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Full text of "Biographie nouvelle des contemporains; ou, Dictionnaire historique et raisonné de tous les hommes qui, depuis la Révolution française, ont acquis de la célèbrité par leurs actions, leurs écrits, leurs erreurs ou leurs crimes, soit en France, soit dans les pays étrangers"

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BIOGRAPHIE 


NOUVELLE 


DES  CONTEMPORAINS. 


Les  soussignés  déclarent  que  les  Exemplaires  non  revêtus  de 
leurs  signatures  seront  réputés  contrefaits. 


tm  l'imprimerie  de  plassan,  rue  de  VAUGIRARD,  N*  là. 

DERRIÈRE  l'odÉON. 


•   BIOGRAPHIE  NOUVELLE 

DES 

CONTEMPORAINS, 

ou 

DICTIONNAIRE 

HISTORIQUE  ET  RAISONNÉ 

DE  TOUS  LES  HOMMES  QLI,  DEPUIS  LA  RÉVOLUTION 
FRANÇAISE,  ONT  ACQUIS  DE  LA  CÉLÉBRITÉ 

PAR  LEURS  ACTIONS,  LEURS  ECRITS,  LEURS  ERREURS  OU  LEURS  CRIMES, 

SOIT  EN  FRANCE,  SOIT  DANS  LES  PAYS  ÉTRANGERS; 

Précédée  d'un  TaiAcau  par  ordre  chronologique  des  époques  célèbres  et  des  évène- 
mens  rcniarquabi^s,  tant  en  France  qu'à  l'étranger,  depuis  lyHy  jusqu'à  ce  jour, 
cl  d'une  TaMe  atp^iai/étique  des  assemMèes  légistativcs,  à  partir  de  l'assemblée 
constituante  jusqu'aux  dernières  chambres  des  pairs  et  des  députés. 

Par  mm.  A.  V.  ARNAULT,  ancien  membre  de  l'Institut;  A.  JAY; 
K.  JOUY,  DE  l'Académie  française;  J.  NORVINS,  et  autres 
Hommes  de  lettres.  Magistrats  et  Militaires. 

ornée  de  3oo  portraits  au  burin, 
d'après   les   plus   célèbres   artistes. 

TOME  QUATRIÈME. 

CAB— COL 


/^  /y^'  "     .  >  é  AvvNyt^i^'v.^  ^ 


PARTS, 

A  tA  LIBRAIRIE  HTSTORIQUE,  RUE  SAINT-IIONORÉ 
HÔTEL  d'alICKE,  OU  RUE  BAILLEUL,  N"  l'i. 


*3 


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BIOGRAPHIE 


NOUVELLE 


DES  CONTEMPORAINS. 


c 


i_jABAL  (N),  l'un  des  généraux 
de  l'armée  indépendante  du  Pé- 
rou ,  signala  ses  talens  militaires 
et  son  courage  dans  plusieurs  oc- 
casions importantes.  Le  5  juillet 
181 5,  il  battit  complètement  le 
général  espagnol  Vidanrrazaga , 
dans  les  environs  de  Carthagène; 
flt  un  grand  nombre  de  prison- 
niers, parmilesquels  se  trouvaient 
plusieurs  officiers  de  marque  et 
un  général.  Dans  une  autre  occa- 
sion, Cabal,  par  une  savante  ma- 
nœuvre ,  sauva  les  débris  de  l'ar- 
mée du  général  en  chef  INarino, 
battu  et  pris  par  les  Espagnols,  et 
parvint  à  se  retirer  sur  Popayan 
en  bon  ordre. 

CABAL  (J.  M.),  victime  de  son 
amour  pour  l'indépendance  de  sa 
patrie,  l'ut  un  célèbre  chimiste  de 
l'Amérique  méridionale;  il  résidait 
à  Santa-Fé-de-Bogota,  oCi  il  exer- 
çait des  fonctions  administratives  à 
l'époque  de  l'établissement  du  gou- 
vernement républicain.  Le  sort 
des  armes  ayant  fait  tomber  cette 
ville  au  pouvoir  des  royalistes,  au 
mois  de  juini8i6,  ils  y  exercèrent 

Z.  IV. 


les  plus  cruelles  vengeances.  Le 
général  en  chef,~lJlorillo,  souilla 
sa  victoire  en  faisant  mettre  à  mort 
le  savant  et  infortuné  Cabal. 

CABALLERO  (le  marquis  de), 
d'uneancienne  famille  d'Espagne, 
était  secrétaire  du  département 
de  la  guerre  et  de  la  justice,  sous 
le  roi  Charles  IV.  Lorsque  ce  mo- 
narque ,  à  la  suite  des  troubles 
d'Aranjuez,  se  fut  rendu  à  Bayon- 
ne,  et  y  eut  abdiqué  la  couronne 
en  faveur  de  Joseph  Bonaparte, 
le  marquis  de  Caballero  embrassa 
avec  chaleur  le  parti  du  nouveau 
roi,  qui,  sachant  apprécier  sou 
mérite  et  ses  talens  distingués,  le 
nomma  conseiller- d'état,  le  8 
mars  1809,  et  président  de  la  sec- 
tion de  justice  des  affaires  ecclé- 
siastiques, le  18  mai.  Au  mois  de 
septembre,  M.  de  Caballero  fut 
décoré  du  grand-cordon  de  l'or- 
dre royald'Espagne.  Les  revers  de 
Napoléon,  en  i8i3,  ayant  entraî- 
né la  chute  de  son  frère,  M.  de  Ca- 
ballero suivit  en  France  le  roi  Jo- 
seph. Ferdinand  VII,  devenu  roi 
d'Espagne,  rendit,  au  mois  de  fé- 


a  CAB 

vrier  1818,  une  ordonnance  qui 
condamna  IM.  de  Caballero  à  nn 
exil  perpétuel.  Le  nouveau  gou- 
vernement constitutionnel  l'a 
rappelé  dans  sa  patrie. 

CABANIS  (Pierbe-Jean-Geor- 
ge),  philosophe,  médecin,  et  poè- 
te, naquit  en  1757,  à  Cosnac,  dé- 
partement de  la  Charente -Infé- 
rieure. Ses  premiers  instituteurs 
furent  deux  respectables  ecclé- 
siastiques,  étal)lis  dans  le  voisi- 
nage de  son  père.  Cabanis  n'avait 
alors  que  sept  ans  ;  mais  les  dis- 
positions de  son  enfance  présa- 
geaient déjà  un  homme  supérieur. 
Entré  au  collège  dellrive,  le  con- 
traste qu'il  remarqua  entre  la  dou- 
ceur de  ses  anciens  maîtres  et  la 
sévérité  des  nouveaux  ,  produi- 
sit sur  son  âme  irritable  et  sen- 
sible une  fâcheuse  impression. 
Ces  premiers  chagrins  de  la  vie, 
qui  souvent  laissent  dans  le  cœur 
des  hommes  une  mélancolie  inef- 
façable, auraient  pu  anéantir  les 
heureuses  dispositions  du  jeune 
Cabanis,  si  un  maître  de  seconde, 
plus  indulgent  Qt  plus  sage,  ne 
l'eût  ramené  par  la  douceur  au 
goût  du  travail  et  de  l'instruction. 
Cabanis  fil  des  progrès  rapides; 
mais  tombé  de  nouveau  en  rhéto- 
rique sous  la  férule  d'un  homme 
dur;  irrité  d'ailleurs  des  sévérités 
qu'un  chef  de  l'institution  exer- 
piiit  contre  lui,  il  s'arma  d'une 
telle  obstination  à  ne  plus  rien 
faire,  qu'il  parvint  à  être  renvoyé 
chez  ses  parens.  Il  y  passa  une 
année,  où  il  éprouva  des  rigueurs 
inutiles.  Au  bout  de  ce  temps,  son 
père,  persuadé  qu'un  esprit  aus- 
si indépendant  devait  être  sou- 
mis à  d'autres  épreuves,  le  con- 
duisit dans  la  capitale;  et  bien 


CAB 

qu'il  n'eût  encore  que  quatorze 
ans,  l'abandonna  seul  au  milieu 
de   Paris.   Ce  parti,  ainsi  que  le 
fait   remarquer  Cabanis   lui-mê- 
me dans  une  notice,  était  extrê- 
me, mais  il  eut  un  plein  succès. 
Cabanis,  dés  qu'il  se  vit  libre, 
sentit  renaître  en  lui  le  goût  de 
l'instruction,  et  se  livra  au  tra- 
vail avec  une  ardeur  nouvelle. 
Non -seulement    il   compléta  sa 
première  éducation  par  une  lec- 
ture assidue  des  classique»  grecs 
et  latins,  mais  il  étudia  Locke, 
et  suivit  avec  un  zèle  infatigable 
les  cours  de  Brisson.  N'ayant  d'au- 
tres pl:iisirs  que  le  travail  et  la  so- 
ciété de  quelques  jeunes  gens  la- 
borieux, il   vit  deux  années  s'é- 
couler avec  une  rapidité  incroya- 
ble ,  jusqu'au  moment  où  il  reçut 
deux  lettres,  l'une  de  son  père, 
qui  le  rappelait  au  sein  de  sa  fa- 
mille, l'autre  d'un  grand  seigneur 
polonais,  qui  lui  offrait  auprès  de 
lui  une  place  de  secrétaire.  La  dé- 
termination du  jeune  Cabanis  al- 
lait être  décisive  pour  son  avenir. 
Rentré  dans  sa  province,  il  aurait 
peut-être  vieilli  obscur;  poussé  par 
son  étoile  à  suivre  l'autre  route,  el- 
le le  ramena  sur  un  théâtre  où  ses 
talens  devaient  prendre  leur  es- 
sor.  Bien  qu'à  en  juger  par  les 
récits  de  quelques  personnes,  Ca- 
banis dût  considérer  la  Pologne 
comme  un  pays  encore  sauvage, 
il  fit,   pour  quelque  temps,  ses 
adieux  au  sol  de  la  patrie  ,  et  se 
rendit  à  sa  nouvelle  destination. 
Tous  ceux  qu'un  long  voyage  a 
entraînés  hors  de  France  savent 
quel   serrement  de  cœur,  quelle 
profonde  tristesse  on  éprouve  en 
se  trouvant  isolé  au   milieu  d'un 
peuple  noaveau.  A  ce  sentiment 


CAB 

se  joignait  chez  Cabanis  uu  autre 
motif  de  répugnance.  Arrivé  à 
Varsovie,  en  1770,  au  niouient 
où  la  diète  }'  tenait  ses  assem- 
blées, il  lut  témoin  des  moyens 
odieux  qu'employaient  les  agens 
de  quelques  puissances  pour  in- 
timider ou  corrompre  les  députés 
polonais,  et  leur  faire  sanclion^- 
ner  l'asservissement  de  leur  pa- 
trie. Ce  spectacle,  si  affligeant 
pour  toute  ûine  bien  née  ,  fit  sur 
celle  de  Cabanis  une  impression 
de  tristesse  et  d'horreur  qui  ne 
s'effaça  point;  et  son  opinion  sur 
les  hommes,  en  général,  se  res- 
sentit quelquefois  du  mépris  qu'il 
avait  si  justement  voué  à  des  in- 
dividus lâches  et  pervers.  Après 
deux  ans  de  séjour  en  Pologne, 
Cabanis,  âgé  de  18  ans,  revint  à 
Paris.  Présenté  à  Turgot,  arni  dfi 
son  père,  et  alors  contrôleur-gé- 
néral, il  en  reçut  l'accueil  le  plus 
obligeant  ;  une  place  lui  fui  pro- 
mise ,  et  ses  lalens  allaient  sans 
doute  lui  fournir  des  chances  de 
succès,  sous  un  ministre  aussi 
savant  qiwe  vertueux  :  mais  Turgot 
voulait  le  bonheur  de  la  nation; 
une  intrigue  de  cour  le  renversa. 
Contraint  de  renoncer  aux  espé- 
rances qu'il  avait  conçues  de  ce 
-côté, Cabanis,  qui,  dans  son  voya- 
ge, s'était  livré  à  l'étude  de  l'al- 
lemand, voulut  perfectionner  son 
édu(  ution  ,  et  reprit  avec  plus 
d'activité  que  jamais  les  travaux 
que  son  départ  lui  avait  fait  aban- 
donner. Son  père  encouragea  ses 
résolutions,  en  se  chargeant  de 
pourvoir  à  tous  ses  besoins  pen- 
dant plusieurs  année*.  Lié  avec 
ftoucher,que  la  publication  deson 
poëme  dos  Mois  avait  déjà  rendu 
i:éKbrt',Cabanis,dan»unt'nouvej- 


CAB  5 

le  édition  de  cet  ouvrage,  inséra,  à 
la  suite  des  notes,  quelques  fragr 
mens  d'une  traductionen  vers  de 
l'Iliade.  Ces  essais  poétiques  lui 
valurent  des  encouragemens  de 
la  part  de  plusieurs  hommes  de 
lettres,  et  quelques  succès  dans 
le  monde;  mais  Cabanis  aspirait 
à  une  réputation  plus  brillante. 
Sachant  que  l'Académie  avait  à 
peine  jeté  quelques  regards  sur 
SCS  premiers  travaux  littéraires , 
il  eu  conçut  un  profond  découra- 
gement. L'excès  du  travail  altéra 
sa  santé,  et  il  était  dans  cette  tris- 
te disposition,  lorsque,  cédant 
aux  instances  de  son  père,  il  fit 
choix  d'une  profession  utile,  et  s* 
décida  pour  celle  de  médecin. 
D^6  ce  moment,  ce  f^it  à  cette 
science  qu'il  consacra  ses  travav;j: 
et  ses  veilles.  Sa  réso'tilion  une 
fois  prise  ,  rien  ne  put  l'ébranler; 
ctdMrant  l'espace  de  six  années  « 
il  ne  manqua  pas  un  seul  jour 
d'accompagner  le  docteur  Du- 
breuil  au  chevet  du  lit  de  ses  ma- 
lades. Ses  progrès  sous  ce  grand 
maître  furent  rapides.  Cependant 
l'état  de  sa  santé  le  forçant  d'al- 
ler souvent  à  la  campagne,  il 
choisit  le  séjour  d'Auteuil ,  d'où 
il  pouvait  promptement  se  ren- 
dre aux  occupations  qui  l'appe- 
laient à  Paris.  C'est  làfj[u'il  eut  oc- 
casion de  connaître  la  respectable 
veuve  d'Helvétius,  qui  bientôt, 
le  traitant  comme  son  propre  fils, 
le  présenta  aux  hommes  célèbres 
dont  sa  utaison  était  le  rendez- 
vous.  Parmi  ces  hommes  remar- 
quables, on  distinguait  Turgot, 
Condillac  ,  Thomas  ,  Franklin  , 
Jefferson  ,  et  le  baron  d'Holbach. 
Ce  fut  par  l'entremise  de  ce  der- 
nier que  Cabanis  devint  YamX  (Jç 


4  CAB 

Diderot,  de  d'Alemberl,  clde  Vol- 
taire. L'auteur  de  Mahomet  en- 
tendit avec  plaisir  plusieurs  mor- 
ceaux de  riliadc,  et  donna  au 
traducteur  des  éloges  qui  purent 
le  consoler  des  dédains  de  l'Aca- 
démie. Cabanis,  occupe  sans  ré- 
serve de  son  nouvel  état,  n'avait 
cependant  pas  achevé  sa  traduc- 
tion ;  il  paraissait  avoir  renoncé 
pour  jamais  au  culte  des  muses, 
et  ses  adieux  aux  neuf  sœurs  sont 
consignés  dans^  le  Serment  d'un 
médecin,  petite  pièce  imprimée 
en  1785.  Quand  la  révolution  écla- 
ta, Cabanis,  comme  tous  les  es- 
prits sages,  comme  tous  les  cœurs 
généreux,  en  adopta  les  principes 
et  en  blâma  les  excès.  En  1789  il 
fît  paraître  un  ouvrage  intitulé  : 
Observations  sur  les  hôpitaux;  et 
peu  après,  par  suite  des  droits 
que  lui  donnait  ce  travail ,  il  fut 
appelé  à  faire  partie  de  l'adminis- 
tration des  hospices  de  Paris.  Ce- 
pendant l'assemblée  constituante, 
ce  corps  qui ,  dans  la  grande  ma- 
jorité de  ses  membres,  révéla  à 
la  France  tant  de  lumières  et  de 
patriotisme,  venait  d'ouvrir  ses 
séances  à  jamais  glorieuses.  Par- 
mi les  talens  remarquables  qui 
tout  à  coup  se  développèrent,  ou 
voyait  dominer  cet  homme  pro- 
digieux, qui,  dès  l'enfance  de  no- 
tre tribune,  en  fit  la  rivale  des 
tribunes  de  Rome  et  d'Athènes. 
C'est  de  Mirabeau  que  nous  vou- 
lons parler.  Une  conformité  ho- 
norable de  lumières  et  d'opinions 
fut,  entre  le  grand  orateur  et  le 
médecin-philosophe,  la  base  d'u- 
-ne  amitié  que  la  mort  elle-même 
ne  put  altérer.  Mirabeau,  comme 
on  sait,  ne  se  contentait  pas  d'en- 
richir la  France  du  résultat  do  sa 


CA« 

propre  érudition  ;  des  hommes 
savans  ont  plus  d'une  fois  em- 
prunté l'éclat  de  son  éloquence 
pour  propager  des  vues  nouvel- 
les et  des  projets  utiles.  Cabanis 
rédigea  dans  ce  but  un  Travail 
sur  l'éducation  publique.  Après 
la  mort  de  Mirabeau ,  Cabanis, 
qui  était  en  droit  de  revendiquer 
cetouvragetrouvé  dans  les  papier» 
de  son  ami,  le  publia  en  1791.  Il 
fit  également  paraître  le  Journal 
de  la  maladie  et  de  la  mort  de 
Mirabeau.  Kt  non-content  de  lui 
avoir  prodigué  durant  sa  vie  tous 
les  secours  de  l'art  et  de  l'amitié, 
il  le  défendit  après  sa  mort  avec 
toute  l'énergie  de  la  franchise  et 
de  la  douleur.  Sou  attachement 
pour  l'illustre  et  malheureux  Con- 
dorcet  ne  fut  ni  moins  noble  ni 
moins  courageux.  Cet  attache- 
ment semblait  croître  avec  la 
haine  des  persécuteurs  dont  cet 
homme  célèbre  fut  la  victime. 
Cependant  Condorcet  succomba 
sous  les  proscriptions  du  3i  mai 
1793;  et  dans  cette  triste  circons- 
tance, son  ami  ne  put4ui  rendre 
d'autre  service  que  celui  de  re- 
cueillir ses  écrits,  cl  d'être,  auprès 
de  sa  veuve,  l'interprète  de  ses 
derniers  vœux.  Peu  de  temps  a- 
près,  Cabanis  épousa  la  belle- 
sœur  de  M°"  Condorcet,  M"*  Char- 
lotte Grouchy,  sœur  du  général 
de  ce  nom.  Depuis  cette  époque, 
il  dut  à  cette  honorable  alliance 
le  charme  et  le  bonheur  de  sa 
vie.  Nommé  en  l'an  3  profes- 
seur d'hygiène,  à  l'école  centrale 
du  département  de  la  Seine  ;  en 
l'an  41  membre  de  l'institut  na- 
tional; en  l'an  5,  professeur  de 
clinique  à  l'école  de  médecine  de 
Paris;  député  en  l'an  6,  il  sic- 


CAB 

gea  au  conseil  des  cinq-cenl» , 
jusqu'au  i8  brumaire  an  8.  Par 
suite  des  liaisons  intimes  qui 
existaient  entre  lui  et  le  directeur 
Sieyes  ,  Cabanis  prit  part  aux 
grands  changemens  qui  s'opérè- 
rent à  cette  époque  ,  dans  le  sys- 
tème du  gouvernement;  devint 
membre  du  sénat-conservateur, 
et  par  la  suite  commandant  de  la 
légion-d'honneur.  Cependant  de 
longues  méditations,  et  une  vie 
toujours  remplie  par  le  travail, 
avaient  affaibli  sa  santé.  Celui  qui 
avait  tant  de  fois  veillé  sur  celle 
des  autres,  fut  obligé,  pour  répa- 
rer ses  forces,  de  se  retirer  à  la 
campagne.  Ce  fut  chez  son  beau- 
père  ,  dans  un  château  à  douze 
lieues  de  Paris,  qu'il  vint  cher- 
cher le  repos.  Le  grand  air,  l'exer- 
cice de  la  chasse  ,  lui  furent  d'a- 
bord favorables.  Rendu  à  lui-mê- 
me ,  il  avait  repris  la  lecture  de 
ses  auteurs  favoris  ;  les  premiers 
amis  de  sa  jeunesse  étaient  ainsi 
redevenus  ceux  de  son  âge  mûr; 
et  il  se  disposait  à  continuer  sa 
traduction  de  l'Iliade,  lorsqu'il 
mourut,  frappé  d'apoplexie  ,  le  5 
mai  1808,  près  de  Meulan,  dépar- 
tement de  Seine-et-Oise.  Caba- 
nis, dans  toute  l'extension  du 
terme,  était  un  homme  de  bien. 
Cher  à  ses  amis,  à  la  patrie,  à 
l'humanité;  savant,  sans  pédan- 
terie ;  médecin  supérieur,  il  fit 
faire  de  grands  pas  à  une  science 
incertaine,  en  l'éclairant  du  ttain- 
l>eau  de  la  philosophie.  Tous  ses 
ouvrages,  dictés  par  la  plus  res- 
pectable des  intentions ,  celle 
d'être  utile,  révèlent  un  esprit 
profond,  une  érudition  immen- 
se, et  un  cœnr  excellent.  Quoi 
que   puissent   dire  quelques  pé- 


GAU  5 

dans  ridicules  ,  aussi  incapa- 
bles d'imiter  Cabanis  que  de  le 
comprendre,  les  jeunes  étudians 
qui  se  destinent  à  la  profession  de 
médecin  ,  ne  sauraient  choisir  ni 
un  modèle  plus  estimable,  ni  un 
guide  plus  éclairé.  Indépendam- 
ment des  ouvrages  déjà  cités  dan* 
cette  notice ,  Cabanis,  à  difl'éren- 
tes  époques,  publia  les  œuvres  ci- 
après  :  Mélanges  de  littérature 
allemande,  ou  Choix  de  traduc- 
lions  de  l'allemand,  etc.,  etc., 
Paris,  1797;  cet  ouvrage  est  dé- 
dié à  M""  Helvétius.  Les  degrés 
de  certitude  de  la  médecine ,  Pa- 
ris, 1797  et  1802,  in-8°;  Coup 
d'œil  sur  les  révolutions  et  la  ré- 
Jorme  de  la  médecine,  Paris, 
i8o4,  in-8°;  Observations  sur  les 
affections  cotarrhales  en  général, 
et  particulièrement  sur  celles  qui 
sont  connues  sous  le  nom  de  rhu- 
me de  cerveau  et  de  rhume  de  poi- 
trine,  Paris,  1807,  in-8°;  Disser- 
tation sur  le  supplice  de  la  guil- 
lotine; dans  laquelle  l'auteur  sou- 
tient, contre  l'opinion  de  M.  Sue, 
et  celle  de  Sœmmering,  que  la  dou- 
leur ne  se  prolonge  pas  au-delà  de 
la  décapitation.  Cette  dissertation 
se  Xrouycda.nsle  Magasin  encyclo- 
pédique. Rapport  du  physique  et 
du  moral  de  l'homme;  douze  /«<*'- 
moires^  dont  les  six  premiers  pa- 
rurent dans  les  vol.  i  et  'X,  du  Re- 
cueil de  l'Institut  national,  classe 
des  sciences  morales  et  politiques -y 
et  le  tout  ensemble,  Paris,  1803 
et  i8o3,  deux  vol.  in-8°.  Chénier 
(ftlarie-Joseph),  dans  son  beau 
rapport  sur  les  progrès  et  l'état 
de  la  littérature  en  France,  rap- 
port qui  fut  mis,  en  1808,  'sous 
les  yeux  de  ]Sa])oléoii ,  après  a- 
Yoir  donné  une  aimiiytie  uus&i  lu- 


C  CAK 

Inineuse    que  rapide  des    douze 
mémoires  dont   nous  venons  de 
parler,  termine  le  paragraphe  qui 
les  concerne ,  par  ces  mots  :  «  Le 
plan  de  son  livre  est  aussi  bien 
exécuté  qu'il  est  l)ien  conç«i  ;  les 
questionsy  sont  traitées  avec  pro- 
fondeur, et  l'élégance   du   style 
leur  donne  autant  d'intérêt  qu'el- 
les ont  d'importance.  Aussi  la  re- 
nommée de  ce   bel   ouvrage  est 
faite  en  Europe;  elle  y  doit  en- 
core augmenter.  Plus  il  sera  lu, 
plus  on  sentira  combien  de  cer- 
tes de   connaissances  ,   combien 
de   genres    de    mérites  il   fallait 
réunir  pour  appliquer,   avec  au- 
tant de  succès,  l'analyse  de  l'en- 
tendement à  la  physiologie  trans- 
cendante, et  l'art  d'écrire  à  tous 
deux.  »  Dans  une  seconde  édition 
du  même  ouvrage,  on  trouve,  in- 
dépendamment des  additions  faî- 
tes par  l'auteur  lui-même,    un 
extrait  raisonné,  servant  de  table 
analytique,  par  M.  Destult-Tra- 
cy,  et  des  tables  alphabétiques  et 
raisonnées  des  auteurs  et  des  ma- 
tières ,  par  M.  Sue.  Plusieurs  des 
discours  prononcés  par  Cabanis, 
au  conseil  des  cinq-cents ,  ont  été 
recueillis  dans  le  Moniteur  .Ses  tra- 
vauxpoétiques  se  composent  d'u- 
ne traduction  duCimei/ère<^e  cam- 
pagne  de  Gray;  de  la  Mort  d'A" 
donis,  idylle  de  Bion,  enfin  d'une 
moitié  de  l'Iliade  d'Homtre.  Plu- 
sieurs fragmensde  ce  dernier  ou- 
vrage ont  été  lus  avec  succès  en 
séance  publique  de  l'Institut,  et 
mériteront  à  leur  auteur  une  pla- 
ce distinguée  parmi  nos  habiles 
■versificateurs. 

CABANON  (Bernard),  négo- 
ciant à  Rouen ,  où  il  possède  de 
grandes  propriétés^  est  né -à  Ga- 


CAIÎ 

dix  de  parens  français.  Il  vint  fort 
jeune  en  France,  où  il  mérita  d'ê- 
tre distingué.  Avant  le  if)  mars 
181  5,  il  était  juge  au  tribunal,  et 
membre  de  la  chambre  de  com- 
merce de  Rouen.  A  cette  époque 
il  fut  nommé  adjoint  du  maire  de 
cette  ville,  et  cessa  d'en  remplir 
les  fonctions  après  le-?  ctntjourx. 
En  1819,  le  corps  électoral  du  dé- 
partement de  la  Seine-Inférieure 
le  nomma  député  à  une  majorité 
immense.  Admis  à  la  chambre,  il 
prit  place  au  côté  gauche,  parmi 
les  défenseurs  de  la  charte,  avec 
lesquels  il  a  voté  constamment. 
Membre  de  la  commission  des 
douanes,  il  s'est  opposé  à  l'aug- 
mentation des  droits  d'entrée  sur 
les  laines  étrangères.  Il  s'est  pro- 
noncé contre  la  nouvelle  loi  des 
élections,  comme  il  l'avait  fait 
contre  les  lois  d'exception. 

CABARRUS  (François,  comte 
de),  est  né  à  Rayonne  en  1752. 
Lorsqu'il  eut  fini  ses  études  chez 
les  pères  de  l'Oratoire,  à  Toulou- 
se, il  fut  envoyé  à  Sarragosse  pour 
y  apprendre  l'espagnol,  et  pour 
acquérir  les  connaissances  néces- 
saires aux  négocians.  Il  y  épousa 
en  secret  M"'  Galaberl,  la  fille  de 
son  hôte,  lequel,  n'ayant  pas  tardé 
à  se  réconcilier  avec  son  gendre^ 
le  chargea  de  diriger  une  fabrique 
de  savon  auprès  de  Madrid.  Cet-» 
te  circonstance  fut  très-favorable 
au  jeune  Cabarrus.  Le  voisinage 
de  la  capitale  lui  permit  de  se  lier 
avec  des  littérateurs,  et  ensuite 
avec  des  hommes  en  place,  aux- 
quels il  dut  la  confiance  que  lui 
montra  bientôt  le  ministre  du  tré'- 
sor.  L'Espagne  ayant  agi  contre 
l'Angleterre  dans  la  guerre  des 
États-Unis,  avait  vu  sa  dette  s'ac* 


CAB 

c-roîlre  rapidement.  Pour  rétablir 
le  crédit,  C;ibarriis  imagina  de 
mettre  des  billets  royaux  portant 
intérêt.  Ce  papier-monnaie  réus- 
sit parfaitement,  et  peu  de  temps 
après ,  quand  on  créa  la  banque 
de  Saint-Charles,  la  direction  en 
fut  confiée  à  Cabarrus,  qui  en  a- 
"vait  formé  le  plan.  Au  moyen  d'un 
droit  de  commission,  cette  ban- 
que procède  à  racquiltement  de 
toutes  les  obligations  souscrites 
par  le  trésor,  pour  les  divers  ser- 
vices de  l'armée,  de  l'intérieur  et 
de  l'extérieur.  Ces  opérations, 
d'une  utilité  reconnue,  avaient 
donné  à  Cabarrus  une  grande  in- 
fluence; mais  la  mort  de  Charles 
III  y  mit  un  terme,  en  occasio- 
nant  le  renouvellement  du  minis- 
tère. Arrêté  en  1790,  au  mois  de 
}uin,  par  LIerena,  il  passa  deux 
années  dans  les  prisons  :  ce  n'est 
qu'en  1792  qu'il  fut  jugé  et  ac- 
quitté. 11  reçut  alors,  avec  le  titre 
de  comte,  une  mission  pour  le 
congrès  de  Rastadt ,  oii  il  eut  le 
rang  de  ministre  plénipotentiaire. 
Plus  lard,  il  fut  choisi  pour  l'am- 
bassade de  France,  après  avoir 
contribué,  depuis  son  retour  en 
Espagne,  à  la  réforme  de  l'admi- 
nistration. Mais  le  directoire,  n'i- 
gnorant pas  les  relations  de  Ca- 
barrus avec  la  faction  dite  de  Cli- 
chy,  le  refusa,  sons  le  prétexte 
qu'il  étiiit  ué  français.  Le  prince 
de  la  Paix,  qui  ne  le  voyait  pas  à 
Madrid  .sans  quelque  inquiétude, 
le  fit  envoyer  en  Hollinde,  où  il 
resta  jusqu'à  l'abdication  de  Char- 
les IV.  Kinlré  en  Espagne,  il 
fut  nommé  ministre  dis  finances 
par  Ferdinand  Vil,  et  il  le  sui>it 
à  Bayonne  au  mois  d'avril  1808. 
Lea  évéueiuea»  qui  placèrent. lo- 


CAC  ^ 

scph  Bonaparte  sur  le  trône  do3 
Espagnesj  ne  renversèrent  point 
la  fortune  du  comte  de  Cabarrus; 
il  fut  confirmé  dans  le  ministère, 
ainsi  que  dans  la  direction  de  la 
banque  de  Saint-Charles,  et  il  se 
vit  décoré  du  grand-cordon  de 
l'ordre  Royal,  créé  en  1809.  par 
le  frère  de  Napoléon.  Il  est  mort 
le  27  avril  1820,  avec  la  réputa- 
tion d'un  très-bon  administrateur 
en  finances. 

CACAULT  (François),  naquit 
à  Nantes,  en  1742.  Après  avoir 
fait  de  bonnes  études,  il  vint  à 
Paris  à  l'âge  de  20  ans,  et  ^  22, 
fut  nommé  professeur  de  mathé- 
matiques à  l'École-Militaire.  Un 
duel ,  où  il  blessa  son  adversaire, 
le  força  de  quitter  la  France  ,  en 
1769.  Il  parcourut  l'Italie,  et  ar- 
riva à  Rome  dans  un  dénfimcnt 
complet.  Il  était  loin  de  se  dou- 
ter qu'il  dût  un  jour  représenter 
une  des  grandes  nations  de  l'Eu- 
rope, dans  cette  même  ville  où 
il  entrait  à  pied,  et  peu  chargé  de 
bagage.  Lors  de  son  retour  en 
France, en  1 775,  le  maréchal  d'Au- 
beterre  se  l'attacha  comme  secré- 
taire particulier,  l'emmena  en  I- 
talie,  et  le  fit  nommer,  en  1785, 
secrétaire  de  l'ambassade  de  Na- 
ples,  sous  le  baron  de  Talleyrand, 
auquel  Cacault  succéda  dans  cette 
résidence,  en  1 791.De  retour  à  Pa- 
ris, il  reçut  l'ordre  de  partir  pour 
Rome,  après  l'assassinat  de  Basse- 
ville;  mais  tontes  les  comniunica- 
tious  étant  coupées  par  les  trou- 
pes de  la  coalition,  il  ne  put  ar- 
river àsa  nouvelledestinalion.S'é- 
tant  arrêté  en  Toscane, il  employa 
nlileinenl  le  tcujps  «le  son  séjour 
ù  Florenc€,etd<  termina  le  grand- 
duc  à  se  détacher  de  lu  coalition. 


8  CAC 

Nommé  ministre  à  Gènes,  il  si- 
gna, conjointement  avec  le  géné- 
ral Bonaparte,  le  traité  deTolen- 
tino.  Chargé  d'en  surveiller  l'exé- 
cution, il  se  rendit  à  cetelïctà  Ro- 
me, t\  Florence,  puis  fut  rappelé  :\ 
Paris,  où  il  revint,  ne  rapportant 
de  ses  missions,  qu'une  pauvreté 
honorable  et  quelques  tableaux. 
Nommé,  en  1798,  député  au  con- 
ieil  des  cinq-cents,  par  le  départe- 
ment de  la  Loire-Inférieure,  il  y 
présenta,  le  1 5  août,  un  projet  sur 
le  mode  de  reddition  de  compte 
des  ministres,  et  proposa  la  dégra- 
dation civiquepour  ceuxquine  se 
soumettraient  pas  à  cette  mesure. 
Après  la  révolution  du  18  brumai- 
re   an  8,    Cacault  fut  membre 
du  nouveau  corps -législatif;  et 
renommé    l'année     suivante     à 
l'ambassade  de  Rome,  il  y  resta 
jusqu'en  juillet  i8o3,  époque  où 
le  cardinal  Fesch  vint  lui  succé- 
der.  Revenu   en   France  ,   il  fut 
nommé présidentdu  collège  élec- 
toral de  la  Loire-Inférieure.  Elu 
candidat  par  ce  département,  il 
entra  au  sénat-conservateur  le  6 
avril  i8o5,  et  mourut  à  Clisson, 
le  1"  octobre  i8o5.  Cacault,  qui 
avait  pris   en  Italie  le   goût   des 
arts,  laissa  un  beau  cabinet  des 
divers   morceaux  qu'il  en   avait 
rapportés.  On  a  de  lui  les  ouvrages 
suivans,  qui  ne  se  distinguent  ni 
par  l'élégance,  ni  même  par  la 
correction  du  style  :  1°  Poésies  ly- 
riques   de  Ramier,  traduites  de 
l^ allemand ,  Berlin,  1777,  in-12; 
ti"  Dramaturgie ,  ou  Observations 
critiques  sur  plusieurs  pièces  de 
théâtre,   traduite  de  l'allemand 
de  Lessing,  par   un  Français , 
et  publié  par  M.  J.,  Poris,  1785, 
3    vol.    in-12.    Enfin   plusieurs 


CAD 

Rapports  au  conseil  des  cinq- 
cents. 

CADET-GASSICOURT  (Lotis- 
Claiîde),  pharmacien,  né  à  Pa- 
ris le  .;4  juillet  1731.  Son  père, 
chirurgien  habile,  mourut  à  la 
fleur  de  l'âge,  laissant  treize  en- 
fans,  une  veuve,  et  dix-huit  francs 
pour  toute  fortune.  Chacun  des 
voisins  de  Cadet  voulait  adopter 
un  de  ses  enfans.  Saint- Laurent, 
trésorier  des  colonies,  ami  zélé  et 
puissant,  se  chargea  de  pourvoir 
à  l'éducation  de  ces  intéressans 
orphelins,  et  de  donner  à  chacun 
d'eux  une  destination  conforme  i 
ses  talens.  Louis-Claude  s'étant 
voué  à  l'étude  de  la  pharmacie,  y 
fit  des  progrès  assez  rapides  pour 
être  nommé,  à  22  ans,  apothicai- 
re-major des  Invalides.  Quatre 
ans  après,  en  «757,  il  fut  apothi- 
caire-major des  armées  d'Allema- 
gne, et  ensuite  de  l'armée  fran- 
çaise en  Portugal.  Il  se  fit  bientôt 
distinguer  par  ses  connaissances 
en  chimie.  En  176G,  l'académie 
des  sciences  de  Paris  le  reçut  au 
nombre  de  ses  membres  pour  pro- 
fesser la  chimie.  Les  académies 
de  Lyon,  Toulouse  et  Bruxelles 
s'empressèrent  successivement  de 
l'adopter  pour  associé  ou  pour 
correspondant.  Les  mémoires  de 
l'académie  des  sciences  de  Paris, 
le  journal  de  physique  et  d'autres 
recueils  savans,  ont  été  enrichis 
par  Cadet  de  vingt-trois  mémoi- 
res ou  dissertations  sur  la  chimie. 
On  y  trouve  des  observations  pré- 
cieuses sur  la  possibilité  d'extrai- 
re le  vitriol  de  l'espèce  de  charbon 
de  terre  qu'on  exploite  dans  le 
Rouergue.  Cadet  a  analysé  huit 
espèces  d'eau  minérales  jusqu'a- 
lors inconnues.   Il  a  donné   les 


^. 


/•  /^  / .  / 


(     )  ^ 


/, 


Fivinit  (//•/  <-f-  >  *'f/f//> 


CAD 

moyens  de  préparer  l'éther  à  des 
frais  très-modiques  ;  ce  médica- 
ment, dont  l'usage  est  tous  les 
jours  plus  répandu,  et  pourrait 
même  l'être  trop,  depuis  que  les 
dames  se  sont  familiarisées  avec 
ce  puissant  anti-spasmodique,  dé- 
guisé sous  le  nom  de  gouttes  ano- 
dines d'Hoffmann.  Cadet  a  rédi- 
gé, pour  l'Encyclopédie,  les  arti- 
cles bile  et  borax.  11  a  fait  impri- 
mer séparément  :  1°  Une  Analy- 
se des  eaux  minérales  de  Passy; 
2"  des  Observations  en  réponse  à 
Baume,  sur  la  préparation  de  l'é- 
ther, sur  le  mercure,  etc.  ;  3"  en- 
fin des  Expériences  sur  la  natu- 
re du  diamant.  Dans  ces  expé- 
riences sur  le  diamant,  faites  avec 
les  célèbres  Macquer  et  Lavoi- 
sier.  Cadet  eut  l'avantage  de  met- 
tre hors  de  doute  la  combustion 
parfaite  de  ce  corps  singulier,  et 
d'apercevoir  l'enduit  charbon- 
neux dont  se  couvre  le  diamant 
lorsqu'il  ne  se  combine  que  par- 
tiellement avec  le  gaz  oxigène. 
Le  désir  d'étendre,  avec  le  domai- 
ne des  sciences,  no?  relations 
commerciales,  avait  fait  condui- 
re en  France  deux  jeunes  Chinois, 
auxquels  Louis  XV  voulut  qu'on 
apprît  la  chimie.  Cadet  fut  char- 
gé de  la  leur  enseigner,  et  reçut 
pour  prix  de  ce  service  la  seule 
récompense  qui  pouvait  le  flatter, 
la  Collection  complète  des  mé- 
moires de  V académie  des  scien- 
ces. Lin  livre  instructif  paie  les 
travaux  d'un  savant,  comme  une 
armure  brillante  les  exploits  d'un 
guerrier.  Les  falsifications  que 
des  commerçans  avides  se  per- 
mettaient d'exercer  sur  les  vins, 
leà  vinaigres  et  les  tabacs,  ayant 
éveillé  la  sollicitude  du  gouver- 


CAD  9 

nement,  Cadet  fut  chargé  de  dé- 
couvrir ces  fraudes  pernicieuses  ; 
il  donna  à  la  fois  les  moyens  de 
les  reconnaître,  d'en  arrêter  le 
cours,  et  de  remédier  aux  abus 
qu'elles  entraînaient.  Cadet  a  tra- 
vaillé sur  la  confection  du  verre 
et  de  la  porcelaine  ^'ecle  célèbre 
Fontanieu;  il  a  laissé  dans  son  la- 
boratoire un  grand  nombre  d'é- 
chantillons qui  attestent  l'impor- 
tance des  essais  qu'il  a  faits  dans 
ce  genre.  Ces  travaux  le  firent 
nommer  commissaire  du  roi  pour 
la  chimie,  près  la  manufacture  de 
Sèvres.  Le  public  accorda  tou- 
jours à  Cadet  une  confiance  pro- 
portionnée à  ses  lalens.  On  sait 
quel  succès  ont  constamment  ob- 
tenu les  médicamens  qu'il  pré- 
parait. Ce  succès  a  été  trop  dura- 
ble pour  qu'on  pût  l'attribuer  i 
la  mode  ou  ù  un  engouement  ir- 
réfléchi. Son  cabinet  était  ouvert, 
ù  toute  heure,  à  l'humanité  souf- 
frante qui  venait  réclamer  ses  sa- 
lijtaires  avis.  Ses  consultations é- 
taient  toujours  gratuites;  il  y  joi- 
gnait souvent,  pour  les  pauvres, 
le  don  des  médicamens  qu'il  avait 
prescrits,  et  quelquefois  de  l'ar- 
gent pour  qu'ils  se  procurassent 
le  bouillon,  le  linge,  ou  telle  au- 
tre commodité  que  réclamaient 
leurs  maladies.  Ln  homme,  dont 
l'habit  et  le  maintien  annonçait 
tout  au  plus  un  pauvre  habitant 
de  la  campagne,  se  présente  un 
jour  chez  Cadet  pour  le  consulter. 
Le  malade  est  accueilli  avec  au- 
tant d'égards  et  de  politesse,  de 
patience  et  d'attention,  que  si  son 
extérieur  eOt  promis  le  plus  riche 
salaire;  il  se  retire  surpris  et  pé- 
nétré de  reconnaissance.  Le  soir 
du  même  jour,  une  Toiture  s'ar- 


10  CAD 

rète  à  la  porte  de  Cadet.  In  hom- 
me décoré  en  sort,  et  se  fait  re- 
coruiaître  pour  le  malade  si  géné- 
reusement écouté  le  matin  :  c'é- 
tait ie  duc  de  Crillon  ;  il  émisas- 
se Cadet,  et  lui  demande  son  ami- 
tié. Cette  demande  n'élait  point 
une  vaine  démonstration;  le  duc, 
à  compter  de  ce  jour,  fut  et  de- 
meura toute  sa  vie  l'ami  intime 
de  Cadet.  Ses  derniers  travaux 
chimiques  ont  eu  pour  objet  l'exa- 
men du  métal  des  cloches.  L'a- 
cadémie des  sciences  l'en  avait 
chargé  conjointement  avec  Dar- 
cet  et  Fourcroj.  Depuis  cette  é- 
poque ,  il  se  renferma  dans  ses 
consultations  jo"rnalières  et  dans 
la  pratique  de  son  état.  Après  plus 
de  soixante  années  de  travaux  u- 
tiles.  Cadet  succomba  à  la  suite 
d'une  opération  douloureuse  qu'il 
supporta  avec  beaucoup  de  cou- 
rage. Il  mourut  le  0.5  vendémiai- 
re an  8  (17  octobre  1799),  laissant 
un  fils  unique,  héritier  de  ses  ta- 
lens,  auxquels  il  en  réunit  d'au- 
tres, etc.  (Fofcz  l'article  ci-a- 
près.) 

CADET-GASSICOLRT,  fils  du 
précédent,  est  né  à  Paris  le  23 
janvier  1769.  Il  exerça  d'abord  la 
profession  d'avocat ,  et  l'aban- 
donna en  1799,  après  la  mort  de 
son  père,  pour  se  faire  recevoir 
pharmacien.  L'étude  des  sciences, 
des  lettres  et  de  la  saine  philoso- 
phie remplit  ses  premières  an- 
nées. A  l'époque  du  ij  vendé- 
miaire an  4  (10  octobre  1793),  il 
était  président  de  la  section  du 
31ont-iîlanc.  qui  marcha  contre 
la  convention.  Il  fut  condamné 
ii  mort,  mais  le  jury  du  tril)unid 
criminel  du  département  de  la 
Seine  annula  ce  jugement   pro- 


CAD 

nonce  par  contumace.  M.  Cadet, 
membre  de  la  société  de  bienfai- 
sance, l'un  des  fondateurs  du  ly- 
cée républicain,  membre  de  la 
société  (les  belles-I«;tlres,  était, 
avant  la  restauration,  pharmacien 
de  l'empereur,  (/e.»!  en  cette  qua- 
lité qu'il  fut,  (Il  i«So9,  appelé  à 
Schfenbnin.  nu  Napoléon  le  nom- 
ma clievalier  de  Tempire.  Témoin 
(les  ])i  iiicipauxévénemens  de  cet- 
te inéiuorable  campagne,  et  s'é- 
tant  trouvé  à  même  de  rassem- 
bler des  anecdotes  curieuses,  M. 
Cadet  les  fit  paraître  dans  un  ou- 
vrage fort  piquant^  intitulé  Voya- 
gc  en  yiulricit,  in  Moravie  el  en 
Bavière,  1  vol.  in-8°.  Il  figura 
comme  témoin  à  décharge  dans  Iki 
procès  dirigé,  en  1819,  contre  u- 
ne  prétendue  réunion  dite  di-s  a- 
mis  de  la  iiherlé  de  la  pi-esse.  In- 
terrogé sur  l'organisation  inté- 
rieure de  cette  assemblée  :  Celui 
qui  nous  Jaisait  les  honneurs  de 
la  soirée,  vv.^ox\à\i  M.  Gassicourt, 
n'élait  pas  jt/us  un  président  élu 
que  le  roi  de  l'Epiphanie  n'est  un 
roi  légitime.  M.  Cadet  est  un 
pharmacien  savant  et  un  homme 
d'esprit;  et  à  ces  deux  titres,  il  ne 
fait  pas  moins  pour  la  guérison 
que  pour  1  amusement  de  ses  ma- 
lades. Excellent  patriote,  il  a  sou- 
vent quitté  son  laboratoire  pour 
s'occuper  d'objets  politiques.  Au- 
teur de  plusieurs  brochures  sur 
des  questions  d'intérêt  général,  il 
s'est  livré  simultanément  au  cul- 
te de  la  science  et  à  celui  de  la  li- 
berté. M.  Cadet,  docteur  de  la 
faculté  des  sciences,  est  mem- 
bre des  académies  de  Turin,  de 
Flitrence,  de  Madrid,  et  de  l  aca- 
démie royale  de  médeci.iede  Pa- 
ris, dont  il  est  un  des  secrétaires. 


CAD 

C'est  à  lui  que  l'on  doit  la  créa- 
tion du  consoil  de  salubrité,  ins- 
titution si  utile  aux  arts  et  à  l'hy- 
giène publique.  Indépendamment 
del'ouvrag»;  dont  nous  avons  par- 
lé ci-dessus,  M.  Gassicourt  en  a 
publié  plusieurs  autres,   et  s'est 
distingué  en  plus  d'un  genre.  On 
a  de  lui  Lellvts  en  prose  et  en  vers- 
sur  la  Normandie^  suivies  de pil- 
cesjiigitivcs;  le  Tombeau  de  Jac- 
ques Molay,  ou  Hiytoirc  secrète 
des  templiers  francs'tnacons ,  il- 
luminés^ etc.,  etc.   Il  donna  au 
Vaudeville,  en  1 79.'!,  le  Souper  île 
Alolilrc,  et  quelques  années  après, 
au  théûtie  des  Troubadours,  la 
Visite  de  liucaii.  11  publia  suc- 
cessivement un  Forma  aire  ma- 
gistral, I  vol.  in- 12;  un  (action- 
naire de  chimie,  4  vol.  in-S";  une 
petite  Pharmacie  domcstifjue  ii 
l'usage  des  personnes  qui  habi- 
tent la  campagne ,  i  vol.  in- 18. 
Dans  un  autre  genre  il  fit  paraî- 
Hre  :  Observations  sur  les  ptincs 
infamantes .   ouvrage   adressé    \ 
rassembléeconstituante.En  1 800, 
'une  Tiiéorie  des  élections,  sous  le 
titre  de  Raisons  d'un  bon  choix; 
wne  autre  brochure  ayant  pour 
titre  Cahier  de  réformes.  En  1 8 1 7, 
il  critiqua  finement  l'organisation 
de  la  garde  nationale,  dans  une 
brochure  intitulée  :  Confidence  de 
l'hôtel  de  Bazuncourt.  Peu  après 
il  fit  paraître  les  quatre  /îi^es  de 
la  garde  nationale.  La  môme  an- 
née et  les  deux  suivantes,  il  pu- 
blia ime  Analyse  raisonnée  des 
listes  d'é'ecteurs  et  (télif;ib/cs ;  et 
deux  brochures  intitulées  :  Candi- 
dats présentés  aux  électeur^  de 
Paris  pour  la  session  d^.  \9,\i^^  «t 
Qui  nommerons  -  nom  ?  (l'Siso). 
Les  autres  ouvrages   de  €adct- 


CAÔ  1 1 

Gassicourt  sont  :  1°  Un  Essai  sur 
la  vie  /rii'ée  de  Mirabeau;  a°  un 
Kloge  de  Baume;  5°  Saint-Gè- 
ran,  ou  la  nouvelle  Langue  fran- 
çaise,  suivi  du  f  oynge  au  mont 
Vnlé.un.  etc.,  critique  enjouée 
des  ouvrages  de  M°'*  de  Staël  et 
de  M.  de  Cliâteaubriaud.  1  vol.  in- 
8";  4°  '"*  Cours  gastronomique f 
I  vol.  in-8*;  5*  i^ Esprit  des  .<ots 
passés,  présens  et  à  t'enir,  ouvra- 
ge philologique,  1  vol.  in-12;  6* 
/  .  nU  novateur,  <^°  h  oj^t  d'ins- 
titut nomade;  8°  des  Moyens  de 
destruction  et  de  résistance  que 
les  sciences  physiques  peuvent  of- 
frir dans  nie  guerre  nationale. 
Les  recueils  périodiques  des  scien- 
ces naturelles  contiennent  plu- 
sieurs n»éin()ires  intéressans  de 
M.  (>a(let-Gassicourt,  et  il  se  pro- 
pose de  publier  incessamment  un 
ouvrage  très-élendu  sur  la  salu- 
brité publique,  considérée  dans 
ses  rapports  avec  l'administration 
de  lu  police. 

C.4DKT- DE-VAUX  (AiyTOixE- 
Alexis),  Crère  (k*  Cadel-Gassicourt 
(L.  C),  né  à  Parislei5  septembre 
1743,  exerça  quelque  temps  la 
piiarmaeie.  Il  traduisit  les  insti- 
tuts de  chimie  de  Spielman,  2  vol 
in  8°,  et  les  enrichit  de  notes.  Ses 
liaisons  avec  Duhamel,  Tillct  et 
Parmentier,  le  portèrent  vers  l'é- 
tude de  l'économie  rurale  et  do- 
mestique. Il  vendit  sa  pharmacie, 
et  se  livra  tout  entier  ai  IX  objets  in- 
téressans que  pré-*eute  cette  scien- 
ce, ('ependaot  comme  il  avait 
peu  de  forlnne,  il  ('oiiciit  li  oro- 
jet  de  s'assurer  d  abord  un<!  exis- 
tence par  la  lili.  laiiir»' .  <t  il  «  réa 
le  ./o     '■   /  .  (I.iui  le  gar- 

de   des    Meaiix  il  ne  de  Miroiné- 
Tiil  lui  accorda  le  privilège  J  i\  la 


lî  CAD 

charge  de  s'associer  M.  Suard , 
M.  Corancez,  etc.  Le  Journal  de 
Paris  ^  ce  qui  paraîtra  incroyable 
à  ses  lecteurs  actuels,  eut,  dans 
les  premières  années,  le  plus 
grand  succès.  Libre  de  se  livrer  à 
ses  goûts  et  doué  d'une  grande  phi- 
lanthropie, Cadet-de-Vaux  pro- 
posa au  gouvernement  les  moyens 
de  prévenir  l'asphyxie  des  fosses 
d'aisance;  il  demanda  et  obtint 
la  prohibition  des  comptoirs  de 
plomb  chez  les  marchands  devin, 
des  vases  de  cuivre  pour  les  lai- 
tières ,  des  balances  de  cuivre 
pour  les  détaillans  de  sel;  il  pro- 
voqua la  suppression  du  cimetiè- 
re des  Innocens.  Ces  travaux  le 
firent  nommer,  par  M.  Lenoir  , 
lieutenant-général  de  police,  ins- 
pecteur des  objets  de  salubrité  de 
la  ville  de  Paris.  11  créa  ,  avec 
Parmentier,  l'école  de  boulange- 
rie, et  professa  gratuitement  cet 
artjsoit  à  Paris,  soit  dans  plusieurs 
provinces  où  l'on  ne  faisait  que 
de  mauvais  pain.  Celui  des  pri- 
sons et  des  hôpitaux  fut  amélioré 
par  les  soins  de  ces  deux  philan- 
thropes. Il  conçut  le  projet  des  co- 
mices agricoles,  le  ministre  les 
adopta;  et  ces  réunions  des  plus 
grands  cultivateurs  présidées  par 
Broussonet,  par  Cadet-de-Vaux, 
firent  faire  de  grands  pas  à  l'agri- 
culture. C'est  dans  ces  conféren- 
ces champêtres  qu'il  apprit  aux 
fermiers  à  prévenir  la  carie  des 
blés  par  un  bon  chaulage,  qu'il 
fit  proscrire  l'emploi  du  vert-de- 
gris  et  de  l'arsenic  que  quelques 
laboureurs  mêlaient  à  leurs  se- 
mences pour  les  préserver  de  ca- 
rie, qu'il  propagea  la  connais- 
sance de  la  mouture  économique. 
Cadet-de-Vaux  publia  un  mémoi- 


CAD 

re  sur  la  diminution  des  eaux  opé- 
rée par  le  destruction  des  forêts  ; 
une  instruction  sur  la  méthode 
œnologique  (l'art  de  fabriquer  le 
vin)  de  Chaptal;une  autre  sur  le 
blanchiment  à  la  vapeur,  et  plu- 
sieurs écrits  sur  l'emploi  delà  gé- 
latine extraite  des  os.  En  1791  et 
1793  il  fut  nommé  président  du 
département  de  Seine-et-Oise.  Il 
se  fit  chérir  dans  cette  place  par 
son  activité  et  sa  modération. 
Rendu  à  sa  vie  agricole,  il  s'oc- 
cupa de  chercher  tous  les  pro- 
duits que  l'on  pouvait  tirer  des 
pommes  de  terre,  et  il  a  publié 
sur  cette  substance  alimentaire 
d'excellens  écrits.  lia  fait  connaî- 
tre aussi  l'avantage  offert  parlV/r- 
cure  ou  courbure  des  branches 
dans  les  arbres  fruitiers,  qui,  par 
cette  opération,  deviennent  plus 
productifs  sans  s'épuiser;  il  a  ré- 
digé une  petite  histoire  de  la  tau- 
pe et  des  moyens  de  la  détruire. 
Ce  traité  est  plein  de  recherches 
et  d'intérêt.  M.  Cadet-de-Vaux  a 
78  ans  ,  et  son  zèle  ne  se  ralentit 
point. Il  vient  de  publier,  par  or- 
dre du  ministre  de  l'intérieur,  u- 
ne  brochure  pour  prouver  qu'il  y 
a  un  avantage  d'un  cinquième  ;\ 
récolter  le  blé  quinze  jours  avant 
sa  complète  maturation,  et  que  la 
farine  obtenue  de  ce  blé  est  de 
meilleure  qualité.  M.  Cadet-de- 
Vaux  est  membre  de  la  Société 
royale  d'agriculture  ,  de  l'acadé- 
mie royale  de  médecine,  de  celle 
des  Curieux  de  la  nature,  et  cor- 
respondant de  plusieurs  sociétés 
savantes  étrangères.  Ennemi  juré 
de  la  goutte,  M.  Cadet-de-Vaux 
conçut,  il  y  a  quelques  années,  le 
projet  de  la  noyer  dans  l\%  verres 
d'eau.  On  ne  sache  pas  qu'un  seul 


CAD 

goutteux  ait  fait  en  entier  l'épreu- 
ve de  ce  spécifique,  qui  n'a  ja- 
mais été  à  la  mode  malgré  sa 
singularité.  M.  Cadet-de-Vaux 
est  du  petit  nombre  de  ces  hom- 
mes recommandables  qui  n'ont 
ambitionné  d'autre  gloire  que  cel- 
le d'être  utile;  et  il  est  impossi- 
ble de  citer,  sans  reconnaissance, 
les  nombreux  services  qu'il  a  su 
rendre  à  la  société. 

CADET  (Jean-Marcel)  ,  né  à 
Metz  le  4  septembre  1701,  n'est 
point  de  la  même  famille  que  les 
précédens.  11  a  résidé  pendant 
vingt-cinq  années  en  Corse,  où 
il  a  été  subdélégué  général  et  ins- 
pecteur des  mines.  Après  avoir 
comparé  entre  elles  et  avec  celles 
du  continent  les  productions  de 
celte  île,  qu'il  a  plusieurs  fois  par- 
courue dans  tous  les  sens.  Cadet 
s'est  servi  des  rouleaux  du  cadas- 
tre pour  la  figurer  en  relief,  avec 
les  matières  mêmes  du  sol.  Cet  ou- 
vrage curieux  et  d'une  grande  pa- 
tience, facilite  l'intelligence  de 
deux  mémoires  qu'il  a  publiés, 
l'un  sur  les  Jaspes  et  autres  pier- 
res précieuses  de  la  Corse  ;  l'au- 
tre, sur  les  Stations  de  la  mer,  à 
différentes  distances  du  centre  de 
la  terre.  L'importance  des  forêts 
dt:  la  Corée,  et  les  coupes  intem- 
pestives que  l'on  en  faisait,  ont 
déterminé  Cadet  à  faire  imprimer 
des  Observations  sur  la  nécessité 
de  régler  l'abattage  des  arbres 
d'après  la  latitude  et  l'élévation 
du  sol.  Il  est  auteur  du  Système 
de  l'Angleterre,  publié  aux  yeux 
des  nations ,  et  de  VÉtat  de  la 
Corse  durant  la  révolution.  On 
doit  encore  à  Cadet  le  déroule- 
ment, li;  calque  et  la  première 
gravure  du  plus  beau  de$  rouleaux 


CAD  i3 

connu  d'écritures  en  hiérogly- 
phes; une  collection  de  tarifs  pour 
établir  avec  justesse  et  célérité  les 
cottes  proportionnelles  sur  les  dif- 
férons revenus;  un  mémoire  sur 
l'emploi  de  ce  qui  est  fait  du  ca- 
dastre pour  répartir  équitable- 
ment  la  somme  de  la  contributioQ 
foncière  sur  les  départemens  du 
royaume;  un  préci»  des  voyages 
entrepris  pour  se  rendre  aux  In- 
des par  le  pôle-nord;  un  traité  de 
la  lenteur  que  mettent  les  subs- 
tances aériformes,  liquides  et  so- 
lides, à  suivre  les  mouvemens  de 
la  terre ,  et  des  effets  de  cette 
lenteur  sur  la  salubrité,  les  dé- 
bordemens  et  les  alluvions.  Ca- 
det avait  été  appelé,  il  y  a  vingt 
ans,  à  la  place  de  directeur  des 
contributions  du  département  du 
Bas-Rhin.  Il  résidait  ii  Strasbourg, 
où  il  était  en  même  temps  secré- 
taire-général de  la  société  des 
sciences,  lorsqu'il  a  été  admis  à 
la  retraite.  11  s'occupe  mainte- 
nant d'un  ouvrage  sur  l'importan- 
ce de  la  Corse,  et  d'un  autre  qui 
donnera  l'explication  des  noms 
personnels  symboliques. 

CADOUDAL(Geobge),  fils  d'ua 
meunier,  naquit  en  i769,àBrech, 
village,  ou  était  établi  son  père,  à 
deux  lieues  d'Auray,  déparlement 
du  Morbihan.  11  fit  ses  études  au 
collège  de  Vannes,  et  prit  part  à 
la  première  insurrection  royalis- 
te, excitée  en  1790,  dans  son  dé- 
partement. Cette  tentative  de 
guerre  civile  n'ayant  obtenu  au- 
cun succès,  Cadoudal ,  ù  la  tête 
d'une  cinquantaine  de  paysans 
bas-bretons,  se  joignit  à  un  ras- 
semblement de  Vendéens,  les  sui- 
vit dans  leurs  opérations,  et  de- 
vint olïicier  au  siège  de  Graq- 


i4  CAD 

ville.  Cadoudal,  de  concert  avec 
un  noniin»';  Letnenier,  s'occupa 
d'enrôler  des  ni;ilclol.s  oisifs,  des 
paysans  privés  de  travail,  et  s'ef- 
tbrça  ainsi  de  recruter  le  parti 
qui  avait  levé  l'étendard  de  la 
guerre  civil*.  Arrêté  sur  ces  en- 
Irelailes  par  un  délachtinrnl  ré- 
publicain, il  l'ut  conduit  dans  les 
prisons  de  Brest,  et.  après  quel- 
ques mois  de  détention,  se  «auva 
déguisé  en  nuitelot.  Ctpendant 
l'année  royaliste,  durant  l'ahsen 
ce  de  Geoi'{!;e,  avait  reçu  une  or-- 
ganisation  définitive  :  les  chefs  é- 
taient  choisis.  Cieorj^e  se  iit  nona- 
mer  commandant  de  «on  canton, 
et  ce  fut  sous  ce  titre  qu'il  com- 
mença cette  {,nitrre  de  chouanne- 
rie ,  à  laquelle  il  dut  son  genre  de 
célébrité.  Une  grande  constance 
à  braver  les  diverses  espèces  de 
périls  attachés  aux  expéditions 
qu'il  commandait,  le  rendit  un 
personnage  redoutable;  ot  il  se  vit 
bientôt  à  la  tèle  d'un  rassemble- 
ment nombreux.  En  i^gS  il  se 
prononça  contre  la  pacification 
de  la  Mabilais;  s'entcnditavec  les 
chefs  du  débarquement  de  Qui- 
fceron,  pour  favoriser  leurs  entre- 
prises; et  après  l'échec  qu'ils  é- 
prouvèrent  ,  rallia  les  chouans 
-que  les  ofllciers  émigrés  ,  décou-. 
rages  par  la  mort  de  Tinteniac, 
voulaient  licencier.  Se  trouvant,  à 
«etteépoque,premier  chef  de  l'in- 
surrection de  la  Basse-Bretagne, 
il  essaya  quelque  temps  de  résis- 
ter aux  armes  des  troupes  répu- 
blicaines. La  responsabilité  du 
désastre  de  Quiberon  lui  sem- 
blant devoir  peser  sur  M.  de  Pui- 
.«aye,  il  le  fit  arrêter  avec  l'inten- 
lionde  le  faire  fusiller;  et  ce  ne  fut 
4ju'i  Ja  auiie  d'u»  Jong  entreitien 


CAD 

et  de  prières  réitérées,  que  celui-ci 
parvint  à  fléchir  cette  justice  ex- 
péditive.  Malgré  cette  roideur, 
George  s^avail  cependant  se  plier 
aux  circonstances,  et  dissimuler 
quand  il  y  avait  intérêt.  On  l'a  vu, 
en  i79(>,  se  résoudre  à  une  feinte 
soumission  devant  le  général  Ho- 
che ;  licencier  ses  troupes;  s'en- 
gagera opérer  leur  désurmement; 
et  donner  en  secret  les  ordres  les 
plu»  positifs  pour  que  le  traité, 
publiquement  proclamé,  n«  s'ac- 
complit pas.  On  l'a  vu,  en  1797, 
après  le  coup  manqué  par  les 
royalistes,  au  18  fructidor,  tenter 
de  rallumer  la  discorde  en  France, 
sous  la  protection  du  ministère 
anglais.  Après  deux  ans  d'inac- 
tion, on  l'a  vu  accomplir  ce  pro- 
jet en  1799;  enfin  A  la  suite  des 
combats  de  Grand-Champ  et  d'El- 
ven ,  qui  eurent  lieu  les  25  et  26 
janvier  1800,  on  l'a  vu  traiter 
près  de  ïheix  avec  le  général 
Brune;  licencier  ses  troupes;  ju- 
rer la  paix;  et  se  rendre  à  Londres 
pour  concerter  les  moyens  de  ral- 
lumerlaguerre.  dépendant  Geof' 
ge  reçut  en  Angleterre  le  prix  de 
son  dévouement  à  la  cause  roya- 
le. Le  cordon  rouge  et  le  grade  de 
lieutenant-général  lui  furent  ac- 
cordés par  monseigneur  le  comte 
d'Artois  ,  et  ces  marques  de  fa- 
veur furent  accompagnées  des 
félicitations  du  ministère  anglais. 
Revenu  secrètement  en  Bretagne 
avec  le  comniandement  général 
du  Morbihan  et  de  plusieurs  au- 
tres départemens,  il  fil  de  nou- 
veaux efforts  pour  y  organiser 
l'insurrection  :  il  aspirait  même  à 
s'emparer  de  Belle-lleet  de  Brest; 
mais  la  découverte  de  ce  projet 
le  fit  échouer.  Ce  dernier  coni- 


I 


CAD 

Diandement  de  George  fut  signalé 
par  la  mort  de  M.  de  Bec-de-Liè- 
vre,  quil  fit  fuj^ilier,  coiiiine  es- 
pion de  la  police  du  premi<'r  con- 
sul. M.  Bec- de -Lièvre  était  le 
beau-frère  du  général  Bourmont, 
lerjuel  avait,  contre  l'avis  de  Geor- 
ge, traité  avec  les  agens  de  la  ré- 
publique. Cependant  un  attentat 
horrible  s^e  tramait  contre  la  vie 
du  chef  du  gouvernement  fran- 
çais. Désespérant  de  vaincre  le 
première  consul,  on  avait  pris 
la  résnlution  de  l'assassiner.  Mais 
il  est  des  degrés  dans  le  crime. 
Tuer  un  homme  est  un  forfait 
horrible;  le  tuer  par  un  moyen 
qui  doit  entraîner  la  mort  d'u- 
ne foule  nombreuse,  est  l'acte 
d'une  férocité  stnpide.  Toute  la 
France  se  souvient  encore  du  dé- 
sastre causé  par  l'explo-ion  de 
la  machine  infernale.  Saint -Ké- 
jant,  ancien  ollicier  de  marine, 
employé  jusque-là  sous  le  com- 
jnandement  de  George,  lut  jugé 
et  condamné  avec  Carbon  ,  com- 
me auteur  de  cet  horrible  atten- 
tat. Londres  fut  considéré  comme 
le  point  d'où  parlait  la  conspira- 
tion ;  mais  George ,  accusé  par 
l'opinirin  publique,  nia  conslam- 
ment  qu'il  y  eftt  pris  part.  (Ce- 
pendant il  s'était  déclaré  de- 
puis long-temps  ennemi  person- 
nel du  premier  consul.  A  l'époque 
où  les  principaux  chefs  de  la  Ven- 
dée signèrent  une  pacification  qui 
terminait  une  guerre  dev(;nue 
inutile,  George  refuso  d'y  adhé- 
rer; et  ses  diverses  soumissions 
au  gouvernement  ne  furent  ja- 
mais que  des  ruses  à  l'abri  des- 
(piellcs  il  uiéditait  de  nouvelles 
attaques.  Dans  le  mois  de  janvier 
i8o5,  de»  ofUciers  qui  avaient 


CAD  1 5 

servi  sous  le  commandement  de 
George,  se  rendirent  avec  lui  à 
Hastings,  d'où  ils  devaient  s'em- 
barquer secrètement  pour  la  Fran- 
ce. Le  fait  suivant,  dontnouspou- 
vons  garantir  l'authenticité,  in- 
dique vers  quel  but  était  dirigée 
cette  nouvelle  expédition.  Geor» 
ge,  muni  d'une  lettre  de  recom- 
mandation, se  présenta  à  lord  Hut- 
chinson,  commandant  des  trou- 
pes dans  la  comté  de  Kent.  Cet- 
te lettre,  expédiée  par  le  minis- 
tère anglais  ,  sollicitait  en  faveur 
de  l'ancien  chef  de  chouans,  une 
protection  spéciale  ;  elle  priait 
lord  llutchinson  d'assister  à  son 
embarquement,  et  d'avoir  pour 
lui  et  les  siens,  durant  leur  séjour 
à  Hastings,  toiites  les  prévenan- 
ces possibles.  Lord  llutchinson 
répondit  sur-le-champ  qu'il  pour- 
voirait à  tous  les  besoins  de  l'em- 
banpiemont;  mais  il  ajouta  :  Que 
d'aptes  l'évidence ,  l'ejp édition 
ne  pouvant  avoir  un  but  approu- 
vé par  les  lois  de  la  guerre,  et 
coiij'onne  aux  droits  des  nations, 
il  ne  pouvait  faire  à  George  et  à 
ses  com;  aguons  aucune  polites- 
se, ni  lier  avec  eux  aucun  rap- 
port personnel.  Ce  lord  Hutchiu- 
son  était  le  môme  qui  avait  pré- 
cédemment commandé  en  tgyp- 
te.  Cependant  George,  suivi  de 
Pichegru  et  de  ses  autres  compa- 
gnons, débarqua,  le  21  août,  au 
pied  de  la  falaise  de  Béville  (cA- 
te  de  Normandie).  Un  complot 
contre  la  vie  ou  la  liberté  du  gé- 
néral Bonaparte  était  eflVctivc- 
ment  l'objet  de  cette  expédition 
hasardeuse.  Les  conjurés  se  ren- 
dirent à  Paris  par  de»  routes  dif- 
férentes, et  sous  divers  déguise- 
mens.Si  l'on  en  croit  certain»  bio- 


i6 


CAD 


graphes ,  l'intention  de  George  c- 
tait  d'attnquer  Napoléon  à  force 
ouvcite,  au  milieu  de  sa  garde. 
Quoi  qu'il  en  soit,  la  police  de 
France  était  depuis  long- temps 
informée  de  la  nouvelle  conspi- 
ration ourdie  en  Angleterre.  Les 
recherches  les  plus  actives  étaient 
ordonnées,  sur  tous  les  points, 
contre  les  conspirateurs.  George, 
néanmoins,  se  trouvait  en  France 
depuis  plus  de  six  mois,  sans 
qu'on  fût  parvenu  à  s'emparer  de 
sa  personne,  lorsqu'au  mois  de 
mars  i8o4,  des  renseignemens 
positifs  apprirent  à  la  police  qu'il 
était  à  Paris.  L'arrestation  de  plu- 
sieurs de  ses  complices  avait  eu 
lieu  précédemment,  entre  autres 
celle  de  Pichegru ,  incarcéré  le 
28  février.  Le  9  mars,  des  agens 
de  police  furent  distribués  dans 
toutes  les  directions  autour  du 
dernier  domicile  habité  par  Geor- 
ge. Vers  sept  heures  du  soir  on  le 
vit  sortir  en  cabriolet,  d'une  mai- 
son située  rue  Saint-Hyacinthe, 
montagne  Sainte- Geneviève.  II 
descendit  avec  une  vitesse  extrê- 
me la  rue  des  Fossés-M.-le-Prin- 
ce,  et  avait  déjà  gagné  le  carre- 
four Bussy,  quand  les  agens  qui 
le  suivaient  l'entourèrent.  George 
renversa  d'un  coup  de  pistolet  ce- 
lui qui  se  présenta  au  marche- 
pied; blessa  dangereusement  ce- 
lui qui  s'était  emparé  des  rênes 
du  cheval;  et  s'étant  élancé  hors 
du  cabriolet,  il  avait  déjà  fait  quel- 
ques pas  pour  s'évader,  quand  les 
cris  à  l'assassin,  et  la  détonation 
des  armes,  attirèrent  la  foule.  Ln 
boucher  se  jeta  sur  le  fugitif,  et 
se  colleta  avec  lui  jusqu'au  mo- 
ment où  les  agens  de  police, 
î'ayant  euveloppé  de  toutes  parts, 


CAD 

le  lièrent  et  le  transportèrent  dan» 
une  voiture  de  place  ,  à  la  préfec- 
ture de  police.  De  là  Cadoudal  fut 
conduit  au  Temple,  où  il  demeu- 
ra durant  rinstructif)n  prépara- 
toire. Transféré  à  la  Conciergerie 
quand  la  procédure  judiciaire  com- 
mença, le  prévenu  répondit  à  ses 
juges  avec  une  grande  fermeté, 
évitant  de  compromettre  aucun 
de  ses  adhérens,  et  il  entendit  la 
sentence  qui  le  condamnait  à 
mort,  sans  manifester  la  moindre 
émotion.  Des  démarches,  dont 
sa  grâce  devait  être  le  résultat, 
lui  furent  conseillées;  il  s'y  refusa, 
et  reçut  la  mort  avec  une  grande 
intrépidité.  Condamné  le  ai  prai- 
rial an  12  (10  juin,  i8o4),  son 
jugement  fut  confirmé  le  4  mes- 
sidor suivant  (23  juin),  et  exécu- 
té le  6  (25  juin).  Plusieurs  nobles 
compromis  et  condamnés  comme 
George  ,  montrèrent  moins  de 
fermeté  que  ce  partisan  plébéien. 
MiALArmandet  Julesde  Polignac, 
Bouvet  deLozier,  Lajolais,  Char- 
les d'Hozier,  Russillion,  Rochelle, 
Gaillard  et  de  Rivière,  demandè- 
rent leur  grâce  et  l'obtinrent.  Il 
est  un  de  ces  nobles  amnistiés , 
qui  dut  la  sienne  aux  sollicita- 
tions du  général  Murât,  depuis 
roi  de  Naples.  L'acharnement  a- 
vec  lequel  il  fit  rechercher  ce 
princeproscrit  à  son  tour  en  181 5, 
ne  permet  pas  de  penser  qu'il  eût 
connaissance  du  service  que  ce 
dernier  lui  avait  rendu.  George 
Cadoudal  était  sans  doute  un 
homme  d'un  courage  extraordi- 
naire ;  mais  jamais  il  ne  versa 
que  le  sang  français,  et  des  actes 
de  barbarie  signalèrent  trop  sou- 
vent la  présence  des  hommes  dont 
il  avait  le  commandement.  Il  est 


CAD 

juste  toutefois  de  dire  qu'il  fut, 
jusqu'à  son  dernier  jour,  dévoué 
sans  réserve  à  la  cause  qu'il  a- 
vait  embrassée.  Son  père  et  son 
frère  Joseph  furent  anoblis  par 
ordonnance  du  roi,  en  octobre 
»8i/|.  Durant  les  cent  jours ,  ce 
même  Joseph  Cadoudal  ayant  or- 
ganisé un  rassemblement  dans 
les  environs  de  Vannes,  fut,  après 
le  second  retour  du  roi,  nommé 
colonel  de  la  légion  du  Morbi- 
han, par  ordonnance  du  3o  octo- 
bre 181 5. 

CADROY  (Pierre).  Avant  la 
révolution,  il  avait  embrassé  la 
profession  d'avocat.  Il  lut  nom- 
mé, en  i;'9i,  administrateur  du 
département  des  Landes,  et,  au 
mois  de  septembre  1792,  député 
à  la  convention  nationale.  Atta- 
ché au  parti  de  la  Gironde,  il  re- 
connut son  incompétence,  com- 
me juge,  dan^le  procès  de  Louis 
XVI;  mais  s'il  vota,  comme  légis- 
lateur, pourla  détention  et  le  sur- 
sis, ce  fut  après  avoir  rejeté  l'ap- 
pel au  peuple,  qui  eftt  été  le  seul 
moyen  de  sauver  le  roi.  Celte  po- 
sition équivoque,  choisie  par  une 
sorte  de  prudence,  lui  donna  beau- 
coup d'inquiétude,  lorsque  le  pou- 
voir du  comité  de  subit  public 
n'eut  point  de  bornes.  Au  milieu 
dts  frayeurs  qui  l'obsédaient,  il 
sut  toutefois  conserver  assez  de* 
présence  d'esprit  piAir  ne  pas  gros- 
sir le  nombre  des  >ictimes.  Mais 
on  vil  bientôt  à  quels  principes 
appartenait  ce  qu'on  avait  pris 
chez  lui  pour  de  la  modération. 
Après  s'être  déclaré  l'ennemi  de 
toutes  les  sociétés  populaires,  et 
en  avoir  provoqué  la  destruction 
en  demandant  spécialement  que 
la  salle  des  jacobins  fût  convertie 


CAD  17 

eu  une  fabrique  ij'armes,  il  reçut, 
pour  le  Midi,  une  mission  dont 
l'objet  paraissait  être  de  rétablir 
la  paix  en  comprimant  les  hom- 
mes qui  avaient  mérité  le  nom  de 
terroristes. On  k'scomprima,  mais 
en  les  remplaçant.  Cadroy  fut  un 
de  ceux  qui  dans  Lyon,  dans  Tou- 
lon, dans  Marseille, contribuèrent 
le  plus  àxorganiser  une  réaction 
aussi  sanguinaire  que  l'avaient  été 
les  mesures  reprochées  avec  tant 
de  raison  au  parti  jacobin.  Lors- 
que les  conseils  remplacèrent  la 
convention,  Cadroy  fut  membre 
de  celui  des  cinq-cents.  Le  29 
vendémiaire  an  l\,  il  y  fut  dénon- 
cé par  l'elissier  (des  Bouches-du- 
Khône),  conime  l'auteur  des  as- 
sassinats du  fort  Saint-Jean.  Cet- 
te accusation  n'eut  pas  de  suites, 
et  ce  fut  aussi  vainement  qu'un 
grand  nombre  d'habilans  de  Mar- 
seille la  renouvelèrent  quarante- 
huit  jours  après  :  trop  de  scènes 
déplorables  semblaient  habituer 
à  Timpunité,  comme  si  elle  était 
quelquefois  une  nécessité  de» 
temps.  Cadroy  trouvait  d'ail- 
leurs un  appui  dans  l'assemblée 
mêuje,  où  chaque  jour  le  parti  do 
Clichy  exerçait  une  plus  grande 
influence.  Aussi  ne  craignait -il 
pas  d'attaquer  vivement  Tallien, 
qui  sans  cesse  blâmait  l'indulgen- 
ce du  directoire  envers  les  auteur» 
des  excès  du  Midi.  Cependant  la 
journée  du  18  fructidor  décon- 
certa leurs  protecteurs  secrets,  et 
Cadroy  fut  compris  dans  la  liste 
de  déportation  signée  par  les 
triumvirs,  qui  firent  cerner  la  sal- 
le des  cinq-cents.  Ilenlréen  Fran- 
ce après  rétablissement  du  con- 
sulat, il  se  retira  dans  le  dépar* 
leoicot  des  Laudes  y  ù  Saint-Se- 


18 


CAl- 


ver,  où  il  rempli  les  fonctions  de 
maire  jusqu'i'i  sa  mort,  arrivée  au 
mois  (le  novembre  i8i3. 

CAFFAIIELLI-DU-FALCA 

(L0tiIS-MARIEJ05KPn-MAXIMILIF,.\), 

général  de  division,  d'une  ancien- 
ne famille  du  Languedoc,  naquit 
au  Falga,  le  i3  lévrier  17 5(3.  Des 
dispositions  naturelles  que  secon- 
dèrent de  très-bonnes  éludes,  et 
nn  zèle  ardent  pour  le  travail,  ex- 
pliquent les  progrès  qu'il  fit  dans 
le  corps  royal  du  génie,  où  il  pui- 
sa ses  premières  connaissances 
militaires.  Aîné  de  nouf  enlans 
devenus  orphelins,  Caflarelli-du- 
Falga  servit  de  père  à  ses  frères 
et  sœurs,  et  ne  voulut  recueillir 
de  la  succession  paternelle  qu'u- 
ne part  égale  à  celle  de  chacun 
d'eux,  bien  que  les  coutumes  du 
pays  l'autorisassent  alors  à  s'en 
approprier  la  moitié.  Jamais  hom- 
me ne  porta  plus  loin  le  désir  de 
s'instruire,  le  besoin  de  s'occuper 
du  bonheur  des  autres,  et  de  se 
rendre  utile  à  lasociété.  Aussi  dès 
sa  jeunesse  avait-il  l'habitude 
d'observer,  de  réfléchir,  de  re- 
cueillir des  notes  sur  tous  les  ob- 
jets quelconques  d'intérêt  géné- 
ral, attendant  avec  impatience 
l'occasion  de  les  appliquer.Quand 
la  révolution  éclata,  il  en  adopta 
les  principes  :  il  fit  ses  premières 
campagnes  à  l'armée  du  Rhin,  où 
son  mérite  l'éleva  rapidement  aux 
premiers  grades.  Lorsque  après  la 
journée  du  lo  août  1792,  la  dé- 
chéance de  Louis  XVI  fut  pronon- 
cée, des  commissaires  de  l'assem- 
blée législative  étant  venus  en  no- 
tifier les  décrets  à  Tarmée  qui  pa- 
rut y  applaudir,  lui  seul  protesta, 
et  fut  destitué.  Il  ne  quitta  point 
Ja  France,  et  subit,  sous  le  gou- 


CAF 

vernement  révolutionnaire,  unfi 
détention  de  quatorze  mois.  Ren- 
du à  la  liberté,  il  fut  employé 
dans  fes  bureaux  du  comité  mili- 
taire. Enfin  il  reprit  du  service, 
et  se  trouva  sous  les  ordres  du 
général  Riéber,  au  passage  du 
Rhin,  qui  eut  lieu  près  de  Dussel- 
dorf  en  septembre  1793.  Peu  de 
temps  après,  combattant  à  côté 
du  brave  Marceau  sur  les  bord» 
de  la  Nahe,  il  fut  atteint  d'un  bou- 
let de  canon  qui  lui  fracassa  la 
jambe  gauche.  L'amputation  ayant 
été  jugée  nécessaire,  il  n'hésita 
pas  à  s'y  résigner.  Presque  dans 
le  même  letnps,  CafTarelli-du-Fal- 
ga,  auteur  d'excellons  mémoires, 
alors  inédits,  sur  l'instruction  pu- 
blique, sur  des  matières  philoso- 
phiques, et  sur  diverses  branches 
de  l'administration,  fut  nommé 
membre  associé  de  l'institut.  En 
septembre  1 798,  il  suivit  ep  Egyp- 
te le  vainqueur  d'Italie,  qui,  juste 
appréciateur  de  ses  talens.  avait 
Toulu  se  l'attacher  en  qualité  de 
général  de  brigade ,  chef  de  l'ar- 
me du  génie.  La  gloire  acquise 
par  les  armes,  et  la  gloire  que 
procurent  des  découvertes  utiles, 
lui  étant  également  chères,  il  n'y 
eut  presque  point  de  succès  mili- 
taires ou  scientifiques  auxquels  il 
ne  prît  part  daqs  le  cours  de  l'ex- 
•pédition.  Dévoué  au  général  en 
chef,  qu'il  acôompagnait  toujours 
dans  les  occasions  les  plus  péril- 
leuses, il  avait  couru  le  risque  d'ê- 
tre englouti  avec  lui  dans  la  mer, 
au  moment  du  débarquement,  et 
plus  tard,  au  passage  de  la  mer 
Rouge.  Sa  glorieuse  carrière  de- 
vait se  terminer  sous  les  murs  de 
Saint-Jean-d'Acre,  où,  le  9  avril 
1799,    une    balle    lui    cassa    le 


CÂF 

bras  droit.  Sa  mort,  occa.sionée 
par  l'amputalion,  excita  les  re- 
grets de  toute  rarmée.'Klle  per- 
dait un  de  ses  généraux  les  plus 
reconnmandables,  mais  la  France 
eut  ù.  regretter  un  citoyen  émi- 
nemment distingué  par  les  senti- 
mens  les  plus  nobles,  par  son  dé- 
vouement A  la  patrie,  par  la  jus- 
tesse de  son  jugement,  par  les 
connaissances  les  plus  vastes  en 
économie  politique  et  en  admi- 
nistration, parla  bonté  et  la  gé- 
nérosité de  son  caractère,  et  en- 
fin par  un  amour  du  vrai,  du  grand 
et  du  juste,  qui  fut  toujours  la  rè- 
gle de  sa  conduite.  La  tombe  que 
dan»  sa  douleur  l'armée  lui  éleva 
auprès  de  Saint-Jean-d'Acre,  sub- 
siste encore,  et  est  conservée  par 
les  Arabes  avec  un  soin  religieux, 
ainsi  que  l'ont  rapporté  des  odi- 
tiers  de  marine  de  la  station  du 
Levant,  qui  l'ont  visitée  il  y  a 
peu  de  temps.  L'homme  de  bien 
est  respecté  de  toutes  les  nations. 
C  AFFARJîLLI  (Aigvste),  com- 
te; lieutenant -général,  frère  du 
précédent,  né  au  Falga  le  7  octo- 
bre 1765,  servait  avant  la  révolu- 
tion dans  les  troupes  sardes;  mais 
prévoyant  que  la.guerre  pourrait 
s'allumer  entre  la  Sardaigne  et  la 
France,  et  bien  résolu  à  ne  ja- 
mais porter  les  armes  contre  sa 
patrie,  il  quitta  ce  service  en  1 79 1 , 
et  en  92,  il  s'enrôla  comme* sim- 
ple dragon  lorsque  les  troupes  es- 
pagnoles envahirent  le  Roussil- 
Ion.  Promu  au  grade  d'adjudant- 
général  en  93,  ce  fut  en  cette  qua- 
lité  qu'il  développa  ses  talens  mi» 
Jitairesdans  plusieurs  campagnes. 
Après  le  18  brumaire,  Bonaparte 
le  nomma  son  aide-de-camp  :  il 
fte  tarda  pas  i\  devenir  général  dv 


CAF  ig 

brigade,  et  alla  à  Bruxelles  avec 
le  premier  consul  en  j8o3.  Char-r 
gé,  en  1804,  de  se  rendre  à  Rome 
pour  déterminer  le  pape  à  venir 
en  France  sacrer  Napoléon  em- 
pereur, il  s'acquitta  avec  beau- 
coup d'intelligetice  de  cette  mis- 
sion délicate.  Fn  i8o5,ilfut  nom- 
mé général  de  division  et  gouver- 
neur des  Tuileries.  Presque  dans 
le  même  temps.  Napoléon,  qui 
croyait  qu^  de  grandes  fonctions 
civiles  ajoutaient  à  la  gl(fire  mili- 
taire, le  nomma  président  du  col- 
lège électoral  du  Calvados.  Vers  la 
fin  de  l'année,  il  commandait  dans 
les  champs  d'Auslerlitz  la  division 
du  général  liisson,  mis  hors  de 
comftat  par  une  blessure  grave.  La 
part  qu'il  prit  à  cette  journée  im- 
mortelle lui  fit  obtenir  le  titre  de 
grand-oflicier,  et  peu  de  jours  a- 
près  le  grand-cordon  de  la  légion- 
d'honneur.  En  mars  1806,  il  fut 
nommé  ministre  de  la  guerre  et 
de  la  marine  du  royaume  d'Italie, 
fonctions  qu'il  remplit  jusqu'en 
1810  :  il  fut  envoyé  ensuite  dans 
le  Nord  de  l'Espagne;  et  quelques 
jours  après  son  arrivée  à  Viitoria, 
il  fit  échouer  une  tentative  de  dé'» 
barquement  faite  par  les  Anglais 
à  Santonia  sur  la  côte  de  Santan- 
der.  Vers  ce  même  temps,  il  en^. 
leva  un  convoi  considérable  de 
munitions,  après  avoir  battu  le 
fameux  Mina. En  septembre  1812, 
il  s'empara  de  lîilbao;  il  avait  pré-- 
cédemment  dispersé  des  bandes 
qui  s'étaient  réunie»  en  Navarre 
et  dans  les  environs  de  Sarragosr 
se.  Enfin,  après  s'être  signalé  en 
diverses  rencontres,  après  avoir 
contribué  à  faire  lever  aux  AOiv 
glais  le  siège  de  Ijurgos,  après  a* 
voir,  ^li  la  plus  graode  apjiy^è|i 


»o  CAF 

travaillé  à  maintenir  la  tranquil- 
lité dans  son  commanilenicnt,  il 
fut  rappelé  en  18 15.  La  France 
fut  envahie  en  1814  ;  il  fut  alors 
assez  heureux  pour  prouver  en 
même  temps  sa  reconnaissance  à 
son  bienfaiteur,  son  attacheinent 
à  sa  patrie,  et  son  dévouement  à 
l'impératrice  et  à  son  fils,  qu'il 
voulut  accompagner  à  Vienne. 
Rentré  en  France,  le  général  Caf- 
farelli  fut  jiommé ,  en  janvier 
181 5,  au  commandement  de  la 
13°"  division  militaire,  lise  trou- 
vait à  Rennes  lorsque  Napoléon 
débarqua  à  Fréjus.  Il  fut  appelé 
auprès  de  Son  Altesse  le  duc  de 
JBiOurbon,  qui  se  trouvait  alors  à 
Angers  investi  d'un  grand  Com- 
mandement; il  reçut  l'ardre  de 
retourner  à  Rennes  pour  y  Jaiie 
tout  le  bien,  et  empêcher  tout  le 
mal  qu'il  pourrait  (ce  sont  les 
expressions  du  prince).  Le  géné- 
ral Caffarelli,  de  retour  à  Paris, 
eut  vers  la  fin  des  cent  jours  le 
commandement  de  la  1"  division 
militaire.  Un  ordre  du  ministre  de 
la  guerre  le  fit  partir  pour  Metz, 
qui  fut  presque  aussitôt  bloquée 
par  les  Russes.  Depuis  il  n'a  été 
appelé  à  aucune  fonction,  et  vit 
dans  la  retraite, 

CAFFARELLI  (Locis- Marie- 
Joseph),  comte,  conseiller-détat, 
préfet  mariliine,  grand-officier  de 
la  légion -d'honneur,  frère  des 
précédons,  né  comme  eux  au  châ- 
teau du  Falga,  département  de  la 
Haute-Garonne,  en  1760,  fut  d'a- 
bord cadet  au  régiment  de  Breta- 
gne, infanterie,  et  peu  de  temps 
après  entra  dans  la  marine;  fit 
toute  la  guerre  d'Amérique,  et 
se  trouvait,  au  commencement 
de  la  révolution j    liciteAnt  de 


CAF 

vaisseau  déjà  ancien.  Forcé  de 
quitter  ce  service  pour  cause  de 
santé,  il  s'ervit  comme  auxiliaire 
au  corps  du  génie,  et  fit  à  l'armée 
des  Pyrénées-Orientales  les  trois 
campagnes  qui  furent  suivies  de 
la  paix  (le  Bâle.  Son  activité  et 
ses  connaissances  rendirent  ses 
services  très -utiles.  Lors  de  la 
création  du  conseil -d'état,  il  y 
entra  un  des  , premiers  comme 
membre  de  la  section  de  la  ma- 
rine. Le  20  juillet  i.-'oo,  il  fut 
nommé  préfet  maritime  à  Brest. 
Dans  ce  poste,  il  rendit  les  servi- 
ces les  plus  importans  par  l'ordre 
et  l'économie  qu'il  établit  dans 
toutes  les  parties  de  l'administra- 
tion, par  les  constructions  bien 
entendues  qu'il  fit  exécuter,  par 
sa  probité  sévère  et  par  les  idées 
qu'il  propagea,  afin  de  rendre  le 
corps  de  la  marine  aussi  utile  que 
l'état  a  droit  de  l'attendre.  En 
1804  et  i8o5,  il  avait  été  porté  à 
la  candidature  du  sénat-conserva- 
teur par  le  corps  électoral  de  son 
département.  En  i8i5,  il  fut  nom- 
mé grand'croix  de  l'ordre  de  la 
Réunion.  En  janvier  1814,  il  fut 
chargé  de  se  rendre  dans  la  10"" 
division  militaire  qu'essayait  de 
troubler  une  association  connue 
sous  le  nom  de  confédé ration 
chrétienne ,  formée,  disait-on,  à 
Toulouse  depuis  quelque  temps.  ' 
Des  enquêtes  lui  procurèrent  la 
liste  de  ces  perturbateurs,  qu'il  ju- 
gea plus  méprisables  que  dange- 
reux. Ses  fonctions  cessèrent  lors- 
que les  alliés  envahirent  Paris. 
De  retour  dans  cette  ville,  il 
fut  nommé  par  le  roi  conseiller- 
d'état  honoraire;  il  se  retira  à  la 
campagne,  et  y  demeura  jusqu'à 
Tépoque  des  cent  jours.  Le  5  juin 


CAF 

181 5,  un  décret  impérial  de  Na- 
poléon le  créa  pair  de  France,  di- 
gnité dont  il  n'a  pas  joui.  II  a  vécu 
depuis  dans  la  retraite. 

CAFFAKELLI  (Charles -Am- 
broise),  baron,  préfet,  membre 
de  la  légion -d'honneur,  né  au 
château  du  Falga  le  i5  janvier 
1758,  destiné  dès  sa  jeunesse  au 
ministère  des  autels,  reçut  une  é- 
ducation  conforme  à  cet  état.  Il 
était  chanoine  de  Toul  en  1789. 
Obligé  de  se  retirer  dans  «a  famil- 
le ,  et  livré  à  l'étude,  il  fut  en 
butte  aux  persécutions  révolu- 
tionnaires, et  subit,  avec  son  frè- 
re aîné  et  deux  de  ses  sœurs,  une 
longue  détention  qui  ne  finit  pas 
même  à  la  mort  de  Robespierre. 
Le  18  brumaire  apporta  du  chan- 
gement à  sa  situation.  Le  nom  de 
CaffarcUi,  déjà  honoré  par  plu- 
sieurs de  ses  frères,  attira  sur  lui 
les  regards  du  premier  consul, 
qui  le  nomma  d'abord  préfet  du 
département  de  l'Ardèche,  et  en- 
suite de  celui  du  Calvados.  La  mo- 
dération de  son  caractère,  et  la 
sagesse  de  son  administration,  le 
firent  également  estimer  dans  l'un 
et  l'autre  de  ces  départemens.  En 
1810,  il  passa  à  la  préfecture  du 
département  de  l'Aube;  mais  l'em- 
pereur Napoléon  le  destitua  en 
1814  pour  n'être  pas  rentré  à 
Troycs  avec  l'armée  française. 
Cette  destitution,  prononcée  dans 
un  premier  mouvement,  n'a  af- 
faibli en  rien  dans  les  deux  dépar- 
temens administrés  par  M.  Char- 
les de  Caffarelli,  l'estime  profon- 
de que  leurs  habitons  lui  ont  vouée 
pour  son  esprit  de  justice,  ses  lu- 
mières, son  intégrité,  sa  bienfai- 
sance et  son  empressement  à  pro- 
poser   toutes    les    mesures    qui 


CAP  21 

pouvaient  tendre  au  bien  de  ses 
administrés.  Le  baron  Caffarelli 
n'a  rempli  aucune  fonction  depuis 
le  retour  du  roi;  il  a  publié,  en 
1800,  un  mémoire  sur  l'établisse- 
ment des  percepteurs  à  vie.  On 
lui  doit  aussi  plusieurs  autres  ou- 
vrages estimés  sur  l'économie  po- 
litique. 

CAFFARELLI  (Jeak-Baptiste- 
Marie),  frère  des  précédens,  né 
le  1"  avril  1760,  est  mort  à  Saint- 
Brieux  le  1 1  janvier  181 5.  Il  avait 
embrassé  l'état  ecclésiasiique.  Per- 
sécuté, il  fut  obligé,  en  1792,  de 
fuir  en  Espagne,  ainsi  que  beau- 
coup d'autres  ecclésiastiques  fran- 
çais, et  ne  put  rentrer  dans  sa  fa- 
mille qu'en  1799.  ^^  *"*  nommé, 
en  1803,  évêque  de  Saint-Brieux, 
et  occupa  ce  siège  jusqu'à  sa  mort: 
il  remplit  constamment  ses  de- 
voirs avec  le  zèle  et  la  simpli- 
cité d'un  apôtre.  Ses  principes  é- 
taient  aussi  purs  que  solides;  sa 
piété  éclairée,  sa  charité,  son  in- 
dulgence et  sa  bonté  lui  gagnaient 
tous  les  cœurs,  tandis  qu'une  con- 
duite exemplaire,  et  l'exercice  de 
toutes  les  vertus,  commandaient 
la  considération  et  le  respect.  Il 
fut,  ii  la  fin  de  i8o5,  chargé  de 
présider  le  collège  électoral  du 
déparlement  du  Nord.  En  i8o5, 
l'évêque  de  Saint-Brieux  a,  dans 
un  mandement  adressé  aux  habi- 
tans  de  son  diocèse  ,  célébré  la 
victoire  d'Austerlitz  d'une  maniè- 
re digne  de  ce  grand  événement. 
Durant  le  concile  de  Paris,  il  don- 
na une  preuve  remarquable  de  la 
fermeté  de  son  caractère,  par  le 
zèle  qu'il  mit  à  défendre  les  prin- 
cipes religieux  et  les  lois  de  sa 
conscience. 

CAFFIERI  (Juan  -  Jacqces)  , 


82 


CXd. 


naquit,  on  1725,  d'une  faiDÎlle  0- 
riginairc  de  Rome  et  connue  dans 
la  sculpture.  II  étudia  sous  Le- 
tnoine,  et  il  devint  bient«)t  un  ar- 
tiste distingué.  Dé).^  sculpteur  du 
roi,  et  professeur  de  l'académie 
de  peinture,  il  fut  reçu  membre 
de  l'académie  des  sciences  et  bel- 
les-lettres de  llouen  ,  et  membre 
honoraire  de  celle  de  Dijon.  On 
lui  reprochait  un  malheureux  pen- 
chant à  la  jalousie;  mais  on  assu- 
re qu'il  parvint  à  le  surmonter 
vers  la  fin  de  ses  jours.  Sa  mort 
a  eu  lieu  le  21  juin  1792.  La  sta- 
tue de  Molière  passe  pour  son 
chef-d'œuvre  ;  il  la  fit  par  ordre 
de  Louis  XVL  CalTieria  laissé  de 
nombreux  ouvrages;  ou  admire 
particulièrement  le  buste  d'Hel- 
vétius,  et  ceux  de  Corneille  et  de 
Piron ,  placés  tous  deux  dans  le 
foyer  du  ThéStre-Francais. 

CAGIGAL  (Don  N.  ),  général 
espagnol.  Il  remplaça  Montever- 
de  dans  les  fonctions  de  capitaine- 
général  de  Venezuela.  A  la  tête 
des  divisions  Cevallos  et  Calzada 
et  de  quelques  troupes  de  la  gar- 
nison de  Coro,  il  attaqua,  au  mois 
de  mai  i8i4>  l'armée  républicai- 
ne dans  les  plaines  de  Carabolo. 
Après  avoir  prolongé  le  combat 
avec  beaucoup  de  persévérance, il 
se  vit  enfin  réduit  à  quitter  le 
champ  de  bataille;  il  avait  perdu 
beaucoup  d'hommes,  et  une  gran- 
de quantité  d'armes  et  de  muni- 
tions. Cependant  il  ne  tarda  pas 
à  retirer  de  cette  défaite  autant 
d'ùvantages  que  lui  en  eût  donné 
la  victoire.  Bolivar  plein  de  con- 
fiance après  un  tel  succès,  ne  crai- 
gnit pas  de  se  séparer  des  géné- 
raux Vadaneta  et  Marino.  Alors 
Cagigal  réunissant  divers  déta- 


CAG 

chcmens  ,  marcha  de  nouve.iii 
contre  les  iudépendans,  et  rem- 
porta sur  eux  un  avantage  déci- 
sif qui  lui  livra  les  villes  de  Ca- 
raccas,  de  la  Guaira  et  de  Va- 
lencia. 

CAGLIOSTRO  (JosEfH-BALSA- 
Mo) ,  naquit  à  Palerme  le  8  juin 
1743.  Ses  parens  étaient  pauvres 
et  obscurs.  Cagliostro  prit  la  ré- 
solution de  devenir  riche  et  célè- 
bre. Sa  jeunesse  fut  orageuse;  a- 
vant  de  se  faire  chevalier  d'in- 
dustrie, comte  et  sorcier,  il  se  fil 
escroc.  Un  orfèvre  de  Palerme  , 
nommé  Marano,  figure  le  pre- 
mier sur  la  liste  de  ses  dupes.  Ca- 
gliostro qui  tirait  le  diable  par  la 
fjueiœ  se  vanta  de  le  connaître  in- 
timement ,  et  promit  à  Marano 
que  moyennant  une  somme  con- 
sidérable, il  le  rendrait  posses- 
seur d'un  trésor  enfoui  dans  une 
grotte  sous  la  garde  des  démons. 
La  somme  fut  payée  ;  le  diable 
garda  son  trésor,  et  Cagliostro 
prit  la  poste.  Le  Juif  errant  n'a 
pas  vu  plus  de  pays  ,  n'a  pas  vi- 
sité plus  de  villes  que  Cagliostro. 
11  parcourut  successivement  la 
Grèce,  l'Egypte,  l'Arabie,  la  Per- 
se, Rhodes,  l'île  de  Malte.  La 
Turquie  fut  surtout  le  théâtre  où 
il  signala  son  savoir-faire.  Il  n'en 
cofita  pas  plus  à  Cagliostro  de  se 
faire  médecin  qu'il  ne  lui  en  avait 
coûté  de  se  faire  comte;  il  vendit 
des  drogues  aux  descendans  de 
Mahomet,  et  passa  pour  le  plus 
savant  des  hommes  chez  le  plus 
ignorant  des  peuples.  Il  séjourna 
quelque  temps  à  Médine  chez  le 
muphfy  Sala  BayouV.  Cagliostro, 
d'après  un  usage  commun  à  tous 
les  grands  personnages  ,  voya- 
geait   incognito,    changeant   de 


CAG 

nom  et  de  titre  presque  aussi  sou- 
vent qu'il  changeait  de  résidence. 
C'était  tantôt  le  chevalier  de  Tis- 
chio,  tantôt  le  marquis  de  Mélis- 
ga,  tantôt  le  baron  de  Belnionte, 
de  Pellt'j^rini ,  d'Anna  ,  de  Fenix, 
de  Harat,  enfin  c'était  Alexandre, 
comte  de  (Jagliostro,  noms  et  ti- 
tre sous  lesquels  il  est  devenu  un 
des  personnages  les  plus  fameux 
du  18°"  siècle.  Ayant  obtenu  à 
Rlalte  des  lettres  de  recomman- 
dation du  grand -maître  ,  il  visi- 
ta successivement  Naples  et  Ro- 
me. Ce  l'ut,  selon  les  uns,  dans 
cette  dernière  ville  ,  selon  les  au- 
tres à  Venise  ,  qu'il  connut  Lo- 
renza  Feliciana  ,  personne  d'une 
grande  beauté  qui  bientôt  devint 
sa  femme.  Les  mémoires  du  temps 
ont  accusé  Cagliostro  d'avoir  tiré 
son  épouse  d'une  maison  qui  n'é- 
tait rien  moins  qu'un  couvent , 
bien  que  les  femmes  y  vécussent 
en  conmiunauté;  mais  de  pareil- 
les inculpations  ne  sauraient  être 
admises  sans  preuves,  et  ne  sont 
point  du  grnre  de  celles  qu'il  nous 
convient  d'aprofondir.  Ce  qu'ily 
a  de  sûr,  c'est  que  M"'  Caglios- 
tro devenue  comtesse,  servit  mer- 
veilleusement les  projets  de  M. 
le  comte.  Se  piquant  de  lui  être 
plus  utile  que  fidèle,  et  magi- 
cienne ù  sa  manière,  la  charman- 
te Lorcnza  tira  son  époux  de  plus 
d'un  mauvais  pas.  Pleine  d'esprit 
et  de  beauté,  elle  opé»ait  des  en- 
chantemens  qui  s'achevaient  sans 
miracle.  Quoi  qu'il  en  soit,  Ca- 
gliostro, une  fois  marié,  ne  re- 
nonça pas  i  voir  du  pays.  Le  nort- 
Teau  ménage  se  rendit  en  Hols- 
tein,  afin  d'y  faire  un»  visite  au 
comte  de  Saint  -  Germ.iin  ,  per- 
sonnage mystérieux  qui  s'occu- 


CAG 


25 


pait  d'alchimie,  et  qui  semblait 
avoir  trouvé  la  pierre  philosopha- 
le,  puisque  sans  posséder  un  sou 
il  dépensait  beaucoup  d'argent. 
De  là,  M.  le  comte  et  M""  la  com- 
tesse se  rendirent  en  Russie,  en 
Pologne,  parcoururent  l'Allema- 
gne et  arrivèrent  à  Strasbourg  en 
septembrei^So.Si  l'on  s'en  rappor- 
te à  la  chronique  d'alors,  leur  ap- 
parition produisit  dans  cette  ville 
un  effet  prodigieux.  Ils  exerçaient 
conjointement  la  médecine,  et  il 
faut  croire  que  Cagliostro  avaii 
quelques  connaissances  réelles  , 
puisqu'il  opéra  dans  plusieurs 
pays  des  cures  assez  remarqua- 
bles.La  comtesse,  qui  n'avait  guè- 
re que  vingt  ans,  parlait  sans  af- 
fectation de  son  fils  aîné  qui  de- 
puis long- temps  était  capitaine 
au  servic#ie  Hollande.  Celle  ruse 
produisit  son  eflet;  toutes  les  da- 
mes qui  avaient  des  fils  capitai- 
nes, entourèrent  M""  Cagliostro, 
et  lui  payèrent  généreusement  le 
secret  de  devenirplus  jeunes  que 
leurs  enfans.  Au  reste,  si  ce  cou- 
ple singulier  s'entendait  merveil- 
leusement à  exploiter  la  créduli- 
té des  riches ,  il  paraît  certain 
qu'un  rare  désintéressement  et 
des  actes  dé  bienfaisance  nom- 
breux le  recommandaient  ù  la  re- 
connaissance des  pauvres.  Arrivé 
à  Paris ,  Cagliostro  s'annonça 
comme  le  fondateur  de  la  franc- 
maçonnerie  égyptienne,  ce  qui 
commença  à  le  mettre  en  vogue; 
mais  bientôt  ses  talens  comme 
magicien  eurent  un  succès  qui  te- 
nait du  prodige.  Il  n'y  eut  pas  de 
belle  dame  qui  ne  voulut  souper, 
avec  l'ombre  de  Lucrèce,  de  co- 
lonel qui  ne  voulut  raisonner  ba* 
taille  avec  César,  de  conseiller 


2/, 


CAG 


nu  Clu'ttclct  qui  ne  voulut  discu- 
ter avec  l'ombre  de  Cicéron.  Tou- 
tes ces  entrevues  se  payaient  fort 
cher  :  on  ne  dérange  pas  les  morts 
à  bon  marche.  M""*  Cagliostro  de 
son  côté  continuait  son  étal  d'en- 
chanteresse. Plusieurs  dames  se 
firent  initier  aux  mystères  de  son 
art,  et  l'on  raconte  les  choses  les 
plus  bizarres  au  sujet  des  épreu- 
ves que  les  récipiendaires  de- 
vaient subir.  Du  reste,  toujours 
fidèle  à  son  rôle  et  ne  perdant  ja- 
mais la  tête  dans  les  entretiens  les 
plus  intimes,  la  belle  Lorenza 
manifestait  de  grandes  inquiétu- 
des au  sujet  de  son  mari,  qui,  di- 
sait-elle,  avait  la  faculté  de  se 
rendre  invisible  et  d'être  dans  plu- 
sieurs lieux  à  la  fois.  Elle  parlait 
en  outre  d'un  traité  conclu  entre 
Cagliostro  et  le  diable, •'aité  dont 
cependant  personne  n'a  jamais  vu 
l'original.  Toutefois  Cagliostro 
comptait  au  rang  de  ses  amis  ou 
de  ses  dupes  des  personnes  non 
moins  remarquables  par  leur  es- 
prit que  considéra1)les  par- leur 
fortune  et  leur  position  dans  le 
tiionde.  Ce  fut  en  178.5,  époque 
de  son  second  voyage  à  Paris  , 
que  le  prince  cardinal  de  Rohan , 
avec  lequel  il  avait  Mes  liaisons 
intimes,  fut  compromis  dans  la 
fameuse  affaire  du  collier,  et  que 
l'on  entama  cette  procédure  où 
l'on  vit  figurer  le  nom  le  plus  au- 
guste. Les  amis  de  Cagliostro 
prévirent  les  désagrémens  que 
cette  affaire  pouvait  lui  attirer,  et 
firent  tout  leur  possible  pour  le 
déterminer  à  prendre  la  fuite. Ca- 
gliostro s'y  refusa,  et  fut  mis  à 
la  Bastille,  le  22  août  1^85.  La 
comtesse  de  La  Motte  l'accusa 
d'avoir  reçu  le  collier  des  mains 


C.\G 

du  cardinal,  et  de  l'avoir  dépecé 
pour  en  grossir  le  trésor  occulte 
d'une  fortune  /'noua',,  Cagliostro 
répondit  par  la  publication  d'un 
mémoire  dont  la  rédaction  fut  at- 
tribuée à  un  magistrat  célèbre. 
Dans  cet  écrit,  Cagliostro  ,  ^sans 
lever  entièrement  le  voile  mys- 
térieux dont  il  s'enveloppait,  lais- 
se entendre  que  sa  naissance  est 
illustre.  11  raconte  une  partie  du 
roman  de  sa  vie  ,  cite  les  person- 
nages importans  avec  lesquels  il 
s'est  trouvé  en  rapport  d'intimi- 
té, et  indique  le  nom  des  divers 
banquiers  de  l'Europe  chez  les- 
quels des  crédits  lui  sont  ouverts, 
laissant  toutefois  ignorer  quelle 
est  la  source  de  cette  fortun<;  con- 
sidérable. Le  parlement f  par  un 
arrêt  du  3i  mai  ijSO,  déchargea 
le  prince  Louis  et  Cagliostro  des 
accusations  dirigées  contre  eux. 
La  justice  les  avait  déclarés  in- 
nocens,  le  ministère  les  exila, 
Cagliostro  passa  en  Angleterre  , 
y  resta  deux  ans  ;  puis  revint  sur 
le  continent,  et  se  rendit  à  Rome 
en  traversant  la  Suisse.  C'est 
dans  la  capitale  du  monde  chré- 
tien que  l'ami  intime  du  démon 
devait  trouver  sa  perte,  Caglios- 
tro fut  arrêté  à  Rome,  mis  au  châ- 
teau Saint-Ange  le  27  décembre 
1789,  et,  après  une  longue  pro- 
cédure, condamnéà  mort  comme 
franc -maçon.  Cet  arrêt  cruel  et 
slupide  ne«reçut  pas  son  exécu- 
tion. La  peine  de  Cagliostro,  sui' 
vantles  principes  de  la  clémence, 
fut  commuée  en  celle  d'une  dé- 
tention perpétuelle.  En  consé- 
quence on  le  transféra  au  château 
de  Saint-Léon  où  il  mourut,  dit- 
on,  en  1795.  Sa  femme  fut  éga- 
lement arrêtée^  et  condamnée  à  fi- 


CAG 

hir  ses  jours  dans  un  couvent. 
Qu'était-ce  que  CaglioslroPun  im- 
posteur habile  qui  eut  l'esprit  tle 
deviner  à  quel  degré  de  sottise 
pouvait  s'abaisser  ou  s'élever  la 
crédulité  de  certains  hommes. 
Ayant  des  connaissances  en  chi- 
mie, science  alors  bien  moins  a- 
vancée  que  de  nos  jours  ,  il  en  fit 
l'application  à  l'art  de  guérir , 
l'exerça  envers  les  pauvres  avec 
désintéressement  ;  et  sous  ce  rap- 
port ,  soit  par  calcul ,  soit  par  pen- 
chant, il  sut  se  rendre  utile  à  la 
société.  Eloquent,  fin,  délié,  il 
■Jut  mettre  à  profit  l'exallation  de 
quelques  cerveaux  enthousiastes, 
et  par  des  moyens  connus  aujour- 
d'hui dans  toutes  les  fantasmago- 
ries,  s'entoura  de  morts  qui  l'ai- 
daient à  duper  les  vivans.  Mari 
d'une  femme  charmante,  il  n'en 
fut  pas  jaloux,  et  eut  beaucoup 
d'amis.  Cagliostro  se  moquait  des 
liommes  pour  leur  argent.  Nous 
connaissons  certains  pays  où  l'on 
voit  certains  ministres  qui,  sans 
être  sorciers,  sorrt  nantis  de  ce 
privilège.  En  un  mot,  le  comte 
de  Cagliostro  eûttrés-bien  figuré 
devant  un  tribunal  de  police  cor- 
rectionnelle :  mais  il  y  a  loin  d'un 
mauvais  sujet  à  un  grand  crimi- 
nel. La  conduite  de  Cagliostro  à 
Paris  est  un  modèle  d'impuden- 
ce, la  sentence  rendue  contre  lui 
ù  Rome  est  un  monument  de 
cruauté. 

CAGNOLI  (Antoine),  célèbre 
astronome,  Itatien  d'origine  ,  na- 
quit dans  l'île  de  Zante.  En  177O, 
il  accompagna  en  France  l'ambas- 
sadeur vénitien.  C'est  alors  mie 
se  développa  tout  à  coup  sodHÉfe- 
chant  pour  J'astronomie.  ^R- 
duit  par  un  sentiment  de  curiosi- 


té,  à  l'Observatoire  de  Paris,  la 
vue  de  Saturne  et  de  son  anneau 
lui  fit  une  impression  profonde, 
et  donna  pour  le  reste  de  ses  jours 
une  nouvelle  direction  à  ses  tra- 
vaux. Livré  à  l'étude  des  sciences 
exactes,  il  fit,  en  moins  d'un  an,  les 
progrès  les  plus  rapides.  S'étant 
fixé  à  Vérone  en  1782,  il  établit 
dans  sa  propre  maison  un  obser- 
vatoire, pourvu  de  tous  les  ius- 
Irumens  nécessaires.  D'importan- 
tes observations  le  placèrent  au 
rang  des  hommes  utiles,  dont  le 
mérite  a  droit  à  tous  les  égards. 
Lorsque  les  Français  prirent  Vé- 
rone ,  en  1797,  ils  firent  réparer, 
aux  frais  de  l'état,  son  observa- 
toire, que  n'avaient  pas  épargné 
les  désastres  de  la  guerre.  D'au- 
tres circonstances  l'ayant  décidé 
toutefois  à  vendre  ses  instrumens, 
ils  furent  transférés  à  l'observa- 
toire de  Brera,  dans  la  ville  de 
Milan.  Pour  lui,  il  se  rendit  à  Mo- 
dène  ,  en  qualité  de  professeur 
d'astronomie  de  l'Ecole-Militaire. 
11  était  correspondant  de  l'insti- 
tut de  France,  et  fut  un  des  pre- 
miers savans  décorés  de  la  Cou- 
ronne de  fer.  La  société  italienne 
le  choisit  pour  président;  et  Ca- 
gnoli  lui  lut  très-utile,  soit  par 
ses  propres  sacrifices,  soit  en  em- 
ployant pour  elle  tout  son  cré- 
dit. Il  resta  à  Modène  jusqu'aux 
événemens  de  i8i4»  qui  le  rame- 
nèrent à  Vérone,  où  une  attaque 
d'apoplexie  termina  ses  jours,  le 
G  août  18 iG.  On  avait  lu  durant 
plusieurs  années,  en  tête  d'un  al- 
manach  publié  par  Cagnoli,  de» 
Dissertations  |)leines  d'agrément, 
auxquelles  il  conserva  ce  titre, 
lorsque  ensuite  il  les  publia  en  is 
volumes  :  elles  forment  un  traité 


îiÔ  CAH 

d'astronomie  éléincriUhc.  On  lui 
doit  aussi  une  Tri^onomélrie  uni- 
verselle, qui  est  regardée  comme 
classique.  Enfin  il  a  laissé  la  tra- 
duction italienne  de  V t'JJicacité 
médicale  de  l'alcali  volatil ,  par 
Le  Sage. 

CAHIER-DE-GERVILLE  (B. 
C),  ancien  avocat  au  parlement 
fte  Paris  ,  adopta  franchement  les 
principe?  de  la  révolution,  et  de- 
vint, en  1789,  procureur-syndic- 
adjoint  du  département  de  Paris. 
Au  mois  de  juin  1790,  il  dénonça 
et  fit  poursuivre  les  auteurs  d'un 
libelle,  où  le  général  La  Fayette 
était  indignementcalomnié.  Après 
les  événemens  malheureux  arri- 
vés à  Nancy,  le  5i  août  de  la  mê- 
me année  ,  le  pouvoir  exécutif  le 
chargea  de  se  rendre  dans  cette 
ville ,  afin  d'y  faire  une  enquête 
sur  les  causes  de  l'insurrection 
des  soldats.  Dans  le  rapport  qu'il 
en  fit  au  conseil,  il  attribua  ces 
causes  à  l'incivisme  d'un  grand 
nombre  d'officiers  du  régiment 
du  roi.  D'après  cette  opinion  il 
arrêta  les  procédures  commen- 
cées ,  et  fit  mettre  en  li!)erté  les 
soldatsconsidérésd'abord  comme 
coupables.  Cette  conduite  ne  sa- 
tisfit pas  tout  le  monde.  On  accu- 
sa M.  Cahier-de-Gerville  de  faire 
triompher  le  parti,  par  qui  l'ordre 
social  était  menacé  d'une  désor- 
ganisation complète,  et  cette  ac- 
cusation était  principalement  fon- 
dée sur  ce  qu'il  avait  fait  rouvrir 
les  sociétés  populaires.  Porté  au 
ministère  de  l'intérieur,  par  les  a- 
mis  de  la  constitution,  lorsqu'il  fut 
présenté  au  roi,  le  27  novembre 
179»,  Louis  XVI ,  qui  n'était  pas 
exempt  de  préventions  défavora- 
bles à  son  égard,  lui  adressa  ces 


CArt 

mots  :  «  Vous  vous  chargez  là, 
monsieur,  d'une  tâche  bien  dif- 
ficile.—  Sire,  réponditM.  Cahier, 
il  n'y  a  rien  d'impossible  à  un 
ministre  populaire  auprès  d'un 
roi  patriote.»  11  éprouva  dans  cel- 
te place  des  désagrémens  conti- 
nuels, particulièrement  de  la  part 
de  M.  Bertrand-de-MoUeville,  mi- 
nistre de  la  marine,  avec  lequel 
il  se  trouvait  en  opposition  direc- 
te. Ce  dernier,  qui  avait  toute  la 
confiance  de  Louis  XVI,  regardait 
Cahier  comme  un  républicain  en- 
nemi des  rois,  et  cherchant  à  dé- 
truire toutes  les  institutions  mo- 
narchiques. Cependant  il  avouait 
que  son  collègue  observait  reli- 
gieusement la  constitution.  A  cet- 
te époque  malheureuse,  où  la  plus 
légère  nuance  d'opinion  suffisait 
pour  diviser  les  hommes,  les  dé- 
putés de  la  Girortde  désignèrent 
Roland  pour  succéder  à  Cahier, 
qui  fut  obligé  de  donner  sa  dé- 
mission, à  la  suite  de  différentes 
attaques  que  lui  portèrent  Ver- 
gniaud ,  Ducos  et  Grangeneuve. 
Ce  qui  avait  achevé  de  le  brouil- 
ler avec  tous  les  partis,  c'était  son 
rapport,  fait  le  18  février  1792, 
sur  la  situation  de  la  France,  rela- 
tivement aux  troubles  religieux, 
rapport  où  dénonçant  à  la  fois 
l'intolérance  sacerdotale  et  le  fa- 
natisme politique,  il  demandait 
d'une  part  qu'il  fût  pris  des  me- 
sures énergiques  pour  déconcer- 
ter les  espérances  des  contre-ré- 
volutionnaires; et  de  l'autre,  que 
les  clubs  fussent  fermés.  11  quitta 
le  ministère  le  24  mars  1792 ,  et 
sa  carrière  politique  finit  à  cette 
épjÉiue.  Bertrand-de-Molleville, 
quf^vait  cessé  d'être  ministre 
quelque  temps  avant  Cahier-de- 


CAÎ 

Gerville,  le  considérait  comme 
l'auteur  de  sa  disgrâce.  Le  député 
Bonnemain  le  dénonça;  mais  com- 
me il  n'occupait  plus  de  place  ,  il 
n'inspirait  plus  de  haine  ni  d'en- 
vie, et  la  convention  passa  à  l'or- 
dre du  jour  sur  la  dénonciation. 

CAILHAVA  (Jeas-Fra>çois), 
pé  le  28  avril  ijôi  à  Toulouse, 
est  auteur  d'un  grand  nombre  de 
pièces  de  théâtre  ,  parmi  lesquel- 
les ou  distingue  le  Tuteur  dupé, 
le  Mariage  interrompu,  ei/esE~ 
trennes  de  l'Amour.  Ces  trois  co- 
médies ont  eu  du  succès;  les  su- 
jets des  deux  premières  sont  ti- 
rés de  Plaute.  Cailhava  a  encore 
publié  des  observations  sur  Mo- 
lière, et  un  ballet  pantomime  pré- 
senté à  l'institut,  intitulé  :  La 
Descente  de  Bonaparte  en  É- 
pypte.  Ses  productions  offrent 
plusieurs  trait»  d'une  gaieté  pi- 
quante ;  mais  son  style  est  en  gé- 
néral incorrect,  et  sa  poésie  res- 
semble trop  à  la  prose.  En  1792, 
Cailhava  fit  partie  de  l'assem- 
blée électorale  de  Paris:  et,  dans 
le  mois  de  germinal  an  G,  il  rem- 
plaça à  l'institut  M.  de  Fontanes, 
condamné  à  la  déportation  le  18 
fructidor.  Cailhava  est  mort  le  21 
juin  i8i5. 

CAILLAKD  (Antoine  Berw  akd), 
diplomate,  naquit,  en  1757,  à 
Aignayen  Bourgogne.  Sesparens 
voulant  lui  assurer  les  avantages 
de  l'état  ecclésiastique,  l'envoyè- 
rent terminer  ses  études  à  Sain^ 
Sulpice  ;  mais  bientôt  il  fit  un  au- 
tre choix,  et  dél)uta ,  en  17G1  , 
dans  la  carrière  des  affaires  pu- 
bliques, sous  les  auspices  dcTur- 
got,  alors  intendant  à  Limoges. 
Auprès  d'un  tel  maître  qui  l'ho- 
noru  de  son  amitié,  Caillard  pui- 


CAI 


^1 


sa  des  notions  saines  sur  les  gou- 
vernemens  et  sur  l'économie  po- 
litique, et  il  se  plut  toujours  à 
rapporter  ses  succès  au  grand 
homnie  sous  lequel  il  s'était  for- 
mé. En  1769,  sur  la  recomman- 
dation de  Turgot ,  il  fut  attaché  à 
M.  de  Boisgelin,  frère  de  l'arche- 
vêque d'Aix,  en  qualité  de  secré- 
taire de  la  légation  de  Varme.  Il 
remplit  les  mêmes  fonctions  en 
1775,  auprès  du  comte  de  Vérac, 
ministre  à  Cassel  ;  il  l'accompa- 
gna l'année  suivante  à  Copenha- 
gue ,  et,  en  1780,  à  Pétersbourg. 
Chargé  d'affaires  dans  ces  deux 
cours  pendant  l'absence  de  l'am- 
bassadeur, Caillard  justifia  cette 
confiance  par  une  conduite  pleine 
démesure.  Il  se  lia,  pendant  son 
séjour  en  Russie,  avec  le  comte  de 
Goërtz ,  ministre  prussien.  La 
considération  dont  il  s'était  envi- 
ronné dans  le  Nord,  lui  ménagea 
une  réception  flatteuse  à  Berlin 
et  à  Potsdam,  où  il  s'arrêta  quel- 
que temps  à  son  retour  en  Fran- 
ce. L'accueil  que  lui  avait  parti- 
culièrement fait  le  grand  Frédé- 
ric produisit  une  grande  sensa- 
tion à  Versailles.  On  lui  confia, 
en  1785,  une  i^ission  secrète  en 
Hollande  ,  où  il  fut  renvoyé  quel- 
que temps  aprè^  avec  le  titre  de 
chargé  d'affaires.  La  révolution 
trouva  Caillard  fidèle  aux  princi- 
pes de  Turgot.  En  1792,  il  fut  ac- 
crédité auprès  de  la  diète  de  Ra- 
tisbonne,  comme  ministre  pléni- 
potentiaire, et  il  passa  en  1795  à 
Berlin,  revêtu  du  même  caractè- 
re. Dans  ces  deux  résidences  il 
surmonta  les  difTicultés  dont  les 
circonstances  compliquaient  se» 
travaux  diplomatiques.  La  place 
de  chef  des  archives  des  relations 


aS 


CAÎ 


eilérieiircs  devint  pour  lui  hue 
retraite  laborieuse  qu'il  quitta  un 
moment  pour  négocier  un  traité 
avec  la  Bavière,  et  pour  tenir, 
en  1801,  le  portefeuille  des  af- 
faires étrangères  en  l'absence  de 
M.  de  Talleyrand,  qui  lui-même 
avait  détiigné  Gaillard  pourle  rem- 
placer. Jl  est  mort  à  Paris  d'une 
paralysie  «au  cerveau,  le  6  mai 
1807.  Il  était  très -versé  dans  la 
connaissance  des  langues  ancien- 
nes et  modernes,  et  suffisamment 
initié  dans  les  hautes  mathémati-  ' 
ques  pour  avoir  mérité  le  sufl'rage 
d'Euler.  Il  fut  l'un  des  traduc- 
teurs de  laphysiognomoniedeLa- 
valer,  1781-87,  in-4''.  On  lui 
doit  encore  quelques  morceaux 
philologiques  dans  le  Magasin 
encyclopédique ,  et  un  Mémoire 
sur  la  réi'olution  de  Hollande , 
en  1807.  Cet  écrit  inséré  dans  le 
Tableau  politique  de  l'Europe  , 
ouvrage  de  M.  de  Ségur,  est  re- 
marquable par  la  fermeté  des  prin- 
cipes, et  par  la  lumière  qu'il  jette 
sur  la  constitution  hollandaise. 

CAILLAU(J.-M.),  médecin  à 
Bordeaux  ,  a  publié  plusieurs  é- 
crits ,  entre  autres  :  Avis  aux  ma- 
res sur  l'éducation  physique  et 
morale  des  enjans,  in-S",  1797; 
Journal  des  mères  de  famille  ,  4 
vol.  in-8*,  1797;  Examen  de  la 
philosophie  médicale  de  M.  La- 
Jron,in-8'',  1797;  '*  traduction 
dupoëme  de  Cl.  Quillet,  intitulé: 
la  Callipédie ,  ou  l'Art  d'avoir 
de  beaux  enjans,  in-8'',  1799; 
Réflexions  générales  sur  les  fem- 
mes considérées  comme  gardes- 
malades  dans  les  hôpitaux ,in-S° , 
1808;  Epitre  à  l'Espérance,  in- 
4°,  18 1 1  ;  et  Mémoire  sur  le  croup  f 
in-8%  1812.  En  1808,  M.  Caillau 


CAI 

a  encore  fait  paraître  un  poëme 
en  trois  chants,  intitulé:  V  Anto- 
niade. 

CAILLEMEl^  (Cbakles-Fkaî»- 
çois-Loms),  né,  le  i5  novembre 
1757,  en  Normandie,  était  avo- 
cat avant  la  révolution,  et  fut 
nommé  ,  en  1792  ,  juré  à  la  haute 
cour  nationale  d'Orléans.  Prési-, 
dent  de  l'administration  centrale 
du  département  de  la  Manche,  il 
y  fut  choisi,  en  1799,  pour  dé|)U- 
té  au  conseil  des  anciens.  M.  Cail- 
lemer  se  montra  d'abord  dans  le 
parti  du  directoire  ;  mais  ensuite 
il  participa  aux  préparatifs  du  18 
brumaire,  et  fut  nommé  tribun 
après  l'établissement  du  gouver- 
nement consulaire.  En  1801  ,  M. 
Caillemer  eut  le  malheur  de  vo- 
ter pour  l'établissement  des  tri- 
bunaux spéciaux,  et  se  prononça 
contre  le  projet  du  code  civil. 
Sorti  du  tribunal  en  i8o3,  il 
fut  envoyé  en  qualité  de  com- 
missaire-général de  police,  à 
Toulon,    où    il    resta     jusqu'en 

1814.  A  la  fin  du  mois  de  mars 

181 5,  il  obtint  une  place  de  lieu- 
tenant extraordinaire  de  police, 
et  cessa  d'être  employé  après  la 
bataille  de  Waterloo. 

CAILLY  (dtj  CAtvADOs),  se 
montra  dès  le  commencement  de 
la  révolution  un  de  ses  partisans, 
et  après  avoir  occupé  différentes 
fonctions  dans  son  département, 
il  y  exerça  celle  de  commissaire 
Hll  directoire  en  1796.  Soupçon- 
né de  jacobinisme,  il  fut  destitué 
quelque  temps  avant  la  journée 
du  18  fructidor;  mais  fut  ce- 
pendant élu,  en  l'an  6,  mem- 
bre du  conseil  des  anciens.  L'an- 
née suivante  il  fut  nommé  secré- 
taire de  l'assemblée,  et  fut  chargé 


CAL 

de  faire  un  rapport  sur  le  nota- 
riat,  dans  lequel  il  étnblit  les 
droits  de  la  république  sur  les  suc- 
cessions des  émigrés.  Ses  opinions 
politiques  connues  du  premier 
consul,  l'éloignèrent  des  fonc- 
tions législatives  après  la  révolu- 
tion du  18  brumaire;  mais  il  ne 
tarda  pas  ù  devenir  président 
de  la  C0ur  d'appel  de  Caen.  Il 
occupait  encore  cette  place  en 
1819. 

CALDER  (sir  Robert),  prit  très- 
jeune  du  service  dans  la  marine 
anglaise,  et  assista  comn)e  capi- 
taine à  la  bataille  du  27  février 
1797,  où  le  comte  de  Saint-Vin- 
cent, qui  commandait  une  flotte, 
acquit  son  titre.  En  croisière,  en 
i8o5,  devant  le  Ferrol,  il  rencon- 
tra la  flotte  combinée  française  et 
espagnole,  commandée  par  les  a- 
miraux  Villeneuve  et  Cravina,  et 
après  un  combat,  dans  lequel  il 
soufl'rit  beaucoup  lui-même,  il 
parvint  à  s'emparer  de  deux  vais- 
seaux espagnols.  L'amiral  Calder 
espérait  attaquer  le  lendemain  son 
ennemi  et  le  détruire  entièrement; 
il  l'avait  même  annoncé  à  son 
gouvernement  :  mais,  contrarié 
par  les  vents,  il  ne  put  s'opposer 
à  la  retraite  que  Villeneuve  exé- 
cuta sous  ses  yeux.  Trompés  dans 
leurs  espérances,  les  Anglais  at- 
tribuèrent ce  défaut  de  succès  à 
sir  Robert,  qui  fut  obligé  de  de- 
mander lui-même  sa  mise  en  ju- 
gement. Le  conseil  de  guerre  de 
Port.xmouth,  «levant  lequel  il  l'ut 
traduit,  l'acquitta  de  toute  impu- 
tation de  liU'lieté;  mais  il  décida 
qu'il  n'avait  pas  fait  tout  ce  qu'il 
aurait  pu  pour  détruire  les  vais- 
seaux ennemis,  et  cette  faute  fut 
allribuéç  à  une  erreur  de  jugc- 


CAL  29 

ment.  Condamné  à  être  sévère- 
ment réprimandé,  Calder  n'en  a 
pas  moins  continué  à  servir  dans 
la  marine,  et  était  encore,  en  1816, 
amiral  du  Pavillon-Blanc. 

CALDERARI  (le  comte  Otto- 
ne),  né  Ters  1  ^So  à  Vicence ,  se 
livra  dans  sa  jeunesse  à  l'étude 
des  lettres  et  des  beaux-arts.  Le 
goût  qu'il  avait  pris  pour  Tarchi- 
tecture  à  l'école  vicentine,  et  dans 
l'étude  des  ouvrages  du  célèbre 
Palladio,  ne  tarda  point  à  se  dé- 
velopper d'une  manière  étonnan- 
te, et  malgré  sa  jeunesse,  il  fut  ad- 
mis à  l'académie  olympique  de 
Vienne.  Les  principaux  ouvrages 
qu'on  cite  du  comte  Caldera»i  sont 
le  Palais  Losclii,  le  Palais  Boni- 
ni,  et  le  Palais  Cordellinaà  Vi" 
cence;  enfin  le  Séminaire  de  Vé- 
rone ,  qui  passe  pour  un  chef- 
d'œuvre.  Le  pays  Vicentin  est  or- 
né d'une  foule  de  maisons  de 
campagne,  pleines  de  goût  et  d'é- 
légance, dont  Calderari  est  l'ar- 
chitecte. Cet  habile  artiste  a  en- 
core donné  difîérens  morceaux  de 
poésie  et  des  ouvrages  didacti- 
ques importans  sur  son  art.  Il  est 
mort  en  i8o5.  Membre  des  prin- 
cipales académies  de  l'Italie,  il 
était  en  outre  associé  de  l'institut 
de  France. 

CALÉS  (J.  M.  ),  exerçait  à  Tou- 
louse la  profession  d'avocat,  lors- 
que les  principes  de  la  liberté  fu- 
rent proclamés.  M.  Calés  les  em- 
brassa avec  ardeur,  fut  choisi  par 
le  département  de  la  Hatite-Ga- 
ronne  comme  député  à  l'assem- 
blée législative,  et  l'année  suivan- 
te, à  la  convention  nationale.  Dans 
le  procès  de  Louis  XVI,  il  vota 
pour  la  mort  sans  sursis  ni  appel, 
et  fut  envoyé,  dans  te  moi»  de  juil. 


5o 


CAL 


let  l'^çyS,  près  de  l'armée  des  Arden- 
oes.  Bientôt  rappelé,  M.  Calcx  ne 
prit  aucune  part  aux  horreurs  de 
cette  ixialheureuse  époque,  et  re- 
çut, après  la  chute  de  Robespier- 
re, l'honorable  mission  d'all^jr  ré- 
tablir le  règne  des  lois  dans  le  dé- 
partement de  la  Côtc-d'Or.  Il  s'y 
conduisit  avec  la  plus  sage  modé- 
ration, et  mérita  les  mêmes  élo- 
ges au  comité  de  sAreté  générale, 
dont  il  fit  partie  lors  de  son  re- 
tour à  la  convention.  Au  i3  ven- 
démiaire, il  se  déclara  contre  les 
sections  rebelles,  et  fit,  à  la  tête 
de  la  force  armée,  évacuer  la  gal- 
le, où  se  réunissait  la  section  du 
Théâtre-Français.  Elu  membre  du 
conseil  des  cinq -cents,  avec  les 
deux  tiers  conventionnels,  M.  Ca- 
lés fit  partie  de  la  commission  des 
inspecteurs  pendant  la  révolution 
du  i8  fructidor,  sortit  de  l'assem- 
blée en  1798,  et  vécut  dans  la 
retraite  sous  le  gouvernement  de 
Napoléon.  Au  mois  de  mai  181 5, 
la  nation,  libre  dans  ses  choix,  se 
fit  en  général  représenter  par  des 
citoyens  vertueux,  que  les  fa- 
veurs des  souverains  n'avaient 
point  corrompus.  M.  Calés  fut 
de  ce  nombre;  aussi, peu  de  temps 
après,  compris  dans  la  loi  d'am- 
nistie du  16  janvier  1816,  il  fut 
contraint  de  se  retirer  en  Suisse. 
CALLEJAS  (don  Félix),  géné- 
néral  espagnol,  commandait,  en 
1 8 1  o ,  dans  le  Mexique ,  la  garni- 
son établie  à  San-Louis  du  Poto- 
se,  lorsque  Hidalgo  souleva  les 
peuples  de  ces  contrées.  Ce  chef 
redoutable ,  à  la  tête  d'une  armée 
ide  80,000  hommes ,  composée 
il'Indiens,  de  Créoles,  et  de  quel- 
ques troupes  réglées  ,  après  s'être 
,<miparé,  à  la  suite  do  divers  suc- 


CAL 

ces,  de  la  place  de  Toluca,  mar- 
chait sur  Mexico,  où  régnait  dé- 
jà la  plus  grande  fermentation  ;  et 
il  était  prêt  à  donner  l'assaut  à 
cette  ville,  lorsqu'il  fut  lui-même 
attaqué  djns  son  camp  ,  par  Cal- 
lejas.  Ce  général  n'avait  que 
7,000  hommes,  dont  la  moitié 
seulement  était  européenne.  Ce- 
pendant il  parvint,  parja  supé- 
riorité de  ses  manœuvres,  à  met- 
tre en  fuite  les  patriotes,  dont  il 
fit  un  grand  carnage.  11  se  mit  à 
leur  poursuite,  s'empara  d'un  dé- 
filé qu'ils  avaient  fortifié,  et  leur 
prit  25  pièces  de  canon.  Bientôt 
il  les  attaqua  dans  Guanaxoato, 
où  ils  s'étaient  retranchés;  la  place 
fut  emportée  d'assaut,  malgré  la 
plus  vigoureuse  résistance.  Mais 
Callejas  ternit  l'éclat  de  ces  bril- 
lants faits  d'armes,  par  l'atrocité 
de  sa  conduite.  Pendant  deux 
heures  il  mit  la  ville  au  pillage, 
et  donna  l'ordre  de  fusiller  une 
foule  d'ofTiciers  prisonniers,  et 
de  citoyens.  Au  nombre  de  ces 
derniers  ,  se  trouvait  le  célèbre 
minéralogiste  Chovel.  Il  publia 
un  décret,  portant  peine  de  mort, 
contre  tous  les  individus  qui  sç 
rassembleraient  plus  de  trois  , 
ou  qui  ne  rendraient  pas  leurs 
armes  dans  les  vingt-quatre  heu- 
res. Ces  mesures  cruelles  fu^ 
renl  loin  d'atteindre  le  but  que 
le  général  royaliste  se  proposait; 
elles  ne  firent  an  contraire  que 
fortifier  le  parti  républicain.  Hi- 
dalgo parvint  à  rallier  son  armée, 
et  se  retira  en  bon  ordre  à  Guada- 
laxara,  ville  inimense  ,  située  à 
5o  lieues  de  Mexico.  Plusieurs 
provinces  se  soulevèrent  en  mê- 
me temps,  et  particulièrement  la 
ville  de  Somblai,  de  laquelle  les 


CAL 

républicains  tirèrent  45  pièces  de 
canon.  Callejas  fit  aussitôt  mar- 
cher sur  Zaniora  le  général  Crux, 
qui  battit  un  corps  insurgé  ,  et 
s'empara  de  la  ville  de  Vallado- 
lid,  où  il  mit  à  exécution  le  sys- 
tème sanguinaire  du  général  en 
chef.  Celui-ci  se  porta  lui-mê- 
me vers  Guadalaxara,  où  Hidalgo 
s'était  retranché  sur  un  plateau 
défendu  par  i5o  pièces  de  canon. 
L'intrépide Callejas  se  précipite, 
à  la  tête  de  sa  cavalerie ,  sur 
les  batteries,  qu'il  enlève  à  l'ar- 
me blanche.  Le  brave  Hidalgo 
trouva  la  mort  dans  une  charge, 
qu'il  exécuta  lui-même.  Son  ar- 
mée fut  mise  en  déroute,  et  le 
général  espagnol  remporta  une 
victoire  complète,  qu'il  déshono- 
ra encore  par  ses  cruautés.  Par 
suite  de  cette  bataille ,  la  forte- 
resse de  Zitaquaro  fut  bientôt  at- 
taquée; elle  fut  prise  d'assaut, 
et  ses  défenseurs  furent  tous  pas- 
sés au  fil  de  l'épée.  Un  décret  de 
Callejas  acheva  de  souleverla  na- 
tion entière,  et  dès  lors  la  liberté 
fut  assurée.  Quoique  la  conduite 
des  Espagnols  ,  pendant  tout  le 
temps  de  cette  guerre,  soit  par- 
faitement connue,  nous  pensons 
qu'il  ne  sera  pas  inutile  de  rappe- 
ler les  principales  dispositions  de 
ce  décret.  «  Les  Indiens  du  Z,ita- 
«quaro  (portait-il)  et  de  son  dé- 
»  partement,  seront  privés  de  leurs 

«propriétés Ces    propriétés 

»  confisquées ,  ainsi  que  celPes  des 
«Américains  méridionaux,  qui 
»  ont  pris  p'art  à  l'insurrection,  qui 
»  ont  accompagné  les  rebelles  dans 

•  leur  fuite,  ou  qui  ont  quitté  la 

•  ville   à  l'entrée  des   troupes  du 

•  roi  ,  appartiendront  au  trésor 
«public.  Si  ceux  qui  sont  com- 


CÂL 


3i 


»pris  dans  ce  décret  veulent  se 
«présenter  devant  moi,  donner 
»des  preuves  de  leur  repentir,  et 
«travailler  à  la  réparation  des 
«routes,  ils  recevront  leur  par- 
»don,  mais  leurs  propriétés  ne 
«leur  seront  point  rendues.  Alten- 
))du  que  les  habitans  de  cette  vil- 
»le  criminelle  détestent  le  gou- 
«vernenient  monarchique;  qu'ils 
«ont  soutenu  trois  engagemens 
«avec  les  troupes  du  roi;  qu'ils 
«ont  planté  sur  des  poteaux,  à 
«l'entrée  de  leurs  murs,  les  têtes 
«de  plusieurs  de  nos  chefs  morts 
«en  sacrifiant  leur  vie  pour  le 
«bien  public;  tous  les  bîîtimens 
«de  Zitaquaro    seront  rasés,  ou 

«bien  détruits  par  le  feu Il 

»  est  expressément  défendu  de  ré- 
«tablirla  ville  de  Zitaquaro,  ou 
«toute  autre  qui  pourra  être  dé- 
»  truite  à  l'avenir,  pour  avoir 
«participé  à  la  rébellion.  »  Le  dé- 
sespoir ranima  les  insurgés  ;  par- 
tout ils  se  réunirent,  et  formèrent 
deux  corps  de  guérillas,  sous  les 
ordres  de  Villagran,  de  Rayou,  et 
de  plusieurs  autres  officiers,  avec 
lesquels  ils  firent  un  mal  incalcu- 
lable aux  Espagnols.  Bientôt  ils 
eurent  proclamé  la  liberté  dans 
presque  toutes  les  provinces  du 
Midi  ;  cl  ils  avaient  établi  leur 
quartier-général  à  Quantla-Arail- 
pan  ,  à  25  lieues  de  Mexico,  lors- 
qu'ils furent  attaqués  par  Calle- 
jas, qui  venait  de  recevoir  du  ren- 
fort de  la  métropole.  L'intrépi- 
de prêtre  Morelos,  qui  avait  été 
nonmié  chef  souverain  du  pou- 
voir-exécutif, défendit  la  place 
avec  tant  d'opiniâtreté,  qu'après 
un  assaut  de  six  heures,  il  con- 
traignit l'ennemi  il  se  retirer.  CaU 
lejas  ne  fut  point  rebuté  par  cet 


3a 


CAL 


échec;  il  fit  aussitôt  ses  disposi- 
tions pour  assiéger  régulièrement 
Quanlla-Amilpan,  et  enfin  il  força 
par  la  famine  les  habitans  et  la 
garnison  à  abandonner  la  ville, 
après  avoir  donné  les  preuves 
de  la  fermeté  la  plus  étonnante. 
«Leur  enthousiasme,  écrivait  lui- 
»  même  le  général  espagnol,  pen- 
»dant  le  siège,  est  sans  exemple; 
«nous  les  entendons  continuelle- 
«ment  jurer  qu'ils  s'enterreront 
»sous  les  ruines  de  la  place,  plu- 
»tôt  que  de  la  livrer.  Ils  dansent 
«autour  des  bombes  qui  viennent 
»de  tomber. ...  Morelos  donne  ses 
*» ordres  d'un  ton  prophétique,  et 
«quels  qu'ils  soient,  ils  sont  tou- 
njours  ponctuellement  exécutés. 
«Quelques  peines  et  quelques  fa- 
«tigues  qui  puissent  nous  en  coû- 
»ter,  ajoutait-il,  nous  précipite- 
«rons  cette  ville,  et  ses  habitans, 
«dans  le  fond  de  l'enfer.  »  Tout 
en  rendant  justice  à  la  valeur  des 
républicains,  le  général  espagnol 
ji 'en  conserva  pas  moins  sa  féro- 
cité ;  il  se  mit  à  la  poursuite  des 
fugitifs,  dès  qu'il  fut  instruit  de 
leur  départ,  et  il  en  massacra  un 
grand  nombre,  malgré  les  trou- 
pes réglées  qui  firent  des  prodi- 
ges de  courage  dans  cette  retrai- 
te. La  guerre  continuait  avec  des 
succès  variés,  et  Callejas  avait 
jûbtenu  pour  récompense  de  ses 
services  la  vice-royauté  du  Mexi- 
x(ue,  lorsqu'en  octobre  i8i5, 
une  division  espagnole  lit  prison- 
xiier,  après  l'avoir  battu,  le  brave 
Morelos,  qui  était  allé  recevoir 
des  munitions  ,  que  lui  appor- 
taient le  colonel  Toledo  et  l'ex- 
général  français  Humbert.  In- 
sensible aux  instances  comme  aux 
#î?enace5  du  congrès  ,  qui  lui  avait 


CAL 

déclaré  qu'il  agirait  de  représail- 
les sur  sa  personne,  s'il  tom- 
bait en  leur  p!)uvoir,  le  vice-roi, 
après  avoir  fait  dépouiller  More- 
losdes  ordres  ecclésiastiques,  le  fit 
sortir  de  la  capitale,  dont  il  crai- 
gnait les  habitans,  et  conduire  à 
San-Christoval,  où  ce  respectable 
chef  fut  lâchement  fusillé  par  der- 
rière. Une  amnistie,  que  Callejas 
publia,  n'empêcha  point  la  guerre 
de  continuer  jusqu'en  1816,  épo- 
que à  laquelle  l'Jispagne  ,  qui  ne 
voyait  d'autre  résultat  dans  le  sys- 
tème de  destruction  qu'elle  avait 
adopté,  que  d'augmenter  les  forces 
du  parti  républicain,  crut  devoir 
confier  la  vice  royauté  à  un  hom- 
me plusmodéré.  Don  JuanR.  d'A- 
podaca  remplaça  dans  ces  fonc- 
tions Callejas,  qui,  en  1817,  s'em- 
barqua pour  revenir  en  Espa- 
gne. 

CALLET  (JeanFbançois),  pro- 
fesseur d'hydrographie,  naquit  à 
Versailles  le  25  octobre  i744i  <^t 
mourut  à  Paris  le  14  novembre 
1 798,  D'excellentes  études  l'ayant 
mis  à  même  de  faire  des  progrès 
dans  toutes  les  sciences,  il  mani- 
festa de  bonne  heure  son  goût 
pour  les  mathématiques.  Venu  à 
Paris  en  1768,  il  y  resta  jusqu'en 
1788,  époque  où  il  obtint  une 
chaire  d'hydrographie  à  Vannes. 
Pendant  cet  espace  de  temps,  il 
avait  formé,  pour  l'école  du  génie, 
un  grand  nombre  d'élèves  d'un 
méritfe  reconnu,  avait  remporté, 
en  1779,  le  prix^f»*  Its  Echappe- 
mens,  proposé  par  la  «Société  des 
arts  de  Genève,  et  avait  terminé, 
eu  1783,  son  édition  des  Tables 
de  Gardiner.  En  j  792 ,  Callet 
alla  de  Vannes  à  Dunkerque ,  en 
qualité  de  professeur  des  ingé- 


I 


I 


CAL 

nieurs~gtof;raplies.  En  1 795,  il  re- 
Tint  de  nouveau  à  Paris,  où  depuis 
i^  a  constamment  joui  d'une  gran- 
de considération  comme  profes- 
seur de  mathématiques.  Il  conçut 
l'idée  d'une  langue  télégraphique, 
dont  les  signes  s'adapteraient  à 
douze  mille  mois  français,  dont  il 
proposaitde  faire  un  dictionnaire, 
il  adressa  ce  plan  à  l'institut  vers 
la  fin  de  1797.  Bien  que  sa  santé 
allât  toujours  en  décroissant,  il  pu- 
blia, peu  de  temps  avant  sa  mort, 
son  6iippU'int'ntà  la  Trigonomé- 
trie sphcri(fue  et  à  la  Navigation 
de  Bi'zoïit. 

CALOIGNE  (N.),  sculpteurcé- 
lèbre  parmi  les  élèves  couronnés 
de  l'académie  de  Bruges,  est  né 
dans  cette  ville.  Caloigne  étant 
venu  à  Paris  pour  terminer  ses 
études ,  remporta  le  grand  prix 
en  1806,  ce  qui  lui  fit  obtenir 
la  faveur  d'aller  à  Rome  aux  dé- 
pens du  gouvernement.  Ce  fut 
dans  cette  ville,  où  il  demeura 
plusieurs  années,  qu'il  fit  son  A- 
phror/ilc , -pethc  figure  d'une  cor- 
rection parfaite,  que  ses  formes 
élégantes  et  gracieuses  rendent 
admirable.  Ce  chef-d'œuvre  est 
l'un  des  ornemcns  du  salon  des 
arts  à  Gand.  M.  Caloigne,  rési- 
dant à  Bruges,  y  occupait  encore, 
en  181 9,  la  place  d'inspecteur  des 
travaux  publics. 

CaLON  (Édouabd-Nicoiasde), 
chevalier  de  Saiut-Loiiis.  Il  était 
officier-général  quand  la  révolu - 
lion  commença.  11  accepta  aussi- 
tôtla  place  d'administrateur  dans 
le  département  de  l'Oise,  et,  au 
mois  de  septembre  1791,  il  fut 
nommé  ;'i  l'assemblée  législative. 
Il  se  joignit  des  lors  aux  adversai- 
res de  la  cAarj  mais  avec  une  mo- 


CAL 


53 


dération  qu'il  démentit  plus  tard  : 
quelquefois  cependant  il  se  plai- 
gnait qu'on  n'accueillit  pas  conve- 
nablement les  rapports  et  les  corn-, 
niunications  des  ministres.  Ce  fut 
lui  qui,  le  10  août,  dans  la  loge 
du  logographe,  où  se  trouvait 
Louis  XVI,  le  conjura  d'éloi- 
gner certains  personnages  qui  l'a- 
vaient suivi  :  il  disait  que  le  peu- 
ple les  regardait  comme  suspects, 
et  qu'il  pourrait  recourir  à  la  vio- 
lence pour  les  arracher  d'auprès 
du  roi.  Ce  député  sacrifia  sa  croix 
de  Saint-Louis  en  faveur  des  veu- 
ves et  des  orplielins  dont  le  mal- 
heur était  une  suite  de  la  journée 
du  10  août.  Elu  membre  de  la 
convention,  il  fit  partie  du  comi- 
té militaire.  Il  siégea  du  côté  de 
la  Montagne;  et,  dans  le  procès 
de  Louis  XVI,  il  vota  la  mort  sans 
sursis  et  sans  appel.  Lorsque  cette 
assemblée  eut  terminé  «es  séan- 
ces, M.  Calon  reprit  du  service 
avec  le  titre  d'adjndant-général  ; 
mais  depuis  le  18  brumaire,  il  a 
vécu  dans  la  retraite. 

GALONNE  (Charles-Alexatî- 
DRE  de),  conlrûleur- général  des 
finances,  naquit  à  Douai  le  3o 
janvier  1734.  Son  père  était  pre- 
mier président.  Destiné  à  le  rem- 
placer à  la  tôte  du  parlement  de 
sa  province,  il  fut  envoyé  très- 
jeune  encore  à  Paris,  où  il  lit  des 
études  brillantes  ,  présage  des  ta- 
lens  qu'on  lui  reconnut  plus  tard. 
Mais  de  tels  succès,  peu  impor- 
tans  en  eux-mêmes,  doivent  in- 
fluer sur  le  caractère  à  l'enlrée  de 
la  vie.  Peut-être  commencèrent- 
ils  il  inspirer  au  jeune  do  Galon- 
né cette  confiance  en  lui-même, 
qui  devait  un  jour  l'égarer  dan» 
rMl^unistratiotf  des  intérêts  d« 


34  CAL 

l'ôtat.  Cet  abus  de  la  facilité  de 
sou  esprit,  cette  audace  impié- 
vo^arUe  liâta  la  catastrophe  iné- 
vitable qui  affligea  la  France  en 
la  régénérant,  mais  qui  la  cou- 
vrit de  gloire  dès  que  1<  .s  autres 
cabinets  eurent  arrêté  qu'elle  se- 
rait rayée  du  nombre  des  grandes 
puissances.  Peu  de  temps  après 
s'être  consacré  au  barreau,  M.  de 
Galonné  avait  été  nommé  avocat- 
général  au  conseil  provincial 
d'Artois.  11  fut  ensuite  procureur- 
général  au  parlement  de  Douai  ; 
et,  sous  le  titre  de  maître-des-re- 
quêtes  ,  il  entra  au  conseil  d'état. 
Comme  il  s'étaitfait  un  nom  dans 
les  démêlés  qui  avaient  eu  lieu 
entre  le  parlement  et  le  clergé, on 
le  choisit  pour  remplir  les  fonc- 
tions de  procureur-général  de  la 
commission  nommée  dans  l'affai- 
re du  duo  d'Aiguillon  ,  comman- 
dant de  la  Bretagne,  et  de  La 
Chalotais,  procureur -général  du 
parlement  de  cette  province.  11 
crut  conforme  aux  intérêts  de  son 
ambition  de  prendre  le  parti  du 
ministère,  et  ce  dévouement  alla 
même  jusqu'à  lui  attiter  le  repro- 
Ghed'avoirabusédelaconfiancede 
La  Chalotais,  en  communiquant 
au  garde- des -sceaux  une  lettre 
dont  il  n'avait  pas  le  droit  de  fai- 
re un  semblable  usage.  M.  deCa- 
lonne  repoussa  cette  accusation, 
que  d'ailleurs  on  oublia  dès  qu'on 
vit  l'affaire  jugée  avec  plusd'indul- 
geoce  que  ne  l'avait  prétendu  la 
cour.  Après  avoir  été  durant  i5an- 
nées  intendant  à  Metz,  puis  à  Lille, 
M.  de  Calonne  remplaça» en  178Ô, 
M.  d'Ormesson,  au  contrôle-gé- 
néral des  finances.  Soutenu  parla 
cour ,  et  par  M.  de  Vergennes  , 
ministre  des  affaires  étiang^i^, 


CAL 

il  l'emporta  sur  tout  le  parti  de  ta 
magistrature,  et  sur  le  garde-d«8* 
sceaux  Miromesnil.  Mais  après  a- 
voir  surmonté  toutes  ces  didicul- 
té»,  il  en  rencontra  de  plus  gran- 
de» encore  dans  le  ministère  qu'il 
avait  désiré  si  ardemment.  Il  pa- 
rutentreprendre  de  se  les  déguiser 
à  lui-même  :  se  souciant  peu  des 
besoins  du  peuple,  et  se  dispen- 
sant de  soulager  la  détresse  gé- 
nérale, il  se  proposa  surtout  de 
conserver  sa  place,  et  il  voulut 
éblouir  par  la  prospérité  apparen- 
te du  trésor,  les  hommes  dont 
l'appui  lui  était  nécessaire.  Il 
trouva  d'abord  les  moyens  de  sa- 
tisfaire l'avidité  de  la  cour,  ne  re- 
fusa ni  pensions,  ni  gratifications, 
et  n'entendit  que  des  louanges.  II 
paya  les  dettes  des  princes.  On 
solda  l'arriéré  ;  on  acheta  Saint- 
Cloud et  Rambouillet, on  soutint 
le  cours  des  effets  publics  ,  et  mê- 
me on  entreprit  la  refonte  de» 
monnaies  :  c'est  avec  cette  vani- 
té, c'est  avec  ce  charlatanisme 
qu'on  achève  de  renverser  les  em- 
pires. On  cachait  l'état  des  choses, 
mais  on  ne  le  changeait  pas.  On 
augmentait  le  mal  qu'avaient  fait 
d'année  en  année  la  faiblesse  des 
monarques,  l'égoïsme  de  la  no- 
blesse, et  la  connivence  des  minis- 
tres :  en  un  moti,  on  décidait  la 
révolution.  Bientôt  il  ne  fut  plwd 
possible  d'ajouter  aux  impôts  ;  et 
quant  au  crédit,  huit  cents  mil- 
lions empruntés  par  un  esprit  » 
fécond  en  funestes  ressources,  et» 
amenèrent  la  chute  totale.  Après 
quatre  années  d'administration  , 
limprudent  ministre  se  vit  réduit 
à  provoquer  lui-même,  non  pas 
la  convocation  des  états -génâ- 
viuXf  mais  celle  d'une  assemblée 


CAL 

tîc  notables  :  résolution  t(|uivo- 
que,   parti  mixte  qui,   ne  salis- 
iaisant  personne,  acheva  d'entra- 
ver la  marche  des  uns  ,  et  de  pré- 
cipiter celle  des  antres.  Le  minis- 
tre se  flattait  toutefois    que  son 
impéritie  ne  serait  pas  constatée. 
Il  préparait  un  compte  de  l'arrié- 
ré dans  lequel  il  attribuait  à  son 
prédécesseur  les  causes  du  défi- 
cit, et  de  plus  il  avait  imaginé  un 
nouveau  système  de  finances  pour 
lequel  il  comptait  sur  l'approba- 
tion du  roi.  Mais  il  éprouva  dans 
le  conseil  mênjc  une  forte  oppo- 
sition .  et  le  projet  de  réunir  des 
notables  fut  surtout  désapprou- 
vé par  MM.  de  Brcteuil  et  de  Mi- 
roinesnil.  dépendant  M.  de  Ver- 
gennes,  qui  avait  conservé  le  por- 
tefeuille des  affaires  étrangères, 
s'étant    laissé  persuader,    Louis 
XVI  adopta,  sans  autre  e.\amen, 
ce  plan  qui   n'eut  pas  les  suites 
qu'on  s'en  promettait.  La  nation, 
inquiète  et  mécontente,  jugeait 
que  les  réforniesne  seraient  jamais 
opérées  que  par  elle-même.  C'est 
dans   les  états -généraux  qu'elle 
avait  mis  son  espoir  ;  elle  vil  avec 
surprise  que  les  notables  fussent 
seuls  appelés,  dans  une  circons- 
tance si  grave,  à  régler  les  inté- 
rêts de  toutes  les  classes.  Le  con- 
trôleur-général se  croyait  sûr  de 
l'appui  de  la  reine,  parce  qu'el- 
le aimait  sa  conversation  et  l'a- 
grément de  se»  manières,   il  se 
flattait  aussi  d'obtenir  de  l'ascen- 
dant sur  les  notables  intéressés  à 
soutenir  la  cour.  Enfin  il  avait  u- 
ne  sibonneopinion  de  sesmoyens, 
qu'il  espérait  pcrsua<lerle  peuple 
même  par  la  suppression  entière 
ou  partielle  do  quelques  impôts 
voéreux ,   et   par  des   sacrifices 


CAL 


55 


cju'on  exigerait  du  haut  clergé.  Il 
se  présenta  donc  avec  une  sorte 
d'assurance  dans  l'assemblée  dont 
l'ouverture  eut  lieu  le  22  février 
1787.    Cette    illusion   Se   dissipa 
aussitôt.  Ses  premières  opérations 
fiscales     avaient     discrédité    ses 
plans  :  ses  idées  ne  furent  point 
accueillies;    les  notables  voulu- 
rent que  tout  fût  expliqué,  ils  pré- 
tendirent tout  voir  par  eux-mê- 
mes. Réduit  à  des  aveux,  le  mi- 
nistre   allégua   que    l'arriéré  re- 
montait au  temps  de  l'abbé  ïer- 
ray,  qu'à  ces  4^  millions  anciens 
l'administration  de  Neckercn  a- 
vait  joint  /jo  autres,  et  qu'il  n'a- 
vait pu  lui-même  éviter  que,  de- 
puis 1783,  le  déficit  ne  s'aocrût 
encore  de  55  millions.  Necker  de- 
vait répondre  :    il  le  fit,    et    on 
l'exila  ;  mais  il  emporta  les  regrets 
de  la  France  ,  et  l'estime  qu'il  ob- 
tint s'augmenta  de  l'idée  qu'on  se 
formait  des  malversations  du  nou- 
veau contrôleur-général.  Il  était 
évident  que  celui-ci  ne  pourrait 
plus  même  fournir  aux  prodigali- 
tés de  Versailles;  il  vit  donc  tous 
les  partis  se  réunir  pour  l'accuser 
d'avoir  porté  le  désordre  dans  l'an- 
cienneconiptabilité,afin  de  mettre 
ses  propres  comptes  à  l'abri.  Il  était 
du  nombre  des  hommes  qui,  dans 
les  aflaires,  méconnaissent  le  dan- 
ger réel,  mais  souvent  tardif,  d'u- 
ne conduite   immorale;  ainsi    il 
compta  pour  peu  de  chose  la  mau- 
vaise opinion  qu'on  s'était  formée 
de  sa  personne,  à  l'époque  même 
où  l'on  avait  espéré  beaucoup  dé 
ses  moyens.  11  lutta,  durant  quel- 
ques jours,  et  il  réussit  même  à  fai- 
re écarter  Aliroir»csnil,  en  faveur 
de  Lamoigiion,  ({ui,  se  trouvant 
en  opposition  avec  les  parlemens. 


5o 


CAL 


pourrait  le  soutenir  dans  le 
cas  où  la  magistrature  se  join- 
drait aux  notables.  Mais  ce  fut  le 
dernier  avantage  qu'il  remporta; 
il  ne  put  éloigner  le  baron  de 
Breleuil ,  qui  avait  toute  la  con- 
fiance (le  la  reine.  Abandonné  de 
cette  {»rint'e?se,  et  poursuivi  par 
la  haine  du  peuple,  disgracié,  dé- 
pouillé de  la  décoration  de  l'or- 
dre du  Saint-Esprit,  dénoncé  au 
parlement,  et  craignant  d'être  ar- 
rêté ,  il  se  réfugia  en  Angleterre, 
où  il  reçut,  de  Catherine  II,  un 
témoignage  d'estime  tout  parti- 
<5ulier.  11  ne  parut  pas  qu'il  se  fût 
retiré  avec  l'espoir  ou  l'intention 
de  jouir  du  repos.  Le  parlement 
de  Douai  ayjmt  rendu  plainte 
contre  lui  ,  et  d'autres  cours 
l'ayant  attaqué,  il  lit  parvenir  à 
Versailles  un  mémoire  justificatif, 
où,  présentant  ses  opérations  pré- 
cédentes, comme  très-propres  à 
-opérer  le  rétablissement  des  finan- 
ces ,  il  priait  le  roi  de  déclarer 
que  tout  avait  été  fait  de  son  con- 
sentement, ou  par  ses  ordres.  U- 
ne  autre  lettre  ,  en  1789,  eut  pour 
objet  de  prémunir  le  roi  contre 
le  système  de  Necker,  qu'on  n'a- 
vait pu  éviter  de  remettre  à  la 
tête  des  finances.  Quelque  temps 
après,  Calonne  se  rendit  en 
Flandre,  pour  se  faire  nom- 
mer député  aux  étals-généraux. 
On  ne  le  nomma  pas,  et  il  se  mit 
à  écrire  contre  la  révolution.  Dès 
que  l'on  émigra',  il  servit  la  cau- 
se des  princes;  il  devint  un  de 
leurs  agens  les  plus  actifs  et  les 
plus  dévoués.  Il  consacra  à  leur 
service  la  fortune  considérable 
que  la  veuve  de  M.  d'Harvelay 
.vint  lui  offrir,  à  Londres,  avec  sa 
main.  II  parcourut  l'Allemagne, 


CAL 

l'Italie,  la  Russie,  et  lorsqu'il 
crut  voir  les  espérance-»-  des  Bour- 
bons entièrement  détruites,  par 
l'inefTicace  intervention  des  mo- 
narqiies  ,  il  retourna  en  Angle- 
terre, où  parmi  d'autres  occupa- 
tions ,  il  composa  quelques  ou- 
vrages politiques.  Négligé  du  par- 
ti pour  lequel  il  avait  fait  tant  de 
démarc  hes  ,  et  frappé,  dit-on  ,  de 
l'ingratitude  des  cours,  il  deman- 
da, en  1802,  au  premier  consul, 
la  permission.de  rentrer  en  Fran- 
ce. Il  l'obtint;  mais  il  jouit  peu 
du  bonheur  de  se  retouver  dans 
sa  patrie;  il  mourut  en  octobre, 
un  mois  après  son  arrivée.  Sa 
femme  végéta  quelques  années  à 
Paris,  dans  un  état  voisin  de  l'indi- 
gence. 11  avait  eu,  dans  les  derniers 
temps  qui  précédèrent  les  journées 
de  1 789,  une  influence  assez  gran- 
de, pour  qu'on  lise  volontiers  ici 
son  portrait,  esquissé  par  l'auteur 
du  Tableau  de,  la  révolution  J'ran- 
caisc.  ('Bienfaiteur  et  victime  du 
«luxe  de  la  cour,  poursuivi  par  la 
«vertu  deïurgot,  par  l'inflexible 
»  sagesse  de  Necker;trompant  tout 
«le  monde,  trompé  par  lui-mê- 
»me,  ajoutant  toutes  les  illusions 
»  du  crédit  à  tous  les  hasards  de  la 
«fortune,  spéculateur  de  lu  fa- 
rt veur,  aventurier  du  ministère, 
«audacieux,  léger,  fantasque,  dis- 
«sipateur,  homme  de  cour  dans 
»le  cabinet,  homnie  de  plaisirs  à 
«la  cour,  homme  d'état  dans  un 
«cercle,  enjoué  dans  les  affaires 
«sérieuses,  sans  systèmes,  .sans 
«passions,  sans  principes,  trai- 
»  tant  l'état  comme  il  avait  fait  son 
«patrimoine  ,  abandonné  aux  suc- 
«ces  de  l'esprit  et  à  l'empire  des 
«femmes  :  tel  était  l'homme  sur 
«lequel  reposaient  la  sécurité  du 


I 


I 


CAL 

»roiel  le  salut  de  l'état.»  Ce  mi- 
nislre  a  publié  ^u^  les  finances  et 
sur  diverses  questions  politiques  , 
plusieurs  écrits  où  l'on  trouve  des 
docuinens  utiles.  Son  style,  gé- 
néralement analogue  à  ce  qu'on 
a  vu  de  son  caractère,  est  facile  et 
quelquefois  difl'us;  il  est  négligé  , 
mai»  plein  d'élégance.  11  a  publié 
successivement  :  i"  Contspon- 
danct  de  JStcker  et  de  Catonne, 
1787,  in-4°;  2"  Requête  au  roi, 
in-8°,  Londres,  1787;  5°  Réponse 
de  Caloniw  à  l'cciit  de  Necker, 
in-4°»  Londres,  1788;  [^  Lettre 
de  Calonnc  au  roi,  9  février  1789;, 
5°  Seconde  lettre  de  Calonne  au 
roi,  5  avril  1789;  6°  Note  sur  le 
mémoire,  remis  par  Necker,  au 
comité  des  subsistances,  Londres, 

1789  ;  7°  De  l'état  de  la  France, 
présent  et  avenir,  in-8°,  1790;  8° 
i)e  l'état  de  la  France ,  tel  (fu'il 
peut  et  qu'il  doit  être ,  Londres, 

1790  ;  9°  Observations  sur  les  fi- 
nances, in-4''>  Londres ,  .1790; 
10°  Lettres  d'un  puùliciste  de 
France  à  un  puùliciste  d^ Alle- 
magne,  1791;  ïi°  Esquisse  de 
l'état  de  la  France ,  in-8%  1791; 
la*  Tableau  de  l'Europe,  en  no- 
vembre 1795,  etc.,  in -8",  Lon- 
dres. (On  prétend  que  l'auteur  fut 
mal  avec  les  princes  ,  à  cause  de 
cet  ouvrage,  auquel  répondit  le 
consciller-d'étal ,  de  Montyon.) 
i3°  Des  finances  publiques  de  ta 
France ,  in-8%  1797;  14°  Lettre  à 
l'auteur  des  consuléralions  sur 
les  affaires  publiques,  in-8",  1798. 
On  attribue  à  Calonne  un  Traité 
sur  la  police  ,  pour  l'Angleterre  ; 
une  Réponse  à  Montjon;  enfin 
des  Remarques  sur  l'histoire  de 
la  ré\'(flution  de  Riissir  ,  par  Rul- 
bièrc.  Ou  croit  uussi  qu'il  u  laissé, 


CAL 


^7 


particulièrement  sur  des  objets 
d'art,  diflërens  manuscrits  dont 
sa  mort  à  empC-ché  l'impression. 

CALDSO  (Thomas  Valperga  db 
CoNTi  Di  Masino),  savant  distin- 
gué et  littérateur  célèbre ,  né  à 
Turin  en  1755.  Au  sortir  de  l'cn- 
fanôe,  il  fut  page  du  grand-maîlre 
de  Malte,  et  après  avoir  achevé 
ses  études  à  IVomc  au  collé{;e  du 
jNazareno,  il  prit  du  service  dans 
la  n>arine   de  l'Ordre.   Son   gofit 
pour  les  sciences  lui  ayant  fait  a- 
bandonner  cette  carrière  à  l'âge 
de  24  ans,  il  se  rendit  ù  Naples, 
oi"!  il  remplit  les  fonctions  du  sa- 
cerdoce. De  retour  dans  sa  ville 
natale,  il  y  fut  membre  du  grand- 
conseil  de  l'université,  directeur 
de  l'observatoire  astronon)ique , 
enfin  professeur  de  langue  grec- 
que et  de  langues  orientales.  Pri- 
vé de  cette  place  en   1814,  il  est 
mort  le    i"  avril   181 5.  Corres- 
pondant de  l'institut  de  France, 
et  membre  de  la  société  italien- 
ne, ainsi   que  de   l'académie  de 
Turin,  il  possédait  les  mathéma- 
tiques dans  leurs  rapports  avec 
l'astronomie  ou  la  navigation,  et 
avec  la  supputation  des  temps.  Il 
porta  beaucoup  de  lumière  dans 
les  diflicultés  de  la  philosophie  de» 
Grecs  et  des  Latins.  U  écrivit  en 
hébreu  et  en  égyptien  :   les  lar>- 
gues  modernes  ne  lui  étaient  pas 
moins  familières,  et  il  appréciait 
les  beautés  les  plus  secrètes  des 
littératures  française,   espagnole 
et  anglaise.  Celte  vaste  érudition 
n'était  pas  le  principal  mérite  de 
l'abbé  Caluso;  il  pratiquait  loulcs^ 
les  vertus  de  la  vie  privée.  Il  n'a 
pas  fait  un  grand  nombre  de  li- 
vres, et  on  n'aurait  qu'une  faible 
idée  de  son  savoir,  si  l'on  en  ju- 


38 


CAL 


geait  par  les  seuls  fruits  qui  nous 
restent  de  ses  travaux  assidus.  Il 
a  laissé  néanmoins,  sur  la  poésie 
italienne,  trois  traités  qui  sont  des 
modèles  de  critique.  On  a  aussi 
de  lui  plusieurs  pièces  de  vers  en 
latin  et  en  italien.  Mais  son  plus 
important  ouvrage  est  celui  qu'il 
écrivit  en  français  sur  la  philoso- 
phie; on  y  trouve  une  métaphy- 
sique pleine  de  justesse  et  même 
d'intérêt.  Le  premier  homme  cé- 
lèhre  qui  lui  rendit  justice  fut  Al- 
fieri  ;  il  se  lia  étroitement  avec 
Caluso,  qju'il  se  plaisait  à  appeler 
le  nouveau  Montaigne. 

C  A  LVEÏ(  Jean- Jacqtjes).  Quand 
la  révolution  commença,  il  était 
garde-du-corps.  Député  à  l'assem- 
blée législative,  il  fut  sincère- 
ment attaché  à  la  constitution  de 
1791;  cependant  il  poussa  un  peu 
loin  l'indulgence  pour  ceux  qui 
se  rendaient  au-delà  du  Rhin.  Au 
mois  d'avril  1792,  il  s'éleva  con- 
tre le  crédit  de  six  millions  de- 
mandés par  Dumouriez,  alors  mi- 
nistre des  aflaires  étrangères,  pour 
ses  dépenses  secrètes.  Le  29  mai 
suivant,  il  fut  envoyé  à  la  prison 
de  l'Abbaye,  comme  coupable 
d'invectives  envers  les  députés 
qui  avaient  parlé  de  complots 
formés  par  la  nouvelle  garde  du 
roi.  Plus  lard  il  s'efforça  vaine- 
ment d'empêcher  les  insurgés  des 
faubourgs  de  défiler,  le  20  juin, 
devant  l'assemblée.  Le  8  août 
il  faillit  être  assassiné  à  Tissue  de 
la  séance,  pour  avoir  mis  obsta- 
cle au  décret  d'accusation  propo- 
sé contre  le  général  La  Fayette. 
Après  la  journée  du  10,  il  quitta 
l'assemblée.  Il  y  avait  fait  partie 
des  comités  militaire  et  de  sur- 
\eillanee,  ce  qui  l'avait  souvent 


CAL 

conduit  s\  la  tribune.  Calvet  dot 
son  salut  à  l'obscurité  dans  laquel- 
le il  vécut  depuis  ce  moment.  Il 
ne  reparut  sur  la  scène  politique 
qu'en  i8i3,  lorsque  le  départe- 
ment de  l'Arriége  le  choisit  pour 
député  au  corps-législatif.  Nom- 
mé de  nouveau  les  années  suivan- 
tes par  le  niême  département,  il 
continua  à  siégerdans  la  chambre 
des  députés  jusqu'à  sa  mort,  ar- 
rivée en  1820.  On  l'a  vu  asseï 
constamment  voter  avec  le  mi- 
nistère; cependant,  en  1819,  il 
s'est  rangé  parmi  les  défenseur» 
de  la  liberté  de  la  presse  et  de  V\ 
liberté  individtielle. 

CALVET,  médecin  à  Avignon, 
antiqiraire  et  numismate,  a  insti- 
tué la  ville  d'Avignon  son  héritière 
universelle,  et  lui  a  légué  la  bellp 
collection  de  médailles  et  d'anti- 
quesqu'unelongue  vieet  ungrand 
amour  de  la  science  lui  avaient 
procuré  les  moyens  de  rassembler- 
Le  testament  de  M.  Calvet  est  sin- 
gulier par  les  détails  qu'il  renfer- 
me sur  le  mode  antique,  selon  le- 
quel il  prescrit  à  ses  exécuteurs 
testamentaires  de  faire  procéder 
à  son  inhumation.  On  voit  avec 
plaisir  et  intérêt,  à  Avignon,  le 
musée  Calvet ,  à  l'entretien  et  à 
l'administration  duquel  ilest  pour- 
vu ail  moyen  des  dotations  éta- 
blies par  feu  M.  Calvet,  4écédè 
dans  celte  ville  en  1806.  La  ville 
d'Avignon  a  soutenu  un  procès 
long  et  dispendieux  contre  un  ac- 
quéreurd'un  des  biens  donnés  à  la 
ville  par  M.  Calvet.  Ces  mémoi- 
res ont  été  imprimés,  soit  à  Avi- 
gnon, soitàINîmes,  et  renferment 
des  particularités  intéressante* 
sur  le  caractère  du  testateur. 

CALXADA    (SÉBASTIEN  DE  Ll). 


I 


II  commandait  une  division  de 
l'armée  d'Espagne  dans  la  provin- 
ce-de  Caraccas,  et  conjointement 
avec  le  général  Cevallos,  il  assié- 
geait Valencia  en  i8i4;  mais  ils 
se  retirèrent  tons  deux  dès  qu'ils 
apprirent  la  victoire  remportée  à 
Bocachica,  parMarino  et  Montil- 
lo  sur  Boves  et  Rosette.  La  même 
année,  après  l'affaire  du  16  avril, 
où  Marino  fut  battu,  Calzada  re- 
prit l'offensive,  et  il  réunit  ses  for- 
ces à  celles  du  général  en  chef 
Cagigal.  Cependant  l'armée  roya- 
liste fut  vaincue  à  Caraholo;  mais 
Cahada  fit  sa  retraite  en  bon  or- 
dre, et  il  marcha  bientôt  contre  les 
insurgés,  sur  lesquels  il  remporta 
des  avantages  qui  contribuèrent 
à  la  résolution  que  prit  Marino  de 
se  renfermer  dans  Cumana.  Cal- 
zada servait  constamment  In  cau- 
se des  royalistes,  et  lorsque  ('ar- 
thagène  fut  tombée  entre  leurs 
mains,  il  eut  aussi  un  succès  Irès- 
honorable;  il  réduisit  les  provin- 
ces de  Tunja  et  de  Pamplona.Mais 
imequerelleaveCiMorillo,cn  1817, 
le  décida  tout  à  coitp  i  passer  du 
côté  des  indépendans  avec  800 
Créoles  réunis  sous  son  comman- 
dement. Était-ce  là  le  seul  motif 
de  sa  désertion? 

CAMBACÉRÈS  (Je ai»- Jacques- 
Ricis),  cx-duçde  Parme,  ex-prin- 
ce  et  archi-chancelier  de  l'empi- 
re franî;ais,  grand -cordon  de  la 
légion -d'honiïenr  et  de  presque 
tous  les  ordres  de  l'Etirope,  issu 
d'une  ancienne  famille  de  robe, 
est  né  à  Montpellier  le  18  octobre 
1753.  Destiné  à  entrer  dans  Puii 
des  parlemens  du  royaume,  les 
événcmens  de  1771  et  des  inté- 
rèLs  de  famille  déconcertèrent  ce 
projet.  Le  jeune  Carnbaccrès  re- 


CABl 


59 


fusa  des  places  dans  les  nouveaux 
tribunaux;  il  montra  dans  cette 
occasion  assez  de  résistance  pour 
que  ses  parcnsen  fussent  alarmés. 
Jusqu'au  rétablissement  de  la  ma- 
gistrature, il  s'occupa  de  l'étude 
des  lois,  y  fit  des  progrès  rapides, 
et  acquit  des  connaissances  qui  lui 
méritèrent  une  considération  pré- 
coce. En  1771,  il  fut  reçu  con- 
seiller en  la  cour  des  comptes,  ai- 
des et  finances  de  Montpellier,  sur 
la  démission  de  son  père,  qui  é- 
tait  en  même  temps  maire  de  la 
ville.  Les  succès  qu'il  obtint  dans 
sa  compagnie  achevèrent  de  lui 
concilier  l'estime  publique.  Il  a- 
vait  embrassé  les  principes  parle- 
mentaires, lorsque  les  parlemens 
étaient  les  seuls  défenseurs  des 
droits  communs;  dès  que  1>t  révo- 
lution s'arma  pour  rétablir  ces 
droits,  il  adopta  les  principes  de 
la  révolution.  Sa  conduite  dans 
ces  commcncemens  orageux  le 
fit  choisir  par  l'ordre  de  la  no- 
blesse pour  rédiger  les  cahiers 
et  pour  remplir  la  seconde  dépu- 
tation  aux  états -généraux  T|aè 
la  sénéchaussée  de  Montpelliet- 
croyait  avoir  le  droit  d'envoyer 
d'après  l'étal  de  sa  population  et 
les  exemples  du  passé.  Cette  dé- 
putation  n'ayant  point  été  admi- 
se, Cambacérès  exerça  quelques 
fondions  administratives,  et  fut 
nommé,  en  1791,  président  du 
tribun&l  criminel.  Il  mit  en  actit 
tivité  l'institution  du  jfiry  dans  le 
département  de  l'Hérault,  rem- 
plit ses  fonctions  avec  une  telle 
exactitude,  qu'aucun  de  sesjuge- 
mens  ne  fut  cassé,  et  avec  une 
telle  impartialité ,  que  malgré  la 
défavcnr  attachée  aux  classes  pri- 
vilégiées,  il  fut  nommé  député  à 


îo  CAM 

la  convention  nationale.  Encom- 
mençant  sa  carrière  législative,  il 
prévit  que  l'assemblée  serait  ora- 
geuse. Usant  d'une  extrême  ré- 
serve, il  observa  beaucoup  et  par- 
ia peu.  Placé  au  comité  de  légis- 
lation, il  s'y  livra  à  divers  travaux, 
et  ne  prit  la  parole  que  pour  pro- 
poser ou  pour  défendre  des  pro- 
jets purement  législatifs.  Lors  du 
procès  du  roi,  il  établit,  dans  une 
opinion  très-étendue,  que  la  con- 
vention n'avait  pas  le  droit  de  le 
juger  :  assertion  qui  lui  attira  des 
reproches,  et  lui  fit  des  ennemis. 
Intimidé  par  la  gravité  des  cir- 
constances, son  vote  sur  les  ques- 
tions se  ressentit  de  cette  impres- 
sion. 11  n'adopta  point  l'appel  au 
peuple;  et  sur  l'application  de  la 
peine,  il  s'expliqua  de  manière  à 
concilier  ses  sentimenspersonnels 
avec  le  besoin  de  veiller  à  sa  pro- 
pre conservation.  Sur  sa  déclara- 
lion,  son  vote  fut  confondu  avec 
celui  des  députés  qui  avaient  vou- 
li>  sauver  le  roi.  La  condition 
rnjçe  par  Cambacérès  à  ce  vote 
étaït  si  absolue,  que  l'assemblée 
ne  mit  aucune  différence  entre 
son  suffrage  et  le  suffrage  de  ceux 
de  ses  membres  qui  voulaient 
soustraire  le  roi  i\  la  peine  de 
mort.  Pour  justifier  cette  asser- 
tion, il  suffit  de  consulter  le  pro- 
cès-verbal contenant  le  recense- 
ment des  votes.  Cambacérès  se 
Srononça  pour  le  sursis;  dans  la 
iographie.de  Michaud,  on  dit 
qu'il  vota  contre.  Cette  erreur  est 
grave,  fût-elle  involontaire,  l'i- 
gnorance en  matière  pareille  n'est 
pas  une  excuse  :  les  procès-ver- 
baux constatent  ce  fait;  ils  cons- 
tatent aussi  que  c'est  à  la  pro- 
position de  Cambacérès  que  l'in- 


CAM 

fortuné  monarque  dut  la  faciil' 
té  de  communiquer  librement  a- 
vec  ses  conseils  et  avec  sa  famil- 
le, ainsi  que  celle  de  se  choisir 
un  confesseur  d'après  le  vœu  li- 
bre de  sa  conscience.  Après  le  ju- 
gement de  Louis  XVI,  Cambacé- 
rès chercha  à  calmer  les  impres- 
sions que  les  meneurs  de  la  Mon- 
tagne avaient  paru  prendre  con- 
tre lui;  il  ménagea  assez  évidem- 
ment les  factions  opposées  pour 
qu'on  soit  autorisé  à  croire  que 
ses  principes  étaient  de  souffrir  ce 
qu'il  ne  pouvait  empêcher,  et  de 
céder  pour  avoir  occasion  de  mo- 
difier. Dans  la  séance  du  lo  mars 
1 795,  il  proposa  de  réunir  le  pou- 
voir exécutif  ii  la  puissance  légis- 
lative jusqu'à  la  mise  en  activité 
de  la  constitution.  Des  clameurs 
s'élevèrent  contre  celte  opinion  de 
circonstance,  à  laquelle  l'assem- 
blée revint  en  créant  le  comité  de 
salul  public.  Un  biographe  remar- 
que avec  plus  de  malignité  que  de 
justice  que  le  26  du  même  mois, 
Cambacérès  fit  au  nom  du  comité 
de  salut  public  un  rapport  sur  la 
trahison  de  Dumouriez,dont,  quel- 
ques jours  auparavant,  il  avait  loué 
le  civisme.  Qu'en  peut-on  conclu- 
re contre  lui?  Qui  de  Dumouriez 
ou  de  Cambacérès  avait  changé  de 
principes?  Dumoirriez,  dont  Cam- 
bacérès avait  loué  la  fidélité,  é- 
tait-il  resté  fidèle?  Dans  ce  même 
temps,  il  se  livra,  avec  d'autres 
membres  du  comité  de  législa- 
tion, à  la  rédaction  d'un  projet  de 
code  civil,  dont  la  première  ver- 
sion fut  présentée  le  1 1  août  1 795. 
Il  est  généralement  reconnu  que 
Cambacérès  a  eu  la  plus  grande 
part  au  travail  relatif  au  code  ci- 
vil, soit  à  la  première  époque. 


