres du comité de législa-
tion, à la rédaction d'un projet de
code civil, dont la première ver-
sion fut présentée le 1 1 août 1 795.
Il est généralement reconnu que
Cambacérès a eu la plus grande
part au travail relatif au code ci-
vil, soit à la première époque.
CAM
soit dans les deux époques sul-
rantes, et que le discours placé
en tète de chacune des versions
est entièrement de lui. Bientôt a-
près, un décret rendu sur la pro-
position des comités de gouver-
nement le chargea, conjointement
avec Merlin (de Douai), de re-
voir toutes les lois rendues, et de
les réunir en un seul code. Ce tra-
vail donna lieu à un rapport de
Cambacérés, dans le courant de
iftCâsidor an 2; il était accompa-
gné d'un tableau dans lequel tou-
tes les lois étaient classées en
trois divisions générales et vingt-
trois subdivisions. Après la révo-
lution du 9 thermidor, à laquelle
il n'eut aucune part, mais dont il
sut profiter pour ramener l'assem-
blée à un système plus compati-
ble avec les véritables intérêts de
la société, Cambacérès acquit, par
cela même, une prodigiiîuèe in-
fluence. Doué d'une grande l'aci-
lité d'élocution, il parlaitdans des
voes d'ordre, de paix, et presque
toujours avec succès. Appelé à la
présidence, dont il avait été exclu
jusque-là, comme tous ceux qui
n'avaient pas voté la mort du roi,
il rédigea une adresse aux Fran-
çais, contenant de la part de la
convention une espèce de profes-
sion de foi politique. Cette a(ir«;s-
se fut accueillie avec transport, et
fit renaître l'espérance dans tous
les coeurs. Il prononça aussi, com-
me l'.résident, deux discours re-
marcjuablcs : l'un, au Panthéoti,
quand la dépouille mortelle de
J. J. Uousseaii y fut transportée;
l'autre, au Champ-de->Iars, pour
annoncer au peuple que les en-
nemis avaient évacué le territoire
de lu république. Un mois aupa-
CAM
41
ravnnt, Cambacérès avait présen-
té un projet de décret sur les en-
fans naturels, et la seconde ver-
sion du code civil. Ces deux j-ro-
jcts étaient précédés d'un rapport
distingué parie mérite du sl\le;
le code Tétait aussi par sa conci-
sion. Au sortir de la présidence,
Cambacérès fut placé au comité
de salul public, et y fut chargé de
la direction des relation» exté-
rieures. Cette dernière destina-
tion lui donna le moyen de pro-
fiter des premièies ouvertures qui
furent faites par les puissances
belligérantes. C'est par ses soins
et ù stm instance que la paix fut
conclue avec la Prusse et avec
1 Espagne. Jln entrant au comité
de salut public, il fut choisi par
ses collègues pour les présider :
ce ténu)ignage de confiance a été
successivement renouvelé jusqu'à
la fin de la convention nationale.
La présidence du comité de salut
pubiicdcvinlfort importante entre
sesmains. Aucun arrêté du comité
de gouvernement ne fut expédié
que sous sa signature; celle forme
lui donnait le droit de surveiller
toutes les parties de l'adminislra-
tion, et le fil considérer comme le
chef du gouvernement. Malgré tout
ce quefil Caniba< érès pourn'offen-
ser Tamour-propre de personne,
pour ménager tous les intérêts, il
s'éleva contre lui un assez violent
orage, excité parquelques en vieux
qui répandaient dans le )iublic,
tantôt qu'il voulait rétablir la mo-
narchie, tan lot donuir à la répu-
blique un président, dans 1 espé-
rance (l'être promu à celle place.
C'est, sans demie» à celle trame
qu'il faut ra| porî r lapeilidie i\nc
l'on mit à pruliler d une énuncia-
4i
CAM
lion vague Irouvée dans une let-
tre du marquis d'Antraigue, sai-
sie chez Le Maître, ancien secré-
taire des finances. Dénoncé à son
insu, Cambacérès répondit de ma-
nière à porter la conviction dans
tous les esprits; mais les auteurs
du projet n'en arrivèrent pas
moins à leurs fins en le faisant é-
loigner du directoire, sous le pré-
texte que n'ayant pas roté la mort
du roi, il n'avait pas donné des ga-
ges sufTisans à la république. Dans
le reste de sa carrière législative,
Cambacérès parla plusieurs fois
au conseil des cinq-cents, notam-
ment sur le jury, sur le projet de
loi relatif à la répression de la
calomnie, sur la contrainte par
corps. Il présenta la troisième ver-
sion du code civil, et fut élu pré-
sident le i" brumaire an 4 (22 oc-
tobre i796).Quelques mois après,
sorti du conseil, il reprit la pro-
fession de jurisconsulte, et s'y li-
vra exclusivement. Nommé en
Tan 7 membre du tribunal de cas-
sation par le collège électoral de
la Haute- Vienne , il n'accepta
point. Deux motifs paraissent l'a-
voir déterminé à ce refus : 1' le
directoire l'avait fait exclure, l'an-
née précédente, du conseil des
cinq-cents, en faisant annuler l'é-
lection du département de la Sei-
ne dont il faisait partie ; 2" il ne
voulut point renoncer à son ca-
binet pour une fonction tempo-
raire dont les émolumens étaient
insulïisans pour lui fournir les
moyens d'exister, et de soutenir
sa famille, composée d'un père
plus qu'octogénaire, d'un frère,
«lepuis cardinal et archevêque, a-
lors poursuivi pour ses opinions
reli^i€4i^s, et d'un aulre frère sol-
CAM
dat, parvenu ensuite au grade de
général de brigade. Le désordre
des affaires ayant amené le renon-
vellement du directoire, dont Mer-
lin, Treilhard et Lareveillère fu-
renlécartés,Sieyes, nommé direc-
teur, proposa à Cambacérès d'ac-
cepter le portefeuille du ministère
de la justice: il s'y refusa d'abord;
mais sur les instances réitérées
de Sieyes, il consentit à rentrer
dans les affaires publiques. La
durée de son ministère fut cour-
te, mais signalée par la clôture de
la salle du Manège, où se réunis-
saient les débris des factions. Il
ne prit point une grande part à la
révolution du 18 brumaire (9 no-
vembre 1799). Dans cette occa-
sion, comme au 9 thermidor, Cam-
bacérès prévit les changemen?
projetés sans en accélérer l'exécu-
tion; non qu'il ne sentît les avan-
tages de ces deux journées, mais
parce qu'il est en général moins
enclin à renverser qu'à mainte-
nir. Bonaparte, qui le connaissait,
ayant eu occasion de le voir sou-
vent après son retour d'Egypte,
dit, en le désignant pour second
consul, qu'il croyait exprimer le
vœu général. Consul ou archi-
chancelier,Cambacérès a toujours
servi Napoléon avec zèle et fidé-
lité; il a eu part à presque tous
les actes de son gouvernement,
particulièrement à ceux qui ap-
partiennent à l'administration in-
térieure. Si Napoléon n'a pas tou-
jours suivi ses conseils, du moin»
il n'a pas douté de leur sincérité,
ni de l'habileté de celui qui les
donnait, et, pendant quatorze ans,
la confiance dont l'empereur l'a-
vait investi n'a éprouvé aucune
atteinte. Il est inutile de s'étendre
CÂ&I
pour établir que Cainbacérès n'a
rien négligé pour aiTaibiir dans
Napoléon la passion de la guerre,
et que c'est contre son avis que
la campagne de Moscow a été fai-
te, et qu'on n'a point évité la cam-
pagne de i8i5 en traitant avec
Tempereur de Russie. Sous la ré-
gence de Marie-Louise, Camba-
cérès fut le conseil intime de cet-
te princesse. Cette circonstance
étant patente, on en a tiré la con-
séquence, dans la Biographie Mi-
chaud, f\u'\\ avait déterminé l'irt»-
pératrice à quitter la capitale. Le
lait est inexact : l'ordre de sortir
de Paris, si les alliés en appro-
chaient, avait été donné par Na-
poléon dans les instructions lais-
séesavant son départ : il le renou-
Tela dans le courant de mars,
par une lettre adressée au prin-
ce Joseph, Cette lettre ayant été
lue au conseil de régence, ainsi
que l'ordre antérieur, tous ceux
qui le composaient furent d'avis
que l'impératrice, la cour et les
autorités devaient se retirer au-
delà de la Loire. L'archi-chance-
lier ne Ct que se ranger au senti-
ment commim; mais alors on put
regretter qu'il n'efit pas élevé la
voix pour le combattre. Lorsque
la nouvelle de l'abdication de Na-
poléon fut parvenue à Blois, et
que l'impératrice eut été remise
entre les mains des aidcs-de-camp
des trois empereurs chargés de
l'accompagner, Cambacérès ayant
rempli tous les devoirs de sa posi-
tion, revint à Paris, où il vécut
d'une manière très -retirée. Ce
parti lui fut suggéré par ses pro-
pres goûta et par la crainte d'ex-
citer des défiances capables de
compromettre sa tranquillité. Il
CAM
43
avait été averti qu'on cherchait à
élever des soupçons contre lui.
On était parvenu à le faire exclu-
re de la chambre des pairs, où tous
les autres grands dignitaires fu-
rent appelés. Si sa retrnite le mit
à l'abri des persécutions politi^
ques, elle ne l'a pas garanti néan-
moins des attaques de l'injure et
de la calomnie. L-es libelles et le»
caricatures n'ont pas cessé de le
poursuivre à l'époque où l'on com-
primait la liberté de la presse pour
en réprimer la licence. Cambacé-
rès, il est vrai, n'a jamais deman-
dé justice de ces injures. 11 n'a
eu, depuis le i'' mai i8i4> aucu-
ne correspondance directe ou in-
directe, soit avec Napoléon, soit
avec les personnes de sa famille.
Ignorant absolument les projets
de l'île d'Elbe, il témoigna publi-
quement sa surprise à la nouvel-
le du débarquement. Appelé aux
Tuileries le 20 mars, il ne s'y ren-
dit que sur un ordre réitéré, ct il
insista vivement auprès de Napo-
léon pour être dispensé de re-
prendre ses anciennes fonctions.
Les considérations qu'il exposa pa-
rurent d'abord faire impression,
ct l'on n'exigea de lui qu'un ser-
vice de quinze jours, en allé-
guant qu'un refus le placerait au
nombre des ennemis. Cambacé-
rès ayant accédé à cette proposi-
tion, se vit encore obligé de se
charger par inlerini du portefeuil-
le de la justice. Des vues économi-
ques, ct la difficulté de choisir sur-
le-champ un sujet propre à rem-
jilir ce ministère, déterminèrent
l'empereur à exiger de Cambacé-
rès qu'il fit ce nouveau sac^rificc,
bien entendu qu'il aurait sous ses
ordres un conseiller-d'étal poui
44
CAM
diriger la correspondance et la
coniptaltilité. Boulay Je la Meur-
tbe lut chargé de ce département.
Pendant la courte durée de ce rni-
nislère, Cambacérès ne donna que
quelques signatures. Dans la Bio-
graphie Mickaud et dans quel-
ques autres, on appelle l'attention
sur une circulaire du 1 1 mai, qui
a paru sévère et même insidieu-
se; mais il faut remarquer que les
bases de cette lettre furent arrê-
tées dans le conseil de gouverne-
ment, à la suite d'un rapport du
ministre de la police, Fouché,
duc d'Olrante, qui, avant et de-
puis, en avait fait adopter et en fit
adopter de plus acerbes. Camba-
cérès fut obligé de se conformer à
ce qui lui était prescrit, mais il est
de fait que qui que ce soit n'a été
poursuivi par l'effet de cette let-
tre. Président de la chambre des
pairs, Cambacérès remplit ces
fonctions de manière à ne méri-
ter aucun blâme; on a loué, au
contraire, la longanimité à l'aide
de laquelle il écarta des proposi-
tions orageuses dont l'adoption
aurait pu avoir des suites graves.
Après le règne des cent jours ,
Cambacérès rentra dans sa retrai-
te, et n'en sortit que lorsqu'on eut
menacé sa liberté individuelle par
une fausse application de l'art. 7
de la loi du 12 janvier 1816. Nous
avons déjà fait remarquer que son
vote était compris parmi les deu^
cent quatre-vingt-six suffrages for-
mant la minorité, au lieu de l'êlre
dans les quatre cent soixante-un
qui avaient prononcé la mort.
Nous n'insisterons plus sur cette
question : elle est résolue par ceux
qui connaissent les faits, et qui sa-
vent que si Cambacérès avait été
CAM
considéré comme ayant voté la
mort, il aurait été membre du di-
i^fcctoire. Ad reste, l'erreur com-
mise à son égard a élé réparée
par la décision du i3 mai 1818,
par laquelle le roi, en son conseil,
l'a rétabli dans tous ses droits ci-
vils et politiques. Pendant la dd-
rée de son exil, Cambacérès a di-
visé sa résidence entre Bruxelles
et Amsterdam; sa conduite dans
ces deux villes lui a mérité la con-
sidération des gens du pays. En-
core un mot sur un personnage
qui a joué pendant vingt ans en
France un rôle si important. Dans
les momens les plus critiques de
la révolution, loin de favoriser
l'esprit de propagande et les idées
exagérées, il s'est fait remarquer
par la sagesse de ses principes et
la réserve de ses opinions. Ami de
la paix et de la tranquillité inté-
rieures, il n'a rien négligé pour
cicatriser les plaies de la révolu-
tion, et il a été le premier à intro-
duire le système de modération
dont la convention était si éloi-
gnée. Dans l'exercice des grands
emplois, il n'a jamais donné à Na-
poléon, consul ou empereur, que
des avis dont l'utilité a été recon-
nue, et qui, s'ils eussent été sui-
vis, auraient épargné de grands
maux. Chargé plusieurs fois du
gouvernement pendant l'absence
de Napoléon, on n'a jamais eu à
lui reprocher, ni d'avoir commis
des actes arbitraires, ni d'avoir vio-
lé les garanties constitutionnel-
les. Sous son autorité, les person-
nes et les propriétés furent res-
pectées. Il ne fil pas emprisonner
un seul individu. Cambacérès, de
retour dans ses foyers, n'a riea
changé dans sa manière de vivre;
CAM
étranger seulement aux affaires
publiques, il ne voit qu'un petit
nombre d'amis qui lui sont re>^tés
fidMes; il ne regrette probable-
ment, au milieu d'eux, ni la foule
qui a déserté ses antichambres
pour se précipiter dans d'autres
salons, ni tant de flatteurs qui de-
puis se sont faits ses détracteurs.
CAM B ACÉRÉS (Etienne-Hu-
bert), frère du précédent, né à
Montpellier le 1 1 septembre i ^56.
En sa qualité de cadet d'une famil-
le qui commençait à s'élever, il
«mbrassa Tétat ecclésiastique, de-
vint clianoine, et cultiva les let-
tres avec beaucoup de succès. Il
ne prit aucune part active à la ré-
volution; inaisa l'élévation de son
frère, il s'occupa de son avance-
ment. 11 aimait le faste et les cé-
réniïonies. et il se persuada, avec
raison, qu'il avait assez de mérite
pour parvenir aux plus émiuen-
tes dignités du clergé. Il fut nom-
mé à l'archevêché de Rouen le
Il avril 1802; cardinal, l'année
suivante: grand -aigle de la lé-
gion-d honneur, et sénateur le
1" février i8o5. La mémorable
bataille d'Austerlitz lui fournit
rocca>ion de déj>loyer dans un
mandement, écrit avt-c ébiquencc
et pureté, tout ce que le patrio-
tisme et la religion pouvaient ins-
pirerde plussubli(ne en faveurdu
chef du gouvernement auquel il
était attaché. Le 8 avril 1814. il
env«)yai»on adhésion aux actes du
«énatqui prononçaient la dévhéan-
ce de Napoléon ; ce qui n'empê-
cha point l'rtnpenMir de le nom-
mer, le x juin suivimt, membre de
la rhrimlre des pairs, dmit il ces-
sa de faire partie au n^tour du nri.
Dans la tourDce que le duc d'An-
CAM
45
goulême fit, en 1817, l'archevê-
que de Rouen fut très-bien accueil-
li de ce prince, à son passage dans
cette ville; il a conservé tous ses
honneurs et ses dignités jusqu'à la
fin de sa vie, et il est mort le 20
octobre 1818, justement regret-
té de ses amis et de ses diocé-
sains.
CAMBACÉRÈS (le générai.),
est frère cadet des précédens. A-
près avoir été colonel d'un régi-
ment de chasseurs, il fut nommé
général de brigade le 10 juillet
i8ot), et n'a plus eu d'avance-
ment, malgré la puissante protec-
tion de ses frères. Il jouit au-
jourd'hui de la demi-solde.
CAMBACÉRÈS (l'abbé de), né
à Montpellier, en 1721; archidia-
cre de l'église de cette ville. L'é-
loquence et les belles-lettres fu-
rent ses études favorites, et Bos-
suet et Bourdaloue ses auteurs
d'affection. Lorsqu'il se fut péné-
tré de leurs ouvrages, il parut en
chaire, et prononça avec succès le
panégyrique de saint Louis, en
présence de l'académie française.
Il prêcha devant Louis XV, en
1707 ; et par son courage à retra-
cer les désordres publics et les
progrès de l'iiréligion, il étonna
le roi et fit trembler les courti-
sans. Il méprisa les faveurs de la
cour, vécut d'une manière mo-
deste des revenus de son archi-
diaconuat, et mourut en sep-
tembre 1802. Il était oncle des
précrédens.
CAMBE, avocat ARhodeznvant
la révolution, montra ensuite,
dans l'exercice de diverses fonc-
tions, beaucoup de dévouement \
la causi- nationale. Kn 1799. il fut
nommé au conseil des cinq>cent«
4(>
CAM
par le département de l'Aveyron.
Il s'y réunit à la majorité; il vota
pour la liherlé des cultes, et il de-
manda que le directoire garantit
le maintien des institutions ré-
publicaines. Au mois de juillet
de la mCme année, il s'éleva con-
tre le système des otages, insis-
tant pourque laresponsabilité pc-
sHt, non sur les personnes, mais
sur les commune*. 11 combattit,
au tribunal dont il fit partie dès
sa formation, le projet de réduire
le nombre des justices de paix.
Ayant été compris dans la série
des membres qui sortirent, en
1802, il cessa de paraître dans
les assemblées législatives.
CAMBIS (Joseph ï)e), chevalier
des ordres de Saint-Louis, Saint-
Lazare, et Cincinnatus, est né en
Provence , dans la petite ville
d'Entrevaux, où son père gouver-
nait pour le roi. Destiné de bonne
heure au service de la marine
royale , il fut d'abord garde de la
marine , à Toulon ; et ses chefs
distinguèrent bientôt en lui plu-
sieurs qualités, qui lui valurent
un avancement rapide. Il fit,
pendant la guerre d'Amérique,
les campagnes de 1778 à 1782, et
contribua, par son intelligence et
son courage, A la prise de Sava-
nah, par le comte d'Estaing. En
1792, il commandait le Jupiter,
vaisseau de la station de Saint-
Domingue; il y calma, par sa fer-
meté et son sang-froid, une in-
surrection de l'équipage, qui s'an-
nonçait avec beaucoup de violen-
ce. S'étant trouvé depuis, à Ncav-
York, dans une circonstance sem-
blable, il ne fut pas aussi heureuX,
et reput même une blessure en
voulant faire rentrer les mutins
CAM
daiisle devoir. M. de Cambis re-
vint en France en 179^. Ses opi-
nions politiques parurent suspec-
tes au gouvernement d'alors, qui
le fit arrêter et conduire à Paris,
où il demeura privé de sa liberté
jusqu'à la chute de Robespierre.
Il n'eut point d'emploi sous le
gouvernement du directoire; mais
après la révolution du 18 brumai-
re , il fut charge de l'inspection
des classes des quatrième et cin-
quième arrondissemen» mariti-
mes. Malgré les avantages que
promettaient sestravaux, une nou-
velle organisation ordonnée par
le premier consul, vint en dé-
truire le fruit. Depuis cette épo-
que, M. de Cambis a vécu tran-
quille au sein de sa famille.
CAMBOIRE (N), député à la
convention nationale, par le dé-
partement de la Dordogne , était
administrateur du district de Pé-
rigueiix. Il vota la mort de Louis
XVI, et fut, après la session, com-
missaire du directoire.
CAMBON (Jeaîî-Louis-AugV'Ste-
Emmanuel de), naquit à Toulouse,
en 17^7. Tous ses parens avaient
suivi la carrière de la magistra-
ture, il dut les imiter; et après
avoir fait, avec succès, son cours
de droit, il fut reçu conseiller au
parlement de Toulouse, en i?758.
Il devint avocat-général en 1761,
et remplit ces fonctions avec ta-
lent et sagacité; il signala ses opi-
nions tolérantes dans l'affaire d'E-
tienne Sales, où des catholiques
disputaient à un protestant la va-
lidité du mariage de son père.
Cambon porta la parole; il déve-
loppa, d'une manière lumineuse,
les principes des lois naturelles
et des lois civiles, et dépouilla le*
CAM
éJits de la sévère interprétation
de l'esprit de parti. Il ntjàuipas
se demander, dit -il, si l'on est
persuadé de l'existence du ma-
riage contesté; mais il faut se de-
mander si l'intérêt public n'exige
pas qu'on le présume ; et puisque
le contraire n'est pas juridique-
ment prouvé, la Justice et l'équité
veulent qu'on suppose tout ce qui
est naturellement possible, plutôt
que de faire perdre à un enfant ,
l'état dont il a légitimement joui.
Les conclusions de Cambon fu-
rent suivies; on les adopta dans
tous les tribunaux du royaume,
et le sort de 4oo,ooo familles pro-
testantes demeura fixé désormais.
En 1763, TAcadémie des jeux flo-
raux appela Cambon dans son
sein ; là , on entendit avec plai-
sir le jeune mainteneur se mon-
trer toujours éloquent dans ses
discours, dans les semonces qu'il
prononçait, où l'élégance le dis-
putait à la pureté du goût. Du-
rant les querelles des parlemens
avec le chancelier Maupcou , en
1771, Cambon allié avec ce der-
nier, trouva le moyeu, en soute-
nant la cause de ses confrères, de
ne pas se brouiller avec la cour. On
l'aecMsa même de suivre le vent,
ce n'était pas la coutume d'alors.
En 1779, il acquit une charge de
président à Mortier, et en 1786,
il devint procureur-général, après
la mort de M. Le Comte. Lors de
la convocation de l'assemblée des
notables, en 1787, (Jambon fit
partie de cette réunion ; Louis
XVI put apprécier la sagesse de
ses opinions, et une ferinelé qu'il
^avaitmodérer suivant les circons-
tances. Le roi voulut utiliser de pa-
reilles vertu»; il aouitaa Cambon
CAM
47
premier pré sident du parlement de
Toulouse. A peine celui-ci avait-il
pris possession de sa nouvelle di-
gnité , qu'il fut appelé, en 1788,
à la seconde assemblée des nota-
bles. Cambon la quitta, et revint
à roulouse,pourseconsacrertout
entier aux devoirs de son rang.
Mais la révolution mit obstacle
aux projets qu'il avait formés
pour le bien. Proscrit, ainsi que
toute sa compagnie, la fuite le
sauva de l'échafaud. Il fallait aux
révolutionnaires une victime de
son nom; et sa femme, modèle
de toutes les vertus, tomba sous
la hache fatale, le 8 thermidor,
la veille du jour où la France fut
délivrée de ses tyrans. Cambon,
rendu i\ sa patrie, lorsque le pre-
mier consul eut ramené, parmi
nous, l'honneur et la paix, re-
trouva presque toute sa fortune,
et termina sa vie au milieu de sa
famille et de ses amis, en sep-
tembre 1807. Il laissa trois en-
lans; le marquis Auguste de Cam-
bon, Alexandre de Cambon, pré-
sident à la cour royale de Tou-
louse, et une fille, mariée au pré-
sident Félix d'Aiguevives.
CAMBON (Joseph). C'est sur-
tout de l'homme public que le
biographe doit compte à la pos-
térité; commençons donc par la
vie politique de cet homme célè-
bre, où nous aurons plus d'un re-
proche terrible à mêler aux élo-
ges que la justice la plus sévère
doit lui rendre ; nous le montre-
rons ensuite dans la vie privée, oi!i
nulle accusation ne saurait l'at*
teindre. Joseph Cambon naquit
à Montpellier, en »7r)/î, d'une fa-
mille estimable de négocians : il
«tait chef et la maison d« com-»
48
CAM
merce paternelle, en société avec
deux (Je ses frères, lorsque la ré-
volution éclata. Il en adopta les
principes et les opinions qu'il a-
vait manifestées dès son plus jeu-
ne âge, avec toute la chaleur d'u-
ne tête méridionale; et dans cet-
te grande commotion de tous les
intércls politique», il se trouva
successivement porté, par le dé-
partement de l'Hérault, à l'assem-
blée législative et à la conven-
tion nationale. Il y lut chargé
pendant cinq ans de l'administra-
tion générale des finances de la
république; et lorsqu'il quitta les
affaires de l'état pour reprendre
les sitnnes, sa fortune et celle de
ses frères, loin d'avoir reçu aucun
accroissement, se trouvait sensi-
blement diminuée; cet exemple
est de ceux que l'on cite sans
craindre de se répéter. La créa-
tion du grand-livre de la dette
publique, la forme qu'il reçut a-
îors, et qu'il a conservée depuis,
est un service immense rendu à
l'état, et compensera peut-être,
aux yeux de la postérité, des er-
reurs révolutionaires auxquelles
nous ne voulons pas même cher-
cher d'excuses dans les passions,
ni dans les intérêts de cette ter-
rible époque. Au sein d'une as-
semblée populaire, qu'une seule
ilme ardente et furieuse semblait
animer, Cambon parla comme la
grande majorité de ses collègues
contre les prêtres réfractaires et
contre les émigrés; mais sans ja-
mais étendre au-delà des limites
légales, l'avis le plus sévère qu'il
se permit d'ouvrir. .Son rapport
du 5 avril 1792, sur la situation
des finances, est mis par les hom-
mes d'état fort au-dessus de ce
CAM
compte rendu , qui commença
la réputation de M. Necker. Plu-
sieurs parties de ce rapport ne
font pas moins d'honneur au ca-
ractère de Cambon qu'à ses ta-
lens : On n'oubliera , disait- il,
dans le compte que ton vajàire
rendre à tous ceux qui ont ma-
nié les deniers publics, ni les Itom-
nies à grandes moustaches et à
bonnet rouge qui ont levé des taxes
révolutionaires dans les départe-
mens, ni ceux qui, sous prétexte
de détruire le fanatisme, s'en
sont approprié les dépouilles.
Cambon demanda la fonte des
statues royales, et cependant il ne
craignit pas de défendre Tautori-
té du monarque à la tribune de
l'assemblée législative, et après le
10 aoftt, d'indiquer des mesures
à prendre dans l'intérêt de la sû-
reté du prince. Dernier président
de l'assemblée législative, ce fut
lui qui présenta les pièces trou-
vées dans l'armoire de fer, et qui
provoqua la vente des bijoux de
la couronne; Membre de la con-
vention, il dénonça Marat et la
commune de Paris; il accusa les
dépositaires des biens d'émigrés,
fitastreindre les ministres à rendre
compte de leurs dépenses secrètes,
leva un impôt sur les recettes, et
se pronoriça énergiquement con-
tre la dictature de Robespierre.
On le vit dénoncer plusieurs mi-
nistres, faire décréter que le pou-
voir des généraux en pays étran-
ger connaîtrait désormais des bor-
nes ; demander l'ostracisme con-
tre les ennemis de la république,
et voter, sans appel au peuple,
la mort de l'infortuné Louis XVI :
il s'éleva contre l'organisation du
tribunal révolutionnaire, et nom-
CAM
mé membre du comité de salut
public, il fit porter sur les finances
plusieurs décrets d'une influence
heureuse, et s'opposa de tous ses
moyens à la tyrannie toujours
croissante de Robespierre, qui
n'osa l'attaquer que le 8 thermi-
dor, la veille de sa propre chute.
Après ce grand événement, Cam-
bon eut à lutter et contre les par-
tisans du système nouveau, et con-
tre les débris que l'on appelait la
4futuedu jçouvernementde Robes-
pierre. On a remarqué avec rai-
son que Cambon, presque modé-
ré en 1793, se jeta dans les rangs
des démagogues en 1793: en ef-
fet, lorsqu'on se souvient que le 19
mai 1793, il s'éleva courageuse-
ment contre les pétitionnaires qui
demandaient la mise en jugement
des girondins ; que le 2 juin, dans
l'espèce de procession que fit la
convention entière, dans le jardin
des Tuileries, pour donner une
preuve de la liberté dont elle jouis-
sait; quandon le voit, disons-nous,
se placer au milieu des députés
dont les factions de la commune et
des jacobins demandaient la tête,
on a peine \ s'expliquer que le mê-
me homme ait pris part aux mou-
vemens séditieux du 12 germinal
au 3, à la suite desquels il fut dé-
crété d'arrestation sur la proposi-
tion de Tallien. 11 parvint à se
soustraire par la fuite, à l'exécu-
tion de cet ordre, et par consé-
quent à la mort qui plana pen-
dant plusieurs mois sur sa tête.
L'amnistie du f\ brumaire an 4
le rendit à la vie et à la 4iberlé;
il sortit de sa retraite pour se ren-
dre ù Montpellier; il y vécut i-
gnoré, laborieux et tranquille,
jusqu'en 181 5, où il fut nommé
CAM 49
membre de lu chambre des re-
prcsenlans : il montra beaucoup
de modération dans cette assem-
blée, et ne prit part qu'aux discus-
sions relatives aux réquisition» de
guerre et au budget. Contraint ù
quitter la France en vertu de lu
loi d'amnistie, du 12 janvier 1816,
Cambon serendil dans le royaume
des Pays-Bas et mourut à Bruxel-
les, en 1820, après 4 «ins d'un exil
qu'ilsupporta avec au tant de digni-
té que de courage. Cet homme, si
digne de blâme dans quelques ac-
tions de sa vie politique, n'était
ni sans vertus, ni même sans ti-
tres à la reconnaissance de ses
concitoyens. Sa loyauté, son ex-
trême désintéressement, ne sont
point contestés. Sa fortune, restée
au-dessous de ce qu'on est con-
venu d'appeler l'aisance, était en-
core au-dessus des besoins de
Cambon, puisqu'il y trouva jus-
qu'au derniermoment, les moyens
de soulager l'infortune. Ln de ses
compagnons d'exil lui doit de
n'avoir pas péri de faim et de
misère sur la terre étrangère, et de
s'y trouver à l'abri de celte crain-
te, après la mort de son ami, qui
a pourvu, par ses dernière» dispo-
sitions, à ce que cet infortuné re-
çflt les secours qu'il lui avait four-
nis pendantsavie. Le département
de l'Héraut lui doit de n'avoir
pas été compris dans les attribu-
tions d'un féroce proconsul nom-
mé Laborie, qui avait été envoyé
dans les déparlemens méridio-
naux pour y poursuivre les fédé-
ralistes, et qui, après avoir porté
la terreur et la dévastation dans
le déparlement du Gard, venait
«le recevoir des comités l'ordre de
se transporter ù Montpellier. Des
59
CAM
hommes persécutes à cette époque
trouvèrent asile et sûreté che»
Cambon père, et l'on sait que ce
n'était pas à linsii de son fils. Ce-
lui-ci a-vait nianilesté très-jeune
les opinions et les principes qu'il
a depuis si audacieusement pro-
fessés, mais il n'exerçait aucune
tyrannie sur les opinions des au-
tres. L'une de ses sœurs voulut
se consacrer au service des mala-
des, et se faire sœur grise. Cam-
bon se borna à des représenta-
tions comme chef de famille : el-
les furent sans effet. Dès lors il
l'encouragea, l'aida dans l'exécu-
tion de son pieux dessein, et con-
serva avec elle les relations les
plus amicales. Cette dame est au-
jourd'hui à la tête d'une maison
de charité dans un département
du midi. Cambon était l'aîné d'u-
ne famille nombreuse (cinq gar-
çons et deux filles), dans un pays
où la faculté laissée aux pères de
nommer un héritier avait force de
loi. A l'époque où M. Cambon pè-
re quitta le commerce, il voulut
avantager considérablement son
fils aîné; mais celui-ci exigea que
son père fît un partage égal en-
tre tous ses enfaus, sans aucune
distinction de sexe ni d'âge. Il fut
bon fils, bon père et bon époux.
Après la convention, il se retira
dans un petit domaine, dernier
débris de sa fortune patrimonia-
le, et se livra sans relâche aux
soins de l'agriculture, dans la seu-
le vue d'augmenter la fortune de
ses frères. Il ne quittait la campa-
gne que pour faire de fréquentes
visites à son père et à sa mère,
dont il honora la vieillesse, et qui
moururent dans un âge fort a-
vancé.
CAM
CAMBOULAS (Snioit). Il était
négociant lorsque la révolution
commença; il en accueillit vive-
ment les principes. Il exerça d'a-
bord des fonctions municipales,
et, en 1792, il fut nommé à la
convention, par le département
de l'Avcyron. Dans le procès de
Louis XVI , il vota pour la mort,
^ans sursis, sans appel. Au 3i mai,
il embrassa la cause des proscrits,
et on admira l'énergie avec la-
quelle il parla contre les redouta-
bles auteurs de cette journée. Le
2 juin, il fit décréter qu'on pour-
suivrait ceux qui avaient donné
l'ordre de sonner le tocsin et de
fermer les barrières; et le 6 du
même mois , il reprocha au co-
mité révolutionnaire des arresta-
tions illégales. Il eut le bonheur
d'échapper aux ressentimens qu'il
avait bravés avec tant de coura-
ge ; mais voyant que les événe-
mens prenaient un autre cours ,
il garda le silence dans le conseil
des cinq-cents, où il était entré
avec les deux tiers convention-
nels, et dont il sortit en 1797.
CAMBRIDGE (Adolphe -Fré-
déric d'Angleterre, dic de), est
né le 24 février 1774- Comte de
Tipperary, baron de Culloden ,
gouverneur-général du Hanovre,
colonel, chancelier de l'univer-
sité de Saint-André, sa vie offr©
un mélange bizarre d'actions ,
de titres, et de fonctions diver-
ses. Élevé pour le service de ter-
re, il reçut, à 16 ans, sa commis-
sion d'enseigne, quitta la sévère
discipline d'une éducation toute
militaire, pour aller s'asseoir sur
les bancs deGoettingue, apprit le
grec, passa un hiver au milieu
des dissipations de la cour de
CA\I
Prusse, revint en Angleterre, sié-
ger à la chauabre des pairs , reçut
son brevet de colonel, et fut, en
1794, mis en jouissance de tous
les privilèges que la constitution
accorde à son rang, C'est alors
que le parti de Pilt, et celui de
Fox, se disputèrent son appui; et
il faut le dire^ à l'honneur singu-
lier de la constitution anglaise,
«m prince du sang se déclara, sans
hésitation, en faveur de la liberté,
contre le ministère. Les ministres
se vengèrent du prince, en lui
refusant un service actif. Mais le
duc de Cambridge fut noblement
dédommagé de cette «lisgrâce, par
l'estime et les applaudissemens de
toute la nation. Au reste, son nom
seul lut de quel(|ue utilité au parti
de l'opposition. Les soins de l'ad-
ministration et de la politique
convenaient moins à son carac-
tère que les périls et les travaux
de la guerre. L'invasion du Ha-
novre par les Français lui donna
bientôt une occasion brillante,
mais trompeuse , de courir des
dangers qui, jusque-là, avaient
semblé le fuir. 11 partit pour pro-
téger lélectorat, trouva les es-
prits mal disposés, et un état de
choses qui exigeait plus d'adresse
encore que de bravoure, et plus
de talens politiques que de talens
iiiililaires. C'est en vain qu'il ful-
mina d'ardentes proclamations;
c'est en vain qu'il uiit les troupes
fix mouvement : il n'eut aucun
buccès, devint nu ol)jct de risée,
demanda inutilemenl son rappel,
«e resta dans le Hanovre que
^i- pour dévorer de nouvelles humi-
Hp liations , et retourna dans sou
"■^ pays, laissant au général W'almo-
Uca le soin de couclurc une capi-
CAM 5i
tulalion. Ses amis le défendirent
faiblement; et les journaux ne
l'épargnèrent point. Il reparut a
la chambre des pairs , pour dé-
clamer violemment contre Bo-
naparte, et contre la France, cet-
te prostituée de l'Europe (ivAo/e
oj llit naliotis); il figura sans éner-
gie sur les bancs de l'opposition;
se fit remarquer par une tenue
militaire, fort bizarre en temps
de paix; et retomba de tout son
poids dans cette nullité à la-
quelle la nature l'avait condamné,
et dont il s'était vainement elfor-
cé de sortir.
CAMBRONNE (le baron, Pier-
re-Jàcqtjes- Etienne) , maréchaK
de-camp, commandant de la lé-
gion-d'honneur, né, le a6 décem-
qre 1770, à Saint-Sébastien, près
de Nantes. Son père, honnête né-
gociant, voulut d'abord le desti-
ner au commerce; mais la mort
de cet homme estimable laissant
au jeune Cambronne le choix de
sa profession, il se décida pour la
carrière des armes. La révolution,
qui promit tant de gloire à la
France, ne pouvait manquer de
trouver un partisan zélé dans un
cœtir jeune et ardent. Admis dans
la garde nationale dès sa création,
Cambronne y devint odicier, puis
s'enrôla comme grenadicrdans le*
volontaires nationaux de Maine-
et-Loire, et fit, à l'Age de 20 ans,
partie de la légion nantaise qui
s'illustra par de grands succès con-
tre les premières insurrections de
la Vendée. D'utiles services lui
méritèrent successivement le^ gra-
des de sous-ofTicier, d'olHcier et
de capitaine, et l'on cite de lui des
traits qui font honneur à sim in-
Irépidité. Comme tous les Fran-
B
s*»
CAM
çais dignes de ce tilrc , l'officier
Cambronne savait joindre l'huma-
nité au courage : il cacha chez sa
inère, pendant deux mois, le curé
de Ville-l'JÎvr'que, qui lui fut ain-
si redevable de la vie. Capitaine
dans la célèbre légion nantaise,
sous les ordres du général Hoche,
il arracha à la mort plusieurs é-
migrés pris les armes à la main
lors de l'expédition fatale de Qui-
beron, en juillet iyç)5. Après la
première pacification des dépar-
temehs de l'Ouest, Cambronne
entra dans les troupes réglées, et
concourut à l'expédition d'Irlan-
de, où il donna de nouvelles preu-
ves d'intelligence et de bravoure.
Ilfitensuitelescampagnesdu Rhin
dans le 4^""' de ligne. En 1799,
dans la glorieuse campagne de
Zurich, sous les ordres de iMassé-
na, il contribua à la prise de cet-
te ville, en enlevant une batterie
russe avec sa compagnie de gre-
nadiers. Au combat de Paradis,
où il n'avait que 80 hommes, il
parvint à se faire jour à travers
3,000 Russes. Kn 1800, il com-
mandait la compagnie de grena-
diers dont faisait partie le brave
La-ïour-d'Auvergne, qui venait
d'être surnommé premier grena-
dier de France. Le 27 juin , ce
héros ayant été tué d'un coup de
lance à ses côtés, aussitôt ses ca-
marades honorèrent Cambronne
en voulant le nommer successeur
au titre de premier grenadier de
France, titre imposant qu'il eut
le bon esprit de ne pas accepter.
Lorsque la grande-armée passa le
Rhin pour entreprendre la mémo-
rable campagne qui a illustré le
no?ï) d'Austerlitz, Cambronne fut
nommé chef de bataillon du 88°"
CAM
régiment, sous les ordres du gé*
néral Suchet, et justifia sa promo-
tion par le courage et l'aptitude
militaire qu'il déploya dans plu-
sieurs circonstances : aussi fut-
il mis ;i la tête du corps des chas-
seurs de la garde impériale, a-
près avoir fait les campagnes de
Prusse et de Pologne. Il combat-
tit aux batailles gh>rieuses d'Ié-
na et de Wagram. et passa de nou-
veau en Espagne, où la guerre de
montagnes lui oilVit encore de
fréquentes occasions d'être utile.
Ce ne fut qu'à cette époque que
l'empereur, instruit du zèle et du
courage de Cambronne, l'éleva
au rang de colonel, et fut obligé
d'employer une injonction formel-
le pour lui faire accepter un grade
qu'une défiance exagérée de lui-
même lui faisait refuser. En i8i3,
revenu en Allemagne, il se dis-
tingua dans la campagne de Saxe,
que la défection des Bavarois ren-
dit aussi funeste que glorieuse
pour la France. Après la bataille
de Leipsick, il fit, dans les plai-
nes de Hanau, une charge intré-
pide à la tête des chasseurs à pied
de la vieille-garde. Aussi, dans la
campagne de France, en 1814 >
Napoléon le chargea-t-il souvent
des entreprises les plus périlleu-
ses. 11 se fit remarquer, à la victoi-
re de Craonne, où il fut blessé le
10 mars. Il contribua au gain de
quelques autres affaires, et reçut
plusieurs blessures dans les divers
combats qui so donnèrent sous
les murs de Paris, Le 12 avril, ces
blessures le retenaient encore au
lit, lorsqu'il apprit que Napoléon
avait été contraint d'abdiquer, et
allait se retirer dans l'île d'Elbe
avec 400 hommes de la vieille-
CAM
garde. Cambronne accepta le com-
mandement de celle escorte , et
fut, à son arrivée dans l'île, nom-
mé gouverneur de l'orlo-Ferrajo.
La police, l'instruclion cl le ma-
tériel de la garde, furent confiés,
à sa direction. Le i" mars 181 5,
endébarquantau golfe Juan, Cam-
bronne fut nomujé commandant
de l'avant-garde de l'armée elboi-
se, et le même jour il signa, en
cette qualité, V Adresse des géné-
raux, qjjiciers et soldats de L'ar-
mée impériale, aux généraux,
officiers et soldats de l'armée
française. En s'emparant d'abord
du bourg de Saint-Fierre, l'avant-
garde publia, pour la première
fois, celle adresse, qui produisit
im effet si prodigieux partout où
passait Napoléon à sa rentrée en
France : elle entraînait sous ses
drapeaux tous les militaires en
corps où même isolés qui se trou-
vaient sur sa route, ou dans les
départemens qu'il traversait. Le
5 mars, Cambronne, à la tôle de
l'avant-garde, occupa Sisteron,
puis Grasse, et quelques jours a-
près, sans rencontrer le moindre
obstacle, il arriva à Lyon, où il
entra au milieu des acclamations
du peuple. En arrivant à Paris ,
Napoléon voulut récompenser le
zèle de Cambronne, en lui con-
férant le grade de lieutenant-
général. Mais il refusa encore
une récompense qu'il ne croyait
pas mériter, et n'accepta pas non
plus le titre de comte que lui of-
frait l'empereur. Toutefois il fut
élevé à la dignité de grand-olli-
cier de la légion-d'bonneur, et
accepta les fonctions de pair aux-
quelles il fut appelé le 1 juin.
Cependant une armée fraii^-aise
CAxM 5:1
s'apprêtait à repousser l'Europe
en armes, qui s'était coalisée pour
envahir notre territoire. Cam-
bronne partit le i3 pour l'armée,
avec Napoléon, qui lui donna le
commandement d'une division de
la vieille-garde à pied. Dans la
journée du 16, il combattit avec
audace à Ligny sous Fleurus, où
les Français restèrent maîtres du
champ de bataille. Deux jours a-
près, se donna la bataille de Wa-
terloo, où la valeur de nos armées
leur fut si funeste. Pendant toute
la journée, les troupes comman-
dées par Cambronne soutinrent
le feu de l'ennemi et le choc im-
pétueux des masses prussiennes
et anglaises. Ce fut lorsque ces
troi^pes, foudroyées de toute part,
vinrent à manquer de munitions,
que Cambronne, sommé de se
rendre pour sauver les débris de
sa division, prononça ces mots,
inlerprètes sacrés des senlimens
et de la conduite de tant de bra-
ves : La garde meurt, elle ne se.
rend pas. Cependant la trahison,
devenue l'auxiliaire des étran-
gers, mil le désordre dans les ra.igs
de l'armée française. Cambronne,
blessé grièvement, tomba de che-
val, et la perte de son sang lui ô-
tant la connaissance, il resta con-
fondu parmi les morts. Revenu à
lui, il fut enlevé avec les autres
blessés pour être pansé : on le
transporta à Bruxelles, puis en An-
glelerre, où il demeura le leujps
nécessaire à sa guérison. Dès qu'il
fut rétabli, désirant de rentrer dans
sa patrie, et de revoir sa vieille et
bonne incre, suivant ses propres
expressions, il adre.«isa au roi de
France son adhésion et son ser-
ment de fidélité dans les termes sui-
54
CAM
Tans :« Sire, major an r'r«';gîment
»de chasseurs à pied de la garde,
»le traité de Fontainebleau in'iin-
«posa le devoir de suivre l'einpe-
«reur à l'île d'Elbe. Celte garde
» n'existant plus, j'ai l'honneui' de
«prier V. M. de recevoir ma soii-
» tnis^ion et mon serment de fidé-
»lité. Si ma vie, que je crois sans
«reproche, me donne des droits à
«votre confiance, je demande mon
w-régiment. En cas contraire, mes
«blessures me donnent droit à la
«retraite, qu'alors je scdlicilcrai,
«regrettant d'être privé de servir
«hia patrie. Je suis, etc. » A l'ins-
tant même où Cambronne faisait
cet acte de soumission, les mi-
nistres dont la fatale adminis-
tration prépara les calamité* de
i8i 5. inscrivaient son nom sur la
liste des dix-neuf généraux ou offi-
ciers qui, d'après l'ordonnance du
34 juillet, devaient être traduits
devant des conseils de guerre ,
ponr avoir attaqué le gouverne-
ment royal à main armée. Lors-
que le traité de Paris du 20 no-
vembre vint rendre la liberté à
Cambronne, il aurait pu fixer sa
demeure en Angleterre, ou se re-
tirer aux Etats-Unis d'Amérique,
afin d'éviter les chances au moins
douteuses d'un jugement que l'é-
poque désastreuse de i8i5 pou-
vait lui rendre si fatal. Mais im-
patient de revoir la France, il
prit la résolution hasardeuse de
venir y demander des juges. Parti
d'Angleterre, il débarqua à Calais,
où le commandant de la place lui
donna un officier pour l'accom-
pagner à'Paris. Là il se présenta
au général Despinois, qui le fit
conduire à l'Abbaye, où il resta
détenu plusieurs mois avec le gé-
CAM
néral Drouot, ce brave sublime
et modeste, qui ne s'est jamais dé-
menti. Le 26 avril 1 8 iG, Cambron-
ne, assisté de M' Berryer fils, avo-
cat, comparut devant le premier
conseil de guerre, qui l'acquitta à
l'unanimité. Le commissaire du
roi, M. Duthuis, se fondant sur ce
que le rapporteur, M. Delon, a-
vait paru, contre l'usage, défen-
dre lui-même l'accusé, crut de-
voir empêcher sa mise en liberté,
et appeler de ce jugement devant
un conseil de révision. Mais, le 4
mai suivant, ce conseil confirma
le jugement, et Cambronne de-
vint libre. Dans le courant du mê-
me mois, on publia, in-S", le Pro-
rcs du iiéncral Cambronne, con-
tenant loulos les /Hi'fe.ç, interro-
s^aLoires, débals, etc. Le général
Cambronne commande la place
de Lille en Flandre depuis deux
ans.
CAMBRY (JAcorEs), membre
de plusieurs sociétés littéraires,
fondateur et président de l'acadé-
mie celtique, naquit à Lorient, en
1776, et mourut à Cachant, près
de Paris, le 5o décembre 1807.
11 occupa, pendant la révolu-
tion, diverses places, fut prési-
dentdu département du Finistère,
après avoir été administrateur de
celui de la Seine. Nommé, par
le premier consul, préfet du dé-
partement de l'Oise, en 1800, il
resta dans ce pays l'espace de
deux ans. Cambry a publié divers
ouvrages, dont les plus remarqua-
bles sont : k ojages dans le Finis-
tère , en Suisse et en Italie ; 'les
Monumens celtiques; Descrip-
tion du département de l'Oise.
CAMET - DE - LA - BONAR-
DIÈRE (J. P. G.), nommé à la
CAM
chambre des députés , en 18 15,
par le collège électoral du dépar-
tement delà Seine, était maire
du onzième arrondissement de
Paris, lorsque les alliés entrè-
rent, en 18 14. Le roi le conserva
dans les mêmes fonctions; le nom-
ma baron et maître des requêtes,
par ordonnance du premier jan-
vier i8i5, et lui donna un brevet
d'oflîcier, le 2 aoflt, de la même
année. Quant à la décoration de
la légion-d'honneur, ill'avait reçue
de Napoléon. Pendant la session
de i8i5, M. Carnet vota avec la
majorité de la chambre. En sep-
tembre 181G, il fut de nouveau
porté sur la liste des candidats,
ù la chambre des députés; mais
il ne fut pas élu. M. Camet-de-
la-Bonardière est l'un des admi-
nistrateurs des hospices de la ca-
pitale.
CAMINADE- DE -CASTRES
(N), propriétaire dans le dépar-
tement de la Charente, fut élu
membre de la chambre des re-
présentans, par le collège d'ar-
rondissement de Cognac, au mois
de mai 181 5. Il fut du nombre
des commissaires chargés , le 4
juillet, de se concerter avec le
gouvernement provisoire, sur la
nécessité de rendre publiques tou-
tes les pièces ayant rapporta la si-
tuation où se trouvait la France.
On avait procédé, en comité se-
cret, à l'examen de ces pièces :
les èvénemens en empêchèrent
la publication.
CAiMMAS ( Lambert- Frawçois-
TnÉHissE), peintre , architecte, et
professeur de l'académie de Tou-
louse, naquit en cette ville, en
174^' tJ'u" père, habile architec-
te, à qui l'on doitplu>ieurs monu-
CAM • 55
mens. Une éducation soignée
développa les heureuses disposi-
tions que Cammas avait reçues de
la nature. Il alla à Rome pour
perfectionner ses talens ; et l'aca-
démie de Saint-Luc le reçut dans
son sein. De profondes recher-
chessur l'architecture des peuples
antiques, retinrent long- temps
Cammas en Italie. Il y puisa le
goût du vrai beau; mais peut-être
il s'attacha trop à la manière des
maîtres qui , après la renaissance
des arts, altérèrent les principes
puisés dans l'étude des monu-
mens. Lors de son retour dans sa
patrie , Cammas fut chargé de
grands travaux; et on lui deman-
da des projets pour rornement
de presque toutes les églises de
Toulouse. On sait qu'à cette épo-
que, un goût mesquin et faux
présidait aux productions des arts
dépendant du dessin; on pros-*
crivait également et la pureté de
l'architecture grecque, et l'impo-
sante majesté de nos anciennes
basiliques. Cammas montra en
cette circonstance toute la ri-
chesse de son imagination; il sut
approprier aux formes sveltes et
élégantes que nous avions em-
pruntè(;s des Arabes , toute la no-
blesse de l'architecture italienne :
ses projets furent adoptés ; mais
l'exécution de la plupart rencon-
tra un obstacle invincible dans les
troubles de la révolution. Cam-
mas adopta les sentimens de ceux
qui voulaient donner un nouveau
gouvernement à la France; mais il
ne partagea ni les excès, ni les
fureurs des passions. Cultivant
les arts, chéris.sant l'étude , il vé-
cut dans l'obscurité. Vers les der-
nières auBccs de DOS dissensions
56
CAM
politiques, il fut nommé juge-de-
paix par ses concitoyens, et cette
place, qu'il rempMt avec intégri-
té, fut cependant, pour lui, la
source d'une injuste persécution.
Quelque temps après la journée
du 18 brumaire, il fut arrêté., et
resta plusieurs mois dans les fers.
Son innocence ayant été recon-
nue, on le rendit à sa famille;
mais eMe ne devait pas le possé-
der long-temps : il mourut , en
1804, Agé de soixante- un ans.
Ses élèves portèrent sa dépouille
mortelle dans le champ du repos.
Canimas est l'auteur des décora-
tions du dôme de l'église des Char-
treux, de Toulouse: on remarque,
parmi ses tableaux, celui qui re-
présente l'apparition de la Vier-
ge à saint Bruno ; et celui où le
rappel des parlemens, sous le rè-
gne de Louis X\ I, est représenté
allégoriquement. Cet ouvrage ob-
tint le prix extraordinaire, pro-
posé par l'académie de peintu-
re , sculpture et architecture de
Toulouse. Cammas a laissé plu-
sieurs manuscrits et mémoires
précieux ; il possédait les lan-
gues savantes, et faisait des vers
avec facilité. Sa femme , avanta-
geusement connue par son ta-
lent pour la peinture, composa
plusieurs tableaux estimés; l'aca-
démie de Toulouse l'admit à ses
assemblées. M"' Cammas, sa fille ,
élève de M.' Bouton, peintre du
roi d'Espagne, a, par d'heureux
essais, annoncé des dispositions
peu communes. On cite surtout u-
ne Flore et une h'rigone, peintes
par elle avec une rare perfection.
CAMPAN (Henriette Genêt),
fdle de M. Genêt, premier com-
mis des affaires étrangères, re-
CAM
eut, sous les yeux de son père,
rédu(;alion la plus soignée. Une
conuaissanc« parfaite de plusieurs
langues modernes , celle de l'his-
toire , le talent de la musique, tel
fut le résultat des premières étu-
des de M'"' Campan. SI"" la du-
chesse de Choiseul, ayant eu oc-
casion de la connaître, la fit nom-
mer, à quinze ans, lectrice de mes-
dames Victoire, Sophie et Louise,
filles du roi Louis XV. En 1770,
Marie-Antoinette, épouse du dau-
phin , depuis Louis XVI , eut oc-
casion de voir M"' Genêt, cher
les princesses, ses tantes, et d'ap-
précier ses talens, ce qui la dé-
termina à se l'attacher, en la ma-
riant au fils de M. Campan, son
secrétaire intime. Quand les ex-
cès de la révolution exposèrent la
famille royale à de nombreux pé-
rils, ÎM""' Campan donna à sa pro-
tectrice des preuves réitérées de
reconnaissance et de dévoue-
ment. Elle ne la quitta point du-
rant la journée du 10 août , la
suivit aux Feuillaus; et le refus
que Péthion lui fit, de la laisser
entrer au temple, put seul la sé-
parer de cette princesse malheu-
reuse. Après la chute de Robes-
pierre, l'orage f///r^/-révolution-
naire commençant à s'apaiser,
M""' Campan, qui n'avait plus au-
cune ressource, prit la résolution
d'ouvrir, à Saint-Germain, un pen-
sionnat , qui ne tarda pas à jouir
d'une grandeet justecélébrité. Les
familles les pi us recommandables,
non-seulement de la France, mais
du monde entier, puisque M""
Campan comptait parmi ses élè-
ves des Américaines, et des jeu-
nes personnes de Calcula, y en-
voyèrent leurs filles. M"" Cain-
CAM
pan eut le mérite de former, non-
seulement des mères de lamille ,
mais des femme» aimables. L'im-
pératrice Joséphine, alors M"" de
Beaiiharnais, deux ans avant son
mariage avec le général Bona-
parte , confia à M"* Campan l'é-
ducation de sa fille Hortense , de-
puis reine de Hollande , et celle
de sa nièce, Emilie de Beauhar-
nais, devenue si noblement célè-
bre par son dévouement pour son
mari (M. de Lavalletle). Le géné-
ral Bonaparte, alors premier con-
sul, visita l'établissementde Saint-
Germain; y plaça Caroline Bona-
parte , sa plus jeune sœur, depuis
reine de ÎSaplcs, et Stéphanie de
Beauharnais,sa fille adoptive, de-
puis grande -duchesse de Bade.
M""Campan nenégligea rien pour
orner l'esprit de ses élèves; et
deux années de suite, la belle Ira-
gédied Esther, jouée avec grâce et
décence, rappela à Saint-Germain
les célèbres représentations qui,
un siècle auparavant, avaient eu
lieu à S'-Cyr. Cependant Napoléon
fonda, pour les filles des olliciers
de la légion-d'honneur, la maison
impériale d'Écouen. M"" Campan,
nommée directrice et sur-inten-
dante de celte maison, concur-
remment avec M. le comte de La-
cepède, grand -chancelier delà
légion -d'honneur, organisa ce
vaste et utile établissement ; y fit
régner l'ordre le plus sévère, et,
durant sept années de soins et de
surveillance, s'y créa des titres
nouveaux;\ l'attachement de ses é-
lèves,à la reconnaissance de leurs
familles, et à l'estime de la socié-
té. Au retour du roi, la maison
d'Ecouen fut supprimée; les jeu-
nes filles qui s'y Irou valent furent
CAM
5;
placées à Saint-Denis, elles fonc-
tions de M"" Campan cessèrent.
Tante du célèbre et infortuné ma-
réchal Ney, M"*^ Campan a vu ,
depuis (juelques années, sa fa-
mille en butte à de grands mal-
heurs. La perte des êtres les plus
chers est venue successivement
Taflliger dans sa retraite; et la
mort d'un fils unique a mis der-
nièrement le comble à ses dou-
leurs. Mais si de pareilles infor-
tunes peuvent avoir des consola-
tions, M"" Campan doit les trou-
ver dans le souvenir d'une vie
utile, et dans rattachement des
jeunes femmes qui, n'oubliant
pas qu'elle a été leur mère, lui
composent encore une famille.
C'est auprès de l'une d'elles
qu'elle pleure aujourd'hui son
fils. Ce fils, M. Henri Campan,
fut nommé, en 1807, auditeur au
conseil-d'étal. Pendant l'occupa-
tion de la Prusse, il exerça à Ber-
lin les fonctions de directeur-gé-
néral des postes. Depuis, envoyé
successivement en Espagne et
en Italie, il s'acquitta de ses dif-
férentes missions avec sagesse et
talent. Nommé , par la suite ,
commissaire -général de police
à Toulouse, il sut, dans cette
place de confiance, concilier l'ac-
complissement de ses devoirs a-
vec de louables ménagemeus
pour les administrés : ceux qui, en
181 5, exercèrent la police, ne
suivirent pas son exemple. Hen-
ri Campan, alors retenu à Mont-
pellier par une maladie grave, fut,
sans autre motif que sa parenté
avec le maréchal Ney, arraché de
son lit par des forcenés prêts à
le massacrer, et traîné dans un
cachot, où il resta plusieurs moi^
58 CA.M
malade et sans secours. Les ré*
damations de M. de Lally Tolen-
dal mirent fin à ces cruautés aus-
si lAches qu'horribles. Rendu à
sa famille, Henri Campan me-
nait une vie consacrée au travail,
lorsque dans les premiers mois de
1821, une maladie, qui d'abord
donna peu d'inquiétude, est ve-
nue l'enlever presque subitement
à sa mère et à ses amis.
CAMPANA (N.), né à Turin
vers l'année 1770, d'une famille
honorable, avait fait de bonnes
études et se destinait à la profes-
sion de médecin, lorsque les ar-
mées françaises, en 1793, portè-
rent en Italie les principes qui
animaient leur nation. Plusieurs
jeunes Piémontais, enflammés de
l'amour de la liberté, quittèrent
leur pays et vinrent grossir les
rangs de l'armée républicaine.
Le jeune Campana, qui était de
ce nombre, fui accueilli par le
général en chef, et reçu dans la
la légion des Allobroges en quali-
té de sous-lieutenant. Il était ad-
judant-commandant à l'époque
de la réunion du Piémont à la
France, et fut nommé préfet
d'Alexandrie, département de Ma-
rengo. Cet état lui convenait peu;
il sollicita et obtint de rentrer au
service, mérita la croix de com-
mandant de la légion-d'honneur
à Austerlitz, et fut coupé en deux
par im boulet àla bataille d'Eylau.
CAMPBELL (Thomas), le plus
pur et le plus pathétique des poè-
tes anglais vivans. Les mœurs
patriarcales ou sauvages ont trou-
vé en lui un peintre fidèle. Les
passions douces qu'il aime à pla-
cer au mjlieu des solitudes y ac-
tjiiitnent, jiar leur pureté même.
CAM
une énergie nouvelle et singuliè-
re. Ses vers sont concis et doux,
quelquefois polis avec un soin
qui nuit ù la grûce; mais toujours
harmonieux et jamais vides de
pensée. Il a débuté par les l*Lai^
sirs de l' espérance (1799), poë-
me, où il a su, par les cliarmes
de l'harmonie et d'une sensibili-
té pleine d'abandon, faire oublier
la monotonie didactique des ta-
bleaux qu'un tel sujet amène et
enchaîne. L'exaltation vive et pé-
nétrante qui anime l'un des plus
beaux morceaux du poëme (sur
le démembrement delà Pologne),
a fait verser des larmes àKoscius-
ko lui-même, que l'auteur y
avait célébré d'une manière di-
gne de lui et de la liberté. Plu-
sieurs morceaux très -courts,
mais d'une poésie parfaite et d'u'
ne pensée profonde ont succédé
aux Plaisirs de l'espérance, et
ont acquis en Angleterre une po-
pularité d'autant plus honoralile
que les critiques délicats, dans
leurs revues, et les hommes du
peuple, en répétant les refrains
de Campbell, ont concouru àl'é-
tablir. Tels sont la Bataille de Ho-
henlinden, Lochiel^ la chansoa
des Matelots, etc. Un petit roman
en vers , intitulé : Gertrude de
PFfoming, est regardé comme
son chef-d'œuvre. Dire que Ger-
trude a plusieurs traits de ressem-
blance avec Paul et Virginie et
la Chaumière indienne, c'est as-
sez en faire l'éloge. La similitu-
de serait plus grande encore, si
Campbell n'était bien inférieur à
Bernardin pour la contexture de
la fable, et si une précision pous*
sée à l'excès ne donnait quelque
roideur à ses Strophes spencérien-
CAM
nés. D'ailleurs, c'est le même in-
térêt m«';lancoliqne , les mêmes
vertus de la nature peintes avec
une délicieuse naïveté, la même
fraîcheur de coloris. Faisons des
vœux pour que nul traducteur
maladroit ne vienne profaner cet-
te belle production. Le seul ou-
vrage en prose qu'il ait publié,
est inihuXé: Annales du règne de
Georges 111, jusqu'à lapaix d' A^
miens. Le public y a moins trou-
vé son compte que le libraire.
On prétend que Campbell a écrit
pour le ministère, dans plusieurs
journaux, et qu'il jouit encore
d'une pension ainsi gagnée à la
pointe de sa plume. Nous ne som-
mes pas assez sfirs de ce fait pour
en faire la matière d'un reproche.
Il est né à Glascow, en 1777.
CAMPE (Joachim-He?«ri), l'un
des plus célèbres philologues al-
lemands de l'époque, a beaucoup
écrit pour l'enfance , avec celte
clarté et cette simplicité qui seules
conviennent à cet âge. Né à Bruns-
wick, en 1746, il étudia la théo-
logie , fut aumônier d'un régi-
ment, dirigea l'institut de Dessau,
que le fougueux Basedow venait
de quitter {f^. Basedow), et a-
près avoir fondé et dirigé succes-
sivement plusieurs maisons d'é-
ducation , il se relira près de
Brunswick dans une maison de
campagne où il vit encore. Il
s'est occupé de théologie et de
métaphysique; mais il a su por-
ter dans chacune de ces deux
sciences une clarté et une sagaci-
té peu communes. On remarque
parmi les ouvrages qu'il a com-
posés dans ce genre : Les FaciUtés
dont est douée l'dnie humaine de
sentir et de penser f tic, Leipsick,
CAM
^9
1776; Petite Psychologie pour
les enj'ans , Hambourg, 1780;
ouvrage simple, clair, précis, où
l'auteur procède par une série
très-bien enchaînée de raisonne-
mens invincibles, sans jamais al-
ler chercher dans le ciel et dans
les mystères d'une foi ténébreu-
se les principes de sa doctrine,
comme les ignorans physiciens,
qui trouvaient dans les nuages la
source inconnue du Nil. Ses tra-
vaux philologiques ne sont pas
moins recommandables; peut-ê-
tre a-t-il poussé trop loin ce dé-
sir d'épurer la langue allemande,
qui, sous prétexte de séparer l'i-
diome national d» tout alliage é-
tranger, pourrait bien le réduire
en définitive A une complète in-
digence. Qui ne sait que les lan-
gues se forment comme les mé-
taux au sein de la terre, d'une
multitude d'agrégats dilfércns,
qui s'identifient et changent de
substance en se combinanli'Com-
bien d'idées plus familières à tel
peuple se trouvent rendues, dans
tel idiome, par un mot mille foi»
plus énergique, plus simple, plus
approprié que dans aucun autre?
Pourquoi dédaigner les richesses
intellectuelles des nations étran-
gères, tandis que l'on recherche
avec tant d'ardeur les conquêtes
matérielles et sanglantes que fait
le glaive sur l'étranger ? Au sur-
plus, le Dictionnaire allemand de
Campe, Brunswick, 1807 — 181 1,
5 vol. in-4"; ses Echaiitilloius île
quelques tentatives pour enrichir
la langue allemande, BrunsM ick,
1791 - 1794; son Dictionnaire des
expressions étrangères, etc. , ï8oi,
Brunswick, 3 vol. in-4"; ^f'" Kssai
sur les termes scientifiques, etc. y
6o
CAM
Brunswick, in-8°, i8o4; ouvrages
d'un goût sévère et d'une grande
érudition, auxquels ont beaucoup
contribué d'ailleurs les plus sa-
vans littérateurs et grammairiens
de l'Allemagne, assurent à Cam-
pe une place très-distinguée parmi
ceux de ses contemporains qui se
sont occupés de ces matières. La
grande popularité qu'ont obtenue
ses traités d'éducation élémentai-
re, est une preuve incontestable
de leur mérite. Les plus connus
et les plus curieux comme les plus
utiles sont : Petit Livre de mora-
le à l'usage des enfans, 1777, é-
dition latine, 1781; Petite Biblio-
thèque des en^ns , Hambourg,
1779 — 1784? 12 vol. in-i6;/rt
Découverte de l' Amérique, Ham-
bourg, 1782, 3 vol.; Révision gé-
nérale de toutes les matières re-
latives à l'instruction et à l'édu-
cation, Hambourg, 1785 — 1792;
Abrégé en trois volumes, Wurtz-
bourg, 1800 — i8o5, etc., etc. Ses
Lettres écrites de Paris, pendant
la révolution, offrent peu de con-
naissance des mœurs françaises et
des événemens qui ont amené la
révolution, mais on y trouve une
candeur et une bonhomie dans
les erreurs mêmes, qui les excu-
sent à peu près. Avec plus de pro-
lixité, moins de déclamation et
moins d'intérêt, ses Lettres sur la
France et l'Angleterre offrent les
mêmes qualités et les mêmes dé-
fauts. H a aussi attaqué, dans un
ouvrage ex-professo (1790), cette
çxaltation de pensée, cette senti-
mentalité fébrile, qui se sont em-
parés depuis quelque temps de
toutes les jeunes têtes alleman-
des, et qui menacent tous les
jours d'une explosion singulière.
CAM
Écrivain laboric x sensé, spiri-
tuel, il a peu de profondeur dans
les vues, il a de la grâce et de l'a-
bandon dans le style, une certaine
éloquence facile et douce, peu de
traits saillans, une imagination
qui ne connaît point d'écarts, et
un talent qui ne s'élève pas jus-
qu'aux grands mouvemens, mais
qui s'abaisse rarement jusqu'au
trivial, et ne tombe jamais dans
le ridicule.
CAMPENON (Vinceht), né à
Grenoble , en 1775. Neveu du
poète Léonard, il a marché de
bonne heure sur les traces de son
oncle. H fit, à 18 ans, le Foyage
de GrenobleàClianibéry, et don-
na ce titre à son premier ouvra-
ge. Ce Toyage , écrit en vers et
en prose, à la manière de Cha-
pelle et de Bachaumont, est une
agréable description d'im pays
plus charmant encore; il contient
des détails fortamusans, et qui
plaisent plus particulièrement à
ceux qui connaissent la superbe
vallée de Grésivaudan,et les bords
fertiles de l'Isère, dans cette par-
tie de son cours. Campenon est
auteur de VEpilre aux femmes;
de quelques jolies poésies légè-
res, et particulièrement de/rtyJ/fli-
son des champs, poëme, où la sé-
cheresse des préceptes didacti-
ques , exprimés dans un style
élégant et agréable, est souvent
tempérée par des traits d'esprit
et de sentiment. Ces pièces an-
nonçaient du talent et de la faci-
lité. Son poëme de V Enfant pro-
digue lui ouvrit les portes de
l'institut; il y prit, en 1812, la
place de M. Delille. W était alors
commissaire impérial du théâtre
de l'Opéra-Comiqne, et chef-ad-
CAM
joint de la première division de
l'université. Le roi le nomma che-
valier de la légion-d'honneiir, le i5
septembre i8i4>^^^cnseurroyal,
le 24 octobre suivant. Ce ne lut
que le j6 novembre de la même
année, que M. Campenon pro-
nonça son discours de réception
^l'institut. Onyremarque ce pas-
sage, à l'occasion de l'abbé Delil-
le. «Pourquoi craindre de répéter
» ce que toute la France a dit? On
»a employé tous les moyens de
^séduction pourobtenir quelques
«vers du Virgile français, tout a
«échoué ; il est resté fidèle à l'in-
» flexibilité de l'honneur, et rien
nn'a pu interrompre le cours de
«son silence courageux; silence
»que les plus beaux vers n'au-
I) raient jamais pu égaler.» Cette
•phrase est belle, sans doute, mais
n'en peut-on pas conclure que
l'auteur de la Requête des rosiè-
res de Salency, à S. M. l'impé-
ratrice, n'a pas cru , en compo-
sant cette jolie pièce, avoir con-
tracté un engagement de la na-
ture de celui auquel Delilleestres-
té fidèle ? Le 1" janvier 181 5, M.
Campenon fut nommé secrétaire
du cabinet du roi , et des menus-
plaisirs, sous les ordres du duc de
Duras. A la rentrée de Napoléon,
il avait réclamé son emploi de
commissaire impérial du théâtre
de rOpéra-Comique. M. Campe-
non a été conservé dans la nou-
velle organisation de l'académie
française, en mars 181G. Il n'a
rien publié depuis long-temps.
Le déplorable état de sa santé,
l'a sans doute empêché de ter-
miner, jusqu'à présent, un poè-
me, dont le Tasse est le héros. On
lui doit plusieurs édition:» des œu-
CAM
61
vres complètes de Léonard, de
celles de Demoustier, et un choix
de celles de Clément Marot.
CAiMPER (Pierre), s'est occu-
pé, avec succès, de physique, de
philosophie , de médecine , de
chimie, et d'anatomie. Né à Ley-
de, le II mai 172Û, d'un minis-
tre protestant , il se trouva de
bonne heure dans la compagnie
de savans distingués; eut pour
maîtres les plus fameux profes-
seurs de son pays, et partit après
la mort de ses vieux parens , pour
visiter l'Europe. De retour dan»
son pays , Camper occupa plu-
sieurs chaires, et publia divers
ouvrages neufs et précieux, sur
les matières dont il s'occupait;
par exemple : Denionstrationuni
anatoniico-pathologicarum lihri
duo, Amsterdam, 1760 à 1762,
2 vol. \n-ïo\\o', Icônes herniarum,
Francfort-sur-le-Mein , 1 80 1 , in-
folio ; De certo in medicind, etc.,
etc. Ses voyages , et la mobilité
d'un esprit toujours porté vers de
nouveaux objets, l'empêchèrent
de terminer de grands ouvrages.
Il ne donna que des mémoires,
mais qui, tous, ont marqué, et
dont plusieurs ont été couronnés
par les académies de Dijon, Lyon,
Toulouse, Harlem, Edimbourg.
Membre des sociétés royales de
Gottingue, Londres; des acadé-
mies de Berlin, Pétcrsbourg, etc.,
il fut, avec Boerhaave, le seul
Hollandais associé à l'académie
des sciences de Paris. Plusieurs
observations de Camper ont été
fécondes ; citons celles sur le la-
rynx de lorang-outang, sur la
courbure de l'urètre; sur divers
points de l'anatomie comparée.
Uarduns-nous d'oublier qu'il fut
lili
CA^l
l'un des premiers ;i deviner l'exis-
tence de ces énormes races anté-
diluviennes , dont les restes se
découvrent chaque jour aux yeux
surpris des générations nouvel-
les. Plusieurs dissertations de
Camper, sur la f^aricté de la Phy-
sionomie des liommes ; sur Le beau
dans les arts ; sur les passions qui
se nianifessent sur le visage , etc.,
ont jeté delà lumière sur ces sin-
gulières recherches. MM. Cu-
vier, Vicq-d'Azyr, Condorcet, et
A. G. Camper, son fils, ont par-
lé de lui avec des éloges que la
postérité ratifie déjà. Un de ses
plus bizarres et de ses plus savans
ouvrages, est une Dissertation
sur les souliers , 1 79 1 , traduit par
Jansen. La politique abrégea ses
jours: le Iriomphed'un parti, dont
il n'approuvait point les actes ,
jeta une telle amertume sur sa
vie, qu'il mourut le 7 avril 1789,
victime d'une douleur qu'un
philosophe aurait dû surmonter;
mais" préférable du moins à celle
qui mit le grand Racine au tom-
beau.
CAMPMAS , avant la révo-
lution, exerçait, à Alby, dans le
Languedoc , la profession d'avo-
cat. En 1789, il fut député aux
états-généraux, et en 1,792, à la
convention nationale. Dans le
procès de Louis XVI, il vota pour
la mort, contre l'appel, et contre
le sursis. Après la retraite de la
convention, il a été commissaire
du directoire, et ensuite magis-
trat de sûreté, à Alby, jusqu'en
1810. £n 181 5, au moi» de mars.
Napoléon le nomma président de
la cour impériale de Toulouse ;
mais la loi du 12 janvier i8i6 l'é-
loigna de la France.
CAM
CAMPO-ALANGEL (le dic
Negretédel), fils d'un riohe four-
nisseur des armées que Charles
III avait élevé au raogdecomtet
La protection du prince de la
Paix valut au fils le titre de grand
d'Espagne. Ambassadeurde Char-
les IV auprès de la cour de Vien-
ne, il parut avec beaucoup d'é-
clat dans cette capitale. Revenu
en Espagne, il embrassa la cause
du roi Joseph, qui lui conféra les
titres de grand-chancelier de son
ordre, et de capitaine-général des
armées espagnoles. Le duc del
Campo fut ensuite envoyé à Pa-
ris, comme ambassadeur, et il
s'y vit retenu par les circonstan-
ces qui replacèrent Ferdinand sur
le trône d'Espagne. Il est mort le
i3 mars 1818, à l'âge de 82 ans.
CAMPOCHIARO (le duc de),
Napolitain, était, en i8o5, capi-
taine des liparotes, espèce de ca-
valerie des chasses, qui faisait
partie de la garde de Ferdinand.
Il resta dans le royaume de Na-
ples, lorsqu'à l'approche des trou-
pes françaises le roi se retira en
Sicile avec sa famille. En 1806,
le roi Joseph appela le duc de
Campochiaroau conseil-d'état, et
le fit ministre de la maison roya-
le. Le roi Joachim le nomma
grand -dignitaire de l'ordre des
Deux-Siciles et ministre de la po-
lice générale; il en exerça les fonc-
tions avec douceur et habileté.
Les autorités françaises du gou ver
nement général de Rome n'eu-
rent qu'à se louer des relations
habituelles, que l'intérêt des deux
pays avait établies avec le duc de
Campochiaro. Sous son ministè-
re, on n'entendit point parler de
conspirations, soit qu'il sût les pré-
CAM
tenir ou les réprimer à temps,
soit qu'eu effet il ne s'en furmrit
plus alors. Plusieurs missions di-
plomatiques ont été confiées k M.
le duc de Campochiaro; les plus
importantes furent celles d'am-
bassadeur de Naples près l'empe-
reur Napoléon, et de ministre du
roi Joachim au congrès de Vien-
ne, en i8i5. Cette dernière mis-
sion n'eut point de succès; moins
parce que l'ambassadeur manqua
d'habileté que parce que le prince
manqua de prudence. A l'époque
de la révolution du mois de juil-
let 1820, le duc de Campochiaro
fut nommé ministre des affaires
étrangères du royaume de Na-
ples. Ayant contresigné la fameu-
se circulaire adressée aux provin-
ces par Zurlo, ministre de l'inté-
rieur, à l'occasion du départ de
Ferdinand pour Laybach, ces deux
ministres furent destitués et ap-
pelés devant le parlement napo-
litain. M. le duc de Campochiaro
y fut accueilli avec bienveillan-
ce, mais il ne reprit point le por-
tefeuille du département des re-
lations extérieures, et depuis ce
temps il a vécu éloigné des affai-
res, ou du moins il n'a occupé
aucun emploi public.
CAMPOMANÈS (uoi« Pedro-
RoDniGt'Ez, COMTE de), né au com-
mencement du 1 8"' siècle, dans le
royaume des Asturies. Il passait
pour le jurisconsulte le plus habi-
le et le plus désintéressé de toute
l'Espagne. En 1 765, il fut nommé,
par Charles 111, fiscal du conseil
royal etsupr^-me de Caslille. Plu-
sieurs discours et mémoires qu'il
publia vers ce temps, contribuè-
rent beaucoup à perfectionner les
institutions de l'Espague. Elle lui
CAM 63
dut la liberté du commerce des
grains, d'utiles règlemens contre
la mendicité, et la suppression de
divers abus dans la manière de
percevoir les impôts. Le comte
de Campomanès ne rendit pas à
sa patrie un service moin? signa-
lé en travaillant à l'expulsion des
jésuites , conjointement avec le
comte d'Aranda. Président du con-
seil de Caslille à l'avènement de
Charles IV au trône, il fut bientôt
nommé ministre d'état; mais en-
suite il fut écarté du conseil, et
sacrifié h la jalousie du comte de
Florida-Blanca. Campomanès, qui
n'avait dû son élévation qu'à son
mérite, supporta celte disgrâce
avec toute la dignité du sage : il
mourut au commencement du siè-
cle, dans un âge avancé.
CAMPREDON (le baron Mar-
tin de), né à Montpellier. Il ap-
partenait à une famille recom-
mandable, de la classe des com-
merçans. Il était fort jeune, lors-
qu'il entra dans le corps du génie;
de grandes connaissances relati-
ves À cette arme, lui procurèrent
un avancement rapide. Il était
général dedivision en i8o5. Char-
gé, à celle époque, de la direc-
tion des travaux de Manloue, il
rendit des services réels; et il ne
se distingua pas moins . l'année
suivante , à la prise de Gaëte.
Ayant passé au service du roi
.loseph, dès son avènement au
trône de Naples, il fut décoré,
en 1808, de la grand'croi.t
des Deux-Siciles, et en 1809, il
eut le portefeuille de la guerre,
que quittait le général Régnier,
Après av(»ir fait, avec les trou-
pes napolitaines, la campagne de
Runsie , le général Camprcdoa
C'
CAM
s'enferma dans la place de t)ant-
zick. Lorsqu'elle succomba, il fut
conduit , comme prisonnier de
guerre, à Kiew, sur le Dnieper;
mais la paix, conclue en iSif\,
lui permit de revenir en France.
Le général Campredon est grand-
officier de la légion-d'honneur,
et il passe, avec raison, pour un
des meilleurs officiers de l'arme
du génie.
CAMUS (Armakd-Gaston), na-
quit à Paris, le 2 avril 1740. Dans
le cours des études relatives ;\ la
profession d'avocat, qu'il voulait
embrasser, il s'occupa surtout des
lois ecclésiastiques. Il dut à ses
connai.><sances profondes dans cet-
te partie du droit, la place d'avo-
cat du clergé de France": et peu de
temps après, il y joignit les titres
de conseiller de l'électeur de Trê-
ves , et de conseiller de la maison
de Salm-Salm. Ces dilférens pos-
tes auraient pu devenir très-lucra-
tifs; mais Camus avait conservé
celte indépendance de caractère
qui doit être le partage des es-
prits distingués, et le goût des
lettres ne lui permettait guère de
se livrer assidûment à des occu-
pations plus arides. Ses principes
étaient connus; la ville de Paris
le nomma député aux états-géné-
raux. Membre du tiers-état, il
défendit avec chaleur la cause
du peuple; dès son début dans la
carrière , on put remarquer en lui
une franchise politique, dont mal-
heureusement les orateurs de la
tribune, et les hommes d'état, ne
se font pas toujours un devoir. Il
eut beaucoup de part à la résolu-
tion qui transforma la députation
du tiers-état en l'assemblée natio-
nale, ainsi qu'à cette fameuse séan-
CAM
ce du Jeji'de-Paume, qui renversa
les plans du ministère. Entière-
ment livré dès lors à des tra va uxde
finance, et à ceux qui préparaient
l'organisation civile du clergé, il
ne quittait la tribune où il en ren-
dait compte, que pour réunir au
sein des comités de nouveaux ma-
tériaux. Il ne fut jamais étranger
à ce qu'on proposa sur ces objets,
et généralement il parlait sur tou-
tes les questions importantes. Il
s'exprima avec force en faveur de
l'établissement de la constitution
civile du clergé; et il dénonça
avec énergie-, à l'assemblée, le
Livre-Rouge, où étaient inscrits
les noms de tant de personna-
ges qui n'avaient pas perdu tou-
te leur influence. En insistant
sur l'abus des pensions accordées
sans mesure , il se plaignit des
dépenses des ministres, et il s'é-
leva contre la coutume de livrer
aux fermiers- généraux le pro-
duit des impositions. Il ménagea
si peu le ministre qui avait le plus
joui de la faveur populaire, que
ces diff"érens, entre ^eckeretlui,
devinrent de Tinimilié. Il pronon-
ça plusieurs discours sur la sup-
pression des divers ordres, et par-
ticulièrement de celui de Malte.
Il s'opposa au projet d'acquitter
les dettes du comte d'Artois. Vou-
drait-on, dit-il , faire payer à la
France les dettes d'un particu-
lier ? Ces mots si simples furent
couverts d'applaudissemens. Les
tantes du roi ayant quitté le ter-
ritoire de la France , il proposa
de saisir leurs revenus, et en mê-
me temps, d'exiger du roi qu'il
ordonnât à sa famille de ne point
se séparer de lui. Quelques jours
aprèS;, il demanda même une ré-
duCtioQ dans la liste civile'; qui
s'élevait alors à 35, 000,000, Mais
'bientôt le roi lui-mOme voulut
quitter la France, et Camus fut
un de ceux qui en montrèrent
le plus d'indignation ; il accusa
tour à tour les minisires, Bailly,
M. de La Fajette, et même les
intentions du roi. Mais si Camus
n'épargnait pas les grands, il ne
pardonnait pas davantage à ceux
qui ne voyaient, dans le nouvel
ordre de choses, qu'un moyen de
rapines , et qui feignaient de s'at-
tacher aux principes, dans l'es-
poir de l'impunité. Camus était
un homme droit; il désirait sur-
tout le soulagement des maux pu-
blics et particuliers. Latude, vic-
time de la haine de M°" de Pom-
padour , et d'autres infortunés
qui avaient rendu des services à
l'état, trouvèrent en lui un sou-
tien. Il avait été secrétaire, et en-
suite président de la première as-
semblée ; il ne fit point partie de
la seconde , mais on le nomma.
Vers cette époque, conservateur
des archives nationales, et biblio-
thécaire du corps-législatif. Lors-
que le département de la Haute-
Loire le choisit pour la conven-
tion nationale, il était exaspéré
par le sentiment des maux que
préparait, depuis long-temps, la
continuelle hésitation du gouver-
nement; et d'autres députés par-
tageaient cette disposition d'es-
prit, qiâ devait avoir elle-mê-
me des suites funestes. Secrétaire
tic la convention, Camus obtient
une commission pour la conser-
vation des monumens des scien-
ces et des arts , et une augmen-
tation de solde pour la garnison
de Paris; il provoque la mise en
T. IV.
CAM
6î
accusation des ministres dilapi-
dateurs ; il sollicite la vente du
mobilier des émigrés, ainsi que
des communautés religieuses; il
obtient le rejet d'une exception
demandée par le duc d'Orléans ,
en faveur de sa fille émigréc; enfin
il propose de déclarer Louis XVI
coupable , et ennemi"de la nation.
Immédiatement après, au mois
de décembre 1 792 , Camus est en-
voyé dans la Belgique, pour exa-
miner le fondement des réclama-
tions de Dumouriez contre le
ministre de la- guerre , et contre
les commissaires du trésor. Dans
le compte qu'il rendit de sa mis-
sion , Camus insista sur le danger
de ne pas laisser, entre les mains
des généraux, les moyens de
mettre à exécution leurs plans de
campagne. Après un second voya-
ge dans la Belgique , où il était
chargé de suivre les opérations
de l'armée . il entra au comité de
salut public. C'est durant cette
seconde mission qu'il envoya, dit-
on, de Bruxelles, son adhésion
au jugement de Louis XVI : cir-
constance qui du reste n'eut au-
cune influence sur le sort du mo-
narque, puisque Camus n'assista
pas aux appels nonùnaux. Bien-
tôt le comité le chargea de de-
mander i\ la convention que Du-^
mouriez fût appelé à la barre. Il
retourna ensuite dans la Belgi-
que, avec trois autres commis-
saires de la convention, Quinet-
te, Bancal, et Lamarque; ils é-
taient accompagnés du général
Beurnonville, ministre de laguer-
re ,. et ils avaient ordre de sur-
prendre et de mettre en arresta-
tion les généraux suspects. C'est
<]amu3 qui se charge de signrfiOr
66 CAM
à Dumouriez le décret de la con-
Yenlion^ et de lui enjoindre de
se présenter devant elle pour ren-
dre compte de sa conduite. Mais
Dumouriez, dont on se défie avec
raison , et qui se propose de mar-
cher sur la capitale avec ses trou-
pes, pour y opérer une sorte de
révolution -concertée avec l'é-
tranger, l'imprudent Dumouriez,
dont lu position est déjà difficile,
et qui pourtant n'abandonne pas
ses desseins, à la fois perfides et
mal concertés, répond ironi-
quement aux envoyés de la con-
vention , et même il leur fait en-
tendre que les dangers sont sur-
tout pour eux. Camus, que n'inti-
mident ni les menaces du géné-
ral, ni les murmures des officiers
de son état-major, lui demande
expressément s'il veut , ou ne
veut pas obéir. Dumouriez fait
encore une réponse évasive;mais
Camus lui déclare qu'il le suspend
de ses fonctions, et il donne l'or-
dre de s'emparer de lui. Alors le
général fait un signe, et quelques
hussards, à qui il parle en alle-
mand, saisissent Camus et ses
trois collègues, dont Beurnonvil-
le veut absolument partager le
sort; ils sont remis entre les mains
des Autrichiens, et conduits au
fond de la Moravie , après avoir
été traînés dans les prisons de
Maëstricht et de Coblentz. C'est
dans Olmutz, où ils furent déte-
nus long-temps, que Camus , iné-
branlable dans cette sorte de fier-
té républicaine qui le caractéri-
sait, refusa de se découvrir de-
vant un prince souverain d'Alle-
magne. Ce ne fut que le 25 dé-
cembre 1795 que Camus, ainsi
que ses collègues, et les citoyens
CAM
Maret et Semonville, furent é-
changés , à B;1le, contre la prin-
cesse, fille de Louis XVI. Camus
fut un des députés qui passèrent
de droit, de la convention au con-
seil des cinq-cents. Il en eut la
présidence, le a5 janvier 1796,6!
le 28, il refusa le portefeuille des
finances, que lui destinait le di-
rectoire. Il donna de nouvelles
preuves de son zèle, dans toutes
les discussions susceptibles de
quelque intérêt général, ou dans
les travaux de la commission des
finances, dont il fut un des mem-
bres les plus laborieux. Le 20
mai 1797, il quitta le corps-légis-
latif, et, cessant de s'occuper des
aff"aires publiques, il se livra aux
occupations littéraires, dont la ré-
volution l'avait détourné. Membre
de l'institut dès la foritiation de
ce corps, il se chargea de recueil-
lir, dans les départemens réunis,
des matériaux pour l'histoire. li
avait conservé sa place à la tête
des archives, et la crainte de la
perdre ne lui fit pas abandonner
sesprincipes, lorsque des registres
furent ouverts pour manifester
le vœu public sur la question
du consulat à vie. Son vote ré-
publicain fut connu du premier
consul, qui ne lui en fit pas un
crime. Quelques années après,
un accident abrégea ses jours ;
une attaque d'apoplexie à la suita
d'une fracture, les termina le a
novembre 1804. Camus avait,
dans les intentions, toute la rec-
titude de l'honnête homme; mais
son humeur sévère , et son carac-
tère inflexible jusqu'à la dureté,
altérèrent l'estime que lui méri-
taient ses qualités . lui suscitèrent
Jjeaucoup d'ennemis, et l'empè-
CAM
cbèrent souvent d'opérer le bien
qu'il eût voulu produire. Il a réu-
ni, avec constance, des inclina-
tions dont l'accord paraîtdiflicile.
11 était républicain avec enthou-
siasme , et il était pieux avec
bonhomie. Ouvertement opposé
aux prétentions de la cour de Ro-
me , il lui fit perdre et les anna-
les, et le co.mtat Venaissin, qu'au
reste elle ne pouvait conserver
long-temps. Mais il passait cha-
que jour des heures entières au
pied d'un grand crucifix de bois ,
suspendu dans sa chambre. Il
parlait avec une grande facilité;
cependant il s'est distingué bien
plus dans les délibérations parti-
culières sur les lois, que dans la
discussion des principes politi-
ques. Travailleur infatigable, il
a laissé de nombreux ouvrages
qui méritent du moins d'être con-
sultés. Les principaux sont : Lct-
ù'es sur la profession -d'avocat,
et Bibliothéqiu; choisie des livres
de droite ï//^» >777> et i8o5,
2 vol. in-12; 2° Histoire des ani-
maux d'/iristote, avec le texte
en regard, 2 vol. iu-4°, 178^;
5° Code judiciaire , ou Recueil
des décrets de l'assemblée natio-
nale et constituante, sur l'ordre
judiciaire , 1 792; 4" Manuel d^ L-
pictete, et Tableau de Cébès, Pré-
sent d'un père captif a ses en-
fans , i796eti8o3, 2 vol. in- 18;
5" Mémoires sur la collection des
grands et petits voyages, et sur
la collection des voyages de Mel-
chisédec Thévenot , in-4°, 1812;
d'Histoire et procédés du pulyty-
page et du stéréotypage , in-8"',
1802; 7" f^'oyagjs dans les dé-
partemens nouvellement réunis.
La littérature doit ii Camus la
CAN 67
conservation des mémoires lais-
sés par les corporations; il a aussi
contribué à la rédaction du Jour-
nal dti' savons y et ù celle de la Bi-
bliothéque liisloriffue de l\rance.
CANAVERI (Jean -Baptiste),
savant évêque de Verceil, fils du
premier magistrat de Borgomaro,
y naquit je 25 septembre 1755.. A
18 aps, l'uni versité de Turin le ju-
gea digue d'être reçu' docteur.
Ses connaissances embrassaient
toutes les sciences, et à l'Sge de
aS aas il se voyait recherché des
savans les plus distingués. Elo-
quent prédicateur, il improvisait
SOS sermons. En 1797, il tut nom-
iné à l'évêché de Bielle, et ^acré à
Rome le i5 juillet de la même
année. En i8o4, d'après l'invita-
tion du pape, il donna sa démis-
sion, comme le firent alors tous
les évêques du Piémont, à cause
(le la nouvelle organisation des
diocèses, nécessitée par l incor-
poration de ce pays i'j l'empire
français. En i8o5, Çanaveri ob-
tint le siège de Verceil, auquel
son ancien évêché se trouvait féu-
ni : il y mourut le i5 janvier
1811, avec le liuc J'anmOnier
de Madame, mère de l'empereur
Napoléon. Il avait publié des
Manden{ens, des Lettres pastora-
les, des Panégyrif/ues de plusieurs
sahits; mais le plus important de
ses ouvrages est : ISotizia com-
pcndiosa dei monasteri délia
Trappafondatidopo la rivoluzio-
ne (Il /''rancia, Turin, 1794, in-
8". Toutes les productions de Ça-
naveri, en latin et en italien, sont
recouiniandables sous le rapport
du style; plusieurs sont restées
manuscrites.'
CANCELLIERI (l'abbé Fran-
08
CAV
çois), Cet l'un des biographes
les plus patiens et les plus minu-
tieuxquc Ponpuisse citer. Le norr»''
bre des notices qu'il a pui)li»;*e3 est
effrayant. On compte de lui une
douzaine d"élo^es,une foule d'ar-
ticles publiés dans les journaux,
et des traités sans nombre i, qui
contiennent les titres de tout ce
qui a été écrit depuis le comment-
cernent dû monde, sur les sujets
bizarres qu'il a choisis. Il a fait les
éloges de beaucoup de gens obs-
curs etde quelques gens célèbres,
de l'écrivain Amaduzzio et du
éordinol Borgia, etc., etc. ; de
Giovtna<zzi, Gualtani, Renazzi,
etc. Ha donné une Histoire uni-
^effSt\\odcsCiochès,en 1 vol. In-*
4°» »8o6, et celle de tous les
Saints qui ont extvcé ta mêdeci-
ce} celle des Seât^ctairës du Vati-
can, i»-4°j Rome, 1^88-, et celle
du Vatican lui-même et de toutes
ses chapelles (en plusieurs yolit-
mes et sous plusieurs tilres diffé-
rent) ; àe Christophe Colomb et
de la Placé Navdne. On peut re-
garder cotnrtië les plus curieux de
hti ouvrages, ceux qu'il -i publiés
Je plue «^ci^einment, \\\n intitulé :
Les s^ept Choses fatales de l'an-
eienneRàme, in-12, i8i5; et l'au-
tre, consacré à donner l'histoire
des Hommes doués d'une grande
/némoire,. iSi5, in-8°. Le premier
de ces ouvrages est dédié à l'ar-
chéologue MilHn, dont tous les
écrits sont rangés en l'orme dé
catalogue à la fin du volume; on
dirait que, dans la pensée de l'au-
teur, les travaux des antiquaires
modernes sont une des sept c/îo^e^
fatales de la vieille Rome; et que
c'est l'une des infortunes atta-
chée? à la destinée de la ville éter-
è.4N
tiellè, quefei disctissions abscu-
res des sàvatis qui se disputent
sur ses fuihes. L'abbé François
Cancell!en,néàNovare,en i^/jfî,
a suivi dans ces dernières années
les tristes variations de l'Église,
sans que son ardeur pour l'étude
s'affaiblît un seul instant. ïl est
aujourd'hui à Rome.
CANCLAUX (Jeaît- Baptiste-
Camille), coitJte, lieutenant-géné-
ral, grand-officier de la légion-
d'honneur et pair de France, né
à Paris en 1740 5 ^f''''* ttiajor îiu
régiment de Conti, cavalerie, en
1789. L'émigration d'un grand
nombre d'ofllciers fut favorable
à son avancement, et il devint
successivement colonel, maré-
chal-de-camp et lieutenant-géné-
ral. Il avait ce grade, en ijgS,
lorsqu'on le chargea du comman-
dement en chef de l'armée de la'
république réunie sur les bords
de la Loire, pour s'opposer aur
progrès des royalistes. Rendu au
quartier-général à Nantes, il y fut
bientôt assailli par 60.000 Ven-
déens qui vinrent assiéger la vil-
le : illes battit, les repoussa, les
défit de nouveau A Saint-Sympho-
f ien, le 6 octobre i jgS, et le jour
même de cette victoire reçut l'ar-
rêté du comité de salut public qui
le rappelait, lui donnant pour suc-
cesseurs les généraux Rossignol
et Léchelle, dont l'incapacité fut
depuis signalée. Après la chute de
Robespierre, en 1794» il fut nom-
mé de nouveau général en chef
de l'armée de l'Ouest. Il établit la
fameuse légion nantaise, qui se
distingua en tant d'occasions, et
accéléra par ses succès la pacifi-
cation de la Vendée en 1793. Au
commencement de 1796, il fut
I
CAS
chargé de se reudre dans le Midi
pour y réunir les premiers élé-
inens de celte invincible armée
d'Italie qui, sous le commande-
ment du général Bonaparte, s'est
acquis une gloire imii^orlelle.
Nommé, en 1797, à l'ambassade
d'Espagne, il resta un an dans ce
pays, l'ut envoyé avec le même
titre près du roi desDeux-Siciles,
et représenta dignement la répu-
jilique française à Naplcs. A son
retour en France, le général Cau-
daux fit partie du bureau militai-
re institué parle directoire. Nom-
mé inspecteur-général de la cava-
lerie, et commandant delà i4""
division après le 18 brumaire, il
fut présenté par Napoléon au sé-
nat-conservateur, qui l'admit au
nombre de ses membres le 19
octobre 1804, Quelque temps a-
près, l'empereur le décora du
grand-aigle de la légion-d'hon-
neur. JKn i8i5, lorsque l'invasion
de la France se préparait, il fut
chargé de se rendre aux frontiè-
res pour y prendre des mesures
dont les circonstances ne per-
mettaient guère d'attendre un ré-
sultat heureux; mais il remplit sa
mission avec autant de modéra-
tion que de zèle. Le 4 juin 18147
le roi le nomma pair de France :
au mois de mars 1 8 1 5, Napoléon,
revenu de l'île d'Elbe, le main-
tint sur la liste des pairs, dont
il fut rayé par l'ordonnance du
roi du a4i">ilct- Cependant com-
me il n'avait pas siégé à la cham-
bre pendant l'interrègne, il fut
quelque temps après réintégré
dans ses fonctions. Le comte Cao-
claux est mort le 5o décembre
1817. Invariablement attaché à
ses devoirs, il s'était montré dès
€AN
«9
le commencement'de la révolu-
tion patriote sans exagération, et
avait donné l'exemple de tous les
sacrifices dans l'ordre de la no-
blesse dont il faisait partie.
CANCiVINUS (François-Lovis
de), né le 21 février 1758, à Brei-
tenbach dans le pays de Darm-
stadt. Il occtipa d'abord les pla-
ces de contrôleur de la monnaie
et de contrôleur des bâtimens ci-
"Vils à Hanau ; il fut ensuite pro-
fesseur à J'École-Milituire de Cas-
sel, et enfin conseiller principal
d6 la chambre dans la même vil-
le. Il quitta ces dernières fonc-
tions pour se rendre à Altcnkir-
chen dans le comté de Sagn, ov'i
il remplit celles de commissaire
du gouvernement. L'année sui-
vante, l'empereur de Russie lui
donna les titres de directeur des
mines, et de conseiller du collège
impérial. Kn 1786, Cancrinu»
se retira dans la liesse, à Gies-
sen, où il resta jusqu'en 1793.
Alors il fut nommé conseiller-d'é-
tat à Saint-Pétersbourg. Il a pu-
blié, en allemand, sur l'adminis-
tration publique, la minéralogie et
la métallurgie, de nombreux ou-
vrages qu'où estime, et dont plu-
sieurs même sont devenus clas-
siques. On regardecomme les pUi$
importans : l' Dissertation pruti-
que sur l'exploitation, et la pré-
paration du cuivre, ia-S", Franc-
fort, 17C6; Description des prin-
cipales mines situées dans la
liesse, dans le pays de fValdeen,
dans le Harz, dans les districts
de Mannsjeld et de Saalfeld, t^t
en Saxe, in-4*» Francfort, 1767 ;
3' Principes élémentaires de la
science dçs mines, 12 vol. in-8*,
1773— 1791. Cet ouvrage p4!>-
yè CAN
?ef)Ourlc plus* complet et le meil-
leur qu'on possède sur cette ma-
tière. 4° Introduction à la doci-
mastique et à la métallurgie, in-
8% Francfort. 1784; 5° Mélanges
sur l'économie, en douze disser-
tations, in-^', Riga, 1786 — 1787;
6" Histoire et description systé-
matique des mines situées dans le
comté de Hanau- Munzenberg,
in-8% Leipsick, 1787 ; 7" Ofuis-
citles technologiques, 6 vol. in-8°,
1788 — 1 790 ; 8° Dissertations sur
le droit hydraulique (et mariti-
me), 4 vol. in-8", 1789 — 179^);
9" Mémoires sur les constructions
rurales, 2 vol. in-8°, Francfort,
1791 — 1792; 10° Principes de
l'architecture civile, conformé-
ment à la théorie et à la prati-
que, in-4". Gotha, 1792 ; 1 1" Dis-
sertation complète sur les poêles
et cheminées en usage dans l'em-
pire russe, et sur les moyens d'en
perfectionner la construction, 8
vol. in-8°, Marburg, 1807. D'au-
tres dissertations de Cancrinus,
sur les fourneaux et sur la cons-
truction des puits, offrent aussi
beaucoup d'idées neuves et uti-
les. On peut voir le détail de ses
travaux multipliés, dans l'histoi-
re littéraire delà Hcsse, parStri-
der, et dans le dictionnaire des
auteurs allemands, par Meusel.
CANDEILLE (Julie Simons),
ancienne actrice du Théâtre-Fran-
çais, et l'une des femmes les plus
heureusement douées par la na-
ture : l'art a un peu gûté son ou-
vrage. Le grand acteur, Monvel,
qui avait remarqué cette jeune et
belle personne, sur le théâtre de
Lille, en 1790, ia fit entrer au
théâtre du Palais-Royal , démem-
brement du Théâtre -Français,
CAN
du faubourg Saint-Germain, au-
quel la troupe entière vint se réu-
nir au commencement de 1791.
M"" Candeille, tout à la fois actri-
ce , auteur et musicienne, n'ob-
tint néanmoins, sur la scène, que
des succès contestés , qui la déci-
dèrent à quitter le théâtre, pour
épouser un riche fabricant de
Bruxelles; les circtTnslances dra-
matiques de ce mariage méritent
de trouver place ici. M. -Simons,
qui avait fait le voyage de Paris,
pour détourner un de ses fils d'un
mariage qu'il était sur le point de
contracter avec une comédienne
célèbre par sa beauté, s'adressa
à M"" Candeille, dont on lui a-
vait vanté la raison , la conduite
et l'esprit, pour l'aider de ses con-
seils, dans cette négociation dif-
ficile ; mais tel fut l'effet des con-
férences qu'ils eurent ensemble à
ce sujet, que M. Simons prit exem-
ple d'un fils dont il blâmait la
conduite, et épousa lui-même
celle qu'il avait choisie pour mé-
diatrice. Le conte de la Bergère
des Alpes , de Marmontel , avait
donné à M"" Candeille l'idée de
la comédie de Catherine, ou la
belle Fermière. Comme l'auteur
joua le principal rôle dans sa piè-
ce , on ne manqua pas de voir un
défaut de modestie dans le titre
de l'ouvrage, et la critique, ou
plutôt la jalousie, lui fit expier
son succès. Il est certain, cepen-
dant , que cette comédie avait été
reçue sous le titre de la Fermière
de qualité, et que l'époque où
cette pièce fut représentée (dé-
cembre 1792) détermina seule le
changement d'épithète que l'on
remarqua sur l'alFiche. Les jolis
airs de cette comédie sont de
CAN
M"* CandeîUe, ainsi que ceux de
la Jeune Uotfsse, comédie dont
elle est également auteur. La
Bayadtre , autre comédie de M"'
Candeille , où elle avait cru trou-
Ter un cadre heureux pour faire
briller à la fois tous ses talens,
n'obtint aucun succès. Cange, ou
le Commissionnaire de Saint-
Lazare , petite pièce de circons-
tance , jouée eu 1794? suffirait
■K pour répondre aux calomnies
m dont l'auteur a été l'objet. En
1807, elle a fait jouer à l'Opéra-
Comique, Ida ^ ou l'Orpheline
de Berlin, comédie en 2 actes,
mêlée d'ariettes : les paroles et
la musique sont de sa composi-
tion. M""* Candeille-Simons, de-
puis qu'elle a quitté le théâtre ,
a publié le roman de Bathilde ^
où l'on remarque des situations
d'un haut intérêt; et Jgnès de
France, roman historique , etc.
CANDOLLE, voyez Decan-
DOLLE.
CANNEGIETER (Heumann) ,
fils de Henri Cannegieter, rec-
teur du gymnase d'Ornheim. Il
naquit dans cette ville, en 1725,
et il y commença ses études. C'est
à Leyde, où il fit son droit, qu'il
reçutle grade de docteur, en 1 744?
après avoir soutenu une thèse
de UiJJicilioribus quibusdam juris
capiuùus. Cannegieler exerça les
fonctions d'avocat près le tribu-
nal supérieur de la Gueldre, et il
obtint, en 1750, une chaire de
professeur de droit à Franckcr.
Il est mort le 8 septembre 1804.
On a de lui : 1° De arâ Junonis
pellici non tangendâ , in-4'', im-
primé à Leyde, en 1745» pendant
le cours de ses études ; 2" De
mullipUci et varia veterum juris-
CAN 71
consultorum doctrinâ , discours
prononcé le jour qu'il fut reçu
professeur en droit, Francker,
1761 ; 5" Observationes ad colla-
tioneni léguai mosaicaruni et ro-
manarum, in-4% Francker, 1 760;
enfin Observations sur le droit ro-
main, in-4% Francker, 1761. Ces
deuxderniersouvrages, et particu-
lièrement celui du droit romain,
ont assuré à Cannegieter un nom
parmi les jurisconsultes les plus
savans. On lui attribue les notes
ajoutées à la cinquième' édition
des Antiqidtcs de Hennecius.
CANNEGIETER (Jean), frère
du précédent. Il s'est distingué
comme lui dans la jurispruden-
ce. Il fut nommé, en 1770, pro-
fesseur à l'académie de Gronin-
gue; et c'est dans cette ville qu'il
mourut, il y a quelques années.
On a de lui plusieurs ouvrages
en droit, dont voici les plus im-
portans : Ad dijjiciliora quœdani
juris capita animadversiones ,
in-4% Francker, 1704; Domitii
Ulpiani fragmenta libri singula-
ris regularuni , et inerti autoris
collatio legum, mosaicaruni et
romanarum, cum nntis, Utrecht,
1768. Il faut y joindre le discours
qu'il prononça, comme profes-
seur, le jour de sa réception; il
est intitulé : Oratio de romano-
runi jurisconsultorum excellen-
tiâ et sanctitate , in-4°, Gronin-
gue, 1770.
CANNEMAN (Elias), né à
Amsterdam. On le destinait au
notariat, mais la révolution de la
Hollande lui inspira d'autres i-
dées. M. de Gogel l'ayant remar-
qué dans un club, lui fit obtenir,
en 1798, la place de greffier de»
finances. En i8o5, il était secré-
;a CAN
taire de celte admini'-trniioii; et
ensuite, quand lu Hollande se vit
réunie à la France, il fut direc-
teur des contributions directes à
La Haye. En i8i5, M. Canne-
man se déclara en faveur de l'in-
dépendaiice de son pays, et ce
lut lui qui rédigea la proclama-
lion du 21 novembre, par laquel-
lele prince d'Orange appelait aux
armes toute la nation. Nommé
commissaire -général des finan-
cer, il réorganisa l'ancien systè-
me des contributions indirectes.
Il fut ensuite appelé au conseil-
d'état, et chargé de la liquidation
avec la France. M. Canneman
passe pour un des hommes du
royaume des Pays-Bas qui enten-
dent le mieux l'administration des
finances.^
CANNES (François), savant
ecclésiastique, né à Valence en
Espagne. 11 passa une partie de
sa vie dans l'Orient, en qualité de
missionnaire. Il avait été durant
seize années au collège de Saint-
Jean, à Damas, lorsqy'à son re-
tour en Espagne, il "publia sa
Grammaire arabt -espagnole ,
avec un Dictionnaire arabe-es-
pagnol dans lequel on se sert des
mots les plus usités dans la con-
versation familière, avec le texte
de la Doctrine Chrétienne dans
l'idiome arabe, in-4°) Madrid,
1775. Plus tard, le comte de Cam-
pomanés le décida à faire paraî-
tre son Dictionnaire espagnol-
latin-arabe, dans lequel, en sui-
vant le dictionnaire abrégé de
l' (académie, on trouve les mots
correspondans en latin et en ara-
b{;, pour Jacililer l'étude de la
langue arabe aux missionnaires ,
el à ceux qui voyagent ou com-
CAN
mercent dans l'Jfrique et dan" le
Levant, 3 vol. in-folio, Madrid,
1787. Cannes était membre de
l'académie royale d'histoire de
Madrid : il mourut dans cette vil-
le en 1795.
CANNING (Geobge), fds d'un
poète médiocre, naquit en Irlande,
en 1770; il se fit connaître, dès
sa plus tendre jeunesse, par quel-
ques pièces de vers faciles, entre
lesquelles on distingua une élégie
touchante surTasservissement de
la Grèce; ce début de M. Can-
ning annonçait un ami de la li-
berté : il n'a pas tenu parole. Ce
poète imberbe choisit la carrière
du barreau, et, favorisé de la for-
tune, sans avoir formé de liaisons
avec les chefs du gouvernement,
sans avoir encore donné de preu-
ve marquante d'habileté comme
écrivain littéraire, sans annoncer
même aucune disposition com-
me orateur politique, il se trou-
va, en 1795, à 20 ans, membre de
la chambre des communes. Quel-
ques vers plaisans, dans le sens du
ministère, avaient attiré sur lui
les regards du fameux Pitt, et lui
méritèrent toute la protection de
ce ministre. Des manières aima-
bles avaient pu concourir à cette
singulière élévation; l'opposition,
quoique soupçonneuse de sa na-
ture vit sans prévention le nou-
veau favori du ministère, et She-
ridan lui-même fit en plein par-
lement l'éloge anticipé du jeune
orateur, qui attendit un an pour
justifier cette prophétie. Au com-
mencement de 1794» à l'occasion
du traité à conclure avec le roi de
Sardaigne, il donna, dans un dis-
cours emphatique, la mesure
exacte de son talent et de son dé-
GAN
Toucment minisléricl. Les inju-
res les plus violentes contre la
France, une admiration sans bof'
ncs pour les ministres anglais,
des contours de poètes latins pour
preuves, des phrases pour argu-
mens, telle se montra cette pre-
mière fois, et dans tout le cours de
sa vie politique, l'éloquence de
M. Canning quant au fond et
«juant à la forme : orateur agréa-
ble, mais à prétentions, son érudi-
tion guindée et son élégance sco-
laslique ont fait dire aux Anglais,
avec plus d'humour que de déli-
catesse d'expression, que son ta-
lent sentait le moisi. Réélu en
179G, il devint sous -secrétaire-
d'état aux affaires étrangères ,
aous le ministère de lord Gren-
ville. Son talent se développa
sans s'épurer; il acquit une oon-
fjance dans ses forces qui dégé-
néra eu outre-cuidance, et qui,
jointe à l'Screté naturelle de son
humeur, lui fit de nombreux en-
nemis.Toutes les fois qu'il se pré-
sentait une question continentale,
il la traitait avec une légèreté inso-
lente, avec une violence de per-
sonnalités qui unit par exciter
l'indignation des Anglais eux -mû-
mes. Plus d'une fois il fut obli-
gé de s'excuser sur l'ardeur de
son patriotisme, fne popularité
passagère marqua néanmoins cet-
te époque de sa vie politique, à
laquelle il est juste de rapporter
aussi les souvenirs honorables de
son vote et de ses discours dans
la question philanthropique de la
traite des Nègres. Bonaparte par-
courait rilurope e« vainqueur;
Pitt, effrayé, quitta le timon des
affaires; Canning et ses amis sui-
virent l'cxômple de leur chef. É-
CAN ;:.
lu de nouveau, à la chambre tics
communes, en i^oa, il attaqua le
chancelier de l'échiquier Adding-
ton, devint trésorier de la mari-
ne, et essaya de verser le ridicu-
le sur les opérations de Fox. Sa
verve satirique ne pouvait attein-
dre à une si grande hauteur. Ce-
pendant la fortune de George
Canning avançait toujours; et le
pouvoir, dont il s'était montré l'i-
nébranlable défenseur, lui fut
enfin conûé : il devint ministre
des affaires étrangères. Après a-
voir fait enlever la flotte danoise
avec une déloyauté que l'histoi-
re appréciera, après avoir prépa-
ré sans prévoyance la misérable
expédition contre Flessingue, il
fut blessé d'un coup de feu à lu
cuisse, non sur le champ de ba-
taille, mais dans le fameux et fu-
neste coin d'Hydc-Park, où il a-
vait appelé en duel son collègue
Castlereagh, au sujet de cette mê-
me expédition que ce dernier
n'approuvait pas. La blessure de
M. Canning fut l'issue d'un com-
bat singulier où l'indifférence
publique se partagea si parfaite-
ment entre les deux champions,
que le vaincu lui-même n'eut à
cet égard rien à envier au vain-
queur. M. Canning résigna sou
emploi, et fut réélu au parlement
en 1812. Les droits des catholi-
ques, qu'il soutint avec zèle et ta-
lent pendant cette session, avaient
néanraoinsbesoin pour triompher
d'une éloquence plus énergique
que la sienne. Pendant deux ans
il s'occupa de celte causehonora-
ble; mais comme s'il se fût re-
penti, l'année suivante, d'avoir
déserté si long-temps les banniè-
res du pouvoir, il se prononça vio-
74 CAN
lemment contre l'indépendance
delà Norwège. En 1814» ii reput
le titre d'ambassadeur en Portu-
gal ; véritable sinécure dont la
parfaite nullité excita le rire de
ses amis eux-mêmes. En retour-
nant à Londres, en 18 iG, il passa
par la France; et c'est la rougeur
sur le Iront que nous sommes
forcés de dire que l'insolent dé-
tracteur, que le pacifique et cons-
tant ennemi de la France, fut re-
çu à Bordeaux comme un triom-
phateur. Nos anc^'lres vaincus
réellement par les Romains , ne
traitaient pas leurs maîtres a-
vec cette lâche servilité. C'est
une pénible tâche que celle qui
nous fait un devoir d'un pareil
aveu. La quatrième réélection de
M. Canning à la chambre des
communes, par la ville de Liver-
pool, le 12 juin 1816, ne se passa
pas sans tumulte, et il fallut que
MM.Shepherdet Lejlau,ses deux
compétiteurs, lui cédassent leurs
droits pour qu'il sortît vainqueur
de cette lutte des laistins^s , pen-
dant laquelle les débris des ban-
quettes et les fragmens de bou-
teilles, mirent plus d'une fois en
danger la vie du candidat minis-
tériel : ce qui n'empêcha pas
qu'après un succès si violemment
contesté, M. Canning fut porté
en triomphe par ses partisans.
Président du hureau des Indes,
ambassadeur extraordinaire près
de la république Helvétique, il
ne manqua bientôt plus rien à sa
fortune, à son pouvoir, et à l'es-
pèce de réjiutation qu'il paraît a-
voir ambitionnée. Ce favori de la
fortune n'est après tout qu'un de
ces sujets d'étonnement dont l'his-
toire offre beaucoup d'exemples.
CAM
Avec quelque talent, un grand
fond d'impudence, beaucoup de
souplesse dans l'esprit, et surtout
avec une haine invétérée contre
la France, en Angleterre on ar-
rive à tout.
CANOVA (Antoine), statuaire,
né en 1757, à Possagno, village
des états de Venise, dans le Tré-
visan. On dit qu'à l'âge de 12 an»
il présenta, sur la table du sei-
gneur de Possagno, un lion en
beurre qui fixa son attention, et le
porta à favoriser les dispositions
naturelles du jeune artiste. A 17
ans, Canova fit une Eurydice en
marbre mou, de demi-grandeur,
ouvrage dans lequel il était difïï-
cile de découvrir le germe du ta-
lent qu'il a montré depuis. Admis
à l'académie des beaux-arts de Ve-
nise, il y remporta plusieurs prix;
et lorsqu'il partit pour Rome, le
sénat lui accorda une pension de
3oo ducats, à titre d'encourage-
ment et de récompense pour un
groupe de Dédale et d'Icare, qui
cependant n'est remarquable que
par une imitation assez parfaite,
mais sans grâce, d'une nature mal
choisie, et telle que peut l'offrir
un modèle pris au hasard dans une
classe souffrante et dégradée par
la misère. On ne sait si Canova
attache quelque prix à cet ouvra-
ge, dont on voit le plâtre dans
son atelier; mais il ne peut servir
qu'à marquer son point de dé-
part, et l'immense distance à la-
quelle il a laissé derrière lui ses
premiers essais. La composition
du Mausolée do pape Clément
XIV (Ganganelli) à Rome, est en
général assez médiocre. La Reli-
gion a quelque chose d'un peu
mondain; mais déjà le talent de
. /ry.
m/ r/'a
(Jrtnri/ i>,
t'rfin y ,ie/ , *f J'ft,/n .
CAÎI
Canora se manifeste dans la belle
tête de vieillard qu'ofiVe le buste
du pape. Ce mausolée, fait en
1784 et en 1780, a été gravé par
Vitolli. Au bas de la gravure dé-
diée au chevalier Jérôme Zulian,
ambassadeur à la Porte ottomane,
Cauova prend le titre desculpleur
de PossagnOy et dit à ce cheva-
lier, qu'il nomme le Périclès de
notre siècle, /^o^ire *ono le opère
mie perche vostro sono. Canova
s'exprimait ainsi, ily a trente ans;
depuis , il a renoncé aux concettij
■ et sa reconnaissance a pris un lan-
% gage plus convenable. En 1786,
^ il composa le groupe de I'amoi'r
et PSYCHÉ couchés^ sujet tiré de
la fable d'Apulée. Il y a dans ce
groupe plus de nianière que de
grâce véritable. Presque tous les
ouvrages sortis depuis du ciseau
de Canova sont exempts de ce
mauvais goût. Nous allons les
rappeler aux amateurs des beaux-
arts , et faire connaître où les
principaux se trouvent mainte-
nant. Psyché debout, tenant par
les ailes un papillon posé dans
sa main; c'est une statue gra-
cieuse, et de grandeur naturelle.
Au bas de la gravure, que Bertini
en afaite,Canovaaplacé ces deux
vers philosophiques du Dante:
N^n vi accorfttt voi chc noi liamo vtrmi
Nati a formarCangtUca farfalU?
Nt voyez voui pat que nom sommes ces vers
tr«s pour devenir le p»pillon angilique?
Canova disait de cette statue :
C'est un des péchés de ma jeu-
nesse. Une femme célèbre par sa
beauté, sa bienveillance et son
esprit , lui répondit : Canova,
questi non sono peccdli mortali.
VÉsi s ET Adonis. Ce groupe a été
gravé par Bertini , et se IrouYC à
CAN
75
Naples. Canova l'a dédié à la du-
chesse de Calabre. Marie Magde-
LEiNE repcntaïUe; statue de petite
nature, et l'un des plus célèbres
ouvrages de Canova. Il l'avait
destinée à son pays natal; mais
après avoir passé par plusieurs
mains, cette statue est devenue
la propriété de IVI. de Somma-
riva , et se trouve dans la belle
galerie que cet amateur éclairé
des arts possède à Paris. L'amour
ET Psyché debout. Les deux figu-
res qui composent ce groupe
sont de grandeur naturelle; mais
on ne sait pour quelle raison le
statuaire a donné à l'Amour une
taille moins forte que celle de
Psyché. Ce groupe, dont la gra-
vure fut dédiée à l'impératrice
Joséphine , se trouvait à Malmai-
son. Canova l'a répété pourl'em-
pereur de Russie. Perséi:, tcnantia
tête de Méduse, qu'il vient de cou-
per. Celte statue, gravée par Mar-
chetti, et dédiée au chevalier Jo-
seph Bosio, peintre milanais, qui
l'avaitachetée, futensuite acquise
par le pape Pie VII, et mise , pen-
dant quelque temps, à la place de
l'Apollon, dont elle a les dimen-
sions, le mouvement et la pose:
ailleurs on l'eût peut-être admi-
rée ; là, les souvenirs de la statue
grecque ne furent pas favorables
à la statue romaine. En 181 5, le
Dieu ravi aux rives de la Seine,
a repris son piédestal. Ferdinand
IV, roi de Naples , en costume
romain, le casque en tête, et en-
veloppé d'un large manteau , quL
lui couvre l'épaule et le bras gau-
che. Le modèle de cette statue
colossale (elle a 17 palmes de
hauteur) avait été fait en 1707.
Mais Cuuuva a'avuit comuicucé
76 CAN
à l'exécuter en marbre, qu'en
i8o5, el ce travail fut abandonné
pcndantl'occupation du royaume
de Naples par les Français. Le
roi Joacliim, passant à Rome, la
vit dans un coin de l'atelier du
statuaire, et ordonna à l'auteur
de l'achever. C'est, dit-il, un mo-
nument qui appartient à L'histoire
du royaume. L'infortuné Murât
ne prévoyait pas alors le sort fatal
que cette espèce de restauration
prophétisait. Kbengan et Da-
MoxENE, athlètes. Ils ont été ex-
posés, il y a quelques années, au
salon, et ils y firent peu d'effet;
c'est une imitation de cette natu-
re courte, épaisse et lourde, qui
servait de modèle aux anciens sta-
tuaires romains, et que les statuai-
res de la nouvelle Rome ont en-
encore chaque jour sous les yeux.
Ces deux statues, de grandeur na-
turelle, ont été dédiées au cardi-
nal Consaivi, et sont placées au
musée du Vatican. Hébé versant
LE KECTAR. Cette statue, de gran-
deur naturelle, a pour appui un
tronc d'arbre, singulièrement pla-
cé : elle appartient à l'empereur de
Russie.Bertinienafait la gravure.
Hercule, LANÇANT Lycas contre vu
ROCHER. Cegroupe colossalse voit
à Rome, dans le palais du ban-
quier Torlonia, ducde Branciana.
Napoléon, ayant le sceptre dans
la main gauche, et dans la droite,
un globe sur lequel on voit un
génie qui tient une palme et une
couronne. Cette statue, que quel-
ques personnes ont désignée sous
le nom de Mars pacificateur, est
devenue, par un caprice de la
fortune, la propriété du géné-
ral >Yellington. Blucher aurait pu
la réclamer, et Bulow aussi. Cet
cah
ouvrage peu estimé manque de
noblesse. A l'époque où il fut
composé , le vainqueur d'Aus-
terlitz, qui cependant avait pour
l'auteur une prédilection mar-
quée, ne put s'empêcher de sou-
rire et de s'écrier, en se voyant
figuré sous des formes athléti-
ques : Canova croit donc que je
Jais mes conquêtes à coups de
poing. Le dessin de cette statue
a été gravé par Racciani , et Ca-
nova l'a dédié à la république de
Saint-Marin, en reconnaissance
de ce que cette république l'avait
admis au nombre de ses conci-»
toyen.7. Mausolée te Marie-
Christine, ARCHIDUCHESSE d'Au-
triche. C'est un des meilleurs
ouvrages de l'auteur; il est placé
dans l'église des Augustins , à
Vienne, en Autriche. Canova a
fait graver séparément la Bien-
f aisance , l'une des figures de ce
mausolée, et l'a dédiée à l'auteur
des Nuits romaines, et de la Sa-
pho italienne, le célèbre comte
Verri. La mère de Napoléon, de
grandeur naturelle, imitation de
l'Agrippine assise, qu'on voit au
Capitole; elle est devenue la pro-
priété du duc de Devonshire. Vb-
Rus VICTORIEUSE. La déessc est
couchée, et tient la pomme. A la
vue de cette statue, le lord Caw-
don, à qui elle est dédiée, enga-
gea l'auteur à entreprendre celle
d'une nymphe, aussi couchée,
mais dans une autre attitude. Ca-
nova a exécuté cette statue , qui
appartient au roi d'Angleterre. Une
circonstance remarquable, c'est
que Vénus victorieuse est of-
ferte sous les traits de Pauline
Bonaparte, princesse Borghèsc.
VÉNUS SORTANT DU BAIN ; le carac-
CAN
1ère et le mouvement de la tête
sont presque les mêmes que dans
la y'énus deMédicis. Thésée vain-
queur DL- CENTAIRE, grOUpe Coloâ-
sal, formé de deux blocs, qu'on
pourrait appeller deux rochers de
marbre, il était destiné A la rille
de Milan. Les trois grâces; ce
groupe , remarquable par l'agen-
cement gracieux des figures, l'é-
légance des formes, la souplesse
des mouvemcns, et la beauté des
têtes, est maintenant voilé parle
jonr sombre et brumeux de la
Grande-Bretagne : il appartient
au roi d'Angleterre. La beligioS
covronkée et radiée, soutenant
une croix et un écu, sur lequel
9ont, en relief, les figures de
Saint-Pierre et de Saint-Paul :
statue colossale de 16 palmes de
hauteur. Canova l'avait offerte au
pape, comme un hommage et un
témoignage de reconnaissance.
Des dilficultés se sont élevées
quand il a été question de la pla-
cer» L'auteur, voyant qu'il était si
difficile de trouver à Rome une
place pour la Religion , a retiré
son oflVe généreuse; a vendu tout
ce qu'il possédait de biens dans
les états romains, et a fait cons-
truire, dans son pays, un monu-
ment pour sa statue. C'est une
rotonde, dont le frontispice est
copié strictement sur celui du
Parthenou d'Athènes; l'appareil,
le» dimensions, la construction
sont en tout semblables; il n'y au-
ra de différent que la matière. Le
Parthenon d'Athènes est en mar-
bre ; le Parthenon de Possagno
sera en pierre. Parmi les autres
ouvrages de Canova, on compte
Mars et Véni;s; la Paix et le3
<îBACBst groupe qui appartient au
CAN 77
roi d'Angleterre. Hector, tenant
une épée nue. Ajax, saisissant son
glaive. Saint Jean-Baptiste, en-
fant. Polymnie, assise. Terpsi-
CHOHE (cette statue appartient au
comte de Sommariva). La Pahc
AILÉE, foulant aux pieds un ser-
pent. Elle tient de la main droite
un rameau d'olivier, et de la gau-
che, un sceptre : on lit sur le fût
de la colonne , où elle s'appuie:
Paix d'Abo, i8o5; Paix dt Ca-
madsg)'^ i8o4; Paix de Frede-
rickscham, 1809. Cette statue, de
grandeur naturelle, appartient au
comte Roinanzoff. La Concorde,
sous les traits de l'impératrice
Marie-Louise; elle est assise te*
nant un sceptre et un disque. La
Piété, statue enveloppée de voi-
les, et les mains jointes, mais
seulement par l'extrémité des
doigts. La Dovceur, figure de
femme, assise; une autre femme
assise : c'est Léopoldine Pétérha-
tj Lichtenstein. Cette statue a
été gravée par Berlini. Lne dan-
seuse , ayant pour appui un tronc
d'arbre. Paris tenant la pomme.
On a vu ces deux statues à Mal-
maison; elles appartiennent main-
tenant i\ l'empereur de Russie.
Decx autres danseuses, de gran-
deur naturelle , l'une tenant des
cymbales, et l'autre, une cou-
ronne. La statue de Washington.
Le héros redevenu citoyen a mi'*
sous ses pieds le glaive libérateur
de l'Amérique , et grave sur des
tables les constitutions de son
pays. Cette statue doit être pla-
cée dans la salle du sénat de la
Caroline; Canova I*a dédiée à la
{grande nation américaine. Ou-
tre les mausolées dont nous avons
parlé, (Canova a fait le tombeau
r8
CAN
de la marquise de Santa-Crux ;
tombeaji commandé par cette da-
me , pour sa fille , et qui leur est
devenu commun, ainsi que le
constate celte simple et touchan-
te épitaphe : Mater InJcLicissinia
Jiliœ etsibi. {La plus malheureu-
se des mères , a sa fille , et a elle-
même.^ Il fit de plus le tombeau
dJAlfieri, où il a représenté l'I-
talie, pleurant sur les cendres de
ce célèbre écrivain. Celui de l^ol-
pato, où il s'est représenté lui-
même, pleurant la perte de son
ami. Ceux du comte Souza, am-
bassadeur de Portugal à la cour
de Rome; de Frédéric, prince
d'Orange, et un cénotaphe élevé
à la mémoire de Jean Fallieri,
sénateur véniticn:c'est un monu-
ment de la reconnaissance de l'au-
teur. Enfin le modèle d'un mau-
solée pour l'amiral Nelson. On a
encore de Canova son buste,
fait dans des proportions colossa-
les ; enfin un cheval destiné à por-
ter la statue de Napoléon. On dit
que ce cheval , plus grand que
tous ceux qui existent mainte-
nant en Europe, devait être fon-
du à Naples, et était destiné à
porter une statue équestre du
roi Ferdinand. Cependant Cano-
va avait modelé , pour ce même
cheval, une statue de Napoléon.
Cette statue regardait en arrière;
on fit observer à Canova que
cela ne plairait pus au héros; il
répondit : t' provache sta il pri-
m.0 di tutti. (Cela prouve qu'il est
le premier de tous.) Le roi Joa-
chimfut ensuite tenté de s'élever
sur ce grand cheval , mais la for-
tune ne lui en laissa pas le temps.
, Enfin il paraît que c'est à Charles
III, roi d'Espagne, qu'est rèser-
CAN
vé l'honneur d'aller à la postérité
sur ce coursier gigantesque. La
guerre et les troubles de l'Italie
en éloignèrent, pendant quelque
tempii, Canova; durant les an-
nées 1798 et 1799, il voyagea en
Autriche, et en Prusse. Au mois
de septembre 1802, il vint en
France, appelé par le premier
consul ; l'institut l'admit au nom-
bre de ses associés. C'est à cette
époque qu'il fit le buste colossal
c^eiVf/y^o/eon, qui n'eut pas plus de
succès que la statue, livrée depuis
à AVellington. Canova revint à
Paris, au mois d'août i8i5, pour
enlever les objets d'art, dont la
victoire et les traités avaient en-
richi le Musée français , et dont
la France fut dépouillée par ce
même abus de la iorce, contre le-
quel de fallacieusesproclamations
annonçaient que tous les rois de
l'Europe s'étaient armés. Canova
eut, ou prit, i cette occasion le
titre à.^ ambassadeur du pape; ce-
lui à'emballeur serait plus exact,
dit un grand personnage , qui se
connaît plus en missions diplo-
matiques qu'en missions ecclé-
siastiques. Quoiqu'il en soit, Ca-
nova, entouré de portefaix, se
hâta de remplir son ambassade
avec un vandalisme qui, au cou-
rage près, rappelle l'invasion de
l'ancienne Rome par les Barba-
res du Nord. Son expédition une
fois faite , Canova se rendit en
Angleterre , où il reçut du prince
de Galles unetabatière enrichie de
dianians. A son retour à Rome,
l'académie de Saint-Luc alla en
corps au-devant de lui. Le talent
de Canova lui a valu dautres dis-
tinctions; le pape l'a nommé pré-
fet des beaux-arts ù Rome; l'a créé
CAN
rheyalier, l'a fait marquis d'Is-
chia,- lui a donné une pension de
mille écus romains; et enlin dans
une audience solennelle, le 5jan-
■vier 1816, lui a remis un billet,
annonçant l'inscription de son
nom sur le livre du Capitole. Le
pape a beau faire : c'est Canova
qui est noble, et non le marquis
d'Ischia. Le talent de Canova
manque de cette étude forte de la
nature, qui donne le premier rang
aux ouvrages de l'art; ses figures
pèchent presque toujours par quel-
que partie, parce qu'il ne consacre
pas assez de temps à les étudier, et
peut-être , parce que ses connais-
sances, comme anatomiste , n'ont
pas été poussées assez loin. Mais
il a du feu, de l'énergie, de la grâ-
ce ; et il possède le secret de don-
ner à ses ouvrages on ne sait
quel charme qui est le caractère
particulier de son talent. Comme
il a peu travaillé d'après l'anti-
que , ses statues ont plus de sou-
plesse que celles des artistes qui
se sont formés sur des modèles
inanimés. Ses figures de femmes
surtout sont faites pour inspirer
au spectateur le désir de voir se
réaliser la fable gracieuse dePyg-
malion. Non content de ce que
son talent leur donne de sédui-
sant , Canova abuse de procé-
dés factices , pour procurer i\ son
marbre les teintes, le velouté,
le brillant dont il croit avoir be-
soin. En un mot, Canova est in-
contcstnblemeot un artiste d'un
mérite supérieur; mais on l'a sur-
nommé, à juste titre, le Delille
de la sculpture : il a fait de bons
ouvrages et de mauvais élèves; et
comme chef d'école, il ne peut a-
Toir sur l'art qu'une influence pcr-
CAN
■9
nicieuse. Il s'occupe aussi de pein-
ture; mais ses succès en ce genre
sont si malheureux qu'ils ren-
draient ridicule tout autre artiste.
11 a pour ses tableauxune faiblesse
vraiment divertissante; il les pré-
sente au public avec plus d'amour
peut-être que ses statues. Il n'y a
qu'un homme de son talent qui
puisse avoir un pareil travers. On
a vu les plus beaux génies pré-
férer leurs plus mauvais ouvra-
ges. C'est comme ces bonnes mè-
res, qui aiment mieux leurs en-
fans contrefaits. Fort sensible aux
hommages de ses rivaux, il en
jouit avec un abandon qui fait
l'éloge de son cœur. Mais on peut
lui reprocher une faiblesse peu
excusable, dans un homme d'un
vrai mérite. Canova est injuste
envers l'école française; envers
cette école, qui a produit plu-
sieurs artistes supérieurs à tout
ce qui existe, et entre autres le
divin PugHt. le gracieux Bouchar-
don ; cette école qui, malgré la
perte douloureuse et récente de
Chaudet et de Roland, possède
encore des lalens qui peuvent a-
voirdes rivaux, mais qui n'ont de
maîtres que parmi les chefs de la
sculpture française, ou les grands
artistes de l'antiquité. Un compa-
triote célèbre de Canova, a laissé
un mémorable exemple du senti-
ment de justice que se doivent
les artistes de toutes les nations.
Bernini, appelé en France pour
refaire la colonnade du Louvre,
répondit aux détracteurs de Per-
rault par un cri d'admiration.
Ce fait seul sulïirait à la gloire
du célèbre Italien; une belle ac-
tion vaut encore mieux qu'un bel
ouvrage. Canova, toutefois, ra-
8o
CAH
chète ce tort, peu digne de lui,
par d'estimables qualités. Il use
honorablement d'une fortune ac-
quise par des travaux honorables.
Il a fondé des prix, et doté tou-
tes les académies de Home. Il ré-
serve des fonds pour faire travail-
ler les jeunes artistes, et pension-
ner ceux qui sont âgés et malheu-
reux. Accessible à de nobles sen-
limens de générosité et d'affec-
lioli, il associe à sa fortune son
vieil ami d'Esté, sculpteur, qui
futd'abord sou chef d'atelier; en-
fin il vit dans une union parfaite
avec son frère, l'abbé Canova,
homme instruit et savant hellé-
niste. Les ouvrages de Canova
ont été gravés parVitali, Bertini,
Marchetti , Raciani , Bertinelli,
Cameroti, Bonato et Fontana.
L'auteur en a formé le recueil; et
M. Boudin, chez lequel il se trou-
ve, a placé en tête le catalogue
de ses ouvrages, imprimé en ma-
gnifiques caractères de Didot.
CANOVAI (Stanislas), prêtre
des Ecoles-Pies , naquit à Flo-
rence, le 27 mars 1740- Il fit ses
études à l'université de Pise; s'a-
donna particulièrement aux ma-
thématiques, et devint professeur
de cette science, d'abord à Cor-
tone, ensuite au collège de Parme.
La petite ville de Cortone possè-
de deux académies, l'une des
sciences, l'autre d'antiquités é-
trusques. Le Père Canovai ayant
été reçu membre de celle-ci, en-
richit les recueils de celte société
d'un grand nombre de disserta-
tions savantes. Le comte de Dur-
fort, ambassadeur de France eu
Toscane , avait fondé un prix
pour l'éloge d'Améric Vespuce.
Canovai remporta ce prix, en
GAN
1788. L'ouvrage qu'il composa
sur ce sujet contient des obser-
vations philosophiques , et Ati
assertions singulièrement remar-'
quables par leur nouveauté. Après
avoir exposé ses idées sur le bien
et le mal qu'a produit la décou-
verte du Nouveau-Monde; après
avoir établi , à sa manière, le de-
gré de lumières et celui du pro-
grès des sciences où ce pays pour-
ra parvenir, l'auteur finit par sou-
tenir, contre l'opinion générale,
que c'est véritablement Améric
Vespuce qui a fait la découverte
de ce nouveau monde, ainsi que
du Brésil, et que Christophe Co-
lomb n'aborda en Amérique
qu'une année après Vespuce. Le
discours de Canovai était accom-
pagné de différentes pièces , à
l'appui de son assertion. Au nom-
bre de ces pièces, se trouvait une
lettre prétendue autographe d'A-
méric Vespuce, dont il fondait
l'authenticité sur la constructiort
des phrases, et les mots espa-
gnols de ces temps -là. Une expli-
cation claire et satisfaisante du
texte de cette lettre appelait une
grande faveur sur son opinion;
mais Canovai trouva des contra-
dicteurs. M. le comte Jean Galéa-
ni Napione, de l'académie de Tu-
rin, avait publié précédemment
une dissertation qui semble'prou-
ver que Christophe Colomb est né
dans un village du Montferrat : il
fit une suite à cette dissertattan ,
sous le titre à-'EXamen critique
du premier voyage d Améric V es-
puce au Nouveau - Monde. C'é-
tait une réponse au discours de
Canovai, dans laquelle il accor-
dait la priorité à son compatriote
Colomb, et lui décernait l'hon-
GAN
new d'avoir le premier reconnu
rAmériquc. Cette dispute polé-
inico-hislorique dura quelque
temps. Le Père Canovai , homme
de lettres distingué , était en mê-
me temps un ecclésiastique ver-
tueux, et d'une piété exemplaire;
ce fut lui qui assista le célèbre
Alfiéri, dans ses derniers mo-
niens. Canovai , plus âgé de neuf
ans, lui survécut huit ans encore,
et mourut à Florence, le 17 no-
vembre 1811, généralement re-
gretté de tous les habitans de cel-
te grande ville. Indépendamment
des ouvrages académiques dont
nous venons de parler, Canovai
a publié : i" Disscrtazione suUc
vicende dcLle longitudini f^cogra-
ficlie da'tempi di CesareAngusto
fino ÎL qiiello di Carlo (juinto; 2"
Riflezioni sul nietodo di risolvert
l'Equazioni mimer iche propos te
dal signore De la Grange; 3" la
traduction en italien des Leçons
élémentaires de matiiéniatiques
de Lacaille, ouvrage devenu clas-
sique dans les écoles militaires
d'Italie.
CANTACUZÈNE (le prisce),
d'une des plus anciennes familles
delaGrèce,suiviten llussiela car-
rière militaire, avec distinction,
jusqu'au grade de général-major.
I^orsque le cri de la liberté se fit en-
tendre, en 1 82 1 , dans son ancienne
patrie, le descendant de l'auguste
cénobite du mont Athos (JeanV,
tmpereur d'Orient), n'hésita pas
un moment à abandonner sa fem-
me , ses enfans , toutes ses espé-
rances de fortune, pourallercom-
buttre sous les ordres et sous les
drapeaux de son compatriote Yp-
jiilanti. Le bon droit ayant mo-
ujcutané succombé en Moldavie
GAN 81
et en Valachie, sous le nom-
bre des barbares oppresseurs des
Grecs, Gantacuzène passa dans
le Péloponnèse, où il continue
à servir, avec un zèle et un cou-
rage dignes de sa patrie et de son
nom, la cause sainte de la li»
bçrté.
CANIJEL (Simon), lieutenant-
général, parait être du petit nom-
bre de ces hommes qui, après
avoir embrassé et servi la cause
de la révolution avec une ferveur
peut-être trop ardente, en sont
ensuite devenus les détracteurs
les plus impitoyables, et ont cher-
ché à effacer d'anciennes traces en
revenant sur leurs pas. Né vers
1767, il suivit la carrière militai-
re, et y fit un chemin rapide au
commencement de la révolution.
Dès le milieu de 1795, il était em-
ployé, à l'armée de l'Ouest, avec
le grade d'adjudant<-général, et
l'on en trouve la preuve dans, le
Moniteur du 12 août de la même
année. Par une lettre du fameux
Rossignol, commandant en chef,
au ministre de la guerre Bouchot-
le, et datée de Saumur le 5, ce
général, non moins connu par ses
brigandages et ses massacres dans
la Vendée que par ses nombreu-
ses défaites, désignait l'adjudant
Canuel parmi les officiers-géné-
raux qui s'étaient particulière-
ment distingués à la prise de Doué.
Aussi M. Canuel ne tarda-t-il pas
i\ obtenir de l'avancement : il de-
vint général de brigade, et bien-
tôt après général divisionnaire,
le 28 novembre suivant. Il était
en même temps membre de la
société populaire de Lorient, et
l'on prétend qu'il présida quel-
quefois les députations que cetly
C
8a
CAiN
société eiivoy:ut à celle du Fort-
Louis, nommé alors l'orl-Liber-
té. Ces tlépiitations avaient j)our
but de scruter le civisme de quel-
ques fonctionnaires de cette der-
nière commune, afin de provo-
quer leur épuration. Mais ayant
vu les généraux llunsin et NVes-
termann, s?es anciens chefs, en-
Toyès à Téchafaud dans les pre-
miers mois de 1794» voyant aus-
si Rossignol sans cesse en butte
à de nouvelles dénonciations, le
général Canuel pensa qu'une re-
traite prudente pourrait seule le
soustraire à l'orage dont il était
menacé lui-même. Il ne reparut
qu'en 1796, sous le gouvernement
directorial , qui , après l'avoir
nommé commandant de la place
à Lyon, l'autorisa à mettre cette
ville en état de siégé. On lit dans
le Moniteur du 9 thermidor an 5
(27 juillet 1 797), une motion d'or-
dre faite À la séance du conseil
des cinq -cents, du 6 thermidor
(24 juillet), par iM. Mayeuvre, dé-
puté du llhône, pour empêcher
l'exécution de cette mesure révo-
lutionnaire, motivée sur le prétex-
te frivole qu'il se trouvait à Lyon
des ém igrés rentres o u des prévenu s
occupés de leur radiation. Lyon
n'en fut pas moins mis en état de
siège quelque temps après. Le gé-
néral Canuel ne fut employé dans
l'armée active, ni sous le consu-
lat, ni sous l'empire; il comman-
da seulement quelques places for-
tes, mais pendant tr€S-peu de
temps. A la première rentrée du
roi, en 1814, le général Canuel
lui offrit >es services, qui furent
agréés. Lorsque Napoléon revint
de l'île d'Elbe au mois de mars
iliiS, il se retira en Anjou, dans
CAN
une terre, et, pour faire oublier
ses campagnes révolutionnaires
de la Vendée, il alla se réunir en-
suite aux Vendéens insurgés. Il
avait servi contre eux sous le gé-
néral Rossignol; il servit avec eux
sous le marquis de Larochejaque-
lein, et devint chef d'état-major.
Après la seconde rentrée du roi,
le département de la Vienne le
nomma, au mois de septembre,
membre de la chambre des dé-
putés, stigmatisée du nom d'm-
trouvablc. Il y vota constamment
avec la majorité. Dans la séance
du 19 janvier 181G, il proposa
qu'il fût accordé des pensions aux
sous -officiers et soldats des ar-
mées catholiques et royales de la
Vendée, qui auraient reçu des
blessures graves,' et il termina son
long discours en déclarant qu'il
regrettait de ne pas savoir manier
la plume comme l'épée. Par or-
donnance du 17 mars 1816, le gé-
néral Canuel fut appelé à présider
un conseil de guerre chargé de
juger à Rennes le général Travot
[lioyez Travot). Le conseil pro-
nonça la peine de mort, ([ui ce-
pendant fut commuée; mais le gé-
néral Canuel dénonça d'olfice au
procureur du roi et aux ministres
les mémoires des avocats du gé-
néral Travot,comme attentatoires
à la majesté royale, bien ([u'il-;
n'eussent eu pour objet que de
faire profiter leur client du bien-
fait de Tamnistie. Ces avocats re-
poussèrent l'accusation avec tant
d'énergie et de justesse que la
dénonciation du général Canuel
n'obtint pas le succès qu'il s'en é-
tait promis. Au commencement
de la môme année 181G, il avait
été envoyé dans la vilie de Lyou
I
CAN
en qualité de commandant de la
if)"" division militaire. 11 lut ac-
cusé d'avoir créé des agens pro-
vocateurs pourorj^auibcr des cons-
pirations, dans lesquelles furent
enveloppés tout à la l'ois des hom-
mes qui avaient marqué dans la
révolution à dilïërentes époques,
beaucoup d'autres qui ne s'étaient
l'ail connaître que par leur atta-
chement à la charte, et un plus
graiid nombre d'hommes sin»-
ples, que la misère avait rendus
accessibles à de periides sugges-
tions. Ou lui rcj)rocha d'avoir,
dans ses rapports au ministère,
converti en conjuration contre
l'autorité royale les attroupemens
que la disette des subsistances a-
vait provoqués , et d'avoir, sous
ce prétexte, envoyé à la mort, par
l'organe d'une cour prevôtale, de
malheureux pavsaiis qui deman-
daient du pain! Ces accusations,
portées par des hommes coura-
geux et amis de leur |)ays (vojytz
Chabriek-Sainseville) , engagè-
rent le gouveinenient à envoyer
ù Lyon un comuiissaire spécial, in-
vesti de grands pouvoirs, et char-
gé de recueillir sur les lieux les
reiiseigneniens les plus exacts sur
cette affaire. M. le maréchal Mar-
mont, duc de Kagtise ^vc^ez Mau-
mo>t), remplit cette mission ex-
traordinaire avec justice et impar-
tialité, et l'on ne trouva [xnnt,
dans son rapport, l'apologie de
la conduite du commandant Ca-
nuel, dont la nomination l'ut bien-
tôt révo(p»ée. Le colonel Fabvier
(l'offz Fabvier), qui, en sa qua-
lité de chef d'état-major du mn~
réchal, l'avait accom|>agné dans
sa mission, fil paraître, sous le
titre de Lyon en iHi^, le récit
CAN
83
des événemens déplorables qui a-
vaient aflligé cette malheureuse
ville sous le commandement de
M. Canuel. Celui-ci attaqua en
calomnie MM. Sainneville et Fab-
vier, au mois de juillet 1818, de-
vant un tribunal de Paris, qui ren-
voya les parties. La discussion de
cette affaire fut remise au mois
de novembre suivant, à cause d'u-
ne accusation de conspiration por-
tée par le gouvernement contre
M. Canuel lui-même, qui l'ut dé-
tenu cinq mois pour ce fait. En-
fin la cour d'appel condamna MM.
Sainneville et Fabvier, qui se dé-
sistèrent sagement de leur pour-
voi en cassation, parce que, sui-
vant la législation actuelle, on est
réputé coupable de calomnie, si
les faits argués ne sont 2)as établis
par jugement. Nous ferons obser-
ver toutefois que M. Canuel, pré-
sent à l'audience , ne répondit
point à cette apostrophe vigou-
reuse et digne des Catiiinairi'.s,
qui lui fut adressée par M' Fab-
vier, frère et défenseur du colo-
nel : «INous direz-vous, général,
«comment il s'est fait que vous
»ne vous soyez jamais battu que
«contre des Français.» Voici, au
surplus, comment s'exprime, au
sujet des événemens de Lyon de
a8iG à 1817, l'auteur aussi éncrr
gique qu'impartial de la Revue
chionuloei'/iic de l'iiistoire de
France (pag. y^ç)) : Quoique bor-
)>nés à de» récits non olliriels, il
«est bien peu de Français qui
«n'aient su et qui n-e restent pé-
«nétrés q»ie les troubles du lUift-
»ne ont été provoqués j)ar les dé-
"lations d'agens subalternes, et
«que plusieurs autorités. plus ou
» moins élevées, dont- ces agens
B4
CAP
"dépendent, auraient elles-mê-
» ines été complices involontaires
rtdii plus lâche complot que puis-
»sc concevoir la perversité. » Le
lieutenant-général Canuel a été
depuis mis à la retraite, à laquel-
le son âge lui donnait droit.
C ANZLER (Jean-Georges) , né
le 19 janvier 1740? à Burkhards-
dorf sur le Harz. Il fut d'abord
secrétaire d'ambassade, et ensui-
te conseiller des comptes à Dres-
de. On lui doit plusieurs écrits sur
l'histoire et la politique, publiés
les uns en français, les autres en
allemand, et parmi lesquels on dis-
tingue les Mcnioires pour sen>ir
à la connaissance des ajfaires
politiques et économiques du
royaume de Suéde, 2 vol. in-4'',
1776.
GANZLER (FRÉDÉRic-TnÉoPHi-
le), né le 25 décembre 1 764, dans
la Poméranie suédoise. Après a-
voir enseigné les finances à l'uni-
versité de Gottingue, il fut nom-
mé, en 1800, professeur ordinai-
re à l'université de Greifs-Walde.
Il a publié plusieurs ouvrages
très-utiles sur la politique, la
géographie et la statistique. Les
principaux sont : Notices hebdo-
madaires des cartes géographi-
ques, statistiques et historiques,
ainsi que des ouvrages qui trai-
tent des sciences commerciales ,
Gottingue, 1788 — 1789, deux
vol. in- 8°; Traité de la géogra-
phie dans toute son étendue, ibid. ,
5 vol. in-8°; Archives universel-
les pour la littérature géographi-
que, historique et statistique, etc.
M. Canzlcr a aussi traduit plu-
sieurs ouvrages anglais.
CAPECELATRO, archevêque
tle T^rcnte. Ses talcns natuitls,
GAP
son esprit et ses études auraient
pu, dans le cours d'une longue
carrière, faire parvenir M. Ga-
pccelalro aux honneurs, peut-ê-
tre même aux plus grandes digni-
tés ecclésiastiques; mais, issu d'u-
ne des plus anciennes familles du
royaume de Naples, le bonheur
de sa naissance l'y fit arriver ra-
pidement. Peu de temps après a-
voirété ordonné prêtre, il futé-
levé à l'épiscopat et obtint l'ar-
chevêché de Tarente, auquel sont
attachés le titre et les prérogati-
ves de premier baron du royau-
me. Malgré ses dignités et sa
qualité d'archevêque, il se mon-
tra partisan de la vérité et d'une
saine philosophie. On le vit ,
combattant avec un zèle égal tou-
tes les idées gothiques, tous les
genres de superstition , écrire
sous le voile transparent de l'ano-
nime, contre les prétentions de
la cour de Rome, sans cesser de
montrer la piété qui convient à
un prélat. Il s'est fait remarquer
dans la société par la douceur de
son langage, l'urbanité de ses
manières et son caractère chari-
table. Il accueille les étrangers
avec la bienveillance la plus ai-
mable, et se plaît à leur montrer
sa belle et riche collection de ca-
mées et de pierres gravées. Le roi
Joachim acquit cette collection à
un très-haut prix, mais il lui en
laissa la jouissance en lui confé-
rant le titre de directeur du Mu-
sée. Le roi Joseph avait nommé
M. l'archevêque de Tarente con-
seiller-d'état, et l'avait décoré
du grand-cordon de l'ordre des
Deux-Siciles. En 1808, le roi Joa-
chim lui eonfia le ministère de
l'intérieur, et peu de temps a-
I
I
CAP
jMt'S, il fui fait premier aninô-
uier de la leiiie. Il existe de ce
prélat distingué un ouvrage de la
plus haute portée, sur ta religion;
c'est sans doute pour cela qu'on
ne peut se le procurer en Italie.
La France sera plus heureuse:
on assure qu'il va en paraître u-
ne traduction.
C A PELLE (Guillavme-Antoine-
Benoit), baron, préfet, conseiller-
d'état, ofTicier de la légion-d'hon-
ueur, est né, le 9 septembre 1 773,
à Sales-Curan, département de
rAveyron, d'une famille qui a eu
des emplois dans la magistrature.
Quoique à peine ûgé de i4 '^ns, il
embrassa et proclama avec enthou-
siasme, en 1 789, les principes du
nouvel ordre de choses, qui se dé-
veloppèrent à cette époque. Ce pre-
mierélan patriotique le fit distin-
guer dans le district de Milhaud; il
fut député par cette ville , à la fé-
dération de juillet 1790. INommé
lieutenant de grenadiers, dans le
2"* bataillon des Pyrénées-Orien-
tales, il y resta pendant les an-
nées 92 et 95 , et fut destitué , en
94, pour cause àc fédéralisme.
De retour à Milhaud, M. Capelle
s'y maria ; il commanda la garde
nationale jusqu'au 18 brumaire,
époque à laquelle le gouverne-
ment consulaire ayant été pro-
clamé, la ville de Milhaud lechar-
gea de la mission d'usage auprès
du nouveau gouvernement. M.
Capelle était recommandé à M.
le ministre de rintérieurChaptal,
et fut employé dans ses bureaux ,
au commencement de l'an 9. A la
fin de la même année, le ministre
le fit nommer secrétaire-général
du département des Alpes-Mari-
limes, d'où il pa:)Sa, eu l'au ij.,
CAP
8.>
en la même qualité, dans le dé-
partement de la Stura. Trouvant,
peut-être , que les secrétariats-
généraux de préfecture étaient
au-dessous de ses moyens, M.
Capelle ne resta que quelque*
mois à Coni, et se rendit à Paris,
pour solliciterde l'avancement. Il
attendit deux années, et, en fé-
vrier 1808, il devint préfet du dé-
partementde la Méditerranée (Li-
vourne). La nouvelle mission de
M. Capelle semblait lui offrir de
grandes difficultés dans sou exé-
cution. Sa préfecture confinait a-
vec les états de la princesse de
Lucques et de Piombino, prin-
cesse extrêmement jalouse de son
autorité. M. Capelle trouva le
moyen de se concilier sa bienveil-
lance, sans rien sacrifier de ses
devoirs. La meilleure intelligen-
ce régnait entre la souveraine et
l'administrateur, lorsque l'empe-
reur jugea à propos de changer la
résidence de M. Capelle, en le
nommant, le 5o novembre 1810,
préfet du département du Léman
(Genève), où il se signala égale-
ment par une bonne administra-
tion. Il eut cependant quelque
peine à se faire à certains usages
des Genevois. Il y a dans leur
ville , depuis un temps immémo-
rial, un grand nombre de réu-
nions, connues sou^ le nom de
Cercles ; et chaque cercle a un ti-
tre particulier, Il en existait un ,
sous le titre de Cercle de l'égalité.
Cette dénomination déplut à M.
le préfet. Il invita les membres à
lu changer, et coi,iune ils s'y re-
fusaient, il fallut un acte légal
pour les y contraindre : ils prirent
alors le \.i\.rG Ae Cercle des mêmes.
La ville de Gcocvc s'étaut rca-
86
CAP
due aux alliés , en 181 5 , le baron
Capelle rulaccnsé ^le n'avoir point
fait les dispositions nécessaires
pour armer la population. Un dé-
cret (lu 5 jaiiviei" 1814 le sus-
pendit de ses fonctions, et le tra-
duisit devant une commission
d'enquête, composée des conseil-
lers-d'état Lacuée, Héal et Fau-
re; ce dernier, cbarfré du rapport,
disculpa le baron Capelle, qui
cependant ne recouvra sa liberté
qu'à l'époque de la restauration.
Le 10 juin, le roi le nomma pré-
fet de l'Ain, et dans le mois d'oc-
tobre suivant, S. A. R. Monsieur,
passant à Bourg;, lui donna la croix
d'officier de la légion - d'hon-
neur. Au retour de Napoléon, en
181 5. le baron Capelle quitta
son département, et se rendit, le
i5 mars, à Lons-le-Saulniei-, au-
près du maré(îhal Ney. N'ayant
pas voulu déférer aux ordres
qu'il en reçut , de retourner dans
sa préfecture , il partit pour la
Suisse, d'où il rejoignit le roi à
Gand. Il eut l'honneur d'être ad-
mis plusieurs fois dans le con-
seil de S. M. Rentré à la suite du
roi, dans le mois de juillet, son
zèle et sa fidélité lui valurent la
préfecture du Uoubs, et le titre de
consciïler-d'ctat honoraire. 1-1 vrnt
de Besançon, en décembre 181 5,
pour 'déposer, comme témoin,
dans le procès du maréchal Ney,
et demeura àParisj où, le i" jan-
vier 1816, il prit place au conseil-
d'état, section de l'intérieur, com-
me conseiller en gervice ordi-
naire. Il est à présent secrétaire-
général du ministère de Tinté-
rieur. '^' •■ '■•'-
CAPELLtN (G. A. P., BiHON
de). La biographie des hom'rrtes
CAP
TÎvans des frères Michaud con-
fond assez souvent les hommes
et leurs actions. Par exemple, -el-
le fait un seul article Capelles [Le
hnron F'an-di'r), et lui accorde
gratuitement le double titre de
vice-amiral hollandais et de gou-
verneur-général des Indes orien-
talc-s pour la Belgique. Les moin-
dres inconvéniens qui résultent
de semblables indications sont des
anachronismcs, des incompatibi-
lités, et des invraisemblances.
Au reste, ces sortes d'erreurs sont
si fréquentes dans la biographie en
question, que nous n'entrepren-
drons pas de les relever toutes;
nous en signalerons quelques-u-«
nés seulement, de temps à autre,:
pour donner au lecteur la juste
mesure de confiance qu'il doit
accorder aux matériaux préparés
pour l'histoire par des investiga-
teurs aussi exacts et aussi con-
sciencieux. Le baron Capellen,
gouverneur - général des Indes
orientales pour la Belgique, et
non pas vice-amiral hollandais,
est né à Ltrecht; il est fds du co-
lonel Alexandre-Philippe, le mê-
me qui, en 178;;, à la tête du par-
ti patriotique, s'enferma dans
Gorcum, et soutint si vigoureuse-
ment le siège de cette place con-
tre un corps prussien, entré en
Hollande pour soutenir le parti
de Guillaume V. Capellen fils re-
çut une éducation soignée, fit de
bonnes études, à la suite desquel-
les, aj'ant été nommé secrétaire
de la préfecture d'IJtrecht, il y
débuta par dotiner les preuves
d'une grande perspicacité dans
les affaires publiques. Ses talens
ne restèrent pas long-temps en-
fouis dans ce premier emploi; le
CAP
roi Louis Bonap"arte le nomma
préfet (le La Frise, en 1808. Le
baron Capellen se fit tellement
remarquer par l'habileté et la jus-
tice qu'il mit dans son adminis-
tration, qu'il fut bientôt appelé
ù une place plus importante. Le
roi avait conçu pour lui beau-
coup d'estime et d'amitié; il dé-
sirait l'avoir auprès de sa person-
ne, l'admit dans son conseil-d'é-
tat, et lui conûa bientôt le mi-
nistère de linlérieur de son
royaume. Pendant que Capellen
fut ministre, il se conduisit avec
une grande sagesse et la plus ra-
re intégrité; il conserva son mi-
nistère jusqu'à l'abdication du roi,
et il emporta les regrets de tous
ceux qui l'avaient connu, soit
comme homme public, soit com-
me simple particulier. Le baron
Capellen n'était point partisan
du nouveau gouvernement que
Napoléon venait de (^Qiiner à la
Hollande, il ne voubttMEiccepter
aucun emploi. PendaH|kie Louis
Bonaparte régnait, il avait donné
à Capellen le titre d'ami, et ce
fut en cette qualité que ce dernier
alla lui rendre visite dans sa re-
traite en Allemagne. Ils y passè-
rent ensemble plu sieurs mois dans
la plus grande intimité. Les évé-
nemens de la fin de i8i5 ayant
donné un nouveau prince à la
Hollande, ce sotiverain, qui ap-
prit tout le mérite du baron Ca-
pellen, le nomma ministre des co-
lonies. Lorsque, par le traité de
Vieime, les Belges furent desti-
nés ù former avec les Hollandais
le royaume des Pays-Bas, le prin-
ce jugeant que Capellen pourrait,
par son influence cl ses haute»
qualités, lui concilier l'attache-
CAP 87
nient de ses nouveaux sujets, lui
donna le titre de secrétaire-d'é-
tat extraordinaire, et l'envoya ù
Bruxelles pour remplir cette ho-
norable mission. Le baron Capel-
len s'en acquitta dignement et
avec succès. Ce fut à cette épo-
que et dans le temps où il était
encore à Bruxelles, que le roi le
nomma gouverneur -général des
Indes orientales et comman-
deur de l'ordre du Lion-Belgique.
Il partit du Tcxel pour sa nouvel-
le destination, en octobre iSi 5, à
bord du vaisseau i'Jrniral E-
i'ertzen, faisant partie de l'esca-
dre commandée par le contre-a-
miral Bruyskes.
CAPELLEN (T. F. van). Il en-
tra au service, en 1772, comme
aspirant dans la marine de Hol-
lande, et six ans plus tard il fut
nommé lieutenant. Il reçut le gra-
de de capitaine en 1782 : c'était
la juste récompense de sa bravou-
re dans le combat que la frégate
le liricl avait livré à la frégate
anglaise The Crept-nt , dont elle
s'était emparée après une lutte o-
piniâtre. Chargé du commande-
mentde/flCf'rè.yJlfitdiversescroi-
sières jusqu'en if^a, époque à la-
quelle on lui confia quelques cha-
loupes canonnières pour agir con-
tre l'armée française, qui tentait
l'invasion de la Hollande. Il eut
occasion de se signaler dans plu-
sieurs circonstances durant cette
guerre; mais, en 1799, quand les
Anglais se présentèrent, il dispo-
sait en partie de la flotte, qui se
rendit sans combattre à l'amiral
Miltehell. Traduit bientôt devant
un conseil de guerre, et condam-
né à mort par contumace, il res-
ta en Angleterre jusqu'au mois de
M
(A?
novembre i8i5. Juslific por les é-
vénemens de cette époque, M.
van Capellen rentra dans son
pays, et le prince d'Orange le
nomma vice-amiral. L'année sui-
vante, il fut chargé d'aller pren-
dre possession, au nom de son
souverain, des colonies situées
dans les Indes orientales, et, à la
fin de i8i5, il eut le commande-
ment de l'escadre de la Méditer-
ranée. L'année suivante, au mois
d'août, il se réunit à la flotte de
l'amiral anglais Exmoulh, et il
rendit des services importans con-
tre Alger, attaqué par les deux
flottes combinées. En rendant
compte de cette expédition, l'a-
miral anglais fit l'éloge de la con-
duite du vice-amiral baron de Ca-
pellen, ce qui lui valut la décora-
tion de commandeurde l'ordre du
Bain, une épée d'honneur envoyée
par le duc de Clarence, grand-
amiral d'Angleterre, et enfin d'ho-
norables remercîmens de la part
de la chambre des communes.
Son pays le récompensa égale-
ment, et dès le mois de septem-
bre de la même année, le roi Guil-
laume réleva au rang de grand'
croix de son ordre.
CAPMAMI (don Antonio de),
philologue espagnol, naquit à Bar-
celone en I749- H quitta sa ville
natale à 3o ans pour venir s'éta-
blir à Madrid. Il s'y fit bientôt
connaître comme un littérateur
distingué, et fut reçu membre de
plusieurs académies et sociétés
savantes. Il travaillait, en 1810,
à revoir et augmenter un diction-
naire français-espagnol qu'il avait
publié cinq ans auparavant, lors-
que la mort vint le surprendre.
Captoani a laissé un grand nom-
CAP
bre d'ouvrages élémentaires et
critiques, parmi lesquels on distin-
gue : 1" Théâtre historique et cri-
tique de l'éloquence, en cinq vo-
lumes, a° la P/iilosophie de l'é-
loquence; 3° VJrtde bien tradui-
re du français en espagnol; 4° le
Dictionnaire français - espagnol
déjà cité, en tête duquel il a pla-
cé une dissertation savante sur
les deux langues comparées en-
semble. 5" Discours analytique
sur la formation des langues en
général, et particulièrement de
la langue espagnole, etc. Capma-
ni est encore auteur des Mémoi-
res historiques sur la marine, le
commerce et tes arts de Barce-
lone.
CAPO-D'ISTRIA (le comte),
diplomate, ministre russe, est du
nombre de ces hommes d'état que
les mystères du cabinet envelop-
pent de toutes parts, et dont les
travaux cachés ne se manifestent
au-dehoi|^ue par le mouvement
du terra^Rous lequel ils s'opè-
rent. Le comte Capo-d'Istria est
né à Corfou, vers l'année 1780.
Il est fils d'un médecin, et lui-
même étudia la médecine k Veni-
se. Son père était chef du gou-
vernement des Sept- Iles, lors-
que les troupes russes vinrent
les occuper; il quitta ses fonc-
tions à l'époque où, par suite du
traité de Tilsitt, la république des
Sept-Iles fut mise sous la protec-
tion armée des Français, et passa
au service de Russie : il y fut d'a-
bord employé d'une manière as-
sez subalterne dans les bureaux
du comte Roumienlzof, et fut en-
suite envoyé près de l'ambassa-
deur à Vienne. En 1812, le com-
te Capo-d'Istria fut chargé de la
CAP
partie diplomatique n l'armée du
Danube, dont l'amiral ïchitcha-
gof venait d'obtenir le comman-
dement. Lorsqu'en i8i5, après la
retraite des Français, cette armée
se réunit à la grande-armée rus-
se, il continua au quartier-géné-
ral, et sous les jeux de l'empe-
reur Alexandre, ces mêmes f<mc-
tions que nous qualifions de di-
plomatiques, faute d'en pouvoir
spécifier la nature. La haute idée
que l'empereur conçut des talens
de ce ministre à la suite des ar-
mées, lui mérita la confiance en-
tière dont il se trouva bientôt in-
vesti, et dès lors il attacha son
nom aux divers traités d'alliance
que la Russie contracta, en iHi3,
avec tous les cabinets de l'Alle-
magne. Après la guerre, M. Capo-
d'Istria fut nommé ministre de
Russie près de la confédération
helvétique : il n'occupa cette pla-
ce que pendant.quelques mois, et
fut rappelé par l'empereur, qui le
nommasecrétaire-d'état au dépar-
lement des affaires étrangères,
fonctions qu'il partage en ce mo-
ment avec le comte Nesseirode.
CAPPERONIER (l'abbé Jeas-
Ai'crsTis), est né h Montdidier,
le 3 mars 1745 : il était l'un des
conservateurs de la bibliothè-
que du Roi. Il y a près d'un siè-
f.le, que des sujets de la même
famille sont en possession de veil-
ler sur ce précieux monument.
En 1753, Jean Capperonier, on-
cle de ce dernier, obtint cette pla-
ce, qu'il occupa jusqu'en 1775,
époque de sa mort. Jean -Augus-
tin était alors un des sous-gardes
de cet établissement, et n'a plus
quitté son poste. La bibliothèque
du Roi; 80US les dénominations
CAP 89
diverses de nationale et dUmpi'-
rialt, a constamment vu l'hon-
nête Capperonier dans ses gale-
ries immenses : il y a passé tran-
quillement tout le temps des ora-
ges de la révolution, et celui de
la durée des différens gouverne-
mens qui se sont succédé depuis
trente ans. Ses talens et ses ser-
vices lui ont mérité d'être nom-
mé membre de la légion-d'hon-
neur; ce fut Napoléon qui l'en
jugea digne. Capperonier est mort
en décembre 1 820. Il a donné d'ex-
cellentes éditions de plusieurs au-
teurs latins, parmi lesquelles on
dislingue: x" Académiques de Ci-
céron, avec le texte latin , de l'é-
dition de Cambridge, et des Re-
marques nouvelles , etc; '2.' Quin-
tilien, de l'institution de l'orateur j
traduit par l'abbé Gédoyn.
CAPRARA, cardinal, prêtre
du titre de Saint-Oniiphre , etc.
Il est né à Pologne, le 29 mai
1753. 11 préféra au nom de son
père, le comte François de Mon-
tecocolli, celui de sa mère, der-
nier rejeton de la maison de Ca-
prara. Ses connaissances dans le
droit politique, auquel il s'était
particulièrement adonne, le firent
remarquer du pape Benoit XIV,
qui l'envoya à Ravenne, avec le
titre de vice-légat : il n'avait pas
encore vingt-cinq ans. En 1767,
il était nonce ù Cologne; il ins-
pira de l'estime à Timpératrice
Marie-Thérèse, et elle obtint pour
lui, en 1775, la nonciature de
Lucerne. En 1786, Caprara se
rendit i\ Vienne, et en 1792, il
reçut le chapeau de (cardinal. L'an-
née suivante, la vue des troubles
qui adligeaient la ville de Rome
lui fit une telle impression, que
90
CAP
ses jours furent en danger. En
1801, il l'ut envoyé à Paris , avec
le titre de légat àlattrc. Il avait
été nommé évêqued'Iesi, l'année
précédente. Dans la cérémonie
du 28 germinal an 10 , à l'occa-
sion du rétablissement du culte
en France, le cardinal Caprara
entonna le TeDeuni. Depuis cet-
te époque il publia plusieurs brefs
dictés par l'esprit de tolérance,
qui l'anima constamment. En
i8o5 il accompagna le premier
consul à Bruxelles , et il fut nom-
mé archevêque de Milan. C'est
dans cette capitale de l'ancienne
Lombardie, qu'il sacra, au mois
de mai, i8o5, l'empereur Napo-
léon, comme roi d'Italie. Le car-
dinal Caprara est mort le 21 juin
1810; il a été inhumé dans l'égli-
se de Saiute-Gieneviève, à Paris,
où son oraison funèbre a été pro-
noncée par M. de Rozan. Véritable
prélat, distingué plus encore par
ses vertus que par les dignités
ecclésiastiques, il dut à la seule
noblesse de son caractère , la
considération dont il a joui au-
près du gouvernement français.
Plein d'une touchante humanité,
il ne croyait pas qu'il suffît de re-
commander en chaire le soulage-
ment des pauvres. Ou n"a pas ou-
blié dans Vienne, son empresse-
ment généreux à secourir les ha-
bitans d'un faubourg inondé par
le Danube. Dans son diocèse d'ie-
si, en 1800, la rigueur de l'hi-
ver fut suivie d'une disette extrê-
me. Le cardinal s'étant assuré par
ses propres yeux des besoins du
peuple, ne se borna pas à vider ses
greniers pour y subvenir, ou à se
dépouiller de ce qu'il avait d'ar-
gent; il emprunta de fortes som-
CAP
mes : il regarda comme un devoir
apostolique, de faire pour ses dio-
césains, dans leur malheur, tout
ce que des particuliers entrepren-
draient pour le rétablissement de
leurs affaires, et pour le juste in-
térêt de leurs familles. L'anec-
dote suivante prouvera quelle ex-
tension le cardinal Caprara don-
nait quelquefois à ses politesses,
et combien il désirait que cha-
cun pût, à son tour, y paiticiper.
Durant son séjour à Paris, il a-
vait coutume de recevoir succes-
sivement les hommes les plus re-
marquables de Pépoque, et l'al-
manach impérial servait de gui-
de à sesinvitations. Un jour, l'ins-
tant du dîné se trouvant considé-
rablement retardé par l'absence
d'un convive, on en vint aux ex-
plications : ce convive en retard
était mort depuis six mois.
CAPURON (Joseph), né ert
Languedoc, vers Tannée 1755. 11
étudia à la faculté de médecine
de Montpellier; il y fut ensuite
professeur. C'est à Paris , où il
vécut depuis, qu'il publia «i ° '\o-
va niedicinœ elemtnta , ii>-8",
1804 et 1812; 2° Aphrodisiogi-a-
plùe , ou Tableau de la maladie
vénérienne , in-8", 1807; 5° Nou-
veau dictionnaire de médecine,
chirurgie, chimie, botanique , et
art vétérinaire, in-8°, 1810 (ou-
vrage fait conjointem entavecNj's-
ten); 4° Cours théorique et pra-
tique d'accouchemens y 1811 —
1816, in-8°; 5° Traité des mala-
dies des Jemmes , 1812, in-S"; 6"
Traité des maladies des enfans ,
1812, in-8''; •;" Manuel des da-
mes de la charité, 1816, in-S".
CARACCIOLI (Loris- A5T0I- „,
he), né à Paris, en 1721, mort
CAR
dans cette "ville le 29 mai i8o3.
Cet auteur diin grand nonibre
d'écrits est plus connu pai\t dic-
tionnaire des ouvrages anonimes
et pseudonymes, où se trouve le
long catalogue de ses œuvres,
que par ses ouvrages mêmes : sa-
cres ils .sunt , cuf pfr.sonne n'y
louche. Cependant c'est une rai-
ne où les prédicateurs des dépar-
temens trouveraient d'abondans
matériaux et même des sermons
tout faits. Sous les règnes de
Louis XV et de Louis XVI, les
orateurs sacrés auxquels Dieu
n'avait accordé ni le don d'impro-
viser, ni celui d'écrire, ne se firent
point scrupule de s'approprier les
pensées de Caraccioli ; et dans un
temps où la prédication est rede-
venue de mode sans (\ue le talent
de la chaire soit plus commun,
on ne voit pas pourquoi les écrits
de Caraccioli ne seraient pas mis
à contribution de nouveau par
les missionnaires et prêcheirfs
de profession. Voici les titres de
quelques-uns de ses ouvrages :
Conversation avtc soi - même ;
Jouissance de soi -même; les Ca-
ractères de l'amitié; le véritable
Mentor; le Cri de la vérité con-
tre les séductions du siècle. Carac-
cioli publia, en 1774» "n recueil
en ?, vol. in-12, (les Lettres les
pUis intéressantes du pape Clé-^
ment Xiy. Sommé de produire
les originaux, il fit imprimer, l'an-
née suivante, des lettres en italien
qui parurent n'être que Ja traduc-
tion des lettres françaises. Quoi
qu'il en soit, cet ouvrage, très-su-
périeur à ses autres écrits, est le
seul peut-être qui mérite d'être
tiré do l'oubli où tous sont tom-
bés. Dans sa jeunesse^ Caraccioli
CAR
9»
voyagea en Italie, en Allemagne,
en Pologne, Il devint professeur
des enfans du prince de Rewski,
premier sénateur polonais. Ses
élèves, lorsqu'il eut fini leur édu-
cation, lui firent une pension de
5ooo fr. ; il en obtint une autre
de iMarie-Thérèse, mais il les per-
dit toutes deux par la mort de
cette princesse et la dernière ré-
volution de Pologne. En i7Ç)5, le
pensionnaire des rois devint le
pensionnaire delà convention na-
tionale; il en obtint un secours
annuel de 3000 fr. , qu'il a reçu
jusqu'à la fin de sa vie.
CARACCIOLO (François), a-
miral napolitain, l'une des plus
célèbres victimes de cette san-
glante réaction de 1799, dans la-
quelle périrent presque tous les
hommes qui s'étaient fiiit remar-
quer ou par un grand courage, ou
par des vertus éminenles, ou par
leuffs bmiières et leurs talens,
(>aracci()lo, après avoir obtenu les
premiers grades dans la marine
napolitaine, alla achever de se
former et compléter son instruc-
tion dans la marine anglaise. Il y
développa une intelligence, un
courage et des talens qui éveillè-
rent l'inquiète jalousie des An-
glais, et qui peut-être contribuè-
rent plus à sa perte que les servi-
ces qu'il rendit à la république
Parthénopéenne. Il commandait
les vaisseaux napolitains qui firent
partie de la flotte combinée à la-
quelle Toulon fut livré en 1793;
il donna, dans cette expédition,
des preuves d'une rare intrépidi-
té et des talens les plus distingués.
CararcioI(»se trouvait à N'aplesen
179H, époque où les évéucmens
politiques forcèrent Ferdinand IV
çp CAR
à se retirer en Sicile. Le comman-
dement des bâtimens de guerre,
qui devaient transporter le roi et
sa famille à Palcrme, fut conflé à
cet amiral; mais les Napolitains
ne virent pas sans étonnement et
sans déplaisir leur monarque ac-
corder plus de confiance aux su-
jets du roi d'Angleterre qu'à ses
propres sujets, en s'embarquant
avec sa famille sur le vaisseau de
l'amiral Nelson. Une circonstan-
ce malheureuse fit éclater le res-
sentiment que cette préférence
avait fait naître : presqu'à la sortie
du golfe de Naples , la flotte fut
assaillie par une furieuse tempê-
te; le vaisseau de l'amiral Nelson,
et presque tous les bûtimens an-
glais, éprouvèrent de grandes a-
varies, et faillirent à périr sur les
côtes de la Sicile, tandis que ceux
de Naples, mieux dirigés, ou plus
heureux, entrèrent dans le port
de Paleime sans avoir été enctom-
magés, et bien avant les vaisseaux
de Nelson. A leur arrivée, les é-
quipages napolitains n'épargnè-
rent pas aux Anglais les railleries
et les sarcasmes. Nelson ne parut
pas y faire attention; mais la sui-
te prouva trop combien il y avait
été sensible. Il paraît même que
ces propos furent rapportés à la
cour et envenimés : lorsque Ca-
raccioloy parut, il fut mal accueil-
li; on lui fit entendre qu'il devait
retourner à Naples, et il y revint.
Bientôt une flottille anglo-sicilien-
ne parut dans les eaux de Proci-
da, s'en)para de cette île, et tenta
un débarquement entre Cume et
le cap de Misène. Le matériel de
la marine napolitaine avait été
détruit par les ordres de la cour
au moment de son départ. Il ue
CAR
restait qu'un petit nombre de bar-
ques canonnières, quelques bom-
bardes et quelques felouques ;
mais Caracciolo val tit à lui seul
toute une flotte. Il ne craignit
point, à la tête de ces barques
frêles et mal armées, de soutenir
l'attaque de la flottille ennemie;
parvint à la repousser, et après
avoir maltraité les Anglais, ren-
tra dans Naples aux acclamations
deshabitans. Cependant les Fran-
çais avaient évacué le royaume;
le cardinal 1100*0 s'était emparé
de la capitale, et les forts lui a-
vaient été remis par suite d'une
capitulation. Mais la femme dont
Hamilton, ambassadeur d'Angle-
terre auprès de la cour de Naples,
avait osé faire son épouse, et qui
alors entretenait avec Nelson un
commerce adultère, accourut de
Palerme pour souiller la gloire de
son amant, en lui faisant déclarer
que cette capitulation consentie
et signée parle cardinal Ruffo,
par le commandant des forces na-
vales anglaises devant Naples ,
par le commandant des troupes
françaises, était nulle parce qu'el-
le avait été faite sans son aveu.
La junte, présidée par l'infâme
Spéciale, rendit contre Caraccio-
lo une sentence de mort. Quand
on lui annonça son arrêt, il était
sur le pont de sa frégate , expli-
quant aux personnes qui l'entou-
raient la cause des différences
qu'elles remarquaient entre la
construction des bâtimens anglais
et celle des bâtimens napolitains.