CAM 

soit  dans  les  deux  époques  sul- 
rantes,  et  que  le  discours  placé 
en  tète  de  chacune  des  versions 
est  entièrement  de  lui.  Bientôt  a- 
près,  un  décret  rendu  sur  la  pro- 
position des  comités  de  gouver- 
nement le  chargea,  conjointement 
avec  Merlin  (de  Douai),  de  re- 
voir toutes  les  lois  rendues,  et  de 
les  réunir  en  un  seul  code. Ce  tra- 
vail donna  lieu  à  un  rapport  de 
Cambacérés,  dans  le  courant  de 
iftCâsidor  an  2;  il  était  accompa- 
gné d'un  tableau  dans  lequel  tou- 
tes les  lois  étaient  classées  en 
trois  divisions  générales  et  vingt- 
trois  subdivisions.  Après  la  révo- 
lution du  9  thermidor,  à  laquelle 
il  n'eut  aucune  part,  mais  dont  il 
sut  profiter  pour  ramener  l'assem- 
blée à  un  système  plus  compati- 
ble avec  les  véritables  intérêts  de 
la  société,  Cambacérès  acquit,  par 
cela  même,  une  prodigiiîuèe  in- 
fluence. Doué  d'une  grande  l'aci- 
lité  d'élocution,  il  parlaitdans  des 
voes  d'ordre,  de  paix,  et  presque 
toujours  avec  succès.  Appelé  à  la 
présidence,  dont  il  avait  été  exclu 
jusque-là,  comme  tous  ceux  qui 
n'avaient  pas  voté  la  mort  du  roi, 
il  rédigea  une  adresse  aux  Fran- 
çais, contenant  de  la  part  de  la 
convention  une  espèce  de  profes- 
sion de  foi  politique.  Cette  a(ir«;s- 
se  fut  accueillie  avec  transport,  et 
fit  renaître  l'espérance  dans  tous 
les  coeurs.  Il  prononça  aussi,  com- 
me l'.résident,  deux  discours  re- 
marcjuablcs  :  l'un,  au  Panthéoti, 
quand  la  dépouille  mortelle  de 
J.  J.  Uousseaii  y  fut  transportée; 
l'autre,  au  Champ-de->Iars,  pour 
annoncer  au  peuple  que  les  en- 
nemis avaient  évacué  le  territoire 
de  lu  république.  Un  mois  aupa- 


CAM 


41 


ravnnt,  Cambacérès  avait  présen- 
té un  projet  de  décret  sur  les  en- 
fans  naturels,  et  la  seconde  ver- 
sion du  code  civil.  Ces  deux  j-ro- 
jcts  étaient  précédés  d'un  rapport 
distingué  parie  mérite  du  sl\le; 
le  code  Tétait  aussi  par  sa  conci- 
sion. Au  sortir  de  la  présidence, 
Cambacérès  fut  placé  au  comité 
de  salul  public,  et  y  fut  chargé  de 
la  direction  des  relation»  exté- 
rieures. Cette  dernière  destina- 
tion lui  donna  le  moyen  de  pro- 
fiter des  premièies  ouvertures  qui 
furent  faites  par  les  puissances 
belligérantes.  C'est  par  ses  soins 
et  ù  stm  instance  que  la  paix  fut 
conclue  avec  la  Prusse  et  avec 
1  Espagne.  Jln  entrant  au  comité 
de  salut  public,  il  fut  choisi  par 
ses  collègues  pour  les  présider  : 
ce  ténu)ignage  de  confiance  a  été 
successivement  renouvelé  jusqu'à 
la  fin  de  la  convention  nationale. 
La  présidence  du  comité  de  salut 
pubiicdcvinlfort  importante  entre 
sesmains.  Aucun  arrêté  du  comité 
de  gouvernement  ne  fut  expédié 
que  sous  sa  signature;  celle  forme 
lui  donnait  le  droit  de  surveiller 
toutes  les  parties  de  l'adminislra- 
tion,  et  le  fil  considérer  comme  le 
chef  du  gouvernement. Malgré  tout 
ce quefil Caniba<  érès pourn'offen- 
ser  Tamour-propre  de  personne, 
pour  ménager  tous  les  intérêts,  il 
s'éleva  contre  lui  un  assez  violent 
orage,  excité  parquelques  en  vieux 
qui  répandaient  dans  le  )iublic, 
tantôt  qu'il  voulait  rétablir  la  mo- 
narchie, tan  lot  donuir  à  la  répu- 
blique un  président,  dans  1  espé- 
rance (l'être  promu  à  celle  place. 
C'est,  sans  demie»  à  celle  trame 
qu'il  faut  ra|  porî  r  lapeilidie  i\nc 
l'on  mit  à  pruliler  d  une  énuncia- 


4i 


CAM 


lion  vague  Irouvée  dans  une  let- 
tre du  marquis  d'Antraigue,  sai- 
sie chez  Le  Maître,  ancien  secré- 
taire des  finances.  Dénoncé  à  son 
insu,  Cambacérès  répondit  de  ma- 
nière à  porter  la  conviction  dans 
tous  les  esprits;  mais  les  auteurs 
du  projet  n'en  arrivèrent  pas 
moins  à  leurs  fins  en  le  faisant  é- 
loigner  du  directoire,  sous  le  pré- 
texte que  n'ayant  pas  roté  la  mort 
du  roi,  il  n'avait  pas  donné  des  ga- 
ges sufTisans  à  la  république.  Dans 
le  reste  de  sa  carrière  législative, 
Cambacérès  parla  plusieurs  fois 
au  conseil  des  cinq-cents,  notam- 
ment sur  le  jury,  sur  le  projet  de 
loi  relatif  à  la  répression  de  la 
calomnie,  sur  la  contrainte  par 
corps.  Il  présenta  la  troisième  ver- 
sion du  code  civil,  et  fut  élu  pré- 
sident le  i"  brumaire  an  4  (22  oc- 
tobre i796).Quelques  mois  après, 
sorti  du  conseil,  il  reprit  la  pro- 
fession de  jurisconsulte,  et  s'y  li- 
vra exclusivement.  Nommé  en 
Tan  7  membre  du  tribunal  de  cas- 
sation par  le  collège  électoral  de 
la  Haute- Vienne ,  il  n'accepta 
point.  Deux  motifs  paraissent  l'a- 
voir déterminé  à  ce  refus  :  1'  le 
directoire  l'avait  fait  exclure,  l'an- 
née précédente,  du  conseil  des 
cinq-cents,  en  faisant  annuler  l'é- 
lection du  département  de  la  Sei- 
ne dont  il  faisait  partie  ;  2"  il  ne 
voulut  point  renoncer  à  son  ca- 
binet pour  une  fonction  tempo- 
raire dont  les  émolumens  étaient 
insulïisans  pour  lui  fournir  les 
moyens  d'exister,  et  de  soutenir 
sa  famille,  composée  d'un  père 
plus  qu'octogénaire,  d'un  frère, 
«lepuis  cardinal  et  archevêque,  a- 
lors  poursuivi  pour  ses  opinions 
reli^i€4i^s,  et  d'un  aulre  frère  sol- 


CAM 

dat,  parvenu  ensuite  au  grade  de 
général  de  brigade.  Le  désordre 
des  affaires  ayant  amené  le  renon- 
vellement  du  directoire, dont  Mer- 
lin, Treilhard  et  Lareveillère  fu- 
renlécartés,Sieyes,  nommé  direc- 
teur, proposa  à  Cambacérès  d'ac- 
cepter le  portefeuille  du  ministère 
de  la  justice:  il  s'y  refusa  d'abord; 
mais  sur  les  instances  réitérées 
de  Sieyes,  il  consentit  à  rentrer 
dans  les  affaires  publiques.  La 
durée  de  son  ministère  fut  cour- 
te, mais  signalée  par  la  clôture  de 
la  salle  du  Manège,  où  se  réunis- 
saient les  débris  des  factions.  Il 
ne  prit  point  une  grande  part  à  la 
révolution  du  18  brumaire  (9  no- 
vembre 1799).  Dans  cette  occa- 
sion, comme  au  9  thermidor,  Cam- 
bacérès prévit  les  changemen? 
projetés  sans  en  accélérer  l'exécu- 
tion; non  qu'il  ne  sentît  les  avan- 
tages de  ces  deux  journées,  mais 
parce  qu'il  est  en  général  moins 
enclin  à  renverser  qu'à  mainte- 
nir. Bonaparte,  qui  le  connaissait, 
ayant  eu  occasion  de  le  voir  sou- 
vent après  son  retour  d'Egypte, 
dit,  en  le  désignant  pour  second 
consul,  qu'il  croyait  exprimer  le 
vœu  général.  Consul  ou  archi- 
chancelier,Cambacérès  a  toujours 
servi  Napoléon  avec  zèle  et  fidé- 
lité; il  a  eu  part  à  presque  tous 
les  actes  de  son  gouvernement, 
particulièrement  à  ceux  qui  ap- 
partiennent à  l'administration  in- 
térieure. Si  Napoléon  n'a  pas  tou- 
jours suivi  ses  conseils,  du  moin» 
il  n'a  pas  douté  de  leur  sincérité, 
ni  de  l'habileté  de  celui  qui  les 
donnait,  et,  pendant  quatorze  ans, 
la  confiance  dont  l'empereur  l'a- 
vait investi  n'a  éprouvé  aucune 
atteinte.  Il  est  inutile  de  s'étendre 


CÂ&I 

pour  établir  que  Cainbacérès  n'a 
rien  négligé  pour  aiTaibiir  dans 
Napoléon  la  passion  de  la  guerre, 
et  que  c'est  contre  son  avis  que 
la  campagne  de  Moscow  a  été  fai- 
te, et  qu'on  n'a  point  évité  la  cam- 
pagne de  i8i5  en  traitant  avec 
Tempereur  de  Russie.  Sous  la  ré- 
gence de  Marie-Louise,  Camba- 
cérès  fut  le  conseil  intime  de  cet- 
te princesse.  Cette  circonstance 
étant  patente,  on  en  a  tiré  la  con- 
séquence, dans  la  Biographie  Mi- 
chaud,  f\u'\\  avait  déterminé  l'irt»- 
pératrice  à  quitter  la  capitale.  Le 
lait  est  inexact  :  l'ordre  de  sortir 
de  Paris,  si  les  alliés  en  appro- 
chaient, avait  été  donné  par  Na- 
poléon dans  les  instructions  lais- 
séesavant  son  départ  :  il  le  renou- 
Tela  dans  le  courant  de  mars, 
par  une  lettre  adressée  au  prin- 
ce Joseph,  Cette  lettre  ayant  été 
lue  au  conseil  de  régence,  ainsi 
que  l'ordre  antérieur,  tous  ceux 
qui  le  composaient  furent  d'avis 
que  l'impératrice,  la  cour  et  les 
autorités  devaient  se  retirer  au- 
delà  de  la  Loire.  L'archi-chance- 
lier  ne  Ct  que  se  ranger  au  senti- 
ment commim;  mais  alors  on  put 
regretter  qu'il  n'efit  pas  élevé  la 
voix  pour  le  combattre.  Lorsque 
la  nouvelle  de  l'abdication  de  Na- 
poléon fut  parvenue  à  Blois,  et 
que  l'impératrice  eut  été  remise 
entre  les  mains  des  aidcs-de-camp 
des  trois  empereurs  chargés  de 
l'accompagner, Cambacérès  ayant 
rempli  tous  les  devoirs  de  sa  posi- 
tion, revint  à  Paris,  où  il  vécut 
d'une  manière  très -retirée.  Ce 
parti  lui  fut  suggéré  par  ses  pro- 
pres goûta  et  par  la  crainte  d'ex- 
citer des  défiances  capables  de 
compromettre  sa  tranquillité.  Il 


CAM 


43 


avait  été  averti  qu'on  cherchait  à 
élever  des  soupçons  contre  lui. 
On  était  parvenu  à  le  faire  exclu- 
re de  la  chambre  des  pairs,  où  tous 
les  autres  grands  dignitaires  fu- 
rent appelés.  Si  sa  retrnite  le  mit 
à  l'abri  des  persécutions  politi^ 
ques,  elle  ne  l'a  pas  garanti  néan- 
moins des  attaques  de  l'injure  et 
de  la  calomnie.  L-es  libelles  et  le» 
caricatures  n'ont  pas  cessé  de  le 
poursuivre  à  l'époque  où  l'on  com- 
primait la  liberté  de  la  presse  pour 
en  réprimer  la  licence.  Cambacé- 
rès, il  est  vrai,  n'a  jamais  deman- 
dé justice  de  ces  injures.  11  n'a 
eu,  depuis  le  i''  mai  i8i4>  aucu- 
ne correspondance  directe  ou  in- 
directe, soit  avec  Napoléon,  soit 
avec  les  personnes  de  sa  famille. 
Ignorant  absolument  les  projets 
de  l'île  d'Elbe,  il  témoigna  publi- 
quement sa  surprise  à  la  nouvel- 
le du  débarquement.  Appelé  aux 
Tuileries  le  20  mars,  il  ne  s'y  ren- 
dit que  sur  un  ordre  réitéré,  ct  il 
insista  vivement  auprès  de  Napo- 
léon pour  être  dispensé  de  re- 
prendre ses  anciennes  fonctions. 
Les  considérations  qu'il  exposa  pa- 
rurent d'abord  faire  impression, 
ct  l'on  n'exigea  de  lui  qu'un  ser- 
vice de  quinze  jours,  en  allé- 
guant qu'un  refus  le  placerait  au 
nombre  des  ennemis.  Cambacé- 
rès ayant  accédé  à  cette  proposi- 
tion, se  vit  encore  obligé  de  se 
charger  par  inlerini  du  portefeuil- 
le de  la  justice.  Des  vues  économi- 
ques, ct  la  difficulté  de  choisir  sur- 
le-champ  un  sujet  propre  à  rem- 
jilir  ce  ministère,  déterminèrent 
l'empereur  à  exiger  de  Cambacé- 
rès qu'il  fit  ce  nouveau  sac^rificc, 
bien  entendu  qu'il  aurait  sous  ses 
ordres  un  conseiller-d'étal  poui 


44 


CAM 


diriger  la  correspondance  et  la 
coniptaltilité.  Boulay  Je  la  Meur- 
tbe  lut  chargé  de  ce  département. 
Pendant  la  courte  durée  de  ce  rni- 
nislère,  Cambacérès  ne  donna  que 
quelques  signatures.  Dans  la  Bio- 
graphie Mickaud  et  dans  quel- 
ques autres,  on  appelle  l'attention 
sur  une  circulaire  du  1 1  mai,  qui 
a  paru  sévère  et  même  insidieu- 
se; mais  il  faut  remarquer  que  les 
bases  de  cette  lettre  furent  arrê- 
tées dans  le  conseil  de  gouverne- 
ment, à  la  suite  d'un  rapport  du 
ministre  de  la  police,  Fouché, 
duc  d'Olrante,  qui,  avant  et  de- 
puis, en  avait  fait  adopter  et  en  fit 
adopter  de  plus  acerbes.  Camba- 
cérès fut  obligé  de  se  conformer  à 
ce  qui  lui  était  prescrit,  mais  il  est 
de  fait  que  qui  que  ce  soit  n'a  été 
poursuivi  par  l'effet  de  cette  let- 
tre. Président  de  la  chambre  des 
pairs,  Cambacérès  remplit  ces 
fonctions  de  manière  à  ne  méri- 
ter aucun  blâme;  on  a  loué,  au 
contraire,  la  longanimité  à  l'aide 
de  laquelle  il  écarta  des  proposi- 
tions orageuses  dont  l'adoption 
aurait  pu  avoir  des  suites  graves. 
Après  le  règne  des  cent  jours , 
Cambacérès  rentra  dans  sa  retrai- 
te, et  n'en  sortit  que  lorsqu'on  eut 
menacé  sa  liberté  individuelle  par 
une  fausse  application  de  l'art.  7 
de  la  loi  du  12  janvier  1816.  Nous 
avons  déjà  fait  remarquer  que  son 
vote  était  compris  parmi  les  deu^ 
cent  quatre-vingt-six  suffrages  for- 
mant la  minorité,  au  lieu  de  l'êlre 
dans  les  quatre  cent  soixante-un 
qui  avaient  prononcé  la  mort. 
Nous  n'insisterons  plus  sur  cette 
question  :  elle  est  résolue  par  ceux 
qui  connaissent  les  faits,  et  qui  sa- 
vent que  si  Cambacérès  avait  été 


CAM 

considéré  comme  ayant  voté  la 
mort,  il  aurait  été  membre  du  di- 
i^fcctoire.  Ad  reste,  l'erreur  com- 
mise à  son  égard  a  élé  réparée 
par  la  décision  du  i3  mai  1818, 
par  laquelle  le  roi,  en  son  conseil, 
l'a  rétabli  dans  tous  ses  droits  ci- 
vils et  politiques.  Pendant  la  dd- 
rée  de  son  exil,  Cambacérès  a  di- 
visé sa  résidence  entre  Bruxelles 
et  Amsterdam;  sa  conduite  dans 
ces  deux  villes  lui  a  mérité  la  con- 
sidération des  gens  du  pays.  En- 
core un  mot  sur  un  personnage 
qui  a  joué  pendant  vingt  ans  en 
France  un  rôle  si  important.  Dans 
les  momens  les  plus  critiques  de 
la  révolution,  loin  de  favoriser 
l'esprit  de  propagande  et  les  idées 
exagérées,  il  s'est  fait  remarquer 
par  la  sagesse  de  ses  principes  et 
la  réserve  de  ses  opinions.  Ami  de 
la  paix  et  de  la  tranquillité  inté- 
rieures, il  n'a  rien  négligé  pour 
cicatriser  les  plaies  de  la  révolu- 
tion, et  il  a  été  le  premier  à  intro- 
duire le  système  de  modération 
dont  la  convention  était  si  éloi- 
gnée. Dans  l'exercice  des  grands 
emplois,  il  n'a  jamais  donné  à  Na- 
poléon, consul  ou  empereur,  que 
des  avis  dont  l'utilité  a  été  recon- 
nue, et  qui,  s'ils  eussent  été  sui- 
vis, auraient  épargné  de  grands 
maux.  Chargé  plusieurs  fois  du 
gouvernement  pendant  l'absence 
de  Napoléon,  on  n'a  jamais  eu  à 
lui  reprocher,  ni  d'avoir  commis 
des  actes  arbitraires,  ni  d'avoir  vio- 
lé les  garanties  constitutionnel- 
les. Sous  son  autorité,  les  person- 
nes et  les  propriétés  furent  res- 
pectées. Il  ne  fil  pas  emprisonner 
un  seul  individu.  Cambacérès,  de 
retour  dans  ses  foyers,  n'a  riea 
changé  dans  sa  manière  de  vivre; 


CAM 

étranger  seulement  aux  affaires 
publiques,  il  ne  voit  qu'un  petit 
nombre  d'amis  qui  lui  sont  re>^tés 
fidMes;  il  ne  regrette  probable- 
ment, au  milieu  d'eux,  ni  la  foule 
qui  a  déserté  ses  antichambres 
pour  se  précipiter  dans  d'autres 
salons,  ni  tant  de  flatteurs  qui  de- 
puis se  sont  faits  ses  détracteurs. 
CAM B ACÉRÉS  (Etienne-Hu- 
bert), frère  du  précédent,  né  à 
Montpellier  le  1 1  septembre  i  ^56. 
En  sa  qualité  de  cadet  d'une  famil- 
le qui  commençait  à  s'élever,  il 
«mbrassa  Tétat  ecclésiastique,  de- 
vint clianoine,  et  cultiva  les  let- 
tres avec  beaucoup  de  succès.  Il 
ne  prit  aucune  part  active  à  la  ré- 
volution; inaisa  l'élévation  de  son 
frère,  il  s'occupa  de  son  avance- 
ment. 11  aimait  le  faste  et  les  cé- 
réniïonies.  et  il  se  persuada,  avec 
raison,  qu'il  avait  assez  de  mérite 
pour  parvenir  aux  plus  émiuen- 
tes  dignités  du  clergé.  Il  fut  nom- 
mé à  l'archevêché  de  Rouen  le 
Il  avril  1802;  cardinal,  l'année 
suivante:  grand -aigle  de  la  lé- 
gion-d  honneur,  et  sénateur  le 
1"  février  i8o5.  La  mémorable 
bataille  d'Austerlitz  lui  fournit 
rocca>ion  de  déj>loyer  dans  un 
mandement,  écrit  avt-c  ébiquencc 
et  pureté,  tout  ce  que  le  patrio- 
tisme et  la  religion  pouvaient  ins- 
pirerde  plussubli(ne  en  faveurdu 
chef  du  gouvernement  auquel  il 
était  attaché.  Le  8  avril  1814.  il 
env«)yai»on  adhésion  aux  actes  du 
«énatqui  prononçaient  la  dévhéan- 
ce  de  Napoléon  ;  ce  qui  n'empê- 
cha point  l'rtnpenMir  de  le  nom- 
mer, le  x  juin  suivimt,  membre  de 
la  rhrimlre  des  pairs,  dmit  il  ces- 
sa de  faire  partie  au  n^tour  du  nri. 
Dans  la  tourDce  que  le  duc  d'An- 


CAM 


45 


goulême  fit,  en  1817,  l'archevê- 
que de  Rouen  fut  très-bien  accueil- 
li de  ce  prince,  à  son  passage  dans 
cette  ville;  il  a  conservé  tous  ses 
honneurs  et  ses  dignités  jusqu'à  la 
fin  de  sa  vie,  et  il  est  mort  le  20 
octobre  1818,  justement  regret- 
té de  ses  amis  et  de  ses  diocé- 
sains. 

CAMBACÉRÈS  (le  générai.), 
est  frère  cadet  des  précédens.  A- 
près  avoir  été  colonel  d'un  régi- 
ment de  chasseurs,  il  fut  nommé 
général  de  brigade  le  10  juillet 
i8ot),  et  n'a  plus  eu  d'avance- 
ment, malgré  la  puissante  protec- 
tion de  ses  frères.  Il  jouit  au- 
jourd'hui de  la  demi-solde. 

CAMBACÉRÈS  (l'abbé  de),  né 
à  Montpellier,  en  1721;  archidia- 
cre de  l'église  de  cette  ville.  L'é- 
loquence et  les  belles-lettres  fu- 
rent ses  études  favorites,  et  Bos- 
suet  et  Bourdaloue  ses  auteurs 
d'affection.  Lorsqu'il  se  fut  péné- 
tré de  leurs  ouvrages,  il  parut  en 
chaire,  et  prononça  avec  succès  le 
panégyrique  de  saint  Louis,  en 
présence  de  l'académie  française. 
Il  prêcha  devant  Louis  XV,  en 
1707  ;  et  par  son  courage  à  retra- 
cer les  désordres  publics  et  les 
progrès  de  l'iiréligion,  il  étonna 
le  roi  et  fit  trembler  les  courti- 
sans. Il  méprisa  les  faveurs  de  la 
cour,  vécut  d'une  manière  mo- 
deste des  revenus  de  son  archi- 
diaconuat,  et  mourut  en  sep- 
tembre 1802.  Il  était  oncle  des 
précrédens. 

CAMBE,  avocat  ARhodeznvant 
la  révolution,  montra  ensuite, 
dans  l'exercice  de  diverses  fonc- 
tions, beaucoup  de  dévouement  \ 
la  causi-  nationale.  Kn  1799.  il  fut 
nommé  au  conseil  des  cinq>cent« 


4(> 


CAM 


par  le  département  de  l'Aveyron. 
Il  s'y  réunit  à  la  majorité;  il  vota 
pour  la  liherlé  des  cultes,  et  il  de- 
manda que  le  directoire  garantit 
le  maintien  des  institutions  ré- 
publicaines. Au  mois  de  juillet 
de  la  mCme  année,  il  s'éleva  con- 
tre le  système  des  otages,  insis- 
tant pourque  laresponsabilité  pc- 
sHt,  non  sur  les  personnes,  mais 
sur  les  commune*.  11  combattit, 
au  tribunal  dont  il  fit  partie  dès 
sa  formation,  le  projet  de  réduire 
le  nombre  des  justices  de  paix. 
Ayant  été  compris  dans  la  série 
des  membres  qui  sortirent,  en 
1802,  il  cessa  de  paraître  dans 
les  assemblées  législatives. 

CAMBIS  (Joseph  ï)e),  chevalier 
des  ordres  de  Saint-Louis,  Saint- 
Lazare,  et  Cincinnatus,  est  né  en 
Provence  ,  dans  la  petite  ville 
d'Entrevaux,  où  son  père  gouver- 
nait pour  le  roi.  Destiné  de  bonne 
heure  au  service  de  la  marine 
royale ,  il  fut  d'abord  garde  de  la 
marine ,  à  Toulon  ;  et  ses  chefs 
distinguèrent  bientôt  en  lui  plu- 
sieurs qualités,  qui  lui  valurent 
un  avancement  rapide.  Il  fit, 
pendant  la  guerre  d'Amérique, 
les  campagnes  de  1778  à  1782,  et 
contribua,  par  son  intelligence  et 
son  courage,  A  la  prise  de  Sava- 
nah,  par  le  comte  d'Estaing.  En 
1792,  il  commandait  le  Jupiter, 
vaisseau  de  la  station  de  Saint- 
Domingue;  il  y  calma,  par  sa  fer- 
meté et  son  sang-froid,  une  in- 
surrection de  l'équipage,  qui  s'an- 
nonçait avec  beaucoup  de  violen- 
ce. S'étant  trouvé  depuis,  à  Ncav- 
York,  dans  une  circonstance  sem- 
blable, il  ne  fut  pas  aussi  heureuX, 
et  reput  même  une  blessure  en 
voulant  faire  rentrer  les  mutins 


CAM 

daiisle  devoir.  M.  de  Cambis  re- 
vint en  France  en  179^.  Ses  opi- 
nions politiques  parurent  suspec- 
tes au  gouvernement  d'alors,  qui 
le  fit  arrêter  et  conduire  à  Paris, 
où  il  demeura  privé  de  sa  liberté 
jusqu'à  la  chute  de  Robespierre. 
Il  n'eut  point  d'emploi  sous  le 
gouvernement  du  directoire;  mais 
après  la  révolution  du  18  brumai- 
re ,  il  fut  charge  de  l'inspection 
des  classes  des  quatrième  et  cin- 
quième arrondissemen»  mariti- 
mes. Malgré  les  avantages  que 
promettaient  sestravaux,  une  nou- 
velle organisation  ordonnée  par 
le  premier  consul,  vint  en  dé- 
truire le  fruit.  Depuis  cette  épo- 
que, M.  de  Cambis  a  vécu  tran- 
quille au  sein  de  sa  famille. 

CAMBOIRE  (N),  député  à  la 
convention  nationale,  par  le  dé- 
partement de  la  Dordogne  ,  était 
administrateur  du  district  de  Pé- 
rigueiix.  Il  vota  la  mort  de  Louis 
XVI,  et  fut,  après  la  session,  com- 
missaire du  directoire. 

CAMBON  (Jeaîî-Louis-AugV'Ste- 
Emmanuel  de),  naquit  à  Toulouse, 
en  17^7.  Tous  ses  parens  avaient 
suivi  la  carrière  de  la  magistra- 
ture, il  dut  les  imiter;  et  après 
avoir  fait,  avec  succès,  son  cours 
de  droit,  il  fut  reçu  conseiller  au 
parlement  de  Toulouse,  en  i?758. 
Il  devint  avocat-général  en  1761, 
et  remplit  ces  fonctions  avec  ta- 
lent et  sagacité;  il  signala  ses  opi- 
nions tolérantes  dans  l'affaire  d'E- 
tienne Sales,  où  des  catholiques 
disputaient  à  un  protestant  la  va- 
lidité du  mariage  de  son  père. 
Cambon  porta  la  parole;  il  déve- 
loppa, d'une  manière  lumineuse, 
les  principes  des  lois  naturelles 
et  des  lois  civiles,  et  dépouilla  le* 


CAM 

éJits  de  la  sévère  interprétation 
de  l'esprit  de  parti.  Il  ntjàuipas 
se  demander,  dit -il,  si  l'on  est 
persuadé  de  l'existence  du  ma- 
riage contesté;  mais  il  faut  se  de- 
mander si  l'intérêt  public  n'exige 
pas  qu'on  le  présume  ;  et  puisque 
le  contraire  n'est  pas  juridique- 
ment prouvé,  la  Justice  et  l'équité 
veulent  qu'on  suppose  tout  ce  qui 
est  naturellement  possible,  plutôt 
que  de  faire  perdre  à  un  enfant , 
l'état  dont  il  a  légitimement  joui. 
Les  conclusions  de  Cambon  fu- 
rent suivies;  on  les  adopta  dans 
tous  les  tribunaux  du  royaume, 
et  le  sort  de  4oo,ooo  familles  pro- 
testantes demeura  fixé  désormais. 
En  1763,  TAcadémie  des  jeux  flo- 
raux appela  Cambon  dans  son 
sein  ;  là  ,  on  entendit  avec  plai- 
sir le  jeune  mainteneur  se  mon- 
trer toujours  éloquent  dans  ses 
discours,  dans  les  semonces  qu'il 
prononçait,  où  l'élégance  le  dis- 
putait à  la  pureté  du  goût.  Du- 
rant les  querelles  des  parlemens 
avec  le  chancelier  Maupcou  ,  en 
1771,  Cambon  allié  avec  ce  der- 
nier, trouva  le  moyeu,  en  soute- 
nant la  cause  de  ses  confrères,  de 
ne  pas  se  brouiller  avec  la  cour.  On 
l'aecMsa  même  de  suivre  le  vent, 
ce  n'était  pas  la  coutume  d'alors. 
En  1779,  il  acquit  une  charge  de 
président  à  Mortier,  et  en  1786, 
il  devint  procureur-général,  après 
la  mort  de  M.  Le  Comte.  Lors  de 
la  convocation  de  l'assemblée  des 
notables,  en  1787,  (Jambon  fit 
partie  de  cette  réunion  ;  Louis 
XVI  put  apprécier  la  sagesse  de 
ses  opinions,  et  une  ferinelé  qu'il 
^avaitmodérer  suivant  les  circons- 
tances. Le  roi  voulut  utiliser  de  pa- 
reilles vertu»;  il  aouitaa  Cambon 


CAM 


47 


premier  pré  sident  du  parlement  de 
Toulouse.  A  peine  celui-ci  avait-il 
pris  possession  de  sa  nouvelle  di- 
gnité ,  qu'il  fut  appelé,  en  1788, 
à  la  seconde  assemblée  des  nota- 
bles. Cambon  la  quitta,  et  revint 
à  roulouse,pourseconsacrertout 
entier  aux  devoirs  de  son  rang. 
Mais  la  révolution  mit  obstacle 
aux  projets  qu'il  avait  formés 
pour  le  bien.  Proscrit,  ainsi  que 
toute  sa  compagnie,  la  fuite  le 
sauva  de  l'échafaud.  Il  fallait  aux 
révolutionnaires  une  victime  de 
son  nom;  et  sa  femme,  modèle 
de  toutes  les  vertus,  tomba  sous 
la  hache  fatale,  le  8  thermidor, 
la  veille  du  jour  où  la  France  fut 
délivrée  de  ses  tyrans.  Cambon, 
rendu  i\  sa  patrie,  lorsque  le  pre- 
mier consul  eut  ramené,  parmi 
nous,  l'honneur  et  la  paix,  re- 
trouva presque  toute  sa  fortune, 
et  termina  sa  vie  au  milieu  de  sa 
famille  et  de  ses  amis,  en  sep- 
tembre 1807.  Il  laissa  trois  en- 
lans;  le  marquis  Auguste  de  Cam- 
bon, Alexandre  de  Cambon,  pré- 
sident à  la  cour  royale  de  Tou- 
louse, et  une  fille,  mariée  au  pré- 
sident Félix  d'Aiguevives. 

CAMBON  (Joseph).  C'est  sur- 
tout de  l'homme  public  que  le 
biographe  doit  compte  à  la  pos- 
térité; commençons  donc  par  la 
vie  politique  de  cet  homme  célè- 
bre, où  nous  aurons  plus  d'un  re- 
proche terrible  à  mêler  aux  élo- 
ges que  la  justice  la  plus  sévère 
doit  lui  rendre  ;  nous  le  montre- 
rons ensuite  dans  la  vie  privée,  oi!i 
nulle  accusation  ne  saurait  l'at* 
teindre.  Joseph  Cambon  naquit 
à  Montpellier,  en  »7r)/î,  d'une  fa- 
mille estimable  de  négocians  :  il 
«tait  chef  et  la  maison  d«  com-» 


48 


CAM 


merce  paternelle,  en  société  avec 
deux  (Je  ses  frères,  lorsque  la  ré- 
volution éclata.  Il  en  adopta  les 
principes  et  les  opinions  qu'il  a- 
vait  manifestées  dès  son  plus  jeu- 
ne âge,  avec  toute  la  chaleur  d'u- 
ne tête  méridionale;  et  dans  cet- 
te grande  commotion  de  tous  les 
intércls  politique»,  il   se  trouva 
successivement  porté,  par  le  dé- 
partement de  l'Hérault,  à  l'assem- 
blée législative    et  à  la  conven- 
tion   nationale.   Il  y   lut    chargé 
pendant  cinq  ans  de  l'administra- 
tion générale  des  finances  de  la 
république;  et  lorsqu'il  quitta  les 
affaires  de  l'état  pour  reprendre 
les  sitnnes,  sa  fortune  et  celle  de 
ses  frères,  loin  d'avoir  reçu  aucun 
accroissement,  se  trouvait  sensi- 
blement diminuée;  cet   exemple 
est  de  ceux    que  l'on   cite   sans 
craindre  de  se  répéter.    La  créa- 
tion  du   grand-livre  de  la  dette 
publique,  la  forme  qu'il  reçut  a- 
îors,  et  qu'il  a  conservée  depuis, 
est  un  service  immense  rendu  à 
l'état,  et  compensera    peut-être, 
aux  yeux  de  la  postérité,  des  er- 
reurs  révolutionaires  auxquelles 
nous  ne  voulons  pas  même  cher- 
cher d'excuses  dans  les  passions, 
ni  dans  les  intérêts  de  cette  ter- 
rible époque.  Au  sein  d'une  as- 
semblée populaire,  qu'une  seule 
ilme  ardente  et  furieuse  semblait 
animer,  Cambon  parla  comme  la 
grande  majorité  de  ses  collègues 
contre  les  prêtres  réfractaires  et 
contre  les  émigrés;  mais  sans  ja- 
mais étendre  au-delà  des  limites 
légales,  l'avis  le  plus  sévère  qu'il 
se  permit  d'ouvrir.  .Son  rapport 
du  5  avril  1792,  sur  la  situation 
des  finances,  est  mis  par  les  hom- 
mes d'état  fort  au-dessus  de  ce 


CAM 

compte     rendu ,    qui   commença 
la  réputation  de  M.  Necker.  Plu- 
sieurs  parties  de  ce  rapport   ne 
font  pas  moins  d'honneur  au  ca- 
ractère de  Cambon  qu'à  ses  ta- 
lens    :   On  n'oubliera ,  disait- il, 
dans  le  compte  que  ton  vajàire 
rendre  à  tous  ceux  qui  ont  ma- 
nié les  deniers  publics,  ni  les  Itom- 
nies  à  grandes  moustaches  et  à 
bonnet  rouge  qui  ont  levé  des  taxes 
révolutionaires  dans  les  départe- 
mens,  ni  ceux  qui,  sous  prétexte 
de   détruire  le  fanatisme,   s'en 
sont   approprié    les    dépouilles. 
Cambon   demanda  la   fonte   des 
statues  royales,  et  cependant  il  ne 
craignit  pas  de  défendre  Tautori- 
té  du  monarque  à  la  tribune  de 
l'assemblée  législative,  et  après  le 
10  aoftt,  d'indiquer  des  mesures 
à  prendre  dans  l'intérêt  de  la  sû- 
reté du  prince.  Dernier  président 
de  l'assemblée  législative,  ce  fut 
lui  qui  présenta  les  pièces  trou- 
vées dans  l'armoire  de  fer,  et  qui 
provoqua  la  vente  des  bijoux  de 
la  couronne;  Membre  de  la  con- 
vention, il  dénonça    Marat  et  la 
commune  de  Paris;  il  accusa  les 
dépositaires  des  biens  d'émigrés, 
fitastreindre  les  ministres  à  rendre 
compte  de  leurs  dépenses  secrètes, 
leva  un  impôt  sur  les  recettes,  et 
se  pronoriça  énergiquement  con- 
tre la  dictature  de    Robespierre. 
On  le  vit  dénoncer  plusieurs  mi- 
nistres, faire  décréter  que  le  pou- 
voir des  généraux  en  pays  étran- 
ger connaîtrait  désormais  des  bor- 
nes ;  demander  l'ostracisme  con- 
tre les  ennemis  de  la  république, 
et  voter,  sans  appel  au  peuple, 
la  mort  de  l'infortuné  Louis XVI  : 
il  s'éleva  contre  l'organisation  du 
tribunal  révolutionnaire,  et  nom- 


CAM 

mé  membre  du  comité  de  salut 
public,  il  fit  porter  sur  les  finances 
plusieurs  décrets  d'une  influence 
heureuse,  et  s'opposa  de  tous  ses 
moyens  à  la  tyrannie  toujours 
croissante  de  Robespierre,  qui 
n'osa  l'attaquer  que  le  8  thermi- 
dor, la  veille  de  sa  propre  chute. 
Après  ce  grand  événement,  Cam- 
bon  eut  à  lutter  et  contre  les  par- 
tisans du  système  nouveau,  et  con- 
tre les  débris  que  l'on  appelait  la 
4futuedu  jçouvernementde  Robes- 
pierre. On  a  remarqué  avec  rai- 
son que  Cambon,  presque  modé- 
ré en  1793,  se  jeta  dans  les  rangs 
des  démagogues  en  1793:  en  ef- 
fet, lorsqu'on  se  souvient  que  le  19 
mai  1793,  il  s'éleva  courageuse- 
ment contre  les  pétitionnaires  qui 
demandaient  la  mise  en  jugement 
des  girondins  ;  que  le  2  juin,  dans 
l'espèce  de  procession  que  fit  la 
convention  entière,  dans  le  jardin 
des  Tuileries,  pour  donner  une 
preuve  de  la  liberté  dont  elle  jouis- 
sait; quandon  le  voit, disons-nous, 
se  placer  au  milieu  des  députés 
dont  les  factions  de  la  commune  et 
des  jacobins  demandaient  la  tête, 
on  a  peine  \  s'expliquer  que  le  mê- 
me homme  ait  pris  part  aux  mou- 
vemens  séditieux  du  12  germinal 
au  3,  à  la  suite  desquels  il  fut  dé- 
crété d'arrestation  sur  la  proposi- 
tion de  Tallien.  11  parvint  à  se 
soustraire  par  la  fuite,  à  l'exécu- 
tion  de  cet  ordre,  et  par  consé- 
quent à  la  mort  qui  plana  pen- 
dant plusieurs  mois  sur  sa  tête. 
L'amnistie  du  f\  brumaire  an  4 
le  rendit  à  la  vie  et  à  la  4iberlé; 
il  sortit  de  sa  retraite  pour  se  ren- 
dre ù  Montpellier;  il  y  vécut  i- 
gnoré,  laborieux  et  tranquille, 
jusqu'en  181 5,  où  il  fut  nommé 


CAM  49 

membre  de  lu  chambre  des  re- 
prcsenlans  :  il  montra  beaucoup 
de  modération  dans  cette  assem- 
blée, et  ne  prit  part  qu'aux  discus- 
sions relatives  aux  réquisition»  de 
guerre  et  au  budget.  Contraint  ù 
quitter  la  France  en  vertu  de  lu 
loi  d'amnistie,  du  12  janvier  1816, 
Cambon  serendil  dans  le  royaume 
des  Pays-Bas  et  mourut  à  Bruxel- 
les, en  1820,  après  4  «ins  d'un  exil 
qu'ilsupporta  avec  au  tant  de  digni- 
té que  de  courage.  Cet  homme,  si 
digne  de  blâme  dans  quelques  ac- 
tions de  sa  vie  politique,  n'était 
ni  sans  vertus,  ni  même  sans  ti- 
tres à  la  reconnaissance  de  ses 
concitoyens.  Sa  loyauté,  son  ex- 
trême désintéressement,  ne  sont 
point  contestés.  Sa  fortune,  restée 
au-dessous  de  ce  qu'on  est  con- 
venu d'appeler  l'aisance,  était  en- 
core au-dessus  des  besoins  de 
Cambon,  puisqu'il  y  trouva  jus- 
qu'au derniermoment, les  moyens 
de  soulager  l'infortune.  Ln  de  ses 
compagnons  d'exil  lui  doit  de 
n'avoir  pas  péri  de  faim  et  de 
misère  sur  la  terre  étrangère,  et  de 
s'y  trouver  à  l'abri  de  celte  crain- 
te, après  la  mort  de  son  ami,  qui 
a  pourvu,  par  ses  dernière»  dispo- 
sitions, à  ce  que  cet  infortuné  re- 
çflt  les  secours  qu'il  lui  avait  four- 
nis pendantsavie.  Le  département 
de  l'Héraut  lui  doit  de  n'avoir 
pas  été  compris  dans  les  attribu- 
tions d'un  féroce  proconsul  nom- 
mé Laborie,  qui  avait  été  envoyé 
dans  les  déparlemens  méridio- 
naux pour  y  poursuivre  les  fédé- 
ralistes, et  qui,  après  avoir  porté 
la  terreur  et  la  dévastation  dans 
le  déparlement  du  Gard,  venait 
«le  recevoir  des  comités  l'ordre  de 
se  transporter  ù  Montpellier.  Des 


59 


CAM 


hommes  persécutes  à  cette  époque 
trouvèrent  asile  et  sûreté  che» 
Cambon  père,  et  l'on  sait  que  ce 
n'était  pas  à  linsii  de  son  fils.  Ce- 
lui-ci a-vait  nianilesté  très-jeune 
les  opinions  et  les  principes  qu'il 
a  depuis  si  audacieusement  pro- 
fessés, mais  il  n'exerçait  aucune 
tyrannie  sur  les  opinions  des  au- 
tres. L'une  de  ses  sœurs  voulut 
se  consacrer  au  service  des  mala- 
des, et  se  faire  sœur  grise.  Cam- 
bon se  borna  à  des  représenta- 
tions comme  chef  de  famille  :  el- 
les furent  sans  effet.  Dès  lors  il 
l'encouragea,  l'aida  dans  l'exécu- 
tion de  son  pieux  dessein,  et  con- 
serva avec  elle  les  relations  les 
plus  amicales.  Cette  dame  est  au- 
jourd'hui à  la  tête  d'une  maison 
de  charité  dans  un  département 
du  midi.  Cambon  était  l'aîné  d'u- 
ne famille  nombreuse  (cinq  gar- 
çons et  deux  filles),  dans  un  pays 
où  la  faculté  laissée  aux  pères  de 
nommer  un  héritier  avait  force  de 
loi.  A  l'époque  où  M.  Cambon  pè- 
re quitta  le  commerce,  il  voulut 
avantager  considérablement  son 
fils  aîné;  mais  celui-ci  exigea  que 
son  père  fît  un  partage  égal  en- 
tre tous  ses  enfaus,  sans  aucune 
distinction  de  sexe  ni  d'âge.  Il  fut 
bon  fils,  bon  père  et  bon  époux. 
Après  la  convention,  il  se  retira 
dans  un  petit  domaine,  dernier 
débris  de  sa  fortune  patrimonia- 
le, et  se  livra  sans  relâche  aux 
soins  de  l'agriculture,  dans  la  seu- 
le vue  d'augmenter  la  fortune  de 
ses  frères.  Il  ne  quittait  la  campa- 
gne que  pour  faire  de  fréquentes 
visites  à  son  père  et  à  sa  mère, 
dont  il  honora  la  vieillesse,  et  qui 
moururent  dans  un  âge  fort  a- 
vancé. 


CAM 

CAMBOULAS  (Snioit).  Il  était 
négociant  lorsque  la  révolution 
commença;  il  en  accueillit  vive- 
ment les  principes.  Il  exerça  d'a- 
bord des  fonctions  municipales, 
et,  en  1792,  il  fut  nommé  à  la 
convention,  par  le  département 
de  l'Avcyron.  Dans  le  procès  de 
Louis  XVI ,  il  vota  pour  la  mort, 
^ans  sursis,  sans  appel.  Au 3i  mai, 
il  embrassa  la  cause  des  proscrits, 
et  on  admira  l'énergie  avec  la- 
quelle il  parla  contre  les  redouta- 
bles auteurs  de  cette  journée.  Le 
2  juin,  il  fit  décréter  qu'on  pour- 
suivrait ceux  qui  avaient  donné 
l'ordre  de  sonner  le  tocsin  et  de 
fermer  les  barrières;  et  le  6  du 
même  mois ,  il  reprocha  au  co- 
mité révolutionnaire  des  arresta- 
tions illégales.  Il  eut  le  bonheur 
d'échapper  aux  ressentimens  qu'il 
avait  bravés  avec  tant  de  coura- 
ge ;  mais  voyant  que  les  événe- 
mens  prenaient  un  autre  cours , 
il  garda  le  silence  dans  le  conseil 
des  cinq-cents,  où  il  était  entré 
avec  les  deux  tiers  convention- 
nels, et  dont  il  sortit  en  1797. 

CAMBRIDGE  (Adolphe -Fré- 
déric d'Angleterre,  dic  de),  est 
né  le  24  février  1774-  Comte  de 
Tipperary,  baron  de  Culloden  , 
gouverneur-général  du  Hanovre, 
colonel,  chancelier  de  l'univer- 
sité de  Saint-André,  sa  vie  offr© 
un  mélange  bizarre  d'actions , 
de  titres,  et  de  fonctions  diver- 
ses. Élevé  pour  le  service  de  ter- 
re, il  reçut,  à  16  ans,  sa  commis- 
sion d'enseigne,  quitta  la  sévère 
discipline  d'une  éducation  toute 
militaire,  pour  aller  s'asseoir  sur 
les  bancs  deGoettingue,  apprit  le 
grec,  passa  un  hiver  au  milieu 
des   dissipations   de   la  cour  de 


CA\I 

Prusse,  revint  en  Angleterre,  sié- 
ger à  la  chauabre  des  pairs  ,  reçut 
son  brevet  de  colonel,  et  fut,  en 
1794,  mis  en  jouissance  de  tous 
les  privilèges  que  la  constitution 
accorde  à  son  rang,  C'est  alors 
que  le  parti  de  Pilt,  et  celui  de 
Fox,  se  disputèrent  son  appui;  et 
il  faut  le  dire^  à  l'honneur  singu- 
lier de  la  constitution  anglaise, 
«m  prince  du  sang  se  déclara,  sans 
hésitation,  en  faveur  de  la  liberté, 
contre  le  ministère.  Les  ministres 
se  vengèrent  du  prince,  en  lui 
refusant  un  service  actif.  Mais  le 
duc  de  Cambridge  fut  noblement 
dédommagé  de  cette  «lisgrâce,  par 
l'estime  et  les  applaudissemens  de 
toute  la  nation.  Au  reste,  son  nom 
seul  lut  de  quel(|ue  utilité  au  parti 
de  l'opposition.  Les  soins  de  l'ad- 
ministration et  de  la  politique 
convenaient  moins  à  son  carac- 
tère que  les  périls  et  les  travaux 
de  la  guerre.  L'invasion  du  Ha- 
novre par  les  Français  lui  donna 
bientôt  une  occasion  brillante, 
mais  trompeuse ,  de  courir  des 
dangers  qui,  jusque-là,  avaient 
semblé  le  fuir.  11  partit  pour  pro- 
téger lélectorat,  trouva  les  es- 
prits mal  disposés,  et  un  état  de 
choses  qui  exigeait  plus  d'adresse 
encore  que  de  bravoure,  et  plus 
de  talens  politiques  que  de  talens 
iiiililaires.  C'est  en  vain  qu'il  ful- 
mina d'ardentes  proclamations; 
c'est  en  vain  qu'il  uiit  les  troupes 
fix  mouvement  :  il  n'eut  aucun 
buccès,  devint  nu  ol)jct  de  risée, 
demanda  inutilemenl  son  rappel, 
«e  resta  dans  le  Hanovre  que 
^i-  pour  dévorer  de  nouvelles  humi- 
Hp  liations ,  et  retourna  dans  sou 
"■^  pays,  laissant  au  général  W'almo- 
Uca  le  soin  de  couclurc  une  capi- 


CAM  5i 

tulalion.  Ses  amis  le  défendirent 
faiblement;  et  les  journaux  ne 
l'épargnèrent  point.  Il  reparut  a 
la  chambre  des  pairs ,  pour  dé- 
clamer violemment  contre  Bo- 
naparte, et  contre  la  France,  cet- 
te prostituée  de  l'Europe  (ivAo/e 
oj  llit  naliotis);  il  figura  sans  éner- 
gie sur  les  bancs  de  l'opposition; 
se  fit  remarquer  par  une  tenue 
militaire,  fort  bizarre  en  temps 
de  paix;  et  retomba  de  tout  son 
poids  dans  cette  nullité  à  la- 
quelle la  nature  l'avait  condamné, 
et  dont  il  s'était  vainement  elfor- 
cé  de  sortir. 

CAMBRONNE  (le  baron,  Pier- 
re-Jàcqtjes- Etienne)  ,  maréchaK 
de-camp,  commandant  de  la  lé- 
gion-d'honneur, né,  le  a6  décem- 
qre  1770,  à  Saint-Sébastien,  près 
de  Nantes.  Son  père,  honnête  né- 
gociant, voulut  d'abord  le  desti- 
ner au  commerce;  mais  la  mort 
de  cet  homme  estimable  laissant 
au  jeune  Cambronne  le  choix  de 
sa  profession,  il  se  décida  pour  la 
carrière  des  armes.  La  révolution, 
qui  promit  tant  de  gloire  à  la 
France,  ne  pouvait  manquer  de 
trouver  un  partisan  zélé  dans  un 
cœtir  jeune  et  ardent.  Admis  dans 
la  garde  nationale  dès  sa  création, 
Cambronne  y  devint  odicier,  puis 
s'enrôla  comme  grenadicrdans  le* 
volontaires  nationaux  de  Maine- 
et-Loire,  et  fit,  à  l'Age  de  20  ans, 
partie  de  la  légion  nantaise  qui 
s'illustra  par  de  grands  succès  con- 
tre les  premières  insurrections  de 
la  Vendée.  D'utiles  services  lui 
méritèrent  successivement  le^  gra- 
des de  sous-ofTicier,  d'olHcier  et 
de  capitaine,  et  l'on  cite  de  lui  des 
traits  qui  font  honneur  à  sim  in- 
Irépidité.  Comme  tous  les  Fran- 


B 


s*» 


CAM 


çais  dignes  de  ce  tilrc  ,  l'officier 
Cambronne  savait  joindre  l'huma- 
nité au  courage  :  il  cacha  chez  sa 
inère,  pendant  deux  mois,  le  curé 
de  Ville-l'JÎvr'que,  qui  lui  fut  ain- 
si redevable  de  la  vie.  Capitaine 
dans  la  célèbre  légion  nantaise, 
sous  les  ordres  du  général  Hoche, 
il  arracha  à  la  mort  plusieurs  é- 
migrés  pris  les  armes  à  la  main 
lors  de  l'expédition  fatale  de  Qui- 
beron,  en  juillet  iyç)5.  Après  la 
première  pacification  des  dépar- 
temehs  de  l'Ouest,  Cambronne 
entra  dans  les  troupes  réglées,  et 
concourut  à  l'expédition  d'Irlan- 
de, où  il  donna  de  nouvelles  preu- 
ves d'intelligence  et  de  bravoure. 
Ilfitensuitelescampagnesdu  Rhin 
dans  le  4^""'  de  ligne.  En  1799, 
dans  la  glorieuse  campagne  de 
Zurich,  sous  les  ordres  de  iMassé- 
na,  il  contribua  à  la  prise  de  cet- 
te ville,  en  enlevant  une  batterie 
russe  avec  sa  compagnie  de  gre- 
nadiers. Au  combat  de  Paradis, 
où  il  n'avait  que  80  hommes,  il 
parvint  à  se  faire  jour  à  travers 
3,000  Russes.  Kn  1800,  il  com- 
mandait la  compagnie  de  grena- 
diers dont  faisait  partie  le  brave 
La-ïour-d'Auvergne,  qui  venait 
d'être  surnommé  premier  grena- 
dier de  France.  Le  27  juin ,  ce 
héros  ayant  été  tué  d'un  coup  de 
lance  à  ses  côtés,  aussitôt  ses  ca- 
marades honorèrent  Cambronne 
en  voulant  le  nommer  successeur 
au  titre  de  premier  grenadier  de 
France,  titre  imposant  qu'il  eut 
le  bon  esprit  de  ne  pas  accepter. 
Lorsque  la  grande-armée  passa  le 
Rhin  pour  entreprendre  la  mémo- 
rable campagne  qui  a  illustré  le 
no?ï)  d'Austerlitz,  Cambronne  fut 
nommé  chef  de  bataillon  du  88°" 


CAM 

régiment,  sous  les  ordres  du  gé* 
néral  Suchet,  et  justifia  sa  promo- 
tion par  le  courage  et  l'aptitude 
militaire  qu'il  déploya  dans  plu- 
sieurs circonstances  :  aussi  fut- 
il  mis  ;i  la  tête  du  corps  des  chas- 
seurs de  la  garde  impériale,  a- 
près  avoir  fait  les  campagnes  de 
Prusse  et  de  Pologne.  Il  combat- 
tit aux  batailles  gh>rieuses  d'Ié- 
na  et  de  Wagram.  et  passa  de  nou- 
veau en  Espagne,  où  la  guerre  de 
montagnes  lui  oilVit  encore  de 
fréquentes  occasions  d'être  utile. 
Ce  ne  fut  qu'à  cette  époque  que 
l'empereur,  instruit  du  zèle  et  du 
courage  de  Cambronne,  l'éleva 
au  rang  de  colonel,  et  fut  obligé 
d'employer  une  injonction  formel- 
le pour  lui  faire  accepter  un  grade 
qu'une  défiance  exagérée  de  lui- 
même  lui  faisait  refuser.  En  i8i3, 
revenu  en  Allemagne,  il  se  dis- 
tingua dans  la  campagne  de  Saxe, 
que  la  défection  des  Bavarois  ren- 
dit aussi  funeste  que  glorieuse 
pour  la  France.  Après  la  bataille 
de  Leipsick,  il  fit,  dans  les  plai- 
nes de  Hanau,  une  charge  intré- 
pide à  la  tête  des  chasseurs  à  pied 
de  la  vieille-garde.  Aussi,  dans  la 
campagne  de  France,  en  1814 > 
Napoléon  le  chargea-t-il  souvent 
des  entreprises  les  plus  périlleu- 
ses. 11  se  fit  remarquer,  à  la  victoi- 
re de  Craonne,  où  il  fut  blessé  le 
10  mars.  Il  contribua  au  gain  de 
quelques  autres  affaires,  et  reçut 
plusieurs  blessures  dans  les  divers 
combats  qui  so  donnèrent  sous 
les  murs  de  Paris,  Le  12  avril,  ces 
blessures  le  retenaient  encore  au 
lit,  lorsqu'il  apprit  que  Napoléon 
avait  été  contraint  d'abdiquer,  et 
allait  se  retirer  dans  l'île  d'Elbe 
avec  400  hommes  de  la  vieille- 


CAM 

garde.  Cambronne  accepta  le  com- 
mandement de  celle  escorte ,  et 
fut,  à  son  arrivée  dans  l'île,  nom- 
mé gouverneur  de  l'orlo-Ferrajo. 
La  police,  l'instruclion  cl  le  ma- 
tériel de  la  garde,  furent  confiés, 
à  sa  direction.  Le  i"  mars  181 5, 
endébarquantau  golfe  Juan, Cam- 
bronne fut  nomujé  commandant 
de  l'avant-garde  de  l'armée  elboi- 
se, et  le  même  jour  il  signa,  en 
cette  qualité,  V Adresse  des  géné- 
raux, qjjiciers  et  soldats  de  L'ar- 
mée impériale,  aux  généraux, 
officiers  et  soldats  de  l'armée 
française.  En  s'emparant  d'abord 
du  bourg  de  Saint-Fierre,  l'avant- 
garde  publia,  pour  la  première 
fois,  celle  adresse,  qui  produisit 
im  effet  si  prodigieux  partout  où 
passait  Napoléon  à  sa  rentrée  en 
France  :  elle  entraînait  sous  ses 
drapeaux  tous  les  militaires  en 
corps  où  même  isolés  qui  se  trou- 
vaient sur  sa  route,  ou  dans  les 
départemens  qu'il  traversait.  Le 
5  mars,  Cambronne,  à  la  tôle  de 
l'avant-garde,  occupa  Sisteron, 
puis  Grasse,  et  quelques  jours  a- 
près,  sans  rencontrer  le  moindre 
obstacle,  il  arriva  à  Lyon,  où  il 
entra  au  milieu  des  acclamations 
du  peuple.  En  arrivant  à  Paris , 
Napoléon  voulut  récompenser  le 
zèle  de  Cambronne,  en  lui  con- 
férant le  grade  de  lieutenant- 
général.  Mais  il  refusa  encore 
une  récompense  qu'il  ne  croyait 
pas  mériter,  et  n'accepta  pas  non 
plus  le  titre  de  comte  que  lui  of- 
frait l'empereur.  Toutefois  il  fut 
élevé  à  la  dignité  de  grand-olli- 
cier  de  la  légion-d'bonneur,  et 
accepta  les  fonctions  de  pair  aux- 
quelles il  fut  appelé  le  1  juin. 
Cependant  une  armée  fraii^-aise 


CAxM  5:1 

s'apprêtait  à  repousser  l'Europe 
en  armes,  qui  s'était  coalisée  pour 
envahir  notre  territoire.  Cam- 
bronne partit  le  i3  pour  l'armée, 
avec  Napoléon,  qui  lui  donna  le 
commandement  d'une  division  de 
la  vieille-garde  à  pied.  Dans  la 
journée  du  16,  il  combattit  avec 
audace  à  Ligny  sous  Fleurus,  où 
les  Français  restèrent  maîtres  du 
champ  de  bataille.  Deux  jours  a- 
près,  se  donna  la  bataille  de  Wa- 
terloo, où  la  valeur  de  nos  armées 
leur  fut  si  funeste.  Pendant  toute 
la  journée,  les  troupes  comman- 
dées par  Cambronne  soutinrent 
le  feu  de  l'ennemi  et  le  choc  im- 
pétueux des  masses  prussiennes 
et  anglaises.  Ce  fut  lorsque  ces 
troi^pes,  foudroyées  de  toute  part, 
vinrent  à  manquer  de  munitions, 
que  Cambronne,  sommé  de  se 
rendre  pour  sauver  les  débris  de 
sa  division,  prononça  ces  mots, 
inlerprètes  sacrés  des  senlimens 
et  de  la  conduite  de  tant  de  bra- 
ves :  La  garde  meurt,  elle  ne  se. 
rend  pas.  Cependant  la  trahison, 
devenue  l'auxiliaire  des  étran- 
gers, mil  le  désordre  dans  les  ra.igs 
de  l'armée  française.  Cambronne, 
blessé  grièvement,  tomba  de  che- 
val, et  la  perte  de  son  sang  lui  ô- 
tant  la  connaissance,  il  resta  con- 
fondu parmi  les  morts.  Revenu  à 
lui,  il  fut  enlevé  avec  les  autres 
blessés  pour  être  pansé  :  on  le 
transporta  à  Bruxelles,  puis  en  An- 
glelerre,  où  il  demeura  le  leujps 
nécessaire  à  sa  guérison.  Dès  qu'il 
fut  rétabli,  désirant  de  rentrer  dans 
sa  patrie,  et  de  revoir  sa  vieille  et 
bonne  incre,  suivant  ses  propres 
expressions,  il  adre.«isa  au  roi  de 
France  son  adhésion  et  son  ser- 
ment de  fidélité  dans  les  termes  sui- 


54 


CAM 


Tans  :«  Sire,  major  an  r'r«';gîment 
»de  chasseurs  à  pied  de  la  garde, 
»le  traité  de  Fontainebleau  in'iin- 
«posa  le  devoir  de  suivre  l'einpe- 
«reur  à  l'île  d'Elbe.  Celte  garde 
»  n'existant  plus,  j'ai  l'honneui'  de 
«prier  V.  M.  de  recevoir  ma  soii- 
»  tnis^ion  et  mon  serment  de  fidé- 
»lité.  Si  ma  vie,  que  je  crois  sans 
«reproche,  me  donne  des  droits  à 
«votre  confiance,  je  demande  mon 
w-régiment.  En  cas  contraire,  mes 
«blessures  me  donnent  droit  à  la 
«retraite,  qu'alors  je  scdlicilcrai, 
«regrettant  d'être  privé  de  servir 
«hia  patrie.  Je  suis,  etc.  »  A  l'ins- 
tant même  où  Cambronne  faisait 
cet  acte  de  soumission,  les  mi- 
nistres dont  la  fatale  adminis- 
tration prépara  les  calamité*  de 
i8i  5.  inscrivaient  son  nom  sur  la 
liste  des  dix-neuf  généraux  ou  offi- 
ciers qui,  d'après  l'ordonnance  du 
34  juillet,  devaient  être  traduits 
devant  des  conseils  de  guerre , 
ponr  avoir  attaqué  le  gouverne- 
ment royal  à  main  armée.  Lors- 
que le  traité  de  Paris  du  20  no- 
vembre vint  rendre  la  liberté  à 
Cambronne,  il  aurait  pu  fixer  sa 
demeure  en  Angleterre,  ou  se  re- 
tirer aux  Etats-Unis  d'Amérique, 
afin  d'éviter  les  chances  au  moins 
douteuses  d'un  jugement  que  l'é- 
poque désastreuse  de  i8i5  pou- 
vait lui  rendre  si  fatal.  Mais  im- 
patient de  revoir  la  France,  il 
prit  la  résolution  hasardeuse  de 
venir  y  demander  des  juges.  Parti 
d'Angleterre,  il  débarqua  à  Calais, 
où  le  commandant  de  la  place  lui 
donna  un  officier  pour  l'accom- 
pagner à'Paris.  Là  il  se  présenta 
au  général  Despinois,  qui  le  fit 
conduire  à  l'Abbaye,  où  il  resta 
détenu  plusieurs  mois  avec  le  gé- 


CAM 

néral  Drouot,  ce  brave  sublime 
et  modeste,  qui  ne  s'est  jamais  dé- 
menti. Le  26  avril  1 8  iG,  Cambron- 
ne, assisté  de  M'  Berryer  fils,  avo- 
cat, comparut  devant  le  premier 
conseil  de  guerre,  qui  l'acquitta  à 
l'unanimité.  Le  commissaire  du 
roi,  M.  Duthuis,  se  fondant  sur  ce 
que  le  rapporteur,  M.  Delon,  a- 
vait  paru,  contre  l'usage,  défen- 
dre lui-même  l'accusé,  crut  de- 
voir empêcher  sa  mise  en  liberté, 
et  appeler  de  ce  jugement  devant 
un  conseil  de  révision.  Mais,  le  4 
mai  suivant,  ce  conseil  confirma 
le  jugement,  et  Cambronne  de- 
vint libre.  Dans  le  courant  du  mê- 
me mois,  on  publia,  in-S",  le  Pro- 
rcs  du  iiéncral  Cambronne,  con- 
tenant loulos  les /Hi'fe.ç,  interro- 
s^aLoires,  débals,  etc.  Le  général 
Cambronne  commande  la  place 
de  Lille  en  Flandre  depuis  deux 
ans. 

CAMBRY  (JAcorEs),  membre 
de  plusieurs  sociétés  littéraires, 
fondateur  et  président  de  l'acadé- 
mie celtique,  naquit  à  Lorient,  en 
1776,  et  mourut  à  Cachant,  près 
de  Paris,  le  5o  décembre  1807. 
11  occupa,  pendant  la  révolu- 
tion, diverses  places,  fut  prési- 
dentdu  département  du  Finistère, 
après  avoir  été  administrateur  de 
celui  de  la  Seine.  Nommé,  par 
le  premier  consul,  préfet  du  dé- 
partement de  l'Oise,  en  1800,  il 
resta  dans  ce  pays  l'espace  de 
deux  ans.  Cambry  a  publié  divers 
ouvrages,  dont  les  plus  remarqua- 
bles sont  :  k  ojages  dans  le  Finis- 
tère ,  en  Suisse  et  en  Italie  ;  'les 
Monumens  celtiques;  Descrip- 
tion du  département  de  l'Oise. 

CAMET  -  DE  -  LA  -  BONAR- 
DIÈRE  (J.  P.  G.),  nommé  à  la 


CAM 

chambre  des  députés  ,  en  18 15, 
par  le  collège  électoral  du  dépar- 
tement delà  Seine,  était  maire 
du  onzième  arrondissement  de 
Paris,  lorsque  les  alliés  entrè- 
rent, en  18 14.  Le  roi  le  conserva 
dans  les  mêmes  fonctions;  le  nom- 
ma baron  et  maître  des  requêtes, 
par  ordonnance  du  premier  jan- 
vier i8i5,  et  lui  donna  un  brevet 
d'oflîcier,  le  2  aoflt,  de  la  même 
année.  Quant  à  la  décoration  de 
la  légion-d'honneur,  ill'avait  reçue 
de  Napoléon.  Pendant  la  session 
de  i8i5,  M.  Carnet  vota  avec  la 
majorité  de  la  chambre.  En  sep- 
tembre 181G,  il  fut  de  nouveau 
porté  sur  la  liste  des  candidats, 
ù  la  chambre  des  députés;  mais 
il  ne  fut  pas  élu.  M.  Camet-de- 
la-Bonardière  est  l'un  des  admi- 
nistrateurs des  hospices  de  la  ca- 
pitale. 

CAMINADE- DE -CASTRES 
(N),  propriétaire  dans  le  dépar- 
tement de  la  Charente,  fut  élu 
membre  de  la  chambre  des  re- 
présentans,  par  le  collège  d'ar- 
rondissement de  Cognac,  au  mois 
de  mai  181 5.  Il  fut  du  nombre 
des  commissaires  chargés ,  le  4 
juillet,  de  se  concerter  avec  le 
gouvernement  provisoire,  sur  la 
nécessité  de  rendre  publiques  tou- 
tes les  pièces  ayant  rapporta  la  si- 
tuation où  se  trouvait  la  France. 
On  avait  procédé,  en  comité  se- 
cret, à  l'examen  de  ces  pièces  : 
les  èvénemens  en  empêchèrent 
la  publication. 

CAiMMAS  ( Lambert- Frawçois- 
TnÉHissE),  peintre  ,  architecte,  et 
professeur  de  l'académie  de  Tou- 
louse, naquit  en  cette  ville,  en 
174^'  tJ'u"  père,  habile  architec- 
te, à  qui  l'on  doitplu>ieurs  monu- 


CAM  •         55 

mens.  Une  éducation  soignée 
développa  les  heureuses  disposi- 
tions que  Cammas  avait  reçues  de 
la  nature.  Il  alla  à  Rome  pour 
perfectionner  ses  talens  ;  et  l'aca- 
démie de  Saint-Luc  le  reçut  dans 
son  sein.  De  profondes  recher- 
chessur  l'architecture  des  peuples 
antiques,  retinrent  long- temps 
Cammas  en  Italie.  Il  y  puisa  le 
goût  du  vrai  beau;  mais  peut-être 
il  s'attacha  trop  à  la  manière  des 
maîtres  qui ,  après  la  renaissance 
des  arts,  altérèrent  les  principes 
puisés  dans  l'étude  des  monu- 
mens.  Lors  de  son  retour  dans  sa 
patrie  ,  Cammas  fut  chargé  de 
grands  travaux;  et  on  lui  deman- 
da des  projets  pour  rornement 
de  presque  toutes  les  églises  de 
Toulouse.  On  sait  qu'à  cette  épo- 
que, un  goût  mesquin  et  faux 
présidait  aux  productions  des  arts 
dépendant  du  dessin;  on  pros-* 
crivait  également  et  la  pureté  de 
l'architecture  grecque,  et  l'impo- 
sante majesté  de  nos  anciennes 
basiliques.  Cammas  montra  en 
cette  circonstance  toute  la  ri- 
chesse de  son  imagination;  il  sut 
approprier  aux  formes  sveltes  et 
élégantes  que  nous  avions  em- 
pruntè(;s  des  Arabes  ,  toute  la  no- 
blesse de  l'architecture  italienne  : 
ses  projets  furent  adoptés  ;  mais 
l'exécution  de  la  plupart  rencon- 
tra un  obstacle  invincible  dans  les 
troubles  de  la  révolution.  Cam- 
mas adopta  les  sentimens  de  ceux 
qui  voulaient  donner  un  nouveau 
gouvernement  à  la  France;  mais  il 
ne  partagea  ni  les  excès,  ni  les 
fureurs  des  passions.  Cultivant 
les  arts,  chéris.sant  l'étude  ,  il  vé- 
cut dans  l'obscurité.  Vers  les  der- 
nières auBccs  de  DOS  dissensions 


56 


CAM 


politiques,  il  fut  nommé  juge-de- 
paix  par  ses  concitoyens,  et  cette 
place,  qu'il  rempMt  avec  intégri- 
té, fut  cependant,  pour  lui,  la 
source  d'une  injuste  persécution. 
Quelque  temps  après  la  journée 
du  18  brumaire,  il  fut  arrêté.,  et 
resta  plusieurs  mois  dans  les  fers. 
Son  innocence  ayant  été  recon- 
nue, on  le  rendit  à  sa  famille; 
mais  eMe  ne  devait  pas  le  possé- 
der long-temps  :  il  mourut ,  en 
1804,  Agé  de  soixante- un  ans. 
Ses  élèves  portèrent  sa  dépouille 
mortelle  dans  le  champ  du  repos. 
Canimas  est  l'auteur  des  décora- 
tions du  dôme  de  l'église  des  Char- 
treux, de  Toulouse:  on  remarque, 
parmi  ses  tableaux,  celui  qui  re- 
présente l'apparition  de  la  Vier- 
ge à  saint  Bruno  ;  et  celui  où  le 
rappel  des  parlemens,  sous  le  rè- 
gne de  Louis  X\  I,  est  représenté 
allégoriquement.  Cet  ouvrage  ob- 
tint le  prix  extraordinaire,  pro- 
posé par  l'académie  de  peintu- 
re ,  sculpture  et  architecture  de 
Toulouse.  Cammas  a  laissé  plu- 
sieurs manuscrits  et  mémoires 
précieux  ;  il  possédait  les  lan- 
gues savantes,  et  faisait  des  vers 
avec  facilité.  Sa  femme  ,  avanta- 
geusement connue  par  son  ta- 
lent pour  la  peinture,  composa 
plusieurs  tableaux  estimés;  l'aca- 
démie de  Toulouse  l'admit  à  ses 
assemblées.  M"' Cammas,  sa  fille  , 
élève  de  M.'  Bouton,  peintre  du 
roi  d'Espagne,  a,  par  d'heureux 
essais,  annoncé  des  dispositions 
peu  communes.  On  cite  surtout  u- 
ne  Flore  et  une  h'rigone,  peintes 
par  elle  avec  une  rare  perfection. 
CAMPAN  (Henriette  Genêt), 
fdle  de  M.  Genêt,  premier  com- 
mis des  affaires  étrangères,  re- 


CAM 

eut,  sous  les  yeux  de  son  père, 
rédu(;alion  la  plus  soignée.  Une 
conuaissanc«  parfaite  de  plusieurs 
langues  modernes  ,  celle  de  l'his- 
toire ,  le  talent  de  la  musique,  tel 
fut  le  résultat  des  premières  étu- 
des de  M'"'  Campan.  SI""  la  du- 
chesse de  Choiseul,  ayant  eu  oc- 
casion de  la  connaître,  la  fit  nom- 
mer,  à  quinze  ans,  lectrice  de  mes- 
dames Victoire,  Sophie  et  Louise, 
filles  du  roi  Louis  XV.  En  1770, 
Marie-Antoinette, épouse  du  dau- 
phin ,  depuis  Louis  XVI ,  eut  oc- 
casion de  voir  M"'  Genêt,  cher 
les  princesses,  ses  tantes,  et  d'ap- 
précier ses  talens,  ce  qui  la  dé- 
termina à  se  l'attacher,  en  la  ma- 
riant au  fils  de  M.  Campan,  son 
secrétaire  intime.  Quand  les  ex- 
cès de  la  révolution  exposèrent  la 
famille  royale  à  de  nombreux  pé- 
rils, ÎM""'  Campan  donna  à  sa  pro- 
tectrice des  preuves  réitérées  de 
reconnaissance  et  de  dévoue- 
ment. Elle  ne  la  quitta  point  du- 
rant la  journée  du  10  août ,  la 
suivit  aux  Feuillaus;  et  le  refus 
que  Péthion  lui  fit,  de  la  laisser 
entrer  au  temple,  put  seul  la  sé- 
parer de  cette  princesse  malheu- 
reuse. Après  la  chute  de  Robes- 
pierre, l'orage  f///r^/-révolution- 
naire  commençant  à  s'apaiser, 
M""'  Campan,  qui  n'avait  plus  au- 
cune ressource,  prit  la  résolution 
d'ouvrir,  à  Saint-Germain,  un  pen- 
sionnat ,  qui  ne  tarda  pas  à  jouir 
d'une  grandeet  justecélébrité.  Les 
familles  les  pi  us  recommandables, 
non-seulement  de  la  France,  mais 
du  monde  entier,  puisque  M"" 
Campan  comptait  parmi  ses  élè- 
ves des  Américaines,  et  des  jeu- 
nes personnes  de  Calcula,  y  en- 
voyèrent leurs  filles.  M""  Cain- 


CAM 

pan  eut  le  mérite  de  former,  non- 
seulement  des  mères  de  lamille , 
mais  des  femme»  aimables.  L'im- 
pératrice Joséphine,  alors  M""  de 
Beaiiharnais,  deux  ans  avant  son 
mariage   avec    le  général   Bona- 
parte ,  confia  à  M"*  Campan  l'é- 
ducation de  sa  fille  Hortense  ,  de- 
puis reine  de  Hollande  ,  et  celle 
de  sa  nièce,  Emilie  de  Beauhar- 
nais,  devenue  si  noblement  célè- 
bre par  son  dévouement  pour  son 
mari  (M.  de  Lavalletle).  Le  géné- 
ral Bonaparte,  alors  premier  con- 
sul, visita  l'établissementde  Saint- 
Germain;  y  plaça  Caroline  Bona- 
parte ,  sa  plus  jeune  sœur,  depuis 
reine  de  ÎSaplcs,  et  Stéphanie  de 
Beauharnais,sa  fille  adoptive, de- 
puis grande -duchesse   de  Bade. 
M""Campan  nenégligea  rien  pour 
orner  l'esprit  de    ses  élèves;  et 
deux  années  de  suite,  la  belle  Ira- 
gédied  Esther,  jouée  avec  grâce  et 
décence,  rappela  à  Saint-Germain 
les  célèbres  représentations  qui, 
un  siècle  auparavant,  avaient  eu 
lieu  à  S'-Cyr.  Cependant  Napoléon 
fonda,  pour  les  filles  des  olliciers 
de  la  légion-d'honneur,  la  maison 
impériale  d'Écouen.  M"" Campan, 
nommée  directrice  et  sur-inten- 
dante de  celte  maison,  concur- 
remment avec  M.  le  comte  de  La- 
cepède,  grand -chancelier  delà 
légion -d'honneur,     organisa    ce 
vaste  et  utile  établissement  ;  y  fit 
régner  l'ordre  le  plus  sévère,  et, 
durant  sept  années  de  soins  et  de 
surveillance,   s'y  créa  des  titres 
nouveaux;\  l'attachement  de  ses  é- 
lèves,à  la  reconnaissance  de  leurs 
familles,  et  à  l'estime  de  la  socié- 
té. Au  retour  du  roi,  la  maison 
d'Ecouen  fut  supprimée;  les  jeu- 
nes filles  qui  s'y  Irou  valent  furent 


CAM 


5; 


placées  à  Saint-Denis,  elles  fonc- 
tions de  M""  Campan  cessèrent. 
Tante  du  célèbre  et  infortuné  ma- 
réchal Ney,  M"*^  Campan  a  vu , 
depuis  (juelques   années,   sa   fa- 
mille en  butte  à  de  grands  mal- 
heurs. La  perte  des  êtres  les  plus 
chers  est  venue  successivement 
Taflliger  dans  sa  retraite;  et  la 
mort  d'un  fils  unique  a  mis  der- 
nièrement le  comble  à  ses  dou- 
leurs. Mais  si  de  pareilles  infor- 
tunes peuvent  avoir  des  consola- 
tions, M""  Campan  doit  les  trou- 
ver dans  le  souvenir  d'une  vie 
utile,  et  dans  rattachement  des 
jeunes   femmes   qui,    n'oubliant 
pas  qu'elle  a  été  leur  mère,  lui 
composent  encore   une  famille. 
C'est    auprès    de     l'une    d'elles 
qu'elle    pleure   aujourd'hui    son 
fils.  Ce  fils,  M.  Henri  Campan, 
fut  nommé,  en  1807,  auditeur  au 
conseil-d'étal.  Pendant  l'occupa- 
tion de  la  Prusse,  il  exerça  à  Ber- 
lin les  fonctions  de  directeur-gé- 
néral des  postes.  Depuis,  envoyé 
successivement    en    Espagne    et 
en  Italie,  il  s'acquitta  de  ses  dif- 
férentes missions  avec  sagesse  et 
talent.    Nommé  ,    par  la   suite  , 
commissaire -général    de    police 
à  Toulouse,   il  sut,  dans  cette 
place  de  confiance,  concilier  l'ac- 
complissement de  ses  devoirs  a- 
vec     de     louables    ménagemeus 
pour  les  administrés  :  ceux  qui,  en 
181 5,    exercèrent  la  police,  ne 
suivirent  pas  son  exemple.  Hen- 
ri Campan,  alors  retenu  à  Mont- 
pellier par  une  maladie  grave,  fut, 
sans  autre  motif  que  sa  parenté 
avec  le  maréchal  Ney,  arraché  de 
son  lit  par  des  forcenés  prêts  à 
le   massacrer,  et  traîné  dans  un 
cachot,  où  il  resta  plusieurs  moi^ 


58  CA.M 

malade  et  sans  secours.  Les  ré* 
damations  de  M.  de  Lally  Tolen- 
dal  mirent  fin  à  ces  cruautés  aus- 
si lAches  qu'horribles.  Rendu  à 
sa  famille,  Henri  Campan  me- 
nait une  vie  consacrée  au  travail, 
lorsque  dans  les  premiers  mois  de 
1821,  une  maladie,  qui  d'abord 
donna  peu  d'inquiétude,  est  ve- 
nue l'enlever  presque  subitement 
à  sa  mère  et  à  ses  amis. 

CAMPANA  (N.),  né  à  Turin 
vers  l'année  1770,  d'une  famille 
honorable,  avait  fait  de  bonnes 
études  et  se  destinait  à  la  profes- 
sion de  médecin,  lorsque  les  ar- 
mées françaises,  en  1793,  portè- 
rent en  Italie  les  principes  qui 
animaient  leur  nation.  Plusieurs 
jeunes  Piémontais,  enflammés  de 
l'amour  de  la  liberté,  quittèrent 
leur  pays  et  vinrent  grossir  les 
rangs  de  l'armée  républicaine. 
Le  jeune  Campana,  qui  était  de 
ce  nombre,  fui  accueilli  par  le 
général  en  chef,  et  reçu  dans  la 
la  légion  des  Allobroges  en  quali- 
té de  sous-lieutenant.  Il  était  ad- 
judant-commandant à  l'époque 
de  la  réunion  du  Piémont  à  la 
France,  et  fut  nommé  préfet 
d'Alexandrie,  département  de  Ma- 
rengo.  Cet  état  lui  convenait  peu; 
il  sollicita  et  obtint  de  rentrer  au 
service,  mérita  la  croix  de  com- 
mandant de  la  légion-d'honneur 
à  Austerlitz,  et  fut  coupé  en  deux 
par  im  boulet  àla bataille  d'Eylau. 

CAMPBELL  (Thomas),  le  plus 
pur  et  le  plus  pathétique  des  poè- 
tes anglais  vivans.  Les  mœurs 
patriarcales  ou  sauvages  ont  trou- 
vé en  lui  un  peintre  fidèle.  Les 
passions  douces  qu'il  aime  à  pla- 
cer au  mjlieu  des  solitudes  y  ac- 
tjiiitnent,  jiar  leur  pureté  même. 


CAM 

une  énergie  nouvelle  et  singuliè- 
re. Ses  vers  sont  concis  et  doux, 
quelquefois  polis  avec  un  soin 
qui  nuit  ù  la  grûce;  mais  toujours 
harmonieux  et  jamais  vides  de 
pensée.  Il  a  débuté  par  les  l*Lai^ 
sirs  de  l' espérance  (1799),  poë- 
me,  où  il  a  su,  par  les  cliarmes 
de  l'harmonie  et  d'une  sensibili- 
té pleine  d'abandon,  faire  oublier 
la  monotonie  didactique  des  ta- 
bleaux qu'un  tel  sujet  amène  et 
enchaîne.  L'exaltation  vive  et  pé- 
nétrante qui  anime  l'un  des  plus 
beaux  morceaux  du  poëme  (sur 
le  démembrement  delà  Pologne), 
a  fait  verser  des  larmes  àKoscius- 
ko  lui-même,  que  l'auteur  y 
avait  célébré  d'une  manière  di- 
gne de  lui  et  de  la  liberté.  Plu- 
sieurs morceaux  très -courts, 
mais  d'une  poésie  parfaite  et  d'u' 
ne  pensée  profonde  ont  succédé 
aux  Plaisirs  de  l'espérance,  et 
ont  acquis  en  Angleterre  une  po- 
pularité d'autant  plus  honoralile 
que  les  critiques  délicats,  dans 
leurs  revues,  et  les  hommes  du 
peuple,  en  répétant  les  refrains 
de  Campbell,  ont  concouru  àl'é- 
tablir.  Tels  sont  la  Bataille  de  Ho- 
henlinden,  Lochiel^  la  chansoa 
des  Matelots,  etc.  Un  petit  roman 
en  vers ,  intitulé  :  Gertrude  de 
PFfoming,  est  regardé  comme 
son  chef-d'œuvre.  Dire  que  Ger- 
trude a  plusieurs  traits  de  ressem- 
blance avec  Paul  et  Virginie  et 
la  Chaumière  indienne,  c'est  as- 
sez en  faire  l'éloge.  La  similitu- 
de serait  plus  grande  encore,  si 
Campbell  n'était  bien  inférieur  à 
Bernardin  pour  la  contexture  de 
la  fable,  et  si  une  précision  pous* 
sée  à  l'excès  ne  donnait  quelque 
roideur  à  ses  Strophes  spencérien- 


CAM 

nés.  D'ailleurs,  c'est  le  même  in- 
térêt m«';lancoliqne ,  les  mêmes 
vertus  de  la  nature  peintes  avec 
une  délicieuse  naïveté,  la  même 
fraîcheur  de  coloris.  Faisons  des 
vœux  pour  que  nul  traducteur 
maladroit  ne  vienne  profaner  cet- 
te belle  production.  Le  seul  ou- 
vrage en  prose  qu'il  ait  publié, 
est  inihuXé:  Annales  du  règne  de 
Georges  111,  jusqu'à  lapaix  d' A^ 
miens.  Le  public  y  a  moins  trou- 
vé son  compte  que  le  libraire. 
On  prétend  que  Campbell  a  écrit 
pour  le  ministère,  dans  plusieurs 
journaux,  et  qu'il  jouit  encore 
d'une  pension  ainsi  gagnée  à  la 
pointe  de  sa  plume. Nous  ne  som- 
mes pas  assez  sfirs  de  ce  fait  pour 
en  faire  la  matière  d'un  reproche. 
Il  est  né  à  Glascow,  en  1777. 

CAMPE  (Joachim-He?«ri),  l'un 
des  plus  célèbres  philologues  al- 
lemands de  l'époque,  a  beaucoup 
écrit  pour  l'enfance ,  avec  celte 
clarté  et  cette  simplicité  qui  seules 
conviennent  à  cet  âge.  Né  à  Bruns- 
wick, en  1746,  il  étudia  la  théo- 
logie ,  fut  aumônier  d'un  régi- 
ment, dirigea  l'institut  de  Dessau, 
que  le  fougueux  Basedow  venait 
de  quitter  {f^.  Basedow),  et  a- 
près  avoir  fondé  et  dirigé  succes- 
sivement plusieurs  maisons  d'é- 
ducation ,  il  se  relira  près  de 
Brunswick  dans  une  maison  de 
campagne  où  il  vit  encore.  Il 
s'est  occupé  de  théologie  et  de 
métaphysique;  mais  il  a  su  por- 
ter dans  chacune  de  ces  deux 
sciences  une  clarté  et  une  sagaci- 
té peu  communes.  On  remarque 
parmi  les  ouvrages  qu'il  a  com- 
posés dans  ce  genre  :  Les  FaciUtés 
dont  est  douée  l'dnie  humaine  de 
sentir  et  de  penser  f  tic,  Leipsick, 


CAM 


^9 


1776;  Petite  Psychologie  pour 
les  enj'ans ,  Hambourg,  1780; 
ouvrage  simple,  clair,  précis,  où 
l'auteur  procède  par  une  série 
très-bien  enchaînée  de  raisonne- 
mens  invincibles,  sans  jamais  al- 
ler chercher  dans  le  ciel  et  dans 
les  mystères  d'une  foi  ténébreu- 
se les  principes  de  sa  doctrine, 
comme  les  ignorans  physiciens, 
qui  trouvaient  dans  les  nuages  la 
source  inconnue  du  Nil.  Ses  tra- 
vaux philologiques  ne  sont  pas 
moins  recommandables;  peut-ê- 
tre a-t-il  poussé  trop  loin  ce  dé- 
sir d'épurer  la  langue  allemande, 
qui,  sous  prétexte  de  séparer  l'i- 
diome national  d»  tout  alliage  é- 
tranger,  pourrait  bien  le  réduire 
en  définitive  A  une  complète  in- 
digence. Qui  ne  sait  que  les  lan- 
gues se  forment  comme  les  mé- 
taux au  sein  de  la  terre,  d'une 
multitude  d'agrégats  dilfércns, 
qui  s'identifient  et  changent  de 
substance  en  se  combinanli'Com- 
bien  d'idées  plus  familières  à  tel 
peuple  se  trouvent  rendues,  dans 
tel  idiome,  par  un  mot  mille  foi» 
plus  énergique,  plus  simple,  plus 
approprié  que  dans  aucun  autre? 
Pourquoi  dédaigner  les  richesses 
intellectuelles  des  nations  étran- 
gères, tandis  que  l'on  recherche 
avec  tant  d'ardeur  les  conquêtes 
matérielles  et  sanglantes  que  fait 
le  glaive  sur  l'étranger  ?  Au  sur- 
plus, le  Dictionnaire  allemand  de 
Campe,  Brunswick,  1807 — 181 1, 
5  vol.  in-4";  ses  Echaiitilloius  île 
quelques  tentatives  pour  enrichir 
la  langue  allemande,  BrunsM  ick, 
1791  -  1794;  son  Dictionnaire  des 
expressions  étrangères,  etc. ,  ï8oi, 
Brunswick,  3  vol.  in-4";  ^f'"  Kssai 
sur  les  termes  scientifiques,  etc.  y 


6o 


CAM 


Brunswick,  in-8°,  i8o4;  ouvrages 
d'un  goût  sévère  et  d'une  grande 
érudition,  auxquels  ont  beaucoup 
contribué  d'ailleurs  les  plus  sa- 
vans  littérateurs  et  grammairiens 
de  l'Allemagne,  assurent  à  Cam- 
pe une  place  très-distinguée  parmi 
ceux  de  ses  contemporains  qui  se 
sont  occupés  de  ces  matières.  La 
grande  popularité  qu'ont  obtenue 
ses  traités  d'éducation  élémentai- 
re, est  une  preuve  incontestable 
de  leur  mérite.  Les  plus  connus 
et  les  plus  curieux  comme  les  plus 
utiles  sont  :  Petit  Livre  de  mora- 
le à  l'usage  des  enfans,  1777,  é- 
dition  latine,  1781;  Petite  Biblio- 
thèque des  en^ns ,  Hambourg, 
1779 — 1784?  12  vol.  in-i6;/rt 
Découverte  de  l' Amérique,  Ham- 
bourg, 1782,  3  vol.;  Révision  gé- 
nérale de  toutes  les  matières  re- 
latives à  l'instruction  et  à  l'édu- 
cation, Hambourg,  1785 — 1792; 
Abrégé  en  trois  volumes, Wurtz- 
bourg,  1800 — i8o5,  etc.,  etc.  Ses 
Lettres  écrites  de  Paris,  pendant 
la  révolution,  offrent  peu  de  con- 
naissance des  mœurs  françaises  et 
des  événemens  qui  ont  amené  la 
révolution,  mais  on  y  trouve  une 
candeur  et  une  bonhomie  dans 
les  erreurs  mêmes,  qui  les  excu- 
sent à  peu  près.  Avec  plus  de  pro- 
lixité, moins  de  déclamation  et 
moins  d'intérêt,  ses  Lettres  sur  la 
France  et  l'Angleterre  offrent  les 
mêmes  qualités  et  les  mêmes  dé- 
fauts. H  a  aussi  attaqué,  dans  un 
ouvrage  ex-professo  (1790),  cette 
çxaltation  de  pensée,  cette  senti- 
mentalité fébrile,  qui  se  sont  em- 
parés depuis  quelque  temps  de 
toutes  les  jeunes  têtes  alleman- 
des, et  qui  menacent  tous  les 
jours  d'une  explosion  singulière. 


CAM 

Écrivain  laboric  x  sensé,  spiri- 
tuel, il  a  peu  de  profondeur  dans 
les  vues,  il  a  de  la  grâce  et  de  l'a- 
bandon dans  le  style,  une  certaine 
éloquence  facile  et  douce,  peu  de 
traits  saillans,  une  imagination 
qui  ne  connaît  point  d'écarts,  et 
un  talent  qui  ne  s'élève  pas  jus- 
qu'aux grands  mouvemens,  mais 
qui  s'abaisse  rarement  jusqu'au 
trivial,  et  ne  tombe  jamais  dans 
le  ridicule. 

CAMPENON  (Vinceht),  né  à 
Grenoble ,  en  1775.  Neveu  du 
poète  Léonard,  il  a  marché  de 
bonne  heure  sur  les  traces  de  son 
oncle.  H  fit,  à  18  ans,  le  Foyage 
de  GrenobleàClianibéry,  et  don- 
na ce  titre  à  son  premier  ouvra- 
ge. Ce  Toyage ,  écrit  en  vers  et 
en  prose,  à  la  manière  de  Cha- 
pelle et  de  Bachaumont,  est  une 
agréable  description  d'im  pays 
plus  charmant  encore;  il  contient 
des  détails  fortamusans,  et  qui 
plaisent  plus  particulièrement  à 
ceux  qui  connaissent  la  superbe 
vallée  de  Grésivaudan,et  les  bords 
fertiles  de  l'Isère,  dans  cette  par- 
tie de  son  cours.  Campenon  est 
auteur  de  VEpilre  aux  femmes; 
de  quelques  jolies  poésies  légè- 
res, et  particulièrement  de/rtyJ/fli- 
son  des  champs,  poëme,  où  la  sé- 
cheresse des  préceptes  didacti- 
ques ,  exprimés  dans  un  style 
élégant  et  agréable,  est  souvent 
tempérée  par  des  traits  d'esprit 
et  de  sentiment.  Ces  pièces  an- 
nonçaient du  talent  et  de  la  faci- 
lité. Son  poëme  de  V Enfant  pro- 
digue lui  ouvrit  les  portes  de 
l'institut;  il  y  prit,  en  1812,  la 
place  de  M.  Delille.  W  était  alors 
commissaire  impérial  du  théâtre 
de  l'Opéra-Comiqne,  et  chef-ad- 


CAM 

joint  de  la  première  division  de 
l'université.  Le  roi  le  nomma  che- 
valier de  la  légion-d'honneiir,  le  i5 
septembre  i8i4>^^^cnseurroyal, 
le  24  octobre  suivant.  Ce  ne  lut 
que  le  j6  novembre  de  la  même 
année,  que  M.  Campenon  pro- 
nonça son  discours  de  réception 
^l'institut.  Onyremarque  ce  pas- 
sage, à  l'occasion  de  l'abbé  Delil- 
le.  «Pourquoi  craindre  de  répéter 
»  ce  que  toute  la  France  a  dit?  On 
»a  employé  tous  les  moyens  de 
^séduction  pourobtenir  quelques 
«vers  du  Virgile  français,  tout  a 
«échoué  ;  il  est  resté  fidèle  à  l'in- 
»  flexibilité  de  l'honneur,  et  rien 
nn'a  pu  interrompre  le  cours  de 
«son  silence  courageux;  silence 
»que  les  plus  beaux  vers  n'au- 
I) raient  jamais  pu  égaler.»  Cette 
•phrase  est  belle,  sans  doute,  mais 
n'en  peut-on  pas  conclure  que 
l'auteur  de  la  Requête  des  rosiè- 
res de  Salency,  à  S.  M.  l'impé- 
ratrice,  n'a  pas  cru  ,  en  compo- 
sant cette  jolie  pièce,  avoir  con- 
tracté un  engagement  de  la  na- 
ture de  celui  auquel  Delilleestres- 
té  fidèle  ?  Le  1"  janvier  181 5,  M. 
Campenon  fut  nommé  secrétaire 
du  cabinet  du  roi ,  et  des  menus- 
plaisirs,  sous  les  ordres  du  duc  de 
Duras.  A  la  rentrée  de  Napoléon, 
il  avait  réclamé  son  emploi  de 
commissaire  impérial  du  théâtre 
de  rOpéra-Comique.  M.  Campe- 
non a  été  conservé  dans  la  nou- 
velle organisation  de  l'académie 
française,  en  mars  181G.  Il  n'a 
rien  publié  depuis  long-temps. 
Le  déplorable  état  de  sa  santé, 
l'a  sans  doute  empêché  de  ter- 
miner, jusqu'à  présent,  un  poè- 
me, dont  le  Tasse  est  le  héros.  On 
lui  doit  plusieurs  édition:»  des  œu- 


CAM 


61 


vres  complètes  de  Léonard,  de 
celles  de  Demoustier,  et  un  choix 
de  celles  de  Clément  Marot. 

CAiMPER  (Pierre),  s'est  occu- 
pé, avec  succès,  de  physique,  de 
philosophie ,  de  médecine ,  de 
chimie,  et  d'anatomie.  Né  à  Ley- 
de,  le  II  mai  172Û,  d'un  minis- 
tre protestant ,  il  se  trouva  de 
bonne  heure  dans  la  compagnie 
de  savans  distingués;  eut  pour 
maîtres  les  plus  fameux  profes- 
seurs de  son  pays,  et  partit  après 
la  mort  de  ses  vieux  parens ,  pour 
visiter  l'Europe.  De  retour  dan» 
son  pays  ,  Camper  occupa  plu- 
sieurs chaires,  et  publia  divers 
ouvrages  neufs  et  précieux,  sur 
les  matières  dont  il  s'occupait; 
par  exemple  :  Denionstrationuni 
anatoniico-pathologicarum  lihri 
duo,  Amsterdam,  1760  à  1762, 
2  vol.  \n-ïo\\o', Icônes herniarum, 
Francfort-sur-le-Mein ,  1 80 1 ,  in- 
folio ;  De  certo  in  medicind,  etc., 
etc.  Ses  voyages ,  et  la  mobilité 
d'un  esprit  toujours  porté  vers  de 
nouveaux  objets,  l'empêchèrent 
de  terminer  de  grands  ouvrages. 
Il  ne  donna  que  des  mémoires, 
mais  qui,  tous,  ont  marqué,  et 
dont  plusieurs  ont  été  couronnés 
par  les  académies  de  Dijon,  Lyon, 
Toulouse,  Harlem,  Edimbourg. 
Membre  des  sociétés  royales  de 
Gottingue,  Londres;  des  acadé- 
mies de  Berlin,  Pétcrsbourg,  etc., 
il  fut,  avec  Boerhaave,  le  seul 
Hollandais  associé  à  l'académie 
des  sciences  de  Paris.  Plusieurs 
observations  de  Camper  ont  été 
fécondes  ;  citons  celles  sur  le  la- 
rynx de  lorang-outang,  sur  la 
courbure  de  l'urètre;  sur  divers 
points  de  l'anatomie  comparée. 
Uarduns-nous  d'oublier  qu'il  fut 


lili 


CA^l 


l'un  des  premiers  ;i  deviner  l'exis- 
tence de  ces  énormes  races  anté- 
diluviennes ,  dont  les  restes  se 
découvrent  chaque  jour  aux  yeux 
surpris  des  générations  nouvel- 
les. Plusieurs  dissertations  de 
Camper,  sur  la  f^aricté  de  la  Phy- 
sionomie des  liommes ;  sur  Le  beau 
dans  les  arts  ;  sur  les  passions  qui 
se  nianifessent  sur  le  visage ,  etc., 
ont  jeté  delà  lumière  sur  ces  sin- 
gulières recherches.  MM.  Cu- 
vier,  Vicq-d'Azyr,  Condorcet,  et 
A.  G.  Camper,  son  fils,  ont  par- 
lé de  lui  avec  des  éloges  que  la 
postérité  ratifie  déjà.  Un  de  ses 
plus  bizarres  et  de  ses  plus  savans 
ouvrages,  est  une  Dissertation 
sur  les  souliers ,  1 79 1 ,  traduit  par 
Jansen.  La  politique  abrégea  ses 
jours:  le  Iriomphed'un parti, dont 
il  n'approuvait  point  les  actes , 
jeta  une  telle  amertume  sur  sa 
vie,  qu'il  mourut  le  7  avril  1789, 
victime  d'une  douleur  qu'un 
philosophe  aurait  dû  surmonter; 
mais"  préférable  du  moins  à  celle 
qui  mit  le  grand  Racine  au  tom- 
beau. 

CAMPMAS  ,  avant  la  révo- 
lution, exerçait,  à  Alby,  dans  le 
Languedoc ,  la  profession  d'avo- 
cat. En  1789,  il  fut  député  aux 
états-généraux,  et  en  1,792,  à  la 
convention  nationale.  Dans  le 
procès  de  Louis  XVI,  il  vota  pour 
la  mort,  contre  l'appel,  et  contre 
le  sursis.  Après  la  retraite  de  la 
convention,  il  a  été  commissaire 
du  directoire,  et  ensuite  magis- 
trat de  sûreté,  à  Alby,  jusqu'en 
1810.  £n  181 5,  au  moi»  de  mars. 
Napoléon  le  nomma  président  de 
la  cour  impériale  de  Toulouse  ; 
mais  la  loi  du  12  janvier  i8i6  l'é- 
loigna  de  la  France. 


CAM 

CAMPO-ALANGEL  (le  dic 
Negretédel),  fils  d'un  riohe  four- 
nisseur des  armées  que  Charles 
III  avait  élevé  au  raogdecomtet 
La  protection  du  prince  de  la 
Paix  valut  au  fils  le  titre  de  grand 
d'Espagne.  Ambassadeurde  Char- 
les IV  auprès  de  la  cour  de  Vien- 
ne, il  parut  avec  beaucoup  d'é- 
clat dans  cette  capitale.  Revenu 
en  Espagne,  il  embrassa  la  cause 
du  roi  Joseph,  qui  lui  conféra  les 
titres  de  grand-chancelier  de  son 
ordre,  et  de  capitaine-général  des 
armées  espagnoles.  Le  duc  del 
Campo  fut  ensuite  envoyé  à  Pa- 
ris, comme  ambassadeur,  et  il 
s'y  vit  retenu  par  les  circonstan- 
ces qui  replacèrent  Ferdinand  sur 
le  trône  d'Espagne.  Il  est  mort  le 
i3  mars  1818,  à  l'âge  de  82  ans. 

CAMPOCHIARO  (le  duc  de), 
Napolitain,  était,  en  i8o5,  capi- 
taine des  liparotes,  espèce  de  ca- 
valerie des  chasses,  qui  faisait 
partie  de  la  garde  de  Ferdinand. 
Il  resta  dans  le  royaume  de  Na- 
ples,  lorsqu'à  l'approche  des  trou- 
pes françaises  le  roi  se  retira  en 
Sicile  avec  sa  famille.  En  1806, 
le  roi  Joseph  appela  le  duc  de 
Campochiaroau  conseil-d'état,  et 
le  fit  ministre  de  la  maison  roya- 
le. Le  roi  Joachim  le  nomma 
grand -dignitaire  de  l'ordre  des 
Deux-Siciles  et  ministre  de  la  po- 
lice générale;  il  en  exerça  les  fonc- 
tions avec  douceur  et  habileté. 
Les  autorités  françaises  du  gou  ver 
nement  général  de  Rome  n'eu- 
rent qu'à  se  louer  des  relations 
habituelles,  que  l'intérêt  des  deux 
pays  avait  établies  avec  le  duc  de 
Campochiaro.  Sous  son  ministè- 
re, on  n'entendit  point  parler  de 
conspirations,  soit  qu'il  sût  les  pré- 


CAM 

tenir  ou  les  réprimer  à  temps, 
soit  qu'eu  effet  il  ne  s'en  furmrit 
plus  alors.  Plusieurs  missions  di- 
plomatiques ont  été  confiées  k  M. 
le  duc  de  Campochiaro;  les  plus 
importantes  furent  celles  d'am- 
bassadeur de  Naples  près  l'empe- 
reur Napoléon,  et  de  ministre  du 
roi  Joachim  au  congrès  de  Vien- 
ne, en  i8i5.  Cette  dernière  mis- 
sion n'eut  point  de  succès;  moins 
parce  que  l'ambassadeur  manqua 
d'habileté  que  parce  que  le  prince 
manqua  de  prudence.  A  l'époque 
de  la  révolution  du  mois  de  juil- 
let 1820,  le  duc  de  Campochiaro 
fut  nommé  ministre  des  affaires 
étrangères  du  royaume  de  Na- 
ples. Ayant  contresigné  la  fameu- 
se circulaire  adressée  aux  provin- 
ces par  Zurlo,  ministre  de  l'inté- 
rieur, à  l'occasion  du  départ  de 
Ferdinand  pour  Laybach,  ces  deux 
ministres  furent  destitués  et  ap- 
pelés devant  le  parlement  napo- 
litain. M.  le  duc  de  Campochiaro 
y  fut  accueilli  avec  bienveillan- 
ce, mais  il  ne  reprit  point  le  por- 
tefeuille du  département  des  re- 
lations extérieures,  et  depuis  ce 
temps  il  a  vécu  éloigné  des  affai- 
res, ou  du  moins  il  n'a  occupé 
aucun  emploi  public. 

CAMPOMANÈS  (uoi«  Pedro- 
RoDniGt'Ez,  COMTE  de),  né  au  com- 
mencement du  1 8"'  siècle,  dans  le 
royaume  des  Asturies.  Il  passait 
pour  le  jurisconsulte  le  plus  habi- 
le et  le  plus  désintéressé  de  toute 
l'Espagne.  En  1 765,  il  fut  nommé, 
par  Charles  111,  fiscal  du  conseil 
royal  etsupr^-me  de  Caslille.  Plu- 
sieurs discours  et  mémoires  qu'il 
publia  vers  ce  temps,  contribuè- 
rent beaucoup  à  perfectionner  les 
institutions  de  l'Espague.  Elle  lui 


CAM  63 

dut  la  liberté  du  commerce  des 
grains,  d'utiles  règlemens  contre 
la  mendicité,  et  la  suppression  de 
divers  abus  dans  la  manière  de 
percevoir  les  impôts.  Le  comte 
de  Campomanès  ne  rendit  pas  à 
sa  patrie  un  service  moin?  signa- 
lé en  travaillant  à  l'expulsion  des 
jésuites ,  conjointement  avec  le 
comte  d'Aranda.  Président  du  con- 
seil de  Caslille  à  l'avènement  de 
Charles  IV  au  trône,  il  fut  bientôt 
nommé  ministre  d'état;  mais  en- 
suite il  fut  écarté  du  conseil,  et 
sacrifié  h  la  jalousie  du  comte  de 
Florida-Blanca.  Campomanès,  qui 
n'avait  dû  son  élévation  qu'à  son 
mérite,  supporta  celte  disgrâce 
avec  toute  la  dignité  du  sage  :  il 
mourut  au  commencement  du  siè- 
cle, dans  un  âge  avancé. 

CAMPREDON  (le  baron  Mar- 
tin de),  né  à  Montpellier.  Il  ap- 
partenait à  une  famille  recom- 
mandable,  de  la  classe  des  com- 
merçans.  Il  était  fort  jeune,  lors- 
qu'il entra  dans  le  corps  du  génie; 
de  grandes  connaissances  relati- 
ves À  cette  arme,  lui  procurèrent 
un  avancement  rapide.  Il  était 
général dedivision  en  i8o5.  Char- 
gé, à  celle  époque,  de  la  direc- 
tion des  travaux  de  Manloue,  il 
rendit  des  services  réels;  et  il  ne 
se  distingua  pas  moins  .  l'année 
suivante  ,  à  la  prise  de  Gaëte. 
Ayant  passé  au  service  du  roi 
.loseph,  dès  son  avènement  au 
trône  de  Naples,  il  fut  décoré, 
en  1808,  de  la  grand'croi.t 
des  Deux-Siciles,  et  en  1809,  il 
eut  le  portefeuille  de  la  guerre, 
que  quittait  le  général  Régnier, 
Après  av(»ir  fait,  avec  les  trou- 
pes napolitaines,  la  campagne  de 
Runsie  ,  le   général  Camprcdoa 


C' 


CAM 


s'enferma  dans  la  place  de  t)ant- 
zick.  Lorsqu'elle  succomba,  il  fut 
conduit ,  comme  prisonnier  de 
guerre,  à  Kiew,  sur  le  Dnieper; 
mais  la  paix,  conclue  en  iSif\, 
lui  permit  de  revenir  en  France. 
Le  général Campredon  est  grand- 
officier  de  la  légion-d'honneur, 
et  il  passe,  avec  raison,  pour  un 
des  meilleurs  officiers  de  l'arme 
du  génie. 

CAMUS  (Armakd-Gaston),  na- 
quit à  Paris,  le  2  avril  1740.  Dans 
le  cours  des  études  relatives  ;\  la 
profession  d'avocat,  qu'il  voulait 
embrasser,  il  s'occupa  surtout  des 
lois  ecclésiastiques.  Il  dut  à  ses 
connai.><sances  profondes  dans  cet- 
te partie  du  droit,  la  place  d'avo- 
cat du  clergé  de  France":  et  peu  de 
temps  après,  il  y  joignit  les  titres 
de  conseiller  de  l'électeur  de  Trê- 
ves ,  et  de  conseiller  de  la  maison 
de  Salm-Salm.  Ces  dilférens  pos- 
tes auraient  pu  devenir  très-lucra- 
tifs; mais  Camus  avait  conservé 
celte  indépendance  de  caractère 
qui  doit  être  le  partage  des  es- 
prits distingués,  et  le  goût  des 
lettres  ne  lui  permettait  guère  de 
se  livrer  assidûment  à  des  occu- 
pations plus  arides.  Ses  principes 
étaient  connus;  la  ville  de  Paris 
le  nomma  député  aux  états-géné- 
raux. Membre  du  tiers-état,  il 
défendit  avec  chaleur  la  cause 
du  peuple;  dès  son  début  dans  la 
carrière ,  on  put  remarquer  en  lui 
une  franchise  politique,  dont  mal- 
heureusement les  orateurs  de  la 
tribune,  et  les  hommes  d'état,  ne 
se  font  pas  toujours  un  devoir.  Il 
eut  beaucoup  de  part  à  la  résolu- 
tion qui  transforma  la  députation 
du  tiers-état  en  l'assemblée  natio- 
nale, ainsi  qu'à  cette  fameuse  séan- 


CAM 

ce  du  Jeji'de-Paume,  qui  renversa 
les  plans  du  ministère.  Entière- 
ment livré  dès  lors  à  des  tra  va  uxde 
finance,  et  à  ceux  qui  préparaient 
l'organisation  civile  du  clergé,  il 
ne  quittait  la  tribune  où  il  en  ren- 
dait compte,  que  pour  réunir  au 
sein  des  comités  de  nouveaux  ma- 
tériaux. Il  ne  fut  jamais  étranger 
à  ce  qu'on  proposa  sur  ces  objets, 
et  généralement  il  parlait  sur  tou- 
tes les  questions  importantes.  Il 
s'exprima  avec  force  en  faveur  de 
l'établissement  de  la  constitution 
civile  du  clergé;  et  il  dénonça 
avec  énergie-,  à  l'assemblée,  le 
Livre-Rouge,  où  étaient  inscrits 
les  noms  de  tant  de  personna- 
ges qui  n'avaient  pas  perdu  tou- 
te leur  influence.  En  insistant 
sur  l'abus  des  pensions  accordées 
sans  mesure  ,  il  se  plaignit  des 
dépenses  des  ministres,  et  il  s'é- 
leva contre  la  coutume  de  livrer 
aux  fermiers- généraux  le  pro- 
duit des  impositions.  Il  ménagea 
si  peu  le  ministre  qui  avait  le  plus 
joui  de  la  faveur  populaire,  que 
ces  diff"érens,  entre  ^eckeretlui, 
devinrent  de  Tinimilié.  Il  pronon- 
ça plusieurs  discours  sur  la  sup- 
pression des  divers  ordres,  et  par- 
ticulièrement de  celui  de  Malte. 
Il  s'opposa  au  projet  d'acquitter 
les  dettes  du  comte  d'Artois.  Vou- 
drait-on, dit-il ,  faire  payer  à  la 
France  les  dettes  d'un  particu- 
lier ?  Ces  mots  si  simples  furent 
couverts  d'applaudissemens.  Les 
tantes  du  roi  ayant  quitté  le  ter- 
ritoire de  la  France ,  il  proposa 
de  saisir  leurs  revenus,  et  en  mê- 
me temps,  d'exiger  du  roi  qu'il 
ordonnât  à  sa  famille  de  ne  point 
se  séparer  de  lui.  Quelques  jours 
aprèS;,  il  demanda  même  une  ré- 


duCtioQ  dans  la  liste  civile';  qui 
s'élevait  alors  à  35, 000,000,  Mais 
'bientôt  le  roi  lui-mOme  voulut 
quitter  la  France,  et  Camus  fut 
un  de  ceux  qui  en  montrèrent 
le  plus  d'indignation  ;  il  accusa 
tour  à  tour  les  minisires,  Bailly, 
M.  de  La  Fajette,  et  même  les 
intentions  du  roi.  Mais  si  Camus 
n'épargnait  pas  les  grands,  il  ne 
pardonnait  pas  davantage  à  ceux 
qui  ne  voyaient,  dans  le  nouvel 
ordre  de  choses,  qu'un  moyen  de 
rapines ,  et  qui  feignaient  de  s'at- 
tacher aux  principes,  dans  l'es- 
poir de  l'impunité.  Camus  était 
un  homme  droit;  il  désirait  sur- 
tout le  soulagement  des  maux  pu- 
blics et  particuliers.  Latude,  vic- 
time de  la  haine  de  M°"  de  Pom- 
padour  ,  et  d'autres  infortunés 
qui  avaient  rendu  des  services  à 
l'état,  trouvèrent  en  lui  un  sou- 
tien. Il  avait  été  secrétaire,  et  en- 
suite président  de  la  première  as- 
semblée ;  il  ne  fit  point  partie  de 
la  seconde ,  mais  on  le  nomma. 
Vers  cette  époque,  conservateur 
des  archives  nationales,  et  biblio- 
thécaire du  corps-législatif.  Lors- 
que le  département  de  la  Haute- 
Loire  le  choisit  pour  la  conven- 
tion nationale,  il  était  exaspéré 
par  le  sentiment  des  maux  que 
préparait,  depuis  long-temps,  la 
continuelle  hésitation  du  gouver- 
nement; et  d'autres  députés  par- 
tageaient cette  disposition  d'es- 
prit, qiâ  devait  avoir  elle-mê- 
me des  suites  funestes.  Secrétaire 
tic  la  convention,  Camus  obtient 
une  commission  pour  la  conser- 
vation des  monumens  des  scien- 
ces et  des  arts  ,  et  une  augmen- 
tation de  solde  pour  la  garnison 
de  Paris;  il  provoque  la  mise  en 

T.    IV. 


CAM 


6î 


accusation  des  ministres  dilapi- 
dateurs  ;  il  sollicite  la  vente  du 
mobilier  des  émigrés,  ainsi  que 
des  communautés  religieuses;  il 
obtient  le  rejet  d'une  exception 
demandée  par  le  duc  d'Orléans  , 
en  faveur  de  sa  fille  émigréc;  enfin 
il  propose  de  déclarer  Louis  XVI 
coupable ,  et  ennemi"de  la  nation. 
Immédiatement  après,  au  mois 
de  décembre  1 792  ,  Camus  est  en- 
voyé dans  la  Belgique,  pour  exa- 
miner le  fondement  des  réclama- 
tions de  Dumouriez  contre  le 
ministre  de  la-  guerre  ,  et  contre 
les  commissaires  du  trésor.  Dans 
le  compte  qu'il  rendit  de  sa  mis- 
sion ,  Camus  insista  sur  le  danger 
de  ne  pas  laisser,  entre  les  mains 
des  généraux,  les  moyens  de 
mettre  à  exécution  leurs  plans  de 
campagne.  Après  un  second  voya- 
ge dans  la  Belgique ,  où  il  était 
chargé  de  suivre  les  opérations 
de  l'armée  .  il  entra  au  comité  de 
salut  public.  C'est  durant  cette 
seconde  mission  qu'il  envoya,  dit- 
on,  de  Bruxelles,  son  adhésion 
au  jugement  de  Louis  XVI  :  cir- 
constance qui  du  reste  n'eut  au- 
cune influence  sur  le  sort  du  mo- 
narque, puisque  Camus  n'assista 
pas  aux  appels  nonùnaux.  Bien- 
tôt le  comité  le  chargea  de  de- 
mander i\  la  convention  que  Du-^ 
mouriez  fût  appelé  à  la  barre.  Il 
retourna  ensuite  dans  la  Belgi- 
que, avec  trois  autres  commis- 
saires de  la  convention,  Quinet- 
te,  Bancal,  et  Lamarque;  ils  é- 
taient  accompagnés  du  général 
Beurnonville,  ministre  de  laguer- 
re  ,.  et  ils  avaient  ordre  de  sur- 
prendre et  de  mettre  en  arresta- 
tion les  généraux  suspects.  C'est 
<]amu3  qui  se  charge  de  signrfiOr 


66  CAM 

à  Dumouriez  le  décret  de  la  con- 
Yenlion^  et  de  lui  enjoindre  de 
se  présenter  devant  elle  pour  ren- 
dre compte  de  sa  conduite.  Mais 
Dumouriez,  dont  on  se  défie  avec 
raison  ,  et  qui  se  propose  de  mar- 
cher sur  la  capitale  avec  ses  trou- 
pes, pour  y  opérer  une  sorte  de 
révolution  -concertée  avec  l'é- 
tranger, l'imprudent  Dumouriez, 
dont  lu  position  est  déjà  difficile, 
et  qui  pourtant  n'abandonne  pas 
ses  desseins,  à  la  fois  perfides  et 
mal  concertés,  répond  ironi- 
quement aux  envoyés  de  la  con- 
vention ,  et  même  il  leur  fait  en- 
tendre que  les  dangers  sont  sur- 
tout pour  eux.  Camus,  que  n'inti- 
mident ni  les  menaces  du  géné- 
ral, ni  les  murmures  des  officiers 
de  son  état-major,  lui  demande 
expressément  s'il  veut ,  ou  ne 
veut  pas  obéir.  Dumouriez  fait 
encore  une  réponse  évasive;mais 
Camus  lui  déclare  qu'il  le  suspend 
de  ses  fonctions,  et  il  donne  l'or- 
dre de  s'emparer  de  lui.  Alors  le 
général  fait  un  signe,  et  quelques 
hussards,  à  qui  il  parle  en  alle- 
mand, saisissent  Camus  et  ses 
trois  collègues,  dont  Beurnonvil- 
le  veut  absolument  partager  le 
sort;  ils  sont  remis  entre  les  mains 
des  Autrichiens,  et  conduits  au 
fond  de  la  Moravie  ,  après  avoir 
été  traînés  dans  les  prisons  de 
Maëstricht  et  de  Coblentz.  C'est 
dans  Olmutz,  où  ils  furent  déte- 
nus long-temps,  que  Camus ,  iné- 
branlable dans  cette  sorte  de  fier- 
té républicaine  qui  le  caractéri- 
sait, refusa  de  se  découvrir  de- 
vant un  prince  souverain  d'Alle- 
magne. Ce  ne  fut  que  le  25  dé- 
cembre 1795  que  Camus,  ainsi 
que  ses  collègues,  et  les  citoyens 


CAM 

Maret  et  Semonville,  furent  é- 
changés ,  à  B;1le,  contre  la  prin- 
cesse, fille  de  Louis  XVI.  Camus 
fut  un  des  députés  qui  passèrent 
de  droit,  de  la  convention  au  con- 
seil des  cinq-cents.  Il  en  eut  la 
présidence,  le  a5  janvier  1796,6! 
le  28,  il  refusa  le  portefeuille  des 
finances,  que  lui  destinait  le  di- 
rectoire. Il  donna  de  nouvelles 
preuves  de  son  zèle,  dans  toutes 
les  discussions  susceptibles  de 
quelque  intérêt  général,  ou  dans 
les  travaux  de  la  commission  des 
finances,  dont  il  fut  un  des  mem- 
bres les  plus  laborieux.  Le  20 
mai  1797,  il  quitta  le  corps-légis- 
latif, et,  cessant  de  s'occuper  des 
aff"aires  publiques,  il  se  livra  aux 
occupations  littéraires,  dont  la  ré- 
volution l'avait  détourné.  Membre 
de  l'institut  dès  la  foritiation  de 
ce  corps,  il  se  chargea  de  recueil- 
lir, dans  les  départemens  réunis, 
des  matériaux  pour  l'histoire.  li 
avait  conservé  sa  place  à  la  tête 
des  archives,  et  la  crainte  de  la 
perdre  ne  lui  fit  pas  abandonner 
sesprincipes,  lorsque  des  registres 
furent  ouverts  pour  manifester 
le  vœu  public  sur  la  question 
du  consulat  à  vie.  Son  vote  ré- 
publicain fut  connu  du  premier 
consul,  qui  ne  lui  en  fit  pas  un 
crime.  Quelques  années  après, 
un  accident  abrégea  ses  jours  ; 
une  attaque  d'apoplexie  à  la  suita 
d'une  fracture,  les  termina  le  a 
novembre  1804.  Camus  avait, 
dans  les  intentions,  toute  la  rec- 
titude de  l'honnête  homme;  mais 
son  humeur  sévère  ,  et  son  carac- 
tère inflexible  jusqu'à  la  dureté, 
altérèrent  l'estime  que  lui  méri- 
taient ses  qualités .  lui  suscitèrent 
Jjeaucoup  d'ennemis,  et l'empè- 


CAM 

cbèrent  souvent  d'opérer  le  bien 
qu'il  eût  voulu  produire.  Il  a  réu- 
ni,  avec  constance,  des  inclina- 
tions dont  l'accord  paraîtdiflicile. 
11  était  républicain  avec  enthou- 
siasme ,  et  il  était  pieux  avec 
bonhomie.  Ouvertement  opposé 
aux  prétentions  de  la  cour  de  Ro- 
me ,  il  lui  fit  perdre  et  les  anna- 
les, et  le  co.mtat  Venaissin,  qu'au 
reste  elle  ne  pouvait  conserver 
long-temps.  Mais  il  passait  cha- 
que jour  des  heures  entières  au 
pied  d'un  grand  crucifix  de  bois  , 
suspendu  dans  sa  chambre.  Il 
parlait  avec  une  grande  facilité; 
cependant  il  s'est  distingué  bien 
plus  dans  les  délibérations  parti- 
culières sur  les  lois,  que  dans  la 
discussion  des  principes  politi- 
ques. Travailleur  infatigable,  il 
a  laissé  de  nombreux  ouvrages 
qui  méritent  du  moins  d'être  con- 
sultés. Les  principaux  sont  :  Lct- 
ù'es  sur  la  profession  -d'avocat, 
et  Bibliothéqiu;  choisie  des  livres 
de  droite  ï//^»  >777>  et  i8o5, 
2  vol.  in-12;  2°  Histoire  des  ani- 
maux d'/iristote,  avec  le  texte 
en  regard,  2  vol.  iu-4°,  178^; 
5°  Code  judiciaire ,  ou  Recueil 
des  décrets  de  l'assemblée  natio- 
nale et  constituante,  sur  l'ordre 
judiciaire ,  1 792;  4" Manuel d^ L- 
pictete,  et  Tableau  de  Cébès,  Pré- 
sent d'un  père  captif  a  ses  en- 
fans ,  i796eti8o3,  2  vol.  in- 18; 
5"  Mémoires  sur  la  collection  des 
grands  et  petits  voyages,  et  sur 
la  collection  des  voyages  de  Mel- 
chisédec  Thévenot ,  in-4°,  1812; 
d'Histoire  et  procédés  du  pulyty- 
page  et  du  stéréotypage ,  in-8"', 
1802;  7"  f^'oyagjs  dans  les  dé- 
partemens  nouvellement  réunis. 
La  littérature  doit  ii   Camus   la 


CAN  67 

conservation  des  mémoires  lais- 
sés par  les  corporations;  il  a  aussi 
contribué  à  la  rédaction  du  Jour- 
nal dti' savons  y  et  ù  celle  de  la  Bi- 
bliothéque  liisloriffue  de  l\rance. 

CANAVERI  (Jean -Baptiste), 
savant  évêque  de  Verceil,  fils  du 
premier  magistrat  de  Borgomaro, 
y  naquit  je  25  septembre  1755..  A 
18  aps,  l'uni  versité  de  Turin  le  ju- 
gea digue  d'être  reçu'  docteur. 
Ses  connaissances  embrassaient 
toutes  les  sciences,  et  à  l'Sge  de 
aS  aas  il  se  voyait  recherché  des 
savans  les  plus  distingués.  Elo- 
quent prédicateur,  il  improvisait 
SOS  sermons.  En  1797,  il  tut  nom- 
iné  à  l'évêché  de  Bielle,  et  ^acré  à 
Rome  le  i5  juillet  de  la  même 
année.  En  i8o4,  d'après  l'invita- 
tion du  pape,  il  donna  sa  démis- 
sion, comme  le  firent  alors  tous 
les  évêques  du  Piémont,  à  cause 
(le  la  nouvelle  organisation  des 
diocèses,  nécessitée  par  l  incor- 
poration de  ce  pays  i'j  l'empire 
français.  En  i8o5,  Çanaveri  ob- 
tint le  siège  de  Verceil,  auquel 
son  ancien  évêché  se  trouvait  féu- 
ni  :  il  y  mourut  le  i5  janvier 
1811,  avec  le  liuc  J'anmOnier 
de  Madame,  mère  de  l'empereur 
Napoléon.  Il  avait  publié  des 
Manden{ens,  des  Lettres  pastora- 
les, des  Panégyrif/ues  de  plusieurs 
sahits;  mais  le  plus  important  de 
ses  ouvrages  est  :  ISotizia  com- 
pcndiosa  dei  monasteri  délia 
Trappafondatidopo  la  rivoluzio- 
ne  (Il  /''rancia,  Turin,  1794,  in- 
8".  Toutes  les  productions  de  Ça- 
naveri, en  latin  et  en  italien,  sont 
recouiniandables  sous  le  rapport 
du  style;  plusieurs  sont  restées 
manuscrites.' 

CANCELLIERI  (l'abbé  Fran- 


08 


CAV 


çois),  Cet  l'un  des  biographes 
les  plus  patiens  et  les  plus  minu- 
tieuxquc  Ponpuisse  citer. Le  norr»'' 
bre  des  notices  qu'il  a  pui)li»;*e3  est 
effrayant.  On  compte  de  lui  une 
douzaine  d"élo^es,une  foule  d'ar- 
ticles publiés  dans  les  journaux, 
et  des  traités  sans  nombre  i,  qui 
contiennent  les  titres  de  tout  ce 
qui  a  été  écrit  depuis  le  comment- 
cernent  dû  monde,  sur  les  sujets 
bizarres  qu'il  a  choisis.  Il  a  fait  les 
éloges  de  beaucoup  de  gens  obs- 
curs etde  quelques  gens  célèbres, 
de  l'écrivain  Amaduzzio  et  du 
éordinol  Borgia,  etc.,  etc. ;  de 
Giovtna<zzi,  Gualtani,  Renazzi, 
etc.  Ha  donné  une  Histoire  uni- 
^effSt\\odcsCiochès,en  1  vol.  In-* 
4°»  »8o6,  et  celle  de  tous  les 
Saints  qui  ont  extvcé  ta  mêdeci- 
ce}  celle  des  Seât^ctairës  du  Vati- 
can, i»-4°j  Rome,  1^88-,  et  celle 
du  Vatican  lui-même  et  de  toutes 
ses  chapelles  (en  plusieurs  yolit- 
mes  et  sous  plusieurs  tilres  diffé- 
rent) ;  àe  Christophe  Colomb  et 
de  la  Placé  Navdne.  On  peut  re- 
garder cotnrtië  les  plus  curieux  de 
hti  ouvrages,  ceux  qu'il  -i  publiés 
Je  plue  «^ci^einment,  \\\n  intitulé  : 
Les  s^ept  Choses  fatales  de  l'an- 
eienneRàme,  in-12,  i8i5;  et  l'au- 
tre, consacré  à  donner  l'histoire 
des  Hommes  doués  d'une  grande 
/némoire,. iSi5,  in-8°.  Le  premier 
de  ces  ouvrages  est  dédié  à  l'ar- 
chéologue MilHn,  dont  tous  les 
écrits  sont  rangés  en  l'orme  dé 
catalogue  à  la  fin  du  volume;  on 
dirait  que,  dans  la  pensée  de  l'au- 
teur, les  travaux  des  antiquaires 
modernes  sont  une  des  sept  c/îo^e^ 
fatales  de  la  vieille  Rome;  et  que 
c'est  l'une  des  infortunes  atta- 
chée? à  la  destinée  de  la  ville  éter- 


è.4N 

tiellè,  quefei  disctissions  abscu- 
res  des  sàvatis  qui  se  disputent 
sur  ses  fuihes.  L'abbé  François 
Cancell!en,néàNovare,en  i^/jfî, 
a  suivi  dans  ces  dernières  années 
les  tristes  variations  de  l'Église, 
sans  que  son  ardeur  pour  l'étude 
s'affaiblît  un  seul  instant.  ïl  est 
aujourd'hui  à  Rome. 

CANCLAUX  (Jeaît- Baptiste- 
Camille),  coitJte,  lieutenant-géné- 
ral, grand-officier  de  la  légion- 
d'honneur  et  pair  de  France,  né 
à  Paris  en  1740  5  ^f''''*  ttiajor  îiu 
régiment  de  Conti,  cavalerie,  en 
1789.  L'émigration  d'un  grand 
nombre  d'ofllciers  fut  favorable 
à  son  avancement,  et  il  devint 
successivement  colonel,  maré- 
chal-de-camp  et  lieutenant-géné- 
ral. Il  avait  ce  grade,  en  ijgS, 
lorsqu'on  le  chargea  du  comman- 
dement en  chef  de  l'armée  de  la' 
république  réunie  sur  les  bords 
de  la  Loire,  pour  s'opposer  aur 
progrès  des  royalistes.  Rendu  au 
quartier-général  à  Nantes,  il  y  fut 
bientôt  assailli  par  60.000  Ven- 
déens qui  vinrent  assiéger  la  vil- 
le :  illes  battit,  les  repoussa,  les 
défit  de  nouveau  A  Saint-Sympho- 
f ien,  le  6  octobre  i  jgS,  et  le  jour 
même  de  cette  victoire  reçut  l'ar- 
rêté du  comité  de  salut  public  qui 
le  rappelait,  lui  donnant  pour  suc- 
cesseurs les  généraux  Rossignol 
et  Léchelle,  dont  l'incapacité  fut 
depuis  signalée.  Après  la  chute  de 
Robespierre,  en  1794»  il  fut  nom- 
mé de  nouveau  général  en  chef 
de  l'armée  de  l'Ouest.  Il  établit  la 
fameuse  légion  nantaise,  qui  se 
distingua  en  tant  d'occasions,  et 
accéléra  par  ses  succès  la  pacifi- 
cation de  la  Vendée  en  1793.  Au 
commencement  de    1796,  il  fut 


I 


CAS 

chargé  de  se  reudre  dans  le  Midi 
pour  y  réunir  les  premiers  élé- 
inens  de  celte  invincible  armée 
d'Italie  qui,  sous  le  commande- 
ment du  général  Bonaparte,  s'est 
acquis  une  gloire  imii^orlelle. 
Nommé,  en  1797,  à  l'ambassade 
d'Espagne,  il  resta  un  an  dans  ce 
pays,  l'ut  envoyé  avec  le  même 
titre  près  du  roi  desDeux-Siciles, 
et  représenta  dignement  la  répu- 
jilique  française  à  Naplcs.  A  son 
retour  en  France,  le  général  Cau- 
daux fit  partie  du  bureau  militai- 
re institué  parle  directoire.  Nom- 
mé inspecteur-général  de  la  cava- 
lerie, et  commandant  delà  i4"" 
division  après  le  18  brumaire,  il 
fut  présenté  par  Napoléon  au  sé- 
nat-conservateur, qui  l'admit  au 
nombre  de  ses  membres  le  19 
octobre  1804,  Quelque  temps  a- 
près,  l'empereur  le  décora  du 
grand-aigle  de  la  légion-d'hon- 
neur. JKn  i8i5,  lorsque  l'invasion 
de  la  France  se  préparait,  il  fut 
chargé  de  se  rendre  aux  frontiè- 
res pour  y  prendre  des  mesures 
dont  les  circonstances  ne  per- 
mettaient guère  d'attendre  un  ré- 
sultat heureux;  mais  il  remplit  sa 
mission  avec  autant  de  modéra- 
tion que  de  zèle.  Le  4  juin  18147 
le  roi  le  nomma  pair  de  France  : 
au  mois  de  mars  1 8 1 5,  Napoléon, 
revenu  de  l'île  d'Elbe,  le  main- 
tint sur  la  liste  des  pairs,  dont 
il  fut  rayé  par  l'ordonnance  du 
roi  du  a4i">ilct-  Cependant  com- 
me il  n'avait  pas  siégé  à  la  cham- 
bre pendant  l'interrègne,  il  fut 
quelque  temps  après  réintégré 
dans  ses  fonctions.  Le  comte  Cao- 
claux  est  mort  le  5o  décembre 
1817.  Invariablement  attaché  à 
ses  devoirs,  il  s'était  montré  dès 


€AN 


«9 


le  commencement'de  la  révolu- 
tion patriote  sans  exagération,  et 
avait  donné  l'exemple  de  tous  les 
sacrifices  dans  l'ordre  de  la  no- 
blesse dont  il  faisait  partie. 

CANCiVINUS  (François-Lovis 
de),  né  le  21  février  1758,  à  Brei- 
tenbach  dans  le  pays  de  Darm- 
stadt.  Il  occtipa  d'abord  les  pla- 
ces de  contrôleur  de  la  monnaie 
et  de  contrôleur  des  bâtimens  ci- 
"Vils  à  Hanau  ;  il  fut  ensuite  pro- 
fesseur à  J'École-Milituire  de  Cas- 
sel,  et  enfin  conseiller  principal 
d6  la  chambre  dans  la  même  vil- 
le. Il  quitta  ces  dernières  fonc- 
tions pour  se  rendre  à  Altcnkir- 
chen  dans  le  comté  de  Sagn,  ov'i 
il  remplit  celles  de  commissaire 
du  gouvernement.  L'année  sui- 
vante, l'empereur  de  Russie  lui 
donna  les  titres  de  directeur  des 
mines,  et  de  conseiller  du  collège 
impérial.    Kn    1786,   Cancrinu» 
se  retira  dans  la  liesse,  à  Gies- 
sen,  où  il  resta  jusqu'en   1793. 
Alors  il  fut  nommé  conseiller-d'é- 
tat à  Saint-Pétersbourg.  Il  a  pu- 
blié, en  allemand,  sur  l'adminis- 
tration publique,  la  minéralogie  et 
la  métallurgie,  de  nombreux  ou- 
vrages qu'où  estime,  et  dont  plu- 
sieurs même  sont  devenus  clas- 
siques. On  regardecomme  les  pUi$ 
importans  :  l' Dissertation pruti- 
que  sur  l'exploitation,  et  la  pré- 
paration du  cuivre,  ia-S",  Franc- 
fort, 17C6;  Description  des  prin- 
cipales   mines    situées   dans    la 
liesse,  dans  le  pays  de  fValdeen, 
dans  le  Harz,  dans  les  districts 
de  Mannsjeld  et  de  Saalfeld,  t^t 
en  Saxe,  in-4*»  Francfort,  1767  ; 
3'  Principes  élémentaires  de  la 
science  dçs  mines,  12  vol.  in-8*, 
1773— 1791.  Cet  ouvrage  p4!>- 


yè  CAN 

?ef)Ourlc  plus* complet  et  le  meil- 
leur qu'on  possède  sur  cette  ma- 
tière. 4°  Introduction  à  la  doci- 
mastique  et  à  la  métallurgie,  in- 
8%  Francfort.  1784;  5°  Mélanges 
sur  l'économie,  en  douze  disser- 
tations, in-^',  Riga,  1786 — 1787; 
6"  Histoire  et  description  systé- 
matique des  mines  situées  dans  le 
comté  de  Hanau-  Munzenberg, 
in-8%  Leipsick,  1787  ;  7"  Ofuis- 
citles  technologiques,  6  vol.  in-8°, 
1788 — 1 790  ;  8°  Dissertations  sur 
le  droit  hydraulique  (et  mariti- 
me), 4  vol.  in-8",  1789  — 179^); 
9"  Mémoires  sur  les  constructions 
rurales,  2  vol.  in-8°,  Francfort, 
1791  —  1792;  10°  Principes  de 
l'architecture  civile,  conformé- 
ment à  la  théorie  et  à  la  prati- 
que, in-4".  Gotha,  1792  ;  1 1"  Dis- 
sertation complète  sur  les  poêles 
et  cheminées  en  usage  dans  l'em- 
pire russe,  et  sur  les  moyens  d'en 
perfectionner  la  construction,  8 
vol.  in-8°,  Marburg,  1807.  D'au- 
tres dissertations  de  Cancrinus, 
sur  les  fourneaux  et  sur  la  cons- 
truction des  puits,  offrent  aussi 
beaucoup  d'idées  neuves  et  uti- 
les. On  peut  voir  le  détail  de  ses 
travaux  multipliés,  dans  l'histoi- 
re littéraire  delà  Hcsse,  parStri- 
der,  et  dans  le  dictionnaire  des 
auteurs  allemands,  par  Meusel. 

CANDEILLE  (Julie  Simons), 
ancienne  actrice  du  Théâtre-Fran- 
çais, et  l'une  des  femmes  les  plus 
heureusement  douées  par  la  na- 
ture :  l'art  a  un  peu  gûté  son  ou- 
vrage. Le  grand  acteur,  Monvel, 
qui  avait  remarqué  cette  jeune  et 
belle  personne,  sur  le  théâtre  de 
Lille,  en  1790,  ia  fit  entrer  au 
théâtre  du  Palais-Royal ,  démem- 
brement   du   Théâtre -Français, 


CAN 

du  faubourg  Saint-Germain,  au- 
quel la  troupe  entière  vint  se  réu- 
nir au  commencement  de  1791. 
M""  Candeille,  tout  à  la  fois  actri- 
ce ,  auteur  et  musicienne,  n'ob- 
tint néanmoins,  sur  la  scène,  que 
des  succès  contestés  ,  qui  la  déci- 
dèrent à  quitter  le  théâtre,  pour 
épouser  un  riche  fabricant  de 
Bruxelles;  les  circtTnslances  dra- 
matiques de  ce  mariage  méritent 
de  trouver  place  ici.  M.  -Simons, 
qui  avait  fait  le  voyage  de  Paris, 
pour  détourner  un  de  ses  fils  d'un 
mariage  qu'il  était  sur  le  point  de 
contracter  avec  une  comédienne 
célèbre  par  sa  beauté,  s'adressa 
à  M""  Candeille,  dont  on  lui  a- 
vait  vanté  la  raison  ,  la  conduite 
et  l'esprit,  pour  l'aider  de  ses  con- 
seils, dans  cette  négociation  dif- 
ficile ;  mais  tel  fut  l'effet  des  con- 
férences qu'ils  eurent  ensemble  à 
ce  sujet,  que  M.  Simons  prit  exem- 
ple d'un  fils  dont  il  blâmait  la 
conduite,  et  épousa  lui-même 
celle  qu'il  avait  choisie  pour  mé- 
diatrice. Le  conte  de  la  Bergère 
des  Alpes ,  de  Marmontel ,  avait 
donné  à  M""  Candeille  l'idée  de 
la  comédie  de  Catherine,  ou  la 
belle  Fermière.  Comme  l'auteur 
joua  le  principal  rôle  dans  sa  piè- 
ce ,  on  ne  manqua  pas  de  voir  un 
défaut  de  modestie  dans  le  titre 
de  l'ouvrage,  et  la  critique,  ou 
plutôt  la  jalousie,  lui  fit  expier 
son  succès.  Il  est  certain,  cepen- 
dant ,  que  cette  comédie  avait  été 
reçue  sous  le  titre  de  la  Fermière 
de  qualité,  et  que  l'époque  où 
cette  pièce  fut  représentée  (dé- 
cembre 1792)  détermina  seule  le 
changement  d'épithète  que  l'on 
remarqua  sur  l'alFiche.  Les  jolis 
airs  de    cette  comédie  sont  de 


CAN 

M"*  CandeîUe,  ainsi  que  ceux  de 
la  Jeune  Uotfsse,  comédie  dont 
elle  est  également  auteur.  La 
Bayadtre ,  autre  comédie  de  M"' 
Candeille ,  où  elle  avait  cru  trou- 
Ter  un  cadre  heureux  pour  faire 
briller  à  la  fois  tous  ses  talens, 
n'obtint  aucun  succès.  Cange,  ou 
le  Commissionnaire  de  Saint- 
Lazare ,  petite  pièce  de  circons- 
tance ,  jouée  eu  1794?  suffirait 
■K  pour  répondre  aux  calomnies 
m  dont  l'auteur  a  été  l'objet.  En 
1807,  elle  a  fait  jouer  à  l'Opéra- 
Comique,  Ida  ^  ou  l'Orpheline 
de  Berlin,  comédie  en  2  actes, 
mêlée  d'ariettes  :  les  paroles  et 
la  musique  sont  de  sa  composi- 
tion. M""*  Candeille-Simons,  de- 
puis qu'elle  a  quitté  le  théâtre , 
a  publié  le  roman  de  Bathilde  ^ 
où  l'on  remarque  des  situations 
d'un  haut  intérêt;  et  Jgnès  de 
France,  roman  historique  ,  etc. 
CANDOLLE,    voyez  Decan- 

DOLLE. 

CANNEGIETER  (Heumann)  , 
fils  de  Henri  Cannegieter,  rec- 
teur du  gymnase  d'Ornheim.  Il 
naquit  dans  cette  ville,  en  1725, 
et  il  y  commença  ses  études.  C'est 
à  Leyde,  où  il  fit  son  droit,  qu'il 
reçutle  grade  de  docteur,  en  1 744? 
après  avoir  soutenu  une  thèse 
de  UiJJicilioribus  quibusdam  juris 
capiuùus.  Cannegieler  exerça  les 
fonctions  d'avocat  près  le  tribu- 
nal supérieur  de  la  Gueldre,  et  il 
obtint,  en  1750,  une  chaire  de 
professeur  de  droit  à  Franckcr. 
Il  est  mort  le  8  septembre  1804. 
On  a  de  lui  :  1°  De  arâ  Junonis 
pellici  non  tangendâ ,  in-4'',  im- 
primé à  Leyde, en  1745»  pendant 
le  cours  de  ses  études  ;  2"  De 
mullipUci  et  varia  veterum  juris- 


CAN  71 

consultorum  doctrinâ  ,  discours 
prononcé  le  jour  qu'il  fut  reçu 
professeur  en  droit,  Francker, 
1761  ;  5"  Observationes  ad  colla- 
tioneni  léguai  mosaicaruni  et  ro- 
manarum,  in-4%  Francker,  1 760; 
enfin  Observations  sur  le  droit  ro- 
main, in-4%  Francker,  1761.  Ces 
deuxderniersouvrages,  et  particu- 
lièrement celui  du  droit  romain, 
ont  assuré  à  Cannegieter  un  nom 
parmi  les  jurisconsultes  les  plus 
savans.  On  lui  attribue  les  notes 
ajoutées  à  la  cinquième'  édition 
des  Antiqidtcs  de  Hennecius. 

CANNEGIETER  (Jean),  frère 
du  précédent.  Il  s'est  distingué 
comme  lui  dans  la  jurispruden- 
ce. Il  fut  nommé,  en  1770,  pro- 
fesseur à  l'académie  de  Gronin- 
gue;  et  c'est  dans  cette  ville  qu'il 
mourut,  il  y  a  quelques  années. 
On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages 
en  droit,  dont  voici  les  plus  im- 
portans  :  Ad  dijjiciliora  quœdani 
juris  capita  animadversiones , 
in-4%  Francker,  1704;  Domitii 
Ulpiani  fragmenta  libri  singula- 
ris  regularuni ,  et  inerti  autoris 
collatio  legum,  mosaicaruni  et 
romanarum,  cum  nntis,  Utrecht, 
1768.  Il  faut  y  joindre  le  discours 
qu'il  prononça,  comme  profes- 
seur, le  jour  de  sa  réception;  il 
est  intitulé  :  Oratio  de  romano- 
runi  jurisconsultorum  excellen- 
tiâ  et  sanctitate  ,  in-4°,  Gronin- 
gue,  1770. 

CANNEMAN  (Elias),  né  à 
Amsterdam.  On  le  destinait  au 
notariat,  mais  la  révolution  de  la 
Hollande  lui  inspira  d'autres  i- 
dées.  M.  de  Gogel  l'ayant  remar- 
qué dans  un  club,  lui  fit  obtenir, 
en  1798,  la  place  de  greffier  de» 
finances.  En  i8o5,  il  était  secré- 


;a  CAN 

taire  de  celte  admini'-trniioii;  et 
ensuite,  quand  lu  Hollande  se  vit 
réunie  à  la  France,  il  fut  direc- 
teur des  contributions  directes  à 
La  Haye.  En  i8i5,  M.  Canne- 
man  se  déclara  en  faveur  de  l'in- 
dépendaiice  de  son  pays,  et  ce 
lut  lui  qui  rédigea  la  proclama- 
lion  du  21  novembre,  par  laquel- 
lele prince  d'Orange  appelait  aux 
armes  toute  la  nation.  Nommé 
commissaire -général  des  finan- 
cer, il  réorganisa  l'ancien  systè- 
me des  contributions  indirectes. 
Il  fut  ensuite  appelé  au  conseil- 
d'état,  et  chargé  de  la  liquidation 
avec  la  France.  M.  Canneman 
passe  pour  un  des  hommes  du 
royaume  des  Pays-Bas  qui  enten- 
dent le  mieux  l'administration  des 
finances.^ 

CANNES  (François),  savant 
ecclésiastique,  né  à  Valence  en 
Espagne.  11  passa  une  partie  de 
sa  vie  dans  l'Orient,  en  qualité  de 
missionnaire.  Il  avait  été  durant 
seize  années  au  collège  de  Saint- 
Jean,  à  Damas,  lorsqy'à  son  re- 
tour en  Espagne,  il  "publia  sa 
Grammaire  arabt  -espagnole , 
avec  un  Dictionnaire  arabe-es- 
pagnol dans  lequel  on  se  sert  des 
mots  les  plus  usités  dans  la  con- 
versation familière,  avec  le  texte 
de  la  Doctrine  Chrétienne  dans 
l'idiome  arabe,  in-4°)  Madrid, 
1775.  Plus  tard,  le  comte  de  Cam- 
pomanés  le  décida  à  faire  paraî- 
tre son  Dictionnaire  espagnol- 
latin-arabe,  dans  lequel,  en  sui- 
vant le  dictionnaire  abrégé  de 
l' (académie,  on  trouve  les  mots 
correspondans  en  latin  et  en  ara- 
b{;,  pour  Jacililer  l'étude  de  la 
langue  arabe  aux  missionnaires , 
el  à  ceux  qui  voyagent  ou  com- 


CAN 

mercent  dans  l'Jfrique  et  dan"  le 
Levant,  3  vol.  in-folio,  Madrid, 
1787.  Cannes  était  membre  de 
l'académie  royale  d'histoire  de 
Madrid  :  il  mourut  dans  cette  vil- 
le en  1795. 

CANNING  (Geobge),  fds  d'un 
poète  médiocre, naquit  en  Irlande, 
en  1770;  il  se  fit  connaître,  dès 
sa  plus  tendre  jeunesse,  par  quel- 
ques pièces  de  vers  faciles,  entre 
lesquelles  on  distingua  une  élégie 
touchante  surTasservissement  de 
la  Grèce;  ce  début  de  M.  Can- 
ning  annonçait  un  ami  de  la  li- 
berté :  il  n'a  pas  tenu  parole.  Ce 
poète  imberbe  choisit  la  carrière 
du  barreau,  et,  favorisé  de  la  for- 
tune, sans  avoir  formé  de  liaisons 
avec  les  chefs  du  gouvernement, 
sans  avoir  encore  donné  de  preu- 
ve marquante  d'habileté  comme 
écrivain  littéraire,  sans  annoncer 
même  aucune  disposition  com- 
me orateur  politique,  il  se  trou- 
va, en  1795,  à  20  ans,  membre  de 
la  chambre  des  communes.  Quel- 
ques vers  plaisans,  dans  le  sens  du 
ministère,  avaient  attiré  sur  lui 
les  regards  du  fameux  Pitt,  et  lui 
méritèrent  toute  la  protection  de 
ce  ministre.  Des  manières  aima- 
bles avaient  pu  concourir  à  cette 
singulière  élévation;  l'opposition, 
quoique  soupçonneuse  de  sa  na- 
ture vit  sans  prévention  le  nou- 
veau favori  du  ministère,  et  She- 
ridan  lui-même  fit  en  plein  par- 
lement l'éloge  anticipé  du  jeune 
orateur,  qui  attendit  un  an  pour 
justifier  cette  prophétie.  Au  com- 
mencement de  1794»  à  l'occasion 
du  traité  à  conclure  avec  le  roi  de 
Sardaigne,  il  donna,  dans  un  dis- 
cours emphatique,  la  mesure 
exacte  de  son  talent  et  de  son  dé- 


GAN 

Toucment  minisléricl.  Les  inju- 
res les  plus  violentes  contre  la 
France,  une  admiration  sans  bof' 
ncs  pour  les  ministres  anglais, 
des  contours  de  poètes  latins  pour 
preuves,  des  phrases  pour  argu- 
mens,  telle  se  montra  cette  pre- 
mière fois,  et  dans  tout  le  cours  de 
sa  vie  politique,  l'éloquence  de 
M.  Canning  quant  au  fond  et 
«juant  à  la  forme  :  orateur  agréa- 
ble, mais  à  prétentions,  son  érudi- 
tion guindée  et  son  élégance  sco- 
laslique  ont  fait  dire  aux  Anglais, 
avec  plus  d'humour  que  de  déli- 
catesse d'expression,  que  son  ta- 
lent sentait  le  moisi.  Réélu  en 
179G,  il  devint  sous -secrétaire- 
d'état  aux  affaires  étrangères , 
aous  le  ministère  de  lord  Gren- 
ville.  Son  talent  se  développa 
sans  s'épurer;  il  acquit  une  oon- 
fjance  dans  ses  forces  qui  dégé- 
néra eu  outre-cuidance,  et  qui, 
jointe  à  l'Screté  naturelle  de  son 
humeur,  lui  fit  de  nombreux  en- 
nemis.Toutes  les  fois  qu'il  se  pré- 
sentait une  question  continentale, 
il  la  traitait  avec  une  légèreté  inso- 
lente, avec  une  violence  de  per- 
sonnalités qui  unit  par  exciter 
l'indignation  des  Anglais  eux  -mû- 
mes. Plus  d'une  fois  il  fut  obli- 
gé de  s'excuser  sur  l'ardeur  de 
son  patriotisme,  fne  popularité 
passagère  marqua  néanmoins  cet- 
te époque  de  sa  vie  politique,  à 
laquelle  il  est  juste  de  rapporter 
aussi  les  souvenirs  honorables  de 
son  vote  et  de  ses  discours  dans 
la  question  philanthropique  de  la 
traite  des  Nègres.  Bonaparte  par- 
courait rilurope  e«  vainqueur; 
Pitt,  effrayé,  quitta  le  timon  des 
affaires;  Canning  et  ses  amis  sui- 
virent l'cxômple  de  leur  chef.  É- 


CAN  ;:. 

lu  de  nouveau,  à  la  chambre  tics 
communes,  en  i^oa,  il  attaqua  le 
chancelier  de  l'échiquier  Adding- 
ton,  devint  trésorier  de  la  mari- 
ne, et  essaya  de  verser  le  ridicu- 
le sur  les  opérations  de  Fox.  Sa 
verve  satirique  ne  pouvait  attein- 
dre à  une  si  grande  hauteur.  Ce- 
pendant la  fortune  de  George 
Canning  avançait  toujours;  et  le 
pouvoir,  dont  il  s'était  montré  l'i- 
nébranlable défenseur,  lui  fut 
enfin  conûé  :  il  devint  ministre 
des  affaires  étrangères.  Après  a- 
voir  fait  enlever  la  flotte  danoise 
avec  une  déloyauté  que  l'histoi- 
re appréciera,  après  avoir  prépa- 
ré sans  prévoyance  la  misérable 
expédition  contre  Flessingue,  il 
fut  blessé  d'un  coup  de  feu  à  lu 
cuisse,  non  sur  le  champ  de  ba- 
taille, mais  dans  le  fameux  et  fu- 
neste coin  d'Hydc-Park,  où  il  a- 
vait  appelé  en  duel  son  collègue 
Castlereagh,  au  sujet  de  cette  mê- 
me expédition  que  ce  dernier 
n'approuvait  pas.  La  blessure  de 
M.  Canning  fut  l'issue  d'un  com- 
bat singulier  où  l'indifférence 
publique  se  partagea  si  parfaite- 
ment entre  les  deux  champions, 
que  le  vaincu  lui-même  n'eut  à 
cet  égard  rien  à  envier  au  vain- 
queur. M.  Canning  résigna  sou 
emploi,  et  fut  réélu  au  parlement 
en  1812.  Les  droits  des  catholi- 
ques, qu'il  soutint  avec  zèle  et  ta- 
lent pendant  cette  session,  avaient 
néanraoinsbesoin  pour  triompher 
d'une  éloquence  plus  énergique 
que  la  sienne.  Pendant  deux  ans 
il  s'occupa  de  celte  causehonora- 
ble;  mais  comme  s'il  se  fût  re- 
penti, l'année  suivante,  d'avoir 
déserté  si  long-temps  les  banniè- 
res du  pouvoir,  il  se  prononça  vio- 


74  CAN 

lemment  contre  l'indépendance 
delà  Norwège.  En  1814»  ii  reput 
le  titre  d'ambassadeur  en  Portu- 
gal ;  véritable  sinécure  dont  la 
parfaite  nullité  excita  le  rire  de 
ses  amis  eux-mêmes.  En  retour- 
nant à  Londres,  en  18 iG,  il  passa 
par  la  France;  et  c'est  la  rougeur 
sur  le  Iront  que  nous  sommes 
forcés  de  dire  que  l'insolent  dé- 
tracteur, que  le  pacifique  et  cons- 
tant ennemi  de  la  France,  fut  re- 
çu à  Bordeaux  comme  un  triom- 
phateur. Nos  anc^'lres  vaincus 
réellement  par  les  Romains  ,  ne 
traitaient  pas  leurs  maîtres  a- 
vec  cette  lâche  servilité.  C'est 
une  pénible  tâche  que  celle  qui 
nous  fait  un  devoir  d'un  pareil 
aveu.  La  quatrième  réélection  de 
M.  Canning  à  la  chambre  des 
communes,  par  la  ville  de  Liver- 
pool,  le  12  juin  1816,  ne  se  passa 
pas  sans  tumulte,  et  il  fallut  que 
MM.Shepherdet  Lejlau,ses  deux 
compétiteurs,  lui  cédassent  leurs 
droits  pour  qu'il  sortît  vainqueur 
de  cette  lutte  des  laistins^s ,  pen- 
dant laquelle  les  débris  des  ban- 
quettes et  les  fragmens  de  bou- 
teilles, mirent  plus  d'une  fois  en 
danger  la  vie  du  candidat  minis- 
tériel :  ce  qui  n'empêcha  pas 
qu'après  un  succès  si  violemment 
contesté,  M.  Canning  fut  porté 
en  triomphe  par  ses  partisans. 
Président  du  hureau  des  Indes, 
ambassadeur  extraordinaire  près 
de  la  république  Helvétique,  il 
ne  manqua  bientôt  plus  rien  à  sa 
fortune,  à  son  pouvoir,  et  à  l'es- 
pèce de  réjiutation  qu'il  paraît  a- 
voir  ambitionnée.  Ce  favori  de  la 
fortune  n'est  après  tout  qu'un  de 
ces  sujets  d'étonnement  dont  l'his- 
toire offre  beaucoup  d'exemples. 


CAM 

Avec  quelque  talent,  un  grand 
fond  d'impudence,  beaucoup  de 
souplesse  dans  l'esprit,  et  surtout 
avec  une  haine  invétérée  contre 
la  France,  en  Angleterre  on  ar- 
rive à  tout. 

CANOVA  (Antoine),  statuaire, 
né  en  1757,  à  Possagno,  village 
des  états  de  Venise,  dans  le  Tré- 
visan.  On  dit  qu'à  l'âge  de  12  an» 
il  présenta,  sur  la  table  du  sei- 
gneur de  Possagno,  un  lion  en 
beurre  qui  fixa  son  attention,  et  le 
porta  à  favoriser  les  dispositions 
naturelles  du  jeune  artiste.  A  17 
ans,  Canova  fit  une  Eurydice  en 
marbre  mou,  de  demi-grandeur, 
ouvrage  dans  lequel  il  était  difïï- 
cile  de  découvrir  le  germe  du  ta- 
lent qu'il  a  montré  depuis.  Admis 
à  l'académie  des  beaux-arts  de  Ve- 
nise, il  y  remporta  plusieurs  prix; 
et  lorsqu'il  partit  pour  Rome,  le 
sénat  lui  accorda  une  pension  de 
3oo  ducats,  à  titre  d'encourage- 
ment et  de  récompense  pour  un 
groupe  de  Dédale  et  d'Icare,  qui 
cependant  n'est  remarquable  que 
par  une  imitation  assez  parfaite, 
mais  sans  grâce,  d'une  nature  mal 
choisie,  et  telle  que  peut  l'offrir 
un  modèle  pris  au  hasard  dans  une 
classe  souffrante  et  dégradée  par 
la  misère.  On  ne  sait  si  Canova 
attache  quelque  prix  à  cet  ouvra- 
ge,  dont  on  voit  le  plâtre  dans 
son  atelier;  mais  il  ne  peut  servir 
qu'à  marquer  son  point  de  dé- 
part, et  l'immense  distance  à  la- 
quelle il  a  laissé  derrière  lui  ses 
premiers  essais.  La  composition 
du  Mausolée  do  pape  Clément 
XIV  (Ganganelli)  à  Rome,  est  en 
général  assez  médiocre.  La  Reli- 
gion a  quelque  chose  d'un  peu 
mondain;  mais  déjà  le  talent  de 


.  /ry. 


m/  r/'a 


(Jrtnri/     i>, 


t'rfin  y   ,ie/ ,  *f  J'ft,/n . 


CAÎI 

Canora  se  manifeste  dans  la  belle 
tête  de  vieillard  qu'ofiVe  le  buste 
du  pape.  Ce  mausolée,  fait  en 
1784  et  en  1780,  a  été  gravé  par 
Vitolli.  Au  bas  de  la  gravure  dé- 
diée au  chevalier  Jérôme  Zulian, 
ambassadeur  à  la  Porte  ottomane, 
Cauova  prend  le  titre  desculpleur 
de  PossagnOy  et  dit  à  ce  cheva- 
lier, qu'il  nomme  le  Périclès  de 
notre  siècle, /^o^ire  *ono  le  opère 
mie  perche  vostro  sono.  Canova 
s'exprimait  ainsi,  ily  a  trente  ans; 
depuis  ,  il  a  renoncé  aux  concettij 

■  et  sa  reconnaissance  a  pris  un  lan- 
%  gage  plus  convenable.  En  1786, 
^  il  composa  le  groupe  de  I'amoi'r 
et  PSYCHÉ  couchés^  sujet  tiré  de 
la  fable  d'Apulée.  Il  y  a  dans  ce 
groupe  plus  de  nianière  que  de 
grâce  véritable.  Presque  tous  les 
ouvrages  sortis  depuis  du  ciseau 
de  Canova  sont  exempts  de  ce 
mauvais  goût.  Nous  allons  les 
rappeler  aux  amateurs  des  beaux- 
arts  ,  et  faire  connaître  où  les 
principaux  se  trouvent  mainte- 
nant. Psyché  debout,  tenant  par 
les  ailes  un  papillon  posé  dans 
sa  main;  c'est  une  statue  gra- 
cieuse, et  de  grandeur  naturelle. 
Au  bas  de  la  gravure,  que  Bertini 
en  afaite,Canovaaplacé  ces  deux 
vers  philosophiques  du  Dante: 

N^n  vi  accorfttt  voi  chc  noi  liamo  vtrmi 
Nati  a  formarCangtUca  farfalU? 
Nt  voyez  voui  pat  que  nom  sommes  ces  vers 
tr«s  pour  devenir  le  p»pillon  angilique? 

Canova  disait  de  cette  statue  : 
C'est  un  des  péchés  de  ma  jeu- 
nesse. Une  femme  célèbre  par  sa 
beauté,  sa  bienveillance  et  son 
esprit ,  lui  répondit  :  Canova, 
questi  non  sono  peccdli  mortali. 
VÉsi  s  ET  Adonis.  Ce  groupe  a  été 
gravé  par  Bertini ,  et  se  IrouYC  à 


CAN 


75 


Naples.  Canova  l'a  dédié  à  la  du- 
chesse de  Calabre.  Marie  Magde- 
LEiNE  repcntaïUe;  statue  de  petite 
nature,  et  l'un  des  plus  célèbres 
ouvrages  de  Canova.  Il  l'avait 
destinée  à  son  pays  natal;  mais 
après  avoir  passé  par  plusieurs 
mains,  cette  statue  est  devenue 
la  propriété  de  IVI.  de  Somma- 
riva ,  et  se  trouve  dans  la  belle 
galerie  que  cet  amateur  éclairé 
des  arts  possède  à  Paris.  L'amour 
ET  Psyché  debout.  Les  deux  figu- 
res qui  composent  ce  groupe 
sont  de  grandeur  naturelle;  mais 
on  ne  sait  pour  quelle  raison  le 
statuaire  a  donné  à  l'Amour  une 
taille  moins  forte  que  celle  de 
Psyché.  Ce  groupe,  dont  la  gra- 
vure fut  dédiée  à  l'impératrice 
Joséphine  ,  se  trouvait  à  Malmai- 
son.  Canova  l'a  répété  pourl'em- 
pereur  de  Russie.  Perséi:,  tcnantia 
tête  de  Méduse,  qu'il  vient  de  cou- 
per. Celte  statue,  gravée  par  Mar- 
chetti,  et  dédiée  au  chevalier  Jo- 
seph Bosio,  peintre  milanais,  qui 
l'avaitachetée,  futensuite  acquise 
par  le  pape  Pie  VII,  et  mise ,  pen- 
dant quelque  temps,  à  la  place  de 
l'Apollon,  dont  elle  a  les  dimen- 
sions, le  mouvement  et  la  pose: 
ailleurs  on  l'eût  peut-être  admi- 
rée ;  là,  les  souvenirs  de  la  statue 
grecque  ne  furent  pas  favorables 
à  la  statue  romaine.  En  181 5,  le 
Dieu  ravi  aux  rives  de  la  Seine, 
a  repris  son  piédestal.  Ferdinand 
IV,  roi  de  Naples  ,  en  costume 
romain,  le  casque  en  tête,  et  en- 
veloppé d'un  large  manteau  ,  quL 
lui  couvre  l'épaule  et  le  bras  gau- 
che. Le  modèle  de  cette  statue 
colossale  (elle  a  17  palmes  de 
hauteur)  avait  été  fait  en  1707. 
Mais  Cuuuva  a'avuit  comuicucé 


76  CAN 

à  l'exécuter  en  marbre,  qu'en 
i8o5,  el  ce  travail  fut  abandonné 
pcndantl'occupation  du  royaume 
de  Naples  par  les  Français.  Le 
roi  Joacliim,  passant  à  Rome,  la 
vit  dans  un  coin  de  l'atelier  du 
statuaire,  et  ordonna  à  l'auteur 
de  l'achever.  C'est,  dit-il,  un  mo- 
nument qui  appartient  à  L'histoire 
du  royaume.  L'infortuné  Murât 
ne  prévoyait  pas  alors  le  sort  fatal 
que  cette  espèce  de  restauration 
prophétisait.  Kbengan  et  Da- 
MoxENE,  athlètes.  Ils  ont  été  ex- 
posés, il  y  a  quelques  années,  au 
salon,  et  ils  y  firent  peu  d'effet; 
c'est  une  imitation  de  cette  natu- 
re courte,  épaisse  et  lourde,  qui 
servait  de  modèle  aux  anciens  sta- 
tuaires romains,  et  que  les  statuai- 
res de  la  nouvelle  Rome  ont  en- 
encore  chaque  jour  sous  les yeux. 
Ces  deux  statues,  de  grandeur  na- 
turelle, ont  été  dédiées  au  cardi- 
nal Consaivi,  et  sont  placées  au 
musée  du  Vatican.  Hébé  versant 
LE  KECTAR.  Cette  statue,  de  gran- 
deur naturelle,  a  pour  appui  un 
tronc  d'arbre,  singulièrement  pla- 
cé :  elle  appartient  à  l'empereur  de 
Russie.Bertinienafait  la  gravure. 
Hercule,  LANÇANT  Lycas  contre  vu 
ROCHER.  Cegroupe  colossalse  voit 
à  Rome,  dans  le  palais  du  ban- 
quier Torlonia,  ducde  Branciana. 
Napoléon,  ayant  le  sceptre  dans 
la  main  gauche,  et  dans  la  droite, 
un  globe  sur  lequel  on  voit  un 
génie  qui  tient  une  palme  et  une 
couronne.  Cette  statue,  que  quel- 
ques personnes  ont  désignée  sous 
le  nom  de  Mars  pacificateur,  est 
devenue,  par  un  caprice  de  la 
fortune,  la  propriété  du  géné- 
ral >Yellington.  Blucher  aurait  pu 
la  réclamer,  et  Bulow  aussi.  Cet 


cah 

ouvrage  peu  estimé  manque  de 
noblesse.  A  l'époque  où  il  fut 
composé ,  le  vainqueur  d'Aus- 
terlitz,  qui  cependant  avait  pour 
l'auteur  une  prédilection  mar- 
quée, ne  put  s'empêcher  de  sou- 
rire et  de  s'écrier,  en  se  voyant 
figuré  sous  des  formes  athléti- 
ques :  Canova  croit  donc  que  je 
Jais  mes  conquêtes  à  coups  de 
poing.  Le  dessin  de  cette  statue 
a  été  gravé  par  Racciani ,  et  Ca- 
nova  l'a  dédié  à  la  république  de 
Saint-Marin,  en  reconnaissance 
de  ce  que  cette  république  l'avait 
admis  au  nombre  de  ses  conci-» 
toyen.7.  Mausolée  te  Marie- 
Christine,     ARCHIDUCHESSE    d'Au- 

triche.  C'est  un  des  meilleurs 
ouvrages  de  l'auteur;  il  est  placé 
dans  l'église  des  Augustins ,  à 
Vienne,  en  Autriche.  Canova  a 
fait  graver  séparément  la  Bien- 
f aisance  ,  l'une  des  figures  de  ce 
mausolée,  et  l'a  dédiée  à  l'auteur 
des  Nuits  romaines,  et  de  la  Sa- 
pho  italienne,  le  célèbre  comte 
Verri.  La  mère  de  Napoléon,  de 
grandeur  naturelle,  imitation  de 
l'Agrippine  assise,  qu'on  voit  au 
Capitole;  elle  est  devenue  la  pro- 
priété du  duc  de  Devonshire.  Vb- 
Rus  VICTORIEUSE.  La  déessc  est 
couchée,  et  tient  la  pomme.  A  la 
vue  de  cette  statue,  le  lord  Caw- 
don,  à  qui  elle  est  dédiée,  enga- 
gea l'auteur  à  entreprendre  celle 
d'une  nymphe,  aussi  couchée, 
mais  dans  une  autre  attitude.  Ca- 
nova a  exécuté  cette  statue  ,  qui 
appartient  au  roi  d'Angleterre.  Une 
circonstance  remarquable,  c'est 
que  Vénus  victorieuse  est  of- 
ferte sous  les  traits  de  Pauline 
Bonaparte,  princesse  Borghèsc. 
VÉNUS  SORTANT  DU  BAIN  ;  le  carac- 


CAN 

1ère  et  le  mouvement  de  la  tête 
sont  presque  les  mêmes  que  dans 
la  y'énus  deMédicis.  Thésée  vain- 
queur DL-  CENTAIRE,  grOUpe  Coloâ- 

sal,  formé  de  deux  blocs,  qu'on 
pourrait  appeller  deux  rochers  de 
marbre,  il  était  destiné  A  la  rille 
de  Milan.  Les  trois  grâces;  ce 
groupe  ,  remarquable  par  l'agen- 
cement gracieux  des  figures,  l'é- 
légance des  formes,  la  souplesse 
des  mouvemcns,  et  la  beauté  des 
têtes,  est  maintenant  voilé  parle 
jonr  sombre  et  brumeux  de  la 
Grande-Bretagne  :  il  appartient 
au  roi  d'Angleterre.  La  beligioS 
covronkée  et  radiée,  soutenant 
une  croix  et  un  écu,  sur  lequel 
9ont,  en  relief,  les  figures  de 
Saint-Pierre  et  de  Saint-Paul  : 
statue  colossale  de  16  palmes  de 
hauteur.  Canova  l'avait  offerte  au 
pape,  comme  un  hommage  et  un 
témoignage  de  reconnaissance. 
Des  dilficultés  se  sont  élevées 
quand  il  a  été  question  de  la  pla- 
cer» L'auteur,  voyant  qu'il  était  si 
difficile  de  trouver  à  Rome  une 
place  pour  la  Religion  ,  a  retiré 
son  oflVe  généreuse;  a  vendu  tout 
ce  qu'il  possédait  de  biens  dans 
les  états  romains,  et  a  fait  cons- 
truire, dans  son  pays,  un  monu- 
ment pour  sa  statue.  C'est  une 
rotonde,  dont  le  frontispice  est 
copié  strictement  sur  celui  du 
Parthenou  d'Athènes;  l'appareil, 
le»  dimensions,  la  construction 
sont  en  tout  semblables;  il  n'y  au- 
ra de  différent  que  la  matière.  Le 
Parthenon  d'Athènes  est  en  mar- 
bre ;  le  Parthenon  de  Possagno 
sera  en  pierre.  Parmi  les  autres 
ouvrages  de  Canova,  on  compte 
Mars  et  Véni;s;  la  Paix  et  le3 
<îBACBst  groupe  qui  appartient  au 


CAN  77 

roi  d'Angleterre.  Hector,  tenant 
une  épée  nue.  Ajax,  saisissant  son 
glaive.  Saint  Jean-Baptiste,  en- 
fant. Polymnie,  assise.  Terpsi- 
CHOHE  (cette  statue  appartient  au 
comte  de  Sommariva).  La  Pahc 
AILÉE,  foulant  aux  pieds  un  ser- 
pent. Elle  tient  de  la  main  droite 
un  rameau  d'olivier,  et  de  la  gau- 
che, un  sceptre  :  on  lit  sur  le  fût 
de  la  colonne ,  où  elle  s'appuie: 
Paix  d'Abo,  i8o5;  Paix  dt  Ca- 
madsg)'^  i8o4;  Paix  de  Frede- 
rickscham,  1809.  Cette  statue,  de 
grandeur  naturelle,  appartient  au 
comte  Roinanzoff.  La  Concorde, 
sous  les  traits  de  l'impératrice 
Marie-Louise;  elle  est  assise  te* 
nant  un  sceptre  et  un  disque.  La 
Piété,  statue  enveloppée  de  voi- 
les, et  les  mains  jointes,  mais 
seulement  par  l'extrémité  des 
doigts.  La  Dovceur,  figure  de 
femme,  assise;  une  autre  femme 
assise  :  c'est  Léopoldine  Pétérha- 
tj  Lichtenstein.  Cette  statue  a 
été  gravée  par  Berlini.  Lne  dan- 
seuse ,  ayant  pour  appui  un  tronc 
d'arbre.  Paris  tenant  la  pomme. 
On  a  vu  ces  deux  statues  à  Mal- 
maison;  elles  appartiennent  main- 
tenant i\  l'empereur  de  Russie. 
Decx  autres  danseuses,  de  gran- 
deur naturelle ,  l'une  tenant  des 
cymbales,  et  l'autre,  une  cou- 
ronne. La  statue  de  Washington. 
Le  héros  redevenu  citoyen  a  mi'* 
sous  ses  pieds  le  glaive  libérateur 
de  l'Amérique ,  et  grave  sur  des 
tables  les  constitutions  de  son 
pays.  Cette  statue  doit  être  pla- 
cée dans  la  salle  du  sénat  de  la 
Caroline;  Canova  I*a  dédiée  à  la 
{grande  nation  américaine.  Ou- 
tre les  mausolées  dont  nous  avons 
parlé,  (Canova  a  fait  le  tombeau 


r8 


CAN 


de  la  marquise  de  Santa-Crux ; 
tombeaji  commandé  par  cette  da- 
me ,  pour  sa  fille  ,  et  qui  leur  est 
devenu  commun,  ainsi  que  le 
constate  celte  simple  et  touchan- 
te épitaphe  :  Mater  InJcLicissinia 

Jiliœ  etsibi.  {La  plus  malheureu- 
se des  mères ,  a  sa  fille ,  et  a  elle- 
même.^  Il  fit  de  plus  le  tombeau 
dJAlfieri,  où  il  a  représenté  l'I- 
talie, pleurant  sur  les  cendres  de 
ce  célèbre  écrivain.  Celui  de  l^ol- 
pato,  où  il  s'est  représenté  lui- 
même,  pleurant  la  perte  de  son 
ami.  Ceux  du  comte  Souza,  am- 
bassadeur de  Portugal  à  la  cour 
de  Rome;  de  Frédéric,  prince 
d'Orange,  et  un  cénotaphe  élevé 
à  la  mémoire  de  Jean  Fallieri, 
sénateur  véniticn:c'est  un  monu- 
ment de  la  reconnaissance  de  l'au- 
teur. Enfin  le  modèle  d'un  mau- 
solée pour  l'amiral  Nelson.  On  a 
encore  de  Canova  son  buste, 
fait  dans  des  proportions  colossa- 
les ;  enfin  un  cheval  destiné  à  por- 
ter la  statue  de  Napoléon.  On  dit 
que  ce  cheval ,  plus  grand  que 
tous  ceux  qui  existent  mainte- 
nant en  Europe,  devait  être  fon- 
du à  Naples,  et  était  destiné  à 
porter  une  statue  équestre  du 
roi  Ferdinand.  Cependant  Cano- 
va avait  modelé  ,  pour  ce  même 
cheval,  une  statue  de  Napoléon. 
Cette  statue  regardait  en  arrière; 
on  fit  observer  à  Canova  que 
cela  ne  plairait  pus  au  héros;  il 
répondit  :  t'  provache  sta  il  pri- 
m.0  di  tutti.  (Cela  prouve  qu'il  est 
le  premier  de  tous.)  Le  roi  Joa- 
chimfut  ensuite  tenté  de  s'élever 
sur  ce  grand  cheval ,  mais  la  for- 
tune ne  lui  en  laissa  pas  le  temps. 

,  Enfin  il  paraît  que  c'est  à  Charles 
III,  roi  d'Espagne,  qu'est  rèser- 


CAN 

vé  l'honneur  d'aller  à  la  postérité 
sur  ce  coursier  gigantesque.  La 
guerre  et  les  troubles  de  l'Italie 
en  éloignèrent,  pendant  quelque 
tempii,  Canova;  durant  les  an- 
nées 1798  et  1799,  il  voyagea  en 
Autriche,  et  en  Prusse.  Au  mois 
de  septembre  1802,  il  vint  en 
France,  appelé  par  le  premier 
consul  ;  l'institut  l'admit  au  nom- 
bre de  ses  associés.  C'est  à  cette 
époque  qu'il  fit  le  buste  colossal 
c^eiVf/y^o/eon,  qui  n'eut  pas  plus  de 
succès  que  la  statue,  livrée  depuis 
à  AVellington.  Canova  revint  à 
Paris,  au  mois  d'août  i8i5,  pour 
enlever  les  objets  d'art,  dont  la 
victoire  et  les  traités  avaient  en- 
richi le  Musée  français ,  et  dont 
la  France  fut  dépouillée  par  ce 
même  abus  de  la  iorce,  contre  le- 
quel de  fallacieusesproclamations 
annonçaient  que  tous  les  rois  de 
l'Europe  s'étaient  armés.  Canova 
eut,  ou  prit,  i  cette  occasion  le 
titre  à.^ ambassadeur  du  pape;  ce- 
lui à'emballeur  serait  plus  exact, 
dit  un  grand  personnage  ,  qui  se 
connaît  plus  en  missions  diplo- 
matiques qu'en  missions  ecclé- 
siastiques. Quoiqu'il  en  soit,  Ca- 
nova, entouré  de  portefaix,  se 
hâta  de  remplir  son  ambassade 
avec  un  vandalisme  qui,  au  cou- 
rage près,  rappelle  l'invasion  de 
l'ancienne  Rome  par  les  Barba- 
res du  Nord.  Son  expédition  une 
fois  faite  ,  Canova  se  rendit  en 
Angleterre  ,  où  il  reçut  du  prince 
de  Galles  unetabatière  enrichie  de 
dianians.  A  son  retour  à  Rome, 
l'académie  de  Saint-Luc  alla  en 
corps  au-devant  de  lui.  Le  talent 
de  Canova  lui  a  valu  dautres  dis- 
tinctions; le  pape  l'a  nommé  pré- 
fet des  beaux-arts  ù  Rome;  l'a  créé 


CAN 

rheyalier,  l'a  fait  marquis  d'Is- 
chia,-  lui  a  donné  une  pension  de 
mille  écus  romains;  et  enlin  dans 
une  audience  solennelle,  le  5jan- 
■vier  1816,  lui  a  remis  un  billet, 
annonçant  l'inscription  de  son 
nom  sur  le  livre  du  Capitole.  Le 
pape  a  beau  faire  :  c'est  Canova 
qui  est  noble,  et  non  le  marquis 
d'Ischia.  Le  talent  de  Canova 
manque  de  cette  étude  forte  de  la 
nature,  qui  donne  le  premier  rang 
aux  ouvrages  de  l'art;  ses  figures 
pèchent  presque  toujours  par  quel- 
que partie,  parce  qu'il  ne  consacre 
pas  assez  de  temps  à  les  étudier,  et 
peut-être  ,  parce  que  ses  connais- 
sances, comme  anatomiste ,  n'ont 
pas  été  poussées  assez  loin.  Mais 
il  a  du  feu,  de  l'énergie,  de  la  grâ- 
ce ;  et  il  possède  le  secret  de  don- 
ner à  ses  ouvrages  on  ne  sait 
quel  charme  qui  est  le  caractère 
particulier  de  son  talent.  Comme 
il  a  peu  travaillé  d'après  l'anti- 
que ,  ses  statues  ont  plus  de  sou- 
plesse que  celles  des  artistes  qui 
se  sont  formés  sur  des  modèles 
inanimés.  Ses  figures  de  femmes 
surtout  sont  faites  pour  inspirer 
au  spectateur  le  désir  de  voir  se 
réaliser  la  fable  gracieuse  dePyg- 
malion.  Non  content  de  ce  que 
son  talent  leur  donne  de  sédui- 
sant ,  Canova  abuse  de  procé- 
dés factices ,  pour  procurer  i\  son 
marbre  les  teintes,  le  velouté, 
le  brillant  dont  il  croit  avoir  be- 
soin. En  un  mot,  Canova  est  in- 
contcstnblemeot  un  artiste  d'un 
mérite  supérieur;  mais  on  l'a  sur- 
nommé, à  juste  titre,  le  Delille 
de  la  sculpture  :  il  a  fait  de  bons 
ouvrages  et  de  mauvais  élèves;  et 
comme  chef  d'école,  il  ne  peut  a- 
Toir  sur  l'art  qu'une  influence  pcr- 


CAN 


■9 


nicieuse.  Il  s'occupe  aussi  de  pein- 
ture; mais  ses  succès  en  ce  genre 
sont  si  malheureux  qu'ils  ren- 
draient ridicule  tout  autre  artiste. 
11  a  pour  ses  tableauxune  faiblesse 
vraiment  divertissante;  il  les  pré- 
sente au  public  avec  plus  d'amour 
peut-être  que  ses  statues.  Il  n'y  a 
qu'un  homme  de  son  talent  qui 
puisse  avoir  un  pareil  travers.  On 
a  vu  les  plus  beaux  génies  pré- 
férer leurs  plus  mauvais  ouvra- 
ges. C'est  comme  ces  bonnes  mè- 
res, qui  aiment  mieux  leurs  en- 
fans  contrefaits.  Fort  sensible  aux 
hommages  de  ses  rivaux,  il  en 
jouit  avec  un  abandon  qui  fait 
l'éloge  de  son  cœur.  Mais  on  peut 
lui  reprocher  une  faiblesse  peu 
excusable,  dans  un  homme  d'un 
vrai  mérite.  Canova  est  injuste 
envers  l'école  française;  envers 
cette  école,  qui  a  produit  plu- 
sieurs artistes  supérieurs  à  tout 
ce  qui  existe,  et  entre  autres  le 
divin  PugHt.  le  gracieux  Bouchar- 
don  ;  cette  école  qui,  malgré  la 
perte  douloureuse  et  récente  de 
Chaudet  et  de  Roland,  possède 
encore  des  lalens  qui  peuvent  a- 
voirdes  rivaux,  mais  qui  n'ont  de 
maîtres  que  parmi  les  chefs  de  la 
sculpture  française,  ou  les  grands 
artistes  de  l'antiquité.  Un  compa- 
triote célèbre  de  Canova,  a  laissé 
un  mémorable  exemple  du  senti- 
ment de  justice  que  se  doivent 
les  artistes  de  toutes  les  nations. 
Bernini,  appelé  en  France  pour 
refaire  la  colonnade  du  Louvre, 
répondit  aux  détracteurs  de  Per- 
rault par  un  cri  d'admiration. 
Ce  fait  seul  sulïirait  à  la  gloire 
du  célèbre  Italien;  une  belle  ac- 
tion vaut  encore  mieux  qu'un  bel 
ouvrage.  Canova,  toutefois,  ra- 


8o 


CAH 


chète  ce  tort,  peu  digne  de  lui, 
par  d'estimables  qualités.  Il  use 
honorablement  d'une  fortune  ac- 
quise par  des  travaux  honorables. 
Il  a  fondé  des  prix,  et  doté  tou- 
tes les  académies  de  Home.  Il  ré- 
serve des  fonds  pour  faire  travail- 
ler les  jeunes  artistes,  et  pension- 
ner ceux  qui  sont  âgés  et  malheu- 
reux. Accessible  à  de  nobles  sen- 
limens  de  générosité  et  d'affec- 
lioli,  il  associe  à  sa  fortune  son 
vieil  ami  d'Esté,  sculpteur,  qui 
futd'abord  sou  chef  d'atelier;  en- 
fin il  vit  dans  une  union  parfaite 
avec  son  frère,  l'abbé  Canova, 
homme  instruit  et  savant  hellé- 
niste. Les  ouvrages  de  Canova 
ont  été  gravés  parVitali,  Bertini, 
Marchetti  ,  Raciani  ,  Bertinelli, 
Cameroti,  Bonato  et  Fontana. 
L'auteur  en  a  formé  le  recueil;  et 
M.  Boudin,  chez  lequel  il  se  trou- 
ve, a  placé  en  tête  le  catalogue 
de  ses  ouvrages,  imprimé  en  ma- 
gnifiques caractères  de  Didot. 

CANOVAI  (Stanislas),  prêtre 
des  Ecoles-Pies ,  naquit  à  Flo- 
rence, le  27  mars  1740-  Il  fit  ses 
études  à  l'université  de  Pise;  s'a- 
donna particulièrement  aux  ma- 
thématiques, et  devint  professeur 
de  cette  science,  d'abord  à  Cor- 
tone,  ensuite  au  collège  de  Parme. 
La  petite  ville  de  Cortone  possè- 
de deux  académies,  l'une  des 
sciences,  l'autre  d'antiquités  é- 
trusques.  Le  Père  Canovai  ayant 
été  reçu  membre  de  celle-ci,  en- 
richit les  recueils  de  celte  société 
d'un  grand  nombre  de  disserta- 
tions savantes.  Le  comte  de  Dur- 
fort,  ambassadeur  de  France  eu 
Toscane  ,  avait  fondé  un  prix 
pour  l'éloge  d'Améric  Vespuce. 
Canovai   remporta   ce   prix,  en 


GAN 

1788.  L'ouvrage  qu'il  composa 
sur  ce  sujet  contient  des  obser- 
vations philosophiques  ,  et  Ati 
assertions  singulièrement  remar-' 
quables  par  leur  nouveauté.  Après 
avoir  exposé  ses  idées  sur  le  bien 
et  le  mal  qu'a  produit  la  décou- 
verte du  Nouveau-Monde;  après 
avoir  établi ,  à  sa  manière,  le  de- 
gré de  lumières  et  celui  du  pro- 
grès des  sciences  où  ce  pays  pour- 
ra parvenir,  l'auteur  finit  par  sou- 
tenir, contre  l'opinion  générale, 
que  c'est  véritablement  Améric 
Vespuce  qui  a  fait  la  découverte 
de  ce  nouveau  monde,  ainsi  que 
du  Brésil,  et  que  Christophe  Co- 
lomb n'aborda  en  Amérique 
qu'une  année  après  Vespuce.  Le 
discours  de  Canovai  était  accom- 
pagné de  différentes  pièces ,  à 
l'appui  de  son  assertion.  Au  nom- 
bre de  ces  pièces,  se  trouvait  une 
lettre  prétendue  autographe  d'A- 
méric Vespuce,  dont  il  fondait 
l'authenticité  sur  la  constructiort 
des  phrases,  et  les  mots  espa- 
gnols de  ces  temps -là.  Une  expli- 
cation claire  et  satisfaisante  du 
texte  de  cette  lettre  appelait  une 
grande  faveur  sur  son  opinion; 
mais  Canovai  trouva  des  contra- 
dicteurs. M.  le  comte  Jean  Galéa- 
ni  Napione,  de  l'académie  de  Tu- 
rin, avait  publié  précédemment 
une  dissertation  qui  semble'prou- 
ver  que  Christophe  Colomb  est  né 
dans  un  village  du  Montferrat  :  il 
fit  une  suite  à  cette  dissertattan  , 
sous  le  titre  à-'EXamen  critique 
du  premier  voyage  d Améric  V es- 
puce  au  Nouveau  -  Monde.  C'é- 
tait une  réponse  au  discours  de 
Canovai,  dans  laquelle  il  accor- 
dait la  priorité  à  son  compatriote 
Colomb,  et  lui  décernait  l'hon- 


GAN 

new  d'avoir  le  premier  reconnu 
rAmériquc.  Cette  dispute  polé- 
inico-hislorique  dura  quelque 
temps.  Le  Père  Canovai ,  homme 
de  lettres  distingué  ,  était  en  mê- 
me temps  un  ecclésiastique  ver- 
tueux, et  d'une  piété  exemplaire; 
ce  fut  lui  qui  assista  le  célèbre 
Alfiéri,  dans  ses  derniers  mo- 
niens.  Canovai ,  plus  âgé  de  neuf 
ans,  lui  survécut  huit  ans  encore, 
et  mourut  à  Florence,  le  17  no- 
vembre 1811,  généralement  re- 
gretté de  tous  les  habitans  de  cel- 
te grande  ville.  Indépendamment 
des  ouvrages  académiques  dont 
nous  venons  de  parler,  Canovai 
a  publié  :  i"  Disscrtazione  suUc 
vicende  dcLle  longitudini  f^cogra- 
ficlie  da'tempi  di  CesareAngusto 
fino  ÎL  qiiello  di  Carlo  (juinto;  2" 
Riflezioni  sul  nietodo  di  risolvert 
l'Equazioni  mimer  iche  propos  te 
dal  signore  De  la  Grange;  3"  la 
traduction  en  italien  des  Leçons 
élémentaires  de  matiiéniatiques 
de  Lacaille,  ouvrage  devenu  clas- 
sique dans  les  écoles  militaires 
d'Italie. 

CANTACUZÈNE  (le  prisce), 
d'une  des  plus  anciennes  familles 
delaGrèce,suiviten  llussiela car- 
rière militaire,  avec  distinction, 
jusqu'au  grade  de  général-major. 
I^orsque  le  cri  de  la  liberté  se  fit  en- 
tendre, en  1 82 1 , dans  son  ancienne 
patrie,  le  descendant  de  l'auguste 
cénobite  du  mont  Athos  (JeanV, 
tmpereur  d'Orient),  n'hésita  pas 
un  moment  à  abandonner  sa  fem- 
me ,  ses  enfans ,  toutes  ses  espé- 
rances de  fortune,  pourallercom- 
buttre  sous  les  ordres  et  sous  les 
drapeaux  de  son  compatriote  Yp- 
jiilanti.  Le  bon  droit  ayant  mo- 
ujcutané  succombé  en  Moldavie 


GAN  81 

et  en  Valachie,  sous  le  nom- 
bre des  barbares  oppresseurs  des 
Grecs,  Gantacuzène  passa  dans 
le  Péloponnèse,  où  il  continue 
à  servir,  avec  un  zèle  et  un  cou- 
rage dignes  de  sa  patrie  et  de  son 
nom,  la  cause  sainte  de  la  li» 
bçrté. 

CANIJEL  (Simon),  lieutenant- 
général,  parait  être  du  petit  nom- 
bre de  ces  hommes  qui,   après 
avoir  embrassé  et  servi  la  cause 
de  la  révolution  avec  une  ferveur 
peut-être  trop  ardente,  en  sont 
ensuite   devenus  les   détracteurs 
les  plus  impitoyables,  et  ont  cher- 
ché à  effacer  d'anciennes  traces  en 
revenant  sur  leurs  pas.  Né  vers 
1767,  il  suivit  la  carrière  militai- 
re, et  y  fit  un  chemin  rapide  au 
commencement  de  la  révolution. 
Dès  le  milieu  de  1795,  il  était  em- 
ployé, à  l'armée  de  l'Ouest,  avec 
le  grade  d'adjudant<-général,   et 
l'on  en  trouve  la  preuve  dans, le 
Moniteur  du  12  août  de  la  même 
année.  Par  une  lettre  du  fameux 
Rossignol,  commandant  en  chef, 
au  ministre  de  la  guerre  Bouchot- 
le,  et  datée  de  Saumur  le  5,  ce 
général,  non  moins  connu  par  ses 
brigandages  et  ses  massacres  dans 
la  Vendée  que  par  ses  nombreu- 
ses défaites,  désignait  l'adjudant 
Canuel  parmi  les  officiers-géné- 
raux   qui  s'étaient  particulière- 
ment distingués  à  la  prise  de  Doué. 
Aussi  M.  Canuel  ne  tarda-t-il  pas 
i\  obtenir  de  l'avancement  :  il  de- 
vint général  de  brigade,  et  bien- 
tôt après  général    divisionnaire, 
le  28  novembre  suivant.  Il  était 
en  même  temps   membre  de  la 
société  populaire  de  Lorient,  et 
l'on  prétend  qu'il  présida  quel- 
quefois les  députations  que  cetly 
C 


8a 


CAiN 


société  eiivoy:ut  à  celle  du  Fort- 
Louis,  nommé  alors  l'orl-Liber- 
té.  Ces  tlépiitations  avaient  j)our 
but  de  scruter  le  civisme  de  quel- 
ques fonctionnaires  de  cette  der- 
nière commune,  afin  de  provo- 
quer leur  épuration.  Mais  ayant 
vu  les  généraux  llunsin  et  NVes- 
termann,  s?es  anciens  chefs,  en- 
Toyès  à  Téchafaud  dans  les  pre- 
miers mois  de  1794»  voyant  aus- 
si Rossignol  sans  cesse  en  butte 
à  de  nouvelles  dénonciations,  le 
général  Canuel  pensa  qu'une  re- 
traite prudente  pourrait  seule  le 
soustraire  à  l'orage  dont  il  était 
menacé  lui-même.  Il  ne  reparut 
qu'en  1796,  sous  le  gouvernement 
directorial  ,  qui ,  après  l'avoir 
nommé  commandant  de  la  place 
à  Lyon,  l'autorisa  à  mettre  cette 
ville  en  état  de  siégé.  On  lit  dans 
le  Moniteur  du  9  thermidor  an  5 
(27  juillet  1 797),  une  motion  d'or- 
dre faite  À  la  séance  du  conseil 
des  cinq -cents,  du  6  thermidor 
(24  juillet),  par  iM.  Mayeuvre,  dé- 
puté du  llhône,  pour  empêcher 
l'exécution  de  cette  mesure  révo- 
lutionnaire, motivée  sur  le  prétex- 
te frivole  qu'il  se  trouvait  à  Lyon 
des  ém  igrés  rentres  o  u  des  prévenu  s 
occupés  de  leur  radiation.  Lyon 
n'en  fut  pas  moins  mis  en  état  de 
siège  quelque  temps  après.  Le  gé- 
néral Canuel  ne  fut  employé  dans 
l'armée  active,  ni  sous  le  consu- 
lat, ni  sous  l'empire;  il  comman- 
da seulement  quelques  places  for- 
tes, mais  pendant  tr€S-peu  de 
temps.  A  la  première  rentrée  du 
roi,  en  1814,  le  général  Canuel 
lui  offrit  >es  services,  qui  furent 
agréés.  Lorsque  Napoléon  revint 
de  l'île  d'Elbe  au  mois  de  mars 
iliiS,  il  se  retira  en  Anjou,  dans 


CAN 

une  terre,  et,  pour  faire  oublier 
ses  campagnes  révolutionnaires 
de  la  Vendée,  il  alla  se  réunir  en- 
suite aux  Vendéens  insurgés.  Il 
avait  servi  contre  eux  sous  le  gé- 
néral Rossignol;  il  servit  avec  eux 
sous  le  marquis  de  Larochejaque- 
lein,  et  devint  chef  d'état-major. 
Après  la  seconde  rentrée  du  roi, 
le  département  de  la  Vienne  le 
nomma,  au  mois  de  septembre, 
membre  de  la  chambre  des  dé- 
putés, stigmatisée  du  nom  d'm- 
trouvablc.  Il  y  vota  constamment 
avec  la  majorité.  Dans  la  séance 
du  19  janvier  181G,  il  proposa 
qu'il  fût  accordé  des  pensions  aux 
sous -officiers  et  soldats  des  ar- 
mées catholiques  et  royales  de  la 
Vendée,  qui  auraient  reçu  des 
blessures  graves,' et  il  termina  son 
long  discours  en  déclarant  qu'il 
regrettait  de  ne  pas  savoir  manier 
la  plume  comme  l'épée.  Par  or- 
donnance du  17  mars  1816,  le  gé- 
néral Canuel  fut  appelé  à  présider 
un  conseil  de  guerre  chargé  de 
juger  à  Rennes  le  général  Travot 
[lioyez  Travot).  Le  conseil  pro- 
nonça la  peine  de  mort,  ([ui  ce- 
pendant fut  commuée;  mais  le  gé- 
néral Canuel  dénonça  d'olfice  au 
procureur  du  roi  et  aux  ministres 
les  mémoires  des  avocats  du  gé- 
néral Travot,comme  attentatoires 
à  la  majesté  royale,  bien  ([u'il-; 
n'eussent  eu  pour  objet  que  de 
faire  profiter  leur  client  du  bien- 
fait de  Tamnistie.  Ces  avocats  re- 
poussèrent l'accusation  avec  tant 
d'énergie  et  de  justesse  que  la 
dénonciation  du  général  Canuel 
n'obtint  pas  le  succès  qu'il  s'en  é- 
tait  promis.  Au  commencement 
de  la  môme  année  181G,  il  avait 
été  envoyé  dans  la  vilie  de  Lyou 


I 


CAN 

en  qualité  de  commandant  de  la 
if)""  division  militaire.  11  lut  ac- 
cusé d'avoir  créé  des  agens  pro- 
vocateurs pourorj^auibcr  des  cons- 
pirations, dans  lesquelles  furent 
enveloppés  tout  à  la  l'ois  des  hom- 
mes qui  avaient  marqué  dans  la 
révolution  à  dilïërentes  époques, 
beaucoup  d'autres  qui  ne  s'étaient 
l'ail  connaître  que  par  leur  atta- 
chement à  la  charte,  et  un  plus 
graiid  nombre  d'hommes  sin»- 
ples,  que  la  misère  avait  rendus 
accessibles  à  de  periides  sugges- 
tions. Ou  lui  rcj)rocha  d'avoir, 
dans  ses  rapports  au  ministère, 
converti  en  conjuration  contre 
l'autorité  royale  les  attroupemens 
que  la  disette  des  subsistances  a- 
vait  provoqués  ,  et  d'avoir,  sous 
ce  prétexte,  envoyé  à  la  mort,  par 
l'organe  d'une  cour  prevôtale,  de 
malheureux  pavsaiis  qui  deman- 
daient du  pain!  Ces  accusations, 
portées  par  des  hommes  coura- 
geux et  amis  de  leur  |)ays  (vojytz 
Chabriek-Sainseville)  ,  engagè- 
rent le  gouveinenient  à  envoyer 
ù  Lyon  un comuiissaire  spécial,  in- 
vesti de  grands  pouvoirs,  et  char- 
gé de  recueillir  sur  les  lieux  les 
reiiseigneniens  les  plus  exacts  sur 
cette  affaire.  M.  le  maréchal  Mar- 
mont,  duc  de  Kagtise  ^vc^ez  Mau- 
mo>t),  remplit  cette  mission  ex- 
traordinaire avec  justice  et  impar- 
tialité, et  l'on  ne  trouva  [xnnt, 
dans  son  rapport,  l'apologie  de 
la  conduite  du  commandant  Ca- 
nuel,  dont  la  nomination  l'ut  bien- 
tôt révo(p»ée.  Le  colonel  Fabvier 
(l'offz  Fabvier),  qui,  en  sa  qua- 
lité de  chef  d'état-major  du  mn~ 
réchal,  l'avait  accom|>agné  dans 
sa  mission,  fil  paraître,  sous  le 
titre  de  Lyon  en  iHi^,  le  récit 


CAN 


83 


des  événemens  déplorables  qui  a- 
vaient  aflligé  cette  malheureuse 
ville  sous  le  commandement  de 
M.  Canuel.  Celui-ci  attaqua  en 
calomnie  MM.  Sainneville  et  Fab- 
vier, au  mois  de  juillet  1818,  de- 
vant un  tribunal  de  Paris,  qui  ren- 
voya les  parties.  La  discussion  de 
cette  affaire  fut  remise  au  mois 
de  novembre  suivant,  à  cause  d'u- 
ne accusation  de  conspiration  por- 
tée par  le  gouvernement  contre 
M.  Canuel  lui-même,  qui  l'ut  dé- 
tenu cinq  mois  pour  ce  fait.  En- 
fin la  cour  d'appel  condamna  MM. 
Sainneville  et  Fabvier,  qui  se  dé- 
sistèrent sagement  de  leur  pour- 
voi en  cassation,  parce  que,  sui- 
vant la  législation  actuelle,  on  est 
réputé  coupable  de  calomnie,  si 
les  faits  argués  ne  sont  2)as  établis 
par  jugement.  Nous  ferons  obser- 
ver toutefois  que  M.  Canuel,  pré- 
sent à  l'audience ,  ne  répondit 
point  à  cette  apostrophe  vigou- 
reuse et  digne  des  Catiiinairi'.s, 
qui  lui  fut  adressée  par  M'  Fab- 
vier, frère  et  défenseur  du  colo- 
nel :  «INous  direz-vous,  général, 
«comment  il  s'est  fait  que  vous 
»ne  vous  soyez  jamais  battu  que 
«contre  des  Français.»  Voici,  au 
surplus,  comment  s'exprime,  au 
sujet  des  événemens  de  Lyon  de 
a8iG  à  1817,  l'auteur  aussi  éncrr 
gique  qu'impartial  de  la  Revue 
chionuloei'/iic  de  l'iiistoire  de 
France  (pag.  y^ç))  :  Quoique  bor- 
)>nés  à  de»  récits  non  olliriels,  il 
«est  bien  peu  de  Français  qui 
«n'aient  su  et  qui  n-e  restent  pé- 
«nétrés  q»ie  les  troubles  du  lUift- 
»ne  ont  été  provoqués  j)ar  les  dé- 
"lations  d'agens  subalternes,  et 
«que  plusieurs  autorités. plus  ou 
»  moins  élevées,  dont- ces  agens 


B4 


CAP 


"dépendent,  auraient  elles-mê- 
»  ines  été  complices  involontaires 
rtdii  plus  lâche  complot  que  puis- 
»sc  concevoir  la  perversité.  »  Le 
lieutenant-général  Canuel  a  été 
depuis  mis  à  la  retraite,  à  laquel- 
le son  âge  lui  donnait  droit. 