Il écouta froidement sa sentence,
et continua ses explications. Le
matelot, qui avait l'ordre de pré-
parer la corde destinée au suppli-
ce de son amiral, versait des lar-
CAR
mes : Allons, dépêche-toi, lui dit
Caracciolo , // est. plaisant de te
voir pleurer quand c'est moi qui
dois être pendu. La frégale la Mi~
neri'e, aux vergues de laquelle il
fut attaché,, se trouvait vis-à-vis
le quartier de Sainte- Lucie , oi"i
est situé le palais des Caraccio-
li. On voulut, par un rairmement
de cruauté, que sa famille pût ê-
tre témoin de son supplice, et a-
percevoir son corps suspendu
dans les airs. Le soir il fut jeté à
la mer. Deux jours après on le vit
flotter à S.1 surface. Le corps d'un
amiral napolitain étranglé pou-
vait être un objet agréable aux
yeux de ISelàon, d'Acton et de
leurs complices. Mais en aperce-
vant le cadavre de cet homme
qu'il avait aimé, de cet homme
la gloire, et naguère encore l'es-
pérance de la marine napolitaine,
soit compassion, soit répugnan-
ce, le roi témoigna quelque émo-
tion; il fut permis à des marins
de recueillir le corps de Carac-
ciolo, et à sa famille, de lui ren-
dre les derniers devoirs. Ainsi fi-
nit cet amiral, que son courage,
ses talens, sa naissance, appe-
laient à devenir un des premiers
marins de l'Europe. Unissant la
vertu au génie, que n'eûl-il pas
fait pour sa patrie qu'il aimait
tant-, si la jalousie anglaise ne
l'eût sacrifié presqu'au début de
sa carrière? Caracciolo et JNelson
vivent encore dans le souvenirdcs
Napolitains, et chacun d'eux y oc-
cupe la place que lui ont njéritéc
ses actions : à la honte des Anglais,
ces deux noms, désormais insé-
parables, iront ensemble à la pos-
térité. La véracité dont nous fai-
.••ons profession veut que nous ne
CAR
9-^
terminions pas cet article sans dé-
clarer que la conduite atroce de
Nelson ne fut point approuvée par
tous ses compatriotes, à beaucoup
près. L'un d'eux, le comraodore
James Footes, qui commandait le
Suea^horse , protesta hautement
contre la violation des capitula-
tions, et dénonça à la nation an-
glaise toutes ces horreurs dont le
déshonneur ne s'est pas étendu
sur lui. Dans le cœur de ce noble
oflicier le courage s'allie à l'huma-
nité, et la loyauté à la politique.
CARACCIOLO (le baillv Saist-
Érasme), Napolitain; connu dans
le monde par ses prétentions à
la grande-maîtrise de l'ordre de
Malte, à laquelle il fut élu, le
17 juin 18 15, par une assemblée
des membres de cet ordre , qui se
réunirent dans un couvent de Ca-
tane, après la mort du grand-maî-
tre de Tommasi. Cette élection
n'a point été confirmée par le pa-
pe, à qui elle fut présentée. Pen-
dant que Napoléon régnait, M.
Caracciolo attribuait les refus du
t^aint-père à l'empereur, ou à
son ministre près la cour de Ro-
me, le cardinal Fesch. Depuis la
chute de Napoléon, et môme de-
pqis sa mort, le pape n'a pas
changé d'avis sur l'illégalité de
l'élection de Catane, et l'on ne
sait à qui le prétendu grand-maî-
tre attribue maintenant cette per-
sévérance. M. Caracciolo est en-
tré dès sa jeunesse dans l'ordre de
Malte. Il y a été fait successive-
ment général des galères, rece-
veur, ministre , président de la
chambre du trésor, président de
plusieurs coDgrégations et grand'
croix.
CARAFFA (Hector), colonel
<)4
CAR
napolitain. Aussitôt que le direc-
toirc-exéciilit'eiitai)aiulonné à el-
le-même la it'publique Pailhé-
nopéeiine, en rappelant les trou-
pes françaises dans la Haute-lla-
îic, on vit éclater des insurrec-
tions dans toutes les provinces
napolitaines : Roccaromnii n . i^ous
Capoue; /î/r///?/«G/îe,àSora; Louis
de Gainbs, à Caserte;tS't7V//y>>rt, ù
Evoli; le cardinal Rujfo, enCala-
brc, à la tête de bandes nonibieu-
ses et l'éroccs , répandaient de
toutes parts le massacre et l'in-
cendie. Hector Caraffa comman-
dait en Fouille , pour la républi-
que : il joignit aux forces de la
légion dont il était le chef, de
nombreux partisans, et l'autori-
té de son nom; mais soit impru-
dence, soit jalousie, il futrappe-
lé de ces provinces, où il faisait
régner l'ordre, et envoyé, avec
son corps, à Pescara, pour en
former la garnison. 11 se maintint
diiis cette place, même après les
< it)ilidalions du fort Saint-Elme,
de Capoue, et de Gaëte. A la fin,
forcé de se rendre, et tombé en-
tre les mains des royalistes, il
fut mis à la disposition de Spé-
ciale, président de la commission
nommée pour juger les crimes
d'état. Condamné à mort, il mar-
cha au supplice avec intrépidité,
ou plutôt avec une sorte d'indif-
férence dédaigneuse, qui mon-
trait toute la force et toute la
fierté de son âme.
CARAMAN (Thérésia CAllAR-
RUS COMTESSE i)e), n'appartient à
l'histoire que par l'influence qu'el-
le eut sur la révolution du 9 ther-
midor an 5 (1794), dont la mort
Je Robespierre et la destructi»»n
de la terreur furent les cousé-
CAR
quences. {Voytz lart. Taluen.)
CARAMAN. (Ar;>fsRiQiBT.)
CARASCOSA (le baroa Mi-
chèle), fils d'un ancien capitaine
dans l'armée napolitaine, naîjuit
en Sicile et servit d'abord cntu-
n)e enfant de troupe. Lorsque a-
prés le premier départ de Ferdi-
nand IV pour la Sicile, les Napo-
litains voulurent s'organiser en
répul)li(|ue , le jeune Carascosa
prit parti pour la liberté. Les évé-
neinens de la guerre ayant ame-
né à Naples le cardinal Rudo et
ses bandes, Carascosa se réfugia
avec d'autres habitans, dans le
fort de l'Œuf, dont la capitula-
tion fut presque aussitôt viol<:e que
signée; car la perfidie, la rétracta-
tion des promesses les plus so-
lennelles, l'infidélité aux engage-
mens les plus sacrés, souillent
moins fréquemment peut-être les
annales des autres peuples que
celles de la nation napolitaine.
Presque tous les prisonniers du
fort de l'Œuf périrent par la
main du bourreau, ou dans le se-
cret des cachots. On ignore com-
ment Carascosa parvint à se sau-
ver. Il vécut dans l'obscurité jus-
qu'au retour des Français à Na-
ples, en 1806. A cette époque, il
prit du service dans la nouvelle
armée, et fut nommé chef de ba-
taillon au 1" régiment de ligne.
Ce régiment ayant été envoyé en
Espagne, Carascosa s'y conduisit
avec courage, et reçut un coup
de feu qui lui traversa la poitri-
ne. Revenu dans le royaume de
ÎSaples, il y fut élevé, de grade eu
grade, parle roi Joachim, jusqu'à
celui cle lieutenant- général, et
nommé commandeur de l'ordre
des Deux-Siciles, et il obtiatdivers
CAR
tounnaudeniens iniporlans. En
lui donnant celui île la place de
Naples, le roi fit voir toute la con-
' fiance qu'il avait en ce général :
les événemens n'ont pas prouvé
que cette confiance fût bien pla-
cée. Carascosa avait toujours mal
dissimulé sa haine profonde el ar-
dente contre les Français, qu'il
ue regardait qu'avec un œil d'en-
vie : il fut placé à la tète d'une
■r des divisioJis de l'armée napoli-
p^ine, qui réunies aux Autrichiens
combattirent, en 1814, sans gloi-
re; et avec peu de succès, les trou-
pes françaises commandées par
le vi<||-roi d'Italie, Ln an après,
eu 181 5, Carascosa combattait
contre ces mêmes Autrichiens, et
presque sur le même terrain. De
grands revers suivirent prompte-
ment le faible avantage obtenu à
Nocera; la réputation militaire
que le général Carascosa s'était
acquise en souffrit. On lui repro-
cha de n'avoir pas fait prison-
rjiers à Cescnna, 2000 Autrichiens
en termes dans celte place mal dé-
fendue, mal gardée, et qu'il lui
était facile d'investir. Les Napoli-
tains a^ant été mis en déroute,
Carascosa se retira d'abord dans
Aucune qu'il déclara en état de
siège, et continuant bientôt sa re-
traite, il ramena sa division jus-
cju'auprès de Capoue; il y trouva
les troupes autrichiennes et an-
glaises, commandées par le vieux
général Bianchi. Carascosa fut un
des signataires de la conventioa
de Casalanza, où les généraux de
.loarhim oul)Iiant le prince et la
famille qui les avaient élevés au
rang qu'ils occupaient, ne stipu-
lèrent (jiie pour s'assurer les gra-
des, le? titres et la fortune dont
CAR
9^
ils avaient été accablés par le cré-
dule et imprudent Joachim; Ca-
rascosa fut reconnu lieutenant--
général, mainteim dans ses hon-
neurs, et conserva jusqu'aux do-
tations qu'il avait dans les états
du pape. Mais le roi Ferdinand rc-
l'iisa d'abord de l'employer : cet-
te disgrâce dura peu, il obtint le
commandement de la division de
la terre de Labour, et enfin le plus
ancien objet de ses vœux secrets,
le portefeuille du département
de la guerre : il était ministre de
ce département lorsque la révo-
lution du mois de juillet 1820 é-
clata. Carascosa, dont le carac-
tère est peu expansif, ne se décla-
ra d'abord ni pour, ni contre cel-
te révolution : soit que son am-
bition satisfaite combattît son an-
cien amour pour le régime cons-
titutionnel, soit que connaissant
les troupes napolitaines et l'in-
constance <\y\ caractère de sa na-
tion, il comptAt peu sur le triom-
phe delà liberté, s'il fallait s'ar-
mer et combattre pour elle. Le
commaiidemeiil de la principale
armée lui fut remis; il se porta
jusqu'aux frontières sur les con-
fins de la terre de Labour. Mais
il ne fit aucune démonstration
pour attaquer l'ennemi qu'il a-
vait en tête. Bientr)t la défection
et la mutinerie éclatèrent parmi
ses troupes, et l'on ne sait pas
bien par qui el dans quel but cet-
te révolte fut excitée. La condui-
te de Carascosa pendant la der-
nière révolution de Naples a été
plus qu'équivoque et surtout im-
politique. Il avait trop fait pour
ne pas se compromettre, et pas
assez pour assurer le succès de la
cause en faveur de laquelle il ti-
9«
CAR
rait l'cpée. Au moment où nous
écrivons,, le général Carascosa
s'est soustrait [)ar la fuite à l'or-
dre qui avait été donné de l'ar-
rêter. Il est douteux qu'il se re-
lève de cette chute : sa famille
est obscure et ses amis peu nom-
breux ne sont plusses égaux, lia
fait naître deux sentimeus que
rierj ne peut ni rassurer, ni désar-
mer, la crainte dans quelques â-
mes faibles, et l'envie parmi des
rivaux.
CARAVITA (d. Nicolas), che-
valier napolitain, quitta son pays
et abandonna ses possessions lors-
que les Français s'emparèrent, en
1806, du royaume de Naples. U
suivit le roi, Ferdinand IV, en Si-
cile , et y resta tout le temps de
l'exil de ce prince. A son retour
à Naples, en 181 5, Ferdinand ac-
corda une pension de 1600 du-
cats au chevalier Caravita. Le
décret qui lui confère cette pen-
sion, qu'il n'avait point sollici-
tée , est conçu en termes tou-
chans, qui honorent également le
roi qui l'a rendu , et le sujet qui
en est l'objet. Cet acte de recon-
naissance est d'autant plus loua-
ble, que c'est ici la fidélité qu'il
récompense, et non la trahison,
CARBON-DE-FLINS-DES-0-
LIVIERS (Claude-Louis-Marie-
Emmanuel), naquit en 1767, et
appartenait à une famille distin-
guée de Reims. De bonne heure,
il montra son goût pour la poé-
sie, et fit d'abord paraître une
Odt sur le sacre de Louis XFl.
Carbon-de-Flins vint ensuite à
Paris, pour y achever ses études.
Voltaire étant mort , et son éloge
ayant été proposé au concours,
de Flioî composa sur ce sujet un
CAR
poëme , qu'il publia, quoiqu'il
n'eût pas été couronné. Il était un
des beaux-esprits pourvoyeurs de
l'Almanach des Muses. Le théûtre
lui doit plusieurs comédies, qui
ne sont pas sans mérite. Le Ré-
veil d'Epiménide, qui parut au
commencement de la révolution,
et fut favorablement accueilli ; la
Jeune hôtesse , dont \àLocandie~
ra, de Goldoni, lui donna l'idée;
la Papesse Jeanne , et le Mari
directeur, ou le Déménagement
du couvent. On doit aussi à Car-
bon-de-Flins une satire sur l'Al-
manach des grands homme», de
Rivarol, et plusieurs pièqlfc de
poésies fugitives, insérées dans
les journaux littéraires. Doué de
plus de talens que d'esprit, ses
poésies sont moins remarquables
par la pensée que par la facilité.
La place qu'il a occupée dans la
littérature est néanmoins si peu
importante, qu'il semble, en mou-
rant, n'y avoir laissé aucun vide.
Il avait la manie d'allonger son
nom. Quand il fit suivre, par le
surnom de Des Oliviers, son nom
de Flins, qu'antérieurement il a-
vait fait précéder du nom de Car-
bon, le poète Lebrun lui adressa
ce distique :
Carbon-de-FIins-des-Oliviers
A plus de noms que de lauriers.
Il est mort en 1806, à Vervins ,
où il occupait, depuis quelques
années, la place de procureur im-
périal.
CARBONARA (Piebbe), né à
Gènes, en 1760, était avocat dans
sa patrie, lorsqu'il devint mem-
bre du petit conseil de la républi-
que , dont il abandonna la cause ,
en 1 796, à l'approche de l'armée
I
CAR
ff-aaçaise. Carbonara fut un des
nouveaux sénateurs de la républi-
que ligurienne, organisée par le
général Bonaparte ; et lors de la
réunion de la Ligurie à l'empi-
re français, Napoléon le nomma
président de la cour impériale
de Gènes. Il fut, bientôt après,
appelé au sénat-conservateur, et
en faisait encore! partie le G avril
i8i4» époque i\ laquelle il donna
son adhésion à la déchéance de
l'emperenr, et au rétablissement
du trône des Bourbon. Rentré
dans sa patrie , M. Carbonara a
été créé, par ordonnance du roi
de Sardaigne, du 27 mars 1816,
président d'une commission char-
gée de recevoir les réclamations
Je tous les créanciers ou fournis-
seurs desétablissemens pieux, des
chapitres, abbayes et corpora-
tions religieuses de l'état de Gè-
nes, qui n'auraient pas été précé-
demment admises par l'adminis-
iration française.
CARBON NEAU (Nicolas-Ciiar-
ies-Edocard), un de ces hommes
qui doiventà leur mort touteleur
célébrité. Né en 178*2, à Pont-
rÉvèque, il fut admis, à Compiè-
gne et à Châlons , au prylanée
militaire, devenu depuis une é-
cole des arts et métiers. Il était
tnaître d'écriture à Paris, lors-
que Pleignier l'entraîna dans l'obs-
cur complot, dit des putriules de
4 8it>. C'étaitune de cesconspira-
tions qui ne naettentpas l'autori-
té en péril, clqui sont surtout cri-
minelles de la part de ceux qu'on
ne punit point. Une proclama-
tion rédigée par Carbonncau, le
iit traduire devant la justice, le
27 juin , et condamner ;\ mort le
4 juillet. Son pourvoi devant la
CAR
97
cour de cassation ayant été re-
jeté, il invoqua la clémencedu roi;
mais il fut exécuté le 28, à huit
heures du soir, avec Pleignier et
Toleron.Carbonneau ne manquait
pas de moyens; il se fit remar-
quer par une éloquence touchante
dans le discours qu'il prononça
devant ses juges. Mais on voulait
à cette époque des exemples de
sévérité , afin d'engager au silen-
ce le plus grand nombre des mé-
contens. Ces victimes , trop in-
considérées, d'un artifice qui eût
passé pour de la politique dans
les siècles de barbarie , subirent
la peine capitale, et leur supplice
fut réglé avec un certain appa-
reil. Carbonncau avait montre
d'abord de l'accablemènl : l'idée
de ses enfans et de sa femme,
plongés dans la misère, l'avait
vivement ému; mais au dernier
moment, il retrouva tout son cou-
rage. ■ . .
CARDENEAIJ, baron, maré-
chal-de-camp. Nommé, en 1816,
à la chambre desdéputés, parledé-
partcment des Landes; il a volé
assez constamment avec le cen-
tre. En 1819, il se prononça con-
tre les lois (jui suspendirent la li-
berté individuelle et la liberté
de la presse, et il opina en faveur
du nouveau système électoral,
modifié par des amendemens.
CARDON (Antoine Alexandre-
JosEPu), est né à Bruxelles, le 7
décembre lyôf). Entré fort jeune
dans l'atelier de Pegna , peintre
de S. M. Marie-Thérèse, alors sou-
veraine des Pays-Bas, Cardon fit
en peu de temps des progrès si
rapides, que son maître l'ayant
amené avec lui à Vienne, cette
princesse lui fit une pension , «(
9»
CAK
l'envoya à Roiuc pour y leiuii-
nar ses études. Après avoir passé
trois ans dar».s ct-tle capitale dts
urts , Cajdon se rendit à Naples :
i;e fut alors qu'ayant, en quelque
sorte, abandonné la peinture, il
»e livra presque enlièreinent à la
gravure. S'étant lié avec Diincar-
ville , ce célèbre an)ateur départs
et de ranliqullé, il grava une par-
tie des planches de sa collection
d<fR antiquités étrusques, grec-
que;» et romaines. Cet artiste a
gravé aussi plusieurs tableaux de
la galerie du duc d'Aretnberg, et de
celle de M. Cobentzel. Kn i8i5,
l'institut des Pays-Bas. l'a admis
au nombre de ses membres.
CAUDON (Antoink), fils du
précédent, naquit à Biuxelles, en
ijf72. Son père secondant ses
heureuses dispositions pour le
dessin, il obtint bientôt plusieurs
pris à l'académie de cette ville.
L'art de la gravure étant devenu
très-florissant en Angleterre, Car-
don passa à Londres en »79it, et
y débuta par remporter le prix à
r^cadémie de dessin de celte vil-
le. J\«i*té en Angleterre depuis
c«fite époq.ue , il a gravé plusieurs
irès-grands sujets, presque tous
relatifs à 1 histoire de ce pa\'s.
Leg principaux sont : la mariage
de Catherine de France avec Hen-
ri V; deux estampes représentant
le* victoires remportées par les
Ai*glais, dans l'Inde, sur Typpo-
$iiïb. La bataille d'Alexandrie en
jigypte ; le combat de Maïda , en
Portugal : son chef-d'œuvre est
la t€n>me adultère, qu'il a gra-
vée, d'après llubens, et qui t'ait
pajtje de la collection du mu-
sée de Londres. En général ,
évn burin «^t ferme, et ses es-
CAR
tampes ont un sentiment de cou-
leur. Cet artiste a reçu des preu-
ves de la munincence de l'empe-
reur d'Autricho et du roi de Na-
ples. il est mort à Londres, le iG
avril i8i3.
CARDONNEL (Pieere-Salvi-
Féuxdb), néen i77<»,à Moneslier.
En 1795, le département du Tarn
le nomma député au conseil des
cinq-cents. 11 manifesta dès lors
lei>sentimens qu'il a toujours con-
servés; il s'opposa généralement
aux institutions qui devaient con-
sacrer en France les droits ré-
clamés par tous les peuples, que
de certaines habitudes cessent
d'aveugler. Il proposa des modi-
fications à la loi sur le divorce , et
il se plaignit, non sans raison, de
l'incapacité des notaires de cam-
pagne. Bientôt il accusa la com-
mune de Toulouse; il lui repro-
chait de favoriser les jacobins, et
il avait prorais d'en fournir les
preuves , inais il ne les présenta
point. Quelque temps avant la
)ournée du 18 fructidor an 5, M.
Cardonnel proposa sérieusement,
au nom d'une commission spé-
ciale, qu'on exceptât des lois con-
tre les émigrés, ceux qui avaient
cultivé les lettres et les arts dans
les pays où ils s'étaient réfugiés:
Guillemnrdet tit aisément sentir
que c'était un moyen pour les
rappeler tous en France. On ne
vit plus depuis le^om de Car-
donnel figurer sur la liste des
orateurs; il comprit lui-même
qu'il ne fallait pas éveiller l'atten-
tion à ce sujet, et il garda le si-
lence jusqu'à sa sortie du conseil,
le 20 mai 1798. Par une erreur
que le génie même n'absout pas,
Napoléou, marchant au pouvoir
CAR
absolu, écarta quelques amis fidè-
les de la liberté; bientôt môme
il employa, avec une sorte de
préférence , ceux qui avaient
roinpté pour peu de chose les
droits du peuple : en leur don-
nant l'autorité , en s'entourant
d'hommes qu'entraînent jour par
jour leurs intérêts personnels, il
décidait sa chute et la ruine de
tousses des.seins,pourle moment
où la victoire serait inconstante.
M. Cardonnel avait été appelé
aux fonctions législatives, dès
que son Tige l'avait permis, et,
pour lui comme pour plusieurs
autres, le moment vint de mon-
trer qu'il est dos rencontres où la
foi jurée fie retient pas un esprit
qui se croit maître en politi-
que. L'année qui changea pres-
que tout en France, ne l'éloigna
pas du corps-législatif; il vota
cf>ntre la liberté de la presse, et
en faveur de la restitution des
biens des émigrés. Anobli en
1814 9 Al. de Cardonnel fit partie
do la chambre introuvable de
iSki5, dont il fut nommé secré-
taire, le 9 janvier iHitj. Plusieurs
fois on le vit à la tribune , et il y
appuya la proposition de confier
flux prêtres les registres de l'état
civil. Enfin on le compta parmi
le» membres les moins modérés
de celte chambre, dont les minis-
tres, effrayés pour eux-mêmes,
se virent contraints de suspen-
dre la marche, et de réprouver
le zèle furibond, par l'ordonnance
du 5 septembre. Immédiatement
après celte époque, le départe-
ment du Tarn nomma de nou-
veau M. Cardonnel ; alors il s'éle-
va contre les dernières élections,
et dans la session il«-i8 17 à a8i8,
CAR 99
il se déclara contre la loi de re-
crutement. On pense bien que
M. de Cardonnel a voté en faveur
de toutes les lois d'exceptions
proposées depuis, et l'on sait qu'il *
est un des présidens de la oour
royale de Toulouse.
CAREZ (Joseph). Il Itait im-
primeur;'» Toul, lorsque le dépar-
tement de la Moselle le nomma,
en 1791, député à l'assemblée lé-
gislative, où il fut membre du co-
mité des assignats. Il y fit remarJ-
quer sa modération, et plusieurs
fois il blâma la dureté avec la-
quelle on sévissait contre les prê-
tres qui avaient refusé le serment.
Il est mort, en iSoi, quelques
mois après avoir obtenu la sous-
préfecture de Toul. On peut le re-
garder comme l'inventeur du r/Z-
chage, auquel on doit surtout la
beauté de l'exécution dans les
ouvrages stéréotypés. Hoffmann
avait hasardé, sous le nom de po-
lytypage, des essais imparfaits.
CarcB ayant deviné son procédé,
vint ii bout de le perfectionner, et
y appliqua les moyens qu'em-
ployait Âl. Thouvenin pour tirer
des empreintes do médailles d'u-
ne grande pureté. Ce qui fait en
ce genre le plus d'hormeur à Ca-
rez, c'est un diclionniiire de la
fable, et une bible en nonpareille,
grand in-8". Ces deux ouvrages
surpassent, quant à la netteté des
caractères, tout ce que le stéréo-
typage avait produit jusqu'alors.
(^ARIATI (lE prince), fils du
marquis de Fuscaido, d'une des
plus anciennes familles de Maples,
entra au service dans la marine
militaire de ce royaume, et conti-
nua d'en faire partie sous les rè-
gnes »i ooujrtâ de Joseph etd« Jua-
100 CAIV
cliiin ; ce dernier le fit dubord
colonel, et le prit pour aide-de-
cainp; le nomma commandeur de
l'ordre des Deux-Siciles ; l'atta-
♦ cha à son palais comme introduc-
teur des ambassadeur» , maître
des cérémonies, et bientôt après
réleva au grade de maréchal-de-
camp; il le nomma son ministre
plénipotentiaire au congrès de
Vienne, en mars i8i5. Le but de
cette mission où Cariati avait
pour collègue le duc de Campo-
chiaro, était de faire reconnaître
la souveraineté de Joachim par
les puissances européennes, dont
il avait, en 18 14? trop bien servi
la cause , oubliant dans celte
grande circonstance qu'il était
né François, et qu'il devait à la
France sa gloire et sa couronne.
Placé entre Ihonneur et le trône,
il opta pour la royauté, et peut-
être eCit-H obtenu le prix de sa pre-
mière détection, si une seconde
n'eût amené sa perle. A la suite de
la déclaj'îiition que Joachim lit por-
ter par le général Filangieri au
fcld-maréchal duc de Bellegârde,
gouverneur de la Lombardie, dé-
claration dont il fut sur-le-champ
donné connaissance au cabinet
autrichien, le prince Cariati dut
quitter Vienne. Il s'embarqua à
ïriesle, se dirigea vers Ancône,
où il espérait trouver le roi. Mais
déjà Joachim en était parti, en-
traîné parla défection de ses sol-
dats et la trahison de leurs chefs.
Le prince Cariati apprit à Pesca-
ra que le roi était arrivé à Naples
le 1 1 mai : il accourut pour l'y
rejoindre, et ne trouva que la
reine et ses enfans. Tandis que
les armées autrichiennes s'avan-
çaient du côté de la terre, des
CAR
vaisseaux anglais croisaient dans
la rade de ^aples, et la populace
de celte ville, toujours avide de
pillage et de meurtres sans pé-
rils, semblait prête à se soulever,
et n'était contenue qu'avec peine
par la garde bourgeoise. Dans
cette situation difficile, Caroline
fit choix du prince Cariati pour
négocier, avec le commodore
Campbell, un arrangement qui
pût sauver Naples du pillage, et la
famille royale du poignard des
Lazzaroni. La reine, ses enfans et
leur suite furent récusa bord d'un
vaisseau anglais, et transportés à
Triestc. Au retour du roi Ferdi-
nand, le prince Cariati fut main-
teim dans son grade, et employé
en qualité de maréchal-de-camp.
Au mois de juillet 1820, le gou-
vernemenllui conféra, souslesor-
dres du général Nugent, alors mi-
nistre de la guerre à Naples, le com-
mandement des troupes envoyées
contre les insurgés de la provin-
ce d'Avelina. Le général Nugent,
qui ne s'était point attendu à trou-
ver les insurgés en si grand nom-
bre, n'osa prendre sur lui la res-
ponsabilité des événemens; il re-
tourna à Naples chercher des ret«-
forts, et prendre les derniers or-
dres du roi. Revenu dans son
quartier-général, il trouva la pro-
vince entière sous les armes.
Vingt-quatre heures avaient sufU
pour convertir la mutinerie de
quelques soldats en une révolu-
tion unanime, parce que le vœu
de ces soldats était depuis long-
temps celui de tous les habitant
du royaume. Lorsque le roi Fer-
dinand eut ostensiblement ad-
héré au nouvel ordre de choses,
et manifesté à ses sujets le désir
CAR
«le le faire reconnaître par les
grandes puissances de l'Europe,
il envoya des ambassadeurs ;\
Saint-Pétersbourg, à Vienne, à
Londres. Le prince-Cariati, nom-
mé son ministre près la cour de
France, résista d'abord aux or-
dres qu'il reçut de se rendre k
Paris, mais il fallut céder à celui
qui commandait et priait à la fois.
La mission du prince Cariati
n'eut aucun succès, et l'occupa-
tion du royaume de Naples par
les troupes autrichiennes a chan-
gé son rôle d'ambassadeur en ce-
lui de proscrit. Il avait obéi à
regret, et c'est sans doute ce
regret, et non son obéissance,
qu'on a voulu punir en portant
son nom sur la liste des Napoli-
tains bannis de leur patrie. Il
s'est retiré en Angleterre.
CARIGNA> (CnARLEs-AMÉDii^
Albert, de Savoie, prince de),
né le 28 décembre 1 798. Jusqu'au
moment où éclatèrent, à Turin,
les événemens des 1 1 et 12 mars
1821, le prince royal de Sardai-
gne n'avait pris aucune part aux
aflaires publiques. On dit qu'en
i8i5, il demanda au roi Victor-
Émanuel , la permission de fai-
re la campagne qui se préparait
contre Napoléon , et que cette
permission lui fut refusée: il n'a-
vait alors que 17 ans. Au mois
d'aoftt 1816, le prince accompa-
gna le duc et la duchesse de Mo-
dène , dans le voyage qu'ils firent
à Gènes. La révolution de Naples
et les menées de l'Autriche, à qui
l'on supposaitdes vues sur le Pié-
fnont , excitaient depuis long-
temps, dans ce pays, une fermen-
tation sourde, qui se manifesta
d'abord dans les garnisons de Fé-
CAR 10 ï
uestrellc et d'Alexandrie. Les trou-
pes parurent croire que le seul
moyen de se soustraire au joug
autrichien , était de changer la
forme du gouvernement, et d'a-
dopter la constitution décrétée en
1812, i\ Cadix, par lescortès d'Es-
pagne. Le 11 mars 1821, les sol-
dats casernes dans la citadelle de
Turin, et des détachemens de la
garde royale, manifestèrent les
mêmes sentimens; le peuple se
joignit à eux dans la journée du
12, Le roi Victor-Emanuel ab-
diqua la couronne , et nomma ré-
gent du royaume, son cousin,
Charles-Amédée-Albert de Sa-
voie, prince deCarignan. Le pre-
mier acte du régent, dans cette
même journée du 12 mars, fut
d'annoncer, par une proclama-
tion, aux habitans de Turin,
qu'il ferait connaître le lendemain
ses intentions conformes au vœu
général. En effet, le 14 il procla-
clama la constitution des cortès,
promit de l'observer et de la faire
observer comme loi de Télat. En
attendant la réunion du parle-
ment national, le régent nomma
une junte provisoire de quinze
membres, tant pour recevoir le
serment à la constitution qucpour
prendre part aux actes de gouver-
nement qui, aux termes de cette
constitution, exigent l'interven-
tion des cortès. Voici la formule
du serment qu'il prêta devant cet-
te junte : Moi, Charles- Albert
de Savoie , prince de Carignan ,
régent du royaume, investi de
l'autorité par l'abdication de S.
M. le roi f^ictor-E manuel , sui-
vant notre déclaration du 1 5 cou'
rant, je jure à Dieu, et sur tes
saints évangiles, d^ observer Ia
10? CAR
ÇQnsfitutioH politique espagnole ,
sçi/is Us deux modifications es-
Sfintiellcs qui suivent, et qui sont
inhérentes (t ce royaume, analo-
gues au vœu général de la nation,
e( acceptées par la junte provi-
sçire , savoir ; i" Que l'ordre de
la succession au trône restera tel
qu'il est établi par les antiques
lois et coutumes de ce royaume ,
et par les traités; 2° Que j'obser-
verai et ferai observer la religion
catholique , apostolique , romai-
ne , qui est la religion de l'état ,
sans exclure cependant l'exerci-
ce des autres cultes , quijut per-
mis jusqu'ici; et déplus , sous les
autres modifications , qui seront
déterminées ultérieurement par
le parlement national, d'accord
avec S. M. le roi. Je jure aussi
d'être fidèle an roi Charles-Fé-
lix; ainsi, que Dieu me soit en ai-
de. Dans une proclamation qu'il
adressa à l'armée, on remarque
plus particulièreuient ce passage :
f^ous garderez le dépôt de notre
gloire et de la gloire de l'Italie ,
qui fixe ses regards sur vous.
L'honneur et la fidélité sont là ,
où le prince régent , à qui le roi
à remis son autorité, vous dit que
ces sentimens existent. Une am-
nistie pleine et entière fut solen-
nellement accordée à tous ceux
qui avaient coopéré ou adhéré aux
actes politiques des journées pré-
cédentes. De nouveaux ministres
furent choisis et nommés par le
prince. Le 16 mars, la constitu-
tion des certes fut publiée en ita-
lien; un bulletin des lois fut éta-
bli, et l'organisation des gardes
nationales ordonnée dans cha-
que ville, bourg et village. Le
régent s'occupait en même tempe
CAR
d'organiser et de compléter Tar-
mée : il ordonna la formation de
six bataillons de troupes légères.
Mais bientôt tout changea de fa-
ce ; le marquis de Costa, que le
prince de Carignan avait envoyé
auprès du roi Charles-Félix étant
revenu à Turin, la proclamation
suivante fut affichée sur tous le*
murs de la yxWa: Charles-!- Albert
de Savoie , prince de Carignan ,
régent. «Notre très-haut souve-
»rain le roi Charles-Félix répcind
"aux communications qu'en no-
•)tre qualiié de prince-régent,
»nous avons cru devoir lui faire,
»de manière à faire croire qu'at-
« tendu son absence, il n'est point
'•pleinement informé de la situa-
» tion des affaires de son royaume.
» Nous qui sommes des sujets fidè-
» les, et moi tout le premier, nous
«iJevons éclairer S. ÂLsurlaposi-
» tion et sur les désirs de son peu-
'' pie. Nous atteindrons nécessaire-
»ment l'heureux but que se pro-
»pose le cœur d'un prince porté
11(1 faire le bonheur de ses sujets.
»Le gouvernement, ferme et vi-
«gilant, ne doute pas de la coo-
iipération des citoyens, à l'effet
»de maintenir l'ordre et la tran-
»quillité, si heureusement réta-
«Mis, comme aussi pour conser-
» ver au monarque un royaume
V florissant , dont les habitans
a soient réunis par un esprit de
«concorde et de paix. » Donné à
Turin, le 18 mars 1821. Charï-es
Albert. Le prince partit de Turin
pourNovare, dans la nuit du 21
au 22 mars, sans laisser d'ordres,
sansfaire connaître ses intentions
à la junte provisoire du gouver-
nement. Il disparut également
deNovare çl0Pâl»nuitdu5)mârâ;
CAR
sans qu'on sftt d'abord de quel
côté il avait dirigé ses pas. De
cette régence de hiiit jours, il"
n'est resté, pour l'instruction des
peuples , que le souvenir des ac-
tes dont nous venons de parler;
roccupation d'Alexandrie et de
tout le Piémont par les troupes
autrichiennes, et les sanglantes
exécutions de Turin, qui conti-
nuent.
CARION - DE- LASCONDES
(Martin- Jea5-- François), inaré-
*hal-de-canr)p, né en 1762, d'une
famille noble, originaire d'Espa-
gne, servait, au moment de la ré-
volution, dans le régiment de
Champagne infanterie. En 1791,
il fut nouimé capitaine au 1" ba-
taillon des grena«licrs du Pas-de-
Calais, et successivement com-
mandant de bataillon, colonel en
second, et colonel-commandant
des troupes de nouvelle forma-
tion : il fit en cette dernière qua-
lité le? campagnes de Flandre et
de Hollande , et fut particuliè-
rement remarqué à la bataille de
Ncrwinde : il y reçut les félicita-
tions du général en chef Dumou-
riez et du duc de Chartres, au-
jourd'hui duc d'Orléans, sous les
ordre» immédiats desquels il se
trouvait dans cette journée, où la
fortune trahit le succès et non la
gloire des armes françaises. Après
la malheureuse retraite de la Bel-
gique, en 179a, il l'ut nommé gé-
néral de brigade, et connnandait
à Bergucs peniiant le siège de
c^tlc ville. Le gértéral Carion-de-
Lascondes venait de combattre a-
vec distinction à Fleuriis, lore-
qu'en <pialité de noble, il reçut,
en i7<).'5, l'ordre de rentrer dan»
"*€« foyers; la pcrgéculiou i'y sui-
CAR «0.7
Tit; il fut emprisonné. Mis en li-
berté après le 9 thermidor, et
réintégré dans son grade, il ne
putobtenir d'y être employé qu'an
commencement de l'an i^, où il
fut.envoyé en Hollande : il y res-
ta jusqu'en l'an iSi5, époque h
laquelle il Tint prendre le com-
mandement des gardes nationa-
les du Pas-de-Calai», qu'il con-
serva jusqu'à la restauration. Per-
sécuté de nouveau en 18 15, cet
ofUcier-général n'a pu même ob-
tenir le traitement de retraite que
lui méritaient ses services; et
chargé d'une nombreuse et inté-
ressante famille, il vit maintenant
à Oignis dans uoe honorable pau-
vreté.
CARION- DE- NISAS, voyez
Carbion.
CARLES (JosEPH-AnToiRE),né
à Rires, département de l'Isère,
le i8 juin 174»-» d'une ancienne
famille de maître de forges, fit ses
études à Grenoble et à Marseille
chez les jésuites, et se livra spé-
cialement à l'étude des mathéma-
tiques et de la physique. Envoyé
à Paris ù l'âge de as ans, il y fut
nommé premier secrctaiTC du
doyen des maréchaux de France,
lequel, en cette qualité, présidait
le tribunal du {joint d'honneur.
De retour dans son pays, après ia
mort du maréchal, il se retira
dans sa famille, à la côte Sainte-
André, oi'i»es concitoyens le char-
gèrent de l'admiiiistnition de la
commune sous le litre de consul,
qui avait remplacé celui de mai-
le dans ïc resiturt du parlement
d« Grenoble. Au bout de deux
ausi, \(^ circonstances le rantenè-
rent^'i^ Paris, où il ac lirru filins
révervo à ses premiers gaûl» {XNiitf
to4
CAil
l'étude des sciences physiques, et
suivit avec assiduité les cours du
célèbre Fourcroy et de Parcieux.
L'ère de la révolution s'avançait;
Caries fut envoyé aux états de
Roraans pour y représenter, aux
élections, la connmune de la côte
Saint-André; il s'y fit connaître
si avantageusement qu'il fut bal-
lotté deux jours de suite pour la
députation aux états -généraux.
Appelé successivement à la pré-
sidence du district de Vienne , à
celle de la municipalité collective
du canton de la Côte, composé de
treize communes, et enfin à la
place de membre de l'adminis-
tration centrale du déparlement
de l'Isère, c'est là que les élec-
teurs le nommèrent représentant
du peuple au conseil des cinq-
cents en l'an 7 (1^799). ^^ *^ '^''"'
maire ne lui laissa pas le temps
de se livrer aux travaux vers les-
quels son activité naturelle, ses
connaissances et son expérience
l'eussent entraîné; il ne monta
qu'une fois à la tribune, et signa-
la avec énergie les déprédations
de l'administration de la guerre,
qui causèrent en grande partie les
désastres et les revers de notre
armée d'Italie. De retour dans ses
foyers, il y reprit sa place de mem-
bre du conseil-général de dépar-
tement, qu'il a remplie pendant
dix années consécutives, et dans
l'exercice de laquelle il a trouvé à
69 ans le terme d'une vie hono-
rable.
CAllLETON (Gbi), général an-
glais, né en 1724, est mort en
1808. Il a fait la guerre dans le
Canada avec des succès divers.
On attribua à son incurie l'inva-
sion de cette contrée par les A-
CAR
méricains en 1774. Peu s'en faf-'
lut qu'il ne devînt leur prison-/
nier. Un déguisement le sauva. Il
alla s'enfermer dans Québec, dont
il était alors gouverneur; il op-
posa aux assaillans une défense
vigoureuse et bien concertée, et
finit par les chasser entièrement
du Canada. Remplacé, en 1777^
par Burgoyne, il revint en 1782
prendre le commandemen t en chef
des troupes anglaises en Améri-
que, ne fit aucune action militaire
très-remarquable, et demanda sat
retraite peu de temps après. Offi-
cier sage et expérimenté, coura-
geux par réflexion, peu hardi dans
les vastes entreprises, il était fait
pour assurer le succès de l'action
partielle qui lui était confiée.
CARLI (Jean -Resaud, comte
de), naquit à Capo - d'Islria
dans le mois d'avril 1720. Sa fa-
mille était noble et ancienne. Il
fit ses études dans sa ville natale;
composa, à 12 ans, un drame
dont il se souvenait avec plaisir
dans sa vieillesse. Il alla dans le
Frioul, où il eut pour professeur
le savant abbé Bini, qui lui en-
seigna la physique et les élémens
des sciences exactes. II prit un
goût décide pour la recherche des
monumens du moyen âge, mais
il n'en cultiva pas moins les bel-
les-lettres, et publia à 18 ansquel-
ques poésies, et une dissertation
sur l'aurore boréale. Il quitta le
Frioul pour aller à Padoue, ville
renommée pour les sciences, et
il y étudia les mathématiques, la
géométrie, le grec, le latin et
l'hébreu. A l'âge de 20 ans, Car-
li. devenu membre de l'académie
des Ricovrali, commença à se
faire connaître par des discu»-
CAR
filons littéraires avec les célèbres
antiquaires Fontanini et JMiirato-
ri, par des observations sur quel-
ques auteurs grecs et sur le •héâ-
tre et la musique des anciens et
des modernes. Il publia une tra-
gédie à' Iphi^énit en Tauride,
une traduction de la T/u'ogoitie
d'Hésiode, un traité sur l'expédi-
tion des Argonautes, etc., et s'ac-
quit bientôt une grande réputa-
tion. La ville de Venise créa pour
lui une chaire d'astronomie et
de science nautique; le nouveau
professeur dirigea avec beaucoup
de zèle et de talent les travaux
de l'arsenal et la construction des
vaisseaux de guerre, auxquels il
fit donner une nouvelle l'orme,
d'après les modèles qu'il avait
imaginés. Il adressa à Maffei, en
1747» "ie savante dissertation
sur l'emploi de l'argent: on re-
connaît, dans cet écrit, que Carli
méditait déjà le grand ouvrage
sur les monnaies, qu'il publia
quelques années après. La mort
de sa femme, qui lui laissait une
grande fortune à administrer et
un fds à élever, l'obligèrent de
renoncer à sa chaire de science
nautique, et de retourner en Is-
trie. 11 se rendit dans ce pays a-
vec le naturaliste Vililiano-Dona-
li, et s'occupa de la manière la
plus active de la recherche des
antiquités dont cette province é-
tail remplie. La relation curieu-
se de ses Dccouvtitcs dans l'am-
pkilluuitre de Vola, publiée à Ve-
nise, en 17.51, lui assure la prio-
rité (ju'on a voulu lui contester
long-temps après. Le principal
objet des éludes de Carli était
les monnaies; et lorsque dans ses
voyages à Turin, à Milan, et au-
CAR io5
très villes d'Italie, il semblait
s'occuper de recherches étrangè-
res à son but, il n'en poursuivait
pas moins cette grande entrepri-
se, qu'il termina dans l'espace de
neuf ans. Son ouvrage a été im-
primé en trois volumes : le pre-
mier parut, en 1764; le second,
en 1737; et le troisième, en 1760.
Il a pour titre Oelle Monete, etc.,
etc. Ce livre fit une grande sen-
sation en Italie; les savans, les
économistes et les corps politi-
ques y applaudirent. Il eut en
peu de temps plusieurs éditions.
Les cours de Turin, Milan et
quelques autres en adoptèrent les
principes dans leurs essais moné-
taires; la cour impériale les prit
pour base dans ses paiemens ; en-
fin le Traité des monnaies de Car-
li servit de règle dans toute l'Ita-
lie, pour les jugemcns et règlc-
mens sur cette matière. La mort
de son père l'ayant rappelé à Ca-
po-d'Istria, il voulut rendre le
service à son pays natal d'y trans-
porter un établissement de com-
merce et de manufacture de lai-
ne que sa femme lui avait trans-
mis. Il employa ses soins et sa
fortune à le faire prospérer; mais
des contrariétés de tout genre
renversèrent son travail et ses
projets, et un procès acheva sa
ruine. La cour impériale de Vien-
ne établit à la fois, à Milan, le
conseil suprême du commerce et
celui des études, et choisit Carli
pour présider l'un et l'autre. Cet
événement releva ses espérances
et sa fortune; il se rendit à Vien-
ne, où il avait été appelé secrète-
ment par le prince dt Kaunitzpour
concerler avec lui le .«yslème d<i
double établissement dont il a-
loG
CAR
vait élé nommé président, et re-
vint également satisfait des é-
gards dti ministre, des bontés de
l'Impératrice, et de l'accueil dis-
tingué qu'il avait reçu des savans
d'Allemagne. Le séjour de .loseph
II à Milan ayant oflV.rl ii Carli u-
ne nouvelle occasion de l'aire bril-
ler ses talons, 1 empereur lui té-
moigna sa satisfaction par une
augmentation de traitement et la
concession du titre honorifique de
conseiller-privé d'état. Le comte
Carli obtint encore la présiden-
ce du nouveau conseil des finan-
ces, créé à Milan en 1771. Au mi-
lieu de ses graves occupations, il
fit paraître son livre intitulé Z"" t/o-
nto libtro, fruit de ses travaux
philosophiques, elles Letlere ar/ie-
ricam' , qui prouvent son goût
pour les recherches savantes. Sa
santé se trouvant altérée, il obtint
sa retraite en conservant les ho-
noraires de ses emplois, et s'occu-
pa de la publication de son der-
nier ouvrage, Dalle jént'cliitàita-
liche, qui assigne à l'auteur, par-
rai les antiquaires, le même rang
qu'il occupait déjà parmi les écri-
vains qui ont traité de l'économie
politique. Le comte Carli joignait
à ses rares talens des vertus per-
sonnelles qui Font fait générale-
ment regretter, 11 est mort, en
1795, âgé de ^5 ans.
CARL1SLE( Frédéric-Howard,
COMTE de), oncle et tuteur du cé-
lèbie lord Byron , est né le q8
mai 1748. 11 fit ses études à Eton
et à Catnbridge, termina son
tour d'Europe (complément né-
cessaire de l'éducation anglaise);
reçut en 1768, à Turin, des
mains du roi de Sardaigne, la
décoration du Chardon ; revint
CAR
en Angleterre, où il fut nommé
conseiller - privé, trésorier de
la maison du roi, et choisi pour
un des commissaires chargés de
concilier les prétentions de TAn-
glcterre, avec les droits de l'A-
niéiiqiie septentrionale. En vain
chercha-t-il à les concilier, et à
identifier les intérêts de ces colo-
nies avec ceux de la métropole.
Un de ses écrits, intitulé l.nion
et ruine, eut un succès littéraire,
qui ne put ni changer les vues du
gouvernement, ni assurer le suc-
cès politique de sa mission. Nom-
mé ensuite premier commissaire
du commerce et des plantations,
et lord-lieutenant d'Irlande, il
ne tarda pas à être remplacé dans
ce poste brillant par le duc de
Portland : Carlisle s'en vengea en
se jetant dans l'opposition, qui
ne parut lui tenir aucun compte
d'une conversion que le dépit lui
avait conseillée. Il s'était de tout
temps occupé de littérature; mais
ses drames et ses vers l'ont ren-
du bien moins célèbre dans ce*
derniers temps , que sa querelle
avec son redoutable pupille, lord
Byron. Ce dernier lui avait dé-
dié un recueil de poésies, infor-
mes essais de sa jeunesse, où ce-
pendant on pou vait déjà découvrir
quelques indices de son talent
futur. Attaqué brutalement par
des critiques de profession, ou-
tragé par une foule insolente d'é-
crivains, jaloux de son rang et de
sa fortune, Byron ne trouva dans
son noble tuteur, à qui l'ouvrage
était dédié, qu'un défenseur fai-
ble ou même perfide. Byron res-
sentit son iqjure avec la violen-
ce de son caractère et la force
de son génie, et tira de lord Car-
CAR
lisle la plus cruelle vengeance,
en l'associant aui victimes qu'il
immola dans une satire qui fit
redouter sa plume à l'égal du
poignard. «Nous avons (dit-il)
«quelques lords poètes; il faut
» leur en savoir gré; c'est un mé-
"rite, quand on est noble, de sa-
»voir ou de daigner écrire ; mais
"que dirai-je de toi, muse para-
«lytique deCarlisie? Que dirai-je
»de toi, qui lui inspires des vers
xplus froids et plus pâles , à me-
))Sure que ses cheveux blanchis-
M.sent? Pair bigarré! Honneurs
» hétérogènes : Carlisle est à la fois
'.lord et petit-maître; pamphlé-
H taire et ministre; receveur et
• politique, etc.» Une note acer-
be, ajoutée à ces vers, comblait
la mesure du ridicule. L'oncle et
le neveu ne se sont jamais revus.
L'un s'est retiré dans une de ses
terres, où il est parvenu à se fai-
re oublier; l'autre, en parcou-
rant l'Europe et l'Asie, est arri-
vé à la gloire, sans avoir trouvé
le repos et le bonheur. Carli«le a
publié divers ouvrages : d'abord,
un recueil de poésies en 1773,
réimprimées à la suite des trafçé-
dits et pot-mes , Londres, 1801,
in-8". Celle nouvelle édition ,
imprimée par Bulmer, est très-
belle, et ne laisse rien à désirer
sous le rapport de l'exécution
typograpbif|ue ; les principales
pièces qu'elle contient, sont:
deux tragédies, dont l'une est
intitulée : la f^engeance d'un pè-
re, sujet tiré deBorcace, dans
l'histoire de J^uncrède et Sigis-
nionde ; l'autre est la Belle-Mc-
te (ihe Step-Motlier); une tra-
duction de l'épisode du CunUe
UgoUn , du Dante ; une Ode sur
CAR 107
la mort de Gray. Depuis , le
comte de Carlisle a publié des
vers sur la mort de lord JSelson ,
1806, et des Réflexions sur l'état
actuel du théâtre , et sur la cons-
truction d'une nouvelle salle ,
1808, in-8° (sansnom d'auteur).
On trouve dans quelques-unes
des poésies du comte de Carlisle,
du mouvement, de la force, et
de la sensibilité.
CAB.LYLE (Joseph Dacres),
savant théologien anglais, naquit
à Carlisle , en » 759, et mourut en
i8o4- L'étude des langues orien-
tales devint l'objet de son appli-
cation : il s'attacha particulière-
ment à la langue arabe, dont il
acquit rapidement une grande
connaissance , grâces aux soins
d'un savant du Bengale, nommé
David Zabio , résidant à Cam-
bridge. Après avoir passé dix ans
dans le collège de cette ville , il
y reçut le degré de bachelier; il
se maria , vint s'établir à Carlisle,
où le docteur Craven, professeur
d'arabe, lui résigna sa chaire. Il
l'occupait en 1794; en 1790, il
eut une place à la chancellerie;
en 1799, il suivit lord Elgin , qui
se rendait en qualité d'ambassa-
deur à Constaritinople. Ce voya-
ge facilita à Carlyle le moyen de
faire des découvertes de la plu»
haute importance pour les scien-
ces, puisqu'il parcourut succes-
sivement lAsie-Mincure, l'Egyp-
te , la Syrie, la Palestine , "et
put consulter un grand nombre
d'ouvrages, qui ne se trouvent que
dans les bibliothèques des Orien-
taux:. Il appliqua une partie de
•«es laborieuses et savantes re-
cherches, à découvrir exactement
le lieu où s'élevait jadis la célèbre
loS CAR
Troie, et rc\iril en Anghli'nr,
après avoir traversé l'Italie et
l'Allemagne, en 1801. A son re-
tour, Carl)fle obtint la place im-
portante , et très-lucrative , de
recteur de Newcastle - sur-Tyne.
Dès ce moment, la belle édition
de la Bible arabe, publiée par la
société biblique de Londres, de-
vint l'objet de tous ses soins;
mais le dépérissement de sa san-
té , occasioné par ses travaux et
ses voyages, ne lui laissa pas la
satisfaction de voir la publication
de ce grand ouvrage , destiné à
l'instruction des musulmans d'A-
frique. Carijle n'avait que 45 ans
lorsque la mort vint le frapper.
Les principaux ouvrages qu'il a
publiés, sont : une Chronique c-
gyptienne, imprimée en arabe,
avec une traduction latine, et de
savantes notes, Cambridge, 1792,
in- 4°; un Spécimen de poésie ara-
be , Carlisle , 1 796. Le docteur
Henri Ford fut chargé, après lui ,
de continuer son édition de la
Bible arabe, et de publier ses
Observations pendant son voya-
ge dans les régions orientales,
ainsi que sa Dissertation sur la
Troade. Les ouvrages de Carlyle
sont estimés.
CARMLNATI (Bassiano), sa-
vant médecin, professeur de l'u-
niversité de Pavie, et natifdeLo-
di , à publié, sur l'hygiène et la
thérapeutique , des ouvrages qui,
venant à l'appui de ses leçons,
ont singulièrement contribué aux
progrès de ces deux sciences. Le
galvanisme a été aussi l'objet de
ses méditations, et il s'en est oc-
cupé avec succès. Il a publié : 1"
De aninialiuni ex mephitibus et
noxiis halitibus interitu , ejusque
CAR
propioribus causis , Lodi, 1777,
in-4"; 2° Riccrche sulla natura
e sugli usi del sngo gastrico inme-
dicina ed in chirurgia , Milan ,
1 785, in-4°, traduit en allemand.
Vienne, 1785. in-8°; "ô" Opuscula
therapeutica , Pavie, 1788, in-
8"; traduit en allemand, Vienne,
1 789, in-8''. Il n'a paru qu'un vo-
lume de cet ouvrage, dans le-
quel se trouvent des observations
importantes ; (\''Saggio di alcnne
ricerche su i principj c sulla
virtà délia radiée di calaguala ,
Pavie, 1791, in-8° ; traduit en
allemand avec l'opuscule de don
Louis Gelmetti, sur le même su-
jet, Leipzig, 1793, in-8°; ^"Hy-
giène, therapeutice et materia nie-
dica, Pavie, 1791, 1793,3 vol.
in -8°; traduit en allemand, Leip-
zig, 1792 — 1796, L'empereur
Napoléon avait nommé le profes-
seur Carminati, membre de l'ins-
titut du royaume d'Italie.
CARMONA (don Salvador),
graveur de la chambre du roi
d'Espagne, naquit à Madrid vers
1700. Les grandes dispositions de
Carmona pour l'art de la gravure
le firent choisir par le roi d'Espa-
gne, avec trois autres jeunes ar-
tistes, pour venir se perfection-
ner à Paris dans les différens gen-
res de gravure. Placé sous la di-
rection de Charles, depuis gra-
veur de l'académie, il parvint, au
bout de quelques années, à être
admis lui-même dans ce corps
célèbre. De retour à Madrid vers
1760, il s'y maria avec la fille de
Raphaël Mengs , peintre d'une
grande réputation. Les princi-
paux ouvrages de Carmona sont :
l'Histoire écrivant les fastes de
Charles III, roi d'Espagne, d'à-
CAR
près Solimène, l'Adoralion des
berjïers d'après Pierre, la Résur-
rection d'après Carie Vanloo, la
Vierge et l'enfant Jésus d'après
Vaudjck ; les portraits de Bou-
cher et de Colin de Vcrmont,
qu'il a gravés pour sa réception à
l'académie de Paris. La date de
1755, que porte l'estampe de la Ré-
surrection, détruit sulfisammcnt
l'opinion des auteurs du diction-
naire historique, édition de Prud-
homine, qui placent l'époque de
la naissance de cet artiste en
i^Si. Il est mort à Madrid en
1807.
CARMONTELLE, né à Paris,
le 25 aoftt 1717, était lecteur du
duc d'Orléans, et ordonnateur des
fêtes données par ce prince. II est
inventeur de ce genre de drame
appelé provtrhi.s , petite pièce
dont l'action se rapporte à l'une
de ces maximes populaires, dont
elle doit démontrer la justesse.
Carmontellc a fait un grand nom-
brede proverbes, et d'autres petits
drames, qui tirent leur principal
intérêt du temps, du lîeu , et de
l'occasion qui les a fait naître. Il
écrivait avec une extrême facili-
té, et composait, en quelques
heures, une pièce de théâtre,
qu'il savait arranger assez habile-
ment, au ton et au caractère des
personnes qui devaient y jouer
un rôle. On ne peut guère s'at-
tendre ;\ trouver, dans des scè-
nes improvisées de la sorte, de
grands développemens dramati-
ques ; mais on y reconnaît un ta-
lent véritable pour le dialogue,
une imagination facile, un style
naturel, et l'intention d'un hon-
nête homme qui, par de petits
iiioycn^ , rli«M chc à remplir le but
CAR
109
de tout auteur comique : Castigat
ridendo mores. Carmontelle sai-
sissait assez heureusement les tra-
vers et les tics de tous les genres
de sociétés ; il rendait aussi fidè-
lement les conversations fasti-
dieuses des salons, que le rabâ-
chage des bourgeois. Au talent
d'écrire , il joignait celui de la
peinture; il a fait les portraits de
presque tous les personnages cé-
lèbres du 18°" siècle. Il s'amu-
sait aussi ù faire, sur du papier
très-fin, des tableaux transparens
qui, appliqués sur un carreau
de croisée, offraient au spectateur
une suite de scènes plus ou moins
amusantes, mais toujours mora-
les. Ces ingénieuses niaiseries lui
avaient ouvert l'entrée de tous les
salons , et l'y fesaient désirer pres-
que à l'égal d'un grand hommt'.
Malgré toutes les ressources et
les moyens d'existence que sem-
blaient devoir lui offrir ses occu-
pations variées, cet inépuisable
auteur n'a point été à l'abri du
besoin, dans les dernières années
de sa vie; le mont-de-piélé vou-
lut bien recevoir ses volumineux
manuscrits en nantissement d'u-
ne petite somme qu'il lui prêta.
Il mourut le 26 décembre 1806, '
âgé de près de 90 ans. La liste
de ses ouvrages est considérable;
ils sont contenus dans divers re-
cueils, dont voici les titres : Pro-
verbes dramatiques , 6 vol. in-S",
1768; réimprimés dans le Recueil
ç^néraL des proverbes dramati-
ques , 1785, iG vol. in- 12; le*
tomes 7 et 8 de ses proverbes , et
après sa mort, la publication de
ses Nouveaux proverbes drama-
tiques.^ forment 4 autres vol. in-
1 3; Théâtre du prince Ctenerzou,
iio
CAR
traduit en français, par te baron
de Blening, 1771, 2 vol. in-S";
Théâtre de campagne , 1775, 4
vol. in -8"; L'Abbé de plâtre,
comédie en 1 acte et en prose ; le
Duc d'Arnay, et le Triomphe de
l'amour sur les mœurs de ce siè-
cle, romans; enfin les Conversa-
tions des gens du monde, dans
tous les temps de l'année, ouvra-
ge qui n'a point été achevé.
CAR?JOr (Lazare- Nicolas -
Makcverite, comte), naquit à No-
lay-en-Bourgognele i3mai 1763.
Sa famille, depuis long-temps re-
commandable , avait déjà fourni
à la France d'habiles ofîlciers et
de savans jurisconsultes. Le jeu-
ne Carnot se livra h l'étude des
mathématiques, et en 1771 entra
au service dans l'arme du génie.
En 1785, son éloge du maréchal
de Vauban, l'un des meilleurs ou-
vrages de ce genre, fut couronné
par l'académie de Dijon; et son
essai sur les mathématiques ob-
tint un grand succès. Carnot, à
cette époque, n'avait encore que
le grade de capitaine. Le princ«
Henri de Prusse lui écrivit pour
l'engager à prendre du service
dans les armées du grand Frédé-
ric. De brillans avantages, et un
avancement rapide, lui étaient
promis. Dévoué sans réserve au
service de la patrie, Carnot refu-
sa les offres du prince étranger.
Décoré de la croixde Saint-Louis,
son ancienneté sous les drapeaux,
et un mérite reconnu, l'avaient
déjà entouré d'une réputation ho-
norable quand la révolution écla*
ta. ïl en adopta les principes; et,
en 1791, le département du Pas-
de-Calais, où il était alors en ré-'
ildence, le ûomoaa député à Fas-
CAR
semblée législative. Durant celte
mission importante, Carnot dé-
ploya ce caractère inébranlable
au(piel la France fut bientôt rede-
vable d'une attitude si fière et si
glorieuse. Une faction, dont l'in-
civisme ne voulait rien concé-
der à l'intérêt général, agitait la
France dans tous les sens; et ne
pouvant plus la posséder, cher-
chait à l'anéantir. Carnot, sans
dépasser les bornes de la modé-
ration, vota pour les mesures ré-
clamées par le premier de tous
les intérêts, celui de la pairie. Les
Français ennemis de la France ,
soit que leur tiîche fût d'organi-
ser la guerre civile dans l'inté-
rieur, soit que leur mission fût
de solliciter à l'extérieur l'appui
d'une coalition étrangère, excitè-
rent également son active surveil-
lance. Il contribua au décret d'ac-
cusation, rendu à la presque una-
nimité du corps -législatif, con-
tre plusieurs émigrés célèbres.
Membre du comité militaire, il
porta souvent la parole en son
nom. Le premier devoir d'une
nation qui recouvrait son indé-
pendance, était de nationaliser
l'armée; c'est dans ce but qu'il
proposa l'élimination d'officiers,
agens aveugles dn pouvoir-exé-
cutif, et leur remplacement par
des sous -officiers ; et la démoli-
tion de quelques citadelles de
l'intérieur qui , souvent inutiles
en temps de guerre, menacent de
devenir en temps de paix des po-
sitions d'où le despotisme domi-
ne sur la liberté. Carnot s'oppo-
sa à quelques mesures, par les-
quelles M. de Narbonne, alors
ministre de ta guerre, voulait ra-
mener le» troupes à une obéis-
11.
.l/ft-fioiVif Se
CAR
sancc purement passire, ce qui
pouvait, dans l'état des choses, li-
vrer la France à la trahison ou à
lu vénalité du premier chef de
corps. Mais ce qui prouve com-
bien il était éloigné de vouloir
détruire une sage discipline, c'est
que le 9 juin 1 792, il demanda un
décret pour honorer la mémoire
deThéobald Dillon et du colonel
Bcrthois, massacrés à Lille par les
troupes qu'ils commandaient. Les
menées des adversaires de la ré-
volution forcèrent le corps-légis-
latif à se mettre plus que jamais
sur ia défensive; on licencia la
garde du roi, que des traîtres rou-
laient entraîner dans leurs com-
plots contre le peuple; on décré-
ta l'armement d'une nombreuse
garde nationale, soit avec des fu-
sils, soit avec des piques; on or-
ganisa deux nouvelles divisions
de gendarmerie. Quelques bio-
graphes jugeant Carnot , les uns
avec une animosité aveugle, les
autres avec légèreté et siifHsance,
lui reprochent la part qu'il prit ■\
««»diversesmesures,ety voient la
cause des événemens du 10 août;
cela fût-il exact, ce ne sont pas
«eux qui ont pris ces mesures
qu'il faudrait accuser d'avoir fait
le 10 août, mais ceux qui les ont
rendues indispensables. Après cet
événement, Carnot fut envoyé
aux camps de Soissons et de Châ-
lons pour en donner connaissan-
ce aux troupes, et sa mission n'é-
tait pas encore terminée quand le
département du Pas-de-Calais le
nomma député à la convention
nationale, convoquée pour le 2a
î»eptembre suivant. C'était la se-
conde fois que Carnot allait sié-
Ker comme rcprésaataat ds o«
CAR 1 1 1
département dans une assemblée
législative. Une des premières
mesures de la convention fut un
hommage décerné aux talens po-
litiques et militaires de ce dépu-
té, car on le chargea de se ren-
dre dans les départemens des Py-
rénées, à l'effet de surveiller l'Es-
pagne dont les intentions don-
naient de l'inquiétude. Revenu
dans le sein de la convention, à
l'époque où elle allait commencer
le procès du roi, Carnot prit part
à celte grande catastrophe politi-
que; et s'étant déclaré pour la cul-
pabilité, il vota la mort. Il fil, peu
de temps après, le rapport propo-
sant la réunion de Monaco et d'u-
ne portion de la Belgique à la
France. Cependant, en mars 1 793,
il se rendit comme député à l'ar-
mée du Nord. Ce fut lui qui fit
connaître au gouvernement l'ar-
restation du ministre de la guer-
re Beurnonville et de plusieurs
rcprésentans par Dumouriez, et
qui ordonna la saisie et l'envoi au
gouvernement des papiers rela-
tifs à la défection de ce général.
Le 26 vendémiaire an *2 (17 oc-
tobre 1795), Carnot destitua le
général Gratien, accusé d'avoir
reculé sur le champ de bataille,
se mit lui-même à la tête des co-
lonnes françaises, attaqua l'enne-
mi  la baïonnette, le culbuta, et
vainqueur à Watignies, s'empara
de Manbeuge. Enfin le i4 août
1793, Carnot fut nommé mem-
bre du comité de salut public créé
le 7 avril précédent. Nous profes-
sons une juste horreur pour tout
gouvernement qui domine par le
meurtre, et qui règne par la pros-
cription; mais nous pensons que
la patrie -n'en doit que plas de re-
112 CAR
connaissance à l'homme iolrépi-
de qui, se dévouant à elle, vinl
s'asseoir parmi ceux qui l'oppri-
maient, afin d'y saisir un moyen
de la sauver. Quelques individus,
cherchant à obscurcir les plus
beaux titres du général, Ii|i re-
prochent sa présence au comité
de salut public : qu'ils réfléchis-
sent. Carnot de moins dans ce co-
mité, et huit cent mille étrangers
se ruaient sur la France; et les re-
vers aflreux qu'elle a subis vingt
ans plus tard l'accablaient vingt
ans plus tôt, avec cette différence
que les malheurs du présent n'eus-
sent pas trouvé de consolation
dans la gloire du passé! Carnot,
dans le comité de salut public,
s'occupa exclusivement de diri-
ger les opérations militaires. Qua-
torze armées s'organisèrent com-
nxe par enchantement sur divers
points; de tous côtés l'exécution
de ses ordres fut signalée par des
succès; la France fut désolée,
mais elle demeura indépendante;
et à cette époque sanglante , mais
honorable, les crimes du dedans
furent expiés du moins par la
gloire du dehors. Sans doute il a
dû être douloureux pour le géné-
ral Carnot de s'associer aux hom-
mes près desquels il siégeait au
comité de salut public; mais sa
retraite n'eût empêché aucun mal,
et sa présence produisait un grand
bien. En position pareille , un
homme qui n'eût pensé qu'à soi
se fût retiré ; Carnot songeait à
la France, et il resta. Président
de la convention le 16 floréal (5
mai 1794), il sortit du comité de
salut public après le 9 thermi-
dor (27 juillet); mais son im-
ijiense utilité y nécessita son rap-
CAR
pel le i5 brumaire suivant (5 no-
vembre de la même année). Ce-
pendant Carnot, étranger de fait,
et dans l'opinion de tous les hom-
mes justes, aux excès des mem-
bres du comité dont il faisait par-
tie, eut la générosité de ne point
se séparer d'eux, lorsque, dans la
séance du 12 vendémiaire an 3
(8 octobre 1794)» ils furent vio-
lemment accusés. Il parla dans
cette occasion, non pas pour ex-
cuser les horreurs commises ,
mais pour rappeler les services
rendus sous l'administration du
cornitéde salutpublic. Quoiqu'en
disent quelques biographes, cet-
te action est honorable. En révo-
lution, quand des circonstances
impérieuses, quand l'amour du
bien pidilic vous unit à certains
hommes, le courage qui vous im-
pose cette pénible association au
moment de leur prospérité, vous
interdit aussi un lâche abandon
au jour de leur infortune. Après
l'insurrectiorî du 1" prairial an 3
(20 mai 1795), Carnot, en butte
aux inculpations de la haine, al-
lait être décrété d'accusation ,
quand les mots suivans, pronon-
cés du haut de la tribune, le sau-
vèrent de la proscription sous le
plus proscripteur des gouverne-
mens : « C'est cet homme qui a
«organisé la victoire dans nos ar-
» mées. » La constitution de l'an 3
fut promulguée; le régime de la
convention cessa; et dix -sept
départemens nommèrent Carnot
membre de la nouvelle législatu-
re. Il siégeait au conseil des an-
ciens lorsqu'il fut élu directeur.
Ce fut encore des opérations mi-
litaires qu'il s'occupa dans ce nou-
veau gouvernement; et à cet é-
CAR
gard, un conflit d'attribution ex-
cita entre lui et Barras une mé-
sintelligence marquée. Arriva le
i8 fructidor : soit que la consti-
tution de l'an 3 fût réellement
insuffisante, soit que l'impéritie
du directoire ne lui eût pas permis
d'y puiser la force nécessaire au
pouvoir-exécutif, un coup-d'é-
tat fut résolu, mesure désastreu-
se qui sape dans sa base le gou-
vernement qui l'emploie, et tôt
ou tard le renverse ; car dès lors
il se trouve et de droit et de fait
hors la loi qu'il a lui-même vio-
lée. Barras, investi de pouvoirs
extraordinaires par la majorité
triomphante du directoire, exer-
çait une espèce de dictature. Car-
nol proscrit se relira en Allema-
gne; et celui qui, depuis plusieurs
années, défendait la France con-
tre la fureur des coalitions étran-
gères, alla comme un autre Ca-
mille demander un asile aux peu-
ples qu'il avait vaincus. Durant
son exil, ses écrits et sa conduite
ne cessèrent pas un moment d'ê-
tre conformes aux opinions qu'il a
sans cesse professées. Lue révo-
lution mémorable mit enfm un
terme aux longues agitations de
la France, et commença pour el-
le une époque de gloire et de pros-
périté. Nous voulons parler du 18
brumaire. Le premier consul rap-
pela Carnot, le nomma premier
inspecteur-général aux revues, et
quelque temps après, lui confia
le portefeuille de la guerre. Ce'
fut sous ce ministère que les ar-
mées françaises gagnèrent les La-
tailles de Alarengo et de Hocnlin-
den. I>a paix conclue, Carnot, de-
venu moins utile et peut-être
uioin.«i agréable au premier con-
X. ir.
CAR
ii3
sul, crut devoir déposer le porte-
feuille, et rentra dans une vie la-
borieuse et privée. Cependant,
nommé le 9 mars 1802 membre
du tribunat, il se distingua dans
cette nouvelle position par une
fidélité inflexible aux principes et
aux intérêts républicains. 11 par-
la et vota successivement avec u-
ne noble énergie contre le consu-
lat à vie et contre la création d'un
empereur. Après la suppression
du tribunat, Carnot sorti pauvre
de tant de fonctions et de digni-
tés, demeura sans emploi et sans
pension. On avait, à l'insu du pre-
mier consul, considéré sa démis-
sion de ministre de la guerre com-
me une renonciation absolue à
tous ses emplois; mais lorsqu'en
1808, le bel ouvrage de Carnot,
intitulé de l'altaijuc tt de ta dé-
fcnst des places , ûxa l'attention
de l'empereur ;. ce prince, informé
par Clarke, alors ministre, de la
position où se trpuvaii l'un des
plus vieux défenseurs de la patrie,
non-seulement le fit réintégrer
sur les contrôles de l'armée, mais
ordonna que les années de traite-
ment échues depuis sa retraite du
ministère lui fussent payées. Le
duc de Feltre se, conduisit dans
cette occasion d'après les princi-
pes d'une reconnaissance honora-
ble. 11 n'oubliait pas que Carnot,
dans l'une des positions où la di-
rection suprême de la guerre lui
appartenait, avait tiré le citoyen
Çlarke d'un dénùment presque
absolu, et avait calmé par de sa-
ges, conseils son exaltation ultni'
dès lors, mais dans un sens qui
n'était pas celui de la royauté.
Cependant les glorieuses et fata-
les campagnes de Russie et J»>
ii4 CAH
Saxe virent échouer !a fortune
des armes françaises. La patrie é-
tait en péril; Garnot offrit son é-
pée à l'empereur. Le comman-
dement delà villed'Anvers lui fut
confié. Il se remit en route pour
cette même Belgique où vingt ans
auparavant il avait servi la patrie
sous lesdrapeauxdelarépublique,
comme il allait la servir de nou-
veau sous les aigles de l'empire.
L'arrivée du général Carnot dans
la ville d'Anvers changea en un
clin d'œil la face des choses. Les
Anglais, qui s'étaient avancés par
terre sur la rive droite de l'Escaut,
furent vigoureusement canonnés;
de brillantes sorties eurent lieu;
une monnaie de siège fut créée
pourles besoins journaliers. Quel-
ques lâches ou quelques traîtres
ayant parlé au général de se ren-
dre, des mesures fortes et sages
furent prises pour maintenir la
sûreté intérieure; mai» d'un autre
côté, religieux protecteur des in-
térêts de la ville, il s'opposa à la
démolition du faubourg Belgra-
de, qui, aux termes des règle-
mens militaires, devait être rasé
comme susceptible de favoriser
l'approche des assiégeans; et il
faut avoir habité Anvers pour se
faire une idée des sentimens de
reconnaissance et d'admiration
que le général Carnot a su con-
quérir au milieu de circonstan-
ces, où ne point inspirer la haine
est une tâche déjà difficile. Car-
not, pour défendre Anvers, avait
à peine 6,000 hommes, y com-
pris les équipages de marine; des
forces considérables l'investis-
&aientdetoutesparts,etcependant
le général français déclarait ses
mesures de résistance prises pour
CAR
deux années. Le prince royal de
Suède essaya d'enlanicr des né-
gociations avec lui, au nom de
leur ancienne amitié. — J'étais
l'ami du gêné rai français Berna-
dotte, répondit Carnot, mais je
suis l'ennemi du prince étranger
qui tourne ses armes cofttre ma
patrie. Carnot, dont l'opinion en
fait de stratégie est sans doute u-
ne autorité, manifestait beau-
coup d'admiration pour la cam-
pagne de France, On l'entendait
ù la lecture des bulletins de la
grande-armée prédire, d'après les
opérations faites, les opérations
qui devaient se faire. La marche
des troupes coalisées sur Paris lui
semblait le résultat des savantes
combinaisons de l'empereur; il
regardait leur perledans cette po-
sition critique comme inévitable;
lorsqu'une capitulation, aussi dé-
plorablequ'inattendue, vint trom-
per toutes les prévoyances et ren-
verser toutes les combinaisons.
Carnot reçut à Anvers la nouvel-
le des changemens politiques sur-
venus en France. Il avait défendu
la place au nom de l'empereur;
il continua de la défendre au nom
de la patrie, et ne consentit à ca-
pituler que lorsque les ordres du
comte d'Artois lui en imposèrent
l'obligation. Quatre millions fu-
rent offerts à Carnot par les agens
d'une des puissances coalisées,
s'il voulait devancer de quelques
heures le moment fixé pour livrer
la ville. Il est inutile de dire quel-
le fut sa réponse. Carnot, de re-
tour k Paris, ne reçut aucun em-
ploi du gouvernementroyal.Dans
le courantde i8i4, il publia, sous
le titre de Mémoire au roi, une
brochure où les fautes graves du
CAll
nouveau ministère étaient signa-
lées avec la franchise d'un bon ci-
toyen, et l'expérience d'une lon-
gue et laborieuse carrière. Mais
le débarquement de Napoléon à
Cannes fut tout à coup la preuve
active et terrible de la culpabili-
té des ministres envers la nation,
et de la haine de la nation envers
les ministres. Napoléon, arrivé à
Paris, voulut donner un gage de
son retour à des principes cons-
titutionnels. 11 fit mander Car-
not, commença par le compli-
menter sur la défense d'Anvers,
et finit par lui oftVir le portefeuil-
le de l'intérieur. Le général ob-
jecta qu'il pourrait rendre de
plus utiles services au départe-
mentde la guerre. — «Le ministère
»de l'intérieur est le plus impor-
»tant de tous aujourd'hui, répli-
»qua Napoléon; il ne me faut à la
"guerre qu'une machine. Celle
»que j'y place est peu habile, mais
«elle est dévouée.» Carnet, qui ne
doutait pas que la conversion de
Napoléon ne fût sincère, et qui
voulait qu'avant tout la patrie
triomphât j était d'avis que le
vainqueur de Marengu, investi
pour quelques semaines de la dic-
tature, njarchût de suite sur la
Belgique, et réintégrât la France
dans ses anciennes limites. Entré
.au ministère, il s'opposa à l'acte
additionnel dans les conseils. Il
est faux, comme l'ont dit certains
biographes, qu'il ait ensuite forcé
les fonctionnaires dépendant de
son ministère à le signer. Les vo-
tes de chacun ù cet égard furent
libres. Carnot, durant son admi-
nistration, s'opposa ik toute espè-
ce d'acte arbitraire. Des lettres
ayant été saisies dans quelques
CAR
)i6
bureaux de poste; n'oubliez pas,
écrivait le ministre aux préfets en
blâmant cette mesure, que la
pensée d'un citoyen français est
libre comme sa personne. Avant
le départ de Napoléon pour l'ar-
mée, Carnot lui porta la preuve
évidente des intelligences de Fou-
ché avec la coalition. Napoléon
manifesta à l'homme qui le tra-
hissait toute son indignation, et
malheureusement le méprisa as-
sez pour le laisser en place. Après
le désastre du mont Saint-Jean,
Carnot conseillait à Napoléon de
se rendre en personne aux cham-
bres, d'y faire l'exposé de la situa-
tion des choses, et de leur deman-
der les moyens de sauver la pa-
trie. Le principal de ces moyens
était encore selon lui la créa-
lion momentanée d'une dictature.
Dans le conseil, il s'opposa à une
abdication qui rendait toute ré-
sistance contre l'étranger impos-
sible. Nommé membre du gou-
vernement provisoire, après la
seconde abdication de Napoléon,
et durant les jours orageux qui
s'écoulèrent jusqu'à la rentrée du
roi, Carnot, toujours dévoué ù la
chose publique, ne s'occupa que
des moyens d'atténuer les mal-
heurs dont la France était mena-
cée. Le caractère double et dé-
loyal de Fouché lui était connu;
ses intelligences avec tous les par-
tis lui étaient prouvées; mais le
moment où la chute de cet hom-
me pervers pouvait être utile n'é-
tait plus, et Carnot crut devoir
s'opposer à la résolution de quel-
ques membres qui voulaient de-
mander sa mise en accusation. A-
près avoir consenti à la capitula-
tion de Paris, et le gouvernement
ii6 CAR
du roi étant réinstallé, Carnot,
Inscrit par Fouchc sur une liste
d'exil, se relira dans une campa-
gne à douze lieues de la capitale.
Là il publia un mémoire ot'i sa
conduite durant les cent jours est
expliquée. Bientôt la chambre de
i8j5 fit retentir des cris de rage
et de proscription; Carnot, ban-
ni, quitta la France, et se j:etira
à Varsovie, où le grand-duc Cons-
tantin le reçut avec beaucoup de
considération. On assure même
que des oft'res brillantes de servi-
ce lui furent faites, mais que le
général français les refusa. De-
puis Carnot a fixé sa résidence à
Magdebourg, où n'ayant, pour
toute fortune, que les faibles re-
venus qu'il possédait avant d'en-
trer dans les aftaires, il mène u-
ne vie consacrée à l'étude et en-
vironnée de l'estime publique. La
renommée de Carnot est un de
ces beaux titres de gloire que l'Eu-
rope envie à la France. Nous ne
prétendons pas que sa longue car-
rière soit exempte de toute er-
reur politique ; mais où est le
cœur vraiment français qui ne se
sent pas pénétré de reconnaissan-
ce au souvenir de tant de servi-
ces rendus à la patrie? Général,
je vous ai connu trop tard : tels
furent les adieux de Napoléon au
vainqueur de Watignie; et le ro-
cherde S'*-Hélène a souvent reten-
ti des paroles d'estime prononcées
par l'ex-empereur au sujet du gé-
néral républicain. Carnot, à dif-
férentes époques, publiarles ou-
vrages ci-après : Eloge de P'au-
ban . discours qui a remporté le
prix à l'académie de Dijon, 1784,
in-S"; Essai sur les tnacliines en
général, 1786, in-8°; Observa-
CAI\
lions sur la lettre de M. Choder-
los de Laclos contre l'éloge de
yauban, 1785, in-8°; Exploits
des Français depuis le 11 fruc-
tidor an 1", 2 vol. in-18; OEu-
vres niathénialiques, 1797, in-8°;
Réflexions sur la métaphysique
du calcul infinitésimal, 1 797, in-
8°, deuxième édition, i8i3, in-S";
Réponse au rapport fait sur la
conjuration du \%fructidor an 5,
par J. Ch. Bailleul, par L. M.
Carnot, citoyen français, 1 799 ,
in-8° et in- 12, Hambourg et l'a-
ris. Il en a paru un supplément à
Hambourg , qui n'est pas dans
l'édition de Paris. De la Corré-
lation des figures de géométrie,
1801, in -8°; Principes fondamen-
taux de l'équilibre et du mouve-
ment, i8o5, in-8°; Géométrie de
position, i8o5, in -8°; Discours
contre l'hérédité de la souverai-
neté en France, 1804, in-8"'; Mé-
moire sur la relation qui existe
entre les distances respectives de
cinq points quelconques pris dans
l'espace, suivi d'un Essai sur la
théorie des transversales , 1806,
in-4°, de 116 pages, fig.; de la
Défense des places fortes , troi-
sième édition, 1812, in-4°, tra-
duit en anglais parle lieutenant-
colonel Montalembert, Londres,
1814, in-8°; Mémoire adressé au
roi t-n juillet 181 4? in-8°; Expo-
sé de la conduite politique de M.
le lieutenant-général Carnot, de-
puis Le \" juillet \^\l\, in-8°. Car-
not, au milieu de ses importans
travaux et de ses méditations pro-
fondes, n'a pas dédaigné de sacri-
fier aux muses. On a publié de
lui dans quelques recueils des piè-
ces fugitives pleines de grâce et
de gaieté. Carnot fut nommé deux
CAR
fois membre de l'institut (pre-
mière classe), et en fut rayé deux
fois : après le i8 fructidor, par le
directoire; en ï8i4> pf^r les mi-
nistres du roi.
CAUN0T-FE13LINS (Claude-
Marie), frère du précédent, né à
Nolay, le 1 5 juillet 1756; entra au
service dans l'arme du génie : il
était capitaine lorsque la révolu-
tion éclata. Etabli dans le dépar-
tement du Pas-de-Calais, il en fut
nommé administrateur en 1790.
Président de l'assemblée élec-
torale du même département,
|)uis député à l'assemblée législa-
tive , en 1791, il reçut des divers
gouvernemens qui se succédè-
rent en France, jusqu'au 18 liru-
n)aire, plusieurs missions mili-
taires et civiles, dont il s'acquit-
ta avec zèle et talent. II dirigea
les fortifications de Dunkerque,
lorsque cette ville fut assiégée
par les Anglais, se distingua à la
bataille de ^Vatignie ; prépara le
rétablissement du port d'Amble-
leuse, et présenta , comme mem-
bre du comité des fortifications,
des projets d'améliorations pour
la défense des places, qui furent
unanimement approuvés. Il j)ar-
tagea successivement les honora-
bles diggrâces de son frère, sous
le directoire elle consulat. Après
le retour de INapoléon en 181 5,
le département de Saône-et-Loi-
re le nomma député à la chambre
des rcprésentans. Il fut l'un des
secrétaires de cette assemblée; et
après les désastres du mont Saint-
Jean , il proposa de décréter que
l'armée avait bien mérité de la
patrie. Chargé par intérim du
portefeuille de l'intérieur, il le
«onserva jusqu'au retour du roi.
CAR
117
Mis en retraite, par suite d'une
mesure générale, il fut arrêté au
mois de juillet 1816, à l'occasion
d'une correspondance intercep-
tée entre lui et son frère, alors
en Pologne. Cette mesure était
une émanation de 181 5. Carnot-
Feulins remis en liberté, reçut,
en 1817, le brevet de lieutenant-
général. Toujours en retraite , il
consacre sa vie à l'étude : il existe
de lui, sur la politique, plusieurs
ouvrages, dont quelques-uns ont
été traduits en allemand.
CAllNOT (Joseph - Fbançois-
C laide), frère des précédens, né
à Nolay, le 22 mai 1702; fut re-
çu au parlement de Dijon, en
juillet 1772. Nommé successive-
ment membre du comité muni-
cipal de Dijon, oflicier de la gar-
de bourgeoise, commissaire na-
tional près le tribunal du district,
commissaire du directoire près le
tribunal civil et criminel de la
Côle-d'Or, puis commissaire du
gouvernement, près la pour d'ap-
pel du même déparlement en l'an
8, il se distingua dans ces diver-
ses fonctions, par un esprit de
justice etde fermeté à toute épreu-
ve; et durant les jours orageux de
la révolution, il s'opposa avec
courage aux mesures ultra -ré-
volutionnaires de quelques agens
de la convention. Nommé, en l'an
9, juge au tribunal de cassation,
il occupe encore cette place ho-
norable. M. Carnot est membre
delà légion-d'honneur, et de l'aca-
démie de Dijon. On a de lui un
ouvrage fort estimable, intitulé:
De l'insiruction criminelle , con-
sidi'rée dans ses rapports géné-
raux et particuliers, avec les lois
nouvelles et la jurisprudence de
ii8
CAR
la cour de cnssalinn. Vin quatriè-
me Carnot (Claiide-IMarguerite),
né en 1754, après avoir occupé
divers emplois civils et judiciai-
res à Dijon, fut nommé, en l'an 8,
procureur-général près la cour
de justice criminelle du départe-
ment de Saône-et-Loire. Il est
mort dans l'exercice de ses fonc-
tions, le i5 mars 1808. Généra-
lement chéri, il fut générale-
ment regretté. Sa présence d'es-
prit ne le quitta pas un instant :
environné de ses meilleurs amis,
et voyant sa fin approcher, il leur
fit des adieux touchans. Prêt à
rendre le dernier souffle, il leur
dit : f^otts allez voir comment
l'on passe de la vie à la mort; et
il expira. Napoléon, alors chef
du gouvernement, manifesta sur
la perte de ce magistrat, des re-
grets, qui seuls suffisent à son
éloge.
CARO(ï)ONVENTtmA), frère du fa-
meux marquis de LaRomana.Ilfit
avec honneur son apprentissage
dans le métier des armes, en 1 ;'93,
lorsque les Espagnols envahirent
unmomentleRoussillon. Au com-
mencement de la guerre d'Espa-
gne, le général Caro prouva que
l'humanité est presque toujours u-
nie au vrai courage; il protégea les
troupes françaises contre la fureur
du peuple, qu'irritaient les événe-
mens de Bayonne. Il donna, en
plusieurs occasions, des preuves
d'une grande valeur, surtout dans
wn combat qui eut lieu auprès de
"Valence, où, à la tête de sa cava-
lerie,il sabra lescanonniers jusque
sur leurs pièces. Il est parlé de ce
fait d'armes, dans les rapports offi-
ciels du maréchal duc d'Albuféra.
CAROLINE-AMÉLIE-ÉLIZA-
CAR
BETH DE BRUNSWICK-WOL-
FKNBDTTEL, née le 1 7 mai 1768,
épousa le prince deGalles, aujour-
d'hui roi d'Angleterre, et mou-
rut en 1821 : c'est à ce peu de
mots que se bornerait l'histoire
de cette princesse, si les malheurs
et les persécutions qui l'entourè-
rent pendant sa vie, n'ajoutaient
à l'éclat du rang qu'elle a occupé,
la déplorable célébrité des évé»
nemens qui se rattachent à son
nom. Son père, le duc de Bruns-
wick-Wolfenbuttel, commandait,
contre la France, cette première
coalition armée qui expia l'in-
solence de ses manifestes dans
les plaines de la Champagne, en
1792. Elevée à la cour de son
père, sous la tutelle de ses tantes,
Caroline passa les premières an-
nées de sa jeunesse dans une li-
berté douce et heureuse; à 20
ans elle était regardée comme
l'une des princesses de son temps
les plus spirituelles et les plus
belles. « Une physionomie à la
«fois mobile et prononcée; des
«yeux remplis de feu et de ma-
BJesté; un sourire plein de bien-
»veillance; une démarche qui
1) rappelait le mot de Virgile : In-
ncessii patuit dea; quelque chose
)>de doux, de noble et d'attirant
» dans le regard; » tel est le por-
trait qu'un noble anglais, qui la
vit à Brunswick, a laissé d'elle
dans ses mémoires. Jusqu'à l'âge
de 27 ans, elle ne quitta pas cet-
te cour allemande, où régnait une
sévère pureté de mœurs, jointe
à quelque fierté nobiliaire et à
quelques idées romanesques. A-
lors George III, roi d'Angleterre,
désirant mettre un terme aux er-
reurs de la jeunesse fougueuse de
73
Uf. /I,hI{,
CAR
son fils, résolut de le marier, et
lui promit de remplir les nom-
breux engagemens auxquels il ne
pouvait faire face, s'il voulait
choisir parmi les princesses d'Eu-
rope, une compagne digne de sa
haute destinée. Le prince opposa
long-temps une résistance opi-
niâtre. Agé de 55 ans, habitué à
user d'une liberté sans bornes, il
n'envisageait qu'avec effroi les
chaînes qu'on voulait lui imposer;
mais ses créanciers le poursui-
vaient. Le paiement de six cent
trente-neuj'rnille huit cent quatre-
vin^-dix livres sterling, quatre
schellings, quatre pences (mon-
naie anglaise); c'est-à-dire, dou-
ze millions sept cent quatre-vingt'
dix-sept mille huit cent cinq li-
vres quatre sous (monnaie fran-
çaise) {frayez les débats de la
chambre des communes , à cette
époque); le paiement de cette
énorme somme, montant des det-
tes du prince, était l'une des
clauses du contrat. Il finit par se
rendre à ces puissantes considéra-
tions, et épousa Caroline de Bruns-
wick, sa cousine, le 8 avril 1795.
Jamais union ne parut se former
sous de plus heureux auspices.
Les âges étaient assortis : les liens
de la parenté resserraient encore
ceux de l'hymen. Le parlement
anglais, à qui l'on ne peut géné-
ralement reprocher trop de par-
cimonie, quand il s'agit de l'apa-
nage des héritiers de la couronne,
avait signalé, cette fois encore,
sa générosité, en doublant le re-
Tenu du prince, et en lui accor-
dant, pour les frais du mariage,
une somme de vin^t-sept mille
livres sterling;, outre plus de qua-
rante mille livres sterling, pour
CAR
119
menus frais, vaisselle, ameuble-
ment, etc. Tout semblait cons-
pirer au bonheur de ce couple
royal, environné de tant de pou-
voir, de richesses et d'espéran-
ces. Cependant, à peine la jeune
princesse, séparée de sa famille,
éloignée de son pays , avait-elle
échappé aux derniers complimens
des député» de toutes les provin-
ces ; à peine les fêtes du mariage
étaient-elles terminées , qu'elle
se vit exilée de la couche nup-
tiale , privée de la présence et
de l'affection de son mari. Ln
appartement écarté fut prépa-
ré pour elle, dans le palais de
Carlton. Veuve long-temps a-
vant d'être mère, elle vécut ain-
si dans le plus complet abandon ,
dans le plus cruel isolement , jus-
qu'au moment de la naissance de
sa fille Charlotte, princesse mal-
heureuse, dont le berceau et le
cercueil furent également soli-
taires, dont les premiers comme
les derniers momens ne reçurent
ni les baisers ni les pleurs d'un
père. Deux mois après cette tris-
te naissance , le sort de Caroline
devint plus amer encore; chassée
du palais même où elle vivait en
étrangère, abreuvée des humi-
liations que versait sur toute sa
vie l'inexplicable inimitié d'un
époux, elle fut forcée de se reti-
rer à Blackhcath ; là , sa vie fut
simple , sans éclat et sans plaisirs.
Déjà cependant la calomnie in-
ventait mille fictions romanes-
ques ; on parlait d'un capitaine
Pôle , d'un officier irlandais, d'un
Allemand qu'elle avait aimé dans
son enfance; c'est-à-dire que,
pour justifier une conduite in-
concevable, on forgeait un ro-
120 CAR
inah, dont l'incohérence trnhis-
sait la laussclé. Les syco])harjles
de cour commencèrent à jeter,
sur la conduite de la princesse a-
bandonnée, des insinuations per-
fides. On fit, aux yeux du peuple
anglais, un crime à Caroline de
celte indépendance d'actions qui
fait partie, sur le continent, du
savoir-vivre, et pour ainsi dire
de l'étiquette des cours : on vou-
lut trouver dans l'innocente viva-
cité de son âge, dans la vive gaie-
té de ses discours, une preuve
irréfragable deshabitudes les plus
vicieuses. Pendant qu'elle veillait
sur le berceau de sa. jeune enfant,
ces calomnies se répandaient,
s'imprimaient; et le prince, livré
à des dissipations, que nous lais-
sons à la postérité le soin de ca-
ractériser, écrivait à la princesse
ime lettre, que l'histoire conser-
vera, et dans laquelle il déclare,
avec la plus singulière franchise,
que les inclinations de f homme ne
dépendant pas de sa volonté, il
se croit complètement en droit de
renoncer à toute espèce de liaison
avec la princesse , et qu'en aucun
temps il ne prétendra former a-
vec elle une union plus intime,
que les rapports ordinaires de so-
ciété. {^Koyez lettre transmise par
lord Cholmondeley). D'après cet-
te formelle déclaration, plus d'u-
ne femme aurait pu se croire li-
bre de tout engagement envers
l'homme qui brisait lui-même ses
liens. Néanmoins la conduite de
la princesse parut long-temps en-
core assez irréprochable , pour
ôter à la persécution des motifs
suflisans de s'appesantir sur elle.
Son père, son frère, sa tante,
moururent: les dcuxpremiers, sur
CAR
le champ de bataille (à léna); cet-
te dernière, du chagrin de les a*-
voir perdus. Caroline resta seu-
le, sans un protecteur au monde.
«Dès lors, aucune mesure ne
fut gardée : sa fille lui fut ar-
rachée; il ne lui fut permis de
la voir qu'une fois par semaine :
quand le carrosse de la mère pas-
sait devant celui de la fille, la
nourrice avait ordre de baisser
les stores, et le cocher de tour-
ner bride. [J^oyez la lettre de
J^Vhitbread aux communes.) Un
espionnage domestique fut orga-
nisé autour de la princesse; et en-
fin, en 1806, l'Europe étonnée
apprit qu'une enquête judiciaire
allait être faite, sur la requête et
au nom du prince-régent, à l'ef-
fet de savoir si la princesse, sa
femme, était ou non coupable d'a-
dultère, et si (comme plusieurs
témoins le déposaient) elle n'é-
tait pas accouchée secrètement
en 1806, d'un enfant mâle, illé-
gitime et adultérin. On ne put que
voir avec la plus «xtrôme sur-
prise, un prince, héritier delà
couronne, s'inscrire lui-même sur
la liste que Saint-Réal a dressée ,
des Grands hommes dont les fom-
mes forent infidèles ; on s'étonna
surtout de retrouver tout ;^ coup
un intérêt si vif pour la bonne
conduite de sa femme, chez un
homme qui lui avait donné, dix
ans auparavant, ce que les juris-
consultes appellent congé d'élire.
Quoi qu'il en soit, deux personna-
ges distingués par leur naissance
et leur crédit à la cour du prince
de Galles , sir John et lady Dou-
glas, n'hésitèrent point à déposer
devant la commission d'enquête,
composée de lord Erskine, de
CAR
lord Spencer, de lord Grenville,
et de ce célèbre Ellenborough ,
que la princesse (de son propre
aveu, et sous leurs yeux) avait
ruis au inonde un enfant mâle,
fruit de son commerce adultérin
avec l'amiral Sidney-Smilh, ou
le capitaine Manby: Ce procès é-
trange fut tenu secret : on appor-
ta comme preuves, semi-preu-
ves, ou probabilités, la bienveil-
lance même et la facilité des ma-
nières de la princesse de Galles ;
on appela le dernier de ses servi-
teurs, et la plus légère de ses
connaissances, pour leur deman-
der une interprétation de tous les
actes et de toutes les pensées de
Caroline. Cependant George III,
dont Tâme était aussi bonne que
son esprit était faible, interposa
son sceptre entre les persécu-
teurs et sa malheureuse nièce.
On apporta la j)lus rigoureuse
exactitude dans les enquêtes; et
la con)mission finit par déclarer
positivement, que la princesse
était innocente ; que quelque lé-
gèreté pouvait seulement être im-
putée usa conduite; et que l'en-
J'ant dont il était question (Wil-
liam Auslin), était, sans le moin-
dre doute, Jils d'un pauvre char-
pentier du Dept/ord. La convic-
tion du ])arjure pesa d(»nc sur la
tête de .««ir John et de lady Dou-
glas; et Vatlorney-ffénéral décla-
ra, en plein parlement, qu'il eût
fff^arué comme son devoir indis-
pensable de les poursuivre , si de
secrets et d'invincibles obstacles
n'eussent arrêté la main de la
justice publique. Après la décla-
ration claircet formelle de lacoin-
mi.ssion chargée de ce que les
Anglais appelèrent V investigation
CAR lai
délicate, OKI efitpu croire le triom-
phe de la princesse assuré. Cepen-
dant, lorsqu'il s'agit de la rece-
voir à la cour, et de reconnaître
son innocence, de nouvelles dif-
ficultés s'élevèrent. Partout le
prince de Galles opposait sa main
puissante; de nouvelles épreuves
lui furent préparées. Tantôt sa
lille lui était enlevée ; tantôt d'af-
freux libelles répandaient sur el-
le d'odieuses calomnies. Elle
voulut être jugée derechef : un
nouveau jugement du cabinet,
un second jugement des commu-
nes, firent éclater son innocence;
lord Castlereagh lui-même sortit
enfin des ténèbres de son éloquen-
ce énigmatique , pour avouer,
sans restriction et sans ambages,
que rien n'était plus évident que
t' innocence de Caroline. 'ïro'xs fois
jugée, trois fois acquittée le
croirait - on ? l'infortunée prin-
cesse ne vit point de terme à son
isolement; le roi, mort à la rai-
son, ne pouvait plus la protéger;
les princes la fuyaient; sa fille
Chatlotle ne pouvait la voir, et
partageait cependant la défaveur
sous laquelle gémissait sa mère.
La cour, et la tourbe des écrivains
salariés, des soldats du ministè-
re, et de ces parasites courtisans
de bas étage et de mauvais lieu,
que le peuple appelle les toad-ea-
ters (mangeurs de soupe à la tor-
tue); toute qette foule corrompue
avait grand soin de fuir la solitu-
de d'une femme , qui avait pour
ennemi le chef du pouvoir. Ainsi
seule, abandonnée, après avoir
échappé par miracle à une Ign-
gue conspiration, qui trois fois
avait menacé son honneur et sa
vie ; craignant peut-être que U
i'>.a CAR
mensonge tant de fois répélé ,
ne prit une sorte de consistance;
craignant d'ailleurs pour sa fille,
dont sa présence pouvait rendre
la destinée plus malheureuse, et
rel.irderle mariage, elle résolntde
s'exiler définitivement, et quitta
l'Angleterre en 1814. Orpheline,
sans amis et sans époux, dégra-
dée, désolée, elle partit pour l'I-
talie, avec une faible escorte. Une
nouvelle et obscure carrière s'ou-
vre ici devant Ihistorien : d'un
côté, une femme dont le sort ex-
citerait la pitié de l'homme le
plus insensible; d'un autre, une
nuée d'observateurs invisibles,
suivant partout ses pas, et en-
voyant au cabinet de Saint-Ja-
mes, pour résultat de leurs tra-
vaux, un journal d'actions infâ-
mes, ou du moins ignobles, attri-
buées ù la princesse. A peine ar-
rivée en Italie , elle acheta une
superbe villa, sur le lac de Covio;
et bientôt après , elle partit pour
le Bosphore; elle parcourut la
Grèce, la Judée, les côtes d'Afri-
que; visita les ruines de Cartha-
ge, les pierres de Misitra, Athè-
nes, Utique, Malte, Rhodes, Sy-
racuse, et revint à Como. C'est
au milieu de ces voyages si fati-
gans et si" rapides, que les espions,
chargés de la surveiller constam-
ment, découvrirent et dénoncè-
rent à leurs commettans , un com-
merce scandaleux et criminel en-
tre la princesse de Galles et son
chambellan, Bergami. Cet hom-
me, dont la naissance et la vie
sont également obscures, est en-
core, pour le narrateur, un objet
enveloppé de mystères. Fils de
portefaix {fîglio di Jacchind) ^
jîuivantles uns; il tient, suivant
CAR
Uis-nutres, à la première noblesse
de Naples. Fut-il mendiant ou
prêtre, escroc ou lieutenant, va-
let ou maître, moine ou soldat?
aucun de ces points n'est éclairci.
Néanmoins on ne peut douter
qu'il n'ait été d'abord simple cour-
rier au service de la princesse,
et que bientôt, admis dans son
intimité, il n'ait reçu d'elle des
décorations, des titres, et qu'il
n'ait été comblé de ses bienfaits.
D'une taille avantageuse, d'une
belle figure, d'une conversation
facile et amusante, il a dû, parla
bassesse présumée de son extrac-
tion, par la rapidité et l'éclat
de sa faveur, exciter plus d'un
soupçon. Mais les opinions sont
partagées parmi ceux mêmes qui
regardent comme prouvée la fai-
blesse de Caroline! Doit-on l'at-
tribuer à une erreur des sens, aux
illusions d'une imagination roma-
nesque, au besoin de protection
que devait naturellement sentir
une femme isolée? Peut-on sup-
poser que Bergami n'ait été qu'un
instrument entre des mains puis-
santes? Par une complication et
un raffinement de méchanceté
dignes de l'enfer, aurait-il reçu la
mission d'employer tout l'art des
séductions pour entraîner l'illus-
tre voyageuse au crime et à la
honte? Pourquoi n'a-t-il point pa-
ru au procès? Pourquoi le gou-
vernement anglais, qui peut tout
sur les gouvernemens étrangers,
ne s'est-il pas fait livrer cet hom-
me qui eût pu jeter tant de lumiè-
res sur cette affaire? Ces questions
ont été faites par tout le monde;
personne n'a répondu. Quoi qu'il
en soit, une commission spécia-
lement chargée de l'espionnage
CAR
de la princesse s'établit à Milan.
Deux fois des assassins l'attaquè-
rent; un chevalier d'industrie es-
saya de crocheter le secrétaire où
elle renfermait sa correspondan-
ce confidentielle. Pendant qu'un
démon de persécution, si cruel,
ëi conitant, si inexorable, s'atta-
chait à ses pas, elle perdit sa fille;
Charlotte, fille d'une mère exilée,
persécutée, née hors de la pré-
sence de son père, mourut pen-
dant l'exil de sa mère. Ainsi le
dernier espoir de la malheureuse
Caroline lui fut enlevé; et George
III, dont la vie, privée de la rai-
son , semblait, comme l'a dit
Brougham «protéger la princesse
» de l'ombre seule de son intelli-
ngence,» Georges III, venant à
mourir, la laissa t0ut-i\-fait sans
secours. A peine le sceptre passa-
l'il aux mains du prince de Gal-
les, que le nom de son épouse,
devenue reine, fut effacé de la li-
turgie : tous les ambassadeurs
auprès des cours étrangères reçu-
rent ordre de lui refuser le titre
de reine. Elle quitta aussitôt l'I-
talie, vint à Saint-Omer conférer
avec les ministres du roi, qui lui
offrirent 5o,ooo livres sterling de
revenu, à condition de s'éloigner
à jamais de l'Angleterre; elle re-
poussa cette offre vile et scanda-
leuse, et, malgré les efforts des
ministres conjurés, elle débarqua
à Douvres, le 4 juin 1820. En vain
avait-elle demandé un vaisseau ;
4ous les moyens, toutes les ruses
furent employés pour prévenir ce
débarquement si funeste; on lui
dit que le roi étant en campagne
(eut of town"). elle ne pouvait
monter ni Icsyachts, ni IfUjré-
gates. Elle fut obligée de s'cm-
CAll 155
barqiiersur un paquebot. Le peu-
ple en tumulte vint saluer son ar-
rivée. Son entrée en Angleterre
fut triomphale; mais les minis-
tres ne perdaient pas de temps.
L'accusation était déjà lancée
quand la reine arriva à Londres.
Déjà lord Castlereagb, à la barre
des communes , avait fait reten-
tir cet épouvantable scandale. Dé-
jà des navires chargés de témoins
ramassés dans les casino d'Italie,
dans les auberges de Suisse, ve-
naient attester que la reine était
coupable, et que Bergami avait
déshonoré la couche royale : un
procès plus scandaleuxque le pre-
mier fut intenté à la reine, et li-
vra, pendant deux mois, l'Angle-
terre et son monarque à la risée
publique. Rien ne fut éclairci. U-
ne fermeté de caractère inébran-
lable de la part de la reine; une
véhémence et une adresse remar-
quables de la part des accusa-
teurs; une sentence équivoque,
qui, sans disculper l'accusée, re-
mettait à six mois, et, comme eût
dit Rabelais, aux calendes grec"
aues, la lecture d'un bill, déjà lu
deux fois; une agitation redouta-
ble, causéedans la masse du peu-
ple par ce procès honteux; quel-
ques séditions; une grande quan-
tité d'adresses présentées à la mal-
heureuse reine, et remplies des
expressions du dévouement le
plus entier, voilà les seuls résul-
tats évidens de cette révoltante
procédure. En différant de pro-
noncer sur le sort de la reine, la
sentence semblait reconnaître la
nécessité de l'absoudre.... Le roi
venait de partir pour l'Irlande; la
reine se préparait elle-même à
faire un Toyage en Ecosse. Elle
124
CAR
mourut! Quelques jours de plus
elle eût peut-être été couronnée.
Le peuple indigné suivit son cer-
cueil; plusieurs émeutes l'accom-
pagnèrent dans sa route. Arrê-
tons-nous ici : sans soulever le
voile qui couvre ces derniei's mo-
mens de la vie d'une femme que
le sort a si constamment poursui-
vie; accomplissons notre lâche
d'historien, en déplorant celte
destinée errante et flétrie, en plai-
gnant cette reine abandonnée ,
accusée, et que la mort frappe au
moment où la justice, le peuple
et les lois se préparaient à repla-
cer la couronne sur sa tête. Si
l'on veut se faire une juste idée
des divers procès suscités à Ca-
roline de Brunswick , princesse
de Galles et reine d'Angleterre ,
voici les ouvrages les plus utiles
à consulter : The Book, ouvrage
de Perceval, et qui renferme tou-
les les premières procédures, et
les lettres de la princesse au roi ;
The Queen's Defence, 1821, ou-
vrage très-bien écrit, et que l'on
croit être de Brougham; Tht
King's Treatnient ojthe Qiieen,
1820, brochure puissamment rai-
sonnée. A Letter to te King, ou
tlie Situation and Treatnient of
the Queen; mal écrit, mais plein
de faits curieux. Journal of an
English,\Traveller , histoire des
voyages de la reine, où se trou-
vent beaucoup de détails sur Ber-
gami. Mais le plus éloquent de
tous ces ouvrages, en faveur de la
reine, est celui de l'avocat irlan-
dais Phillips, The Queen s case
Stated. Les pamphlets contre la
reine, bien que payés par la tré-
sorerie , sont beaucoup moins
nombreux et moins remarqua-
CAR
blés sous le double rapport du ta-
lent, des faits, etc. Nous citerons
DeJ'ence oj'lke Queen exaniined;
A Letter J'roni Saint-Omer; Six
years in Italy. Ce dernier est le
plus virulent. On a aussi compo-
sé plusieurs poëmcs sur cesévé-
nemens bizarres et scandaleux,
entre autres A Queen's Appeal ,
ouvrage qui rappelle lord Byron
pour le style et quelquefois pour
les idées. Le» parodies et les chan-
sons auxquelles le dernier procès a
donné lieu, rempliraient toute u-
ne bibliothèque. Considérée sous
le rapport de la politique, la des-
tinée de celte femme a quelque
chose de singulier, lin iHoG, les
whigs, amis du prince, furent ses
persécuteurs. En 1807, les torys
la défendirent; en i8i3, ce fut le
tour des vj'higs de la défendre; les
torys la persécutèrent. En i8i5,
la chance tourna encore; en 1820,
elle varia de nouveau. Deux fois
ses accusateurs sont devenus ses
défenseurs : ses défenseurs sont
devenus ses accusateurs. Tous les
partis n'ont paru voir en elle
qu'un instrument d'ambition, ou
une victime de leurs intérêls, et
l'ont tour à -tour défendue, accu-
sée, exallée, calomniée, recher-
chée et trahie avec une ardeur
que la postérité ne verra pas sans
étonnement et sans pitié.
CAROLINE (Marie -d'Aitri-
che), fille de la célèbre Marie-Thé-
rèse, reine de Hongrie, épousa,
en 1768, le roi de Naples, Ferdi-
nand IV. Une seule clause de leur
contrat de mariage annonçait le
caractère de Marie-Caroline, et
renfermait en germe toute la mal-
heureuse influence que cette rei-
ne devait exercer sur les destinées
CAR
du pays où elle venait partager un
trône : il fut stipulé , qu'après la
naissance d'un premier Jiis, elle
aurait voix délibcrative au con-
seil. L'ambitiim que trahissait une
clause pareille , n'attendit pas,
pour prendre l'essor , l'événe-
mentqu'elle avait iiuliquéconune
point de départ. La jeune reine
s'empara facilement de le-'iprit
faible de son époux , écarta le
ministre ïanucci , qui avait pris
sur lui quelque empire . s'empara
du pouvoir, et finit par en parta-
ger le poids , les périls et les hon-
neurs avec un obscur favori.
(Aoj'cz AcTON.) Avitle de despo-
tisme et d'innovations, ambitieuse
sans persévérance, impérieuse et
craintive, livrée à ses passions
en esclave, et rigoriste pour les
mœurs d'autrui ; son caractère
offrait le mélange bizarre de
toutes les contradictions : prodi-
gue et souvent avare , tantôt dé-
vole et tantôt esprit fort, alterna-
tivement prude et coquette, pru-
dente jusqu'à la ruse , inconsidé-
rée jusqu'à l'indécence , arro-
gante avec douceur, cruelle avec
faiblesse; telle était cette reine
aux pieds de laquelle tout vint se
prosterner jusqu'à son époux mê-
me, et qui se plut à faire homma-
ge, à son ministre Acton, du pou-
voir absolu qu'elle avait usurpé.
Cet homme régnait en elletsous le
nom de Caroline ; c'est donc à lui
de répondre aux yeux de la pos-
térité, des crimes et des malheurs
auxquels le royaume de >aplesfut
en proie sous le règne de cetodÏMK.
favori. Ecrire une. belle let^ff^
tramer une belle fraude ; mettre
dans ses paroles et dans ses actes
de l'argutie et de la ruse; se cou-
CAR 125
vrir de vetemens d'or et de soie;
manger et dormir magnifique-
mcHl;Jaire la débauche dans son
palais; se /aire gouverner par ses
ministres, et jouer avec fierté le
rôle d'esclave ; telle est (dit Ma-
chiavel) toute la- conduite et toute
la science de nos princes ; de là
celle Jacilité a devenir la j/roie
du premier envahisseur; de là ces
terribles désastres de i^Ç)^; ces
pertes miraculeuses , ces chutes
épouvantables , cesjuites subites.
Ces lignes ne paraissent-elles pas
avoir été écrites en présence des
événemens et des hommes dont
nous crayonnons l'histoire. Les
mêmes causes produisirent, en
1799, et produiront toujours les
mêmes eflets. Acton, en qui rési-
dait tout le gouvernement de Na-
ples, dilapidait les finances, éloi-
gnait les nationaux de toutes les
grandes places, et préparait la rui-
ne de la monarchie. Imperturba-
ble au milieu des murmures qui
s'élevaient de toutes parts, et des
haines que son ministre fomentait
autour d'elle, la reine ne voyait de
dangers que dans la propagation
des principes de liberté que la ré-
volution française avait procla-
més, et cette aversion, que justifiè-
rent si cruellement les malheurs
d'une auguste famille, à laquelle el-
le était unie par les liens du sang,
était devenue la pensée de sa vie
et le mobile de toutes ses actions.
L'influence du cabinet britan-
nique qui nourrissait en elle cette
haine profonde! de la France et de
ses nouvelles institutions, l'enga-
gea dans la coalition de Pilnitz )
mais elle eut la douleur de se
voir réduite à garder la neutra-
lité , quand le contre-amiral La-
iid
CAR
touche , à la tête d'une escadre
de quelques frégates, osa, dans la
saison la moins favorable, et dans
le plus dangereux des golfes, ve-
nir lui dicter les conditions de
celte neutralité, que le gouverne-
ment napolitain s'empressa de
rompre, dès que la prise de Tou-
lon, par les Anglais, lui permit
de prendre une attitude hostile.
Déjà un contingent de quelques
brigades de cavalerie napolitaine
était en marche pour se joindre
aux forces de l'empereur d'Alle-
magne, lorsque Bonaparte parut
en Italie , et fit retomber le cabi-
net des Deux-Siciles dans ses ter-
giversations et dans ses terreurs.
Un traité secret et d'une lâcheté
insigne fut conclu avec la répu-
blique française. Le premier mi-
nistre Acton profila de quelques
mois d'une paix extérieure , si
honteusement acquise, pour se
venger sur les partisans présumés
des Français, des craintes que
ceux-ci lui avaient inspirées : un
tribunal d'inquisition politique
fut établi à Naples , sous le nom
de junte : des jeunes gens con-
raincus d'enthousiasme pour les
idées philosophiques, qu'on n'ap-
pelait pas encore /ièt'/'a/e^, des écri-
vains apôtres des doctrines de Vol-
taire et de Montesquieu, des hom-
mes suspects ou soupçonnés de
l'être, furent envoyés à la mort; les
prisons regorgèrent d'innocens; et
sous d'autres couleurs, sous l'in-
vocation de principes directement
contraires , on vit se renouveler
à Naples lesscènes affreuses dont
)a France, six ans auparavant,
avait été le théâtre. A cette pre-
mière junte, dont le cri public
avait provoqué ladissolution. suc-
CAR
céda, peu de mois après, un autre
tribimal d'exception plus horri-
ble encore, sous la direction de ce
Vaniui , que l'historien Cuoco et
les mémoiresdu temps comparent
à l'infâme Robespierre. La popu-
lation napolitaine fut décimée,
toute sûreté fut bannie, tous les
droits de citoyen furent mécon-
nus en présence de ces juges con*
tre-révolutionnaires, qui pronon-
çaient aussi sans examen, sans in-
terrogatoire, sans appel : par-
tout Vanini voyait des jacobins ,
et ce mot était un arrêt de mort.
On était dénoncé par son ami ,
trahi par sa femme , accusé par
son frère: << Il faut, avait dit Acton,
<) détruire cet ancien préjugé qui
»rcnd infâîne le métier de déla-
» teur : » on le rendit lucratif, et la
moitié de la nation dénonça l'au-
tre. Cette machine inquisitoriale
se brisa cependant encore , sous
le poids de l'indignation publique.
Yanini suicide mourut d'une mort
trop douce; lesinnocens sortirent
de leur prison ; mais la tombe ne
rendit pas ses victimes. En
1798 , Acton et la reine crurent
découvrir dans l'état politique
de l'Europe , l'occasion de sou-
mettre la France. Nelson était
victorieux devant Alexandrie ;
l'armée française , réduite en
nombre , semblait éprouver un
moment de lassitude ; la Russie
s'était déclarée ; le cabinet de
Suint - James donnait des a-
comptes sur les promesses d'ar-
gent dont il se montrait prodigue.
1^. vain la plus grande partie des
nombres du conseil secret se dé-
clara-t elle en faveur de la paix,
Acton fit déclarer la guerre, et le
général Mack, ce héros en théorie-
CAR
lui mis à la tête de l'armée napo-
litaine : il vint , il vit et fut battu
si complètement par Champion-
net, que la cour de Naples, après
sa défaire, ne trouva d'autre parti
à prendre que la fuite. Le 23 dé-
cembre 1798, Ferdinand IV, la
reine Caroline, le ministre Acton
et quelques serviteurs Odèles se
retirèrent à Palerme , sous la pro-
tection des Anglais. Il est des
convenances au-dessus desquelles
l'historien contemporain le plus
réridique ne saurait se placer.
Nous ne répéterons donc pas,
même d'après les mémoires les
plus dignes de foi, les paroles et
les ordres que le gouvernement
fugitiflaissa, dit-on, pour adieux
à la populace qui se pressait sur
le rivage. Nous nous bornons à
citer les faits, laissant à la posté-
rité le soin d'en rechercher et d'en
indiquer les causes. Peu de jours
après le départ de la maison
royale , un immense incendie dé-
vora dans le port tous ces vais-
seaux, tous ces bûtimensde trans-
port, construits à si grands frais
et au prix de tant d'exactions. Le
comte deThorn avait reçu l'ordre
de les détruire , « et du haut d'un
«navire portugais (dit Cuoco ,
auteurde l'Essai sur la révolution
de Naples, ouvrage qui dans son
désordre offre tant d'esprit et d'é-
loquence), «il contemplait Iran-
nquillement ces vastes flammes,
rtdont la splendeur fimèhre éclni-
•> raità la fois, aux yeux des malheu-
»reux Napolitains, toute l'étendue
«deleur n>isérc, et les cruelles er-
«reurs de ceux qui les avaient gou-
nvernés. » Retirée en Sicile avet
Acton et son mari, la reine obser-
vait le» événcmens qui se pns-
CAR 127
saient à Naples, et attendait en si-
lence le momenld'en proflter. Ac-
ton lui répétait sans cesse « que
«chezunpeuple si cruellement dé-
»chiré par tant de sentimens di-
n vers, où l'on voyait se combattre
» la haine de l'esclavage et l'amour
)»dc la dépendance, les ténèbres de
» la superstition et le premier éclat
»des lumières philosophiques,
«l'habitude des institutions du
«despotisme et lessouvenirs d'une
«gloire antique, elle ne parvien-
«drait à ressaisir le pouvoir qu'à
«l'aide du parti qu'elle conservait
«dans l'intérieur, qu'à l'aide du
«commerce de la Sicile et de la
«Fouille, que lui garantissait l'An-
«gleterre, et le secours des puis-
« sans alliés, dontla cause était dé-
«sormais la sienne. » En effet , on
vit ce que l'on voit dans toutes
les révolutions, des bandes de
brigands s'organiser sous la ban-
nière d'un parti dont ils désho-
noraient la cause; mais un spec-
tacle auquel on ne pouvait s'at-
tendre dans la dernière année du
iS*" siècle, fut celui qu'un prêtre,
le cardinal Ruffo, donna tout à
coup à l'Europe. On le vit à la
tête d'une armée de bandits, aidé
par les hérétiques Anglais, por-
tant au milieu des massacres l'i-
mage d'un Dieu de paix, s'empa-
rer de Naples , faire signer aux
chefs du peuple une capitulation ,
et rendre, au prix d'une convcn-
tioti solennelle, le trône au roi
Ferdinand. Cette convention sa-
crée, signée du cardinal Ruffo, du
Commodore Footes, de Miche-
roux, du colonel Méjcan : ce paete
conclu sous la saintegarantiede l»i
religion et de la foi publique, est
aussitôt enfreint qu'il est procla-
128
CAR
mé : une femme devient l'agent de
cette noire perfidie. Lady llamil-
ton {F. Hamilton) se rend ù bord
du vaisseau de l'amiral Nelson, sta-
tionné devant Naples; et ce guer-
rier ne rougit pas de prostituer
aux prières et aux charmes de sa
cruelle maîtresse , son honncun,
celui de son pays , le sang de plu-
sieurs milliers de citoyens, et la
liberté de tout un peuple : la ca-
pitulation est rompue, et ce n'est
plus à la faveur d'un traité, mais
par le droit de conquête, que le
moaarque et sa compagne ren-
trent dans leurs états; la terreur y
rentre avec eux. (A^. l'article Ca-
RACCiOLO.) Le Commodore /'oo^ev,
indigné, insiste vainement pour
l'exécution de la convention, et
dénonce généreusement , mais
sans succès, le parjure de Nelson à
la nation anglais'e. Une troisième
junte est formée ; les échafauds
se relèvent de toutes parts , et le
sang coule, à grands flots. Les
hommes de tous les temps et de
tous les pays qui ont déchiré le
sein de leur patrie, sont dévolus
à la vengeance de l'histoire : le
nom de Speziale , qui présida
cette junte homicide, répondra
devant ce tribunal inflexible de
tant de condamnations arbitrai-
res, d'assassinats juridiques qui
signalèrent cette déplorable épo-
que. La bataille de Marengo mit
un terme à tant d'horreurs : les
progrès des armes françaises en
Italie, inspirèrent une crainte sa-
lutaire au gouvernement napoli-
tain : une longue dissimulation
suivit encore de honteux accom-
modemens. En i8o5, dans un
voyage que fit à Vienne la reine
Caroline , elle s'engagea de nou-
CAR
veau dans la coalition contre h
France , et Naples ouvrit ses por-
tes à une armée anglo-russe : l'em-
pereur Napoléon, indigné de cette
violation d'un traité solennel ,
marcha contre ce nouvel ennemi,
et conquit en peu de temps le
royaume de Naples ,*où il fit suc-
cessivement couronner son frère
Joseph Bonaparte , et son beùu-
frère Joachim Murât. Le reste de
la vie de la reine Marie-Caroline,
se passa en tentatives infruc-
tueuses pour reconquérir un trô-
ne, qu'un ministre vendu aux é-
Irangers lui avait fait perdre. Elle
mourut le 8 septembre i8i4» «
Vienne, âgée de 62 ans. La na-
ture lui avait donné quelque
beauté : un bras superbe qu'elle
déployait avec complaisance, une
démarche noble ; mais son re-
gard était inquiet, son pas irré-
gulier et sa voix dure : elle eut
toutes les faiblesses d'une femme,
toute la légèreté d'un enfant , et
quelques-uns des vices d'un grand
homme.
CAROLINE - FERDINANDE-
LOUISE, voyez Crarles-Febdi-
NAND, Dl C DE BerRI.
CAROLINE BONAPARTE ,
voyez MtRAT.
"CARONDELET (de), descend
d'une ancienne famille noble du
Cambresis. Il était prévôt de la
collégiale de Seclin, lorsqu'il fut
nommé membre de l'assemblée
constituante ; il y porta des prin-
cipes purs, des vues grandes et
généreuses. iM. Carondelet se fit
remarquer par son courage et
par un ardent amour d'une sage
liberté ; rendu à la vie privée, il
se maria, et n'acessé depuisdese
livrer aux soins de sa famille, et
p
CAR
à la culture des lettres qu'il a
toujours chéries.
CAROM (le p. Feux), pré-
dicateur ilalien, né vers l'an
1755. Il était fort jeune lorsqu'il
fut reçu dans la congrégation des
barnabites à Milan. Il s'y livra
particulièrement à l'étude des
antiquités et de l'histoire naturel-
le. 11 revenait de Naples, où il é-
tait allé prêcher, en 1804, lors-
qu'il fut pris par des corsaires de
Tunis, et mené dans celle ville.
Le dey, qui savait l'italien. prit en
aftection le P. Caroni. L'occa-
>ion semblait favorable, et sans
doute son prisonnier se crut ap-
pelé à convertir un puissant infi-
dèle. Mais cette mission irfiprévue
n'obtinl aucun succès, et le mu-
sulman prélendit qu'il n'était pas
convaincu. Toutefois il élait to-
lérant, ce qui peut exciter quel-
que surprise parmi nous, et le
P. Caroni profita de sa bienveil-
lance pour visiter les luines de
Carthage. Il les parcourut pcn-
(jÊÊk trois semaines; il dessina
^^ieurs ruines, et il en rappor-
ta différens débris plus ou moins
précieux. De retour à Tunis, il se
fit médaillisle. Il se concilia tel-
lement le cœur des habilans qu'il
laissa des regrets quand il pîirlit
pour l'Italie. Lorsque le pape
se déclara contre Napoléon, et
lança contre lui ime excommuni-
cation, le P. Caroni fut chargé
d'en port«?r le bref à Milan. On
l'arrêta sur la frontière, et on le
conduisit dans les prisons de cet-
te ville. Ayant obtenu sa liberté
qirelque temps après, il quitta aus-
sitôt l'Italie, et il se chargea de
la dire«:lion d'un cabinet d'his-
toire naturelle chez UQ Hongrois
T. IV.
CAR 129
riche et homme de qualité. Le P.
Caroni joignait à des connais-
sances profondes le genre de mé-
rite que sa profession suppose
toujours, et qui chez lui ne con-
sistait pas en de vains dehors.
C'est au profit des esclaves chré-
tiens qu'il publia, en i8o5, la re-
lation de son lojage clitz les
Barbartsques. On a aussi de lui
la traduction ilalienne des Lf.zio-
tù ttenicittariti di nuniismatica
anlica ciel abbaie £'cA^e/, Rome,
1808; et le récit de son voyage
en Hongrie, intitulé Caroni in
JJacia, 1812. On trouve dans ce
dernier ouvrage des observations
judicieuses sur les mœurs des
Hongrois, et sur les antiquités
de leur pays.
CARPZOV (Jean-Benoit), né
en 1720, appartenait à la famille
dos Carpzov, si connue dans la
littérature allemande. Après avoir
été professeur de philosophie à
Lcipsitk, lieu de sa naissance, il
occupa la chaire de littérature an-
cienne à l'université de Helms-
tadt. Il est mort le 28 avril i8o3.
On lui doit un i^rand nombre d'ou-
vrages écrits en latin, et parmi
lesquels on cite surtout : 1" Ob-
servations sur un paradoxe d'A-
risiole de Cliio, dans Diogène
Laërve , in-S", Leipsick, 174*;
a" des remarques critiques sur
Joseph , intitulées : Lcctionuni
Jlavianantm. striclurcc etc. ; 3"
Exercilationts sacrœ, sur l'épî-
tre aux Hébreux, in -8°, Hclms-
tadt, 1758. Dans la partie la plus
curieuse de cet ouvrage, celle qui
renferme lesprolégoménes, Carp-
zov s'étend beaucoup sur Philon.
4° Discours de saint Basile sur
la naissance de Jésus-Christ, en
9
i3o
CAR
latin et en grec, in-S", Helmstadt,
1758. Carpzov en dôfend l'au-
thcnlicilé qui avait été attaquée
par don Gainicr. 5° UiaLogtia de
tiiéronyme sur la Saitite-Trini-
nité, en latin cl en grec, avec des
notes, in-4°, ij68; 6° 'un traité
théologique de Hiéronyme, inti-
tulé en grec, Philuponia', 7° Dia-
logues ck's morts, de Lucien, a-
vec des notes, in-8% Helmstadt,
1773.
CARR (le chevalieb Jobk),
baronet, est le chef de ces touris-
tes anglais, qui se sont partagé le
globe terrestre, non pour le dé-
vaster et le conquérir, mais pour
le défigurer par des relations i-
nexactes et légères. Un voyage
en chaise de poste, ou à franc-é-
tricr, des contes d'auberges et des
anecdotes de café, quelques lam-
beaux de journaux bien ou mal
traduits, et de longues descrip-
tions,suffisent ordinairementpour
composer un de ces tours, qui de-
puis quinze ans inondent l'Angle-
terre, et qui, pour parler le lan-
gage de leurs auteurs, ne sont
guère que de fort mauvais tours
joués au public. Il faut cepen-
dant avouer que le chef de l'école
ne manque pas d'une sorte de
mérite; son style est rapide et
pittoresque. Quelquefois très-
emphatique, il est quelquefois
plein de chaleur; prodigue de
pointes triviales, il ne manque
pas de sel comique. Il vise trop <\
l'eflet, mais il l'atteirit souvent
quan<l il n'est pas pédantesque. Il
offre les résultats d'une vaste lec-
ture, fort heureusement exploi-
tée. On a des tours du chevalier
Carr, m France (i8oa, deux é-
ditions), dans/e Nord de l'Eu-
CAR
lope {Danemarh, Sicède, Russie^
Prusse etc. 1804); en Hollande
(1807), en Ecosse (1809); en
Fsjxigtie et aux iles Baléares
(181 1); tous ouvrages plus amu-
sans que solides, et dont une ma-
nière animée, brillante, rapide,
et de nombreuses anecdotes, font
le principal mérite. Les deux meil-
leurs de ses voyages, sont se»
tours en Ecosse et <// Irlande;
l'humanité la plus désintéressée
respire dans la description qu'il
donne de ces deux pay;? sacri-
fiés à la grandeurde l'Angleterre.
On prétend que c'est à son /oyO'
fe en Irlande qu'il dciit le titre
de baronet, qui lui fut conféré,
en i8oê, par le duc de Pedford.
La fécondité de sa plume incorrec-
te et le néologisme d'im style am-
poulé et commun l'ont souvent
exposé aux sarcasmes des joiirna-*
listes. L'auteur irrité a porté plain»
te devant les tribunaux; et mal-
gré la couronne à trois boules
qui entre dans ses armes, il a per-
du sa cause. ' -^jL
CARRA (Jeas- Louis), n^Vn
17/J3> à Pont-de-VeyIe, condam-
né à mort par le tribunal révolu-
tionnaire , et exécuté le 1"^ no-
vembre 1 795. Issu de parens pau-
vresT, mais estimés. Carra, après
avoir terminé ses études et par-
couru l'AJlemagne, se rendit eu
Valachie, et parvint à se placer
en qualité de secrétaire auprès
de l'hospodar, qui fut étranglé
par ordre de la sublime Porte. Cet
acte de cruaulé, exécuté sous les
yeux d'un homme qui ne connais-
sait encore des violences du des-
potisme, que les enlèveraens et
les séquestrations par lettre de
cachet, dut lui inspirer une iûdi-
CAR
gnation profonde , et ût sans dou-
te naîlre dans son cœur cette hai-
fie de la tyrannie que, depuis, Car-
ra a si consiamnient et si vio-
lemment manifestée. Le secrétai-
re d'un hospodar étranglé, devint
celui d'une éminence en disgrâ-
ce. Placé auprèx du cardinal de
llchan , il y resta peu de temps ,
et fut employé à la biljliothéque
royale. Le cardinal de Loménie
l'avait connu cher l'archevêque
de Strasbourg, et le jugea propre
à servir ses ressentimens contre
un ministre en faveuf ; car alors
les princes de l'église se Irour
vaient souvent mêlés dans les in-
trigues de cour, et quelquefois
aussi dans les intrigues galantes.
Ce fut, dit-on, le cardinal de Lo-
ménie qui donna à Carra l'idée
de son Petit mot de n'ponse à la
requête fie M. de Calonne ; é-
crit qui décida la vocation de sou
auteur pour les ouvrages politi-
ques. La révolution éclata, et dès
l'année 1789, on vit Carra deman-
der la formation de la giirde na-
tionale, et l'établissement de lu
municipalité de Paris. Il coopéra
à la rédaction du Mercure natio-
nal, et ensuite à celle des Anna-
les patriotiques. Ce journal, dont
le succès fut prodigieux, était lu
jusque dans les plus petits villa-
ges de Fiance. Il y répandit avec
rapidité les principes et les er-
reurs de ces temps de patriotis-
me et d'effervescence. Il paraît
que Carra ava^t rapporté d'Alle-
magne une aversion assez forte
contre le gouvernement impérial.
Dans un temps où persorme ne
pensait encore i\ la guerre, vers
la ùu de 1790, il fit, i\ latribune
des jacobins, une vive sortie con-
CAR
iSn
tre l'empereur Léopold , et décla'
raque pour soulever tous les peu-
ples soumis au sceptre de ce prin-
ce, il suffirait de 5o,ooo homme?
et de 12 presses. Carra croyait
reconnaître une influence étran-
gère dans la conduite et les mer
sures du cabinet français : il accu-
sa les ministre-j Montmoriu et
Bertrand-de-Molleville , d'.être les
directeurs d'un comité autrichien,
dont l'existence était alors plus
soupçonnée qu'évidente. Le juge
de paix Larivièj'e commença à cet-
te occasion, contre le journaliste,
une procédure qui n'eut point de
suites. Carra appuya fortement,
et fit adopter la proposition de fa-
briquer des piques, et d'en armer
le peuple : mesure que pouvait
nécessiter les périls prochains de
la patrie, mais qui, exécutée a-
vec imprudence, fit passer la for-
ce conservatrioc de l'ordre des
biens et de la vie des citoyens,
entre les mains d'hommes indoci-
les à la discipline, et pour qui le dé-
sordre pouvait de venir une chan-
ce de fortune. Aussi les piques ai-
guisées contre l'ennemi extérieur,
furent-elles trop souvent fatales
aux citoyens désarmés. Carra se
vanta plusieurs fois, d'avoir été
l'un des principaux moteurs do
la journée du 10 août 1792. Le 8
septembre suivant, il fit, à l'as-
semblée législative, l'olfrande pa-
triotique d'une tabatière en or,
que lui avait envoyée le roi de
Prusse, en récompense d'un ou-
vrage, dé"8ié par lui à ce mo-
narque, et il déchira, devant l'as-
semblée, la lettre qui lui annon?
çait l'envoi de cette tabatière. Car-
ra fut nommé député à la conven-
tion nationale , par deux départe-
iS^
CAR
mens : il opta pour celui de Saô-
nc-et-Loire. Le dénûinent, l'iiiac-
tivilé, et le peu de succès des
troupes qui se trouvaient en Sa-
voie , porlèrent Carra à dénoncer
le général Montesquieu, comman-
dant l'armée des Alpes. Envo3^é
au camp deC^liTilons, Carra annon-
ça à la convention les triomphes
de Kellermann, et la retraite des
Prussiens. Au mois de novembre
1792, il proposa une espèce de
sainte alliance des peuples , dont
l'effet serait d'accorder des se-
cours aux nations qui , soumises
au pouvoir absolu , voudraient
briser leurs fers. Il dit à la tribu-
ne, que les banquiers étrangers
conspiraient pour affamer le peu-
ple français, et délivrer LouisXVI.
Cette espèce de dénonciation an-
nonçait assez quelle serait l'opi-
nion de son auteur dans le pro-
cès de ce malheureux prince. Car-
ra s'opposa à l'appel au peuple :
son vote fut pour la mort. Mal-
gré sa conduite dans cette cir-
constance , et ses principes répu-
blicain», si souvent manifestés
dans les Annales patriotiques ,
Carra fut dénoncé à Robespierre,
comme un agent de l'étranger, et
comme ayant voulu mettre sur le
trône de France le duc de Bruns-
wick; un crime plus réel et plus
grand aux yeux de Robespierre,
était les liaisons de Carra avec
le parti de la Gironde, et son at-
tachement au ministre Rolland,
qui l'avait fait nommer gardien
de la bibliothèque nationale. Il
devint bientôt l'objet des atta-
ques de Benlabolle, de Marat,
de Couthon , de Robespierre lui-
même; fut rappelé de la mission
qu'il avait à iilois; dénoncé com-
CAR
me fédéraliste dans le rapport
d'Amar; condamné à mort le 3i
octobre 1793, et exécuté le len-
demain. Carra se montra peu à la
tribune, ne brigua point les pé-
rilleux honneurs de la présiden-
ce, et une seule fois fut nommé
secrétaire. Il consacra presque
tout son temps au journal dont
il élait le principal rédacteur; il
a publié, avant et pendant la ré-
volution , un assez grand nombre
d'ouvrages ; voici les litres des
plusimportans: i''Odazir, roman
philosophique, 1772, in-8'; a*
^j^sième de La raison, ou le Pro-
phète philosophe , 1775, et 1791»
in-S"; 5"" édition. Les attaques
contre la royauté, qui se trouvent
répandues dans cet ouvrage, le fi-
rent mettre à l'index par la cour
de Vienne. 5° Histoire de la Mol'
davie et de la Falachie , avec «•
ne dissertation sur l'état actuel de
ces deux provinces , 1778, in-ia.
Une seconde édition a paru en
1781 ; 4° Un petit mot de réponse
à M. de Calonne, sur sa Requête
au roi, 1787, in-8°; 5" Histoire
de l'ancienne Grèce, de ses colo-
nies et de ses conquêtes , traduite
de l'anglais de Gillies, 1787 et
1788, (5 vol in-8"; 6° Mémoires
historiques et authentiques, sur
la Bastide f *790> 5 vol- in-S";
i;" PlosieurspampfdetspoUtiques ,
etc.
CARRA -SAINT-CYR (Jean-
François, COMTE de), a joué un
rôle honorable et assez important
sur la scène politique et militaire,
sans qu'il fût besoin que la bio-
graphie Michaud lui attribuât un
grand nombre de faits d'armes et
d actions éclatantes, qui appar-
tiennent évidemment au maréchal
n.
/ ^r////r ////'/y/-, /r/n//-( //>
fW /./..■/s,.
CAR
Gouvion-Sainl-Cyr. On ne peut
croire que de semblables erreurs
aient été commises à dessein ; et
cependant il est difTicile de con-
fondie ces deux personnages.
Carra-Saint Cyr était oflicier d'in-
fanterie avant la révolution, et
resta sous ses drapeaux au lieu
d'émigrer, comme la plupart de
ses camarades. Aubert-du-Bayet,
son ami , capitaine dans le iflême
régiment, ayant fait un chemin
rapide dans la carrière cidinini.stra-
tive et militaire, facilita l'avance-
ment de Carra-Saint-Cyr. Celui-
ci avait passé successivement par
tous les grades , et ét;iit parvenu
jusqu'à celui de général de bri-
gade , lorsque Aubert-du-Bayet
fut nommé ambassadeur à Cons-
tantinople ; Carra-Saint-Cyr l'y
suivit, en qualité de secrétaire
d'ambassade. Il revint à Paris
vers la fin de l'an 5, chargé d'une
mission de l'ambassadeur auprès
du gouvernement, et particulière-
ment d'accompagner Madame
Du-Bayet à Constautinopie. Au-
bert-du-Bayet mourut six se-
maines après l'arrivée de sa fem-
me. Carra-Saint-Cyr la ramena
en France et l'épousa. Il reprit à
son retour la carrière militaire,
et la suivit avec distinction. Il
était avec le général Brune , lors-
que ccluirci passa de l'armée des
(irisons à celle d'Italie, qu'il en-
leva les camps retranchés de Pcn-
nemi à la Voila , et toutes ses po-
sitions sur le Mmcio : Carra-
Saint-Cyr eut sa part de gloire,
et fut blessé au passage de ce
fleuve, à Montzenbano. LVmpe-
reur lui donna un commande-
ment dans le» provinces illy-
riennes, et le rappela en i8i3,
CAR i55
pour l'envoyer dans la 52™" divi-
sion militaire. Sonquarlier-géné-
ralétait à Altemi)ourg, sur la rive
gauche de l'Elbe. Attaqué dans
cette position, il éprouva la dou-
ble disgrâce de ne pouvoir la dé-
fendre , et d'être accusé par Na-
poléon, non -seulement d'avoir
manqué aux règles de la tactique,
mais encore de n'avoir pas em-
ployé l'énergie suffisante pour
contenir les gens du pays , plu»
partisans de l'armée ennemie que
ileii Français. Cette accusation
n'eut, toutefois, d'autre suite que
sa publicité; et l'empereur semble
avoir voulu l'infirmer , en main-
tenant dans SOS fonctions le gé-
néral Carra-Saint-Cyr , qui fut
chargé, en i8i4, de la conser-
vation importante des places de
Boucliain, de Condé et de Valen-
ciennés. Il s'y occupa de l'orga-
nisation des gardes nationales, et
sa mission se trouva terminée au
retour du roi. Le général Carra-
Saint-Cyr ol grand'croix de la
légion-dhonneur , chevalier de
Saint-Louis. S. M. l'a nommé
gouverneur de la Guianc fran-
çaise, vers la fin de iHjj.
CARKliRA (Jo>e-Migvf.l). gé-
nér.il américain, né à SanJ-Iago^
capitale du Chili, est l'aiiié de»
frères de In famille illustre de»
Carrera. A l'époque où des trou-
bles éclatèrent dans le midi de l'A-
mérique, Carrera était major des
grenadiers. Il paru! embrasser a-
vec ardeur la cause de l'indé-
'pendanre, mais il avait d'autres
desseins. Les plus grands ohsta-
clts àla liberté proviennentqin^l-
quefois de l'ambition de ses pro-
pres défenseurs, et souyenl les
dé90i;dres80Dtreprodui(4 par ceux
i54
CAR
f(ui ont fait espérer aux peuple»
un ordre moins illusoire, une ad-
ministration plus équitable. Sous
le prétexte des irrégularités qu'a-
vaient présentées les élections
de 1810, Carrera obtint une ré-
forme l'année suivante ; ayant
ainsi ajouté à son influence, il
entreprit de changer le gouver-
nement. Secondé de ses frères,
Luit encore jeune, et Juan José,
capitaine d'artillerie. Carrera de-
venu l'arbitre des opérations du
congrès, établit une- sorte de
triumvirat dont il Bipartie dès le
principe. Voulant assurer davan-
tage son autorité personnelle,
bientôt il suggéra la formation
d'tm corps de cavalerie sous le
titre de grande garde nationale.
Il s'en réserva le commandement,
et d'ailleurs on n'y admit que des
chefs qui lui fussent dévoués.
Cependant son pouvoir n'ayant
pour fondement presque rien de
ce qui peut subjuguer l'imagina-
tion, ou flatter l'orgueil national,
lui parut à lui-même si peu affer-
mi, qu'un simple démêlé avec ses
frères le décida à se retirer; mais
s'étant réconcilié avec eux, il re-
couvra l'autorité au mois d'octo-
kre 1812. Plusieurs fois on cons-
pira couti'e les trois frères; et ces
troubles, en affaiblissant le Chili,
persuadèrent au vice-roi du Pé-
fou qu'il pourrait l'attaquer avec
avantage. En effet les troupes du
tîcft-roi éprouvèrent peu de ré-
S^Î!*tande à Talcaguanà , et elles
s'emparèrent de la Conception,
dont les portes leur furent livrées
par îa g;arnisort même. Carrera
marcha conti'e les ennemis, et
aprè^S avoit* éprouvé un échec, il
les repoussa jusque vers Chillan;
CAR
mais les habitans de la Concep-
tion, fatigués de l'autorité qu'il
usurpait, préférèrent l'adminis-
tratiou des royalistes, qui depui.s
ce moment le battirent en plu-
sieurs rencontres. Leur cause y
gagna peu : la junte profita de
ces revers même pour substituer
à Carrera Comme chef du gouver-
nement, le colonel O'Higgins,
très-e'stimé des troupes. Après de
vaines tentatives pour le main-
lien de son autorité, Carrerasuivi
du plus jeune de ses frères, vou-
lut se rendre à Saut-Iago, mais
ils tombèrent entre les mains des
Espagnols, et ils ne parvinrent à
s'échapper que plusieurs mois a-
près. Rentré dans la capitale
qu'agitaient les intrigues de ses
partisans , Carrera se vit une se-
conde fois à la tète du pouvoir-
exécutif; mais son despotisme a-
vaitaliénésansretourle cœurdela
plupartdesesconcitoyens :on rap-
pela O'Higgins. Les deux chefs é-
taient aux prises;déjàmême l'usur-
pateur avait remporté quelque a -
vantagedans lesplainesde Maïpu,
lorsque les Espagnols, prompts à
observer tous les symptômes de
discorde chezlesindépendans, pé-
nétrèrent de nouveau dans le
pays. Leur présence opéra une
réunion que n'avaient pu produi-
re des considérations d'utilité pu-
blique dans un danger moins
imminent. O'Higgins eut la géné-
rosité de céder le commande-
ment aux Carrera. Ils en abusè-
rent aussitôt; ils destituèrent les
ofliciers qui s'étaient attiré leur
haine; ils poursuivirent, par des
actes arbitraires, tout ce qui leur
était suspect.» Une telle conduite
eut son effet naturel; le mécon-
CAR
lentement éloigna des drapeaux
de la patrie nn grand nombre de
se* défenseurs, et le général es-
pagnol Osorio obtint plusieurs
succès. Bientôt 0'Higgins,àqui on
n'avait pu éviter de confler au
moins quelques délachemens, et
qui s'était lenfermé dans la peti-
te ville de Ratnagua, lut attaqué
par toutes les forces espagnoles.
Après une défense opiniâtre, ré-
duit ;\ la retraite par rexlrème in-
fériorité de ses moyens, il passa
à travers les rangs ennemis, et se
réfugia dans Mendoza. Les Carre-
ra ne l'avaient soutenu en aucune
manière; mais pressés à leur tour
par Osorio, ils se retirèrent aussi
à Mendoza. Leur esprit turbulent
et leurs machinations inquiétèrent
le général San-Martin, qui com-
mandait en chef dans ces provin-
ces méridionales. Il fit arr^-ter
José Miguel etLuiz, et tous deux
furent conduits à Biiéuos-Ajres.
Rendus bientôt à la liberté, ils se
livrent à de nouvelles intrigues;
et tandisque Juan J(»se etLuiz s'ef-
forcent de grossir dans le pays
même le nombre de leurs parti-
sans,José Miguel fait voile pour
les Etats-Unis, où il espère trou-
ver des secours qui le mettent en
état de ressaisir l'autorité. Pen-
dant son absence, ses deux jeu-
nes frères sont arrOtés et conduits
à Mendoza. Du fond même de
leur prison ils s'occupent enco-
re de préparer de» troubles; cet-
te fatale persévérance les fait tra-
duire devant un conseil de guer-
re, qui les condamne à mort.
L'exécution de ce jugement fut
arrêtée par le revers qu'éprouva le
général San-Martin, revers qui
orça le> habitans d« plu»ieurs viU
CAR i35
les du Chili à chercher leur sûre-
té dans Mendoza. Le général
voyant que les Carrera comp-
taient beaucoup de partisans dans
celte ville, craignit quelque mou-
vement en leur faveur, et fit exé-
cuter la sentence, sans attendre'
que le conseil suprême de Bue-
nos - Ayres l'eftt confirmée. II9
moururent avec courage; on ad-
mira surtout le sang-froid de Luii
Carrera. Son frère, qui n'avait rien
obtenu aux Étals-Unis, venait
d'arriver à Monte-Video lorsqu'il
apprit cet événement, qui ne pa-
rut pas le décourager, mais qui
redoubla sa haine contre le gou-
vernement de Buénos-Ayres. Il
fille serment aussi téméraire que
passionné, de ne rentrer dans
le Chili qu'après avoir immolé
O'Higgins et San-Martin. Dans
celle vue, il adressa aux peuples
du Chili, le 28 juin 1818, unu
proclamation véhémente, où leur
disant que, s'ils ne se détachaient
pas de Buénos-Ayres, ils n'en se-
raient jamais traités que comme
des sujets, il lespressait de secouer
le joug, et de venger la mort des
Carrera. Bientôt il sut attirer dans
son parti quelques olficiers fran-
çais qui étaient à Buénos-Ayres,
et qui correspondirent avec lui.
On assure qvrils avaient résolu de
renverser l'autorité de Puyredon,
de se défaire de San-Martin et
d'O'Higgins, etde gagner Artigas».
Le complot fut découvert; les
Français furent arrêtés, et deux
d'entre eux,condanmésàêtre fusil-
lés, subirent leur peine. Ku voyant
son pays rangé sous la dominn-
tiim de Buenos- Ayref;, Carrera
n'a pas encore abandonné ses
detscins; mais il conserva peu
i56 CAR
d'influence, et l'on ne croit pn«
qu'il puisse désormais exciter des
troubles sérieux.
CARRÈRE (Joseph - Baiithéle-
MY- François) , né d'une f;miille
dont les membres sont médecins
de père en fils, composa un grand
nombre d'ouvrages de médecine ,
précieux sous le rapport des re-
cherches , mais stériles en dé-
couvertes et en aperçus. On lui
attribue aussi des romans , des
poëmes ettles ouvrages de genres
divers. La liste de ses œuvres
est longue, et l'histoire de sa vie
fort courte, Né à Perpignan, le i[\
août 1740? rtîÇn docteur à Mont-
pellier, en 1 769, professeur d'a-
natomie à l'université de cette
* ville en 1770 , il fut nommé, en
1775, inspecteur-généraldeseaux
minérales du Roussillon, passaen
Espagne, où il vécut plusieurs an-
nées, et mourut i\ Barcelone le 20
décembreiSoa, Indépendamment
de quelques dissertations particu-
lières par lesquelles il débuta, et
dont la première (de f^ùali corpo-
^ ris et animœ J'œderé) traite de la
plus grande merveille du monde
moral et physique ; il a donné un
assez bon Traité théorique et
pratique des maladies inflamma-
toires, 1774, in-S", et les deux
volumes d'une Bibliothèque lit-
téraire historique et critique de la
médecine, 1776, in-4'', oii de-
vait se trouver l'histoire de tous les
écrivains qui ont traité de la mé-
decine. L'auteur, effrayé de quel-
ques critiques assez légères , dis-
continua cet ouvrage important
et rédigé avec soin. On remarque
aussi parmi ses nombreux é-
crits , le Médecin ministre de la
Nature, 177^, in- 12; Disserta-
CAR
tion médico-pratique sur l'usage
des rafraichissans et des échaiif-
fans dans les ficvres exantkémati-
que^y '778, in-8"; un (rès-curieux
catalogue raisoimé des ouvrages
quiontété publiéssur lescauxmi-
nérales en général, et sur celles de
France en particulier, i785,in-^;
Manuel à l'usage des malades,
1 7<S6,- Recherches sur les maladies
vénériennes chroniques , etc. 1 788.
Tant d'ouvrages n'ont pu faire à
(]arrère une haute réputation^
c'est le talent de voir de nouveaux
objets , et de saisir de nouveaux
rapports, qui assure aux écrivains
en tout genre , cette vie éternelle
qu'ils espèrent. Un style diffus et
lourd nuit à l'intérêt, et altère la
valeur intrinsèque de la plupart
des écrits de l'auteur dont nous
parlons. Néanmoins , celui qu'il
a publié, sous le titre de Tableau
de Lisbonne , en 1 796 , se fait re-
marquer par une manière plus
animée , plus chaude et plus pi-
quante. L'indignation l'a dicté.
Une cour corrompue et un peu-
ple avili, nulles lois et beaucoup
de moines , la licence vivant d'o-
rémusj la superstition s'engrais-
sant des repentirs passagers de
la débauche ; nul caractère chez
la nation , nulle pudeur chez les
femmes, nulle force dans le gou-
vernement, nulle règle dans les
volontés du despotisme; tel est
le hideux spectacle, que Carrère
a retracé avec fidélité , si ce n'est
avec talent.
CARRET (Michel), né à Lyon,
vers l'année 1752. Au commen-
cement de la révolution, il pas-
sait pour un des meilleurs chirur-
giens de cette ville. Les principes
qu'on lui couuaissait lui firent
CAR
obtenir différentes fonctions ad-
ministratives , «'t l'introduisirent
dans la société des amis de la cons-
titution , dont il se vil mr-nie le
président. Mais il fut arrêté en
1795: on lui reprochait des sen-
timens contraires ù ce qu'on avait
att<'ndu de lui. Ce qui est certain,
c'estqu'ayantété nommé on 1798
au conseil des cinq-cents par le
département du Rhône . il n'y
servit point la cause nationale.
Non-seulement il parla contre la
liberté de la presse ; mais il osa
prétendre que l'assassinat des plé-
nipotentiaires français à Rastadt,
n'avait f.iit aucune sensation dans
la seconde viile du royaume. L'in-
dignation de ses collègues, et un
murmure d'étonnement dans les
tribunes , durent faire sentir à
Carret que le moment n'était pas
encore venu de se montrer à dé-
couvert, î^éanmoins son zèle ne
se démentit pas sous le gouverne-
ment consulaire. Il fil alors partie
du tribunal; et après la dissolu-
tion de ce corps , il fut placé à la
cour des comptes. L'ancien pré-
sident de la société des amis de la
constitution avait assez expié
cette vieille faute : en i8i4?ilfnt
trouve digne de présider au con-
traire la fédération parisienne.
Cependant il arriva qu'il fut obli-
gé de donner sa démission après la
bataille de Waterloo. On assure
qu'il obtint depuis une pension
de 5,000 francs : il est rare que le
pouvoir laisse dans l'oubli ceux
qui ont assez de tact pour l'aimer
indistinctement sous toutes ses
formes. Carret est mort à Paris,
dans le cours de l'année 1820.
CARRIER (JEA^-BATI3TE), né
à Yolai, village d'Auvergne, en
CAR
loy
1756; député à la convention na-
tionale , où il vola la mort du roi.
Le nom de Carrier est l'un de
ceux que tout ami des hommes,
que tout adversaire du pouvoir
absolu, ne peut entendre pronon-
cer sans horreur. Ce monstre
semble avoir reculé les bornes de
la cruauté, et les nombreux for-
faits dont il épouvanta la Loire
seront le texte éternel des décla-
mations de tous les ennemis de la
liberté; comme si la liberté , de
même que la religion , était res-
ponsable desfureurs de ses minis-
tres, et pouvait jamais devenir
odieuse par les crimes commis
en son nom. Plusieurs de ceux
qui, maintenant, poursuivent de
leurs imprécations tardives les
auteurs de ces crimes, les y pous-
saient alors, les uns par de secrets
conseils, les aulres par des dis-
cours de tribune. User la révolu-
tion par les excès, fut l'affreux
calcul d'un parti que servit trop
bien la rage insensée des Carrier,
des Maignet, des^ Collot-dller-
bois, des Joseph Lebon. Carrier,
procureur obscur à Aurillac, a-
vait près de quarante ans à l'épo-
que des premiers événemens de
la révolution ; à cet âge, il sem-
blait devoir être exempt de l'en-
thousiasme et des écarts auxquels
se livrent si facilement les âmes
neuves et ardentes. Wais sa féro-
cité naturelle lui tenait lieu de
jeunesse : il se précipita au mi-
lieu des troubles politiques, non
en citoyen qui cherche à les ren-
dre profilables à la patrie et à la li-
berté, mais en furieux que tour-
mente le besoin de renverser
et de détruire. L'invasion de l'é-
tranger avait tourné toutes le»
i3S
CAR
idées vers l'indépendance natio-
nale; les orateurs les plus véhé-
\ mens parurent les plus propres à
conjurer le danger, et le dépar-
tement du G]intal nomma (car-
rier l'un de ses représeiilans à la
convention nationale. Il ne pa-
rut guère à la tribune que pour
dénoncer, ou provoquer l'adop-
tion des mesures les plus violen-
tes. Ce fut lui qui, le 9 mars 1795,
fit décréter l'établissement diin
tribunal révolutionnaire. Quel-
ques jours après, il demanda et
obtint l'arrestation du duc d'Or-
léans. On le vit, au 5i mai, se
prononcer, avec toute la violence
de son caractère, contre le parti
plus modéré, désigné sous le
nom Aq girondins ; il poursuivit,
dans le département du Calva-
dos, les restes de ce parti, qu'on
appelait aussi fi'déraà te. Après
cette mission, qui fut si fatale à
Barbaroux, à Pétion , et aux pa-
triotes modérés des déparlemens
de l'Ouest, la convention déchaî-
na Carrier conjtre les rebelles de
la Vendée et de la Bretagne. Nan-
tes devint un théâtre de fureurs
et de crimes jusqu'alors incon-
nus. A peine arrivé dans cette
ville, Carrier prononce d'horri-
bles imprécations contre «!es ha-
bitans, et particulièrement con-
tre ceux qui se livrent au com-
merce : il parle à la tribune de
la société populaire , le sahre nu
à la main; il y invite le peuple à
s'armer, à piller les riches; il em-
ploie plusieurs moyens pour ex-
citer des émeutes, afin de faire
déclarer la ville en état de rébel-
lion ; et ne pouvant y parvenir, il
déclare que si, dans un délai très-
court, les aristocrates, lus fédé-
CAR
ralistes, les modérés, les giron-»
dius, les accapareur-*, no lui sont
pas nominativement -i;,Mi,il. s. il
fera décimer la piipul.ilion tout
entière. De concert avec son col-
lègue Francasttl, il organi>eAine
bande révolutionnaire, à laquelle
il donne le nom de c nipitoiiie
Mnrdt troupe composée de ban-
queroutiers, de faussaires, d'es-
crocs, de voleurs, oi^ les grades
furent cor»férés aux plus infâmes.
Anôler et lier les victimes, les
conduire au lieu du supplice, les
précipiter d ins les Ilots, tel était
l'espèce de service de ces soldats
de Cariier. Outre une solde de
5oo franc-* par mr)is. ch icun d'eux
eut le privilège de dépo4iiller, de
frapper les mallieureux qu'ils ar-
rêtaient ou conduisaient à la mort.
Carrier investit le commandant
de cette compagnie du droit de
surveiller, non-seulement dans
Nantes, mais dans tout le dépar-
ment, les suspects, les étrangers,
les modérés et les inalveillans ;
de les dénoncer, de les arrêter
même : il l'autorisa à faire des
visites domiciliaires, à ouvrir ou
enfoncer les portes de tous les
lieux où il lui plairait de faire des
recherches; la force publique é-
tait tenue d'obéir aux ordres de
ce commandant, et même de
chacun des membres de sa com-
pagnie. Il existait à Nantes une
commission militaire ; et quoi-
que ce tribunal, plus redoutable,
plus expéditif que le tribunal
révolutionnaire de Paris, pronon-
çât chaque jour sur le sort de i5o
à 300 malheureux, et en eût fait
périr près de 4f>oo dans l'espace
de vingt jours, ces boucheries ne
satisfaisaient pas l'insatiable be-
CAR
soindecondiimnationsetclemni'ts
qui touriTieutait l'impitoyahle
Carrier. Il assenibla un comité
secret , et proposa de faire périr
les prisonniers en masse; mais la
peur même créa des résistances;
l'idée d'un si grand massacre é-
brunla les courages les plus féro-
ces : el Carrier ne put, malgré
tous ses efforts, faire adopter son
horrible proposition. C'est alors
que voulant à tout prix vider les
prisons, il imagina ces noyades,
mot dé&ormais inséparable du
rvom de Carrier, et qui rappelle-
ra éternellement les plus grands,
les plus atroces de ses crimes. Il
parait cependant que l'idée lui en
fut suggérée par un des membres
du comité révolutionnaire de Nan-
tes. Lambtrly et Fouqutt furent
chargés de ces cruelles expédi-
tions; la première fut ordonnée
à la suite d'une orgie. Carrier et
ses complices burent à la santé
de ceux qui , selon l'expression
de ces monstres, allaient boire à
fa f^rande tasse. Une galiote hol-
landaise fut destinée à reproduire
le crime dont Néron avait donné
le premier exemple au monde :
il y fut pratiqué des soupapes, au
moyen desquelles les victimes é-
taient précipitées dans les flots ;
et, pour que la Loire présentât u-
ne imitation fidèle des horreurs
autrefois commises sur l»;» eaux
de Baies, des mariniers, armés île
leurs avirons, assommaient ceux
qui, sachant nager, revenaient à
la surface du fleuve, et cherchaient
a gagner h* rivage. La galiote, a-
près avoir servi aux crimes de la
nuit, était employée aux plaisirs
du jour; Carriery fit jdusieurs fes-
tins, et se plaisait à se faire rncon-
CAR 109
ter, à la fin du repas, tous les dé-
tails des expéditions nocturnes,
par ceux qu'il avait chargés de leur
exécution. Il fut même accusé
d'avoir fait de ce navire de mort,
le théâtre d'infâmes voluptés et
d'affreuses prostitutions. Les pre-
mières expéditions furent suivie»
d'autres plus nombreuses; la ga-
liote devint insuflîsante. Carrier
fit construire d'autres bateaux à
soupapes ; bientôt ce ne fut plus
assez que de noyer des vieillards:
des enfans, des femmes, dont
plusieurs même étaient encein-
tes, furent aussi conduits sur les
barques fatales , et engloutis dans
les eaux ; l'infamie fut jointe
au supplice; des jeunes garçon*;,
des jeunes filles, dépouillés, nus,
liés deux à deux, après avoir été
suspendus quelque temps sous
les bfas , étaient ainsi précipités
dans la Loire , et les exécrable*
satellites de l'exécrable Carrier
donnaient le nom de mariage à
ce supplice, que n'avait pas trou-
vé l'inventive cruauté de Tibère.
Tandis que les cadavres des noyés
flottaient sur les rives de la Loi-
re, la faim , la souffrance et l'air
corrompu des prisons les entas-
saient dans un lieu de douleur,
appelé l'entrepôt, qui reçut plus
de 8000 prisonniers : 800 femmes,
et environ 5oo enfans, furent ren-
fermés dans des maisons où il n'y
avait ni lits, ni' paille, ni sièges,
ni vases d'aucune espèce; ces dé-
tenus manquaient d'alimens, et
Carrier ou ses agcns faisaient in-
carcérer les personnes que la pi-
tié portait à leur en fournir. IMu-
sieurs fois les conducteurs des
prisonniers les sabrèrent pour s'é-
pargner la peine de les conduire
i4o
CAK
plus loin. Carrier fit fusiller en
fiasse des prisonniers de {guerre,
et n'épargna pas même ceux qui
se présentaient volontairement.
Non-seulement il en fit l'aveu,
mais il osa même s'en vanter
dans une lettre qu'il écrivit à la
convention, le 3o frimaire an 'i :
«C'est, dit-il dans celte lettre,
»par principe d'humanité, que je
«les envoie à la mort.» La veille,
il avait fait passer par les armes,
sur la place du département, 80
cavaliers qui s'étant présentés,
promettaient de ramener beau-
coup d'autres de leurs camarades,
et demandaient pour toute grâce
à servir la république. Carrier
s'excitait au crime par le vin et
la débauche, et cherchait à se
soustraire aux remords. En la-
vant dans le sang ses bras ensan-
glantés, il devint inaccessible.
Presque invisible, excepté à un
petit nombre d'à ffidés, il ne re-
cevait plus que les autorités mili-
taires. Il né trouvait pas les mem-
bres du comité révolutionnaire
assez patriotes, la commission mi-
litaire assez rigoureuse ; les gens
du club , ceux qu'il avait d'abord
proclamés patriotes />fl!/-ej:ce//en-
é.'e, lui devinrent suspects, et pen-
dant trois mois il fit fermer la so-
ciété populaire. La crainte de tom-
ber dans quelques embuscades de
Vendéens, ou même de patriotes
irrités, l'empêchait de sortir de la
ville. Quoique bien portant, il
faisait dire qu'il était malade et à
la caftipagne. Il fit arrêter la nuit,
et amener en sa présence, quel-
ques-uns de ceux qui se plai-
gnaienlde l'isolement où il vivait,
et de ce qu'il était devenu inac-
cessible, même aux autorités ci-
CAR
viles : il souffleta plusieurs mem-
bres de la société populaire, et
reçut, à coups de sabre, des ofïi-
ciers municipaux qui venaient lui
faire part de leurs iurpiiétudes sur
la subsi-ilance des habitans de la
ville, réduits à une demi-livre de
pain par jour. La moindre contra-
diction, la plus faible résistance
allumait sa colère, et un torrent
d'injures brutales, d'expressions
sales et grossières, se pressaient
sur ses lèvres convulsives. A la
fois furieux et timide, il maltrai-
tait quiconque ne pouvait lui ré-
sister, et fuyait devant le moin-
dre péril : au seul combat où il
ait osé se montrer, il lâcha pied
dès le commencement del'action,
courut se cacher, et ne reparut
qu'après la victoire. Il avait de
tous côtés des espions, agens né-
cessaires de la tyrannie des lâ-
ches. Il interceptait les corres-
pondances, se faisait apporter et
décachetait toutes les lettres. Une
de ces lettres, écrite par un agent
du conùté de salut public, et a-
dressée à ce comité, retraçait a-
vec une indignation profonde et
une vive énergie les fureurs et
les crimes de Carrier. Dans son
pr.emier transport, il fit arrêter et
conduire devant lui le cqurageux
auteur de celte lettre, qui se trou-
vait à Nantes : c'était Julien, fils
du député de la Drôme. Dès qu'il
l'aperçoit. Carrier éclate en me-
naces ; il avait montré, par trop
d'exemples, que de la menace à
la mort, la distance était courte;
cependant il ne parvint point à in-
timider son jeune adversaire. Car-
rier nétait pas accoutumé a tant
de résistance, elle abattit son féro-
ce orgueil. L'adolescent fit trem-
CAR
hier le tjran -viiil, qui, par un ton
doux e< des paroles mielleuses,
chercha à désarmer celui qui ve-
nait de se déclarer son ennemi.
Il ne put le fléchir; une nouvelle
lettre de Julien provoqua et fit
enfin prononcer le rappel de Car-
rier. Le gouvernement de Robes-
pierre ayant été renversé au 9
thermidor, les plus fougueux a-*
gens (le ce niveleur sanguinaire
lurent poursuivis par les im;4é-
cations et les cris de la France en-
tière : le comité révolutionnaire
de Nantes fut mis en jugement,
et dès lors tous les crimes de Car-
rier furent révélés. Dans le cours
des débals, les accusés cherchè-
rent à se justifier en di^nt qu'ils
n'avaient fait qu'obéir aux ordres
du farouche proconsul ; et plu-
sieurs fois l'auditoire, frémissant
d'horreur et interrompant les dé-
bats, apjtela Carrier à cris redou-
blés. Il fut, en quelque sorte,
arraché à la convention, qui se
TÎt enfin contrainte de le livrer
au tribunal révolutionnaire. Le
décret d'accusation porté le 12
vendémiaire an 5, contient plus
de cent ("hefs, dont le moins gra-
ve appelait la peine capitale sur
la tête de son auteur. Au nom de
Carrier, un l«mg murmure se fait
entendre parmi les accusés , les
témoins, les spectateurs, et tous
les yeux se tournent vers lui.
C'était un homme d'une taille
haute et un peu courbée; il por-
taitcetle chevelure noire et grasse
que les tyrans populaires avaient
mise à la mode; son geste était
forcé, brusque et menaçant; sa
voix dure et raiique ; sa pronon-
cialion forte et précipitée : il avait
l'œil petit et hagard, le teint bu-
CAR
i/,i
sané, l'air sombre, commun et
féroce. Il se défendit, non com-
me un coupable convaincu que
les actes qu'on lui reproche sont
des crimes, niais comme un hom-
me persuadé qu'il était une vic-
time sacrifiée aux circonstan-
ces. Il parla souvent aux jurés,
aux juges, et même au président
du tribunal, avec une liauteur
qui moutrdit assez qu'il ne se
croyait pas déchu de la dignité,
et, jusqu'à un certain degré, de la
puissance d'un représentant du
peuple. Il soutint assez bien ce
caractère pendant tout le cours
de la procédure ; entendit son ar-
rêt en homme qui s'y éta il préparé;
il marcha au supplice et reçut la
mort avec plus de fermeté qu'on
ne pouvait en attendre d'un mons-
tre que devait accabler en ce mo-
ment le poids des plus terribles
souvenirs, et du nom odieux qu'il
laissait après lui.
CARRION-iSISAS(i>URiE-HEN.
m-FBANçois-Éi.isABETH) , légis-
lateur, militaire et poète, né à
Montpellier le 17 mars 1767, é-
tait un des vingt-trois barons des
états du Languedoc. Une substi-
tution ayant fait passer les grands
biens, dont il devait hériter, dans
la famiWc Spino/a de Gènes, il
n'avait qu'une fortune médiocre
qnarul la révolution commença.
11 était, en 1789, officier de cava-
lerie et non pas d'infanterie, com-
me le dit la Biographie Michaud,
qui commet souvent des erreur»
beaucoup plus graves. Carrion-
Nisas était populaire et libéral;
un seul (îiit sullît pourlc prouver:
la commune dont il était seigneur
le choisit pour maire. Les enne-
mis secrets de la révolution, ceux
l43
CAIV
qui faisaient égorger Ici patriotes
d'alors, et qui se signalent encore
aujourd'hui par leur fureur dans
le midi de la France, firent jeter
Carrion-Nisas dans les prisons de
Béziers ; le 9 thermidor lui sauva
la vie. 11 avait été arrêté sous pré-
texte i\ej'^déralisnie; mais son vé-
ritable crime était son enthousias-
me pour la liberté et son éloigne-
ment pour l'émigration. Il s'ex-
pliquait tout haut et franchement
sur ces objets. Il reçut plus d'une
fois des lettres anonymes, ornées
de quenouilles en vignettes, où on
lui reprochait son oisiveté, indi-
gne d'un gentilhomme; ces mau-
vaises plaisanteries, renouvelées
des croisades, ne changèrent rien
à ses principes; il a prouvé, de-
puis cette époque, qu'il savait fai-
re un meilleur usage de son épée
que les faux braves qui lui écri-
Taient anonymement. Il vécut
dans la retraite pendant le règne
du directoire. Quelques mois a-
près l'établissement du consulat,
il vint à Paris dans l'unique des-
sein de faire jouer la tragédie de
Montmorency. Bonaparte, avec
qui il avait été à l'Ecole- Mili-
taire de Paris, l'engagea ù se fixer
auprès du gouvernement auquel
il lui proposa de s'attacher. Le
second consul Cambacérès, dont
Carrion- jNisas avait épousé une
proche parente, le servit .dans le
sénat; il y fit passer le tribun
Crassous, et Carrion remplaça ce
dernier au tribunal. Tel fut le dé-
but de sa carrière politique. Le
nouveau tribun se signala par plu-
-sieurs discours sur la question du
iiivorce, le premier concordat et
les formalités des contrats de ma-
riage. C'est sur sa proposition que
CAR
le port de Celte a été recreusé el
mis en état de recevoir des bâti-
mensde haut-bord. Il a r(;udu, en
cela, un service essentiel à sa pa-
trie, et parliculièrenumt ù son dé-
partement. Carrion ?<isas appuya
fortement la motion de son col-
lègue Curée pour l'établissement
du gouvernenient impérial. Son
•iliscours contient, en faveur des
intérêts de la révolution et de la
liberté publique, des stipulations
et des maximes dictées parle pa-
triotisme le plus pur, et ce qui
doit frapper davantage aujour-
d'hui dans ce discours, prononcé
il y a vingt ans, c'est sans contre-
dit le passage suivant où il est
questionnes coryphées de l'émi-
gration armée , cette mesure si
désastreuse, et qui porte encore
des fruits si amers : « La nation a
» fait des pas de géant dans la car-
arière (des lumières). Ceux qui
«prétendent encore la dominer
))Sont restés au même point : le
y> temps et l'expérience ne leur
» ont rien appris, ne leur ont rien
vjait oublier : principes , idées ,
>) prétentions, langage, tout en eux
»est étranger, tout en eux est en-
«nemi; et ceux-là qui se croient
» peut-être encore leurs partisans,
«seraient étonnés des nombreux
«litres de procription qu'ils au-
» raient auprès d'eux.» Dans sa ré-
ponse improvisée à Carnot, il ex-
plique, en peu de nK)ts, le systè-
me de monarchie que voulaient
alors introduire les citoyens bien
intentionnés, jaloux de lier sans
efforts le passé à l'avenir, de con-
server des formes reconnues en
Europe, et de consacrer des inté-
rêts puissansetlégitimés en Fran-
ce. « La royauté (féodale), disait-
CAR
»il, procéda par l'envahissemeut
»du territoije et celui du corps
V même des hommes qui le culli-
»vaient : Huniines ftolestalis ad-
adicd glebœ. C'était sur cette
«monstrueuse fiction qu'elle éla-
ublissait ses droits, les titres et le
• jeu de son gouvernement. Le roi
«des Français, tel que voulut le
«faire l'assemblée constiliiante,
«l'empereur de la république fran-
«paise, tel que nous voulons Té-
«tablir, n'est le propriétaire ni du
uâol ni de ceux qui I habitent; il
«est le cheldes Français parleur
)t volonté; son domaine est moral,
"•et aucune servitude ne peut dé-
» couler d'un tel système, etc.»
Carrion- Nisas ne laissait échap-
per nucune occasion de demander
les institutions qui devaient con-
solider le nouvel empire, et lui
donner son caractère distinctif. Il
avait dit dans la discussion sur
l'établissement de la légion d'hon-
neur : « Si nous ne profitons pas de
«ces imiques, de ces irréparables
«momens pour nous donner des
«iustitulious , si nous ne mé-
«ditons pas profondément les vé-
» rites gravées sur la tombe des
•I siècles, bientôt notre liberté n'au-
nra été qu'un essai malheureux,
«notre grandeur qu'une prélcn-
«tion injurieuse, notre gloire en-
«fin qu'un rÇve magnifique.» Car-
rion-Nisas improuva le décret qui,
établissant et promtilgant l'héré-
dité du nouvel empire, jetait hors
d<- la ligne «le la succession les
deux frères de l'empereur, Lucien
et Jérôme, et cette improbation,
unntmcée sans ménagement, fut
peut-être le principe de l'altéra-
tion des bonnes grâces de Napo-
léon envers lui. A cette même é-
CAR
143
poque, il perdit également les
bonnes grâces de l'impératrice Jo-
séphine, parce qu'on avait per-
suadé à celte princesse qu'il a-
vait conseillé le divorce de l'em-
pereur. Dans ces entrefaites, on
donna au Théâtre-Français sa tra-
gédie de Pierre-lt'Grand , La Bio-
graphie Mlchaud, qui traite sans
façon cette pièce de maiwaise.
tragédie, dit qu'elle fut moins sif-
fléc par ce motif que parce que
les spectateurs voulurent, en cet-
te occasion, punir Carrion- iNisa»
des adulations aussi basses que ri-
dicules qu'il avait prodiguées à
Bonaparte : observation, soit dit
en passant, assez singulière de la
part de l'auteur du treizième livre
de l'Enéide. Ce qu'il y a de vrai
dans cette affaire, c'est que la piè-
ce fut sitnée par une faction, et il
paraît plus probable que ce fut
celle des flatteurs de INapoléon,
puisque Carrion- Nisas était alors
disgracié. Les désagrémens qu'il
éprouva dans ces circonstances le
firent songer à reprendre du ser-
vice; cette carrière était de son
goftt; il y rentra en i8oG, d'abord
en qualité de lieuteuant, et peu
après de capitaine des gendayncs
d'ordonnance. L'empereur qui, i
l'armée, n'était pas exposé aux
mêmes obsessions qu'à Paris, sut
gré à Carrion-Nisas de sa condui-
te, et le lui témoigna. Votilant lui
donner une marque de faveur, il le
choisit pour porter à l'impératrice
le traité de paix conclu à Tilsit.
Dans l'audience de départ que
l'empereur donna à Carriori-Ni-
sas, celui-ci n'écoutant que soa
patriotisme et sa sincère aÛection,
pressa vivement Napoléon de se
tourner vers des pensées de paix
i44 CAR
et de stabilité. Nous citerons los
deux vers du Ta-x,' , raiiji(;ilès
dans le Journal g^vitâal A alcjrs,
dont il se servit dans cette occa-
sion pour appuyer ses raisoune-
mcns :
Glunti h tua gloria al summo^ c pcr Cintuin^i
Fuggir U dubbie gucrrt a te conviene.
Cette franchise valut encore une
espèce de disgrâce à Carriou-
jNisas. Il partit en qualité de
chef d'escadron d'état- major ,
pour joindre l'armée de Portugal,
sous les ordres de Junot; ce gé-
néral, qui le connaissait particu-
lièrement, lui témoigna beaucoup
de confiance pendaiil le cours de
l'expédition, et le chargea de plu-
sieurs parties 4e l'administration
intérieure du pays. L'académie de
Lisbonne le reçut au nombre de
ses membres. On croitqu'il a rap-
porté beaucoup de documens cu-
rieux sur cette expédition et sur le
Portugal : nous l'engageons à les
publier dans ce moment où la na-
tion portugaise attire si justement
les regards de l'Europe. Carrion-
ISisas se trouvait à la bataille de
Vimeiro, à côté du général Junot,
et l'empêcha de tomber au pou-
voin d'un parti de cavalerie an-
glaise. Au retour de cette expé-
dition, il fut nommé adjudant
commandant et envoyé au siège
de Sarragosse , avec le même
Junot , duc d'Abrantès. Le bulle-
tin officiel de ce siège loua sa
conduite comme brillante , parti-
culièrement dans le commande-
ment d'une colonne d'infanterie
qui contribua à dégager les der-
rières de l'armée obsidionale , en
prenant d'assaut la ville d'Alca-
niz, et dispersant le rassemble-
ment qui commençait à s'y for-
V.Wy
mer. Cr sj, m,, iciuiiné . il joignit
l'iiniirc (le (;,i-iillt . ( M!iiiii;i;i(lée
j)ai' le loi J((-t[tli. i,c h ii<l( main
de la bataille de Talaveyra , Jo-
sepli fit partir dan ion-Nisas pour
en (KirU T le- (lil;iil> à Napoléon ,
avec une simple lettre de créance
sans relation. L'empereur était
alors en Allemagne, recevait peu
de nouvelles d'Espagne, et sou-
vent contradictoires. Il question-
na Carriim-lSisas avec empresse-
ment, et se promena tête-à-tête
avec lui , dans la cour de Schœn-
brunn, depuis dix heures du soir
jusqu'à une heure du matin. Tout
l'étal-maior était dans l'attente du
rôle qu'allait joiur linterlocuteur
d'un si long dialogue II fut nom-
mé baron de l'empire. De retour
à Paris, l'empereur le chargea
successivement de deux missions
importantes. La piemière avait
pour objet la jonction des armées
de Macdonald et de Suchet sous
Lérida , que celui-ci venait de
prendre ; la seconde, le ravitaille-
ment de Barcelonne réduite aux
abois; et pendant près de deux
ans qu'il resta à l'armée de Ca-
talogne , il continua de veiller,
avec succès , à la subsistance de
Barcelonne .assiégée du côté de
la terre par les guérillas , et du
côté de la mer par les Anglais.
En i8i5, (-arrion-Nisas fut ap-
pelé à l'état-niajor de la grande
armée qui se réorganisa pour re-
prendre l'ofl'ensive en Saxe. Il
assista aux batailles de Lutzen,
de Bauîzen , etc. , jusqu'à l'ar-
mistice de Dresde. Il était chargé
de tenir le journal de la campa-
gne. On peut voir dans les notes
de son ouvrage sur VlJrgitnita-
tiondtlajorce armée, ce qu'il
cah
1 !■
raconte dVvnt: mission qui lui
ûjl donm'e pendant Parmisticc ,
oHe la dt'f.jveur qu'elle lui atti-
ra , nous «avons que Napoléon ,
en lii^ant ce récit à l'île Sainte-
Hélène, fut touché de la manière
noble et sans (iel dont l'auteur
parle d'une disgrâce au^si injuste
qu'impolitique. Carrion- Nisas ,
destitué et exilé à cent lieues de
Paris, entra comme simple vo-
lontaire dans les rangs de l'armée;
il fit en cette qualité , dans le ao"*
de dragons , toute la campagne si
malheureuse et si mémorable par
les batailles de Leipsick , de Ha-
nau , etc., et l'année suivante,
celle de France non moins désas-
treuse. A Auguslusbourg, il entra
le deuxième dans un carré autri-
chien qui fut fait tout erflier pri-
sonnier; à l'avillon en Cham-
pagne, il chargea trois fois de
suite avec trois différens esca-
drons. Il raconte dans l'ouvrage
que nous avons cité, que jamais il
n'a pris d'instructions plus utiles
de son métier que dans cette po-
sition de volontaire , où il pou-
vait être partout sans être respon-
sable de rien. A la fin de iSt/i,
Carrion-Nisas fut employé, dans
son ancien grade, à l'état-major
de la i" division. Au commen-
cement de mars i8i5, il fut
nommé secrétaire - général - ad-
joint au ministère de la guerre.
Il proposa, lors du débarquement
de Napoléon , les seules mesures
qui pouvaient arrêter sa marche.
On ne le comprit point, et il ne
fut occupé dans les jours qui pré-
cédèrent le 20 mars, qti'A faire
expédier des passe-ports ou de»
commissions pour lever des corps,
francs «lans la Vendée. Tous les
T. IV.
prélcodus zélés se précipitaient de
te côté où il n'y avait aucun dan-
ger à courir ; c'était comme dans
les premi^^rs jour&de la révolution
et de l'émigration : lajaciance Ct
la fuite, vn grand courage à ve-
nir, et une grande peur pn'^sente.