C ANZLER  (Jean-Georges) ,  né 
le  19  janvier  1740?  à  Burkhards- 
dorf  sur  le  Harz.  Il  fut  d'abord 
secrétaire  d'ambassade,  et  ensui- 
te conseiller  des  comptes  à  Dres- 
de. On  lui  doit  plusieurs  écrits  sur 
l'histoire  et  la  politique,  publiés 
les  uns  en  français,  les  autres  en 
allemand, et  parmi  lesquels  on  dis- 
tingue les  Mcnioires  pour  sen>ir 
à  la  connaissance  des  ajfaires 
politiques  et  économiques  du 
royaume  de  Suéde,  2  vol.  in-4'', 
1776. 

GANZLER  (FRÉDÉRic-TnÉoPHi- 
le),  né  le  25  décembre  1 764,  dans 
la  Poméranie  suédoise.  Après  a- 
voir  enseigné  les  finances  à  l'uni- 
versité de  Gottingue,  il  fut  nom- 
mé, en  1800,  professeur  ordinai- 
re à  l'université  de  Greifs-Walde. 
Il  a  publié  plusieurs  ouvrages 
très-utiles  sur  la  politique,  la 
géographie  et  la  statistique.  Les 
principaux  sont  :  Notices  hebdo- 
madaires des  cartes  géographi- 
ques, statistiques  et  historiques, 
ainsi  que  des  ouvrages  qui  trai- 
tent des  sciences  commerciales , 
Gottingue,  1788  —  1789,  deux 
vol.  in- 8°;  Traité  de  la  géogra- 
phie dans  toute  son  étendue,  ibid. , 
5  vol.  in-8°;  Archives  universel- 
les pour  la  littérature  géographi- 
que, historique  et  statistique,  etc. 
M.  Canzlcr  a  aussi  traduit  plu- 
sieurs ouvrages  anglais. 

CAPECELATRO,  archevêque 
tle  T^rcnte.  Ses  talcns  natuitls, 


GAP 

son  esprit  et  ses  études  auraient 
pu,  dans  le  cours  d'une  longue 
carrière,  faire  parvenir  M.  Ga- 
pccelalro  aux  honneurs,  peut-ê- 
tre même  aux  plus  grandes  digni- 
tés ecclésiastiques;  mais,  issu  d'u- 
ne des  plus  anciennes  familles  du 
royaume  de  Naples,  le  bonheur 
de  sa  naissance  l'y  fit  arriver  ra- 
pidement. Peu  de  temps  après  a- 
voirété  ordonné  prêtre,  il  futé- 
levé  à  l'épiscopat  et  obtint  l'ar- 
chevêché de  Tarente,  auquel  sont 
attachés  le  titre  et  les  prérogati- 
ves de  premier  baron  du  royau- 
me. Malgré  ses  dignités  et  sa 
qualité  d'archevêque,  il  se  mon- 
tra partisan  de  la  vérité  et  d'une 
saine  philosophie.  On  le  vit , 
combattant  avec  un  zèle  égal  tou- 
tes les  idées  gothiques,  tous  les 
genres  de  superstition  ,  écrire 
sous  le  voile  transparent  de  l'ano- 
nime,  contre  les  prétentions  de 
la  cour  de  Rome,  sans  cesser  de 
montrer  la  piété  qui  convient  à 
un  prélat.  Il  s'est  fait  remarquer 
dans  la  société  par  la  douceur  de 
son  langage,  l'urbanité  de  ses 
manières  et  son  caractère  chari- 
table. Il  accueille  les  étrangers 
avec  la  bienveillance  la  plus  ai- 
mable, et  se  plaît  à  leur  montrer 
sa  belle  et  riche  collection  de  ca- 
mées et  de  pierres  gravées.  Le  roi 
Joachim  acquit  cette  collection  à 
un  très-haut  prix,  mais  il  lui  en 
laissa  la  jouissance  en  lui  confé- 
rant le  titre  de  directeur  du  Mu- 
sée. Le  roi  Joseph  avait  nommé 
M.  l'archevêque  de  Tarente  con- 
seiller-d'état, et  l'avait  décoré 
du  grand-cordon  de  l'ordre  des 
Deux-Siciles.  En  1808,  le  roi  Joa- 
chim lui  eonfia  le  ministère  de 
l'intérieur,  et  peu   de   temps   a- 


I 


I 


CAP 

jMt'S,  il  fui  fait  premier  aninô- 
uier  de  la  leiiie.  Il  existe  de  ce 
prélat  distingué  un  ouvrage  de  la 
plus  haute  portée,  sur  ta  religion; 
c'est  sans  doute  pour  cela  qu'on 
ne  peut  se  le  procurer  en  Italie. 
La  France  sera  plus  heureuse: 
on  assure  qu'il  va  en  paraître  u- 
ne  traduction. 

C  A  PELLE  (Guillavme-Antoine- 
Benoit),  baron,  préfet,  conseiller- 
d'état,  ofTicier  de  la  légion-d'hon- 
ueur,  est  né,  le  9  septembre  1 773, 
à  Sales-Curan,  département  de 
rAveyron,  d'une  famille  qui  a  eu 
des  emplois  dans  la  magistrature. 
Quoique  à  peine  ûgé  de  i4  '^ns,  il 
embrassa  et  proclama  avec  enthou- 
siasme, en  1 789,  les  principes  du 
nouvel  ordre  de  choses,  qui  se  dé- 
veloppèrent à  cette  époque.  Ce  pre- 
mierélan  patriotique  le  fit  distin- 
guer dans  le  district  de  Milhaud;  il 
fut  député  par  cette  ville  ,  à  la  fé- 
dération de  juillet  1790.  INommé 
lieutenant  de  grenadiers,  dans  le 
2"*  bataillon  des  Pyrénées-Orien- 
tales, il  y  resta  pendant  les  an- 
nées 92  et  95 ,  et  fut  destitué ,  en 
94,  pour  cause  àc  fédéralisme. 
De  retour  à  Milhaud,  M.  Capelle 
s'y  maria  ;  il  commanda  la  garde 
nationale  jusqu'au  18  brumaire, 
époque  à  laquelle  le  gouverne- 
ment consulaire  ayant  été  pro- 
clamé, la  ville  de  Milhaud  lechar- 
gea  de  la  mission  d'usage  auprès 
du  nouveau  gouvernement.  M. 
Capelle  était  recommandé  à  M. 
le  ministre  de  rintérieurChaptal, 
et  fut  employé  dans  ses  bureaux , 
au  commencement  de  l'an  9.  A  la 
fin  de  la  même  année,  le  ministre 
le  fit  nommer  secrétaire-général 
du  département  des  Alpes-Mari- 
limes,  d'où  il  pa:)Sa,  eu  l'au  ij., 


CAP 


8.> 


en  la  même  qualité,  dans  le  dé- 
partement de  la  Stura.  Trouvant, 
peut-être ,  que  les  secrétariats- 
généraux  de  préfecture  étaient 
au-dessous  de  ses  moyens,  M. 
Capelle  ne  resta  que  quelque* 
mois  à  Coni,  et  se  rendit  à  Paris, 
pour  solliciterde  l'avancement.  Il 
attendit  deux  années,  et,  en  fé- 
vrier 1808,  il  devint  préfet  du  dé- 
partementde  la  Méditerranée  (Li- 
vourne).  La  nouvelle  mission  de 
M.  Capelle  semblait  lui  offrir  de 
grandes  difficultés  dans  sou  exé- 
cution. Sa  préfecture  confinait  a- 
vec  les  états  de  la  princesse  de 
Lucques  et  de  Piombino,  prin- 
cesse extrêmement  jalouse  de  son 
autorité.  M.  Capelle  trouva  le 
moyen  de  se  concilier  sa  bienveil- 
lance, sans  rien  sacrifier  de  ses 
devoirs.  La  meilleure  intelligen- 
ce régnait  entre  la  souveraine  et 
l'administrateur,  lorsque  l'empe- 
reur jugea  à  propos  de  changer  la 
résidence  de  M.  Capelle,  en  le 
nommant,  le  5o  novembre  1810, 
préfet  du  département  du  Léman 
(Genève),  où  il  se  signala  égale- 
ment par  une  bonne  administra- 
tion. Il  eut  cependant  quelque 
peine  à  se  faire  à  certains  usages 
des  Genevois.  Il  y  a  dans  leur 
ville  ,  depuis  un  temps  immémo- 
rial, un  grand  nombre  de  réu- 
nions, connues  sou^  le  nom  de 
Cercles  ;  et  chaque  cercle  a  un  ti- 
tre particulier,  Il  en  existait  un  , 
sous  le  titre  de  Cercle  de  l'égalité. 
Cette  dénomination  déplut  à  M. 
le  préfet.  Il  invita  les  membres  à 
lu  changer,  et  coi,iune  ils  s'y  re- 
fusaient, il  fallut  un  acte  légal 
pour  les  y  contraindre  :  ils  prirent 
alors  le  \.i\.rG  Ae  Cercle  des  mêmes. 
La  ville  de  Gcocvc  s'étaut  rca- 


86 


CAP 


due  aux  alliés  ,  en  181 5  ,  le  baron 
Capelle  rulaccnsé  ^le  n'avoir  point 
fait  les  dispositions  nécessaires 
pour  armer  la  population.  Un  dé- 
cret (lu  5  jaiiviei"  1814  le  sus- 
pendit de  ses  fonctions,  et  le  tra- 
duisit devant  une  commission 
d'enquête,  composée  des  conseil- 
lers-d'état Lacuée,  Héal  et  Fau- 
re;  ce  dernier,  cbarfré  du  rapport, 
disculpa  le  baron  Capelle,  qui 
cependant  ne  recouvra  sa  liberté 
qu'à  l'époque  de  la  restauration. 
Le  10  juin,  le  roi  le  nomma  pré- 
fet de  l'Ain,  et  dans  le  mois  d'oc- 
tobre suivant,  S.  A.  R.  Monsieur, 
passant  à  Bourg;,  lui  donna  la  croix 
d'officier  de  la  légion  -  d'hon- 
neur. Au  retour  de  Napoléon,  en 
181 5.  le  baron  Capelle  quitta 
son  département,  et  se  rendit,  le 
i5  mars,  à  Lons-le-Saulniei-,  au- 
près du  maré(îhal  Ney.  N'ayant 
pas  voulu  déférer  aux  ordres 
qu'il  en  reçut ,  de  retourner  dans 
sa  préfecture  ,  il  partit  pour  la 
Suisse,  d'où  il  rejoignit  le  roi  à 
Gand.  Il  eut  l'honneur  d'être  ad- 
mis plusieurs  fois  dans  le  con- 
seil de  S.  M.  Rentré  à  la  suite  du 
roi,  dans  le  mois  de  juillet,  son 
zèle  et  sa  fidélité  lui  valurent  la 
préfecture  du  Uoubs,  et  le  titre  de 
consciïler-d'ctat  honoraire.  1-1  vrnt 
de  Besançon,  en  décembre  181 5, 
pour  'déposer,  comme  témoin, 
dans  le  procès  du  maréchal  Ney, 
et  demeura  àParisj  où,  le  i" jan- 
vier 1816,  il  prit  place  au  conseil- 
d'état,  section  de  l'intérieur,  com- 
me conseiller  en  gervice  ordi- 
naire. Il  est  à  présent  secrétaire- 
général  du  ministère  de  Tinté- 
rieur.  '^' •■  '■•'- 

CAPELLtN  (G.  A.  P.,  BiHON 
de).  La  biographie  des  hom'rrtes 


CAP 

TÎvans  des  frères  Michaud  con- 
fond assez  souvent  les  hommes 
et  leurs  actions.  Par  exemple, -el- 
le fait  un  seul  article  Capelles  [Le 
hnron  F'an-di'r),  et  lui  accorde 
gratuitement  le  double  titre  de 
vice-amiral  hollandais  et  de  gou- 
verneur-général des  Indes  orien- 
talc-s  pour  la  Belgique.  Les  moin- 
dres inconvéniens  qui  résultent 
de  semblables  indications  sont  des 
anachronismcs,  des  incompatibi- 
lités, et  des  invraisemblances. 
Au  reste,  ces  sortes  d'erreurs  sont 
si  fréquentes  dans  la  biographie  en 
question,  que  nous  n'entrepren- 
drons pas  de  les  relever  toutes; 
nous  en  signalerons  quelques-u-« 
nés  seulement,  de  temps  à  autre,: 
pour  donner  au  lecteur  la  juste 
mesure  de  confiance  qu'il  doit 
accorder  aux  matériaux  préparés 
pour  l'histoire  par  des  investiga- 
teurs aussi  exacts  et  aussi  con- 
sciencieux. Le  baron  Capellen, 
gouverneur  -  général  des  Indes 
orientales  pour  la  Belgique,  et 
non  pas  vice-amiral  hollandais, 
est  né  à  Ltrecht;  il  est  fds  du  co- 
lonel Alexandre-Philippe,  le  mê- 
me qui,  en  178;;,  à  la  tête  du  par- 
ti patriotique,  s'enferma  dans 
Gorcum,  et  soutint  si  vigoureuse- 
ment le  siège  de  cette  place  con- 
tre un  corps  prussien,  entré  en 
Hollande  pour  soutenir  le  parti 
de  Guillaume  V.  Capellen  fils  re- 
çut une  éducation  soignée,  fit  de 
bonnes  études,  à  la  suite  desquel- 
les, aj'ant  été  nommé  secrétaire 
de  la  préfecture  d'IJtrecht,  il  y 
débuta  par  dotiner  les  preuves 
d'une  grande  perspicacité  dans 
les  affaires  publiques.  Ses  talens 
ne  restèrent  pas  long-temps  en- 
fouis dans  ce  premier  emploi;  le 


CAP 

roi  Louis  Bonap"arte  le  nomma 
préfet  (le  La  Frise,  en  1808.  Le 
baron  Capellen  se  fit  tellement 
remarquer  par  l'habileté  et  la  jus- 
tice qu'il  mit  dans  son  adminis- 
tration, qu'il  fut  bientôt  appelé 
ù  une  place  plus  importante.  Le 
roi  avait  conçu  pour  lui  beau- 
coup d'estime  et  d'amitié;  il  dé- 
sirait l'avoir  auprès  de  sa  person- 
ne, l'admit  dans  son  conseil-d'é- 
tat, et  lui  conûa  bientôt  le  mi- 
nistère de  linlérieur  de  son 
royaume.  Pendant  que  Capellen 
fut  ministre,  il  se  conduisit  avec 
une  grande  sagesse  et  la  plus  ra- 
re intégrité;  il  conserva  son  mi- 
nistère jusqu'à  l'abdication  du  roi, 
et  il  emporta  les  regrets  de  tous 
ceux  qui  l'avaient  connu,  soit 
comme  homme  public,  soit  com- 
me simple  particulier.  Le  baron 
Capellen  n'était  point  partisan 
du  nouveau  gouvernement  que 
Napoléon  venait  de  (^Qiiner  à  la 
Hollande,  il  ne  voubttMEiccepter 
aucun  emploi.  PendaH|kie  Louis 
Bonaparte  régnait,  il  avait  donné 
à  Capellen  le  titre  d'ami,  et  ce 
fut  en  cette  qualité  que  ce  dernier 
alla  lui  rendre  visite  dans  sa  re- 
traite en  Allemagne.  Ils  y  passè- 
rent ensemble  plu  sieurs  mois  dans 
la  plus  grande  intimité.  Les  évé- 
nemens  de  la  fin  de  i8i5  ayant 
donné  un  nouveau  prince  à  la 
Hollande,  ce  sotiverain,  qui  ap- 
prit tout  le  mérite  du  baron  Ca- 
pellen, le  nomma  ministre  des  co- 
lonies. Lorsque,  par  le  traité  de 
Vieime,  les  Belges  furent  desti- 
nés ù  former  avec  les  Hollandais 
le  royaume  des  Pays-Bas,  le  prin- 
ce jugeant  que  Capellen  pourrait, 
par  son  influence  cl  ses  haute» 
qualités,   lui  concilier  l'attache- 


CAP  87 

nient  de  ses  nouveaux  sujets,  lui 
donna  le  titre  de  secrétaire-d'é- 
tat extraordinaire,  et  l'envoya  ù 
Bruxelles  pour  remplir  cette  ho- 
norable mission.  Le  baron  Capel- 
len s'en  acquitta  dignement  et 
avec  succès.  Ce  fut  à  cette  épo- 
que et  dans  le  temps  où  il  était 
encore  à  Bruxelles,  que  le  roi  le 
nomma  gouverneur -général  des 
Indes  orientales  et  comman- 
deur de  l'ordre  du  Lion-Belgique. 
Il  partit  du  Tcxel  pour  sa  nouvel- 
le destination,  en  octobre  iSi  5,  à 
bord  du  vaisseau  i'Jrniral  E- 
i'ertzen,  faisant  partie  de  l'esca- 
dre commandée  par  le  contre-a- 
miral Bruyskes. 

CAPELLEN  (T.  F.  van).  Il  en- 
tra au  service,  en  1772,  comme 
aspirant  dans  la  marine  de  Hol- 
lande, et  six  ans  plus  tard  il  fut 
nommé  lieutenant.  Il  reçut  le  gra- 
de de  capitaine  en  1782  :  c'était 
la  juste  récompense  de  sa  bravou- 
re dans  le  combat  que  la  frégate 
le  liricl  avait  livré  à  la  frégate 
anglaise  The  Crept-nt ,  dont  elle 
s'était  emparée  après  une  lutte  o- 
piniâtre.  Chargé  du  commande- 
mentde/flCf'rè.yJlfitdiversescroi- 
sières  jusqu'en  if^a,  époque  à  la- 
quelle on  lui  confia  quelques  cha- 
loupes canonnières  pour  agir  con- 
tre l'armée  française,  qui  tentait 
l'invasion  de  la  Hollande.  Il  eut 
occasion  de  se  signaler  dans  plu- 
sieurs circonstances  durant  cette 
guerre;  mais,  en  1799,  quand  les 
Anglais  se  présentèrent,  il  dispo- 
sait en  partie  de  la  flotte,  qui  se 
rendit  sans  combattre  à  l'amiral 
Miltehell.  Traduit  bientôt  devant 
un  conseil  de  guerre,  et  condam- 
né à  mort  par  contumace,  il  res- 
ta en  Angleterre  jusqu'au  mois  de 


M 


(A? 


novembre  i8i5.  Juslific  por  les  é- 
vénemens  de  cette  époque,  M. 
van  Capellen  rentra  dans  son 
pays,  et  le  prince  d'Orange  le 
nomma  vice-amiral.  L'année  sui- 
vante, il  fut  chargé  d'aller  pren- 
dre possession,  au  nom  de  son 
souverain,  des  colonies  situées 
dans  les  Indes  orientales,  et,  à  la 
fin  de  i8i5,  il  eut  le  commande- 
ment de  l'escadre  de  la  Méditer- 
ranée. L'année  suivante,  au  mois 
d'août,  il  se  réunit  à  la  flotte  de 
l'amiral  anglais  Exmoulh,  et  il 
rendit  des  services  importans  con- 
tre Alger,  attaqué  par  les  deux 
flottes  combinées.  En  rendant 
compte  de  cette  expédition,  l'a- 
miral anglais  fit  l'éloge  de  la  con- 
duite du  vice-amiral  baron  de  Ca- 
pellen, ce  qui  lui  valut  la  décora- 
tion de  commandeurde  l'ordre  du 
Bain,  une  épée  d'honneur  envoyée 
par  le  duc  de  Clarence,  grand- 
amiral  d'Angleterre,  et  enfin  d'ho- 
norables remercîmens  de  la  part 
de  la  chambre  des  communes. 
Son  pays  le  récompensa  égale- 
ment, et  dès  le  mois  de  septem- 
bre de  la  même  année,  le  roi  Guil- 
laume réleva  au  rang  de  grand' 
croix  de  son  ordre. 

CAPMAMI  (don  Antonio  de), 
philologue  espagnol,  naquit  à  Bar- 
celone en  I749-  H  quitta  sa  ville 
natale  à  3o  ans  pour  venir  s'éta- 
blir à  Madrid.  Il  s'y  fit  bientôt 
connaître  comme  un  littérateur 
distingué,  et  fut  reçu  membre  de 
plusieurs  académies  et  sociétés 
savantes.  Il  travaillait,  en  1810, 
à  revoir  et  augmenter  un  diction- 
naire français-espagnol  qu'il  avait 
publié  cinq  ans  auparavant,  lors- 
que la  mort  vint  le  surprendre. 
Captoani  a  laissé  un  grand  nom- 


CAP 

bre  d'ouvrages  élémentaires  et 
critiques,  parmi  lesquels  on  distin- 
gue :  1"  Théâtre  historique  et  cri- 
tique de  l'éloquence,  en  cinq  vo- 
lumes, a°  la  P/iilosophie  de  l'é- 
loquence; 3°  VJrtde  bien  tradui- 
re du  français  en  espagnol;  4°  le 
Dictionnaire  français  -  espagnol 
déjà  cité,  en  tête  duquel  il  a  pla- 
cé une  dissertation  savante  sur 
les  deux  langues  comparées  en- 
semble. 5"  Discours  analytique 
sur  la  formation  des  langues  en 
général,  et  particulièrement  de 
la  langue  espagnole,  etc.  Capma- 
ni  est  encore  auteur  des  Mémoi- 
res historiques  sur  la  marine,  le 
commerce  et  tes  arts  de  Barce- 
lone. 

CAPO-D'ISTRIA  (le  comte), 
diplomate,  ministre  russe,  est  du 
nombre  de  ces  hommes  d'état  que 
les  mystères  du  cabinet  envelop- 
pent de  toutes  parts,  et  dont  les 
travaux  cachés  ne  se  manifestent 
au-dehoi|^ue  par  le  mouvement 
du  terra^Rous  lequel  ils  s'opè- 
rent. Le  comte  Capo-d'Istria  est 
né  à  Corfou,  vers  l'année  1780. 
Il  est  fils  d'un  médecin,  et  lui- 
même  étudia  la  médecine  k  Veni- 
se. Son  père  était  chef  du  gou- 
vernement des  Sept- Iles,  lors- 
que les  troupes  russes  vinrent 
les  occuper;  il  quitta  ses  fonc- 
tions à  l'époque  où,  par  suite  du 
traité  de  Tilsitt,  la  république  des 
Sept-Iles  fut  mise  sous  la  protec- 
tion armée  des  Français,  et  passa 
au  service  de  Russie  :  il  y  fut  d'a- 
bord employé  d'une  manière  as- 
sez subalterne  dans  les  bureaux 
du  comte  Roumienlzof,  et  fut  en- 
suite envoyé  près  de  l'ambassa- 
deur à  Vienne.  En  1812,  le  com- 
te Capo-d'Istria  fut  chargé  de  la 


CAP 

partie  diplomatique  n  l'armée  du 
Danube,  dont  l'amiral  ïchitcha- 
gof  venait  d'obtenir  le  comman- 
dement. Lorsqu'en  i8i5,  après  la 
retraite  des  Français,  cette  armée 
se  réunit  à  la  grande-armée  rus- 
se, il  continua  au  quartier-géné- 
ral, et  sous  les  jeux  de  l'empe- 
reur Alexandre,  ces  mêmes  f<mc- 
tions  que  nous  qualifions  de  di- 
plomatiques, faute  d'en  pouvoir 
spécifier  la  nature.  La  haute  idée 
que  l'empereur  conçut  des  talens 
de  ce  ministre  à  la  suite  des  ar- 
mées, lui  mérita  la  confiance  en- 
tière dont  il  se  trouva  bientôt  in- 
vesti, et  dès  lors  il  attacha  son 
nom  aux  divers  traités  d'alliance 
que  la  Russie  contracta,  en  iHi3, 
avec  tous  les  cabinets  de  l'Alle- 
magne. Après  la  guerre,  M.  Capo- 
d'Istria  fut  nommé  ministre  de 
Russie  près  de  la  confédération 
helvétique  :  il  n'occupa  cette  pla- 
ce que  pendant.quelques  mois,  et 
fut  rappelé  par  l'empereur,  qui  le 
nommasecrétaire-d'état  au  dépar- 
lement des  affaires  étrangères, 
fonctions  qu'il  partage  en  ce  mo- 
ment avec  le  comte  Nesseirode. 
CAPPERONIER  (l'abbé  Jeas- 
Ai'crsTis),  est  né  h  Montdidier, 
le  3  mars  1745  :  il  était  l'un  des 
conservateurs  de  la  bibliothè- 
que du  Roi.  Il  y  a  près  d'un  siè- 
f.le,  que  des  sujets  de  la  même 
famille  sont  en  possession  de  veil- 
ler sur  ce  précieux  monument. 
En  1753,  Jean  Capperonier,  on- 
cle de  ce  dernier,  obtint  cette  pla- 
ce, qu'il  occupa  jusqu'en  1775, 
époque  de  sa  mort.  Jean -Augus- 
tin était  alors  un  des  sous-gardes 
de  cet  établissement,  et  n'a  plus 
quitté  son  poste.  La  bibliothèque 
du  Roi;  80US  les  dénominations 


CAP  89 

diverses  de  nationale  et  dUmpi'- 
rialt,  a  constamment  vu  l'hon- 
nête Capperonier  dans  ses  gale- 
ries immenses  :  il  y  a  passé  tran- 
quillement tout  le  temps  des  ora- 
ges de  la  révolution,  et  celui  de 
la  durée  des  différens  gouverne- 
mens  qui  se  sont  succédé  depuis 
trente  ans.  Ses  talens  et  ses  ser- 
vices lui  ont  mérité  d'être  nom- 
mé membre  de  la  légion-d'hon- 
neur; ce  fut  Napoléon  qui  l'en 
jugea  digne.  Capperonier  est  mort 
en  décembre  1 820.  Il  a  donné  d'ex- 
cellentes éditions  de  plusieurs  au- 
teurs latins,  parmi  lesquelles  on 
dislingue:  x"  Académiques  de  Ci- 
céron,  avec  le  texte  latin  ,  de  l'é- 
dition de  Cambridge,  et  des  Re- 
marques nouvelles ,  etc;  '2.'  Quin- 
tilien,  de  l'institution  de  l'orateur j 
traduit  par  l'abbé  Gédoyn. 

CAPRARA,  cardinal,  prêtre 
du  titre  de  Saint-Oniiphre ,  etc. 
Il  est  né  à  Pologne,  le  29  mai 
1753.  11  préféra  au  nom  de  son 
père,  le  comte  François  de  Mon- 
tecocolli,  celui  de  sa  mère,  der- 
nier rejeton  de  la  maison  de  Ca- 
prara.  Ses  connaissances  dans  le 
droit  politique,  auquel  il  s'était 
particulièrement  adonne,  le  firent 
remarquer  du  pape  Benoit  XIV, 
qui  l'envoya  à  Ravenne,  avec  le 
titre  de  vice-légat  :  il  n'avait  pas 
encore  vingt-cinq  ans.  En  1767, 
il  était  nonce  ù  Cologne;  il  ins- 
pira de  l'estime  à  Timpératrice 
Marie-Thérèse,  et  elle  obtint  pour 
lui,  en  1775,  la  nonciature  de 
Lucerne.  En  1786,  Caprara  se 
rendit  i\  Vienne,  et  en  1792,  il 
reçut  le  chapeau  de  (cardinal.  L'an- 
née suivante,  la  vue  des  troubles 
qui  adligeaient  la  ville  de  Rome 
lui  fit  une  telle  impression,  que 


90 


CAP 


ses  jours  furent  en  danger.  En 
1801,  il  l'ut  envoyé  à  Paris  ,  avec 
le  titre  de  légat  àlattrc.  Il  avait 
été  nommé  évêqued'Iesi,  l'année 
précédente.  Dans  la  cérémonie 
du  28  germinal  an  10  ,  à  l'occa- 
sion du  rétablissement  du  culte 
en  France,  le  cardinal  Caprara 
entonna  le  TeDeuni.  Depuis  cet- 
te époque  il  publia  plusieurs  brefs 
dictés  par  l'esprit  de  tolérance, 
qui  l'anima  constamment.  En 
i8o5  il  accompagna  le  premier 
consul  à  Bruxelles ,  et  il  fut  nom- 
mé archevêque  de  Milan.  C'est 
dans  cette  capitale  de  l'ancienne 
Lombardie,  qu'il  sacra,  au  mois 
de  mai,  i8o5,  l'empereur  Napo- 
léon, comme  roi  d'Italie.  Le  car- 
dinal Caprara  est  mort  le  21  juin 
1810;  il  a  été  inhumé  dans  l'égli- 
se de  Saiute-Gieneviève,  à  Paris, 
où  son  oraison  funèbre  a  été  pro- 
noncée par  M.  de  Rozan.  Véritable 
prélat,  distingué  plus  encore  par 
ses  vertus  que  par  les  dignités 
ecclésiastiques,  il  dut  à  la  seule 
noblesse  de  son  caractère  ,  la 
considération  dont  il  a  joui  au- 
près du  gouvernement  français. 
Plein  d'une  touchante  humanité, 
il  ne  croyait  pas  qu'il  suffît  de  re- 
commander en  chaire  le  soulage- 
ment des  pauvres.  Ou  n"a  pas  ou- 
blié dans  Vienne,  son  empresse- 
ment généreux  à  secourir  les  ha- 
bitans  d'un  faubourg  inondé  par 
le  Danube.  Dans  son  diocèse  d'ie- 
si,  en  1800,  la  rigueur  de  l'hi- 
ver fut  suivie  d'une  disette  extrê- 
me. Le  cardinal  s'étant  assuré  par 
ses  propres  yeux  des  besoins  du 
peuple,  ne  se  borna  pas  à  vider  ses 
greniers  pour  y  subvenir,  ou  à  se 
dépouiller  de  ce  qu'il  avait  d'ar- 
gent; il  emprunta  de  fortes  som- 


CAP 

mes  :  il  regarda  comme  un  devoir 
apostolique,  de  faire  pour  ses  dio- 
césains, dans  leur  malheur,  tout 
ce  que  des  particuliers  entrepren- 
draient pour  le  rétablissement  de 
leurs  affaires,  et  pour  le  juste  in- 
térêt de  leurs  familles.  L'anec- 
dote suivante  prouvera  quelle  ex- 
tension le  cardinal  Caprara  don- 
nait quelquefois  à  ses  politesses, 
et  combien  il  désirait  que  cha- 
cun pût,  à  son  tour,  y  paiticiper. 
Durant  son  séjour  à  Paris,  il  a- 
vait  coutume  de  recevoir  succes- 
sivement les  hommes  les  plus  re- 
marquables de  Pépoque,  et  l'al- 
manach  impérial  servait  de  gui- 
de à  sesinvitations.  Un  jour,  l'ins- 
tant du  dîné  se  trouvant  considé- 
rablement retardé  par  l'absence 
d'un  convive,  on  en  vint  aux  ex- 
plications :  ce  convive  en  retard 
était  mort  depuis  six  mois. 

CAPURON  (Joseph),  né  ert 
Languedoc,  vers  Tannée  1755.  11 
étudia  à  la  faculté  de  médecine 
de  Montpellier;  il  y  fut  ensuite 
professeur.  C'est  à  Paris ,  où  il 
vécut  depuis,  qu'il  publia «i ° '\o- 
va  niedicinœ  elemtnta  ,  ii>-8", 
1804  et  1812;  2°  Aphrodisiogi-a- 
plùe  ,  ou  Tableau  de  la  maladie 
vénérienne ,  in-8",  1807;  5°  Nou- 
veau dictionnaire  de  médecine, 
chirurgie,  chimie,  botanique  ,  et 
art  vétérinaire,  in-8°,  1810  (ou- 
vrage fait  conjointem  entavecNj's- 
ten);  4°  Cours  théorique  et  pra- 
tique d'accouchemens  y  1811  — 
1816,  in-8°;  5°  Traité  des  mala- 
dies des  Jemmes ,  1812,  in-S";  6" 
Traité  des  maladies  des  enfans , 
1812,  in-8'';  •;"  Manuel  des  da- 
mes de  la  charité,  1816,  in-S". 

CARACCIOLI  (Loris- A5T0I-       „, 
he),  né  à  Paris,  en   1721,  mort 


CAR 

dans  cette  "ville  le  29  mai  i8o3. 
Cet  auteur  diin  grand  nonibre 
d'écrits  est  plus  connu  pai\t  dic- 
tionnaire des  ouvrages  anonimes 
et  pseudonymes,  où  se  trouve  le 
long  catalogue  de  ses  œuvres, 
que  par  ses  ouvrages  mêmes  :  sa- 
cres ils  .sunt ,  cuf  pfr.sonne  n'y 
louche.  Cependant  c'est  une  rai- 
ne où  les  prédicateurs  des  dépar- 
temens  trouveraient  d'abondans 
matériaux  et  même  des  sermons 
tout  faits.  Sous  les  règnes  de 
Louis  XV  et  de  Louis  XVI,  les 
orateurs  sacrés  auxquels  Dieu 
n'avait  accordé  ni  le  don  d'impro- 
viser, ni  celui  d'écrire,  ne  se  firent 
point  scrupule  de  s'approprier  les 
pensées  de  Caraccioli  ;  et  dans  un 
temps  où  la  prédication  est  rede- 
venue de  mode  sans  (\ue  le  talent 
de  la  chaire  soit  plus  commun, 
on  ne  voit  pas  pourquoi  les  écrits 
de  Caraccioli  ne  seraient  pas  mis 
à  contribution  de  nouveau  par 
les  missionnaires  et  prêcheirfs 
de  profession.  Voici  les  titres  de 
quelques-uns  de  ses  ouvrages  : 
Conversation  avtc  soi  -  même  ; 
Jouissance  de  soi -même;  les  Ca- 
ractères de  l'amitié;  le  véritable 
Mentor;  le  Cri  de  la  vérité  con- 
tre les  séductions  du  siècle.  Carac- 
cioli publia,  en  1774»  "n  recueil 
en  ?,  vol.  in-12,  (les  Lettres  les 
pUis  intéressantes  du  pape  Clé-^ 
ment  Xiy.  Sommé  de  produire 
les  originaux,  il  fit  imprimer,  l'an- 
née suivante,  des  lettres  en  italien 
qui  parurent  n'être  que  Ja  traduc- 
tion des  lettres  françaises.  Quoi 
qu'il  en  soit,  cet  ouvrage, très-su- 
périeur à  ses  autres  écrits,  est  le 
seul  peut-être  qui  mérite  d'être 
tiré  do  l'oubli  où  tous  sont  tom- 
bés. Dans  sa  jeunesse^  Caraccioli 


CAR 


9» 


voyagea  en  Italie,  en  Allemagne, 
en  Pologne,  Il  devint  professeur 
des  enfans  du  prince  de  Rewski, 
premier  sénateur  polonais.  Ses 
élèves,  lorsqu'il  eut  fini  leur  édu- 
cation, lui  firent  une  pension  de 
5ooo  fr.  ;  il  en  obtint  une  autre 
de  iMarie-Thérèse,  mais  il  les  per- 
dit toutes  deux  par  la  mort  de 
cette  princesse  et  la  dernière  ré- 
volution de  Pologne.  En  i7Ç)5,  le 
pensionnaire  des  rois  devint  le 
pensionnaire  delà  convention  na- 
tionale; il  en  obtint  un  secours 
annuel  de  3000  fr. ,  qu'il  a  reçu 
jusqu'à  la  fin  de  sa  vie. 

CARACCIOLO  (François),  a- 
miral  napolitain,  l'une  des  plus 
célèbres  victimes  de  cette  san- 
glante réaction  de  1799,  dans  la- 
quelle périrent  presque  tous  les 
hommes  qui  s'étaient  fiiit  remar- 
quer ou  par  un  grand  courage,  ou 
par  des  vertus  éminenles,  ou  par 
leuffs  bmiières  et  leurs  talens, 
(>aracci()lo,  après  avoir  obtenu  les 
premiers  grades  dans  la  marine 
napolitaine,  alla  achever  de  se 
former  et  compléter  son  instruc- 
tion dans  la  marine  anglaise.  Il  y 
développa  une  intelligence,  un 
courage  et  des  talens  qui  éveillè- 
rent l'inquiète  jalousie  des  An- 
glais, et  qui  peut-être  contribuè- 
rent plus  à  sa  perte  que  les  servi- 
ces qu'il  rendit  à  la  république 
Parthénopéenne.  Il  commandait 
les  vaisseaux  napolitains  qui  firent 
partie  de  la  flotte  combinée  à  la- 
quelle Toulon  fut  livré  en  1793; 
il  donna,  dans  cette  expédition, 
des  preuves  d'une  rare  intrépidi- 
té et  des  talens  les  plus  distingués. 
CararcioI(»se  trouvait  à  N'aplesen 
179H,  époque  où  les  évéucmens 
politiques  forcèrent  Ferdinand  IV 


çp  CAR 

à  se  retirer  en  Sicile.  Le  comman- 
dement des  bâtimens  de  guerre, 
qui  devaient  transporter  le  roi  et 
sa  famille  à  Palcrme,  fut  conflé  à 
cet  amiral;  mais  les  Napolitains 
ne  virent  pas  sans  étonnement  et 
sans  déplaisir  leur  monarque  ac- 
corder plus  de  confiance  aux  su- 
jets du  roi  d'Angleterre  qu'à  ses 
propres  sujets,  en  s'embarquant 
avec  sa  famille  sur  le  vaisseau  de 
l'amiral  Nelson.  Une  circonstan- 
ce malheureuse  fit  éclater  le  res- 
sentiment que  cette  préférence 
avait  fait  naître  :  presqu'à  la  sortie 
du  golfe  de  Naples ,  la  flotte  fut 
assaillie  par  une  furieuse  tempê- 
te; le  vaisseau  de  l'amiral  Nelson, 
et  presque  tous  les  bûtimens  an- 
glais, éprouvèrent  de  grandes  a- 
varies,  et  faillirent  à  périr  sur  les 
côtes  de  la  Sicile,  tandis  que  ceux 
de  Naples,  mieux  dirigés,  ou  plus 
heureux,  entrèrent  dans  le  port 
de  Paleime  sans  avoir  été  enctom- 
magés,  et  bien  avant  les  vaisseaux 
de  Nelson.  A  leur  arrivée,  les  é- 
quipages  napolitains  n'épargnè- 
rent pas  aux  Anglais  les  railleries 
et  les  sarcasmes.  Nelson  ne  parut 
pas  y  faire  attention;  mais  la  sui- 
te prouva  trop  combien  il  y  avait 
été  sensible.  Il  paraît  même  que 
ces  propos  furent  rapportés  à  la 
cour  et  envenimés  :  lorsque  Ca- 
raccioloy  parut,  il  fut  mal  accueil- 
li; on  lui  fit  entendre  qu'il  devait 
retourner  à  Naples,  et  il  y  revint. 
Bientôt  une  flottille  anglo-sicilien- 
ne parut  dans  les  eaux  de  Proci- 
da,  s'en)para  de  cette  île,  et  tenta 
un  débarquement  entre  Cume  et 
le  cap  de  Misène.  Le  matériel  de 
la  marine  napolitaine  avait  été 
détruit  par  les  ordres  de  la  cour 
au  moment  de  son  départ.  Il  ue 


CAR 

restait  qu'un  petit  nombre  de  bar- 
ques canonnières,  quelques  bom- 
bardes et  quelques  felouques  ; 
mais  Caracciolo  val  tit  à  lui  seul 
toute  une  flotte.  Il  ne  craignit 
point,  à  la  tête  de  ces  barques 
frêles  et  mal  armées,  de  soutenir 
l'attaque  de  la  flottille  ennemie; 
parvint  à  la  repousser,  et  après 
avoir  maltraité  les  Anglais,  ren- 
tra dans  Naples  aux  acclamations 
deshabitans.  Cependant  les  Fran- 
çais avaient  évacué  le  royaume; 
le  cardinal  1100*0  s'était  emparé 
de  la  capitale,  et  les  forts  lui  a- 
vaient  été  remis  par  suite  d'une 
capitulation.  Mais  la  femme  dont 
Hamilton,  ambassadeur  d'Angle- 
terre auprès  de  la  cour  de  Naples, 
avait  osé  faire  son  épouse,  et  qui 
alors  entretenait  avec  Nelson  un 
commerce  adultère,  accourut  de 
Palerme  pour  souiller  la  gloire  de 
son  amant,  en  lui  faisant  déclarer 
que  cette  capitulation  consentie 
et  signée  parle  cardinal  Ruffo, 
par  le  commandant  des  forces  na- 
vales anglaises  devant  Naples  , 
par  le  commandant  des  troupes 
françaises,  était  nulle  parce  qu'el- 
le avait  été  faite  sans  son  aveu. 
La  junte,  présidée  par  l'infâme 
Spéciale,  rendit  contre  Caraccio- 
lo une  sentence  de  mort.  Quand 
on  lui  annonça  son  arrêt,  il  était 
sur  le  pont  de  sa  frégate ,  expli- 
quant aux  personnes  qui  l'entou- 
raient la  cause  des  différences 
qu'elles  remarquaient  entre  la 
construction  des  bâtimens  anglais 
et  celle  des  bâtimens  napolitains. 
Il  écouta  froidement  sa  sentence, 
et  continua  ses  explications.  Le 
matelot,  qui  avait  l'ordre  de  pré- 
parer la  corde  destinée  au  suppli- 
ce de  son  amiral,  versait  des  lar- 


CAR 

mes  :  Allons,  dépêche-toi,  lui  dit 
Caracciolo  ,  //  est.  plaisant  de  te 
voir  pleurer  quand  c'est  moi  qui 
dois  être  pendu.  La  frégale  la  Mi~ 
neri'e,  aux  vergues  de  laquelle  il 
fut  attaché,,  se  trouvait  vis-à-vis 
le  quartier  de  Sainte- Lucie  ,  oi"i 
est  situé  le  palais  des  Caraccio- 
li.  On  voulut,  par  un  rairmement 
de  cruauté,  que  sa  famille  pût  ê- 
tre  témoin  de  son  supplice,  et  a- 
percevoir  son  corps  suspendu 
dans  les  airs.  Le  soir  il  fut  jeté  à 
la  mer.  Deux  jours  après  on  le  vit 
flotter  à  S.1  surface.  Le  corps  d'un 
amiral  napolitain  étranglé  pou- 
vait être  un  objet  agréable  aux 
yeux  de  ISelàon,  d'Acton  et  de 
leurs  complices.  Mais  en  aperce- 
vant le  cadavre  de  cet  homme 
qu'il  avait  aimé,  de  cet  homme 
la  gloire,  et  naguère  encore  l'es- 
pérance de  la  marine  napolitaine, 
soit  compassion,  soit  répugnan- 
ce, le  roi  témoigna  quelque  émo- 
tion; il  fut  permis  à  des  marins 
de  recueillir  le  corps  de  Carac- 
ciolo, et  à  sa  famille,  de  lui  ren- 
dre les  derniers  devoirs.  Ainsi  fi- 
nit cet  amiral,  que  son  courage, 
ses  talens,  sa  naissance,  appe- 
laient à  devenir  un  des  premiers 
marins  de  l'Europe.  Unissant  la 
vertu  au  génie,  que  n'eûl-il  pas 
fait  pour  sa  patrie  qu'il  aimait 
tant-,  si  la  jalousie  anglaise  ne 
l'eût  sacrifié  presqu'au  début  de 
sa  carrière? Caracciolo  et  JNelson 
vivent  encore  dans  le  souvenirdcs 
Napolitains,  et  chacun  d'eux  y  oc- 
cupe la  place  que  lui  ont  njéritéc 
ses  actions  :  à  la  honte  des  Anglais, 
ces  deux  noms,  désormais  insé- 
parables, iront  ensemble  à  la  pos- 
térité. La  véracité  dont  nous  fai- 
.••ons  profession  veut  que  nous  ne 


CAR 


9-^ 


terminions  pas  cet  article  sans  dé- 
clarer que  la  conduite  atroce  de 
Nelson  ne  fut  point  approuvée  par 
tous  ses  compatriotes,  à  beaucoup 
près.  L'un  d'eux,  le  comraodore 
James  Footes,  qui  commandait  le 
Suea^horse ,  protesta  hautement 
contre  la  violation  des  capitula- 
tions, et  dénonça  à  la  nation  an- 
glaise toutes  ces  horreurs  dont  le 
déshonneur  ne  s'est  pas  étendu 
sur  lui.  Dans  le  cœur  de  ce  noble 
oflicier  le  courage  s'allie  à  l'huma- 
nité, et  la  loyauté  à  la  politique. 

CARACCIOLO  (le  baillv  Saist- 
Érasme),  Napolitain;  connu  dans 
le  monde  par  ses  prétentions  à 
la  grande-maîtrise  de  l'ordre  de 
Malte,  à  laquelle  il  fut  élu,  le 
17  juin  18 15,  par  une  assemblée 
des  membres  de  cet  ordre ,  qui  se 
réunirent  dans  un  couvent  de  Ca- 
tane,  après  la  mort  du  grand-maî- 
tre de  Tommasi.  Cette  élection 
n'a  point  été  confirmée  par  le  pa- 
pe, à  qui  elle  fut  présentée.  Pen- 
dant que  Napoléon  régnait,  M. 
Caracciolo  attribuait  les  refus  du 
t^aint-père  à  l'empereur,  ou  à 
son  ministre  près  la  cour  de  Ro- 
me, le  cardinal  Fesch.  Depuis  la 
chute  de  Napoléon,  et  môme  de- 
pqis  sa  mort,  le  pape  n'a  pas 
changé  d'avis  sur  l'illégalité  de 
l'élection  de  Catane,  et  l'on  ne 
sait  à  qui  le  prétendu  grand-maî- 
tre attribue  maintenant  cette  per- 
sévérance. M.  Caracciolo  est  en- 
tré dès  sa  jeunesse  dans  l'ordre  de 
Malte.  Il  y  a  été  fait  successive- 
ment général  des  galères,  rece- 
veur, ministre  ,  président  de  la 
chambre  du  trésor,  président  de 
plusieurs  coDgrégations  et  grand' 
croix. 

CARAFFA  (Hector),  colonel 


<)4 


CAR 


napolitain.  Aussitôt  que  le  direc- 
toirc-exéciilit'eiitai)aiulonné  à  el- 
le-même la  it'publique  Pailhé- 
nopéeiine,  en  rappelant  les  trou- 
pes françaises  dans  la  Haute-lla- 
îic,  on  vit  éclater  des  insurrec- 
tions dans  toutes  les  provinces 
napolitaines  : Roccaromnii n .  i^ous 
Capoue;  /î/r///?/«G/îe,àSora;  Louis 
de  Gainbs,  à  Caserte;tS't7V//y>>rt,  ù 
Evoli;  le  cardinal  Rujfo,  enCala- 
brc,  à  la  tête  de  bandes  nonibieu- 
ses  et  l'éroccs ,  répandaient  de 
toutes  parts  le  massacre  et  l'in- 
cendie. Hector  Caraffa  comman- 
dait en  Fouille  ,  pour  la  républi- 
que :  il  joignit  aux  forces  de  la 
légion  dont  il  était  le  chef,  de 
nombreux  partisans,  et  l'autori- 
té de  son  nom;  mais  soit  impru- 
dence, soit  jalousie,  il  futrappe- 
lé  de  ces  provinces,  où  il  faisait 
régner  l'ordre,  et  envoyé,  avec 
son  corps,  à  Pescara,  pour  en 
former  la  garnison.  11  se  maintint 
diiis  cette  place,  même  après  les 
<  it)ilidalions  du  fort  Saint-Elme, 
de  Capoue,  et  de  Gaëte.  A  la  fin, 
forcé  de  se  rendre,  et  tombé  en- 
tre les  mains  des  royalistes,  il 
fut  mis  à  la  disposition  de  Spé- 
ciale, président  de  la  commission 
nommée  pour  juger  les  crimes 
d'état.  Condamné  à  mort,  il  mar- 
cha au  supplice  avec  intrépidité, 
ou  plutôt  avec  une  sorte  d'indif- 
férence dédaigneuse,  qui  mon- 
trait toute  la  force  et  toute  la 
fierté  de  son  âme. 

CARAMAN  (Thérésia  CAllAR- 
RUS  COMTESSE  i)e),  n'appartient  à 
l'histoire  que  par  l'influence  qu'el- 
le eut  sur  la  révolution  du  9  ther- 
midor an  5  (1794),  dont  la  mort 
Je  Robespierre  et  la  destructi»»n 
de  la  terreur  furent   les   cousé- 


CAR 

quences.  {Voytz  lart.  Taluen.) 
CARAMAN.  (Ar;>fsRiQiBT.) 
CARASCOSA  (le  baroa  Mi- 
chèle), fils  d'un  ancien  capitaine 
dans  l'armée  napolitaine,  naîjuit 
en  Sicile  et  servit  d'abord  cntu- 
n)e  enfant  de  troupe.  Lorsque  a- 
prés  le  premier  départ  de  Ferdi- 
nand IV  pour  la  Sicile,  les  Napo- 
litains voulurent  s'organiser  en 
répul)li(|ue ,  le  jeune  Carascosa 
prit  parti  pour  la  liberté.  Les  évé- 
neinens  de  la  guerre  ayant  ame- 
né à  Naples  le  cardinal  Rudo  et 
ses  bandes,  Carascosa  se  réfugia 
avec  d'autres  habitans,  dans  le 
fort  de  l'Œuf,  dont  la  capitula- 
tion fut  presque  aussitôt  viol<:e  que 
signée;  car  la  perfidie,  la  rétracta- 
tion des  promesses  les  plus  so- 
lennelles, l'infidélité  aux  engage- 
mens  les  plus  sacrés,  souillent 
moins  fréquemment  peut-être  les 
annales  des  autres  peuples  que 
celles  de  la  nation  napolitaine. 
Presque  tous  les  prisonniers  du 
fort  de  l'Œuf  périrent  par  la 
main  du  bourreau,  ou  dans  le  se- 
cret des  cachots.  On  ignore  com- 
ment Carascosa  parvint  à  se  sau- 
ver. Il  vécut  dans  l'obscurité  jus- 
qu'au retour  des  Français  à  Na- 
ples,  en  1806.  A  cette  époque,  il 
prit  du  service  dans  la  nouvelle 
armée,  et  fut  nommé  chef  de  ba- 
taillon au  1"  régiment  de  ligne. 
Ce  régiment  ayant  été  envoyé  en 
Espagne,  Carascosa  s'y  conduisit 
avec  courage,  et  reçut  un  coup 
de  feu  qui  lui  traversa  la  poitri- 
ne. Revenu  dans  le  royaume  de 
ÎSaples,  il  y  fut  élevé,  de  grade  eu 
grade,  parle  roi  Joachim,  jusqu'à 
celui  cle  lieutenant- général,  et 
nommé  commandeur  de  l'ordre 
des  Deux-Siciles,  et  il  obtiatdivers 


CAR 

tounnaudeniens  iniporlans.  En 
lui  donnant  celui  île  la  place  de 
Naples,  le  roi  fit  voir  toute  la  con- 
'  fiance  qu'il  avait  en  ce  général  : 
les  événemens  n'ont  pas  prouvé 
que  cette  confiance  fût  bien  pla- 
cée. Carascosa  avait  toujours  mal 
dissimulé  sa  haine  profonde  el  ar- 
dente contre  les  Français,  qu'il 
ue  regardait  qu'avec  un  œil  d'en- 
vie :  il  fut  placé  à  la  tète  d'une 
■r  des  divisioJis  de  l'armée  napoli- 
p^ine,  qui  réunies  aux  Autrichiens 
combattirent,  en  1814,  sans  gloi- 
re; et  avec  peu  de  succès, les  trou- 
pes françaises  commandées  par 
le  vi<||-roi  d'Italie,  Ln  an  après, 
eu  181 5,  Carascosa  combattait 
contre  ces  mêmes  Autrichiens,  et 
presque  sur  le  même  terrain.  De 
grands  revers  suivirent prompte- 
ment  le  faible  avantage  obtenu  à 
Nocera;  la  réputation  militaire 
que  le  général  Carascosa  s'était 
acquise  en  souffrit.  On  lui  repro- 
cha de  n'avoir  pas  fait  prison- 
rjiers  à  Cescnna,  2000  Autrichiens 
en  termes  dans  celte  place  mal  dé- 
fendue, mal  gardée,  et  qu'il  lui 
était  facile  d'investir.  Les  Napoli- 
tains a^ant  été  mis  en  déroute, 
Carascosa  se  retira  d'abord  dans 
Aucune  qu'il  déclara  en  état  de 
siège,  et  continuant  bientôt  sa  re- 
traite, il  ramena  sa  division  jus- 
cju'auprès  de  Capoue;  il  y  trouva 
les  troupes  autrichiennes  et  an- 
glaises, commandées  par  le  vieux 
général  Bianchi.  Carascosa  fut  un 
des  signataires  de  la  conventioa 
de  Casalanza,  où  les  généraux  de 
.loarhim  oul)Iiant  le  prince  et  la 
famille  qui  les  avaient  élevés  au 
rang  qu'ils  occupaient,  ne  stipu- 
lèrent (jiie  pour  s'assurer  les  gra- 
des, le?  titres  et  la  fortune  dont 


CAR 


9^ 


ils  avaient  été  accablés  par  le  cré- 
dule et  imprudent  Joachim;  Ca- 
rascosa fut  reconnu  lieutenant-- 
général,  mainteim  dans  ses  hon- 
neurs, et  conserva  jusqu'aux  do- 
tations qu'il  avait  dans  les  états 
du  pape.  Mais  le  roi  Ferdinand  rc- 
l'iisa  d'abord  de  l'employer  :  cet- 
te disgrâce  dura  peu,  il  obtint  le 
commandement  de  la  division  de 
la  terre  de  Labour,  et  enfin  le  plus 
ancien  objet  de  ses  vœux  secrets, 
le  portefeuille  du  département 
de  la  guerre  :  il  était  ministre  de 
ce  département  lorsque  la  révo- 
lution du  mois  de  juillet  1820  é- 
clata.  Carascosa,  dont  le  carac- 
tère est  peu  expansif,  ne  se  décla- 
ra d'abord  ni  pour,  ni  contre  cel- 
te révolution  :  soit  que  son  am- 
bition satisfaite  combattît  son  an- 
cien amour  pour  le  régime  cons- 
titutionnel, soit  que  connaissant 
les  troupes  napolitaines  et  l'in- 
constance <\y\  caractère  de  sa  na- 
tion, il  comptAt  peu  sur  le  triom- 
phe delà  liberté,  s'il  fallait  s'ar- 
mer et  combattre  pour  elle.  Le 
commaiidemeiil  de  la  principale 
armée  lui  fut  remis;  il  se  porta 
jusqu'aux  frontières  sur  les  con- 
fins de  la  terre  de  Labour.  Mais 
il  ne  fit  aucune  démonstration 
pour  attaquer  l'ennemi  qu'il  a- 
vait  en  tête.  Bientr)t  la  défection 
et  la  mutinerie  éclatèrent  parmi 
ses  troupes,  et  l'on  ne  sait  pas 
bien  par  qui  el  dans  quel  but  cet- 
te révolte  fut  excitée.  La  condui- 
te de  Carascosa  pendant  la  der- 
nière révolution  de  Naples  a  été 
plus  qu'équivoque  et  surtout  im- 
politique. Il  avait  trop  fait  pour 
ne  pas  se  compromettre,  et  pas 
assez  pour  assurer  le  succès  de  la 
cause  en  faveur  de  laquelle  il  ti- 


9« 


CAR 


rait  l'cpée.  Au  moment  où  nous 
écrivons,,  le  général  Carascosa 
s'est  soustrait  [)ar  la  fuite  à  l'or- 
dre qui  avait  été  donné  de  l'ar- 
rêter. Il  est  douteux  qu'il  se  re- 
lève de  cette  chute  :  sa  famille 
est  obscure  et  ses  amis  peu  nom- 
breux ne  sont  plusses  égaux,  lia 
fait  naître  deux  sentimeus  que 
rierj  ne  peut  ni  rassurer,  ni  désar- 
mer, la  crainte  dans  quelques  â- 
mes  faibles,  et  l'envie  parmi  des 
rivaux. 

CARAVITA  (d.  Nicolas),  che- 
valier napolitain,  quitta  son  pays 
et  abandonna  ses  possessions  lors- 
que les  Français  s'emparèrent,  en 
1806,  du  royaume  de  Naples.  U 
suivit  le  roi,  Ferdinand  IV,  en  Si- 
cile ,  et  y  resta  tout  le  temps  de 
l'exil  de  ce  prince.  A  son  retour 
à  Naples,  en  181  5,  Ferdinand  ac- 
corda une  pension  de  1600  du- 
cats  au  chevalier   Caravita.    Le 
décret  qui  lui  confère  cette  pen- 
sion, qu'il   n'avait  point  sollici- 
tée ,  est   conçu   en  termes  tou- 
chans,  qui  honorent  également  le 
roi  qui  l'a  rendu ,  et  le  sujet  qui 
en  est  l'objet.  Cet  acte  de  recon- 
naissance est  d'autant  plus  loua- 
ble,  que  c'est  ici  la  fidélité  qu'il 
récompense,  et  non  la  trahison, 
CARBON-DE-FLINS-DES-0- 
LIVIERS  (Claude-Louis-Marie- 
Emmanuel),   naquit   en  1767,  et 
appartenait  à  une  famille  distin- 
guée de  Reims.  De  bonne  heure, 
il  montra  son  goût  pour  la  poé- 
sie,  et  fit   d'abord  paraître    une 
Odt  sur  le  sacre  de  Louis  XFl. 
Carbon-de-Flins  vint  ensuite  à 
Paris,  pour  y  achever  ses  études. 
Voltaire  étant  mort ,  et  son  éloge 
ayant  été  proposé  au  concours, 
de  Flioî  composa  sur  ce  sujet  un 


CAR 

poëme ,   qu'il  publia,    quoiqu'il 
n'eût  pas  été  couronné.  Il  était  un 
des  beaux-esprits  pourvoyeurs  de 
l'Almanach  des  Muses.  Le  théûtre 
lui  doit  plusieurs  comédies,  qui 
ne  sont  pas  sans  mérite.  Le  Ré- 
veil d'Epiménide,   qui  parut  au 
commencement  de  la  révolution, 
et  fut  favorablement  accueilli  ;  la 
Jeune  hôtesse  ,  dont  \àLocandie~ 
ra,  de  Goldoni,  lui  donna  l'idée; 
la  Papesse  Jeanne ,  et  le   Mari 
directeur,  ou  le  Déménagement 
du  couvent.  On  doit  aussi  à  Car- 
bon-de-Flins une  satire  sur  l'Al- 
manach des  grands  homme»,  de 
Rivarol,    et  plusieurs  pièqlfc  de 
poésies  fugitives,  insérées  dans 
les  journaux  littéraires.  Doué  de 
plus  de  talens  que  d'esprit,  ses 
poésies  sont  moins  remarquables 
par  la  pensée  que  par  la  facilité. 
La  place  qu'il  a  occupée  dans  la 
littérature  est  néanmoins  si  peu 
importante,  qu'il  semble,  en  mou- 
rant, n'y  avoir  laissé  aucun  vide. 
Il  avait  la  manie  d'allonger  son 
nom.  Quand  il  fit  suivre,  par  le 
surnom  de  Des  Oliviers,  son  nom 
de  Flins,  qu'antérieurement  il  a- 
vait  fait  précéder  du  nom  de  Car- 
bon, le  poète  Lebrun  lui  adressa 
ce  distique  : 

Carbon-de-FIins-des-Oliviers 
A  plus  de  noms  que  de  lauriers. 

Il  est  mort  en  1806,  à  Vervins , 
où  il  occupait,  depuis  quelques 
années,  la  place  de  procureur  im- 
périal. 

CARBONARA  (Piebbe),  né  à 
Gènes,  en  1760,  était  avocat  dans 
sa  patrie,  lorsqu'il  devint  mem- 
bre du  petit  conseil  de  la  républi- 
que ,  dont  il  abandonna  la  cause , 
en  1 796,  à  l'approche  de  l'armée 


I 


CAR 

ff-aaçaise.  Carbonara  fut  un  des 
nouveaux  sénateurs  de  la  républi- 
que ligurienne,  organisée  par  le 
général  Bonaparte  ;  et  lors  de  la 
réunion  de  la  Ligurie  à  l'empi- 
re français,  Napoléon  le  nomma 
président  de  la  cour  impériale 
de  Gènes.  Il  fut,  bientôt  après, 
appelé  au  sénat-conservateur,  et 
en  faisait  encore!  partie  le  G  avril 
i8i4»  époque  i\  laquelle  il  donna 
son  adhésion  à  la  déchéance  de 
l'emperenr,  et  au  rétablissement 
du  trône  des  Bourbon.  Rentré 
dans  sa  patrie ,  M.  Carbonara  a 
été  créé,  par  ordonnance  du  roi 
de  Sardaigne,  du  27  mars  1816, 
président  d'une  commission  char- 
gée de  recevoir  les  réclamations 
Je  tous  les  créanciers  ou  fournis- 
seurs desétablissemens  pieux,  des 
chapitres,  abbayes  et  corpora- 
tions religieuses  de  l'état  de  Gè- 
nes, qui  n'auraient  pas  été  précé- 
demment admises  par  l'adminis- 
iration  française. 

CARBON  NEAU  (Nicolas-Ciiar- 
ies-Edocard),  un  de  ces  hommes 
qui  doiventà  leur  mort  touteleur 
célébrité.  Né  en  178*2,  à  Pont- 
rÉvèque,  il  fut  admis,  à  Compiè- 
gne  et  à  Châlons ,  au  prylanée 
militaire,  devenu  depuis  une  é- 
cole  des  arts  et  métiers.  Il  était 
tnaître  d'écriture  à  Paris,  lors- 
que Pleignier  l'entraîna  dans  l'obs- 
cur complot,  dit  des  putriules  de 
4  8it>.  C'étaitune  de  cesconspira- 
tions  qui  ne  naettentpas  l'autori- 
té en  péril,  clqui  sont  surtout  cri- 
minelles de  la  part  de  ceux  qu'on 
ne  punit  point.  Une  proclama- 
tion rédigée  par  Carbonncau,  le 
iit  traduire  devant  la  justice,  le 
27  juin  ,  et  condamner  ;\  mort  le 
4  juillet.  Son  pourvoi  devant  la 


CAR 


97 


cour  de  cassation  ayant  été  re- 
jeté, il  invoqua  la  clémencedu  roi; 
mais  il  fut  exécuté  le  28,  à  huit 
heures  du  soir,  avec  Pleignier  et 
Toleron.Carbonneau  ne  manquait 
pas  de  moyens;  il  se  fit  remar- 
quer par  une  éloquence  touchante 
dans  le  discours  qu'il  prononça 
devant  ses  juges.  Mais  on  voulait 
à  cette  époque  des  exemples  de 
sévérité ,  afin  d'engager  au  silen- 
ce le  plus  grand  nombre  des  mé- 
contens.  Ces  victimes  ,  trop  in- 
considérées, d'un  artifice  qui  eût 
passé  pour  de  la  politique  dans 
les  siècles  de  barbarie ,  subirent 
la  peine  capitale,  et  leur  supplice 
fut  réglé  avec  un  certain  appa- 
reil. Carbonncau  avait  montre 
d'abord  de  l'accablemènl  :  l'idée 
de  ses  enfans  et  de  sa  femme, 
plongés  dans  la  misère,  l'avait 
vivement  ému;  mais  au  dernier 
moment,  il  retrouva  tout  son  cou- 
rage. ■     .     . 

CARDENEAIJ,  baron,  maré- 
chal-de-camp.  Nommé,  en  1816, 
à  la  chambre  desdéputés, parledé- 
partcment  des  Landes;  il  a  volé 
assez  constamment  avec  le  cen- 
tre. En  1819,  il  se  prononça  con- 
tre les  lois  (jui  suspendirent  la  li- 
berté individuelle  et  la  liberté 
de  la  presse,  et  il  opina  en  faveur 
du  nouveau  système  électoral, 
modifié  par  des  amendemens. 

CARDON  (Antoine  Alexandre- 
JosEPu),  est  né  à  Bruxelles,  le  7 
décembre  lyôf).  Entré  fort  jeune 
dans  l'atelier  de  Pegna ,  peintre 
de  S.  M.  Marie-Thérèse,  alors  sou- 
veraine des  Pays-Bas,  Cardon  fit 
en  peu  de  temps  des  progrès  si 
rapides,  que  son  maître  l'ayant 
amené  avec  lui  à  Vienne,  cette 
princesse  lui  fit  une  pension  ,  «( 


9» 


CAK 


l'envoya  à  Roiuc  pour  y  leiuii- 
nar  ses  études.  Après  avoir  passé 
trois  ans  dar».s  ct-tle  capitale  dts 
urts ,  Cajdon  se  rendit  à  Naples  : 
i;e  fut  alors  qu'ayant,  en  quelque 
sorte,  abandonné  la  peinture,  il 
»e  livra  presque  enlièreinent  à  la 
gravure.  S'étant  lié  avec  Diincar- 
ville  ,  ce  célèbre  an)ateur  départs 
et  de  ranliqullé,  il  grava  une  par- 
tie des  planches  de  sa  collection 
d<fR  antiquités  étrusques,  grec- 
que;» et  romaines.  Cet  artiste  a 
gravé  aussi  plusieurs  tableaux  de 
la  galerie  du  duc  d'Aretnberg,  et  de 
celle  de  M.  Cobentzel.  Kn  i8i5, 
l'institut  des  Pays-Bas.  l'a  admis 
au  nombre  de  ses  membres. 

CAUDON  (Antoink),  fils  du 
précédent,  naquit  à Biuxelles,  en 
ijf72.  Son  père  secondant  ses 
heureuses  dispositions  pour  le 
dessin,  il  obtint  bientôt  plusieurs 
pris  à  l'académie  de  cette  ville. 
L'art  de  la  gravure  étant  devenu 
très-florissant  en  Angleterre,  Car- 
don passa  à  Londres  en  »79it,  et 
y  débuta  par  remporter  le  prix  à 
r^cadémie  de  dessin  de  celte  vil- 
le. J\«i*té  en  Angleterre  depuis 
c«fite  époq.ue ,  il  a  gravé  plusieurs 
irès-grands  sujets,  presque  tous 
relatifs  à  1  histoire  de  ce  pa\'s. 
Leg  principaux  sont  :  la  mariage 
de  Catherine  de  France  avec  Hen- 
ri V;  deux  estampes  représentant 
le*  victoires  remportées  par  les 
Ai*glais,  dans  l'Inde,  sur  Typpo- 
$iiïb.  La  bataille  d'Alexandrie  en 
jigypte  ;  le  combat  de  Maïda  ,  en 
Portugal  :  son  chef-d'œuvre  est 
la  t€n>me  adultère,  qu'il  a  gra- 
vée, d'après  llubens,  et  qui  t'ait 
pajtje  de  la  collection  du  mu- 
sée de  Londres.  En  général , 
évn  burin  «^t   ferme,  et  ses  es- 


CAR 

tampes  ont  un  sentiment  de  cou- 
leur. Cet  artiste  a  reçu  des  preu- 
ves de  la  munincence  de  l'empe- 
reur d'Autricho  et  du  roi  de  Na- 
ples. il  est  mort  à  Londres,  le  iG 
avril  i8i3. 

CARDONNEL  (Pieere-Salvi- 
Féuxdb),  néen  i77<»,à  Moneslier. 
En  1795,  le  département  du  Tarn 
le  nomma  député  au  conseil  des 
cinq-cents.  11  manifesta  dès  lors 
lei>sentimens  qu'il  a  toujours  con- 
servés; il  s'opposa  généralement 
aux  institutions  qui  devaient  con- 
sacrer en  France  les  droits  ré- 
clamés par  tous  les  peuples,  que 
de  certaines  habitudes  cessent 
d'aveugler.  Il  proposa  des  modi- 
fications à  la  loi  sur  le  divorce ,  et 
il  se  plaignit,  non  sans  raison,  de 
l'incapacité  des  notaires  de  cam- 
pagne. Bientôt  il  accusa  la  com- 
mune de  Toulouse;  il  lui  repro- 
chait de  favoriser  les  jacobins,  et 
il  avait  prorais  d'en  fournir  les 
preuves  ,  inais  il  ne  les  présenta 
point.  Quelque  temps  avant  la 
)ournée  du  18  fructidor  an  5,  M. 
Cardonnel  proposa  sérieusement, 
au  nom  d'une  commission  spé- 
ciale, qu'on  exceptât  des  lois  con- 
tre les  émigrés,  ceux  qui  avaient 
cultivé  les  lettres  et  les  arts  dans 
les  pays  où  ils  s'étaient  réfugiés: 
Guillemnrdet  tit  aisément  sentir 
que  c'était  un  moyen  pour  les 
rappeler  tous  en  France.  On  ne 
vit  plus  depuis  le^om  de  Car- 
donnel figurer  sur  la  liste  des 
orateurs;  il  comprit  lui-même 
qu'il  ne  fallait  pas  éveiller  l'atten- 
tion à  ce  sujet,  et  il  garda  le  si- 
lence jusqu'à  sa  sortie  du  conseil, 
le  20  mai  1798.  Par  une  erreur 
que  le  génie  même  n'absout  pas, 
Napoléou,  marchant  au  pouvoir 


CAR 

absolu,  écarta  quelques  amis  fidè- 
les de  la  liberté;  bientôt  môme 
il  employa,  avec  une  sorte  de 
préférence ,  ceux  qui  avaient 
roinpté  pour  peu  de  chose  les 
droits  du  peuple  :  en  leur  don- 
nant l'autorité  ,  en  s'entourant 
d'hommes  qu'entraînent  jour  par 
jour  leurs  intérêts  personnels,  il 
décidait  sa  chute  et  la  ruine  de 
tousses  des.seins,pourle  moment 
où  la  victoire  serait  inconstante. 
M.  Cardonnel  avait  été  appelé 
aux  fonctions  législatives,  dès 
que  son  Tige  l'avait  permis,  et, 
pour  lui  comme  pour  plusieurs 
autres,  le  moment  vint  de  mon- 
trer qu'il  est  dos  rencontres  où  la 
foi  jurée  fie  retient  pas  un  esprit 
qui  se  croit  maître  en  politi- 
que. L'année  qui  changea  pres- 
que tout  en  France,  ne  l'éloigna 
pas  du  corps-législatif;  il  vota 
cf>ntre  la  liberté  de  la  presse,  et 
en  faveur  de  la  restitution  des 
biens  des  émigrés.  Anobli  en 
1814  9  Al.  de  Cardonnel  fit  partie 
do  la  chambre  introuvable  de 
iSki5,  dont  il  fut  nommé  secré- 
taire, le  9  janvier  iHitj.  Plusieurs 
fois  on  le  vit  à  la  tribune ,  et  il  y 
appuya  la  proposition  de  confier 
flux  prêtres  les  registres  de  l'état 
civil.  Enfin  on  le  compta  parmi 
le»  membres  les  moins  modérés 
de  celte  chambre,  dont  les  minis- 
tres, effrayés  pour  eux-mêmes, 
se  virent  contraints  de  suspen- 
dre la  marche,  et  de  réprouver 
le  zèle  furibond,  par  l'ordonnance 
du  5  septembre.  Immédiatement 
après  celte  époque,  le  départe- 
ment du  Tarn  nomma  de  nou- 
veau M.  Cardonnel  ;  alors  il  s'éle- 
va contre  les  dernières  élections, 
et  dans  la  session  il«-i8 17  à  a8i8, 


CAR  99 

il  se  déclara  contre  la  loi  de  re- 
crutement. On  pense  bien  que 
M.  de  Cardonnel  a  voté  en  faveur 
de  toutes  les  lois  d'exceptions 
proposées  depuis,  et  l'on  sait  qu'il  * 
est  un  des  présidens  de  la  oour 
royale  de  Toulouse. 

CAREZ  (Joseph).  Il  Itait  im- 
primeur;'» Toul,  lorsque  le  dépar- 
tement de  la  Moselle  le  nomma, 
en  1791,  député  à  l'assemblée  lé- 
gislative, où  il  fut  membre  du  co- 
mité des  assignats.  Il  y  fit  remarJ- 
quer  sa  modération,  et  plusieurs 
fois  il  blâma  la  dureté  avec  la- 
quelle on  sévissait  contre  les  prê- 
tres qui  avaient  refusé  le  serment. 
Il  est  mort,  en  iSoi,  quelques 
mois  après  avoir  obtenu  la  sous- 
préfecture  de  Toul.  On  peut  le  re- 
garder comme  l'inventeur  du  r/Z- 
chage,  auquel  on  doit  surtout  la 
beauté  de  l'exécution  dans  les 
ouvrages  stéréotypés.  Hoffmann 
avait  hasardé,  sous  le  nom  de  po- 
lytypage,  des  essais  imparfaits. 
CarcB  ayant  deviné  son  procédé, 
vint ii  bout  de  le  perfectionner,  et 
y  appliqua  les  moyens  qu'em- 
ployait Âl.  Thouvenin  pour  tirer 
des  empreintes  do  médailles  d'u- 
ne grande  pureté.  Ce  qui  fait  en 
ce  genre  le  plus  d'hormeur  à  Ca- 
rez,  c'est  un  diclionniiire  de  la 
fable,  et  une  bible  en  nonpareille, 
grand  in-8".  Ces  deux  ouvrages 
surpassent,  quant  à  la  netteté  des 
caractères,  tout  ce  que  le  stéréo- 
typage  avait  produit  jusqu'alors. 

(^ARIATI  (lE  prince),  fils  du 
marquis  de  Fuscaido,  d'une  des 
plus  anciennes  familles  de  Maples, 
entra  au  service  dans  la  marine 
militaire  de  ce  royaume,  et  conti- 
nua d'en  faire  partie  sous  les  rè- 
gnes »i  ooujrtâ  de  Joseph  etd«  Jua- 


100  CAIV 

cliiin  ;  ce  dernier  le  fit  dubord 
colonel,  et  le  prit  pour  aide-de- 
cainp;  le  nomma  commandeur  de 
l'ordre  des  Deux-Siciles  ;  l'atta- 
♦  cha  à  son  palais  comme  introduc- 
teur des  ambassadeur» ,  maître 
des  cérémonies,  et  bientôt  après 
réleva  au  grade  de  maréchal-de- 
camp;  il  le  nomma  son  ministre 
plénipotentiaire  au  congrès  de 
Vienne,  en  mars  i8i5.  Le  but  de 
cette  mission  où  Cariati  avait 
pour  collègue  le  duc  de  Campo- 
chiaro,  était  de  faire  reconnaître 
la  souveraineté  de  Joachim  par 
les  puissances  européennes,  dont 
il  avait,  en  18 14?  trop  bien  servi 
la  cause ,  oubliant  dans  celte 
grande  circonstance  qu'il  était 
né  François,  et  qu'il  devait  à  la 
France  sa  gloire  et  sa  couronne. 
Placé  entre  Ihonneur  et  le  trône, 
il  opta  pour  la  royauté,  et  peut- 
être  eCit-H  obtenu  le  prix  de  sa  pre- 
mière détection,  si  une  seconde 
n'eût  amené  sa  perle.  A  la  suite  de 
la  déclaj'îiition  que  Joachim  lit  por- 
ter par  le  général  Filangieri  au 
fcld-maréchal  duc  de  Bellegârde, 
gouverneur  de  la  Lombardie,  dé- 
claration dont  il  fut  sur-le-champ 
donné  connaissance  au  cabinet 
autrichien,  le  prince  Cariati  dut 
quitter  Vienne.  Il  s'embarqua  à 
ïriesle,  se  dirigea  vers  Ancône, 
où  il  espérait  trouver  le  roi.  Mais 
déjà  Joachim  en  était  parti,  en- 
traîné parla  défection  de  ses  sol- 
dats et  la  trahison  de  leurs  chefs. 
Le  prince  Cariati  apprit  à  Pesca- 
ra  que  le  roi  était  arrivé  à  Naples 
le  1 1  mai  :  il  accourut  pour  l'y 
rejoindre,  et  ne  trouva  que  la 
reine  et  ses  enfans.  Tandis  que 
les  armées  autrichiennes  s'avan- 
çaient du  côté  de  la  terre,  des 


CAR 

vaisseaux  anglais  croisaient  dans 
la  rade  de  ^aples,  et  la  populace 
de  celte  ville,  toujours  avide  de 
pillage  et  de  meurtres  sans  pé- 
rils, semblait  prête  à  se  soulever, 
et  n'était  contenue  qu'avec  peine 
par  la  garde  bourgeoise.  Dans 
cette  situation  difficile,  Caroline 
fit  choix  du  prince  Cariati  pour 
négocier,  avec  le  commodore 
Campbell,  un  arrangement  qui 
pût  sauver  Naples  du  pillage,  et  la 
famille  royale  du  poignard  des 
Lazzaroni.  La  reine,  ses  enfans  et 
leur  suite  furent  récusa  bord  d'un 
vaisseau  anglais,  et  transportés  à 
Triestc.  Au  retour  du  roi  Ferdi- 
nand, le  prince  Cariati  fut  main- 
teim  dans  son  grade,  et  employé 
en  qualité  de  maréchal-de-camp. 
Au  mois  de  juillet  1820,  le  gou- 
vernemenllui  conféra,  souslesor- 
dres  du  général  Nugent,  alors  mi- 
nistre de  la  guerre  à  Naples,  le  com- 
mandement des  troupes  envoyées 
contre  les  insurgés  de  la  provin- 
ce d'Avelina.  Le  général  Nugent, 
qui  ne  s'était  point  attendu  à  trou- 
ver les  insurgés  en  si  grand  nom- 
bre, n'osa  prendre  sur  lui  la  res- 
ponsabilité des  événemens;  il  re- 
tourna à  Naples  chercher  des  ret«- 
forts,  et  prendre  les  derniers  or- 
dres du  roi.  Revenu  dans  son 
quartier-général,  il  trouva  la  pro- 
vince entière  sous  les  armes. 
Vingt-quatre  heures  avaient  sufU 
pour  convertir  la  mutinerie  de 
quelques  soldats  en  une  révolu- 
tion unanime,  parce  que  le  vœu 
de  ces  soldats  était  depuis  long- 
temps celui  de  tous  les  habitant 
du  royaume.  Lorsque  le  roi  Fer- 
dinand eut  ostensiblement  ad- 
héré au  nouvel  ordre  de  choses, 
et  manifesté  à  ses  sujets  le  désir 


CAR 

«le  le  faire  reconnaître  par  les 
grandes  puissances  de  l'Europe, 
il  envoya  des  ambassadeurs  ;\ 
Saint-Pétersbourg,  à  Vienne,  à 
Londres.  Le  prince-Cariati,  nom- 
mé son  ministre  près  la  cour  de 
France,  résista  d'abord  aux  or- 
dres qu'il  reçut  de  se  rendre  k 
Paris,  mais  il  fallut  céder  à  celui 
qui  commandait  et  priait  à  la  fois. 
La  mission  du  prince  Cariati 
n'eut  aucun  succès,  et  l'occupa- 
tion du  royaume  de  Naples  par 
les  troupes  autrichiennes  a  chan- 
gé son  rôle  d'ambassadeur  en  ce- 
lui de  proscrit.  Il  avait  obéi  à 
regret,  et  c'est  sans  doute  ce 
regret,  et  non  son  obéissance, 
qu'on  a  voulu  punir  en  portant 
son  nom  sur  la  liste  des  Napoli- 
tains bannis  de  leur  patrie.  Il 
s'est  retiré  en  Angleterre. 

CARIGNA>  (CnARLEs-AMÉDii^ 
Albert,  de  Savoie,  prince  de), 
né  le  28  décembre  1 798.  Jusqu'au 
moment  où  éclatèrent,  à  Turin, 
les  événemens  des  1 1  et  12  mars 
1821,  le  prince  royal  de  Sardai- 
gne  n'avait  pris  aucune  part  aux 
aflaires  publiques.  On  dit  qu'en 
i8i5,  il  demanda  au  roi  Victor- 
Émanuel ,  la  permission  de  fai- 
re la  campagne  qui  se  préparait 
contre  Napoléon ,  et  que  cette 
permission  lui  fut  refusée: il  n'a- 
vait alors  que  17  ans.  Au  mois 
d'aoftt  1816,  le  prince  accompa- 
gna le  duc  et  la  duchesse  de  Mo- 
dène  ,  dans  le  voyage  qu'ils  firent 
à  Gènes.  La  révolution  de  Naples 
et  les  menées  de  l'Autriche,  à  qui 
l'on  supposaitdes  vues  sur  le  Pié- 
fnont  ,  excitaient  depuis  long- 
temps, dans  ce  pays,  une  fermen- 
tation sourde,  qui  se  manifesta 
d'abord  dans  les  garnisons  de  Fé- 


CAR  10  ï 

uestrellc  et  d'Alexandrie.  Les  trou- 
pes parurent  croire  que  le  seul 
moyen  de  se  soustraire  au  joug 
autrichien  ,  était  de  changer  la 
forme  du  gouvernement,  et  d'a- 
dopter la  constitution  décrétée  en 
1812,  i\  Cadix,  par  lescortès  d'Es- 
pagne. Le  11  mars  1821,  les  sol- 
dats casernes  dans  la  citadelle  de 
Turin,  et  des  détachemens  de  la 
garde  royale,  manifestèrent  les 
mêmes  sentimens;  le  peuple  se 
joignit  à  eux  dans  la  journée  du 
12,   Le  roi  Victor-Emanuel  ab- 
diqua la  couronne ,  et  nomma  ré- 
gent du   royaume,    son  cousin, 
Charles-Amédée-Albert    de   Sa- 
voie, prince  deCarignan.  Le  pre- 
mier acte  du  régent,  dans  cette 
même   journée  du  12   mars,   fut 
d'annoncer,   par  une    proclama- 
tion,    aux    habitans    de    Turin, 
qu'il  ferait  connaître  le  lendemain 
ses  intentions  conformes  au  vœu 
général.  En  effet,  le  14  il  procla- 
clama  la  constitution  des  cortès, 
promit  de  l'observer  et  de  la  faire 
observer  comme  loi  de  Télat.  En 
attendant  la   réunion    du   parle- 
ment national,  le  régent  nomma 
une  junte   provisoire    de  quinze 
membres,  tant  pour  recevoir  le 
serment  à  la  constitution  qucpour 
prendre  part  aux  actes  de  gouver- 
nement qui,  aux  termes  de  cette 
constitution,  exigent  l'interven- 
tion des  cortès.  Voici  la  formule 
du  serment  qu'il  prêta  devant  cet- 
te junte  :  Moi,  Charles- Albert 
de  Savoie ,  prince  de  Carignan  , 
régent  du  royaume,    investi  de 
l'autorité  par  l'abdication  de  S. 
M.  le  roi  f^ictor-E manuel ,  sui- 
vant notre  déclaration  du  1 5  cou' 
rant,  je  jure  à  Dieu,  et  sur  tes 
saints   évangiles,   d^ observer  Ia 


10?  CAR 

ÇQnsfitutioH  politique  espagnole , 
sçi/is  Us  deux  modifications  es- 
Sfintiellcs  qui  suivent,  et  qui  sont 
inhérentes  (t  ce  royaume,  analo- 
gues au  vœu  général  de  la  nation, 
e(  acceptées  par  la  junte  provi- 
sçire ,  savoir  ;  i"  Que  l'ordre  de 
la  succession  au  trône  restera  tel 
qu'il  est  établi  par  les  antiques 
lois  et  coutumes  de  ce  royaume  , 
et  par  les  traités;  2°  Que  j'obser- 
verai et  ferai  observer  la  religion 
catholique  ,  apostolique ,  romai- 
ne ,  qui  est  la  religion  de  l'état , 
sans  exclure  cependant  l'exerci- 
ce des  autres  cultes ,  quijut  per- 
mis jusqu'ici;  et  déplus  ,  sous  les 
autres  modifications  ,  qui  seront 
déterminées   ultérieurement  par 
le  parlement  national,  d'accord 
avec  S.  M.  le  roi.  Je  jure  aussi 
d'être  fidèle  an  roi  Charles-Fé- 
lix; ainsi,  que  Dieu  me  soit  en  ai- 
de. Dans  une  proclamation  qu'il 
adressa  à  l'armée,  on  remarque 
plus  particulièreuient  ce  passage  : 
f^ous  garderez  le  dépôt  de  notre 
gloire  et  de  la  gloire  de  l'Italie , 
qui  fixe  ses  regards  sur  vous. 
L'honneur  et  la  fidélité  sont  là  , 
où  le  prince  régent ,  à  qui  le  roi 
à  remis  son  autorité,  vous  dit  que 
ces  sentimens  existent.  Une  am- 
nistie pleine  et  entière  fut  solen- 
nellement accordée  à  tous  ceux 
qui  avaient  coopéré  ou  adhéré  aux 
actes  politiques  des  journées  pré- 
cédentes. De  nouveaux  ministres 
furent  choisis  et  nommés  par  le 
prince.  Le  16  mars,  la  constitu- 
tion des  certes  fut  publiée  en  ita- 
lien; un  bulletin  des  lois  fut  éta- 
bli,  et  l'organisation  des  gardes 
nationales  ordonnée    dans   cha- 
que ville,   bourg  et  village.  Le 
régent  s'occupait  en  même  tempe 


CAR 

d'organiser  et  de  compléter  Tar- 
mée  :  il  ordonna  la  formation  de 
six  bataillons  de  troupes  légères. 
Mais  bientôt  tout  changea  de  fa- 
ce ;  le  marquis  de  Costa,  que  le 
prince  de  Carignan  avait  envoyé 
auprès  du  roi  Charles-Félix  étant 
revenu  à  Turin,  la  proclamation 
suivante  fut  affichée  sur  tous  le* 
murs  de  la  yxWa:  Charles-!- Albert 
de  Savoie  ,  prince  de  Carignan  , 
régent.  «Notre  très-haut  souve- 
»rain  le  roi  Charles-Félix  répcind 
"aux  communications  qu'en  no- 
•)tre  qualiié  de    prince-régent, 
»nous  avons  cru  devoir  lui  faire, 
»de  manière  à  faire  croire  qu'at- 
«  tendu  son  absence,  il  n'est  point 
'•pleinement  informé  de  la  situa- 
»  tion  des  affaires  de  son  royaume. 
»  Nous  qui  sommes  des  sujets  fidè- 
»  les,  et  moi  tout  le  premier,  nous 
«iJevons  éclairer  S.  ÂLsurlaposi- 
»  tion  et  sur  les  désirs  de  son  peu- 
''  pie.  Nous  atteindrons  nécessaire- 
»ment  l'heureux  but  que  se  pro- 
»pose  le  cœur  d'un  prince  porté 
11(1  faire  le  bonheur  de  ses  sujets. 
»Le  gouvernement,  ferme  et  vi- 
«gilant,  ne  doute  pas  de  la  coo- 
iipération  des  citoyens,  à  l'effet 
»de  maintenir  l'ordre  et  la  tran- 
»quillité,  si  heureusement  réta- 
«Mis,  comme  aussi  pour  conser- 
»  ver  au  monarque  un  royaume 
V  florissant  ,    dont    les    habitans 
a  soient  réunis  par  un  esprit  de 
«concorde  et  de  paix.  »  Donné  à 
Turin,  le  18  mars  1821.  Charï-es 
Albert.  Le  prince  partit  de  Turin 
pourNovare,  dans  la  nuit  du  21 
au  22  mars,  sans  laisser  d'ordres, 
sansfaire  connaître  ses  intentions 
à  la  junte  provisoire  du  gouver- 
nement.   Il   disparut   également 
deNovare  çl0Pâl»nuitdu5)mârâ; 


CAR 

sans  qu'on  sftt  d'abord  de  quel 
côté  il  avait  dirigé  ses  pas.  De 
cette  régence  de  hiiit  jours,  il" 
n'est  resté,  pour  l'instruction  des 
peuples  ,  que  le  souvenir  des  ac- 
tes dont  nous  venons  de  parler; 
roccupation  d'Alexandrie  et  de 
tout  le  Piémont  par  les  troupes 
autrichiennes,  et  les  sanglantes 
exécutions  de  Turin,  qui  conti- 
nuent. 

CARION  -  DE-  LASCONDES 
(Martin- Jea5-- François),  inaré- 
*hal-de-canr)p,  né  en  1762,  d'une 
famille  noble,  originaire  d'Espa- 
gne, servait,  au  moment  de  la  ré- 
volution, dans  le  régiment  de 
Champagne  infanterie.  En  1791, 
il  fut  nouimé  capitaine  au  1"  ba- 
taillon des  grena«licrs  du  Pas-de- 
Calais,  et  successivement  com- 
mandant de  bataillon,  colonel  en 
second,  et  colonel-commandant 
des  troupes  de  nouvelle  forma- 
tion :  il  fit  en  cette  dernière  qua- 
lité le?  campagnes  de  Flandre  et 
de  Hollande  ,  et  fut  particuliè- 
rement remarqué  à  la  bataille  de 
Ncrwinde  :  il  y  reçut  les  félicita- 
tions du  général  en  chef  Dumou- 
riez  et  du  duc  de  Chartres,  au- 
jourd'hui duc  d'Orléans,  sous  les 
ordre»  immédiats  desquels  il  se 
trouvait  dans  cette  journée,  où  la 
fortune  trahit  le  succès  et  non  la 
gloire  des  armes  françaises.  Après 
la  malheureuse  retraite  de  la  Bel- 
gique, en  179a,  il  l'ut  nommé  gé- 
néral de  brigade,  et  connnandait 
à  Bergucs  peniiant  le  siège  de 
c^tlc  ville.  Le  gértéral  Carion-de- 
Lascondes  venait  de  combattre  a- 
vec  distinction  à  Fleuriis,  lore- 
qu'en  <pialité  de  noble,  il  reçut, 
en  i7<).'5,  l'ordre  de  rentrer  dan» 
"*€«  foyers;  la  pcrgéculiou  i'y  sui- 


CAR  «0.7 

Tit;  il  fut  emprisonné.  Mis  en  li- 
berté après  le  9  thermidor,  et 
réintégré  dans  son  grade,  il  ne 
putobtenir  d'y  être  employé  qu'an 
commencement  de  l'an  i^,  où  il 
fut.envoyé  en  Hollande  :  il  y  res- 
ta jusqu'en  l'an  iSi5,  époque  h 
laquelle  il  Tint  prendre  le  com- 
mandement des  gardes  nationa- 
les du  Pas-de-Calai»,  qu'il  con- 
serva jusqu'à  la  restauration.  Per- 
sécuté de  nouveau  en  18 15,  cet 
ofUcier-général  n'a  pu  même  ob- 
tenir le  traitement  de  retraite  que 
lui  méritaient  ses  services;  et 
chargé  d'une  nombreuse  et  inté- 
ressante famille,  il  vit  maintenant 
à  Oignis  dans  uoe  honorable  pau- 
vreté. 

CARION- DE- NISAS,  voyez 
Carbion. 

CARLES  (JosEPH-AnToiRE),né 
à  Rires,  département  de  l'Isère, 
le  i8  juin  174»-»  d'une  ancienne 
famille  de  maître  de  forges,  fit  ses 
études  à  Grenoble  et  à  Marseille 
chez  les  jésuites,  et  se  livra  spé- 
cialement à  l'étude  des  mathéma- 
tiques et  de  la  physique.  Envoyé 
à  Paris  ù  l'âge  de  as  ans,  il  y  fut 
nommé  premier  secrctaiTC  du 
doyen  des  maréchaux  de  France, 
lequel,  en  cette  qualité,  présidait 
le  tribunal  du  {joint  d'honneur. 
De  retour  dans  son  pays,  après  ia 
mort  du  maréchal,  il  se  retira 
dans  sa  famille,  à  la  côte  Sainte- 
André,  oi'i»es  concitoyens  le  char- 
gèrent de  l'admiiiistnition  de  la 
commune  sous  le  litre  de  consul, 
qui  avait  remplacé  celui  de  mai- 
le  dans  ïc  resiturt  du  parlement 
d«  Grenoble.  Au  bout  de  deux 
ausi,  \(^  circonstances  le  rantenè- 
rent^'i^  Paris,  où  il  ac  lirru  filins 
révervo  à  ses  premiers  gaûl»  {XNiitf 


to4 


CAil 


l'étude  des  sciences  physiques,  et 
suivit  avec  assiduité  les  cours  du 
célèbre  Fourcroy  et  de  Parcieux. 
L'ère  de  la  révolution  s'avançait; 
Caries  fut  envoyé  aux  états  de 
Roraans  pour  y  représenter,  aux 
élections,  la  connmune  de  la  côte 
Saint-André;  il  s'y  fit  connaître 
si  avantageusement  qu'il  fut  bal- 
lotté deux  jours  de  suite  pour  la 
députation  aux  états -généraux. 
Appelé  successivement  à  la  pré- 
sidence du  district  de  Vienne  ,  à 
celle  de  la  municipalité  collective 
du  canton  de  la  Côte,  composé  de 
treize  communes,  et  enfin  à  la 
place  de  membre  de  l'adminis- 
tration centrale  du  déparlement 
de  l'Isère,  c'est  là  que  les  élec- 
teurs le  nommèrent  représentant 
du  peuple  au  conseil  des  cinq- 
cents  en  l'an  7  (1^799).  ^^  *^  '^''"' 
maire  ne  lui  laissa  pas  le  temps 
de  se  livrer  aux  travaux  vers  les- 
quels son  activité  naturelle,  ses 
connaissances  et  son  expérience 
l'eussent  entraîné;  il  ne  monta 
qu'une  fois  à  la  tribune,  et  signa- 
la avec  énergie  les  déprédations 
de  l'administration  de  la  guerre, 
qui  causèrent  en  grande  partie  les 
désastres  et  les  revers  de  notre 
armée  d'Italie.  De  retour  dans  ses 
foyers,  il  y  reprit  sa  place  de  mem- 
bre du  conseil-général  de  dépar- 
tement, qu'il  a  remplie  pendant 
dix  années  consécutives,  et  dans 
l'exercice  de  laquelle  il  a  trouvé  à 
69  ans  le  terme  d'une  vie  hono- 
rable. 

CAllLETON  (Gbi),  général  an- 
glais, né  en  1724,  est  mort  en 
1808.  Il  a  fait  la  guerre  dans  le 
Canada  avec  des  succès  divers. 
On  attribua  à  son  incurie  l'inva- 
sion de  cette  contrée  par  les  A- 


CAR 

méricains  en  1774.  Peu  s'en  faf-' 
lut  qu'il  ne  devînt  leur  prison-/ 
nier.  Un  déguisement  le  sauva.  Il 
alla  s'enfermer  dans  Québec,  dont 
il  était  alors  gouverneur;  il  op- 
posa aux  assaillans  une  défense 
vigoureuse  et  bien  concertée,  et 
finit  par  les  chasser  entièrement 
du  Canada.  Remplacé,  en  1777^ 
par  Burgoyne,  il  revint  en  1782 
prendre  le  commandemen  t  en  chef 
des  troupes  anglaises  en  Améri- 
que, ne  fit  aucune  action  militaire 
très-remarquable,  et  demanda  sat 
retraite  peu  de  temps  après.  Offi- 
cier sage  et  expérimenté,  coura- 
geux par  réflexion,  peu  hardi  dans 
les  vastes  entreprises,  il  était  fait 
pour  assurer  le  succès  de  l'action 
partielle  qui  lui  était  confiée. 

CARLI  (Jean -Resaud,  comte 
de),  naquit  à  Capo  -  d'Islria 
dans  le  mois  d'avril  1720.  Sa  fa- 
mille était  noble  et  ancienne.  Il 
fit  ses  études  dans  sa  ville  natale; 
composa,  à  12  ans,  un  drame 
dont  il  se  souvenait  avec  plaisir 
dans  sa  vieillesse.  Il  alla  dans  le 
Frioul,  où  il  eut  pour  professeur 
le  savant  abbé  Bini,  qui  lui  en- 
seigna la  physique  et  les  élémens 
des  sciences  exactes.  II  prit  un 
goût  décide  pour  la  recherche  des 
monumens  du  moyen  âge,  mais 
il  n'en  cultiva  pas  moins  les  bel- 
les-lettres, et  publia  à  18  ansquel- 
ques  poésies,  et  une  dissertation 
sur  l'aurore  boréale.  Il  quitta  le 
Frioul  pour  aller  à  Padoue,  ville 
renommée  pour  les  sciences,  et 
il  y  étudia  les  mathématiques,  la 
géométrie,  le  grec,  le  latin  et 
l'hébreu.  A  l'âge  de  20  ans,  Car- 
li.  devenu  membre  de  l'académie 
des  Ricovrali,  commença  à  se 
faire  connaître  par  des  discu»- 


CAR 

filons  littéraires  avec  les  célèbres 
antiquaires  Fontanini  et  JMiirato- 
ri,  par  des  observations  sur  quel- 
ques auteurs  grecs  et  sur  le  •héâ- 
tre  et  la  musique  des  anciens  et 
des  modernes.  Il  publia  une  tra- 
gédie à' Iphi^énit  en  Tauride, 
une  traduction  de  la  T/u'ogoitie 
d'Hésiode,  un  traité  sur  l'expédi- 
tion des  Argonautes,  etc.,  et  s'ac- 
quit bientôt  une  grande  réputa- 
tion. La  ville  de  Venise  créa  pour 
lui  une  chaire  d'astronomie  et 
de  science  nautique;  le  nouveau 
professeur  dirigea  avec  beaucoup 
de  zèle  et  de  talent  les  travaux 
de  l'arsenal  et  la  construction  des 
vaisseaux  de  guerre,  auxquels  il 
fit  donner  une  nouvelle  l'orme, 
d'après  les  modèles  qu'il  avait 
imaginés.  Il  adressa  à  Maffei,  en 
1747»  "ie  savante  dissertation 
sur  l'emploi  de  l'argent:  on  re- 
connaît, dans  cet  écrit,  que  Carli 
méditait  déjà  le  grand  ouvrage 
sur  les  monnaies,  qu'il  publia 
quelques  années  après.  La  mort 
de  sa  femme,  qui  lui  laissait  une 
grande  fortune  à  administrer  et 
un  fds  à  élever,  l'obligèrent  de 
renoncer  à  sa  chaire  de  science 
nautique,  et  de  retourner  en  Is- 
trie.  11  se  rendit  dans  ce  pays  a- 
vec  le  naturaliste  Vililiano-Dona- 
li,  et  s'occupa  de  la  manière  la 
plus  active  de  la  recherche  des 
antiquités  dont  cette  province  é- 
tail  remplie.  La  relation  curieu- 
se de  ses  Dccouvtitcs  dans  l'am- 
pkilluuitre  de  Vola,  publiée  à  Ve- 
nise, en  17.51,  lui  assure  la  prio- 
rité (ju'on  a  voulu  lui  contester 
long-temps  après.  Le  principal 
objet  des  éludes  de  Carli  était 
les  monnaies;  et  lorsque  dans  ses 
voyages  à  Turin,  à  Milan,  et  au- 


CAR  io5 

très  villes  d'Italie,  il  semblait 
s'occuper  de  recherches  étrangè- 
res à  son  but,  il  n'en  poursuivait 
pas  moins  cette  grande  entrepri- 
se, qu'il  termina  dans  l'espace  de 
neuf  ans.  Son  ouvrage  a  été  im- 
primé en  trois  volumes  :  le  pre- 
mier parut,  en  1764;  le  second, 
en  1737;  et  le  troisième,  en  1760. 
Il  a  pour  titre  Oelle  Monete,  etc., 
etc.  Ce  livre  fit  une  grande  sen- 
sation en  Italie;  les  savans,  les 
économistes  et  les  corps  politi- 
ques y  applaudirent.  Il  eut  en 
peu  de  temps  plusieurs  éditions. 
Les  cours  de  Turin,  Milan  et 
quelques  autres  en  adoptèrent  les 
principes  dans  leurs  essais  moné- 
taires; la  cour  impériale  les  prit 
pour  base  dans  ses  paiemens  ;  en- 
fin le  Traité  des  monnaies  de  Car- 
li servit  de  règle  dans  toute  l'Ita- 
lie, pour  les  jugemcns  et  règlc- 
mens  sur  cette  matière.  La  mort 
de  son  père  l'ayant  rappelé  à  Ca- 
po-d'Istria,  il  voulut  rendre  le 
service  à  son  pays  natal  d'y  trans- 
porter un  établissement  de  com- 
merce et  de  manufacture  de  lai- 
ne que  sa  femme  lui  avait  trans- 
mis. Il  employa  ses  soins  et  sa 
fortune  à  le  faire  prospérer;  mais 
des  contrariétés  de  tout  genre 
renversèrent  son  travail  et  ses 
projets,  et  un  procès  acheva  sa 
ruine.  La  cour  impériale  de  Vien- 
ne établit  à  la  fois,  à  Milan,  le 
conseil  suprême  du  commerce  et 
celui  des  études,  et  choisit  Carli 
pour  présider  l'un  et  l'autre.  Cet 
événement  releva  ses  espérances 
et  sa  fortune;  il  se  rendit  à  Vien- 
ne, où  il  avait  été  appelé  secrète- 
ment par  le  prince  dt  Kaunitzpour 
concerler  avec  lui  le  .«yslème  d<i 
double  établissement  dont  il  a- 


loG 


CAR 


vait  élé  nommé  président,  et  re- 
vint également  satisfait  des  é- 
gards  dti  ministre,  des  bontés  de 
l'Impératrice,  et  de  l'accueil  dis- 
tingué qu'il  avait  reçu  des  savans 
d'Allemagne.  Le  séjour  de  .loseph 
II  à  Milan  ayant  oflV.rl  ii  Carli  u- 
ne  nouvelle  occasion  de  l'aire  bril- 
ler ses  talons,  1  empereur  lui  té- 
moigna sa  satisfaction  par  une 
augmentation  de  traitement  et  la 
concession  du  titre  honorifique  de 
conseiller-privé  d'état.  Le  comte 
Carli  obtint  encore  la  présiden- 
ce du  nouveau  conseil  des  finan- 
ces, créé  à  Milan  en  1771.  Au  mi- 
lieu de  ses  graves  occupations,  il 
fit  paraître  son  livre  intitulé  Z"" t/o- 
nto  libtro,  fruit  de  ses  travaux 
philosophiques,  elles  Letlere  ar/ie- 
ricam' ,  qui  prouvent  son  goût 
pour  les  recherches  savantes.  Sa 
santé  se  trouvant  altérée,  il  obtint 
sa  retraite  en  conservant  les  ho- 
noraires de  ses  emplois,  et  s'occu- 
pa de  la  publication  de  son  der- 
nier ouvrage,  Dalle  jént'cliitàita- 
liche,  qui  assigne  à  l'auteur,  par- 
rai  les  antiquaires,  le  même  rang 
qu'il  occupait  déjà  parmi  les  écri- 
vains qui  ont  traité  de  l'économie 
politique.  Le  comte  Carli  joignait 
à  ses  rares  talens  des  vertus  per- 
sonnelles qui  Font  fait  générale- 
ment regretter,  11  est  mort,  en 
1795,  âgé  de  ^5  ans. 

CARL1SLE(  Frédéric-Howard, 
COMTE  de),  oncle  et  tuteur  du  cé- 
lèbie  lord  Byron  ,  est  né  le  q8 
mai  1748.  11  fit  ses  études  à  Eton 
et  à  Catnbridge,  termina  son 
tour  d'Europe  (complément  né- 
cessaire de  l'éducation  anglaise); 
reçut  en  1768,  à  Turin,  des 
mains  du  roi  de  Sardaigne,  la 
décoration    du  Chardon  ;  revint 


CAR 

en  Angleterre,  où  il  fut  nommé 
conseiller  -  privé,  trésorier  de 
la  maison  du  roi,  et  choisi  pour 
un  des  commissaires  chargés  de 
concilier  les  prétentions  de  TAn- 
glcterre,  avec  les  droits  de  l'A- 
niéiiqiie  septentrionale.  En  vain 
chercha-t-il  à  les  concilier,  et  à 
identifier  les  intérêts  de  ces  colo- 
nies avec  ceux  de  la  métropole. 
Un  de  ses  écrits,  intitulé  l.nion 
et  ruine,  eut  un  succès  littéraire, 
qui  ne  put  ni  changer  les  vues  du 
gouvernement,  ni  assurer  le  suc- 
cès politique  de  sa  mission.  Nom- 
mé ensuite  premier  commissaire 
du  commerce  et  des  plantations, 
et  lord-lieutenant  d'Irlande,  il 
ne  tarda  pas  à  être  remplacé  dans 
ce  poste  brillant  par  le  duc  de 
Portland  :  Carlisle  s'en  vengea  en 
se  jetant  dans  l'opposition,  qui 
ne  parut  lui  tenir  aucun  compte 
d'une  conversion  que  le  dépit  lui 
avait  conseillée.  Il  s'était  de  tout 
temps  occupé  de  littérature;  mais 
ses  drames  et  ses  vers  l'ont  ren- 
du bien  moins  célèbre  dans  ce* 
derniers  temps ,  que  sa  querelle 
avec  son  redoutable  pupille,  lord 
Byron.  Ce  dernier  lui  avait  dé- 
dié un  recueil  de  poésies,  infor- 
mes essais  de  sa  jeunesse,  où  ce- 
pendant on  pou  vait  déjà  découvrir 
quelques  indices  de  son  talent 
futur.  Attaqué  brutalement  par 
des  critiques  de  profession,  ou- 
tragé par  une  foule  insolente  d'é- 
crivains, jaloux  de  son  rang  et  de 
sa  fortune,  Byron  ne  trouva  dans 
son  noble  tuteur,  à  qui  l'ouvrage 
était  dédié,  qu'un  défenseur  fai- 
ble ou  même  perfide.  Byron  res- 
sentit son  iqjure  avec  la  violen- 
ce de  son  caractère  et  la  force 
de  son  génie,  et  tira  de  lord  Car- 


CAR 

lisle  la  plus  cruelle  vengeance, 
en  l'associant  aui  victimes  qu'il 
immola  dans  une  satire  qui  fit 
redouter  sa  plume  à  l'égal  du 
poignard.  «Nous  avons  (dit-il) 
«quelques  lords  poètes;  il  faut 
»  leur  en  savoir  gré;  c'est  un  mé- 
"rite,  quand  on  est  noble,  de  sa- 
»voir  ou  de  daigner  écrire  ;  mais 
"que  dirai-je  de  toi,  muse  para- 
«lytique  deCarlisie?  Que  dirai-je 
»de  toi,  qui  lui  inspires  des  vers 
xplus  froids  et  plus  pâles  ,  à  me- 
))Sure  que  ses  cheveux  blanchis- 
M.sent?  Pair  bigarré!  Honneurs 
»  hétérogènes  :  Carlisle  est  à  la  fois 
'.lord  et  petit-maître;  pamphlé- 
H taire  et  ministre;  receveur  et 
•  politique,  etc.»  Une  note  acer- 
be, ajoutée  à  ces  vers,  comblait 
la  mesure  du  ridicule.  L'oncle  et 
le  neveu  ne  se  sont  jamais  revus. 
L'un  s'est  retiré  dans  une  de  ses 
terres,  où  il  est  parvenu  à  se  fai- 
re oublier;  l'autre,  en  parcou- 
rant l'Europe  et  l'Asie,  est  arri- 
vé à  la  gloire,  sans  avoir  trouvé 
le  repos  et  le  bonheur.  Carli«le  a 
publié  divers  ouvrages  :  d'abord, 
un  recueil  de  poésies  en  1773, 
réimprimées  à  la  suite  des  trafçé- 
dits  et  pot-mes ,  Londres,  1801, 
in-8".  Celle  nouvelle  édition  , 
imprimée  par  Bulmer,  est  très- 
belle,  et  ne  laisse  rien  à  désirer 
sous  le  rapport  de  l'exécution 
typograpbif|ue  ;  les  principales 
pièces  qu'elle  contient,  sont: 
deux  tragédies,  dont  l'une  est 
intitulée  :  la  f^engeance  d'un  pè- 
re, sujet  tiré  deBorcace,  dans 
l'histoire  de  J^uncrède  et  Sigis- 
nionde  ;  l'autre  est  la  Belle-Mc- 
te  (ihe  Step-Motlier);  une  tra- 
duction de  l'épisode  du  CunUe 
UgoUn ,  du  Dante  ;  une  Ode  sur 


CAR  107 

la  mort  de  Gray.  Depuis ,  le 
comte  de  Carlisle  a  publié  des 
vers  sur  la  mort  de  lord  JSelson , 
1806,  et  des  Réflexions  sur  l'état 
actuel  du  théâtre  ,  et  sur  la  cons- 
truction d'une  nouvelle  salle , 
1808,  in-8°  (sansnom  d'auteur). 
On  trouve  dans  quelques-unes 
des  poésies  du  comte  de  Carlisle, 
du  mouvement,  de  la  force,  et 
de  la  sensibilité. 

CAB.LYLE  (Joseph  Dacres), 
savant  théologien  anglais,  naquit 
à  Carlisle ,  en  »  759,  et  mourut  en 
i8o4-  L'étude  des  langues  orien- 
tales devint  l'objet  de  son  appli- 
cation :  il  s'attacha  particulière- 
ment à  la  langue  arabe,  dont  il 
acquit  rapidement  une  grande 
connaissance ,  grâces  aux  soins 
d'un  savant  du  Bengale,  nommé 
David  Zabio  ,  résidant  à  Cam- 
bridge. Après  avoir  passé  dix  ans 
dans  le  collège  de  cette  ville  ,  il 
y  reçut  le  degré  de  bachelier;  il 
se  maria  ,  vint  s'établir  à  Carlisle, 
où  le  docteur  Craven,  professeur 
d'arabe,  lui  résigna  sa  chaire.  Il 
l'occupait  en  1794;  en  1790,  il 
eut  une  place  à  la  chancellerie; 
en  1799,  il  suivit  lord  Elgin  ,  qui 
se  rendait  en  qualité  d'ambassa- 
deur à  Constaritinople.  Ce  voya- 
ge facilita  à  Carlyle  le  moyen  de 
faire  des  découvertes  de  la  plu» 
haute  importance  pour  les  scien- 
ces, puisqu'il  parcourut  succes- 
sivement lAsie-Mincure,  l'Egyp- 
te ,  la  Syrie,  la  Palestine ,  "et 
put  consulter  un  grand  nombre 
d'ouvrages,  qui  ne  se  trouvent  que 
dans  les  bibliothèques  des  Orien- 
taux:. Il  appliqua  une  partie  de 
•«es  laborieuses  et  savantes  re- 
cherches, à  découvrir  exactement 
le  lieu  où  s'élevait  jadis  la  célèbre 


loS  CAR 

Troie,  et  rc\iril  en  Anghli'nr, 
après  avoir  traversé  l'Italie  et 
l'Allemagne,  en  1801.  A  son  re- 
tour, Carl)fle  obtint  la  place  im- 
portante ,  et  très-lucrative  ,  de 
recteur  de  Newcastle  -  sur-Tyne. 
Dès  ce  moment,  la  belle  édition 
de  la  Bible  arabe,  publiée  par  la 
société  biblique  de  Londres,  de- 
vint l'objet  de  tous  ses  soins; 
mais  le  dépérissement  de  sa  san- 
té ,  occasioné  par  ses  travaux  et 
ses  voyages,  ne  lui  laissa  pas  la 
satisfaction  de  voir  la  publication 
de  ce  grand  ouvrage ,  destiné  à 
l'instruction  des  musulmans  d'A- 
frique. Carijle  n'avait  que  45  ans 
lorsque  la  mort  vint  le  frapper. 
Les  principaux  ouvrages  qu'il  a 
publiés,  sont  :  une  Chronique  c- 
gyptienne,  imprimée  en  arabe, 
avec  une  traduction  latine,  et  de 
savantes  notes,  Cambridge,  1792, 
in- 4°;  un  Spécimen  de  poésie  ara- 
be ,  Carlisle  ,  1  796.  Le  docteur 
Henri  Ford  fut  chargé,  après  lui , 
de  continuer  son  édition  de  la 
Bible  arabe,  et  de  publier  ses 
Observations  pendant  son  voya- 
ge dans  les  régions  orientales, 
ainsi  que  sa  Dissertation  sur  la 
Troade.  Les  ouvrages  de  Carlyle 
sont  estimés. 

CARMLNATI  (Bassiano),  sa- 
vant médecin,  professeur  de  l'u- 
niversité de  Pavie,  et  natifdeLo- 
di  ,  à  publié,  sur  l'hygiène  et  la 
thérapeutique  ,  des  ouvrages  qui, 
venant  à  l'appui  de  ses  leçons, 
ont  singulièrement  contribué  aux 
progrès  de  ces  deux  sciences.  Le 
galvanisme  a  été  aussi  l'objet  de 
ses  méditations,  et  il  s'en  est  oc- 
cupé avec  succès.  Il  a  publié  :  1" 
De  aninialiuni  ex  mephitibus  et 
noxiis  halitibus  interitu ,  ejusque 


CAR 
propioribus  causis ,  Lodi,  1777, 
in-4";  2°  Riccrche  sulla  natura 
e  sugli  usi  del sngo  gastrico  inme- 
dicina  ed  in  chirurgia ,  Milan , 
1  785,  in-4°,  traduit  en  allemand. 
Vienne,  1785.  in-8°;  "ô"  Opuscula 
therapeutica ,  Pavie,  1788,  in- 
8";  traduit  en  allemand,  Vienne, 
1  789,  in-8''.  Il  n'a  paru  qu'un  vo- 
lume de  cet  ouvrage,  dans  le- 
quel se  trouvent  des  observations 
importantes  ;  (\''Saggio  di  alcnne 
ricerche  su  i  principj  c  sulla 
virtà  délia  radiée  di  calaguala , 
Pavie,  1791,  in-8°  ;  traduit  en 
allemand  avec  l'opuscule  de  don 
Louis  Gelmetti,  sur  le  même  su- 
jet, Leipzig,  1793,  in-8°;  ^"Hy- 
giène, therapeutice  et  materia  nie- 
dica,  Pavie,  1791,  1793,3  vol. 
in -8°;  traduit  en  allemand,  Leip- 
zig, 1792  —  1796,  L'empereur 
Napoléon  avait  nommé  le  profes- 
seur Carminati,  membre  de  l'ins- 
titut du  royaume  d'Italie. 

CARMONA  (don  Salvador), 
graveur  de  la  chambre  du  roi 
d'Espagne,  naquit  à  Madrid  vers 
1700.  Les  grandes  dispositions  de 
Carmona  pour  l'art  de  la  gravure 
le  firent  choisir  par  le  roi  d'Espa- 
gne, avec  trois  autres  jeunes  ar- 
tistes, pour  venir  se  perfection- 
ner à  Paris  dans  les  différens  gen- 
res de  gravure.  Placé  sous  la  di- 
rection de  Charles,  depuis  gra- 
veur de  l'académie,  il  parvint,  au 
bout  de  quelques  années,  à  être 
admis  lui-même  dans  ce  corps 
célèbre.  De  retour  à  Madrid  vers 
1760,  il  s'y  maria  avec  la  fille  de 
Raphaël  Mengs ,  peintre  d'une 
grande  réputation.  Les  princi- 
paux ouvrages  de  Carmona  sont  : 
l'Histoire  écrivant  les  fastes  de 
Charles  III,  roi  d'Espagne,  d'à- 


CAR 

près  Solimène,  l'Adoralion  des 
berjïers  d'après  Pierre,  la  Résur- 
rection d'après  Carie  Vanloo,  la 
Vierge  et  l'enfant  Jésus  d'après 
Vaudjck  ;  les  portraits  de  Bou- 
cher et  de  Colin  de  Vcrmont, 
qu'il  a  gravés  pour  sa  réception  à 
l'académie  de  Paris.  La  date  de 
1755,  que  porte  l'estampe  de  la  Ré- 
surrection, détruit  sulfisammcnt 
l'opinion  des  auteurs  du  diction- 
naire historique,  édition  de  Prud- 
homine,  qui  placent  l'époque  de 
la  naissance  de  cet  artiste  en 
i^Si.  Il  est  mort  à  Madrid  en 
1807. 

CARMONTELLE,  né  à  Paris, 
le  25  aoftt  1717,  était  lecteur  du 
duc  d'Orléans,  et  ordonnateur  des 
fêtes  données  par  ce  prince.  II  est 
inventeur  de  ce  genre  de  drame 
appelé  provtrhi.s ,  petite  pièce 
dont  l'action  se  rapporte  à  l'une 
de  ces  maximes  populaires,  dont 
elle  doit  démontrer  la  justesse. 
Carmontellc  a  fait  un  grand  nom- 
brede  proverbes,  et  d'autres  petits 
drames,  qui  tirent  leur  principal 
intérêt  du  temps,  du  lîeu ,  et  de 
l'occasion  qui  les  a  fait  naître.  Il 
écrivait  avec  une  extrême  facili- 
té, et  composait,  en  quelques 
heures,  une  pièce  de  théâtre, 
qu'il  savait  arranger  assez  habile- 
ment, au  ton  et  au  caractère  des 
personnes  qui  devaient  y  jouer 
un  rôle.  On  ne  peut  guère  s'at- 
tendre ;\  trouver,  dans  des  scè- 
nes improvisées  de  la  sorte,  de 
grands  développemens  dramati- 
ques ;  mais  on  y  reconnaît  un  ta- 
lent véritable  pour  le  dialogue, 
une  imagination  facile,  un  style 
naturel,  et  l'intention  d'un  hon- 
nête homme  qui,  par  de  petits 
iiioycn^ ,  rli«M  chc  à  remplir  le  but 


CAR 


109 


de  tout  auteur  comique  :  Castigat 
ridendo  mores.  Carmontelle  sai- 
sissait assez  heureusement  les  tra- 
vers et  les  tics  de  tous  les  genres 
de  sociétés  ;  il  rendait  aussi  fidè- 
lement les  conversations  fasti- 
dieuses des  salons,  que  le  rabâ- 
chage des  bourgeois.  Au  talent 
d'écrire  ,  il  joignait  celui  de  la 
peinture;  il  a  fait  les  portraits  de 
presque  tous  les  personnages  cé- 
lèbres du  18°"  siècle.  Il  s'amu- 
sait aussi  ù  faire,  sur  du  papier 
très-fin,  des  tableaux  transparens 
qui,  appliqués  sur  un  carreau 
de  croisée,  offraient  au  spectateur 
une  suite  de  scènes  plus  ou  moins 
amusantes,  mais  toujours  mora- 
les. Ces  ingénieuses  niaiseries  lui 
avaient  ouvert  l'entrée  de  tous  les 
salons ,  et  l'y  fesaient  désirer  pres- 
que à  l'égal  d'un  grand  hommt'. 
Malgré  toutes  les  ressources  et 
les  moyens  d'existence  que  sem- 
blaient devoir  lui  offrir  ses  occu- 
pations variées,  cet  inépuisable 
auteur  n'a  point  été  à  l'abri  du 
besoin,  dans  les  dernières  années 
de  sa  vie;  le  mont-de-piélé  vou- 
lut bien  recevoir  ses  volumineux 
manuscrits  en  nantissement  d'u- 
ne petite  somme  qu'il  lui  prêta. 
Il  mourut  le  26  décembre  1806,  ' 
âgé  de  près  de  90  ans.  La  liste 
de  ses  ouvrages  est  considérable; 
ils  sont  contenus  dans  divers  re- 
cueils, dont  voici  les  titres  :  Pro- 
verbes dramatiques ,  6  vol.  in-S", 
1768;  réimprimés  dans  le  Recueil 
ç^néraL  des  proverbes  dramati- 
ques ,  1785,  iG  vol.  in- 12;  le* 
tomes  7  et  8  de  ses  proverbes  ,  et 
après  sa  mort,  la  publication  de 
ses  Nouveaux  proverbes  drama- 
tiques.^ forment  4  autres  vol.  in- 
1 3;  Théâtre  du  prince  Ctenerzou, 


iio 


CAR 


traduit  en  français,  par  te  baron 
de  Blening,  1771,  2  vol.  in-S"; 
Théâtre  de  campagne ,  1775,  4 
vol.  in -8";  L'Abbé  de  plâtre, 
comédie  en  1  acte  et  en  prose  ;  le 
Duc  d'Arnay,  et  le  Triomphe  de 
l'amour  sur  les  mœurs  de  ce  siè- 
cle,  romans;  enfin  les  Conversa- 
tions des  gens  du  monde,  dans 
tous  les  temps  de  l'année,  ouvra- 
ge qui  n'a  point  été  achevé. 

CAR?JOr  (Lazare- Nicolas - 
Makcverite,  comte),  naquit  à  No- 
lay-en-Bourgognele  i3mai  1763. 
Sa  famille,  depuis  long-temps  re- 
commandable  ,  avait  déjà  fourni 
à  la  France  d'habiles  ofîlciers  et 
de  savans  jurisconsultes.  Le  jeu- 
ne Carnot  se  livra  h  l'étude  des 
mathématiques,  et  en  1771  entra 
au  service  dans  l'arme  du  génie. 
En  1785,  son  éloge  du  maréchal 
de  Vauban,  l'un  des  meilleurs  ou- 
vrages de  ce  genre,  fut  couronné 
par  l'académie  de  Dijon;  et  son 
essai  sur  les  mathématiques  ob- 
tint un  grand  succès.  Carnot,  à 
cette  époque,  n'avait  encore  que 
le  grade  de  capitaine.  Le  princ« 
Henri  de  Prusse  lui  écrivit  pour 
l'engager  à  prendre  du  service 
dans  les  armées  du  grand  Frédé- 
ric. De  brillans  avantages,  et  un 
avancement  rapide,  lui  étaient 
promis.  Dévoué  sans  réserve  au 
service  de  la  patrie,  Carnot  refu- 
sa les  offres  du  prince  étranger. 
Décoré  de  la  croixde  Saint-Louis, 
son  ancienneté  sous  les  drapeaux, 
et  un  mérite  reconnu,  l'avaient 
déjà  entouré  d'une  réputation  ho- 
norable quand  la  révolution  écla* 
ta.  ïl  en  adopta  les  principes;  et, 
en  1791,  le  département  du  Pas- 
de-Calais,  où  il  était  alors  en  ré-' 
ildence,  le  ûomoaa  député  à  Fas- 


CAR 

semblée  législative.  Durant  celte 
mission  importante,  Carnot  dé- 
ploya ce  caractère  inébranlable 
au(piel  la  France  fut  bientôt  rede- 
vable d'une  attitude  si  fière  et  si 
glorieuse.  Une  faction,  dont  l'in- 
civisme ne  voulait  rien  concé- 
der à  l'intérêt  général,  agitait  la 
France  dans  tous  les  sens;  et  ne 
pouvant  plus  la  posséder,  cher- 
chait à  l'anéantir.  Carnot,  sans 
dépasser  les  bornes  de  la  modé- 
ration, vota  pour  les  mesures  ré- 
clamées par  le  premier  de  tous 
les  intérêts,  celui  de  la  pairie.  Les 
Français  ennemis  de  la  France  , 
soit  que  leur  tiîche  fût  d'organi- 
ser la  guerre  civile  dans  l'inté- 
rieur, soit  que  leur  mission  fût 
de  solliciter  à  l'extérieur  l'appui 
d'une  coalition  étrangère,  excitè- 
rent également  son  active  surveil- 
lance. Il  contribua  au  décret  d'ac- 
cusation, rendu  à  la  presque  una- 
nimité du  corps -législatif,  con- 
tre plusieurs  émigrés  célèbres. 
Membre  du  comité  militaire,  il 
porta  souvent  la  parole  en  son 
nom.  Le  premier  devoir  d'une 
nation  qui  recouvrait  son  indé- 
pendance, était  de  nationaliser 
l'armée;  c'est  dans  ce  but  qu'il 
proposa  l'élimination  d'officiers, 
agens  aveugles  dn  pouvoir-exé- 
cutif, et  leur  remplacement  par 
des  sous -officiers  ;  et  la  démoli- 
tion de  quelques  citadelles  de 
l'intérieur  qui ,  souvent  inutiles 
en  temps  de  guerre,  menacent  de 
devenir  en  temps  de  paix  des  po- 
sitions d'où  le  despotisme  domi- 
ne sur  la  liberté.  Carnot  s'oppo- 
sa à  quelques  mesures,  par  les- 
quelles M.  de  Narbonne,  alors 
ministre  de  ta  guerre,  voulait  ra- 
mener le»  troupes  à  une  obéis- 


11. 


.l/ft-fioiVif  Se 


CAR 

sancc  purement  passire,  ce  qui 
pouvait,  dans  l'état  des  choses,  li- 
vrer la  France  à  la  trahison  ou  à 
lu  vénalité  du  premier  chef  de 
corps.  Mais  ce  qui  prouve  com- 
bien il  était  éloigné  de  vouloir 
détruire  une  sage  discipline,  c'est 
que  le  9  juin  1 792,  il  demanda  un 
décret  pour  honorer  la  mémoire 
deThéobald  Dillon  et  du  colonel 
Bcrthois,  massacrés  à  Lille  par  les 
troupes  qu'ils  commandaient.  Les 
menées  des  adversaires  de  la  ré- 
volution forcèrent  le  corps-légis- 
latif à  se  mettre  plus  que  jamais 
sur  ia  défensive;  on  licencia  la 
garde  du  roi,  que  des  traîtres  rou- 
laient entraîner  dans  leurs  com- 
plots contre  le  peuple;  on  décré- 
ta l'armement  d'une  nombreuse 
garde  nationale,  soit  avec  des  fu- 
sils, soit  avec  des  piques;  on  or- 
ganisa deux  nouvelles  divisions 
de  gendarmerie.  Quelques  bio- 
graphes jugeant  Carnot ,  les  uns 
avec  une  animosité  aveugle,  les 
autres  avec  légèreté  et  siifHsance, 
lui  reprochent  la  part  qu'il  prit  ■\ 
««»diversesmesures,ety  voient  la 
cause  des  événemens  du  10  août; 
cela  fût-il  exact,  ce  ne  sont  pas 
«eux  qui  ont  pris  ces  mesures 
qu'il  faudrait  accuser  d'avoir  fait 
le  10  août,  mais  ceux  qui  les  ont 
rendues  indispensables.  Après  cet 
événement,  Carnot  fut  envoyé 
aux  camps  de  Soissons  et  de  Châ- 
lons  pour  en  donner  connaissan- 
ce aux  troupes,  et  sa  mission  n'é- 
tait pas  encore  terminée  quand  le 
département  du  Pas-de-Calais  le 
nomma  député  à  la  convention 
nationale,  convoquée  pour  le  2a 
î»eptembre  suivant.  C'était  la  se- 
conde fois  que  Carnot  allait  sié- 
Ker   comme  rcprésaataat  ds  o« 


CAR  1 1 1 

département  dans  une  assemblée 
législative.  Une  des  premières 
mesures  de  la  convention  fut  un 
hommage  décerné  aux  talens  po- 
litiques et  militaires  de  ce  dépu- 
té, car  on  le  chargea  de  se  ren- 
dre dans  les  départemens  des  Py- 
rénées, à  l'effet  de  surveiller  l'Es- 
pagne dont  les  intentions  don- 
naient de  l'inquiétude.  Revenu 
dans  le  sein  de  la  convention,  à 
l'époque  où  elle  allait  commencer 
le  procès  du  roi,  Carnot  prit  part 
à  celte  grande  catastrophe  politi- 
que; et  s'étant  déclaré  pour  la  cul- 
pabilité, il  vota  la  mort.  Il  fil,  peu 
de  temps  après,  le  rapport  propo- 
sant la  réunion  de  Monaco  et  d'u- 
ne portion  de  la  Belgique  à  la 
France.  Cependant,  en  mars  1 793, 
il  se  rendit  comme  député  à  l'ar- 
mée du  Nord.  Ce  fut  lui  qui  fit 
connaître  au  gouvernement  l'ar- 
restation du  ministre  de  la  guer- 
re Beurnonville  et  de  plusieurs 
rcprésentans  par  Dumouriez,  et 
qui  ordonna  la  saisie  et  l'envoi  au 
gouvernement  des  papiers  rela- 
tifs à  la  défection  de  ce  général. 
Le  26  vendémiaire  an  *2  (17  oc- 
tobre 1795),  Carnot  destitua  le 
général  Gratien,  accusé  d'avoir 
reculé  sur  le  champ  de  bataille, 
se  mit  lui-même  à  la  tête  des  co- 
lonnes françaises,  attaqua  l'enne- 
mi   la  baïonnette,  le  culbuta,  et 
vainqueur  à  Watignies,  s'empara 
de  Manbeuge.  Enfin  le  i4  août 
1793,  Carnot  fut  nommé  mem- 
bre du  comité  de  salut  public  créé 
le  7  avril  précédent.  Nous  profes- 
sons une  juste  horreur  pour  tout 
gouvernement  qui  domine  par  le 
meurtre,  et  qui  règne  par  la  pros- 
cription; mais  nous  pensons  que 
la  patrie -n'en  doit  que  plas  de  re- 


112  CAR 

connaissance  à  l'homme  iolrépi- 
de  qui,  se  dévouant  à  elle,  vinl 
s'asseoir  parmi  ceux  qui  l'oppri- 
maient, afin  d'y  saisir  un  moyen 
de  la  sauver.  Quelques  individus, 
cherchant  à  obscurcir  les  plus 
beaux  titres  du  général,  Ii|i  re- 
prochent sa  présence  au  comité 
de  salut  public  :  qu'ils  réfléchis- 
sent. Carnot  de  moins  dans  ce  co- 
mité, et  huit  cent  mille  étrangers 
se  ruaient  sur  la  France;  et  les  re- 
vers aflreux  qu'elle  a  subis  vingt 
ans  plus  tard  l'accablaient  vingt 
ans  plus  tôt,  avec  cette  différence 
que  les  malheurs  du  présent  n'eus- 
sent pas  trouvé  de  consolation 
dans  la  gloire  du  passé!  Carnot, 
dans  le  comité  de  salut  public, 
s'occupa  exclusivement  de  diri- 
ger les  opérations  militaires.  Qua- 
torze armées  s'organisèrent  com- 
nxe  par  enchantement  sur  divers 
points;  de  tous  côtés  l'exécution 
de  ses  ordres  fut  signalée  par  des 
succès;  la  France  fut  désolée, 
mais  elle  demeura  indépendante; 
et  à  cette  époque  sanglante  ,  mais 
honorable,  les  crimes  du  dedans 
furent  expiés  du  moins  par  la 
gloire  du  dehors.  Sans  doute  il  a 
dû  être  douloureux  pour  le  géné- 
ral Carnot  de  s'associer  aux  hom- 
mes près  desquels  il  siégeait  au 
comité  de  salut  public;  mais  sa 
retraite  n'eût  empêché  aucun  mal, 
et  sa  présence  produisait  un  grand 
bien.  En  position  pareille  ,  un 
homme  qui  n'eût  pensé  qu'à  soi 
se  fût  retiré  ;  Carnot  songeait  à 
la  France,  et  il  resta.  Président 
de  la  convention  le  16  floréal  (5 
mai  1794),  il  sortit  du  comité  de 
salut  public  après  le  9  thermi- 
dor (27  juillet);  mais  son  im- 
ijiense  utilité  y  nécessita  son  rap- 


CAR 

pel  le  i5  brumaire  suivant  (5  no- 
vembre de  la  même  année).  Ce- 
pendant Carnot,  étranger  de  fait, 
et  dans  l'opinion  de  tous  les  hom- 
mes justes,  aux  excès  des  mem- 
bres du  comité  dont  il  faisait  par- 
tie, eut  la  générosité  de  ne  point 
se  séparer  d'eux,  lorsque,  dans  la 
séance  du  12  vendémiaire  an  3 
(8  octobre  1794)»  ils  furent  vio- 
lemment accusés.  Il  parla  dans 
cette  occasion,  non  pas  pour  ex- 
cuser les  horreurs  commises , 
mais  pour  rappeler  les  services 
rendus  sous  l'administration  du 
cornitéde  salutpublic.  Quoiqu'en 
disent  quelques  biographes,  cet- 
te action  est  honorable.  En  révo- 
lution, quand  des  circonstances 
impérieuses,  quand  l'amour  du 
bien  pidilic  vous  unit  à  certains 
hommes,  le  courage  qui  vous  im- 
pose cette  pénible  association  au 
moment  de  leur  prospérité,  vous 
interdit  aussi  un  lâche  abandon 
au  jour  de  leur  infortune.  Après 
l'insurrectiorî  du  1"  prairial  an  3 
(20  mai  1795),  Carnot,  en  butte 
aux  inculpations  de  la  haine,  al- 
lait être  décrété  d'accusation  , 
quand  les  mots  suivans,  pronon- 
cés du  haut  de  la  tribune,  le  sau- 
vèrent de  la  proscription  sous  le 
plus  proscripteur  des  gouverne- 
mens  :  «  C'est  cet  homme  qui  a 
«organisé  la  victoire  dans  nos  ar- 
»  mées.  »  La  constitution  de  l'an  3 
fut  promulguée;  le  régime  de  la 
convention  cessa;  et  dix -sept 
départemens  nommèrent  Carnot 
membre  de  la  nouvelle  législatu- 
re. Il  siégeait  au  conseil  des  an- 
ciens lorsqu'il  fut  élu  directeur. 
Ce  fut  encore  des  opérations  mi- 
litaires qu'il  s'occupa  dans  ce  nou- 
veau gouvernement;  et  à  cet  é- 


CAR 

gard,  un  conflit  d'attribution  ex- 
cita entre  lui  et  Barras  une  mé- 
sintelligence marquée.  Arriva  le 
i8  fructidor  :  soit  que  la  consti- 
tution de  l'an  3  fût  réellement 
insuffisante,  soit  que  l'impéritie 
du  directoire  ne  lui  eût  pas  permis 
d'y  puiser  la  force  nécessaire  au 
pouvoir-exécutif,  un  coup-d'é- 
tat fut  résolu,  mesure  désastreu- 
se qui  sape  dans  sa  base  le  gou- 
vernement qui  l'emploie,  et  tôt 
ou  tard  le  renverse  ;  car  dès  lors 
il  se  trouve  et  de  droit  et  de  fait 
hors  la  loi  qu'il  a  lui-même  vio- 
lée. Barras,  investi  de  pouvoirs 
extraordinaires  par  la  majorité 
triomphante  du  directoire,  exer- 
çait une  espèce  de  dictature.  Car- 
nol  proscrit  se  relira  en  Allema- 
gne; et  celui  qui,  depuis  plusieurs 
années,  défendait  la  France  con- 
tre la  fureur  des  coalitions  étran- 
gères, alla  comme  un  autre  Ca- 
mille demander  un  asile  aux  peu- 
ples qu'il  avait  vaincus.  Durant 
son  exil,  ses  écrits  et  sa  conduite 
ne  cessèrent  pas  un  moment  d'ê- 
tre conformes  aux  opinions  qu'il  a 
sans  cesse  professées.  Lue  révo- 
lution mémorable  mit  enfm  un 
terme  aux  longues  agitations  de 
la  France,  et  commença  pour  el- 
le une  époque  de  gloire  et  de  pros- 
périté. Nous  voulons  parler  du  18 
brumaire.  Le  premier  consul  rap- 
pela Carnot,  le  nomma  premier 
inspecteur-général  aux  revues,  et 
quelque  temps  après,  lui  confia 
le  portefeuille  de  la  guerre.  Ce' 
fut  sous  ce  ministère  que  les  ar- 
mées françaises  gagnèrent  les  La- 
tailles  de  Alarengo  et  de  Hocnlin- 
den.  I>a  paix  conclue,  Carnot,  de- 
venu moins  utile  et  peut-être 
uioin.«i  agréable  au  premier  con- 
X.  ir. 


CAR 


ii3 


sul,  crut  devoir  déposer  le  porte- 
feuille, et  rentra  dans  une  vie  la- 
borieuse et  privée.  Cependant, 
nommé  le  9  mars  1802  membre 
du  tribunat,  il  se  distingua  dans 
cette  nouvelle  position  par  une 
fidélité  inflexible  aux  principes  et 
aux  intérêts  républicains.  11  par- 
la et  vota  successivement  avec  u- 
ne  noble  énergie  contre  le  consu- 
lat à  vie  et  contre  la  création  d'un 
empereur.  Après  la  suppression 
du  tribunat,  Carnot  sorti  pauvre 
de  tant  de  fonctions  et  de  digni- 
tés, demeura  sans  emploi  et  sans 
pension. On  avait,  à  l'insu  du  pre- 
mier consul,  considéré  sa  démis- 
sion de  ministre  de  la  guerre  com- 
me une  renonciation  absolue  à 
tous  ses  emplois;  mais  lorsqu'en 
1808,  le  bel  ouvrage  de  Carnot, 
intitulé  de  l'altaijuc  tt  de  ta  dé- 
fcnst  des  places ,  ûxa  l'attention 
de  l'empereur  ;. ce  prince,  informé 
par  Clarke,  alors  ministre,  de  la 
position  où  se  trpuvaii  l'un  des 
plus  vieux  défenseurs  de  la  patrie, 
non-seulement  le  fit  réintégrer 
sur  les  contrôles  de  l'armée,  mais 
ordonna  que  les  années  de  traite- 
ment échues  depuis  sa  retraite  du 
ministère  lui  fussent  payées.  Le 
duc  de  Feltre  se,  conduisit  dans 
cette  occasion  d'après  les  princi- 
pes d'une  reconnaissance  honora- 
ble. 11  n'oubliait  pas  que  Carnot, 
dans  l'une  des  positions  où  la  di- 
rection suprême  de  la  guerre  lui 
appartenait,  avait  tiré  le  citoyen 
Çlarke  d'un  dénùment  presque 
absolu,  et  avait  calmé  par  de  sa- 
ges, conseils  son  exaltation  ultni' 
dès  lors,  mais  dans  un  sens  qui 
n'était  pas  celui  de  la  royauté. 
Cependant  les  glorieuses  et  fata- 
les campagnes   de  Russie  et  J»> 


ii4  CAH 

Saxe  virent  échouer  !a  fortune 
des  armes  françaises.  La  patrie  é- 
tait  en  péril;  Garnot  offrit  son  é- 
pée  à  l'empereur.  Le  comman- 
dement delà  villed'Anvers  lui  fut 
confié.  Il  se  remit  en  route  pour 
cette  même  Belgique  où  vingt  ans 
auparavant  il  avait  servi  la  patrie 
sous  lesdrapeauxdelarépublique, 
comme  il  allait  la  servir  de  nou- 
veau sous  les  aigles  de  l'empire. 
L'arrivée  du  général  Carnot  dans 
la  ville  d'Anvers  changea  en  un 
clin  d'œil  la  face  des  choses.  Les 
Anglais,  qui  s'étaient  avancés  par 
terre  sur  la  rive  droite  de  l'Escaut, 
furent  vigoureusement  canonnés; 
de  brillantes  sorties  eurent  lieu; 
une  monnaie  de  siège  fut  créée 
pourles  besoins  journaliers.  Quel- 
ques lâches  ou  quelques  traîtres 
ayant  parlé  au  général  de  se  ren- 
dre, des  mesures  fortes  et  sages 
furent  prises  pour  maintenir  la 
sûreté  intérieure;  mai»  d'un  autre 
côté,  religieux  protecteur  des  in- 
térêts de  la  ville,  il  s'opposa  à  la 
démolition  du  faubourg  Belgra- 
de, qui,  aux  termes  des  règle- 
mens  militaires,  devait  être  rasé 
comme  susceptible  de  favoriser 
l'approche  des  assiégeans;  et  il 
faut  avoir  habité  Anvers  pour  se 
faire  une  idée  des  sentimens  de 
reconnaissance  et  d'admiration 
que  le  général  Carnot  a  su  con- 
quérir au  milieu  de  circonstan- 
ces, où  ne  point  inspirer  la  haine 
est  une  tâche  déjà  difficile.  Car- 
not, pour  défendre  Anvers,  avait 
à  peine  6,000  hommes,  y  com- 
pris les  équipages  de  marine;  des 
forces  considérables  l'investis- 
&aientdetoutesparts,etcependant 
le  général  français  déclarait  ses 
mesures  de  résistance  prises  pour 


CAR 

deux  années.  Le  prince  royal  de 
Suède  essaya  d'enlanicr  des  né- 
gociations avec  lui,  au  nom  de 
leur  ancienne  amitié.  —  J'étais 
l'ami  du  gêné  rai  français  Berna- 
dotte,  répondit  Carnot,  mais  je 
suis  l'ennemi  du  prince  étranger 
qui  tourne  ses  armes  cofttre  ma 
patrie.  Carnot,  dont  l'opinion  en 
fait  de  stratégie  est  sans  doute  u- 
ne  autorité,  manifestait  beau- 
coup d'admiration  pour  la  cam- 
pagne de  France,  On  l'entendait 
ù  la  lecture  des  bulletins  de  la 
grande-armée  prédire,  d'après  les 
opérations  faites,  les  opérations 
qui  devaient  se  faire.  La  marche 
des  troupes  coalisées  sur  Paris  lui 
semblait  le  résultat  des  savantes 
combinaisons  de  l'empereur;  il 
regardait  leur  perledans  cette  po- 
sition critique  comme  inévitable; 
lorsqu'une  capitulation,  aussi  dé- 
plorablequ'inattendue,  vint  trom- 
per toutes  les  prévoyances  et  ren- 
verser toutes  les  combinaisons. 
Carnot  reçut  à  Anvers  la  nouvel- 
le des  changemens  politiques  sur- 
venus en  France.  Il  avait  défendu 
la  place  au  nom  de  l'empereur; 
il  continua  de  la  défendre  au  nom 
de  la  patrie,  et  ne  consentit  à  ca- 
pituler que  lorsque  les  ordres  du 
comte  d'Artois  lui  en  imposèrent 
l'obligation.  Quatre  millions  fu- 
rent offerts  à  Carnot  par  les  agens 
d'une  des  puissances  coalisées, 
s'il  voulait  devancer  de  quelques 
heures  le  moment  fixé  pour  livrer 
la  ville.  Il  est  inutile  de  dire  quel- 
le fut  sa  réponse.  Carnot,  de  re- 
tour k  Paris,  ne  reçut  aucun  em- 
ploi du  gouvernementroyal.Dans 
le  courantde  i8i4,  il  publia,  sous 
le  titre  de  Mémoire  au  roi,  une 
brochure  où  les  fautes  graves  du 


CAll 

nouveau  ministère  étaient  signa- 
lées avec  la  franchise  d'un  bon  ci- 
toyen, et  l'expérience  d'une  lon- 
gue et  laborieuse  carrière.  Mais 
le  débarquement  de  Napoléon  à 
Cannes  fut  tout  à  coup  la  preuve 
active  et  terrible  de  la  culpabili- 
té des  ministres  envers  la  nation, 
et  de  la  haine  de  la  nation  envers 
les  ministres.  Napoléon,  arrivé  à 
Paris,  voulut  donner  un  gage  de 
son  retour  à  des  principes  cons- 
titutionnels. 11  fit  mander  Car- 
not,  commença  par  le  compli- 
menter sur  la  défense  d'Anvers, 
et  finit  par  lui  oftVir  le  portefeuil- 
le de  l'intérieur.  Le  général  ob- 
jecta qu'il  pourrait  rendre  de 
plus  utiles  services  au  départe- 
mentde  la  guerre.  — «Le  ministère 
»de  l'intérieur  est  le  plus  impor- 
»tant  de  tous  aujourd'hui,  répli- 
»qua  Napoléon;  il  ne  me  faut  à  la 
"guerre  qu'une  machine.  Celle 
»que  j'y  place  est  peu  habile,  mais 
«elle  est  dévouée.» Carnet,  qui  ne 
doutait  pas  que  la  conversion  de 
Napoléon  ne  fût  sincère,  et  qui 
voulait  qu'avant  tout  la  patrie 
triomphât  j  était  d'avis  que  le 
vainqueur  de  Marengu,  investi 
pour  quelques  semaines  de  la  dic- 
tature, njarchût  de  suite  sur  la 
Belgique,  et  réintégrât  la  France 
dans  ses  anciennes  limites.  Entré 
.au  ministère,  il  s'opposa  à  l'acte 
additionnel  dans  les  conseils.  Il 
est  faux,  comme  l'ont  dit  certains 
biographes,  qu'il  ait  ensuite  forcé 
les  fonctionnaires  dépendant  de 
son  ministère  à  le  signer.  Les  vo- 
tes de  chacun  ù  cet  égard  furent 
libres.  Carnot,  durant  son  admi- 
nistration, s'opposa  ik  toute  espè- 
ce d'acte  arbitraire.  Des  lettres 
ayant  été  saisies  dans  quelques 


CAR 


)i6 


bureaux  de  poste;  n'oubliez  pas, 
écrivait  le  ministre  aux  préfets  en 
blâmant  cette  mesure,  que  la 
pensée  d'un  citoyen  français  est 
libre  comme  sa  personne.  Avant 
le  départ  de  Napoléon  pour  l'ar- 
mée, Carnot  lui  porta  la  preuve 
évidente  des  intelligences  de  Fou- 
ché  avec  la  coalition.  Napoléon 
manifesta  à  l'homme  qui  le  tra- 
hissait toute  son  indignation,  et 
malheureusement  le  méprisa  as- 
sez pour  le  laisser  en  place.  Après 
le  désastre  du  mont  Saint-Jean, 
Carnot  conseillait  à  Napoléon  de 
se  rendre  en  personne  aux  cham- 
bres, d'y  faire  l'exposé  de  la  situa- 
tion des  choses,  et  de  leur  deman- 
der les  moyens  de  sauver  la  pa- 
trie. Le  principal  de  ces  moyens 
était  encore  selon  lui  la  créa- 
lion  momentanée  d'une  dictature. 
Dans  le  conseil,  il  s'opposa  à  une 
abdication  qui  rendait  toute  ré- 
sistance contre  l'étranger  impos- 
sible. Nommé  membre  du  gou- 
vernement provisoire,  après  la 
seconde  abdication  de  Napoléon, 
et  durant  les  jours  orageux  qui 
s'écoulèrent  jusqu'à  la  rentrée  du 
roi,  Carnot,  toujours  dévoué  ù  la 
chose  publique,  ne  s'occupa  que 
des  moyens  d'atténuer  les  mal- 
heurs dont  la  France  était  mena- 
cée. Le  caractère  double  et  dé- 
loyal de  Fouché  lui  était  connu; 
ses  intelligences  avec  tous  les  par- 
tis lui  étaient  prouvées;  mais  le 
moment  où  la  chute  de  cet  hom- 
me pervers  pouvait  être  utile  n'é- 
tait plus,  et  Carnot  crut  devoir 
s'opposer  à  la  résolution  de  quel- 
ques membres  qui  voulaient  de- 
mander sa  mise  en  accusation.  A- 
près  avoir  consenti  à  la  capitula- 
tion de  Paris,  et  le  gouvernement 


ii6  CAR 

du  roi  étant  réinstallé,  Carnot, 
Inscrit  par  Fouchc  sur  une  liste 
d'exil,  se  relira  dans  une  campa- 
gne à  douze  lieues  de  la  capitale. 
Là  il  publia  un  mémoire  ot'i  sa 
conduite  durant  les  cent  jours  est 
expliquée.  Bientôt  la  chambre  de 
i8j5  fit  retentir  des  cris  de  rage 
et  de  proscription;  Carnot,  ban- 
ni, quitta  la  France,  et  se  j:etira 
à  Varsovie,  où  le  grand-duc  Cons- 
tantin le  reçut  avec  beaucoup  de 
considération.  On  assure  même 
que  des  oft'res  brillantes  de  servi- 
ce lui  furent  faites,  mais  que  le 
général  français  les  refusa.  De- 
puis Carnot  a  fixé  sa  résidence  à 
Magdebourg,  où  n'ayant,  pour 
toute  fortune,  que  les  faibles  re- 
venus qu'il  possédait  avant  d'en- 
trer dans  les  aftaires,  il  mène  u- 
ne  vie  consacrée  à  l'étude  et  en- 
vironnée de  l'estime  publique.  La 
renommée  de  Carnot  est  un  de 
ces  beaux  titres  de  gloire  que  l'Eu- 
rope envie  à  la  France.  Nous  ne 
prétendons  pas  que  sa  longue  car- 
rière soit  exempte  de  toute  er- 
reur politique  ;  mais  où  est  le 
cœur  vraiment  français  qui  ne  se 
sent  pas  pénétré  de  reconnaissan- 
ce au  souvenir  de  tant  de  servi- 
ces rendus  à  la  patrie?  Général, 
je  vous  ai  connu  trop  tard  :  tels 
furent  les  adieux  de  Napoléon  au 
vainqueur  de  Watignie;  et  le  ro- 
cherde  S'*-Hélène  a  souvent  reten- 
ti des  paroles  d'estime  prononcées 
par  l'ex-empereur  au  sujet  du  gé- 
néral républicain.  Carnot,  à  dif- 
férentes époques,  publiarles  ou- 
vrages ci-après  :  Eloge  de  P'au- 
ban  .  discours  qui  a  remporté  le 
prix  à  l'académie  de  Dijon,  1784, 
in-S";  Essai  sur  les  tnacliines  en 
général,  1786,   in-8°;  Observa- 


CAI\ 

lions  sur  la  lettre  de  M.  Choder- 
los de  Laclos  contre  l'éloge  de 
yauban,  1785,  in-8°;  Exploits 
des  Français  depuis  le  11  fruc- 
tidor an  1",  2  vol.  in-18;  OEu- 
vres  niathénialiques,  1797,  in-8°; 
Réflexions  sur  la  métaphysique 
du  calcul  infinitésimal,  1 797,  in- 
8°,  deuxième  édition,  i8i3,  in-S"; 
Réponse  au  rapport  fait  sur  la 
conjuration  du  \%fructidor  an  5, 
par  J.  Ch.  Bailleul,  par  L.  M. 
Carnot,  citoyen  français,  1 799 , 
in-8°  et  in- 12,  Hambourg  et  l'a- 
ris.  Il  en  a  paru  un  supplément  à 
Hambourg  ,  qui  n'est  pas  dans 
l'édition  de  Paris.  De  la  Corré- 
lation des  figures  de  géométrie, 
1801,  in -8°;  Principes  fondamen- 
taux de  l'équilibre  et  du  mouve- 
ment, i8o5,  in-8°;  Géométrie  de 
position,  i8o5,  in -8°;  Discours 
contre  l'hérédité  de  la  souverai- 
neté en  France,  1804,  in-8"';  Mé- 
moire sur  la  relation  qui  existe 
entre  les  distances  respectives  de 
cinq  points  quelconques  pris  dans 
l'espace,  suivi  d'un  Essai  sur  la 
théorie  des  transversales ,  1806, 
in-4°,  de  116  pages,  fig.;  de  la 
Défense  des  places  fortes ,  troi- 
sième édition,  1812,  in-4°,  tra- 
duit en  anglais  parle  lieutenant- 
colonel  Montalembert,  Londres, 
1814,  in-8°;  Mémoire  adressé  au 
roi  t-n  juillet  181 4?  in-8°;  Expo- 
sé de  la  conduite  politique  de  M. 
le  lieutenant-général  Carnot,  de- 
puis Le  \"  juillet  \^\l\,  in-8°.  Car- 
not, au  milieu  de  ses  importans 
travaux  et  de  ses  méditations  pro- 
fondes, n'a  pas  dédaigné  de  sacri- 
fier aux  muses.  On  a  publié  de 
lui  dans  quelques  recueils  des  piè- 
ces fugitives  pleines  de  grâce  et 
de  gaieté.  Carnot  fut  nommé  deux 


CAR 

fois  membre  de  l'institut  (pre- 
mière classe),  et  en  fut  rayé  deux 
fois  :  après  le  i8  fructidor,  par  le 
directoire;  en  ï8i4>  pf^r  les  mi- 
nistres du  roi. 

CAUN0T-FE13LINS  (Claude- 
Marie),  frère  du  précédent,  né  à 
Nolay,  le  1 5  juillet  1756;  entra  au 
service  dans  l'arme  du  génie  :  il 
était  capitaine  lorsque  la  révolu- 
tion éclata.  Etabli  dans  le  dépar- 
tement du  Pas-de-Calais,  il  en  fut 
nommé  administrateur  en  1790. 
Président  de  l'assemblée  élec- 
torale du  même  département, 
|)uis  député  à  l'assemblée  législa- 
tive ,  en  1791,  il  reçut  des  divers 
gouvernemens  qui  se  succédè- 
rent en  France,  jusqu'au  18  liru- 
n)aire,  plusieurs  missions  mili- 
taires et  civiles,  dont  il  s'acquit- 
ta avec  zèle  et  talent.  II  dirigea 
les  fortifications  de  Dunkerque, 
lorsque  cette  ville  fut  assiégée 
par  les  Anglais,  se  distingua  à  la 
bataille  de  ^Vatignie  ;  prépara  le 
rétablissement  du  port  d'Amble- 
leuse,  et  présenta  ,  comme  mem- 
bre du  comité  des  fortifications, 
des  projets  d'améliorations  pour 
la  défense  des  places,  qui  furent 
unanimement  approuvés.  Il  j)ar- 
tagea  successivement  les  honora- 
bles diggrâces  de  son  frère,  sous 
le  directoire  elle  consulat.  Après 
le  retour  de  INapoléon  en  181 5, 
le  département  de  Saône-et-Loi- 
re  le  nomma  député  à  la  chambre 
des  rcprésentans.  Il  fut  l'un  des 
secrétaires  de  cette  assemblée;  et 
après  les  désastres  du  mont  Saint- 
Jean  ,  il  proposa  de  décréter  que 
l'armée  avait  bien  mérité  de  la 
patrie.  Chargé  par  intérim  du 
portefeuille  de  l'intérieur,  il  le 
«onserva  jusqu'au  retour  du  roi. 


CAR 


117 


Mis  en  retraite,  par  suite  d'une 
mesure  générale,  il  fut  arrêté  au 
mois  de  juillet  1816,  à  l'occasion 
d'une  correspondance  intercep- 
tée entre  lui  et  son  frère,  alors 
en  Pologne.  Cette  mesure  était 
une  émanation  de  181  5.  Carnot- 
Feulins  remis  en  liberté,  reçut, 
en  1817,  le  brevet  de  lieutenant- 
général.  Toujours  en  retraite  ,  il 
consacre  sa  vie  à  l'étude  :  il  existe 
de  lui,  sur  la  politique,  plusieurs 
ouvrages,  dont  quelques-uns  ont 
été  traduits  en  allemand. 

CAllNOT  (Joseph  -  Fbançois- 
C laide),  frère  des  précédens,  né 
à  Nolay,  le  22  mai  1702;  fut  re- 
çu au  parlement  de  Dijon,  en 
juillet  1772.  Nommé  successive- 
ment membre  du  comité  muni- 
cipal de  Dijon,  oflicier  de  la  gar- 
de bourgeoise,  commissaire  na- 
tional près  le  tribunal  du  district, 
commissaire  du  directoire  près  le 
tribunal  civil  et  criminel  de  la 
Côle-d'Or,  puis  commissaire  du 
gouvernement,  près  la  pour  d'ap- 
pel du  même  déparlement  en  l'an 

8,  il  se  distingua  dans  ces  diver- 
ses fonctions,  par  un  esprit  de 
justice  etde  fermeté  à  toute  épreu- 
ve; et  durant  les  jours  orageux  de 
la  révolution,  il  s'opposa  avec 
courage  aux  mesures  ultra -ré- 
volutionnaires de  quelques  agens 
de  la  convention.  Nommé,  en  l'an 

9,  juge  au  tribunal  de  cassation, 
il  occupe  encore  cette  place  ho- 
norable. M.  Carnot  est  membre 
delà  légion-d'honneur,  et  de  l'aca- 
démie de  Dijon.  On  a  de  lui  un 
ouvrage  fort  estimable,  intitulé: 
De  l'insiruction  criminelle ,  con- 
sidi'rée  dans  ses  rapports  géné- 
raux et  particuliers,  avec  les  lois 
nouvelles  et  la  jurisprudence  de 


ii8 


CAR 


la  cour  de  cnssalinn.  Vin  quatriè- 
me Carnot  (Claiide-IMarguerite), 
né  en  1754,  après  avoir  occupé 
divers  emplois  civils  et  judiciai- 
res à  Dijon,  fut  nommé,  en  l'an  8, 
procureur-général  près  la  cour 
de  justice  criminelle  du  départe- 
ment de  Saône-et-Loire.  Il  est 
mort  dans  l'exercice  de  ses  fonc- 
tions, le  i5  mars  1808.  Généra- 
lement chéri,  il  fut  générale- 
ment regretté.  Sa  présence  d'es- 
prit ne  le  quitta  pas  un  instant  : 
environné  de  ses  meilleurs  amis, 
et  voyant  sa  fin  approcher,  il  leur 
fit  des  adieux  touchans.  Prêt  à 
rendre  le  dernier  souffle,  il  leur 
dit  :  f^otts  allez  voir  comment 
l'on  passe  de  la  vie  à  la  mort;  et 
il  expira.  Napoléon,  alors  chef 
du  gouvernement,  manifesta  sur 
la  perte  de  ce  magistrat,  des  re- 
grets, qui  seuls  suffisent  à  son 
éloge. 

CARO(ï)ONVENTtmA),  frère  du  fa- 
meux marquis  de  LaRomana.Ilfit 
avec  honneur  son  apprentissage 
dans  le  métier  des  armes,  en  1  ;'93, 
lorsque  les  Espagnols  envahirent 
unmomentleRoussillon.  Au  com- 
mencement de  la  guerre  d'Espa- 
gne, le  général  Caro  prouva  que 
l'humanité  est  presque  toujours  u- 
nie  au  vrai  courage;  il  protégea  les 
troupes  françaises  contre  la  fureur 
du  peuple,  qu'irritaient  les  événe- 
mens  de  Bayonne.  Il  donna,  en 
plusieurs  occasions,  des  preuves 
d'une  grande  valeur,  surtout  dans 
wn  combat  qui  eut  lieu  auprès  de 
"Valence,  où,  à  la  tête  de  sa  cava- 
lerie,il  sabra  lescanonniers  jusque 
sur  leurs  pièces.  Il  est  parlé  de  ce 
fait  d'armes,  dans  les  rapports  offi- 
ciels du  maréchal  duc  d'Albuféra. 

CAROLINE-AMÉLIE-ÉLIZA- 


CAR 

BETH  DE  BRUNSWICK-WOL- 
FKNBDTTEL,  née  le  1 7  mai  1768, 
épousa  le  prince  deGalles,  aujour- 
d'hui roi  d'Angleterre,  et  mou- 
rut en  1821  :  c'est  à  ce  peu  de 
mots  que  se  bornerait  l'histoire 
de  cette  princesse,  si  les  malheurs 
et  les  persécutions  qui  l'entourè- 
rent pendant  sa  vie,  n'ajoutaient 
à  l'éclat  du  rang  qu'elle  a  occupé, 
la  déplorable  célébrité  des  évé» 
nemens  qui  se  rattachent  à  son 
nom.  Son  père,  le  duc  de  Bruns- 
wick-Wolfenbuttel,  commandait, 
contre  la  France,  cette  première 
coalition  armée  qui  expia  l'in- 
solence de  ses  manifestes  dans 
les  plaines  de  la  Champagne,  en 
1792.  Elevée  à  la  cour  de  son 
père,  sous  la  tutelle  de  ses  tantes, 
Caroline  passa  les  premières  an- 
nées de  sa  jeunesse  dans  une  li- 
berté douce  et  heureuse;  à  20 
ans  elle  était  regardée  comme 
l'une  des  princesses  de  son  temps 
les  plus  spirituelles  et  les  plus 
belles.  «  Une  physionomie  à  la 
«fois  mobile  et  prononcée;  des 
«yeux  remplis  de  feu  et  de  ma- 
BJesté;  un  sourire  plein  de  bien- 
»veillance;  une  démarche  qui 
1)  rappelait  le  mot  de  Virgile  :  In- 
ncessii  patuit  dea;  quelque  chose 
)>de  doux,  de  noble  et  d'attirant 
»  dans  le  regard;  »  tel  est  le  por- 
trait qu'un  noble  anglais,  qui  la 
vit  à  Brunswick,  a  laissé  d'elle 
dans  ses  mémoires.  Jusqu'à  l'âge 
de  27  ans,  elle  ne  quitta  pas  cet- 
te cour  allemande,  où  régnait  une 
sévère  pureté  de  mœurs,  jointe 
à  quelque  fierté  nobiliaire  et  à 
quelques  idées  romanesques.  A- 
lors  George  III,  roi  d'Angleterre, 
désirant  mettre  un  terme  aux  er- 
reurs de  la  jeunesse  fougueuse  de 


73 


Uf.  /I,hI{, 


CAR 

son  fils,  résolut  de  le  marier,  et 
lui  promit  de  remplir  les  nom- 
breux engagemens  auxquels  il  ne 
pouvait  faire  face,  s'il  voulait 
choisir  parmi  les  princesses  d'Eu- 
rope, une  compagne  digne  de  sa 
haute  destinée.  Le  prince  opposa 
long-temps  une  résistance  opi- 
niâtre. Agé  de  55  ans,  habitué  à 
user  d'une  liberté  sans  bornes,  il 
n'envisageait  qu'avec  effroi  les 
chaînes  qu'on  voulait  lui  imposer; 
mais  ses  créanciers  le  poursui- 
vaient. Le  paiement  de  six  cent 
trente-neuj'rnille  huit  cent  quatre- 
vin^-dix  livres  sterling,  quatre 
schellings,  quatre  pences  (mon- 
naie anglaise);  c'est-à-dire,  dou- 
ze millions  sept  cent  quatre-vingt' 
dix-sept  mille  huit  cent  cinq  li- 
vres quatre  sous  (monnaie  fran- 
çaise) {frayez  les  débats  de  la 
chambre  des  communes  ,  à  cette 
époque);  le  paiement  de  cette 
énorme  somme,  montant  des  det- 
tes du  prince,  était  l'une  des 
clauses  du  contrat.  Il  finit  par  se 
rendre  à  ces  puissantes  considéra- 
tions, et  épousa  Caroline  de  Bruns- 
wick, sa  cousine,  le  8  avril  1795. 
Jamais  union  ne  parut  se  former 
sous  de  plus  heureux  auspices. 
Les  âges  étaient  assortis  :  les  liens 
de  la  parenté  resserraient  encore 
ceux  de  l'hymen.  Le  parlement 
anglais,  à  qui  l'on  ne  peut  géné- 
ralement reprocher  trop  de  par- 
cimonie, quand  il  s'agit  de  l'apa- 
nage des  héritiers  de  la  couronne, 
avait  signalé,  cette  fois  encore, 
sa  générosité,  en  doublant  le  re- 
Tenu  du  prince,  et  en  lui  accor- 
dant, pour  les  frais  du  mariage, 
une  somme  de  vin^t-sept  mille 
livres  sterling;,  outre  plus  de  qua- 
rante mille  livres  sterling,  pour 


CAR 


119 


menus  frais,  vaisselle,  ameuble- 
ment, etc.  Tout  semblait  cons- 
pirer au  bonheur  de  ce  couple 
royal,  environné  de  tant  de  pou- 
voir, de  richesses  et  d'espéran- 
ces. Cependant,  à  peine  la  jeune 
princesse,  séparée  de  sa  famille, 
éloignée  de  son  pays ,  avait-elle 
échappé  aux  derniers  complimens 
des  député»  de  toutes  les  provin- 
ces ;  à  peine  les  fêtes  du  mariage 
étaient-elles  terminées ,  qu'elle 
se  vit  exilée  de  la  couche  nup- 
tiale ,  privée  de  la  présence  et 
de  l'affection  de  son  mari.  Ln 
appartement  écarté  fut  prépa- 
ré pour  elle,  dans  le  palais  de 
Carlton.  Veuve  long-temps  a- 
vant  d'être  mère,  elle  vécut  ain- 
si dans  le  plus  complet  abandon , 
dans  le  plus  cruel  isolement ,  jus- 
qu'au moment  de  la  naissance  de 
sa  fille  Charlotte,  princesse  mal- 
heureuse, dont  le  berceau  et  le 
cercueil  furent  également  soli- 
taires, dont  les  premiers  comme 
les  derniers  momens  ne  reçurent 
ni  les  baisers  ni  les  pleurs  d'un 
père.  Deux  mois  après  cette  tris- 
te naissance  ,  le  sort  de  Caroline 
devint  plus  amer  encore;  chassée 
du  palais  même  où  elle  vivait  en 
étrangère,  abreuvée  des  humi- 
liations que  versait  sur  toute  sa 
vie  l'inexplicable  inimitié  d'un 
époux,  elle  fut  forcée  de  se  reti- 
rer à  Blackhcath  ;  là ,  sa  vie  fut 
simple  ,  sans  éclat  et  sans  plaisirs. 
Déjà  cependant  la  calomnie  in- 
ventait mille  fictions  romanes- 
ques ;  on  parlait  d'un  capitaine 
Pôle  ,  d'un  officier  irlandais,  d'un 
Allemand  qu'elle  avait  aimé  dans 
son  enfance;  c'est-à-dire  que, 
pour  justifier  une  conduite  in- 
concevable, on  forgeait  un  ro- 


120  CAR 

inah,  dont  l'incohérence  trnhis- 
sait  la  laussclé.  Les  syco])harjles 
de  cour  commencèrent  à  jeter, 
sur  la  conduite  de  la  princesse  a- 
bandonnée,  des  insinuations  per- 
fides. On  fit,  aux  yeux  du  peuple 
anglais,  un  crime  à  Caroline  de 
celte  indépendance  d'actions  qui 
fait  partie,  sur  le  continent,  du 
savoir-vivre,  et  pour  ainsi  dire 
de  l'étiquette  des  cours  :  on  vou- 
lut trouver  dans  l'innocente  viva- 
cité de  son  âge,  dans  la  vive  gaie- 
té de  ses  discours,  une  preuve 
irréfragable  deshabitudes  les  plus 
vicieuses.  Pendant  qu'elle  veillait 
sur  le  berceau  de  sa.  jeune  enfant, 
ces  calomnies  se  répandaient, 
s'imprimaient;  et  le  prince,  livré 
à  des  dissipations,  que  nous  lais- 
sons à  la  postérité  le  soin  de  ca- 
ractériser, écrivait  à  la  princesse 
ime  lettre,  que  l'histoire  conser- 
vera, et  dans  laquelle  il  déclare, 
avec  la  plus  singulière  franchise, 
que  les  inclinations  de  f  homme  ne 
dépendant  pas  de  sa  volonté,  il 
se  croit  complètement  en  droit  de 
renoncer  à  toute  espèce  de  liaison 
avec  la  princesse ,  et  qu'en  aucun 
temps  il  ne  prétendra  former  a- 
vec  elle  une  union  plus  intime, 
que  les  rapports  ordinaires  de  so- 
ciété. {^Koyez  lettre  transmise  par 
lord  Cholmondeley).  D'après  cet- 
te formelle  déclaration,  plus  d'u- 
ne femme  aurait  pu  se  croire  li- 
bre de  tout  engagement  envers 
l'homme  qui  brisait  lui-même  ses 
liens.  Néanmoins  la  conduite  de 
la  princesse  parut  long-temps  en- 
core assez  irréprochable  ,  pour 
ôter  à  la  persécution  des  motifs 
suflisans  de  s'appesantir  sur  elle. 
Son  père,  son  frère,  sa  tante, 
moururent:  les  dcuxpremiers,  sur 


CAR 

le  champ  de  bataille  (à  léna);  cet- 
te dernière,  du  chagrin  de  les  a*- 
voir  perdus.  Caroline  resta  seu- 
le, sans  un  protecteur  au  monde. 
«Dès  lors,  aucune  mesure  ne 
fut  gardée  :  sa  fille  lui  fut  ar- 
rachée; il  ne  lui  fut  permis  de 
la  voir  qu'une  fois  par  semaine  : 
quand  le  carrosse  de  la  mère  pas- 
sait devant  celui  de  la  fille,  la 
nourrice  avait  ordre  de  baisser 
les  stores,  et  le  cocher  de  tour- 
ner bride.  [J^oyez  la  lettre  de 
J^Vhitbread  aux  communes.)  Un 
espionnage  domestique  fut  orga- 
nisé autour  de  la  princesse;  et  en- 
fin, en  1806,  l'Europe  étonnée 
apprit  qu'une  enquête  judiciaire 
allait  être  faite,  sur  la  requête  et 
au  nom  du  prince-régent,  à  l'ef- 
fet de  savoir  si  la  princesse,  sa 
femme,  était  ou  non  coupable  d'a- 
dultère, et  si  (comme  plusieurs 
témoins  le  déposaient)  elle  n'é- 
tait pas  accouchée  secrètement 
en  1806,  d'un  enfant  mâle,  illé- 
gitime et  adultérin.  On  ne  put  que 
voir  avec  la  plus  «xtrôme  sur- 
prise, un  prince,  héritier  delà 
couronne,  s'inscrire  lui-même  sur 
la  liste  que  Saint-Réal  a  dressée , 
des  Grands  hommes  dont  les  fom- 
mes  forent  infidèles  ;  on  s'étonna 
surtout  de  retrouver  tout  ;^  coup 
un  intérêt  si  vif  pour  la  bonne 
conduite  de  sa  femme,  chez  un 
homme  qui  lui  avait  donné,  dix 
ans  auparavant,  ce  que  les  juris- 
consultes appellent  congé  d'élire. 
Quoi  qu'il  en  soit,  deux  personna- 
ges distingués  par  leur  naissance 
et  leur  crédit  à  la  cour  du  prince 
de  Galles ,  sir  John  et  lady  Dou- 
glas, n'hésitèrent  point  à  déposer 
devant  la  commission  d'enquête, 
composée    de  lord  Erskine,   de 


CAR 

lord  Spencer,  de  lord  Grenville, 
et  de  ce  célèbre  Ellenborough , 
que  la  princesse  (de  son  propre 
aveu,  et  sous  leurs  yeux)  avait 
ruis  au  inonde  un  enfant  mâle, 
fruit  de  son  commerce  adultérin 
avec  l'amiral  Sidney-Smilh,  ou 
le  capitaine  Manby:  Ce  procès  é- 
trange  fut  tenu  secret  :  on  appor- 
ta comme  preuves,  semi-preu- 
ves, ou  probabilités,  la  bienveil- 
lance même  et  la  facilité  des  ma- 
nières de  la  princesse  de  Galles  ; 
on  appela  le  dernier  de  ses  servi- 
teurs, et  la  plus  légère  de  ses 
connaissances,  pour  leur  deman- 
der une  interprétation  de  tous  les 
actes  et  de  toutes  les  pensées  de 
Caroline.  Cependant  George  III, 
dont  Tâme  était  aussi  bonne  que 
son  esprit  était  faible,  interposa 
son  sceptre  entre  les  persécu- 
teurs et  sa  malheureuse  nièce. 
On  apporta  la  j)lus  rigoureuse 
exactitude  dans  les  enquêtes;  et 
la  con)mission  finit  par  déclarer 
positivement,  que  la  princesse 
était  innocente  ;  que  quelque  lé- 
gèreté pouvait  seulement  être  im- 
putée usa  conduite;  et  que  l'en- 
J'ant  dont  il  était  question  (Wil- 
liam Auslin),  était,  sans  le  moin- 
dre doute,  Jils  d'un  pauvre  char- 
pentier du  Dept/ord.  La  convic- 
tion du  ])arjure  pesa  d(»nc  sur  la 
tête  de  .««ir  John  et  de  lady  Dou- 
glas; et  Vatlorney-ffénéral  décla- 
ra, en  plein  parlement,  qu'il  eût 
fff^arué  comme  son  devoir  indis- 
pensable de  les  poursuivre ,  si  de 
secrets  et  d'invincibles  obstacles 
n'eussent  arrêté  la  main  de  la 
justice  publique.  Après  la  décla- 
ration claircet  formelle  de  lacoin- 
mi.ssion  chargée  de  ce  que  les 
Anglais  appelèrent  V investigation 


CAR  lai 

délicate, OKI  efitpu  croire  le  triom- 
phe de  la  princesse  assuré.  Cepen- 
dant, lorsqu'il  s'agit  de  la  rece- 
voir à  la  cour,  et  de  reconnaître 
son  innocence,  de  nouvelles  dif- 
ficultés s'élevèrent.  Partout  le 
prince  de  Galles  opposait  sa  main 
puissante;  de  nouvelles  épreuves 
lui  furent  préparées.  Tantôt  sa 
lille  lui  était  enlevée  ;  tantôt  d'af- 
freux libelles  répandaient  sur  el- 
le d'odieuses  calomnies.  Elle 
voulut  être  jugée  derechef  :  un 
nouveau  jugement  du  cabinet, 
un  second  jugement  des  commu- 
nes, firent  éclater  son  innocence; 
lord  Castlereagh  lui-même  sortit 
enfin  des  ténèbres  de  son  éloquen- 
ce énigmatique ,  pour  avouer, 
sans  restriction  et  sans  ambages, 
que  rien  n'était  plus  évident  que 
t' innocence  de  Caroline. 'ïro'xs  fois 

jugée,  trois  fois  acquittée le 

croirait  -  on  ?  l'infortunée  prin- 
cesse ne  vit  point  de  terme  à  son 
isolement;  le  roi,  mort  à  la  rai- 
son, ne  pouvait  plus  la  protéger; 
les  princes  la  fuyaient;  sa  fille 
Chatlotle  ne  pouvait  la  voir,  et 
partageait  cependant  la  défaveur 
sous  laquelle  gémissait  sa  mère. 
La  cour,  et  la  tourbe  des  écrivains 
salariés,  des  soldats  du  ministè- 
re, et  de  ces  parasites  courtisans 
de  bas  étage  et  de  mauvais  lieu, 
que  le  peuple  appelle  les  toad-ea- 
ters  (mangeurs  de  soupe  à  la  tor- 
tue); toute  qette  foule  corrompue 
avait  grand  soin  de  fuir  la  solitu- 
de d'une  femme  ,  qui  avait  pour 
ennemi  le  chef  du  pouvoir.  Ainsi 
seule,  abandonnée,  après  avoir 
échappé  par  miracle  à  une  Ign- 
gue  conspiration,  qui  trois  fois 
avait  menacé  son  honneur  et  sa 
vie  ;  craignant  peut-être   que  U 


i'>.a  CAR 

mensonge  tant  de  fois  répélé , 
ne  prit  une  sorte  de  consistance; 
craignant  d'ailleurs  pour  sa  fille, 
dont  sa  présence  pouvait  rendre 
la  destinée  plus  malheureuse,  et 
rel.irderle  mariage,  elle  résolntde 
s'exiler  définitivement,  et  quitta 
l'Angleterre  en  1814.  Orpheline, 
sans  amis  et  sans  époux,  dégra- 
dée, désolée,  elle  partit  pour  l'I- 
talie, avec  une  faible  escorte.  Une 
nouvelle  et  obscure  carrière  s'ou- 
vre ici  devant  Ihistorien  :  d'un 
côté,  une  femme  dont  le  sort  ex- 
citerait la  pitié  de  l'homme  le 
plus  insensible;  d'un  autre,  une 
nuée  d'observateurs  invisibles, 
suivant  partout  ses  pas,  et  en- 
voyant au  cabinet  de  Saint-Ja- 
mes, pour  résultat  de  leurs  tra- 
vaux, un  journal  d'actions  infâ- 
mes, ou  du  moins  ignobles,  attri- 
buées ù  la  princesse.  A  peine  ar- 
rivée en  Italie ,  elle  acheta  une 
superbe  villa,  sur  le  lac  de  Covio; 
et  bientôt  après ,  elle  partit  pour 
le  Bosphore;  elle  parcourut  la 
Grèce,  la  Judée,  les  côtes  d'Afri- 
que; visita  les  ruines  de  Cartha- 
ge,  les  pierres  de  Misitra,  Athè- 
nes, Utique,  Malte,  Rhodes,  Sy- 
racuse, et  revint  à  Como.  C'est 
au  milieu  de  ces  voyages  si  fati- 
gans  et  si" rapides,  que  les  espions, 
chargés  de  la  surveiller  constam- 
ment, découvrirent  et  dénoncè- 
rent à  leurs  commettans ,  un  com- 
merce scandaleux  et  criminel  en- 
tre la  princesse  de  Galles  et  son 
chambellan,  Bergami.  Cet  hom- 
me, dont  la  naissance  et  la  vie 
sont  également  obscures,  est  en- 
core, pour  le  narrateur,  un  objet 
enveloppé  de  mystères.  Fils  de 
portefaix  {fîglio  di  Jacchind)  ^ 
jîuivantles  uns;  il  tient,  suivant 


CAR 

Uis-nutres,  à  la  première  noblesse 
de  Naples.  Fut-il  mendiant  ou 
prêtre,  escroc  ou  lieutenant,  va- 
let ou  maître,  moine  ou  soldat? 
aucun  de  ces  points  n'est  éclairci. 
Néanmoins  on  ne  peut  douter 
qu'il  n'ait  été  d'abord  simple  cour- 
rier au  service  de  la  princesse, 
et  que  bientôt,  admis  dans  son 
intimité,  il  n'ait  reçu  d'elle  des 
décorations,  des  titres,  et  qu'il 
n'ait  été  comblé  de  ses  bienfaits. 
D'une  taille  avantageuse,  d'une 
belle  figure,  d'une  conversation 
facile  et  amusante,  il  a  dû,  parla 
bassesse  présumée  de  son  extrac- 
tion, par  la  rapidité  et  l'éclat 
de  sa  faveur,  exciter  plus  d'un 
soupçon.  Mais  les  opinions  sont 
partagées  parmi  ceux  mêmes  qui 
regardent  comme  prouvée  la  fai- 
blesse de  Caroline!  Doit-on  l'at- 
tribuer à  une  erreur  des  sens,  aux 
illusions  d'une  imagination  roma- 
nesque, au  besoin  de  protection 
que  devait  naturellement  sentir 
une  femme  isolée?  Peut-on  sup- 
poser que  Bergami  n'ait  été  qu'un 
instrument  entre  des  mains  puis- 
santes? Par  une  complication  et 
un  raffinement  de  méchanceté 
dignes  de  l'enfer,  aurait-il  reçu  la 
mission  d'employer  tout  l'art  des 
séductions  pour  entraîner  l'illus- 
tre voyageuse  au  crime  et  à  la 
honte?  Pourquoi  n'a-t-il  point  pa- 
ru au  procès?  Pourquoi  le  gou- 
vernement anglais,  qui  peut  tout 
sur  les  gouvernemens  étrangers, 
ne  s'est-il  pas  fait  livrer  cet  hom- 
me qui  eût  pu  jeter  tant  de  lumiè- 
res sur  cette  affaire?  Ces  questions 
ont  été  faites  par  tout  le  monde; 
personne  n'a  répondu.  Quoi  qu'il 
en  soit,  une  commission  spécia- 
lement chargée  de  l'espionnage 


CAR 

de  la  princesse  s'établit  à  Milan. 
Deux  fois  des  assassins  l'attaquè- 
rent; un  chevalier  d'industrie  es- 
saya de  crocheter  le  secrétaire  où 
elle  renfermait  sa  correspondan- 
ce confidentielle.  Pendant  qu'un 
démon  de  persécution,  si  cruel, 
ëi  conitant,  si  inexorable,  s'atta- 
chait à  ses  pas,  elle  perdit  sa  fille; 
Charlotte,  fille  d'une  mère  exilée, 
persécutée,  née  hors  de  la  pré- 
sence de  son  père,  mourut  pen- 
dant l'exil  de  sa  mère.  Ainsi  le 
dernier  espoir  de  la  malheureuse 
Caroline  lui  fut  enlevé;  et  George 
III,  dont  la  vie,  privée  de  la  rai- 
son ,  semblait,  comme  l'a  dit 
Brougham  «protéger  la  princesse 
»  de  l'ombre  seule  de  son  intelli- 
ngence,»  Georges  III,  venant  à 
mourir,  la  laissa  t0ut-i\-fait  sans 
secours.  A  peine  le  sceptre  passa- 
l'il  aux  mains  du  prince  de  Gal- 
les,  que  le  nom  de  son  épouse, 
devenue  reine,  fut  effacé  de  la  li- 
turgie :  tous  les  ambassadeurs 
auprès  des  cours  étrangères  reçu- 
rent ordre  de  lui  refuser  le  titre 
de  reine.  Elle  quitta  aussitôt  l'I- 
talie, vint  à  Saint-Omer  conférer 
avec  les  ministres  du  roi,  qui  lui 
offrirent  5o,ooo  livres  sterling  de 
revenu,  à  condition  de  s'éloigner 
à  jamais  de  l'Angleterre;  elle  re- 
poussa cette  offre  vile  et  scanda- 
leuse, et,  malgré  les  efforts  des 
ministres  conjurés,  elle  débarqua 
à  Douvres,  le  4  juin  1820.  En  vain 
avait-elle  demandé  un  vaisseau  ; 
4ous  les  moyens,  toutes  les  ruses 
furent  employés  pour  prévenir  ce 
débarquement  si  funeste;  on  lui 
dit  que  le  roi  étant  en  campagne 
(eut  of  town").  elle  ne  pouvait 
monter  ni  Icsyachts,  ni  IfUjré- 
gates.  Elle  fut  obligée  de  s'cm- 


CAll  155 

barqiiersur  un  paquebot.  Le  peu- 
ple en  tumulte  vint  saluer  son  ar- 
rivée. Son  entrée  en  Angleterre 
fut  triomphale;  mais  les  minis- 
tres ne  perdaient  pas  de  temps. 
L'accusation  était  déjà  lancée 
quand  la  reine  arriva  à  Londres. 
Déjà  lord  Castlereagb,  à  la  barre 
des  communes ,  avait  fait  reten- 
tir cet  épouvantable  scandale.  Dé- 
jà des  navires  chargés  de  témoins 
ramassés  dans  les  casino  d'Italie, 
dans  les  auberges  de  Suisse,  ve- 
naient attester  que  la  reine  était 
coupable,  et  que  Bergami  avait 
déshonoré  la  couche  royale  :  un 
procès  plus  scandaleuxque  le  pre- 
mier fut  intenté  à  la  reine,  et  li- 
vra, pendant  deux  mois,  l'Angle- 
terre et  son  monarque  à  la  risée 
publique.  Rien  ne  fut  éclairci.  U- 
ne  fermeté  de  caractère  inébran- 
lable de  la  part  de  la  reine;  une 
véhémence  et  une  adresse  remar- 
quables de  la  part  des  accusa- 
teurs; une  sentence  équivoque, 
qui,  sans  disculper  l'accusée,  re- 
mettait à  six  mois,  et,  comme  eût 
dit  Rabelais,  aux  calendes  grec" 
aues,  la  lecture  d'un  bill,  déjà  lu 
deux  fois;  une  agitation  redouta- 
ble, causéedans  la  masse  du  peu- 
ple par  ce  procès  honteux;  quel- 
ques séditions;  une  grande  quan- 
tité d'adresses  présentées  à  la  mal- 
heureuse reine,  et  remplies  des 
expressions  du  dévouement  le 
plus  entier,  voilà  les  seuls  résul- 
tats évidens  de  cette  révoltante 
procédure.  En  différant  de  pro- 
noncer sur  le  sort  de  la  reine,  la 
sentence  semblait  reconnaître  la 
nécessité  de  l'absoudre....  Le  roi 
venait  de  partir  pour  l'Irlande;  la 
reine  se  préparait  elle-même  à 
faire  un  Toyage  en  Ecosse.  Elle 


124 


CAR 


mourut!  Quelques  jours  de  plus 
elle  eût  peut-être  été  couronnée. 
Le  peuple  indigné  suivit  son  cer- 
cueil; plusieurs  émeutes  l'accom- 
pagnèrent dans  sa  route.  Arrê- 
tons-nous ici  :  sans  soulever  le 
voile  qui  couvre  ces  derniei's  mo- 
mens  de  la  vie  d'une  femme  que 
le  sort  a  si  constamment  poursui- 
vie; accomplissons  notre  lâche 
d'historien,  en  déplorant  celte 
destinée  errante  et  flétrie,  en  plai- 
gnant cette  reine  abandonnée  , 
accusée,  et  que  la  mort  frappe  au 
moment  où  la  justice,  le  peuple 
et  les  lois  se  préparaient  à  repla- 
cer la  couronne  sur  sa  tête.  Si 
l'on  veut  se  faire  une  juste  idée 
des  divers  procès  suscités  à  Ca- 
roline de  Brunswick ,  princesse 
de  Galles  et  reine  d'Angleterre  , 
voici  les  ouvrages  les  plus  utiles 
à  consulter  :  The  Book,  ouvrage 
de  Perceval,  et  qui  renferme  tou- 
les  les  premières  procédures,  et 
les  lettres  de  la  princesse  au  roi  ; 
The  Queen's  Defence,  1821,  ou- 
vrage très-bien  écrit,  et  que  l'on 
croit  être  de  Brougham;  Tht 
King's  Treatnient  ojthe  Qiieen, 
1820,  brochure  puissamment  rai- 
sonnée.  A  Letter  to  te  King,  ou 
tlie  Situation  and  Treatnient  of 
the  Queen;  mal  écrit,  mais  plein 
de  faits  curieux.  Journal  of  an 
English,\Traveller ,  histoire  des 
voyages  de  la  reine,  où  se  trou- 
vent beaucoup  de  détails  sur  Ber- 
gami.  Mais  le  plus  éloquent  de 
tous  ces  ouvrages,  en  faveur  de  la 
reine,  est  celui  de  l'avocat  irlan- 
dais Phillips,  The  Queen  s  case 
Stated.  Les  pamphlets  contre  la 
reine,  bien  que  payés  par  la  tré- 
sorerie ,  sont  beaucoup  moins 
nombreux  et   moins  remarqua- 


CAR 

blés  sous  le  double  rapport  du  ta- 
lent, des  faits,  etc.  Nous  citerons 
DeJ'ence  oj'lke  Queen  exaniined; 
A  Letter  J'roni  Saint-Omer;  Six 
years  in  Italy.  Ce  dernier  est  le 
plus  virulent.  On  a  aussi  compo- 
sé plusieurs  poëmcs  sur  cesévé- 
nemens  bizarres  et  scandaleux, 
entre  autres  A  Queen's  Appeal , 
ouvrage  qui  rappelle  lord  Byron 
pour  le  style  et  quelquefois  pour 
les  idées.  Le»  parodies  et  les  chan- 
sons auxquelles  le  dernier  procès  a 
donné  lieu,  rempliraient  toute  u- 
ne  bibliothèque.  Considérée  sous 
le  rapport  de  la  politique,  la  des- 
tinée de  celte  femme  a  quelque 
chose  de  singulier,  lin  iHoG,  les 
whigs,  amis  du  prince,  furent  ses 
persécuteurs.  En  1807,  les  torys 
la  défendirent;  en  i8i3,  ce  fut  le 
tour  des  vj'higs  de  la  défendre;  les 
torys  la  persécutèrent.  En  i8i5, 
la  chance  tourna  encore;  en  1820, 
elle  varia  de  nouveau.  Deux  fois 
ses  accusateurs  sont  devenus  ses 
défenseurs  :  ses  défenseurs  sont 
devenus  ses  accusateurs.  Tous  les 
partis  n'ont  paru  voir  en  elle 
qu'un  instrument  d'ambition,  ou 
une  victime  de  leurs  intérêls,  et 
l'ont  tour  à  -tour  défendue,  accu- 
sée, exallée,  calomniée,  recher- 
chée et  trahie  avec  une  ardeur 
que  la  postérité  ne  verra  pas  sans 
étonnement  et  sans  pitié. 

CAROLINE  (Marie -d'Aitri- 
che),  fille  de  la  célèbre  Marie-Thé- 
rèse, reine  de  Hongrie,  épousa, 
en  1768,  le  roi  de  Naples,  Ferdi- 
nand IV.  Une  seule  clause  de  leur 
contrat  de  mariage  annonçait  le 
caractère  de  Marie-Caroline,  et 
renfermait  en  germe  toute  la  mal- 
heureuse influence  que  cette  rei- 
ne devait  exercer  sur  les  destinées 


CAR 

du  pays  où  elle  venait  partager  un 
trône  :  il  fut  stipulé  ,  qu'après  la 
naissance  d'un  premier  Jiis,  elle 
aurait  voix  délibcrative  au  con- 
seil. L'ambitiim  que  trahissait  une 
clause  pareille  ,  n'attendit  pas, 
pour  prendre  l'essor ,  l'événe- 
mentqu'elle  avait  iiuliquéconune 
point  de  départ.  La  jeune  reine 
s'empara  facilement  de  le-'iprit 
faible  de  son  époux  ,  écarta  le 
ministre  ïanucci ,  qui  avait  pris 
sur  lui  quelque  empire  .  s'empara 
du  pouvoir,  et  finit  par  en  parta- 
ger le  poids  ,  les  périls  et  les  hon- 
neurs avec  un  obscur  favori. 
(Aoj'cz  AcTON.)  Avitle  de  despo- 
tisme et  d'innovations,  ambitieuse 
sans  persévérance,  impérieuse  et 
craintive,  livrée  à  ses  passions 
en  esclave,  et  rigoriste  pour  les 
mœurs  d'autrui  ;  son  caractère 
offrait  le  mélange  bizarre  de 
toutes  les  contradictions  :  prodi- 
gue et  souvent  avare  ,  tantôt  dé- 
vole et  tantôt  esprit  fort,  alterna- 
tivement prude  et  coquette,  pru- 
dente jusqu'à  la  ruse  ,  inconsidé- 
rée jusqu'à  l'indécence  ,  arro- 
gante avec  douceur,  cruelle  avec 
faiblesse;  telle  était  cette  reine 
aux  pieds  de  laquelle  tout  vint  se 
prosterner  jusqu'à  son  époux  mê- 
me, et  qui  se  plut  à  faire  homma- 
ge, à  son  ministre  Acton,  du  pou- 
voir absolu  qu'elle  avait  usurpé. 
Cet  homme  régnait  en  elletsous  le 
nom  de  Caroline  ;  c'est  donc  à  lui 
de  répondre  aux  yeux  de  la  pos- 
térité, des  crimes  et  des  malheurs 
auxquels  le  royaume  de  >aplesfut 
en  proie  sous  le  règne  de  cetodÏMK. 
favori.  Ecrire  une.  belle  let^ff^ 
tramer  une  belle  fraude  ;  mettre 
dans  ses  paroles  et  dans  ses  actes 
de  l'argutie  et  de  la  ruse;  se  cou- 


CAR  125 

vrir  de  vetemens  d'or  et  de  soie; 
manger  et  dormir  magnifique- 
mcHl;Jaire  la  débauche  dans  son 
palais;  se /aire  gouverner  par  ses 
ministres,  et  jouer  avec  fierté  le 
rôle  d'esclave  ;  telle  est  (dit  Ma- 
chiavel) toute  la-  conduite  et  toute 
la  science  de  nos  princes  ;  de  là 
celle  Jacilité  a  devenir  la  j/roie 
du  premier  envahisseur;  de  là  ces 
terribles  désastres  de  i^Ç)^;  ces 
pertes  miraculeuses ,  ces  chutes 
épouvantables ,  cesjuites  subites. 
Ces  lignes  ne  paraissent-elles  pas 
avoir  été  écrites  en  présence  des 
événemens  et  des  hommes  dont 
nous  crayonnons  l'histoire.  Les 
mêmes  causes  produisirent,  en 
1799,  et  produiront  toujours  les 
mêmes  eflets.  Acton,  en  qui  rési- 
dait tout  le  gouvernement  de  Na- 
ples,  dilapidait  les  finances,  éloi- 
gnait les  nationaux  de  toutes  les 
grandes  places,  et  préparait  la  rui- 
ne de  la  monarchie.  Imperturba- 
ble au  milieu  des  murmures  qui 
s'élevaient  de  toutes  parts,  et  des 
haines  que  son  ministre  fomentait 
autour  d'elle,  la  reine  ne  voyait  de 
dangers  que  dans  la  propagation 
des  principes  de  liberté  que  la  ré- 
volution française  avait  procla- 
més, et  cette  aversion,  que  justifiè- 
rent si  cruellement  les  malheurs 
d'une  auguste  famille, à  laquelle  el- 
le était  unie  par  les  liens  du  sang, 
était  devenue  la  pensée  de  sa  vie 
et  le  mobile  de  toutes  ses  actions. 
L'influence  du  cabinet  britan- 
nique qui  nourrissait  en  elle  cette 
haine  profonde!  de  la  France  et  de 
ses  nouvelles  institutions,  l'enga- 
gea dans  la  coalition  de  Pilnitz  ) 
mais  elle  eut  la  douleur  de  se 
voir  réduite  à  garder  la  neutra- 
lité ,  quand  le  contre-amiral  La- 


iid 


CAR 


touche ,  à  la  tête  d'une  escadre 
de  quelques  frégates,  osa,  dans  la 
saison  la  moins  favorable,  et  dans 
le  plus  dangereux  des  golfes,  ve- 
nir lui  dicter  les  conditions  de 
celte  neutralité,  que  le  gouverne- 
ment napolitain  s'empressa  de 
rompre,  dès  que  la  prise  de  Tou- 
lon, par  les  Anglais,  lui  permit 
de  prendre  une  attitude  hostile. 
Déjà  un  contingent  de  quelques 
brigades  de  cavalerie  napolitaine 
était  en  marche  pour  se  joindre 
aux  forces  de  l'empereur  d'Alle- 
magne, lorsque  Bonaparte  parut 
en  Italie  ,  et  fit  retomber  le  cabi- 
net des  Deux-Siciles  dans  ses  ter- 
giversations et  dans  ses  terreurs. 
Un  traité  secret  et  d'une  lâcheté 
insigne  fut  conclu  avec  la  répu- 
blique française.  Le  premier  mi- 
nistre Acton  profila  de  quelques 
mois  d'une  paix  extérieure  ,  si 
honteusement  acquise,  pour  se 
venger  sur  les  partisans  présumés 
des  Français,  des  craintes  que 
ceux-ci  lui  avaient  inspirées  :  un 
tribunal  d'inquisition  politique 
fut  établi  à  Naples ,  sous  le  nom 
de  junte  :  des  jeunes  gens  con- 
raincus  d'enthousiasme  pour  les 
idées  philosophiques,  qu'on  n'ap- 
pelait pas  encore /ièt'/'a/e^,  des  écri- 
vains apôtres  des  doctrines  de  Vol- 
taire et  de  Montesquieu,  des  hom- 
mes suspects  ou  soupçonnés  de 
l'être,  furent  envoyés  à  la  mort;  les 
prisons  regorgèrent  d'innocens;  et 
sous  d'autres  couleurs,  sous  l'in- 
vocation de  principes  directement 
contraires ,  on  vit  se  renouveler 
à  Naples  lesscènes  affreuses  dont 
)a  France,  six  ans  auparavant, 
avait  été  le  théâtre.  A  cette  pre- 
mière junte,  dont  le  cri  public 
avait  provoqué  ladissolution.  suc- 


CAR 

céda,  peu  de  mois  après,  un  autre 
tribimal  d'exception  plus  horri- 
ble encore,  sous  la  direction  de  ce 
Vaniui ,  que  l'historien  Cuoco  et 
les  mémoiresdu  temps  comparent 
à  l'infâme  Robespierre.  La  popu- 
lation napolitaine  fut  décimée, 
toute  sûreté  fut  bannie,  tous  les 
droits  de  citoyen  furent  mécon- 
nus en  présence  de  ces  juges  con* 
tre-révolutionnaires,  qui  pronon- 
çaient aussi  sans  examen,  sans  in- 
terrogatoire, sans  appel  :  par- 
tout Vanini  voyait  des  jacobins  , 
et  ce  mot  était  un  arrêt  de  mort. 
On  était  dénoncé  par  son  ami  , 
trahi  par  sa  femme  ,  accusé  par 
son  frère:  <<  Il  faut,  avait  dit  Acton, 
<)  détruire  cet  ancien  préjugé  qui 
»rcnd  infâîne  le  métier  de  déla- 
»  teur  :  »  on  le  rendit  lucratif,  et  la 
moitié  de  la  nation  dénonça  l'au- 
tre. Cette  machine  inquisitoriale 
se  brisa  cependant  encore  ,  sous 
le  poids  de  l'indignation  publique. 
Yanini  suicide  mourut  d'une  mort 
trop  douce;  lesinnocens  sortirent 
de  leur  prison  ;  mais  la  tombe  ne 
rendit  pas  ses  victimes.  En 
1798  ,  Acton  et  la  reine  crurent 
découvrir  dans  l'état  politique 
de  l'Europe ,  l'occasion  de  sou- 
mettre la  France.  Nelson  était 
victorieux  devant  Alexandrie  ; 
l'armée  française  ,  réduite  en 
nombre  ,  semblait  éprouver  un 
moment  de  lassitude  ;  la  Russie 
s'était  déclarée  ;  le  cabinet  de 
Suint  -  James  donnait  des  a- 
comptes  sur  les  promesses  d'ar- 
gent dont  il  se  montrait  prodigue. 
1^.  vain  la  plus  grande  partie  des 
nombres  du  conseil  secret  se  dé- 
clara-t  elle  en  faveur  de  la  paix, 
Acton  fit  déclarer  la  guerre,  et  le 
général  Mack,  ce  héros  en  théorie- 


CAR 

lui  mis  à  la  tête  de  l'armée  napo- 
litaine :  il  vint ,  il  vit  et  fut  battu 
si  complètement  par  Champion- 
net,  que  la  cour  de  Naples,  après 
sa  défaire,  ne  trouva  d'autre  parti 
à  prendre  que  la  fuite.  Le  23  dé- 
cembre 1798,  Ferdinand  IV,  la 
reine  Caroline,  le  ministre  Acton 
et  quelques  serviteurs  Odèles  se 
retirèrent  à  Palerme  ,  sous  la  pro- 
tection des  Anglais.  Il  est  des 
convenances  au-dessus  desquelles 
l'historien  contemporain  le  plus 
réridique  ne  saurait  se  placer. 
Nous  ne  répéterons  donc  pas, 
même  d'après  les  mémoires  les 
plus  dignes  de  foi,  les  paroles  et 
les  ordres  que  le  gouvernement 
fugitiflaissa,  dit-on,  pour  adieux 
à  la  populace  qui  se  pressait  sur 
le  rivage.  Nous  nous  bornons  à 
citer  les  faits,  laissant  à  la  posté- 
rité le  soin  d'en  rechercher  et  d'en 
indiquer  les  causes.  Peu  de  jours 
après  le  départ  de  la  maison 
royale  ,  un  immense  incendie  dé- 
vora dans  le  port  tous  ces  vais- 
seaux, tous  ces  bûtimensde  trans- 
port, construits  à  si  grands  frais 
et  au  prix  de  tant  d'exactions.  Le 
comte  deThorn  avait  reçu  l'ordre 
de  les  détruire ,  «  et  du  haut  d'un 
«navire  portugais  (dit  Cuoco , 
auteurde  l'Essai  sur  la  révolution 
de  Naples,  ouvrage  qui  dans  son 
désordre  offre  tant  d'esprit  et  d'é- 
loquence), «il  contemplait  Iran- 
nquillement  ces  vastes  flammes, 
rtdont  la  splendeur  fimèhre  éclni- 
•>  raità  la  fois, aux  yeux  des  malheu- 
»reux  Napolitains,  toute  l'étendue 
«deleur  n>isérc,  et  les  cruelles  er- 
«reurs  de  ceux  qui  les  avaient  gou- 
nvernés.  »  Retirée  en  Sicile  avet 
Acton  et  son  mari,  la  reine  obser- 
vait le»  événcmens   qui  se  pns- 


CAR  127 

saient  à  Naples,  et  attendait  en  si- 
lence le  momenld'en  proflter.  Ac- 
ton lui  répétait  sans  cesse  «  que 
«chezunpeuple  si  cruellement  dé- 
»chiré  par  tant  de  sentimens  di- 
n  vers,  où  l'on  voyait  se  combattre 
»  la  haine  de  l'esclavage  et  l'amour 
)»dc  la  dépendance,  les  ténèbres  de 
»  la  superstition  et  le  premier  éclat 
»des  lumières  philosophiques, 
«l'habitude  des  institutions  du 
«despotisme  et lessouvenirs d'une 
«gloire  antique,  elle  ne  parvien- 
«drait  à  ressaisir  le  pouvoir  qu'à 
«l'aide  du  parti  qu'elle  conservait 
«dans  l'intérieur,  qu'à  l'aide  du 
«commerce  de  la  Sicile  et  de  la 
«Fouille, que  lui  garantissait  l'An- 
«gleterre,  et  le  secours  des  puis- 
«  sans  alliés,  dontla  cause  était  dé- 
«sormais  la  sienne.  »  En  effet ,  on 
vit  ce  que  l'on  voit  dans  toutes 
les  révolutions,  des  bandes  de 
brigands  s'organiser  sous  la  ban- 
nière d'un  parti  dont  ils  désho- 
noraient la  cause;  mais  un  spec- 
tacle auquel  on  ne  pouvait  s'at- 
tendre dans  la  dernière  année  du 
iS*"  siècle,  fut  celui  qu'un  prêtre, 
le  cardinal  Ruffo,  donna  tout  à 
coup  à  l'Europe.  On  le  vit  à  la 
tête  d'une  armée  de  bandits,  aidé 
par  les  hérétiques  Anglais,  por- 
tant au  milieu  des  massacres  l'i- 
mage d'un  Dieu  de  paix,  s'empa- 
rer de  Naples  ,  faire  signer  aux 
chefs  du  peuple  une  capitulation  , 
et  rendre,  au  prix  d'une  convcn- 
tioti  solennelle,  le  trône  au  roi 
Ferdinand.  Cette  convention  sa- 
crée, signée  du  cardinal  Ruffo,  du 
Commodore  Footes,  de  Miche- 
roux,  du  colonel  Méjcan  :  ce  paete 
conclu  sous  la  saintegarantiede  l»i 
religion  et  de  la  foi  publique,  est 
aussitôt  enfreint  qu'il  est  procla- 


128 


CAR 


mé  :  une  femme  devient  l'agent  de 
cette  noire  perfidie.  Lady  llamil- 
ton  {F.  Hamilton)  se  rend  ù  bord 
du  vaisseau  de  l'amiral  Nelson, sta- 
tionné devant  Naples;  et  ce  guer- 
rier ne  rougit  pas  de  prostituer 
aux  prières  et  aux  charmes  de  sa 
cruelle  maîtresse  ,  son  honncun, 
celui  de  son  pays  ,  le  sang  de  plu- 
sieurs milliers  de  citoyens,  et  la 
liberté  de  tout  un  peuple  :  la  ca- 
pitulation est  rompue,  et  ce  n'est 
plus  à  la  faveur  d'un  traité,  mais 
par  le  droit  de  conquête,  que  le 
moaarque  et  sa  compagne  ren- 
trent dans  leurs  états;  la  terreur  y 
rentre  avec  eux.  (A^.  l'article  Ca- 
RACCiOLO.)  Le  Commodore /'oo^ev, 
indigné,  insiste  vainement  pour 
l'exécution  de  la  convention,  et 
dénonce  généreusement ,  mais 
sans  succès,  le  parjure  de  Nelson  à 
la  nation  anglais'e.  Une  troisième 
junte  est  formée  ;  les  échafauds 
se  relèvent  de  toutes  parts  ,  et  le 
sang  coule,  à  grands  flots.  Les 
hommes  de  tous  les  temps  et  de 
tous  les  pays  qui  ont  déchiré  le 
sein  de  leur  patrie,  sont  dévolus 
à  la  vengeance  de  l'histoire  :  le 
nom  de  Speziale  ,  qui  présida 
cette  junte  homicide,  répondra 
devant  ce  tribunal  inflexible  de 
tant  de  condamnations  arbitrai- 
res, d'assassinats  juridiques  qui 
signalèrent  cette  déplorable  épo- 
que. La  bataille  de  Marengo  mit 
un  terme  à  tant  d'horreurs  :  les 
progrès  des  armes  françaises  en 
Italie,  inspirèrent  une  crainte  sa- 
lutaire au  gouvernement  napoli- 
tain :  une  longue  dissimulation 
suivit  encore  de  honteux  accom- 
modemens.  En  i8o5,  dans  un 
voyage  que  fit  à  Vienne  la  reine 
Caroline  ,  elle  s'engagea  de  nou- 


CAR 

veau  dans  la  coalition  contre  h 
France ,  et  Naples  ouvrit  ses  por- 
tes à  une  armée  anglo-russe  :  l'em- 
pereur Napoléon,  indigné  de  cette 
violation  d'un  traité  solennel  , 
marcha  contre  ce  nouvel  ennemi, 
et  conquit  en  peu  de  temps  le 
royaume  de  Naples  ,*où  il  fit  suc- 
cessivement couronner  son  frère 
Joseph  Bonaparte ,  et  son  beùu- 
frère  Joachim  Murât.  Le  reste  de 
la  vie  de  la  reine  Marie-Caroline, 
se  passa  en  tentatives  infruc- 
tueuses pour  reconquérir  un  trô- 
ne, qu'un  ministre  vendu  aux  é- 
Irangers  lui  avait  fait  perdre.  Elle 
mourut  le  8  septembre  i8i4»  « 
Vienne,  âgée  de  62  ans.  La  na- 
ture lui  avait  donné  quelque 
beauté  :  un  bras  superbe  qu'elle 
déployait  avec  complaisance,  une 
démarche  noble  ;  mais  son  re- 
gard était  inquiet,  son  pas  irré- 
gulier et  sa  voix  dure  :  elle  eut 
toutes  les  faiblesses  d'une  femme, 
toute  la  légèreté  d'un  enfant ,  et 
quelques-uns  des  vices  d'un  grand 
homme. 

CAROLINE  -  FERDINANDE- 
LOUISE,  voyez  Crarles-Febdi- 

NAND,  Dl  C  DE  BerRI. 

CAROLINE  BONAPARTE  , 
voyez  MtRAT. 

"CARONDELET  (de),  descend 
d'une  ancienne  famille  noble  du 
Cambresis.  Il  était  prévôt  de  la 
collégiale  de  Seclin,  lorsqu'il  fut 
nommé  membre  de  l'assemblée 
constituante  ;  il  y  porta  des  prin- 
cipes purs,  des  vues  grandes  et 
généreuses.  iM.  Carondelet  se  fit 
remarquer  par  son  courage  et 
par  un  ardent  amour  d'une  sage 
liberté  ;  rendu  à  la  vie  privée,  il 
se  maria,  et  n'acessé  depuisdese 
livrer  aux  soins  de  sa  famille,  et 


p 


CAR 

à  la    culture   des  lettres  qu'il  a 
toujours  chéries. 

CAROM  (le  p.  Feux),  pré- 
dicateur ilalien,  né  vers  l'an 
1755.  Il  était  fort  jeune  lorsqu'il 
fut  reçu  dans  la  congrégation  des 
barnabites  à  Milan.  Il  s'y  livra 
particulièrement  à  l'étude  des 
antiquités  et  de  l'histoire  naturel- 
le. 11  revenait  de  Naples,  où  il  é- 
tait  allé  prêcher,  en  1804,  lors- 
qu'il fut  pris  par  des  corsaires  de 
Tunis,  et  mené  dans  celle  ville. 
Le  dey,  qui  savait  l'italien. prit  en 
aftection  le  P.  Caroni.  L'occa- 
>ion  semblait  favorable,  et  sans 
doute  son  prisonnier  se  crut  ap- 
pelé à  convertir  un  puissant  infi- 
dèle. Mais  cette  mission  irfiprévue 
n'obtinl  aucun  succès,  et  le  mu- 
sulman prélendit  qu'il  n'était  pas 
convaincu.  Toutefois  il  élait  to- 
lérant, ce  qui  peut  exciter  quel- 
que surprise  parmi  nous,  et  le 
P.  Caroni  profita  de  sa  bienveil- 
lance pour  visiter  les  luines  de 
Carthage.  Il  les  parcourut  pcn- 
(jÊÊk  trois  semaines;  il  dessina 
^^ieurs  ruines,  et  il  en  rappor- 
ta différens  débris  plus  ou  moins 
précieux.  De  retour  à  Tunis,  il  se 
fit  médaillisle.  Il  se  concilia  tel- 
lement le  cœur  des  habilans  qu'il 
laissa  des  regrets  quand  il  pîirlit 
pour  l'Italie.  Lorsque  le  pape 
se  déclara  contre  Napoléon,  et 
lança  contre  lui  ime  excommuni- 
cation, le  P.  Caroni  fut  chargé 
d'en  port«?r  le  bref  à  Milan.  On 
l'arrêta  sur  la  frontière,  et  on  le 
conduisit  dans  les  prisons  de  cet- 
te ville.  Ayant  obtenu  sa  liberté 
qirelque  temps  après,  il  quitta  aus- 
sitôt l'Italie,  et  il  se  chargea  de 
la  dire«:lion  d'un  cabinet  d'his- 
toire naturelle  chez  UQ  Hongrois 

T.  IV. 


CAR  129 

riche  et  homme  de  qualité.  Le  P. 
Caroni  joignait  à  des  connais- 
sances profondes  le  genre  de  mé- 
rite que  sa  profession  suppose 
toujours,  et  qui  chez  lui  ne  con- 
sistait pas  en  de  vains  dehors. 
C'est  au  profit  des  esclaves  chré- 
tiens qu'il  publia,  en  i8o5,  la  re- 
lation de  son  lojage  clitz  les 
Barbartsques.  On  a  aussi  de  lui 
la  traduction  ilalienne  des  Lf.zio- 
tù  ttenicittariti  di  nuniismatica 
anlica  ciel  abbaie  £'cA^e/,  Rome, 
1808;  et  le  récit  de  son  voyage 
en  Hongrie,  intitulé  Caroni  in 
JJacia,  1812.  On  trouve  dans  ce 
dernier  ouvrage  des  observations 
judicieuses  sur  les  mœurs  des 
Hongrois,  et  sur  les  antiquités 
de  leur  pays. 

CARPZOV  (Jean-Benoit),  né 
en  1720,  appartenait  à  la  famille 
dos  Carpzov,  si  connue  dans  la 
littérature  allemande.  Après  avoir 
été  professeur  de  philosophie  à 
Lcipsitk,  lieu  de  sa  naissance,  il 
occupa  la  chaire  de  littérature  an- 
cienne à  l'université  de  Helms- 
tadt.  Il  est  mort  le  28  avril  i8o3. 
On  lui  doit  un  i^rand  nombre  d'ou- 
vrages  écrits  en  latin,  et  parmi 
lesquels  on  cite  surtout  :  1"  Ob- 
servations sur  un  paradoxe  d'A- 
risiole  de  Cliio,  dans  Diogène 
Laërve ,  in-S",  Leipsick,  174*; 
a"  des  remarques  critiques  sur 
Joseph ,  intitulées  :  Lcctionuni 
Jlavianantm.  striclurcc  etc.  ;  3" 
Exercilationts  sacrœ,  sur  l'épî- 
tre  aux  Hébreux,  in -8°,  Hclms- 
tadt,  1758.  Dans  la  partie  la  plus 
curieuse  de  cet  ouvrage,  celle  qui 
renferme  lesprolégoménes,  Carp- 
zov s'étend  beaucoup  sur  Philon. 
4°  Discours  de  saint  Basile  sur 
la  naissance  de  Jésus-Christ,  en 
9 


i3o 


CAR 


latin  et  en  grec,  in-S",  Helmstadt, 
1758.  Carpzov  en  dôfend  l'au- 
thcnlicilé  qui  avait  été  attaquée 
par  don  Gainicr.  5°  UiaLogtia  de 
tiiéronyme  sur  la  Saitite-Trini- 
nité,  en  latin  cl  en  grec,  avec  des 
notes,  in-4°,  ij68;  6° 'un  traité 
théologique  de  Hiéronyme,  inti- 
tulé en  grec,  Philuponia',  7°  Dia- 
logues ck's  morts,  de  Lucien,  a- 
vec  des  notes,  in-8%  Helmstadt, 
1773. 

CARR  (le  chevalieb  Jobk), 
baronet,  est  le  chef  de  ces  touris- 
tes anglais,  qui  se  sont  partagé  le 
globe  terrestre,  non  pour  le  dé- 
vaster et  le  conquérir,  mais  pour 
le  défigurer  par  des  relations  i- 
nexactes  et  légères.  Un  voyage 
en  chaise  de  poste,  ou  à  franc-é- 
tricr,  des  contes  d'auberges  et  des 
anecdotes  de  café,  quelques  lam- 
beaux de  journaux  bien  ou  mal 
traduits,  et  de  longues  descrip- 
tions,suffisent  ordinairementpour 
composer  un  de  ces  tours,  qui  de- 
puis quinze  ans  inondent  l'Angle- 
terre, et  qui,  pour  parler  le  lan- 
gage de  leurs  auteurs,  ne  sont 
guère  que  de  fort  mauvais  tours 
joués  au  public.  Il  faut  cepen- 
dant avouer  que  le  chef  de  l'école 
ne  manque  pas  d'une  sorte  de 
mérite;  son  style  est  rapide  et 
pittoresque.  Quelquefois  très- 
emphatique,  il  est  quelquefois 
plein  de  chaleur;  prodigue  de 
pointes  triviales,  il  ne  manque 
pas  de  sel  comique.  Il  vise  trop  <\ 
l'eflet,  mais  il  l'atteirit  souvent 
quan<l  il  n'est  pas  pédantesque.  Il 
offre  les  résultats  d'une  vaste  lec- 
ture, fort  heureusement  exploi- 
tée. On  a  des  tours  du  chevalier 
Carr,  m  France  (i8oa,  deux  é- 
ditions),  dans/e  Nord  de  l'Eu- 


CAR 

lope  {Danemarh,  Sicède,  Russie^ 
Prusse  etc.  1804);  en  Hollande 
(1807),  en  Ecosse  (1809);  en 
Fsjxigtie  et  aux  iles  Baléares 
(181  1);  tous  ouvrages  plus  amu- 
sans  que  solides,  et  dont  une  ma- 
nière animée,  brillante,  rapide, 
et  de  nombreuses  anecdotes,  font 
le  principal  mérite.  Les  deux  meil- 
leurs de  ses  voyages,  sont  se» 
tours  en  Ecosse  et  <//  Irlande; 
l'humanité  la  plus  désintéressée 
respire  dans  la  description  qu'il 
donne  de  ces  deux  pay;?  sacri- 
fiés à  la  grandeurde  l'Angleterre. 
On  prétend  que  c'est  à  son  /oyO' 
fe  en  Irlande  qu'il  dciit  le  titre 
de  baronet,  qui  lui  fut  conféré, 
en  i8oê,  par  le  duc  de  Pedford. 
La  fécondité  de  sa  plume  incorrec- 
te et  le  néologisme  d'im  style  am- 
poulé et  commun  l'ont  souvent 
exposé  aux  sarcasmes  des  joiirna-* 
listes.  L'auteur  irrité  a  porté  plain» 
te  devant  les  tribunaux;  et  mal- 
gré la  couronne  à  trois  boules 
qui  entre  dans  ses  armes,  il  a  per- 
du sa  cause.  '  -^jL 
CARRA  (Jeas- Louis),  n^Vn 
17/J3>  à  Pont-de-VeyIe,  condam- 
né à  mort  par  le  tribunal  révolu- 
tionnaire ,  et  exécuté  le  1"^  no- 
vembre 1 795.  Issu  de  parens  pau- 
vresT,  mais  estimés.  Carra,  après 
avoir  terminé  ses  études  et  par- 
couru l'AJlemagne,  se  rendit  eu 
Valachie,  et  parvint  à  se  placer 
en  qualité  de  secrétaire  auprès 
de  l'hospodar,  qui  fut  étranglé 
par  ordre  de  la  sublime  Porte.  Cet 
acte  de  cruaulé,  exécuté  sous  les 
yeux  d'un  homme  qui  ne  connais- 
sait encore  des  violences  du  des- 
potisme, que  les  enlèveraens  et 
les  séquestrations  par  lettre  de 
cachet,  dut  lui  inspirer  une  iûdi- 


CAR 

gnation  profonde ,  et  ût  sans  dou- 
te naîlre  dans  son  cœur  cette  hai- 
fie  de  la  tyrannie  que,  depuis,  Car- 
ra a  si  consiamnient  et  si  vio- 
lemment manifestée.  Le  secrétai- 
re d'un  hospodar  étranglé,  devint 
celui  d'une  éminence  en  disgrâ- 
ce. Placé  auprèx  du  cardinal  de 
llchan  ,  il  y  resta  peu  de  temps , 
et  fut  employé  à  la  biljliothéque 
royale.  Le  cardinal  de  Loménie 
l'avait  connu  cher  l'archevêque 
de  Strasbourg,  et  le  jugea  propre 
à  servir  ses  ressentimens  contre 
un  ministre  en  faveuf  ;  car  alors 
les  princes  de  l'église  se  Irour 
vaient  souvent  mêlés  dans  les  in- 
trigues de  cour,  et  quelquefois 
aussi  dans  les  intrigues  galantes. 
Ce  fut,  dit-on,  le  cardinal  de  Lo- 
ménie qui  donna  à  Carra  l'idée 
de  son  Petit  mot  de  n'ponse  à  la 
requête  fie  M.  de  Calonne  ;  é- 
crit  qui  décida  la  vocation  de  sou 
auteur  pour  les  ouvrages  politi- 
ques. La  révolution  éclata,  et  dès 
l'année  1789,  on  vit  Carra  deman- 
der la  formation  de  la  giirde  na- 
tionale, et  l'établissement  de  lu 
municipalité  de  Paris.  Il  coopéra 
à  la  rédaction  du  Mercure  natio- 
nal, et  ensuite  à  celle  des  Anna- 
les patriotiques.  Ce  journal,  dont 
le  succès  fut  prodigieux,  était  lu 
jusque  dans  les  plus  petits  villa- 
ges de  Fiance.  Il  y  répandit  avec 
rapidité  les  principes  et  les  er- 
reurs de  ces  temps  de  patriotis- 
me et  d'effervescence.  Il  paraît 
que  Carra  ava^t  rapporté  d'Alle- 
magne une  aversion  assez  forte 
contre  le  gouvernement  impérial. 
Dans  un  temps  où  persorme  ne 
pensait  encore  i\  la  guerre,  vers 
la  ùu  de  1790,  il  fit,  i\  latribune 
des  jacobins,  une  vive  sortie  con- 


CAR 


iSn 


tre  l'empereur  Léopold ,  et  décla' 
raque  pour  soulever  tous  les  peu- 
ples soumis  au  sceptre  de  ce  prin- 
ce, il  suffirait  de  5o,ooo  homme? 
et  de  12  presses.  Carra  croyait 
reconnaître  une  influence  étran- 
gère dans  la  conduite  et  les  mer 
sures  du  cabinet  français  :  il  accu- 
sa les  ministre-j  Montmoriu  et 
Bertrand-de-Molleville ,  d'.être  les 
directeurs  d'un  comité  autrichien, 
dont  l'existence  était  alors  plus 
soupçonnée  qu'évidente.  Le  juge 
de  paix  Larivièj'e  commença  à  cet- 
te occasion,  contre  le  journaliste, 
une  procédure  qui  n'eut  point  de 
suites.  Carra  appuya  fortement, 
et  fit  adopter  la  proposition  de  fa- 
briquer des  piques,  et  d'en  armer 
le  peuple  :  mesure  que  pouvait 
nécessiter  les  périls  prochains  de 
la  patrie,  mais  qui,  exécutée  a- 
vec  imprudence,  fit  passer  la  for- 
ce conservatrioc  de  l'ordre  des 
biens  et  de  la  vie  des  citoyens, 
entre  les  mains  d'hommes  indoci- 
les à  la  discipline,  et  pour  qui  le  dé- 
sordre pouvait  de  venir  une  chan- 
ce de  fortune.  Aussi  les  piques  ai- 
guisées contre  l'ennemi  extérieur, 
furent-elles  trop  souvent  fatales 
aux  citoyens  désarmés.  Carra  se 
vanta  plusieurs  fois,  d'avoir  été 
l'un  des  principaux  moteurs  do 
la  journée  du  10  août  1792.  Le  8 
septembre  suivant,  il  fit,  à  l'as- 
semblée législative,  l'olfrande  pa- 
triotique d'une  tabatière  en  or, 
que  lui  avait  envoyée  le  roi  de 
Prusse,  en  récompense  d'un  ou- 
vrage, dé"8ié  par  lui  à  ce  mo- 
narque, et  il  déchira,  devant  l'as- 
semblée, la  lettre  qui  lui  annon? 
çait  l'envoi  de  cette  tabatière.  Car- 
ra fut  nommé  député  à  la  conven- 
tion nationale  ,  par  deux  départe- 


iS^ 


CAR 


mens  :  il  opta  pour  celui  de  Saô- 
nc-et-Loire.  Le  dénûinent,  l'iiiac- 
tivilé,  et  le  peu  de  succès  des 
troupes  qui  se  trouvaient  en  Sa- 
voie ,  porlèrent  Carra  à  dénoncer 
le  général  Montesquieu,  comman- 
dant l'armée  des  Alpes.  Envo3^é 
au  camp  deC^liTilons,  Carra  annon- 
ça à  la  convention  les  triomphes 
de  Kellermann,  et  la  retraite  des 
Prussiens.  Au  mois  de  novembre 
1792,  il  proposa  une  espèce  de 
sainte  alliance  des  peuples  ,  dont 
l'effet  serait  d'accorder  des  se- 
cours aux  nations  qui ,  soumises 
au  pouvoir  absolu ,  voudraient 
briser  leurs  fers.  Il  dit  à  la  tribu- 
ne, que  les  banquiers  étrangers 
conspiraient  pour  affamer  le  peu- 
ple français,  et  délivrer  LouisXVI. 
Cette  espèce  de  dénonciation  an- 
nonçait assez  quelle  serait  l'opi- 
nion de  son  auteur  dans  le  pro- 
cès de  ce  malheureux  prince.  Car- 
ra s'opposa  à  l'appel  au  peuple  : 
son  vote  fut  pour  la  mort.  Mal- 
gré sa  conduite  dans  cette  cir- 
constance ,  et  ses  principes  répu- 
blicain», si  souvent  manifestés 
dans  les  Annales  patriotiques , 
Carra  fut  dénoncé  à  Robespierre, 
comme  un  agent  de  l'étranger,  et 
comme  ayant  voulu  mettre  sur  le 
trône  de  France  le  duc  de  Bruns- 
wick; un  crime  plus  réel  et  plus 
grand  aux  yeux  de  Robespierre, 
était  les  liaisons  de  Carra  avec 
le  parti  de  la  Gironde,  et  son  at- 
tachement au  ministre  Rolland, 
qui  l'avait  fait  nommer  gardien 
de  la  bibliothèque  nationale.  Il 
devint  bientôt  l'objet  des  atta- 
ques de  Benlabolle,  de  Marat, 
de  Couthon  ,  de  Robespierre  lui- 
même;  fut  rappelé  de  la  mission 
qu'il  avait  à  iilois;  dénoncé  com- 


CAR 

me  fédéraliste  dans  le  rapport 
d'Amar;  condamné  à  mort  le  3i 
octobre  1793,  et  exécuté  le  len- 
demain. Carra  se  montra  peu  à  la 
tribune,  ne  brigua  point  les  pé- 
rilleux honneurs  de  la  présiden- 
ce,  et  une  seule  fois  fut  nommé 
secrétaire.  Il  consacra  presque 
tout  son  temps  au  journal  dont 
il  élait  le  principal  rédacteur;  il 
a  publié,  avant  et  pendant  la  ré- 
volution ,  un  assez  grand  nombre 
d'ouvrages  ;  voici  les  litres  des 
plusimportans:  i''Odazir,  roman 
philosophique,  1772,  in-8';  a* 
^j^sième  de  La  raison,  ou  le  Pro- 
phète philosophe ,  1775,  et  1791» 
in-S";  5""  édition.  Les  attaques 
contre  la  royauté,  qui  se  trouvent 
répandues  dans  cet  ouvrage,  le  fi- 
rent mettre  à  l'index  par  la  cour 
de  Vienne.  5°  Histoire  de  la  Mol' 
davie  et  de  la  Falachie ,  avec  «• 
ne  dissertation  sur  l'état  actuel  de 
ces  deux  provinces ,  1778,  in-ia. 
Une  seconde  édition  a  paru  en 
1781  ;  4°  Un  petit  mot  de  réponse 
à  M.  de  Calonne,  sur  sa  Requête 
au  roi,  1787,  in-8°;  5"  Histoire 
de  l'ancienne  Grèce,  de  ses  colo- 
nies et  de  ses  conquêtes ,  traduite 
de  l'anglais  de  Gillies,  1787  et 
1788,  (5  vol  in-8";  6°  Mémoires 
historiques  et  authentiques,  sur 
la  Bastide f  *790>  5  vol-  in-S"; 
i;"  PlosieurspampfdetspoUtiques , 
etc. 

CARRA  -SAINT-CYR  (Jean- 
François,  COMTE  de),  a  joué  un 
rôle  honorable  et  assez  important 
sur  la  scène  politique  et  militaire, 
sans  qu'il  fût  besoin  que  la  bio- 
graphie Michaud  lui  attribuât  un 
grand  nombre  de  faits  d'armes  et 
d  actions  éclatantes,  qui  appar- 
tiennent évidemment  au  maréchal 


n. 


/  ^r////r  ////'/y/-,  /r/n//-(  //> 


fW /./..■/s,. 


CAR 

Gouvion-Sainl-Cyr.  On  ne  peut 
croire  que  de  semblables  erreurs 
aient  été  commises  à  dessein  ;  et 
cependant  il  est  difTicile  de  con- 
fondie  ces  deux  personnages. 
Carra-Saint  Cyr  était  oflicier  d'in- 
fanterie avant  la  révolution,  et 
resta  sous  ses  drapeaux  au  lieu 
d'émigrer,  comme  la  plupart  de 
ses  camarades.  Aubert-du-Bayet, 
son  ami ,  capitaine  dans  le  iflême 
régiment,  ayant  fait  un  chemin 
rapide  dans  la  carrière  cidinini.stra- 
tive  et  militaire,  facilita  l'avance- 
ment de  Carra-Saint-Cyr.  Celui- 
ci  avait  passé  successivement  par 
tous  les  grades ,  et  ét;iit  parvenu 
jusqu'à  celui  de  général  de  bri- 
gade ,  lorsque  Aubert-du-Bayet 
fut  nommé  ambassadeur  à  Cons- 
tantinople  ;  Carra-Saint-Cyr  l'y 
suivit,  en  qualité  de  secrétaire 
d'ambassade.  Il  revint  à  Paris 
vers  la  fin  de  l'an  5,  chargé  d'une 
mission  de  l'ambassadeur  auprès 
du  gouvernement,  et  particulière- 
ment d'accompagner  Madame 
Du-Bayet  à  Constautinopie.  Au- 
bert-du-Bayet mourut  six  se- 
maines après  l'arrivée  de  sa  fem- 
me. Carra-Saint-Cyr  la  ramena 
en  France  et  l'épousa.  Il  reprit  à 
son  retour  la  carrière  militaire, 
et  la  suivit  avec  distinction.  Il 
était  avec  le  général  Brune  ,  lors- 
que ccluirci  passa  de  l'armée  des 
(irisons  à  celle  d'Italie,  qu'il  en- 
leva les  camps  retranchés  de  Pcn- 
nemi  à  la  Voila ,  et  toutes  ses  po- 
sitions sur  le  Mmcio  :  Carra- 
Saint-Cyr  eut  sa  part  de  gloire, 
et  fut  blessé  au  passage  de  ce 
fleuve,  à  Montzenbano.  LVmpe- 
reur  lui  donna  un  commande- 
ment dans  le»  provinces  illy- 
riennes,  et  le  rappela  en  i8i3, 


CAR  i55 

pour  l'envoyer  dans  la  52™"  divi- 
sion militaire.  Sonquarlier-géné- 
ralétait  à  Altemi)ourg,  sur  la  rive 
gauche  de  l'Elbe.  Attaqué  dans 
cette  position,  il  éprouva  la  dou- 
ble disgrâce  de  ne  pouvoir  la  dé- 
fendre ,  et  d'être  accusé  par  Na- 
poléon,  non -seulement  d'avoir 
manqué  aux  règles  de  la  tactique, 
mais  encore  de  n'avoir  pas  em- 
ployé l'énergie  suffisante  pour 
contenir  les  gens  du  pays  ,  plu» 
partisans  de  l'armée  ennemie  que 
ileii  Français.  Cette  accusation 
n'eut,  toutefois,  d'autre  suite  que 
sa  publicité;  et  l'empereur  semble 
avoir  voulu  l'infirmer  ,  en  main- 
tenant dans  SOS  fonctions  le  gé- 
néral Carra-Saint-Cyr  ,  qui  fut 
chargé,  en  i8i4,  de  la  conser- 
vation importante  des  places  de 
Boucliain,  de  Condé  et  de  Valen- 
ciennés.  Il  s'y  occupa  de  l'orga- 
nisation des  gardes  nationales,  et 
sa  mission  se  trouva  terminée  au 
retour  du  roi.  Le  général  Carra- 
Saint-Cyr  ol  grand'croix  de  la 
légion-dhonneur  ,  chevalier  de 
Saint-Louis.  S.  M.  l'a  nommé 
gouverneur  de  la  Guianc  fran- 
çaise, vers  la  fin  de  iHjj. 

CARKliRA  (Jo>e-Migvf.l).  gé- 
nér.il  américain,  né  à  SanJ-Iago^ 
capitale  du  Chili,  est  l'aiiié  de» 
frères  de  In  famille  illustre  de» 
Carrera.  A  l'époque  où  des  trou- 
bles éclatèrent  dans  le  midi  de  l'A- 
mérique, Carrera  était  major  des 
grenadiers.  Il  paru!  embrasser  a- 
vec  ardeur  la  cause  de  l'indé- 
'pendanre,  mais  il  avait  d'autres 
desseins.  Les  plus  grands  ohsta- 
clts  àla  liberté  proviennentqin^l- 
quefois  de  l'ambition  de  ses  pro- 
pres défenseurs,  et  souyenl  les 
dé90i;dres80Dtreprodui(4 par  ceux 


i54 


CAR 


f(ui  ont  fait  espérer  aux  peuple» 
un  ordre  moins  illusoire,  une  ad- 
ministration plus  équitable.  Sous 
le  prétexte  des  irrégularités  qu'a- 
vaient  présentées    les   élections 
de  1810,  Carrera  obtint  une  ré- 
forme   l'année   suivante  ;    ayant 
ainsi  ajouté   à   son    influence,  il 
entreprit  de  changer  le  gouver- 
nement. Secondé  de   ses  frères, 
Luit  encore  jeune,  et  Juan  José, 
capitaine  d'artillerie.  Carrera  de- 
venu l'arbitre  des  opérations  du 
congrès,    établit    une-  sorte    de 
triumvirat  dont  il  Bipartie  dès  le 
principe.  Voulant  assurer  davan- 
tage   son    autorité   personnelle, 
bientôt  il  suggéra  la   formation 
d'tm  corps  de  cavalerie   sous  le 
titre  de  grande   garde  nationale. 
Il  s'en  réserva  le  commandement, 
et  d'ailleurs  on  n'y  admit  que  des 
chefs    qui    lui   fussent   dévoués. 
Cependant  son  pouvoir  n'ayant 
pour  fondement  presque  rien  de 
ce  qui  peut  subjuguer  l'imagina- 
tion, ou  flatter  l'orgueil  national, 
lui  parut  à  lui-même  si  peu  affer- 
mi, qu'un  simple  démêlé  avec  ses 
frères  le  décida  à  se  retirer;  mais 
s'étant  réconcilié  avec  eux,  il  re- 
couvra l'autorité  au  mois  d'octo- 
kre  1812.  Plusieurs  fois  on  cons- 
pira couti'e  les  trois  frères;  et  ces 
troubles,  en  affaiblissant  le  Chili, 
persuadèrent  au  vice-roi  du  Pé- 
fou  qu'il  pourrait  l'attaquer  avec 
avantage.  En  effet  les  troupes  du 
tîcft-roi  éprouvèrent  peu  de  ré- 
S^Î!*tande  à  Talcaguanà  ,  et   elles 
s'emparèrent  de   la  Conception, 
dont  les  portes  leur  furent  livrées 
par  îa  g;arnisort  même.    Carrera 
marcha  conti'e   les   ennemis,  et 
aprè^S  avoit*  éprouvé  un  échec,  il 
les  repoussa  jusque  vers  Chillan; 


CAR 

mais  les  habitans  de  la  Concep- 
tion, fatigués  de  l'autorité  qu'il 
usurpait,  préférèrent  l'adminis- 
tratiou  des  royalistes,  qui  depui.s 
ce  moment  le  battirent  en  plu- 
sieurs rencontres.  Leur  cause  y 
gagna  peu  :  la  junte  profita  de 
ces  revers  même  pour  substituer 
à  Carrera  Comme  chef  du  gouver- 
nement, le  colonel  O'Higgins, 
très-e'stimé  des  troupes.  Après  de 
vaines  tentatives  pour  le  main- 
lien  de  son  autorité, Carrerasuivi 
du  plus  jeune  de  ses  frères,  vou- 
lut se  rendre  à  Saut-Iago,  mais 
ils  tombèrent  entre  les  mains  des 
Espagnols,  et  ils  ne  parvinrent  à 
s'échapper  que  plusieurs  mois  a- 
près.  Rentré  dans  la  capitale 
qu'agitaient  les  intrigues  de  ses 
partisans ,  Carrera  se  vit  une  se- 
conde fois  à  la  tète  du  pouvoir- 
exécutif;  mais  son  despotisme  a- 
vaitaliénésansretourle  cœurdela 
plupartdesesconcitoyens  :on  rap- 
pela O'Higgins.  Les  deux  chefs  é- 
taient  aux  prises;déjàmême  l'usur- 
pateur avait  remporté  quelque  a - 
vantagedans  lesplainesde  Maïpu, 
lorsque  les  Espagnols,  prompts  à 
observer  tous  les  symptômes  de 
discorde  chezlesindépendans, pé- 
nétrèrent de  nouveau  dans  le 
pays.  Leur  présence  opéra  une 
réunion  que  n'avaient  pu  produi- 
re des  considérations  d'utilité  pu- 
blique dans  un  danger  moins 
imminent.  O'Higgins  eut  la  géné- 
rosité de  céder  le  commande- 
ment aux  Carrera.  Ils  en  abusè- 
rent aussitôt;  ils  destituèrent  les 
ofliciers  qui  s'étaient  attiré  leur 
haine;  ils  poursuivirent,  par  des 
actes  arbitraires,  tout  ce  qui  leur 
était  suspect.»  Une  telle  conduite 
eut  son  effet  naturel;  le  mécon- 


CAR 

lentement  éloigna  des  drapeaux 
de  la  patrie  nn  grand  nombre  de 
se*  défenseurs,  et  le  général  es- 
pagnol Osorio  obtint  plusieurs 
succès. Bientôt  0'Higgins,àqui  on 
n'avait  pu  éviter  de  confler  au 
moins  quelques  délachemens,  et 
qui  s'était  lenfermé  dans  la  peti- 
te ville  de  Ratnagua,  lut  attaqué 
par  toutes  les  forces  espagnoles. 
Après  une  défense  opiniâtre,  ré- 
duit ;\  la  retraite  par  rexlrème  in- 
fériorité de  ses  moyens,  il  passa 
à  travers  les  rangs  ennemis,  et  se 
réfugia  dans  Mendoza.  Les  Carre- 
ra ne  l'avaient  soutenu  en  aucune 
manière;  mais  pressés  à  leur  tour 
par  Osorio,  ils  se  retirèrent  aussi 
à  Mendoza.  Leur  esprit  turbulent 
et  leurs  machinations  inquiétèrent 
le  général  San-Martin,  qui  com- 
mandait en  chef  dans  ces  provin- 
ces méridionales.  Il  fit  arr^-ter 
José  Miguel  etLuiz,  et  tous  deux 
furent  conduits  à  Biiéuos-Ajres. 
Rendus  bientôt  à  la  liberté,  ils  se 
livrent  à  de  nouvelles  intrigues; 
et  tandisque  Juan  J(»se  etLuiz  s'ef- 
forcent de  grossir  dans  le  pays 
même  le  nombre  de  leurs  parti- 
sans,José  Miguel  fait  voile  pour 
les  Etats-Unis,  où  il  espère  trou- 
ver des  secours  qui  le  mettent  en 
état  de  ressaisir  l'autorité.  Pen- 
dant son  absence,  ses  deux  jeu- 
nes frères  sont  arrOtés  et  conduits 
à  Mendoza.  Du  fond  même  de 
leur  prison  ils  s'occupent  enco- 
re de  préparer  de»  troubles;  cet- 
te fatale  persévérance  les  fait  tra- 
duire devant  un  conseil  de  guer- 
re, qui  les  condamne  à  mort. 
L'exécution  de  ce  jugement  fut 
arrêtée  par  le  revers  qu'éprouva  le 
général  San-Martin,  revers  qui 
orça  le>  habitans  d«  plu»ieurs  viU 


CAR  i35 

les  du  Chili  à  chercher  leur  sûre- 
té dans  Mendoza.  Le  général 
voyant  que  les  Carrera  comp- 
taient beaucoup  de  partisans  dans 
celte  ville,  craignit  quelque  mou- 
vement en  leur  faveur,  et  fit  exé- 
cuter la  sentence,  sans  attendre' 
que  le  conseil  suprême  de  Bue- 
nos -  Ayres  l'eftt  confirmée.  II9 
moururent  avec  courage;  on  ad- 
mira surtout  le  sang-froid  de  Luii 
Carrera.  Son  frère,  qui  n'avait  rien 
obtenu  aux  Étals-Unis,  venait 
d'arriver  à  Monte-Video  lorsqu'il 
apprit  cet  événement,  qui  ne  pa- 
rut pas  le  décourager,  mais  qui 
redoubla  sa  haine  contre  le  gou- 
vernement de  Buénos-Ayres.  Il 
fille  serment  aussi  téméraire  que 
passionné,  de  ne  rentrer  dans 
le  Chili  qu'après  avoir  immolé 
O'Higgins  et  San-Martin.  Dans 
celle  vue,  il  adressa  aux  peuples 
du  Chili,  le  28  juin  1818,  unu 
proclamation  véhémente,  où  leur 
disant  que,  s'ils  ne  se  détachaient 
pas  de  Buénos-Ayres,  ils  n'en  se- 
raient jamais  traités  que  comme 
des  sujets,  il  lespressait  de  secouer 
le  joug,  et  de  venger  la  mort  des 
Carrera.  Bientôt  il  sut  attirer  dans 
son  parti  quelques  olficiers  fran- 
çais qui  étaient  à  Buénos-Ayres, 
et  qui  correspondirent  avec  lui. 
On  assure  qvrils  avaient  résolu  de 
renverser  l'autorité  de  Puyredon, 
de  se  défaire  de  San-Martin  et 
d'O'Higgins,  etde  gagner  Artigas». 
Le  complot  fut  découvert;  les 
Français  furent  arrêtés,  et  deux 
d'entre  eux,condanmésàêtre  fusil- 
lés, subirent  leur  peine.  Ku  voyant 
son  pays  rangé  sous  la  dominn- 
tiim  de  Buenos- Ayref;,  Carrera 
n'a  pas  encore  abandonné  ses 
detscins;   mais  il  conserva  peu 


i56  CAR 

d'influence,  et  l'on  ne  croit  pn« 
qu'il  puisse  désormais  exciter  des 
troubles  sérieux. 

CARRÈRE  (Joseph - Baiithéle- 
MY- François)  ,  né  d'une  f;miille 
dont  les  membres  sont  médecins 
de  père  en  fils,  composa  un  grand 
nombre  d'ouvrages  de  médecine  , 
précieux  sous  le  rapport  des  re- 
cherches ,  mais   stériles   en    dé- 
couvertes et  en   aperçus.  On  lui 
attribue  aussi  des   romans  ,   des 
poëmes  ettles  ouvrages  de  genres 
divers.   La    liste   de    ses    œuvres 
est  longue,  et  l'histoire  de  sa  vie 
fort  courte,  Né  à  Perpignan,  le  i[\ 
août  1740?  rtîÇn  docteur  à  Mont- 
pellier, en  1 769,  professeur  d'a- 
natomie   à    l'université    de  cette 
*  ville  en  1770  ,  il  fut  nommé,  en 
1775,  inspecteur-généraldeseaux 
minérales  du  Roussillon,  passaen 
Espagne,  où  il  vécut  plusieurs  an- 
nées, et  mourut  i\  Barcelone  le  20 
décembreiSoa,  Indépendamment 
de  quelques  dissertations  particu- 
lières par  lesquelles  il  débuta,  et 
dont  la  première  (de  f^ùali  corpo- 
^       ris  et  animœ  J'œderé)  traite  de  la 
plus  grande  merveille  du  monde 
moral  et  physique  ;  il  a  donné  un 
assez    bon    Traité    théorique    et 
pratique  des  maladies  inflamma- 
toires,  1774,  in-S",  et  les  deux 
volumes  d'une  Bibliothèque  lit- 
téraire historique  et  critique  de  la 
médecine,    1776,  in-4'',  oii  de- 
vait se  trouver  l'histoire  de  tous  les 
écrivains  qui  ont  traité  de  la  mé- 
decine. L'auteur,  effrayé  de  quel- 
ques critiques  assez  légères  ,  dis- 
continua cet  ouvrage  important 
et  rédigé  avec  soin.  On  remarque 
aussi    parmi    ses    nombreux   é- 
crits ,  le  Médecin  ministre  de  la 
Nature,  177^,  in- 12;  Disserta- 


CAR 

tion  médico-pratique  sur  l'usage 
des  rafraichissans  et  des  échaiif- 
fans  dans  les  ficvres exantkémati- 
que^y  '778,  in-8";  un  (rès-curieux 
catalogue  raisoimé  des   ouvrages 
quiontété  publiéssur  lescauxmi- 
nérales  en  général,  et  sur  celles  de 
France  en  particulier,  i785,in-^; 
Manuel  à  l'usage  des  malades, 
1 7<S6,-  Recherches  sur  les  maladies 
vénériennes  chroniques ,  etc.  1 788. 
Tant  d'ouvrages  n'ont  pu  faire  à 
(]arrère    une    haute   réputation^ 
c'est  le  talent  de  voir  de  nouveaux 
objets  ,  et  de  saisir  de  nouveaux 
rapports,  qui  assure  aux  écrivains 
en  tout  genre  ,  cette  vie  éternelle 
qu'ils  espèrent.  Un  style  diffus  et 
lourd  nuit  à  l'intérêt,  et  altère  la 
valeur  intrinsèque  de  la  plupart 
des  écrits  de  l'auteur  dont  nous 
parlons.  Néanmoins  ,  celui  qu'il 
a  publié,  sous  le  titre  de  Tableau 
de  Lisbonne  ,  en  1 796  ,  se  fait  re- 
marquer par  une    manière  plus 
animée  ,  plus  chaude  et  plus  pi- 
quante.   L'indignation   l'a  dicté. 
Une  cour  corrompue  et  un  peu- 
ple avili,  nulles  lois  et  beaucoup 
de  moines ,  la  licence  vivant  d'o- 
rémusj  la  superstition  s'engrais- 
sant    des  repentirs   passagers  de 
la  débauche  ;  nul  caractère  chez 
la  nation ,  nulle  pudeur  chez  les 
femmes,  nulle  force  dans  le  gou- 
vernement, nulle  règle  dans  les 
volontés  du  despotisme;  tel  est 
le  hideux  spectacle,  que  Carrère 
a  retracé  avec  fidélité  ,  si  ce  n'est 
avec  talent. 

CARRET  (Michel),  né  à  Lyon, 
vers  l'année  1752.  Au  commen- 
cement de  la  révolution,  il  pas- 
sait pour  un  des  meilleurs  chirur- 
giens de  cette  ville.  Les  principes 
qu'on  lui   couuaissait  lui  firent 


CAR 

obtenir  différentes  fonctions  ad- 
ministratives ,  «'t  l'introduisirent 
dans  la  société  des  amis  de  la  cons- 
titution ,  dont  il  se  vil  mr-nie  le 
président.  Mais  il  fut  arrêté  en 
1795:  on  lui  reprochait  des  sen- 
timens  contraires  ù  ce  qu'on  avait 
att<'ndu  de  lui.  Ce  qui  est  certain, 
c'estqu'ayantété  nommé  on  1798 
au  conseil  des  cinq-cents  par  le 
département  du  Rhône  .  il  n'y 
servit  point  la  cause  nationale. 
Non-seulement  il  parla  contre  la 
liberté  de  la  presse  ;  mais  il  osa 
prétendre  que  l'assassinat  des  plé- 
nipotentiaires français  à  Rastadt, 
n'avait  f.iit  aucune  sensation  dans 
la  seconde  viile  du  royaume.  L'in- 
dignation de  ses  collègues,  et  un 
murmure  d'étonnement  dans  les 
tribunes  ,  durent  faire  sentir  à 
Carret  que  le  moment  n'était  pas 
encore  venu  de  se  montrer  à  dé- 
couvert, î^éanmoins  son  zèle  ne 
se  démentit  pas  sous  le  gouverne- 
ment consulaire.  Il  fil  alors  partie 
du  tribunal;  et  après  la  dissolu- 
tion de  ce  corps  ,  il  fut  placé  à  la 
cour  des  comptes.  L'ancien  pré- 
sident de  la  société  des  amis  de  la 
constitution  avait  assez  expié 
cette  vieille  faute  :  en  i8i4?ilfnt 
trouve  digne  de  présider  au  con- 
traire la  fédération  parisienne. 
Cependant  il  arriva  qu'il  fut  obli- 
gé de  donner  sa  démission  après  la 
bataille  de  Waterloo.  On  assure 
qu'il  obtint  depuis  une  pension 
de  5,000  francs  :  il  est  rare  que  le 
pouvoir  laisse  dans  l'oubli  ceux 
qui  ont  assez  de  tact  pour  l'aimer 
indistinctement  sous  toutes  ses 
formes.  Carret  est  mort  à  Paris, 
dans  le  cours  de  l'année  1820. 

CARRIER  (JEA^-BATI3TE),  né 
à  Yolai,  village  d'Auvergne,  en 


CAR 


loy 


1756;  député  à  la  convention  na- 
tionale ,  où  il  vola  la  mort  du  roi. 
Le  nom  de  Carrier  est  l'un  de 
ceux  que  tout  ami  des  hommes, 
que  tout  adversaire  du  pouvoir 
absolu,  ne  peut  entendre  pronon- 
cer sans  horreur.  Ce  monstre 
semble  avoir  reculé  les  bornes  de 
la  cruauté,  et  les  nombreux  for- 
faits dont  il  épouvanta  la  Loire 
seront  le  texte  éternel  des  décla- 
mations de  tous  les  ennemis  de  la 
liberté;  comme  si  la  liberté  ,  de 
même  que  la  religion  ,  était  res- 
ponsable desfureurs  de  ses  minis- 
tres, et  pouvait  jamais  devenir 
odieuse  par  les  crimes  commis 
en  son  nom.  Plusieurs  de  ceux 
qui,  maintenant,  poursuivent  de 
leurs  imprécations  tardives  les 
auteurs  de  ces  crimes,  les  y  pous- 
saient alors,  les  uns  par  de  secrets 
conseils,  les  aulres  par  des  dis- 
cours de  tribune.  User  la  révolu- 
tion par  les  excès,  fut  l'affreux 
calcul  d'un  parti  que  servit  trop 
bien  la  rage  insensée  des  Carrier, 
des  Maignet,  des^  Collot-dller- 
bois,  des  Joseph  Lebon.  Carrier, 
procureur  obscur  à  Aurillac,  a- 
vait  près  de  quarante  ans  à  l'épo- 
que des  premiers  événemens  de 
la  révolution  ;  à  cet  âge,  il  sem- 
blait devoir  être  exempt  de  l'en- 
thousiasme et  des  écarts  auxquels 
se  livrent  si  facilement  les  âmes 
neuves  et  ardentes.  Wais  sa  féro- 
cité naturelle  lui  tenait  lieu  de 
jeunesse  :  il  se  précipita  au  mi- 
lieu des  troubles  politiques,  non 
en  citoyen  qui  cherche  à  les  ren- 
dre profilables  à  la  patrie  et  à  la  li- 
berté, mais  en  furieux  que  tour- 
mente le  besoin  de  renverser 
et  de  détruire.  L'invasion  de  l'é- 
tranger avait  tourné  toutes  le» 


i3S 


CAR 


idées  vers  l'indépendance  natio- 
nale; les  orateurs  les  plus  véhé- 
\  mens  parurent  les  plus  propres  à 
conjurer  le  danger,  et  le  dépar- 
tement du  G]intal  nomma  (car- 
rier l'un  de  ses  représeiilans  à  la 
convention  nationale.  Il  ne  pa- 
rut guère  à  la  tribune  que  pour 
dénoncer,  ou  provoquer  l'adop- 
tion des  mesures  les  plus  violen- 
tes. Ce  fut  lui  qui,  le 9  mars  1795, 
fit  décréter  l'établissement  diin 
tribunal  révolutionnaire.  Quel- 
ques jours  après,  il  demanda  et 
obtint  l'arrestation  du  duc  d'Or- 
léans. On  le  vit,  au  5i  mai,  se 
prononcer,  avec  toute  la  violence 
de  son  caractère,  contre  le  parti 
plus  modéré,  désigné  sous  le 
nom  Aq  girondins  ;  il  poursuivit, 
dans  le  département  du  Calva- 
dos, les  restes  de  ce  parti,  qu'on 
appelait  aussi  fi'déraà  te.  Après 
cette  mission,  qui  fut  si  fatale  à 
Barbaroux,  à  Pétion  ,  et  aux  pa- 
triotes modérés  des  déparlemens 
de  l'Ouest,  la  convention  déchaî- 
na Carrier  conjtre  les  rebelles  de 
la  Vendée  et  de  la  Bretagne.  Nan- 
tes devint  un  théâtre  de  fureurs 
et  de  crimes  jusqu'alors  incon- 
nus. A  peine  arrivé  dans  cette 
ville,  Carrier  prononce  d'horri- 
bles imprécations  contre  «!es  ha- 
bitans,  et  particulièrement  con- 
tre ceux  qui  se  livrent  au  com- 
merce :  il  parle  à  la  tribune  de 
la  société  populaire  ,  le  sahre  nu 
à  la  main;  il  y  invite  le  peuple  à 
s'armer,  à  piller  les  riches;  il  em- 
ploie plusieurs  moyens  pour  ex- 
citer des  émeutes,  afin  de  faire 
déclarer  la  ville  en  état  de  rébel- 
lion ;  et  ne  pouvant  y  parvenir,  il 
déclare  que  si,  dans  un  délai  très- 
court,  les  aristocrates,  lus  fédé- 


CAR 

ralistes,  les  modérés,  les  giron-» 
dius,  les  accapareur-*,  no  lui  sont 
pas  nominativement  -i;,Mi,il.  s.  il 
fera  décimer  la  piipul.ilion  tout 
entière.  De  concert  avec  son  col- 
lègue Francasttl,  il  organi>eAine 
bande  révolutionnaire,  à  laquelle 
il  donne  le  nom  de  c  nipitoiiie 
Mnrdt  troupe  composée  de  ban- 
queroutiers, de  faussaires,  d'es- 
crocs, de  voleurs,  oi^  les  grades 
furent  cor»férés  aux  plus  infâmes. 
Anôler  et  lier  les  victimes,  les 
conduire  au  lieu  du  supplice,  les 
précipiter  d  ins  les  Ilots,  tel  était 
l'espèce  de  service  de  ces  soldats 
de  Cariier.  Outre  une  solde  de 
5oo  franc-*  par  mr)is.  ch  icun  d'eux 
eut  le  privilège  de  dépo4iiller,  de 
frapper  les  mallieureux  qu'ils  ar- 
rêtaient ou  conduisaient  à  la  mort. 
Carrier  investit  le  commandant 
de  cette  compagnie  du  droit  de 
surveiller,  non-seulement  dans 
Nantes,  mais  dans  tout  le  dépar- 
ment,  les  suspects,  les  étrangers, 
les  modérés  et  les  inalveillans  ; 
de  les  dénoncer,  de  les  arrêter 
même  :  il  l'autorisa  à  faire  des 
visites  domiciliaires,  à  ouvrir  ou 
enfoncer  les  portes  de  tous  les 
lieux  où  il  lui  plairait  de  faire  des 
recherches;  la  force  publique  é- 
tait  tenue  d'obéir  aux  ordres  de 
ce  commandant,  et  même  de 
chacun  des  membres  de  sa  com- 
pagnie. Il  existait  à  Nantes  une 
commission  militaire  ;  et  quoi- 
que ce  tribunal,  plus  redoutable, 
plus  expéditif  que  le  tribunal 
révolutionnaire  de  Paris, pronon- 
çât chaque  jour  sur  le  sort  de  i5o 
à  300  malheureux,  et  en  eût  fait 
périr  près  de  4f>oo  dans  l'espace 
de  vingt  jours,  ces  boucheries  ne 
satisfaisaient  pas  l'insatiable  be- 


CAR 

soindecondiimnationsetclemni'ts 
qui  touriTieutait  l'impitoyahle 
Carrier.  Il  assenibla  un  comité 
secret ,  et  proposa  de  faire  périr 
les  prisonniers  en  masse;  mais  la 
peur  même  créa  des  résistances; 
l'idée  d'un  si  grand  massacre  é- 
brunla  les  courages  les  plus  féro- 
ces :  el  Carrier  ne  put,  malgré 
tous  ses  efforts,  faire  adopter  son 
horrible  proposition.  C'est  alors 
que  voulant  à  tout  prix  vider  les 
prisons,  il  imagina  ces  noyades, 
mot  dé&ormais  inséparable  du 
rvom  de  Carrier,  et  qui  rappelle- 
ra éternellement  les  plus  grands, 
les  plus  atroces  de  ses  crimes.  Il 
parait  cependant  que  l'idée  lui  en 
fut  suggérée  par  un  des  membres 
du  comité  révolutionnaire  de  Nan- 
tes. Lambtrly  et  Fouqutt  furent 
chargés  de  ces  cruelles  expédi- 
tions; la  première  fut  ordonnée 
à  la  suite  d'une  orgie.  Carrier  et 
ses  complices  burent  à  la  santé 
de  ceux  qui ,  selon  l'expression 
de  ces  monstres,  allaient  boire  à 
fa  f^rande  tasse.  Une  galiote  hol- 
landaise fut  destinée  à  reproduire 
le  crime  dont  Néron  avait  donné 
le  premier  exemple  au  monde  : 
il  y  fut  pratiqué  des  soupapes,  au 
moyen  desquelles  les  victimes  é- 
taient  précipitées  dans  les  flots  ; 
et,  pour  que  la  Loire  présentât  u- 
ne  imitation  fidèle  des  horreurs 
autrefois  commises  sur  l»;»  eaux 
de  Baies,  des  mariniers,  armés  île 
leurs  avirons,  assommaient  ceux 
qui,  sachant  nager,  revenaient  à 
la  surface  du  fleuve,  et  cherchaient 
a  gagner  h*  rivage.  La  galiote,  a- 
près  avoir  servi  aux  crimes  de  la 
nuit,  était  employée  aux  plaisirs 
du  jour;  Carriery  fit  jdusieurs  fes- 
tins, et  se  plaisait  à  se  faire  rncon- 


CAR  109 

ter,  à  la  fin  du  repas,  tous  les  dé- 
tails des  expéditions  nocturnes, 
par  ceux  qu'il  avait  chargés  de  leur 
exécution.  Il  fut  même  accusé 
d'avoir  fait  de  ce  navire  de  mort, 
le  théâtre  d'infâmes  voluptés  et 
d'affreuses  prostitutions.  Les  pre- 
mières expéditions  furent  suivie» 
d'autres  plus  nombreuses;  la  ga- 
liote devint  insuflîsante.  Carrier 
fit  construire  d'autres  bateaux  à 
soupapes  ;  bientôt  ce  ne  fut  plus 
assez  que  de  noyer  des  vieillards: 
des  enfans,  des  femmes,  dont 
plusieurs  même  étaient  encein- 
tes, furent  aussi  conduits  sur  les 
barques  fatales ,  et  engloutis  dans 
les  eaux  ;  l'infamie  fut  jointe 
au  supplice;  des  jeunes  garçon*;, 
des  jeunes  filles,  dépouillés,  nus, 
liés  deux  à  deux,  après  avoir  été 
suspendus  quelque  temps  sous 
les  bfas  ,  étaient  ainsi  précipités 
dans  la  Loire ,  et  les  exécrable* 
satellites  de  l'exécrable  Carrier 
donnaient  le  nom  de  mariage  à 
ce  supplice,  que  n'avait  pas  trou- 
vé l'inventive  cruauté  de  Tibère. 
Tandis  que  les  cadavres  des  noyés 
flottaient  sur  les  rives  de  la  Loi- 
re, la  faim  ,  la  souffrance  et  l'air 
corrompu  des  prisons  les  entas- 
saient dans  un  lieu  de  douleur, 
appelé  l'entrepôt,  qui  reçut  plus 
de  8000  prisonniers  :  800  femmes, 
et  environ  5oo  enfans,  furent  ren- 
fermés dans  des  maisons  où  il  n'y 
avait  ni  lits,  ni' paille,  ni  sièges, 
ni  vases  d'aucune  espèce;  ces  dé- 
tenus manquaient  d'alimens,  et 
Carrier  ou  ses  agcns  faisaient  in- 
carcérer les  personnes  que  la  pi- 
tié portait  à  leur  en  fournir.  IMu- 
sieurs  fois  les  conducteurs  des 
prisonniers  les  sabrèrent  pour  s'é- 
pargner la  peine  de  les  conduire 


i4o 


CAK 


plus  loin.  Carrier  fit  fusiller  en 
fiasse  des  prisonniers  de  {guerre, 
et  n'épargna  pas  même  ceux  qui 
se  présentaient  volontairement. 
Non-seulement  il  en  fit  l'aveu, 
mais  il  osa  même  s'en  vanter 
dans  une  lettre  qu'il  écrivit  à  la 
convention,  le  3o  frimaire  an  'i  : 
«C'est,  dit-il  dans  celte  lettre, 
»par  principe  d'humanité,  que  je 
«les  envoie  à  la  mort.»  La  veille, 
il  avait  fait  passer  par  les  armes, 
sur  la  place  du  département,  80 
cavaliers  qui  s'étant  présentés, 
promettaient  de  ramener  beau- 
coup d'autres  de  leurs  camarades, 
et  demandaient  pour  toute  grâce 
à  servir  la  république.  Carrier 
s'excitait  au  crime  par  le  vin  et 
la  débauche,  et  cherchait  à  se 
soustraire  aux  remords.  En  la- 
vant dans  le  sang  ses  bras  ensan- 
glantés,  il  devint  inaccessible. 
Presque  invisible,  excepté  à  un 
petit  nombre  d'à ffidés,  il  ne  re- 
cevait plus  que  les  autorités  mili- 
taires. Il  né  trouvait  pas  les  mem- 
bres du  comité  révolutionnaire 
assez  patriotes,  la  commission  mi- 
litaire assez  rigoureuse  ;  les  gens 
du  club  ,  ceux  qu'il  avait  d'abord 
proclamés  patriotes />fl!/-ej:ce//en- 
é.'e,  lui  devinrent  suspects,  et  pen- 
dant trois  mois  il  fit  fermer  la  so- 
ciété populaire.  La  crainte  de  tom- 
ber dans  quelques  embuscades  de 
Vendéens,  ou  même  de  patriotes 
irrités,  l'empêchait  de  sortir  de  la 
ville.  Quoique  bien  portant,  il 
faisait  dire  qu'il  était  malade  et  à 
la  caftipagne.  Il  fit  arrêter  la  nuit, 
et  amener  en  sa  présence,  quel- 
ques-uns de  ceux  qui  se  plai- 
gnaienlde  l'isolement  où  il  vivait, 
et  de  ce  qu'il  était  devenu  inac- 
cessible, même  aux  autorités  ci- 


CAR 

viles  :  il  souffleta  plusieurs  mem- 
bres de  la  société  populaire,  et 
reçut,  à  coups  de  sabre,  des  ofïi- 
ciers  municipaux  qui  venaient  lui 
faire  part  de  leurs  iurpiiétudes  sur 
la  subsi-ilance  des  habitans  de  la 
ville,  réduits  à  une  demi-livre  de 
pain  par  jour.  La  moindre  contra- 
diction, la  plus  faible  résistance 
allumait  sa  colère,  et  un  torrent 
d'injures  brutales,  d'expressions 
sales  et  grossières,  se  pressaient 
sur  ses  lèvres  convulsives.  A  la 
fois  furieux  et  timide,  il  maltrai- 
tait quiconque  ne  pouvait  lui  ré- 
sister, et  fuyait  devant  le  moin- 
dre péril  :  au  seul  combat  où  il 
ait  osé  se  montrer,  il  lâcha  pied 
dès  le  commencement  del'action, 
courut  se  cacher,  et  ne  reparut 
qu'après  la  victoire.  Il  avait  de 
tous  côtés  des  espions,  agens  né- 
cessaires de  la  tyrannie  des  lâ- 
ches. Il  interceptait  les  corres- 
pondances, se  faisait  apporter  et 
décachetait  toutes  les  lettres.  Une 
de  ces  lettres,  écrite  par  un  agent 
du  conùté  de  salut  public,  et  a- 
dressée  à  ce  comité,  retraçait  a- 
vec  une  indignation  profonde  et 
une  vive  énergie  les  fureurs  et 
les  crimes  de  Carrier.  Dans  son 
pr.emier  transport,  il  fit  arrêter  et 
conduire  devant  lui  le  cqurageux 
auteur  de  celte  lettre,  qui  se  trou- 
vait à  Nantes  :  c'était  Julien,  fils 
du  député  de  la  Drôme.  Dès  qu'il 
l'aperçoit.  Carrier  éclate  en  me- 
naces ;  il  avait  montré,  par  trop 
d'exemples,  que  de  la  menace  à 
la  mort,  la  distance  était  courte; 
cependant  il  ne  parvint  point  à  in- 
timider son  jeune  adversaire.  Car- 
rier nétait  pas  accoutumé  a  tant 
de  résistance,  elle  abattit  son  féro- 
ce orgueil.  L'adolescent  fit  trem- 


CAR 

hier  le  tjran  -viiil,  qui,  par  un  ton 
doux  e<  des  paroles  mielleuses, 
chercha  à  désarmer  celui  qui  ve- 
nait de  se  déclarer  son  ennemi. 
Il  ne  put  le  fléchir;  une  nouvelle 
lettre  de  Julien  provoqua  et  fit 
enfin  prononcer  le  rappel  de  Car- 
rier. Le  gouvernement  de  Robes- 
pierre ayant  été  renversé  au  9 
thermidor,  les  plus  fougueux  a-* 
gens  (le  ce  niveleur  sanguinaire 
lurent  poursuivis  par  les  im;4é- 
cations  et  les  cris  de  la  France  en- 
tière :  le  comité  révolutionnaire 
de  Nantes  fut  mis  en  jugement, 
et  dès  lors  tous  les  crimes  de  Car- 
rier furent  révélés.  Dans  le  cours 
des  débals,  les  accusés  cherchè- 
rent à  se  justifier  en  di^nt  qu'ils 
n'avaient  fait  qu'obéir  aux  ordres 
du  farouche  proconsul  ;  et  plu- 
sieurs fois  l'auditoire,  frémissant 
d'horreur  et  interrompant  les  dé- 
bats, apjtela  Carrier  à  cris  redou- 
blés. Il  fut,  en  quelque  sorte, 
arraché  à  la  convention,  qui  se 
TÎt  enfin  contrainte  de  le  livrer 
au  tribunal  révolutionnaire.  Le 
décret  d'accusation  porté  le  12 
vendémiaire  an  5,  contient  plus 
de  cent  ("hefs,  dont  le  moins  gra- 
ve appelait  la  peine  capitale  sur 
la  tête  de  son  auteur.  Au  nom  de 
Carrier,  un  l«mg  murmure  se  fait 
entendre  parmi  les  accusés ,  les 
témoins,  les  spectateurs,  et  tous 
les  yeux  se  tournent  vers  lui. 
C'était  un  homme  d'une  taille 
haute  et  un  peu  courbée;  il  por- 
taitcetle  chevelure  noire  et  grasse 
que  les  tyrans  populaires  avaient 
mise  à  la  mode;  son  geste  était 
forcé,  brusque  et  menaçant;  sa 
voix  dure  et  raiique  ;  sa  pronon- 
cialion  forte  et  précipitée  :  il  avait 
l'œil  petit  et  hagard,  le  teint  bu- 


CAR 


i/,i 


sané,  l'air  sombre,  commun  et 
féroce.  Il  se  défendit,  non  com- 
me un  coupable  convaincu  que 
les  actes  qu'on  lui  reproche  sont 
des  crimes,  niais  comme  un  hom- 
me persuadé  qu'il  était  une  vic- 
time sacrifiée  aux  circonstan- 
ces. Il  parla  souvent  aux  jurés, 
aux  juges,  et  même  au  président 
du  tribunal,  avec  une  liauteur 
qui  moutrdit  assez  qu'il  ne  se 
croyait  pas  déchu  de  la  dignité, 
et,  jusqu'à  un  certain  degré,  de  la 
puissance  d'un  représentant  du 
peuple.  Il  soutint  assez  bien  ce 
caractère  pendant  tout  le  cours 
de  la  procédure  ;  entendit  son  ar- 
rêt en  homme  qui  s'y  éta  il  préparé; 
il  marcha  au  supplice  et  reçut  la 
mort  avec  plus  de  fermeté  qu'on 
ne  pouvait  en  attendre  d'un  mons- 
tre que  devait  accabler  en  ce  mo- 
ment le  poids  des  plus  terribles 
souvenirs,  et  du  nom  odieux  qu'il 
laissait  après  lui. 

CARRION-iSISAS(i>URiE-HEN. 
m-FBANçois-Éi.isABETH) ,  légis- 
lateur, militaire  et  poète,  né  à 
Montpellier  le  17  mars  1767,  é- 
tait  un  des  vingt-trois  barons  des 
états  du  Languedoc.  Une  substi- 
tution ayant  fait  passer  les  grands 
biens,  dont  il  devait  hériter,  dans 
la  famiWc  Spino/a  de  Gènes,  il 
n'avait  qu'une  fortune  médiocre 
qnarul  la  révolution  commença. 
11  était,  en  1789,  officier  de  cava- 
lerie et  non  pas  d'infanterie,  com- 
me le  dit  la  Biographie  Michaud, 
qui  commet  souvent  des  erreur» 
beaucoup  plus  graves.  Carrion- 
Nisas  était  populaire  et  libéral; 
un  seul  (îiit  sullît  pourlc  prouver: 
la  commune  dont  il  était  seigneur 
le  choisit  pour  maire.  Les  enne- 
mis secrets  de  la  révolution,  ceux 


l43 


CAIV 


qui  faisaient  égorger  Ici  patriotes 
d'alors,  et  qui  se  signalent  encore 
aujourd'hui  par  leur  fureur  dans 
le  midi  de  la  France,  firent  jeter 
Carrion-Nisas  dans  les  prisons  de 
Béziers  ;  le  9  thermidor  lui  sauva 
la  vie.  11  avait  été  arrêté  sous  pré- 
texte i\ej'^déralisnie;  mais  son  vé- 
ritable crime  était  son  enthousias- 
me pour  la  liberté  et  son  éloigne- 
ment  pour  l'émigration.  Il  s'ex- 
pliquait tout  haut  et  franchement 
sur  ces  objets.  Il  reçut  plus  d'une 
fois  des  lettres  anonymes,  ornées 
de  quenouilles  en  vignettes,  où  on 
lui  reprochait  son  oisiveté,  indi- 
gne d'un  gentilhomme;  ces  mau- 
vaises plaisanteries,  renouvelées 
des  croisades,  ne  changèrent  rien 
à  ses  principes;  il  a  prouvé,  de- 
puis cette  époque,  qu'il  savait  fai- 
re un  meilleur  usage  de  son  épée 
que  les  faux  braves  qui  lui  écri- 
Taient  anonymement.  Il  vécut 
dans  la  retraite  pendant  le  règne 
du  directoire.  Quelques  mois  a- 
près  l'établissement  du  consulat, 
il  vint  à  Paris  dans  l'unique  des- 
sein de  faire  jouer  la  tragédie  de 
Montmorency.  Bonaparte,  avec 
qui  il  avait  été  à  l'Ecole- Mili- 
taire de  Paris,  l'engagea  ù  se  fixer 
auprès  du  gouvernement  auquel 
il  lui  proposa  de  s'attacher.  Le 
second  consul  Cambacérès,  dont 
Carrion- jNisas  avait  épousé  une 
proche  parente,  le  servit  .dans  le 
sénat;  il  y  fit  passer  le  tribun 
Crassous,  et  Carrion  remplaça  ce 
dernier  au  tribunal.  Tel  fut  le  dé- 
but de  sa  carrière  politique.  Le 
nouveau  tribun  se  signala  par  plu- 
-sieurs  discours  sur  la  question  du 
iiivorce,  le  premier  concordat  et 
les  formalités  des  contrats  de  ma- 
riage. C'est  sur  sa  proposition  que 


CAR 

le  port  de  Celte  a  été  recreusé  el 
mis  en  état  de  recevoir  des  bâti- 
mensde  haut-bord.  Il  a  r(;udu,  en 
cela,  un  service  essentiel  à  sa  pa- 
trie, et  parliculièrenumt  ù  son  dé- 
partement. Carrion  ?<isas  appuya 
fortement  la  motion  de  son  col- 
lègue Curée  pour  l'établissement 
du  gouvernenient  impérial.  Son 
•iliscours  contient,  en  faveur  des 
intérêts  de  la  révolution  et  de  la 
liberté  publique,  des  stipulations 
et  des  maximes  dictées  parle  pa- 
triotisme le  plus  pur,  et  ce  qui 
doit  frapper  davantage  aujour- 
d'hui dans  ce  discours,  prononcé 
il  y  a  vingt  ans,  c'est  sans  contre- 
dit le  passage  suivant  où  il  est 
questionnes  coryphées  de  l'émi- 
gration armée ,  cette  mesure  si 
désastreuse,  et  qui  porte  encore 
des  fruits  si  amers  :  «  La  nation  a 
»  fait  des  pas  de  géant  dans  la  car- 
arière  (des  lumières).  Ceux  qui 
«prétendent  encore  la  dominer 
))Sont  restés  au  même  point  :  le 
y>  temps  et  l'expérience  ne  leur 
»  ont  rien  appris,  ne  leur  ont  rien 
vjait  oublier  :  principes ,  idées , 
>)  prétentions, langage,  tout  en  eux 
»est  étranger,  tout  en  eux  est  en- 
«nemi;  et  ceux-là  qui  se  croient 
»  peut-être  encore  leurs  partisans, 
«seraient  étonnés  des  nombreux 
«litres  de  procription  qu'ils  au- 
»  raient  auprès  d'eux.»  Dans  sa  ré- 
ponse improvisée  à  Carnot,  il  ex- 
plique, en  peu  de  nK)ts,  le  systè- 
me de  monarchie  que  voulaient 
alors  introduire  les  citoyens  bien 
intentionnés,  jaloux  de  lier  sans 
efforts  le  passé  à  l'avenir,  de  con- 
server des  formes  reconnues  en 
Europe,  et  de  consacrer  des  inté- 
rêts puissansetlégitimés  en  Fran- 
ce. «  La  royauté  (féodale),  disait- 


CAR 

»il,  procéda  par  l'envahissemeut 
»du  territoije  et  celui  du  corps 
V  même  des  hommes  qui  le  culli- 
»vaient  :  Huniines  ftolestalis  ad- 
adicd  glebœ.  C'était  sur  cette 
«monstrueuse  fiction  qu'elle  éla- 
ublissait  ses  droits,  les  titres  et  le 
•  jeu  de  son  gouvernement.  Le  roi 
«des  Français,  tel  que  voulut  le 
«faire  l'assemblée  constiliiante, 
«l'empereur  de  la  république  fran- 
«paise,  tel  que  nous  voulons  Té- 
«tablir,  n'est  le  propriétaire  ni  du 
uâol  ni  de  ceux  qui  I  habitent;  il 
«est  le  cheldes  Français  parleur 
)t  volonté;  son  domaine  est  moral, 
"•et  aucune  servitude  ne  peut  dé- 
»  couler  d'un  tel  système,  etc.» 
Carrion- Nisas  ne  laissait  échap- 
per nucune  occasion  de  demander 
les  institutions  qui  devaient  con- 
solider le  nouvel  empire,  et  lui 
donner  son  caractère  distinctif.  Il 
avait  dit  dans  la  discussion  sur 
l'établissement  de  la  légion  d'hon- 
neur :  «  Si  nous  ne  profitons  pas  de 
«ces  imiques,  de  ces  irréparables 
«momens  pour  nous  donner  des 

«iustitulious ,  si  nous  ne  mé- 

«ditons  pas  profondément  les  vé- 
»  rites  gravées  sur  la  tombe  des 
•I  siècles,  bientôt  notre  liberté  n'au- 
nra  été  qu'un  essai  malheureux, 
«notre  grandeur  qu'une  prélcn- 
«tion  injurieuse,  notre  gloire  en- 
«fin  qu'un  rÇve  magnifique.» Car- 
rion-Nisas  improuva  le  décret  qui, 
établissant  et  promtilgant  l'héré- 
dité du  nouvel  empire,  jetait  hors 
d<-  la  ligne  «le  la  succession  les 
deux  frères  de  l'empereur,  Lucien 
et  Jérôme,  et  cette  improbation, 
unntmcée  sans  ménagement,  fut 
peut-être  le  principe  de  l'altéra- 
tion des  bonnes  grâces  de  Napo- 
léon envers  lui.  A  cette  même  é- 


CAR 


143 


poque,  il  perdit  également  les 
bonnes  grâces  de  l'impératrice  Jo- 
séphine, parce  qu'on  avait  per- 
suadé à  celte  princesse  qu'il  a- 
vait  conseillé  le  divorce  de  l'em- 
pereur.  Dans  ces  entrefaites,  on 
donna  au  Théâtre-Français  sa  tra- 
gédie de  Pierre-lt'Grand ,  La  Bio- 
graphie Mlchaud,  qui  traite  sans 
façon  cette  pièce  de  maiwaise. 
tragédie,  dit  qu'elle  fut  moins  sif- 
fléc  par  ce  motif  que  parce  que 
les  spectateurs  voulurent,  en  cet- 
te occasion,  punir  Carrion- iNisa» 
des  adulations  aussi  basses  que  ri- 
dicules qu'il  avait  prodiguées  à 
Bonaparte  :  observation,  soit  dit 
en  passant,  assez  singulière  de  la 
part  de  l'auteur  du  treizième  livre 
de  l'Enéide.  Ce  qu'il  y  a  de  vrai 
dans  cette  affaire,  c'est  que  la  piè- 
ce fut  sitnée  par  une  faction,  et  il 
paraît  plus  probable  que  ce  fut 
celle  des  flatteurs  de  INapoléon, 
puisque  Carrion- Nisas  était  alors 
disgracié.  Les  désagrémens  qu'il 
éprouva  dans  ces  circonstances  le 
firent  songer  à  reprendre  du  ser- 
vice; cette  carrière  était  de  son 
goftt;  il  y  rentra  en  i8oG,  d'abord 
en  qualité  de  lieuteuant,  et  peu 
après  de  capitaine  des  gendayncs 
d'ordonnance.  L'empereur  qui,  i 
l'armée,  n'était  pas  exposé  aux 
mêmes  obsessions  qu'à  Paris,  sut 
gré  à  Carrion-Nisas  de  sa  condui- 
te, et  le  lui  témoigna.  Votilant  lui 
donner  une  marque  de  faveur,  il  le 
choisit  pour  porter  à  l'impératrice 
le  traité  de  paix  conclu  à  Tilsit. 
Dans  l'audience  de  départ  que 
l'empereur  donna  à  Carriori-Ni- 
sas,  celui-ci  n'écoutant  que  soa 
patriotisme  et  sa  sincère  aÛection, 
pressa  vivement  Napoléon  de  se 
tourner  vers  des  pensées  de  paix 


i44  CAR 

et  de  stabilité.  Nous  citerons  los 
deux  vers  du  Ta-x,' ,  raiiji(;ilès 
dans  le  Journal  g^vitâal  A  alcjrs, 
dont  il  se  servit  dans  cette  occa- 
sion pour  appuyer  ses  raisoune- 
mcns  : 

Glunti  h  tua  gloria  al  summo^  c  pcr  Cintuin^i 
Fuggir  U  dubbie  gucrrt  a  te  conviene. 

Cette  franchise  valut  encore  une 
espèce  de  disgrâce  à  Carriou- 
jNisas.  Il  partit  en  qualité  de 
chef  d'escadron  d'état- major  , 
pour  joindre  l'armée  de  Portugal, 
sous  les  ordres  de  Junot;  ce  gé- 
néral, qui  le  connaissait  particu- 
lièrement, lui  témoigna  beaucoup 
de  confiance  pendaiil  le  cours  de 
l'expédition,  et  le  chargea  de  plu- 
sieurs parties  4e  l'administration 
intérieure  du  pays.  L'académie  de 
Lisbonne  le  reçut  au  nombre  de 
ses  membres.  On  croitqu'il  a  rap- 
porté beaucoup  de  documens  cu- 
rieux sur  cette  expédition  et  sur  le 
Portugal  :  nous  l'engageons  à  les 
publier  dans  ce  moment  où  la  na- 
tion portugaise  attire  si  justement 
les  regards  de  l'Europe.  Carrion- 
ISisas  se  trouvait  à  la  bataille  de 
Vimeiro,  à  côté  du  général  Junot, 
et  l'empêcha  de  tomber  au  pou- 
voin  d'un  parti  de  cavalerie  an- 
glaise. Au  retour  de  cette  expé- 
dition, il  fut  nommé  adjudant 
commandant  et  envoyé  au  siège 
de  Sarragosse  ,  avec  le  même 
Junot ,  duc  d'Abrantès.  Le  bulle- 
tin officiel  de  ce  siège  loua  sa 
conduite  comme  brillante  ,  parti- 
culièrement dans  le  commande- 
ment d'une  colonne  d'infanterie 
qui  contribua  à  dégager  les  der- 
rières de  l'armée  obsidionale  ,  en 
prenant  d'assaut  la  ville  d'Alca- 
niz,  et  dispersant  le  rassemble- 
ment qui  commençait  à  s'y  for- 


V.Wy 


mer.  Cr  sj,  m,,  iciuiiné .  il  joignit 
l'iiniirc  (le  (;,i-iillt  .  (  M!iiiii;i;i(lée 
j)ai'  le  loi  J((-t[tli.  i,c  h  ii<l( main 
de  la  bataille  de  Talaveyra  ,  Jo- 
sepli  fit  partir  dan  ion-Nisas  pour 
en  (KirU  T  le-  (lil;iil>  à  Napoléon  , 
avec  une  simple  lettre  de  créance 
sans  relation.  L'empereur  était 
alors  en  Allemagne,  recevait  peu 
de  nouvelles  d'Espagne,  et  sou- 
vent contradictoires.  Il  question- 
na Carriim-lSisas  avec  empresse- 
ment, et  se  promena  tête-à-tête 
avec  lui ,  dans  la  cour  de  Schœn- 
brunn,  depuis  dix  heures  du  soir 
jusqu'à  une  heure  du  matin.  Tout 
l'étal-maior  était  dans  l'attente  du 
rôle  qu'allait  joiur  linterlocuteur 
d'un  si  long  dialogue  II  fut  nom- 
mé baron  de  l'empire.  De  retour 
à  Paris,  l'empereur  le  chargea 
successivement  de  deux  missions 
importantes.  La  piemière  avait 
pour  objet  la  jonction  des  armées 
de  Macdonald  et  de  Suchet  sous 
Lérida ,  que  celui-ci  venait  de 
prendre  ;  la  seconde,  le  ravitaille- 
ment de  Barcelonne  réduite  aux 
abois;  et  pendant  près  de  deux 
ans  qu'il  resta  à  l'armée  de  Ca- 
talogne ,  il  continua  de  veiller, 
avec  succès  ,  à  la  subsistance  de 
Barcelonne  .assiégée  du  côté  de 
la  terre  par  les  guérillas ,  et  du 
côté  de  la  mer  par  les  Anglais. 
En  i8i5,  (-arrion-Nisas  fut  ap- 
pelé à  l'état-niajor  de  la  grande 
armée  qui  se  réorganisa  pour  re- 
prendre l'ofl'ensive  en  Saxe.  Il 
assista  aux  batailles  de  Lutzen, 
de  Bauîzen  ,  etc.  ,  jusqu'à  l'ar- 
mistice de  Dresde.  Il  était  chargé 
de  tenir  le  journal  de  la  campa- 
gne. On  peut  voir  dans  les  notes 
de  son  ouvrage  sur  VlJrgitnita- 
tiondtlajorce  armée,  ce  qu'il 


cah 


1  !■ 


raconte  dVvnt:  mission  qui  lui 
ûjl  donm'e  pendant  Parmisticc  , 
oHe  la  dt'f.jveur  qu'elle  lui  atti- 
ra ,  nous  «avons  que  Napoléon , 
en  lii^ant  ce  récit  à  l'île  Sainte- 
Hélène,  fut  touché  de  la  manière 
noble  et  sans  (iel  dont  l'auteur 
parle  d'une  disgrâce  au^si  injuste 
qu'impolitique.  Carrion- Nisas  , 
destitué  et  exilé  à  cent  lieues  de 
Paris,  entra  comme  simple  vo- 
lontaire dans  les  rangs  de  l'armée; 
il  fit  en  cette  qualité  ,  dans  le  ao"* 
de  dragons ,  toute  la  campagne  si 
malheureuse  et  si  mémorable  par 
les  batailles  de  Leipsick  ,  de  Ha- 
nau  ,  etc.,  et  l'année  suivante, 
celle  de  France  non  moins  désas- 
treuse. A  Auguslusbourg,  il  entra 
le  deuxième  dans  un  carré  autri- 
chien qui  fut  fait  tout  erflier  pri- 
sonnier; à  l'avillon  en  Cham- 
pagne, il  chargea  trois  fois  de 
suite  avec  trois  différens  esca- 
drons. Il  raconte  dans  l'ouvrage 
que  nous  avons  cité,  que  jamais  il 
n'a  pris  d'instructions  plus  utiles 
de  son  métier  que  dans  cette  po- 
sition de  volontaire  ,  où  il  pou- 
vait être  partout  sans  être  respon- 
sable de  rien.  A  la  fin  de  iSt/i, 
Carrion-Nisas  fut  employé,  dans 
son  ancien  grade,  à  l'état-major 
de  la  i"  division.  Au  commen- 
cement de  mars  i8i5,  il  fut 
nommé  secrétaire  -  général  -  ad- 
joint au  ministère  de  la  guerre. 
Il  proposa,  lors  du  débarquement 
de  Napoléon  ,  les  seules  mesures 
qui  pouvaient  arrêter  sa  marche. 
On  ne  le  comprit  point,  et  il  ne 
fut  occupé  dans  les  jours  qui  pré- 
cédèrent le  20  mars,  qti'A  faire 
expédier  des  passe-ports  ou  de» 
commissions  pour  lever  des  corps, 
francs  «lans  la  Vendée.  Tous  les 

T.    IV. 


prélcodus  zélés  se  précipitaient  de 
te  côté  où  il  n'y  avait  aucun  dan- 
ger à  courir  ;  c'était  comme  dans 
les  premi^^rs  jour&de  la  révolution 
et  de  l'émigration  :  lajaciance  Ct 
la  fuite,  vn  grand  courage  à  ve- 
nir, et  une  grande  peur  pn'^sente. 
Celte  seconde  émigration  ne  fut 
pas  plus  de  so;i  goût  q.ie  la  pre- 
mière :  il  resta  dans  sa  patrie. 
Quand  Napoléon  fut  rentré  aux 
Tuileries,  Carrion-Nisas  ne  lui 
dissimula  point  les  conseils  qu'il 
avait  donnés  contre  lui;  l'empe- 
reur ne  lui  eu  sut  pas  mauvais 
gré,  et  lui  confia  par'décret  la  dé- 
fense éventuelle  des  ponts  de 
Saint-Cloud  et  de  Sèvres.  Pen- 
dant les  cent  jours  ,  Carrion-Ni- 
sas rédigea  l'adresse  Ineau  champ- 
de-mai,  au  nom  du  peuple  fran- 
çais et  de. la  députation  centrale 
des  électeurs.  Cette  adresse  qui 
décèle,  avec  un  vrai  talent,  des 
principes  politiques  aussi  justes 
(|ue  profond»,  restera  comme  mo- 
nument historique,  attaché  pour 
toujours  au  nom  de  son  auteur. 
Nommé  maréchal -de -camp  par 
le  gouvernement  provisoire  pour 
sa  belle  défense  du  pont  de  Sè- 
vres (où  il  soutint  avec  3,ooo 
hommes  l'attaque  de  i5,ooo  An- 
glais ou  Prussiens),  son  nouveau 
grade  ne  lui  fut  point  confirmé.  Il 
lui  fut  interdit  d'habiter  le  dépar- 
teitient  de  l'Hérault  et  la  i"  di- 
vision militaire.  Ayant  suivi  à 
Bourges  l'arujée  de  la  Loire,  il  y 
passa  deux  ans  sous  la  surveil- 
lance de  la  haute-police.  De  re- 
tour i  Paris  en  mars  1817.  Car- 
rion-Nisas piiblfc  son  ouvrage 
sur  V Organisation  cfe  la  Jbrce- 
armét'y  précurpeur  de  celui  qu'on 
attend  de  c<*\  écrivain  ,   et   dont 


î46 


CAR 


plusieurs  fragmeus  ont'déjà  paru 
dans  les  Annales  inililaires.  Nous 
l'invilons  à  poursuivre  ces  utiles 
et  honorables  travaux,  et  à  con- 
tinuer de  iné[»riser  les  persécu- 
tions que  l'intrigue  en  aucun 
temps  n'épargnera  au  mérite.  Dif- 
férentes- biographies  ont  donné 
des  notices  inexactes  et  malveil- 
lantes des  ouvrages  imprimés  de 
Carrion-Nisas;  il  est  entièrement 
faux,  par  exemple,  qu'il  ait  ja- 
mais, sous  une  forme  quelconque, 
publié  sa  généalogie.  Indépen- 
damment des  tragédies  de  iVonl- 
morency  et  de  Pierre-le- Grand, 
Carrion-Nisas  a  composé  plu- 
sieurs ouvrages  en  vers,  parmi  les- 
quels on  a  remarqué  une  traduc- 
tion du  bel  épisode  du  cinquième 
chant  de  l'Enfer  du  Dante.  Il  a 
entrepris  aussi  de  traduire  la  Jé- 
rusalem en  vers,  en  conservant  la 
forme  des  stances  adoptée  par  le 
Tasse.  Des  homme»,  dont  le  suf- 
frage est  de  quelque  poids  en  fait 
de  poésie,  affirment  que  la  con- 
trainte à  laquelle  Carrion-ÎSisas 
s'est  assujettie  ne  se  fait  pas  sen- 
tir dans  son  travail.  Carrion  de 
Nisas  a  un  fds  qui,  fort  jeune  en- 
core, s'est  déjà  fait  honorable- 
ment connaître.  Ses  débuts  dans 
Ja  carrière  des  lettres  prouvent 
que  le  patriotisme  et  le  talent 
comptent  une  génération  de  plus 
dans  sa  famille. 

CAKRO  (Jean  de),  médecin.  Il 
était  de  Milan,  mais  il  s'établit  à 
Vienne.  On  lui  doitprincipalement 
la  propagation  de  la  vaccine  dans 
le  nord  de  l'Europe,  dans  la  Tur- 
quie, et  dans  le#  Indes.  Le  résul- 
tat des  expériences  du  docteur 
Jenner  n'était  pas  encore  adopté 
sur  le  conliuent,  lorsque  M.  Car- 


CAR 

ro,  convaincu  de  l'utilité  de  ce 
procédé  ,  s'en  occupa  avec  zèle  ; 
ses  propres  enl'ans  en  prouvèrJfc 
les  avantages,  et  ses  eflurts  le  pro- 
pagèrent dans  les  diverses  parties 
de  l'Allemagne,  dans  la  Pologne 
et  dans  la  Russie.  Introduite  par 
ses  soins  dans  la  Grèce,  vers  l'an- 
née 1800,  la  vaccine  pénétra  jus- 
qu'à Bassora,  jusqu'à  Bombay,  et 
bientôt  dans  l'ile  de  Ceyian.  et 
dans  plusieurs  contrées  des  Indes, 
où  vainement  les  Anglais  avaient 
cherché  à  la  faire  recevoir.  M.  Car- 
ro  a  publié,  en  français,  Uù.serva- 
lions  tt  expériences  sur  la  vacci- 
nation  f  in-8°.   Vienne,  1801,   Il 
a  traduit  en   allemand  l'ouvrage 
anglais  intitulé,  Essai  sur  l'ori- 
gine de  la  vaccine  y  par  J.  J.  Loy. 
On  trouve  dans  laBibliolhéque  bri- 
tannique  un    grand   nombre    de 
lettres  deiM.  Carro,  particulière- 
meutcellequiapourobjetîi/yac//A 
té  Anli-pesùlentielle  de  la  vacci- 
ne., sous  la  date  du  27  aoûtiSoS. 
CARRON    le   jeune   (l'abbé), 
ué  en  Bretagne  ,  est  un  écrivain 
moral  et  religieux,  d'une  grande 
fécondité.  Son  premier  ouvrage  , 
les  trois  Uéroines  chre'lienne',pix- 
rut  en  1790.  Il  a  publié  depuis,  à 
Londres  ,  des  Peuiées  eccîésiali- 
(fues ,  4vol.  in-12  ;  deux  Pensées 
chrétiennes  pour  chatfue  jour  de 
l'année  y  6  vol.  in- 12  ;  le  Modèle 
des  prêtres  ,  ou  la  Vie  de  J.  B ri- 
daine ,   missionnaire  ;  l'Ami  des 
mœurs,  ou   Lettres  sur  l'éduca- 
tion, 4  vol.  in- 12;  l'Heureux  ma- 
tin de  la  vie ,  ou  petit  Traité  sur 
l'/iuniilité  :  ce  livre,  in-i(i ,  a  eu 
plus  de  succès  parmi  les  gens  du 
monde  que  parmi  les  gens  d'é- 
glise. Le  beau  Soir  ue  ta  vie,  ou 
petit   Traité  sur  l'amour  divin  , 


CAU 

\n-iG;  les  Attraits  de  la  morale , 
in-12  ;  et  depuis  son  retour  en 
France  ,  il  a  donné  la  f^ie  des 
Justes  dans  les  plus  humbles  con- 
ditions ,  in-12;  f^ie  des  justes 
dans  les  plus  hauts  rangs  de 
la    société,    3    vol.    in -13;    le 

■^  Manuel  du  militaire  chrétien,  ou 
m  f^ie  des  justes  dans  la  proj'essioh 
des  armes  ,  in-ia  ;  les  nom>elles 
Héroïnes  chrétiennes ,  ou  Vie  de 
seize  jeunes  personnes ,  2  vol. 
in-18;  Martyrologe,  ou  Vie  des 
plus  célèbres  victimes  de  la  révo- 
lution ,  4  vol.  in-12;  Vie  des 
justes  dans  les  états  ordinaires  de 
la  société,  in-12  ;  Vie  des  justes 
parmi lesjillcs  chrétiennes,  in-12; 
Vie  des  justes  dans  l'état  de  ma- 
riage ,  a  vol.  in-12;  Vie  des 
justes  dans  la  magistrature ,  in- 1 2  ; 
Modèle  de  dévotion  à  Marie,  in- 
1 2  ;  les  Ecoliers  vertueux  ,  2  so\. 
iu-16;  les  Trésors  de  la  jeunesse 
chrétienne,  ou  petit  Traité  sur  la 
pureté;  la  vraie  Parure  des  fem- 
mes chrétiennes  ;  un  petit  Traité 
sur  la  pureté.  L'onelion,  lu  saine 
morale,  les  sentiiiicns  de  piété  et 
(le  charité  qui  brillent  dans  la  plu- 
part de  ces  ouvrages,  ont  été  loués 
.i'guleinent  et  par  les  amis  des 
mœurs,  et  par  les  amis  de  la  re- 
ligion; mais  quelque  prix  qu'on 
attache  aux  écrits  de  cet  auteur, 
ses  actions  sont  encore  plus  digrïcs 
d'éloges.  M.  l'abbé  Carr(m  est  du 
petit  nombre  de  ces  ecclésiasti- 
ques qui ,  fuyant  les  grandeurs  et 
les  vanités  mondaines,  ont  con- 
sacré leur  vie  à  des  œuvres  de 
bienfaisance.  Avant  la  révolution, 
il  avait  formé  ù  Kennes  une  mai- 
son ,  où  les  enfans  et  les  vieillards 
étaiciu  tout  à  la  foi»  secourus  et  oc- 
cupés. N'ayant  pas  cru  devoirprO- 


CAR 


'47 


ter  le  serment  exigé  par  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  il  fut  force 
de  sortir  de  Fri^nce,  et  se  retira 
dans  rde  de  Jersey  ;  il  y  forma, 
presque  aussitôt  son  arrivée,  di- 
vers étal)lis6einens  décharné,  une 
pharmacie  pour  les  pauvres,  deux 
écoles  pour  l'instruction  de  la 
jeunesse,  une  bibliothèque  pour 
les  ecclésiastiques,  une  chapelle 
pour  l'exercice  du  culte.  En  ijgt), 
il  se  rendit  à  Londres,  où  il  éta- 
blit pour  les  eufans  des  émigrés 
une  école,  cui  bientôt  devint  un 
pensionnat^t  prit  un  tel  accrois- 
sement qu'il  le  transporta  dans  un 
des  faubourgs  de  celte  grande 
ville,  afin  de  pouvoir  y  admettre 
des  élèves  des  deux  sexes;  il  fou- 
da  et  dirigea  lui-même  un  hos- 
pice pour  les  vieillards  et  les  infir- 
mes. En  1801,  les  émigrés  ayant 
obtenu  la  permission  de  rentrer 
en  France,  iM.  l'abbé  Carron  eut 
le  désir  de  revoir  sa  patrie,  fit  les 
préparatifs  de  son  départ,  et  se 
mit  même  en  route  pour  Calais; 
mais  en  songeant  combien  ses 
soins  étaient  utiles  auxenfans,aiix 
vieillards,  aux  infirmesqu'il  avait 
réunis  dans  les  établissemensdont 
il  s'éloignait,  il  s'arrêta,  revint  sur 
ses  pas, et  continua  de  leurdonner 
ses  généreux  soins  :  il  n'a  quitté 
l'Angleterre  qu'en  1814.  M-  l'abbé 
Carron  n'avait  point  de  fortune  ; 
c'est  p.iT  un  zèleinfatigableàsolli- 
citer  la  charité  d'autrui,  qu'il  est 
parvenu  à  se  procuierles  moyens 
nécessaires  à  l'établissement  des 
écoles  et  à  l'entretien  des  hospices 
dont  il  fut  le  pieux  fondateur.  Sans 
être  né  dans  cette  classe  où  l'on  se 
consacre  nu  culte  des  autels,  non 
pour  y  remplir  ce  qu'il  y  a  dans  le 
sacerdoce  de  fonctions  hunibles  et 


i48 


CAR 


utiles  ,  mais  pour  y  étaler  les 
pompes  épiscopales,  la  crosse, 
la  large  croix  d'or,  l'anneau  et  lu 
mitre  rehaussée  de  pierreries, 
sans  doute  M.  l'abbé  Carron  au- 
rait ol^enu  (pielques  honneurs  ec- 
clésiastiques, s'il  les  eftt  brigués. 
Fidèle  aux  préceptes  de  l'évan- 
gile,  il  a  négligé  ses  droits  pour 
mieux  remplir  ses  devoirs;  il  n'est 
ii  la  vérité  ni  évêque ,  ni  grand 
vicaire,  ni  chanoine  ;  mais  il  est 
plus  aux  yeux  des  vrais  philoso- 
phes et  des  véritables  dévots  ;  il 
est  à  Paris  ,  ce  qu'ilrot  à  Rennes  , 
à  Jersey  ,  à  Londres,  modeste  et 
utile  instituteur  :  il  a  établi,  et 
dirige  un  pensionnat  dans  le  fau- 
bourg Saint-Jacques.  Apres  ses 
actions,  rien  ne  loue  plus  digne- 
ment ce  prêtre  philanthrope  que 
les  vers  suivans  qui  sont  de  De- 
lille  : 

A  la  voix  de  Carron  le  luxe  s'attendrit; 

Sa  vertu  les  soutient  (les  malheureux),  et  son 

nom  les  nourrit. 
Par  lui,  pour  l'indigent  la  douce  bienfaisance 
Trouve  fe  superflu,  même  dans  l'indigence  j 
Et  parmi  les  bannis,  ses  pieuses  moissons 
De  l'avare  opulence  ont  surpassé  les  dons. 
Pitii,  chant  ii. 

CARSTENS  (Chrétien  -  Nico- 
las.) Il  exerça  les  fonctions  de 
procureur  fiscal  à  Lubeck,  où  il 
était  né  le  5  février  1756.  On  a 
de  lui  plusieurs  ouvrages  sur  l'his- 
toire et  le  droit  public  de  cette 
ville,  savoir  :  1°  Oratio  jubila his- 
toriam  jiibilœorurti  Lnbeiensiiim 
compleciem ,in-S",  Lubeck,  lyôo; 
a"  De  sancto  Lubtcensiurn  tiitela- 
ri ,  D.  Jolianne  Baptistâ ,  in -4°, 
ibid,  1754;  5"  De  prœcipitis  (fui- 
busdani ,  quœ  Lubecd  societati 
T'eutoiiiccu  Jenensi,  càm  in  meni- 
bris  honorariis,  tàni  ordinoriis 
concessit,  ornauientis,  in-4",  ibid, 
1754;  5°/?/-y'''.  inaug.  floriim  spar- 


CAR 

sionum  ad  potiora  privi/ef^ioriim 
Liibecensium  capita,  in-4",  ibid, 
1758;  6"  De  imniedictale,  Lube- 
censibns  à  Frederico  primo,  an- 
no  Ï1S2  concessd,  in-4°?  Lubeck, 
1759.  En  1796,  Carstens  a  fait  pa- 
raître en  Q\\cxx\i\t\(ï  iSupplé ment  au 
droit  public  d'/iUefuagne  pour 
Ve.ssai  d'une  inlerprctation  de 
l'art.  10,  litre  i,lib.  3,  du  droit  de 
la  ville  de  Lubeck.  Il  a  fait  aussi 
quelques  dissertations  qui  ont  été 
imprimées  dans  des  recueils  j-é- 
riodiques. 

CARSTENS  (AsMi:s-JACOB),né 
le  10  mai  1734,  au  village  de 
Sankt-Jurgen,  prés  de  Sleswick 
en  Danemark.  Dès  son  enfance, 
il  manifesta  un  goftt  décidé  pour 
le  dessin.  Plus  tard,  la  vue  des 
tableaux  de  Jurian -Ovens  aug- 
menta ce  penchant,  et  il  aban- 
donna tout  pour  le  satisfaire.  Il 
courut  à  Copenhague,  où  il  se 
mit  à  contempler,  durant  des  jour- 
nées entières,  les  statues  et  les 
tableaux  que  rétmit  cette  capitale. 
Bientôt  il  donna  la  Mort  d'Es- 
chyle. Ce  tableau  annonçait  un 
véritable  talent,  mais  les  faibles 
secours  qu'il  lui  procura  le  lais- 
sèrent dans  la  nécessité  de  faire-. 
journellement  des  portraits.  Il  re- 
fusa la  médaille  d  argent  qu'on  lui 
avait  décernée  au  concours, ce  qui 
l'éloignade  l'académie, qui  depuis 
peu  l  avait  adniis  dans  son  sein. 
Malgrél'espérance  d'une  pension, 
il  ne  voulut  pas  concourir  l'année 
suivante,  et  il  partit  pour  Rome 
en  1783.  Mais  lorsqu'il  fut  à  Mi- 
lan, les  ressources  lui  manquèrent 
absolument,  et  il  ne  vit  d'autre 
parti  à  prendre  que  de  se  rappro- 
cher de  la  Baltique.  En  traver- 
sant la  Suisse,  il  \i>ita  Gessner  et 


GAIV 

l.maUr.  De  Zurich  il  se  rendit 
a  Lubeck  où  il  resta  cinq  ans. 
Il  y  faisait  encore  des  portraits,  et 
il  voyait  peu  d'espoir  de  sorlir  de 
cette  situation,  lorsqu'un  riche  a- 
nialeur,  qui  avait  entendu  parler 
de  quelques  bons  morceaux  d'his- 
toire réunis  dans  son  cabinet,  lui 
donna  des  secours.  U  fit  alors  le 
voyage  de  Berlin,  mais  il  y  é- 
prouva  de  nouveaux  embarras. Ce 
ne  fut  que  deux  ans  après  que  les 
dessins  dont  il  se  vit  chargé  pour 
des  libraires,  le  tirèrent  de  l'ou- 
bli. Il  fit  alors  paraître  la  Chute 
des  An^es,  belle  composition  qui 
lui  mérita  une  place  de  profes- 
seur à  l'académie,  et  une  pen- 
sion de  45o  rixdallers.  Il  a- 
vait  autant  de  désir  que  jamais 
d'étudier  ù  Rome  les  ouvrages  des 
grands  maîtres;  en  1792,  il  visita 
enfin  Saint-Pierre  et  le  Vatican. 
Le  génie  de  Raphaël  perfectionna 
son  talent.  En  1795,  il  exposa 
publiquement  plusieurs  ouvrages 
que  les  connaisseurs  approuvè- 
rent. On  admira  surtout  son  Mé- 
paponte,  et  même  on  le  compa- 
ra aux  productions  immortelles 
des  premiers  peintres.  Carslens 
exécuta  ensuite  plusieurs  sujets 
tirés  d'Homère,  de  Shakespeare, 
et  des  poëmcs  attribués  à  Ossian; 
mais  en  1798,  il  fut  enlevé  aux 
arts  à  Tinstant  où  il  venait  de  ter- 
miner son  tableau  iVOEdipe-roi. 
On  a  remarqué  qu'il  réussissait 
particulièrement  lorsqu'il  s'occu- 
pait de  compositions  puisées  dans 
la  mythologie.  Il  a  su  joindre 
un  caractère  de  grandeur  à  la  pu- 
reté du  dessin  et  à  l'élégance  des 
formes;  mais  il  n'excellait  pas 
dans  le  coloris,  et  l'on  croit  que 
les    coonaissances    aiiatomiqnes 


CAR  149 

relatives  à  son  art  ne  lui  étaient 
pas  assez  familières. 

CARTEALX  (Jean-François), 
est  né  en  i^Si,  à  Allevan,  dans  le 
Forez.  Fils  d'un  dragon  qui  avait 
eu  la  jambe  emportée  par  un  bou- 
let, il  obtint  d'être  placé  à  l'hôtel 
des  Invalides  avec  son  père.  Ils 
y  entrèrent  à  l'époque  où  le  cé- 
lèbre Doyen  s'occupait  à  peindre 
les  voûtes  du  dôme  de  l'hôtel.  Cet- 
te vue  enflamma  le  jeune  Car- 
teaux,  qui  répéta  peut-être  le  c7}i- 
ck'io  son  pittorc,  et  qui  peut- 
être  se  trompa.  Néanmoins,  s'é- 
tant  livré  à  l'étude  do  la  peintu- 
re, dans  les  ateliers  de  Doyen, 
il  y  réussit  assez  pour  être  juge 
digne  à  aa  ans  de  recevoir  une 
médaille,  et  d'être  nommé  mem- 
bre de  l'académie  de  Londres. 
Il  voyagea  beaucoup  pour  per- 
fectionner son  talent;  mais  aux 
approches  de  la  révolution,  dont 
il  aimait  les  principes,  la  vive  in- 
clination qu'il  ressentit  pour  la 
profession  de  son  père  l'entraîna, 
et  lui  fit  abandonner  la  palette 
pour  l'épée.  Il  s'en  servit  pour  la 
première  fois,  le  14  juillet  1789, 
journée  mémorable  où  il  se  trou- 
vait employé  en  qualité  d'aide- 
de-camp  de  la  ville  de  Paris.  Nom- 
mé lieutenant  de  la  garde  natio- 
nale à  cheval,  il  passa  successi- 
vement par  tous  les  grades  mili- 
taires, jusqu'à  celui  de  général, 
qui  lui  fut  conféré  en  1793.  On  lui 
confia,  en  même  temps,  le  com- 
mandement des  troupes  qui  mar- 
chèrent contre  les  Marseillais. 
Ceux-ci  venaient  au  secours  des 
Lyonnais  qui  avaient  donné  le  si- 
gnal de  l'insurrection.  Carleaux 
les  dispersa,  après  s'être  emparé 
du  Pont-Saint-Esprit,  d'Avignon 


i5o 


CAR 


et  de  Marseille.  Celte  dernière 
ville  fit  clFrir  une  somme  consi- 
dérable nu  général  Carleaiix,  il 
eut  la  délicatesse  de  la  refuser; 
c'est  un  témoignage  que  nous  de- 
vons h  son  désintéressement  et  à 
sa  probité.  Un  autre  trait  que  nous 
allons  citer  ne  fait  pas  moins 
d'honneur  à  ce  général.  Le  ma- 
réchal Serrurier,  alors  général  de 
brigade,  fut  dénoncé  comme  sus- 
pecl  !\\\x  représentans  du  peuple, 
près  l'armée  des  Alpes,  dont  Car- 
teaux  fut  un  instant  général  en 
rhef.Convaincu  de  l'innocence  de 
Serrurier,  Carteaux  prit  sur  lui  la 
rcsponsabililéde  cette  affaire;  il  fit 
venir  le  général  Serrurier  à  Gre- 
noble, le  mit  aux  arrêts,  et  eut 
soin  de  le  faire  garder  à  vue, 
pour  le  soustraire  à  une  mort  iné- 
vitable. La  ville  et  le  port  deTou- 
lon  tombèrent,  par  une  trahi- 
son, au  pouvoir  des  Anglais  le 
îîy  août  1795.  Deux  jours  au- 
paravant, Carteaux  était  entré  à 
Marseille,  mais  il  n'y  resta  que 
peu  de  temps;  il  reçut  l'ordre  de 
marcher  sur  Toulon.  Par  l'effet 
des  malheureuses  circonstances 
et  d'une  déplorable  fatalité ,  ce 
général  ne  s'était  encore  battu 
que  contre  ses  compatriotes;  plus 
heureux,  il  eut  enfin  l'occasion 
d'agir  contre  les  véritables  enne- 
mis de  son  pays.  Les  Anglais  fu- 
rent défaits  sur  tous  les  points 
où  il  les  rencontra.  Il  mit  enfin 
le  siège  devant  Toulon  ;  mais  a- 
vanl  d'y  arriver,  il  avait  fallu  for- 
cer la  position  inexpugnable  des 
gorges  d'OlliouUes.  Le  passagede 
ces  gorges,  exécuté  avec  une  poi- 
gnée d'hommes,  est  un  des  plus 
beaux  faits  d'armes  des  campa- 
gnes de  la  révolution.  Cependant 


CAR 

cette  action  d'éclat  cause-  moin» 
d'étonnement  lorsqu'on  songe 
que  du  petit  nombre  de  soldats 
qui  composaient  l'armée  de  Car- 
teaux sont  sortis  les  généraux 
Daramartin,  Laborde,  Aimeras, 
Vautrin,  Dupas,  et  Bonaparte, 
qui,  tout  simple  capitaine  d'artil- 
lerie qu'il  était,  a  véritablement 
dirigé  les  opérations  du  siège, 
où  il  obtint  le  grade  de  chef  de 
bataillon.  A  cette  époque,  Car- 
teaux fui  nommé  général  en  chef 
de  l'armée  d'Italie,  en  remplace- 
ment de  Brunet,  accusé  de  tra- 
hison. Mais  bientôt  accusé  lui- 
même,  il  fut  conduit  à  Paris,  en 
janvier  1 794,  et  renfermé  à  la  Con- 
ciergerie :  le  9  thermidor  le  sau- 
va. Carteaux  remis  en  activité, 
en  1795,  fut  employé  à  l'armée 
de  l'Ouest ,  sous  les  ordres  du 
général  Hoche.  Destitué  pour  a- 
voir  mal  suivi  les  instructions 
qu'on  lui  avait  données,  il  revint 
à  Paris.  La  journée  du  i5  vendé- 
miaire an  4  {^  octobre  1795),  lui 
ayant  fourni  l'occasion  de  se  distin- 
guer, à  la  tête  d'un  bataillon  ,  par 
la  prudente  conduite  qu'il  observa 
dans  cette  affaire  délicate,  il  fut 
réintégré  dans  son  grade,  et  le 
conserva  jusqu'en  1800.  Bonapar- 
te, premier  consul,  se  souvenant 
de  Carteaux.  le  nomma,  en  1801, 
l'un  des  administrateurs  de  la  lo- 
terie. Mort  en  avril  181 5,  il  ne 
laissa  pour  toute  fortune  à  sa 
veuve,  qu'un  bureau  de  loterie 
et  huit  enfans,  dont  cinq  étaient 
sous  les  drapeaux  de  l'empire  , 
lorsqu'il  expira. 

CAUTELLIER  (Pierre),  né  i\ 
Paris,  le  3  décembre  1757,  sculp- 
teur célèbre,  reçut  en  1808, dans 
le    salon  d'exposition    des   arts. 


.r.r..,,/^. 


CAIV 

la  décoration  de  la  légion-d'hon- 
neiir  ,  que  lui  remit  Napoléon. 
Celait  un  hommage  que  l'empe- 
reur rendait  aux  talens  et  au  gé- 
nie du  statuaire,  dont  nous  allons 
analyser  les  ouvrages:  x" la  Guer- 
re, statue  en  pierre,  au  palais  du 
Luxembourg;  2"  la  Pudeur,  sta- 
tue en  marbre  :  elle  est  dans  la 
galerie  de  la  Malmaison.  Le  rap- 
port de  l'institut,  pour  les  prix 
décennaux  de  »8io,  fait  un  grand 
éloge  de  cette  composition;  nous 
en  citerons  les  passages  suivans: 
«La  figure  est  de  grandeur  natu- 
»  relie:  son  altitude  exprime  par- 
))faitement  le  sentiment  d'inquié- 
ntude  qui  engage  une  jeune  fille 
«timide à  cacher  les  beautés  dont 
»  la  nature  l'a  douée.  L'expression 
«de  la  physionomie  est  pure  et 
«gracieuse,  parfaitement  d'ac- 
»cord  avec  le  sentiment  dont  elle 
»  paraît  émue.  On  peut,  il  est  vrai, 
«reprocher  un  peu  de  maigreur 
Ȉ  quelques  parties  de  cette 
«statue,  mais  ces  mêmes  par- 
»lies  sont  d'un  dessin  si  délicat, 
)•  qu'on  ne  s'arrête  point. aux  dé- 
»fauts.  »  3"  Aristide-U-fuste,  sta- 
tue placée  dans  la  salle  d'assem- 
l)lée  de  la  chambre  des  pairs,  au 
Ivuxembourg;  \"  la  statue  de  l^er- 
ij,uiaux  ,  membre  de  \f  conven- 
tion :  elle  était  dans  le  grand  es- 
calier du  Luxembourg,  d'où  on 
l'a  enlevée  en  avril  i8i4;  elle 
se  trouve  sans  doute  dans  quel- 
que coiu  du  palais.  Le  même 
rapport  du  jury  qtie  nous  avons 
«Jéjà  cité,  dit,  h  l'occasion  de  cet- 
te statue  «qu'elle  porte  im  carac- 
»  tére  imposant  qui  retrace  nohle- 
«mént  l'image  de  cet  orateur* 
(Vergniaux).  .5"  la  Gloire  distri- 
buant des  couronnas  en  parcou- 


CAR  i5j 

rnnt  un  champ  couvert  de  tro- 
phées, bas-relief  en  pierre,  placé 
au-dessus  de  l'archivolte  de  1.»  por- 
te principale  du  Louvre.  «...Tout, 
«dans  cet  ouvrage,  exécuté  avec 
«une  perfection  rare,  fait  connaî- 
))tre  l'étendue  et  le  caractère  du 
«talent  de  M.  Carlellier, »  dit  le 
même  rapport  de  l'institut.  G"  la 
Capitulation  d^CIlm,  bas-relief  en 
marbre,  qui  ornait  l'arc  de  triom- 
phe du  Carrousel,  et  fut  enlevé 
en  181 5,  7'"  la  statue  en  marbre 
du  s;rand  connétable  de  France, 
exposée  au  salon  de  1810;  8*  une 
statue  colossale  en  marbre,  re- 
présentant le  général  V alhubert  : 
elle  était  destinée  à  être  placée  sur 
le  pont  Louis  XVI;  g-une  statue 
en  marbre  de  J\apoléon.  en  grand 
costume;  elle  avait  été  sculptée 
pour  l'école  de  droit  de  Paris;  10° 
J.ouis  Xlf^A  cheval,  bas-relief  en 
pierre,  an-dessus  de  la  porte  prin- 
cipale de  l'hôtel  des  Invalides;  1  x" 
la  satue  en  bronze  de  Louis  A/', 
de  onze  pieds  de  haut,  inaugurée 
sur  la  place  royale  de  ilheims,  le 
25  août  1819;  11" Minerve  J'rap- 
pant  la  terre  avec  son  javelot , 
fait  naître  l'olivier  :  cette  statue 
est  destinée  ;\  être  placée  dans  la 
galerie  de  Versailles.  Cartellier 
est  chargé  d'exécuter  en  marbre, 
la  statue  équestre  de  Louis  \f^, 
pour  la  place  de  ce  nom  ;  et  un 
monument  i\  la  mémoire  du  duc 
de  fier  ri,  qui  sera  placé  dafis  l'é- 
glise de  Notre-Dame  :  MM.  Per- 
cier,  architecte,  cl  Dupaty,  sta- 
tuaire, doivent  coopérer' à  l'exé- 
cution de  ce  dernier  ouvrage. 
Cartellier  a  été  nonmié  membre 
de  riiistitiit,  le  19  mars  1810. 
Il  est  aujourd'hui  professeur  ù 
récolc  royale  de  peinture  et  de 


102  êxW 

sculjtture.  L'ordonnance  du  roi 
du  21  mars  18 lO,  le  pbce  au 
nombre  des  membres  de  l'acadé- 
mie des  beaux-arts ,  deuxième 
section. 

CARTIIEUSER  (Fhédéric  -  Ai  - 
guste),  fils  du  fameux  docteur 
Jean-Frédéric  Gartheuser.  Frédé- 
ric-Auguste naquit  t'i  Halle  en 
1734;  il  suivit  les  traces  de  son 
père,  et  fut  reçu  docteur  en  mé- 
decine à  lâgc  de  19  ans.  L'an- 
née suivante,  il  devint  répétiteur 
à  l'université  de  Francfort-sur- 
rOder.  En  176G,  il  fut  nommé 
professeur  ordinaire  de  médecine 
et  de  chirurgie  à  Giessen;  et,  en 
1772,  diieclcur  du  jardin  bota- 
nique. La  faiblesse  de  sa  santé  ne 
lui  permit  pas  de  se  livrer  long- 
temps à  ces  occupations.  Il  se  re- 
tira d'abord  àTrejbof;  il  demeu- 
ra ensuite  à  Birkenbach,  enfin  à 
Schierstein,  où  il  mourut  le  13 
décembre  1796.  Gartheuser  était 
généralement  estimé  en  Allema- 
gne, et  plusieurs  princes  souve- 
rains l'avaient  décoré  du  titre  de 
conseiller.  Ha  publié  :  \" E Icinen- 
ta  mineralogiœ  .systematice  dispo- 
sita,  in-S",  Francfort,  1755;  2° 
Rudimenta  oiyctographiœ  Via- 
drino'francpfurtanœ ,  in-S",  ibid., 
1755;  "5°  Rudimenta  hydrologie^ 
systtmaticœ,  in-8"  ,ibid. ,  1 768  ;  4° 
mélanges  d'histoire  naturelle,  de 
chimie  et  de  médecine  (il  n'en  a 
paru  qu'un  volume  eu  1759);  5" 
Mémoires  minéralogiqiies ,  2  vol. 
inrS",  Giessen,  1771  — 1773-  Ges 
deux  derniers  ou  vragessont  écrits 
en  allemand.  On  a  aussi  de  lui 
quelques  pièces  de  vers  dans  la 
même  langue,  et  de  petits  ouvra- 
ges sur  plusieurs  sujets,  entre  au- 
tres,sur  la  police  des  mines,  sur 


CAR 

les  champignons  vénéneux,  sur 
la  manière  de  soufrer  les  vins^et 
sur  le  perfectionnement  de  diver- 
ses fabriqu(;s, 

GARTIER  (Loris-ViNCE>T),  ei- 
chirurgicn  en  chcfdc  lUôtel-Dieu 
de  Lyon,  membre  de  l'académie 
cl  du  cercle  littéraire  de  la  même 
ville,  a  publié  plusieurs  ouvrages 
relatifs  à  son  art,  savoir  :  \°  Prc- 
cùt  d'obser\<ations  de  chirurgie 
faites  à  l'Hôtel-Dieu  de  Lyon, 
1 8o3,  ija  8"  ;  0.° Discours  sur  l'es- 
prit qui  doit  diriger  le  manuel 
des  opérations  de  Ghirurgie , 
i8o4j  in-S";  3°  de  la  Médecine 
interne  appliquée  aux  maladies 
chirurgicales,  1807,  in-8°;  Elc-! 
ge  de  M  arc- Antoine  Petit,  chirur- 
gien en  chef  de  l'Hôtel-Dieu  de 
Lyon,  1811,  in-8°. 

GARTWRIGHT  (sib John), l'un 
des  écrivains  et  des  orateurs  les 
plus  véhémens  que  possède  au- 
jourd'hui l'Angleterre.  \\  a  com- 
battu contre  Burke  en  faveur  de 
la  révolution  française;  il  a  sou- 
tenu les  droits  incontestables, 
mais  disputés,  des  Américnias,  et 
a  signalé  dans  plusieurs  circons- 
tances l'influence  illégale  et 
toujours  croissante  de  la  couron- 
ne; il  a  établi  des  limites  sévèi^es 
autour  de  celte  constitution  si  vé- 
nérée qui  chaque  jour  souffre  A<i 
nouvelles,  atteintes,  et  l'un  des 
premiers  il  a  pi*oclamé  la  néces- 
sité d'une  réforme,  non  partitUo 
et  illusoire,  mais  totale  et  formel- 
le. Son  style  brusque,  hardi,  re- 
pose sur  une  logique  saine  cl  for- 
te; il  est  véhément  sans  déclama- 
lion,  néologuc  sans  recherche  : 
sous  ce  rapport,  on  peut  lui  trou- 
ver quelques  points  de  ressenii- 
blauce  avec  Mirabeau.  Les  opi- 


(.AU 

nionsqu  ila  toujours  haiilciucnt 
professées  ont  nui  à  sa  fortune. 
Né  en  1740,  il  quitta  de  bonne 
heure  la  maison  palernellc,  s'en- 
gagea dans  les  troupes  du  rni  de 
Prusse  avec  des  idées  singulières 
et  romanesques  d'ambition  'et 
d'héroïsme  ;  se  rendit  aux  sollici- 
tations pressantes  de  sa  famille, 
et  revint  prendre  du  service  en 
Angleterre  ;  il  eut  part  à  la  pri?e 
de  Cherbourg  et  à  plusieurs  com- 
bats honorables  pour  la  marine 
anglaise;  il  ût  ensuite  divers 
>  otages  de  découvertes,  et  après 
s'clredistinguéen  plusieurs  occa  • 
sions  comme  lieutenant  de  vais- 
seau, il  quitta  le  service  mariti- 
me pour  cause  de  santé,  devint, 
par  ancienneté  ,  lord-lieutenant 
du  comté  de  Noltingham,  et  fut 
privé  de  cette  fonction  qui  lui  ap- 
partenait de  droit,  par  les  menées 
d'un  duc  puissant  à  la  cour,  qui 
dénonça  Cartwright  comme  l'un 
des  écrivains  et  des  militaires  les 
plus  dangereux  de  l'Angleterre. 
Irrité  de  celte  injustice,  Cart- 
wright  a  publié  depuis  ce  temps 
divers  ouvrages  qui  (»nt  pu,  en  le 
vengeant,  justifier  à  quelques  é- 
gards  les  craintes  deWes  enne- 
mis. 

CARTWRIGHÏ  (Edmo>d),  a 
fait  fjuelquesbonsvers,e_t  inventé 
jdusieurs  mécaniques  utiles.  Il  a 
perfectionné  les  moyens  de  tis- 
ser, de  peigner  la  laine,  etc.  Les 
chefs  de  manufactures  de  iMan- 
thester  adressèrent  au  parlement 
une  pétition,  afin  qu'une  gratifi- 
cation de  dix  mille  livres  sterling 
frtl  accordée  à  iM.  Cartwright.  Poè- 
te et  mécanicien,  il  est  en  outre 
ecclésiastique,  recteur  de  bnadby- 
Merwood,  dans  le  comté  de  Lei- 


CAb  iJ.'> 

rester,  picLendier  de  Lincoln,  et 
recteur  de  Marnham,  0»^  il  est  né, 

en  1745' 

CARU§  (Frédéric -Augijste), 
s'est  beaucoup  occupé  de  psycho- 
logie. Né  à  Budissen,  le  ^7  avril 
1 770,  mort  à  Leij)sick,  le  G  février 
1807;  il  a  été  plusieurs  années 
professeur  de  philosophie  à  Leip- 
sick.  Dans  ses  œuvres,  composées 
de  7  vol.  in-8°(i8o8  et  1810),  on 
trouve  plusieurs  ^traités  sur  la 
psychologie,  dont  les  idées,  en 
général  assez  nettes,  manquent 
de  nouveauté,  de  profondeur  et 
de  force. 

CASA-BIANCA  (Raphaël,  COM- 
TE de),  lieutenant-général,  grand- 
odicier  de  la  légion  d'honneur, 
pair  de  France.  Né  le  27  novem- 
bre 1753,  à  Vescovato',  en  Corse, 
d'une  famille  ancienne  et  noble  . 
dont  les  ancêtres  s'étaient  signa- 
lés vers  le  commencement  du 
16°"  siècle,  dans  l'île  de  Candie, 
et  dans  la  guerre  de  la  Corse  a- 
rec  les  Génois.  Ce  fut  contre 
ceux-ci  que  ,  jeune  encore,  Ca- 
sa-Bianca  fit  ses  premières  armes. 
Persuadé  que  la  Corse  ne  serait 
heureuse  et  florissante  que  par  sa 
réunion  à  la  France,  il  prit  parti 
dans  l'armée  que  Louis  XV  en- 
voya dans  l'île;  il  fit  les  deux  cam- 
pagnes qui  achevèrent  de  la  sou- 
mettre. Kn  1770,  le  roi  le  nom- 
ma ca[)itaine  dans  le  régiment  de 
Bullafuoco,  levé  en  Corse,  poui 
servir  en  France.  Le  dévouement 
de  Casa-Bianca  aux  Français, 
l'influence  qu'il  avait  acquise  sur 
des  esprits  fiers  et  encore  indoci- 
les, le  rendaient  nécessaire  à  son 
pays;  il  y  fut  rappelé.  Le  2j  août 
1772,  il  fut  nommé  capitaine  de 
grenadiers,  et  un  an  après,  major 


i54 


CAS 


dansle  régiment  i)rovinniaI-corse, 
destiné  au  service  de  l'île.  MM. 
de  Narbonne  et  de  M.irl^euf,  qui 
gouvernèrent  successivenjent  la 
Corse  à  celte  époque,  appréciant 
le  zèle  et  la  prudence  de  (]asa- 
Biauca,  le  charj(èrenl  souvent  de 
remplir  les  missions  les  plus  déli- 
cates. (iC  fut  à  la  bravoure  et  à  la 
discipline  de  son  réginient  que 
la  Corse  dut  sa  sécurité,  après 
que  des  rivalités  l'iirieuses  eurent 
lait  égorjîer  tant  d  habitans.  En 
1779,  il  fut  nommé  lieutenant- 
colonel  de  ce  régiment,  et  le  com- 
mandait encore  au  mois  de  mai 
178g,  lorsque  la  révolution  éi^la- 
ta.  Casa-liiauca  fut  l'un  des  qua- 
tre députés  extraordinaires,  choi- 
sis par  la  Corse,  pour  venir  à  Pa- 
ris remercier  l'assenijjlée  consti- 
tuante, du  décret  qui  la  déclarait 
partie  intégrante  du  royaume.  Les 
anciens  services  de  llaphaël  Ca- 
sa-Bi;mca  étaient  connus  du  mi- 
nistère; il  l'ut  élevé  au  comman- 
dement en<  hef  du  49""^ régiment, 
qui  portait  abu-s  le  nom  de  Berri, 
La  guerre  se  décbira;  il  partit  pour 
l'armée  du  iNord.  aux  ordres  du 
maréchal  de  riO(hambeau.  Le  gé- 
néral Biron  couimaudait  une  des 
divisions  de  cette  armée;  il  reçut 
Tordre  d'investir  Mons  avec  un 
corps  de  8000  hommes  ;  Casa- 
Bianca  conduisit  l'aile  droite; 
combattit,  à. la  tète  du  bataillon 
de  campagne  de  son  régiment ,  à 
toutes  les  attaques  de  la  ville;  et 
obtint,  en  présence  de  l'armée, 
des  éloges  du  général,  sur  son 
intelligence  et  sa  bravoure.  Les 
forces  des  Autrichiens  augmen- 
tent, et  forcent  Biron  à  la  retraite; 
Casa-Bianca,  avec  sa  colonne, 
revient  et  oblige  les  hullans.  ac- 


CAS 

courus  pour  investir  le  camp  fran- 
çais,!! se  réfugier  dans  Quiévrain. 
Chargé  de  les  chasser  de  celte 
ville,  il  part  avec  son  bataillon  et 
deux  pièces  de  canon,  et  les  atta- 
que si  vivement,  que  les  portes 
sont  enfoncées,  les  murs  esca- 
ladés, et  les  hullans  en  fuite  à 
plus  d'un  quart  de  lietie.  A  peine 
le  camp  pnuvail-il  croire  à  un 
tel  succès,  qu'un  faux  bruit  de  la 
mort  du  colon«d  Casa-Bianca 
met  l'armée  en  déroute;  il  y  avait 
peu  de  discipline  alors,  Biron 
veut  en  vain  retenir  ses  8000  sol- 
dats, leur  violence  l'entraîne;  tout 
fuit  dans  Valencicnnes.  Surpris 
de  ce  mouvment,  et  craignant 
que  les  hullans  ne  reviennent 
dans  Quiévrain  massacrer  son 
brave  bataillon,  Casa-Bianca  lui 
fait  évacuer  la  ville,  se  place  à 
l'arrière-garde,  et  rejoint  le  corps 
d'armée.  Cette  action  lui  valut  le 
brevet  de  maréchal-de-Camp  :  il 
se  rendit  en  cette  qualité  à  l'ar- 
mée des  Alpes,  oi'i  Montesquiou, 
général  en  chef,  lui  donna  le  com- 
mandement de  son  avant-garde. 
Casa-Bianca  partit  du  Pont-de- 
BeauvoisLû.  força  le  passage  de  la 
grotte,  ^Rrriva  à  Chambéry.  Il 
poursuivit  les  Piémontais  dans  la 
Tarentaise  ,  alla  se  poster  au  pied 
du  petit.  Saint -Bernard,  et  les 
força,  par  cette  manœuvre,  à  éva- 
cuer la  Maurienne  ,  seul  point  de 
la  Savoie  qu'ils  occupaient  en- 
core. Après  cette  expédition,  Ca- 
sa-Bianca se  rendit  en  Corse,  où 
il  fut  envoyé  pour  commander  en 
second  à  Ajaccio.  Il  lui  fut  pres- 
crit de  se  tenir  prêt,  avec  des  dé- 
tachemens,  à  s'embarquer  pour 
la  Sardaigne,  qu'on  voulait  sur- 
prendre. L'amiral  ïruguet  sortit 


CAS 

de  Toulon  avec  dix  vaisseaux  de 
ligne,  et  des  troupes  de  débarque- 
ment, touche  à  Ajaccio,  et  abor- 
de au  golfe  de  Cagliari  ;  cinq  au- 
tres vaisseaux,  commandés  par 
liatouche-Tréville,  sejoignaietit  à 
lui,  des  mers  de  la  Sicile.  Le  gé- 
néral Casa-Bianca,avec  ses  trans- 
ports, arrive  devant  Cagliari  , 
qu'on  avait  cru  occuper  sans  ré- 
kistance.  Il  lit  investir  la  place 
pendant  quelques  jours,  mais  il 
ne  put  ordonner  l'attaque  :  Tin- 
subordination  était  t'omeiiléc  dans 
les  troupes,  par  une  phalange 
marseillaise.  On  fut  contraint  de 
rembarquer  ces  troupes  et  de  les 
rameneràToulon.  LegénéralPao- 
li ,  poursuivi  comme  rebelle  par 
les  commissaires  qu'on  avait  en- 
voyés en  Corse,  venait  d'y  appe- 
ler les  Anglais,  qui  y  débarquè- 
rent le  ?.2  mai  1794-  Casa-liian- 
ca,  revenu  à  Caivi,  le  remplaça 
dans  le  commandement.  Toute 
l'île,  excitée  par  Paoli,  s'était  sou- 
levée; ses  places  maritimes  é- 
taient  au  pouvoir  des  ennemis, 
('alvi  fut  investi  par  une  escadre 
anglaise,  sous  les  ordres  de  l'ami- 
ral Hood,  et  par  des  troupes  de 
ferre  que  le  général  Slnarl  con- 
duisait; les  partisans  de  Paoli  s'é- 
taient réunis  à  ces  forces  redou- 
tables. Casa-Bianca  se  trouva  en- 
fermé dans  Calvi%  avec  inoins  de 
tîoo  hommes,  mal  pourvus  de  vi- 
vres et  de  munitions,  sans  case- 
mates, sans  chemii>3  couverts.  II 
soutint  un  siège;  pendant  trente- 
neuf  jours,  la  place  fut  écrasée 
d'obus,  de  bombes  et  de  boulets; 
ses  murs  furent  renversés  et  ses 
maisons  mises  en  cendres.  II  ne 
resta  au  général  Casa-Bianca  que 
80  hommes,  réduits  à  la  dernière 


CAS 


i55 


extrémité  :  il  accepta  la  capitula- 
lion  oflerte  par  les  Anglais;  elle 
était  honorable  pour  la  garnison 
et  pour  lui ,  et  lavorable  aux  ha- 
bitans  de  Calsi.  Il  avait  reçu,  pen- 
dant le  siège,  le  brevet  de  géné- 
ral de  division.  Il  se  réunit  au  gé- 
néral Masséna,  à  l'armée  d'Italie, 
et  passa  au  commandement  du 
département  des  Alpes  maritimes. 
Le  général  en  chef  Bonaparte 
lui  donna  l'ordre  de  se  rendre  à 
Livourne,  pour  conduire  une  ex- 
pédition en  Corse.  Les  Anglais 
ayant  abandonné  cette  île,  Casa- 
Bianca  reprit  le  commandement 
du  Liamone,  et  peu  de  temps  a- 
près,  Bonaparte  lui  confia  celui 
de  Gènes,  où  il  éloufTa  les  fac- 
tions qui  agitaient  cette  ville.  En- 
voyé par  le  directoire  à  Rennes, 
contre  les  rebelles ,  il  rassemblait 
les  troupes  qu'il  devait  Comman- 
der, et'S*bccupait  à  fortifier  Saint- 
Brieux  ,  lorsque  Bonaparte  ,  de- 
venu ])remier  consul,  le'nomma 
membre  du  sénat-  conservateur, 
le  25  décembre  1799,  en  récom- 
pense de  quarante  ans  de  service. 
Le  comte  Casa-Bianca  a  reçu  du, 
roi  la  croix  de  chevalier  de  Saint- 
Louis,  le  21  décembre  181  îj  ?  et 
siège  aujourd'hui  à  la  chambre  des 
pairs  ;  le  roi  lui  avait  ôté  celle  di- 
gnité par  ordonnance  du  ;>  \  juillet 
i8i5,  et  la  lui  a  rendue  par  une 
autre  ordonnance  du  2 1  novembre 
1819. 

CASA-BIANCA  (Pierbe-Fran- 
çois),  fils  du  précédent,  naquit  à 
Vescovato  en  Corse  le  5o  avril 
1784.  Destiné  à  suivre  la  même 
carrière  qrie  son  père,  il  fut  pla- 
cé -^  l'école  Polytechnique  le  7 
brumaire  an  10.  Élève  d'artillerie 
à  l'école  de  Metz  au  commence- 


i5(i 


CAS 


nivnl  tl«;l"un  rijiHuin  KMin6  lieu- 
tenant dans  le  7""  rtgiintrit  de 
celte  arme  le  i4  novembre  180O. 
Le  3  mai  suivanl,  il  fut  placé  à  l'c- 
tat-niajordu  général  Lcfebvre.  Le 
28  octobre  1808,  il  dcvintcapilai- 
nedes  chasseuri;  à  cheval  de  la  gar- 
de impériale;  et  le  maréclial  Miis- 
séna,  qui  connai>sait  la  bravoure 
et  les  lalens  du  jeune  Casa-Biau- 
ca,  se  l'attacha  en  qualité  d'aide- 
de-camp  le  6  mars  1809.  Ca^a- 
Bianca,  par  sa  belle  conduite,  ob- 
tint, le  9  mai  de  la  même  année, 
le  grade  de  chef  de  brigade  des  ti- 
railleurs corses.  Il  fut  fait  major 
le  5  octobre  1810,  et  colonel  du 
5, me  légiinent  d'infanterie  légère 
le  5i  mars  i8ii.  Cusa-Bianca 
ayant  assisté  à  presque  toutes  les 
baliilles  qui  avaient  eu  lieu  en 
Allemagne,  en  Prusse  et  en  Rus- 
sie, de  1806  i\  181 -2,  était  déjà 
criblé  de  blessures,  lorsque  le  1 1 
août  1  Si  2,  il  en  reçut  une  en  Rus- 
sie, des" suites  de  laquelle  il  mou- 
rut trois  jours  après.  Quand  ce 
coup  mortel  lui  fut  porté,  il  char- 
geait à  la  tête  du  1 1""'  régiment 
léger,  dont  il  avait  été  nommé  co- 
lonel le  17  septembre  1811. 

CASA-BIANCA(Licioou  Lu- 
ciEis),  jusqu'à  présent  désigné  dans 
toutes  lesBiographies  sous  le  nom 
de  Louis,  né  en  Corse,  et  parent 
des  précédens ,  s'était  déjà  très- 
distingué  dans  la  marine  au  mo- 
ment de  la  révolution.  Nommé 
député  de  son  déparlement  à  la 
convention  nationale,  il  y  vola 
pour  la  détention  de  Louis  XVL 
Casa-Bianoa  fut  toujours  parti- 
san des  opinions  modérées,  et 
dans  le  cours  de  sa  carrière  poli- 
tique ,  il  ne  s'écarta  point  de  ses 
principes.  Du  reste,  il  ne  s'occu- 


CAS 

pail  gucje  que  de  la  maiiiK',  mai» 
il  s'en  occupait  beaucoup.  Klu 
membredu  conseil  des  cinq  cents, 
il  eut  à  peine  terminé  sa  mission 
qu'il  demanda  cl  obtint  de  ren- 
trer au  service.  On  lui  donna  le 
cunnnandement  du  vai■^!leau  l'C- 
iiciil .  Casa  -  Bianca  était  à  son 
bord,  lorsqu'à  la  bataille  d'Abou- 
kyr,  ce  vaisseau  brûla  et  s'englou- 
tit dans  les  flots.  Son  fils,  âgé  de 
lo  ans,  qui  promettait  de  mar- 
cher un  jour  sur  ses  traces,  était 
à  SCS  côtés,  et  péril  avec  lui. 

CASANOVA  (François)  naquit 
à  Londres,  en  1  730,  d'une  famil- 
le italienne.  Il  élail  encore  fort 
jeune  lorsque  ses  parens  retour- 
nèrent à  Venise.  Il  reyul  une  é- 
ducalion  brillante  dont  il  sut  pro- 
filer; il  apprit  différentes  langues 
tant  anciennes  que  modernes,  et 
étudia  ensuite  le  dessin  cl  la  pein- 
tinv.  Arrivé  à  Paris  à  l'âge  de  25 
ans,  accompagné  de  l'un  de  ses 
frères  qui  s'occu[!ail  de  littératu- 
re, apportant  tous  deux  quelques 
essais  de  leurs  lalens,  ils  y  furent 
reçus  par  des  amis  de  leur  famil- 
le. François  ayant  présenté  à  Par- 
roccl,  peintre  de  batailles,  plu- 
sieurs petits  tableau.v  de  ce  gen- 
re,  ce  célèbre  artiste,  connu  par 
son  habileté  dans  le  dessin,  et  sur- 
tout par  .sa  manière  savante  de 
peindre  les  chevaux,  voulut  bien 
l'aider  de  ses  conseils.  Casanova 
sut  en  profiler;  mais  tout  en  s'oc^ 
Cupant  de  donner  à  ses  ouvrages 
plus  de  correction,  il  redoubla 
d'efforts  pour  leur  imprimer  cet- 
te viei  cette  chaleur,  celte  har- 
monie si  difficile  à  rendre,  sur- 
tout dans  des  sujets  aussi  compli- 
qués que  ceux  qu'il  avait  l'habi- 
tude de  traiter.  Dans  un  voyage 


CAS 

qu'il  fit  en  Allemagne,  il  lia  con- 
niiissance  à  Dresde  avec  Dietrici. 
La  vue  des  ouvrages  de  ct!t  artis- 
te, ainsi  que  l'étude  des  peintres 
fliniands.  lui  ayant  fait  taire  de 
nouveaux  progrès,  il  Fut  agréé 
à  l'académie  de  peinture,  et  en- 
suite reçu  vers  1765.  Son  ta- 
bleau de  réception,  d'une  exé- 
cution brillante,  riche  de  compo- 
sition^  et  d'un  dessin  trés-correct 
dans  les  figures  comme  dans  les 
chevaux,  fit  une  sensation  très- 
vive  au  salon.  Bientôt  les  princes, 
les  souverains  mC-mes.  s'empres- 
^■èrent  de  mettre  ses  talens  à  con- 
tribution. Le  prince  de  Condé  le 
charge:»  de  plusieurs  grands  ta- 
bleaux pour  sa  galerie  du  palais 
de  Bourbon  :  on  a(bnira  au  salon 
de  1-71  les  batailles  de  Fribourg 
et  de  Lens.  Quoique  cet  artiste  ga- 
gniîl  beaticoup  d'argent,  et  qu'il 
fît  payer  ses  ouvrages  fort  cher, 
comme  il  dépensait  sans  comp- 
te et  sans  mesure,  il  se  trouvait 
toujours  i)er<écutépar  ses  créan- 
ciers. Voulant  se  débarrasser  de 
leur  importunité,  il  se  détermi- 
na à  partir  pour  Vienne,  et  à  exé- 
cuter, dans  celte  ville,- les  divers 
tableaux  que  lui  avait  demandés 
Catherine  II,  afin  de  perpétuer 
le  souvenir  de  ses  victoires  sur 
les  Ottomans.  Toujours  surchar- 
gé de  travaux,  il  était  occupé  S 
peindre  un  tableau  représentant 
linauguration  de  l'hôtel  des  In- 
valides par  Louis  XIV,  lorsque 
la  mort  vint  le  frappera  Briihl  prés 
Vi(înne,  en  mars  i8o5.  Parmi  ses 
nombreux  élèves,  on  compte  Lou- 
therbourg,  Norblin,  Mayer,  etc. 
Son  nature!  fier,  son  caractère  é- 
lerc,  lui  faisait  rechen;her  la  30- 
(  îAté  des  grands  ;  ses  lalens  ,  son 


CAS 


«  '? 


éducation  et  sa  tournure,  préve- 
nant en  sa  faveur,  il  était  admis 
partout.  Ihi  jour  qu'il  dînait  chez 
le  prince  de  Kaunitz ,  ministre 
d'état,  la  conversation  tomba  sur 
Rubeiis  et  sur  son  ambassade  en 
Angleterre  :  l'un  des  convives,  en- 
voyé d'une  cour  d'Allemagne,  ne 
pouvant  concevoir  qu'un  peintre 
efltété  ambassadeur,  lui  dit  :  Ru- 
bens  était  sans  doute  un  ambas- 
sadeur qui  s'amusait  de  la  pein- 
ture. «Votre  excellence  se  trom- 
»  pe,  repartit  vivement  Casanova, 
nfî'était  un  peintre  qui  s'amusait  à 
«être  ambassadeur.»  Plusieurs  ta- 
bleaux de  cet  artiste  ont  été  gra- 
vés par  dos  hommes  célèbres. 

CASATI  (Christophe),  patri- 
cien milanais,  et  fils  du  comte  Jo- 
seph Casnti,  connu  par  son  éru- 
dition et  par  la  protection  qu'il 
accordait  aux  artistes  et  aux  sa- 
vans.  Christophe  Casati ,  né  en 
1722,  profita  des  exemples  qu'il 
avait  constamment  sous  les  yeux, 
et  il  montra  de  bonne  heure  du 
goût  pour  l'étude;  il  s'attacha  sur- 
tout à  celle  de  la  jurisprudence  et 
à  la  connaissance  de  l'histoire  et 
des  vieilles  chartes.  Il  a  laissé 
plusieurs  ouvrages;  le  seul  qui  ait 
été  imprimé  est  une  dissertation 
en  italien  sur  VOrigine  de.  l'au- 
guste maison  d' Autriche  et  de 
Lorraine,  in-S",  Milan,  1792.  L'au- 
teur prouve  que  cette  famille  de<- 
cend  d'Éticon,  premier  duc  de 
l'Allemagne-Inferieure;  et  admet- 
tant de  plus  qu'Elicon  a  eu  pour 
père  le  duc  Boniface,  et  pour  aïeul 
le  duc  Gondon,  il  établit  les  droits 
de  la  maison  de  Lorraine  sur  l'Al- 
sace. Dans  un  appendice,  Casati 
cherchait  à  démontrer  que  les  fa- 
milles des  Corlovlngienâ  et  de* 


ni 


i58  CAS 

Capétiens  appartenaient  à  la  mA- 
ine  souche. (>cs  reclierthes  lurent 
agréables  à  la  cour  de  Vienne,  (jui 
lui  donna  des  témoignages  parti- 
culiers de  satislaction,  apparem- 
ment pour  le  remercier  d'avoir 
taitenlrevoir à  la  maison  d'Autri- 
che la  possibilitéd  hériter  un  jour 
de  la  couronne  de  France.  Casa- 
ti  est  mort  en  1814. 

CASENAVE  (Antoine),  mem- 
bre delà  convention,  du  con.^'eil 
des  cinq-cents,  du  corps  législa- 
tir,  de  la  chambre  des  députés, 
des  rcprésentans  dei8i5,  de  la 
légion-d  honneur,  naquit  à  Lem- 
boye  (Basses-Pyrénées),  le  9  sep- 
tembre 1765.  Avant  la  révolution, 
il  exerça  successivement  la  pro- 
fession d'avocat,  et  les  fonctions 
de  substitut  de  l'avocat-général 
au  parlement  de  Pau.  Quand  la 
révolution  éclata,  il  en  adopta  les 
principes  avec  enthousiasme.  En 
septembre  1792,  il  fut  député  à 
la  convention,  et  se  prononça 
dans  le  procès  du  roi  av.ec  une 
courageuse  franchise;  voici  quel 
fut  son  vote  :  «  La  mort  de  Louis 
»XVI  est,  dans  mon  intime  con- 
«viction,  le  tombeau  de  la  liber- 
»té  publique,  et  le  triomphe  des 
«ennemis  de  ma  patrie.  Les  pa- 
rt radoxes  et  les  sophismes  que 
«l'art  a  inventés  dans  le  cours  de 
»cette  procédure,  me  confirment 
«de  plus  en  plus  dans  les  princi- 
»pes  que  j'ai  déjà  manifestés.  La 
«cumulation  de  tiint  de  pouvoirs 
«incompatibles  me  paraît  une 
«monstruosité  tyrannique,  à  la- 
«quelle  je  neveux  avoir  aucune 
«part;  le  seul  code  pénal  applica- 
«ble  à  Louis,  est  celui  qui  pro- 
»  nonce  sa  déchéance,  le  salut  pu- 
»blic  commande  à  son  égard  une 


CAS 

«mesure  de  sûreté  générale.  Je 
«conclus,  en  conséquence  ,  à  la 
«réclusion  de  Louis  et  de  sa  fa- 
»  mille  jusqu'à  la  paix;  à  l'exil 
«perpétuel  à  cette  époque;  2"  à  ce 
«que  les  suÛ'rages  des  membres 
«qui  n'ont  pas  été  présens  à  Tins- 
«truction  de  cette  affaire,  ne 
«soient  pas  comptés  pour  ce  ju- 
«gcment;  5°  à  ce  que  pour  sup- 
«pléer  au  défaut  de  récusation 
«des  membres  qui  sont  suspects 
«pour  cette  dérision  ,  la  majorité 
»  des  voix  soil  fixée  aux  deux  tiers, 
«au  moins.  Je  (Itniamle  acte  de 
nnics  propositions.  »  Plus  tard, 
bravant  les  chefs  de  l'anarchie,  il 
proposa  la  mise  en  accusation  de 
Marat.  Tout  le  crédit  et  le  pou- 
voir que  lui  donnait  son  titre  de 
député,  fut  consacré  à  protéger 
les  victimes  de  ces  temps  malheu- 
reux :  ses  soins  et  son  zèle  con- 
servèrent entre  autres  à  la  patrie, 
les  généraux  Jiarai^uey  -  U'Hil- 
licrs  et  Kilinaine.  Après  la  chute 
de  la  Montagne  ,  quand  on  sentit 
la  nécessité  decaluier  l'agitation 
des  départemens,  et  de  rassurer 
les  esprits,  Caseiuiva  fut  chargé  , 
dans  la  Seine-Inférieure,  dune 
mission  qui  dura  quatorze  mois; 
elle  avait  spécialement  pour  but, 
d'apaiser  les  troubles  occasio- 
nés  par  la  cherté  des  vivres.  Ce 
fut  à  cette  époque  qu'il  accueillit 
à  Rouen  l'illustre  La-ïour-d'Au- 
vergii  e,  au  retour  de  sacapti  vite  en 
Angleterre.  En  l'an  6,  envoyé,  a- 
\ec  le  titre  de  commissaire,  dans 
son  départementnatal,ce  fut  com- 
me par  miracle  quiléchapaauxfu- 
reurs  despartis.  Plusieurs  tentati- 
ves d'assassinat  eurent  lieu  contre 
lui,  et  il  fut  même  atteint  d'un 
coup  de  pistolet.  Élu  membre  du 


CAS 

l'onseildes  cinq-cents,  il  en  sor- 
tit en  uiai  1797.  Kéclu  en  98,  il 
faisait  partie  avec  le  ^éiu-rul  Fn- 
gcviUt  et  Gourloy  de  Nantes,  de 
la  commission  des  inspecteurs  du 
conseil.  Toujours  ami  de  la  mo- 
dération ,  il  s'opposa  aux  mesu- 
res violentes  et  arbitraires  pro- 
posées contre  les  députés  qu'on 
^iccnsait  de  conspirer  pour  le  ré- 
lablissement  de  la  terreur,  quoi- 
qu'il ffit  noté  parmi  ceux  qui  com- 
battaient le  or  système  avec  le  plus 
d'énergie.  Il  fut,  avec  Cabanis, 
Alex.  .'  illctar,  M.  i.i.'Ju'nier, clc, 
membre  de  la  commission  légis- 
lative qui  rédigea  la  constitution 
de  l'an  8.  Tous  les  membres  de 
cette  commission  qui  avaient  Và- 
ge  requis  par  la  loi,  devinrent 
membres  du  sénat.  Casenavc  n'a- 
vait point  encore  4o  ans,  c'est  ce 
qui  l'empêcha  de  faire  partie  de  ce 
corps,  d'autant  plus  honorable  a- 
lors,  que  les  nominations  étaient 
faites  par  les  représentans  de  la 
nation.  Il  passa ,  en  décembre 
1798,  au  nouveau  corps-législa- 
tif, dont  il  fut  élu  secrétaire;  rap- 
pelé en  1810  à  la  même  assem- 
blée, il  fut  élu  vice-président. 
('asenave ,  dont  les  sentimens 
n'avaient  pas  changé,  faisait  par- 
tie de  cette  opposition  peu  nom- 
breuse du  corps-législatif,  la  seu- 
le peut-être  qui  alors  existât  dans 
tout  l'empire.  Il  fut,  en  i8i5,  de 
la  commission  qui  osa,  pour  la 
première  fois,  demander  la  paix, 
et  dont  M.  LainéUxl,  à  cause  de 
sou  bel  organe,  chargé  de  lire  le 
travail.  Fendanllasessionde  18 14, 
il  monta  souvent  à  la  tribune 
pour  des  discussions  d'intérêt  gé- 
néral. La  liberté  de  la  presse  le 
compta  parmi  ses  plus  ardens  dé- 


CAS  159 

fenseurs.  Dans  la  même  session, 
il  appuya  avec  force  le  projet  de 
loi  relatif  au  paiement  des  dettes 
cimtractées  par  Louis  XVIII,  en 
pays  étranger.  Le  8  juillet  (mê- 
me année),  il  développa  un  projet 
de  loi  tendant  à  régulariser  la 
perception  des  impôts  extraordi- 
naires. En  181 5,  Casenavt^xX  par- 
tie de  cette  chambre  des  représen- 
tans, qu'il  suffit  de  nommer  pour 
réveiller  les  plus  hautes  idées  de 
talent  et  de  patriotisme.  C'est  à 
tort  que  plusieurs  biographies  ont 
prétendu  qu'il  n'y  porta  pas  la  pa- 
role :  dans  la  séance  où  le  maré- 
chal Davoust,  ministre  de  la  guer- 
re, annonça  que  Paris  était  en  é- 
tat  de  se  défendre,  Castnavemon- 
ta  à  la  tribune  ;  il  dit  que  pro- 
priétaire de  deux  maisons  à  Pa- 
ris, il  se  résignait  aux  pertes  que 
pourrait  lui  faire  éprouver  la  dé- 
fense de  la  capitale;  il  engagea 
ses  collègues  à  faire  aussi  le  sa- 
crifice de  leur  intérêt  particulier, 
plutôt  que  de  voir  une  seconde 
fois  leurs  murs  souillés  par  la 
présence  de  l'étranger.  Lors  des 
réactions dei8i 5, où  tous  les  con- 
ventionnels furent  poursuivis  sans 
distinction,  où  l'on  frappa  du  mê- 
me anathème  les  défenseurs  de 
Louis  XVI,  et  ceux  qui  l'avaient 
condamné  ,  Casenave  supporta  a- 
vec  sa  fermeté  ordinaire  ces  ho- 
norables persécutions;  mais  le 
coup  le  plus  sensible  pour  son 
cœur,  fut  de  retrouver  parmi  ses 
nouvçaux  eimemis,  des  hommes 
dont  il  avait  sauvé  jadis  la  vie, 
l'honneur  et  l<;s  biens,  pendant 
ses  missions  dans  la  Seine-In- 
férieure et  dans  les  Basses-Pyré- 
nées. Les  massacres  du  Midi  , 
l'exécution  du  général  Mouton- 


iGo 


(  ;  \ , -. 


Duvernel,  son  ami,  avaient  laissi: 
dans  son  âme  une  impression  inel- 
farahle,  qui,  jointe  aux  dangers 
et  aux  fatigues  dont  sa  carrière 
fut  semée,  développèrent  en  lui 
les  germes  d'une  maladie  de  lan- 
gueur, à  laquelle  il  succomba  a- 
près  deux  jours  de  souffrances  ai- 
giies,  le  16  avril  1818,  à  l'âge  de 
56  ans,  au  moment  où  les  élec- 
tions constitutionnelles  qui  ve- 
naient d'avoir  lieu  ,  seml)laient 
promettre  que  les  suffrages  de 
ses  concitoyens  le  chargeraient 
de  r<îprésenter  pour  la  huitième 
fois  le  département  des  Basses- 
Pyrénées.  Peu  de  temps  après  la 
création  de  la' légion-d'honneur, 
Casena\'e  en  avait  reçu  la  décora- 
lion  sans  l'avoir  sollicitée.  Cet- 
te distinction  était  flatteuse  alors 
qu'il  était  facile  de  compter  dans 
toute  la  France  le  nombre  des  lé- 
gionnaires. 11  suffit  de  quelques 
mots  pour  faire  l'éloge  de  la  vie 
publique  de  Casenave.  A  la  con- 
vention, il  vota  avec  Lanjuinais; 
dans  les  autres  assemblées  avec 
Dupont  (de  l'Eure),  son  meilleur 
ami;  et  dans  les  nombreuses  dé- 
putations  dont  il  fit  partie,  il  fut 
})lusieurs  fois  nommé  i\  l'unani- 
mité des  suffrages  de  ses  conci- 
toyens. Enfin  ce  ne  fut  qu'à  la  mi- 
norité de  quatre  voix,  et  grâce 
aux  intrigues  déplorables  et  scan- 
daleuses des  autorités  locales, 
qu'il  ne  fut  pas  nommé  aux  élec- 
tions de  1816. 

C  A  SI  RI  (Michel),  célèbre 
orientaliste,  né  eu  1710,  ù  Tripo- 
li en  Syrie.  Après  avoir  fait  ses  é- 
tudes  ;\  Rome,  il  retourna  dans 
l'Orient  avec;  D.  Joseph  Assema- 
ni  qui  allait>  assister  au  synode 
(les  Maronites.  De  retourà  Ronir. 


en  1758,  il  y  professa  les  langues 
syriaque,  arabe  et  chaldéenne. 
En  17/48,  il  se  rendit  à  .Madrid, 
où  il  obtint  une  place  à  la  biblio- 
thèque royale.  I/annéc  suivante, 
il  y  fut  nommé  membre  de  l'aca- 
démie d'bistdire.  Il  continua  d'y 
séjourner,  et  il  y  mourut  le  12 
Hiar«  1791.  Il  a  dû  sa  réputation 
à  l'o^uvrage  dans  lequel  il  avait 
réuni  tous  les  manuscrits  arabes 
de  la  bibliothèque  de  l'Escurial, 
sous  ce  titre  .■  Bihliotheca  arahi- 
co-hispana,  1  vol.  in-fol.,  Ma- 
drid, 1760  1770.  On  sait  qu'il 
avait  traduit  un  ouvrage  arabe, 
\x\\\\.n\ii  Soleil  de  sagesse  ;  mais  ou 
n'a  retrouvé  après  sa  mort  ni  la 
traduction,  ni  l'original. 

CASONI  (Philippe),  cardinal, 
né  à  Sarzane,  dans  les  états  de 
Gènes,  le  6  mars  1733.  A  l'épo- 
que de  la  révolution  française, 
Casoni  était  vice-légat  du  pape  à 
Avignon  ;  il  en  fut  chassé  par  les 
babitans  insurgés,  en  1790,  lors- 
que cette  ville  se  soumit  aux  Fran- 
çais. Au  mois  de  décembre  1792, 
le  pape  l'envoya  à  Madrid  en  qua- 
lité de  nonce.  Pie  VII  le  créa 
cardinal  en  1801.  Il  est  mort  sur 
la  fin  de  1810. 

CASSAG^E  (Loris  -Victori>-, 
bauoa),  commandant  delà  légion- 
d'honneur,  chevalier  de  Saint- 
Louis,  entra  au  service  en  1793, 
dans  une  compagnie  franche  du 
département  de  la  Haute-Garon- 
ne, où  il  est  né.  A  la  suite  des 
cauîpagnes  de  l'an  1,  l'an  2,  l'an 
3,  de  la  répulilique,  il  fut  nom- 
mé capitaine  au  18""  régiment 
de  ligne  :  blessé  deux  fois  h  l'ar- 
mée d'Italie,  aux  affaires  de  Roc- 
cnbarbenna  et  de  Lonato,  il  se 
di«tin£rua  particulièrement,  le  2  5 


CAS 

nivôse  an  5,  devant  Mantoue,  où 
il  fit  mettre  bas  les  armes  au  com- 
mandant de  la  cavalerie  ennemie  : 
à  l'affaire  de  Tarvis,  en  l'an  6»  il 
reçut  une  troisième  blessure,  dont 
la  gravit*  ne  put  le  déterminer  à 
quitter  son  poste.  A  une  époque 
où  l'avancement  était  si  rapide, 
le  brave  Cassagne,  qui  n'avait 
d'ambition  que  celle  de  servir  son 
pays,  fit  partie  de  l'expédition 
d'Egypte  dans  le  même  grade  de 
capitaine  où  il  servait  avec  tant 
d'honneur  depuiî?  trois  ans.  Au 
siège  de  Saint-Jean-d'Acre,  après 
s'être  signalé  par  plusieurs  ac- 
tions tféclat,'  il  fut  frappé,  dans 
la  tranchée  même,  de  cinq  coups 
de  poignard.  De  retour  au  Caire, 
le  général  en  chef  le  nomma  chef 
de  bataillon  :  il  fut  de  nouveau 
blessé  grièvement  à  la  bataille  de 
Canope,  le  5o  ventôse  an  9.  Cet 
intrépide  oflicicr  avait  fait  dix 
campagnes  mémorables  et  avait 
reçu  douze  blessures,  dont  plu- 
sieurs  a  raient  m  isîa  vie  en  danger, 
lorsqu'il  fut  nommé  colonel  du 
a5"*régimentde  ligne,  Icq  prairial 
an  Q.  Général  de  brigade  en  i8o4, 
il  a  fait  toutes  les  campagnes,  d'Es- 
pagne. Nommé  lieutenant-général 
au  mois  de  mai  181 5,  il  a  comman- 
dé, en  i8i4,  une  partie  de  ladivi- 
sion  militaire  de  Toulouse,  et  il 
est  actuellement  lieutenant-géné- 
ral en  dlsponibiâilé. 

CASSAGNE,  maréchal  -  de- 
camp  en  retraite,  commandant  de 
la  légion-d'honneur,  commença 
par  être  soldai,  et  parvint  rapide- 
ment au  grade  de  chef  de  batail- 
lon. Il  remplaça  le  général  Delmas 
dans  U:  commandement  du  pre- 
mier bataillun  de  la  Corrèze,  de- 
vint chef  de  brigade  commaodant 


CAS  i6i 

la  3"*  demi -brigade  d'infanterie 
légère,  fit  partie  pendant  deux 
campagnes  de  la  division  Desaix, 
se  distingua  particulièrement  au 
combat  de  la  Réehut,  près  Man- 
heim,  affaire  dans  laquelle  Cassa» 
gne  défendit  la  position  qu'il  oc- 
cupait, avec  une  telle  opiniâtreté, 
que  l'ennemi  fut  obligé  de  se  re- 
tirer. Dans  la  campagne  de  Mo- 
reau,  en  Bavière,  et  lors  de  sa 
fameuse  retraite,  le  colonel  Cas- 
sagne, qui  commandait  le  5"°  ré- 
giment d'infanterie  légère  au  pas- 
sage de  Hanstetlen,  fut  mention- 
né dans  le  rapport  du  général  en 
chef.  Ce  régiment  faisait  partie 
de  la  brigade  Abbatuoci,  qui  dans 
cette  mémorable  campagne  ren- 
dit de  grands  services.  Aux  affai- 
res de  Biuil,  de  Kamlach,  contre  le 
corps  du  prince  de  Condé,  ce  ré- 
giment, quoique  placé  entre  deux 
feux,  résista  aux  émigrés  qui  com- 
battirent avec  une  grande  valeur* 
Cassagne  contribua  également  à 
la  défense  de  la  tête  du  pont  d'Hu- 
ninguc,  où  le  brave  Abbatucci 
trouva  une  mort  glorieuse.  Il  se 
distingua  encore  au  combat  dft 
Honausous  More^u,  et  pendant  le 
siège  de  Cènes,  aux  affaires  de 
Sasselo  et  do  Polccvera.  Nom- 
mé général  de  brigade  après  le 
siég£  de  Gènes,  il  commanda  ut 
ne  partie  de  la  division  Boudct 
au  combat  de  Yaleggio,  pendant 
la  campagne  de  1801  eu  Itane. 
Depuis  cette  é[)oque,  ce  brave  of- 
ficier-général, mis  par  ses  blessu- 
res hors  d'état  de  servir  active- 
ment, fut  chargé  de  plusieurs 
C(tmmandemens  dans  l'intérieur, 
et  prit  sa  retraite  on  181 5. 

CASSAIGNOLES,  ancien  juge 
à  la  cour  d'appel  d'Agen,  aujoui^ 


i6!i  CAS 

tl'hui  président  de  la  cour  royale 
de  Nîmes,  a  clé  élu  député  par 
le  département  du  Gers  eu  1817. 
Ses  discours  et  ses  YOtes  sout 
ceux  d'un  hou  Franjîais.  Il  a  été 
un  des  scerétaires  de  U  chambre; 
en  janvier  i8i8,  il  fit  la  proposi- 
tion d'abroger  l'art.  1 1  de  la  loi 
du  9  novembre  181 5,  répressi- 
ve des  écrits  séditieux  et  des  pro- 
vocations il  la  révolte.  Après  s'ê- 
tre élevé  contre  cette  loi,  en  pu- 
blicisle  qui  voudrait  que  les  pei- 
nes t'ussen  t  proportionnées  aux  dé- 
lits, M,  Cassaignoles  établit  qu'u- 
ne nouvelle  alarmante,  un  propos 
séditieux  même,  ne  supposaient 
pastoujoursun  véritable  esprit  de 
sédition.  «  Dans  ces  délits  comme 
»dans  tous  les  autres,  ajouta-t-il, 
»il  faut  souvent  faire  la  part  de 
»  l'ignorance,  de  la  grossièreté,  de 
xla  séduction, de  l'intempérance, 
»et  de  mille  autres  causes  qui 
«peuvent  atténuer  le  délit.»  M. 
Ca&saignoles  se  prononça  en  fa- 
veur des  contribuables,  à  l'occa- 
gion  des  contributions  directes  si 
souvent  mal  réparties.  Il  désirait 
que  dans  la  cojifection  du  cadas- 
tre, l'on  s'en  rapportât  moins  aux 
experts  qu'aux  opérations  géomé- 
triques, les  uns  étant  sujets  à  tou- 
tes sorte»  d'erreurs,  et  celles-ci 
ne  présentant  que  des  résultats 
infaillibles.  Chargé,  le  17  avril 
1819,  au  nom  de  la  commission 
ce'ntrale,  de  faire  un  rapport  sur 
le  projet  de  loi  relatif  aux  délits 
4e  la  presse,  M.  Cassaignoles  s'ex- 
prima de  la  manière  suivante  : 
«Quoique  le  projet  embrasse  à 
j>la  fois  les  divers  moyens  de  pu- 
»blication,  il  n'a  pas  échappé  à  la 
»  commission  que  la  pensée  domi- 
»  nante  était  la  liberté  de  la  pres- 


€AS 

*iSe,  véritable  garantie  de  toutes 
»les  libertés,  etc.  » 

CASSAS  (Lowis-Fbançois),  né 
à  Azay-le-Ferron,  département  de 
l'Indre,  en  avril  i^S^i,  eut  dès 
sa  jeunesse  un  goftt  décidé  pour 
le  dessin,  la  peinture  et  l'archi- 
tecture. Élève  de  Lagrenée  jeune 
et  de  Vien,  il  conçut  à  leur  éco- 
le, et  exécuta  ensuite  le  hardi  pro- 
jet de  visiter  et  dessiner  les  mo- 
numens  classiques  de  l'antiquité 
qui  ont  échappé  aux  ravages  du 
temps,  et  à  la  barbarie  des  Orien- 
taux. Il  parcourut  la  grande  Grè- 
ce dans  le  courant  des  années 
1784— 85  et  86.  Plusieurs  de  ses 
dessins  ont  sej-vi  à  compléter  le 
voyage  du  royaume  des  Deux-Si- 
ciles,  publié  parl'atbé  de  S'-Non. 
Ihi  plus  grand  nombre  de  ses  des- 
sins, restés  inédits,  devaient  être 
joints  au  voyage  entrepris  par  M. 
de  La  Borde,  à  qui  Cassas  avait 
cédé  un  portefeuille  contenant  les 
antiquités  de  la  Sicile.  Cassas  vi-. 
sita  l'Istrie  et  la  Dalraatie,  où  il 
dessina  beaucoup  de  monumens 
antiques,  parmi  lesquels  00  dis- 
tingue le  magnifique  Palais  de 
l' empereur  Dioclétien  et  les  au- 
tres édifices  dont  ce  prince  avait 
enrichi  Salone  et  Spalatro,  etc. 
Ces  dessins  sont  accompagné» 
d'un  itinéraii-e,  contenant  des  ob- 
servations et  des  recherches  his- 
toriques d'une  grande  utilité  pour 
le  commerce  et  pour  les  arts.  Ce 
fut  au  milieu  des  plus  grands  dan- 
gers, sous  un  ciel  brûlant  et  en- 
touré de  barbares,  que  Cassa\j 
parvint  à  former  une  riche  et  pré- 
cieuse collection  des  monumens 
les  plus  remarquables  de  l'Asie- 
Mineure,  recueillie  surtout  dans 
les  ruines  de  Palmyre,  Balbek  et 


CAS 

Jérusalem;  dans  celks  de  la  Phé- 
nicie  et  de  la  Palestine.  Trente 
livraisons  de  cet  ouvrage,  publiées 
successivement,  ont  fixé  l'atten- 
tion des  artistes  et  amateurs  de 
tous  les  pays,  et  ils  en  attendent 
la  suite  avec  impatience.  Les  ob- 
servations de  Cassas  jettent  un 
grand  jour  sur  les  annales  des 
temps  les  plus  reculés,  sur  les 
historiens  sacrés  et  profanes,  et 
particulièrement  sur  l'usage  des 
édifices  somptueux  élevés  par  la 
reine  Zénobie.  Cassas  a  gravé 
plus  de  quarante  planches  for- 
mant une  suite  de  tableaux  et  de 
sites  qui  rappelent  de  grands  et 
précieux  souvenirs.  Ha  levé  des 
plans  et  a  publié  des  cartes  qui 
ont  contribué  à  fixer  des  points 
importans  de  géographie  ancien- 
ne; la  carte  de  la  plaine  de  Troie, 
entre  autres,  fournit  des  rensei- 
gnemens  curieux  sur  la  situation 
de  cette  anciepnfe  ville  et  sur  celle 
des  monumens  qu'on  retrouve 
dans  ses  environs.  M.  Cassas  est 
aujourd'hui  inspecteur  et  profes- 
seur de  dessin  à  la  manufacture 
des  Gobelins.  Le  roi  l'a  nommé 
membre  de  la  légion-d'honneur, 
le    i"  mai  1821. 

CASSlNI(.lACQiKs-DoMmiQiE, 
COMTE  de),  est  fil.s,  petit-fils  et  ar- 
rière-petit-fils de  trois  hommes 
célèbres  ;  celte  famille  s'est  illus- 
trée depuis  près  de  deux  siècles  ,* 
dans  l'astronomie,  la  géographie 
et  la  géodésie,  et  cette  illustra- 
tion héréditaire  ne  paraît  pas  de- 
Toir  s'éteindre  encore.  Le  comte 
Cassini  est  né  à  Paris,  le  5o  juin 
17/10;  il  <ioit  le  jour  au  savant 
Cassini  de  Thury,  auquel  il  a  suc- 
cédé dans  ses  places  honorables. 
Ainsi  que  son  père ,  il  est  direc- 


CAS 


x63 


teur  de  l'observatoire,  et  comme 
lui ,  il  occupa  de  bonne  heure  nn 
fauteuil  académique.  11  a  achevé 
la  grande  carte  de  rrance ,  monu- 
ment commencé  par  son  père. 
Cette  carte,  l'un  des  ouvrages  les 
plus  beaux  et  les  plus  complets 
de  ce  genre ,  a  trente-trois  pieds 
de  hauteur,  sur  trente-quatre  de 
largeur:  elle  a  servi  de  type  à  l'as- 
semblée nationale,  pour  la  divi- 
sion de  la  France  en  départemens, 
et  Cassini,  lui-même,  fut  un  des 
coopérateurs  de  cet  utile  travail. 
Napoléon  le  nomma,  eniSo^,  che- 
valier de  la  légion-d'honneur.  Il 
était  membre  de  l'institut  à  cette 
époque  ;  et  l'ordonnance  royale 
du  21  mars  1816  l'a  maintenu  k 
l'académie ,  dans  la  même  sec- 
tion à  laquelle  il  appartenait. 
Les  qualités  personnelles  du  com- 
te Cassini  contribuent  autant  que 
son  savoir,  à  le  rendre  un  homme 
estimable  et  précieux  sous  tous 
les  rapports.  Il  est  membre  du 
conseil-général  du  département 
de  l'Oise,  et  il  a  prouvé,  dans 
plus  d'une  occasion,  qu'il  n'est 
pas  plus  étranger  à  laciininistra- 
tion  publique  qu'aux  sciences.  On 
a  de  lui  :  1"  f"  oyas;eJaU  par  or- 
dre, du  roi ,  en  1 768  cl  1 769,  pour 
éprouver  Us  montres  marines,  in- 
venti'es  par  AI.  Leroy  ;  3°  Voya- 
ge cTi  Californie,  par  Jeu  Cliappe 
d'Àuteroclie ,  3°  de  l'influence  de 
l'i'quinoxe  du  printemps  et  du 
solilice  d'été,  sur  les  déclinaisons 
et  les  variations  de  l'aiguille  ai- 
mantée ;  4°  Exposé  des  opéra- 
tions faites  en  France ,  en  1 787, 
pour  la  jonction  des  obsen-alions 
de.  Paris  et  de  Grcenwicli;  5°  Mé- 
moires pour  servir  à  l'histoire  des 
sciences  et  à  celle  de  l'Obs^va- 


iG4  CAS 

toirc  royal  de  Paris,  suivis  de  la 
vie  de  ./.  D.  Cassini  (premier  du 
nom),  écrite  jjar  lui-môme,  et 
des  éloges  de  plusieurs  académi- 
ciens. 

CASSITO  (Jean-Antoine),  au- 
teurnapplitain,  a  publié  plusieurs 
ouvrages  sur  l'archéologie;  les 
plus  remarquables  sont  :  Vfinchi- 
ridion  d'Epictète,  auquel  il  a  a- 
jouté  un  Essai  sur  la  morale  de 
Confiicius .  L'explication  d'une 
inscription  trouvée  à  Baies ,  où  il 
est  parlé  de  l'archigallus  de  Ci- 
bile  ;  une  dissertation  sur  diver- 
ses inscriptions  insérées  dans  le 
Journal  encyclopédique  napoli- 
tain. Cassito  est  devenu  célèbre 
par  la  publication  des  Fables  iné- 
dites de  Phèdre,  qu'il  prétend  a- 
voir  découvertes  dans  un  manus- 
crit de  la  bibliothèque  royale  de 
Naples  ,  quoique  cette  découver- 
te ait  été  contestée  par  Jumelli, 
employé  à  la  même  bibliothè- 
que. M.  le  comte  Grégoire  Orloff, 
dans  ses  mémoires  historiques, 
politiques  et  littéraires ,  sur  le 
"royaume  de  Naples,  dit  que  Cas- 
sito estencore  auteur  de  plusieurs 
ouvrages  non  publiés;  voici  le  ti- 
tre des  principaux  :  Traduction 
envers  italiens  de  Catulle,  Tibul- 
le ,  Properce  et  Horace;  Obser- 
vations diverses  sur  Tacite ,  Pli- 
ne, Cicéron,  Salluste,  Tite-Live, 
et  Suétone  ;  E clair cissemens  et 
corrections  au  texte  de  la  satire 
de  Pétrone;  Recueil  d'inscrip- 
tions antiques  des  gentils  et  des 
chrétiens ,  avec  des  notes  et  des 
commentaires. 

CASÏAÎ^NOS  (François- 
Xavieu,  comte  de),  né  en  Bis- 
caye on  174^-  Ce  ne  fut  qu'à 
^'âgo  de  54  ans,  et  en  temps  de 


CAS 

pa?x,  que  ce  général  espagnol, 
qui  avait  commencé  de  bonne 
heure  sa  carrière  militaire  par  le 
grade  de  colonel,  lut  nommé  ma- 
réchal de-camp.  Cependant  Cas- 
tannos  était  d'une  famille  illus- 
tre; il  était  le  parent  et  l'élève 
des  généraux  les  plus  distingués 
de  l'Espagne;  il  avait  appris  la  tac- 
tique militaire  en  Prusse;  il  avait 
reçu  une  balle  dans  le  côté  gauche, 
etc.  A  la  lecture  de  semblables 
titres,  on  est  obligé  de  convenir 
ou  que  Castannos  n'avait  pas  pro- 
fité de  tous  les  avantages  que  lui 
donnaient  sa  naissance,  son  édu- 
cation et  ses  faits  d'armes,  pour 
obtenir  de  l'avancement,  ou  que 
le  ministère  espagnol  n'a  reconnu 
que  fort  tard  le  mérite  de  ce  gé- 
néral. Il  y  aurait  une  autre  sup- 
position tout  aussi  probable  , 
c'est  que  Castannos  ne  s'est  aper- 
çu lui-même  de  la  prétendue  su- 
périorité de  ses  talens,  que  lors- 
que la  fortune  les  lui  a  révélés. 
Nous  ne  suivrons  pas  le  général 
Castannos  dans  tous  ses  exploits 
militaires  ,  l'histoire  de  la  guerre 
d'Espagne  marquera  sa  place  par- 
mi les  hommes  qu'elle  a  pu  ren- 
dre célèbres.  Ceux  qui  écriront  la 
bataille  de  Baylen,  à  la  suite  de 
laquelle  Castannos  fit  capituler  un 
général  français  {voyez  Dupont- 
^e-l' Étang),  rediront  comment 
et  pourquoi  ce  général  espagnol 
obtint  dans  cette  aflaire,  une  ré- 
putation ,  plus  mesurée  peut- 
être  aux  avautages  dont  elle  fut 
pour  le  vainqueur,  qu'aux  difficul- 
tés qu'elle  a  dû  lui  offrir.  Nous 
allons,  en  attendant,  donner  à 
nos  contemporains  une  idée  du 
jugement  que  la  postérité  pourra 
porter  sur  Castannos,  d'après  di- 


CAS 

verses  biographies;  elles  s'expli- 
quent de  la  manière  suivante ,  sur 
le  compte  de  ce  général  :  •■'  Il  de- 
Dvint  Vassocié  et  Vérnule  de  gloi- 
rtre  de  Wellington,  et  déploya 
«surtout  des  talens  supérieurs 
»dans  la  fameuse  bataille  de  Vit- 
')toria.  ))  Ce  fut  cependant  immé- 
diatement après  cette  bataille  , 
que  la  régence  espagnole  retira 
toute  espèce  de  commandement 
à  Castannos,  et  lui  fit  échanger 
le  titre  de  capitaine  général,  con- 
tre celui  de  conseiller-d'état.  La 
conduite  de  Castannos  dans  cette 
occasion,  a  quelque  chose  de  re- 
marquable. C'est  que  ce  fut  d'a- 
bord au  général  anglais,  Welling- 
ton, qu'il  se  plaignit  de  la  dis- 
grâce qf 'il  venait  d'essuyer  de  la 
part  de  son  gouvernement,  et 
\Vellington  ne  manqua  pas  de 
gourmander  sévèrement  la  ré- 
gence espagnole,  en  écrivant  le 
5o  juin  i8i3  w  Qu'elle  avait  man- 
')qué  à  l'honneur  et  à  l'équité,  en 
»  destituant  un  général  qui  avait 
»  rendu  les  plus  grands  services  à 
))la  patrie.»  La  rentrée  de  Ferdi- 
nand VII  en  Espagne  vengea 
Castannos  de  cette  humiliation  ; 
il  fut  nommé  capitaine-général- 
commandant  de  la  Catalogne,  et 
le  26avrili8j5,  grand'croix  de 
l'ordre  de  Saint-Ferdinand.  Il  se 
démit  de  son  commandement  au 
mois  d'août  1816.  Castannos,  par- 
venu à  l'âge  de  78  ans,  est  au- 
jourd'hui dans  les  rangs  des  cons- 
titutionnels d'Espagne  :  ce  n'est 
pas  ce  qu'on  en  peut  dire  de 
moins  honorable.  Il  a  fait  brave- 
ment la  guerre  pour  l'indépen- 
dance de  son  pays.  11  a  droit 
au  respect  de  quiconque  aime  le 
sien. 


CAS 


«65 


CASTAIN  (de  l'ÛRNt),  fils  d'un 
ancien  médecin  de  Montpellier, 
et  maître  particulier  des  forêts  de 
Perseigne,  entra  au  conseil  des 
cinq-cents,  en  mars  1799.  M^"^* 
bre  de  la  commission  chargée  de 
présenter  les  lois  organiques  de 
l'administration  forestière  ,  il  fit 
plusieurs  rapports  sur  cette  ma- 
tière, et  s'opposa,  avec  succès, 
à  la  venais  des  coupes  extraordi- 
naires de  bois,  ordonnées  par  le 
directoire.  Il  proposa  des  mesu- 
res sagement  répressives,  contre 
la  licence  de  la  presse;  des  règlc- 
mens  relatifs  à  l'organisation  du 
notariat  ;  et  fit  supprimer  le  sup- 
plément d'indemnités  accordé 
aux  représentans  du  peuple.  A- 
près  le  18  brumaire  an  8,  il  passa 
au  corps  législatif,  en  sortit  en 
i8o5,  et  reprit  ses  fonctions  fo- 
restières. En  1806,  nommé  ins- 
pecteur principal  des  forêts,  il 
fut  bientôt  appelé  aux  fonctions 
d'iuspecteur-général,  qu'il  exer- 
ce encore  avec  autant  de  zèle  que 
de  talent. 

CASTEL  (Louis),  né  dans  le 
département  du  Lot,  membre  de 
la  légion-d'honneur,  reçu  doc- 
teur en  médecine,  en  i8o3,  a 
publié,  1°  une  thèse  latine  sur 
î'asthme  [de  asthmate);  a"  une 
critique  de  la  nosographie  du  pro- 
fesseur Pinel.  Cette  disertation  fit 
une  grande  sensation  à  l'époque 
où  elle  parut,  et  mérite  à  présent 
de  fixer  l'attention  d'une  maniè- 
re plus  particulière.  M.  Castel  est 
le  premier  médecin  qui  ail  émis 
l'opinion  si  remarquable,  qu'il 
n'y  a  point  de  fièvres  essentiel- 
les; 3"  il  a  publié  des  mémoires 
du  plus  grand  intérêt  sur  l'action 
du  cerveau,  sur  raliénation  mon- 


i66 


CAS 


tàle,  sur  le  typhus,  sur  la  mt- 
thodc  d'expectalion  appliquée  an 
CHtarrhe,  et  aux  maladies  aiguës 
de  la  poitrine,  sur  le  traitement 
des  fièyres  continues.  Plusieurs 
articles  insérés  dans  le  recueil 
périodique  delasociété  de  méde- 
cine ,  et  dans  le  journal  complé- 
mentaire des  sciences  médicales, 
ont  également  contribué  ù  lui 
donner  un  rang  distin^é  parmi 
nos  meilleurs  physiologues.  Nom- 
mé, en  1806,  médecin  de  l'hôpi- 
tal de  la  garde  impériale,  iM.  Cas- 
tel  y  a  laissé  les  plus  honorables 
souvenirs;  il  3'  avait  acquis  la  ré- 
putation d'un  habile  et  heureux 
praticien;  dans  la  campagne  de 
Russie;  il  a  perdu  par  la  congéla- 
tion plusieurs  doigts  de  la  main 
gauche;  déplacé  et  admis  à  la  re- 
traite, en  1816,  il  s'estabstenu  de 
toute  réclamation.  Il  était  loin  de 
croire  que  l'intrigue  politique 
qui  dominait  alors,  étendît  ses 
proscriptions  sur  ceux  qui  consa- 
craient si  noblement  leurs  jours 
au  soulagement  de  leurs  sembla- 
bles. Son  déplacement  lui  a  prou- 
vé qu'un  hôpital  n'était  pas  un  a- 
sile  :  une  nombreuse  clienlelle  le 
dédommage  de  l'injustice  qu'il  a 
éprouvée,  et  dont  il  ne  s'est  jamais 
plaint.  M.  Castel  est  de  la  secte 
des  stoïciens. 

CASTEL  (Réné-Richard),  Cih 
d'un  ancien  militaire,  et  neveu 
d'un  garde-du-corps,  est  né  à  Vi- 
re, déparlement  du  Calvados,  en 
ï  7.Î8.  Maire  de  cette  ville,  en  1791 
il  fut  nommé  membre  de  l'assem- 
blée législative,  où  il  vota  toujours 
dans  le  sens  des  opinions  consti- 
tutionnelles, dont  il  était  le  zéîé 
partisan,  tn  pressentiment  f5- 
cheuxj  ou  (Quelques  faax  rapports, 


CAS 

firent  supposer  à  Castel  que  des 
factieux  en  voulaient  aux  jours  de 
Louis  XVI,  et  qu'ils  devaient  exé- 
cuter leurs  projets  au  moment  de 
la  fédération,  célébrée  dans  le 
Champ-de-MarsIc  i/j  juillet  1702. 
C'était  le  jour  où  le  roi  devait  ju- 
rer, sur  l'autel  de  la  patrie,  fidé- 
lité à  la  constitution.  Castel  s'at- 
tacha constamment  à  la  personne 
de  ce  prince,  et  ne  le  perdit  ja- 
mais de  vue  pendant  toute  la  cé- 
rémonie, fermement  résolu,  dans 
un  cas  de  danger,  ù  sacrifier  sa  vie 
pour  sauver  celle  du  roi.  La  ses- 
sion de  l'assemblée  législative  ter- 
minée (septembre  1793),  Castel 
retourna  dans  le  Calvados,  où  il 
s'occupa  en  silence  des  ouvrages 
qu'il  a  depuis  publiés.  Lorsque  les 
troubles  révolutionnaires  furent 
apaisés,  il  revint  à  Paris,  et  fut 
nommé  professeur  de  belles-let-» 
très  au  lycée  impérial.  Il  parta- 
geait cette  chaire  avec  M.  Luce  : 
celui-ci  enseignait  l'éloquence, 
et  Castel  la  poésie.  Après  avoir 
professé  ainsi  pendant  dix  ans, 
à  la  satisfaction  d'un  nombreux 
concours  d'élèves  distingués.  Cas- 
tel  reçut  le  prix  de  ses  services 
par  sa  nomination  d'inspecteur- 
général  de  l'université.  Les  bas- 
ses manœuvres  de  quelques  intri- 
gans  lui  firent  perdre  cette  place 
immédiatement  après  le  retour  de 
Louis  XVIII  en  France.  L'améni- 
té des  mœurs,  les  talens  et  l'ama- 
bilité de  cet  homme  de  lettres  mé- 
ritaient plus  d'égards.  La  Bio- 
graphie des  hommes  vivans  de 
Michaud  et  celle  de  Bruxelles  di- 
sent que  M.  Castel  est  actuelle- 
ment inspecteur  des  études  à  Pa- 
ris, et  inspecteur  des  écoles  roya- 
les militaires  :  le  fait  est  qu'il  n'a 


CAS 

jamais  eu  )e  premier  de  ces  em- 
plois, et  que  depuis  long- temps 
il  jouit  d'une  pension  de  retraite 
en  échange  du  second.  Castel  a 

f»ublic  le  poëme  îles  Fiantes,  ce- 
uide  la  Fo/vt  de  Fontainebleau, 
un  p^oyage  de  Paris  à  Crevi  en 
Chablais,  un  Discours  sur  la  gloi-^ 
re littéraire,  prononcé  devant  l'u- 
niversité en  avril  1809,  et  {'His- 
toire naturelle  de  Bujffon,  classée 
d'après  le  système  de  Linnée  :  il 
n'est  point  de  l'institut.  On  attri- 
bue à  Castel,  dans  les  deux  Bio- 
graphies que  nous  venons  de  ci- 
ter, un  opéra  du  Prince  de  Cata- 
ne  dont  il  n'est  point  l'auteur: 
Cuique  suum . 