Celte seconde émigration ne fut
pas plus de so;i goût q.ie la pre-
mière : il resta dans sa patrie.
Quand Napoléon fut rentré aux
Tuileries, Carrion-Nisas ne lui
dissimula point les conseils qu'il
avait donnés contre lui; l'empe-
reur ne lui eu sut pas mauvais
gré, et lui confia par'décret la dé-
fense éventuelle des ponts de
Saint-Cloud et de Sèvres. Pen-
dant les cent jours , Carrion-Ni-
sas rédigea l'adresse Ineau champ-
de-mai, au nom du peuple fran-
çais et de. la députation centrale
des électeurs. Cette adresse qui
décèle, avec un vrai talent, des
principes politiques aussi justes
(|ue profond», restera comme mo-
nument historique, attaché pour
toujours au nom de son auteur.
Nommé maréchal -de -camp par
le gouvernement provisoire pour
sa belle défense du pont de Sè-
vres (où il soutint avec 3,ooo
hommes l'attaque de i5,ooo An-
glais ou Prussiens), son nouveau
grade ne lui fut point confirmé. Il
lui fut interdit d'habiter le dépar-
teitient de l'Hérault et la i" di-
vision militaire. Ayant suivi à
Bourges l'arujée de la Loire, il y
passa deux ans sous la surveil-
lance de la haute-police. De re-
tour i Paris en mars 1817. Car-
rion-Nisas piiblfc son ouvrage
sur V Organisation cfe la Jbrce-
armét'y précurpeur de celui qu'on
attend de c<*\ écrivain , et dont
î46
CAR
plusieurs fragmeus ont'déjà paru
dans les Annales inililaires. Nous
l'invilons à poursuivre ces utiles
et honorables travaux, et à con-
tinuer de iné[»riser les persécu-
tions que l'intrigue en aucun
temps n'épargnera au mérite. Dif-
férentes- biographies ont donné
des notices inexactes et malveil-
lantes des ouvrages imprimés de
Carrion-Nisas; il est entièrement
faux, par exemple, qu'il ait ja-
mais, sous une forme quelconque,
publié sa généalogie. Indépen-
damment des tragédies de iVonl-
morency et de Pierre-le- Grand,
Carrion-Nisas a composé plu-
sieurs ouvrages en vers, parmi les-
quels on a remarqué une traduc-
tion du bel épisode du cinquième
chant de l'Enfer du Dante. Il a
entrepris aussi de traduire la Jé-
rusalem en vers, en conservant la
forme des stances adoptée par le
Tasse. Des homme», dont le suf-
frage est de quelque poids en fait
de poésie, affirment que la con-
trainte à laquelle Carrion-ÎSisas
s'est assujettie ne se fait pas sen-
tir dans son travail. Carrion de
Nisas a un fds qui, fort jeune en-
core, s'est déjà fait honorable-
ment connaître. Ses débuts dans
Ja carrière des lettres prouvent
que le patriotisme et le talent
comptent une génération de plus
dans sa famille.
CAKRO (Jean de), médecin. Il
était de Milan, mais il s'établit à
Vienne. On lui doitprincipalement
la propagation de la vaccine dans
le nord de l'Europe, dans la Tur-
quie, et dans le# Indes. Le résul-
tat des expériences du docteur
Jenner n'était pas encore adopté
sur le conliuent, lorsque M. Car-
CAR
ro, convaincu de l'utilité de ce
procédé , s'en occupa avec zèle ;
ses propres enl'ans en prouvèrJfc
les avantages, et ses eflurts le pro-
pagèrent dans les diverses parties
de l'Allemagne, dans la Pologne
et dans la Russie. Introduite par
ses soins dans la Grèce, vers l'an-
née 1800, la vaccine pénétra jus-
qu'à Bassora, jusqu'à Bombay, et
bientôt dans l'ile de Ceyian. et
dans plusieurs contrées des Indes,
où vainement les Anglais avaient
cherché à la faire recevoir. M. Car-
ro a publié, en français, Uù.serva-
lions tt expériences sur la vacci-
nation f in-8°. Vienne, 1801, Il
a traduit en allemand l'ouvrage
anglais intitulé, Essai sur l'ori-
gine de la vaccine y par J. J. Loy.
On trouve dans laBibliolhéque bri-
tannique un grand nombre de
lettres deiM. Carro, particulière-
meutcellequiapourobjetîi/yac//A
té Anli-pesùlentielle de la vacci-
ne., sous la date du 27 aoûtiSoS.
CARRON le jeune (l'abbé),
ué en Bretagne , est un écrivain
moral et religieux, d'une grande
fécondité. Son premier ouvrage ,
les trois Uéroines chre'lienne',pix-
rut en 1790. Il a publié depuis, à
Londres , des Peuiées eccîésiali-
(fues , 4vol. in-12 ; deux Pensées
chrétiennes pour chatfue jour de
l'année y 6 vol. in- 12 ; le Modèle
des prêtres , ou la Vie de J. B ri-
daine , missionnaire ; l'Ami des
mœurs, ou Lettres sur l'éduca-
tion, 4 vol. in- 12; l'Heureux ma-
tin de la vie , ou petit Traité sur
l'/iuniilité : ce livre, in-i(i , a eu
plus de succès parmi les gens du
monde que parmi les gens d'é-
glise. Le beau Soir ue ta vie, ou
petit Traité sur l'amour divin ,
CAU
\n-iG; les Attraits de la morale ,
in-12 ; et depuis son retour en
France , il a donné la f^ie des
Justes dans les plus humbles con-
ditions , in-12; f^ie des justes
dans les plus hauts rangs de
la société, 3 vol. in -13; le
■^ Manuel du militaire chrétien, ou
m f^ie des justes dans la proj'essioh
des armes , in-ia ; les nom>elles
Héroïnes chrétiennes , ou Vie de
seize jeunes personnes , 2 vol.
in-18; Martyrologe, ou Vie des
plus célèbres victimes de la révo-
lution , 4 vol. in-12; Vie des
justes dans les états ordinaires de
la société, in-12 ; Vie des justes
parmi lesjillcs chrétiennes, in-12;
Vie des justes dans l'état de ma-
riage , a vol. in-12; Vie des
justes dans la magistrature , in- 1 2 ;
Modèle de dévotion à Marie, in-
1 2 ; les Ecoliers vertueux , 2 so\.
iu-16; les Trésors de la jeunesse
chrétienne, ou petit Traité sur la
pureté; la vraie Parure des fem-
mes chrétiennes ; un petit Traité
sur la pureté. L'onelion, lu saine
morale, les sentiiiicns de piété et
(le charité qui brillent dans la plu-
part de ces ouvrages, ont été loués
.i'guleinent et par les amis des
mœurs, et par les amis de la re-
ligion; mais quelque prix qu'on
attache aux écrits de cet auteur,
ses actions sont encore plus digrïcs
d'éloges. M. l'abbé Carr(m est du
petit nombre de ces ecclésiasti-
ques qui , fuyant les grandeurs et
les vanités mondaines, ont con-
sacré leur vie à des œuvres de
bienfaisance. Avant la révolution,
il avait formé ù Kennes une mai-
son , où les enfans et les vieillards
étaiciu tout à la foi» secourus et oc-
cupés. N'ayant pas cru devoirprO-
CAR
'47
ter le serment exigé par la consti-
tution civile du clergé, il fut force
de sortir de Fri^nce, et se retira
dans rde de Jersey ; il y forma,
presque aussitôt son arrivée, di-
vers étal)lis6einens décharné, une
pharmacie pour les pauvres, deux
écoles pour l'instruction de la
jeunesse, une bibliothèque pour
les ecclésiastiques, une chapelle
pour l'exercice du culte. En ijgt),
il se rendit à Londres, où il éta-
blit pour les eufans des émigrés
une école, cui bientôt devint un
pensionnat^t prit un tel accrois-
sement qu'il le transporta dans un
des faubourgs de celte grande
ville, afin de pouvoir y admettre
des élèves des deux sexes; il fou-
da et dirigea lui-même un hos-
pice pour les vieillards et les infir-
mes. En 1801, les émigrés ayant
obtenu la permission de rentrer
en France, iM. l'abbé Carron eut
le désir de revoir sa patrie, fit les
préparatifs de son départ, et se
mit même en route pour Calais;
mais en songeant combien ses
soins étaient utiles auxenfans,aiix
vieillards, aux infirmesqu'il avait
réunis dans les établissemensdont
il s'éloignait, il s'arrêta, revint sur
ses pas, et continua de leurdonner
ses généreux soins : il n'a quitté
l'Angleterre qu'en 1814. M- l'abbé
Carron n'avait point de fortune ;
c'est p.iT un zèleinfatigableàsolli-
citer la charité d'autrui, qu'il est
parvenu à se procuierles moyens
nécessaires à l'établissement des
écoles et à l'entretien des hospices
dont il fut le pieux fondateur. Sans
être né dans cette classe où l'on se
consacre nu culte des autels, non
pour y remplir ce qu'il y a dans le
sacerdoce de fonctions hunibles et
i48
CAR
utiles , mais pour y étaler les
pompes épiscopales, la crosse,
la large croix d'or, l'anneau et lu
mitre rehaussée de pierreries,
sans doute M. l'abbé Carron au-
rait ol^enu (pielques honneurs ec-
clésiastiques, s'il les eftt brigués.
Fidèle aux préceptes de l'évan-
gile, il a négligé ses droits pour
mieux remplir ses devoirs; il n'est
ii la vérité ni évêque , ni grand
vicaire, ni chanoine ; mais il est
plus aux yeux des vrais philoso-
phes et des véritables dévots ; il
est à Paris , ce qu'ilrot à Rennes ,
à Jersey , à Londres, modeste et
utile instituteur : il a établi, et
dirige un pensionnat dans le fau-
bourg Saint-Jacques. Apres ses
actions, rien ne loue plus digne-
ment ce prêtre philanthrope que
les vers suivans qui sont de De-
lille :
A la voix de Carron le luxe s'attendrit;
Sa vertu les soutient (les malheureux), et son
nom les nourrit.
Par lui, pour l'indigent la douce bienfaisance
Trouve fe superflu, même dans l'indigence j
Et parmi les bannis, ses pieuses moissons
De l'avare opulence ont surpassé les dons.
Pitii, chant ii.
CARSTENS (Chrétien - Nico-
las.) Il exerça les fonctions de
procureur fiscal à Lubeck, où il
était né le 5 février 1756. On a
de lui plusieurs ouvrages sur l'his-
toire et le droit public de cette
ville, savoir : 1° Oratio jubila his-
toriam jiibilœorurti Lnbeiensiiim
compleciem ,in-S", Lubeck, lyôo;
a" De sancto Lubtcensiurn tiitela-
ri , D. Jolianne Baptistâ , in -4°,
ibid, 1754; 5" De prœcipitis (fui-
busdani , quœ Lubecd societati
T'eutoiiiccu Jenensi, càm in meni-
bris honorariis, tàni ordinoriis
concessit, ornauientis, in-4", ibid,
1754; 5°/?/-y'''. inaug. floriim spar-
CAR
sionum ad potiora privi/ef^ioriim
Liibecensium capita, in-4", ibid,
1758; 6" De imniedictale, Lube-
censibns à Frederico primo, an-
no Ï1S2 concessd, in-4°? Lubeck,
1759. En 1796, Carstens a fait pa-
raître en Q\\cxx\i\t\(ï iSupplé ment au
droit public d'/iUefuagne pour
Ve.ssai d'une inlerprctation de
l'art. 10, litre i,lib. 3, du droit de
la ville de Lubeck. Il a fait aussi
quelques dissertations qui ont été
imprimées dans des recueils j-é-
riodiques.
CARSTENS (AsMi:s-JACOB),né
le 10 mai 1734, au village de
Sankt-Jurgen, prés de Sleswick
en Danemark. Dès son enfance,
il manifesta un goftt décidé pour
le dessin. Plus tard, la vue des
tableaux de Jurian -Ovens aug-
menta ce penchant, et il aban-
donna tout pour le satisfaire. Il
courut à Copenhague, où il se
mit à contempler, durant des jour-
nées entières, les statues et les
tableaux que rétmit cette capitale.
Bientôt il donna la Mort d'Es-
chyle. Ce tableau annonçait un
véritable talent, mais les faibles
secours qu'il lui procura le lais-
sèrent dans la nécessité de faire-.
journellement des portraits. Il re-
fusa la médaille d argent qu'on lui
avait décernée au concours, ce qui
l'éloignade l'académie, qui depuis
peu l avait adniis dans son sein.
Malgrél'espérance d'une pension,
il ne voulut pas concourir l'année
suivante, et il partit pour Rome
en 1783. Mais lorsqu'il fut à Mi-
lan, les ressources lui manquèrent
absolument, et il ne vit d'autre
parti à prendre que de se rappro-
cher de la Baltique. En traver-
sant la Suisse, il \i>ita Gessner et
GAIV
l.maUr. De Zurich il se rendit
a Lubeck où il resta cinq ans.
Il y faisait encore des portraits, et
il voyait peu d'espoir de sorlir de
cette situation, lorsqu'un riche a-
nialeur, qui avait entendu parler
de quelques bons morceaux d'his-
toire réunis dans son cabinet, lui
donna des secours. U fit alors le
voyage de Berlin, mais il y é-
prouva de nouveaux embarras. Ce
ne fut que deux ans après que les
dessins dont il se vit chargé pour
des libraires, le tirèrent de l'ou-
bli. Il fit alors paraître la Chute
des An^es, belle composition qui
lui mérita une place de profes-
seur à l'académie, et une pen-
sion de 45o rixdallers. Il a-
vait autant de désir que jamais
d'étudier ù Rome les ouvrages des
grands maîtres; en 1792, il visita
enfin Saint-Pierre et le Vatican.
Le génie de Raphaël perfectionna
son talent. En 1795, il exposa
publiquement plusieurs ouvrages
que les connaisseurs approuvè-
rent. On admira surtout son Mé-
paponte, et même on le compa-
ra aux productions immortelles
des premiers peintres. Carslens
exécuta ensuite plusieurs sujets
tirés d'Homère, de Shakespeare,
et des poëmcs attribués à Ossian;
mais en 1798, il fut enlevé aux
arts à Tinstant où il venait de ter-
miner son tableau iVOEdipe-roi.
On a remarqué qu'il réussissait
particulièrement lorsqu'il s'occu-
pait de compositions puisées dans
la mythologie. Il a su joindre
un caractère de grandeur à la pu-
reté du dessin et à l'élégance des
formes; mais il n'excellait pas
dans le coloris, et l'on croit que
les coonaissances aiiatomiqnes
CAR 149
relatives à son art ne lui étaient
pas assez familières.
CARTEALX (Jean-François),
est né en i^Si, à Allevan, dans le
Forez. Fils d'un dragon qui avait
eu la jambe emportée par un bou-
let, il obtint d'être placé à l'hôtel
des Invalides avec son père. Ils
y entrèrent à l'époque où le cé-
lèbre Doyen s'occupait à peindre
les voûtes du dôme de l'hôtel. Cet-
te vue enflamma le jeune Car-
teaux, qui répéta peut-être le c7}i-
ck'io son pittorc, et qui peut-
être se trompa. Néanmoins, s'é-
tant livré à l'étude do la peintu-
re, dans les ateliers de Doyen,
il y réussit assez pour être juge
digne à aa ans de recevoir une
médaille, et d'être nommé mem-
bre de l'académie de Londres.
Il voyagea beaucoup pour per-
fectionner son talent; mais aux
approches de la révolution, dont
il aimait les principes, la vive in-
clination qu'il ressentit pour la
profession de son père l'entraîna,
et lui fit abandonner la palette
pour l'épée. Il s'en servit pour la
première fois, le 14 juillet 1789,
journée mémorable où il se trou-
vait employé en qualité d'aide-
de-camp de la ville de Paris. Nom-
mé lieutenant de la garde natio-
nale à cheval, il passa successi-
vement par tous les grades mili-
taires, jusqu'à celui de général,
qui lui fut conféré en 1793. On lui
confia, en même temps, le com-
mandement des troupes qui mar-
chèrent contre les Marseillais.
Ceux-ci venaient au secours des
Lyonnais qui avaient donné le si-
gnal de l'insurrection. Carleaux
les dispersa, après s'être emparé
du Pont-Saint-Esprit, d'Avignon
i5o
CAR
et de Marseille. Celte dernière
ville fit clFrir une somme consi-
dérable nu général Carleaiix, il
eut la délicatesse de la refuser;
c'est un témoignage que nous de-
vons h son désintéressement et à
sa probité. Un autre trait que nous
allons citer ne fait pas moins
d'honneur à ce général. Le ma-
réchal Serrurier, alors général de
brigade, fut dénoncé comme sus-
pecl !\\\x représentans du peuple,
près l'armée des Alpes, dont Car-
teaux fut un instant général en
rhef.Convaincu de l'innocence de
Serrurier, Carteaux prit sur lui la
rcsponsabililéde cette affaire; il fit
venir le général Serrurier à Gre-
noble, le mit aux arrêts, et eut
soin de le faire garder à vue,
pour le soustraire à une mort iné-
vitable. La ville et le port deTou-
lon tombèrent, par une trahi-
son, au pouvoir des Anglais le
îîy août 1795. Deux jours au-
paravant, Carteaux était entré à
Marseille, mais il n'y resta que
peu de temps; il reçut l'ordre de
marcher sur Toulon. Par l'effet
des malheureuses circonstances
et d'une déplorable fatalité , ce
général ne s'était encore battu
que contre ses compatriotes; plus
heureux, il eut enfin l'occasion
d'agir contre les véritables enne-
mis de son pays. Les Anglais fu-
rent défaits sur tous les points
où il les rencontra. Il mit enfin
le siège devant Toulon ; mais a-
vanl d'y arriver, il avait fallu for-
cer la position inexpugnable des
gorges d'OlliouUes. Le passagede
ces gorges, exécuté avec une poi-
gnée d'hommes, est un des plus
beaux faits d'armes des campa-
gnes de la révolution. Cependant
CAR
cette action d'éclat cause- moin»
d'étonnement lorsqu'on songe
que du petit nombre de soldats
qui composaient l'armée de Car-
teaux sont sortis les généraux
Daramartin, Laborde, Aimeras,
Vautrin, Dupas, et Bonaparte,
qui, tout simple capitaine d'artil-
lerie qu'il était, a véritablement
dirigé les opérations du siège,
où il obtint le grade de chef de
bataillon. A cette époque, Car-
teaux fui nommé général en chef
de l'armée d'Italie, en remplace-
ment de Brunet, accusé de tra-
hison. Mais bientôt accusé lui-
même, il fut conduit à Paris, en
janvier 1 794, et renfermé à la Con-
ciergerie : le 9 thermidor le sau-
va. Carteaux remis en activité,
en 1795, fut employé à l'armée
de l'Ouest , sous les ordres du
général Hoche. Destitué pour a-
voir mal suivi les instructions
qu'on lui avait données, il revint
à Paris. La journée du i5 vendé-
miaire an 4 {^ octobre 1795), lui
ayant fourni l'occasion de se distin-
guer, à la tête d'un bataillon , par
la prudente conduite qu'il observa
dans cette affaire délicate, il fut
réintégré dans son grade, et le
conserva jusqu'en 1800. Bonapar-
te, premier consul, se souvenant
de Carteaux. le nomma, en 1801,
l'un des administrateurs de la lo-
terie. Mort en avril 181 5, il ne
laissa pour toute fortune à sa
veuve, qu'un bureau de loterie
et huit enfans, dont cinq étaient
sous les drapeaux de l'empire ,
lorsqu'il expira.
CAUTELLIER (Pierre), né i\
Paris, le 3 décembre 1757, sculp-
teur célèbre, reçut en 1808, dans
le salon d'exposition des arts.
.r.r..,,/^.
CAIV
la décoration de la légion-d'hon-
neiir , que lui remit Napoléon.
Celait un hommage que l'empe-
reur rendait aux talens et au gé-
nie du statuaire, dont nous allons
analyser les ouvrages: x" la Guer-
re, statue en pierre, au palais du
Luxembourg; 2" la Pudeur, sta-
tue en marbre : elle est dans la
galerie de la Malmaison. Le rap-
port de l'institut, pour les prix
décennaux de »8io, fait un grand
éloge de cette composition; nous
en citerons les passages suivans:
«La figure est de grandeur natu-
» relie: son altitude exprime par-
))faitement le sentiment d'inquié-
ntude qui engage une jeune fille
«timide à cacher les beautés dont
» la nature l'a douée. L'expression
«de la physionomie est pure et
«gracieuse, parfaitement d'ac-
»cord avec le sentiment dont elle
» paraît émue. On peut, il est vrai,
«reprocher un peu de maigreur
Ȉ quelques parties de cette
«statue, mais ces mêmes par-
»lies sont d'un dessin si délicat,
)• qu'on ne s'arrête point. aux dé-
»fauts. » 3" Aristide-U-fuste, sta-
tue placée dans la salle d'assem-
l)lée de la chambre des pairs, au
Ivuxembourg; \" la statue de l^er-
ij,uiaux , membre de \f conven-
tion : elle était dans le grand es-
calier du Luxembourg, d'où on
l'a enlevée en avril i8i4; elle
se trouve sans doute dans quel-
que coiu du palais. Le même
rapport du jury qtie nous avons
«Jéjà cité, dit, h l'occasion de cet-
te statue «qu'elle porte im carac-
» tére imposant qui retrace nohle-
«mént l'image de cet orateur*
(Vergniaux). .5" la Gloire distri-
buant des couronnas en parcou-
CAR i5j
rnnt un champ couvert de tro-
phées, bas-relief en pierre, placé
au-dessus de l'archivolte de 1.» por-
te principale du Louvre. «...Tout,
«dans cet ouvrage, exécuté avec
«une perfection rare, fait connaî-
))tre l'étendue et le caractère du
«talent de M. Carlellier, » dit le
même rapport de l'institut. G" la
Capitulation d^CIlm, bas-relief en
marbre, qui ornait l'arc de triom-
phe du Carrousel, et fut enlevé
en 181 5, 7'" la statue en marbre
du s;rand connétable de France,
exposée au salon de 1810; 8* une
statue colossale en marbre, re-
présentant le général V alhubert :
elle était destinée à être placée sur
le pont Louis XVI; g-une statue
en marbre de J\apoléon. en grand
costume; elle avait été sculptée
pour l'école de droit de Paris; 10°
J.ouis Xlf^A cheval, bas-relief en
pierre, an-dessus de la porte prin-
cipale de l'hôtel des Invalides; 1 x"
la satue en bronze de Louis A/',
de onze pieds de haut, inaugurée
sur la place royale de ilheims, le
25 août 1819; 11" Minerve J'rap-
pant la terre avec son javelot ,
fait naître l'olivier : cette statue
est destinée ;\ être placée dans la
galerie de Versailles. Cartellier
est chargé d'exécuter en marbre,
la statue équestre de Louis \f^,
pour la place de ce nom ; et un
monument i\ la mémoire du duc
de fier ri, qui sera placé dafis l'é-
glise de Notre-Dame : MM. Per-
cier, architecte, cl Dupaty, sta-
tuaire, doivent coopérer' à l'exé-
cution de ce dernier ouvrage.
Cartellier a été nonmié membre
de riiistitiit, le 19 mars 1810.
Il est aujourd'hui professeur ù
récolc royale de peinture et de
102 êxW
sculjtture. L'ordonnance du roi
du 21 mars 18 lO, le pbce au
nombre des membres de l'acadé-
mie des beaux-arts , deuxième
section.
CARTIIEUSER (Fhédéric - Ai -
guste), fils du fameux docteur
Jean-Frédéric Gartheuser. Frédé-
ric-Auguste naquit t'i Halle en
1734; il suivit les traces de son
père, et fut reçu docteur en mé-
decine à lâgc de 19 ans. L'an-
née suivante, il devint répétiteur
à l'université de Francfort-sur-
rOder. En 176G, il fut nommé
professeur ordinaire de médecine
et de chirurgie à Giessen; et, en
1772, diieclcur du jardin bota-
nique. La faiblesse de sa santé ne
lui permit pas de se livrer long-
temps à ces occupations. Il se re-
tira d'abord àTrejbof; il demeu-
ra ensuite à Birkenbach, enfin à
Schierstein, où il mourut le 13
décembre 1796. Gartheuser était
généralement estimé en Allema-
gne, et plusieurs princes souve-
rains l'avaient décoré du titre de
conseiller. Ha publié : \" E Icinen-
ta mineralogiœ .systematice dispo-
sita, in-S", Francfort, 1755; 2°
Rudimenta oiyctographiœ Via-
drino'francpfurtanœ , in-S", ibid.,
1755; "5° Rudimenta hydrologie^
systtmaticœ, in-8" ,ibid. , 1 768 ; 4°
mélanges d'histoire naturelle, de
chimie et de médecine (il n'en a
paru qu'un volume eu 1759); 5"
Mémoires minéralogiqiies , 2 vol.
inrS", Giessen, 1771 — 1773- Ges
deux derniers ou vragessont écrits
en allemand. On a aussi de lui
quelques pièces de vers dans la
même langue, et de petits ouvra-
ges sur plusieurs sujets, entre au-
tres,sur la police des mines, sur
CAR
les champignons vénéneux, sur
la manière de soufrer les vins^et
sur le perfectionnement de diver-
ses fabriqu(;s,
GARTIER (Loris-ViNCE>T), ei-
chirurgicn en chcfdc lUôtel-Dieu
de Lyon, membre de l'académie
cl du cercle littéraire de la même
ville, a publié plusieurs ouvrages
relatifs à son art, savoir : \° Prc-
cùt d'obser\<ations de chirurgie
faites à l'Hôtel-Dieu de Lyon,
1 8o3, ija 8" ; 0.° Discours sur l'es-
prit qui doit diriger le manuel
des opérations de Ghirurgie ,
i8o4j in-S"; 3° de la Médecine
interne appliquée aux maladies
chirurgicales, 1807, in-8°; Elc-!
ge de M arc- Antoine Petit, chirur-
gien en chef de l'Hôtel-Dieu de
Lyon, 1811, in-8°.
GARTWRIGHT (sib John), l'un
des écrivains et des orateurs les
plus véhémens que possède au-
jourd'hui l'Angleterre. \\ a com-
battu contre Burke en faveur de
la révolution française; il a sou-
tenu les droits incontestables,
mais disputés, des Américnias, et
a signalé dans plusieurs circons-
tances l'influence illégale et
toujours croissante de la couron-
ne; il a établi des limites sévèi^es
autour de celte constitution si vé-
nérée qui chaque jour souffre A<i
nouvelles, atteintes, et l'un des
premiers il a pi*oclamé la néces-
sité d'une réforme, non partitUo
et illusoire, mais totale et formel-
le. Son style brusque, hardi, re-
pose sur une logique saine cl for-
te; il est véhément sans déclama-
lion, néologuc sans recherche :
sous ce rapport, on peut lui trou-
ver quelques points de ressenii-
blauce avec Mirabeau. Les opi-
(.AU
nionsqu ila toujours haiilciucnt
professées ont nui à sa fortune.
Né en 1740, il quitta de bonne
heure la maison palernellc, s'en-
gagea dans les troupes du rni de
Prusse avec des idées singulières
et romanesques d'ambition 'et
d'héroïsme ; se rendit aux sollici-
tations pressantes de sa famille,
et revint prendre du service en
Angleterre ; il eut part à la pri?e
de Cherbourg et à plusieurs com-
bats honorables pour la marine
anglaise; il ût ensuite divers
> otages de découvertes, et après
s'clredistinguéen plusieurs occa •
sions comme lieutenant de vais-
seau, il quitta le service mariti-
me pour cause de santé, devint,
par ancienneté , lord-lieutenant
du comté de Noltingham, et fut
privé de cette fonction qui lui ap-
partenait de droit, par les menées
d'un duc puissant à la cour, qui
dénonça Cartwright comme l'un
des écrivains et des militaires les
plus dangereux de l'Angleterre.
Irrité de celte injustice, Cart-
wright a publié depuis ce temps
divers ouvrages qui (»nt pu, en le
vengeant, justifier à quelques é-
gards les craintes deWes enne-
mis.
CARTWRIGHÏ (Edmo>d), a
fait fjuelquesbonsvers,e_t inventé
jdusieurs mécaniques utiles. Il a
perfectionné les moyens de tis-
ser, de peigner la laine, etc. Les
chefs de manufactures de iMan-
thester adressèrent au parlement
une pétition, afin qu'une gratifi-
cation de dix mille livres sterling
frtl accordée à iM. Cartwright. Poè-
te et mécanicien, il est en outre
ecclésiastique, recteur de bnadby-
Merwood, dans le comté de Lei-
CAb iJ.'>
rester, picLendier de Lincoln, et
recteur de Marnham, 0»^ il est né,
en 1745'
CARU§ (Frédéric -Augijste),
s'est beaucoup occupé de psycho-
logie. Né à Budissen, le ^7 avril
1 770, mort à Leij)sick, le G février
1807; il a été plusieurs années
professeur de philosophie à Leip-
sick. Dans ses œuvres, composées
de 7 vol. in-8°(i8o8 et 1810), on
trouve plusieurs ^traités sur la
psychologie, dont les idées, en
général assez nettes, manquent
de nouveauté, de profondeur et
de force.
CASA-BIANCA (Raphaël, COM-
TE de), lieutenant-général, grand-
odicier de la légion d'honneur,
pair de France. Né le 27 novem-
bre 1753, à Vescovato', en Corse,
d'une famille ancienne et noble .
dont les ancêtres s'étaient signa-
lés vers le commencement du
16°" siècle, dans l'île de Candie,
et dans la guerre de la Corse a-
rec les Génois. Ce fut contre
ceux-ci que , jeune encore, Ca-
sa-Bianca fit ses premières armes.
Persuadé que la Corse ne serait
heureuse et florissante que par sa
réunion à la France, il prit parti
dans l'armée que Louis XV en-
voya dans l'île; il fit les deux cam-
pagnes qui achevèrent de la sou-
mettre. Kn 1770, le roi le nom-
ma ca[)itaine dans le régiment de
Bullafuoco, levé en Corse, poui
servir en France. Le dévouement
de Casa-Bianca aux Français,
l'influence qu'il avait acquise sur
des esprits fiers et encore indoci-
les, le rendaient nécessaire à son
pays; il y fut rappelé. Le 2j août
1772, il fut nommé capitaine de
grenadiers, et un an après, major
i54
CAS
dansle régiment i)rovinniaI-corse,
destiné au service de l'île. MM.
de Narbonne et de M.irl^euf, qui
gouvernèrent successivenjent la
Corse à celte époque, appréciant
le zèle et la prudence de (]asa-
Biauca, le charj(èrenl souvent de
remplir les missions les plus déli-
cates. (iC fut à la bravoure et à la
discipline de son réginient que
la Corse dut sa sécurité, après
que des rivalités l'iirieuses eurent
lait égorjîer tant d habitans. En
1779, il fut nommé lieutenant-
colonel de ce régiment, et le com-
mandait encore au mois de mai
178g, lorsque la révolution éi^la-
ta. Casa-liiauca fut l'un des qua-
tre députés extraordinaires, choi-
sis par la Corse, pour venir à Pa-
ris remercier l'assenijjlée consti-
tuante, du décret qui la déclarait
partie intégrante du royaume. Les
anciens services de llaphaël Ca-
sa-Bi;mca étaient connus du mi-
nistère; il l'ut élevé au comman-
dement en< hef du 49""^ régiment,
qui portait abu-s le nom de Berri,
La guerre se décbira; il partit pour
l'armée du iNord. aux ordres du
maréchal de riO(hambeau. Le gé-
néral Biron couimaudait une des
divisions de cette armée; il reçut
Tordre d'investir Mons avec un
corps de 8000 hommes ; Casa-
Bianca conduisit l'aile droite;
combattit, à. la tète du bataillon
de campagne de son régiment , à
toutes les attaques de la ville; et
obtint, en présence de l'armée,
des éloges du général, sur son
intelligence et sa bravoure. Les
forces des Autrichiens augmen-
tent, et forcent Biron à la retraite;
Casa-Bianca, avec sa colonne,
revient et oblige les hullans. ac-
CAS
courus pour investir le camp fran-
çais,!! se réfugier dans Quiévrain.
Chargé de les chasser de celte
ville, il part avec son bataillon et
deux pièces de canon, et les atta-
que si vivement, que les portes
sont enfoncées, les murs esca-
ladés, et les hullans en fuite à
plus d'un quart de lietie. A peine
le camp pnuvail-il croire à un
tel succès, qu'un faux bruit de la
mort du colon«d Casa-Bianca
met l'armée en déroute; il y avait
peu de discipline alors, Biron
veut en vain retenir ses 8000 sol-
dats, leur violence l'entraîne; tout
fuit dans Valencicnnes. Surpris
de ce mouvment, et craignant
que les hullans ne reviennent
dans Quiévrain massacrer son
brave bataillon, Casa-Bianca lui
fait évacuer la ville, se place à
l'arrière-garde, et rejoint le corps
d'armée. Cette action lui valut le
brevet de maréchal-de-Camp : il
se rendit en cette qualité à l'ar-
mée des Alpes, oi'i Montesquiou,
général en chef, lui donna le com-
mandement de son avant-garde.
Casa-Bianca partit du Pont-de-
BeauvoisLû. força le passage de la
grotte, ^Rrriva à Chambéry. Il
poursuivit les Piémontais dans la
Tarentaise , alla se poster au pied
du petit. Saint -Bernard, et les
força, par cette manœuvre, à éva-
cuer la Maurienne , seul point de
la Savoie qu'ils occupaient en-
core. Après cette expédition, Ca-
sa-Bianca se rendit en Corse, où
il fut envoyé pour commander en
second à Ajaccio. Il lui fut pres-
crit de se tenir prêt, avec des dé-
tachemens, à s'embarquer pour
la Sardaigne, qu'on voulait sur-
prendre. L'amiral ïruguet sortit
CAS
de Toulon avec dix vaisseaux de
ligne, et des troupes de débarque-
ment, touche à Ajaccio, et abor-
de au golfe de Cagliari ; cinq au-
tres vaisseaux, commandés par
liatouche-Tréville, sejoignaietit à
lui, des mers de la Sicile. Le gé-
néral Casa-Bianca,avec ses trans-
ports, arrive devant Cagliari ,
qu'on avait cru occuper sans ré-
kistance. Il lit investir la place
pendant quelques jours, mais il
ne put ordonner l'attaque : Tin-
subordination était t'omeiiléc dans
les troupes, par une phalange
marseillaise. On fut contraint de
rembarquer ces troupes et de les
rameneràToulon. LegénéralPao-
li , poursuivi comme rebelle par
les commissaires qu'on avait en-
voyés en Corse, venait d'y appe-
ler les Anglais, qui y débarquè-
rent le ?.2 mai 1794- Casa-liian-
ca, revenu à Caivi, le remplaça
dans le commandement. Toute
l'île, excitée par Paoli, s'était sou-
levée; ses places maritimes é-
taient au pouvoir des ennemis,
('alvi fut investi par une escadre
anglaise, sous les ordres de l'ami-
ral Hood, et par des troupes de
ferre que le général Slnarl con-
duisait; les partisans de Paoli s'é-
taient réunis à ces forces redou-
tables. Casa-Bianca se trouva en-
fermé dans Calvi% avec inoins de
tîoo hommes, mal pourvus de vi-
vres et de munitions, sans case-
mates, sans chemii>3 couverts. II
soutint un siège; pendant trente-
neuf jours, la place fut écrasée
d'obus, de bombes et de boulets;
ses murs furent renversés et ses
maisons mises en cendres. II ne
resta au général Casa-Bianca que
80 hommes, réduits à la dernière
CAS
i55
extrémité : il accepta la capitula-
lion oflerte par les Anglais; elle
était honorable pour la garnison
et pour lui , et lavorable aux ha-
bitans de Calsi. Il avait reçu, pen-
dant le siège, le brevet de géné-
ral de division. Il se réunit au gé-
néral Masséna, à l'armée d'Italie,
et passa au commandement du
département des Alpes maritimes.
Le général en chef Bonaparte
lui donna l'ordre de se rendre à
Livourne, pour conduire une ex-
pédition en Corse. Les Anglais
ayant abandonné cette île, Casa-
Bianca reprit le commandement
du Liamone, et peu de temps a-
près, Bonaparte lui confia celui
de Gènes, où il éloufTa les fac-
tions qui agitaient cette ville. En-
voyé par le directoire à Rennes,
contre les rebelles , il rassemblait
les troupes qu'il devait Comman-
der, et'S*bccupait à fortifier Saint-
Brieux , lorsque Bonaparte , de-
venu ])remier consul, le'nomma
membre du sénat- conservateur,
le 25 décembre 1799, en récom-
pense de quarante ans de service.
Le comte Casa-Bianca a reçu du,
roi la croix de chevalier de Saint-
Louis, le 21 décembre 181 îj ? et
siège aujourd'hui à la chambre des
pairs ; le roi lui avait ôté celle di-
gnité par ordonnance du ;> \ juillet
i8i5, et la lui a rendue par une
autre ordonnance du 2 1 novembre
1819.
CASA-BIANCA (Pierbe-Fran-
çois), fils du précédent, naquit à
Vescovato en Corse le 5o avril
1784. Destiné à suivre la même
carrière qrie son père, il fut pla-
cé -^ l'école Polytechnique le 7
brumaire an 10. Élève d'artillerie
à l'école de Metz au commence-
i5(i
CAS
nivnl tl«;l"un rijiHuin KMin6 lieu-
tenant dans le 7"" rtgiintrit de
celte arme le i4 novembre 180O.
Le 3 mai suivanl, il fut placé à l'c-
tat-niajordu général Lcfebvre. Le
28 octobre 1808, il dcvintcapilai-
nedes chasseuri; à cheval de la gar-
de impériale; et le maréclial Miis-
séna, qui connai>sait la bravoure
et les lalens du jeune Casa-Biau-
ca, se l'attacha en qualité d'aide-
de-camp le 6 mars 1809. Ca^a-
Bianca, par sa belle conduite, ob-
tint, le 9 mai de la même année,
le grade de chef de brigade des ti-
railleurs corses. Il fut fait major
le 5 octobre 1810, et colonel du
5, me légiinent d'infanterie légère
le 5i mars i8ii. Cusa-Bianca
ayant assisté à presque toutes les
baliilles qui avaient eu lieu en
Allemagne, en Prusse et en Rus-
sie, de 1806 i\ 181 -2, était déjà
criblé de blessures, lorsque le 1 1
août 1 Si 2, il en reçut une en Rus-
sie, des" suites de laquelle il mou-
rut trois jours après. Quand ce
coup mortel lui fut porté, il char-
geait à la tête du 1 1""' régiment
léger, dont il avait été nommé co-
lonel le 17 septembre 1811.
CASA-BIANCA(Licioou Lu-
ciEis), jusqu'à présent désigné dans
toutes lesBiographies sous le nom
de Louis, né en Corse, et parent
des précédens , s'était déjà très-
distingué dans la marine au mo-
ment de la révolution. Nommé
député de son déparlement à la
convention nationale, il y vola
pour la détention de Louis XVL
Casa-Bianoa fut toujours parti-
san des opinions modérées, et
dans le cours de sa carrière poli-
tique , il ne s'écarta point de ses
principes. Du reste, il ne s'occu-
CAS
pail gucje que de la maiiiK', mai»
il s'en occupait beaucoup. Klu
membredu conseil des cinq cents,
il eut à peine terminé sa mission
qu'il demanda cl obtint de ren-
trer au service. On lui donna le
cunnnandement du vai■^!leau l'C-
iiciil . Casa - Bianca était à son
bord, lorsqu'à la bataille d'Abou-
kyr, ce vaisseau brûla et s'englou-
tit dans les flots. Son fils, âgé de
lo ans, qui promettait de mar-
cher un jour sur ses traces, était
à SCS côtés, et péril avec lui.
CASANOVA (François) naquit
à Londres, en 1 730, d'une famil-
le italienne. Il élail encore fort
jeune lorsque ses parens retour-
nèrent à Venise. Il reyul une é-
ducalion brillante dont il sut pro-
filer; il apprit différentes langues
tant anciennes que modernes, et
étudia ensuite le dessin cl la pein-
tinv. Arrivé à Paris à l'âge de 25
ans, accompagné de l'un de ses
frères qui s'occu[!ail de littératu-
re, apportant tous deux quelques
essais de leurs lalens, ils y furent
reçus par des amis de leur famil-
le. François ayant présenté à Par-
roccl, peintre de batailles, plu-
sieurs petits tableau.v de ce gen-
re, ce célèbre artiste, connu par
son habileté dans le dessin, et sur-
tout par .sa manière savante de
peindre les chevaux, voulut bien
l'aider de ses conseils. Casanova
sut en profiler; mais tout en s'oc^
Cupant de donner à ses ouvrages
plus de correction, il redoubla
d'efforts pour leur imprimer cet-
te viei cette chaleur, celte har-
monie si difficile à rendre, sur-
tout dans des sujets aussi compli-
qués que ceux qu'il avait l'habi-
tude de traiter. Dans un voyage
CAS
qu'il fit en Allemagne, il lia con-
niiissance à Dresde avec Dietrici.
La vue des ouvrages de ct!t artis-
te, ainsi que l'étude des peintres
fliniands. lui ayant fait taire de
nouveaux progrès, il Fut agréé
à l'académie de peinture, et en-
suite reçu vers 1765. Son ta-
bleau de réception, d'une exé-
cution brillante, riche de compo-
sition^ et d'un dessin trés-correct
dans les figures comme dans les
chevaux, fit une sensation très-
vive au salon. Bientôt les princes,
les souverains mC-mes. s'empres-
^■èrent de mettre ses talens à con-
tribution. Le prince de Condé le
charge:» de plusieurs grands ta-
bleaux pour sa galerie du palais
de Bourbon : on a(bnira au salon
de 1-71 les batailles de Fribourg
et de Lens. Quoique cet artiste ga-
gniîl beaticoup d'argent, et qu'il
fît payer ses ouvrages fort cher,
comme il dépensait sans comp-
te et sans mesure, il se trouvait
toujours i)er<écutépar ses créan-
ciers. Voulant se débarrasser de
leur importunité, il se détermi-
na à partir pour Vienne, et à exé-
cuter, dans celte ville,- les divers
tableaux que lui avait demandés
Catherine II, afin de perpétuer
le souvenir de ses victoires sur
les Ottomans. Toujours surchar-
gé de travaux, il était occupé S
peindre un tableau représentant
linauguration de l'hôtel des In-
valides par Louis XIV, lorsque
la mort vint le frappera Briihl prés
Vi(înne, en mars i8o5. Parmi ses
nombreux élèves, on compte Lou-
therbourg, Norblin, Mayer, etc.
Son nature! fier, son caractère é-
lerc, lui faisait rechen;her la 30-
( îAté des grands ; ses lalens , son
CAS
« '?
éducation et sa tournure, préve-
nant en sa faveur, il était admis
partout. Ihi jour qu'il dînait chez
le prince de Kaunitz , ministre
d'état, la conversation tomba sur
Rubeiis et sur son ambassade en
Angleterre : l'un des convives, en-
voyé d'une cour d'Allemagne, ne
pouvant concevoir qu'un peintre
efltété ambassadeur, lui dit : Ru-
bens était sans doute un ambas-
sadeur qui s'amusait de la pein-
ture. «Votre excellence se trom-
» pe, repartit vivement Casanova,
nfî'était un peintre qui s'amusait à
«être ambassadeur.» Plusieurs ta-
bleaux de cet artiste ont été gra-
vés par dos hommes célèbres.
CASATI (Christophe), patri-
cien milanais, et fils du comte Jo-
seph Casnti, connu par son éru-
dition et par la protection qu'il
accordait aux artistes et aux sa-
vans. Christophe Casati , né en
1722, profita des exemples qu'il
avait constamment sous les yeux,
et il montra de bonne heure du
goût pour l'étude; il s'attacha sur-
tout à celle de la jurisprudence et
à la connaissance de l'histoire et
des vieilles chartes. Il a laissé
plusieurs ouvrages; le seul qui ait
été imprimé est une dissertation
en italien sur VOrigine de. l'au-
guste maison d' Autriche et de
Lorraine, in-S", Milan, 1792. L'au-
teur prouve que cette famille de<-
cend d'Éticon, premier duc de
l'Allemagne-Inferieure; et admet-
tant de plus qu'Elicon a eu pour
père le duc Boniface, et pour aïeul
le duc Gondon, il établit les droits
de la maison de Lorraine sur l'Al-
sace. Dans un appendice, Casati
cherchait à démontrer que les fa-
milles des Corlovlngienâ et de*
ni
i58 CAS
Capétiens appartenaient à la mA-
ine souche. (>cs reclierthes lurent
agréables à la cour de Vienne, (jui
lui donna des témoignages parti-
culiers de satislaction, apparem-
ment pour le remercier d'avoir
taitenlrevoir à la maison d'Autri-
che la possibilitéd hériter un jour
de la couronne de France. Casa-
ti est mort en 1814.
CASENAVE (Antoine), mem-
bre delà convention, du con.^'eil
des cinq-cents, du corps législa-
tir, de la chambre des députés,
des rcprésentans dei8i5, de la
légion-d honneur, naquit à Lem-
boye (Basses-Pyrénées), le 9 sep-
tembre 1765. Avant la révolution,
il exerça successivement la pro-
fession d'avocat, et les fonctions
de substitut de l'avocat-général
au parlement de Pau. Quand la
révolution éclata, il en adopta les
principes avec enthousiasme. En
septembre 1792, il fut député à
la convention, et se prononça
dans le procès du roi av.ec une
courageuse franchise; voici quel
fut son vote : « La mort de Louis
»XVI est, dans mon intime con-
«viction, le tombeau de la liber-
»té publique, et le triomphe des
«ennemis de ma patrie. Les pa-
rt radoxes et les sophismes que
«l'art a inventés dans le cours de
»cette procédure, me confirment
«de plus en plus dans les princi-
»pes que j'ai déjà manifestés. La
«cumulation de tiint de pouvoirs
«incompatibles me paraît une
«monstruosité tyrannique, à la-
«quelle je neveux avoir aucune
«part; le seul code pénal applica-
«ble à Louis, est celui qui pro-
» nonce sa déchéance, le salut pu-
»blic commande à son égard une
CAS
«mesure de sûreté générale. Je
«conclus, en conséquence , à la
«réclusion de Louis et de sa fa-
» mille jusqu'à la paix; à l'exil
«perpétuel à cette époque; 2" à ce
«que les suÛ'rages des membres
«qui n'ont pas été présens à Tins-
«truction de cette affaire, ne
«soient pas comptés pour ce ju-
«gcment; 5° à ce que pour sup-
«pléer au défaut de récusation
«des membres qui sont suspects
«pour cette dérision , la majorité
» des voix soil fixée aux deux tiers,
«au moins. Je (Itniamle acte de
nnics propositions. » Plus tard,
bravant les chefs de l'anarchie, il
proposa la mise en accusation de
Marat. Tout le crédit et le pou-
voir que lui donnait son titre de
député, fut consacré à protéger
les victimes de ces temps malheu-
reux : ses soins et son zèle con-
servèrent entre autres à la patrie,
les généraux Jiarai^uey - U'Hil-
licrs et Kilinaine. Après la chute
de la Montagne , quand on sentit
la nécessité decaluier l'agitation
des départemens, et de rassurer
les esprits, Caseiuiva fut chargé ,
dans la Seine-Inférieure, dune
mission qui dura quatorze mois;
elle avait spécialement pour but,
d'apaiser les troubles occasio-
nés par la cherté des vivres. Ce
fut à cette époque qu'il accueillit
à Rouen l'illustre La-ïour-d'Au-
vergii e, au retour de sacapti vite en
Angleterre. En l'an 6, envoyé, a-
\ec le titre de commissaire, dans
son départementnatal,ce fut com-
me par miracle quiléchapaauxfu-
reurs despartis. Plusieurs tentati-
ves d'assassinat eurent lieu contre
lui, et il fut même atteint d'un
coup de pistolet. Élu membre du
CAS
l'onseildes cinq-cents, il en sor-
tit en uiai 1797. Kéclu en 98, il
faisait partie avec le ^éiu-rul Fn-
gcviUt et Gourloy de Nantes, de
la commission des inspecteurs du
conseil. Toujours ami de la mo-
dération , il s'opposa aux mesu-
res violentes et arbitraires pro-
posées contre les députés qu'on
^iccnsait de conspirer pour le ré-
lablissement de la terreur, quoi-
qu'il ffit noté parmi ceux qui com-
battaient le or système avec le plus
d'énergie. Il fut, avec Cabanis,
Alex. .' illctar, M. i.i.'Ju'nier, clc,
membre de la commission légis-
lative qui rédigea la constitution
de l'an 8. Tous les membres de
cette commission qui avaient Và-
ge requis par la loi, devinrent
membres du sénat. Casenavc n'a-
vait point encore 4o ans, c'est ce
qui l'empêcha de faire partie de ce
corps, d'autant plus honorable a-
lors, que les nominations étaient
faites par les représentans de la
nation. Il passa , en décembre
1798, au nouveau corps-législa-
tif, dont il fut élu secrétaire; rap-
pelé en 1810 à la même assem-
blée, il fut élu vice-président.
('asenave , dont les sentimens
n'avaient pas changé, faisait par-
tie de cette opposition peu nom-
breuse du corps-législatif, la seu-
le peut-être qui alors existât dans
tout l'empire. Il fut, en i8i5, de
la commission qui osa, pour la
première fois, demander la paix,
et dont M. LainéUxl, à cause de
sou bel organe, chargé de lire le
travail. Fendanllasessionde 18 14,
il monta souvent à la tribune
pour des discussions d'intérêt gé-
néral. La liberté de la presse le
compta parmi ses plus ardens dé-
CAS 159
fenseurs. Dans la même session,
il appuya avec force le projet de
loi relatif au paiement des dettes
cimtractées par Louis XVIII, en
pays étranger. Le 8 juillet (mê-
me année), il développa un projet
de loi tendant à régulariser la
perception des impôts extraordi-
naires. En 181 5, Casenavt^xX par-
tie de cette chambre des représen-
tans, qu'il suffit de nommer pour
réveiller les plus hautes idées de
talent et de patriotisme. C'est à
tort que plusieurs biographies ont
prétendu qu'il n'y porta pas la pa-
role : dans la séance où le maré-
chal Davoust, ministre de la guer-
re, annonça que Paris était en é-
tat de se défendre, Castnavemon-
ta à la tribune ; il dit que pro-
priétaire de deux maisons à Pa-
ris, il se résignait aux pertes que
pourrait lui faire éprouver la dé-
fense de la capitale; il engagea
ses collègues à faire aussi le sa-
crifice de leur intérêt particulier,
plutôt que de voir une seconde
fois leurs murs souillés par la
présence de l'étranger. Lors des
réactions dei8i 5, où tous les con-
ventionnels furent poursuivis sans
distinction, où l'on frappa du mê-
me anathème les défenseurs de
Louis XVI, et ceux qui l'avaient
condamné , Casenave supporta a-
vec sa fermeté ordinaire ces ho-
norables persécutions; mais le
coup le plus sensible pour son
cœur, fut de retrouver parmi ses
nouvçaux eimemis, des hommes
dont il avait sauvé jadis la vie,
l'honneur et l<;s biens, pendant
ses missions dans la Seine-In-
férieure et dans les Basses-Pyré-
nées. Les massacres du Midi ,
l'exécution du général Mouton-
iGo
( ; \ , -.
Duvernel, son ami, avaient laissi:
dans son âme une impression inel-
farahle, qui, jointe aux dangers
et aux fatigues dont sa carrière
fut semée, développèrent en lui
les germes d'une maladie de lan-
gueur, à laquelle il succomba a-
près deux jours de souffrances ai-
giies, le 16 avril 1818, à l'âge de
56 ans, au moment où les élec-
tions constitutionnelles qui ve-
naient d'avoir lieu , seml)laient
promettre que les suffrages de
ses concitoyens le chargeraient
de r<îprésenter pour la huitième
fois le département des Basses-
Pyrénées. Peu de temps après la
création de la' légion-d'honneur,
Casena\'e en avait reçu la décora-
lion sans l'avoir sollicitée. Cet-
te distinction était flatteuse alors
qu'il était facile de compter dans
toute la France le nombre des lé-
gionnaires. 11 suffit de quelques
mots pour faire l'éloge de la vie
publique de Casenave. A la con-
vention, il vota avec Lanjuinais;
dans les autres assemblées avec
Dupont (de l'Eure), son meilleur
ami; et dans les nombreuses dé-
putations dont il fit partie, il fut
})lusieurs fois nommé i\ l'unani-
mité des suffrages de ses conci-
toyens. Enfin ce ne fut qu'à la mi-
norité de quatre voix, et grâce
aux intrigues déplorables et scan-
daleuses des autorités locales,
qu'il ne fut pas nommé aux élec-
tions de 1816.
C A SI RI (Michel), célèbre
orientaliste, né eu 1710, ù Tripo-
li en Syrie. Après avoir fait ses é-
tudes ;\ Rome, il retourna dans
l'Orient avec; D. Joseph Assema-
ni qui allait> assister au synode
(les Maronites. De retourà Ronir.
en 1758, il y professa les langues
syriaque, arabe et chaldéenne.
En 17/48, il se rendit à .Madrid,
où il obtint une place à la biblio-
thèque royale. I/annéc suivante,
il y fut nommé membre de l'aca-
démie d'bistdire. Il continua d'y
séjourner, et il y mourut le 12
Hiar« 1791. Il a dû sa réputation
à l'o^uvrage dans lequel il avait
réuni tous les manuscrits arabes
de la bibliothèque de l'Escurial,
sous ce titre .■ Bihliotheca arahi-
co-hispana, 1 vol. in-fol., Ma-
drid, 1760 1770. On sait qu'il
avait traduit un ouvrage arabe,
\x\\\\.n\ii Soleil de sagesse ; mais ou
n'a retrouvé après sa mort ni la
traduction, ni l'original.
CASONI (Philippe), cardinal,
né à Sarzane, dans les états de
Gènes, le 6 mars 1733. A l'épo-
que de la révolution française,
Casoni était vice-légat du pape à
Avignon ; il en fut chassé par les
babitans insurgés, en 1790, lors-
que cette ville se soumit aux Fran-
çais. Au mois de décembre 1792,
le pape l'envoya à Madrid en qua-
lité de nonce. Pie VII le créa
cardinal en 1801. Il est mort sur
la fin de 1810.
CASSAG^E (Loris -Victori>-,
bauoa), commandant delà légion-
d'honneur, chevalier de Saint-
Louis, entra au service en 1793,
dans une compagnie franche du
département de la Haute-Garon-
ne, où il est né. A la suite des
cauîpagnes de l'an 1, l'an 2, l'an
3, de la répulilique, il fut nom-
mé capitaine au 18"" régiment
de ligne : blessé deux fois h l'ar-
mée d'Italie, aux affaires de Roc-
cnbarbenna et de Lonato, il se
di«tin£rua particulièrement, le 2 5
CAS
nivôse an 5, devant Mantoue, où
il fit mettre bas les armes au com-
mandant de la cavalerie ennemie :
à l'affaire de Tarvis, en l'an 6» il
reçut une troisième blessure, dont
la gravit* ne put le déterminer à
quitter son poste. A une époque
où l'avancement était si rapide,
le brave Cassagne, qui n'avait
d'ambition que celle de servir son
pays, fit partie de l'expédition
d'Egypte dans le même grade de
capitaine où il servait avec tant
d'honneur depuiî? trois ans. Au
siège de Saint-Jean-d'Acre, après
s'être signalé par plusieurs ac-
tions tféclat,' il fut frappé, dans
la tranchée même, de cinq coups
de poignard. De retour au Caire,
le général en chef le nomma chef
de bataillon : il fut de nouveau
blessé grièvement à la bataille de
Canope, le 5o ventôse an 9. Cet
intrépide oflicicr avait fait dix
campagnes mémorables et avait
reçu douze blessures, dont plu-
sieurs a raient m isîa vie en danger,
lorsqu'il fut nommé colonel du
a5"*régimentde ligne, Icq prairial
an Q. Général de brigade en i8o4,
il a fait toutes les campagnes, d'Es-
pagne. Nommé lieutenant-général
au mois de mai 181 5, il a comman-
dé, en i8i4, une partie de ladivi-
sion militaire de Toulouse, et il
est actuellement lieutenant-géné-
ral en dlsponibiâilé.
CASSAGNE, maréchal - de-
camp en retraite, commandant de
la légion-d'honneur, commença
par être soldai, et parvint rapide-
ment au grade de chef de batail-
lon. Il remplaça le général Delmas
dans U: commandement du pre-
mier bataillun de la Corrèze, de-
vint chef de brigade commaodant
CAS i6i
la 3"* demi -brigade d'infanterie
légère, fit partie pendant deux
campagnes de la division Desaix,
se distingua particulièrement au
combat de la Réehut, près Man-
heim, affaire dans laquelle Cassa»
gne défendit la position qu'il oc-
cupait, avec une telle opiniâtreté,
que l'ennemi fut obligé de se re-
tirer. Dans la campagne de Mo-
reau, en Bavière, et lors de sa
fameuse retraite, le colonel Cas-
sagne, qui commandait le 5"° ré-
giment d'infanterie légère au pas-
sage de Hanstetlen, fut mention-
né dans le rapport du général en
chef. Ce régiment faisait partie
de la brigade Abbatuoci, qui dans
cette mémorable campagne ren-
dit de grands services. Aux affai-
res de Biuil, de Kamlach, contre le
corps du prince de Condé, ce ré-
giment, quoique placé entre deux
feux, résista aux émigrés qui com-
battirent avec une grande valeur*
Cassagne contribua également à
la défense de la tête du pont d'Hu-
ninguc, où le brave Abbatucci
trouva une mort glorieuse. Il se
distingua encore au combat dft
Honausous More^u, et pendant le
siège de Cènes, aux affaires de
Sasselo et do Polccvera. Nom-
mé général de brigade après le
siég£ de Gènes, il commanda ut
ne partie de la division Boudct
au combat de Yaleggio, pendant
la campagne de 1801 eu Itane.
Depuis cette é[)oque, ce brave of-
ficier-général, mis par ses blessu-
res hors d'état de servir active-
ment, fut chargé de plusieurs
C(tmmandemens dans l'intérieur,
et prit sa retraite on 181 5.
CASSAIGNOLES, ancien juge
à la cour d'appel d'Agen, aujoui^
i6!i CAS
tl'hui président de la cour royale
de Nîmes, a clé élu député par
le département du Gers eu 1817.
Ses discours et ses YOtes sout
ceux d'un hou Franjîais. Il a été
un des scerétaires de U chambre;
en janvier i8i8, il fit la proposi-
tion d'abroger l'art. 1 1 de la loi
du 9 novembre 181 5, répressi-
ve des écrits séditieux et des pro-
vocations il la révolte. Après s'ê-
tre élevé contre cette loi, en pu-
blicisle qui voudrait que les pei-
nes t'ussen t proportionnées aux dé-
lits, M, Cassaignoles établit qu'u-
ne nouvelle alarmante, un propos
séditieux même, ne supposaient
pastoujoursun véritable esprit de
sédition. « Dans ces délits comme
»dans tous les autres, ajouta-t-il,
»il faut souvent faire la part de
» l'ignorance, de la grossièreté, de
xla séduction, de l'intempérance,
»et de mille autres causes qui
«peuvent atténuer le délit.» M.
Ca&saignoles se prononça en fa-
veur des contribuables, à l'occa-
gion des contributions directes si
souvent mal réparties. Il désirait
que dans la cojifection du cadas-
tre, l'on s'en rapportât moins aux
experts qu'aux opérations géomé-
triques, les uns étant sujets à tou-
tes sorte» d'erreurs, et celles-ci
ne présentant que des résultats
infaillibles. Chargé, le 17 avril
1819, au nom de la commission
ce'ntrale, de faire un rapport sur
le projet de loi relatif aux délits
4e la presse, M. Cassaignoles s'ex-
prima de la manière suivante :
«Quoique le projet embrasse à
j>la fois les divers moyens de pu-
»blication, il n'a pas échappé à la
» commission que la pensée domi-
» nante était la liberté de la pres-
€AS
*iSe, véritable garantie de toutes
»les libertés, etc. »
CASSAS (Lowis-Fbançois), né
à Azay-le-Ferron, département de
l'Indre, en avril i^S^i, eut dès
sa jeunesse un goftt décidé pour
le dessin, la peinture et l'archi-
tecture. Élève de Lagrenée jeune
et de Vien, il conçut à leur éco-
le, et exécuta ensuite le hardi pro-
jet de visiter et dessiner les mo-
numens classiques de l'antiquité
qui ont échappé aux ravages du
temps, et à la barbarie des Orien-
taux. Il parcourut la grande Grè-
ce dans le courant des années
1784— 85 et 86. Plusieurs de ses
dessins ont sej-vi à compléter le
voyage du royaume des Deux-Si-
ciles, publié parl'atbé de S'-Non.
Ihi plus grand nombre de ses des-
sins, restés inédits, devaient être
joints au voyage entrepris par M.
de La Borde, à qui Cassas avait
cédé un portefeuille contenant les
antiquités de la Sicile. Cassas vi-.
sita l'Istrie et la Dalraatie, où il
dessina beaucoup de monumens
antiques, parmi lesquels 00 dis-
tingue le magnifique Palais de
l' empereur Dioclétien et les au-
tres édifices dont ce prince avait
enrichi Salone et Spalatro, etc.
Ces dessins sont accompagné»
d'un itinéraii-e, contenant des ob-
servations et des recherches his-
toriques d'une grande utilité pour
le commerce et pour les arts. Ce
fut au milieu des plus grands dan-
gers, sous un ciel brûlant et en-
touré de barbares, que Cassa\j
parvint à former une riche et pré-
cieuse collection des monumens
les plus remarquables de l'Asie-
Mineure, recueillie surtout dans
les ruines de Palmyre, Balbek et
CAS
Jérusalem; dans celks de la Phé-
nicie et de la Palestine. Trente
livraisons de cet ouvrage, publiées
successivement, ont fixé l'atten-
tion des artistes et amateurs de
tous les pays, et ils en attendent
la suite avec impatience. Les ob-
servations de Cassas jettent un
grand jour sur les annales des
temps les plus reculés, sur les
historiens sacrés et profanes, et
particulièrement sur l'usage des
édifices somptueux élevés par la
reine Zénobie. Cassas a gravé
plus de quarante planches for-
mant une suite de tableaux et de
sites qui rappelent de grands et
précieux souvenirs. Ha levé des
plans et a publié des cartes qui
ont contribué à fixer des points
importans de géographie ancien-
ne; la carte de la plaine de Troie,
entre autres, fournit des rensei-
gnemens curieux sur la situation
de cette anciepnfe ville et sur celle
des monumens qu'on retrouve
dans ses environs. M. Cassas est
aujourd'hui inspecteur et profes-
seur de dessin à la manufacture
des Gobelins. Le roi l'a nommé
membre de la légion-d'honneur,
le i" mai 1821.
CASSlNI(.lACQiKs-DoMmiQiE,
COMTE de), est fil.s, petit-fils et ar-
rière-petit-fils de trois hommes
célèbres ; celte famille s'est illus-
trée depuis près de deux siècles ,*
dans l'astronomie, la géographie
et la géodésie, et cette illustra-
tion héréditaire ne paraît pas de-
Toir s'éteindre encore. Le comte
Cassini est né à Paris, le 5o juin
17/10; il <ioit le jour au savant
Cassini de Thury, auquel il a suc-
cédé dans ses places honorables.
Ainsi que son père , il est direc-
CAS
x63
teur de l'observatoire, et comme
lui , il occupa de bonne heure nn
fauteuil académique. 11 a achevé
la grande carte de rrance , monu-
ment commencé par son père.
Cette carte, l'un des ouvrages les
plus beaux et les plus complets
de ce genre , a trente-trois pieds
de hauteur, sur trente-quatre de
largeur: elle a servi de type à l'as-
semblée nationale, pour la divi-
sion de la France en départemens,
et Cassini, lui-même, fut un des
coopérateurs de cet utile travail.
Napoléon le nomma, eniSo^, che-
valier de la légion-d'honneur. Il
était membre de l'institut à cette
époque ; et l'ordonnance royale
du 21 mars 1816 l'a maintenu k
l'académie , dans la même sec-
tion à laquelle il appartenait.
Les qualités personnelles du com-
te Cassini contribuent autant que
son savoir, à le rendre un homme
estimable et précieux sous tous
les rapports. Il est membre du
conseil-général du département
de l'Oise, et il a prouvé, dans
plus d'une occasion, qu'il n'est
pas plus étranger à laciininistra-
tion publique qu'aux sciences. On
a de lui : 1" f" oyas;eJaU par or-
dre, du roi , en 1 768 cl 1 769, pour
éprouver Us montres marines, in-
venti'es par AI. Leroy ; 3° Voya-
ge cTi Californie, par Jeu Cliappe
d'Àuteroclie , 3° de l'influence de
l'i'quinoxe du printemps et du
solilice d'été, sur les déclinaisons
et les variations de l'aiguille ai-
mantée ; 4° Exposé des opéra-
tions faites en France , en 1 787,
pour la jonction des obsen-alions
de. Paris et de Grcenwicli; 5° Mé-
moires pour servir à l'histoire des
sciences et à celle de l'Obs^va-
iG4 CAS
toirc royal de Paris, suivis de la
vie de ./. D. Cassini (premier du
nom), écrite jjar lui-môme, et
des éloges de plusieurs académi-
ciens.
CASSITO (Jean-Antoine), au-
teurnapplitain, a publié plusieurs
ouvrages sur l'archéologie; les
plus remarquables sont : Vfinchi-
ridion d'Epictète, auquel il a a-
jouté un Essai sur la morale de
Confiicius . L'explication d'une
inscription trouvée à Baies , où il
est parlé de l'archigallus de Ci-
bile ; une dissertation sur diver-
ses inscriptions insérées dans le
Journal encyclopédique napoli-
tain. Cassito est devenu célèbre
par la publication des Fables iné-
dites de Phèdre, qu'il prétend a-
voir découvertes dans un manus-
crit de la bibliothèque royale de
Naples , quoique cette découver-
te ait été contestée par Jumelli,
employé à la même bibliothè-
que. M. le comte Grégoire Orloff,
dans ses mémoires historiques,
politiques et littéraires , sur le
"royaume de Naples, dit que Cas-
sito estencore auteur de plusieurs
ouvrages non publiés; voici le ti-
tre des principaux : Traduction
envers italiens de Catulle, Tibul-
le , Properce et Horace; Obser-
vations diverses sur Tacite , Pli-
ne, Cicéron, Salluste, Tite-Live,
et Suétone ; E clair cissemens et
corrections au texte de la satire
de Pétrone; Recueil d'inscrip-
tions antiques des gentils et des
chrétiens , avec des notes et des
commentaires.
CASÏAÎ^NOS (François-
Xavieu, comte de), né en Bis-
caye on 174^- Ce ne fut qu'à
^'âgo de 54 ans, et en temps de
CAS
pa?x, que ce général espagnol,
qui avait commencé de bonne
heure sa carrière militaire par le
grade de colonel, lut nommé ma-
réchal de-camp. Cependant Cas-
tannos était d'une famille illus-
tre; il était le parent et l'élève
des généraux les plus distingués
de l'Espagne; il avait appris la tac-
tique militaire en Prusse; il avait
reçu une balle dans le côté gauche,
etc. A la lecture de semblables
titres, on est obligé de convenir
ou que Castannos n'avait pas pro-
fité de tous les avantages que lui
donnaient sa naissance, son édu-
cation et ses faits d'armes, pour
obtenir de l'avancement, ou que
le ministère espagnol n'a reconnu
que fort tard le mérite de ce gé-
néral. Il y aurait une autre sup-
position tout aussi probable ,
c'est que Castannos ne s'est aper-
çu lui-même de la prétendue su-
périorité de ses talens, que lors-
que la fortune les lui a révélés.
Nous ne suivrons pas le général
Castannos dans tous ses exploits
militaires , l'histoire de la guerre
d'Espagne marquera sa place par-
mi les hommes qu'elle a pu ren-
dre célèbres. Ceux qui écriront la
bataille de Baylen, à la suite de
laquelle Castannos fit capituler un
général français {voyez Dupont-
^e-l' Étang), rediront comment
et pourquoi ce général espagnol
obtint dans cette aflaire, une ré-
putation , plus mesurée peut-
être aux avautages dont elle fut
pour le vainqueur, qu'aux difficul-
tés qu'elle a dû lui offrir. Nous
allons, en attendant, donner à
nos contemporains une idée du
jugement que la postérité pourra
porter sur Castannos, d'après di-
CAS
verses biographies; elles s'expli-
quent de la manière suivante , sur
le compte de ce général : •■' Il de-
Dvint Vassocié et Vérnule de gloi-
rtre de Wellington, et déploya
«surtout des talens supérieurs
»dans la fameuse bataille de Vit-
')toria. )) Ce fut cependant immé-
diatement après cette bataille ,
que la régence espagnole retira
toute espèce de commandement
à Castannos, et lui fit échanger
le titre de capitaine général, con-
tre celui de conseiller-d'état. La
conduite de Castannos dans cette
occasion, a quelque chose de re-
marquable. C'est que ce fut d'a-
bord au général anglais, Welling-
ton, qu'il se plaignit de la dis-
grâce qf 'il venait d'essuyer de la
part de son gouvernement, et
\Vellington ne manqua pas de
gourmander sévèrement la ré-
gence espagnole, en écrivant le
5o juin i8i3 w Qu'elle avait man-
')qué à l'honneur et à l'équité, en
» destituant un général qui avait
» rendu les plus grands services à
))la patrie.» La rentrée de Ferdi-
nand VII en Espagne vengea
Castannos de cette humiliation ;
il fut nommé capitaine-général-
commandant de la Catalogne, et
le 26avrili8j5, grand'croix de
l'ordre de Saint-Ferdinand. Il se
démit de son commandement au
mois d'août 1816. Castannos, par-
venu à l'âge de 78 ans, est au-
jourd'hui dans les rangs des cons-
titutionnels d'Espagne : ce n'est
pas ce qu'on en peut dire de
moins honorable. Il a fait brave-
ment la guerre pour l'indépen-
dance de son pays. 11 a droit
au respect de quiconque aime le
sien.
CAS
«65
CASTAIN (de l'ÛRNt), fils d'un
ancien médecin de Montpellier,
et maître particulier des forêts de
Perseigne, entra au conseil des
cinq-cents, en mars 1799. M^"^*
bre de la commission chargée de
présenter les lois organiques de
l'administration forestière , il fit
plusieurs rapports sur cette ma-
tière, et s'opposa, avec succès,
à la venais des coupes extraordi-
naires de bois, ordonnées par le
directoire. Il proposa des mesu-
res sagement répressives, contre
la licence de la presse; des règlc-
mens relatifs à l'organisation du
notariat ; et fit supprimer le sup-
plément d'indemnités accordé
aux représentans du peuple. A-
près le 18 brumaire an 8, il passa
au corps législatif, en sortit en
i8o5, et reprit ses fonctions fo-
restières. En 1806, nommé ins-
pecteur principal des forêts, il
fut bientôt appelé aux fonctions
d'iuspecteur-général, qu'il exer-
ce encore avec autant de zèle que
de talent.
CASTEL (Louis), né dans le
département du Lot, membre de
la légion-d'honneur, reçu doc-
teur en médecine, en i8o3, a
publié, 1° une thèse latine sur
î'asthme [de asthmate); a" une
critique de la nosographie du pro-
fesseur Pinel. Cette disertation fit
une grande sensation à l'époque
où elle parut, et mérite à présent
de fixer l'attention d'une maniè-
re plus particulière. M. Castel est
le premier médecin qui ail émis
l'opinion si remarquable, qu'il
n'y a point de fièvres essentiel-
les; 3" il a publié des mémoires
du plus grand intérêt sur l'action
du cerveau, sur raliénation mon-
i66
CAS
tàle, sur le typhus, sur la mt-
thodc d'expectalion appliquée an
CHtarrhe, et aux maladies aiguës
de la poitrine, sur le traitement
des fièyres continues. Plusieurs
articles insérés dans le recueil
périodique delasociété de méde-
cine , et dans le journal complé-
mentaire des sciences médicales,
ont également contribué ù lui
donner un rang distin^é parmi
nos meilleurs physiologues. Nom-
mé, en 1806, médecin de l'hôpi-
tal de la garde impériale, iM. Cas-
tel y a laissé les plus honorables
souvenirs; il 3' avait acquis la ré-
putation d'un habile et heureux
praticien; dans la campagne de
Russie; il a perdu par la congéla-
tion plusieurs doigts de la main
gauche; déplacé et admis à la re-
traite, en 1816, il s'estabstenu de
toute réclamation. Il était loin de
croire que l'intrigue politique
qui dominait alors, étendît ses
proscriptions sur ceux qui consa-
craient si noblement leurs jours
au soulagement de leurs sembla-
bles. Son déplacement lui a prou-
vé qu'un hôpital n'était pas un a-
sile : une nombreuse clienlelle le
dédommage de l'injustice qu'il a
éprouvée, et dont il ne s'est jamais
plaint. M. Castel est de la secte
des stoïciens.
CASTEL (Réné-Richard), Cih
d'un ancien militaire, et neveu
d'un garde-du-corps, est né à Vi-
re, déparlement du Calvados, en
ï 7.Î8. Maire de cette ville, en 1791
il fut nommé membre de l'assem-
blée législative, où il vota toujours
dans le sens des opinions consti-
tutionnelles, dont il était le zéîé
partisan, tn pressentiment f5-
cheuxj ou (Quelques faax rapports,
CAS
firent supposer à Castel que des
factieux en voulaient aux jours de
Louis XVI, et qu'ils devaient exé-
cuter leurs projets au moment de
la fédération, célébrée dans le
Champ-de-MarsIc i/j juillet 1702.
C'était le jour où le roi devait ju-
rer, sur l'autel de la patrie, fidé-
lité à la constitution. Castel s'at-
tacha constamment à la personne
de ce prince, et ne le perdit ja-
mais de vue pendant toute la cé-
rémonie, fermement résolu, dans
un cas de danger, ù sacrifier sa vie
pour sauver celle du roi. La ses-
sion de l'assemblée législative ter-
minée (septembre 1793), Castel
retourna dans le Calvados, où il
s'occupa en silence des ouvrages
qu'il a depuis publiés. Lorsque les
troubles révolutionnaires furent
apaisés, il revint à Paris, et fut
nommé professeur de belles-let-»
très au lycée impérial. Il parta-
geait cette chaire avec M. Luce :
celui-ci enseignait l'éloquence,
et Castel la poésie. Après avoir
professé ainsi pendant dix ans,
à la satisfaction d'un nombreux
concours d'élèves distingués. Cas-
tel reçut le prix de ses services
par sa nomination d'inspecteur-
général de l'université. Les bas-
ses manœuvres de quelques intri-
gans lui firent perdre cette place
immédiatement après le retour de
Louis XVIII en France. L'améni-
té des mœurs, les talens et l'ama-
bilité de cet homme de lettres mé-
ritaient plus d'égards. La Bio-
graphie des hommes vivans de
Michaud et celle de Bruxelles di-
sent que M. Castel est actuelle-
ment inspecteur des études à Pa-
ris, et inspecteur des écoles roya-
les militaires : le fait est qu'il n'a
CAS
jamais eu )e premier de ces em-
plois, et que depuis long- temps
il jouit d'une pension de retraite
en échange du second. Castel a
f»ublic le poëme îles Fiantes, ce-
uide la Fo/vt de Fontainebleau,
un p^oyage de Paris à Crevi en
Chablais, un Discours sur la gloi-^
re littéraire, prononcé devant l'u-
niversité en avril 1809, et {'His-
toire naturelle de Bujffon, classée
d'après le système de Linnée : il
n'est point de l'institut. On attri-
bue à Castel, dans les deux Bio-
graphies que nous venons de ci-
ter, un opéra du Prince de Cata-
ne dont il n'est point l'auteur:
Cuique suum .
CASTEL (PitBRE), né à Colo-
gne en 178G, s'adonna de bonne
heure A la botanique 11 vint ache-
ver ees études au Jardin-des-Plan-
tes ;\ Paris, se fit recevoir docteur
en médecine, et retourna à Colo-
gne, oi'i il professa quelque teuips
l'histoire naturelle. Quand les
Pays-Bas ont été érigés en royau-
me, on a voulu y former trois u-
niversités, parce qu'il en existait
trois en Hollande; on y a créé des
chaires de toute espèce, et riche-
ment doté les professeurs i'« Lou-
vain, Liège et Gand. Les avanta-
ges qu'on y faisait décidèrent plu-
sieurs savans de France à deman-
der ces places, il est inutile de les
Citer; mais dans ce nombre, il en
était de célèbres, connus prtr des
ouvrage» estimés. On ne répondit
fas à une seule de leurs demandes.
I fut arrPté qu'on professerait seu-
lemenien latin, en aitcndaiitqu'au
bout de trois ans on professât en
hollandais. On choisit comme on
put dans les éèoles d'AlIcmagn^e,
de sorte que des gan;ons opothl-
CAS 167
caires furent placés pour Ihistoi-
re naturelle, à Liège particuliè-
rement. Il y en avait qui ne sa-
vaient pas le premier mot de ce
qu'ils enseignaient, qui l'appre-
naient à mesure et le répétaient
en latin tudesque. Castel, des
frontières du Rhin, fut préféré
pour la botanique à l'un des hom-
mes les plus forts de France. Ln dé-
cret du roi des Pays-Bas le nomma
professeur à l'université de Gand.
Il y a enseigné pendant trois ans
dans le système le plus abstrait et
le plus faux que jamais homme
ait inventé. On peut en jugerpar
l'ouvrage qu'il a publié en 1820,
intitulé Morpiionomie végétalCf
Dans cette bizarre production,
que l'auteur disait être le fruit da
travail de toute sa vie, on trouve
qu'avec un petit nombre de signes
linéaires, on peut décrire et faire
connaître totis les végétaux, com-
me avec les signes algébriques on
arrive aux plus grands résultats.
Lu latin barbare, des figures inin-
telligibles complètent l'absurdité
de cette production, à laquelle ce-
pendant le gouvernement et les
journaux belges ont accordé les
plus grands éloges. Grâces à ce«
folies, Castel allait en Belgique
détrôner Linné et faire oublier
.lussieu, quand la mort l'a frappé
au con»mencement de 1821. 11a-
vait annoncé une édition de lâ
Phitosophid ùotanica qui n'a
point paru.
CASTELBA.IAC (Marif-Bar-
TlltlBT«Y, VICOM7K DE), est Oè le
i"juin 1776. Les lecteurs, curieux
de détails doi|iestlques, peuteut
consulter une autre Biographie,
s'ils tiennent h savoir conunen*
fut élevé M. le vicortle de Cas^
i68
CAS
lelbajac, comment s'appelait son
institutrice, et par quels soins on
fit germer dans son cœur les prin-
cipes de la piété. Nous nous con-
tenterons de dire qu'il cmigra pen-
dant la révolution, servit dans
l'armée de Condé, et revint en
i8i5 siéger à la chambre des dépu-
tés pour le département du Ger».
Son premier acte politique fut u-
ne réclamation un peu violente
en faveur des donations à faire au
clergé. Il interrogea les prisons,
les déserts, le soleil, la terre et
l'univers, pour prouver que l'on
devait enrichir les ecclésiastiques.
Élu de nouveau en 1820, il n'a
pa^ dévié de la ligne extra-cons-
titiitionnelle qu'il paraît s'être
tracée; mais on l'a vu dans plu-
sieurs circonstances affecter une
eortede loyauté chevaleresque en
faveur des députés du côté gau-
che, que la majorité s'obstinait à
ne pas laisser parler. Orateur em-
phatique, il cache avec assez d'art
la disette de ses pensées sous l'a-
bondance et la pompe de ses
phrases; et ses amis s'étonnent
que ses mouyemcns les plus vé-
hémens ne soient jamais parve-
nus ù émouvoir l'assemblée. Leur
étonnement cessera peut-être cet-
te année, car iM. de Castelbajac
Tient d'être réélu.
CASTELCICALA (D. Fabricio-
IVuffo, PRINCE de). U est plusieurs
routes pour arriver à la célébrité;
les vertus éminentes, les talens
sublimes, les actions héroïques,
une grande fortune ou la nature
tle.seui|>loisque l'on a occupés. M.
le prince Catelcicala était, en
1792, ambassadeur de Naples à
Lniidres; il y reçut, dit-on, Tor-
dit de venir ù Paris en cette mè-
CAS
me qualité; il ne nous appartie'nt
pas de décider si ce furent les
événemens ou des opinions per-
sonnelles qui l'empêchèrent de
se rendre à ce nouveau poste; la
vérité est qu'il n'y vintpas, et qu'il
fut rappelé à Naples, où, si l'on en
croit quelques biographes, il diri*
gea secrclement le ministère des
relations extérieures. Ce qu'il y a
de plus certain, c'est qu'en 1796,
M. le prince de Castelcicala fit par-
tie d'une espèce de tribunal d'in-
quisition politique, créé par la rei-
ne et le ministre Acton, sous le
nom àejunte d'état : ce tribunal fit
arrêter et retint pendant plusieurs
années dans les prisons un nom-
bre considérable de citoyens, et en
fit périr plusieurs. Cette junte fut
dissoute; mais bientôt après Na-
ples duten subir une seconde plus
terrible. Simonti et Corradini ,
magistrats honnêtes, qui avaient
fait partie de la première, furent
écartés de la seconde, etremplacés
par des hommes tels qu'un Gui-
dobaldl, un Vanni, dont les noms
sont encore en horreur parmi les
Napolitains. Les excès de cette
junte furent portés à un tel de-
gré que le ministre Acton lui-
même en fut effrayé. Il se relira,
et céda sa place au prince de Cas-
telcicala; cependant Vanni, prési-
dent de la junte, fut enfin sacrifié
au ressentimeet de la nation, et
couvert d'opprobre et de sang,
échappa à l'exécration publique
par un suicide [i.ioy. Vakni). En
1798, Naples, d'après ses traités
avec la république française, gar-»
daitla neulralilé, et jouissait de la
paix extérieure ; mais les troupes
françaises en Italie se trouvant
considérablement diminuées \oxi*
ÛAS
cjue la nouvelle du désastre d'A-
boukyr y parvint, le cabinet na-
politain mit en question le main-
tien des traités si récemment con-
clus; et dans le conseil qui fut réu-
ni pour décider cette question, le
prince Castelcicala donna sa voix
pour la guerre. Cet avis prévalut,
et ne tarda pas à entraîner la rui-
ne de ceux qui l'avaient impru-
demment adopté : la famille roya-
le fut contrainte de se retirer en
Sicile; le prince Castelcicala pré-
sida à son embarquement, et prit
la fuite avec elle. Après être resté
environ deux années en Sicile, il
se rendit pour la seconde fois à
Londres, chargé d'une mission se-
crète auprès du prince -régent.
Auretour de Louis XVIII en Fran-
ce, le prince de Castelcicala fut
nommé ambassadeur de Nnplesà
Paris, et depuis ce temps il n'a pas
cessé d'y résider en cette quali-
* té ; il s'en est cependant éloigné
deux fois; la première, au mois de
novembre 1816, pour aller en
Angleterre offrir des complimens
de condoléance au prince-régent
lorsqu'il perdit sa fille, la princes-
se Charlotte; la seconde, pour se
rendre au-devant de la duchesse
de Berri, aussitôt qu'on apprit
son débarquement sur les côtes
de la Provence. M. le prince de
Castelcicala a fait preuve de pré-
voyance dans une circonstance
assez diflTicile : le 8 août 1820 le
roi Ferdinand IV le nomma son
ambassadeur à Madrid; il n'accep-
ta point celle nomination. Il lui
fut prescrit de cesser ses fonctions
près de la cour de France; il con-
tinua de les remplir, il fut rappe-
lé a Napirs, il demeura à Paris;
il fut destitué de droit, il resta
CAS iCg
ambassadeur de fait. L'événement
a prouvé que dans cette circons-
tance il avait bien jugé les inten-
tions et apprécié la valeur des or-
dres qui lui étaient donnés. Les mis-
sions ostensibles ou secrètes que
M. le prince de Castelcicala a
remplies, ses voyages, les heures
de ses départs et de ses arrivées
sont indiquées avec beaucoup
d'exactitude dans quelques bio-
graphies. Nous y avons cherché
les actes diplomatiques de cet
ambassadeur, mais c'est la seule
chose qui y soit omise; nous nous
piquons de plus d'exactitude ; à
force de recherches, nous avons
découvert qu'outre les deux dis-
cours que le prince de Castelcicala
prononça devant le roi de France,
à l'occasion du jour anniversaire
de sa naissance, il a négocié et
signé, le 26 septembre 18.6, un
traité de commerce et de naviga-
tion entre S. M. Britannique et
S. M. Sicilienne, lequel abolit
ceux de Madrid de 1667 et d«
171;"), celui d'Ulrecht de 1715, et
réduit de dix pour cent les droits
établis sur les marchandises an-
glaises à leur entrée dans le royau-
me de Naples.
CASTEL-FRANCO (le prince
de), grand d'Espagne, etc., a été
colonel des gardes W'alonnes, et
capitaine-général des armées es-
pagnoles. Le prince de Castel-
Franco servit tous les partis et ne
fut jamais d'aucun. Il était bon,
aimable et généreux; il s'attachait
aux hommes et auxchose') qui lui
semblaient de son goOt, et lors-
qu'il agissait, il était [lersuadé
qu'il faisait pour le mieux. Il é-
tait brave à la guerre ; il se distin-
gua au siège de Gibraltar, et lors-
170 CAS
qu'en 1794 'l eut le commande-
ment de l'armée d'Arragon, il se
conduisît comme un oflicicr-gé-
néral de mérite. Quand la révo-
lution précipita Ferdinand VIT du
trône, pour y placer Joseph Bo-
naparte, le prince de Caslel-Fran-
co resta quelque temps indécis
sur le parti qu'il prendrait. Na-
poléon, par un décret du mois de
novembre 1808, l'avait déclaré
ennemi delà France et de l'Espa-
gne; ce qui rendait sa position
fort embarassante. Soit qu'il cé-
dât alors aux circonstances, soit
qu'il obéît à la flexibilité de son
caractère, il donna une pleine et
entière adhésion à la constitution
de Bayonne, et accepta les em-
plois que lui conféra le roi Jo-
seph. Au retour de Ferdinand VII
en Espagne, le prince de Castel-
Franco se trouva dans un nouvel
embarras , mais de puissans amis
et son nom l'aidèrent à sortir de
cette position; le roi lui rendit le
régiment des gardes Walonnes et
son rang à la cour. Il n'en jouit
que peu de temps, et mourut gé-
néralement regretté dans les pre-
miers jours de 181 5.
CASTELLAN (A. L.), est né à
Paris, en 1772. Son père, qui é-
tait architecte, voulant qu'il mar-
chât sur ses traces , le lanya de
bonne heure dans la carrière des
beaux-arts. Le jeune Castellan
partit pour Rome, et fit des pro-
grès à l'école de cette ville. Il
voyagea beaucoup dans la Grèce
ancienne et moderne , et ne ren-
tra en France qu'en 1808. Il y
rapporta un portefeuille rempli
d'observations intéressantes, dont
il enrichit , à cette époque , les
colonnes du Moniteur. Il fui char-
CAS
gé, pendant quelque temps, d«
rédiger, dans cette feuille, les ar-
ticles beaux-ans. Ces article»,
joints aux ouvrages qu'il publia,
en 181 1 et 1812, et enfin son mé-
moire intitulé: tassai d'un pro-
cédé d'eticaus tique, ou de pein-
ture à l'huile d'olive, sur une im-
pression de cire , qu'il fit paraî-
tre, en avril 181 5, lui donnèrent
un rang parmi les savans. Caste!*
lan fut nommé, dans le même
mois, membre libre de l'acadé-
mie royale des beaux-aris. Il est
également, depuis le 3 août 1816,
m^mhve- a m a leur du conseil ho-
noraire d'artistes et d'amateurs,
que le roi a établi près du ministè-
re de samaison.S.M. luiaconféré,
en récompense de ses talens et de
ses veilles, la décoration de la lé-
gion-d'honncur. On doit k Cas-
tellan : l' Lettres sur la Morée et
les lies de Cérigo , Hydra et Zan-
tc ; 'i." Lettres sur la Grèce, l'Hel-
lespont et Constaniinople ; "S" Des-
cription d'une machine propre à
puiser de l'eau, en usage dans le
Levant; l^" Mœurs , usages et cos-
tumes des Ottomans , et abrégé
de leur histoire.
CASTELLANE (le comte Bo-
niface-Lottis-Akdré de) est né le
4 août 1758. Sa famille, origi-
naire de Provence, et l'une des
plus anciennes de cette province,
le destina de bonne heure à l'é-
tat militaire : quand la révolu-
tion éclata, il était colonel d'un
régiment de cavalerie. Député de
la noblesse, il eut he courage de
se réunir au tiers-état, vota pour
la liberté des cultes , et la décla-
ration des droits de l'homme , et
demanda l'abolition des prisons
d'état (octobre 1789). On l'eu-
CAS
tendit ensuite proposer des me-
sures contre les détentions arbi-
traires, et s'opposer i l'exclusion
des membres de l'assemblée , de
toutes fonctions ministérielles. Il
fut élu secrétaire en février 1790;
et combatit, le 27 du même mois ,
les lois portées contre l'émigra-
tion. Nommé maréchal-de-camp,
en mars 1 792, il donna sa démis-
sion après le 10 aoflt, et jeté en
prison, ne fut sauvé que par le
9 thermidor, qui cependant ne
lui rendit pas sa liberté. Il ne fut
élargi que plusieurs mois après.
Napoléon le nomma préfet des
Basses-Pyrénées, en 1802. Le ré-
gime impérial lui fut favorable.
Successivement candidat au sé-
nat-conservateur, maître des re-
quêtes , officier de la légion-
lï'honneur, grand'croix de la cou-
ronne de Bavière, il donna, en
181^, son adhésion à la déchéan-
ce de l'empereur, et fut nommé,
par le roi, chevalier de Saint-
Louis, et commandant de la lé-
gion d'honneur. Pendant les cent
jours , il protesta contre l'acte
additionnel, et fut, au retour de
S. M., nommé pair de France,
jtrésident du collège électoral des
Basses-Pyrénées, et lieutenant-
général en 1816. Cependant ces
diverses faveurs n'empêchèrent
pas tM. (le Castellane de suivre la
ligne constitutionnelle. Défen-
seur, en 181 5, de l'inamovibilité
des juges; en 1816, de la liberté
individuelle et de la liberté de
la pres.se, il manifesta dans tou-
tes» les occasions des principe» sa-
gement libéraux.
CASTKRA. On connaît trois
écrivains de ce nom; le premier
est autcilr d'un fllanuei des i'cQ'^
CAé 17»
les primaires et des écoles secon-
daires en méthode raisonnéepoitr
enseigner et pour étudier l'art dt
lire, vol. in- 12. Le second a pu-
blié un Traité de la navigation
sous-marine, et les Mémoires dt
la Société d'agriculture de la lin-
clielle. Le troisième, et le plus
connu de tous, Jean Casîeïja, est
né en 1755. Traducteur extrême-
meiit laborieux, il a donné des
versions du f^oyage de Bruce aux
sources du Nil, en Nubie et en
Abyssinie, 5 vol. in-S"; delà/ it
du capitaine Cook , par Kippis,
2 Yol. in-8' ; du F'oyage de lord
Macartney, en Chine et en Tar~
tarie, publié par Staunion, ;>
vol. in-8''; de la Fie de Franklin,
écrite par lui-même , suivie de
ses œuvres morales et littéraires ,
a vol. in-S"; de l'ouvrage def^V.
Eton , sur l'empire ottoman, 7.
vol. in-S"; du Voyage de Mua*-
go-Parc, dans l'intérieur dé l'^î-
Jrique y 1 vol. in-8*; du Voyage
de Brown , dans la Haute et la
Basse-hgj'pte , dans le DaiJ'our
et en Syrie, a vol. in-S"; de la
Relation de l'ambassade anglai-
se, envoyée en 1 795 dans le royau'
me d' Ava , ou l'empire des Bir-
mans, par le major M. Syntens,
5 vol. in-S"; de la Relation de l'am-
bassade au Thibet et au Boutan,
par Turner, 2 vol. in-8''; de Mé-
langes d'histoire et de statisti-
que , sur l'Inde , 3 vol. in - 8*;
d'un Voyagi dans l'intérieur de
l' Amérique septentrionale , par
Mackensie , 3 vol, in - 8"; d'ua
Tableau historique et politique
du commerce des pelleteries dans
le Canada f depuis 1G08 jusqu'à
nos jours , par le même auteur, 1
vol. 10-8°; d'un Voyage en Chi-
17a
CAS
ne, par Batww , 3 vol. in-S";
d'un voyage fait par l'ordre de
l'impéralrice Catherine II, dans
le nord de la Russie, par le co-
niodore Billings, 2 vol. in-S"; et
d'un roman de Marshall, intitu-
lé Edmond et Elconore, ce qui
fait, dans l'espace d'environ quin-
ze années, près de quarante vo-
lumes. M. Castera a coopéré, en
1775, à la rédaction du Mercure
de France; il publia, en 1785, un
recueil d'odes. Le plus célèbre de
ses ouvrages, est V Histoire de
Catherine II , impératrice de Rus-
sie , en 3 volin-8°. Dans son rap-
port sur les livres admis au con-
cours pour les prix décennaux ,
en 18 10, l'institut signala cette
histoire comme un ouvrage esti-
mable, par une narration élégan-
te et facile, mais en même temps
comme peu exact et souvent par-
tial. Les circonstances politiques
ont dû influer sur ce jugement. II
est difficile de justifier, sous le
rapport des mœurs , Catherine ,
surnommée la Grande. N'est-ce
pas assez que, par l'avantage de
leur position, les auteurs de ces
grands attentats politiques soient
hors de l'atteinte de la justice con-
temporaine, et leur mémoire du
moins ne doit-elle pas rester justi-
ciable de la postérité? '
CASÏEX (le baron Bertrand-
Pierre), lieutenant-général, com-
mandant de la légion-d'honneur,
l'un des bons et brades officiers-
généraux de l'armée française, na-
quit en Languedoc le 29 juin 1771,
3a carrière militaire commen-
ça avec la révolution. Entré fort
jeune encore comme simple sol-
dat dans le 7°"" régiment de chas-
èeurs à cheval, sa bonne condui-
CAS
te, ses talens, le poussèrent suc-
cessivement jusqu'au grade de ma-
jor. Les brillantes charges qu'il
exécuta ;i la bataille d'Iéna, à la
tête de son régiment, l'ayant fait
remarquer, Napoléon le nomma
colonel du ao"" régiment de la
même arme, où il venait de s'il-
lustrer par sa bravoure. Le baron
Castexne se distingua pas moins
aux batailles d'Eylau et de Fried-
land; ce fut là qu'il mérita les ti-
tres d'officier et de commandant
de la légion-d'honnenr. Nommé
général de brigade en 1808, il
donna des preuves réitérées de sa
valeur dans la campagne de Rus-
sie, en 1812, notamment à Os-
trowno et à Polotsk. Le général
Castex rendit de nouveaux servi-
ces devant Dresde, les 26 et 27
août i8i3; les bulletins d'alors le
signalèrent de la manière la plus
honorable. Il se trouva encore à
la fameuse journée de Leipsick,
d'où, après avoir vaillamment
combattu, il se retira sur Anvers.
Il défendit vivement les abords
de cette place contre la cavalerie
ennemie, jusqu'au moment où il
fut contraint de s'y renfermer.
Castex rentra en France avec la
garnison d'Anvers; il ne fut point
compris dans le nombre des géné-
raux employés par Louis XVIII,
il en reçut néanmoins la croix de
Saint- Louis. Lorsque Napoléon
reparut en 181 5, lelieutenant-gé-
ral Castex eut le commandement
d'une division du corps d'armée
du Jura sous les ordres de Le-
courbe : il établit son quartier-
général dans la petite ville de
Miiihausen. Le général Castex
commande depuis trois ans le dé-
parlement du Haut-Rhin.
CAS
CASTI (Jeah-Baptiste). Après
avoir fait ses études au séminaire
de Montefiascone, il y fut profes-
seur, et il ne tarda pas A T-tre
nominé chanoine de la cathédra-
le de cette ville. Dans un voyage
à Florence, il se lia étroitement
avec le duc de Rosemberg , le
gouverneur du prince Léopold,
qui fut depuis empereur d'Autri-
che. Cette circonstance engagea
l'abbé Casti à se rendre à Vienne,
oàl'empcreur Joseph II l'accneil-
lit honorablement, et l'admit plu-
sieurs fois à des entretiens parti-
culiers. L'abbé Casti songeait peu
à s'élever, mais il était jaloux de
s'instruire; il profila de la faveur
que lui obtenait déjà son mérite
pour visiter diverses cours de
l'Europe. Sans fonctions, sans ti-
tres particuliers, il y était intro-
duit comme attaché à raraba>sa-
de de Vienne. Son unique inten-
tion était d'étudier les hommes,
d'observer les intrigues des cour-
tisans, et les tristes ressorts de la
politiqiie des cabinets : il rassem-
blait ainsi les matériaux du poè-
me qui a fait sa célébrité. Après
avoir vu, entre autres cours, cel-
les de Pétersbourg et de Berlin,
et même le divan; après avoir re-
pu de Catherine II des témoigna-
ges d'estime, il revint à Vienne,
où le duc de Rosemberg obtint
pour lui une place qui existait a-
iors, et qui donnait un titre bi-
zarre, celui de poète de l'empe-
reur. Poêla Cfinreo. Casti suc-
cédait à Métastase. Après la mort
de Joseph II, il dctr>anda sa re-
traite; il se retira à Florence, où
il commença .«-on grand poënje ,
<"t acheva ur»e partie de ses autres
ouvrages. En 1798, il vint ù Pa-
CAS
1^3
ris, où il termina sa carrière, cinq
ans après, à l'âge de 82 ans. Il ne
ressentait aucune des infirmités
que donne ordinairement la vieil-
lesse; mais un jour, au sortir du
dîner, il fut saisi par le froid, et
frappé d'une attaque subite à la-
quelle il succomba. Doué des qua-
lités les plus précieuses, il fut re-
gretté de tous ceux qui avaient eu
avec lui quelque liaison. Une par-
faite connaissance du monde a-
joutait à l'amabilité de son esprit
malin et de son caractère exempt
de fiel. Vive, animée, spirituelle,
sa conversation faisait les délices
de la société. Dans un âge avan-
cé, il conservait l'activité ou mê-
me la chaleur de la jeunesse, et
lorsqu'il travaillait, il avait enco-
re besoin de recoui'ir àdes moyens
artificiels pour calmer le feu de
son im.'igination. Il publia ù Paris,
en l'an 10, son principal ouvra-
ge, le poëme des Animaux par-
lans, qui est surtout remarquable
parunegrande indépendance d'es-
prit. Des réflexions profondes s'y
cachent sous un badinage agréa-
ble et soutenu, mais que des criti-
ques d'une gravité sévère doivent
trouver licencieux. Tantôt noble
et élevé, tantôt simple jusqu'à la
familiarité, le style en est toujours
convenable au sujet. Les vices et
les ridicules y sont points avec
une force et une vérité à laquel-
le se joint le charme d'ime versi-
fication facile et brillante. Les
complaisans du pouvoir absolu
n'y sont pas épargnés, et l'impru-
dence des démagogues n'y est pas
traitée avec beaucoup plus de mé-
nagement. Les principes de l'au-
teur sont libres, mais sages; c'est
UD républicanisme sans passioQ
»/-4
CAS
comme sans préjugés. La Décade
philosophique a donné une tra-
duction en vers, attrihuéc à M.
Andrieux, de quelques fragmens
de ce poëme; et en i8i8, M, Pa-
ganel l'a publié, traduit en prose,
Liège, 3 vol. in-i8. Des autres
ouvrages de Casti, le plus impor-
tant est un recueil de Nouvcllts.
L'édition la plus complète en ren -
ferme quarante -huit; c'est celle
qu'on fit à Paris , en trois volu-
mes, un an après la mort de l'au-
teur. On remarque surtout parmi
ces nouvelles : VApotliéose, la
Papesse et VOris^ine de Rome. La
verve et l'originalité distinguent
gêné ralementces compositions; le
mélange des idées philosophiques
et des peintures les plus libres
leur donne beaucoup d'analogie
avec quelques-uns des contes de
"Voltaire. Casti a fait un poëme sa-
tyrique en douze chants, sous le
titre de Poema l artaro;'\\ l'a com-
posé à son retour de Russie, et la
cour de Catherine en a fourni le
sujet. On a aussi de lui trois opé-
ras bouffons : le roi Théodore à
Venise rappelle un épisode de
l'Optimiste de Voltaire, et effecti-
vement il en est tiré : c'est Joseph
II qui l'avait indiqué. Secondé
par la musique de Paesiello, cet
ouvrage, dont ce n'est pas le seul
mérite, a eu beaucoup de succès
en France. La Conjuration de
Catilina. est le second sujet bouf-
fon destiné par Casti à la scène
lyrique; le Quousque tandem de
Cicéron ne paraissait pas absolu-
ment plaisant, et toutefois il a four-
ni il l'auteur des incidens pleins
tle gaieté jusqu'à la fin de la piè-
ce. Le dernier de ces trois opéras
«sf la Grotte de Tropkonius. Casti
CAS
a laissé de plus quatre apologues,
ou petits poëmes, qu'on a impri-
més à la suite des animaux par-
lant; un recueil de poésies lyri-
ques , ou de rimes anacréonti-
ques; enfin quelques ouvrages iné-
dits qu'on croit en dépôt dans les
mains d'un ami de ce poète ingé-
nieux.
CASTILHON (Jeah et Jeib-
Louis), frères, nés à Toulouse,
de 1718 à 1720. Tous deux avo-
cats et membres de l'académie des
jeux floraux, ont enrichi la litté-
rature française d'un grand nom-
bre d'ouvrages. Le premier a pu-
blié, sous le voile de l'anonyme,
la Bibliothèque bleue , le Specta-
teur français, et précis histori-
que de la vie de Marie-Thérèse.
Il a travaillé avec son frère au
Journal encyclopédique et au
Journal de Trévoux, et a été
l'un des auteurs du Nécrologe
des hommes célèbres de France.
Il mourut en 1799. Son frère ,
Jean-Louis, a publié avec d'au-
tres auteurs, le Dictionnaire uni-
versel des sciences morale , éco-
nomique , politique et diplomati-
que. Il a coopéré à la traduction
de l'Histoire uuiverselle, par une
société de gens de lettres . et a
fourni beaucoup d'articles au sup-
plément de V tincyclopédie. Cet
écrivain, philosophe et laborieux,
dont l'érudition embrassait plu-
sieurs genres, est l'auteur des^*-
sais sur les erreurs et les supersti-
tions ; de V Histoire générale des
dogmes et opinions philosoplù-
ques, depuis les plus anciens temps
jusqu'à nos jours ; il a imité Plu-
tarque dans des essais de philo-
sophie et de morale; il a composé,
d'après l'ouvrage d'Espiar de La-
CAS
borde, intitulé de l'Esprit des na-
tions, les Considérations sur les
causes physiques et morales de
la diversité, du génie des mœurs,
et du gouvernement des nations.
La plume féconde et variée de
Jean -Louis Casliihon à ép^ale-
luent produit un lonum intitulé
Hingha , reine d'Angola , histoi-
re africaine; et enfin les derniè-
res révolutions du globe., ou Con-
jectures physiques sur les trem-
blement de terre , et sur la 'vrai-
semblance du leur cessation pro-
chaine.
CASTILHON (Pierre), négo-
ciant à Cette, fut nommé, en
1793, député à la convention na-
tionale , par le département de
THérault. Il vota, dans le procès
de Louis XVI, pour la réclusion
et le bannissement à la paix. Il
traversa les temps orageux qui
suivirent la mort du roi, en se
rendant utile dans les comités,
où il s'occupait plus particulière-
ment d'économie politique. Cas-
tilhon avait des connaissances
dans cette partie , et , lors de la
disette de 1796, il fut chargé d'u-
ne mission importante pour les
approvisionncmens de Paris. De-
venu membre du conseildes cinq-
cents, il eu sortit au renouvelle-
ment qui eut lieu le 20 mai 1707,
et retourna dans ses foyers , où il
se livra exclusivement à des spé-
cubliens commerciales.
CASTILLE (lb cheviuer É-
DOrAurj de), oflicicr au 16"" régi-
ment des chasseurs û cheval. Une
action vertueuse au sortir de l'en-
fance , et la mort des braves, ter-
minant une carrière de i()ans,
méritent à ce jeune militaire la
place que nous lui donnons dans
CAS
itS
notre biographie. Né à Beaucaire,
le 27 juillet 1789, Edouard Cas-
tille, élève du prytanée français ,
avait onze ans, lorsqu'un de ses
catnarades , savant et studieux,
dont le père était mort aux ar-
mées, et qui ne pouvait être ad-
mis au prytanée, faute d'avoir les
moyens de fournir son trousseau,
dut aux soins ingénieux du jeune
Castille, la possibilité de pour-
voir à cette dépense. Ce dernier
écrivit au consul Lebrun, auquel
il était recommandé; et tout en
sollicitant le secret le plus profond
sur l'objet de sa démarche, le pria
de venir au secours de son cama-
rade; il ajoutait que, si cette de-
mande ne pouvait être accueillie,
il ferait vendre une portion de
ce qu'il possédait, afin de procu-
rer à son ami , pauvre et malheu-
reux, le trousseau dont il avait
besoin. Non-seulement la lettre
en question fut favorablement re-
çue; mais l'empereur Napoléon ,
qui en eut connaissance , voulut
récompenser le jeune Castille
d'un acte de bienfaisance aussi
louable, en l'admettant au nombre
de ses pages. Au mois d'octobre
1807, il fut nommé lieutenant
dans le 1" régiment de chasseurs
à cheval, et servait, en 1809,
dans le iC)"' de la même arme,
lorsqu'il fut tué d'un coup de ca-
non, à la bataille d'l<Jssling, avant
d'avoir atteint sa 20"" année.
CASTLEKEAGH (Robert-Ste-
WART lord), est fils du comte
de Londondcrry ; il est né en
Irlande, en 1769, et c'est en
grande partie à l'entier dévoue-
ment avec lequel il exécuta len
desseins du gouvernement an-
glais sur G(> malheureux pays ,
176
CAS
qu'il doit les titres iioiribreux dont
son nom est acoompa^iiù. le pou-
voir dont il est investi, la re-
nommée europceiuie de ses ta-
lens diplomatifjiies, et le crédit
sans bornes dont il jouit à sa cour.
Ses fonctions ministérielles em-
brassent ou atteignent sous diffé-
rentes dénominations , le com-
merce , les colonies, les affaires
étrangères, la marine et les finan-
ces; il est, pour ainsi dire , vivant
dans toutes les branches de l'admi-
nistration. 3o,ooo livres sterling,
distribuées a propos, le firent éli-
re, à 21 ans, membre de cette
chambre des communes, qu'un
assez bon plaisant de l'opposition
qui a trouvé beaucoup d'échos,
appelle aujourd'hui [house to be
sold) maison à vendre. Ce jeune
orateur débuta, selon l'usage, par
un discours patriotique et popu-
laire; il défendit, ainsi que Grat-
tan et les autres orateurs irlan-
dais , le droit incontestable qu'a
l'Irlande, de trafiquer avec les
Grandes-Indes. Une éloquence
verbeuse , où de longues péri-
phrases revêtent pompeusement
une maigre série de pensées;
mais d'un autre côté , le talent
si précieux, pour le ministère, de
ne montrer son opinion qu'à tra-
vers un jour mystérieux, où elle
peut recevoir différentes formes,
appelèrent sur cet orateur adroit
et disert, l'attention des hom-
mes d'état , habiles à recruter
pour le séminaire ministériel
Lord Castlereagh se trouva bien-
tôt enrôlé parmi les troupes par-
lementaires que le gouvernement
tient toujours en réserve, pour
comprimer les mouvemens de
i'Irlande. Des mesures d'une é-
CAS
pouvantable rigueur, qui sou-
vent ont été qualifiées d'atroces,
au sein même des deux chambres,
furent proposées , et appuyées
par l'Irlandais Castlereagh, avec
une ardeur qui étonna le minis-
tère lui-même. Depuis ce temps,
le noble lord ne parut plus oc-
cupé que du soin d'expier son
origine, en s'armant contre ses
compatriotes du glaive de la jus-
tice anglaise, qu'il promena lui-
même sur cette terre infortunée,
où il avait reçu le jour, et où tant
de barbarie et d'iniquités signa-
lent sans cesse une affreuse op-
pression. Toujours gouvernée par
la haine et par le mépris, cette
contrée si misérable, et pourtant
plus féconde en grands hommes
que le reste de l'Angleterre, était
passée des mains du furieux Lake,
dans celles du stupide Cambden,
lorsqu'elle fut enfin soumise à un
homme implacable, mais habi-
le; sévère, mais adroit, profond
et dissimulé : c'était lord Castle-
reagh ; il triompha au milieu du
sang, mais son triomphe fut com-
plet, et toute l'amertume dont la
clameur publique dut empoison-
ner sa victoire, ne l'empêcha pas
de poursuivre sa carrière. En vain
il s'entendit accuser en plein par-
lement, d'avoir donné un bal
dans son palais de gouverneur,
pendant que les cris des malheu-
reux qui passaient par les ver-
ges, se mêlaient au son des ins-
trumens, comme si le supplice de
quelques Irlandais unis ne de-
vait pas être un motif de réjouis-
sance de plus pour une réunion
de bons et fidèles Anglais, et
pour un agent de l'autorité, qui
n'a jamais eu qu'un but, l'agran»
' CAS CAS 1-7
dissement du pouvoir qu'il sert, téiieux, où il se cache et se inon-
Quoiqu'il en soit, ce lurd iilan- tre par intervalle, coimne la uia-
duis, en réunissant, peu de temps tière électrique au sein des nua-
aprés son bal patriotique, llrlaa- ges. Modèle achevé de la politi-
de à l'Angleterre, a de l'ait annulé que anj^laise, il a su conserver
l'existence politique de celte île , cette impassible froideur, celte
digne d'un nieilleursort. En vain philanlhropie de circonstances,
des milliers de voix s'élevèrent- et celle réserve si favorable aux
elles pour maudire l'auteurde cet- ménageiuens qu"il faut toujours
te usurpation; en vain l'honora- garder avec l'avenir. A la prtMViiè-
ble Plunket termina-t-il un de re déchéance de INapoléonJ, il re-
ses discours par ce morceau plein fusa obstinément d'accéder aux
d'une éloquence toute palrioti- arliclesqui lui conservaient le ti-
que: «Ma vieillesse, du moins, se- Ire d'empereur, et un traitement
oraexemptede cette aifreusecons- digne dece titre : il nesigna, com-
"cicnce, d'avoirlâchement aban- me plénipotentiaire, le traité qui
«donné, d'avoir vendu à beaux contenait ces danses, que lors-
» deniers comptans, les libertés qu'il vit qu'on était résolu à se
"de ma terre natale. Messieurs, passor de sa signature. Décidé à
»la main sur lecœur, pouvez-vous abandonner riritérrt des Ulancs,
otous faire la même déclaration, an congrès de Vit-nne , on le vit,
»Ah! pour votre bonheur, je l'es- par compensation envers l'iuima-
» père du moins, l'horrem- de vos nilé, embj-a^ser la cause des Né-
• fimciloyens ne vous poursuivra grès, cl demander avec inslanco
» pas à travers la vie; les malédic- 1 abolition de la traite.' il vint en-
"lions de vos enfans n'iront pas suite étaler à Paris le modeste or-
» troubler le repos de votre lom- gueil de ses trium|jhes diploma-
/)be;»et en prononçant ces mots, tiques. Le retour de l'i-mpereur,
il semblait imprimer, d'un re- qu'il avait prédit, augmenta pro-
gurd, le sceau de cette malédic- digieusemcnl >on intlumce dans
tion -sur le front du mini>tre. le conseil des princes, coalisés de
Cette union mortelle, qui forçait nouveau contre Napoléon; le mi-
rirlatide d'abdiquer ju.>.qu'à son nistre anglais contribua puissam-
nom de peuple, lut consommée à ment à organiser el à presser la
force d'argent, de lois, de puni- marchedel Europe entière contre
lions, et, il faut bien le dire, la France, à laquelle on donnait
à force de talens politiques. Cas- le nom de l'homme que l'on vou-
tlereagh vil sa faveur s'en accroi- lait détruire. Après la bataille de
tre; et dans ces changemens de ^Vatel•loo, Castlereagh reparut
décorations ministérielles, dont dans les murs de Paris, et s'yoc-
le gouvernement anglais donne cupa courageusement de la spo-
si souvent lu spectacle, il reparut liation du Muséum, dont il lit un
toujours sous une forme ou sons objet de négociation avec le pape,
ufie autre. Il ne connnença qu'en qui ne marchanda pas sur le droit
i8iôsi»n rôle de ])lénipotentiai- de courtage. Le monde chrétien
re, qu'il joua avec cet celai mys- aduiiru la proloudcur des desseins
17$ CAS
de la providence, en voyaol 1«
successeur de Saint-Pierre com'
hier de ses dons et de ses faveurs
un diplomate prolestant, et celui-
ci, instruit par Luther à ne voir
dans le pape que l'ante-christ ,
réclamer aux genoux du Saint-
Père le prix des services qu'il
lui avait rendus. Nous avons cru
pouvoir omettre dans cette noti-
ce tout ce qui tient à des intri-
gues secrètes de cabinets, où l'ac-
tivité de ce ministre s'est plutôt
lait scïitir qu'elle ne s'est mon-
trée. Dans ce mystérieux dédale ,
le biographe qui peut craindre de
perdre le fil de la vérité, doit se
borner à juger les faits authenti-
ques, sans pousser plus loin une
investigation qui n'est permise
qu'à la postérité, qui n'est tenue à
aucun égai'd envers les morts. Le
nombre des discours imprimés
de lord Cas^tiereagh est très-con-
sidérable, et bien peu sont dignes
de cet honneur : des biographes
d'hommes vivansj qui sans doute
tiennent compte à ce ministre an-
glais de tous les maux qu'il a
faits à la France , ont poussé la
recoanaissarjcc jusqu'à le com-
parer, pour l'éloquence parl«-
meutaLi^e, à lordChatam, à son
fils, et à Fox lui-même. Nous ne
nous amusons pas à réfutei* ce lâ-
che et impertinent éloge, dont les
ministres anglais eux-mêmes ont
souri de dédain et de pitié ; nous
épargnerons même à nos lecteurs
la liste .de ces fastidieuses haran-
gues, dont il est douteux qu'au-
cune survive à la circonstance qui
l'a fait naître ; et nous nous bor-
nerons à donner une idée de l'ef-
fet que cet orateur produit habi-
tuellement dans ia ciiambre où il
siège. Quand il parle, il est très-
agréable à voir; la beauté de sa
taille, ses manières nobles, sa
douceur apparente, la grûce tem-
pérée de sou élocution facile , lui
concilient souvent ses adversai-
res les plus envenimés; etcomme
il écoute avec attention etrespcct,
il est presque toujours écouté a-
vec déférence : on s'aperçoit i
peine qu'il pense peu, que sa pro-
nonciation est aftectée , que ses
connaissances sont superficielles,
et que l'énergie, l'imagination et
la simplicité lui manquent. Lord
Castlereagh est un ministre ha-
bile , et un orateur disert : on ne
saurait ajouter un mot à cet éloge,
sans outrager la vérité.
CASTRIES (CUABLES-EVCÈKE-
Gabbiel, uàaijvis de), maréchal
de France, naquit le u5 février
172'y.Offîcierdèsrâgede i6ans, il
fil les campagnes de Flandre, ^e
trouva au siège de Maëstricht, et
obtint le ^rade de maréchal-de-
camp. Après avoir eu un com-
mandement en Corse vers 1756, il
alla servir en Allemagne, sous lé
prince de Soubise, et fut blessé
à la bataille de Rosbach, ee qui
ne l'emipêcha pas de continuer à
combattre jusqu'à la fin de l'affai-
re. En 1758, il fut fait lieutenant*
général pour avoir pris d'asi^aut
L» ville de Saint-Gower, et fait
prisonnière la garnison du c-hri-
tcau de Rhinfelds. Il eut part en-
suite à divers combats, et se ren-
dit maître, en 17G0, des gorges de
Sladberg, après avoir reçu une
nouvelle hlessure. Il emporta Té-
pée à la main le poste de Rhin-
berg, et fil lever le siège tle >Ve-
sel. Nommé chevalier des ordre*
du roi, il *e distingua dane le»
GAS
campagnes de 1761 et de 17G2,
en qualiijé de inaréch^l-général-
de?-logisde l'armée; et le 22 sep-
tembre <^e c^tte dernière année,
U reçut encore une blessure gra-
ye à la prise du cliâleau d'Amonc-
burg, près de Marpurg. Nommé
successiveMient coamiandant en
cbef de ^a gendarmerie, gouver-
neur-général de la Flandre et du
Ualnaut, et miui»tre de la ii,iari-
ne, en 1780, il lut promu, en 1785,
à la dignité de maréchal de Fran-
ce. 11 émigra au commencement
de la révolution, et se retira d'a-
bor^ auprès du duc de Brunswick,
qu'ilavoii vaincu à Closter- Camp,
Ireate ans auparavant. Faisant
partie de l'expédition que les émi-
grés et les Prussiens tentèrent si
malheureusement, en 1792, par
l'invasion de la Champagne, le
maréchal de Caslries avait sous
ses ordres une division ^Ic l'armée
dite des Princes. Il mourut à
"NVolfenbuttel, le 1 1 janvier 1801,
^ans la 74"' année de son âge.
Plus brpve militaire qu'habile mi-
nistre, il avait montre dans ce
dernier poste moins de talypt que
de désintéressement etde probité.
CASTKIES (Armasd-Cuarles-
Acciisri.N, orc de), pair de Fran-
ce, fils du précédent, combattit,
avccle grade de colonel, pour l'in-
dépendance américaine. De re-
tour en France il fut nommé, en
1789, député aux états-généraux
par la noble.sse de Paris. Mais parli-
spn ziélé du pouvoir absolu diins sa
patrie, il soutint avec opiniâtreté
toutes les prérogati ves de l 'ancien-
ne monarchie, lui qui, dans le
iNouveau Mor)de,avaitdél]endu les
principes de la liberté, et répandji
^Q ifkag pour^lle. Le contraste
CAS
••J^
des nouTelles opinions du duc de
Castries avec celles du comte
Charles de Lameth, son ancien
Aère d'armes, et alors son collè-
gue à l'assemblée nationale, ame-
na entre eux un duel, où cet am^i
de la liberté fut blessé. Le lende-
main, l'hôtel de Castries fut pillé
jiar le peuple, qui voulut venger
ainsi le défenseur de ses droits.
A coite occasion le duc de Cas-
tries écrivit au président de l'as-
semblée qu'il .^e voyait obligé dp
quitter la Francf-, et qu'il atten-
drait un congé à Lausanne eçi
Suisse. Au mois de mars 1793.
les députés Malouet et de Lautrec
firent de vains efforts pour em-
pècl)er qu'il ne fût porté sur lu
liste des émigrés. Vers le milieu
de i794i le duc de Caslries orga-
nisa, pour le compte de l'Angle-
terre, un corps d'émigrés fran-
çais, qui alla servir en Portugal
à la fin de l'année suivante. Ren-
tré en France, i\ l'époque de l;i
restauration, il fut nommé suc-
cessivement pair, lieutenant-géné-
ral et commandant de la 1 5""* di-
vision militaire, à Rouen, sou^
les ordres du maréchal Jourdan,
gouverneur. Si l'on en qroit les au-
teurs de la Galerie liLstoriqiir dçs
contemporains^ » il y avait fait, par
»une conduite inconsidérée, de
j) nombreux ennemis à la maison
))de liourbop.» Quand Napoléon
.revint de l'île d'Elbe, le duc de
Castries sje retira en Angleterre,
d'où il se .rendit en Belgique. De-
puis le second retour du roi, il a
repris ses fonctions à !a chambre
des pairs.
CASTRO (dos JOSEPH-ROORIGUE
ï)e) , savant helléniste, biblio-
graphe espagnol, et bibliothécaire
du roi , naquit en Galice vers
1759. Après avoir l'ait de grands
proj^rès dans les langues ancien-
nes, il venait de terminer ses étu-
des, lorsqu'il publia, à l'âge de 20
ans, un petit po(3mech hébreu, eu
grec et en latin, sur l'avénernent
de Charles III, sous ce titre :
Congratnlalio régi prœstantissi-
moCarolo, quod clavuin Tlispa-
niœtt'ncat. ijSy. L'ouvrage ob-
tint le suffrage unanime des sa-
vans les plus distingués, qui s'é-
tonnèrent de voir ces trois lan-
gue possédées avec tant de per-
lection par un auteur si jeune
encore, Castro fut choqué des dé-
fauts de la DibLiotkeca Hispana
rédigée par don Nicolas Antonio,
qui avait omis, entre autres cho-
ses, les articles biographiques des
Arabes et des rabbins espagnols,
faute de connaître les langues sa-
vantes. 1 1 entreprit eu consé-
quence une nouvelle Bibliotkéque
espagnole sur un meilleur plan,
et après avoir travaillé pendant
six ans consécutifs à la recherche
des manuscrits anciens, il fit pa-
raître, en 1781, le 1*' volume de
son ouvrage. Lessavanshationaux
et étrangers l'accueillirent avec en-
thousiasme, et s'empressèrent de
fournir à l'auteur des matériaux
précieux pour la continuation de
ce travail intéressant. Castro coo-
péra à la rédaction de la Biblio-
thèque grecque, publiée par Jean
Triarte, qui, dans la préface de
celte compilation, dojine les plus
grands éloges aux vastes coimais-
sances de son collaborateur. Don
Castro mourut à Madrid, en 1799.
CATALAN I (madame Angém-
QrE), née à Sinigaglia, vers 1785.
La plus brillante,, et non la pre-
CAT
mière cantatrice de l'époque; paV
la rapidité, la flexibilité, l'incroya-
ble étendue de sa voix, elle é-
tonne encore aujourd'hui l'Euro-
j)e qu'elle parcourt. C'est un ius-
triiment musical très-exercé, très-
souple, et dont le clavier est im-
mense. Quant à celte pure et dou-
ce exi)ression, que l'on peut ap-
peler l'âme du chant, M°" Cata-
lani en est totalement dépourvue.
Sa voix tout instrumentale exé-
cute avec le plus grand bonheur
ces diflicultés bizarres, ces gam-
mes chromatiques et enharmoni-
ques, ces arpeggia turcs, ces tril-
les sans fin, ces points d'orgue
qui embrassent trois ou quatre oc-
taves dans leurs modulations. A
16 ans, elle débuta à Rome avec
un prodigieux succès, visita Lis-
bonne et Paris, passa en Angle-
terre, où elle gagna des sommes
immenses pendant un séjour de
quelques années. » Les bourses
«anglaises, dit le poète Byron, se
"Souviendront long-temps de toi,
') miraculeuse Catalani,.et des pau-
«talons brodés qui te valurent
:»4o,(K)o francs en une soirée. »
Dans un opéra italien, elle avait
joué un rCde turc, et Londres tout
entier était accouru pour la voir
et l'entendre. Il n'appartient pas
à la gravité de l'histoire de cher-
cher quels secrets rapports pou-
vaient se trouver entre une excel-
lente chanteuse et la politique, et
]>ourquoi l'on vit M°" Catalani pa-
raître, échapper aux regards, re-
venir et fuir tour à tour, suivant
les variations des événemens qui
agitaient l'Europe. Quoi qu'il eu
soit, elle vint à Paris en 181 5, et
obtint la' direction de l'Opéra-
Buffa, que bientôt une gestion au
CAT
moins imprudente l'obligea d'a-
bandonner. Le mauvjiis choix des
ouvrages et des acteurs, l'élinii-
nation des cantatrices qui pou-
vaient lui faire quelque ombrage,
la mutilation des partitions dans
la Tue de faire briller sa voix; tels
sont en partie les reproches que
ses partisans eux-mêmes ne lui
ont pas épargnés. Elle a repris le
cours de ses tournées, et conti-
nue de prélever sur les cours et
sur les capitales de l'Europe un
impôt que les amateurs payent au
plaisir, et que la mode impose ;\
la foule des oisifs de bon ton.
CATEL (Charles-Simon), né à
L'Aigle en 1775. Un goût inné pour
la musique l'amena fort jeune à
Paris, à l'époque où Saccbini, a-
prés la mort de Gluck, y tenait le
sceptre musical : frappé des gran-
des dispositions du jeune Catel,
Saccbini le fit entrer à l'école
royale, où il apprit la composi-
tion sous Gossec, qui en fit son
élève d'adoption. Catel, en 1700,
fut attaché au corps de musique
de la garde nationale, en qualité
de compositeur-adjoint à son maî-
tre Gossec. C'est pour cette nrmée
civique qu'il composa les recueils
de marches et de pas militaires,
si énergiques et si brillans, que
les soldats français ont fait tant
de fois entendre à l'ennemi avant
la victoire. La première produc-
tion qui signala le talent de M.
Catel pour les grandes compo-
sitions, fut un De VroJ'undis à
grand orchestre, exécuté en 1792
à l'occasiondes honneurs funè-
bres que la garde nationale pa-
risienne rendit à son major-géné-
ral Gouvion. La nécessité de fai-
i'u entendre lu musique dans les
CAT
181
fêtes nationales, rinsuiïisnnce et
les inconvéniens des instrumcns
à corde pour ce genre d'exécu-
tion, déterminèrent M. Catel à
composer des symphonies pour
les seuls instrumens à vent, et des
choeurs à grand orchestre , dont
les occompagnemens n'exigeaient
aucrm instrumenta corde. Le pre-
mier essai d'une composition de
cette espèce se fit aux Tuileries,
le n messidor an 2, dans l'hym-
ne à la Victoire, sur la bataille de
Fleurus, dont Le Brun avait fait
les vers; il obtint un succès d'en-
thousiasme. Dans les chants que
Catel fit ensuite avec Chénier et
Le Brun; dans ceux que compo-
sèrent Gossec, Méhul, Chérubini,
JMarlini, Le Sueur et Bcrton pour
les fêtes nationales, on n'employa
plus que les instrumens à vent.
En l'an 5, époque où s'organisa
le conservatoire de musique, M.
Catel fut nommé professeur
d'harmonie, et justifia ce choix,
peu de temps après, en compo-
sant un Traite d'harmonie qui a
fait école, et qui détermina l'a-
bandon du système de la basse fon-
damentale, établi par Baineau, et
sur lequel d'Alembert, Boussier
et d'autres savans ont écrit des
volumes sans pouvoir s'enten-
dre. L'école d'Italie n'avait sur
ce point aucune théorie ; cel-
le d'Allemagne fl(!»lait entre plu-
sieurs systèmes; le principe sur
lequel repose la théorie de M.
Catel répond à tout, et n'admet
aucune exception. Cet habile mu-
sicien est celui des professeurs du
conservatoire qui a le plus con-
tribué à la composition des ouvra-
ges élémentaires adoptes en Fran-
ce pour renseignement de toutes
ifit
CAT
^".a parties de l'art inusicirl. Il fut
homnié Inspecteur de l'enseigne-
tnent et professeur de composi-
tion en 1810, et cessa ses fonc-
tions en 1814» à l'époque où fut
détruit ce conservatoire de mu-
sique, où l'in.-truction avait été
poussée à un si haiil degré de per-
fection qu'il était devenu une é-
colé européenne. De toutes les
fonctions offertes depuis à M. Ca-
îel, il n'a accepté que le titre de
iîiembre de l'institut, de l'acadé-
mie des beaux-arts. Comme com-
positeur diamatif^ue, il s'est ac-
quis une brillante et solide répu-
tation sur les deux théâtres lyri-
ques. Toutes ses compositions se
distinguent par l'élégance, la grâ-
ce et la pureté de ses chants : per-
sonne n'a mieux connu que lui les
ressources et les bornes de son art,
et n'a produit, avec des moyens
aussi simples, de plus grands ef-
fets d'harmonie. Il compte ses ou-
vrages par ses succès. On a de lui
au grand-Opéra : Stmiramis, en
trois actes, représentée en l'an
10; les Bajadcres, en trois actes,
iSio; Zirphile et Fleur-dt-Myr-
the, en 2 actes, 1818; Alexandre
chez Jpelle\, ballet en deux ac-
tes. A l'Opéra-Comique: les Artis-
tes ■par occasion, en un acte ;
l'Auberge de Bagneres , en trois
actes; les Aubergistes de qualité,
en trois actes; le Premier en da-
ïe, en un acte; TVallace, en trois
actes; l'O^icier enlevé, en un ac-
te. Il a publié plusieurs œuvres
de Quintelli pour instrumens à
cordes, et des symphonies, ouver-
tures et quatuor pour instrumens
à vent.
CATELAN (tÉ MARQiii de),
âYOcat-générai au parlement de
CAt
Toulouse, avartt Fa révolution, iê
distingua par l'éloquence avec-
laquelle il défendit les droits dit
peuple, et les prérogatives de son
corps contre les empictemenà du
pouvoir arbitraire. Mis hors des
affaires publiques, en i78rj, par
le nouvel ordre de choses, îl n'y a
reparu qu'en 18 ig, époque où il
fut créé, par ordonnance royale,
pair de France. Une grande mo-
dération dans les opinions, One
grande chaleur dans l'expréssMon,
voilà ce qui caractérisé M. de Cd-
telan comme législateur. Nommé
rapporteur du projet de loi re-
latif h la poursuite et au juge-
ment des crimes commis par
la voie de la presse, ou par tout
autre moyen de publication, il
a conclu, au nom de la commis-
sion dont il était l'organe, pour
l'adoption de cette loi. Mais il
n'en dissimula pas les imperfec-
tions, dont il attend la rectifica-
tion du temps et de l'expérience.
C'est dans ces aveux surtout qu'il
faut voir les opinions particuliè-
res de M. de Catelan dans Cette
occasion.
CATHCART (lord WittilMS,
vicomte), l'un de ces satellites dé
l'astre de la puissance, qui ne
fournissent pour documens à l'his-
toire, rien autre chose que leurs
noms , leurs titres, et la progres-
sion de leur faveur. On les voit
s'agratidir, sans savoir pourquoi ;
on les voit s'élever, sans savoir
comment. Néen Ecosse, l'an 1^55,
d'une famille très- ancienne; après
avoir étudié les lois , il alla Ser-
vir en Amérique , fut successive-
ment cornette, lieutenant et ca-
pitaine de dragons, devint major-
commandant des volontaire? ca-
CAT
ïédoniens levés en 1778; et, en
irSijà 2t) ans, lieutenant-colo-
nel des gardes (régiment de Colds-
tream). On ne devine pas encore
les motifs d'un avancement si rapi-
de. Bientôt après, colonel par bre-
vet , et ensuite colonel en titre du
29"" régiment de Bagshot, il fit
partie, comme brigadier-géné-
ral , de l'armée anglaise, formée
c\ Porsmouth en 1793, et com-
mandée par lord Moira. Cette ar-
mée marcha contre la France; le
général Cathcart partagea les dé-
sastres de cette orgueilleuse coa-
lition, devint major-général, et
revint en Angleterre avec les dé-
bris de cette armée battue. Il ftit
aussitôt créé colonel du second
régiment des gardes; lieutenant-
général en 1801 ; pair d'Ecosse en
1807; enfin membre du conseil
privé, -vice- amiral d'Ecosse et
lord - lieutenant du comté de
Klackmanashit. Ce fui seulement
après avoir reçu toutes ces dis-
tinctions honorifiques, et sans
doute pour lui offrir l'occasion de
les justifier, qu'il fut chargé d'u-
ne expédition importante, le
bombardement de Copenhague.
Vicomte, après cette expédition,
f)uis commandant en chef en Ir-
ande, enfin ambassadeuren Rus-
sie , il prit part aux traités et aux
guerres contre la France, ne quit-
ta pas le quartier-général des al-
liés; signa, comme plénipotentiai-
re , tous les traités de paix et tou-
tes les déclarations des congrès;
et parut raôlé à tous le» grands
événemens du siècle, sans que
nulle action d'éclat, nul trait tiis-
linctif , ait signftlé son nom aux
yeux de ses contemporains. Lord
Cathcart émit à Pari» en iBi^t , a-
CAT
i83
vec l'armée diplomatique de la
coalition. Il ne paraissait pas la
commander en chef.
CATHELIiNEAU (Jacques), gé-
néral dans les troupes de la Ven-
dée. Il naquit en 1758. Il demeu-
rait au Pin-en-Mauge, près de
Beaupréau, dans le département
de Maine-et-Loire; Il y exerçait,
selon les uns, la profession de
tisserand , et selon d'autres, celle
de marchand de laine, ou de voi-
turier. En 1793, le 20 février, la
conventibn nationale ayant décré-
té une levée de 3oo,ooo hommes,
le mécontentement fut extrême
dans quelques déparlcmens vers
les bouches de la Loire. Le 10
mars, jour fixé pour le tirage
au sort des hommes que devait
fournir le canton de Saint-Flo-
rent, les jeunes gens se soulevé-»
rent, dispersèrent les gendarmes,
et pillèrent l'Hôtel-de-Ville. Ca-
thelineau était marié, et se trou-
vait exempt du service militaire ;
il était occupé chez lui à pétrir
le pain, lorsqu'il apprit cet évé-
nement. Aussitôt il harangue ses
voisins, et il leur persuade qu'il
faut s'armer pour se soustraire au
chatimenlquedoitsubirle canton
tout entier. Leiamars, il fait son-
ner l'alarme dans les villages, et
se trouvant à la tête d'un rassem-
blement de cent hommes, il en-
lève, ù Jallais, un poste défendu
par une pièce de six: ce fut le pre-
mier canon au pouvoir des Ven-
déens. Le surlendemain, Calheli-
neau s'empare du village deChc-
millé, ainsi que de trois coule-
vrines, et il emmène un grand
nombre de prisonniers. Le 1 5, il
attaque Chollet , il défait un corps
do rinq cents hommes, cl il Se
i84 CAT
rend maître de Ja ville où selrou-
\Hiit j>lijsienis pièces d'aililleiie.
Kéiini au ginétul (Tlilbée,-]! roin-
bat sous ses ordres, et se distin-
gue dans une seconde aflaire à
Clicniillé, puis à Vihiers. 11 s'é-
tait lait également remarquer à
Fonlenay, lorsque rinsurroction
se pr()j)ageant, après la reddititm
de Saumnr, le i5 juin 179 s 1<-'S
chefs sentirent le besoin de l'uni-
té dans le commandement. Les
généraux Lescure et d'Elbée ne
voulant pas se donner précisé-
ment un maîlre, désignèrent pour
généralissime Calhelincau. qu'ils
ne craignaient point; et Catheli-
neau, dont le ivlc était simple,
n'accepta que dans l'idée de rem-
plir un nouveau devoir. On vit
alors le commandement suprême
des armées royales et catholiques,
dans les mains d'im homme né
au milieu des rang< les plus obs-
curs, tandis que le descendant
des Biron commandait l'armée
républicaine. Cathelineau vou-
lait ne pas tarder à justifier le
choix qu'on avait fait de lui. Le
29 juin, il attaqua Nantes, mai?
il fut repoussé avec une perte
considérable. Malgré le mauvais
succès des premières tentatives,
il était revenu plusieurs fois à la
charge, et dans le dernier assaut,
une balle lui avait fracassé le bras ;
c'est alors que le général d'Elbée
ordonna la retraite. Celle blessu-
re ne paraissait pas mortelle: mais
la gangrène s'y établit, et, le 10
juillet 1 790, Cathelineau succom-
ba dans Saint-Florent , où il s'é-
tait fait transporter. Les paysans
qy'il conduisait au combat, le
nommaient le saint d'Anjou : sa
dévotion les édifiait. Ils s'étaient
CAT
imaginé qu'il serait invulnéra-
ble, el que ceux qui marcheraient
sous ses ordres auraient le mê-
me avantage. Le 14 mai i8i6,
le gouvernement a donné ime
pension de i5oo francs au fils de
Cathelineau, et une de 3oo à cha-
cune de se» filles.
CATHERINE II ALEXIOW-
NA (Sophie-Aigiste-Dobothée),
princesse d'Anhalt-Zerbst, impé-
ratrice de toutes les Uussies, née
à Slellin en 1^29, mariée en \'^l\ô
à son cousin le duc Charlcs-Pier-
re-tlric de Holstcin-Gottorp (cou-
ronné sous le nom de Pierre III,
en 1762, étranglé la même année),
mère de l'empereur Paul Petrt»-
witz (étrangle en 1801), morte à
Pélersbourg en 179O, la trente-
cinquième année de son règne, à
lâge de C7 ans. Les fastes du trô-
ne de Russie sont sanglans. L'as-
sassinat ou l'usurpation y marque
l'élévation de presque tous ses
souverains, depuis Ivan III, qui
affranchit les Russes du jnug des
Tartares, jusqu'à l'empereur ré-
gnant. Ivan iV, le premier tzar qui
est couronné à i^loscow, en i557,
tue un de ses fils dans un accès de
fureur, et meurt dans un cloître,
couvert du sang de ses sujets. Bo-
ris Godounofï succéda à Fédor I"
par le meurtre du tzarovritz De-
métri. Fédor II, fils de cet usur-
pateur assassin, est détrôné par
un moine qui le fait étoulTer sur
le corps sanglant de sa mère. Ce
moine, nommé Otrepieff, se fait
proclamer tzar à Moscow, sous le
nom du prince Demétri, que Bo-
ris a fait égorger. Wassili Chonis-
ky, qu'Otrepiefl'a soustrait au sup-
plice, le tue, monte sur le trône
en 1606, et meurt dans un cou-
' rr ///r /■/ //f // .
/////',/,r //■/,-,' (/,■ /'//.<■.:■/,■
a,.. /!.„//,, .1
CAT
vent en Pologne. Michael Roma-
now, premier prince de la dynas-
tie régnante, d'une l'aaiille prus-
sienne, dont le chef se nommait
André, est proclamé tzar, et lais-
se le trône à son (ils Alexis, au-
quel succède Fédor III. Celui-ci,
au détriment de son frère Ivan,
fait nonimer enjpereur son autre
frérc. C'est le fameux Pierre I".
Le parti du prince légitime dépos-
sédé lutte vainement contre la for-
tune de Pierre 1". Les meurtres
et les supplices lui font raison de
ses ennemis. Plus tard il envoie
à la mort son propre fils Alexis,
et, dans un massacre de 8,000 de
ses sujets, la hache à la main, il
donne lui-mêuie, avec son favori
MenzikoiT, l'exemple à ses bour-
reaux. Jamais rien de plus grand
ni de plus féroce ne fut donné aux
hommes que l'immortel Pierre I".
L'impératrice Eudoxic est encore
vivante quand il épouse Catheri-
ne 1", femme d'un dragon sué-
dois, également vivant; des bras
du général Bauer, elle avait pas-
sé successivement dans ceux de
ScheremetolT, et enfin de ce IMen-
zikoff, qui la céda à son maître.
Pierre I" veut se défaire de Ca-
therine, et meurt tout ù coup à ,
l'âge de 5j ans. Cette princesse
monte sur le trône, au préjudice
du grand-duc, fils de l'infortuné
Alexis. Au lit de mort, elle dési-
gne la duchesse de Holstcin, sa
iille aînée, pour lui succéder. Mais
McnlikofT, ù qui elle a dû son u-
surpation, fabrique un faux testa-
ment par lequel Catherine appel-
le au trône le grand-duc sous le
nom de Pierre II. La princes-
se Anne succède à ce prince, et
meurt, en 1 ^4*» -Trcs avoir signé
GAT
i85
un testament qui appelle au trône
le grand-duc Ivan, l'infortuné I-
van, dont sa nièce la duchesse de
Brunswick vient d'accoucher. Ex-
citée par un chirurgien français
nommé Lestocq, la princesse Eli-
sabeth, fille de Pierre I", fait en-
fermer le tzar au berceau , dans
une torleresse, avec toute sa fa-
mille, et se fait proclamer. Vingt
ans après, au lieu de rendre au
tzar Ivan, au souverain légitime,
la couronne qu'elle lui a enlevée,
Elisabeth nomme son héritier le
grand-duc, époux de Catherine
II. Telle est la nature des avénc-
mcns au trône de Russie, qui pré-
cédèrent celui de Cathcrinc-la-
Grandc. Grande-duch(;sse depuis
dix-septans, elle avait eu le temps
d'en étudier rhistoire, et sa posi-
tion lui prescrivait peut-être de
n'en pas repousser le souvenir.
L'incapacité de son époux et la
tradition des règnes précédens l'a-
vaient enlouréedepuis long-temps
de cette espèce de faveur, qui an-
nonce et qui nécessite une révo-
lution de palais dans cette cour si
orageuse. Le iS"" siècle, qui de-
vait être le dernier de la monar-
chie despotique , exaltait l'esprit
supérieur de Catherine de tout le
génie de ses contemporains. Wa-
shington, Francklin, lord Cha-
tam , Pitt, Fox, Sheridan, le
grand Frédéric, Mario-Thérèse,
Turgot, Malesherbes, d'Alembert,
Montesquieu, Diderot, Rousseau,
Buffon, Voltaire, etc., occupaient
la scène du monde. Catherine s'y
créa une place jusqu'alors incon-
nue dans l'histoire. En montant
sur le trône, elle eut la pensée de
continuer Pierre-le Grand. Elle le
surpassa. Ses défauts, ses vices, SCS
i«6 CAT
crimes, sont d'une femme ambi-
tieuse ou passionnée rsestalens,
Ses qualités, ses actions, sont d'un
grand homme. Les dix-sept an-
nées qui s'écoulèrent depuis le
mariage de Catherine II jusqu'à
la mort de l'impératrice Elisabeth
appartiennent en grande partie à
cette classe de l'histoire que l'on
appelle anecdotique, et qui est tou-
te du domaine des tnémoires se-
crets. Mais parmi les événemens
de la vie privée de la grande du-
chesse, celui qui a le plus influé
Sur son caractère et son élévation,
c'est son mariage. A l'époque de
son arrivée à la cour d'Elisabeth,
le grand-duc était beau, bien fait,
et capable de faire impression sur
le cœur de la jeune princesse. El-
le était jeune, jolie, gracieuse,
Spirituelle, et le penchant fut ré-
ciproque. L'amour commença cet-
te union, que la politique seule
termina peu de temps après. Cet-
te singularité dans la vie de Ca-
therine mérite d'être remarquée.
Au moment de célébrer le maria-
ge, le grand-duc fut attaqué de la
petite -vérole; on craignait pour
ses jours; malheureusement il les
conserva avec toutes les traces de
l'affreuse maladie à laquelle il ve-
nait d'échapper. Il reparut à la
cour, hideux et contrefait. Cathe-
rine, alors Sgée de 16 ans, eut la
force de dissimuler l'horreur qu'el-
le éprouva; elle courut au-devant
du prince, l'embrassa avec toutes
les démonstrations de la tendres-
se et de la joie, et le mariage fut
célébré. L'ambition avait fait sur-
hionier à Catherine l'aversion que
Pierre lui inspirait depuis sa ma-
ladie; elle dut triompher d'un dé-
goftt encore plus sensible, puis-
CAT
que la cause de ce dégoût sem-
blait devoir rendre inutile le sa-*
orifice qu'elle venait de faire de sa
jeunesse et de sa beauté. Il ne s'a-
gissait plus du temple, ni du pa-
lais, mais de la chambre nuptiale;
l'infortuné grand-duc se trouvait
frappé d'un vice de conformation
qui retardait la consommation du
mariage. Cette disgrâce devint
bientôt une confidence de cour, et
les amis du grand-duc, un entre
autres, le beau Soltikoff, à qui le
bonheur de la grande-duchesse
était devenu bien cher, risquè-
rent, au nom de l'état, d'engager
le prince ù subir une opération in-
dispensable. Le célèbre Boerhaa-
ve et un habile chirurgien, nom-
mé Block, furent appelés par l'im-
pératrice elle-même; Soltikoff par-
vint à vaincre la résistance du
grand-duc, qui bientôt dut à leurs
soins ce qui manquait à sa digni-
té de mari, et à l'impatiente anxié-
té de son épouse. Il passa une nuit
avec elle, et il leur fut permis d'a-
voir un héritier. Soltikoff et la
princesse respirèrent; la crainte
ne vint plus empoisonner leur
tendresse, et malheureusement la
prudence en fut bannie. Le gratid-
duc fut jaloux, et n'en fut que
plus odieux. Mais le favori devint
despote, et comme il était lui-
même d'une grande naissance, le
crédit qu'il exerçait à la fois sur
les deux époux, alarma sérieuse-
ment des intérêts d'un ordre plus
élevé, que l'ambition d'un nom-
me d'état avait secrètement mis
en mouvement. Le chancelier Ber-
tuchef avait jugé Pierre et Cathe-
rine, et formé le projet de détrô-
ner le prince, et de faire nommer
Catherine impératrice à la mort
CAT
d'Élhabélh. La faveur du jeune
Sohikuffse présenta à lui comme
an de ces obstacles qu'il faut dé-
truire à leur naissance. Peu tou-
ché du bonheur des deux amans^
le vieux ministre trouva que si la
grossesse de la grande-duchessô
Satisfaisait ses desseins, la faveur
de Soltikoff devait les contrarier.
En conséquence, il fit donntr au
favori une mission par l'impéra-
trice. Catherine fut avertie du dan-
jcr qu'elle courait en demandant
le rappel de Soltikoff, et se tut.
Quelques regrets honoraient en-
core le cœur de la grande-duches-
Je, lorsque parut le comte Ponia-
<0W9ky,qui,n'ayantd*autresbien3
que sa jeunesse, sa beauté et des
dettes, venait d'arriver à Péters-
bourg i\ la suite de l'ambassadeur
d'Angleterre. L'impressiun que
lui fit la grande -duchesse fut
prompte; elle fut partagée. Mais
l'impératrice, instrument d'une
nouvelle intrigue, contraria enco-
re cet amour naissant, et Ponia-
towsky eut ordre de partir. Ca-
therine, devenue un objet de hai-
ne pour le grand-duc^ était aussi
on objet d'envie pour tous les
compagnons de débauche de son
mari, et, ignorant encore qu'un
parti invisible travaillait pour lui
frayer le chemin à la couronne ,
elle avait besoin de se consolerde
tous ses ennemis intérieurs et du
pcti de bienveillance de l'impéra-
trice elle-niCrne , par un senti-
ment qui occupât l'insupportable
oisiveté dt son cœur. La nature
d'ailleurs lui avait donné pour les
plaisirs de l'amour un penchant
qu'elle devait conserver jusqu'à
la fin de sa vie. Désespérée de la
pcrtt de PoniatoW»-kv, et encou-
CAÎ
i8t
ràgée par l'assiduité des soins af-
fectueux et des hommages em-
pressés du chancelier, elle prend
le parti de lui ouvrir son âme, et
redemande son nouvel amant »
celui qui l'a séparée du premier.
Cette confidence charma le vieux
politique, qui, devenu maître du
secret et du bonheur de la gran-
dc-dnchesse, ne perdit pas un mo-
ment pour assurer son empire en
servant une passion qui ne lui
donnait aucun ombrage. A force
d'adresse et d'activité, il réussit .1
faire nommer Poniatowsky minis-
tre de Pologne i\Pétersbourg, con-
tre la loi qui défendait à tout Po-
lonais, possédant une starostie,
de sortir du royaume, et celle qui
lui défendait également d'ôtrc
chargé auprès d'une puissance é-
trangère des affaires de la Saxe,
alors réunie à la Pologne. L'im-
pératrice fut irritée du moyen que
Catherine avait choisi pour revoir
Poniatowsky, et bientôt, par les
rapports des courtisans et l'impru-
dence des deux amans, le grand-
duc partagea toute la haine d'E-
lisabeth. L'un et l'autre furent é-
galementsurveillés, et Poniatows-
ky, qui avait été rappelé par sa
cour sur la demande de celle de
France, fut arrêté, déguisé en
marchand, dans les jardins d'O-
ranienbaum, où le grand-duc a-
vait emmené la grande-duchesse.
ïl fut mis au cachot, et condam-
né à être pendu pour s'être intro-
duit dans l'enceinte d'une forte-
resse. Mais cette scène n'eut d'au-
tre suite qu'une haine irréconci-
liable entre Pierre et Catherine,
la défense faite à celle-ci de pa-
raître chez l'impératrice, et le dé-
part du beau Polonais. Cette di-^-
i88
CAT
grâce avait été précédée de celle
du chancelier Bertucbel", qui fut
dénoncé à Elisabeth, comme l'a-
gent des discordes existant entre
le grand-duc et sa femme, le pro-
tecteur des faiblesses de celle-ci,
et l'artisan des intrigues qui divi-
saient la cour. Catherine se trou-
va seule, sans conseils, sansl'avo-
ri, livrée à toute l'indignation de
son époux, et elle dut trembler
même pour sa liberté. Elle implo-
ra vainement la pitié de l'impéra-
trice, elle n'essuya que de cruels
refus. Pour rendre sa situation en-
core plus déplorable, le grand-duc
avait pris une maîtresse, Piorna-
nowna "Woronzoff, dont la sœur,
la princesse Daschoff, s'attacha à
Catherine par représailles, et figu-
ra au premier rang dans la révo-
lution qui fit proclamer cette prin-
cesse. La grande-duchesse n'ayant
pu vaincre l'éloignement où l'im-
pératrice la tenait de sa person-
ne, imagina de lui demander de
se retirer en Allemagne avec son
fils , qu'Elisabeth avait pris dans
une affection singulière. Une heu-
re d'entretien secret lui fut enlin
accordée, etlejourmême elle pa-
rut au spectacle à côté de l'impé-
ratrice. Elisabeth tomba malade;
le triomphe de Catherine attira
sur elle tous les regards, et l'on
s'attacha à persuader à l'impéra-
trice que le grand-duc ne dissi-
mulait plus son impatience de lui
succéder. Cette perfidie ne fut pas
inutile. Le caractère d'Elisabeth
l'accueillit avec autant de con-
fiance que toutes les dénoncia-
tions relatives à Catherine, et s'é-
tant rendue seule au spectacle a-
vec elle et le jeune Paul Petro-
wilz, elle présenta cet enfant aux
CAT
gardes qu'elle fit entrer dans le
parterre. Catherine devint l'objet
de toutes les ambitions. Le parti
Bertuchef, représenté par le com-
te Schwaloff, entretint cette prin-
cesse du projet de la nommer ré-
gente à la mort d'Elisabeth, Elle
voulait déjà davantage : mais elle
cachait cette pensée secrète à ses
plus intimes confidens, et affec-
lail <lo leur répéter qu'elle préje-
rail le titre de mère de l'empereur
à celui de son ('/?o«.ve. "Woronzoff,
d'un autre côté, avait persuadé au
grand-duc de répudier sa femme,
de déclarer son fils bâtard, et d'é-
pouser sa fille Romanowna, Le
comte Panin, gouverneurde Paul
Petrowitz, se dévoua alors à sa
mère. Confident du projet qu'elle
avait formé de monter sur le trô-
ne, mais effrayé des suites d'une
pareille entreprise, il lui proposa
de faire proclamer le grand-duc,
non par l'armée comme c'était
l'usage, mais par le sénat qui mo-
difierait son pouvoir. Invariable
et impénétrable dans sa résolu-
tion, Catherine laissa faire Panin,
qui parvint, par le confesseur d'E-
lisabeth, à détourner le coup dont
elle menaçait le grand-duc, et à
obtenir qu'il vînt recevoir son par-
don. Cette scène eut lieu : elle fut
dramatique. Catherine et Pierre re-
curent ensemble à genoux auprès
du lit de l'impératrice sa bénédic-
tion, telle que son confesseur la lui
avait dictée. Elisabeth mourut. Le
grand-duc monta sur le trône, sous
le nom de Pierre III, et la gran-
de-duchesse sous celui de Cathe-
rine II. Leur aversion réciproque
augmenta en raison de leur élé-
vation, et des intérêts pressens
qu'elle mit entre euxi Pierre îH
CAï
perdit bientôt sa popularité en se
/ faisant tout-à-fait Prussien, en con-
tinuant une vie de d«'ibauches a-
vec d'infâmes compagnons, et en
se livrant à l'ambition de Woron-
zott'età celle de sa maîtresse. Plus
décidé que jamais A répudier l'im-
pératrice et à rejeter sou fds, il
eut la singulière pensée de se don-
ner de suite un héritier, et de con-
cilier, pour l'allermissement de
son pouvoir, la légitimité avec l'u-
surpation. 11 pensa à Ivan III, tzar
et prisonnier dès le berceau, alors
Sj^é de 22 ans. Six ans auparavant,
Elisabeth avait eu la cruelle curio-
sité de voir sa victime. On assu-
re qu'elle avait pleuré en lui par-
lant, mais tout en pleurant elle a-
vait renvoyé son souverain dans
un cachot. Pierre III se tra»*jmr-
ta à Schlusselbourg, où le tzar é-
tait renfermé. Il l'entretint long-
temps, et le fit même venir à Pé-
tersbourg. Le secret de ce voyage
transpira. Le sort du prisonnier
fut adouci, et celui de Catherine,
reléguée à Pélershof. serait deve-
nu plus critique, si l'amour et l'a-
mitié n'eussent veillé autour d'el-
le, dans la personne de (irégoire
OrloiTet de la princesse Daschotf.
Malgré la liaison politique et la
véritable conjuration qui unis-
saient ces deux personnages, cet-
te dame ignorait même qu'Orlolî
frit connu de Timpératrice. Pour
augmenter l'intérêt en sa faveur,
Ontherine feignait même avec sa
confidente intime d'être accablée
delapertedcPonialowski. Une de
ses femmes, nommée Catherine
Iwanowna, avait la direction des
intrijines d'une autre nature. Or-
lotVétait lil>>d'un militaire. Oilicier
lui-même, sa beauté et su bravou-
rc l'avaient fait distinguer. D'a-
mant, Orlolf devint bientôt cons-
pirateur; il s'associa ses quatre
frères, Alexis, "NVolodimir, Fédor
et Ivan, un officier nommé Pas-
seck, et quelques autres, qui tra-
vaillèrent avec succès à gagner
plusieurs compagnies des gardes.
Une seconde conspiration, incon-
nue de la première, était conduite
par le comte Panin, le prince "NVol-
konski; c'était la suite de celle de
Uertuchefl'et de SchwalofT, c'était
la conspiration des grands sei-
gneurs. La princesse Daschoif é-
tait à la tête d'une troisième, com-
posée de gens habiles et entrepre-
nans, parmi lesquels figurait l'het-
man Kazomowski, ancien amant
de l'impératrice Elisabeth, qui l'a-
vait, dit-on, épousé secrètement.
Cathcriue était l'âme de ces trois
partis, qui travaillaient séparé-
ment à lui ouvrir le chemin du
pouvoir absolu : elle finit par en
réunir les chefs dans des maisons
particulières, où l'aflairc fut trai-
tée en sa présence. Le comte Pa-
nin devint subitement amoureux
de la princesse RascholV, dont il
avait jadis aimé la mère. Son a-
vis dans le conseil était que l'im-
pératrice ne fût que régente, et
que Paul Petrowitz fût procla-
nié empereur. La princesse Da»-
chofl', alarmée du crédit que
cette opinion prenait sur les con-
jurés, se dévoua, malgré sa ré-
pugnance et un sentiment très-vif
qui l'attachait à un des conspira-
teurs ; elle se donna au comte
Panin, et l'amena promptement
à vouloir ce que voulait l'impé-
ratrice. Au milieude lousces com-
plot», Catherine touchait au ter-
me d'une grossesse j qu'elle avait
tgo
CAT
su cacher à l'empereur, et dont
elle eul le boalieur de lui dérober
la connaissance: le jour même où,
en étant instruit, jlenlra chczelle,
elle venait d'être délivrée; l'em-
pereur retourna à Pétersbourg, où
il voyait la nuit le prince Ivan.
Jamais péril plus pressant n'avait
menacé Catherine. Le tzar devait
retourner à Pétershoft', pour la
célébration de sa fête, la Saint-
Pierre; son projet était d'y faire
arrêter l'impératrice. En atten-
dant celte l'ête, il se rendit à sa
maison de plaisance, à Oranien-
baum, avec plusieurs jolies fem-
mes et ses compagnons de débau-
che. Mais Catherine, mieux in-
formée que Pierre, avait tout ar-
rangé pour le prévenir. En vain
l'empereur fut averti de son dan-
ger par le roi de Prusse et plu-
sieurs de ses amis, il ne voulut
point croire à cette prétendue
conspiration. Cependant elle fut
découverte parrindiscrétioii d'un
soldat gagnépar le lieutenant Pas-
seck; lequel fut arrêté, et eut le
temps de donnera un inconnu, qui
se trouva à son arrestation, un
papier où il avait écrit au crayon :
Marchez, ou nous sommes per-
dus. Cet inconnu était un des es-
pions que la princesse DascbofT
avait attachés à chaque conjuré à
son insu. Il remit le billet ù la prin-
cesse, qui sur-le-champ prit un
habit d'homme, et alla au rendez-
vous accoutumé, où se trouvaient
4es OrloiT et ses amis. La résolu-
tion futaussiunanimequc le péril
était imminent : et il fut conve-
nu qu'on agirait la nuit même. Les
conjurés se rendirent aux caser-
nes, et Alexis Orlofi' fut chargé
d'aller olierQher Calhetiae à Pé-
CAT
tershoff. Elle dormait, quanc^ mi
soldat entra dans sa chambre , et
lui dit : Suivez-moi, vous n'avez
pas un instant à perdre, et dispa-
rut. A la voix de sa maîtresse ,
Iwanowna accourut, le soldat re-
vint, elles partirent dans une voi-
ture placée à la porte du jardin;
Alexis, c'était le soldat, monta sur
le siège et poussa les chevaux de
toute leur vitesse. A une assez
grande distance de Péterssbourg,
les chevaux tombèrent de lassitu-
de, et Catherine se voyait obligée
de suivre la route à pied, au mi-
lieu de la nuit, quand on trouva
une charrette de paysan, dont A-
lexis s'empara, et ils se remirent
en route. Bientôt ils enteqdiieot
le bruit d'une voiture, qui courait
au-devant d'eux avec la plus gran-
de rapidité. Cette voiture portait
le favori Grégoire, qui reconnaît
Catherine , lui crie de hâter sa
marche, retourne ses chevoux et
repart. Catherine n'arriva qu'à
septheures du malin dans sa char-
rette, et se rendit aussitôt aux ca-
sernes : elle dit aux soldats qu'elle
venait leur demander protection
pour son ûls et pour elle , dont le
tzar avait ordonné la mort pour
cetto nuit même, et qu'elle avait
du quitter PétersholT po.ur s'y
soustraire. Les soldats jurèrentde
mourir pour la déiendre, et l'au-
mônier reçut leur serment. Les
Orlofffirent taire ceux qui criaient
vive la régente, et l'on ne cria plus
qaevive l'impératrice.' Elle se ren-
dit alors avec la foule des soldats
et du peuple ù l'église de K^azan,
où l'attendait Tarchevêque de No-
vogorod , qui avait été gagné. Il
lui plaça sur la tête la couronne
iinpérialf>, et la procbi»* :C||tUfi-
CAT
riue JI, souveraine de toutci» les
Rusàies» et son fils, Paul Pé-
<rovilz, son successeur. Ln Te
Deiim , et les acclamations de la
multitude, terminèrent la céré-
monie de l'usurpation. De l;\, Ca-
iherine se présenta au palais d'É-
Jisabelh, où il dut lui être bien
doux de rentrer comme Stouve-
rainc, et elle y reçut, pendant plu-
sieurs heures, cette foule de ser-
mens , protestations banales et
servilci», qui, peu de mois aupa-
ravant, avaient été prodigués à
rierre III. Pendant que cette ré-
volution s'opérait à Pétersbourg,
le Uar était parti d'Oranieu-
baum pour PétershoiT, avec sa maî-
tresse, les femmes de sa cour et
«es favoris, et il devait le Lende-
main célélwcr la fête de soai pa-
tron et la sienoje. Dans sa route,
sa voiture fut arrêtée par un aide-
de-cam.p, qui l'avertit de la fuite
<Ie Catherine. L'empereur arriva
,( Pétershoff, où ij apprit bientôt
le couronnement de l'impératri-
ce. Catherine était déjà à la tête
de i5,ooo hommes; ses partisans
n'avaient cessé tle répéter que
Pierre avait juré sa mort cl celle
desonûls. ElLe-mêrae prit ceteo'
fant dans ses bras, le présenta au
peuple, et parvint ainsi à soule-
ver toute la umllitude en sa fa-
veur. £lle publia également un
manifeste, dans lequel elle parlait
du danjçer qu'avaient couru l'or-
tliodoxie russe et la gloire de
l'empire; et elle-iuême, à cheval,
sous l'habit d'un jeune ollicier,
accompagnée de la princesse Das-
choff, égalementen uniforme, elle
parcourait les rangs de son armée.
Ce fut là que Pol^iukin , alurs
baâ-o (licier dans uprégiineot àsa
CAT
UJI
gardes à cheval, et conjuré très-
subalterne, s'avança pour offrir sa
dragonne à l'impératrice, qui l'ac-
cepta et qui s'en souvint. Potemkin
avait alors 26 ans : il avait une
beauté mâle et une tournure re-
marquable. Catherine parcourut
encore le soirPétersbourg, l'épée
à la main, à la tête d'un cortège
brillant et nombreux, au milieu
duquel on remarquait la fidèle et
<;ourageuse princesse Daschoff, et
i'hetman Razomowski , qui ve-
nait de grossir l'armée de 0,000
Cosaques, destinés par l'empe-
reur à se rendre en Poméranie.
Pendant que Catherine triom-
phait à Pétersbourg, Pierre III sjb
désolait à Pétershoiî", au milieu de
ses femmes et de ses courtisans.
Le vieux maréchal Munich, âgé
de 82 ans, qui avait été rappelé
de la S^ibérie parle prince, aprèt
vingt ans d'exil, lui conseilla de
se rendre à Cronstadt, d'où il fe-
rait rentrer la capitale dan» la
soumission. Mais dans l'interval-
le , Cronstadt s'était prononcé
pour Catherine, et Pierre n'eut
pas le courage de sauter à terre,
d'après le conseil du brave Mu-
nich et de ses officiers. Enfin,
après avoir refusé tous les partis
généreux qui lui furent proposés,
Pierre aborda à Oranienbaum, é-
crivit à l'impératrice, la supplia de
lui pardonner ses torts, offrant de
partager avec elle l'autorité sou-
veraine : cette lettre resta sans ré-
ponse. Catherine la reçut sur la
route de Péteridioff. Elle en reçut
bientôt après ane seconde, dans
laquelle il implorait la pitié de sa
femme, lui cédait la couronne, ot
lui demuudiut une pension pour
aller vivre daos 1« Hpâlleio, ji<»j>
iga
CAT
pays natal. L'affaire était trop
avancée par les propres démar-
ches de cet indi{i;ne souverain,
et cette lettre eut le sort de la
première. Mais Catherine fit en-
trer le chambellan I?n)aïloff, qui
l'avait apportée, et le décidant à
trahir son maître, le chargea de
lui inspirer la résolution de ve-
nir se rendre lui-même à dis-
crétion. Les conseils de cet hom-
me perfide eurent plus d'em-
pire sur Pierre que ceux du géné-
reux Munich, parce qu'ils étaient
plus en rapport avec son carac-
tère, et le tzar partit pour Péters-
hoff avec Romanowna W oronzoff,
dont le père l'avait déjà abandon-
né. Arrivé à Pétersholï, le tzar
fut dépouillé de ses ordres, de ses
habits; on lui prit ses diamans,
et, après l'avoir laissé quelque
temps en chemise, et nu -pieds,
en butte aux outrages des soldats,
on l'enveloppa dans un manteau,
et on l'enferma seul dans une
chambre de son palais^ Peu de
momens après, il vit entrer le
comte Panin , qui l'assura que
l'impératrice lui accordait sa re-
traite dans le Holslein, et qui lui
iit signer une déclaration encore
plus avilissante que la seconde
lettre, puisqu'il s'y représentait
lui-même comme indigne de ré-
gner. Après ce dernier acte de la
dégradation souveraine, un ofïi-
cier, avec une escorte, s'empara
de l'empereur; lui dit qu'il le con-
duisait à un petit château impé-
rial, nommé Robscha, et le mena
à une maison de campagne de
l'hetman Razornowski, nommée
Mopsa, où deux jours après {voj-,
Castera, hisloire de Catherine JI,
tome 1, page 4i2 ef suivantes).
CAT
ce malheureux prince fut étran-
glé. Le lendemain. Catherine fit
publier la déclaration suivante:
« Le septième jourde notre avéne-
»ment au trône impérial, nous re-
"çrtmes avis que le ci-devant empe-
«reur était attaqué d'une colique
«violente, occasionée parles hé-
«morroïdes, dont il avait eu au-
»trefois de fréquens accès. Ans-
))si,* [lour tic pas manquer au de-
» voir que nou> impose la religion
» chrétienne et la sainte loi, qui
«prescrit de conserver la vie à son
«prochain, nous ordonnâmes de
«lui envoyer à l'instant tout ce
» qui pourrait servir à prévenir les
«suites d'un mal si dangereux, et
«de le soulager par de prompts
«remèdes. Nous apprîmes cepen-
«danthier, avec beaucoup dedou-
wleur et de regret, qu'il avait plu
« au Très-Haut de terminer sa car-
«rière. C'est pourquoi nous avons
«ordonné de déposer son corps
«dans le monastère de Newski,
«pour y être inhumé. Nousexhor-
«tons en même temps, en souve-
» raine et en mère, tous nos fidèles
«sujets à faire les derniers adieux
«au défunt, en oubliant le passé,
«et à prier Dieu pour son âme,
«ainsi qu'à regarder cet arrêt inal-
» tendu du Tout-Puissant, com-
«meun effet des vues impénétra-
«bles que sa providence s'e>t ré-
«servées sur nous, sur notre trône
» impérial, et sur toute notre chè-
»re patrie. « Nous voudrions at-
teindre le terme de la carrière pé-
nible où la loi impérieuse de la
vérité nous entraîne, et pour ne
plus souiller le tableau d'un des
plus beaux règnes du monde, a-
horder.avant le temps le récit d'au-
tres attentats, dont l'inflexible his-
CAT
» beaucoup de traces de barbarie. . .
wCet homme ayail de grands dé-
» fan ta; mais .»ans eux peut-être il
» n'eût doniiné ni sa souveraine,
;>ni son pays. Le hasard le lit pré,-
»tisinn»'nl tel qu'il devait être
«pour (onserver si long-temps son
«pouvoir sur une femme aussi ex-
ntraordinaire. » L'heure de la Po-
logne était venue, et l'année qui
vit la révolution l'rauçaise, si pu-
bliquement détestée par Catheri-
ne, renverser le trône de Louis
XVI, vit aussi cette princesse pré-
cipiter du trône Stanislas qu'elle
y ayait placé. A l'audience de con-
gé que M. de Ségur avait reçue,
Catherine lui avait dit :i«Je suis
«arislotrale, car il faut faire son
«métier.» Les troupes prussiennes
jetaient aussi entrées en Pologne,
Kosciuftko se mit en vain ù la tê-
le de ses compatriotes. Les inté-
rêts de sa mallieureuse patrie tu-
rent trahis par plusiturs familles
puissantes. Le roi Stanislas jui-
luême ne fut pas à Vahvi de tout
soupçon. Warsovvie fut prise par
le sanguinaire Souwaroff; le fau-
bourg de Prague, où s'était retiré
ee (pii restait de l'armée patriote,
fut pris d'a.ssaut, et toute la popu-
lation y fut égorgée. SouwaroÛ'y
renou>ela ses harhagies d'Lsmaël.
La Coiirlande et la Samogitie de-
vinrent également l'oltjet de l'a-
yidilé de Catherine, et lurent aus-
si, contre la foi des traités et des
droite des pi-uples, violemment
réunies au grand empire. Plaluu
7-.oubow était favori depuis quel-
que-i années, et il avait remplacé
Potenikim auxaflaires. Il présida
xiu traité de commerce avec l'An-
gleterre, qui fut signé le 25 mars
i793, et qui feriiia les ports de
X. IV.
CAT 209
la Russie aux marchands fran-
çais. Il avait puissamment in-
flué sur la reprise de la guerre
de Turquie, sur le dernier par-
tage de la Pologne, et venait
de décider l'invasion de la Cour-
lande. C'était ressusciter Potem-
kim. Aussi Catherine resta-t-elle
exclusivement attachée à Zoubovv
jusqu'à son dernier moment. L'é-
migration française intéressa ex-
térieurement l'impératrice; mais
la proleetion qu'elle accorda aux
émigrés ne fut qu'individuelle, et
elle avait négocié avec le roi de
Suède, qu'elle voulait affaiblir,
l'intervention armée de ce monar-
que contre la république françai-
se, quand elle uu)urut subitement
d'un coup d'apoplexie foudroyan-
te, à Pétersbourg, à 1 âge de 67
ans. Ouelques conquêtes en Per-
se, dont le motif était de la même
nature que celui qui avait fait par-
tager la Pologne , et envahir la
Courlande et la Crimée, termi-
nèrent sa gloire d'Asie. De tous
se.-, favoris, les plus puissans fu-
rent Orloff et Potemkim, et les
plus aimés, Landskoi et Zoubow.
On a évalué à la somme prodigieu-
se de 4645000,000 les dons dont
elle s'était plu à enrichir ses a-
mans depuis son avènement à la
couronne. Les récompenses pro-
diguées à ses généraux et à ses
ministres étaient également ex-
cessives. Elle donnait avec tout
l'entraînement d'une femme pas-
sionnée, et tonte la générosité
d'un grand souverain. En la nom-
mant la Séniiramis du Nord, Vol-
taire a tracé d'un seul mot son
portrait et sa vie. Afm qn'aucunc
faculté hiunairje n'échappât à cel-
te femme extraordinaire, Calliç^*
'4
210 CAT
rine se livra aux lettres avec suc-
cès. On tie sait où elle trouvait le
temps de faire tout ce qui rem-
plissait sa vie. Elle avait acheté la
bibliothèque fleVoltaire et celle de
Diderot, avec lesquels elle avait
entretenu une correspondance, où
elle ne paraît pas être inférieure
à ces hoiTiines célèbres. Dans les
rares intervalles de ses amours,
de ses créations de toute nature,
de ses traités, de ses conquêtes,
elle avait composé plusieurs ou-
vragés. Pendant le voyage dte Cri-
mée, elle s'était amusée à tradui-
re quelques-»)»is des chapitres du
Bélitaiir de Marmonlel. Elle cojn-
posait de petites pièces dramati-
ques qu'elle faisait jouer sur son
théâtre de l'Ermitage, maison de
plaisance, où elle réunissait sa so-
ciété la plus intime, et même
quelques ambassadeurs des cours
étrangères. Les autres écrits de
cette princesse, sont : i° Son Ins-
truction pour la commission char-
gée de dresser le projet d'un nou-
veau Code de lois, 1766, in-S",
traduite en français par Catherine
elle-même, et publiée en français,
latin, allemand et russe, 1770, in-
4°; puis en russe et en grec vul-
gaire, in-8° ; 2° Antidote, ou Ré-
futation du J^oyage en Sibérie,
par l'abbé Chappe, écrit en fran-
çais, et imprimé à la suite de ce
voyage, 1769 à 1771» 6 vol. in-
12; 5° le CzarOwitz Chlore, com-
posé en russe, et traduit en fran-
çais par Formey, sous ce titre bi-
zarre : le Czarowitz ClUor. , con-
te moral de main impériale et de
maîtresse, 1782, in-8°; l\^ Biblio-
thèque d'Iusioire et de morale.
C'est une histoire abrégée de la
lluâsie, avec des contes moraux
CAT
pour servir à l'instruction des pe-
tits-fils de la tzîirine. 5° Ohg,
drame historique, traduit en fran-
çais du russe de Derschawin; G"
Lettres à Zimmermnnn, inséréfei
dans le tome III des Archives
littéraires; 7" Divers autres Opas-
cules, soit en russe, soit en alle-
mand, qui sont rudiqués dans \e%
bibliographies allemandes. On à
cilé une fou le d'anecdotes sur PiBi-
péralrice Catherine; mais nous
nous contenterons de rapporter
quelques-uties de celles qui la ca-
ractérisent le mieux, et qui sont
authentiques. Lorsque Gustave III
déclara la guerre à la Russie, il lui
adressa tin manifeste, où il annon-
çait ses prétentions avec hauteuf
et en termes peu mesurés, La tra-
rine fit faire des copies de ce aia-
nifeste, qu'elle envoya aux di-
vers ambassadeurs qui étaient à
Pétersbpurg. M. de Ségur s'élant
ensuite présenté à la coUI" : « fih
rtbien, lui dit Catherine, avet*
» vous lu le manifeste de Gustave^
» — Madame, répondit l'ambassa-
wdeur, on croirait que ce prince
»a déjà gagné trois batailles sur
» votre majesté. — Quand il en au-
nraitgagné quatre, répliqua latza-
»rine, et quand même il serait
«maître de ma capitale, je lui le*
«rais voir ce que peut le courage
«d'une femme sur les débris d'un
«grand empire.» Dans sa société
intime, elle admettait quelque-
fois des ambassadeurs, des gêné"
raux et des gens de lettres. Elle
leur adressa un jour cette ques-
tion : V Que pensez-vous que j'eus-
»se voulu être, si je n'étais pas
»née femme? -^ Homme de let-
))tres, dit quelqu'un. —Plutôt gé'-
«néral, dit M. de Ségur. '— Vou*
CAT
j vous trompei, répondit Callicri'-
uD€, je ne serai* iainai* parvenue
iȈ ce grade, je me serais fait
«tuer lieutenant à la première
• charge.» La bonté et l'indulgen-
ce s'alliaient très-bien avec ce ca-
ractère fier et impétueux. Un in-
lendaot militaire vint se plaindre
ù la tzarine d'un fournisseur qui
avait compromis le service, et il
demandait une punition exem-
plaire contre le délinquant. « Fai-r
»tes-le venir, dit Catherine, et je
» luiparleraicn particulier. — Mais,
omadaatc, reprit l'intendant, il
0 vaudrait peut-être mieux le ré-
• primander en public. — Ce n'est
«point là ma manière, répliqua la
«princesse, j'aime à récompenser
• tout haut, mais je punis tout
0 bas. 1) En terminant cette notice,
nous «lemandvrons à nos lecteurs
ce que serait à préscat l'Europe,
si Catherine eût régné en même
temps qtie Napoléon. •
CATHERINE ( Sopiiie-Doro-
THÉE - Frédéuiqce ) , cx - reine de
AVestphalie, à présent princesse
de Montfort , scew du roi régnant
de Wurtemberg, née le 21 février
1780, mariée, le 12 août 1807,
au prince Jérôme Bonaparte. La
fortune l'a fait naitred'uiie maison
souveraine, la nature lui a don-
né tout ce qui convient à la ma-
jesté du trône pour l'embellir, et
au pouvoir pour le rendre cher
aux hommes. Il n'y a pas de cou-
roime on Europe (|ui n'eftt été
bien placée sur la tête de la prin-
cesse Catherine. La beauté , qui
est aussi une puissance, se joint
«n elle aux manières les plus no-
bles et les plus alfables. Sa vertu
est doucp et sans ostentation; son
e&prit singulièrement cultivé, ca-
CAT 211
che son étendue sons une grâce
piquante et négligée ; son âme est
de celles que Bossuet eût appelées
autrefois une à/ne. toute royale;
l'élévation de cette âme à la fois
sensible et courageuse, fournit
du moins une belle page aux mé-
nmires de la royauté européenne.
Cette page la voici, c'est la reine
CallK'rine qui l'écrit elle même.
Après la première invasion qui
enleva à Napoléon cette France
immense, dont il n'avaitpas vou-
lu céder un village pour la cou-
server, le roi de Wurtemberg,
qui devait sa couronn^^ à ce grand
homme, ordonna à la princesse
sa lille de se sép;uer de l'époux
dont il avait lui-mêpic, sept ans
auparavant,sollicité et obtenu, l'al-
liance. Les lettres suivant<;s,dont
nous garantissons raulhenticité ,
et dont les dates attachent à U
princesse Catherine un car acte rq
historique d'un si touchant inté-
rêt, répondireat ai^x ordi'cs réité-
rés du roi son pèj-e.
Paris, te 17 avril i8i4-
Mon Irès-chçr père ,
Je viens de recevoirla lettre du
\'Z avril que vous avez bien vou-
lu m'écrire; elle m'estparvenu(?le
lendemain du jour où Âl. de W int-
zingerode m'avait fait faire les ou-
vertures dont vous l'avez char-
gé. Mes précédentes lettres ont 4i>
vous prouver quelles étaient meji
irrévocables résolutions. Quelles
qu'aient été toute ma vie, ipQa
cher père , ma teridresse et ma
soumission à la moindre de vos
volontés, vous ne pourrez vous,
même me blâmer si dans une cir-
constance aussi importante , jq
me vois oblij^ée dç n écx^iutfir qu^.
212 CAT
ce que le devoir et l'honneur me
dictent. Unie à mon époux par des
liens qu'a d'abord formés la poli-
tique, je ne veux pas ici rappeler
le bonheur que je lui ai dû pen-
dant sept ans; mais eût-il été pour
moi le plus mauvais des époux ,
si vous ne consultez, mon cher
père , que ce que les vrais princi-
pes d'honneur me commandent ,
vous me direz vous-même que je
ne puis l'abandonner lorsqu'il de-
vient malheureux, et surtout lors-
qu'il n'est pas cause de son mal-
heur. Ma première idée , mon pre-
mier mouvement ont été d'aller
me jeter dans vos bras, mais a-
vec lui, avec le père de mon en-
fant; je comptais trouver en vous
toutes les consolations que me
promettent, dans votre lettre, vos
sentimens paternels; mais seule
je ne puis songer à chercher un
asile sûr : où serait d'ailleurs ma
tranquillité , si je ne la partageais
avec celui auquel je dois aujour-
d'hui, plus que jamais, mes con-
solations. Mon cher père, je me
jette à vos genoux, et vous sup-
plie de considérer ma position et
les devoirs qu'elle m'impose. Ne
consultez pas la politique, mais
seulement les devoirs les plus sa-
crés de père , et ceux d'une épou-
se et d'une mère; et voyez si en
manquant à mes premiers devoirs,
je serais capable de respecter les
autres.Considérez tous ces motifs,
et veuillez vous pénétrer que les
principes les plus sacrés peuvent
seuls m'engager à refuser toute of-
fre de grandeurs et de fortune que
je dois à vos bontés, et qui m'em-
pêcherait aujourd'hui de remplir
mes devoirs de femme et de mè-
re. J'ai dû vous faire connaître
CAT
ici, de Paris, où vous ne pouvez
supposer l'influence de mon ma-
ri, cette irrévocable décision. Au
désespoir d'encourjr par-là peut-
être votre disgrâce , je puise mon
courage dans la conviction de me
rendre du moins plus digne en-
core de votre estime, persuadée
qu'avec le temps vous me rendrez
justice, que vous vous direz inté-
rieurement que je n'ai pu agirau-
trement sans hie manquera moi-
même, et que les devoirs de fille
tendre et soumise que j'ai rem-
plis toute ma vie, devaient être
pour vous la garantie que je rem-
plirais également ceux d'épouse
et de mère. Veuillez, mon cher
père, accorder votre bénédiction
du moins aux intentions pures
qui me dirigent; songez que le rê-
ve du bonheur est fini pour moi,
et que je ne puis plus trouver de
consolation ni de dédommage-
ment que dans l'affection et la
tendresse des miens. Que Dieu
que j'implore veille sur vos jours
et les rende heureux. Mais si un
jour ils étaient altérés par l'infor-
tune, vous me verriez, mon cher
père, à vos pieds tâcher de les a-
doucir, et vous porter d'aussi
grands sacrifices que ceux que je
fais maintenant pour mon époux.