CASTEL  (PitBRE),  né  à  Colo- 
gne en  178G,  s'adonna  de  bonne 
heure  A  la  botanique  11  vint  ache- 
ver ees  études  au  Jardin-des-Plan- 
tes  ;\  Paris,  se  fit  recevoir  docteur 
en  médecine,  et  retourna  à  Colo- 
gne, oi'i  il  professa  quelque  teuips 
l'histoire  naturelle.  Quand  les 
Pays-Bas  ont  été  érigés  en  royau- 
me, on  a  voulu  y  former  trois  u- 
niversités,  parce  qu'il  en  existait 
trois  en  Hollande;  on  y  a  créé  des 
chaires  de  toute  espèce,  et  riche- 
ment doté  les  professeurs  i'«  Lou- 
vain,  Liège  et  Gand.  Les  avanta- 
ges qu'on  y  faisait  décidèrent  plu- 
sieurs savans  de  France  à  deman- 
der ces  places,  il  est  inutile  de  les 
Citer;  mais  dans  ce  nombre,  il  en 
était  de  célèbres,  connus  prtr  des 
ouvrage»  estimés.  On  ne  répondit 

fas  à  une  seule  de  leurs  demandes. 
I  fut  arrPté  qu'on  professerait  seu- 
lemenien  latin,  en  aitcndaiitqu'au 
bout  de  trois  ans  on  professât  en 
hollandais.  On  choisit  comme  on 
put  dans  les  éèoles  d'AlIcmagn^e, 
de  sorte  que  des  gan;ons  opothl- 


CAS  167 

caires  furent  placés  pour  Ihistoi- 
re  naturelle,  à  Liège  particuliè- 
rement. Il  y  en  avait  qui  ne  sa- 
vaient pas  le  premier  mot  de  ce 
qu'ils  enseignaient,  qui  l'appre- 
naient à  mesure  et  le  répétaient 
en  latin  tudesque.  Castel,  des 
frontières  du  Rhin,  fut  préféré 
pour  la  botanique  à  l'un  des  hom- 
mes  les  plus  forts  de  France.  Ln  dé- 
cret du  roi  des  Pays-Bas  le  nomma 
professeur  à  l'université  de  Gand. 
Il  y  a  enseigné  pendant  trois  ans 
dans  le  système  le  plus  abstrait  et 
le  plus  faux  que  jamais  homme 
ait  inventé.  On  peut  en  jugerpar 
l'ouvrage  qu'il  a  publié  en  1820, 
intitulé  Morpiionomie  végétalCf 
Dans  cette  bizarre  production, 
que  l'auteur  disait  être  le  fruit  da 
travail  de  toute  sa  vie,  on  trouve 
qu'avec  un  petit  nombre  de  signes 
linéaires,  on  peut  décrire  et  faire 
connaître  totis  les  végétaux,  com- 
me avec  les  signes  algébriques  on 
arrive  aux  plus  grands  résultats. 
Lu  latin  barbare,  des  figures  inin- 
telligibles complètent  l'absurdité 
de  cette  production,  à  laquelle  ce- 
pendant le  gouvernement  et  les 
journaux  belges  ont  accordé  les 
plus  grands  éloges.  Grâces  à  ce« 
folies,  Castel  allait  en  Belgique 
détrôner  Linné  et  faire  oublier 
.lussieu,  quand  la  mort  l'a  frappé 
au  con»mencement  de  1821.  11a- 
vait  annoncé  une  édition  de  lâ 
Phitosophid  ùotanica  qui  n'a 
point  paru. 

CASTELBA.IAC  (Marif-Bar- 

TlltlBT«Y,    VICOM7K    DE),   est   Oè    le 

i"juin  1776.  Les  lecteurs,  curieux 
de  détails  doi|iestlques,  peuteut 
consulter  une  autre  Biographie, 
s'ils  tiennent  h  savoir  conunen* 
fut  élevé  M.  le  vicortle  de  Cas^ 


i68 


CAS 


lelbajac,  comment  s'appelait  son 
institutrice,  et  par  quels  soins  on 
fit  germer  dans  son  cœur  les  prin- 
cipes de  la  piété.  Nous  nous  con- 
tenterons de  dire  qu'il  cmigra  pen- 
dant la  révolution,  servit  dans 
l'armée  de  Condé,  et  revint  en 
i8i5  siéger  à  la  chambre  des  dépu- 
tés pour  le  département  du  Ger». 
Son  premier  acte  politique  fut  u- 
ne  réclamation  un  peu  violente 
en  faveur  des  donations  à  faire  au 
clergé.  Il  interrogea  les  prisons, 
les  déserts,  le  soleil,  la  terre  et 
l'univers,  pour  prouver  que  l'on 
devait  enrichir  les  ecclésiastiques. 
Élu  de  nouveau  en  1820,  il  n'a 
pa^  dévié  de  la  ligne  extra-cons- 
titiitionnelle  qu'il  paraît  s'être 
tracée;  mais  on  l'a  vu  dans  plu- 
sieurs circonstances  affecter  une 
eortede  loyauté  chevaleresque  en 
faveur  des  députés  du  côté  gau- 
che, que  la  majorité  s'obstinait  à 
ne  pas  laisser  parler.  Orateur  em- 
phatique, il  cache  avec  assez  d'art 
la  disette  de  ses  pensées  sous  l'a- 
bondance et  la  pompe  de  ses 
phrases;  et  ses  amis  s'étonnent 
que  ses  mouyemcns  les  plus  vé- 
hémens  ne  soient  jamais  parve- 
nus ù  émouvoir  l'assemblée.  Leur 
étonnement  cessera  peut-être  cet- 
te année,  car  iM.  de  Castelbajac 
Tient  d'être  réélu. 

CASTELCICALA  (D.  Fabricio- 
IVuffo,  PRINCE  de).  U  est  plusieurs 
routes  pour  arriver  à  la  célébrité; 
les  vertus  éminentes,  les  talens 
sublimes,  les  actions  héroïques, 
une  grande  fortune  ou  la  nature 
tle.seui|>loisque  l'on  a  occupés.  M. 
le  prince  Catelcicala  était,  en 
1792,  ambassadeur  de  Naples  à 
Lniidres;  il  y  reçut,  dit-on,  Tor- 
dit de  venir  ù  Paris  en  cette  mè- 


CAS 

me  qualité;  il  ne  nous  appartie'nt 
pas  de  décider  si  ce  furent  les 
événemens  ou  des  opinions  per- 
sonnelles qui  l'empêchèrent  de 
se  rendre  à  ce  nouveau  poste;  la 
vérité  est  qu'il  n'y  vintpas,  et  qu'il 
fut  rappelé  à  Naples,  où,  si  l'on  en 
croit  quelques  biographes,  il  diri* 
gea  secrclement  le  ministère  des 
relations  extérieures.  Ce  qu'il  y  a 
de  plus  certain,  c'est  qu'en  1796, 
M.  le  prince  de  Castelcicala  fit  par- 
tie d'une  espèce  de  tribunal  d'in- 
quisition politique,  créé  par  la  rei- 
ne et  le  ministre  Acton,  sous  le 
nom  àejunte  d'état  :  ce  tribunal  fit 
arrêter  et  retint  pendant  plusieurs 
années  dans  les  prisons  un  nom- 
bre considérable  de  citoyens,  et  en 
fit  périr  plusieurs.  Cette  junte  fut 
dissoute;  mais  bientôt  après  Na- 
ples duten  subir  une  seconde  plus 
terrible.  Simonti  et  Corradini , 
magistrats  honnêtes,  qui  avaient 
fait  partie  de  la  première,  furent 
écartés  de  la  seconde,  etremplacés 
par  des  hommes  tels  qu'un  Gui- 
dobaldl,  un  Vanni,  dont  les  noms 
sont  encore  en  horreur  parmi  les 
Napolitains.  Les  excès  de  cette 
junte  furent  portés  à  un  tel  de- 
gré que  le  ministre  Acton  lui- 
même  en  fut  effrayé.  Il  se  relira, 
et  céda  sa  place  au  prince  de  Cas- 
telcicala; cependant  Vanni,  prési- 
dent de  la  junte,  fut  enfin  sacrifié 
au  ressentimeet  de  la  nation,  et 
couvert  d'opprobre  et  de  sang, 
échappa  à  l'exécration  publique 
par  un  suicide  [i.ioy.  Vakni).  En 
1798,  Naples,  d'après  ses  traités 
avec  la  république  française,  gar-» 
daitla  neulralilé,  et  jouissait  de  la 
paix  extérieure  ;  mais  les  troupes 
françaises  en  Italie  se  trouvant 
considérablement  diminuées  \oxi* 


ÛAS 

cjue  la  nouvelle  du  désastre  d'A- 
boukyr  y  parvint,  le  cabinet  na- 
politain mit  en  question  le  main- 
tien des  traités  si  récemment  con- 
clus; et  dans  le  conseil  qui  fut  réu- 
ni pour  décider  cette  question,  le 
prince  Castelcicala  donna  sa  voix 
pour  la  guerre.  Cet  avis  prévalut, 
et  ne  tarda  pas  à  entraîner  la  rui- 
ne de  ceux  qui  l'avaient  impru- 
demment adopté  :  la  famille  roya- 
le fut  contrainte  de  se  retirer  en 
Sicile;  le  prince  Castelcicala  pré- 
sida à  son  embarquement,  et  prit 
la  fuite  avec  elle.  Après  être  resté 
environ  deux  années  en  Sicile,  il 
se  rendit  pour  la  seconde  fois  à 
Londres,  chargé  d'une  mission  se- 
crète auprès  du  prince -régent. 
Auretour  de  Louis  XVIII  en  Fran- 
ce, le  prince  de  Castelcicala  fut 
nommé  ambassadeur  de  Nnplesà 
Paris,  et  depuis  ce  temps  il  n'a  pas 
cessé  d'y  résider  en  cette  quali- 
*  té  ;  il  s'en  est  cependant  éloigné 
deux  fois;  la  première,  au  mois  de 
novembre  1816,  pour  aller  en 
Angleterre  offrir  des  complimens 
de  condoléance  au  prince-régent 
lorsqu'il  perdit  sa  fille,  la  princes- 
se Charlotte;  la  seconde,  pour  se 
rendre  au-devant  de  la  duchesse 
de  Berri,  aussitôt  qu'on  apprit 
son  débarquement  sur  les  côtes 
de  la  Provence.  M.  le  prince  de 
Castelcicala  a  fait  preuve  de  pré- 
voyance dans  une  circonstance 
assez  diflTicile  :  le  8  août  1820  le 
roi  Ferdinand  IV  le  nomma  son 
ambassadeur  à  Madrid;  il  n'accep- 
ta point  celle  nomination.  Il  lui 
fut  prescrit  de  cesser  ses  fonctions 
près  de  la  cour  de  France;  il  con- 
tinua de  les  remplir,  il  fut  rappe- 
lé a  Napirs,  il  demeura  à  Paris; 
il  fut  destitué  de  droit,  il  resta 


CAS  iCg 

ambassadeur  de  fait. L'événement 
a  prouvé  que  dans  cette  circons- 
tance il  avait  bien  jugé  les  inten- 
tions et  apprécié  la  valeur  des  or- 
dres qui  lui  étaient  donnés.  Les  mis- 
sions ostensibles  ou  secrètes  que 
M.  le  prince  de  Castelcicala  a 
remplies,  ses  voyages,  les  heures 
de  ses  départs  et  de  ses  arrivées 
sont  indiquées  avec  beaucoup 
d'exactitude  dans  quelques  bio- 
graphies. Nous  y  avons  cherché 
les  actes  diplomatiques  de  cet 
ambassadeur,  mais  c'est  la  seule 
chose  qui  y  soit  omise;  nous  nous 
piquons  de  plus  d'exactitude  ;  à 
force  de  recherches,  nous  avons 
découvert  qu'outre  les  deux  dis- 
cours que  le  prince  de  Castelcicala 
prononça  devant  le  roi  de  France, 
à  l'occasion  du  jour  anniversaire 
de  sa  naissance,  il  a  négocié  et 
signé,  le  26  septembre  18.6,  un 
traité  de  commerce  et  de  naviga- 
tion entre  S.  M.  Britannique  et 
S.  M.  Sicilienne,  lequel  abolit 
ceux  de  Madrid  de  1667  et  d« 
171;"),  celui  d'Ulrecht  de  1715,  et 
réduit  de  dix  pour  cent  les  droits 
établis  sur  les  marchandises  an- 
glaises à  leur  entrée  dans  le  royau- 
me de  Naples. 

CASTEL-FRANCO  (le  prince 
de),  grand  d'Espagne,  etc.,  a  été 
colonel  des  gardes  W'alonnes,  et 
capitaine-général  des  armées  es- 
pagnoles. Le  prince  de  Castel- 
Franco  servit  tous  les  partis  et  ne 
fut  jamais  d'aucun.  Il  était  bon, 
aimable  et  généreux;  il  s'attachait 
aux  hommes  et  auxchose')  qui  lui 
semblaient  de  son  goOt,  et  lors- 
qu'il agissait,  il  était  [lersuadé 
qu'il  faisait  pour  le  mieux.  Il  é- 
tait  brave  à  la  guerre  ;  il  se  distin- 
gua au  siège  de  Gibraltar,  et  lors- 


170  CAS 

qu'en  1794  'l  eut  le  commande- 
ment de  l'armée  d'Arragon,  il  se 
conduisît  comme  un  oflicicr-gé- 
néral  de  mérite.  Quand  la  révo- 
lution précipita  Ferdinand  VIT  du 
trône,  pour  y  placer  Joseph  Bo- 
naparte, le  prince  de  Caslel-Fran- 
co  resta  quelque  temps  indécis 
sur  le  parti  qu'il  prendrait.  Na- 
poléon, par  un  décret  du  mois  de 
novembre  1808,  l'avait  déclaré 
ennemi  delà  France  et  de  l'Espa- 
gne; ce  qui  rendait  sa  position 
fort  embarassante.  Soit  qu'il  cé- 
dât alors  aux  circonstances,  soit 
qu'il  obéît  à  la  flexibilité  de  son 
caractère,  il  donna  une  pleine  et 
entière  adhésion  à  la  constitution 
de  Bayonne,  et  accepta  les  em- 
plois que  lui  conféra  le  roi  Jo- 
seph. Au  retour  de  Ferdinand  VII 
en  Espagne,  le  prince  de  Castel- 
Franco  se  trouva  dans  un  nouvel 
embarras ,  mais  de  puissans  amis 
et  son  nom  l'aidèrent  à  sortir  de 
cette  position;  le  roi  lui  rendit  le 
régiment  des  gardes  Walonnes  et 
son  rang  à  la  cour.  Il  n'en  jouit 
que  peu  de  temps,  et  mourut  gé- 
néralement regretté  dans  les  pre- 
miers jours  de  181 5. 

CASTELLAN  (A.  L.),  est  né  à 
Paris,  en  1772.  Son  père,  qui  é- 
tait  architecte,  voulant  qu'il  mar- 
chât sur  ses  traces ,  le  lanya  de 
bonne  heure  dans  la  carrière  des 
beaux-arts.  Le  jeune  Castellan 
partit  pour  Rome,  et  fit  des  pro- 
grès à  l'école  de  cette  ville.  Il 
voyagea  beaucoup  dans  la  Grèce 
ancienne  et  moderne  ,  et  ne  ren- 
tra en  France  qu'en  1808.  Il  y 
rapporta  un  portefeuille  rempli 
d'observations  intéressantes,  dont 
il  enrichit ,  à  cette  époque ,  les 
colonnes  du  Moniteur.  Il  fui  char- 


CAS 

gé,  pendant  quelque  temps,  d« 
rédiger,  dans  cette  feuille,  les  ar- 
ticles beaux-ans.  Ces  article», 
joints  aux  ouvrages  qu'il  publia, 
en  181 1  et  1812,  et  enfin  son  mé- 
moire intitulé:  tassai  d'un  pro- 
cédé d'eticaus  tique,  ou  de  pein- 
ture à  l'huile  d'olive,  sur  une  im- 
pression de  cire  ,  qu'il  fit  paraî- 
tre, en  avril  181 5,  lui  donnèrent 
un  rang  parmi  les  savans.  Caste!* 
lan  fut  nommé,  dans  le  même 
mois,  membre  libre  de  l'acadé- 
mie royale  des  beaux-aris.  Il  est 
également,  depuis  le  3  août  1816, 
m^mhve- a  m  a  leur  du  conseil  ho- 
noraire d'artistes  et  d'amateurs, 
que  le  roi  a  établi  près  du  ministè- 
re de  samaison.S.M.  luiaconféré, 
en  récompense  de  ses  talens  et  de 
ses  veilles,  la  décoration  de  la  lé- 
gion-d'honncur.  On  doit  k  Cas- 
tellan :  l' Lettres  sur  la  Morée  et 
les  lies  de  Cérigo  ,  Hydra  et  Zan- 
tc  ;  'i."  Lettres  sur  la  Grèce,  l'Hel- 
lespont  et  Constaniinople  ;  "S" Des- 
cription d'une  machine  propre  à 
puiser  de  l'eau,  en  usage  dans  le 
Levant;  l^" Mœurs  ,  usages  et  cos- 
tumes des  Ottomans ,  et  abrégé 
de  leur  histoire. 

CASTELLANE  (le  comte  Bo- 
niface-Lottis-Akdré  de)  est  né  le 
4  août  1758.  Sa  famille,  origi- 
naire de  Provence,  et  l'une  des 
plus  anciennes  de  cette  province, 
le  destina  de  bonne  heure  à  l'é- 
tat militaire  :  quand  la  révolu- 
tion éclata,  il  était  colonel  d'un 
régiment  de  cavalerie.  Député  de 
la  noblesse,  il  eut  he  courage  de 
se  réunir  au  tiers-état,  vota  pour 
la  liberté  des  cultes  ,  et  la  décla- 
ration des  droits  de  l'homme ,  et 
demanda  l'abolition  des  prisons 
d'état    (octobre  1789).   On  l'eu- 


CAS 

tendit  ensuite  proposer  des  me- 
sures contre  les  détentions  arbi- 
traires, et  s'opposer  i  l'exclusion 
des  membres  de  l'assemblée  ,  de 
toutes  fonctions  ministérielles.  Il 
fut  élu  secrétaire  en  février  1790; 
et  combatit,  le  27  du  même  mois , 
les  lois  portées  contre  l'émigra- 
tion. Nommé  maréchal-de-camp, 
en  mars  1 792,  il  donna  sa  démis- 
sion après  le  10  aoflt,  et  jeté  en 
prison,  ne  fut  sauvé  que  par  le 
9  thermidor,  qui  cependant  ne 
lui  rendit  pas  sa  liberté.  Il  ne  fut 
élargi  que  plusieurs  mois  après. 
Napoléon  le  nomma  préfet  des 
Basses-Pyrénées,  en  1802.  Le  ré- 
gime impérial  lui  fut  favorable. 
Successivement  candidat  au  sé- 
nat-conservateur, maître  des  re- 
quêtes ,  officier  de  la  légion- 
lï'honneur,  grand'croix  de  la  cou- 
ronne de  Bavière,  il  donna,  en 
181^,  son  adhésion  à  la  déchéan- 
ce de  l'empereur,  et  fut  nommé, 
par  le  roi,  chevalier  de  Saint- 
Louis,  et  commandant  de  la  lé- 
gion d'honneur.  Pendant  les  cent 
jours ,  il  protesta  contre  l'acte 
additionnel,  et  fut,  au  retour  de 
S.  M.,  nommé  pair  de  France, 
jtrésident  du  collège  électoral  des 
Basses-Pyrénées,  et  lieutenant- 
général  en  1816.  Cependant  ces 
diverses  faveurs  n'empêchèrent 
pas  tM.  (le  Castellane  de  suivre  la 
ligne  constitutionnelle.  Défen- 
seur, en  181  5,  de  l'inamovibilité 
des  juges;  en  1816,  de  la  liberté 
individuelle  et  de  la  liberté  de 
la  pres.se,  il  manifesta  dans  tou- 
tes» les  occasions  des  principe»  sa- 
gement libéraux. 

CASTKRA.  On  connaît  trois 
écrivains  de  ce  nom;  le  premier 
est  autcilr  d'un  fllanuei  des  i'cQ'^ 


CAé  17» 

les  primaires  et  des  écoles  secon- 
daires en  méthode  raisonnéepoitr 
enseigner  et  pour  étudier  l'art  dt 
lire,  vol.  in- 12.  Le  second  a  pu- 
blié un  Traité  de  la  navigation 
sous-marine,  et  les  Mémoires  dt 
la  Société  d'agriculture  de  la  lin- 
clielle.  Le  troisième,  et  le  plus 
connu  de  tous,  Jean  Casîeïja,  est 
né  en  1755.  Traducteur  extrême- 
meiit  laborieux,  il  a  donné  des 
versions  du  f^oyage  de  Bruce  aux 
sources  du  Nil,  en  Nubie  et  en 
Abyssinie,  5  vol.  in-S";  delà/  it 
du  capitaine  Cook  ,  par  Kippis, 
2  Yol.  in-8'  ;  du  F'oyage  de  lord 
Macartney,  en  Chine  et  en  Tar~ 
tarie,  publié  par  Staunion,  ;> 
vol.  in-8'';  de  la  Fie  de  Franklin, 
écrite  par  lui-même ,  suivie  de 
ses  œuvres  morales  et  littéraires , 
a  vol.  in-S";  de  l'ouvrage  def^V. 
Eton  ,  sur  l'empire  ottoman,  7. 
vol.  in-S";  du  Voyage  de  Mua*- 
go-Parc,  dans  l'intérieur  dé  l'^î- 
Jrique y  1  vol.  in-8*;  du  Voyage 
de  Brown ,  dans  la  Haute  et  la 
Basse-hgj'pte  ,  dans  le  DaiJ'our 
et  en  Syrie,  a  vol.  in-S";  de  la 
Relation  de  l'ambassade  anglai- 
se, envoyée  en  1 795  dans  le  royau' 
me  d' Ava  ,  ou  l'empire  des  Bir- 
mans, par  le  major  M.  Syntens, 
5  vol.  in-S";  de  la  Relation  de  l'am- 
bassade au  Thibet  et  au  Boutan, 
par  Turner,  2  vol.  in-8'';  de  Mé- 
langes d'histoire  et  de  statisti- 
que ,  sur  l'Inde ,  3  vol.  in  -  8*; 
d'un  Voyagi  dans  l'intérieur  de 
l' Amérique  septentrionale ,  par 
Mackensie ,  3  vol,  in  -  8";  d'ua 
Tableau  historique  et  politique 
du  commerce  des  pelleteries  dans 
le  Canada  f  depuis  1G08  jusqu'à 
nos  jours ,  par  le  même  auteur,  1 
vol.  10-8°;  d'un  Voyage  en  Chi- 


17a 


CAS 


ne,  par  Batww ,  3  vol.  in-S"; 
d'un  voyage  fait  par  l'ordre  de 
l'impéralrice  Catherine  II,  dans 
le  nord  de  la  Russie,  par  le  co- 
niodore  Billings,  2  vol.  in-S";  et 
d'un  roman  de  Marshall,  intitu- 
lé Edmond  et  Elconore,  ce  qui 
fait,  dans  l'espace  d'environ  quin- 
ze années,  près  de  quarante  vo- 
lumes. M.  Castera  a  coopéré,  en 
1775,  à  la  rédaction  du  Mercure 
de  France;  il  publia,  en  1785,  un 
recueil  d'odes.  Le  plus  célèbre  de 
ses  ouvrages,  est  V Histoire  de 
Catherine  II ,  impératrice  de  Rus- 
sie ,  en  3  volin-8°.  Dans  son  rap- 
port sur  les  livres  admis  au  con- 
cours pour  les  prix  décennaux , 
en  18 10,  l'institut  signala  cette 
histoire  comme  un  ouvrage  esti- 
mable, par  une  narration  élégan- 
te et  facile,  mais  en  même  temps 
comme  peu  exact  et  souvent  par- 
tial. Les  circonstances  politiques 
ont  dû  influer  sur  ce  jugement.  II 
est  difficile  de  justifier,  sous  le 
rapport  des  mœurs  ,  Catherine  , 
surnommée  la  Grande.  N'est-ce 
pas  assez  que,  par  l'avantage  de 
leur  position,  les  auteurs  de  ces 
grands  attentats  politiques  soient 
hors  de  l'atteinte  de  la  justice  con- 
temporaine, et  leur  mémoire  du 
moins  ne  doit-elle  pas  rester  justi- 
ciable de  la  postérité?     ' 

CASÏEX  (le  baron  Bertrand- 
Pierre),  lieutenant-général,  com- 
mandant de  la  légion-d'honneur, 
l'un  des  bons  et  brades  officiers- 
généraux  de  l'armée  française,  na- 
quit en  Languedoc  le  29  juin  1771, 
3a  carrière  militaire  commen- 
ça avec  la  révolution.  Entré  fort 
jeune  encore  comme  simple  sol- 
dat dans  le  7°""  régiment  de  chas- 
èeurs  à  cheval,  sa  bonne  condui- 


CAS 

te,  ses  talens,  le  poussèrent  suc- 
cessivement jusqu'au  grade  de  ma- 
jor. Les  brillantes  charges  qu'il 
exécuta  ;i  la  bataille  d'Iéna,  à  la 
tête  de  son  régiment,  l'ayant  fait 
remarquer,  Napoléon  le  nomma 
colonel  du  ao""  régiment  de  la 
même  arme,  où  il  venait  de  s'il- 
lustrer par  sa  bravoure.  Le  baron 
Castexne  se  distingua  pas  moins 
aux  batailles  d'Eylau  et  de  Fried- 
land;  ce  fut  là  qu'il  mérita  les  ti- 
tres d'officier  et  de  commandant 
de  la  légion-d'honnenr.  Nommé 
général  de  brigade  en  1808,  il 
donna  des  preuves  réitérées  de  sa 
valeur  dans  la  campagne  de  Rus- 
sie, en  1812,  notamment  à  Os- 
trowno  et  à  Polotsk.  Le  général 
Castex  rendit  de  nouveaux  servi- 
ces devant  Dresde,  les  26  et  27 
août  i8i3;  les  bulletins  d'alors  le 
signalèrent  de  la  manière  la  plus 
honorable.  Il  se  trouva  encore  à 
la  fameuse  journée  de  Leipsick, 
d'où,  après  avoir  vaillamment 
combattu,  il  se  retira  sur  Anvers. 
Il  défendit  vivement  les  abords 
de  cette  place  contre  la  cavalerie 
ennemie,  jusqu'au  moment  où  il 
fut  contraint  de  s'y  renfermer. 
Castex  rentra  en  France  avec  la 
garnison  d'Anvers;  il  ne  fut  point 
compris  dans  le  nombre  des  géné- 
raux employés  par  Louis  XVIII, 
il  en  reçut  néanmoins  la  croix  de 
Saint- Louis.  Lorsque  Napoléon 
reparut  en  181 5,  lelieutenant-gé- 
ral  Castex  eut  le  commandement 
d'une  division  du  corps  d'armée 
du  Jura  sous  les  ordres  de  Le- 
courbe  :  il  établit  son  quartier- 
général  dans  la  petite  ville  de 
Miiihausen.  Le  général  Castex 
commande  depuis  trois  ans  le  dé- 
parlement du  Haut-Rhin. 


CAS 

CASTI  (Jeah-Baptiste).  Après 
avoir  fait  ses  études  au  séminaire 
de  Montefiascone,  il  y  fut  profes- 
seur, et  il  ne  tarda  pas  A  T-tre 
nominé  chanoine  de  la  cathédra- 
le de  cette  ville.  Dans  un  voyage 
à  Florence,  il  se  lia  étroitement 
avec  le   duc  de  Rosemberg ,   le 
gouverneur  du  prince  Léopold, 
qui  fut  depuis  empereur  d'Autri- 
che. Cette  circonstance  engagea 
l'abbé  Casti  à  se  rendre  à  Vienne, 
oàl'empcreur  Joseph  II  l'accneil- 
lit  honorablement,  et  l'admit  plu- 
sieurs fois  à  des  entretiens  parti- 
culiers. L'abbé  Casti  songeait  peu 
à  s'élever,  mais  il  était  jaloux  de 
s'instruire;  il  profila  de  la  faveur 
que  lui  obtenait  déjà  son  mérite 
pour    visiter   diverses   cours   de 
l'Europe.  Sans  fonctions,  sans  ti- 
tres particuliers,  il  y  était  intro- 
duit comme  attaché  à  raraba>sa- 
de  de  Vienne.  Son  unique  inten- 
tion était  d'étudier  les  hommes, 
d'observer  les  intrigues  des  cour- 
tisans, et  les  tristes  ressorts  de  la 
politiqiie  des  cabinets  :  il  rassem- 
blait ainsi  les  matériaux  du  poè- 
me qui  a  fait  sa  célébrité.  Après 
avoir  vu,  entre  autres  cours,  cel- 
les de  Pétersbourg  et  de  Berlin, 
et  même  le  divan;  après  avoir  re- 
pu de  Catherine  II  des  témoigna- 
ges d'estime,  il  revint  à  Vienne, 
où  le  duc  de  Rosemberg  obtint 
pour  lui  une  place  qui  existait  a- 
iors,  et  qui  donnait  un  titre  bi- 
zarre, celui  de  poète  de  l'empe- 
reur. Poêla  Cfinreo.  Casti  suc- 
cédait à  Métastase.  Après  la  mort 
de  Joseph  II,   il  dctr>anda  sa  re- 
traite; il  se  retira  à  Florence,  où 
il  commença  .«-on  grand  poënje , 
<"t  acheva  ur»e  partie  de  ses  autres 
ouvrages.  En  1798,  il  vint  ù  Pa- 


CAS 


1^3 


ris,  où  il  termina  sa  carrière,  cinq 
ans  après,  à  l'âge  de  82  ans.  Il  ne 
ressentait  aucune  des  infirmités 
que  donne  ordinairement  la  vieil- 
lesse; mais  un  jour,  au  sortir  du 
dîner,  il  fut  saisi  par  le  froid,  et 
frappé  d'une  attaque  subite  à  la- 
quelle il  succomba.  Doué  des  qua- 
lités les  plus  précieuses,  il  fut  re- 
gretté de  tous  ceux  qui  avaient  eu 
avec  lui  quelque  liaison.  Une  par- 
faite connaissance  du  monde  a- 
joutait  à  l'amabilité  de  son  esprit 
malin  et  de  son  caractère  exempt 
de  fiel.  Vive,  animée,  spirituelle, 
sa  conversation  faisait  les  délices 
de  la  société.  Dans  un  âge  avan- 
cé, il  conservait  l'activité  ou  mê- 
me la  chaleur  de  la  jeunesse,  et 
lorsqu'il  travaillait,  il  avait  enco- 
re besoin  de  recoui'ir  àdes  moyens 
artificiels  pour  calmer  le  feu  de 
son  im.'igination.  Il  publia  ù  Paris, 
en  l'an  10,  son  principal  ouvra- 
ge, le  poëme  des  Animaux  par- 
lans,  qui  est  surtout  remarquable 
parunegrande  indépendance  d'es- 
prit. Des  réflexions  profondes  s'y 
cachent  sous  un  badinage  agréa- 
ble et  soutenu,  mais  que  des  criti- 
ques d'une  gravité  sévère  doivent 
trouver  licencieux.  Tantôt  noble 
et  élevé,  tantôt  simple  jusqu'à  la 
familiarité,  le  style  en  est  toujours 
convenable  au  sujet.  Les  vices  et 
les  ridicules  y  sont  points  avec 
une  force  et  une  vérité  à  laquel- 
le se  joint  le  charme  d'ime  versi- 
fication   facile  et   brillante.    Les 
complaisans   du   pouvoir   absolu 
n'y  sont  pas  épargnés,  et  l'impru- 
dence des  démagogues  n'y  est  pas 
traitée  avec  beaucoup  plus  de  mé- 
nagement. Les  principes  de  l'au- 
teur sont  libres,  mais  sages;  c'est 
UD  républicanisme  sans  passioQ 


»/-4 


CAS 


comme  sans  préjugés.  La  Décade 
philosophique  a  donné  une  tra- 
duction en  vers,  attrihuéc  à  M. 
Andrieux,  de  quelques  fragmens 
de  ce  poëme;  et  en  i8i8,  M,  Pa- 
ganel  l'a  publié,  traduit  en  prose, 
Liège,  3  vol.  in-i8.  Des  autres 
ouvrages  de  Casti,  le  plus  impor- 
tant est  un  recueil  de  Nouvcllts. 
L'édition  la  plus  complète  en  ren  - 
ferme  quarante -huit;  c'est  celle 
qu'on  fit  à  Paris ,  en  trois  volu- 
mes, un  an  après  la  mort  de  l'au- 
teur. On  remarque  surtout  parmi 
ces  nouvelles  :  VApotliéose,  la 
Papesse  et  VOris^ine  de  Rome.  La 
verve  et  l'originalité  distinguent 
gêné  ralementces  compositions;  le 
mélange  des  idées  philosophiques 
et  des  peintures  les  plus  libres 
leur  donne  beaucoup  d'analogie 
avec  quelques-uns  des  contes  de 
"Voltaire.  Casti  a  fait  un  poëme  sa- 
tyrique  en  douze  chants,  sous  le 
titre  de  Poema  l  artaro;'\\  l'a  com- 
posé à  son  retour  de  Russie,  et  la 
cour  de  Catherine  en  a  fourni  le 
sujet.  On  a  aussi  de  lui  trois  opé- 
ras bouffons  :  le  roi  Théodore  à 
Venise  rappelle  un  épisode  de 
l'Optimiste  de  Voltaire,  et  effecti- 
vement il  en  est  tiré  :  c'est  Joseph 
II  qui  l'avait  indiqué.  Secondé 
par  la  musique  de  Paesiello,  cet 
ouvrage,  dont  ce  n'est  pas  le  seul 
mérite,  a  eu  beaucoup  de  succès 
en  France.  La  Conjuration  de 
Catilina.  est  le  second  sujet  bouf- 
fon destiné  par  Casti  à  la  scène 
lyrique;  le  Quousque  tandem  de 
Cicéron  ne  paraissait  pas  absolu- 
ment plaisant,  et  toutefois  il  a  four- 
ni il  l'auteur  des  incidens  pleins 
tle  gaieté  jusqu'à  la  fin  de  la  piè- 
ce. Le  dernier  de  ces  trois  opéras 
«sf  la  Grotte  de  Tropkonius.  Casti 


CAS 

a  laissé  de  plus  quatre  apologues, 
ou  petits  poëmes,  qu'on  a  impri- 
més à  la  suite  des  animaux  par- 
lant; un  recueil  de  poésies  lyri- 
ques ,  ou  de  rimes  anacréonti- 
ques;  enfin  quelques  ouvrages  iné- 
dits qu'on  croit  en  dépôt  dans  les 
mains  d'un  ami  de  ce  poète  ingé- 
nieux. 

CASTILHON  (Jeah  et  Jeib- 
Louis),  frères,  nés  à  Toulouse, 
de  1718  à  1720.  Tous  deux  avo- 
cats et  membres  de  l'académie  des 
jeux  floraux,  ont  enrichi  la  litté- 
rature française  d'un  grand  nom- 
bre d'ouvrages.  Le  premier  a  pu- 
blié, sous  le  voile  de  l'anonyme, 
la  Bibliothèque  bleue  ,  le  Specta- 
teur français,  et  précis  histori- 
que de  la  vie  de  Marie-Thérèse. 
Il  a  travaillé  avec  son  frère  au 
Journal  encyclopédique  et  au 
Journal  de  Trévoux,  et  a  été 
l'un  des  auteurs  du  Nécrologe 
des  hommes  célèbres  de  France. 
Il  mourut  en  1799.  Son  frère  , 
Jean-Louis,  a  publié  avec  d'au- 
tres auteurs,  le  Dictionnaire  uni- 
versel des  sciences  morale ,  éco- 
nomique ,  politique  et  diplomati- 
que. Il  a  coopéré  à  la  traduction 
de  l'Histoire  uuiverselle,  par  une 
société  de  gens  de  lettres .  et  a 
fourni  beaucoup  d'articles  au  sup- 
plément de  V tincyclopédie.  Cet 
écrivain,  philosophe  et  laborieux, 
dont  l'érudition  embrassait  plu- 
sieurs genres,  est  l'auteur  des^*- 
sais  sur  les  erreurs  et  les  supersti- 
tions ;  de  V Histoire  générale  des 
dogmes  et  opinions  philosoplù- 
ques, depuis  les  plus  anciens  temps 
jusqu'à  nos  jours  ;  il  a  imité  Plu- 
tarque  dans  des  essais  de  philo- 
sophie et  de  morale;  il  a  composé, 
d'après  l'ouvrage  d'Espiar  de  La- 


CAS 

borde,  intitulé  de  l'Esprit  des  na- 
tions,  les  Considérations  sur  les 
causes  physiques  et  morales  de 
la  diversité,  du  génie  des  mœurs, 
et  du  gouvernement  des  nations. 
La  plume  féconde  et  variée  de 
Jean -Louis  Casliihon  à  ép^ale- 
luent  produit  un  lonum  intitulé 
Hingha ,  reine  d'Angola  ,  histoi- 
re africaine;  et  enfin  les  derniè- 
res révolutions  du  globe.,  ou  Con- 
jectures physiques  sur  les  trem- 
blement de  terre  ,  et  sur  la  'vrai- 
semblance du  leur  cessation  pro- 
chaine. 

CASTILHON  (Pierre),  négo- 
ciant à  Cette,  fut  nommé,  en 
1793,  député  à  la  convention  na- 
tionale ,  par  le  département  de 
THérault.  Il  vota,  dans  le  procès 
de  Louis  XVI,  pour  la  réclusion 
et  le  bannissement  à  la  paix.  Il 
traversa  les  temps  orageux  qui 
suivirent  la  mort  du  roi,  en  se 
rendant  utile  dans  les  comités, 
où  il  s'occupait  plus  particulière- 
ment d'économie  politique.  Cas- 
tilhon  avait  des  connaissances 
dans  cette  partie ,  et ,  lors  de  la 
disette  de  1796,  il  fut  chargé  d'u- 
ne mission  importante  pour  les 
approvisionncmens  de  Paris.  De- 
venu membre  du  conseildes  cinq- 
cents,  il  eu  sortit  au  renouvelle- 
ment qui  eut  lieu  le  20  mai  1707, 
et  retourna  dans  ses  foyers ,  où  il 
se  livra  exclusivement  à  des  spé- 
cubliens  commerciales. 

CASTILLE  (lb  cheviuer  É- 
DOrAurj  de),  oflicicr  au  16""  régi- 
ment des  chasseurs  û  cheval.  Une 
action  vertueuse  au  sortir  de  l'en- 
fance ,  et  la  mort  des  braves,  ter- 
minant une  carrière  de  i()ans, 
méritent  à  ce  jeune  militaire  la 
place  que  nous  lui  donnons  dans 


CAS 


itS 


notre  biographie. Né  à  Beaucaire, 
le  27  juillet  1789,  Edouard  Cas- 
tille,  élève  du  prytanée  français  , 
avait  onze  ans,  lorsqu'un  de  ses 
catnarades  ,  savant  et  studieux, 
dont  le  père  était  mort  aux  ar- 
mées, et  qui  ne  pouvait  être  ad- 
mis au  prytanée,  faute  d'avoir  les 
moyens  de  fournir  son  trousseau, 
dut  aux  soins  ingénieux  du  jeune 
Castille,  la  possibilité  de  pour- 
voir à  cette  dépense.  Ce  dernier 
écrivit  au  consul  Lebrun,  auquel 
il  était  recommandé;  et  tout  en 
sollicitant  le  secret  le  plus  profond 
sur  l'objet  de  sa  démarche,  le  pria 
de  venir  au  secours  de  son  cama- 
rade; il  ajoutait  que,  si  cette  de- 
mande ne  pouvait  être  accueillie, 
il  ferait  vendre  une  portion  de 
ce  qu'il  possédait,  afin  de  procu- 
rer à  son  ami ,  pauvre  et  malheu- 
reux, le  trousseau  dont  il  avait 
besoin.  Non-seulement  la  lettre 
en  question  fut  favorablement  re- 
çue; mais  l'empereur  Napoléon  , 
qui  en  eut  connaissance  ,  voulut 
récompenser  le  jeune  Castille 
d'un  acte  de  bienfaisance  aussi 
louable,  en  l'admettant  au  nombre 
de  ses  pages.  Au  mois  d'octobre 
1807,  il  fut  nommé  lieutenant 
dans  le  1"  régiment  de  chasseurs 
à  cheval,  et  servait,  en  1809, 
dans  le  iC)"'  de  la  même  arme, 
lorsqu'il  fut  tué  d'un  coup  de  ca- 
non, à  la  bataille  d'l<Jssling,  avant 
d'avoir  atteint  sa  20""  année. 

CASTLEKEAGH  (Robert-Ste- 
WART  lord),  est  fils  du  comte 
de  Londondcrry  ;  il  est  né  en 
Irlande,  en  1769,  et  c'est  en 
grande  partie  à  l'entier  dévoue- 
ment avec  lequel  il  exécuta  len 
desseins  du  gouvernement  an- 
glais sur  G(>  malheureux  pays , 


176 


CAS 


qu'il  doit  les  titres  iioiribreux  dont 
son  nom  est  acoompa^iiù.  le  pou- 
voir dont  il  est  investi,  la  re- 
nommée europceiuie  de  ses  ta- 
lens  diplomatifjiies,  et  le  crédit 
sans  bornes  dont  il  jouit  à  sa  cour. 
Ses  fonctions  ministérielles  em- 
brassent ou  atteignent  sous  diffé- 
rentes dénominations  ,  le  com- 
merce ,  les  colonies,  les  affaires 
étrangères,  la  marine  et  les  finan- 
ces; il  est,  pour  ainsi  dire  ,  vivant 
dans  toutes  les  branches  de  l'admi- 
nistration. 3o,ooo  livres  sterling, 
distribuées  a  propos,  le  firent  éli- 
re, à  21  ans,  membre  de  cette 
chambre  des  communes,  qu'un 
assez  bon  plaisant  de  l'opposition 
qui  a  trouvé  beaucoup  d'échos, 
appelle  aujourd'hui  [house  to  be 
sold)  maison  à  vendre.  Ce  jeune 
orateur  débuta,  selon  l'usage,  par 
un  discours  patriotique  et  popu- 
laire; il  défendit,  ainsi  que  Grat- 
tan  et  les  autres  orateurs  irlan- 
dais ,  le  droit  incontestable  qu'a 
l'Irlande,  de  trafiquer  avec  les 
Grandes-Indes.  Une  éloquence 
verbeuse ,  où  de  longues  péri- 
phrases revêtent  pompeusement 
une  maigre  série  de  pensées; 
mais  d'un  autre  côté  ,  le  talent 
si  précieux,  pour  le  ministère,  de 
ne  montrer  son  opinion  qu'à  tra- 
vers un  jour  mystérieux,  où  elle 
peut  recevoir  différentes  formes, 
appelèrent  sur  cet  orateur  adroit 
et  disert,  l'attention  des  hom- 
mes d'état ,  habiles  à  recruter 
pour  le  séminaire  ministériel 
Lord  Castlereagh  se  trouva  bien- 
tôt enrôlé  parmi  les  troupes  par- 
lementaires que  le  gouvernement 
tient  toujours  en  réserve,  pour 
comprimer  les  mouvemens  de 
i'Irlande.  Des  mesures  d'une  é- 


CAS 

pouvantable  rigueur,  qui  sou- 
vent ont  été  qualifiées  d'atroces, 
au  sein  même  des  deux  chambres, 
furent  proposées  ,  et  appuyées 
par  l'Irlandais  Castlereagh,  avec 
une  ardeur  qui  étonna  le  minis- 
tère lui-même.  Depuis  ce  temps, 
le  noble  lord  ne  parut  plus  oc- 
cupé que  du  soin  d'expier  son 
origine,  en  s'armant  contre  ses 
compatriotes  du  glaive  de  la  jus- 
tice anglaise,  qu'il  promena  lui- 
même  sur  cette  terre  infortunée, 
où  il  avait  reçu  le  jour,  et  où  tant 
de  barbarie  et  d'iniquités  signa- 
lent sans  cesse  une  affreuse  op- 
pression. Toujours  gouvernée  par 
la  haine  et  par  le  mépris,  cette 
contrée  si  misérable,  et  pourtant 
plus  féconde  en  grands  hommes 
que  le  reste  de  l'Angleterre,  était 
passée  des  mains  du  furieux  Lake, 
dans  celles  du  stupide  Cambden, 
lorsqu'elle  fut  enfin  soumise  à  un 
homme  implacable,  mais  habi- 
le; sévère,  mais  adroit,  profond 
et  dissimulé  :  c'était  lord  Castle- 
reagh ;  il  triompha  au  milieu  du 
sang,  mais  son  triomphe  fut  com- 
plet, et  toute  l'amertume  dont  la 
clameur  publique  dut  empoison- 
ner sa  victoire,  ne  l'empêcha  pas 
de  poursuivre  sa  carrière.  En  vain 
il  s'entendit  accuser  en  plein  par- 
lement, d'avoir  donné  un  bal 
dans  son  palais  de  gouverneur, 
pendant  que  les  cris  des  malheu- 
reux qui  passaient  par  les  ver- 
ges, se  mêlaient  au  son  des  ins- 
trumens,  comme  si  le  supplice  de 
quelques  Irlandais  unis  ne  de- 
vait pas  être  un  motif  de  réjouis- 
sance de  plus  pour  une  réunion 
de  bons  et  fidèles  Anglais,  et 
pour  un  agent  de  l'autorité,  qui 
n'a  jamais  eu  qu'un  but,  l'agran» 


'       CAS  CAS                  1-7 

dissement  du  pouvoir  qu'il  sert,  téiieux,  où  il  se  cache  et  se  inon- 
Quoiqu'il  en  soit,  ce  lurd  iilan-  tre  par  intervalle,  coimne  la  uia- 
duis,  en  réunissant,  peu  de  temps  tière  électrique  au  sein  des  nua- 
aprés  son  bal  patriotique,  llrlaa-  ges.  Modèle  achevé  de  la  politi- 
de  à  l'Angleterre,  a  de  l'ait  annulé  que  anj^laise,  il  a  su  conserver 
l'existence  politique  de  celte  île  ,  cette  impassible  froideur,  celte 
digne  d'un  nieilleursort.  En  vain  philanlhropie  de  circonstances, 
des  milliers  de  voix  s'élevèrent-  et  celle  réserve  si  favorable  aux 
elles  pour  maudire  l'auteurde  cet-  ménageiuens  qu"il  faut  toujours 
te  usurpation;  en  vain  l'honora-  garder  avec  l'avenir.  A  la  prtMViiè- 
ble  Plunket  termina-t-il  un  de  re  déchéance  de  INapoléonJ,  il  re- 
ses  discours  par  ce  morceau  plein  fusa  obstinément  d'accéder  aux 
d'une  éloquence  toute  palrioti-  arliclesqui  lui  conservaient  le  ti- 
que: «Ma  vieillesse, du  moins,  se-  Ire  d'empereur,  et  un  traitement 
oraexemptede  cette aifreusecons-  digne  dece titre  :  il  nesigna,  com- 
"cicnce,  d'avoirlâchement  aban-  me  plénipotentiaire,  le  traité  qui 
«donné,  d'avoir  vendu  à  beaux  contenait  ces  danses,  que  lors- 
»  deniers  comptans,  les  libertés  qu'il  vit  qu'on  était  résolu  à  se 
"de  ma  terre  natale.  Messieurs,  passor  de  sa  signature.  Décidé  à 
»la  main  sur lecœur, pouvez-vous  abandonner  riritérrt  des  Ulancs, 
otous  faire  la  même  déclaration,  an  congrès  de  Vit-nne  ,  on  le  vit, 
»Ah!  pour  votre  bonheur,  je  l'es-  par  compensation  envers  l'iuima- 
»  père  du  moins,  l'horrem- de  vos  nilé,  embj-a^ser  la  cause  des  Né- 
•  fimciloyens  ne  vous  poursuivra  grès,  cl  demander  avec  inslanco 
»  pas  à  travers  la  vie;  les  malédic-  1  abolition  de  la  traite.' il  vint  en- 
"lions  de  vos  enfans  n'iront  pas  suite  étaler  à  Paris  le  modeste or- 
»  troubler  le  repos  de  votre  lom-  gueil  de  ses  trium|jhes  diploma- 
/)be;»et  en  prononçant  ces  mots,  tiques.  Le  retour  de  l'i-mpereur, 
il  semblait  imprimer,  d'un  re-  qu'il  avait  prédit,  augmenta  pro- 
gurd,  le  sceau  de  cette  malédic-  digieusemcnl  >on  intlumce  dans 
tion  -sur  le  front  du  mini>tre.  le  conseil  des  princes,  coalisés  de 
Cette  union  mortelle,  qui  forçait  nouveau  contre  Napoléon;  le  mi- 
rirlatide  d'abdiquer  ju.>.qu'à  son  nistre  anglais  contribua  puissam- 
nom  de  peuple,  lut  consommée  à  ment  à  organiser  el  à  presser  la 
force  d'argent,  de  lois,  de  puni-  marchedel  Europe  entière  contre 
lions,  et,  il  faut  bien  le  dire,  la  France,  à  laquelle  on  donnait 
à  force  de  talens  politiques.  Cas-  le  nom  de  l'homme  que  l'on  vou- 
tlereagh  vil  sa  faveur  s'en  accroi-  lait  détruire.  Après  la  bataille  de 
tre;  et  dans  ces  changemens  de  ^Vatel•loo,  Castlereagh  reparut 
décorations  ministérielles,  dont  dans  les  murs  de  Paris,  et  s'yoc- 
le  gouvernement  anglais  donne  cupa  courageusement  de  la  spo- 
si  souvent  lu  spectacle, il  reparut  liation  du  Muséum,  dont  il  lit  un 
toujours  sous  une  forme  ou  sons  objet  de  négociation  avec  le  pape, 
ufie  autre.  Il  ne  connnença  qu'en  qui  ne  marchanda  pas  sur  le  droit 
i8iôsi»n  rôle  de  ])lénipotentiai-  de  courtage.  Le  monde  chrétien 
re,  qu'il  joua  avec  cet  celai  mys-  aduiiru  la  proloudcur  des  desseins 


17$  CAS 

de  la  providence,  en  voyaol  1« 
successeur  de  Saint-Pierre  com' 
hier  de  ses  dons  et  de  ses  faveurs 
un  diplomate  prolestant,  et  celui- 
ci,  instruit  par  Luther  à  ne  voir 
dans  le  pape  que  l'ante-christ , 
réclamer  aux  genoux  du  Saint- 
Père  le  prix  des  services  qu'il 
lui  avait  rendus.  Nous  avons  cru 
pouvoir  omettre  dans  cette  noti- 
ce tout  ce  qui  tient  à  des  intri- 
gues secrètes  de  cabinets,  où  l'ac- 
tivité de  ce  ministre  s'est  plutôt 
lait  scïitir  qu'elle  ne  s'est  mon- 
trée. Dans  ce  mystérieux  dédale , 
le  biographe  qui  peut  craindre  de 
perdre  le  fil  de  la  vérité,  doit  se 
borner  à  juger  les  faits  authenti- 
ques, sans  pousser  plus  loin  une 
investigation  qui  n'est  permise 
qu'à  la  postérité,  qui  n'est  tenue  à 
aucun  égai'd  envers  les  morts.  Le 
nombre  des  discours  imprimés 
de  lord  Cas^tiereagh  est  très-con- 
sidérable, et  bien  peu  sont  dignes 
de  cet  honneur  :  des  biographes 
d'hommes  vivansj  qui  sans  doute 
tiennent  compte  à  ce  ministre  an- 
glais de  tous  les  maux  qu'il  a 
faits  à  la  France ,  ont  poussé  la 
recoanaissarjcc  jusqu'à  le  com- 
parer, pour  l'éloquence  parl«- 
meutaLi^e,  à  lordChatam,  à  son 
fils,  et  à  Fox  lui-même.  Nous  ne 
nous  amusons  pas  à  réfutei*  ce  lâ- 
che et  impertinent  éloge,  dont  les 
ministres  anglais  eux-mêmes  ont 
souri  de  dédain  et  de  pitié  ;  nous 
épargnerons  même  à  nos  lecteurs 
la  liste  .de  ces  fastidieuses  haran- 
gues, dont  il  est  douteux  qu'au- 
cune survive  à  la  circonstance  qui 
l'a  fait  naître  ;  et  nous  nous  bor- 
nerons à  donner  une  idée  de  l'ef- 
fet que  cet  orateur  produit  habi- 
tuellement dans  ia  ciiambre  où  il 


siège.  Quand  il  parle,  il  est  très- 
agréable  à  voir;  la  beauté  de  sa 
taille,  ses  manières  nobles,  sa 
douceur  apparente,  la  grûce  tem- 
pérée de  sou  élocution  facile  ,  lui 
concilient  souvent  ses  adversai- 
res les  plus  envenimés;  etcomme 
il  écoute  avec  attention  etrespcct, 
il  est  presque  toujours  écouté  a- 
vec  déférence  :  on  s'aperçoit  i 
peine  qu'il  pense  peu, que  sa  pro- 
nonciation est  aftectée ,  que  ses 
connaissances  sont  superficielles, 
et  que  l'énergie,  l'imagination  et 
la  simplicité  lui  manquent.  Lord 
Castlereagh  est  un  ministre  ha- 
bile ,  et  un  orateur  disert  :  on  ne 
saurait  ajouter  un  mot  à  cet  éloge, 
sans  outrager  la  vérité. 

CASTRIES  (CUABLES-EVCÈKE- 

Gabbiel,  uàaijvis  de),  maréchal 
de  France,  naquit  le  u5  février 
172'y.Offîcierdèsrâgede  i6ans,  il 
fil  les  campagnes  de  Flandre,  ^e 
trouva  au  siège  de  Maëstricht,  et 
obtint  le  ^rade  de  maréchal-de- 
camp.  Après  avoir  eu  un  com- 
mandement en  Corse  vers  1756,  il 
alla  servir  en  Allemagne,  sous  lé 
prince  de  Soubise,  et  fut  blessé 
à  la  bataille  de  Rosbach,  ee  qui 
ne  l'emipêcha  pas  de  continuer  à 
combattre  jusqu'à  la  fin  de  l'affai- 
re. En  1758,  il  fut  fait  lieutenant* 
général  pour  avoir  pris  d'asi^aut 
L»  ville  de  Saint-Gower,  et  fait 
prisonnière  la  garnison  du  c-hri- 
tcau  de  Rhinfelds.  Il  eut  part  en- 
suite à  divers  combats,  et  se  ren- 
dit maître,  en  17G0,  des  gorges  de 
Sladberg,  après  avoir  reçu  une 
nouvelle  hlessure.  Il  emporta  Té- 
pée  à  la  main  le  poste  de  Rhin- 
berg,  et  fil  lever  le  siège  tle  >Ve- 
sel.  Nommé  chevalier  des  ordre* 
du  roi,  il  *e  distingua  dane   le» 


GAS 

campagnes  de  1761  et  de  17G2, 
en  qualiijé  de  inaréch^l-général- 
de?-logisde  l'armée;  et  le  22  sep- 
tembre <^e  c^tte  dernière  année, 
U  reçut  encore  une  blessure  gra- 
ye  à  la  prise  du  cliâleau  d'Amonc- 
burg,  près  de  Marpurg.  Nommé 
successiveMient  coamiandant  en 
cbef  de  ^a  gendarmerie,  gouver- 
neur-général de  la  Flandre  et  du 
Ualnaut,  et  miui»tre  de  la  ii,iari- 
ne,  en  1780,  il  lut  promu,  en  1785, 
à  la  dignité  de  maréchal  de  Fran- 
ce. 11  émigra  au  commencement 
de  la  révolution,  et  se  retira  d'a- 
bor^  auprès  du  duc  de  Brunswick, 
qu'ilavoii  vaincu  à  Closter- Camp, 
Ireate  ans  auparavant.  Faisant 
partie  de  l'expédition  que  les  émi- 
grés et  les  Prussiens  tentèrent  si 
malheureusement,  en  1792,  par 
l'invasion  de  la  Champagne,  le 
maréchal  de  Caslries  avait  sous 
ses  ordres  une  division  ^Ic  l'armée 
dite  des  Princes.  Il  mourut  à 
"NVolfenbuttel,  le  1 1  janvier  1801, 
^ans  la  74"'  année  de  son  âge. 
Plus  brpve  militaire  qu'habile  mi- 
nistre, il  avait  montre  dans  ce 
dernier  poste  moins  de  talypt  que 
de  désintéressement etde  probité. 
CASTKIES  (Armasd-Cuarles- 
Acciisri.N,  orc  de),  pair  de  Fran- 
ce, fils  du  précédent,  combattit, 
avccle  grade  de  colonel,  pour  l'in- 
dépendance américaine.  De  re- 
tour en  France  il  fut  nommé,  en 
1789,  député  aux  états-généraux 
par  la  noble.sse  de  Paris.  Mais  parli- 
spn  ziélé  du  pouvoir  absolu  diins  sa 
patrie,  il  soutint  avec  opiniâtreté 
toutes  les prérogati  ves  de  l 'ancien- 
ne monarchie,  lui  qui,  dans  le 
iNouveau  Mor)de,avaitdél]endu  les 
principes  de  la  liberté,  et  répandji 
^Q  ifkag  pour^lle.  Le  contraste 


CAS 


••J^ 


des  nouTelles  opinions  du  duc  de 
Castries  avec  celles  du  comte 
Charles  de  Lameth,  son  ancien 
Aère  d'armes,  et  alors  son  collè- 
gue à  l'assemblée  nationale,  ame- 
na entre  eux  un  duel,  où  cet  am^i 
de  la  liberté  fut  blessé.  Le  lende- 
main, l'hôtel  de  Castries  fut  pillé 
jiar  le  peuple,  qui  voulut  venger 
ainsi  le  défenseur  de  ses  droits. 
A  coite  occasion  le  duc  de  Cas- 
tries écrivit  au  président  de  l'as- 
semblée qu'il  .^e  voyait  obligé  dp 
quitter  la  Francf-,  et  qu'il  atten- 
drait un  congé  à  Lausanne  eçi 
Suisse.  Au  mois  de  mars  1793. 
les  députés  Malouet  et  de  Lautrec 
firent  de  vains  efforts  pour  em- 
pècl)er  qu'il  ne  fût  porté  sur  lu 
liste  des  émigrés.  Vers  le  milieu 
de  i794i  le  duc  de  Caslries  orga- 
nisa, pour  le  compte  de  l'Angle- 
terre, un  corps  d'émigrés  fran- 
çais, qui  alla  servir  en  Portugal 
à  la  fin  de  l'année  suivante.  Ren- 
tré en  France,  i\  l'époque  de  l;i 
restauration,  il  fut  nommé  suc- 
cessivement pair,  lieutenant-géné- 
ral et  commandant  de  la  1 5""*  di- 
vision militaire,  à  Rouen,  sou^ 
les  ordres  du  maréchal  Jourdan, 
gouverneur.  Si  l'on  en  qroit  les  au- 
teurs de  la  Galerie  liLstoriqiir  dçs 
contemporains^  »  il  y  avait  fait,  par 
»une  conduite  inconsidérée,  de 
j) nombreux  ennemis  à  la  maison 
))de  liourbop.»  Quand  Napoléon 
.revint  de  l'île  d'Elbe,  le  duc  de 
Castries  sje  retira  en  Angleterre, 
d'où  il  se  .rendit  en  Belgique.  De- 
puis le  second  retour  du  roi,  il  a 
repris  ses  fonctions  à  !a  chambre 
des  pairs. 

CASTRO  (dos  JOSEPH-ROORIGUE 

ï)e)  ,  savant  helléniste,  biblio- 
graphe espagnol,  et  bibliothécaire 


du  roi ,  naquit  en  Galice  vers 
1759.  Après  avoir  l'ait  de  grands 
proj^rès  dans  les  langues  ancien- 
nes, il  venait  de  terminer  ses  étu- 
des, lorsqu'il  publia,  à  l'âge  de  20 
ans,  un  petit po(3mech  hébreu,  eu 
grec  et  en  latin,  sur  l'avénernent 
de  Charles  III,  sous  ce  titre  : 
Congratnlalio  régi  prœstantissi- 
moCarolo,  quod  clavuin  Tlispa- 
niœtt'ncat.  ijSy.  L'ouvrage  ob- 
tint le  suffrage  unanime  des  sa- 
vans  les  plus  distingués,  qui  s'é- 
tonnèrent de  voir  ces  trois  lan- 
gue possédées  avec  tant  de  per- 
lection  par  un  auteur  si  jeune 
encore,  Castro  fut  choqué  des  dé- 
fauts de  la  DibLiotkeca  Hispana 
rédigée  par  don  Nicolas  Antonio, 
qui  avait  omis,  entre  autres  cho- 
ses, les  articles  biographiques  des 
Arabes  et  des  rabbins  espagnols, 
faute  de  connaître  les  langues  sa- 
vantes. 1 1  entreprit  eu  consé- 
quence une  nouvelle  Bibliotkéque 
espagnole  sur  un  meilleur  plan, 
et  après  avoir  travaillé  pendant 
six  ans  consécutifs  à  la  recherche 
des  manuscrits  anciens,  il  fit  pa- 
raître, en  1781,  le  1*'  volume  de 
son  ouvrage. Lessavanshationaux 
et  étrangers  l'accueillirent  avec  en- 
thousiasme, et  s'empressèrent  de 
fournir  à  l'auteur  des  matériaux 
précieux  pour  la  continuation  de 
ce  travail  intéressant.  Castro  coo- 
péra à  la  rédaction  de  la  Biblio- 
thèque grecque,  publiée  par  Jean 
Triarte,  qui,  dans  la  préface  de 
celte  compilation,  dojine  les  plus 
grands  éloges  aux  vastes  coimais- 
sances  de  son  collaborateur.  Don 
Castro  mourut  à  Madrid,  en  1799. 
CATALAN I  (madame  Angém- 
QrE),  née  à  Sinigaglia,  vers  1785. 
La  plus  brillante,,  et  non  la  pre- 


CAT 

mière  cantatrice  de  l'époque;  paV 
la  rapidité,  la  flexibilité,  l'incroya- 
ble étendue  de  sa  voix,  elle  é- 
tonne  encore  aujourd'hui  l'Euro- 
j)e  qu'elle  parcourt.  C'est  un  ius- 
triiment  musical  très-exercé,  très- 
souple,  et  dont  le  clavier  est  im- 
mense. Quant  à  celte  pure  et  dou- 
ce exi)ression,  que  l'on  peut  ap- 
peler l'âme  du  chant,  M°"  Cata- 
lani  en  est  totalement  dépourvue. 
Sa  voix  tout  instrumentale  exé- 
cute avec  le  plus  grand  bonheur 
ces  diflicultés  bizarres,  ces  gam- 
mes chromatiques  et  enharmoni- 
ques, ces  arpeggia turcs,  ces  tril- 
les sans  fin,  ces  points  d'orgue 
qui  embrassent  trois  ou  quatre  oc- 
taves dans  leurs  modulations.  A 
16  ans,  elle  débuta  à  Rome  avec 
un  prodigieux  succès,  visita  Lis- 
bonne et  Paris,  passa  en  Angle- 
terre, où  elle  gagna  des  sommes 
immenses  pendant  un  séjour  de 
quelques  années.  »  Les  bourses 
«anglaises,  dit  le  poète  Byron,  se 
"Souviendront  long-temps  de  toi, 
')  miraculeuse  Catalani,.et  des  pau- 
«talons  brodés  qui  te  valurent 
:»4o,(K)o  francs  en  une  soirée.  » 
Dans  un  opéra  italien,  elle  avait 
joué  un  rCde  turc,  et  Londres  tout 
entier  était  accouru  pour  la  voir 
et  l'entendre.  Il  n'appartient  pas 
à  la  gravité  de  l'histoire  de  cher- 
cher quels  secrets  rapports  pou- 
vaient se  trouver  entre  une  excel- 
lente chanteuse  et  la  politique,  et 
]>ourquoi  l'on  vit  M°"  Catalani  pa- 
raître, échapper  aux  regards,  re- 
venir et  fuir  tour  à  tour,  suivant 
les  variations  des  événemens  qui 
agitaient  l'Europe.  Quoi  qu'il  eu 
soit,  elle  vint  à  Paris  en  181 5,  et 
obtint  la'  direction  de  l'Opéra- 
Buffa,  que  bientôt  une  gestion  au 


CAT 

moins  imprudente  l'obligea  d'a- 
bandonner. Le  mauvjiis  choix  des 
ouvrages  et  des  acteurs,  l'élinii- 
nation  des  cantatrices  qui  pou- 
vaient lui  faire  quelque  ombrage, 
la  mutilation  des  partitions  dans 
la  Tue  de  faire  briller  sa  voix;  tels 
sont  en  partie  les  reproches  que 
ses  partisans  eux-mêmes  ne  lui 
ont  pas  épargnés.  Elle  a  repris  le 
cours  de  ses  tournées,  et  conti- 
nue de  prélever  sur  les  cours  et 
sur  les  capitales  de  l'Europe  un 
impôt  que  les  amateurs  payent  au 
plaisir,  et  que  la  mode  impose  ;\ 
la  foule  des  oisifs  de  bon  ton. 

CATEL  (Charles-Simon),  né  à 
L'Aigle  en  1775. Un  goût  inné  pour 
la  musique  l'amena  fort  jeune  à 
Paris,  à  l'époque  où  Saccbini,  a- 
prés  la  mort  de  Gluck,  y  tenait  le 
sceptre  musical  :  frappé  des  gran- 
des dispositions  du  jeune  Catel, 
Saccbini  le  fit  entrer  à  l'école 
royale,  où  il  apprit  la  composi- 
tion sous  Gossec,  qui  en  fit  son 
élève  d'adoption.  Catel,  en  1700, 
fut  attaché  au  corps  de  musique 
de  la  garde  nationale,  en  qualité 
de  compositeur-adjoint  à  son  maî- 
tre Gossec.  C'est  pour  cette  nrmée 
civique  qu'il  composa  les  recueils 
de  marches  et  de  pas  militaires, 
si  énergiques  et  si  brillans,  que 
les  soldats  français  ont  fait  tant 
de  fois  entendre  à  l'ennemi  avant 
la  victoire.  La  première  produc- 
tion qui  signala  le  talent  de  M. 
Catel  pour  les  grandes  compo- 
sitions, fut  un  De  VroJ'undis  à 
grand  orchestre,  exécuté  en  1792 
à  l'occasiondes  honneurs  funè- 
bres que  la  garde  nationale  pa- 
risienne rendit  à  son  major-géné- 
ral Gouvion.  La  nécessité  de  fai- 
i'u  entendre   lu  musique  dans  les 


CAT 


181 


fêtes  nationales,  rinsuiïisnnce  et 
les  inconvéniens  des  instrumcns 
à  corde  pour  ce  genre  d'exécu- 
tion, déterminèrent  M.  Catel  à 
composer  des  symphonies  pour 
les  seuls  instrumens  à  vent,  et  des 
choeurs  à  grand  orchestre  ,  dont 
les  occompagnemens  n'exigeaient 
aucrm  instrumenta  corde.  Le  pre- 
mier essai  d'une  composition  de 
cette  espèce  se  fit  aux  Tuileries, 
le  n  messidor  an  2,  dans  l'hym- 
ne à  la  Victoire,  sur  la  bataille  de 
Fleurus,  dont  Le  Brun  avait  fait 
les  vers;  il  obtint  un  succès  d'en- 
thousiasme. Dans  les  chants  que 
Catel  fit  ensuite  avec  Chénier  et 
Le  Brun;  dans  ceux  que  compo- 
sèrent Gossec,  Méhul,  Chérubini, 
JMarlini,  Le  Sueur  et  Bcrton  pour 
les  fêtes  nationales,  on  n'employa 
plus  que  les  instrumens  à  vent. 
En  l'an  5,  époque  où  s'organisa 
le  conservatoire  de  musique,  M. 
Catel  fut  nommé  professeur 
d'harmonie,  et  justifia  ce  choix, 
peu  de  temps  après,  en  compo- 
sant un  Traite  d'harmonie  qui  a 
fait  école,  et  qui  détermina  l'a- 
bandon du  système  de  la  basse  fon- 
damentale, établi  par  Baineau,  et 
sur  lequel  d'Alembert,  Boussier 
et  d'autres  savans  ont  écrit  des 
volumes  sans  pouvoir  s'enten- 
dre. L'école  d'Italie  n'avait  sur 
ce  point  aucune  théorie  ;  cel- 
le d'Allemagne  fl(!»lait  entre  plu- 
sieurs systèmes;  le  principe  sur 
lequel  repose  la  théorie  de  M. 
Catel  répond  à  tout,  et  n'admet 
aucune  exception.  Cet  habile  mu- 
sicien est  celui  des  professeurs  du 
conservatoire  qui  a  le  plus  con- 
tribué à  la  composition  des  ouvra- 
ges élémentaires  adoptes  en  Fran- 
ce pour  renseignement  de  toutes 


ifit 


CAT 


^".a  parties  de  l'art  inusicirl.  Il  fut 
homnié  Inspecteur  de  l'enseigne- 
tnent  et  professeur  de  composi- 
tion en  1810,  et  cessa  ses  fonc- 
tions en  1814»  à  l'époque  où  fut 
détruit  ce  conservatoire  de  mu- 
sique, où  l'in.-truction  avait  été 
poussée  à  un  si  haiil  degré  de  per- 
fection qu'il  était  devenu  une  é- 
colé  européenne.  De  toutes  les 
fonctions  offertes  depuis  à  M.  Ca- 
îel,  il  n'a  accepté  que  le  titre  de 
iîiembre  de  l'institut,  de  l'acadé- 
mie des  beaux-arts.  Comme  com- 
positeur diamatif^ue,  il  s'est  ac- 
quis une  brillante  et  solide  répu- 
tation sur  les  deux  théâtres  lyri- 
ques. Toutes  ses  compositions  se 
distinguent  par  l'élégance,  la  grâ- 
ce et  la  pureté  de  ses  chants  :  per- 
sonne n'a  mieux  connu  que  lui  les 
ressources  et  les  bornes  de  son  art, 
et  n'a  produit,  avec  des  moyens 
aussi  simples,  de  plus  grands  ef- 
fets d'harmonie.  Il  compte  ses  ou- 
vrages par  ses  succès.  On  a  de  lui 
au  grand-Opéra  :  Stmiramis,  en 
trois  actes,  représentée  en  l'an 
10;  les  Bajadcres,  en  trois  actes, 
iSio;  Zirphile  et  Fleur-dt-Myr- 
the,  en  2  actes,  1818;  Alexandre 
chez  Jpelle\,  ballet  en  deux  ac- 
tes. A  l'Opéra-Comique:  les  Artis- 
tes ■par  occasion,  en  un  acte  ; 
l'Auberge  de  Bagneres ,  en  trois 
actes;  les  Aubergistes  de  qualité, 
en  trois  actes;  le  Premier  en  da- 
ïe,  en  un  acte;  TVallace,  en  trois 
actes;  l'O^icier  enlevé,  en  un  ac- 
te. Il  a  publié  plusieurs  œuvres 
de  Quintelli  pour  instrumens  à 
cordes,  et  des  symphonies,  ouver- 
tures et  quatuor  pour  instrumens 
à  vent. 

CATELAN   (tÉ   MARQiii  de), 
âYOcat-générai  au  parlement  de 


CAt 

Toulouse,  avartt  Fa  révolution,  iê 
distingua  par  l'éloquence  avec- 
laquelle  il  défendit  les  droits  dit 
peuple,  et  les  prérogatives  de  son 
corps  contre  les  empictemenà  du 
pouvoir  arbitraire.  Mis  hors  des 
affaires  publiques,  en  i78rj,  par 
le  nouvel  ordre  de  choses,  îl  n'y  a 
reparu  qu'en  18 ig,  époque  où  il 
fut  créé,  par  ordonnance  royale, 
pair  de  France.  Une  grande  mo- 
dération dans  les  opinions,  One 
grande  chaleur  dans  l'expréssMon, 
voilà  ce  qui  caractérisé  M.  de  Cd- 
telan  comme  législateur.  Nommé 
rapporteur  du  projet  de  loi  re- 
latif h  la  poursuite  et  au  juge- 
ment des  crimes  commis  par 
la  voie  de  la  presse,  ou  par  tout 
autre  moyen  de  publication,  il 
a  conclu,  au  nom  de  la  commis- 
sion dont  il  était  l'organe,  pour 
l'adoption  de  cette  loi.  Mais  il 
n'en  dissimula  pas  les  imperfec- 
tions, dont  il  attend  la  rectifica- 
tion du  temps  et  de  l'expérience. 
C'est  dans  ces  aveux  surtout  qu'il 
faut  voir  les  opinions  particuliè- 
res de  M.  de  Catelan  dans  Cette 
occasion. 

CATHCART  (lord  WittilMS, 
vicomte),  l'un  de  ces  satellites  dé 
l'astre  de  la  puissance,  qui  ne 
fournissent  pour  documens  à  l'his- 
toire, rien  autre  chose  que  leurs 
noms  ,  leurs  titres,  et  la  progres- 
sion de  leur  faveur.  On  les  voit 
s'agratidir,  sans  savoir  pourquoi  ; 
on  les  voit  s'élever,  sans  savoir 
comment.  Néen  Ecosse,  l'an  1^55, 
d'une  famille  très- ancienne;  après 
avoir  étudié  les  lois ,  il  alla  Ser- 
vir en  Amérique  ,  fut  successive- 
ment cornette,  lieutenant  et  ca- 
pitaine de  dragons,  devint  major- 
commandant  des  volontaire?  ca- 


CAT 

ïédoniens  levés  en  1778;  et,  en 
irSijà  2t)  ans,  lieutenant-colo- 
nel des  gardes  (régiment  de  Colds- 
tream).  On  ne  devine  pas  encore 
les  motifs  d'un  avancement  si  rapi- 
de. Bientôt  après,  colonel  par  bre- 
vet ,  et  ensuite  colonel  en  titre  du 
29""  régiment  de  Bagshot,  il  fit 
partie,  comme  brigadier-géné- 
ral ,  de  l'armée  anglaise,  formée 
c\  Porsmouth  en  1793,  et  com- 
mandée par  lord  Moira.  Cette  ar- 
mée marcha  contre  la  France;  le 
général  Cathcart  partagea  les  dé- 
sastres de  cette  orgueilleuse  coa- 
lition, devint  major-général,  et 
revint  en  Angleterre  avec  les  dé- 
bris de  cette  armée  battue.  Il  ftit 
aussitôt  créé  colonel  du  second 
régiment  des  gardes;  lieutenant- 
général  en  1801  ;  pair  d'Ecosse  en 
1807;  enfin  membre  du  conseil 
privé,  -vice- amiral  d'Ecosse  et 
lord  -  lieutenant  du  comté  de 
Klackmanashit.  Ce  fui  seulement 
après  avoir  reçu  toutes  ces  dis- 
tinctions honorifiques,  et  sans 
doute  pour  lui  offrir  l'occasion  de 
les  justifier,  qu'il  fut  chargé  d'u- 
ne expédition  importante,  le 
bombardement  de  Copenhague. 
Vicomte,  après  cette  expédition, 

f)uis  commandant  en  chef  en  Ir- 
ande,  enfin  ambassadeuren  Rus- 
sie ,  il  prit  part  aux  traités  et  aux 
guerres  contre  la  France,  ne  quit- 
ta pas  le  quartier-général  des  al- 
liés; signa,  comme  plénipotentiai- 
re ,  tous  les  traités  de  paix  et  tou- 
tes les  déclarations  des  congrès; 
et  parut  raôlé  à  tous  le»  grands 
événemens  du  siècle,  sans  que 
nulle  action  d'éclat,  nul  trait  tiis- 
linctif ,  ait  signftlé  son  nom  aux 
yeux  de  ses  contemporains.  Lord 
Cathcart  émit  à  Pari»  en  iBi^t ,  a- 


CAT 


i83 


vec  l'armée  diplomatique  de  la 
coalition.  Il  ne  paraissait  pas  la 
commander  en  chef. 

CATHELIiNEAU  (Jacques), gé- 
néral dans  les  troupes  de  la  Ven- 
dée. Il  naquit  en  1758.  Il  demeu- 
rait au  Pin-en-Mauge,  près  de 
Beaupréau,  dans  le  département 
de  Maine-et-Loire;  Il  y  exerçait, 
selon  les  uns,  la  profession  de 
tisserand ,  et  selon  d'autres,  celle 
de  marchand  de  laine,  ou  de  voi- 
turier.  En  1793,  le  20  février,  la 
conventibn  nationale  ayant  décré- 
té une  levée  de  3oo,ooo  hommes, 
le  mécontentement  fut  extrême 
dans  quelques  déparlcmens  vers 
les  bouches  de  la  Loire.  Le  10 
mars,  jour  fixé  pour  le  tirage 
au  sort  des  hommes  que  devait 
fournir  le  canton  de  Saint-Flo- 
rent, les  jeunes  gens  se  soulevé-» 
rent,  dispersèrent  les  gendarmes, 
et  pillèrent  l'Hôtel-de-Ville.  Ca- 
thelineau  était  marié,  et  se  trou- 
vait exempt  du  service  militaire  ; 
il  était  occupé  chez  lui  à  pétrir 
le  pain,  lorsqu'il  apprit  cet  évé- 
nement. Aussitôt  il  harangue  ses 
voisins,  et  il  leur  persuade  qu'il 
faut  s'armer  pour  se  soustraire  au 
chatimenlquedoitsubirle  canton 
tout  entier.  Leiamars,  il  fait  son- 
ner l'alarme  dans  les  villages,  et 
se  trouvant  à  la  tête  d'un  rassem- 
blement de  cent  hommes,  il  en- 
lève, ù  Jallais,  un  poste  défendu 
par  une  pièce  de  six:  ce  fut  le  pre- 
mier canon  au  pouvoir  des  Ven- 
déens. Le  surlendemain,  Calheli- 
neau  s'empare  du  village  deChc- 
millé,  ainsi  que  de  trois  coule- 
vrines,  et  il  emmène  un  grand 
nombre  de  prisonniers.  Le  1 5,  il 
attaque  Chollet ,  il  défait  un  corps 
do  rinq  cents  hommes,  cl  il  Se 


i84  CAT 

rend  maître  de  Ja  ville  où  selrou- 
\Hiit  j>lijsienis  pièces  d'aililleiie. 
Kéiini  au  ginétul  (Tlilbée,-]!  roin- 
bat  sous  ses  ordres,  et  se  distin- 
gue dans  une   seconde   aflaire  à 
Clicniillé,  puis  à  Vihiers.  11  s'é- 
tait lait  également   remarquer  à 
Fonlenay,  lorsque  rinsurroction 
se  pr()j)ageant,  après  la  reddititm 
de  Saumnr,  le  i5  juin  179  s  1<-'S 
chefs  sentirent  le  besoin  de  l'uni- 
té dans  le  commandement.    Les 
généraux  Lescure  et   d'Elbée  ne 
voulant  pas  se   donner   précisé- 
ment un  maîlre,  désignèrent  pour 
généralissime  Calhelincau.  qu'ils 
ne  craignaient  point;  et  Catheli- 
neau,  dont  le  ivlc  était   simple, 
n'accepta  que  dans  l'idée  de  rem- 
plir un    nouveau   devoir.  On  vit 
alors  le  commandement  suprême 
des  armées  royales  et  catholiques, 
dans  les  mains   d'im  homme  né 
au  milieu  des  rang<  les  plus  obs- 
curs,   tandis  que    le  descendant 
des   Biron    commandait   l'armée 
républicaine.    Cathelineau    vou- 
lait  ne   pas  tarder  à  justifier  le 
choix  qu'on  avait  fait  de  lui.  Le 
29  juin,  il  attaqua  Nantes,  mai? 
il   fut  repoussé   avec  une   perte 
considérable.  Malgré  le  mauvais 
succès  des  premières  tentatives, 
il  était  revenu  plusieurs  fois  à  la 
charge,  et  dans  le  dernier  assaut, 
une  balle  lui  avait  fracassé  le  bras  ; 
c'est  alors  que  le  général  d'Elbée 
ordonna  la  retraite.  Celle  blessu- 
re ne  paraissait  pas  mortelle:  mais 
la  gangrène  s'y  établit,  et,  le  10 
juillet  1 790,  Cathelineau  succom- 
ba dans  Saint-Florent ,  où  il  s'é- 
tait fait  transporter.  Les  paysans 
qy'il  conduisait   au  combat,   le 
nommaient  le  saint  d'Anjou  :  sa 
dévotion  les  édifiait.  Ils  s'étaient 


CAT 

imaginé  qu'il  serait  invulnéra- 
ble, el  que  ceux  qui  marcheraient 
sous  ses  ordres  auraient  le  mê- 
me avantage.  Le  14  mai  i8i6, 
le  gouvernement  a  donné  ime 
pension  de  i5oo  francs  au  fils  de 
Cathelineau,  et  une  de  3oo  à  cha- 
cune de  se»  filles. 

CATHERINE  II  ALEXIOW- 
NA  (Sophie-Aigiste-Dobothée), 
princesse  d'Anhalt-Zerbst,  impé- 
ratrice de  toutes  les  Uussies,  née 
à  Slellin  en  1^29,  mariée  en  \'^l\ô 
à  son  cousin  le  duc  Charlcs-Pier- 
re-tlric  de  Holstcin-Gottorp  (cou- 
ronné sous  le  nom  de  Pierre  III, 
en  1762,  étranglé  la  même  année), 
mère  de  l'empereur  Paul  Petrt»- 
witz  (étrangle  en  1801),  morte  à 
Pélersbourg  en  179O,  la  trente- 
cinquième  année  de  son  règne,  à 
lâge  de  C7  ans.  Les  fastes  du  trô- 
ne de  Russie  sont  sanglans.  L'as- 
sassinat ou  l'usurpation  y  marque 
l'élévation  de  presque  tous  ses 
souverains,  depuis  Ivan  III,  qui 
affranchit  les  Russes  du  jnug  des 
Tartares,  jusqu'à  l'empereur  ré- 
gnant. Ivan  iV,  le  premier  tzar  qui 
est  couronné  à  i^loscow,  en  i557, 
tue  un  de  ses  fils  dans  un  accès  de 
fureur,  et  meurt  dans  un  cloître, 
couvert  du  sang  de  ses  sujets.  Bo- 
ris Godounofï  succéda  à  Fédor  I" 
par  le  meurtre  du  tzarovritz  De- 
métri.  Fédor  II,  fils  de  cet  usur- 
pateur assassin,  est  détrôné  par 
un  moine  qui  le  fait  étoulTer  sur 
le  corps  sanglant  de  sa  mère.  Ce 
moine,  nommé  Otrepieff,  se  fait 
proclamer  tzar  à  Moscow,  sous  le 
nom  du  prince  Demétri,  que  Bo- 
ris a  fait  égorger.  Wassili  Chonis- 
ky,  qu'Otrepiefl'a  soustrait  au  sup- 
plice, le  tue,  monte  sur  le  trône 
en  1606,  et  meurt  dans  un  cou- 


'     rr  ///r  /■/  //f        // . 


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a,.. /!.„//,,  .1 


CAT 

vent  en  Pologne.  Michael  Roma- 
now,  premier  prince  de  la  dynas- 
tie régnante,  d'une  l'aaiille  prus- 
sienne, dont  le  chef  se  nommait 
André,  est  proclamé  tzar,  et  lais- 
se le  trône  à  son  (ils  Alexis,  au- 
quel succède  Fédor  III.  Celui-ci, 
au  détriment  de  son  frère  Ivan, 
fait  nonimer  enjpereur  son  autre 
frérc.  C'est  le  fameux  Pierre  I". 
Le  parti  du  prince  légitime  dépos- 
sédé lutte  vainement  contre  la  for- 
tune de  Pierre  1".   Les  meurtres 
et  les  supplices  lui  font  raison  de 
ses  ennemis.  Plus  tard  il  envoie 
à  la  mort  son  propre  fils  Alexis, 
et,  dans  un  massacre  de  8,000  de 
ses  sujets,  la  hache  à  la  main,  il 
donne  lui-mêuie,  avec  son  favori 
MenzikoiT,  l'exemple  à  ses  bour- 
reaux. Jamais  rien  de  plus  grand 
ni  de  plus  féroce  ne  fut  donné  aux 
hommes  que  l'immortel  Pierre  I". 
L'impératrice  Eudoxic  est  encore 
vivante  quand  il  épouse  Catheri- 
ne 1",  femme  d'un  dragon  sué- 
dois, également  vivant;  des  bras 
du  général  Bauer,  elle  avait  pas- 
sé successivement  dans  ceux  de 
ScheremetolT,  et  enfin  de  ce  IMen- 
zikoff,  qui  la  céda  à  son  maître. 
Pierre  I"  veut  se  défaire  de  Ca- 
therine, et  meurt  tout  ù  coup  à  , 
l'âge  de   5j  ans.  Cette  princesse 
monte  sur  le  trône,  au  préjudice 
du  grand-duc,  fils  de  l'infortuné 
Alexis.  Au  lit  de  mort,  elle  dési- 
gne la  duchesse  de  Holstcin,  sa 
iille  aînée,  pour  lui  succéder.  Mais 
McnlikofT,  ù  qui  elle  a  dû  son  u- 
surpation,  fabrique  un  faux  testa- 
ment par  lequel  Catherine  appel- 
le au  trône  le  grand-duc  sous  le 
nom   de    Pierre  II.   La  princes- 
se Anne  succède  à  ce  prince,  et 
meurt,  en  1  ^4*»  -Trcs  avoir  signé 


GAT 


i85 


un  testament  qui  appelle  au  trône 
le  grand-duc  Ivan,  l'infortuné  I- 
van,  dont  sa  nièce  la  duchesse  de 
Brunswick  vient  d'accoucher.  Ex- 
citée par  un  chirurgien  français 
nommé  Lestocq,  la  princesse  Eli- 
sabeth, fille  de  Pierre  I",  fait  en- 
fermer le  tzar  au  berceau ,  dans 
une  torleresse,  avec  toute  sa  fa- 
mille, et  se  fait  proclamer.  Vingt 
ans  après,  au  lieu  de  rendre  au 
tzar  Ivan,  au  souverain  légitime, 
la  couronne  qu'elle  lui  a  enlevée, 
Elisabeth  nomme  son  héritier  le 
grand-duc,  époux  de  Catherine 
II.  Telle  est  la  nature  des  avénc- 
mcns  au  trône  de  Russie,  qui  pré- 
cédèrent celui  de  Cathcrinc-la- 
Grandc.  Grande-duch(;sse  depuis 
dix-septans,  elle  avait  eu  le  temps 
d'en  étudier  rhistoire,  et  sa  posi- 
tion lui  prescrivait  peut-être  de 
n'en  pas  repousser  le  souvenir. 
L'incapacité  de  son  époux  et  la 
tradition  des  règnes  précédens  l'a- 
vaient enlouréedepuis  long-temps 
de  cette  espèce  de  faveur,  qui  an- 
nonce et  qui  nécessite  une  révo- 
lution de  palais  dans  cette  cour  si 
orageuse.  Le  iS""  siècle,  qui  de- 
vait être  le  dernier  de  la  monar- 
chie despotique ,  exaltait  l'esprit 
supérieur  de  Catherine  de  tout  le 
génie  de  ses  contemporains.  Wa- 
shington, Francklin,  lord  Cha- 
tam  ,  Pitt,  Fox,  Sheridan,  le 
grand  Frédéric,  Mario-Thérèse, 
Turgot,  Malesherbes,  d'Alembert, 
Montesquieu,  Diderot,  Rousseau, 
Buffon,  Voltaire,  etc.,  occupaient 
la  scène  du  monde.  Catherine  s'y 
créa  une  place  jusqu'alors  incon- 
nue dans  l'histoire.  En  montant 
sur  le  trône,  elle  eut  la  pensée  de 
continuer  Pierre-le  Grand.  Elle  le 
surpassa.  Ses  défauts,  ses  vices,  SCS 


i«6  CAT 

crimes,  sont  d'une  femme  ambi- 
tieuse ou  passionnée  rsestalens, 
Ses  qualités,  ses  actions,  sont  d'un 
grand  homme.  Les  dix-sept  an- 
nées qui  s'écoulèrent  depuis  le 
mariage  de  Catherine  II  jusqu'à 
la  mort  de  l'impératrice  Elisabeth 
appartiennent  en  grande  partie  à 
cette  classe  de  l'histoire  que  l'on 
appelle  anecdotique,  et  qui  est  tou- 
te du  domaine  des  tnémoires  se- 
crets. Mais  parmi  les  événemens 
de  la  vie  privée  de  la  grande  du- 
chesse, celui  qui  a  le  plus  influé 
Sur  son  caractère  et  son  élévation, 
c'est  son  mariage.  A  l'époque  de 
son  arrivée  à  la  cour  d'Elisabeth, 
le  grand-duc  était  beau,  bien  fait, 
et  capable  de  faire  impression  sur 
le  cœur  de  la  jeune  princesse.  El- 
le était  jeune,  jolie,  gracieuse, 
Spirituelle,  et  le  penchant  fut  ré- 
ciproque. L'amour  commença  cet- 
te union,  que  la  politique  seule 
termina  peu  de  temps  après.  Cet- 
te singularité  dans  la  vie  de  Ca- 
therine mérite  d'être  remarquée. 
Au  moment  de  célébrer  le  maria- 
ge, le  grand-duc  fut  attaqué  de  la 
petite -vérole;  on  craignait  pour 
ses  jours;  malheureusement  il  les 
conserva  avec  toutes  les  traces  de 
l'affreuse  maladie  à  laquelle  il  ve- 
nait d'échapper.  Il  reparut  à  la 
cour,  hideux  et  contrefait.  Cathe- 
rine, alors  Sgée  de  16  ans,  eut  la 
force  de  dissimuler  l'horreur  qu'el- 
le éprouva;  elle  courut  au-devant 
du  prince,  l'embrassa  avec  toutes 
les  démonstrations  de  la  tendres- 
se et  de  la  joie,  et  le  mariage  fut 
célébré.  L'ambition  avait  fait  sur- 
hionier  à  Catherine  l'aversion  que 
Pierre  lui  inspirait  depuis  sa  ma- 
ladie; elle  dut  triompher  d'un  dé- 
goftt  encore  plus  sensible,  puis- 


CAT 

que  la  cause  de  ce  dégoût  sem- 
blait devoir  rendre  inutile  le  sa-* 
orifice  qu'elle  venait  de  faire  de  sa 
jeunesse  et  de  sa  beauté.  Il  ne  s'a- 
gissait plus  du  temple,  ni  du  pa- 
lais, mais  de  la  chambre  nuptiale; 
l'infortuné  grand-duc  se  trouvait 
frappé  d'un  vice  de  conformation 
qui  retardait  la  consommation  du 
mariage.  Cette  disgrâce  devint 
bientôt  une  confidence  de  cour,  et 
les  amis  du  grand-duc,  un  entre 
autres,  le  beau  Soltikoff,  à  qui  le 
bonheur  de  la  grande-duchesse 
était  devenu  bien  cher,  risquè- 
rent, au  nom  de  l'état,  d'engager 
le  prince  ù  subir  une  opération  in- 
dispensable. Le  célèbre  Boerhaa- 
ve  et  un  habile  chirurgien,  nom- 
mé Block,  furent  appelés  par  l'im- 
pératrice elle-même;  Soltikoff  par- 
vint à  vaincre  la  résistance  du 
grand-duc,  qui  bientôt  dut  à  leurs 
soins  ce  qui  manquait  à  sa  digni- 
té de  mari,  et  à  l'impatiente  anxié- 
té de  son  épouse.  Il  passa  une  nuit 
avec  elle,  et  il  leur  fut  permis  d'a- 
voir un  héritier.  Soltikoff  et  la 
princesse  respirèrent;  la  crainte 
ne  vint  plus  empoisonner  leur 
tendresse,  et  malheureusement  la 
prudence  en  fut  bannie.  Le  gratid- 
duc  fut  jaloux,  et  n'en  fut  que 
plus  odieux.  Mais  le  favori  devint 
despote,  et  comme  il  était  lui- 
même  d'une  grande  naissance,  le 
crédit  qu'il  exerçait  à  la  fois  sur 
les  deux  époux,  alarma  sérieuse- 
ment des  intérêts  d'un  ordre  plus 
élevé,  que  l'ambition  d'un  nom- 
me d'état  avait  secrètement  mis 
en  mouvement.  Le  chancelier  Ber- 
tuchef  avait  jugé  Pierre  et  Cathe- 
rine, et  formé  le  projet  de  détrô- 
ner le  prince,  et  de  faire  nommer 
Catherine  impératrice  à  la  mort 


CAT 

d'Élhabélh.  La  faveur  du  jeune 
Sohikuffse  présenta  à  lui  comme 
an  de  ces  obstacles  qu'il  faut  dé- 
truire à  leur  naissance.  Peu  tou- 
ché du  bonheur  des  deux  amans^ 
le  vieux  ministre  trouva  que  si  la 
grossesse  de  la  grande-duchessô 
Satisfaisait  ses  desseins,  la  faveur 
de  Soltikoff  devait  les  contrarier. 
En  conséquence,  il  fit  donntr  au 
favori  une  mission  par  l'impéra- 
trice. Catherine  fut  avertie  du  dan- 
jcr  qu'elle  courait  en  demandant 
le  rappel  de  Soltikoff,  et  se  tut. 
Quelques  regrets  honoraient  en- 
core le  cœur  de  la  grande-duches- 
Je,  lorsque  parut  le  comte  Ponia- 
<0W9ky,qui,n'ayantd*autresbien3 
que  sa  jeunesse,  sa  beauté  et  des 
dettes,  venait  d'arriver  à  Péters- 
bourg  i\  la  suite  de  l'ambassadeur 
d'Angleterre.  L'impressiun  que 
lui  fit  la  grande  -duchesse  fut 
prompte;  elle  fut  partagée.  Mais 
l'impératrice,  instrument  d'une 
nouvelle  intrigue,  contraria  enco- 
re cet  amour  naissant,  et  Ponia- 
towsky  eut  ordre  de  partir.  Ca- 
therine, devenue  un  objet  de  hai- 
ne pour  le  grand-duc^  était  aussi 
on  objet  d'envie  pour  tous  les 
compagnons  de  débauche  de  son 
mari,  et,  ignorant  encore  qu'un 
parti  invisible  travaillait  pour  lui 
frayer  le  chemin  à  la  couronne , 
elle  avait  besoin  de  se  consolerde 
tous  ses  ennemis  intérieurs  et  du 
pcti  de  bienveillance  de  l'impéra- 
trice elle-niCrne ,  par  un  senti- 
ment qui  occupât  l'insupportable 
oisiveté  dt  son  cœur.  La  nature 
d'ailleurs  lui  avait  donné  pour  les 
plaisirs  de  l'amour  un  penchant 
qu'elle  devait  conserver  jusqu'à 
la  fin  de  sa  vie.  Désespérée  de  la 
pcrtt  de  PoniatoW»-kv,  et  encou- 


CAÎ 


i8t 


ràgée  par  l'assiduité  des  soins  af- 
fectueux et  des  hommages  em- 
pressés du  chancelier,  elle  prend 
le  parti  de  lui  ouvrir  son  âme,  et 
redemande  son  nouvel  amant  » 
celui  qui  l'a  séparée  du  premier. 
Cette  confidence  charma  le  vieux 
politique,  qui,  devenu  maître  du 
secret  et  du  bonheur  de  la  gran- 
dc-dnchesse,  ne  perdit  pas  un  mo- 
ment pour  assurer  son  empire  en 
servant  une  passion  qui  ne  lui 
donnait  aucun  ombrage.  A  force 
d'adresse  et  d'activité,  il  réussit  .1 
faire  nommer  Poniatowsky  minis- 
tre de  Pologne i\Pétersbourg,  con- 
tre la  loi  qui  défendait  à  tout  Po- 
lonais, possédant  une  starostie, 
de  sortir  du  royaume,  et  celle  qui 
lui  défendait  également  d'ôtrc 
chargé  auprès  d'une  puissance  é- 
trangère  des  affaires  de  la  Saxe, 
alors  réunie  à  la  Pologne.  L'im- 
pératrice fut  irritée  du  moyen  que 
Catherine  avait  choisi  pour  revoir 
Poniatowsky,  et  bientôt,  par  les 
rapports  des  courtisans  et  l'impru- 
dence des  deux  amans,  le  grand- 
duc  partagea  toute  la  haine  d'E- 
lisabeth. L'un  et  l'autre  furent  é- 
galementsurveillés,  et  Poniatows- 
ky, qui  avait  été  rappelé  par  sa 
cour  sur  la  demande  de  celle  de 
France,  fut  arrêté,  déguisé  en 
marchand,  dans  les  jardins  d'O- 
ranienbaum,  où  le  grand-duc  a- 
vait  emmené  la  grande-duchesse. 
ïl  fut  mis  au  cachot,  et  condam- 
né à  être  pendu  pour  s'être  intro- 
duit dans  l'enceinte  d'une  forte- 
resse. Mais  cette  scène  n'eut  d'au- 
tre suite  qu'une  haine  irréconci- 
liable entre  Pierre  et  Catherine, 
la  défense  faite  à  celle-ci  de  pa- 
raître chez  l'impératrice,  et  le  dé- 
part du  beau  Polonais.  Cette  di-^- 


i88 


CAT 


grâce  avait  été  précédée  de  celle 
du  chancelier  Bertucbel",  qui  fut 
dénoncé  à  Elisabeth,  comme  l'a- 
gent des  discordes  existant  entre 
le  grand-duc  et  sa  femme,  le  pro- 
tecteur des  faiblesses  de  celle-ci, 
et  l'artisan  des  intrigues  qui  divi- 
saient la  cour.  Catherine  se  trou- 
va seule,  sans  conseils,  sansl'avo- 
ri,  livrée  à  toute  l'indignation  de 
son  époux,  et  elle  dut  trembler 
même  pour  sa  liberté.  Elle  implo- 
ra vainement  la  pitié  de  l'impéra- 
trice, elle  n'essuya  que  de  cruels 
refus.  Pour  rendre  sa  situation  en- 
core plus  déplorable,  le  grand-duc 
avait  pris  une  maîtresse,  Piorna- 
nowna  "Woronzoff,  dont  la  sœur, 
la  princesse  Daschoff,  s'attacha  à 
Catherine  par  représailles,  et  figu- 
ra au  premier  rang  dans  la  révo- 
lution qui  fit  proclamer  cette  prin- 
cesse. La  grande-duchesse  n'ayant 
pu  vaincre  l'éloignement  où  l'im- 
pératrice la  tenait  de  sa  person- 
ne, imagina  de  lui  demander  de 
se  retirer  en  Allemagne  avec  son 
fils ,  qu'Elisabeth  avait  pris  dans 
une  affection  singulière.  Une  heu- 
re d'entretien  secret  lui  fut  enlin 
accordée,  etlejourmême  elle  pa- 
rut au  spectacle  à  côté  de  l'impé- 
ratrice. Elisabeth  tomba  malade; 
le  triomphe  de  Catherine  attira 
sur  elle  tous  les  regards,  et  l'on 
s'attacha  à  persuader  à  l'impéra- 
trice que  le  grand-duc  ne  dissi- 
mulait plus  son  impatience  de  lui 
succéder.  Cette  perfidie  ne  fut  pas 
inutile.  Le  caractère  d'Elisabeth 
l'accueillit  avec  autant  de  con- 
fiance que  toutes  les  dénoncia- 
tions relatives  à  Catherine,  et  s'é- 
tant  rendue  seule  au  spectacle  a- 
vec  elle  et  le  jeune  Paul  Petro- 
wilz,  elle  présenta  cet  enfant  aux 


CAT 

gardes  qu'elle  fit  entrer  dans  le 
parterre.  Catherine  devint  l'objet 
de  toutes  les  ambitions.  Le  parti 
Bertuchef,  représenté  par  le  com- 
te Schwaloff,  entretint  cette  prin- 
cesse du  projet  de  la  nommer  ré- 
gente à  la  mort  d'Elisabeth,  Elle 
voulait  déjà  davantage  :  mais  elle 
cachait  cette  pensée  secrète  à  ses 
plus  intimes  confidens,  et  affec- 
lail  <lo  leur  répéter  qu'elle  préje- 
rail  le  titre  de  mère  de  l'empereur 
à  celui  de  son  ('/?o«.ve. "Woronzoff, 
d'un  autre  côté,  avait  persuadé  au 
grand-duc  de  répudier  sa  femme, 
de  déclarer  son  fils  bâtard,  et  d'é- 
pouser sa  fille  Romanowna,  Le 
comte  Panin,  gouverneurde  Paul 
Petrowitz,  se  dévoua  alors  à  sa 
mère.  Confident  du  projet  qu'elle 
avait  formé  de  monter  sur  le  trô- 
ne, mais  effrayé  des  suites  d'une 
pareille  entreprise,  il  lui  proposa 
de  faire  proclamer  le  grand-duc, 
non  par  l'armée  comme  c'était 
l'usage,  mais  par  le  sénat  qui  mo- 
difierait son  pouvoir.  Invariable 
et  impénétrable  dans  sa  résolu- 
tion, Catherine  laissa  faire  Panin, 
qui  parvint,  par  le  confesseur  d'E- 
lisabeth, à  détourner  le  coup  dont 
elle  menaçait  le  grand-duc,  et  à 
obtenir  qu'il  vînt  recevoir  son  par- 
don. Cette  scène  eut  lieu  :  elle  fut 
dramatique. Catherine  et  Pierre  re- 
curent ensemble  à  genoux  auprès 
du  lit  de  l'impératrice  sa  bénédic- 
tion, telle  que  son  confesseur  la  lui 
avait  dictée.  Elisabeth  mourut.  Le 
grand-duc  monta  sur  le  trône,  sous 
le  nom  de  Pierre  III,  et  la  gran- 
de-duchesse sous  celui  de  Cathe- 
rine II.  Leur  aversion  réciproque 
augmenta  en  raison  de  leur  élé- 
vation, et  des  intérêts  pressens 
qu'elle  mit  entre  euxi  Pierre  îH 


CAï 

perdit  bientôt  sa  popularité  en  se 
/  faisant  tout-à-fait  Prussien,  en  con- 
tinuant une  vie  de  d«'ibauches  a- 
vec  d'infâmes  compagnons,  et  en 
se  livrant  à  l'ambition  de  Woron- 
zott'età  celle  de  sa  maîtresse.  Plus 
décidé  que  jamais  A  répudier  l'im- 
pératrice et  à  rejeter  sou  fds,  il 
eut  la  singulière  pensée  de  se  don- 
ner de  suite  un  héritier,  et  de  con- 
cilier, pour  l'allermissement  de 
son  pouvoir,  la  légitimité  avec  l'u- 
surpation. 11  pensa  à  Ivan  III,  tzar 
et  prisonnier  dès  le  berceau,  alors 
Sj^é  de  22  ans.  Six  ans  auparavant, 
Elisabeth  avait  eu  la  cruelle  curio- 
sité de  voir  sa  victime.  On  assu- 
re qu'elle  avait  pleuré  en  lui  par- 
lant, mais  tout  en  pleurant  elle  a- 
vait  renvoyé  son  souverain  dans 
un  cachot.  Pierre  III  se  tra»*jmr- 
ta  à  Schlusselbourg,  où  le  tzar  é- 
tait  renfermé.  Il  l'entretint  long- 
temps, et  le  fit  même  venir  à  Pé- 
tersbourg.  Le  secret  de  ce  voyage 
transpira.  Le  sort  du  prisonnier 
fut  adouci,  et  celui  de  Catherine, 
reléguée  à  Pélershof.  serait  deve- 
nu plus  critique,  si  l'amour  et  l'a- 
mitié n'eussent  veillé  autour  d'el- 
le, dans  la  personne  de  (irégoire 
OrloiTet  de  la  princesse  Daschotf. 
Malgré  la  liaison  politique  et  la 
véritable  conjuration  qui  unis- 
saient ces  deux  personnages,  cet- 
te dame  ignorait  même  qu'Orlolî 
frit  connu  de  Timpératrice.  Pour 
augmenter  l'intérêt  en  sa  faveur, 
Ontherine  feignait  même  avec  sa 
confidente  intime  d'être  accablée 
delapertedcPonialowski.  Une  de 
ses  femmes,  nommée  Catherine 
Iwanowna,  avait  la  direction  des 
intrijines  d'une  autre  nature.  Or- 
lotVétait  lil>>d'un  militaire. Oilicier 
lui-même,  sa  beauté  et  su  bravou- 


rc  l'avaient  fait  distinguer.  D'a- 
mant, Orlolf  devint  bientôt  cons- 
pirateur; il  s'associa  ses  quatre 
frères,  Alexis,  "NVolodimir,  Fédor 
et  Ivan,  un  officier  nommé  Pas- 
seck,  et  quelques  autres,  qui  tra- 
vaillèrent avec  succès  à  gagner 
plusieurs  compagnies  des  gardes. 
Une  seconde  conspiration,  incon- 
nue de  la  première,  était  conduite 
par  le  comte  Panin,  le  prince  "NVol- 
konski;  c'était  la  suite  de  celle  de 
Uertuchefl'et  de  SchwalofT,  c'était 
la  conspiration  des  grands  sei- 
gneurs. La  princesse  Daschoif  é- 
tait  à  la  tête  d'une  troisième,  com- 
posée de  gens  habiles  et  entrepre- 
nans,  parmi  lesquels  figurait  l'het- 
man  Kazomowski,  ancien  amant 
de  l'impératrice  Elisabeth,  qui  l'a- 
vait, dit-on,  épousé  secrètement. 
Cathcriue  était  l'âme  de  ces  trois 
partis,  qui  travaillaient  séparé- 
ment à  lui  ouvrir  le  chemin  du 
pouvoir  absolu  :  elle  finit  par  en 
réunir  les  chefs  dans  des  maisons 
particulières,  où  l'aflairc  fut  trai- 
tée en  sa  présence.  Le  comte  Pa- 
nin devint  subitement  amoureux 
de  la  princesse  RascholV,  dont  il 
avait  jadis  aimé  la  mère.  Son  a- 
vis  dans  le  conseil  était  que  l'im- 
pératrice ne  fût  que  régente,  et 
que  Paul  Petrowitz  fût  procla- 
nié  empereur.  La  princesse  Da»- 
chofl',  alarmée  du  crédit  que 
cette  opinion  prenait  sur  les  con- 
jurés, se  dévoua,  malgré  sa  ré- 
pugnance et  un  sentiment  très-vif 
qui  l'attachait  à  un  des  conspira- 
teurs ;  elle  se  donna  au  comte 
Panin,  et  l'amena  promptement 
à  vouloir  ce  que  voulait  l'impé- 
ratrice. Au  milieude  lousces com- 
plot», Catherine  touchait  au  ter- 
me d'une  grossesse  j  qu'elle  avait 


tgo 


CAT 


su  cacher  à  l'empereur,  et  dont 
elle  eul  le  boalieur  de  lui  dérober 
la  connaissance:  le  jour  même  où, 
en  étant  instruit,  jlenlra  chczelle, 
elle  venait  d'être  délivrée;  l'em- 
pereur retourna  à  Pétersbourg,  où 
il  voyait  la  nuit  le  prince  Ivan. 
Jamais  péril  plus  pressant  n'avait 
menacé  Catherine.  Le  tzar  devait 
retourner  à  Pétershoft',  pour  la 
célébration  de  sa  fête,  la  Saint- 
Pierre;  son  projet  était  d'y  faire 
arrêter  l'impératrice.  En  atten- 
dant celte  l'ête,  il  se  rendit  à  sa 
maison  de  plaisance,  à  Oranien- 
baum,  avec  plusieurs  jolies  fem- 
mes et  ses  compagnons  de  débau- 
che. Mais  Catherine,  mieux  in- 
formée que  Pierre,  avait  tout  ar- 
rangé pour  le  prévenir.  En  vain 
l'empereur  fut  averti  de  son  dan- 
ger par  le  roi  de  Prusse  et  plu- 
sieurs de  ses  amis,  il  ne  voulut 
point  croire  à  cette  prétendue 
conspiration.  Cependant  elle  fut 
découverte  parrindiscrétioii  d'un 
soldat  gagnépar  le  lieutenant  Pas- 
seck;  lequel  fut  arrêté,  et  eut  le 
temps  de  donnera  un  inconnu,  qui 
se  trouva  à  son  arrestation,  un 
papier  où  il  avait  écrit  au  crayon  : 
Marchez,  ou  nous  sommes  per- 
dus. Cet  inconnu  était  un  des  es- 
pions que  la  princesse  DascbofT 
avait  attachés  à  chaque  conjuré  à 
son  insu.  Il  remit  le  billet  ù  la  prin- 
cesse, qui  sur-le-champ  prit  un 
habit  d'homme,  et  alla  au  rendez- 
vous  accoutumé,  où  se  trouvaient 
4es  OrloiT  et  ses  amis.  La  résolu- 
tion futaussiunanimequc  le  péril 
était  imminent  :  et  il  fut  conve- 
nu qu'on  agirait  la  nuit  même.  Les 
conjurés  se  rendirent  aux  caser- 
nes, et  Alexis  Orlofi'  fut  chargé 
d'aller  olierQher  Calhetiae  à  Pé- 


CAT 

tershoff.  Elle  dormait,  quanc^  mi 
soldat  entra  dans  sa  chambre  ,  et 
lui  dit  :  Suivez-moi,  vous  n'avez 
pas  un  instant  à  perdre,  et  dispa- 
rut. A  la  voix  de  sa  maîtresse  , 
Iwanowna  accourut,  le  soldat  re- 
vint, elles  partirent  dans  une  voi- 
ture placée  à  la  porte  du  jardin; 
Alexis,  c'était  le  soldat,  monta  sur 
le  siège  et  poussa  les  chevaux  de 
toute  leur  vitesse.  A  une  assez 
grande  distance  de  Péterssbourg, 
les  chevaux  tombèrent  de  lassitu- 
de, et  Catherine  se  voyait  obligée 
de  suivre  la  route  à  pied,  au  mi- 
lieu de  la  nuit,  quand  on  trouva 
une  charrette  de  paysan,  dont  A- 
lexis  s'empara,  et  ils  se  remirent 
en  route.  Bientôt  ils  enteqdiieot 
le  bruit  d'une  voiture,  qui  courait 
au-devant  d'eux  avec  la  plus  gran- 
de rapidité.  Cette  voiture  portait 
le  favori  Grégoire,  qui  reconnaît 
Catherine  ,  lui  crie  de  hâter  sa 
marche,  retourne  ses  chevoux  et 
repart.  Catherine  n'arriva  qu'à 
septheures  du  malin  dans  sa  char- 
rette, et  se  rendit  aussitôt  aux  ca- 
sernes :  elle  dit  aux  soldats  qu'elle 
venait  leur  demander  protection 
pour  son  ûls  et  pour  elle ,  dont  le 
tzar  avait  ordonné  la  mort  pour 
cetto  nuit  même,  et  qu'elle  avait 
du  quitter  PétersholT  po.ur  s'y 
soustraire.  Les  soldats  jurèrentde 
mourir  pour  la  déiendre,  et  l'au- 
mônier reçut  leur  serment.  Les 
Orlofffirent  taire  ceux  qui  criaient 
vive  la  régente,  et  l'on  ne  cria  plus 
qaevive l'impératrice.'  Elle  se  ren- 
dit alors  avec  la  foule  des  soldats 
et  du  peuple  ù  l'église  de  K^azan, 
où  l'attendait Tarchevêque  de  No- 
vogorod  ,  qui  avait  été  gagné.  Il 
lui  plaça  sur  la  tête  la  couronne 
iinpérialf>,  et  la  procbi»*  :C||tUfi- 


CAT 

riue  JI,  souveraine  de  toutci»  les 
Rusàies»  et  son  fils,  Paul  Pé- 
<rovilz,  son  successeur.  Ln  Te 
Deiim  ,  et  les  acclamations  de  la 
multitude,  terminèrent  la  céré- 
monie de  l'usurpation.  De  l;\,  Ca- 
iherine  se  présenta  au  palais  d'É- 
Jisabelh,  où  il  dut  lui  être  bien 
doux  de  rentrer  comme  Stouve- 
rainc,  et  elle  y  reçut,  pendant  plu- 
sieurs heures,  cette  foule  de  ser- 
mens  ,  protestations  banales  et 
servilci»,  qui,  peu  de  mois  aupa- 
ravant, avaient  été  prodigués  à 
rierre  III.  Pendant  que  cette  ré- 
volution s'opérait  à  Pétersbourg, 
le  Uar  était  parti  d'Oranieu- 
baum  pour  PétershoiT,  avec  sa  maî- 
tresse, les  femmes  de  sa  cour  et 
«es  favoris,  et  il  devait  le  Lende- 
main célélwcr  la  fête  de  soai  pa- 
tron et  la  sienoje.  Dans  sa  route, 
sa  voiture  fut  arrêtée  par  un  aide- 
de-cam.p,  qui  l'avertit  de  la  fuite 
<Ie  Catherine.  L'empereur  arriva 
,(  Pétershoff,  où  ij  apprit  bientôt 
le  couronnement  de  l'impératri- 
ce. Catherine  était  déjà  à  la  tête 
de  i5,ooo  hommes;  ses  partisans 
n'avaient  cessé  tle  répéter  que 
Pierre  avait  juré  sa  mort  cl  celle 
desonûls.  ElLe-mêrae  prit  ceteo' 
fant  dans  ses  bras,  le  présenta  au 
peuple,  et  parvint  ainsi  à  soule- 
ver toute  la  umllitude  en  sa  fa- 
veur. £lle  publia  également  un 
manifeste,  dans  lequel  elle  parlait 
du  danjçer  qu'avaient  couru  l'or- 
tliodoxie  russe  et  la  gloire  de 
l'empire;  et  elle-iuême,  à  cheval, 
sous  l'habit  d'un  jeune  ollicier, 
accompagnée  de  la  princesse  Das- 
choff,  égalementen  uniforme, elle 
parcourait  les  rangs  de  son  armée. 
Ce  fut  là  que  Pol^iukin  ,  alurs 
baâ-o (licier dans  uprégiineot  àsa 


CAT 


UJI 


gardes  à  cheval,  et  conjuré  très- 
subalterne,  s'avança  pour  offrir  sa 
dragonne  à  l'impératrice,  qui  l'ac- 
cepta et  qui  s'en  souvint.  Potemkin 
avait  alors  26  ans  :  il  avait  une 
beauté  mâle  et  une  tournure  re- 
marquable. Catherine  parcourut 
encore  le  soirPétersbourg,  l'épée 
à  la  main,  à  la  tête  d'un  cortège 
brillant  et  nombreux,  au  milieu 
duquel  on  remarquait  la  fidèle  et 
<;ourageuse  princesse  Daschoff,  et 
i'hetman  Razomowski ,  qui  ve- 
nait de  grossir  l'armée  de  0,000 
Cosaques,  destinés  par  l'empe- 
reur à  se  rendre  en  Poméranie. 
Pendant  que  Catherine  triom- 
phait à  Pétersbourg,  Pierre  III  sjb 
désolait  à  Pétershoiî",  au  milieu  de 
ses  femmes  et  de  ses  courtisans. 
Le  vieux  maréchal  Munich,  âgé 
de  82  ans,  qui  avait  été  rappelé 
de  la  S^ibérie  parle  prince,  aprèt 
vingt  ans  d'exil,  lui  conseilla  de 
se  rendre  à  Cronstadt,  d'où  il  fe- 
rait rentrer  la  capitale  dan»  la 
soumission.  Mais  dans  l'interval- 
le ,  Cronstadt  s'était  prononcé 
pour  Catherine,  et  Pierre  n'eut 
pas  le  courage  de  sauter  à  terre, 
d'après  le  conseil  du  brave  Mu- 
nich et  de  ses  officiers.  Enfin, 
après  avoir  refusé  tous  les  partis 
généreux  qui  lui  furent  proposés, 
Pierre  aborda  à  Oranienbaum,  é- 
crivit  à  l'impératrice,  la  supplia  de 
lui  pardonner  ses  torts,  offrant  de 
partager  avec  elle  l'autorité  sou- 
veraine :  cette  lettre  resta  sans  ré- 
ponse. Catherine  la  reçut  sur  la 
route  de  Péteridioff.  Elle  en  reçut 
bientôt  après  ane  seconde,  dans 
laquelle  il  implorait  la  pitié  de  sa 
femme,  lui  cédait  la  couronne,  ot 
lui  demuudiut  une  pension  pour 
aller  vivre  daos  1«  Hpâlleio,  ji<»j> 


iga 


CAT 


pays  natal.  L'affaire  était  trop 
avancée  par  les  propres  démar- 
ches de  cet  indi{i;ne  souverain, 
et  cette  lettre  eut  le  sort  de  la 
première.  Mais  Catherine  fit  en- 
trer le  chambellan  I?n)aïloff,  qui 
l'avait  apportée,  et  le  décidant  à 
trahir  son  maître,  le  chargea  de 
lui  inspirer  la  résolution  de  ve- 
nir se  rendre  lui-même  à  dis- 
crétion. Les  conseils  de  cet  hom- 
me perfide  eurent  plus  d'em- 
pire sur  Pierre  que  ceux  du  géné- 
reux Munich,  parce  qu'ils  étaient 
plus  en  rapport  avec  son  carac- 
tère, et  le  tzar  partit  pour  Péters- 
hoff  avec  Romanowna  W  oronzoff, 
dont  le  père  l'avait  déjà  abandon- 
né. Arrivé  à  Pétersholï,  le  tzar 
fut  dépouillé  de  ses  ordres,  de  ses 
habits;  on  lui  prit  ses  diamans, 
et,  après  l'avoir  laissé  quelque 
temps  en  chemise,  et  nu -pieds, 
en  butte  aux  outrages  des  soldats, 
on  l'enveloppa  dans  un  manteau, 
et  on  l'enferma  seul  dans  une 
chambre  de  son  palais^  Peu  de 
momens  après,  il  vit  entrer  le 
comte  Panin ,  qui  l'assura  que 
l'impératrice  lui  accordait  sa  re- 
traite dans  le  Holslein,  et  qui  lui 
iit  signer  une  déclaration  encore 
plus  avilissante  que  la  seconde 
lettre,  puisqu'il  s'y  représentait 
lui-même  comme  indigne  de  ré- 
gner. Après  ce  dernier  acte  de  la 
dégradation  souveraine,  un  ofïi- 
cier,  avec  une  escorte,  s'empara 
de  l'empereur;  lui  dit  qu'il  le  con- 
duisait à  un  petit  château  impé- 
rial, nommé  Robscha,  et  le  mena 
à  une  maison  de  campagne  de 
l'hetman  Razornowski,  nommée 
Mopsa,  où  deux  jours  après  {voj-, 
Castera,  hisloire  de  Catherine  JI, 
tome  1,  page  4i2  ef  suivantes). 


CAT 

ce  malheureux  prince  fut  étran- 
glé. Le  lendemain.  Catherine  fit 
publier  la  déclaration  suivante: 
«  Le  septième  jourde  notre  avéne- 
»ment  au  trône  impérial,  nous  re- 
"çrtmes  avis  que  le  ci-devant  empe- 
«reur  était  attaqué  d'une  colique 
«violente,  occasionée  parles  hé- 
«morroïdes,  dont  il  avait  eu  au- 
»trefois  de  fréquens  accès.  Ans- 
))si,*  [lour  tic  pas  manquer  au  de- 
»  voir  que  nou>  impose  la  religion 
»  chrétienne  et  la  sainte  loi,  qui 
«prescrit  de  conserver  la  vie  à  son 
«prochain,  nous  ordonnâmes  de 
«lui  envoyer  à  l'instant  tout  ce 
»  qui  pourrait  servir  à  prévenir  les 
«suites  d'un  mal  si  dangereux,  et 
«de  le  soulager  par  de  prompts 
«remèdes.  Nous  apprîmes  cepen- 
«danthier,  avec  beaucoup  dedou- 
wleur  et  de  regret,  qu'il  avait  plu 
«  au  Très-Haut  de  terminer  sa  car- 
«rière.  C'est  pourquoi  nous  avons 
«ordonné  de  déposer  son  corps 
«dans  le  monastère  de  Newski, 
«pour  y  être  inhumé.  Nousexhor- 
«tons  en  même  temps,  en  souve- 
»  raine  et  en  mère,  tous  nos  fidèles 
«sujets  à  faire  les  derniers  adieux 
«au  défunt,  en  oubliant  le  passé, 
«et  à  prier  Dieu  pour  son  âme, 
«ainsi  qu'à  regarder  cet  arrêt  inal- 
»  tendu  du  Tout-Puissant,  com- 
«meun  effet  des  vues  impénétra- 
«bles  que  sa  providence  s'e>t  ré- 
«servées  sur  nous,  sur  notre  trône 
»  impérial,  et  sur  toute  notre  chè- 
»re  patrie.  «  Nous  voudrions  at- 
teindre le  terme  de  la  carrière  pé- 
nible où  la  loi  impérieuse  de  la 
vérité  nous  entraîne,  et  pour  ne 
plus  souiller  le  tableau  d'un  des 
plus  beaux  règnes  du  monde,  a- 
horder.avant  le  temps  le  récit  d'au- 
tres attentats,  dont  l'inflexible  his- 


CAT 

»  beaucoup  de  traces  de  barbarie. . . 
wCet  homme  ayail  de  grands  dé- 
»  fan  ta;  mais  .»ans  eux  peut-être  il 
»  n'eût  doniiné  ni  sa  souveraine, 
;>ni  son  pays.  Le  hasard  le  lit  pré,- 
»tisinn»'nl  tel  qu'il  devait  être 
«pour  (onserver  si  long-temps  son 
«pouvoir  sur  une  femme  aussi  ex- 
ntraordinaire.  »  L'heure  de  la  Po- 
logne était  venue,  et  l'année  qui 
vit  la  révolution  l'rauçaise,  si  pu- 
bliquement détestée  par  Catheri- 
ne, renverser  le  trône  de  Louis 
XVI,  vit  aussi  cette  princesse  pré- 
cipiter du  trône  Stanislas  qu'elle 
y  ayait  placé.  A  l'audience  de  con- 
gé que  M.  de  Ségur  avait  reçue, 
Catherine  lui  avait  dit  :i«Je  suis 
«arislotrale,  car  il  faut  faire  son 
«métier.»  Les  troupes  prussiennes 
jetaient  aussi  entrées  en  Pologne, 
Kosciuftko  se  mit  en  vain  ù  la  tê- 
le  de  ses  compatriotes.  Les  inté- 
rêts de  sa  mallieureuse  patrie  tu- 
rent trahis  par  plusiturs  familles 
puissantes.  Le  roi  Stanislas  jui- 
luême  ne  fut  pas  à  Vahvi  de  tout 
soupçon.  Warsovvie  fut  prise  par 
le  sanguinaire  Souwaroff;  le  fau- 
bourg de  Prague,  où  s'était  retiré 
ee  (pii  restait  de  l'armée  patriote, 
fut  pris  d'a.ssaut,  et  toute  la  popu- 
lation y  fut  égorgée.  SouwaroÛ'y 
renou>ela  ses  harhagies  d'Lsmaël. 
La  Coiirlande  et  la  Samogitie  de- 
vinrent également  l'oltjet  de  l'a- 
yidilé  de  Catherine,  et  lurent  aus- 
si, contre  la  foi  des  traités  et  des 
droite  des  pi-uples,  violemment 
réunies  au  grand  empire.  Plaluu 
7-.oubow  était  favori  depuis  quel- 
que-i  années,  et  il  avait  remplacé 
Potenikim  auxaflaires.  Il  présida 
xiu  traité  de  commerce  avec  l'An- 
gleterre, qui  fut  signé  le  25  mars 
i793,  et  qui  feriiia  les  ports  de 

X.  IV. 


CAT  209 

la  Russie  aux  marchands  fran- 
çais. Il  avait  puissamment  in- 
flué sur  la  reprise  de  la  guerre 
de  Turquie,  sur  le  dernier  par- 
tage de  la  Pologne,  et  venait 
de  décider  l'invasion  de  la  Cour- 
lande.  C'était  ressusciter  Potem- 
kim.  Aussi  Catherine  resta-t-elle 
exclusivement  attachée  à  Zoubovv 
jusqu'à  son  dernier  moment.  L'é- 
migration française  intéressa  ex- 
térieurement l'impératrice;  mais 
la  proleetion  qu'elle  accorda  aux 
émigrés  ne  fut  qu'individuelle,  et 
elle  avait  négocié  avec  le  roi  de 
Suède,  qu'elle  voulait  affaiblir, 
l'intervention  armée  de  ce  monar- 
que contre  la  république  françai- 
se, quand  elle  uu)urut  subitement 
d'un  coup  d'apoplexie  foudroyan- 
te, à  Pétersbourg,  à  1  âge  de  67 
ans.  Ouelques  conquêtes  en  Per- 
se,  dont  le  motif  était  de  la  même 
nature  que  celui  qui  avait  fait  par- 
tager la  Pologne ,  et  envahir  la 
Courlande  et  la  Crimée,  termi- 
nèrent sa  gloire  d'Asie.  De  tous 
se.-,  favoris,  les  plus  puissans  fu- 
rent Orloff  et  Potemkim,  et  les 
plus  aimés,  Landskoi  et  Zoubow. 
On  a  évalué  à  la  somme  prodigieu- 
se de  4645000,000  les  dons  dont 
elle  s'était  plu  à  enrichir  ses  a- 
mans  depuis  son  avènement  à  la 
couronne.  Les  récompenses  pro- 
diguées à  ses  généraux  et  à  ses 
ministres  étaient  également  ex- 
cessives. Elle  donnait  avec  tout 
l'entraînement  d'une  femme  pas- 
sionnée, et  tonte  la  générosité 
d'un  grand  souverain.  En  la  nom- 
mant la  Séniiramis  du  Nord,  Vol- 
taire a  tracé  d'un  seul  mot  son 
portrait  et  sa  vie.  Afm  qn'aucunc 
faculté  hiunairje  n'échappât  à  cel- 
te femme  extraordinaire,  Calliç^* 

'4 


210  CAT 

rine  se  livra  aux  lettres  avec  suc- 
cès. On  tie  sait  où  elle  trouvait  le 
temps  de  faire  tout  ce  qui  rem- 
plissait sa  vie.  Elle  avait  acheté  la 
bibliothèque  fleVoltaire  et  celle  de 
Diderot,  avec  lesquels  elle  avait 
entretenu  une  correspondance, où 
elle  ne  paraît  pas  être  inférieure 
à  ces  hoiTiines  célèbres.  Dans  les 
rares  intervalles  de  ses  amours, 
de  ses  créations  de  toute  nature, 
de  ses  traités,  de  ses  conquêtes, 
elle  avait  composé  plusieurs  ou- 
vragés. Pendant  le  voyage  dte  Cri- 
mée, elle  s'était  amusée  à  tradui- 
re quelques-»)»is  des  chapitres  du 
Bélitaiir  de  Marmonlel.  Elle  cojn- 
posait  de  petites  pièces  dramati- 
ques qu'elle  faisait  jouer  sur  son 
théâtre  de  l'Ermitage,  maison  de 
plaisance,  où  elle  réunissait  sa  so- 
ciété la  plus  intime,  et  même 
quelques  ambassadeurs  des  cours 
étrangères.  Les  autres  écrits  de 
cette  princesse,  sont  :  i°  Son  Ins- 
truction pour  la  commission  char- 
gée de  dresser  le  projet  d'un  nou- 
veau Code  de  lois,  1766,  in-S", 
traduite  en  français  par  Catherine 
elle-même,  et  publiée  en  français, 
latin,  allemand  et  russe,  1770,  in- 
4°;  puis  en  russe  et  en  grec  vul- 
gaire, in-8°  ;  2°  Antidote,  ou  Ré- 
futation du  J^oyage  en  Sibérie, 
par  l'abbé  Chappe,  écrit  en  fran- 
çais, et  imprimé  à  la  suite  de  ce 
voyage,  1769  à  1771»  6  vol.  in- 
12;  5°  le  CzarOwitz  Chlore,  com- 
posé en  russe,  et  traduit  en  fran- 
çais par  Formey,  sous  ce  titre  bi- 
zarre :  le  Czarowitz  ClUor. ,  con- 
te moral  de  main  impériale  et  de 
maîtresse,  1782,  in-8°;  l\^  Biblio- 
thèque d'Iusioire  et  de  morale. 
C'est  une  histoire  abrégée  de  la 
lluâsie,  avec  des  contes  moraux 


CAT 

pour  servir  à  l'instruction  des  pe- 
tits-fils de  la  tzîirine.  5°  Ohg, 
drame  historique,  traduit  en  fran- 
çais du  russe  de  Derschawin;  G" 
Lettres  à  Zimmermnnn,  inséréfei 
dans  le  tome  III  des  Archives 
littéraires;  7"  Divers  autres  Opas- 
cules,  soit  en  russe,  soit  en  alle- 
mand, qui  sont  rudiqués  dans  \e% 
bibliographies  allemandes.  On  à 
cilé  une  fou  le  d'anecdotes  sur  PiBi- 
péralrice  Catherine;  mais  nous 
nous  contenterons  de  rapporter 
quelques-uties  de  celles  qui  la  ca- 
ractérisent le  mieux,  et  qui  sont 
authentiques.  Lorsque  Gustave  III 
déclara  la  guerre  à  la  Russie,  il  lui 
adressa  tin  manifeste,  où  il  annon- 
çait ses  prétentions  avec  hauteuf 
et  en  termes  peu  mesurés,  La  tra- 
rine  fit  faire  des  copies  de  ce  aia- 
nifeste,  qu'elle  envoya  aux  di- 
vers ambassadeurs  qui  étaient  à 
Pétersbpurg.  M.  de  Ségur  s'élant 
ensuite  présenté  à  la  coUI"  :  «  fih 
rtbien,  lui  dit  Catherine,  avet* 
»  vous  lu  le  manifeste  de  Gustave^ 
» — Madame,  répondit  l'ambassa- 
wdeur,  on  croirait  que  ce  prince 
»a  déjà  gagné  trois  batailles  sur 
»  votre  majesté. — Quand  il  en  au- 
nraitgagné  quatre,  répliqua  latza- 
»rine,  et  quand  même  il  serait 
«maître  de  ma  capitale,  je  lui  le* 
«rais  voir  ce  que  peut  le  courage 
«d'une  femme  sur  les  débris  d'un 
«grand  empire.»  Dans  sa  société 
intime,  elle  admettait  quelque- 
fois des  ambassadeurs,  des  gêné" 
raux  et  des  gens  de  lettres.  Elle 
leur  adressa  un  jour  cette  ques- 
tion :  V  Que  pensez-vous  que  j'eus- 
»se  voulu  être,  si  je  n'étais  pas 
»née  femme?  -^  Homme  de  let- 
))tres,  dit  quelqu'un.  —Plutôt  gé'- 
«néral,  dit  M.  de  Ségur.  '—  Vou* 


CAT 

j  vous  trompei,  répondit  Callicri'- 
uD€,  je  ne  serai*  iainai*  parvenue 
iȈ  ce  grade,  je  me  serais  fait 
«tuer   lieutenant  à    la   première 

•  charge.» La  bonté  et  l'indulgen- 
ce s'alliaient  très-bien  avec  ce  ca- 
ractère fier  et  impétueux.  Un  in- 
lendaot  militaire  vint  se  plaindre 
ù  la  tzarine  d'un  fournisseur  qui 
avait  compromis  le  service,  et  il 
demandait  une  punition  exem- 
plaire contre  le  délinquant.  «  Fai-r 
»tes-le  venir,  dit  Catherine,  et  je 
»  luiparleraicn  particulier.  — Mais, 
omadaatc,  reprit  l'intendant,  il 
0  vaudrait  peut-être  mieux  le  ré- 

•  primander  en  public. — Ce  n'est 
«point  là  ma  manière,  répliqua  la 
«princesse,  j'aime  à  récompenser 

•  tout  haut,  mais  je  punis  tout 
0  bas.  1)  En  terminant  cette  notice, 
nous  «lemandvrons  à  nos  lecteurs 
ce  que  serait  à  préscat  l'Europe, 
si  Catherine  eût  régné  en  même 
temps  qtie  Napoléon.     • 

CATHERINE  (  Sopiiie-Doro- 
THÉE  -  Frédéuiqce  )  ,  cx  -  reine  de 
AVestphalie,  à  présent  princesse 
de  Montfort ,  scew  du  roi  régnant 
de  Wurtemberg,  née  le  21  février 
1780,  mariée,  le  12  août  1807, 
au  prince  Jérôme  Bonaparte.  La 
fortune  l'a  fait  naitred'uiie  maison 
souveraine,  la  nature  lui  a  don- 
né tout  ce  qui  convient  à  la  ma- 
jesté du  trône  pour  l'embellir,  et 
au  pouvoir  pour  le  rendre  cher 
aux  hommes.  Il  n'y  a  pas  de  cou- 
roime  on  Europe  (|ui  n'eftt  été 
bien  placée  sur  la  tête  de  la  prin- 
cesse Catherine.  La  beauté  ,  qui 
est  aussi  une  puissance,  se  joint 
«n  elle  aux  manières  les  plus  no- 
bles et  les  plus  alfables.  Sa  vertu 
est  doucp  et  sans  ostentation;  son 
e&prit  singulièrement  cultivé,  ca- 


CAT  211 

che  son  étendue  sons  une  grâce 
piquante  et  négligée  ;  son  âme  est 
de  celles  que  Bossuet  eût  appelées 
autrefois  une  à/ne.  toute  royale; 
l'élévation  de  cette  âme  à  la  fois 
sensible  et  courageuse,  fournit 
du  moins  une  belle  page  aux  mé- 
nmires  de  la  royauté  européenne. 
Cette  page  la  voici,  c'est  la  reine 
CallK'rine  qui  l'écrit  elle  même. 
Après  la  première  invasion  qui 
enleva  à  Napoléon  cette  France 
immense,  dont  il  n'avaitpas  vou- 
lu céder  un  village  pour  la  cou- 
server,  le  roi  de  Wurtemberg, 
qui  devait  sa  couronn^^  à  ce  grand 
homme,  ordonna  à  la  princesse 
sa  lille  de  se  sép;uer  de  l'époux 
dont  il  avait  lui-mêpic,  sept  ans 
auparavant,sollicité  et  obtenu, l'al- 
liance. Les  lettres  suivant<;s,dont 
nous  garantissons  raulhenticité  , 
et  dont  les  dates  attachent  à  U 
princesse  Catherine  un  car  acte  rq 
historique  d'un  si  touchant  inté- 
rêt, répondireat  ai^x  ordi'cs  réité- 
rés du  roi  son  pèj-e. 

Paris,  te  17  avril  i8i4- 

Mon  Irès-chçr  père , 

Je  viens  de  recevoirla  lettre  du 
\'Z  avril  que  vous  avez  bien  vou- 
lu m'écrire;  elle  m'estparvenu(?le 
lendemain  du  jour  où  Âl.  de  W  int- 
zingerode  m'avait  fait  faire  les  ou- 
vertures dont  vous  l'avez  char- 
gé. Mes  précédentes  lettres  ont  4i> 
vous  prouver  quelles  étaient  meji 
irrévocables  résolutions.  Quelles 
qu'aient  été  toute  ma  vie,  ipQa 
cher  père ,  ma  teridresse  et  ma 
soumission  à  la  moindre  de  vos 
volontés,  vous  ne  pourrez  vous, 
même  me  blâmer  si  dans  une  cir- 
constance aussi  importante  ,  jq 
me  vois  oblij^ée  dç  n  écx^iutfir  qu^. 


212  CAT 

ce  que  le  devoir  et  l'honneur  me 
dictent.  Unie  à  mon  époux  par  des 
liens  qu'a  d'abord  formés  la  poli- 
tique, je  ne  veux  pas  ici  rappeler 
le  bonheur  que  je  lui  ai  dû  pen- 
dant sept  ans;  mais  eût-il  été  pour 
moi  le  plus  mauvais  des  époux  , 
si  vous  ne  consultez,  mon  cher 
père  ,  que  ce  que  les  vrais  princi- 
pes d'honneur  me  commandent , 
vous  me  direz  vous-même  que  je 
ne  puis  l'abandonner  lorsqu'il  de- 
vient malheureux,  et  surtout  lors- 
qu'il n'est  pas  cause  de  son  mal- 
heur. Ma  première  idée ,  mon  pre- 
mier mouvement  ont  été  d'aller 
me  jeter  dans  vos  bras,  mais  a- 
vec  lui,  avec  le  père  de  mon  en- 
fant; je  comptais  trouver  en  vous 
toutes  les  consolations  que  me 
promettent,  dans  votre  lettre,  vos 
sentimens  paternels;  mais  seule 
je  ne  puis  songer  à  chercher  un 
asile  sûr  :  où  serait  d'ailleurs  ma 
tranquillité  ,  si  je  ne  la  partageais 
avec  celui  auquel  je  dois  aujour- 
d'hui, plus  que  jamais,  mes  con- 
solations. Mon  cher  père,  je  me 
jette  à  vos  genoux,  et  vous  sup- 
plie de  considérer  ma  position  et 
les  devoirs  qu'elle  m'impose.  Ne 
consultez  pas  la  politique,  mais 
seulement  les  devoirs  les  plus  sa- 
crés de  père  ,  et  ceux  d'une  épou- 
se et  d'une  mère;  et  voyez  si  en 
manquant  à  mes  premiers  devoirs, 
je  serais  capable  de  respecter  les 
autres.Considérez  tous  ces  motifs, 
et  veuillez  vous  pénétrer  que  les 
principes  les  plus  sacrés  peuvent 
seuls  m'engager  à  refuser  toute  of- 
fre de  grandeurs  et  de  fortune  que 
je  dois  à  vos  bontés,  et  qui  m'em- 
pêcherait aujourd'hui  de  remplir 
mes  devoirs  de  femme  et  de  mè- 
re. J'ai  dû  vous  faire  connaître 


CAT 

ici,  de  Paris,  où  vous  ne  pouvez 
supposer  l'influence  de  mon  ma- 
ri, cette  irrévocable  décision.  Au 
désespoir  d'encourjr  par-là  peut- 
être  votre  disgrâce  ,  je  puise  mon 
courage  dans  la  conviction  de  me 
rendre  du  moins  plus  digne  en- 
core de  votre  estime,  persuadée 
qu'avec  le  temps  vous  me  rendrez 
justice,  que  vous  vous  direz  inté- 
rieurement que  je  n'ai  pu  agirau- 
trement  sans  hie  manquera  moi- 
même,  et  que  les  devoirs  de  fille 
tendre  et  soumise  que  j'ai  rem- 
plis toute  ma  vie,  devaient  être 
pour  vous  la  garantie  que  je  rem- 
plirais également  ceux  d'épouse 
et  de  mère.  Veuillez,  mon  cher 
père,  accorder  votre  bénédiction 
du  moins  aux  intentions  pures 
qui  me  dirigent;  songez  que  le  rê- 
ve du  bonheur  est  fini  pour  moi, 
et  que  je  ne  puis  plus  trouver  de 
consolation  ni  de  dédommage- 
ment que  dans  l'affection  et  la 
tendresse  des  miens.  Que  Dieu 
que  j'implore  veille  sur  vos  jours 
et  les  rende  heureux.  Mais  si  un 
jour  ils  étaient  altérés  par  l'infor- 
tune, vous  me  verriez,  mon  cher 
père,  à  vos  pieds  tâcher  de  les  a- 
doucir,  et  vous  porter  d'aussi 
grands  sacrifices  que  ceux  que  je 
fais  maintenant  pour  mon  époux. 
Je  suis,  etc.  Signé  Catherine. 

Après  l'abdication  de  Fontai- 
nebleau, le  roi  Jérôme  avait  sui- 
vi à  Blois  l'impératrice,  et  il  partit 
pour  Berne,  où  il  comptait  s'éta- 
blir. Ce  fut  dans  l'intervalle  de 
ces  deux  voyages  que  la  reine  fut 
arrêtée  et  volée  à  quelques  lieues 
de  Paris,  sur  la  route  de  la  Suis- 
se,  par  le  marquis  de  Maubreuil, 
ex-chouan,  qui  avait  été  attaché, 
à  Casseljà  cetteprincesse,  en  qua- 


CAT 

lité  d'écuyer,  et  à  son  époux  , 
comme  capitaine  des  chasses.  El- 
le dut  descendre  de  sa  voiture  par 
l'ordre  de  celui  qui  l'avait  tant  de 
fois  escortée  quand  elle  régnait  ; 
elle  se  vit  dépouiller  de  tous  ses 
diamans,  de  tout  son  argent,  et 
pour  comble  d'infortune,  elle  fut 
réduite  à  recevoir  de  ce  brigand, 
sur  l'argent  qu'il  lui  enlevait ,  u- 
ne  somme  de  5o  louis,  pour  pou- 
voir arriver  à  Berne,  où  le  roi 
l'attendait.  Un  profond  mystère 
a  couvert  pendant  quelque  temps 
cet  inconcevable  attentat, qui  pa- 
raît n'être  qu'un  épisode  d'un 
crime  plus  vaste.  Le  récit  de  ce 
complot  faisant  naturellement 
partie  de  l'arlicle  destiné  à  celui 
qui  en  fut  l'agent,  nous  y  ren- 
voyons nos  lecteurs,  {f^oycz  Mau- 
BREi'iL.)  Le  courage  delà  princes- 
se, que  la  perte  du  trône,  ni  les 
ordres  d'un  père,  n'avaient  pu  é- 
branler,  dédaigna  cette  nouvelle 
adversité.  Elle  arriva  à  Berne  où 
elle  trouva  son  époux.  C'était  l'u- 
nique objet  de  son  désir;  mais  ce 
ne  fut  pas  le  terme  de  ses  infor- 
tunes. Son  père  la  poursuivit  en- 
core dans  cet  asile  avec  toute  sa 
puissance  royale,  et  la  lettre  sui- 
vante répondit  ainsi  à  cette  nou- 
velle persécution. 

Berne,  le  i"  mai  i8i4. 

Mon  très-cher  père , 

M.  de  Linden  m'a  remis,  àson 
passage  à  Neufchâtel,  votre  let- 
tre du  i6  avril,  et  de  plus  il  m'a 
transmis  verbalement  vos  inten- 
tions. Je  ne  vous  cacherai  pas  que 
c'est  avec  un  chagrin  bien  sensi- 
ble que  j'ai  vu,  dans  une  conver- 
sation d'une  heure  et  demie, que 
vous  persistez  dans  votre  désirdc 


CAT  ii3 

me  séparer  de  mon  mari,  chose 
que  je  ne  puis  concevoir,  etqui  ne 
peut  pas  plus  entrer  dans  ma  tête 
que  dans  mon  cœur.  Forcée  par 
la  politique  d'épouser  le  roi  mon 
époux,  le  sort  a  voulu  que  je  me 
trouvasse  la  femme  la  plus  heu- 
reuse qui  puisse  exister.  Je  porte 
à  mon  mari  tous  les  senliuiens 
réunis,  amour,  tendresse,  esti- 
me; en  ce  moment,  le  meilleur 
des  pères  voudrait-il  détruire  mon 
bonheur  intérieur,  le  seul  qui  me 
reste?  J'osevousledire,  mon  cher 
père,  vous,  et  toute  ma  famille, 
méconnaissez  le  roi  mon  époux  ; 
un  temps  viendra,  je  l'espère,  où 
vous  serez  convaincu  que  vous  l'a- 
vez mal  jugé,  et  alors  vous  retrou- 
verez toujours  en  lui  comme  en 
moi  les  enfans  les  plus  respectueux 
et  les  plus  tendres.  L'événement 
affreux  auquel  j'ai  été  exposée,  n'a 
heureusement  point  influé  sur  ma 
santé;  mais  les  secousses  fréquen- 
tes que  j'ai  essuyées,  et  surtout 
la  proposition  de  me  séparer  de 
mon  époux,  m'ont  non-seulement 
mise  au  désespoir,  mais  ont  pres- 
quccompromisl'existence  de  l'en- 
fant que  je  porte  dans  mon  sein  ; 
M.  de  Linden  en  a  été  le  témoin 
et  peut  vous  l'assurer.  J'ose  me 
jeter  ù  vos  genoux,  ô  le  meilleur 
des  pères!  et  vous  conjurer  de 
vous  désister  de  cette  idée,  car 
ma  résolution  et  mes  principes 
sont  inviolables  à  ce  siijet,  et  je 
n'aspire  qu'à  la  tranquillité  et  au 
i;epos.  Il  me  serait  cruel  de  de- 
voir encore  entrer  dan?  des  con- 
testations vis-à-vis  d'un  père  que 
je  chéris,  et  que  je  respecte  plus 
que  ma  vie.  C'est  dans  ces  senli- 
incnsque  jevous  supplie  d'agréer, 
etc.  Signé  Catherine. 


*i4 


Cat 


De  Berne,  les  deux  époux  se 
rebdireiit  à  Gnits,  et  de  li'i  à  Trics- 
tc  .  d:ins  l'intenfion  de  s'y  fixer. 
La  nature  ,  qui  seule  pouvait  con- 
soler la  princesse  de  tant  demal- 
heui'^,  lui  donna,  dans  celte  vil- 
le, sou  pnemier  enfant.  Devenue 
mère,  elle  oublia,  pour  ne  plus 
s'en  souvenir,  qu'elle  avait  été 
reine  ,  et  elle  pardonna  entière- 
ment à  la  fortune.  A  l'époque  du 
débarquement  de  Napoléon  au 
golfe  Juan,  le  prince  JérOme  se 
rendit  à  Naples,  et  la  princesse 
dut  retourner  à  Gratz;  mais  sur 
ses  instances  réitérées,  l'empe- 
reur d'Autriche  venait  de 'lui  ac- 
corder des  .passe-ports  pour  Na- 
ples,  et  elle  était  au  moment  de 
partir,  lorsqu'un  officier-général 
vint  lui  apporter  Tordre  du  roi 
son  père  de  se  rendi"e,  avec  son 
fils,  dans  le  Wurtemberg;  et,  en 
Cas  de  refus,  il  la  menaça  d'em- 
ployer la  violence  pour  l'y  con- 
traindre. La  princesse  était  mère: 
elle  dut  obéir,  et  se  résigner  à 
devenir  la  prisonnière  de  son  pè- 
re. Elle  fut  forcée  de  se  séparer 
de  toutes  les  personnes  de  sa  sui- 
te ;  on  ne  lui  laissa  qu'une  fem- 
me pour  son  fils  et  un  î?ecrétrtire  ; 
et,  de  cette  manière,  elle  arriva  à 
Gappingen,  lieu  fixéparson  père 
pour  sa  résidence,  et  où  son  é- 
poux  'la  rejoignit,  après  avoir 
inutilement  lutté  à  Waterloo  co«- 
<ie  la  fortune,  qui  précipitait  sa 
famille  pour  la  'seconde  J'ois, 
"(/^qj^ez  Bonaparte  .Iérùme.  )  Pieu 
de  tenips  après,  leur  résidence 
fut  transférée  au  châtean  d'Eii- 
vangen,  où  ils  furent  trmtéscom- 
me  des  prisonniers  d'état.  Le  rOii 
nvait  donné  à  son  genAi-e  le  titre 
de  prince  de  Mofrtfort.  Deux^nB«* 


CAT 

prés,  la  pHncet^eeutla  permission 
de  s'exiler  avec  son  époux,  et  d'al- 
ler loin  de  son  pays  natal  s'établir 
en  A  utrichiXIn  second  enfant,  une 
fille  née  à  Trieste,  ne  laisse  plus 
rien  à  désirer  à  cette  prince&se,  si 
digne  du  rang  auquel  sa  naissan- 
ce et  la  politique  l'ontélevée  mo- 
mentanément. Elle  se  croit  plus 
que  reine,  elle  e>st  heureuse  épou- 
se  et  heureuse  mère. 

CATlNEAîU- LAROCHE,  an- 
cien imprimeur,  fut,  en  1810, ins- 
pecteur des  douanes  en  Illyrie;ett 
1811,  chef  de  bureau  à  la  direc- 
tion de  l'imprimerie  et  de  la  li- 
brairie; en  181Ô,  secrétaire-géné- 
rtfl  de  la  préfecture  de  l'Aine,  et 
en  i8i4*  sous-préfct  de  l'arron- 
dissement de  Saint-Quentin.  M 
exerça  ces  dernières  fonctions 
jusqu'au  mois  de  mai  i8i5:  de- 
puis, M.  Calineau  a  reçu  pour  les 
colonies  plusieurs  missions  du 
gouvernement.  H  a  autrefois  pu- 
blié :  1°  Dicùonnaire  de  pocItCy 
composé  sur  le  système  ort/io^a- 
phiffue de  Mohair p,  1798,  in-i(>.Ce 
vocabulaire  a  été  réii»piimé  qua- 
tre ou  cinq  foisiu- 1  "i'^i"  iiéfle.rio»ji 
suriaiibrmrie,  1807,  in-S";  'h°  Ob- 
servations et  projet  de  décret  sur 
la  librairie,  1806,  in-4".  M.  Bon- 
net a  travaillé  avec  lui  à  la  rédac- 
tion de  celte  dernière  brochure. 
CATRUFFO  (.Toseph),  musicien 
compositeur,  fils  d'un  officier  es- 
pagnol, embra&sa  d'abord  lacar- 
r>(^e  militaire,  la  4]uilta  pour  se 
livrer  à  la  composition  musicale, 
fut  arraché  à  ses  études  par  èes 
événemens  4e  la  révokitiuB,  et 
rentra  au  service.  \\  a  faàt  toutes 
los  campagnes  d'italit;,  atiaclié 
aux  états -majors,  .adjudant  de 
place  û  Diana-Marina,  riiviène  d« 


CAT 

Oènes,  il  s'y  défendit  courageuse- 
ment, à  la  tête  de  la  population 
de  cette  ville,  contre  l'attaque 
d'une  escadre  anglaise.  Parvenu 
augradedecapitainedansle  corps 
du  génie,  il  quitta  le  service  4 
l'époque  où  le  roi  Joachiin  MupU 
fit  la  paix  à  Florence  j;ivec  les 
puissances  coalisées,  et  il  se  reti- 
ra à  Genève  pour  s'adonner  tout 
entier  à  la  musique  :  plusieurs  0- 
péras  français  et  quelques  beaux 
jnorceaux  de  musique  sacrée,  ont 
commencé  dans  celle  ville  sa  ré- 
putation de  compositeur.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  un 
Ckrislus  sanctus  exécuté  à  Genè- 
ve au  profit  des  pauvres;  des  /  0- 
c«/iye*pu  éludes  pour  la  voix,  a- 
dppléesaux  classes  des  conserva- 
toires de  Paris  et  de  Milan  ;  une 
nouvelle  méthode  de  solfège  pro- 
gressif, applicable  à  un  et  plu- 
sieurs élèves  à  la  fois.  I/ai-entU' 
lier,  opéra-comique  en  tro|s  ac- 
tes, paroles  defll.  Lieber;  Félicie, 
x»péra  -  comique  en  trois  actes, 
paroles  de  Dl.  Dupaty;  ttne  Ma- 
Linî't  (le  Frontin,  opéra-cornj- 
que  en  uo  acfe,  paroles  de  M- 
l^ieber;  la  Fill^  rqinanasqup,  p4- 
rpjep  de  M.  Pupqty;  la  jiotqillc 
4e  Denain,  pppra-pomiqqe  en 
trois  actjes;  Ipx  Jvtughsfiç  Fran- 
cotuillfi,  0{Ȏrg  T  comique  en  uo 
acj«;  1(1  Fée  l/rgele,  opér^-cpini- 
que  en  trois  actes.  Ces  diyers  o- 
pér^^-comiqu^^,  repr^s^entésù  Pij- 
ris  avec  plus  ou  muin»  de  suc- 
cès, am^oncçnt  un  |a)cnt  musical 
très-distingué,  tout  en  prouvant 
qpe  l'auteur,  bon  ^Aj-mo/^iste, élé- 
gant d*fls  spfl  style  et  souvpi^thPM- 
rieuf. dan^ Je  d,essein  d.c  ^es  cb^ptâ^ 
n'avait  point  encore  à  pette  ♦>- 
poqujc  ^uflisamment  étudié  la  prp- 


CAU 


zxTx 


sodie  française.  iM.  Catruffo, 
maintenant  fixé  A  Paris,  a  publié, 
en  1811,  un  livre  fort  curieux, 
intitulé  Bartme  musical,  ou  l'Art 
de  composer  la  musique  sans  en 
connaître  les  principes. 

GATT  EAU-GALLE  VILLE 

(jEAN-PlEBBE-GliILI.il'ME),    UC   de 

par»>ns  français,  réfugiés  à  An- 
germunde  en  Brandebourg.  A- 
près  avoir  exercé  en  Suède  le 
saint  ministère,  il  vint  en  Suisse, 
puis  en  France,  où  il  fit  paraî- 
tre divers  ouvrages.  San§  parler 
do  quelques  essais  publiés  dans 
sa  jeunesse,  on  lui  doit  un  Ta- 
bleau  général  de  la  Suéde  (Lf^u- 
sanne,  178g,  2  vol.);  un  Tableau 
des  états  Danois;  un  Ta.hleau  d^ 
la  mer  Baltique,  et  une  bonne  His- 
toire de  Christine,  reine  de  Siiède 
(Paris,  181 5,  2  vol.  in-8").  Peu 
de  vues  nouvelles  et  peu  d'origi- 
nalité dans  le  style:  mais  delà  lu- 
cidilé,  de  Ifi  véracité  et  quelqiJC- 
|ois  de  la  concision,  distinguent 
pet  écrivain  qui  a  travaillé  à  plu- 
sieurs recueils  et  ouvrages  pério- 
diques, etc.  G4ltei:tu-Gal|cville  est 
Pïovti^  P^risle  igm»»  »8«9,  âgé 
de  6q  ans. 

CAlJCHOîS-Lïi:]VlAIRf'HI^o^»»- 

^VGvi^TiJi-FfkAiiÇQis).  L'histoire  de 
ce  jeune  et  savant  liltéralcnr  n  est 
encore  qqe  celle  de. ses  iuforluaes. 
JSé  ît  Paris  le  38  août  178$),  il  em- 
brassa, 9U  sorlir  du  collège  où  il 
avait  fa^t  d'excellentes  éludes,  la 
carrière  de  l'iustrucliop  j>i)bliq»io, 
qu'il  quitta,  en  1814,  pQur  ouvrir 
un  cabinet  lillérairc,  parljculière- 
inenl  consacré  ^ux  élvdiaus.  De- 
venu à  pelle  éppqge  propriélai- 
du  Journal  des  arls  et  de  ta  litlé- 
rff4urv,  il  cncootinud  la  publica- 
tion 10119  le  litre  de  iV  a  in--/ aune , 


iii6 


CAU 


celle  feuille  où  les  opinions  politi- 
ques   les   plus  conslilutioimelles 
élaient  présentées  sous  les  formes 
les  plus  piquantes,  fui  supprimée 
en    181 5.   M,  Cauchois-Lemaire 
revendiqua  dans  les   Fantaisies, 
qui  devaienl  faire  suite  au  Nain- 
Jdiine.la  solidarité  politique  d'u- 
ne   rédaction  à    laquelle   il   n'a- 
vait    pris     qu'une     f.iible    part. 
Les    Faiitnisit's    eurent,    dès    le 
premier  cahier,  le  sort  de  la  feuil- 
le  qu'elles   remplaçaient.  L'édi- 
teur qui  ne  se  croyait  pas  dispensé 
par   ces   actes    de    l'autorité,   de 
remplir  ses   enj;ageniens  envers 
ses  abonnés,  obtint,  par  intermé- 
diaire et  en  société,   le  privilège 
du  Journal  des  arts  et  de  la  poli 
tique;  cette  feuille  fut  encore  sup- 
primée au  24""-  numéro,  sous  le 
prétexte    d'un  article  revêtu  du 
visa  de  la  censure,  où  l'on  plai- 
gnait le  sort  c^e  l'illustre  Carnot. 
La  ruine  de  cette  troisième  entre- 
prise porta  le  dernier  coup  à  la 
fortune  de  M.  Cauchois-Lemaire, 
qui  se  vit  contraint  de  se  réfugier 
en  Belgique,  pour  se  soustraire 
aux   persécutions    dont    il    était 
l'objet.  Arrivé  à  Bruxelles,  il  y 
publia  le  Nain- Jaune  réfugié, 
dont   il    fut   un    des   principaux 
rédacteurs;    à   cette  feuille  suc- 
céda \g  vrai  Libéral,  Lin  article 
de  ce  journal  quotidien,  relatif  à 
l'Espagne,  valut  à  M.  Cauchois- 
Lemaire  un  procès  qu'on  lui  in- 
tenta, au  nom   de  sa  majesté  ca- 
tholique, et  qu'il  perdit.  Vers  le 
même  temps,  dix-neuf  Français, 
volontairement  réfugiés  en  Bel- 
gique, furent  portés  par  un  co- 
mité de  diplomates  sur  une  liste 
additionnelle  à  celle  des  trente- 
huit;  M.  Cauchois-Lemaire  fut 


CAU 

de  ce  nombre,  et  reçut  en  conse-» 
quence  un  passe-port  pour  Hamf' 
bourg,  ort  il  n'avait  que  faire,  et 
où  cependant  on  l'obligeait  de  se 
rendre;  il  partit  après  avoir  pro-' 
testé  par  acte  notarié  contre  la 
violence  qui  lui  était  faite,  au 
mépris  du  droit  des  gens  et  des 
lois  fondamentales  du  royaume 
dont  on  l'expulsait.  S'étant  sous- 
trait en  route  à  la  vigilance  des 
agens  de  police,  il  se  rendit  à  La 
Haie,  où  il  reput  l'hospitalité  la 
plus  généreuse.  C'est  dans  cet 
asile  qu'il  composa  un  mémoire 
assez  étendu  à  l'appui  d'une  pé- 
tition qu'il  adressa  aux  états-gé- 
néraux et  qui  fut  rejetée  après 
une  discussion  orageuse.  Obligé 
de  quitter  sa  retraite  où  il  avait 
été  découvert,  M.  Cauchois  erra 
pendant  un  an  dans  les  Pays-Bas, 
inconnu  des  personnes  qui  le  lo- 
geaient, et  en  proie  au  plus  pres- 
sant besoin.  La  générosité  belge 
l'empêcha  seule  ffy  succomber. 
Cependant  l'ordonnance  du  5  sep- 
tembre avait  en  France  d'heu- 
reux résultats,  et  M.  Cauchois- 
Lemaire,  qui  n'était  pas  législa- 
tivement  proscrit,  s'en  prévalut 
pour  revenir  à  Paris.  11  est  au- 
teur des  publications  suivantes: i* 
Mémoire  en  appel  contre  le  roi 
d'Espagne  :  un  an  plus  tard,  la 
logique  pressante  de  cet  écrit  eût 
été  mieux  appréciée;  l'auteur 
aurait  plaidé  contre  un  roi  cons- 
titutionnel; 2*  Appela  l'opinion 
publique,  et  aux  états-généraux 
du  royaume  des  Pays-Bas,  en 
faveur  des  Français  proscrits ,  La 
Haie,  18 17. Cet  ouvrage,  dont  les 
notes  sont  de  M.  Guyet,  suffirait 
pour  placer  son  auteur  au  rang 
des   premiers  ptiblicistes   et  des 


CAU 

meilleurs  écrivains  de  l'Europe 
dans  le  genre  judiciaire  ;  5°  flts 
trois  Projtls  dt  ioi  sur  Itx  puhli' 
cations^  Paris,  1 8 19  ;  4°  d*^"  Naples 
et  de  la  déctariuion  ut-  Laybach, 
Paris,  1821  ;  5°  dts  Jésuites,  par 
dylltnibert,ouvragepréci'déd'un 
précis  dts  doctrine.'  et  de  l'histoi- 
re de  cette  société,  et  suivi  de  no- 
tes et  d'éctaircisseniens,  1  vol.  in- 
18,  Paris,  \9>'i\',Q'''  )pusridcs  Pa- 
ris 1H21.  C'est  un  recueil  de  divers 
articles  et  d'extraits  (^'ouvrages 
publiés  à  diiréreules  époques  et 
dans  différents  pays;  7"  Lettre  à 
MM.  deLavau,  président  des  as- 
sises, et  Ravignan.  avocat-géné- 
ral,'Paris,  1821.  On  attribue  à 
M.  Cauchois -Lemaire  une  part 
dans  la  composition  du  petit  ztl- 
manacli  législutif.  ou  la  yérité 
en  riant  sur  nos  députés,  1  vol. 
in-12,  janvier  1821. 

CAUCEIY  (Louis -François), 
poète  latin,  est  né  à  Rouen  en 
1755.  Après  avoir  été  commis  à 
l'intendance  de  cette  ville  avant 
la  révolution,  il  vint  ù  Paris,  où 
il  fut  nommé,  sous  le  consulat, 
garde  des  archiveset  du  sceau,  et 
rédacteur  des  procès-verbaux  des 
séances  du  sénat  -  conservateur , 
fonctions  (pi'il  continua  d'exercer 
sous  l'empire  avec  le  titre  de  se- 
crétaire-archiviste, et  qu'il  rem- 
plit encore  actuelli-ment  auprès 
de  la  chambre  des  pairs,  depuis 
l;i  restauration,  sous  le  litre  de 
garde  des  registres,  et  rédacteur 
des  procès-verbaux  dos  séances. 
Son  goftt  pour  la  poésie  latine, 
rfjn'il  cultive  avec  succès  depuis 
long -temps,  l'engage:»  à  publier 
successivement  diverses  pièces 
qui  furent  mentionnées  honora- 
bicnient  dans  le  rapport  fait,  en 


CAU  217 

1810,  à  l'institut,  pour  les  prix 
décennaux,  au  nom  de  la  classe 
d'histoire  et  de  littérature  ancien- 
ne. Les  principales  de  ces  pièce» 
sont  :  1°  Ode  au  premier  consul, 
1 802  ;  2°  sur  la  Rupture  du  traité 
d' Amiens  par  les  Anglais,  ode  à 
Napoléon,  i8o5;   5°   la  Légion- 
d'honneur,  ode,  180 5;  4°  l'Ode 
italienne  du  colonel  Groberl,i\^rt- 
poleone  al  Danubio,  traduite  en 
vers  héroïques  latins,  i8o5;  5* /a 
Marche  de  la.  grande-armée,  ode, 
180  5;  Q'  la  Bataille  d^Auslerlitz, 
dithyrambe,  avec  une  traduction 
française,   1806.  Cette  pièce  est 
regardée  comme  une  des  meil- 
leures; y'Nereus  vœticinator  (les 
prédictions  de  Nérée),  petit  poii- 
me  sur  la  naissance  du  roi  de  Ro- 
me, 1811.  Toutes  ces  pièces  sont 
écrites   en  latin;  l'auteur  a  fait 
aussi  des  poésies  françaises.  Sim- 
ple chevalier  de  la  légion-d'hon- 
neur sous  Napoléon,  M.  Cauchy  a 
été  nommé,  parle  roi,  officier  de 
la  même  légion,  le  8  janvier  181 5. 
CALLAINCOURT  (Armand-Ad- 
GUSTiN-Loris  de),  duc  de  Vicen- 
ce,    lieutenant  -  général ,    grand' 
croix  de  la  légion-d'honneur,  et 
des  ordres  de  Saint-André  de  Rus- 
sie, de  Léopold   d'Autriche,  de 
Saint-Iîubert  de  Bavière,  de  la  Fi- 
délité de  Bade, etc.,  est  né  ù  Cau- 
laincourt,  en  1775,  fils  du  mar- 
quis de  Caulaincourt,  officier-gé- 
néral,  qui  n'a  jamais  été  attaché 
au  service  personnel  de  la  maison 
de  Condé,   quoiqu'on  ait  affecté 
de  publier  le  contraire,  et  de  la 
marquise  de  Caulaincourt,  dame 
de  Madame,  comtesse  d'Artois. La 
vie  du  général  Caulaincourt,  de- 
puis 1788  jusqu'en  i8i4j  f"t  ex- 
clusivemcul  partagée    entre  se» 


ftiS  CAU 

fonctions  politiques  et  ses  deroir» 
militaire!-.  Il  entra  au  service  à 
i5  ans,  fut  successivement  sous- 
lieuttisant,  lieulenant,  ensuite 
ca|)ilairie,  aidc-de-cainp  de  son 
père,  puis  oincicr  d'élat-inajor 
dans  la  division  Harville  :  en  1 792, 
destitué,  mis  en  prison,  il  n'en 
sortit  que  pour  être  appelé  par  la 
réquisition;  et  rentra  dans  les 
rangs  de  Tarmée,  où  il  servit  pen- 
dant trois  ans ,  comme  grenadier, 
puis  comme  chasseur  à  cheval.  Il 
Jïit  réintégré  dans  son  grade  de  ca- 
pitaine, eu  l'an  5,  sur  la  deman- 
de du  général  Hoche  :  ce  brave 
lui  fit  rendre  celte  justice,  «pour 
«le  récompenser  d'avoir  préleré 
«l'honneur  de  combattre  pour  son 
»pays,  à  la  facilité  qu'on  trouvait 
«alors  de  se  faire  mettre  en  ré- 
»>quisition  dans  une  administra- 
,»tion  pour  échapper  aux  fatigues 
«et  dangers  de  la  guerre.  »  Aide- 
de-camp  du  général  Aubert  JDu- 
bayet,  et  chef-d'escadron,  il  l'ac- 
compagna à  Venise,  après  la  dé- 
faite de  Wurmser,  dans  la  glo- 
rieuse campagne  d'Italie,  puis  à 
Gwîstantinople,  où  ce  général  é- 
tait  alors  ambassadeur  de  la  ré- 
publique, .Ici  commence  la  car- 
rière diplomatique  ,  où  M.  de 
Caulaincourt  s'est  fait  un  nom  ho- 
norable. En  l'an  5,  il  fut  chargé 
d'accompagner  à  Paris  l'ambas- 
sadeu;-  ottoman.  En  l'an  7,  il  com- 
mandait le  2""  de  carabiniers, 
fit  fut  blessé  de  deux  coups  lie 
feu,  l'année  d'après,  à  l'affaire  de 
WeJnheim,  où  il  cotmuandait.  A- 
pj-ès  \iï  paix  de  l'an  8;,  le  colonel 
CaulaLncourt  fut.ejovoyé  à Péiers- 
botirg,  pour  renouer  les  rela- 
tions de  la  France  avec  l'em- 
pereur Alexandre,  qui  Tjenait  de 


CAU 

monter  sur  le  trône  de  Russie^ 
c'est  de  celte  mission  importante 
que  datent  l'estime  et  la  confian- 
ce dont  ce  soijverain  n'a  cessé 
d'honorer  M.  de  Caulaincourt;  cet- 
te mission  dura  six  mois.  De  rC" 
tour  en  France,  il  préféra  au  gra- 
de de  général  de  brigade,  qu'il  9- 
vait  déjà  refusé  du  général  Mq- 
reau  ,  dans  la  fameuse  campagne 
de  llohenlinden,  le  commande- 
ment de  son  régiment  de  carabi- 
niers, qui  s'était  illustré  dans  les 
mémorables  affaires  de  Moiis- 
kirch,  au  passage  du  Danube,  à 
ISéresheim,  etc.  La  même  année 
(en  l'an  10),  il  fut  appelé  par  le 
premier  consul,  dont  il  devint  le 
troisième  aide-de-camp  par  son  an- 
cienneté dans  le  grade  de  colonel. 
Dès  cette  époque,  le  service  de 
la  maison  du  premier  consul  se 
trouvant  partagé  entre  ses  aides- 
de-camp,  selon  l'usage  établi  aux 
armées,  par  les  généraux  en  chef, 
celui  des  écuries  et  de  tout  ce 
qui  y  était  réuni  fut  confié  au  gé- 
néral Caulaincourt,  qui,  àl'avéne- 
ment  de  l'empereur,  se  trouva  na- 
turellement porté  à  Ja  dignité  de 
graud-écuyer  ;  il  s'éleva  comme 
Duroc,  qui  étant  chargé  du  ser- 
vice de  la  maison,  devint  grand- 
maréchal.  Nommé  général  de  bri- 
gade, en  l'an  1 1,  i^.  de  Caulaifl- 
court  fut  chargé  de  plusieurs  nais- 
sions ,  telles  que  de  former,  à 
Bruxelles,  le  ua""  régiment,  de 
hâter  à  Strasbourg,  la  construc- 
tion de  la  flottille  destinée  à  fe- 
monter  le  Rhin  jusqu'à  Dor(Jrecht, 
et  de  surveiller  les  intrigues  du 
ministère  anglais,  sur  les  deux  ri- 
ves du  Rhin.  Cette  mission,  qu'u- 
ne malveillance  perfide  a  Tonlu 
confondre  avec  laHiission  trop  Ja- 


CAU 

meuse  d'Etteinheiin,  qui  eut  pour 
objet  l'arrestation  du  duc  d'En- 
ghicn,  ne  concernait  que  les  in- 
trigues et  les  complots  du  minis- 
tre anglais  Drake,  contre  le  gou- 
Ternement  de  la  France  ttt  la  vie 
du  premier  consul.  La  conduite 
de  M.  Drake  fut  si  contraire  au 
caractère  diplomatique  ,  dont  il 
était  revOtu  à  Munich  ,  qu'il  fut 
congédié  ie  4  mars  i8o4  ?  par  Té- 
lecteur  de  Bavière.  {^Monile/ir  de 
\entme  etgerminal,  an  ^.)M.  de 
Caulaincourt  est  tellement  étran- 
ger à  l'arrestation  de  Al.  le  duc 
d'iioghien,  qu'elle  avait  été  par- 
ticulièrement conflée  par  le  minis- 
tre de  la  guerix;  à  un  autre  géné- 
ral,  qui  en  rendit  coaiple  direc- 
tcitient  au  premier  consul ,  et  qui 
avait  sous  ses  ordres  un  olTicier- 
général ,  5oo  hommes,  et  un  co- 
lonel de  gendarmerie,  qui  iut 
l'exéculeur  de  cette  fatale  arresta- 
tion. 11  est  de  notoriété  publique, 
et  de  nombreux  témoignages  de 
Vous  les  partis  ont  confirmé,  qu'>i 
l'instant  même  où  cette  arrestation 
se  faisait  à  Etleinbeim,  M.  de  (Cau- 
laincourt était  sur  la  roule  d'Of- 
fenbourg,  ponr  l'exéciilion  des 
erdres  dont  il  était  cJiargé.  La  Ho 
vue  c/iroiioiogif^ue  ,  renfermant 
«ne  lettre  du  ministre  des  rela- 
tion» extérieures  au  ministre  de 
l'électeur  de  Bade,  au  sujet  des 
Tioialions  de  teiritoire  exécul<;e9 
à  Offenbourg  et  à  Etteiobeim; 
cette  publication  nous  a  mis  dans 
le  cas  de  rechercher  la  part  réelle 
qu'opuyavoirlH.  deCaulalncoui-t, 
et  nous  tiansrrivons  la  lettre  du 
nainistre  de»  relalious,  en  vei'tu 
de  laquelle  il  expédia  cette  (K:- 
pêA)be  à  Carlsruhc,  par  nu  ciipi- 
t»inc  de  carabiniers  : 


CAU  ai.) 

Le  ministre  des  relations  extérieur 
res  au  général  Caulaincourt. 

Paris,  le  ai  ventôse  an  la. 

«  Général ,  j'ai  l'honneur  de 
«vous  adresser  une  lettre  pour  le 
«baron  d'Édelsheim  ,  ministre 
«principal  de  l'électeur  de  Bade  ; 
«vous  voudrer  bien  la  lui  faire 
«parvenir,  aussitôt  que  votre  ex- 
»péditioa  d'Offenbourg  sera  con- 
»  sommée  ;  le  premier  consul  me 
«charge  de  vous  dire,  que  si 
«vous  n'êtes  pas  dans  le  cas  de 
«faire  entrer  des  troupes  dans  les 
«états  de  l'électeur,  et  que  vous 
«appreniez  que  le  général  Orde- 
»  ner  n'en  a  point  fait  entrer,  cet- 
»te  lettre  doit  rester  entre  vos 
«mains,  et  ne  pas  être  remise  au 
«ministre  de  l'électeur.  Je  suis 
«chargé  de  vous  recommander 
«particulférement  de  faire  pren- 
»dre,  et  de  rapporter  avec  vous 
«les  papiers  de  madame  Reich. 
»  J'ai  Ihonneur  de  vous  saluer. 
»Si^né  Q\\.  Alau.  TALLEYaA>D.» 

Cotte  lettre,  qu'il  était  tout 
naturel  qu'on  chargeât  M.  de 
Caulaincourt  de  transmettre  par- 
ce qu'il  était  plus  près  de  Carls- 
ruhe ,  prouve,  comme  l'ordre 
antérieurement  publié  du  minis- 
tre de  la  guerre ,  qu'il  y  avail 
deux  missions  distinctes,  et  que 
M.  deCaulaincourtétaitchargéde 
celle  d'Offenbourg.  La  lettre  suif 
vante,  de  l'empereur  Alexandre, 
sous  la  date  du  4  avril  1 8o8,  achève 
de  prouver  à  quel  jioint  il  fut  é- 
tranger  à  l'afl'aire  d'Ëtteinheim. 
«Je  savais,  général,  par  mes  mi- 
«nistres  eu  Allemagne,  cond>ien 
«vous  êtes  étranger  à  l'horrible 
«affaire  dout  vous  nie  parlez. 
->  Les  pièces  que  vous  me  comniu- 


aao  CAU 

sniqiiPî  ne  peuvent  qu'ajouler  à 
»  celte  conviction.  J'aime  à  vous 
»le  dire,  et  à  vous  assurer  aussi 
»de  l'estime  sincère  que  je  vous 
»  porte.  Alexandre.  »  Il  est  bon  de 
se  rappeler  que  la  mort  de  M.  le 
duc  d'Enghien  fut  alors  la  cause 
de  la  rupture  de  la  Russie  avec  la 
France,  et  que  le  grand-duc  de 
Bade,  dont  le  territoire  avait  été 
violé  à  Etteinheim,  était  beau- 
père  de  l'empereur  Alexandre. 
On  a  prétendu,  avec  le  même 
système  de  calomnie,  que  M.  de 
Caulaincourt  avait  assisté, à  Paris, 
à  la  mort  du  prince.  La  fausseté 
d'une  pareille  inculpation  est  en- 
core prouvée  par  les  témoignages 
de  plusieurs  fonctionnaires  pu- 
blics, civils  et  militaires,- qui  les 
ont  adressés  d'office  à  M.  le  gar- 
de-des-sceaux  ,  en  1816,  témoi- 
gnages qui  prouvent  que  M.  de 
Caulaincourt  était  alors  à  plus  de 
soixante  lieues  de  Paris.  En  i8o5, 
M.  de  Caulaincourt  fut  compris 
dans  ijne  promotion  de  20  géné- 
raux de  division,  et  dans  celle  du 
grand-cordon  de  la  légiond'hon- 
neur  qu'il  reçut  en  même  temps 
que  47  grands-officiers;  et  enfin 
dans  la  distribution  des  titres,  qui 
furent  alors  si  prodigues,  il  fut  dé- 
coré de  celui  de  duc  de  Vicence. 
Sa  double  qualité  de  grand-écuyer 
et  d'aide-de-camp,  l'attachait  à 
toutes  les  opérations  militaires 
où  l'empereur  commandait  en  per- 
sonne: il  le  suivit  dans  toutes  les 
campagnes,  excepté  à  celle  d'Es- 
pagne et  de  Wagram,  pendant  les- 
quelles il  était  ambassadeur  à  la 
cour  de  Russie.  Cette  importante 
mission  dura  quatre  ans.  La  part 
qu'il  eut  à  l'attitude  hostile  de 
la  Russie  contre  l'Angleterre,  le 


CAU 

maintien  de  l'alliance,  et  du  sys- 
tème continental,  si  contraire  aux 
besoins  de  la  Russie;  le  mauvais 
succès  de  nos  alfaires  d'Espagne; 
la  reconnaissance  du  roi^oseph, 
après  la  capitulation  de  Baylen; 
l'entrevue  d'Erfurt,  à  laquelle  s'at- 
tachait l'espérance  si  raisonnable 
du  maintien  de  la  paix  générale, 
la  Russie  déclarant  et  faisant  la 
guerre  à  l'Autriche  ;  le  commen- 
cement des  affaires  de  Pologne; 
les  projets  de  mariage  de  l'empe- 
reur avec  une  grande-duchesse; 
son  mariage  avec  l'a  rchi-duchesse; 
enfin  tant  d'événemens  si  contrai- 
res et  si  compliqués,  qui  se  suc- 
cédèrent pendant  cette  grande  é- 
poque  de  la  gloire  française ,  du- 
rent placer  souvent  le  duc  de  Vi- 
cence éloigné  de  sa  cour,  par  une 
distance  dehuit  cents  lieues,  dans 
une  position  plus  que  délicate,  et 
donnent  à  son  ambassade  un  ca- 
ractère grave,  un  intérêt  particu- 
lier qui  ne  doivent  pas  échapper 
à  l'histoire.  La  droiture^la  ferme- 
té du  duc  de  Vicence  surent  le 
maintenir,  au  sein  de  tant  de  diffi- 
cultés, dans  l'estime  et  la  confian- 
ce du  souverain  près  lequel  il  é- 
tait  accrédité,  comme  dans  celles 
de  celui  qu'il  représentait.  Tou- 
tefois, son  dévouement  à  la  per- 
sonne et  à  la  gloire  de  Napoléon 
ne  l'aveuglait  pas  sur  les  vérita- 
bles intérêts  de  la  France  ,  et  la 
nouvelle  direction  que  prit  alors 
le  cabinet  l'engagea  à  solliciter 
son  rappel,  qu'il  ne  put  obtenir 
qu'en  i8i  1.  La  constante  opposi- 
tion du  duc  de  Vicence  à  la  mal- 
heureuse guerre  de  Russie,  est  as- 
sez connue.  Celte  opposition ,  ses 
observations  déplurent  :  ce  qui,  à 
AN'ilna,  le  décida  à  demander  un 


CAU 

commandement  à  l'armée  d'Es- 
pagne ;.  l'empereur  n'y  voulut 
point  consentir.  A  Moscow,  il  dé- 
sira le  charger  d'aller  négi>cier*la 
paix  à  Pétershourg;  le  ducdeVi- 
cence  qui  connaisîiait  l'impossi- 
bilité d'une  pareille  négocialion, 
la  refusa.  Sa  dignité  personnelle, 
autant  que  sa  conviction,  lui  im- 
posèrent cette  résistance.  Au  com- 
mencement de  la  fatale  retraite  , 
l'empereur  confia  au  duc  de  Vi- 
cence  son  dessein  de  revenir  ;\ 
Paris  dès  que  l'armée  serait  en 
position  ,  par  l'arrivée  des  ren- 
forts, de  s'établir  et  de  se  repo- 
ser. Ce  but  parut  rempli  par  la 
jonction  du  corps  du  général  Loi- 
son  ,  à  deux  journées  en  avant  de 
>Vilna.  L'empereur  se  décida  à 
partir,  et  fit  à  la  fidélité  si  éprou- 
vée du  duc  de  Vicence,  l'honneur 
de  lui  faire  partager  les  chances 
de  son  voyage,  et  de  le  ramener 
de  Smorgony  à  Paris.  Après  qua- 
torze jours  et  quatorze  nuits  pas- 
sés tCte-à-tête  en  traîneau  ou  en 
voiture,  sous  le  voile  de  l'inco- 
gnito, M.  de  Caulaincourt  remit 
l'empereur  dans  son  palais  des 
Tuileries,  le  18  décembre  1812. 
Jamais  souverain  et  sujet  n'a- 
vaient été  rapprochés  pendant  un 
temps  aus«i  long,  et  dans  une  si- 
tuation aussi  extraordinaire.  Elle 
sembla  avoir  accru  l'estime  et  la 
confiance  de  Tempercur  pour  le 
duc  de  Vicence  ,  de  tout  ce  qu'el- 
le avait  amené  d'épanchemenl  de 
part  et  d'autre.  Appelé  au  con- 
seil, où  il  fut  question  de  la  paix, 
son  opposition  au  système  adop- 
té l'éloigna  de  nouveau  des  .ilTai- 
res.  A  l'ouverture  de  la  campa- 
gne, pendant  l'absence  momenta- 
née du  ministre  des  relatlotid  ex- 


CAU  B21 

térieures,  le  duc  de  Vicence  fut 
chargé  par  l'empereur  de  la  cor- 
respondance politique,  delà  né- 
gociation de  Dresde  avec  M.  de 
liubna,  ainsi  que  de  la  suite  deS 
propositions  inutilement  faites  à 
la  Russie  ,  la  veille  de  la  bataille 
de  Dautzen,  et  enfin,  d'une  fiou- 
velle  proposition  relative  ù  un  ar- 
mistice  :  il  conclut  celui  de  Ples- 
witz  avec  la  Prusse  et  la  Russie, 
Cet  armistice,  qui  protégeait  tous 
les  besoins  de  l'armée,  donnait  le 
temps  de  s'expliquer  et  devait  me- 
ner à  la  paix.  Le  congrès  de  Pra- 
gue eut  lieu;  et  M.  de  Vicence, 
qui  était  toujours  appelé  quand  il 
fallait  concilier ,  fut  nommé  plé- 
nipotentiaire pour  la  France.  Il 
n'accepta  que  sur  la  promesse  for- 
melle de  l'empereur,  de  régler  sa 
politique  sur  des  basesqui  dussent 
amener  la  paix.  On  sait  le  résultat 
de  ce  stérile  congrès,  où  la  Rus- 
sie ,  maîtrisant  la  Prusse,  ne  vou- 
lut point  négocier,  afin  d'entraî- 
ner l'Autriche.  Le  temps  perdu  en 
vaines  formalités,  on  eût  atteint 
le  terme  fatal  de  la  reprise  des 
hostilités,  si  l'estime  dont  jouis- 
sait M.  de  Vicence, ne  lui  eût  fait 
confier  hors  des  formes  diploma- 
tiques ,  une  note  authentique  de 
l'empereur  d'Autriche,  qui  pou- 
vait amener  la  signature  de  la 
paix  en  vingt -quatre  heures  :  la 
communication  qu'il  en  fit  à  son 
souverain,  n'obtint  pas  le  résul- 
tat désiré.  Napoléon  ne  put  se  dé- 
terminer à  renoncer  i\  son  systè- 
me continental,  ni  à  restituer 
les  provinces  illyriennes  :  ce  re- 
fus entraîna  l'Autricho.'Napoléon 
comptait  siir  des  succès  ;  mais  en 
vain  ,  la  fortune  s'était  lassée  plus 
tôtquc  son  génie  ;  c'est  ù  Lcipsick 


aaa  CAU 

qu'elle  l'abandonna  pour  ne  plus 
lui  revenir,  même  avec  la  victoi- 
re. Des  ouvertures  lurent  faites  ù 
Francfort,  (/lloniteur  du  20  jan- 
vier 181 4-)  Un  congrès  fut  on  con- 
séquence projeté  à  Manheim,  et 
M.  de  Vicence,  nommé  plénipo- 
tentiaire. Les  témoignages  d'es- 
time européenne  qui  lui  furent 
donnés  dans  celte  mémorable  con- 
férence de  Francfort ,  et  que  Na- 
poléon confirma  en  les  faisant  pu- 
blier, contribuèrent  sans  doute  à 
le  faire  appeler  au  ministère  des 
relations  extérieures:  fidèle  h  se» 
principes  de  modération  et  de 
loyauté,  il  insista  vivement  pour 
qu'une  grande  et  complète  com- 
munication des  propositions  de 
Francfort,  et  une  franche  décla- 
ration des  intentions  du  gouver- 
nement ,  instruisissent  la  France 
de  ses  dangers  et  de  ses  espéran- 
ces, et  l'appelassent  tout  entiè- 
re à  la  défense  de  ses  limites  na- 
turelles. C'était  mettre  de  la  che- 
valerie dans  la  diplomatie  :  ce  rô- 
le était  honorable  pour  le  souve- 
rain qui  l'eût  accepté,  pour  la  na- 
tion qui  l'aurait  rempli,  et  qu'il 
aurait  électrisée;  mais  l'empe- 
reur qui  vit,  avec  raison,  dans 
la  prétendue  modération  des  ca- 
binets à  Francfort,  un  nouveau 
piège  tendu  à  la  bonne  foi  de  la 
nation,  à  laquelle  cette  paix  si 
désirée  pourrait  paraître  une  cer- 
titude, et  arrêter  l'élan  nécessai- 
re pour  sa  défense,  ne  consentit 
point  à  l'entière  publicité  de  la 
déclaration  proposée  par  son  mi- 
nistre. Envoyé  près  des  souve- 
rains alliés ,  et  par  suite ,  négo- 
ciateur au  congrès  de  Chatillon, 
où  seul  contre  quatre  plénipoten- 
tiaijL'es  dtsgrandes puissances,  en 


CAU 

ne  comptant  les  troi.i  Anglais  qua 
pour  un,  comme  dit  Roch,  il  lut- 
ta avec  plus  de  courage  que  de 
bcmheur,  pour  amener  la  conclu- 
sion d'une  paix  qui  ne  devait  pas 
se  conclure.  M.  de  Vicence  rejoi- 
gnit l'empereur  et  son  armée  à 
Saint-Dizier ,  et  l'accompagnait 
près  de  Paris,  lorsqu'il  apprit  la 
capitulation  imprévue  qui  avait 
mis  la  capitale  au  pouvoir  de  len- 
nemi.  Envoyé  de  nouveau  par 
l'empereur  auprès  des  souverains 
alliés,  à  Bondy  et  i\  Paris,  les  in- 
trigues qui  s'y  tramaient  rendi- 
rent sa  mission  inutile;  mais  il 
eut  le  courageux  honneur  de  lut- 
ter pour  l'empereur  et  pour  son 
lils ,  de  défendre  leurs  intérêts, 
et  peut-être  balança-t-il  un  mo- 
ment l'exécution  des  dispositions 
déjà  arrêtées.  Peut  -  être  aussi 
est-ce  à  la  promesse  faite  au  duc 
de  Vicence,  par  l'empereur  de 
Russie,  et  à  la  fidélité  de  ce  prince 
pour  sa  parole,  que  Napoléon  dut 
alors  la  souveraineté  de  l'îlo  d'El- 
be. De  retour  à  F(jnlainebleau, 
il  fut  encore  choisi  par  Napoléon 
pour  lui  rendre  le  dernier  service: 
il  fut  l'un  de  ses  plénipotentiai- 
res pour  le  traité  du  11  avril,  et 
porteur  de  son  abdicati(m.  «C'est 
Ȉ.  vous,  Caulaincourt ,  lui  dit 
nl'empexeur,  c'est  à  votre  fidéli- 
»  té ,  à  votre  honneur,  que  je  con- 
))fie  mon  abdication,  s'il  n'y  a 
»pas  d'autre  moyen  de  aalut  pour 
nia  France,  Défendez  sesintérêts 
«avant  les  miens,  si  tout  ne  la 
j)  tralUtpas;  et  ne  remettez  mon  ab- 
yidication,  cju' autant  qu'on  tien- 
y>dra  les  promesses  faites  pour 
T)  l'armée,  ^y  Quand  les  deux  au- 
tres plénipotentiaires  apportèrent 
avec  le  duc  de  Vicence,  au  gou- 


CAtî 

Terneinent  piotisoire,  labdica- 
tion  de  renii)fi-eur,eoé('hange  de 
son  accession  au  traité  du  1 1  q- 
Tril,  et  do  la  garantie  du  nouvel 
t'tat  de  choses»  le  président  et  les 
inembreê  du  gouvernement  pro- 
visoire demandèrent  au  duc  de 
Vicence  son  adhésion  an  non- 
veau  gouvernement ,  à  l'exem- 
ple, disaient-ll*.  de  plusieurs  gé- 
néraut.*^«  Je  suis  ,  répondit  -  il  , 
»lc  plénipotcntaire  et  le  sujet 
»de  l'empereur  :  je  ne  cesserai 
•  de  l'être  que  quand  il  n'aura 
«plus  besoin  de  mes  services,  et 
»  qu'il  m'aura  délié  de  mon  ser- 
»ment.))  Le  maréchal  Macdonald 
fit  la  même  réponse.  En  souve- 
nir de  sa  fidélité  et  de  son  alta- 
chcn)ent.  Napoléon  donna  à  M. 
de  Vicence  son  sabre  et  son  por- 
trait ,  gravé  sur  une  pierre  orien- 
tale. Le  20  avril.  Napoléon  par- 
tit de  FontaiTicblcau,  et  écrivit 
de  sa  route  à  M.  de  Vicence  :«  Je 
«conserve  le  souvenir  de  toutes 
"les  preuves  d'attachement  que 
«TOUS  m'avez  données  dans  ces 
«derniers  temps,  et  je  vons  en 
»  remercie.  Ne  doutez  jamais  de 
«tons  les  scntimens  d'estime  et 
»  d'amitié  que  jo  vous  porte.  » 
Chargé  spécialement,  par  l'empe- 
reur, des  ratifications  à  obtenir, 
et  «le  l'eiftculion  du  traité,  l'op- 
position que  montra  M.  de  Vi- 
(«nce,  la  haine  qui  résulta  pour 
lui  de  la  rigoureuse  fidélité  avec 
laquelle  il  remplit  ce  dernier  de- 
voir, et  les  conséquences  qu'el- 
le» devaient  avoir  pour  lui  mf;- 
iHC ,  rien  ne  l'arrêta  ;  il  arracha 
enfin  pour  l'empereur  et  pour  sa 
famille,  toutes  les  garanties  ^u 'il 
poHvait  exiger.  Après  <;e$  négo- 
ciations; Al.  d«  Vîcettot'  M  relira 


CAli  aï* 

à  la  campagne.  Le  retour  de  Na- 
poléon en  mars  181 5,  rappela 
M.  de  Vicence  à  Paris  :  il  dut, 
malgré  le  désir  qu'il  manifesta 
de  partager  le  sort  de  l'armée ,  se 
charger  encore  du  ministère  de» 
relations  extérieures.  Après  l'ab- 
dication de  181 5,  il  continua  de 
remplir  envers  la  France  et  Na- 
poléon, son  ancien  mandat  de  fi- 
délité et  de  dévouement.  Nommé 
membre  de  la  commission  du  gou- 
vernement, il  resta,  dans  celte 
circonstance,  comme  dans  tou- 
tes celles  de  sa  vie,  fidèle  à  ses 
principes  d'honneur  et  de  loyau- 
té j  et  protesta  un  des  premier» 
Contre  la  note  insérée  dans  le  Mo- 
niteur du  8  juillet.  Il  dut  à  ses 
nombreux  amis  et  à  une  haute 
bienveillance,  sa  radiation  de  la 
latale  liste  du  24  juillet,  et  res- 
ta en  France.  Un  incident  im- 
prévu a  troublé  un  instant  la  tran- 
quillité dont  jouissait  le  duc  de 
Vicence  dans  sa  retraite.  L'ou- 
vrage de  M.  Roch  [Campagne  de 
1814)  donne  au  duc  de  Vicence 
les  plus  grands  éloges,  mais  aux 
dépens  du  souverain  qu'il  a  ser- 
vi ;  sa  délicatesse ,  son  honneiir  le 
décidèrent  à  publier,  par  la  voie 
des  journaux,  une  des  pièces  de 
sa  con-espondante  ,  qui  pouvait 
éclairer  l'opinion  sur  les  vrai* 
motifs  qtii  avaient  empêché  l'em- 
pereur de  souscrire  aux  condi- 
tions de  paix  du  congrès  de  Cha- 
tillon.  Mis  en  jugement  pour  cet 
hommage  rendu  à  la  vérité  au- 
tant qu'au  malheur,  il  fut  acquitta 
par  la  cour  royale.  M.  de  Vicence- 
h'esl  facilement  consolé  de  cette 
disgrfice,'en  pensant  que  si  quel- 
que  chose  peut  ajouter  à  l'hon- 
neur d'une  actioa  généreuse,  c'e^ 


224 


CAU 


<le  souffrir  pour  l'avoir  faite.  M. 
de  Caulaincourt,  nommé  mem- 
bre du  sénat- conservateur  en 
i8i3,  l'ut  exclu  de  la  chambre 
des  pairs  en  18 14.  Retiré  de  nou- 
veau dans  sa  terre  ,  il  s'y  livre  u- 
niquement  à  l'agriculture  :  c'est 
encore  servir  son  pays. 

CAlJLAINCOUriT  (Aucvste- 
Jeas-Gabbiel,  comte  de),  com- 
mandant de  la  légion-d'lionneur, 
grand'croix  de  l'ordre  de  la  Réu- 
nion, etc.,  etc. ,  etc. ,  né  à  Cau- 
laincourt, le  16  septembre  1777, 
entré  au  service  en  l'an  5  (  1 790) , 
lue  ù  la  bataille  de  la  Moskuwa, 
le  7  septembre  1812,  était  fils  ca- 
det de  feu  le  marquis  de  Caulain- 
court, lieutenant-général  des  ar- 
mées du  roi ,  mort  sénateur.  Il  a- 
vait  été  nommé  sous -lieutenant 
dans  le  régiment  des  cuirassiers 
du  roi ,  le  i4  janvier  1792;  aide- 
de-camp  du  général  Aubert  Du- 
bayet,  le  8  germinal  an  5;  lieu- 
tenant au  i"  régiment  de  carabi- 
niers, le  1"  pluviôse  an  4;  capi- 
taine au  1"  régiment  de  dragons, 
le  9  pluviôse  an  5;  chef-d'esca- 
jdron  au  même  régiment,  le  12 
pluviôse  an  8  ;  colonel  du  19""  ré- 
giment de  dragons ,  le  6  fructidor 
an  9  ;  aide-de-camp  du  connéta- 
i)le  de  l'empire, le  20  prairial  an 
12;  général  de  brigade,  le  10  juin 
i8o6;  général  de  division,  le  7 
septembre  1809.  Comme  capitai- 
ne au  1^'  régiment  de  dragons,  il 
4C0jmmbattit  à  Stockoch  et  à  Mu- 
ihen-Thal,  sous  les  ordres  des 
généraux  Klein.et  Mortier  ,  lors- 
<que  les  Russes  débouchèrent  par 
le  Saint -Golhard.  Il  y  reçut  un 
^oup  de  lance.  Comme  chef-d'es- 
«adron  au  même  régiment,  il  ne 
■*e  fit   pas    moins    remarquer    à 


CAU 

Vede-Lago,  à  l'avanl-garde  de  l'ar- 
mée d'Italie,  où  il  enleva,  le  24 
pluviôse  an  9,  à  lalêle  d'un  es- 
cadron, 4oo  hommes  d'infanterie 
autrichienne.  A  Marengo,  il  fut 
blessé  d'un  coup  de  feu  à  la  têle, 
ce  qui  lui  valut  le  commandement 
du  iQ™'  régiment  de  dragons. 
Entré  en  Espagne,  en  1808,  com- 
me général  de  brigade,  il  est  cité 
dans  le  rapport  général  de  la  pre- 
mière campagne  ,  comme  ayant 
commandé  en  chef,  et  avec  suc- 
cès, un  corps  de  5ooo  hommes 
de  différentes  armes,  et  pour  l'a- 
voir ramené  intact  à  Madrid,  à 
l'époque  de  la  déplorable  capitu- 
lation de  liaylen,  quoique  ses 
communications  fussent  coupées. 
Il  servit  ensuite  en  Portugal  et  en 
Espagne,  de  manière  à  être  choi- 
si par  les  maréchaux  ducs  de  Dal- 
matie,  de  Trévise,  et  d'Elchin- 
gen  ,  dont  les  trois  armées  ve- 
naient de  se  réunir,  pour  exécu- 
ter le  passage  du  Tage ,  au-des- 
sous du  pont  de  V Aizo-Bispo,  le 
8  août  1809.  {Moiiileiir  du  28 
septembre  1809.)  «Le  général 
«CaulaincRurt,  à  la  tète  des  18'  et 
»  19'  régimens  de  dragons,  tra- 
»  versa  le  l'âge,  malgré  la  mous- 
«queterie,  la  mitraille  et  les  bou- 
»lets  que  l'ennemi,  six  fois  plus 
«fort  que  cette  brigaél,  faisait 
«pleuvoir  de  la  rive  droite  :  le 
«choc  fut  terrible;  mais  ce  géné- 
»ral  manœuvra  avec  tant  d'habi- 
»leté  que  l'ennemi  fut  culbuté. 
»  Le  général  Caulaincourt  a  mon- 
))tré,dans  cette  affaire,  autant  de 
»  sang-froid  que  de  valeur, et  prou- 
»vé  qu'il  était  officier  consommé 
«dans  son  arme.  »  Commandant 
du  grand  quartier-général ,  pen- 
dant une  partie  de  la  campagne 


CAC 

(le  Russie,  ami  courageux  de  l'or- 
dre et  de  lu  discipline,  il  allégea 
autant  qu'il  put  les  inuux  insépa- 
rables de  la  guerre.  Commandant 
le  2*  corps  de  cavalerie  composé 
de  trois  divisions,  ù  la  bataille 
de  la  Moskowa,  dotit  il  décida  le 
succès;  c'est  là  qu'il  termina,  par 
la  mort  la  plus  glorieuse,  la  plus 
honorable  carrière.  Le  i8*  bulle- 
tin de  la  grande  arm/'e  datée  de 
Mojaïsk ,  le  lo  septembre  1812, 
rend  compte  ,  ainsi  qu'il  suit ,  de 
cet  événement  :  a  Le  général  de 
division,  cointe  de  Caulaincoiirt, 
commandant  le  2""  corps  de  ca- 
valerie ,  se  porta  à  la  tête  du  5* 
régitricnt  de  cuirassiers,  culbuta 
tout ,  entra  dans  la  redoute  de 
gauche  par  la  gorge  ;  dès  ce  mo- 
ment la  bataille  est  gagnée! , 

Le  comte  de  Caulaincourt  qui 
vient  de  se  distinguer  par  cette 
belle  charge,  avait  terminé  ses 
destinées  ;  il  tombe  mort,  frappé 
par  un  boulet  :  mort  glorieuse  et 
digne  d'envie!!!...  » 

CAUMAKTIN  (Jàcqces-Étien- 
KE  ),  fils  d'un  notaire  de  Châlons- 
sur-Saônc,  et  né  dans  cette  ville, 
en  1769.  Ses  parens  le  destinaient 
à  l'état  ecclésiastique,' mais  la  ré- 
volution vint  lui  fermer  une  car- 
rière <jui  n'était  pas  de  son  choix; 
il  embra>*sa  le  commerce.  Parli- 
sand  une  monarchie coustitution- 
nelle,  les  excès  qui  préparèrent 
et  suivirent  la  chute  du  trône  , 
trouvèrent  en  lui  un  énergique 
désapprobateur;  au^si  paya-t-il, 
en  i7<)'4«  d'une  captivité  d<;  neuf 
mois,  sa  résistance  à  l'oppression 
révolutiofmaire.  Un  riche  maria- 
ge qu'il  contracta  ,  presqu'au  sor- 
tir de  sa  pris(M),  l'amena  dans  le 
département  de  la  Côte-d'Or,  pour 


CAU 


225 


y  exploiter  les  forges  dont  il  était 
devenu  propriétaire.  Jusqu'eo 
1814,  M.  Caumartin  n'exerça 
d'autres  fonctions  publiques  que 
celle  de  maire  de  sa  commune, 
et  n'eut  d'autres  devoirs  politi- 
ques à  remplir  que  ceux  d'élec- 
teur. Obstiné  à  ne  voir  dans  la 
première  comme  dans  la  seconde 
invasion,  qu'une  funeste  inter- 
vention de  l'étranger  dans  les  af* 
faires.  de  son  pays,  il  s'y  opposa 
de  tous  ses  moyens  ;  et  dans  le 
nouveau  système  de  réaction  que 
firent  prévaloir  les  désastres  pu- 
blics ,  à  cette  époque,  il  fut 
qualifié  de  révolutionnaire,  d'en- 
nemi du  roi  légitime,  et  comme 
tel  destitué  de  ses  fonctions  mu- 
nicipales. C'est  à  cette  injuste 
persécution,  à  des  actes  de  la  plus 
généreuse  bienfaisance  exercés 
pendant  la  disette  de  i8it>,  à  des 
talens  connus  et  rehaussés  par  un 
noble  caractère  ,  que  M.  Caumar- 
tin fut  redevable  de  sa  domina- 
tion à  la  chambre  des  députés  , 
par  le  département  de  la  COte- 
d'Or,  en  1817.  Arrivé  i  Paris,  il 
se  réunit  à  quelques-uns  de  ses 
collègues  pour  former  ce  noyau 
d'opposition  nationale  que  depuis 
on  a  vu  se  grossi»,  et  dont  le  zèle  in- 
fatigable et  les  efforts  plus  qu'hu- 
mains, ont  acquis  <\  cette  mino- 
rité, vraiment  héro'ique,  l'éternel- 
le reconnaissance  de  la  patrie. 
Certains  biographes,  sous  la  plu- 
me desquels  la  vérité  elle-même 
a  l'air  du  mensonge,  oui  fait  hon- 
neur à  M.  Caumartin  d'avoir  le 
premier  proposé  d'appliquer  le 
jury  aux  délits  de  la  presse.  Il  a 
soutenu  cet  amendement  avec  au- 
tant d'éloquence  que  d'énergie  , 
mais  il  n'en  est^as  l'auteur.  Dans 
i5 


226  <:aij 

1.1  discussion  du  vote  annuel  sur 
Je  recrutement,  il  posa  en  prin- 
cipe que  la  charte  était,  de  fait  et 
de  droit,  un  véritable  cou  Irai  cu- 
ire la  naljon^t  le  monarque,  mais 
que  celui-ci  ayant  stipulé  seul  , 
pour  les  deux  parties,  ce  que  la 
charte  n'avait  pas  prévu   devait 
s'interpréter   nécessairement    en 
laveur  de  la  partie  qui  n'avait  pai 
été  consultée  dans  la  rédaction  du 
contrat.  Cette  opinion  étonna  par 
6a  hardiesse  autant  qu'elle  frap- 
pa par  son  évidence.  En  iH  ip,  M. 
Caumartin    était  membre  de    la 
commission  qui  fut  appelée  à  faire 
une  proposition  sur  le  sort  des 
bannis,     et   il    avait   été    choisi 
pour  être  le  rapporteur  du  vole 
émis  en  leur  faveur.  Mais  des  in- 
trigues ministérielles  étant  par- 
venues ù  faire  revenir  un  des  mem- 
bres de  cette  commission  sur  l'o- 
pinion qu'il  avait  primitivement 
émise,    un  autre  rapporteur  fut 
choisi  ,#et  dans  la  séance  du  17 
mai,  M.   Caumartin  obtint  seul 
la  parole ,  pour  plaider  la  cause 
de  la  patrie  et  de  l'humanité.  De- 
puis cette  époque  les   questions 
de  finances  sont  les  seules  aux- 
quelles ce  député  ait  pris  part;  des 
connaissances  pi^fondes  et  posi- 
tives, une  investigation  que  rien 
ne  lasse ,  et  surtout  une  bonne  foi 
avec   laquelle   il  n'y  a  point  de 
transaction  possible,  donnent,  sur 
cette  matière  importante,  le  plus 
.grand  crédit  à  ses   paroles.  M. 
Caumartin,  en  1820,  avait  propo- 
sé au  gouvernement  de  fonder,  à 
ses  frais ,  une  école  de  dessin  li- 
néaire, pour  l'instruction  des  jeu- 
nes artisans,  à  la  seule  condition 
que  celte  école  porterait  le  nom 
(V Ecole  van  Loo ,   attendu  qu'il 


CAD 

voulait  consacrer,  à  cette  fonda- 
lion,  la  part  qu'il  avait  eue  dan»* 
la  succession  de  Jules  van  Loo, 
son  neveu ,  dernier  rejeton  de 
cette  famille  de  peintres  célèbres. 
Cet  ancien  élève  de  l'école  Poly- 
technique, oflicier  d'état- major 
plein  de  talens  et  d'espérances , 
avait  été  forcé  de  s'expatrier  par 
suite  des  troubles  de  181 5,  et  a- 
vait  trouvé  la  mort  sur  la  terre 
d'exil.  Cette  offre  d'abord  accep- 
tée, puis  retardée  dans  son  exécu- 
tion, a  été  définitivement  repous- 
sée par  le  ministère  de  1821,  qui, 
sans  doute,  a  pu  craindre  que  le 
souvenir  d'une  cruelle  injustice 
ne  ITit  perpétué  par  une  institu- 
tion utile.  En  morale  ,  une  bonne 
action  fait  pardonner  la  cause  in- 
juste qui  l'a  produite;  en  politi- 
que, on  commande  l'oubli,  mais 
on  n'accepte  pas  le  pardon. 

CAUSANS  (Jacques  de  Yiscess, 
MARQUIS  de),  membre  de  la  cham- 
bre des  députés,  est  né  au  château 
de  Causaus,  près  d'Orange,  en 
1751.  M.  le  marquis  de  Causans 
était  colonel  lorsqu'il  fut  choisi 
par  la  noblesse  de  la  principauté 
d'Orange,  pour  la  représenter 
aux  états-généraux  assemblés  en 
1789.  Il  fut  du  nombre  des  mem- 
bres de  cette  assemblée  qui  réser- 
vèrent leur  éloquence  pour  les 
discours  de  salon  :  il  n'aborda 
point  la  tribune,  mais  il  signa  la 
fameuse  protestation  de  la  mino- 
rité de  cette  époque,  qui  ne  de- 
vait pas  s'attendre  à  devenir  la 
majorité  en  i8i5,  M.  de  Causans 
est  un  de  ces  hommes  qui  peuvent 
à  juste  titre  se  féliciler  d'un  quart 
de  siècle  passé  dans  l'inaction  ; 
plus  on  le  voit  agir,  plus  on  lui 
sait  gré  de  son  repos.  Il  n'en  est 


CAU 

guère  sorti  sous  l'empire  que  pour 
présider  le  collège  d'arrondisse- 
iiient  d'Orange  ,  en  1811.  Le  dis- 
cours queM.de  Causans  pronon- 
ça, à  l'occasion  de  cette  présiden- 
ce, était,  dit-on,  une  pompeuse 
apologie  de  l'ordre  de  choses  a- 
lors  établi  ;  et  fait  comme  mor- 
ceau d'éloquence ,  pour  mériter 
à  son  auteur  une  place  dans  une 
assemblée  où  le  silence  était  lui 
premier  devoir:  aussi  fut-il  can- 
didat au  corps-législatif.  Le  aô  a- 
vril  1814.  il  fut»élevé  par  le  roi 
au  grade  de  lieutenant- général; 
mais  depuis  cette  époque,  admis 
ù  la  retraite,  il  a  cessé  de  figurer 
sur  la  liste  des  olliciers  actifs  de 
l'armée.  Il  faisait  partie,  en  qua- 
lité de  député  du  département  de 
Vaucluse,  de  cette  chambre,  aux 
travaux  de  laquelle  la  salutaire  or- 
donnance de  septembre  i^iiG  mit 
si  à  prupos  un  terme.  M.  de  Cau- 
sans, réélu  député  parle  même 
département,  fut  fidèle  au  silen- 
ce qu'il  avait  observé  pendant 
l'assemblée  ctmstituante,  et  qu'il 
avait  gardé  avec  le  même  scrupule 
dans  la  chambre  de  1 8 1 5  ;  il  ne  l'a 
rompu  que  deux  fois  depuis  :  la 
première,  dans  la  séance  du  4 
mai  1817,  où  il  prit  parti  pour  la 
puissance  spirituelle,  à  l'occasion 
des  forêts  qui  avaient  appartenu 
au  clergé,  et  dont  on  proposait  de 
doter  la  caisse  d'amortissement  ; 
il  s'écria  que  l'époque  où  l'on  vou- 
lut réduire  les  ministres  de  la  reli- 
gion ù  l'état  de  salariés,  remontait 
à  celle  où  les  banquiers  et  les  phi- 
losophes Turgot,  Malesherbes, 
Necker,  furent  admis  ù  la  direc- 
tion des  allaires.  Il  demanda  à  l'as- 
semblée, qui  ne  put  s'empêcher 
de  rire  de  la  ([uestiun  :  «  Si  on  la 


CAU 


227 


«verrait  céder  aussi  à  cet  esprit 
«qui  a  métamorphosé  tour  à  tour 
»les  Français  en  patriotes,  en  ja- 
ncobins,  en  automates,  en  feuil- 
i)lans,  en  modérés,  en  républi- 
Mcains,  en  bourreaux,  en  escla- 
»  ves ,  et  même  en  musulmans  ?  » 
Il  parla,  pour  la  seconde  fois,  i 
l'occasion  de  la  loi  sur  le  recrute- 
ment de  l'armée,  et  s'éleva  avec 
beaucoup  de  vivacité  contre    le 
mode  d'appel  proposé  par  le  mi- 
nistre de  la  guerre.  «J'ai,  dit-il, 
"commandé  pendant   i5  ans   un 
»  régiment  qui  se  recrutait  àtlofr. 
«par  homme;  l'infanterie  entière 
«employait  le  même  moyen,  qui 
«ne  coûterait  pas  plus  de  3à4niil- 
»  lions  par  an.  Nous  avons  la  paix, 
«nous  n'avons  plus  de  marine, 
«nous  n'avons  plus  de  colonies, 
«donc  nous  n'avons   plus  besoin 
«de nombreux enrôlemens.  Rcta- 
» ùiissez  les  bataiUons  royaux, 
»  Its  grenadiers  royaux  ,  les  ba- 
n  taillons  proi'inciaux  ;  reprenez 
U  les  anciennes  dénominations  a- 
»  vec  les  institutions  les  plus  utiles: 
«le  recrutement  forcé  n'aura  ja- 
»  mais  les  avantages  de  l'usage  an- 
«cien.    (^uant  à  l'avancement, 
>y  gardons-nous  de J aire  germer  les 
vidées    d'ambition    démesurée  ; 
n  laissez  les  artisans  à  leurs  tra~ 
nvauXj  les  cultivateurs   à  leurs 
«  champs ,  ne  les  forcez  pas  à  dt  - 
«  venir  des  héros.  «  31.  de  Causans 
a  un  fils  qui,  jadis  employé  dans 
les  bureaux  de  M.  Stiissart,  pré- 
fet de  Vaucluse  ,  est  aujourd'hui 
maire  d'une  commune  del'arron- 
dissement  d'Orange. 

CAUSSIN  PARCEVAL  (Jean- 
.Iacqle»),  ancien  membre  de  l'ins- 
titut, aujourd'hui  membre  de  l'a-, 
cadémie  royale  des  inscriptions  «t 


228 


CAV 


belles  lettres,  et  professeur  de  lan- 
gue arabe  au  collège  de  France, 
a  publié  les  ouvrages  suivans:  i° 
V Expédition  des  Argonautes,  ou 
Conquête  de  In  Toison  d'or^  poè- 
me en  4  ohanls,  par  Apollonius 
de  Rhodes,  traduit  pour  la  pre- 
mière fois  du  grec  en  français  ;  2° 
Histoire  de  Sicile ,  par  îSovairi  , 
traduite  de  l'arabe.  3°  Voyages 
en  Sicile ,  dans  la  grande  Grèce 
et  dans  le  Levant ,  par  le  baron 
de  Riedcsel  ;  4*  Supplément  aux 
Mille  et  une  Nuits  ;  5'  le  premier 
chapitre  des  obsen>ations  astro- 
nomiques d' E bn-Jounis ,  traduit 
de  l'arabe;  d'Histoire  des  Arabes 
en  Sicile,  extraite  d'Aboulfeda. 
CAVAIGNAC  (Jean-Baptiste), 
député  à  la  convention  nationa- 
te,  est  né  à  Cordon,  départe- 
ment du  Lot,  en  1762,  d'une  an- 
cienne famille  du  Rouergue.  Son 
père  ,  magistrat  distingué  ,  fit  par- 
tie des  administrations  provin- 
ciales, établies  par  M.  Necker. 
J.  B.  Cavaignac  était,  au  com- 
mencement de  la  révolution,  a- 
vocat  au  parlement  de  Toulouse; 
ses  études  et  son  caractère  le 
portaient  à  l'indépendance  :  il  em- 
brassa ,  avec  ardeur,  la  cause  de  la 
liberté  dés  les  premiers  jours  de 
la  révolution;  exerça  les  fonctions 
municipales  dans  sa  commune, 
fut  élu  membre  du  directoire  du 
département  du  Lot,  et  nommé, 
en  170)2,  député  i  la  convention 
nationale,  où  il  vota  la  mort  de 
Louis  XVL  II  présenta,  à  cette 
assemblée,  le  rapport  relatif  i\  la 
reddition  de  Verdun;  fit  annuler 
le  décret  qui  déclarait  traîtres  à 
la  patrie ,  les  habitans  de  cette 
ville,  et  ordonner  la  mise  en  ju- 
gement de  quelques  iadh  idus  ac- 


tAV 

cusés  de  l'avoir  livrée  aux  Prus- 
siens. J.  B.  Cavaignac  avait  été 
envoyé  près  de  l'armée  des  c/ites 
de  l'Ouest,  et  se  trouvait  à  Brest,^ 
;\  l'époqueoù  la  nouvelle  des  évé- 
nemens  du  3i  mai  y  parvint. 
Il  se  rendit  aussitôt  à  Lorient,  et 
signa,lei4  juin,  avec  ses  collègue» 
Merlin  et  Seveste,  une  protesta- 
tion énergique  contre  ces  événe- 
mcns.  Celteprotestation,  affichée 
dans  les  quatre  départemens  de 
laBretagne,  fut  dénoncée  A  la  con- 
vention nationale  :  une  circons- 
tance favorable  sauva  les  signa- 
taires de  cette  pièce;  la  conven- 
tion reçut  la  nouvelle  de  la  levée 
du  siège  de  Nantes,  où  ils  s'étaient 
renfermés,  en  mCme  temps  que 
la  dénonciation  portée  contre  eux, 
et  il  n'y  fut  point  donné  de  suites. 
Lorsque  le  corps  de  troupes  aux 
ordres  du  général  Be^'sser,  après 
s'être  emparé  de  Montaigu  ,  y  fut 
surpris  et  attaqué  par  toute  l'ar- 
mée royale,  J.  B.  Cavaignac  ,  qui 
s'était  trouvé  aux  divers  combats 
livrés  dans  ces  contrées,  se  vit  un 
moment  enveloppé  par  l'ennemi, 
en  voulant  rallier  et  retenir  les 
fuyards  :  des  chasseurs  à  cheval 
du  iS""'  régiment  parvinrent  à  le 
sauver.  Cavaignac  quitta  les  ar- 
mées de  Lorient,  et  rentra  dans 
le  sein  de  la  convention;  mais 
peu  de  temps  après,  il  fut  envoyé 
à  l'armée  des  Pyrénées-Occiden- 
tales. Il  y  forma  deux  nouveaux 
régimens  de  cavalerie  ;  s'occupa 
exclusivement  de  l'organisation 
des  troupes  et  des  opérations  mi- 
litaires, dont  les  résultats  furent  la 
prise  de  Saint-Sébastien,  êe  Fon- 
tarabie,  du  port  du  Passage,  de  la 
vallée  de  Bastan,  et  la  dispersion 
de  l'armée  espagnole,  qui  perdit 


k 


CAV 

foute  son  artillerie.  Celte  brillan- 
te campagne  de  dix  jours,  et  les 
succès  de  l'armée  des  Pyrénées- 
Orientalesen  Catalogue, forcèrent 
l'Espagne  à  entamer  les  négocia- 
tions qui  se  terminèrent  par  la 
paix  de  Bâle.  Rentré  une  seconde 
fois  dans  la  convention  nationale, 
J.  B.  Cavaignac  y  fut  inculpé 
à  l'occasion  d'une  dénonciation 
faite  par  quelques  habitans  de 
Bayonne  :  il  prouva  qu'il  était  res- 
té étranger  aux  actes  reprochés  à 
son  collègue  Pinel  ;  et,  sur  un 
rapport  fait  par  Durand  Maillane, 
au  nom  du  comité  de  législation, 
la  convention  rejeta  cette  dénon- 
ciation, en  adoptant  la  question 
préalable.  Cavaiguac  se  vit  atta- 
qué de  nouveau  par  le  député 
Comte  ;  il  fut  défendu  par  le  res- 
pectable Boissy-d'Anglas  ,  et  la 
convention  passaà  l'ordre  du  jour. 
.1.  B.  Cavaignac  fut  envoyé  une 
troisième  fois  aux  armées;  il  mon- 
tra de  nouveau  à  celle  de  llbin- 
et-Moselle,  les  talens  qu'il  avait 
déployés  dans  la  Vendée  et  aux 
Pyrénées -Occidentales ,  comme 
soldat  et  comme  administrateur. 
Il  était  à  peine  de  retour  de  C4:tle 
mission,  quand  la  direction  de  la 
force -armée  de  Paris  lui  fut  con- 
fiée par  les  comités  du  gouverne- 
ment, pour  réprimer  le  mouve- 
ment qui  éclata  au  premier  prai- 
rial an  ,1,  et  comprimer  le  jacobi- 
nisme prèt;\  ressaisir  le  pouvoir. 
Il  ne  put  parvenir  à  soustraire  le 
malheureux  Féraud  aux  fureurs 
des  factieux,  et  bii-mcme  courut 
les  [)lus  grands  dangers  ;il  n'évita 
les  coupsqui  lui  étaient  portés  que 
par  le  dévouement  d'un  citoyen 
courageux,  à  qui  lu  convention  dé- 
•:crna  un  sabre  d'honneur.  J.  B. 


CAV 


2Î9 


Cavaignac  contribua  encore  à  la 
défense  de  la  convention ,  dans 
la  journée  du  i3  vendémiaire 
an  4'  I^lu  «iu  conscib  des  cinq- 
cents  ,  il  fut  du  nombre  des  mem- 
bres de  cette  assemblée  que  le 
sort  en  expulsa  en  1797.  Sous  le 
consulat,  il  fut  nommé  commis- 
saire-général-extraordinaire des 
relations  commerciales  à  Pondi- 
chéry;  mais  la  jalousie  anglaiso 
ne  lui  permit  pas  de  s'établir  dans 
cette  résidence,  et  il  revint  à  Pa- 
ris en  i8o5.  Les  événemens  de  la 
guerre  avaient  placé  Joseph  Bona- 
parte sur  le  trône  de  Naplcs;  il 
appela  J.  B.  Cavaignac  dans  ce 
pays,  et  lui  confia  l'organisation 
et  la  direction  générale  de  l'ad- 
ministration des  domaines  et  de 
l'enregistrement.  Joachim  ,  qui 
succéda  à  Joseph ,  nomma  Ca- 
vaignac conseiller-d'état,  com- 
mandeur de  l'ordre  des  Deux-Si- 
ciles,  et  lui  fit  don  d'un  majorât 
dont  il  n'a  jamais  pris  le  titre.  Le 
décret  impérial  qui  concerne  les 
Français  au  service  des  puissan- 
ces étrangères,  décida  J.  B.  Ca- 
vaignac a  donner  sa  démission 
des  emplois* qu'il  occupait  dans 
le  royaume  de  Naples  ,  çt  à  ren- 
trer en  France  :  il  se  trouvait  à 
Paris  i\  l'époque  des  événemens 
de  181 5,  et  fut  nommé  préfet. 
II  a  dû  sortir  de  France ,  en  ver- 
tu de  la  loi  dite  d'amnistie ,  et 
s'est  réfugié  sur  le  territoire  d'u- 
ne puissance  voisine,  où  il  vit 
dans  la  retraite.  Il  entrait  dans 
les  vues  des  écrivains  qui,  sous 
le  litre  do  Biographie  des  how- 
jnci  vivons,  ont  dressé  les  volu- 
mineuscs'dénonciations  dont  tant 
de  Français  ont  été  victimes,  d'ac- 
cueillir sans  examen  toutes   les 


23o 


CAV 


calomnie»,  d'ajouter  foi  h  tou- 
tes les  accusations  ;  et  celle  «pii 
fut  dirigée  contre  J.  B.  Cavai- 
gnac  ,  par*quelques  habilans  de 
Bayome,  en  1794^  s  f'^^-  rapport «"-e 
par  ces  écrivain:  de  parti,  comme 
si,  à  deux  reprises,  elle  n'avait 
pas  été  reconnue  et  déclarée 
fausse  par  l'assemblée  à  laquelle 
elle  était  adressée.  Cette  accusa- 
tion a  éré  répétée  dans  d'autres 
biographies,  et  notamment  dans 
celle  dont  Eymery  est  l'éditeur. 
Sur  la  réclamation  de  M°"Cavai- 
gnac,  et  la  preuve  que  son  mari, 
non-seulement  n'a  jamais  connu 
M"*  Labarrière,  maisqu'ilse trou- 
vait à  i5  lieues  du  théâtre  où  l'ac- 
tion qu'on  lui  reproche  s'était 
passée ,  l'imputation  calomnieuse 
a  disparu  du  dictionnaire  biogra- 
phique de  M.  Eymery;  elle  est  res- 
iée dans  celui  des  frères  Michaud. 
CAVAIGNAC  (Jacqiîes-Marxe), 
baron  de  Baragne,  lieutenant-gé- 
néral, commandant  de  la  légion- 
d'hoïineur,  chevalier  de  Saint- 
Louis,  frère  du  j)rérédent,  né  en 
1775,  à  Gordon,  département  du 
Lot.  Il  débuta  dans  la  carrière 
des  armes  par  le  grade  de  sous- 
lieutenartt  au  régiment  de  Navar- 
re infanterie  ,  et  fit,  en  cette  qua- 
lité, les  premières  campagnes  de 
la  révolution  à  l'armée  du  jNo)'d; 
il  passa  dans  un  régiment  de 
chasseurs  à  cheval  ,  fut  nom- 
mé adjoint  à  l'état -major  gé- 
néral de  l'armée  des  côtes  de  la 
Rochelle  ;  rejoignit  son  régiment, 
servit  aux  armées  des  Pyrénées- 
Occidentales  et  d'Italie,  se  distin- 
gua au  passage  du  ïagliamcnto, 
et  fut  remarqué  par  le  général  Bo- 
naparte, qui  le  nomma  chef-d'es- 
cadron sur  le  champ  de  bataille. 


CAT 

Quoique  très-jeune,  le  comman- 
dement du  2  5"*  régiment  de  chas- 
seurs à  cheval  lui  fut  confié  :  il 
reçut  plusieurs  blessures  h  la  tête 
de  ce  corps ,  pendant  la  retraite 
de  l'armée  d'Italie,  dont  le  géné- 
ral Moreau  avait  pris  le  comman- 
dement; il  eut  dans  une  reconnais- 
sance la  jambe  cassée  d'un  coup 
de  feu.  Le  premier  consul  le  nom- 
ma colonel  du  10°"  régiment  de 
dragons,  où  les  auteurs  de  \a/iio- 
graphie  des  Hommes  vivans  le 
font  entrer  comme  simple  cava- 
lier; il  se  distingtja  au  passage  du 
Splugen,  du  Garigliano,  et  sur- 
tout à  la  bataille  d'Austcrlitz  ;  le 
courageetle  sang-froid  qu'il  mon- 
tra dans  cette  grande  journée  lui 
méritèrent  le  titre  de  comman- 
dant de  la  légion -d'honneur,  et 
})lu5ieurs  marques  de  l'estime  et 
de  la  satisfaction  de  l'empereur. 
Le  colonel  Cavaignac,  nommé  é- 
cuyer  du  roi  Joseph  ,  reçut,  après 
"la  paix  de  Presbourg,  l'ordre  de  se 
rendre  à  Naples;  il  y  obtint  bien- 
tôt de  l'empereur  le  brevet  de  gé- 
néral de  brigade.  Du  commande- 
ment de  la  yille  de  Naples,  qui  lui 
fut  d'abord  confié,  le  général  Ca- 
vaignac passa  au  commandement 
supérieur  des  Calabres,  avec  le 
grade  de  lieutenant  -  général  au 
service  napolitain,  et  chargé  de 
pouvoirs  très-étendus.  Ces  pro- 
vinces étaient  dans  un  état  de  trou- 
ble, et  presque  de  révolte  conti- 
nuelle, par  suite  du  caractère  in- 
quiet des  habilans,  et  des  fautes 
du  gouvernement  qui  passait  fré- 
quemment et  brusquement  d'une 
indulgence  irréfléchie  à  une  ri- 
gueur excessive.  Le  général  Ca- 
vaignac, autant  par  sa.  fermeté  et 
sa  modération  que  par  ses  mesu- 


CAV 

res  administratives,  et  des  opéra- 
lions  militaires  dirigées  en  même 
temps  contre  les  insurgés  et  con- 
tre l'ennemi  extérieur,  sut  épar- 
gner le  sang  des  Calabrois,et  dé- 
fendre leur  vaste  et  riche  pays  de 
l'attaque  liés  Anglais,  qu'il  battit 
en  plusieurs  rencontres.  Lorsque 
le  roi  Joachim  se  fut  décidé  à  o- 
pérer  une  descente  en  Sicile,  il 
doQna  au  général  Cavaignac  le 
commandement  d'un  des  trois 
corps  de  l'armée  destinée  à  agir 
contre  cette  île.  Le  général  Ca- 
vaignac fut  le  seul  qui,  à  la  tête 
de  SCS  troupes,  opéra  son  débar- 
quement sur  les  côtes  de  la  Sici- 
le ,  malgré  la  flotte  anglaise  qui 
croisait  dans  le  canal  et  les  forces 
qui  se  trouvaient  à  Messine ,  et 
dans  les  environs  de  celle  ville. 
Les  autres  troupes  de  l'expédition 
ayant  été  retenues  en  Calabre  par 
les  vents,  ou  par  des  ordres  con- 
traires, le  général  reçut  le  signal 
du  retour;  mais  l'exécution  de  cet 
ordre  devenait  à  chaque  instant 
plus  diflicile  ;  d'un  côté  les  trou- 
pes de  terre  ,  et  de  l'autre  la  flotte 
anglaise  s'avançaient  contre  lui  ; 
déjà  même  les  barques  qui  avaient 
apporté  la  division  napolitaine 
mettaient  à  la  voile,  et  se  diri- 
geaient vers  Keggio.  Le  général 
saute<lans  un  esquif,  ramène,  par 

IE  ses  exhortations  et  ses  menaces  , 
pune  grande  partie  de  ces  barques 
fugitives ,  redescend  à  terre  et  fait 
rembarquer,  devant  lui,  toutes 
aes  troupes,  à  l'exception  d'un 
bataillon  engagé  dans  les  terres  , 
et  cerné  par  l'armée  ennemie, 
dont  les  forces  étaient  quadruples 
de  celles  que  commandait  le  gé- 
néral ;  il  s'embarqua  le  dernier, 
tjlsous  le  feu  de  l'ennemi;  passa 


•  CAV  201 

sur  le  front  de  la  flotte  anglo-si- 
cilienne ,  sans  perdre  un  seul  de 
ses  hâtiuiens  de  transport  ;  et 
malgré  tant  d'obstacles  ,  exécuta 
avec  ordre  son  débarquement  sur 
les  côtes  de  Calabre  ,  à  la  vue  de 
la  flotte  et  des  deux  armées.  Le 
roi  le  reçut  undes  premiers,  l'em- 
brassa ,  le  combla  d'éloges ,  le 
nomma  son  premier  aide  -  de- 
camp  ;  et  le  roi  de  "NVestphatfe  lui 
envoya  le  grand-cordon  de  l'ordre 
militaire  de  ce  royaume.  En  1812, 
le  roi  de  Naples  rendit  un  décret 
portant  que  nul  étranger  ne  pour- 
rait occuper  aucun  emploi  civil 
ou  militaire  dans  ses  états,  s'il  ne 
s'y  faisait  naturaliser.  Le  général 
Cavaignac  demanda  aussitôt  à 
rentrer  dans  les  rangs  de  l'arméô 
française.  Il  y  fut  admis  aveosem 
ancien  grade  de  général  dé  bri- 
gade ,  et  employé  dans  lo'  1 1"* 
corps  comme  commandant  de  la 
cavalerie,  il  fut  chargé  de  proté- 
ger la  retraite  de  Moskow,  et  vint 
ensuite  s'enfermer,  dans  la  place 
de  Dantzick,  avec  les  1800  hom- 
mes qui  lui  restaient,  et  qui,  dès 
lors,  tirent  partie  do  la  garnison. 
Le  général  Cavaignac  se  distin- 
gua dans  les  fréquentes  sorties 
qui  eurent  lieu  pendant  le  mémo- 
rable siège  de  celte  ville,  et  dans 
ces  sorties  il  eut  pjusieur.s  chevaux 
tués  sous  lui.  lietenu  prisonnier 
de  guerre  parla  violation  des  con- 
ditions de  la  capitulation,  il  fut 
envoyé  à  Kiow,  et  ne  rentra  en 
France  qu'après  la  paix  de  1814. 
Il  a  été  nommédepuis  lieutenant- 
général  et  chevalier  de  Saint- 
Louis.  Le  roi  l'a  fait  baron  en 
1818.  Il  est  employé  comme  ins- 
pecteur-général de  cavalerie. 
C  A  VANILLES   (Antoine -Jo- 


a32  CAV 

seph),  né  à  Valence  on  Espagne 
le  16  janvier  1745»  fut  élevé  par 
Jes  jésuites  de  cette  ville,  embras- 
sa l'état  ecclésiastique,  et  devint 
lin  des  plus  célèbres  botanistes  de 
notre  âge.  Il  rendit  l'important 
service  à  l'université  de  Valence 
de  lui  faire  adopter  les  œuvres  de 
Condillac  et  de  Muschembroeck 
comme  livres  classiques,  et  il  y 
introduisit  Pétude  des  mathéma- 
tiques jusqu'alors  si  peu  culti- 
vées. L'abbé  Cavanilles  était  pro- 
fesseur de  philosophie  à  Murcie, 
lorsque  le  duc  de  l'Infantado, 
nommé  ambassadeur  en  France, 
le  choisit  pour  soigner  l'éduca- 
tion de  ses  enfans,  et  l'amena,  a- 
vec  eux,  à  Paris  en  1777.  Il  trou- 
va dans  cette  capitale  tous  les 
moyens  de  satisfaire  son  goût 
pour  les  sciences,  et  se  livra  plus 
particulièrement  à  l'élude  de  la 
botanique.  L'amour  de  la  patrie 
lui  suggéra,  en  1784,  des  obser- 
vations très-judicieuses  et  con- 
formes à  la  vérité,  à  l'occasion  de 
l'article  Espagne  de  la  nouvelle 
Encyclopédie,  dont  M.  Masson 
de  Morvilliers  était  l'auteur.  Ca- 
vanilles releva  les  erreurs  de  cet 
article  avec  politesse  et  sagacité. 
Il  ftl paraître,  l'année  suivante,  les 
premières  livraisons  d'un  grand 
ouvrage  sur  la  botanique,  ayant 
pour  titre  :  Monndelpliiœ  classis 
dissertationes  deceni,  avec  figu- 
res, etc.  On  y  trouve  la  descrip- 
tion de  toutes  les  espèces  de  celte 
classe.  Les  botanistes  admirent  la 
critique  savante  et  l'exactitude  de 
ce  travail.  Cavanilles  en  avait  des- 
siné bii-mcme  297  plantes,  dont 
un  grand  nombre  étaient  nouvel- 
les. Il  s'éleva  à  ce  sujet  une  dis- 
cussion polémique  entre  lutetThé- 


CAV 

rilierde  Brutelle;  tous  deux  ayant 
la  prétention  d'avoir  découvert 
et  publié  ces  plantes  antérieure- 
ment l'un  à  l'autre.  Après  avoir 
demeuré  douie  années  à  Paris, 
Cavanilles  retourna  danssa  patrie, 
où  il  s'occupa  de  son  plus  bel  ou- 
vrage, intitulé  :  Icônes  et  descrip- 
tionea  plantai  urn  quœ  aut  spon~ 
tè  in  Hispanid  crcsciint,  aut  in 
hortis  ho^pitantur.  Ce  travail  est 
d'autant  plus  précieux  qu'il  con- 
tient plus  de  600  planches  dessi- 
nées par  l'auteur.  On  y  trouve  un 
grand  nombre  de  genres  nou- 
veaux, et  un  nombre  plus  consi- 
dérable d'espèces  de  l'Espagne, 
de  l'Amérique,  des  Indes  et  de 
la  Nouvelle-Hollande.  Il  n'avait 
pas  encore  achevé  cet  ouvrage, 
lorsque  son  gouvernement  le 
chargea  de  parcourir  l'Espagne 
pour  y  faire  desr  recherches  bota- 
niques. Cavanilles,  ne  se  bornant 
point  au  simple  examen  des  vé- 
gétaux, s'occupa  en  même  temps 
de  recueillir  des  observations  sur 
la  géographie  et  la  minéralogie. 
Il  commença  par  le  royaume  de 
Valence,  dont  il  a  donné  une  des- 
cription historiquecomplète,ain- 
si  que  des  pays  environnans,  sous 
le  titre  de  Koyage  de  Faïence. 
Cet  ouvrage,  orné  d'une  assez 
bonne  carte,  préférable  à  celle  de 
Lopez,  est  fort  estimé.»  Les  autres 
ouvrages  de  Cavanilles  sont  :  Co'' 
lection  de  papales  sobre;  Contro- 
versias  botanicas  et  Description 
de  los  gcneros  y  spécial  de  plan- 
tas demonstradas  en  las  lectiones 
publicas.  Outre  ces  ouvrages,  Ca- 
vanilles a  rédigé  sur  divers  su- 
jets d'excellcns  mémoire?  insérés 
dans  les  Annales  de  las  scii^ncias 
natiirales ,  ouvrage   périodique. 


CAV 

qui  parut  dnmnt  quelque  temps 
à  Madrid  vers  la  iiu  du  dernier 
siècle,  et  dont  la  collection  est  fort 
précieuse;  ce  sont  surtout  les  ob- 
servationsdeCavanilIcs  sur  la  plus 
terrible  des  maladies  de  Thom- 
me,  la  ra-ge,  qui  présentent  de 
Tintérêtdans  cette  collection.  Ca- 
vanilles  mourut  i\  Madrid,  en 
1804  :  c'était  un  bomme  doux, 
aimable  et  confiant.  Passion- 
né pour  la  botanique,  il  n'en  par- 
lait pas  san?  communiquer  l'en- 
thousiasme dont  il  était  pénétré 
pour  celte  science.  Il  était  chéri 
de  ses  élèves  ;  ses  cours  étaient 
très-suivis,  mais  il  herborisait 
peu;  c'est  par  des  jeunes  gens  qui 
Itii  étaient  attachés  qu'il  fesait 
chercher  à  la  campagne  les  végé- 
taux nécessaires  i\  ses  leçons,  et 
cette  rechereheétaitdéjà  pour  eux 
une  étude.  Il  avait  répandu  le  goOt 
de  la  botanique  en  Espagne;  mais 
à  sa  mort  elle  7  est  tombée  dans 
l'oubli.  Las;osca,  son  successeur, 
et  dont  les  connaissances  botani- 
ques sont  encore  plus  étendues, 
serait  bien  fait  pour  y  rétablir  le 
culte  de  Flore;  mais  il  manque  des 
puissans  secours  de  fortune  et  de 
protection  dont  Cavanilles  fut 
toujours  environné. 

CAVENDISH  (Henri),  second 
filsdu  duc  de  Devonshire,  se  ren- 
dit célèbre  comme  chimiste  et 
comme  physicien.  Né  en  1755,  il 
ne  jouit  dans  sa  jeunesse  que  d'u- 
ne fortune  n)odique,  les  grands 
biens  de  sa  faitiille  ayant  été  don- 
nés à  son  frère  aîné,  suivant  la 
coutume  d'Angleterre.  Mai»  son 
goOl  pour  l'étude  et  sa  passion 
pour  les  sciences  le  dédommagè- 
rent d'une  privation  à  laquelle  il 
n'attach/tit   point    d'importance. 


CAV 


235 


Ses  recherches  chimiques  lui  ac- 
quirent bientôt  une  grande  répu- 
tation. Il  découvrit  les  propriétés 
spéciales  du  gaz  hydrogène,  et 
les  différences  qui  le  distinguent 
de  l'air  athmosphérique.  Le  pre- 
mier il  reconnut  la  composition 
de  l'eau ,  expérience  déj;\  tentée 
par  Schéele,  et  depuis  répétée  a- 
vec  succès  par  Lavoisier  et  Mon- 
ge.  Les  grandes  connaissances  de 
Cavendish  en  physique  et  en  ma- 
thématiques lui  donnèrent  les 
moyens  de  constater  la  densité  de 
la  terre,  qu'il  recoimut  surpasser 
celle  de  l'eau  de  quatre  fois  et  un 
tiers.  Membre  de  la  société  royale 
de  Londres,  il  fut  admis  au  nombre 
des  huit  associés  étrangers  de  l'ins- 
titut de  France,  le  20  mars  i8o3. 
«Cavendish  se  trouvait  de  beau- 
»coup  le  plus  riche  de  tous  les 
«savans,  dit  M.  Biot,  et  probable- 
»  ment  aussi  le  plus  savant  de  tous 
«les  riches.»  Un  de  ses  parens, 
qui  avait  amassé  ime  fortune 
colossale  dans  l'Inde,  étant  re- 
venu, en  1773,  lui  fit  une  dona- 
tion de  tous  ses  biens  pour  le 
dédommager  de  l'espèce  d'aban- 
don où  sa  famille  l'avait  laissé 
jusqu'alors.  Cavendish  dans  l'o- 
pulence n'en  conserva  pas  moins 
toute  la  simplicité  de  ses  usages, 
se  contentant  toujours  d'un  mo- 
deste habit  gris.  Mais  en  revan- 
che, il  répandit  de  grands  bien- 
faits, soit  pour  soulager  l'indigen- 
ce, soit  pour  propager  la  culture 
des  sciences  et  dee  lettres.  Il  lais- 
sa néanmoins  à  sa  mort,  arrivée  en 
mars  iHio,  douze  cent  mille  livres 
sterling,  qui,  suivant  sa  volonté, 
furent  partagées  entre  ses  paren» 
éloignés,  les  moins  favorisés  de  la 
fortune.  Les  écrits  de  Cavendish 


234  CAZ 

se  trouvent  tous  dans  les  Trans- 
aciions' philosophiques.  Voici  les 
titres  des  principaux  :  i"  Expé- 
riences s  uj  ■  l'air Jactire,  1 766  ;  '.>,  " 
Rapport  à  la  société  royale  de 
Londres,  sur  les  instrumens  de 
rnttcnrulogie,  qui  servent  auxopé- 
rations  de  cette  compagnie,  1776; 
3"  Mémoire  sur  la  théorie  mathé- 
matirjuc  de  l'éleclricilé^  avec  des 
applications  de  l'analyse  infinité- 
simale; 4°  Mémoire  sur  l'année 
civile  des  Hindous  et  sur  leurs 
almanachs,  1792.  La  justesse  et 
l'exactitude  des  observations  se 
font  remarquer  dans  ces  divers 
ouvrages.  ^ 

CAZALES  (Jacqves- Antoine- 
Marie  de),  né  en  ijSa  ,  à  Grena- 
de, déparlement  de  la  Haute-Ga- 
ronne. Son  père  était  conseiller 
au  parlement  de  Toulouse.  Le  jeu- 
ne Cazalès  lut  reçu  ,  dès  1  ûge  de 
quinze  ans  ,  dans  le  régiment  des 
dragons  de  Jarnac,  et  il  ne  larda 
pas  à  y  obtenir  le  commandement 
d'une  compagnie.  Son  éducation 
fut  très-négligée;  il  avait  perdu 
son  père,  et  il  se  livra  à  la  dissi- 
pation dont  se  défendent  si  peu 
les  militaires  en  lemps  de  paix. 
Cependant  il  ne  larda  pas  à  con- 
naître les  ressources  qu'il  avait 
en  lui-même.  Il  était  doué  d'un 
jugement  sain,  d'une  rare  intelli- 
gence et  d'une  mémoire  prodi- 
gieuse. Un  tempérament  robus- 
te lui  permit  de  tirer  beaucoup.de 
fruit  de  ces  avantages,  sans  se  sé- 
parer de  ses  arrys,  et  sans  renon- 
cer à  la  société.  II  destinait  à  l'é- 
tude la  plus  grande  partie  de  la 
nuit,  le  jour  lui  restait  pour  ses 
autres  devoirs,  et  pour  ses  plai- 
sirs. C'est  ainsi  que  se  forma,  en 
secret,  cet  orateur  éloquent,  au- 


CAZ 

quel  il  ne  manqua  que  de  consa- 
crer de  si  beaux  talens  à  la  dé- 
fense d'une  sage  liberté.  Il  était 
capitaine  lorsque  les  élats-géné- 
rauxfurent  convoqués.  La  nobles- 
se du  bailliage  de  Rivière-Verdun 
lechoisit  à  l'unanimité.  Lorsqu'on 
agita  la  question   de   la  réunion 
des  trois  ordres ,  il  s'y  opposa  de 
tout  son  pouvoir;  il  étaj^  un  des 
commissaires  nommés  pour  ce* 
conférences;  il  prélendit  qu'il  fal- 
lait sauver,  malgré  le  roi  même, 
l'ancienne  monarchie.  C'est  à  lui 
que  remonte  la  devise  qu'on  s'ef- 
force de  remettre  en  honneur  de- 
puis quelque  temps.  La  conduite 
modérée  d'une  partie  de  la  no- 
blesse prévint  les  effets  de  cette 
vive  opposition.    Cazalès  voulut 
alors  retourner   en   Languedoc , 
mais  il  fut  arrêté  à  Caussade,  près 
de  Monlauban.  En  écrivant  pour 
demander  son  élargissement ,  il 
offrit  sa  démission;  cependantles 
ordres  qu'il  reçut  le  décidèrent  à 
revenir  à  Paris,  et  il  prit  part,  dans 
l'assemblée  constituante,  à  toute* 
les  délibérations  susceptibles  d'un 
haut  intérêt.  Il  ne  tarda  pas  à  è- 
tre  regardé  comme  un  des  pre- 
miers orateurs  de   celle  époque  , 
où  la  gloire  de  la  tribune  acheva 
de  consacrer  la  supériorité  de  la 
langue  française.  On  l'admira  sur- 
tout dans  les  discussions  qui  s'é- 
levèrent sur  le  serment  des  prê- 
tres,  concernant  la  constitution 
civile  du  clergé;  sur  le  projet  d'ô- 
ter  au  roi  le^roit,de  conclure  la 
paix  ou  de  déclarer  la  guerre;  et 
sur  celui  d'exiger  qu'il  ne  s'éloi- 
gnât pas  du  lieu  des  séances.  On  a 
demandé  si  une  conviction  réelle 
avait  entraîné  ce  grand  orateur  , 
ou  si  encore  imbu  des  préjugés 


7^ 


(   </  :  r/ A  . 


.Itf  /i,;//i/  ■ 


m 


CAZ 

de  sa  première  jeunesse,  il  avait 
cédé  il  l'infldence  des  seuls  lioui- 
ines  avec  qui  il  lût  en  relation  à 
l'entrée  de  sa  carrière  politique. 
11  est  certain  que  vers  la  lin  de 
cette  mémorable  session  ,   il   ne 
suivait  plus,    avec  la  môme  ri- 
gueur, les  principes  dont  il  avait 
d'abord  embrassé  la  défense  j  on 
a  conjecturé  même  qu'il  en   eftt 
adopté  de  plus  conformes  à  l'é- 
tendue de  ses  lumières  ,  s'il  n'eût 
pas  craint  lespèce  de  honte  atta- 
chée à  de  tels  changemens  ,  dont 
quelquefois  pourtant   les  causes 
seraient  honorables.  En  1789,  au 
mois  de  septembre ,  Cazalès  ap- 
puya la  proposition  de  soumettre 
à  la  sanction  royale,  les  articles 
de  la  constitution  déjà  réglés  par 
un  décret ,  et  en  particulier  la  dé- 
claration des  droits  de  l'homme. 
Il  demanda  ensuite  que  les  dépu- 
tés fussent  soumis  chacun  à  une 
contribution  de  1200   francs,    et 
que  l'assemblée     fût   renouvelée 
pour  prononcer  sur  l'adoption  de 
la  constitution.  L'année  suivan- 
e,  au  mois  de  mars,  il  défendit 
vec  chaleur  le  parleujent  de  Bor- 
éaux,  comme  il  avait  défendu 
clui  de  Rennes,  également  ac- 
usé  de  résistance  aux  décrets  de 
'assemblée.  Dès  cette  époque,  il 
parla  longuement  contre  les  pro- 
grès que  faisaient  dans  l'opinion 
les  principes  démocratiques  ;  et, 
vers  le  mois  de  juin,  s'opposant  à 
ce  qu'on  réunit  au  territoire  de  la 
France  lecomtat  Venaisî-in,  il  de- 
manda la  liberté  des  prisonniers 
détenus  à  Orange.  Il  appuya  mê- 
me la  proposition  faite  par  l'abbé 
"  lury  de   poursuivre  devant   le 
hâtelet ,   le  député  Canms  qui 
Venait  de  dénooccr  des  tentatives 


CAZ 


235 


secrètes,  dontle  but  avait  été  d'o- 
pérer leur  délivrance.  Bientôt  Ca- 
zalès s'oppose  à  ce  que  le  prince 
de  Condé  soit  déclaré  traître  à  la 
patrie  ;  mais  en  défendant  aussi 
le  général  de  Bouille,  il  excite  des 
murmures,  parce  qu'il  lui  échap- 
pe  de  rappeler  des  distinctions 
détruites,  et  dé  dire  du  jeune  De- 
silies  ,  qu'il  a  honoré  l'ordre  dans 
lequel  il  est  né.  A  la  fin  de  février 
1791,  au  sujet  des  nouveaux  trou- 
bles  de  Nîmes,    Cazalès  insiste 
pour  qu'on  réprime  sévèrement 
les  perturbateurs  de«  divers  par- 
tis. Deux  jours  après,  il  menaça- 
l'assemblée    de    l'animadversion 
de  tous  les  amis  de  la  monarchie, 
si  le  projet  de  décret  sur  la  rési- 
dence de  la  famille  royale  n'était 
pas  ajourné.  A  la  fin  de  mars  ,  il 
vota  pour  que  l'âge  de  dix -huit 
ans    fût  celui  de  la  majorité  des 
rois,  et  pour  que  les  assemblé^îs 
législatives   ne  pussent  disposer 
de  la  régence  qu'à  défaut  de  pa- 
rens  de  Théritier  de  la  couronne. 
Il  s'était  élevé  contre  la  constitu- 
tion civile  du  clergé ,  et  dans  une 
autre  occasion,  il  s'était  déclaré 
contre  le  principe  de  la  souve- 
raineté du  peuple,  que  sans  dou- 
te il  entendait  mal,  ainsi  qu'on  lo 
fait  encore  tous  les  jours  :  mais 
comme  il  avait  dit  à  l'assemblée 
qu'elle  n'aurait  pas  le  droit  déju- 
ger le   monarque,    entrât -il  en  ' 
France  à  la  tête  d'une  armée  é- 
trâogère  ;  il  n'obtint  pas  même  la 

f»arole.  Je  19  avril,  lorsqu'il  von- 
ut  condamner  l'opposition  du 
peuple  au  voyage  de  Saint-Cloud, 
dont  le  motif  n'était  plus  un  se- 
cret. Seul ,  entre  les  députés  choi- 
sis dans  le  principe  par  la  noble.-»- ' 
se,  il  vota,  le  19  mai,  avec  le  cô- 


^ 


456 


r.Az 


té  gauche,  en  faveur  de  réligibi- 
lité  immédiate  des  membres  de 
l'assemblée.  Le  lo  juin  de  cette 
même  année,  1791,  il  s'opposa 
de  toutes  ses  forces  au  licencie- 
ment de  l'armée,  ainsi  qu'à  la 
nouvelle  formule  du  serment  des 
oflTiciers.  Dans  la  promesse  d'ê- 
tre fidèles  à  la  nation,  à  la  loi 
et  au  roi,  il  avait  le  malheur  de 
ne  plus  rien  voir  des  principes 
qui,  disait-il,  avaient  animé  de 
temps  immémorial  les  troupes 
françaises.  Nos  armées  n'ont  pas 
ainsi  décidé  la  question  :  leur  ser- 
ment n'a  pas  affaibli  leur  gloire. 
Cazalès,  après  la  fuite  du  roi,  se 
crut  délié  de  son  sermeqt,  et  il 
voulut  aussi  se  rendre  chez  l'é- 
tranger; mais  il  fut  arrêté  par  le 
peuple ,  et  il  ne  dut  son  salut 
qu'à  plusieurs  de  ses  collègues  en- 
voyés pour  le  ramener.  Après  son 
retour,  il  ne  parut  à  la  tribune 
que  le  jour  où  il  s'agit  de  s'oppo- 
ser à  la  suppression  de  la  liste  ci- 
vile ,  et  bientôt  il  obtint  sa  démis- 
sion. De  Bruxelles  il  s'était  rendu 
à  Coblentz;  mais  on  assure  qu'il 
en  fut  expulsé  par  les  princes  mê- 
mes ,  et  que  cela  le  décida  àren- 
trerdans  son  pays,  qu'il  abandon- 
na toutefois  après  la  journée  du 
10  août,  pour  se  jeter  dans  l'ar- 
mée du  prince  de  Condé.  Maltrai- 
té de  nouveau,  par  ceux  dont  il 
avait  servi  la  cause  avec  beau- 
coup de  zèle,  mais  qui  peut-être 
lui  reprochaient  trop  de  modéra- 
tion, Cazalès  se  réfugia  en  Italie, 
d'où  il  se  rendit  en  Espagne,  et 
bientôt  en  Angleterre.  Il  reçut 
partout  l'accueil  dû  à  son  mérite, 
et  les  mêmes  marques  d'estime 
lui  furent  prodiguées,  à  son  re- 
tour en  France,  par  ceux  qui  a- 


CAZ 

voient  suivi  les  maximes  les  plos 
opposées  aux  siennes.  C'était  une 
sorte  de  justice  :  si  on  ne  peut  le 
compter  au  nombre  des  orateurs 
qui  ont  des  litres  particuliers  à  la 
reconnaissance  publique,  il  faut 
du  moins  eslimer  sa   franchise, 
apprécier  avec  indulgencelesmo- 
tifs  qui  l'entraînaient,  et  considé- 
rer combien  sa  retenue  mécon- 
tenta, dans  son  propre  parti ,  des 
hommes  qui   ne    voulaient    pas 
seulement  qu'on  adoptât  leurs  i- 
dées,  mais  qui  prétendaicntqu'on 
se  soumît  à  leurs  passions.  Caza- 
lès avait  médité  les  ouvrages  des 
grands  écrivains,  et  s'était  par- 
ticulièrement  attaché  à  Montes- 
quieu :  on  reconnaissait  beaucoup 
de  raison  jusque  dans  ses  erreurs, 
et  on  admirait  sa  facilité  dans  les 
discussions  qu'il  soutenait,  sans 
y  être  préparé  en  aucune  maniè- 
re. La  noblesse  de  ses  sentimens 
égalait  la  simplicité  de  ses  préten- 
tions. Quand  on  parlait devantlui 
de  son  mérite,   il  avait   l'art  de 
tourner  l'attention  vers  quelques- 
uns  de  ses  collègues  ;  et  il  aimait 
surtout  à  vanter  Barnave,  qui,  à 
la  suite  d'un  démêlé  politique, 
l'avait  blessé  d'un  coup  de  pisto- 
let. Depuis  ce  jour,  les  deux  ri- 
vaux ne  cessèrent  de  se  donner 
mutuellement  des  marques  d'es- 
time, et  Cazalès  pleura  la  mort 
du  célèbre  député  de  Grenoble. 
Sous  le  consulat,  il  reçut  la  croix 
d'officier  de  la  légion-d'honneur, 
mais  il  n'accepta  aucune  place. 
En  i8o5,il  épousa  M"" de  Roque- 
feuillé,  veuve   d'un  capitaine  de 
vaisseau.  Il  lui  était  attaché  de- 
puis long-temps;  il  en  eut  un  fils 
qui  déjà  fait  espérer  que  ses  ta- 
lens  pourront  rappeler  ceux  de 


CAZ 

jon  père.  Cazalès  n'a  joui  qu'un 
moment  de  celte  situation  paisi- 
hlo;  une  maladie  ,  qui  lui  a  laissé 
jusqu'au  dernier  instant  Tusa- 
ge  de  ses  facultés  morales,  ter- 
mina ses  jours  le  24  novembre 
180  5. 

CAZECde),  voyez  Decaze. 

CAZENEUVE'  (Ignace),  évê- 
que  constitutionnel,  et  membre 
delà  convention  nationale.  Il  a- 
vait  embrassé  l'état  ecclésiasti- 
que avant  la  révolution.  Dès  que 
l'assemblée  constituante  eut  dé- 
crété ,  le  1 2  juillet  I  790  ,  la  cons- 
titution civile  du  clergé,  l'abbé 
Caîeneuve  s'empressa  de  prêter 
le  serment  qu'elle  exigeait  des 
fonctionnaires  ecclésiastiques.  Il 
ne  tarda  pas  à  être  élu,  par  ses 
concitoyens,  évêque  d'Embrun  , 
et  au  mois  de  septembre  1792  ,  il 
fut  nommé  député  à  la  conven- 
tion par  le  département  des  Hau- 
tes -  Alpes.  Quand  cette  assem- 
blée jugea  Louis,  voici  la  répon- 
se de  l'abbé  Cazeneuve,  à  l'appel 
nominal  sur  cette  question  :  Loui.t 
est-il  coiipaùlt  ?  p  Comme  législa- 
>'  teur,  je  dis  oui;  mais  comme  ju- 
•>ge,  jedisrton.»  Puis  il  vota  pour 
la  détention  de  ce  prince  jusqu'à  la 
paix,  et  pour  sa  déportation  ù  cet- 
te époque.  La  modération  de  l'ab- 
bé Cazeneuve  l'engagea  à  se  lier 
avec  le  parti  des  girondins ,  con- 
tre celui  de  la  montagne ,  et  il  si- 
gna, le  6  juin  1793,  la  protesta- 
tion des  soixante  ^  treize  ,  con- 
tre la  journée  dti  5i  mai.  Aussi 
fut -il  décrété  d'arrestation  par 
rassemblée,  avec  ses  soixante- 
douze  collègues.  Mais  il  fut  rap- 
pelé dans  le  sein  delà  convention, 
après  la  journée  du  9  tlierinidor. 
Dfvcnu  ensuite  membre  du  con- 


€AZ 


207 


seil  des  cinq-cents  ,  en  vertu  des 
lois  des  5  cti3  fructidor  an  3  (22 
et  5o  août  1795),  par  la  réélection 
des  deux  tiers  des  conventionnels, 
il  fit  partie  de  ce  conseil,  jusque» 
au  1 5  ventôse  an  5  (5  mars  1 797)- 
L'abbé  Cazeneuve  n'a  point  re- 
paru sur  la  scène  politique  de- 
puis cette  dernière  époque.    ' 

CAZOTTE  (Jacques),  naquit  à 
Dijon,  en  1720;  il  était  fils  du 
grelTier  des  états  de  Bourgogne. 
Il  partit  en  1747?  pour  la  Marti- 
nique ,  en  qualité  de  contrôleur 
de  la  marine  aux  Iles-du-Vent.  Il 
se  signala  dans  cette  fonction 
par  son  intelligence  et  son  acti- 
vité, surtout  t\  l'époque  où  les 
Anglais  attaquèrent  le  fort  Saint- 
Pierre.  Il  commença  alors  à  cul- 
tiver les  lettres  ,  composa  le  ro- 
man d'Olivier,  ouvrage  écrit  a-» 
vec  grâce  et  facilité ,  mais  en  pro- 
se ;  ce  qui  ne  lui  donne  pas  droit 
au  titre  de  poëme,  dont  son  au- 
teur l'a  décoré.  Cazotte  a  publié 
encore  d'autres  romans  qui  aiou- 
lèrent  à  sa  réputation,  et  entre 
lesquels  on  distingue  le  Lord  im^ 
prornptu  ,  imbroglio  des  plus  at- 
tachans ,  et  le  Diable  amoureux, 
fiction  originale  que  l'anglais  Le- 
vais a  reproduite  plus  développée 
dans  le  fameux  roman  du  Moine. 
L'n  de  ses  frères  lui  ayant  laissé 
un  héritage  considérable,  Cazot- 
te revint  en  France  en  1760,  a- 
près  avoir  vendu  ses  possession* 
coloniales  au  célèbre  jésuite  La- 
valette.  Ce  jésuite  ,  supérieur  de 
l'ordre,  en  provoqua  bientôt  la 
destruction  par  la  plus  scandaleu- 
se des  banqueroutes.  Carotte  s'y 
étant  trouvé  compris,  se  vit  o- 
bligé  d'intenter  un  procès  A  la- 
Compagnie  de  Jlésu^',  dont  il  av«ii« 


238 


CAZ 


été  un  élève  zélé,  et  pour  laquelle 
il  conservait  beaucoup  d'attache- 
ment :  seïi  relations  avec  elle  lui 
coûtèrent  cinquante  mille  écus.  II 
quitta  immédiatement  les  affaires, 
et  se  retira  à  Pierry,  près  d'Eper- 
nay,  en  Champagne,  où  il  parta- 
geait son  temps  entre  la  littérature 
et  les  soins  qu'il  donnait  à  sa  famil- 
le. Dèslecommenccmentde  laré- 
volution  ,  il  se  déclara  ennemi  de 
ses  principes  et  des  changemens 
qu'elle  apportait  dans  le  gouver- 
nement. Il  s'en  expliquait  fran- 
chement dans  ses  lettres  à  Pou- 
teau  ,  son  ami,  employé  dans  les 
bureaux  de  l'intendance  de  la  lis- 
te civile.  Cette  correspondance 
ayant  été  saisie  chez  l'intendant, 
M.  de  La  Porte,  i\  la  suite  du  lo 
août  1  792 ,  Cazotte  fut  arrêté  et 
conduit  à  l'Abbaye.  Un  dévoue- 
ment héroïque  le  sauva  dans  les 
journées  des  2  et  3'  septembre  :  il 
allait  être  massacré,  lorsque  Elisa- 
beth ,  l'une  de  ses  filles ,  âgée  de 
16  à  17  ans,  se  jeta  à  son  cou,  et 
le  feiiant  fortement  embrassé  , 
protesta  qu'on  n'arriverait  au 
cœur  de  son  père  ,  qu'après  avoir 
percé  le  sien,  l^es  assassins,  atten- 
dris par  ce  sublime  trait  de  la  pié- 
té filiale  ,  épargnèrent  Cazotte;  il 
fut  porté  en  triomphe  avec  sa  fille 
jusqu'à  sa  maison.  Arrêté  de  nou- 
veau, peu  de  jours  après,  il  fut 
transféré  à  la  Conciergerie,  et  tra- 
duit au  tribunal  le  24  du  même 
mois.  La  correspondance  indis- 
crète dont  nous  avons  parlé,  ser- 
vit de  preuves  contre  lui  :  il  fut 
condamné  à  mort  le  même  jour, 
et  exécuté  le  lendemain  35  sep- 
tembre, à  l'âge  de  7a  ans.  Il  mar- 
cha au  supplice  avec  calme  et  ré- 
signation, ne  paraissant  regretter 


CEL 

que  sa  généreuse  fille,  Elisabeth, 
qui  l'avait  suivi  dans  sa  prison  , 
et  ne  l'avait  quitté  qu'à  ses  der- 
nier» mt)mens.  Cazotte  avait  plus 
d'esprit  que  de  jugement.  La  rai- 
son ne  lui  servit  pas  toujours  de 
guide  dans  sa  conduite  ni  de  rè- 
gle dans  ses  opinions.  Partisan 
des  idées  cabalistiques ,  il  était 
infatué  de  cette  philosophie  oc- 
culte, de  ces  doctrines  bizaifes 
qui,  à  diverses  époqtfes,  ont  été 
reproduites  par  des  ch:irlatans, 
adoptées  par  des  dupes,  et  ré- 
gnent encore  sous  le  nom  de 
niartinisinc  et  x^illuminisme. 

CELS  (.Iacques -Martin),  cé- 
lèbre botaniste ,  naquit  à  Versail- 
les en  1745  :1e  hasard  en  fit  un 
jardinier.  Receveur  des  droits 
d'entrée  à  l'une  des  barrières  de 
Paris  ,  une  troupe  d'anarchistes 
pilla  sa  caisse  au  commencement 
de  la  révolution.  Ce  malheureux 
événement  obligea  Cels  à  profiler 
de  ses  études  et  de  ses  goûts,  pour 
se  procurer  un  autre  moyen  d'exis- 
tence. Les  leçons  qu'il  avait  re- 
çues au  Jardin  des  plantes,  du 
professeur  Le  Mounier,  et  du  dé- 
monstrateur de  Jussieu  ,  et  les 
conseils  de  J.  J.  Rousseau  et  du 
jardinier  Thouin  ,  le  déterminè- 
rent à  cultiver  un  terrain  dans  la 
plaine  de  Monlrouge,  pour  sui- 
vre le  nouvel  état  qu'il  voulait 
embrasser.  Il  établit  une  corres- 
pondance avec  plusieurs  amateurs 
de  son  genre;  il  se  fit  entre  eux 
un  grand  nombre  d'échanges  de 
plantes  et  de  graines  ,  et  Cels  par- 
vint à  créer  un  jardin  utile  à  la 
botanique,  et  dont  le  revenu  pou- 
vait suffire  à  ses  besoins.  Ces  heu- 
reux commencemens  l'encoura- 
gèrent; il  s'adonna  au  commerce 


CEP 

des  plantes  exotiques;   il  en  fit 
iiuitre  le  goût;  et  dans  quelques 
années,  les  jardins   français  fu- 
rent peuplés  des  plus  bellesfleurs 
des  deux  mondes.  Les  botanistes 
et  les  curieux  trouvaient  chez  lui, 
dans  toutes  les  saisons,  les  plan- 
tes les  plus  rares ,  qu'il  oftVait  i 
leurs  observations  avec  une  ex- 
trême bonté.  Le  professeur  Yen- 
tenat  publia,  en  1801,  une  Dts- 
cription  dts  plantes  nouvelles  et 
peu  connues,  cultivées  dans  les 
jardins  de  M.  Cels.  Les  planches 
qui -accompagnent  cet  ouvrage  le 
rendent  très-précieux,  en  même 
temps  qu'elles  donnent  une  gran- 
de idée  de  la  beauté  et  de  la  ra- 
reté des  fleurs  importées  en  Fran- 
ce par  les  soins  de  Cels.  II  était 
de  l'institut,  section  d'économie 
rurale,  et  membre  de  la  société 
d'agriculture  du  département  de 
la  Seine.  11  a  publié,  des  instruc- 
tions sur  plusieurs  branches  d'a- 
griculture, a  coopéré  à  la  rédac- 
tion d'un  projet  de  code  rural, 
et  fourni  un  grand  nombre  de  no- 
tes pour  des  ouvrages  du  même 
genre,  tels  ({u""  Olivier  de  Serres  ; 
la  (Juintinie ,  etc.  Cels  est  mort 
le  1 5  mai  1806,  à  l'âge  de  ^5  ans. 
CEPERO,  membre  des  cortès 
espagnoles.  Il  avait  embrassé  de 
bonne  heure  l'état  ecclésiastique, 
et  venait  de  terminer  ses  études, 
lorsqu'il  lut  nommé  un  des  des- 
servans  de  l'église  métropolitaine 
rie  Séville.  Partisan  de  la  liberté, 
il  manifesta  hautement  ses  prin- 
cipes, et   les  libérales  s'empre."»- 
sèrent  de  l'élire  membre  des  cor- 
tès de  cette  ville.  Il  ne  tarda  pas 
ù  faire  paraître,  sous  le  titre  de 
Leçons  poàlicfues  pour  la  jeunes- 
su  espagnole,  un  catécbitmc  tout 


CEK  ûSq 

à  la  fois  religieux  et  politique,  qui 
avait  pour  objet  d'insinuer  dans 
l'esprit  des  jeunes  gens  les  idées 
de  patriotisme  et  d'indépendance 
qu'il  voulait  propager  dans  toutes 
les  classes  de  la  société.  Lorsque 
Napoléon  eut  quitté  l'île  d'Elbe 
pour  rentrer  en  France,  au  mois 
de  mars  181 5,  l'abbé  Cepero, 
qui  se  trouvait  alors  ù  Madrid,  fut 
accusé  d'avoir  préconisé  ce  prin- 
ce, et  par  suite  de  cette  dénoncia- 
tion, on  l'enferma,  par  ordre  du 
roi  Ferdinand,  dans  la  grande 
chartreuse  de  Séville.  L'année  sui- 
vante, en  mars  1816,  la  police 
défendit  la  vente  des  Leçons  po- 
litiques, et  en  fit  saisir  les  exem- 
plaires. 

CERACCHI  (Joseph),  né  à  Ro- 
me. Plusieurs  morceauxde  sculp- 
ture fort  estimés  le  firent  regar- 
der de  bonne  heure  comme  l'é- 
mule du  fameux  Canova  dont  il 
avait  été  l'élève.  Lorsque  les  ar- 
mées françaises  pénétrèrent  en 
Italie,  et  portèrent  jusqu'au  de-lA 
des  Apennins  des  idées  d'indé- 
pendance, Ceracchi,  dont  la  force 
d'âme  rappelait  les  caractères  é- 
nergiques  de  l'ancienne  ville  du 
ïibre,  embrassa  avec  ardeur  ces 
principes  de  liberté.  Il  pritbeau- 
coupde  partaux  changemens  qui, 
en  1799,  eurent  pour  premier  ef- 
fet de  substituer  une  nouvelle  ré- 
publique romaine  au  gouverne- 
ment pontifical.  L'autorité  de  l'é- 
glise n'ayant  pas  tardé  à  être  ré- 
tablie, la  France  devint  l'asile  de 
Ceracchi;  mais  dans  son  opinion 
républicaine,  Boii;iparte  n'était 
que  l'oppresseur  de  l'Italie.  On 
venait  de  le  charger  de  modeler 
le  buste  du  premier  consul;  ce- 
pendant il  écouta  sans  hésiter  le;* 


2/|0  CER 

propositions  de  quelques  élèves 
français  qu'il  avait  connus  à  Ro- 
me, et  partageant  leurs  jeunes 
espérances,  il  entra  dans  la  cons- 
piration d'Arena.  Saisi  comme 
eux  à  l'Opéra,  le  lo  octobre 
1800,  il  fut  aussi  condamné  à 
mort.  L'arrêt  fut  exécuté  au  bout 
de  dix  jours,  le  3i  janvier  de  l'an- 
née 1801.  La  fermeté  qu'il  avait 
montrée  durant  le  cours  du  pro- 
cès, ne  se  démentit  pas  au  dernier 
moment.  Il  jouissait  d'une  assez 
grande  considéralionet  il  futbeau- 
coup  regretté,  surtout  parmi  les 
artistes. 

CERISE  (GciLtAUME- Michel, 
BAROT<),  adjudant-général,  officier 
de  la  légion-d'honneur,  chevalier 
de  l'ordre  royal  et  militaire  de 
Saint-Louis,  naquit  à  Alain,  vallée 
d'Aost,  en  Piémont,  le  29  sep- 
tembre 1 770,  d'une  famille  consi- 
dérée. Il  suivit  avec  succès  plu- 
sieurs cours  d'étudesscientifiques. 
Quand  les  mots  sacrés  de  liberté 
et  d'affranchissement  retentirent 
dans  sa  patrie ,  le  jeune  Cerise, 
électrisé  par  la  présence  de  l'ar- 
mée française,  entendit  cetappel, 
s'élança  de  sa  retraite,  et  vint, 
simple  volontaire,  arborer  l'éten- 
dard de  l'indépendance ,  avec 
))lusieurs  de  ses  compagnons. 
Mais  le  mouvement  fut  compri- 
mé ;  beaucoup  de  patriotes  pié- 
montais  furent  exécutés;  Cerise  se 
-réfugia  en  France.  Après  quelques 
mois  de  séjour  dans  ce  pays,  il 
reçut  un  brevet  de  capitaine  dans 
la  légion  piémontaise  nouvelle- 
ment créée,  et  retourna  dans  sa 
patrie,  où  il  donna  une  preuve 
touchante  de  cette  noblesse  d'âme 
qui  le  distinguait.  A  son  tour,  il  of- 
frit un  ftsile  aux  Français  hospi- 


CER 

taliers  qui  l'avaient  accueilli,  ef 
qui  fuyaient  eux-mêmes  la  per- 
sécution politique.  Bientrit  il  fut 
attaché  ù  !a  personne  du  général 
Lahoz.  en  qualité  d'aide-de-camp  ; 
à  27  ans  il  occupait  le  grade  mi- 
litaire dont  il  était  revêtu  à  sa 
mort.  Le  suffrage  de  Joubert  at- 
teste qu'il  en  était  digne.  Ce  gé- 
néral le  fit  nommer,  par  le  géné- 
ral en  chef,  membre  du  gouver- 
nement piémontais,  lors  de  lor- 
ganisation  de  ce  gouvernement. 
Cerise,  pendant  son  administra- 
tion, acquit  des  droits  éternels  i 
la  reconnaissance  de  ses  conci- 
toyen? ;  il  publia  à  cette  époque 
un  mémoire  très-remarquable  sur 
la  situation  politiquedu  Piémont. 
Forcé  par  l'invasion  des  Austro- 
Russes  de  quitter  son  pays,  il  re- 
joignit l'armée  française  sur  la  ri- 
vière de  Gènes;  et  depuis,  il  com- 
battit toujours  sous  ses  drapeaux. 
Dans  une  seule  journée  de  cette 
mémorable  campagne,  il  reçut 
trois  blessures,  et  revint  trois  fois 
au  feu.  Jusqu'en  1811,  époque 
où  les  suites  de  ses  nombreuses 
blessures  le  forcèrent  à  sortir  du 
service  actif,  l'adjudant -géné- 
ral Cerise  fit,  sans  interruption, 
toutes  nos  campagnes ,  et  par- 
tout s'honora  par  sa  valeur,  son 
désintéressement  et  ses  lumiè- 
res. l)n  mot  terminera  cet  éloge  : 
il  sortit  des  affaires  publiques  plus 
pauvre  qu'il  n'y  était  entré.  Il 
jouissait,  en  1 81 5,  dans  une  cam- 
pagne isolée  aux  environs  de 
Toulouse,  d'un  repos  si  noble- 
ment acquis,  quand  les  P^erdtts 
(bandes  secrètes  du  Midi)  vin- 
rent l'enlever  de  sa  maison,  et  le 
précipitèrent  dans  un  cachot.  Sa 
femme  ne  l'abandonna  pas,  et  ses 


CER 

soins  héroïques  lui  préparèrent  un 
asile  en  Hollande.  Toiitelbis  é- 
branlé  par  ces  malheur?,  le  géné- 
ralCerise,que  la  natureavaitdoué 
d'une  âiue  courageuse,  maiâ  sou- 
mise à  des  impressions  vives  et 
profondes,  retrouva  sa  liberté  sans 
retrouver  sa  raison.  C'est  en  vain 
qu'à  travers  toutes  les  persécu- 
tions d'une  police  inquisitorialc, 
sa  fidèle  compagne  le  ramena  à 
Paris  :  après  trois  années  de  soul- 
Irances  adoucies  par  des  soins 
pieux,  ce  brave  militaire,  ce  ver- 
tueux citoyen  succomba  le  a8  lé- 
>^  vrier  1820  :  heureux  au  moins 
dans  le  sommeil  de  sa  pensée,  de 
n'avoir  pu  sentir  les  maux  de  sa 
patrie  adoplive.  ' 

CERNON  PINTEVILLE  (le  ba- 
ron). En  1789,  il  lut  nommé  dépu- 
té de  la  noblesse  de  Cbâlons-sur- 
Marne  aux  états-généraux.  Le  21 
mars  1790,  il  y  parla  contre  ceux 
d'entre  ses  collègues  qui  s'étaient 
opposés  au  projet  de  diviser  la 
France  en  départemens. Quelques 
mois  après,  en  qualité  de  secré- 
taire de  l'assemblée  ,  il  présenta 
différcns  rapports  sur  les  (inan- 
ces.  11  avait  cessé  de  faire  partie 
des  assemblées  législatives;  mais, 
OT  180a,  il  entra  au  tribunat,  et  le 
•.>.3  mars  180/4,  »'  y  'ut  choisi  pour 
becrétaire  :  il  en  remplit  les  fonc- 
tions jusqu'au  moment  de  la  sup- 
pression du  tribunat. 

CERRETTl  (Lons)  naquit  à 
M()d(;ne  le  1"  novembre  1738. 
.Son  père,  qui  exerçait  la  médeci- 
ne avec  succès,  le  lit  entrer  chez 
les  jésuites.  Naturellement  pas- 
sionné pour  les  lettres,  il  n'avait 
pas  encore  achevé  ses  études  qu'il 
se  Ot  remarquer  par  des  pièces  de 
vers  en  l'honneur  de    quelques 

T.   IV. 


CER 


241 


saints.  Il  célébrait  ainsi  les  objets 
dont  on  avait  eu  soin  d'occuper 
sa  jeune  imagination;  mais  bien- 
tôt ses  idées  prirent  un  autre 
cours,  et  aux  premiers  essais  de 
sa  verve  timorée  succédèrent  les 
chants  les  plus  licencieux.  Il  fut 
néanmoins  secrétaire  de  l'univer- 
sité de  Modène.  En  1763»  il  y 
obtint  la  chaire  d'histoire  romai- 
ne, et  ensuite  la  chaire  d'éloquen- 
ce. Nul  ne  l'eût  mieux  remplie  : 
son  élocution  facile  et  brillante 
fut  très-goûtée;  une  foule  d'audi- 
teurs assistaient  constamment  à 
ses  leçons.  Il  a[)prochait  de  l'âge 
de  60  ans,  lorsque  la  ville  de  Mo- 
dène adopta  les  lois  de  la  répu- 
blique; cependant  il  avait  pris 
part  à  celle  révolution,  et  il  fut 
membre  de  la  commission  d'ins- 
truction publique.  Il  passa  depuis 
à  l'ambassade  de  Parme,  et  il  é- 
tait  directeur  des  éludes  dans  ce 
duché,  lorsque  l'arrivée  de  Sou- 
vvarovv  le  contraignit  de  se  réfu- 
gier en  France,  De  retour  dans 
sa  patrie ,  il  occupa ,  vers  la  fin 
de  i8o/|,  une  chaire  à  l'université 
de  Pavie.  La  manière  dont  il  pro- 
fessa lui  valut  des  succès  dignes 
de  ceux  qu'il  avait  jadis  obtenus 
dans  la  ville  de  Modène;  niais 
après  être  devenu  régent  de  l'u- 
niversité, il  mourut  le  5  mars 
1808.  Cerretli  avait  obtenu  la  dé- 
coration de  la  légion-d'honneur, 
et  il  était  men»bre  de  plusieurs 
académies.  En  181 'j,  ses  œuvres 
furent  imprimées  à  Milan  par  les 
soins  de  l'abbé  Pedroni,  son  an- 
cien élève  et  son  ami.  Elles  for- 
ment deux  volumes  in-S",.  dont 
le  premier  a  pour  titre  :  Poésie 
sctUt  dt'.i  cavalière  L.  Cerretti;  et 
le  second,  Prose  scelle  del  cava-- 


34a  CER 

litre  L.  Cervetti.  Ce  dernier  volu- 
me renferme  les  éloges  de  quel- 
ques hommes  célèbres  du  i8°"  siè- 
cle. En  181  i,on  avait  fait  paraître 
Inslituzioni  di  eloquenza,  Milan, 
u  vol.  Les  poésies  lyriques  de  Cer- 
retti  sont  estimées;  cependant  on 
lui  reproche  d'avoir  cherché  quel- 
quefois la  grâce  et  même  le  natu- 
rel avec  un  soin  qui  lui  a  fait  né- 
gliger la  noblesse  des  expressions. 
La  violence  de  son  caractère  et 
l'orgueil  de  ses  prétentions  lui  a- 
vaient  attiré  des  ennemis.  On  pro- 
fita de  ce  qu'il  laissait  en  manus- 
crit la  plupart  de  ses  productions 
pour  y  joindre  des  pièces  ébau- 
chées au  milieu  des  écarts  de  sa 
jeunesse,  et  qu'il  n'avait  pas  pris 
la  peine  de  retoucher.  On  fit  plus, 
on  attaqua  ses  mœ,urs,  on  lui  con- 
testa même  son  talent.  Cette  in- 
justice a  contribué  à  la  célébrité 
de  son  nom;  c'est  la  haine  de  ses 
détracteurs  qui  a  décidé  l'abbé 
Pedroni  à  publier  ses  œuvres. 

CEllUTTI     (  A>T0IMÎ  -  JOSEPH- 

Joachim)  ,  né  à  Turin  le  i5  juin 
1738.  11  étudia  au  collège  des  jé- 
suites, et  son  aptitude  le  fit  rece- 
voir dans  leur  ordre.  Il  professait 
au  collège  de  Lyon  lorsqu'il  rem- 
porta, dans  la  même  année,  trois 
prix  à  Dijon,  àïoulouse  et  à  Mon- 
tauban.  L'académie  de  Toulouse 
avait  demandé  <<  Pourquoi  les  ré- 
»  publiques  modernes  fleurissent- 
selles  moins  que  les  républiques 
wanciennes?»  Cerutti,  malgré  sa 
jeunesse,traita  cette  question  avec 
une  vigueur  qui  fit  croire  d'abord 
que  son  discours  pouvait  être  de 
J.  J.  Rousseau.  La  sensation  qu'il 
produisit  donna  aux  jésuites,  sur 
le  pouvoir  desquels  on  ouvrait 
déjà  les  yeux,  l'idée  de  confier  à 


CER 

Cerutti  le  soin  de  justifier  l'ordre, 
ou  du  moins  de  le  défendre.  C'est 
à  Nancy,  auprès  de  Stanislas,  qu'il 
composa  son  Apologie  de  l'insti- 
tut des  jésuites.  Cet  ouvrage  im- 
portant, et  qui  fit  beaucoup  de 
bruit,  ne  pouvait  changer  l'opi- 
nion; il  ne  fut  utile  qu'à  son  au- 
teur, auquel  il  donna  pour  appui 
l'ancien  roi  de  Pologne,  et  ensui- 
te le  dauphin  son  petit-fils.  Ce 
dernier  prince,  qu'on  a  long-temps 
regardé  comme  dévot,  avait  au 
contraire  une  raison  éclairée.  Il 
conçut  beaucoup  d'estime  pour 
Cerutti;  et,  dans  des  entretiens 
particuliers,  il  ne  lui  cachait  pas 
qu'il  ne  voyait  rien  de  très-sérieux 
à  opposer  aux  opinions  de  Voltai- 
re et  de  Montesquieu.  L'habitude 
de  la  haute  société,  en  influant 
sur  les  manières  de  Cerutti,  ne 
changea  pas  ses  mœurs;  cepen- 
dant il  ne  fut  point  austère  jus- 
qu'à l'insensibilité.  Il  lui  arriva 
d'aimer  une  femme  d'un  haut 
rang,  et  de  l'aimer  passionné- 
ment :  ce  malheur,  qui  le  priva  de 
tout  repos  d'esprit,  altéra  long- 
temps sa  santé.  II  trouva  dans  l'a- 
mitié de  grandes  consolations;  la 
duchesse  de  Brancas  l'appela  Ai 
sa  retraite  de  Fleville  près 
Nancy,  et,  durant  quinze  années, 
il  y  jouit  de  l'intimité  la  plus  dou- 
ce. Cerutti  prévoyait  de  grands 
changemens  dans  l'état,  et  il  ju- 
geait trop  bien  de  leurs  principaux 
effets  pour  ne  pas  désirer  de  voir 
jeter  les  fondemens  de  cet  ouvra- 
ge indestructible.  En  1788,  il  pu- 
blia son  Mémoire  pour  le  peuple 
français ,  un  des  écrits  de  cette 
époque  qui  contribuèrent  le  plus 
à  donner  à  la  France  ce  qui  lui 
avait  manqué  jusqu'alors,  et  ce 


€EIV 

que  le  temps  seul  peut  achever  de 
produire,  un  esprit  public.  «De- 
»  puis  ce  moment,  dit  le  Moni- 
»teur  (27  mars  1792)»  il  servit  la 
«l'évolution  par  ses  écrits  et  par 
»  ses  discours.  De|)uis  surtout  qu'il 
«fut  choisi  député  à  la  législation, 
«les  nouveaux  efforts  qu'il  fit  a- 
«chevèreut  de  l'épuiser,  et  il  suc- 
«comba  victiuie  respectable  de 
«son  dévouement  au  bien  pu- 
«blic.  «Pour  soutenir  cette  lutte 
en  faveur  de  la  liberté,  c'est-à- 
dire  contre  la  superstition  et  l'i- 
gnorance, il  publiait  la  h\-ttilievit- 
la^toise,  qu'une  siujplioité  agréa- 
ble proportionnait  à  l'intelligence 
peu  exprcée  des  habitans  des  cam- 
pagnes, et  qui,  après  sa  mort,  fut 
continuée  par  Grouvelle  et  par 
Ginguené.  Fendant  la  session  de 
l'assemblée  constituante,  Cerutli 
prit  beaucoup  de  part  aux  .suc- 
cès du  plus  grand  de  ses  orateurs; 
il  préparait  souvent  les  matériaux 
de  ses  discours.  Une  étroite  ami- 
tié les  unissait;  mais  bientôt  Ce- 
rutti  n'eut  plus  qu'à  prononcer 
l'oraison  funèbre  de  Mirabeau. 
Ai'rès  avoir  été  i\n  des  adminis- 
trateurs du  département  de  Paris, 
puis  électeur,  il  devint  membre 
de  la  seconde  assemblée,  où  il  fit 
voler  des  remercimens  à  telle  qui 
venait  de  terminer  ses  travaux 
immortels.  Au  milieu  de  ces  nou- 
velles fonctions,  ses  forces  s'épui- 
sèrent; il  succomba,  en  i7<)2,  au 
mois  de  mars.  Quelque  intérêt 
qu'il  ait  pris  à  des  questions  d'u- 
tilité générale,  on  au  progrès  de 
la  liberté,  on  ne  le  r«*garde  pas 
comme  un  profond  publicisté, 
mais  comme  un  écrivain  délicat 
et  ingénieux.  Ses  talcns  distin- 
)$ués  ne  formaient  pas  son  seul 


CER  s43 

mérite.  Doué  d'une  vraie  sensi- 
bilité, il  possédait  à  un  degré  re- 
marquable toutes  les  qualités  de 
rhonnête  homme,  et  il  n'avait 
rien  du  caractère  qu'on  attribuait 
aux  disciples  de  Loyola.  On  a  pu 
lui  reprocher  seulement  d'atta- 
cher trop  d'importance  à  la  riches- 
se. Sa  pliilosophie  n'allait  pas  jus- 
qu'à lui  faire  préférer  une  assez 
douce  médiocrité  :  avec  onze  mil- 
le livres  de  rentes  viagères,  il  se 
croyait  pauvre.  Outre  les  ouvra- 
ges dont  il  a  été  fait  mention,  Ce- 
rutti  a  publié  :  1°  L'aigle  et  le 
Hibou  ^  apologue  en  vers,  Paris 
et  Glascow,  1785;  2°  un  recueil 
de  différentes  pièces  en  prose  et 
en  vers,  parmi  lesquelles  on  cite 
un  petit  poëme  sur  le  Jtu  d'é- 
checs, où  les  difficultés  sont  vain- 
cues avec  assez  de  bonheur,  Pa- 
ris et  Glascow,  1 784;  3°  un  poëme 
intitulé  it  Jardin  de  Rclz,  1792; 
'\°  Lettres  sur  les  avantages  et  l'o- 
rigine de  la  gaieté  française,  Pa- 
ris, 1792.  Ces  lettres  avaient  dé- 
jà été  imprimées  à  Lyon  en  1761. 
On  a  encorç  de  lui  quelques  au- 
tres ouvrages;  et,  si  l'on  en  croit 
le  iM(jniteur,  il  en  a  laissé  un  dans 
lequel  il  avait  entrepris  de  prou- 
ver que  la  doctrine  iiltramontniue 
produisit  seule  la  servitude  civile 
et  politique,  l'abrutissement  et  la 
misère  des  peuples.  «11  pourrait 
»  bien  en  être  quelque  chose,  con- 
Mtinuaitlc  journaliste.  Celui  qui 
«parviendrait  à  épurer  toutes  les 
0 sectes,  à  détruire  le  fanatisme, 
«la  rage  de  dominer,  de  se  pcr- 
»  séculer,  de  s'entre-détruire  ;  ce- 
nlui  (|ui  pourrait  rallier  tous  les 
«hommes  à  une  religion  pure- 
«mt-nt  morale,  et  n'offrant  que 
«les  deux  dogmes  coneolans  ds 


î»44  CEK 

»  l'existence  de  Dieu  et  de  l'im- 
))  mortalité  de  rame;  celui-là,  sans 
«doute,  aurait  guéri  une  des  plaies 
))les  plus  profondes  de  l'huma- 
»nité.  » 

CERVONI,  lieutenant -géné- 
ral ,  coïKmandant  de  la  légion- 
d'honneur,  nuquit  à  Soeria,  en 
Corse,  dans  l'année  1 7G7.  Son  pè- 
re, Thomas  Cervoni,  était  un  des 
chefs  les  plus  influens  et  les  plus 
courageux  de  l'île  qui  se  réunirent 
au  célèbre  Paoli,  pour  conquérir 
sur  les  Génois  et  défendre  con- 
tre les  Français,  l'indépendance 
de  leur  patrie  et  la  liberté  de  leurs 
concitoyens.  Fidèle  à  son  pays  et 
à  son  chef,  il  suivit  Paoli  dans 
l'exil,  et  s'établit  avec  sa  famille 
en  Toscane.  Son  fils  reçut  une  é- 
ducation  soignée,  et  donna  de  bon- 
ne heure  les  plus  grandes  espé- 
rances. Les  sciences,  les  lettres, 
la  poésie  surtout  occupèrent  et 
embellirent  l'itnagination  la  plus 
brillante  et  le  caractère  le  plus  ai- 
mable. Son  goût  pour  les  armes 
lui  ût  quitter  l'université  de  Pise, 
où  son  père,  qui  le  destinait  à  la 
magistrature,  lui  faisait  étudier 
Ja  jurisprudence.  11  se  rendit  en 
France,  et  entra  comme  simple 
soldat  dans  le  régiment  de  Royal- 
Corse.  Son  père,  pour  lequel  il  a- 
vait  le  plus  tendre  et  le  plus  res- 
pectueux attachement,  le  força  à 
quitter  l'état  militaire,  à  repren- 
dre l'étude  des  lois, et  à  suivre  la 
carrière  d'avocat  à  la  Porta.  En 
1790,  il  fut  nommé  chef  de  l'une 
des  divisions  du  directoire  du  dé- 
partement. En  1792,  il  obtint  u- 
ne  sous-lieutenance  dans  le  ré- 
giment de  Royal -Navarre  cava- 
lerie. Son  colonel,  51.  Casablan- 
ca, ayant  été  nommé  général  de 


CER 

brigade,  l'année  suivante,  choi- 
sit Cervoni  pour  son  aide -de- 
camp,  et  fit  avec  lui  la  campa- 
gne des  Alpes,  qui  nous  rendit 
maîtres  de  la  Savoie.  Appelé  au 
siège  de  Toulon  par  son  compa- 
triote et  son  ami  Salliceti,  repré- 
sentant du  peuple,  ses  talens  et 
son  courage  l'élevèreat  rapide- 
ment aux  grades  d'adjudant -gé- 
néral et  de  général  de  brigade.  Il 
était  à  la  tête  de  la  colonne  qui 
enleva  la  redoute  anglaise,  et  qui 
décida  la  prise  de  Toulon.  Envoyé 
à  l'armée  d'Italie,  il  prit  pour  ai- 
de-de-camp le  jeune  Joubert, 
dont  il  connaissait  la  bravoure, 
et  à  qui  une  mort  prématurée  n'a 
pu  enlever  la  réputation  de  grand 
général.  Cervoni  commandait  à 
Savone  la  droite  de  l'armée  fran- 
çaise ,  .lorsque  Napoléon  franchit 
les  Apennins  et  conquit  en  peu  de 
jours  le  Piémont  et  la  Lombar- 
die.  Cervoni ,  à  la  tête  de  sa  bri- 
gade et  sous  les  yeux  de  son  chef, 
passa  le  pont  de  Lodi  et  contribua 
puissamment  à  cette  immortelle 
victoire.  Les  batailles  de  Casti- 
glione  ,  d'Arcole,  de  Rivoli,  et  le 
siège  de  Mantoue,  virent  briller 
son  courage  et  firent  apprécier  ses 
talens.  11  fit  la  campagne  de  Ro- 
me, et  sa  nomination  de  géné- 
ral fut  datée  du  Capitole.  Après 
le  18  brumaire,  Cervoni  comman- 
da successivement  les  divisions 
militaires  de  Bruxelles  et  de  Mar- 
seille. Sa  fermeté,  sa  droiture,  sa 
prudence  et  l'aménité  de  son  ca- 
ractère calmaient  partout  l'esprit 
de  parti  et  faisaient  cesser  les 
divisions.  Nommé,  en  1809,  chef 
d'état-major  de  l'armée  comman- 
dée par  le  maréchal  Lannes,  un 
boulet  de  canon  termina  sa  glo- 


CES 

rieuse  carrière  stir  le  champ  de 
bataille  d'EckiTiiiltl,  le  2a  avri  idc 
la  même  année. 

CESARINI  ( Jacques- AcGusTE- 
ViéDE),('hcvalierde  Malte, né  près 
de  Paris,  m  176*),  était,  en  1789, 
commandeur  conventuel  de  l'or- 
dre. Lorsque  Bonaparte  s'empara 
de  Malte,  en  se  rendant  en  E- 
gypte,  M.  de  Cesarini  fut  du  nom- 
bre des  chevaliers  qui  voulurent 
s'opposer  au  débarquement  ;  et 
quand  il  vit  i'ile  au  pouvoir  des 
Français,  il  8e  retira  d'abord  en 
Italie,  puis  en  Allemagne.  Il  con- 
serva toujours  les  inclinations  et 
l'enthousiasme  d'un  chevalier  de 
ces  temps  où  l'ordre  avait  acquis- 
de  la  gloire  ;  ne  pouvant  souUrir 
qu'on  le  crût  dégénéré,  il  en  prit 
la  défense  contre  le  manifeste  de 
Paul  1".  En  1H14,  au  congrès  de 
Vienne,  où  il  parut  comme  dé- 
puté des  langues  de  France,  il 
insista  pour  qu'on  rendît  à  l'ordre 
M!8  prérogatives,  et  sa  destination 
devenue  moins  périlleuse.  Les 
ministres  <le  France  et  des  autres 
cours  catholiques  prenaient  sa  de- 
mande en  considération,  mais  l'op- 
position de  l'Angleterre  détruisit 
toutes  le»  espénmces  des  cheva- 
liers.Ellene  voulait  se  dessaisir  ni 
deMalte,ni  d'aucun  autre  postetce 
qui  eût  pu  leur  convenir,  lui«ofi- 
venait beaucoup  A  elle-même.  M. 
d«  Cesarini  ré<ligea  un  mémoire 
dans  lequel  il  se  proposait  de  prou- 
ver que  le  rétablissement  de  l'or- 
dre (le  Saint-Jean  de  Jérusaleni, 
dans  la  Méditerranée,  pourrait 
seul  réprimer  le  brigandage  des 
Barbaresques.  Sans  doute  la  po- 
lice des  mers,  dans  l'intérêt  com- 
mtm ,  pourrait  être  mieux  faite 
qu'elle* ne  l'est,  surtout  depuis 


CES 


2/1 5 


la  fameuse  expédition  anglaise 
qui  devait  tout  terminer;  sans 
doute  aussi  les  chevaliers  de  Mal- 
te rendirent  autnefois  des  ser- 
vices réels  à  la  chrétienté  :  mais 
pour  rendre  à  cette  institution 
sa  force  dans  l'esprit  des  peu- 
ples, il  faudrait  ramener  le  siècle 
des  croisades.  Aujourd'hui  le-* 
statuts  de  l'ordre  paraîtraient  au 
moins  bizarres  ;  ses  chevaliers  re- 
naissans  tomberaient  dans  l'ou- 
bli, fussent-ils  armés  pour  le  sa- 
lut de  l'ancien  Péloponnèse. 

CESAROTTl  (Melchjor),  né 
à  Padoue,  le  i5  mai  1730,  était 
d'une  famille  noble  et  sans  fortu- 
ne. 11  fit  ses  études  au  séminaire 
de  cette  ville,  et  annonça  dès  sa 
jeunesse  un  génie  peu  commun. 
Il  resta  long-temps  indécis  sur  le 
genre  de  science  auquel  il  s'a- 
donnerait; la  lecture  du  //Vre  fie 
fn  Sagesse ,  par  (charron  ,  fixa  ses 
idées  et  détermina  son  gofttpour 
des  études  qui  devinrent  désor- 
mais les  occupations  de  toute  su 
vie.  Nommé  professeur  de  rhéto- 
rique au  séminaire  où  il  avait  été 
élevé,  il  remplit  les  devoirs  de 
cette  place  avec  une  aptitude  et 
un  zèle  extraordinaires.  Actif  et 
laborieux,  il  lisait  beaucoup,  li- 
sait avec  fruit,  prenait  des  notes 
de  tout,  se  faisait  aider  par  ses 
élèves,  et  forma,  parce  moyen, 
un  grand  nombre  de  volumes  con- 
tenant des  extraits  et  des  analy- 
ses de  toute  espèce  de  litlératur»' 
Pour  complaire  A  quelques  hellé- 
nistes ,  il  débuta  par  une  traduc- 
tion du  f'rornct/iee  d'Eschyle  ;  il 
jugea  ,  dans  la  suite  ,  cet  ouvrage 
mauvais,  et  le  condamna  à  l'ou- 
bli. Plus  heureux  dans  un  second 
essai,  Cesarolti  traducteur  de  Se- 


246  CVS 

miramis,  de  lu  Mon  de  Ccuar,  cl 
de  Mahomet,  tragédies  de  Voltai- 
re, fut  justement  admiré,  et  ,eut 
la  satisfacti()n#de  taire  jouer  ses 
pièces  par  ses  élèves,  sur  le  théâ- 
tre du  séminaire.  On  doit  être  é- 
tonné  de  ce  qu'il  n'a  pas  traduit 
Zaïre,  Tpïiice  du  même  auteur  :  il 
avait  une  telle  passion  pour  celte 
tragédie ,  qu'on  l'a  vu  la  relire 
plusieurs  fois  de  suite,  pleurant 
à  chaudes  larmes  ,  et  ne  parais- 
sant jamais  désenchanté  de  sa  lec- 
ture. CesaroUi  fui  appelé  à  Venise 
en  1^6-2,  pour  y  faire  l'éducation 
des  enfans  de  la  maison  Grimani; 
il  trouva  dans  cette  ville  el  dans 
l'illuslre  maison  de  ses  patrons , 
les  moyens  de  donnei-  un  nouvel 
essor  à  son  talent  poétique.  Les 
liaisons  qu'il  forma  avec  les  sa- 
vans  et  les  littéraieurs  qui  étaient 
alors  à  Venise  ,  les  conseils  et  les 
louanges  qu'il  en  reçut,  l'enga- 
gèrent à  publier  ce  qu'il  avait  tra- 
duit de  Voltaire.  Il  fit  précéder 
chaque  tragédie  d'un  discours 
plein  de  philosophie  et  d'érudi- 
tion dramatique;  ce  qui  le  fit  re- 
chercher davantage  des  hommes 
instruits.  De  ce  nombre  était 
Charles  Sackville,  jeune  Anglais, 
qui  voulut  lui  faire  connaître  les 
poésies  d'Ossian ,  nouvellement 
publiées  à  Londres.  Cesarolti  les 
traduisit  avec  enthousiasme,  et 
créa,  par  cette  traduction,  un 
genre  de  style  inconnu  jusqu'a- 
lors dans  la  littérature  italienne  , 
et  que  l'on  nomma  ossianique.  Ce 
style,  admiré  par  le  grand  nom- 
bre, et  critiqué  par  quelques  sa- 
vans,  a  peut-être  eu  trop  d'imi- 
tateurs; le  destin  des  inventions 
du  génie,  est  d'élre  décréditées 
par  la  sottise  qui  s'empresse  de 


CES 

les  contrefaire.  Sackville  fut  sî 
content  de  Vos.sian  italien,  qu'il 
en  fil  faire  une  très-belle  édition 
à  ses  frais.  Cesarotti  fut  nommé 
secrétaire  perpétuel  de  l'acadé- 
mie des  sciences,  des  lettres  et  des 
arts,  fondée  à  Padoue,en  1779. 
Les  rapports  académiques  qu'il 
fai-iail  chaque  année,  dans  les 
séances  publiques  de  ce  corps, 
donnent  une  haute  idée  de  la  va- 
riété et  de  l'étendue  de  ses  con- 
naissances. Cesarolti  avait  une 
telle  prédilection  pour  la  langue 
française,  que  sa  prose  s'en  res- 
sent beaucoup  :  elle  fourmille  de 
gallicismes  et  de  mots  nouveaux, 
qui  lui  ont  valu  de  très-grands 
reproches  de  la  part  des  Italiens 
partisans  des  auteurs  du  iG""  siè- 
cle. Cependant  Cesarotti  n'en  a 
pas  moins  enrichi  sa  langue  ;  ^^ 
ceux  qui  lui  préfèrent  Machia- 
vel, Annibal  Caro,  ou  Galilée, 
ne  ressemblent-ils  pas  aux  Fran- 
çais qui  préféreraient  Montaigne 
à  Jean -Jacques  Rousseau?  Ce- 
sarotti avait  une  réputation  trop 
méritée  et  trop  bien  établie  pour 
qu'elle  pût  échapper  à  Napoléon. 
Ce  prince  alla  chercher  le  poète 
dans  sa  retraite,  et  le  combla  de 
bienfaits:  il  le  nomma  successive- 
ment chevalier  et  commandeur  de 
*I'or^re  de  la  Couronne  de  fer,  et  le 
gratifia  de  deux  pensions.  Cesa- 
rolti témoigna  sa  reconnaissance 
à  l'empereur,  par  des  inscriptions 
ingénieuses  qu'il  avait  placées 
dans  sa  petite  campagne  de  Sel- 
vaggiano  ,  aux  bords  de  la  lireu- 
ta,  et  par  un  joli  poëme  en  vers 
libres,  iutittilé  Pronea  (la  Pro- 
vidence), piddié  en  1807.  Cesa- 
rotti avait  atteint  sa  78""  année; 
il  s'occupait  de  l'éditioa  de  see 


CES 

œuvres  ,  commencée  en  1800, 
lorsque  une  maladie  aiguë  l'en- 
leva, le  3  novembre  1 808 ,  à  ses  a- 
mis,  à  ses  parens  et  aux  lettres. 
Celle  édition,  continuée  par  Jo- 
seph Barbieri ,  son  successeur  et 
son  ami,  est  composée  d'environ 
quarante  vol.  Nous  allons  donner 
l'indication  des  titres  de  quelques- 
uns  de  ses  ouvrages  :  Saggio  sii/- 
la  filosofia  dtllt  lingue,  applica- 
io  alla  lingua  italiana  ;  Saggio 
Sulla filosofia  del  gusto.  Ce  der- 
nier essai  fut  suivi  des  Rischia- 
ramenti  apologttici;  en  réponse 
à  un  ouvrage  de  M.  Napione  de 
Turin,  intitulé  :  Dell'uso  e  de' 
pregi  délia  lingua  italiana;  Poe' 
sic  di  Ossian  anlico  poeta  Celti- 
co  ;  Relazioni  accademiche ,  etc. 
Une  traduction  complète  des  oeu- 
vres d'Homère,  à  laquelle  on  a 
donné  le  nom  CC Encyclopédie 
homérique.  L'n  cours  de  littératu- 
re grecque;  la  traduction  des  Ha- 
rangues choisies  de  Lysias  et  d'I- 
socrate  ,  de  l'apologie  de  Socra- 
/e,  etc.  ;  la  traduction  de  Démos- 
thenes;  Discours  sur  le  plaisir  de 
la  tragédie;  Lettres  d'un  Pa- 
douan  à  M.  l'abbé  Denina  ; 
Poésies  originales;  traduction  de 
trois  tragédies  de  Foliaire;  les 
Vie-^les  cent  premiers  papes. 

CESSART  (Lo»is-Alexandre\ 
né  à  Paris  le  26  août  1719.  Il  é- 
tait  entré  au  service  en  1742, 
comme  gendarme  de  la  maison 
du  roi  ;  mais  après  avoir  fait  les 
compagnes  des  quatre  années  sui- 
vantes, et  s'tllre  distingué  auxba- 
tailles  de  Fontenoy  elde  Raucoux, 
il  quitta  le  service  ù cause  de  Taf* 
faiblisscment  de  sa  santé.  S'étant 
attaché  dès  lors  à  la  direction  des 
ponts-et-chaussées,  il  obtint,  en 


CES 


247 


1701,  après  quatre  ans  d'études, 
le  titre  d'ingénieur  de  la  généra- 
lité de  Tours.  Il  fut  chargé  avec 
M.  de  Voglie  ,  de  la  construction 
du  pont  de  Saumur.  Ce  fut  la  pre- 
mière fois  qu'on  fit  usage  en  Fran- 
ce du  procédé  employé  par  l'in- 
génieur suisse  Labelye,  pour  le 
pont  de  Westminster,  à  Londres. 
Cessart  a  perfectionné  ce  procé- 
dé ,  qui  est  si  utile  quand  il  s'agit 
de  fonder  des  piles  dans  une  eau 
profonde  ,  et  qui  a  facilité  derniè- 
rement la  construction  du  plus 
beau  pont  de  la  France  :  sans  fai- 
re des  épuiseniens  et  des  bûtar- 
deaux,  on  affermit  le  sol  au  moyen 
de  caisses  remplies  de  pierres. 
Cessart  et  M.  de  Voglie  inventè- 
rent de  plus  un  inslrument  pour 
recéper  les  pieux  avec  exactitude, 
à  vingt,  ou  à  trente  pieds  au-des- 
sous de  la  surface  de  l'eau.  Ce  sys- 
tème hydraulique  a  été  générale- 
mentapprouvé.  En  1776,  Cessart 
passa  à  la  généralité  de  Rouen  , 
et  il  fut  chargé  de  la  construction 
des  quais  de  cette  ville ,  des  éclu- 
ses de  Saint- Valéry,  de  Dieppe, 
de  Treport,  et  enfin  des  travaux 
du  Havre,  où  l'on  remarque  com- 
me un  des  plus  beaux  ouvrages 
de  cet  ingénieur,  un  pont-tour- 
nant d'une  grande  solidité.  II 
suivit  encore  les  mêmes  princi- 
pes à  Cherbourg  :  il  fallait  fer- 
mer en  partie  une  rade,  dont  l'ou- 
verture était  de  5,0oo  toises,  et 
qui  a  54  pieds  d'eau  dans  les  hau- 
tes marées.  Il  projeta  d'établir  un 
môle ,  après  avoir  submergé  pour 
en  former  la  base,  8ocaisse»char- 
gées  de  pierres.  On  regarda  comme 
infaillible  l'exécution  de  ce  plan, 
et  Cessart  en  fut  chargé,  avec  le 
litre  d«  directeur  et  d'inspecteur- 


24» 


CET 


g^éoéral.  Ccpenrlantde  nouveaux 
ordres  du  gouvernement ,  dictés 
par  des  vues  d'économie,  rendi- 
rent les  travauidifficHes.  Cescon- 
tr.'iriélés  ne  furent  pas  les  seules. 
Ce^isart  donna  hientôt  sa  démis- 
sion. Ses  grands  talens  ne  restè- 
rent pas  inutiles;  il  diri{j[ea  divers 
travaux ,  et  on  lui  doit  le  plan  qui 
fut  suivi,  à  quelques  exceptions 
près,  pour  laconstruction  du  Pont- 
des-Arts,  devant  le  Louvre.  Son 
plan  du  port  de  Cherbourg  lui  a- 
vait  fait  obtenir  le  cordonde  Saint- 
Micliel,  et  il  fut  depuis  nommé  par 
l'empereur  commandant  de  la  lé- 
gion-d'honneur. Il  mourut  eu 
1806,  tandis  qu'il  rédigeait  un  ex- 
posé de  ses  divers  travaux.  M.  Du- 
bois a  fait  paraître  ces  mémoires, 
sous  le  titre  ôq  Description  des  tra- 
vaux hydrauliques  de  h.  A.  de 
Cessart,  ouvrage  imprimé  sur  les 
manuscrits  de  l'auteur,  2  vol.  in- 
4",  avec  G7  planches;  Paris,  1806 
etiSoç). 

CETTO(le  BAAOiv  Amtoinede), 
conseiller- d'élat  intime  du  roi 
de  Bavière  l,  long-temps  son  mi- 
nistre plénipotentiaire  en  France, 
grand'croix  de  l'ordre  de  la  cou- 
ronne de  Bavière  ,  etc. ,  pair  à  vie 
du.royaume  de  Bavière,  est  né  à 
Deux-Ponts,  en  1756.  Après  avoir 
servi  avec  distinction  dans  l'ad- 
ministration intérieure  de  son 
pays  ,  M.  de  Cetto  parut,  pour  la 
première  fois,  dans  la  carrière 
diplomatique,  à  Bâle,  en  1795, 
pour  y  surveiller  les  intérêts  du 
duc  Charles  de  Dèux-Ponts.  Rap- 
pelé de  cette  mission,  il  fut  char- 
gé, en  1796,  de  se  rendre  à  Paris 
pour  engager  le  directoire  à  sou- 
tenir le  duc  de  Deux-Ponts,  héri- 
tier de  l'électeur  de  Bavière,  con^ 


CEV 

tre  les  prétentions  malveillantes 
de  la  maison  d'Autriche.  C'est  à 
celte  époque  critique  qu'il  se  fit 
remarqtier  par  cette  habileté  et 
cette  fermeté  qui  lui  valurent  la 
confiance  de  la  cour  de  Bavière,  et 
depuis  le  rang  distingué  qu'il  oc- 
cupa dans  la  diplomatie.  Il  fut  un 
des  premiers  et  des  plus  actifs 
artisans  de  la  confédération  du 
Rhin;  il  montra,  en  beaucoup 
d'occasions  épineuses^  un  patrio- 
tisme et  une  loyauté  qui  lui  ont 
assuré  en  France  et  en  Bavière 
l'estime  générale,  M.  de  Cetto  é- 
pousa  d'abord  la  (ille  du  fameux 
libraire  Cazin,  et  en  i8i5,  épousa 
en  secondes  noces  la  baronne  A- 
rianne  de  Deux-Ponts,  issue  de  la 
maison  régnante  de  Bavière.  Il 
remplit  aujourd'hui  les  fonctions 
de  conseiller -d'état ,  en  service 
ordinaire.  . —  Charles  de  Cetto, 
l'aîné  de  ses  fils,  a  long-temps  ser- 
vi dans  les  armées  françaises,  oà 
souvent  il  s'est  fait  remarquer 
avec  distinction.  D'honorables 
blessures  et  la  croix  d'olTicier  de 
la  légion-d'honneur,  attestent  sa 
bravoure  et  les  services  qu'il  a  ren- 
dus à  sa  patrie  adoptive. 

CEVALLOS  (dok  Pbd»o),  né  à 
Saint-Ander  en  1764.  Il  appar- 
tient à  une  ancienne  famille,  et 
entra  de  bonne  heure  dans  la 
carrière  diplomatique.  En  1784, 
après  avoir  été  secrétaire  d'am- 
bassade, il  fut  admis  dans  la  se- 
crétairerie-d'état.  Le  prince  de  la 
Paix  qui,  à  cette  époque,  n'était 
que  Godoï,  duc  d'Alcudia,  lui 
ayant  donné  en  mariage  une  de 
ses  cousines,  le  fit  nommer  pre- 
mier secrétaire-d'état,  lorsqu'il  se 
démit  lui-même  de  cette  dignité, 
sans  cesser  de  conduire  les  affai- 


CEV 

re?.  Occupé  des  intrigues  qui,  en 
divisant  laconrd'Espagne,  allirè- 
rentsurce  pays  d'autres  fléaux, 
Godoï  n'instruisit  pas  de  ses  pro- 
jets le  ministre  qui  lui  devait  son 
élévation  ;  soit  qu'en  cela  il  ren- 
dît justice  à  la  droiture  de  Ceval- 
los,  soit  qu'il  eût  au  contraire  une 
assee  nnauvaisc  opinion  de  ses 
inojene  pour  en  parler,  dit-on, 
comme  d^iiti  homme  incapable  de 
gouverner  même  une  maison  de 
moines.  Lesdésordressuscités  par 
cet  homme  alors  si  puissant,  et 
la  conduite  imprudente  du  prin- 
ce des  Asturies,  décidèrent  Napo- 
léon a  faire  entrer  des  troupes  en 
Kspagne.  Plusieurs  places  étaient 
déjà  au  pouvoir  des  Français, 
quand  Cevallos  put  entrevoir  les 
causes  de  cette  invasion.  S'étant 
déclaré  en  faveur  de  Ferdinand,  il 
ne  courut  aucun  danger  lorsqu'on 
se  souleva  dans  Aranjuet  pour 
s«  délivrer  de  l'influence  du  prin- 
ce de  la  Paix.  Après  l'abdication 
de  Charles  IV,  Cevallos  confirmé 
dans  son  titre  de  premier  secré- 
laire-d'état  par  le  roi  Ferdinand, 
s'efforça  de  le  prémunir  contre 
les  suggestions  qui  l'entraînèrent 
enfin  à  Bayonnc,  et  loin  d'approu- 
ver ce  voyage,  il  le  pressait  défai- 
re en  dernier  lieu  un  appel  à  in 
nation  pour  que  In  péninsule  con- 
>ervfit  une  sorte  d'indépendance. 
M  ne  fut  pas  écoulé  ;  les  insinua- 
tions du  général  Savary  prévalu- 
rent} le  prince  se  laissa  entroiner, 
et  Cevallos  le  suivit.  A  Vinoria, 
une  partie  du  peuple  ayant  vou- 
lu dételer  les  chevaux  du  roi  et 
traîner  sa  voiture,  <]evallo8  saisit 
cette  occasion  de  renouveler  ses 
instances;  mais  ce  monarque  pa- 
rut înébranlahle  dans  In  résolu- 


CEV  a4g 

tion  que  lui  avait  fait  prendre  sa 
|)ro[)re  faiblesse.  Fn  arrivant  à 
Bayonne,  on  sut  que  l'empereur 
avait  sur  l'Espagne  des  desseins 
contraires  aux  droits  de  Ferdi- 
nand. On  pouvait  toutefois  con- 
server de  faibles  espérances,  et 
Cevallos  fut  introduit  auprès  de 
Napoléon;  mais  ensuite  il  se  vit 
remplacé  dans  cette  négociatioo 
difficile  par  le  chevalier  Labra- 
dor, qui  fut  écarté  lui-même  com- 
me se  trouvant  d'un  rang  infé- 
rieur à  celui  du  ministre  français, 
M.  de  Champagny.  Cependant 
Cevallos  continuait  à  défendre  les 
intérêts  de  Ferdinand;  mais  l'ar- 
rivée de  Charles  IV,  ses  plaintes 
contre  son  fils,  et  sa  déférence  en- 
vers Napoléon,  dont  il  invoquait 
l'appui,  décidèrent  Ferdinand  à 
renoncer,  par  les  actes  du  i"  et 
du  ()  mai,  ati  pouvoir  que  l'abdi- 
cation précédente  lui  avait  con- 
féré. Lorsque  ensuite  la  famille 
royale  partit  pour  Bordeaux,  Ce- 
vallos resta  dans  Bayonne.  Joseph 
Bonaparte  l'emmena  à  Madrid. 
Ce  prince  qui  avait  le  dessein 
de  se  concilier  le  cœur  des  Es- 
pagnols, mais  qui  se  dissimulait 
en  cela  toute  la  ditliculté  des  cir- 
constances, commença  par  oflrir 
à  C(!vallos  la  place  de  premier 
ministre.  L'Espagnol  l'accepta; 
mais  à  peine  arrivé  dans  la  capi- 
tale., il  donna  sa  démission,  et  se 
relira  auprès  de  Saiut-Ander  :dans 
cette  position  favorable,  il  servit 
de  tout  son  pouvoir  la  cause  de 
Ferdinand.  Il  fut  un  des  auteurs 
du  traité  avec  l'Angleterre,  con- 
vention qualifiée  bientôt  de  mons- 
truosité politique.  L'Espagne,  oc- 
cupée eu  même  temps  par  des 
étrangers,  et  livrée  à  de  prétendus 


aSo 


CEV 


amis,  les  accusa  presque  éf^alc- 
lementdesaruine.  Cevallos  ayant 
publié  l'Exposé  des  moyens  em- 
ployés par  Napoléon  pour  usur- 
per la  couronne  d'Espagne,  ve- 
naittl'êtredéclaré  ennemi  de  l'Es- 
pagne etde  la  France,  et  traître  aux 
deux  couronnes,  lorsque,  vers  le 
commencement  de  1809,  il  se  ren- 
dit à  Londres  comme  envoyé  ex- 
traordinaire, à  l'effet  de  remercier 
le  roi  de  la  Grande-Bretagne  des 
secours  accordés  à  la  péninsule,  et 
pour  régler  diverses  stipulations. 
Revenu  dans  sonpays,  après  avoir 
obtenu  ce  qu'il  désirait,  il  conti- 
nua d'agir  contre  la  France.  En 
1811,  il  fit  imprimer  un  nouveau 
mémoire,  aussi  peu  modéré,  sous 
ce  titre  :  Politique  particulière  de 
Bonaparte,  ou  Moyens  dont  il  se 
sert  pour  détruire  la  religion  ca- 
tholique, et  pour  corrompre  la  fi- 
délité des  Espagnols,  ne  pouvant 
les  réduire  par  la  force,  in- 8°.  En 
1814,  Ferdinand,  rentré  en  Espa- 
gne, rappela  auprès  de  lui  Ceval- 
los; et  le  fit  premier  ministre.  On 
lui  fut  redevable  de  plusieurs  dé- 
crets sur  l'instruction  publique  et 
sur  la  construction  de  routes  et  de 
canauxdans  l'intérieur  de  l'Espa- 
gne. Il  cherchait  à  diminuer  les  ri- 
gueurs exercées  contre  les  pros- 
crits, et  surtout  à  inspirer  au  roi  de 
l'indulgence  envers  les  anciens 
membres  des  cortès  ;  mais  les  Os- 
tolaza,  les  Escoiquiz,  les  Maca- 
guas  n'inclinaient  pas  vers  la  clé- 
mence. Le  roi,  qu'ils  paraissaient 
subjuguer,  ne  retira  point  toute 
^a  confiance  à  Cevallos;  mais  au 
commencement  4^  1816,  il  le 
comprit  dans  la  destitution  géné- 
rale des  ministres  ,  et  l'envoya 
en  exila  Saint-Ander,  avec  une 


cnA 

pension  de  40,000  réaux.  Quel- 
ques semaines  après,  au  mois  de 
février,  on  lui  confia  le  portefeuille 
des  affaires  étrangères,  et  il  reçut, 
comme  une  récompense  de  son 
ancienne  fidélité,  le  collier  de  la 
Toison-d'Or.  En  passant  un  peu 
plus  tard  au  ministère  delà  justi- 
ce, il  reprit  le  titre  de  premier 
secrétaire-d'état.  Ce  fut  alors  que 
parut  le  décret  contre  les  déla- 
teurs et  les  calomniateers;  mais 
Cevallos  fut  de  nouveau  éloigné 
du  ministère,  sous  prétexte  que 
sa  santé  était  affaiblie.  Quelque 
temps  après  il  fut  nommé  ambas- 
sadeur à  Vienne. 

C  H  AB  AN  {  François  -  Locis- 
René-Mobchabd,  comte  de),  né 
le  18  août  1737,  se  destina  d'a- 
bord à  la  carrière  des  armes. 
Sous-aide-major  aux  gardes-fran- 
çaises, lorsque  la  révolution  é- 
clata,  il  en  adopta  les  principes 
avec  la  sagesse  et  la  modération 
dont  il  a  fait  preuve  toute  sa 
vie.  Après  l'avoir  traversée  dans 
une  position  obscure,  il  exerçait, 
à  l'époque  du  18  brumaire,  les 
fonctions  de  maire  de  la  commu- 
ne des  Prés-Saint-Gervais,  près 
Paris.  Il  fut  alors  nommé  sous- 
préfet  de  Vendôme,  et  les  talens 
distingués  qu'il  déploya  dans  ce 
poste ,  lui  valurent  l'honneur  d'ê- 
tre bientôt  appelé  à  des  fonctions 
plus  importantes.  Devenu  succes- 
sivement préfet  de  Rhin-et-Mo- 
selle,  puis  de  la  Dyle,  il  adminis- 
tra ces  deux  départemens  avec  u- 
ne  sagesse  paternelle.  Magistrat 
éclairé,  travailleur  infatigable, 
partout  il  laissa  des  regrets  après 
lui.  Nommé  conseiller-détat,  il 
quitta  Bruxelles  et  fit  partie  de  la 
commission    établie  à   Florence 


COA 

pour  organiser  et  administrer  la 
Toscane.  De  retour  à  Paris,  il  fut 
attaché  comme  conseiller-d'état 
en  service  ordinaire,  à  la  section 
de  l'intérieur,  où  plusieurs  tra- 
Taux  lui  furent  confiés,  Enfin  M. 
de  Chaban  était  un  des  conseil- 
lers-d'état attachés  à  l'administra- 
tion de  la  guerre,  lorsqu'il  fut 
envoyé  à  Hambourg  a\ec  If  titre 
d'inlendant-général  des  finances. 
Quand  par  suite  des  désastres  de 
Moscow  et  de  Leipsick,  cett«:  vil- 
le se  trouva  assiégée.  M.  Chaban, 
déployant  toute  l'activité  et  le 
sang-froid  que  demandaient  les 
circonstances,  sut  adoucir,  dans 
leur  exécution,  la  sévérité  de  cer- 
taines mesures,  et  unir  ainsi  la 
prudence  à  la  fermeté.  Enfin  ,  é- 
puisé  par  de  longues  fatigues,  il 
ne  put  résister  à  une  épidémie  qui 
se  déclara  durant  le  siège  ,  et  il 
mourut,  en  18 15,  à  l'âge  de  58 
ans.  Plus  heureux  que  tant  de 
Fran^;ais  cnndainnés  ù  lui  survi- 
yre  ,  M.  Chaban  expira  sans  con- 
naître tf)ute  l'étendue  des  maux 
de  la  patrie.  Plein  de  lumières,  de 
bonté  véritable  et  de  simplicité  , 
il  laissa  une  réputation  sans  ta- 
che, et  emporta  les  regrets  de 
tous  ceux  qui  l'avaient  connu. 

CHABANNES  (Jean-Baptiste- 
Mabie-Frédéric,  marquis  de),  né 
le  27  septembre  1770.  Il  émigra 
dès  les  premiers  temps,  et  fit  la 
campagne  du  Rhin  sous  le  prince 
de  Condé;  mais  ayant  passé  en 
Angleterre,  après  le  licencie- 
ment, il  s'y  occupa  de  diverses 
spéculations, «l  particulièrement 
de  l'éclairage  de  la  ville  de  Lon- 
dres. Rentré  en  France,  sous  le 
consulat,  il  voulut  y  établir  de 
Houyelles  voitures  appelées  véio- 


CHA  201 

ciftres.  Celle  entreprise  n'eut  pos 
de  succès,  et  M.  de  Chabannes 
s'éloigna  de  ses  créanciers  pour 
ne  reparaître  dans  la  capitale 
qu'en  1814.  Au  mois  d'av'ril,  il  se 
rendit  auprès  de  Louis  XVIII  qui 
était  sur  le  point  de  quitter  Lon- 
dres. Cette  démarche  était  diri- 
gée par  M.  de  Talleyrand,  dont 
les  fonds  avaient  alimenté  d'abord 
l'opération  des  vélocifères.  Nom- 
mé aidc-de-camp  du  roi,  M.  de 
Chabannes  revint  aussitôt  à  Ca- 
lais, afin  d'y  préparer  toutes  cho- 
ses pour  le  débarquement;  et  en- 
suite il  se  rendit  à  Lille,  où  il 
persuada  au  comte  Maison  de  fai- 
re sa  soumission  au  roi.  Forcé  de 
quitter  la  France,  en  181 5,  M, 
de  Chabannes  retourna  en  An- 
gleterre, où  il  fit  paraître  quel- 
ques brochures  :  1°  Lettre  à  M. 
de  Blacas  ;  2°  Aperçu  historique 
et  politique  des  Joutes  commises 
depuis  la  bataille  de  Leipsick, 
jusqu'il  la  nouvelle  révolution  qui 
vient  de  s'opérer;  3"  ylux  Fran- 
çais :  deux  mots  de  vérité  à  cha- 
cun ,  selon  son  état;  4°  Procès- 
verbal  d'une  assemblée  tenue  'à 
Paris  y  juin  181 5,  sous  la  prési- 
dence de  l'honneur,  la  fidélité  et 
la  justice  ;  5°  M.  de  Chabannes  à. 
M.  de  Talleyrand,  premier  mi- 
nistre du  roi.  On  regarde  comme 
assez  curieux  ce  dernier  écrit,  où 
l'auteur  adre'»se  i\  M.  de  Talley- 
rand des  reproches  amers.  M.  do 
Chabannes  a  élé  nommé  pair  de 
France  ,  le  17  août  18 15. 

CHABAISON  (N.),  membre  de 
l'académie  française,  fut  l'un  des 
littérateurs  du  18""  siècle  qui,  à 
force  de  travfiil  et  de  patience  , 
ont  su  le  mieux  suppléer  au  gé- 
nie qui  leur  manquait.  Ses  ou- 


203 


CUA 


vrages  se  font  remarquer  par  cet- 
te sorte  d'observation  froide,  qui 
est  plutôt  le  résultat  des  observa- 
tions d'autnii  comparées  par  un 
esprit  juste,  que  le  fruit  de  l'exa- 
men approfondi  desi  objets  mê- 
mes. Son  élégance  est  symétri- 
que et  compassée  ;  quand  une  pa- 
ge heureuse  sort  de  sa  plume,  il 
est  trop  aisé  de  sentir  par  quelles 
combinaisons  secrètes  et  pénibles 
il  est  parvenu  à  ce  résultat.  Ses 
vers  sont  purs,  mais  ils  manquent 
de  souplesse  et  de  grdce.  Ses  piè- 
ces de  théâtre  n'offrent  guère 
qu'une  suite  d'incidens  ingénieu- 
sement rapprochés.  Les  oeuvres 
du  génie  ne  sont,  il  est  vrai,  qu'un 
calcul  habile  de  tout  ce  qui  sé- 
duit, frappe  ou  émeut  ;  mais  l'at- 
tention la  plus  laborieuse  y  con- 
serve toujours  l'élan  de  l'inspira- 
tion; ce  qu'on  appelle  un  admi- 
rable instinct  n'est  sotivent  que 
le  triomphe  de  l'art.  Chabanon 
était  savant,  et  ne  manqtiait  ni 
d'érudition  ,  ni  d'esprit.  11  avait 
même  cette  espèce  de  sensibilité 
douce  qui  plaît  aux  hommes  en 
société .  parce  qu'elle  ne  promet 
ni  passions  profondes ,  ni  affec- 
tions orageuses.  Mais  dans  les  ou- 
^  vrages  littéraires  où  l'esprit  cher- 
che avidement  quelque  chosequi 
l'élève  au-dessus  des  habitudes 
sociales,  ces  sentimens  aimables 
et  polis  semblent  quelquefois  dé- 
colorés. Aussi  Chabanon  fut -il 
plus  recherché  que  ses  ouvrages. 
On  l'aimait  sans  le  lire ,  et  il  fut 
académicien,  moins  par  l'estime 
que  l'on  portait  à  ses  écrits,  que 
par  celle  que  méritait  son  carac- 
tère. Né  à  Saint-Domingue,  en 
1730,  il  fut  d'abord  dévot, ensui- 
te philosophe  ,  se  livra  tout  en- 


CHA 

lier  à  l'étude  de  la  musique,  se 
fit  connaître  dans  le  monde  par 
son  talent  agréable  sur  le  violon, 
débuta  en  littérature  par  une  froi- 
de tragédie  {  Ejwnine,  17<)2); 
par  quelques  dissertations  élé- 
gamment écrites  {sur  te  sort  de 
la  Poésie  en  ce  siècle  philosoj)hi- 
que ,  sur  Homère^  etc.)  Jet  par 
quelques  passions  romanesques, 
où  il  apporta  trop  de  bonne  foi , 
trop  de  faiblesse  et  trop  d'illu- 
sions, pour  qu'elles  n'entraînas- 
sent pas  le  repentir  après  elles. 
Dans  ses  Mémoires  posthumes  , 
publiés  par  Saint-Ange,  en  1795, 
on  peut  voir  combien  l'amour 
occupa  de  place  dans  sa  vie,  et  à 
quelles  épreuves  fut  mise  sa  fidé- 
lité. Trois  femmes  attachèrent  à 
leur  char  cet  amant  crédule,  dont 
la  longue  constance  brava  leurs 
longues  perfidies.  Sa  réception  ù 
l'académie  française  et  à  celle  des 
inscriptions,  acheva~ce  que  la 
maturité  de  l'âge  avait  commen- 
cé :  détrompé  de  l'amour,  il  se 
réfugia  dans  la  philosophie.  Cha- 
banon traversa  sans  obstacles  les 
premiers  orages  de  la  révolution, 
et  mourut  le  10  juillet  1793.  Ai- 
mé de  Voltaire,  sans  ennemis, 
sans  envieux,  il  jouit  de  tous  les 
avantages  du  talent,  sans  être  ex- 
posé aux  dangers  de  la  gloire  et 
du  génie.  Ses  Traductions  de 
Pin d are  et  de  Tliéocrite ,  1771, 
1776,  1777,  sont  estimées;  mais 
ses  meilleurs  écrits  sont  sans  au- 
cun doute  ceux  où  il  a  pu  déve- 
lopper ce  talent  d'analyse  criti- 
que ,  qui  ne  s'élève  jamais  jusqti 'à 
de  hautes  considérations,  mais 
qui,  secondé  par  le  savoir  et  l'ha- 
bitude de  juger,  peut  servir  de  gui- 
de aux  jeunes  écrivains.  Son  Dis- 


CHA 

cours  sur  Pindare  tt  sur  la  Poésie 
lyrique  (ijGq)  est  de  ce  genre. 
Distinguées  parles  luêmes  quali- 
tés ,  ses  Observations  sur  la  mu- 
sique (  I  ^7Ç),  1785,  2  vol.),  sont 
toutefois  d'un  ordre  supérieur; 
Cbabanon  a  saisi,  avec  beaucoup 
de  bonheur,  quelques  rapports 
inaperçus  entre  la  science  des 
sons,  celle  de  lu  parole,  la  sen- 
sibilité de  Tânie  et  l^lfnétaphysi- 
que  du  langage;  mais  en  refusant 
à  la  n^usique  le  pouvoir  d'imiter 
la  nature,  et  celui  d'exprimer  les 
passions  ,  il  a  trahi  le  défaut  de 
son  organisation  personnelle.  Les 
comédies  àe  Chabanon  (1788), 
et  ses  tragédies  (1769),  les  opus- 
cules en  vers  (177 5,  ï779)»  ^t  ses 
éloges  académiques  (  1 764, 1 79 •  )' 
éloges  de  Rameau  et  de  Fréron  , 
portent  le  même  caractère  de  sa- 
gesse, d'urbanité,  de  froideur  et 
d'élégance. 

CHABANON  (Antoine -Domi- 
KiQi'B  de).  Avant  la  révolution,  il 
était  entré  au  service.  Député  à  la 
convention,  il  vota  dans  le  pro- 
cès de  Louis  XVI,  pour  la  déten- 
tion et  le  bannissement  ù  la  paix, 
pour  le  sursis  et  pour  l'appel  au 
peuple.  Après  la  session,  il  passa 
au  conseil  des  cinq-cents,  dont 
il  sortit  en  1797.  Il  obtint,  sous 
le  gouvernement  consulaire,  la 
sous-préfecture  de  Murut,  dans 
le  Cantal,  et  depuis  il  fut  secré- 
taire-général du  ministère  de  la 
marine.  Le  roi  lui  a  conféré  les 
ordres  de  la  légioo-d'honneur  et 
de  Saint-Louis. 

CHABALD  (Antoine),  naquit  à 
Nîmes,  en  février  1787,  d'une  fa- 
mille protestante,  et  tnouru  ta  Cet- 
te, au  moisd'auflt  1791-  Témoins 
dc>  succès  qu'il  obtint  comme  èl«- 


CHA  a53 

ve,  au  collège  de  Nîmes,  les  )é- 
suites  voulurent  attacher  le  jeune 
Chabaud  à  leur  ordre;  mais  un 
colonel,  également  frappé  descon- 
naissances qu'il  développa  dans 
un  concours  public  ,  proposa  à 
sa  mère  de  le  faire  entrer  au  ser- 
vice ;  elle  y  consentit  d'autant 
plus  volontiers,  que  la  vocation 
de  son  fils  était  pour  l'état  mili- 
taire. En  174^,  après  avoir  ache- 
vé ses  études  à  Genève,  il  entra 
dans  le  régiment  de  Bourbon  in- 
fanterie :  il  fit  le  siège  de  Mons, 
celui  de  Saint-Guilain,  en  qualité 
d'aide -de -camp  du  marquis  de 
Chaumont,  et  ceux  de  Charleroy, 
de  Namur,  de  Maëstricht,  comme 
olFicier  de  grenadiers  :  il  se  fit  re- 
marquer ù  la  bataille  de  Raucoux. 
Les  détails  de  l'infanterie  fati- 
guaient son  esprit  sans  l'occuper; 
il  désira  entrer  dans  le  corps  royal 
du  génie ,  se  fit  recevoir  ù  l'é- 
cole de  Mézières,  où  il  acheva  en 
moins  d'une  année  des  études 
qui  en  exigent  ordinairementplu- 
sieurs,  et  fut  fait  capitaine  au 
sortir  de  cette  école,  ce  qui  n'a- 
vait pas  encore  eu  d'exemple.  A 
la  retraite  d'Hanovre,  il  remplis- 
sait les  fonctions  d'aide-maréchal- 
des-logis  du  corps  que  comman- 
dait le  marquis  de  Voycr.  La  paix 
se  fit;  le  service  ordinaire  des 
places  n£  pouvant  pendant  la  paix 
occuper  l'extrême  activité  de  M. 
Chabaud ,  il  se  livra  au  travail  du 
cabinet,  et  fit  paraître  de  nom- 
breux mémoires  sur  les  diverses 
parties  de  son  art,  et  sur  leur  ap- 
plication aux  pays  où  il  était  em- 
ployé. Erj  i77Get  1777,  il  s'occu- 
pa d'un  grand  travail  sur  les  ca- 
naux du  i'icardie,  demandé  par 
les  ministres  de  Saiat'Germain  et 


254 


CHA 


ïurgot  :  si  leur  retraite  du  minis- 
tère n'en  eût  empêché  l'exécu- 
tion ,  la  Somme  serait  aujour- 
d'hui navigable  jusqu'à  la  mer, 
et  d'immenses  terrains,  stagnans 
sous  les  eaux,  seraient  rendu»  à 
l'agriculture.  Des  travaux  de  cet- 
te importance  n'empêchaient  pas 
cet  habile  ingénieur  de  se  livrer 
à  des  recherches  prolongées  ;  il 
fit  VHisloire  des  villes  de  Moiit- 
médy,  de  Péronne,  de  Saint- 
Quentin,  où  il  fut  successivement 
employé.  Nommé  major  en  1778, 
il  refusa  la  croix  de  Saint-Louis, 
ne  voulant  pas  prêter  le  serment 
de  catholicité,  exigé  par  les  sta- 
tuts de  l'ordre.  Ce  fut  en  vain  que 
M.  le  comte  de  Périgord,  com- 
mandant de  la  province  du  Lan- 
guedoc, le  pressa  d'accepter  cet- 
te décoration.  //  ne  me  serait 
pas  permis ,  répondit -il,  d'écrire 
autour  de  la  croix  que  je  n'ai 
pas  prêté  le  serment;  Je  ne  veux 
pas  d'un  honneur  qui  pourrait 
me  faire  soupçonner  d'un  par- 
jure. On  peut  croire  qu'un  hom- 
me de  ce  caractère  ne  sollicita 
point  de  faveur,  aussi  fut-il  ou- 
bliéjusqu'au  jour  où  l'on  eut  be- 
soin de  lui.  En  1785,  sous  le  mi- 
nistère de  MM.  de  Ségur  et  de 
Vergennes,  le  gou  vernement  fran- 
çais, bien  convaincu  de  la  nécessi- 
té deso  utenir  lartPorte  ottomane, et 
cependant  n'osant  pas  prendre  ce 
parti  ouvertement,  envoya  dans  le 
Levant  des  officiers  distingués  de 
toutes  les  armes ,  pour  diriger  les 
opérations  et  les  armées  des  Turcs; 
le  major  du  génie  Chabaud  (il  ve- 
nait d'être  promu  à  ce  grade)  fut 
chargé  de  se  rendre  à  Constan- 
finople,  pour  mettre  cette  capita- 
le en  état  de  défense ,  et  fortifier 


CHA 

les  Dardanelles.  A  près  avoir  éprou- 
vé tous  les  désagremens  que  lui 
réservaient  la  jalousie  de  ses  com- 
patriotes, l'insouciance  du  gou- 
vernement qui  remj)loyait,  et  la 
stupide  ignorance  de  celui  qu'il 
allait  secourir,  il  revint  en  Fran- 
ce. En  1785,  il  publia sur/eivo/- 
cans  et  sur  U-s  li  enbU-mi-ns  de 
terre,  uti  mémoire  dans  lequel, 
appliquant  l#théorie  de  -sa  pom- 
pe à  feu  aux  terribles  effets  de  ces 
phénomènes  ,  il  les  expliqua  d'u- 
ne manière  pi  us  satisfaisante  qu'on 
ne  l'avait  fait  jusqu'alors,  et  indi- 
qua des  moyens  de  s'en  préser- 
ver. L'académie  des  sciences  de 
Paris  honora  cet  ouvrage  de  son 
approbation,  et  celle  de  Mont- 
pellier s'empressa  d'en  agréger 
l'auteur  parmi  ses  membres.  La 
révolution  commença  suus  les 
plus  heureux  auspices  ;  M.  Cha- 
baud ,  né  protestant  ,  c'est-à- 
dire  proscrit  par  d  injustes  lois  , 
ne  pouvait  qu'embrasser  avec  ar- 
deur des  principes  qui  lui  assu- 
raient le  libre  exercice  de  sa  reli- 
gion, et  la  jouissance  entière  de 
ses  droits  naturels.  Honoré  des 
suffrages  de  ses  concitoyens ,  il 
était  membre  de  la  première  as- 
semblée électorale  ,  lors  des  pre- 
miers troubles  deNîmes,  en  1790. 
L'urgence  et  la  gravité  des  cir- 
constances firent  créer  un  comi- 
té militaire,  dont  il  fut  nommé 
président,  et  qui  sauva  la  ville  de 
l'effervescence  des  partis  et  de  la 
disette  qui  commençait  à  s'y  fai- 
re sentir.  Le  calme  rétabli,  M. 
Chabaud  se  démit  de  l'espèce  de 
dictature  qu'il  avait  exercée,  et 
il  reçut  des  témoignages  multi- 
pliés d'estime  et  de  reconnaissan- 
ce publiques.  L'assemhlée  élec- 


CHA 

torale  le  mit  à  la  tête  du  directoi- 
re départemental  du  Gard  :  il  y 
développa  de  grands  talons  pour 
l'administralion  ,  et  une  énergie 
qui  s'alliait  en    lui  à  une  exlrê- 
ine   bonté.  11  continuait  Cepen- 
dant d'appartenir  à  l'état   mili- 
taire, et  le  ministre  de  la  guer- 
re,  à   la    sollicitation  des   auto- 
rités de  son  département,  et  de 
l'assemblée  constituante,  le  main- 
tint dans  les  fonctions  qu'il  oc- 
cupait. Son  activité  semblait  s'ac- 
croître avec   son  Hge;  en  1790, 
résumant    tout    ce   que    l'expé- 
rience, la  réflexion  et  les   tra- 
vaux de   sa    vie  entière    lui    a- 
vaient  appris,  il  considéra  {)oliti- 
quementet  militairement  la  Fran- 
ce dans  son  ensemble  et  dans  ses 
détails,  et  jeta  dans  un  grand  ou- 
vrage les  bases  d'un  système  gé- 
néral de  défense ,  d'après  lequel 
il  proposa  la  réduction  d'un  grand 
nombre   de  places   fortes ,   et  la 
construction  de  quelques  autres, 
la  multiplicité  des  travaux  aux- 
quels se  livrait  cet  excellent  ci- 
toyen, et  plus  en(;ore  les  vives 
inquiétudes  que  lui  donnaient  les 
désordres  causés  par  les  premiè- 
res approches  de  la  tempête  révo- 
lutionnaire, altérèrent  sa  santé; 
il  éprouva  une  maladie  longue  et 
cruelle,  pendant  laquelle  ses  con- 
citoyens lui  prodiguèrent  les  preu- 
ves de  vénération  et  d'amour  qui 
eurent  plus  d'elïicacité  pour  adou- 
cir ses  derniers  momens,  que  sa 
nomination  tardive  au  grade  de. 
colonel  directeur   du  génie,  qu'il 
reçut  en  1791,  deux  mois  avant 
sa  mort.  Homme,  citoyen,  sol- 
dat irréprochable  dans  la  guerre 
et  dans  la  paix  ,  sa  mémoire  doit 
rciiler  eo  vûnératioD  sur  la  terre. 


CHA 


255 


CHABAUD-DE-LATOUR  (An- 
toine-Georges-François,  baron), 
appartient  à  une  famille  protes- 
tante. Il  naquit  à  Paris  le  i5  mar« 
17G9.  En  1788,  il  entra  comme 
lieutenant  en  second  dan?  l'arme 
du  génie,   et  l'année   suivante  il 
passa  au  régiment  de  Rohan  in- 
fanterie.  Sa  manière  de  penser 
sur  les  principes  que  les  premiè- 
res années  de  la  révolution  con- 
sacraient enûn,  lui  firent  donner, 
en  1791,  le  commandement  d'u- 
ne légion  de  la  garde  nationale  de 
INîmes;  mais  bientôt  il  le  quitta 
pour  un  service  plus  actif,  à  la  tè- 
te d'un  corps  de  grenadiers  et  de 
chasseurs  volontaires.  Après  avoir 
fait  une  campagne,  il  fut  arrêté 
comme  coupable  de  fédéralisme, 
et  condamné  à  mort  par  le  tribu- 
nal révolutionnaire  de  Nîmes;  il 
ne  dut  son  salut  qu'au  dévoue- 
ment de  M"""  Chabaud,  qui,  en 
s'exposant   comme  le   fit  depuis 
une  autre  femme  généralement 
admirée,   facilita  son  évasion   à 
rheure  même  où  l'on  préparait 
son  supplice.  Il  quitta  le  sol  de  la 
France,  et  n'y  rentra  qu'après  l'é- 
vénement  du  9    thermidor.   En 
1797,  '^  département  du  Gard  le 
choisit   pour  député  au   conseil 
des  cinq-cents.  Il  ne  trouva  pas 
l'occasion  d'y  parler  sur  des  ma- 
tières importantes;  mais,  au  18 
brumaire,  on  ne  lui  vit  aucune  hé- 
sitation :  il  ne  partagea  point  les 
craintes  de  plusieurs  citoyens  é- 
clairés;  il  envisagea  les  choses 
sous  un  autre  aspect,  et  il  ne  con- 
çut que  des  espérances.  Il  se  mon- 
tra tellement  favorable  au  chan- 
gement qui  s'opérait,  que  dans  la 
séance  du  19,  il  compara  cette 
journée  d«  Siiinl-Cloud,  après  la- 


256 


CHA 


quelle  la  liberté  nous  abandon- 
na, au  niuincnt  fameux  où  le 
serment  du  Jeu-de-Paiime  l'avait 
promise  à  l'ancien  monde.  Le 
même  jour  on  nomma  une  com- 
missioji  pour  rédiger  la  constitu- 
tion d^ite  de  l'an  8,  et  les  lois  or- 
ganiques; M.  Chabaud-de-Latour 
en  fut  membre,  et  il  montra  cons- 
tamment, dans  les  discussions, 
des  talens  peu  communs,  et  des 
connaissances  étendues.  Plus  tard, 
il  vota,  au  sein  du  tribunat,  contre 
la  clôture  de  la  liste  des  émigrés; 
il  craignait  que  cette  sorte  d'in- 
dulgence ne  compromît  bientôt 
la  sûreté  de  l'état.  En  1804,  il  ne 
fut  point  contraire  à  l'établisse- 
ment de  l'empire;  à  cette  occa- 
sion il  s'éleva  fortement  contre 
une  partie  de  ceux  qui  s'y  oppo- 
saient, contre  ceux  qui  avaient 
leurs  motifs  pour  refuser  aux  peu- 
ples le  droit  d'élire  les  chefs  de 
leur  gouvernement.  Les  difficul- 
tés sur  cette  question  se  reprodui- 
sent encore,  et  l'on  ne  saurait  en 
marquer  le  terme  :  la  prévention 
et  les  intérêts  particuliers  le  recu- 
lent sans  cesse;  le  temps  et  l'ex- 
périence pourront  seuls  à -cet  é- 
gard  accorder  les  opinions.  Bien 
que  M.  Chabaud  eût  reçu  la  déco- 
ration de  la  légion-d'honneur,  il  ne 
tarda  pas  à  tomber  dans  la  disgrâ- 
ce de  Napoléon.  Cependant  le  dé- 
partement du  Gard  l'ayant  désigné 
pour  le  corps-législatif,  en  181 5, 
îe  sénat  confirma  ce  choix,  et  M. 
Chabaud  put  donner,  comme  dé- 
puté, son  adhésion  à  la  déchéan- 
ce de  l'empereur  en  1814.  Bientôt 
il  fit  partie  de  la  commission  char- 
gée de  quelques  travaux  relatifs 
à  la  charte,  et  obtint  alors,  avec 
le  titre  de  baron,  celui  d'officier 


CHA 

de  la  légion-d'honneur.  Dans  la 
session  suivante,  M.  Chabaud 
parla  en  faveur  des  députés  des 
pays  devenus  étraugern  à  la  Fran- 
ce, et  qu'on  proposait  d'exclure 
de  la  chambre.  Il  se  déclara  ex- 
pressément contre  la  censure,  et 
vota  dans  Tinlérêt  des  commu- 
nes, soit  pour  la  prohibition  des 
fers  étrangers,  soit  contre  l'expor- 
tation des  laines.  Il  était  retiré  à 
ISîmes  à  l'époque  des  cent  jours  : 
et  il  ne  prit  aucune  part  à  ces  évé- 
nemens;  mais  ensuite,  pendant 
la  violente  réaction  qui  les  suivit, 
il  eut  le  courage  et  le  bonheur 
d'être  utile  aux  protestans.  Cette 
conduite  n'était  pas  propre  à  le 
faire  admettre  dans  la  chambre 
de  181 5;  mais  deux  années  plus 
tard,  en  1817,  il  fut  réélu,  ce  qu'on 
attribua  surtout  à  sa  liaison  avec 
M.  Decazes.  M.  Chabaud  vo- 
ta constamment,  soit  contre  les 
lois  d'exception,  soit  contre  le 
nouveau  système  électoral;  et 
lorsqu'une  discussion  s'éleva  sur 
la  pétition  de  M.  Madier-de-Mont- 
jau,  il  ne  craignit  pas  de  se  pré- 
senter à  la  tribune  pour  attester  la 
vérité  des  faits  allégués  dans  cette 
plainte,  et  pour  en  demander  le 
renvoi  au  conseil  des  ministres. 

CHABEKT  (Philibert)  ,  célè- 
bre médecin  vétérinaire,  naquit 
à  Lyon  le  6  janvier  1737.  Son 
père  était  maréchal  ,  et  il  dut 
à  ses  leçons  les  premiers  élé- 
mens  d'un  art  qu'il  a  illustré  de- 
puis. 11  vint  à  Paris,  se  perfection- 
na chez  Lafosse  le  père,  y  puisa 
le  goût  de  l'observation  et  de  la 
pratique,  et  entra  dans  les  équi- 
pages du  prince  de  Condé  en  qua- 
lité de  maréchal.  Il  fit  les  campa- 
gnes d'Hanovre ,  et  à  la  paix  de 


CHA 

1  ^-Gj,  il  entra  à  récole  vétérinai- 
re de  Lyon,  que  Bonrgelat  avait 
établie  l'année  auparavant.  Bonr- 
{j;elat  eut  hienlôt  apprécié  les  ta- 
Itns  de  Cliabert,   et  il  reconnut 
son  utilité  dafis  l'école  d'Alt'ort, 
à   l'élablissement    de   laquelle  il 
travaillait  (1766).  Il  le  plaça  d'a- 
bord à  la  tête    des    hôpitaux  et 
des  forges,  et  n'eut  qu'à  s'applau- 
dir  de  son  choix.   Bourgelat  se 
plaisait  à  rendre  justice  à  Cha- 
bert,  et  ne  dissimulait  pas  les  o- 
bli>;alions  qu'il  lui  avait:  «La  ra- 
opidité  de  ses  progrès,  disait-il, 
«lui  assure  une  réputation  qui  seu- 
nle  sulïirait  pour  convaincre  à  ja- 
»inais  de  l'utilité  de  nos  établisse- 
»  men».  »  Charge  de  tous  les  détails 
d'une  administration  encore  nais- 
saute, Chaberl  entre  tenait  une  cor- 
respondance suivie,  a*dministrali- 
ve  et  scientifique,  sans  sur  veillans, 
sans  secrétaire;  dirigeait  les  hô- 
pitaux et    les   forges,    répondait 
aux  nombreuses  consultations;  et 
son   activité  suffisait   à   tous  ces 
travaux.  Il  fut  nommé  successi- 
vement professeur  de  marécha- 
lerie,  des  maladies  et  des  opéra- 
lions,  inspecteur  ans  études,  et 
directeur  de   l'école  d'Alfort.    il 
succéda  à   Bourgelat,   en    1780, 
dans  sa  place  de  directeur  et  ins- 
pecteur-général des  écoles  roya- 
les vétérinaires.  Chabert  fut  nom- 
mé membre  de  la  légion-d'hon- 
neur par  Napoléon,  en  i8o5.   Il 
était  correspondant   de  linstitut 
de  France,  et  mourut  le  8  sep- 
tembre i8i/{.  Chaberta  publié  un 
h'.'MU  Mil  i^iji  I .  lire,  cl  plusieurs 
mémoires  de  médecine  vétérinai- 
re   pratique  qui    sont    ituprimés 
dans  le  Joui  nul  d  agriculture  et 
dans  les  insU'uctions  vt'térinaiy 


CHA 


20' 


rcs ,  etc.  Il  a  laissé  des  cahiers 
manuscrits  sur  plusieurs  mala- 
dies, et  il  avait  préparé  un  grand 
ouvrage  sur  les  opérationschirin-- 
gicales ,  ouvrage  dont  toutes  les 
planches  sont  gravées,  et  que  le 
gouvernement  s'empressera  sans 
doute  d'acquérir. 

CHABERT  (Théodore),  né  a 
Grenoble,  le  i(j  mai  1768.  Après 
avoir    servi  comme    général  de 
brigade  dans  l'armée  du    Nord, 
il  comnianda  à  Liège  en  ijqS, 
et,  en  1797,  il  passa  à  l'armée  de 
Sambre-et-Meuse.  Nommé,  l'an- 
née suivante,   député  au  conseil 
des  cinq-cents,  par  le  département 
des  Bouches-du-lUiône  ,  il  y  dé- 
nonça ,  comme  protecteur  de  la 
réaction  royaliste  à  Marseille.  Lu- 
colte,   chef  de  la  4""  demi -bri- 
gade   d'infanterie    légère.    Le    7 
août  1798,   il    s'éleva   vivement 
contre  les  déprédations  des  em- 
ployés de  la  guerre,  et  deman- 
da que  les  lois  rendues  contre  les 
émigrés  fussent  déclarées  appli- 
cables à  ceux  qui  s'étaient  sous- 
traits à  la  déportation  du  i8  fruc- 
tidor. Peu  de  temps  après,   il  fit 
traduire,  devant  une  commission 
militaire  ,  les  naufragés  de    Ca- 
lais. Sous  le  consulat,   il  rentra 
dans  les  rangs  de  l'armée.   Lors- 
que Bonaparte  étal)lit  la  légion- 
d  hoimeur,le  général  Chaberl  re- 
çut la  croix  de  conunandant  de 
l'ordre,  et  après  avoir  fait  enco- 
re quelques  campagnes,  il  se  re- 
tira. Mais,  en  181"),  il  reprit  du 
service,  et  fut  nommé  lieutenant- 
général,    le    17  avril.  Chargé  du 
connn;^ndementdes  troupes  et  de 
la  garde  nationale  réunies  à  Gre- 
noble, en  faveur  de  Napoléon,  il 
marcha  à  leur  tête  contre  le  gé- 
'7 


358 


CHA 


néral  Ernouf,  qui  s'avançait  avec 
l'aile  (Irrtile  de  l'armée  du  duc 
d'Angoulrine.  Celle  sorte  de  cam- 
pagne, vers  le  Rhône,  causa  peu 
de  fatigue  au  général  Chaberl  ; 
les  hostilités  cessèrent  avant  d'a- 
voir été  sérieuses  ,  mais ,  après  le 
retour  du  roi ,  il  ne  fut  plus  en  ac- 
tivité. 

CHABERT  (Joseph -Bernard, 
MARQt'is  DE  ) ,  a  passé  presque  tou- 
te sa  vie  sur  mer.  Ce  marin  infa- 
tigable, ce  capitaine  si  actif,  é- 
tait  membre  du  bureau  des  longi- 
tudes, associé  à  beaucoup  d'aca- 
démies, et  compté  parmi  les  sa- 
vans  d'Europe  les  plus  estimés. 
Un  grand  et  utile  ouvrage  qu'il 
n'a  pu  achever  [V^tias  général 
des  côtes  de  la  Méditerranée  )  , 
eftt  mis  le  sceau  à  sa  réputation  ; 
mais  il  perdit  la  vue,  quitta  la 
France,  et  ne  laissa  que  des  par- 
ties détachées  de  ce  travail.  11  se- 
rait à  désirer  qu'une  main  patien- 
te et  habile  s'occupât  de  le  com- 
pléter. Le  seul  ouvrage  qu'il  ait 
publié  est  un  Foya^^e  ,  purement 
astronomique  et  hydrographique, 
sur  les  cotes  de  L'Amérique  sep- 
tentrionale [i'p5'5,  in-i^",  Mémoi- 
res de  l'Académie  des  sciences). 
Les  côtes  de  l'Acadie,  partie  éloi- 
gnée et  peu  connue  du  Canada , 
reçurent, pour  la  première  fois,  la 
place  qui  leur  appartient ,  dans 
les  cartes  géographiques  qui  font 
partie  de  ce  voyage.  Né  à  Tou- 
lon,  le  28  février  1724»  le  mar- 
quis de  Chabert  moonit  à  Paris, 
en  i8o5,  âgé  de  82  ans.  Entré  fort 
jeune  au  service,  ilavança  rapi- 
dement, se  battit  avec  un  grand 
courage,  perfectionna  l'h^'drogra- 
phi,e,  et  sut,  à  la  fois,  imiter  (Jas- 
sini  et  Dug»ay-Trouii>. 


CHA 

(>HABOT  (François,  surnom- 
mé le  Capucin  ),  a  joué,  pendant 
les  premières  années  de  la  révolu- 
tion française,  un  rôle  turbulent, 
bizarre  et  pourtant  secondaire. 
Lne  ardeur  fanatique  et  des  vues 
bornées,  l'enthousiasme  d'un  ré- 
publicanisme mal  combiné,  une 
probité  douteuse  ,  une  ambition 
folle,  une  activité  stérile,  une  é- 
loquence  fougueuse,  spirituelle, 
entortillée,  audacieuse,  une  té- 
mérité que  rien  n'arrêtait  et  qui 
n'arrivait  à  rien,  ont  caractérisé 
sa  conduite.  Né  à  Saint-Geniei , 
dans  le  Rouergue,  en  i^ôp,  d'un 
cuisinier  du  collège  de  Rhodez  , 
il  fit  ses  études  dans  celle  maison, 
s'abandonna  aux  direetioiTs  spi- 
rituelles des  pères  qui  l'instrui- 
saient, se  passionna  pour  la  vie 
ascétique  et  rigide,  endossa  le 
froc  du  capucin,  et  étonna  ses 
professeurs  eux-mêmes  par  son 
excessive  austérité.  A  quoi  tien- 
nent les  mœurs,  les  réputations 
et  les  caractères?  Si  le  capucin  fût 
né  trois  cents  ans  plus  tôt,  de  tel- 
les dispositions  en  eussent  fait  un 
ermite,  un  martyr  ou  un  saint. 
Mais  quelques-unes  des  idées 
nouvelles  pénétrèrent  jusqu'à  lui, 
et  son  fanatisme  prit  un  autre 
cours;  il  quitta  le  froc,  ef.  se  lan- 
ça impétueusement  dans  la  car- 
rière de  la  liberté;  les talens qu'il 
annonçait  et  l'ardeur  patriotique 
dont  il  paraissait  tmimé,  le  por- 
tèrent à  l'assemblée  constituante. 
Il  lit  palier  de  lui  dans  celte  ses- 
sion ,  déclama,  pérora,  dénonça, 
s'agita,  avec  une  véhémence  qui 
n'aboutissait  guère  qu'à  faire 
retentir  son  nom.  S'il  faut  en 
croire  les  traditions  (d'autant 
^  lus    pKoblémali(|ues    peut  -  êtm 


Cil  A 

♦qu'elles  sonl  plus  récentes  ),il  se 
fit  allaquei- et  blesser  par  six  hom- 
mes, aGn  dalluiner  l'indignation 
<lu  peuple  contre  le  parti  de  la 
cour,  et  supplia  deux  de  ses  col- 
lègues de  l'assassiner, pour  porter 
ensuite  son  cadavre  sanglant  au 
milieu  du  faubourg  Saint-Antoi- 
ne. Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  faits, 
que  l'ivresse  du  fanatisme  peut 
du  moins  rendre  vraisemblables, 
Chabot  dénoncé  par  les  ministres, 
contre  lesquels  il  avait  lancé  les 
accusations  les  plus  fortes,  fut 
sauvé  par  ses  collègues.  Prédica- 
teur populaire,  le  20  juin  et  le  10 
août,  il  fir  retentir  des  éclats  de 
son  éloquence  révolutionnaire, 
les  temples  qu'il  avait  baignés  de 
ses  larmes  pieuses  quelques  an- 
nées auparavant.  Ouïe  vit  prêcher 
l'insurrection  et  arracher  des  prê- 
tres au  massacre,  accuser  devant 
le  peuple  la  majorité  de  l'assem- 
blée, demander  la  mise  hors  la 
loi  de  La  Fayette,  et  sauver  l'abbé 
Sicard.  Sa  conduite  fut  la  même 
dans  la  convention,  où  il  fut  élu 
par  le  même  département.  l'eu 
d'objets  imporlans  l'occupèrent, 
et  la  même  turbulence  le  signala 
toujours.  Un  mariage  avec  une 
Autrichienne,  quelques  défîances 
qu'il  laissa  échapper  dans  ses  dis- 
cours contre  Robcrspicrre  et  ses 
amis ,  la  déclaration  qu'il  osa  fai- 
re à  la  tribune  ,  que  s'il  n'y  avait 
pas  d'opposition  dans  l'assem- 
htéc ,  il  en  formerait  une  à  lui 
tnutsrul,  indisposèrent  contre  lui 
les  chefs  du  parti  dominant.  Il  fut 
trouvé  coupable  d'une  falsifica- 
tion de  loi,  qui  devait  grossir  sin- 
gulièrement son  revenu,  et  il  fut 
condamné  à  mort  ;  en  vain  il  im- 
plora b  clémence  de  ses  collè- 


CHA  269 

gués. Leur  vengeance,  ou  leur  in- 
difl'érence  ,  ou  leur  jalousie  ,  se 
cachèrent  sous  le  masque  de  l'aus- 
térité. Il  se  procura  du  poison, 
l'avala  ,jeta  des  crisalïreuxquand 
ses  entrailles  brûlantes  en  senti- 
rent les  premières  et  terribles  at- 
teintes ,  re<;ut  le  contre-poison 
qui  lui  fut  administré  ,  et  porta 
sur  l'échafaud  ce  misérable  reste 
de  vie  trois  jours  après  le  5  avril 
1794.  Chabot  semble  être  le  ty- 
pe de  tout  ce  que  l'on  peut  trou- 
ver de  ridicule  dans  la  révolution. 
Capucin,  marié  à  une  baronne  au- 
trichienne ,  sale  dans  ses  habitu- 
des extérieures;  c'est  lui  qui  infli- 
gea, aux  principaux  démocrates, 
les  dénominations  de  monta- 
gnards et  de  sans -culottes  ;  qui 
provoqua  la  Jeté  de  la  raison  ; 
qui  se  déclara  contre  toutes  les 
mains  qui  n'étaient  point  calleu- 
ses ^  et  contre  les  muscadins  y 
c'est-à-dire,  contre  les  gens  qui 
portaient  du  linge  blanc;  l'un  des 
hommes,  en  un  mot ,  qui,  par 
l'ignoble  frénésie  de  leur  préten- 
du patriotisme,  ont  fourni  le  plus 
de  prétextes  aux  ennemis  d'une 
sage  et  pure  liberté. 

CHABOT  (Louis -Frànçois- 
Jean),  né  le  26  avril  1757.  Au 
commencement  de  la  révolution 
il  était  sous-oflicier.  Son  mérite 
seul  décida  de  son  avancement 
rapide  à  l'armée  du  Nord  et  à  la 
Vendée,  où  il  fit  des  actions  d'é- 
clat. Nommé  général  de  division, 
en  l'an  2,  il  passa  en  Italie  sous 
les  ordres  de  Bonaparte.  A  la  tê- 
te de  la  division  chargée  du  blo- 
cus de  Manloue,  il  contribua  par- 
ticulièrement à  la  capitulation  de 
cette  place  importante.  En  l'an 
7,  il  était  h  Corfou  lorsque  les 


2G0 


en  A 


Russes  se  présentèrent,  et  il  les 
repoussa.  Envoyé  à  l'année  de 
l'Ouest  l'année  suivante,  il  bat- 
tit le  général  Bourmont,  et  a- 
cheva  de  pacifier  la  Vendée.  A- 
près  être  retourné  en  Italie  et 
vers  les  côtes  de  la  Grèce,  il  re- 
çut, en  1804,  le  titre  de  comman- 
dant de  la  légion -d'honneur,  et 
fut  désigné  par  le  collège  électoral 
du  département  des  Deux-Sèvres, 
comme  candidat  au  sénat-conser- 
vateur. La  guerre  d'Espagne  lui 
fournit,  en  1808,  d'autres  occa- 
sions de  se  distinguer,  particu- 
lièrement à  Villa-Franca  et  à  Lo- 
brega.  Rentré  en  France,  il  y  ob- 
tint lecommandement  de  la  4°"'di- 
vision  militaire,  mais  il  le  per- 
dit après  le  20  mars.  Le  retour 
du  roi  le  lui  rendit,  et  ensuite 
il  ne  tarda  pas  à  être  mis  à  la 
retraite. 

CHABOT  DE  L'ALLIER  (Geor- 
ge-Antoine), né  à  Montluçon  en 
i;758,  était  avocat  à  Paris,  au 
commencement  de  la  révolution. 
De  retour  dans  son  département, 
il  y  exerça  différentes  charges  de 
magistrature  avec  distinction.  II 
fut  élu  député  suppléant  à  la  con- 
vention nationale  :  mais  son  ad- 
mission ,  proposée  en  l'an  5 
(1794),  fut  rejetée,  parce  que 
l'instruction  qu'il  avait  reçue  de 
sescommettans  contenait  le  main- 
tien de  la  royauté;  le  député  Clau- 
sel  saisit  cette  occasion  pour  l'ac- 
cuser de  fédéralisme  et  d'intelli- 
gence avec  les  clubs  du  Midi. 
L'année  suivante,  Chabot  fut  ad- 
mis; et  sur  sa  proposition,  la  con- 
vention accorda  un  nouveau  dé- 
lai de  rigueur  aux  créanciers  des 
émigrés.  Devenu  membre  du  con- 
seil des  anciens,  en  1799,  il  s'op- 


CHA 

posa  vivement  à  la  loi  de  l'em- 
prunt des  ido  millions  :  dans  la 
mT-me  session  il  dénonça  la  licence 
des  journaux  ,  désigna  particuliè- 
rementcelui  qui  avait  pour  titre /a 
Parisienne ,  et  obtint  qu'il  serait 
renvoyé   au   directoire    pour  en 
poursuivre   les  auteurs.    Chabot 
passa  au  conseil  des  anciens,  au 
tribunat,  et  dans  l'une  et  l'autre 
chambre  il  se  montra  constam- 
ment l'un  des  plus  zélés  partisans 
de  Bonaparte.  Il  vota  d'abord  pour 
que  le  général  devînt  |)remier  con- 
sul; il  insista  vivemen  t  pour  le  con- 
sulat à  vie, et  se  prononça  bien  plus 
énergiquement   encofe    lorsqu'il 
fut  question  de  proclamer  Napo- 
léon empereur.  H  marqua  chacun 
de  ces  grands  événeinens  par  quel- 
ques discours  à  l'appui  de  son  o- 
piiiion;  et  lorsque  Carnot  s'éleva 
contre  l'empire,  il  le  réfuta  d'une 
manière  remarquable  parla  force 
et  la   justesse  de  sa  dialectique. 
En  180  i.  Chabot  fut  nommé  com- 
mandant de  la  légion-d'honneur; 
en  1806,   inspecteur-général  des 
écoles  de  droit,  fonction  qui,  en 
1810,  lui  ouvrit  l'entrée  du  con- 
seil de  l'université;    et,  en  1809, 
juge  à  la  cour  de  cassation.  A  la 
rentrée  de  Louis   XV III,    il  fut 
maintenu  dans  toutes  ses  places, 
qu'il  ne  perdit  pas  néanmoins  au 
retour  de  Napoléon,  et  qu'ilacon- 
servées  jusqu'à  sa  mort,  arrivée 
le  19  avril  1819.  Chabot  apublié: 
1°  Tableau  de  La  législation  an- 
cienne sur  les  successions,  et  de  la 
législation  nouvelle  établie  par  le 
code  civil;  2°  Commentaire  sur 
laloi  du  ^^ germinal  an  2,  relati- 
ve aux  successions  ;  3°  Questions 
transitoires  sur' le  code  Napoléon. 
CHABRAN    (Joseph),    liente- 


en  A 

tiant-géncral ,  commandant  de  la 
légion-d"honneur,  etc.,  né  le  32 
juillet  1765,  à  Cavaillon,en  Pro- 
vence. Au  commencement  de  la 
révolution,  il  professait  les  ma- 
thématique» dans  un  collège  des 
Pères  de  la  doctrine.  11  n'hésita 
pas  à  embrasser  les  espérances  qui 
s'ùlTraient  aux  amis  de  la  liberté, 
lorsqu'il  eut  à  Nice  une  premiè- 
re occasion  de  se  distinguer.  Il 
était,  depuis  le  4  ^oCil  1792,  ca- 
pitaine dans  le  5°*  bataillon  des 
volontaires  des  Bouches-du-Rhô- 
ne.  Il  contribua  beaucoup  au  suc- 
cès de  l'attaque  de  plusieurs  pla- 
ces par  l'armée  d'Italie,  où  il  ser- 
vait en  qualité  d'adjudant  provi- 
soire àrétat-major.  De  nouveaux 
laits  d'armes  lui  valurent  le  gra- 
de d'adjudant -général.  11  ne  l'ut 
pas  moins  heureux  durant  la  cam- 
pagne de  l'an  4  en  Italie  ;  le  jour 
même  où  son  général  obtint  le 
surnom  d'enfant  chéri  de  la  vic- 
toire, Chabran  mérita  celui  de 
bouclier  de  Ma.s.scna  :  il  était  à 
l'avaiit-garde  ,  il  franchit  avec  ce 
général  le  pont  de  Lodi ,  à  la  tê- 
te des  carabiniers.  Il  continua  de 
se  faire  remarquer  entre  les  bra- 
ves durant  cette  glorieuse  campa- 
gne. Après  avoir  donné  de  fré- 
quentes preuves  de  valeur  à  Mon- 
tebello  ,  ù  la  Corona,  à  Lonato, 
à  Rivoli,  à  Dego,  il  fut  nommé 
général  de  brigade  sur  le  champ 
de  bataille  de  Roveredo.  Chargé 
d'arrêter  et  de  punir  le  soulève- 
ment de  Vérone,  et  des  autres 
parties  des  états  vénitiens  sur  la 
terre  ferme,  il  montra  dans  celte 
mission,  didicile  à  plusieurs  é- 
gards,  autant  de  clémence  que  de 
courage.  Après  le  traité  de  Cam- 
po-Formio,  il  fut  nOqi nié  au  corps- 


CHA 


261 


législatif;  mais  il  n'accepta  point 
ces  fonctions,  et  il  se  rendit  dans 
l'ancienne  Provence ,  où  sa  mo- 
dération et  sa  fermeté  désarmè- 
rent les  rebelles  des  départemens 
des  Bouches-du-Rhône  et  des  Bas- 
ses-Alpes. Les  routes  et  les  dé- 
bouchés qui  conduisent  à  Rome 
et  à  Vienne,  redevinrent  le  théâ- 
tre delà  guerre.  Employé  en  Suis- 
se, sous  Masséna,  le  général  Cha- 
bran détermina  par  une  habile  ma- 
nœuvre la  prise  de  Steig,  em- 
porta Coire  à  lu  baïonnette,  et  flt 
prisonnier  le  général  Auffemberg, 
commandant  des  Grisons.  Deux 
mois  plus  tard,  le  i"  mai  1799, 
à  la  tète  d'tm  petit  nombre  d'hom- 
mes, il  désarma  i5oo  Autrichiens; 
mais  ensuite  des  forces  trop  supé- 
rieures l'obligèrent  à  la  retraite:  il 
l'effectua  d'une  manière  savante  , 
à  travers  les  montagnes  de  Murg. 
Réuni  à  Masséna,  il  contribua 
sous  lui  à  la  victoire  rempor- 
tée, le  28  du  même  mois,  sur 
le  prince  Charles.  Quelque  temps 
après,  il  fut  blessé  à  l'attaque  de 
la  tranchée  de  >Volrau,  dont  il 
chassa  les  Autrichiens,  en  leur 
faisant  3,ooo  prisonniers.  Bientôt 
nommé  général  de  division  ,  il  se 
distingua  à  Stein,  à  Cerven,  à 
Schwitz,  à  Ditikon,  et  le  25  sep- 
tembre, lorsque  Masséna ,  auprès 
de  Zurich  ,  détruisit  Souwarow. 
Employé  à  l'armée  d'Italie  en 
1800,  ii  passa  le  Saint-Bernard  a- 
vec  sa  division,  et  enleva  le  fort  de 
Bard  qui  fermait  la  route  de  Ver- 
ceil.  S  il  ne  {)artagea  pas  directe- 
ment la  gloire  du  triomphe  de 
Marengo,  il  y  contribua  pour- 
tant par  une  diversion  ellicace  o- 
pérée  vers  le  Pô.  La  paix  lui  pro- 
cura upe  gloire  nouvelie  :  coiu- 


ûGa  CHA 

mandant  dti  Piémont,  il  fit  ché- 
rir dans  ce  pays  sa  droiture,  et 
ses  talens  en  administration.  En 
i8o5,  il  commanda  aux  îles  Mar- 
conf,  que  bientôt  il  quitta  pour 
combattre  de  nouveau  les  Autri- 
chiens. L'Espagne  devint  ensuite 
le  théStre  de  ses  exploits  ;  il  fit  les 
campagnes  de  iSo^jiSoS,  i8og. 
Chargé  spécialement  d'apaiser 
l'insurrection  de  la  Catalogne,  il 
pritTaragone.  En  1810,  le  géné- 
ral Chabran  ,  de  retour  en  Fran- 
ce ,  cessa  de  l'aire  partie  des  ar- 
mées actives. 

CHABRILLANT  (WABQnsDE), 
fils  du  premier  écuyer  du  comte 
d'Artois.  Il  servait  dans  le  régi- 
ment des  carabiniers;  la  révolu- 
tion étant  survenue,  il  émigra, 
et  se  rendit  à  l'armée  de  Condé, 
où  il  fil  la  campagne  de  1792.  La 
loi  d'amnistie  n'était  pas  promul- 
guée lorsqu'il  rentra  en  France; 
il  fut  arrêté  et  incarcéré  à  Tou- 
lon, où  il  resta  jusqu'à  l'événe- 
ment du  18  brumaire.  Ayant  alors 
obtenu  de  rentrer  dans  une  par- 
tie de  ses  bi<>ns,  M.  de  Chabril- 
lant  s'attacha  au  gouvernement 
impérial.  Plus  tard,  un  de  ses 
fils  prit  du  service,  et  succomba 
dans  la  campagne  de  Russie. 
Quant  à  M.  de  Chabrillant,  il  fut 
nommé,  eni8i4,  gentilhommede 
MoNSiËUB,  comte  d'Artois,  et  il 
fit  bientôt  partie  de  la  majorité  de 
cette  chambre  de  18 15,  qui  mé- 
rita une  qualification  singulière. 
Héélu  en  j  816,  il  a  suivi  imper- 
turbablement les  principes  qu'il 
avait  déjà  manifestés.  On  a  eu  tort 
peut-être  de  l'accuser  d'oublier 
les  vœux  et  le  mandat  de  sescom- 
metlans.  Il  peut  avoir  été  le  fidè- 
le interprète  des  intentions  spé- 


CHA 

ciales  de  ceux  qui  l'avaient  choi- 
si; dans  la  session  de  1 8 1 8  et  1 8 19, 
trouvant  très-mauvais  qu'une  pé- 
tition fût  adressée  aux  rcprcsen- 
tans  du  peuple  français,  il  s'écria 
avec  dignité  :  «Nous  ne  sommes 
M  point  les  représentans  de  la  na- 
))tion  française.  » 

CHABROL  (GriixArME- Mi- 
chel), né  à  Riom,  en  1714,  fut 
avocat  du  roi  au  présidial  de  cet- 
te ville,  et  reçut  de  Louis  XV  des 
lettres  de  noblesse  en  1767.  Si  les 
ancêtres  d'un  homme  pouvaient 
conférer  à  leur  descendant  celte 
distinction  frivole,  Chabrol  était 
noble  avant  d'être  anobli;  Sir- 
mon  le  savant,  et  l'éloquent  Ar- 
naud, étaient  membres  de  sa  fa- 
mille. Nommé  conseiller- d'état 
en  1780,  il  mourut  à  Riom  en 
1793,  le  22  février.  On  lui  doit 
des  Mémoire.'!  érudits  sur  plu- 
sieurs points  de  l'histoire,  et  sur- 
tout de  l'histoire  d'Auvergne  :  et 
un  Commentaire  estimé,  en  4 
volumes,  sur  la  Coutume  d' Au^ 
vcrgnc  (1784,  in-4");  ouvrage  où 
se  trouvent  beaucoup  de  connais- 
sances spéciales,  des  détails  d'un 
intérêt  minime,  d'autres  détails 
curieux,  et  un  savoir  profond, 
mais  aujourd'hui  peu  utile,  sur 
tout  ce  qui  regarde  les  coutumes 
de  la  province  où  il  était  né. 

CHABROL    DE  TOURNOEL 

(GASPARD-CtADDE-FfiARÇOIS,  COM- 
TE de),  fils  aîné  d'un  député  de  ce 
nom  aux  états-généraux  de  1789, 
et  petit-fils  de  l'auteur  des  Cou- 
tumes d'Auvergne,  fut  élu,  par  le 
département  du  Puy-de-Dôme, 
député  à  la  chambre  de  181 5, «t 
vota  avec  la  minorité  de  cette 
assemblée.  En  1816,  après  avoif 
présidé    le   collège    électoral  du 


CHA 

Puy-de-Dôme,  il  fut  noiniué,  par 
ce  départemout,  membre  de  la 
chambre  convoquée  par  l'ordon- 
nance du  5  septembre,  et  y  vota 
avec  la  majorité.  Il  vient  d'être 
renommé  en  1821.  11  a  trois  frè- 
res; l'un  exerça,  sous  l'empire, 
les  fonctions  de  maire  de  Nevers. 
Les  deux  articles  suivans  sont 
consacrés  à  ses  deux  autres  frères. 
CHABROL  DE  CROUSSOL, 
(André- Jean,  comte  de),  admis 
au  conseil-d'état,  en  i8o5,  avec 
le  titre  d'auditeur,  obtint/bientôt 
celui  de  maître-des-requêtes  ,  et, 
le  1 3  août  1809,  fut  nommé  mem- 
bre du  conseil -général  de  liqui- 
dation en  Toscane.  Cette  mission 
terminée,  M.  Chabrol  exerça  par 
intériiq  les  fonctions  de  président 
de  la  cour  impériale  d'Orléans. 
Rappelé  au  conseil  en  service  or- 
dinaire, ii  fut  nommé  l'un  des 
présidens  de  la  cour  inipériale  de 
Paris;  enfin,  le  16  août  iSii, 
l'empereur  l'envoya  dans  les  pro- 
vinces illyriennes  avec  le  litre 
d'infendant-général  des  finances. 
M.  Chabrol  acheva  d'organiser 
l'administration  de  ce  pays,  lâ- 
che déjà  commencée  par  M.  Dau- 
chy  et  M.  de  Belleviiie.  Durant 
cette  mission,  où  il  vit  le  géné- 
ral Bertrand,  le  duc  d'Abrantès 
et  le  duc  d'Otrante  se  succéder 
dans  les  fondions  de  gouverneur- 
général  d'Illyrie,  M.  Chabrol  ma- 
nifesta, sous  leurs  ordres,  le  dé- 
vouement le  plus  inébranlable, 
non-seulement  au  gouvernement 
mais  à  la  personne  de  Napoléon. 
Quand  son  frère  Chabrol  de  Vol- 
vie  fut,  par  suite  de  la  conspira- 
tion Mallet ,  nommé  préfet  de  la 
Seine,  Al.  Chabrol,  l'inltudunt, 
s'écriait,  «vue  l'accent  de  la  sun- 


CHA  a63 

sibililé  et  de  l'enthousiasme  ; 
L'empereur  sait,  et  apprendra 
mieux  de  jour  en  jour,  combien 
il  peut  compter  sur  notre  J'amille. 
L'époque  vint  où  des  chances  im- 
prévues devaient  mettre  tant  de 
fidélité  à  l'épreuve.  Dans  le  cou- 
rant du  mois  d'août  181 5,  les  Au- 
trichiens firent  marcher  un  corps 
d'armée  sur  Laybach.  M.  de  Cha- 
brol, dont  la  tâche  était  non  pas 
de  défendre ,  mais  d'administrer 
les  provinces  illyriennes,  battit 
en  retraite.  Il  revint  en  France  , 
par  l'Italie  ;  et  après  s'être  arrêté 
quelque  temps  à  Turin,  où  com- 
mandait le  prince  Borghèse  , 
arriva  à  Paris  dans  le  commence- 
ment de  l'année  i8i4-  Convain- 
cu des  fautes  du  gouvernement 
qui  venait  de  finir,  M.  de  Cha- 
brol se  dévoua  aux  intérêts  du 
gouvernement  qui  allait  commen- 
cer. Aussi  fut -il  successivement 
noauné  ,  le  29  juin,  conseiller- 
d'état,  et,  le  22  novembre  sui- 
vant, préfet  du  Rhône.  Cette  pre- 
mière administration  de  M.  de 
Chabrol  obtint  les  honneurs  d'u- 
ne obscurité  regrettable. Cepen- 
dant le  débarquement  do  Napo- 
léon vint  troubler  le  repos  heu- 
reux dont  jouissait  son  ex-inten- 
dant. La  garde  nationale  et  les 
troupes  de  ligne  reçurent  l'ordre 
de  se  préparer  à  une  vigoureuse 
défense. On  s'empara  des  bateaux 
qui  pouvaient  servir  à  passer  le 
Rhône;  on  construisit  des  barri- 
cades sur  les  ponts;  mais  tous  ces 
préparatifs  qui  firent  sourire  Na- 
poléon, ne  parurent  pas  suHisans 
àM.  de  Chabrol.  AyantdevS doutes 
sur  les  véritables  dispositions  des 
troupea  et  de  la  garde  nationale  « 
cet  homme  prévoyant  expédiait 


26,: 


CHA 


à  M.  l'abbé  de  Monlcsqniou  ,  a- 
lors  ministre,  lettre  »ur  lettre, 
pour  obtenir  qu'un  grand  per- 
sonnage vînt  à  liyon  prendre  le 
commandement  des  forces  desti- 
nées à  la  défense  de  cette  ville. 
Cette  mesure  ne  produisit  pas  le 
résultat  présumé ,  et  Monsieur^ 
arrivé  le  8  mars  au  matin,  étant 
presque  aussitôt  reparti,  M.  Cha- 
brol ne  songea  plus  qu'à  sa  sûreté 
personnelle.  Instruit  que  Napo- 
léon entrait  dans  la  ville  par  un  cô- 
té,M. de  Chabrol  en  sortitpar  l'au- 
tre. Arrêté  à  la  barrière  ,  il  rétro- 
grada; mais  revenu  à  Pierre- Sci- 
se,  les  officiers  qui  déjà  comman- 
daient au  nom  de  Napoléon  lui 
permirent  de  continuer  sa  roule. 
M.  de  Chabrol  se  dirigea  versCler- 
mont.  Il  est  difficile  déporter  plus 
loin  qu'il  ne  l'a  fait  la  vanité  de 
la  peur.  A  voir  et  son  inquiétude 
et  la  célérité  de  sa  fuite,  on  au- 
rait pu  croire  que  Napoléon  n'a- 
vait à  penser  qu'à  M.  de  Chabrol, 
et  qu'il  était  venu  en  France  tout 
exprès  pour  détrôner  le  pféfet  du 
Rhône.  Durant  les  cent  jours,  M. 
de  Chabrol  demeura  neutre  et  ne 
parut  ni  à  Gand  ni  à  Paris.  Après 
Waterloo,  il  se  décida.  Les  Au- 
trichiens entouraient  Lyon ,  M. 
de  Chabrol  se  rendit  au  quartier 
général  du  comte  Bubna;  par  sui- 
/  te  de  cette  entrevue  s'introdui- 
sit dans  la  ville,  et  y  demeura 'se- 
crètement, jusqu'au  17  juillet 
181 5,  Dès  que  les  étrangers  se 
montrèrent  à  Lyon ,  IVi.  de  Cha- 
brol cessa  de  s'y  cacher,  et  sa  ré- 
installalioi!  comme  préfet  eut  lieu 
immédiatement.  Ici  commence 
la  seconde  administration  de  M. 
de  Chabrol.  Les  circonstances 
dont  elle  fut  accompagnée  lais- 


CHA 

seront ,  dans  la  mémoire  de  tous 
les  Français  ,  un  sinistre  et  inef- 
façable souvenir.  Nous  aimons  à 
croire  que  M.  de  Chabrol,  dont  le 
caractère  est  froid  et  réfléchi,  n'a 
pu  se  rendre  complice  d'excès 
qui  rappellent  les  ardentes  fureurs 
de  93;  nous  uimons  à  croire  qtie 
M.  de  Chabrol,  qui  se  distingue 
par  les  pratiques  d'une  piété  sé- 
vère,  n'a  pu  tremper  ses  mains 
dans  un  sang  dont  il  faudrait  ren- 
dre compte  à  la  justice  éternelle. 
Quoi  qu'il  en  soit,  dès  le  8  juin 
181G,  le  régime  d'une  horrible 
terreur  fut  organisé  dans  la  se- 
conde capitale  du  royaume,  dans 
une  ville  célèbrepar  ses  malheurs, 
son  patriotisme  et  son  industrie. 
Sous  le  commandement  militaire 
de  M.  le  gériéral  Canuel,  que 
nous  croyons  aussi  innocent  de 
toutes  ces  horreurs  que  M.  de 
Chabrol  lui-même,  on  vit  écla- 
ter la  prétendue  conspiration  du 
22  octobre  181G.  Les  révélations 
faites  pai  les  agens  de  l'autorité 
même  ,  cclies  qui  retentirent  du 
haut  de  la  Irihune  nationale  par 
la  voix  d'un  Fiançais  à  jamais  re- 
grettable (M.  Camille-Jordan), 
apprirent  au  roi  et  à  l'Kurope  en- 
tière, les  malheurs  dune  popu- 
lation destinée  à  être  la  victime 
des  terroristes  de  toutes  les  épo- 
ques ,  des  jacobins  de  toutes  les 
couleurs.  Le  duc  de  Raguse,  ar- 
rivé à  Lyon  le  5  septembre  1817, 
mit  fin  à  ce  régime  d'épouvante. 
On  cessa  d'encombrer  les  cachots, 
de  promener  la  guillotine  dans 
les  communes,  d'y  porter  le  viol 
et  l'incendie;  des  auxiliaires  fé- 
roces n'osèrent  plus  saccager  en 
pleine  paix  le  malheureux  pays 
qui  les   solde;  l'on  ne  vit   plus 


CHA 

rouler,  sur  la  lerre,  les  têtes  des 
suppliciés;  enfin,  le  glaive  des 
assassins  et  la  hache  des  hour- 
reauxcessèreradc  frapper  dès  que 
parut  un  ex- soldat  de  la  grande 
année.  M.  de  Chahrol  ne  conti- 
nua pas  d'être  préfet  de  Lyon  , 
mais  il  fut  maintenu  sur  la  liste 
des  conseillers-d'élat  en  service 
extraordinaire;  et  peu  de  temps 
après,  c'est-à-dire  dans  les  pre- 
miers mois  de  1818,  M.  Laine, 
alors  ministre  de  l'intérieur,  le 
demanda  avec  instance  pour  col- 
laborateur, et  le  fit  nommer  sous- 
secrétaire-d'état  au  même  dépar- 
tement. Quand  M.  Decaze  succé- 
da à  M.  Laine,  la  première  me- 
sure du  nouveau  ministre  fut  le 
renvoi  de  M.  de  Chabrol,  dont 
les  talens  demeurèrent  sans  em- 
ploi jusqu'à  la  mort  de  M.  Ba- 
rairon,  directeur-général  des  do- 
maines et  de  l'enregistrement.  A 
celte  époque,  M.  de  Chabrol  fut 
nanti  de  cette  place,  qu'il  exerce 
encore  aujourd'Iuii. 