Je suis, etc. Signé Catherine.
Après l'abdication de Fontai-
nebleau, le roi Jérôme avait sui-
vi à Blois l'impératrice, et il partit
pour Berne, où il comptait s'éta-
blir. Ce fut dans l'intervalle de
ces deux voyages que la reine fut
arrêtée et volée à quelques lieues
de Paris, sur la route de la Suis-
se, par le marquis de Maubreuil,
ex-chouan, qui avait été attaché,
à Casseljà cetteprincesse, en qua-
CAT
lité d'écuyer, et à son époux ,
comme capitaine des chasses. El-
le dut descendre de sa voiture par
l'ordre de celui qui l'avait tant de
fois escortée quand elle régnait ;
elle se vit dépouiller de tous ses
diamans, de tout son argent, et
pour comble d'infortune, elle fut
réduite à recevoir de ce brigand,
sur l'argent qu'il lui enlevait , u-
ne somme de 5o louis, pour pou-
voir arriver à Berne, où le roi
l'attendait. Un profond mystère
a couvert pendant quelque temps
cet inconcevable attentat, qui pa-
raît n'être qu'un épisode d'un
crime plus vaste. Le récit de ce
complot faisant naturellement
partie de l'arlicle destiné à celui
qui en fut l'agent, nous y ren-
voyons nos lecteurs, {f^oycz Mau-
BREi'iL.) Le courage delà princes-
se, que la perte du trône, ni les
ordres d'un père, n'avaient pu é-
branler, dédaigna cette nouvelle
adversité. Elle arriva à Berne où
elle trouva son époux. C'était l'u-
nique objet de son désir; mais ce
ne fut pas le terme de ses infor-
tunes. Son père la poursuivit en-
core dans cet asile avec toute sa
puissance royale, et la lettre sui-
vante répondit ainsi à cette nou-
velle persécution.
Berne, le i" mai i8i4.
Mon très-cher père ,
M. de Linden m'a remis, àson
passage à Neufchâtel, votre let-
tre du i6 avril, et de plus il m'a
transmis verbalement vos inten-
tions. Je ne vous cacherai pas que
c'est avec un chagrin bien sensi-
ble que j'ai vu, dans une conver-
sation d'une heure et demie, que
vous persistez dans votre désirdc
CAT ii3
me séparer de mon mari, chose
que je ne puis concevoir, etqui ne
peut pas plus entrer dans ma tête
que dans mon cœur. Forcée par
la politique d'épouser le roi mon
époux, le sort a voulu que je me
trouvasse la femme la plus heu-
reuse qui puisse exister. Je porte
à mon mari tous les senliuiens
réunis, amour, tendresse, esti-
me; en ce moment, le meilleur
des pères voudrait-il détruire mon
bonheur intérieur, le seul qui me
reste? J'osevousledire, mon cher
père, vous, et toute ma famille,
méconnaissez le roi mon époux ;
un temps viendra, je l'espère, où
vous serez convaincu que vous l'a-
vez mal jugé, et alors vous retrou-
verez toujours en lui comme en
moi les enfans les plus respectueux
et les plus tendres. L'événement
affreux auquel j'ai été exposée, n'a
heureusement point influé sur ma
santé; mais les secousses fréquen-
tes que j'ai essuyées, et surtout
la proposition de me séparer de
mon époux, m'ont non-seulement
mise au désespoir, mais ont pres-
quccompromisl'existence de l'en-
fant que je porte dans mon sein ;
M. de Linden en a été le témoin
et peut vous l'assurer. J'ose me
jeter ù vos genoux, ô le meilleur
des pères! et vous conjurer de
vous désister de cette idée, car
ma résolution et mes principes
sont inviolables à ce siijet, et je
n'aspire qu'à la tranquillité et au
i;epos. Il me serait cruel de de-
voir encore entrer dan? des con-
testations vis-à-vis d'un père que
je chéris, et que je respecte plus
que ma vie. C'est dans ces senli-
incnsque jevous supplie d'agréer,
etc. Signé Catherine.
*i4
Cat
De Berne, les deux époux se
rebdireiit à Gnits, et de li'i à Trics-
tc . d:ins l'intenfion de s'y fixer.
La nature , qui seule pouvait con-
soler la princesse de tant demal-
heui'^, lui donna, dans celte vil-
le, sou pnemier enfant. Devenue
mère, elle oublia, pour ne plus
s'en souvenir, qu'elle avait été
reine , et elle pardonna entière-
ment à la fortune. A l'époque du
débarquement de Napoléon au
golfe Juan, le prince JérOme se
rendit à Naples, et la princesse
dut retourner à Gratz; mais sur
ses instances réitérées, l'empe-
reur d'Autriche venait de 'lui ac-
corder des .passe-ports pour Na-
ples, et elle était au moment de
partir, lorsqu'un officier-général
vint lui apporter Tordre du roi
son père de se rendi"e, avec son
fils, dans le Wurtemberg; et, en
Cas de refus, il la menaça d'em-
ployer la violence pour l'y con-
traindre. La princesse était mère:
elle dut obéir, et se résigner à
devenir la prisonnière de son pè-
re. Elle fut forcée de se séparer
de toutes les personnes de sa sui-
te ; on ne lui laissa qu'une fem-
me pour son fils et un î?ecrétrtire ;
et, de cette manière, elle arriva à
Gappingen, lieu fixéparson père
pour sa résidence, et où son é-
poux 'la rejoignit, après avoir
inutilement lutté à Waterloo co«-
<ie la fortune, qui précipitait sa
famille pour la 'seconde J'ois,
"(/^qj^ez Bonaparte .Iérùme. ) Pieu
de tenips après, leur résidence
fut transférée au châtean d'Eii-
vangen, où ils furent trmtéscom-
me des prisonniers d'état. Le rOii
nvait donné à son genAi-e le titre
de prince de Mofrtfort. Deux^nB«*
CAT
prés, la pHncet^eeutla permission
de s'exiler avec son époux, et d'al-
ler loin de son pays natal s'établir
en A utrichiXIn second enfant, une
fille née à Trieste, ne laisse plus
rien à désirer à cette prince&se, si
digne du rang auquel sa naissan-
ce et la politique l'ontélevée mo-
mentanément. Elle se croit plus
que reine, elle e>st heureuse épou-
se et heureuse mère.
CATlNEAîU- LAROCHE, an-
cien imprimeur, fut, en 1810, ins-
pecteur des douanes en Illyrie;ett
1811, chef de bureau à la direc-
tion de l'imprimerie et de la li-
brairie; en 181Ô, secrétaire-géné-
rtfl de la préfecture de l'Aine, et
en i8i4* sous-préfct de l'arron-
dissement de Saint-Quentin. M
exerça ces dernières fonctions
jusqu'au mois de mai i8i5: de-
puis, M. Calineau a reçu pour les
colonies plusieurs missions du
gouvernement. H a autrefois pu-
blié : 1° Dicùonnaire de pocItCy
composé sur le système ort/io^a-
phiffue de Mohair p, 1798, in-i(>.Ce
vocabulaire a été réii»piimé qua-
tre ou cinq foisiu- 1 "i'^i" iiéfle.rio»ji
suriaiibrmrie, 1807, in-S"; 'h° Ob-
servations et projet de décret sur
la librairie, 1806, in-4". M. Bon-
net a travaillé avec lui à la rédac-
tion de celte dernière brochure.
CATRUFFO (.Toseph), musicien
compositeur, fils d'un officier es-
pagnol, embra&sa d'abord lacar-
r>(^e militaire, la 4]uilta pour se
livrer à la composition musicale,
fut arraché à ses études par èes
événemens 4e la révokitiuB, et
rentra au service. \\ a faàt toutes
los campagnes d'italit;, atiaclié
aux états -majors, .adjudant de
place û Diana-Marina, riiviène d«
CAT
Oènes, il s'y défendit courageuse-
ment, à la tête de la population
de cette ville, contre l'attaque
d'une escadre anglaise. Parvenu
augradedecapitainedansle corps
du génie, il quitta le service 4
l'époque où le roi Joachiin MupU
fit la paix à Florence j;ivec les
puissances coalisées, et il se reti-
ra à Genève pour s'adonner tout
entier à la musique : plusieurs 0-
péras français et quelques beaux
jnorceaux de musique sacrée, ont
commencé dans celle ville sa ré-
putation de compositeur. Ses
principaux ouvrages sont un
Ckrislus sanctus exécuté à Genè-
ve au profit des pauvres; des / 0-
c«/iye*pu éludes pour la voix, a-
dppléesaux classes des conserva-
toires de Paris et de Milan ; une
nouvelle méthode de solfège pro-
gressif, applicable à un et plu-
sieurs élèves à la fois. I/ai-entU'
lier, opéra-comique en tro|s ac-
tes, paroles defll. Lieber; Félicie,
x»péra - comique en trois actes,
paroles de Dl. Dupaty; ttne Ma-
Linî't (le Frontin, opéra-cornj-
que en uo acfe, paroles de M-
l^ieber; la Fill^ rqinanasqup, p4-
rpjep de M. Pupqty; la jiotqillc
4e Denain, pppra-pomiqqe en
trois actjes; Ipx Jvtughsfiç Fran-
cotuillfi, 0{Ȏrg T comique en uo
acj«; 1(1 Fée l/rgele, opér^-cpini-
que en trois actes. Ces diyers o-
pér^^-comiqu^^, repr^s^entésù Pij-
ris avec plus ou muin» de suc-
cès, am^oncçnt un |a)cnt musical
très-distingué, tout en prouvant
qpe l'auteur, bon ^Aj-mo/^iste, élé-
gant d*fls spfl style et souvpi^thPM-
rieuf. dan^ Je d,essein d.c ^es cb^ptâ^
n'avait point encore à pette ♦>-
poqujc ^uflisamment étudié la prp-
CAU
zxTx
sodie française. iM. Catruffo,
maintenant fixé A Paris, a publié,
en 1811, un livre fort curieux,
intitulé Bartme musical, ou l'Art
de composer la musique sans en
connaître les principes.
GATT EAU-GALLE VILLE
(jEAN-PlEBBE-GliILI.il'ME), UC de
par»>ns français, réfugiés à An-
germunde en Brandebourg. A-
près avoir exercé en Suède le
saint ministère, il vint en Suisse,
puis en France, où il fit paraî-
tre divers ouvrages. San§ parler
do quelques essais publiés dans
sa jeunesse, on lui doit un Ta-
bleau général de la Suéde (Lf^u-
sanne, 178g, 2 vol.); un Tableau
des états Danois; un Ta.hleau d^
la mer Baltique, et une bonne His-
toire de Christine, reine de Siiède
(Paris, 181 5, 2 vol. in-8"). Peu
de vues nouvelles et peu d'origi-
nalité dans le style: mais delà lu-
cidilé, de Ifi véracité et quelqiJC-
|ois de la concision, distinguent
pet écrivain qui a travaillé à plu-
sieurs recueils et ouvrages pério-
diques, etc. G4ltei:tu-Gal|cville est
Pïovti^ P^risle igm»» »8«9, âgé
de 6q ans.
CAlJCHOîS-Lïi:]VlAIRf'HI^o^»»-
^VGvi^TiJi-FfkAiiÇQis). L'histoire de
ce jeune et savant liltéralcnr n est
encore qqe celle de. ses iuforluaes.
JSé ît Paris le 38 août 178$), il em-
brassa, 9U sorlir du collège où il
avait fa^t d'excellentes éludes, la
carrière de l'iustrucliop j>i)bliq»io,
qu'il quitta, en 1814, pQur ouvrir
un cabinet lillérairc, parljculière-
inenl consacré ^ux élvdiaus. De-
venu à pelle éppqge propriélai-
du Journal des arls et de ta litlé-
rff4urv, il cncootinud la publica-
tion 10119 le litre de iV a in--/ aune ,
iii6
CAU
celle feuille où les opinions politi-
ques les plus conslilutioimelles
élaient présentées sous les formes
les plus piquantes, fui supprimée
en 181 5. M, Cauchois-Lemaire
revendiqua dans les Fantaisies,
qui devaienl faire suite au Nain-
Jdiine.la solidarité politique d'u-
ne rédaction à laquelle il n'a-
vait pris qu'une f.iible part.
Les Faiitnisit's eurent, dès le
premier cahier, le sort de la feuil-
le qu'elles remplaçaient. L'édi-
teur qui ne se croyait pas dispensé
par ces actes de l'autorité, de
remplir ses enj;ageniens envers
ses abonnés, obtint, par intermé-
diaire et en société, le privilège
du Journal des arts et de la poli
tique; cette feuille fut encore sup-
primée au 24""- numéro, sous le
prétexte d'un article revêtu du
visa de la censure, où l'on plai-
gnait le sort c^e l'illustre Carnot.
La ruine de cette troisième entre-
prise porta le dernier coup à la
fortune de M. Cauchois-Lemaire,
qui se vit contraint de se réfugier
en Belgique, pour se soustraire
aux persécutions dont il était
l'objet. Arrivé à Bruxelles, il y
publia le Nain- Jaune réfugié,
dont il fut un des principaux
rédacteurs; à cette feuille suc-
céda \g vrai Libéral, Lin article
de ce journal quotidien, relatif à
l'Espagne, valut à M. Cauchois-
Lemaire un procès qu'on lui in-
tenta, au nom de sa majesté ca-
tholique, et qu'il perdit. Vers le
même temps, dix-neuf Français,
volontairement réfugiés en Bel-
gique, furent portés par un co-
mité de diplomates sur une liste
additionnelle à celle des trente-
huit; M. Cauchois-Lemaire fut
CAU
de ce nombre, et reçut en conse-»
quence un passe-port pour Hamf'
bourg, ort il n'avait que faire, et
où cependant on l'obligeait de se
rendre; il partit après avoir pro-'
testé par acte notarié contre la
violence qui lui était faite, au
mépris du droit des gens et des
lois fondamentales du royaume
dont on l'expulsait. S'étant sous-
trait en route à la vigilance des
agens de police, il se rendit à La
Haie, où il reput l'hospitalité la
plus généreuse. C'est dans cet
asile qu'il composa un mémoire
assez étendu à l'appui d'une pé-
tition qu'il adressa aux états-gé-
néraux et qui fut rejetée après
une discussion orageuse. Obligé
de quitter sa retraite où il avait
été découvert, M. Cauchois erra
pendant un an dans les Pays-Bas,
inconnu des personnes qui le lo-
geaient, et en proie au plus pres-
sant besoin. La générosité belge
l'empêcha seule ffy succomber.
Cependant l'ordonnance du 5 sep-
tembre avait en France d'heu-
reux résultats, et M. Cauchois-
Lemaire, qui n'était pas législa-
tivement proscrit, s'en prévalut
pour revenir à Paris. 11 est au-
teur des publications suivantes: i*
Mémoire en appel contre le roi
d'Espagne : un an plus tard, la
logique pressante de cet écrit eût
été mieux appréciée; l'auteur
aurait plaidé contre un roi cons-
titutionnel; 2* Appela l'opinion
publique, et aux états-généraux
du royaume des Pays-Bas, en
faveur des Français proscrits , La
Haie, 18 17. Cet ouvrage, dont les
notes sont de M. Guyet, suffirait
pour placer son auteur au rang
des premiers ptiblicistes et des
CAU
meilleurs écrivains de l'Europe
dans le genre judiciaire ; 5° flts
trois Projtls dt ioi sur Itx puhli'
cations^ Paris, 1 8 19 ; 4° d*^" Naples
et de la déctariuion ut- Laybach,
Paris, 1821 ; 5° dts Jésuites, par
dylltnibert,ouvragepréci'déd'un
précis dts doctrine.' et de l'histoi-
re de cette société, et suivi de no-
tes et d'éctaircisseniens, 1 vol. in-
18, Paris, \9>'i\',Q''' )pusridcs Pa-
ris 1H21. C'est un recueil de divers
articles et d'extraits (^'ouvrages
publiés à diiréreules époques et
dans différents pays; 7" Lettre à
MM. deLavau, président des as-
sises, et Ravignan. avocat-géné-
ral,'Paris, 1821. On attribue à
M. Cauchois -Lemaire une part
dans la composition du petit ztl-
manacli législutif. ou la yérité
en riant sur nos députés, 1 vol.
in-12, janvier 1821.
CAUCEIY (Louis -François),
poète latin, est né à Rouen en
1755. Après avoir été commis à
l'intendance de cette ville avant
la révolution, il vint ù Paris, où
il fut nommé, sous le consulat,
garde des archiveset du sceau, et
rédacteur des procès-verbaux des
séances du sénat - conservateur ,
fonctions (pi'il continua d'exercer
sous l'empire avec le titre de se-
crétaire-archiviste, et qu'il rem-
plit encore actuelli-ment auprès
de la chambre des pairs, depuis
l;i restauration, sous le litre de
garde des registres, et rédacteur
des procès-verbaux dos séances.
Son goftt pour la poésie latine,
rfjn'il cultive avec succès depuis
long -temps, l'engage:» à publier
successivement diverses pièces
qui furent mentionnées honora-
bicnient dans le rapport fait, en
CAU 217
1810, à l'institut, pour les prix
décennaux, au nom de la classe
d'histoire et de littérature ancien-
ne. Les principales de ces pièce»
sont : 1° Ode au premier consul,
1 802 ; 2° sur la Rupture du traité
d' Amiens par les Anglais, ode à
Napoléon, i8o5; 5° la Légion-
d'honneur, ode, 180 5; 4° l'Ode
italienne du colonel Groberl,i\^rt-
poleone al Danubio, traduite en
vers héroïques latins, i8o5; 5* /a
Marche de la. grande-armée, ode,
180 5; Q' la Bataille d^Auslerlitz,
dithyrambe, avec une traduction
française, 1806. Cette pièce est
regardée comme une des meil-
leures; y'Nereus vœticinator (les
prédictions de Nérée), petit poii-
me sur la naissance du roi de Ro-
me, 1811. Toutes ces pièces sont
écrites en latin; l'auteur a fait
aussi des poésies françaises. Sim-
ple chevalier de la légion-d'hon-
neur sous Napoléon, M. Cauchy a
été nommé, parle roi, officier de
la même légion, le 8 janvier 181 5.
CALLAINCOURT (Armand-Ad-
GUSTiN-Loris de), duc de Vicen-
ce, lieutenant - général , grand'
croix de la légion-d'honneur, et
des ordres de Saint-André de Rus-
sie, de Léopold d'Autriche, de
Saint-Iîubert de Bavière, de la Fi-
délité de Bade, etc., est né ù Cau-
laincourt, en 1775, fils du mar-
quis de Caulaincourt, officier-gé-
néral, qui n'a jamais été attaché
au service personnel de la maison
de Condé, quoiqu'on ait affecté
de publier le contraire, et de la
marquise de Caulaincourt, dame
de Madame, comtesse d'Artois. La
vie du général Caulaincourt, de-
puis 1788 jusqu'en i8i4j f"t ex-
clusivemcul partagée entre se»
ftiS CAU
fonctions politiques et ses deroir»
militaire!-. Il entra au service à
i5 ans, fut successivement sous-
lieuttisant, lieulenant, ensuite
ca|)ilairie, aidc-de-cainp de son
père, puis oincicr d'élat-inajor
dans la division Harville : en 1 792,
destitué, mis en prison, il n'en
sortit que pour être appelé par la
réquisition; et rentra dans les
rangs de Tarmée, où il servit pen-
dant trois ans , comme grenadier,
puis comme chasseur à cheval. Il
Jïit réintégré dans son grade de ca-
pitaine, eu l'an 5, sur la deman-
de du général Hoche : ce brave
lui fit rendre celte justice, «pour
«le récompenser d'avoir préleré
«l'honneur de combattre pour son
»pays, à la facilité qu'on trouvait
«alors de se faire mettre en ré-
»>quisition dans une administra-
,»tion pour échapper aux fatigues
«et dangers de la guerre. » Aide-
de-camp du général Aubert JDu-
bayet, et chef-d'escadron, il l'ac-
compagna à Venise, après la dé-
faite de Wurmser, dans la glo-
rieuse campagne d'Italie, puis à
Gwîstantinople, où ce général é-
tait alors ambassadeur de la ré-
publique, .Ici commence la car-
rière diplomatique , où M. de
Caulaincourt s'est fait un nom ho-
norable. En l'an 5, il fut chargé
d'accompagner à Paris l'ambas-
sadeu;- ottoman. En l'an 7, il com-
mandait le 2"" de carabiniers,
fit fut blessé de deux coups lie
feu, l'année d'après, à l'affaire de
WeJnheim, où il cotmuandait. A-
pj-ès \iï paix de l'an 8;, le colonel
CaulaLncourt fut.ejovoyé à Péiers-
botirg, pour renouer les rela-
tions de la France avec l'em-
pereur Alexandre, qui Tjenait de
CAU
monter sur le trône de Russie^
c'est de celte mission importante
que datent l'estime et la confian-
ce dont ce soijverain n'a cessé
d'honorer M. de Caulaincourt; cet-
te mission dura six mois. De rC"
tour en France, il préféra au gra-
de de général de brigade, qu'il 9-
vait déjà refusé du général Mq-
reau , dans la fameuse campagne
de llohenlinden, le commande-
ment de son régiment de carabi-
niers, qui s'était illustré dans les
mémorables affaires de Moiis-
kirch, au passage du Danube, à
ISéresheim, etc. La même année
(en l'an 10), il fut appelé par le
premier consul, dont il devint le
troisième aide-de-camp par son an-
cienneté dans le grade de colonel.
Dès cette époque, le service de
la maison du premier consul se
trouvant partagé entre ses aides-
de-camp, selon l'usage établi aux
armées, par les généraux en chef,
celui des écuries et de tout ce
qui y était réuni fut confié au gé-
néral Caulaincourt, qui, àl'avéne-
ment de l'empereur, se trouva na-
turellement porté à Ja dignité de
graud-écuyer ; il s'éleva comme
Duroc, qui étant chargé du ser-
vice de la maison, devint grand-
maréchal. Nommé général de bri-
gade, en l'an 1 1, i^. de Caulaifl-
court fut chargé de plusieurs nais-
sions , telles que de former, à
Bruxelles, le ua"" régiment, de
hâter à Strasbourg, la construc-
tion de la flottille destinée à fe-
monter le Rhin jusqu'à Dor(Jrecht,
et de surveiller les intrigues du
ministère anglais, sur les deux ri-
ves du Rhin. Cette mission, qu'u-
ne malveillance perfide a Tonlu
confondre avec laHiission trop Ja-
CAU
meuse d'Etteinheiin, qui eut pour
objet l'arrestation du duc d'En-
ghicn, ne concernait que les in-
trigues et les complots du minis-
tre anglais Drake, contre le gou-
Ternement de la France ttt la vie
du premier consul. La conduite
de M. Drake fut si contraire au
caractère diplomatique , dont il
était revOtu à Munich , qu'il fut
congédié ie 4 mars i8o4 ? par Té-
lecteur de Bavière. {^Monile/ir de
\entme etgerminal, an ^.)M. de
Caulaincourt est tellement étran-
ger à l'arrestation de Al. le duc
d'iioghien, qu'elle avait été par-
ticulièrement conflée par le minis-
tre de la guerix; à un autre géné-
ral, qui en rendit coaiple direc-
tcitient au premier consul , et qui
avait sous ses ordres un olTicier-
général , 5oo hommes, et un co-
lonel de gendarmerie, qui iut
l'exéculeur de cette fatale arresta-
tion. 11 est de notoriété publique,
et de nombreux témoignages de
Vous les partis ont confirmé, qu'>i
l'instant même où cette arrestation
se faisait à Etleinbeim, M. de (Cau-
laincourt était sur la roule d'Of-
fenbourg, ponr l'exéciilion des
erdres dont il était cJiargé. La Ho
vue c/iroiioiogif^ue , renfermant
«ne lettre du ministre des rela-
tion» extérieures au ministre de
l'électeur de Bade, au sujet des
Tioialions de teiritoire exécul<;e9
à Offenbourg et à Etteiobeim;
cette publication nous a mis dans
le cas de rechercher la part réelle
qu'opuyavoirlH. deCaulalncoui-t,
et nous tiansrrivons la lettre du
nainistre de» relalious, en vei'tu
de laquelle il expédia cette (K:-
pêA)be à Carlsruhc, par nu ciipi-
t»inc de carabiniers :
CAU ai.)
Le ministre des relations extérieur
res au général Caulaincourt.
Paris, le ai ventôse an la.
« Général , j'ai l'honneur de
«vous adresser une lettre pour le
«baron d'Édelsheim , ministre
«principal de l'électeur de Bade ;
«vous voudrer bien la lui faire
«parvenir, aussitôt que votre ex-
»péditioa d'Offenbourg sera con-
» sommée ; le premier consul me
«charge de vous dire, que si
«vous n'êtes pas dans le cas de
«faire entrer des troupes dans les
«états de l'électeur, et que vous
«appreniez que le général Orde-
» ner n'en a point fait entrer, cet-
»te lettre doit rester entre vos
«mains, et ne pas être remise au
«ministre de l'électeur. Je suis
«chargé de vous recommander
«particulférement de faire pren-
»dre, et de rapporter avec vous
«les papiers de madame Reich.
» J'ai Ihonneur de vous saluer.
»Si^né Q\\. Alau. TALLEYaA>D.»
Cotte lettre, qu'il était tout
naturel qu'on chargeât M. de
Caulaincourt de transmettre par-
ce qu'il était plus près de Carls-
ruhe , prouve, comme l'ordre
antérieurement publié du minis-
tre de la guerre , qu'il y avail
deux missions distinctes, et que
M. deCaulaincourtétaitchargéde
celle d'Offenbourg. La lettre suif
vante, de l'empereur Alexandre,
sous la date du 4 avril 1 8o8, achève
de prouver à quel jioint il fut é-
tranger à l'afl'aire d'Ëtteinheim.
«Je savais, général, par mes mi-
«nistres eu Allemagne, cond>ien
«vous êtes étranger à l'horrible
«affaire dout vous nie parlez.
-> Les pièces que vous me comniu-
aao CAU
sniqiiPî ne peuvent qu'ajouler à
» celte conviction. J'aime à vous
»le dire, et à vous assurer aussi
»de l'estime sincère que je vous
» porte. Alexandre. » Il est bon de
se rappeler que la mort de M. le
duc d'Enghien fut alors la cause
de la rupture de la Russie avec la
France, et que le grand-duc de
Bade, dont le territoire avait été
violé à Etteinheim, était beau-
père de l'empereur Alexandre.
On a prétendu, avec le même
système de calomnie, que M. de
Caulaincourt avait assisté, à Paris,
à la mort du prince. La fausseté
d'une pareille inculpation est en-
core prouvée par les témoignages
de plusieurs fonctionnaires pu-
blics, civils et militaires,- qui les
ont adressés d'office à M. le gar-
de-des-sceaux , en 1816, témoi-
gnages qui prouvent que M. de
Caulaincourt était alors à plus de
soixante lieues de Paris. En i8o5,
M. de Caulaincourt fut compris
dans ijne promotion de 20 géné-
raux de division, et dans celle du
grand-cordon de la légiond'hon-
neur qu'il reçut en même temps
que 47 grands-officiers; et enfin
dans la distribution des titres, qui
furent alors si prodigues, il fut dé-
coré de celui de duc de Vicence.
Sa double qualité de grand-écuyer
et d'aide-de-camp, l'attachait à
toutes les opérations militaires
où l'empereur commandait en per-
sonne: il le suivit dans toutes les
campagnes, excepté à celle d'Es-
pagne et de Wagram, pendant les-
quelles il était ambassadeur à la
cour de Russie. Cette importante
mission dura quatre ans. La part
qu'il eut à l'attitude hostile de
la Russie contre l'Angleterre, le
CAU
maintien de l'alliance, et du sys-
tème continental, si contraire aux
besoins de la Russie; le mauvais
succès de nos alfaires d'Espagne;
la reconnaissance du roi^oseph,
après la capitulation de Baylen;
l'entrevue d'Erfurt, à laquelle s'at-
tachait l'espérance si raisonnable
du maintien de la paix générale,
la Russie déclarant et faisant la
guerre à l'Autriche ; le commen-
cement des affaires de Pologne;
les projets de mariage de l'empe-
reur avec une grande-duchesse;
son mariage avec l'a rchi-duchesse;
enfin tant d'événemens si contrai-
res et si compliqués, qui se suc-
cédèrent pendant cette grande é-
poque de la gloire française , du-
rent placer souvent le duc de Vi-
cence éloigné de sa cour, par une
distance dehuit cents lieues, dans
une position plus que délicate, et
donnent à son ambassade un ca-
ractère grave, un intérêt particu-
lier qui ne doivent pas échapper
à l'histoire. La droiture^la ferme-
té du duc de Vicence surent le
maintenir, au sein de tant de diffi-
cultés, dans l'estime et la confian-
ce du souverain près lequel il é-
tait accrédité, comme dans celles
de celui qu'il représentait. Tou-
tefois, son dévouement à la per-
sonne et à la gloire de Napoléon
ne l'aveuglait pas sur les vérita-
bles intérêts de la France , et la
nouvelle direction que prit alors
le cabinet l'engagea à solliciter
son rappel, qu'il ne put obtenir
qu'en i8i 1. La constante opposi-
tion du duc de Vicence à la mal-
heureuse guerre de Russie, est as-
sez connue. Celte opposition , ses
observations déplurent : ce qui, à
AN'ilna, le décida à demander un
CAU
commandement à l'armée d'Es-
pagne ;. l'empereur n'y voulut
point consentir. A Moscow, il dé-
sira le charger d'aller négi>cier*la
paix à Pétershourg; le ducdeVi-
cence qui connaisîiait l'impossi-
bilité d'une pareille négocialion,
la refusa. Sa dignité personnelle,
autant que sa conviction, lui im-
posèrent cette résistance. Au com-
mencement de la fatale retraite ,
l'empereur confia au duc de Vi-
cence son dessein de revenir ;\
Paris dès que l'armée serait en
position , par l'arrivée des ren-
forts, de s'établir et de se repo-
ser. Ce but parut rempli par la
jonction du corps du général Loi-
son , à deux journées en avant de
>Vilna. L'empereur se décida à
partir, et fit à la fidélité si éprou-
vée du duc de Vicence, l'honneur
de lui faire partager les chances
de son voyage, et de le ramener
de Smorgony à Paris. Après qua-
torze jours et quatorze nuits pas-
sés tCte-à-tête en traîneau ou en
voiture, sous le voile de l'inco-
gnito, M. de Caulaincourt remit
l'empereur dans son palais des
Tuileries, le 18 décembre 1812.
Jamais souverain et sujet n'a-
vaient été rapprochés pendant un
temps aus«i long, et dans une si-
tuation aussi extraordinaire. Elle
sembla avoir accru l'estime et la
confiance de Tempercur pour le
duc de Vicence , de tout ce qu'el-
le avait amené d'épanchemenl de
part et d'autre. Appelé au con-
seil, où il fut question de la paix,
son opposition au système adop-
té l'éloigna de nouveau des .ilTai-
res. A l'ouverture de la campa-
gne, pendant l'absence momenta-
née du ministre des relatlotid ex-
CAU B21
térieures, le duc de Vicence fut
chargé par l'empereur de la cor-
respondance politique, delà né-
gociation de Dresde avec M. de
liubna, ainsi que de la suite deS
propositions inutilement faites à
la Russie , la veille de la bataille
de Dautzen, et enfin, d'une fiou-
velle proposition relative ù un ar-
mistice : il conclut celui de Ples-
witz avec la Prusse et la Russie,
Cet armistice, qui protégeait tous
les besoins de l'armée, donnait le
temps de s'expliquer et devait me-
ner à la paix. Le congrès de Pra-
gue eut lieu; et M. de Vicence,
qui était toujours appelé quand il
fallait concilier , fut nommé plé-
nipotentiaire pour la France. Il
n'accepta que sur la promesse for-
melle de l'empereur, de régler sa
politique sur des basesqui dussent
amener la paix. On sait le résultat
de ce stérile congrès, où la Rus-
sie , maîtrisant la Prusse, ne vou-
lut point négocier, afin d'entraî-
ner l'Autriche. Le temps perdu en
vaines formalités, on eût atteint
le terme fatal de la reprise des
hostilités, si l'estime dont jouis-
sait M. de Vicence, ne lui eût fait
confier hors des formes diploma-
tiques , une note authentique de
l'empereur d'Autriche, qui pou-
vait amener la signature de la
paix en vingt -quatre heures : la
communication qu'il en fit à son
souverain, n'obtint pas le résul-
tat désiré. Napoléon ne put se dé-
terminer à renoncer i\ son systè-
me continental, ni à restituer
les provinces illyriennes : ce re-
fus entraîna l'Autricho.'Napoléon
comptait siir des succès ; mais en
vain , la fortune s'était lassée plus
tôtquc son génie ; c'est ù Lcipsick
aaa CAU
qu'elle l'abandonna pour ne plus
lui revenir, même avec la victoi-
re. Des ouvertures lurent faites ù
Francfort, (/lloniteur du 20 jan-
vier 181 4-) Un congrès fut on con-
séquence projeté à Manheim, et
M. de Vicence, nommé plénipo-
tentiaire. Les témoignages d'es-
time européenne qui lui furent
donnés dans celte mémorable con-
férence de Francfort , et que Na-
poléon confirma en les faisant pu-
blier, contribuèrent sans doute à
le faire appeler au ministère des
relations extérieures: fidèle h se»
principes de modération et de
loyauté, il insista vivement pour
qu'une grande et complète com-
munication des propositions de
Francfort, et une franche décla-
ration des intentions du gouver-
nement , instruisissent la France
de ses dangers et de ses espéran-
ces, et l'appelassent tout entiè-
re à la défense de ses limites na-
turelles. C'était mettre de la che-
valerie dans la diplomatie : ce rô-
le était honorable pour le souve-
rain qui l'eût accepté, pour la na-
tion qui l'aurait rempli, et qu'il
aurait électrisée; mais l'empe-
reur qui vit, avec raison, dans
la prétendue modération des ca-
binets à Francfort, un nouveau
piège tendu à la bonne foi de la
nation, à laquelle cette paix si
désirée pourrait paraître une cer-
titude, et arrêter l'élan nécessai-
re pour sa défense, ne consentit
point à l'entière publicité de la
déclaration proposée par son mi-
nistre. Envoyé près des souve-
rains alliés , et par suite , négo-
ciateur au congrès de Chatillon,
où seul contre quatre plénipoten-
tiaijL'es dtsgrandes puissances, en
CAU
ne comptant les troi.i Anglais qua
pour un, comme dit Roch, il lut-
ta avec plus de courage que de
bcmheur, pour amener la conclu-
sion d'une paix qui ne devait pas
se conclure. M. de Vicence rejoi-
gnit l'empereur et son armée à
Saint-Dizier , et l'accompagnait
près de Paris, lorsqu'il apprit la
capitulation imprévue qui avait
mis la capitale au pouvoir de len-
nemi. Envoyé de nouveau par
l'empereur auprès des souverains
alliés, à Bondy et i\ Paris, les in-
trigues qui s'y tramaient rendi-
rent sa mission inutile; mais il
eut le courageux honneur de lut-
ter pour l'empereur et pour son
lils , de défendre leurs intérêts,
et peut-être balança-t-il un mo-
ment l'exécution des dispositions
déjà arrêtées. Peut - être aussi
est-ce à la promesse faite au duc
de Vicence, par l'empereur de
Russie, et à la fidélité de ce prince
pour sa parole, que Napoléon dut
alors la souveraineté de l'îlo d'El-
be. De retour à F(jnlainebleau,
il fut encore choisi par Napoléon
pour lui rendre le dernier service:
il fut l'un de ses plénipotentiai-
res pour le traité du 11 avril, et
porteur de son abdicati(m. «C'est
Ȉ. vous, Caulaincourt , lui dit
nl'empexeur, c'est à votre fidéli-
» té , à votre honneur, que je con-
))fie mon abdication, s'il n'y a
»pas d'autre moyen de aalut pour
nia France, Défendez sesintérêts
«avant les miens, si tout ne la
j) tralUtpas; et ne remettez mon ab-
yidication, cju' autant qu'on tien-
y>dra les promesses faites pour
T) l'armée, ^y Quand les deux au-
tres plénipotentiaires apportèrent
avec le duc de Vicence, au gou-
CAtî
Terneinent piotisoire, labdica-
tion de renii)fi-eur,eoé('hange de
son accession au traité du 1 1 q-
Tril, et do la garantie du nouvel
t'tat de choses» le président et les
inembreê du gouvernement pro-
visoire demandèrent au duc de
Vicence son adhésion an non-
veau gouvernement , à l'exem-
ple, disaient-ll*. de plusieurs gé-
néraut.*^« Je suis , répondit - il ,
»lc plénipotcntaire et le sujet
»de l'empereur : je ne cesserai
• de l'être que quand il n'aura
«plus besoin de mes services, et
» qu'il m'aura délié de mon ser-
»ment.)) Le maréchal Macdonald
fit la même réponse. En souve-
nir de sa fidélité et de son alta-
chcn)ent. Napoléon donna à M.
de Vicence son sabre et son por-
trait , gravé sur une pierre orien-
tale. Le 20 avril. Napoléon par-
tit de FontaiTicblcau, et écrivit
de sa route à M. de Vicence :« Je
«conserve le souvenir de toutes
"les preuves d'attachement que
«TOUS m'avez données dans ces
«derniers temps, et je vons en
» remercie. Ne doutez jamais de
«tons les scntimens d'estime et
» d'amitié que jo vous porte. »
Chargé spécialement, par l'empe-
reur, des ratifications à obtenir,
et «le l'eiftculion du traité, l'op-
position que montra M. de Vi-
(«nce, la haine qui résulta pour
lui de la rigoureuse fidélité avec
laquelle il remplit ce dernier de-
voir, et les conséquences qu'el-
le» devaient avoir pour lui mf;-
iHC , rien ne l'arrêta ; il arracha
enfin pour l'empereur et pour sa
famille, toutes les garanties ^u 'il
poHvait exiger. Après <;e$ négo-
ciations; Al. d« Vîcettot' M relira
CAli aï*
à la campagne. Le retour de Na-
poléon en mars 181 5, rappela
M. de Vicence à Paris : il dut,
malgré le désir qu'il manifesta
de partager le sort de l'armée , se
charger encore du ministère de»
relations extérieures. Après l'ab-
dication de 181 5, il continua de
remplir envers la France et Na-
poléon, son ancien mandat de fi-
délité et de dévouement. Nommé
membre de la commission du gou-
vernement, il resta, dans celte
circonstance, comme dans tou-
tes celles de sa vie, fidèle à ses
principes d'honneur et de loyau-
té j et protesta un des premier»
Contre la note insérée dans le Mo-
niteur du 8 juillet. Il dut à ses
nombreux amis et à une haute
bienveillance, sa radiation de la
latale liste du 24 juillet, et res-
ta en France. Un incident im-
prévu a troublé un instant la tran-
quillité dont jouissait le duc de
Vicence dans sa retraite. L'ou-
vrage de M. Roch [Campagne de
1814) donne au duc de Vicence
les plus grands éloges, mais aux
dépens du souverain qu'il a ser-
vi ; sa délicatesse , son honneiir le
décidèrent à publier, par la voie
des journaux, une des pièces de
sa con-espondante , qui pouvait
éclairer l'opinion sur les vrai*
motifs qtii avaient empêché l'em-
pereur de souscrire aux condi-
tions de paix du congrès de Cha-
tillon. Mis en jugement pour cet
hommage rendu à la vérité au-
tant qu'au malheur, il fut acquitta
par la cour royale. M. de Vicence-
h'esl facilement consolé de cette
disgrfice,'en pensant que si quel-
que chose peut ajouter à l'hon-
neur d'une actioa généreuse, c'e^
224
CAU
<le souffrir pour l'avoir faite. M.
de Caulaincourt, nommé mem-
bre du sénat- conservateur en
i8i3, l'ut exclu de la chambre
des pairs en 18 14. Retiré de nou-
veau dans sa terre , il s'y livre u-
niquement à l'agriculture : c'est
encore servir son pays.
CAlJLAINCOUriT (Aucvste-
Jeas-Gabbiel, comte de), com-
mandant de la légion-d'lionneur,
grand'croix de l'ordre de la Réu-
nion, etc., etc. , etc. , né à Cau-
laincourt, le 16 septembre 1777,
entré au service en l'an 5 ( 1 790) ,
lue ù la bataille de la Moskuwa,
le 7 septembre 1812, était fils ca-
det de feu le marquis de Caulain-
court, lieutenant-général des ar-
mées du roi , mort sénateur. Il a-
vait été nommé sous -lieutenant
dans le régiment des cuirassiers
du roi , le i4 janvier 1792; aide-
de-camp du général Aubert Du-
bayet, le 8 germinal an 5; lieu-
tenant au i" régiment de carabi-
niers, le 1" pluviôse an 4; capi-
taine au 1" régiment de dragons,
le 9 pluviôse an 5; chef-d'esca-
jdron au même régiment, le 12
pluviôse an 8 ; colonel du 19"" ré-
giment de dragons , le 6 fructidor
an 9 ; aide-de-camp du connéta-
i)le de l'empire, le 20 prairial an
12; général de brigade, le 10 juin
i8o6; général de division, le 7
septembre 1809. Comme capitai-
ne au 1^' régiment de dragons, il
4C0jmmbattit à Stockoch et à Mu-
ihen-Thal, sous les ordres des
généraux Klein.et Mortier , lors-
<que les Russes débouchèrent par
le Saint -Golhard. Il y reçut un
^oup de lance. Comme chef-d'es-
«adron au même régiment, il ne
■*e fit pas moins remarquer à
CAU
Vede-Lago, à l'avanl-garde de l'ar-
mée d'Italie, où il enleva, le 24
pluviôse an 9, à lalêle d'un es-
cadron, 4oo hommes d'infanterie
autrichienne. A Marengo, il fut
blessé d'un coup de feu à la têle,
ce qui lui valut le commandement
du iQ™' régiment de dragons.
Entré en Espagne, en 1808, com-
me général de brigade, il est cité
dans le rapport général de la pre-
mière campagne , comme ayant
commandé en chef, et avec suc-
cès, un corps de 5ooo hommes
de différentes armes, et pour l'a-
voir ramené intact à Madrid, à
l'époque de la déplorable capitu-
lation de liaylen, quoique ses
communications fussent coupées.
Il servit ensuite en Portugal et en
Espagne, de manière à être choi-
si par les maréchaux ducs de Dal-
matie, de Trévise, et d'Elchin-
gen , dont les trois armées ve-
naient de se réunir, pour exécu-
ter le passage du Tage , au-des-
sous du pont de V Aizo-Bispo, le
8 août 1809. {Moiiileiir du 28
septembre 1809.) «Le général
«CaulaincRurt, à la tète des 18' et
» 19' régimens de dragons, tra-
» versa le l'âge, malgré la mous-
«queterie, la mitraille et les bou-
»lets que l'ennemi, six fois plus
«fort que cette brigaél, faisait
«pleuvoir de la rive droite : le
«choc fut terrible; mais ce géné-
»ral manœuvra avec tant d'habi-
»leté que l'ennemi fut culbuté.
» Le général Caulaincourt a mon-
))tré,dans cette affaire, autant de
» sang-froid que de valeur, et prou-
»vé qu'il était officier consommé
«dans son arme. » Commandant
du grand quartier-général , pen-
dant une partie de la campagne
CAC
(le Russie, ami courageux de l'or-
dre et de lu discipline, il allégea
autant qu'il put les inuux insépa-
rables de la guerre. Commandant
le 2* corps de cavalerie composé
de trois divisions, ù la bataille
de la Moskowa, dotit il décida le
succès; c'est là qu'il termina, par
la mort la plus glorieuse, la plus
honorable carrière. Le i8* bulle-
tin de la grande arm/'e datée de
Mojaïsk , le lo septembre 1812,
rend compte , ainsi qu'il suit , de
cet événement : a Le général de
division, cointe de Caulaincoiirt,
commandant le 2"" corps de ca-
valerie , se porta à la tête du 5*
régitricnt de cuirassiers, culbuta
tout , entra dans la redoute de
gauche par la gorge ; dès ce mo-
ment la bataille est gagnée! ,
Le comte de Caulaincourt qui
vient de se distinguer par cette
belle charge, avait terminé ses
destinées ; il tombe mort, frappé
par un boulet : mort glorieuse et
digne d'envie!!!... »
CAUMAKTIN (Jàcqces-Étien-
KE ), fils d'un notaire de Châlons-
sur-Saônc, et né dans cette ville,
en 1769. Ses parens le destinaient
à l'état ecclésiastique,' mais la ré-
volution vint lui fermer une car-
rière <jui n'était pas de son choix;
il embra>*sa le commerce. Parli-
sand une monarchie coustitution-
nelle, les excès qui préparèrent
et suivirent la chute du trône ,
trouvèrent en lui un énergique
désapprobateur; au^si paya-t-il,
en i7<)'4« d'une captivité d<; neuf
mois, sa résistance à l'oppression
révolutiofmaire. Un riche maria-
ge qu'il contracta , presqu'au sor-
tir de sa pris(M), l'amena dans le
département de la Côte-d'Or, pour
CAU
225
y exploiter les forges dont il était
devenu propriétaire. Jusqu'eo
1814, M. Caumartin n'exerça
d'autres fonctions publiques que
celle de maire de sa commune,
et n'eut d'autres devoirs politi-
ques à remplir que ceux d'élec-
teur. Obstiné à ne voir dans la
première comme dans la seconde
invasion, qu'une funeste inter-
vention de l'étranger dans les af*
faires. de son pays, il s'y opposa
de tous ses moyens ; et dans le
nouveau système de réaction que
firent prévaloir les désastres pu-
blics , à cette époque, il fut
qualifié de révolutionnaire, d'en-
nemi du roi légitime, et comme
tel destitué de ses fonctions mu-
nicipales. C'est à cette injuste
persécution, à des actes de la plus
généreuse bienfaisance exercés
pendant la disette de i8it>, à des
talens connus et rehaussés par un
noble caractère , que M. Caumar-
tin fut redevable de sa domina-
tion à la chambre des députés ,
par le département de la COte-
d'Or, en 1817. Arrivé i Paris, il
se réunit à quelques-uns de ses
collègues pour former ce noyau
d'opposition nationale que depuis
on a vu se grossi», et dont le zèle in-
fatigable et les efforts plus qu'hu-
mains, ont acquis <\ cette mino-
rité, vraiment héro'ique, l'éternel-
le reconnaissance de la patrie.
Certains biographes, sous la plu-
me desquels la vérité elle-même
a l'air du mensonge, oui fait hon-
neur à M. Caumartin d'avoir le
premier proposé d'appliquer le
jury aux délits de la presse. Il a
soutenu cet amendement avec au-
tant d'éloquence que d'énergie ,
mais il n'en est^as l'auteur. Dans
i5
226 <:aij
1.1 discussion du vote annuel sur
Je recrutement, il posa en prin-
cipe que la charte était, de fait et
de droit, un véritable cou Irai cu-
ire la naljon^t le monarque, mais
que celui-ci ayant stipulé seul ,
pour les deux parties, ce que la
charte n'avait pas prévu devait
s'interpréter nécessairement en
laveur de la partie qui n'avait pai
été consultée dans la rédaction du
contrat. Cette opinion étonna par
6a hardiesse autant qu'elle frap-
pa par son évidence. En iH ip, M.
Caumartin était membre de la
commission qui fut appelée à faire
une proposition sur le sort des
bannis, et il avait été choisi
pour être le rapporteur du vole
émis en leur faveur. Mais des in-
trigues ministérielles étant par-
venues ù faire revenir un des mem-
bres de cette commission sur l'o-
pinion qu'il avait primitivement
émise, un autre rapporteur fut
choisi ,#et dans la séance du 17
mai, M. Caumartin obtint seul
la parole , pour plaider la cause
de la patrie et de l'humanité. De-
puis cette époque les questions
de finances sont les seules aux-
quelles ce député ait pris part; des
connaissances pi^fondes et posi-
tives, une investigation que rien
ne lasse , et surtout une bonne foi
avec laquelle il n'y a point de
transaction possible, donnent, sur
cette matière importante, le plus
.grand crédit à ses paroles. M.
Caumartin, en 1820, avait propo-
sé au gouvernement de fonder, à
ses frais , une école de dessin li-
néaire, pour l'instruction des jeu-
nes artisans, à la seule condition
que celte école porterait le nom
(V Ecole van Loo , attendu qu'il
CAD
voulait consacrer, à cette fonda-
lion, la part qu'il avait eue dan»*
la succession de Jules van Loo,
son neveu , dernier rejeton de
cette famille de peintres célèbres.
Cet ancien élève de l'école Poly-
technique, oflicier d'état- major
plein de talens et d'espérances ,
avait été forcé de s'expatrier par
suite des troubles de 181 5, et a-
vait trouvé la mort sur la terre
d'exil. Cette offre d'abord accep-
tée, puis retardée dans son exécu-
tion, a été définitivement repous-
sée par le ministère de 1821, qui,
sans doute, a pu craindre que le
souvenir d'une cruelle injustice
ne ITit perpétué par une institu-
tion utile. En morale , une bonne
action fait pardonner la cause in-
juste qui l'a produite; en politi-
que, on commande l'oubli, mais
on n'accepte pas le pardon.
CAUSANS (Jacques de Yiscess,
MARQUIS de), membre de la cham-
bre des députés, est né au château
de Causaus, près d'Orange, en
1751. M. le marquis de Causans
était colonel lorsqu'il fut choisi
par la noblesse de la principauté
d'Orange, pour la représenter
aux états-généraux assemblés en
1789. Il fut du nombre des mem-
bres de cette assemblée qui réser-
vèrent leur éloquence pour les
discours de salon : il n'aborda
point la tribune, mais il signa la
fameuse protestation de la mino-
rité de cette époque, qui ne de-
vait pas s'attendre à devenir la
majorité en i8i5, M. de Causans
est un de ces hommes qui peuvent
à juste titre se féliciler d'un quart
de siècle passé dans l'inaction ;
plus on le voit agir, plus on lui
sait gré de son repos. Il n'en est
CAU
guère sorti sous l'empire que pour
présider le collège d'arrondisse-
iiient d'Orange , en 1811. Le dis-
cours queM.de Causans pronon-
ça, à l'occasion de cette présiden-
ce, était, dit-on, une pompeuse
apologie de l'ordre de choses a-
lors établi ; et fait comme mor-
ceau d'éloquence , pour mériter
à son auteur une place dans une
assemblée où le silence était lui
premier devoir: aussi fut-il can-
didat au corps-législatif. Le aô a-
vril 1814. il fut»élevé par le roi
au grade de lieutenant- général;
mais depuis cette époque, admis
ù la retraite, il a cessé de figurer
sur la liste des olliciers actifs de
l'armée. Il faisait partie, en qua-
lité de député du département de
Vaucluse, de cette chambre, aux
travaux de laquelle la salutaire or-
donnance de septembre i^iiG mit
si à prupos un terme. M. de Cau-
sans, réélu député parle même
département, fut fidèle au silen-
ce qu'il avait observé pendant
l'assemblée ctmstituante, et qu'il
avait gardé avec le même scrupule
dans la chambre de 1 8 1 5 ; il ne l'a
rompu que deux fois depuis : la
première, dans la séance du 4
mai 1817, où il prit parti pour la
puissance spirituelle, à l'occasion
des forêts qui avaient appartenu
au clergé, et dont on proposait de
doter la caisse d'amortissement ;
il s'écria que l'époque où l'on vou-
lut réduire les ministres de la reli-
gion ù l'état de salariés, remontait
à celle où les banquiers et les phi-
losophes Turgot, Malesherbes,
Necker, furent admis ù la direc-
tion des allaires. Il demanda à l'as-
semblée, qui ne put s'empêcher
de rire de la ([uestiun : « Si on la
CAU
227
«verrait céder aussi à cet esprit
«qui a métamorphosé tour à tour
»les Français en patriotes, en ja-
ncobins, en automates, en feuil-
i)lans, en modérés, en républi-
Mcains, en bourreaux, en escla-
» ves , et même en musulmans ? »
Il parla, pour la seconde fois, i
l'occasion de la loi sur le recrute-
ment de l'armée, et s'éleva avec
beaucoup de vivacité contre le
mode d'appel proposé par le mi-
nistre de la guerre. «J'ai, dit-il,
"commandé pendant i5 ans un
» régiment qui se recrutait àtlofr.
«par homme; l'infanterie entière
«employait le même moyen, qui
«ne coûterait pas plus de 3à4niil-
» lions par an. Nous avons la paix,
«nous n'avons plus de marine,
«nous n'avons plus de colonies,
«donc nous n'avons plus besoin
«de nombreux enrôlemens. Rcta-
» ùiissez les bataiUons royaux,
» Its grenadiers royaux , les ba-
n taillons proi'inciaux ; reprenez
U les anciennes dénominations a-
» vec les institutions les plus utiles:
«le recrutement forcé n'aura ja-
» mais les avantages de l'usage an-
«cien. (^uant à l'avancement,
>y gardons-nous de J aire germer les
vidées d'ambition démesurée ;
n laissez les artisans à leurs tra~
nvauXj les cultivateurs à leurs
« champs , ne les forcez pas à dt -
« venir des héros. « 31. de Causans
a un fils qui, jadis employé dans
les bureaux de M. Stiissart, pré-
fet de Vaucluse , est aujourd'hui
maire d'une commune del'arron-
dissement d'Orange.
CAUSSIN PARCEVAL (Jean-
.Iacqle»), ancien membre de l'ins-
titut, aujourd'hui membre de l'a-,
cadémie royale des inscriptions «t
228
CAV
belles lettres, et professeur de lan-
gue arabe au collège de France,
a publié les ouvrages suivans: i°
V Expédition des Argonautes, ou
Conquête de In Toison d'or^ poè-
me en 4 ohanls, par Apollonius
de Rhodes, traduit pour la pre-
mière fois du grec en français ; 2°
Histoire de Sicile , par îSovairi ,
traduite de l'arabe. 3° Voyages
en Sicile , dans la grande Grèce
et dans le Levant , par le baron
de Riedcsel ; 4* Supplément aux
Mille et une Nuits ; 5' le premier
chapitre des obsen>ations astro-
nomiques d' E bn-Jounis , traduit
de l'arabe; d'Histoire des Arabes
en Sicile, extraite d'Aboulfeda.
CAVAIGNAC (Jean-Baptiste),
député à la convention nationa-
te, est né à Cordon, départe-
ment du Lot, en 1762, d'une an-
cienne famille du Rouergue. Son
père , magistrat distingué , fit par-
tie des administrations provin-
ciales, établies par M. Necker.
J. B. Cavaignac était, au com-
mencement de la révolution, a-
vocat au parlement de Toulouse;
ses études et son caractère le
portaient à l'indépendance : il em-
brassa , avec ardeur, la cause de la
liberté dés les premiers jours de
la révolution; exerça les fonctions
municipales dans sa commune,
fut élu membre du directoire du
département du Lot, et nommé,
en 170)2, député i la convention
nationale, où il vota la mort de
Louis XVL II présenta, à cette
assemblée, le rapport relatif i\ la
reddition de Verdun; fit annuler
le décret qui déclarait traîtres à
la patrie , les habitans de cette
ville, et ordonner la mise en ju-
gement de quelques iadh idus ac-
tAV
cusés de l'avoir livrée aux Prus-
siens. J. B. Cavaignac avait été
envoyé près de l'armée des c/ites
de l'Ouest, et se trouvait à Brest,^
;\ l'époqueoù la nouvelle des évé-
nemens du 3i mai y parvint.
Il se rendit aussitôt à Lorient, et
signa,lei4 juin, avec ses collègue»
Merlin et Seveste, une protesta-
tion énergique contre ces événe-
mcns. Celteprotestation, affichée
dans les quatre départemens de
laBretagne, fut dénoncée A la con-
vention nationale : une circons-
tance favorable sauva les signa-
taires de cette pièce; la conven-
tion reçut la nouvelle de la levée
du siège de Nantes, où ils s'étaient
renfermés, en mCme temps que
la dénonciation portée contre eux,
et il n'y fut point donné de suites.
Lorsque le corps de troupes aux
ordres du général Be^'sser, après
s'être emparé de Montaigu , y fut
surpris et attaqué par toute l'ar-
mée royale, J. B. Cavaignac , qui
s'était trouvé aux divers combats
livrés dans ces contrées, se vit un
moment enveloppé par l'ennemi,
en voulant rallier et retenir les
fuyards : des chasseurs à cheval
du iS""' régiment parvinrent à le
sauver. Cavaignac quitta les ar-
mées de Lorient, et rentra dans
le sein de la convention; mais
peu de temps après, il fut envoyé
à l'armée des Pyrénées-Occiden-
tales. Il y forma deux nouveaux
régimens de cavalerie ; s'occupa
exclusivement de l'organisation
des troupes et des opérations mi-
litaires, dont les résultats furent la
prise de Saint-Sébastien, êe Fon-
tarabie, du port du Passage, de la
vallée de Bastan, et la dispersion
de l'armée espagnole, qui perdit
k
CAV
foute son artillerie. Celte brillan-
te campagne de dix jours, et les
succès de l'armée des Pyrénées-
Orientalesen Catalogue, forcèrent
l'Espagne à entamer les négocia-
tions qui se terminèrent par la
paix de Bâle. Rentré une seconde
fois dans la convention nationale,
J. B. Cavaignac y fut inculpé
à l'occasion d'une dénonciation
faite par quelques habitans de
Bayonne : il prouva qu'il était res-
té étranger aux actes reprochés à
son collègue Pinel ; et, sur un
rapport fait par Durand Maillane,
au nom du comité de législation,
la convention rejeta cette dénon-
ciation, en adoptant la question
préalable. Cavaiguac se vit atta-
qué de nouveau par le député
Comte ; il fut défendu par le res-
pectable Boissy-d'Anglas , et la
convention passaà l'ordre du jour.
.1. B. Cavaignac fut envoyé une
troisième fois aux armées; il mon-
tra de nouveau à celle de llbin-
et-Moselle, les talens qu'il avait
déployés dans la Vendée et aux
Pyrénées -Occidentales , comme
soldat et comme administrateur.
Il était à peine de retour de C4:tle
mission, quand la direction de la
force -armée de Paris lui fut con-
fiée par les comités du gouverne-
ment, pour réprimer le mouve-
ment qui éclata au premier prai-
rial an ,1, et comprimer le jacobi-
nisme prèt;\ ressaisir le pouvoir.
Il ne put parvenir à soustraire le
malheureux Féraud aux fureurs
des factieux, et bii-mcme courut
les [)lus grands dangers ;il n'évita
les coupsqui lui étaient portés que
par le dévouement d'un citoyen
courageux, à qui lu convention dé-
•:crna un sabre d'honneur. J. B.
CAV
2Î9
Cavaignac contribua encore à la
défense de la convention , dans
la journée du i3 vendémiaire
an 4' I^lu «iu conscib des cinq-
cents , il fut du nombre des mem-
bres de cette assemblée que le
sort en expulsa en 1797. Sous le
consulat, il fut nommé commis-
saire-général-extraordinaire des
relations commerciales à Pondi-
chéry; mais la jalousie anglaiso
ne lui permit pas de s'établir dans
cette résidence, et il revint à Pa-
ris en i8o5. Les événemens de la
guerre avaient placé Joseph Bona-
parte sur le trône de Naplcs; il
appela J. B. Cavaignac dans ce
pays, et lui confia l'organisation
et la direction générale de l'ad-
ministration des domaines et de
l'enregistrement. Joachim , qui
succéda à Joseph , nomma Ca-
vaignac conseiller-d'état, com-
mandeur de l'ordre des Deux-Si-
ciles, et lui fit don d'un majorât
dont il n'a jamais pris le titre. Le
décret impérial qui concerne les
Français au service des puissan-
ces étrangères, décida J. B. Ca-
vaignac a donner sa démission
des emplois* qu'il occupait dans
le royaume de Naples , çt à ren-
trer en France : il se trouvait à
Paris i\ l'époque des événemens
de 181 5, et fut nommé préfet.
II a dû sortir de France , en ver-
tu de la loi dite d'amnistie , et
s'est réfugié sur le territoire d'u-
ne puissance voisine, où il vit
dans la retraite. Il entrait dans
les vues des écrivains qui, sous
le litre do Biographie des how-
jnci vivons, ont dressé les volu-
mineuscs'dénonciations dont tant
de Français ont été victimes, d'ac-
cueillir sans examen toutes les
23o
CAV
calomnie», d'ajouter foi h tou-
tes les accusations ; et celle «pii
fut dirigée contre J. B. Cavai-
gnac , par*quelques habilans de
Bayome, en 1794^ s f'^^- rapport «"-e
par ces écrivain: de parti, comme
si, à deux reprises, elle n'avait
pas été reconnue et déclarée
fausse par l'assemblée à laquelle
elle était adressée. Cette accusa-
tion a éré répétée dans d'autres
biographies, et notamment dans
celle dont Eymery est l'éditeur.
Sur la réclamation de M°"Cavai-
gnac, et la preuve que son mari,
non-seulement n'a jamais connu
M"* Labarrière, maisqu'ilse trou-
vait à i5 lieues du théâtre où l'ac-
tion qu'on lui reproche s'était
passée , l'imputation calomnieuse
a disparu du dictionnaire biogra-
phique de M. Eymery; elle est res-
iée dans celui des frères Michaud.
CAVAIGNAC (Jacqiîes-Marxe),
baron de Baragne, lieutenant-gé-
néral, commandant de la légion-
d'hoïineur, chevalier de Saint-
Louis, frère du j)rérédent, né en
1775, à Gordon, département du
Lot. Il débuta dans la carrière
des armes par le grade de sous-
lieutenartt au régiment de Navar-
re infanterie , et fit, en cette qua-
lité, les premières campagnes de
la révolution à l'armée du jNo)'d;
il passa dans un régiment de
chasseurs à cheval , fut nom-
mé adjoint à l'état -major gé-
néral de l'armée des côtes de la
Rochelle ; rejoignit son régiment,
servit aux armées des Pyrénées-
Occidentales et d'Italie, se distin-
gua au passage du ïagliamcnto,
et fut remarqué par le général Bo-
naparte, qui le nomma chef-d'es-
cadron sur le champ de bataille.
CAT
Quoique très-jeune, le comman-
dement du 2 5"* régiment de chas-
seurs à cheval lui fut confié : il
reçut plusieurs blessures h la tête
de ce corps , pendant la retraite
de l'armée d'Italie, dont le géné-
ral Moreau avait pris le comman-
dement; il eut dans une reconnais-
sance la jambe cassée d'un coup
de feu. Le premier consul le nom-
ma colonel du 10°" régiment de
dragons, où les auteurs de \a/iio-
graphie des Hommes vivans le
font entrer comme simple cava-
lier; il se distingtja au passage du
Splugen, du Garigliano, et sur-
tout à la bataille d'Austcrlitz ; le
courageetle sang-froid qu'il mon-
tra dans cette grande journée lui
méritèrent le titre de comman-
dant de la légion -d'honneur, et
})lu5ieurs marques de l'estime et
de la satisfaction de l'empereur.
Le colonel Cavaignac, nommé é-
cuyer du roi Joseph , reçut, après
"la paix de Presbourg, l'ordre de se
rendre à Naples; il y obtint bien-
tôt de l'empereur le brevet de gé-
néral de brigade. Du commande-
ment de la yille de Naples, qui lui
fut d'abord confié, le général Ca-
vaignac passa au commandement
supérieur des Calabres, avec le
grade de lieutenant - général au
service napolitain, et chargé de
pouvoirs très-étendus. Ces pro-
vinces étaient dans un état de trou-
ble, et presque de révolte conti-
nuelle, par suite du caractère in-
quiet des habilans, et des fautes
du gouvernement qui passait fré-
quemment et brusquement d'une
indulgence irréfléchie à une ri-
gueur excessive. Le général Ca-
vaignac, autant par sa. fermeté et
sa modération que par ses mesu-
CAV
res administratives, et des opéra-
lions militaires dirigées en même
temps contre les insurgés et con-
tre l'ennemi extérieur, sut épar-
gner le sang des Calabrois,et dé-
fendre leur vaste et riche pays de
l'attaque liés Anglais, qu'il battit
en plusieurs rencontres. Lorsque
le roi Joachim se fut décidé à o-
pérer une descente en Sicile, il
doQna au général Cavaignac le
commandement d'un des trois
corps de l'armée destinée à agir
contre cette île. Le général Ca-
vaignac fut le seul qui, à la tête
de SCS troupes, opéra son débar-
quement sur les côtes de la Sici-
le , malgré la flotte anglaise qui
croisait dans le canal et les forces
qui se trouvaient à Messine , et
dans les environs de celle ville.
Les autres troupes de l'expédition
ayant été retenues en Calabre par
les vents, ou par des ordres con-
traires, le général reçut le signal
du retour; mais l'exécution de cet
ordre devenait à chaque instant
plus diflicile ; d'un côté les trou-
pes de terre , et de l'autre la flotte
anglaise s'avançaient contre lui ;
déjà même les barques qui avaient
apporté la division napolitaine
mettaient à la voile, et se diri-
geaient vers Keggio. Le général
saute<lans un esquif, ramène, par
IE ses exhortations et ses menaces ,
pune grande partie de ces barques
fugitives , redescend à terre et fait
rembarquer, devant lui, toutes
aes troupes, à l'exception d'un
bataillon engagé dans les terres ,
et cerné par l'armée ennemie,
dont les forces étaient quadruples
de celles que commandait le gé-
néral ; il s'embarqua le dernier,
tjlsous le feu de l'ennemi; passa
• CAV 201
sur le front de la flotte anglo-si-
cilienne , sans perdre un seul de
ses hâtiuiens de transport ; et
malgré tant d'obstacles , exécuta
avec ordre son débarquement sur
les côtes de Calabre , à la vue de
la flotte et des deux armées. Le
roi le reçut undes premiers, l'em-
brassa , le combla d'éloges , le
nomma son premier aide - de-
camp ; et le roi de "NVestphatfe lui
envoya le grand-cordon de l'ordre
militaire de ce royaume. En 1812,
le roi de Naples rendit un décret
portant que nul étranger ne pour-
rait occuper aucun emploi civil
ou militaire dans ses états, s'il ne
s'y faisait naturaliser. Le général
Cavaignac demanda aussitôt à
rentrer dans les rangs de l'arméô
française. Il y fut admis aveosem
ancien grade de général dé bri-
gade , et employé dans lo' 1 1"*
corps comme commandant de la
cavalerie, il fut chargé de proté-
ger la retraite de Moskow, et vint
ensuite s'enfermer, dans la place
de Dantzick, avec les 1800 hom-
mes qui lui restaient, et qui, dès
lors, tirent partie do la garnison.
Le général Cavaignac se distin-
gua dans les fréquentes sorties
qui eurent lieu pendant le mémo-
rable siège de celte ville, et dans
ces sorties il eut pjusieur.s chevaux
tués sous lui. lietenu prisonnier
de guerre parla violation des con-
ditions de la capitulation, il fut
envoyé à Kiow, et ne rentra en
France qu'après la paix de 1814.
Il a été nommédepuis lieutenant-
général et chevalier de Saint-
Louis. Le roi l'a fait baron en
1818. Il est employé comme ins-
pecteur-général de cavalerie.
C A VANILLES (Antoine -Jo-
a32 CAV
seph), né à Valence on Espagne
le 16 janvier 1745» fut élevé par
Jes jésuites de cette ville, embras-
sa l'état ecclésiastique, et devint
lin des plus célèbres botanistes de
notre âge. Il rendit l'important
service à l'université de Valence
de lui faire adopter les œuvres de
Condillac et de Muschembroeck
comme livres classiques, et il y
introduisit Pétude des mathéma-
tiques jusqu'alors si peu culti-
vées. L'abbé Cavanilles était pro-
fesseur de philosophie à Murcie,
lorsque le duc de l'Infantado,
nommé ambassadeur en France,
le choisit pour soigner l'éduca-
tion de ses enfans, et l'amena, a-
vec eux, à Paris en 1777. Il trou-
va dans cette capitale tous les
moyens de satisfaire son goût
pour les sciences, et se livra plus
particulièrement à l'élude de la
botanique. L'amour de la patrie
lui suggéra, en 1784, des obser-
vations très-judicieuses et con-
formes à la vérité, à l'occasion de
l'article Espagne de la nouvelle
Encyclopédie, dont M. Masson
de Morvilliers était l'auteur. Ca-
vanilles releva les erreurs de cet
article avec politesse et sagacité.
Il ftl paraître, l'année suivante, les
premières livraisons d'un grand
ouvrage sur la botanique, ayant
pour titre : Monndelpliiœ classis
dissertationes deceni, avec figu-
res, etc. On y trouve la descrip-
tion de toutes les espèces de celte
classe. Les botanistes admirent la
critique savante et l'exactitude de
ce travail. Cavanilles en avait des-
siné bii-mcme 297 plantes, dont
un grand nombre étaient nouvel-
les. Il s'éleva à ce sujet une dis-
cussion polémique entre lutetThé-
CAV
rilierde Brutelle; tous deux ayant
la prétention d'avoir découvert
et publié ces plantes antérieure-
ment l'un à l'autre. Après avoir
demeuré douie années à Paris,
Cavanilles retourna danssa patrie,
où il s'occupa de son plus bel ou-
vrage, intitulé : Icônes et descrip-
tionea plantai urn quœ aut spon~
tè in Hispanid crcsciint, aut in
hortis ho^pitantur. Ce travail est
d'autant plus précieux qu'il con-
tient plus de 600 planches dessi-
nées par l'auteur. On y trouve un
grand nombre de genres nou-
veaux, et un nombre plus consi-
dérable d'espèces de l'Espagne,
de l'Amérique, des Indes et de
la Nouvelle-Hollande. Il n'avait
pas encore achevé cet ouvrage,
lorsque son gouvernement le
chargea de parcourir l'Espagne
pour y faire desr recherches bota-
niques. Cavanilles, ne se bornant
point au simple examen des vé-
gétaux, s'occupa en même temps
de recueillir des observations sur
la géographie et la minéralogie.
Il commença par le royaume de
Valence, dont il a donné une des-
cription historiquecomplète,ain-
si que des pays environnans, sous
le titre de Koyage de Faïence.
Cet ouvrage, orné d'une assez
bonne carte, préférable à celle de
Lopez, est fort estimé.» Les autres
ouvrages de Cavanilles sont : Co''
lection de papales sobre; Contro-
versias botanicas et Description
de los gcneros y spécial de plan-
tas demonstradas en las lectiones
publicas. Outre ces ouvrages, Ca-
vanilles a rédigé sur divers su-
jets d'excellcns mémoire? insérés
dans les Annales de las scii^ncias
natiirales , ouvrage périodique.
CAV
qui parut dnmnt quelque temps
à Madrid vers la iiu du dernier
siècle, et dont la collection est fort
précieuse; ce sont surtout les ob-
servationsdeCavanilIcs sur la plus
terrible des maladies de Thom-
me, la ra-ge, qui présentent de
Tintérêtdans cette collection. Ca-
vanilles mourut i\ Madrid, en
1804 : c'était un bomme doux,
aimable et confiant. Passion-
né pour la botanique, il n'en par-
lait pas san? communiquer l'en-
thousiasme dont il était pénétré
pour celte science. Il était chéri
de ses élèves ; ses cours étaient
très-suivis, mais il herborisait
peu; c'est par des jeunes gens qui
Itii étaient attachés qu'il fesait
chercher à la campagne les végé-
taux nécessaires i\ ses leçons, et
cette rechereheétaitdéjà pour eux
une étude. Il avait répandu le goOt
de la botanique en Espagne; mais
à sa mort elle 7 est tombée dans
l'oubli. Las;osca, son successeur,
et dont les connaissances botani-
ques sont encore plus étendues,
serait bien fait pour y rétablir le
culte de Flore; mais il manque des
puissans secours de fortune et de
protection dont Cavanilles fut
toujours environné.
CAVENDISH (Henri), second
filsdu duc de Devonshire, se ren-
dit célèbre comme chimiste et
comme physicien. Né en 1755, il
ne jouit dans sa jeunesse que d'u-
ne fortune n)odique, les grands
biens de sa faitiille ayant été don-
nés à son frère aîné, suivant la
coutume d'Angleterre. Mai» son
goOl pour l'étude et sa passion
pour les sciences le dédommagè-
rent d'une privation à laquelle il
n'attach/tit point d'importance.
CAV
235
Ses recherches chimiques lui ac-
quirent bientôt une grande répu-
tation. Il découvrit les propriétés
spéciales du gaz hydrogène, et
les différences qui le distinguent
de l'air athmosphérique. Le pre-
mier il reconnut la composition
de l'eau , expérience déj;\ tentée
par Schéele, et depuis répétée a-
vec succès par Lavoisier et Mon-
ge. Les grandes connaissances de
Cavendish en physique et en ma-
thématiques lui donnèrent les
moyens de constater la densité de
la terre, qu'il recoimut surpasser
celle de l'eau de quatre fois et un
tiers. Membre de la société royale
de Londres, il fut admis au nombre
des huit associés étrangers de l'ins-
titut de France, le 20 mars i8o3.
«Cavendish se trouvait de beau-
»coup le plus riche de tous les
«savans, dit M. Biot, et probable-
» ment aussi le plus savant de tous
«les riches.» Un de ses parens,
qui avait amassé ime fortune
colossale dans l'Inde, étant re-
venu, en 1773, lui fit une dona-
tion de tous ses biens pour le
dédommager de l'espèce d'aban-
don où sa famille l'avait laissé
jusqu'alors. Cavendish dans l'o-
pulence n'en conserva pas moins
toute la simplicité de ses usages,
se contentant toujours d'un mo-
deste habit gris. Mais en revan-
che, il répandit de grands bien-
faits, soit pour soulager l'indigen-
ce, soit pour propager la culture
des sciences et dee lettres. Il lais-
sa néanmoins à sa mort, arrivée en
mars iHio, douze cent mille livres
sterling, qui, suivant sa volonté,
furent partagées entre ses paren»
éloignés, les moins favorisés de la
fortune. Les écrits de Cavendish
234 CAZ
se trouvent tous dans les Trans-
aciions' philosophiques. Voici les
titres des principaux : i" Expé-
riences s uj ■ l'air Jactire, 1 766 ; '.>, "
Rapport à la société royale de
Londres, sur les instrumens de
rnttcnrulogie, qui servent auxopé-
rations de cette compagnie, 1776;
3" Mémoire sur la théorie mathé-
matirjuc de l'éleclricilé^ avec des
applications de l'analyse infinité-
simale; 4° Mémoire sur l'année
civile des Hindous et sur leurs
almanachs, 1792. La justesse et
l'exactitude des observations se
font remarquer dans ces divers
ouvrages. ^
CAZALES (Jacqves- Antoine-
Marie de), né en ijSa , à Grena-
de, déparlement de la Haute-Ga-
ronne. Son père était conseiller
au parlement de Toulouse. Le jeu-
ne Cazalès lut reçu , dès 1 ûge de
quinze ans , dans le régiment des
dragons de Jarnac, et il ne larda
pas à y obtenir le commandement
d'une compagnie. Son éducation
fut très-négligée; il avait perdu
son père, et il se livra à la dissi-
pation dont se défendent si peu
les militaires en lemps de paix.
Cependant il ne larda pas à con-
naître les ressources qu'il avait
en lui-même. Il était doué d'un
jugement sain, d'une rare intelli-
gence et d'une mémoire prodi-
gieuse. Un tempérament robus-
te lui permit de tirer beaucoup.de
fruit de ces avantages, sans se sé-
parer de ses arrys, et sans renon-
cer à la société. II destinait à l'é-
tude la plus grande partie de la
nuit, le jour lui restait pour ses
autres devoirs, et pour ses plai-
sirs. C'est ainsi que se forma, en
secret, cet orateur éloquent, au-
CAZ
quel il ne manqua que de consa-
crer de si beaux talens à la dé-
fense d'une sage liberté. Il était
capitaine lorsque les élats-géné-
rauxfurent convoqués. La nobles-
se du bailliage de Rivière-Verdun
lechoisit à l'unanimité. Lorsqu'on
agita la question de la réunion
des trois ordres , il s'y opposa de
tout son pouvoir; il étaj^ un des
commissaires nommés pour ce*
conférences; il prélendit qu'il fal-
lait sauver, malgré le roi même,
l'ancienne monarchie. C'est à lui
que remonte la devise qu'on s'ef-
force de remettre en honneur de-
puis quelque temps. La conduite
modérée d'une partie de la no-
blesse prévint les effets de cette
vive opposition. Cazalès voulut
alors retourner en Languedoc ,
mais il fut arrêté à Caussade, près
de Monlauban. En écrivant pour
demander son élargissement , il
offrit sa démission; cependantles
ordres qu'il reçut le décidèrent à
revenir à Paris, et il prit part, dans
l'assemblée constituante, à toute*
les délibérations susceptibles d'un
haut intérêt. Il ne tarda pas à è-
tre regardé comme un des pre-
miers orateurs de celle époque ,
où la gloire de la tribune acheva
de consacrer la supériorité de la
langue française. On l'admira sur-
tout dans les discussions qui s'é-
levèrent sur le serment des prê-
tres, concernant la constitution
civile du clergé; sur le projet d'ô-
ter au roi le^roit,de conclure la
paix ou de déclarer la guerre; et
sur celui d'exiger qu'il ne s'éloi-
gnât pas du lieu des séances. On a
demandé si une conviction réelle
avait entraîné ce grand orateur ,
ou si encore imbu des préjugés
7^
( </ : r/ A .
.Itf /i,;//i/ ■
m
CAZ
de sa première jeunesse, il avait
cédé il l'infldence des seuls lioui-
ines avec qui il lût en relation à
l'entrée de sa carrière politique.
11 est certain que vers la lin de
cette mémorable session , il ne
suivait plus, avec la môme ri-
gueur, les principes dont il avait
d'abord embrassé la défense j on
a conjecturé même qu'il en eftt
adopté de plus conformes à l'é-
tendue de ses lumières , s'il n'eût
pas craint lespèce de honte atta-
chée à de tels changemens , dont
quelquefois pourtant les causes
seraient honorables. En 1789, au
mois de septembre , Cazalès ap-
puya la proposition de soumettre
à la sanction royale, les articles
de la constitution déjà réglés par
un décret , et en particulier la dé-
claration des droits de l'homme.
Il demanda ensuite que les dépu-
tés fussent soumis chacun à une
contribution de 1200 francs, et
que l'assemblée fût renouvelée
pour prononcer sur l'adoption de
la constitution. L'année suivan-
e, au mois de mars, il défendit
vec chaleur le parleujent de Bor-
éaux, comme il avait défendu
clui de Rennes, également ac-
usé de résistance aux décrets de
'assemblée. Dès cette époque, il
parla longuement contre les pro-
grès que faisaient dans l'opinion
les principes démocratiques ; et,
vers le mois de juin, s'opposant à
ce qu'on réunit au territoire de la
France lecomtat Venaisî-in, il de-
manda la liberté des prisonniers
détenus à Orange. Il appuya mê-
me la proposition faite par l'abbé
" lury de poursuivre devant le
hâtelet , le député Canms qui
Venait de dénooccr des tentatives
CAZ
235
secrètes, dontle but avait été d'o-
pérer leur délivrance. Bientôt Ca-
zalès s'oppose à ce que le prince
de Condé soit déclaré traître à la
patrie ; mais en défendant aussi
le général de Bouille, il excite des
murmures, parce qu'il lui échap-
pe de rappeler des distinctions
détruites, et dé dire du jeune De-
silies , qu'il a honoré l'ordre dans
lequel il est né. A la fin de février
1791, au sujet des nouveaux trou-
bles de Nîmes, Cazalès insiste
pour qu'on réprime sévèrement
les perturbateurs de« divers par-
tis. Deux jours après, il menaça-
l'assemblée de l'animadversion
de tous les amis de la monarchie,
si le projet de décret sur la rési-
dence de la famille royale n'était
pas ajourné. A la fin de mars , il
vota pour que l'âge de dix -huit
ans fût celui de la majorité des
rois, et pour que les assemblé^îs
législatives ne pussent disposer
de la régence qu'à défaut de pa-
rens de Théritier de la couronne.
Il s'était élevé contre la constitu-
tion civile du clergé , et dans une
autre occasion, il s'était déclaré
contre le principe de la souve-
raineté du peuple, que sans dou-
te il entendait mal, ainsi qu'on lo
fait encore tous les jours : mais
comme il avait dit à l'assemblée
qu'elle n'aurait pas le droit déju-
ger le monarque, entrât -il en '
France à la tête d'une armée é-
trâogère ; il n'obtint pas même la
f»arole. Je 19 avril, lorsqu'il von-
ut condamner l'opposition du
peuple au voyage de Saint-Cloud,
dont le motif n'était plus un se-
cret. Seul , entre les députés choi-
sis dans le principe par la noble.-»- '
se, il vota, le 19 mai, avec le cô-
^
456
r.Az
té gauche, en faveur de réligibi-
lité immédiate des membres de
l'assemblée. Le lo juin de cette
même année, 1791, il s'opposa
de toutes ses forces au licencie-
ment de l'armée, ainsi qu'à la
nouvelle formule du serment des
oflTiciers. Dans la promesse d'ê-
tre fidèles à la nation, à la loi
et au roi, il avait le malheur de
ne plus rien voir des principes
qui, disait-il, avaient animé de
temps immémorial les troupes
françaises. Nos armées n'ont pas
ainsi décidé la question : leur ser-
ment n'a pas affaibli leur gloire.
Cazalès, après la fuite du roi, se
crut délié de son sermeqt, et il
voulut aussi se rendre chez l'é-
tranger; mais il fut arrêté par le
peuple , et il ne dut son salut
qu'à plusieurs de ses collègues en-
voyés pour le ramener. Après son
retour, il ne parut à la tribune
que le jour où il s'agit de s'oppo-
ser à la suppression de la liste ci-
vile , et bientôt il obtint sa démis-
sion. De Bruxelles il s'était rendu
à Coblentz; mais on assure qu'il
en fut expulsé par les princes mê-
mes , et que cela le décida àren-
trerdans son pays, qu'il abandon-
na toutefois après la journée du
10 août, pour se jeter dans l'ar-
mée du prince de Condé. Maltrai-
té de nouveau, par ceux dont il
avait servi la cause avec beau-
coup de zèle, mais qui peut-être
lui reprochaient trop de modéra-
tion, Cazalès se réfugia en Italie,
d'où il se rendit en Espagne, et
bientôt en Angleterre. Il reçut
partout l'accueil dû à son mérite,
et les mêmes marques d'estime
lui furent prodiguées, à son re-
tour en France, par ceux qui a-
CAZ
voient suivi les maximes les plos
opposées aux siennes. C'était une
sorte de justice : si on ne peut le
compter au nombre des orateurs
qui ont des litres particuliers à la
reconnaissance publique, il faut
du moins eslimer sa franchise,
apprécier avec indulgencelesmo-
tifs qui l'entraînaient, et considé-
rer combien sa retenue mécon-
tenta, dans son propre parti , des
hommes qui ne voulaient pas
seulement qu'on adoptât leurs i-
dées, mais qui prétendaicntqu'on
se soumît à leurs passions. Caza-
lès avait médité les ouvrages des
grands écrivains, et s'était par-
ticulièrement attaché à Montes-
quieu : on reconnaissait beaucoup
de raison jusque dans ses erreurs,
et on admirait sa facilité dans les
discussions qu'il soutenait, sans
y être préparé en aucune maniè-
re. La noblesse de ses sentimens
égalait la simplicité de ses préten-
tions. Quand on parlait devantlui
de son mérite, il avait l'art de
tourner l'attention vers quelques-
uns de ses collègues ; et il aimait
surtout à vanter Barnave, qui, à
la suite d'un démêlé politique,
l'avait blessé d'un coup de pisto-
let. Depuis ce jour, les deux ri-
vaux ne cessèrent de se donner
mutuellement des marques d'es-
time, et Cazalès pleura la mort
du célèbre député de Grenoble.
Sous le consulat, il reçut la croix
d'officier de la légion-d'honneur,
mais il n'accepta aucune place.
En i8o5,il épousa M"" de Roque-
feuillé, veuve d'un capitaine de
vaisseau. Il lui était attaché de-
puis long-temps; il en eut un fils
qui déjà fait espérer que ses ta-
lens pourront rappeler ceux de
CAZ
jon père. Cazalès n'a joui qu'un
moment de celte situation paisi-
hlo; une maladie , qui lui a laissé
jusqu'au dernier instant Tusa-
ge de ses facultés morales, ter-
mina ses jours le 24 novembre
180 5.
CAZECde), voyez Decaze.
CAZENEUVE' (Ignace), évê-
que constitutionnel, et membre
delà convention nationale. Il a-
vait embrassé l'état ecclésiasti-
que avant la révolution. Dès que
l'assemblée constituante eut dé-
crété , le 1 2 juillet I 790 , la cons-
titution civile du clergé, l'abbé
Caîeneuve s'empressa de prêter
le serment qu'elle exigeait des
fonctionnaires ecclésiastiques. Il
ne tarda pas à être élu, par ses
concitoyens, évêque d'Embrun ,
et au mois de septembre 1792 , il
fut nommé député à la conven-
tion par le département des Hau-
tes - Alpes. Quand cette assem-
blée jugea Louis, voici la répon-
se de l'abbé Cazeneuve, à l'appel
nominal sur cette question : Loui.t
est-il coiipaùlt ? p Comme législa-
>' teur, je dis oui; mais comme ju-
•>ge, jedisrton.» Puis il vota pour
la détention de ce prince jusqu'à la
paix, et pour sa déportation ù cet-
te époque. La modération de l'ab-
bé Cazeneuve l'engagea à se lier
avec le parti des girondins , con-
tre celui de la montagne , et il si-
gna, le 6 juin 1793, la protesta-
tion des soixante ^ treize , con-
tre la journée dti 5i mai. Aussi
fut -il décrété d'arrestation par
rassemblée, avec ses soixante-
douze collègues. Mais il fut rap-
pelé dans le sein delà convention,
après la journée du 9 tlierinidor.
Dfvcnu ensuite membre du con-
€AZ
207
seil des cinq-cents , en vertu des
lois des 5 cti3 fructidor an 3 (22
et 5o août 1795), par la réélection
des deux tiers des conventionnels,
il fit partie de ce conseil, jusque»
au 1 5 ventôse an 5 (5 mars 1 797)-
L'abbé Cazeneuve n'a point re-
paru sur la scène politique de-
puis cette dernière époque. '
CAZOTTE (Jacques), naquit à
Dijon, en 1720; il était fils du
grelTier des états de Bourgogne.
Il partit en 1747? pour la Marti-
nique , en qualité de contrôleur
de la marine aux Iles-du-Vent. Il
se signala dans cette fonction
par son intelligence et son acti-
vité, surtout t\ l'époque où les
Anglais attaquèrent le fort Saint-
Pierre. Il commença alors à cul-
tiver les lettres , composa le ro-
man d'Olivier, ouvrage écrit a-»
vec grâce et facilité , mais en pro-
se ; ce qui ne lui donne pas droit
au titre de poëme, dont son au-
teur l'a décoré. Cazotte a publié
encore d'autres romans qui aiou-
lèrent à sa réputation, et entre
lesquels on distingue le Lord im^
prornptu , imbroglio des plus at-
tachans , et le Diable amoureux,
fiction originale que l'anglais Le-
vais a reproduite plus développée
dans le fameux roman du Moine.
L'n de ses frères lui ayant laissé
un héritage considérable, Cazot-
te revint en France en 1760, a-
près avoir vendu ses possession*
coloniales au célèbre jésuite La-
valette. Ce jésuite , supérieur de
l'ordre, en provoqua bientôt la
destruction par la plus scandaleu-
se des banqueroutes. Carotte s'y
étant trouvé compris, se vit o-
bligé d'intenter un procès A la-
Compagnie de Jlésu^', dont il av«ii«
238
CAZ
été un élève zélé, et pour laquelle
il conservait beaucoup d'attache-
ment : seïi relations avec elle lui
coûtèrent cinquante mille écus. II
quitta immédiatement les affaires,
et se retira à Pierry, près d'Eper-
nay, en Champagne, où il parta-
geait son temps entre la littérature
et les soins qu'il donnait à sa famil-
le. Dèslecommenccmentde laré-
volution , il se déclara ennemi de
ses principes et des changemens
qu'elle apportait dans le gouver-
nement. Il s'en expliquait fran-
chement dans ses lettres à Pou-
teau , son ami, employé dans les
bureaux de l'intendance de la lis-
te civile. Cette correspondance
ayant été saisie chez l'intendant,
M. de La Porte, i\ la suite du lo
août 1 792 , Cazotte fut arrêté et
conduit à l'Abbaye. Un dévoue-
ment héroïque le sauva dans les
journées des 2 et 3' septembre : il
allait être massacré, lorsque Elisa-
beth , l'une de ses filles , âgée de
16 à 17 ans, se jeta à son cou, et
le feiiant fortement embrassé ,
protesta qu'on n'arriverait au
cœur de son père , qu'après avoir
percé le sien, l^es assassins, atten-
dris par ce sublime trait de la pié-
té filiale , épargnèrent Cazotte; il
fut porté en triomphe avec sa fille
jusqu'à sa maison. Arrêté de nou-
veau, peu de jours après, il fut
transféré à la Conciergerie, et tra-
duit au tribunal le 24 du même
mois. La correspondance indis-
crète dont nous avons parlé, ser-
vit de preuves contre lui : il fut
condamné à mort le même jour,
et exécuté le lendemain 35 sep-
tembre, à l'âge de 7a ans. Il mar-
cha au supplice avec calme et ré-
signation, ne paraissant regretter
CEL
que sa généreuse fille, Elisabeth,
qui l'avait suivi dans sa prison ,
et ne l'avait quitté qu'à ses der-
nier» mt)mens. Cazotte avait plus
d'esprit que de jugement. La rai-
son ne lui servit pas toujours de
guide dans sa conduite ni de rè-
gle dans ses opinions. Partisan
des idées cabalistiques , il était
infatué de cette philosophie oc-
culte, de ces doctrines bizaifes
qui, à diverses époqtfes, ont été
reproduites par des ch:irlatans,
adoptées par des dupes, et ré-
gnent encore sous le nom de
niartinisinc et x^illuminisme.
CELS (.Iacques -Martin), cé-
lèbre botaniste , naquit à Versail-
les en 1745 :1e hasard en fit un
jardinier. Receveur des droits
d'entrée à l'une des barrières de
Paris , une troupe d'anarchistes
pilla sa caisse au commencement
de la révolution. Ce malheureux
événement obligea Cels à profiler
de ses études et de ses goûts, pour
se procurer un autre moyen d'exis-
tence. Les leçons qu'il avait re-
çues au Jardin des plantes, du
professeur Le Mounier, et du dé-
monstrateur de Jussieu , et les
conseils de J. J. Rousseau et du
jardinier Thouin , le déterminè-
rent à cultiver un terrain dans la
plaine de Monlrouge, pour sui-
vre le nouvel état qu'il voulait
embrasser. Il établit une corres-
pondance avec plusieurs amateurs
de son genre; il se fit entre eux
un grand nombre d'échanges de
plantes et de graines , et Cels par-
vint à créer un jardin utile à la
botanique, et dont le revenu pou-
vait suffire à ses besoins. Ces heu-
reux commencemens l'encoura-
gèrent; il s'adonna au commerce
CEP
des plantes exotiques; il en fit
iiuitre le goût; et dans quelques
années, les jardins français fu-
rent peuplés des plus bellesfleurs
des deux mondes. Les botanistes
et les curieux trouvaient chez lui,
dans toutes les saisons, les plan-
tes les plus rares , qu'il oftVait i
leurs observations avec une ex-
trême bonté. Le professeur Yen-
tenat publia, en 1801, une Dts-
cription dts plantes nouvelles et
peu connues, cultivées dans les
jardins de M. Cels. Les planches
qui -accompagnent cet ouvrage le
rendent très-précieux, en même
temps qu'elles donnent une gran-
de idée de la beauté et de la ra-
reté des fleurs importées en Fran-
ce par les soins de Cels. II était
de l'institut, section d'économie
rurale, et membre de la société
d'agriculture du département de
la Seine. 11 a publié, des instruc-
tions sur plusieurs branches d'a-
griculture, a coopéré à la rédac-
tion d'un projet de code rural,
et fourni un grand nombre de no-
tes pour des ouvrages du même
genre, tels ({u"" Olivier de Serres ;
la (Juintinie , etc. Cels est mort
le 1 5 mai 1806, à l'âge de ^5 ans.
CEPERO, membre des cortès
espagnoles. Il avait embrassé de
bonne heure l'état ecclésiastique,
et venait de terminer ses études,
lorsqu'il lut nommé un des des-
servans de l'église métropolitaine
rie Séville. Partisan de la liberté,
il manifesta hautement ses prin-
cipes, et les libérales s'empre."»-
sèrent de l'élire membre des cor-
tès de cette ville. Il ne tarda pas
ù faire paraître, sous le titre de
Leçons poàlicfues pour la jeunes-
su espagnole, un catécbitmc tout
CEK ûSq
à la fois religieux et politique, qui
avait pour objet d'insinuer dans
l'esprit des jeunes gens les idées
de patriotisme et d'indépendance
qu'il voulait propager dans toutes
les classes de la société. Lorsque
Napoléon eut quitté l'île d'Elbe
pour rentrer en France, au mois
de mars 181 5, l'abbé Cepero,
qui se trouvait alors ù Madrid, fut
accusé d'avoir préconisé ce prin-
ce, et par suite de cette dénoncia-
tion, on l'enferma, par ordre du
roi Ferdinand, dans la grande
chartreuse de Séville. L'année sui-
vante, en mars 1816, la police
défendit la vente des Leçons po-
litiques, et en fit saisir les exem-
plaires.
CERACCHI (Joseph), né à Ro-
me. Plusieurs morceauxde sculp-
ture fort estimés le firent regar-
der de bonne heure comme l'é-
mule du fameux Canova dont il
avait été l'élève. Lorsque les ar-
mées françaises pénétrèrent en
Italie, et portèrent jusqu'au de-lA
des Apennins des idées d'indé-
pendance, Ceracchi, dont la force
d'âme rappelait les caractères é-
nergiques de l'ancienne ville du
ïibre, embrassa avec ardeur ces
principes de liberté. Il pritbeau-
coupde partaux changemens qui,
en 1799, eurent pour premier ef-
fet de substituer une nouvelle ré-
publique romaine au gouverne-
ment pontifical. L'autorité de l'é-
glise n'ayant pas tardé à être ré-
tablie, la France devint l'asile de
Ceracchi; mais dans son opinion
républicaine, Boii;iparte n'était
que l'oppresseur de l'Italie. On
venait de le charger de modeler
le buste du premier consul; ce-
pendant il écouta sans hésiter le;*
2/|0 CER
propositions de quelques élèves
français qu'il avait connus à Ro-
me, et partageant leurs jeunes
espérances, il entra dans la cons-
piration d'Arena. Saisi comme
eux à l'Opéra, le lo octobre
1800, il fut aussi condamné à
mort. L'arrêt fut exécuté au bout
de dix jours, le 3i janvier de l'an-
née 1801. La fermeté qu'il avait
montrée durant le cours du pro-
cès, ne se démentit pas au dernier
moment. Il jouissait d'une assez
grande considéralionet il futbeau-
coup regretté, surtout parmi les
artistes.
CERISE (GciLtAUME- Michel,
BAROT<), adjudant-général, officier
de la légion-d'honneur, chevalier
de l'ordre royal et militaire de
Saint-Louis, naquit à Alain, vallée
d'Aost, en Piémont, le 29 sep-
tembre 1 770, d'une famille consi-
dérée. Il suivit avec succès plu-
sieurs cours d'étudesscientifiques.
Quand les mots sacrés de liberté
et d'affranchissement retentirent
dans sa patrie , le jeune Cerise,
électrisé par la présence de l'ar-
mée française, entendit cetappel,
s'élança de sa retraite, et vint,
simple volontaire, arborer l'éten-
dard de l'indépendance , avec
))lusieurs de ses compagnons.
Mais le mouvement fut compri-
mé ; beaucoup de patriotes pié-
montais furent exécutés; Cerise se
-réfugia en France. Après quelques
mois de séjour dans ce pays, il
reçut un brevet de capitaine dans
la légion piémontaise nouvelle-
ment créée, et retourna dans sa
patrie, où il donna une preuve
touchante de cette noblesse d'âme
qui le distinguait. A son tour, il of-
frit un ftsile aux Français hospi-
CER
taliers qui l'avaient accueilli, ef
qui fuyaient eux-mêmes la per-
sécution politique. Bientrit il fut
attaché ù !a personne du général
Lahoz. en qualité d'aide-de-camp ;
à 27 ans il occupait le grade mi-
litaire dont il était revêtu à sa
mort. Le suffrage de Joubert at-
teste qu'il en était digne. Ce gé-
néral le fit nommer, par le géné-
ral en chef, membre du gouver-
nement piémontais, lors de lor-
ganisation de ce gouvernement.
Cerise, pendant son administra-
tion, acquit des droits éternels i
la reconnaissance de ses conci-
toyen? ; il publia à cette époque
un mémoire très-remarquable sur
la situation politiquedu Piémont.
Forcé par l'invasion des Austro-
Russes de quitter son pays, il re-
joignit l'armée française sur la ri-
vière de Gènes; et depuis, il com-
battit toujours sous ses drapeaux.
Dans une seule journée de cette
mémorable campagne, il reçut
trois blessures, et revint trois fois
au feu. Jusqu'en 1811, époque
où les suites de ses nombreuses
blessures le forcèrent à sortir du
service actif, l'adjudant -géné-
ral Cerise fit, sans interruption,
toutes nos campagnes , et par-
tout s'honora par sa valeur, son
désintéressement et ses lumiè-
res. l)n mot terminera cet éloge :
il sortit des affaires publiques plus
pauvre qu'il n'y était entré. Il
jouissait, en 1 81 5, dans une cam-
pagne isolée aux environs de
Toulouse, d'un repos si noble-
ment acquis, quand les P^erdtts
(bandes secrètes du Midi) vin-
rent l'enlever de sa maison, et le
précipitèrent dans un cachot. Sa
femme ne l'abandonna pas, et ses
CER
soins héroïques lui préparèrent un
asile en Hollande. Toiitelbis é-
branlé par ces malheur?, le géné-
ralCerise,que la natureavaitdoué
d'une âiue courageuse, maiâ sou-
mise à des impressions vives et
profondes, retrouva sa liberté sans
retrouver sa raison. C'est en vain
qu'à travers toutes les persécu-
tions d'une police inquisitorialc,
sa fidèle compagne le ramena à
Paris : après trois années de soul-
Irances adoucies par des soins
pieux, ce brave militaire, ce ver-
tueux citoyen succomba le a8 lé-
>^ vrier 1820 : heureux au moins
dans le sommeil de sa pensée, de
n'avoir pu sentir les maux de sa
patrie adoplive. '
CERNON PINTEVILLE (le ba-
ron). En 1789, il lut nommé dépu-
té de la noblesse de Cbâlons-sur-
Marne aux états-généraux. Le 21
mars 1790, il y parla contre ceux
d'entre ses collègues qui s'étaient
opposés au projet de diviser la
France en départemens. Quelques
mois après, en qualité de secré-
taire de l'assemblée , il présenta
différcns rapports sur les (inan-
ces. 11 avait cessé de faire partie
des assemblées législatives; mais,
OT 180a, il entra au tribunat, et le
•.>.3 mars 180/4, »' y 'ut choisi pour
becrétaire : il en remplit les fonc-
tions jusqu'au moment de la sup-
pression du tribunat.
CERRETTl (Lons) naquit à
M()d(;ne le 1" novembre 1738.
.Son père, qui exerçait la médeci-
ne avec succès, le lit entrer chez
les jésuites. Naturellement pas-
sionné pour les lettres, il n'avait
pas encore achevé ses études qu'il
se Ot remarquer par des pièces de
vers en l'honneur de quelques
T. IV.
CER
241
saints. Il célébrait ainsi les objets
dont on avait eu soin d'occuper
sa jeune imagination; mais bien-
tôt ses idées prirent un autre
cours, et aux premiers essais de
sa verve timorée succédèrent les
chants les plus licencieux. Il fut
néanmoins secrétaire de l'univer-
sité de Modène. En 1763» il y
obtint la chaire d'histoire romai-
ne, et ensuite la chaire d'éloquen-
ce. Nul ne l'eût mieux remplie :
son élocution facile et brillante
fut très-goûtée; une foule d'audi-
teurs assistaient constamment à
ses leçons. Il a[)prochait de l'âge
de 60 ans, lorsque la ville de Mo-
dène adopta les lois de la répu-
blique; cependant il avait pris
part à celle révolution, et il fut
membre de la commission d'ins-
truction publique. Il passa depuis
à l'ambassade de Parme, et il é-
tait directeur des éludes dans ce
duché, lorsque l'arrivée de Sou-
vvarovv le contraignit de se réfu-
gier en France, De retour dans
sa patrie , il occupa , vers la fin
de i8o/|, une chaire à l'université
de Pavie. La manière dont il pro-
fessa lui valut des succès dignes
de ceux qu'il avait jadis obtenus
dans la ville de Modène; niais
après être devenu régent de l'u-
niversité, il mourut le 5 mars
1808. Cerretli avait obtenu la dé-
coration de la légion-d'honneur,
et il était men»bre de plusieurs
académies. En 181 'j, ses œuvres
furent imprimées à Milan par les
soins de l'abbé Pedroni, son an-
cien élève et son ami. Elles for-
ment deux volumes in-S",. dont
le premier a pour titre : Poésie
sctUt dt'.i cavalière L. Cerretti; et
le second, Prose scelle del cava--
34a CER
litre L. Cervetti. Ce dernier volu-
me renferme les éloges de quel-
ques hommes célèbres du i8°" siè-
cle. En 181 i,on avait fait paraître
Inslituzioni di eloquenza, Milan,
u vol. Les poésies lyriques de Cer-
retti sont estimées; cependant on
lui reproche d'avoir cherché quel-
quefois la grâce et même le natu-
rel avec un soin qui lui a fait né-
gliger la noblesse des expressions.
La violence de son caractère et
l'orgueil de ses prétentions lui a-
vaient attiré des ennemis. On pro-
fita de ce qu'il laissait en manus-
crit la plupart de ses productions
pour y joindre des pièces ébau-
chées au milieu des écarts de sa
jeunesse, et qu'il n'avait pas pris
la peine de retoucher. On fit plus,
on attaqua ses mœ,urs, on lui con-
testa même son talent. Cette in-
justice a contribué à la célébrité
de son nom; c'est la haine de ses
détracteurs qui a décidé l'abbé
Pedroni à publier ses œuvres.
CEllUTTI ( A>T0IMÎ - JOSEPH-
Joachim) , né à Turin le i5 juin
1738. 11 étudia au collège des jé-
suites, et son aptitude le fit rece-
voir dans leur ordre. Il professait
au collège de Lyon lorsqu'il rem-
porta, dans la même année, trois
prix à Dijon, àïoulouse et à Mon-
tauban. L'académie de Toulouse
avait demandé << Pourquoi les ré-
» publiques modernes fleurissent-
selles moins que les républiques
wanciennes?» Cerutti, malgré sa
jeunesse,traita cette question avec
une vigueur qui fit croire d'abord
que son discours pouvait être de
J. J. Rousseau. La sensation qu'il
produisit donna aux jésuites, sur
le pouvoir desquels on ouvrait
déjà les yeux, l'idée de confier à
CER
Cerutti le soin de justifier l'ordre,
ou du moins de le défendre. C'est
à Nancy, auprès de Stanislas, qu'il
composa son Apologie de l'insti-
tut des jésuites. Cet ouvrage im-
portant, et qui fit beaucoup de
bruit, ne pouvait changer l'opi-
nion; il ne fut utile qu'à son au-
teur, auquel il donna pour appui
l'ancien roi de Pologne, et ensui-
te le dauphin son petit-fils. Ce
dernier prince, qu'on a long-temps
regardé comme dévot, avait au
contraire une raison éclairée. Il
conçut beaucoup d'estime pour
Cerutti; et, dans des entretiens
particuliers, il ne lui cachait pas
qu'il ne voyait rien de très-sérieux
à opposer aux opinions de Voltai-
re et de Montesquieu. L'habitude
de la haute société, en influant
sur les manières de Cerutti, ne
changea pas ses mœurs; cepen-
dant il ne fut point austère jus-
qu'à l'insensibilité. Il lui arriva
d'aimer une femme d'un haut
rang, et de l'aimer passionné-
ment : ce malheur, qui le priva de
tout repos d'esprit, altéra long-
temps sa santé. II trouva dans l'a-
mitié de grandes consolations; la
duchesse de Brancas l'appela Ai
sa retraite de Fleville près
Nancy, et, durant quinze années,
il y jouit de l'intimité la plus dou-
ce. Cerutti prévoyait de grands
changemens dans l'état, et il ju-
geait trop bien de leurs principaux
effets pour ne pas désirer de voir
jeter les fondemens de cet ouvra-
ge indestructible. En 1788, il pu-
blia son Mémoire pour le peuple
français , un des écrits de cette
époque qui contribuèrent le plus
à donner à la France ce qui lui
avait manqué jusqu'alors, et ce
€EIV
que le temps seul peut achever de
produire, un esprit public. «De-
» puis ce moment, dit le Moni-
»teur (27 mars 1792)» il servit la
«l'évolution par ses écrits et par
» ses discours. De|)uis surtout qu'il
«fut choisi député à la législation,
«les nouveaux efforts qu'il fit a-
«chevèreut de l'épuiser, et il suc-
«comba victiuie respectable de
«son dévouement au bien pu-
«blic. «Pour soutenir cette lutte
en faveur de la liberté, c'est-à-
dire contre la superstition et l'i-
gnorance, il publiait la h\-ttilievit-
la^toise, qu'une siujplioité agréa-
ble proportionnait à l'intelligence
peu exprcée des habitans des cam-
pagnes, et qui, après sa mort, fut
continuée par Grouvelle et par
Ginguené. Fendant la session de
l'assemblée constituante, Cerutli
prit beaucoup de part aux .suc-
cès du plus grand de ses orateurs;
il préparait souvent les matériaux
de ses discours. Une étroite ami-
tié les unissait; mais bientôt Ce-
rutti n'eut plus qu'à prononcer
l'oraison funèbre de Mirabeau.
Ai'rès avoir été i\n des adminis-
trateurs du département de Paris,
puis électeur, il devint membre
de la seconde assemblée, où il fit
voler des remercimens à telle qui
venait de terminer ses travaux
immortels. Au milieu de ces nou-
velles fonctions, ses forces s'épui-
sèrent; il succomba, en i7<)2, au
mois de mars. Quelque intérêt
qu'il ait pris à des questions d'u-
tilité générale, on au progrès de
la liberté, on ne le r«*garde pas
comme un profond publicisté,
mais comme un écrivain délicat
et ingénieux. Ses talcns distin-
)$ués ne formaient pas son seul
CER s43
mérite. Doué d'une vraie sensi-
bilité, il possédait à un degré re-
marquable toutes les qualités de
rhonnête homme, et il n'avait
rien du caractère qu'on attribuait
aux disciples de Loyola. On a pu
lui reprocher seulement d'atta-
cher trop d'importance à la riches-
se. Sa pliilosophie n'allait pas jus-
qu'à lui faire préférer une assez
douce médiocrité : avec onze mil-
le livres de rentes viagères, il se
croyait pauvre. Outre les ouvra-
ges dont il a été fait mention, Ce-
rutti a publié : 1° L'aigle et le
Hibou ^ apologue en vers, Paris
et Glascow, 1785; 2° un recueil
de différentes pièces en prose et
en vers, parmi lesquelles on cite
un petit poëme sur le Jtu d'é-
checs, où les difficultés sont vain-
cues avec assez de bonheur, Pa-
ris et Glascow, 1 784; 3° un poëme
intitulé it Jardin de Rclz, 1792;
'\° Lettres sur les avantages et l'o-
rigine de la gaieté française, Pa-
ris, 1792. Ces lettres avaient dé-
jà été imprimées à Lyon en 1761.
On a encorç de lui quelques au-
tres ouvrages; et, si l'on en croit
le iM(jniteur, il en a laissé un dans
lequel il avait entrepris de prou-
ver que la doctrine iiltramontniue
produisit seule la servitude civile
et politique, l'abrutissement et la
misère des peuples. «11 pourrait
» bien en être quelque chose, con-
Mtinuaitlc journaliste. Celui qui
«parviendrait à épurer toutes les
0 sectes, à détruire le fanatisme,
«la rage de dominer, de se pcr-
» séculer, de s'entre-détruire ; ce-
nlui (|ui pourrait rallier tous les
«hommes à une religion pure-
«mt-nt morale, et n'offrant que
«les deux dogmes coneolans ds
î»44 CEK
» l'existence de Dieu et de l'im-
)) mortalité de rame; celui-là, sans
«doute, aurait guéri une des plaies
))les plus profondes de l'huma-
»nité. »
CERVONI, lieutenant -géné-
ral , coïKmandant de la légion-
d'honneur, nuquit à Soeria, en
Corse, dans l'année 1 7G7. Son pè-
re, Thomas Cervoni, était un des
chefs les plus influens et les plus
courageux de l'île qui se réunirent
au célèbre Paoli, pour conquérir
sur les Génois et défendre con-
tre les Français, l'indépendance
de leur patrie et la liberté de leurs
concitoyens. Fidèle à son pays et
à son chef, il suivit Paoli dans
l'exil, et s'établit avec sa famille
en Toscane. Son fils reçut une é-
ducation soignée, et donna de bon-
ne heure les plus grandes espé-
rances. Les sciences, les lettres,
la poésie surtout occupèrent et
embellirent l'itnagination la plus
brillante et le caractère le plus ai-
mable. Son goût pour les armes
lui ût quitter l'université de Pise,
où son père, qui le destinait à la
magistrature, lui faisait étudier
Ja jurisprudence. 11 se rendit en
France, et entra comme simple
soldat dans le régiment de Royal-
Corse. Son père, pour lequel il a-
vait le plus tendre et le plus res-
pectueux attachement, le força à
quitter l'état militaire, à repren-
dre l'étude des lois, et à suivre la
carrière d'avocat à la Porta. En
1790, il fut nommé chef de l'une
des divisions du directoire du dé-
partement. En 1792, il obtint u-
ne sous-lieutenance dans le ré-
giment de Royal -Navarre cava-
lerie. Son colonel, 51. Casablan-
ca, ayant été nommé général de
CER
brigade, l'année suivante, choi-
sit Cervoni pour son aide -de-
camp, et fit avec lui la campa-
gne des Alpes, qui nous rendit
maîtres de la Savoie. Appelé au
siège de Toulon par son compa-
triote et son ami Salliceti, repré-
sentant du peuple, ses talens et
son courage l'élevèreat rapide-
ment aux grades d'adjudant -gé-
néral et de général de brigade. Il
était à la tête de la colonne qui
enleva la redoute anglaise, et qui
décida la prise de Toulon. Envoyé
à l'armée d'Italie, il prit pour ai-
de-de-camp le jeune Joubert,
dont il connaissait la bravoure,
et à qui une mort prématurée n'a
pu enlever la réputation de grand
général. Cervoni commandait à
Savone la droite de l'armée fran-
çaise , .lorsque Napoléon franchit
les Apennins et conquit en peu de
jours le Piémont et la Lombar-
die. Cervoni , à la tête de sa bri-
gade et sous les yeux de son chef,
passa le pont de Lodi et contribua
puissamment à cette immortelle
victoire. Les batailles de Casti-
glione , d'Arcole, de Rivoli, et le
siège de Mantoue, virent briller
son courage et firent apprécier ses
talens. 11 fit la campagne de Ro-
me, et sa nomination de géné-
ral fut datée du Capitole. Après
le 18 brumaire, Cervoni comman-
da successivement les divisions
militaires de Bruxelles et de Mar-
seille. Sa fermeté, sa droiture, sa
prudence et l'aménité de son ca-
ractère calmaient partout l'esprit
de parti et faisaient cesser les
divisions. Nommé, en 1809, chef
d'état-major de l'armée comman-
dée par le maréchal Lannes, un
boulet de canon termina sa glo-
CES
rieuse carrière stir le champ de
bataille d'EckiTiiiltl, le 2a avri idc
la même année.
CESARINI ( Jacques- AcGusTE-
ViéDE),('hcvalierde Malte, né près
de Paris, m 176*), était, en 1789,
commandeur conventuel de l'or-
dre. Lorsque Bonaparte s'empara
de Malte, en se rendant en E-
gypte, M. de Cesarini fut du nom-
bre des chevaliers qui voulurent
s'opposer au débarquement ; et
quand il vit i'ile au pouvoir des
Français, il 8e retira d'abord en
Italie, puis en Allemagne. Il con-
serva toujours les inclinations et
l'enthousiasme d'un chevalier de
ces temps où l'ordre avait acquis-
de la gloire ; ne pouvant souUrir
qu'on le crût dégénéré, il en prit
la défense contre le manifeste de
Paul 1". En 1H14, au congrès de
Vienne, où il parut comme dé-
puté des langues de France, il
insista pour qu'on rendît à l'ordre
M!8 prérogatives, et sa destination
devenue moins périlleuse. Les
ministres <le France et des autres
cours catholiques prenaient sa de-
mande en considération, mais l'op-
position de l'Angleterre détruisit
toutes le» espénmces des cheva-
liers.Ellene voulait se dessaisir ni
deMalte,ni d'aucun autre postetce
qui eût pu leur convenir, lui«ofi-
venait beaucoup A elle-même. M.
d« Cesarini ré<ligea un mémoire
dans lequel il se proposait de prou-
ver que le rétablissement de l'or-
dre (le Saint-Jean de Jérusaleni,
dans la Méditerranée, pourrait
seul réprimer le brigandage des
Barbaresques. Sans doute la po-
lice des mers, dans l'intérêt com-
mtm , pourrait être mieux faite
qu'elle* ne l'est, surtout depuis
CES
2/1 5
la fameuse expédition anglaise
qui devait tout terminer; sans
doute aussi les chevaliers de Mal-
te rendirent autnefois des ser-
vices réels à la chrétienté : mais
pour rendre à cette institution
sa force dans l'esprit des peu-
ples, il faudrait ramener le siècle
des croisades. Aujourd'hui le-*
statuts de l'ordre paraîtraient au
moins bizarres ; ses chevaliers re-
naissans tomberaient dans l'ou-
bli, fussent-ils armés pour le sa-
lut de l'ancien Péloponnèse.
CESAROTTl (Melchjor), né
à Padoue, le i5 mai 1730, était
d'une famille noble et sans fortu-
ne. 11 fit ses études au séminaire
de cette ville, et annonça dès sa
jeunesse un génie peu commun.
Il resta long-temps indécis sur le
genre de science auquel il s'a-
donnerait; la lecture du //Vre fie
fn Sagesse , par (charron , fixa ses
idées et détermina son gofttpour
des études qui devinrent désor-
mais les occupations de toute su
vie. Nommé professeur de rhéto-
rique au séminaire où il avait été
élevé, il remplit les devoirs de
cette place avec une aptitude et
un zèle extraordinaires. Actif et
laborieux, il lisait beaucoup, li-
sait avec fruit, prenait des notes
de tout, se faisait aider par ses
élèves, et forma, parce moyen,
un grand nombre de volumes con-
tenant des extraits et des analy-
ses de toute espèce de litlératur»'
Pour complaire A quelques hellé-
nistes , il débuta par une traduc-
tion du f'rornct/iee d'Eschyle ; il
jugea , dans la suite , cet ouvrage
mauvais, et le condamna à l'ou-
bli. Plus heureux dans un second
essai, Cesarolti traducteur de Se-
246 CVS
miramis, de lu Mon de Ccuar, cl
de Mahomet, tragédies de Voltai-
re, fut justement admiré, et ,eut
la satisfacti()n#de taire jouer ses
pièces par ses élèves, sur le théâ-
tre du séminaire. On doit être é-
tonné de ce qu'il n'a pas traduit
Zaïre, Tpïiice du même auteur : il
avait une telle passion pour celte
tragédie , qu'on l'a vu la relire
plusieurs fois de suite, pleurant
à chaudes larmes , et ne parais-
sant jamais désenchanté de sa lec-
ture. CesaroUi fui appelé à Venise
en 1^6-2, pour y faire l'éducation
des enfans de la maison Grimani;
il trouva dans cette ville el dans
l'illuslre maison de ses patrons ,
les moyens de donnei- un nouvel
essor à son talent poétique. Les
liaisons qu'il forma avec les sa-
vans et les littéraieurs qui étaient
alors à Venise , les conseils et les
louanges qu'il en reçut, l'enga-
gèrent à publier ce qu'il avait tra-
duit de Voltaire. Il fit précéder
chaque tragédie d'un discours
plein de philosophie et d'érudi-
tion dramatique; ce qui le fit re-
chercher davantage des hommes
instruits. De ce nombre était
Charles Sackville, jeune Anglais,
qui voulut lui faire connaître les
poésies d'Ossian , nouvellement
publiées à Londres. Cesarolti les
traduisit avec enthousiasme, et
créa, par cette traduction, un
genre de style inconnu jusqu'a-
lors dans la littérature italienne ,
et que l'on nomma ossianique. Ce
style, admiré par le grand nom-
bre, et critiqué par quelques sa-
vans, a peut-être eu trop d'imi-
tateurs; le destin des inventions
du génie, est d'élre décréditées
par la sottise qui s'empresse de
CES
les contrefaire. Sackville fut sî
content de Vos.sian italien, qu'il
en fil faire une très-belle édition
à ses frais. Cesarotti fut nommé
secrétaire perpétuel de l'acadé-
mie des sciences, des lettres et des
arts, fondée à Padoue,en 1779.
Les rapports académiques qu'il
fai-iail chaque année, dans les
séances publiques de ce corps,
donnent une haute idée de la va-
riété et de l'étendue de ses con-
naissances. Cesarolti avait une
telle prédilection pour la langue
française, que sa prose s'en res-
sent beaucoup : elle fourmille de
gallicismes et de mots nouveaux,
qui lui ont valu de très-grands
reproches de la part des Italiens
partisans des auteurs du iG"" siè-
cle. Cependant Cesarotti n'en a
pas moins enrichi sa langue ; ^^
ceux qui lui préfèrent Machia-
vel, Annibal Caro, ou Galilée,
ne ressemblent-ils pas aux Fran-
çais qui préféreraient Montaigne
à Jean -Jacques Rousseau? Ce-
sarotti avait une réputation trop
méritée et trop bien établie pour
qu'elle pût échapper à Napoléon.
Ce prince alla chercher le poète
dans sa retraite, et le combla de
bienfaits: il le nomma successive-
ment chevalier et commandeur de
*I'or^re de la Couronne de fer, et le
gratifia de deux pensions. Cesa-
rolti témoigna sa reconnaissance
à l'empereur, par des inscriptions
ingénieuses qu'il avait placées
dans sa petite campagne de Sel-
vaggiano , aux bords de la lireu-
ta, et par un joli poëme en vers
libres, iutittilé Pronea (la Pro-
vidence), piddié en 1807. Cesa-
rotti avait atteint sa 78"" année;
il s'occupait de l'éditioa de see
CES
œuvres , commencée en 1800,
lorsque une maladie aiguë l'en-
leva, le 3 novembre 1 808 , à ses a-
mis, à ses parens et aux lettres.
Celle édition, continuée par Jo-
seph Barbieri , son successeur et
son ami, est composée d'environ
quarante vol. Nous allons donner
l'indication des titres de quelques-
uns de ses ouvrages : Saggio sii/-
la filosofia dtllt lingue, applica-
io alla lingua italiana ; Saggio
Sulla filosofia del gusto. Ce der-
nier essai fut suivi des Rischia-
ramenti apologttici; en réponse
à un ouvrage de M. Napione de
Turin, intitulé : Dell'uso e de'
pregi délia lingua italiana; Poe'
sic di Ossian anlico poeta Celti-
co ; Relazioni accademiche , etc.
Une traduction complète des oeu-
vres d'Homère, à laquelle on a
donné le nom CC Encyclopédie
homérique. L'n cours de littératu-
re grecque; la traduction des Ha-
rangues choisies de Lysias et d'I-
socrate , de l'apologie de Socra-
/e, etc. ; la traduction de Démos-
thenes; Discours sur le plaisir de
la tragédie; Lettres d'un Pa-
douan à M. l'abbé Denina ;
Poésies originales; traduction de
trois tragédies de Foliaire; les
Vie-^les cent premiers papes.
CESSART (Lo»is-Alexandre\
né à Paris le 26 août 1719. Il é-
tait entré au service en 1742,
comme gendarme de la maison
du roi ; mais après avoir fait les
compagnes des quatre années sui-
vantes, et s'tllre distingué auxba-
tailles de Fontenoy elde Raucoux,
il quitta le service ù cause de Taf*
faiblisscment de sa santé. S'étant
attaché dès lors à la direction des
ponts-et-chaussées, il obtint, en
CES
247
1701, après quatre ans d'études,
le titre d'ingénieur de la généra-
lité de Tours. Il fut chargé avec
M. de Voglie , de la construction
du pont de Saumur. Ce fut la pre-
mière fois qu'on fit usage en Fran-
ce du procédé employé par l'in-
génieur suisse Labelye, pour le
pont de Westminster, à Londres.
Cessart a perfectionné ce procé-
dé , qui est si utile quand il s'agit
de fonder des piles dans une eau
profonde , et qui a facilité derniè-
rement la construction du plus
beau pont de la France : sans fai-
re des épuiseniens et des bûtar-
deaux, on affermit le sol au moyen
de caisses remplies de pierres.
Cessart et M. de Voglie inventè-
rent de plus un inslrument pour
recéper les pieux avec exactitude,
à vingt, ou à trente pieds au-des-
sous de la surface de l'eau. Ce sys-
tème hydraulique a été générale-
mentapprouvé. En 1776, Cessart
passa à la généralité de Rouen ,
et il fut chargé de la construction
des quais de cette ville , des éclu-
ses de Saint- Valéry, de Dieppe,
de Treport, et enfin des travaux
du Havre, où l'on remarque com-
me un des plus beaux ouvrages
de cet ingénieur, un pont-tour-
nant d'une grande solidité. II
suivit encore les mêmes princi-
pes à Cherbourg : il fallait fer-
mer en partie une rade, dont l'ou-
verture était de 5,0oo toises, et
qui a 54 pieds d'eau dans les hau-
tes marées. Il projeta d'établir un
môle , après avoir submergé pour
en former la base, 8ocaisse»char-
gées de pierres. On regarda comme
infaillible l'exécution de ce plan,
et Cessart en fut chargé, avec le
litre d« directeur et d'inspecteur-
24»
CET
g^éoéral. Ccpenrlantde nouveaux
ordres du gouvernement , dictés
par des vues d'économie, rendi-
rent les travauidifficHes. Cescon-
tr.'iriélés ne furent pas les seules.
Ce^isart donna hientôt sa démis-
sion. Ses grands talens ne restè-
rent pas inutiles; il diri{j[ea divers
travaux , et on lui doit le plan qui
fut suivi, à quelques exceptions
près, pour laconstruction du Pont-
des-Arts, devant le Louvre. Son
plan du port de Cherbourg lui a-
vait fait obtenir le cordonde Saint-
Micliel, et il fut depuis nommé par
l'empereur commandant de la lé-
gion-d'honneur. Il mourut eu
1806, tandis qu'il rédigeait un ex-
posé de ses divers travaux. M. Du-
bois a fait paraître ces mémoires,
sous le titre ôq Description des tra-
vaux hydrauliques de h. A. de
Cessart, ouvrage imprimé sur les
manuscrits de l'auteur, 2 vol. in-
4", avec G7 planches; Paris, 1806
etiSoç).
CETTO(le BAAOiv Amtoinede),
conseiller- d'élat intime du roi
de Bavière l, long-temps son mi-
nistre plénipotentiaire en France,
grand'croix de l'ordre de la cou-
ronne de Bavière , etc. , pair à vie
du.royaume de Bavière, est né à
Deux-Ponts, en 1756. Après avoir
servi avec distinction dans l'ad-
ministration intérieure de son
pays , M. de Cetto parut, pour la
première fois, dans la carrière
diplomatique, à Bâle, en 1795,
pour y surveiller les intérêts du
duc Charles de Dèux-Ponts. Rap-
pelé de cette mission, il fut char-
gé, en 1796, de se rendre à Paris
pour engager le directoire à sou-
tenir le duc de Deux-Ponts, héri-
tier de l'électeur de Bavière, con^
CEV
tre les prétentions malveillantes
de la maison d'Autriche. C'est à
celte époque critique qu'il se fit
remarqtier par cette habileté et
cette fermeté qui lui valurent la
confiance de la cour de Bavière, et
depuis le rang distingué qu'il oc-
cupa dans la diplomatie. Il fut un
des premiers et des plus actifs
artisans de la confédération du
Rhin; il montra, en beaucoup
d'occasions épineuses^ un patrio-
tisme et une loyauté qui lui ont
assuré en France et en Bavière
l'estime générale, M. de Cetto é-
pousa d'abord la (ille du fameux
libraire Cazin, et en i8i5, épousa
en secondes noces la baronne A-
rianne de Deux-Ponts, issue de la
maison régnante de Bavière. Il
remplit aujourd'hui les fonctions
de conseiller -d'état , en service
ordinaire. . — Charles de Cetto,
l'aîné de ses fils, a long-temps ser-
vi dans les armées françaises, oà
souvent il s'est fait remarquer
avec distinction. D'honorables
blessures et la croix d'olTicier de
la légion-d'honneur, attestent sa
bravoure et les services qu'il a ren-
dus à sa patrie adoptive.
CEVALLOS (dok Pbd»o), né à
Saint-Ander en 1764. Il appar-
tient à une ancienne famille, et
entra de bonne heure dans la
carrière diplomatique. En 1784,
après avoir été secrétaire d'am-
bassade, il fut admis dans la se-
crétairerie-d'état. Le prince de la
Paix qui, à cette époque, n'était
que Godoï, duc d'Alcudia, lui
ayant donné en mariage une de
ses cousines, le fit nommer pre-
mier secrétaire-d'état, lorsqu'il se
démit lui-même de cette dignité,
sans cesser de conduire les affai-
CEV
re?. Occupé des intrigues qui, en
divisant laconrd'Espagne, allirè-
rentsurce pays d'autres fléaux,
Godoï n'instruisit pas de ses pro-
jets le ministre qui lui devait son
élévation ; soit qu'en cela il ren-
dît justice à la droiture de Ceval-
los, soit qu'il eût au contraire une
assee nnauvaisc opinion de ses
inojene pour en parler, dit-on,
comme d^iiti homme incapable de
gouverner même une maison de
moines. Lesdésordressuscités par
cet homme alors si puissant, et
la conduite imprudente du prin-
ce des Asturies, décidèrent Napo-
léon a faire entrer des troupes en
Kspagne. Plusieurs places étaient
déjà au pouvoir des Français,
quand Cevallos put entrevoir les
causes de cette invasion. S'étant
déclaré en faveur de Ferdinand, il
ne courut aucun danger lorsqu'on
se souleva dans Aranjuet pour
s« délivrer de l'influence du prin-
ce de la Paix. Après l'abdication
de Charles IV, Cevallos confirmé
dans son titre de premier secré-
laire-d'état par le roi Ferdinand,
s'efforça de le prémunir contre
les suggestions qui l'entraînèrent
enfin à Bayonnc, et loin d'approu-
ver ce voyage, il le pressait défai-
re en dernier lieu un appel à in
nation pour que In péninsule con-
>ervfit une sorte d'indépendance.
M ne fut pas écoulé ; les insinua-
tions du général Savary prévalu-
rent} le prince se laissa entroiner,
et Cevallos le suivit. A Vinoria,
une partie du peuple ayant vou-
lu dételer les chevaux du roi et
traîner sa voiture, <]evallo8 saisit
cette occasion de renouveler ses
instances; mais ce monarque pa-
rut înébranlahle dans In résolu-
CEV a4g
tion que lui avait fait prendre sa
|)ro[)re faiblesse. Fn arrivant à
Bayonne, on sut que l'empereur
avait sur l'Espagne des desseins
contraires aux droits de Ferdi-
nand. On pouvait toutefois con-
server de faibles espérances, et
Cevallos fut introduit auprès de
Napoléon; mais ensuite il se vit
remplacé dans cette négociatioo
difficile par le chevalier Labra-
dor, qui fut écarté lui-même com-
me se trouvant d'un rang infé-
rieur à celui du ministre français,
M. de Champagny. Cependant
Cevallos continuait à défendre les
intérêts de Ferdinand; mais l'ar-
rivée de Charles IV, ses plaintes
contre son fils, et sa déférence en-
vers Napoléon, dont il invoquait
l'appui, décidèrent Ferdinand à
renoncer, par les actes du i" et
du () mai, ati pouvoir que l'abdi-
cation précédente lui avait con-
féré. Lorsque ensuite la famille
royale partit pour Bordeaux, Ce-
vallos resta dans Bayonne. Joseph
Bonaparte l'emmena à Madrid.
Ce prince qui avait le dessein
de se concilier le cœur des Es-
pagnols, mais qui se dissimulait
en cela toute la ditliculté des cir-
constances, commença par oflrir
à C(!vallos la place de premier
ministre. L'Espagnol l'accepta;
mais à peine arrivé dans la capi-
tale., il donna sa démission, et se
relira auprès de Saiut-Ander :dans
cette position favorable, il servit
de tout son pouvoir la cause de
Ferdinand. Il fut un des auteurs
du traité avec l'Angleterre, con-
vention qualifiée bientôt de mons-
truosité politique. L'Espagne, oc-
cupée eu même temps par des
étrangers, et livrée à de prétendus
aSo
CEV
amis, les accusa presque éf^alc-
lementdesaruine. Cevallos ayant
publié l'Exposé des moyens em-
ployés par Napoléon pour usur-
per la couronne d'Espagne, ve-
naittl'êtredéclaré ennemi de l'Es-
pagne etde la France, et traître aux
deux couronnes, lorsque, vers le
commencement de 1809, il se ren-
dit à Londres comme envoyé ex-
traordinaire, à l'effet de remercier
le roi de la Grande-Bretagne des
secours accordés à la péninsule, et
pour régler diverses stipulations.
Revenu dans sonpays, après avoir
obtenu ce qu'il désirait, il conti-
nua d'agir contre la France. En
1811, il fit imprimer un nouveau
mémoire, aussi peu modéré, sous
ce titre : Politique particulière de
Bonaparte, ou Moyens dont il se
sert pour détruire la religion ca-
tholique, et pour corrompre la fi-
délité des Espagnols, ne pouvant
les réduire par la force, in- 8°. En
1814, Ferdinand, rentré en Espa-
gne, rappela auprès de lui Ceval-
los; et le fit premier ministre. On
lui fut redevable de plusieurs dé-
crets sur l'instruction publique et
sur la construction de routes et de
canauxdans l'intérieur de l'Espa-
gne. Il cherchait à diminuer les ri-
gueurs exercées contre les pros-
crits, et surtout à inspirer au roi de
l'indulgence envers les anciens
membres des cortès ; mais les Os-
tolaza, les Escoiquiz, les Maca-
guas n'inclinaient pas vers la clé-
mence. Le roi, qu'ils paraissaient
subjuguer, ne retira point toute
^a confiance à Cevallos; mais au
commencement 4^ 1816, il le
comprit dans la destitution géné-
rale des ministres , et l'envoya
en exila Saint-Ander, avec une
cnA
pension de 40,000 réaux. Quel-
ques semaines après, au mois de
février, on lui confia le portefeuille
des affaires étrangères, et il reçut,
comme une récompense de son
ancienne fidélité, le collier de la
Toison-d'Or. En passant un peu
plus tard au ministère delà justi-
ce, il reprit le titre de premier
secrétaire-d'état. Ce fut alors que
parut le décret contre les déla-
teurs et les calomniateers; mais
Cevallos fut de nouveau éloigné
du ministère, sous prétexte que
sa santé était affaiblie. Quelque
temps après il fut nommé ambas-
sadeur à Vienne.
C H AB AN { François - Locis-
René-Mobchabd, comte de), né
le 18 août 1737, se destina d'a-
bord à la carrière des armes.
Sous-aide-major aux gardes-fran-
çaises, lorsque la révolution é-
clata, il en adopta les principes
avec la sagesse et la modération
dont il a fait preuve toute sa
vie. Après l'avoir traversée dans
une position obscure, il exerçait,
à l'époque du 18 brumaire, les
fonctions de maire de la commu-
ne des Prés-Saint-Gervais, près
Paris. Il fut alors nommé sous-
préfet de Vendôme, et les talens
distingués qu'il déploya dans ce
poste , lui valurent l'honneur d'ê-
tre bientôt appelé à des fonctions
plus importantes. Devenu succes-
sivement préfet de Rhin-et-Mo-
selle, puis de la Dyle, il adminis-
tra ces deux départemens avec u-
ne sagesse paternelle. Magistrat
éclairé, travailleur infatigable,
partout il laissa des regrets après
lui. Nommé conseiller-détat, il
quitta Bruxelles et fit partie de la
commission établie à Florence
COA
pour organiser et administrer la
Toscane. De retour à Paris, il fut
attaché comme conseiller-d'état
en service ordinaire, à la section
de l'intérieur, où plusieurs tra-
Taux lui furent confiés, Enfin M.
de Chaban était un des conseil-
lers-d'état attachés à l'administra-
tion de la guerre, lorsqu'il fut
envoyé à Hambourg a\ec If titre
d'inlendant-général des finances.
Quand par suite des désastres de
Moscow et de Leipsick, cett«: vil-
le se trouva assiégée. M. Chaban,
déployant toute l'activité et le
sang-froid que demandaient les
circonstances, sut adoucir, dans
leur exécution, la sévérité de cer-
taines mesures, et unir ainsi la
prudence à la fermeté. Enfin , é-
puisé par de longues fatigues, il
ne put résister à une épidémie qui
se déclara durant le siège , et il
mourut, en 18 15, à l'âge de 58
ans. Plus heureux que tant de
Fran^;ais cnndainnés ù lui survi-
yre , M. Chaban expira sans con-
naître tf)ute l'étendue des maux
de la patrie. Plein de lumières, de
bonté véritable et de simplicité ,
il laissa une réputation sans ta-
che, et emporta les regrets de
tous ceux qui l'avaient connu.
CHABANNES (Jean-Baptiste-
Mabie-Frédéric, marquis de), né
le 27 septembre 1770. Il émigra
dès les premiers temps, et fit la
campagne du Rhin sous le prince
de Condé; mais ayant passé en
Angleterre, après le licencie-
ment, il s'y occupa de diverses
spéculations, «l particulièrement
de l'éclairage de la ville de Lon-
dres. Rentré en France, sous le
consulat, il voulut y établir de
Houyelles voitures appelées véio-
CHA 201
ciftres. Celle entreprise n'eut pos
de succès, et M. de Chabannes
s'éloigna de ses créanciers pour
ne reparaître dans la capitale
qu'en 1814. Au mois d'av'ril, il se
rendit auprès de Louis XVIII qui
était sur le point de quitter Lon-
dres. Cette démarche était diri-
gée par M. de Talleyrand, dont
les fonds avaient alimenté d'abord
l'opération des vélocifères. Nom-
mé aidc-de-camp du roi, M. de
Chabannes revint aussitôt à Ca-
lais, afin d'y préparer toutes cho-
ses pour le débarquement; et en-
suite il se rendit à Lille, où il
persuada au comte Maison de fai-
re sa soumission au roi. Forcé de
quitter la France, en 181 5, M,
de Chabannes retourna en An-
gleterre, où il fit paraître quel-
ques brochures : 1° Lettre à M.
de Blacas ; 2° Aperçu historique
et politique des Joutes commises
depuis la bataille de Leipsick,
jusqu'il la nouvelle révolution qui
vient de s'opérer; 3" ylux Fran-
çais : deux mots de vérité à cha-
cun , selon son état; 4° Procès-
verbal d'une assemblée tenue 'à
Paris y juin 181 5, sous la prési-
dence de l'honneur, la fidélité et
la justice ; 5° M. de Chabannes à.
M. de Talleyrand, premier mi-
nistre du roi. On regarde comme
assez curieux ce dernier écrit, où
l'auteur adre'»se i\ M. de Talley-
rand des reproches amers. M. do
Chabannes a élé nommé pair de
France , le 17 août 18 15.
CHABAISON (N.), membre de
l'académie française, fut l'un des
littérateurs du 18"" siècle qui, à
force de travfiil et de patience ,
ont su le mieux suppléer au gé-
nie qui leur manquait. Ses ou-
203
CUA
vrages se font remarquer par cet-
te sorte d'observation froide, qui
est plutôt le résultat des observa-
tions d'autnii comparées par un
esprit juste, que le fruit de l'exa-
men approfondi desi objets mê-
mes. Son élégance est symétri-
que et compassée ; quand une pa-
ge heureuse sort de sa plume, il
est trop aisé de sentir par quelles
combinaisons secrètes et pénibles
il est parvenu à ce résultat. Ses
vers sont purs, mais ils manquent
de souplesse et de grdce. Ses piè-
ces de théâtre n'offrent guère
qu'une suite d'incidens ingénieu-
sement rapprochés. Les oeuvres
du génie ne sont, il est vrai, qu'un
calcul habile de tout ce qui sé-
duit, frappe ou émeut ; mais l'at-
tention la plus laborieuse y con-
serve toujours l'élan de l'inspira-
tion; ce qu'on appelle un admi-
rable instinct n'est sotivent que
le triomphe de l'art. Chabanon
était savant, et ne manqtiait ni
d'érudition , ni d'esprit. 11 avait
même cette espèce de sensibilité
douce qui plaît aux hommes en
société . parce qu'elle ne promet
ni passions profondes , ni affec-
tions orageuses. Mais dans les ou-
^ vrages littéraires où l'esprit cher-
che avidement quelque chosequi
l'élève au-dessus des habitudes
sociales, ces sentimens aimables
et polis semblent quelquefois dé-
colorés. Aussi Chabanon fut -il
plus recherché que ses ouvrages.
On l'aimait sans le lire , et il fut
académicien, moins par l'estime
que l'on portait à ses écrits, que
par celle que méritait son carac-
tère. Né à Saint-Domingue, en
1730, il fut d'abord dévot, ensui-
te philosophe , se livra tout en-
CHA
lier à l'étude de la musique, se
fit connaître dans le monde par
son talent agréable sur le violon,
débuta en littérature par une froi-
de tragédie { Ejwnine, 17<)2);
par quelques dissertations élé-
gamment écrites {sur te sort de
la Poésie en ce siècle philosoj)hi-
que , sur Homère^ etc.) Jet par
quelques passions romanesques,
où il apporta trop de bonne foi ,
trop de faiblesse et trop d'illu-
sions, pour qu'elles n'entraînas-
sent pas le repentir après elles.
Dans ses Mémoires posthumes ,
publiés par Saint-Ange, en 1795,
on peut voir combien l'amour
occupa de place dans sa vie, et à
quelles épreuves fut mise sa fidé-
lité. Trois femmes attachèrent à
leur char cet amant crédule, dont
la longue constance brava leurs
longues perfidies. Sa réception ù
l'académie française et à celle des
inscriptions, acheva~ce que la
maturité de l'âge avait commen-
cé : détrompé de l'amour, il se
réfugia dans la philosophie. Cha-
banon traversa sans obstacles les
premiers orages de la révolution,
et mourut le 10 juillet 1793. Ai-
mé de Voltaire, sans ennemis,
sans envieux, il jouit de tous les
avantages du talent, sans être ex-
posé aux dangers de la gloire et
du génie. Ses Traductions de
Pin d are et de Tliéocrite , 1771,
1776, 1777, sont estimées; mais
ses meilleurs écrits sont sans au-
cun doute ceux où il a pu déve-
lopper ce talent d'analyse criti-
que , qui ne s'élève jamais jusqti 'à
de hautes considérations, mais
qui, secondé par le savoir et l'ha-
bitude de juger, peut servir de gui-
de aux jeunes écrivains. Son Dis-
CHA
cours sur Pindare tt sur la Poésie
lyrique (ijGq) est de ce genre.
Distinguées parles luêmes quali-
tés , ses Observations sur la mu-
sique ( I ^7Ç), 1785, 2 vol.), sont
toutefois d'un ordre supérieur;
Cbabanon a saisi, avec beaucoup
de bonheur, quelques rapports
inaperçus entre la science des
sons, celle de lu parole, la sen-
sibilité de Tânie et l^lfnétaphysi-
que du langage; mais en refusant
à la n^usique le pouvoir d'imiter
la nature, et celui d'exprimer les
passions , il a trahi le défaut de
son organisation personnelle. Les
comédies àe Chabanon (1788),
et ses tragédies (1769), les opus-
cules en vers (177 5, ï779)» ^t ses
éloges académiques ( 1 764, 1 79 • )'
éloges de Rameau et de Fréron ,
portent le même caractère de sa-
gesse, d'urbanité, de froideur et
d'élégance.
CHABANON (Antoine -Domi-
KiQi'B de). Avant la révolution, il
était entré au service. Député à la
convention, il vota dans le pro-
cès de Louis XVI, pour la déten-
tion et le bannissement ù la paix,
pour le sursis et pour l'appel au
peuple. Après la session, il passa
au conseil des cinq-cents, dont
il sortit en 1797. Il obtint, sous
le gouvernement consulaire, la
sous-préfecture de Murut, dans
le Cantal, et depuis il fut secré-
taire-général du ministère de la
marine. Le roi lui a conféré les
ordres de la légioo-d'honneur et
de Saint-Louis.
CHABALD (Antoine), naquit à
Nîmes, en février 1787, d'une fa-
mille protestante, et tnouru ta Cet-
te, au moisd'auflt 1791- Témoins
dc> succès qu'il obtint comme èl«-
CHA a53
ve, au collège de Nîmes, les )é-
suites voulurent attacher le jeune
Chabaud à leur ordre; mais un
colonel, également frappé descon-
naissances qu'il développa dans
un concours public , proposa à
sa mère de le faire entrer au ser-
vice ; elle y consentit d'autant
plus volontiers, que la vocation
de son fils était pour l'état mili-
taire. En 174^, après avoir ache-
vé ses études à Genève, il entra
dans le régiment de Bourbon in-
fanterie : il fit le siège de Mons,
celui de Saint-Guilain, en qualité
d'aide -de -camp du marquis de
Chaumont, et ceux de Charleroy,
de Namur, de Maëstricht, comme
olFicier de grenadiers : il se fit re-
marquer ù la bataille de Raucoux.
Les détails de l'infanterie fati-
guaient son esprit sans l'occuper;
il désira entrer dans le corps royal
du génie , se fit recevoir ù l'é-
cole de Mézières, où il acheva en
moins d'une année des études
qui en exigent ordinairementplu-
sieurs, et fut fait capitaine au
sortir de cette école, ce qui n'a-
vait pas encore eu d'exemple. A
la retraite d'Hanovre, il remplis-
sait les fonctions d'aide-maréchal-
des-logis du corps que comman-
dait le marquis de Voycr. La paix
se fit; le service ordinaire des
places n£ pouvant pendant la paix
occuper l'extrême activité de M.
Chabaud , il se livra au travail du
cabinet, et fit paraître de nom-
breux mémoires sur les diverses
parties de son art, et sur leur ap-
plication aux pays où il était em-
ployé. Erj i77Get 1777, il s'occu-
pa d'un grand travail sur les ca-
naux du i'icardie, demandé par
les ministres de Saiat'Germain et
254
CHA
ïurgot : si leur retraite du minis-
tère n'en eût empêché l'exécu-
tion , la Somme serait aujour-
d'hui navigable jusqu'à la mer,
et d'immenses terrains, stagnans
sous les eaux, seraient rendu» à
l'agriculture. Des travaux de cet-
te importance n'empêchaient pas
cet habile ingénieur de se livrer
à des recherches prolongées ; il
fit VHisloire des villes de Moiit-
médy, de Péronne, de Saint-
Quentin, où il fut successivement
employé. Nommé major en 1778,
il refusa la croix de Saint-Louis,
ne voulant pas prêter le serment
de catholicité, exigé par les sta-
tuts de l'ordre. Ce fut en vain que
M. le comte de Périgord, com-
mandant de la province du Lan-
guedoc, le pressa d'accepter cet-
te décoration. // ne me serait
pas permis , répondit -il, d'écrire
autour de la croix que je n'ai
pas prêté le serment; Je ne veux
pas d'un honneur qui pourrait
me faire soupçonner d'un par-
jure. On peut croire qu'un hom-
me de ce caractère ne sollicita
point de faveur, aussi fut-il ou-
bliéjusqu'au jour où l'on eut be-
soin de lui. En 1785, sous le mi-
nistère de MM. de Ségur et de
Vergennes, le gou vernement fran-
çais, bien convaincu de la nécessi-
té deso utenir lartPorte ottomane, et
cependant n'osant pas prendre ce
parti ouvertement, envoya dans le
Levant des officiers distingués de
toutes les armes , pour diriger les
opérations et les armées des Turcs;
le major du génie Chabaud (il ve-
nait d'être promu à ce grade) fut
chargé de se rendre à Constan-
finople, pour mettre cette capita-
le en état de défense , et fortifier
CHA
les Dardanelles. A près avoir éprou-
vé tous les désagremens que lui
réservaient la jalousie de ses com-
patriotes, l'insouciance du gou-
vernement qui remj)loyait, et la
stupide ignorance de celui qu'il
allait secourir, il revint en Fran-
ce. En 1785, il publia sur/eivo/-
cans et sur U-s li enbU-mi-ns de
terre, uti mémoire dans lequel,
appliquant l#théorie de -sa pom-
pe à feu aux terribles effets de ces
phénomènes , il les expliqua d'u-
ne manière pi us satisfaisante qu'on
ne l'avait fait jusqu'alors, et indi-
qua des moyens de s'en préser-
ver. L'académie des sciences de
Paris honora cet ouvrage de son
approbation, et celle de Mont-
pellier s'empressa d'en agréger
l'auteur parmi ses membres. La
révolution commença suus les
plus heureux auspices ; M. Cha-
baud , né protestant , c'est-à-
dire proscrit par d injustes lois ,
ne pouvait qu'embrasser avec ar-
deur des principes qui lui assu-
raient le libre exercice de sa reli-
gion, et la jouissance entière de
ses droits naturels. Honoré des
suffrages de ses concitoyens , il
était membre de la première as-
semblée électorale , lors des pre-
miers troubles deNîmes, en 1790.
L'urgence et la gravité des cir-
constances firent créer un comi-
té militaire, dont il fut nommé
président, et qui sauva la ville de
l'effervescence des partis et de la
disette qui commençait à s'y fai-
re sentir. Le calme rétabli, M.
Chabaud se démit de l'espèce de
dictature qu'il avait exercée, et
il reçut des témoignages multi-
pliés d'estime et de reconnaissan-
ce publiques. L'assemhlée élec-
CHA
torale le mit à la tête du directoi-
re départemental du Gard : il y
développa de grands talons pour
l'administralion , et une énergie
qui s'alliait en lui à une exlrê-
ine bonté. 11 continuait Cepen-
dant d'appartenir à l'état mili-
taire, et le ministre de la guer-
re, à la sollicitation des auto-
rités de son département, et de
l'assemblée constituante, le main-
tint dans les fonctions qu'il oc-
cupait. Son activité semblait s'ac-
croître avec son Hge; en 1790,
résumant tout ce que l'expé-
rience, la réflexion et les tra-
vaux de sa vie entière lui a-
vaient appris, il considéra {)oliti-
quementet militairement la Fran-
ce dans son ensemble et dans ses
détails, et jeta dans un grand ou-
vrage les bases d'un système gé-
néral de défense , d'après lequel
il proposa la réduction d'un grand
nombre de places fortes , et la
construction de quelques autres,
la multiplicité des travaux aux-
quels se livrait cet excellent ci-
toyen, et plus en(;ore les vives
inquiétudes que lui donnaient les
désordres causés par les premiè-
res approches de la tempête révo-
lutionnaire, altérèrent sa santé;
il éprouva une maladie longue et
cruelle, pendant laquelle ses con-
citoyens lui prodiguèrent les preu-
ves de vénération et d'amour qui
eurent plus d'elïicacité pour adou-
cir ses derniers momens, que sa
nomination tardive au grade de.
colonel directeur du génie, qu'il
reçut en 1791, deux mois avant
sa mort. Homme, citoyen, sol-
dat irréprochable dans la guerre
et dans la paix , sa mémoire doit
rciiler eo vûnératioD sur la terre.
CHA
255
CHABAUD-DE-LATOUR (An-
toine-Georges-François, baron),
appartient à une famille protes-
tante. Il naquit à Paris le i5 mar«
17G9. En 1788, il entra comme
lieutenant en second dan? l'arme
du génie, et l'année suivante il
passa au régiment de Rohan in-
fanterie. Sa manière de penser
sur les principes que les premiè-
res années de la révolution con-
sacraient enûn, lui firent donner,
en 1791, le commandement d'u-
ne légion de la garde nationale de
INîmes; mais bientôt il le quitta
pour un service plus actif, à la tè-
te d'un corps de grenadiers et de
chasseurs volontaires. Après avoir
fait une campagne, il fut arrêté
comme coupable de fédéralisme,
et condamné à mort par le tribu-
nal révolutionnaire de Nîmes; il
ne dut son salut qu'au dévoue-
ment de M""" Chabaud, qui, en
s'exposant comme le fit depuis
une autre femme généralement
admirée, facilita son évasion à
rheure même où l'on préparait
son supplice. Il quitta le sol de la
France, et n'y rentra qu'après l'é-
vénement du 9 thermidor. En
1797, '^ département du Gard le
choisit pour député au conseil
des cinq-cents. Il ne trouva pas
l'occasion d'y parler sur des ma-
tières importantes; mais, au 18
brumaire, on ne lui vit aucune hé-
sitation : il ne partagea point les
craintes de plusieurs citoyens é-
clairés; il envisagea les choses
sous un autre aspect, et il ne con-
çut que des espérances. Il se mon-
tra tellement favorable au chan-
gement qui s'opérait, que dans la
séance du 19, il compara cette
journée d« Siiinl-Cloud, après la-
256
CHA
quelle la liberté nous abandon-
na, au niuincnt fameux où le
serment du Jeu-de-Paiime l'avait
promise à l'ancien monde. Le
même jour on nomma une com-
missioji pour rédiger la constitu-
tion d^ite de l'an 8, et les lois or-
ganiques; M. Chabaud-de-Latour
en fut membre, et il montra cons-
tamment, dans les discussions,
des talens peu communs, et des
connaissances étendues. Plus tard,
il vota, au sein du tribunat, contre
la clôture de la liste des émigrés;
il craignait que cette sorte d'in-
dulgence ne compromît bientôt
la sûreté de l'état. En 1804, il ne
fut point contraire à l'établisse-
ment de l'empire; à cette occa-
sion il s'éleva fortement contre
une partie de ceux qui s'y oppo-
saient, contre ceux qui avaient
leurs motifs pour refuser aux peu-
ples le droit d'élire les chefs de
leur gouvernement. Les difficul-
tés sur cette question se reprodui-
sent encore, et l'on ne saurait en
marquer le terme : la prévention
et les intérêts particuliers le recu-
lent sans cesse; le temps et l'ex-
périence pourront seuls à -cet é-
gard accorder les opinions. Bien
que M. Chabaud eût reçu la déco-
ration de la légion-d'honneur, il ne
tarda pas à tomber dans la disgrâ-
ce de Napoléon. Cependant le dé-
partement du Gard l'ayant désigné
pour le corps-législatif, en 181 5,
îe sénat confirma ce choix, et M.
Chabaud put donner, comme dé-
puté, son adhésion à la déchéan-
ce de l'empereur en 1814. Bientôt
il fit partie de la commission char-
gée de quelques travaux relatifs
à la charte, et obtint alors, avec
le titre de baron, celui d'officier
CHA
de la légion-d'honneur. Dans la
session suivante, M. Chabaud
parla en faveur des députés des
pays devenus étraugern à la Fran-
ce, et qu'on proposait d'exclure
de la chambre. Il se déclara ex-
pressément contre la censure, et
vota dans Tinlérêt des commu-
nes, soit pour la prohibition des
fers étrangers, soit contre l'expor-
tation des laines. Il était retiré à
ISîmes à l'époque des cent jours :
et il ne prit aucune part à ces évé-
nemens; mais ensuite, pendant
la violente réaction qui les suivit,
il eut le courage et le bonheur
d'être utile aux protestans. Cette
conduite n'était pas propre à le
faire admettre dans la chambre
de 181 5; mais deux années plus
tard, en 1817, il fut réélu, ce qu'on
attribua surtout à sa liaison avec
M. Decazes. M. Chabaud vo-
ta constamment, soit contre les
lois d'exception, soit contre le
nouveau système électoral; et
lorsqu'une discussion s'éleva sur
la pétition de M. Madier-de-Mont-
jau, il ne craignit pas de se pré-
senter à la tribune pour attester la
vérité des faits allégués dans cette
plainte, et pour en demander le
renvoi au conseil des ministres.
CHABEKT (Philibert) , célè-
bre médecin vétérinaire, naquit
à Lyon le 6 janvier 1737. Son
père était maréchal , et il dut
à ses leçons les premiers élé-
mens d'un art qu'il a illustré de-
puis. 11 vint à Paris, se perfection-
na chez Lafosse le père, y puisa
le goût de l'observation et de la
pratique, et entra dans les équi-
pages du prince de Condé en qua-
lité de maréchal. Il fit les campa-
gnes d'Hanovre , et à la paix de
CHA
1 ^-Gj, il entra à récole vétérinai-
re de Lyon, que Bonrgelat avait
établie l'année auparavant. Bonr-
{j;elat eut hienlôt apprécié les ta-
Itns de Cliabert, et il reconnut
son utilité dafis l'école d'Alt'ort,
à l'élablissement de laquelle il
travaillait (1766). Il le plaça d'a-
bord à la tête des hôpitaux et
des forges, et n'eut qu'à s'applau-
dir de son choix. Bourgelat se
plaisait à rendre justice à Cha-
bert, et ne dissimulait pas les o-
bli>;alions qu'il lui avait: «La ra-
opidité de ses progrès, disait-il,
«lui assure une réputation qui seu-
nle sulïirait pour convaincre à ja-
»inais de l'utilité de nos établisse-
» men». » Charge de tous les détails
d'une administration encore nais-
saute, Chaberl entre tenait une cor-
respondance suivie, a*dministrali-
ve et scientifique, sans sur veillans,
sans secrétaire; dirigeait les hô-
pitaux et les forges, répondait
aux nombreuses consultations; et
son activité suffisait à tous ces
travaux. Il fut nommé successi-
vement professeur de marécha-
lerie, des maladies et des opéra-
lions, inspecteur ans études, et
directeur de l'école d'Alfort. il
succéda à Bourgelat, en 1780,
dans sa place de directeur et ins-
pecteur-général des écoles roya-
les vétérinaires. Chabert fut nom-
mé membre de la légion-d'hon-
neur par Napoléon, en i8o5. Il
était correspondant de linstitut
de France, et mourut le 8 sep-
tembre i8i/{. Chaberta publié un
h'.'MU Mil i^iji I . lire, cl plusieurs
mémoires de médecine vétérinai-
re pratique qui sont ituprimés
dans le Joui nul d agriculture et
dans les insU'uctions vt'térinaiy
CHA
20'
rcs , etc. Il a laissé des cahiers
manuscrits sur plusieurs mala-
dies, et il avait préparé un grand
ouvrage sur les opérationschirin--
gicales , ouvrage dont toutes les
planches sont gravées, et que le
gouvernement s'empressera sans
doute d'acquérir.
CHABERT (Théodore), né a
Grenoble, le i(j mai 1768. Après
avoir servi comme général de
brigade dans l'armée du Nord,
il comnianda à Liège en ijqS,
et, en 1797, il passa à l'armée de
Sambre-et-Meuse. Nommé, l'an-
née suivante, député au conseil
des cinq-cents, par le département
des Bouches-du-lUiône , il y dé-
nonça , comme protecteur de la
réaction royaliste à Marseille. Lu-
colte, chef de la 4"" demi -bri-
gade d'infanterie légère. Le 7
août 1798, il s'éleva vivement
contre les déprédations des em-
ployés de la guerre, et deman-
da que les lois rendues contre les
émigrés fussent déclarées appli-
cables à ceux qui s'étaient sous-
traits à la déportation du i8 fruc-
tidor. Peu de temps après, il fit
traduire, devant une commission
militaire , les naufragés de Ca-
lais. Sous le consulat, il rentra
dans les rangs de l'armée. Lors-
que Bonaparte étal)lit la légion-
d hoimeur,le général Chaberl re-
çut la croix de conunandant de
l'ordre, et après avoir fait enco-
re quelques campagnes, il se re-
tira. Mais, en 181"), il reprit du
service, et fut nommé lieutenant-
général, le 17 avril. Chargé du
connn;^ndementdes troupes et de
la garde nationale réunies à Gre-
noble, en faveur de Napoléon, il
marcha à leur tête contre le gé-
'7
358
CHA
néral Ernouf, qui s'avançait avec
l'aile (Irrtile de l'armée du duc
d'Angoulrine. Celle sorte de cam-
pagne, vers le Rhône, causa peu
de fatigue au général Chaberl ;
les hostilités cessèrent avant d'a-
voir été sérieuses , mais , après le
retour du roi , il ne fut plus en ac-
tivité.
CHABERT (Joseph -Bernard,
MARQt'is DE ) , a passé presque tou-
te sa vie sur mer. Ce marin infa-
tigable, ce capitaine si actif, é-
tait membre du bureau des longi-
tudes, associé à beaucoup d'aca-
démies, et compté parmi les sa-
vans d'Europe les plus estimés.
Un grand et utile ouvrage qu'il
n'a pu achever [V^tias général
des côtes de la Méditerranée ) ,
eftt mis le sceau à sa réputation ;
mais il perdit la vue, quitta la
France, et ne laissa que des par-
ties détachées de ce travail. 11 se-
rait à désirer qu'une main patien-
te et habile s'occupât de le com-
pléter. Le seul ouvrage qu'il ait
publié est un Foya^^e , purement
astronomique et hydrographique,
sur les cotes de L'Amérique sep-
tentrionale [i'p5'5, in-i^", Mémoi-
res de l'Académie des sciences).
Les côtes de l'Acadie, partie éloi-
gnée et peu connue du Canada ,
reçurent, pour la première fois, la
place qui leur appartient , dans
les cartes géographiques qui font
partie de ce voyage. Né à Tou-
lon, le 28 février 1724» le mar-
quis de Chabert moonit à Paris,
en i8o5, âgé de 82 ans. Entré fort
jeune au service, ilavança rapi-
dement, se battit avec un grand
courage, perfectionna l'h^'drogra-
phi,e, et sut, à la fois, imiter (Jas-
sini et Dug»ay-Trouii>.
CHA
(>HABOT (François, surnom-
mé le Capucin ), a joué, pendant
les premières années de la révolu-
tion française, un rôle turbulent,
bizarre et pourtant secondaire.
Lne ardeur fanatique et des vues
bornées, l'enthousiasme d'un ré-
publicanisme mal combiné, une
probité douteuse , une ambition
folle, une activité stérile, une é-
loquence fougueuse, spirituelle,
entortillée, audacieuse, une té-
mérité que rien n'arrêtait et qui
n'arrivait à rien, ont caractérisé
sa conduite. Né à Saint-Geniei ,
dans le Rouergue, en i^ôp, d'un
cuisinier du collège de Rhodez ,
il fit ses études dans celle maison,
s'abandonna aux direetioiTs spi-
rituelles des pères qui l'instrui-
saient, se passionna pour la vie
ascétique et rigide, endossa le
froc du capucin, et étonna ses
professeurs eux-mêmes par son
excessive austérité. A quoi tien-
nent les mœurs, les réputations
et les caractères? Si le capucin fût
né trois cents ans plus tôt, de tel-
les dispositions en eussent fait un
ermite, un martyr ou un saint.
Mais quelques-unes des idées
nouvelles pénétrèrent jusqu'à lui,
et son fanatisme prit un autre
cours; il quitta le froc, ef. se lan-
ça impétueusement dans la car-
rière de la liberté; les talens qu'il
annonçait et l'ardeur patriotique
dont il paraissait tmimé, le por-
tèrent à l'assemblée constituante.
Il lit palier de lui dans celte ses-
sion , déclama, pérora, dénonça,
s'agita, avec une véhémence qui
n'aboutissait guère qu'à faire
retentir son nom. S'il faut en
croire les traditions (d'autant
^ lus pKoblémali(|ues peut - êtm
Cil A
♦qu'elles sonl plus récentes ),il se
fit allaquei- et blesser par six hom-
mes, aGn dalluiner l'indignation
<lu peuple contre le parti de la
cour, et supplia deux de ses col-
lègues de l'assassiner, pour porter
ensuite son cadavre sanglant au
milieu du faubourg Saint-Antoi-
ne. Quoi qu'il en soit de ces faits,
que l'ivresse du fanatisme peut
du moins rendre vraisemblables,
Chabot dénoncé par les ministres,
contre lesquels il avait lancé les
accusations les plus fortes, fut
sauvé par ses collègues. Prédica-
teur populaire, le 20 juin et le 10
août, il fir retentir des éclats de
son éloquence révolutionnaire,
les temples qu'il avait baignés de
ses larmes pieuses quelques an-
nées auparavant. Ouïe vit prêcher
l'insurrection et arracher des prê-
tres au massacre, accuser devant
le peuple la majorité de l'assem-
blée, demander la mise hors la
loi de La Fayette, et sauver l'abbé
Sicard. Sa conduite fut la même
dans la convention, où il fut élu
par le même département. l'eu
d'objets imporlans l'occupèrent,
et la même turbulence le signala
toujours. Un mariage avec une
Autrichienne, quelques défîances
qu'il laissa échapper dans ses dis-
cours contre Robcrspicrre et ses
amis , la déclaration qu'il osa fai-
re à la tribune , que s'il n'y avait
pas d'opposition dans l'assem-
htéc , il en formerait une à lui
tnutsrul, indisposèrent contre lui
les chefs du parti dominant. Il fut
trouvé coupable d'une falsifica-
tion de loi, qui devait grossir sin-
gulièrement son revenu, et il fut
condamné à mort ; en vain il im-
plora b clémence de ses collè-
CHA 269
gués. Leur vengeance, ou leur in-
difl'érence , ou leur jalousie , se
cachèrent sous le masque de l'aus-
térité. Il se procura du poison,
l'avala ,jeta des crisalïreuxquand
ses entrailles brûlantes en senti-
rent les premières et terribles at-
teintes , re<;ut le contre-poison
qui lui fut administré , et porta
sur l'échafaud ce misérable reste
de vie trois jours après le 5 avril
1794. Chabot semble être le ty-
pe de tout ce que l'on peut trou-
ver de ridicule dans la révolution.
Capucin, marié à une baronne au-
trichienne , sale dans ses habitu-
des extérieures; c'est lui qui infli-
gea, aux principaux démocrates,
les dénominations de monta-
gnards et de sans -culottes ; qui
provoqua la Jeté de la raison ;
qui se déclara contre toutes les
mains qui n'étaient point calleu-
ses ^ et contre les muscadins y
c'est-à-dire, contre les gens qui
portaient du linge blanc; l'un des
hommes, en un mot , qui, par
l'ignoble frénésie de leur préten-
du patriotisme, ont fourni le plus
de prétextes aux ennemis d'une
sage et pure liberté.
CHABOT (Louis -Frànçois-
Jean), né le 26 avril 1757. Au
commencement de la révolution
il était sous-oflicier. Son mérite
seul décida de son avancement
rapide à l'armée du Nord et à la
Vendée, où il fit des actions d'é-
clat. Nommé général de division,
en l'an 2, il passa en Italie sous
les ordres de Bonaparte. A la tê-
te de la division chargée du blo-
cus de Manloue, il contribua par-
ticulièrement à la capitulation de
cette place importante. En l'an
7, il était h Corfou lorsque les
2G0
en A
Russes se présentèrent, et il les
repoussa. Envoyé à l'année de
l'Ouest l'année suivante, il bat-
tit le général Bourmont, et a-
cheva de pacifier la Vendée. A-
près être retourné en Italie et
vers les côtes de la Grèce, il re-
çut, en 1804, le titre de comman-
dant de la légion -d'honneur, et
fut désigné par le collège électoral
du département des Deux-Sèvres,
comme candidat au sénat-conser-
vateur. La guerre d'Espagne lui
fournit, en 1808, d'autres occa-
sions de se distinguer, particu-
lièrement à Villa-Franca et à Lo-
brega. Rentré en France, il y ob-
tint lecommandement de la 4°"'di-
vision militaire, mais il le per-
dit après le 20 mars. Le retour
du roi le lui rendit, et ensuite
il ne tarda pas à être mis à la
retraite.
CHABOT DE L'ALLIER (Geor-
ge-Antoine), né à Montluçon en
i;758, était avocat à Paris, au
commencement de la révolution.
De retour dans son département,
il y exerça différentes charges de
magistrature avec distinction. II
fut élu député suppléant à la con-
vention nationale : mais son ad-
mission , proposée en l'an 5
(1794), fut rejetée, parce que
l'instruction qu'il avait reçue de
sescommettans contenait le main-
tien de la royauté; le député Clau-
sel saisit cette occasion pour l'ac-
cuser de fédéralisme et d'intelli-
gence avec les clubs du Midi.
L'année suivante, Chabot fut ad-
mis; et sur sa proposition, la con-
vention accorda un nouveau dé-
lai de rigueur aux créanciers des
émigrés. Devenu membre du con-
seil des anciens, en 1799, il s'op-
CHA
posa vivement à la loi de l'em-
prunt des ido millions : dans la
mT-me session il dénonça la licence
des journaux , désigna particuliè-
rementcelui qui avait pour titre /a
Parisienne , et obtint qu'il serait
renvoyé au directoire pour en
poursuivre les auteurs. Chabot
passa au conseil des anciens, au
tribunat, et dans l'une et l'autre
chambre il se montra constam-
ment l'un des plus zélés partisans
de Bonaparte. Il vota d'abord pour
que le général devînt |)remier con-
sul; il insista vivemen t pour le con-
sulat à vie, et se prononça bien plus
énergiquement encofe lorsqu'il
fut question de proclamer Napo-
léon empereur. H marqua chacun
de ces grands événeinens par quel-
ques discours à l'appui de son o-
piiiion; et lorsque Carnot s'éleva
contre l'empire, il le réfuta d'une
manière remarquable parla force
et la justesse de sa dialectique.
En 180 i. Chabot fut nommé com-
mandant de la légion-d'honneur;
en 1806, inspecteur-général des
écoles de droit, fonction qui, en
1810, lui ouvrit l'entrée du con-
seil de l'université; et, en 1809,
juge à la cour de cassation. A la
rentrée de Louis XV III, il fut
maintenu dans toutes ses places,
qu'il ne perdit pas néanmoins au
retour de Napoléon, et qu'ilacon-
servées jusqu'à sa mort, arrivée
le 19 avril 1819. Chabot apublié:
1° Tableau de La législation an-
cienne sur les successions, et de la
législation nouvelle établie par le
code civil; 2° Commentaire sur
laloi du ^^ germinal an 2, relati-
ve aux successions ; 3° Questions
transitoires sur' le code Napoléon.
CHABRAN (Joseph), liente-
en A
tiant-géncral , commandant de la
légion-d"honneur, etc., né le 32
juillet 1765, à Cavaillon,en Pro-
vence. Au commencement de la
révolution, il professait les ma-
thématique» dans un collège des
Pères de la doctrine. 11 n'hésita
pas à embrasser les espérances qui
s'ùlTraient aux amis de la liberté,
lorsqu'il eut à Nice une premiè-
re occasion de se distinguer. Il
était, depuis le 4 ^oCil 1792, ca-
pitaine dans le 5°* bataillon des
volontaires des Bouches-du-Rhô-
ne. Il contribua beaucoup au suc-
cès de l'attaque de plusieurs pla-
ces par l'armée d'Italie, où il ser-
vait en qualité d'adjudant provi-
soire àrétat-major. De nouveaux
laits d'armes lui valurent le gra-
de d'adjudant -général. 11 ne l'ut
pas moins heureux durant la cam-
pagne de l'an 4 en Italie ; le jour
même où son général obtint le
surnom d'enfant chéri de la vic-
toire, Chabran mérita celui de
bouclier de Ma.s.scna : il était à
l'avaiit-garde , il franchit avec ce
général le pont de Lodi , à la tê-
te des carabiniers. Il continua de
se faire remarquer entre les bra-
ves durant cette glorieuse campa-
gne. Après avoir donné de fré-
quentes preuves de valeur à Mon-
tebello , ù la Corona, à Lonato,
à Rivoli, à Dego, il fut nommé
général de brigade sur le champ
de bataille de Roveredo. Chargé
d'arrêter et de punir le soulève-
ment de Vérone, et des autres
parties des états vénitiens sur la
terre ferme, il montra dans celte
mission, didicile à plusieurs é-
gards, autant de clémence que de
courage. Après le traité de Cam-
po-Formio, il fut nOqi nié au corps-
CHA
261
législatif; mais il n'accepta point
ces fonctions, et il se rendit dans
l'ancienne Provence , où sa mo-
dération et sa fermeté désarmè-
rent les rebelles des départemens
des Bouches-du-Rhône et des Bas-
ses-Alpes. Les routes et les dé-
bouchés qui conduisent à Rome
et à Vienne, redevinrent le théâ-
tre delà guerre. Employé en Suis-
se, sous Masséna, le général Cha-
bran détermina par une habile ma-
nœuvre la prise de Steig, em-
porta Coire à lu baïonnette, et flt
prisonnier le général Auffemberg,
commandant des Grisons. Deux
mois plus tard, le i" mai 1799,
à la tète d'tm petit nombre d'hom-
mes, il désarma i5oo Autrichiens;
mais ensuite des forces trop supé-
rieures l'obligèrent à la retraite: il
l'effectua d'une manière savante ,
à travers les montagnes de Murg.
Réuni à Masséna, il contribua
sous lui à la victoire rempor-
tée, le 28 du même mois, sur
le prince Charles. Quelque temps
après, il fut blessé à l'attaque de
la tranchée de >Volrau, dont il
chassa les Autrichiens, en leur
faisant 3,ooo prisonniers. Bientôt
nommé général de division , il se
distingua à Stein, à Cerven, à
Schwitz, à Ditikon, et le 25 sep-
tembre, lorsque Masséna , auprès
de Zurich , détruisit Souwarow.
Employé à l'armée d'Italie en
1800, ii passa le Saint-Bernard a-
vec sa division, et enleva le fort de
Bard qui fermait la route de Ver-
ceil. S il ne {)artagea pas directe-
ment la gloire du triomphe de
Marengo, il y contribua pour-
tant par une diversion ellicace o-
pérée vers le Pô. La paix lui pro-
cura upe gloire nouvelie : coiu-
ûGa CHA
mandant dti Piémont, il fit ché-
rir dans ce pays sa droiture, et
ses talens en administration. En
i8o5, il commanda aux îles Mar-
conf, que bientôt il quitta pour
combattre de nouveau les Autri-
chiens. L'Espagne devint ensuite
le théStre de ses exploits ; il fit les
campagnes de iSo^jiSoS, i8og.
Chargé spécialement d'apaiser
l'insurrection de la Catalogne, il
pritTaragone. En 1810, le géné-
ral Chabran , de retour en Fran-
ce , cessa de l'aire partie des ar-
mées actives.
CHABRILLANT (WABQnsDE),
fils du premier écuyer du comte
d'Artois. Il servait dans le régi-
ment des carabiniers; la révolu-
tion étant survenue, il émigra,
et se rendit à l'armée de Condé,
où il fil la campagne de 1792. La
loi d'amnistie n'était pas promul-
guée lorsqu'il rentra en France;
il fut arrêté et incarcéré à Tou-
lon, où il resta jusqu'à l'événe-
ment du 18 brumaire. Ayant alors
obtenu de rentrer dans une par-
tie de ses bi<>ns, M. de Chabril-
lant s'attacha au gouvernement
impérial. Plus tard, un de ses
fils prit du service, et succomba
dans la campagne de Russie.
Quant à M. de Chabrillant, il fut
nommé, eni8i4, gentilhommede
MoNSiËUB, comte d'Artois, et il
fit bientôt partie de la majorité de
cette chambre de 18 15, qui mé-
rita une qualification singulière.
Héélu en j 816, il a suivi imper-
turbablement les principes qu'il
avait déjà manifestés. On a eu tort
peut-être de l'accuser d'oublier
les vœux et le mandat de sescom-
metlans. Il peut avoir été le fidè-
le interprète des intentions spé-
CHA
ciales de ceux qui l'avaient choi-
si; dans la session de 1 8 1 8 et 1 8 19,
trouvant très-mauvais qu'une pé-
tition fût adressée aux rcprcsen-
tans du peuple français, il s'écria
avec dignité : «Nous ne sommes
M point les représentans de la na-
))tion française. »
CHABROL (GriixArME- Mi-
chel), né à Riom, en 1714, fut
avocat du roi au présidial de cet-
te ville, et reçut de Louis XV des
lettres de noblesse en 1767. Si les
ancêtres d'un homme pouvaient
conférer à leur descendant celte
distinction frivole, Chabrol était
noble avant d'être anobli; Sir-
mon le savant, et l'éloquent Ar-
naud, étaient membres de sa fa-
mille. Nommé conseiller- d'état
en 1780, il mourut à Riom en
1793, le 22 février. On lui doit
des Mémoire.'! érudits sur plu-
sieurs points de l'histoire, et sur-
tout de l'histoire d'Auvergne : et
un Commentaire estimé, en 4
volumes, sur la Coutume d' Au^
vcrgnc (1784, in-4"); ouvrage où
se trouvent beaucoup de connais-
sances spéciales, des détails d'un
intérêt minime, d'autres détails
curieux, et un savoir profond,
mais aujourd'hui peu utile, sur
tout ce qui regarde les coutumes
de la province où il était né.
CHABROL DE TOURNOEL
(GASPARD-CtADDE-FfiARÇOIS, COM-
TE de), fils aîné d'un député de ce
nom aux états-généraux de 1789,
et petit-fils de l'auteur des Cou-
tumes d'Auvergne, fut élu, par le
département du Puy-de-Dôme,
député à la chambre de 181 5, «t
vota avec la minorité de cette
assemblée. En 1816, après avoif
présidé le collège électoral du
CHA
Puy-de-Dôme, il fut noiniué, par
ce départemout, membre de la
chambre convoquée par l'ordon-
nance du 5 septembre, et y vota
avec la majorité. Il vient d'être
renommé en 1821. 11 a trois frè-
res; l'un exerça, sous l'empire,
les fonctions de maire de Nevers.
Les deux articles suivans sont
consacrés à ses deux autres frères.
CHABROL DE CROUSSOL,
(André- Jean, comte de), admis
au conseil-d'état, en i8o5, avec
le titre d'auditeur, obtint/bientôt
celui de maître-des-requêtes , et,
le 1 3 août 1809, fut nommé mem-
bre du conseil -général de liqui-
dation en Toscane. Cette mission
terminée, M. Chabrol exerça par
intériiq les fonctions de président
de la cour impériale d'Orléans.
Rappelé au conseil en service or-
dinaire, ii fut nommé l'un des
présidens de la cour inipériale de
Paris; enfin, le 16 août iSii,
l'empereur l'envoya dans les pro-
vinces illyriennes avec le litre
d'infendant-général des finances.
M. Chabrol acheva d'organiser
l'administration de ce pays, lâ-
che déjà commencée par M. Dau-
chy et M. de Belleviiie. Durant
cette mission, où il vit le géné-
ral Bertrand, le duc d'Abrantès
et le duc d'Otrante se succéder
dans les fondions de gouverneur-
général d'Illyrie, M. Chabrol ma-
nifesta, sous leurs ordres, le dé-
vouement le plus inébranlable,
non-seulement au gouvernement
mais à la personne de Napoléon.
Quand son frère Chabrol de Vol-
vie fut, par suite de la conspira-
tion Mallet , nommé préfet de la
Seine, Al. Chabrol, l'inltudunt,
s'écriait, «vue l'accent de la sun-
CHA a63
sibililé et de l'enthousiasme ;
L'empereur sait, et apprendra
mieux de jour en jour, combien
il peut compter sur notre J'amille.
L'époque vint où des chances im-
prévues devaient mettre tant de
fidélité à l'épreuve. Dans le cou-
rant du mois d'août 181 5, les Au-
trichiens firent marcher un corps
d'armée sur Laybach. M. de Cha-
brol, dont la tâche était non pas
de défendre , mais d'administrer
les provinces illyriennes, battit
en retraite. Il revint en France ,
par l'Italie ; et après s'être arrêté
quelque temps à Turin, où com-
mandait le prince Borghèse ,
arriva à Paris dans le commence-
ment de l'année i8i4- Convain-
cu des fautes du gouvernement
qui venait de finir, M. de Cha-
brol se dévoua aux intérêts du
gouvernement qui allait commen-
cer. Aussi fut -il successivement
noauné , le 29 juin, conseiller-
d'état, et, le 22 novembre sui-
vant, préfet du Rhône. Cette pre-
mière administration de M. de
Chabrol obtint les honneurs d'u-
ne obscurité regrettable. Cepen-
dant le débarquement do Napo-
léon vint troubler le repos heu-
reux dont jouissait son ex-inten-
dant. La garde nationale et les
troupes de ligne reçurent l'ordre
de se préparer à une vigoureuse
défense. On s'empara des bateaux
qui pouvaient servir à passer le
Rhône; on construisit des barri-
cades sur les ponts; mais tous ces
préparatifs qui firent sourire Na-
poléon, ne parurent pas suHisans
àM. de Chabrol. AyantdevS doutes
sur les véritables dispositions des
troupea et de la garde nationale «
cet homme prévoyant expédiait
26,:
CHA
à M. l'abbé de Monlcsqniou , a-
lors ministre, lettre »ur lettre,
pour obtenir qu'un grand per-
sonnage vînt à liyon prendre le
commandement des forces desti-
nées à la défense de cette ville.
Cette mesure ne produisit pas le
résultat présumé , et Monsieur^
arrivé le 8 mars au matin, étant
presque aussitôt reparti, M. Cha-
brol ne songea plus qu'à sa sûreté
personnelle. Instruit que Napo-
léon entrait dans la ville par un cô-
té,M. de Chabrol en sortitpar l'au-
tre. Arrêté à la barrière , il rétro-
grada; mais revenu à Pierre- Sci-
se, les officiers qui déjà comman-
daient au nom de Napoléon lui
permirent de continuer sa roule.