CHABROL  DE  VOLVIC  (Gil- 
bert-Joseph-Caspard,  comte),  frè- 
re cadet  du  précédent,  naquit  é- 
palemenl  en  Auvergne.  Klève  de 
l'école  Polytechnique,  il  fut,  en 
qualité  d'ingénieur,  attaché  à  l'ex-. 
pédilion  d'Egypte.  Après  le  1 8  bru- 
maire, Ig  général  Bonaparte,  pre- 
mier consul,  le  nomma  sous-pré- 
lel,  puis  en  1806,  lui  confia  la  pré- 
fecture du  département  de  Monte- 
notte.  M.  de  Chabrol  se  distingua 
•lans  ce  poste  par  la  fermeté  avec 
laquelle  il  exécuta  lesdi  verses  me- 
sures ordonnées  par  le  gouverne- 
ment impérial,  et  nulle  part  les 
travaux  de  la  conscription  ne  s'ac- 
coniplirent  avec  plus  de  promp- 
titude et  de  zèle.  Lorsque,  par  la 


CHA  263 

suite,  il  se  trouva  de  fait  l'un 
des  surveilla ns  du  pape,  détenu 
à  Savone,  son  adresse  à  remplir 
cette  mission  diiUciie  lui  valut  et 
les  indulgences  du  pontife  et  les 
bienfaits  de  l'empereur.  M.  de 
Chabrol  avait  d'ailleurs  un  pro- 
tecteur puissant  dans  la  personne 
de  t>L  le  prince  architrésorier, 
son  beau-père.  En  décembre  181a 
éclata  la  conspiration  iVlallet,  que 
la  sagacité  de  M.  Pasquier,  alors 
préfet  de  police,  n'avait  pas  pré- 
vue. M.  Frochot,  dont  l'honneur 
et  la  fidélité  étaient  à  l'abri  de 
tout  soupçon,  fut  cependant  ac- 
cusé de  faiblesse ,  et  M.  de  Cha,- 
brol  qui,  par  un  effet  du  hasard, 
se  trouvait  à  Paris  en  jouissance 
d'un  congé,  fixa  le  choix  de  Na- 
poléon. Devenu  préfet  de  la  Sei- 
ne ,  l'ancien  préfet  de  Savone 
débuta  dans  sa  nouvelle  carrière 
en  allant,  à  la  tête  du  conseil  muni- 
cipal, ffliciter  l'euipereur  .^nr  son 
retour  de  Russie.  Après  avoir  c- 
puisé  toutes  les  formules  banales 
de  l'adulation .  M.  de  Chabrol 
s'écriait  :«  Quelle  allégresse  ré- 
npand  dans  tous  les  cœurs  la  pré- 
>sence  de  votre  personne  sacrée! 
«que  d'espéran(;es ,  quelle  sécu- 
writé  elle  porte  avec  elle  !  Vos  re- 
"gards  viennent  tout  vivifier; 
»  mais  aussi  que  de  gloire  pendant 
«votre  absence!  le  peuple  de  vo- 
))lre  bonne  ville  de  Paris  est  res- 
»té  sourd  aux  cris  du  pillage  et 
»  de  la  licence,  et  s'est  montré  di- 
ngue dépositaire  de  l'héritier  du 
»  trône  :  auguste  enfant!  auquel 
'>se  rattache  tant  de  gloire,  à  qui 
»de  si.  grands  exemples  assurent 
))de  si' hautes  destinées!  au  pre- 
«mier  cri  d'alarme,  son  berceau 
)' serait. environné  de  celle  pupu- 


a6(3 


CIÎA 


«lation  fjclèh;;  tous  liondraienl  ù 
«hoimour  de  lui  Taire  un  rcuiparl 
»  de  leurs  corps;  qu'importe  la  vie 
«devant  les  immenses  intérêts  qui 
«reposent  sur  cette  tête  sacrée  !  » 
.Nommé  maître  des  requêtes  le 
14  avril  i8i5,  son  zèle  redoubla. 
La  campagne  de  Saxe,  si  glorieu- 
se pour  nous  dans  son  principe  , 
paries  victoires  nationalesde  Lut- 
zen  et  de  Bautzen,  eut  de  funestes 
résultats;  la  France  vit  pâlir  sa 
fortune  et  non  pas  sa  gloire  dans 
les  plaines  de  Leipsick.  L'empe- 
reur compta  un  succès  de  moins, 
M.  de  Chabrol  compta  une  haran- 
gue de  plus.  Également  habile  à 
rédiger  un  compliment  de  félici- 
tation  ou  de  condoléance,  il  s'é- 
criait devant  l'impératrice,  alors 
résidant  à  Saint -Cloud  :  «Quel 
»  Français  pourrait  rester  sourd  à 
))la  voix  de  l'empereur,  au  cri  de 
»la  patrie  et  de  l'honneur!  L'appel 
«que  vient  de  faire  Votre  Majesté 
»  a  retenti  dans  tous  les  cœurs  ;  ils 
«éprouvent  le  besoin  de  manifes- 
»ter  ces  senlimens  généreux  qui 
«furent  de  tout  temps  le  noble  a- 
«panage  de  la  France.  L'auguste 
»  fille  de  Marie-Thérèse  ne  peut 
«invoquer  en  vain  le  courage  et 
«l'énergie  de  ses  peuples.  »  Enfin 
M.  de  Chabrol  ajoutait  que  «ja^ 
«mais  la  couronne  de  l'auguste 
«empereur  des  Français  ne  serait 
«dépouillée  de  ses  lauriers.  »  Ce- 
pendant l'invasion  de  la  France 
eut  lieu.  Les  alliés,  attirés  sous  les 
murs  de  Paris  ,  allaient  y  trouver 
leur  perte,  sila  trahison  ne  leuren 
eût  ouvert  les  portes.  Ce  même  sé- 
nat qui,  peu  de  jours  auparavant, 
fatiguait  encore  Napoléon  à  force 
de  servilité,  se  fit  tout  ù  coup 
l'auxiliaire  pacifique  et  tremblant 


CHA 

des  lances  étrangères  ;  ceux  qui 
avaient  compromis  la  liberté  de 
la  patrie  ,  compromirent  son  in- 
dépendance. Le  lion  malade  at- 
tendait le  dernier  coup  ;  le  sénat- 
conservateur  se  chargea  de  le  por- 
ter. Le  conseil  municipal  de  la 
ville  de  Paris  ne  tarda  pas  de  son 
côté  à  se  déclarer  contre  Napo- 
léon vaincu.  M.  de  Chabrol,  après 
une  légère  hésitation,  suivit  la 
direction  imprimée  à  ce  corps  par 
l'avocat  Bellart.  Muni  d'une  ha- 
rangue, le  préfet  de  l'ex-empe- 
reur  vint  complimenter  le  roi  aux 
portes  de  Paris,  et  lui  promettre 
une  fidélité  à  toute  épreuve.  M. 
de  Chabrol,  maintenu  dans  ses 
fonctions,  fut  nommé  successi- 
yemerit  conseiller-d'état,  puis  of- 
ficier de  la  légion-d'honneur.  Ce- 
pendant, vers  les  premiers  joui*s 
de  marsi8i5,  le  gouvernement 
reçut  à  Paris  la  nouvelle  du  dé- 
barquement opéré  à  Cannes  par 
Napoléon.  M.  de  Chabrol,  tou- 
jours muni  d'une  harangue  ,  fut 
admis  chez  le  roi,  à  la  tête  du  con- 
seil municipal  de  la  ville  de  Pa- 
ris. Nos  lecteurs  viennent  d'avoir 
un  échantillon  de  l'éloquence  de 
M.  de  Chabrol,  lorsqu'aux  pied* 
de  l'impératrice  il  adulait  Napo- 
léon puissant;  nous  allons  le  voir 
aux  pieds  du  roi,  outrageant  Na- 
poléon déchu.  L'habileté  d'un  0- 
rateur  consiste  surtout  à  varier, 
suivant  lescirconstances,  le  genre 
de  son  éloquence.  «Sire,  sécriail 
»/e  remplaçant  de  M.  Frochot, 
«depuis  le  retourde  Votre  Majes- 
»  té  ,  la  France  commençait  à  res- 
»  pirer,  etc. ,  etc. ,  et  c'est  là  le  mo- 
«ment  que  choisit  cet  étranger 
«pour  souiller  notre  sol  de  son 
«odieuse  présence!  Que  veut -il 


CHA 

ode  nous?  Quels  droits  peut-il 
«prétendre,  lui  dont  la  tyratutie 
»nous  aurait  afTranchis  de  tout 
«devoir,  et  qui,  par  son  abdica- 
ntion,  aurait  relevé  les  p/iisscru' 
■npideiix  de  leurs  sermens  P  Faut- 
»  il  donc  incendier  une  seconde 
»  lois  l'uniyers,  pour  rappeler  une 
»  seconde  l'ois  l'univers  sur  la 
''France?  Couvert  déjà  de  tant 
«de  sang,  c'est  du  sang  encore 
nqu'il  demande;  la  guerre  civile 
«qu'il  veut  apporter  aux  enfans 
nde  la  France! »  Jtt.  de  Cha- 
brol en  fut  pour  son  éloquence; 
l'odicuxélranger,  auquel  il  devait 
son  avancenDent,  ses  hcnncurs, 
sa  fortune  politique ,  et  la  place 
qui  lui  fournissait  l'occasion  de 
liiisulter,  vint  pour  quelque 
temps  rétablir  ce  même  Irôneinj- 
périal  qu'un  an  plus  tôt  M.  dt  Cha- 
brol jurait  de  défendre  au  risque 
de  ses  jours.  Le  préfet  de  Paris  , 
caché  pendant  trois  mois,  de- 
meura pendant  trois  mois  sans 
faire  de  harangues.  Au  retour  du 
roi,  il  repritavec  une  ardeur  nou- 
velle ses  fonctions  oratoires  et 
administratives.  En  1816,  M.  de 
Chabrol  fui  élu  député  par  le  dé- 
partement de  la  Seine,  et  devint 
aigle -rouge  de  seconde  classe  , 
ordre  prussien.  Lne  biographie 
rend  compte  d'un  trait  qui  Inmo- 
re  M.  de  Chabrol  :  c'est  la  coura- 
geuse amitié  avec  laquelle  il  re- 
cueillit et  sauva  le  brave  général 
Griiyer,  son  compatriote,  con- 
damné à  mort  en  iSiO.  Nous  rap- 
pelons ce  trait  avec  plaisir.  Cette 
bonne  action  est  une  heureuse 
variété  dans  la  vie  politique  de 
M.  de  Chabrol. 

CHABRON-DE-  SOLILHAC. 
Après  avoir  fait  la  campagne  du 


ClîA  2G7 

Rhin  dans  rannée  deCondé,  il  se 
joignit  aux  Vendéens,  et  fut  aide- 
de-camp  de  Charette.  Il  avait  si- 
gné les  traités  de  Jannais  et  de  la 
Mabilais,  conclus  entre  les  répu- 
blicains et  les  royalistes;  mais  il 
les  viola  un  des  premiers.  M.  Cha- 
bron  ne  tarda  point  à  être  arrêté 
avec  Cormatin  et  plusieurs  autres 
chefs.  Traduit  devant  un  conseil 
de  guerre,  il  fut  condamné  à  la 
détention,  malgré  les  efforts  de 
Real,  son  défenseur.  Il  parvint 
néanmoins  à  s'évader  :  bientôt  il 
exerça  les  fonctions  de  maire  dans 
sa  commune,  et  en  i8i5,  il  fut 
membre  de  la  chambre  des  dépu- 
tés. Les  maximes  qu'il  y  adopta 
lui  valurent  les  titres  de  prévôt 
du  département  du  Cher,  et  de 
maréchal-de-camp.  Président  du 
collège  électoral  de  son  départe- 
ment, en  1816,  et  choisi  de  nou- 
veau pour  député,  il  a  voté  cons- 
tanjinent  en  faveur  des  lois  d'ex- 
ception, et  de  l'affaiblissement 
graduel  des  institutions  libérales. 
M.Chabron  de  Solilhac  a  paru  sou- 
vent à  la  tribune,  et  sou  vent  il  y  a 
excité  le  rire  ,  par  son  débit  origi- 
nal et  le  singulier  accent  avec  le- 
quel il  avance  et  soutient  les  prin- 
cipes les  plus  subversifs  de  tout 
gouvernement  constitutionnel. 

CIIABROUD,  néà  Vienne,  dé- 
parlement de  l'Isère,  fut  nommé, 
en  1789,  député  de  la  province  du 
Dauphiné  aux  états-généraux.  Ju- 
risconsulte éclairé,  ce  fut  un  des 
membres  de  l'assemblée  consti- 
tuante qui  se  signalèrent  le  plus 
dans  les  discussions  de  l'ordre  ju- 
diciaire. Le  premier(  1790),  il  éle- 
va la  voix  contre  l'ancien  code  ci- 
vil, et  demanda  l'établissement  de» 
jnrésau  civil  cl  au  criminel.  Il  in- 


2(J8 


CHA 


sista  beaucoup  pour  l'institution 
de  juges  ainbulans  en  faveur  des 
gens  de  la  campagne,  et  voulait 
surtout  que  la  durée  des  fonctions 
de  juges  fût  restreinte  à  quatre 
ans.  Dans  la  question  du  droit 
de  paix  et  de  guerre,  Chabroud, 
ainsi  que  Mirabeau,  fut  abso- 
lument d'avis  que  les  représen- 
tans  de  la  nation  pouvaient  seuls 
délibérer  et  ratifier  les  déclara- 
tions de  guerre;  et  la  loi  du 
3o  avril  1J90  fut  rendue  con- 
formément à  Ictirs  opinions. 
Ce  fut  un  des  plus  chauds  anta- 
gonistes des  tribunaux  d'excep- 
tion. Il  s'éleva  aussi  contre  un 
ordre  du  général  Bouille,  ten- 
dant à  livrer  passage  aux  troupes 
autrichiennes,  afin  qu'elles  fus- 
sent plus  tût  rendues  dans  les  pro- 
vinces belgiques,  où  l'empereur 
d'Autriche  les  envoyait.  Chabroud 
chargé  de  faire  un  rappttrt  à  l'as- 
semblée sur  les.  journées  des  5  et 
(\  octobre  1789,  disculpa  pleine- 
ment le  duo  d'Orléans  et  Mira- 
beau l'aîné,  accusés  dT'tre  les  au- 
teurs des  événemens  sédilieu:^  ar- 
rivés à  cette  époque  :  son  discours 
contenait  une  apologie  des  deux 
prévenus,  et  cette  affaire  lui  atti- 
ra des  ennemis  et  des  injures. 
Chabroudavait  parlé  depuis  quel- 
que temps  et  à  plusieurs  reprises 
du  tribunal  de  cassation  et  de  son 
organisation;  enfin  le24niaii7po, 
l'établissement  de  cette  cour  fut 
décrété  d'après  son  travail.  C'était 
le  10  du  même  mois  que  s'était 
déclarée,  à  Montauban,  cette  in- 
surrectioh,  dans  laquelle  un  grand 
nombre  de  patriotes  avaient  été 
égorgés.  On  avait  envoyé  beau- 
coup de  troupes  dans  cette  ville, 
sous  prétexte  d'empOcher  des  réac- 


CHA 

lions  ou  de  nouveaux  massacres; 
mais,  dans  le  fait,  ces  troupes  é- 
taient  à  charge  à  tous  les  habi- 
tans.  Ce  fut  Chabroud  qui,  en 
1791,  se  fit  leur  organe,  et  ob- 
tint la  réduction  de  la  garnison  de 
Montauban.  ]|  y  a  dans  la  vie  poli- 
tique de  Chabroudun  fait  que  l'on 
ne  peut  guère  concilier  avec  ses 
opinions  en  général,  avec  l'amour 
pour  les  grandes  choses,  qu'il  a 
montré  plusieurs  fois,  et  son  im- 
partialité ordinaire  :  c'est  qu'il 
lit  passer  l'assemblée  à  l'ordre  du 
jour  sur  la  proposition  de  rendre 
à  Desilles  les  honneurs  destinés 
aux  grands  hommes.  Quehjues 
jours  après  il  demanda  pour  Ma- 
bly,  son  compatriote,  les  mêmes 
honneurs  que  ceux  qu'on  avait 
rendus  à  Voltaire.  Chabroud  était 
président  lorsque  Louis  XVI  vint 
annoncer  à  l'assemblée  son  des- 
sein de  se  rendre  à  Saint-Cloud, 
et  ce  fut  lui  qui,  en  la  même  qua- 
lité, adressa  à  S.  M.  des  félicita- 
tions à  l'occasion  de  l'annonce 
faite  aux  cours  étrangères  de  son 
acceptation  del'acte  constitution- 
nel :  dans  ces  deux  circonstances, 
Chabroud  se  montra  au-dessous 
de  ses  moyens;  il  est  vrai  que  la 
situation  des  choses devenaitcha- 
que  jour  plus  dilficile,  mais  ses  dis- 
cours décelaient  une  faiblesse  qui 
ne  lui  était  pas  ordinaire,  ou  plu- 
tôt il  ne  parlait  pas  au  roi  comme  il 
parlai  ta  l'assemblée.  Chabroud  fit 
statuer  qu'un  député  ne  pourrait 
accepter  aucun  emploi  du  gou- 
vernement, et  finit  sa  carrière  lé- 
gislative par  i'aire  décréter  qu'un 
portrait  du  roi,  acceptant  l'ac- 
te constitutionnel ,  serait  placé 
dans  le  lieu  des  séances.  Après 
la  session   de  l'assemblée  cons- 


CHA 

titiiaiite,  Chabroutl  fut  nommé 
membre  du  tribunal  de  cassation 
j>ar  le  département  de  Seine-et- 
Oise,  et  l'ut  chargé,  pendant  les 
quatre  années  suivantes,  de  ren- 
dre compte  à  l'assemblée législati- 
Te  des  travaux  annuels  de  ce  tri- 
bimal.  A  celte  époque,  c'est-à-di- 
re sur  la  fin  de  I7»J7,  ses  fonc- 
tions de  juge  étant  terminées,  Cha- 
broud  ouvrit  un  cabinet  do  con- 
sultation, où  ses  lumières  et  son 
intégrité  lui  acquirent  une  réputa- 
tion très-honorable  qu'il  a  conser- 
vée jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en 
i8it).  Pendant  qu'il  était  législa- 
teur, il  avait  public  :  l'Aclt  d'u- 
nion des  Français ,  ouvrage  es- 
sentiellement constitutionnel,  et 
portant  le  cachet  du  caractère  de 
son  auteur. 

CHAFFAULT  DE  BESNÉ  (tE 
COMTE  Dii),  né  en  1707.  11  servit 
dans  la  marine,  en  175O,  et  com- 
mandait la  frégate  l'Ataiante , 
sous  les  ordres  du  comte  d'Aubi- 
gny,  chef  d'escadre  ;  après  un 
combat  opiniâtre,  il  s'empara  du 
l^Varwii  k ,  vaisseau  de  ligne  an- 
glais, de  64  canons.  En  1778  ,  il 
commanda  Pavant-garde  de  la 
flotte  qui  était  sous  les  ordres  du 
comte  d'Orvilliers,  et  il  reçut  à 
l'épaule  une  blessure  légère,  dans 
le  funeste  combat  d'Ouessant. 
L'armée  suivante,  on  lui  confia  le 
commandement  général  des  flot- 
tes combinées  de  France  et  d'Es- 
pagne; mais  ayant  éprouvé  des 
désagremens,  il  donna  sa  démis- 
sion. Le  comte  du  Chatfaull  avait 
obtenu  le  grade  de  lieutenant-gé- 
néral de»  armées  navales,  juste 
récotripense  de  ses  longs  services; 
et  retiré  auprès  de  Monlaigu,  il 
virait  paisiblement  depuis  ^Xwi 


CIIA 


260 


de  quatorze  ans,  lorsqu'en  1795 
il  fut  jeté  dans  les  prisons  de  Lu- 
zançai,  par  ordre  du  comité  ré- 
volutionnairede Nantes.  Dixmois 
après,  ce  vieillard,  que  des  sou- 
venirs honorables  auraient  dû 
protéger,  y  termina  ses  jours.  Il 
avait  conservé  jusqu'alors  toute 
la  force  de  sa  santé  et  toute  la  vi- 
gueur de  son  âme.  Non  content 
de  partager  ses  ressources  pécu- 
niaires avec  ses  compagnons  d'in- 
fortune, dont  il  aurait  pu  récla- 
mer les  soins,  selon  les  droits  de 
son  âge,  il  leur  rendait  divers  ser- 
vices, et  dans  l'occasion  il  veil- 
lait auprès  d'eux. 

CHAH-AALEîM  ,  descendant 
de  Tamerlan,  et  le  dernier  héri- 
tier do  ses  conqu«ites  dans  l'In- 
doustan,  naquit  en  1720.  Dhus  sa 
jeunesse,  il  s'était  opposé  avec 
beaucoup  de  vigueur  aux  projets 
ambitieux  d'un  ministre  de  son 
père,  le  sultan  Aalem-Guyr  II, 
qui  mourut  assassiné  par  ce  mê- 
me minisire,  le  3o  octobre  1759. 
Mais  quand  il  fut  sur  le  trône  , 
Chah-Aaiem  ne  montra  plu»  que 
de  l'incapacité;  les  Anglais  du- 
rent moins  leurs  succès  à  la  for- 
ce ,  ou  même  au  bonheur  de  leurs 
armes,  qu'à  l'imprudence  de  ce 
prince  ,  et  à  sa  conduite  incertai- 
ne. L'assassin  d'Aalem-Guyr  é- 
tait  maître  de  Delhy,  que  dé- 
fendait une  garnison  marhatte; 
Chali-Aalem  n'ayant  pas  de  for- 
ces suflisantes  pour  réduire  cette 
ancienne  capitale,  eut  le  malheur 
de  recourir  aux  musulmans,  dé- 
jà élal>lis  dans  ces  contrées,  et 
commandés  alors  par  le  fameux 
Ch(»udjaa-ed-Doulah.  Les  mar- 
halles  furent  accablés;  mais  les 
Anglais,  pruûtant  de  ces  diïseu- 


370  CHA 

sions,  attaquèrent  les  vainqueurs, 
qui  succombèrent  sous  la  tacti- 
que européenne.  Depuis  cette  é- 
poque ,  l'ascendant  des  Anglais 
augmenta  tous  les  jours.  L'infor- 
tuné sultan  parut  conserver  le 
sceptre,  mais  il  n'eut  plus  de  pou- 
voir réel.  Tantôt  il  était  le  jouet 
des  musulmans  ou  des  rohyllahs, 
tantôt  il  se  trouvait  soumis  aux 
caprices  des  marhattes  ,  ou  ex- 
posé à  l'insidieuse  protection  des 
Anglais.  Enfin  un  misérable  ro- 
hyllah  parvint  à  se  saisir  de  sa 
personne,  et  lui  arracha  les  yeux 
avec  la  pointe  de  son  poignard. 
A  la  nouvelle  de  cet  événement, 
Jes  marhattes  accourent,  s'em- 
parent de  l'assassin,  le  l'ont  périr 
dans  les  tourmens,  et  replacent 
sur  son  trône  l'aveugle  Chah-Aa- 
lem.  Il  régna  dix-huit  ans  enco- 
re ,  si  c'est  régner  que  de  possé- 
der un  trône  sans  autorité.  Dans 
cette  détresse,  il  devait  tour  à 
tour,  soit  aux  marhattes,  soit 
aux  Anglais  eux-mêmes,  sa  sub- 
sistance et  celle  de  sa  famille.  La 
mort  termina  ses  malheurs,  le  16 
octobre  1806.  Son  fils  Akbar,  en 
portant  les  mêmes  titres  ,  est  res- 
té dans  le  même  abaissement; 
la  puissance  des  Mogols  n'existe 
plus.  Chah-Aalem  avait  aimé  les 
vers.  On  connaît  de  lui  quelques 
pièces,  en  forme  d'élégies;  elles 
sont  remplies  de  tristesse  :  c'est 
la  douleur  d'un  homme  privé  de 
la  lumière,  c'est  l'affliction  pro- 
fonde d'un  prince  dégradé  sous 
je  joug  d'une  compagnie  de  mar- 
<;hands  étrangers. 

CHAIS  (Pierre), ministre  pro- 
testaat.  La  Hollande  doitle  comp- 
ter parmi  ses  bienfaiteurs;  c'est 
lui  qui ,   par  ses  conseils  et  ses 


CHA 

exemples,  introduisit  la  vaccine 
dans  ce  p:iys,où  la  maladie  qu'el- 
le combat  est  si  dangereuse.  11  fut 
aussi  le  fondateur  de  la  maison 
de  charité  de  La  Haye.  Sa  vixî  fut 
vertueuse,  tranquille,  et  par  con- 
séquent ignorée.  Tel  est  le  sort 
de  Ions  les  véritables  philanthro- 
pes. On  ne  les  connaît,  comme 
certaines  fleurs,  que  par  le  par- 
fum (it  leurs  vertus  .-Bacon  le  dit, 
lui  dont  la  vie  fut  puissante  et  dé- 
gradée. Chais  naquit  à  Genève, 
le  5  janvier  1701 ,  fut  reçu  ministre 
en  1724»  voyagea  en  Suisse,  en 
Lorraine,  en  France,  en  Hollande, 
jusqu'en  1727,  et  fut  élu  pasteur 
de  La  Haye  en  1738.  Fendant  cin- 
quante années,  il  remplit  ces  ho- 
norables fonctions,  et  mourut  a- 
près  n'avoir  fait  que  le  bien,  vers 
le  commencement  de  la  révolu- 
tion française.  Une  vie  si  simple, 
si  pure,  si  humaine,  si  complète 
et  si  har/nonieuse ,  comme  di- 
saient les  stoïques  ,  est  bien  rare, 
et  bien  plus  admirable  qu'admi- 
rée. Les  peuples  anciens  eussent 
rangé  un  tel  homme  parmi  leurs 
Phocion  et  leurs  Sociale;  mais 
les  modernes  sont  devenus  si 
grands,  que  des  vertus  de  cette 
espèce  ne  les  touchent  plus.  Chais 
était  un  des  écrivains  protestans 
de  son  époque  qui  se  servaient 
le  mieux  de  la  langue  française  , 
dans  leurs  discours  etleurs  écrits. 
Charitable  envers  tous,  il  ne  fut 
sévère  que  pour  la  cour  de  Rome, 
dont  les  exactions  pieuses  exci- 
tèrent son  indignation.  Ses  Let- 
tres sur  le  Jubilé  et  les  Indulgen- 
ces {ha  Haye,  1751,  5  vol.  in-8°), 
ont  été  dictées  par  ce  juste  cour- 
roux :  c'est  le  plus  intéresss;jnt 
et  le  plus  éloquent  de  ses  ouvra- 


CHA 

ges.  Ouire  plusieurs  écrits  théo- 
iogiques  et  tolérans,  une  belle  é- 
dition  de  l'ancien  testament,  a- 
vec  commentaires,  des  articles 
nombreux  insérés  dans  divers  re- 
cueils, plusieurs  traductions  de 
l'anglais,  etc.,  on  lui  doit  un  fort 
bon  Discours  siw  la  inanicre  de 
eoinniuniqin'r  la  petite  -vérole 
(  1 754)»  et  des  Sermons  Irès-esti- 
cnés  («790,  2  vol.). 

CHAISNEAL  (Chables),  prê- 
tre, dessert  depuis  long-temps  la 
paroisse  d'Autony,  près  de  Paris. 
11  a  écrit  plusieurs  volumes  sa- 
crés, dans  l'acception  plaisante 
que  Voltaire  a  donnée  à  ce  mot. 
Les  plus  remarquable?  sont  une 
Pastorale  sur  les  assemblées  pro- 
vinciales ,  intitulée  Arcas ,  l'un 
des  premiers  ouvrages  de  notre 
auteur  (1788);  livre  curieux,  par 
la  bonne  toi  avec  laquelle  M. 
Chaisneau  applique  un  genre  de 
poésie  toute  païenne  aux  inté- 
rêts et  aux  débats  de  la  sainte 
église-apostolique  :  Pandore,  poè- 
me mythologique,  assez  libre, 
surtout  comme  production  d'un 
catholique  tonsuré;  enfin  unephi- 

lippiquc  véhémente,  contre 

la  walse.  C'est  le  seul  ouvrage 
où  M.  Chaisneau  ait  pris  le  ton 
violent  et  sublime  ;  il  est  intitulé  : 
la  nouvelle  Cyllicre ,  ou  le  Jardin 
des  Tuileries  (  18  »4).  On  voit  que 
les  idées  greccpies  obsèdent  iM. 
(Chaisneau,  et  que  même  dans 
l'exercice  de  ses  plus  austères 
fonctions,  il  ne  peut  repous- 
ser les  rian»  souvenirs  du  poly- 
théisme. 

CUAIX  (Dominique),  né  à 
Monl-Auroux  ,  e!»  i^Si,  lut  curé 
lie  Baux,  près  de  Gap.  Sans  être 
^uidé  pur  aucun  maitrc ,  il  sut 


CHA  271 

acquérir  en  botanique  des  con- 
naissances exactes  et  très-éten- 
dues. Ses  recherches  dans  les  Al- 
pes n'ont  pas  été  infructueuses; 
il  a  découvert  plusieurs  espèces 
de  plantes,  formant  une  sorte  de 
genre  auquel  M.  Villars,  son  élè- 
ve, a  donné  le  nom  de  Ciiaixi. 
Cel  ecclésiastique,  qui  n'était  pas 
moins  rccouimandable  par  sa 
bienfaisance  que  par  ses  talens,  a 
laissé  la  Flore  Gapencoise,  qui 
fut  insérée  dans  l'Histoire  des 
plantes  du  Dauphiné,  par  M.  Vil- 
lars, et  qui  fut  aussi  imprimée 
séparément,  sous  le  titre  de  jRfrtw- 
tœ  f^apincensesytlcln-S". Cha\x 
est  mort  en  1800,  et  son  éloge  a 
été  prononcé  par  son  élève. 

CHALBOS  (François),  né  à 
Cubiéres  ,  département  delà  Lo- 
zère ,  était  gendarme  avant  larcV 
volution  :  les  circonstances  qu'el- 
le amena  offrirent  à  son  courage 
la  perspective  d'un  avancement 
rapide.  LIevé  en  effet  au  rang  de 
général  de  division,  en  1793,  il 
fit  en  cette  qualité  la  guerre  de 
la  Vendée,  où,  après  avoir  éprou- 
vé différens  revers,  il  montra  tou- 
te sa  valeur  dans  l'affaire  de  Fon- 
tenay.  Chalbos  fut  ensuite  com- 
mandant d'armes  de  la  place  de 
Maycnce,  et  mourut  dans  cett« 
ville  le  3  février  i8o3. 

CHALGRIN  (Jean -François^ 
Thérèse),  architecte  célèbre,  né 
à  Paris,  en  1739.  Malgré  réta-. 
blissement  de  l'académie  d'archl-v 
lecture,  qui  date  de  1671 ,  ce  no 
fut  guère  q»ie  vers  le  milieu  du, 
siècle  dernier  que  cet  art  fut  ré- 
généré en  France.  SoufTlot,  Jar^ 
din,  Roullé,  et  quelques  autres 
qui  avaient  étudié  sous  les  graiulik 
maîtres  (le  Rome,  établirent  à  Pa* 


2-2  CIIA 

ris  des  écoles  à  l'instar  de  celles 
d'Italie.  Ils  eurent  bientôt  lieu  de 
s'en  iippluudir.  M.  de  Marigny  , 
intendant  des  bâtiniens  royaux  , 
fit  entrer  le  jeune  Chalgrin  dans 
l'une  de  ces  écoles,  et  Chalgrin 
devint  architecte.  Il  débuta  par 
remporter  un  grand  prix  proposé 
par  l'académie.  Le  sujet  du  con- 
cours était  un  pavillon  sur  l'an- 
gle d'un  grand  parc  à  la  conve- 
nance  d'un  souverain.   Ce   pre- 
mier succès,  loin  d'éblouir  Chal- 
grin, lui  fit  sentir  qu'il  avait  be- 
soin de  visiter  l'Italie  pour  se  per- 
fectionner dans  sou  art.  De  retour 
à  Paris  ,  il  obtint  la  protection  de 
M.  de  Choiseul ,  alors  ministre  ; 
et  le  duc  de  la  Vrillière  le  char- 
gea de  construire  l'hôtel  occupé 
aujourd'hui   par   la    Banque    de 
France.  Ce  travail  acheva  sa  ré- 
putation. Chalgrin  n'avait  que  5i 
ans  lorsqu'il  fut  reçu  membre  de 
l'académie  ;  chose  qui  parut  ex- 
traordinaire à  une  époque  où  l'â- 
ge était  préféré  aux  talens.  Il  exis- 
te de  lui  une  suite  de  gravures 
coloriées  représentant  les  salles 
de  bals,  de  concerts  et  de  festins 
qu'il  fit  exécuter,  dans  le  temps, 
pour  le  mariage  du  dauphin  ,  pè- 
re de  Louis  XVIII.  C'est  encore 
lui  qui,  sous  le  directoire,  diri- 
geait les  fêles  nationales.  Mais  cet 
architecte  a  laissé  des  travaux  qui 
lui  assurent  une  réputation  plus 
durable  :  ce  sont,  à  Paris,  l'hôtel 
Saint -Florentin,    le   collège    de 
France,  la  tour  et  la  chapelle  des 
Fonts,  sous  le  portail  de  S'-Sul- 
pice,  l'église  de  S'-Philippe-du- 
Roule,  et  quelques  hôtels   assez 
remarquables  ;un  des  plusbeaux 
ouvrages  de  Chalgrin  est  la  res- 
lauralion  du  palais  du  Luxem- 


CHA 

bourg,  dont  on  admire  particu- 
lièrement le  grand  escalier.  Il  est 
également  l'auteur  du  plan  de 
l'arc  de  triomphe  de  l'Étoile , 
dont  il  dirigeait  la  construction. 
Ce  monument  figuré  en  toile  , 
lorsque  l'impéralrice  Marie-Loui- 
se fit  son  entrée  à  Paris,  a  pu 
donner  une  idée  de  sa  magnifi- 
cence, et  quoiqu'il  soit  à  peu  près 
resté  en  projet,  il  n'en  est  pas 
moins  la  preuve  du  talent  pur  et 
sévère  de  Chalgrin.  Doué  d'une 
probité  égale  à  son  talent,  cet  ar- 
chitecte est  mort  comme  il  était 
né.  c'est-à-dire  sans  fortune,  le 
20  janvier  1811. 

CHALIER  (Joseph),  né  en 
1 747>  à  Beaulard ,  près  de  Suze  , 
en  Piémont.  Prêtre  ,  voyageur  , 
négociant  et  présidentdu  club  ré- 
volutionnaire de  Lyon  ;  sa  desti- 
née fut  singulière,  sa  vie  orageu- 
se et  sa  fin  tragique.  Son  nom 
est  un  de  ceux  que  l'on  retrouve 
avec  le  plus  d'effroi  dans  les  san- 
glantes annales  du  règne  de  la  ter- 
reur. La  liberté  ,  te  li\'Aor  que 
certaines  ârnes  primèrent  à  tou- 
tes les  richesses  de  l'uni\'ers,  dit 
Bossuet,  la  liberté  qui  inspire  la 
patience  dans  les  travaux,  l'a- 
mour de  la  gloire  et  de  la  patrie, 
n'alluma,  dans  l'âme  de  Chalier, 
qu'un  fanatisme  aveugle  et  féro- 
ce. Il  se  fit  d'abord  connaître  par 
la  violence  de  ses  discours  et  de 
ses  écrits  ;  il  ne  parlait  que  d'é- 
gorger 20,000  citoyens:  c'était  le 
Marat  de  Lyon.  La  liste  des  800 
habitans  de  cette  ville  qui,  le  9 
mars  1790,  avaient  demandé  aux 
commissaires  de  la  convention  la 
convocation  des  assemblées  des 
sections,  fut  imprimée  et  aHichée 
par  l'ordre  de  Chalier,  et  sous  le 


CHA 

titre  de  Boussole  des  patrioXes  , 
pour  les  diriger  sur  la  mer  du  ci- 
vismei  il  fit  placarder  une  autre 
liste  de  ëa  pères  de  l'ainiile,  négo- 
ctaos,  épiciers,  faïenciers,  icr- 
blanlicrs  .  boulangers,  cordon- 
niers, cabarclicrs,  en  accompa- 
gnant chaque  nom  des  épithètes 
les  plus  injurieuses.  Il  ne  pour- 
suivait pas  seulement  les  nobles 
et  les  prêtres,  les  modérés,  les 
accapareurs  :  les  usuriers,  les  a- 
voués  et  gens  de  loi, -les  commis, 
les  artisans,  les  laboureurs,  les 
étrangers  étaient  aussi  des  aris- 
tocrates à  ses  yeux.  Dans  ces 
temps  à  jamais  déplorables  ,  t(ju- 
tes  les  classes  eurent  leurs  mar- 
tyrs; et  celles  qui  se  plaignent  seu- 
les aujourd  bui,  ne  lurent  pour- 
tant pas  alors  les  seules  ù  plain- 
dre. Chalier  i'ulcondamné  à  mort 
par  le  tribunal  criminel  de  Lyon, 
pour  avoir  été  im  des  principaux 
auteurs  de  la  sanglante  journée 
du  2<)  mai  i^qS,  ainsi  que  du 
com{)lot  formé  dans  une  assem- 
blée tenue  le  6  février  précédent, 
dont  les  membres  firent  serment, 
sous  peine  de  mort,  de  garder  le 
secret.  L'objet  de  ce  complot  était 
de  créer  un  tribnmU  populaire  , 
afin  de  faire  juger  toutes  les  per- 
sonnes détenues  pour  opinion  |^ 
litique.  Ce  tribunal  devait  tenir 
ses  séances  sur  le  pont  Morand, 
où  l'échafaud  serait  dressé  et  d'où 
les  corps  des  suppliciés  devaient 
être  aussitôt  précipités  dans  le 
Rbûiie.  La  sentence  de  Chalier 
porte  en  outre  qu'il  a  été  con- 
vaincu d'être  l'auteur  de  discours 
publiés  et  décrits  provoquant  au 
meurtre  ,  surtout  dans  un  placard 
intitulé  S'  rineiU  de  3oo  républi- 
cains. Il  reçut  soD  arrêt  avec  sang- 


CHA 


375 


froid,  et  dit  à  ses  juges  :  Crai^ 
gnez  le  retour  de  Mutiner,  si  ce 
nest  dans  un  mois,  ce  sera  dans 
deux.  Prophétie  qui  ne  fut  que 
trop  tôt  et  trop  cruellement  réa- 
lisée. Chalier  en  parut  si  convain- 
cu ,  et  le  désir  de  la  vengeance 
fut  tel ,  à  ses  derniers  momens  , 
qu'il  remit  une  note  à  son  avocat 
pour  lui  recommander  de  faire 
imprimer  de  suite  sa  défense  ,  a- 
vcc  les  noms  des  juges  et  des  ju- 
rés qui  l'avaient  condamné.  Il  de- 
manda ù  voir  sa  servante,  son 
défenseur,  et  ses  amis,  ce  qui  lui 
futaccordé.  Assis  au  milieu  d'eux, 
dans  son  cachot,  il  les  consola  , 
les  encouragea,  et  lit  avec  la  plus 
grande  présence  d'esprit  la  dis- 
tribution de  sa  fortune. Lesprison- 
niers  pauvres  et  la  gendarmerie 
y  eurent  part.  Ce  calme  étonnant 
ne  l'abandonna  point  jusque  sur 
1  échafaud.  j.\ous  allons  bien  dou- 
cemenit  dit-il  en  s'avançant  vers 
le  lieu  de  son  supplice.  La  con- 
duite de  Chalier  était  inconceva- 
ble, dit  M.  Maurille  (auteur  d'uii 
écrit,  publié  en  1801,  sur  les  mal- 
heurs de  Lyon)  :  probe  dans  sa 
vie  privée,  et  brigand  dans  sa  vie 
publique  ;  il  prêche  le  m»;urtre  et 
le  pillage,  impose  des  taxes  arbi- 
traires, et  laisse  les  exécuteurs  de 
ses  volontés  en  recueillir  le  fruit, 
sans  y  prendre  part  lui-même. 
Fier  de  sa  petite  suzeraineté  des 
sans-culottes,  il  cédait  à  d'autres 
plus  avides  les  bénéfices  de  ce  fief 
d'un  genre  nouveau.  Maître  de  sa 
meute,  glorieux  de  la  diriger,  il 
désignait  lu  proie  et  abandonnait 
à  d'autres  la  curée.  Petit,  les  yeux 
vifs  et  sciutillans,  les  lèvres  san- 
guines ,  la  tète  chauve,  la  phy- 
sionomie contractée,  la  démar» 
1» 


ar4  CHA 

che  incertaine  :  ainsi  le  peignent 
ceux  qui  l'ont  vu.  Son  imagina- 
tion était  ardente  jusqu'au  délire; 
et  cependant  sou»  l'apparence  de 
la  simplicité  et  même  de  la  .«in- 
gularité,  il  portait  assez  loin  l'art 
de  la  dissimulation.  Parleur  «ans 
talent,  écho  servile  de  toutes  les 
phrases  du  vocabulaire  de  la  ter- 
reur, son  éloquence  était  grotes- 
que, ridicule,  emphatique,  mêlée 
de  gestes  et  de  lazzis  italiens,  mais 
véhémente  et  propre  à  enflammer 
les  passions  de  la  multitude,  par- 
ce qu'il  parlait  son  langage,  parce 
qu'il  était  sincèrement  exaspéré 
et  furieux  de  bonne  toi. 

CHALIER  (Jean),  né  à  Briou- 
de  en  Auvergne,  en  ij/S?  est 
moins  connu  dan?  la  société  par 
le  modeste  emploi  qu'il  a  occu- 
pé au  trésor  public  que  par  l'ou- 
vrage didactique  dont  nous  allons 
parler,  et  par  le  dévouement  avec 
lequel  il  consacra  son  fils  très- 
jeune  à  la  défense  du  territoire 
français  en  ïSi5.  Le  Précis  élé- 
mentaire de  la  comptabilité  des 
finances  qu'il  a  publié  renferme 
des  préceptes  utiles  aux  compta- 
bleSi  aux  administrateurs,  et  sur- 
tout aux  jeunes  gens  qui  se  des- 
tinent à  la  finance  et  à  la  banque. 
Notre  jugement  sur  cet  ouvrage 
ne  peut  être  que  conforme  à  ce- 
lui de  la  société  royale  académi- 
que des  sciences. 

CHALIEU  (t'ABBÉ),  homme 
iostruit,  a  laissé  sur  le  départe- 
ment de  la  Drôme  des  mémoires 
manuscrits ,  <jue  Ton  a  publiés 
en  1811,  Cet duyrage  posthume, 
assez  curieux  sous  le  rapport  des 
antiquités,  est  totalement  dépour- 
vu de  philosophie  et  de  critique. 
Chalieu,  né  à  Tain  en  Dauphiné 


CHA 

le  î>.9  avril  1733,  est  mbrl  en 
t8io,  après  nvoir  professé  la 
théologie,  et  rassemlilé  dans  son 
cabinet  un  giand  nombre  de  cu- 
riosités dont  M  Millin  a  donné 
le  catalogue. 

CHALLAN  (AirroiNK-Dioraii-' 
Jbas -Baptiste).  Au  commence- 
ment de  la  révolution  il  était 
procureur  du  roi  au  bailliage  d« 
Meulan,  et  il  obtint,  en  1790,  \t» 
place  de  procureur  -  syndic  du 
département.  Attaché  exclusive- 
ment A  la  constitution  de  1791, 
M.  Challan  rédigea,  en  faveur  de 
l'autorité  du  roi,  l'adresse  présen- 
tée avant  le  10  août  à  l'assemblée 
nationale,  par  les  membres  dn 
directoire  du  département  de 
Seine-et-Oise.  Bientôt  les  suite» 
de  cette  démarche  lui  causèrent 
beaucoup  d'inquiétude;  on  dé- 
couvrit sa  retraite,  et  il  fut  déte- 
nu à  Versailles  durant  quatorze 
mois.  Rendu  à  la  liberté  après  la 
mort  de  Robespierre,  il  fut  prési- 
dent du  tribunal  criminel  de  Sei- 
ne-et-Oise;  et  en  1798,  ce  dépar- 
tement le  nomma  député  au  con- 
seil des  cinq-cents.  Il  obtint,  a- 
près  la  chute  du  directoire,  une 
mission  dans  les  départemcns  de 
l'Ouest.  Au  tribunal,  dont  ensui- 
t%il  fit  partie,  on  ne  le  compta 
point  parmi  les  hommes  coura- 
geux qui  s'opposaient  aux  enva- 
hissemens  du  pouvoir;  au  contrai- 
re, M.  Challan  se  déclara  en  fa- 
veurdu  consulat  à  vie  et  du  gou- 
vernement impérial.  Il  fut  un  des 
tribuns  qui,  à-  l'époque  de  la  vic- 
toire d'Austerlitz ,  se  chargèrent 
d'aller  complimenter  le  vain  - 
queur.  Après  la  dissolution  du 
tribunat,  M.  Challan  passa  au 
corps-législatif,  oi!i,Tersla  fin  du 


CHA 

mois  de  m;Hs  i8i3,  il  fil  un 
rapport  sur  le  projet  d'échanger 
divers  biens  des  communes  et  des 
hospices.  «Vous  reconnaîtrez  dans 
»ce  projet,  dirait-il  h  la  fin  de 
»  fion  discours,  la  sollicitude  habi- 
»  tuelledc  S. M.  •,etsidans  vospré- 
•  cédentcsséances  vous  aveïéprou- 
»  vé  le  besoin  d'exprimer  yotre  ad- 
wmiration  pour  leshautesconcep- 
»  lions  du  génie,  vous  ne  serez  pas 
«moins  empressésde  rendre encc 
»)  jour  de^  actions  de  grûccs  au  chef 
«suprême  de  cette  administration 
«vraiment  paternelle.')  Ainsi  par- 
lait M.  (jhnllan  qui,  l'année 
suivante, applaudissait  à  la  ruine 
des  desseins  de  Napoléon,  et  ré- 
digeait lui-même  l'acte  de  dé- 
chéance. Fidèle  à  ces  principes 
dont  aucune  vicissitude  ne  dé- 
concerte la  prudence,  M.  Challnn, 
député  en  iSi'i,  se  déclara  con- 
tre la  liberté  de  la  presse,  et  vota 
en  faveurdes  mesuresarbitraires. 
Il  obtint  alors  des  lettres  de  no- 
blesse ainsi  que  la  croix  d'ollicier 
de  la  légion-d'honneur.  Il  a  pu- 
blié :  1*  De  l'Adoption  considé- 
rée dans  ses  rapports  avec  la  loi 
natt  relie  et  la  politique  ,  in-8', 
i8oi  ;  2*  Rapports  sur  les  moyens 
de  concourir  an  projet  de  la  so- 
ciété d* agriculture  de  la  Seine, 
relatif  au  perfectionnement  des 
charrues,  avec  quatre  planches, 
in-8%  1802;  "h"  du  liélablissemenl 
de  l'oriln  en  France,  in-8%  1814. 
M.  Challan  0  fait  ansïii,  en  1814, 
une  brochure  intitulée  :  Ké- 
jUxitms  sur  ie  choix  des  dé- 
putés. 

CHALMEL,  né  à  Tours,  fut 
d'abord  attaché  au  barreau;  quand 
ïn  révolution  éclata,  il  <n  adop- 
ta les  principes  atec  onthousias- 


CHA  J75 

me.  Il  avait  suivi  au  Port  au-Prin- 
ce  l'intendant  Foulon  d'Ëcotier, 
mais  ses  opinions  ne  lui  permi- 
rent pas  de  rester  avec  lui.  Reve- 
nu à  Tours,  il  y  fut  nommé  se- 
crétaire-général. Après  legther- 
midor,  il  fut  aussi  secrétaire-gé- 
néral de  l'instruction  publique  à 
Paris;  et,  sous  le  directoire,  il 
devint  un  des  administrateurs  de 
son  département.  Appelé  au  con- 
seil des  cinq-cents,  il  parla,  en 
1798,  contre  les  déportés  fugi- 
tifs. On  le  vit  s'opposer  à  la  no- 
mination du  directeur  Treilhard, 
la  déclarer  inconstitulionncUe  , 
et  accuser  le  gouvernement  d# 
faire  entourer  d'espions  la  repré- 
sentation nationale.  Il  ne  tarda 
pas  à  reprocher  des  dilapidations 
à  M.  Lagarde,  secrétaire  du  direc- 
toire; et  quelque  temps  avant  le 
18  brumaire,  il  demanda  que  la 
patrie  frtt  déclarée  en  danger. 
L'opposition  de  Chalmel  aux 
événemens  de  cette  journée  le 
fit  exclure  du  corps-législatif.  U 
occupait  un  simple  emploi  dans 
l'administration  des  droits-réu- 
nis,  lorsqu'on  181 5,  Napoléon, 
sentant  la  nécessité  de  te  conci- 
lier l'opinion,  rappela  aux  affai- 
res plusieurs  hommes  qui  avaient 
oimé  la  république.  Nommé  d'a- 
bord sous-préfet  à  Loches,  Chal- 
mel fut  envoyé  à  la  chambre  des 
représentans  par  le  département 
d  Indre-et-Loire. 

CHALMERS  (Gborgb),  criti- 
que et  politique  anglais  ,  estimé, 
moins  pour  la  force  on  la  beauté 
du  btyle  et  des.  pen.sées  ,  que 
pour  l'étendue  et  la  netteté  de 
scri  connaissances  administrati- 
ves et  littéraires ,  naquit  en  Ë- 
co»se ,  ver:>  j  ^5tà.  Après  quelquf  » 


2^6  CHA 

années  de  rcsiilence  en  Amérir 
que,  il  revint  en  Europe,  .s'e  ùl 
connaître  comme  écrivain  ,  lut 
nommé  membre,  de  la  société 
royale  et  de  celle  des  antiquairei? 
de  Londres,  et  devint  principal 
secrétaire  du  comité  du  conseil  du 
commerce.  On  estime,  sous  le  rap- 
port de  l'exactitude  des  faits,  les 
vies  qu'il  a  données  dcsir/ohn  Du- 
vies,  Daniel  de  Foe ,  the  Rudcli- 
inann,  Àllati  Ramsay^  Dav  Ram- 
say,^Ui.  Mais  ces  essais  biographi- 
ques, laits  pour  accompagner  des 
éditions  plus  ou  moins  soignées, 
n'établisseat  pas  la  réputation 
fjjjd'un  écrivain.  C'est  à  ses  ouvra- 
ges politiques  qu'il  a  dû  surtout 
sa  renommée  littéraire.  Telles 
sont  ses  Opinions  sur  des  ques- 
tions politiques ,  nées  de  l'indé- 
pendance (1784);  sa  collection 
des  Traités  conclus  par  la  Gran- 
de-Bretagne (2  vol.  1790);  et 
deux  volumes  très-précieux ,  sur 
l'or,  le  change,  le  cours  des  mon- 
naies ,  publiés  en  1810  et  i8i  1. 
Tel  est  surtout  son  Coup  d'œil 
historique  sur  l'Economie  domes- 
tique de  l'Angleterre  (j8i  1),  ou- 
vrage sec,  mais  extrêmement 
précieux  par  les  résultats  qu'il 
renferme.  Il  en  existe  une  traduc- 
tion française  soiis  un  titre  difl'é- 
rent  [^Analyse  de  la  force  de  la 
Grande-Bretagne ,  i']^ç))\  mais 
lorsqu'il  parut,  l'original  n'avait 
jKis  subi  l'épreuve  de  plusieurs 
éditions,  successivement  revues 
et  perfectionnées  par  l'auteur. 

CHALMERS  (Thomas),  frère 
du  précédent,  est  comme  lui 
membre  de  la  société  des  anti- 
quaires. Ministre  protestant,  il 
s'est  occupé  de  la  politique  dans 
ies  rapports  avec  la  religion,  et 


•  CHA 

«'est  fall  estiiner  sans  se  rendr« 
célèbre. 

CHALMEIVS  (Alexaspre),  le 
biographe,  avec  moins  démérite 
peut-être  que  sesideux  frères, s'est 
acquis  plus  de  réputation.  Les 
entreprises  va.stes  dont  il  s'est 
chargé,  et  qui  demandaient  plus 
de  patience  que  de  génie,  ont 
réussi  et  ont  répandu  son  nom 
dan»  le  continent.  C'est  à  lui  que 
l'on  doit  la  belle  édition  de  Sha- 
kespeare, avec  notes  (9  vol.  in-8", 
i8o3  et  i8o5)  ;  la  collection  pré- 
cieuse des  Observateurs  moralis- 
tes anglais,  sous  le  titre  de  British 
Epazist  (45  vol.  jn-18,  i8o3);  et 
la  grande  collection  des  Poètes 
anglais  depuis  Chancer  jusqu'à 
Cowper  (ai  vol.  in-18).  Il  a  com- 
posé la  plupart  des  notices,  ad- 
ditions, etc.,  qui  accompagnent 
ces  ouvrages.  Compilateur  d'une 
Biographie  en  4o  vol.,  il  a  fait  un 
peu  mieux  que  Chaudon,  mai* 
moins  bien  qu'on  ne  devait  l'at- 
tendre, et  des  nombreux  secours 
qu'il  avait  à  sa  disposition  ,  et  de 
la  liberté  du  pays  où  il  écrivait. 
Cependant  cet  ouvrage  a  fait  sa 
renommée.  Chalmersest  membre 
de  la  société  des  antiquaires  et 
de  la  société  royale. 

CHALOTAIS  (Louis -René  de 
Caradeuc  de  la),  est  né  en  1701, 
et  mort  en  178^.  La  vie  de  ce 
magistrat  célèbre  se  rattache  par 
trop  de  liens  à  l'histoire  contem- 
poraine, pour  que  nous  ne  don- 
nions pas  ici  un  léger  aperçu  des 
événemens  qui  la  rendent  remar- 
quable. Ils  ne  seront  pas  sans  in- 
térêt pour  le  lecteur,  qui,  curieux 
d'observer  l'enchaînement  des 
causes  politiques,  veut  étudier 
la  révolution  daui  son  princ  ipe  . 


GHÀ 

et  la  suivre  dans  sa  marche.  La 
Chalotais  naquit  à  Rennes,  le  6 
mars  iroi.  Devenu  procnreur- 
général  au  parlement  de  Breta- 
g:ne.  il  se  fit  remarquer  par  la  fdr- 
ce  de  son  éloquence  ,  l'indépen- 
dance de  son  caractère  et  la  viva- 
cité de  son  esprit.  D'Alembert  et 
Duclos,  Condillac  et  Mablj,  Mon- 
tesquieu et  Diderot  furent  ses  a- 
mis.  Jusqu'à  60  ans,  il  vécut  pai- 
sible, renfermant  l'usage  de  ses 
talens  dans  l'exercice  des  fonc- 
tions qui  lui  étaient  confiées.  Ce- 
pendant la  cour  incertaine  sur  le 
parli  qu'elle  devait  prendre  à  l'é- 
gard des  jésuites,  leur  promet- 
tait, par  lettres  expresses ,  la  con- 
servation de  leur  ordre,  tandis 
qu'elle  observait  avec  inquiétude 
l'accroissement  de  leur  ]>uissaiice 
et  cherrliait  à  les  affaiblir  en  les 
caressant.  Les  philosophes  qui 
voyaient  l'état  deschoses,  ne  lais- 
sèrent pas  échapper  l'occasion  d";i- 
gir.  La  Chalotais,  d'accord  avec 
quelques-uns  d'entre  eux,  porta  la 
première  atteinte  juridique  à  ce 
corps  immense,  dont  la  théocra- 
tie menaçait  l'Europe  entière.  Il 
attaqua  le»  jésuites  devant  le  par- 
lement de  Bretagne,  dans  ces 
Comptes  rendus .,  devenus  juste- 
ment célèbres  (1761,  plusieurs  é- 
ditions,  i^Oa,  x'^iMi).  Cet  exem- 
ple fut  suivi  par  les  procureurs- 
généraux  des  autres  cours  souve- 
raines, et  les  jésuites  succombè- 
rent malgré  leur  crédit  européen. 
La  haine  qui  suit  la  puissance,  la 
vieille  rancune  des  jansénistes,  la 
politique  de  la  cour,  l'envie  des 
autres  ordres  religieux,  secondè- 
rent sans  doute  La  Chalotais; 
mais  onconvintqueson  éloqtien- 
ce  avait  fait  la  première  brèche  ù 


CHA 


»77 


cette  Initr  (V Ignace,  que  Cara- 
miiel  disait  bâtie  par  Dieu  même. 
L'éloquence  de  La  Chalotais  plei- 
ne de  franchise  et  de  hardiesse  , 
était  plus  abondante  en  faits  qu'en 
paroles.   En    vain   Caveyrac,   o- 
dieux  apologiste  de  la  révocation 
de  l'édit  de  Nantes,  prit  la  plume 
contre  La  Chalotais:  en  vain  les 
pères  Menoux  et  Griftct,  secon- 
dés par  l'ingénieux  Cérutti,  firent 
valoir  les  services  rendus  par  les 
jésuites  à  la  cause  de  Dieu  et  du 
trône  ;«n  vain  ils  rappelèrent  les 
nombreux  talens  sortis  de  leurs 
collèges  :  La  Chalotais  triompha. 
L'ordre  fut  supprimé  en  France, 
mais  les  jésuites  qui  trouvaient 
dans  tous  leurs  casuistes  (/^.  Les- 
sius,  n°  74>  cité  par  Pascal,  Letl. 
Prov.  i4)»  qu'il  est  permis  de  tuer 
qui  nous  a  fait  un  affront,   se 
vengèrent  bientôt,  et  furent,  en 
effet,  au  moment  de /«<•/•  l'hom- 
me qui  avait  hâté  la  destniction 
de    leur   ordre.    Les  contempo- 
rains affirment  que  des  sociétés 
secrètes    de  ces  religieux  expul- 
sés se  tinrent  à  Rennes  et  en  d'au- 
tres villes  de  Bretagne.  L'eîprit 
d'indépendance    des    parlemeus 
bretons  et  de  La  Chalotais  était 
bien  connu  ;  des  ressorts,  que  le 
temps  n'a  pas  encore  dévoilés  , 
furent  mis   en  jeu.  Le  ministère 
voulut  faire  enregistrer ,    par  le 
parlement  de  Bretagne,  des  édits 
sur  les  impôts  qui  attaquaient  les 
vieilles  franchises  et  les  antiques 
libertés  de  cette  province.  On  pré- 
tend que  les  instigateurs  de  cette 
mesure  s'atlenilaient  à  la  résis- 
tance. En  effet,  les  privilèges  vi- 
vement attaqués  par  le  ministè- 
re, furent  obstinément  défendu."* 
par  le  pailemcnt  de  Rennes,  et 


«7» 


CBA 


frortoiit  par  La  Chalotais,qtii  pas- 
sait pour  le  faire  agir.  L'enregis- 
trement fut  opiniâtrement  refusé; 
et,  après  plusieurs  mois  de  lutte 
contre  le  gouvernement,  et  56 
ans  de  services  dans  la  haute  ma- 
gi.strature,  cet  homme  si  estima- 
ble fut  traîné  en  prison  avec  son 
fils,  et  5  conseillers  au  parlement 
qui  avaient  partagé  sa  résistance. 
Ce  traitement  horrible  ne  pou- 
Tâit  être  égalé  que  par  l'absurdi- 
té de  l'accusation.  Au  lieu  d'ac- 
euser  franchement  La  Chalotais 
d'avoir  irrité,  par  son  opiniâcre 
défense  des  privilèges  de  la  Bre- 
tagne, une  autorité  jalouse  ,  on 
l'inculpait  comme  auteur  de  cer- 
tains billets  anonymes  sans  or- 
thographe, adressés  à  un  minis- 
tre ;  billets  dignes  d'un  poittfaix 
ivrf\  comme  le  dit  fort  bien  M. 
Villenave.  Conduit  sur  le  bord  du 
tombeau  par  une  maladie  cruel- 
le, et  toujours  emprisonné,  le 
magistat  jura  deux  fois,  devant 
Dieu  et  devant  le  roi,  qu'il  n'avait 
rien  écrit  de  pareil.  De  nom- 
breux mémoires,  publiés  sous 
main  en  1766  et  1767,  le  justi- 
fièrent pleinement.  Tantôt  les  piè- 
ces du  procès ,  tantôt  les  nom- 
breux pamphlets  extrajudiciaires 
portaient,  jusqu'au  pied  du  trô- 
ne ,  les  preu\es  de  sa  parfaite  in- 
nocence. Un  cure -dent  trempé 
dans  de  la  suie  délayée,  traça  sur 
des  enveloppes  de  sucre  et  de  ca- 
fé son  premier  mémoire;  l'indi- 
gnation publique  était  soulevée. 
Voltaire  fit  éclater  la  sienne,  et 
jamais  peut-être  sa  plume  bril- 
lante et  rapide  n  acquit  autant 
d'énergie  que  dans  les  lignes  sui- 
vantes :  «  Âlalheur  à  toute  âme 
*  insensihle  qui  ne  stnt  pas  le  fré- 


CHA 

»  missement  de  la  fièvre ,  en  lisant 
j»le   mémoire   de    l'infortuné   La 

»Chalotais! Son  curt-dent 

»gravt  pour  l'irnniorlalUé...  Les 
»  Parisiens  sont  des  lâclies  ,  (jui 
*  gémissent,  soupent  et  oublient.» 
En  effet,  le  procès  s'instruisaU 
sans  trouver  d'autre  obstacle 
qu'une  impuissante  nuée  de  bro- 
chures que  l'on  brûlait  sur  les 
marches  du  palais  de  justice.  La 
commission  assemblée  à  Saint- 
Malo  faisait  imprimer  les  procé- 
dures, avec  cette  épigraphe  :  ad 
perpétuant  sceleris  menioriam  ; 
(pour  perpétuer  le  souvenir  du  cri- 
me) :  osant  ainsi  porter  la  senten- 
ce avant  d'avoir  jugé;  osant  flé- 
trir l'accusé  au  milieu  des  débats 
qui  pouvaient  l'absoudre;  osant 
déclarer  qu'elle  n'étaitconvoquée 
que  pour  trouver  un  crime.  Ca- 
lonne,qui  conduisait  tout  de  con- 
cert avec  le  duc  d'Aiguillon,  était 
l'ennemi  per.-onnel  du  magistrat; 
la  passion  ,  la  violence,  la  légè- 
reté caractérisèrent  ses  démar- 
ches et  celles  de  ses  collègues. 
Un  nouveau  parlement,  convo- 
qué à  Rennes  ,  demanda  à  être 
saisi  de  l'aiTaire  ;  mais  à  peine  faU 
lut-il  procéder  que  presque  tous 
les  juges  se  récusèrent.  La  Cha- 
lotais récusa  à  son  tour  ceux  qui 
étaient  restés  ,  au  nombre  de  i5. 
La  voix  du  peuple  fut  enfin  la  plus 
forte.  Les  remontrances  des  cours 
souveraines  .et  celles,  non  moins 
énergiques, du  ducde  Choiseul,  fi- 
rentquelqueimpressionsur  le  roi. 
Tant  de  procédures,  de  menaces, 
d'injustices,  de  vengeances,  s'ar- 
rêtèrent. On  exila  les  prisonniers 
à  Saintes;  et  Duclos, dépêché  \trs 
La  Chalotais  pour  lui  demander 
sa  démission,  ne  gagna  rien.  Le 


€!IA 

parlement  de  Bretagne  redeman- 
da lièreinent  ses  magistrats;  et  les 
brochures  se  multiplièrent.  11  y 
avait  i5o  colporteurs  à  fiict'tre  ; 
on  était  fatigué  de  brûler  des 
pamphlets,  qui  renaissaient  plus 
nombreux  de  leurs  cendres  :  EkJ 
messieurs ,  s'écria  un  parlemen- 
taire, ne  nous  lasserons-nous  pas 
de  brûler  la  vérité  ?  Cependant 
une  vengeance  est  tirée  des  lon- 
gues souffrances  de  La  Chalotais: 
d'Aiguillon,  l'ami,  et,  suivant  l'o- 

Êinion  générale,  le  complice  de 
alonne,  dans  cette  affaire;  d'Ai- 
guillon, que  La  Chalotais  avait 
jadis  blessé  d'une  épigramme  ; 
d'Aiguillon,  qui  voulut  se^'cnger 
d'un  jeu  de  mots  par  un  arrêt  de 
mort,  fut,  ii  son  tour,  accusé  par 
le  parlement  de  Bretagne.  L'a- 
vénement  de  Louis  XVI  rendit 
In  liberté  à  La  (^halu^ais,  et  réta- 
blit le  calme,  du  moins  en  appa- 
rence; après  loans  de  malheurs, 
ce  magistrat  revint  siéger  ù  Ren- 
nes, et  mourut  le  12  juillet  1786. 
Qu'on  jette  les  yeux  sur  le  dra- 
me déplorable  dont  il  fut  le  héros, 
on  y  verra  toute  l'incertitude  et 
toute  la  tyrannie ,  toute  la  pusil- 
lanimité et  tout  l'arbitraire  d'un 
gouvernement  qui  creusait  sa 
tombe.  Nulle  justice  dans  les 
vues,  nulle  force  dans  l'exécu- 
tion de  l'injq^tice  ;  d'horribles 
outrages  i\  la  liberté  publique  , 
faits  avec  légèreté,  arrogance,  fai- 
blesse et  vengeance.  Il  était  ais^ 
de  prévoir  qu'un  despotisme  dont 
les  ressorts  s'usaient  ainsi,  allait 
tomber  de  lui-mémo  :  et  cette  dt*- 
cadence  n'eut  pas  de  précurseur 
plu»  visible  et  de  symptômesplun 
«ffrayans  que  les  procédures  dont 
oou»  venons  de  parler. 


CHA 


279 


CHALVET  (PiEBRB.  Vincent), 
auteur  d'un  journal  peu  connu, 
et  qui  ne  mérite  point  de  l'être, 
intitulé  fournal  chrclien  (publié 
au  commencement  de  la  révolu- 
tion). Ce  Journal  chrétien  n'é- 
tait pas  tout-à-fait  catholique,  ce 
qui  n'étoit  point  un  mal  alors  : 
mais  il  eût  fallu  que  le  siylc  en  fût 
un  peu  frauçais.  Editeur  des  poé- 
sies de  Cliarles  d'Orléans,  Chal- 
vct  est  aussi  l'auteur  de  quel- 
ques ouvrages  trop  médiocres 
pourêtre  elles,  et  de  la  nou  velle  é- 
dition,  ou  plutôt  de  la  refonlede 
laBiùliuliiéi^ue  du  Dauplunc,  par 
Allard  (1797»  Grenoble,  in-8°). 
Professeur  d'histoire  à  l'école 
centrale  de  l'Isère,  et  bibliothé- 
caire de  la  ville  de  Grenoble,  il 
mourut  le  2j  décembre  1807.  Il 
était  né  en  1767,  à  Grenoble. 
Homme  laborieux  et  patient ,  il 
était  dénué  de  presque  toutes  les 
autres  facultés  brillantes  ou  so- 
lides qui  tirent  un  écrivain  de  la 
foule. 
CHAMBARLHAC  (J.  J.  Vitai), 
baron  de  l'Aubpin,  né  le  2  août 
1754,  aux  Étables,  département  de 
la  Haute -Loire,  débuta  dans  la 
carrière  militaire,  en  1769,  par 
le  grade  de  sous-lieutenant.  A  l'é- 
poque de  l'émigration,  il  sut  ré- 
sister aux  séductions  et  aux  exem- 
ples qui  lui  étaient  donnés  cha- 
que jour,  elsuivant  de  plus  hono- 
rables conseils,  il  n'abandonna 
point  les  drapeaux  français  pour 
passer  sous  ceux  de  l'étranger. 
Dès  l'année  179a  il  se  distingua 
à  l'armée  des  Alpes,  et  fut  fait 
chef  de  bataillon.  En  179^,  il 
s'empara  des  rctranchcniens  du 
mont  (larinel,  01^  il  fit  mille  pri- 
sonniers.  Il  se  fit  remarquer  par 


28o 


CHA 


sa  bravoure  et  ses  lalensà  la  jour- 
née d'Arcolc,  en  179G;  il  l'ulbles- 
sé  et  nommé  général  de  brigade 
sur  le  champ  de  bataille.    Dans 
l'année  1799,  le  premier  consul 
le  chargea  de  mettre  un   terme 
aux  brigandages  connus  sous  le 
nom  de    Giwji;'.  des  chouans;  il 
les  battit  prés  de  Mortagne,  les 
poursuivit  de  toutes  parts,  et  ne 
tarda  pas  à  en  purger  entièrement 
les  départemensqu'ilsinfestaient. 
Il  se  distingua  de  nouveau  à  Cas- 
tiglione  et  à  Marengo,  où  il  com- 
mandait la  1''  division  de  l'armée 
de  réserve;  il  fut  pourvu  succes- 
sivement du  commandement  de 
Tortoscjde  Mayence,  du  départe- 
ment de  la  Loire,  et  de   la  i5°" 
division  militaire.    Naùimé,    en 
1802,  général  de  division,  et  en 
1806,  cummandant  du  la  légion- 
d'honneur,  il  contribua  à  l'expul- 
siou  des  Anglais  du  territoire  de 
la  Hollande  lors  de  l'invasion  de 
rî!c  de  Walcheren  par  les  troupes 
britanniques.  Le  général  Cham- 
barlhac  commandiiit  à  Bruxelles, 
en  18 15.  Lorsque  les  Français  é- 
vacucrent  rAllemagnc,  il  déten- 
dit autant  que  les  circonstances 
le  permettaient  le  pays  confié  à 
sa  garde.   Le  21  août   1814»  il  a 
été  l'ait^hevalier  de  Saint-Louis. 
CHAMBERET  (J.  B.  J.  A.  C. 
T.Ide),   médecin,   né   à  Limo- 
ges, le  19  septembre  1779.  Après 
s'être  occupé ,  pendant  quelque 
temps I,  des  mathématiques,  et  a- 
voir  porté  les  armes  pour  la  dé- 
fense de  son  pays,  il  vint  étudier 
la  médecine  à  Paris,  en  l'an  8  de 
la  république.  L'enseigncmentde 
cette  science  v.enait  alors  de  re- 
cevoir ien  France,  parla  loi  du 
i4frirnaifc  an  5,  un.développe- 


CHA 

ment,  une  étendue  et  une  direc- 
tion philosophique,  dont  l'histoi- 
re ne  fournit  aucun  autre  exem- 
ple. 11  se  livra  avec  tant  d'ardeur 
à  l'étude  des  sciences  diverses  qui 
constituent  le  domaine  de  la  mé- 
decine, et  sans  lesquelles  l'art  de 
guérir,  au  lieu  d'être  un  art  salu- 
taire, devient  un  des  plus  redou- 
tables fléaux  de  1  humanité,  que, 
malgré  les  diflicultés  de  plus  d'un 
genre  qu'il  eut  à  combattre,  il 
ne  tarda  pas  à  se  distinguer  par- 
mi ses  nombreux  condisciples. 
Dès  l'an  1 1  de  la  république  ,  il 
remporta  un  prix  au  concours 
général  de  l'Ecole  de  médecine; 
plus  tard  un  prix  de  clinique  fon- 
dé par  Corvisart,  lui  fut  dé- 
cerné. Il  fut  employé  pendant 
quatre  ans,  et  d'après  un  con- 
cours public  ,  dans  les  principaux 
hôpitaux  de  Paris ,  et  fut  reçu 
docteur  en  médecine  à  la  faculté 
de  la  môme  ville,  en  1808.  De- 
puis lors  jusqu'au  licenciement 
de  l'armée,  eu  i8i4»  il  fui  suc- 
cessivement attaché,  comme  mé- 
decin, à  l'armée  d'Italie,  à  l'ar- 
mée d'Espagne ,  à  la  grande-ar- 
mée et  aux  hôpitaux  militaires 
de  Paris.  Licencié  avec  l'armée, 
M.  Charaberet,  fut  désigné  par 
M.  Boyer,  premier  chirurgien  de 
l'empereur  Napoléon  ,  pour  le 
remplacer  près  d^nouveau  sou- 
verain de  l'île  d'Elbe  ;  mais  des 
difficultés  insurmontables  ne  lui 
ayant  pas  permis  de  se  re«dre 
dans  cette  île,  il  partageait  son 
temps,  à  Paris,  entre  l'exercice 
de  la  médecine  et  des  travaux  lit- 
téraires conformes  à  ses  goûîs, 
lorsqu'il  fut  uonmié  itrédecin  01- 
dinaireiifiit  professeur- adjoint  à 
l'hôpital  d  instruction  de  Lille, 


CHA 

rtablisscmcnlcréé  pour  l'inslruc- 
lion  des  olUciers  de  sanlé  mili- 
taires; et  ou  i>l.  Chainberet  en- 
seigne la  pkysiulogit  el l'hygiène. 
M.  Chamberet  a  publié  une  Dùs- 
strtation  sur  une  maladie  de  la 
peau,  désignée  sous  le  nom  de 
Prurigo,  iu-4"?  Paris,  1808.  II  est 
un  des  cuUaburateuis  du  grand 
Dictionnaire  des  sciences  médi- 
cales ,  et  de  V Encyclopédie  mé- 
tliodifjue.  La  Flore  médicale,  qui 
fut  entreprise  par  le  savant  et  in- 
fortuné Chaumetou,  lui  doit  sa 
partie  thérapeutique  ou  purement 
médicale,  à  partir  de  la  lettre  C. 
11  a  concouru,  pendant  plusieurs 
années,  à  la  rédaction  du  Journal 
de  médecine  de  MM.  Corvisart, 
Boyer  et  Leroux ,  et  il  est  en  ou- 
tre un  des  collaborateurs  du./t>ur- 
nal  complémentaire  des  sciences 
médicales.  Enfin,  M.  Chamberet 
travaille  en  ce  moment  à  un  Trai- 
té d'hygiène  ,  qui  ne  peut  man- 
quer d'être  favorablement  ac- 
cueilli du  public,  si  l'on  en  juge 
par  le  succès  des  leçons  orales  de 
ce  médecin,  que  l'on  compte  par- 
mi les  partisans  les  plus  éclairés 
de  la  doctrine  physiologique, 

C  H  AMBERT  (Germain),  pein- 
tre et  graveur,  naquit  à  Grisolles, 
arrondissement  de  Castel-Sarra- 
sin,  département  de  Tarn-et-Ga- 
ronnc,  en  17H4.  Peintre  habile  à 
un  âge  où  l'on  étudie  encore  ,  il 
désira  se  placer  au  rang  des  gra- 
veurs. N'ayant  pa.s  à  Toulouse  de 
maîtres  qui  pussent  le  diriger 
dans  cette  entreprise,  il  travailla 
seul,  et  en  peu  d'années  parvint 
à  graver  le  trait  avec  um;  grande 
pureté.  Plusieurs  auteurs,  parmi 
lesquels  on  compte  MM.  Bruand 
et  Dumège,  lui  couûèrent  l'exé- 


CHA 


a8i 


cution  des  planches  de  leurs  ou- 
vrages. L'académie  des  sciences 
de  Toulouse  le  choisit  pour  des- 
sinateur et  graveur.  Il  fit  à  l'eau- 
forte  un  grand  nombre  de  por- 
traits; la  pièce  lapins  remarqua- 
ble de  son  œuvre,  est  un  h'cce 
homo ,  d'après  Mignard.  Cham- 
bert.fut  un  des  prenîiers  à  vou- 
loir tirer  parti  de  la  découverte 
de  la  lithographie;  il  avait  établi 
à  Toulouse  une  imprimerie  en  ce 
genre;  il  espérait  en  obtenir  un 
grand  résultat,  lorsqu'une  mala- 
die leute,  mais  cruelle,  le  condui- 
sit au  tombeau.  Il  mourut  vive- 
ment regretté,  le  i5  février  1821. 
Parmi  ses  tableaux  on  distingue 
une  /Assomption. 

CHAMBON(Antoine-Bekoit), 
était  trésorier  de  France  à  Uzer- 
che,  petite  ville  du  Limousin,  au 
commencement  de  la  révolution. 
Nommé  maire  de  cette  conuTiu- 
ne,  et  député  du  département  de 
la  Corréze  à  la  convention  natio- 
nale ,  il  se  lia  bientôt  avec  les  gi- 
rondins, et  particulièrement  a- 
vec  Gensonné,  dont  il  partageait 
les  opinions  et  appu3'ait  les  dis- 
cours. Il  dénonça  le  ministre  Pa- 
che,  appela  Robespierre  factieux, 
scélérat,  et  pour  ce  fait  fut  pro- 
voqué en  duel  par  Bourdon  de 
l'Oise,  qui  depuis  fut  un  des  plus 
acharnés  accusateurs  du  monstre 
dont  il  était  alors  le  défenseur. 
Chambon  ne  vota  la  mort  de 
Louis  XVI  que  sous  la  condition 
de  l'appel  au  peuple  ,  et  s'éleva 
vivement  contre  la  proposition 
de  statuer,  séance  tenante,  sur 
la  question  du  sur.>is.  S'étant  op- 
posé à  ce  qu'on  fit  une  avance 
de  3,000,000  à  la  ville  de  Paris, 
pour  achat  de  subsistances,  le» 


282  CHA 

sections  demandèrent  son  expul- 
sion de  l'assemblée.  Il  en  fut 
pourtant  nommé  secrétaire ,  et 
combattit  avec  chaleur  contre 
la  tyrannie  qui  pesait  sur  les 
députés  à  l'époque  du  3i  mai.  Un 
décret  de  laconTenlion  ayant  or- 
donné que  Chambon  demeure- 
rait en  arrestation  dans  son  do- 
micile, il  s'en  échappa.  Un  se- 
cond décret  le  déclara  traître  à  la 
patrie,  et  le  mît  hors  la  loi.  Un 
troisième  prononça  la  confisca- 
tion de  SCS  biens.  Chambon  s'é- 
tait retiré  à  Lub.ersac,  petit  villa- 
ge des  environs  de  Brives  :  c'est 
là  que  ,  poursuivi  comme  une 
bête  fauve,  il  fut  tué  dans  une 
grange,  au  mois  de  novembre 
1793.  Quinze  ou  dix- huit  mois 
après  cet  événement,  sa  veuve 
obtint  des  secours  et  une  pen- 
sion. 

CHAMBON  DE  LA  TOUR, 
(Jean-Marie),  né  à  Uzès ,  dépar- 
tement du  Gard,  était  maire  de 
cette  ville  au  commencement  de 
la  révolution.  En  1789,  il  fut  nom- 
mé, par  lasénéchaussée  de  Nîmes, 
député  du  tiersauxétats-généranx. 
Comme  aujourd'hui,  il  existait  dé- 
jà à  cette  époque  un  côté  gauche 
et  un  côté  droit  qui  se  combat- 
taient dans  l'assemblée;  et  si  M. 
Chambon  y  garda  le  plus  profond 
silence,  il  s'acquit  néanmoins  des 
titres  à  la  reconnaissance  publi- 
que, en  allant  s'asseoir  au  côté 
gauche,  avec  lequel  11  vota  cons- 
tamment. Elu,  en  179*,  député 
de  son  département  à  la  conven- 
tion nationale,  M.  Chambon  y 
©bserva  le  même  silence  qu'à  l'as- 
semblée précédente;  et,  soit  pour 
cause  de  maladie,  soit  par  l'effet 
du  hasard,  soit  par  un  calcul  de 


CHA 

prudence,  il  n'assista  point  aux 
séances  où  l'on  jugea  Louis  XVL 
Usant  toujours  de  sa  circonspec- 
tion ordinaire  pendant  le  régime 
de  la  terreur,  il  échappa  à  tous 
les  dangers,  ou  plutôt  il  sut  ne 
s'exposer  à  aucun.  C'était  dans 
un  autre  temps  et  sur  un  autre 
théâtre  que  M.  Chambon  voulait 
se  signaler.  Après  le  9  thermidor, 
envoyé  à  Marseille,  des  procla- 
mations virulentes  y  signalèrent 
son  arrivée,  et  furent  suivies  d'une 
réaction.  Les  compagnies  de  Jésus 
et  du  soleil, usurpant  Tautorité  ju- 
diciaire ,  et  rivalisant  de  crimes 
avec  les  terroristes  qu'ils  préten- 
daient punir,  ensanglantèrent, 
comme  eux,  celte  malheureuse 
ville,  et  assassinèrent  les  assas- 
sins sous  les  fenêtres  et  sous  les 
yeux  de  M.  Chambon.  Pendant 
ces  exécutions,  il  rendait  compte 
à  la  convention  des  mesures  qu'il 
avait  prises  pour  déjouer  les  com- 
plots des  terroristes;  il  sollicitait 
et  obtenait,  de  l'assemblée,  l'ap- 
probation de  sa  conduite  ;  et  la 
félicitait  au  sujet  des  victoires 
qu'elle  remportait  elle-même  sur 
lesrassemblemens  séditieux,  etc. 
Chambon  à  la  fin  dénoncé  par  les 
députés  Goupilleau  et  Pélissier, 
et  par  les  citoyens  de  Marseille , 
fut  rappelé  de  sa  mission  ;  ses  col- 
lègues Guérin.  et  llouyer  voulu- 
rent bien  se  charger  de  sa  justifi- 
cation et  de  son  apologie.  Ce  lé- 
gislateur, après  la  session  de  la 
convention,  passa  au  conseil  des 
anciens,  où  il  resta  muet  jusqu'en 
1799,  époque  à  laquelle  ce  con- 
seil cessa  d'exister,  et  M.  Cham- 
bon d'appartenir  à  la  représenta- 
tion nationale. 

CHAM  BON-DE -MONT AUX 


CHA 

(Nicoiis),  né  à  Brevnnnes,  dé- 
parleinent  de  Seine-et-Oise,  en 
174®'  f"*  reçu  médecin  à  Paris, 
et  alla  s'établir  à  Langres  où  il 
exerça  son  état  pendant  plusieurs 
années.  Revenu  à  Paris,  en  1780, 
il  devint  membre  de  la  tacaltéde 
cette  ville  et  médecin  de  la  Sal- 
pêtrière.  Après  avoir  rendu  de 
grands  services  en  cette  qualité, 
il  qni'tta  sa  place  et  sa  profession 
pour  embrasser  la  carrière  admi- 
nistrative, et  fut  élu  maire  de  Pa- 
ris en  remplacement  de  Péli»)n,  le 
5  décembre  1793.  L'ex-ministre 
de  la  guerre,  Pache,  lui  succéda 
le  i5  février  1795;  et  M.  Cham- 
bon  ne  fut  maire  qu'environ  70 
)ours  :  mais  on  peut  signaler  ce 
court  espace  comme  un  des  plus 
orageux  de  la  révolution.  Ayant 
présenté  à  la  convention  nationa- 
le une  adresse  de  la  commune  de 
Paris  relative  au  rapport  du  dé- 
cret concernant  la  famille  des 
Bourbons,  M.  Chambon  fut  man- 
dé à  la  barre  de  Tasseinblée,  où 
il  déclara  pour  sa  défense  qu'il 
n'avait  fait  que  se  rendre  l'orga- 
ne passif  des  section»  de  Paris. 
Au  mois  de  janvier,  il  informa 
la  même  assemblée  de  la  situa- 
tion de  la  capitale  et  de  l'opinion 
publique  relativement  au  procès 
de  Louis  XVI.  On  ne  vit  pas  sans 
surprise  que  ce  nouveau  rapport 
était  en  contradiction  formelle  a- 
vec  l'adresse  présentée  par  lui 
quelques  jours  aupnravant.  La 
mission  la  plus  pénible,  sans  dou- 
te, que  M.  Chambon  eut  A  rem- 
plir pendant  qu'il  était  maire,  fut 
Cflle  d'accompagner  le  ministre 
de  la  justice  et  le  secrétaire  du 
conseil  exécutif,  lorsqueres  deux 
fonctionnaires   »e    rendirent   au 


CHA 


?85 


Temple  pour  notifier  à  Louis  XVI 
son  arrêt  de  mort.  M  Chambon 
fit  ses  efforts  pour  obtenir  la  libre 
représentation  de  la  pièce  intitu- 
lée :  l'Ami  des  hùt,  ouvrage  qui, 
par  cela  même  qu'on  y  procla- 
mait les  principes  de  la  modéra- 
lion,  était  attaqué  jusqoedans  l'en- 
ceinte législative  par  l'exagé- 
ration révolutionnaire,  {^f^oyei 
La.ta).  Il  en  fit  l'objet  d'une  péti» 
tion  à  la  convention, et  le  conseil 
de  la  commune  improuva  sa  con- 
duite. M.  Chambon  malade,  ou 
prétextant  une  maladie,  quitta  ses 
fonctions  de  maire  et  reprit  sa 
profession  de  médecin.  On  a  de 
lui  les  ouvrages  suivans  :  Ma- 
ladits  des  J'emnits,  tles  filles  el 
des  enfans^  ï/O^,  to  vol.  in-8*  ; 
Traité  del'anlkrax\  1781,  in- 1  a; 
des  Moyens  de  rendre,  les  hôpi- 
taux utiles  à  l'iiistruetion,  1787, 
in- 12;  Traité  des  fièvres  mali^ 
g««,  4  vol.  in-12,  1787;  7'rrt//^ 
de  l'éducation  des  moutons ,  a  vol. 
in-S",  1810.  M.  Chambon  avait 
écrit  contre  la  vaccine,  mais  il 
n'a  point  fait  imprimer  son  ou- 
vrage. 

CHAMBON  AS  (le  maréchal-de- 
CAMP,  MARQCis  de).  Dans Ic  temps 
o\\  le  public  s'occupait  beaucoup 
des  démêlés  scandaleux  qui  agi- 
taient l'intérieur  des  familles, 
M.  le  marquis  de  Chambonas 
donna  aux  oisifs  une  ample  ma- 
tière d'anecdotes,  à  l'occasion  du 
procès  en  séparation  qu'il  intenta 
à  sa  femme.  Il  avait  épousé  avant 
la  révolution  la  fille  naturelle  de 
M.  Saint-Florentin  et  de  M"".  Sa- 
battier,  et  le?  opinions  politiques 
de»  deux  époux  ne  s'accordanf 
point,  ce  motif  fut  la  cause  ou  le 
prétexte  de  la  dissolution  y\e  leur 


a84 


CftA 


inarla{j;e.  M  de  Chambonas,  ne- 
veu du  maréchal  de  Biron,  était, 
ainsi  que  §on  parent,  le  duc  de 
Laiizuii,  autre  neveu  du  maré- 
chal, un  zélé  partisan  de  la  liber- 
té. Dès  l'origine  de  la  révolution 
il  en  adopta  les  principes,  et  fut 
nommé  maire  de  la  ville  de  Sens. 
Il  y  commandait  la  garde  natio- 
nale lorsque,  en  1789,  il  fut  char- 
gé d'apporter  à  l'assemblée  cons- 
tituante le  vœu  qu'avait  formé 
cette  ville  d'ériger  un  monument 
aux  premiers  législateurs  de  la 
France.  L'assemblée  agréa  cet 
hommage,  et  chargea  M. de  Cham- 
bonas de  poser  la  première  pier- 
re de  ce  monument  patriotique. 
Nommé  ministre  des  affaires  é- 
trangères,  en  juin  1792,  ce  fut  lui 
qui  annonça  la  neutralité  de  Gè- 
nes et  la  reconnaissance  du  pavil- 
lon tricolore  par  la  Suède.  Il  ren- 
dit compte  delà  marche  des  puis- 
sances alliées;  etdonnades  rensei- 
gnemens  exacts  sur  l'existence  de 
la  coalition  armée  des  cabinet*  de 
Vienne  et  de  Berlin.  Il  rassura  en 
même  temps  la  France  sur  le  ré- 
sultat des  armemens  eflectués  en 
Angleterre.  Ln  marché  pour  une 
fourniture  d'armes,  passé  par  M. 
de  Chambonas  avec  Beaumar- 
chais, fut dénoncécomme  fraudu- 
leux à  l'assemblée  législative,  et 
annulé  par  elle.  Au  reste,  il  n'y  a- 
vait  pas  encore  deux  mois  qu'il 
possédait  le  portefeuille  des  affai- 
res étrangères,  lorsqu'il  présen- 
ta, de  concert  avec  les  autres  mi- 
nistres, le  compte  de  la  situation 
intérieure  et  extérieure  de  la  ré- 
publique, et  donna,  ainsi  que  ses 
«ollègues,  sa  démission  comme  ne 
pouvant  plus  résistera  l'anarchie. 
Après   le  10  août,  le  marqflis  de 


CHA 

Chambonas  passa  en  Angleterre» 
où  tour  à  tour  orfèvre,  horloger, 
bijoutier,  il  fut  cependant  forcé  d« 
contracter  des  dettes  pour  vivre. 
Au  nombre  de  ses  créanciers  se 
trouvèrent  de»  émigrés,  et  notam- 
ment le  général  >Villot,  qui  le  fi- 
rent mettre  en  prison.  Il  est  à  re- 
marquer que  M.  de  Chambonatt 
eut  encore  cela  de  commun  avec 
son  parent  le  duc  de  Lauzun, 
qui,  se  trouvant  à  Londres,  y 
fut  emprisonné  pour  deftes  en 
1792.  M.  de  Chambonas  y  mou- 
rut, en  1807,  dîins  unétat  voisin 
de  l'indigence. 

CHAMBliREÇArcrsTE  le  Pel- 
letier de),  néàVitteauxle  3omars 
1789,  lieutenant-colonel,  oflîcier 
de  la  légion-d'honneur,  se  fit  re- 
marquer d'abord  en  Espagne  par 
un  trait  qui  lui  valut  une  place  au 
milieu  des  plus  braves  d'une  ar- 
mée qui  ne  comptait  qiye  des  bra- 
ves. Chargé  d'enlever  une  redou- 
te à  la  tète  de  5o  hommes,  après 
trois  attaques  infructueuses,  il  re- 
marque de  l'hésitation  parmi  sa 
troupe;  aussitôt  il  s'élance  seul 
vers  la  redoute,  tue  de  sa  main  le 
commandant  du  poste,  blesse  plu- 
sieurs canonniers;  les  soldatsqu'il 
commandait,  électrisés  par  cette 
action  intrépide,  n'hésitent  plus  ù 
l'Imiter,  et  le  poste  est  enlevé. 
L'officier  Chambure,  atteint  d'u- 
ne blessure  grave  au  bras,  reçut 
dans  cette  circonstance  la  décora- 
tion de  la  légion-d  honneur.  Ses 
souffrances  n'abattent  pas  son  cou- 
rage. Le  bras  en  écharpe,  il  se  dis- 
tingue en  Espagne  par  de  nou- 
veaux services,  et  ne  quitte  ce 
théâtre  d'une  guerre  terrible  que 
pour  passer  dans  le  nord  de  l'Eu- 
rope, où  il  fit  bientôt  partie  de  la 


K 


CHA 

garnison  de  Dantzick.  (le  fui  du- 
rant ce  siège  méinorabln  où  la  va- 
leur française  résista  avec  une 
constance  si  énergique  aux  eflurljj 
des  puinPances  coalisées,  que, 
place  à  la  tt!-te  d'une  compagnie 
franche  surnommée  l'infernale, 
Chambure,au  milieu  d'une  poi- 
gnée de  braves,  se  dévoua  souvent 
aux  plus  téméraires  actions.  Un 
jour  entre  autres, monté  sur  de  frê- 
les esquifs,  il  passe  la  Vistule  à  la 
tête  de  loo  hommes,  descend  à  mi- 
nuit au  village  de  Bohnsac,  occu- 
pé par  5,000  ennemis,  égorge  les 
sentinelles.,  tue  ou  blesse  plus  de 
5oo  hommes,  détruit  10,000  fu- 
sées incendiaires,  un  magasin  de 
vivres,  un  grand  nombre  de  che- 
vaux, fait  sauter  les  caissons,  en- 
cloue  i5  pièces  d'artillerie,  et  re- 
çoit deux  coup»  de  baïonnelle. 
Malgré  ses  blessures,  le  capitaine 
Chambure  marche  à  la  tête  de  ses 
braves,  et  surmontant  mille  dan- 
gers, les  conduit  à  travers  plu- 
sieurs bataillons  ennemis  et  une 
nuée  de  Cosaques  qui  couvrent 
la  campagne  jusqu'à  Dantzick,  où 
il  entre  à  huit  heures  du  matin: 
Durantrincendiede  Dantzick,  les 
redoutes  do  Frioul  étant  tombées 
au  pouvoir  de  l'ennemi,  (^hanibu- 
re  les  attaque  ù  la  tèle  de  sa  com- 
pagnie, s'en  empare;  et  à  l 'excep- 
tion de  i5o  hommes  qui  sont  tués 
dans  l'action,  fait  prisonnier  toute 
la  garnison  ennemie.  Au  moment 
où  il  prend  quelque  repos  après 
tant  de  fatigui; ,  une  bombe  qui 
éclale  dans  sa  chambre  le  réveil- 
le; il  met  de  nouveau  sa  compa- 
gnie sur  pied,  marche  à  l'ennemi, 
tue  So  hnnnmes.  et  encloue  toute 
la  batterie  <lressée  contre  la  ville. 
Des  fîtits  d'ann«s  aussi  éclataos 


CHA 


a85 


ne  sont  guère  exécutables  qu'avec 
des  soldats  fran(,-ais;  ils  ont  été 
fréquens  dans  nos  armées;  mais 
ils  ont  rarement  obtenu  des.ré- 
snilals  relatifs  plus  utiles  et  plus 
brillans.  Après  la  capitulation  clt^i 
Dantzick,  le  capitaine  Chamburt; 
quitta  le  général  Rapp,  et  alla  ren- 
dre son  épée  au  prince  de  W  ur- 
temberg.  Envoyé  à  Pétersbourg 
comme  prisounier,  il  revint  en 
France  en  i8i5,  et  fit  la  campa- 
gne en  qualité  de  commandant 
des  voltigeurs  de  l'un  des  corps 
francs  de  la  Côte-d'Or.  Plusieurs 
olliciers  ennemis  qui  tombèrent 
en  son  pou  voir  reçurent  de  lui  de» 
traitemens  pleins  de  loyauté;  ce- 
pendant, victime  d'une  lâche  ca- 
lomnie, il  fut  dénoncé,  jugé  et 
condamné  à  mort.  -Un  second  ar- 
rêt, basé  sur  des  laits  dont  la  faus- 
seté a  été  depuis  également  recon- 
nue, le  condamna  aux  fers  quel- 
que temps  après.  Le  lieutenant- 
colonel  Chambure,  échappé  aux 
eifets  d'un  jugement  que  l'opinion 
a  justement  qualifié,  se  retira  eu 
Belgique,  et  y  passa  trois  ans. 
Kevenu  en  France,  il  se  constitua 
prisonnier,  obtint  des  juges,  et 
fut  rendu  à  la  liberté  par  un  acte 
de  justice  contrastant  singulière- 
ment avec  la  sentence  qui,  peu 
d'années  auparavant,  frappait  l'un 
des  braves  de  notre  armée. 

CIIAMOUX  (N.),  était  accu- 
sateur public  au  tribunal  de 
Chambéry,  lorsqu'au  moisde  prai- 
rial an  7  (mai  1791)),  il  fut  élti 
député  au  conseil  des  cinq-cents 
par  le  déparlement  du  Mont-Blanc. 
A  l'époque  de  l'ouverture  de  cet- 
te quatrième  session  du  corps- 
Jégislatif,  un  mois  ne  s'était  pas 
encore  écoulé  depuis  l'assassinat 


a86 


CttX 


des  ministres  Français  ù  Rastadt; 
et  ce  fut  par  une  virulente  mo- 
tion d'ordre  à  l'occasion  de  cet 
événement  que  M.  Chamoux  si- 
gnala son  entrée  au  conseil.  Ce 
député  savoisien,  doué  de  beau- 
couji  d'énergie  et  de  palriottsme, 
provoqua,  dans  un  moment  très- 
opportun  ,  l'envoi  d'un  message 
au  directoire  pour  qu'il  eOt  à  s'ex- 
pliquer sur  les  motifs  qui  le  dé- 
terminaient ii  garder  un  si  grand 
nombre  de  troupes  dans  l'inté- 
rieur, tandis  que  les  frontières  é- 
taient  menacées  et  dégarnies.  La 
France  se  trouvait  alors  dans  un 
moment  critique, Souwarow,  maî- 
tre de  l'Italie,  voulait  poursuivre 
le  cours  de  ses  conquêtes,  et  M. 
Chamoux,  qui  voyait  la  faiblesse 
du  directoire,  demanda  la  forma- 
tion d'une  commission  pour  s'oc- 
cuper des  dangers  publics.  11  n'ai- 
mait pas  les  chefs  du  gouverne- 
ment, et  cependant  il  ne  fut  point 
partisan  de  la  journée  du  18 
brumaire  qui  les  renversa.  Sorti 
du  corps-législatif  au  mois  de  ni- 
vôse suivant,  depuis  cette  époque 
il  n'a  pas  reparu  sur  la  scène  po- 
litique. 

CHAMPAGNE  (JEAN-FKAirçois), 
membre  de  l'institut  elde  la  légion- 
d'honneur,  né  à  Sémur,  en  1751, 
€tinortàParis,ensepiembreiyi3, 
était  entré  chez  les  bénédictins  de 
la  congrégation  de  Saint-Maur, 
qui  se  consacraient  à  l'étude  et  à 
l'enseignement  ;  il  fut  successive- 
ment, pendant  cinquante-cinq  ans, 
élève,  maître  et  supérieur  dans 
une  de  leurs  maisons.  Les  révo- 
lutionnaires ,  après  avoir  détruit 
l'instruction  publique,  ayant  re- 
connu, en  1795,  la  nécessité  de 
la  rétablir,  Chaujpagne  eut  l'ha- 


CHA 

bileté  de  relever  le  collège  de 
Louis-lc-GranU ,  qui  fut  organisé 
en  établissement  nali<nial,  sous 
le  nom  de  Pi-ylanée  framuir.  W 
a  dirigé  cette  maison  pendant 
quinze  ou  seize  an^,  avec  plus  de 
zèle  peut-être  que  d'économie ,, 
mais  non  sans  quelque  succès.  Il 
n'y  avait  pas  encore  un  an  qu'il 
avait  été  mis  à  la  retraite  par  le 
conseil  de  l'université  ,  quand  il 
est  mort,  il  avait  épousé  la  veu- 
ve de  Lebrun,  ministre  des  affai- 
res étrangères,  mort  sur  l'éoha- 
faud,  en  décembre  1795.  Cham- 
pagne, indépendamment  de  plu- 
sieurs discours  composés  pour  des 
solennités  relatives  ù  l'instruction 
publique,  a  publié,  en  1800,  des 
f^ucs  sur  l'organisation  de  l'ins- 
truction publifjue  dans  les  écoles 
destinées  à  l'enseignement  de  la 
jeunesse.  Il  a  traduit  la  Politique 
d'Aristott,  et  le  traité  intitulé: 
Mare  Clausum  et  apertuni  de 
Grolius. 

GHAMPAGNY  (Jean-Baptiste- 
NoMPÈRE  de),  duc  de  Cadore,  na- 
quit à  Roanne,  département  de  la 
Loire,  en  1756.  Peu  d'hommes 
ont  fourni  une  carrière  politique 
aussi  brillante  et  aussi  variée  que 
celle  de  l\I.  de  Champagny.  Issu 
d'une  famille  noble  ,  il  entra  de 
bonne  heure  dans  la  marine  roya- 
le, et  il  n'avait  pas  5o  ans  que  déjà 
son  mérite,  plutôt  que  sa  naissan- 
ce, l'avait  élevé  au  grade  de  major 
de  vaisseau.  En  1789,  nommé 
par  la  noblesse  du  Forez  député 
aux  états-généraux,  il  fut  un  des 
premiers  de  son  ordre  à  se  ranger 
du  côté  du  tiers-état.  Il  prit  dans 
cette  assemblée  la  défense  du  com- 
te Albert  de  Rioms,  chef  d'esca- 
dre à  Toulon  [voj-ez  Ai<beut  »e 


FuoMs),  et  le  fit  roeltie  en  liberté. 
M.  de  Chaiiipagny  ne  s'occupa 
^ucrc  que  des  affaires  concernant 
la  marine,  pendant  la  durée  de 
âa  mission  à  l'assenablée  nationa- 
le. Le  Code  pénal  maritime,  le 
changement  tic  pavillon,  l'orga- 
nisation du  corps  des  élèves  de  la 
mai'lne,  la  fixation  du  nombre  des 
aspirans,  la  création  des  écoles  de 
mathématiques  et  d'hydrogra- 
phie, sont  en  partie  son  ouvrage. 
Chargé  de  faire  un  rapport  géné- 
r«l  sur  lu  marine  militaire,  M.  de 
Champagny  s'en  acquitta  avec 
beaucoup  de  talent,  et  parla  dans 
(;ette  occasion  en  connaisseur  é- 
clairé.  Il  était  d'aris  qu'on  opé- 
rât une  fusion  de  la  marine  mili- 
taire avec  la  marine  marchande, 
et  que  l'on  tirât  de  cette  dernière 
HO  corps  d'officiers  de  tout  gra- 
de, entretenu  aux  frais  de  l'étal. 
M.  de  Champagny  sorti  de  l'as- 
semblée constituante,  qui  termi^ 
na  ses  travaux,  le  3r>  septembre 
1791,  se  retira  dans  le  Forez,  où 
il  vivait  paisiblement,  lorsqu'on 
1793,  il  fut  incarcéré  comme  no- 
ble et  suspect.  Le  9  thermidor  lui 
ayant  rendu  la  liberté  ,  il  rentra 
dans  sa  retraite,  d'où  il  ne  sortit 
qu'après  le  18  brumaire  ,  époque 
à  laquelle  le  ])reuiier  consul  le 
nomma  conseiller-d'état ,  section 
de  la  marine.  M.  de  Champagny 
ne  tarda  pas  à  entrer  d'une  ma- 
nière brillante  dans  la  carrière  di- 
plomatique, ety  débuta,  en  1801 , 
par  l'ambassade  de  Vienne.  Cette 
mission  était  dillicile  ot  délicate, 
surtout  à  la  suite  des  événemcns 
qui  avaient  signalé  dans  cette  vil- 
le le  séjour  que  venait  d'y  faire 
le  générai  bernadotte,  en  qualité 
d'ambiiisadcMr.  yi.  de  Champa- 


CHA 


aftj 


gny  se  conduisit  dans  oe  poste 
important  avec  une  habileté  con- 
sommée ;  et  pendant  près  de  qua- 
tre années  qu'il  l'occupa,  sut  ga- 
gner la  confiance  de  son  gouter- 
nement,  et  celle  du  souverain 
près  duquel  il  résidait.  Au  retoof 
de  son  ambassade,  M.  de  Cham- 
pagny»  nommé  îninisut*  de  l'in- 
térieur, lut  chargé  d'aller  ù  Foh- 
tuineblcau  recevoir  le  pape,  loî«* 
qu'il  vint  en  France  èacrer  Napo- 
léon empereur.  L'année i8o5  fut 
"elle  qui  ofi'rit  à  M.  deChattipa- 
gny  le  plus  d'occasions  de  dé- 
ployer ses  talens  en  adnvinislra- 
lion  et  en  politique,  et  de  dotifter 
des  preuves  de  son  zèle  à  Napo- 
léon. Le  I*'  janvier,  il  présenta  au 
corps-législatif  un  tableau  statisti- 
que de  la  France,  dans  lequel  il  a- 
vaitfailentrcr  celui  de  sesrelations 
politiques  avec  les  puissances  c- 
trangères.  Ce  rapport  a  été  regarde 
par  tons  les  hommes  d'états  com- 
me un  chef-d'œuvre  d'éloquence, 
d'exactitude  et  de  raison.  La  vé- 
rité toutefois  veut  que  nous  di- 
sions que  dans  la  confection  de 
ce  grand  travail,  dont  les  détails 
étaient  fournis  par  tous  les  chefs 
de  division,  le  ministre  fut  puis- 
samment secondé  par  M.  de  Ge- 
rando,  alors  secrétaire-général  du 
ministère  de  l'intérieur.  Au  moi» 
de  mai,  M.  de  Champagny  ac- 
compagna Napoléon,  lorsqu'il  ail  a 
so  faire  couronner  roi  d  Italie  A 
Milan.Au  mois  de  septembre,  il  pa- 
rut pour  la  seconde  fois  à  la  tribu- 
ne du  corps-législalif,  et  fit  un  rap- 
port sur  la  levée  extraordinaire 
de  toutes  les  gardes  nationales , 
mesure  nécessitée  par  la  guerre 
que  l'Autriche  Venait  de  déclarer 
à  la  France.  L'envahissement  de 


u88 


CHA 


la  Bavière,  par  cette  première 
puissance,  son  traité  arec  l'An- 
gleterre, Ifl  marche  de  deux  ar- 
mées, Fune  de  <)Q,()00  homme»., 
commandée  par  l'archiduc  Fer- 
dinand ,  et  l'autre  de  3o,ooo,  sous 
les  ordres  de  l'archiduc  Jean  ,  fu- 
rent annoncés  dans  ce  rapport  a- 
vec  des  circonstances  qui  justi- 
fiaient la  mesure  j)ropo:«ée.  Si  l'i- 
dée de  rendre  au  culte  l'éj^lise  de 
S'-Denis  n'appartietit  pas  à  M.  de 
Champijigny,  c'est  du  moins  sous 
son  ministère  que  cet  événement 
eut  lieu.  On  peut  le  féliciter  d'a- 
voir exécuté  le  décret  héroïque 
par  lequel  ce  monnaient  qu'avait 
profané  la  barbarie,  a  été  rendu 
à  son  antique  usaj^e.  Mais  il.  faut 
le  plaindre  d'avoir  provoqué  le 
changement  de  destination  du 
Panthéon,  qui,  rendu  au  culte  sur 
son  rapport,  n'a  plus  été  qu'un  ca- 
veau où  l'on  rangeait  les  momies 
des  sénateurs.  Quand  les  cendres 
de  Voltaire  et  de  Kousseau  furent 
expulsées  de  ce  monument,  qu'el- 
les consacraient,  les  voûtes  répé- 
tèrent Its  dieux  s'en  vont.  Voici 
ce  que  M.  de  Champagny  dit  à 
l'occasion  du  rétablissement  de  la 
sépulture  royale:  «Ce  spectacle 
»  apprendra  aux  souverains  ce  que 
»  l'histoire  leur  enseigne  à  chaque 
«instant,  que  le  courage,  les  ver- 
»tus  et  le  bien  qu'ils  font  à  leurs 
«peuples  fondent  les  dynasties, 
»  qui  finissent  sous  des  princes  fai- 
»bles,  fanatiques  ou  ignorans.  » 
Lorsqu'au  9  octobre  de  la  même 
année,  les  premières  hostilités  en- 
tre la  France  et  la  Prusse  furent 
commencées;  que  cinq  jours  a- 
près,  les  combats  de  Schleitz,  de 
Saalfeld,  et  surtout  la  fameuse  ba- 
taille d'Iéna,  eurent  appris  aux 


CHA 

Françaid,  et  leur  gloire  nouvelle 
et  l'incroyable  pui,ssance  de  leurs 
armes,  W.  de  Champagny  écrivit 
circulairement  aux  préfets,  afin 
que  letir  zèle  ne  se  rîilentit  point, 
et  qu'ils  enli-eiiussent  l'ardeur  de 
cette  jeunesse  française,  alors 
comme  aujourd'hui  I  espoir  et 
l'honneur  de  la  patrie.  M.  de 
Champagny  ne  cessa  d'honorer 
son  administration  par  des  actes 
justes  et  sages,  jusqu'au  moment 
où  il  quitta  le  ministère  de  Tiaté- 
rieur.  Ce  fut  au  mois  de  juillet 
1807,  après  la  signature  des  trai- 
tés de  paix  conclus  à  Tilsitt  entre 
la  France,  la  Russie  et  la  Prusse, 
que  Napoléon  appela  M.  de  Cham- 
pagny au  ministère  des  relations 
étrangères.  L'empereur,  par  les 
traités  de  Tilsitt,  avait  établi  un 
système  d'après  lequel  les  puis- 
sances continentales  devaient  re- 
noncer à  toute  liaison  politique 
ou  commerciale  avec  l'Angleter- 
re; le  pape  ayant  refusé  son  ad- 
hésion ù  cette  mesure  européen- 
ne, M.  de  Champagny  fut  chargé 
de  notifier  à  sa  samteté  que  son 
refus  nécessiterait  l'occupation 
des  états  romains,  sans  que  pour 
cela  sa  sainteté  perdît  aucun 
de  ses  droits  spirituels;  il  ajoutait 
que  la  dignité  d'évt-que  de  Rome, 
telle  que  ses  prédécesseurs  l'a- 
vaient possédée  pend.mt  les  huit 
premiers  siècles  de  l'église,  et 
sous  Charlemagne,  lui  serait  con- 
servée. Cette  note  diplomatique, 
remise  au  cardinal  Caprara  le  5 
avril  1808,  a  été  tournée  depuis 
en  ridicule  par  certains  biogra- 
phes, non  pas,  bien  entendu,  au 
moment  de  son  exécution.  Quant  à 
nous,  si  nous  étions  dans  la  né- 
cessité d'émettre  une  opinion  sur 


CHA 

ce  fait,  nous  aurions  de  la  poiuc 
à  publier  que  le  Christ  a  dit  mon 
royaume,  n'est  pas  de  ce  monde.. 
En  se  faisant  prince  de  la  terre,  le 
pape  s'exposait  aux  vici.ssitudes 
auxquelles  les  princes  de  la  terre 
sont  soumis.  Napoléon,  inébran- 
lable dans  rexécutiou  du  système 
conlinenlal,  et  voyant  que  la  pé- 
ninsule offrait  un  vaste  littoral  au 
débarquement  des  marchandises 
aiiglaiies,  et  un  moyen  à  l'Angle- 
terre de  continuer  son  commerce 
avec  le  continent,  conçut  le  pro- 
jet d'occuper  Tiispagne  et  le  Por- 
tugal, M.  de  Champagny  fut  en- 
core chargé  de  tous  les  actes  et 
négociations  diplomatiques,  pré- 
curseurs de  ces  grands  événe- 
mens.  Il  fut  du  voyage  que  Na- 
poléon (it  à  Bayonne  au  mois  d'a- 
vril i8o8,  présenta  à  ce  souve- 
rain, le  'i\  du  mT-rne  mois,  un 
rapport-sur  la  situation  de  l' Espa- 
gne, et  enfin  rédig<'a  le  traité  du 
5  mai,  par  lequel  Charles  IV  fai- 
sait à  Napoléon  la  cession  totale 
de  ses  droits  et  de  ses  titres,  etc. 
La  Biographie  que  nous  avons 
déjà  citée  présente  ces  l'aile  de  la 
manière  lu  plus  défavorable  à  M. 
de  Champagny,  injustice  digne  de 
SCS  auteurs,  et  à  laquelle  il  est  fa- 
cile de  répondre  que  ce  ministre 
se  conduisit  d'après  les  circons- 
tances, et  par  une  suite  d'événe- 
tnens  qu'il  n'avait  pas  été  en  sr)n 
pouvoir  d'empêcher;  q^'U  agis- 
sait d'après,  sa  conscience  pour  les 
intérêts  de  son  sonverairi,  et  que 
personnellement  il  gagna  l'estime 
et  l'amitié  des  princes  espa^iols. 
La  j)aix  entre  |;)  France  et  l'Au- 
triche ayant  été  signée  à  Vieime 
le  i4  octobre  rSp^,  W.  de  (Miam- 
pugny  travailla  à  la  consolider  par 


CHA 


280 


le  mariage  de  Napoléon  avec  l'ar* 
chidussesse  Marie-Louise ,  et  le 
succès  de  cette  négociation  lui  va- 
lut de  nouveaux  témoignages  de 
bienveillance  de  la  part  des  deux 
empereurs.  M.  de  Champagny  con- 
serva le  portefeuille  des  relations 
étrangères  jusqu'à  la  fin  de  i8u. 
Appelé  alors  à  remplacer  M.  Daru 
dansl'inlendancedesdomainosde 
la  couronne,  il  fut  nommé  séna- 
teur, en  avril  181 3.  Durant  les  dé- 
sastreuses campagnes  de  Russie  et 
de  Saxe,  il  remplissait  auprès  de 
Marie-Louise  et  du  conseil  de  ré- 
gence les  fonctions  de  secrétaire- 
d'état.  Après  l'occupation  de  Pa- 
ris en  1814,  il  suivit  l'impératri- 
ce à  Blois.  Quitte  envers  elle,  il 
donna  son  adhésion  au  nouvel 
ordre  de  choses,  et  fut  créé  pair 
par  Louis  XVIIL  Sa  place  d'in- 
tendant des  domaines  de  la  cou- 
tonne  lui  fut  rendue  pendant  les 
cent  jours ,  et  il  fut  nommé  pair 
par  Napoléon.  A  la  seconde  ren- 
trée du  roi,  M.  de  Champagny 
resta  sans  fonctions  jusqu'à  l'épo- 
que o»i  l'ordonnance  de  S.  M.,  du 
5  njars  1819,  le  replaça  dans  lu 
chambre  des  pairs.  M.  de  Cham- 
pagny est  grand -officier  de  la  lé- 
gion-d'honneur, grand -cordon 
de  presque  tous  les  ordres  de 
riiurope,  et  duc  de  Cadore,  par 
nomination  du  mois  d'août  1808. 
CHAMPCENETZ  (Lotis,  che- 
VAi.iEui)E),fils  du  gouverneur  de* 
Tuileries,  naquit  à  Paris,  en  i^Sç). 
Doué  de  plus  d'esprit  que  de  ju- 
gement, et  surtout  avide  de  célé- 
brité, il  la  chercha  dans  le  scan- 
dale. Ses  chansons,  toutes  sati- 
riques, toutes  inunorales,  mais 
non  pas  toutes  bonnes,  lui  avaient 
déjà  fait ,  avant  1789,  une  répu- 


200 


CHA 


tation  ,  dont  probablement  il  se- 
rait peu  fier  aujourd'hui.  Ses  cou- 
plets ,  qui  certes  ne  valent  pas 
ceux  de  lilot  ou  même  ceux  de 
Marigny,  lui  avaient  ouvert  plu- 
sieurs fois  la  porte  des  prisons  d'é- 
tat, quand  la  révolution  éclala. 
Officier  aux  gardes-françaises,  il 
aima  mieux  quitter  le  service,  à 
la  dissolution  de  son  régiment , 
que  de  suivre  le  sort  de  ses  cama- 
rades, qui  la  plupart  s'enrôlè- 
rent dans  la  garde  nationale  sol- 
dée de  Paris.  Lié  intimement  aVec 
Rivarol  ,  antérieurement  à  celte 
époque,  il  avait  fait  partie  d'u- 
ne société  de  jeunes  gens  qui  se 
cotisaient  d'esprit  pour  jeter  le 
ridicule  sur  tout  ce  qui  occupait 
l'attention  publique.  De  cette  réu- 
nion était  sorti  le  pcl'it À Imanach 
des  grands  hommes.  Changeant 
alors  de  matière,  c'est  à  la  poli- 
tique qu'ils  s'attachèrent  :  fron- 
dant la  révolution  comme  ils  a- 
vaient  frondé  l'ancien  régime,  ils 
publièrent  les  Actes  des  apôtres; 
ouvrage  en  prose  et  en  vers,  où 
ils  répandaient  largement  le  fiel, 
le  blâme  et  le  mépris  sur  les  opé- 
rations de  l'assemblée  nationale. 
Champcenetz  fut  un  des  collabo- 
rateurs les  plus  actifs,  mais  non 
pas  le  plus  distingué ,  de  ce  libel- 
le périodique;  il  fut  aussi  l'un  des 
rédacteurs  du  Journal  de  la  cour 
et  de  la  vUle  ,  autre  pamphlet  du 
même  temps  et  du  même  genre. 
Quand  la  force  des  choses  ne  per- 
mit plus  la  continuation  de  ces 
sortes  d'écrits,  Champcenetz  se 
retira  ù  JVleaux.  Le  chevalier  Saint- 
Méard,  son  ami,  échappé  aux 
massacres  de  septembre,  lui  fit 
obtenir  un  certificat  de  civisme. 
Muni  de  cette  pièce,  il  n'avait 


CHA 

rien  à  craindre  pour  sa  liberté , 
partout  ailleurs  qu'à  Paris  ;  mais 
sa  mauvaise  étoile,  et  peut-être 
aussi  sa  mauvaise  têle  ,  l'y  rame- 
nèrent. Ne  sortant  point  de  son 
appartement,  vivant  au  milieu 
de  ses  livres,  qu'il  appelait,  ses 
seuls  amis,  il  fut  arrêté  au  mo- 
ment où  il  s'y  attendait  le  moins, 
le  i3  novembre  \'^ç)'S,  à  quatre 
heures  du  matin  :  Champcenetz 
était  à  peine  éveillé.  Affectant  de 
prendre  gaiement  la  chose,  il  se 
montra  goguenard  jusque  sous  le 
couteau.  «Citoyens,  dit-il  à  ceux 
«qui  l'entouraient,  je  ne  suis  pas 
«dans  l'habitude  de  monter  ma 
«garde  en  personne  ;  j'ai  un  très- 
»bon  remplaçant,  voudriez-vous 
«me  permettre  de  le  faire  appe- 
»  1er?»  Plaisanterie  qu'il  répéta  au 
tribunal  même,  après  avoir  enten- 
du sa  condamnation.  «En  est-il 
»de  ceci  comme  du  service  delà 
»  garde  nationale ,  dit-il  au  féroce 
«Fouquier-Tinville;  peut-on  sefai- 
»re  remplacer?»  On  le  conduisit 
dans  la  maison  de  détention  des 
Carmes,  d'où,  après  y  avoir  de- 
meuré quelques  mois,  il  fut  trans- 
féré à  la  Conciergerie  :  traduit 
au  tribunal  révolutionnaire  com- 
me complice  de  la  conspiration 
des  prisons ,  il  termina  une  vie 
désordonnée  par  une  fin  déplora- 
ble en  juillet  1794-  Champcenetz 
a  publié  :  les  G-obe- mouches  au 
Palais-Royal;  brochure  dans  la- 
quelle il  s'est  peint  sous  le  nom 
du  GobemoucheSans-Souci.  11 
a  écrit  la  Réponse  aux  Lettres  (do 
M"*  de  Staël)  sur  le  caractère  et 
les  œui'res  de  J.  J.  Rousseau ,  ba- 
gatelle que  vingt  libraires  ont  re- 
fusé d'imprimer.  Il  a  passé  pour 
avoir  donué  l'idée  du  petit  Aima- 


CIIA 

nach  des  grands  hommes,  et  pour 
J'avoir  fait  de  société  avec  Riva- 
roi ,  qui  lui  était  si  supérieur,  et 
qui  disait  de  lui  :  C'est  un  gros 
garçon  que  j'ai  bourré  d'esprit. 
Rivarol  revendiqua  l'invention  et 
la  rédaction  de  l'ouvrage  entier. 
Enfin ,  la  parodie  du  Songe  d'A- 
thalie,  attribuée  à  M.  Grimod  de 
La  Reynière,  est  encore  une  plai- 
santerie du  fait  de  Champcenetz 
et  de  Rivarol.  La  seule  énoncia- 
tion  des  ouvrages  de  Champce- 
netz, prouve  qu'il  n'avait  guère 
plus  de  droit  à  l'estime  par  la  na- 
ture de  son  esprit,  que  par  celle 
de  son  caractère.  Voici  le  trait  le 
plus  saillant  d'une  de  ses  chansons: 

Vieux  parens,en  vain  vous  prêchez; 
Vous  2tes  d'ennuyeux  apôcres. 
Voui  nou»  fîtes  pour  vos  péchés, 
£t  vous  vivez  trop  pour  les  nôtres. 

C'est  à  Champcenetz  pent-C-tre, 
que  serait  applicable  ce  mot  un 
peu  sévère  de  Pascal  :  Diseur  de 
bons  mots ,  mauvais  caractère. 

CHAMPEIN  (Stanislas),  né  ;\ 
Marseille,  en  i^ôS,  d'origine  grec- 
que, vint  à  Paris,  en  17^6,  et 
débuta  de  la  manière  lapins  bril- 
lante dans  la  carrière  musicale, 
où  il  a  marqué  sa  place  parmi  les 
grands  compositeurs  de  l'école 
iranraise.  Il  fit  exécuter  A  la  cha- 
pelle du  roi,  à\ersailles,  un  mo- 
tif de  sa  composition  ,  au  succès 
duquel  il  dut  l'honneur  d'être 
choisi  dans  la  même  année,  pour 
composer  la  messe  solennelle  exé- 
cutée à  la  fête  de  la  Sainte-Cécile. 
L«;  premier  ouvrage  scénique  de 
M.  Champein,  fut  un  opéra-co- 
mique, en  2  actes,  sous  le  titre 
du  Soldat  j'rancais ,  qui  fut  joué 
eu  1770),  sur  le  thé.ltre  du  bois 
de  Boulogne,  avec  une  faveur  qui 


CHA 


291 


présageait  le  succès d'enlliousias- 
me  qu'obtint  l'année  suivante  la 
iMclomanie ,  au  théâtre  que  l'on- 
appelait  alors  Italien,  et  dont 
Philidor,  Monsigny,  et  surtout 
Grétry,  avaient  fondé  la  gloire. 
On  retrouva  dans  la  Méiomanic 
où  le  compositeur  français  ne  s'é- 
tait proposé  que  la  parodie  du 
genre  italien,  tout  le  charme, 
toute  la  mélodie  de  celte  musi- 
que ultramontaine  ,  unis  à  l'es- 
prit et  au  goût  français.  «  A  cette 
«époque,  dit  M.  Franiery,  les 
»  théâtres  ne  jouissant  d'aucune  li- 
»berté,  celui  de  Monsieur  n'avait 
»la  permission  de  jouer  que  des 
«opéras  en  musique  d'origine  ita- 
»  lienne.Le  Nouveau  don  (^uijcolt, 
»  le  meilleur  ouvrage  de-M.  Cham- 
«pein,  parut  sous  le  nom  d'un  pré- 
«tendu  signorZaccharelli  ;  on  fut 
«généralement  dupe  de  cette  ru- 
«se;  les  Italiens  s'empressèrent 
«de  compter  parmi  leurs  coiimo- 
«siteursles  plus  célèbres,  un  iTOm 
«qui  n'existait  pas  ;  et  si  (juelques 
«amateurs  éclairés  devinèrent  lu 
«supercherie,  c'est  que. la  musi- 
»que  du  Nouveau  don  Quixole 
«rendait  l'esprit  des  paroles  avec 
«une  justesse  d'expression  qui 
«n'est  pas  ordinaire  aux  compo- 
nsiteurs  italiens.  »  La  musique  de 
M.  Champein  se  distingue  par  la 
mélodie  du  chant ,  par  ime  har- 
mcmie  forte  et  pure  ,  et  par  une 
crrande  facilité  d'exécution.  Ses 
principauxouvrages  sont,  au  théâ- 
tre Italien,  la  Méloninnie  y  en  un 
acte  ;  le  Baiser,  en  trois  actes 
(composition  charmante,  et  qui 
pourrait  être  remise  avec  succès 
au  grand  Opéra)  ;  les  Noces  cau^ 
clioiscM,  en  deux  actes;  Isabelle  et 
Fernaud ,  en  lroi«  act«s;  Mcnzi' 


39» 


en  A 


koff,  en  Irois  actes  ; /e.v  Dettes, 
en  deux  actes  ;  les  Hussards  en 
cantonnement ,  en  trois  actes.  Au 
théâtre  de  Monsieur,  le  Nouveau 
don  Quixote,  en  deux  actes  ; /e,v 
Ruses  de  Frontin  ,  en  deux  actes. 
Depuis  la  mort  de  Grétry  et  de 
Monsij^ny,  M.  Champein  est  le 
doyen  des  compositeurs  drama- 
tiques. Il  est  membre-associé  de 
l'académie  des  sciences  et  arts  de 
Marseille. 

C  H  A  ÎVl  P  FOKT  (SÉBisTiEN-RocH 
Nicolas),  né  en  i74'j  pi'^s  de 
Clermont  en  Auvergne,  conser- 
va toujours  les  sentimensles  plus 
tendres  poursa  mère,  simple  pay- 
sanne, et  seul  auteur  de  ses  jours 
qu'il  connût.  On  trouve  dans  plu- 
sieurs notices  qu'il  naquit  à  Paris; 
îl  fut  seulement  envoyé  dès  l'en- 
fance dans  cette  ville,  où  il  obtiut^ 
sous  le  nom  de  Nicolas,  une  bourse 
au  collège  des  Grassins.  Ses  pre- 
m^es  études  n'annonçaient  nul- 
lement la  manière  brillante  dont  il 
les  termina.  En  rhétorique,  il  réu- 
nit les  cinqpremiersprixde  l'uni- 
versité. Un  tel  triomphe  attira  sur 
lui  l'attention  de  quelques  person- 
nages qui  l'introduisirent  dans  le 
monde ,  où  son  esprit  et  son  exté- 
lieur agréable  lui  procurèrent  des 
Éuccès  de  plus  d'un  genre.  Dénué 
de  fortune,  le  jeune  Nicolas,  qui 
venait  de  prendre  le  nom  de 
Champfort,  ne  put  se  livrer  long- 
temps à  celte  dissipation.  Il  rédi- 
gea pour  le  Journal encyclopédi- 
(fue  desacticles  estimés, 'et  fut  un 
des  collaborateurs  du  Vocabulai- 
re français  ei  du  Dictionnaire  des 
théâtres.  Enfin  une  pension  sur  le 
Mercure,  que  lui  fit  accepterCha 
bauon,  son  ami  intime,  remplaça 
l^-s  bienfaits  que  lui  avaient  déjà 


CIIA 

prodigués  le  duc  de  Choiseul  et 
la  veuve  d'ilelvétius.  Les  pre- 
miers essais  poétiques  de  Champ- 
fort  avaient  donné  de  grande  es- 
pérances, et  bientôt  il  dut  à  sa  ré- 
putation la  place  de  secrétaire 
des  commnndemens  du  prince  de 
Condé.  Une  situation  paisible  lui 
offrait  d'autant  plus  d'avantages 
que  sa  santé  paraissait  affaiblie; 
cependant  l'indépendance  de  son 
caractère  lui  fit  trouverinsuppor- 
table  le  léger  assujettissement  que 
ce  poste  cxigeail.  Bientôt  un  pré- 
texte honnête  lui  permit  de  se  re- 
tirer à  Auteuil,  où  il  se  renferma 
dans  la  société  de  IM""  Helvétius. 
11  prononça  un  discours  remar- 
quable le  jour  de  sa  réception  à 
l'académie  française,  où  il  rem- 
jjlaça  Saint-Palaye,  en  1781.  Plus 
tard,  la  mort  d'une  personne  avec 
qui  il  s'était  lié  à  Ëtampes,  le  fit 
rentrer  dans  le  monde.  Il  y  fut 
aussitôt  recherché,  malgré  son 
homeur  satirique,  on.  peut-être 
â  cause  de  (Mîtle  humeur  même 
qui  jetait  quelque  variété  au  mi- 
lien  des  réunions  uniformément 
consacrées  au  plaisir.  Il  fréquen- 
tait les  grands,  et  ne  les  en  esti- 
mait pas  davantage.  En  1789,  lec- 
teur ou  secrétaire  des  commande- 
mens  de  M""  Elisabeth,  sœur  du 
roi ,  il  n'en  adc^ta  pas  moins 
sans  hésiter  dos  principes  politi- 
ques analogues  à  l'élévation  de 
ses  seutiinens.  Déjà  lié  avec  Mi- 
rabeau, il  ne  tarda  pas  à  l'aider 
dans  son  travail,  et  composa  le 
discours  sur  la  suppression  des  a- 
cadémies,  que  cet  orateur  devait 
prononcer  à  l'assemblée  consti- 
tuante. Bientôt  Champfort,  dé- 
pouillé de  sa  place  et  de  la  pension 
dont  il  avait  joui,  s'oecupa  de  la 


CHA 

partie  littéraire  du  Mercure;  W  fit 
les  26  premiers  Tableaux  de  la 
révobttion,  et  le  ministre  Rolland 
le  nomma  bibliothécaire  de  la  bi- 
bliothèque nationale.  C'était  l'é- 
poque où  l'on  parvenait  à  désho- 
norer une  cause  dont  on  n'aurait 
pu  détacher  autrement  les  esprits 
droits,  mais  peu  attentifs,  qui  doi- 
vent à  leur  nombre  l'influence 
qu'ils  exercent  sur  la  masse  d'u- 
ne nation.  Chaniplbrt  ne  s'attacha 
pas  à  pénétrer  le  secret  de  cette 
anarchie;  et  confondant  les  suites 
indirectes  de  la  révolution  avec 
ses  véritables  elTcts,  il  laissa  voir 
sans  prudence  une  haine  peu  ré- 
fléchie. Ses  sarcasmes  trop  con- 
nus le  firent  arrCtcr.  Après  une 
détention  de  quelques  jours  atix 
Madeloneties,  il  avait  cependant 
obtenu  sa  liberté,  mais  il  ne  se 
montra  pas  plus  circonspect.  Il  é- 
tait  loin  toutefois  de  braver  l'écha- 
faud,  la  crainte  d'y  être  conduit  le 
troublait;  lorsqu'il  s'en  vitmenacé 
plus  positivement,  il  se  tira  dans 
la  tCte  un  coup  de  pistolet,  et  se 
frappa  de  plusieurs  coups  de  ra- 
soir. Mais  il  n'crtl  pas  succombé 
Sàhs  une  humeur  darireuse  dont  il 
souffrait  depuis  plusieurs  années; 
elle  9'attacha  momentanément  A 
ses  blessures,  et  lorsqu'elles  fu- 
rent cicatrisées,  se  portant  sur  la 
vessie,  termina  sesjoursle  i5avril 
i;?()4-  Champfort  a  fait  surtout 
des  pièces  de  théAlrfe,  et  des  dis- 
COursacadéiniques  :  l' E pitre  d'un 
pire  à  sonjils  .\tir  la  naissance 
d'un  petit-fils,  remporta  le  pre- 
mier pfix  de  poésie  à  racadémic 
frariçaisc  eu  1764.  La  jeune  In- 
dienne, comédie  jouée  par  les 
Français  la  mèiti»!  année,  est  res- 
tée au  théiltre  :  le  style  en  est 


en  A 


290 


élégant  et  pur.  L'Homme  de  let- 
tres, dis  cours  en  vers,  concourut 
en  1766.  lin  autre  discours  de 
Champfort  obtint,  en  1768,  leprix 
d'éloquence  sur  ce  sujet  :  Com- 
bien le  génie  des  grands  écrivains 
influe  sur  l'esprit  de  leur  siècle  ; 
l'Eloge  de  Molière,  1769,  fut  cou- 
ronné pai  l'académie  française, 
et  l'Etage  de  La  Eontaiiie  par 
l'académie  de  Marseille.  On  re- 
garde ces  deux  morceaux  comme 
deux  traités  complets  sur  la  comé- 
die et  Sur  les  fables.  A  Marseille, 
Champiort  avait  pour  concurrent 
La  Harpe ,  en  faveur  duquel  on  a- 
vait  porté  ce  prix  à  2,000  livres, 
dans  l'idée  qu'il  lui  était  pour 
ainsi  dire  destiné.  La  jolie  comé- 
die du  Marchand  de  àmyrue,  en 
1770,  et  la  tragédie  de  Mustapha 
et  Géanpr,  qu'on  joua  en  1776, 
augmentèrent  encore  la  réputa- 
tion de  leur  auteur.  On  retrouva, 
dans  sa  comédie,  les  principes 
qu'il  avait  exposés  avec  tant  d'ap- 
probation ;  et  sa  tragédie  rap- 
pela jusqu'à  un  certain  point 
la  veisificalion  harmonieuse  du 
grand  poète  dont  ii  avait  fait  une 
étude  particulière.  Le  Précis  des 
révolutions  de  ISaples  et  de  Sicile. 
parut  en  1781,  à  la  tôledes  voya- 
ges pittoresques  de  Naples  et  de 
Sicile,  par  l'abbé  tie  Saint-Non; 
mai-<  Champfort  ne  s'en  déclar.i 

f>as  l'auteur.  On  lui  doit  encore 
es  Maximes  et  pensées,  carac- 
tères et  anecdotes,  qui  forment 
le  quatrième  vohime  doses  œu- 
vres dont  son  ami  Ginguené  fut 
l'éditeur;  un  (  ommeniaire  sur 
les  fables  de  La  Fontaine  ;  des 
i'ohtcs ;  les  Soifées  de  ffinun; 
et  des  fragment  d'un  poihne  de 
là E/ onde,  qui  dispaiureiitle  jour 


«94 


CIIA 


de  sa  mort,  mais  que  l'on  ne  croit 
pas  absolument  perdus-  Enfin  il 
a  coop«!ré  à  l'écrit  de  Mirabeau 
sur  l'ordre  de  Cincinnatus,  et  on 
lui  attribue  les  deux  premiers  vo- 
lumes de  ]àBcùIiothcf/ue  de  socié- 
té, par  L.  Th.  Hérissant,  Paris, 
1771.  Champfort  ne  manquait  ni 
dégoût  ni  d'élégance  ;  mais  on  ju- 
gea qu'il  n'av.iit  pas  l'ait  des  étu- 
des littéraires  asst!/,  scrupuleuses, 
et  on  l'accusa  de  trop  songer  à 
montrer  de  l'esprit.  Son  caractè- 
re n'était  pas  non  plus  sans  dé- 
fauts; cependant  on  le  trouvaitai- 
mable,  et  on  ne  put  lui  refuser  des 
vertus  rares,  telles  que  le  désin- 
téressement, la  probité,  ainsi  que 
la  fidélité  en  amitié.  On  lui  re- 
procha unéloignement  trop  mar- 
qué pour  les  personnes  d'un  rang 
supérieur,  peu  d'estime  des  hom- 
mes en  général,  et  particulière- 
ment une  sorte  de  mépris  pour 
ses  concitoyens.  II  serait  difficile 
de  justifier  de  tels  sentimens; 
mais  si,  àquelques  égards,  il  y  pa- 
rut toujours  disposé,  par  une  sui- 
te peut-être  d'une  certaine  âcreté 
des  humeurs,  sans  doute  il  ne  s'y 
livra  que  durant  ses  dernières  an- 
nées, où  le  spectacle  des  scènes 
révolutionnaires  lui  fit  assez  d'im- 
pression pour  qu'il  entreprît  de 
se  donner  la  mort. 

CHAMPION  DE  LA  MEUSE 
(Nicolas),  né  à  Bar-Ie-Duc,  avait 
embrassé  la  profession  d'avocat. 
Partisan  des  principes  de  la  révo- 
lution, i\  la  servit  dès  l'origine 
dans  les  divers  emplois  de  magis- 
trature qui  lui  furent  confiés.  Ses 
services  et  ses  talens  le  firent  ju- 
ger digne  par  ses  concitoyens  de 
les  représenter  au  conseil  des  an- 
ciens; il  prit  place  dans  cette  as- 


ClIA 

semblée,  comme  député  du  dépar- 
tement de  la  Meuse,  au  mois  de 
mai  1797  (germinal  an  5).  Cham- 
pion soutint  toujours  avec  cha- 
leur et  patriotisme  les  intérêts  du 
peuple;  il  se  fit  remarquer  dans 
les  questions  relatives  aux  finan- 
ces, et  notamment  lors  de  l'as- 
siette et  de  la  répartition  de  tou- 
tes les  espèces  de  contributions 
directes.  Après  le  18  brumaire,  il 
passa  au  corps-législatif.  Une  cho- 
se assez  remarquable  ,  c'est  que 
Champion,  qui  avait  vivement 
combattu  la  loi  qui  établit  un  im- 
pôt sur  le  tabac,  sollicita  et  ob- 
tint, au  terme  de  sa  carrière  lé- 
gislative, la  place  de  directeur  des 
droits-réunis  à  Metz.  Les  devoirs 
du  nouvel  administrateur  ne  s'ac- 
cordaient guère  avec  les  opinions 
de  l'ancien  législateur;  mais  cet- 
te difficulté  n'empêcha  pas  M. 
Champion  d'occupersa  place  jus- 
qu'en 181G,  époque  où  il  fut  rais 
à  la  retraite  après  douze  ans 
d'exercice. 

CHAxMPION  (de  Villeneuve), 
né  à  Versailles,  et  fils  d'un  valet 
de  chambre  du  r»i,  adopta  les 
principes  de  la  révolution,  et  fut 
nommé,  en  178g,  membre  de 
l'administration  des  étabiisse- 
mens  publics  près  la  municipali- 
té de  Paris.  Le  roi  l'envoya,  l'an- 
née suivante,  à  Avignon  en  qua- 
lité de  commissaire,  et  le  nomma 
son  ministre  de  l'intérieur  en 
1792.  Comblé  des  faveurs  de 
Louis  XVI,  M.  Champion  n'en 
provoqua  pas  moins,  auprès  de  la 
municipalité  de  Paris,  une  visite 
dans  le  palais  des  Tuileries.  Cette 
visite  n'eut  pas  lieu;  la  journée  du 
10  août  lui  fit  perdre  son  minis- 
tère; il  protesta  vainement  de  soq 


CHA 

civisme  à  la  barre  de  rassemblée 
législative;  elle  décréta  qu'il  n'a- 
vait pas  la  confiance  de  la  nation. 
Il  rendit  des  comptes  satisfaisans 
de  sa  gestion  après  la  nomination 
de  Koland,  qui  lui  succéda  com- 
me ministre.  M.  Champion  trou- 
va le  moyen  de  se  faire  oublier 
jusqu'en  1800,  époque  où  le  gou- 
vernement consulaire  le  nomma 
membre  du  conseil  de  préfecture 
du  département  de  la  Seine  ;  il 
occupe  encore  cette  place  aujour- 
d'hui, et  est  en  même  temps  avo- 
cat au  conseil  du  roi  et  à  la  cour 
de  cassation. 

CHAMPIONNET  (Jean-Étien- 
ke),  fils  naturel  d'un  avocat  dis- 
tingué etd'une  paysanne  du  Dau- 
phiné,  naquit  à  Valence  en  17G2. 
Le  nom  de  Championne!,  qu'il  a 
rendu  respectable  par  des  servi- 
ces nationaux,  ne  fut  dans  le  prin- 
cipe qu'un  surnom  d'amitié  que 
lui  donnaient  ses  compatriotes. 
Sa  jeunesse  fut  orageuse;  livré  à 
la  fougue  de  ses  passions,  ce  ne 
fut  qu'après  de  nombreux  écarts 
qu'il  s'engagea  dans  les  gardes 
wallones.  L'ardeur  de  son  carac- 
tère prit  dès  lors  une  autre  direc- 
tion; il  lutavecune  attention  sou- 
tenue presque  tous  les  ouvrages 
français  qui  traitent  de  l'art  mi- 
litaire. Avant  la  révolution,  il  a- 
vait  servi  au  siège  de  Gibraltar; 
quand  la  révolution  éclata,  son 
premier  fait  militaire  fut  un  acte 
d'humanité.  Envoyé  avec  un  ba- 
taillon de  volontaires  pour  répri- 
mer les  révoltes  du  Jura,  il  ne 
versa  pas  une  goutte  de  sang,  et 
pacifia  le  pays.  Il  passa  avec  ses 
troupes  sous  le  commandement 
de  Iloche;  et  après  s'être  distin- 
gué aux  ligues  deWeissembourg, 


CHA  29.') 

oblint,  h  la  fin  de  1  793,  le  titre  de 
général  de  division.  Son  nom  fut 
cité  à  la  bataille  de  Fleurus.  La 
même  division  qu'il  avait  com- 
mandée sur  ce  champ  de  bataille, 
se  couvritde  gloire  en  1794»  i/Q^ 
et  1797,  et  prit  une  part  très-ac- 
ti  ve  aux  opéralions  de  cette  armée 
sur  le  Bas-Rhin.  Plusieurs  fois 
Championnet  obtint  des  succès 
mémorables,  et  reçut  du  directoi- 
re des  lettres  de  félicitation  qui 
le  comblaient  d'éloges.  Mais  ii 
manquait  à  ses  talens  d'avoir  subi 
une  dernière  épreuve;  celle  d'un 
commandement  en  chef  :  on  le 
nomma  général  de  l'armée  qui 
devait  défendre  la  nouvelle  répu- 
blique romaine  contre  les  entre- 
prises de  la  cour  de  Naples.  Le 
poste  était  difficile  et  dange- 
reux; Championnet  ne  s'intimide 
pas;  presque  sans  soldats  et  sans 
moyens  d'organiser  une  force  ré- 
gulière, il  crée,  en  moins  de  troia^ 
mois,  un  rassemblement  d'hom- 
mes qu'il  décore  du  nom  d'armée, 
va  camper  à  Home,  en  est  chassé 
par  5o,ooo  Napolitains,  rallie  ses 
troupes  sous  les  murs  de  la  ville, 
revient  sur  ses  pas,  bat  les  vain- 
queurs, fait  le  général  en  chef 
Mack  prisonnier,  reprend  Rome, 
et  se  porte  sur  Naples,  où  il  en- 
tre avec  la  gloire  et  les  droits  d'un 
triomphateur.  L'histoire  militai- 
re, de  quelque  peuple  que  ce  soit, 
présenterait  difficilement  le  récit 
d'une  expédition  plus  brillante. 
Le  roi  de  Naples  fuit;  la  liberté 
est  imposée  ù  un  peuple  qui  sup- 
porte avec  une  impatience  égale 
et  le  poids  de  son  esclavage  et 
celui  de  son  indépendance. Cham- 
pionnet se  voit  obligé  do  combat- 
tre par  les  ruses  de  la  politique 


ayfi  eux 

intérieure  ces  hommes  fariles  à 
réduire  par  la  force  du  glaive.  Il 
désarme  lesi  lazzaroni,  et  emploie 
tour  à  tour  les  moyens  coutili.i- 
toires  cl  les  moyens  d'autorité, 
pour  faire  plier  Naples,  et  l'ac- 
coutumer au  pouvoir  des  Fran- 
çais. Au  milieu  des  embarras  de 
sa  situation,  il  trouva  le  temps  de 
faire  ériger  xtn  monument  eu 
l'honneur  de  Virgile;  mais  une 
mé.sinlelligence  très-vive  s'établit 
entre  le  général  et  le  commissaire 
français  envoyé  par  le  gouverne- 
ment à  Naples.  Championnet, 
destitué  et  décrété  d'accusation, 
remet  à  Macdonald  le  comman- 
dement en  chef,  se  livre  lui-mê- 
me à  ceux  qui  doivent  le  condui- 
re à  Paris,  et  est  traîné  de  bri- 
gade en  brigade  jusqu'à  Milan. 
Une  adresse  arrive  de  Chambéry, 
où  l'on  réclame  contre  l'injustice 
de  son  arrestation;  néanmoins 
liue  commission  se  forme  à  Mi- 
lan, et  la  procédure  est  au  mo- 
ment de  commencer  quand  le  di- 
rectoire change  d'avis.  Cham- 
pionnet, conduit  jusqu'à  Greno- 
ble, est  jeté  dans  une  prison  où 
il  compose  ses  mémoires;  ce  sont 
des  monumens  précieux  poTir 
l'histoire;  on  l&s  croirait  écrits 
sous  une  tente  avec  la  pointe  d'u- 
ne épée.  Cependant  le  directoire 
se  renouvelle,  et  les  nouveaux  di- 
recteurs, non-seulement  font  sor- 
tir Championnet  de  prison,  mai:» 
lui  contient  le  commandement  eti 
chef  de  l'armée  des  Alpes.  Sa  for- 
tune avait  pâli;  il  n'obtint  plus  que 
'  des  succès  équivoques,  et  chef  d'u- 
ne armée  épuisée  par  une  maladie 
contagieuse,  il  mourut  lui-même 
de  cette  espèce  d'épidémie,  à  An^. 
tibes,  le  10  décembre  1799. 


CHA 

CIIAMPOLLION-FIGEAC  (J. 
J.),  associé  <*e  l'institut  royal  da 
France,  de  la  société  royale  de 
Goëltingue,  de  l'acadcinie  ionien- 
ne «leCorcyreet  des  sociétés  litté- 
raires de  Grenoble  ,  Dijon ,  Stras- 
bourg, Toulouse,  etc.  ,  né  à  Fi- 
gcac,  en  Quercy,  en  1779,  eut 
pour  instituteur  un  jésuite  italien, 
réfugié  dans  cette  ville.  Il  rentra 
de  bonne  heure  à  Grenoble  ,  d'où 
son  père  et  sa  famille  étaient  ori- 
ginaires, s'y  distingua  par  quel- 
ques productions  estimées  ;  et  y 
fut  successivement  bibliothécaire- 
adjoint  et  bibliothécaire  de  la  vil- 
le, professeur  deiittérature  grec- 
que ,  et  doyen  de  la  faculté  des 
lettres,  examinateur  pour  les  éco- 
les militaires,  etc.  On  a  de  lui: 
1°  Dissertation  sur  un  monument 
souterrain,  existant  ;.  Grenoble; 
y8  pages  in-4'';  avec  unplan(i8o3). 
C'est  une  église  du  lo"'  siècle, 
construite  avec  d'anciens  débris. 
-i"  Lettre  à  M.  Fourier,  sur  l'Ins- 
('liption  grecque  du  temple  de 
Detidérah  en  Egypte,  Grenoble, 
i»So6,  in-S".  Dans  celte  lettre,  on 
cherche  à  reconnaître  la  date  de 
l'inscription,  'ô" Satire  ^\\r  une  é- 
djtion  d'Homère,  entreprise  par 
J.  R.  Wetstein,  Paris,  1806,  in- 
8".  (îette  notice,  d'cme  édition 
dont  on  ne  tira  que  la  première 
feuille,  a  été  rédigée  sur  les  ma- 
nuscrits de  Wetstein,  acquis  par 
l'auteur,  ^l' Notice  d'un  manuscrit 
latin  ,  intitulé  :  Albani  bellitibri 
quinque ,  Paris,  1807,  in-8°.  Ce 
manuscrit ,  de  la  fin  du  i5°"  siè- 
cle ,  orné  de  magnifiques  des- 
sins et  de  vignettes,  appartient  à 
Vaulewr.  :>"  Antiquités  de  Greno- 
ble, ou  histoire  ancienne  de  cet- 
te ville,  d'après  ses  monumens, 


» 


CHA 

Grenoble,  Peyronnard,  1807,  1 
vol.  in-4°.  Cet  ouvrage  contient 
l'rxplication  de  plus  de  soixante 
inscriptions  romaines,  dont  vingt 
environ  d'inédites.  Cette  premiè- 
re édition  étant  épuisée  depuis 
long-temps,  l'auteur  en  prépare 
une  seconde,  qui  contiendra  aus- 
si des  inscriptions  non  encore  pu- 
bliées. 6° Nouvelles  recherches  sur 
les  patois  ou  idiomes  vulgaires  de 
la  France,  Paris,  Goujon,  1809, 
in- 12.  Cet  ouvrage  a  contribué  à 
ramener  l'attention  des  philolo* 
gués  sur  ces  idiomes  si  intéres- 
sans  pour  l'histoire  de  la  langue 
française,  y °  Proféra mme dix  cours 
de  littérature  grecque  professé  à 
la  faculté  des  lettres  de  Grenoble, 
Peyronnard,  i8io,in-t^".  Ce  pro- 
gramme, qui  comprend  les  anti- 
quités de  la  littérature  grecque , 
étant  parvenu  à  l'illustre  Heyne, 
il  en  rendit  un  compte  très-favo- 
r.ible  dans  les  Aintonces  sa\>antes 
de  Goi-Hingue,  et  peu  de  temps 
après  l'auteur  n-çiit  le  diplôme  de 
correspondantde  la  société  royale. 
8* Dissertation  sur  une  ancienne 
srulpture  grecque  du  cabinet  des 
antiqiicsdcGrenoble,  Paris,  181 1, 
in-H",  avec  figures..C'est  un  trip- 
tyHueen  buis,  du  1 4"' siècle,  dont 
les  douze  fétcs  de  l'église  grecque 
sont  le  sujet,  accompagna  de  14 
inscriptions  grecques,  g"  Notice 
d'une  édition  de  la  Danse  Maca- 
bre, antérieure  à  celles  qui  sont 
connues  des  bibliographes,  Paris, 
1811,  in-8".  10"  Notice  sur  une 
nouvelle  espèce  d'insecte  du  gen- 
re corjnélès  de  Fabricius,  trou- 
vée dans  une  momie  égyplicnne, 
Paris,  Sajou,  1814»  in-8\  11" 
Nouveaux  éctaircissemens  sur  la 
ville  de  Cularo,  aujourd'hui  Gre- 


CHA  297 

noble,  Paris,  Sajou,  1814,  in-8". 
C'est  un  supplément  aux  Anti- 
quités de  Grenoble,  relatif  à  la 
véritable  situation  de  cette  ville 
sous  les  Romains.  12°  Annales 
des  Lagides ,  ou  Chronologie  des 
rois  grecs  d'Egypte,  successeurs 
d'Alexandre-le-Grand  ;  ouvrage 
cotironué  par  l'Institut,  et  publié  * 
en  i8if),  2  vol.  in-8",  de  gSo  pa- 
ges ,  avec  des  tableaux  chronolo- 
giques et  deux  planches  de  mé- 
dailles. i3°  Supplément  aux  An- 
nales des  Lagides ,  contenant  la 
défense  de  la  chronologie  de  cet 
ouvrage,  Paris,  Éberharl,  1820, 
i  n-8°*.  1 4'  Nouvelles  recherches  sur 
la  ville  gauloise  d'Uxellodunum, 
rédigées  d'après  l'examen  des 
lieux  et  des  fouilles  récentes,  et 
accompagnées  de  plans  topogra- 
phiques et  de  planches  d'antiqui- 
tés ,  Paris,  imprimerie  royale, 
1820,  1  vol  in-4'.  avec  planches. 
Cet  ouvrage  fixe  enfin  l'opinion 
des  sa  vans  sur  la  position  de  cette 
ville  gauloise,  inexacte  jusque-là. 
M.  Champolliou-Figeac  s'occupe 
avec  ardeur  de  recherchesde  chro- 
nologie ,  qui  peuvent  jelcr  quel- 
que nouveau  jour  <ur  les  époques 
incertaines  de  l'histoire  ancien- 
ne, etc.  On  connaît  de  ses  ou- 
vrages manuscrits,  un  Mémoire 
sur  les  Calendriers  comparés  de 
plusieurs  peuples  anciens,  el  un 
autre  sur  la  Chronologie  de  l*Al- 
mageste  ,  ou  grande  composi- 
tion mathématique  de  Plolémée, 
qui  ont  été  lus  dans  les  séances 
parliculièn's  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  bolles-leltrcs.  Lors 
de  la  nomination  àla  place  vacan- 
te darjs  cette  académie  ,  par  la 
mort  de  Ch.  Tochon,  en  1820. 
M.  Chiuiipolliou-Figeac  a  eu  le> 


29»  CHA 

secondes  voix.  Il  est  un  des  col- 
laborateurs de  la  Revue  encyclo- 
pédique. 

CHAMPOLLION-LE- JEUNE 
(J.  F.),  frère  du  précédent,  né 
comme  lui,à  Figeac,  en  Quercy, 
dans  les  derniers  jours  de  1790; 
eut  son  frère  pour  maître,  et  se 
[|t,fit  distinguer  de  très-bonne  heu- 
re par  une  grande  aptitude  aux  é- 
tudes  les  plus  sérieuses,  et  notam- 
ment à  celle  des  langues  orienta- 
les. Nommé  élève  du  gouverne- 
ment au  lycée  de  Grenoble,  il  le 
quitta  pour  venir  à  Paris,  quoique 
bien  jeune  encore,  étudier  ces 
langues.  Il  y  suivit  les  cours  de 
l'école  spéciale,  et  ceux  du  Collè- 
ge de  France ,  fit  en  même  temps 
beaucoup  de  recherches  dans  les 
manuscrits  orientaux  de  la  biblio- 
thèque, se  donna  particulière- 
ment à  la  langue  copte,  qui  est 
l'ancienne  langue  des  Égyptiens, 
étudia  à  fond  les  monumens  de 
ce  peuple  célèbre,  et  quitta  Paris 
à  la  fin  de  1809.  Nommé,  par  M. 
de  Fontanes,  professeur-adjoint 
d'histoire  à  la  faculté  des  lettres  de 
Grenoble,  il  fit  transporter  dans 
cette  ville  des  caractères  grecs 
et  des'  caractères  coptes  ,  et  y  fit 
imprimer  d'abord  V Introduction 
(1811,  in-8°),  et  successivement 
les  deux  premiers  volumes  de 
l'ouvrage  intitulé  :  l'Egypte  sous 
les  Pharaon,  ou  Recherches  sur 
la  géographie ,  la  religion ,  la 
langue,  les  écritures  ,  et  l'histoire 
de  l'Egypte  avant  l'invasion  de 
Camhyse  ,  Grenoble  ,  Peyron- 
nard^  Paris,  chez  Debure,  1814, 
accompagné  d'une  carte  de  la  Bas- 
se-Egypte ,  avec  les  noms  égyp- 
tiens. II  a  donné  depuis  ;  1°  yjb~ 
nervations  sur  le  Catalogue  des 


cnA 

manuscrits  coptes,  du  musée  Bor- 
gia  à  î^elletri ,  publié  par  Zoega, 
Paris,  1811,  in -8";  'i."  Lettre  à 
M.  Grégoire  sur  les  odes  gnosti- 
ques  (en  copte),  attribuées  àSa- 
lomon,  Var'is,  iS i^/in-S"; '5° Frag- 
mens  coptes  en  dialecte  BasU- 
mourique,  publiés  à  Copenhague , 
par  M.  Englielbrel,  Paris,  1817, 
in-8''.  Dans  ce  mémoire  sur  le  vo- 
lume de  M.  Enghelbret,  l'auteur 
développe  son  opinion,  qui  fait  du 
dialecte  Bashmourique  de  la  lan- 
gue copte,  le  dialecte  de  la  provin- 
ce du  Faïoum,  et  de  la  moyenne 
Egypte.  Successivement  biblio- 
thécaire-adjoint de  la  ville  de 
Grenoble,  et  professeur  d'histoi- 
re, M.  ChampoUion-le-jeune  a 
poursuivi  avec  persévérance  des 
travaux  qui  lui  ont  donné  un  rang 
distingué  parmi  les  orientalistes 
de  l'Europe.  Son  Egypte  sous  les 
Pharaon  a  été  bien  accueillie  en 
Italie,  en  Allemagne  et  en  An- 
gleterre :  il  a  présenté,  en  juillet 
1821,  à  racadémie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  de  l'institut 
de  France ,  la  partie  de  son  tra- 
vail sur  les  écritures  égyptiennes, 
qui  est  relative  à  l'écriture  hiéra-^ 
tique,  ou  sacerdotale;  et  il  a  fait 
voir  que  cette  écriture  est  cey,e 
de  manuscrits  égyptiens  ,  aujour- 
d'hui connus,  qui  ne  sont  pas  for- 
més en  hiéroglyphes  ;  que  cette 
écriture  hiératique  n'est  pas  al- 
phabélique  ,  ainsi  que  l'ont  pensé 
et  imprimé  tous  ceux  qui  en  ont 
parlé  jusqu'ici;  qu'elle  n'est  com- 
posée que  de  signes  hiéroglyphi- 
ques abrégés,  véritable  lacUygra- 
jikie-hiéroglyphique .  Le  mémoire 
où  ces  résultats  sont  énoncés,  a 
été  lu  par  Taulcurà  l'institut.  Son 
volume  sur  les  écritures  égyptien- 


CHA 

nés,  et  la  suite  de  son  ouvrage, 
ne  tarderont  pas  à  paraître.  11  est 
associé  à  plusieurs  académies  na- 
tionales ou  étrangères;  il  a  rédigé 
en  outre  une  Grammaire  et  un 
Dictionnaire  de  la  langue  égyp- 
tienne,  sir  les  texiesqui  nous  res- 
tent écrits  en  cette  langue  ;  et  ce 
travail,  encore  manuscrit,  dont 
la  publication  est  si  désirable , 
l'orme  5  volumes  in-4°. 

CHANDLER  (Richard),  hellé- 
niste anglais ,  né  en  i  ;:58,  dans  le 
lierkshire,  fut  élevé  au  collège  de 
la  Magdelcine  d'Oxlbrd,  embras- 
sa l'état  ecclésiastique,  et  s'appli- 
qua spécialement  à  l'étude  des 
langues  anciennes.  Reçu  membre 
de  la  société  des  antiquaires  de 
Londres,  il  entreprit  de  rectifier 
les  erreurs  qui  s'étaient  glissées 
dans  les  éditions  précédentes  des 
Marbres  d'/irunde.l  ou  Marbres 
d'Oxford.  Il  réussit  dans  ce  tra- 
vail, refondit  presque  tout  l'ou- 
vrage, et  en  donna  lui-nn'me,  en 

1763,  une  édition  complète,  1 
vol,  in-fol,,  qui  est  la  seule  con- 
sultée aujourd'hui  ferles  sa  vans. 
Chandler  fut  chargé,  par  la  socié- 
té des  dilettanti ,  de  se  rendre 
dans  les  contrées  de  l'Orient  pour 
y  examiner  les  ruines  des  monu- 
njens  antiques.  Il  fit  ce  voyage, 
accompagné  du  docteur  Revett, 
et  de  M.   Pars,   dans  les  années 

1764,  1765,  et  1766.  Les  îles  Io- 
niennes ,  l'Altique,  la  Béotie  , 
lArgolide  ,  TElide,  furent  suc- 
(cssivemcnt  le  théâtre  de  ses  tra 
vaux;  et  il  revint  à  Londres  avec 
des  notes  extrêmement  précieu- 
ses, qui  servirent  de  texte  i^  un 
ouvrage  en  deux  volumes  in-fol., 
dont  le  premier  fut  publié  en 
T^O»  **  le  secon^den  1800,  sous 


CHA  299 

le  titre  (H" Antiquités  Ioniennes. 
Chandler  fit  paraître  ensuite  se» 
f^oyages  dans  l'Asie-Mineure  et 
dans  la  Grèce  ,  en  2  vol.  in-4°> 
1775,  1776,  qui  bientôt  furent 
traduits  en  plusieurs  langues.  La 
traduction  française  de  MM.  Scr- 
vois  et  Barbié-Dubocage,  est  très- 
estimée.  Les  hellénistes  la  recher- 
chent non-seulement  à  cause  de 
son  exactitude  ,  mais  pour  les  no- 
tes historiques  et  critiques  ajou- 
tées au  texte  par  les  traducteurs. 
Ceux-ci  ont,  en  cela,  rempli  le 
vœu  de  l'auteur,  qui  avait  pous- 
sé la  modestie  jusqu'à  exprimer 
dans  son  ouvrage  le  désir  de  voir 
relever  ses  erreurs  ou  ses  omis- 
sions. Chandler  avait  fait  impri- 
mer à  Oxford,  en  1774»  Inscrip- 
tiones  antiquœ  plerumque  non- 
dum  edilœ ,  in  Asiâ  minori  et 
Grœciâ,  prœsertim  Athenis,  col- 
lectœ  y  I  vol.  in-fol.  La  lecture  de 
cet  ouvrage  prouve  la  supériorité 
du  talent  de  son  auteur  pour  dé- 
chiffrer les  inscriptions  ancien- 
nes, les  expliquer  et  remplir  les 
lacunes,  œuvres  du  temps  ou  de 
la  barbarie.  Chandler  a  laissé 
quelques  manuscrits.  L'Histoire 
d'ilium  ou  de  Troie,  1  vol.  in- 
4*,  i8o2,  est  le  dernier  ouvrage 
qu'il  ait  publié.  Ministre  ou  rec- 
teur de  la  paroisse  de  Tilchurst, 
située  dans  la  province  qui  l'avait 
vu  naître,  il  y  mourut  flgé  de  72 
ans,  le  9  février  1810. 

CHANLAIRE  (P.  G.),  géogra- 
phe, l'un  des  auteurs  de  l'Atlas 
national  de  France,  s'est  créé  de 
véritables  titres  à  l'estime  publi- 
que par  ses  nombreux  et  utiles 
travaux.  On  a  de  lui  un  grand 
nombre  de  cartes  dont  les  pluii 
remarquables  sont  :  Allas  de  la 


Zoo 


Cil  A 


partie,  mcridionale  de  l'Eiwope 
en  45  feuilles  ;  Carie  dic  théâtre 
fie  la  guerre  en  Orient,  5  gran- 
des feuilles  ;  Cartes  de  l'Egypte  et 
du  Delta.  M,  Chanlaire  a  donné, 
avec  M. Capitaine,  la.  Carte  de  la. 
Belgique  d'après  Ferraris,  69 
fouilles;  avec  M.  Ilerhin,  Tableau 
général  de  la  nouvelle  division  de 
la  France  en  départemens,  ar- 
rondissemens  communaux  et  jus- 
tices de  paix,  1802,  in-4*;  ^vec 
M.  Peuchet,  Description  topo- 
graphique et  statistique  de  la 
France,  1810, 1  vol.  in-4".  Il  exis- 
te déjà  plusieurs  éditions  de  ces 
deux  derniers  ouvrages  qui  sont 
delà  plus  grande  utilité  pour  les 
Français.  M.  Chanlaire  occupe 
depuis  plus  de  vingt  ans  la  place 
de  chef  de  division  à  l'adminis- 
tration générale  des  forêts.  Il  est 
membre  de  plusieurs  sociétés  sa- 
vantes. 

CHANTEREAL'  (Pierre-Nico- 
las), naquit  à  Paris  en  1741-  Lit- 
térateur distingué  et  passionné 
pour  le  travail,  narrateur  com- 
plaisant, il  se  fit  remarquer  dans 
ses  écrits  par  beaucoup  d'ordre 
et  de  méthode.  Doué  d'un  talent 
particulier  pour  l'analyse,  la  plu- 
}>art  de  ses  productions  prouvent 
qu'il  s'étudiait  à  instruire  ses  lec- 
teurs sans  fatiguer  leurattention. 
Son  premier  ouvrage  fut  une 
grammaire  espagnole-française , 
dont  le  mérite  lui  valut  le  titre 
honorable  de  membre  d'une  des 
académies  royales  de  Madrid. 
ClÉintereau,  dans  sa  jeunesse, 
ayant  habité  l'Espagne  pendant 
plus  de  vingt  ans,  M.  de  Bour- 
going,  ambassadeur  auprès  de 
cette  puissance,  le  jugea  capable 
de  sonder  lis  di'^positions  des  ha- 


ClïA 

bilans  de  la  Catalogne  an  sujet  de 
la  révolution  friui(;ii-;e.  Chante- 
reau,  chargé,  en  ijii'î,  île  cette 
mission  importante  et  secrète, 
s'en  acquitta  avec  succès.  A  Theu- 
reuse  époque  où  le  gouvernement 
releva  l'instruction  publique  par 
l'établissement  des  écoles  primai- 
res, secondaires, etc.,  etc.,Chan- 
terean  fut  nommé  professeur 
d'histoire  à  Auch.  C'est  dans  cette 
ville  qu'il  termina  sa  carrière,  le 
25  octobre  1808,  à  lâge  de  67 
ans.  Il  n'existait,  avant  sa  mort, 
qu'une  seule  édition  complète  des 
œuvres  de  Voltaire,  c'était  celle 
de  Beaumarchais.  Chantereau  y 
joignit  un  ouvrage  important  en 
deux  volumes  in-8",  intitulé  :  Ta- 
ble analylûjue  et  raisonnée  des 
matières  contenues  dans  les  œu- 
vres de  Voltaire.  Ces  tables  font 
regretter  que  leur  auteur  n'ait 
pas  vécu  jusqu'à  nos  jours;  il  au- 
rait sans  doute  imaginé  quelques 
moyens  ingénieux  pour  adapter 
son  travail  aux  nouvelles  éditions 
de  Voltaire  qyi  se  succèdent  sans 
relâche.  Le  nombre  des  œuvres 
laissées  par  Chantereau  est  consi- 
dérable; elles  embrassent  la  dia- 
lectique, l'histoire,  la  géographie, 
la  chronologie,  la  philosophie,  la 
morale  et  même  la  politique;  tra- 
ducteur de  plusieur!!  voyages,  nar- 
rateur de  ceux  qu'il  a  faits  lui-mê- 
me, s'il  ne  s'est  pas  élevé  au  rang 
des  littérateurs  brillans,  du  moins 
occupe-t-il  une  place  honorable 
parmi  les  liilérateurs  utiles.  Le 
moins  recomn)andable  de  ses  tra- 
vaux n'est  pas  sa  traduction  des 
Tables  de  Blair.\ oic'i  la  liste  elles 
titres  des  ouvrages  qu'on  a  de  lui: 
1"  Arte  de  hab(ar  frances,  in-4°, 
1797;    !i"  Voyage  dans  les  trois 


CHA 

royaumes  d'Angleterre,  d'Ecosse 
et  d'Irlande,  fait  en  1 788  et  \  789, 
5  vol.  in-8°,  1793;  5°  Lettres  é- 
criles  de   Barcelonne  à  un  zéla- 
teur de  la  liberté  ijui  voyage  en 
Allemagne,  ou  V^oyage  en  Espa- 
gne en  1792,  etc.,  in-8°,  1792;  4" 
f^oyage  philosopUique,  polilii/ue 
et  littéraire,  Jaii  en  Russie,  tra- 
duit du  hollandais ,  etc.,  a  vol. 
iu-S",  1794;  5"  Tables  ckronolo- 
gifjues  publiées  en    anglais  par 
John  Blair,  traduites  en  français , 
179^,  in-4°;  d"  Systinie  analyti- 
que des  notions  qu'il  faut  acqué' 
rir  pour  connaître  complètement 
l'histoire  d'une  nation,  etç,  1799» 
in- 1 3;  7°  Table  analytique  et  rai- 
sonnée  des    matières    contenues 
dans  les  Œuvres  de  f^oltaire ,  % 
vol.  in-S",  1801;  %"  Dictionnaire 
national  et  anccdoiique  pour  ser- 
\'ir  à  l' intelligence  des  mots  dont 
nuire  langue  s'est  enrichia  depuis 
la  révolution ,  etc.,  «790,  in -8*; 
9°  Essai  didactique  sur  la  forme 
que  doivent  avoir  les  livres  élé- 
mentaires faits  pour  les   écoles 
nationales,  1795,  in -8°;    xq"  de 
l' importance  de  l'étude  de  l'IiLs- 
taire  et  de  la  vraie  manière  de 
l'enseigner,  etc.,  1802,  in-8';  11" 
Science  de l' histoire,  1804 — 180  >, 
5  vol.    in-4°;    la'   Mappemonde 
chronographique,  etc.,  l8o5,  in- 
fo 1.  ;  i5*  ISotice  élémentaire  sur 
l' origine ,    la  fondation    et    les 
changemuns  qu'ont  éprouvés  les 
empires ,  tia. y   1804,  in-8";   i4" 
Elémens     d'Iùstoire    miluairc  , 
1808,    in-8";    i5"    Histoire  de 
Eranca  abrégée  et  chronologique 
depuis  lu   première   expédition 
des   Gaulois  jusqu'etl  suptembre 
1808,  2  vol.  in-^». 
ClJAIMiL.VIN  (VicTOft),  dcpu- 


CHA  joi 

lé  du  département  de  la  Vendée 
au  conseil  des  cinq-cenl.s,  vint  y 
siéger  en  1 790,  et  signala  !«<>  pre- 
miers jours  de  sa  mission  en  ac- 
cusant le  général  Turreau  d'ex- 
cès, de  dévastations  et  de  mesu- 
res atroces;  l'accusé  fut  d'abord 
traduit  devant  le  directeur  du  jury 
de  Tours;  mais  le  gouvernement 
le  fit  renvoyer  à  un   conseil  de 
guerre.  Le  président  de  ce  conseil 
invita  Chapelain  Adonner  les  ren- 
seignemens    qu'il    avait    sur    le 
compte  du  général. L'accusateur, 
au  lieu  de  répondre  ù  cette  invita- 
tion ,    en    fut  tellement    effrayé 
qu'il  se  poignarda.  Il  ne  mourut 
point  de  sa  blessure,  et  reparut 
dans  le  conseil;  il  y  lit  la  singu- 
lière  proposilioti  d'admettre  le:* 
femmes  auxchaires  de  dessin  dan* 
lea  écoles  centrales.  Fendant  sa 
carrière  législative.  Chapelain  at- 
tira souvent  l'attention  du  con- 
seil sur  les  malheur?  de  la  Ven- 
dée. 11  indiquait  les  moyens  d'y 
terminer  la  guerre,  d'y  l'aire  re- 
fleurir le  comiHerce  eti'industrie, 
et  ea  cela  il  servait  les  véritables 
intérêts  de  son  pays.  11  sollicitait 
du  directoire  une  forco  plus  puis- 
sante que  la  gendarmerie  pour  é- 
tablir  et  maintenir  la  tranquillité 
dans  les  départemens  insurgés. 
Kédacteur  d'un  projet  sur  les  ins- 
titutions civiles,  il  proposait  dan» 
ce  travail  la  suspension  de  l'éli- 
gibililé  pour  les  chefs  rebelles  am- 
nistiés, et  s'opi»osait  à  la  fixation 
d'un  terme  où  cesserait  la  siu;ces- 
sibilitéde  la  république  aux  biens 
des  émigrés.  Sorti  du  con^scil  des 
linq-ccots.  Chapelain  reutra  pai- 
»il>lement  d#m»  sus  n*yers. 

CHAl'KLLKa(J»AN-KÉNi-GM, 
lit),  lils-d'utt  arocftt  diàtiugué  au 


3oa 


CHA 


parlement  de  Rennes.  Né  dans 
cette  ville,  en  1754,  il  y  fut  bien- 
tôt-remarque lui-même.  La  cha- 
leur avec  laquelle  il  embrassa 
contre  la  cour  la  cause  des  par- 
lemens,  le  lit  choisir,  en  1789, 
comme  député  du  tiers-état.  Ses 
sentimens  invariables  et  ses  talens 
soutinrent  au  sein  des  élals-gé- 
néraux  la  réputation  brillante 
qu'il  s'était  faite'  en  Bretagne.  Il 
eut  aussi  la  plus  grande  part  aux 
travaux  de  l'assemblée  nationale, 
soit  à  la  tribune,  soit  dans  le 
comité  de  constitution.  Sa  carriè- 
re fut  courte,  mais  très-remplie; 
deux  années  lui  suffirent  pour 
mériter  une  place  parmi  les  hom- 
mes les  plus  utiles  de  ces  temps 
mémorables.  Dès  l'ouverture  des 
états-généraux,  il  proposa  la  vé- 
rification des  pouvoirs  par  les 
trois  ordres  réunis,  et  fit  déci- 
der que  les  communes  correspon- 
draient directement  avec  le  roi. 
Le  Chapelier  fut  un  des  auteurs 
du  serment  prononcé  au  Jeu-de- 
Paume.  Il  demanda  que  les  trou- 
pes s'éloignassent  de  la  capitale, 
qu'on  établît  des  milices  patrio- 
tiques, et  que  Necker  fftt  mainte- 
nu au  ministère.  Il  s'opposait  à 
ce  que  les  provinces  conservas- 
sent des  privilèges,  et  le  clergé 
des  propriétés  territoriales,  et 
c'est  lui  qui  provoqua  le  décret 
d'après  lequel  chaque  député  ne 
fut  plus  considéré  comme  le 
mandataire  d'un  département , 
mais  comme  un  des  rcprésen- 
tans  de  toute  la  nation.  Au  mo- 
ment même  où  se  forma  le  comi- 
té de  constitution.  Le  Chapelier 
en  fut  membre.  Nommé  prési- 
dent le  3  août,  il  ne  tarda  pas  à 
célébrer  dans  un  de  ses  discours 


CHA 

la  nuit  du  4»  où  avait  été  pronon- 
cée la  solennelle  abolition  des 
privilèges.  Il  fut  choisi  une  se- 
conde fois  pour  le  comité  de  cons- 
titution. Durant  les  journées  du 
5  et  du  6  octobre,  il  remplaça 
Mounier  qui  était  alors  président. 
Il  provoqua  la  décision  qui  mit 
les  biens  du  clergé  à  la  disposi- 
tion de  la  nation,  et  fit  prendre 
des  mesures  contre  les  autorités 
qui  ne  publieraient  pas  les  décrets 
revêtus  de  la  sanction  royale.  11 
dit  à  la  tribune  qu'il  ne  devrait 
y  avoir  qu'une  assemblée  électo- 
rale par  département,  et  que  tout 
Français  avait  droit  d'être  repré- 
sentant s'il  obtenait  le  nombre 
de  sulîrfiges  requis.  Il  proposa 
de  renouveler  le  parlement  de 
Rouen,  coupable  opposition  aux 
lois  nouvelles;  demanda  qu'où 
établît  des  tribunaux  de  famille, 
et  insista  fortement  sur  la  sup- 
pression des  ordres  monastique*. 
C'est  aussi  vers  la  fin  de  février, 
en  1790,  qu'il  commença  à  pu- 
blier, conjointement  avec  Con- 
dorcet,  la  Bibliotkcque  de  l'hom- 
me public;  cet  ouvrage,  con- 
tinué jusqu'en  1792,  forme  2S 
vol.  in-8".  Dans  une  séance  du 
commencement  de  mai,  en  1790, 
il  déclara  contraire  à  l'esprit  de 
la  législation  moderne  que  la  no- 
mination des  juges  appartînt  au 
roi,  et  même  il  vota  en  faveur 
d'un  projet  de  loi  que  présentait 
Mirabeau,  et  qui  tendait  à  délé- 
guera la  fois  au  pouvoir  législa- 
tif et  au  pouvoir  exécutif  le  droit 
de  paix  et  de  guerre.  Il  rédigea 
le  décret  de  la  suppression  des  ti- 
tres nobiliaires,  et  voulait  qu'on 
augmentât  le  traitement  des  cu- 
rés de  campagne.  A  la  fin  d'oc- 


CHA 

lobre  il  présenta  le  plan  d'orga- 
nisation de  la  haute-cour  natio- 
nale, et  du  tril)unal  de  cassation. 
Chapelier  fut  un  de  ceux  qui  con- 
tribuèrent le  plus  à  l'adoption  des 
trois  couleurs;  enfin  c'est  ;\  lui 
surtout  que  lesprotestans  d'Alsa- 
ce et  de  ^Franche-Comté  avaient 
dû  le  libre  exercice  de  leur  culte, 
et  leur  réhabilitation  politique. 
Au  con)inencement  de  1791?  Le 
Chapelier  réclame  contre  l'inser- 
tion de  son  nom  sur  la  liste  des 
membres  du  club  monarchique. 
Au  mois  de  mars  il  met  en  dis- 
cusi'ion  le  projet  de  lois  sur  le 
nombre  des  ministres  et  sur  leurs 
attributions,  ou  leur  responsabi- 
lité. Le  16  mai,  il  s'oppose,  mais 
Tainement,  à  la  décision  qui  doit 
interdire  aux  membres  de  la  pre- 
mière assemblée  leur  admissi!)n 
à  l'assemblée  législative,  et  le 
surleudemain  il  prétend  que  les 
électeurs  des  départemens  ne  se- 
ront pas  tenus  de  s'y  soumettre. 
Lorsque  Louis  XVI  voulut  pas- 
ser les  frontières.  Le  Chapelier 
fit  décréter  une  adresse  aux  ha- 
bitans  de  Paris,  et  proposa  di- 
verses mesures  de  bfireté;  le  len- 
demain 39-  juin,  il  obtint  la  sus- 
pension de  la  séance,  et  le  25  la 
5uppres>ion  du  décret  qui  convo- 
quait les  assemblées  primaires. 
Depuis  quelque  temps  on  remar- 
quait un  changement  dans  sa  ma- 
nière de  penser;  trompé  ainsi  que 
beaucoup  d'autres  sur  les  vérita- 
blescausesd'une  division  que  ma- 
nifestaient déjà  de  sinistres  pré- 
sages, il  fut  déconcerté  par  cette 
démarche  du  roi ,  et  il  montra 
beaucoup  d'incertitude.  Lcf)  août 
il  demanda  (|ue  les  ministres  fus- 
»cnt   autorisés  à  présenter  leurs 


CHA  3o3 

idées  sur  la  révision  des  articles 
constitutionnels;  et,  au  commen- 
cement de  septembre,  il  propo- 
sa même  d'arrêter  qu'en  i8oo  u- 
ne  assemblée  spéciale  serait  con- 
voquée pour  examiner  ^t  pour 
rectifier  la  constitution.  iNéan- 
moins,  dans  la  même  séance,  il 
voulut  que  le  roi  n'eût  point  l'i- 
nitiative de  cette  révision,  et 
quelques  jours  auparavant  on  l'a- 
vait vu  s'opposer  à  ce  que  les 
droits  de  citoyens  actifs  fussent  ac- 
cordés aux  princes.  Le  Chapelier 
ne  pouvait  ignorer  qu'à  cette  é- 
poque  il  était  dangereux  d'aban- 
donner la  cause  populaire  ;  mai* 
il  voyait  les  premiers  symptômes 
d'un  mal  dont  il  ne  connaissait 
pas  bien  la  source;  il  eût  désiré 
prévenir  une  anarchie  que  des 
personnages,  dont  l'influence  n'é- 
tait pas  détruite,  se  préparaient  à 
opposer  au  cours  des  nouvelles 
destinées  de  leur  patrie.  Contre 
son  ancienne  opinion,  il  fit  dé- 
créter que  les  seuls  propriétaires 
conserveraient  le  droit  de  choisir 
les  députés,  et  que  d'ailleurs  les 
électeurs  ne  recevraient  aucune 
indemnité  pour  leur  déplacement. 
Lorsque  l'huissier  Damien  fut  ar- 
rêté lui-même  pour  avoir  entre- 
pris, en  vertu  d'un  décret  de  prise 
de  corps,  d'arrêter  Danton  qui  é- 
tait  pour  ainsi  dire  à  la  tête  des 
électeurs  du  département  de  la 
Seine,  Le  Chapelier  eut  le  coura- 
ge de  faire  désapprouver  la  con- 
duite de  Pastoret  leur  président, 
et  il  porta  la  fermeté  jusqu'à  rom- 
pre avec  la  société  des  jacobins 
pour  se  réunir  à  celle  des  feuillans. 
Conformément  à  ces  principes,  il 
s'efforça  de  diminuer  l'ascendant 
des  sociétés  populaires,  et  même 


5o'j  Cil  A 

il  obtint  à  cet  effet  un  décret 
dans  les  séances  du  ag  septem- 
bre. Mais  les  hommes  modérés 
qui  cherchaient  à  rendre  plus  tu- 
télaire  la  prérogative  royale  pre- 
naient une  résolution  périlleuse; 
cette  opposition  tartiivc  hâta  la 
perte  du  monarque,  et  les  perdit 
eux-mêmes.  Mécontent  de  l'impul- 
sion que  suivait  l'asi^emblée  légis- 
lative, Le  Chapelier  se  icndil  eu 
Angleterre;  mais  il  ne  tarda  pas  à 
revenir,  craignant  que  le  séques- 
tre ne  fût  mis  sur  ses  biens.  Cette 
hésitation,  ces  précautions  con- 
tradictoires lui  coûtèrent  la  vie. 
Accusé,  ainsi  que  plusieurs  de 
ses  collègues,  dès  le  premier  a- 
vril  1793,  d'avoir  conspiré  avec 
les  émigré''  eu  laveur  de  la  cour, 
et  traduit,  le  5  lloréal  an  2,  de- 
vant le  tribunal  révolulionuaiÉC, 
il  fut  condamné  à  mort,  et  exé- 
cuté en  même  temps  que  Thou- 
ret  et  d'Esprémenil.  Le  Chape- 
lier aimait  les  plaisirs,  et  toute- 
lois  occupa  long- temps  un  des 
premiers  rang?,  parmi  le»  plus  u- 
liles  et  les  plus  zélés  défenseurs 
de  la  liberté,  lion  orateur  et  sur- 
tout excellent  logicien,  il  résu- 
mait, avec  une  clarté  qui  n'appar- 
tenait qu'à  lui,  les  discours  qu'on 
venait  de  prononcer  à  la  tribu- 
ne, etla vigueur  de  son  élocution 
donnait  ensuite  un  grand  avanta- 
ge à  l'opinion  qu'il  adoptait. 

CHAPMAN  (Frédébic-Henui), 
Suédois,  fut  un  célèbre  construc- 
teur de  vaisseaux.  Dire  que  les 
Anglais  ont  imité  et  ont  voulu 
s'approprier  sa  méthode,  c'est  as- 
sez faire  son  éloge.  L'art  de  cons- 
truire les  vaisseaux  futpourChap- 
man  l'objet  d'un  goût  passionné 
qu'il  éprouva  dès  sa  jeunesse,  et 


CIIA 

il  était  déjà  très-habile  dans  ce 
genre  d'architecture,  lorsque,  dé- 
sirant agrandir  ses  connaissances, 
il  se  rendit  de  Suède  en  Angle- 
terre. Après  un  séjour  de  quelque 
temps,  il  revint  en  Suède,  où  Gus- 
tave III,  qui  voulait  remonter  s.» 
marine,  le  mit  à  la  tête  de  ses 
chantiers.  Chaprnan,  digne  de 
celte  confiance,  y  répondit  par 
des  travaux  qui  étonnèrent  son 
souverain  et  toute  la  Suède.  Vingt- 
quatre  vaisseaux  de  ligne,  parfai- 
tement et  promplement  cons- 
truits, par  ses  soins,  rendirent  ù 
son  pays  l'aspect  imposant  d'u- 
ne marine  militaire  respectable. 
Chaprnan  ajouta  à  ce  travail  la 
restauration  des  galères,  des  ga- 
bares,  des  chaloupes  canonnières 
et  bâtimens  composant  une  se- 
conde flotte  considérable.  Le  roi, 
pour  reconnaître  ses  services,  lui 
accorda  des  lettres  de  noblesse, 
le  nomma  vice-amiral  et  cora- 
mandeur  de  l'ordre  de  l'Epée. 
Chapuian  mourut  en  180S.  Ou  a 
de  lui  un  Trailc  sur  L' architectn- 
re  navale,  traduit  en  français, 
sous  le  titre  de  Traité  delà  cons' 
traction  des  vaisseaux,  par  Via! 
de  Clairbois,  1781,  in-'i". 

ClIAPPE  (Claude),  naquit  à 
lîrulon,  département  de  la  Sar- 
tlie,  en  1765.  Ce  nom  a  été  ho- 
norablcmeut  porté  par  plusieurs 
individus  de  la  même  famille. 
L'abbé  Chappe,  oncle  de  Claude, 
est  noté  dans  le»  fastes  de  la  scien-^ 
ce  comme  physicien  et  comme 
astronome.  Il  til  le  voyage  de  la 
Sibérie  et  de  la  Californie,  pour 
observer,  dans  ces  deux  parties 
du  monde,  le  passage  de  Ftnw» 
sous  le  disque  du  soleil,  et  mou- 
rut dans  le  cours  de  ses  obsciya- 


CHA 

tions.  Non  moins  laborieux  que 
son  oncle,  et  passionné  comme 
lui  pour  les  sciences,  Claude 
Chappe  n'eut  pas  une  fin  plus  heu- 
reuse. Abreuvé  des  dégoftls,  et 
fatigué  des  rivalités  et  des  tracas- 
series de  tout  genre  que  l'on  op- 
posait à  son  invention  du  télégra- 
phe, il  fut  surpris  par  la  mort,  au 
milieu  de.  ses  travaux,  en  janvier 
180 5,  à  peine  âgé  de  42  ans.  A- 
vant  la  découverte  de  l'Améri- 
que, on  ne  révoquait  pas  en  dou- 
te l'existence  d'un  autre  conti- 
nent :  il  ne  s'agissait  que  de  le 
trouver.  C'est  ce  que  fit  Christo- 
phe Colomb  :  ainsi  Chappe  n'est 
certainement  pas  l'inventeur  de 
l'idée  première  de  faire  voler  la 
pensée  au  moyen  de  signaux  ra- 
pides. Cette  découverte  touche 
aux  temps  les  p^us  reculés;  les 

1,  voiles  blanches  et  noires  de  Thé- 
K  sée,  les  fanaux  d'Agamemnon  , 
parlaient  déjà  la  langue  des  télé- 
graphes; Tamerlan  dans  son  ar- 
mée, les  Chinois  dans  leur  empi- 
re, et  la  plupart  des  peuples  civi- 
lisés, ontjConnu  l'art  de  correspon- 
dre an  loin  avec  cék'rilé,  les  Ro- 
mains surtout  le  mettaient  en 
pratique  dans  les  pays  qu'ils  en- 
v.diissaient.  Les  hautes  tours  d'U- 
zès,  de  Bellegarde,  d'Arles,  de 
Nîmes,  de  Besançon,  etc.,  etc., 
étaient  destinées  à  des  vedettes 
qui  communiquaient  ensemble 
par  des  signaux,  et  recevaient  ou 
se  renvoyaient  rapidement  les 
ordres  et  les  avis  qui,  malgré  les 
obstacles,  se  croisaient  dans  tous 
1rs  sens.  Uobert  llooke,  vers  la 
fm  du  i^"'  siècle,  s'occupa,  dans 
Tile  de  SVigl,  d'un  système  de  si- 
gnaux ou  es|)èce  de  télégraphe. 
Le  docteur  Hoffmann,  médecin 


CHA 


5o5 


de  l'électeur  de  Mayencc,  publia 
à  Munster,  en  1782,  un  ouvrage 
contenant  ses  idées  sur  la  télégra- 
phie. Dans  la  même  année,  le  cé- 
lèbre avocat  Linguet  présenta,  au 
ministère  de  la  marine  française, 
un  mémoire  niaî)uscrit  sur  les 
nioyens  d'établir  des  signaux  par 
la  lumière.  Chappe  aurait  peu  de 
gloire  à  réclamer,  si  elle  s'atta- 
chait à  l'invention  de  l'idée  pre- 
mière. Il  en  est  autrement,  si, 
comme  nous  le  pensons,  elle  ap- 
partient ici  aux  meilleurs  moyens 
d'exécution.  Cela  une  fois  recon- 
nu, on  ne  peut  contester  à  Chap- 
pe le  mérite  d'avoir  découvert  un 
procédé  ingénieux  et  facile,  au 
moyen  duquel  on  peut  transmet- 
tre i\  la  plus  grande  distance,  a- 
vec  la  rapidité  de  la  lumière,  tou- 
te espèce  d'idée.  Ce  fut  en  1793 
que  ce  physicien  présenta  à  la 
convention  nationale  l'invention 
de  son  télégraphe;  l'essai  s'en  fit 
en  1795,  i\  l'occasion  dc,la  prise 
de  Condé.  La  transmission  de 
celte  nouvelle  à  Paris,  et  la  répli- 
que que  l'on  y  avait  faite,  ayant 
eu  lieu  j)endant  la  durée  d'une 
séance  de  la  convention,  elle  ren- 
dit, par  enthousiasme  et  sans  dé- 
semparer, un  décret  qui  accor- 
dait à  Chappe  le  titre  d'ini^cnimr- 
télc^raphe.  MW.  Bréguet  et  Bé- 
thancourt  prétendirent  avoir  fait 
des  découvertes  dans  le  même 
genre ,  antérieures  à  celles  de 
Chappe;  celui-ci  les  leur  contes- 
ta, et  le  gouvernement  le  main- 
tint dans  ses  fonctions  en  le  char- 
geant d'établir  trois  diflerentcs  li- 
gnes télégraphiques.  Le  rapport 
décennal  fait  à  l'empereur  Napo- 
léon en  1810,  par  la  classe  des 
sciences  physiques,  contient  ua« 
30 


3o6 


CHA 


description  coiuplèteet  raisoiinée 
du  télégr.'<|)lie,  *-.(.  un  très-bel  élo- 
ge de  celte  précieuse  invention. 
En  lisant  ce  rapport,  on  peut  croi- 
re que  les  auteurs  qui  se  sont  oc- 
cupés des  moyens  de  perfection- 
ner l'ouvrage  de  Chappe,  n'a- 
vaient encore  rien  fait  de  mieux 
à  cette  é[)oque.  On  compte,  par- 
mi ces  auteurs,  M.ValentinHauy, 
qui  a  exporté  ses  découvertes  en 
Russie;  MM.  Laval,  Peytes  de 
Montcabrié,  Leblond  et  Vero- 
nèse. 

CHAPPE  (Jean -Joseph),   et 

CHAPPE  (PlERRE-FBANÇOIs),SOnt 

frères  du  précédent.  Le  premier, 
après  avoir  été,  en  1791,  député 
du  département  de  la  Sarthe  à 
l'assemblée  législative,  a  depuis 
succédé  à  son  frère  dans  l'emploi 
de  directeur  des  lignes  télégra- 
phiques; le  second  est  inspecteur- 
général  dans  la  même  partie.  Le 
roi  les  a  nommés  tous  deux  cheva- 
liers de  la  légion-d'honneur. 