M. de Chabrol se dirigea versCler-
mont. Il est difficile déporter plus
loin qu'il ne l'a fait la vanité de
la peur. A voir et son inquiétude
et la célérité de sa fuite, on au-
rait pu croire que Napoléon n'a-
vait à penser qu'à M. de Chabrol,
et qu'il était venu en France tout
exprès pour détrôner le pféfet du
Rhône. Durant les cent jours, M.
de Chabrol demeura neutre et ne
parut ni à Gand ni à Paris. Après
Waterloo, il se décida. Les Au-
trichiens entouraient Lyon , M.
de Chabrol se rendit au quartier
général du comte Bubna; par sui-
/ te de cette entrevue s'introdui-
sit dans la ville, et y demeura 'se-
crètement, jusqu'au 17 juillet
181 5, Dès que les étrangers se
montrèrent à Lyon , IVi. de Cha-
brol cessa de s'y cacher, et sa ré-
installalioi! comme préfet eut lieu
immédiatement. Ici commence
la seconde administration de M.
de Chabrol. Les circonstances
dont elle fut accompagnée lais-
CHA
seront , dans la mémoire de tous
les Français , un sinistre et inef-
façable souvenir. Nous aimons à
croire que M. de Chabrol, dont le
caractère est froid et réfléchi, n'a
pu se rendre complice d'excès
qui rappellent les ardentes fureurs
de 93; nous uimons à croire qtie
M. de Chabrol, qui se distingue
par les pratiques d'une piété sé-
vère, n'a pu tremper ses mains
dans un sang dont il faudrait ren-
dre compte à la justice éternelle.
Quoi qu'il en soit, dès le 8 juin
181G, le régime d'une horrible
terreur fut organisé dans la se-
conde capitale du royaume, dans
une ville célèbrepar ses malheurs,
son patriotisme et son industrie.
Sous le commandement militaire
de M. le gériéral Canuel, que
nous croyons aussi innocent de
toutes ces horreurs que M. de
Chabrol lui-même, on vit écla-
ter la prétendue conspiration du
22 octobre 181G. Les révélations
faites pai les agens de l'autorité
même , cclies qui retentirent du
haut de la Irihune nationale par
la voix d'un Fiançais à jamais re-
grettable (M. Camille-Jordan),
apprirent au roi et à l'Kurope en-
tière, les malheurs dune popu-
lation destinée à être la victime
des terroristes de toutes les épo-
ques , des jacobins de toutes les
couleurs. Le duc de Raguse, ar-
rivé à Lyon le 5 septembre 1817,
mit fin à ce régime d'épouvante.
On cessa d'encombrer les cachots,
de promener la guillotine dans
les communes, d'y porter le viol
et l'incendie; des auxiliaires fé-
roces n'osèrent plus saccager en
pleine paix le malheureux pays
qui les solde; l'on ne vit plus
CHA
rouler, sur la lerre, les têtes des
suppliciés; enfin, le glaive des
assassins et la hache des hour-
reauxcessèreradc frapper dès que
parut un ex- soldat de la grande
année. M. de Chahrol ne conti-
nua pas d'être préfet de Lyon ,
mais il fut maintenu sur la liste
des conseillers-d'élat en service
extraordinaire; et peu de temps
après, c'est-à-dire dans les pre-
miers mois de 1818, M. Laine,
alors ministre de l'intérieur, le
demanda avec instance pour col-
laborateur, et le fit nommer sous-
secrétaire-d'état au même dépar-
tement. Quand M. Decaze succé-
da à M. Laine, la première me-
sure du nouveau ministre fut le
renvoi de M. de Chabrol, dont
les talens demeurèrent sans em-
ploi jusqu'à la mort de M. Ba-
rairon, directeur-général des do-
maines et de l'enregistrement. A
celte époque, M. de Chabrol fut
nanti de cette place, qu'il exerce
encore aujourd'Iuii.
CHABROL DE VOLVIC (Gil-
bert-Joseph-Caspard, comte), frè-
re cadet du précédent, naquit é-
palemenl en Auvergne. Klève de
l'école Polytechnique, il fut, en
qualité d'ingénieur, attaché à l'ex-.
pédilion d'Egypte. Après le 1 8 bru-
maire, Ig général Bonaparte, pre-
mier consul, le nomma sous-pré-
lel, puis en 1806, lui confia la pré-
fecture du département de Monte-
notte. M. de Chabrol se distingua
•lans ce poste par la fermeté avec
laquelle il exécuta lesdi verses me-
sures ordonnées par le gouverne-
ment impérial, et nulle part les
travaux de la conscription ne s'ac-
coniplirent avec plus de promp-
titude et de zèle. Lorsque, par la
CHA 263
suite, il se trouva de fait l'un
des surveilla ns du pape, détenu
à Savone, son adresse à remplir
cette mission diiUciie lui valut et
les indulgences du pontife et les
bienfaits de l'empereur. M. de
Chabrol avait d'ailleurs un pro-
tecteur puissant dans la personne
de t>L le prince architrésorier,
son beau-père. En décembre 181a
éclata la conspiration iVlallet, que
la sagacité de M. Pasquier, alors
préfet de police, n'avait pas pré-
vue. M. Frochot, dont l'honneur
et la fidélité étaient à l'abri de
tout soupçon, fut cependant ac-
cusé de faiblesse , et M. de Cha,-
brol qui, par un effet du hasard,
se trouvait à Paris en jouissance
d'un congé, fixa le choix de Na-
poléon. Devenu préfet de la Sei-
ne , l'ancien préfet de Savone
débuta dans sa nouvelle carrière
en allant, à la tête du conseil muni-
cipal, ffliciter l'euipereur .^nr son
retour de Russie. Après avoir c-
puisé toutes les formules banales
de l'adulation . M. de Chabrol
s'écriait :« Quelle allégresse ré-
npand dans tous les cœurs la pré-
>sence de votre personne sacrée!
«que d'espéran(;es , quelle sécu-
writé elle porte avec elle ! Vos re-
"gards viennent tout vivifier;
» mais aussi que de gloire pendant
«votre absence! le peuple de vo-
))lre bonne ville de Paris est res-
»té sourd aux cris du pillage et
» de la licence, et s'est montré di-
ngue dépositaire de l'héritier du
» trône : auguste enfant! auquel
'>se rattache tant de gloire, à qui
»de si. grands exemples assurent
))de si' hautes destinées! au pre-
«mier cri d'alarme, son berceau
)' serait. environné de celle pupu-
a6(3
CIÎA
«lation fjclèh;; tous liondraienl ù
«hoimour de lui Taire un rcuiparl
» de leurs corps; qu'importe la vie
«devant les immenses intérêts qui
«reposent sur cette tête sacrée ! »
.Nommé maître des requêtes le
14 avril i8i5, son zèle redoubla.
La campagne de Saxe, si glorieu-
se pour nous dans son principe ,
paries victoires nationalesde Lut-
zen et de Bautzen, eut de funestes
résultats; la France vit pâlir sa
fortune et non pas sa gloire dans
les plaines de Leipsick. L'empe-
reur compta un succès de moins,
M. de Chabrol compta une haran-
gue de plus. Également habile à
rédiger un compliment de félici-
tation ou de condoléance, il s'é-
criait devant l'impératrice, alors
résidant à Saint -Cloud : «Quel
» Français pourrait rester sourd à
))la voix de l'empereur, au cri de
»la patrie et de l'honneur! L'appel
«que vient de faire Votre Majesté
» a retenti dans tous les cœurs ; ils
«éprouvent le besoin de manifes-
»ter ces senlimens généreux qui
«furent de tout temps le noble a-
«panage de la France. L'auguste
» fille de Marie-Thérèse ne peut
«invoquer en vain le courage et
«l'énergie de ses peuples. » Enfin
M. de Chabrol ajoutait que «ja^
«mais la couronne de l'auguste
«empereur des Français ne serait
«dépouillée de ses lauriers. » Ce-
pendant l'invasion de la France
eut lieu. Les alliés, attirés sous les
murs de Paris , allaient y trouver
leur perte, sila trahison ne leuren
eût ouvert les portes. Ce même sé-
nat qui, peu de jours auparavant,
fatiguait encore Napoléon à force
de servilité, se fit tout ù coup
l'auxiliaire pacifique et tremblant
CHA
des lances étrangères ; ceux qui
avaient compromis la liberté de
la patrie , compromirent son in-
dépendance. Le lion malade at-
tendait le dernier coup ; le sénat-
conservateur se chargea de le por-
ter. Le conseil municipal de la
ville de Paris ne tarda pas de son
côté à se déclarer contre Napo-
léon vaincu. M. de Chabrol, après
une légère hésitation, suivit la
direction imprimée à ce corps par
l'avocat Bellart. Muni d'une ha-
rangue, le préfet de l'ex-empe-
reur vint complimenter le roi aux
portes de Paris, et lui promettre
une fidélité à toute épreuve. M.
de Chabrol, maintenu dans ses
fonctions, fut nommé successi-
yemerit conseiller-d'état, puis of-
ficier de la légion-d'honneur. Ce-
pendant, vers les premiers joui*s
de marsi8i5, le gouvernement
reçut à Paris la nouvelle du dé-
barquement opéré à Cannes par
Napoléon. M. de Chabrol, tou-
jours muni d'une harangue , fut
admis chez le roi, à la tête du con-
seil municipal de la ville de Pa-
ris. Nos lecteurs viennent d'avoir
un échantillon de l'éloquence de
M. de Chabrol, lorsqu'aux pied*
de l'impératrice il adulait Napo-
léon puissant; nous allons le voir
aux pieds du roi, outrageant Na-
poléon déchu. L'habileté d'un 0-
rateur consiste surtout à varier,
suivant lescirconstances, le genre
de son éloquence. «Sire, sécriail
»/e remplaçant de M. Frochot,
«depuis le retourde Votre Majes-
» té , la France commençait à res-
» pirer, etc. , etc. , et c'est là le mo-
«ment que choisit cet étranger
«pour souiller notre sol de son
«odieuse présence! Que veut -il
CHA
ode nous? Quels droits peut-il
«prétendre, lui dont la tyratutie
»nous aurait afTranchis de tout
«devoir, et qui, par son abdica-
ntion, aurait relevé les p/iisscru'
■npideiix de leurs sermens P Faut-
» il donc incendier une seconde
» lois l'uniyers, pour rappeler une
» seconde l'ois l'univers sur la
''France? Couvert déjà de tant
«de sang, c'est du sang encore
nqu'il demande; la guerre civile
«qu'il veut apporter aux enfans
nde la France! » Jtt. de Cha-
brol en fut pour son éloquence;
l'odicuxélranger, auquel il devait
son avancenDent, ses hcnncurs,
sa fortune politique , et la place
qui lui fournissait l'occasion de
liiisulter, vint pour quelque
temps rétablir ce même Irôneinj-
périal qu'un an plus tôt M. dt Cha-
brol jurait de défendre au risque
de ses jours. Le préfet de Paris ,
caché pendant trois mois, de-
meura pendant trois mois sans
faire de harangues. Au retour du
roi, il repritavec une ardeur nou-
velle ses fonctions oratoires et
administratives. En 1816, M. de
Chabrol fui élu député par le dé-
partement de la Seine, et devint
aigle -rouge de seconde classe ,
ordre prussien. Lne biographie
rend compte d'un trait qui Inmo-
re M. de Chabrol : c'est la coura-
geuse amitié avec laquelle il re-
cueillit et sauva le brave général
Griiyer, son compatriote, con-
damné à mort en iSiO. Nous rap-
pelons ce trait avec plaisir. Cette
bonne action est une heureuse
variété dans la vie politique de
M. de Chabrol.
CHABRON-DE- SOLILHAC.
Après avoir fait la campagne du
ClîA 2G7
Rhin dans rannée deCondé, il se
joignit aux Vendéens, et fut aide-
de-camp de Charette. Il avait si-
gné les traités de Jannais et de la
Mabilais, conclus entre les répu-
blicains et les royalistes; mais il
les viola un des premiers. M. Cha-
bron ne tarda point à être arrêté
avec Cormatin et plusieurs autres
chefs. Traduit devant un conseil
de guerre, il fut condamné à la
détention, malgré les efforts de
Real, son défenseur. Il parvint
néanmoins à s'évader : bientôt il
exerça les fonctions de maire dans
sa commune, et en i8i5, il fut
membre de la chambre des dépu-
tés. Les maximes qu'il y adopta
lui valurent les titres de prévôt
du département du Cher, et de
maréchal-de-camp. Président du
collège électoral de son départe-
ment, en 1816, et choisi de nou-
veau pour député, il a voté cons-
tanjinent en faveur des lois d'ex-
ception, et de l'affaiblissement
graduel des institutions libérales.
M.Chabron de Solilhac a paru sou-
vent à la tribune, et sou vent il y a
excité le rire , par son débit origi-
nal et le singulier accent avec le-
quel il avance et soutient les prin-
cipes les plus subversifs de tout
gouvernement constitutionnel.
CIIABROUD, néà Vienne, dé-
parlement de l'Isère, fut nommé,
en 1789, député de la province du
Dauphiné aux états-généraux. Ju-
risconsulte éclairé, ce fut un des
membres de l'assemblée consti-
tuante qui se signalèrent le plus
dans les discussions de l'ordre ju-
diciaire. Le premier( 1790), il éle-
va la voix contre l'ancien code ci-
vil, et demanda l'établissement de»
jnrésau civil cl au criminel. Il in-
2(J8
CHA
sista beaucoup pour l'institution
de juges ainbulans en faveur des
gens de la campagne, et voulait
surtout que la durée des fonctions
de juges fût restreinte à quatre
ans. Dans la question du droit
de paix et de guerre, Chabroud,
ainsi que Mirabeau, fut abso-
lument d'avis que les représen-
tans de la nation pouvaient seuls
délibérer et ratifier les déclara-
tions de guerre; et la loi du
3o avril 1J90 fut rendue con-
formément à Ictirs opinions.
Ce fut un des plus chauds anta-
gonistes des tribunaux d'excep-
tion. Il s'éleva aussi contre un
ordre du général Bouille, ten-
dant à livrer passage aux troupes
autrichiennes, afin qu'elles fus-
sent plus tût rendues dans les pro-
vinces belgiques, où l'empereur
d'Autriche les envoyait. Chabroud
chargé de faire un rappttrt à l'as-
semblée sur les. journées des 5 et
(\ octobre 1789, disculpa pleine-
ment le duo d'Orléans et Mira-
beau l'aîné, accusés dT'tre les au-
teurs des événemens sédilieu:^ ar-
rivés à cette époque : son discours
contenait une apologie des deux
prévenus, et cette affaire lui atti-
ra des ennemis et des injures.
Chabroudavait parlé depuis quel-
que temps et à plusieurs reprises
du tribunal de cassation et de son
organisation; enfin le24niaii7po,
l'établissement de cette cour fut
décrété d'après son travail. C'était
le 10 du même mois que s'était
déclarée, à Montauban, cette in-
surrectioh, dans laquelle un grand
nombre de patriotes avaient été
égorgés. On avait envoyé beau-
coup de troupes dans cette ville,
sous prétexte d'empOcher des réac-
CHA
lions ou de nouveaux massacres;
mais, dans le fait, ces troupes é-
taient à charge à tous les habi-
tans. Ce fut Chabroud qui, en
1791, se fit leur organe, et ob-
tint la réduction de la garnison de
Montauban. ]| y a dans la vie poli-
tique de Chabroudun fait que l'on
ne peut guère concilier avec ses
opinions en général, avec l'amour
pour les grandes choses, qu'il a
montré plusieurs fois, et son im-
partialité ordinaire : c'est qu'il
lit passer l'assemblée à l'ordre du
jour sur la proposition de rendre
à Desilles les honneurs destinés
aux grands hommes. Quehjues
jours après il demanda pour Ma-
bly, son compatriote, les mêmes
honneurs que ceux qu'on avait
rendus à Voltaire. Chabroud était
président lorsque Louis XVI vint
annoncer à l'assemblée son des-
sein de se rendre à Saint-Cloud,
et ce fut lui qui, en la même qua-
lité, adressa à S. M. des félicita-
tions à l'occasion de l'annonce
faite aux cours étrangères de son
acceptation del'acte constitution-
nel : dans ces deux circonstances,
Chabroud se montra au-dessous
de ses moyens; il est vrai que la
situation des choses devenaitcha-
que jour plus dilficile, mais ses dis-
cours décelaient une faiblesse qui
ne lui était pas ordinaire, ou plu-
tôt il ne parlait pas au roi comme il
parlai ta l'assemblée. Chabroud fit
statuer qu'un député ne pourrait
accepter aucun emploi du gou-
vernement, et finit sa carrière lé-
gislative par i'aire décréter qu'un
portrait du roi, acceptant l'ac-
te constitutionnel , serait placé
dans le lieu des séances. Après
la session de l'assemblée cons-
CHA
titiiaiite, Chabroutl fut nommé
membre du tribunal de cassation
j>ar le département de Seine-et-
Oise, et l'ut chargé, pendant les
quatre années suivantes, de ren-
dre compte à l'assemblée législati-
Te des travaux annuels de ce tri-
bimal. A celte époque, c'est-à-di-
re sur la fin de I7»J7, ses fonc-
tions de juge étant terminées, Cha-
broud ouvrit un cabinet do con-
sultation, où ses lumières et son
intégrité lui acquirent une réputa-
tion très-honorable qu'il a conser-
vée jusqu'à sa mort, arrivée en
i8it). Pendant qu'il était législa-
teur, il avait public : l'Aclt d'u-
nion des Français , ouvrage es-
sentiellement constitutionnel, et
portant le cachet du caractère de
son auteur.
CHAFFAULT DE BESNÉ (tE
COMTE Dii), né en 1707. 11 servit
dans la marine, en 175O, et com-
mandait la frégate l'Ataiante ,
sous les ordres du comte d'Aubi-
gny, chef d'escadre ; après un
combat opiniâtre, il s'empara du
l^Varwii k , vaisseau de ligne an-
glais, de 64 canons. En 1778 , il
commanda Pavant-garde de la
flotte qui était sous les ordres du
comte d'Orvilliers, et il reçut à
l'épaule une blessure légère, dans
le funeste combat d'Ouessant.
L'armée suivante, on lui confia le
commandement général des flot-
tes combinées de France et d'Es-
pagne; mais ayant éprouvé des
désagremens, il donna sa démis-
sion. Le comte du Chatfaull avait
obtenu le grade de lieutenant-gé-
néral de» armées navales, juste
récotripense de ses longs services;
et retiré auprès de Monlaigu, il
virait paisiblement depuis ^Xwi
CIIA
260
de quatorze ans, lorsqu'en 1795
il fut jeté dans les prisons de Lu-
zançai, par ordre du comité ré-
volutionnairede Nantes. Dixmois
après, ce vieillard, que des sou-
venirs honorables auraient dû
protéger, y termina ses jours. Il
avait conservé jusqu'alors toute
la force de sa santé et toute la vi-
gueur de son âme. Non content
de partager ses ressources pécu-
niaires avec ses compagnons d'in-
fortune, dont il aurait pu récla-
mer les soins, selon les droits de
son âge, il leur rendait divers ser-
vices, et dans l'occasion il veil-
lait auprès d'eux.
CHAH-AALEîM , descendant
de Tamerlan, et le dernier héri-
tier do ses conqu«ites dans l'In-
doustan, naquit en 1720. Dhus sa
jeunesse, il s'était opposé avec
beaucoup de vigueur aux projets
ambitieux d'un ministre de son
père, le sultan Aalem-Guyr II,
qui mourut assassiné par ce mê-
me minisire, le 3o octobre 1759.
Mais quand il fut sur le trône ,
Chah-Aaiem ne montra plu» que
de l'incapacité; les Anglais du-
rent moins leurs succès à la for-
ce , ou même au bonheur de leurs
armes, qu'à l'imprudence de ce
prince , et à sa conduite incertai-
ne. L'assassin d'Aalem-Guyr é-
tait maître de Delhy, que dé-
fendait une garnison marhatte;
Chali-Aalem n'ayant pas de for-
ces suflisantes pour réduire cette
ancienne capitale, eut le malheur
de recourir aux musulmans, dé-
jà élal>lis dans ces contrées, et
commandés alors par le fameux
Ch(»udjaa-ed-Doulah. Les mar-
halles furent accablés; mais les
Anglais, pruûtant de ces diïseu-
370 CHA
sions, attaquèrent les vainqueurs,
qui succombèrent sous la tacti-
que européenne. Depuis cette é-
poque , l'ascendant des Anglais
augmenta tous les jours. L'infor-
tuné sultan parut conserver le
sceptre, mais il n'eut plus de pou-
voir réel. Tantôt il était le jouet
des musulmans ou des rohyllahs,
tantôt il se trouvait soumis aux
caprices des marhattes , ou ex-
posé à l'insidieuse protection des
Anglais. Enfin un misérable ro-
hyllah parvint à se saisir de sa
personne, et lui arracha les yeux
avec la pointe de son poignard.
A la nouvelle de cet événement,
Jes marhattes accourent, s'em-
parent de l'assassin, le l'ont périr
dans les tourmens, et replacent
sur son trône l'aveugle Chah-Aa-
lem. Il régna dix-huit ans enco-
re , si c'est régner que de possé-
der un trône sans autorité. Dans
cette détresse, il devait tour à
tour, soit aux marhattes, soit
aux Anglais eux-mêmes, sa sub-
sistance et celle de sa famille. La
mort termina ses malheurs, le 16
octobre 1806. Son fils Akbar, en
portant les mêmes titres , est res-
té dans le même abaissement;
la puissance des Mogols n'existe
plus. Chah-Aalem avait aimé les
vers. On connaît de lui quelques
pièces, en forme d'élégies; elles
sont remplies de tristesse : c'est
la douleur d'un homme privé de
la lumière, c'est l'affliction pro-
fonde d'un prince dégradé sous
je joug d'une compagnie de mar-
<;hands étrangers.
CHAIS (Pierre), ministre pro-
testaat. La Hollande doitle comp-
ter parmi ses bienfaiteurs; c'est
lui qui , par ses conseils et ses
CHA
exemples, introduisit la vaccine
dans ce p:iys,où la maladie qu'el-
le combat est si dangereuse. 11 fut
aussi le fondateur de la maison
de charité de La Haye. Sa vixî fut
vertueuse, tranquille, et par con-
séquent ignorée. Tel est le sort
de Ions les véritables philanthro-
pes. On ne les connaît, comme
certaines fleurs, que par le par-
fum (it leurs vertus .-Bacon le dit,
lui dont la vie fut puissante et dé-
gradée. Chais naquit à Genève,
le 5 janvier 1701 , fut reçu ministre
en 1724» voyagea en Suisse, en
Lorraine, en France, en Hollande,
jusqu'en 1727, et fut élu pasteur
de La Haye en 1738. Fendant cin-
quante années, il remplit ces ho-
norables fonctions, et mourut a-
près n'avoir fait que le bien, vers
le commencement de la révolu-
tion française. Une vie si simple,
si pure, si humaine, si complète
et si har/nonieuse , comme di-
saient les stoïques , est bien rare,
et bien plus admirable qu'admi-
rée. Les peuples anciens eussent
rangé un tel homme parmi leurs
Phocion et leurs Sociale; mais
les modernes sont devenus si
grands, que des vertus de cette
espèce ne les touchent plus. Chais
était un des écrivains protestans
de son époque qui se servaient
le mieux de la langue française ,
dans leurs discours etleurs écrits.
Charitable envers tous, il ne fut
sévère que pour la cour de Rome,
dont les exactions pieuses exci-
tèrent son indignation. Ses Let-
tres sur le Jubilé et les Indulgen-
ces {ha Haye, 1751, 5 vol. in-8°),
ont été dictées par ce juste cour-
roux : c'est le plus intéresss;jnt
et le plus éloquent de ses ouvra-
CHA
ges. Ouire plusieurs écrits théo-
iogiques et tolérans, une belle é-
dition de l'ancien testament, a-
vec commentaires, des articles
nombreux insérés dans divers re-
cueils, plusieurs traductions de
l'anglais, etc., on lui doit un fort
bon Discours siw la inanicre de
eoinniuniqin'r la petite -vérole
( 1 754)» et des Sermons Irès-esti-
cnés («790, 2 vol.).
CHAISNEAL (Chables), prê-
tre, dessert depuis long-temps la
paroisse d'Autony, près de Paris.
11 a écrit plusieurs volumes sa-
crés, dans l'acception plaisante
que Voltaire a donnée à ce mot.
Les plus remarquable? sont une
Pastorale sur les assemblées pro-
vinciales , intitulée Arcas , l'un
des premiers ouvrages de notre
auteur (1788); livre curieux, par
la bonne toi avec laquelle M.
Chaisneau applique un genre de
poésie toute païenne aux inté-
rêts et aux débats de la sainte
église-apostolique : Pandore, poè-
me mythologique, assez libre,
surtout comme production d'un
catholique tonsuré; enfin unephi-
lippiquc véhémente, contre
la walse. C'est le seul ouvrage
où M. Chaisneau ait pris le ton
violent et sublime ; il est intitulé :
la nouvelle Cyllicre , ou le Jardin
des Tuileries ( 18 »4). On voit que
les idées greccpies obsèdent iM.
(Chaisneau, et que même dans
l'exercice de ses plus austères
fonctions, il ne peut repous-
ser les rian» souvenirs du poly-
théisme.
CUAIX (Dominique), né à
Monl-Auroux , e!» i^Si, lut curé
lie Baux, près de Gap. Sans être
^uidé pur aucun maitrc , il sut
CHA 271
acquérir en botanique des con-
naissances exactes et très-éten-
dues. Ses recherches dans les Al-
pes n'ont pas été infructueuses;
il a découvert plusieurs espèces
de plantes, formant une sorte de
genre auquel M. Villars, son élè-
ve, a donné le nom de Ciiaixi.
Cel ecclésiastique, qui n'était pas
moins rccouimandable par sa
bienfaisance que par ses talens, a
laissé la Flore Gapencoise, qui
fut insérée dans l'Histoire des
plantes du Dauphiné, par M. Vil-
lars, et qui fut aussi imprimée
séparément, sous le titre de jRfrtw-
tœ f^apincensesytlcln-S". Cha\x
est mort en 1800, et son éloge a
été prononcé par son élève.
CHALBOS (François), né à
Cubiéres , département delà Lo-
zère , était gendarme avant larcV
volution : les circonstances qu'el-
le amena offrirent à son courage
la perspective d'un avancement
rapide. LIevé en effet au rang de
général de division, en 1793, il
fit en cette qualité la guerre de
la Vendée, où, après avoir éprou-
vé différens revers, il montra tou-
te sa valeur dans l'affaire de Fon-
tenay. Chalbos fut ensuite com-
mandant d'armes de la place de
Maycnce, et mourut dans cett«
ville le 3 février i8o3.
CHALGRIN (Jean -François^
Thérèse), architecte célèbre, né
à Paris, en 1739. Malgré réta-.
blissement de l'académie d'archl-v
lecture, qui date de 1671 , ce no
fut guère q»ie vers le milieu du,
siècle dernier que cet art fut ré-
généré en France. SoufTlot, Jar^
din, Roullé, et quelques autres
qui avaient étudié sous les graiulik
maîtres (le Rome, établirent à Pa*
2-2 CIIA
ris des écoles à l'instar de celles
d'Italie. Ils eurent bientôt lieu de
s'en iippluudir. M. de Marigny ,
intendant des bâtiniens royaux ,
fit entrer le jeune Chalgrin dans
l'une de ces écoles, et Chalgrin
devint architecte. Il débuta par
remporter un grand prix proposé
par l'académie. Le sujet du con-
cours était un pavillon sur l'an-
gle d'un grand parc à la conve-
nance d'un souverain. Ce pre-
mier succès, loin d'éblouir Chal-
grin, lui fit sentir qu'il avait be-
soin de visiter l'Italie pour se per-
fectionner dans sou art. De retour
à Paris , il obtint la protection de
M. de Choiseul , alors ministre ;
et le duc de la Vrillière le char-
gea de construire l'hôtel occupé
aujourd'hui par la Banque de
France. Ce travail acheva sa ré-
putation. Chalgrin n'avait que 5i
ans lorsqu'il fut reçu membre de
l'académie ; chose qui parut ex-
traordinaire à une époque où l'â-
ge était préféré aux talens. Il exis-
te de lui une suite de gravures
coloriées représentant les salles
de bals, de concerts et de festins
qu'il fit exécuter, dans le temps,
pour le mariage du dauphin , pè-
re de Louis XVIII. C'est encore
lui qui, sous le directoire, diri-
geait les fêles nationales. Mais cet
architecte a laissé des travaux qui
lui assurent une réputation plus
durable : ce sont, à Paris, l'hôtel
Saint -Florentin, le collège de
France, la tour et la chapelle des
Fonts, sous le portail de S'-Sul-
pice, l'église de S'-Philippe-du-
Roule, et quelques hôtels assez
remarquables ;un des plusbeaux
ouvrages de Chalgrin est la res-
lauralion du palais du Luxem-
CHA
bourg, dont on admire particu-
lièrement le grand escalier. Il est
également l'auteur du plan de
l'arc de triomphe de l'Étoile ,
dont il dirigeait la construction.
Ce monument figuré en toile ,
lorsque l'impéralrice Marie-Loui-
se fit son entrée à Paris, a pu
donner une idée de sa magnifi-
cence, et quoiqu'il soit à peu près
resté en projet, il n'en est pas
moins la preuve du talent pur et
sévère de Chalgrin. Doué d'une
probité égale à son talent, cet ar-
chitecte est mort comme il était
né. c'est-à-dire sans fortune, le
20 janvier 1811.
CHALIER (Joseph), né en
1 747> à Beaulard , près de Suze ,
en Piémont. Prêtre , voyageur ,
négociant et présidentdu club ré-
volutionnaire de Lyon ; sa desti-
née fut singulière, sa vie orageu-
se et sa fin tragique. Son nom
est un de ceux que l'on retrouve
avec le plus d'effroi dans les san-
glantes annales du règne de la ter-
reur. La liberté , te li\'Aor que
certaines ârnes primèrent à tou-
tes les richesses de l'uni\'ers, dit
Bossuet, la liberté qui inspire la
patience dans les travaux, l'a-
mour de la gloire et de la patrie,
n'alluma, dans l'âme de Chalier,
qu'un fanatisme aveugle et féro-
ce. Il se fit d'abord connaître par
la violence de ses discours et de
ses écrits ; il ne parlait que d'é-
gorger 20,000 citoyens: c'était le
Marat de Lyon. La liste des 800
habitans de cette ville qui, le 9
mars 1790, avaient demandé aux
commissaires de la convention la
convocation des assemblées des
sections, fut imprimée et aHichée
par l'ordre de Chalier, et sous le
CHA
titre de Boussole des patrioXes ,
pour les diriger sur la mer du ci-
vismei il fit placarder une autre
liste de ëa pères de l'ainiile, négo-
ctaos, épiciers, faïenciers, icr-
blanlicrs . boulangers, cordon-
niers, cabarclicrs, en accompa-
gnant chaque nom des épithètes
les plus injurieuses. Il ne pour-
suivait pas seulement les nobles
et les prêtres, les modérés, les
accapareurs : les usuriers, les a-
voués et gens de loi, -les commis,
les artisans, les laboureurs, les
étrangers étaient aussi des aris-
tocrates à ses yeux. Dans ces
temps à jamais déplorables , t(ju-
tes les classes eurent leurs mar-
tyrs; et celles qui se plaignent seu-
les aujourd bui, ne lurent pour-
tant pas alors les seules ù plain-
dre. Chalier i'ulcondamné à mort
par le tribunal criminel de Lyon,
pour avoir été im des principaux
auteurs de la sanglante journée
du 2<) mai i^qS, ainsi que du
com{)lot formé dans une assem-
blée tenue le 6 février précédent,
dont les membres firent serment,
sous peine de mort, de garder le
secret. L'objet de ce complot était
de créer un tribnmU populaire ,
afin de faire juger toutes les per-
sonnes détenues pour opinion |^
litique. Ce tribunal devait tenir
ses séances sur le pont Morand,
où l'échafaud serait dressé et d'où
les corps des suppliciés devaient
être aussitôt précipités dans le
Rbûiie. La sentence de Chalier
porte en outre qu'il a été con-
vaincu d'être l'auteur de discours
publiés et décrits provoquant au
meurtre , surtout dans un placard
intitulé S' rineiU de 3oo républi-
cains. Il reçut soD arrêt avec sang-
CHA
375
froid, et dit à ses juges : Crai^
gnez le retour de Mutiner, si ce
nest dans un mois, ce sera dans
deux. Prophétie qui ne fut que
trop tôt et trop cruellement réa-
lisée. Chalier en parut si convain-
cu , et le désir de la vengeance
fut tel , à ses derniers momens ,
qu'il remit une note à son avocat
pour lui recommander de faire
imprimer de suite sa défense , a-
vcc les noms des juges et des ju-
rés qui l'avaient condamné. Il de-
manda ù voir sa servante, son
défenseur, et ses amis, ce qui lui
futaccordé. Assis au milieu d'eux,
dans son cachot, il les consola ,
les encouragea, et lit avec la plus
grande présence d'esprit la dis-
tribution de sa fortune. Lesprison-
niers pauvres et la gendarmerie
y eurent part. Ce calme étonnant
ne l'abandonna point jusque sur
1 échafaud. j.\ous allons bien dou-
cemenit dit-il en s'avançant vers
le lieu de son supplice. La con-
duite de Chalier était inconceva-
ble, dit M. Maurille (auteur d'uii
écrit, publié en 1801, sur les mal-
heurs de Lyon) : probe dans sa
vie privée, et brigand dans sa vie
publique ; il prêche le m»;urtre et
le pillage, impose des taxes arbi-
traires, et laisse les exécuteurs de
ses volontés en recueillir le fruit,
sans y prendre part lui-même.
Fier de sa petite suzeraineté des
sans-culottes, il cédait à d'autres
plus avides les bénéfices de ce fief
d'un genre nouveau. Maître de sa
meute, glorieux de la diriger, il
désignait lu proie et abandonnait
à d'autres la curée. Petit, les yeux
vifs et sciutillans, les lèvres san-
guines , la tète chauve, la phy-
sionomie contractée, la démar»
1»
ar4 CHA
che incertaine : ainsi le peignent
ceux qui l'ont vu. Son imagina-
tion était ardente jusqu'au délire;
et cependant sou» l'apparence de
la simplicité et même de la .«in-
gularité, il portait assez loin l'art
de la dissimulation. Parleur «ans
talent, écho servile de toutes les
phrases du vocabulaire de la ter-
reur, son éloquence était grotes-
que, ridicule, emphatique, mêlée
de gestes et de lazzis italiens, mais
véhémente et propre à enflammer
les passions de la multitude, par-
ce qu'il parlait son langage, parce
qu'il était sincèrement exaspéré
et furieux de bonne toi.
CHALIER (Jean), né à Briou-
de en Auvergne, en ij/S? est
moins connu dan? la société par
le modeste emploi qu'il a occu-
pé au trésor public que par l'ou-
vrage didactique dont nous allons
parler, et par le dévouement avec
lequel il consacra son fils très-
jeune à la défense du territoire
français en ïSi5. Le Précis élé-
mentaire de la comptabilité des
finances qu'il a publié renferme
des préceptes utiles aux compta-
bleSi aux administrateurs, et sur-
tout aux jeunes gens qui se des-
tinent à la finance et à la banque.
Notre jugement sur cet ouvrage
ne peut être que conforme à ce-
lui de la société royale académi-
que des sciences.
CHALIEU (t'ABBÉ), homme
iostruit, a laissé sur le départe-
ment de la Drôme des mémoires
manuscrits , <jue Ton a publiés
en 1811, Cet duyrage posthume,
assez curieux sous le rapport des
antiquités, est totalement dépour-
vu de philosophie et de critique.
Chalieu, né à Tain en Dauphiné
CHA
le î>.9 avril 1733, est mbrl en
t8io, après nvoir professé la
théologie, et rassemlilé dans son
cabinet un giand nombre de cu-
riosités dont M Millin a donné
le catalogue.
CHALLAN (AirroiNK-Dioraii-'
Jbas -Baptiste). Au commence-
ment de la révolution il était
procureur du roi au bailliage d«
Meulan, et il obtint, en 1790, \t»
place de procureur - syndic du
département. Attaché exclusive-
ment A la constitution de 1791,
M. Challan rédigea, en faveur de
l'autorité du roi, l'adresse présen-
tée avant le 10 août à l'assemblée
nationale, par les membres dn
directoire du département de
Seine-et-Oise. Bientôt les suite»
de cette démarche lui causèrent
beaucoup d'inquiétude; on dé-
couvrit sa retraite, et il fut déte-
nu à Versailles durant quatorze
mois. Rendu à la liberté après la
mort de Robespierre, il fut prési-
dent du tribunal criminel de Sei-
ne-et-Oise; et en 1798, ce dépar-
tement le nomma député au con-
seil des cinq-cents. Il obtint, a-
près la chute du directoire, une
mission dans les départemcns de
l'Ouest. Au tribunal, dont ensui-
t%il fit partie, on ne le compta
point parmi les hommes coura-
geux qui s'opposaient aux enva-
hissemens du pouvoir; au contrai-
re, M. Challan se déclara en fa-
veurdu consulat à vie et du gou-
vernement impérial. Il fut un des
tribuns qui, à- l'époque de la vic-
toire d'Austerlitz , se chargèrent
d'aller complimenter le vain -
queur. Après la dissolution du
tribunat, M. Challan passa au
corps-législatif, oi!i,Tersla fin du
CHA
mois de m;Hs i8i3, il fil un
rapport sur le projet d'échanger
divers biens des communes et des
hospices. «Vous reconnaîtrez dans
»ce projet, dirait-il h la fin de
» fion discours, la sollicitude habi-
» tuelledc S. M. •,etsidans vospré-
• cédentcsséances vous aveïéprou-
» vé le besoin d'exprimer yotre ad-
wmiration pour leshautesconcep-
» lions du génie, vous ne serez pas
«moins empressésde rendre encc
») jour de^ actions de grûccs au chef
«suprême de cette administration
«vraiment paternelle.') Ainsi par-
lait M. (jhnllan qui, l'année
suivante, applaudissait à la ruine
des desseins de Napoléon, et ré-
digeait lui-même l'acte de dé-
chéance. Fidèle à ces principes
dont aucune vicissitude ne dé-
concerte la prudence, M. Challnn,
député en iSi'i, se déclara con-
tre la liberté de la presse, et vota
en faveurdes mesuresarbitraires.
Il obtint alors des lettres de no-
blesse ainsi que la croix d'ollicier
de la légion-d'honneur. Il a pu-
blié : 1* De l'Adoption considé-
rée dans ses rapports avec la loi
natt relie et la politique , in-8',
i8oi ; 2* Rapports sur les moyens
de concourir an projet de la so-
ciété d* agriculture de la Seine,
relatif au perfectionnement des
charrues, avec quatre planches,
in-8% 1802; "h" du liélablissemenl
de l'oriln en France, in-8% 1814.
M. Challan 0 fait ansïii, en 1814,
une brochure intitulée : Ké-
jUxitms sur ie choix des dé-
putés.
CHALMEL, né à Tours, fut
d'abord attaché au barreau; quand
ïn révolution éclata, il <n adop-
ta les principes atec onthousias-
CHA J75
me. Il avait suivi au Port au-Prin-
ce l'intendant Foulon d'Ëcotier,
mais ses opinions ne lui permi-
rent pas de rester avec lui. Reve-
nu à Tours, il y fut nommé se-
crétaire-général. Après legther-
midor, il fut aussi secrétaire-gé-
néral de l'instruction publique à
Paris; et, sous le directoire, il
devint un des administrateurs de
son département. Appelé au con-
seil des cinq-cents, il parla, en
1798, contre les déportés fugi-
tifs. On le vit s'opposer à la no-
mination du directeur Treilhard,
la déclarer inconstitulionncUe ,
et accuser le gouvernement d#
faire entourer d'espions la repré-
sentation nationale. Il ne tarda
pas à reprocher des dilapidations
à M. Lagarde, secrétaire du direc-
toire; et quelque temps avant le
18 brumaire, il demanda que la
patrie frtt déclarée en danger.
L'opposition de Chalmel aux
événemens de cette journée le
fit exclure du corps-législatif. U
occupait un simple emploi dans
l'administration des droits-réu-
nis, lorsqu'on 181 5, Napoléon,
sentant la nécessité de te conci-
lier l'opinion, rappela aux affai-
res plusieurs hommes qui avaient
oimé la république. Nommé d'a-
bord sous-préfet à Loches, Chal-
mel fut envoyé à la chambre des
représentans par le département
d Indre-et-Loire.
CHALMERS (Gborgb), criti-
que et politique anglais , estimé,
moins pour la force on la beauté
du btyle et des. pen.sées , que
pour l'étendue et la netteté de
scri connaissances administrati-
ves et littéraires , naquit en Ë-
co»se , ver:> j ^5tà. Après quelquf »
2^6 CHA
années de rcsiilence en Amérir
que, il revint en Europe, .s'e ùl
connaître comme écrivain , lut
nommé membre, de la société
royale et de celle des antiquairei?
de Londres, et devint principal
secrétaire du comité du conseil du
commerce. On estime, sous le rap-
port de l'exactitude des faits, les
vies qu'il a données dcsir/ohn Du-
vies, Daniel de Foe , the Rudcli-
inann, Àllati Ramsay^ Dav Ram-
say,^Ui. Mais ces essais biographi-
ques, laits pour accompagner des
éditions plus ou moins soignées,
n'établisseat pas la réputation
fjjjd'un écrivain. C'est à ses ouvra-
ges politiques qu'il a dû surtout
sa renommée littéraire. Telles
sont ses Opinions sur des ques-
tions politiques , nées de l'indé-
pendance (1784); sa collection
des Traités conclus par la Gran-
de-Bretagne (2 vol. 1790); et
deux volumes très-précieux , sur
l'or, le change, le cours des mon-
naies , publiés en 1810 et i8i 1.
Tel est surtout son Coup d'œil
historique sur l'Economie domes-
tique de l'Angleterre (j8i 1), ou-
vrage sec, mais extrêmement
précieux par les résultats qu'il
renferme. Il en existe une traduc-
tion française soiis un titre difl'é-
rent [^Analyse de la force de la
Grande-Bretagne , i']^ç))\ mais
lorsqu'il parut, l'original n'avait
jKis subi l'épreuve de plusieurs
éditions, successivement revues
et perfectionnées par l'auteur.
CHALMERS (Thomas), frère
du précédent, est comme lui
membre de la société des anti-
quaires. Ministre protestant, il
s'est occupé de la politique dans
ies rapports avec la religion, et
• CHA
«'est fall estiiner sans se rendr«
célèbre.
CHALMEIVS (Alexaspre), le
biographe, avec moins démérite
peut-être que sesideux frères, s'est
acquis plus de réputation. Les
entreprises va.stes dont il s'est
chargé, et qui demandaient plus
de patience que de génie, ont
réussi et ont répandu son nom
dan» le continent. C'est à lui que
l'on doit la belle édition de Sha-
kespeare, avec notes (9 vol. in-8",
i8o3 et i8o5) ; la collection pré-
cieuse des Observateurs moralis-
tes anglais, sous le titre de British
Epazist (45 vol. jn-18, i8o3); et
la grande collection des Poètes
anglais depuis Chancer jusqu'à
Cowper (ai vol. in-18). Il a com-
posé la plupart des notices, ad-
ditions, etc., qui accompagnent
ces ouvrages. Compilateur d'une
Biographie en 4o vol., il a fait un
peu mieux que Chaudon, mai*
moins bien qu'on ne devait l'at-
tendre, et des nombreux secours
qu'il avait à sa disposition , et de
la liberté du pays où il écrivait.
Cependant cet ouvrage a fait sa
renommée. Chalmersest membre
de la société des antiquaires et
de la société royale.
CHALOTAIS (Louis -René de
Caradeuc de la), est né en 1701,
et mort en 178^. La vie de ce
magistrat célèbre se rattache par
trop de liens à l'histoire contem-
poraine, pour que nous ne don-
nions pas ici un léger aperçu des
événemens qui la rendent remar-
quable. Ils ne seront pas sans in-
térêt pour le lecteur, qui, curieux
d'observer l'enchaînement des
causes politiques, veut étudier
la révolution daui son princ ipe .
GHÀ
et la suivre dans sa marche. La
Chalotais naquit à Rennes, le 6
mars iroi. Devenu procnreur-
général au parlement de Breta-
g:ne. il se fit remarquer par la fdr-
ce de son éloquence , l'indépen-
dance de son caractère et la viva-
cité de son esprit. D'Alembert et
Duclos, Condillac et Mablj, Mon-
tesquieu et Diderot furent ses a-
mis. Jusqu'à 60 ans, il vécut pai-
sible, renfermant l'usage de ses
talens dans l'exercice des fonc-
tions qui lui étaient confiées. Ce-
pendant la cour incertaine sur le
parli qu'elle devait prendre à l'é-
gard des jésuites, leur promet-
tait, par lettres expresses , la con-
servation de leur ordre, tandis
qu'elle observait avec inquiétude
l'accroissement de leur ]>uissaiice
et cherrliait à les affaiblir en les
caressant. Les philosophes qui
voyaient l'état deschoses, ne lais-
sèrent pas échapper l'occasion d";i-
gir. La Chalotais, d'accord avec
quelques-uns d'entre eux, porta la
première atteinte juridique à ce
corps immense, dont la théocra-
tie menaçait l'Europe entière. Il
attaqua le» jésuites devant le par-
lement de Bretagne, dans ces
Comptes rendus ., devenus juste-
ment célèbres (1761, plusieurs é-
ditions, i^Oa, x'^iMi). Cet exem-
ple fut suivi par les procureurs-
généraux des autres cours souve-
raines, et les jésuites succombè-
rent malgré leur crédit européen.
La haine qui suit la puissance, la
vieille rancune des jansénistes, la
politique de la cour, l'envie des
autres ordres religieux, secondè-
rent sans doute La Chalotais;
mais onconvintqueson éloqtien-
ce avait fait la première brèche ù
CHA
»77
cette Initr (V Ignace, que Cara-
miiel disait bâtie par Dieu même.
L'éloquence de La Chalotais plei-
ne de franchise et de hardiesse ,
était plus abondante en faits qu'en
paroles. En vain Caveyrac, o-
dieux apologiste de la révocation
de l'édit de Nantes, prit la plume
contre La Chalotais: en vain les
pères Menoux et Griftct, secon-
dés par l'ingénieux Cérutti, firent
valoir les services rendus par les
jésuites à la cause de Dieu et du
trône ;«n vain ils rappelèrent les
nombreux talens sortis de leurs
collèges : La Chalotais triompha.
L'ordre fut supprimé en France,
mais les jésuites qui trouvaient
dans tous leurs casuistes (/^. Les-
sius, n° 74> cité par Pascal, Letl.
Prov. i4)» qu'il est permis de tuer
qui nous a fait un affront, se
vengèrent bientôt, et furent, en
effet, au moment de /«<•/• l'hom-
me qui avait hâté la destniction
de leur ordre. Les contempo-
rains affirment que des sociétés
secrètes de ces religieux expul-
sés se tinrent à Rennes et en d'au-
tres villes de Bretagne. L'eîprit
d'indépendance des parlemeus
bretons et de La Chalotais était
bien connu ; des ressorts, que le
temps n'a pas encore dévoilés ,
furent mis en jeu. Le ministère
voulut faire enregistrer , par le
parlement de Bretagne, des édits
sur les impôts qui attaquaient les
vieilles franchises et les antiques
libertés de cette province. On pré-
tend que les instigateurs de cette
mesure s'atlenilaient à la résis-
tance. En effet, les privilèges vi-
vement attaqués par le ministè-
re, furent obstinément défendu."*
par le pailemcnt de Rennes, et
«7»
CBA
frortoiit par La Chalotais,qtii pas-
sait pour le faire agir. L'enregis-
trement fut opiniâtrement refusé;
et, après plusieurs mois de lutte
contre le gouvernement, et 56
ans de services dans la haute ma-
gi.strature, cet homme si estima-
ble fut traîné en prison avec son
fils, et 5 conseillers au parlement
qui avaient partagé sa résistance.
Ce traitement horrible ne pou-
Tâit être égalé que par l'absurdi-
té de l'accusation. Au lieu d'ac-
euser franchement La Chalotais
d'avoir irrité, par son opiniâcre
défense des privilèges de la Bre-
tagne, une autorité jalouse , on
l'inculpait comme auteur de cer-
tains billets anonymes sans or-
thographe, adressés à un minis-
tre ; billets dignes d'un poittfaix
ivrf\ comme le dit fort bien M.
Villenave. Conduit sur le bord du
tombeau par une maladie cruel-
le, et toujours emprisonné, le
magistat jura deux fois, devant
Dieu et devant le roi, qu'il n'avait
rien écrit de pareil. De nom-
breux mémoires, publiés sous
main en 1766 et 1767, le justi-
fièrent pleinement. Tantôt les piè-
ces du procès , tantôt les nom-
breux pamphlets extrajudiciaires
portaient, jusqu'au pied du trô-
ne , les preu\es de sa parfaite in-
nocence. Un cure -dent trempé
dans de la suie délayée, traça sur
des enveloppes de sucre et de ca-
fé son premier mémoire; l'indi-
gnation publique était soulevée.
Voltaire fit éclater la sienne, et
jamais peut-être sa plume bril-
lante et rapide n acquit autant
d'énergie que dans les lignes sui-
vantes : « Âlalheur à toute âme
* insensihle qui ne stnt pas le fré-
CHA
» missement de la fièvre , en lisant
j»le mémoire de l'infortuné La
»Chalotais! Son curt-dent
»gravt pour l'irnniorlalUé... Les
» Parisiens sont des lâclies , (jui
* gémissent, soupent et oublient.»
En effet, le procès s'instruisaU
sans trouver d'autre obstacle
qu'une impuissante nuée de bro-
chures que l'on brûlait sur les
marches du palais de justice. La
commission assemblée à Saint-
Malo faisait imprimer les procé-
dures, avec cette épigraphe : ad
perpétuant sceleris menioriam ;
(pour perpétuer le souvenir du cri-
me) : osant ainsi porter la senten-
ce avant d'avoir jugé; osant flé-
trir l'accusé au milieu des débats
qui pouvaient l'absoudre; osant
déclarer qu'elle n'étaitconvoquée
que pour trouver un crime. Ca-
lonne,qui conduisait tout de con-
cert avec le duc d'Aiguillon, était
l'ennemi per.-onnel du magistrat;
la passion , la violence, la légè-
reté caractérisèrent ses démar-
ches et celles de ses collègues.
Un nouveau parlement, convo-
qué à Rennes , demanda à être
saisi de l'aiTaire ; mais à peine faU
lut-il procéder que presque tous
les juges se récusèrent. La Cha-
lotais récusa à son tour ceux qui
étaient restés , au nombre de i5.
La voix du peuple fut enfin la plus
forte. Les remontrances des cours
souveraines .et celles, non moins
énergiques, du ducde Choiseul, fi-
rentquelqueimpressionsur le roi.
Tant de procédures, de menaces,
d'injustices, de vengeances, s'ar-
rêtèrent. On exila les prisonniers
à Saintes; et Duclos, dépêché \trs
La Chalotais pour lui demander
sa démission, ne gagna rien. Le
€!IA
parlement de Bretagne redeman-
da lièreinent ses magistrats; et les
brochures se multiplièrent. 11 y
avait i5o colporteurs à fiict'tre ;
on était fatigué de brûler des
pamphlets, qui renaissaient plus
nombreux de leurs cendres : EkJ
messieurs , s'écria un parlemen-
taire, ne nous lasserons-nous pas
de brûler la vérité ? Cependant
une vengeance est tirée des lon-
gues souffrances de La Chalotais:
d'Aiguillon, l'ami, et, suivant l'o-
Êinion générale, le complice de
alonne, dans cette affaire; d'Ai-
guillon, que La Chalotais avait
jadis blessé d'une épigramme ;
d'Aiguillon, qui voulut se^'cnger
d'un jeu de mots par un arrêt de
mort, fut, ii son tour, accusé par
le parlement de Bretagne. L'a-
vénement de Louis XVI rendit
In liberté à La (^halu^ais, et réta-
blit le calme, du moins en appa-
rence; après loans de malheurs,
ce magistrat revint siéger ù Ren-
nes, et mourut le 12 juillet 1786.
Qu'on jette les yeux sur le dra-
me déplorable dont il fut le héros,
on y verra toute l'incertitude et
toute la tyrannie , toute la pusil-
lanimité et tout l'arbitraire d'un
gouvernement qui creusait sa
tombe. Nulle justice dans les
vues, nulle force dans l'exécu-
tion de l'injq^tice ; d'horribles
outrages i\ la liberté publique ,
faits avec légèreté, arrogance, fai-
blesse et vengeance. Il était ais^
de prévoir qu'un despotisme dont
les ressorts s'usaient ainsi, allait
tomber de lui-mémo : et cette dt*-
cadence n'eut pas de précurseur
plu» visible et de symptômesplun
«ffrayans que les procédures dont
oou» venons de parler.
CHA
279
CHALVET (PiEBRB. Vincent),
auteur d'un journal peu connu,
et qui ne mérite point de l'être,
intitulé fournal chrclien (publié
au commencement de la révolu-
tion). Ce Journal chrétien n'é-
tait pas tout-à-fait catholique, ce
qui n'étoit point un mal alors :
mais il eût fallu que le siylc en fût
un peu frauçais. Editeur des poé-
sies de Cliarles d'Orléans, Chal-
vct est aussi l'auteur de quel-
ques ouvrages trop médiocres
pourêtre elles, et de la nou velle é-
dition, ou plutôt de la refonlede
laBiùliuliiéi^ue du Dauplunc, par
Allard (1797» Grenoble, in-8°).
Professeur d'histoire à l'école
centrale de l'Isère, et bibliothé-
caire de la ville de Grenoble, il
mourut le 2j décembre 1807. Il
était né en 1767, à Grenoble.
Homme laborieux et patient , il
était dénué de presque toutes les
autres facultés brillantes ou so-
lides qui tirent un écrivain de la
foule.
CHAMBARLHAC (J. J. Vitai),
baron de l'Aubpin, né le 2 août
1754, aux Étables, département de
la Haute -Loire, débuta dans la
carrière militaire, en 1769, par
le grade de sous-lieutenant. A l'é-
poque de l'émigration, il sut ré-
sister aux séductions et aux exem-
ples qui lui étaient donnés cha-
que jour, elsuivant de plus hono-
rables conseils, il n'abandonna
point les drapeaux français pour
passer sous ceux de l'étranger.
Dès l'année 179a il se distingua
à l'armée des Alpes, et fut fait
chef de bataillon. En 179^, il
s'empara des rctranchcniens du
mont (larinel, 01^ il fit mille pri-
sonniers. Il se fit remarquer par
28o
CHA
sa bravoure et ses lalensà la jour-
née d'Arcolc, en 179G; il l'ulbles-
sé et nommé général de brigade
sur le champ de bataille. Dans
l'année 1799, le premier consul
le chargea de mettre un terme
aux brigandages connus sous le
nom de Giwji;'. des chouans; il
les battit prés de Mortagne, les
poursuivit de toutes parts, et ne
tarda pas à en purger entièrement
les départemensqu'ilsinfestaient.
Il se distingua de nouveau à Cas-
tiglione et à Marengo, où il com-
mandait la 1'' division de l'armée
de réserve; il fut pourvu succes-
sivement du commandement de
Tortoscjde Mayence, du départe-
ment de la Loire, et de la i5°"
division militaire. Naùimé, en
1802, général de division, et en
1806, cummandant du la légion-
d'honneur, il contribua à l'expul-
siou des Anglais du territoire de
la Hollande lors de l'invasion de
rî!c de Walcheren par les troupes
britanniques. Le général Cham-
barlhac commandiiit à Bruxelles,
en 18 15. Lorsque les Français é-
vacucrent rAllemagnc, il déten-
dit autant que les circonstances
le permettaient le pays confié à
sa garde. Le 21 août 1814» il a
été l'ait^hevalier de Saint-Louis.
CHAMBERET (J. B. J. A. C.
T.Ide), médecin, né à Limo-
ges, le 19 septembre 1779. Après
s'être occupé , pendant quelque
temps I, des mathématiques, et a-
voir porté les armes pour la dé-
fense de son pays, il vint étudier
la médecine à Paris, en l'an 8 de
la république. L'enseigncmentde
cette science v.enait alors de re-
cevoir ien France, parla loi du
i4frirnaifc an 5, un.développe-
CHA
ment, une étendue et une direc-
tion philosophique, dont l'histoi-
re ne fournit aucun autre exem-
ple. 11 se livra avec tant d'ardeur
à l'étude des sciences diverses qui
constituent le domaine de la mé-
decine, et sans lesquelles l'art de
guérir, au lieu d'être un art salu-
taire, devient un des plus redou-
tables fléaux de 1 humanité, que,
malgré les diflicultés de plus d'un
genre qu'il eut à combattre, il
ne tarda pas à se distinguer par-
mi ses nombreux condisciples.
Dès l'an 1 1 de la république , il
remporta un prix au concours
général de l'Ecole de médecine;
plus tard un prix de clinique fon-
dé par Corvisart, lui fut dé-
cerné. Il fut employé pendant
quatre ans, et d'après un con-
cours public , dans les principaux
hôpitaux de Paris , et fut reçu
docteur en médecine à la faculté
de la môme ville, en 1808. De-
puis lors jusqu'au licenciement
de l'armée, eu i8i4» il fui suc-
cessivement attaché, comme mé-
decin, à l'armée d'Italie, à l'ar-
mée d'Espagne , à la grande-ar-
mée et aux hôpitaux militaires
de Paris. Licencié avec l'armée,
M. Charaberet, fut désigné par
M. Boyer, premier chirurgien de
l'empereur Napoléon , pour le
remplacer près d^nouveau sou-
verain de l'île d'Elbe ; mais des
difficultés insurmontables ne lui
ayant pas permis de se re«dre
dans cette île, il partageait son
temps, à Paris, entre l'exercice
de la médecine et des travaux lit-
téraires conformes à ses goûîs,
lorsqu'il fut uonmié itrédecin 01-
dinaireiifiit professeur- adjoint à
l'hôpital d instruction de Lille,
CHA
rtablisscmcnlcréé pour l'inslruc-
lion des olUciers de sanlé mili-
taires; et ou i>l. Chainberet en-
seigne la pkysiulogit el l'hygiène.
M. Chamberet a publié une Dùs-
strtation sur une maladie de la
peau, désignée sous le nom de
Prurigo, iu-4"? Paris, 1808. II est
un des cuUaburateuis du grand
Dictionnaire des sciences médi-
cales , et de V Encyclopédie mé-
tliodifjue. La Flore médicale, qui
fut entreprise par le savant et in-
fortuné Chaumetou, lui doit sa
partie thérapeutique ou purement
médicale, à partir de la lettre C.
11 a concouru, pendant plusieurs
années, à la rédaction du Journal
de médecine de MM. Corvisart,
Boyer et Leroux , et il est en ou-
tre un des collaborateurs du./t>ur-
nal complémentaire des sciences
médicales. Enfin, M. Chamberet
travaille en ce moment à un Trai-
té d'hygiène , qui ne peut man-
quer d'être favorablement ac-
cueilli du public, si l'on en juge
par le succès des leçons orales de
ce médecin, que l'on compte par-
mi les partisans les plus éclairés
de la doctrine physiologique,
C H AMBERT (Germain), pein-
tre et graveur, naquit à Grisolles,
arrondissement de Castel-Sarra-
sin, département de Tarn-et-Ga-
ronnc, en 17H4. Peintre habile à
un âge où l'on étudie encore , il
désira se placer au rang des gra-
veurs. N'ayant pa.s à Toulouse de
maîtres qui pussent le diriger
dans cette entreprise, il travailla
seul, et en peu d'années parvint
à graver le trait avec um; grande
pureté. Plusieurs auteurs, parmi
lesquels on compte MM. Bruand
et Dumège, lui couûèrent l'exé-
CHA
a8i
cution des planches de leurs ou-
vrages. L'académie des sciences
de Toulouse le choisit pour des-
sinateur et graveur. Il fit à l'eau-
forte un grand nombre de por-
traits; la pièce lapins remarqua-
ble de son œuvre, est un h'cce
homo , d'après Mignard. Cham-
bert.fut un des prenîiers à vou-
loir tirer parti de la découverte
de la lithographie; il avait établi
à Toulouse une imprimerie en ce
genre; il espérait en obtenir un
grand résultat, lorsqu'une mala-
die leute, mais cruelle, le condui-
sit au tombeau. Il mourut vive-
ment regretté, le i5 février 1821.
Parmi ses tableaux on distingue
une /Assomption.
CHAMBON(Antoine-Bekoit),
était trésorier de France à Uzer-
che, petite ville du Limousin, au
commencement de la révolution.
Nommé maire de cette conuTiu-
ne, et député du département de
la Corréze à la convention natio-
nale , il se lia bientôt avec les gi-
rondins, et particulièrement a-
vec Gensonné, dont il partageait
les opinions et appu3'ait les dis-
cours. Il dénonça le ministre Pa-
che, appela Robespierre factieux,
scélérat, et pour ce fait fut pro-
voqué en duel par Bourdon de
l'Oise, qui depuis fut un des plus
acharnés accusateurs du monstre
dont il était alors le défenseur.
Chambon ne vota la mort de
Louis XVI que sous la condition
de l'appel au peuple , et s'éleva
vivement contre la proposition
de statuer, séance tenante, sur
la question du sur.>is. S'étant op-
posé à ce qu'on fit une avance
de 3,000,000 à la ville de Paris,
pour achat de subsistances, le»
282 CHA
sections demandèrent son expul-
sion de l'assemblée. Il en fut
pourtant nommé secrétaire , et
combattit avec chaleur contre
la tyrannie qui pesait sur les
députés à l'époque du 3i mai. Un
décret de laconTenlion ayant or-
donné que Chambon demeure-
rait en arrestation dans son do-
micile, il s'en échappa. Un se-
cond décret le déclara traître à la
patrie, et le mît hors la loi. Un
troisième prononça la confisca-
tion de SCS biens. Chambon s'é-
tait retiré à Lub.ersac, petit villa-
ge des environs de Brives : c'est
là que , poursuivi comme une
bête fauve, il fut tué dans une
grange, au mois de novembre
1793. Quinze ou dix- huit mois
après cet événement, sa veuve
obtint des secours et une pen-
sion.
CHAMBON DE LA TOUR,
(Jean-Marie), né à Uzès , dépar-
tement du Gard, était maire de
cette ville au commencement de
la révolution. En 1789, il fut nom-
mé, par lasénéchaussée de Nîmes,
député du tiersauxétats-généranx.
Comme aujourd'hui, il existait dé-
jà à cette époque un côté gauche
et un côté droit qui se combat-
taient dans l'assemblée; et si M.
Chambon y garda le plus profond
silence, il s'acquit néanmoins des
titres à la reconnaissance publi-
que, en allant s'asseoir au côté
gauche, avec lequel 11 vota cons-
tamment. Elu, en 179*, député
de son département à la conven-
tion nationale, M. Chambon y
©bserva le même silence qu'à l'as-
semblée précédente; et, soit pour
cause de maladie, soit par l'effet
du hasard, soit par un calcul de
CHA
prudence, il n'assista point aux
séances où l'on jugea Louis XVL
Usant toujours de sa circonspec-
tion ordinaire pendant le régime
de la terreur, il échappa à tous
les dangers, ou plutôt il sut ne
s'exposer à aucun. C'était dans
un autre temps et sur un autre
théâtre que M. Chambon voulait
se signaler. Après le 9 thermidor,
envoyé à Marseille, des procla-
mations virulentes y signalèrent
son arrivée, et furent suivies d'une
réaction. Les compagnies de Jésus
et du soleil, usurpant Tautorité ju-
diciaire , et rivalisant de crimes
avec les terroristes qu'ils préten-
daient punir, ensanglantèrent,
comme eux, celte malheureuse
ville, et assassinèrent les assas-
sins sous les fenêtres et sous les
yeux de M. Chambon. Pendant
ces exécutions, il rendait compte
à la convention des mesures qu'il
avait prises pour déjouer les com-
plots des terroristes; il sollicitait
et obtenait, de l'assemblée, l'ap-
probation de sa conduite ; et la
félicitait au sujet des victoires
qu'elle remportait elle-même sur
lesrassemblemens séditieux, etc.
Chambon à la fin dénoncé par les
députés Goupilleau et Pélissier,
et par les citoyens de Marseille ,
fut rappelé de sa mission ; ses col-
lègues Guérin. et llouyer voulu-
rent bien se charger de sa justifi-
cation et de son apologie. Ce lé-
gislateur, après la session de la
convention, passa au conseil des
anciens, où il resta muet jusqu'en
1799, époque à laquelle ce con-
seil cessa d'exister, et M. Cham-
bon d'appartenir à la représenta-
tion nationale.
CHAM BON-DE -MONT AUX
CHA
(Nicoiis), né à Brevnnnes, dé-
parleinent de Seine-et-Oise, en
174®' f"* reçu médecin à Paris,
et alla s'établir à Langres où il
exerça son état pendant plusieurs
années. Revenu à Paris, en 1780,
il devint membre de la tacaltéde
cette ville et médecin de la Sal-
pêtrière. Après avoir rendu de
grands services en cette qualité,
il qni'tta sa place et sa profession
pour embrasser la carrière admi-
nistrative, et fut élu maire de Pa-
ris en remplacement de Péli»)n, le
5 décembre 1793. L'ex-ministre
de la guerre, Pache, lui succéda
le i5 février 1795; et M. Cham-
bon ne fut maire qu'environ 70
)ours : mais on peut signaler ce
court espace comme un des plus
orageux de la révolution. Ayant
présenté à la convention nationa-
le une adresse de la commune de
Paris relative au rapport du dé-
cret concernant la famille des
Bourbons, M. Chambon fut man-
dé à la barre de Tasseinblée, où
il déclara pour sa défense qu'il
n'avait fait que se rendre l'orga-
ne passif des section» de Paris.
Au mois de janvier, il informa
la même assemblée de la situa-
tion de la capitale et de l'opinion
publique relativement au procès
de Louis XVI. On ne vit pas sans
surprise que ce nouveau rapport
était en contradiction formelle a-
vec l'adresse présentée par lui
quelques jours aupnravant. La
mission la plus pénible, sans dou-
te, que M. Chambon eut A rem-
plir pendant qu'il était maire, fut
Cflle d'accompagner le ministre
de la justice et le secrétaire du
conseil exécutif, lorsqueres deux
fonctionnaires »e rendirent au
CHA
?85
Temple pour notifier à Louis XVI
son arrêt de mort. M Chambon
fit ses efforts pour obtenir la libre
représentation de la pièce intitu-
lée : l'Ami des hùt, ouvrage qui,
par cela même qu'on y procla-
mait les principes de la modéra-
lion, était attaqué jusqoedans l'en-
ceinte législative par l'exagé-
ration révolutionnaire, {^f^oyei
La.ta). Il en fit l'objet d'une péti»
tion à la convention, et le conseil
de la commune improuva sa con-
duite. M. Chambon malade, ou
prétextant une maladie, quitta ses
fonctions de maire et reprit sa
profession de médecin. On a de
lui les ouvrages suivans : Ma-
ladits des J'emnits, tles filles el
des enfans^ ï/O^, to vol. in-8* ;
Traité del'anlkrax\ 1781, in- 1 a;
des Moyens de rendre, les hôpi-
taux utiles à l'iiistruetion, 1787,
in- 12; Traité des fièvres mali^
g««, 4 vol. in-12, 1787; 7'rrt//^
de l'éducation des moutons , a vol.
in-S", 1810. M. Chambon avait
écrit contre la vaccine, mais il
n'a point fait imprimer son ou-
vrage.
CHAMBON AS (le maréchal-de-
CAMP, MARQCis de). Dans Ic temps
o\\ le public s'occupait beaucoup
des démêlés scandaleux qui agi-
taient l'intérieur des familles,
M. le marquis de Chambonas
donna aux oisifs une ample ma-
tière d'anecdotes, à l'occasion du
procès en séparation qu'il intenta
à sa femme. Il avait épousé avant
la révolution la fille naturelle de
M. Saint-Florentin et de M"". Sa-
battier, et le? opinions politiques
de» deux époux ne s'accordanf
point, ce motif fut la cause ou le
prétexte de la dissolution y\e leur
a84
CftA
inarla{j;e. M de Chambonas, ne-
veu du maréchal de Biron, était,
ainsi que §on parent, le duc de
Laiizuii, autre neveu du maré-
chal, un zélé partisan de la liber-
té. Dès l'origine de la révolution
il en adopta les principes, et fut
nommé maire de la ville de Sens.
Il y commandait la garde natio-
nale lorsque, en 1789, il fut char-
gé d'apporter à l'assemblée cons-
tituante le vœu qu'avait formé
cette ville d'ériger un monument
aux premiers législateurs de la
France. L'assemblée agréa cet
hommage, et chargea M. de Cham-
bonas de poser la première pier-
re de ce monument patriotique.
Nommé ministre des affaires é-
trangères, en juin 1792, ce fut lui
qui annonça la neutralité de Gè-
nes et la reconnaissance du pavil-
lon tricolore par la Suède. Il ren-
dit compte delà marche des puis-
sances alliées; etdonnades rensei-
gnemens exacts sur l'existence de
la coalition armée des cabinet* de
Vienne et de Berlin. Il rassura en
même temps la France sur le ré-
sultat des armemens eflectués en
Angleterre. Ln marché pour une
fourniture d'armes, passé par M.
de Chambonas avec Beaumar-
chais, fut dénoncécomme fraudu-
leux à l'assemblée législative, et
annulé par elle. Au reste, il n'y a-
vait pas encore deux mois qu'il
possédait le portefeuille des affai-
res étrangères, lorsqu'il présen-
ta, de concert avec les autres mi-
nistres, le compte de la situation
intérieure et extérieure de la ré-
publique, et donna, ainsi que ses
«ollègues, sa démission comme ne
pouvant plus résistera l'anarchie.
Après le 10 août, le marqflis de
CHA
Chambonas passa en Angleterre»
où tour à tour orfèvre, horloger,
bijoutier, il fut cependant forcé d«
contracter des dettes pour vivre.
Au nombre de ses créanciers se
trouvèrent de» émigrés, et notam-
ment le général >Villot, qui le fi-
rent mettre en prison. Il est à re-
marquer que M. de Chambonatt
eut encore cela de commun avec
son parent le duc de Lauzun,
qui, se trouvant à Londres, y
fut emprisonné pour deftes en
1792. M. de Chambonas y mou-
rut, en 1807, dîins unétat voisin
de l'indigence.
CHAMBliREÇArcrsTE le Pel-
letier de), néàVitteauxle 3omars
1789, lieutenant-colonel, oflîcier
de la légion-d'honneur, se fit re-
marquer d'abord en Espagne par
un trait qui lui valut une place au
milieu des plus braves d'une ar-
mée qui ne comptait qiye des bra-
ves. Chargé d'enlever une redou-
te à la tète de 5o hommes, après
trois attaques infructueuses, il re-
marque de l'hésitation parmi sa
troupe; aussitôt il s'élance seul
vers la redoute, tue de sa main le
commandant du poste, blesse plu-
sieurs canonniers; les soldatsqu'il
commandait, électrisés par cette
action intrépide, n'hésitent plus ù
l'Imiter, et le poste est enlevé.
L'officier Chambure, atteint d'u-
ne blessure grave au bras, reçut
dans cette circonstance la décora-
tion de la légion-d honneur. Ses
souffrances n'abattent pas son cou-
rage. Le bras en écharpe, il se dis-
tingue en Espagne par de nou-
veaux services, et ne quitte ce
théâtre d'une guerre terrible que
pour passer dans le nord de l'Eu-
rope, où il fit bientôt partie de la
K
CHA
garnison de Dantzick. (le fui du-
rant ce siège méinorabln où la va-
leur française résista avec une
constance si énergique aux eflurljj
des puinPances coalisées, que,
place à la tt!-te d'une compagnie
franche surnommée l'infernale,
Chambure,au milieu d'une poi-
gnée de braves, se dévoua souvent
aux plus téméraires actions. Un
jour entre autres, monté sur de frê-
les esquifs, il passe la Vistule à la
tête de loo hommes, descend à mi-
nuit au village de Bohnsac, occu-
pé par 5,000 ennemis, égorge les
sentinelles., tue ou blesse plus de
5oo hommes, détruit 10,000 fu-
sées incendiaires, un magasin de
vivres, un grand nombre de che-
vaux, fait sauter les caissons, en-
cloue i5 pièces d'artillerie, et re-
çoit deux coup» de baïonnelle.
Malgré ses blessures, le capitaine
Chambure marche à la tête de ses
braves, et surmontant mille dan-
gers, les conduit à travers plu-
sieurs bataillons ennemis et une
nuée de Cosaques qui couvrent
la campagne jusqu'à Dantzick, où
il entre à huit heures du matin:
Durantrincendiede Dantzick, les
redoutes do Frioul étant tombées
au pouvoir de l'ennemi, (^hanibu-
re les attaque ù la tèle de sa com-
pagnie, s'en empare; et à l 'excep-
tion de i5o hommes qui sont tués
dans l'action, fait prisonnier toute
la garnison ennemie. Au moment
où il prend quelque repos après
tant de fatigui; , une bombe qui
éclale dans sa chambre le réveil-
le; il met de nouveau sa compa-
gnie sur pied, marche à l'ennemi,
tue So hnnnmes. et encloue toute
la batterie <lressée contre la ville.
Des fîtits d'ann«s aussi éclataos
CHA
a85
ne sont guère exécutables qu'avec
des soldats fran(,-ais; ils ont été
fréquens dans nos armées; mais
ils ont rarement obtenu des.ré-
snilals relatifs plus utiles et plus
brillans. Après la capitulation clt^i
Dantzick, le capitaine Chamburt;
quitta le général Rapp, et alla ren-
dre son épée au prince de W ur-
temberg. Envoyé à Pétersbourg
comme prisounier, il revint en
France en i8i5, et fit la campa-
gne en qualité de commandant
des voltigeurs de l'un des corps
francs de la Côte-d'Or. Plusieurs
olliciers ennemis qui tombèrent
en son pou voir reçurent de lui de»
traitemens pleins de loyauté; ce-
pendant, victime d'une lâche ca-
lomnie, il fut dénoncé, jugé et
condamné à mort. -Un second ar-
rêt, basé sur des laits dont la faus-
seté a été depuis également recon-
nue, le condamna aux fers quel-
que temps après. Le lieutenant-
colonel Chambure, échappé aux
eifets d'un jugement que l'opinion
a justement qualifié, se retira eu
Belgique, et y passa trois ans.
Kevenu en France, il se constitua
prisonnier, obtint des juges, et
fut rendu à la liberté par un acte
de justice contrastant singulière-
ment avec la sentence qui, peu
d'années auparavant, frappait l'un
des braves de notre armée.
CIIAMOUX (N.), était accu-
sateur public au tribunal de
Chambéry, lorsqu'au moisde prai-
rial an 7 (mai 1791)), il fut élti
député au conseil des cinq-cents
par le déparlement du Mont-Blanc.
A l'époque de l'ouverture de cet-
te quatrième session du corps-
Jégislatif, un mois ne s'était pas
encore écoulé depuis l'assassinat
a86
CttX
des ministres Français ù Rastadt;
et ce fut par une virulente mo-
tion d'ordre à l'occasion de cet
événement que M. Chamoux si-
gnala son entrée au conseil. Ce
député savoisien, doué de beau-
couji d'énergie et de palriottsme,
provoqua, dans un moment très-
opportun , l'envoi d'un message
au directoire pour qu'il eOt à s'ex-
pliquer sur les motifs qui le dé-
terminaient ii garder un si grand
nombre de troupes dans l'inté-
rieur, tandis que les frontières é-
taient menacées et dégarnies. La
France se trouvait alors dans un
moment critique, Souwarow, maî-
tre de l'Italie, voulait poursuivre
le cours de ses conquêtes, et M.
Chamoux, qui voyait la faiblesse
du directoire, demanda la forma-
tion d'une commission pour s'oc-
cuper des dangers publics. 11 n'ai-
mait pas les chefs du gouverne-
ment, et cependant il ne fut point
partisan de la journée du 18
brumaire qui les renversa. Sorti
du corps-législatif au mois de ni-
vôse suivant, depuis cette époque
il n'a pas reparu sur la scène po-
litique.
CHAMPAGNE (JEAN-FKAirçois),
membre de l'institut elde la légion-
d'honneur, né à Sémur, en 1751,
€tinortàParis,ensepiembreiyi3,
était entré chez les bénédictins de
la congrégation de Saint-Maur,
qui se consacraient à l'étude et à
l'enseignement ; il fut successive-
ment, pendant cinquante-cinq ans,
élève, maître et supérieur dans
une de leurs maisons. Les révo-
lutionnaires , après avoir détruit
l'instruction publique, ayant re-
connu, en 1795, la nécessité de
la rétablir, Chaujpagne eut l'ha-
CHA
bileté de relever le collège de
Louis-lc-GranU , qui fut organisé
en établissement nali<nial, sous
le nom de Pi-ylanée framuir. W
a dirigé cette maison pendant
quinze ou seize an^, avec plus de
zèle peut-être que d'économie ,,
mais non sans quelque succès. Il
n'y avait pas encore un an qu'il
avait été mis à la retraite par le
conseil de l'université , quand il
est mort, il avait épousé la veu-
ve de Lebrun, ministre des affai-
res étrangères, mort sur l'éoha-
faud, en décembre 1795. Cham-
pagne, indépendamment de plu-
sieurs discours composés pour des
solennités relatives ù l'instruction
publique, a publié, en 1800, des
f^ucs sur l'organisation de l'ins-
truction publifjue dans les écoles
destinées à l'enseignement de la
jeunesse. Il a traduit la Politique
d'Aristott, et le traité intitulé:
Mare Clausum et apertuni de
Grolius.
GHAMPAGNY (Jean-Baptiste-
NoMPÈRE de), duc de Cadore, na-
quit à Roanne, département de la
Loire, en 1756. Peu d'hommes
ont fourni une carrière politique
aussi brillante et aussi variée que
celle de l\I. de Champagny. Issu
d'une famille noble , il entra de
bonne heure dans la marine roya-
le, et il n'avait pas 5o ans que déjà
son mérite, plutôt que sa naissan-
ce, l'avait élevé au grade de major
de vaisseau. En 1789, nommé
par la noblesse du Forez député
aux états-généraux, il fut un des
premiers de son ordre à se ranger
du côté du tiers-état. Il prit dans
cette assemblée la défense du com-
te Albert de Rioms, chef d'esca-
dre à Toulon [voj-ez Ai<beut »e
FuoMs), et le fit roeltie en liberté.
M. de Chaiiipagny ne s'occupa
^ucrc que des affaires concernant
la marine, pendant la durée de
âa mission à l'assenablée nationa-
le. Le Code pénal maritime, le
changement tic pavillon, l'orga-
nisation du corps des élèves de la
mai'lne, la fixation du nombre des
aspirans, la création des écoles de
mathématiques et d'hydrogra-
phie, sont en partie son ouvrage.
Chargé de faire un rapport géné-
r«l sur lu marine militaire, M. de
Champagny s'en acquitta avec
beaucoup de talent, et parla dans
(;ette occasion en connaisseur é-
clairé. Il était d'aris qu'on opé-
rât une fusion de la marine mili-
taire avec la marine marchande,
et que l'on tirât de cette dernière
HO corps d'officiers de tout gra-
de, entretenu aux frais de l'étal.
M. de Champagny sorti de l'as-
semblée constituante, qui termi^
na ses travaux, le 3r> septembre
1791, se retira dans le Forez, où
il vivait paisiblement, lorsqu'on
1793, il fut incarcéré comme no-
ble et suspect. Le 9 thermidor lui
ayant rendu la liberté , il rentra
dans sa retraite, d'où il ne sortit
qu'après le 18 brumaire , époque
à laquelle le ])reuiier consul le
nomma conseiller-d'état , section
de la marine. M. de Champagny
ne tarda pas à entrer d'une ma-
nière brillante dans la carrière di-
plomatique, ety débuta, en 1801 ,
par l'ambassade de Vienne. Cette
mission était dillicile ot délicate,
surtout à la suite des événemcns
qui avaient signalé dans cette vil-
le le séjour que venait d'y faire
le générai bernadotte, en qualité
d'ambiiisadcMr. yi. de Champa-
CHA
aftj
gny se conduisit dans oe poste
important avec une habileté con-
sommée ; et pendant près de qua-
tre années qu'il l'occupa, sut ga-
gner la confiance de son gouter-
nement, et celle du souverain
près duquel il résidait. Au retoof
de son ambassade, M. de Cham-
pagny» nommé îninisut* de l'in-
térieur, lut chargé d'aller ù Foh-
tuineblcau recevoir le pape, loî«*
qu'il vint en France èacrer Napo-
léon empereur. L'année i8o5 fut
"elle qui ofi'rit à M. deChattipa-
gny le plus d'occasions de dé-
ployer ses talens en adnvinislra-
lion et en politique, et de dotifter
des preuves de son zèle à Napo-
léon. Le I*' janvier, il présenta au
corps-législatif un tableau statisti-
que de la France, dans lequel il a-
vaitfailentrcr celui de sesrelations
politiques avec les puissances c-
trangères. Ce rapport a été regarde
par tons les hommes d'états com-
me un chef-d'œuvre d'éloquence,
d'exactitude et de raison. La vé-
rité toutefois veut que nous di-
sions que dans la confection de
ce grand travail, dont les détails
étaient fournis par tous les chefs
de division, le ministre fut puis-
samment secondé par M. de Ge-
rando, alors secrétaire-général du
ministère de l'intérieur. Au moi»
de mai, M. de Champagny ac-
compagna Napoléon, lorsqu'il ail a
so faire couronner roi d Italie A
Milan.Au mois de septembre, il pa-
rut pour la seconde fois à la tribu-
ne du corps-législalif, et fit un rap-
port sur la levée extraordinaire
de toutes les gardes nationales ,
mesure nécessitée par la guerre
que l'Autriche Venait de déclarer
à la France. L'envahissement de
u88
CHA
la Bavière, par cette première
puissance, son traité arec l'An-
gleterre, Ifl marche de deux ar-
mées, Fune de <)Q,()00 homme».,
commandée par l'archiduc Fer-
dinand , et l'autre de 3o,ooo, sous
les ordres de l'archiduc Jean , fu-
rent annoncés dans ce rapport a-
vec des circonstances qui justi-
fiaient la mesure j)ropo:«ée. Si l'i-
dée de rendre au culte l'éj^lise de
S'-Denis n'appartietit pas à M. de
Champijigny, c'est du moins sous
son ministère que cet événement
eut lieu. On peut le féliciter d'a-
voir exécuté le décret héroïque
par lequel ce monnaient qu'avait
profané la barbarie, a été rendu
à son antique usaj^e. Mais il. faut
le plaindre d'avoir provoqué le
changement de destination du
Panthéon, qui, rendu au culte sur
son rapport, n'a plus été qu'un ca-
veau où l'on rangeait les momies
des sénateurs. Quand les cendres
de Voltaire et de Kousseau furent
expulsées de ce monument, qu'el-
les consacraient, les voûtes répé-
tèrent Its dieux s'en vont. Voici
ce que M. de Champagny dit à
l'occasion du rétablissement de la
sépulture royale: «Ce spectacle
» apprendra aux souverains ce que
» l'histoire leur enseigne à chaque
«instant, que le courage, les ver-
»tus et le bien qu'ils font à leurs
«peuples fondent les dynasties,
» qui finissent sous des princes fai-
»bles, fanatiques ou ignorans. »
Lorsqu'au 9 octobre de la même
année, les premières hostilités en-
tre la France et la Prusse furent
commencées; que cinq jours a-
près, les combats de Schleitz, de
Saalfeld, et surtout la fameuse ba-
taille d'Iéna, eurent appris aux
CHA
Françaid, et leur gloire nouvelle
et l'incroyable pui,ssance de leurs
armes, W. de Champagny écrivit
circulairement aux préfets, afin
que letir zèle ne se rîilentit point,
et qu'ils enli-eiiussent l'ardeur de
cette jeunesse française, alors
comme aujourd'hui I espoir et
l'honneur de la patrie. M. de
Champagny ne cessa d'honorer
son administration par des actes
justes et sages, jusqu'au moment
où il quitta le ministère de Tiaté-
rieur. Ce fut au mois de juillet
1807, après la signature des trai-
tés de paix conclus à Tilsitt entre
la France, la Russie et la Prusse,
que Napoléon appela M. de Cham-
pagny au ministère des relations
étrangères. L'empereur, par les
traités de Tilsitt, avait établi un
système d'après lequel les puis-
sances continentales devaient re-
noncer à toute liaison politique
ou commerciale avec l'Angleter-
re; le pape ayant refusé son ad-
hésion ù cette mesure européen-
ne, M. de Champagny fut chargé
de notifier à sa samteté que son
refus nécessiterait l'occupation
des états romains, sans que pour
cela sa sainteté perdît aucun
de ses droits spirituels; il ajoutait
que la dignité d'évt-que de Rome,
telle que ses prédécesseurs l'a-
vaient possédée pend.mt les huit
premiers siècles de l'église, et
sous Charlemagne, lui serait con-
servée. Cette note diplomatique,
remise au cardinal Caprara le 5
avril 1808, a été tournée depuis
en ridicule par certains biogra-
phes, non pas, bien entendu, au
moment de son exécution. Quant à
nous, si nous étions dans la né-
cessité d'émettre une opinion sur
CHA
ce fait, nous aurions de la poiuc
à publier que le Christ a dit mon
royaume, n'est pas de ce monde..
En se faisant prince de la terre, le
pape s'exposait aux vici.ssitudes
auxquelles les princes de la terre
sont soumis. Napoléon, inébran-
lable dans rexécutiou du système
conlinenlal, et voyant que la pé-
ninsule offrait un vaste littoral au
débarquement des marchandises
aiiglaiies, et un moyen à l'Angle-
terre de continuer son commerce
avec le continent, conçut le pro-
jet d'occuper Tiispagne et le Por-
tugal, M. de Champagny fut en-
core chargé de tous les actes et
négociations diplomatiques, pré-
curseurs de ces grands événe-
mens. Il fut du voyage que Na-
poléon (it à Bayonne au mois d'a-
vril i8o8, présenta à ce souve-
rain, le 'i\ du mT-rne mois, un
rapport-sur la situation de l' Espa-
gne, et enfin rédig<'a le traité du
5 mai, par lequel Charles IV fai-
sait à Napoléon la cession totale
de ses droits et de ses titres, etc.
La Biographie que nous avons
déjà citée présente ces l'aile de la
manière lu plus défavorable à M.
de Champagny, injustice digne de
SCS auteurs, et à laquelle il est fa-
cile de répondre que ce ministre
se conduisit d'après les circons-
tances, et par une suite d'événe-
tnens qu'il n'avait pas été en sr)n
pouvoir d'empêcher; q^'U agis-
sait d'après, sa conscience pour les
intérêts de son sonverairi, et que
personnellement il gagna l'estime
et l'amitié des princes espa^iols.
La j)aix entre |;) France et l'Au-
triche ayant été signée à Vieime
le i4 octobre rSp^, W. de (Miam-
pugny travailla à la consolider par
CHA
280
le mariage de Napoléon avec l'ar*
chidussesse Marie-Louise , et le
succès de cette négociation lui va-
lut de nouveaux témoignages de
bienveillance de la part des deux
empereurs. M. de Champagny con-
serva le portefeuille des relations
étrangères jusqu'à la fin de i8u.
Appelé alors à remplacer M. Daru
dansl'inlendancedesdomainosde
la couronne, il fut nommé séna-
teur, en avril 181 3. Durant les dé-
sastreuses campagnes de Russie et
de Saxe, il remplissait auprès de
Marie-Louise et du conseil de ré-
gence les fonctions de secrétaire-
d'état. Après l'occupation de Pa-
ris en 1814, il suivit l'impératri-
ce à Blois. Quitte envers elle, il
donna son adhésion au nouvel
ordre de choses, et fut créé pair
par Louis XVIIL Sa place d'in-
tendant des domaines de la cou-
tonne lui fut rendue pendant les
cent jours , et il fut nommé pair
par Napoléon. A la seconde ren-
trée du roi, M. de Champagny
resta sans fonctions jusqu'à l'épo-
que o»i l'ordonnance de S. M., du
5 njars 1819, le replaça dans lu
chambre des pairs. M. de Cham-
pagny est grand -officier de la lé-
gion-d'honneur, grand -cordon
de presque tous les ordres de
riiurope, et duc de Cadore, par
nomination du mois d'août 1808.
CHAMPCENETZ (Lotis, che-
VAi.iEui)E),fils du gouverneur de*
Tuileries, naquit à Paris, en i^Sç).
Doué de plus d'esprit que de ju-
gement, et surtout avide de célé-
brité, il la chercha dans le scan-
dale. Ses chansons, toutes sati-
riques, toutes inunorales, mais
non pas toutes bonnes, lui avaient
déjà fait , avant 1789, une répu-
200
CHA
tation , dont probablement il se-
rait peu fier aujourd'hui. Ses cou-
plets , qui certes ne valent pas
ceux de lilot ou même ceux de
Marigny, lui avaient ouvert plu-
sieurs fois la porte des prisons d'é-
tat, quand la révolution éclala.
Officier aux gardes-françaises, il
aima mieux quitter le service, à
la dissolution de son régiment ,
que de suivre le sort de ses cama-
rades, qui la plupart s'enrôlè-
rent dans la garde nationale sol-
dée de Paris. Lié intimement aVec
Rivarol , antérieurement à celte
époque, il avait fait partie d'u-
ne société de jeunes gens qui se
cotisaient d'esprit pour jeter le
ridicule sur tout ce qui occupait
l'attention publique. De cette réu-
nion était sorti le pcl'it À Imanach
des grands hommes. Changeant
alors de matière, c'est à la poli-
tique qu'ils s'attachèrent : fron-
dant la révolution comme ils a-
vaient frondé l'ancien régime, ils
publièrent les Actes des apôtres;
ouvrage en prose et en vers, où
ils répandaient largement le fiel,
le blâme et le mépris sur les opé-
rations de l'assemblée nationale.
Champcenetz fut un des collabo-
rateurs les plus actifs, mais non
pas le plus distingué , de ce libel-
le périodique; il fut aussi l'un des
rédacteurs du Journal de la cour
et de la vUle , autre pamphlet du
même temps et du même genre.
Quand la force des choses ne per-
mit plus la continuation de ces
sortes d'écrits, Champcenetz se
retira ù JVleaux. Le chevalier Saint-
Méard, son ami, échappé aux
massacres de septembre, lui fit
obtenir un certificat de civisme.
Muni de cette pièce, il n'avait
CHA
rien à craindre pour sa liberté ,
partout ailleurs qu'à Paris ; mais
sa mauvaise étoile, et peut-être
aussi sa mauvaise têle , l'y rame-
nèrent. Ne sortant point de son
appartement, vivant au milieu
de ses livres, qu'il appelait, ses
seuls amis, il fut arrêté au mo-
ment où il s'y attendait le moins,
le i3 novembre \'^ç)'S, à quatre
heures du matin : Champcenetz
était à peine éveillé. Affectant de
prendre gaiement la chose, il se
montra goguenard jusque sous le
couteau. «Citoyens, dit-il à ceux
«qui l'entouraient, je ne suis pas
«dans l'habitude de monter ma
«garde en personne ; j'ai un très-
»bon remplaçant, voudriez-vous
«me permettre de le faire appe-
» 1er?» Plaisanterie qu'il répéta au
tribunal même, après avoir enten-
du sa condamnation. «En est-il
»de ceci comme du service delà
» garde nationale , dit-il au féroce
«Fouquier-Tinville; peut-on sefai-
»re remplacer?» On le conduisit
dans la maison de détention des
Carmes, d'où, après y avoir de-
meuré quelques mois, il fut trans-
féré à la Conciergerie : traduit
au tribunal révolutionnaire com-
me complice de la conspiration
des prisons , il termina une vie
désordonnée par une fin déplora-
ble en juillet 1794- Champcenetz
a publié : les G-obe- mouches au
Palais-Royal; brochure dans la-
quelle il s'est peint sous le nom
du GobemoucheSans-Souci. 11
a écrit la Réponse aux Lettres (do
M"* de Staël) sur le caractère et
les œui'res de J. J. Rousseau , ba-
gatelle que vingt libraires ont re-
fusé d'imprimer. Il a passé pour
avoir donué l'idée du petit Aima-
CIIA
nach des grands hommes, et pour
J'avoir fait de société avec Riva-
roi , qui lui était si supérieur, et
qui disait de lui : C'est un gros
garçon que j'ai bourré d'esprit.
Rivarol revendiqua l'invention et
la rédaction de l'ouvrage entier.
Enfin , la parodie du Songe d'A-
thalie, attribuée à M. Grimod de
La Reynière, est encore une plai-
santerie du fait de Champcenetz
et de Rivarol. La seule énoncia-
tion des ouvrages de Champce-
netz, prouve qu'il n'avait guère
plus de droit à l'estime par la na-
ture de son esprit, que par celle
de son caractère. Voici le trait le
plus saillant d'une de ses chansons:
Vieux parens,en vain vous prêchez;
Vous 2tes d'ennuyeux apôcres.
Voui nou» fîtes pour vos péchés,
£t vous vivez trop pour les nôtres.
C'est à Champcenetz pent-C-tre,
que serait applicable ce mot un
peu sévère de Pascal : Diseur de
bons mots , mauvais caractère.
CHAMPEIN (Stanislas), né ;\
Marseille, en i^ôS, d'origine grec-
que, vint à Paris, en 17^6, et
débuta de la manière lapins bril-
lante dans la carrière musicale,
où il a marqué sa place parmi les
grands compositeurs de l'école
iranraise. Il fit exécuter A la cha-
pelle du roi, à\ersailles, un mo-
tif de sa composition , au succès
duquel il dut l'honneur d'être
choisi dans la même année, pour
composer la messe solennelle exé-
cutée à la fête de la Sainte-Cécile.
L«; premier ouvrage scénique de
M. Champein, fut un opéra-co-
mique, en 2 actes, sous le titre
du Soldat j'rancais , qui fut joué
eu 1770), sur le thé.ltre du bois
de Boulogne, avec une faveur qui
CHA
291
présageait le succès d'enlliousias-
me qu'obtint l'année suivante la
iMclomanie , au théâtre que l'on-
appelait alors Italien, et dont
Philidor, Monsigny, et surtout
Grétry, avaient fondé la gloire.
On retrouva dans la Méiomanic
où le compositeur français ne s'é-
tait proposé que la parodie du
genre italien, tout le charme,
toute la mélodie de celte musi-
que ultramontaine , unis à l'es-
prit et au goût français. « A cette
«époque, dit M. Franiery, les
» théâtres ne jouissant d'aucune li-
»berté, celui de Monsieur n'avait
»la permission de jouer que des
«opéras en musique d'origine ita-
» lienne.Le Nouveau don (^uijcolt,
» le meilleur ouvrage de-M. Cham-
«pein, parut sous le nom d'un pré-
«tendu signorZaccharelli ; on fut
«généralement dupe de cette ru-
«se; les Italiens s'empressèrent
«de compter parmi leurs coiimo-
«siteursles plus célèbres, un iTOm
«qui n'existait pas ; et si (juelques
«amateurs éclairés devinèrent lu
«supercherie, c'est que. la musi-
»que du Nouveau don Quixole
«rendait l'esprit des paroles avec
«une justesse d'expression qui
«n'est pas ordinaire aux compo-
nsiteurs italiens. » La musique de
M. Champein se distingue par la
mélodie du chant , par ime har-
mcmie forte et pure , et par une
crrande facilité d'exécution. Ses
principauxouvrages sont, au théâ-
tre Italien, la Méloninnie y en un
acte ; le Baiser, en trois actes
(composition charmante, et qui
pourrait être remise avec succès
au grand Opéra) ; les Noces cau^
clioiscM, en deux actes; Isabelle et
Fernaud , en lroi« act«s; Mcnzi'
39»
en A
koff, en Irois actes ; /e.v Dettes,
en deux actes ; les Hussards en
cantonnement , en trois actes. Au
théâtre de Monsieur, le Nouveau
don Quixote, en deux actes ; /e,v
Ruses de Frontin , en deux actes.
Depuis la mort de Grétry et de
Monsij^ny, M. Champein est le
doyen des compositeurs drama-
tiques. Il est membre-associé de
l'académie des sciences et arts de
Marseille.
C H A ÎVl P FOKT (SÉBisTiEN-RocH
Nicolas), né en i74'j pi'^s de
Clermont en Auvergne, conser-
va toujours les sentimensles plus
tendres poursa mère, simple pay-
sanne, et seul auteur de ses jours
qu'il connût. On trouve dans plu-
sieurs notices qu'il naquit à Paris;
îl fut seulement envoyé dès l'en-
fance dans cette ville, où il obtiut^
sous le nom de Nicolas, une bourse
au collège des Grassins. Ses pre-
m^es études n'annonçaient nul-
lement la manière brillante dont il
les termina. En rhétorique, il réu-
nit les cinqpremiersprixde l'uni-
versité. Un tel triomphe attira sur
lui l'attention de quelques person-
nages qui l'introduisirent dans le
monde , où son esprit et son exté-
lieur agréable lui procurèrent des
Éuccès de plus d'un genre. Dénué
de fortune, le jeune Nicolas, qui
venait de prendre le nom de
Champfort, ne put se livrer long-
temps à celte dissipation. Il rédi-
gea pour le Journal encyclopédi-
(fue desacticles estimés, 'et fut un
des collaborateurs du Vocabulai-
re français ei du Dictionnaire des
théâtres. Enfin une pension sur le
Mercure, que lui fit accepterCha
bauon, son ami intime, remplaça
l^-s bienfaits que lui avaient déjà
CIIA
prodigués le duc de Choiseul et
la veuve d'ilelvétius. Les pre-
miers essais poétiques de Champ-
fort avaient donné de grande es-
pérances, et bientôt il dut à sa ré-
putation la place de secrétaire
des commnndemens du prince de
Condé. Une situation paisible lui
offrait d'autant plus d'avantages
que sa santé paraissait affaiblie;
cependant l'indépendance de son
caractère lui fit trouverinsuppor-
table le léger assujettissement que
ce poste cxigeail. Bientôt un pré-
texte honnête lui permit de se re-
tirer à Auteuil, où il se renferma
dans la société de IM"" Helvétius.
11 prononça un discours remar-
quable le jour de sa réception à
l'académie française, où il rem-
jjlaça Saint-Palaye, en 1781. Plus
tard, la mort d'une personne avec
qui il s'était lié à Ëtampes, le fit
rentrer dans le monde. Il y fut
aussitôt recherché, malgré son
homeur satirique, on. peut-être
â cause de (Mîtle humeur même
qui jetait quelque variété au mi-
lien des réunions uniformément
consacrées au plaisir. Il fréquen-
tait les grands, et ne les en esti-
mait pas davantage. En 1789, lec-
teur ou secrétaire des commande-
mens de M"" Elisabeth, sœur du
roi , il n'en adc^ta pas moins
sans hésiter dos principes politi-
ques analogues à l'élévation de
ses seutiinens. Déjà lié avec Mi-
rabeau, il ne tarda pas à l'aider
dans son travail, et composa le
discours sur la suppression des a-
cadémies, que cet orateur devait
prononcer à l'assemblée consti-
tuante. Bientôt Champfort, dé-
pouillé de sa place et de la pension
dont il avait joui, s'oecupa de la
CHA
partie littéraire du Mercure; W fit
les 26 premiers Tableaux de la
révobttion, et le ministre Rolland
le nomma bibliothécaire de la bi-
bliothèque nationale. C'était l'é-
poque où l'on parvenait à désho-
norer une cause dont on n'aurait
pu détacher autrement les esprits
droits, mais peu attentifs, qui doi-
vent à leur nombre l'influence
qu'ils exercent sur la masse d'u-
ne nation. Chaniplbrt ne s'attacha
pas à pénétrer le secret de cette
anarchie; et confondant les suites
indirectes de la révolution avec
ses véritables elTcts, il laissa voir
sans prudence une haine peu ré-
fléchie. Ses sarcasmes trop con-
nus le firent arrCtcr. Après une
détention de quelques jours atix
Madeloneties, il avait cependant
obtenu sa liberté, mais il ne se
montra pas plus circonspect. Il é-
tait loin toutefois de braver l'écha-
faud, la crainte d'y être conduit le
troublait; lorsqu'il s'en vitmenacé
plus positivement, il se tira dans
la tCte un coup de pistolet, et se
frappa de plusieurs coups de ra-
soir. Mais il n'crtl pas succombé
Sàhs une humeur darireuse dont il
souffrait depuis plusieurs années;
elle 9'attacha momentanément A
ses blessures, et lorsqu'elles fu-
rent cicatrisées, se portant sur la
vessie, termina sesjoursle i5avril
i;?()4- Champfort a fait surtout
des pièces de théAlrfe, et des dis-
COursacadéiniques : l' E pitre d'un
pire à sonjils .\tir la naissance
d'un petit-fils, remporta le pre-
mier pfix de poésie à racadémic
frariçaisc eu 1764. La jeune In-
dienne, comédie jouée par les
Français la mèiti»! année, est res-
tée au théiltre : le style en est
en A
290
élégant et pur. L'Homme de let-
tres, dis cours en vers, concourut
en 1766. lin autre discours de
Champfort obtint, en 1768, leprix
d'éloquence sur ce sujet : Com-
bien le génie des grands écrivains
influe sur l'esprit de leur siècle ;
l'Eloge de Molière, 1769, fut cou-
ronné pai l'académie française,
et l'Etage de La Eontaiiie par
l'académie de Marseille. On re-
garde ces deux morceaux comme
deux traités complets sur la comé-
die et Sur les fables. A Marseille,
Champiort avait pour concurrent
La Harpe , en faveur duquel on a-
vait porté ce prix à 2,000 livres,
dans l'idée qu'il lui était pour
ainsi dire destiné. La jolie comé-
die du Marchand de àmyrue, en
1770, et la tragédie de Mustapha
et Géanpr, qu'on joua en 1776,
augmentèrent encore la réputa-
tion de leur auteur. On retrouva,
dans sa comédie, les principes
qu'il avait exposés avec tant d'ap-
probation ; et sa tragédie rap-
pela jusqu'à un certain point
la veisificalion harmonieuse du
grand poète dont ii avait fait une
étude particulière. Le Précis des
révolutions de ISaples et de Sicile.
parut en 1781, à la tôledes voya-
ges pittoresques de Naples et de
Sicile, par l'abbé tie Saint-Non;
mai-< Champfort ne s'en déclar.i
f>as l'auteur. On lui doit encore
es Maximes et pensées, carac-
tères et anecdotes, qui forment
le quatrième vohime doses œu-
vres dont son ami Ginguené fut
l'éditeur; un ( ommeniaire sur
les fables de La Fontaine ; des
i'ohtcs ; les Soifées de ffinun;
et des fragment d'un poihne de
là E/ onde, qui dispaiureiitle jour
«94
CIIA
de sa mort, mais que l'on ne croit
pas absolument perdus- Enfin il
a coop«!ré à l'écrit de Mirabeau
sur l'ordre de Cincinnatus, et on
lui attribue les deux premiers vo-
lumes de ]àBcùIiothcf/ue de socié-
té, par L. Th. Hérissant, Paris,
1771. Champfort ne manquait ni
dégoût ni d'élégance ; mais on ju-
gea qu'il n'av.iit pas l'ait des étu-
des littéraires asst!/, scrupuleuses,
et on l'accusa de trop songer à
montrer de l'esprit. Son caractè-
re n'était pas non plus sans dé-
fauts; cependant on le trouvaitai-
mable, et on ne put lui refuser des
vertus rares, telles que le désin-
téressement, la probité, ainsi que
la fidélité en amitié. On lui re-
procha unéloignement trop mar-
qué pour les personnes d'un rang
supérieur, peu d'estime des hom-
mes en général, et particulière-
ment une sorte de mépris pour
ses concitoyens. II serait difficile
de justifier de tels sentimens;
mais si, àquelques égards, il y pa-
rut toujours disposé, par une sui-
te peut-être d'une certaine âcreté
des humeurs, sans doute il ne s'y
livra que durant ses dernières an-
nées, où le spectacle des scènes
révolutionnaires lui fit assez d'im-
pression pour qu'il entreprît de
se donner la mort.
CHAMPION DE LA MEUSE
(Nicolas), né à Bar-Ie-Duc, avait
embrassé la profession d'avocat.
Partisan des principes de la révo-
lution, i\ la servit dès l'origine
dans les divers emplois de magis-
trature qui lui furent confiés. Ses
services et ses talens le firent ju-
ger digne par ses concitoyens de
les représenter au conseil des an-
ciens; il prit place dans cette as-
ClIA
semblée, comme député du dépar-
tement de la Meuse, au mois de
mai 1797 (germinal an 5). Cham-
pion soutint toujours avec cha-
leur et patriotisme les intérêts du
peuple; il se fit remarquer dans
les questions relatives aux finan-
ces, et notamment lors de l'as-
siette et de la répartition de tou-
tes les espèces de contributions
directes. Après le 18 brumaire, il
passa au corps-législatif. Une cho-
se assez remarquable , c'est que
Champion, qui avait vivement
combattu la loi qui établit un im-
pôt sur le tabac, sollicita et ob-
tint, au terme de sa carrière lé-
gislative, la place de directeur des
droits-réunis à Metz. Les devoirs
du nouvel administrateur ne s'ac-
cordaient guère avec les opinions
de l'ancien législateur; mais cet-
te difficulté n'empêcha pas M.
Champion d'occupersa place jus-
qu'en 181G, époque où il fut rais
à la retraite après douze ans
d'exercice.
CHAxMPION (de Villeneuve),
né à Versailles, et fils d'un valet
de chambre du r»i, adopta les
principes de la révolution, et fut
nommé, en 178g, membre de
l'administration des étabiisse-
mens publics près la municipali-
té de Paris. Le roi l'envoya, l'an-
née suivante, à Avignon en qua-
lité de commissaire, et le nomma
son ministre de l'intérieur en
1792. Comblé des faveurs de
Louis XVI, M. Champion n'en
provoqua pas moins, auprès de la
municipalité de Paris, une visite
dans le palais des Tuileries. Cette
visite n'eut pas lieu; la journée du
10 août lui fit perdre son minis-
tère; il protesta vainement de soq
CHA
civisme à la barre de rassemblée
législative; elle décréta qu'il n'a-
vait pas la confiance de la nation.
Il rendit des comptes satisfaisans
de sa gestion après la nomination
de Koland, qui lui succéda com-
me ministre. M. Champion trou-
va le moyen de se faire oublier
jusqu'en 1800, époque où le gou-
vernement consulaire le nomma
membre du conseil de préfecture
du département de la Seine ; il
occupe encore cette place aujour-
d'hui, et est en même temps avo-
cat au conseil du roi et à la cour
de cassation.
CHAMPIONNET (Jean-Étien-
ke), fils naturel d'un avocat dis-
tingué etd'une paysanne du Dau-
phiné, naquit à Valence en 17G2.
Le nom de Championne!, qu'il a
rendu respectable par des servi-
ces nationaux, ne fut dans le prin-
cipe qu'un surnom d'amitié que
lui donnaient ses compatriotes.
Sa jeunesse fut orageuse; livré à
la fougue de ses passions, ce ne
fut qu'après de nombreux écarts
qu'il s'engagea dans les gardes
wallones. L'ardeur de son carac-
tère prit dès lors une autre direc-
tion; il lutavecune attention sou-
tenue presque tous les ouvrages
français qui traitent de l'art mi-
litaire. Avant la révolution, il a-
vait servi au siège de Gibraltar;
quand la révolution éclata, son
premier fait militaire fut un acte
d'humanité. Envoyé avec un ba-
taillon de volontaires pour répri-
mer les révoltes du Jura, il ne
versa pas une goutte de sang, et
pacifia le pays. Il passa avec ses
troupes sous le commandement
de Iloche; et après s'être distin-
gué aux ligues deWeissembourg,
CHA 29.')
oblint, h la fin de 1 793, le titre de
général de division. Son nom fut
cité à la bataille de Fleurus. La
même division qu'il avait com-
mandée sur ce champ de bataille,
se couvritde gloire en 1794» i/Q^
et 1797, et prit une part très-ac-
ti ve aux opéralions de cette armée
sur le Bas-Rhin. Plusieurs fois
Championnet obtint des succès
mémorables, et reçut du directoi-
re des lettres de félicitation qui
le comblaient d'éloges. Mais ii
manquait à ses talens d'avoir subi
une dernière épreuve; celle d'un
commandement en chef : on le
nomma général de l'armée qui
devait défendre la nouvelle répu-
blique romaine contre les entre-
prises de la cour de Naples. Le
poste était difficile et dange-
reux; Championnet ne s'intimide
pas; presque sans soldats et sans
moyens d'organiser une force ré-
gulière, il crée, en moins de troia^
mois, un rassemblement d'hom-
mes qu'il décore du nom d'armée,
va camper à Home, en est chassé
par 5o,ooo Napolitains, rallie ses
troupes sous les murs de la ville,
revient sur ses pas, bat les vain-
queurs, fait le général en chef
Mack prisonnier, reprend Rome,
et se porte sur Naples, où il en-
tre avec la gloire et les droits d'un
triomphateur. L'histoire militai-
re, de quelque peuple que ce soit,
présenterait difficilement le récit
d'une expédition plus brillante.
Le roi de Naples fuit; la liberté
est imposée ù un peuple qui sup-
porte avec une impatience égale
et le poids de son esclavage et
celui de son indépendance. Cham-
pionnet se voit obligé do combat-
tre par les ruses de la politique
ayfi eux
intérieure ces hommes fariles à
réduire par la force du glaive. Il
désarme lesi lazzaroni, et emploie
tour à tour les moyens coutili.i-
toires cl les moyens d'autorité,
pour faire plier Naples, et l'ac-
coutumer au pouvoir des Fran-
çais. Au milieu des embarras de
sa situation, il trouva le temps de
faire ériger xtn monument eu
l'honneur de Virgile; mais une
mé.sinlelligence très-vive s'établit
entre le général et le commissaire
français envoyé par le gouverne-
ment à Naples. Championnet,
destitué et décrété d'accusation,
remet à Macdonald le comman-
dement en chef, se livre lui-mê-
me à ceux qui doivent le condui-
re à Paris, et est traîné de bri-
gade en brigade jusqu'à Milan.
Une adresse arrive de Chambéry,
où l'on réclame contre l'injustice
de son arrestation; néanmoins
liue commission se forme à Mi-
lan, et la procédure est au mo-
ment de commencer quand le di-
rectoire change d'avis. Cham-
pionnet, conduit jusqu'à Greno-
ble, est jeté dans une prison où
il compose ses mémoires; ce sont
des monumens précieux poTir
l'histoire; on l&s croirait écrits
sous une tente avec la pointe d'u-
ne épée. Cependant le directoire
se renouvelle, et les nouveaux di-
recteurs, non-seulement font sor-
tir Championnet de prison, mai:»
lui contient le commandement eti
chef de l'armée des Alpes. Sa for-
tune avait pâli; il n'obtint plus que
' des succès équivoques, et chef d'u-
ne armée épuisée par une maladie
contagieuse, il mourut lui-même
de cette espèce d'épidémie, à An^.
tibes, le 10 décembre 1799.
CHA
CIIAMPOLLION-FIGEAC (J.
J.), associé <*e l'institut royal da
France, de la société royale de
Goëltingue, de l'acadcinie ionien-
ne «leCorcyreet des sociétés litté-
raires de Grenoble , Dijon , Stras-
bourg, Toulouse, etc. , né à Fi-
gcac, en Quercy, en 1779, eut
pour instituteur un jésuite italien,
réfugié dans cette ville. Il rentra
de bonne heure à Grenoble , d'où
son père et sa famille étaient ori-
ginaires, s'y distingua par quel-
ques productions estimées ; et y
fut successivement bibliothécaire-
adjoint et bibliothécaire de la vil-
le, professeur deiittérature grec-
que , et doyen de la faculté des
lettres, examinateur pour les éco-
les militaires, etc. On a de lui:
1° Dissertation sur un monument
souterrain, existant ;. Grenoble;
y8 pages in-4''; avec unplan(i8o3).
C'est une église du lo"' siècle,
construite avec d'anciens débris.
-i" Lettre à M. Fourier, sur l'Ins-
('liption grecque du temple de
Detidérah en Egypte, Grenoble,
i»So6, in-S". Dans celte lettre, on
cherche à reconnaître la date de
l'inscription, 'ô" Satire ^\\r une é-
djtion d'Homère, entreprise par
J. R. Wetstein, Paris, 1806, in-
8". (îette notice, d'cme édition
dont on ne tira que la première
feuille, a été rédigée sur les ma-
nuscrits de Wetstein, acquis par
l'auteur, ^l' Notice d'un manuscrit
latin , intitulé : Albani bellitibri
quinque , Paris, 1807, in-8°. Ce
manuscrit , de la fin du i5°" siè-
cle , orné de magnifiques des-
sins et de vignettes, appartient à
Vaulewr. :>" Antiquités de Greno-
ble, ou histoire ancienne de cet-
te ville, d'après ses monumens,
»
CHA
Grenoble, Peyronnard, 1807, 1
vol. in-4°. Cet ouvrage contient
l'rxplication de plus de soixante
inscriptions romaines, dont vingt
environ d'inédites. Cette premiè-
re édition étant épuisée depuis
long-temps, l'auteur en prépare
une seconde, qui contiendra aus-
si des inscriptions non encore pu-
bliées. 6° Nouvelles recherches sur
les patois ou idiomes vulgaires de
la France, Paris, Goujon, 1809,
in- 12. Cet ouvrage a contribué à
ramener l'attention des philolo*
gués sur ces idiomes si intéres-
sans pour l'histoire de la langue
française, y ° Proféra mme dix cours
de littérature grecque professé à
la faculté des lettres de Grenoble,
Peyronnard, i8io,in-t^". Ce pro-
gramme, qui comprend les anti-
quités de la littérature grecque ,
étant parvenu à l'illustre Heyne,
il en rendit un compte très-favo-
r.ible dans les Aintonces sa\>antes
de Goi-Hingue, et peu de temps
après l'auteur n-çiit le diplôme de
correspondantde la société royale.
8* Dissertation sur une ancienne
srulpture grecque du cabinet des
antiqiicsdcGrenoble, Paris, 181 1,
in-H", avec figures..C'est un trip-
tyHueen buis, du 1 4"' siècle, dont
les douze fétcs de l'église grecque
sont le sujet, accompagna de 14
inscriptions grecques, g" Notice
d'une édition de la Danse Maca-
bre, antérieure à celles qui sont
connues des bibliographes, Paris,
1811, in-8". 10" Notice sur une
nouvelle espèce d'insecte du gen-
re corjnélès de Fabricius, trou-
vée dans une momie égyplicnne,
Paris, Sajou, 1814» in-8\ 11"
Nouveaux éctaircissemens sur la
ville de Cularo, aujourd'hui Gre-
CHA 297
noble, Paris, Sajou, 1814, in-8".
C'est un supplément aux Anti-
quités de Grenoble, relatif à la
véritable situation de cette ville
sous les Romains. 12° Annales
des Lagides , ou Chronologie des
rois grecs d'Egypte, successeurs
d'Alexandre-le-Grand ; ouvrage
cotironué par l'Institut, et publié *
en i8if), 2 vol. in-8", de gSo pa-
ges , avec des tableaux chronolo-
giques et deux planches de mé-
dailles. i3° Supplément aux An-
nales des Lagides , contenant la
défense de la chronologie de cet
ouvrage, Paris, Éberharl, 1820,
i n-8°*. 1 4' Nouvelles recherches sur
la ville gauloise d'Uxellodunum,
rédigées d'après l'examen des
lieux et des fouilles récentes, et
accompagnées de plans topogra-
phiques et de planches d'antiqui-
tés , Paris, imprimerie royale,
1820, 1 vol in-4'. avec planches.
Cet ouvrage fixe enfin l'opinion
des sa vans sur la position de cette
ville gauloise, inexacte jusque-là.
M. Champolliou-Figeac s'occupe
avec ardeur de recherchesde chro-
nologie , qui peuvent jelcr quel-
que nouveau jour <ur les époques
incertaines de l'histoire ancien-
ne, etc. On connaît de ses ou-
vrages manuscrits, un Mémoire
sur les Calendriers comparés de
plusieurs peuples anciens, el un
autre sur la Chronologie de l*Al-
mageste , ou grande composi-
tion mathématique de Plolémée,
qui ont été lus dans les séances
parliculièn's de l'Académie des
inscriptions et bolles-leltrcs. Lors
de la nomination àla place vacan-
te darjs cette académie , par la
mort de Ch. Tochon, en 1820.
M. Chiuiipolliou-Figeac a eu le>
29» CHA
secondes voix. Il est un des col-
laborateurs de la Revue encyclo-
pédique.
CHAMPOLLION-LE- JEUNE
(J. F.), frère du précédent, né
comme lui,à Figeac, en Quercy,
dans les derniers jours de 1790;
eut son frère pour maître, et se
[|t,fit distinguer de très-bonne heu-
re par une grande aptitude aux é-
tudes les plus sérieuses, et notam-
ment à celle des langues orienta-
les. Nommé élève du gouverne-
ment au lycée de Grenoble, il le
quitta pour venir à Paris, quoique
bien jeune encore, étudier ces
langues. Il y suivit les cours de
l'école spéciale, et ceux du Collè-
ge de France , fit en même temps
beaucoup de recherches dans les
manuscrits orientaux de la biblio-
thèque, se donna particulière-
ment à la langue copte, qui est
l'ancienne langue des Égyptiens,
étudia à fond les monumens de
ce peuple célèbre, et quitta Paris
à la fin de 1809. Nommé, par M.
de Fontanes, professeur-adjoint
d'histoire à la faculté des lettres de
Grenoble, il fit transporter dans
cette ville des caractères grecs
et des' caractères coptes , et y fit
imprimer d'abord V Introduction
(1811, in-8°), et successivement
les deux premiers volumes de
l'ouvrage intitulé : l'Egypte sous
les Pharaon, ou Recherches sur
la géographie , la religion , la
langue, les écritures , et l'histoire
de l'Egypte avant l'invasion de
Camhyse , Grenoble , Peyron-
nard^ Paris, chez Debure, 1814,
accompagné d'une carte de la Bas-
se-Egypte , avec les noms égyp-
tiens. II a donné depuis ; 1° yjb~
nervations sur le Catalogue des
cnA
manuscrits coptes, du musée Bor-
gia à î^elletri , publié par Zoega,
Paris, 1811, in -8"; 'i." Lettre à
M. Grégoire sur les odes gnosti-
ques (en copte), attribuées àSa-
lomon, Var'is, iS i^/in-S"; '5° Frag-
mens coptes en dialecte BasU-
mourique, publiés à Copenhague ,
par M. Englielbrel, Paris, 1817,
in-8''. Dans ce mémoire sur le vo-
lume de M. Enghelbret, l'auteur
développe son opinion, qui fait du
dialecte Bashmourique de la lan-
gue copte, le dialecte de la provin-
ce du Faïoum, et de la moyenne
Egypte. Successivement biblio-
thécaire-adjoint de la ville de
Grenoble, et professeur d'histoi-
re, M. ChampoUion-le-jeune a
poursuivi avec persévérance des
travaux qui lui ont donné un rang
distingué parmi les orientalistes
de l'Europe. Son Egypte sous les
Pharaon a été bien accueillie en
Italie, en Allemagne et en An-
gleterre : il a présenté, en juillet
1821, à racadémie des inscrip-
tions et belles-lettres de l'institut
de France , la partie de son tra-
vail sur les écritures égyptiennes,
qui est relative à l'écriture hiéra-^
tique, ou sacerdotale; et il a fait
voir que cette écriture est cey,e
de manuscrits égyptiens , aujour-
d'hui connus, qui ne sont pas for-
més en hiéroglyphes ; que cette
écriture hiératique n'est pas al-
phabélique , ainsi que l'ont pensé
et imprimé tous ceux qui en ont
parlé jusqu'ici; qu'elle n'est com-
posée que de signes hiéroglyphi-
ques abrégés, véritable lacUygra-
jikie-hiéroglyphique . Le mémoire
où ces résultats sont énoncés, a
été lu par Taulcurà l'institut. Son
volume sur les écritures égyptien-
CHA
nés, et la suite de son ouvrage,
ne tarderont pas à paraître. 11 est
associé à plusieurs académies na-
tionales ou étrangères; il a rédigé
en outre une Grammaire et un
Dictionnaire de la langue égyp-
tienne, sir les texiesqui nous res-
tent écrits en cette langue ; et ce
travail, encore manuscrit, dont
la publication est si désirable ,
l'orme 5 volumes in-4°.
CHANDLER (Richard), hellé-
niste anglais , né en i ;:58, dans le
lierkshire, fut élevé au collège de
la Magdelcine d'Oxlbrd, embras-
sa l'état ecclésiastique, et s'appli-
qua spécialement à l'étude des
langues anciennes. Reçu membre
de la société des antiquaires de
Londres, il entreprit de rectifier
les erreurs qui s'étaient glissées
dans les éditions précédentes des
Marbres d'/irunde.l ou Marbres
d'Oxford. Il réussit dans ce tra-
vail, refondit presque tout l'ou-
vrage, et en donna lui-nn'me, en
1763, une édition complète, 1
vol, in-fol,, qui est la seule con-
sultée aujourd'hui ferles sa vans.
Chandler fut chargé, par la socié-
té des dilettanti , de se rendre
dans les contrées de l'Orient pour
y examiner les ruines des monu-
njens antiques. Il fit ce voyage,
accompagné du docteur Revett,
et de M. Pars, dans les années
1764, 1765, et 1766. Les îles Io-
niennes , l'Altique, la Béotie ,
lArgolide , TElide, furent suc-
(cssivemcnt le théâtre de ses tra
vaux; et il revint à Londres avec
des notes extrêmement précieu-
ses, qui servirent de texte i^ un
ouvrage en deux volumes in-fol.,
dont le premier fut publié en
T^O» ** le secon^den 1800, sous
CHA 299
le titre (H" Antiquités Ioniennes.
Chandler fit paraître ensuite se»
f^oyages dans l'Asie-Mineure et
dans la Grèce , en 2 vol. in-4°>
1775, 1776, qui bientôt furent
traduits en plusieurs langues. La
traduction française de MM. Scr-
vois et Barbié-Dubocage, est très-
estimée. Les hellénistes la recher-
chent non-seulement à cause de
son exactitude , mais pour les no-
tes historiques et critiques ajou-
tées au texte par les traducteurs.
Ceux-ci ont, en cela, rempli le
vœu de l'auteur, qui avait pous-
sé la modestie jusqu'à exprimer
dans son ouvrage le désir de voir
relever ses erreurs ou ses omis-
sions. Chandler avait fait impri-
mer à Oxford, en 1774» Inscrip-
tiones antiquœ plerumque non-
dum edilœ , in Asiâ minori et
Grœciâ, prœsertim Athenis, col-
lectœ y I vol. in-fol. La lecture de
cet ouvrage prouve la supériorité
du talent de son auteur pour dé-
chiffrer les inscriptions ancien-
nes, les expliquer et remplir les
lacunes, œuvres du temps ou de
la barbarie. Chandler a laissé
quelques manuscrits. L'Histoire
d'ilium ou de Troie, 1 vol. in-
4*, i8o2, est le dernier ouvrage
qu'il ait publié. Ministre ou rec-
teur de la paroisse de Tilchurst,
située dans la province qui l'avait
vu naître, il y mourut flgé de 72
ans, le 9 février 1810.
CHANLAIRE (P. G.), géogra-
phe, l'un des auteurs de l'Atlas
national de France, s'est créé de
véritables titres à l'estime publi-
que par ses nombreux et utiles
travaux. On a de lui un grand
nombre de cartes dont les pluii
remarquables sont : Allas de la
Zoo
Cil A
partie, mcridionale de l'Eiwope
en 45 feuilles ; Carie dic théâtre
fie la guerre en Orient, 5 gran-
des feuilles ; Cartes de l'Egypte et
du Delta. M, Chanlaire a donné,
avec M. Capitaine, la. Carte de la.
Belgique d'après Ferraris, 69
fouilles; avec M. Ilerhin, Tableau
général de la nouvelle division de
la France en départemens, ar-
rondissemens communaux et jus-
tices de paix, 1802, in-4*; ^vec
M. Peuchet, Description topo-
graphique et statistique de la
France, 1810, 1 vol. in-4". Il exis-
te déjà plusieurs éditions de ces
deux derniers ouvrages qui sont
delà plus grande utilité pour les
Français. M. Chanlaire occupe
depuis plus de vingt ans la place
de chef de division à l'adminis-
tration générale des forêts. Il est
membre de plusieurs sociétés sa-
vantes.
CHANTEREAL' (Pierre-Nico-
las), naquit à Paris en 1741- Lit-
térateur distingué et passionné
pour le travail, narrateur com-
plaisant, il se fit remarquer dans
ses écrits par beaucoup d'ordre
et de méthode. Doué d'un talent
particulier pour l'analyse, la plu-
}>art de ses productions prouvent
qu'il s'étudiait à instruire ses lec-
teurs sans fatiguer leurattention.
Son premier ouvrage fut une
grammaire espagnole-française ,
dont le mérite lui valut le titre
honorable de membre d'une des
académies royales de Madrid.
ClÉintereau, dans sa jeunesse,
ayant habité l'Espagne pendant
plus de vingt ans, M. de Bour-
going, ambassadeur auprès de
cette puissance, le jugea capable
de sonder lis di'^positions des ha-
ClïA
bilans de la Catalogne an sujet de
la révolution friui(;ii-;e. Chante-
reau, chargé, en ijii'î, île cette
mission importante et secrète,
s'en acquitta avec succès. A Theu-
reuse époque où le gouvernement
releva l'instruction publique par
l'établissement des écoles primai-
res, secondaires, etc., etc.,Chan-
terean fut nommé professeur
d'histoire à Auch. C'est dans cette
ville qu'il termina sa carrière, le
25 octobre 1808, à lâge de 67
ans. Il n'existait, avant sa mort,
qu'une seule édition complète des
œuvres de Voltaire, c'était celle
de Beaumarchais. Chantereau y
joignit un ouvrage important en
deux volumes in-8", intitulé : Ta-
ble analylûjue et raisonnée des
matières contenues dans les œu-
vres de Voltaire. Ces tables font
regretter que leur auteur n'ait
pas vécu jusqu'à nos jours; il au-
rait sans doute imaginé quelques
moyens ingénieux pour adapter
son travail aux nouvelles éditions
de Voltaire qyi se succèdent sans
relâche. Le nombre des œuvres
laissées par Chantereau est consi-
dérable; elles embrassent la dia-
lectique, l'histoire, la géographie,
la chronologie, la philosophie, la
morale et même la politique; tra-
ducteur de plusieur!! voyages, nar-
rateur de ceux qu'il a faits lui-mê-
me, s'il ne s'est pas élevé au rang
des littérateurs brillans, du moins
occupe-t-il une place honorable
parmi les liilérateurs utiles. Le
moins recomn)andable de ses tra-
vaux n'est pas sa traduction des
Tables de Blair.\ oic'i la liste elles
titres des ouvrages qu'on a de lui:
1" Arte de hab(ar frances, in-4°,
1797; !i" Voyage dans les trois
CHA
royaumes d'Angleterre, d'Ecosse
et d'Irlande, fait en 1 788 et \ 789,
5 vol. in-8°, 1793; 5° Lettres é-
criles de Barcelonne à un zéla-
teur de la liberté ijui voyage en
Allemagne, ou V^oyage en Espa-
gne en 1792, etc., in-8°, 1792; 4"
f^oyage philosopUique, polilii/ue
et littéraire, Jaii en Russie, tra-
duit du hollandais , etc., a vol.
iu-S", 1794; 5" Tables ckronolo-
gifjues publiées en anglais par
John Blair, traduites en français ,
179^, in-4°; d" Systinie analyti-
que des notions qu'il faut acqué'
rir pour connaître complètement
l'histoire d'une nation, etç, 1799»
in- 1 3; 7° Table analytique et rai-
sonnée des matières contenues
dans les Œuvres de f^oltaire , %
vol. in-S", 1801; %" Dictionnaire
national et anccdoiique pour ser-
\'ir à l' intelligence des mots dont
nuire langue s'est enrichia depuis
la révolution , etc., «790, in -8*;
9° Essai didactique sur la forme
que doivent avoir les livres élé-
mentaires faits pour les écoles
nationales, 1795, in -8°; xq" de
l' importance de l'étude de l'IiLs-
taire et de la vraie manière de
l'enseigner, etc., 1802, in-8'; 11"
Science de l' histoire, 1804 — 180 >,
5 vol. in-4°; la' Mappemonde
chronographique, etc., l8o5, in-
fo 1. ; i5* ISotice élémentaire sur
l' origine , la fondation et les
changemuns qu'ont éprouvés les
empires , tia. y 1804, in-8"; i4"
Elémens d'Iùstoire miluairc ,
1808, in-8"; i5" Histoire de
Eranca abrégée et chronologique
depuis lu première expédition
des Gaulois jusqu'etl suptembre
1808, 2 vol. in-^».
ClJAIMiL.VIN (VicTOft), dcpu-
CHA joi
lé du département de la Vendée
au conseil des cinq-cenl.s, vint y
siéger en 1 790, et signala !«<> pre-
miers jours de sa mission en ac-
cusant le général Turreau d'ex-
cès, de dévastations et de mesu-
res atroces; l'accusé fut d'abord
traduit devant le directeur du jury
de Tours; mais le gouvernement
le fit renvoyer à un conseil de
guerre. Le président de ce conseil
invita Chapelain Adonner les ren-
seignemens qu'il avait sur le
compte du général. L'accusateur,
au lieu de répondre ù cette invita-
tion , en fut tellement effrayé
qu'il se poignarda. Il ne mourut
point de sa blessure, et reparut
dans le conseil; il y lit la singu-
lière proposilioti d'admettre le:*
femmes auxchaires de dessin dan*
lea écoles centrales. Fendant sa
carrière législative. Chapelain at-
tira souvent l'attention du con-
seil sur les malheur? de la Ven-
dée. 11 indiquait les moyens d'y
terminer la guerre, d'y l'aire re-
fleurir le comiHerce eti'industrie,
et ea cela il servait les véritables
intérêts de son pays. 11 sollicitait
du directoire une forco plus puis-
sante que la gendarmerie pour é-
tablir et maintenir la tranquillité
dans les départemens insurgés.
Kédacteur d'un projet sur les ins-
titutions civiles, il proposait dan»
ce travail la suspension de l'éli-
gibililé pour les chefs rebelles am-
nistiés, et s'opi»osait à la fixation
d'un terme où cesserait la siu;ces-
sibilitéde la république aux biens
des émigrés. Sorti du con^scil des
linq-ccots. Chapelain reutra pai-
»il>lement d#m» sus n*yers.
CHAl'KLLKa(J»AN-KÉNi-GM,
lit), lils-d'utt arocftt diàtiugué au
3oa
CHA
parlement de Rennes. Né dans
cette ville, en 1754, il y fut bien-
tôt-remarque lui-même. La cha-
leur avec laquelle il embrassa
contre la cour la cause des par-
lemens, le lit choisir, en 1789,
comme député du tiers-état. Ses
sentimens invariables et ses talens
soutinrent au sein des élals-gé-
néraux la réputation brillante
qu'il s'était faite' en Bretagne. Il
eut aussi la plus grande part aux
travaux de l'assemblée nationale,
soit à la tribune, soit dans le
comité de constitution. Sa carriè-
re fut courte, mais très-remplie;
deux années lui suffirent pour
mériter une place parmi les hom-
mes les plus utiles de ces temps
mémorables. Dès l'ouverture des
états-généraux, il proposa la vé-
rification des pouvoirs par les
trois ordres réunis, et fit déci-
der que les communes correspon-
draient directement avec le roi.
Le Chapelier fut un des auteurs
du serment prononcé au Jeu-de-
Paume. Il demanda que les trou-
pes s'éloignassent de la capitale,
qu'on établît des milices patrio-
tiques, et que Necker fftt mainte-
nu au ministère. Il s'opposait à
ce que les provinces conservas-
sent des privilèges, et le clergé
des propriétés territoriales, et
c'est lui qui provoqua le décret
d'après lequel chaque député ne
fut plus considéré comme le
mandataire d'un département ,
mais comme un des rcprésen-
tans de toute la nation. Au mo-
ment même où se forma le comi-
té de constitution. Le Chapelier
en fut membre. Nommé prési-
dent le 3 août, il ne tarda pas à
célébrer dans un de ses discours
CHA
la nuit du 4» où avait été pronon-
cée la solennelle abolition des
privilèges. Il fut choisi une se-
conde fois pour le comité de cons-
titution. Durant les journées du
5 et du 6 octobre, il remplaça
Mounier qui était alors président.
Il provoqua la décision qui mit
les biens du clergé à la disposi-
tion de la nation, et fit prendre
des mesures contre les autorités
qui ne publieraient pas les décrets
revêtus de la sanction royale. 11
dit à la tribune qu'il ne devrait
y avoir qu'une assemblée électo-
rale par département, et que tout
Français avait droit d'être repré-
sentant s'il obtenait le nombre
de sulîrfiges requis. Il proposa
de renouveler le parlement de
Rouen, coupable opposition aux
lois nouvelles; demanda qu'où
établît des tribunaux de famille,
et insista fortement sur la sup-
pression des ordres monastique*.
C'est aussi vers la fin de février,
en 1790, qu'il commença à pu-
blier, conjointement avec Con-
dorcet, la Bibliotkcque de l'hom-
me public; cet ouvrage, con-
tinué jusqu'en 1792, forme 2S
vol. in-8". Dans une séance du
commencement de mai, en 1790,
il déclara contraire à l'esprit de
la législation moderne que la no-
mination des juges appartînt au
roi, et même il vota en faveur
d'un projet de loi que présentait
Mirabeau, et qui tendait à délé-
guera la fois au pouvoir législa-
tif et au pouvoir exécutif le droit
de paix et de guerre. Il rédigea
le décret de la suppression des ti-
tres nobiliaires, et voulait qu'on
augmentât le traitement des cu-
rés de campagne. A la fin d'oc-
CHA
lobre il présenta le plan d'orga-
nisation de la haute-cour natio-
nale, et du tril)unal de cassation.
Chapelier fut un de ceux qui con-
tribuèrent le plus à l'adoption des
trois couleurs; enfin c'est ;\ lui
surtout que lesprotestans d'Alsa-
ce et de ^Franche-Comté avaient
dû le libre exercice de leur culte,
et leur réhabilitation politique.
Au con)inencement de 1791? Le
Chapelier réclame contre l'inser-
tion de son nom sur la liste des
membres du club monarchique.
Au mois de mars il met en dis-
cusi'ion le projet de lois sur le
nombre des ministres et sur leurs
attributions, ou leur responsabi-
lité. Le 16 mai, il s'oppose, mais
Tainement, à la décision qui doit
interdire aux membres de la pre-
mière assemblée leur admissi!)n
à l'assemblée législative, et le
surleudemain il prétend que les
électeurs des départemens ne se-
ront pas tenus de s'y soumettre.
Lorsque Louis XVI voulut pas-
ser les frontières. Le Chapelier
fit décréter une adresse aux ha-
bitans de Paris, et proposa di-
verses mesures de bfireté; le len-
demain 39- juin, il obtint la sus-
pension de la séance, et le 25 la
5uppres>ion du décret qui convo-
quait les assemblées primaires.
Depuis quelque temps on remar-
quait un changement dans sa ma-
nière de penser; trompé ainsi que
beaucoup d'autres sur les vérita-
blescausesd'une division que ma-
nifestaient déjà de sinistres pré-
sages, il fut déconcerté par cette
démarche du roi , et il montra
beaucoup d'incertitude. Lcf) août
il demanda (|ue les ministres fus-
»cnt autorisés à présenter leurs
CHA 3o3
idées sur la révision des articles
constitutionnels; et, au commen-
cement de septembre, il propo-
sa même d'arrêter qu'en i8oo u-
ne assemblée spéciale serait con-
voquée pour examiner ^t pour
rectifier la constitution. iNéan-
moins, dans la même séance, il
voulut que le roi n'eût point l'i-
nitiative de cette révision, et
quelques jours auparavant on l'a-
vait vu s'opposer à ce que les
droits de citoyens actifs fussent ac-
cordés aux princes. Le Chapelier
ne pouvait ignorer qu'à cette é-
poque il était dangereux d'aban-
donner la cause populaire ; mai*
il voyait les premiers symptômes
d'un mal dont il ne connaissait
pas bien la source; il eût désiré
prévenir une anarchie que des
personnages, dont l'influence n'é-
tait pas détruite, se préparaient à
opposer au cours des nouvelles
destinées de leur patrie. Contre
son ancienne opinion, il fit dé-
créter que les seuls propriétaires
conserveraient le droit de choisir
les députés, et que d'ailleurs les
électeurs ne recevraient aucune
indemnité pour leur déplacement.
Lorsque l'huissier Damien fut ar-
rêté lui-même pour avoir entre-
pris, en vertu d'un décret de prise
de corps, d'arrêter Danton qui é-
tait pour ainsi dire à la tête des
électeurs du département de la
Seine, Le Chapelier eut le coura-
ge de faire désapprouver la con-
duite de Pastoret leur président,
et il porta la fermeté jusqu'à rom-
pre avec la société des jacobins
pour se réunir à celle des feuillans.
Conformément à ces principes, il
s'efforça de diminuer l'ascendant
des sociétés populaires, et même
5o'j Cil A
il obtint à cet effet un décret
dans les séances du ag septem-
bre. Mais les hommes modérés
qui cherchaient à rendre plus tu-
télaire la prérogative royale pre-
naient une résolution périlleuse;
cette opposition tartiivc hâta la
perte du monarque, et les perdit
eux-mêmes. Mécontent de l'impul-
sion que suivait l'asi^emblée légis-
lative, Le Chapelier se icndil eu
Angleterre; mais il ne tarda pas à
revenir, craignant que le séques-
tre ne fût mis sur ses biens. Cette
hésitation, ces précautions con-
tradictoires lui coûtèrent la vie.
Accusé, ainsi que plusieurs de
ses collègues, dès le premier a-
vril 1793, d'avoir conspiré avec
les émigré'' eu laveur de la cour,
et traduit, le 5 lloréal an 2, de-
vant le tribunal révolulionuaiÉC,
il fut condamné à mort, et exé-
cuté en même temps que Thou-
ret et d'Esprémenil. Le Chape-
lier aimait les plaisirs, et toute-
lois occupa long- temps un des
premiers rang?, parmi le» plus u-
liles et les plus zélés défenseurs
de la liberté, lion orateur et sur-
tout excellent logicien, il résu-
mait, avec une clarté qui n'appar-
tenait qu'à lui, les discours qu'on
venait de prononcer à la tribu-
ne, etla vigueur de son élocution
donnait ensuite un grand avanta-
ge à l'opinion qu'il adoptait.
CHAPMAN (Frédébic-Henui),
Suédois, fut un célèbre construc-
teur de vaisseaux. Dire que les
Anglais ont imité et ont voulu
s'approprier sa méthode, c'est as-
sez faire son éloge. L'art de cons-
truire les vaisseaux futpourChap-
man l'objet d'un goût passionné
qu'il éprouva dès sa jeunesse, et
CIIA
il était déjà très-habile dans ce
genre d'architecture, lorsque, dé-
sirant agrandir ses connaissances,
il se rendit de Suède en Angle-
terre. Après un séjour de quelque
temps, il revint en Suède, où Gus-
tave III, qui voulait remonter s.»
marine, le mit à la tête de ses
chantiers. Chaprnan, digne de
celte confiance, y répondit par
des travaux qui étonnèrent son
souverain et toute la Suède. Vingt-
quatre vaisseaux de ligne, parfai-
tement et promplement cons-
truits, par ses soins, rendirent ù
son pays l'aspect imposant d'u-
ne marine militaire respectable.
Chaprnan ajouta à ce travail la
restauration des galères, des ga-
bares, des chaloupes canonnières
et bâtimens composant une se-
conde flotte considérable. Le roi,
pour reconnaître ses services, lui
accorda des lettres de noblesse,
le nomma vice-amiral et cora-
mandeur de l'ordre de l'Epée.
Chapuian mourut en 180S. Ou a
de lui un Trailc sur L' architectn-
re navale, traduit en français,
sous le titre de Traité delà cons'
traction des vaisseaux, par Via!
de Clairbois, 1781, in-'i".
ClIAPPE (Claude), naquit à
lîrulon, département de la Sar-
tlie, en 1765. Ce nom a été ho-
norablcmeut porté par plusieurs
individus de la même famille.
L'abbé Chappe, oncle de Claude,
est noté dans le» fastes de la scien-^
ce comme physicien et comme
astronome. Il til le voyage de la
Sibérie et de la Californie, pour
observer, dans ces deux parties
du monde, le passage de Ftnw»
sous le disque du soleil, et mou-
rut dans le cours de ses obsciya-
CHA
tions. Non moins laborieux que
son oncle, et passionné comme
lui pour les sciences, Claude
Chappe n'eut pas une fin plus heu-
reuse. Abreuvé des dégoftls, et
fatigué des rivalités et des tracas-
series de tout genre que l'on op-
posait à son invention du télégra-
phe, il fut surpris par la mort, au
milieu de. ses travaux, en janvier
180 5, à peine âgé de 42 ans. A-
vant la découverte de l'Améri-
que, on ne révoquait pas en dou-
te l'existence d'un autre conti-
nent : il ne s'agissait que de le
trouver. C'est ce que fit Christo-
phe Colomb : ainsi Chappe n'est
certainement pas l'inventeur de
l'idée première de faire voler la
pensée au moyen de signaux ra-
pides. Cette découverte touche
aux temps les p^us reculés; les
1, voiles blanches et noires de Thé-
K sée, les fanaux d'Agamemnon ,
parlaient déjà la langue des télé-
graphes; Tamerlan dans son ar-
mée, les Chinois dans leur empi-
re, et la plupart des peuples civi-
lisés, ontjConnu l'art de correspon-
dre an loin avec cék'rilé, les Ro-
mains surtout le mettaient en
pratique dans les pays qu'ils en-
v.diissaient. Les hautes tours d'U-
zès, de Bellegarde, d'Arles, de
Nîmes, de Besançon, etc., etc.,
étaient destinées à des vedettes
qui communiquaient ensemble
par des signaux, et recevaient ou
se renvoyaient rapidement les
ordres et les avis qui, malgré les
obstacles, se croisaient dans tous
1rs sens. Uobert llooke, vers la
fm du i^"' siècle, s'occupa, dans
Tile de SVigl, d'un système de si-
gnaux ou es|)èce de télégraphe.
Le docteur Hoffmann, médecin
CHA
5o5
de l'électeur de Mayencc, publia
à Munster, en 1782, un ouvrage
contenant ses idées sur la télégra-
phie. Dans la même année, le cé-
lèbre avocat Linguet présenta, au
ministère de la marine française,
un mémoire niaî)uscrit sur les
nioyens d'établir des signaux par
la lumière. Chappe aurait peu de
gloire à réclamer, si elle s'atta-
chait à l'invention de l'idée pre-
mière. Il en est autrement, si,
comme nous le pensons, elle ap-
partient ici aux meilleurs moyens
d'exécution. Cela une fois recon-
nu, on ne peut contester à Chap-
pe le mérite d'avoir découvert un
procédé ingénieux et facile, au
moyen duquel on peut transmet-
tre i\ la plus grande distance, a-
vec la rapidité de la lumière, tou-
te espèce d'idée. Ce fut en 1793
que ce physicien présenta à la
convention nationale l'invention
de son télégraphe; l'essai s'en fit
en 1795, i\ l'occasion dc,la prise
de Condé. La transmission de
celte nouvelle à Paris, et la répli-
que que l'on y avait faite, ayant
eu lieu j)endant la durée d'une
séance de la convention, elle ren-
dit, par enthousiasme et sans dé-
semparer, un décret qui accor-
dait à Chappe le titre d'ini^cnimr-
télc^raphe. MW. Bréguet et Bé-
thancourt prétendirent avoir fait
des découvertes dans le même
genre , antérieures à celles de
Chappe; celui-ci les leur contes-
ta, et le gouvernement le main-
tint dans ses fonctions en le char-
geant d'établir trois diflerentcs li-
gnes télégraphiques. Le rapport
décennal fait à l'empereur Napo-
léon en 1810, par la classe des
sciences physiques, contient ua«
30
3o6
CHA
description coiuplèteet raisoiinée
du télégr.'<|)lie, *-.(. un très-bel élo-
ge de celte précieuse invention.
En lisant ce rapport, on peut croi-
re que les auteurs qui se sont oc-
cupés des moyens de perfection-
ner l'ouvrage de Chappe, n'a-
vaient encore rien fait de mieux
à cette é[)oque. On compte, par-
mi ces auteurs, M.ValentinHauy,
qui a exporté ses découvertes en
Russie; MM. Laval, Peytes de
Montcabrié, Leblond et Vero-
nèse.
CHAPPE (Jean -Joseph), et
CHAPPE (PlERRE-FBANÇOIs),SOnt
frères du précédent. Le premier,
après avoir été, en 1791, député
du département de la Sarthe à
l'assemblée législative, a depuis
succédé à son frère dans l'emploi
de directeur des lignes télégra-
phiques; le second est inspecteur-
général dans la même partie. Le
roi les a nommés tous deux cheva-
liers de la légion-d'honneur.
CHAPPUIS (H. A.), né dans
le comtat Venaissin en 1764, se
montra l'un des plus ardens par-
tisans de la révolution lorsqu'il
lut question de réunir son pays à
la France. Au mois de brumaire
an 4 (septembre 1795), il siégea
au conseil des cinq-cents en qua-
lité de député du département de
Vaucluse. Son existence dans l'as-
semblée était presque un mystè-
re , lorsqu'un incident le lit re-
marquer. 11 fut appelé comme
témoin dans l'affaire de Messo-
iiier, accusé de conspiration. Au
bout de deux années, M. Chap-
puis rompit le silence qu'il avait
gardé jusqu'alors pour combattre
le projet tendant à provoquer
l'application des lois françaises
CHA
aux émigrés du comtat. M. Chap-
puis ne se borna point à ce coup
d'essai ; il pronon(;a , quelques
mois plus tard, un éloquent dis-
cours dans lequel il établit qu'on
devait accorder des récompenses
aux auteurs dramatiques, et con-
server à jamais dans les répertoi-
res des théâtres les chefs-cf'œuvre
de Corneille, de Racine, de Vol-
taire, etc. Ennenii de la révolu-
lion du 18 brumaire, il sortit du
conseil après cette journée. Il y
rentra en 1802, époque de la cin-
quième session du corps-législa-
tif, et y siégea jusqu'en 1814.
C'est lui qui, le premier, parut à
la tribune pour demander la dé-
chéance de l'empereur et le rap-
pel des Bourbons. M. Chappuis
fut l'un des députés de la mémo-
rable chambre introuvable de
i8i5.
GHAPTAL (Jeas - Antoine) ,
comte de Chanteloup, est né à
Nosaret, département de la Lo-
zère, le 5 juin i7r>(). Ses parens
cultivaient depuis long-temps un
très-grand domaipe dont les pro-
duits leur donnaient de l'aisance.
L'uîné de la famille héritait du
bien, elles cadets étaient élevés
pour l'église, la médecine ou le
barreau. Quelqu«^s livres de mé-
decine et surtout d'histoire natu-
relle , que le jeune Chaptal trou-
va dan.- la maison paternelle, dé-
cidèrent sa vocation. Il fit ses
premières études à Mende, sous
les doctrinaires, et les termina à
llhodez, dont le collège avait une
grande réputation, <.'t où il eut
pour professeur de rhétorique,
l honnête et savant Dumouchel,
depuis recteur de l'université de
Paris, q^ui n'eut pas d« plusbril-
lant élève. Sorli de Rhoder, M.
Chaptal se rendit à Montpellier
auprès d'un de ses oncles, qui de-
2)uis cinquante ans exerçait la
profession de médecin , avec des
succès tels, qu'on l'avait surnora-
nié le ^u^rLsstur. Ce J'ul sous ses
auspices qu'il se livra à l'étude
de la médecine, et surtout des
sciences naturelles : ses progrès
lurent éclatans ; sa thèse de ba-
chelier sur Itfs Causes des difjc-
reiicfs parmi les hommes , eut
trois éditions. M. Chaptal vint
passer ensuite quatre année? à
Paris, où il se lia inlimenient a-
vec Cabanis, Rouchcr, Leniierrc,
Delille, Fontancs, etc.; il ne s'oc-
cupait plus que de liltératnre et
de philosophie, lorsqu'àson insu,
les états du Lanijuedoc créèrent
pour lui une cluiire de chimie à
Mompellier. Celle marque de
confiance le ramena auprès de
son oncle; il se maria la même
année avec Testimablc femme
qu'il possède encore. Ses cours d«
chimie furent suivis par de ru>m-
brcux auditeurs. C'est pour eux
surtorut que M. Chaplal publia
trois volumes iVJKiémen>i dt. clv-^
nii-, qui furent bientôt traduits
dans toutes les langues. Feu d'ou-
vrages élémentaires ont eu un pa-
reil débit eu Europe. Quatre édi-
tions successives en ont répandu
iO,ooo exemplaires en France.
Les états de Languedoc mar-
quaient une entière confiance à
Âl. Chaplal; ils n'administraient
l'agriculture, le commerce et les
arts que d'après ses conseils ; et
demandèrent pour lui, en 17H7,
le cordon de Saint-Michel, etdes
lettres de noblesse qui furent ac-
cordées. M. Chaptal hérita dusuu
GHA
307
oncle, qui lui laissa 000,000 fr. ;
il employa cette fortune à former
des élablissemens qui manquaient
à la France; aucun chimiste, a-
vanl lui, n'avait fait une applica-
tion aussi utile de la science ik
l'industrie, li est un des princi-
paux auteurs de la fabrication de
l'acide sulfurique, et c'est lui qui
a composé le premier alun artifi-
ciel que le commerce ait connu;
On lui doit également l'^r^ de. l^
ttiiiLurc du colon en luuge d' An-
drinople : il apprit aux ingénieur»
à remplacer les pouzzolanes d'I-
talie par les terres ocreuses cal-
cinées. Il y a peu d'arts enfin qu«
M. Chaplal n'ait créés ou per-
fectionnés dans le midi de la Fran-
ce. Pendant les orages de la ré^
volution, lorsque la république
frauçpiise vit déployer contre ell«
toutes les forces de l'Jiurope, le»
procédés ordinaires de la fabrica-
tion ne sullisaient pas pour four-
nir aux besoins de poudre et de
salpêtre, il fallut en créer de nou-
veaux et de plus expéditifs; M.
Chaptal, appelé, en 1793, par U
comité de salut public pour diri-
ger cette opération, parvint à fai-
re fabriquer à la seule poudi-eri«
de Grenoble trente- cinq millier»
de poudre par jour ; et dans lu
court espace dun an, les diffé-
rens élablissemens de ce genre ap-
provisionnèrent nos arsenaux d«
vingt-deux millions de salpêtre,
et de treize milli«)ris de poudre.
Ce grand développement des re.s-
sources d'une iialiQU , le plus
mémorable et le plus étonnant
que l'on connaisse , fut l'ouvrag*
de M. Chaptal. A la même épo-
que, on organisa cette belle écolu
Polylechiiique où se l'uimùrcitt
9^
■'G H A
3o8
lant d'illustre? sujets; on y insti-
tua dus cours sur toutes les bran-
ches des sciences. L'enseigne-
ment en fut confié aux premiers
savans de l'Europe. M. Chaptal
fut nommé collaborateur des Mon-
ge, des Fourcroy, des Guyton de
Morveau. Il fut le premier qui o-
sa vappeler et honorer la mémoi-
re de l'infortuné Lavoisier, dont
la tête venait de tomber sous la
hache révolutionnaire. Lorsque
les besoins de la nation en pou-
dres et salpêtres furent remplis,
et que les approvisionnemens fu-
Tent assurés, M. Chaptal obtint la
permission de retourner à Mont-
pellier pour y organiser l'école de
Médecine , où le gouvernement
lui avait donné la chaire de chi-
mie. Il continua d'y obtenir les
succès qu'il avait eus dans ses
■cours précédens. Depuis long-
temps le mérite et les ouvrages
de M. Chaptal avaient pénétré
dans lesgouvernemens étrangers.
A l'époque de la révolution , le
célèbre ÂVashington écrivit trois
lettres à ce savant chimiste pour
rinviter à venir s'établir aux E-
tats-Unis; il y avait dans sa se-
conde lettre cette phrase remar-
quable : «Comme président du
«congrès, je ne puis rien promet-
»tre au nom de ma nation ; com-
»me particulier, je puis vouS as-
» surer qu'elle se fera un devoir de
«reconnaître yos services et de
«vous rendre le séjour de ce pays
» agréable. » En 1793, la reine de
Naples fit inviter M. Chaptal par
%e chevalier Landocini, son ami,
à «e réfugier dans se« états; sur
son refus, elle lui écrivit elle-mê-
me pour l'en presser. Dès 1788,
46 «chevalier Belluga, qui négo-
CHA
ciait à Paris pour l'Espagne; a-
vait, par ordre de son gouverne-
ment, proposé à M. Chaptal
5GjOOo fr. de pension et 200,000
fr. comptant, pour Iransportcrscs
fabriques en Espagne. S'il avait pu
consentir i s'expatrier, c'est sans
doute à la patrie de Washingtf)n
et de Franklin qu'il eftt donné la
préférence ; mais l'amour de son
pa^'s l'emporta sur l'expectative
d'une fortune brillante , et lui fit
courir toutes les chances d'une
révolution orageuse. Après avoir
demeuré quelques annéesà Mont-
pellier, M. Chaptal revint à Pa-
ris eni79S, et fut, immédiate-
ment après son retour, nommé
membre de l'institut. L'honneur
d'être admis dans ce corps savant
le détermina à fixer sa demeuré
dans la capitale, où il forma inces-
samment des établissemens de
produits chimiques, dans le gen-
re de ceux qu'il avait créés à
Montpellier. Ces manufactures
importantes ont été cédées par la
suite à son fils, qui les dirige main-
tenant. Lors de la révolution du
18 brumaire, M. Chaptal fut
nommé conseiller-d'état; et huit
mois après, le premier consul lui
confia, à l'époque du départ de
Lucien Bonaparte pourl'Espagne,
le portefeuille du département
de l'intérieur, provisoirement d'a-
bord, puis définitivement. Sous
le rapport des sciences, des arts,
de l'instruction publique et de la
philanthropie, il eût été dilFicile
de choisir un plus digne ministre;
les Français doivent à M. Chap-
tal la création des encouragemens
accordés aux arts, l'établissement
des chambres de commerce , des
écoles de métiers, les «mbellisse-
mens de Paris, ramélioration des ■
hôpitaux, e^ç. Au mois d'août,
i8o4j s'il fut,,reuîpiacé au mi-,
nistère de l'intérieur par M. de
Champagny, rénipereur,en dé-
dommagement, le nomma séna-
teur, etbienu^t après grand-digni-
taire et trésorier du sénat, ^^e 23
janvier 1806, deux mois aprÀJS, la,
bataille d'Austerlitz, le séa^jt.dé-
créla l'érection d'un moni^ment à
Napoléon-le-grand; M. lé comte
(Ihaptal prononça à cette occasion
un discours plein de philosophie
et d'élévation. Nous en avons ex-
trait le passage suivant : « Les
r> arcs-de-triomphe , les statues,
» les chefs-d'œuvre que l'art exé-
.") cute sur le marbre et sur l'ai-
nrain., ne sont point (disait Pline
» à Trajan), ^c* monuniens les plus
» durables de la gloire des bons
n princes. Quelques générations se
» sont à peine écoulées, et l'herbe
»a couvert cette colonne élevée
»dans les plaines d'Iyry, à la nié-
y> moire d'un monarque vainqueur
» des discordes civiles et des li-
ygues étrangères ; sa statue ne
"irappe plus nos regards au sein.
»de nos cités; tandis que le vœu
«qu'il forma pour le laboureur
«resteraéternellement gravé dans
»le cceur reconnaissant du j)cuple
» français. » M. Chaptal publia à.
cette époque le Traité de chimie
appliquée aux arts (4vol), et un
traité particulier sur Y yirt de fai-
re le vin (1 vol.). Ces oi^vrages,
dans lesquels il a déposé le fruit
de toutes ses études et le résultat
d'une longue expérience,; ont été
accueillis avec empr-ssemcnt, et
servent de guide à l'arlisie et 'a
l'agriculleur. Le rapport du jiu-y
formé en iBio, pour les prix dé-
CHA
509
cennaux. f;^it une mention si ho-
norable de ces ouvrages, que l'au-
teur a dû y trouver une douce ré-
compense de ses travaux. Tandis
que les savans rendaient justice à
M. Chaptal, l'empereur ajoutait
à ses titres et dignités ceux de
comte et de chevalier grand'croix
de l'ordre de la Réunion. A l'épo-
que difficile où de grands événc-
uien^j allaient changer les desti-
nées de la France, M. Chaptal lut
envoyé à Lyon pour se concerter
avec les autorités civiles et mili-
taires de la 19"" divisiou, à l'ef-
fet de défondre la France contre
l'invasion de l'étranger. La révo-
lution arrivée à Paris le 5o mars
i8i4» mit un terme à sa mission.
Revenu à son poste , quoiqu'il
eût adhéré aux actes du sénat,
il ne fut point employé par Louis
XVIIL Napoléon, à son retour de
l'île d'Elbe, le nomm^ directeur-
général du commerce et des ma-
nufactures, minislre^d'état et pair
de France. Présidant le collége:é-
lectoral des plus imposés du dé-
partement.de la Seine, RL Chap-
tal avait prpsenté à Napoléon l'a-
dresse quelles collèges réunis a-
vaie,nt,,jVOlpe, I) ,fut néanmoins
ço,inpriSj, a,p.rèj le retour du roi,
dans lâ réorganisation de l'insti-
tut. Il a é.lé rkommé successive-
ment jTiembre du çonscïl-général
des hospices, de celui des prisons
et de ^elui d'agriculture, et enûn
par son ordonui-uicfe du 5 mars
1819, le roi a appvlc M. Chaptal
a siéger ù la chan)brc des pairs.
Celait digntMuctit reconnaître les
services qu'il avait rendus au pu-
blic.daus l^nl (je situations diver-
ses. M. Chaptal s'est montré di-
gne de ses nouvelles fonclious.
5id
en A
put l'esprit dnns lequftl il lc« n
remplies. Vhict quelqiMîS phrases
du premier discours qu'il prcmon-
pa lors de la présent.ition du bttd-
jet de la mGme année : <> L;\ nalion
«française ne se refusera jamais,
a disait-il, à souscrire à iiiiedépen-
»se utile; elle préviendra de ses
• vœux toutes celles de ce genre
V qu'on pourra lui imposer : mais
«elle suit avidement l'emploi de
«la fortune publique, elle juge a-
))Tec sévérité les opérations de
» l'administration. Aujourd'hui la
«forme du gouvernement ne per-
nmet plus de rien dérober ;\ la
«surveillance du contribuable ;
»son œil -vigilant est ouvert sur
«les actes du gouvernement, com-
«me sur nos délibérations : il ap-
nprouve ce qui est utile; il con-
» damne tout ce qui est profusion.
«Avec une nation généreuse et é-
oclairée, on peut tout lorsqu'elle
» a la conviction d'être bien admi-
»nistrée; on ne pourrait plus rien
>)si, uji jour, on avait le malheur
« de percTré sa confiance, ou qii'elle
» vît se perpétuer des abus et dé-
» daigner ses plaintes." Indépen-
damment des ouvrages mention-
nés dans cette notice, M. le com-
te Chaptal a publié un traité en
2 vol., sur V industrie Jranc aise .
On y trouve tous les renseigne-
triens stastistiques parvenus au
ministère, depuis 1800 jusqu'en
1812, et les principes d'adminis-
tration qui peuventassurer la pros-
périté de l'agricullui'e, du com-
tnerceet de l'indui^trié en France.
Cet ouvrage, écrit avec une for-
ce, une élégance, et une netteté
de st3'le , bien rares dans ces ma-
tières, n'a point été inutile à M.
de Joiiy-j qui se J>laîl à reconnaî-
CHA
tfe ici publiquement l'une des
plus précieuses sources où il a?t
puisé, pour composer son onvra-*
gé de V Industrie J'ranc.nise , on
Coup d'œit sur f'e'xpnsition , etc.
(1831, Lhuilliir, in-8'). '
CHAPTAL (N), fils du précé-
dent, est né ;\ Mon tjiéHier. Élève de
son père, il a comme lui cultivé
la chtmie, principalement dans
ses rapports avec les art>-. Sous
l'empire, lorsque la carrière était
ouverte à toutes les ambitions,
celle de M. Chaptal fut de cher-
cher à être utile a son pays. Sott
père, aloTsn^inîstredeî'intérieur',
l'encouragea dans cette noble ré-
solution , et le fils, citoyen mo-
deste, ne parut jamais dans le
mondepoliliqne que pour y occu-
per des emplois gratuits et pure-
ment honorifiques. Il est sans
contredit l'un des Français qui
ont le plus puissamment contri-
bué à: donnera notre industrie cet
essor qui rend aujourd'hui la Fran-
ce rivale de l'Angleterre. En
1809, par l'effet du blocus con-
tinental, la disette de soude se fit
sentir à Marseille : les soudes
d'Espagne y valaient de 120' à
140 francs les cent livres. Les
soudes factices s'y vendaient lao
francs; les savonneries étaient
menacées de manquer totale-
ment de cette matière première;
M. Chapiial fils n'hésita point à
transporter ses capitaux et son in-
dustrie en Provence ; il consacra
trois années à l'établissement d'u-
ne fabrique où l'on décompose le
sel marin, et qui livre annuelle-
ment au commerce 1,600,000'
kilogrammes de soude, snitàFétaf
brut, soit convertie en sel ou car-
bonate de soude. L'exemple d©
1 1'
/V../././/
.///.
CHA
II. Chaptal trouva de nombreux
iinilateius. L'art de fabriquer la
soude forme aujourd'hui une des-
branches d'industrie les plus
<^onï»idérable« du département des
Bouehes-du-Rhône. Ce qui va-
lait *oo francs en 1809', s'est of>;
fert à 8 Irancs en 1818, et les
produits de nos fabriques excé-
dant les besoins de la consom-
mation, s'exportent à Londres,
ù Triestef, à New-York, etc. En
i8i3, le 20 janvier, M. le baron
de Chabrol nomma M. Chaptal
maire de la commune de Neuilly;
ri occupa cette place jusqu'en
i{ii/|. En octobre 1814, M. l€
conseiller-d'éfat Becquey, alors
directeur-général de l'agriculture
et du commerce, annonça à M.
Chaptalque S. Exe. le ministre de
l'intérieur l'avait nommé mem-
bre du conseil-général des manu-
factures. En mai 181 5, le collège
électoral du département de la
Seine, appelé à nommei- (|uatre
députt'îs pour représenter le com-
merce , élut M. Chaptal avec
MM. Benjamin Delessert, Lafilté
et Hotlingiicr. Le suffrage des é-
lecteirfs, et lé choix dt;s coRègues
qui ifuréfit âontiéf-.- à M. Chaptal,
l'honorèrent également. Réélu
eu 1^1 5 membre du conseil des
manufactures, il .1 siuvi avecassi-
duTfé kts sérfnce^ du conseil; il a
^té raftporlcur de presque toutes
hn affaires qui tioncefualeni IcH
arts chirrriqaes. M. fe ^omte dé
Chabrol , soui - secrétaire -il'éFat
de l'intérïeirr^ rjui présidaft ^P^ïi^
librement îe conseil, ri dohrié «fi
justes» éloges aii zèle et airx hlrhiè-
res rfe M. ChtiptJil. En janVîèr
■rfSh-, le» notables cummérçansde
Id "vHl« de Paris noraraèr«Hït M.
CHA 5ii
Chaptal juge suppléant au tri-
bunal de commerce. En mar»
i8r8, M. Chaptal a été élu mem-
bre de la chambre de commer-
ce de Paris. En décembre 1818,
il fut nommé juge au tribu-
nal de commerce , après avoir
rempli les fonctions de suppléant
pendant deux ans : il a ainsi con-
senti ù consacrer encore deux an-
nées à l'exercice de fonctions aus-
si pénibles que difficiles. Ses af-
faires personnelles souffrent in-
contestablement de la multiplici-
té des occupations que lui don-
nent lesf places purement hono-
rifiques qu'il remplit, mais rien
ne peut rebuter son zèle lors-
qu'il sert son pays. A l'exposi-
tion des produits de l'industrie
française, en 1819, le jury fit uri
rapport si favorable sur les tra-
vaux de la maison Chaptal fils,
Darcct et Holker, que ces fabri-
cans réunis obtinrent la médaille
d'or. M. Chaptal reçut en outre,
le 18 aoAt 1819, la croix de la
légion-d'honneur, par décret par-
ticulier, ainsi motivé. «Sur ce qui
nou« a été exposé par notre minifh
tre de l'intérieur, que le sieur vi-
comte Chaptal fils, fidèle imita-
teur des exemples qui lui sont
d-onnés par le sieur comte Chap-
tal, pair de France, son père,
rend depuis plusieurs armées des
services signalés A l'industrie et
au comm-erce, soit parles grands
établis'^cmens de produits chimi-;^
ques qu'il exploite, et par les a*
mèliorafions et Ifts perfectionne-
menS qu'il y a introduits, soit
pat les lumières.- qu'il apporte
dans le sein du con.^eil-général des
fabriques et manufacttires dont
il est ménvbre , etc. < Si. Chap-
5ia CiiA
tal fils doit hérilcr de son p(;r;c
du titre de pair, et sici^era com-
me sou père dans les rangs des
défenseurs de nos libertés.
CHARBON NEL (le comte, Jo-
hEPH-CLAVDE-JCLEs), né à DijOH,
le a/j mars 1774- i-iévc de l'écble
d'artillerie, en 1792, I\l. Charl^on-
riel débuta dans la carrière mili-
taire au siégedeToulon, eu 1795;
depuis il a servi aux armées de
Sambre-et-Meuse, d'Egypte, de
Prusse, de Pologne et de llus-
ste, et par sa valeur et ses talens
s'est élevé de grade en grade
jusqu'à celui de lieutenant-géné-
ral, qui lui tut conféré le 9 jan-
vier i8i5. Le 1" juillet i8i/i> il
obtint l'emploi d'iuspecteur-gé-
néral d'artillerie, et fut nommé
membre du comité de cette ar-
me, le 19 juillet de la même an-
née. Il avait obtenu la décoration
de commandant de la légion-
d'honneur le 7 juillet 1807, et le
roi Ta fait chevalier de Saint-
Louis le 19 juillet 1814. lleom-'
mandait en 181 5 l'artillerie; du
corps d'observation des Alpes; il
a. été, en 1816, membre du con.^
seil de guerre qui a' condaamé, à
mort le lieytçnant-génçrat L^feb-
vre Uesnouettes. -, ' ,,;
CHARÏiOISîilER (N.), com-
missaire de la marine, à Toulon,
en 1.7S9, embrass.'^.les primcipes
de la révolution .ayeç cintbousias-
me. Nommé, en 179a,, l'un des
députés du dépaiiement du.Yar
à la convention nationale, il y
professa, dès le commencement,
une opinion absol,ume(nl républi-
caine; il s'exprimait à cet égard
avec beaucoup de véhémencç. et
une extrême franchise, soit dans
lesein.de l'assemblée, soit dans
CHA
les sociétés qu'il liéquentait. Il
vota la mort de Louis XVI, mais
il s'en serait bitn gardé-, disait-il,
s' il tût été certain que les puis-
sances étrangères eussent voulu
reconnaître de bonne foi la ré-
publique française. Au mois de
juin 1795 (an 5), Charbonnier se
trouvant à Toulon fut accusé d'a-
voir pris part à rinsurreclion de
cette ville, ayant pour but de se
porter sur Marseille pour déli-
vrer des prisons, où ils fêtaient
enfermés, ceux qu'on nommait
les terroristes de cette époque,
La convention le décréta d'accur
sation, et le lit traduire par-devant
une commission militaire établie
spécialement à Toulon pour ju-
ger cette affaire. Charbonnier fui
acquitté, et transféré néanmoins,
par mesure de sûreté générale, au
fort Lamalgue, où il demeura jus-
qu'à l'amnistie de brumaire an
4. Sa carrière législative ache-
vée, il çivait repris son emploi
dans l'administration de la ma-
rine, et s'y était maintenu par son
i^tilité et ses services, lorsqu'une
autre loi d'amnistie, celle du 12
janvier 1816, le força de quitter
la France, d'où il est çxUé jp^wp
jamais. .i n' ' '
CHARBONMER (Loris), né
le 9 octobre 1754 à Clamecy,
d^pariemenl de la Nièvre. Lors-
que la révolution commença, il
é^it au service, et fut nommé
capitaine de la garde nationale.
Lç 21 septembre 1792, élevé au
grade de lieutenantncolonel dans
le ai^^bataillon.des .YH)Iontaires,
il fit lies campagnes de l'armée du
Nord, et assista aux balaillçs de
Jeramj»,pes et de Nerwinde. Son
bataillon fui ensuite, envoyé à Lilr
CHA
le; Charbonnier se distingua près
de cette \ille, et fut blessé au
combat de Meiiin, Nommé géné-
ral de brigade, le 34 vendémiai-
re an 2, il se trouva sous les or-
dres de Jourdan. Le commande-
ment provisoire de Tarmée des
Ardennes lui fut confié le 8 plu-
viôse; il eut alors le titre de gé-
néral de division. Le 7 floréal, il
gagna la bataille de Bossut, et
dés le lendemain, il fit à Beau-
mont sa jonction avec l'armée du
Nord. Le général Charbonnier é-
prouva ensuite des revers; sa
bravoure n'élaitpas soutenue par
les connaissances que l'art mili-
taire exige dans les grades éle-
vés. Cependant, malgré ses mal-
heurs vers la Sambre, il réussit à
investir Charlcroy, et c'est lui
qui l'assiégea, lorsque les armées
des Ardennesict de la Moselle fu-
rent réunies sous le commande-
ment de Jourdan. Le général Char-
bonnier, quelque temps disgracié,
obtint lors de son retour le com-
mandement d'une légion de la
garde nationale de la Nièvre, et
le -23 fructidor au 5, celui de la
placc>(lc Boulogne. U passa de-
puis à Givet, à Charleroi, à Liè-
ge, «t enfin à Maestriiht, où il
commanda jusqu'aux événfmnis
de 1814» qui de^iJirenl le terme
(!<! sa caniére uifi^t^^^ire.
CHARBON NlKJiLS (N^iDe),
s'est fait conriaili*e par quelques
poésies léb'giuUes et faciles. Le
tribunal. auq.uel ilolTriA, en i8o(>,
un poème intitulé la /ounu'e
(CAuttci lUz, ou in Bataille des
trois empereurs, drame historique
«n deux actes, en vers (composé
*n trois jours), en fit faire men-
tion honorable. Il a douuc deux
CIÏA
5t3
ouvrages plus importans :' la tra-
duction en vers des Esiais sur la
crUicjue, etc., etc., de Pope, Ros~
conimon vt Buckiiis^ham (1812),
traduction fidèle et bien versifiée,
mais où l'on désirerait plus de vi-
gueur; Gt L'Indécis, comédie, qui
en 1812 a été applaudie aux
Français, et n'a pas été reprise.
M"" de Genlis a cru devoir ajou-
ter des notes à l'Essai sur le su'
blime de M. de Charbonnières
(i8i5), poème beaucoup trop
froid pour un tel sujet, mais où
se trouve un assez grand norn-
bre de beaux vers. M. de Char-
bonnières a servi pendant la ré-
volution ; nommé secrétaire-gé-
néral de l'administration du Tiè-
mont sous l'empereur, il a fait
partie des gardes<l'honneur de ce
prince, et a reçu la croix de la
îégion-d'honneur en 1811. Pen-
dant le temps que M. de Char-
bonnières demeura à Turin, il fut
reçu membre de l'académie des
sciences de cette ville. 11 est
mort A Paris, le 19 septembre
1819, à l'âge de 55 ans.
CHARETTE DE LA CON TRIE,
né le 21 avril 1763 à Couffé. près
d'Ancenis, département de la Loi-
re-Inférieure. Ce général vendéen
acqui t plus de célébritéque de gloi-
re ; son caractère fut plus singu-
lier qu'honorable, et ses actions
eurent plus déclat que d'utilité.
Né d'une famille noble, mais sans
fortune, il dut à spn oncle, con-
seiller au parleujent de Rennes,
réducati(»u qu'il reçut à Angers,
et son admission dans la marine
royale. Il servait en qualité de
lieutenant de vai.-^seau au com-
mencement de la révolution ;
mais soit par son penchant à lia-
.>14
ClIA
dépendanoa, soit paréloig'nenient
pour le nouvel ordre de choses,
Charelle renonça au service, et,
en 1790, épousa une de ses paren-
tes, plus âgée, rrtais plue riche
que lui. Bientôt il quitta sa fenn-
ine comme il avait (juitté la ma-
rine, et se rendît à Coblentz. Petit,
mince, le regard dur, sa physiono-
mie un peu farouche et se? maniè-
res un peu sauvagesréussirent mal
au milieu des émigrés courtisans
qui se piquaient de montrer à
Coblentz la politesse, les grâces,
la légèreté de la cour, comme ils
y avaient aussi transporté ses vi-
cei. On jouait gros jeu, etCharct-
le y fit des pertes considérables;
pour les réparer il revint en
France, laissant les émigrés mar-
<;hersous les drapeaux dé l'étran-
ger, ou à sa suite comme auxi-
liaires. Charettese trouvait;» Pa-
ris à l'époque du 10 aoftt 1792.
IVetiré dans le Poitou au petit
château de Fonteclause, il y re-
prit les habitudes et l'insouciance
des gentilshommes campagnards,
menant une vie oisive et dissipée,
et s'occupant peu des affaires pu-
bliques. 11 refusa de prendre part
a lu première insurrection ven-
déenne, qui éclata au mois de
luars 1793. Les paysans, qui s'é-
taient emparés de la petite ville
de Machecoul, et y avaient mas-
sacré d'une manière barbare plu-
sieurs de ses h.ibitans, vinrent
tieux fois proposer à Charette de
se mettre à leur têle, et deux fois
■il' s'y refusa. Mais ayfïrttétédéfaits
à Pornic, et attribuant ce revers
A la klchelé de Sain't- André leur
«hef, ils revinrent avec fureur
vers Charette , et le menacèrent
«le le tuer s'il persistait dans son
CHA
refus de les commander. Il fallut
céder, et Charette, plus habile ou
plus heureux que Saint-André, se
rendit maître de Pornic; mais il
échoua devant Challans, devant
Saint-Gervais, et le général Beys-
ser s'empara de Machecoul. Reti-
ré à Légé, où pourtant il sut se
maintenir, il fit d'inutiles efforts
pour établir la discipline parmi
ces bandes qui, lui ayant imposé
le commandement, se cr(»yaient
moins obligées à l'obéissance. El-
les se livraient au meurtre et au
pillage; la politique d(! Charette,
d'accord avec sa dureté naturel-
le, vit dans ces déplorables fu-
reurs un élément de résistance.
Leurs auteurs devant s'attendre
à de terribles représailles, se met-
taient dans le cas de ne pas rere-
voir, mais aussi d(! ne pas deman*
der quartier. Dès lors la guerre se
fit de part et d'autre avec la plus
impitoyable barbarie. De l'indis-
cipline à la révolte le passage est
rapide; un des lieutenans de Cha^
retle, nommé Vrigneau, com-
mandant de paroisse , de Cf)ncert
avec une marquise de Goulaine^
essayèrent de renverser Charet-I-
te, en portant ses troupes àla sé^
dition. Cette intrigue fut déjouée;
la fermeté de Charette imposa
aux mutins, etilcon^ïerva lé com-
mandement qr/jl «avait reçu. Ce-
pendant il se vit' contraint de
quitter sa position de Légé et de
seréfn5^ieràMontaigu,où se trou-
vait mi autre chef "coyaliste , M.
de RoyViind, qii» rdfusa de le re-
cevoir. Charette furieux, voulut,
par un coup d éclat, montrer qu'iN
était digne de cette estime qui lu>i
était si injurieuscment refusée ; H
courut attaquer les troupes repu-
bîicainesà Saint Coiftmbin, rem-
porta sur ellfs un avant.ij^e com-
plet, se rapprocha alors «le M. de
Royrand , dont il fut mieux ac-
ciJeilli; fit , de <;oncert aveccelni-
ci, une autre expédition, dont le
succès ne fnt pas moin» éclatant,
II quitta ûlcrs M. de Royraiid,
vint reprendre son poste à Légé,
e! rhasî'n' les troupes qui occu-
paient Machecoul. On le vit, dans
celte'iJftaire, se précipitera la tê-
te de 9ft cavalerie, sur l'artillerie
(h^3 réfy^ifblicains. Il s'empara do
i.'f pièces de canon, de 4 pier-
riers, de 8 caissons, et lit Goo
pviscmniers. Jusque-h\ Charette
afait ajji i.^olément, sans but fixe;
laf^iant la f;uerre presque pour son
propre compte , et sSns lier sei
opérations avec celles des autres
chefs royalistes, qui, de leur côté,
paraissaient lUtacher peu d'impor-
tance A ses services, et peu comp-
ter surses talens ; mais après que
la grande armée vendéenne se fut
emparée de Sarimur, ses chef.^
proposèrent à Charette de con-
courir ù l'expédition qu'ils médi-
taient contre Nantes. Il fut char-
gé de l'a-ttaque sur le point où les
obstacles étaient les phis grands,
du côté du faubourg Siririt-.lac-
«yues, séparé «le la ville par la Loi-
re, qu'il fan tasser sur cinq ponts,
ensuivant ntie nie longue, étroi-
te, facile à barri<;ader et à défen-
dre des deux côtés soit sur l'eau ,
soit sur le terrain, et par les ruel-
les qui y aboutissent. L'attaque fut
vire, opiijiAlre, mais la défense
fut plu» courageuse efjcore, et le^
assaillans furent repoussés après
avoir éprouvé de grandes per-
tes< Charette, qui s'étuit distin-
gué dans cette espèce J'assaut
CIIA
3i5
général , revint lé lendemain et
(ut encore repousS|é. Cathelineau,
ffénéralissime de* Vendéens, é-
tant mort des blessure» qu il a-
vait reçues devant liantes, Delbée
fut choisi pour lui succéder. Cha-
rette ambitionnait ce poste, il
fut vivement blessé de la préfé-
rence donnée ii Delbée. Cepen-
dant les royalistes voulant répa-
rer, par la prise de Luçon, la hon-
te de leur défaite à Nantes, Cha-
rette demanda le poste le plus pé-
rilleux, l'obtint, s'y conduisit a-
vec valeur j: mai.^ cette seconde
tentative ne fut pas plus heureu-
se que Int prf'mière , et les Ven-
déen* furent complètement dé-
faits. ChJiretle reprit de nouveau
le poste de Légé. qui devint un
lit il de plaisir. Il 'y réimit btiau-
coup de femmes. On se battait ail-
leurs , on dansait au quartic^r-gé-
nériil. Ce chef sans souvenirs,
sans prévoyance, attendait le der-
nier moment pour s'occuper des
affaires sérieuses , toujours prêt à
les sacrifiera des amusemens fri-
voles, ou à son gnrtt pour l'oisi-
veté. Dans le combat rien n'éga-
lait son ardeur, son courage, et
surtoni son obstination ; après le
combat son insouciance était sans
bornes. Cependant l'arrivée de
la garnisoiv de ISfaj'cnce sur les
champs de bataille de la guerre
civile, fit sortir Charette de son
incurie, .lugcanl tonte résistan-
ce impossible sur les bords de la
Sèvre , il vint se réunir à la gran-
de armée vendécn-nc , ù ïorfou ;
il contribua puissamment à la vic-
toire que cette armée remporta
sur les troupes venant de IVIayen-
ce : elles y périrent presque lon-
It's. Charette et Lcscurc se por-
sie
CHA
lèrent sur Monlai^^u , ji batlireiU
encore les troupes républicaines,
ainsi qu'à Saiiit-Fulgenl, et pour-
suivirent leurs avantages, au lieu
de venir se réunir à la gi'ande ar-
mée royaliste. Ce défayt de con^i
ceit alluma la jdiscorde enireles
cheis de cette armée; et Charet-
tej dont la vanité .avait été bles-
sée par quelques) discours itidis-
cvets, les quitta et s'en vint atta-
quer Noirmoulier: il se rendit
maître de ce point importatit par
la facilité qu'il lui donnait de com-
muniquer avec les Anglais; mais
bientôt il se vit occul^-à la mer,
et comme bloqué danis leé marais
de Bouin parle général Haxo. 11
n'échappa qu'en suivantides ca-
naux el des roulesiangeuses, où
il lui fallut laisser se^ canons, qu'il
encloua, et ses chevaux qu'il fit
tuer. Sansbagage, sans provisions,
chef de soldats sans discipline, qui
presque toujours disséminés , pa-
raissaient et disparaissaient tour à
tour; se montrant où on ne l'atten-
dait pas, échappant au moment
où l'on croyait le saisir; trompant
les calculs de ses amis comme de
ses ennemis, déroutant à la fois
les cruinles et les espérances, son
existence eut, pendant <;inq mois,
quelque chose de singulier et de
mystérieux, qui accrut sa renom-
mée et qui lui imprima un caractè-
re particulier. Il s'était avancé jus-
qu'à Maulevrier, en Anjou; Laro-
che Jaquelin vint l'y trouver : Cha-
rette n'était point fait pour hono-
rer l'infoilune , ni pour consoler
le malheur. Il accueillit sans bien-
veillance un chef fugitif, dont
l'armée avait été détruite, et bien-
tôt ils se quittèrent méconlens
l'u» de l'autre. Les officiers et
même les is^ldats qui avaient ser-
vi sous Larociie-JaqmiJin suivi-
rent leur ancienchef, et abandon-
nèrent Charelte, Celui-ci, man-
quant de. vivre6,,pa$sa.MB< secon-,
do fois la Sévl'e.ll eut avec Stof-
llct et Bernard de Marigny une
entrevue, dans laquelle .il mon-,
tra de nouveaule d^p.ir tk se fai-^,
re nommer générolissjpne- fW fi^»
convenu seulement que lesi^roisj
armées agiraient de ooncq^i.|VPj
rendez-vous général fut dopné,}
fflarigny arrive au lieu fixé? de-»,
mande des vivres, essiiie un rç-;
fus, et à la suite, d'unp .^Uercatioû
très-vive, se retire avec sa trou-
pe, et retourne dans ses campe-
mens. Charette, sansêtre. généra-
lissime, avait affecté les hauteur»
et l'autorité du commandement.
Furieux du départ de Marigny, il
le fit condamner à mort par un
conseil de guerre. Cet arrêt de-
meura long-temps sans exécution;
mais un prêtre (l'abbé Bernier,
qu'on a vu depuis évêque d'Or-
léans) vint de l'armée de Cha-
rette trouver Stofllet, et à la suite
d'une conférence qu'il eut avec
ce chef, Marigny malade, sans
défense, fut arrêté et fusillé. 11 est
malaisé de savoir, dijt un des bio-
graphes de Charette, qui de lui ou
de l'abbé Bernier poussèrçnt d'a-
vantage istoflîet à cette action cri-
minelle. Ln autre chef, nommé
Joly, fut également poursuivi par
Charette, et périt de la même ma-
nière que Bernard de Marigny.
Cependant les soldats de Charet-
te s'étaient aguerris et commen-
çaient à se discipliner; ses offi-
ciers avaient acquis de l'expérien-
ce, et chez plusieurs le talent se
joignait à l'audace. Demeuré seul
CIIA
sur son territoire et derenu plus
formidable que jamais, il résolut,
au mois de juin 1794? d'attaquer
trois camps où les troupes répu-
blicaines s'étaient retranchées, et
réussit dans ce liardi projet. Il mit
le feu au camp delà Rouillère,se
rendit maître du camp de Saint-
Christophe, où commandait un
chef également brave , nommé
Mermet, qui y fut tué avec un de
ses fils, âgé de 14 ans. Enfin le
troisième camp retranché tomba
au pouvoir de Charette , et pres-
que tous les soldats qui les défen-
daient y furent massacrés. Ces
brillans faits d'armes rendirent
son nom célèbre en Europe et re-
doutable aux républicains. Mais
cet homme, qui savait vaincre ,
semblait ignorer le i)ut et l'usage
<le la victoire : il revint à son camp
de Belleville, où il parut ne s'oc-
cuper que de frivoles amusemens
et de honteux plaisirs. La guerre
môme chang(;a de caractère sans
rien perdre de sa férocité : c'était
une espèce de chasse auxhommcs,
qui se faisait par des surprises ,
par des embuscades, et que les
supplices et les représailles ren-
daient atroce. La jalousie avait
divisé les chefs royalistes; on dit
que dans itn conseil de guerre, te-
nu ù Beaurepaire , Charette fit
condamner Stofflel à mort; mais
ce jugement ne fut ni exécuté , ni
mtimc publié. Le gouveruement
désirait vivement voir la tranquil-
lité renaître dans la Bretagne et
l'Anjou , désolés dej)uis si long-
temps par foutes les fureurs de la
guerre civile. Le député Ruelle
se trouvant à Angers, au mois de
décembre 1794» fit mettre en li-
berté tous le9 parens de Charette,
CHA
3i7
qui étaient détenus. Sa sœur fut
chargée de lui porter des propo-
sitions d'accommodement; elles
furent communiquées aux autres
chefs vendéen», qui y adhérèrent.
Le 19 février 1795, Charette,
Couétus, Sapineau , Caumartin,
de Haye , les deux frères Guérin,
Caillaud , Defaignard , Goguet ,
d'Epiuay, Sauvaget, Solihac, et
de Bruc, signèrent, à la Jaunais,
sous la tente, la déclaration sui-
vante : « Nous déclarons solennel-
«lement à la convention nationa-
nlo et à la France entière , nous
«soumettre à la république une
»et indivisible; nous reconnais-
» sons ses lois et nous prenons l'en-
«gagement formel de n'y porter
«aucune atteinte. Nous promet-
» tons de remettre le plus tôt possi-
»ble l'artillerie et les chevaux qui
«sont entre nos mains, et nous
» prenons l^ engagement solennel
n de ne jamais porter les armes
SI contre la république. » Il fut sti-
puléen faveur des Vendéens, qu'il»
auraient le libre exercice de leur
culte , resteraient armés sous le
commandement de leurs chefs,
qu'il leur serait donné des admi-
nistrateurs présentés par ces mê-
mes chefs, qu'on leur procurerait
des bestiaux, des instrumens a-
ratoires, et tous les moyens né-
cessaires pour rétablir la culture
dans les villages, depuis si long-
temps déserts. Charette vint à
Nantes, et, au milieu de son état-
major et de celui des troupes ré-
publicaines, y fit une espèce d en-
trée triomphale , portant le pana-
che blanc, (jue cependant il quit-
ta aussitôt qu'on l'eut averti que
les insignes de son parti étaient
vues avec déplaisir. Il parut nu
;i8
CHA
thôâtre , à la société populaire;
reçut partout un accueil plein de
franchise et d'urbanité. Il crut de-
voir y répondre en écrivant à la
société populaire une lettre où
l'on remarque la phrase suivante:
«Le commerce et l'agriculture,
»pour fleurir, ont besoin de la
«paix, de la justice ci dt la libcr-
ntc. Unissons nos efforts pour se-
» conder /es vues sages et bienfai-
n santés de la convention. ^^ Cette
lettre était également signée par les
chefs qui l'avaient accompagné.
Ils en adressèrent une autre au
député Ruelle, premier auteur de
la pacitication , pour le charger,
en témoignage de leur estime ,
de présenter à la convention na-
tionale leurs drapeaux, dont ils
faisaient hommage à la républi-
que; enfin ils firent une adres-
se aux habitans des campagnes,
qu'on paraissait vouloir tromper
sur leurs intentions, afin de les
engager à la soumission et à la
paix. Dans toutes ces pièces , il
était question des intérêts du cul-
te, des intérêts de l'agriculture et
du commerce; mais le silence le
plus absolu était gardé sur les in-
térêts de la monarchie et de la
famille royale; tout annonçait u-
ne réconciliation sincère. Cepen-
dant à la contenance sombre et
orgueilleuse de Charette, à la ma-
nière froide et réservée dont il
reçut les avances des députés et
des généraux républicains , aux
folles bravades de quelques-uns
■de ses officiers , des observateurs
attentifs jugèrent qu'il ne consi-
dérait cette paix que comme une
trêve à laquelle il avait souscrit
par nécessité, et qu'il se promet-
tait de rompre à la première oc-
CHA
casion. £n efl'et, dè»:le 24 juin de
la même année, il rejiril les ar-
mes, réunit environ 1 '^.ooo hom-
mes à son camp de llelleville , et
la guerre civile reprit toutes ses
fureurs. Lorsque l'avis du désas-
tre de Quiberon parvint à Cha-
rette, il fit barbarement fusiller
tous les prisonniers qui se trou-
vaient en son pouvoir, et depuis
il cessa d'en faire aucun. Il avait
compté sur le débarquement d'é-
migrés et d'Anglais opéré à l Ile-
Dieu ; trois l'ois il se porta sur la
côte, et chaque fuisses espéran-
ces fiu'ent trompées. Dès lors le
découragement s'emparant de ses
troupes, il n'éprouva plus que
des revers. Cerné de toutes parts,
et réduit à une inutile défensive,
il fut enfin rencontré , n'ayant
plus que cinquante hommes , par
le général Valentin, qui comman-
dait cent grenadiers ; battu et
poursuivi pendant six lieues de
chemin , ayant eu dix hommes
tués et un plus grand nombre dç
blessés, atteint lui-même de plu-
sieurs coups, et soutenu par deux
soldats, il tomba enfin entre les
mains du général Travot, qui le
traita avec douceur et humanité :
il avait été arrêté près de la Cha-
bottière, il fut conduit à Angers,
puis transféré à Nantes. Ku y dé-
barquant il dit : Voila donc où
ces misérables Ang'ais ni' oui con-
duit/Déposé à la prison du Bouf-
fay, il demanda quelques heures
de repos, et s'endormit profon-
dément. Le lendemain il fut con-
duit chez le général qui comman-
dait à Nantes , et ramené à sa pri-
son au milieu d'une forte escorte
et de la foule qui se pressait de
toutes parts sur son passage, avec
CHA
un cmpresseiiieat qu'excitaient à
la t'ois la ciiriusibé, la haine et la
compassion. Charetle , un mou-
choir blancrfiiïgligeniment attaché
kous son chapeau, ù la manière
des créoles , marchait d'un pas
ferme, portait ses regards de tous
les côtés sans insolence et sans
bassesse. 11 était vêtu d'un habit-
veste , et d'un pantalon gris ; un
galon d'or, étroit et dentelle, or-
nait le collet de son habit ; il a-
vait à la tète les marques récen-
tes d'un coup de l'eu ; son épaule
droite était encore couverte de
sang; un coup de sabre -lui avait
coupé trois doigtsde la main gau-
che , et il portait de ce côté le
bras en écharpe. Sa contenance
était assurée, et le plus grand cal-
me régnait sur tous les traits de
cet homme, dont l'Ame et le corps
semblaient devoir être en proie
aux plus vives souffrances. Tra-
duit à un conseil de guerre, il ne
<lésavo«a point qu'il avait com-
mandé et combattu pour la mo-
narchie ; mais il s'excusa d'avoir
repris les armes après avoir signé
la paix, en disant qu'averti que
le député Gandin voulait le l'aire
arrêter contre la Toi des traités,
il avait été contraint de recourir
à la force pour se soustraire à
cette violence. 11 répondit à tou-
tes les questions avec sang-froid,
sans aigreur, et fit, ù plusieurs
reprises, l'éloge des bons procé-
rédé» et de la générosité du gé-
néral Travot. Il entendit son ar-
rêt sans émotion et comme un
homme qui y était préparé. Il fut
conduit, le UQ mars 179G, à 4
heures du soir, au lieu de son
^upplice, et donna lui-même le
sijjnal aux soldats chargés de lu
CHA 519
fusiller. Charette fut bon parti-
san et mauvais général. Incapa-
ble de conduire une grande ar-
mée, il ne montrait cependant
quelques talens que lorsqu'il était
indépendant et seul. Plein d'une
sombre méfiance, il cachait se.s
incertitudes sous les apparences
de la réserve, vivant au jour le
jour, se livrant au hasard des cir-
constances, et ne sachant pas en
profiter. Il avait acquis sur ses
troupes cette espèce d'ascendant
que donne une valeur brillante,
qui semblait venir chez lui plutôt
de l'insouciance de la vie que dtt
l'accomplissement d'un devoir,
plutôt d'un fatalisme aveugle qu«
d'une résignation réfléchie. Inal-
térable dans le danger et dans les
revers quand tout semblait per-
du, il relevait par sa constance et
sa sérénité les courages les plus
abattus, ne lâchant jamais pied
que le dernier, et à la dernière
extrémité. Son cœur était dur
jusqu'à la cruauté. Tous les pri-
sonniers qui tombaient entre ses
mains, il les faisait fusiller. Cha-
rette périt du supplice qu'il avait
fait subir à Joly et à Bernard de
Marigny.
CHAR1TTE(N., COMTE de), né
dans le Béarn, le 1" novembre
1735. Sa famille avait été aimée
d'Henri IV. Entré dans la mari-
ne dès l'âge de i5 ans, il s'y dis-
tingua, et sous le comte de Gras-
se, il fit, en qualité de capitaine
de haut-bord, la guerre de l'in-
dépendanee en Amérique. Soa
habileté et son intrépidité sauvè-
rent le vaisseau la Bourf^ofine,
dans le combat où l'amiral fran-
çais fut battu par Rodney. Les é-
tats de la provinc« de ce nom lui
5ao CHA
firent présent d'une riche épée,
à l'occasion de sa belle conduite
dans cette afiaire, qui lui valut le
grade de chef d'escadre. Chargé
plus tard de la direction générale
du port de Rochelbrt, il fit remar-
quer ses talens en administration,
comme sur Ttier il avait lait admi-
rer son courage. Ayant cessé de
servir durant la révolution, il se
retira dans la Touraine, où il pos-
sédait une terre, et y vécut pai-
siblement. En i8i4> le roi lui
conféra le grade de vice-amiral
et lui accorda la grand'croix de
l'ordre de Saint-Louis. H mou-
rut quelques jours après la secon-
de abdicatioïi de Napoléan.
CHARLEMAGÎ^E (Armand),
homme de lettres, né au Bour-
get près de Paris. Auteur fécond
et spirituel, M. Charlemagne a
écrit dans plusieurs genres, et
particulièrement pour le théâtre.
Ses premières productions da-
tent de 1790. Dans le nombre des
comédies qu'il a fait paraître, on
remarque les suivantes : L'Insou-
ciant; De Crac à Paris ; les Eco-
liers ; la Fille à marier; l'Hom-
me de lettres et l'Homme d affai-
res ; le Souper des jacobins ; les
Voyageurs; les Descendans du
Menteur ; la Journée des dupes
ou l'Envie de parvenir. Le style
de ces différentes pièces est cor-
rect; elles ont eu dans leur nou-
veauté la vogue de l'à-propos et
des circonstances ; la Journée des
dupes, en 5 actes et en vers, fut im-
primée en 1816. M. Charlemagne
a également publié : l'Enfant du
hasard et du crime, ou les Er-
reurs de l'opinion, Mémorial his-
torique d'un homme retiré du
lubnde, rédigé sur ses manus-
CHA
crits , roman en 4 vol. in-i2;/e.*
trois B, ou Aventures d'un boi-
teux, d'un borgne et d'un bossu,
autre roman en 4 m)lumes; le
Bat du diable, conte; les Paroles
et la Musique, vaudeville, etc.
M. Charlemagne est membre de
la société d'agriculture du dépar-
lement de la Seine. II est auteur
d'un Plan d' impositions pour les
habitans des campagnes et villes
taillables, 1790, in-S"; et d'une
Instruction sur l'usage des mou-
lins à bras, etc.
CHARLES XIII, roi de Suède,
second fds d'Adolphe Frédéric, et
neveu par sa mère de Frédéric-
le-Grand, est né le 7 octobre 1 7 ;)8.
C'est un des rois dont il est le
plus facile de parler; il y a du
courage, du patriotisme et de la
noblesse dans sa vie. Grand-ami-
ral lorsqu'il n'était encore que
prince de Sudermanie, il étudia
la construction des vaisseaux, la
théorie et la pratique de la mari-
ne, voyagea en Europe, reçut
des mains de son oncle Frédéric
l'Aigle-jNoire, aida puissamment
son frère à saisir le sceptre à la
mort d'Adolphe-Frédéric, et fut
nommé parlui grand-gouverneur
de Stockholm. Bientôt il battit les
Russes dans le golfe de Finlande,
ramena sa flotte entière et triom-
phante, malgré la rigueur de la
saison, et fut à la fois récotnpen-
sé par la gloire, par les dons
considérables que lui firent les é-
tats, et par les faveurs que Gusta-
ve III lui prodiguait. Le roi mou-
rut assassiné; le duc de Suder-
manie fut aussitôt nommé régent;
il ne suivit point les vues de Gus-
tave qui se disposait à marcher
contre la France républicaine.
CHA
quand il tomba sous la main d'Ao-
karlstroem. Le duc de Suderma-
nie donna au jrouvcrnement une
impulsion pacifique, et vit l'in-
dustrie, le comuiercc, les arts,
fleurir s lus son administration.
L'n mus'ie, une écolo militaire, de
nombreux magasins, furent créés;
les ports se remplissaient de na-
vires marchands nationaux et c-
trangers. A la majorité de Gusta-
ve IV, le régent se relira dans un
de ses châteaux, d'où l'arracha
bientôt la révolution qui renver-
sa le nouveau roi. On le nomma
d'abord administrateur - général
du royaume; peu db mois après,
il fut proclamé roi de Suède, sous
le nom de Charles XIII, et sacré,
en 1809, à Stockholm. La paix
avec Napoléon suivit son avène-
ment au trône; et bientôt les é-
tats songèrent à lui choisir un
successeur. On venait de perdre
le prince royal Cluirics d'yiu':^uy~
tenUt-r^, et le trône demeurait
vacant après la mort de Charles
XIII. Le choix des états et du
monarque tomba sur un général
français [yoyt^z BEnNADOiTE). On
ne sait ce que veulent dire cer-
tains biographes, en parlant de
l'illiiniinisine du roi de Suède.
L'humanité d'un souverain se-
rait-elle un délire, et l'amour
pour le peuple une folie? Sans
doute le souvenir de ces par<dcs,
quil adressait au prince royal,
Oscar, en 181 5, ont dft étonner
certains hommes habitués aux
conversations de cour: «N'ou-
nblie jamais, mon fils, que le
«bonheur des peuples est le
«soutien le plus assuré des rois!
» Respecte la dignité des hommes,
«dans quelque rang que tu les
CHA 521
)) trouves, etc.. » Puissent Dieu et'
la raison illuminer Ae. même tous
ceux qui commandent aux peu-
ples ! (Iharles Xill mourut com-
me un sage, le 5 février 18 18.
Sa mémoire est resj^e en véné-
ration parmi ses sujets, et la re-
connaissance de sou successeur
a consacré son nom dans la pos-
térité.
CHARLES XIV, voyez Ber-
XADOTTE.
C HARLES-AUGLISTE (prince-
ROTAL DE Suède), était de la mai-
son de Holslein-Soenderbourg-
Augustenberg , famille collaté-
rale de celle qui règne en Dane-
mark aujourd'hui. Il vil le trône
qui lui était promis, et ne put y
monter. Né en 1764, il fut dé-
signé, après quelques campagnes
en Allemagne et en Noruège, où
il montra du talent et dt; la bra-
voure, pour successeur au trône
de Ch:ules XIII {> oyez Charles
XIII). L'adoption du prince-royal,
ratifiée par les états, et sanction-
née par l'adhésion des représen-
tans de la nation, remplissait à
la fois les vues du roi, des grands
etdu peuple, qui aimaient le cou-
rage et estimaient les qualités
de Charles-Auguste. Mais peu de
temps après cette adoption, sa
santé s'altéra; des doutes sur la
nature de son mal se répandirent
dans le public. Comme pour met-
tre fin aux discours qui faisaient
naître ces soupçons, la mort vint
le saisir d'une manière acciden-
telle et inattendue. Il tomba de
cheval, et mourut à l'instant, le
18 mars i8io. Telle est l'absur-
dite des opinions du vulgaire,
que la foule , témoin d'un acci-
dent si évidemment l'elTet du lia-
ai
32a CHA
sard , s'en prit de la mort de son
idole à quelques nobles, qu'elle
lapida. La comtesse Piper, long-
temps en danger, fut oblig«;e de
s'enfermer dans un cliâteanfort ;
son Irère eS^ilra sons le bâton et
les j)it*rres d'une populace stupi-
de , qui aurait dû se contenter du
moins d'assommer le cheval du
malheureux prince.
CHARLES -EMMANUEL IV,
fds aîné de Victor-Amédée III,
roi de Sardaigne , est né le 24
mai 1751. Sa jeunesse fut confiée
au savant et pieux cardinal Ger-
dil, qui ne s'est pas assea souve-
nu du mot de Laurent de Médi-
cis : Les peuples ne se gouverneni
point avec despatenôtres ( ipopo-
li non si governano co' patenol-
tri"). La religion exerça son in-
fluence sur la vie entière de Char-
les-Emmanuel, et ne le protégea
pas contre les infortunes tempo-
relles et les orages de la politique :
malgré son amour pour la paix,
et son désir de garder la neutra-
lité dans les troubles de l'Europe,
le mariage de ses deux sœurs a-
Tec le comte de Provence (S. M.
Louis XVIII), et MoMsiEi'B (comte
d'Artois), et son propre mariage
avec la sœur de Louis XVI, en
l'unissant plus étroitement à la
maison de Bourbon, l'associèrent
aux désastres de cette auguste fa-
mille. Il n'était encore que prin-
ce-royal, quand son père, ayant
donné aux princes français un a-
sile dans son palais, se vit atta-
qué par la France, en 1792, per-
dit une grande partie de ses étals,
et fit la paix avec le général lio-
nanarte , après la bataille de Mon-
dovi et la retraite des Autrichiens.
Charles-Emmanuel IV, surLe trô-
cnA
ne , après le second traité de paix
(octobre I7<)()), élait destiné à des
épreuves plus pénibles encore;
son règne fut court, passif, îaible,
incertain et nialhcureux. Quel-
ques démarches furent laites par
son gouvernetnenl pour se con-
cilier le directoire; des persécu-
tions dont la violence élait du
moins intempestive, furent diri-
gées contre l'esprit de liberté qui
se répandait en Piémont ; le roi
s'engageait en même tempsàfour-
nir au moins 10,000 hommes i\ la
France, et à laisser à ses armées
passage libre à travers le Piémont:
cet esprit de vertige annonçait un
état désespéré. La révolte était
partout, et quand Charles-Em-
manuel prit les armes , la France
les lui fit tomber des mains. Sa
citadelle reçut garnison françai-
se en 1798; l'année suivante il
se réfugia en Sardaigne , désa-
voua les démarches qu'on lui a-
vait fait faire contre son propre
intérêt, apprit bientôt la mort de
la reine sa femme, et abdiqua, en
1803, une couronne dont il n'a-
vait senti que le poids. Bien que
la situation de ses états, et le
malheur des temps, rendissent la
position d'unroide Sardaigne ex-
trêmement difficile, il n'estpoint
de poste où le courage, la force
d'âme et la prévision d'un coup
d'œil habile ne trouvent quelques
moyens de salut. Mais malheu-
reusement Charles-Emmanuel ne
possédait aucune de ces qualités.
Ce prince est mort i\ Rome le 6
octobre 1819.
CHARLES-LOLIS DE LOR-
RAINE (archidic d'Autriche), est
né le i5 septembre 1771. Quoi-
que la fortune des armes franrai-
CHA
>c9 l'ait plus d'une fois accablé
dans les campagnes où il a joué
un rôle si important, TAulriche n'a
pas eu dans ces derniers temps
de meilleur général. Il comuien-
ça par servir sous Cobourg, en
1795; fui nommé gouverneur et
capitaine-général des Pays-Bas ,
graud'croix de Tordre de Marie-
Thérèse, feld-maréchal , lieute-
nant-d'empire, et prit, après la
mort deClerfayt, le commande-
ment de l'armée autrichienne sur
le Rhin. Battu près de Radstadt,
par Moreau , il sut opérer une
jonction iinporlante et habile ;
iorça .lourdan. qui venait de bat-
tre Wartensleben, de repasser le
Rhin , et Moreau de faire cette
belle retraite, si admirée d<; l'Eu-
rope : ainsi Vienne se trouva mi-
se à couvert, et tout le résultat
de cette campagne lut à l'avan-
tage de l'archiduc. Cependant
l'Aolriche en relira peu xle fruit;
au lieu de pouvoir se porter sur
l'Italie, l'archiduc l'ut obligé de
demeurer en Allemagne , prit
Kebl et Huniugue, déploya de-
vant ces deux villes un grand sa-
voir militaire; et quand il reçut
l'ordre d'aller coml)atlre le géné-
ral Bonaparte en Italie, il trouva
des affaires désesiHirées , un capi-
taine invincible, une armée vic-
torieuse qui venait de détruire
(^uatr<^ armées autrichiennes, et
des adversaires tels <pie Masséna
et Berniidotte : battu au Taglia-
mento, il signa les préliminaires
de la paix à Léoben. C'est là que
Bonaparte laissa échapper ca mot
si flatteur pour le prinoe Charles:
L'AulricUe m'a envoyé quatrt
ftrnti'fi ilv .suite sans f^cnéraux ;
iiufourd' liiù elle m'envoie un gé-
CHA 3u5
ncral sans armée. Votre cabinet
de Vienne est bien inepte. Cette
phrase, qui s'adressait au général
autrichien Merfeldt , était bien
dure pour Wurmser, Beaulieu,
Devins et Alvin.iv; mais rendait
une complète justice auxtalens du
prince Charles, l'in efiet, c'est, a-
près Clerfayt, le meilleur général
auiriehien de l'époque. En if|)9,
on k; vit reparaître , à la tête dos
armées d'Aulrithe, et battre enco-
re Jourdan, en Souabe , où il dé-
ploya tme connaissance profonde
de la tactique militaire. A Sloc-
kack, il se conduisit avec un ra-
re courage. Masséna l'attendait en
Suisse ; contre un si habile adver-
saire, il ne manqua point d'habi-
leté. Mais une manœuvre, dont
l'ordre partait de trop haut jtour
être discutée , et qu'il exécuta
trop bien , découvrit l'aile droite
des Russes, et décida le sort de
la campagne. Souwarowetlacour
s'en prirent à l'archiduc : bientôt
dégofité par quelques intrigues,
et par l'incertitude desi.'hancesde
la guerre, qui avaient-plus d'une
fois contrarié ses savantes combi-
naisons, il prétexta le dérange-
ment de sa santé; se retira, fut
chaigé pendantquelque temps du
gouvernement de la Bohème,
et eut la triste consolation de voir
les revers de l'armée se multiplier
depuis sa "retraite. On le rappela:
il n'était plus temps; la bataille
de Hohenlinden était donnée; les
Français étaient il trente lieues de
Vienne; il ne put rieu opposer A
un mal si pressant, et signa leî-
préliminaires du traité de Luné-
ville. Ministre de la guerre, après
ce traité, il déploya autant de sa-
gesse que de modestie; réduisit i
V
Sa/i
Cil A
un nombre d'nnnées fixe le temps
(lu «eivico mililaire , et refusa le
niomiiiienl que, d'après la propo-
sition (lu roi de Suède, on vou-
lait lui ériger. Rivarol eût nom-
mé cela une ironie en marbre.
Les hostilités recommencèrent en
180;"): il montra des taleus dans
la nouvelle campaj^^ne qu'il sou-
tint contre Masséna; mais la for-
tune et le génie de Bonaparte,
qu'il avait déjà éprouvés, l'écra-
sèrent enfin. Après de longs com-
bats il se relira par le Tyrol. Cet-
te retraite, savamn)ent conduite,
épargna le sang des hommes, et
conserva la seule armée que l'Au-
triche eût encore. Digne même
par ses revers du titre de généra-
lissime , qui lui fut conféré à son
retour; à peine l'eut-il accepté,
que les désastres succédèrent aux
désastres. Il reprit les armes en
1809, s'élança sur la Bavière, et
sentit bientôt toute la puissance
des armes françaises. A Essling,
il battit les Français, et priva
l'empereur d'un de ses meilleurs
généraux, le maréchal Lannes;
mais à Eckmuhl, à Ratisbonne,
et môme à AVagram , où les Fran-
çais firent peu de prisonniers, les
Autrichiens furent écrasés ; l'ar-
chiduc S€ trouva forcé d'invoquer
l'humiliation du traiLé de JVa-
grani. Accablé sans doute par
tant de revers, que ses talens n'a-
Taient pu détourner, l'archiduc
déposa l'épée pour ne la plus re-
prendre ; et son rôle, depuis cet-
te époque, a été purement pas-
sif. L'Europe, accoutumée aux
choses étranges, le vit, sans trop
de surprise, s'entendre avec Ber-
tlîier pour l'accomplissement du
mariage de Napoléon et de l'ar-
cnA
chiduchcssc Marie-Louise; repré-
senter l'empereur des Français à
la cérémonie qui se fit à Vienne ;
plac«.'r l'auiieau nuptial au doigt
(le sa luèce, et la conduire jus-
qu'aux frontières de France : toi
a été son dernier acte. L'étude de
la stratégie, et la théorie d'un
art qu'il a long-temps pratiqué a-
vec plus de talent que de succès,
l'ont occupé depuis^cette époque,
dans la retraite où il vit avec la
princesse de Nassau-^Yeilbourg,
son épouse. Il a écrit l'histoin;
de ses campagnes; ouvrage que
les tacticiens considèrent comme
1 un des meilleurs de ce genre.
CHARLES PHILIPPE (Mo>-
siEvu, COMTE d'Artois, ET FRÎiRE de
Lovis XVIll), naquit à Versailles
le ç) octol)re ij^j. Il épousa, en
1773, Marie-Thérèse de Savoie,
sœur de l'épouse du comte de
Provence : le duc d'Angoulème,
le duc de Berri, et la princesse
Sophie, morte en bas âge, ont été
les fruits de cette union. Elevé ù
la cour de Louis XV, le comte
d'Artois, dont la jeunesse com-
mençait quand son frère Louis
XVI uionta sur le trône, parut en-
traîné par le goût alors dominant
de la dissipation. Une anecdote de
ce temps a eu trop de publicité
pour qu'il soit permis ici de n'en
pas faire mention. Au milieu du
liai de l'Opéra, en 1778, ce prin-
ce arracha le masque de la duches-
se de Bourbon. L'offense était pu-
blique; le duc obtint la réparation
qu'il ne put éviter de demander;
mais les suites n'en furent point
funestes. On trouve les détails de
ce duel dans les mémoires du ba-
ron de Bezenval. L'année précé-
dente, au mois de mars, le comle
en A
«VArtois avait été chargé de visi-
ter une partie de nos ports sur
l'Atlantique. En 178a, ce prince
partitcominevolontaire; il se ren-
dit auprès de Gibraltar; il passa
une semaine dans le camp de S'-
Roch, et à son retour, il fut repu
chevalier de Saint - Louis. Ces
voyages à travers la France ne lui
en faisaient pas connaître la po-
sition critique; les hommes qui se
trouvaient toujours entre le peu-
ple et lui avaient trop d'intérêt à
écarter de son esprit l'idée de tou-
te réforme sérieuse. Cependant
les notables furent convoqués en
1787. Président de l'un des bu-
reaux de cette assemblée, ce prin-
ce n'imita point la conduite du
roi, ou celle du comte de Proven-
ce qui était aussi à la tête d'un
bureau; ilsuivit d'autresconseils:
le public s'accoutuma donc à le
regarder comme l'ennemi d'une
amélioration devenue l'objet de
l'espérance générale. Le mécon-
tentement fut extrême, et l'on ne
tarda pas à rejeter la cocarde ver-
te qu'on avait adoptée d'abord, et
qui était celle de sa maison. Ja-
mais sans doute il ne se ffit enga-
gé dans ces voies dangereuses,
s'il en eût prévu l'issue; une telle
opposition, en faisant douter de
la sincérité du gouvernement ,
contriiiua beaucoup à grossir le
parti populaire. Le 18 juillet 1787,
il avait été chargé, conjointement
avec le comte de Provence, de fai-
re enregistrera la cour des aides
les édils sur le timbre et sur l'im-
pôt territorial. C'était trois jours
après l'exil du parlement. En sor-
tant de la cour des aides, le com-
te d'Artois est vivement assailli.
Malgré les gardes qui reiitourcnt.
CHA 325
et malgré une forte haie de trou-
pes, il a beaucoup de peine à se
soustraire au ressentiment de la
multitude; mais le peuple recon-
duit avec acclamation, jusqu'à sa
voiture, Monsieur, aujourd'hui
Louis XVIIL Au moment de la
convocation des états-généraux,
la noblesse de ïartas choisit le
comte d'Artois pour son repré-
sentant; mais Louis XVI ne vou-
lut point qu'il y siégeât. C'est a-
près l'événement du i4 juillet
qu'il résolut de quitter la France,
la destruction de la Bastille lui
montrait dans les effets de l'opi-
nion publique quelque cVose de
plus qu'une émeute. Cependant
il parut à l'assemblée auprès de
Louis XVI, qui, en s'y rendant,
suivait les conseils du comte de
Provence et de M. de Liancourt
(aujourd'hui duc de LaRochefou-
caull) : elle deyait être peu a-
gréable pour le comte d'Artois, cl
l'on remarqua dans ses traits de la
contrainte ou de l'agitation. Deux
jours plus tard il partit, s'arrêta
quelque temps à Turin, vit ensui-
te à Mantoue l'empereur Léopold,
et après quelque séjour à W omis,
à Bruck près de Bonn, à Bruxel-
les, et enfin à Vienne, il se rendit
ù Pilnilz. C'est l;\ que fui donné le
premier exemple, et un des plus
frappuns. Je celle union des mo-
narques contre les conslitnlions
populaires, qui a reçu depuis le
nom de .vrti/î/^>fl///V7«c-«. L'objet des
déterminations prises à Pilnitz fut
exposé en termes plus clairs. qu'on
ne l'a fait dernièrement dans des
conventions semblables. Voici u-
ne parlic du texte de cet ancien
traité, par suite dtiquel la tran-
quillité de l'Europe, au lieu de-
3a6
CHA
Ire assurée, fut ébranlée pin» for-
tement qu'elle ne l'avait élé de-
puis des siècles, «LL. M!M. l'em-
«percur et le roi de Prusse, aj'ant
» entendu les désir» et représenta-
» lions de Monsieur et mon><ei-
«gneur le comte d'Artois, dé< la-
»rent conjointement qu'elles re-
» gardent la situation où se trouve
»le roi de France comme un ob-
»jet d'intérêt co>r»mun à tous les
«souverains de l'Europe. Ils cs-
npèrentque cet intén't ne peut
«manquer d'être reconnu par les
» puissances dont les secours sont
» réclamés, et qu'en conséquence
«elles ne refuseront pas d'em-
» ployer, conjointement avec leurs
» dites majestés, les moyens les
)>plus efficaces, relativement à
«leurs forces, pour mettre le roi
» de France en état d'affermir, dans
nia plus parfaite liberté, les bases
«d'un gouvernement monarchi-
»que également convenable aux
«droits des souverains, etaubieu-
wêtre de la noblesse française. A-
»lors, et dans ce cas, l<Mir.s dites
«majestés, l'empereur et le roi
«de Prusse, sont résolues d'agir
«promplemenl d'un mutuel ac-
«cord. avec les forces nécessai-
»res, pour obtenir le but proposé
»en commun. En attendant, elles
«donneront à tein> troupes les
«ordres conTenables pour qu'el-
«les soient à portée de se mettre
» en activité.» Le prince avait réus-
si dans cette négociation ; mais
les puissances qu'on n'avait pas
consultées en prenant une réso-
lution de cette importance, s'en
plargnireut, et le roi lui-même ne
jugea pas à propo.« d'en admirer
le désintéressement. La cour de
Vienne fut donc obligée de susr
CHA
pendre Teffet de ses promesJ'cs ;
elle refusa môme d'autoriser l'é-
tablissement d'un dépôt de recru-
tement dans les Pays-Bas. Dès
que Louis XVI eut accepté la
constitution, il invita le comte
d'Artois à revenir en France, et
il lui envoya le décret par lequel
étaient déclarés ennemis de l'état
les Français qui ne rentreraient
pas avant le i" janvier i7«t2. Les
princes étaient à Coblentz. Ils joi-
gnirent à leur refus une procla-
mation qui ne laissa plus espérer
de voir la famille royale réunie
auprès de son chef. On se prépa-
ra donc à la g«erre. L'assemblée
législative, après avoir décrété
d'accusation lccomted'Artoi.s,dc9
le 2 janvier i 792, supprima, le \f)
mai, le traitement d'un million
que lui assignait la loi constitu-
tionnelle, et déclara ses rentes
apanagères saisissables par ses
créanciers. Le prince était alors
à'Turin, d'où il soutenait les inou-
vemens qui. s'étaient déjà mani-
festés à Lyon, et dans quelques
autres lieux : bientôt il alla pren-
dre le commandement d'un corps
d'émigrés qui se préparait à en-
trer en Champagne avec les trou-
pes de la Prusse et de l'Autriche.
On sait de quelle manière se ter-
mina celte incursion en Champa-
gne : les émigré» furent mécon-
tens des opérations des alliés, et
ceux-ci prétendirent qu'on les a-
vait engagés dans im faux pas.
Après cet événement , les princes
se retirèrent en \N estphalie, dans
la ville de Ham. où ils apprirent
la mort funeste de Louis XVI. Le
comte de Provence prit le titre
de régent, et son frère, nonimw
lieutenant -général du royaume.
en A ^
partit pour la Russie : il espérait
obtenir contre la France l'inter-
vention de Catherine II. Elle l'ac-
cufillit avec la plus grande; dis-
tinction, lui préstMita elle-iiiOuie
une riche épée , et lui dit»: « J'es-
»père que vous vous eu servirez
»pour le rétablissement et la gloi-
»re de votre maison. » On a cru
que les diamans de cette épée a-
vaient été vendus pour soulager
des émigrés dénués de ressour-
ces; mais d'après une lettre du
prince au maréchal de Broglie, il
paraît au contraire quel'épée ven-
due n'était pas celle dont il s'a-
git, mais une autre que Louis XVI
avait donnée au ducd'Angouléme.
La Ilussie s'était engagée à four-
nir 20,000 hommes , l'Angleterre
devait les solder, et les transporter
sur les côtes de France; mais on
ne se hâta point de remplir ces
promesses, et le comte d'Artois
resta dans la ville de Ham. Quel-
que temps après , il se décida ù
passer en Angleterre, où il était
attendu. Bientôt il s'embarqua sur
l'escadre du commodoreWarren,
et après être resté en croisière ,
il descendit à Ille-Dieu le 29 sep-
tembre. L'attente de ces secours
étrangers, et l'arrivée du prince ,
avaient ranimé les chels ven-
déens; mais il reçut de Londres
des dépêches qui le déterminèrent
ù se rembarquer; ce départ dé-
concerta plusieurs des chefs de
l'armée royale. De retour dans la
Grande-Bretagne, ce prince alla
résidera Edimbourg. Kn 1790» »'
quitta l'Kcosse pour rejoindre, au
lond de la Suisse, l'armée de Con-
dé réunie aux Ausses que com-
mandait Korsakow; mais n'étant
arrive qu'après la défaite de ce
CHA
537
général , il reprit la mute de l'An-
gleterre, d'où il ne put protéger
long-temps l'infructueuse persévé-
rance de la Veadée. Monsievr (le
comte d'Artois) avait refusé de si-
gner sa renonciation à la couron-
ne, et la paix d'Amiens le contrai-
gnit de retourner ù Edimbourg;
mais l'Angleterre n'ayant pas tar-
dé à rompre le traité, il revint à
Londres, et se fixa, en 1809, au
château d'Hartwell , dont Louis
XVIII venait de faire l'acquisition
pour y réunir sa famille. En ibi3,
MoNsiEuu se rendit sur le conti-
nent, et s'approcha des frontiè-
res, afin d'examiner les suites que
pourrait avoir l'invasion de la
France. Au mois de février 1 8 14»
il passa le Rhin. Il était à Vesoul
lorsque les plaintes laites au con-
grès de Châtillon par le duc de
Vicence l'obligèrent à rétrogra-
der. Mais Napoléon abdiqua, et
Monsieur se présentant aussitôt,
publia, en qualité de lieutenant-
général du royaume, une procla-
mation pour annoncer solennelle-
ment le retour du bonheur public,
le triomphe de la liberté, le règne
des lois, C abolition dcUi cotiscrip-
lion, la iupprtssion des droits-^
réunis , et l'entier oubli du pas-
si'. Cinq cents grenadiers de la
garde nationale allèrent au-de-
vant de Mo5siEi'R jusque dans
les bois de IJondy, et c'est avec
eux qu'il fit son entrée le 12 avril
1814. Le surlendemain, le .sénat
lui remit lautorité, en attendant
l'arrivée de Louis. XVIII, Le i5,
le prince répondit par un discours
écrit à la harangue du président
du sénat. Il fit ol)server «/«'<V«'//-
vait point reçu du roi de pouvoirs
pour accepter une constitution.
5i'.8
CHA
Mais il assurait sans hcsitcr que
les bases en seraient admises
d'autant plus que le roi son frère,
en déclarant qu'il maintiendrait
la forme actuelle du gouverne-
ment, avait reconnu que la mo-
narchie- devait être pondérée par
une représentationdivisée en deux
chambres, et que la nation devait
jouir de la liberté individuelle, de
Ici liberté de la presse, enfin de tous
les droits pour lesquels on avait
combattu si long -temps. Alors
MoKSiEUR forma son conseil, et,
le 16, il révoqua les premiers
commissaires chargés d établir le
gouvernement royal. Ils avaient
outre -passé leurs instructions;
mais les commissaires extraordi-
naires, qui furent envoyés dans
les départcmens, ne se conduisi-
rent pas avec plus de sagesse. Les
archives de l'Etat de l'église , et
d'autres objets saisis à Rome par
l'ordre de ISapoléon, furent res-
titués au pape. Les prisonniers
qui n'étaient détenus (\ue pour a-
voir manqué aux lois relatives à
la conscription, furent mis en li-
berté. On supprima pour le mo-
ïiient les cours prcvôtales; on a-
bolit les tribunaux des douanes,
et l'on cessa de percevoir le déci-
me par franc dans l'impôt des
droits-réunis. En donnant audien-
ce au consistoire des réformés,
Monsieur déclara que le roi se
plaisait à embrasser également
dans ses affections les Français
de tous les cultes, comme il comp-
tait sur la fidélité, sur le dévoue-
ment de tous. Si donc on vit'les
cours prevôtales remises en vi-
gueur, et même avec des attribu-
tions plus étendues, ce ne fut
qu'un peu plus lard; ce fut plus
* CHA
tard aussi que !(■■, pi nic-ian- 'c
trouvèrent en i-ioic ,1 l,i ( rimi-
nelle réaction du Midi. !). j 1 It -
Français que n'cnlniiiiiiicnt (i-is
les illusions des partis divc r^, a-
vaient reconnu la main de l'é-
tranger, en vovaiit la marine de
leur pays réduite à i3 vaisseaux
de ligne, 21 frégates, et quel-
ques bricks ou corvettes. Ils fu-
rent consternés quand le traité
qu'on rectifia le 24 avril . i(--<i-
ra la France dans ses limitt > d nu
autre temps. Sans doute Ic-^ -a-
crifices devaient être con-idéia-
bles; mais ils furent inmicnses.
Cependant quelques personnes
s'en étonnèrent peu; et d'un au-
tre côté plusieurs hommes d'état,
dans l'Europe alors triomphante,
doutèrent qu'à toutprendre l'Eu-
rope dût s'en féliciter. Détruits
parleurs divisions, les vainqueurs
de dix royaumes en devinrent
d'abord les tributaires, ensuite
les dociles alliés. Outre les droits
que la France abandonna par ce
traité, elle céda 53 places fortes
occupées par ses troupes, i ?.,ooo
bouches à feu, 5i vaisseaux de
haut bord, et 1 2 frégates. Lorsque
Louis XVIII prit possession du
trône, Monsieur fut nommé co-
lonel-général des gardes nationa-
les de France , et colonel-géné-
ral des Suisses. La même année,
au mois de septembre, il parcou-
rut une partie des départemens
méridionaux; il visita Lyon, Mar-
seille , Avignon. La nouvelle du
débarquement de Napoléon en
181 5, parvint à Paris le 5 mars;
et dès la nuit du 5 au 0, Moî^siecr
partit pour Lyon , où il arriva
dans la matinée du 8. 31ais cette
disposition des esprits sur laquel-
CHA
le avait compté Napoléon, oppo-
sait trop d'obstacles à Monsieur.
Abandonné des soldats et de tout
le peuple, il quitta Lvon; un seul
homme l'accompagna, c'était un
officier de cavalerie. Le i(j mars
MoNsiEi'R se rendit avec le roi au
corps-législatif, et prenant la pa-
role après Sa Majesté, >'il jura, au
«nom de Ihonneur, fidéliu' au
»rui et à la chnitc.n Les efforts
que l'on fit pour mettre Paris en
état de défense étant inutiles,
une heure après le départ du roi,
MossiEiR se vil forcé de partir
lui-même avec le duc de Berri.
De retour à Paris, le 7 juillet, il
présida le collège électoral de la
capitale, et dans cette circonstan-
ce il se concilia généralement les
esprits. Le 1" septembre le roi
lui donna deux compagnies de
gardes -du -corps. A l'ouverture
de la chambre , le 7 octobre ,
Mo!«siErR renouvela, comme les
autres princes, le serment de fi-
délité à la charte. Durant cette
session, il présida le i" bureau
de la cliani!»re des pairs. Les amis
de l'ordre constitutionnel ne le
rirent point sans regret autori-
ser les restrictions avec lesquel-
les MM. de Polignac et de La
Bourdonnaye prêtaient leur ser-
ment, en qualité de pairs de Fran-
ce , restrictions que la religion
n'exigeait en aucune manière.
Mais lieux jours après, le duc de
Fitz-.Iames ayant proposé que la
chambre votât des reniercîmi-ns
au diicd'Angoulênie , ;i l'occasion
de son entreprise dans le Midi,
MoMsiEiR dit, en s'y opposant :
Français, et prince français , le
duc d'Ànpoiiténu: p ut-il oublier
que c'est contre des Franeais é-
ClIA
029
garés qu'il a été forcé de conihat-
tre?i> Cette même année la garde
nationale fit graver une médaille
pour la fête de Saint-Charles. Le
comte d'Artois a fait dans l'inté-
rieur de la France des voyages
momentanés, et a été nommé
président de divers bureaux de la
chambre des pairs. Depuis quel-
ques années les princes n'y siè-
gent plus; peut-être cette inaction
n'est-elle conforme ni aux prin-
cipes du gouvernement co.nstitu-
tionnel, ni aux intérêts de la dy-
nastie. Le comte d'Artois est le
créateur et le distributeur de la
décoration du lis.
CHARLES FERDINAND DE
BOL^RBON (dcc deBerri, fils de
MONSIEUR, COMTE d'Artois), naquit
à Versailles le 2^ janvier 1778.
Ce prince a paru doué d'un heu-
reux naturel, mais son éducation
fut très-imparfaite. Il n'en faut
pas accuser entièrement le duc de
Serent à qui elle fut confiée; les
circonstances y eurent beaucoup
de part; elles forcèrent les ))rin-
ces d'errer dans les diverses par-
ties de l'Europe, et ne permirent
pas de surmonter les obstacles
que pouvaient présenter les fai-
bles dispositions du jeune duc de
Berri. Si nous ne sommes pas ici
d'accord avec quelques écrivains
distingués d'ailleurs, on ne s'en
étonnera point. Ils paraissent n'a-
voir vu dans des notices, qui se
rattachent i\ l'histoire, que des
occasions de louanges. La vérité
sur ces objets sérieux serait à la
fois plus loyale et plus utile. L"a-
dul.ition n'est pas toujours une
perfidie, mais elle en aleseffets :
elle nuit aux princes qu'on ser-
virait uu cuuiruire,si l'un avait le
5jo CIIA
courage (le leur parler avec sincé-
rité. Après lacliute de la îi.irlille,
en 1789, le cninle d'Ailois em-
mena son (ils hors <lij la France.
Ils resiérent à Turin jusqu'au mo-
ment où la {guerre éclata. Ils s*é-
loij,nièrent alors de la cour de Sar-
daifîne, pour prendre une part
plus active à la coalition contre la
France. Après celte campaj;ne de
1792, le comte d'Artois quitta le
corps d'armée qu'il venait de
c uumander, et le duc de Jierri
alla rejoindre le prince de Coudé
«jui Iç. mit à la tête d'un corps de
gentilshommes, appelés les c^ias-
■scurs nobiis. avec lesquels il pas-
sa depuis au service de ftussie.
Aisément le duc de Beiri contrac-
ta les habitudes des c:mips; elles
s'accordaient en général avec sa
franchise un peu hrusque et son
hmneur fougueuse, avec un ca-
ractère essentiellement bon, mais
étranger ù ce genre de délicatesse
que i)roduitrélégancedes mœurs.
11 joignait au mérite assez rare de
réparer une faule^ le malheur
d*en trouver plus d'une occasion :
«Monsieur, dit-il un jour à un
«officier estimable qu'il avait of-
"fensé, et qu'il prit à part, monin-
ntention n'a pas été d'insulter un
» homme d'honneur ; ici je ne suis
«point un prince, je ne suiscom-
»me vous qu'un gentilhomme
»français; si vous exigez répara-
»tion, je suis prêt à vous donner
«toutes celles que vous pourrez
«désirer.» La paix conclue entre
la France et la Russie en 1801
décida le duc de Berri à passer
en Angleterre, où le comte d'Ar-
tois était déjà depuis long-temps.
Kn i8o5, quand les hostilités re-
commencèrent, il se rendit an
cnA
Hanovre avec Monsievr : il de-
vait prendre du commandement
dans l'armée suédoise; maisl'ou-
verture de cette campagne en fut
le terme: les princes perdirent
toute espérance, et le duc de lier-
ri retourna dans la Gramle-Bre-
tagne. Le désastre de 1812 ayant
enfin jeté l'Europe dans l'incer-
titude, le? prince*, au fond de
leur retraite, observèrent les é-
vénemens avec un inlértt nou-
veau. Ceux du commencement
de 1814 amenèrent le duc de
Berri dans l'île de Jersey, à la vue
des côtes de France. Le 12 avril,
il s'embarqua sur L' Enrôlas ; le
i5 il entra à Cherbourg, d'où il
se rendit à Rouen par Lisieux, et
le 21 il était à Paris. Dans ces
premiers momens, les militaires
trouvaient en lui la bienveillance
qui lui était naturelle. « Nouscom-
» mençons seulement à nous con-
» naître, disait-il au général Mai-
»son; quand nous aurons fait en-
» semble quelques campagnes,
»nous nous connaîtrons mieux. »
Un jour il passait en revue un régi-
ment de cavalerie ; les soldats ne
dissimulaient pas leurs regrets;
ils répétaient le nom de Napo-
léon. « Ç^nt faisait-il donc de si
)) merveilleux ? demanda le prin-
»ce avec humeur. Il nous me-
»nait à la victoire, répondirent-
»ils. Je le crois bien, reprit le
» duc; cela était bien difficile, avec
» des gens tels que vous! » Par des
mots semblables on n'efitpas fait
oublier à un peuple belliqueux la
gloire de ses drapeaux, mais on
aurait enfin obtenu sa confiance.
Cependant cettegloire, dont il eût
fallu ménager l'impérissablesou-
venir, importunait la vanité des
en A
liommes qui n'opposaient que de
vieux titres à des faits n'-ceiis.
Letir dévouement élran^ïe satta-
chait à élever une barrière entre
les princes et la nation. >iapoléon
»e présenta dans ces circonstan-
ces, et vingt jours l'amenèrent
du rivage de t'réjus au palais
des Tuileries. Dès qu'on apprit
qu'il venait de débarquer aux ex-
trémités du royaume, et qu'il mar-
chait sur la capitale, le duc de
Berri visita les casernes ; mais il
y obtint peu de succès. Le 1 1
mars il prit le commandement des
corps réunis dans Paris et dans
les environs : la plupart n'atten-
daient pour reconnaître Napo-
léon que son arrivée. Le duc tle
r»frri quitta la capitale dans la
nuit du 19 au ao mars, et il se
diriftea vers Lille, par Bcauvais,
Ald)e\ille et fiéthune. On asstire
qu'à son arrivée dans celle der-
nière ville, le prince trouva trois
cents hommes dont les disposi-
tions n'étaient pas équivoques.
On voulut pourtant les enj^ager
à crier ruve le roi, le cri de vive
i'tmptrtur fut leur réponse. La
troupe qui accompagnait le duc
ftroyait devoir charger ces témé-
raire«t; il g'y opposa, disant qu'il
ne voulait d'autre vengeance que
de les lai>.Her sains et saufs. Alors
CCS solfiais mêlèrent au cri de vi-
ve l'empereur celui de vive le
(lue rie Berri. Ku sortant de Ué-
thfiuc, où rabandonnèrent pour
la plupart ceux qiji l'avaient es-
corté jusque là. il fut poursuivi
]>ar quehfues lanciers; mais il
passa la frontière, et, le 28, il re-
jnigr>itleroi «Uns la ville de(iand.
Lue partie de la maison militai-
re de Louis WIIl l'avait suivi ;.
CHA 35i
elle fut cantonnée dans Alost et
aux environs ; le duc de Berri en
eut le commandement. La batail-
le décisive de AVaterloo, gagnée
par les aroiées étrangères, per-
mettant à la famille royale de ren-
trer promptement en France, le
duc de Berri, parti d'Alost le 21
juin, arriva le 24 par Bavai, au
Gâteau- Cambresis. Louis XVllI
ayant fait son entrée à Paris le 8
juillet, le duc de Berri quitta le
commandement de la maison du
roi un mois après, et en présidant
le collège électoral du départe-
ment du jSord , il témoigna
aux habitans sa reconnaissan-
ce pour leur dévouement. Mais
il ne s'expliqua point sur la
charte dans les termes qu'il avait
employés au mois de mars; s'il
la nonima «lans son discours, ce
fut en rappelant qu'elle avait été
concédt'C. Cependant à l'ouvertu-
re des chambres, le duc de Berri,
comme les autres princes, en ju-
ra le maintien. Il assista ajix pre-
mières séances de la chambre des
pairs, et même il fut élu prési-
dent d'un des bureaux, mais en-
suite il cessa d'y paraître. Le ma-
riage du duc de Berri avec la prin-
cesse Marie - Caroline - ïhétèse,
fille aînée du prince royal des
Deux-Siciles, fut célébré le 17
juin 181O. Dès le 2H mars cet é-
vénement avait été annoncé aux
chambres. Le uîiuistère proposa
d'ajouter un million à la somme
iixée précédenunent pour l'apa-
nage du duc de Berri, et la cham-
bre des députés accorda aussitôt
quinze cent mille i'rancs; mais le
prince déclara qu'il en consacre-
rait l<î tiers au soulagement de*
can lotis que la présence des eu-
532
CHA
iiemis avait le plus accablés. De-
puis ce moment on remarqua
chez le duc de Berri des disposi-
tions chaque jour plus populai-
res. Toutce qu'ilavait vu en i8i5
avait fixé ses idées sur les besoins
et sur les intentions delà France ;
il parut sourd aux conseils de
ceux dont la persévérance deve-
nait de l'aveuglement. Soit vers
le commencement de mars, soit
durant les cent jours, et même
après le mois de juin, il avait dû
sentir que des institutions libéra-
les seraient désormais la premiè-
re nécessité de l'état. On n'avait
pu l'empêcher de comprendre
qu'il est dangereux dé méconnaî-
tre les vœux éclairés d'une nation
à qui l'énergie ne manque guère
quand elle voit un but digne d'el-
le. Ces réflexions, cette sorte de
maturité, rendaient le duc de Ber-
ri suspect aux hommes que de
tels changemens alarment d'au-
tant plus qu'il leur est difficile de
réparer leurs pertes. Mais préci-
sément lorsqu'il leur était moins
cher, un attentat vint détruire les
espérances que les amis de l'or-
dre constitutionnel plaçaient dans
le duc de Berri. Un homme d'un
oaraétère sombre, et qui depuis
«:inq ans nourrissait une pensée
implacable, Louvel, le frappa d'un
poignard, au sortir de l'Opéra, le
i5 février 1820. Le prince expi-
r;i dans la matinée du lendemain;
il avait demandé la grâce de son
meurtrier. Ceux qui ontpoursys-
tème de miner sourdement des
institutions dont ils n'aperçoi-
vent point la base inébranla-
ble, se servirent avec une gran-
de présence d'esprit Je c'e dé-
plorable événement pour calom-
CHA
nier la nation elle-même. Si la
procédure dirigée contre Lou-
vel n'a pu tout éclaircir, du
moins elle a fait justice de ce»
imputations qui avaient été re-
produites avec un acharnement
ridicule.
CHARLES IV (noi d'Espagne,
FILS DE CbaBLES III, ET DE MaRIE-
AméliedeSaxe), naquit à Naples,
le 11 novembre 174^. Lorsqu'en
1^59 Charles monta sur le trône
d'Espagne, en remplacement de
son frère, Ferdinand VI, qui ve-
nait de mourir, l'infant don Car-
los, à peine âgé de 11 ans, fut
proclamé prince des Asturies, et
créé chevalier du Saint-Esprit, le
18 mai de l'année suivante. Il é-
pousa, à l'âge de 17 ans, Marie-
Louise, infante de Parme. Son pè-
re ne lui laissant point prendre
part aux affaires publiques, le jeu-
ne prince, qui était d'un caractè-
re violent, poursuivit un jour,
l'épée à la main, le ministre-mar-
quis de l'Esquilache, qu'il accu-
sait d'avoir suggéré cette résolu-
tion au monarque ; mais ce minis-
tre fut remplacé par le comte
Floridablanca, à l'occasion de l'in-
surrection qui éclata à Madrid, en
1772. Charles III étant mort, en
1789, son fils lui succéda, sous le
nom de Charles IV. L'avènement
de ce prince produisit un change-
ment subit. D'emporté qu'il était
dans son caractère, il devint tout à
coup, malheureusement pour lui
et pour ses peuples, bon jusqu'il
l'excès. C'était à regret qu'il si- ' »
gnait les sentences de mort; et 1
sous ce rapport, sa bonté n'était
pas une faiblesse. Il fut de bonne
heure entièrement subjugué par
sa femme, et cet asservissement
CHA
fut l'origine de la faveur dont il
combla don Manuel Godoï, con-
nu depuis sous le titre de prin.'
ce de ta Paix {yoytz Godoï),
qui lui fut présenté par cette prin-
cesse. Bientôt ce favori de la rei-
ne devint celui du monarque , qui
lui accorda toute sa confiance, le
nomma son premier ministre , et
lui conféra le titre deducd'Alcu-
dia. C'était en 1792, à l'époque
où la révolution française deve-
nait menaçante pour tous les trô-
nes de l'Europe. Mais ni les solli-
citations des autres cours, ni les
conseils du nouveau ministre ne
purent déterminer Charles IV àen-
trer dans la coalition formée con-
tre la France. Cependant, quand
il fut question de juger Louis XVT,
le gouvernement espagnol, qui é-
taitseul resté allié du gouverne-
ment français, crut pouvoir in-
tervenir utilement dans cette af-
faire. Charles IV fit remettre par
son ministre à Paris , une lettre
à laconvention nationale, dans la-
quelle il exprimait beaucoup d'es-
time pour la nation française, et
d'intérêt pource malheureux mo-
narque. La lettre fut présentée à
la convention le 20 janvier 1795,
veille du jour où cet infortuné
prince fut livré au supplice. Refu-
ser d'y obtempérer, c'était rom-
pre avec l'Kspagne : Charles IV
déclara aussitôt la guerre à la
France, et, dés le mois de mai
suivant, ses troupes entrèrent en
campagne. A la suite de divers a-
vantages, elles s'emparèrent du
Aoussillon. Mais les Français ne
tardèrent pas à les refouler sur le
territoire espagnr)L Enfin, après
deux ans de combats, uu traité
de piiix fut conclu ù Uâle , eo
CIIA
355
avril 1795, entre les deux puis-
sances qui contractèrent, l'année
suivante, une alliance offensive
et défensive. Le gouvernement
français , aidé par le ministre es-
pagnol qui, à l'occasion du traité,
avait reçu le nom de prince de la
Paix , parvint à faire déclarer la
guerre au Portugal, par Charles
IV, en avril 1801 ; mais à peine
quatre mois s'étaient-ils écoulés,
que ce monarque s'empressa de
conclure, à Badajoz, un traité de
paix qui mettait l'infant de Par-
me en possession du trône d'Etru-
rie. L'Espagne en goûtait tran-
quillement les douceurs , lors-
qu'en 1802 les Anglais, avec
qui elle n'était point en guerre .
mais qui voyaient avec déplaisir
l'alliance étroite ménagée entre
cette couronne et la France, par
les soins de Lucien Bonaparte, se
rendirent maîtres de quatre fré-
gates espagnoles , sans aucune
déclaration préalable d'hostilités.
Lue escadre française accourut
au secours des Espagnols; mais il
n'y eut point d'engagement gé-
néral jusqu'à la fameuse bataille
de Trafalgar, en novembre i8o5 ,
où périt l'amiral anglais Nelson
[voyez Nelsok et Collixgwood).
L'Espagne ne se sentit point dé-
couragée par ce revers , et elle
fournit encore des troupes et de
l'argent à la France , pour conti-
nuer la guerre contre l'Autriche
et la Russie. Charles IV, au mois
d'octobre de la même année , a-
vail publié un édit contre l'émi-
gration espagnole. Au commence-
ment de i8o(), il s'fmpara d'une
partie de* biens ecclésiastiques ,
pour les besoins de l'étal; et il ap-
pliqua aux soldats blessés de Tra-
334
CHA
falgar, et aux parens de ceux
qui avaient péri dans ce funeste
combat, des dons gratuits four-
nis par la générosité des citoyens,
à laquelle il avait fait un appel gé-
néral. Le roi de Suéde ayant dé-
claré la guerre aux alliés de la
France , Charles IV ferma ses
ports aux vaisseaux suédois. Veri
îe même temps, 18,000 Espa-
gnols de troupes d'élite furent en-
voyés dans le Nord, sous le com-
mandement du marquis de L;i Ko-
mana, pour renforcerles Français
devant la place de Slralsund,(ians
la Poméranie suédoise. La prin-
cesse de Naples, épouse du prin-
ce des Asturies [voyez Ferdinand
VII), étant morte en i8o5, ce
prince eut des conférences secrè-
tes avec l'ambassadeur Beauhar-
nais, qui lui proposait d'épouser
la fdie aînée de Lucien Bonaparte
(voyez Bonaparte Lucien). Dans
une lettre adressée à Napoléon,
Charles IV se plaignit hautement
de cette négociation entamée à
son insu, et fit arrêter le prince
des Asturies, le apoctob^e 1807.
Cependant il lui rendit la liberté
quelques jours après, et témoi-
gna même le désir d'abdiquer en
sa faveur. Sur ces entrefaites, ou
vit entrer et s'avancer en Espa-
gne des troupes françaises, dont
le but ostensible était de pour-
suivre la guerre entreprise con-
tre le Portugal. L'occupation de
plusieurs provinces espagnoles
n'avait point encore dessillé les
yeux du roi et de son favori sur
ïe Yrai motif de cette invasion,
lorsque le chimiste Izquierdo, a-
8;et\t de ce ministre près la cour
de France, revint à Madrid en
toute hâte pour faire connaître les
CHÀ
vues secrètes du gouvernement
français. La cour d'Espagne ne
vit plus d'antre ressource que de
passer en Amérique, et crut de-
voir, pour s'y préparer et pour
dissimuler cette intention, pré-
texter un voyage en Andalousie.
Ce projet ayant bientf'it transpiré,
le peuple irrité s'insurgea à Aran-
jnez, le 17 mars 1808, contre le
prince de la Paix, à qui on l'at-
tribuait généralement; et le mê-
me jour, Charles IV abdiqua la
couronne en faveur de scm lîls.
Ce prince, en descendant du trô-
ne, voulut sauver les jours de
son favori, qui étaient menacés
par le peuple. [Mais n'ayant pu ob-
tenir la liberté deGodoï, il soup-
çonna Ferdinand d'avoir été l'ins-
tigateur de l'inpurrection pour en-
lever à son père le sceptre et mê-
me la vie. Il recourut alors à Na-
poléon, en le prenant pour arbi-
tre entre lui et son fils. De son
côte , Ferdinand se laissa persua-
der par des agens français de se
rendre à Bayonne , où Napoléon
parvint également à faire venir
Charles IV avec son épouse, et le
prince de la Paix, qui avait été
remis en liberté. Ferdinand fut
alors obligé de rétrocéder le trô-
ne à son père, qui le lui redeman-
dait, et qui en disposa aussitôt eu
faveur de Napoléon, chargé de
choisir, dans l'intérêt de la na-
tion «spagnole , la dynastie et la
personne qui régneraient sur el-
le. Napoléon céda ce trône à son
frère Joseph, qui occupait alors
celui de Naples. La f.imille royale
d'Espagne sanctionna cette nou-
velle union à Bordeaux, le 13
mai 180H. Charles IV se rendit à
Fontainebleau, puis à Conipic-
CHA
gn^, escorlc par une partie de la
garde impériale. Quelques mois
après , trouvant le climat trop
froid pour sa santé, il s'établit à
Marseille, avec la reine sa fem-
me, le prince de la Paix, Tinfant
don François de Paule, et la rei-
ne d'Étrurie. En 1811, Cliarles
IV se retira à Home ; il y habita
le palais Bfjr^hèse avec toute sa
tamille, qui était composée de la
reine, de rinlant don François de
Paule, de la jeune duchesse d'A-
cudia, tille du prince de la Taix
et de la princesse de Bourbon, et
le jeune roi d'Etrurie. Sa maison
était modeste : un g'rand-maître,
le com te de Saint- Martin, Pjémon-
tais, un cliambellan faisant fonc-
tion de préfet du palais , un au-
mônier, ou confesseur, un méde-
cin et un chirurgien, composaient
tout son service. Deux dames
d'honrjeur étaient attachées à ce-
lui de la reine, La duchesse de
Branciforte, sœur du prince de la
Paix, était l'une d'elles. Le roi se
livrait à des occupations simples,
vivait dans son intérieur comme
un particulier, faisait de la mu-
sique, se promenait en voiture
deux fois par jour, achetait des
tableaux, et ne cachait à person-
ne le prix qu'il attachait à cette
existence uiodcste et privée. Je
SUIS plus heureux iciqu'à l'Escu-
riat , disait -il souvent. A Rome
je fni.1 ce que je veux. L'expres-
sion de re sentiment ne trouvait
p{is d'écho autour de lui. Enfin
cet excellent homme , qui fut un
prince si malheureux , avait si
bien pris les hal»itudes et les
moeurs de sa position à Rome,
que nialgré soji ardent catholi-
rismc, il fut un des premier» ac-
CHA
•^-.îî
quéreurs de biens du clergé dsv.s
cette capitale du monde chrétien :
il y acheta deux couvens voisins
du prieuré de Malohe, les réunit
par une communication, et y lit
une galerie, où il s'amusa à réu-
uir les tableaux de toute sorte de
valeur, qu'il allait lui-même ache-
ter dans les greniers de Rome.
Ln des principaux fonctionnaires
de Rome, à qui le roi Charles IV
parlait de la vocation que l'infant
don François de Paule semblait
prendre pour l'état ecclésiasti-
que, lui dit : Sire, eh bien, ce
sera un cardinal de Bourbon.
Non, répondit le roi, un abbé dt
Bourbon. C^est assez, et je le lo-
gerai dans ces couvens tjue j'aia-
chetéfy. La bonté, la simplicité et
la charité de ce prince rendent sa
mémoire chère à jamais, à tous
ceux qui ont été assez heureux
pour le voir de près dans son in-
fortune , et aux pauvr«!S , qu'il al-
lait chercher lui-mêmç. Eu i8i5,
Charles IV se réconcilia avec son
fils, et conclut un traité par le-
quel le nouveau roi se soumettait,
lui et ses successeurs, i\ payer à
ce prince une pension annuelle de
douze millions de réaux (trois
njillions de francs); plus, quinze
cent mille francs pour l'acquitle-
ment de ses dettes , et dans le cas
où Charles mourrait avant son é-
pouse, ime p«;usion viagère de
huit millions de réaux (di-ux mil-
lions de francs) à celte princessCy
en qualité de reine- douairière.
Mais elle mourut le 27 décembre
1H18, vingt -quatre jour» avant
Charles IV : ce prince termina sa
carrière à l'Age de 71 ans, le aft
janvier i8ir).
CHARLOTTE (ti pni»cEii9E)f
ôJh
CHà
de Galles, fille du roi d'Aiijtle-
terre , Georges IV , alors j)riiice
de Galles, et de CliarlotU'.-,inu--
lie (le Drnnswuk-T^VulJcnhuUel ,
est néele 7Janvieri^96. Les mal-
heureuses dissensions qui trou-
blèrent alors la paix donnestit|ue
de la lamille ro^yale , eurent sur
ses premières années une triste
influence. La permission.de voir
sa mère ne lui était donnée qu'à
certains jours , et sous la surveil-
lance rigide de quelques subal-
ternes. Elle grandit au milieu des
douleurs de sa mère, des froideurs
de son père , et dans une espèce
d'isolement, qui semblait bien
peu fait pour elle, et qui intéressa
vivement à son sort la nalion
dont elle était l'idole. Plus tard,
quand elle put mieux connaître le
sujet des différens de sa famille,
elle n'hésita pas à se prononcer
en faveur de sa mère , et déclara
avec une fermeté qui étonna la
puissance même, qu'elle ne se
détacherait jamais de celle à qui
la nature l'avait unie par les liens
les plus sacrés ; et qu'elle aimait
mieux renoncer à la cour , que
de renoncer à consoler dans ses
chagrins celle qui lui avait donné
la vie. Arrivée à l'âge de se choi-
sir un époux , elle fixait les yeux
de l'Anglçterre, qui l'appelait la
seconde Elisabeth, et qui aimait
en elle un patriotisme exclusif,
des manières gracieuses et nobles,
une beauté plus remarquable par
la franchise et la fermeté de la
physionomie , que par la délica-
tesse des traits. Sa mère craignit
que sa présence ne s'opposât au
mariage d'une fdle qu'elle aimait
trop pour qu'on voulût la rendre
témoin de son bonheur. Caroline
CHA
quitta l'Angleterre ; Charlotte ,
peu de temps après (181 4)-. épou-
sa le prince de Cobourg. Elle
n'eut avec la cour de son père que
des rapporlh d'éliquette et de dé-
cence ; vécut dans la plus pro-
fonderetraitc,averun mari qu'el-
le adorait el dont elle faisait le
bonheur; et du seii» de cette so-
lilude où elle exer^;ait la iiienfai-
sauce la plus active , se fit bénir
p.ir toute l'Angleterre, qui com-
parait les mœurs douces el pures
de la princesse avec les folles dé-
penses , les longues débauches ,
les tyraimiques prétentions de
quelques princes. La popularité
de la princesse Charlotte était de-
venue une espèce d'adoration, et
chacun attendait, en 181 5, les ré-
sultats de sa grossesse , qui jus-
qu'au dernier terme avait paru
fort heureuse , quand on apprit
qu'elle était morte avec son en-
fant!... La douleur publique fut
telle , qu'en trois jours toute l'An-
gleterre fut en deuil : celui qui é-
crit cet article en parle comme
témoin oculaire. Mille rimieurs
sinistres, mille bruits se répandi-
rent; on eût dit que la destinée
de l'Angleterre était attachée à la
destinée d'une jeune femme de 33
ans. Née dans l'exil , elle mourut
dans l'abandon de sa famille; per-
sonne n'ouvrit, personne ne fer-
ma ses yeux. Le prince de Galles
témoigna un profond désespoir; sa
cour fut silencieuse, et le peuple
garda pendant trois mois ce deuil
honorable pour lui et pour celle
qu'il pleurait.
CHAllOST (Arma>d- Joseph
DE Béthune) , pair de France, et
dignedescendantdeSully. C'était
de lui que Louis XV disait: A ous
CHA
T'oyez bien cet homme tout sim-
ple ? Eli bien ! avec si peu d'ap-
parence , il vivifie, trois de mes
provinces. Le i" juillet 1728, à
seize ans. il entend parler cIo la
bataille de Foiitenoy : l'amour de
la gloire J'entraîne ; il entre nu
service , obtient un régiment de
cavalerie , etse dislingue à la prise
de Munster, lin i7;')8,au milieu
des désastres de la France , il ("ait
porter son argenterie à la Mon-
naie ; et comme son intendant se
récrie sur la valeur du sacrifice :
«Je sacrifie ma vie pour ma pa-
»trie, répondil-il; je peux bien lui
» sacrifier aussi mes couverts.'»
La Bretagne et le Berri lui durent
lea améliorations les plus utiles.
Il perça des routes , établit des a-
telicrs de charité, abolit les cor-
vées dans ses domaines; fonda des
institutions de bienfaisance pour
les femmes eu couches, pour les
orphelins, pour les agriciiltcuffl
ruinés par les incendies ou la grê-
le ; encouragea la culture du lin
en Picardie; et fut, en n\\ mot, le
Bedford delà France. Comme ce
dernier , il soutenait à Paris une
infinité d'écoliers pauvres , qui
devenaient ensuite des hommes
utiles et souvent célèbres. Le mo-
nument élevé après sa mort dans
la commune de Meiltant, est un au-
tre trait de ressemblance entre lui
et l'Anglais justement célèbre que
nous venons de citer. Au com-
mencement de la révolution , il
fil uridon patriotique de cent mille
francs, et essuya néanmoins (|ucl-
ques persécution» sous la terreur:
mai» elles n'eurent point de suite;
et un gouvernement qui ne res-
pectait ni la vieillesse ni la vertu,
épargna cependant cette tête vé-
CHA 537
nérable. Nommé maire du 10' ar-
rondissement de Paris en 1799,
il continua d'exercer autour de
lui la plus active bienfaisance, et
finit par périr victime de son hu-
manité. La petite-vérole faisait de
cruels ravages dans l'établisse-
ment des sourds-ïnuets , dont il
était un des administrateurs ; rien
ne put le déterminer à interrom-
pre les visites particulières qu'il
y faisait : la contagion l'atteignit,
et la pairie perdit cet excellent
citoyen, le 27 octobre 1800. J^es
regrets et les éloges funèbres de
la France entière ont consacré son
nom dans la mémoire des hom-
mes. Voilà un' noble qui a -vécu
noblement !
CHAROST (Louis -François
nrc DE Béthcne) , esprit inquiet
et ambitieux, voulut se faire roi
du Brabant et y fut condanmé
conmie révolutionnaire ; il vint
chercher un asile en France , et
y fut condamné cotnme royaliste.
N'ayant pu échapper à ce dernier
jugement, il mourut sur l'écha-
faud , le îx8 avril 1794- Ses vues
étaiëntaussiélroTtesetse^moyens
aussi ntinces que ses prétentions
étaient hautes. Il voulait profiter
des troubles que la suppression
des couvens par le philosophe-roi
Joseph II avait excités en Flan-
dre, pour élever un trône en
Brabant et s'y placer. Quelques
mécontens mal enrégimentés,
deux petites villes, dont les gou-
verneurs timides avaient ouvert
le» portes; tels étaient ses pro-
grèsetsesespéranccs, quand deifx
ou trois hommes de maréchaus-
sée l'arrêtèn-nt. 11 parvint à s'en-
fuir, fulc(mdamné par contuma-
ce , et vint en France trouver la
1X1
358 ClIA
mort à 25 ans. Une si vaste aiii-
bilitui, et un bi petit personnage,
rappellent ce mot du spirituel
Champlorl : Un nain sous un
arc (if Iriotnphe.
CHARPENTIER ( le comte
HE>'nY-FRANCOis-iMARiE) , lieute-
nant général , né à Soissons le
a5 juin ijCç^ Issu d'une famille
distinguée dans la magistrature ,
l'éducation qu'il avait reçue , et
son mérite particulier, contribuè-
rent à le l'aire élever au grade de
capitaine , lors de la création du
premier bataillon des volontaires
du département de l'Aisne ; ce fut
en cette qualité que M. Charpen-
tier débuta dans la carrière mi-
litaire le 2 septembre 1791 , et
qu'il fit, à l'armée du Nord , les
cam[)agnesde 11792 et 1795. Nom-
mé adjudant-général chef de ba-
taillon lorsque les Français firent
lever le blocus de Maubeuge , il
se signala dans les premières opé-
rations sur la Sambre ; et le 10
juin 1794» parvint, sur le champ
debataille. au rangdecolonel. En
1796, il fut chargé d'apporter au
gouvernement les drapeaux de la
garnison autrichienne de Luxem-
bourg : il était cité dans le rap-
port officiel comme officier supé-
rieur d'un mérite distingué. Après
avoir assisté aux glorieuses cam-
pagnes de l'armée de Sambre-et-
Meuse, M. Charpentier passa en
Italie en 17*")9, où, le 26 mars ,
sous les murs de Vérone . il ob-
tint le grade de général de bri-
gade aux mêmes titres qui lui a-
vaienl mérité celui de colonel ,
c'est-à-dire pour services rendus
sur le champ de bataille. Chargé
du commandement d'une divi-
sion à ta Ti'tbia, il eut un che-
CHA
val tué sous lui, et arrêta les ef-
forts de l'ennemi sur l'extrême
gauche de l'armée. Il eut égale-
ment deux chevaux tués sous lui
à la bataille de Novi; et enfin dans
une reconnaissance sur31ondovi,
il reçut un coup de feu au trarxirs
du corps , q<ii l'obligea de rentrer
en France , où pendant sa conva-
lescence il eut le commande-
ment de la quinzième division
militaire. Rappelé en Italie en
1800 , M, Charpentier fit la cam-
pagne à ravant-garde,fut nommé
général de division, et chef del'é-
tat-major-général de l'armée. I!
a exercé ces fonctions l'espace de
onze ans , sous les généraux en
chef Moncey , Murât, Jourdan ,
Masséna, et sous le prince Eugène,
vice roi d'Italie. Pendant la cam-
pagne de i8o5 (an 14 ) » chargé
par le maréchal Masséna de mar-
cher à la tête de quatre bataillons
de grenadiers, contre un corps
ennemi qui se portait sur Véro-
nelte, il exécuta si bien cet ordre,
que, par ses dispositions, il força
ses adversaires à mettre bas les
armes. En 1809, après la bataille
deWagram, le général Charpen-
tier fut créé comte de l'empire.
En février 1812, il fut nommé
de nouveau chef de l'éfat-major-
général de l'armée d'Italie , 4'
corps ; le 28 juillet, gouverneur-
général de la province de Wi-
lepsck, et ensuite decelle de Smo-
lensk. En i8i5, il commandait la
56°" division, qui, par la prise et
la délense du poste de Gross et
Klein-Gœrschen , contribua si ef-
ficacement, malgré les efforts de
la garde russe et prussienne, au
gain de la bataille de Lutzen ; le
«urlcndemain l'empereur le nom-
CHA
ma grand'croix de l'ordre de la
Réunion. Après s'être distingué
aux attaques successives des po-
sitions de Fischbaih , Cappelleu-
berg et BischofTwerda , le général
Charpentier rendit de nouveaux
services, an mois d'août de la
même année, en défendant le pas-
sage du Bober contre les lUisses
et les Prussiens. Il contribua au
gain de la bataille de Waschau ,
le i6 octobre , en enlevant au pas
de charge la redoute ennemie ,
d'île Suciloise de (ruxlavc , héris-
sée de canons ; il donna de nou-
velles preuves de valeur à la ba-
taille de Hanau. Nommé com-
mandant du ti" corps d'armée,
kur la rive gauche du Rhin , il le
réorganisa et fut appelé dans la
garde impériale. En i8i4) à la
tête d'une division de la jeune-
garde , il chassa de Fontainebleau
les Cosaques et la colonne autri-
chienne qui s'étaient emparés de
cette ville. Le 9 mars, il enleva
de vive force le village de Clacy ,
dans le département de l'Aisne,
le défendit tout un jour contre
>ept attaques réitérées, et ne l'é-
vacua que par ordre. Après l'ab-
tlication de Napoléon et le retour
du roi , le lieutenant-général
Charpentier fut chargé de l'ins-
pcction de l'infanterie de la 7'"»
division militaire, décoré de la
croix de Saint-Louis, le 8 juillet;
et le v,7 décembre suivant , nom-
mé graiid-odicier de la légion-
d'honnetir. "SX. (>harpenlior estau-
jourd'hui le plus ancien des chefs
d'état-major de larmée.
CHARRIER DE LA ROCHE
(Lotis ), évêque de Versailles,
est né à Lyon, le 17 mai ij.lB ,
d'une ancienne famille originaire
CHA 339
d'Auvergne : un de ses ancêtres
était échevin sous Henri IV. M.
Charrier de La Roche , entré en
bas âge dans l'état ecclésiastique,
avait à peine atteint sa 1 1"* année,
qu'il fut pourvu d'un canonicat
dans le chapitre noble d'Ainai de
cette dernière ville; et après avoir
fait avec distinction ses études
théologiques à Paris , où il fut
nommé docteur de Sorbonne , il
revint à Lyon : l'archevêque de
Montazet le nomma un de ses
grands-vicaires, et ensuite son
officiai métropolitain. En 1771, à
la mort du prevôtdu chapitre d'Ai-
nai, enmême tempscuré de lapa-
roisse, M Charrier fut appelé aie
remplacer, et ce choix fut applau-
di. Très-charitable envers les pau-
vres , il recherchait les malheu-
reux , visitait les prisonniers , et
souvent accompagna les condam-
nés au supplice. Associé au gou-
vernement d'un diocèse où les
disputes entre les molinistes et les
jansénistes étaient alors très-vi-
ves , M. Charrier eut la sagesse
de n'adopter d'une manière ex-
clusive aucune des opinions qui
divitsaient le clergé : il ne cessa
jamais d'estimer les ecclésiasti-
ques distingués et de bonne foi ,
quel que fût le parti qu'ils eussent
embrassé. Il conserva jusqu'à la
mort de l'archevêque de Monta-
zet, la confiance et l'autitié de co
prélat. A la création des assem-
blées provinciales, il fut appelé à
la présidence de celle de Lyon ,
et sut mériter , dans cette nou-
velle administration, les éloges
de ses concitoyens. Nommé dé-
puté aux états-généraux, M. l'ab-
bé Charrier qui était lié avec l'ar-
chevêque de Pompignan, le prit
3/io
éBA
ppur gui Je au milion .<les orages
poiitiiiiies et réiigieux'qui s'élevè-
rent à celte époque. If ne sb' livra
à aucun esprit de parti, et ne fat:
d'aiictinc coterie. Ses bpiniotis il
la tribune, et ses écrilsjprouvent
qu'il fut toujours l'ami de l'ordre,
(le la religion , de l'état et du roi.
Comme membre de l'assemblée
nationale, il parla en faveur de
l'impôt territorial, et poui- le
maintien de l'impôt sur le tabac.
Il s'opposa à la réunion du com-
tat Venaissin à la France: il s'é-
leva avec force contre la propo-
sition de ne considérer le mariage
que comme un acte civil , et vota
pourl'institutiondu juri.En 1791,
M. l'abbé Charrier prêta serment
à la constitution civile du clergé ;
et en mrme temps, il publia dans
ses écrits qu'il ne s'y était décidé
qu'après avoir fait inutilement les
plus vives instances auprès des
ministres du roi et du nonce du,
pape , pour savoir ce qu'il devait
faire. Les électeurs du départe-
ment de Pihône-et-Loire avaient
manilesté l'intention de le nom-
mer évêque métropolitain de
Lyon : il leur écrivit , et sa let-
tre fut rendue publique , qu'il ne
consentirait jamais à monter, sur
le siège épiscôpal du lieu de sî»
naissance. A cette époque, il fut
nommé évêque métropolitain de
Rouen : il accepta; mais mécon-
tent de la direction qu'oii faisait
suivre aux affaires ecclésiastiques,
il donna sa démission , se retira à
Lyon dans sa famille , et n'exer-
ça plus dès lors les fonctions épis-
copales. Arrêté et incarcéré après
le siège de Lyon , en i^f)^, il al-
lait être traduit au tribunal révo-
lutionnairede cttte ville, lorsque
CIIA
les pauTres de sa paroisse , qui
n'avaient point oublié les bien-
faits qu'ils avaient reçus de ce di-
gne pasteur, se réunirent pour ré-
clamer sa liberté , et l'obtinrent.
Après la chute du directoire , et
sous le consulat, M. l'abbé Char-
rirr fut nommé évêque de Ver-
sailles , siège qu'il occupe encore
aujourd'hui. Lorsqu'il en prit pos-
session , il s'empressa de rassu-
rer les inquiétudes de son trou-
peau , par la profession franche
et publique de sa soumission et
de sa doctrine. Il est à regretter
que le même esprit d'indulgence
n'ait pas toujours préside à la ré-
daction de ses lettres pastorales.
Le château de Saint-Cloud se
trouvant situé dans le diocèse de
Versailles, l'évêque fut invité,
par le premier consul , à célébrer
la messe dans cette résidence , ce
qui lui valut tout naturellernent
par la suite le titre desofi pretpier
aumônier. Au retour des Bour-
bons, il témoigna son dévoiié-
ment à Louis XVIII. Lorsqu'en
181 5 Napoléon revint de l'île
d'Elbe, i\l. l'évêque de Versailles,
surl'invitation qui lui en fut faite.
se rendit aux Tuileries, dans l'in-
térêt de son diocèse; mais il ne
reprit ni les fonctions ni le titre
de premier aumônier. M. Char-
rier de La Roche a publiéplusieurs
écrits pour la défense de la cons-
titution civile du clergé. Les prin-
cipaux sont : 1° Réfutation de
l'instruction de M. Asseline , évê-
que de Boiiivgne , 1791 >' in-8" ;
2° Question^ sur les affairés pré-
sentes de l'église de France, 1 79 > .
in-8° ; 5° Examen des principes
sur les droits de la religion , la
juridiction et le régime de l'église
CHA
catholique; ù^" Lettres à M. Maul-
tro sur la religion , 179» , in-S" ;
5" Lettre pastorale aux fiiicles
de son diocèse , 1791 , in-S" ; G"
Quels sont les remèdes aux mal-
heurs qui désolent la France ?
1791, in-S". On aime ù retroii-
Ter dans ce dernier ouvrage l'es-
prit de sagesse et de concilia-
tion qui devrait caractériser tout
ce qui sort de la plume d'un pré-
lat.
CHARRIER - SAINNEVILLE
(Sébastien - Claude), maître des
requêtes au conseil -d'état, offi-
cier de la légion-d'honneur, mem-
bre du conseil -général du dé-
partement du Rhône, ci-devant
lieutenant de police à Lyon, est
l'un des hommes de l'époque qui
ont le plus à se plaindre des ca-
lomnies de certains écrivains. On
ne lui u pas pardonné l'iionoiit-
ble conduite qu'il a tenue lors des
événemens de Lyon en 1817. M.
Charrier - Sainnevillc est né à
Grenoble le la lévrier 17G8. Sa
famille, des plus anciennes de la
bourgeoisie, est aussi l'une des
plus recommaudables du dépar-
tement de l'Isère. Son père, son
aïeul et son bisaïeul ont rempli a-
vec honneur les lonctions du no-
tariat, et jouissaient d'une haute
considération. L'aïeul de M. Sain-
nevillc avait épousé une parente
d.e(} célèbres frères Pûris, qui peu-
vent être considérés comme les
fondateurs du système adminis-
tratif des subsistances militaires,
et qui avaient réalisé lu maxi-
me (lu grand rréd<iric, «mquel
on entendait «lire a^sez soqvcn.ti :
f L'art de \ '>i rien bdui
»VArt de biil. il fulcharg»}
dp jc^iU |>ar|ie.(iujf.er.vice militoio
CHA o/,i
re, tant à Grenoble que sur d'au-
tres points de la province du Dau-
phiué. Le père succéda à l'aïeul
dans cette partie à laquelle le fds
fut aussi destiné. Eu effet, M.
Sainne ville, qui s'y livra dès que
son édjjcation l'ut achevée, s'y fit
tellement remarquer, qu'en l'an-
née 1791 il fui nommé inspecteur-
général ; depuis il devint régis-
seur en chef à l'armée des Alpes.
Il n'avait alors que 24 ans. Il é-
tait au grand quartier-général à
Grenoble lorsque le siège de Lyon
fut résolu en 1793. Mandé au
quartier- général de la Pape, il
éluda cet ordre ; les représen-
tanscn mission décernèrent con-
tre lui un mandat d'arrêt, et le fi-
rent enlever par la gendarmerie.
Après la reddition de la ville de
Lyon, ayant refusé; de se re«)dre
au quartier-généraf de la Pape,
et accusé d'ailleurs d'avoir favo-
risé les assiégés, il fut dénoncé
au tribunal révolutionnaire, et
n'eut que le temps d'échapper aux
recherches de ce redoutable Iri-
bunal qui avait ordonné son ar-
reslalion. M.;Sainneville parvint
à se réfugier vu Suisse, et pass.i
dans le canton de Berne vers la
lin de 1795. Il ne revint en Fran-
ce qu'en 1795, sous lu protection
de la loi qui rappelait les Lyon-
nais fugitifs. A son retour dans sa
patrie, il épousa M"' Charrier de
Grigny, d'une famille honorable,
et se fixa définitivement à Lyon.
Depuis cette époque M. Sainne-
villc a consacré tout son temps et
ses) soins au service de son p.iys;
c'est l'un des hpmmcs qui se sont
le plus fait remarquer à Lyon
d^ns rii/Im^(iistratipn peDdiintles
Ao.Uexmère^.tuii^e». Dopui^ \]m
^2 CHA
1800, ilaôté siJCtessiveineiit em-
ployé dans les fonctions gratuites
etmuniclpalesde lavillede Lyon.
11 a été administrateur des bu-
reaux de bipnl'aisancc ; et pen-
dant une longue suite d'années,
administrateur et président de
l'administration de l'Antiquaille.
Cet hospice était depuis long-
temps abandonné et sans ressour-
ces. M. Sainneville conçut l'uti-
le pensée de le reconstituer et
de l'agrandir sur de nouvelles
bases. Grâces à ses soins et au
zèle de ses collègues, il réussit
dans ce projet, et forma l'un des
plus beaux établissemens philan-
thropiques de France, et l'im des
plus importans de la ville de
Lyon. En i8o5 il fui nommé ad-
joint à la mairie, dont M. Fay de
Sathonay était le chef. Il contri-
bua puissamment à la destruction
des jeux de hasard; et, secondé
par le préfctdu Rhône, M. d'Her-
][)Ouville,auiourd'huipairde Fran-
<*e, il surmonta tous les obstacles
qui s'opposaient à cette mesure
salutaire. Chargé de la partie
municipale en sa qualité d'ad-
joint, il organisa cette branche
si importante de l'administration.
Il s'occupa aussi avec succès des
fabriques de soie, et ne perdit ja-
mais de vue qu'un administrateur
de la ville de Lyon doit se propo-
ser pour but principal la pros-
périté de l'industrie. En 1812,
M. Sainneville présidait une com-
mission de subsistances créée par
M. de Bondy, dans le cours de cet-
te année qui fut marquée par la
disette. La nouvelle commission
rendit de grands services; elle
manquait de fonds, et en obtint
par son propre crédit. Le conseil
CHA
municipal vola des rcmercîmcns
à cette comnjission, qui se compo-
sait de MM. Sainneville, Cazeno-
va, Champanhetet de Laurencin.
En 1814, époque où les événe-
mens furent si remarquables et si
difïiciles,M.Sainneville, ainsi que
tout le corps municipal, remplit
ses devoirs d'adjointavec un zèle
infatigable;~et jusqu'au dernier
moment, toujours empressé d'a-
gir dans le sens qui lui semblait
favorable aux intérêts de son
pays, il se prononça en faveur des
Bourbons, et servit franchement
la cause royale; la ville de Lyon
était alors occupée par près de
20 mille hommes de troupes é-
trangères. Le roi fut à peine ar-
rivé dans Paris, que le maire, les
adjoints et plusieurs membres du
conseil municipal de Lyon s'em-
pressèrent de porter au nouveau
chef de l'état l'hommage delà ci-
té. M. Sainneville demeura seul
chargé du poids de l'administra-
tion municipale ; il eut-à pourvoir
à la tranquillité de la ville, à ses
besoins, à ceux des troupes al-
liées. Il défendit avec force et a-
vec succès les intérêts des admi-
nistrés contre les prétentions
exorbitantes des étrangers, et il
fut assisté dans cette tâche péni-
ble par M. Alexis de Noailles, com-
missaire du roi. Ces services et
ceux que M. Sainneville avait
précédemment rendus, services
consignésdans un ouvrage intitu-
lé Campagne de Lyon en 1814
et iSi5, par AI. Guerre, avocatf
et mem!>re du conseil municipal,
où se trouve le passage suivant:
l'auteur parle de I administration
municipale : «Dans de telles cir-
» constances, dit-il, M. Charrier-
CHA
1 S.iinneville , magistral, dont les
• talens éprouvés, les sages con-
seils, l'activité et la fermeté
«rendit à la ville les plus émi-
«nens services et la sauva son-
»vent des plus grands dangers;»
ces services, disons-nous, lui a-
vaient acquis des droits si positifs
à la reconnaissance de ses conci-
toyens, que le conseil municipal
de Lyon, par une délibération du
1 5 juin i8i4, lui vota des remer-
cîmens solennels, et lui décerna
une épée avec cette honorable
inscription : A M. Ckarritr-Sain-
Hi'ville, adjoint, la ville de Lyon
reconnaissante, i8i4-M. Sainne-
ville ne voulut remplir aucune
fonction pendant les cent jours,
A la seconde restauration, la vil-
le de Lyon fut encore occupée
par l'étranfçer. On se souvint de
ce que M. Sainncville avait fait
l'année précédente. Le vœu géné-
ral des hahitans l'appela aux fonc-
tions de lieutenant depolice, qu'il
n'accepta qu'avec beaucoup de
peine. Il les a remplies depuis le
mois de juillet i8i5 jusqu'au
mois d'octobre 1817. Cette é-
poque était celle des passions.
Tous les soins de M. Sainneville
eurent pour but de prévenir de
sanglantes réactions, et il y réus-
sit. A la fin de 181 5, des réfugiés
deNimes vinrent h Lyon chercher
un asile. M. Sainneville les ac-
cueillit avec intérêt, et veilla ;\
leur sûreté. Son compte rendu
prouve encore les résistances
qu'il fallut vaincre, les dillicultés
qu'il eut à surmonter. Seul, il ne
craignit pasde se mettre à la brè-
che dans ces temps d'orage, et
constamment il s'est montré ledé-
féoieur de se» concitoyens. Les
CHA
Oi\0
malheureux événemens de juin
1817 arrivèrent. M. Sainneville
se trouvait à Paris ;il retourna à
Lyon en toute hâte, et sy livra,
avec im zèle infatigable, à recher-
cher tout ce qui s'était passé, afin
de bien établir la mesure et le but
de ces événemens. Il constata
l'existence des agens provoca-
teurs et les fit arrêter; il réclama
vivement contre la compétence
de la cour prevôtale, et osa se
mettre en opposition avec d'au-
tres autorités qui ne voyaient pas
les choses sous le même point de
vue. Ce fut sans doute cette oppo-
sition qui décida le gouverne-
ment à envoyer à Lyon un com-
missaire extraordinaire avec de
grands pouvoirs. M. le duc de
Ilaguse, chargé de cette mission,
s'en acquitta aveciinpartialité, et
en fit connaître les résultats avec
franchise. Bientôt des attaques
imprmlentes déterminèrent le co-
lonel Fabvier ;\ publier sur les é-
vénemens de Lyon ce qui était
venu à sa connaissance. Sa bro-
chure produisit une grande sen-
sation. M. Sainneville avait aus-
si pris l'engagement d'écrire sur
les mêmes faits. Il publia un ou-
vrage ayant pour titre Compte
rendu :ctt ouvrage, remarquable
sous tous les rapports, honora >1.
Sainneville, et acheva de jeter
le plus grand jour sur les événe-
mens de Lyon, en justifiant les
assertions du colonel Fabvier. M.
Sainneville et M. Fabvier furent
attaqués en calomnie par le gé-
néral Canuel. Ce procès fut le
plus célèbre du temps. Le tribu-
nal de I'* instance renvoya en
quelque sorte les parties. Le gé-
néral Canuel appela de ce juge-
,v,4 cru
ment, et MM. Siiirmeville et Fab-
\ier Ciircnt coïKlainiK'-s. Ilt'St jus-
te trr)ljscrv( r que «etle dé( isiiiii
est une coiiséqucnco rijruuiciise
(le la législalioi) actuelle qui dans
les procès de celle csjk'cc, ne re-
connaît pour pièces valables «iiie
celles qui résultent d'uu juge-
ment. Les laits restent donc en-
tiers; le public les a jugés depuis
long- temps. Mi\l, Sainne ville et
Fal)vier en a])pclèrent à la cour
de cassation, et se désistèrent en-
suite de leur pourvoi par des mo-
tifs qui furent publiés dans les
journaux, et qui obtinrentl'assen-
timeut de tous les hommes éclai-
rés, de tous les bons citoyens. M.
Sainneville lut nommé, en octo-
bre 1817, maîtrc-des-requêtes au
conseil-d'état en service extraor-
dinaire, et parla même ordonnan-
ce, lieutenant de police à Stras-
bourg. Il refusa ces dernières
fonctions, et depuis cette époque
il vit retiré des affaires publiques.
Il est gendre de M. Charn'er-de-
Grigny, frère de l'évêque, et an-
cien oflicier aux gardes-françai-
ses, mort au mois de juillet
i8i5.
CHARRIN (Pierre-Joseph), né
à Lyon le a février 1784. Em-
ployé pendant plusieurs années
au iniuistère de la guerre, en
qualité de garde-magasin de l'ha-
billement, de rédacteur, de sous-
chef, etc. Réformé en i8i/|, ren-
tré en 181G, réformé de nouveau
en 181g, lorsque le maréchal
Gouvion de Saiut-'yr quilla le
ministère. Il a publié, en 1810,
jTohit , ou /e> Ciiptiis (leAini^e,
poëme couronné à jNiort; en 181 1,
ie Rappel des dwu.r , ou le. Con-
seil céleste . scènes héroïques; en
Cil A
1818, un Recueil de chansons et
dt poésies. Ce recueil, qui prou-
ve du talent, a eu trois éditions.
M. Charrin est l'un des fondateurs
des Soupers de Momus ; il a fait
un grand nombre de pièces de
théâtre, dont les principales sont:
la Foret d' Edimbourg ; les deux
Forteresses ; Amour y Honneur et
Devoir; Mahomet II, drames. La
Romance et le Portrait; le Père
avare ; la Jardinière de P^incen-
nes; File esta moi, comédies; et
Titus et Savonnette , tragédie bur-
lesque. Il a rédigé pendant dix
ans le Mémorial dramatique ,
revue théâtrale, in-24, dont il a
paru un volume chaque année,
depuis 1807 jusqu'en 1820. M.
Charrin a été attaché comme ré-
dacteur à plusieurs journaux, no-
tamment à la Renommée . et au
Constitutionnel . On lui doit enco-
re : le Conteur des Dames , ou
les Soirées parisiennes 1821, 2
vol. in-12, avecfig. ; recueil de
nouvelles, où l'auteur a imité as-
sez heureusement la manière de
M. Rouilly. Il a publié aussi plu-
sieurs ouvrages sur la comptabi-
lité atlministrative et commercia-
le. Quelques fragmens que nous
connaissons . d'un poëme en six
chants , intitulé : le Siège de Sa-
înane. donnent une idée avanta-
geuse de cet ouvrage, qui doit
paraître incessamment.
CHASLES (Pierre -Jacoijes-
Michel) , naquit à Chartres , en
1755. Après avoir fait à Paris de
bonnes études, il fut nommé pro-
fesseur de rhétorique au collège
de Chartres. Bientôt après , un
canonicat lui fut accordé à la mé-
tropole de Tours, où il vécut dans
l'intimité de rarchevèque, M. de
1
I
/v >
,v' ( rv///r (//aJr)rA'\
v/// :
/?'////>///
Trfnn/ t/f/. ef iftrtu'
R
CHA
Conzié. Ayant ptrdii son état par
suite (les événcinens , il revint à
Chartres, et y rédigea un journal
patriotique , connu sous le titre
du Coirtsporitidnl (PJ^ure " el~
Loir. Nommé principal du collè-
ge, et maire de la -ville de No-
gent-le-Rotrou, il l'ut élu mem-
bre de la convention nationale,
par son département; vota la mort
de Louis XVI, sans sursis et sans
appel; et depuis cette époque,
fut presque toujofirs en mission,
soit dans les provinces, soit aux
armées. 11 reçut à celle du Nord,
devant Menin (le i5 septembre
1795), une blessure des plus gra-
ves. Quoique retenu au lit par
cette blessure , qui l'isolait néces-
sairement des allaires publiques,
il l'ut compris dans la proscrip-
tion du 12 germinal, et ne sortit
de prison qu'à la laveur de l'am-
nistie, dernier acte du gouverne-
ment de la convention. Kntré aux
Invalides comme militaire muti-
lé, il fut obligé d'en sortir, en
exécutiun du décret qui exila les
ex-conventionnels à vingt lieues
de ^Paris. Retiré depuis cette é-
poque, il a vécu dans la plus par-
faite obscurité; n'a point signé
l'acte additionnel , et n'a pri»
aucune part aux affaires publi-
ques.
CHASSÉ (David-Henri, ba-
ron de), né le iH mars 1^05, à
Thiel, dans la Cueldrc. A l'âge
de 10 ans il entra, comme cadet,
au service des Provinces-Unies;
il obtint, en 1781, le grade de lieu-
tenant ; et celui de capitaine en
1787. Mais ayant embrassé, vers
cette époque, la cause des patrio-
tes de son pays, il fut forcé de
«'expatrier, et il prit du service
CHA
545
en France. Après avoir obtenu
par son courage, dès l'année 1793,
le grade de lieutenant-colonel,
et s'être distingué ensuite dans
plusieurs occasions, il fit partie
de l'armée dePichegru, quand
ce gér)éral entra dans la Hollande.
Lorsqu'en 1799 les Anglais firent
une descente dans la Hollande ,
Cbassépritpart, avec beaucoup de
bravoure, aux opérations qui les
contraignirent à se rembarquer.
Il servi t aussi avec distinction dans
la guerre de 1800, et durant les
campagnes de i8o5 et de 1806.
Nommé général-major, il partit
pour l'Espagne, où les soldats,
témoins de son intrépidité , ne lui
donnaient plus d'autre nom que ce-
lui du '^cuèval Baionnttte. H avait
surtout mérité leurs simples et
glorieux éloges à Durango , ùl Mis-
sa-d'Ibord, à Talavera de la Rey-
na, i\ Ocana et au Col-de-Maja.
Il fut nommé, le 5o juin 1811, of-
ficier de la légion -d'honneur et
baron de l'empire, et, en i8i/|,
général de division. Au mois dç
janvier de cette même année, il
ramena en France le corps qui é-
tait sous son commandement, et
le -27 février il reçut une blessure
dans une rencontre où il battit les
Prussiens près de Bar-sur-Aube.
Après l'abdication de Napoléon ,
il se rendit en Hollande, fut ad-
mis dans l'armée belge, y conser-
va son gra<le , et assista dans cet-
te position à la bataille de Water-
loo.
CHASSELOUP-LAUBAT, né
le 18 août 1754. Dés le coirimen-
cctncnl de la révolution, il entra
au service comme volontaire , et
se distingua dans les premières
campagnes sur le Rhin. Nommé
34^
CHA
officier du génie, le 20 jonvier
1793, après l'attaque de Landau,
il était déjà chef de halaillon dans
la même arme , lorsqu'il se fil re-
marquer à l'affaire d'Arlon, le 17
avril de l'année suivante. Ayant
})assé à l'armée d'Italie, comman-
dée par le général Bonaparte , il
dirigea les sièges de Milan et de
Mantoue, et répara les fortifica-
tions des places de Peschiera , de
Legnano et de Pizzighitone. Bo-
naparte conçut alors une opinion
si favorable des talens de cet offi-
cier, qu'il lui donna presque im-
médiatement les grades de géné-
r.il de brigade et de général de
division. Durant la campagne de
i8oi , en Italie, le général Chas-
seloup fut chargé, sous les ordres
de Brune, de la direction du siè-
ge de Peschiera. Sous Masséna,
en i8o5, il contribua beaucoup
au succès du passage de l'Adige.
Appelé, en 1806, à la grande-ar-
mée, il ne s'y rendit pas moins
utile, surtout- au siège de Dant-
ïick, dont il dirigea les travaux.
Après avoir fait d'Alexandrie une
des places les plus fortes de l'Eu-
rope , le général Chasseloup en-
tra, en 1811, au conseil-d'état (sec-
lion de la guerre). De retour de
la campagne de Russie , il fut
nommé grand'croix de l'ordre de
la Réunion, sénateur et comte
d'empire. En i8i4i s'étant dé-
claré un des premiers contre l'em-
pereur Napoléon, il fut créé pair
dès le 4 juin, décoré ensuite de
la croix de Saint-Louis, et du
grand-cordon de la lègion-d'hon-
neur. Après les événemens des
cent Jours, auxquels il demeiira
élranger, il entra dans la nou-
velle chambre des pairs, et, le
CITA
5 mai 1816, fut nommé com-
mandeur de l'ordre de Saint-
Louis.
CIIASSET (Charles-Antoine,
comte), membre de l'assemblée
constituante et de la convention
nationale, est né à Villefranche,
département du Rhône, le 25 mai
1745. Avocat distingué, il était
maire de sa ville natale , quand les
états-généraux furent convoqués.
L'assemblée bailliagère du Beaujo-
lais lui confia la rédaction de ses
cahiers, et lechoisitpourun de ses
députés : il remplit les vues de ses
commettans, et montra, dans ces
premiers instansde la révolution,
de l'énergie et du caractère ; le
vote par tête, la réunion des or-
dres, le comptèrent parmi leurs
défenseurs. Il prêta le serment du
Jeu-de-Paume, accompagna Louis
XVI à l'Hôtel-de-Ville, proposa
la suppression des dîmes ecclé-
siastiques, appuya la proposition
de mettre les biens du clergé à
la disposition de l'état et d'en au-
toriser la vente, et partagea les
opinions des membres les plus
prononcés en faveur d'une liber-
lé sage. Membre de divers comi-
tés, il fit plusieurs rapports, re-
marquables par la netteté des vues
et la libéralité des principes. En
décembre 178g, il devint secré-
taire de l'assemblée , et son pré-
sident en novembre 1790. Après
le départ du roi pour Varennes,
il fut envoyé par l'assemblée
constituante, avec legçnéral Ciis-
line et M. Reygnier(duc de Mas-
sa), dans les dép;irtemens du
Haut-Rhin, du Bas-Rhin et des
Vosges , pour recevoir le serment
des troupes , et prendre d'antres
mesures de sûrelé. Porté au tri-
CHA
bunal de cassation par les habi-
tans du département du Rlunie,
ii piésida ce tribunal pendant la
session de l'assemblée législative.
Elu en son absence , par ses com-
patriotes, membre de la conven-
tion nationale, il s'opposa d'a-
b,ord au jugement de Louis XVI,
fit ensuite des concessions (néces-
saires sans doute) à l'esprit du
temps , et vota la détention pen-
dant la guerre et le bannisse-
ment après la paix, et enfin, par
une contradiction singulière , il
se prononça contre le sursis :
après avoir déclaré que le roi ne
devait point marcher à l'écba-
liiud, c'était l'y envoyer sans au-
cun délai. L'histoire prononcera
sur les causes de cette singulari-
té. Ce dernier vote ne satisfit
point les chefs du parti vainqueur:
un décret d'arrestation allait être
lancé contre M. Chasset, quand
il prit la fuite, se réfugia d'abord
à Lyon , et enfin sortit de Fran-
ce, y laissant ses biens sous le sé-
questre, et sa femme en prison.
Le médecin d'un hôpital le mit en
état d'exercer la chirurgie. Il ser-
vit comme aide-i-hirurgien d'a-
))ord sur une frégate anglaise;
puis î\ Toulon , quand les Anglais
s'en furent emparés ; puis en Cor-
.se, où il était commissaire pré-
posé au traitement des prison-
niers français Lorsqu'il rentra
dans %t\ patrie, en i7()5, on ve-
nait de le nommer membre du
conseil des cinq-cents; il se si-
guiila dans cette as>emblée par u-
ne vive opposition à la liberté de
la presse , qui lui semblait être
devenue une intolci-iblc licence.
Exclu, par le sort , de ce conseil
qu'il avait présidé , il devint chef
CHA
.'H 7
delà première division du minis-
tère de l'intérieur, fut élu par le
déparlement du Rhône membre
du conseil des anciens, et prit une
part active aux événemens de la
révolution du 18 brumaire. Après
cette époque, nommé sénateur et
commandant de la légion-d'hon-
neur, créé comte et titulaire delà
sénatorerie de Metz, il fut char-
gé de faire au sénat deux rap-
ports, l'un sur l'état des émigrés,
l'autre sur les fonctionnaires pré-
venus d'avoir dilapidé les reve-
nus de l'octroi d'Anvers. Dans les
premiers jours de 1814 ? «1 fut en-
voyé à Metz avec les pouvoirs les
plus étendus, montra du zèle et
de la prudence pendant le blocus
de la ville, et revint à Paris quand
les routes furent libres. Envoyé
de nouveau, en avril i8i5, dans
la 22"' division militaire, il ne
remplit sans doute pas les vues
du gouvernement, piiisqu'il ne
fut point admis au nombre des
pairs créés par Napoléon. Porté,
en 1816, sur la liste des conven-
tionnels exilés, il fut rendu par
deux ordonnances successives A
sa patrie, et à l'existence obscure
qu'il mène aujourd'hui; existence
tranquille, que sa vieillesse et une
vie laborieuse ont dû lui rendre
désirable.
CHASTEL (Lotis-PiERRE), né
le 29 avril 1774» i"« Veigi, près de
Carouge, en Savoie, avait com-
battu dans les rangs de l'armée
française, dès le commencement
de la révolution, et se distingua
particulièrement à Austerlitz. A-
près celte journée, nommé major
en second au régiment des grena-
diers à cheval île la garde impé-
riale , il se distingua en Pologne,
318
CUA
eu Espagne ; et sous les murs de
Burgo.s, uu';rita la décoration d'ol-
ficier de la légion-d'bonneur. Pas-
sé en Russie, le général Chastel
se distingua à la bataille de la
Moskowa, et se battit avec valeur
dans la Saxe, et dans l'intérieur
de la France, jusqu'à la première
abdication. On a cru que le duc
de Raguse avait beaucoup d'esti-
me poyrlui ; cette opinion vient
peut-être de ce que ce maréchal
ne lui montra pas de confiance à
l'époque du combat inutile livré
près des barrières de Paris, et ne
le mit pas dans le secret de ses né-
gociations. En 181 5, le général
Chastel fut employé en Belgique,
comme lieutenant-général au se-
cond corps d'armée. Depuis ce
temps, il n'est plus en activité.
CHASTELER (Jean, marquis
de), né dans le Ilainaut. Entré
dans l'arme du génie, au service
de l'Autriche, il fit ses premières
armes contre les Turcs, et méri-
ta, au siège de Belgrade, la déco-
ration de l'ordre de Marie -Thé-
rèse. 11 avait environ 40 ans, lors-
qu'en 1790, il fut employé, dans
les Pays-Bas, au rétablissement
des fortifications de plusieurs pla-
ces. Il n'avait pas achevé les tra-
vaux de celle de Namur, quand
il y fut attaqué par les Français,
en 1792. La place était eu mau-
vais état; sajjravoure et ses ta-
lens ne purent la sauver, mais il
ne fut pas long-temps prisonnier
de guerre. Dans la campagne sui-
vante , qu'il fit avec le grade de
général-major, juste récompense
de sa valeur, il reçut sept blessu-
res au siège de Valencienncs.Vers
la fin de 1797, le général Chas-
teler fit partie de la commission
CHA
chargée de déterminer la limite
entre les possessions de la France
et celles de l'Autriche. Il fut en-
voyé à Saint-Pétersbonrgen 1798;
l'objet de sa mission était la ligue
nouvelle qu'on voulait former
contre la république française.
L'issue de celle négociation n'é-
tait pas douteuse; le succès en fut
rapide; et Chasteler obtint qu'u-
ne armée russe, commandée par
Suwarovv, entrât en Italie. Admis
lui-même dans ses rangs en qua-
lité de chef d'état-major, il >e
distingua au passage de l'Adige,
ainsi qu'au siège d'Alexandrie
(pi 'il dirigeait, et durant lequel
il fut grièvement blessé. En 1802,
il parvint jusqu'à un certain point
à soumettre aux règles ordinai-
res de la manœuvre, la bravoure
indépendante et l'humeur pres-
que indisciplinable des monta-
gnards du Tyrol. La confiance
qu'il leur insjjira, et la connais-
sance qu'il avait de leurs nom-
breux défilés, lui valurent un suc-
cès au commencement delà ca!u-
pagne de 1809. Chargé, sous les
ordres du général Jellacbich, dç
décider les Tyroliens à une insur-
rection générale, il avait su exci-
ter leur enthousiasme', et quel-
ques avantages l'avaient rendu
maître de presque tout le pays,
lorsqu'il fut attaqué par les Ba-
varois que conduisait le maré-
chal Lefebvre. Après une entière
défaite, essuyée à Vergel, le lâ
mai, il avait rallié une partie de
ses troupes ; mais, à leur tour, les
Vurtembergeois les dispersèrent
près d'Hohe«cmbs. Cependant le
îeld-maréchal lieutenant Chaste-
ler, loin d'être découragé par ces
deux événenQens,par.vifït à for-
\, a/'
9.
(riroJe/ -Trtojron pîiui-
Trfiiiif aei . et Setup .
CHA
nier un nouveaa corps , à la tGte
duquel il osa attaquer [es Fran-
çais ilansCFagenliirt. Cette hono-
rable persévérance n'obtint au-
cun avantage sérieux; mais à la
fin de la campagne, l'empereur
d'Autriche en témoigna toute sa
satisfaction au général Chasleler,
en lui conférant le litre de diam-
hellan, et celui de commandeur
de l'ordre de Saiut-Léopold. En
i8i3, Chasteler eut un couiman-
dement en Saxe, prit part à la
bataille de Dresde, et attaqua cet-
te ville, défendue par le maréchal
Gouvion-Saint-(]yr, Après avoir
combattu en Italie dans le cours de
1 8 1 5 , Chas^teler, qui commandait
à Venise, y mourut le 12 septem-
bre i8ig.
CHATEAU (CÉNÉBALDE BniGA-
DE, ET OFFICIER DE LA LÉgION-d'hON-
>'ECRj; après avoir reçu une édu-
cation distinguée, entra au servi-
ce, et obtint bientc'f le j!?^rade de
chef de bataillon. Choisi par le
n)nréchal duc de Bellune pourson
premier aide-de-camp, il fit en
celle (jualitéla guerre d'Espagne,
domia des preuves de valeur en
différentes occasions, et particu-
lièrement ati combat de Cuefica ;
et fut nommé colonel le 12 fé-
vrier 1809. Après avoir fait la
campagne de Rns9ie-,>éous les or-
dresdu maréchal Victor, son beau-
pèt^e, il devint général de briga-
de; se trouva, le ^f>)anvieri8i5,
flu combat de Hrienne , s'y cou-
vrit de gloire, et entra le premier
dati^le château. Le i8 février, à
l'affaire de Montercau , frappé
d'tine blessure mortelle, il expi-
ra quelques heures après la vic-
toire.
CHATEADBRIAND ( Fba^-
CHA
«549
çois-ArousTE VICOMTE DE ) , d'une
ancienne famille de la lirelagiie ,
naquit en 17C9, à Combourg, ar-
rondissement de Saint-Malo. Agé
de 17 ans, il entra comme sous-
lictitenant au régiment de Na-
varre. Il avairformé, dès 178g,
le projet de passer en Amérique ,
mais il ne l'exécuta que l'année
suivante , au moment d'une dé-
fection des soldats de son corps.
Arrivé aux Etats-Unis, il pénétra
dans l'intérieur des terres. Il
voulait même traverser tout le
continent , et gagna ainsi, vers le
cap Mendocin , les bords de l'O-
céan Pacifique; mais à la nouvelle
de la guerre qui éclata en 1793 ,
le désir de porter les armes contre
la France, sous les bannières de
l'émigralion , lui fit abandonner
tout autre projet. M. de Chateau-
briand avait passé deux années
parmi les peuplades qui vivent
de chasse, au milieu des forêts
du Nouveau-Monde. De fortes
impressions reçues dans ces lieux
sauvages, inilàièreut i)eaucoupsur
letalerttde cet écrivain, sursa ma-
nière de peindre, sur le genre par-
ticulier de son style. Ceux qui at-
tribuent surtout la diversité des
caractères et des moyens à l'é-
ducation prise <Ians toute son é-
tendue , à l'influence des causes
extérieures , croiront expliquer
cet auteur tout entier en réunis-
sant à l'étude passionnée de quel-
ques anciens, les «(Mivernirs du
Kcntucky , et la politique d'ou-
tre-Rhin. M. de Chraeaiibrii»''^'
avait terminé en Amérique'"'^
sorlo de poème en prose, î'l«|i''«
les iVatc/it'.y : la manie»"^*^^ "^j^'*^
«les tribus, indienne,»^" ^î^'*'' **^
sujet. Cet écrit doi» s'être p<;rJu
35o
Cil A
i\ l'excrplion de l'épi^otle d'Alala,
qui a servi d'amorce, comme (lit
l'aulcMir, pour faire lire soi) grand
ouvrage sur l'agrément que doit
offrir la religion chrétienne. Cette
histoire d'Atala n'avait pas eu d'a-
hord une semblable destination ,
puisque l'autenrse faisait des cho-
-cs (le l;i foi une idée très-diffé-
rente , <juil conserva longtemps
après son relouren Europe. 11 fut
blessé d'un éclat d'obus au siège
deThionville. en septembre 1792;
cette circonstance, etd'autres mo-
tifs plus particuliers, l'engagèrent
à se rendre en Angleterre. Il s'y
trouva dans une situation pénible,
et le découragement s'y joignait
sans doute : les principes qu'il
manifestait à cette époque n'an-
nonçaient pas qu'il prévit le réta-
blissement de la famille des Bour-
bons. Il publia à Londres l'Essai
historique politique et moral sur
les révolutions anciennes et mo-
dernes , considérées dans leur
rapport avec la révolution fran-
çaise, 1797. Il est assez difficile
de se procurer maintenant cet ou-
vrage; mais quelques personnes
qui aiment à se former une idée
vraie des hommes et des choses
l'ont conservé. Il renferme d'ail-
leurs des chapitres que ne désa-
voueraient pas les hommes les
plus éclairés, excepté iM. de Cha-
teaubriand lui-même. « 11 a re-
î) connu, dit-on, ses erreurs; il
nies a reconnues avec une fran-
>chisequi honore son noble carac-
'* vre , mais qui n'a pas désarmé
»seL ^.^nemis. » C'est peut-être
parce 5>j,e ceux qu'on juge à pro-
pos d'app^iç,, igg ennemis de M.
ae Chateau\^.i;i,ni ^ n'auront rien
aperçu do vn'.^ntdii'c dans cette
CIIA
espèce de rétractation , sâns met-
tre précisément en doute unefran-
chi.se qu'il serait agréable de pou-
voir attribuera tous les hommes
de mérite; ils auront pensé que si
l'cm adopte des opinions contrai-
res à celles qu'on avait suivies pu-
bliquement, il faut bien avouer
qu'on change deuiaximes. Ilsau-
ront enfin prétendu que l'auteur
n'aurait pu se servir d'une ex-
pression, dont on arien la voyant
dans un journal, et qu'il n'aurait
pu dire: «J'écris un ouvrage neuf
avec une foi antique.» Quoiqu'il
en soit, lorsque Bonaparte s'em-
para du pouvoir , il décida qjie les
idées libérales cessaient de lui
convenir, et le hasard voulut qu'à
cette même époque elles fussent
abjurées par l'auteur de l'Essai
/iii/ori(7«f. Sous un gouvernement
qui ne proscrit aucune opinion
paisible, il est permis de prendre
la défense du christianisme , com-
me sujet de littérature, etc. , di-
sait M. de Chateaubriand , en
1801 , dans la préface de la troi-
sième édition d'Atala. On était
loin de l'instant favorable pour
parler de Bonaparte comme du
plus odieux des hommes; l'auteur
d'Atala put donc ajouter : « On
Dsait ce qu'est devenue la France
» depuis le temps oi) je faisais part
«à M. de Malesherbesdemondes-
» sein de passer en Amérique, jus-
» qu'au moment où la Providence a
» fait paraître un de ces hommes
"qu'elle envoieen signe de récon-
«ciîiation, lorsqu'elle est lassée
))de punir. » C'est en Angleterre
que se fit la première édition du
Génie du Christianisme , elle pa-
rut en 1802. L'auteur, qui mettait
de l'importance à cet ouvrage, en
CHA
avait deux fois suspendu l'impres-
sion. 11 était rerttré en France
après le 18 brumaire, ainsi que
lecomtede Fonlanes. Ils s'étaient
liés en Anglfiterre, et ils partagè-
rent successivement les laveurs
du gouvernement impérial , et du
go4ivernement royal. En 1801,
M. de Chûtcaubriand , qui était
alors un des rédacteurs du Mer-
cure, y lit insérer le petit roman
d'Atala, qui forma depuis le dix-
huiticuie livre du Génie du Chris-
tianisme, à la suite du chapitre des
dévotions populaires. L'ouvrage
entierparut en Francesous d heu-
icux auspices. 11 s'accordait avec
It;s desseins du premier consul ,
qui, voulant un pouvoir sans li-
mites y et se préparant à porter
les deux, couronnes de Char|ema-
,ne , rétablissait l'autorité du sa-
cerdoce. Cet avenir prcwhain n"é-
lait pas prévu de tous : ce fut un
autre avaiitage ; on se mit à féli-
citer l'auteurduGéniedu (jhriitia-
nisme de ce qu'il osait défendre de
tels principes , et bientr)t on fit
■ypaieux: encore , on le félicita do
pte qu'il avait du succès malgré
les circonstances. Cependant cet
ouvrage ne pouvait paraître dans
un temps plus propice. Vingt-cinq
ans plus tôt, il aurait été désap-
prouvé tout à la fois, et par la
Sorbqnne , et par les écrivains
que la Sorhonnc avait coutume
de blâmer solennellement. Mois
après les orag«:s de la révolution,
It; besoin souvent irréfléchi d'und
situation plus paisible , donnait
à d'anciennes habitudes la puis-
sance que la conviction seule de-
vrait HXfn-er. Les esprits qui ne
suulaicnt que dej'entraineinent ,
in fut «iccueillirtun livre oi\ tout
CHA
551
est sacrifié à l'efTet ; et, quant
aux prélats, ils n'instruisirent pas
le public de leur mécontentement;
ils sentirent que si des considéna-
tions un peu mondaines ne mé-
ritaient pas en cela de faire auto-
rité, elles n\n auraient que plus
d'influence dans ces inomens dé-
cisifs. Bonaparte , qui d'ailleurs
formait une cour, et commençait
à s'emparer des noms ancienne-
ment connus, ne trompa point
l'attente de M. de Chateaubriand.
Nommé secrétaire d'ambassade ,
il snivitàllome le cardinal Fesch,
mais il voulait un poste plus éle-
vé ; il ne tarda pas à revenir à Vn-
ris , et au mois de février 1804 ?
il reçut le litre de ministre pléni-
jiolentiaire en Valais. CependiHit,
le 22 mar.s tle l'année suivante ,
ayant appris lu malheur du duc
d Engbien, ildonna sa démission.
Napoléon, au moment d'être cou-
ronné, ne parut pas lui en vou-
loir, et même il lui fit de^ offres
qui ne furent pas acceptées , dit-
on. Au milieu de 1806 j M. de
Chateaubriand partit pour Jéru-
salem ; il traversa la Grèce, il
revint par rAfri(|ue et l'Espagne,
et il rentra en France au mois de
mai 1807. Quelque temps après
il perdit sa propriété du Mercure;
il venait d'y insérer, sur le voyage
en Espagne de M. de La Uord« ,
des article» où l'empereur crut
voir des allusions oflensanles. Ou
dit que les Marlyrs ^ qui parurent
vers cette époque, indemuisèreni
l'auteur des sacrifices qu'il atait
faits pour visiter la terre de Ca-
naan. Ce genre de couiposilion
ne pouvait «"'troaliprouvé généra-'
lemenl. Ceux qui crurent pcrnii'»
d'un faire la critique , fnriMit Irai-
ôjî CIIA
tôs d'hommes pci-vcr.-s. cl l'on ajou-
ta qu'ils étaient vendus au pou-
voir ; cependant on avoue que
INapoléon demanda pourquoi le
Génie du Christianisme n'était pas
mentionné dans le rapport de l'ins-
titut, à l'occasion des prix décen-
naux. Kn 1811, M. de ChAteau-
i)riaTid fut désigné pour rempla-
cer à l'institut Jos«;ph Chénier;
mais dans son discours de récep-
tion, au lieu défaire, selon la cou-
tume , l'éloge de son prédéces-
seur, il s'élevait contre lui avec
si peu de mesure, qu'on ne put at-
tribuer cette inconvenaïue' qu'au
projet d'entretenir la divisiotides
esprits,. ou à des ressenlimens par-
ticuliers contre un homme qui
n'avait pas admiré ses ouvrages.
On a répandu quelques copies de
ce prajet de discours , dont plu-
sieurs passages n'étaient nulle-
ment destinés'à déplaire à l'em-
pereur ; mais tout ce qui concer-
nait Chénier lui parut propre à
réveiller les haines , et il traita
sévèrement un membre de i'ins-
titvitquiavail été d'avisqu'on lais-
sât prononcer une telle diatribe.
« Qu'un écrivain romanesque dé-»
«raisonne , je le conçois , lui dit-
»il à ce qu'on assure; mais vous
» qui êtes ordinairement près de
» moi ,' TOUS ne deviez pas oublier
«que l'union est nécessaire à la
» France , et que je ne prétends
)>pî»squ'on proscrive un seul hom-
)) me pour l'opinion qu'il peu lavoir
»eue. » M. de Chateaubriand ne
voulut point composer un autre
discours. Bientôt painit Vltiné-
raire de Paris à Jérusalem, dont
on connaissait des fragmens pu-;
l)liés dans lfi.Jlîerciire. L'éloge dti
persécuteur s'y trouva comme à
eux
l'ordinaire , mais on on donne
d'excellentes raisons : d'abord
l'auteur est enthousiaste de la
gloire militaire plusqu'on ne croi-
rait, et puis il n'a pu, « dans Tin*
Mtérêl de sou libraire,» se refuser
à un ar le de complaisance « que
demandait le ministre de la po-
»lice. » Enfin le désastre de 1H13
soulagea la sincérité de l'auteur
des Martyrs , et agrandît ses es-
pérances . en lui offrant une autre
j»erspective. En i8i/|, dès le mois
d'avril , parut la brochure intitu-
lée de Bonaparte et des Bour-
bons : c'est l'écrit le plus hardi
qu'on puisse signer contre un pou-
voir qui n'est pins. L'homme en-
voie par la Providence y est
peintavec autant d'énergie qu'au-
trefois, iuais sous des traits nou-
veaux. Après Cette garantie of-
ferte il( des opinions extrêmes, et
dès lors particulières,' l'auteurpa-
raissant compter alissi pour quel-
que chose l'opinion générale ,
ainsi que lé besoin trop ujéconnu
de mettre un lérme à nos funes-
tes divisions, donna, vers la fin de
la même année j ses Re/lejcions
politiques sur quelques ùrochu~
res du jour ; mais les scntimens
qu'il yprofessait parui'ent démen-
ti? par sa conduite depuis cette é-
poque. iM. de Chateaubriand avait
des amis attentifs; il -fiit décidé
aussitôt,' fpic ces réflexions lé
constituaient homme d'état , et
que l'ambassade de Suède lui suf-
firait pour prendre un rang par-
mi les Oxenstiern et les Ximenès.
Cependant le prince royalde Suè-
de, avec lequel il eCit fallu être
en rapport, «vait été appelé à
Stockholm par le vœu du peuple,
et «me telle circonstance était bien
CHA
propre à retenir, en i8i4» M. de
Chateaubriand ; on ignore toute-
fois si ce l'ut la cause de ses re-
tards , mais il était encore à Pa-
ris lorsque Bonaparte quitta l'île
d'Elbe. Il suivit à Gand le roi ,
dont il fut un des ministres. Ce
n'était plus le temps de l'impres-
sion des Martyrs; il répondit
aux prupositicms d'un libraire de
Bruxelles, qu'il était ministre du
roi, qu'il n'était pas auteur de pro-
fession, et qu'il ne faisait de la lit-
térature qu'un amusement. Au
mois de mai, il présenta, sur la
situation de la France , un rap-
port dans lequel de certains inté-
rêts parurent si imprudemment
menacés, que Bonaparte crut de
sa politique de le faire imprimer à
Paris. Après ce service rendu à
la cause royale, le ministre de
Gand fut ministre d'état et pair
«le France. Comme p^é^idenl du
collège électoral du département
du Loiret, il prononça un discours
dans lequel ou ne retrouva pas la
modération qu'avaient annoncée
les Réflexions publiées l'année
précédente. Conformément à ces
nouveaux principes, il adressa
au roi, le 5 septembre, à la tête
de la députation du Loiret, ces
propres paroles : « Sire, ce n'est
• pas sans une vive émotion que
» nous venons de voir le commen-
»cemenl de vos justices. Vous a-
»vei saisi le glaive que le souve-
» rain du ciel a confié aux princes
i»de la terre pour assurer le repos
«des peuples. Vos mains royales
»>ne s'étaient levées jusqu'ici que
«pour absoudre les coupables....
• mais «;n sentant tout ce que cet
xelFort a df» coûter au coeur du
vroi, en pleurant avec V. M. sur
T. IV.
CHA
355
«ces hommes qui n'auraient pas
n pleuré sur nous, nous ne nous
» dissimulons pas que le moment
» était venu de suspendre le cours
»de votre inépuisable clémence.
» La France envahie, déchirée,
Mvuus demandait justice »
Était-ce une ironie amére, une
lâche hardiesse devant les dra-
peaux de l'étrangj'r? Ou suppo-
sait-on la France assez aveugle
pour n'attribuer pas sa détresse
aux ressentimens de quelques
hommes décidés à la voirtoujours
en eux, au lieu de s'oublier pour
ellePLorsque ailleurs ils parlent in-
sidieusement «des (Cosaques cam-
» pés auprès du Louvre,» on les
accable en leur redisant qu'en ef-
fet les Cosaques ont été reçus à
Paris, où de certains hommes les
aj)pelaicnt depuis le temps de Su-
■\varow, Quand M. de Chateau-
briand prononçait de telles paro-
les, au milieu d'un peuple désuni
et consterné, il oubliait que l'his-
toire sera indépendante; et pour
des convenances d'un jour, il a-
bandonnait l'a venir ;et néanmoins
un long avenir est promis à M. de
Chateaubriand, mais à cause de
ses écrits, et en exceptant ceux
qu'il n'a pas faits pour s'amuser.
Le 13 octobre, il fut nommé se-
crétaire à la chambre des pairs :
et le 22 décembre, dans la discus-
sion 8urrinaim)vibililé des juges,
il reproduisit l'éloge de l'ancien-
ne magistrature. En i8i6,aumois
d'avril, il se déclara contre le rc-
nonveliement partiel de la cham-
bre desdépulés, et il votaen faveur
dji proj«t de loi présenté par le
ministère, mais amendé. Le ai
mars, il avait été nommé de l'A-
cudémie. bixmoiâ après, il publia
33
354 CHA
sous le titre de /a Monarchie se-
lon la Charte, un mélange fait
avec art de quelques idées sages,
et des doctrines les plus impoliti-
ques. En les suivant, on eût sacri-
fié tid'autrcs intérêts, et Tautorilé
royale et les droits du peuple. Le
roi n'y fut point trompé; dès le
troisième jour, il rendit cette or-
donnance : «Le vicomte de Chri-
«teaubriand, ayant, dans un écrit
«imprimé, élevé des doutes sur
» noire volonté personnelle , ma-
wnifestèe par notre ordonnance
»du 5 septembre, présent mois ,
«nous avons ordonné ce qui suit :
«Le vicomte de Chateaubriand
«cessera dès ce jour d'être compté
9 au nombre de nos ministres d'é-
»tat. «Alors le faubourg S-Germain
retentit de l'ingratitude royale,
et ce cris'éleva : «Bonaparte n'a-
»vait rien imaginé de si odieux
«contre cette noble victime. » En
apprenant par ces mots qu'il avait
fait apparemment des sacrifices
pour la cause royale, sans doute
M. de Chateaubriand se proposa
de suivre toujours des voies si gé-
néreuses. En i8i8, il fit insérer
dans les Archives pldlosophiques ,
politiques et littéraires , de nou-
velles observations dans lesquel-
les, considérant, selon l'usage des
publicistes de ce parti, l'autorité
royale comme le moyen de rele-
ver une autorité plus chère et plus
vénérable, il assure que si l'on ne
change pas de marche tout est
perdu, et que la France va à sa
ruine. Ces Remarques sur les af-
faires du moment, furent atta-
quées avec force dans le Moni-
teur, le 21 août! Si 8. Dans la ses-
sion de 1817 à 181 8.1e noble pair
commence à désapprouver la li-
CHA
berté de la presse, et il dit de la
loi du recrutcmeul, (qu'elle est
«une de celles qui peuvent per-
«dre ou sauver les empires, et
«qui font peser sur la tête du lé-
«gislateurla plus ell'rayante res-
«punsabilité. » Il propose ensuite
d'adopter sans discussions la loi
des finances, « quand même on
» y découvrirait une erreur dechif-
«fres. «En juin 1818, le TimesWi
attribue « une Remontrance aux
«souverains alliés, pour les enga-
»ger à ne point retirer l'armée
«d'occupation des frontières de
«France.» Il veut d'abord pour-
suivre en calomnie, devant les
tribunaux d'Angleterre, l'éditeur
des deux lettres insérées dans le
Times : mais, sur l'invitation du
journaliste , il lui envoie simple-
ment une dénégation , qu'ensuite
il entreprend de désavouer, et
cette afl'aire se termine peu agréa-
blementpourlui. Le 9 mars 1819,
il fit partie de la commission for-
mée pour l'examen d'une propo-
sition qui révoque la loi du 9 no-
vembre 1816, sur les cris sédi-
tieux; et, en 1820, il vote en
faveur des lois d'exception. Au
moment du baptême du duc de
Bordeaux, M. de Château'iriand
présenta à la duchesse de Berri
de l'eau du Jourdain. On ne fut
pas surpris qu'il eût eu l'heureuse
idée de rapporter d'A?ie ce flacon;
mais on admirait avec éionne-
meul sa fortune qui lui avait fait
oublier de loffrir en i8ii, pour
nrroser d'une onde romantique
file berceau ciiar^é dts cie^iinJes
» de l'avenir. y) Peu de temps après,
i\I. de Chateaubriand a été nom-
mé niinistrc plénipotentiaire et
envoyé extraordinaire en Prusse.
CHA
C'est aussi en 1820 qu'il publia
Mémoires , lettres et pièces au-
thentiques loucliant la vie et la
mort de S. A. R. monseigneur
Charles- Ferdinand d' Artois ,fils
de France, duc de Berri , 1 vol.
in-8". La plupart des ouvrages de
M. de Châleaubriand ont été tra-
duits en anglais, et les Martyrs le
furent aussi en espagnol. Il était
le principal rédacteur du journal
intitulé le Conservateur, qui a
cessé de paraître lorsque la nou-
velle loi suspendant la liberté de
la presse a été mise en vigueur.
On retrouve dans les moindres
écrits de M. de Chûteaubriaud ,
desimageset desexpressions heu-
reuses, une sorte de fraîcheur, de
Terve , de mouvement poétique.
II ne faut pas attendre de lui la
justesse et l'accord des idées dans
un vaste ensemble; dès que les ob-
jets s'agrandissent, ses raisonne-
mens méritent peu de confiance.
Ne lui demandez pas le discerne-
ment du sage, mais le coloris d'un
peintre ingénieux. Une élévation
plus fréquente que soutenue, ca-
ractérise son style qui ne manque
pas de facilité, si ce n'est dans
les momens où le refroidit une
imitation trop marquée des an-
ciens. Hagarde quelque chose de
l'indéprudance du désert; c'est
une niiiitice originale, ou même
inattendue, à laquelle on trouve
de la grflce après deux siècles de
littérature, quand une grâce plus
natnrtlle semble un pou vulgaire,
mais que des honiuies sans taleus
imitent avrc maladresse, et lais-
sent dégénérer en bizarrerie. Les
grandr» écrivains sr)iit très-rares
dans tous |<s siècles : la postérité
seule jugera »il convient de pla-
CHA 555
cer dans leurs rangs l'auteur du
Génie du Christianisme ; mais du
moins elle lui devra des passages
charmans dans le genre descrip-
tif, et d'autres morceaux di-
gnes d'être cités. 3Ialheureuse-
ment, quoiqu'il n'ait guère écrit
sur des objets frivoles, et que les
idées fortes ne lui soient pas é-
trangères, il est moins distingué
par le fond des choses que par la
manière de les dire. On assure
que les écrits vivent surtout par
le style : cette observation n'est
pas exacte. Sans le style, un livre
ne peut s'établir en quelque sorte:
mais c'est par la force, rutilité,
la justesse des pensées qu'il lut-
tera contre le temps. Les ouvra-
ges du premier ordre sont ceux
qui appartiennent surtout à la rai-
son, et que dès lors on pourrait
traduire dans toutes les langues ,
sans trop les affaiblir : ils seront
admirés d'âge en âge, parce qu'on
n'y aura pas sacrifié la vérité, seule
durable, à des calculs ambitieux,
ou aux rêves d'une imagination
séduite.
CHATEAUNEUF (Agricola DE
LA Pierre de), homnie de lettres,
est né à Avignon eu 1770. Dès
l'âge de 20 ans, II vint à Paris, où
il composa successivement divers
ouvrages, dont nous allons citer
les principaux : 1° Jdjlws de
T/iéorritc, mises en vers français,
1 794, in-S"; 2° l'aroboles de l'F~
viniî^Ue , mises en vers français,
1795, in-4"; 5° Cornélius JSepos
Jrancais, ou Notices Uistori(/ues
sur les généraux y les marins, les
o^/icirs et les soldats qui se sont
illustrés dans la guerre de la ré~
solution, i8o3 à 1808, vingl-quxL-
tre cahiers ou parties, en 7 vu].
550
c;nA
in- 12 ou 4 vol. i«i-8". Il dodia ce
recueil à Napoléon. 4" L'Amant
limidt , ou l'adroite Soubrette ,
comédie en un acte et en vers,
i8o5 et i8o5, in -8°; 5" Kie du
inaréclial Lannes, 1 8 1 3 , in- 1 2 ;
6° de la liberté de la Presse, 1 8 1 4 »
in-S" ; 7° Historique du général
Moreau, surnommé le grand ca-
pitaine, avec les particularités les
plus secrètes de son procès, de
son retour de l'Amérique, et de sa
mort, i8i4, in-8'', ouvrage dédié
au duc de Berii; 8" Histoire de
IVapoléon-Bonaparte , i8i5, in-
8"; 9" Chronique de Paris, ou Mî-
inoire.t restés secrets jusqu'à ce
jour. C'est un écrit périodique pu-
blié deux fois par mois, à Lon-
dres, où l'auteur composa aussi
l'ouvrage précédent.
CHATEAUNELF - IIANDON
(le comte de), était, en 1789, ca-
pitaine dans les dragons du com-
te d'Artois, et gentilhomme de ce
prince. La noblesse tie la séné-
chaussée de Mende le choisit pour
remplacer, aux étals - généraux ,
le marquis d'Apchier, qui avait
donné sa démission. Le nouveau
député adopta dès celte époque
les principes des membres du cô-
té gauche; mais il était destiné à
grossir le nombre de ceux dont
les excès furent indignes d'une
cause qui n'aurait dû compter que
des soutiens irréprochables. Après
la session de l'assemblée consti^
huante, il devint président de l'ad-
ministration de la Lozère, et ce
département le choisit pour son
représentant à la convention na-
tionale. 11 vota la mort du roi,
sans sursis comme sans appel, et
en.motivanlson vote. On le comp-
ta parmi le;» députée les plus ar-
CHA
dens du groupe qui prit le nom
de la Montagne. Après avoir pro-
voqué, au comité de sûreté géné-
rale dont il faisait partie, l'arresta-
tion de la duchesse d'Orléans el
de M""' de Montesson,il8e rendit,
comme représentant du peuple ,
auprès de l'armée à laqaelle Lyon
fut obligé d'ouvrir ses portes. Cha-
teauneuf abusa cruellement de
ses pouvoirs dans cette malheu-
reuse ville : ses collègues le secon-
dèrent avec un zèle féroce; et ce-
pendant il se plaignit de la faibles-
sede Gauthier et de Dubois-Cran*
ce. Pour être moins mal secondé
à l'avenir, il demandait que la so-
ciété des jacobins envoyât qua-
rante de ses membres dans ce
pays, qu'il fallait, disait-il, régé-
nérer. Mais en donnant de tels
gages de son dévouement, il ne
se conciliait pas encore tous les
esprits dans la faction qu'il ser-
vait, et il fut dénoncé par Renau-
din, un des membres les plus im-
placables du tribunal révolution-
naire. Collol-d llerbois le défen-
dit, et la dénonciation n'eut pas
de suites; alors il reçut, avec des
pouvoirs presque illimités, une
nouvelle mission pour les mêmes
départemens, et devint l'associé
de l'homme sanguinaire qui lui
avait prêté son appui, de CoUot-
d'Herbois. Il avait dénoncé com-
me auteur de l'insurrection de la
Lozère un ancien membre de
l'assemblée constituante. Char-
rier, dont les complices, ajoutait-
il, avaient été acquittés par les
Iribimaux de l'Aveyron. Le 9
thermidor lui rendit enfin quel-
que modération, en diminuant
ses propres terreurs ; mais il en-
tr-eprit vainement de se réhabili-
CHA
ter dans l'opinion des wm» ci-
toyens. Malgré les plaintes des
habitans de Saint-Flour, qui le
dénoncèrent comme terroriste, il
fut employé A l'armée, sous le
directoire, avec le titre de géné-
ral de brigade. En 1796, au mois
d'octobre, il donna au gouverne-
ment avis d'une conspiration our-
die par les émigrés dans les dé-
partemens du Midi; et, en 1798,
on lui confia le commandement
de la place de Mayence. Mais
ayant provoqué, à l'approche des
Autrichiens, une levée générale
dans l'ancienne Alsace, il fut sus-
pendu de ses fonctions par Jour-
dan, qui commandait en chef.
Cette suspension avait cessé, lors-
qu'au 18 brumaire il fut envoyé
à Nice comme préfet des Alpes-
Maritimes. Son administration ne
fut pas plus approuvée que ne
l'avaient été ses opérations mili-
taires, et l'opinion publique lui
était si peu favorable qu'il se vit
réduit à donner sa démission. La
mort le surprit, il y a peu d'an-
nées, dans un état voisin de l'indi-
gence, et affecté d'une sorte d'a-
liénation mentale.
CHATELAIN (Réj^é-TnÉoPHj-
ti), né à Saint-Quentin le 19 jan-
vier 1790. 11 s'engagea, en 180R,
«lans un régimeut de cavalerie,
fit les campagnes d'Espagne, de
Russie, d'Allemagne, etc., etc.,
et servit avec distinction jusqu'au
licenciement de l'armée, en 181 5.
Il était alors lieutenant. Réduit au
repos par la force des événemens,
il se livra aux lettres, où il obtint
des succès, que justifient un sty-
le pur, élégant et souvent plein
de sel ; nne gaieté franche et spi-
riliicHr, delà iihilosoplilcct beau-
CHA 557
coup d'instruction. Son premier
ouvrage, intitulé f^oyage d'un é-
tran-ger en France, eut trois édi-
tions de suite. Le Paysan et le
Gentilhomme fut accueilli avec
plus de faveur encore. On a re-
Iroiivé son talent dans diverses
brochures qu'il a publiées depuis,
et l'on a placé dans toutes les bi-
bliothèques son ouvrage, saisi h
la requête du ministère public,
intitulé le Seizième siècle en 1817.
M. Châtelain a travaillé successi-
vement au Censeur, à la Renom"
méeei au Courrier français, dont
il est aujourd'hui le principal ré-
dacteur.
CHATTERTON (Thomas). Son
père, d'abord maître d'école dans
un petit bonrgd'Angleterre, avait,
sur ses vieux jours, choisi pour
retraite un ancien couvent de do-
minicains, abandonné au temps de
la réforme, el qui depuis cette é-
poquc n'avait été ni réparc ni ha-
bité. Une sœur un peu j>liis âgée
que Chatterton, lui apprit i lire
dans une de ces volumineuses Bi-
bles trouvées au milieu des ruines
de l'abbaye, et dont les gros carac-
tères semi-gothiques furent pour
l'enfant les premiers rudimensd(^s
sciences. Il préféra, par un capri-
ce bizarre, ce? vieilles éditions à
toutes les autres, refusa obstiné-»
ment de lire les carafières ordi-
naires, et fureta dans tous les gre-
niers et tontes les cellules pour
y trouver quelques-uns de ces li-
vres qui faisaient son admiration,
et (jiie de brillantes et bif.arrcs en-
luminures rcndalen!|vl»is Intérim*-
sans i\ ses yeux. Il parvint ;\ Vû"c
dft 16 ans. iivunt d'aVoir pa^sé 10
seuil de celle vfl'^te hahitalitm dé-
labrée, et avant d'avoir l»i auli«
'58
CHA
chose que d'anciennes chroni-
ques, (les psaumes en vieux lan-
gage, un Shakespeare qui lui fut
prêté, et une mauvaise traduction
de Virgile. Tous ces détails sont
constatés par les contemporains
(voj cz Lil'e of Chatterioit^ Heurs
o( Chatterton, etc.) On le regar-
dait comme un esprit int-ple ,
comme un être sauvage et bizar-
re. N'ayant aucun des goûts de
son âge, il relisait sans cesse les
mêmes volumes, ne parlait à per-
sonne, et ne faisait qu'errer sous
les arceaux du couvent qui l'avait
vu naître, et qui était comme sa
patrie. Emporté, fougueux, som-
bre et lacilurne, Chatterton était
un sujet de chagrin et d'humeur
pour tous ses parens. Dix -huit
ans arrivèrent, et il ne changeait
pas. Cependant on le voyait s'en-
fermer jour et nuit, et altérer sa
santé par des veilles. Un matin
la domestique, chargée du soin
de sa cellule, trouvant par hasard
un vieux coffre ouvert, y puisa
sans façon . pour allumer le feu
du jeune homme, une grande
quantité de bandes de parchemin
à moitié écrites, et collées ensem-
ble ou détachées. Chatterton entra,
et vit brûler les premières ban-
des; il se mit dans une colère fu-
rieuse, et menaça la vieille de la
jeter par la fenftre, si elle tou-
chait dorénavant à ce qui, disait-
il, lifi était plus chtr que la vie.
Bientôt il répara le dommage à
force de travail et de veilles; et
au bout de quelques mois, il écri-
vit à un journaliste de Londres
pour le prier d'annoncer au pu-
lilicque les manuscrits du fameux
inoiiie f'rancisca/n Rowiey. qui
vivait au 14"" siècle, avaient été
CHA
retrouvés par Chatterton, Lj) nou-
velle fit du bruit : Chatterton re-
çut l'invitation de porter à Lon-
dres ses parchemins qu'il fil aus-
sitôt imprimer. A peine publiées,
les poésies de flu^^ley devinrent
un grand sujet de discussion pour
les critiques. Le style était d'une
couleur antique ; la phraséologie
gothique; la versification entière-
ment semblable à celle de Chan-
cer. Mais l'ordre et l'énergie des
idées, une harmonie sauvage,
quelque chose d'épuré dans la dic-
tion , de la philosophie même
dans la superstition, un intérêt
vif, une imagination forte, ran-
geaient l'auteur de ces œuvres
parmi les maîtres de l'art, et é-
tonnaient profondément quicon-
que avait dévoré l'ennui des mau-
vais poêles du i 4°" ou 1 5°" siè-
cle. Chancer et Spencer étaient
surpassés de bien loin. On voulut
voir les originaux. Chatterton les
montra. C'élaientces mêmes ban-
des de parchemin, dont la vieille
avait voulu se servir pour allumer
le feu. Les curieux se trouvèrent
encore plus embarrassés : tous les
caractères de vétusté paraissaient
consacrer ces manuscrits L'en-
cre avait jauni; la forme des let-
tres, la maigreur des déliés, les
bizarres ornemens des pleins, ap-
partenaient évidemment au siècle
du moine. Mais les premières dif-
ficultés n'en paraissaient que plus
fortes. Pendant que tous les jour-
nalistes périodiques et quotidiens
étaient en mouvement, le librai-
re à qui Chatterton s'était con-
fié s'enrichissait, et Chatterton
mourait de faim. Il se plaignit: on
se moqua de lui. Reconnu tacite-
ment pour l'auteur des poëmcâ
AïK^ikrftJi viiuc .
fifiiiy i<f(. el Snt/ii
CHA
s^ur lesquels il gardait le silence,
et par conséquent pour un génie
d'un ordre très-élevé; fier, irrita-
ble et pauvre; trompé dans l'es-
pérance que soa talent lui avait
fait concevoir, ce malheureux
jeune homme, après s'être adres-
sé vainement au libraire, à des
gens de lettres et à des gens en
place, languit deux années dans
la misère, et s'empoisonna le
jour où il manqua de pain. Il
n'avait que 21 ans. Son seul ou-
vr*»ge (Poems, by Th. Rowley^
published by Chalterton) e?>{. res-
té comme un beau monument,
mais d'un ordre distinct et isolé,
de ce que peuvent le génie et la
patience. On ne Ta point traduit
en français; on ne le traduira pro-
bablement pas. Le style en est
trop vieux, et la pensée trop
forte.
GHAUDET (Antoine- Denis),
s'est placé au premier rang des
sculpteurs français. Né sous le
règne du mauvais goût auquel il
commença par sacrifier lui-mê-
me, il finit par rendre à la sculp-
ture cette simplicité élégante et
expressive que les Grecs seuls a-
vaient atteinte. Malgré l'iné^dlité
de son talent, malgré la faible
exécution de quelques-uns de ses
premiers ouvrages, il occupera
toujours parmi les artistes de son
pays un rang très- distingué; la
sensibilité, l'esprit et le tact déli-
cat du beau, composaient son gé-
nie: la profondeur ne lui manquait
pas; mais elle se joignait presque
toujours dans ses compositions ù
une grâce élégante et tendre, à la
délicatesse et à la douceur. On lui
a reproché de faire ses figures trop
longues : ces proportions délica-
CHA 559
tes et fragiles plaisaient à son ci-
seau, qui les employait sans réser-
ve. Il est né à Paris en 17(55. le
3i mars, et mort dans cotte ville
le ly avril 1810. Eitcore dans l'en-
fance, il s'arrêtait avec admira-
tion devant les statues des jardins
publics, et modelait d'après elles
de petites figures d'argile. Il se fit
inscrire élève de l'académie de
peinture des l'âge de 14 ans. A 21
ans, il remporta le premier prix
de sculpture; ses rivaux le portè-
rent en triomphe. Gcpendant son
bas-relief était mauvais, non de
sa faute, mais de celle de l'école;
autour de foseph vendu par ses
frères (tel était le sujet du prix),
il avait groupé des petits garçons
qui menaient des chevaux, un
pont de village, des arT)rcs en a-
venue et quelques bergères. In-
digné ensuite du succès de cette
sculpture à la Watelet, il disait :
Parbleu, que ne ni' ordonnaient-
ils d'y mettre aussi de la pluie/
je leur eusse obéi. Le voyage de
Chaudet i\ Rome lui fit bientôt a-
percevoir le ridicule du goût ré-
gnant. L'élève des sculpteurs ma-
niérés de l'académie royale n'étu-
dia plus que les belles figures de
Raphaël, et les figures plus idéa-
les peut-être, quoique plus sim-
ples, dont sont ornés les vases é-
trusques. Ges études, qu'il fil de
moitié avec le fumeux Drouais ,
déterminèrent la direction de son
génie : il revint à Paris, fut as^réé
à l'académie, et composa le bas-
relicf de V Emulation de la gloire,
placé sous le péristyle du Pan-
théon, ouvrage peu goûté à cette
époque, parce que la manière en
est trop grandiose, la composition
trop belU, et Tex^culion tropp«u
56o
CHA
tourmenlée. Cependant la révoln-
lion opérée par Vien dans la pein-
ture, influa sur la sculpture, et le
talent de Chandet fut compris.
Son admirable Béiisaive, ciseléen
bronze; la Senslbilitéy jeune fille
qui s'étonne de voir la sensilivelnir
et trembler sous ses doig;ts; son
Paul et Virginie, où le marbre est
empreint de toute l'innocence, de
tout le charme et de toute la fraî-
cheur que leur avait donnés Ber-
nardin; la Paix, en argent, et pla-
cée aux Tuileries, pendant que le
canon retentissaitdanstoute l'Eu-
rope; l'élégant et beau Cyparisse;
Cincinnatus; le groupe enbos-re-
licfde la Sculpture, \ Architecture
et la Peinture; la St.Ttue de Napo-
léon au corps-législatif, établirent
les droits incontestables du génie
de Chaudet. Mais par une injus-
tice grossière, on dédaigna son
OjÉ'^i/jc, le plus beau petit-être
de ses ouvrages : il en ressentit
une amertume qui se répandit sur
tout le reste de sa vie. Ses dessins
ont de la grAce, beaucoup de sen-
sibilité, quelquefois trop d'esprit.
Son JSidd'amour offre un mélan-
ge bizarre du physique et de l'al-
légorique, et montre quelle ligne
imperceptible et sévère sépare la
poésie des arts d'imilation maté-
rielle; rendue en marbre, la pensée
charmante d'Anacréon est deve-
nue ridicule. Nous ne parlons ici
m de ses bustes, parmi lesquels on
doit remarquer celui de Malesher-
bes; ni de ses tableaux, qui pèchent
par le coloris; ni de ses travaux,
comme membre de la quatrième
classe de l'institut. Chaudet avait
une ilme douce, un esprit juste,
la faculté de méditation qui se
j(>iat rarement ;\ celle de création
CHA
dans les beaux-arts, peu de litté-
rature, mais des connaissance»
profondes dans ce qui tenait aux
arts du dessin.
CHAUDON (Loris-MiÏEtL),
historien et ancien bénédictin de
lu congrégation de Cluni, est né
le 10 mai 1757, ùValensolles, près
de Digne. Il est membre de quel-
ques sociétés savantes, et entre
autres de l'académie des Arcades
de Rome. Ses principaux ouvra-
ges sont : 1' Lettres à M. le mar-
quis de ***, sur un prédicateur
du i5°* siècle, I755, in-^'; 2° O-
de sur la Calomnie, 17.56, in -4°;
3" Ode à MM. les échevins de
Marseille, 17^7; 4° Chronologis-
te Manuel, i76()-7o, in-'i4; 5*
Nouveau dictionnaire liùtoriqucy
1766, 4 vol. in-8". Cette biogra-
phie est l'ouvrage le plus estimé
de dom Chaudon, qui en fit pa-
raître la 7'°' édition, en 1789, 9
volumes in-B". Il en donna une
S"" avec Delandine de Lyon, en
1804, i3 vol. in-h*. l]ne société
de gens de lettres en a publié u-
ne 9°", de 1810 à «812, en 'xo v.
in-S*. Elle a eu le libraire Prud-
homme pour éditeur. Enfin , on
vient d'annoncer (en novembre
1 82 1 ) la i o"" édition de ce diction-
naire qui doit avoir 25 vol. Cet
ouvrage, rédigé d'une manière as-
sez correcte, mais souvent un peu
lâche, étaitvraiment digne d'exer-
cer la patience d'un bénédictin ;
malgré les erreurs, les omissions
et les faux jugemens qu'on peut
reprochera ce dictionnaire, il a
servi de base S toutes les Biogra-
phies universelles qui ont paru
depuis, et tlont les auteurs n'ont
pas manqué d'insulter à l'œuvre
du bénédictin ; 6* f Homme du
en A
monde éclairé , 1774» in- 12; 7
Ltcons d'histoire et de chronolo
i^ie, 178 1 , ■>. vol. in - 1 2 ; 8° Elé-
mens de l'histoire ecclésiastique
jusqii 'au pontificat de Pie VI ,
1785, in-8°. et 1787, 2 vol. in- 12,
seconde édition très-angmentée.
L'abbé Chaudon a travaillé aussi
à plusieurs ouvrages religieux et
polémiques, littéraires et biblio-
graphiques, qui ne portent pas son
nom. Nous citerons entre autres:
l'Ie Dictionnaire anttphilosophi-
que, attribué à Nonotte, i7r)7,in-
8°, et 1776,2 vol. in- 12, 3"' édi-
tion ; 2° /l tix grands hommes ven"
î^és, sous le nom de /If. des Sa-
/dons, 1709, 2 vol. in-S"; 5* Bi-
bliothèque d'un homme de gotit,
1772. Cet ouvrage, dont l'abbé
de La Porte publia une édition en
•777» 4 ^ol. in- 12, a été refondu
en entier par MAf. Barbier et
Désessarts, sous le titre de Nou-
velle bibliothèque d'un homme de
goiU, 1807 i\ 1810, 5 vol. in-8":
un sixième volume doit former le
complément de cette bibliogra-
phie.
CHAUDRON-ROUSSEAU
(Ge'irce), membre de l'assemblée
législative et de la convention na-
tionale , se montra partisan zélé
des principes de la révolution dés
son origine, et fut nommé pro-
cureur-syndicdu district de Bour-
honne-les-Bains.ll en exerçait les
fonctions, lorsqu'au mois de sep-
tembre 1791, il fut élu député ù
la législature par le département
de la Hante-Marne. Appelé â la
conTcnlion en 1792,11 vota, dans
le procès de l^uis XVI, la peine
capitale, sans appel et sans sursis.
Knvoyé en mi«sîon, après le 3i
mai 1795, d.-^ns les départeaicus
CHA
56 1
des Pyrénées-Occidentales, de la
Haute-(iaronne, de la Gironde et
de l'Arriége, il y déploya tout le
zèle du parti qui dominait alors
dansia convention. Rappelé dans
le sein de cette assemblée, il en
fui élu secrétaire, et fit décréter
que les membres de la commis-
sion populaire de Bordeaux se-
raient traduits au tribunal révo-
lutionnaire. A la fin de 1794» 4
mois après le 9 thermidor, lors-
qu'on mit en discussion le projet
de réintégrer dans leurs fonc-
tions législatives les convention-
nels évincés par la révolution du
5i mai, il le combattit, en décla-
rant qu'il avait saisi à Bordeaux u-
ne correspondance qui prouvait
que ces proscrits avaient voulu
rétablir la royauté en faveur du
fils de Louis XVL Le 22 thermi-
dor an 5 (9 aoftt 1795), il fut dé-
noncé et arrêté pour abus de pou-
voir dans ses missions ;mais l'an»-
nistie conventionnelle du 4 bru-
maire an '( (2() octobre) lui ren-
dit la liberté, et il ne tarda pas ;\
être employé comme conimissai-
re du pouvoir exécutif. Après la
révolution du 18 brumaire an 8
(9 novembre 1799), le gouverne-
ment consulaire le nomma ins-
pecteur des forêts, et il en a rem-
pli les fonctions jusqu'à l'époque
où il a été forcé d'abandonner sa
patrie, en vertu de la loi d'am-
nistie du 12 janvier 1816. Un fils
de M. Chaudron-Rousseau, qui,
par sa bravoure et ses talens mi-
litaires, était parvenu au grade
de général de brigade , à l'armée
d*Espagn«,y est mort sur le champ
de bataille, dans la mémonible
campagne de 181 r.
CHAULNES ( M ABis- Joseph-
36a
CHA
Lovjs d'Albert-d'Aillt, duc de),
Darjuit en 1741. Son père était le
duc (le Chaulnes, licutenant-gé-
né'ral, et pair de France. Aprèsa-
voir servi quelque temps, le jeu-
ne de Chaulnes se retiia avec le
grade de colonel, pour se livrera
l'étude de l'histoire naturelle, et
de la physique, dont son père s'é-
tait aussi occupé. Il parcourut en
observateur différentes contrées;
il visita l'Egypte, etenrapportales
dessins de divers monumens jus-
qu'alors peu ou mal observés. On
a de lui une Méthode pour satu-
rer l'eau cV air fixe, in-4", et un
Mémoire sur la véritable entrée
du monument égyptienqui se trou-
ve à quatre lieues du Caire, près
de Sacara , monument qui ser-
vait de sépulture aux animaux
sacrés, et qui portait le nom de
Puits des oiseaux , in-4°? Paris,
ij83. Le duc de Chaulnes est
mort dans les premiers temps de
la révolution. Il était de la société
royale de Londres. C'est lui qui
découvrit la manière de secourir
au moyen de l'alcali volatil les
personnes asphyxiées ; découver-
te précieuse qu'il n'a livrée au pu-
blic qu'après en avoir fait l'épreu-
ve sur lui-même. Il a aussi trouvé
l'art de cristalliser les alcalis , en
les saturant d'acide carbonique
au-dessus de cuves remplies de
bière; et il a prouvéque l'air mé-
phitique de ces cuves était formé
de ce même acide.
CHAUMEÏON (Frakçois-Pier-
ue), médecin à Paris, est né à
Chouzé-sur-Loire, en Touraine,
le 20 septembre 1775. Après avoir
été employé dans les armées et
dans les hôpitaux militaires , il a
publié 1° Essai médical sur les
cnx
sympathies , i8o5, in-S"; 2* Es-
said' entomologie niéilicaU- ^ 1 80 5,
in-4". C'est une thèse qu'ila sou-
tenue à Strasbourg; 3" Flore mé-
dicale, ouvrage périodique, in-
8°, qui doit avoir 90 livraisons;
4" le Dictionnaire des sciences
médicales, dont il a déjà paru 5o
vol. in-S"; 5" Journal universel
des sciences médicales, in -8°,
pour servir de supplément au
Dictionnaire; 6" BihUotliéque mé-
dicale, autre ouvrage périodique,
in-8°, auquel il travaille en socié-
té avec d'autres médecins; ainsi
qu'aux deux ouvrages précédens;
7° enfin M. Chaumeton a fourni à
la Biographie universelle , des no-
tices historiques sur des natura-
listes et des médecins. Ces arti-
cles annoncent une grande con-
naissance de la bibliographie mé-
dicale.
CIIAU METTE ( Pierue-Gas-
pard), né le 24 mai 1763, à Ne-
vers , condamné à mort, et exé-
cuté à Paris le i5 avril 1794- Son
père, cordonnier, le destinait à
l'état ecclésiastique : il fit ses é-
tudes, qu'il ne poussa pas très-
loin; fut tour à tour mousse, ti-
monier, clerc de procureur, moi-
ne et journaliste. Cette inconstan-
ce annonçait un esprit inquiet, a-
moureux du changement et des
nouveautés. La révolution éclata;
il se plut à ses orages, et devint
lui-même un des plus redoutables
élémens des tempêtes politiques.
On le vit, dès 1 789, se mêler, non
dans les rangs des vainqueurs de
la Bastille, mais dans les groupes
qui, alors, commençaient à se for-
mer : il échauffait la multitude par
des discours véhémens et passion-
nés, pleins d'invectives et de dé-
CHA
clamations furieuses; on dit quun
des premiers il arbora la cocarde
nationale. L'ambition , déguisée
sous ces formes populaires, lui fit
rechercher les emplois publics; il
n'attendit point d'y être appelé ;
on le vit, au loaoftt 1792, mem-
bre de cettemunicipalité qui s'ins-
talla elle-même, et renversa le trô-
ne. C'est alors qu'il abjura ses pa-
trons , saint Pierre et saint Gas-
pard, que lui avait donnés son
parrain , pour prendre le nom
d'Anaxagoras, auquel il donna
la préférence, parce que, dit-il,
le saint de ce nom avait été pen-
du pour son républicanisme. Au
mois de décembre de la même
année, il fut définitivement nom-
mé procureur-s3'ndic de la ville
de Paris, dont il remplissait pro-
visoirement les fonctions depuis
quelque temps; et dès ce moment,
s'établit entre la commune de
Paris et la convention nationale,
une lutte sourde, mais terrible,
pendant laquelle la convention
eut presque toujours le dessous,
et qui ne finit qu'à la chute de
Kobespierrt'. C'est de celte com-
mune, dont Chaumette était l'or-
j;ane et le moteur, que sortirent
les propositions les plus sangui-
naires ; telles que la formation
d'un tribunal extraordinaire, pour
juger sans formes et sans appel;
la construction d'une guillotine
ambulante, montée sur quatre
voues, pour marcher à la suite
de l'armée révolutionnaire ; il pro-
I osa de réunir et de faire mitrail-
ler tous les jeunes gens de l'âge
de la réquisition qui refuseraient
démarcher; régla ces cérémonies
connues sous le nom dcj'éles de
la Raison f au moyco desquelles
CHA
363
il voulait, disait-il, démoraliser
le peuple , tant le délire de ces
temps déplorables avait le carac-
tère de ce désordre moral, qui naît
de la fièvre et du transport au cer-
veau. Les sectaires de h» déesse
de la Raison, renouvelant les fu-
reurs des iconoclastes , déchirè-
rent les tableaux, brisèrent les sta-
tues et lesimages qui rappelaient,
d'une manière quelconque, le cul-
te catholique et la royauté. Chau-
mette fut le provocateur de cette
mesure, qui amena la destruction
d"un grand nombre de chefs-d'œu-
vre. 11 avait été le principal au-
teur de la journée du 3i mai 1793,
si fatale aux députés de la Giron-
de, et dans laquelle L. S. Mercier
assure, d'après l'autorité de l'Es-
pagnol ouzman , agent de Chau-
mette, que celui-ci voulait enve-
lopper la convention tout entière.
Se voyant menacéed'unedestruc-
tion prochaine par la commune ,
devenue toute-puissante sous la
direction des Chaumette et des
Hcl ^rt, la convention se décida
a terrasser cette autorité rivale.
Les kébcrtistes furent arrêtes, con-
damnés , et envoyés à l'échafaud
le 24 mars 1794- Chaumelle, qui
s'était séparé de Camille Desmou-
lins en 1790, et de Danton en
1793, lorsqu'il fut poursuivi par
Robespierre, parut aussi renier
Hébert en 1794» etd'abord échap-
pa au coup qui avait frappé la
commune; mais sa chute suivit
de près celle de ses collègues; il
fut arrêté, et conduit à la prison
du Luxembourg. Voici ce qu'en
dill'Almanach des prisons : « On
«vit arriver à son tour le fameux
» Chaumette. Ce n'était plus ce
» redoutable procureur ^c la coin
5(54 t^HA
»mnne; c'élail tout bonnement
»un indiviJii tout honteux, eu
» cheveux plats et luisans. Sem-
«blahle au renard surpris dans
«des filets, il ])ortait la tête bas-
»se, son œil était morne et hu-
«milié, sa démarche lente et mal
«assurée, sa contenance triste et
«douloureuse, sa voix douce et
» suppliante. Parmi les divers com-
wplimens qui lui furent faits, on
)> distingua celui d'un certain ori-
» ginal, qui lui dit , avec la gravi-
»té d'un sénateur romain : Subli-
rtme agent national, conformé-
» ment à ton immortel réquisitoire,
»/e suis suspect , tu es suspect.
«Puis, montrant un de ses cama-
» rades, il est suspect, nous soni-
»7nes suspects, vous êtes ^spects,
ails sont tous suspects. » Monté
sur l'échafaud , il dit d'une voix
assez ferme que ceux qui l'y a-
vaient envoyé ne tarderaient pas
à l'y suivre , prédiction qui se
réalisa bientôt. Quelques person-
nes ont vu , dans Chaumette, un
des agens de cette faction qui, au
nom de la liberté, poussait au
crime pour rendre la liberté o-
dieuse. Deux circonstances peu-
ventdonnerquelque vraisemblan-
ce à cette opinion. L'une est que
Chaumette, comme son patron
Robespierre, était entouré d'a-
gens étrangers, tels que l'Espa-
gnol Guzman, l'Allemand Fleu-
riot, le Polonais Villscherits , le
juif Ralmer, etc. L'autre, c'est
qu'il ne proposa contre la guerre
de la Vendée que des moyens pro-
pres à l'entretenir : par exemple,
de n'y envoyer que des aristo-
crates ou des enrôlés volontaires,
jiommés héros à 5oo livres, qui,
presque tous, passèrent dans les
CHA
rangs des Vendéens , après .s'être
livrés sur leur route à toutes sor-
tes d'excès. Sous le costume gros-
sier du sans-culotisme , il affec-
tait une espèce de recherche et d'é-
légance. Ses manières n'avaient
point la rudesse de celles des
nommes de ce temps ; son organe
était net et sonore, et sa physio-
nomie ordinairement ouverte et
sereine.
CHA13SSARD (P. J. B. PtBu-
cola), poète et littérateur, a pu-
blié un grand nombre d'ouvra-
ges de tous les genres, dont la lis-
te complète aurait aujourd'hui
peut d'intérêt. On remarque par-
mi ses ouvrages en prose, les Fê-
les et Courtisanes de la Grèce,
roman assez libre, qui semble
composé de tout ce que la décen-
ce a dû faire rejeter à l'abbé Bar-
thélémy. Héliogabale, ou Ta-
bleau de la Dissolution des em-
pereurs romains, autre peinture
également obscène, mais encore
plus révoltante ; la volupté , chez
les Grecs, était une déesse quel-
quefois licencieuse , mais tou-
jours pleine de grAce. La débau-
che et la servitude, peintes .avec
tout le talent possible, excitent le
dégoût. OnprétendqueM. Chaus-
sard est l'auteur des Auteurs mo-
dernes , ou Voyages de Christine
et de Casimir en France , pen-
dant le règne de Louis XI f^; ou-
vrage plus intéressant que bien
écrit. Comme poète, M. Chaus-
sard s'est fait remarquer par l'é-
nergie et la fermeté de sa versifi-
cation : un assez grand nombre
d'odes qu'il a livrées séparément
à l'impression, portent l'emprein-
te d'un talent moins délicat que
vigoureux. Son Ode sur l*Indus-
CHA
trie et les arts est peut-êlie ce
qu'il a fait de mieux en ce genre;
on trouve de la force et de la
Ijrièveté, des vers bien frappés,
mais une sécheresse plus que di-
dactique, dans son Epitre sur les
genres oubliés par Boileau. M.
Chaussard est né le 9 janvier 1 766 :
les circonstances de sa politique,
que certains biographes lui repro-
chent, sont tellement vagues, oi-
seuses, et si peu prouvées, que
nous ne pouvons ni les réfuter,
ni les rapporter ici.
CHAIJSSIER (François), né à
Dijon, vers 1750. Médecin, chi-
miste et anatomiste, il fut initié de
bonne heure aux grands secrets
de son art, et exerça d'abord sa
profession dans sa ville n;Uale
iJne haule réputation l'avait précé-
dé à Paris , plusieurs années avant
la révolution , et l'académie de
chirurgie l'avait reçu au nombre
de ses associés rcg/iicoles. Nom-
mé successivement correspon-
dant de Tinstitut de France , pro-
fesseur ù l'École de médecine de
Paris, et membre de la légion-
d'honneur, M. Chaussier à pu-
blié les ouvrages suivans : /lié-
t/iode de traiter les morsures des
animaux enragés et de la vipère,
suivie d'un précis sur la pustule
maligne, 1^85, ia-ia; L.r posi-
tion sommaire des muscles du
corps humain , suivie de la clas-
sification et nomenclature mé-
thodique , adoptée au cours pu-
blic d'anatomie de Dijon , 1 78^,
in-8'; Précis de la srjuelétologie ,
1 797 ; Tableau sjrHOf>ti'fue des
nerjsde l'homme, 1797, in-4*; Ta-
bleau synoptique ilcs propriétés
caractéristiques des principaux
phénomènes de lajbrce vitale,
CHA
365
1 798 , in - 4" ; Table synoptique
du plan général des divisions
et sous-divisions principales du
cours d'anatomie, 1799, in-fol. ;
Découverte de la- vaccine tt de
l'inoculation de la vaccine ■, 1 80 1 ,
in-8».
CHAUSSIER (Hector), Gis du
précédent, n'a pas suivi-lamême
carrière que son père. On a de lui
des romans et des pièces de théâ-
tre, taits quelquefois par lui seul,
le plus souvent en société. Voici
la liste de quelques-uns des ou-r
vrages qu'il a publiés. (Avec Bi-
aet) le Tombeau, etc., traduit sur
le manuscrit A^Anne Radclijfe ,
1799, 2 vol. in-12; (avec le mê-
me) le Pacha, ou les Coups du
hasard et de la fortune^ 1 799, in-
12 ; ^e Gros lot , ou une Journée
de Jocrisse an Palais - Egalité ,
1800, in-12; (avecBonel et Châ-
teauvieux) un Trait d'Jtielvé tins ,
vaudeville, 1800; les Crimes du
y audtviUe , 1 80 1 ; /d Fils sans
père , 1 80 1 , in-12; les Prestiges ,
ou Amire et Sohi , mélodrame,
1802, iii-i2. 11 a obtenu de grands
succès dans le mélodrame, et pas-
se pour V Hector de ce genr«,
dont M. Guilbert Pixérécourl est
VAchdle, et M. Cuvelier VAga-
memnon.
CHAUVEAU-LAGARDE, né
;\ Chartres, en i7t)7. ^^anl la ré-
volution, il exerçait déji\ la pro-
fession d'avocat , et les causes
dont bientôt il fut chargé , dans
des temps orageux, lui procurè-
rent de la célébrité. Il parvint d'a-
bord à sauver de l'échafaud le géii< -
rai Miranda; mais il ne lutpasdiissi
heureux dans la défense de Bris-
sot et de Charlotte Corda)'. Son
cèle devait être infructueux dans
36G
CHA
le procès de la reine M.irie-Antoi-
nelte ; mais la postérité rendra
justice à son courage. On n'ou-
bliera pas non plus cette sorte de
iegs que lui fit celle qui avait cru
servir son pays en terminant les
jours de Marat. « Pour preuve de
«mon estime, lui écrivait-elle, je
«vous laisse le soin d'acquitter
M mes dettes. » Après la décision
du jury à l'égard de Marie-An-
toinette, M. Chauveau-Lagarde
observa que cette déclaration é-
tant précise et la loi formelle ,
son ministère finissait. Quelques
jours plus tard, il fut arrêté avec
Tronçon Ducoudray ; mais après
avoir subi un interrogatoire, ils
recouvrèrent la liberté. Dans un
temps plus paisible, il est vrai,
M. Chauveau-Lagarde montra en-
core beaucoup de fermeté ; c'é-
tait en 1 797, dans l'atïaiie de Brot-
lier et de La Villeheurnois, accu-
sés de conspiration en faveur du
frère de Louis XVL Ils furent
traités avec une indulgence à la-
quelle le talent de leur défenseur
put contribuer à quelques égards.
Il ne paraissait pas aimé de Bona-
parte , dont pourtant il avait re-
cherché la bienveillance; mais en-
fin on rendit justice à son mé-
rite, et il entra au conseil-d'é-
tat, le 8 juillet i8o6. En i8i4, il
porta la parole au nom de ce
corps, à Louis XVIII, qui faisait
son entrée à Paris. 11 obtint la
même année des lettres de no-
blesse. La défense du général Bon-
naire a fait beaucoup d'h mneur
à M. Chauveau-Lagarde. Il ne
s'est pas borné à établir dans son
plaidoyer Tinnocence de ce com-
in.mdant de la place de Condé,
qui fut condamné à la déportation
CHA
en i8iG, il l'a prouvée dans u»
précis historique de la vie de ce
général. Dans cette même année
i8i6, il a fait aussi paraître u-
ne notice historique sur les pro-
cès de la reine et de Madame
Elisabeth.
CHAUVEL (PiERBE - Aleïan-
dre-François), né à Honfleur, dé-
partement du Calvados, le 23 dé-
cembre 1766. Entré au service
dès le 14 juillet 1781, il n'était,
quand la révolution commença,
que sergent-majordes grenadiers.
Le 19 avril 1-92, il obtint le gra-
de de sous-lieutenant, et fit en
celte qualité les campagnes de
1792 et de 1795 aux armées du
Nord et du Centre. Le 27 pluviô-
se an 2, il fut nommé lieutenant,
et dès le lendemain capitaine.
Blessé d'un coup de feu, le 8 mes-
sidor, à la bataille de Fleurus, il
fut fait chef de bataillon le 28 du
même mois. Envoyé à l'armée
d'Allemagne, en l'an 4« il se dis-
tingua au passage du Rhin, le 14
messidor. Trois ans plus tard fl
commandait, à l'armée Gallo-Ba-
tave, un bataillon du 49"" de li-
gne, aveclequel, dans la journée
de Berghen, après avoir fait pri-
sonnier le général en chef Her-
man, ainsi que son état-major, il
s'empara de 5 drapeaux russes,
et de 4 pièces de canon. Il ne se
distingua pas moins aux batailles
de Gastricum et de Nuremberg,
et dans cette dernière occasion,
fut l'objet des éloges particuliers
d'Augereau et d'Andreossy. Nom-
mé major du 64°" régiment d'in-^
fanterie de ligne, le 5o frimaire
an 12, il fit la campagne de i8o5
en Autriche, et son courage mé-
rita d'être cité même à Ansterlita.
$t.
7 //// / y// y/
j4lf^.. B,n/(y ./"<
CHA
\oramc colonel et officier de la
légion-d'honneur, il fut envoyé
à l'armée d'Espagne en 1808;
se fit remarquer au passage du
Tage, à la prise de Talaveira, à
la bataille d'Ocana, et enfin au
combat meurtrier de Buen-Veni-
da. Nommé général de brigade
le 10 mars 1809, il fit les campa-
gnes de Russie, de Saxe et de
France ; et sous le gouvernement
royal, reçut la décoration de l'or-
dre de Saint-Louis, et le com-
mandement du département de
la Haute-Vienne.
CHAUVELIN (François),
membre de la chambre des dépu-
tés, est fils du marquis de Cliau-
velin, lieutenant-général, minis-
tre à Gènes, i Parme, ambassa-
deur à Turin, maître de la garde-
robe du roi, et qui fut l'un des
hommes les plus spirituels et les
l>lus généralement aimés de son
temps. Son fils a accepté toute la
succession. Cette famille, l'une
des plus distinguées de la magis-
trature , a compté, sous l'avant-
dernier règne , un garde-des-
«ceaux, des conseillers-d'état, des
iutendans renommés par leurs ta-
lens et leurs lumières, et cet abbé
de Chauvelin, oncle du député,
conseiller-clerc au parlement de
Paris, à qui son zèle et son cou-
rageux patriotisme ont valu des
lettres de cachet, et des années
demprisonriemcnt arbitraire. Le
nom de cet abbé, dans l'histoire
<le c«;lle époque , est inséparable
(le celui df's jésuites, à rex[)ulsion
desquels il prit plus de part qu'au-
cune autre personne en France.
C'est iiu beau titre de famille ù
I fstime et à la reconnaissance pu-
liquc». M. de Chauvelin, élevé à
CHA 367
l'Ecole militaire de Paris , était
depuis très-peu d'années au ser-
vice en 1789. Il occupait aussi à
la cour la charge de maître de la
garderobe qu'avait possédée son
père. Au milieu de toutes les sé-
ductions de la première jeunesse,
et d'une situation alors fort bril-
lante, M. de Chauvelin fut vive-
ment frappé du développement
de toutes les idées de bien public
et de liberté, qui préparèrent les
événcmens de cette époque et
la convocation des états -géné-
raux. Trop jeune pour en faire
partie, il en suivit toutes les dis-
cussions avec un intérêt qui lui fit
adopter un genre de vie sédentai-
re et des études sérieuses. Il fut
nommé aide -de-camp de M. de
Rochambeau, depuis maréchal de
France, au moment où ce géné-
ral fut envoyé, en 1791, à la fron-
tière du Nord, pour y remplir les
cadres dégarnis par l'émigration,
et former une armée de défense:
ce général honora son jeune ai-
de-de-camp d'une confiance tou-
te particulière. Nommé, au mois
de février 1792, ministre plénipo-
tentiaire à Londre, M. de Chau-
velin se rendit à ce poste, après
avoir remis au roi la charge dont
il était revêtu près de sa person-
ne. Parmi plusieurs agens que le
ministère de France avait voulu
accréditer en même temps que
lui, M. de Chauvelin fut le seul
reconnu; etdans les rapports qu'il
entretint seul avec le ministre an-
glais, il eut souvent l'occasion de
développer un zèle éclairé, pru-
dent, ferme, et favorable aux in-
térêts de son pays. Lié intime-
ment avec les membres les plus
distingués de la brillante opposi-
TjGii
Cil A
lion de celte époque, il n'en garda
pas moins, dans une position ln;s-
délicate et fort épineuse pour un
homme d'une extrême jeunesse,
toute la mesure conciliable avec
ses devoirs, sans laisser jamais
porter au caractère dont il était
revêtu, aucunes des atteintes aux-
quelles l'exposaient les violentes
préventions des plus émincns per-
sonnages du pays. L'état de guer-
re où il se trouva à Londres, lui
donna, dès lors, cette habitude
des périls politiques qtii l'ont ren-
du si recommandahle à une épo-
que bieft récente, devenu d'An-
gleterre, et douloureusement af^
fligé des événemens , dont la vio-
lence avait enfin amené entre les
deux pays une rupture que tous
ses efforts avaient relardée depuis
plusieurs mois, d'après le témoi-
gnage qui lui en a été plusieurs
fois rendu dans les chambres du
parlement, M. de Chauvclin re-
put, dès son arrivée à Paris, une
nouvelle mission diplomatique
pour Florence. Quand il obtint ce
poste, les agens français y étaient
exposés aux plus vives attaques ;
MRl. de Sémonville et -Maret ve-
naient d'y succomber. Lord Her-
vcy déclara au grand-duc de Tos-
cane que si M. de Chauvelin ne
repartait dans les virigt -quatre
heures, il bombarderait Livour-
ne; M. Chauvelin partit. Revenu
en France, au mépris de tous les
dangers decette affreuse époque,
il y fut aussitôt incarcéré, subit
onze mois de prison, et menacé
sans cesse de l'échafaud, ne dut
son salut qu'à la journée du 9
ihermidor. Retiré depuisà la cam-
pagne, ilydemeura pendanttoute
la dorée du gouvernemeat direc-
CHA
lorial. IS'unmié par le sénat mem-
bre du tribunal, il y signala son
Indépendance et son dévouement
ù la cause qu'il avait embrassée
eni^SQ.par une résistance ferme
et raisrmnée aux entreprises du
gouvernement consulaire. Ses f)-
pinions contre l'établissement do
la légion-d'honneur, qu'il qualiûa
d'ordre de chevalerie, cl se» ob-
servations sur lebudjetdul'an 1 1,
le Orent aussitôt désigner comme
devanlsortir du tribunaldans Tan-
née suivante; il en fut dédom-
magé à l'instant par le choix libre
des électeurs de l'arrondissement
de Bcaune, qui le nommèrent
leur candidat pour le corps-légis-
latif. Le chef du gouvernement,
attentif à cet avis de l'opinion,
nomma M. de Chauvelin préfet
delà Lys, département belge, oc-
cupé alors par l'armée de Texpé-
dilion d'Angleterre que comman-
dait le maréchal Davousl. C'est
dans ce poste que M. de Chauve-
lin, se livrant avec l'application
la plus suivie aux devoirs et aux
travaux de l'administration, ac-
quit, pendant huit années dexer-
cice, celte expérience des affaires
et celte connaissance des hom-
mes, dont il a depuis t'ait l'appli-
cation sur un plus grand théâtre.
Sa volonté, à ta fois ferme et jus-
te, triompha de beaucoup d'obs-
tacles; et toutefois son autorité n«
cessa jamais d'être populaire : aus-
si les résultats de ses travaux, les
élablissemens en tout genre qu'il
forma et qui subsistent, ont laissé
des traces et des souvenirs hono-
rables de son administration. L'ex-
pédition anglaise sur Flessingue
fut une nouvelle occasion pour
M. de Chauvelin de développer
CHA
cette rare activiléqn'il a reçue de
la nature. La plus généreuse éner-
gie contre celte oppression étran-
gère signala son dévout-ment à la
patrie. Lue telle conduite ne pou-
vait échappi-r à Napoléon, qui ap-
pela M. de (îhauvelin au conscil-
cl'état. Pendant deux années de
présence à ce conseil, il eut l'oc-
casion de l'aire valoir les coiuiais-
sances et les principes qu'il avait
recueillis pendant savie adrninis-
tnitive ; et c'est à lui que l'on dut,
en sa qualité de rapporteur, le dé-
cret du if> décembre 1811, sur
l'organisation des ponts et chaus-
sées; décret qui, depuis cette é-
poque, a continué de régler les
rapports et la marche de cette
grande administrution. En 1812,
M. de Chauvelin fut envoyé en
Catalogue avec le titre de conseil-
ler-d'élat, intendant de deux dé-
partemens à former. Sa répugnan-
ce pour une pareille mission ha-
noraM. de Chauvelin et trahit son
opinion sur l'occupation de l'Es-
pagne; mais son caractère devint
bientôt la garantie des hahitans, à
qui il fit aimer et estin)er l'admi-
nistration française, dont il de-
vint le chef civil en qualité d'in-
tendant-général de la Catalogne.
Les événemens de 181 ^1 mirent u-
ne lacune involontairedans les ser-
vices de iM.de Chauvelin, mais ses
concitoyens ne les avaient pas ou-
bliés, et la pr(^nière élection . faite
en vertu fie la loi du ô février, l'ap-
pela à l'honorable mission di; re-
présenter le département de la
CAle d'Or, à la chamlire des dé-
putés. Ici commencent, pour M.
de Chauvelin, une carrière et u-
ne renommée, qui ont été insé-
parables depuis cinq années ; et
T. IT.
CHA 369
cette faveur toute nationale, bé-
néfice inappréciable et propriété
exclusive des gouvernemens re-
présentatifs. Les éphémérides de
la chambre pourraient seules rap-
peler ces improvisations brillan-
tes , CCS à-propos spirituels à la
fois et énergiques, qui n'ont ces-
sé depuis quatre sessions, souvent
orageuses, de signalerceque nous
pourrons appeler les repos de l'o-
rateur éloquent dont nous indi-
quons les travaux. Tous les suc-
cès de la présence d'esprit, vives
apostrophes,reparlies imprévu es,
saillies piquantes, attaques ingé-
nieuses et souvent plaisantes, suc-
cèdent ou préludent aux opinions
écrites qui ont classé iH. de Chau-
velin paruùles premiers orateurs
de la chambre. Quand il parle de sa
place, c'est Beaumarchais; à la tri-
bune, c'est Barnave ou Chapelier.
Il y a peu de repos pour l'ennemi,
quand 3L de Chauvelin est en
campagne; son attaque est tou-
jours rapide en même temps que
son ordre est profond. lia le grand
talent de bien connaître son ter-
rain et de diriger ses forces à vo-
lonté, ou par masses, ou par frac-
tions; et si la fortune de la guer-
re parlementaire lui prescrit la re-
traite , cette retraite a toujours
l'air d'une attaque. Les opinions
les pins remanjuables de M. de
Chauvelin, sont, dans la session
de i^'-ij, celle sur la liberté de la
presse; dans la session de 1818,
i" celle sur le projet de loi rela-
tif au recrulc?nent de l'armée; a*
sur le projet de loi de finances.
(Cette opinion bien remarquable
ne fut pas prononcée, en raison
de laclôtiire de la discussion; mais
elle fut imprimée, distribuée aux
■A
3^0 CHA
deux chambres, vendue et épui-
sée bientôt dans Paris: elle iut aus-
si traduite en anglais; la sensa-
tion qu'elle produisit fut géné-
rale : cette opinion parut fon-
damentale, et elle passa pour a-
voir singulièrement influé sur les
améliorations qui ont pu être re-
marquées depuis dans la marche
de nos finances.) 3" Sur la propo-
sition de iM. de Serre, relative au
règlement de la chambre. Dans la
session de 1819, 1° une opinion
siirles salpêtres, une autre sur les
poudres, non imprimées, mais
rapportées au Monilncr. 2° Sur
la proposition si remarquable de
M. du Meyiet de l'Eure pour les
pétitions : cette opinion ne fut
point imprimée, mais elle fut é-
crite et rapportée au MonUcur.
Elle peut être intéressante l'i con-
sulter pour l'attaque qui j est por-
tée au ccmseil d'état, comme ins-
titution. 3" Sur le projet de loi re-
latif au règlement des budjets des
quatre années précédentes. Cette
opinion ouvrit la discussion de
ces comptes, en portant la pre-
mière attaque à toutes les opéra-
tions du ministre Corvetto, dans
les emprunts et dans les jeux de
bourse. 4" Dans l'orageuse dis-
cussion que provoqua la loi de la
presse proposée par M. de Serre,
M. de Chauvelin fut toujours sur
la brèche, et arracha quelques a-
mendemens utiles. 5" Sur l'art.
31 du projet de loi des comptes,
relatif â la cour des comptes.
Celte opinion fut imprimée. 6°
Sur les donataires des 4'» 5*", 6*
classe». Ce fut dans la discussion
relative à cette opinion , que le
ministère, pour se soustraire aux
interpellations vives dont il fut
(JIA
l'objet, fit prendre le change par
une attaque épisodique qu'il im-
provisa tout à coup contre le
secret si fameux depuis , que
M. Bignon avait annoncé ù l'oc-
casion du rappel dcd ' pros-
crits. Enfin, dans la session de
1820, où le vote de i>I. de Chau-
velin fit à lui seul accorder la
priorité à l'amendement de M.
Camille -Jordan, sur la loi nou-
velle des élections , cet orateur
fut remarqué par deux opinions ,
où il a donné de nouvelles preu-
ve? d'un patriotisme éclairé , et
d'un talent qui fit face à toutes les
questions: dansl'une, il parla con-
tre le projet de loi relatif à la pu-
blication des journaux et écrits
périodiques; dans l'autre, relati-
ve au projet de loi sur le règle-
ment définitif des comptes anté-
rieurs à 1819, il proposa un a-
mendement dont l'objet est l'éta-
blissement de la spécialité dans
le vote des dépenses du budjet.
Il est inutilede retracer ici la par-
tie dramatique de cette session
mémorable, qui vit naître et finir
des troubles que l'histoire con-
temporaine aurait peine à quali-
fier. Les efforts extraordinaires et
les travaux auxquels se livra l'p-
raleurpour remplir dignement et
à toute occurrence, son mandat
de député, et son devoir de ci-
toyen, portèrent à sa santé une
atteinte que l'estime et la re-
connaissance publique signalè-
rent hautement à l'inquiétude de
la nation. Cet intérêt passionné
et bien légitime entourait, au mi-
lieu des orages bizarres dont la
place Louis XV était devenue le
théûlre, la chaise qui transpor-
tait l'orateur malade ù l'assemblée
CM A
et le rapportait à sa maison. Sa
maladie devint ainsi séditieuse;
et la protection indispensable don-
née par la population aux infir-
mités d'un compatriote, et d'un
des plus anciens défenseurs de nos
libertés, fit partie d'un procès,
commechef d'accusation. Ainsi la
sûreté individuelle devenait un at-
tentat contre la sûreté publique.
M. de Chauvelin a tout oublié ,
et libre enfin d'inquiétude pour sa
santé, a repris cette année, 1821,
sa place accoutumée sur les bancs
de l'opposition.
CHALVELOÏ (Sylvestre), né
à Beaune en 174/'' étudia chez
les oratoriens de celte ville et lut
forcé un moment de se vouer au
barreau. Dégoûté <le cette étude,
il dirigea son attention vers les
sciences exactes et l'ut admis à
l'école de Mézières, où il eut
Monge pour professeur et où il
fut lié avec Carnot, qui devait
depuis suivre une route bien dil"-
férente de la sienne. iM. Cliauve-
lot, devenu capitaine dans l'ar-
me du génie, émigra après l'ar-
restation du roi à Varennes, fit
la campagne des princes en 1 792,
et vint ensuite avec un congé se
retirer à Brunswick. C'cstlà qu'il
connut Raestner, le savant histo-
rien des mathématiques; M. de
Lach, le 1" astronome de l'Alle-
magne ; Gauss, héritier d'une
partie de la réputation d'EuIer, le
uaturali.sle Zimmermann, et d'au-
tres savants dont il re^îut des té-
moignages d'eslinie. et avec les-
«juels il entra en correspondance,
avant et depuis son retour en
France en i8o5. On connaît de
M. Chauvelot : 1° une Introduc-
tion à i'électricitc, avec des appli-
CHA 57»
cations ànombre de phénomènes
de physique, de chimie et d^&cc-
noniie animale, Madrid (Bâïon-
ne), 1788, in-8°, brochure dont
le tort fut deparaître un an avant
la révolution opérée par Lavoi-
sicr, Guyton-Morveauet Berthol-
let. 2° Z/C Livre des vérités, con-
tenant les causes directes de la
révolution française , avec une a-
nalyse raisonnée des missionnai-
res français [les révolutionnai-
res), Brunswick, 1796, écrit in-
digeste et pénible à lire; 5° Let-
tre à Kant sur L'épouvantable
abus que l'on pourrait faire de
si's opinions, ibid., 1797, in- 12,
de 40 pages. Cet opuscule se res-
sent un peu, comme le précé-
dent, du siyle des ré/iif^iés ; 4"
I\ouvelle introduction à la géomé-
trie, oii théorie exacte cl lumi-
neuse de l'étendue, ibid., 1802,
ia-8*. Cet exposé, dont il y a une
2°" édition, se distingue par beau-
coup de clarté et de précision :
c'est une démonstration méta-
physique des notions élémentai-
res de la géométrie. Les travaux
mathématiques non publiés de
M. Chauvelot ont particulière-
ment pour objet de faire rentrer
les problèmes qui appartiennent
aux mathématiques transccndan-
tesdans le domaine des mathéma-
tiques élémentaires, et dedcTuon-
trer à f>riori toutes les notions
qui n'ont pas encore été prouvées
rationnellement d'une manière ri-
goureuse, comme celte théorie
des piirallèles, que l'abbé de La
Alennais appelle un des articles
de foi de la géométrie.
CHAZ,AL(jLAN-PiEnRE), né au
Pont- Saint-Esprit, le 1" mars
17OG, était avocat à Toulouse au
372
CHA
commencement tic la révolution.
Ses talcns, f^on énergie, cl la-
mour de la liberté, qiril savait
peindre avec éloquence, lui fi-
rent une grande réputation , et
lui donnèrent un tel ascendant ,
que sa présence suffisait pour a-
paiser les émeutes populaires et
les insurrections si comninnes, à
cette époque, dans le midi de la
France. C'est ainsi que, dans A-
yignon, il sauva un grand nom-
bre de victimes près d'être im-
molées; qu'il préserva sa ville
natale de toute espèce de révolte,
et qu'il parvint à délivrer liarjac
des troupes du comte du Saillant,
qui s'en étaient emparées. Élu
député du départeujent du Garda
la convention nationale, il appor-
ta dans celte assemblée les prin-
cipesde républicanisme qu'on re-
trouve dans tous ses discours.
Son vote, lorsqu'on jugea le roi,
fut rédigé dans un esprit tout par-
ticulier, ç Je suis convaincu , di-
« sait-il, que Louis est coupable ;
«mais sa mort, quoique juste, a
«des dangers que n'a pas sa con-
«servation. Cesdangers, quigron-
«dent dans l'avenir et sont déjà
» prêts à se lancer sur ma patrie,
wme font un devoir de soumet-
»tre à mes commettans une déci-
»sion éventuellement funeste, ou
» d'en prendre une qui ne soit pas
«irrévocable. Je vole pour la
«mort, mais en adhérant à la ré-
» serve de Mailhe, relative au sur-
«sis, » Chazal démanda aveccon-
rage la levée du séquestre ap-
posé sur les biens des étrangers ,
et la suppression des commissions
executives, qu'il accusait de dila-
pidations et de monarchisme. Il
fut membre du comité de salut
CHA
public et délégué de la conven-
tion dans plusieurs départemens.
Il sut déployer à propos, dansce»
diverses missions, la fermeté et
l'esprit de justice qui le caracté-
risaient. Les départemens qu'il
inspecta, savoir : lAveyron, le
Cantal , l'Ardèche , la Lozère, la
Haute-Loire et le Puy-de-DAme,
étaient très-attachés à leurs prê-
tres; Chazal fît tourner ces dispo-
sitions au profit de la tranquillité
publique. H n'exigea des prêlres
qu'une simple soumission au gou-
vernement; etct^lte condition une
fois lemplie. il fit lever le séques-
tre apposé sur leurs biens, et les
réintégra dans l'exercice de leurs
fonctions. Cette conduite occa-
siona son rappel, mais il ne re-
parut pas à la convention. Admis
au conseil des cinq-cents, comme
l'un des membres composant les
deux tiers conservés de la con-
vention, Chazal, dans cette nou-
velle assemblée, débuta par un dis-
cours remarquable sur les droits
successifs des émigrés; il y atta-
quait vivement l'abbé Morellet,
auteur d'un écrit contre la loi du
i4 floréal an 5. Cette loi mainte-
nait la confiscation des biens des
conspirateurs, des émigrés, etc.
Pendant le cours de sa carrière lé-
gislative, Chazal manifesta cons-
tamment des opinions républi-
caines. Le tolérantisme religieux
dont il avait donné des preuves
lors de sa mission dans les dépar-
temens fut sans cesse professé par
lui à la tribune, et contribua à l'a-
brogation des lois pénales rendues
contre les prêtres insermentés. H
demanda souvent la fin des pros-
criptions et une liberté positive ;
cependant, au 18 fructidor, il sk
CHA
»
trouva du côté des proscripleurs;
il prétendait que ce jour avait sau-
vé la république. Il coopéra au
18 brumaire , mais de bonne foi
et sans prévoir que cette révolu-
tion célèbre devait amenerla chu-
te de son idole. Collaborateur
d'imeconslitution qui ne fut poitjt
adoptée, il combattit avec cha-
leur celle que le premier consul
avait fait rédiger. Appelé au tri-
buuat. il siégeaconstammentdans
ce corps parmi les membres qui
s'opposaient à toute autre espèce
de gouvernement que celui de la
république. Malgré la dissidence
des opinions, le mérite deChazaI
n'avait point échappé au pr<'mi«'r
consul, qui le nomma préfet du dé-
partement des Hautes-Pvrénées.
Administrateur aélé et habile,
ChazaI resta pauvre, parce qu il
était probe et sans ambition. Les
habitans de la ville de Tarbes,
où il a demeuré plus de dix ans,
et généralement tous ses admi-
nistrés, l'ont pleuré comme un
père, (^hazal, (|ui n'avait pas été
conservé par les ministres du roi,
à l'époque de son premier retour,
accepta la préfecture du Finistè-
re pendant les cent Jours , et, par
la suite, se trouva compris dans
la loi d'amnistie du i*i janvier
!8i(). Forcé de quitter la France,
il s'est retiré dans le royaume des
Pays-Bas, oii il se fixa d'abord à
Villevorde, puis à Hruxellcs. La
doiu-eur de ses mœurs et l'amé-
nité de son esprit lui ont concilié
l'eslimc et l'affection partout 011
il s'est arrêté.
<^HAZ.KT (REisÉ-AiissAîf de),
né eu 1 772. La gloire de ce littéra-
teur, quia écrit pour tout le monde
et dans tous les pays, est tellement
CHE
375
éparpillée, que pour en retrouver
les titres, il faudrait consulter et
citer \\n nombre si prodigieux de
vaudevilles, de chansons, de chan-
son net tes, de romances p(di tiques,
morales et autres, que nous som-
mes à regret forcés de renoncer à
ce travail et de nous contenter de
donner ici une idée sommaire de
cette encyclopédie d"à-pro|>os et
de bouts-rimés, en disant que sa
muse n'a manqué dans l'espace de
ces vingt-cinq dernières années,
à aucun événement ni à aucun
homme en place. Les seuls ou-
vragesde quelque poids qui soient
sortis de sa plume, ou du moins
auxquels il ait eu part (car M. de
Chazet n'a jamais rien écrit qu'en
société), sont un petit Elo^f de La
Harpe, un petit h! toge de Cor-
neille, et un précis historique, in-
titulé les Russes en Pologne. On
trouve dans ces écrits de l'affec-
tation, quelques traits spirituels
et beaucoup de mauvais goût.
CHEMINEAll(i F. BARON Jean),
est né le aO avril 1771. lia dOson
avancement à une bravoure peu
couunime, même dans les rangs
fra«)çais. Major du 61"" régiuient
dinfanterie en 180^, il lit sous
Masséna les campagnes d'Italie,
passa en Prusse, pour joindre
son régiment à la grande-armée,
fit toute la campagne, se distin-
gua dans presque toutes les ren-
contres, et aprèssT'tre fait surtout
remarquer au siège de Dautrick ,
fut nommé colonel du 7()"" régi-
ment d'infanterie de ligne en rem-
placeutrnt dt) colonel Lajonquièrc
tué quelipie temps avant la paix
de 'lilsil, et faisait parlic du 0™*
corps d'armée commandé par le
maréchal Ncy ; passa en Espagne
574
CHE
avec ce corps, el fi»l nommé, par
INapoIéou, officiel' de la légion-
d'honneuv et baron d'empire. Cet-
te noblesse acquise parl'épée, il la
justifia par l'épée; devenu général
de brigade, il signala de nouveau
son courage en Espagne, principa-
lement au siège de Palencia et au
pont deCarrion; passa en Russie,
d'oùilrevinlenAllemagne,etnese
montra pas moins brave et moins
habiledansces malheureuses cam-
pagnes, qu'il ne l'avait été au jour
des succès. Il fut blessé à la ba-
taille de Lutzen, souffrit l'ampu-
tation d'une jambe, et se vit forcé
de quitter des drapeauxque la for-
tune se préparait à abandonner.
Il obtint avec sa retraite le bre-
vet de lieutenant-général, et fut
nommé chevalier de Saint-Louis
en i8i4- Le général Chemineau
a la réputation d'un très-bon offi-
cier; il a commandé le 76"" régi-
îïient avec be^vuconp de distinc-
tion. C'est ce régiment qui retrou-
va son drapeau à Inspruck , dans
l'arsenal, après la bataille d'Auster-
litz, drapeau qui lui avait été enle-
vé quelques années auparavant :
c'est le sujet d'un beau tableau
qui a été vu an salon, et auquel
le peintre à cru devoir faire un
changement depuis 181 5, en subs-
tituant une figure à une autre.
CHÉNEDULLÉ (Charles de),
né à Vire, déparlement du Cal-
vados^ vers 1770, élève du col-
lège de Juilly. Il émigra au com-
mencement de la révolution, on
ignore dans quel intérêt. Dejjuis
sa rentrée en France, qui eut lieu
après le 18 brumaire an 8, la car-
rière politique fut étrangère à ses
travaux. Il les consacra à la poé-
sie ou à l'instruction publique.
CIIE
en qualité de professeur de belles-
lettres au lycée de Caen. M. de
Chénedollé a remporté plusieurs
palmes à l'Académie des jeux-flo-
raux de Toulouse, en 1808 et en
1816. Mais ce qui lui a fuit pren-
dre un rang honorable parmi les
poètes du 19"" siècle, ce sont : i"
Le Génie de l'Homme , poëme,
in-8% 1807; 2"" édition, in-i8,
1 8 1 2 ; 2" Etudes poétiques^ in-8°,
i82i.Iladonné,avecM. Fayolle,
une édition des OEuvres complè-
tes de Rivarol, 5 vol. in-8°, 1808.
Le fils de M. de Chénedollé est
professeur à l'Athénée de Liège ,
et coopère à la rédaction de jour-
naux étr-angers, particulièrement
à celle du /Mercure Belge.
CHÉNIER (Louis de), naquit
en 1723, à Montfort, bourg situé
dans les environs de ^Toulouse.
Originaire d'un village appelé C/je-
nier, situé entre le Poitou et la
Saintonge; sa famille était depuis
long-tempsétablie en Languedoc,
oi'l plusieurs de ses membres
avaient successivement occupé la
place d'inspecteur des mines.
Louis Chénier, devenu orphelin
très-jeune, abandonna l'héritage
paternel ;\ sa sœur, et se rendit à
Constantinople, où il fonda une
maison de commerce. Bientôt il
s'attacha au comte Dessaleur, am-
bassadeur de France près la Porte-
Ottomane, et, lorsque celui-ci
mourut en 1 765, lui succéda com-
me consul-général et chargé d'af-
faires jusqu'en 1764. Quand M.
de Vergennes fut nommé ambas-
sadeur à Constantinople, Louis
Chénier revint en France, accom-
pagna en 1767 le comte Bugnon
chargé de se rendre en Afrique ,
pour conclure un traité avec 1 em-
/:,/
7 r ///(■■ /
CHE
pereur de Maroc, et resta dans cel-
te résidence avec le titre de chargé
d'aflaires. IVappelé en 17S4, il tra-
vailla à un ouvrage intitulé Hc-
chcrches sur les Maures , qu'il fit
paraître en 1787, et à un autre
intitulé Révolutions de l'Empire
Ottoman, qu'il publia en 1789.
Partisan éclairé de la révolution,
il fut juge au premier comité de
surveillance, et s'y conduisit avec
une modération honorable. La
mort de son fils André Chénier
accéléra la sienne, et il expira le
7 prairial, an 3 (25 mai 1796)-
On a de lui : Recherches histori-
ques sur les Moeurs et histoire
de l'Empire de Maroc , Paris ,
1787 , 3 vol. in-8°; Révolutions
de l'Empire Ottoman et obser-
vations sur les progrès , sur les
revers, et sur Céiat présent de
cet Empire, Paris 1789, in-S";
Réclamation d'un Citoyen, pe-
tite brochure de circonstance.
M. Louis Chénier eut quatre fils :
l'aîné a , comme son père, suivi
avec distinction la carrière des
consulats; le second s'est élevé
dans l'état militaire jusqu'au gra-
de d'adjudant-général; les deux
plus jeunes, que la mort a déjà
frappés depuis long-temps , ont
brillé sur la scène politique et lit-
téraire. Les articles suivants leur
sont consacrés.
CHÉNIER (Marie-Joseph de),
né à Conslantinople, le 28 août
176!!. Des trois hommes qui ont
illustré ce nom , il est sans con-
tredit le plus illu.stre. C'est en
France que l'éducation développa
les généreuses et brillantes qua-
lités qu'il avait reçues de la natu-
re, il fil ses études au collège
Mazarin, et eut là pour professeur
CHE 375
l'abbé Geoffroy, qui ne régentait
alors que des enfans. Il paraît que
Chénier n'était ni le plus révéren-
cieux ni le plus docile de ses dis-
ciples. Quelques traits des lèuil-
letons de ce pédanl, et plus d'un
passage des satires du poète, prou-
ve que dès lors ils préludaient
à celte guerre, où la férule pas-
sa bientôt des mains du maître
dans celles de l'écolier. Chénier,
qui avait embrassé la profession
militaire, entra, en 1781, dans uu
régiment de dragons, alors en
garnison à Niort : mais cette pro-
fession, qui alor» n'était pas celle
de la guerre, ne lui promettait
pas assez de gloire; il y renonça
bientôt pour se livrer tout entier
aux lettres. A l'âge de aa ans, il
donna, en 1786, sa tragédie d'//se'-
mire. Cette pièce promettait plus
de talent qu'elle n'en prouvait;
elle obtint peu de succès. Quatre
ans après parut la tragédie de
Charles IX. Egalement hardi sous
les rapports politiques et sous les
rapports philosophiques, cet ou-
vrage ne fut pas sans influence
dans la révolution, qui de son cô-
té influa sur l'effet prodigieux
qu'il produisit. En tout temps
Charles IX, par sa propre valeur,
aurait obtenu un grand succès.
Chénier affectionnait parli(;uliè-
rement cette pièce , à laquel-
le il dut son premier triomphe, et
jusqu'au dernier moment il s'est
complu à la perfectionner. Ce dra-
me, dirigé contre rintolérance et
le despotisme, fut attaqué comme
attentatoire à la monarchie et à la
religion. La tragédie de Heur
VIII suivit celle de Charles !?•
Le succès qu'elh; obtint fut mo-'^s
grand. Plus pathétique que ^^li'
rO
ciir,
tique, elle remuiiil moins les ji.i.^-
sions .rév()liui(;iinuircs; nous la
croyons néuninoius supérieure.
Elle abonde en >< ( iits cl en situa-
tions touchantes; et >i jamais elle
est rappelée an lliéâlre, d'où je ne
sais quelles considérations l'ont
écartée, elle y produira plus d'ef-
fet encore qu'à l'époque de sa nou-
yeauté. Cependant la révolution
poursuivait sa marche. Chénier,
qui avait embrassé cette cause a-
vec toute l'impétuosité de son ca-
ractère, marchait avec elle, et é-
crivaitsous son influence.De roya-
liste constitutionnel qu'il avait été
d'abord, devenu républicain, il
fit paraître son Caius Gracclnis.
Cet ouvrage, conçu dans les in-
térêts de la démocratie, fut accu-
sé par les royalistes de ne favori-
ser que l'anarchie, et par les anar-
chistes, de ne préconiser que la
modération. Une voix, et c'était
celle d'un représentant [yoy . Ar.-
BiTE aîné), s'éleva contre cet hé-
mistiche, des lois et non du sang/
A cette voix, le sanglant comité
dont cette , maxime accusait le
gouvernement, ordonna la sup-
pression de l'ouvrage qui la con-
sacrait. C'était réfuter d'avance
les accusations qui leur ont don-
né Ciiénier pour complice. A l'é-
poque où l'on défendait la repré-
sentation de Caius Gracchus, le
frère de Chénier tombait sous la
hache. Unis d'affection, mais divi-
sés d'opinions, ces deux frères a-
■vaient adopté les principes sur les-
quels la révolution était originai-
rement fondée; mais tous deux ne
l'étaient pas renfermés dans les
imites de la constitution de 1791»
^<^sque la révolution les dépassa.
Anlvé Chénier défeodit la monar-
ClIK
cliie (ontre le parti de son tiere
avec autant décourage, cl j>eut-
êlrc autant de talent que Marie-
Joseph en mit à défendre la npu-
bliqui- contre les attaques de Ma-
r.il et de Uobespierre, qui vou-
laient y substituer, l un la déma-
gogie, l'autre la dictature. C'est
sous la dictature de Robespierre
qui, pour le tuer deux fojs, vou-
lait frapper Chénier dans son frè-
re avant que de le frapper lui-mê-
me; c'est sous la dictature de Ro-
bespierre qyi\ihdré fut conduit
à l'échafaud, moins en punition
de ses opinions que de celles de
Joseph, au supplice duquel le ty-
ran préludait : et l'on n'a pas eu
honte d'accuser celuirci d'être
complicedecetassassinat, lui qui,
sans songer à ses propres dangers,
sollicita jusqu'au dernier jour la
grâce de son frère auprès des
proscripteurs, dans la pensée des-
quels il se savait proscrit lui-mê-
me ! Atroce accusation inventée,
accréditée et accueillie par l'es-
piit de parti. 11 est des hommes
qui s'embarrassent peu d'outrager
l'humanité entière, si par-là leur
politique parvient à discréditer un
homme. Chénier ne fut que trop
sensible aux effets de cette horri-
ble imputation. Il est plus facile
au crime de braver l'accusateur
qu'à l'innocence de supporter la,
calomnie. Après un long silence,
Chénier y répondit par un des
plus beaux morceaux qui soient
dans son épîlre à La caiumnie.
Les vers qu'il y adresse aux mâ-
nes de son malheureux frère ont
été dictés par un grand talent, par
la sensibilité la plus profonde.
Nousy renvoyons le lecteur.C'est
la plus éloquente de toutes les ré-
CHK
fulations. II n'tst pas superflu
cependant de la fortifier par une
dernière considération. Nous pré-
sentons au lecteur celle que M.
Ârnaull énonça sur la tombe de
son illustre confrère : << Poursuivi
«par la calomnii;, Chénier se ré-
j>ï'ugia dans les bras de sa mère;
»se seraient-ils ouverts à son re-
»pentir s'il eût été couvert du
))sang d'un frère?» Les faits qui se
rattachent aux représentations de
Caiiis Gracihu.s nous ont fait em-
piéter sur l'ordre des événemens.
Keprenons-Ie. Chénier avait don-
né deux ouvrages nouveaux, et
en faisait répéter un troisième
quand il se vit contraint à renon-
cer momentanément à la scène.
Les deux premiers ouvrages sont
Jean Calas ci Fénélon . TimoU'on
est le troisième. Jean Calas, que
l'auteur n'a pas voulu flétrir du
titre de drame, n'avait peut-être
pas droit de prendre celui de tra-
gédie. Cependant si l'on considère
que dans celle pièce où les genres
ne sont pas mélangés, et dont le
sujet est des plus graves, le style
est conslammeiit noble et palhé-
tique, et que les scènes les plus
touchantes y sont terminées par
le dénomment le plus terril)le, lui
donnera-t-on une dénomination
qui la rabaisse au niveau de l'ilon-
niUc criniiml, ou de /« liroiielle du
yinaif^ricr? Ne pinçons pas Calas
auprès de Phèdre ou de /-aire; mais
plaçons-le A colc de /l/i'lofiic, que
d'après le sens vulgaire attaché à
ce mot drann , aucun homme de
goftt n'est tenté d'appeler de ce
nom, bien que rintérèt de cette
pièce semble ne résulter que d'in-
térêts privés, et que les personna-
ges qui ûgurenl là uc soient pas des
CHE
377
hommes publics. Mélanie et Calas
d'uilleurs ont plus d'un rapport en-
semble. Dictés tous deux par une
philosophie amie de l'humanité,
ces deux ou\ rages attaquent les
crimes du fanatisme, et prouvent
que la [)iété éclairée ne peut pas
exister sans philanthro[tie. Ces
deuxouvragesappartienn<;ntàdes
hommes d'une raison et d'un ta-
lentsupérieurs. Avouons-le pour-
tant sous le rapport du goût, La
Harpe a l'avantage sur Chénier.
11 a mieux senti , mieux observé
les convenances : son style tou-
jours noble est toujours naturel.
Chénier cesse quelquefois d'être
naturel pour être noble; il n'est
pas exempt d'emphase , et c'est
dans le rôle de la servante de Ca-
las quec« défaut se fait surtout
remarquer. Ou ne le retrouve pas
dans Fénélon, une des jièces les
plus touchantes qui soient à la
scène. Chénier y fait preuve d'u-
ne souplesse de talent bien rare.
Par celte pièce, où il prête à Fé-
nélon une bonne action que cet
archevêque eût été capable de
faire, et que Fléchicr a faite, Ché-
nier mérita la haine de l'intolé-
rance irréligieuse sans se conci-
lier le suiVrage des dévots. La re-
présentation de ces scènes, où
l'on voit un pontife compatissant
aux faiblesses humaines, devrait-
elle être défendue par des amis de
la religion? Fsl-ce dégrader un
prêtre que d'en l'aire un homme?
Jiiuoti'on , dont les répétitions
avaient été interrompues quel-
ques mois avant la mort di'Andn'
Citénicr , fut représenté peu de^^
temps après celle de Robespierre;'*
11 obtint un grand succès. Jk3t;>
sentimens républicains dominctit
r5r8
ruK
dans celle pu';t<;, où cependant, à
rexeinplc de Voltaire, dans Brti-
tas, Chénier a eu l'art de conci-
lier les sentimens naturels avec
les devoirs du citoyen. Ti/nolcon
n'offense ni les uns ni les autres.
Il n'est ni faible ni atroce; il l'ait,
pour prévenir la perle de son frè-
re et l'asservissement de sa pairie,
tout ce qu'on doit attendre d'un
héros. Sa situation est éminem-
luent tragique. 11 S'^en faut de
beaucoup que La Harpe, qui a trai-
té ce sujet, s'y soit élevé à la hau-
teur de Chénier. A lexemple des
anciens, il a fait intervenirle peu-
ple dans cette tragédie mêlée de
chœurs. La musique de Méhul n'a
pas peu ajouté à l'effet de ces
chœurs, qui sont fort beaux par
eux-mêmes. Quelque succès qu'ait
obtenu TmioU'oii, il fut plutôt
une source de peine que de jouis-
sance pour son auteur, puisque
l'on en prit occasion pour l'acca-
bler des calomnies que nous a-
vons réfutées, et qu'on se préva-
lut du choix de ce sujet pour af-
firmer que Chénierne l'avait traité
que daub l'intention de faire ap-
plaudir en scène ses propres prin-
cipes et ses propres actions. Soit
par suite des déj^oûts que lui cau-
sa ta/il d'acharnement, soit par
suite des occupations que lui don-
nèrent les alfaires publiques ,
Chénier laissa passer plusieursan-
néessans rien donner de nouveau
à la scène. Ce n'est qu'à l'époque
du couronnement qu il composa
la tragédie de Q/ «s. Ainsi, que M.
de Lalii Toilendai et M. de Cua-
teaubriand , Chénier avait trouvé
de grands traits de ressemblance
entre ces deux conquérans qui re-
levèrent les autels [yojez la pré-
CHE
face d'Atala). Cyrus n'eut pas de
succès, et ce n'est pas à ses dé-
fauts comme ouvrage dramatique
qu'il faut l'imputer. En consen-
tant à faire cet ouvrage de cir-
constance , Chénier s'était mis
dans une des situations les plus
fausses. Après avoir agi si vigou-
reusement contre la monarcliie,
il ne pouvait guère écrire pour
un monarque sans se compro-
mt.'ltre. D'ailleurs son caractère
inflexible ne lui permettait pas
d'abjurer ses principes. Auss^i se
l'eproduisent-ils sans cesse dans
cet acte de complaisance où les
éloges mêmes sont des conseils.
Les éloges déplurent au public,
les conseils ne plurent pas au
prince, et Chénier perdit sa répu-
tation d'indépendance par celui
de ses ouvrages qui devait peut-
être la lui mériter le plus. Sous
le rapport littéraire, Oyrus n'est
pas à l'abri de quelques critiques.
Celte imitation du Ciro ricunos-
ciiito de Métastase rappelait un
peu trop Mérope, qu'on ne fera
jamais oublier. Le style en est
souvent plus lyriqueque tragique.
Il offre toutefois des beautés d'un
ordre supérieur, telles que l'imita-
tion de la prophétie de Daniel, tel-
les que le sermentque prête Cyrus
en recevant la couronne, et cer-
taine invocation où se trouvent
ces vers :
Que respectant des lois les volontés suprêmes.
Le prince ait des amis et non pas des sujets;
Sans craindre les combats qu'il chérisse 1< pa'x;
§»e les pleurs des vaincus désarment sa victoire;
uM aime le mérite et permette la gloire.
L'estimer dans autrui c'est déjà l'obtenir.
Prompt à récompenser, qu'il soit lent à punir.
Tels sont les vœux publics; j'ose les faire enten-
dre.
Ces vers et tant d'autres, dictés
par le même esprit, ne sont pas
d'un flatteur. Oynis est le dernier
CHE
ouvrage que Chénicr a\i fait re-
présenter. Il n'avait cependant
pas renoncé au thé;1tre. lMu«ieiirs
ouvra<fes puljlié? après sa mort en
font foi. De ce nombre est un Phi-
lippesfConfi,(\\ù élaitreçu depuis
long-temps au Tliéâlre- Français;
un Tibirt-, qu'on a espéré un mo-
ment voir paraître sur la scène
française, etqued'injurieusescon-
sidéralions, étrangères toutefois
à l'auteur, en ont écarté. Dans ce;?
deux productions , le génie de
Chénierbrillede tout l'éclat qu'un
talent consommé peut lui prêter.
Les autres ouvrages complets ,
trouvés dans son portefeuille, sont
une tragédie de BriUus tt Cassius,
des imitations de VOEdipe-roi
et de VOEdipe à Colont, de Nn-
than-lt-Saf>e, d'après Lfssing.On
y a trouvé aussi des fragmens
(Viine Ecole du scandale, d'après
Shéridan, et d'une traduction de
VEltctre de Sophocle. Chénicr
avait de plus commencé un Pk'er-
llur, dont plusieurs personnes ont
entendu des fragmens : il paraît
qu'ils n'ont pas été retrouvés dans
ses papiers. Ajoutés à un opéra
en un acte, intitulé It Camp de
Grondpré: et à une petite comé-
die en un acte, intitulée Edward,
ou le Pape supposé, représentée
(en 178Ô) et non imprimée, ces
fragmens compléteraient la liste
des œuvres dramatiques de Marie-
Joseph Chénicr. I\Iai> ii cela ne se
bornent pas ses œuvres : en po-
litique, il a parlé sur quantité
de questions importimtes; sur
les récompenses dues aux savan»,
aux écrivains et aux artistes; sur
la conservation des monumens,
des livres et des objets de scien-
ces et dart; sur l'organisation gé-
CHE
^79
nérale de l'instruction publique;
sur l'établissement spécial du con-
servatoire de musique. En littéra-
ture proprement dite, iirdépen-
danmient d'un écrit sur la liberté
de> théâtres, 178g, on lui doit di-
vers articles insérés dans le If fer-
cure en iHo() et 1810; une tra-
duction de la poétique d'Aristote,
et })lusieurs discours sur les pre-
miers siècles de la littérature fran-
çaise, discours lus à l'Athénée de
Paris. De plus, il a composé, en
i8og, un travail connu sous le titre
de Tableau de l'étaletdes pro;^iès
de la littérature française depuis
1789. Ce tableau contient l'énu-
mération, l'analyse et l'apprécia-
tion de tout ce que cette période
de vingt ans a produit de remar-
quable dans toutes les partiesaux-
qiiellcs l'art d'écrire peut être ap-
pliqué; et cette période, qui n'a
pas été stérile , n'a rien produit
en littérature de supérieur à cet
ouvrage où elle est justifiée. -A
quelque époque que ce soit, on
en trouverait peu même qu'on
puisse lui comparer. Des chants
et des odes dont presque |pus les
sujets sont patriotiques; des imi-
tations d'Ossian ; des fragmens
d'une épopée, intitulée la Baïa-
viade; le premier chant d'un~iT)oë-
mp sur les Principes des'urts,
poëme non moins reiijâiquable
par la justesse et la finesse des
observations q«ie par la grfice et
le pi(|uant du style; plusieurs é-
pîtres politiques ou philosophi-
ques; uiui traduction élégante et
facile de V Arlpoétique d'Horace;
une i.piire sur la calomnie, épî-
tre inspirée par la plus juste indi-
gnation, et remplie de vers mar-
qués taulût au coin de lu satire lu
58o CHK CHE
plus malif,mc, laiitôl empreints de l'effroi. Mais Chénier, dit-on, a
la sensibilité la plus profoiule ; provorpié le décret par lequel le
une p //'<■ à f oitairi'. épître qui Panthéon a été ouvert aux restes
seinl)l«; il \(jiitl(; dictée pir lepoè- infinies de Marat. Non, le poète
te phil()sn[)lie aiupiel elle «;st a- qui avait dit : Des lois el non du
dressée; eidiii des satires pleines siuifi, n'a pas été le panégyriste
de raison, de stdttd'enjouenieut, deTapûlre du meurtre. Aussi dans
voilà ce dont se composerait la le rapport qui précéda le projet
colli'clion complète (les œuvres de décret en question (Moniteur
de Chénier, collection encore à du 7 frimaire an 2), Chénier
l'aire. La vie de Chénier lut des ne p,irle-l-il que de Mirabeau,
plus affilées II avait embrassé les que ses talens avaient lait admet-
principes de la révolution ; il lut tre dans le Panthéon, et dont sa
un de ses poètes, ou plutôt il lut vénalité la (ait exclure. Dans ce
un des poètes de la iil)erté, car rapport, que le nom de Marat ne
jamais il n"a chanté qu'elle. Nom- souille pas une fois, Chénier, qui
mé député à la convention en l'avait rédigé, exprimait ses pro-
1792, ses opinions dans toutes lis près opinions. Dans le décret ré-
circoust;inces lurent celles des digé par le comité d'instruction
Vergiiiaud, des Gensonné, des publique, il ne faut voir que l'o-
Guadet; il vola comme eux dans pinion de ce comité, dont Chénier
le procès de Louis XVI, et méri- était l'organe. Pourquoi, dira-
tait d'êlre proscrit comme giron- t-on, ne s'est-il pas refusé à ce
din par les terroristes, à la chute ministère? Vous qui faites cette
desquels, plus heureux eue les demande, n'avez-vous jamais fié-
premiers, il eut pourtant le bon- chi sous les circonstancesPet quel-
heur d'assister et de contribuer, les circonstances que celles où
Après le 10 thermidor, il travail- Chénier se trouvait alors! Ché-
la, avec une ardeur infatigable, à nier entra dans le complot du 18
réparer les atrocités, à mettre un brumaire; mais il fut prouvé qu'en
terme aux injustices enfantées par cela il \oulait plus le renverse-
l'horrible système qui venait de ment du directoire que l'élévation
succomber. jNombre de proscrits de Bonaparte. La chaleur avec l.i-
lui ont dû la vie et la libeité ; il a quelle il combattit, à la tête de
sauvé Dupont de Nemours. C'est 1 opposition, les envahissemens
sur sa [«roposition que le général progressifs du pouvoir consulai-
Montesquiou et le citoyen Talley- re, le firent conipfendre dans l'é-
rand de Périgord furent redeva- limination que l'on vit bientôt
blés du décret qui leur rendit mie subir au tribunat. Chénier, appelé
pairie. Enfin il prit part, après la alors aux fonctions dinspecleur-
terreur, à tous les actes parles- général de linstruclion publique,
quels la convention lenla de se se lit un scrupule de les remplir
réconcilier avec l'humanité; et avec la plus grande exactitude,
pendant la terreur, il avait été é- nnalgré les infirmités qui l'acca-
tranger à tous les actes par lesquels blaient. Destitué malheureuse-
cette législation s'en était rendue ment, non pas pour lui, au sujet
CHE
de la publication de son Epure à
p ottaiie, il ioniba dans le plus
affreux dénftment , et nionlra à
cette oceasion qu'un grand cou-
rage est l'all^ naturel d\in grand
talent. Il n'avait pa? encore trou-
vé des ressources sullisanles con-
tre ses besoins, dans les produc-
tions de son esprit, quand Najio-
léon lui assura une pension de
8,000 francs. Il n'en a pfis joui
long-temps. Le 11 janvier iSii,
il succomba à la maladie qui le
travaillait depuis douze ans. Ce
lut une grande perte pour les let-
tres. Agé de 4/ 3"s à peine, il
n'avait pas à beaucoup près four-
ni la carrière que ses forces sem-
>' blaient lui promettre de parcou-
rir. C'est dans la vigueur, dans la
maturité de son talentque la Fran-
ce Ta perdu. Sa mort fut l'occa-
sion d'un grand scandale. M. de
Chateaubriand, qui avait sollicité
et obtenu à l'institut national ou
impérial, la place du défunt, pré-
tendit faire son procès à sa mé-
moire, dans le discours qui devait
en contenir l'éloge. L'institut re-
fusa de laisser prononcer le dis-
cours; et la majeure partie de ceux
de ses membres qui se sont le
plus fortement prononcés contre
les prétentions du réci[tiendai-
re en cette circonstance, ont ces-
sé depuis d'être portés sur la liste
des immortels. I)oné d'une Ame
énergique et passioimée, Chénit;r
porta à l'extrême ses qualités et
ses défauts. Placé dans une situa-
lion, engagé dans des événemeus
plus propres à faire ressortir ses
défauts que ses qualités, il ne faut
pas s'étonner qu'il ail été moins
loué que décrié. Les éloge» qu'on
n'a pus pu lui refuser furent arra-
CHE
58 1
chés par son génie; il en méritait
aussi par son caractère, l ne gran-
de élévation d âme en faisait la
base. D'elle provient cette infa-
tigable émulation par laquelle
toutes ses actions s'expliquent.
Elle ne dégénéra jamais en envie;
Cbénier était trop orgueilleux
pour être envieux : elle le rendit
quelquefois coupable d'outrages,
mais de bassesses jamais. Géné-
reux jui^que dans ses torts, ce
n'est jamais que contre les forts
qu'il combattit : quant aux fai-
bles, c'est par des services qu'il
aimait à s'en venger. Son ûme,
ouverte aux passions violentes,
n'était pas plus fermée pour cela
aux sentimens doux qu'aux sen-
timens généreux. Ennemi ou ami,
tout malheureux pouvait comp-
ter sur lui. Pieux envers sa mère,
affectionné envers ses frères, c'est
dans ces sentimens qu'on lui con-
testa qu'il puisait ses consolations
et ses chagrins. S'il eut des enne-
mis, il eut des auïis, et nïérita les
uns et les autres. Constant dan»
toutes ses affections, il le fut sur-
tout dans ses amitiés el dans sa
haine, parce qu'elles n'étaient en
lui que le ré.sultat de l'estime ou
du mépris. Voilà ce qui regarde
son coeur : quant j\ son esprit,
étudiez-le dans ce qu'il a produit;
voyez s'il en est beaucoup qui lui
puissent être comparés pour l'é-
tendue, la solidité, la rectitude,
la finesse, la vigueur, la souples-
se, la légèreté, el la grâce même.
Chénier est mort dans la force de
l'âge, lorsque ses aptitudes, for-
tifiées par l'étude et l'expérience,
l'avaient rendu non -seulement
supérieur i ses rivaux, mais à lui-
même.
38a
CHE
CHENIER (Î^Urie-Andbéde),
naquit i Cotistantinuple, le a() oc-
tobre 17O2. Frère aîné de l'auteur
de Citarlft^ IX, de Tibcre et de
Fénélon , il était le troisième fils
de Louis de Chénier, consul géné-
ral de France, et d'une Grecque
remarquable par son esprit et sa
beauté. Ainsi, grâce à un caprice
ingénieux du sort, ces deux jeu-
nes gens, nés avec une imagina-
tion éminemment poétique, mê-
laient dans leurs veines le sang
de la nation d'Homère et le sang
de la nation de Racine. André
Chénier fut envoyé en France dès
l'âge le plus tendre; il commen-
ça ses études à Carcassonne, sous
la direction d'une tante, sœur de
son père, et les termina plus tard
au collège de Navarre , à Paris.
Dès sa première jeunesse, il ma-
nifesta pour la poésie une passion
et des talens précoces. 11 sut
promptement le grec, alors géné-
ralement négligé, et développa,
par la lecture des chefs-d'œuvre
antiques, les heureuses disposi-
tions qu'il avait reçues en nais-
sant, sur celte terre, ancien ber-
ceau du génie et de l'héroïsme.
A vingt ans , il entra comme sous-
lieutenant au régiment d'Angou-
mois ; mais l'oisiveté, insépara-
ble alors des habitudes d'une vie
de garnison, lui fut insupporta-
ble. Il revintà Paris, avide de cet-
te gloire noble et rare que l'hom-
me ne doif qu'à lui-même, et per-
suadé que le talent ne saurait l'ob-
tcnir, s'il n'est secondé par le tra-
vail. Aussi reprit- il ses études
avec une ardeur inconcevable,
et sut-il conquérir, dès cette épo-
que, l'honorable amitié de Lavoi-
Mer, de Palissot, de David et de
CHE
Lebrun. Au retour d'un voyage
qu'il fit eu Suisse, pour rétablir
sa sauté afTaiblic par le travail, il
fut attache à M. de La Luzerne,
ambassadeur en Angleterre. Le»
déplaisirs qu'il éprouva dans cet-
te position, l'en éloignèrent bien-
tôt. Après divers voyages, ce fut
en 1 78Kqu'il sefixa à Pari'j,elcom-
posa l'ébauche de ces poésies ori-
ginales et gracieuses , où brille
l'empreinte d'ime imagination an-
tique, et le germe d'un talent vé-
ritable. Cependant, l'aurore d'une
révolution régénératrice vint à
briller pour la France ; André
Chénier ne resta pas oisif dans ce
grand mouvement de tous les es-
prits. Ami constant de la liberté,
ennemi opiniâtre de la licence, il
attaqua également par des écrits
courageux, et les abus qu'il était
nécessaire de renverser, et les abus
qu'il était dangereux d'introduire.
La haine acerbe et aveugle des
partis a voulu accréditer, à cet é-
gard, l'existence d'une prétendue
inimitié politique, qui aurait exis-
té entre Chénier et son frère Ma-
rie-Joseph, p/iis Jeune que lui;
différence d'âge qu'on oublie ,
parce qu'elle disparut de bonne
heure devant l'aînesse de la gloi-
re ; celte inimitié n'exista jamais.
L'an leur de Charles /A embrassa
les principes révolutionn-aires a-
vec toute l'ardeur de son génie;
et le chantre de la feune Captive,
avec toute la modération du sien :
mais au fond , les idées étaient
les mêmes; elles ne variaient que
par la forme ; le but désiré était
commun, la conquête de la liber-
té. Les moyens suivis pour l'at-
teindre ont pu faire présumer en-
tre les deux frères quelque dissir
CIIE
ilence politique , mais aucun nua-
ge ne troubla jamais l'amitié sain-
te et fraternelle dont ils ne ces-
saient de se donner des preuves.
A répoque où Ton jngea le roi ,
André Chénierqui, dans un jour-
nal rédi{çé de concert avec lle-
gnault de Saint-Jean-d'Angély ,
écrivait depuis long-temps en la-
veur de ce monarque infortuné ,
s'oifrit, ainsi que son collabora-
teur, à le défendre devant la con-
vention. La lettre signée dans la
nuit du 17 au iS janvier, par la-
quelle Louis XVI réclame le droit
d'appeler au peuple du jugement
de la convention , est d'André
Chénier. Contraint de se cacber,
ce fut à Versailles, dans un asile
que lui procura son frère , qu'il
se mit quelque temps A l'abri des
fureurs ultra - révolutionnaires ;
mais ayant eu l'imprudence géné-
reuse d'en sortir pour donner
quelques consolations à la famille
de M. Fasloret, qui venait d'être
arrêté à Passy, André Chénier se
trouva dans la maison de cet ami
malheureux, au moment où une
Visite domiciliaire s'y ellectnait ;
arrêté comme suspect, il fut jeté
dans les cachots, Marie-Joseph
Chénier, alors député, mais en
huile à la haine de Piobespierre ,
s'efforça vainement de briser les
chaîncsd'un frère chéri; le silence
et l'oubli de vinrent les seuleschan-
ces favorables au jeune poète, que
menaçait la hache des ré vol II lions.
Mais M. Chénier père ne put conte-
nir sa tendresse inquiète; devenu,
par un motif sacré, le solliciteur
asssidu des tyrans de l'époque,
il obtint de l'un d'eux cette ré-
ponse, qui d'abord favorablement
interprétée, fut éclaircie bientôt
CHE
585
par une sanglante catastrophe.
« Quoi ! est-ce parce qu'il porte
))le nom de Ctinuer, parce qu'il
nest le frère d'un représentant,
»que depuis six mois on ne lui a
«pas encore fait son procès? Al-
» lez, monsieur, votre fils sortira
«dans trois jours. » Affreuse pré-
diction dont l'accomplissemeutne
se fit pas attendre! André Ché-
nier, traduit devant le tribunal
révolutionnaire , ne daigna pas
même se défendre. Déclaré enne-
mi du peuple , convaincu d'avoir
écrit contre la liberté et défendu,
la tyrannie , il fut encore chargé
de l'étrange délit d'avoir ro/i,sy?fre
poui s'évader. Condamné à mort,
son exécution fut fixée au 7 ther-
midor (2.') juillet 1794): deux
jours de plus , sa vie et son talent
n'étaient pas enlevés à la France.
André Chénier monta à hui heu-
res, du malin sur la charrette des
condamnés. Le sort, à son der-
nier moment, lui réservait une
pénible-et douce rencontre; un
de ses amis devait mourir aussi,
et c'est ensemble qu'ils marchè-
rent à la mort! L'infortuné Ilou-
cher prit place sur le même banc
que Chénier; et durant le trajet
fatal, on raconte qu'ils récitèrent
alternativement la première scè-
ne d'Andromaque , chef-d'œuvre
de tous les siècles, où sont expri-
més en vers immortels les senli-
mens profonds du malheur et de
l'amitié. On aioute que. prêta
partir pour l'échafaud , (Chénier,
en se frappant le front, s'écria :
Et ponitd lit j'avais quelque chose
la! Le talent de ce jeune poète
n'était pas encore formé ; mais ce
qu'il a fait laisse deviner tout c«
qu'il aurait pu faire. Une poé);-ic
584
CHE
originale sans bizarrerie, gracieu-
se sans l'adeur , des scntiuiens
pleins diuic mélancolie commu-
nicative, caractéristnt des essais
qu'il sentait lui-même la nécessi-
té de revoir avec nn soin rigou-
reux. Parmi ces premières pro-
ductions d'un génie brillant d'es-
pérances , on remarque un poè-
me do l' Invention , l'idylle intitu-
lée le Malade, et l'ode connue
sous le titre de la feune Captive,
pièce charmante qu'il composa
en prison, pour madame de Coi-
gny (Fleury. ) Ainsi la France,
comme à l'époque des deux Cor-
neille, aurait vu deux poètes cé-
lèbres unir leurs palmes frater-
nelles, si l'un d'eux n'avait péri
presque à son aurore sous le glai-
re impitoyable de la terreur. INo'.is
ne réfuterons pas ici la calomnie
hideuse qui voulut rendre Marie-
Joseph Chénier responsable de la
mort de son frère. AiTreuses épo-
ques que celles où la nature mê-
me est en butte auxplus sanglan-
tes accusations, et où les partis
fanatisés cherchent un motif à
leur haine dans l'invention des
crimes les plus absurdes! Les œu-
vres d'André Chénier ont paru
en 1820; l'éditeur, M. H. de La-
touche, les a fait précéder d'une
notice qu'on ne saurait lire sans
le plus vif intérêt.
CHÉPY (Pierre), né à Paris,
en 1770, et fils d'un procureur au
parlement. Il embrassa la cause
de la révolution avec tout l'en-
thousiasme de la jeunesse, se fit
recevoir dans la société des amis
de la constitution, où il parla fré-
quemment; fut nommé, en 1792,
secrétaire de légation à Liège, où
la prévention contre ses princi-
CHE
pes politiques ne lui permit pas
de dcuieurer long-temps ; passa
en la même qualité et dans la
même année à Lisbonne , d'où il
futcontraintdese rctirer.ayantété
accusé auprès du gouvernement
portugais d'avoir fait, pendant la
traversée, lapologie de l'insurrec-
tion du 10 août. iJe retour à Pa-
ris, il fut demandé par le général
Dumouriez, pourremplir une mis-
sion politique dans les Pays-Bas ,
ce qui lui valut ultérieurement sa
nomination à la place de com-
missaire du pouvoir exécutif à
Bruxelles. Arrête par ordre de ce
général, il recouvra sa liberté par
l'intermédiaire des représentans
du peuple; revint à Paris pour
rendre compte de sa conduite au
conseil exécutif, et l'informerdes
desseins du général qu'il avait pé-
nétrés. Le ministère des relations
extérieures auquel il n'avait pas
cessé d'être attaché, le nomma
agent politique près l'armée des
Alpes, pour diriger les rapports
secrets avec les pays voisins. Les
représentans du peuple le chargè-
rent de négociera vec la république
de Genève un emprunt de diver-
ses armes qu'il obtint. Les prin-
cipes politiques qu'il eut l'occa-
sion de développer dans les dé-
partemens de l'Isère et du Mont-
Blanc, ayant fait souvenir les me-
neurs de i7î)o, qu'il avait écrit
avec indignation, dans le Patriote
français, contre les massacres du
a septembre et contre le système
de Marat; ils le firent arrêter à
Grenoble, conduire à Paris sous
escorte, renfermer dans la maison
d'arrêt des Carmes, d'où la jour-
née du 9 thermidor put seule le
retirer. En 1796, le gouvernement
CHE
le no'mma vice-consul à Rhodes ,
où il exerça ses fonctions jusqu'au
moment où les Turcs, par suite
de l'invasion d'Egypte, se saisi-
rent de sa personne, et lui firent
subir, pendant près de trois ans,
au milieu des ra\agcs de la peste ,
toutes les rigueurs de l'esclavage.
Pendant sa captivité, il l'ut nom-
mé par le directoire au consulat
d'Ancône , que les circonstances
ne lui ont jamais permis d'occu-
per. Renvoyé en France par la
Porte-Ottomane, d'après Tinter
verilion de la Russie, il fut, en
dédommagement de taut de souf-
frances, nommé agent consulaire
à Guernesey et Gersey. où mal-
gré les tracasseries du gouverne-
ment britannique, qui lui refusa
son c.refiiiulut\ il sut se maintenir
jusqu'à la rupture du traité d A-
miens. En i8o5, il fut nommé
commissaire-général de police à
Brest, où il est resté jusqu'en mai
i8i4» époque de la suppression
de cette place; il a été admis de-
puis, par le roi, à jouir d'une
pension de retraite, que le désin-
téressement avec lequel il a géré
tous ses emplois lui rendait bien
nécessaire.
CHERIN (Louis-Nicolas-Hen-
ai), ûls d'un savant généalogiste,
s'ad^)nna lui-même à cette profes-
sion jusqu'à l'Age de 5o ans. il fit
imprimer, en 1788. un discours
tendant ù faire connaître l'origi-
ne de la noblesse, ses différenles
espèces, ses droits et ses préroga-
tives, la manière d'en établir les
preuves, et enfin les causes de sa
décadence. Lorsque la révolution
éclata, Chérin était généalogiste
des ordres du roi et conseiller à
la cour des aides, chargé spécia-
le.
CHE
385
lement des actes ayant rapport à
la féodalité. Le moment n'était
guère favorable à là science héral-
dique. Il quitta les archives pour
embrasser le parti des armes. Ac-
cusé, en 1 79'i, d'avoir soustrait des
litres de noblesse, il repoussa vic-
torieusement cette inculpation,
ft partit pour l'armée du Nord.
Il y servait, Tannée suivante, en
qualité d'adjudant - général, et
se conduisit comme un homme
d'honneur lors de la défection de
Dumouriez. Après avoir annoncé
à la convention les succès des gar-
nisons de Maubeuge et de Valen-
ciennes, Chérin donna des détails
importans sur la défense de cette
dernière place; et lorsqu'ati mois
de juillet 1793 elle se rendit aux
Autrichiens, il se joignit à l'ar-
mée de la Vendée sous les ordres
du général Hoche. Au mois d'a-
vril i79(), Chérin, envoyé dans le
Berri pour y comprimer l'insur-
rection royaliste, contribua à la
défaite des chouans à Sancerre.
Il fat désigné pour accom[)agner
le général Humbert dans l'expé-
dition d'Irlande, entreprise en
octobre de la mf-me année, et a-
dressa une fort belle exhortation à
l'armée expéditionnaire. En 1797
il fut non)mé général de brigade
et commandant de la garde du
directoire. Elevé peu de mois a-
prés au grade de général de divi-
sion, Chérin devint, en même
temps, chef de Télat-njajor de
l'armée du Rhin. En 1799, il rem-
playa, dans ce même grade, le gé-
néral Ernouf à Tannée du Danu-
be; il y servit sous les généraux
en chef Jourdan et Mnsséna, et
mourut au mois de juin de la
même année, à la suite desblessu-
586
CBE
res honorables qu'il avait reçues.
Ma'^sétiu «;t Chéiiier firent son é-
loge; ce dernier ()l)lint <|uc ses
restes fussent réunis à ceux des
généraux Hoche et Marceau. Ché-
rin a publié : la IVoùle.s.sc coii.si-
dérét sous ses diff'âtns rapports
dans les assemblées générales et
particulières de la nation, Paris,
1^788, in-8"; A b)égé chronologi-
que d'édits, déclarations, regle-
niens, arrétset lettre.' -patentes des
rois de France de la 5""* race,
concernant le Jait de noblesse,
Paris, 1788, in-12.
CHÉRON (Loiiis-CLAtiDE), lit-
térateur estimable, est né à Paris
le 2 octobre 1758, et mort à Poi-
tiers le i5 octobre 1807. Le plus
connu de ses ouvrages est une
imitation de la meilleure pièce du
théâtre comique anglais, School
for scandai; ce qui, par parenthè-
se, ne veut pas dire l'Ecole du
scandale, mois l'Ecole de la mé-
disance. Il y a dans cette excel-
lente comédie de Shéridan deux
parties bien distinctes, deux ta-
bleaux également bien tracés :
la peinture animée des caquets,
des calomnies et des scandales du
grand monde ; et le portrait de
l'hypocrite de mœurs. M. (ihéron
a choisi cette dernière, et l'a imi-
tée sur la scène française avec ati-
tant d'élégance que de goût et de
fidélité. Après avoir paru sous
difFérens titres, l'Homme à sen-.
timens, le Moraliseur ^V alsain et
Florville, cette pièce a repris ce-
lui de Tartujfe de mœurs, qui
lui est toujours resté. On doit à
Chéron quelques autres traduc-
tions de l'anglais, telles que cel-
les du roman de Tom Jones, par
Fielding, et plusieurs brocnu-
, CHE
res de peu d'importance. Il é-
tait dépourvu du talent de créer,
mais il possédait à un degré
assez remarquable celui de coor-
donner et de polir les créa-
tions d'autrui. Les manuscrits
qu'il a laissés à sa famille n'ont
pas vu le jour; et le Thérilre-Fran-
çais, qui avait reçu deux piè-
ces de lui, ne s'est pas empres-
sé de les faire représenter après
sa mort. On n'en connaît pas
même les titres. Chéron fut, en
1790, nommé administrateur du
département de Seine -et- Oise,
siégea à l'assemblée législative
parmi les libéraux modérés, fut
incarcéré pendant la terretir, mis
en lilierté au ç) fructidor, refusa
ensuite d'entrer aux cinq-cents,
et mourut préfet de la Vienne.
CHÉRUBIN! (Marie -Lotis-
ClIARLES-ZÉSOBlE SaLVADOr) . mU-
sicien-composileur , meirdire de
l'académie royale des beaux-arts,
l'un les surintendans de la mtisi-
que du roi, et mimbre de la lé-
gion-d'honneur, est né à Floren-
ce, le 8 septembre 1760. Dès l'â-
ge de 9 ans , il apprit la composi-
tion sous Bartholomeo-Félici, et
soussonfds. Alessandro, composi-
teurs distingués de la fin du 18°"
siècle. Après leur-mort, il passa
sous la direction de Pietro-Bizza-
ri et de Giuseppe Caslriicci. Ses
progrès furent tels, qu'avant l'â-
ge de i5 ans il avait composé et
fait exécutera Florence une mes-
se et un intermède; et. avant 18
ans, donné avec un égal succès
des ouvrages à l'église et au théâ-
tre. En 1778, le grand-duc de
Toscane, Léopold II, que son
goût éclairé rendait l'ami et le
protecteur des artistes, accorda à
CHE
M. Clîérubini une pension qui
permit au jeune compositeur de
se rendre ù Bologne, où résidait
le célèbre Sarti, sous lequel il dé-
sirait perfectionner ses études.
Sarti prit en amitié son élève, et
lui donna d'excellensconseils, qui
le torlilièrent dans la science du
contrepitint et du style idéal ; il le
chargea même pcmr le mieux exer-
cer, ou lorsqu'il était trop pressé
par de nombreuses occupations ,
de la c(tmposition des seconds rô-
les de ses opéras, en sorte que les
partitions du maître renferment
beaucoup de morceaux dus à la
verve de l'élève. Après avoir pas-
sé quatre ans sous la direction de
Sarti, M. Chéiubinise rendit, en
1784, à Londres, où il demeura
pendant deux ans, et où il fit re-
présenter les opéras de la Finla
friiiciptssa et Giulio Saùino. A-
vant de se fixer à Paris , où il é-
tait venu en 178G, il alla à Turin,
en i788,ety donna l'opéra d'/^A<-
fiénitfnAulicic. Deretouren Fran-
ce , il composa pour le théâtre de
l'Académie royale de Musique ,
l'opéra de iJtinophoon . le pre-
mier ouvrage qu'ilait fait exécu-
ter par des artistes français. Il est
auteur de diiFérens ujorceaux dé-
tachés (pii furent placés dans les
opéras italiens joués à Paris, par
l'excellente troupe de /lou/fls,
dans les années 1790 et juivarj-
tes. On se rappelle encore avec
quel enthousiasme les diuilanti
applaudissaient l'admirable ^wa-
iuor^ Cara, tiaioidiptuUc intro-
duit dans l'opéra Uei f^'inf^^uUori
fi:uci. Depui» long-temps M. Ché-
rubini se préparait à donner son
grand opéra de Lodoi^hn , qui fut
représenté en 1791, sur le ihéû-
CHE
387
Ire Feydeau. Cet ouvrage fait é-
poque dans la vie de l'auteur et
dans l'histoirede l'art; il développa
un genre nouveau , remarquable
par la réunion de toutes les riches-
ses instrumentales aux chants les
plus larges et les plus magnifi-
ques. Eiisa, Menée, les deux
Journées, el quelques autres com-
positions d'un genre moins élevé,
mais où se sont fait également re-
marquer le génie et la science de
l'auteur, suivirent à peu d'inter-
valle Lodoiska. Les deux Jour-
nées, qui fournirent à Juliet l'oc-
casion de développer son talent
de comédien , si naturel et si vrai,
et i M"" Scio son jeu [)Iein d'â-
me et sa belie voix, furent pro-
posées par la classe des beaux-
arts, dans son rapport sur les prix
décennaux, pour tme n)ention ho-
norable. Les succès que M. Ché-
rubijû obtenait dans sa patrie a-
doptive, portèrent sa réputation
dans toute l'Allemagne, où sesou-
vrages furent représentés avec un
succès soutenu, lise rendit à Vien-
ne en »8o5, et fit jouer, sur le
théâtre impérial de celte ville , l'o-
péra de FatUska. De retour à Pa-
ris, en 1806, il sest de nouveau
livré à la composition, et a donné
principalement une messe à troia
vui.r , avecorcheslre,dans laquel-
le on remarque une savante réu-
nion des beautés du genre ancien
et du genre moderne. A l'or-
ganisatinn du Conservatoire do
musique, il en fut nommé l'un
des cinq inspecteurs, et fut con-
servé lors de la réforme qui eiiL
li«'u plusieurs années après. On
sait qu'il a pris part à la compo-
sition de quelques méthodes pu-
bliées par le Conservatoire, en-
588 CllE
trc autres celles de vioior» el de
violoncelle , dans lesqucllei* il a
ajouté, sous les gammes , des
basses en contre-point , jugées
d'excellentes études. Il a publié
avec MM. Gossec, Méhul et Le-
sueur, un ouvrage sous le litre de
Principes élémentaires de musi-
que, suivis de soljéges, pour servir
à l'étude, nu Conservatoire de mu-
sique, a volumes, grand in-4°9
Paris, 1802. M. Chérubini fait
partie du jury chargé de l'examen
de la composition musicale des
ouvrages destinés à l'académie
royale de musique. Outre une
foule de pièces détachées dans
difîérens génies pour l'église, la
chambre, le théâtre, et dans la
musique instrumentale, particu-
lièrement une sonate pour deux
orgues , ce compositeur célèbre a
publié, de 1773 à 1779, des mes'
ses, psaumes, motets, oratorio,
cantates, intermèdes , exécutés à
Florence, en 1780; Quinto Fa-
bio, opéra en 3 actes (Alexandrie);
en 1782, Armida , opéra en 3
actes (Florence); Messenzio , o-
péra en 3 actes (même ville) ;
Jdrianoin Siria (Livourne); en
1783, Quinto Fabio (Rome);
ho Sposo di tre Jemine ; en
1784, Vldalide , opéra en 2 actes
(Florence) ; AUessandro neW In-
die (Mantoue); en 1786, la Fin-
taprincipessa (Londres); en 1 786,
Giulio Sahino , et un grand
nombre de morceaux ajoutés à
l'opéra du Marquis de Tulipano
(Londres); en 1788, Ifigenia in
Aulide (Turin); lJ('}nop/ioon[?a-
ris); en 1790, additions à VJta-
liana in Londra , de Cimarosa
(Paris); en 1791, Lodoiska (Pa-
ris); en' 1795, Koukourgi , 0-
CllE
péia inédit; en i7()4 , f>lisa (Pa-
ris); en 1797, Médéc (Paris); en
1 798 , l' Hôtellerie portugaise (Pa-
ris); en 1 799, la Punition , la Pri-
sonnière (Paris); en i8oo, les
Deux Journées (Paris); en i8o3,
Anacréon (Paris); en 1804, A-
chille h Scyros , ballet (Paris) ;
en 1806, Fanisha (Vienne); en
1809, Pigmalione (sur le théâtre
des Tuileries); en 1810, le Cres-
cendo , en un acte ; les Courses
de IVew-Market , aussi en 1 acte;
en 1 81 3, les Abencerrages , opéra
en 3 actes, paroles de M. de Jouy;
en i8i4) Bayard à Mézières, en
1 acte , en société avec MM. Boïel-
dieu , Catel et Nicolo; enfin, en
1821 , Blanche de Provence, ou
la Cour des Jées , opéra allégori-
que en 3 actes, avec MM. Berton ,
Boïeldieu , Kreutzer et Pacr.
CHEVALIER (r-oxe-LEuÉVRE).
CHEZ, Y ( Axtoi>e-Léo>ard) ,
professeur de langue et littératu-
re shanskrites au collège royal de
France. L'érudition de ce savant
orientaliste pourrait Hiire soup-
çonner qu'il est originaire de la
presqu'île de l'Inde, qu'il a par-
couru les bords du Gange et du
Catabeda, ou qu'il a été élevé par
quelque bramine ; cependant M.
Chézy est né à Paris (en janvier
1773); il n'a jamais voyagé, et
c'est dans celte ville qu'il a appris
la langue qu'il professe aujour-
d'hui. Son père, directeur de l'é-
cole des pouts-et-chaussées , lui
fil donner une éducation brillan-
te et solide. M. Chézy avait un
goût décidé pour les langues o-
rientales. Il passa de l'école Po-
lytechnique au collège de France;
il y suivit les cours de MM. Au-
dran, Caussin, Silvestre de Sacy,
cm
etc. Ce dernier signala souvent
M. Chézy comme un de ses élè-
ves les plus distingués. Il a tra-
duit du persan le poëme Med-
j'noun t't Leilii j 1807, 2 vol. in-
18; et il a publié, en i8k'|, un é-
pisode, tiré du shanskrit, intitulé :
YaiijnadaUa-Badha^ ou la mort
de Yadjnadatta^ in- 18. La chaire
de langue shanskrile qu'occupe
aujourd'hui M. Chézy, a été créée
pour lui par Louis X-VIH. S. M.
l'a également nommé membre de
la légion-d'honneur.
CHIAl'PE (Ange), et non pas
André, comme l'appelle mal à
propos la Biographie de^Kom-
mes vivans, est né dans la Corse,
et fut député, par cette île , à la
convention nationale. Dans le
procès de Louis XVI, il vota pour
l'appel au peuple, puis pour la dé-
tention de ce prince pendant la
guerre et pour sa déportation à la
paix. Knfin il se déclara pour le
sursis ;\ l'exécution de son juge-
ment. Le 20 avril 1793, il propo-
sa à la convention de déclarer
qu'elle ne retirait point sa con-
fiance i vingt-deux de ses mem-
bres dénoncés par les sections de
Paris. Le 21 décembre 1794» il
fut élu secrétaire de l'assemblée.
Envoyé en mission dans le Midi,
il annonça l'insurrection tcrroris'
teàt Toulon, à travers laquelle il
s'était fait jour le sabre à la main.
\)n décret l'attacha ensuite spé-
cialement à l'armée des Alpes; et
au commencement de l'an 4 > il
annon^-a l'acceptation de la cons-
titution par l'aile droite de l'ar-
mée d'Italie. Député au conseil
des cinq-cents, il y parla dans la
séance du 7 novembre 1795, con-
tre le décret d'arrestation de plu-
cm 589
sieurs nouveaux députés, accusé.>i
d'avoir pris part ù la révolte de
quelques sections de Paris contre
la représentation nationale, dans
la journée du i5 vendémiaire. En
l'an 5, il demanda l'envoi de la
constitution dans les dé[)artemens
du Golo ot du Liamone , qui for-
maient alors les deux divisions de
la Corse. Plus tard il fut envoyé
en qualité de sous-prélet à Alba,
département de la Stura. Après la
re tauralion , il revint à Paris,
qu'il continue d'habiter. C'est en-
core mal à propos que la Hiof^ra-
phie déjà citée prétend qu'après
la journée du i<S bnmiaire an 8
(9 novembre 1799), qui mit le
général Bonaparte à la tète du
gouvernement, il aurait été suc-
cessivement juge et procureur
impérial en Corse. Le fait est faux:
M. Ange Chiappe n'a jamais été
magistral. On l'a confondu avec
son frère Pierre- François, qui,
étant juge avant la révolution, a
toujours suivi la carrière de la ma-
gistrature, et est mort, en 1811,
procureur- général à la cour im-
périale d'Ajaccio. — Jean-Jac-
QUEsCIIIAPPE, fils de ce dernier,
est ulficicr du génie. Le 24 octo-
bre 1814, le roi lui accorda la dé-
coration de la légian-d'honneur,
en récompense de services bien
antérieurs, et sur un travail fait
dans les bureaux du génie, d'a-
près la demande de M. le maré-
chal duc d'AIhuféra. Pendant les
cent jours , Napoléon l'attacha à
sa personne, et le nomma, le 29
mai 181"), ofTicier d'ordonnance,
puis chef de balaillon du génie,
et olliciir de la légion d'honneur.
Il est maintenant employé à Lille,
en qualité de capitaine du génie.
390
CUl
CniAUAMONTI (JEAN-BAPTià-
te), savant, qui a écrit avec l)cau-
coup de pliilosophie. 11 n'a pro-
duit que des notices détachées ,
mais où se trouvent beaucoup d'é-
rudition et des aperçus neufs. Nous
ne partageons pas enlièrementles
opinions qu'il émet dans sa dis-
sertation sur le Gouvernement
paternel des Romains. Ce gou-
vernement/)«/er/it'/ achetait la li-
berté de Rome, au prix de l'es-
clavage du monde; merveille é-
tonnante sans doute, mais dont la
grandeur disparaît devant l'énor-
mité de son injustice. Le traité de
Cliiaramonti sopra il commercio,
est digne des études des hommes
qui se livrent à l'économie poli-
tique. Il a rassemblé et ptiblié à
Brescia, en 1766, tous ses opus-
cules, lus dans l'espèce d'acadé-
mie qui se tenait chez le fameux
Mazïucchelli. Il est né à Brescia,
en 1751, et mort dans la même vil-
le, en 1796.
CHIARI (l'abbé), l'un des plus
célèbres comiques italiens, est né
à Brescia, où il est mort en i 788.
Rival de Goldoni, il n'a de ce der-
nier ni la franchise de dialogue,
ni la vérité de pinceau. On pour-
rait trouver quelque ressemblan-
ce entre lui et Aristophane. Il met
habilement et audacieusement la
satire sur la scène, mais ses per-
sonnages sontnioins des portraits
que des personnifications de vi-
ces, de nations et de caractères;
il y a trop d'allégorie dans son ta-
lent. Molière, et souvent Goldo-
ni, peignent un homme vicieux ou
ridicule, par l'habile rapproche-
ment des circonstances qui for-
cent son caractère à se trahir.
Chiari, à l'exemple d'Aristopha-
CIII
ne, présente, en quelque sorte,
rabstrartion et non l'aition, Ti-
«iée et non la vie; pour pénétrer
ces peintures ingéuien-^es . on est
forcé à quelque travail d'«sprit;
et la vérité de la nature, déjà si
altérée par les combinaisons théâ-
trales, disj^araît l'resque entière-
ment sous le voile nouveau de la
plus spirituelle allégorie. Chiari
aime aussi à tracer des portraits,
non de l'homme mais de la pro-
fession ; non des penchans primi-
tifs de notre nature, mais des mo-
difications imprimées par telle ou
telleftosition dans la société. Chia-
ri a Wît près de trois cents comé-
dies, pleines de gaieté, de sel, de
burlesque, de travestissemens,
d'extravagances, d'énigmes et
de talent. Il excellait à rendre pi-
quans sur la scène, les patois nom-
breux des nombreux dialectes de
l'Italie. Il saisissait la circonstan-
ce, flattait le goût du moment,
captait l'amour populaire par une
imitation grotesque et vive de ce
qui plaisait davantage au peuple,
et voyait cent représentations de
ses pièces se succéder, et l'édition
tomber dans l'oubli. On aurait de
la peine à composer un petit vo-
lume de celles de ses pièces de
théâtre qui méritent de survivre à
la vogue qu'elles ontpresque tou-
tes obtenue dan?* leur nouveauté.
CHiFFLET (N.), membre de
la chambre des députés de la trop
mémorable session de 181. 5, qui
termina ses travaux le 29 avril
1816 , a été réélu en 1821 , pour
compléter la députalion du dé-
partement du Doubs , d'après les
dispositions de la nouvelle loi des
électioosdumoisde juin 1820, qui
augmente le nombre des députés.
cm
M. Chifflet est un de ces hommes
qui se refuseront toujours aux
concessions demandées par ceux
qui connaissent le mieux leur siè-
cle. On connaît son amour vio-
lent pour l'ancien régime, amour
qui se trouve rarement uni à quel-
ques talens; ajoutons que M. Chif-
flet est loin d'en manquer. M.
Ghifllet arriva à la chambre de
i8i5 avec <les idées tellement
exagérées , qu'on peut alïirmer
que le même degré d'eilervescen-
ce, chez ses collègues , eût cer-
tainement perdu la cause roya-
le, et les aurait eux-mêmes ren-
dus victimes de leur opiniâtreté.
Le dévoueuïent le plus loual)le a
besoin d'être dirigé : celui de M.
Chifflet dépassait toutes les bor-
nes ; il allait touj<jurs plus loin
que les ministres. Lorsque ceux-
ci propoviérent la loi d'amnistie a-
doptéelei 2 janvier i8i6,il établit
dans la discussion du projctque les
biens de ceuxqui seraient condam-
nés, devaient être confisqués. Peu
de temps après, il chercha à prou-
ver qu'il était indispensable que
le clergé redevînt nroprictairt'VX
qu'il fît un corps dans l'état, tan-
dis que M. de Castelbajac lui-
même demandait seulement . au
nom de la commission dont il é-
lait rai)porteur, que le clergé fftt
aulori.-é ;'i recevoir les donations
qui seraient faites en sa faveur.
La propf>s»tion de M. de Bonald,
pour la suj)pression du di vorce, fut
soutenue, par >L Chifflet, de la
manière la plusétrangf: il parla de
religiim sans aborder la question
civile; et la loi qui prononce l'a-
bolition du divorce, loi si impor-
tan(«: pour la société, semble avoir
été discutée, grâces u sa logique,
CHO Sq»
par des théologiens, et non par de»
législateurs. Cette grande ques-
tion résolue par M. Chiffletchargé
d'examiner la proposition, fut sui-
vie dune loi c(uitraire à r()|)inion
des plus grands légistes. Il comp-
te, parmi ses ancêtres, plusieurs
membres du parlement de Fran-
che-Comté. Il vient d'être nommé
premier président de la cour roya-
lede Besançon (novembre 1821).
CHINARD (J.), sculpteur, né
le 12 février 1756, et mort à
Lyon le 19 mai 18 15, remporta
à Rome le preinier prix de sculp-
ture le 12 juin 1786, honneur que
n'avait encore eu aucun Français.
Il a laissé un grand nombre de
bustes et de statues qui sont esti-
més des connaisseurs. On remar-
qua au salon de i8o() deux bustes
sortis de son ciseau : celui de
l'impératrice Joséphine, et celui
du prince Eugène. H a eu quel-
que part aux sculptures de l'arc-
de-lriomphe de la place du Car-
rousel. Il était membre de l'aca-
démie et du cercle littéraire de
Lyon.
CHOFFARD (Pierre -Philip-
pe), dessinateur et graveur, na-
quit à Paris, en 17^0, d'une fa-
mille peu favorisée de la fortune.
Orphelin dès iSge de 10 ans, il
fut placé chezd'IleuLind, graveur
de géographie. Mais bi«'n tôt, trou-
vant ce genre trop circonscrit
pour son génie qui commençait
i\ se développer, il s'occupa de la
composition et de la gravure des
cartouches qui ornent les cartes
et les plans. Il se livra avec ar-
deur à l'étude du dessin, parvint
à composer et à graver des vignet-
tes destinées ii orner les belles é-
ditions de nos auteurs anciens et
ÙQ-2
CHO
modernes, et entreprit même de
graver deux jolies gouaches de
Beauduin, peintre alors fort à la
mode ; ces deux estampes obtin-
rent un grand succès. Si nous con-
sidérons Choffard comme compo-
siteur, nous nepourrons disconve-
nir qu'il est en quelque sorte créa-
teur d'un nouveau genre. Rien de
plus ingénieux et de plus poétique
que les vignettes, fleurons, etc.,
qu'il a composés, soit pour les Mé-
tamorphoses d'Ovide, l'Histoire
de la maison de Bourbon, de Dé-
sormaux, et les Contes de la Fon-
taine, de l'édition dite des fermiers-
généraux. Les vignellesqu'il a des-
sinées pour l'ouvrage] du prince
de Ligne, intitulé les Préjugés
militaires, présentent dans un pe-
tit espace un vaste champ, aussi
riche que varié. Comme graveur,
cet artiste, qui s'est formé lui-mê-
me, ne mérite pas moinsd'éloges.
Une pointe fine et spirituelle, qui
anime tout ce qu'elle trace, for-
me le caractère de son talent. Le
seul reproche qu'on pourrait lui
faire serait celui d'avoir mis sou-
vent trop de goût et de détails
dans ses productions, ce qui dé-
truit le large et le grandiose qu'on
aimerait quelquefois à y rencon-
trer. Doué d'un caractère doux et
obligeant, d'une belle figure et
d'un esprit orné, Chofîard était
accueilli, et même recherché dans
toutes les bonnes sociétés : il est
mort à Paris le 7 mars 1809. On
a de lui une Notice historique sur
la gravure, imprimée in-8°, en
i8o5, et réimprimée en 1809,
dans laquelle on remarque des ob-
servations aussi utiles que judi-
cieuses. Il existe deux notices sur
cet a-liste, par M. Ponce, beau-
CHO
coup plus étendues, imprimées^
l'une dans les mémoires de l'A-
thénée des arts, et l'autre dans
l'annuaire de la société des arts
graphiques.
CHOISEUL - STAINVILLE
(le duc Claude-A:(toine-Gabriel
de), succéda au titre et à la pairie
du célèbre duc de Choiseul, dont
le ministère à jeté beaucoup d'é-
clat sur quelques années de la fin
du règne de Louis XV. Reçu pair
à l'âge de aSans, en 1787, il com-
mença sa carrière politique aux
séances mémorables du parle-
ment, lors des arrestations de
MM. d'Esprémenil et de Montsa-
bert, et s'y fit remarquer par la
franchise et la noblesse de ses opi-
nions. Colonel en second des dra-
gons de La Rochefoucauld, et en-
suite colonel du régiment royal
dragons, le duc de Choiseul fut
choisi, aveclemarquis de Bouille
et le comte de Farsen, pour pré-
parer la fuite de Louis XVI, en
1793 , et assurer son voyage jus-
qu'à Clermont. Arrêté avec la fa-
mille royale à Varennes (dont le
poste ne lui avait pas été confié ),
il fut, après d'imminenspérils, em-
prisonné à Verdun, et de là trans-
féré dans les prisons de la haute-
cour nationale d'Orléans, sur un
décret d'accusation de l'assem-
blé constituante. On assure que
les détails exacts de cet événe-
mens seront un jour publiés par
lui, et que cette intéressante re-
lation rectifiera plus d'une erreur.
Sorti des prisons d'Orléans après
l'acceptation de la constitution
par le roi Louis XVI, M. de Choi-
seul retourna près de ce prince ,
partagea ses périls et ceux de la
reine, dont il fut nommé cheva-
CHO
lier-d'honneur en 1702, exposa
{rénéreusement sa vie clans les
journées du 20 juinel du 10 août,
pour sauver la leur; et quand tous
les courtisans abandonnaient l'au-
guste laniille, il lut du très-petit
nombre de ceux qui restèrent fi-
dèles à ses malheurs. RI. de Choi-
seulnes'en sépara qu'au moment
où le roi fut transiéré à la tour
du Temple. I\lis hors la loi et sa
tête à prix, il ne sortit de France
qu'après les massacres de septem-
bre, avec un passe-port et sous un
unitbrmeespafjnols. Notre impar-
tialité nous fait un devoir de re-
tracer avec d'autant plus de fidé-
lité la vie honorable de M. de
Choiseul, que dans le cours de la
révolution, la classe des émigrés
français, au milieu desquels les
événemens le forcèrent à se ré-
fugier, ne nous fournira peut-être
pas une autre preuve des vertus
dont il a donné l'cxemjyle. Dé-
pouillé de tout, jeté sur la plage
étrangère, sans autre ressource
que son épée et son courage, en
proie à la plus profonde douleur,
par la mort du roi qui l'avait ho-
noré de sa confiance cl de son a-
mitié, M. de Choiseul leva un ré-
giment de hussards, quiportason
nom, et qui devint l'asile d'im
grand nombre de Français pros-
crits. Il fit brillamment la guerre
à leur tête , fut fait une première
fois prisonnier , en mars 1795, et
conduit à Dunkerque; il s'échap-
pa de la prison où il avait été ren-
fermé, et alla rejoindre des éten-
dards qui n'étaient malheureuse-
ment pas ceux de la Fran"e. La
neutralité du Hanovre ayant été
reconnue, il fit avec le gouverne-
ment anglais une capitulation
CHO
5<v5
pour passer aux Indes-Orientales
avec le superbe corps qu'il avait
formé, et s'embarqua i\ Stades,
le 12 novembre »7<)5: le 17 du
même mois , trois de ses vais-
seaux de transport se brisèrent
sur la côte de Calais; beaucoup
d'hommes périrent ; il fut du
nombre de ceux qui se sauvèrent
à la nage. Ici commence pour
M. de Choiseul une série de pé-
rils et de malheurs qui le mit cha-
que jour en présence de la mort,
pendant près de cinq ans que du-
ra sa détention. Traduit comme
émigré rentré devant une com-
mission militait e qui jugeait sans
appel, l'arrêt qui l'acquittait n'en
fut pas moins attaqué par le di-
rectoire, à la cour de cassation,
et ensuite au corps législatif. L'o-
pinion publique se révolta contre
un déni de justice et d'humani-
té , par lequel on s'efforçait d'ap-
pliquer à des hommes jetés par
la tempête snr les côtes de France,
une loi qui punissait de mort les
Français émigrés qui y rentraient
volontairement. M. de Choiseul
et ses compagnons d'infortune,
si connus alors sous le nom de
Naufragés de Calais, passèrent
de longues années dans l'attenle
du supplice sans cesse offert à
leurs yeux. Ce procès fameux,
malgré une loi favorable, rendue
avant le 19 IVuctidor sur les rap-
ports éloquens de Camille Jor-
dan, au conseil des cinq-cents^ et
de Porlalis, au conseil des an-
ciens, recommença de nouveau
avec plus d'animosité après cette
épo(|ue. Nous laissons aux édi-
teurs des Causes Célèbres à re-
cueillir les divers épisodes, à stig-
matiser du nom qui lui convient,
594 cno
telhommoqiiise (it alors l'odioiix
interprète des fiinnirs révolution-
naires contre les naiifraf^és de
Calais, et qui depuis ( rut méri-
ter sa grâce, en ap|)elaul la ven-
geance et les pro^crimions sur la
tête des amis de la liberté : bor-
nons-nous à dire <|iie sans la ré-
volution du i8 l)ruir)aire, M. de
Choiseul et ses compajifiHms de
naufrage n'exisleraienl plus. Un
des premiers actes du gouverne-
ment consulaire fut d'ordonner
une enquête sur les traitemens é-
prouvés par les naufragés de Ca-
lais, qui avaient <'té conduits en-
chaînés deux à deux des casemat-
tes de fyi//i au château de Hani :
à la suite de celte enquête, le pre-
mier consul Bonajvarte fit dépor-
ter M. de Choiseulen pays neutre,
le 1*"^ de l'an 1800; il obtint la per-
mission de rentrer en France en
180 i; de nouvelles traverses l'y
attendaient : il fut mis au Temple
et ensuite exilé pendant 18 mois.
Le premier consul parut croire
qu'il av^ait été initié aux relations
de Moreau avec Piclu'gru ; mais
au milieu de tant de vicissitudes,
M. de Choiseul avait pour lui la
loyauté connue de son caractère,
la grandeur d'âme du chef du gou-
Yernementl et des scutimens qui
rappellent toujoiM's la justice. A la
restauration, M. de Choiseul re-
prit son rang parmi les pairs, et
fut nommé lieutenant-géuéral en
juin i8i4; il était maréchal-de-
camp depuis nombre d'années.
Le commandement en chef de la
1" division d»; la garde-nationale
parisienne lui fut confié. Nommé
au iliois de déceml)re de la même
année 1814?! aH^'cbemenl de cet-
te légion et l'estime générale fu-
CHO
rent la récompense d'une condui-
te piditi(|ue, dans laquidle M. de
(ihoiseul sut touiours concilier
ses alFections et ses devoirs, sc»n
dévouement au prince et son res-
pect irjviolalde pruir les institu-
tions conslituliounelles. Un»' jus-
tice entière <|u il faut lui rendre,
et qui tient lieu du |)liis brillant
éloge, c est (ju'en aucun temps il
n'a témoigné le moindre ressen-
timent des persécutions qu'il a
souffertes, ni le moindre regret de
la perle d'une immense fortune.
Jamais a.icun retour aux an(;ien-
nes idées ne s'est fait sentir dans
ses actions ou dans ses paroles.
Nommé, en i8i5, président du
Collège électoral des Vosges, et
ensuite président du conseil-gé-
néral de ce département, ses sen-
liuiens patriotiques lui ont acquis
l'estime, raffe.tionet la confian-
ce de ses concitoyens : il en a eu
la preuve, le jour de I inaugura-
tion du buste de Jeanne-d'Arc à
Donremy, le 10 septembre 1820,
où les acclamations d'une poj)u-
lation entière lui firent l'appli-
cation la plus honorable de cette
première phrase du discours qu'il
prononça à cetle occasion : « S'il
«existe un bonheur réel, s'il exis-
» te une gloire et des honneurs du-
» râbles, c'est dans l'accomplisse-
«ment de ses devoirs de cit03^en,
» c'est dans l'estime de ses com-
)) patriotes; c'est dans la certitude
H d avoir mérité le nom de bon
rt Français. » Dans la discussion du
projet de loi sur le recrutement
de Tarmée, M. de Choiseul fit ob-
server «que si Ion réunissait les
«diverses prc)positi()ns faites par
nies membres qui combattent
»la loi. il serait impossible d'en
CHO
.) faire une bonne; caries uns veu-
)lent (les articles qne les autre!?
) rejettent. » Il vota pour une loi
tout à la fois nationale et royale;
dégagée des ainendennens propo-
sés par la majorité de la commis-
sion. Le duc de Choiseul combat-
tit la proposition de M. Barthé-
lémy relative à la loi des élec-
tions, et la regarda comme désas-
treuse dans ses efîVts et proscrite
par l'opinion publique : l'adop-
tion de cette mesure transformée
en loi l'année suivante, a trop justi-
fié les craintes de M. de Choiseul.
Les contemporains se souvien-
nent, et la postérité n'oubliera pas,
que dans le procès de la conspi-
ration du 19 aoflt 1830, il prit
noblement la défense de M. le
général Merlin, dont le père n'é-
tait pas resté étranger aux lon-
gues persécutions auxquelles les
naufragés de Calais furent si long-
temps en butte. Son opinion tou-
cha viverjient la cour des pairs,
qui n'entendit pas sans une gran-
de émotion, un discours dont
la péroraison était un appel i\ tous
les scntimens de justice et de gé-
nérosité. « Ce n'estpoint, y disait-
»il, une générosité aveugle qui
»m'a inspiré ces réflexions ; il est
» doux sans doute de rendre le bien
npour le mal. Le père du général
» Merlin avait proscrit ma tête ;
» mais son fils est inattaquable, et
«votre arrêt achèvera de le prou-
DTcr. I» La mise hors de cause du
général fut pour M. de Choiseul
le prix le plus doux de ses noble»
efforts. Dans une autre cause que
la chambre des pairs fut appelée
à juger, l'opinion du duc de Choi-
seul mérite une mention non
moins honorable : il se refusa de
CHO
595
voter l'application de la peine
dans le procès de l'illustre et in-
fortuné maréchal INey, et motiva
son refus sur ces considérations
remarquables. La cour des pairs
avait écarté la partie de la défense
du maréchal fondée sur la capi-
tulation de Paris : appelé à vo-
ter, M. de Choiseul s'exprima en
ces termes : « M'élanl trouvé deux
«fois sur le banc des accusés com-
»me M. le maréchal Ney , la pre-
»mière, devant la haute cour na-
«tionale d'Orléans, la seconde,
«devant une commission mililai-
«re, j'ai plus qu'un autre appré-
«cié les sentimenset les angoisses
«que l'accusé éprouve, lorsque sa
» vie se trouve au pouvoir de quel-
«ques juges, sans moyens d'appel:
«c'est dans ces niomens solen-
«nels où l'accusé, en présence de
«la mort, invoque avec ardeur
«toutes les concessions que la jus-
«tice peut lui faire, qu'il éprouve
))le besoin de la bienveillance, et
«que la plus grande grSce qu'il
«espère, est celle d'être entendu
«et de chercher tous les moyens
«de les faire apprécier. La simi-
«litude de cette situation avec
» celle où je me suis trouvé, se fe-
« trace vivement à mon cœur
net à ma mémoire: regrettant que
«la défense de M. le maréchal
«n'ait pas été complétée, et que
«des motifs que je ne veux pas
«juger, aient donné à la fin de la
«procédure une rapidité que la
«sagesse du commencement était
«loin de faire prévoir; erifin, n'é-
«tant pas assez éclairé, puisque
«la chambre a supprimé une par-
«tie essentielle de la défense, y'c
r> m'abstiens de voter sur l'np-
nplication de la peine. « Nom-
nié en janvier 1819 major-géné-
ral de la {!;ardc nationale parisien-
ne, M. de Choiseul vient de se
démettre de cette place honora-
ble, dans l'exertice de laquelle il
ne négligeait rien pour conser-
ver à ce corps si nécessaire et si
respectable, toute la considéra-
tion dont il doit jouir. Nous de-
vons remarqueren terminant cet-
te notice, que si des pensions, des
faveurs et des grâces ont été pro-
diguées dans ces derniers temps
à des hommes dont la carrière a
été moins orageuse, et dont la
vie a été beaucoup moins expo-
sée, M. de Choiseul n'en a deman-
dé, et par conséquent obtenu au-
cune; il n'a pas même un traite-
ment de retraite; mais il a plus :
il jouit de l'estime et de la consi-
dération publiques; et quelles que
soient les destinées futures de la
France , de pareils titres ajou-
teront à l'illustration du nom de
Choiseul.
CHOISEUL-GOUFFIER (le
COMTE Marie - Gabriel- AïGiîSTE
de), naquit en 1762, et prit le
nom de Gouljier en épousant
l'héritière de cette maison. Dès
sa plus tendre jeunesse, le comte
de Choiseul avait témoigné un
vif désir de visiter les belles con-
tres de la Grèce. Quelques années
après son mariage, guidé par les
conseils du célèbre abbé Barthé-
lémy, et éclairé par ses leçons,
il s'embarqua, en mars 1776, é-
tant à peine âgé de 24 ans, sur
l'Atatante. , commandée par M.
de Chabert , capit ine de vais-
seau, et membre de l'académie
des sciences. Le voyage de M.
de Choiseul fut très- utile aux
sciences et aux arts. A son re-
CHO
tour dans sa patrie, désigné par
la voix publique, il fut admis,
en 1779. à l'académif des inscrip-
tions , en remplacement de M.
de Foncemagne , et en \';'^\ à
l'académie française, en rempla-
cement de d'Alen)bert, dont il fit
le plus touchant éloge. Dans l'in-
tervalle d<! ces deux nominations,
en 1782, il publia le premier vo-
lume de son f^oyaffc: futtortsque
en Grèce; ce ne fut donc point,
comme le prétendent les différen-
tes biographies, la publication de
cet ouvrage qui le fit admettre
dans la première de ces deux com-
pagnies. Peu de temps après sa
nomination à l'académie fran-
çaise, il se disposait à retourner
en Grèce, sans aucune mission,
et seulement comme philosophe
et ami des arts, lorsque le roi le
revêtit d'un caractère diplomati-
que. M. de Choiseul partit en
qualité d'abassadeur près la Porte
ottomane, et emmena avec lui,
entre autres savans et gens de
lettres, l'abbé Delille , dont il fut
toujours le protecteur et l'ami.
Les hautes fonctions du diplomate
ne ralentirent point le zèle du
savant : M. de Choiseul continuait
ses recherches importantes en
même temps qu'il s'occupait avec
succès de négociations politi-
ques. Ami d'Ali- Pacha, grand-
visir, et du prince Mauro-Cor-
dato, premier drogman de la su-
blime Porte, il leur inspira le dé-
sir de faire participer leur nation
à la civilisation de l'Europe. Par
ses soins, et de leur agrément,
des officiers du génie, de l'artil-
lerie , et de la marine de France,
en.seignèrent aux troupes du grand
seigneur la théorie des diÛeren-
CHO
les arme» , réparèrent les places
fortes de l'empire, perfectionnè-
rent It'S fonderies. Us parcs dar-
tUlerie, et améliorèrent con.-idé-
rablement le système nn'litairede
l'armée ottomane. Dans lu dis-
cours préliminaire du f^ o) m^c en
G/cce, M, de Clioiseul avait ex-
primé avec tonte la chaleur d'une
âme noble et philanthropique, la
juste et profonde indi^rnation que
lui faisait cprouver lu servitude
des Grecs: il avait cherché à leur
inspirer l'amour de la liberté, et
le désir de secou«r le joujjdeleur
lionleiise dépendance. Voulant
trouver dans la religion un appui
à la liberté, il excitait le< minis-
tres des autels à lancer l'anathè-
me contre leurs comnmns op-
presseurs.... Quarante ans après
ce noble appel à l'indépendance,
les Grecs oui voulu briser le joufi;
sousleque1ilsgémis><aient; mais li-
vrés à leurs seules forces, ils n'ont
répandu, et peut-être ne répan-
dront-ils qu'un san^ inutile. Ce-
pendant les eflorts des peuples ,
alors même qu'ils sont infruc-
tueux, ne sont jamais perdus : op-
primés et oppresseur» y trouvent
des leçons utiles, germes féconds
que le temps développe , et dont
l'avenir recueille les fruits. Le
passage où M. de Choiseul indi-
quait aux Grecs les moyens de
ressaisirleur indépendance, porta
un ministre étranger, jaloux du
crédit de l'ambassadeur français ,
à remettre au divan un exemplai-
re du f" oya^e tn Grèce, en lui
signalant ce passage séditieux.
M. (If Ch(iiseul se tira habilement
de cette pr>sition critique : com-
me il avait établi dans son hô-
tel une imprimerie, illitcumposer
CHO 597
sur-le-champ un carton qu'il subs-
titua au passage dénoncé, et remit
lui-même au grand-seigneur l'ou-
vrage corrigé ainsi, en prévenant
S. H. que tous les autres exem-
j)laires étaient «me contrefaçon,
dont l'invention appartenait à ses
ennemis. Ce moyen eut un plein
succès : M. de Choiseul conserva
son crédit jusqu'au moment où
la révtdution française éclata.
Nommé, en 1791.. ambassadeur
en Angleterre, il refusa de se ren-
dre à Londres, resta à Conslanti-
no})le, et ne pouvant plus faire
parvenir ses dépêches au roi, il
les adressa aux princes français,
alors retirés en Allemagne. L'ar-
mée républicaine, en Champa-
gne, ayant saisi cette correspon-
dance, M. de Choiseul fut décrété
d'arrestation. Il quitta Constanli-
no[>le et passa en IVussie. Bien
accueilli de l'impératrice Cathe-
rine 11, qui lui accorda une pen-
sion, il devint, après l'avènement
de Paul I" au trône , conseiller
intime de ce prince, directeur de
l'académie des arts et de toutes
les bibliothèques impériales. Ses
liaisons avec le comte deCobeut-
zel que l'empereur venait de dis-
gracier, le. forcèrent à s'éloigner
de la cour; Paul 1" l'y rappela
bientôt, et lui fil l'accueil le plus
amicctl; mais le comte de Choi-
seul. qui désir<iit revoir sa patrie,
rentra en France en 1802, et y
vécut en simple particulier. Sa
qualité d'ancien membre de l'a-
cadémie de» inscriptions le fit ad-
mettre dan> la deuxième classe
de l'institut. Ce fut en 1809, c'est-
A-dire vingt-cinq ans après l'ap-
parition du premier v(dume du
^ojuigfai Gri'cCf qu'il publiai»
SqS cho
second. Au retour du roi, en
i8iZj, i>I. de Choiseul fut nommé
pair de France et membre du con-
seil privé. Les événemens du 20
mars i8i5 le privèrent de ces
deux titres; mais après la secon-
de restauration, il présida le col-
lège électoral du département de
Seine et-Oise, rentra à la chambre
des pairs, et, par ordonnance du
21 mars 181G, à l'académie fran-
çaise. Parmi les mémoires qu'il a
lus à l'académie des inscriptions
à différentes époques, on cite par-
ticulièrement sa Dissertation sur
Homtre, son Mémoire sur l'Hip-
podrome d'Olympie, ses Recher-
ches sur l'origine du Bosphore de
Thrace. On lui doit aussi une
partie des noU's de la deuxième
édition du poëme de V imagina-
tion de l'abbé Delille. M. de Choi-
seul, à qui le gouvernement avait
rendu la plus grande partie des
objets qu'il avait rapportés de la
Grèce , où il le? avait acquis à ses
frais, les rassembla au jardin Mar-
beuf à Paris. Cette belle collec-
tion a été achetée par le gouver-
nement, et réunie à celle du mu-
sée du Louvre. M. de Choiseul ,
marié en secondes noces à M*""
la princesse Hélène de Beauffre-
mont , mourut en 1817. M. Ua-
cier, secrétaire perpétuel de l'a-
cadémie des inscriptions ," a lu ,
dans la séance publique du 25
juillet 1819 de cette société, une
Notice fort intéressante sur la vie
et les ouvrages de ce savant, dont
Condorcet faisait ainsi l'éloge
comme homme d'état. «L'art dos
«négociations qui a été si long-
ô temps l'art de tromper les hom-
»mes, fut, dans les mains de M.
i»de Choiseul, celui de les ins-
CHO
«trnire, de les servir, et de leur
rt montrer leurs véritables inté-
«rêts. »
CHOISEUL- D'Aï LLECOl UT
(le comte Victob de), député en
1789 aux états-généraux, par la
noblesse de Chaumont en Bassi-
gny, soutint la cause des privilè-
ges en signant les protestations
des 12 et 1 5 septembre 1791 , con-
tre les opérations de l'assemblée
nationale , et ne tarda point à quit-
ter la France, où il ne reparut
qu'avec le roi, en 1814. A cette
époque il fut nommé lieutenant
des gendarmes de la garde, et en
exerça les fonctions jusqu'à la sup-
pression de ce corps.
CHOISELL-D'AILLECOLRT
(le MARQiis An>e- Maxime i'e) ,
fils du précédeut, et neveu du
comte de Choiseul-Gouffier, est
né en 1775. Il fut auditeur au
conseil-d'état en 1809, sous-pré-
fet en 1 8 1 1 , et préfet du Finistère
eni8i5. Sa prompte adhésion à
la déchéance de l'empereur le fit
désigner par Monsiecb , lieute-
nant-général du royaume, pour la
préfecture de l'Eure , où il se ren-
dit en avril i8i4' H fut nommé
membre de la légion-d'honneur
au mois de septembre suivant.
Après le 20 mars i8i5. Napoléon
le destitua; mais après le second
retour du roi, M. de Choiseul-
d'Aillecourt fut nommé préfet de
la Côte-d'Or, puis, en 1816, pré-
fet de l'Oise. L'académie des ins-
criptions et belles-lettres l'admit
dans son sein en 1817, en rempla-
cement de M. de Choiseul-Gouf-
fier, qu'elle venait de perdre. E-
tant auditeur au conseil -d'état,
M. Choiseul -d'Aillecourt avait
publié un ouvrage ayant pour ti-
CHO
tre : de l'Influence des croisades
sur l'c'tût des peuples de l'Euro-
pe , Paris, 1S09.
CHOISEUL-PRASLIN (lbdkc
de). Élu, en 1789, par la noblesse
de la sénéchaussée d'Anjou aux
états-généraux, le duc de Choi-
seul-PrasIin s'y inonlra l'un des
plus sages partisans de la liberté,
et vota toujours avec la majorité
de l'assemblée. Ce fut lui qui fit
décréter que les cravates des dra-
peaux seraient aux trois couleurs.
En !7f)i, il proposa d'approuver
la condiiile des conunissaires qui,
lors du voyage du roi à Varen-
iies, ramenèrent ce prince à Pa-
ris. Après la session, il vécut dans
la retraite, et ne reparut qu'après
la révolution du 18 brumaire an
8. Il fut alors nommé sénateur,
et quelque temps après, comman-
dant de la légion-d'honneur. Il
mourut jdusicurs années avant
les événemens de iSi /î.
CHOISELL-PRASLIN (tE nrc
ASTOISE-GÉSAR-FÉLIX De), fils du
précédent, partagea les princi-
pes de son père, et ne quitta point
la France aux différentes époques
de l'émigration. Il devint en i8o5
chambellan de l'empereur, et, en
1811, président du collège électo-
ral de Seine-et-Marne. Nomtné,
le 6 janvier 1814, membre de la
légion-d'honneur, le 8 du même
mois il eut le commandement
de la 1" légion de la garde natio-
nale de Paris. Le duc de Choî-
âeul-Praslin ayant adhéré à la dé-
chéance de l'empereur, lut nom-
mé pair de France, le j juin; le
20 décembre, il fut remplacé dans
le commandement de la légion,
par le duc de Choiseul- Stain vil-
le, 6on cousin. Les événemen»du
CHO 599
âo mars 181 5 le reportèrent au
comniandement de la i" légion,
et le firent comprendre au nom-
bre des pairs nommés par Napo-
léon; mais après la seconde res-
tauration , il perdit de nouveau et
son commandement et son titre
de pair.
CHOISEULMEUSE (Félicité
de). Cette dame est auteur de
quelques romans : 1° yiline et
d'IIerniance, 5 vol. in- 12, 1812;
2" Paola , 4 vol. in-12, 1812; 3*
Cécile, ou fEltK'e del'liospice de
la Pitié , 2 vol. in-13, 1816. La
Gazette de France du 5o juillet
1816, en rendant compte de ce
dernier ouvrage, insinue cha-
rilablement que M°" de Choi-
seul-Meuse a publié «un assez
"grand nombre de romans très-
» gais , assez répandus et fort goû-
wtés d'une certaine classe de lec-
nteurs; » et après cette petite dé-
claration scandaleuse, elle ditfurt
agréablement : Honni soit qui mal
y pense. C'est aussi ce qu'affirme
M. Pigoreau , libraire - éditeur,
dans la petite biographie roman-
cière qu'il a fait paraître en 1821.
CHOKlEa (N. StRLET de), dé-
puté de la 2"" chambre des états-gé-
néraux du royaume des Pays-Bas,
a marqué sa carrière législative
par des opinions libérales; il à
constamment marché dans la di-
rection constitutionnelle que la
raison et la justice sanctionnent
chaque jour, en dépit de toutes
les résistances de la force et de
l'aristocratie. M. Cauchois -Le-
maire , collaborateur du Nain-
Jaune, s'étant réfugié dans le
royaume des Pays-Bas, y publia
une feuille intitulée le Lihi'rnl.
Cejouroal, écrit dao» le raCme es-
4oo
CHO
prit que le Nain- faune, fixa sur
î'auleur l'altention de la police,
qui lui signifia l'ordre tie quitter
ce royaume; M. Cauchois-Le-
maire adressa une réclamation
aux états-généraux sur laquelle
M. Chokier refusa de voter, en
soutenant que la question était
mal posée, et que les chambres
n'avaient pas le droit de juger
M. Cauchois sous les rapports
présentés parla police. M. Cho-
kier ne voit que la constitution
de son pays; il l'invoque dans
tous ses écrits, dans tous ses
discours ; et membre de l'oppo-
sition , il défend avec autant
de désintéressement que d'éner-
gie les droits imprescriptibles du
peuple et des commeltans qui
l'ont honoré de leurs suffrages.
CHOLLET (le comte François
Al'giste), pair de France, fut
nommé, au mois de septembre
1795, député au conseil des cinq-
cents, par le département de la
Gironde. Lorsqu'en novembre de
l'année suivante on proposa le
rétablissement de la loterie, il at-
taqua avec énergie ce projet, qui
n'en fut pas moins adopté. Dans
la séance du 17 février 1797, il
avança qu'on ne devait admettre
aucune distinction entre des re-
présentanset de simples citoyens
prévenus de calomnie. Le 20 a-
vril suivant, il fut élu secrétaire;
et le 21 mai, il fit rappeler les
iq8 ex-convenJionnels qui avaient
été bannis de Paris en vertu de la
loi du 21 floréal an 4 (10 ™^i
1796), qu'il fit rapporter dans son
entier. Le 16 juillet 1797, il fit
une motion sur la forme de la dé-
claration à exiger des ministres
du culte. Quelques jours après,
CHO
pour rassurer les acquéreurs de»
biens nationaux, il appuya le
maintien des ventes des presby-
tères : puis il présenta un nou-
veau projet pour la suspension
de la vente des presbytères non
aliénés. Le 27 août, il invoqua
l'ajournement du projet relatif à
la violation du secret des lettres.
Le 2 septembre, surveille de la
journée du 18 fructidor an 5 , il
proposa le renvoi des projets de
Tîiibaudeau sur les mesures à
prendre relativement à la mar-
che des troupes. Le 9 du même
mois de septembre, il demanda
la question préalable sur le pro-
jet d'exclure les ex-nobles des
fonctions publiques. En vendé-
miaire an G, il combattit le pro-
jet de suspension de la vente des
biens nationaux. Au mois de dé-
cembre, il fit deux rapports sur
la législation relative aux minis-
tres du culte, et demanda la pei-
ne de l'exportation contre les ré-
fractaires. A l'occasion des cons-
pirateurs du 18 fructidor, il sou-
tint que leurs jugemens devaient
être rendus dans les formes cons-
titutionnelles. Il fit rejeter l'arti-
cle d'un projet sur les pension-
nats, portant que nul ne pourrait
être instituteur s'il n'était marié
ou veuf. Le 19 mars 1798, il fit
un rapport pour la révision des
jugemens rendus depuis le i6
floréal an 5 jusqu'au 18 fructidor,
contre les acquéreurs des biens
nationaux, les défenseurs de la
patrie et les républicains condam-
nés par les tribunaux. En vendé-
miaire an 7 (septembre), il fit
exempter du timbre les pétitions
au corps-législatif, et substituer
l'amende contre les délinquans à
CHO
la nullité des actes par défaut de
tloibre. Le 27 novembre (7 fri-
maire), il combattit le |»rojet de
loi de Duplantier de la Gironde,
relatif aux biens des pères et mè-
res des émigrés, auquel il repro-
chait un vicede rétroactivité con-
traire à tous les principes. Au
mois de floréal (tnai 1799), il fut
réélu membre du conseil des cinq-
cents. Il parla sur l'organisation
de la garde nationale, et s'oppo-
sa à la suppression de la formule
de haine à l'anarckie, dans le
serment de ses officiers. Le 19
aoftt il fut élu secrétaire. Quel-
ques jours après il lit autoriser le
directoire :\ prendre, à là solde
de la république, différens corps
étrangers, sous le nom de légions;
<!t le 8 septembre, il présenta «ni
projet sur les sociétés politiques.
Après les événeiuf'us du 18 bru-
maire an 8 (f) novembre 1 799), qui
mirtnt lesrênes du gotivernement
entre les mains du général Bona-
parte, il fit partie de la commis-
sion chiugée de réviser la consti-
tution. Il fut ensuite nommé suc-
cessivement sénateur, comte de
l'empire et membre de la com-
mission de la liberté de la presse.
Appelé à h pairie, par le roi, le
4 juin i8i/î, époque de la créa-
tion de cette dignité, M. le confi-
te Cliollet n'a pas cessé depuis
lors de siéger à la chaujbre des
pairs.
CHOMBARD(N.), cnliiv.'iteiir
propriétaire à Erlyes (Nord), fnt
nommé, par le baillii)g<r de Lille,
n>embrc de l'asséil/blée natioiia->
le, et alla s'y assé^yir dftns 'Vr plai-*
ne. Uentré dans la vie privée à la
fin de cette asM;mblee , il reparut
de nouveau i»ur là scène politique
T. IT.
CHO 401
comrrte membre du conseil des
cinq-cents; il y siégea dans la plus
absolue nullité, après quoi il ren-
tra à Erlyes, où il est mort en
i8o5. '
CHOMPRÉ ( Nicoias-Mauri-
CE ), fils de Pierre Chompré , s'est
Kvré aux sciences physicjucs, dt a
obtenu, snr les pliénomèncs gal-
vaniques, des résultats piécJeux.
Il a donné des éditions d'ouvra-
ges de mathématiques et de dic-
tionnaires, et atradtiit quelque»
ouvrages de l'anglais. Membre de
la société du galvanisme , il a
poursuivi avec ardeur et succès
cette découverte, qui semblé te-
nir de si près aux mystères les
plus intimes de'la vitalité ; et il a
fait, sur ces matières , des expé-
riences A l'utilité desquelles l'ins-
titut ^classe des sciences physi-
ques, 0 février 1808 ) a rendu
honniia»;é. •'" • ''•"'
CHORON ( ALEXA-SDRiï-ETii^îr-
ne), né en 17^», à Caen (Calva-
dos ) , musicifcn -cônrpositéur ,
n>embi^i de la légion-d'hormeur. Il
fit ses études au collège de Juilly.
Entraîné par un goftt invincible
vers rél\ide de la musique, il s'y
livrà'Tyi"aigré toutes sortes d'obs-
tatrleê, et eut pour maître l'abbé
Rose, l'un des meilleurs théori-
ciens français. Pour mieux con-
naître les traités et les système"
des célèbres autétirs et composi-
teurs italiens et allemands, il ap-
prit ces deux langues. A l'époque
où il étudiait les ouvrages de
Koussier, de J. J. Rousseau et de
d'Al'embert, quelques caltuls qu'il
rencontra dans l'ouvrage du géo-
mètre le portèrent i\ apprendVe
les uïathématiques. Ses progrès
dans cette science lui concilièretit
a6
4o2 CHO
l'intérêt et la bienveillance du cé-
lèbre Monge, qui l'ayant adopté
conime son élève particulier, lui
fit faire, sous sa direction , tous
les calculs, plans et autres tra-
vaux de détail pour l'organisation
de Vi'colc Polytticlinùjuc , alors
nommée école centrale des tra-
vaux publics, dont cet homme
illustre avait conçu le projet. Ce
fut mOme sous ses auspices que
M. Choron entra, en 1795, en
qualité de répétiteur pour la géo-
métrie descriptive, à l'école Nor-
male, et qu'il devint chef de bri-
gade i\ l'école Polytechnique lors
de la formation de cet établisse-
ment. M. Choron eut toujours
pour objet principal de ses occu-
fotions la science de la musique, à
aquelleil rapporta l'étude des lan-
gues ancieimes et modernes, celle
même de l'hébreu ; on le dit fort
instruit dans la langue de Moïse;
plusieurs fois il suppléa le respec-
table M. Audran, professeur d'hé-
breu au collège (je France. M.
Choron, qui, dès son entrée dans
la carrière où l'entraînait son ta-
lent, avait pu juger de l'imperfec-
tion du système musical en géné-
ral , et en même temps combien
étaieutinsuflisans les ouvrages sur
cet art, particulièrement lesou-
rrages français, s'occupe depuis
ce temps à préparer sur la musi-
que des matériaux d'une haute
importance. Ces travaux ne l'ont
cependant point empêché de s'oc-
cuper d'objets d'utilité publique.
Il a fondé, en 1801, des écoles et
collèges dont quelques-uns subsis-
tent encore aujourd'hui. Associé,
en 1812, à la rédaction du bulle-
tin de la société d'encouragement
pour l'industrie nationale^ il fut,
CHO
peu de temps après, chargé par le
ministre des cultes, lii^'ot de Préa-
meneu , des travaux relatifs à la
réorganisation desmaiiràc.'t et des
chœurs de Ciiihédrales, et de la di-
rection delà nnisiq ne dans les fêles
et cérémonies religieuses dépen-
dant du ministère. Ce travail était
approuvé de l'empereur, qui l'a-
vait ordonné; les événeniens de
1814 ne permirent pas de le niet-
tre à exécution. Ces mêmes événe-
niens ayant privé M. Choron de
ses emploi s, il ouvrit alors une éco-
le publique de musique, qui, selon
toute apparence, laissera des sou-
venirs dans l'histoire des arts, par
l'invention de la méthode concer-
tante, dont elle devint le berceau,
lin 18 1 5, M. Choron fut nommé,
par le ministre de l'intérieur, un
descommissaires chargés d'intro-
duire l'enseignement mutuel dixus
lesécoles primaires ; c'est en celte
qualité que, d'après l'avis de la
commission et l'ordre du minis-
tre , il modifia l'ouvrage qu'il a-
vait publié en 1800 \Méttiocle
d'instruction primaire pour ap-
prendre à lire et à écrire ) , de ma-
nière à êlre employé dans les éco-
les. Tous les syllabaires et ta-
bleaux élémentaires de lecture
qui y sont en usage sont de lui.
Le souvenir des services qu'il a-
vait rendus couijn.e directeur des
fêtes et cérémonies religieuses,
le ût appeler à la direction de l'a-
cadémie royale de musique. Ses
effortsponr y introduire la réfor-
me ayant été inutiles, il quitta
cette directipn qu'il avait occupée
pendant dix hpit. mois, et rentra
dans la carrière de l'enseigne-
ment. M. Choron a pubjié un
grand nombre d'ouvrages. OuUv
CHO
sa Méthode d' instruction pi imai-
re pour apprendre à lire et à é-
crire, il a encore donné : i' Prin-
cipes de composition des écoles
d'Italie, 1808; 2° Dictionnaire
historique des musiciens ( avec
M. Fayolle), 2 vol. ia-S", 1817;
"5° E lé mens de composition, tra-
duit de l'allemand d'Albrectots ,
berger; 4 " Syllabaires et tableaux
élémentaires de lecture, en usage
dans les écoles d'enseignement
mutuel; 5" Méthode concertante
de musique à plusieurs parties,
d'une difjiculté graduelle ; 6" la
même, élémentaire. On croit qu'il
publiera incessamment la traduc-
tion des œuvres de J. Tenetoris ,
théoricien du i5°' siècle ; le Spi-
cilége de musique théorique. En-
fin, le travail dont il s'occupe de-
puis longues années, c'est une
Introduction à l'étude générale
de la musique, ou exposition rai-
sonnée du système musical , dans
laquelle les notions fondamenta-
les de toutes les branches de ce
système sont présentées selon leur
ordre naturel , et mises à la por-
tée de toutes les classes de lecteurs.
Cet ouvrage, entièrement de créa-
tion, semblerait, au rapport de
personnes instruites dans cette
partie, devoir opérer une révolu-
tion complète dans la théorie de la
musique, dont il lait une véritable
science. M. Choron est iondalenr
et directeur de l'école royale et
spéciale de chant, instituée dans
les vues de lorinerdes sujets pour
la chapelle du roi, l'académie roya-
le de musique, et autres établisse-
mens du même genre. Au mo-
ment où nous écrivons , il par-
court les départemens, muni des
ÏDStructions des ministres de l'in-
CilO
térieur et de la maison du roi,
pour y provoquer la formation
d'écoles préparatoires, propres ù
alimenter celles de la capitale.
M. Choron a composé plusieurs
airs tels que celui de la Senti-
nelle, qui, grâce à la facilité de
leur chant, sont devenus popu-
laires.
CHOUAN (les quathe FRÎiaEs).
Les frères Chouan se nommaient
Cottereau ; mais ce nom est de-
meuré dans l'obscurité, tandis
que celui dcChouan?,c trouve dé-
jà placé dans plusieurs dictionnai-
tiaires et employé par les néo-
logues, comme synonyme d'un
autre terme. Les frères Cotte-
reau, contrebandiers du dépar-
tement de la Mayenne, furent
surnommés. Chouans parce que,
dans leurs incursions nocturnes,
ils avaient adopté pour signal de
ralliement le cri de la chouet-
te, oiseau de nuit et de mau-
vais augure. Ils parcouraient
en 1795 les environs de Laval,
lorsque réunis ;\ d'autres vaga-
bonds, se disant mécontens, ils
imaginèrent de faire la guerre au
nom du roi de France. »lls é-
taient d'abord en petit nombre;
mais successivement renforcés
par d'autres hordes de la Breta-
gne et de la Normandie, ils por-
tèrent l'épcMivante et la dévasta-
tion dans tous les pays qu'ils j»ar-
coururent. Jamais il n'y eut de
soldats (s'il est permis de quali-
fier ainsi les chouans) plus indis-
ciplinés ni plus féroces, les Co-
saques du l)on leur sont à peine
comparables. Les chauffeurs . (\\n
ont inondé la France à cette épo*
que (et l'on sait pour quel motif),
les assassins des conrri'.'rs et des
4o4
CHO
diligences n'étaient autre chose
qu'une émanation des Chouans.
Trois Cottereau sont rnorls sur
le champ de bataille; le quatriè-
me, couvert de blessures, est
retiré dans son département.
CHOUARD (Loiis), né à Stras-
bourg, le i5 août/1770. Entré
au service vers le commence-
ment de la révolution, il se dis-
tingua dans plusieurs rencontres ,
et, en i8o5, il était parvenu au
grade de chef d'escadron au pre-
mier régiment descarabiniers. Sa
conduite dans la journée d'Aus-
terlitz lui fit obtenir le conunan-
dement du 2™' régiment des cui-
rassiers. Il donna de nouvelles
preuves de valeur durant les cam-
pagnes de Prusse et de Pologne,
et, le 14 niai 1807, il lut fait ofïi-
cier de la légion-d honneur. Dans
la première année de la guerre
d'Espagne, on remarqua sa mo-
dération , et l'ordre qu'il sut fai-
re observer. 11 quitta ce pays
pour faire la guerre d'Aulriclie
en 1809. Deux années après, le
6 du mois d'août , il fut nommé
général de brigade, et il partit
pour la Russie à la tête d'un corps
de carabiniers. On admira son
sang-froid et son intrépidité, par-
ticulièrement dans la journée de
la Moskowa. Après le premier
désastre qui suivit ces grands suc-
cès, le général Chouard se trou-
va aux batailles de Lutzen , de
Bautzen, et de Leipsick. Rentré
sur le territoire de l'ancienne
France, il fut chargé de défendre
la ville de Laugres, qu'il délivra
des insultes d'un corps de Cosa-
ques, le 3o janvier 1814. Le roi
l'a nommé commandant de la lé-
gion - d'honneur, chevalier de
CIIO
Saint-Louis, et major des dra-
gons de la garde.
CHOLDIEU (Pierbe), est né à
Angers, département de Maine-
el-Loire. 11 était accusateur pu-
blic près le tribunal criminel de
son département, quand il en fut
élu député à l'asi^emMée législa-
tive de 1701. Il ne resta pas long-
temps à faire connaître ses opi-
nions politiques , M. Choudieu
voulait une autre forme de gou-
vernement. Il débuta au corps-
législatif par accuser le fninistre
de la guerre Duportail. L'accusa-
tion portait différens griefs ; actes
arbitraires, insouciance, défaut
d armes pour les volontaires, lu-
rent les crimes qu'il imputa au
ministre avec beaucoup de véhé-
mence et de chaleur. Au com-
mencement de 1792, le général
Ilochambeau ayant demandé que
trois députés lui fussent adjoints
pour présider à ses opérations,
M. Choudieu les lui fit refuser ;
c'était pourtant le texte de son
discours de dénonciation contre
le ministre Duportail , qui avait
inspiré à Rochambeau l'idée de sa
demande. Quelques jours après,
l'assemblée et les tribunes n'en-
tendirent pas sans quelque sur-
prise la motion de M. Chou-
dieu, tendarjt à accorder des se-
cours aux parensdes émigrés. Ce
député, très-j)eu belliqueux, pre-
nait part au plus petit événement
militaire qui se passait alors. Il
mit les Suisses du régiment de
Châleauvieux sous sa protection
spéciale ; un capitaine d'artillerie,
nommé Baumai , destitué anté-
rieurement par le ministre SégJir,
lui dut sa réintégration. Il voulut
que les ûainistres rendissent comp*
CHO
te des événemens du camp de
Neufluisuc , et il insista pour Té-
vncuatiun des troupes de la gar-
nison de Paris. En toute circons-
tance, en toute occasion, M.
Choudieu invoqiuiit la souverai-
neté du peuple : il fit passer à Tor-
dre du jour sur une motion rela-
tive à la police des tribunes de
rassemblée, parce que , disait-il,
le peuple était souverain. Quel-
que temps après, il combattit la
proposition de l'expulsion des
Bourbons de la France, comme
attaquant dans la personne du
duc d'Orléans les principes de
la souveraineté du peuple. 11 par-
la l'un des premiers de la déchéan-
ce de Louis XVI, au nom des
habitans d'Angers, ses couj|)atrio-
tes, qui en avaient l'ait la deman-
de. LaCou-Ladcbat présidait alors,
et Chcudieu le fil rappeler à l'or-
dre pour avoir adressé quelques
observations à Chabot sur la dé-
chéance : c'est peut-être le pre-
mier exemple dans l'histoire des
assembléeslégislatives, qu'un pré-
sident ail été rappelé à l'ordre. Le
gaont 1792, la peur s'empara de
Choudieu; il s'éleva contre l'as-
semblée , lui reprocha ses actes
de faiblesse, et la déclara incapa-
ble de sauver la patrie , sans indi-
quer lui-même aucun moyen de
parvenir à ce but. Le lendemain,
il fit décréter la permanence des
séances, et rétablissement d'un
camp sous Paris; il obtint, peu de
jours après, les fonds nécessaires
pour fortifier les points dominans
autour de cette ville. M. Chou-
dieu passé du corps-législatif à la
convention, y vota la mort de
Louis XVI sans restriction aucu-
ne, et soutint que Manuel et K.er-
CHO
40 5
saint, qui, dans cette occurrence,
avaif.-nt déserté leur poste , de-
vaient être déclarés infâmes et
traîtres à la patrie. Envoyé com-
missaire dans la Vendée, il dé-
truisit les calomnies répandues
contre le général Bcrruyer, et dé-
nonça son collègue Duchatel,
comme correspondant avec les
rebelles. En janvier 1794» Chou-
dieu accusa iMiilippeaux d'avoir,
dans son rapport sur la Vendée,
dénoncé les généraux Rossignol
et Konsin, et d'avoir fait l'éloge
de Westermann. Philippeaux se
défendit et se justifia : mais Chou-
dieu revint à la charge, il se li-
gua avec Carrier et avec les me-
neurs des sociétés populaires ;,
et Philippeaux, décrété d'accusa-
tion , fut conduit au supplice.
Celte mort fut vivement repro-
chée à Choudieu, par un grand
nombre de députés, et notam-
ment par Merlin de Thionville,
qui, dans un éloge pompeux de
Philippeaux, n'hésita pas de de-
signer l'auteur de sa déplorable
fin. Après le 9 thermidor, Chou-
dieu vola pour l'impression des
pièces trou vées chez Robespierre ;
cl dans sa réplique ù André Du-
mont qui s'y opposait, il osa dire
qu'il n'y avait que les complices
du tyran qui devaient craindre
cette mesure. Le 1" avril 1795
(la germinal an 5) il fut décrété
d'arrestation avec ses collègues,
Chasles, Léonard Bourdon, A-
mar, etc., et conduit au château
de llam , d'où il sortit en vertu
de l'aumistie du 26 octobre de la
même année (4 brumaire an 4)-
Au mois de juin 1799, nommé
par Bcrnadotte chef de division
au ministère de la guerre, Chou-
4o6
CHR
(lieu donna sa démission i'i la r(!-
traite de ce ministre , cl cessa
d'être employé. Devenu suspect
au gouvernement consulaire , il
craignit la déportation, et se ré-
fugia en Hollande , où il fut avo-
(Nit et libraire. Il était rentré en
France depuis quelques années ,
et vivait pai'iihiement dans ses
propriétés de Maine-et-Loire,
lorsque Napoléon, à son retour
de l'île d'Ëlbe, le nomma lieute-
nant de police à Dunkerque. 11
revint à Paris au mois de juillet
181 5; mais compris dans la loi
d'amnistie du 13 janvier 1816,
M. Choudieu s'est retiré dans le
rovaume des Pays-Bas.
Cil RESTIEjNDE POLY (Jeas-
Prosper), a publié, en i8i5, un
gros volume et une petite bro-
chure contre le divorce ; philippi-
ques véhémentes, où la déclama-
tion tient partout la place du rai-
sonnement. Conseiller au Châte-
Ict avant la révolution, avocat
à Amiens pendant la révolution,
il partit à 5o ans comme volon-
taire royal, en 181 5, et fut nommé
depuis président delà courprevô-
tale du département de la Seine.
CHRISTIAN VIT, roi de Da-
nemark et de Norwège, né le 39
janvier 1749? succéda à son père
Frédéric V, et monta sur le trône
le i5 janvier 1766. Il se maria la
même année, se fit couronner en
1 767, et partit immédiatement a-
près pour visiter l'Allemagne, la
Hollande, l'Angleterre et la Fran-
ce. Il était jeune, aimable et spiri-
tuel; il recherchait la société des
savans, allait aux académies, aux
réunionslittéraires, et l'universi-
té de Cambridge le reçut doc-
teur, Christian fut accueilli d'une
CHR
manièn; distinguée ;\ Paris, mai»
les fct( s bru^'antes étaient peu de
son goTil : ne voyageant que pour
s'inslruirc, il [)réferait l'étude de
la philosopliie à l'éclat fastueux
du grand monde, et quelques pa-
ges des œuvres de Voltaire aux
banquets som[)tu< iix qu'on lui
oflVait. Il rcti'iiina d ms s<'s états
enij6(). L'année ^uivaiile. Slruen-
sée, premier médecin de Chris-
tian, ayant pris un ascendant ex-
traordinaire sur l'esprit de ce prin-
ce, fui mis à lalctc des affaires du
royaume, en remplacement de
Bernstorf, qui avait rendu de si
grands services à Frédéric V et au
Danemark. Christian avait éj)OU-
sé Caroliue-Malhilde , sœur de
GeorgeslII, roi d Angleterre. Cet-
te jeune })rincesse ayant donné
prise à !a malveillance par quel-
ques fausses démarches que l'im-
prudent Struensée avait conseil-
lées, et dans lesquelles il se trou-
vait lui-même coiupromis, Ju-
lie-Marie, reine douairière, veu-
ve et seconde femme de Frédé-
ric V, profita de cette circonstan-
ce pour brouiller Christian avec
son épouse : elle supposa qu'il
existait des liaisons intimes et cri-
minelles entre Caroline Mathilde
et Struensée, et qu'ils étaient d'ac-
cord pour le faire renoncer à la
couronne. Ce prince, dont la tê-
te commençait à se désorganiser,
consentit à l'emprisonnement de
la reine, à une enquête juridique,
etc. L'issue de cette affaire fut la
mort de Struensée sur l'échafaud,
et l'éloignement de Caroline-Ma-
thilde. IJne escadre envoyée par
le roi d'Angleterre, son frère, la
transporta en Allemagne. File ?e
retira dans le Hanovre, et mou-
CHR
rut à Zell le lo mai 1770, à l'âge
de 23 ans et demi. Dans ces en-
trefaites, Julie-Marie, et son fils
Frédéric, s'emparèrent des rênes
de l'état, et réfèrent de fait sous
le nom de Christian, que sa raison
qui s'altérait de jour en jour, ren-
dait incapable de gouverner. Ce
roi, dont la jeunesse avaitété bril-
lante, rempli d'esprit et d'excel-
lentes qualités, termina triste-
ment ses jours à Rendsbourg
dansleHolstcin, le i5 mars 1808.
Heureux encore que ses facultés
mentales et son éloigncment de
Copenhague ne lui eussent pas
permis d'être instruit ni témoin
des horreurs épouvantables que
les Anglais y commirent en 1801
et en 1807. Christian avait établi
la liberté de la presse dans ses c-
tats, et Voltaire l'en a félicité dans
une épître. Ferdinand VI, aujour-
d'hui roi de Danemark, et sa sœur
Auguste , mariée au prince de
Holstein-Augustenbourg, sont les
seuls enfansde Christian VII.
CHRISTIAN-FRIÎDÉRIC,
prince de Danemark, cousin du
roi Ferdinand VI, est né le i8
septembre 1786. Il a été pendant
quelques instans roi de Norwège,
c'est-à-dire depuis le mois de juil-
let i8i/|, jusipi'au milieu du mois
d'août suivaut. Proclamé et ac-
cueilli avec enthousiasme par les
habitans de son royaume, il en a-
vait pris possession ; il avait fait
son entrée solennelle ù Christia-
nia, lorsque, par le traité de liiel,
les puissances alliées décidèrent
que la Norwège devait appartenir
à la Suède. La proclamation que
Christian- Frédéric adressa aux
Norvégiens, lors de l'ubdicalion
de sa royauté, prouve qu'e ce prin-
CHR 407
ce était digne de régner. «Je suis
«convaincu, disait-il, que la Nor-
»wège jouira, sous l'autorité pa-
wternelle de S. M. le roi de Suè-
»de, des mêmes avantages, privi-
wléges et immunités qu'elle s'est
>) donnés par sa constitution; et
»que S. M., par une suite de ses
nvues libérales, ne fera de chan-
• gemens à cette constitution
» qu'autant que la nation le dési-
nrera. » Christian -Frédéric joint
aux rares qualités d'un bon prin-
ce,les vertus, le courage et le pa-
triotisme d'un brave guerrier. In-
digné du crime qvee les Anglais
commirent en 1807, lorsque, con-
tre le droit des nations, ils incen-
dièrent Copenhague, Christian se
rendit en Norwège , exhorta le
peuple à la défense, et prit les
moyens les pli'S prompts et les
plus efficaces pour empêcher l'in-
vasion des ennemis. Les prépara-
tifs qu'il avait faits à tout événe-
ment, servirent contre les Sué-
dois qui vinrent, peu de temps a-
près, attaquer les côtes de la Nor-
wège. Ce prince s'est conduit,
dans toutes les occasions, avec
bravoure et habileté. Il battit, en
1808, l'ennemi devant Fréderick-
8tadt,et déjoua les menées de M.
d'Armfeld , tendant à soulever
le peuple norwégien en faveur du
roi Gustave de Suède. Christian-
Frédéric, nommé, en 180g. lieu-
tenant-général des armées danoi-
ses , en a rempli les fonctions de
la manière la plus honorable. Il
habile Copenhague, où il jouiten-
core de son titre, et du souvenir
de ses belles actions.
CHRISTIAN -AUGLSTEN-
BOLRG. (fityez Char LES- Augus-
te, PRINCE ROYil DB Sl'ÈDE.)
4o»
CHR
CHRISÏIANl (GciLLAiME-En-
nest), historien danois. Il naquit,
en 1^51, à Kiel, où il fut profes-
seur d'éloquence et de droit pu-
blic. C'est en allemand qu'il a é-
crit tous ses ouvrages. On a de
lui : 1° Histoire de la réunion des
diverses croyances , en Allema-
gne, et dans les duchés de Sles-
wig et de Holstein, in- 12, Ham-
bourg, 1775 ; "i" Histoire de Sies-
wig et de Holstein y tirée de pie-
ces authentir/ues, 1776 — 1784. f>
vol. Cet ouvrage, non moins im-
portant que le premier, a été con-
tinué par M. Ilegervisch; 5° la
traduction en allemand des itVe-
mens d'histoire générale de Mil-
lot, commencée par le pasteur
Mielek, beau-père de Christian!,
et dont celui-ci ne donna que les
tomes X, XI, XII. Il a aussi four-
ni beaucoup d'articles aux jour-
naux littéraires les plus estimés
de Berlin ou d'Iéna; enfin il a
laissé un grand nombre de disser-
tations sur les mathématiques ,
sur la théologie, sur la philoso-
phie, sur le droit public. Il est
mort, à Kiel, le 1" septembre
1793.
CHRISTOPHE (Henri), hom-
me noir, roi d'Haïti (Saint-Do-
mingue), sous le nom de Hekbi
1", naquit vers 1767. On n'est
poiilt d'accord sur le lieu de sa
naissance: les unsprétendentque
ce fut l'île Saint-Christophe, dont
il avait tiré son premier nom, et
d'où, amené au Cap-Français, il
aurait été acheté par un négociant
anglais. Une seconde version le
fait naître dans l'île de S'^-Croix,
colonie danoise. D'autres enfin le
disentnatif de l'île même de Saint-
Domiogii^v où il aurait été élevé
CHR
sur la plantation dite de Limona-
de, dont le célèbre traducteur Du-
reaii de Lamalle était alors pro-
priétaire. Ces cir|ûnstances sont
aussi incertaines ^ti peu impor-
tantes; mais, lorsqu'en 1790 une
révolution s'opéra dans la partie
française de l'île de .Saint-Domin-
gue, il est constant que Christo-
phe prit avec chaleur la défense
delà liberté des Noirs. Il se fit re-
marquer par une taille élevée et
par un caractère énergique, qui
lui donnèrent un grand ascendant
parmi eux, et il obtint bientôt le^
plus hauts grades militaires sur le
champ de bataille, en se distin-
guant par des actions d'éclat.
Christophe fut nommé général de
brigade par Toussaint-Louvertu-
re , qui était alors généralissime
des JNoirs, et qui lui confia le soin
de réprimer la rébellion de son
neveu Moïse, jeune Noir, brave et
ambitieux, qui n'aspirait à rien
moins qu'à s'emparer du rang
suprême occupé par Toussaint.
N'ayant pas assez de forces pour
attaquer celles de Moïse, il em-
ploya l'artifice, et feignit de par-
tager le ressentiment de ce jeune
homme contre son oncle. Par cet-
te ruse perfide , Christophe sur-
prit aisément la confiance de Moï-
se, et parvint bientôt à se rendre
maîtrede sa personne. Toussaint,
à qui Moïse fut livré, l'envoya à
la mort sans égard pour les liens
du sang; et Christophe obtint, en
récompense de sa trahison, le mê-
me commandement que Moïse a-
vait eu dans la province du Nord.
Cependant, le 21 octobre 1801, il
se manifesta au Cap une insur-
rection parmi les partisans que
Moïse avait laissés en grand nom-
CHR
hre : ils commencèrent par égor-
g«'r tous ceux qui s'étaient mon-
trés le j)Uis dévoués à Toussaint.
Mais, aussi prompt que l'éclair,
Christophe parcourtla ville ache-
vai, et avec une poignée de sol-
dats, attaque les insurgés, en tue
deux lui-iuême, et se saisit des
chefs de l'émeute, qu'il est par-
venu à dissiper. De nouvelles in-
surrections, non moins graves
que la première, ne tardèrent pas
à éclater successivement dans les
divers quartiers de l'ile. Mais
Christophe, en se portant partout
avec rapidité, étouffa tous les ger-
mes de sédition, et fit fusiller les
chefs qui avaient provoqué ou di-
rigé les émeutes. Lorsqu'en 1802,
l'expédition française, sous les or-
dres du général Leclerc (l'oycs
Leclerc) débarqua an Cap, Chris-
tophe, qui commandait dans cet-
te place, obligé de céder au nom-
bre, lit ime défense vigoureuse,
n'évacua la ville qu'après l'avoir
incendiée, et emmena avec lui
5,000 hommes, reste de la garni-
son, qu'il alla réunir à ïoussaint-
Louverture [voyez Louverthre).
Quand ce dernier général fut en-
levé et transporté en Europe par
les agens d'un gouvernement a-
vec lesquels il faisait un traité,
Christophe s»; joignit au général
Dessalines (voyez Dessalines ) ,
alors commandant en chef des
^ioir», et concourut, par le succès
de ses armes, à faire abandormcr
l'île par les Français. Ce fut alors
que Dessalines se fit proclamer, à
.Saint-Domingue, sous le titre de
Jacques /", empereur d'Haïti;
et Christophe, qui avait contribué
à ravénemcnt de ce prince, de-
vint un de »cs premiers généraux
CHR
409
et l'un des personnages les plus
imporlans de l'empire. Mais les
abus de pouvoir auxquels se li-
vrait le nouvel empereur, eurent
bientôt soulevé contre lui le» di-
verses classes de l'état; et les hom«
mes même qui jusqu'alors avaient
paru les plus dévoués à sa per-
sonne, l'accusèrent de tyrannie.
Saisissant l'occasion d'un droit
qu'il avait établi sur le coton et
sur le sucre à leur exportation ,
Christoj>he et le mulâtre Péthion
[voyez Péthion), suscitèrent une
émeute, dans laquelle il fut égor-
gé, le ir octobre 1806. On pro-
clama sur le champ président et
f^'néralis.sirne de l'état d'Haiti
Christophe, qui nomma Péthion
son lieutenant, et le fit go»iver-
neur de la partie du Sud. On con-
voqua dans la ville du Cap des é-
tats-génèraux qui prirent le titre
«l'assemblée nationale; mais dès
lors la division se mit entre Chris-
tophe et Péthion. Celui-ci, parti-
san sincère de la liberté, désirait le
gouvernement représentatif; tan-
dis que Christophe, qui s'élait dé-
jà enivré à la coupe du pouvoir,
voulait qu'aucune autorité ne ba-
lançât la sienne propre. Il décla-
ra donc, dans une proclamation
contre Péthion, qu'il qualifiait de
réi'o/té, « que l'atitorilè appartient
nau plus fort. » Il appuya cet argu-
ment avec des troupes nombreu-
ses, qui, dans diverses rencon-
tres, défirent son adversaire, et le
forcèrent i\ se renfermer au Port-
au-Prince, où il exerça le pouvoir
suprême sous le titre de président.
Au mois d'avril 1811, Christophe,
devenu possesseur paisii)le de cet-
te portion de l'ile qu'il occupait,
se fit couronner et sacrer roi d'Haï-
^|I0
CUK
ti, dans la ville du Cap, sous le
nom de llanrl l'\ Puis il s'occu-
pa, avec son activité accoutumée,
à f^e former une cour à l'instar
des cours européennes, et fit des
dotations à ses dignitaires des
principales terres ou plantations
de l'île, qu'il érigea en fiefs. Il fit
ensuite des traités de commerce
avec l'Angleterre pour toute la
partie septentrionale de Saint-Do-
mingue qui était soumise ù sa do-
mination, tandis que toute la par-
tie occidentale était sous les or-
dres de Péthion. Après la déchéan-
ce de Napoléon, le gouvernement
français voulant recouvrer cette
colonie, y envoya des agens pour
entamer des négociations. Pé-
thion se montra tout disposé à
reconnaître l'ancienne métropo-
le. Mais il en fut bien autrement
de la part de Christophe. Ce roi
d'Haïti annonça, il est vrai, le dé-
sir d'entretenir des liaisons ami-
cales avec la France, en décla-
rant qu'il respecterait le drapeau
blanc, et que les ports de Saint-
Domingue lui seraient ouverts;
mais il manifesta en même temps
la ferme résolution de ne point
renoncer à la souveraineté d'un
pays que son peuple avait con-
quis. Informé ensuite que dans
les ports de France on armait u-
ne expédition pour soumettre l'î-
le, il s'empressa de faire toutes
les dispositions convenables pour
lui opposer une défense vigou-
reuse, et publia dans un mani-
feste l'intention formelle de ne
point faire de prisonniers. Vers le
même temps on s'empara de la
personne d'un agent français,
nommé Franco de 5iédine, et l'on
se saisit des instructions secrètes
CIIR
dont il était porteur. Le roi Hen-
ri les rendit publiques, et fit une
proclamation dans laquelle \\ ex-
primait le dessein de donner à la
nouvelle guerre le même carac-
tère de férocité qui avait signalé
la guerre de 1802. Desrésolutions
aussi farouches ont paru faire re-
noncer jusqu'à présent le gouver-
nement français à ses prétentions
sur cette ancienne colonie. Ce-
pendant les préparatifs de ce gou-
vernement tinrent long- temps
Christophe en échec, et l'em-
pêchèrent pendant douze ans de
faire aucune tentative sur la ré-
publique de la partie de Saint-
Domingue , dont Péthion était
le président. Mais à la mort de
ce dernier chef, arrivée le 29
mars 1818, le roi d'Haïti crut
pouvoir réunir les deux états sous
sa domination, espérant encore
d'y joindre quelque jour la partie
espagnole. Christophe s'avança
donc sur les frontières de la répu-
blique, à la tête d'une armée de
1 5,000 hommes, jusqu'à vingt
lieues du Port-au-Prince. Mais
les républicains, sous la conduite
du général Boyer {voyt-z Boveb),
leur nouveau président, lui oppo-
sèrent une si vigoureuse résistan-
ce qu'il jugea plus prudent de ra-
mener au Cap son armée, dont il
avait même à redouter le mécon-
tentement. Peu de temps après,
l'incendie du fort Henri lui enle-
va une grande quantité de muni-
tions de guerre, et cette peite im-
mense parut lui faire abandonner
entièrement ses projets contre la
républiqiie. On altiii)ua loutel'ois
à ses ai.enj. un iiuendie affreux
qui raviigea le Port-au-Prince, le
i5 août 1820. Cependant le de*~
CHR
polisme de Christophe était devc-
iiu insupportable au peuple, a
l'armée, et même aux courtisans
de cp prince, bien qu'il les eût
comblés d'honneurs et de riches-
ses. Ses sujets avaient d'ailleurs
sous les yeux l'exemple de la ré-
publique voisine, où tout prospé-
rait >ans tyrannie et sans contrain-
te. Dans de telles conjonctures,
un événement bien mince en ap-
parence suffit pour culbuter le
despote. Dans les derniers jours
de septembre, la garnison de S'-
Marc, indignée des mauvais trai-
temens faits par le gouverneur,
d'après les ordres de Christophe,
à un colonel aimé de son régi-
ment, s'insurgea, et ayant tran-
ché la tète à ce gouverneur, l'en-
voya par une députation d'offi-
ciers au président Boyer, en de-
mandant, au nom des habitansdu
territoire de Saint-Marc, ii passer
sous le gouvernement de la répu-
blique. Apres s'être assuré de la
sincérité de cette démarche, Boyer
se mit à la tête de i5 à 20,000
hommes pour aller au secours des
insurgés. Retenu dans son palais
de Sans-Souci par les suites d'u-
ne paralysie dont il avait été at-
taqué deux mois auparavant,
Christophe envoya, pour répri-
mer l'insurrection, 5' ou 6,000
hommes sous la conduite du gé-
néral Romain. Mais ce général,
ainsi que plusieurs autres, qui
avaient également à se plaindre
<lu monarfjue, au lieu d'apaiser le
tumulte, ne firent que l'accroître,
et l'insurrection devint bientôt
générale dans la ville du Cap.
Dans la nuit du 5 ou t) octobre,
on battit la générale; toutes les
'roupes se mirent sous les arme».
CHW 4»»
et Tiibolilion de la royauté fut
proclamée parle général Richard.
Informé du soulèvement, Chris-
tophe envoya des ordres i\ ce gé-
néral qu'il croyait encore fidèle;
mais on lui renvoya son messa-
ger pour lui. donner à entendre
que son autorité n'était plus re-
connue. Il manda alors Joachim
Noël, le plus dévoué des généraux
de sa garde, et lui ordonna de
réunir tout ce qu'il trouverait de
troupes fidèles pour massacrer
tous les blancs et les mulâtres. On
parvint à rassembler i,5oo hom-
mes qui se présentèrent au Cap,
occupé alors par les indépendans.
Après quelques coups de fusil é-
changés de part et d'autre , les
troupes royales se débandèrent,
et allèrent rejoindre leurs anciens
camarades pour demander avec
eux la déposition du roi Henri,
qui, pour ne pas tomber entre
leurs mains, se tua d'un coup de
pistolet, dans la 55"" année de
son âge. Sa veuve et ses enfans
se réfugièrent aussitôt dans le
fort Henri pour se soustraire à lu
vengeance du peuple; mais ce fort
s'étant rendu le 18, on massacra
le prince royal. Gis aîné de Chris-
tophe; le général Noël, et quel-
ques autres officiers-généraux les
plus dévoués au roi.
CHRYSOLOGUE. {royez le
père NoEL.)
CinV OS rOW (le comte Démé-
TRius), né en 1^58, sénateur rus-
se, neveu du feld-maréchal Su-
warow. M. de (^hwostow, mem
brc de plusieurs académies de
l'empire et de Padoue, cultive les
lettres avec succès. Il est auteur
d'une Correspondance épistolai-
i\' et d'OL' livres lyriques , cl il a
4ia
CIA
traduit diiris sa langue maternel-
le la tragédie tX'Androniojjiie, de
Racint, et V An poétiqucde Boi-
leaii.
CHWOSTOW (Simon de), né
en 1764, était attaché au dépar-
tement des affaires étrangères de
Russie, lorsqu'il fut envoyé, en
1794 ■> en qualité de chargé d'af-
faires prés la Porte ottomane. Il
eut occasion de rendre des servi-
ces importans au comte de Choi-
seul-GouflJer, au moment où cet
ambassadeur proscrit dans sa pa-
trie futobligédese retirer à Saint-
Pétersbourg. La mission diplo-
matique de M. de (]hwo-tow fut
de peu de durée ; Paul I" le rap-
pela, et refusa de lui conficraucu-
ne autre fonction. L'emj)ereur A-
lexandre a nommé M. de Ch^vos-
tow, directeur de la banque de
Saint-Pétersbourg, emploi qu'il
occupe encore.
CHWOSTOW (madame de),
belle-sœur du précédent, cultive
les lettres. Elle a composé en lan-
gue russe quelques ouvrages qui
l'ont fait remarquer, et a traduit
en français, et fait imprimera
Saint-Pétersbourg, Lisa et le Coin
du feu, romans.
CIAMPI (SÉBASTiEiv), hellénis-
te et archéologue italien, est né
à Pistoie, vers 1770. Il s'est dis-
tingué, comme éditeur et comme
érudit. Ses nombreux ouvrages
prouvent des connaissances aussi
rares que diverse?, en biographie,
en philologie, en antiquités. Ou
estime ses f^ies ou Notices, écri-
tes en italien , sur Cino de Pis-
toie, Car teromaco , Luc Antonio
Pagnini, Seb. Fini , et beaucoup
d'autres personnages de son pays.
Une Dissertation sur le métal de
CIC
Corinthe, et un excellent Traite
de la sculpture autour chez /es
anciens^ ont témoigné de son é-
riidition pour tout ce qui lient à
l'histoire des arts du vieux mon-
de. Ou fait le plus grand cas de ses
traductiotis de funarquc , \ruo-
jnioii, Aciuile Tatius , et des no-
te.s et observations qui les accom-
pagnent. Esprit exact, il possède
cette minutieuse ralieiicf qui,
jointe à \\\\ esprit vif, passait chez
les Grecs pour un grand moyen de
succès {10 aknbeSj. Il professe de-
puis long-temps la langue grec-
que, dans l'université de Pise.
CIAMPITTI (Charles), Napo-
litain, est »in littérateur savant,
amateur d'antiquités, qui a fouil-
lé dans les ruines d'Ilerculanum;
il a expliqué et publié les manus-
crits en papyrus , qu'on y a dé-
couverts. La guerre d'Octave
contre Antoine , et la Bataille
d'Actium, paraissent être le su-
jet d'un poëme latin contenu dans
une partie des rouleaux trouvés.
Ciampitti, dans la préface du se-
cond tome de la collection des
manuscrits, donne des éclaircis-
semens sur les fragmens de ce
poëme, d'où quelques antiquaires
ont conclu que cet ouvrage était
de Varus, ami d'Horace. Les tra-
vaux et les recherches que Ciam-
pitti, et ses collaborateurs, conti-
nuent avec succès , méritent les
encouragemens et l'attention des
amateurs et des savans.
CICOG^ARA ( LE COMTE LÉO-
pold), auteur de ce beau monu-
ment, élevé aux arts par l'érudi-
tion et le goût, intitulé : Histoire
de la sculpture, depuis sa résur-
rection (risorgimento) en Italie ,
et auquel l'institut paya, en 181 3,
CIM
un juste tribut d'éloges. Ony voit
renaître du sein de la barbarie ,
cet art de faire vivre et de pas-
sionner le marbre; on en suit les
premiers pas; on est témoin de
chaque perfectionnement pro-
gressif, et de chaque révolution
du goût, qui, des madones em-
maillottées du 1 1"' siècle, a fait
passerla sculpture jusqu'aux pro-
ductions plus pures du i4"*» jus-
qu'à l'incorrection grandiose et
sidjiime de Michel-Ange, et jus-
qu'à l'aimable licence du lierni-
ni. De nombreuses planches ac-
compagnent ce bel ouvrage, dont
Napoléon accepta la dédicace.
(Venise, in-fol. , 5 vol. , i8i3 —
1816.). Ce prince l'avait fait che-
valier de la Couronne-de-Fer
et président de l'académie des
beaux-arts de Venise. M. Cico-
gnara est né à Ferrare , vers
1780. C'est en société avec lui,
que l'alibé Jérôme Bantjfaldi pu-
blia des Mémoires très -curieux
■-ur le ifénie, les mœurs^ etc., des
luleurs et des grands hommes
Icrrarois. On accorde générale-
ment à Cicognara, plus de scien-
ce que n'en ont quelquefois les
gens d'esprit, plus de talent pour
écrire que n'en ont souvent les
antiquaires, et plus de sagacité
en matière d'arts, que les uns et
les autres n'ont coutume d'en
montrer.
CIMAJIOSA (DoMiMorR), l'un
des fdus célèbres musicicns-com-
po.siteurs du siècle dernier, na-
quit à iNaplesen 1754. Après avoir
rerud'April ses premières leçons,
il entra au <'on»ervatoire de Lo-
rello, où il se forma d'après les
priijci|»es de l'école de Durante,
et où ion conserve encore avec
CIiM 4i5
intérêt le souvenir des moyens
ingénieux qu'il employait pour
étudier la nuit, sans troubler le
sommeil des autres élèves cou-
chés dans le même dortoir. Un
grand amour du travail, et le gé-
nie le plus heureux, lui firent ac-»
quérir de bonne heure une répu-
tation qui s'augmenta de jour en
jour. Avant d'avoir atteint sa
vingt-cinquième année, il avait
obtenu de nombreux succès sur
les principaux théâtres d'Italie et
des autres parties de l'Europe mu-
sicale. Il parcourut l'Allemagne,
et fut appelé en Russie par l'im-
pératrice Catherine II. Les com-
positions de Cimarosa se font re-
marquer par l'invention, les idées
piquantes , la richesse de l'ac-
compagnement, et une grande
connaissance des effets de la scè-
ne, principalement dans V Opéra-
Biiffa^ où les motifs sont, suivant
l'expression des Italiens, di pri-
ma inlenzione. Cimarosa a com-
posé plus de cent opéras, dont le»
principaux sont toujours repris
avec un grand succès. On remar-
que, dans le genre de VlJpera
Séria , le Sacrifice d'yibraham,
les Horaces et les Curiaces , /V-
nélope , Artaxerce , eXl' Arthémist
wnitienne, qui n'était pas entiè-
rement terminée quand la mort
le surprit; cependant, il n'y a de
morceaux étrangers dans cette
pièce, que le s^rand air d'Arté-
mise avec des chœurs, au pre-
mier acte, et la dernière partie
il\\ Jinaie au second acte. Parmi
ses opéras bouffims, on cite plu»
particulièrem«;nt l'Jlalientu à
Londres, te Directeur dans i'cm-
barras , les Ennemis généreux ,
et .surtout le Mariage secret,
^'4
CIM
chef-d'œuvre immortel, qui exci-
ta un enthousiasme général. On
remarqua, ce qui ne s'était point
encore vu, que Cimarosa tint le
piano du théâtre de INaples pen-
dant les sept picmiéres représen-
tations de cet ouvrage. Lorsqu'on
représenta le Mariage secret à
Yicnne, l'empereur Léopoldfut si
charuiéde ce chef-d'œuvre, qu'il
invita les chanteurs et les musi-
ciens à un hanquet, après lequel
ils recommencèrent la pièce. Ci-
marosa avait une voix très-agréa-
ble et chantait avec beaucoup
d'expression ; mais dans les mor-
ceaux bouffons, il était impossi-
ble d'égaler sa chaleur et son ori-
ginalité. 11 avait des mœurs dou-
ces et pures, et une grande mo-
destie. Il répondit un jour à un
peintre qui le plaçait au-dessus
de Mozart : « Que diriez-vous ,
«monsieur, d'un homme qui vous
«placerait au-dessus de Raphaël 1*»
Comme les amateurs mettaient
sur le même rang Mozart et Cima-
rosa, sous le rapport de la com-
position , l'empereur Napoléon
demandait à notre célèbre Gré-
try quelle différence il y avait
entre ces deux grands composi-
teurs; Grétry répondit : « Sire,
«Cimarosa met la statue sur le
«théâtre et le piédestal dans l'or-
«chcstre, au lieu que Mozart met
))la statue dans l'orchestre et le
«piédestal sur le théâtre. » Cima-
rosa, comme tous les hommes de
génie, avait embrassé avec en-
thousiasme les idées libérales, et
déplaisait par cela même à la cour
de Naples. C'est par erreur, ce-
pendant, qu'on l'a dit victime de
la réaction qui s'opéra lors de la
restauration effectuée par Nel-
cm
son : Cimarosa n'est pas mort en
prison à Naples, ainsi qu'on l'a
publié ; c'est à Vienne que ce
grand compositeur a terminé .sa
trop courte carrière , le 1 1 jan-
vier i8oi ; il avait à peine atteint
sa 46"" année.
CIRBIED ( Jacques-Cha-han
de), né dans l'Arménie, au moi»
de décembre 1772 , a été élevé h
Edesse, ancienne ville de la Mé-
sopotamie; il vint en France ù
l'âge de 20 ans, et fut employé ,
en 1798, à l'école spéciale des
langues orientales. Le gouverne-
ment impérial, satisfait des ser-
vices de M. Cirbied, et appré-
ciant son érudition, créa, en
1810, pour ce savant, une chaire
de langue arménienne qu'il occu-
pe encore aujourd'hui à la biblio-
thèque royale. On a de lui : Mé-
moires sur la langue arménienne;
Recherches curieuses sur l'His-
toire ancienne de l'Asie^ Paris,
1806, in-8°; Détails historiques
de la première expédition des
chrétiens dans la Palestine , sous
l'empereur Zimiscès ; tirés d'un
manuscrit arménien de Mathieu
d'Édesse, etc.; Paris, i8i 1, in-S";
ISotice de l'histoire manuscrite
de Mathieu Eretz, et Extrait re-
latij à l'histoire des croisades y fai-
sant partie du tome 9 des Notices
et extraits des manuscrits de la
bibliothèque royale; Tableaugé-
néral de l' Arménie ^ 181 3 : c'est
le prospectus de toute l'histoire
de l'Arménie , et la description
géographique de cette contrée.
CIRILLO (Dominique), célè-
bre médecin du royaume de Na-
ples, naqiiit dans la terre de La-
bour en 1754. Le lieu de sa nais-
sance est l'un des plus fertiles et
CIR
de» plu? beaux pays de lEurope;
c'est l'aiicicone Cainpaiiie, dont
Capouc eiit la capitale, et qu'on
nomme aujourd'hui la Campagne
/icu'TitS('. Cirillo mourut au gibet;
et, victime d'une réaction, parta-
gea ce malheur avec une jeune
princesse (Santa-Fede) , et mille
autres victimes plus ou moins il-
lustres, parmi lesquelles on comp-
te l'amiral prince de Carraciolo,
lesducs de Cassano et Della-Torre,
elc. L'amour inné de ses sembla-
bles fil sans doute embrasser à
Cirillo la profession de ujédecin.
Apte à tontes les sciences , il s'a-
donna de bonne heure et plus
particulièrement à la médecine :
ses travaux furent couronnés des
plusbrillanssuc(;ès.l'arguûletpar
occasion . il vit l'Angleterre et la
France; Paris et L«)ndres lui of-
frirent tous les moyens possibles
d'étendre le cercle de ses con-
naissances, il en profita comme
philosophe et comme savant. De
retour dans sa patrie, il y obtint
la place de professeur de méde-
cine . et l'emploi de jiiédecin de
la cour. Soulager le.s hommes ,
dans quelque rang que la ffirlunc
les eût placés, c'était la passion do-
minante de Cirillo; aussi le voyait-
on , chaque jour, courir indis-
tinctement chez le riche et cliez
le pauvre, lorsqu'on avait besoin
de lui. Il mettait cependant plus
d'empressement à visiter les inr
digens; parce que, indépendam-
ment des soins qu'il leur don-
nailconiine médecin, il y ajoutait
encore des dons pécuniaires, son-
vent indispensables à leur guéri-
sr)n ; c'était )>our Cirillo une don-
btejouissance. Le a."} janvier! 799,
les armées françaises s'emparé-
CLA
4i5
rent de Naples ; le général Cham-
pionnet et le commissaire du di-
rectoire, Faypoult, voulurent y
organiser une république, dont
Cirillo fut proclamé l'un des re-
présentans. Il n'accepta cette pla-
ce qu'après les plus vives instan-
ces de ses compatriotes, et com-
me s'il eût pressenti son peu
de durée, et les suites funes-
tes qu'elle devait avoir pour lui.
Nommé président de la commis-
sion législative, il était à son poste
lorsque le roi Ferdinand rentra à
Naj)les, le i5 juillet de la mêm^
année. Cirillo s'embar(|ua pouk»
Toulon à la suite d'une capitula-
tion, et paraissait fort tranquille
sur la foi d'un pareil traité; mais
il ne put échapper aux poursui-
tes exercées contre les soi-di-
sant révolutionnaires. La capitu-
lation fut violée, et Cirillo fut
arraché du vaisseau pour être
conduit au supplice. Ou lui fit
entrevoir qu'il pourrait obtenir
sa grâce pour peu qu'il la solli-
citât; mais il aima mieux mourir
que de s'avilir, et ne voulut faire
aucune espèce de rétractation d'u-
ne conduite qu'il soutenait avoir
été, pendant toute sa vie, pure et
irréprochable.
CLAIRON (Claire-Joseph-Le-
cais DE LA TuDE ), naquit dans les
environs de Condé en 1723. Se-
lon tout apparence, le nom qu'el-
le rendit célèbre lui fut donné
dans son etifance par forme de
plaisanterie, et dérive de son pre-
mier prénom Claire. Élevée par
une mère qui poussait la sévéri-*
té jusqu'à la rudesse , ses pre-
mières années furent malheureu-
ses; celait surtout lorsqu'il fal-
lait se Uvreràdes travaux de fem-
4iO
CLA
me, que les (juerelles (iilic la
mère et la fille prenaient un ca-
ractère opiniâtre. M"' Clairon ne
pouvait se résoudre à ce genre
d'occupation ; et la main qni de-
vait un jour saisir le poignard
d'Hermione et le sceptre de Sé-
miramis, se fernjait à la vue, d'une
aiguille ou d'un fuseau. M''* Clai-
ron, qni occupait à Paris un loge-
ment en face duquel se trouvait
celui de M"' Dangeville, l'obser-
va pendant qu'elle se livrait aux
études de son art. Ayant obtenu
avec beaucoup de peine la faveur
d'assister à une représentation de
la Comédie française, le Comte
d' Essex et les Folies jdmoureu-
^e^ furent les premiers ouvrages
dramatiques dont elle fit la con-
naissance. L'impression que ce
spectacle fit éprouver à la Mel-
pomène, petite fille, fut extrême;
elle en avait perdu l'appétit et le
sommeil. Une grande partie des
vers tragiques et comiques qu'el-
le avait entendus une seule fois
restèrent gravés dans sa tète ; et
elle les répétait en essayant d"i-
miter les dilïérens personnages
qu'elle venait de voir. « Ma pro-
«digieuse mémoire étonna moins
«encore, que la façon dont j'a-
«vais saisi le jeu de chaque acteur
» (dit-elle dans ses mémoires). Je
«grasseyais comme Grandval, je
abredouillais et faisais le saut de
))Crispin comme Poisson ; je fai-
nsais l'impossible pour attraper
«l'air fin de M"" Dangeville, et
«l'air roide et froid de M"* Bali-
» court. ))M"'Clairon, enchantée de
ce premier succès, déclara qu'elle
voulait absolument jouer la co-
médie. Sa mère la soufleta et l'en-
voya se coucher. Cependant la
CIA
résolution prise fut inébranlable,
il fallut y céder; et >1"' Clairon,
i\ peine âgée de douze ans, débu-
ta avec succès sur le ihéAtrc de
la Comédie italienne. La petitesse
de sa taille, et dc^ rivalités de cou-
lisse, ne lui permirent pas d'y res-
ter. Elle reçut un engagement pour
le théâtre de Kouen , à condition
d'y danser, d'y chanter, d'y par-
ler; et ce fut dans la patrie du
grand Corneille que cette tragé-
dienne célèbre donna les pre-
miers indices de son rare et beau
talent. Attachée à une troupe
dont Lanoue était le directeur ,
elle joua successivement;! Roncn,
au Havre et à Gand. Son emploi
était celui des soubrettes : cepen-
dant elle avait essayé quelques
seconds rôles tragiques; et Sar-
razin qui la vit jouer le rCde d'É-
riphile,fut le preniierà découvrir
le véritable genre de son talent .
et à lui prédire les grands succès
qu'elle devait im jour obtenir.
M"* Clairon reçut à Dunkercpn;
Tordre de venir débuter à l'Opé-
ra , en mars ly^ô. Quoique mé-
diocre musicienne, elle fut, grâce
à la beauté de sa voix, applaudie
même dans les rôles où elle dou-
blait iVl"* Lemaure ; mais ungofit
décidé l'appelait sur un autre
théâtre. Vers la fin de l'année .
elle obtint un ordre de début pour
la Comédie française. Elle y fut
admise comme double de M'-'
Dangeville, dans l'emploi des sou-
brettes, et elle devait en outre se
charger au besoin de jouer dif-
férens rôles dans la comédie et
la tragédie. M"' Clairon, dans son
acte d'engagement, s'était ména-
gé la faculté de joocr les grande
rôles tragiques. Cette clau-e lut
CLA
admise, parce qu'on n'y attachait
aucune conséquence, lorsqu'à la
grande surprise du comité, elle
en reclama rcxéiniti(m. Les rôles
d'Aricie, de Constance, d'Inès,
lui turent offerts : M"' Clairon les
refusa, et déclara qu'elle jouerait
Phèdre, rôle dans lequel W Du-
niesnil obtenait à cette époque
les succès les plus brillans. Une
soubrette, qui tout ù coup aspire
à la dignité de reine; une actrice
qui, diarfiée de faire rire le pu-
blic, s'engage tout à coup à le
faire pleurer, devint aux yeux du
sénat comique un objet de plai-
santerie et presque de pitié. La
représentation eut lieu, et tous
les mémoires du temps attestent
l'effet prodigieux que produisit
M"" Clairon, dans un rrdeqni sur-
le-champ l.i plaça au rang des ac-
trices les plus célèbres. Ce fut le
19 septembre 174^, qu'elle joua
Phèdre pour la première fois: par
un contraste assez piquant, ses
débuts dans l'emploi des soubret-
tes furent moins brillans; mais
lesapplaudiss<;mensqui lui furent
successivement prodigués dans
tous les grands rôles de la tragé-
die, la firent recevoir dès le mois
suivant à la Comédie française,
dentelle fut, durant l'espace de 2a
ans, rhonncuretl'appui.Leshom-
mes les plus fameux de l'époque,
à la tête desquels il faut placer
Voltaire, rendirent hommage à
son talent; et les vers du grar»d
poète ont consacré les succès de
la grande actrice. M"' Clairon de-
vint tout à coup la rivale de M"'
Dumesnil; toutefois une grande
différence se faisait remarquer
dans la nature de leurs talens.
M"" Dumcsnils'abandonnantprcs-
T. IV.
CLA 417
que toujours à la fougue des ses
inspirations, entraînait souvent
le spectateur par les effets les plus
hardis et les moins prévus ; M'"
Clairon, au contraire, ne présen-
tait jamais au public que les ré-
sultats d'une élude profonde , et
nn jeu où la nature se montrait
appuyée de tous les secours que
l'art peut lui fournir. I^es Uiéinoi-
res qu'elle a publiés en 1799
(Paris, 1 vol, in-8), donnent une
idée exacte du système de S(;s é-
tudes et du genre de son talent.
Ces mémoires , qui contiennent
des vues excellentes sur les diffé-
rentes parties de l'art dramati-
que, peuvent êlre fort utiles à
ceux qui se destinent à la carrière
du théiltre. Eu matière sembla-
ble, on ne saurait avoir de meil-
leur guide que les conseils dictes
par l'expérience d'ur^ grand ta-
lent. M"' Clairon, fidèle à un plan
qu'elle s'était tracé, nese dépouil-
lait jamais de la dignité convena-
ble au genre de son em{)loi. et,
devenue reine de théâtre, conser-
vait le sceptre »!t la couronne jtis-
que dans les relations les |dus»
simples de la vie privée. Son but
était de s'ideutitior ainsi , durant
le jour, avec les personnages qu'el-
le représentait le soir. Cette ma-
nière d'être lui donnait un air de
hauteur , qui souvent blessa l'a-
mour-propre de ses camarades ;
et comme, s'il faut en croire la
chronique, elle s'humanisait par-
fois avec des gens qui n'étaient
ni rois ni princes, cette préten-
due facilité de mœurs et sa di-
gnilé apparente, formaient un
contraste qui souvent donna lien
à des plaisanteries. M"* Clairon, ù
peine .Igcc de 4a ans, et parve-
4i8
CLA
nue à un degré tle pert'eclion et
d'expérience qui pouvait pro-
curer (le grands progrès à l'art
dramatique, prit tout à coup sa
retraite, par suite d'un incident
qui l'ut accompagné d'un éclat
scandaleux. L'n mauvais comé-
dien, nommé Dubois, alteint du
mal qui coCilaun œil à Pangloss,
se fit guérir, et ne voulut pas
payer son médecin; ceJui-ci por-
ta plainte devant les tribunaux,
qui ne purent prononcer, faute de
preuves. La Cctmédie française,
instruite du fait par la rumeur pu-
blique, crut devoir être plus sé-
vère que la justice, et eut raison.
II est des cas où les lois de la mo-
rale doivent venir à l'appui des
lois positives; et une société qui
se respecte ne saurait garder
dans son sein l'individu qui se
voue au mépris. L'exclusion de
Dubois fut prononcée : mais ce
mauvais comédien avait une jo-
lie fille; cette jolie fille connais-
sait un grand seigneur; ce grand
seigneur prit fait et cause pour le
mauvais comédien. Dubois fut
maintenu au théâtre malgré ses
camarades , qui déclarèrent ne
plus vouloir jouer avec lui. On
devait représenter le siège de Ca-
lais ; Dubois devait remplir le rô-
lede Alauni: les portes s'ouvrent,
le public entre; mais Brizard, Le-
kain. Mole, M"* Clairon, refusent
de jouer, et le cri de aujbrt l' tJ-
vdque se fait entendre de toute
part. L'autorité crut devoir don-
ner cette satisfaction au public.
Le lendemain M"' Clairon reçut
l'ordre de se rendr.^ en prison ,
et y fut conduite par Tintendanlc
de Paris, qui se trouvait chez la
célèbre actrice au moment où Ta-
CLA
genl de police s'y présenta. En
sortant de prison, M"' Clairon si-
gnifia sa retraite, qui eut olfecti-
vementlieu au mois d'avril i7<>>>;
et les résultats scandaleux de lu
protection scandaleuse accordée
par un grand seigneur à un mau-
vais sujet, privèrent la scène fran-
çaise de son plus utile et de sou
plus bel ornement. M"' Clairon
avait amassé une fortune sulTi-
sante, que diminuèrent considé-
rablement les opérations finan-
cières de l'abbé Terray. Ne pou-
vant plus vivre à Paris, elle se
fixa à la cour du margrave d'Ans-
pach, y passa 17 ans, et revint
enfin habiter Paris où elle mou-
rut le 18 janvier i8o3. Larivc et
M"' Raucourt furent ses élèves.
Dans les iriémoircs dont nous
avons déjà parlé. M"' Clairon
donne sur elle-même des détails
assez favorables, comme on peut
bien le croire. On y trouve l'his-
toire d'un homme qui, après l'a-
voiraimée sans succès pendant sa
vie, vint la tourmenter après sa
mort, tantôt en criant, tantôt en
battant des mains, tantôt en ti-
rant des coups de pistolet à ses
oreilles. Ce récit prouve que JVi"'
Clairon croyait ou avait la pré-
tention de croire aux revenans.
Cette grande actrice fut plus dune
fois en butte aux traits de la ca-
lomnie, qui ne res|>ecte les ta-
lens supérieurs sur aucun théâtre.
M. le comte de Caylus, entre au-
tres, dans une espèce de libelle,
.publié en 174^ et intitulé tJisioi-
rt de M"' Ci'Diwl dtti- Frétil"
Ion , attaque M"* Clairon avec
une virulence indigne et du res-
pect que l'on doit au talent, et
des égards que l'on doit à la vé-
CLA
rilé, et des ménagemens que Ton
doit à une femme. •
CLAPARÈDE (le comte\ né
à Gignac, département de l'Hé-
rault, en i774»fi'u"c tamille de
robe, donna les premiers gages i\
la révolution en se présentant
comme volontaire aux bataillons
de son département en 179'i.
L'année suivante il y fut nommé
capitaine par le choix libre et u-
nanime de ses camarades. En Tan
7, il fui nommé chef de bataillon
à l'armée d'Italie; et en l'an 8, ad-
judant-commandant à l'armée du
Jlhin, Un an après il était employé
au corps d'observation de la (Gi-
ronde; en Tan 10 il partit pour
Saint-Domingue sous les ordres
du général en chef Leclerc, qui le
nomma général de brigade. Le gé-
néral Claparède eut dans celte
campagne le commandement du
départen»ent du Libao, oblintdes
avantages inrportans sur les Nè-
gres commandés par Paul Lou ver-
turc, frère du fameux Toussaint,
et par Clairvaux; et en l'an 1 1, il
commandait la ville du Cap, à la
fatale époque de la désertion ctde
la révolte de l'armée noire, dont
Christophe et Dessalines diri-
geaient la trahison. De retour en
France, après la mort du général
Leclerc, le général Claparède fut
employé en l'an 11 au cantonne-
mentdcSaintes, et Tannée suivan-
te, s'embarqua sur l'escadre du
contre -amiral Missiessy, pour
l'expédition de la Dominique. A-
près avoir contribué à la soumis-
sion de cette colonie, il revint en
France, et fut la même année <;m-
ployé à la division des grenadier:}
d'Oudinot et ù la grande-armée.
Eo l'an i4) il' commandait en Al-
CLA
4ï9
lemagne la première brigade du
5°" corps, et se trouva aux com-
bats de Werlingen, d'L'Im, d'Uol-
labrùm, et à la célèbre bataille
d'Austerliu. En i8o6, dans la
guerre de Prusse, les troupes aux
ordres du général Claparède com-
mencèrent la campagne par le
beau combat de Saaifeld, contre
le prince Louis-Ferdinand, et sa
brigade d'infanterie fut honora-
blement mentionnée dans l'ordre
du jour de son corps d'armée. A
léna , cette nume brigade com-
mença l'attaque avec succès con-
tre 8,000 S.ixons. Au combat de
Pulstuck, le général Claparètle eut
un aide-de-camp tué ù ses côtés,
fut blessé, et néanmoins se trou-
va aux combats d'Oslrolenka, du
camp de Borky, et à toutes les
affairesqui eurent lieu en Pologne,
en 1807, à l'époque de la confé-
rence des deux empereurs à Til-
sit. A la paix, il fut avecsa briga-
de chargé du service de la ville
d'Erfurt, et fut nommé général
de division le 8 octobre 1808. Le
i5 janvier i8or), il eut le com-
mandement d'ure division du
corps du général Oudinot, armée
d'Allemagne, et, le 16 février sui-
vant, fut chargéde son organisa-
lion; ce fut dans celle campagne
qu'eut lieu la brillante affaire d É-
bersberg au passage de la Tramni.
« La division Claparède seule, dit
» le bulletin, et n'ayant que 4 piè-
)' ces de canon, lutta pendant (rois
«heures contre 5<>,ooo eimemi;^.
«Cette action d'Ebersberg est un
.) des plus beaux faits d'armes dont
» l'histoire puisse conserver le sou»
«venir. La division Claparède,
» s'est couverte de gloire: le pont,
» la ville et la position d'Ehersbtrjç
420 CLA
«seront des monumens durables
))de son courage. Le voyageur di-
«ra : C'est ici de cette superbe po-
DSition, de ce pont d'une si longue
«étendue, de ce château si l'ort
«par sa situation, qu'une armée
»de 5o,ooo Autrichiens a été
«chassée par 7,000 Français. » A-
prcs la bataille d'iîl^ling, où le gé-
néral Claparéde tut blessé, l'em-
pereur lui confia le commande-
ment de la 1" division de l'armée
de Dalmatie. Ce fut à la tr-te de
cette division qu'il prit part à la
mémorable journée de \Vagram
et au combat de Znaïm. Après
cette campagne, il l'ut nommé
grand-ofïicier de la légion-d'hon-
neur. En 1810, commandant la
division formée à Bayonne , il
partit pourl'arméed'Espagne, 7"""
corps, et commanda en chef les
troupes stationnées dans les pro-
vinces de Salamanque et de Za-
mora, et lesplacesde Ciudad- Ro-
drigo et d'Almeida, depuis octo-
bre 1810 jusqu'en avril 1811. A
cette dernière époque, chargé de
couvrir avec sa division les der-
rières de notre armée de Portu-
gal, qui s'était établie devant les
lignes anglaises, il battit complè-
tement le g'-néral portugais Sil-
veira, et le força de repasser le
Duero à Lamego. Ses opérations
entre cette rivière et le Tage fu-
rent également heureuses, et fu-
rent remarquables par la prise de
la Ville de Covilhao, où un nou-
veau corps d'insurgés et de gué-
rillas se formait sous les ordres
d'un ofBcier anglais. Il comman-
dait alors la 2°" division du 5°"
corps. Après sa retraite de Portu-
gal, en i8i2, le général Claparé-
de reçut le commandement en
CLA
chef du corps polonais au service
de France, fit en ciJlle qualité la
campcgne deRussie, et se trouva
à la bataille de la Moskowa, et
au passage de la Bérésina , où il
fut blessé. En juin 181 5, il fut at-
taché au corps d'observation de
!Mayence,et fut mis en 1814 à la
disposition du gouverneur de la
1" division militaire. En janvier
181 5, il en commandait la 5°*
subdivision; à l'époque du 11
mars, il commandait les trou-
pes qui devaient se rassembler
à Melun sous les ordres du duc
de Berri; et le iG du même mois,
sous les ordres de ce prince, il
commandait une division à Pa-
ris. Le i5 juillet suivant il y fut
nommé commandant de la place,
et le 1 5 octobre, de la 2°" division
militaire, fonctions qu'il n'a pas
exercées. Le 18 novembre de la
même année, le général Claparé-
de a été nommé inspecteur-géné-
ral d'infanterie, 1" division mili-
taire, place qu'il remplit actuel-
lement. Le i5 novembre 181 5.
le roi l'a nommé gouverneur du
château royal de Strasbourg, et, le
5 mars 1819, pair de France. Plu-
sieurs journaux ont placé à tort
le nom du général Claparéde par-
mi les signataires de la protesta-
tion faite par une partie de la
chambre des pairs, sur le juge-
ment du lieutenant-colonel Ma-
ziau. Le même esprit de justi-
ce nous porte également à dire
que , le général Claparéde n'a
cessé dans les fonctions militai-
res qu'il exerce à Paris, d'user
de son influence pour adoucir
le sort d'une grande quantité de
ses anciens compagnons d'ar-
mes, et leur être iirile toutes les
CLA
fois que l'occasion s'en est pré-
sentée.
CLARE (lobd FiTz - Gibbon,
comte). Le marché de Cidre est
à Londres une vaste boucherie.
Assez grossiers dans leurs atta-
ques, et peu délicats dans leurs
allusions, les journalistes anglais,
en parlant de lord Clare, si vio-
lent dans ses avis sur le malheu-
reux pays où il est né (l'Irlande),
ont plus d'une lois fait ressortir
cette triste coïncidence de mots.
Quoi qu il en soit du mauvais
goût de ces sanglantes plaisante-
ries, il est vrai que lord Clare,
aujourd'hui protestant fougueux
et courtisan assidu, avait pour
grand-père un paysan catholique ;
que son père apostasia de bonne
heure ; et que le fils, avocat au
barreau d'Irlancle, à force de dé-
ployer son ardeur évangélique
et de montrer sa tendresse pour
le pouvoir, fut porté, en 177.*), i\
la chambre des communes par le
ministère. Jamais les partisans de
la liberté n'eurent un adversaire
plus hardi, ni les chefs du minis-
tère un séide plus dévoué. Deve-
nu avocat-général, baron, chan-
celier, et enfin pair d'Angleterre,
il se fit remarquer, comme disent
certains rédacteurs de biogra-
phies, par son inébranlable cou-
rage : il s'agissait d'étouffer la
voix des catholiques opprimés, et
d'éteindre dans le sang les pre-
miers feux de la liberté qui vou-
lait renaître en Irlande : l'Irlan-
dais Clare, né de parens catholi-
ques, fut courageux dansées cir-
constances; il fut inébranlable
contre son pays : quel nom don-
ner à ce courage?
CLAKENCE(Geobce9-Herbi),
CLA 421
second frère de Georges IV, troi-
sième fils de Georges III, est l'un
des membres les plus estimés de
l'opposîlion anglaise, ainsiquede
la iamtlle royale. Sa naissance ne
l'a point reiulususpectauxwhigs ;
ses liaisons avec l'opposition, et
la franchise de sa marche politi-
que, ne l'ont point brouillé avec
la cour. Il est né le 21 août 17G5.
Elevé pour la marine, il passa par
tous les grades du service, ne re-
çut aucun commandement, et de-
venu membre de la chambre des
pairs, vota presque toujours dans
le sensde Burdelt ou de Wilber-
force. Les ministres l'eurent pour
adversaire inébranlable. Il s'éle-
va vivement contre la traite des
Nègres, s'opposa ù la guerre, et
fit tomber du ministère William-
Pitl, qui la fomentait. Datis la
question de la repression de L'a-
duUere^ il prouva que le divorce
est une sauvegarde contre le
déshonneur des familles, et mon-
tra, avec une énergie d'éloquence
qui ne lui était pas ordinaire, que
c'est mal servir lacause de la ver-
tu, que de lui im[ioser des entra-
vestroppesantes : « Faites en sor-
» te, messieurs, dit-il en terminant,
«qu'elle ne désespère pas d'elle-
«même. Donnez-lui plutôt un a-
»sile, même équivoque, que de
»Ia réduire au désespoir; le dé-
«sespoirest le plus terrible en-
» nemi de la vertu . » Ce fut le duc
de Clarencc qui, en qualité de
grand - amiral , convoya le roi
Louis XVIII jusqu'aux rivages
de France , lors de la première
restauration, en i8i4>
CLARISSE (JEA>),savantthéo-
logien, est né àSchiedam en Hol-
lande, au mois d'octobre 1770.
423 CLA
Il lut nommé ministre du culte à
Doorn,en 1792, el profesHour de
théologie à I iicadémiedc Hardcr-
wick en i8o5. A l'époque de la réu-
nion de la Hollande à l'empire IVan-
rais,cetteacadémieayant été sup-
primée, M. Clarisse de vint prédica-
teur ii Rotterdam. Le roi des Pays-
lias le nomma, au mois de novem-
bre 181/Î, professeur de théologie à
l'université de Leyde. Cet ecclé-
siastique a constamment prouvé,
sous tous les gouvernemens et à
toutes les époques, qu'il était par-
tisan et apologiste des idées libé-
rales; ses discours, ses sermons,
ses ouvrages et sa conduite, ont
toujours eu la même direction.
Soit qu'il ait écrit des disserta-
tions sur le Saint-Esprit, ou des
mémoires de la f^ie des apôtres,
M. Clarisse a su concilier ses sen-
timens philanthropiques , son a-
mour pour la liberté, avec les
matières métaphysiques ou mys-
tiques qu'il avait à traiter; enfin
on prendrait ses productions as-
cétiques pour des leçons de mo-
rale à l'usage des amis de leur pa-
trie et de la gloire nationale. Nous
allons indiquer quelques-uns des
ouvrages publiés par M. Cla-
risse : Mémoire tendant à prou-
ver que la religion est la source
du bonheur, etc. ; Traité sur le
contentement; Mémoire sur les
moyens les plus propres à arrêter
la légèreté dans les principes et
dans les moeurs, etc., etc.
CLARK (Jean), médecin écos-
sais, naquit à Roxburgh en 1744»
Destiné par son père, riche fer-
mier, '1 l'état ecclésiastique, il fit
ses études théologiques à l'univer-
sité d'Edimbourg, où il revint
bientôt étudierla chirurgie, scien-
CLA
ce qu'il préférait à l'autre. Après
avoir fait plusieurs voyages en
qualité d'aide-chirurgien au ser-
vice de la compagnie des Indes,
il publia, en 1773, des Observa-
tions sur les maladies qui régnent
le plus durant les voyages aux
pays chauds^ in-8°, 1773. Cet
ouvrage eut du succès, et fut réim-
primé en 1792 avec des observa-
tions très-importantes sur les fiè-
vres. Clarck, reçu docteur en mé-
decine à l'université de Saint-An-
dré , s'était fixé à Newcastle , où
il fit établir, en faveur des indi-
gens,un dispensaire dontl'huma-
nité et l'art lui-môme appréciè-
rent bientôt tout le bienfait. Il
parvint aussi à faire améliorer le
régime de l'hôpital de cette ville;
mais les nombreuses contrariétés
qu'il éprouva dans cet acte de phi-
lanthropie, détériorèrent entière-
ment sa santé, qui avait toujours
été très-délicate. Il mourut aux
eaux de Bath le 24 avril i8o5. Ou-
tre l'ouvrage déjà cité, difiërens
Mémoires insérés dans le recueil
de la société de médecine d'E-
dimbourg, et un Recueil de mé~
moires sur les moyens de préve-
nir les fièvres contagieuses à New-
castle et dans les autres villes
trcs-peuplées, 1802, deux parties
in-12; on lui doit encore des Ob-
servations sur lesjievres en géné-
ral et sur la fièvre continue en
particulier, 1780, in-8". Clarck
avait publié, en 1785, un traité
posthume du docteur Dugald Les-
lie sur le calharre contagieux de
cette même année, avec une let-
tre qu'il avait adressée à l'auteur
sur le meilleur traitement de cel-
te maladie.
CLARKE (Edouard - Dasiei) ,
CL4
célèbre voyageur anglais, a par-
couru la France, l'Italie, le Dane-
mark, la Norwège, la Laponie, la
Finlande, la Crimée, l'AsicMineu-
re, la Syrie, la Palestine, la Tur-
quie, la Hongrie et l'Allemagne.
Savant minéralogiste, il a recueilli
dans ces divers pays des trésors
précieux pour l'étude dont il s'est
long-temps et spécialement occu-
pé. La connaissance des hommes
et l'observation des mœurs n'ont
point été les objets de ses recher-
ches; mais il a rendu des services
à la numismatique, à la science
des antiquités, à la minéralogie.
C'est à Edouard Clarke qu'est dû
ce beau marbre antique, déposé
par lui à la bibliothèque cambrid-
gienne, et qui représente les l'êtes
d'Eleusis. Ses travaux sur la f>itr-
re de Rost'tu- prouvent de l'érudi-
tion et du gofit. Il a donné plu-
sieurs dissertations estimées sur
desobjetsd'antiquité.s,et fait quel-
ques expériences nouvelles qui
n'ont pas été inutiles aux prt>grè8
de la chimie. Né vers 1770, il fit
ses études au collège de Jésus, à
Cambridge, et de retour de ses
longs voyages, reçut les ordres
sacrés, et fut nommé professeur
de minéralogie à l'université dont,
suivant le style des écoles, il était
le nourrisson. Sa Distribution
ntéliiociique. du refîne minerai, in-*
fol., 1S07, a paru rédigée sans
soin et sans clarté. Il a écrit d'un
style incorrect, lourd, prolixe, la
narration de ses voyages, à la-
quelle rintérêt des matières a don-
né des lecteurs et plu^icHrs édi-
tions, in-/|", 1810 2 vol. de sup-
plément, 1811; dernière édilion
de i8i(), 2 gros vol. in-8". C'est
d'ailleurs, pour ce qui tient aux
CLA
423
sciences naturelles, une mine ri-
che en observations neuves. Le
tableau qu'il a fait du peuple rus-
se n'est pas de nature à concilier
beaucoup d'estime à cette nation.
Un peuple dont la servitude est
l'élément , des nobles grossiers,
des savans sans goQt, des princes
barbares; la dépravation sans élé-
gance, la corruptit)n des mœurs
les plus civilisées au sein de la
barbarie, tels sont les traits hi-
deux sous lesquels il représente
celte immense armée qu'on ap-
pelle le peuple russe, et dont l'i-
nondation, avant un siècle, aura
fini par submerger l'Europe en-
tière. ^
CLARKE (.Iames Stanier), frè-
re du |)récédeiit, a élé chargé par
S. i\l. George IV, alors prince-ré-
gent d'Angleterre, dont il était
chapelain, de mettre en ordre les
papiers de Jacques II, et d'en ex-
traire une f^w de ce prince, qui
a paru à Londres en i8i(>. La
scrupuleuse fidélité de ra!)ré-
viateur a conservé bien des faits
curieux, mais que, par respect
pour la ménioire du roi, la cour
eût pu laisser dans l'oubli. La yie
de Neison, qu'il a aussi composée
d'après les naémoires de l'amiral,
est exacte et écrite d'un style cor-
rect. Mais l'auteur est tombé
dans le défaut trop commun aux
historiens anglais, qui souvent
offrent le squelette, au litu du
tableau de l'histoire. Daillenrs la
plume d'im historiographe char-
gé d'office, est esclave de tant
di; convenances, que l'on peut A
peine lui reprocher de la limiilité,
de la sécheres-e et de la grne.
C L.4KKE (THOMÀS-ÛnooK.K^,
exemple vivant de la roule qu'ua
424
CLA
écrivain peut suivre s'il veut fai-
re pros|)ér<;r sa l'orlune. Après a-
voir élutlié i\ Dublin, et avoir
Toyagé en Allemagne, Clarke, ar-
rivé à Londres, se fit pamphlétai-
re politiqjie. Il [)eignil avec cha-
leur les dangers des révolutions,
argumenta en laveur des secrétai-
res d état el des détenteurs de
portefeuilles, montra la situation
de l'Europe sous les riipports les
plus favorables aux vues du mi-
nistère, déclama contre l'opposi-
tion, soutint la nécessité de l'a-
néantissement politique de l'Ir-
lande sa pallie, et acquit peu de
gloire, mais en revanche de riches
bénéfices et quelques bonnes pla-
ces, comme celle de bibliothécai-
re du prince-régent. A quoi bon
donner les titres des ouvrages de
M. ClarkeP Des panég3'riques sans
éloquence de ministres sans cré-
dit valent-ils la peine d'être cités?
Ces ouvrages, composés dans un
intérêt privé, ne sauraient occu-
per l'opinion publique.
CLARKE ( JHessi - JACQtEs-
Gcillaime), duc de Feltre, Ir-
landais d'tn-igine. Il n'est pas de
nom qui se lie plus intimement
aux divers pouvoirs qui, depuis
trente ans, se sont succédé en
France. Serviteur zélé du comité
de salut public, du directoire, du
premier consul, de l'empereur
et du roi, jamais fidélité ne s'est
plus multipliée que la sienne, et,
par un privilège singulier, cegé-
néral est peut-être le premier
homme de guerre qui, même en
cessant de conibailre , n'a pas
cessé de figurer sous les drapeaux
du vainqueur. Né à Landrecies, le
17 octobre 1^05, M. Clarke était
fils d'uu g;ardc-magasin dies sub-
CLA
sistancps de cette ville. Devenu
(»rphelin Irès-jeune. il entra à l'É-
cole militairede Paris eu 1781; fut
nommé , l'année suivante, sous-
lieutenant au régiment de Ber-
wick; obtint, en 1784, le grade
de capitaine dans le régiment de
Colonel-général; partit, en 1 "Oo,
pour Londres, comme employé
de l'ambassade française ; vint
reprendre son grade en i7()l »
dans le régiment d'Orléans-dra-
gons; et passa l'année suivante
dans le 2"" de cavalerie, avec le
graile de chef d'escadron. La des-
tilutionde M. Beaujeu, à laquelle,
suivant l'opinion de plusieurs bio-
graphes, il ne fut pas étranger,
lui procura bientôt le comman-
dement de ce même régiment.
Les premières opérations mili-
taires de M. Clarke ne furent pas
heureuses; et le corps qu'il com-
niandait ne fut préservé d'une
destruction totale, que par la pré-
sence d'esprit des olficiersqui ser-
vaient sous ses ordres , et notam-
ment par l'expéiience et l'intré-
pidité de 31. Bellavesne, aujour-
d'hui lieutenant-général. En mai
1790, le colonel Clarke obtint le
grade de général de brigade sur
le champ de bataille d'Herchein,
près, de Landau. Quelque temps
après, il servit à l'avanl-garde
de. l'armée du Rhin , dont il de-
vint bientôt chef d'état-major.
En 1795, suspendu de ses fouc-
litms, comme noble et suspect,
il fut incarcéré, redevint libre,
se reliça en Alsace; et, de retour g^
à Paris, se présenta au générai
Carnot, qui, en qualité de mem-
bre du comité de salut public, se
trouvait à cette époque directeur
suprême de toutes les opérations
CLA
inilitiiires. On assure que le zèle
et le? opinions républicaines du
citoyen Clai ke étaient alors telle-
ment prononcés, que le j^énéral
Carnot se vit contraint de le cal-
mer par de sages exhortations.
Nommé chef du bureau topogra-
phique , le général Clarke s'y
distingua par son aptitude ù ce
genre de travail; et, plus habile
dans un cabinet qu'à la tête d'un
corps d'armée, il rendit, dans cet-
te position, des services réels au
comité de salut public qui l'avait
nommé, et au directoire qui le
conserva. Créé général de divi-
si(m parle directoire, le lO i'ri-
maire an 4 ( T décembre i^gj),
il partit pour Vienne, afin d'y
remplir une mission secrète. De
retour à Paris, il obtint du direc-
toire une marque de confiance
qui, par la suite, le conduisit au
faîte des honnetirs et de la fortu-
ne. La gloire et l'ambition du gé-
néral Bonaparte causaient de lin-
quielude au gouvernement ; le
directoire prit la réstilulion de
donner un surveillant au vain-
queur de l'Italie, et le général
Clarke, choisi à la majorité de
trois voix contre deux , partit
pour Milan. Le but apparent de
sa mission était d'obtenir la mise
ca liberté de MM. La Fayette, La-
tour-Maubourg, etc., etc. , etc.,
retenus pri'ionniers en Autriche
contre le droit des gens. Si l'cuil
pénétrant du général Bonaparte
ne fut pas abusé un seul instant,
l'esprit souple et pré voyant de l'a-
gent directorial ne s'égara point.
La plu» intime confiance ne tar-
da point à s'établir entre le sur-
veillant et le surveillé; le direc-
toire Qc reçut ricD du premier
CLA 4^5
sans l'aveu du second; et M. Clar-
ke devinf, par cette conduite, uq
des auteur^ de l'élévaiioii rapide
du futur empereur. Quand les ar-
mées françaises s'emparèrent de
Venise, au mois de floréal an 5
(mai 1797), Clarke assista a Tou-
verture du portefeuille du comte
d'Entraigues , arrêté dans cette
ville, landis qu un général de 27
ans portail à l'extérieur, au plus
haut degré, la gloire des armes
françaises, la France était désolée
au dedans par des dispensions et
des coups d'état. Le 18 fructidor,
à la suite duquel une portion dit
directoire proscrivit l'autre , ve-
nait d'avoir lieu ; Carnot était fu-
gitif : le rappel du protégé suivit
de près la disgrâce du protecteur.
Le général Clarke reçut l'ordre
de revenir à Paris; mais retenu
parle général Bonaparte, il resta
à Ddine jusqu'après le traité de
Campo-Foruiio , signé le 17 oc-
tobre 1797, et ne revint en Fran-
ce que sur un ordre réitéré qu'il
reçut à Milan. De retour à Paris,
sa disgrûce fut quelque temps
complète ; non-seulement il cessa
d'être employé activement com-
me militaire, mais il perdit la di-
rection du bureau topographique.
Cependant, vers la fin de l'an 6,.
il fut chargé, par le directoire,
d'une mission relative à la négo-
ciation d'un tiaité d'alliance qui
fut conclu entre la république
française et le roi de SariLtignc.
Après le 18 brumaire, l'ancien
f<^vori du comité de salut public
et du directoire devint celui du
premier consul. Rétabli dans ses
fonctions de chef du bureau lo-
pograjdiique , le général Clarke
fut CD outre nouiuié coumidauaot
.'|2(» TLA
eXl raoïdiiiaiiH'. d«; Lunévillc, le 3o
seplernbro iSoo, au luomcTit où
le r,on{5rès y tint ses séances.
Le M octobre i8oi, un traité de
paix fut signé à Paris, entre lu
Frantce et la Russie, el Clarke
l'ut chargé par le premier ccmsul
de s«; rendre à Lille, afin do faire
effectuer la mise en liberté et le
renvoi dans leur patrie des pri-
sonniers russes qui se trouvaient
dans cette ville. Après avoir passé
trois ans avec le litre de ( hargé
d'affaires auprès du jeune prince
de Pairme , qui venait d'être créé
l'or rlÉtrurie, Clarke fut noni-
rùé conseiller-d'état, secrétaire
du c.'i.binetdc rem[tereur pour la
marin (î et la guerre, accompagna
Napoléon lorsque ce prince porta
ses drapeaux en Allemagne vers
la fin de i8o5, fut nommé gou-
verneur de Vienne et créé grand-
officier de la légion-d'houneur.
Le 2<» juillet i8o<3, après la paix
de Pj;esbourg, il fut chargé de
conc'inre avec M. Dou})ril, mi--
nislr e de Russie , un traité qoe-
l'influt-nce anglaise fit rejeter par
le cabinet de Saint-Pétersbourg.
Le cin(|aofit, année suivante, il es-
quissa., avec lord Yarmoutb, les
prélim inaires d'im traité entre la
France el l'Angleterre ; mais la
mort de Fox fit échoaer les né-*
gociafions. Durant l'occupation
de la Prusse, conquise par la cé-
lèbre victoire d'Iéna, Clarke,
toujours attaché au cabinet dé
l'èrtipereur , exerça successive-
ment les fonctions de gouverneur
d'Erfurl et de Berlin. Ce fut au
retour de celte campagne que,
nommé par Napoléon ministre
de la guerre, il prit possession
de ce portefeuille !-3 i5 août 1807.
CLA
Durant cette administration ,
Clarke se signala par le dévoue-
ment le plus absolu aux projets
ambitieux de son maître: et, ce
qui paraîtra plus honorable, par
les senlirnejis de la haine violente
qu'il sembla vouer au gouverne-
ment britannique. L'expédition
des Anglais contre Flessingue vint
m«'ltre le comble à la faveur du
ministre : cette tentative , qui é-
choua devant la valeur des trou-
pes françaises, et devant lacli-
vité intrépide de Bernatlolte. qui,
alors, portait une épée pure de
toute violence contre la patrie ;
cette tentative enfin, que les in-
certitudes du comte Chatam con-
tribuèrent à rendre infructueuse,
valut à Clarke , précédemnient
nommé comte d'IIunebourg , le
titre de duc de Feltre, elle grand-
cordon de la légion-d'honneur. La
vanitédu ministreexaltéepar tant
de faveurs ne s'arrêta pas en si beau
chemin; on Tentendit toutàcoup
parler 'de ses aïeux, et se procla-
mer, un beau matin, descendant
des P>antas;tinett. Cette préten-
tion égaya beaucoup l'empereur,
qui lui dit un jour devant une fou-
le nombreuse : f'''oas ne m'aviez
jamais parlé de vos droits au
trône d'Ans;leterre ; il faut les re-
vtmdinuer. Durant la glorieus<i
et fatale campagne de Moscou ,
éclata la conspiration des géné-
raux Laborie et Mallet, dans la
matinée du 25 octobre 1812.
Clarke , dans cette circonstance,
perdit toute [)résence d'esprit; et,
liicaT)al)le de réprin>er un com-
plot qu'il n'avait pas «u prévoir,
il ne retrouva de l'énergie que
lorsqu'il fut question de punir.
Cependant k» retraite désastreuse
CLA
de Moscou avait lait chanceler la
fortune de ?iapoIéon; son retour
imprévu ranima tontes les espé-
rances. En quelques semaines,
des légions s'organisèrent comme
par enchantement; et les vieilles
troupes de l'Europe coalisée tom-
bèrent, dans les plaines de Lut-
zen et de Bautzen, sous des bras
enlevés depuis peu de jours ù la
charrue. Ce retour de fortune
n'eut pas une longiiedurée; la dé-
faite de Leipsick, l'invasion de la
France, allaient consommer la
chute d'un homme auquel M.
Clarke devait ses honneurs, ses
titres et sa fortune. S'il faut en
croire, et les bruits qui coururent
aIor>, et les aflirmations de plu-
sieurs biographes, les i<egards du
ministre de l'usurpation s'étaient
déjà tournés vers le pouvoir légi-
time. Quoi qu'il en soit , la Fran-
ce, au moment où son sol fut en-
vahi, se trouvait dépourvue de
tout moyen de défense ; les places
fortes exposées au premier coup
de main n'avaient pas un den»i-
quart de leurs pièces en batterie;
et l'ennemi bloquait déjà l;t ville
de Metz, qu'on manquait de chaî-
nes pour faire jouer les ponls-le-
vis. l'n génie désorganisaleur et
traître sen)blait conspirer avec
les hordes du Nord, pour ruiner
l'indépendance, la fortune et la
gloire de la patrie. Le 27 février
1814, le duc de Feltre, chargé
de présenter solennellement A
l'impératrice les draj)eaux enle-
vés A l'ennetni aux aflaires de
Champaubert et de Montmirail ,
jeta les derniers accens d'un en-
thousiasme qjii. véritable ther-
momètre politi(jue, montait ou
baissait suivant les degrés de la
CLA 42y
Ijprtunc de Napoléon. ï)e grand*
événemensse décidèrent ; uneca-
pilulation de funeste mémoire
livra l'arisaux baïonnette^étran-
gères ; le sénat, bas flatteur de Na-
poléon vainqueur, prononça la
déchéance de Napoléon vaincu
(5 avril 1814). Le duc de Feltre
ne se piquant pas d'être envers
l'empereur plus constant que la
fortune, adhéra sans balancer à
l'expulsion de son bienfaiteur,
et lut nommé pair de France par
le roi, le 4 jnin i8i4- En chan-
geant de maître et de couleur,
le duc de Feltre ne changea ni de
principes ni de caractère. Quand
l'abbé de Montesquiou. ministre
pédantesquemenl inhabile, vou-
lut , à l'aide d'une argutie, mys-
tifier toute une nation, et la pri-
ver, par riuï^tilution d'une cen-
sure, de la plus chère de ses li-
bertés, l'on entendit le duc de Fel-
tre, naguère esclave aveugle du
despotisme impérial , prononcer
ces paroles subversives de tout
principe constitutionnel : «< iS"*
» veut le roi y si veut in loi. » L'ex-
ministre demeura cependant sans
fonctions jusqu'au débarquement
de Napoléon à Cannes ; mais lors-
qu'on apprit l'entrée trioniptian-
tc de l'armée elboise à Lyon,
Clarke fut nommé, en remjilace-
ment du maréchal Soull, minis-
tre de la guerre. Il se rendit en
cette qualité à la chambre , et se
crut avant tout obligé d'y fai-
re la déclaration « (Ju*arrii'é à
n l'âge de 5o aux, il n'avait trahi
T. personne. » La nomination de
Clarke ne retarda pas la mar-
che de Napoléon. Nous ignorons
ï<i. cofume le disent quebjues bio-
graphes , le ministre impérial et
428
CLA
royal balança sur le parti qu'il
prendriiit duiaiu les rciti j-mi-y ;
ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il fi-
nit par se rendre à Gaiid , et l'ut
ramené à Paris par le désastre
de Waterloo. Nommé ministre en
remplacement du maréchal Goii-
vion-Sairit-Cyr, vers ksderni-jrs
jours de i8i5, c'est durant son
administration que l'armée fut
soumise à la mesure huniiliante
d une classification par catégo-
ries; que les cours prevôlales fu-
rent instituées; que plusieurs gé-
néraux couverts de cicatrices loru-
bèrenl sous le plomb français;
que le général ïravot fut condam-
né , malgré la loi diti; d'amnistie
(l'oj^er ïravot); que des sommes
énormes surchargèrent le budjet
de la guerre, tandis que l'armée
fut réduite à rien ; que Lyon fut
livré à une terreur digne de f)3 ,
etc., etc., etc. Le général Clarke,
en accablant d'injures, de misè-
re et de soupçons les olficiers de
la vieille armée, a paru constam-
ment ignorer que ceux qui ont fidè-
lement servi une cause, •sdwK.seuls
capables de fidélité envers une au-
tre. Ce dernier ministère ayant
cessé vers la fin de 1817, Clar-
ke, devenu maréchal de France,
par suite de ses long travaux ad-
ministratifs, fut nommé gouver-
neur de la i5°"' division militaire
(Rouen). Malgré les faveurs dont
il fut comblé, il ne survécut pas
long-temps à sa déchéance mi-
nistérielle, et mourut en 1818,
le 28 octobre. Clarke est un
des hommes d'épée auxquels les
travaux de la plume ont le plus
servi. Militaire sans talent, il ne
manquait d'aptitude ni pour la
diplomatie ni pour l'administra-
CLA
tion. Instrument avéïTgle de des-
potisme , il fit de nombreux en-
nemi-au gouvernement impérial;
et nous doutons que son admi-
nistration ait été plus favorable
au g(»nvernement du roi.
CLARKSON (Thomas), né en
I 7O1 , mérite une place distinguée
parmi les philanthropes anglais.
Élève de l'université de Cambrid-
ge, M. Clarkson remporta le prix
sur cette proposition mise au con-
cours en 1 r 85: nEst-il juste dt- rcti-
ndrt dts hom.'nes esclaves contre
» leHrvnlunl('?n II discuta cette im-
portante question en l'appliquant
à la traite des Nègres sur les côtes
de Guinée, et indiqua dans sa dis-
sertation tous les moyens de fai-
re cesser cet infâme trafic. M.
Clarkson, non contentd'une théo-
rie savante et philosophique, vou-
lut arriver au but de ses démons-
trations; et s'éiant lié avec jtlu-
sieursmembres du parlement, qui
partageaient ses opinions, il par-
vint à établir un comité qui s'oc-
cupa sans relâche des moyens
d'obtenir l'abolition de la traite
des Africains. M. "VVilberforce en
fit la première motion au parle-
ment d'Angleterre, en 1787; il la
renouvela plusieurs fois depuis
cette époque, ce qui valut à cet
honorable membre des lettres de
citoyen français, qui lui furent
décernées par décret de l'assem-
blée législative le 26 août 1792.
II s'écoula encore vingt années
avant que M. Clarkson et ses amis
pussent jouir du fruit de leurs
travaux et voir leurs vœux se réa-
liser ; ce fut seulement en 1807,
sous le ministère de lord Gren-
ville, que l'abolition de la traite
des Nègres fut décrétée au par-
GLA
lemcnt et sanclionnéc par le roi
d'Angleterre. M. Clarkson fit pa-
raître, l'année suivante, l'Histoi-^
re de l'origine, des progrès et de'
l'accomplissement de l'abolition
du commerce des esclaves d'A-
Jrique par le parlement anglais,
2 vol. in-8". Indépendamment de
cet ouvrage et de la dissertation
dont nous avons parlé au commen-
cement de cette notice, M. Clark-
son a publié : les Dangers du
commerce des esclaves ajricains,
in-S" (traduit en français, 18 14);
Mémoires de la V ie publique et
privéede Guillaume- Penn , 1 8 1 3,
a vol. in - 8°. M. Clarkson est
l'un des co-rédacteurs du Philan-
thrope, ouvrage périodique trés-
savant et surtout trés-libéral,
CLALSEL (Jean-Baptiste), dé-
puté du département de l'Arrié-
ge, en septembre 1791 i\ l'assem-
blée législative, et en septembre
1792 à la convention nationale.
Membre silencieux et inconnu du
côté gauche pendant la ses'»ion
delà première de ces assemblées,
il ne commença à se faire remar-
quer que dans le procès du roi,
en votant, comme la plupart de
ses collègues, la mort sans appel
et sans sursis. Les événemcnsqui
se pressaient, le mélange de ta-
lens, d'audace, de génie, de cri-
mes et de faiblesse, qui fit de cet-
te assemblée une espèce de corps
gigantesque, agirent puissam-
ment sur l'imagination exaltée de
Clause!, et le portèrent à franchir
plus d'imc fois les limites tracées
par la raison; cependant il ne se
livra à aucun excès. Sans carac-
tère |)rononcr, il suivit l'impul-
sion que lui donnèrent les événe-
mens, nu céda:^ rinflucnce toute-
CLA
429
puissante sur son esprit des hom-
mes avec lesquels il se trouvait en
rapport. Ouïe vit, le 5 octobre
179.3, demander l'arrestation des
membres de l'assemblée nationa-
le, signataires des protestations
contre la constitution de 1791, et
peu de temps ensuite provoquer
le rappel des représentans nobles
qui se faisaient remarquer dans
leurs missions par l'excès de leur
exagération révolutionnaire; puis
après le 9 thermidor an 2, deve-
nu membre du comité de sOreté
générale, poursuivre avec achar-
nement le reste des partisans de
la terreur. Implacable ennemi
desdécemvirs,iln'availpasmoins
d'énergie contre le parti royalis-
te; et ce fut parsuite des craintes
que ce parti lui inspirait pour l'a-
venir qu'il s'opposa à la suppres-
sion des comités révolutionnaires,
demanda le rapport du décret qui
suspendait la vente des biens des
émigrés, cl vota contre la propo-
sition de rapporter la loi dite des
suspects. Il montra du courage
lors de l'insurrection du mois de
prairial an 3. Il se présenta aux
insurgés qui pénétraient en foule
dans l'enceinte de la convention,
et leur dit en se découvrant la
poitrine : « Que ceux qui vou-
»laient marcher sur les cadavres
«des représentans du peuple ne
n travailleraient pas avec plus de
))zèle qu'eux au salut de la
«république.» Le soir, à onze
heures, l'ordre étant rétabli, Clau-
sel fit décréter la formation im-
médiate d'une commission mi-
litaire pour juger h'S révoltés.
Membre du conseil des anciens,
il y fut ce qu'il avait été dans les
assemblées précédentes, exalté*
43o GLA
sanscaraclère, mais honnête hom-
me. Il se r.mgca du parti direc-
torial au i»S l'niclidor, se pronon-
ça en faveur des ovénemens du
iSJirum.iire, l'ut élu membre du
corps - législatif le () novembre
1798, et mourut en 1804.
CLAUSEL DE GOUSSE R-
GUES ( Jean - Glaudk) , est né à
Cousscrgues, département de l'A-
yeyron, vers ijiiô. Jusque dans
ces derniers temps, qui lui réser-
vaient une sorte de célébrité sin-
gulière, son existence n'eut rien
de remarquable. Conseiller ;\ la
courd(*s aidesavant la révolution,
\l éniigra, servit dans l'arméede»
princes, se fit libraire à son re-
tour, écrivit un journal qui au-
jourd'hui serait foudroyé par les
Déhais , et fut nommé, en 1808,
membre du corps-légi lalif ; en
1809, conseiller à la cour royale
de Montpellier; en i8i3.denou-
veau membre du corps-législ itif.
Il est inutile de nous étendre
sur les concessions qu'il a faites
comme tant d'autres à un pou-
voir que tons les rois de l'Europe
reconnurent. La partie la plus
curieuse de sa vie est celle où, a-
près le retour du roi, il a laissé
éclater ses opinions si long-temps
silencieuses, sur la nécessité de
faire subir ;\ la France le joug
des anciennes institutions. Mem-
bre de la chambre des députés ,
il a commencé par excrccîr son é-
loquence sur le patriotisme des
étrangers, s'efforcant de prouver,
dans son discours sur ta iiatura-
lisalioii , que né en France ou
hors de France, on n'en pouvait
pas moins devenir fort bon Fran-
çais. Personne ne se montra plus
.irdent ci faire voir la nécessité
GLA
d'enchaîner la pensée en étouf-
fant la liberté de la presse, ce qui
est moins innocent peut-être que
de restituer promptement les
biens non vendus, d'imposer au
peuple l'obligation de consa-
crer à Dieu l'oisiveté du diman-
che , opinions qu'il a soutenues
aussi avec fort peu de talent et
beaucoup de chaleur. Il dirigea
etïsuite son éloquence contre les
impôts sur les boissons. Conseil-
ler en la cour de cassation, aprèii
le second retour du roi, et mem-
bre de la chambre des députés ,
il marcha du même pas dans sa
route politique; prouva que la
confiscation ^ tout abolie qu'elle
est, n'en est pas moins légale,
])UiS(jue ce n'est pas le roi qui l'a
supprimée. M. de Coussergues ne
déploya pas moins d'ardeur et de
courage dans cette fameuse lutte
avec M. Decaxes , où sa voix l'ac-
cusa sans le frapper, le poursui-
vit sans l'atteindre, le dénonça
sans rien spécifier, et le harcela
sans lui nuire.
CLAVEAU (A. G.), avocat ù
Paris. Darguines, émigré fran-
çais, naturalisé Espagnol, était
parvenu au grade de colonel, et
se trouvait aide-de-camp du gé-
néral Martinez, commandant le )
fort de Figuiéres, lorsque cette
place se rendit au maréchal Mac-
donald. Darguines ne cacha pas
son origine, et le général français
n'abusa point de cette confiden-
ce ; mais reconnu et dénoncé par
un de ses compatriotes, Dargui-
nes fut traduit devant un tribu-
nal et condamné à mort, malgré
l'élquence de M. Chauveau-La-
garde, son défenseur. M. Cla-
veau, témoin de ce jugement qui
CLA
devait Cire exécuté dans les vingt-
quatre heures, résolut de sauver
D.irguines , cl « btinl, en eilet, sa
grâce de l'iinpéralrice Marie-
Louise. Il joignit, dans celle af-
faire, le zèle et la promptitude à
l'art de toucher et de convaincre,
si nécessaire en paieil cas. M.
Claveau s'e.-t distingué, depuis
celte époque, d.tns plusieurs cau-
ses oïl il a toujours plaidé en fa-
veur de l'humanité.
CLAVIER (Etienne), né A
Lyon , vers ijOâ, était con.seiiler
au Châteiel de Pari^, avant la ré-
volution , et devint juge à la cour
criminelle du département de la
Seine. Il perdit celte place, en
juin iBo4, après le jugement de
Moreau, qu'il ne crut pas devoir
condamner pour des faits dont ce
général a été récompensé depuis,
et il ne s'occupa plus que de lit-
térature. Le roi le créa chevalier
de la légion-d'honneur, en septem-
brei8i :i»et censeur royal au mois
d'octobre suivant. L'ordonnance
de Louis XVIII, du 21 mars 181G,
portant réorganisation de l'insti-
tut, comprit Etienne Clavier au
nombre des membres de l'acadé-
mie royale des inscriptionset bel-
les-lettres; il est mort dans le
courant de l'année 1818. On a
de M. Clavier une traduction
d'Apollod«)re, imprimée avec le
lexle grec, a vol. in-8*, i8o5;
Histoire tics premiers temps ac
la Grèce, jusqu'à l'expuisiori diS
PLsistratulesy si vol. in-S", 1809.
Il a donné une édition de Flular-
quc, par Amyot, en -io volumes,
1801 à i8o(j. Il avait commencé
une traduction de Fausanias,dunt
le 1" volume a paru en 181 5.
CLAVltaE (Étikkse), bau-
CLA
4;.t
quier de Genève, naquit dans c<et-
te ville au mois de janvier ijSS.
Au conimencement de la révolu-
tion IVançaise , un grand iiunibre
de Genevois en adoptèrent les
principt s, et poussèrent l'enthou-
siasme jusqu'à offrir un don coia-
sidérable à la France; Clavièn^,
Duroveray et Dumont, ses com-
patriotes, motivèrent, dans une
lettre communiquée à l'assem-
blée consliluaute, en 1789, l'of-
fre votée par les Genevois. Ce
premier pas fit connaître Claviè-
re : il écrivit sur les finances et
contre les loteries; donna un pl.an
de tontine de la conipagnie d'as'
surances à vie ; dénonça Hubeirt,
commissaire de la trésorerie ; et
parvint, de celle manière, au cni
nislère des conlribulioiis publi-
ques, où il fut nommé, en i^fita.
Il lit alors paraître son ouvrage . /«
ttuinéi aire niétnllique^ et ses 0 b-
servations sur les finances, inlitiu-
lées : l'rojit de décret. Clavièce,
né républicain et tenant beauco up
à ce parti , avait un caractère des-
potique ; il destitua sansménaije-
ment le directoire des pestes, et
cet acte excita contre lui de vives
réclamations, notauimcnt celles
de Dumolard, député de l'Isère.
Louis XVI ayant retiré le porte-
feuille des mains deClavière, l'as-
semblée législative en témoi<inu
ses regrets; il rentra au ministèri.'a-
près le 10 août, et provoqua leclé-
crel de la conversion en espècet
de toute l'argenterie existantes la
Monnaie. Dénoncé par INLirat, re-
lalivemenl à une fabrication <Ie
faux assignats, il se disculpa d«
manière à ne laisser aucun soup-
çon. Il restait encore à Clavier*
d'expliquer les motifs pour le;?-
43a
CLA
quels il avait (le?lilué le direc-
toire des postes; c'est ce qu'il flt,
en 179^5 par une It-llre qu'il a-
dressa à la convention nationale,
lettre dans laquelle il (il connaître
les inculpations dirigées contre
ce directoire. Clavière lutta long-
temps contre les ennotnis, ou plu-
tôt contre les envieux que lui
donnait sa place : accusé tout à la
fois pas les députés Billaud-Va-
rennes etGaneau, et par la sec-
tion de Bon-Conseil, qui deman-
daient sa tradition au tribunal ré-
volutionnaire , il résista quelques
jours encore; enfin arrêté par la
section des Piques, la conven-
tion nationale décréta, le 2 juin
i^gS, qu'il serait gardé à vue
dans son domicile, et le 9 du
mCme mois il fut décrété d'ac-
cusation. Billaud-Varennes récla-
ma le prompt supplice de Claviè-
re ; mais soit par raison de poli-
tique ou par tout autre motif, il
vécut encore 7 mois. Le 8 décem-
bre, veille du jour où il devaitètre
mis en jugement, un geôlier lui
ayant fait connaître les noms des
témoins et des jurés qui devaient
ère entendus et prononcer sur
son sort, il entra en fureur, lança
des imprécations contre ses as-
sassins et se poignarda. Ses com-
pagnons d'infortune, devant les-
quels il avait marqué la place où
il devait se frapper, dirent, dans
le temps, qu'ils avaient entendu
Clavière, quelques momens a-
vant sa mort, prononcer ces deux
vers de V Orphelin de la Chine :
Les criminels trembîans sont traînés an supplice;
Les mortels généreux disposent de leur sort.
Sa femme ne lui survécut que
deux jours, elle s'empoisonna dès
qu'elle apprit sa mort. Le plus bel
CLA
éloge qu'on puisse faire de Cla-
vière, c'est qui! a élé ministre
des finances pendant plus d'un
an, et qu'il est mort pauvre.
CLAVIJO YKAXARDO, savant
et lillérattnr ('sp.ign(d, dut la cé-
lébrité européenne dont il a joui
quelque temp>*, au démêlé qu'il
eut avecTauteur de Figaro. Cou-
pable envers la sœur de Beaumar-
chais d'un tort que son int onstan-
ce rendit bientôt irréparable, Cla-
vijo, poursuivi par le profond res-
sentiment et l'esprit caustique
d'un frère justement irrité, per-
dit la place qu'il possédait, et fut
long-temps en butte aux disgrâ-
ces de la cour d'Espagne. Auteur
à Madrid d'un journal intitulé,
Pensador (le penseur), il fut, en
1773, rédacteur du Mercure liis-
tinque et po.itique de Madrid^
traduisit en e-^pagnol l'histoire na-
turelle de Buffon (Madrid, Ibar-
ra, 1778 — 1790, 12 vol., in-S");
il fut vice -directeur du cabinet
d'histoire naturelle, place qu'il
exerçait lorsqu'il mouruten 1806.
Son démêlé avec Beaumarchais,
raconté par celui-ci d'une maniè-
re si attachante dans ses mémoi-
res, a fourni au célèbre Gœthe le
sujet d'un drame allemand, à la
fin duquel Clavijo, qui se portait
fort bien alors, meurt pour lellet
du dénoûment, l'exemple descou-
pables et la satisfaction des da-
mes. Deux pièces françaises fu-
rent composées sur le m<'me su-
jet : l'une est de Marsollier des
Vivetières; l'autre de Cubiè-
re soi-disant Uorat, ridiculement
célèbre sous le nom d Énégiste
Palmézaux. Ce dernier ouvrage
intitulé : Ciavijo ou la jeunesse
de Beaumarchais , parut à Paris,
CLK
en 1806, 1 -vol. in-8°. Clavijo
paya cher un tort qui paraît ex-
cusable à force d'être commun;
mais la conduite de Beaumar-
chais, n'en déplaise à certains bio-
graphes, fut celle d'un bon frè-
re, d'un homme de cœur et d'un
homme d'esprit.
CLÉMEINT (dom François),
naquit à Bèze, département de
la Côte-d'Or, en 1714. Entré à
l'âge de 17 ans dans la congréga-
tion des bénédictins de Saint-
Maur, il voulut marcher sur les
traces des savans qui ont illustré
cet ordre. Ce laborieux écrivain
donna, en 1770, nue nouvelle
édition de l'Art de vérifier les
dates, que dom Clément, membre
de la même congrégation, avait
publié vingtans auparavant. Cet-
te seconde édition ne ressemblait
guère à la première, que par le
plan et par le litre; c'était une pro-
duction nouvelle dont tout le
monde fut content, excepté son
auteur. Il entreprit de refon-
dre et de perfectionner son ou-
vrage, et après treize armées de
recherches et d'un travail opiniâ-
tre, dom Clément fit imprimer son
livre, en 5 vol. in-ful., qui paru-
rent de 178311 1787. Celte troi-
sième édition de : l Art de vérifier
les dates, passe aux yeux de quel-
ques savans pour le plus beau
monument d'érudition du iH^'aiè-
cle. Dom Clément, nommé mem-
bre de l'académie des iucriiitions
et bellrs-b'llres, en 1785, con-
tinuait à préparer des niiilériaux
pour écrire l'histoire, et ils'o«;cu-
pail en particulier de celle de
France, lorsque la mort l'enleva,
à l'âge de près de 80 ans, le 'j<)
mars 1793.
T. IV.
CLE 433
CLÉMENT (Jean-Marie-Ber-
nard), critique fameux, naquit, eu
1742, à Dijon, où son père était
procureur. Dès l'âge de 8 ans, il fu l
dominé parla rage d'écrire et de ré-
genter; iloccupa d'abord une chai-
re d'éloquence au collège de sa vil-
le natale. Sur un procédé dont il
crulavoiràse plaindre, il donna sa
démission, et il la donna dans dct
termes ofîensans pour le bureau
d'administration. Le parlement in-
tervint dans cetteaffaire; et afin d'é-
chapper aux effets d'une assigna-
lion pour être ouï, Clémentviutsc
réfugier à Paris. Voltaire, dont il a-
vait déjà éprouvé la générosité, le
recommanda ù Laharpe. Clément
accusa bientôt ce dernier de dé-
loyauté à son égard, et rompit a-
veclui. Il fondait son espoir sur
une tragédie de Crornweil et sur
une Médce. La deuxième de ces
pièces fut seule produite sur lu
scène , où elle ne fit du bruit que
par sa chute. L'auteur l'avait dv-
barrassée des déclamations cl di «
évocations dont Lougepierre a-
vait chargé le même sujet. C'était
bien; mais pour ne pas être boui-
souillé, il ne fallait pas se faite
plat. Clément chercha de l'appui,
parmi les antagonistes de V(dtai-
re ; il fut particulièrement préco-
nisé par l'abbé Mably, son com-
patriote ; et sa pri?u>ière déclara-
lion de guerre à st^n aocien pro-
tecteur, fut une réponse en vers
secs et lourds, à lépiliu de Vol-
tair<-ù Boilcau. De ce moment il
se cr«it appelé à venger Je boji
goftt qui lui paruiïsuil comj.romis
dans les productions les plus re-
marquables de cette époque. Sc^
Ohservdlioiis sur les Gco' t^iouvi.
deUeUltc , Us Saisons de Saint-
23
434
CLE
Lambert, la déclamation de Do-
rat, la Peinture ite Lemierre , et
le poème de Psyché , de l'aLbé
Aubert, firent une grande sensa-
tion par la sévérité pédantesque-
ment minutieuse avec laquelle il
s'inscrivait en faux contre l'admi-
ration du public. Delille profita
en silence de ce qu'il y avait de
juste dans cette critique, pour
améliorer sa traduction ; mais
Saint- Lambert s'oublia jusqu'à
provoquer la détention du cen-
seur au Fort-Tlivêque. Cet abus
de crédit fut réparé presque aussi-
tôt, et Clément put diriger ses
coups encore plus haut : il publia
successivement neuf /^«re.yt//^o/-
taire, où l'on examine sa politi-
que littéraire et l' injluence qu'il
à eue sur l'esprit , les mœurs et le
goût de son siècle, 1 7^5. Le grand
homme ne se vengea qu'en plai-
santant sur la colère de l'inclé-
ment M. Clément, et en rappe-
lant les humbles lettres où l'ex-
professeur le fatiguait autrefois
de son admiration. Pendant la ré-
volution , qu'il devait détester
comme l'ouvrage du parti philo-
sophique, Clément eut la sagesse
de se tenir à l'écart, de garder
une exacte neutralité entre les
partis. Il se réfugia tout entier
dans la littérature, et rencontra
le repos dans l'oubli. Laharpe ,
revenu de ses premiers erremens,
saisit l'occasion de se réconcilier
avec lui; mais Clément s'attira
un nouvel ennemi, le poète Le-
brun, sur lequel il avait fait cou-
rir ce calembourg rimé :
Nos rimeurs plébéiens, las d'un joug importait.
Ont détrôné le dieu qui régnait au Parnasse :
Détrôné, dites-vous?... Qu'ont-ils mis à la place
Du blond Phébus? — Phébus le brun.
Quelques épigrammes de Lebrun,
CLE
qui ne sont pas des plus piquan-
tes qu'il ait faites, furent le fruit
de cette querelle. Clément entre-
prit, en 179G, un journal pure-
Uïent littéraire, auquel Fontanes
fournit d'excellens articles ; mais
cette feuille ayant indisposé le
directoire par quelques digres-
sions politiques, fut supprimée
au 18 fructidor. En 1801, Clé-
ment essaya d'établir un nouveau
recueil périodique; mais l'ouvra-
ge tomba , bien que cette fois le
gouvernement n'y fût pour rien.
Un ne pouvait contester à l'au-
teur une littérature peu commu-
ne; mais son goût est plutôt dé-
daigneux que délicat, et sa criti-
que plus acre que juste; décrier
n'est pas juger. Ayant renoncé
enfin à cette animosité révoltan-
te qui caractérisa les essais de
sa jetmesse, il ne trouva plus
de lecteurs, tandis que son an-
cien collaborateur Geoffroy, bien
moins nourri d études , fut bien-
tôt en possession d'une vogue
extraordinaire. L'aigreur à la-
quelle Clément s'était livré dans
ses premiers jugemens l'exposa
à son tour à toutes les rigueurs
de la critique lorsqu'il voulut pren-
dre rang parmi les poètes; quel-
ques satires avaient décelé en lui
une verve médiocre, mais, à tout
prendre, une espèce d'imitateurde
Boileau , quoiqu'on pût lui repro-
cher une versification un peu du-
re. Il fit une tentative moins heu-
reuse , ou plutôt il échoua com-
plètement, en voulant réduire à
16 chants la férusalem délivrée.
Dans le croquis qu'il intitula imi-
tation en vers, il traita le Tasse
comme Lamotte avait traité Ho-
mère ; il le rendit illisible. On se
CLE
rappela trop pour Clément, avec
quelle amertume il s'était déchaî-
né contre XixHcnriadc, et l'étran-
ge préférence que l'esprit de par-
ti lui avait fait accorder à de mau-
vais vers de Malherbe, de Sarra-
sin et du P. Lemoine , sur lesbril-
lans tableaux de notre seul poète
épique. Clément avait traduit Ci-
céron avec plus de succès que
le Tasse; dans la traduction in-
complète de l'orateur romain par
Desmeuniers, Giiéroult et lui,
Paris, 1786, c'est à lui qu'appar-
tiennent le 5"", le G"' et le 7°" vo-
lumes. Il est mort, à Paris, le 3
février 1812. ludépendamment
des ouvrages dont nous avons
parlé, on doit à Clément : i" A-
necdotts dinniatiques ( avec La-
porte), 1775,3 vol. in-8°; 2° Let-
tre sur l'Eloge de La Fontaine ,
par Lakarpe , où l'on discute les
opinions modernes , sur quelques
auteurs du dernier siècle , Boi-
leau, Quinau/t, etc., »775, opus-
cule de 56 pages; 3° Nouvelles
observations critiques sur dijfé-
rens objets de littérature, 1782,
petit in-8*; [\°dela Tragédie.^ 1 784»
in-8"; 'à" Essais de critique sur la
littérature ancienne et moderne ,
1785, 2 vol. in-12. Ce recueil
se compose des articles qu'il a-
▼ait fournis à VAnnée Littéraire
et au Journal de Monsieur ; 6"
Petit Dictionnaire de la cour et
de la ville, 1788, 2 vol. in-12; 7"
Journal littéraire (avec Fontanes
et Deschamps), an 4 ^^ ^^ ^i 4
vol. in-8°; 8' Amours de Lcuci-
pe et Clitophon, ronnan grec,trad,
d'Achille Tatius, 1800, in-ia; 9*
Tableau annuel de la littérature,
1801. Il en a paru cinq numéros,
formant 2 vol. et demi, de fur-
CLE
435
mat in-S"; 10° Journal français
(avec Palissot), 1777; 1 1' Ré^'olu-
tion des f^eicUes, prédite dans les
temps anciens, centon historique
assez piquant; l'X" ]\ ouvelles jour^
nées, contes arabes, traduction
posthume de GalLand, reyue et
corrigée, 1798, in-12. Clément
avait commencé une édition de
J. B. Rousseau, avec des notes
lilléraires; mais il n'en a paru que
le premier volume, et 112 pages
du second. M. Amar s'est chargé,
en 1820, de nous dédommager
de ce commentaire.
CLÉAIEINT DE RLS (le comte
Dominique), néen ijSo. Filset ne-
veu de jurisconsultes respectés, il
se voua au barreau, à Paris, où il
débuta avechonneur. Il acheta, en
1787, une charge de maîlre-d'hô-
tel de la reine. La révolution é-
clata. Tout ce qu'il y eut d'hono-
rable dans son principe, trouva
son esprit et ses sentimens dispo-
sés ù l'accueillir. Habitant laTou-
raine, en 1792, il fut nommé
membre du directoire du dépar-
lement dTndre-et Loire. Coura-
geusement opposé aux démago-
gues du pays et à ceux de la
capitale que la guerre de la Ven-
dée y amenait, il fut arrêté par
les ordres d'un agent du comité
de salut public , et amené à Paris
dans les prisons. Après le 9 ther-
midor, commissaire-adjoint de la
commission d'instruction publi-
que, il concourut à la formation
de l'école >ormale, créée au com-
mencement de 1795; donna sa dé-
mission au mois de mars de la mê-
me aimée, et se retira de nouveau
dans sa propriété, près de Tours;
le i8 brumaire l'y trouva. Il fut
nouimé sénateur. Exemple de«
436 CLE
vicissiludes réservées, dans les
temps de i évolution, aux hom-
• mes qtii se consncrent, sans res-
trieticjn , à la création ou à l'amé-
lioration des institutions, il fut
enlevé à main armée dans sa ter-
re, au mois de septembre 1800 ,
par des individus qui avaient ap-
partenu aux bandes spoliatrices
et sanguinaires , connues sous le
nom de chouans. II passa dix-neuf
jours entre la vie et la mort, dans
un souterrain, sous la garde d'un
de ses ravisseurs, et fut délivré
par l'effet de secrètes négociations
entre le gouvernement consulai-
re cl les chefs de parti qui avaient
fait exécuter son enlèvement; il
fut nommé préteur du sénat en
1 804. Les embellissemens du jar-
din et du palais du Luxembourg
depuis cette année jusqu'en i8i4>
et la reconstruction de l'Odéon
en i8og et 1810, comme proprié-
té du sénat, furent les résultats
de son administration, en sa qua-
lité de préleur. 11 fut nommé pair
en 1814. Compris dans la forma-
tion de la même chambre, au mois
de juin i8i5, il fut nommé son
commissaire, pour faire donner
des secours et des soins aux mili-
taires français blessés autour de
Paris , et déposés au Val-de-Grâ-
c^. Suspendu de sa dignité de
pair^du royaume, par l'ordon-
nance royale du 24 juillet 181 5,
et renommé par celle du 21 no-
Tembrei8i9; l'opinion le dési-
gne au nombre des membres de
la chambre ayant constamment
voté contre les lois d'exceptions,
et notamment contre les change-
mens apportés à la loi du 5 fé-
vrier 1817 sur les élections.
CLÉSiE^ST DE RIS {hms).
CLE
fils aîné du précédent , entra au
service comme dragon au iC"
régiment, en 1801, et passa par
tous les grades inférieurs avant
de devenir oflicier, W fit la cam-
pagnt' de i8o5 à l'armée d'Italie ,
comme aide-(fe-camp du maré-
chal Masséna, qui l'honora de té-
moignages de satisfaction, pour
sa conduite au passage de l'Adi-
ge , sous Vérone , le i^ octobre;
celle de 180G, en Prusse et en
Pologne , comme adjudant-ma-
jor au 16"" dragons, où il reçut
la décoration à la fin des hostili-
tés : il fut blessé d'un coup de
lance au combat de Deppen , le
4 février 1807 ; combatil à Eylau
et à Friedland, en 1807; passa
en Espagne, en 1808, comme
aide-de-camp du maréchal Lefè-
vre; eut son cheval tué sous lui
i.\ l'affaire de Sotès , entre la di-
vision Levai et un corps de l'ar-
mée de La Romana : il fit la cam-
pagne de Bavière, de Tyrol et
d'Autriche, en 1809, Il fut créé
au juillet chevalier de l'ordre
du Mérite militaire de Maximi-
lien Joseph de Bavière. Nom-
mé capitaine aux dragons de la
garde impériale, en mars 181 1,
il fit dans ce corps d'élite la cam-
pagne et la retraite de Russie
en i8i2, y obtint le grade de
chef d'escadron de la vieille gar-
de ; et reçut, en i8i5, la croix
d'oflicier de la légion-d'honneur
après la bataille de Wurschen et
le combat de Reichembach. Le
délabrement total de sa santé,
suite des souffrances de la retrai-
te de Russie, le contraignit de
quitter l'armée. 11 consacra les
facultés que son état de maladie
liii laissait, au service de son pays,
CLE
en exerçant des fonctions adminis-
tratives militaires. Nommé che-
valier de Saint-Louis, el colonel
en non -activité , en septembre
1814, le retour de ses forces et
la défense du territoire français
menacé , le portèrent aux frontiè-
res en avril 181 5. Il servit à l'ar-
mée du Rhin , comme adjudant-
commandant chef d'état-major
d'une division de cavalerie légè-
re ; fut blessé à la poitrine, le 9
juillet, sous les murs de Stras-
bourg; quittal'armée au licencie-
ment, et rentra dans ses foyers.
Colonel de cavalerie en non-ac-
tivité depuis le mois d'octobre
181 5, il a été conflrmé dans cet-
te position, conformément à l'or-
donnance royale du 20 mai 1818,
par arrêté du maréchal Gouvion-
Saint-Cyr, ministre de la guerre,
en date du 24 juillet 1819.
CLÉMENT DE RIS (PAtUN),
frère du précédent, entré à l'É-
cole militaire de Fontainebleau ù
r.1ge de 16 ans, se fît remarquer
par une sévérité dans l'accom-
plissement de ses devoirs, et par
une ardeur de gloire qu'il déve-
loppa plus tard, en 1806 et 1807,
au 1" régiment de carabiniers,
sur les champs de bataille d'Iéna,
delIVillimberget de Fricdland.il
trouva la mort dans cette derniè-
re journée, emportant, à 17 ans,
l'estime et les profonds regrets
de ses chefs, de ses camarades et
des soldats qu'il avait eu l'hon-
neur de commander. Les uns et
les autres nourri>senl encore la
plus honorable mémoire de ce
)cunc brave , dont la destinée fut
courte , mais consacrée tout en-
lière au service de son pays.
CLÉ>UiNT DU DOLBS , ué à
CLE
457
Resançon , en 1769. Il suivait les
cours de l'université de cette vil-
le , et se destinait à la carrière des
finances, qui était celle de son
père, lorsque la révolution com-
mença. 11 prit, avec la jeunesse
de Resançon , une part honora-
ble aux événemens du temps.
Persécuté, ainsi que sa famille, en
1793, il se réfugia à l'armée du
Rhin, commandée par Pichegru,
son compatriote; et y servit jus-
qu'après le règne de la terreur. II
vint ensuite à Paris, et fut atta-
ché au ministère de l'intérieur. Il
y resta jusqu'au moment où le dé-
partement du Doubs le nomma
au corps -législatif (en 1810).
Membre du corps -législatif lor»
du retour du roi, il fit conséquem-
ment partie de la i" chambre des
députés fen 18 14)- Il y porta sou-
vent la parole, et fit un grand nom-
bre de rapports, parmi lesquels on
remarque celui qui est relatif à
la réunion de la principauté de
Montbéliard au déparlement du
Doubs ; un rapport aur les mon-
naies, où sont développés les
principes de notre système moné-
taire ; un rapport en faveur des
ré/iigiés espagnols i etc., etc. Il
prononça aussi, var l'importation
el l'exportation des crains , une
opinion dont les journaux d'An-
gleterre, où l'on venait de traiter
cette matière , parlèrent avec é-
loge. Cette opinion repose sur les
mêmes principe? qui, depuis, ont
servi de bases ;\ notre législation
sur les grains. En i8j5, et quoi-
que absent de son département, il
y fiit nommé membre de la cham-
bre des représentons, non-seule-
ment par le collège électoral du
département ^ maïs encore pai-
458
CLE
plusieurs collèges d'arrondisse-
ment. En 1H19, il fut réélu par le
collège départcirlental du Doubs, A
la chambre des députés, où il siè-
ge en ce moment. En 1820, il fit,
au nom de la commission des pé-
titions, un grand nombre de rap-
ports, dont plusieurs offrent de
l'intérêt, et tous sont remarqua-
bles par la sagesse et la modéra-
tion des principes, fin 1821 , il
parla avec force contre la loi re-
lative aux circonscriptions électo-
rales; et soutint les lois sur les ca-
naux, notamment celle qui con-
cerne le canal de Monsieur. Il
parla aussi en faveur de Vinstruc-
tion primaire, et réfuta M. le
marquis de Sautras, son collègue
de députation , qui attaquait la
méthode de l'enseignement mu-
tuel. On remarque qu'il est le seul
membre de l'opposition qui ait
pu obtenir la parole sur cette ma-
tière. Sans ambition, et dirigé u-
niquement par son amour pour
son pays, il n'a, dans sa longue
carrière législative, accepté au-
cunes i'onclioi\s, salariées, ni sous
le dernier gouvernement, ni sous
le gouvernement actuel. Jamais
il n'a dévié un seul instant des
principes d'une sage liberté . et ,
sans être hostile, il a toujours
siégé aux bancs de l'opposition.
Il est assez remarquable qu'au
milieu des passions et des haines
politiques et religieuses qui divi-
sent son département, il y jouis-
se non-seulement d'une grande
popularité, mais d'une considé-
ration générale , même parmi
ceux qui ne partagent point ses
opinions.
CLEMENTI (Mi'zio), pianiste
et compositeur célèbre. Ses œu-
CLE
vres sont nombreuses et trop
connues pour que nous nous ar-
rêtions h les détailler. L'ne simpli-
cité gracieuse les caractérise gé-
néralement. Avec peu de notes il
produit des effets charmans et
nouveaux. Les basses sont peu
compliquées, ses traits courts et
faciles; le dessin de ses pièces est
presque toujours symétrique et
très- naturel. Mais ce dénûment
d'ornemens et de recherche, joint
à un chant pur, à des reprises
très-heureuses, à des modula-
tions agréables et piquantes, ac-
quiert un charme particulier.Cle-
menli est facile à jouer. Plusieurs
de ses œuvres sont destinées aux
commençans , et leur facilité naï-
ve est digne d'être appréciée par
les maîtres.
CLERC ( Nicolas- Gabriel ) ,
naquit à Baume-les-Dames, dé-
partement du Doubs, en octobre
1 726. Ses aïeux étaient médecins,
et il embrassa la même profes-
sion. Il avait 3i ans lorsqu'il fut
nommé premier médecin des ar-
mées en Allemagne ; il réorgani-
sa l'administration des hôpitaux,
et rendit de grands services dans
cette partie. Ajipelé, en 17 5g, par
l'impératrice Elisabeth, il obtint
l'agrément du roi pour se rendre
en Russie. Il y fut accueilli et de-
vint le médecin de l'iietman des
Cosaques.Ce général fut si content
de Clerc, qu'au retour d'un voyage
où celui-ci l'avait accompagné , il
lui fit (disent quelques Biogra-
phies) l'offre de lui donner en pro-
priété la ville de Daturin, à con-
dition de ne le jamais quitter. Mais
que signifiait la propriété d'une vil-
le, et d'une ville telle que Bnfu-
rin? Au reste Clerc ne voulant
CLE
pas renoncer à la France, n'accep-
ta point la proposition de Ihel-
man. 11 quitta la Russie, en 1762,
et n'y retourna que 7 années a-
près, avec le litre de premier mé-
decin du grand-duc, qu'il échan-
gea contre celui de médi cin du
duc d'Orléans qu'il avait eu en
France. Pendant ce second séjour
en Russie, Clerc y fut successi-
vement et tout ensemble inspec-
teur de' 1 hôpital de Moscou, his-
torien , diplomate et géographe.
La part qu'il prit, en 1772, lors
de la révolution de Suède, aux
négociations qui empêchèrent Ca-
therine II de détrôner Gustave
III, lui valurent le cordon de
Saint-Michel, des lettres de no-
blesse elGoooliv. df pension, que
lui accorda Louis XV. Rentré en
France, Clerc fut nommé inspec-
teur-général des hôpitaux du
royaume, et président d'une com-
mission chargée de remédier aux
abus exislans dans leur adminis-
tration. Clerc fit tout le bien qui
lui fut possible tout le temps qu'il
resta en place, mais le change-
ment de ministère vint paralyser
ses travaux et ses intentions ; il
se retira à Versailles, en 1778, où
il mourut dans une honnête mé-
diocrité , le 3o décembre 1 798. Il
a publié les ouvrages suivans :
Mémoire sur la Goutte, j 750. in-
I a ,• Dissertatio de Hydrophobid,
1 760 , in-4" ; Medicus veri ania-
tor <id Apollineœ artis aluninos ,
1764, in-8'; Moyen de prévenir
la contaffion, et d'y remédier,
1 7^0; Histoire naturelle de l'Iiom'
me considéré dans Cétal de ma-
ladie^ a vol. in-8'; Yu-le-Grand
et Cotifuf ius , histoire chinoise ,
roman historique, i709)in-4'';
CLE 439
Histoire de la Russie ancienne et
moderne^ 1 794, 6 vol. in-4%et at-
las in-fol. ;^/.v/o/'/x' de Pierre lll,
e/iipenur de /ÎMv.và', in-S", etc.
CLERFAIT (Frasçois-Sébas-
•tien-Chables- Joseph de Croix,
COMTE de) , naquit , le i4 octobre
1753, près deBinche,dans le Hai-
nault. Il reçut une éducation soi-
gnée ; et son goftt pour les ma-
thématiques, dans lesquelles il
acquit des connaissances profon-
de, prépara ses succès militaires.
Entré au service en 1743, il fit la
guerre de sept-an^^ se distingua
dans plusieurs affaires, et surtout
aux batailles de Prague, de Lissa,
de Hochkirchen et de Lignitz.
Dès son entrée au service, il s'é-
tait placé au premier rang des
braves de l'armée autrichienne,
et il mérita d'être décoré de l'or-
dre «le Marie-Thérèse, :\ son ins-
titution. En 1763, la paix permit
à Glerfait de se livrer aux char-
mes de la vie privée : peu cour-
tisan, il ne paraissait i\ Vienne
qu'autant qu'il 'ne pouvait s'en
dispenser; et après la saison des
exercices,, il se retirait dans ses
propriétés, où il partageait son
temps entre ses amis et l'élude.
En 1787, les chefs de l'insurrec-
tion (k; la Belgique employèrent
tous les moyens possibles pour le
déterminer à entrer dans leur
parti; mais quoiqu'il n'approuvât
point les abus du gouvernement
de Joseph II, il crut devoir res-
ter fidèle aux sermensqui l'atta-
chaient à ce prince. Les services
que Clerfait rendit, dans la guer-
re de 1788 à i78<), contre la Tur-
quie , lui firent obtenir le grade
de général d'artillerie et la grand*
croix de l'ordre de Marie-lhérè-
4-10
CLE
se. Commandant du corps autri-
chien qui , en 1792, pénétra dans
la Champagne avec l'armée prus-
sienne , il s'empara de Stenai et
du passage de la Croix-aux-Bois.
De* n)esures énergiques pou-
vaient alors vaincre la France : il
les conseilla, mais inutilement;
et après la bataille de Walmy,
qui décida le roi de Prusse à se
retirer, il se replia lui-même sur
Il Belgique, où, chargé, sous les
ordres du duc Albert de Saxe-Tes-
chen, des dernières opérations de
cette campagne, il se signala de
nouveau dans la retraite qu'il ef-
j'ectua après la bataille de Jemma-
pes. La campagne de 179^ acheva
la réputation de Clerlait ; après
avoir, le 1" mars, surpris les
Français dans Altenhoven, il fit
lever le siège de Maestricht, et
décida le gain de la bataille de
Nerwinde,où il commandait l'ai-
le gauche contre laquelle les Fran-
çais avaient réuni tous leurs ef-
forts. Dans la même année, il se
distingua àQuévrain,à Hauson,
à Faraars, et se rendit maître du
Quesnoi, après une vive résis-
tance. En 1794? il eut le com-
mandement d'un corps de réser-
ve, fut blessé sur les hauteurs de
Castel , en se défendant contre
les divisions Souham et JMoreau;
fit une tentative infructueuse sur
Courtray, le 1 1 mai, et nuisit au
succès de l'affaire de Turcoing,
par la lenteur de sa marche. Dif-
férens autres revers qu'il essuya,
ainsi que le prince de Cobourg ,
les contraignirent enfin à se re-
ployer sur la3IeuseetsurIeRhin.
.Nommé feld-maréchal , en 1 795,
il eut en tête trois armées fran-
çaises . et se retira d'abord ; mais
CLE
il ne tarda point à reprendre l'of-
fensive, repoussa successivement
les armées françaises, et déblo-
qua la ville de Mayence. Dans le
mois de janvier fy^fî, une intri-
gue de cour le fit rappeler à Vien-
ne. L'enthousiasme avec lequel il
fut reçu par le peuple, et les dis-
tinctions flatteuses de l'empereur
qui lui donna le collier de la toi-
son-d'or, et qui alla lui-même le
visiter avec le prince Charles ,
ne rendirent pas le gouverne-
ment plus juste à son égard.
Nommé au conseil aulique de
guerre, Clerfait cessa d'être em-
ployé dans les armées actives. Il
ne fut point insensible à cette in-
gratitude; sa santé affaiblie par
les fatigues empira, et il termina
ses jours à Vienne, le 19 juillet
1798. Ce général réunissait de
grandes connaissances à beau-
coup de courage et à un sang-
froid, qui décida le succès de plus
d'une affaire. Humain et géné-
reux autant que brave, il avait
ouvert sa bourse à tous les ofli-*
ciers qui en avaient eu besoin; et
au moment de sa mort, il brûla
leurs reconnaissances , en disant
qu'il était moins sûr de ses héri-
tiers que de lui-même. La ville
de Vienne lui a fait ériger un su-
perbe n)onument.
CLLRAi ONT-TONNERRE
(SïAîilSLAS , COMTE De), pctit-fils
du maréchal de ce nom, naquit
en 1747- II était colonel, lors-
qu'en 1789 on le nomma prési-
dent des électeurs de la noblesse
de Paris, et député de cet ordre
aux états-généraux. On n'avait
pas prévu la modération de ses
principes, et le sentiment de jus-
tice qui lui fit mettre plus d im-
CLE
porlance aux droits de tous les ci-
toyens qu'aux prérogatives dune
classe particulière. Il vota pour
la réunion des trois ordres, et il
protesta contre les détermina-
tions de la noblesse. A la tête de
la minorité qui vint se réunir aux
communes, il prononça un dis-
cours auquel on ne fit pas alors as-
sez d'attention, mais qu'on peut
présenter comme un modèle de
convenance. «Les membres delà
«noblesse qui viennent, disait-il,
» se réunir à l'assemblée des états-
» généraux, cèdent à l'impulsion
"de leur conscience , et remplis-
» sent un devoir; mais, messieurs,
»il se joint h cet acte de patrio-
»tisme, unscntimeutdoulourcux.
') Cette conscience qui nousamè-
» ne a retenu un giand nombre
» de nos frères; arrêtés par des
» mandats plus ou moins impéra-
:>tirs, ils cèdent à un niotiC aussi
«respectable que les uôtres. Vous
•>>ne pduvûz désapprouver notre
» tristesse et nos regrets. Nous
«sommes pénétrés de la sensibi-
« li'é la plus vraie pour la joie que
'> vous avez témoignée ; nous vous
.•apportons le tribut de notre lèle
')et de nos sentimens, et nous
.•venons travailler au grand aii-
»vre de la régénération publi-
«que. » Le comte de Clermont-
Tonnerre pratiqua dans le cours
de sa vie politique , cette sage re-
tenue que son discours annonçait,
et qui devait l^ui être funeste, au
milieu d'une anarchie dont les
mécontens regardaient le triom-
phe comme leur dernière ressour-
ce . il partageait avec plusieurs es-
prits éclairés d'ailleurs, l'cspè-
cç d'enthousiasme dont la consti-
tution anglaise étaildcvenue!"ob-
CLE
44»
jet dans un temps où les Françai.
n'avaient pas encore de grandes
connaissances en législation. Il
voulait la faire prévaloir dans lt>
premier comité de constitution
dont il fut membre; mais ce pro-
jet, peu conforme à l'opinion do-
minante, lui fit perdre sa popu-
larité : lorsqu'on forma le second
comité, il en fut exclu. Cepen-
dant, ses maximes dépendaient
moins du succès que de sa con-
viction : il n'en changea point.
Sans approuver la conduite des
ministres, il s'opposa, vers ce
temps, à ce que l'assemblée na-
tionale en demandât le renvoi,
parce qu'il craignait un trop grand
affaiblissement de l'autorité roya-
le. Dans la nuit du i4 août, il fut
un de ceux qui se dévouèrent a-
vec le plus de chaleur aux inté-
rêts du peuple. Elu président h;
1 7 du même mois , il ne tarda pas
à parler de nouveau en faveur de
la division des assemblées légis-
latives en deux chambres, et ii
demander qu'on augmentât Tin-
fluence du roi, en lui accordant
le veto absolu. Il eut ensuite le
courage de montrer à l'assemblée
un billet qu'il avait reçu des ha-
bitués du Palais-Royal, et qui
contenait de fortes menaces con-
tre ceux qui persisteraient dans
cette opinion; il en prit occasion
de proposer que l'assemblée s'é-
loignât de Paris, si les magistrats
de celte ville ne répondaient pas
de la sOreté des députés. L'esti-
me générale dont il jouissait le
fil choisir une seconde fois pour
président, quoiqu'il eût parlé de
nouveau contre le maintien du
«ystème qui n'admettait qu'une
asserabitt ilélibéranlc. Troismoi»
442
CLE
après, en décembre 17^0, il insis-
ta pour que les droits de citoyen
appartinssent à tous les Fran-
çais sans exception. Le 22 février
1790. lorsqu'il s'éleva une discus-
sion sur les troubles qui avaient
lieu dans les déparlemens , il ne
put obtenir qu'on investît le roi
d'un pouvoir sufTisant pour les
réprimer. A cette époque, en fai-
sant l'éloge du député Sieyesqui
venait de ])roposer un plan pour
l'institution du jury, il assura que
de tels hommes étaient « le patri-
» moine des siècles. » Le 16 mai ,
l'autorité royale, contenue dans
des limites constitutionnelles ,
trouva encore en lui un défen-
seur; il voulait qu'on laissât au
roi le droit de paix et de guerre,
et il ne demandait pour garantie
que la responsabilité des minis-
tres. Il n'approuva point la réu-
nion à la France du Ilomtat-Ve-
naissin; c'est à ce sujet qu'il ac-
cusa Antonelle et le minisire de
la guerre, d'exciter des troubles
dans le Midi. Le 19 novembre ,
il s'opposa au renvoi des minis-
tres, demandé par les sections;
et quelques jours après, il fonda
le club monarchique ^ pour pré-
venir les suites de l'ascendant des
jacobins. On l'augmenta par cet-
te tentative ; ils dénoncèrent les
membres de l'association nou-
A'elle, et un mouvement popu-
laire la força de se dissoudre. Le
comte de Clermont- Tonnerre,
qui vint dans l'assemblée se plain-
dre de cette violence, ne dut qu'au
hasard, qui l'éloigiiait de chez lui
au moment où la foule s'y portait,
la prolongation d'une vie qui,
bientôt, devait finir non moins
malheureusement. Exposé de nou-
CLE
veau lorsque le roi partit pour
Varennes, mais protégé par le dé-
cret qui mettait « sa personne
usons la sauvegarde de l'hon-
»neur national », il adhéra par
serment à tous les actes de l'as-
semblée législative, sans pouvoir
néanmoins calmer les ressenti-
mens. Arraché de sa demeure ,
dans la nuit du 10 août, et traîné
à la section, sous prétexte d'un
amas d'armes qu'il devait avoir
cachées, il démontra facilement
la fausseté de l'accusation; mais
on ne lui donna pour le recondui-
re qu'une faible escorte, et elle
ne put le soustraire à l'aveugle
fureur de la multitude. Un cuisi-
nier qu'il avait renvo^'é à cause
de ses vols lui porta le premier
coup; mais c'est chez madame de
Brassac, où il s'était réfugié, qu'il
reçut la mort. On avait publié ses
Opinions en 1791, 4 ^'ol. in-8".
Il a aussi laissé Vh'xamcn de la
constitution de 1791. On lui attri-
bua de plus. Mon Portejëuille, in-
18, Paris, 1791; et Journal de
Prudlwmnie, ou Petites observa-
tions sur de grandes réflexions ,
i5 cahiers in-8°. La correspon-
dance du comte de Clermont-
Tonnerre avec l'abbé Sieyes, sur
le système municipal, vers la fin
de la session de l'assemblée cons-
tituante, sufTil pour détruire le
reproche qu'on a pu faire à cet il-
lustre député, d'avoir abandonné
l'intérêt du peuple. Clermont-
Tonnerre n'a point cessé d'aimer
la liberté ; c'est à la licence qu'il
s'opposait. Il a pu tomber dans
quelqueerreur; maison doits'em-
presser de rendre justice aul in-
tentions d'un orateur qui Oe par-
lait jamais que d'après sa pensée
CLI
intime. Il joignait à beaucoup
d'éloquence et de lumières, un
bel organe et un extérieur impo-
sant : quelquefois, dit-on, l'im-
pression qu'il faisait sur les es-
prits déplaisait à Mirabeau lui-
même.
CLERMONT-TONÎSERRE (le
marqvisde), ancien élève de l'é-
cole Polytechnique. 11 a servi en
Allemagne, en Italie et en Espa-
gne. Après le retour du roi, il fut
successivement lieutenant des
mousquetaires gris, chevalier de
Saint-Louis, maréchal- de-camp,
et onicier de la légion-d'honneur;
enfin, il fut nommé pair de Fran-
ce le 17 août i8i5. M. de Cler-
mont-Tonnerre a défendu le pro-
jet de loi sur le recrutement; il
a combattu celui qui était relatif
aux travaux du canal de l'Ourcq,
il a présenté à la chambre le rap
port qui fut adopté, pour l'abo-
lition du droit d'aubaine; enfin,
il a prononcé, au sujet des élec-
tions, un discours étendu en fa-
Tcur de la proposition de M. Bar-
thélémy. Oubliant que la compo-
sition des chambres n'appartient
pas au public, M. de Clermonl-
Tonnerre a prétendu , dans ce
discours, que, nécessairement, le
Tœu des chambres manifestait le
vœu général. C'est en mécormais-
'fiant ainsi l'opinion, en négligeant
ainsi de la consulter, que M. de
Clermont -Tonnerre vota depuis
contre la liberté individuelle. Le
9 septembre 181 5, il a reçu le
commandement de la brigade
dc5 grenadiers à cheval de la gar-
de royale, et il l'a conservé jus-
qu'à ce jour.
CLINTON (Henri), général an-
glais. Après avoir servi avec dis-
CL1 445
linction dans la guerre de Hano*
vre, fut envoyé, en 1776, étant
major-général, avec les généraux
Biirgoyne et Howe dans l'Améri-
que septentrionale, où il s'empa-
ra, après une première attaque
infructueuse, de New-York, dont
il fut nommé commandant. En
1778, il se rendit à Philadelphie,
et remplaça dans le (;ommande-
ment de l'armée le général Howe,
rappelé en Europe. Le général
Clinton, attaqué par Washington,
fut forcé d'évacuer la ville; mais
dans sa retraite, faite en bon or-
dre, il détruisit plusieurs corsai-
res américains dans la baie d'OE-
cussinett. En 1779. il se porta sur
la Caroline ; la mésintelligence
qui régnait alors entre les Amé-
ricains et les Français lui donna
les moyens de s'emparer de Char-
Icstown, 01^, comme devant New-
York, il avait échoué une premiè-
re fois. Il faisaitpartie.cn 1780,
avec 8,000 honimes de troupes,
de la flotte de Tamiriil Arbulhnot,
et voulut attaquer les Français;
mais leurs dispositions rapides et
les mouvemens de Wa.»hington ,
rendirent inutiles ses tentatives.
11 mit alors en usage les intrigues
et les moyens de séduction qu'il
avait déjà employés, lorsque, en
sa qualité de commandant dé New-
York, il secondait le général Bur-
goyne. qui fut forcé de capituler.
Cette fois il fut plus heureux. Un
oflicier américain, Arnold (voyez
ce nom), jaloux, suivantquelques
historiens, de la gloire de Wa-
shington, céda aux propositions
de (Clinton, et promit de lui livrer
le fort qu'il commandait, trahi-
son que fit échouer l'arrestatioiv
du major André , émissaire de
(\\\
CLI
(lliiitori. Le gcnéra! onghiis ne se
dccouiagcii pas; il profila du mé-
contentement qui se manifesta
parmi quelques-unes des troupes
américaines pour leur faire faire
des propositions, elles attirer dans
le parti anglais. Ce projet n'eut
pas plus de succès : les émissaires
furent fusillés comme espions.
Presque assiégé dans New-York
par les forces réunies des Améri-
cains et des Français, des renforts
le sauvèrent de cette position cri-
tique, et lui permirent même
d'envoyer du secours au général
Cornwalis; mais, à leur arrivée,
il venait de se rendre. Remplacé
par le général Carleton, le géné-
ral Clinton repassa en Angleter-
re, et fut nommé gouverneur de
■Limerick, puis membre du parle-
ment, enfin gouverneur de Gi-
braltar. Il venait de prendre pos-
session de cette place, lorsqu'il
mourut le 34 décembre i^gS. Le
.général Clinton a publié plusieurs
Mémoires sur la guerre d'Améri-
que, dont un en réponse au géné-
ral CornAvalis, qui avait combat-
tu son opinion sur les événemens
.de celte guerre. Comme officier-
, général, Clinton jouit d'une ré-
.putation méritée; mais ses com-
patriotes eux-mêmes lui repro-
-chent d'avoir été peu scrupuleux
sur les moyens de succès, et d'a-
voir favorisé la licence des trou-
pes.
CLINTON (Georges), vice-pré-
sident des LlatsUnis d'Amérique,
naquit en 1759 dans la Nouvelle-
Angleterre, d'une famille origi-
naire d'Irlande. Ayant choisi d'a-
bord l'état militaire, à 18 ans il
.était lieutenant dans le régiment
colonial qui, sous lo commande-
CLO
mcnl de son père, fit la guerre du
Canada. Il se distingua à la prise
du fort de Frontenac, en ijSS.
Après la conquête du Canada, le
jeune Clinton étudia la jurispru-
dence sousWilliam Smith, célèbre
jurisconsulte américain. Elu, en
1 773, l'un des députés de sa pro-
vince i\ l'assemblée coloniale, il
montra beaucoup de talent et de
patrietisme, et fut nommé mem-
bre du congrès en 1775. Mais
croyant plus utilement servir sa
patrie en reprenant du service, il
se rendit à l'armée avec le grade
de brigadier- général de milice,
grade qu'il conserva et occupait
dans les troupes de ligne lorsqu'il
défendit, en 1777, le passage des
montagnes contre le général an-
glais Henri Clinton {^voyez ce
nom). S'il ne put empêcher les
progrès du général ennemi, sa ré-
sistance fut si opiniâtre que le gé-
néral Bnrgoyne, ne recevant point
les secours que le général Clinton
lui amenait, fut obligé de capitu-
ler. Nommé, peu de temps après,
gouverneurderétatde New-York,
Georges Clinton rendit dans ce
poste honorable et important de
nouveaux services à ses conci-
toyens. En 1804, il devint vice-
président des Etals-Unis et prési-
dent du sénat. Sa vie entière fut
utile à la cause nationale, et il
mourut généralement regretté le
20 avril 1812. Son éloge fut pro-
noncé par Governor Morris. Geor-
ges Clinton avait un frère nom-
mé James, qui servit comme of-
ficior-général pendant la guerre
de la révolution américaine.
CLODION (Clatide- Michel),
sculpteur distingué auquel nulle
biographie n'a donné une place.
CLO
La sculpture moderne n'a pas ce-
pendant produit assez de talens
d'un ordre supérieur pour que
l'on doive mettre en oubli la grâ-
ce, la naïveté, le faire heureux et
pur de cet artiste. Il a mêlé ha-
bilement dans ses ouvrages la
sini|. licite d'imitation et ce per-
fectionnement de la nature que
l'on nomme. idéal. Sa verve était
plus délicate que forte. Ses chefs-
d'œuvre sont de jeunes filles qui
jouent avec des oiseaux, qui s'oc-
cupent de parer leur beauté nais-
sante, ou qui s'abandonnent à la
rêverie. C'est une jeune enfant,
plus fraîche que le printemps,
portant des raisins, fruits de l'au-
tomne; une autre qui rattache a-
vec un soin remarquable sa chaus-
sure dénouée; une baigneuse, que
l'embarras d'être nue embellit en-
core; une bergère, au sourire naïf,
qui donne la nourriture à des
tourterelles; une vestale, dont les
traits doux et résignés annoncent
le renoncement aux passions brû-
lantes de la jeunesse, et dont la
main entretient le feu qui ne doit
pas s'éteindre; une jeune fille at-
tentive, penchée, émue, cher-
chant à saisir un papillon : char-
mante composition, où le repos
du marbre a toute l'élasticité, tou-
te la légèreté de la figure qu-'il re-
présente; où la finesse et la can-
deur, l'innocence et le désir fer-
ment un ensemble délicieux et
neuf; où l'enfance prolongée dans
la jeimesse, donne un attrait in-
connu aux charmes déjà déve-
loppés de cette dernière. Clo-
dion s^est exercé dans d'autres
genre»; qtioique beaucoup loué
>ar ses contemporains, il semble
iroir trop sacrifié au goût de s-on
CLO 445
temps, et dans une partie de ses
compositions sévères, n'avoir pas
assez respecté cette simplicité
d'attitudes et cette pureté de des-
sin que demande la sculpture.
On n'admirera plus aujourd'hui,
comme on l'a fait sous le règne
de Vanloo, son Scainandre i/a-
st'clit' par les Jeux de Fulcain ;
son Hercule en repos, etc., quoi-
que ces morceaux se distinguent
par la facilité et l'élégance du ci-
seau. Sa statue de âJonlesffuieu a
été l'objet de justes critiques. En
l'an g, son Groupe du Déluge
frappa l'attention publique par la
verve, la belle disposition et Icx-
pression des têtes. Clodion eût
recueilli plus de gloire s'il eût
voulu occuper une place élevée
daUvS un genre particulier. Né ù
Nancy vers i';l\5, il est mort à
Paris en 1814. Son caractère était
loyal. Son talent l'exposa à des
tracasseries qu'il n'eut pas tou-
jours la force de mépriser. On lui
doit un buste de Tronchel, et un
autre de Madame I", fille de Louis
XVL M. A. Dingé, exécuteur de
ses dernières volontés, a donné
de sa vie une Notice courte, mais
instructive et bien écrite.
CLOOTZ (JïATJ - Baptiste, i>r
Val-de-Grace), neveu du fameux
écrivain de Paw, fit des paradoxes
en action, comme son oncle en
avait fait en histoire. Il prélendit
établir une république universel-
le, se constitua Voratenr du ^cw-
re humain, prit le nom du philo-
sophe grec Anacluirsis; et ricin:
de cent mille livres de rentes,
à 55 ans porta sur l'échafaud sa
tête folle et systématique. Il était
né à Clèvcs, en I755; et après a-,
voir fait ses premières élude» «a
446 CLO
Prusse, il vint les terminer à Pa-
ris, où tnr;l.'uit ses rêves métaphy-
siques aux doctrines de quelques
philosophes qu'il coinprit mal,
il se crut appelé, dans l'écroule-
ment de toutes les vieilles institu-
tions françaises, à renouveler la
face du glo'.ie. Il développa ses
plans , qui, dans l'enthousiasme
dont toutes les têtes étaient frap-
pées, ne parurent que bizarres :
dans tout autre temps , ils eus-
sent conduit leui auteur aux Pe-
tites-Maisons ; mais Anacharsis
Clootz qui vint, à la tête de quel-
ques individus diversement cos-
tumés, haranguer l'assemblée na-
tionale, de la part du genre hu-
main, fut écouté sans trop d'im-
patience. Elu membre de l'assem-
blée législative, on le vit offrir sa
fortune pour fonder la république
universelle, prêcher le matéria-
lisme en style d'Apocalypse, apos-
tropher les rois avec une fougueu-
se éloquence, soutenir tour à tour
le protestantisme et le mahomé-
tisme; et négligeant à la fois ses in-
térêts et ses devoirs, s'isoler de
ses collègues, qui commençaient
à souflVir impatiemment son im-
portune exaltation. Quelques tê-
tes vides se laissèrent entraîner
à ses rêveries, et le parti d'Ana-
charsis se formait, quand Robes-
pierre en prit ombrage. Cet hom-
me abominable avait de la péné-
tration et de la finesse dans ses
aversions et dans ses jalousies.
Il dénonça l'orateur du genre
humain, qui, opulent, baron é-
tranger, et fanatique, bien qu'il
protestât, que son anie était san^'
culotte, fut traîné à l'échafaud
sur la même charrette que le
publiciste Hébert. Pendant que
CLO
ce dernier se désolait, l'autre ter-
minait dignement sa bizarre car-
rière, prêchait ses doctrines au
peuple, et demandait ù mourir le
dernier, afin d'établir quelques
principes, pendant que l'on fai-
sait tomber des têtes.
CLODET, né à Saingiy , près
do Mézières, Ici \ novembre 1751,
a joui d'une réputation distin-
guée comme chimiste et comme
mécanicien. Il avait commencé
ses études à Charleville; mais
c'est à Mézières que ses succès
dans les cours de calcul et de géo-
métrie descriptive le firent re-
marquer du célèbre Monge qui
les dirigeait alors. Après un voya-
ge à Paris , où il avait visité avec
soin les manufactures et les ate-
liers , le goût de Clouet pour la
mécanique le rappela dans son
pays natal, où il établit une fabri-
que de faïence. Cette entreprise
prospérait; mais ayant éprouvé
une banqueroute considérable ,
Clouet fut obligé de l'abandon-
ner, et se mit à enseigner la
chimie à Mézières, dans l'école
même où il l'avait étudiée. Les
besoins des armées, vers le com-
mencement de U» révolution, fi-
rent élever une fabrique de fer
forgé à Daigny, près de Sedan ;
la direction lui en fut confiée, et
son activité mit cette fabrique en
état de fournir les arsenaux de
Douay et de Metz, durant les pre-
mières campagnes. Clouet vint
ensuite à Paris, et obtint au mi-
nistère de l'intérieur la place de
membre du conseil des arts. Il
la remplissait de la manière la
plus honorable ; mais toujours
occupé d'étendre ses connaissan-
ces^ il la quitta volontairement,
COB
et se rendit à Cayenne , pour
faire des expériences sur la végé-
tation. Retiré dans un coin de
l'île, où on l'aurait pu prendre,
à sa façon de vivre, pour un In-
dien des tribus sauvages, il l'ut
atteint d'une fièvre particulière à
ces climats : elle termina ses jours
le 4 j"i" 1801. Dès son enfance
on avait remarqué le peu de soin
qu'il prenait de sa personne ; c'est
parce qu'on avait voulu l'assujet-
tir, en cela, aux règles commu-
nes, qu'il avait quille le collège
de Charleville. On lui est rede-
vable, en France, du procédé u-
sité pour obtenir l'acier fondu ;
les Anglais Pavaient découvert,
mais Clouel l'a perfectionné. On
trouve dans les Annales de chi-
mie, aux tomes 1 1 et 54, l'exposé
de ses travaux sur le fer, sur l'a-
cide prussique. et sur les émaux,
COBBETT CNVilliam), fils d'un
pauvre fermier de Surrey, est
devenu l'un des publicistes les
plus célèbres et les plus redou-
tés des Trois- Roy aurnes . Né à
Farnham en 1766, dans la ferme
de son père, il y conduisit la
charrue jusqu'en 1785; mais en-
nuyé, à 17 ans, de cette vie obs-
cure et pénible, il vint à Londres,
où il demeura quelque temps sans
secours. Ln procureur de Gray's
Jun recueillit le jeune homme ,
qui travailla un an dans son étu-
de, mais que la fougue d'un ca-
ractère ardent et aventureux por-
ta bientôt ù s'enrôler. Son grade
fut d'abord modeste; il partit
pour la Nouvelle- Ecosse en qua-
lité de Lunbour. Huit ans d'un
service >ubalterne ne relevèrent
qu'au rang de sergent -major,
mais lui permirent de se livrer
COB
447
à son goût pour les études litté-
raires. Il apprit la grammaire, et
prit une teinture de quelques
sciences, tout en montrant à lire
à ses compagnons d'armes. En-
traîné par un besoin inquiet de
célébrité, il demanda sa retraite,
revint en Europe, parcourut la
France, passa en Amérique ; et,
devenu tout à coup libraire et au-
teur, commença en même temps
sa fortune et sa renommée. Pitr-
re le //crisson ( Peter Porcupine;
tel était le nom qu'il prenait),
effraya bientôt par ses virulentes
sorties , le gouvernement , le»
membres du congrès, et les léga-
tions étrangères. Cobbett faisait
de son talent satirique, décla-
matoM^, audacieux, un usage
impmdent et insensé ; attaqué en
calonmie, sur le point de suc-
comber aux poursuites des ad-
versaires qu'il s'était faits, il se vit
contraint de fuir l'Amérique, et,
sans renoncer à son périlleux mi-
nistère, vint à Londres établir
un nouveau journal qu'il nomma
encore le IJérisson. Ce journal
lança d'abord ses traits à Taven-
ture, et fut soupçonné de viser
àTargenlplus qu'à l'honneur. Bo-
naparte et Fox furent tour i\
tour en butte aux attaques de
Cobbett. Enfin, il arrêta ses idées,
embrassa les principes des radi-
caux anglais, changea le litre de
son ouvrage en celui de Hef^i.ftre
liebdoinaàaire , mûrit son talent
et son style; et sans rien changer
à son système d'attaques et de vio-
lence, il se voua du moins à la dé-
fense des intérêts publics et de la
cause nationale. Sa manière est
énergique et large; pittoresque,
bien que sévère; véhémente et
4/,8
COB
originale , quoique chAtiée. Plu-
sieurs lois poursuivi, condamné,
emprisonné, il a constamment
vu des souscriptions patriotiques
et des contributions volontaires
satisfaire aux énormes amendes
que lui imposait la justice. Il se
déclara, en 181 5, champion de
Napoléon, qu'il avait poursuivi
avec une véhémence extrême, au
temps de sa puissance. Envelop-
pé, en 1816, dans une infinité de
mauvaises affaires politiques et
d'intérêt, il quitta brusquement
l'Angleterre, où, depuis dix an-
nées, touslesclubs retentissaient
de son nom, et s'enfuit en Amé-
rique, où il fit choix, dans un lieu
sauvage, d'une habitation solitai-
re qu'il fortifia pour se mettre à l'a-
bri de toute ei-pèce d'incursions.
C'est dans cet asile qu'il brave
encore l'armée de ses créanciers
de tous les pays, et les agens des
gouvernemens qu'il a offensés.
Outre une grande quantité d'^fe'-
pitresel de Pamph/elsj^a\\ûqûe?< ,
on lui doit un recueil de débats
parlementaires de i8o3 à 1810;
sa propre vie., écrite par lui-mê-
me (1806); et une excellente
grammaire, intitulée !e Maître
Anglais. Elle a été traduite, et
souvent altérée par un traducteur
français, dont il s'est plaint avec
amertume. Ainsi l'ouvrage le
meilleur, le plus élémentaire, le
phls philosophique sur la langue
anglaise , est le fruit des loisirs
à\\n tambour de régiment. "
COBEINZL (Louis, comte de),
né à Bruxelles, en 1755, étudia
au collège dHarcourt. Diplomate
des plus déliés, il n'avait que 27
ans lorsque la cour d'Autriche le
lu'uuna son ambassadeur en Rus-
COB
sie. Catherine II régnait alors, et
le comte de Cobenzl sut captiver
sa bienveillance, par ses maniè-
res galantes et les agrémens de
son esprit. Ce fut lui qui, un an
avant la mort de cette impératri-
ce, rédigea le traité de la triple
alliance de la Russie, de l'Autri-
che et de l'Angleterre, contre la
France. Deux années après , il
changea de rôle , en signant avec
le général Bonaparte le pacifique
traité de Campo-Formio. conclu
le 17 octobre 1797, entre la ré-
publique française et l'empereur
d'Autriche. Le comte Cobenzl
quitta alors le Frioul, et se rendit
au congrès de Rastadt. lise trou-
vait à Seltz, lorsque le directoire
lui adressa le ministre François
de Neufchateau, pour obtenir sa-
tisfaction des événemens qui a-
vaient forcé l'ambassadeur Ber-
nadote de quilterVienne, au mois
d'avril 1798. Cobenzl, qui avait
composé et joué lui-même, à la
cour de Catherine II, des pièces
de théâtre , crut qu'il ne pouvait
mieux flatter l'amour-propre de
l'envoyé français, auteur de Pa-
rnela , qu'en faisant représenter
cette pièce en sa présence. Le trai-
té de Lunéville, passé le 9 février
1801, et basé sur celui de Campo-
Formio, fut signé par M. de Co-
benzl. Ce grand acte diplomati-
que terminé, il retourna à Vien-
ne, où l'empereur lui confia le
portefeuille des affaires étrangè-
res, qu'il a gardé jusqu'en i8o5.
II donna sa démission à cette é-
poque , et vécut dans la retraite.
Il est mort à Vienne, au mois de
février 1808. Le comte de Co-
benzl. Belge de naissance, cos-
mopolite par état, était Français
COB
parle caractère et par l'éducalion.
Il avait, en littérature, des con-
naissances plus approfondies et
plus étendues que beaucoup do
gens qui la professent. Sa mé-
moire imperturbable était ornée
des chefs-d'œuvre de nos poètes,
qu'il aimait à citer, et citait tou-
jours à propos. Il ne se plaisait
pas moins avec les gens de let-
tres qu'il ne leur plaisait. MM.
Andrieux, Picard, Arnault, n'ont
pas perdu, sans doute, le souve-
nir de plusieurs soirées délicieu-
ses passées dans la société de ce
scigrjeur , assez aimable pour
qu'on ne vit en lui que son ama-
bilité. L'abbé Casti , spirituel
auteur des Animaux parlans, et
de tant de poëmcs si gaiement
philosophiques , était le comp.a-
gnon inséparable du comte de
Cobenzl, qu'il avait suivi dans
toutes les cours de l'Europe.
COBENZL (le comte Puilippe
de), cousin du précédent, né dans
la Carniole, en ij/p, et mort le
3o août 1810. Immédiatement
après le traité de paix signé à Lu-
neville en i8oi, le comte Philip-
pe fut nommé ambassadeur d'Au-
triche à Paris. 11 y demeura jus-
que vers la fin de i8o5, époque
à laquelle l'Autriche «Mitra dans
la coalition contre la France. La
mission diplomatique de M. de
Cobenzl n'eut rien de remarqua-
ble : homme faible, son caractè-
re avait été mis à l'épreuve, en
1^90, i^ l'occasion de l'insurrec-
tion des Pays-Bas. Envoyé pour
négocier avec les chefs, et ceux-
ci ne voulant pas le reconnaître,
il crut avoir rempli les intentions
de son maître en révoquant les
édits provocaleurR des trOu)ilos,
COB
449
Au reste, le comte Philippe était
en tout un homme fort ordinaire,
et n'avait dû sa place d'ambassa-r
deur en France qu'au crédit de
son cousin. :
COBOURG (FRÉ»ÉRic-J9Sii.s-
PRiNCE DE Saxe), général au ser-
vice d'Autriche, commandait en
Valachie dans la guerre de son
souverain contre les Turcs. De
grands préparatifs pour assiéger
Ibraïlow, et la prise de Bukarest,
furent le résultat de sa première
campagne en 1789. Moins heu-
reux l'année suivante, il fut obli-
gé de lever le siège de Ciorgcvo
et de passer une convention avec
le grand-vizir. LIne autre célé-
brité l'attendait sur les frontières
de France, où il arriva en 1792.
Le prince de Cobourg fit son en-
trée à Liège avec le régiment des
dragons de son nom , et les Lié-
geois ne se rappellent pas cet évé-
nement sans horreur. Ami de
Sowarow, il en avait le caractè-
re ; et ce fut pour lui une douce
jouissance de s'emparer d'une vil-
le dont les malheureux habitans,
accablés déjà par deux années de
l'oppression la plus barbare, ,é-,
talent loin de songer à faire la
moindre résistance. Le nom du
général Cobourg pénétra inces-
samment dans toute la France,
et il y fil plus de mal encore que
ses armei». Accolant ce nom à
celui de Pitt, les tyrans de l'épo-
que envoyèrent à l'écbafaud de*
milliers d'innocens, sous le simple
prétexte qu'ils étaient les tificns
de l'Ut et de Çubunrf:. , Le 18 ipars
179?», il gagna la bataille de Ner-
ivinde sur Duniouriez, etl'dbligea
d'évacuer la Belgique ; peu d<'
JQi^rsaprès, celqiici) daoi/ii défec-
•>9
45o
COB
tion, livra les députés commissai-
res français au prince de Cobourg,
et l'on sait comment celui-ci
les traita. Déjà maître de Landre-
cies, il prit Condé le i5 juin, et
dans le ridicule manifeste qu'il
fit paraître en juillet, il défendait
aux émigrés l'entrée des parties
conquises du territoire français,
et conservait le séquestre sur
leurs biens. Valencienncs se ren-
dit le 28 du même mois; la fortu-
ne couronnait de succès toutes
les opérations militaires du géné-
ral Cobourg; sa campagne n'avait
été qu'une suite d'événemens heu-
reux pour son armée : mais l'an-
née 1794 devait voir crouler ce
monstrueux colosse, et sa gloire
disparaître comme on vit s'éclip-
ser dans la suite celle de son digne
émule SoAvarow. Le 18 mai, le
prince de Cobourg perdit la ba-
taille de Turcoing, où Moreau
commandait l'armée française.
Les i6et 26 juin, le général Jour-
dan le battit complètement à Fleu-
rus, et principalement dans la
dernière journée. Le 2 octobre
suivant, le même général français
ayant remporté la victoire d'Al-
denhoveri, le prince de Cobourg,
après cette bataille, fut obligé de
quitter le commandement des ar-
mées combinées; il se retira dans
sa principauté, emportant les ma-
lédictions des pays qu'il avait vi-
sités, et le regret d'avoir vu tailler
en pièces jusqu'au dernier dragon
de son régiment. Après avoir sur-
vécu vingt années à sa jactance,
ù ses fureurs et à ses revers, le
prince de Cobourg est mort ou-
blié, dans le mois de février 18 1 5.
COBOURG -SAALFÈLD (Er-
WEST- Antottïe-Charies -Lons),
COB
dnc régnanf de Saxe, succes.^cur
et fils du précédent, né le 2 jan-
vier 1784, fit ses premières armes
en Russie, et passa au service
d'Autriche lors de la coalition des
puissances étrangères contre l'em-
pire français. Il commandait en
1814 le corps des Saxons qui s'é-
tait formé en Westphalie. Ce prin-
ce a voulu que sa part des contri-
butions levées sur la France , en
181 5, fut partagée entre ceux des
habilans de sa principauté qui
avaient le plus souffert du séjour
des Français dans ses états. Si cet-
te compensation a été ré[>artie san»
partialité, c'est un bel acte de jus-
tice.
COBOURG-COHARY (Ferdi-
nand-Georges-Ai guste, PRINCE DE
Saxe). Le nom de Cohary. ajouté
au nom de Cobourg, est celui d'un
magnat de Hongrie dont le prin-
ce Ferdinand Georges a épousé la
fille, et dont il doit être l'héritier,
soit dans ses biens, soit dans ses
dignités. Né le 28 mars 1785, frè-
re du précédent, et général au
service d'Autriche, le prince Co-
bourg-Cohary a fait la guerre de
181 5 contre la France; il y a
montré de la bravoure et de I3
générosité. A la demande du pré-
fet de la Nièvre, il empêcha le
désarmement de la garde natio-
nale de Nevers, et se conduisit
dans cette ville de manière à se
faire regretter.
COCHELET ( Charles ), fils
d'un député à l'assemblée consti-
tuante, né à Charleville, dépar-
ment des Ardennes, après avoir
été successivement payeur divi-
sionnaire en Espagne et en Por-
tugal, payeurdu département des
Deux -Sèvres, et enfin payeur-
coc
général, fut subitement déplacé
de la carrière où il avait servi ho-
norablement, tant aux armées que
dans l'intérieur, parPeftet des cir-
constances qui caractérisent les é-
vénemens de 1814. Il dut alors
opposer à la mauvaise fortime les
ressources qu'il trouva dans son
expérience et dans son caractère
personnel. Ses fonctions ne l'a-
vaient point enrichi. Le courage
et la jeunesse lui firent entrevoir
dans une expédition commercia-
le au Brésil, les chances d'un heu-
reux changement A sa position.
La pensée d'un exil de plusieurs
années ne l'ellraya point, el il par-
tit avec le projet de s'établir plan-
teur dans celle contrée lointaine,
qu'une révolution récente dans
.sa position |>olitique venait d'ou-
vrir à l'industrie européenne, et
notamment aux infortunes pri-
vées d'un grand nombre de nos
compatriotes. 11 s'embarqua sur
le brick /a Sophie; mais après a-
voir dépassé les Canaries, des
courans impétueux entraînèrent
le britiment sur les côtes inhos-
pitalières du désert de Sahara, où
il tomba au pouvoir d'un peuple
de sauvages mahométans, appelés
Oualdins. Ce naufrage eut lieu le
SotnaiiSiQ. M.CocheIctIiitvendu
comme esclave avec quatre de ses
malheureux compagnons, fit 1 5o
lieues dans le désert avec ses maî-
tres, qui étaient de la féroce nation
des maures Mouslcmines; el après
aroir supporté pendant cinq mois
toutes les souffrances de la mala-
die, et toutes les rigueurs d'un
esclavage que la haine du nom
cfirélien rcnditencore plus insup-
■Jwrtable, dut enfin à l'inlervcn-
1I0D de M. Kdouard Sourdeau ,
COC
45i
consul-général de France à Tan-
ger, et à l'entremise de M. Casac-
cia, agent français à Mogador ,
le bonheur inespéré de sa déli-
vrance. M. Charles Cochelet ren-
du à sa famille et ;\ ses compatrio-
tes . a satisfait pleinement à l'in»
térêt que son infortune leur avait
inspiré, en publiant la relation
de son naufrage et de son voyage
dans cette partie si peu connue
de l'Afrique. Cet ouvrage , écrit
d'un style clair, simple, rapi-
de, el publié sous la garantie
du caractère connu de M. Coche-
let , a pleinement rempli l'at-
tente du public; il est intitulé:
Naiifrage du brick français La
Sophie, perdu le 5o !n^li 1819, sur
la côte occidentale, d' Afrique ,
etc. (2 vol. in-8°, avec cartes et
gravures). La relation de M. Co-
chelet estentièreint'nt neuve souj
le rapport des détails relatifs aux
habitans et aux contrées; c'est
l'itinéraire de l'esclavage d'un
chrétien cher les Mahométans in-
dépendans, pour qui la puissan-
ce de l'empereur de Maroc est le
type et l'excès de la civilisation.
On peut juger de la condition
d'un Français de>enu esclave de
ces étranges sectaires de la liber-
té. En lisant cet intéressant ou-
vrage, la pensée se reporte natu-
rellement sur les Crées, sur ccf
esclaves nés du croissant, sui
les menaces sanglantes des pro-
clamations émanées du divan cl
de ses pénéraux , $ur l'imper-
turbable inaction des gouverne-
mens évang^sliques, i\ la vue du
massacre des chrétiens grecs; et
sur l'irlcnncevable doctrine de
l'inviolabiiilc du pouvoir, quand
mOme chacun des acte* de ce pou-
^jya
coc
voir serait un crime capital, pré-
vu par les codes de chacun des
gouvcrnemens de l'Europe. ïln-
fin on se rappelle avec douleur
queles Grecs n'obiiennent aucun
secours de cette religion à laquel-
le plusieurs étals semblent vou-
loir soumettre plus que jamais
leur morale politique !
COCHELET (Adrien-Locis),
frère du précédent, membre de
la légion-d'honneur, fut nommé,
en 1809, auditeur au conseil-d'é-
tat, et partit, peu de mois après,
pour "Vienne, d'où il fut envoyé
en mission à Trieste. Vers la fin de
la m«Ome année , nommé inten-
dant de Gorice, dans le Frioul
autrichien , il se concilia l'es-
time et la confiance de ses ad-
ministrés. En 181 1, il fut nommé
auditeur de 1" classe et désigné
pour assister aux séances, dites
impériales. En 1812, il fut atta-
ché à l'intendance - générale de
l'armée, et fut nommé, le 5 juillet,
intendant du gouvernement de
Bialysteck. Après avoir fait la fa-
tale retraite de Russie , il revint
à Paru, et fut de nouveau chargé
d'une mission à l'armée. Après
la bataille de Bautzen, il fut nom-
mé intendant des cercles de Lei-
gnitz et de Luben, dans la Silé-
sie prussienne. Cette mission fut
sans résultat : M. Cochelet dut
suivre le sort de la fortune de l'ar-
mée, et était porté sur l'état des
préfets de l'intérieur, quand la
présence de l'ennemi sur nos fron-
tières le rappela encore ù un ser-
vice actif. Par décret du 26 no-
vembre 18 1 5, il fut adjoint ù M.
le comte de Pontécoulant , com-
missaire extraordinaire dans la
24°"' division militaire. Celte
COC
mission fut la dernière de l'auto-
rité franraiî-e en Belgique , et y a
laissé des souvenirs que l'admi-
nistration de M. dcPontécoulantà
Brujkelles avait préparés autrefois.
En février 1S14, M. Cochelet, atta-
ché au quartier-général impérial,
fut employé activement dans lar-
rondisscmentde Nogent-sur-Sei-
nc. Après rétabh'ssemenl du gou-
vernement royal, qui prononça la
suppression des auditeurs du con-
seild'état, et en désigna 5o envi-
ron pour remplir les fonctions de
maîtres des requêtes, M. Coche-
let, ayant été éliminé de la car-
rière politique, rentra dans la vie
privée. En 181 &, Napoléon le rap-
pela au conseil-d'état, et le nom-
ma, par décret du 1 1 avril, pré-
fet du département de la Meuse.
IJepuis la 2"" reslauration, M. Co-
chelet n'a rempli aucune fonction
publique.
COCHET (André), et MARIE-^
ANNEou MARIETTE-COCHET,
sa nièce et sa femme. Lors des
troubles de Lyon en 181 j-, M.
Cochet , homme de loi dans cet-
te ville, fut arrêté lei 2 juin, com-
me l'un <les principaux chefs d'u-
ne prétendue conspiration, qui,
disait-on, Jurait dû éclater le 8
du même mois. Après trois mois
de détention au secret le plus ri-
goureux, il obtint la permission
de voir sa nièce, jeune personne
de 18 ans, à qui il avait servi de
père depuis son enfance; il lui fait
part de ses soufl'rances et du pro-
jet qu'il a formé de s'évader. M"*
Cochet promet de le seconder.
Sous le prétexte que sa grand'
mère est au lit de mort, elle ob-
tient du médecin, qu'elle trompe
lui-même, un certificat consta-
I
coc
tant l'état désespéré de la mala-
de, et munie de cette pièce, elle
va supplier le grand-prevôt de
permettre au prisonnier de se ren-
dre sous escorte chez sa mère;
le grand-prevôt refuse la grâce de-
mandée. Le maréchal Marniont ,
ducdellaguse, alors en mission
à Lyon, est moins insensible aux
instances de M'" Cochet; il lui
remet un ordre pour le grand-pre-
vôt; et bientôt le prisonnier, ac-
compagné d'un maréchal-des-lo-
gis et d'un gendajtne , se rend au
domicile de la malade. Pendant
qu'il est au chevet de son lit, où
il semble fondre en larmes, M"*
Cochet invite les deux gardiens à
prendre desrafraîchissemcns dans
une pièce voisine; ils cèdent aux
instances de cette jeune personne.
M. Cochet proOte d'un moment
favorable; il sort et monte dans
une chaise de poste qui l'atten-
dait à quelques pas de la mai-
son. Les gendarmes, s'apercevant
qu'ils ont été trompés, veulent
sortir, mais la porte est fermée à
double tour sur eux, et les fenê-
tres sont clouées. Ils dressent pro-
cès-verbal de l'évasion , et sont
traduits, avec M"' Cochet, qui
s'en déclare l'auteur et se consti-
tue prisonnière, au tribunal cor-
rectionnel, qui les condamne à
un an de détention. M"* Cochet,
considérée, par les juges, com-
me fille de détenu, est acquittée.
Hendue à la liberté, chaque jour,
pendant leur détention , elle a
prodigué aux gendarmes tous les
services et tous les secours quié-
taieut eo son pouvoir. £lle a é-
fiousé son oncle. Cette dame, née
e 21 vendémiaire an VI (1790)»
et dont le courage rappelle celui
COC
4^5
de l'héroïque et infortunée épou-
se du comte de Lavaletle , a en-
core droit, comme artiste, à une
honorable mention dans cet ou-
vrage. Au mois d'août 1819, elle
a fait exposer dans la salle de la
société d'émulation de Liège, au
profil de la caisse de l'enseigne-
ment mutuel de cette ville, un
talileau dont les dimensions sont
de deux mètres de longueur sur
un mètre et demi de hauteur , et
dans lequel elle a rendu par le
tricot en perles d'émail de cou-
leur et (T aciev, /'en trev uc des em-
pereurs Aapoléon et Alexandre
sur le N iémen , entrevue qui eut
lieu le 25 juin 1807. L'artiste a
résolu un problème dans les arts,
celui d'offrir, par l'emploi de plu-
sieurs millions de perles de diffé-
rentes couleurs, un fait histori-
que , avec autant de vérité et plus
de brillant que n'auraient pu le fai-
re les pinceaux du maître le plus
exercé. Les deux guerriers sont
debout devant une tente, et sur
un tapis portant les emblèmes et
les couleurs du gouvernementim-
périal de France. Les deux bar-
ques sur lesquelles ils sont venus,
s'éloignent par respect pour le
secret de la conférence. Un gre-
nadier français est en factioD
sur l'un des bords du fleuve. Une
carte géographique , posée sur
une table dans l'intérieur de la
tente, désigne l'objet de la con-
férence pour la fixation des limi-
tes. Un berger, tranquille auprès
de son troupeau, est la pieuve
que les douceurs de la paix vont
bientôt succéder aux troubles de
de la guerre. On admire particu-
lièrement dans les détails du pay-
sage uu arbre dout le feuillage
454
CGC
serait inimitable pour le pinceau.
Il est vraiïseniblablc que ce ta-
bleau, dont les journaux étran-
gers Ibnt le plus grand éloge . a
été exécuté d'après celui qui fut
exposé au Musée du Louvre en
i8io.
COCHIN (Charles-Nicolas),
dessinateur et graveur, naquit A
Pari», en 17 1 5, d'une iamille de
graveurs estimés. Il fut élève de
son père, et comme lui membre
de 1 académie de peinture, dont
il devint , en 1765, secrétaire-
historiographe; dès 1752, il avait
succédé à Coypel dans l'emploi
de garde des dessins du cabinet
du roi. Louis XV, qui estimait
ses talens et ses connaissances va-
riés dans les beaux-arts, lui ac-
corda des lettres de noblesse, le
décora du cordon de Saint-Mi-
chel, lui lit unepension, etie nom-
ma à la place de dessinateur-gra-
veur des menus-plaisirs. L'œuvre
de Cochin se compose de plus
de quinze cents pièces; presque
toutes ses gravures sont à l'eau-
forte , genre plus conforme à la
fécondilé de son génie, et à une
très-grande vivacité dans l'exé-
cution. Les compositions de cet
artiste, auquel on reproche un
peu d'uniformité et de lourdeur
dans les figures, sont générale-
ment riches, faciles, et décèlent
l'homme qui a de l'instruction et
du goût. En effet, Cochin s'était
perfectionné sous le beau ciel de
l'Italie, en accompagnant, en
1749, M. de Vandières, désigné
directeur- général des bâtimens
du roi; ce voyage dura deux ans.
On cite de ce graveur célèbre la
mort d'IIippolitf, d'après Detroy ;
David jouant de la harpe devant
COG
SaiU, Lyciirgue blessé dans une
ièdition , les figurts de Boileau»
celles de la férusalem délivrée,
pour l'édition de Moksieuh. Il a
presque entièrement r-cfait les
dessins des Si ize grandes batail-
les de la ClUne , et a gravé avec
Lebas seize ports de France
(quinze d'après Vernet, et le sei-
zième d'après ses propresdessins).
Prévôt a gravé, d'après les des-
sins de Cochin , les figurts de
l'histoire de France du président
Hénauit . et M. Ponce la suite
des quarante-six figures in-4'' de
l'yJrioste, pour la traduction de
Dussieux. Cochin a aussi cultivé
les lettres sons le rapport de son
art, et on lui doit entre autres
ouvrages: 1° Observations sur, les
antiquités d' Hcrcuianum ^ '75i;
3" Voyage pittoresque d'Itaiiej
o vol. in-8", 1756, 5"" édition,
Lausanne, ï773; â" Lettres sur
les vie." de Siodts et de Deshayes^
in- 12, 17G5; L\° Projet d'une salle
de spectacle ; 5" un grand nom-
bre de mémoires lus k l'académie
de peinture. La bibliothèque du
roi possède un manuscrit in-4",
de 5oo pages, écrit en entier de
la main de Cochin, et où Ion
trouve des notes curieuses sur
les plus célèbres artistes de son
temps. Cochin était tle la société
de M"* Geoffrin, dont il concou-
rait à embellir les réunions par
son esprit di'^tingué et par l'amé-
nité de ses mœurs. Il avait une
loyauté rare : nous en citerons
un seul exemple : Un de ses jeu-
nes confrères, M. Ponce, lui de-
manda 5o dessins, et le prix en
fut fixé d'un commun accord à
230 louis. En remettant le pre-
mier dessin à M. Ponce, Cochin
coc
lui dit : « Je vous ai pris trop cher;
M vous êtes un jeune homme qui
» commencez; je ne vous pren-
» (Irai que i5o louis, u Ce trait plein
de délicatesse, et les excellens
conseils de Cochin, lièrent de la
plus tendre amitié l'artiste géné-
reux et savant, et le jeune artiste
qui, à son tour, a acquis par ses
lalens et sa probité une honora-
ble répulatiuo. Cochin mourut le
a(J avril 1790.
COCHOiN (Charles), comtede
l'Apparent, né, en janvier 1700,
dans le département de la Vendée,
était conseiller au présidial de
Fonlenai, à l'époque de la révo-
lution. 11 fkit nommé, en 1789,
député du tiers -état de la séné-
chaussée du Poitou, aux étals-gé-
néraux, en remplacement de M.
Thibaud, qui avait refusé cette
mission. U se distingua dès lors
par la sagesse de ses principes et
par son amour pour les libertés
publiques. £n iy*)2, nommé, par
le département des Deux-Sèvres,
député à la conventionnalionale,
il y vota la mort de Louis XVI,
sans restriction. II remplaça à
l'armée du Nord les commissai-
res livrés au prince Cobuurg par
DumourieK, annonça la défection
de ce général, et prit des mesures
eflicaces pour empêcher qu'un
plus grajid nombre de soldats
n'imitât la trahison de son chef.
M. Cochon se renferma dans Va-
lenciennes lorsque les Autrichiens
assiégèrent cette ville ; après s'ê-
tre viverucntct vainement opposé
à toute capitulation, il fut obligé
d'en sortiravcc la garnison, le 1"
août 1793. De retour à la conven-
tion, il y défendit le général Fé-
rand, et prétendit que les habitan«
COC
455
de Valenciennes et les troupes de
ligne pouvaient être coupables
d'intelligence avec les ennemis,
mais que les v olontaires nati«)naux
et leurs dignes commandans s'é-
taient conduits en héros. Au mois
de septembre 17941 M. Cochon fut
nommé membre du comité de
salut public de la convention na-
tionale, et s'y occupa beaucoup
des opérations militaires et du
personnel des états-majors. Les
généraux Moulins, Dumas et Can-
claux lui durent leur nomination
de généraux en chef des armées
des Alpes, de Brest et de l'Ouest.
Il fut encore chargé d'une mis-
sion en Hollande au mois de jan-
vier 179J, et le 28 octobre de la
même année il prit place au con-
seil des anciens. Au mois d'avril
suivant il remplaça M. Merlin au
ministère delà polict «générale; et
pendant les quinze mois qu'il
exerça cet emploi, il y rendit
des services essentiels. La cons-
piration du camp de Crénelle,
celle de La Villeheurnois, Brol-
lier et complices, furent décou-
vertes par ses soins, et dénon-
cées par lui au directoire et au
conseil des cinq -cents : la pre-
mière, en septembre i 79G; et la
seconde, au mois de janvier sui-
vant. M. Cochon, zélé républi-
cain et de très-bonne foi, donnait
sans cesse des preuves de son at-
tachement au gouvernement qui
l'avait mis en place; mjisle soup-
çonneux et versatile directoire ne
crut pas ou teignit de ne pas croi-
re aux protestations de son minis-
tre de la police, et lui donna un
successeur, le G juillet 1797- Ufut
compris, au 18 fructidor, dans la
liste des proscrits, et envoyé ù
456 COC
l'île d'OIeion ; la journée du i8
brumaire le lira de son exil, et
en 1800 le prenriier consul le
nomma préfet du département
do la Vienne. Après un séjour de
plus de quatre ans à Poitiers, M.
Cochon passa à la préfecture d'An-
vers (déj>artemeul des Dcux-Né-
ihes), et là, comme durant sa pre-
mière administration , gagna l'esti-
me et la bien veiHance de ses admi-
nistrés. 11 quitta ce département
pour entrer au sénat-conservateur,
dont l'empereur le nomma mem-
bre le 28 mars i8og. 11 fut envoyé
a Périgueuxdans les derniers jours
de i8i3, afin d'y relever Icsprit
public en faveur du gouverne-
ment impérial; il fit tous ses ef-
forts pour y organiser les moyens
de défendre l'indépendance na-
tionale, et ne revint à Paris qu'à
l'époque où la cause qu'il soute-
nait fut désespérée. Le premier
retour du roi priva M. Cochon
de toutes fonctions publiques.
Nommé, pendant les cent jours ,
préfet du département de la Sei-
ne-Inférieure, il s'est encore trou-
vé sans emploi au second retour;
et compris dans les dispositions
de la loi d'amnistie du 12 jan-
vier 1816, il a (\(\ quitter la Fran-
ce, et s'est fixé à Louvain dans
le royaume des Pays - Bas. M.
Cochon s'est montré, dans ses di-
verses fonctions administratives,
homme de talent et bon Français.
Il est membre de la légion-d'hon-
neur, et a été créé comte de l'em-
pire par Napoléon.
COCHRANE (lord Arciiibald),
comte de Dundonald, chef de la
maison des Cochrane, naquit,
en 1744» d'une famille peu for-
tunée qui se nommait originaire-
COC
ment Blair. Il s'embarqua- com-
me volontaire de la marine, fit
un voyage eu Afrique, revint en
Angleterre, et s'adonna à la chi-
mie. Après avoir fait différens es-
sais pour la composition des ver-
nis, des goudrons, et d'autres en-
duits nécessaires à la conservation
des vaisseaux, il fit uii traité sur
l'analogie qui existe entre l'agri-
culture et la chimie, 1 vol. in-4%
1 795 ; et publia . quatre années a-
près , un ouvrage intitulé : Prin-
cipes de la chimie appliqués au
perfectionnement de l'agricultu-
re pratique, in-4*.
COCIIRAINE ( SIR Alexattdbe-
FoNESTER ) , frère du précédent ,
né en 1748, fut nommé capitaine
de vaisseau, en 1782, après avoir
passé par les grades d'aspirant et
de lieutenant. En 1 800, il fit cam-
pagne avec l'amiral Keith, et res-
ta sous ses ordres jusqu'en 1804.
Devenu contre-amiral à cette é-
poque, il monta /e Neptune de 74
canons, et passa, en 1806, sur
le NortUumberland. Il était au
combat livré le 6 février de la
même année, dans la baie de
Santo-Domingo, lorsque les An-
glais , en nombre supérieur de
vaisseaux, détruisirent la flotte
du contre - amiral Leissègues.
C'est ce même amiral Cochrane
qui a soumis les îles danoises,
pris et incendié Washington, et
qui a fait si bravement, en 181 5,
tant d'autres expéditions de ce
genre , dans la Louisiane et la
N'ouvelle-Orléans. Sir Alexandre
Cochrane est contre- amiral du
Pavillon rouge , et grand'croix de
l'ordre du Bain.
COCHRANE (Alexandre,
jlord) , fils aîné d'Archibald , élè-
coc
ve et neveu du précédent, naquit
en décembre 1775. 11 entra de
bonne heure dans la marine, et
n'avait que aS ans lorsqu'il i'ut
fait capitaine de frégate. Marchant
sur les traces de son oncle, il fut
plu? destructeur que brave ; il é-
tait l'un des chefs et l'exécuteur
de l'épou van lubie machine infer-
nale de l'île d'Aix, du 12 avril
1809. Quinze cents barils de
poudre , J^oo bombes chargées
de fusées à la Congrève, et plus
de 5ooo grenades , furent em-
ployés à cet horrible artifice. Ja-
mais explosion n'avait été aussi
terrible , et jamais tant de bruit
ne fit si peu d'effet; lord Cochra-
ne voulait incendier d'un seul
coup la flotte française, et son but
fut manqué. Alors l'am rai Gam-
bier, qui commandait l'escadre
anglaise, donna l'ordre d'attaquer;
lord Cochrane regagna son bord,
furieux d'avoir vu son projet ré-
duit en fumée; il lança des Con-
grèves sur les vaisseaux français,
et parvint à en brûler trois. Cette
victoire fut célébrée , à Londres,
d'une manière éclatante; le cou-
rage de Cochrane et le génie de
Congrève étaient élevés jusqu'aux
nues, et le gouvernement, pour
récompenser dignement lord A-
lexandre, le nomma chevalier du
Bain. Élu précédemment membre
de la chambre des commune» par
la citédeAVestminster, il n'y avait
.fait aucuns discours, ni aucune»
motion^ remarquables; les dis-
cussions parl<;menlaire» n'étaient
point assez bruyantes pour le fut'
minant lord Cochrane.
COCHKANK 'TuoMAs. dit
lord), de la même famille que les
précédons, n'a guère de resscm-
COC
437
blance avec eux que le nom. Ca-
pitaine de vaisseau , chevalier du
Bain et membre du parlement, ri
se disposait à s'embarquer sur le
Tonnant, lorsqu'il fut arrêté et
traduit devant !a cour du banc du
roi. Il était accusé d'avoir répan-
du de fausses nouvelles, en an-
nonçant de grandes victoires rem-
portées sur Napolécn par les ar-
mées coalisées ; ce bruit a3'ant fait
hausser les fonds à la bourse, il
en avait vendu une quantité con-
sidérable achetée la veille à très-
bas prix. Les ruses employées par
le noble lord, pour obtenir le ré-
sultat qu'il en espérait , ayant été
couronnées du succès, furent ju-
gées criminelles, et il fut con-
damné à un emprisonnement d'un
an, ù l'exposition publique au^u-
lori , pendant une heure sur la
place de la bourse, et à 1000 li-
vres sterling d'amende. Le roi lui
fit grflce de l'exposition, mais il
n'en fut pas moins dégradé de sa
qualité de chevalier et chassé du
parlement. llk)arvint à s'échap-
per de sa prison, au mois de mars
iSi.*), sans avoir payé l'amende.
La ville de AVestminster ne ju-
geant lord Thomas que sous le
rapport de sesopinionset ntm sous
celui de son prétendu crime, le
renomma son représentant au
parlement. Il se rendait à la cham-
bre des communes, six jours a-
près son éva:<lon, lorsqu'il fut ar-
rêté de nouveau cl traduit aux as-
sises de Guilfort, au mois d'août
1816. Sir Frîmcis Burdett, son
eollègue , l'accompagnait. Lord
(Cochrane fut condamné, et les
jurés l'ayant recommandé i la
vlrniencK ra^'Ulc ; « Jo demande
"justice, et non pa^ gr^ce> ïeiu
458
coc
dit-il. n Assigné à comparaître en-
core devant ta cour du bunc du
roi, et condamné une seconde
fois à une amende qu'il ne put ou
ne voulut pas payer, on le con-
duisit en prison. (Jette amende
lut néanmoins payée par le pro-
duit d'une souscription où cha-
que contribuable ne pouvait pas
apporter plus de a pences (2 sols).
Fatigué du régime constitution-
nel de l'Angleterre, lord Cochra-
ne est allé chercher en Amérique
la liberté qu'il paraît tant aimer.
Ily sert la cause des indépen dans,
de sa bourse, de son épée et de
ses conseils.
GOCKBLRN (sir Georges), a-
miral anglais. Le nom d'Érostrate
est parvenu jusqu'à nous ; celui
de Georges Cockburn arrivera
de même aux générations futures,
qui, sans doute, n'apprendront
pas sans horreur que , dans la i4°"
année du h)™' siéck , cet amiral
anglais incendia Its principaux é-
difices de la ville de Washington, et
notamment la hiùliotiu'qut du con-
grès des Étals-L'uis d'Amérique.
Sir Georges Cockburn n'était pas
seul dans celte déplorable expédi-
tion :ila.vait pour conipagnon d'ar-
mes un antre sir anglais , Alexan-
dre Fones^^TlCochvane (yqyer son
nom). Sir Georges a un titre plus
honorable à la célébrité : c'est ce-
lui d'avoir commandé le vaisseau
qui porta Napoléon à Sainte-Hé-
lène, et de n'avoir point exagéré,
commesirHudson I^ovve.lerôle o-
dieuxet cruel de geôlier. Sir Geor-
ges Cockburn a publié la relation
de son voyage à Sainte-Hélène.
CODRIRA (Panagiows), né à
Athènes, vint à Paris vers l'an-
née 1800, avec le titre de secré-
coc
taire-interprète de la légation ot-
tomane. Quoique rappelé par sa
cour, il resta à Paris et reçut du
gouvernement français une pen-
sion de 6,000 francs, qui lui a été
continuée. M. Codrika est connu
par une traduction en grec mo-
derne des Moriclfs de Fonlenel-
le (Vienne, 1794); par des Ub.'er-
valions sur l'opinion de quelques
helltnistes , touchant le grec mo-
derne (in-S", i8o5), et de» Ob-
sen>ations sur le Voyage en Grè-
ce de Bartkoldy (insérées dans le
Magasin encyciopédiqiit^. Mais
M. Codrika est plus connu enco-
re par son inconcevable persévé-
rance à attaquer le savant et res-
peclacle M. Coray (yo^ezCoRAv),
qui jouit en France, comme par-
mi ses compatriotes, d'une esti-
me bien méritée. M. Codrika a
publié contre M. Coray plu-
sieurs pamphlets, où il cherche à
prouver que iM. Coray ne sait pas
sa langue, et que ses opinions
sont celles d'un jacobin. Mais
l'ouvrage dans lequel M. Coray
est le plus violemment maltraité
a pour titre : Eliuie du dialecte
commun de la langue grecque,
écrit en grec moderne et dédié à
l'empereur Alexandre (un gros
vol. in-S", 181H). Dans cet ou-
vrage M. Codrika ne se contente
pas de donner à M. Coray le titre
de jacobin, et le titre non moins
insultant de philosophe, il l'ap-
pelle encore apostat, hérésiarque,
et le compare à Arius. Cette dis-
position passionnée lui a porté
malheur dans la composition de
son ouvrage, que ses compatrio-
tes lettrés ont jugé un fatras pé-
danlesque, une compilation sans
ordre, écrite dans un slyle guin-
COE
dé et déclamatoire. Parmi ces ju-
ges nationaux on remarque les é-
diteurs du Mercure ^rtc , de I' V-
btiite grecque , et l'auteur d'un
excellent mémoire sur les difle-
rens peuples de la Turquie d'Eu-
rope (inséré dans les Annales des
Voyages de M. Eyriès, cahieis
de 1820). M. Codrika s'est fait
le principal collaborateur d'une
feuille publique (la Calliopc), é-
criiftcngrec moderne, et publiée
à Vienne en Autriche, so^us les
auspices des aniis de la sublime
Porte. Daas un des cahiers de
i8i<), il a eu l'inexcusable tort
d'outrager la nation grecque en
général, d'insulter M. Coray en
particulier, et d'avancer que « la
n SOCIÉTÉ PHILANTHROPIQUE fie Pu-
nris est un club démagogique qui
wa pour caractère la fureur, et
npour résultat le désordre »
Il est aj'Sez singulier que IVl. Co-
drika, qui habite Paris depuis
1800, ne connaisse pas mieux u-
ne société uniquement consacrée
à la bienfaisance, ime société-mè-
re de toutes les sociétés de chari-
té de la France.
COEHORN (Loris- Jacques,
BAR05 i)e) , général de brigade,
commandant de la légion-d hon-
neur, et commandant de l'ordre
royal militaire de Bavière, naquit
à Strasbourg le i3 janvier 1771.
11 entra an service, en 1^85, et
fut nommé sous-lieutenant l'an-
née suivante. Coehorn , l'un des
plus intrépides soldats de l'armée
française, officier à i5 ans, aurait
dA sans doute parvenir aux gra-
des les plus élevés; mais plus
jaloux de sa gloire que de sa for-
tune, ce brave savait mériter de»
récompenses ; et ne connaissait
COE 459
guère les moyens de les obtenir.
Il était lieutenant au commence-
ment de la révolution. On ne se
battait point encore en Europe ; il
permuta avec un ollicier de son
régiment, pour aller faire dans
la Guiane les campagnes de 179a
et 1795. Le relâchement de la
discipline, pour laquelle il s'est
montré constamment sévère, ex-
cita son indignation ; il s'éleva
contre les agitateurs, qui le tirent
destituer. IVenvoyé en France,
Coehorn ne s'amusa point à per-
dre le temps en vaines réclama-
lions; à son arrivée k Brest il alla
rejoindre l'armée des côtes de
l'Ouest, où il servit pendant six
mois comme simple volontaire.
Tant d'héroïsme ne pouvait être
méconnu : le génénd en chef Ho-
che fit réintégrer Coehorn dans
son grade de capitaine, et l'emr
ploya comme adjoint aux adju-
dans-généraux. Il passa l'année
suivante, en l'an 5, à l'armée de
Rhin-et-Moselle, à celle du Rhin
en l'an 4^ et il trouva les occa-
sions de se distinguer daiis toutes
les affaires de cette campagne dif-
ficile. Coehornavait reçu un sabre
d'honneur dvi général i\loreau ;
en Tan 5, il fut nommé chef de
bataillon, elpassa en l'an 0 à l'ar-
mée de8c«')tes de Cherbourg, com-
me aidf-de-camp du général De-
cacn, qu'il suivit en l'an 7a l'armée
<lu Danube. Il se fit remarquer
dans cette campagne à l'aflaire
d'Osterach, où il sauva un batail-
lon et une compagnie de dragons,
et se signala le 5 germinal à celle de
Le|>hingen , où il fut grièvement
blessé. Nommé chef de brigade
et adjudant général le 5 fructidor,
il fut chargé du couiiuandcment
46o
COE
de la ligne «lu Rhin dopui;» Slras-
bouri; jusqu'à New-Iirisack. Dans
la campagne de l'an 8, il com-
manda l'avant-garde de la divi-
sion Dclma.'*, rendit des services
importans, à Engen, i\ Mocskirch,
à Néresheim, où il culbuta la
nombreuse cavalerie autrichien-
ne; enfin à Neubourg, où il sau-
va la division Monlrichard. En
i8o5, une nouvelle coalition se
forma contre la France; Coehorn,
dèsl'ouverlure de la campagne, à
Nied, fit prisonnier un officier et
60 Russes avec 4 chasseurs seu-
lement. A Lambach, il coupa Ip
retraite à deux bataillons autri-
chiens, et servit utilement à Aus-
terlitz le général commandant la
division dont il faisait partie. De
simples blessures ne suffisaient
point pour faire abandonner à
Coehorn le champ de bataille : à
léna, il en reçut plusieurs sans le
quitter ; mais une balle qui l'attei-
gnit au front à l'affaire du i3 dé-
cembre, le contraignit à se retirer,
et à prendre quelque repos. Nom-
mé le 21 mars 1807 général, avec
le commandement d'une brigade
de grenadiers et voltigeurs réu-
nis, il se montra digne de com-
mander ces premiers soldats du
monde, à l'affaire du 5 mai et de
Friedland. La paix de Tilsitt don-
na peu de repos à ces braves;
bientôt ils marchèrent contre l'Au-
triche, qui venait de déclarer la
guerre la plus injuste à la France,
Coehorn s'immortalisa le 5 mai
1809 à l'affaire d'Ébersberg, où, à
la tête de sa brigade , il força le
passage de la Traun, défendu par
40,000 Autrichiens. Sur le champ
de bataille même, l'empereur lui
dit ces paroles flatteuses : « Ce
COE
>;p.i>.-,itg(; vaut celui du pont de
» Lodi. "Le héros d'Ébersberg ren-
dit des services importans aux ba-
tailles d'Esling et de Wagram.
C'est le lendemain de celle jour-
née mémorable que, pour exciter
dans le cœur de son fils les nobles
seulimens qui l'animaient, il écri-
vait : «Dites- lui que les soldats
«français sont les plus braves de
«l'univers. » A peine cette campa-
gne terminée , le général Coe-
horn partit pour l'Espagne; mais
sa santé, affaiblie par les fatigues
et par de nombreuses blessures,
ne lui permit pas d'aller au-delà
de Pampelune. Il revint en Fran-
ce, où les douleurs les plus cui-
santes le contraignirent de sé-
journer pendant les années 1811
et 1812; mais en i8i5 il n'écouta
que les dangers de la patrie, alla
rejoindre à Erfurt l'empereur, qui
l'accueillit avec toute la distinc-
tion que méritait sa bravoure, et
lui donna le commandemeut des
troupes de la marine , qu'il diri-
gea à la bataille de Lulzen. A Baul-
zen, il fit des prodiges avec une
brigade de jeunes soldats, et reçut
deux blessures sans ne s'éloigner
du champ de bataille que le
temps nécessaire pour les panser.
A Leipsick, l'intrépide Coehorn,
dont le courage s'était accru avec
les périls, étonnait ceux qui le
connaissaient le mieux, lorsque,
vers la fin de la bataille, il fut
frappé d'un boulet qui lui fracas-
sa la jambe. Coehorn ne désirait
point survivre à la gloire des ar-
mes françaises. Il supporta l'am-
putation avec fermeté, quoique
avec répugnance; sa plaie fut mê-
me jugée très-belle quelques jours
après l'opération : mais ce n'était
COF
point là qu'il avait reçu le coup
mortel; il prévoyait tous les maux
qui allaient accabler la France;
son cœur en était déchiré; et l'a-
mour de la patrie, plus que le fer
de l'ennemi, termina une vie en-
tièrement consacrée à la gloire,
le 29 octobre 181 5.
C'OFFIMl AL (Jean-Baptiste),
naquit à Anrillac, département du
Cantal, le' 1" avril l';l^Cy. Il avait
d'abord embrassé la profession de
médecin: il l'abandonna pour la
jurisprudence, et il était homme
de loi à Paris lorsqu'il fut nom-
mé vice-président du tribunal ré-
volutionnaire créé le 11 mars 1793.
Ce juge redoutable et cruel possé-
dait la force et le regard d'un lion;
il avait une haute stature, le carac-
tère atrabilaire, les sourcils larges
et noirs, et ne riait jamais, pas
même quand il prononçait quel-
que sentence de mort; cependant
il était rare alors qu'il n'adressât
pas au condamné une plaisante-
rie ou un sarcasme accompagné
d'un regard ironique. Le savant
Lavoisier, condamné à mort, im-
plore un sursis de quinze jours
pour terminer un ouvrage pré-
cieux : le président Collinhal le
lui refuse, en disant que la n'pu-
blique n'a plus besoin de sa%>ans
ni de chimistes .{^Q trait, suffît pour
peindre cet homme épouvanta-
blement célèbre. Mis hors la loi
au 9 thermidor, et se trouvant en-
fermé à l'Hôtel de-Ville avec Hen-
riot, commandant de la garde na-
tionale, il eut dispute avec lui, et
le jeta par les fenêtres. Collinhal
parvint à s'échapper d'entre les
uns des soldats envoyés contre
conjurés; il trouva un refuge
dans l'île de« Cygnes; mais il n'y
COF
40 1
trouva pas de pain. Après avoir
passé deux jours sans manger, il
en sortit tombant d'inanition, et
prit le parti de s'adresser A un
homme qu'il supposait son ami.
parce que, dans d'autres temps,
il l'avait obligé. L'ingrat citoyen,
au lieu de secourir CofiTuihal , le
livra à la justice. Conduit ;\ la
Conciergerie, le tribunal criminel
ordinaire reconnut l'identité de la
personne, prononça la condam-
nation à mort, ou plutôt confir-
ma le mis hors la loi, et Coffin-
hal fut conduit A l'éch.ifaud. Il y
alla avec une impassibilité et une
espèce de stoi'cisme qui prove-
naient peut-être de l'anéantisse-
ment auquel le malaise et la faim,
qu'il avait soufferts pendant deux
jours, avaient réduit ses facultés
physiques.
COFFINIIAL-DUNOYER (Jo-
seph, baron), est autorisé, par
une ordonnance royale, à ne plus
porter le nom de C'o^mAa/, et à
ne conserver, par conséquent,
que celui de Dunqyer, ce qui
prouve que , quoique frère du
précédent, il n'a partagé ni ses
erreurs ni ses crimes. Né à Au-
rillac, le 11 février 1757, il em-
brassa avec sagesse les principes
de la révolution. Il se livra à l'é-
tude des lois, et fut nommé juge
à la cour de cassation, lors de la
création de ce tribunal. M. Cof-
finhal a toujours joui de la con-
sidération et de l'estime des gens
de bien : l'empereur Napoléon lui
a donné différentes preuves de
sa confiance; il l'a nommé plu-
sieurs fois président du collège
électoral du département du Can-
tal, et l'avait chargé de l'orgi-
nisation de la justice et des tri-
46a
COI
bunaux, dans les Provinces llly-
riennes. Satisfait de la manière
dont M. Coffinhal-Dunoyer avait
rempli cette mission, l'empereur
le créa, au commencement de
i8i3, baron et maître des requê-
tes. Louis XVIIIlui a conservé ses
honneurs et ses places.
COFFINIÈttES (A. S. G.) est
inscrit sur le tableau des avocats
à la cour royale de Paris depuis
1806. Il avait publié Tannée au-
paravant : l' Analyse des ISovel-
les de L'empereur Justinien , con-
Jérées avec l'ancien droit fran-
çais et le code Napoléon. M. Cof-
finières a donné ensuite, le Code
jSapoLéon, expliqué par les dé-
cisions suprêmes de la cour de
cassation et du conseil-d'état,
1809, in -8'; il est auteur du Four'
nal des avoués, (\maii^diTu deiSio
à i8i4- On lui doit encore l'édi-
tion du Code Napoléon, confor-
me aux changemens adoptés par
le corps -législatif, 1811; la Ju-
Hsprudence des cours souverai-
nes sur la procédure, 1812, 5
vol. in-S"; et enfin, Bonaparte
peint par lui-même,, dans sa car-
rière militaire etpolitique, 1 vol.
in-8% 181 5.
COIGNY (le duc de), nommé
maréchal de France au mois de
juillet 1816, est mort à Paris au
mois de juillet 1821. Destiné à
suivre la carrière militaire, il
y entra fort jeune; fut mcstre-
de-camp de cavalerie dans les
guerres d'Hanovre; et se rangea
.du côté de la minorité aux états-
généraux de 1789, où il fut dépu-
té par la noblesse de Caen. Abso-
lument opposé au nouvel ordre
de choses, le duc de Coigny émi-
gra en 1792, servit dans l'armée
COL
des princes contre la France, et
passa ensuite en Portugal, où il
parvint au grade de capitaine-gé-
néral; il suivit Louis XVIII lors
de sa rentrée en 1814, et S. M.
le nomma immédiatement gou-
verneur de l'hôtel des Invalides,
et membre de la chambre des
pairs. Il a été remplacé aux Inva-
lides par le général Latour-Mau-
bourg.
COLAUD (le comte), fils d'un
négociant de Briançon, départe-
ment des Hautes -Alpes, naquit
dans cette ville en 1 754. Entré de
bonne heure dans l'état militaire,
il était lieutenant au régiment
des chasseurs à cheval d'Alsace
à l'époque de la révolution. Ses
talens et sa bravoure relevèrent
bientôt, et de grade en grade, jus-
qu'à celui de général de division.
Sa carrière militaire a été brillan-
te comme celle du plus grand
nombre des généraux français. Il
se distingua à Dunkerque contre
les Anglais, puis à l'armée du
Rhin, sous les ordres du général
Jourdan, et il donna des preuves
réitérées de sa valeur à Altenkir-
chen et à Friedberg. Nommé com-
mandant de la Belgique en 1798,
le général Colaud sut apaiser par
sa conduite sage l'insurrection qui
venait d'éclater parmi les habitans
de ce pays nouvellement réuni à
la république française. Le pre-
mier consul reconnut ses services
en l'appelantau sénat le i3 février
1801; et lorsqu'au mois de novem-
bre i8o5, ce premier corps de
l'état fit une adresse à Napoléon
pour le complimenter sur ses vic-
toires, le sénateur Colaud fut l'un
des membres de la députation
chargée d'exprimer à l'empereur
COL
l'admiration et la reconnaissance
des Français. Le général Colaud
quitta la toge sénatoriale en 1806
pourreprendreson épéo, et cueil-
lit de nouveaux lauriers dans cet-
te campagne contre les Russes et
les Prussiens. Après a voir été gou-
Terneur-général des états de Ha-
novre, et commandant de la pre-
mière légion de réserve de l'inté-
rieur, le comte Colaud rentra au
sénat. Il y rota la déchéance de
Napoléon en 1814. fut créé pair
par Louis XVIII au mois de juin
de la nuMne année, et demeura
ignoré pendant les renl /ours. Ken-
tré à la chambre des pairs au se-
cond retour du roi, il y plaida la
cause du marédial Ney avec l'é-
loquence entraînante et persuasi-
ve d'une âme noble et généreuse.
Cette belle action du général com-
te Colaud est sans doute la plus
glorieuse de sa vie, qu'il a termi-
née à Paris le 3 décembre i8i().
Il était grand-offîcier de la légion-
d'honneur et chevalier de Saint-
Louis.
COLALD DE LA SALCETTK
(JACQrEs Bernardin), cousin-ger-
main du précédent, naquitàBrian-
çon en 1733. Chanoine de la ca-
thédrale de Die, en Dauphiné, le
clergé de cette province le nom-
ma député aux états-généraux de
1789. Son patriotisme se mani-
festa dès l'otivertiire de cette as-
semblée , où il s'empressa de de-
mander la réimion de son ordre à
celui du tiers-état. Le départe-
ment de la Drôme, qui n'av'ait
point oublié le bon (;lianoine de
Die, l'ayant choisi pour l'un de se?
représentans à la convention na-
, tîonale, Colaud - de - La - Salcctte
Itoulut s'abstenir de voter dans le
COL
463
procès de Louis XVI. Forcé par
les circonstances et par son man-
dat d'émettre son vœu, il opina
pour la détention jusqu'à la paix,
le bannissement ensuite, et la
mort, en cas d'invasion. Le dé-
partement desHautesAlpes, dans
lequel était néColaud-de-La-Sal-
cette, voulut lui donner une preu-
ve de son estime en le nommant
au conseil des cmq-cents. Il sié-
geait dans cette assemblée en
1 796, et mourut, la même année,
frappé d'apoplexie.
COLAUD-DE-LA-SALCETTE
(Joseph-Clacde-Locis) , né àGre-
noble,le 29 décembre 1768, était
conseiller au parlement du Dau-
phiné à l'époque de la révolution.
Neveu des deux précédons, et fil*
d'un avocat- général estimé dans
sa provitjce, M. de La Salcette
semblait devoir être à l'abri des
orages révolutionnaires; cepen-
dant il ne les évita que par de
grands sacrifices. Ami sincère du
nouvel ordre de choses, certains
hommes de 1792 ne croyaient
pas ou feignaient de ne pas croire
qu'un ancien membre du parle-
ment de Grenoble pOt être un
patriote de bonne foi. Le 18 bru-
maire vint tirer M. de La Salcet-
te d'une pénible obscurité. Il
obtint la permission de suivre ,
comme amatvnr, la députation
du département de l'Isère qui
venait complimenter le premier
consul. Admis à l'audience, et
confondu avec le>« députés, Bo-
naparte le reconnut, à cause de sa
ressemblance avec le général La
Salcette son frère ; et sans autres
iulormalions, il le nomma préfet
du département de la Creuse. Ad*
ininislratenr aussi intègre qu'é-
464 COL
claire, M. de La Salcelto demeura
cinq années à Guérct. Il fut vive-
ment regretté de ses administrés
lorsqu'il passa au corps -législatif
en 1807. Réélu en i8i5, il quitta
la carrière politique à la restau-
ration, pour retourner dans la
modeste maison de campagne
qu'il possède sur les bords du
Drac , campagne précieuse et so-
litaire, conservatrice de ses jours
durant l'époque terrible où la ter«
reur vint ensanglanter la révolu-
tion française.
COLAUD DE LA SALCETTE
(Jacques -Bernardin) , frère du
précédent et neveu des deux pre-
miers, embrassa fort jeune le par-
ti des armes. Né à Grenoble, en
1709, il entra à iG ans dans le ré-
giment de rile-de-France, en qua-
lité de sous-lieutenant. Français
avant tout, il n'émigra point;
et le général Lamelh le lit son ai-
de-de-camp. Parvenu au grade
d'adjudant-général à l'armée d'I-
talie , il fut contraint de donner
sa démission à l'époque de la ter-
reur, mais il reprit du service
immédiatement après le 9 ther-
midor. Devenu géfiéral de briga-
de , il fit, sous Bonaparte, les pre-
mières campagnes d'Italie;il con-
tribua au gain de la fameuse ba-
taille de Castiglione. Le traité de
Campo - Formio concédant à la
république française la possession
des îles Ioniennes, le général La
Salcctte fut nommé commandant
de celle de Zante. L'armée turco-
russe vint, au mois d'octol)re
1798, pour chasser les Français
dç ces parages; le général La Sal-
cetle se trouvait alors en Alba-
nie ; il s'était retranché à la Gre~
vena-l^cccliia ( antienne ville
COL
nommée Nicopolis, bâtie par Au-'
gusle), et là, avec 4oo braves, il
soutint l'attaque de n, 000 Turcs.
Il fit unedéfense que l'on compara,
dans le temps, à celle de Léoni-
das aux Thermopyles. Moins heu-
reux que le général Spartiate , le
général français, au lieu de trou-
ver une mort glorieuse dans le
combat, y trouva la captivité la
plus épouvantable dont l'histoire
puisse faire mention. Prisonnier
ou plutôt esclave des Turcs, il fut
obligé d'aller à pied jusqu'à Cons-
tanlinople,mais ce ftit là le moin-
dre de ses maux. Les vainqueurs
ne fcsant aucune acception de
grades ni de rangs, et sans calcu-
ler les forces physiques ou mora-
les des individus, coupaient la
tête à ceux qui succombaient de
faim, de soif, de fatigue ou de
désespoir, et forçaient le* prison-
niers valides à se charger des tê-
tes de leurs camarades, en sorte
que le général La Salcetle portait
sa part de cet horrible fardçau.
Lorsqu'il arriva à Constantinople,
il fut confondu, enchaîné et mis
au bagne avec ceux que la mort
avait épargnés; il dut long-temps
après un adoucissement à son sort
aux sollicitations pressantes d'un
ambassadeur étranger. De retour
de sa captivité, il fut employé
dans le département de l'Isère,
sous les ordres du général Moli-
tor. Apres avoir fait encore quel-
ques campagnes en Allemagne,
le général La Salcette obtint le
commandement, de Piome, et en-
fin celui de la 7"^ division militai-
re (Grenoble) , quand Napoléon
revint de l'île d'Elbe. Depuis cet-
te époque il n'est plus employé.
COLBERT (Loi is - François-
t »
M ç ry^:/^.-,-/-
/tr,r/lf// />{/i.v
//■r//iy i/c/ ,-/' ,l',ftl'/'
COL
Henri, comte de), né en 1708,
mort en 1791, niestre-de-camp
d'infanterie, chefd'une famille de
braves, père des quatre suivans.
COLBERT (Ambhoise), entra
au service sous-lieutenant dans le
2°" régiment de dragons, éinigra
en 1792, fut soldat dans un corps
nommé Royal êmiernnt , se dis-
tingua particulièrement à la sor-
tie de Menin, où il reciit plusieurs
blessures, et est mort à la Marti-
nique, laissant tjne famille nom-
breuse, sans avoir pu réclamer
pour elle la récompense de ser-
vices rendus à la cause royale.
COLBERT (Edouard -Pierre-
David), lieutenant-général, com-
mandant de la légion-d'honneur,
chevalier de Saint- Louis, etc.,
entra au service en 1793, comme
soldat dans un bataillon de réqui-
sition de Paris; passa ensuite hus-
sard dans le 1 1°", où il fut, en l'an
4, nommé sous- lieutenant au
choix. Dénoncé comme royaliste
au général Hoche, il fut arbitrai-
rement suspendu de son grade.
L'expédition d'Egypte eut lieu :
Edouard Colbert partit en quali-
té de volontaire. Arrivé ;\ Malt»-,
le général en chef Bonaparte le
nomma d'abord adjoint, ensuite
commissaire des guerres. Bientôt
après, ayant demandé une activi-
té plus conforme à ses goftts, il
reprit rang dans l'armée avec le
grade de capitaine au 5"' de dra-
gons, fut attaché en cette qualité
comme aide-de-camp au général
Damas, se fit remarquer du géné-
ral en chef par une conduite bril-
lante, et revint en France après
la capitulation d'Alexandrie. A
son arrivée, le premier consul le
nomma adjudant-major dans Tes-
V. IV.
COL
465
cadron de Mamelucks qui devail
faire partie de la garde consulai-
re. Au camp d'Arras, il fut nom-
mé aide-de-camp du général Ju-
not, et ensuite du prince de Neuf-
châtel, auprès duquel il fit la cam-
pagne de i8o5. Blessé à la batail-
le d'Austerlitz, il fut récompensé
de sa conduite par le grade de
chef d'escadron. Après les jour-
nées d'Iéna et de Pulslusk, l'em-
pereur le nomma colonel du 7""
de hussards. Il se distingua à la
tête de ce régiment aux batailles
d'Eylau, d'Hcilsberg et à celle de
FriedlandjOù il fut encore blessé.
En mars 1809, nommé général de
brigade, il commanda pendant la
campagne de "Wagram la cavale-
rie du 2°" corps, composée du 9°*
de hussards, des 7""* et 20"'" de
chasseurs. Beaucoup d'affaires
heureuses honorèrent la bravou-
re du général Colbert et celle de
ces régiinens. Il commandait la
i" brigade de la division Mont-
brun ii la bataille de Raab en Hon-
grie, et obtint, pendant toute la
journée, sur les troupes autri-
chiennes des avantages tellement
imporlans qu'il est peut-être per-
mis de leur attribuer le succès des
mouvemens de l'armée d'Italie
aux ordres du prince E.ogène. Le
général Colbert fut blessé encore
i\ la fin de la bataille de >Vagram,
en enfonçant i>lusieurs bataillons
autrichiens qu'il fit prisonniers.
En 1810, l'empereur confia au
général Colbert le a"* régiment
de lanciers de la garde; il l'orga-
nisa. En 1812, il commandait la
brigade des lanciers de la garde,
ainsi qu'en i8i3 en Saxe. A la fin
de cette année, il fut nommé lieu-
tenant-général, çt dans la campa-
3q
r^Gù
COL
gne de 181 4» commanda la 1" di-
vision de la cavalfrie de la {^aidc.
Il se di^tin{;ua dans toutes les iif-
faires qui précédèi cnl le traité de
Paris, et contribua souvent aux
succès qui honorèrent cette gran-
de époque de notre gloire militai-
re. A Î^aiiit-Dizier noieimment,
où il n'avait sous ses ordres que
jjoo lanciers et environ 200 dra-
gons, le général Colbert attaqua
et enfonça, après plusieurs thar-
gcs de la plus grande vigueur, u-
ne vingtaine d escadrons de cui-
rassiers russes, fitëoo prisonniers
montés, tua beaucoup de monde
à l'ennemi, et prit 5 pièces de ca-
non. La même année, le roi lui
donna lecommandemcntdu corps
royal des lanciers de France, qu'il
conserva jusqu'au 33 mars 181 5.
A Waterloo , le général Colbert
commandait la division de cava-
lerie légère de la garde, redeve-
nue impériale, et, selon son usa-
ge, il lut blessé. Après l«i licencie-
ment de l'armée de la Loire, il se
retira dans ses foyers. En 1816,
il fut rappelé à l'attention publi-
que par une détention de deux
mois à l'Abbaye, et par un exil
de six. Rappelé sans jugement, il
est dtpuis celte époque à la dis-
position du ministre de la guerre.
COLBERT (Loris- Pierre-Al-
phosse), entra au service dans le
^""^ bataillon de Paris en pluviôse
an a, et resta soldat jusqu'en flo-
réal an 5. A cette époque il s'at-
tacha à la carrière administrative,
où son avancement fut rapide. Il
fit les campagnes d'Egypte et de
Saint- D tmingue en qualité de
commissaire des guerres; et au
camp de Boulogne, fut nommé
ordonnateur des réserves. Chef
COL
de l'administration de l'armée de
la Poiiille, sous les ordres du ma-
ré< hal Gouvion-Saiut-t^yr, il res-
ta dans le royaume de Naples. et
y reprit le service militaire. Il y
fut nommé colonel, aide-de-camp
du roi Joacbim, et comn)anda un
régimetit de la garde royale. En
181 1, il donna su démission, et
rentra en France, où il obtint le
commandement du f)"* /jimIc hus-
sards, et ensuite du 12"'. La bel-
le conduite de »on régiment à
l'armée d'Arragon, et pendant la
campagne de 1814 devant Lyon,
mérita au colonel Colbert le gra-
de de général de brigade le 2 avril
de la même année. Le 9 juillet, il
fut renommé par le roi maréchal-
de-camp. Dans la campagne da
181 5, le général Alphonse Col-
bert commandait une brigade de
lanciers, et eut une affaire bril-
lante contre la cavalerie de la gar-
de anglaise, en avant de. Jemraa-
pes. Depuis il a été momentané-
ment employé dans les inspec-
tions de l'armée. Il est à présent
en disponibilité.
COLBERT (ArciTSTE-MARiE-
FRA^çoI»), frère cadet du précé-
dent, né à Paris le 18 octobre
1777. A peine au sortir de l'en-
fance, il dut, ainsi que ses frères,
se rélu};ier dans l'armée, pour se
soustraire à l'inquisition révolu-
tionnaire. Il servit comme soldat
jusqu'en vendémiaire an 4» et de-
vint aide -de -camp du général
Grouchy. Dans la même qualité,
il suivit le général Wurat en Ita-
lie et en Egypte. Sur le champ
de bataille de Salahié, sa bravou-
re le fil nonmier chef d'escadron.
A Saint-Jean-d'Acre, il reçut une
blessure grave et des armes d'hoo-
COL
neur. Revenu en France avec le
pcMiéral Desaix, il fut nommé co-
lonel du 10°" de chasseurs à che-
val, sur le chatnp de bataille de
Marengo. Général de brigade en
iSo5. il fut tué en Espagne en
1809. (let oiïicier distingué, que
la mort moissonna à lâge de 3i
ans, au moment nù il allait être
nommé général de division , a
laissé de lui une longue mémoire
■d l'armée, par ses brillaiis servi-
ces dans les canipagnes d'Italie ,
d'Égyple. d'Allemagne, de Prus-
se et d'Espagne; à ses amis, par
la bonté de son cœur, la noblesse
de son caractère et lu distinction
de son esprit. La nature l'avait
comble de ses dons, et toute la
société l'entonrait de son amitié.
Son nom, cher pour jamais à la
gloire frarjçaise, s'attache à beau-
coup d'époques mémorables. Il
accompagnait à Paris \v général
Bonaparte, quand le vainqueur de
l'Italie vint présenter au direc-
toire le traité de Campo-Formio.
Ce fut lui que l'empereur chargea
de porter à l'empereur Alexandre
YniUmat'ini de la paix d'Auster-
litz, et il fut le premier olli< ier
français qui pénétra jusqu à Saint-
Pétersbourg a\ec une mission di-
plomatique. Le général Auguste
Colbert fut d:i petit nombre des
oniciers-généraux morts au thauip
d'honneur, auxquels le gouver-
nement impérial avait décrété Té-
rectton d une ^tatue. qui devait
être placée snrlepout Louis XVI.
L'exécution de cette disposition,
silionorablepouila Kraiice, parait
avoir été ajournée. Auguste Col-
bert n laissé de son mari ige avec
W" de Caudaux, un lil>. (jui n'aii-
la pas à cberclier eu dehors de âa
COL
467
première affection le modèle de
toutes les qualités qui constituent
le bon citoyen, l'homme spiri-
tuel et distingué, et le militaire
intrépide. Son amitié et sa rivali-
té avec le brave général La Salle
rappelaient ces fraternités d'ar-
mes, dont l'institution de la lé-
gion-d'honneur semble avoir re-
çu sa devise, honneur et patrie.
COLCHEN (Victor, comte),
né en novembre 1763, fut suc-
cessivement premier secrétaire
et délégué général de l'inten-
dance de Pau et d'Auch, chef de
division dans les bureaux du mi-
nistère des affaires étrangères,
commissaire des relations exté-
rieures, membre de la première
commission chargée de négocier
la paix avec l'Angleterre, préfet
du déparlement de la Moselle,
membre de la légion-d'honneur,
comte de l'empire, sénateur, et
en vertu d'un décret du 2 février
i8o5, secrétaire du sénat, «en
«récompense des soins qu'il n'a
«cessé de donner à Tadministra-
ntion dans les temps les plus dif-
«ficiles. » M. Colchen fit partie
delà députation chargée, en 180G,
de porter à l'empereur, alors à
Tarmée, une adresse sur sa décla-
ration de guerre au gouvernement
prussien. Présenté par le sénat
pour être titulaire d'une sénato-
rorie, il ne fut point nommé;
mais, en 1810, il devint président
de la société des donataires du
Munie Nipoleune. Commissaire
extraordinaire dans la 4"* divi-
sion uiililair(rà Nancy, par décret
impérial du 'i(j décembre i8i3,
il se conduisit avec beaucoup de
prudence et de modération, sans
cepeadaut trahir les intérêts qui
4G8 COL
lui étaient confiés. Comme tous
les dignitaires de l'état et fonc-
tionnaires publics, il adliéra à la
déchéance de l'empereur, et fut
nommé par le roi, le 4 juin i8i 4>
membre de la chambre des pairs.
Ayant fait partie de celle de JNa-
poléon pendant les cent jours, il
ne fut point compris dans la
chambre réorganisée par le roi
après la seconde restauration;
néanmoins il y fut réintégré par
une ordonnance du 9 août 181g.
COLCHEN (CLAt DE -Nicolas-
François), l'un des présidens de
la cour royale de Metz, fut d'a-
bord juge et président de la cour
d'appel de celte -ville. En 1808 le
département delà Moselle, dont
il avait présidé le collège électo-
rall'année précédente, le nomma
membre du corps -législatif. M.
Colchen fit partie, le 28 février
i8i3, du comité de législation,
et adhéra le 3 avril 1814 à la dé-
chéance de l'empereur.
COL
COLEBROOKE (Henri -Tho-
mas), né en Angleterre, passa
très-jeune au Bengale où il entra
au service de la compagnie des
Indes. A l'exemple du célèbre
^Vildfort, il étudia les lanjfues an-
ciennes avec succès, et fit plu-
sieurs traductions exactesde quel-
ques livres shanskrits. Ce savant,
qui jouit d'une grande réputation
il l'institut de France, a publié
beaucoup d'ouvrages, dont les
principaux sont : J^ues de divers
sites dans le royaume de Mysore,
1793, in-4''; Remarques sur Va-
griculture etle commerce du Beu'
gale, 1806, in-8'' ; Dictionnaire
de la langue shanskrite par /4mà'
rasinha, avec une traduction an-
glaise, 1804, in-4". i^L Colebroo-
ke a également traduit en anglais
les ditrérentes notes sur le dra-
me indien de Sahountala, ou la
Bague enchantée. Il est aujour-
d'hui membre du conseil de Cal-
cutta.
FIN DU QUATRIEME VOLUME.
SUPPLEMENT
DU TROISIEME VOLUME.
BLANIAC (GriMArME-JosEPH,
Lafond de), né à Villeneuve-d'A-
gen, d'une famille qui a produit
des magistrats et des militaires
distingués, entra au service en
1792 , comme sous-lieutenant au
5" régiment de chasseurs à che-
val, et fit ses premières armes à
l'armée du Nord. Il ne tarda pas
à se faire remarquer par ses dis-
positions militaires x;t l'activité
de son zèle; et après la batail-
le d'Honscoolc, on lui offrit un
avancement rapide, que sa jeu-
nesse et la difficulté des circons-
tances lui firent refuser. Il fut
blessé le jour de la prise de Fur-
nes , à la fin de 1795, et conti-
nua de combattre. Suspendu de
ses fonctions , au commence-
ment de 1794» comme tous les
militaires de l'armée du Nord qui
appartenaient à la classe privilé-
giée , il fut, à la fin de la même
année, rappelé au service et pla-
cé dans le 18" régiment de dra-
gons. Ce corps , après la paix
d'Espagne , ayant rejoint l'armée
d'Italie, à la première action où
il se trouva à Anguiari sur l'Adigc,
le jeune Blaniac, quoique déjà
blessé au visage, combattit corps
à corps un commandant de hus-
sards hongrois, le terrassa, le fit
prisonnier, et à la demande des
nombreux témoins de ce fait, il
Sirp. 5 vol.
fut promu au grade de capitaine
sur le champ de bataille, et ap-
pelé i\ l'élat-major de la cavale-
rie de l'armée dite d'Angleterre,
et désigné ensuite pour faire par-
tie de l'expédition d'Egypte. Lô
général Alexandre Berthier, chef
de l'état-major-général de l'armée,
le fit embarquer avec lui sur le
vaisseau amiral, et se l'attacha
particulièrement comme aide-de-
camp. Il assista à la prise d'A-
lexandrie; fut grièvement blessé
au combat de Damanhour; et i
son arrivée au Caire, exerça
près du général de la cavalerie
les fonctions de chef de son état-
major, et ne tarda pas à être
fait chef d'escadron au ao"* régi-
ment de dragons. Il commandait
une partie de ce régiment pen-
dant la campagne de Syrie : s'y
étant fait remarquer par plusieurs
faits d'armes, ilfutmis, au retour,
par le général de la cavalerie, au
nombre des candidats proposés
pour le commandement du iS""
régiment de dragons alors vacant..
Le général en chef voulant lui
donner de l'avancement, mais a-
vec l'intention de le lui faire a-
cheter, l'employa en partisan con-
tre les Arabes , en lui confiant de»
commandemensdetroupcsau des-
sus de son grade , et M. de Blaniac
eut constainipent des succè». A-
2 BLA
prèslahatailled'Héliopolis, le gé-
néral Uainpon, chargé démarcher
ù grandes journées sur Damielle,
pour y arriver avant les Turcs, et
s'en emparer, lui donna le com-
mandement de l'avant-garde de
sa division; et quand il s'en fut
rendu maître, il le détacha avec
un escadron de dragons, un ba-
taillon d'infanterie et deux pièces
de campagne, et le chargea d'al-
ler chasser de la province de Mau-
foura les Turcs qui s'y étaient ré-
fugiés, et les Arabes qui les se-
condaient. En peu de jours M. de
Blaniac livra plusieurs combats ,
et reconquit la province dont on
lui laissa le commandement. H y
réorganisa les autorités et l'admi-
nistration; s'y fit craindre par une
juste sévérité; gagna l'estime gé-
nérale par son désintéressement,
et quand l'ordre fut rétabli , se
fit chérir par sa douceur. Nom-
mé adjudant -général et chef de
l'état-major de la cavalerie, sous
les ordres du général lloize, qui
la commandait à la bataille d'A-
lexandrie, contre les Anglais , il
mit en mouvement les deux bri-
gades de dragons , et chargea à la
tête de la réserve; enveloppé de
toutes parts, blessé d'un coup de
fusil qui lui fut tiré à bout por-
tant, percé de plusieurs coups de
baïonnettes, il refusa opiniâtre-
ment de se rendre, et se fit jour
à coups de sabre. Colonel du i4°"
régiment de dragons; il soutint
honorablement de nouveaux com-
bats, quand il put monter à che-
val vers la fin du siège; reçut de
nouyelJes blessures, et rentra en
France avec son régiment. Il fit
en Allemagne la campagne de
i8o5; avec ce corps, et après la
BLA
bataille d'Austerlitz , ayant reçu
l'ordre de se rendre à Home,
près du prince Joseph, dont il
était écuyer, il assista à la con-
quête du royaume de Naples.
Promu au grade de général de
brigade, il fut envoyé, au com-
mencement de 1807, sur les con-
fins de la Calabre , pour y com-
battre des rassemblemens nom-
breux d'insurgés. Par son activité,
sa persévérance, quoique très-in-
férieur en force, il parvint, en
moins de deux mois, à détruire
ces masses, et à pacifier le pays
dont il se concilia l'affection et
l'estime. Rappelé à Naples, après
l'heureuse issue de cette expé-
dition, il fut nommé comman-
dant de cette capitale, et chef
d'étaî-major du gouvernement.
Il passa ensuite en Espagne, et
en 1810, fut nommé gouverneur
de Madrid. Remplacé dans ce pos-
te par le général Jourdan, il eut
le commandement de la division
d'avant-garde de l'armée du cen-
tre , et le gouvernement de la
Marche. Arrivé dans cette provin-
ce à la fin d'une année de disette,
il y trouva les magasins et les
caisses vides; et entouré par plus
de 1 5,000 hommes de troupes en-
nemies, auxquelles il pouvait à
peine en opposer 5, 000, il fit vi-
vre sa division, payer les contri-
butions arriérées et courantes,
sans pressurer le pays, et se main-
tint trois mois au milieu de diffi-
cultés sans nombre. Isolé de tou-
te communication, il s'opposa
victorieusement aux entreprises
des ennemis, et souvent même
les attaqua, suppléant au nombre
par la rapidité des marches. Quand
il reçut l'ordre d'évacuer ce pays.
BLA
il effectua sa retraile en présence
des troupes espagnoles, à petites
journées, et sans perdre un hom-
me ni un caisson. Lorsqu'au mois
de juillet 18 j 2, le prince Joseph
partit de Madrid avec des troupes
pour aller renforcer l'armée de
Portugal, il confia de nouveau au
général Blaniac le gouvernement
de cette capitale; ety joignit celui
des troupes qui se trouvaient à
Tolède et à Guadalaxara, formant
en tout de 8 à 9,000 hommes;
malgré l'infériorité de ce nombre,
opposé à celui de 4^,000 hommes
qui occupaient la rive gauche du
Tage, sous les ordres du duc del
Parque et de MM. de Zajas, de
Montijo, etc., malgré la nouvelle
de la perle de la bataille des Aro-
piles, la fermeté de sa contenan-
BLA 3
ce maintint l'ennemi dans sa po-
sition; les habitans de Madridet de
la nouvelle Caslille n'osèrent rien
tenter, et tout resta dans le cal-
me le plus profond. Rentré en
France avec l'armée, après la ba-
taille de Vitloria, en i8i5, il fut
envoyé en Italie pour y prendre
en sa qualité do général de divi-
sion, le commandement de la ca-
valerie de l'armée du prince Bor-
ghèse; en 1814, il eut celui de la
1" subdivision delà 1 1"" division
militaire, et fut inspecteur-géné-
ral de cavalerie en i8i5. 11 vit
aujourd'hui retiré dans les envi-
rons dt' Bordeaux, et trouve dans
la culture des arts et des lettres
le noble délassement de ses longs
travaux militaires.
FIN DU SUPPLÉMENT.
ERRATA DU TROISIÈME VOLUME.
M. le marquig de Blosseville a fait rdclamer contre plusieurs assertions de l'article
qui lui a élé consacré dans le troisième tnlumc. Nous en transcrivons la rec-
tification sans en garantir l'cicactitude ni en accepter la responsabilité.
« 1" Ce fut comme prévenu d'assassinat en 1817 et non en i8i5, que Wilfrid Rc-
ognaud l'ut condamné.
» 2° Il ne fut point défendu par Me Odillon-lîarrot.
» ô" Enfin la note transmise au Joufnal des Débats, et non représentée au procès
»en calomnie, a été insérée dans celte feuille, non pas au moment ou !•
• jury allait prononcer, mais après la condamnation,!
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