CHAPPUIS  (H.  A.),  né  dans 
le  comtat  Venaissin  en  1764,  se 
montra  l'un  des  plus  ardens  par- 
tisans de  la  révolution  lorsqu'il 
lut  question  de  réunir  son  pays  à 
la  France.  Au  mois  de  brumaire 
an  4  (septembre  1795),  il  siégea 
au  conseil  des  cinq-cents  en  qua- 
lité de  député  du  département  de 
Vaucluse.  Son  existence  dans  l'as- 
semblée était  presque  un  mystè- 
re ,  lorsqu'un  incident  le  lit  re- 
marquer. 11  fut  appelé  comme 
témoin  dans  l'affaire  de  Messo- 
iiier,  accusé  de  conspiration.  Au 
bout  de  deux  années,  M.  Chap- 
puis  rompit  le  silence  qu'il  avait 
gardé  jusqu'alors  pour  combattre 
le  projet  tendant  à  provoquer 
l'application    des  lois   françaises 


CHA 

aux  émigrés  du  comtat.  M.  Chap- 
puis  ne  se  borna  point  à  ce  coup 
d'essai  ;  il  pronon(;a ,  quelques 
mois  plus  tard,  un  éloquent  dis- 
cours dans  lequel  il  établit  qu'on 
devait  accorder  des  récompenses 
aux  auteurs  dramatiques,  et  con- 
server à  jamais  dans  les  répertoi- 
res des  théâtres  les  chefs-cf'œuvre 
de  Corneille,  de  Racine,  de  Vol- 
taire, etc.  Ennenii  de  la  révolu- 
lion  du  18  brumaire,  il  sortit  du 
conseil  après  cette  journée.  Il  y 
rentra  en  1802,  époque  de  la  cin- 
quième session  du  corps-législa- 
tif, et  y  siégea  jusqu'en  1814. 
C'est  lui  qui,  le  premier,  parut  à 
la  tribune  pour  demander  la  dé- 
chéance de  l'empereur  et  le  rap- 
pel des  Bourbons.  M.  Chappuis 
fut  l'un  des  députés  de  la  mémo- 
rable chambre  introuvable  de 
i8i5. 

GHAPTAL  (Jeas  -  Antoine)  , 
comte  de  Chanteloup,  est  né  à 
Nosaret,  département  de  la  Lo- 
zère, le  5  juin  i7r>().  Ses  parens 
cultivaient  depuis  long-temps  un 
très-grand  domaipe  dont  les  pro- 
duits leur  donnaient  de  l'aisance. 
L'uîné  de  la  famille  héritait  du 
bien,  elles  cadets  étaient  élevés 
pour  l'église,  la  médecine  ou  le 
barreau.  Quelqu«^s  livres  de  mé- 
decine et  surtout  d'histoire  natu- 
relle ,  que  le  jeune  Chaptal  trou- 
va dan.-  la  maison  paternelle,  dé- 
cidèrent sa  vocation.  Il  fit  ses 
premières  études  à  Mende,  sous 
les  doctrinaires,  et  les  termina  à 
llhodez,  dont  le  collège  avait  une 
grande  réputation,  <.'t  où  il  eut 
pour  professeur  de  rhétorique, 
l  honnête  et  savant  Dumouchel, 
depuis  recteur  de  l'université  de 
Paris,  q^ui  n'eut  pas  d«  plusbril- 


lant  élève.  Sorli  de  Rhoder,  M. 
Chaptal  se  rendit  à  Montpellier 
auprès  d'un  de  ses  oncles,  qui  de- 
2)uis  cinquante  ans  exerçait  la 
profession  de  médecin  ,  avec  des 
succès  tels,  qu'on  l'avait  surnora- 
nié  le  ^u^rLsstur.  Ce  J'ul  sous  ses 
auspices  qu'il  se  livra  à  l'étude 
de  la  médecine,  et  surtout  des 
sciences  naturelles  :  ses  progrès 
lurent  éclatans  ;  sa  thèse  de  ba- 
chelier sur  Itfs  Causes  des  difjc- 
reiicfs  parmi  les  hommes ,  eut 
trois  éditions.  M.  Chaptal  vint 
passer  ensuite  quatre  année?  à 
Paris,  où  il  se  lia  inlimenient  a- 
vec  Cabanis,  Rouchcr,  Leniierrc, 
Delille,  Fontancs,  etc.;  il  ne  s'oc- 
cupait plus  que  de  liltératnre  et 
de  philosophie,  lorsqu'àson  insu, 
les  états  du  Lanijuedoc  créèrent 
pour  lui  une  cluiire  de  chimie  à 
Mompellier.  Celle  marque  de 
confiance  le  ramena  auprès  de 
son  oncle;  il  se  maria  la  même 
année  avec  Testimablc  femme 
qu'il  possède  encore.  Ses  cours  d« 
chimie  furent  suivis  par  de  ru>m- 
brcux  auditeurs.  C'est  pour  eux 
surtorut  que  M.  Chaplal  publia 
trois  volumes  iVJKiémen>i  dt.  clv-^ 
nii-,  qui  furent  bientôt  traduits 
dans  toutes  les  langues.  Feu  d'ou- 
vrages élémentaires  ont  eu  un  pa- 
reil débit  eu  Europe.  Quatre  édi- 
tions successives  en  ont  répandu 
iO,ooo  exemplaires  en  France. 
Les  états  de  Languedoc  mar- 
quaient une  entière  confiance  à 
Âl.  Chaplal;  ils  n'administraient 
l'agriculture,  le  commerce  et  les 
arts  que  d'après  ses  conseils  ;  et 
demandèrent  pour  lui,  en  17H7, 
le  cordon  de  Saint-Michel,  etdes 
lettres  de  noblesse  qui  furent  ac- 
cordées. M.  Chaptal  hérita  dusuu 


GHA 


307 


oncle,  qui  lui  laissa  000,000  fr. ; 
il  employa  cette  fortune  à  former 
des  élablissemens  qui  manquaient 
à  la  France;  aucun  chimiste,  a- 
vanl  lui,  n'avait  fait  une  applica- 
tion aussi  utile  de  la  science  ik 
l'industrie,  li  est  un  des  princi- 
paux auteurs  de  la  fabrication  de 
l'acide  sulfurique,  et  c'est  lui  qui 
a  composé  le  premier  alun  artifi- 
ciel que  le  commerce  ait  connu; 
On  lui  doit  également  l'^r^  de.  l^ 
ttiiiLurc  du  colon  en  luuge  d' An- 
drinople  :  il  apprit  aux  ingénieur» 
à  remplacer  les  pouzzolanes  d'I- 
talie par  les  terres  ocreuses  cal- 
cinées. Il  y  a  peu  d'arts  enfin  qu« 
M.  Chaplal  n'ait  créés  ou  per- 
fectionnés dans  le  midi  de  la  Fran- 
ce. Pendant  les  orages  de  la  ré^ 
volution,  lorsque  la  république 
frauçpiise  vit  déployer  contre  ell« 
toutes  les  forces  de  l'Jiurope,  le» 
procédés  ordinaires  de  la  fabrica- 
tion ne  sullisaient  pas  pour  four- 
nir aux  besoins  de  poudre  et  de 
salpêtre,  il  fallut  en  créer  de  nou- 
veaux et  de  plus  expéditifs;  M. 
Chaptal,  appelé,  en  1793,  par  U 
comité  de  salut  public  pour  diri- 
ger cette  opération,  parvint  à  fai- 
re fabriquer  à  la  seule  poudi-eri« 
de  Grenoble  trente- cinq  millier» 
de  poudre  par  jour  ;  et  dans  lu 
court  espace  dun  an,  les  diffé- 
rens  élablissemens  de  ce  genre  ap- 
provisionnèrent nos  arsenaux  d« 
vingt-deux  millions  de  salpêtre, 
et  de  treize  milli«)ris  de  poudre. 
Ce  grand  développement  des  re.s- 
sources  d'une  iialiQU  ,  le  plus 
mémorable  et  le  plus  étonnant 
que  l'on  connaisse  ,  fut  l'ouvrag* 
de  M.  Chaptal.  A  la  même  épo- 
que, on  organisa  cette  belle  écolu 
Polylechiiique  où  se    l'uimùrcitt 


9^ 

■'G  H  A 


3o8 

lant  d'illustre?  sujets;  on  y  insti- 
tua dus  cours  sur  toutes  les  bran- 
ches des  sciences.  L'enseigne- 
ment en  fut  confié  aux  premiers 
savans  de  l'Europe.  M.  Chaptal 
fut  nommé  collaborateur  des  Mon- 
ge,  des  Fourcroy,  des  Guyton  de 
Morveau.  Il  fut  le  premier  qui  o- 
sa  vappeler  et  honorer  la  mémoi- 
re de  l'infortuné  Lavoisier,  dont 
la  tête  venait  de  tomber  sous  la 
hache  révolutionnaire.  Lorsque 
les  besoins  de  la  nation  en  pou- 
dres et  salpêtres  furent  remplis, 
et  que  les  approvisionnemens  fu- 
Tent  assurés,  M.  Chaptal  obtint  la 
permission  de  retourner  à  Mont- 
pellier pour  y  organiser  l'école  de 
Médecine  ,  où  le  gouvernement 
lui  avait  donné  la  chaire  de  chi- 
mie. Il  continua  d'y  obtenir  les 
succès  qu'il  avait  eus  dans  ses 
■cours  précédens.  Depuis  long- 
temps le  mérite  et  les  ouvrages 
de  M.  Chaptal  avaient  pénétré 
dans  lesgouvernemens  étrangers. 
A  l'époque  de  la  révolution ,  le 
célèbre  ÂVashington  écrivit  trois 
lettres  à  ce  savant  chimiste  pour 
rinviter  à  venir  s'établir  aux  E- 
tats-Unis;  il  y  avait  dans  sa  se- 
conde lettre  cette  phrase  remar- 
quable :  «Comme  président  du 
«congrès,  je  ne  puis  rien  promet- 
»tre  au  nom  de  ma  nation  ;  com- 
»me  particulier,  je  puis  vouS  as- 
»  surer  qu'elle  se  fera  un  devoir  de 
«reconnaître  yos  services  et  de 
«vous  rendre  le  séjour  de  ce  pays 
»  agréable.  »  En  1793,  la  reine  de 
Naples  fit  inviter  M.  Chaptal  par 
%e  chevalier  Landocini,  son  ami, 
à  «e  réfugier  dans  se«  états;  sur 
son  refus,  elle  lui  écrivit  elle-mê- 
me pour  l'en  presser.  Dès  1788, 
46  «chevalier  Belluga,  qui  négo- 


CHA 

ciait  à  Paris  pour  l'Espagne;  a- 
vait,  par  ordre  de  son  gouverne- 
ment, proposé  à  M.  Chaptal 
5GjOOo  fr.  de  pension  et  200,000 
fr.  comptant,  pour  Iransportcrscs 
fabriques  en  Espagne.  S'il  avait  pu 
consentir  i  s'expatrier,  c'est  sans 
doute  à  la  patrie  de  Washingtf)n 
et  de  Franklin  qu'il  eftt  donné  la 
préférence  ;  mais  l'amour  de  son 
pa^'s  l'emporta  sur  l'expectative 
d'une  fortune  brillante  ,  et  lui  fit 
courir  toutes  les  chances  d'une 
révolution  orageuse.  Après  avoir 
demeuré  quelques  annéesà  Mont- 
pellier, M.  Chaptal  revint  à  Pa- 
ris eni79S,  et  fut,  immédiate- 
ment après  son  retour,  nommé 
membre  de  l'institut.  L'honneur 
d'être  admis  dans  ce  corps  savant 
le  détermina  à  fixer  sa  demeuré 
dans  la  capitale,  où  il  forma  inces- 
samment des  établissemens  de 
produits  chimiques,  dans  le  gen- 
re de  ceux  qu'il  avait  créés  à 
Montpellier.  Ces  manufactures 
importantes  ont  été  cédées  par  la 
suite  à  son  fils,  qui  les  dirige  main- 
tenant. Lors  de  la  révolution  du 
18  brumaire,  M.  Chaptal  fut 
nommé  conseiller-d'état;  et  huit 
mois  après,  le  premier  consul  lui 
confia,  à  l'époque  du  départ  de 
Lucien  Bonaparte  pourl'Espagne, 
le  portefeuille  du  département 
de  l'intérieur,  provisoirement  d'a- 
bord, puis  définitivement.  Sous 
le  rapport  des  sciences,  des  arts, 
de  l'instruction  publique  et  de  la 
philanthropie,  il  eût  été  dilFicile 
de  choisir  un  plus  digne  ministre; 
les  Français  doivent  à  M.  Chap- 
tal la  création  des  encouragemens 
accordés  aux  arts,  l'établissement 
des  chambres  de  commerce ,  des 
écoles  de  métiers,  les  «mbellisse- 


mens  de  Paris,  ramélioration  des  ■ 
hôpitaux,   e^ç.    Au    mois  d'août, 
i8o4j  s'il  fut,,reuîpiacé  au  mi-, 
nistère  de  l'intérieur  par  M.  de 
Champagny,  rénipereur,en  dé- 
dommagement, le  nomma  séna- 
teur, etbienu^t  après  grand-digni- 
taire et  trésorier  du  sénat,  ^^e  23 
janvier  1806,  deux  mois  aprÀJS,  la, 
bataille  d'Austerlitz,  le  séa^jt.dé- 
créla  l'érection  d'un  moni^ment  à 
Napoléon-le-grand;  M.  lé  comte 
(Ihaptal  prononça  à  cette  occasion 
un  discours  plein  de  philosophie 
et  d'élévation.  Nous  en  avons  ex- 
trait le   passage   suivant  :  «  Les 
r> arcs-de-triomphe ,   les  statues, 
»  les  chefs-d'œuvre  que  l'art  exé- 
.")  cute  sur  le  marbre  et  sur  l'ai- 
nrain.,  ne  sont  point  (disait  Pline 
»  à  Trajan),  ^c*  monuniens  les  plus 
»  durables  de  la  gloire  des  bons 
n princes.  Quelques  générations  se 
»  sont  à  peine  écoulées,  et  l'herbe 
»a  couvert  cette  colonne  élevée 
»dans  les  plaines  d'Iyry,  à  la  nié- 
y>  moire  d'un  monarque  vainqueur 
»  des  discordes  civiles  et  des  li- 
ygues  étrangères  ;  sa   statue  ne 
"irappe  plus  nos  regards  au  sein. 
»de  nos  cités;  tandis  que  le  vœu 
«qu'il   forma   pour  le  laboureur 
«resteraéternellement  gravé  dans 
»le  cceur  reconnaissant  du  j)cuple 
»  français.  »  M.  Chaptal  publia  à. 
cette  époque  le  Traité  de  chimie 
appliquée  aux  arts  (4vol),  et  un 
traité  particulier  sur  Y  yirt  de  fai- 
re le  vin  (1  vol.).  Ces  oi^vrages, 
dans  lesquels  il  a  déposé  le  fruit 
de  toutes  ses  études  et  le  résultat 
d'une  longue  expérience,;  ont  été 
accueillis  avec  empr-ssemcnt,  et 
servent  de  guide  à  l'arlisie  et  'a 
l'agriculleur.  Le  rapport  du  jiu-y 
formé  en  iBio,  pour  les  prix  dé- 


CHA 


509 


cennaux.  f;^it  une  mention  si  ho- 
norable de  ces  ouvrages,  que  l'au- 
teur a  dû  y  trouver  une  douce  ré- 
compense de  ses  travaux.  Tandis 
que  les  savans  rendaient  justice  à 
M.  Chaptal,  l'empereur  ajoutait 
à  ses  titres  et  dignités  ceux  de 
comte  et  de  chevalier  grand'croix 
de  l'ordre  de  la  Réunion.  A  l'épo- 
que difficile  où  de  grands  événc- 
uien^j  allaient  changer  les  desti- 
nées de  la  France,  M.  Chaptal  lut 
envoyé  à  Lyon  pour  se  concerter 
avec  les  autorités  civiles  et  mili- 
taires de  la  19""  divisiou,  à  l'ef- 
fet de  défondre  la  France  contre 
l'invasion  de  l'étranger.  La  révo- 
lution arrivée  à  Paris  le  5o  mars 
i8i4»  mit  un  terme  à  sa  mission. 
Revenu   à    son    poste ,   quoiqu'il 
eût  adhéré  aux  actes  du   sénat, 
il  ne  fut  point  employé  par  Louis 
XVIIL  Napoléon,  à  son  retour  de 
l'île  d'Elbe,  le  nomm^  directeur- 
général  du  commerce  et  des  ma- 
nufactures, minislre^d'état  et  pair 
de  France.  Présidant  le  collége:é- 
lectoral  des  plus  imposés  du  dé- 
partement.de  la  Seine,  RL  Chap- 
tal avait  prpsenté  à  Napoléon  l'a- 
dresse quelles  collèges  réunis  a- 
vaie,nt,,jVOlpe,  I)  ,fut   néanmoins 
ço,inpriSj,  a,p.rèj  le  retour  du  roi, 
dans  lâ  réorganisation  de  l'insti- 
tut. Il  a  é.lé  rkommé  successive- 
ment jTiembre  du  çonscïl-général 
des  hospices,  de  celui  des  prisons 
et  de  ^elui  d'agriculture,  et  enûn 
par  son   ordonui-uicfe  du  5  mars 
1819,  le  roi  a  appvlc  M.  Chaptal 
a  siéger  ù  la  chan)brc  des  pairs. 
Celait  digntMuctit  reconnaître  les 
services  qu'il  avait  rendus  au  pu- 
blic.daus  l^nl  (je  situations  diver- 
ses. M.  Chaptal  s'est  montré  di- 
gne de  ses  nouvelles  fonclious. 


5id 


en  A 


put  l'esprit  dnns  lequftl  il  lc«  n 
remplies.  Vhict  quelqiMîS  phrases 
du  premier  discours  qu'il  prcmon- 
pa  lors  de  la  présent.ition  du  bttd- 
jet  de  la  mGme  année  :  <>  L;\  nalion 
«française  ne  se  refusera  jamais, 
a  disait-il,  à  souscrire  à  iiiiedépen- 
»se  utile;  elle  préviendra  de  ses 
•  vœux  toutes  celles  de  ce  genre 
V qu'on  pourra  lui  imposer  :  mais 
«elle  suit  avidement  l'emploi  de 
«la  fortune  publique,  elle  juge  a- 
))Tec  sévérité  les  opérations  de 
»  l'administration.  Aujourd'hui  la 
«forme  du  gouvernement  ne  per- 
nmet  plus  de  rien  dérober  ;\  la 
«surveillance  du  contribuable  ; 
»son  œil  -vigilant  est  ouvert  sur 
«les  actes  du  gouvernement,  com- 
«me  sur  nos  délibérations  :  il  ap- 
nprouve  ce  qui  est  utile;  il  con- 
»  damne  tout  ce  qui  est  profusion. 
«Avec  une  nation  généreuse  et  é- 
oclairée,  on  peut  tout  lorsqu'elle 
»  a  la  conviction  d'être  bien  admi- 
»nistrée;  on  ne  pourrait  plus  rien 
>)si,  uji  jour,  on  avait  le  malheur 
«  de  percTré  sa  confiance,  ou  qii'elle 
»  vît  se  perpétuer  des  abus  et  dé- 
»  daigner  ses  plaintes."  Indépen- 
damment des  ouvrages  mention- 
nés dans  cette  notice,  M.  le  com- 
te Chaptal  a  publié  un  traité  en 
2  vol.,  sur  V industrie Jranc aise . 
On  y  trouve  tous  les  renseigne- 
triens  stastistiques  parvenus  au 
ministère,  depuis  1800  jusqu'en 
1812,  et  les  principes  d'adminis- 
tration qui  peuventassurer  la  pros- 
périté de  l'agricullui'e,  du  com- 
tnerceet  de  l'indui^trié  en  France. 
Cet  ouvrage,  écrit  avec  une  for- 
ce, une  élégance,  et  une  netteté 
de  st3'le  ,  bien  rares  dans  ces  ma- 
tières, n'a  point  été  inutile  à  M. 
de  Joiiy-j  qui  se  J>laîl  à  reconnaî- 


CHA 

tfe  ici  publiquement  l'une  des 
plus  précieuses  sources  où  il  a?t 
puisé,  pour  composer  son  onvra-* 
gé  de  V Industrie  J'ranc.nise ,  on 
Coup  d'œit  sur  f'e'xpnsition  ,  etc. 
(1831,  Lhuilliir,  in-8').        ' 

CHAPTAL  (N),  fils  du  précé- 
dent, est  né  ;\  Mon  tjiéHier.  Élève  de 
son  père,  il  a  comme  lui  cultivé 
la  chtmie,  principalement  dans 
ses  rapports  avec  les  art>-.  Sous 
l'empire,  lorsque  la  carrière  était 
ouverte  à  toutes  les  ambitions, 
celle  de  M.  Chaptal  fut  de  cher- 
cher à  être  utile  a  son  pays.  Sott 
père,  aloTsn^inîstredeî'intérieur', 
l'encouragea  dans  cette  noble  ré- 
solution ,  et  le  fils,  citoyen  mo- 
deste, ne  parut  jamais  dans  le 
mondepoliliqne  que  pour  y  occu- 
per des  emplois  gratuits  et  pure- 
ment honorifiques.  Il  est  sans 
contredit  l'un  des  Français  qui 
ont  le  plus  puissamment  contri- 
bué à:  donnera  notre  industrie  cet 
essor  qui  rend  aujourd'hui  la  Fran- 
ce rivale  de  l'Angleterre.  En 
1809,  par  l'effet  du  blocus  con- 
tinental, la  disette  de  soude  se  fit 
sentir  à  Marseille  :  les  soudes 
d'Espagne  y  valaient  de  120'  à 
140  francs  les  cent  livres.  Les 
soudes  factices  s'y  vendaient  lao 
francs;  les  savonneries  étaient 
menacées  de  manquer  totale- 
ment de  cette  matière  première; 
M.  Chapiial  fils  n'hésita  point  à 
transporter  ses  capitaux  et  son  in- 
dustrie en  Provence  ;  il  consacra 
trois  années  à  l'établissement  d'u- 
ne fabrique  où  l'on  décompose  le 
sel  marin,  et  qui  livre  annuelle- 
ment au  commerce  1,600,000' 
kilogrammes  de  soude,  snitàFétaf 
brut,  soit  convertie  en  sel  ou  car- 
bonate de    soude.  L'exemple  d© 


1 1' 


/V.././.// 


.///. 


CHA 

II.  Chaptal  trouva  de  nombreux 
iinilateius.  L'art  de  fabriquer  la 
soude  forme  aujourd'hui  une  des- 
branches  d'industrie  les  plus 
<^onï»idérable«  du  département  des 
Bouehes-du-Rhône.  Ce  qui  va- 
lait *oo  francs  en  1809',  s'est  of>; 
fert  à  8  Irancs  en  1818,  et  les 
produits  de  nos  fabriques  excé- 
dant les  besoins  de  la  consom- 
mation, s'exportent  à  Londres, 
ù  Triestef,  à  New-York,  etc.  En 
i8i3,  le  20  janvier,  M.  le  baron 
de  Chabrol  nomma  M.  Chaptal 
maire  de  la  commune  de  Neuilly; 
ri  occupa  cette  place  jusqu'en 
i{ii/|.  En  octobre  1814,  M.  l€ 
conseiller-d'éfat  Becquey,  alors 
directeur-général  de  l'agriculture 
et  du  commerce,  annonça  à  M. 
Chaptalque  S.  Exe.  le  ministre  de 
l'intérieur  l'avait  nommé  mem- 
bre du  conseil-général  des  manu- 
factures. En  mai  181 5,  le  collège 
électoral  du  département  de  la 
Seine,  appelé  à  nommei-  (|uatre 
députt'îs  pour  représenter  le  com- 
merce ,  élut  M.  Chaptal  avec 
MM.  Benjamin  Delessert,  Lafilté 
et  Hotlingiicr.  Le  suffrage  des  é- 
lecteirfs,  et  lé  choix  dt;s  coRègues 
qui  ifuréfit  âontiéf-.-  à  M.  Chaptal, 
l'honorèrent  également.  Réélu 
eu  1^1 5  membre  du  conseil  des 
manufactures,  il  .1  siuvi  avecassi- 
duTfé  kts  sérfnce^  du  conseil;  il  a 
^té  raftporlcur  de  presque  toutes 
hn  affaires  qui  tioncefualeni  IcH 
arts  chirrriqaes.  M.  fe  ^omte  dé 
Chabrol ,  soui  -  secrétaire  -il'éFat 
de  l'intérïeirr^  rjui  présidaft  ^P^ïi^ 
librement  îe  conseil,  ri  dohrié  «fi 
justes»  éloges  aii  zèle  et  airx  hlrhiè- 
res  rfe  M.  ChtiptJil.  En  janVîèr 
■rfSh-,  le»  notables cummérçansde 
Id  "vHl«  de  Paris  noraraèr«Hït  M. 


CHA  5ii 

Chaptal  juge  suppléant  au  tri- 
bunal de  commerce.  En  mar» 
i8r8,  M.  Chaptal  a  été  élu  mem- 
bre de  la  chambre  de  commer- 
ce de  Paris.  En  décembre  1818, 
il  fut  nommé  juge  au  tribu- 
nal de  commerce ,  après  avoir 
rempli  les  fonctions  de  suppléant 
pendant  deux  ans  :  il  a  ainsi  con- 
senti ù  consacrer  encore  deux  an- 
nées à  l'exercice  de  fonctions  aus- 
si pénibles  que  difficiles.  Ses  af- 
faires personnelles  souffrent  in- 
contestablement de  la  multiplici- 
té des  occupations  que  lui  don- 
nent lesf  places  purement  hono- 
rifiques qu'il  remplit,  mais  rien 
ne  peut  rebuter  son  zèle  lors- 
qu'il sert  son  pays.  A  l'exposi- 
tion des  produits  de  l'industrie 
française,  en  1819,  le  jury  fit  uri 
rapport  si  favorable  sur  les  tra- 
vaux de  la  maison  Chaptal  fils, 
Darcct  et  Holker,  que  ces  fabri- 
cans  réunis  obtinrent  la  médaille 
d'or.  M.  Chaptal  reçut  en  outre, 
le  18  aoAt  1819,  la  croix  de  la 
légion-d'honneur,  par  décret  par- 
ticulier, ainsi  motivé.  «Sur  ce  qui 
nou«  a  été  exposé  par  notre  minifh 
tre  de  l'intérieur,  que  le  sieur  vi- 
comte Chaptal  fils,  fidèle  imita- 
teur des  exemples  qui  lui  sont 
d-onnés  par  le  sieur  comte  Chap- 
tal, pair  de  France,  son  père, 
rend  depuis  plusieurs  armées  des 
services  signalés  A  l'industrie  et 
au  comm-erce,  soit  parles  grands 
établis'^cmens  de  produits  chimi-;^ 
ques  qu'il  exploite,  et  par  les  a* 
mèliorafions  et  Ifts  perfectionne- 
menS  qu'il  y  a  introduits,  soit 
pat  les  lumières.-  qu'il  apporte 
dans  le  sein  du  con.^eil-général  des 
fabriques  et  manufacttires  dont 
il  est  ménvbre  ,  etc.  <  Si.  Chap- 


5ia  CiiA 

tal  fils  doit  hérilcr  de  son  p(;r;c 
du  titre  de  pair,  et  sici^era  com- 
me sou  père  dans  les  rangs  des 
défenseurs  de  nos  libertés. 

CHARBON NEL  (le  comte,  Jo- 

hEPH-CLAVDE-JCLEs),   né  à   DijOH, 

le  a/j  mars  1774-  i-iévc  de  l'écble 
d'artillerie,  en  1792,  I\l.  Charl^on- 
riel  débuta  dans  la  carrière  mili- 
taire au  siégedeToulon,  eu  1795; 
depuis  il  a  servi  aux  armées  de 
Sambre-et-Meuse,  d'Egypte,  de 
Prusse,  de  Pologne  et  de  llus- 
ste,  et  par  sa  valeur  et  ses  talens 
s'est  élevé  de  grade  en  grade 
jusqu'à  celui  de  lieutenant-géné- 
ral, qui  lui  tut  conféré  le  9  jan- 
vier i8i5.  Le  1"  juillet  i8i/i>  il 
obtint  l'emploi  d'iuspecteur-gé- 
néral  d'artillerie,  et  fut  nommé 
membre  du  comité  de  cette  ar- 
me, le  19  juillet  de  la  même  an- 
née. Il  avait  obtenu  la  décoration 
de  commandant  de  la  légion- 
d'honneur  le  7  juillet  1807,  et  le 
roi  Ta  fait  chevalier  de  Saint- 
Louis  le  19  juillet  1814.  lleom-' 
mandait  en  181 5  l'artillerie;  du 
corps  d'observation  des  Alpes;  il 
a. été,  en  1816,  membre  du  con.^ 
seil  de  guerre  qui  a' condaamé,  à 
mort  le  lieytçnant-génçrat  L^feb- 
vre  Uesnouettes.  -,      '     ,,; 

CHARÏiOISîilER  (N.),  com- 
missaire de  la  marine,  à  Toulon, 
en  1.7S9,  embrass.'^.les  primcipes 
de  la  révolution  .ayeç  cintbousias- 
me.  Nommé,  en  179a,,  l'un  des 
députés  du  dépaiiement  du.Yar 
à  la  convention  nationale,  il  y 
professa,  dès  le  commencement, 
une  opinion  absol,ume(nl  républi- 
caine; il  s'exprimait  à  cet  égard 
avec  beaucoup  de  véhémencç.  et 
une  extrême  franchise,  soit  dans 
lesein.de  l'assemblée,  soit  dans 


CHA 

les  sociétés  qu'il  liéquentait.  Il 
vota  la  mort  de  Louis  XVI,  mais 
il  s'en  serait  bitn  gardé-,  disait-il, 
s' il  tût  été  certain  que  les  puis- 
sances étrangères  eussent  voulu 
reconnaître  de  bonne  foi  la  ré- 
publique française.  Au  mois  de 
juin  1795  (an  5),  Charbonnier  se 
trouvant  à  Toulon  fut  accusé  d'a- 
voir pris  part  à  rinsurreclion  de 
cette  ville,  ayant  pour  but  de  se 
porter  sur  Marseille  pour  déli- 
vrer des  prisons,  où  ils  fêtaient 
enfermés,  ceux  qu'on  nommait 
les  terroristes  de  cette  époque, 
La  convention  le  décréta  d'accur 
sation,  et  le  lit  traduire  par-devant 
une  commission  militaire  établie 
spécialement  à  Toulon  pour  ju- 
ger cette  affaire.  Charbonnier  fui 
acquitté,  et  transféré  néanmoins, 
par  mesure  de  sûreté  générale,  au 
fort  Lamalgue,  où  il  demeura  jus- 
qu'à l'amnistie  de  brumaire  an 
4.  Sa  carrière  législative  ache- 
vée, il  çivait  repris  son  emploi 
dans  l'administration  de  la  ma- 
rine, et  s'y  était  maintenu  par  son 
i^tilité  et  ses  services,  lorsqu'une 
autre  loi  d'amnistie,  celle  du  12 
janvier  1816,  le  força  de  quitter 
la  France,  d'où  il  est  çxUé  jp^wp 
jamais.  .i  n'  '  ' 

CHARBONMER  (Loris),  né 
le  9  octobre  1754  à  Clamecy, 
d^pariemenl  de  la  Nièvre.  Lors- 
que la  révolution  commença,  il 
é^it  au  service,  et  fut  nommé 
capitaine  de  la  garde  nationale. 
Lç  21  septembre  1792,  élevé  au 
grade  de  lieutenantncolonel  dans 
le  ai^^bataillon.des  .YH)Iontaires, 
il  fit  lies  campagnes  de  l'armée  du 
Nord,  et  assista  aux  balaillçs  de 
Jeramj»,pes  et  de  Nerwinde.  Son 
bataillon  fui  ensuite,  envoyé  à  Lilr 


CHA 

le;  Charbonnier  se  distingua  près 
de  cette  \ille,  et  fut  blessé  au 
combat  de  Meiiin,  Nommé  géné- 
ral de  brigade,  le  34  vendémiai- 
re an  2,  il  se  trouva  sous  les  or- 
dres de  Jourdan.  Le  commande- 
ment provisoire  de  Tarmée  des 
Ardennes  lui  fut  confié  le  8  plu- 
viôse; il  eut  alors  le  titre  de  gé- 
néral de  division.  Le  7  floréal,  il 
gagna  la  bataille  de  Bossut,  et 
dés  le  lendemain,  il  fit  à  Beau- 
mont  sa  jonction  avec  l'armée  du 
Nord.  Le  général  Charbonnier  é- 
prouva  ensuite  des  revers;  sa 
bravoure  n'élaitpas  soutenue  par 
les  connaissances  que  l'art  mili- 
taire exige  dans  les  grades  éle- 
vés. Cependant,  malgré  ses  mal- 
heurs vers  la  Sambre,  il  réussit  à 
investir  Charlcroy,  et  c'est  lui 
qui  l'assiégea,  lorsque  les  armées 
des  Ardennesict  de  la  Moselle  fu- 
rent réunies  sous  le  commande- 
ment  de  Jourdan.  Le  général  Char- 
bonnier, quelque  temps  disgracié, 
obtint  lors  de  son  retour  le  com- 
mandement d'une  légion  de  la 
garde  nationale  de  la  Nièvre,  et 
le  -23  fructidor  au  5,  celui  de  la 
placc>(lc  Boulogne.  U  passa  de- 
puis à  Givet,  à  Charleroi,  à  Liè- 
ge, «t  enfin  à  Maestriiht,  où  il 
commanda  jusqu'aux  événfmnis 
de  1814»  qui  de^iJirenl  le  terme 
(!<!  sa  caniére  uifi^t^^^ire. 

CHARBON NlKJiLS  (N^iDe), 
s'est  fait  conriaili*e  par  quelques 
poésies  léb'giuUes  et  faciles.  Le 
tribunal.  auq.uel  ilolTriA,  en  i8o(>, 
un  poème  intitulé  la  /ounu'e 
(CAuttci lUz,  ou  in  Bataille  des 
trois  empereurs,  drame  historique 
«n  deux  actes,  en  vers  (composé 
*n  trois  jours),  en  fit  faire  men- 
tion honorable.  Il  a  douuc  deux 


CIÏA 


5t3 


ouvrages  plus  importans  :'  la  tra- 
duction en  vers  des  Esiais sur  la 
crUicjue,  etc.,  etc.,  de  Pope,  Ros~ 
conimon  vt  Buckiiis^ham  (1812), 
traduction  fidèle  et  bien  versifiée, 
mais  où  l'on  désirerait  plus  de  vi- 
gueur; Gt  L'Indécis,  comédie,  qui 
en    1812    a   été    applaudie    aux 
Français,  et  n'a  pas  été  reprise. 
M""  de  Genlis  a  cru  devoir  ajou- 
ter des  notes  à  l'Essai  sur  le  su' 
blime  de  M.    de  Charbonnières 
(i8i5),    poème   beaucoup    trop 
froid  pour  un  tel  sujet,   mais   où 
se  trouve  un  assez   grand   norn- 
bre  de  beaux  vers.  M.  de  Char- 
bonnières a  servi  pendant  la  ré- 
volution ;   nommé  secrétaire-gé- 
néral de  l'administration  du  Tiè- 
mont  sous   l'empereur,  il  a  fait 
partie  des  gardes<l'honneur  de  ce 
prince,  et  a  reçu   la  croix  de  la 
îégion-d'honneur  en  1811.  Pen- 
dant le  temps  que  M.  de  Char- 
bonnières demeura  à  Turin,  il  fut 
reçu  membre  de  l'académie  des 
sciences    de    cette    ville.    11  est 
mort  A  Paris,    le    19   septembre 
1819,  à  l'âge  de  55  ans. 
CHARETTE  DE  LA  CON TRIE, 
né  le  21  avril  1763  à  Couffé.  près 
d'Ancenis,  département  de  la  Loi- 
re-Inférieure. Ce  général  vendéen 
acqui  t  plus  de  célébritéque  de  gloi- 
re ;  son  caractère  fut  plus  singu- 
lier qu'honorable,   et  ses  actions 
eurent  plus  déclat  que  d'utilité. 
Né  d'une  famille  noble,  mais  sans 
fortune,  il  dut  à  spn  oncle,  con- 
seiller au  parleujent  de  Rennes, 
réducati(»u  qu'il  reçut  à  Angers, 
et  son  admission  dans  la  marine 
royale.   Il  servait  en  qualité  de 
lieutenant  de  vai.-^seau   au   com- 
mencement   de    la    révolution  ; 
mais  soit  par  son  penchant  à  lia- 


.>14 


ClIA 


dépendanoa,  soit  paréloig'nenient 
pour  le  nouvel  ordre  de  choses, 
Charelle  renonça  au  service,  et, 
en  1790,  épousa  une  de  ses  paren- 
tes, plus  âgée,  rrtais  plue  riche 
que  lui.  Bientôt  il  quitta  sa  fenn- 
ine  comme  il  avait  (juitté  la  ma- 
rine, et  se  rendît  à  Coblentz. Petit, 
mince,  le  regard  dur,  sa  physiono- 
mie un  peu  farouche  et  se?  maniè- 
res un  peu  sauvagesréussirent  mal 
au  milieu  des  émigrés  courtisans 
qui  se  piquaient  de  montrer  à 
Coblentz  la  politesse,  les  grâces, 
la  légèreté  de  la  cour,  comme  ils 
y  avaient  aussi  transporté  ses  vi- 
cei.  On  jouait  gros  jeu,  etCharct- 
le  y  fit  des  pertes  considérables; 
pour  les  réparer  il  revint  en 
France,  laissant  les  émigrés  mar- 
<;hersous  les  drapeaux  dé  l'étran- 
ger, ou  à  sa  suite  comme  auxi- 
liaires. Charettese  trouvait;»  Pa- 
ris à  l'époque  du  10  aoftt  1792. 
IVetiré  dans  le  Poitou  au  petit 
château  de  Fonteclause,  il  y  re- 
prit les  habitudes  et  l'insouciance 
des  gentilshommes  campagnards, 
menant  une  vie  oisive  et  dissipée, 
et  s'occupant  peu  des  affaires  pu- 
bliques. 11  refusa  de  prendre  part 
a  lu  première  insurrection  ven- 
déenne, qui  éclata  au  mois  de 
luars  1793.  Les  paysans,  qui  s'é- 
taient emparés  de  la  petite  ville 
de  Machecoul,  et  y  avaient  mas- 
sacré d'une  manière  barbare  plu- 
sieurs de  ses  h.ibitans,  vinrent 
tieux  fois  proposer  à  Charette  de 
se  mettre  à  leur  têle,  et  deux  fois 
■il' s'y  refusa.  Mais  ayfïrttétédéfaits 
à  Pornic,  et  attribuant  ce  revers 
A  la  klchelé  de  Sain't- André  leur 
«hef,  ils  revinrent  avec  fureur 
vers  Charette ,  et  le  menacèrent 
«le  le  tuer  s'il  persistait  dans  son 


CHA 

refus  de  les  commander.  Il  fallut 
céder,  et  Charette,  plus  habile  ou 
plus  heureux  que  Saint-André,  se 
rendit  maître  de  Pornic;  mais  il 
échoua  devant  Challans,  devant 
Saint-Gervais,  et  le  général  Beys- 
ser  s'empara  de  Machecoul.  Reti- 
ré à  Légé,  où  pourtant  il  sut  se 
maintenir,  il  fit  d'inutiles  efforts 
pour  établir  la  discipline  parmi 
ces  bandes  qui,  lui  ayant  imposé 
le  commandement,  se  cr(»yaient 
moins  obligées  à  l'obéissance.  El- 
les se  livraient  au  meurtre  et  au 
pillage;  la  politique  d(!  Charette, 
d'accord  avec  sa  dureté  naturel- 
le, vit  dans  ces  déplorables  fu- 
reurs un  élément  de  résistance. 
Leurs  auteurs  devant  s'attendre 
à  de  terribles  représailles,  se  met- 
taient dans  le  cas  de  ne  pas  rere- 
voir, mais  aussi  d(!  ne  pas  deman* 
der  quartier.  Dès  lors  la  guerre  se 
fit  de  part  et  d'autre  avec  la  plus 
impitoyable  barbarie.  De  l'indis- 
cipline à  la  révolte  le  passage  est 
rapide;  un  des  lieutenans  de  Cha^ 
retle,  nommé  Vrigneau,  com- 
mandant de  paroisse  ,  de  Cf)ncert 
avec  une  marquise  de  Goulaine^ 
essayèrent  de  renverser  Charet-I- 
te,  en  portant  ses  troupes  àla  sé^ 
dition.  Cette  intrigue  fut  déjouée; 
la  fermeté  de  Charette  imposa 
aux  mutins,  etilcon^ïerva  lé  com- 
mandement qr/jl  «avait  reçu.  Ce- 
pendant il  se  vit' contraint  de 
quitter  sa  position  de  Légé  et  de 
seréfn5^ieràMontaigu,où  se  trou- 
vait mi  autre  chef  "coyaliste  ,  M. 
de  RoyViind,  qii»  rdfusa  de  le  re- 
cevoir. Charette  furieux,  voulut, 
par  un  coup  d  éclat,  montrer  qu'iN 
était  digne  de  cette  estime  qui  lu>i 
était  si  injurieuscment  refusée  ;  H 
courut  attaquer  les  troupes  repu- 


bîicainesà  Saint  Coiftmbin,  rem- 
porta sur  ellfs  un  avant.ij^e  com- 
plet, se  rapprocha  alors  «le  M.  de 
Royrand ,  dont  il  fut  mieux  ac- 
ciJeilli;  fit ,  de <;oncert  aveccelni- 
ci,  une  autre  expédition,  dont  le 
succès  ne  fnt  pas  moin»  éclatant, 
II  quitta  ûlcrs  M.  de  Royraiid, 
vint  reprendre  son  poste  à  Légé, 
e!  rhasî'n'  les  troupes  qui  occu- 
paient Machecoul.  On  le  vit,  dans 
celte'iJftaire,  se  précipitera  la  tê- 
te de  9ft  cavalerie,  sur  l'artillerie 
(h^3  réfy^ifblicains.  Il  s'empara  do 
i.'f  pièces  de  canon,  de  4  pier- 
riers,  de  8  caissons,  et  lit  Goo 
pviscmniers.  Jusque-h\  Charette 
afait  ajji  i.^olément,  sans  but  fixe; 
laf^iant  la  f;uerre  presque  pour  son 
propre  compte ,  et  sSns  lier  sei 
opérations  avec  celles  des  autres 
chefs  royalistes,  qui,  de  leur  côté, 
paraissaient  lUtacher  peu  d'impor- 
tance A  ses  services,  et  peu  comp- 
ter surses  talens  ;  mais  après  que 
la  grande  armée  vendéenne  se  fut 
emparée  de  Sarimur,  ses  chef.^ 
proposèrent  à  Charette  de  con- 
courir ù  l'expédition  qu'ils  médi- 
taient contre  Nantes.  Il  fut  char- 
gé de  l'a-ttaque  sur  le  point  où  les 
obstacles  étaient  les  phis  grands, 
du  côté  du  faubourg  Siririt-.lac- 
«yues,  séparé  «le  la  ville  par  la  Loi- 
re, qu'il  fan  tasser  sur  cinq  ponts, 
ensuivant  ntie  nie  longue,  étroi- 
te, facile  à  barri<;ader  et  à  défen- 
dre des  deux  côtés  soit  sur  l'eau  , 
soit  sur  le  terrain,  et  par  les  ruel- 
les qui  y  aboutissent.  L'attaque  fut 
vire,  opiijiAlre,  mais  la  défense 
fut  plu»  courageuse  efjcore,  et  le^ 
assaillans  furent  repoussés  après 
avoir  éprouvé  de  grandes  per- 
tes<  Charette,  qui  s'étuit  distin- 
gué dans   cette   espèce   J'assaut 


CIIA 


3i5 


général ,  revint  lé  lendemain  et 
(ut  encore  repousS|é.  Cathelineau, 
ffénéralissime  de*  Vendéens,  é- 
tant  mort  des  blessure»  qu  il  a- 
vait  reçues  devant  liantes,  Delbée 
fut  choisi  pour  lui  succéder.  Cha- 
rette ambitionnait  ce  poste,  il 
fut  vivement  blessé  de  la  préfé- 
rence donnée  ii  Delbée.  Cepen- 
dant les  royalistes  voulant  répa- 
rer, par  la  prise  de  Luçon,  la  hon- 
te de  leur  défaite  à  Nantes,  Cha- 
rette demanda  le  poste  le  plus  pé- 
rilleux, l'obtint,  s'y  conduisit  a- 
vec  valeur  j:  mai.^  cette  seconde 
tentative  ne  fut  pas  plus  heureu- 
se que  Int  prf'mière ,  et  les  Ven- 
déen* furent  complètement  dé- 
faits. ChJiretle  reprit  de  nouveau 
le  poste  de  Légé.  qui  devint  un 
lit  il  de  plaisir.  Il  'y  réimit  btiau- 
coup  de  femmes.  On  se  battait  ail- 
leurs ,  on  dansait  au  quartic^r-gé- 
nériil.  Ce  chef  sans  souvenirs, 
sans  prévoyance,  attendait  le  der- 
nier moment  pour  s'occuper  des 
affaires  sérieuses  ,  toujours  prêt  à 
les  sacrifiera  des  amusemens  fri- 
voles, ou  à  son  gnrtt  pour  l'oisi- 
veté. Dans  le  combat  rien  n'éga- 
lait son  ardeur,  son  courage,  et 
surtoni  son  obstination  ;  après  le 
combat  son  insouciance  était  sans 
bornes.  Cependant  l'arrivée  de 
la  garnisoiv  de  ISfaj'cnce  sur  les 
champs  de  bataille  de  la  guerre 
civile,  fit  sortir  Charette  de  son 
incurie,  .lugcanl  tonte  résistan- 
ce impossible  sur  les  bords  de  la 
Sèvre  ,  il  vint  se  réunir  à  la  gran- 
de armée  vendécn-nc  ,  ù  ïorfou  ; 
il  contribua  puissamment  à  la  vic- 
toire que  cette  armée  remporta 
sur  les  troupes  venant  de  IVIayen- 
ce  :  elles  y  périrent  presque  lon- 
It's.  Charette  et  Lcscurc  se  por- 


sie 


CHA 


lèrent  sur  Monlai^^u  ,  ji  batlireiU 
encore  les  troupes  républicaines, 
ainsi  qu'à  Saiiit-Fulgenl,  et  pour- 
suivirent leurs  avantages,  au  lieu 
de  venir  se  réunir  à  la  gi'ande  ar- 
mée royaliste.  Ce  défayt  de  con^i 
ceit  alluma  la  jdiscorde  enireles 
cheis  de  cette  armée;  et  Charet- 
tej  dont  la  vanité  .avait  été  bles- 
sée par  quelques)  discours  itidis- 
cvets,  les  quitta  et  s'en  vint  atta- 
quer Noirmoulier:  il  se  rendit 
maître  de  ce  point  importatit  par 
la  facilité  qu'il  lui  donnait  de  com- 
muniquer avec  les  Anglais;  mais 
bientôt  il  se  vit  occul^-à  la  mer, 
et  comme  bloqué  danis  leé  marais 
de  Bouin  parle  général  Haxo.  11 
n'échappa  qu'en  suivantides  ca- 
naux el  des  roulesiangeuses,  où 
il  lui  fallut  laisser  se^  canons,  qu'il 
encloua,  et  ses  chevaux  qu'il  fit 
tuer.  Sansbagage,  sans  provisions, 
chef  de  soldats  sans  discipline,  qui 
presque  toujours  disséminés ,  pa- 
raissaient et  disparaissaient  tour  à 
tour;  se  montrant  où  on  ne  l'atten- 
dait pas,  échappant  au  moment 
où  l'on  croyait  le  saisir;  trompant 
les  calculs  de  ses  amis  comme  de 
ses  ennemis,  déroutant  à  la  fois 
les  cruinles  et  les  espérances,  son 
existence  eut,  pendant  <;inq  mois, 
quelque  chose  de  singulier  et  de 
mystérieux,  qui  accrut  sa  renom- 
mée et  qui  lui  imprima  un  caractè- 
re particulier.  Il  s'était  avancé  jus- 
qu'à Maulevrier,  en  Anjou;  Laro- 
che Jaquelin  vint  l'y  trouver  :  Cha- 
rette  n'était  point  fait  pour  hono- 
rer l'infoilune ,  ni  pour  consoler 
le  malheur.  Il  accueillit  sans  bien- 
veillance un  chef  fugitif,  dont 
l'armée  avait  été  détruite,  et  bien- 
tôt ils  se  quittèrent  méconlens 
l'u»   de  l'autre.   Les  officiers  et 


même  les  is^ldats  qui  avaient  ser- 
vi sous  Larociie-JaqmiJin  suivi- 
rent leur  ancienchef,  et  abandon- 
nèrent Charelte,  Celui-ci,  man- 
quant de.  vivre6,,pa$sa.MB<  secon-, 
do  fois  la  Sévl'e.ll  eut  avec  Stof- 
llct  et  Bernard  de  Marigny  une 
entrevue,  dans  laquelle  .il  mon-, 
tra  de  nouveaule  d^p.ir  tk  se  fai-^, 
re  nommer  générolissjpne-  fW  fi^» 
convenu  seulement  que  lesi^roisj 
armées  agiraient  de  ooncq^i.|VPj 
rendez-vous  général  fut  dopné,} 
fflarigny  arrive  au  lieu  fixé?  de-», 
mande  des  vivres,  essiiie  un  rç-; 
fus,  et  à  la  suite,  d'unp  .^Uercatioû 
très-vive,  se  retire  avec  sa  trou- 
pe, et  retourne  dans  ses  campe- 
mens.  Charette,  sansêtre. généra- 
lissime, avait  affecté  les  hauteur» 
et  l'autorité  du  commandement. 
Furieux  du  départ  de  Marigny,  il 
le  fit  condamner  à  mort  par  un 
conseil  de  guerre.  Cet  arrêt  de- 
meura long-temps  sans  exécution; 
mais  un  prêtre  (l'abbé  Bernier, 
qu'on  a  vu  depuis  évêque  d'Or- 
léans) vint  de  l'armée  de  Cha- 
rette trouver  Stofllet,  et  à  la  suite 
d'une  conférence  qu'il  eut  avec 
ce  chef,  Marigny  malade,  sans 
défense,  fut  arrêté  et  fusillé.  11  est 
malaisé  de  savoir,  dijt  un  des  bio- 
graphes de  Charette,  qui  de  lui  ou 
de  l'abbé  Bernier  poussèrçnt  d'a- 
vantage istoflîet  à  cette  action  cri- 
minelle. Ln  autre  chef,  nommé 
Joly,  fut  également  poursuivi  par 
Charette,  et  périt  de  la  même  ma- 
nière que  Bernard  de  Marigny. 
Cependant  les  soldats  de  Charet- 
te s'étaient  aguerris  et  commen- 
çaient à  se  discipliner;  ses  offi- 
ciers avaient  acquis  de  l'expérien- 
ce, et  chez  plusieurs  le  talent  se 
joignait  à  l'audace.  Demeuré  seul 


CIIA 

sur  son  territoire  et  derenu  plus 
formidable  que  jamais,  il  résolut, 
au  mois  de  juin  1794?  d'attaquer 
trois  camps  où  les  troupes  répu- 
blicaines s'étaient  retranchées,  et 
réussit  dans  ce  liardi  projet.  Il  mit 
le  feu  au  camp  delà  Rouillère,se 
rendit  maître  du  camp  de  Saint- 
Christophe,  où  commandait  un 
chef  également  brave  ,  nommé 
Mermet,  qui  y  fut  tué  avec  un  de 
ses  fils,  âgé  de  14  ans.  Enfin  le 
troisième  camp  retranché  tomba 
au  pouvoir  de  Charette ,  et  pres- 
que tous  les  soldats  qui  les  défen- 
daient y  furent  massacrés.  Ces 
brillans  faits  d'armes  rendirent 
son  nom  célèbre  en  Europe  et  re- 
doutable aux  républicains.  Mais 
cet  homme,  qui  savait  vaincre  , 
semblait  ignorer  le  i)ut  et  l'usage 
<le  la  victoire  :  il  revint  à  son  camp 
de  Belleville,  où  il  parut  ne  s'oc- 
cuper que  de  frivoles  amusemens 
et  de  honteux  plaisirs.  La  guerre 
môme  chang(;a  de  caractère  sans 
rien  perdre  de  sa  férocité  :  c'était 
une  espèce  de  chasse  auxhommcs, 
qui  se  faisait  par  des  surprises  , 
par  des  embuscades,  et  que  les 
supplices  et  les  représailles  ren- 
daient atroce.  La  jalousie  avait 
divisé  les  chefs  royalistes;  on  dit 
que  dans  itn  conseil  de  guerre,  te- 
nu ù  Beaurepaire ,  Charette  fit 
condamner  Stofflel  à  mort;  mais 
ce  jugement  ne  fut  ni  exécuté ,  ni 
mtimc  publié.  Le  gouveruement 
désirait  vivement  voir  la  tranquil- 
lité renaître  dans  la  Bretagne  et 
l'Anjou  ,  désolés  dej)uis  si  long- 
temps par  foutes  les  fureurs  de  la 
guerre  civile.  Le  député  Ruelle 
se  trouvant  à  Angers,  au  mois  de 
décembre  1794»  fit  mettre  en  li- 
berté tous  le9  parens  de  Charette, 


CHA 


3i7 


qui  étaient  détenus.  Sa  sœur  fut 
chargée  de  lui  porter  des  propo- 
sitions d'accommodement;  elles 
furent  communiquées  aux  autres 
chefs  vendéen»,  qui  y  adhérèrent. 
Le  19  février  1795,  Charette, 
Couétus,  Sapineau ,  Caumartin, 
de  Haye ,  les  deux  frères  Guérin, 
Caillaud  ,  Defaignard  ,  Goguet , 
d'Epiuay,  Sauvaget,  Solihac,  et 
de  Bruc,  signèrent,  à  la  Jaunais, 
sous  la  tente,  la  déclaration  sui- 
vante :  «  Nous  déclarons  solennel- 
«lement  à  la  convention  nationa- 
nlo  et  à  la  France  entière  ,  nous 
«soumettre  à  la  république  une 
»et  indivisible;  nous  reconnais- 
»  sons  ses  lois  et  nous  prenons  l'en- 
«gagement  formel  de  n'y  porter 
«aucune  atteinte.  Nous  promet- 
»  tons  de  remettre  le  plus  tôt  possi- 
»ble  l'artillerie  et  les  chevaux  qui 
«sont  entre  nos  mains,  et  nous 
»  prenons  l^ engagement  solennel 
n  de  ne  jamais  porter  les  armes 
SI  contre  la  république.  »  Il  fut  sti- 
puléen  faveur  des  Vendéens,  qu'il» 
auraient  le  libre  exercice  de  leur 
culte ,  resteraient  armés  sous  le 
commandement  de  leurs  chefs, 
qu'il  leur  serait  donné  des  admi- 
nistrateurs présentés  par  ces  mê- 
mes chefs,  qu'on  leur  procurerait 
des  bestiaux,  des  instrumens  a- 
ratoires,  et  tous  les  moyens  né- 
cessaires pour  rétablir  la  culture 
dans  les  villages,  depuis  si  long- 
temps déserts.  Charette  vint  à 
Nantes,  et,  au  milieu  de  son  état- 
major  et  de  celui  des  troupes  ré- 
publicaines, y  fit  une  espèce  d  en- 
trée triomphale  ,  portant  le  pana- 
che blanc,  (jue  cependant  il  quit- 
ta aussitôt  qu'on  l'eut  averti  que 
les  insignes  de  son  parti  étaient 
vues  avec  déplaisir.  Il  parut  nu 


;i8 


CHA 


thôâtre ,  à  la  société  populaire; 
reçut  partout  un  accueil  plein  de 
franchise  et  d'urbanité.  Il  crut  de- 
voir y  répondre  en  écrivant  à  la 
société  populaire  une  lettre  où 
l'on  remarque  la  phrase  suivante: 
«Le  commerce  et  l'agriculture, 
»pour  fleurir,  ont  besoin  de  la 
«paix,  de  la  justice  ci  dt  la  libcr- 
ntc.  Unissons  nos  efforts  pour  se- 
»  conder  /es  vues  sages  et  bienfai- 
n  santés  de  la  convention.  ^^  Cette 
lettre  était  également  signée  par  les 
chefs  qui  l'avaient  accompagné. 
Ils  en  adressèrent  une  autre  au 
député  Ruelle,  premier  auteur  de 
la  pacitication ,  pour  le  charger, 
en  témoignage  de  leur  estime , 
de  présenter  à  la  convention  na- 
tionale leurs  drapeaux,  dont  ils 
faisaient  hommage  à  la  républi- 
que; enfin  ils  firent  une  adres- 
se aux  habitans  des  campagnes, 
qu'on  paraissait  vouloir  tromper 
sur  leurs  intentions,  afin  de  les 
engager  à  la  soumission  et  à  la 
paix.  Dans  toutes  ces  pièces  ,  il 
était  question  des  intérêts  du  cul- 
te, des  intérêts  de  l'agriculture  et 
du  commerce;  mais  le  silence  le 
plus  absolu  était  gardé  sur  les  in- 
térêts de  la  monarchie  et  de  la 
famille  royale;  tout  annonçait  u- 
ne  réconciliation  sincère.  Cepen- 
dant à  la  contenance  sombre  et 
orgueilleuse  de  Charette,  à  la  ma- 
nière froide  et  réservée  dont  il 
reçut  les  avances  des  députés  et 
des  généraux  républicains ,  aux 
folles  bravades  de  quelques-uns 
■de  ses  officiers  ,  des  observateurs 
attentifs  jugèrent  qu'il  ne  consi- 
dérait cette  paix  que  comme  une 
trêve  à  laquelle  il  avait  souscrit 
par  nécessité,  et  qu'il  se  promet- 
tait de  rompre  à  la  première  oc- 


CHA 

casion.  £n  efl'et,  dè»:le  24  juin  de 
la  même  année,  il  rejiril  les  ar- 
mes, réunit  environ  1  '^.ooo  hom- 
mes à  son  camp  de  llelleville  ,  et 
la  guerre  civile  reprit  toutes  ses 
fureurs.  Lorsque  l'avis  du  désas- 
tre de  Quiberon  parvint  à  Cha- 
rette, il  fit  barbarement  fusiller 
tous  les  prisonniers  qui  se  trou- 
vaient en  son  pouvoir,  et  depuis 
il  cessa  d'en  faire  aucun.  Il  avait 
compté  sur  le  débarquement  d'é- 
migrés et  d'Anglais  opéré  à  l  Ile- 
Dieu  ;  trois  l'ois  il  se  porta  sur  la 
côte,  et  chaque  fuisses  espéran- 
ces fiu'ent  trompées.  Dès  lors  le 
découragement  s'emparant  de  ses 
troupes,  il  n'éprouva  plus  que 
des  revers.  Cerné  de  toutes  parts, 
et  réduit  à  une  inutile  défensive, 
il  fut  enfin  rencontré  ,  n'ayant 
plus  que  cinquante  hommes  ,  par 
le  général  Valentin,  qui  comman- 
dait cent  grenadiers  ;  battu  et 
poursuivi  pendant  six  lieues  de 
chemin ,  ayant  eu  dix  hommes 
tués  et  un  plus  grand  nombre  dç 
blessés,  atteint  lui-même  de  plu- 
sieurs coups,  et  soutenu  par  deux 
soldats,  il  tomba  enfin  entre  les 
mains  du  général  Travot,  qui  le 
traita  avec  douceur  et  humanité  : 
il  avait  été  arrêté  près  de  la  Cha- 
bottière,  il  fut  conduit  à  Angers, 
puis  transféré  à  Nantes.  Ku  y  dé- 
barquant il  dit  :  Voila  donc  où 
ces  misérables  Ang'ais  ni' oui  con- 
duit/Déposé à  la  prison  du  Bouf- 
fay,  il  demanda  quelques  heures 
de  repos,  et  s'endormit  profon- 
dément. Le  lendemain  il  fut  con- 
duit chez  le  général  qui  comman- 
dait à  Nantes ,  et  ramené  à  sa  pri- 
son au  milieu  d'une  forte  escorte 
et  de  la  foule  qui  se  pressait  de 
toutes  parts  sur  son  passage,  avec 


CHA 

un  cmpresseiiieat  qu'excitaient  à 
la  t'ois  la  ciiriusibé,  la  haine  et  la 
compassion.  Charetle ,  un  mou- 
choir blancrfiiïgligeniment  attaché 
kous  son  chapeau,  ù  la  manière 
des  créoles  ,  marchait  d'un  pas 
ferme,  portait  ses  regards  de  tous 
les  côtés  sans  insolence  et  sans 
bassesse.  11  était  vêtu  d'un  habit- 
veste  ,  et  d'un  pantalon  gris  ;  un 
galon  d'or,  étroit  et  dentelle,  or- 
nait le  collet  de  son  habit  ;  il  a- 
vait  à  la  tète  les  marques  récen- 
tes d'un  coup  de  l'eu  ;  son  épaule 
droite  était  encore  couverte  de 
sang;  un  coup  de  sabre  -lui  avait 
coupé  trois  doigtsde  la  main  gau- 
che ,  et  il  portait  de  ce  côté  le 
bras  en  écharpe.  Sa  contenance 
était  assurée,  et  le  plus  grand  cal- 
me régnait  sur  tous  les  traits  de 
cet  homme,  dont  l'Ame  et  le  corps 
semblaient  devoir  être  en  proie 
aux  plus  vives  souffrances.  Tra- 
duit à  un  conseil  de  guerre,  il  ne 
<lésavo«a  point  qu'il  avait  com- 
mandé et  combattu  pour  la  mo- 
narchie ;  mais  il  s'excusa  d'avoir 
repris  les  armes  après  avoir  signé 
la  paix,  en  disant  qu'averti  que 
le  député  Gandin  voulait  le  l'aire 
arrêter  contre  la  Toi  des  traités, 
il  avait  été  contraint  de  recourir 
à  la  force  pour  se  soustraire  à 
cette  violence.  11  répondit  à  tou- 
tes les  questions  avec  sang-froid, 
sans  aigreur,  et  fit,  ù  plusieurs 
reprises,  l'éloge  des  bons  procé- 
rédé»  et  de  la  générosité  du  gé- 
néral Travot.  Il  entendit  son  ar- 
rêt sans  émotion  et  comme  un 
homme  qui  y  était  préparé.  Il  fut 
conduit,  le  UQ  mars  179G,  à  4 
heures  du  soir,  au  lieu  de  son 
^upplice,  et  donna  lui-même  le 
sijjnal  aux  soldats  chargés  de  lu 


CHA  519 

fusiller.  Charette  fut  bon  parti- 
san et  mauvais  général.  Incapa- 
ble de  conduire  une  grande  ar- 
mée, il  ne  montrait  cependant 
quelques  talens  que  lorsqu'il  était 
indépendant  et  seul.  Plein  d'une 
sombre  méfiance,  il  cachait  se.s 
incertitudes  sous  les  apparences 
de  la  réserve,  vivant  au  jour  le 
jour,  se  livrant  au  hasard  des  cir- 
constances, et  ne  sachant  pas  en 
profiter.  Il  avait  acquis  sur  ses 
troupes  cette  espèce  d'ascendant 
que  donne  une  valeur  brillante, 
qui  semblait  venir  chez  lui  plutôt 
de  l'insouciance  de  la  vie  que  dtt 
l'accomplissement  d'un  devoir, 
plutôt  d'un  fatalisme  aveugle  qu« 
d'une  résignation  réfléchie.  Inal- 
térable dans  le  danger  et  dans  les 
revers  quand  tout  semblait  per- 
du, il  relevait  par  sa  constance  et 
sa  sérénité  les  courages  les  plus 
abattus,  ne  lâchant  jamais  pied 
que  le  dernier,  et  à  la  dernière 
extrémité.  Son  cœur  était  dur 
jusqu'à  la  cruauté.  Tous  les  pri- 
sonniers qui  tombaient  entre  ses 
mains,  il  les  faisait  fusiller.  Cha- 
rette périt  du  supplice  qu'il  avait 
fait  subir  à  Joly  et  à  Bernard  de 
Marigny. 

CHAR1TTE(N.,  COMTE  de),  né 
dans  le  Béarn,  le  1"  novembre 
1735.  Sa  famille  avait  été  aimée 
d'Henri  IV.  Entré  dans  la  mari- 
ne dès  l'âge  de  i5  ans,  il  s'y  dis- 
tingua, et  sous  le  comte  de  Gras- 
se, il  fit,  en  qualité  de  capitaine 
de  haut-bord,  la  guerre  de  l'in- 
dépendanee  en  Amérique.  Soa 
habileté  et  son  intrépidité  sauvè- 
rent le  vaisseau  la  Bourf^ofine, 
dans  le  combat  où  l'amiral  fran- 
çais fut  battu  par  Rodney.  Les  é- 
tats  de  la  provinc«  de  ce  nom  lui 


5ao  CHA 

firent  présent  d'une  riche  épée, 
à  l'occasion  de  sa  belle  conduite 
dans  cette  afiaire,  qui  lui  valut  le 
grade  de  chef  d'escadre.  Chargé 
plus  tard  de  la  direction  générale 
du  port  de  Rochelbrt,  il  fit  remar- 
quer ses  talens  en  administration, 
comme  sur  Ttier  il  avait  lait  admi- 
rer son  courage.  Ayant  cessé  de 
servir  durant  la  révolution,  il  se 
retira  dans  la  Touraine,  où  il  pos- 
sédait une  terre,  et  y  vécut  pai- 
siblement. En  i8i4>  le  roi  lui 
conféra  le  grade  de  vice-amiral 
et  lui  accorda  la  grand'croix  de 
l'ordre  de  Saint-Louis.  H  mou- 
rut quelques  jours  après  la  secon- 
de abdicatioïi  de  Napoléan. 

CHARLEMAGÎ^E  (Armand), 
homme  de  lettres,  né  au  Bour- 
get  près  de  Paris.  Auteur  fécond 
et  spirituel,  M.  Charlemagne  a 
écrit  dans  plusieurs  genres,  et 
particulièrement  pour  le  théâtre. 
Ses  premières  productions  da- 
tent de  1790.  Dans  le  nombre  des 
comédies  qu'il  a  fait  paraître,  on 
remarque  les  suivantes  :  L'Insou- 
ciant; De  Crac  à  Paris  ;  les  Eco- 
liers ;  la  Fille  à  marier;  l'Hom- 
me de  lettres  et  l'Homme  d affai- 
res ;  le  Souper  des  jacobins  ;  les 
Voyageurs;  les  Descendans  du 
Menteur  ;  la  Journée  des  dupes 
ou  l'Envie  de  parvenir.  Le  style 
de  ces  différentes  pièces  est  cor- 
rect; elles  ont  eu  dans  leur  nou- 
veauté la  vogue  de  l'à-propos  et 
des  circonstances  ;  la  Journée  des 
dupes,  en  5  actes  et  en  vers,  fut  im- 
primée en  1816.  M.  Charlemagne 
a  également  publié  :  l'Enfant  du 
hasard  et  du  crime,  ou  les  Er- 
reurs de  l'opinion,  Mémorial  his- 
torique d'un  homme  retiré  du 
lubnde,  rédigé   sur  ses   manus- 


CHA 

crits ,  roman  en  4  vol.  in-i2;/e.* 
trois  B,  ou  Aventures  d'un  boi- 
teux, d'un  borgne  et  d'un  bossu, 
autre  roman  en  4  m)lumes;  le 
Bat  du  diable,  conte;  les  Paroles 
et  la  Musique,  vaudeville,  etc. 
M.  Charlemagne  est  membre  de 
la  société  d'agriculture  du  dépar- 
lement de  la  Seine.  II  est  auteur 
d'un  Plan  d' impositions  pour  les 
habitans  des  campagnes  et  villes 
taillables,  1790,  in-S";  et  d'une 
Instruction  sur  l'usage  des  mou- 
lins à  bras,  etc. 

CHARLES  XIII,  roi  de  Suède, 
second  fds  d'Adolphe  Frédéric,  et 
neveu  par  sa  mère  de  Frédéric- 
le-Grand,  est  né  le  7  octobre  1 7  ;)8. 
C'est  un  des  rois  dont  il  est  le 
plus  facile  de  parler;  il  y  a  du 
courage,  du  patriotisme  et  de  la 
noblesse  dans  sa  vie.  Grand-ami- 
ral lorsqu'il  n'était  encore  que 
prince  de  Sudermanie,  il  étudia 
la  construction  des  vaisseaux,  la 
théorie  et  la  pratique  de  la  mari- 
ne, voyagea  en  Europe,  reçut 
des  mains  de  son  oncle  Frédéric 
l'Aigle-jNoire,  aida  puissamment 
son  frère  à  saisir  le  sceptre  à  la 
mort  d'Adolphe-Frédéric,  et  fut 
nommé  parlui  grand-gouverneur 
de  Stockholm.  Bientôt  il  battit  les 
Russes  dans  le  golfe  de  Finlande, 
ramena  sa  flotte  entière  et  triom- 
phante, malgré  la  rigueur  de  la 
saison,  et  fut  à  la  fois  récotnpen- 
sé  par  la  gloire,  par  les  dons 
considérables  que  lui  firent  les  é- 
tats,  et  par  les  faveurs  que  Gusta- 
ve III  lui  prodiguait.  Le  roi  mou- 
rut assassiné;  le  duc  de  Suder- 
manie fut  aussitôt  nommé  régent; 
il  ne  suivit  point  les  vues  de  Gus- 
tave qui  se  disposait  à  marcher 
contre  la  France  républicaine. 


CHA 

quand  il  tomba  sous  la  main  d'Ao- 
karlstroem.  Le  duc  de  Suderma- 
nie  donna  au  jrouvcrnement  une 
impulsion  pacifique,  et  vit  l'in- 
dustrie, le  comuiercc,  les  arts, 
fleurir  s  lus  son  administration. 
L'n  mus'ie,  une  écolo  militaire,  de 
nombreux  magasins,  furent  créés; 
les  ports  se  remplissaient  de  na- 
vires marchands  nationaux  et  c- 
trangers.  A  la  majorité  de  Gusta- 
ve IV,  le  régent  se  relira  dans  un 
de  ses  châteaux,  d'où  l'arracha 
bientôt  la  révolution  qui  renver- 
sa le  nouveau  roi.  On  le  nomma 
d'abord  administrateur  -  général 
du  royaume;  peu  db  mois  après, 
il  fut  proclamé  roi  de  Suède,  sous 
le  nom  de  Charles  XIII,  et  sacré, 
en  1809,  à  Stockholm.  La  paix 
avec  Napoléon  suivit  son  avène- 
ment au  trône;  et  bientôt  les  é- 
tats  songèrent  à  lui  choisir  un 
successeur.  On  venait  de  perdre 
le  prince  royal  Cluirics  d'yiu':^uy~ 
tenUt-r^,  et  le  trône  demeurait 
vacant  après  la  mort  de  Charles 
XIII.  Le  choix  des  états  et  du 
monarque  tomba  sur  un  général 
français  [yoyt^z  BEnNADOiTE).  On 
ne  sait  ce  que  veulent  dire  cer- 
tains biographes,  en  parlant  de 
l'illiiniinisine  du  roi  de  Suède. 
L'humanité  d'un  souverain  se- 
rait-elle un  délire,  et  l'amour 
pour  le  peuple  une  folie?  Sans 
doute  le  souvenir  de  ces  par<dcs, 
quil  adressait  au  prince  royal, 
Oscar,  en  181 5,  ont  dft  étonner 
certains  hommes  habitués  aux 
conversations  de  cour:  «N'ou- 
nblie  jamais,  mon  fils,  que  le 
«bonheur  des  peuples  est  le 
«soutien  le  plus  assuré  des  rois! 
»  Respecte  la  dignité  des  hommes, 
«dans  quelque  rang  que   tu   les 


CHA  521 

))  trouves,  etc..  »  Puissent  Dieu  et' 
la  raison  illuminer  Ae.  même  tous 
ceux  qui  commandent  aux  peu- 
ples !  (Iharles  Xill  mourut  com- 
me un  sage,  le  5  février  18 18. 
Sa  mémoire  est  resj^e  en  véné- 
ration parmi  ses  sujets,  et  la  re- 
connaissance de  sou  successeur 
a  consacré  son  nom  dans  la  pos- 
térité. 

CHARLES  XIV,  voyez  Ber- 

XADOTTE. 

C  HARLES-AUGLISTE  (prince- 
ROTAL  DE  Suède),  était  de  la  mai- 
son de  Holslein-Soenderbourg- 
Augustenberg  ,  famille  collaté- 
rale de  celle  qui  règne  en  Dane- 
mark aujourd'hui.  Il  vil  le  trône 
qui  lui  était  promis,  et  ne  put  y 
monter.  Né  en  1764,  il  fut  dé- 
signé, après  quelques  campagnes 
en  Allemagne  et  en  Noruège,  où 
il  montra  du  talent  et  dt;  la  bra- 
voure, pour  successeur  au  trône 
de  Ch:ules  XIII  {>  oyez  Charles 
XIII).  L'adoption  du  prince-royal, 
ratifiée  par  les  états,  et  sanction- 
née par  l'adhésion  des  représen- 
tans  de  la  nation,  remplissait  à 
la  fois  les  vues  du  roi,  des  grands 
etdu  peuple,  qui  aimaient  le  cou- 
rage et  estimaient  les  qualités 
de  Charles-Auguste.  Mais  peu  de 
temps  après  cette  adoption,  sa 
santé  s'altéra;  des  doutes  sur  la 
nature  de  son  mal  se  répandirent 
dans  le  public.  Comme  pour  met- 
tre fin  aux  discours  qui  faisaient 
naître  ces  soupçons,  la  mort  vint 
le  saisir  d'une  manière  acciden- 
telle et  inattendue.  Il  tomba  de 
cheval,  et  mourut  à  l'instant,  le 
18  mars  i8io.  Telle  est  l'absur- 
dite  des  opinions  du  vulgaire, 
que  la  foule ,  témoin  d'un  acci- 
dent si  évidemment  l'elTet  du  lia- 
ai 


32a  CHA 

sard ,  s'en  prit  de  la  mort  de  son 
idole  à  quelques  nobles,  qu'elle 
lapida.  La  comtesse  Piper,  long- 
temps en  danger,  fut  oblig«;e  de 
s'enfermer  dans  un  cliâteanfort  ; 
son  Irère  eS^ilra  sons  le  bâton  et 
les  j)it*rres  d'une  populace  stupi- 
de  ,  qui  aurait  dû  se  contenter  du 
moins  d'assommer  le  cheval  du 
malheureux  prince. 

CHARLES -EMMANUEL  IV, 
fds  aîné  de  Victor-Amédée  III, 
roi  de  Sardaigne ,  est  né  le  24 
mai  1751.  Sa  jeunesse  fut  confiée 
au  savant  et  pieux  cardinal  Ger- 
dil,  qui  ne  s'est  pas  assea  souve- 
nu du  mot  de  Laurent  de  Médi- 
cis  :  Les  peuples  ne  se  gouverneni 
point  avec  despatenôtres  (  ipopo- 
li  non  si  governano  co'  patenol- 
tri").  La  religion  exerça  son  in- 
fluence sur  la  vie  entière  de  Char- 
les-Emmanuel, et  ne  le  protégea 
pas  contre  les  infortunes  tempo- 
relles et  les  orages  de  la  politique  : 
malgré  son  amour  pour  la  paix, 
et  son  désir  de  garder  la  neutra- 
lité dans  les  troubles  de  l'Europe, 
le  mariage  de  ses  deux  sœurs  a- 
Tec  le  comte  de  Provence  (S.  M. 
Louis  XVIII),  et  MoMsiEi'B  (comte 
d'Artois),  et  son  propre  mariage 
avec  la  sœur  de  Louis  XVI,  en 
l'unissant  plus  étroitement  à  la 
maison  de  Bourbon,  l'associèrent 
aux  désastres  de  cette  auguste  fa- 
mille. Il  n'était  encore  que  prin- 
ce-royal, quand  son  père,  ayant 
donné  aux  princes  français  un  a- 
sile  dans  son  palais,  se  vit  atta- 
qué par  la  France,  en  1792,  per- 
dit une  grande  partie  de  ses  étals, 
et  fit  la  paix  avec  le  général  lio- 
nanarte  ,  après  la  bataille  de  Mon- 
dovi  et  la  retraite  des  Autrichiens. 
Charles-Emmanuel  IV,  surLe  trô- 


cnA 

ne  ,  après  le  second  traité  de  paix 
(octobre  I7<)()),  élait  destiné  à  des 
épreuves  plus  pénibles  encore; 
son  règne  fut  court,  passif,  îaible, 
incertain  et  nialhcureux.  Quel- 
ques démarches  furent  laites  par 
son  gouvernetnenl  pour  se  con- 
cilier le  directoire;  des  persécu- 
tions dont  la  violence  élait  du 
moins  intempestive,  furent  diri- 
gées contre  l'esprit  de  liberté  qui 
se  répandait  en  Piémont  ;  le  roi 
s'engageait  en  même  tempsàfour- 
nir  au  moins  10,000  hommes  i\  la 
France,  et  à  laisser  à  ses  armées 
passage  libre  à  travers  le  Piémont: 
cet  esprit  de  vertige  annonçait  un 
état  désespéré.  La  révolte  était 
partout,  et  quand  Charles-Em- 
manuel prit  les  armes  ,  la  France 
les  lui  fit  tomber  des  mains.  Sa 
citadelle  reçut  garnison  françai- 
se en  1798;  l'année  suivante  il 
se  réfugia  en  Sardaigne ,  désa- 
voua les  démarches  qu'on  lui  a- 
vait  fait  faire  contre  son  propre 
intérêt,  apprit  bientôt  la  mort  de 
la  reine  sa  femme,  et  abdiqua,  en 
1803,  une  couronne  dont  il  n'a- 
vait senti  que  le  poids.  Bien  que 
la  situation  de  ses  états,  et  le 
malheur  des  temps,  rendissent  la 
position  d'unroide  Sardaigne  ex- 
trêmement difficile,  il  n'estpoint 
de  poste  où  le  courage,  la  force 
d'âme  et  la  prévision  d'un  coup 
d'œil  habile  ne  trouvent  quelques 
moyens  de  salut.  Mais  malheu- 
reusement Charles-Emmanuel  ne 
possédait  aucune  de  ces  qualités. 
Ce  prince  est  mort  i\  Rome  le  6 
octobre  1819. 

CHARLES-LOLIS  DE  LOR- 
RAINE (archidic  d'Autriche),  est 
né  le  i5  septembre  1771.  Quoi- 
que la  fortune  des  armes  franrai- 


CHA 

>c9  l'ait  plus  d'une  fois  accablé 
dans  les  campagnes  où  il  a  joué 
un  rôle  si  important,  TAulriche  n'a 
pas  eu  dans  ces  derniers  temps 
de  meilleur  général.  Il  comuien- 
ça  par  servir  sous  Cobourg,  en 
1795;  fui  nommé  gouverneur  et 
capitaine-général  des  Pays-Bas  , 
graud'croix  de  Tordre  de  Marie- 
Thérèse,  feld-maréchal ,  lieute- 
nant-d'empire, et  prit,  après  la 
mort  deClerfayt,  le  commande- 
ment de  l'armée  autrichienne  sur 
le  Rhin.  Battu  près  de  Radstadt, 
par  Moreau  ,  il  sut  opérer  une 
jonction  iinporlante  et  habile  ; 
iorça  .lourdan.  qui  venait  de  bat- 
tre Wartensleben,  de  repasser  le 
Rhin  ,  et  Moreau  de  faire  cette 
belle  retraite,  si  admirée  d<;  l'Eu- 
rope :  ainsi  Vienne  se  trouva  mi- 
se à  couvert,  et  tout  le  résultat 
de  cette  campagne  lut  à  l'avan- 
tage de  l'archiduc.  Cependant 
l'Aolriche  en  relira  peu  xle  fruit; 
au  lieu  de  pouvoir  se  porter  sur 
l'Italie,  l'archiduc  l'ut  obligé  de 
demeurer  en  Allemagne ,  prit 
Kebl  et  Huniugue,  déploya  de- 
vant ces  deux  villes  un  grand  sa- 
voir militaire;  et  quand  il  reçut 
l'ordre  d'aller  coml)atlre  le  géné- 
ral Bonaparte  en  Italie,  il  trouva 
des  affaires  désesiHirées  ,  un  capi- 
taine invincible,  une  armée  vic- 
torieuse qui  venait  de  détruire 
(^uatr<^  armées  autrichiennes,  et 
des  adversaires  tels  <pie  Masséna 
et  Berniidotte  :  battu  au  Taglia- 
mento,  il  signa  les  préliminaires 
de  la  paix  à  Léoben.  C'est  là  que 
Bonaparte  laissa  échapper  ca  mot 
si  flatteur  pour  le  prinoe  Charles: 
L'AulricUe  m'a  envoyé  quatrt 
ftrnti'fi  ilv  .suite  sans  f^cnéraux  ; 
iiufourd' liiù  elle  m'envoie  un  gé- 


CHA  3u5 

ncral  sans  armée.  Votre  cabinet 
de  Vienne  est  bien  inepte.  Cette 
phrase,  qui  s'adressait  au  général 
autrichien  Merfeldt  ,  était  bien 
dure  pour  Wurmser,  Beaulieu, 
Devins  et  Alvin.iv;  mais  rendait 
une  complète  justice  auxtalens  du 
prince  Charles,  l'in  efiet,  c'est,  a- 
près  Clerfayt,  le  meilleur  général 
auiriehien  de  l'époque.  En  if|)9, 
on  k;  vit  reparaître  ,  à  la  tête  dos 
armées  d'Aulrithe,  et  battre  enco- 
re Jourdan,  en  Souabe  ,  où  il  dé- 
ploya tme  connaissance  profonde 
de  la  tactique  militaire.  A  Sloc- 
kack,  il  se  conduisit  avec  un  ra- 
re courage.  Masséna  l'attendait  en 
Suisse  ;  contre  un  si  habile  adver- 
saire, il  ne  manqua  point  d'habi- 
leté. Mais  une  manœuvre,  dont 
l'ordre  partait  de  trop  haut  jtour 
être  discutée  ,  et  qu'il  exécuta 
trop  bien  ,  découvrit  l'aile  droite 
des  Russes,  et  décida  le  sort  de 
la  campagne.  Souwarowetlacour 
s'en  prirent  à  l'archiduc  :  bientôt 
dégofité  par  quelques  intrigues, 
et  par  l'incertitude  desi.'hancesde 
la  guerre,  qui  avaient-plus  d'une 
fois  contrarié  ses  savantes  combi- 
naisons, il  prétexta  le  dérange- 
ment de  sa  santé;  se  retira,  fut 
chaigé  pendantquelque  temps  du 
gouvernement  de  la  Bohème, 
et  eut  la  triste  consolation  de  voir 
les  revers  de  l'armée  se  multiplier 
depuis  sa  "retraite.  On  le  rappela: 
il  n'était  plus  temps;  la  bataille 
de  Hohenlinden  était  donnée;  les 
Français  étaient  il  trente  lieues  de 
Vienne;  il  ne  put  rieu  opposer  A 
un  mal  si  pressant,  et  signa  leî- 
préliminaires  du  traité  de  Luné- 
ville.  Ministre  de  la  guerre,  après 
ce  traité,  il  déploya  autant  de  sa- 
gesse que  de  modestie;  réduisit  i 


V 


Sa/i 


Cil  A 


un  nombre  d'nnnées  fixe  le  temps 
(lu  «eivico  mililaire  ,  et  refusa  le 
niomiiiienl  que,  d'après  la  propo- 
sition (lu  roi  de  Suède,  on  vou- 
lait lui  ériger.  Rivarol  eût  nom- 
mé cela  une  ironie  en  marbre. 
Les  hostilités  recommencèrent  en 
180;"):  il  montra  des  taleus  dans 
la  nouvelle  campaj^^ne  qu'il  sou- 
tint contre  Masséna;  mais  la  for- 
tune et  le  génie  de  Bonaparte, 
qu'il  avait  déjà  éprouvés,  l'écra- 
sèrent enfin.  Après  de  longs  com- 
bats il  se  relira  par  le  Tyrol.  Cet- 
te retraite,  savamn)ent  conduite, 
épargna  le  sang  des  hommes,  et 
conserva  la  seule  armée  que  l'Au- 
triche eût  encore.  Digne  même 
par  ses  revers  du  titre  de  généra- 
lissime ,  qui  lui  fut  conféré  à  son 
retour;  à  peine  l'eut-il  accepté, 
que  les  désastres  succédèrent  aux 
désastres.  Il  reprit  les  armes  en 
1809,  s'élança  sur  la  Bavière,  et 
sentit  bientôt  toute  la  puissance 
des  armes  françaises.  A  Essling, 
il  battit  les  Français,  et  priva 
l'empereur  d'un  de  ses  meilleurs 
généraux,  le  maréchal  Lannes; 
mais  à  Eckmuhl,  à  Ratisbonne, 
et  môme  à  AVagram  ,  où  les  Fran- 
çais firent  peu  de  prisonniers,  les 
Autrichiens  furent  écrasés  ;  l'ar- 
chiduc S€  trouva  forcé  d'invoquer 
l'humiliation  du  traiLé  de  JVa- 
grani.  Accablé  sans  doute  par 
tant  de  revers,  que  ses  talens  n'a- 
Taient  pu  détourner,  l'archiduc 
déposa  l'épée  pour  ne  la  plus  re- 
prendre ;  et  son  rôle,  depuis  cet- 
te époque,  a  été  purement  pas- 
sif. L'Europe,  accoutumée  aux 
choses  étranges,  le  vit,  sans  trop 
de  surprise,  s'entendre  avec  Ber- 
tlîier  pour  l'accomplissement  du 
mariage  de  Napoléon  et  de  l'ar- 


cnA 

chiduchcssc  Marie-Louise;  repré- 
senter l'empereur  des  Français  à 
la  cérémonie  qui  se  fit  à  Vienne  ; 
plac«.'r  l'auiieau  nuptial  au  doigt 
(le  sa  luèce,  et  la  conduire  jus- 
qu'aux frontières  de  France  :  toi 
a  été  son  dernier  acte.  L'étude  de 
la  stratégie,  et  la  théorie  d'un 
art  qu'il  a  long-temps  pratiqué  a- 
vec  plus  de  talent  que  de  succès, 
l'ont  occupé  depuis^cette  époque, 
dans  la  retraite  où  il  vit  avec  la 
princesse  de  Nassau-^Yeilbourg, 
son  épouse.  Il  a  écrit  l'histoin; 
de  ses  campagnes;  ouvrage  que 
les  tacticiens  considèrent  comme 
1  un  des  meilleurs  de  ce  genre. 

CHARLES  PHILIPPE  (Mo>- 
siEvu,  COMTE  d'Artois,  ET  FRÎiRE  de 
Lovis  XVIll),  naquit  à  Versailles 
le  ç)  octol)re  ij^j.  Il  épousa,  en 
1773,  Marie-Thérèse  de  Savoie, 
sœur  de  l'épouse  du  comte  de 
Provence  :  le  duc  d'Angoulème, 
le  duc  de  Berri,  et  la  princesse 
Sophie,  morte  en  bas  âge,  ont  été 
les  fruits  de  cette  union.  Elevé  ù 
la  cour  de  Louis  XV,  le  comte 
d'Artois,  dont  la  jeunesse  com- 
mençait quand  son  frère  Louis 
XVI  uionta  sur  le  trône,  parut  en- 
traîné par  le  goût  alors  dominant 
de  la  dissipation.  Une  anecdote  de 
ce  temps  a  eu  trop  de  publicité 
pour  qu'il  soit  permis  ici  de  n'en 
pas  faire  mention.  Au  milieu  du 
liai  de  l'Opéra,  en  1778,  ce  prin- 
ce arracha  le  masque  de  la  duches- 
se de  Bourbon.  L'offense  était  pu- 
blique; le  duc  obtint  la  réparation 
qu'il  ne  put  éviter  de  demander; 
mais  les  suites  n'en  furent  point 
funestes.  On  trouve  les  détails  de 
ce  duel  dans  les  mémoires  du  ba- 
ron de  Bezenval.  L'année  précé- 
dente, au  mois  de  mars,  le  comle 


en  A 

«VArtois  avait  été  chargé  de  visi- 
ter une  partie  de  nos  ports  sur 
l'Atlantique.  En  178a,  ce  prince 
partitcominevolontaire;  il  se  ren- 
dit auprès  de  Gibraltar;  il  passa 
une  semaine  dans  le  camp  de  S'- 
Roch,  et  à  son  retour,  il  fut  repu 
chevalier  de  Saint  -  Louis.  Ces 
voyages  à  travers  la  France  ne  lui 
en  faisaient  pas  connaître  la  po- 
sition critique;  les  hommes  qui  se 
trouvaient  toujours  entre  le  peu- 
ple et  lui  avaient  trop  d'intérêt  à 
écarter  de  son  esprit  l'idée  de  tou- 
te réforme  sérieuse.  Cependant 
les  notables  furent  convoqués  en 
1787.  Président  de  l'un  des  bu- 
reaux de  cette  assemblée,  ce  prin- 
ce n'imita  point  la  conduite  du 
roi,  ou  celle  du  comte  de  Proven- 
ce qui  était  aussi  à  la  tête  d'un 
bureau; ilsuivit  d'autresconseils: 
le  public  s'accoutuma  donc  à  le 
regarder  comme  l'ennemi  d'une 
amélioration  devenue  l'objet  de 
l'espérance  générale.  Le  mécon- 
tentement fut  extrême, et  l'on  ne 
tarda  pas  à  rejeter  la  cocarde  ver- 
te qu'on  avait  adoptée  d'abord,  et 
qui  était  celle  de  sa  maison.  Ja- 
mais sans  doute  il  ne  se  ffit  enga- 
gé dans  ces  voies  dangereuses, 
s'il  en  eût  prévu  l'issue;  une  telle 
opposition,  en  faisant  douter  de 
la  sincérité  du  gouvernement  , 
contriiiua  beaucoup  à  grossir  le 
parti  populaire. Le  18  juillet  1787, 
il  avait  été  chargé,  conjointement 
avec  le  comte  de  Provence,  de  fai- 
re enregistrera  la  cour  des  aides 
les  édils  sur  le  timbre  et  sur  l'im- 
pôt territorial.  C'était  trois  jours 
après  l'exil  du  parlement.  En  sor- 
tant de  la  cour  des  aides,  le  com- 
te d'Artois  est  vivement  assailli. 
Malgré  les  gardes  qui  reiitourcnt. 


CHA  325 

et  malgré  une  forte  haie  de  trou- 
pes, il  a  beaucoup  de  peine  à  se 
soustraire  au  ressentiment  de  la 
multitude;  mais  le  peuple  recon- 
duit avec  acclamation,  jusqu'à  sa 
voiture,  Monsieur,  aujourd'hui 
Louis  XVIIL  Au  moment  de  la 
convocation  des  états-généraux, 
la  noblesse  de  ïartas  choisit  le 
comte  d'Artois  pour  son  repré- 
sentant; mais  Louis  XVI  ne  vou- 
lut point  qu'il  y  siégeât.  C'est  a- 
près  l'événement  du  i4  juillet 
qu'il  résolut  de  quitter  la  France, 
la  destruction  de  la  Bastille  lui 
montrait  dans  les  effets  de  l'opi- 
nion publique  quelque  cVose  de 
plus  qu'une  émeute.  Cependant 
il  parut  à  l'assemblée  auprès  de 
Louis  XVI,  qui,  en  s'y  rendant, 
suivait  les  conseils  du  comte  de 
Provence  et  de  M.  de  Liancourt 
(aujourd'hui  duc  de  LaRochefou- 
caull)  :  elle  deyait  être  peu  a- 
gréable  pour  le  comte  d'Artois,  cl 
l'on  remarqua  dans  ses  traits  de  la 
contrainte  ou  de  l'agitation.  Deux 
jours  plus  tard  il  partit,  s'arrêta 
quelque  temps  à  Turin,  vit  ensui- 
te à  Mantoue l'empereur  Léopold, 
et  après  quelque  séjour  à  W  omis, 
à  Bruck  près  de  Bonn,  à  Bruxel- 
les, et  enfin  à  Vienne,  il  se  rendit 
ù  Pilnilz.  C'est  l;\  que  fui  donné  le 
premier  exemple,  et  un  des  plus 
frappuns.  Je  celle  union  des  mo- 
narques contre  les  conslitnlions 
populaires,  qui  a  reçu  depuis  le 
nom  de  .vrti/î/^>fl///V7«c-«.  L'objet  des 
déterminations  prises  à  Pilnitz  fut 
exposé  en  termes  plus  clairs. qu'on 
ne  l'a  fait  dernièrement  dans  des 
conventions  semblables.  Voici  u- 
ne  parlic  du  texte  de  cet  ancien 
traité,  par  suite  dtiquel  la  tran- 
quillité de  l'Europe,  au  lieu  de- 


3a6 


CHA 


Ire  assurée,  fut  ébranlée  pin»  for- 
tement qu'elle  ne  l'avait  élé  de- 
puis des  siècles,  «LL.  M!M.  l'em- 
«percur  et  le  roi  de  Prusse,  aj'ant 
»  entendu  les  désir»  et  représenta- 
»  lions  de  Monsieur  et  mon><ei- 
«gneur  le  comte  d'Artois,  dé<  la- 
»rent  conjointement  qu'elles  re- 
»  gardent  la  situation  où  se  trouve 
»le  roi  de  France  comme  un  ob- 
»jet  d'intérêt  co>r»mun  à  tous  les 
«souverains  de  l'Europe.  Ils  cs- 
npèrentque  cet  intén't  ne  peut 
«manquer  d'être  reconnu  par  les 
»  puissances  dont  les  secours  sont 
»  réclamés,  et  qu'en  conséquence 
«elles  ne  refuseront  pas  d'em- 
»  ployer,  conjointement  avec  leurs 
»  dites  majestés,  les  moyens  les 
)>plus  efficaces,  relativement  à 
«leurs  forces,  pour  mettre  le  roi 
»  de  France  en  état  d'affermir,  dans 
nia  plus  parfaite  liberté,  les  bases 
«d'un  gouvernement  monarchi- 
»que  également  convenable  aux 
«droits  des  souverains,  etaubieu- 
wêtre  de  la  noblesse  française.  A- 
»lors,  et  dans  ce  cas,  l<Mir.s  dites 
«majestés,  l'empereur  et  le  roi 
«de  Prusse,  sont  résolues  d'agir 
«promplemenl  d'un  mutuel  ac- 
«cord.  avec  les  forces  nécessai- 
»res,  pour  obtenir  le  but  proposé 
»en  commun.  En  attendant,  elles 
«donneront  à  tein>  troupes  les 
«ordres  conTenables  pour  qu'el- 
«les  soient  à  portée  de  se  mettre 
»  en  activité.»  Le  prince  avait  réus- 
si dans  cette  négociation  ;  mais 
les  puissances  qu'on  n'avait  pas 
consultées  en  prenant  une  réso- 
lution de  cette  importance,  s'en 
plargnireut,  et  le  roi  lui-même  ne 
jugea  pas  à  propo.«  d'en  admirer 
le  désintéressement.  La  cour  de 
Vienne  fut  donc  obligée  de  susr 


CHA 

pendre  Teffet  de  ses  promesJ'cs  ; 
elle  refusa  môme  d'autoriser  l'é- 
tablissement d'un  dépôt  de  recru- 
tement dans  les  Pays-Bas.  Dès 
que  Louis  XVI  eut  accepté  la 
constitution,  il  invita  le  comte 
d'Artois  à  revenir  en  France,  et 
il  lui  envoya  le  décret  par  lequel 
étaient  déclarés  ennemis  de  l'état 
les  Français  qui  ne  rentreraient 
pas  avant  le  i"  janvier  i7«t2.  Les 
princes  étaient  à  Coblentz.  Ils  joi- 
gnirent à  leur  refus  une  procla- 
mation qui  ne  laissa  plus  espérer 
de  voir  la  famille  royale  réunie 
auprès  de  son  chef.  On  se  prépa- 
ra donc  à  la  g«erre.  L'assemblée 
législative,  après  avoir  décrété 
d'accusation  lccomted'Artoi.s,dc9 
le  2  janvier  i  792,  supprima,  le  \f) 
mai,  le  traitement  d'un  million 
que  lui  assignait  la  loi  constitu- 
tionnelle, et  déclara  ses  rentes 
apanagères  saisissables  par  ses 
créanciers.  Le  prince  était  alors 
à'Turin,  d'où  il  soutenait  les  inou- 
vemens  qui. s'étaient  déjà  mani- 
festés à  Lyon,  et  dans  quelques 
autres  lieux  :  bientôt  il  alla  pren- 
dre le  commandement  d'un  corps 
d'émigrés  qui  se  préparait  à  en- 
trer en  Champagne  avec  les  trou- 
pes de  la  Prusse  et  de  l'Autriche. 
On  sait  de  quelle  manière  se  ter- 
mina celte  incursion  en  Champa- 
gne :  les  émigré»  furent  mécon- 
tens  des  opérations  des  alliés,  et 
ceux-ci  prétendirent  qu'on  les  a- 
vait  engagés  dans  im  faux  pas. 
Après  cet  événement ,  les  princes 
se  retirèrent  en  \N  estphalie,  dans 
la  ville  de  Ham.  où  ils  apprirent 
la  mort  funeste  de  Louis  XVI.  Le 
comte  de  Provence  prit  le  titre 
de  régent,  et  son  frère,  nonimw 
lieutenant -général  du  royaume. 


en  A  ^ 

partit  pour  la  Russie  :  il  espérait 
obtenir  contre  la  France  l'inter- 
vention de  Catherine  II.  Elle  l'ac- 
cufillit  avec  la  plus  grande;  dis- 
tinction, lui  préstMita  elle-iiiOuie 
une  riche  épée  ,  et  lui  dit»:  «  J'es- 
»père  que  vous  vous  eu  servirez 
»pour  le  rétablissement  et  la  gloi- 
»re  de  votre  maison.  »  On  a  cru 
que  les  diamans  de  cette  épée  a- 
vaient  été  vendus  pour  soulager 
des  émigrés  dénués  de  ressour- 
ces; mais  d'après  une  lettre  du 
prince  au  maréchal  de  Broglie,  il 
paraît  au  contraire  quel'épée  ven- 
due n'était  pas  celle  dont  il  s'a- 
git, mais  une  autre  que  Louis  XVI 
avait  donnée  au  ducd'Angouléme. 
La  Ilussie  s'était  engagée  à  four- 
nir 20,000  hommes ,  l'Angleterre 
devait  les  solder,  et  les  transporter 
sur  les  côtes  de  France;  mais  on 
ne  se  hâta  point  de  remplir  ces 
promesses,  et  le  comte  d'Artois 
resta  dans  la  ville  de  Ham.  Quel- 
que temps  après  ,  il  se  décida  ù 
passer  en  Angleterre,  où  il  était 
attendu.  Bientôt  il  s'embarqua  sur 
l'escadre  du  commodoreWarren, 
et  après  être  resté  en  croisière , 
il  descendit  à  Ille-Dieu  le  29  sep- 
tembre. L'attente  de  ces  secours 
étrangers,  et  l'arrivée  du  prince  , 
avaient  ranimé  les  chels  ven- 
déens; mais  il  reçut  de  Londres 
des  dépêches  qui  le  déterminèrent 
ù  se  rembarquer;  ce  départ  dé- 
concerta plusieurs  des  chefs  de 
l'armée  royale.  De  retour  dans  la 
Grande-Bretagne,  ce  prince  alla 
résidera  Edimbourg.  Kn  1790»  »' 
quitta  l'Kcosse  pour  rejoindre,  au 
lond  de  la  Suisse,  l'armée  de  Con- 
dé  réunie  aux  Ausses  que  com- 
mandait Korsakow;  mais  n'étant 
arrive  qu'après  la  défaite  de  ce 


CHA 


537 


général ,  il  reprit  la  mute  de  l'An- 
gleterre, d'où  il  ne  put  protéger 
long-temps  l'infructueuse  persévé- 
rance de  la  Veadée.  Monsievr  (le 
comte  d'Artois)  avait  refusé  de  si- 
gner sa  renonciation  à  la  couron- 
ne, et  la  paix  d'Amiens  le  contrai- 
gnit de  retourner  ù  Edimbourg; 
mais  l'Angleterre  n'ayant  pas  tar- 
dé à  rompre  le  traité,  il  revint  à 
Londres,  et  se  fixa,  en  1809,  au 
château  d'Hartwell ,  dont  Louis 
XVIII  venait  de  faire  l'acquisition 
pour  y  réunir  sa  famille.  En  ibi3, 
MoNsiEuu  se  rendit  sur  le  conti- 
nent, et  s'approcha  des  frontiè- 
res, afin  d'examiner  les  suites  que 
pourrait  avoir  l'invasion  de  la 
France.  Au  mois  de  février  1 8 14» 
il  passa  le  Rhin.  Il  était  à  Vesoul 
lorsque  les  plaintes  laites  au  con- 
grès de  Châtillon  par  le  duc  de 
Vicence  l'obligèrent  à  rétrogra- 
der. Mais  Napoléon  abdiqua,  et 
Monsieur  se  présentant  aussitôt, 
publia,  en  qualité  de  lieutenant- 
général  du  royaume,  une  procla- 
mation pour  annoncer  solennelle- 
ment le  retour  du  bonheur  public, 
le  triomphe  de  la  liberté,  le  règne 
des  lois,  C abolition  dcUi  cotiscrip- 
lion,  la  iupprtssion  des  droits-^ 
réunis ,  et  l'entier  oubli  du  pas- 
si'.  Cinq  cents  grenadiers  de  la 
garde  nationale  allèrent  au-de- 
vant de  Mo5siEi'R  jusque  dans 
les  bois  de  IJondy,  et  c'est  avec 
eux  qu'il  fit  son  entrée  le  12  avril 
1814.  Le  surlendemain,  le  .sénat 
lui  remit  lautorité,  en  attendant 
l'arrivée  de  Louis.  XVIII,  Le  i5, 
le  prince  répondit  par  un  discours 
écrit  à  la  harangue  du  président 
du  sénat.  Il  fit  ol)server  «/«'<V«'//- 
vait  point  reçu  du  roi  de  pouvoirs 
pour  accepter   une  constitution. 


5i'.8 


CHA 


Mais  il  assurait  sans  hcsitcr  que 
les  bases  en  seraient  admises 
d'autant  plus  que  le  roi  son  frère, 
en  déclarant  qu'il  maintiendrait 
la  forme  actuelle  du  gouverne- 
ment, avait  reconnu  que  la  mo- 
narchie- devait  être  pondérée  par 
une  représentationdivisée  en  deux 
chambres,  et  que  la  nation  devait 
jouir  de  la  liberté  individuelle,  de 
Ici  liberté  de  la  presse,  enfin  de  tous 
les  droits  pour  lesquels  on  avait 
combattu  si  long -temps.  Alors 
MoKSiEUR  forma  son  conseil,  et, 
le  16,  il  révoqua  les  premiers 
commissaires  chargés  d  établir  le 
gouvernement  royal.  Ils  avaient 
outre -passé  leurs  instructions; 
mais  les  commissaires  extraordi- 
naires, qui  furent  envoyés  dans 
les  départcmens,  ne  se  conduisi- 
rent pas  avec  plus  de  sagesse.  Les 
archives  de  l'Etat  de  l'église  ,  et 
d'autres  objets  saisis  à  Rome  par 
l'ordre  de  ISapoléon,  furent  res- 
titués au  pape.  Les  prisonniers 
qui  n'étaient  détenus  (\ue  pour  a- 
voir  manqué  aux  lois  relatives  à 
la  conscription,  furent  mis  en  li- 
berté. On  supprima  pour  le  mo- 
ïiient  les  cours  prcvôtales;  on  a- 
bolit  les  tribunaux  des  douanes, 
et  l'on  cessa  de  percevoir  le  déci- 
me par  franc  dans  l'impôt  des 
droits-réunis.  En  donnant  audien- 
ce au  consistoire  des  réformés, 
Monsieur  déclara  que  le  roi  se 
plaisait  à  embrasser  également 
dans  ses  affections  les  Français 
de  tous  les  cultes,  comme  il  comp- 
tait sur  la  fidélité,  sur  le  dévoue- 
ment de  tous.  Si  donc  on  vit'les 
cours  prevôtales  remises  en  vi- 
gueur, et  même  avec  des  attribu- 
tions plus  étendues,  ce  ne  fut 
qu'un  peu  plus  lard;  ce  fut  plus 


*  CHA 

tard  aussi  que  !(■■,  pi  nic-ian-  'c 
trouvèrent  en  i-ioic  ,1  l,i  (  rimi- 
nelle  réaction  du  Midi.  !).  j  1  It  - 
Français  que  n'cnlniiiiiiicnt  (i-is 
les  illusions  des  partis  divc  r^,  a- 
vaient  reconnu  la  main  de  l'é- 
tranger, en  vovaiit  la  marine  de 
leur  pays  réduite  à  i3  vaisseaux 
de  ligne,  21  frégates,  et  quel- 
ques bricks  ou  corvettes.  Ils  fu- 
rent consternés  quand  le  traité 
qu'on  rectifia  le  24  avril .  i(--<i- 
ra  la  France  dans  ses  limitt  >  d  nu 
autre  temps.  Sans  doute  Ic-^  -a- 
crifices  devaient  être  con-idéia- 
bles;  mais  ils  furent  inmicnses. 
Cependant  quelques  personnes 
s'en  étonnèrent  peu;  et  d'un  au- 
tre côté  plusieurs  hommes  d'état, 
dans  l'Europe  alors  triomphante, 
doutèrent  qu'à  toutprendre  l'Eu- 
rope dût  s'en  féliciter.  Détruits 
parleurs  divisions,  les  vainqueurs 
de  dix  royaumes  en  devinrent 
d'abord  les  tributaires,  ensuite 
les  dociles  alliés.  Outre  les  droits 
que  la  France  abandonna  par  ce 
traité,  elle  céda  53  places  fortes 
occupées  par  ses  troupes,  i  ?.,ooo 
bouches  à  feu,  5i  vaisseaux  de 
haut  bord,  et  1 2  frégates.  Lorsque 
Louis  XVIII  prit  possession  du 
trône,  Monsieur  fut  nommé  co- 
lonel-général des  gardes  nationa- 
les de  France ,  et  colonel-géné- 
ral des  Suisses.  La  même  année, 
au  mois  de  septembre,  il  parcou- 
rut une  partie  des  départemens 
méridionaux;  il  visita  Lyon,  Mar- 
seille ,  Avignon.  La  nouvelle  du 
débarquement  de  Napoléon  en 
181  5,  parvint  à  Paris  le  5  mars; 
et  dès  la  nuit  du  5  au  0,  Moî^siecr 
partit  pour  Lyon  ,  où  il  arriva 
dans  la  matinée  du  8.  31ais  cette 
disposition  des  esprits  sur  laquel- 


CHA 

le  avait  compté  Napoléon,  oppo- 
sait trop  d'obstacles  à  Monsieur. 
Abandonné  des  soldats  et  de  tout 
le  peuple,  il  quitta Lvon;  un  seul 
homme  l'accompagna,  c'était  un 
officier  de  cavalerie.  Le  i(j  mars 
MoNsiEi'R  se  rendit  avec  le  roi  au 
corps-législatif,  et  prenant  la  pa- 
role après  Sa  Majesté,  >'il  jura,  au 
«nom  de  Ihonneur,  fidéliu'  au 
»rui  et  à  la  chnitc.n  Les  efforts 
que  l'on  fit  pour  mettre  Paris  en 
état  de  défense  étant  inutiles, 
une  heure  après  le  départ  du  roi, 
MossiEiR  se  vil  forcé  de  partir 
lui-même  avec  le  duc  de  Berri. 
De  retour  à  Paris,  le  7  juillet,  il 
présida  le  collège  électoral  de  la 
capitale,  et  dans  cette  circonstan- 
ce il  se  concilia  généralement  les 
esprits.  Le  1"  septembre  le  roi 
lui  donna  deux  compagnies  de 
gardes -du -corps.  A  l'ouverture 
de  la  chambre  ,  le  7  octobre , 
Mo!«siErR  renouvela,  comme  les 
autres  princes,  le  serment  de  fi- 
délité à  la  charte.  Durant  cette 
session,  il  présida  le  i"  bureau 
de  la  cliani!»re  des  pairs.  Les  amis 
de  l'ordre  constitutionnel  ne  le 
rirent  point  sans  regret  autori- 
ser les  restrictions  avec  lesquel- 
les MM.  de  Polignac  et  de  La 
Bourdonnaye  prêtaient  leur  ser- 
ment, en  qualité  de  pairs  de  Fran- 
ce ,  restrictions  que  la  religion 
n'exigeait  en  aucune  manière. 
Mais  lieux  jours  après,  le  duc  de 
Fitz-.Iames  ayant  proposé  que  la 
chambre  votât  des  reniercîmi-ns 
au  diicd'Angoulênie  ,  ;i  l'occasion 
de  son  entreprise  dans  le  Midi, 
MoMsiEiR  dit,  en  s'y  opposant  : 
Français,  et  prince  français  ,  le 
duc  d'Ànpoiiténu:  p  ut-il  oublier 
que  c'est  contre  des  Franeais  é- 


ClIA 


029 


garés  qu'il  a  été  forcé  de  conihat- 
tre?i>  Cette  même  année  la  garde 
nationale  fit  graver  une  médaille 
pour  la  fête  de  Saint-Charles.  Le 
comte  d'Artois  a  fait  dans  l'inté- 
rieur de  la  France  des  voyages 
momentanés,  et  a  été  nommé 
président  de  divers  bureaux  de  la 
chambre  des  pairs.  Depuis  quel- 
ques années  les  princes  n'y  siè- 
gent plus;  peut-être  cette  inaction 
n'est-elle  conforme  ni  aux  prin- 
cipes du  gouvernement  co.nstitu- 
tionnel,  ni  aux  intérêts  de  la  dy- 
nastie. Le  comte  d'Artois  est  le 
créateur  et  le  distributeur  de  la 
décoration  du  lis. 

CHARLES  FERDINAND  DE 
BOL^RBON  (dcc  deBerri,  fils  de 
MONSIEUR,  COMTE  d'Artois),  naquit 
à  Versailles  le  2^  janvier  1778. 
Ce  prince  a  paru  doué  d'un  heu- 
reux naturel,  mais  son  éducation 
fut  très-imparfaite.  Il  n'en  faut 
pas  accuser  entièrement  le  duc  de 
Serent  à  qui  elle  fut  confiée;  les 
circonstances  y  eurent  beaucoup 
de  part;  elles  forcèrent  les  ))rin- 
ces  d'errer  dans  les  diverses  par- 
ties de  l'Europe,  et  ne  permirent 
pas  de  surmonter  les  obstacles 
que  pouvaient  présenter  les  fai- 
bles dispositions  du  jeune  duc  de 
Berri.  Si  nous  ne  sommes  pas  ici 
d'accord  avec  quelques  écrivains 
distingués  d'ailleurs,  on  ne  s'en 
étonnera  point.  Ils  paraissent  n'a- 
voir vu  dans  des  notices,  qui  se 
rattachent  i\  l'histoire,  que  des 
occasions  de  louanges.  La  vérité 
sur  ces  objets  sérieux  serait  à  la 
fois  plus  loyale  et  plus  utile.  L"a- 
dul.ition  n'est  pas  toujours  une 
perfidie,  mais  elle  en  aleseffets  : 
elle  nuit  aux  princes  qu'on  ser- 
virait uu  cuuiruire,si  l'un  avait  le 


5jo  CIIA 

courage  (le  leur  parler  avec  sincé- 
rité. Après  lacliute  de  la  îi.irlille, 
en  1789,  le  cninle  d'Ailois  em- 
mena son  (ils  hors  <lij  la  France. 
Ils  resiérent  à  Turin  jusqu'au  mo- 
ment où  la  {guerre  éclata.  Ils  s*é- 
loij,nièrent  alors  de  la  cour  de  Sar- 
daifîne,  pour  prendre  une  part 
plus  active  à  la  coalition  contre  la 
France.  Après  celte  campaj;ne  de 
1792,  le  comte  d'Artois  quitta  le 
corps  d'armée  qu'il  venait  de 
c  uumander,  et  le  duc  de  Jierri 
alla  rejoindre  le  prince  de  Coudé 
«jui  Iç.  mit  à  la  tête  d'un  corps  de 
gentilshommes,  appelés  les  c^ias- 
■scurs  nobiis.  avec  lesquels  il  pas- 
sa depuis  au  service  de  ftussie. 
Aisément  le  duc  de  Beiri  contrac- 
ta les  habitudes  des  c:mips;  elles 
s'accordaient  en  général  avec  sa 
franchise  un  peu  hrusque  et  son 
hmneur  fougueuse,  avec  un  ca- 
ractère essentiellement  bon,  mais 
étranger  ù  ce  genre  de  délicatesse 
que  i)roduitrélégancedes  mœurs. 
11  joignait  au  mérite  assez  rare  de 
réparer  une  faule^  le  malheur 
d*en  trouver  plus  d'une  occasion  : 
«Monsieur,  dit-il  un  jour  à  un 
«officier  estimable  qu'il  avait  of- 
"fensé,  et  qu'il  prit  à  part,  monin- 
ntention  n'a  pas  été  d'insulter  un 
»  homme  d'honneur  ;  ici  je  ne  suis 
«point  un  prince,  je  ne  suiscom- 
»me  vous  qu'un  gentilhomme 
»français;  si  vous  exigez  répara- 
»tion,  je  suis  prêt  à  vous  donner 
«toutes  celles  que  vous  pourrez 
«désirer.»  La  paix  conclue  entre 
la  France  et  la  Russie  en  1801 
décida  le  duc  de  Berri  à  passer 
en  Angleterre,  où  le  comte  d'Ar- 
tois était  déjà  depuis  long-temps. 
Kn  i8o5,  quand  les  hostilités  re- 
commencèrent,   il  se  rendit  an 


cnA 

Hanovre  avec  Monsievr  :  il  de- 
vait prendre  du  commandement 
dans  l'armée  suédoise;  maisl'ou- 
verture  de  cette  campagne  en  fut 
le  terme:  les  princes  perdirent 
toute  espérance,  et  le  duc  de  lier- 
ri  retourna  dans  la  Gramle-Bre- 
tagne.  Le  désastre  de  1812  ayant 
enfin  jeté  l'Europe  dans  l'incer- 
titude, le?  prince*,  au  fond  de 
leur  retraite,  observèrent  les  é- 
vénemens  avec  un  inlértt  nou- 
veau. Ceux  du  commencement 
de  1814  amenèrent  le  duc  de 
Berri  dans  l'île  de  Jersey,  à  la  vue 
des  côtes  de  France.  Le  12  avril, 
il  s'embarqua  sur  L' Enrôlas  ;  le 
i5  il  entra  à  Cherbourg,  d'où  il 
se  rendit  à  Rouen  par  Lisieux,  et 
le  21  il  était  à  Paris.  Dans  ces 
premiers  momens,  les  militaires 
trouvaient  en  lui  la  bienveillance 
qui  lui  était  naturelle.  «  Nouscom- 
»  mençons  seulement  à  nous  con- 
»  naître,  disait-il  au  général  Mai- 
»son;  quand  nous  aurons  fait  en- 
»  semble  quelques  campagnes, 
»nous  nous  connaîtrons  mieux.  » 
Un  jour  il  passait  en  revue  un  régi- 
ment de  cavalerie  ;  les  soldats  ne 
dissimulaient  pas  leurs  regrets; 
ils  répétaient  le  nom  de  Napo- 
léon. «  Ç^nt  faisait-il  donc  de  si 
))  merveilleux  ?  demanda  le  prin- 
»ce  avec  humeur.  Il  nous  me- 
»nait  à  la  victoire,  répondirent- 
»ils.  Je  le  crois  bien,  reprit  le 
»  duc;  cela  était  bien  difficile,  avec 
»  des  gens  tels  que  vous!  »  Par  des 
mots  semblables  on  n'efitpas  fait 
oublier  à  un  peuple  belliqueux  la 
gloire  de  ses  drapeaux,  mais  on 
aurait  enfin  obtenu  sa  confiance. 
Cependant  cettegloire,  dont  il  eût 
fallu  ménager  l'impérissablesou- 
venir,  importunait  la  vanité  des 


en  A 

liommes  qui  n'opposaient  que  de 
vieux  titres  à  des  faits  n'-ceiis. 
Letir  dévouement  élran^ïe  satta- 
chait  à  élever  une  barrière  entre 
les  princes  et  la  nation.  >iapoléon 
»e  présenta  dans  ces  circonstan- 
ces, et  vingt  jours  l'amenèrent 
du  rivage  de  t'réjus  au  palais 
des  Tuileries.  Dès  qu'on  apprit 
qu'il  venait  de  débarquer  aux  ex- 
trémités du  royaume,  et  qu'il  mar- 
chait sur  la  capitale,  le  duc  de 
Berri  visita  les  casernes  ;  mais  il 
y  obtint  peu  de  succès.  Le  1 1 
mars  il  prit  le  commandement  des 
corps  réunis  dans  Paris  et  dans 
les  environs  :  la  plupart  n'atten- 
daient pour  reconnaître  Napo- 
léon que  son  arrivée.  Le  duc  tle 
r»frri  quitta  la  capitale  dans  la 
nuit  du  19  au  ao  mars,  et  il  se 
diriftea  vers  Lille,  par  Bcauvais, 
Ald)e\ille  et  fiéthune.  On  asstire 
qu'à  son  arrivée  dans  celle  der- 
nière ville,  le  prince  trouva  trois 
cents  hommes  dont  les  disposi- 
tions n'étaient  pas  équivoques. 
On  voulut  pourtant  les  enj^ager 
à  crier  ruve  le  roi,  le  cri  de  vive 
i'tmptrtur  fut  leur  réponse.  La 
troupe  qui  accompagnait  le  duc 
ftroyait  devoir  charger  ces  témé- 
raire«t;  il  g'y  opposa,  disant  qu'il 
ne  voulait  d'autre  vengeance  que 
de  les  lai>.Her  sains  et  saufs.  Alors 
CCS  solfiais  mêlèrent  au  cri  de  vi- 
ve l'empereur  celui  de  vive  le 
(lue  rie  Berri.  Ku  sortant  de  Ué- 
thfiuc,  où  rabandonnèrent  pour 
la  plupart  ceux  qiji  l'avaient  es- 
corté jusque  là.  il  fut  poursuivi 
]>ar  quehfues  lanciers;  mais  il 
passa  la  frontière,  et,  le  28,  il  re- 
jnigr>itleroi  «Uns  la  ville  de(iand. 
Lue  partie  de  la  maison  militai- 
re de  Louis   WIIl  l'avait  suivi  ;. 


CHA  35i 

elle  fut  cantonnée  dans  Alost  et 
aux  environs  ;  le  duc  de  Berri  en 
eut  le  commandement.  La  batail- 
le décisive  de  AVaterloo,  gagnée 
par  les  aroiées  étrangères,  per- 
mettant à  la  famille  royale  de  ren- 
trer promptement  en  France,  le 
duc  de  Berri,  parti  d'Alost  le  21 
juin,  arriva  le  24  par  Bavai,  au 
Gâteau- Cambresis.  Louis  XVllI 
ayant  fait  son  entrée  à  Paris  le  8 
juillet,  le  duc  de  Berri  quitta  le 
commandement  de  la  maison  du 
roi  un  mois  après,  et  en  présidant 
le  collège  électoral  du  départe- 
ment du  jSord  ,  il  témoigna 
aux  habitans  sa  reconnaissan- 
ce pour  leur  dévouement.  Mais 
il  ne  s'expliqua  point  sur  la 
charte  dans  les  termes  qu'il  avait 
employés  au  mois  de  mars;  s'il 
la  nonima  «lans  son  discours,  ce 
fut  en  rappelant  qu'elle  avait  été 
concédt'C.  Cependant  à  l'ouvertu- 
re des  chambres,  le  duc  de  Berri, 
comme  les  autres  princes,  en  ju- 
ra le  maintien.  Il  assista  ajix  pre- 
mières séances  de  la  chambre  des 
pairs,  et  même  il  fut  élu  prési- 
dent d'un  des  bureaux,  mais  en- 
suite il  cessa  d'y  paraître.  Le  ma- 
riage du  duc  de  Berri  avec  la  prin- 
cesse Marie  -  Caroline  -  ïhétèse, 
fille  aînée  du  prince  royal  des 
Deux-Siciles,  fut  célébré  le  17 
juin  181O.  Dès  le  2H  mars  cet  é- 
vénement  avait  été  annoncé  aux 
chambres.  Le  uîiuistère  proposa 
d'ajouter  un  million  à  la  somme 
iixée  précédenunent  pour  l'apa- 
nage du  duc  de  Berri,  et  la  cham- 
bre des  députés  accorda  aussitôt 
quinze  cent  mille  i'rancs;  mais  le 
prince  déclara  qu'il  en  consacre- 
rait l<î  tiers  au  soulagement  de* 
can lotis  que  la  présence  des  eu- 


532 


CHA 


iiemis  avait  le  plus  accablés.  De- 
puis ce  moment  on  remarqua 
chez  le  duc  de  Berri  des  disposi- 
tions chaque  jour  plus  populai- 
res. Toutce  qu'ilavait  vu  en  i8i5 
avait  fixé  ses  idées  sur  les  besoins 
et  sur  les  intentions  delà  France  ; 
il  parut  sourd  aux  conseils  de 
ceux  dont  la  persévérance  deve- 
nait de  l'aveuglement.  Soit  vers 
le  commencement  de  mars,  soit 
durant  les  cent  jours,  et  même 
après  le  mois  de  juin,  il  avait  dû 
sentir  que  des  institutions  libéra- 
les seraient  désormais  la  premiè- 
re nécessité  de  l'état.  On  n'avait 
pu  l'empêcher  de  comprendre 
qu'il  est  dangereux  dé  méconnaî- 
tre les  vœux  éclairés  d'une  nation 
à  qui  l'énergie  ne  manque  guère 
quand  elle  voit  un  but  digne  d'el- 
le. Ces  réflexions,  cette  sorte  de 
maturité,  rendaient  le  duc  de  Ber- 
ri suspect  aux  hommes  que  de 
tels  changemens  alarment  d'au- 
tant plus  qu'il  leur  est  difficile  de 
réparer  leurs  pertes.  Mais  préci- 
sément lorsqu'il  leur  était  moins 
cher,  un  attentat  vint  détruire  les 
espérances  que  les  amis  de  l'or- 
dre constitutionnel  plaçaient  dans 
le  duc  de  Berri.  Un  homme  d'un 
oaraétère  sombre,  et  qui  depuis 
«:inq  ans  nourrissait  une  pensée 
implacable,  Louvel,  le  frappa  d'un 
poignard,  au  sortir  de  l'Opéra,  le 
i5  février  1820.  Le  prince  expi- 
r;i  dans  la  matinée  du  lendemain; 
il  avait  demandé  la  grâce  de  son 
meurtrier.  Ceux  qui  ontpoursys- 
tème  de  miner  sourdement  des 
institutions  dont  ils  n'aperçoi- 
vent point  la  base  inébranla- 
ble, se  servirent  avec  une  gran- 
de présence  d'esprit  Je  c'e  dé- 
plorable événement  pour  calom- 


CHA 

nier  la  nation  elle-même.  Si  la 
procédure  dirigée  contre  Lou- 
vel n'a  pu  tout  éclaircir,  du 
moins  elle  a  fait  justice  de  ce» 
imputations  qui  avaient  été  re- 
produites avec  un  acharnement 
ridicule. 

CHARLES  IV  (noi  d'Espagne, 

FILS  DE  CbaBLES  III,  ET  DE  MaRIE- 

AméliedeSaxe),  naquit  à  Naples, 
le  11  novembre  174^.  Lorsqu'en 
1^59  Charles  monta  sur  le  trône 
d'Espagne,  en  remplacement  de 
son  frère,  Ferdinand  VI,  qui  ve- 
nait de  mourir,  l'infant  don  Car- 
los, à  peine  âgé  de  11  ans,  fut 
proclamé  prince  des  Asturies,  et 
créé  chevalier  du  Saint-Esprit,  le 
18  mai  de  l'année  suivante.  Il  é- 
pousa,  à  l'âge  de  17  ans,  Marie- 
Louise,  infante  de  Parme.  Son  pè- 
re ne  lui  laissant  point  prendre 
part  aux  affaires  publiques,  le  jeu- 
ne prince,  qui  était  d'un  caractè- 
re violent,  poursuivit  un  jour, 
l'épée  à  la  main,  le  ministre-mar- 
quis de  l'Esquilache,  qu'il  accu- 
sait d'avoir  suggéré  cette  résolu- 
tion au  monarque  ;  mais  ce  minis- 
tre fut  remplacé  par  le  comte 
Floridablanca,  à  l'occasion  de  l'in- 
surrection qui  éclata  à  Madrid,  en 
1772.  Charles  III  étant  mort,  en 
1789,  son  fils  lui  succéda,  sous  le 
nom  de  Charles  IV.  L'avènement 
de  ce  prince  produisit  un  change- 
ment subit.  D'emporté  qu'il  était 
dans  son  caractère,  il  devint  tout  à 
coup,  malheureusement  pour  lui 
et  pour  ses  peuples,  bon  jusqu'il 
l'excès.  C'était  à  regret  qu'il  si-  '  » 
gnait  les  sentences  de  mort;  et  1 
sous  ce  rapport,  sa  bonté  n'était 
pas  une  faiblesse.  Il  fut  de  bonne 
heure  entièrement  subjugué  par 
sa  femme,  et  cet  asservissement 


CHA 

fut  l'origine  de  la  faveur  dont  il 
combla  don  Manuel  Godoï,  con- 
nu depuis  sous  le  titre  de  prin.' 
ce  de  ta  Paix  {yoytz  Godoï), 
qui  lui  fut  présenté  par  cette  prin- 
cesse. Bientôt  ce  favori  de  la  rei- 
ne devint  celui  du  monarque ,  qui 
lui  accorda  toute  sa  confiance,  le 
nomma  son  premier  ministre  ,  et 
lui  conféra  le  titre  deducd'Alcu- 
dia.  C'était  en  1792,  à  l'époque 
où  la  révolution  française  deve- 
nait menaçante  pour  tous  les  trô- 
nes de  l'Europe.  Mais  ni  les  solli- 
citations des  autres  cours,  ni  les 
conseils  du  nouveau  ministre  ne 
purent  déterminer  Charles  IV  àen- 
trer  dans  la  coalition  formée  con- 
tre la  France.  Cependant,  quand 
il  fut  question  de  juger  Louis  XVT, 
le  gouvernement  espagnol, qui  é- 
taitseul  resté  allié  du  gouverne- 
ment français,  crut  pouvoir  in- 
tervenir utilement  dans  cette  af- 
faire. Charles  IV  fit  remettre  par 
son  ministre  à  Paris  ,  une  lettre 
à  laconvention  nationale,  dans  la- 
quelle il  exprimait  beaucoup  d'es- 
time pour  la  nation  française,  et 
d'intérêt  pource  malheureux  mo- 
narque. La  lettre  fut  présentée  à 
la  convention  le  20  janvier  1795, 
veille  du  jour  où  cet  infortuné 
prince  fut  livré  au  supplice.  Refu- 
ser d'y  obtempérer,  c'était  rom- 
pre avec  l'Kspagne  :  Charles  IV 
déclara  aussitôt  la  guerre  à  la 
France,  et,  dés  le  mois  de  mai 
suivant,  ses  troupes  entrèrent  en 
campagne.  A  la  suite  de  divers  a- 
vantages,  elles  s'emparèrent  du 
Aoussillon.  Mais  les  Français  ne 
tardèrent  pas  à  les  refouler  sur  le 
territoire  espagnr)L  Enfin,  après 
deux  ans  de  combats,  uu  traité 
de  piiix  fut  conclu   ù  Uâle  ,  eo 


CIIA 


355 


avril  1795,  entre  les  deux  puis- 
sances qui  contractèrent,  l'année 
suivante,  une  alliance  offensive 
et  défensive.  Le  gouvernement 
français  ,  aidé  par  le  ministre  es- 
pagnol qui,  à  l'occasion  du  traité, 
avait  reçu  le  nom  de  prince  de  la 
Paix  ,  parvint  à  faire  déclarer  la 
guerre  au  Portugal,  par  Charles 
IV,  en  avril  1801  ;  mais  à  peine 
quatre  mois  s'étaient-ils  écoulés, 
que  ce  monarque  s'empressa  de 
conclure,  à  Badajoz,  un  traité  de 
paix  qui  mettait  l'infant  de  Par- 
me en  possession  du  trône  d'Etru- 
rie.  L'Espagne  en  goûtait  tran- 
quillement les  douceurs ,  lors- 
qu'en  1802  les  Anglais,  avec 
qui  elle  n'était  point  en  guerre . 
mais  qui  voyaient  avec  déplaisir 
l'alliance  étroite  ménagée  entre 
cette  couronne  et  la  France,  par 
les  soins  de  Lucien  Bonaparte,  se 
rendirent  maîtres  de  quatre  fré- 
gates espagnoles ,  sans  aucune 
déclaration  préalable  d'hostilités. 
Lue  escadre  française  accourut 
au  secours  des  Espagnols;  mais  il 
n'y  eut  point  d'engagement  gé- 
néral jusqu'à  la  fameuse  bataille 
de  Trafalgar,  en  novembre  i8o5  , 
où  périt  l'amiral  anglais  Nelson 
[voyez  Nelsok  et  Collixgwood). 
L'Espagne  ne  se  sentit  point  dé- 
couragée par  ce  revers  ,  et  elle 
fournit  encore  des  troupes  et  de 
l'argent  à  la  France  ,  pour  conti- 
nuer la  guerre  contre  l'Autriche 
et  la  Russie.  Charles  IV,  au  mois 
d'octobre  de  la  même  année  ,  a- 
vail  publié  un  édit  contre  l'émi- 
gration espagnole.  Au  commence- 
ment de  i8o(),  il  s'fmpara  d'une 
partie  de*  biens  ecclésiastiques  , 
pour  les  besoins  de  l'étal;  et  il  ap- 
pliqua aux  soldats  blessés  de  Tra- 


334 


CHA 


falgar,  et  aux  parens  de  ceux 
qui  avaient  péri  dans  ce  funeste 
combat,  des  dons  gratuits  four- 
nis par  la  générosité  des  citoyens, 
à  laquelle  il  avait  fait  un  appel  gé- 
néral. Le  roi  de  Suéde  ayant  dé- 
claré la  guerre  aux  alliés  de  la 
France  ,  Charles  IV  ferma  ses 
ports  aux  vaisseaux  suédois.  Veri 
îe  même  temps,  18,000  Espa- 
gnols de  troupes  d'élite  furent  en- 
voyés dans  le  Nord,  sous  le  com- 
mandement du  marquis  de  L;i  Ko- 
mana,  pour  renforcerles  Français 
devant  la  place  de  Slralsund,(ians 
la  Poméranie  suédoise.  La  prin- 
cesse de  Naples,  épouse  du  prin- 
ce des  Asturies  [voyez  Ferdinand 
VII),  étant  morte  en  i8o5,  ce 
prince  eut  des  conférences  secrè- 
tes avec  l'ambassadeur  Beauhar- 
nais,  qui  lui  proposait  d'épouser 
la  fdie  aînée  de  Lucien  Bonaparte 
(voyez  Bonaparte  Lucien).  Dans 
une  lettre  adressée  à  Napoléon, 
Charles  IV  se  plaignit  hautement 
de  cette  négociation  entamée  à 
son  insu,  et  fit  arrêter  le  prince 
des  Asturies,  le  apoctob^e  1807. 
Cependant  il  lui  rendit  la  liberté 
quelques  jours  après,  et  témoi- 
gna même  le  désir  d'abdiquer  en 
sa  faveur.  Sur  ces  entrefaites,  ou 
vit  entrer  et  s'avancer  en  Espa- 
gne des  troupes  françaises,  dont 
le  but  ostensible  était  de  pour- 
suivre la  guerre  entreprise  con- 
tre le  Portugal.  L'occupation  de 
plusieurs  provinces  espagnoles 
n'avait  point  encore  dessillé  les 
yeux  du  roi  et  de  son  favori  sur 
ïe  Yrai  motif  de  cette  invasion, 
lorsque  le  chimiste  Izquierdo,  a- 
8;et\t  de  ce  ministre  près  la  cour 
de  France,  revint  à  Madrid  en 
toute  hâte  pour  faire  connaître  les 


CHÀ 

vues  secrètes  du  gouvernement 
français.  La  cour  d'Espagne  ne 
vit  plus  d'antre  ressource  que  de 
passer  en  Amérique,  et  crut  de- 
voir, pour  s'y  préparer  et  pour 
dissimuler  cette  intention,  pré- 
texter un  voyage  en  Andalousie. 
Ce  projet  ayant  bientf'it  transpiré, 
le  peuple  irrité  s'insurgea  à  Aran- 
jnez,  le  17  mars  1808,  contre  le 
prince  de  la  Paix,  à  qui  on  l'at- 
tribuait généralement;  et  le  mê- 
me jour,  Charles  IV  abdiqua  la 
couronne  en  faveur  de  scm  lîls. 
Ce  prince,  en  descendant  du  trô- 
ne, voulut  sauver  les  jours  de 
son  favori,  qui  étaient  menacés 
par  le  peuple.  [Mais  n'ayant  pu  ob- 
tenir la  liberté  deGodoï,  il  soup- 
çonna Ferdinand  d'avoir  été  l'ins- 
tigateur de  l'inpurrection  pour  en- 
lever à  son  père  le  sceptre  et  mê- 
me la  vie.  Il  recourut  alors  à  Na- 
poléon, en  le  prenant  pour  arbi- 
tre entre  lui  et  son  fils.  De  son 
côte ,  Ferdinand  se  laissa  persua- 
der par  des  agens  français  de  se 
rendre  à  Bayonne ,  où  Napoléon 
parvint  également  à  faire  venir 
Charles  IV  avec  son  épouse,  et  le 
prince  de  la  Paix,  qui  avait  été 
remis  en  liberté.  Ferdinand  fut 
alors  obligé  de  rétrocéder  le  trô- 
ne à  son  père,  qui  le  lui  redeman- 
dait, et  qui  en  disposa  aussitôt  eu 
faveur  de  Napoléon,  chargé  de 
choisir,  dans  l'intérêt  de  la  na- 
tion «spagnole ,  la  dynastie  et  la 
personne  qui  régneraient  sur  el- 
le. Napoléon  céda  ce  trône  à  son 
frère  Joseph,  qui  occupait  alors 
celui  de  Naples.  La  f.imille  royale 
d'Espagne  sanctionna  cette  nou- 
velle union  à  Bordeaux,  le  13 
mai  180H.  Charles  IV  se  rendit  à 
Fontainebleau,   puis  à  Conipic- 


CHA 

gn^,  escorlc  par  une  partie  de  la 
garde  impériale.  Quelques  mois 
après  ,  trouvant  le  climat  trop 
froid  pour  sa  santé,  il  s'établit  à 
Marseille,  avec  la  reine  sa  fem- 
me, le  prince  de  la  Paix,  Tinfant 
don  François  de  Paule,  et  la  rei- 
ne d'Étrurie.  En  1811,  Cliarles 
IV  se  retira  à  Home  ;  il  y  habita 
le  palais  Bfjr^hèse  avec  toute  sa 
tamille,  qui  était  composée  de  la 
reine,  de  rinlant  don  François  de 
Paule,  de  la  jeune  duchesse  d'A- 
cudia,  tille  du  prince  de  la  Taix 
et  de  la  princesse  de  Bourbon,  et 
le  jeune  roi  d'Etrurie.  Sa  maison 
était  modeste  :  un  g'rand-maître, 
le  com te  de  Saint- Martin,  Pjémon- 
tais,  un  cliambellan  faisant  fonc- 
tion de  préfet  du  palais  ,  un  au- 
mônier, ou  confesseur,  un  méde- 
cin et  un  chirurgien,  composaient 
tout  son  service.  Deux  dames 
d'honrjeur  étaient  attachées  à  ce- 
lui de  la  reine,  La  duchesse  de 
Branciforte,  sœur  du  prince  de  la 
Paix,  était  l'une  d'elles.  Le  roi  se 
livrait  à  des  occupations  simples, 
vivait  dans  son  intérieur  comme 
un  particulier,  faisait  de  la  mu- 
sique, se  promenait  en  voiture 
deux  fois  par  jour,  achetait  des 
tableaux,  et  ne  cachait  à  person- 
ne le  prix  qu'il  attachait  à  cette 
existence  uiodcste  et  privée.  Je 
SUIS  plus  heureux  iciqu'à  l'Escu- 
riat ,  disait -il  souvent.  A  Rome 
je  fni.1  ce  que  je  veux.  L'expres- 
sion de  re  sentiment  ne  trouvait 
p{is  d'écho  autour  de  lui.  Enfin 
cet  excellent  homme  ,  qui  fut  un 
prince  si  malheureux ,  avait  si 
bien  pris  les  hal»itudes  et  les 
moeurs  de  sa  position  à  Rome, 
que  nialgré  soji  ardent  catholi- 
rismc,  il  fut  un  des  premier»  ac- 


CHA 


•^-.îî 


quéreurs  de  biens  du  clergé  dsv.s 
cette  capitale  du  monde  chrétien  : 
il  y  acheta  deux  couvens  voisins 
du  prieuré  de  Malohe,  les  réunit 
par  une  communication,  et  y  lit 
une  galerie,  où  il  s'amusa  à  réu- 
uir  les  tableaux  de  toute  sorte  de 
valeur,  qu'il  allait  lui-même  ache- 
ter dans  les  greniers  de  Rome. 
Ln  des  principaux  fonctionnaires 
de  Rome,  à  qui  le  roi  Charles  IV 
parlait  de  la  vocation  que  l'infant 
don  François  de  Paule  semblait 
prendre  pour  l'état  ecclésiasti- 
que,  lui  dit  :  Sire,  eh  bien,  ce 
sera  un  cardinal  de  Bourbon. 
Non,  répondit  le  roi,  un  abbé  dt 
Bourbon.  C^est  assez,  et  je  le  lo- 
gerai dans  ces  couvens  tjue  j'aia- 
chetéfy.  La  bonté,  la  simplicité  et 
la  charité  de  ce  prince  rendent  sa 
mémoire  chère  à  jamais,  à  tous 
ceux  qui  ont  été  assez  heureux 
pour  le  voir  de  près  dans  son  in- 
fortune ,  et  aux  pauvr«!S  ,  qu'il  al- 
lait chercher  lui-mêmç.  Eu  i8i5, 
Charles  IV  se  réconcilia  avec  son 
fils,  et  conclut  un  traité  par  le- 
quel le  nouveau  roi  se  soumettait, 
lui  et  ses  successeurs,  i\  payer  à 
ce  prince  une  pension  annuelle  de 
douze  millions  de  réaux  (trois 
njillions  de  francs);  plus,  quinze 
cent  mille  francs  pour  l'acquitle- 
ment  de  ses  dettes  ,  et  dans  le  cas 
où  Charles  mourrait  avant  son  é- 
pouse,  ime  p«;usion  viagère  de 
huit  millions  de  réaux  (di-ux  mil- 
lions de  francs)  à  celte  princessCy 
en  qualité  de  reine- douairière. 
Mais  elle  mourut  le  27  décembre 
1H18,  vingt -quatre  jour»  avant 
Charles  IV  :  ce  prince  termina  sa 
carrière  à  l'Age  de  71  ans,  le  aft 
janvier  i8ir). 

CHARLOTTE  (ti  pni»cEii9E)f 


ôJh 


CHà 


de  Galles,  fille  du  roi  d'Aiijtle- 
terre  ,  Georges  IV  ,  alors  j)riiice 
de  Galles,  et  de  CliarlotU'.-,inu-- 
lie  (le  Drnnswuk-T^VulJcnhuUel , 
est  néele  7Janvieri^96.  Les  mal- 
heureuses dissensions  qui  trou- 
blèrent alors  la  paix  donnestit|ue 
de  la  lamille  ro^yale  ,  eurent  sur 
ses  premières  années  une  triste 
influence.  La  permission.de  voir 
sa  mère  ne  lui  était  donnée  qu'à 
certains  jours  ,  et  sous  la  surveil- 
lance rigide  de  quelques  subal- 
ternes. Elle  grandit  au  milieu  des 
douleurs  de  sa  mère,  des  froideurs 
de  son  père  ,  et  dans  une  espèce 
d'isolement,  qui  semblait  bien 
peu  fait  pour  elle,  et  qui  intéressa 
vivement  à  son  sort  la  nalion 
dont  elle  était  l'idole.  Plus  tard, 
quand  elle  put  mieux  connaître  le 
sujet  des  différens  de  sa  famille, 
elle  n'hésita  pas  à  se  prononcer 
en  faveur  de  sa  mère  ,  et  déclara 
avec  une  fermeté  qui  étonna  la 
puissance  même,  qu'elle  ne  se 
détacherait  jamais  de  celle  à  qui 
la  nature  l'avait  unie  par  les  liens 
les  plus  sacrés  ;  et  qu'elle  aimait 
mieux  renoncer  à  la  cour  ,  que 
de  renoncer  à  consoler  dans  ses 
chagrins  celle  qui  lui  avait  donné 
la  vie.  Arrivée  à  l'âge  de  se  choi- 
sir un  époux  ,  elle  fixait  les  yeux 
de  l'Anglçterre,  qui  l'appelait  la 
seconde  Elisabeth,  et  qui  aimait 
en  elle  un  patriotisme  exclusif, 
des  manières  gracieuses  et  nobles, 
une  beauté  plus  remarquable  par 
la  franchise  et  la  fermeté  de  la 
physionomie  ,  que  par  la  délica- 
tesse des  traits.  Sa  mère  craignit 
que  sa  présence  ne  s'opposât  au 
mariage  d'une  fdle  qu'elle  aimait 
trop  pour  qu'on  voulût  la  rendre 
témoin  de  son  bonheur.  Caroline 


CHA 

quitta  l'Angleterre  ;  Charlotte  , 
peu  de  temps  après  (181 4)-.  épou- 
sa le  prince  de  Cobourg.  Elle 
n'eut  avec  la  cour  de  son  père  que 
des  rapporlh  d'éliquette  et  de  dé- 
cence ;  vécut  dans  la  plus  pro- 
fonderetraitc,averun  mari  qu'el- 
le adorait  el  dont  elle  faisait  le 
bonheur;  et  du  seii»  de  cette  so- 
lilude  où  elle  exer^;ait  la  iiienfai- 
sauce  la  plus  active  ,  se  fit  bénir 
p.ir  toute  l'Angleterre,  qui  com- 
parait les  mœurs  douces  el  pures 
de  la  princesse  avec  les  folles  dé- 
penses ,  les  longues  débauches  , 
les  tyraimiques  prétentions  de 
quelques  princes.  La  popularité 
de  la  princesse  Charlotte  était  de- 
venue une  espèce  d'adoration,  et 
chacun  attendait,  en  181  5,  les  ré- 
sultats de  sa  grossesse  ,  qui  jus- 
qu'au dernier  terme  avait  paru 
fort  heureuse  ,  quand  on  apprit 
qu'elle  était  morte  avec  son  en- 
fant!... La  douleur  publique  fut 
telle  ,  qu'en  trois  jours  toute  l'An- 
gleterre fut  en  deuil  :  celui  qui  é- 
crit  cet  article  en  parle  comme 
témoin  oculaire.  Mille  rimieurs 
sinistres,  mille  bruits  se  répandi- 
rent; on  eût  dit  que  la  destinée 
de  l'Angleterre  était  attachée  à  la 
destinée  d'une  jeune  femme  de  33 
ans.  Née  dans  l'exil ,  elle  mourut 
dans  l'abandon  de  sa  famille;  per- 
sonne n'ouvrit,  personne  ne  fer- 
ma ses  yeux.  Le  prince  de  Galles 
témoigna  un  profond  désespoir;  sa 
cour  fut  silencieuse,  et  le  peuple 
garda  pendant  trois  mois  ce  deuil 
honorable  pour  lui  et  pour  celle 
qu'il  pleurait. 

CHAllOST  (Arma>d- Joseph 
DE  Béthune)  ,  pair  de  France,  et 
dignedescendantdeSully.  C'était 
de  lui  que  Louis  XV  disait:  A  ous 


CHA 

T'oyez  bien  cet  homme  tout  sim- 
ple ?  Eli  bien  !  avec  si  peu  d'ap- 
parence ,  il  vivifie,  trois  de  mes 
provinces.  Le  i"  juillet  1728,  à 
seize  ans.  il  entend  parler  cIo  la 
bataille  de  Foiitenoy  :  l'amour  de 
la  gloire  J'entraîne  ;  il  entre  nu 
service  ,  obtient  un  régiment  de 
cavalerie  ,  etse  dislingue  à  la  prise 
de  Munster,  lin  i7;')8,au  milieu 
des  désastres  de  la  France  ,  il  ("ait 
porter  son  argenterie  à  la  Mon- 
naie ;  et  comme  son  intendant  se 
récrie  sur  la  valeur  du  sacrifice  : 
«Je  sacrifie  ma  vie  pour  ma  pa- 
»trie,  répondil-il;  je  peux  bien  lui 
»  sacrifier  aussi  mes  couverts.'» 
La  Bretagne  et  le  Berri  lui  durent 
lea  améliorations  les  plus  utiles. 
Il  perça  des  routes ,  établit  des  a- 
telicrs  de  charité,  abolit  les  cor- 
vées dans  ses  domaines;  fonda  des 
institutions  de  bienfaisance  pour 
les  femmes  eu  couches,  pour  les 
orphelins,  pour  les  agriciiltcuffl 
ruinés  par  les  incendies  ou  la  grê- 
le ;  encouragea  la  culture  du  lin 
en  Picardie;  et  fut,  en  n\\  mot,  le 
Bedford  delà  France.  Comme  ce 
dernier  ,  il  soutenait  à  Paris  une 
infinité  d'écoliers  pauvres  ,  qui 
devenaient  ensuite  des  hommes 
utiles  et  souvent  célèbres.  Le  mo- 
nument élevé  après  sa  mort  dans 
la  commune  de  Meiltant,  est  un  au- 
tre trait  de  ressemblance  entre  lui 
et  l'Anglais  justement  célèbre  que 
nous  venons  de  citer.  Au  com- 
mencement de  la  révolution  ,  il 
fil  uridon  patriotique  de  cent  mille 
francs,  et  essuya  néanmoins  (|ucl- 
ques persécution»  sous  la  terreur: 
mai»  elles  n'eurent  point  de  suite; 
et  un  gouvernement  qui  ne  res- 
pectait ni  la  vieillesse  ni  la  vertu, 
épargna  cependant  cette  tête  vé- 


CHA  537 

nérable.  Nommé  maire  du  10'  ar- 
rondissement de  Paris  en  1799, 
il  continua  d'exercer  autour  de 
lui  la  plus  active  bienfaisance,  et 
finit  par  périr  victime  de  son  hu- 
manité. La  petite-vérole  faisait  de 
cruels  ravages  dans  l'établisse- 
ment des  sourds-ïnuets  ,  dont  il 
était  un  des  administrateurs  ;  rien 
ne  put  le  déterminer  à  interrom- 
pre les  visites  particulières  qu'il 
y  faisait  :  la  contagion  l'atteignit, 
et  la  pairie  perdit  cet  excellent 
citoyen,  le  27  octobre  1800.  J^es 
regrets  et  les  éloges  funèbres  de 
la  France  entière  ont  consacré  son 
nom  dans  la  mémoire  des  hom- 
mes. Voilà  un'  noble  qui  a  -vécu 
noblement  ! 

CHAROST  (Louis -François 
nrc  DE  Béthcne)  ,  esprit  inquiet 
et  ambitieux,  voulut  se  faire  roi 
du  Brabant  et  y  fut  condanmé 
conmie  révolutionnaire  ;  il  vint 
chercher  un  asile  en  France  ,  et 
y  fut  condamné  cotnme  royaliste. 
N'ayant  pu  échapper  à  ce  dernier 
jugement,  il  mourut  sur  l'écha- 
faud ,  le  îx8  avril  1794-  Ses  vues 
étaiëntaussiélroTtesetse^moyens 
aussi  ntinces  que  ses  prétentions 
étaient  hautes.  Il  voulait  profiter 
des  troubles  que  la  suppression 
des  couvens  par  le  philosophe-roi 
Joseph  II  avait  excités  en  Flan- 
dre, pour  élever  un  trône  en 
Brabant  et  s'y  placer.  Quelques 
mécontens  mal  enrégimentés, 
deux  petites  villes,  dont  les  gou- 
verneurs timides  avaient  ouvert 
le»  portes;  tels  étaient  ses  pro- 
grèsetsesespéranccs,  quand deifx 
ou  trois  hommes  de  maréchaus- 
sée l'arrêtèn-nt.  11  parvint  à  s'en- 
fuir, fulc(mdamné  par  contuma- 
ce ,  et  vint  en  France  trouver  la 

1X1 


358  ClIA 

mort  à  25  ans.  Une  si  vaste  aiii- 
bilitui,  et  un  bi  petit  personnage, 
rappellent  ce  mot  du  spirituel 
Champlorl  :  Un  nain  sous  un 
arc  (if  Iriotnphe. 

CHARPENTIER  (  le  comte 
HE>'nY-FRANCOis-iMARiE)  ,  lieute- 
nant général  ,  né  à  Soissons  le 
a5  juin  ijCç^  Issu  d'une  famille 
distinguée  dans  la  magistrature  , 
l'éducation  qu'il  avait  reçue  ,  et 
son  mérite  particulier,  contribuè- 
rent à  le  l'aire  élever  au  grade  de 
capitaine  ,  lors  de  la  création  du 
premier  bataillon  des  volontaires 
du  département  de  l'Aisne  ;  ce  fut 
en  cette  qualité  que  M.  Charpen- 
tier débuta  dans  la  carrière  mi- 
litaire le  2  septembre  1791  ,  et 
qu'il  fit,  à  l'armée  du  Nord  ,  les 
cam[)agnesde  11792  et  1795. Nom- 
mé adjudant-général  chef  de  ba- 
taillon lorsque  les  Français  firent 
lever  le  blocus  de  Maubeuge  ,  il 
se  signala  dans  les  premières  opé- 
rations sur  la  Sambre  ;  et  le  10 
juin  1794»  parvint,  sur  le  champ 
debataille.  au  rangdecolonel.  En 
1796,  il  fut  chargé  d'apporter  au 
gouvernement  les  drapeaux  de  la 
garnison  autrichienne  de  Luxem- 
bourg :  il  était  cité  dans  le  rap- 
port officiel  comme  officier  supé- 
rieur d'un  mérite  distingué.  Après 
avoir  assisté  aux  glorieuses  cam- 
pagnes de  l'armée  de  Sambre-et- 
Meuse,  M.  Charpentier  passa  en 
Italie  en  17*")9,  où,  le  26  mars  , 
sous  les  murs  de  Vérone  .  il  ob- 
tint le  grade  de  général  de  bri- 
gade aux  mêmes  titres  qui  lui  a- 
vaienl  mérité  celui  de  colonel  , 
c'est-à-dire  pour  services  rendus 
sur  le  champ  de  bataille.  Chargé 
du  commandement  d'une  divi- 
sion à  ta  Ti'tbia,  il  eut  un  che- 


CHA 

val  tué  sous  lui,  et  arrêta  les  ef- 
forts de  l'ennemi  sur  l'extrême 
gauche  de  l'armée.  Il  eut  égale- 
ment deux  chevaux  tués  sous  lui 
à  la  bataille  de  Novi;  et  enfin  dans 
une  reconnaissance  sur31ondovi, 
il  reçut  un  coup  de  feu  au  trarxirs 
du  corps  ,  q<ii  l'obligea  de  rentrer 
en  France  ,  où  pendant  sa  conva- 
lescence il  eut  le  commande- 
ment de  la  quinzième  division 
militaire.  Rappelé  en  Italie  en 
1800  ,  M,  Charpentier  fit  la  cam- 
pagne à  ravant-garde,fut  nommé 
général  de  division,  et  chef  del'é- 
tat-major-général  de  l'armée.  I! 
a  exercé  ces  fonctions  l'espace  de 
onze  ans ,  sous  les  généraux  en 
chef  Moncey  ,  Murât,  Jourdan  , 
Masséna,  et  sous  le  prince  Eugène, 
vice  roi  d'Italie.  Pendant  la  cam- 
pagne de  i8o5  (an  14  )  »  chargé 
par  le  maréchal  Masséna  de  mar- 
cher à  la  tête  de  quatre  bataillons 
de  grenadiers,  contre  un  corps 
ennemi  qui  se  portait  sur  Véro- 
nelte,  il  exécuta  si  bien  cet  ordre, 
que,  par  ses  dispositions,  il  força 
ses  adversaires  à  mettre  bas  les 
armes.  En  1809,  après  la  bataille 
deWagram,  le  général  Charpen- 
tier fut  créé  comte  de  l'empire. 
En  février  1812,  il  fut  nommé 
de  nouveau  chef  de  l'éfat-major- 
général  de  l'armée  d'Italie ,  4' 
corps  ;  le  28  juillet,  gouverneur- 
général  de  la  province  de  Wi- 
lepsck,  et  ensuite  decelle  de  Smo- 
lensk.  En  i8i5,  il  commandait  la 
56°"  division,  qui,  par  la  prise  et 
la  délense  du  poste  de  Gross  et 
Klein-Gœrschen  ,  contribua  si  ef- 
ficacement, malgré  les  efforts  de 
la  garde  russe  et  prussienne,  au 
gain  de  la  bataille  de  Lutzen  ;  le 
«urlcndemain  l'empereur  le  nom- 


CHA 

ma  grand'croix  de  l'ordre  de  la 
Réunion.  Après  s'être  distingué 
aux  attaques  successives  des  po- 
sitions de  Fischbaih  ,  Cappelleu- 
berg  et  BischofTwerda  ,  le  général 
Charpentier  rendit  de  nouveaux 
services,  an  mois  d'août  de  la 
même  année,  en  défendant  le  pas- 
sage du  Bober  contre  les  lUisses 
et  les  Prussiens.  Il  contribua  au 
gain  de  la  bataille  de  Waschau  , 
le  i6  octobre  ,  en  enlevant  au  pas 
de  charge  la  redoute  ennemie  , 
d'île  Suciloise  de  (ruxlavc ,  héris- 
sée de  canons  ;  il  donna  de  nou- 
velles preuves  de  valeur  à  la  ba- 
taille de  Hanau.  Nommé  com- 
mandant du  ti"  corps  d'armée, 
kur  la  rive  gauche  du  Rhin ,  il  le 
réorganisa  et  fut  appelé  dans  la 
garde  impériale.  En  i8i4)  à  la 
tête  d'une  division  de  la  jeune- 
garde  ,  il  chassa  de  Fontainebleau 
les  Cosaques  et  la  colonne  autri- 
chienne qui  s'étaient  emparés  de 
cette  ville.  Le  9  mars,  il  enleva 
de  vive  force  le  village  de  Clacy  , 
dans  le  département  de  l'Aisne, 
le  défendit  tout  un  jour  contre 
>ept  attaques  réitérées,  et  ne  l'é- 
vacua  que  par  ordre.  Après  l'ab- 
tlication  de  Napoléon  et  le  retour 
du  roi  ,  le  lieutenant-général 
Charpentier  fut  chargé  de  l'ins- 
pcction  de  l'infanterie  de  la  7'"» 
division  militaire,  décoré  de  la 
croix  de  Saint-Louis,  le  8  juillet; 
et  le  v,7  décembre  suivant ,  nom- 
mé graiid-odicier  de  la  légion- 
d'honnetir.  "SX.  (>harpenlior  estau- 
jourd'hui  le  plus  ancien  des  chefs 
d'état-major  de  larmée. 

CHARRIER  DE  LA  ROCHE 
(Lotis  ),  évêque  de  Versailles, 
est  né  à  Lyon,  le  17  mai  ij.lB  , 
d'une  ancienne  famille  originaire 


CHA  339 

d'Auvergne  :  un  de  ses  ancêtres 
était  échevin  sous  Henri  IV.  M. 
Charrier  de  La  Roche  ,  entré  en 
bas  âge  dans  l'état  ecclésiastique, 
avait  à  peine  atteint  sa  1 1"*  année, 
qu'il  fut  pourvu  d'un  canonicat 
dans  le  chapitre  noble  d'Ainai  de 
cette  dernière  ville;  et  après  avoir 
fait  avec  distinction  ses  études 
théologiques  à  Paris  ,  où  il  fut 
nommé  docteur  de  Sorbonne  ,  il 
revint  à  Lyon  :  l'archevêque  de 
Montazet  le  nomma  un  de  ses 
grands-vicaires,  et  ensuite  son 
officiai  métropolitain.  En  1771,  à 
la  mort  du  prevôtdu  chapitre  d'Ai- 
nai, enmême  tempscuré  de  lapa- 
roisse,  M  Charrier  fut  appelé  aie 
remplacer,  et  ce  choix  fut  applau- 
di. Très-charitable  envers  les  pau- 
vres ,  il  recherchait  les  malheu- 
reux ,  visitait  les  prisonniers  ,  et 
souvent  accompagna  les  condam- 
nés au  supplice.  Associé  au  gou- 
vernement d'un  diocèse  où  les 
disputes  entre  les  molinistes  et  les 
jansénistes  étaient  alors  très-vi- 
ves ,  M.  Charrier  eut  la  sagesse 
de  n'adopter  d'une  manière  ex- 
clusive aucune  des  opinions  qui 
divitsaient  le  clergé  :  il  ne  cessa 
jamais  d'estimer  les  ecclésiasti- 
ques distingués  et  de  bonne  foi , 
quel  que  fût  le  parti  qu'ils  eussent 
embrassé.  Il  conserva  jusqu'à  la 
mort  de  l'archevêque  de  Monta- 
zet,  la  confiance  et  l'autitié  de  co 
prélat.  A  la  création  des  assem- 
blées provinciales,  il  fut  appelé  à 
la  présidence  de  celle  de  Lyon  , 
et  sut  mériter  ,  dans  cette  nou- 
velle administration,  les  éloges 
de  ses  concitoyens.  Nommé  dé- 
puté aux  états-généraux,  M.  l'ab- 
bé Charrier  qui  était  lié  avec  l'ar- 
chevêque de  Pompignan,  le  prit 


3/io 


éBA 


ppur  gui  Je  au  milion  .<les  orages 
poiitiiiiies  et  réiigieux'qui s'élevè- 
rent à  celte  époque.  If  ne  sb' livra 
à  aucun  esprit  de  parti,  et  ne  fat: 
d'aiictinc  coterie.  Ses  bpiniotis  il 
la  tribune,  et  ses  écrilsjprouvent 
qu'il  fut  toujours  l'ami  de  l'ordre, 
(le  la  religion  ,  de  l'état  et  du  roi. 
Comme  membre  de  l'assemblée 
nationale,  il  parla  en  faveur  de 
l'impôt  territorial,  et  poui-  le 
maintien  de  l'impôt  sur  le  tabac. 
Il  s'opposa  à  la  réunion  du  com- 
tat  Venaissin  à  la  France:  il  s'é- 
leva avec  force  contre  la  propo- 
sition de  ne  considérer  le  mariage 
que  comme  un  acte  civil ,  et  vota 
pourl'institutiondu  juri.En  1791, 
M.  l'abbé  Charrier  prêta  serment 
à  la  constitution  civile  du  clergé  ; 
et  en  mrme  temps,  il  publia  dans 
ses  écrits  qu'il  ne  s'y  était  décidé 
qu'après  avoir  fait  inutilement  les 
plus  vives  instances  auprès  des 
ministres  du  roi  et  du  nonce  du, 
pape  ,  pour  savoir  ce  qu'il  devait 
faire.  Les  électeurs  du  départe- 
ment de  Pihône-et-Loire  avaient 
manilesté  l'intention  de  le  nom- 
mer évêque  métropolitain  de 
Lyon  :  il  leur  écrivit  ,  et  sa  let- 
tre fut  rendue  publique  ,  qu'il  ne 
consentirait  jamais  à  monter, sur 
le  siège  épiscôpal  du  lieu  de  sî» 
naissance.  A  cette  époque,  il  fut 
nommé  évêque  métropolitain  de 
Rouen  :  il  accepta;  mais  mécon- 
tent  de  la  direction  qu'oii  faisait 
suivre  aux  affaires  ecclésiastiques, 
il  donna  sa  démission  ,  se  retira  à 
Lyon  dans  sa  famille  ,  et  n'exer- 
ça plus  dès  lors  les  fonctions  épis- 
copales.  Arrêté  et  incarcéré  après 
le  siège  de  Lyon  ,  en  i^f)^,  il  al- 
lait être  traduit  au  tribunal  révo- 
lutionnairede  cttte  ville,  lorsque 


CIIA 

les  pauTres  de  sa  paroisse ,  qui 
n'avaient  point  oublié  les  bien- 
faits qu'ils  avaient  reçus  de  ce  di- 
gne pasteur,  se  réunirent  pour  ré- 
clamer sa  liberté  ,  et  l'obtinrent. 
Après  la  chute  du  directoire  ,  et 
sous  le  consulat,  M.  l'abbé  Char- 
rirr  fut  nommé  évêque  de  Ver- 
sailles ,  siège  qu'il  occupe  encore 
aujourd'hui.  Lorsqu'il  en  prit  pos- 
session ,  il  s'empressa  de  rassu- 
rer les  inquiétudes  de  son  trou- 
peau ,  par  la  profession  franche 
et  publique  de  sa  soumission  et 
de  sa  doctrine.  Il  est  à  regretter 
que  le  même  esprit  d'indulgence 
n'ait  pas  toujours  préside  à  la  ré- 
daction de  ses  lettres  pastorales. 
Le  château  de  Saint-Cloud  se 
trouvant  situé  dans  le  diocèse  de 
Versailles,  l'évêque  fut  invité, 
par  le  premier  consul ,  à  célébrer 
la  messe  dans  cette  résidence  ,  ce 
qui  lui  valut  tout  naturellernent 
par  la  suite  le  titre  desofi  pretpier 
aumônier.  Au  retour  des  Bour- 
bons,  il  témoigna  son  dévoiié- 
ment  à  Louis  XVIII.  Lorsqu'en 
181 5  Napoléon  revint  de  l'île 
d'Elbe,  i\l.  l'évêque  de  Versailles, 
surl'invitation  qui  lui  en  fut  faite. 
se  rendit  aux  Tuileries,  dans  l'in- 
térêt de  son  diocèse;  mais  il  ne 
reprit  ni  les  fonctions  ni  le  titre 
de  premier  aumônier.  M.  Char- 
rier de  La  Roche  a  publiéplusieurs 
écrits  pour  la  défense  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé.  Les  prin- 
cipaux sont  :  1°  Réfutation  de 
l'instruction  de  M.  Asseline ,  évê- 
que de  Boiiivgne  ,  1791  >'  in-8"  ; 
2°  Question^  sur  les  affairés  pré- 
sentes de  l'église  de  France,  1 79  > . 
in-8°  ;  5°  Examen  des  principes 
sur  les  droits  de  la  religion ,  la 
juridiction  et  le  régime  de  l'église 


CHA 

catholique;  ù^"  Lettres  à  M.  Maul- 
tro  sur  la  religion  ,  179»  ,  in-S"  ; 
5"  Lettre  pastorale  aux  fiiicles 
de  son  diocèse  ,  1791 ,  in-S"  ;  G" 
Quels  sont  les  remèdes  aux  mal- 
heurs qui  désolent  la  France  ? 
1791,  in-S".  On  aime  ù  retroii- 
Ter  dans  ce  dernier  ouvrage  l'es- 
prit de  sagesse  et  de  concilia- 
tion qui  devrait  caractériser  tout 
ce  qui  sort  de  la  plume  d'un  pré- 
lat. 

CHARRIER  -  SAINNEVILLE 
(Sébastien  -  Claude),  maître  des 
requêtes  au  conseil -d'état,  offi- 
cier de  la  légion-d'honneur,  mem- 
bre du  conseil -général  du  dé- 
partement du  Rhône,  ci-devant 
lieutenant  de  police  à  Lyon,  est 
l'un  des  hommes  de  l'époque  qui 
ont  le  plus  à  se  plaindre  des  ca- 
lomnies de  certains  écrivains.  On 
ne  lui  u  pas  pardonné  l'iionoiit- 
ble  conduite  qu'il  a  tenue  lors  des 
événemens  de  Lyon  en  1817.  M. 
Charrier  -  Sainnevillc  est  né  à 
Grenoble  le  la  lévrier  17G8.  Sa 
famille,  des  plus  anciennes  de  la 
bourgeoisie,  est  aussi  l'une  des 
plus  recommaudables  du  dépar- 
tement de  l'Isère.  Son  père,  son 
aïeul  et  son  bisaïeul  ont  rempli  a- 
vec  honneur  les  lonctions  du  no- 
tariat, et  jouissaient  d'une  haute 
considération.  L'aïeul  de  M.  Sain- 
nevillc avait  épousé  une  parente 
d.e(}  célèbres  frères  Pûris,  qui  peu- 
vent être  considérés  comme  les 
fondateurs  du  système  adminis- 
tratif des  subsistances  militaires, 
et  qui  avaient  réalisé  lu  maxi- 
me (lu  grand  rréd<iric,  «mquel 
on  entendait  «lire  a^sez  soqvcn.ti  : 
f  L'art  de  \  '>i  rien  bdui 

»VArt  de  biil.  il  fulcharg»} 

dp  jc^iU  |>ar|ie.(iujf.er.vice  militoio 


CHA  o/,i 

re,  tant  à  Grenoble  que  sur  d'au- 
tres points  de  la  province  du  Dau- 
phiué.  Le  père  succéda  à  l'aïeul 
dans  cette  partie  à  laquelle  le  fds 
fut  aussi  destiné.  Eu  effet,  M. 
Sainne  ville,  qui  s'y  livra  dès  que 
son  édjjcation  l'ut  achevée,  s'y  fit 
tellement  remarquer,  qu'en  l'an- 
née 1791  il  fui  nommé  inspecteur- 
général  ;  depuis  il  devint  régis- 
seur en  chef  à  l'armée  des  Alpes. 
Il  n'avait  alors  que  24  ans.  Il  é- 
tait  au  grand  quartier-général  à 
Grenoble  lorsque  le  siège  de  Lyon 
fut  résolu  en  1793.  Mandé  au 
quartier- général  de  la  Pape,  il 
éluda  cet  ordre  ;  les  représen- 
tanscn  mission  décernèrent  con- 
tre lui  un  mandat  d'arrêt,  et  le  fi- 
rent enlever  par  la  gendarmerie. 
Après  la  reddition  de  la  ville  de 
Lyon,  ayant  refusé;  de  se  re«)dre 
au  quartier-généraf  de  la  Pape, 
et  accusé  d'ailleurs  d'avoir  favo- 
risé les  assiégés,  il  fut  dénoncé 
au  tribunal  révolutionnaire,  et 
n'eut  que  le  temps  d'échapper  aux 
recherches  de  ce  redoutable  Iri- 
bunal  qui  avait  ordonné  son  ar- 
reslalion.  M.;Sainneville  parvint 
à  se  réfugier  vu  Suisse,  et  pass.i 
dans  le  canton  de  Berne  vers  la 
lin  de  1795.  Il  ne  revint  en  Fran- 
ce qu'en  1795,  sous  lu  protection 
de  la  loi  qui  rappelait  les  Lyon- 
nais fugitifs.  A  son  retour  dans  sa 
patrie,  il  épousa  M"'  Charrier  de 
Grigny,  d'une  famille  honorable, 
et  se  fixa  définitivement  à  Lyon. 
Depuis  cette  époque  M.  Sainne- 
villc a  consacré  tout  son  temps  et 
ses)  soins  au  service  de  son  p.iys; 
c'est  l'un  des  hpmmcs  qui  se  sont 
le  plus  fait  remarquer  à  Lyon 
d^ns  rii/Im^(iistratipn  peDdiintles 
Ao.Uexmère^.tuii^e».  Dopui^  \]m 


^2  CHA 

1800,  ilaôté  siJCtessiveineiit  em- 
ployé dans  les  fonctions  gratuites 
etmuniclpalesde  lavillede  Lyon. 
11  a  été  administrateur  des  bu- 
reaux de  bipnl'aisancc  ;  et  pen- 
dant une  longue  suite  d'années, 
administrateur  et  président  de 
l'administration  de  l'Antiquaille. 
Cet  hospice  était  depuis  long- 
temps abandonné  et  sans  ressour- 
ces. M.  Sainneville  conçut  l'uti- 
le pensée  de  le  reconstituer  et 
de  l'agrandir  sur  de  nouvelles 
bases.  Grâces  à  ses  soins  et  au 
zèle  de  ses  collègues,  il  réussit 
dans  ce  projet,  et  forma  l'un  des 
plus  beaux  établissemens  philan- 
thropiques de  France,  et  l'im  des 
plus  importans  de  la  ville  de 
Lyon.  En  i8o5  il  fui  nommé  ad- 
joint à  la  mairie,  dont  M.  Fay  de 
Sathonay  était  le  chef.  Il  contri- 
bua puissamment  à  la  destruction 
des  jeux  de  hasard;  et,  secondé 
par  le  préfctdu  Rhône,  M.  d'Her- 
][)Ouville,auiourd'huipairde  Fran- 
<*e,  il  surmonta  tous  les  obstacles 
qui  s'opposaient  à  cette  mesure 
salutaire.  Chargé  de  la  partie 
municipale  en  sa  qualité  d'ad- 
joint, il  organisa  cette  branche 
si  importante  de  l'administration. 
Il  s'occupa  aussi  avec  succès  des 
fabriques  de  soie,  et  ne  perdit  ja- 
mais de  vue  qu'un  administrateur 
de  la  ville  de  Lyon  doit  se  propo- 
ser pour  but  principal  la  pros- 
périté de  l'industrie.  En  1812, 
M.  Sainneville  présidait  une  com- 
mission de  subsistances  créée  par 
M.  de  Bondy,  dans  le  cours  de  cet- 
te année  qui  fut  marquée  par  la 
disette.  La  nouvelle  commission 
rendit  de  grands  services;  elle 
manquait  de  fonds,  et  en  obtint 
par  son  propre  crédit.  Le  conseil 


CHA 

municipal  vola  des  rcmercîmcns 
à  cette  comnjission, qui  se  compo- 
sait de  MM.  Sainneville,  Cazeno- 
va,  Champanhetet  de  Laurencin. 
En  1814,  époque  où  les  événe- 
mens  furent  si  remarquables  et  si 
difïiciles,M.Sainneville,  ainsi  que 
tout  le  corps  municipal,  remplit 
ses  devoirs  d'adjointavec  un  zèle 
infatigable;~et  jusqu'au  dernier 
moment,  toujours  empressé  d'a- 
gir dans  le  sens  qui  lui  semblait 
favorable  aux  intérêts  de  son 
pays,  il  se  prononça  en  faveur  des 
Bourbons,  et  servit  franchement 
la  cause  royale;  la  ville  de  Lyon 
était  alors  occupée  par  près  de 
20  mille  hommes  de  troupes  é- 
trangères.  Le  roi  fut  à  peine  ar- 
rivé dans  Paris,  que  le  maire,  les 
adjoints  et  plusieurs  membres  du 
conseil  municipal  de  Lyon  s'em- 
pressèrent de  porter  au  nouveau 
chef  de  l'état  l'hommage  delà  ci- 
té. M.  Sainneville  demeura  seul 
chargé  du  poids  de  l'administra- 
tion municipale  ;  il  eut-à  pourvoir 
à  la  tranquillité  de  la  ville,  à  ses 
besoins,  à  ceux  des  troupes  al- 
liées. Il  défendit  avec  force  et  a- 
vec  succès  les  intérêts  des  admi- 
nistrés contre  les  prétentions 
exorbitantes  des  étrangers,  et  il 
fut  assisté  dans  cette  tâche  péni- 
ble par  M.  Alexis  de  Noailles,  com- 
missaire du  roi.  Ces  services  et 
ceux  que  M.  Sainneville  avait 
précédemment  rendus,  services 
consignésdans  un  ouvrage  intitu- 
lé Campagne  de  Lyon  en  1814 
et  iSi5,  par  AI.  Guerre,  avocatf 
et  mem!>re  du  conseil  municipal, 
où  se  trouve  le  passage  suivant: 
l'auteur  parle  de  I  administration 
municipale  :  «Dans  de  telles  cir- 
»  constances,  dit-il,  M.  Charrier- 


CHA 

1  S.iinneville ,  magistral,  dont  les 
•  talens  éprouvés,  les  sages  con- 
seils, l'activité  et  la  fermeté 
«rendit  à  la  ville  les  plus  émi- 
«nens  services  et  la  sauva  son- 
»vent  des  plus  grands  dangers;» 
ces  services,  disons-nous,  lui  a- 
vaient  acquis  des  droits  si  positifs 
à  la  reconnaissance  de  ses  conci- 
toyens, que  le  conseil  municipal 
de  Lyon,  par  une  délibération  du 
1 5  juin  i8i4,  lui  vota  des  remer- 
cîmens  solennels,  et  lui  décerna 
une  épée  avec  cette  honorable 
inscription  :  A  M.  Ckarritr-Sain- 
Hi'ville,  adjoint,  la  ville  de  Lyon 
reconnaissante,  i8i4-M.  Sainne- 
ville  ne  voulut  remplir  aucune 
fonction  pendant  les  cent  jours, 
A  la  seconde  restauration,  la  vil- 
le de  Lyon  fut  encore  occupée 
par  l'étranfçer.  On  se  souvint  de 
ce  que  M.  Sainncville  avait  fait 
l'année  précédente.  Le  vœu  géné- 
ral des  hahitans  l'appela  aux  fonc- 
tions de  lieutenant  depolice,  qu'il 
n'accepta  qu'avec  beaucoup  de 
peine.  Il  les  a  remplies  depuis  le 
mois  de  juillet  i8i5  jusqu'au 
mois  d'octobre  1817.  Cette  é- 
poque  était  celle  des  passions. 
Tous  les  soins  de  M.  Sainneville 
eurent  pour  but  de  prévenir  de 
sanglantes  réactions,  et  il  y  réus- 
sit. A  la  fin  de  181 5,  des  réfugiés 
deNimes  vinrent  h  Lyon  chercher 
un  asile.  M.  Sainneville  les  ac- 
cueillit avec  intérêt,  et  veilla  ;\ 
leur  sûreté.  Son  compte  rendu 
prouve  encore  les  résistances 
qu'il  fallut  vaincre,  les  dillicultés 
qu'il  eut  à  surmonter.  Seul,  il  ne 
craignit  pasde  se  mettre  à  la  brè- 
che dans  ces  temps  d'orage,  et 
constamment  il  s'est  montré  ledé- 
féoieur  de  se»  concitoyens.  Les 


CHA 


Oi\0 


malheureux  événemens  de  juin 
1817  arrivèrent.  M.  Sainneville 
se  trouvait  à  Paris  ;il  retourna  à 
Lyon  en  toute  hâte,  et  sy  livra, 
avec  im  zèle  infatigable,  à  recher- 
cher tout  ce  qui  s'était  passé,  afin 
de  bien  établir  la  mesure  et  le  but 
de  ces  événemens.  Il  constata 
l'existence  des  agens  provoca- 
teurs et  les  fit  arrêter;  il  réclama 
vivement  contre  la  compétence 
de  la  cour  prevôtale,  et  osa  se 
mettre  en  opposition  avec  d'au- 
tres autorités  qui  ne  voyaient  pas 
les  choses  sous  le  même  point  de 
vue.  Ce  fut  sans  doute  cette  oppo- 
sition qui  décida  le  gouverne- 
ment à  envoyer  à  Lyon  un  com- 
missaire extraordinaire  avec  de 
grands  pouvoirs.  M.  le  duc  de 
Ilaguse,  chargé  de  cette  mission, 
s'en  acquitta  aveciinpartialité,  et 
en  fit  connaître  les  résultats  avec 
franchise.  Bientôt  des  attaques 
imprmlentes  déterminèrent  le  co- 
lonel Fabvier  ;\  publier  sur  les  é- 
vénemens  de  Lyon  ce  qui  était 
venu  à  sa  connaissance.  Sa  bro- 
chure produisit  une  grande  sen- 
sation. M.  Sainneville  avait  aus- 
si pris  l'engagement  d'écrire  sur 
les  mêmes  faits.  Il  publia  un  ou- 
vrage ayant  pour  titre  Compte 
rendu  :ctt  ouvrage,  remarquable 
sous  tous  les  rapports,  honora  >1. 
Sainneville,  et  acheva  de  jeter 
le  plus  grand  jour  sur  les  événe- 
mens de  Lyon,  en  justifiant  les 
assertions  du  colonel  Fabvier.  M. 
Sainneville  et  M.  Fabvier  furent 
attaqués  en  calomnie  par  le  gé- 
néral Canuel.  Ce  procès  fut  le 
plus  célèbre  du  temps.  Le  tribu- 
nal de  I'*  instance  renvoya  en 
quelque  sorte  les  parties.  Le  gé- 
néral Canuel  appela  de  ce  juge- 


,v,4  cru 

ment, et  MM.  Siiirmeville  et  Fab- 
\ier  Ciircnt  coïKlainiK'-s.  Ilt'St  jus- 
te trr)ljscrv(  r  que  «etle  dé(  isiiiii 
est  une  coiiséqucnco  rijruuiciise 
(le  la  législalioi)  actuelle  qui  dans 
les  procès  de  celle  csjk'cc,  ne  re- 
connaît pour  pièces  valables  «iiie 
celles  qui  résultent  d'uu  juge- 
ment. Les  laits  restent  donc  en- 
tiers; le  public  les  a  jugés  depuis 
long- temps.  Mi\l,  Sainne ville  et 
Fal)vier  en  a])pclèrent  à  la  cour 
de  cassation,  et  se  désistèrent  en- 
suite de  leur  pourvoi  par  des  mo- 
tifs qui  furent  publiés  dans  les 
journaux,  et  qui  obtinrentl'assen- 
timeut  de  tous  les  hommes  éclai- 
rés, de  tous  les  bons  citoyens.  M. 
Sainneville  lut  nommé,  en  octo- 
bre 1817,  maîtrc-des-requêtes  au 
conseil-d'état  en  service  extraor- 
dinaire, et  parla  même  ordonnan- 
ce, lieutenant  de  police  à  Stras- 
bourg. Il  refusa  ces  dernières 
fonctions,  et  depuis  cette  époque 
il  vit  retiré  des  affaires  publiques. 
Il  est  gendre  de  M.  Charn'er-de- 
Grigny,  frère  de  l'évêque,  et  an- 
cien oflicier  aux  gardes-françai- 
ses, mort  au  mois  de  juillet 
i8i5. 

CHARRIN  (Pierre-Joseph),  né 
à  Lyon  le  a  février  1784.  Em- 
ployé pendant  plusieurs  années 
au  iniuistère  de  la  guerre,  en 
qualité  de  garde-magasin  de  l'ha- 
billement, de  rédacteur,  de  sous- 
chef,  etc.  Réformé  en  i8i/|,  ren- 
tré en  181G,  réformé  de  nouveau 
en  181g,  lorsque  le  maréchal 
Gouvion  de  Saiut-'yr  quilla  le 
ministère.  Il  a  publié,  en  1810, 
jTohit ,  ou  /e>  Ciiptiis  (leAini^e, 
poëme  couronné  à  jNiort;  en  181 1, 
ie  Rappel  des  dwu.r  ,  ou  le.  Con- 
seil céleste  .  scènes  héroïques;  en 


Cil  A 

1818,  un  Recueil  de  chansons  et 
dt  poésies.  Ce  recueil,  qui  prou- 
ve du  talent,  a  eu  trois  éditions. 
M.  Charrin  est  l'un  des  fondateurs 
des  Soupers  de  Momus ;  il  a  fait 
un  grand  nombre  de  pièces  de 
théâtre,  dont  les  principales  sont: 
la  Foret  d' Edimbourg  ;  les  deux 
Forteresses  ;  Amour  y  Honneur  et 
Devoir;  Mahomet  II,  drames.  La 
Romance  et  le  Portrait;  le  Père 
avare  ;  la  Jardinière  de  P^incen- 
nes;  File  esta  moi,  comédies;  et 
Titus  et  Savonnette ,  tragédie  bur- 
lesque. Il  a  rédigé  pendant  dix 
ans  le  Mémorial  dramatique  , 
revue  théâtrale,  in-24,  dont  il  a 
paru  un  volume  chaque  année, 
depuis  1807  jusqu'en  1820.  M. 
Charrin  a  été  attaché  comme  ré- 
dacteur à  plusieurs  journaux,  no- 
tamment à  la  Renommée .  et  au 
Constitutionnel .  On  lui  doit  enco- 
re :  le  Conteur  des  Dames ,  ou 
les  Soirées  parisiennes  1821,  2 
vol.  in-12,  avecfig.  ;  recueil  de 
nouvelles,  où  l'auteur  a  imité  as- 
sez heureusement  la  manière  de 
M.  Rouilly.  Il  a  publié  aussi  plu- 
sieurs ouvrages  sur  la  comptabi- 
lité atlministrative  et  commercia- 
le. Quelques  fragmens  que  nous 
connaissons  .  d'un  poëme  en  six 
chants  ,  intitulé  :  le  Siège  de  Sa- 
înane.  donnent  une  idée  avanta- 
geuse de  cet  ouvrage,  qui  doit 
paraître  incessamment. 

CHASLES  (Pierre -Jacoijes- 
Michel)  ,  naquit  à  Chartres  ,  en 
1755.  Après  avoir  fait  à  Paris  de 
bonnes  études,  il  fut  nommé  pro- 
fesseur de  rhétorique  au  collège 
de  Chartres.  Bientôt  après  ,  un 
canonicat  lui  fut  accordé  à  la  mé- 
tropole de  Tours,  où  il  vécut  dans 
l'intimité  de  rarchevèque,  M.  de 


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CHA 

Conzié.  Ayant  ptrdii  son  état  par 
suite  (les  événcinens ,  il  revint  à 
Chartres,  et  y  rédigea  un  journal 
patriotique  ,  connu  sous  le  titre 
du  Coirtsporitidnl  (PJ^ure "  el~ 
Loir.  Nommé  principal  du  collè- 
ge, et  maire  de  la -ville  de  No- 
gent-le-Rotrou,  il  l'ut  élu  mem- 
bre de  la  convention  nationale, 
par  son  département;  vota  la  mort 
de  Louis  XVI,  sans  sursis  et  sans 
appel;  et  depuis  cette  époque, 
fut  presque  toujofirs  en  mission, 
soit  dans  les  provinces,  soit  aux 
armées.  11  reçut  à  celle  du  Nord, 
devant  Menin  (le  i5  septembre 
1795),  une  blessure  des  plus  gra- 
ves. Quoique  retenu  au  lit  par 
cette  blessure ,  qui  l'isolait  néces- 
sairement des  allaires  publiques, 
il  l'ut  compris  dans  la  proscrip- 
tion du  12  germinal,  et  ne  sortit 
de  prison  qu'à  la  laveur  de  l'am- 
nistie,  dernier  acte  du  gouverne- 
ment de  la  convention.  Kntré  aux 
Invalides  comme  militaire  muti- 
lé, il  fut  obligé  d'en  sortir,  en 
exécutiun  du  décret  qui  exila  les 
ex-conventionnels  à  vingt  lieues 
de  ^Paris.  Retiré  depuis  cette  é- 
poque,  il  a  vécu  dans  la  plus  par- 
faite obscurité;  n'a  point  signé 
l'acte  additionnel  ,  et  n'a  pri» 
aucune  part  aux  affaires  publi- 
ques. 

CHASSÉ  (David-Henri,  ba- 
ron de),  né  le  iH  mars  1^05,  à 
Thiel,  dans  la  Cueldrc.  A  l'âge 
de  10  ans  il  entra,  comme  cadet, 
au  service  des  Provinces-Unies; 
il  obtint,  en  1781,  le  grade  de  lieu- 
tenant ;  et  celui  de  capitaine  en 
1787.  Mais  ayant  embrassé,  vers 
cette  époque,  la  cause  des  patrio- 
tes de  son  pays,  il  fut  forcé  de 
«'expatrier,  et  il  prit  du  service 


CHA 


545 


en  France.  Après  avoir  obtenu 
par  son  courage,  dès  l'année  1793, 
le  grade  de  lieutenant-colonel, 
et  s'être  distingué  ensuite  dans 
plusieurs  occasions,  il  fit  partie 
de  l'armée  dePichegru,  quand 
ce  gér)éral  entra  dans  la  Hollande. 
Lorsqu'en  1799  les  Anglais  firent 
une  descente  dans  la  Hollande  , 
Cbassépritpart,  avec  beaucoup  de 
bravoure,  aux  opérations  qui  les 
contraignirent  à  se  rembarquer. 
Il  servi  t  aussi  avec  distinction  dans 
la  guerre  de  1800,  et  durant  les 
campagnes  de  i8o5  et  de  1806. 
Nommé  général-major,  il  partit 
pour  l'Espagne,  où  les  soldats, 
témoins  de  son  intrépidité  ,  ne  lui 
donnaient  plus  d'autre  nom  que  ce- 
lui du  '^cuèval  Baionnttte.  H  avait 
surtout  mérité  leurs  simples  et 
glorieux  éloges  à  Durango  ,  ùl  Mis- 
sa-d'Ibord,  à  Talavera  de  la  Rey- 
na,  i\  Ocana  et  au  Col-de-Maja. 
Il  fut  nommé,  le  5o  juin  1811,  of- 
ficier de  la  légion -d'honneur  et 
baron  de  l'empire,  et,  en  i8i/|, 
général  de  division.  Au  mois  dç 
janvier  de  cette  même  année,  il 
ramena  en  France  le  corps  qui  é- 
tait  sous  son  commandement,  et 
le  -27  février  il  reçut  une  blessure 
dans  une  rencontre  où  il  battit  les 
Prussiens  près  de  Bar-sur-Aube. 
Après  l'abdication  de  Napoléon  , 
il  se  rendit  en  Hollande,  fut  ad- 
mis dans  l'armée  belge,  y  conser- 
va son  gra<le ,  et  assista  dans  cet- 
te position  à  la  bataille  de  Water- 
loo. 

CHASSELOUP-LAUBAT, né 
le  18  août  1754.  Dés  le  coirimen- 
cctncnl  de  la  révolution,  il  entra 
au  service  comme  volontaire  ,  et 
se  distingua  dans  les  premières 
campagnes  sur  le  Rhin.  Nommé 


34^ 


CHA 


officier  du  génie,  le  20  jonvier 
1793,  après  l'attaque  de  Landau, 
il  était  déjà  chef  de  halaillon  dans 
la  même  arme  ,  lorsqu'il  se  fil  re- 
marquer à  l'affaire  d'Arlon,  le  17 
avril  de  l'année  suivante.  Ayant 
})assé  à  l'armée  d'Italie,  comman- 
dée par  le  général  Bonaparte ,  il 
dirigea  les  sièges  de  Milan  et  de 
Mantoue,  et  répara  les  fortifica- 
tions des  places  de  Peschiera  ,  de 
Legnano  et  de  Pizzighitone.  Bo- 
naparte conçut  alors  une  opinion 
si  favorable  des  talens  de  cet  offi- 
cier, qu'il  lui  donna  presque  im- 
médiatement les  grades  de  géné- 
r.il  de  brigade  et  de  général  de 
division.  Durant  la  campagne  de 
i8oi ,  en  Italie,  le  général  Chas- 
seloup  fut  chargé,  sous  les  ordres 
de  Brune,  de  la  direction  du  siè- 
ge de  Peschiera.  Sous  Masséna, 
en  i8o5,  il  contribua  beaucoup 
au  succès  du  passage  de  l'Adige. 
Appelé,  en  1806,  à  la  grande-ar- 
mée, il  ne  s'y  rendit  pas  moins 
utile,  surtout-  au  siège  de  Dant- 
ïick,  dont  il  dirigea  les  travaux. 
Après  avoir  fait  d'Alexandrie  une 
des  places  les  plus  fortes  de  l'Eu- 
rope ,  le  général  Chasseloup  en- 
tra, en  1811,  au  conseil-d'état  (sec- 
lion  de  la  guerre).  De  retour  de 
la  campagne  de  Russie  ,  il  fut 
nommé  grand'croix  de  l'ordre  de 
la  Réunion,  sénateur  et  comte 
d'empire.  En  i8i4i  s'étant  dé- 
claré un  des  premiers  contre  l'em- 
pereur Napoléon,  il  fut  créé  pair 
dès  le  4  juin,  décoré  ensuite  de 
la  croix  de  Saint-Louis,  et  du 
grand-cordon  de  la  lègion-d'hon- 
neur.  Après  les  événemens  des 
cent  Jours,  auxquels  il  demeiira 
élranger,  il  entra  dans  la  nou- 
velle chambre  des  pairs,  et,  le 


CITA 

5  mai  1816,  fut  nommé  com- 
mandeur de  l'ordre  de  Saint- 
Louis. 

CIIASSET  (Charles-Antoine, 
comte),  membre  de  l'assemblée 
constituante  et  de  la  convention 
nationale,  est  né  à  Villefranche, 
département  du  Rhône,  le  25  mai 
1745.  Avocat  distingué,  il  était 
maire  de  sa  ville  natale ,  quand  les 
états-généraux  furent  convoqués. 
L'assemblée  bailliagère  du  Beaujo- 
lais lui  confia  la  rédaction  de  ses 
cahiers,  et  lechoisitpourun  de  ses 
députés  :  il  remplit  les  vues  de  ses 
commettans,  et  montra, dans  ces 
premiers  instansde  la  révolution, 
de  l'énergie  et  du  caractère  ;  le 
vote  par  tête,  la  réunion  des  or- 
dres, le  comptèrent  parmi  leurs 
défenseurs.  Il  prêta  le  serment  du 
Jeu-de-Paume,  accompagna  Louis 
XVI  à  l'Hôtel-de-Ville,  proposa 
la  suppression  des  dîmes  ecclé- 
siastiques, appuya  la  proposition 
de  mettre  les  biens  du  clergé  à 
la  disposition  de  l'état  et  d'en  au- 
toriser la  vente,  et  partagea  les 
opinions  des  membres  les  plus 
prononcés  en  faveur  d'une  liber- 
lé  sage.  Membre  de  divers  comi- 
tés, il  fit  plusieurs  rapports,  re- 
marquables par  la  netteté  des  vues 
et  la  libéralité  des  principes.  En 
décembre  178g,  il  devint  secré- 
taire de  l'assemblée ,  et  son  pré- 
sident en  novembre  1790.  Après 
le  départ  du  roi  pour  Varennes, 
il  fut  envoyé  par  l'assemblée 
constituante,  avec  legçnéral  Ciis- 
line  et  M.  Reygnier(duc  de  Mas- 
sa), dans  les  dép;irtemens  du 
Haut-Rhin,  du  Bas-Rhin  et  des 
Vosges ,  pour  recevoir  le  serment 
des  troupes  ,  et  prendre  d'antres 
mesures  de  sûrelé.  Porté  au  tri- 


CHA 

bunal  de  cassation  par  les  habi- 
tans  du  département  du  Rlunie, 
ii  piésida  ce  tribunal  pendant  la 
session  de  l'assemblée  législative. 
Elu  en  son  absence  ,  par  ses  com- 
patriotes, membre  de  la  conven- 
tion nationale,  il  s'opposa  d'a- 
b,ord  au  jugement  de  Louis  XVI, 
fit  ensuite  des  concessions  (néces- 
saires sans  doute)  à  l'esprit  du 
temps  ,  et  vota  la  détention  pen- 
dant la  guerre  et  le  bannisse- 
ment après  la  paix,  et  enfin,  par 
une  contradiction  singulière  ,  il 
se  prononça  contre  le  sursis  : 
après  avoir  déclaré  que  le  roi  ne 
devait  point  marcher  à  l'écba- 
liiud,  c'était  l'y  envoyer  sans  au- 
cun délai.  L'histoire  prononcera 
sur  les  causes  de  cette  singulari- 
té. Ce  dernier  vote  ne  satisfit 
point  les  chefs  du  parti  vainqueur: 
un  décret  d'arrestation  allait  être 
lancé  contre  M.  Chasset,  quand 
il  prit  la  fuite,  se  réfugia  d'abord 
à  Lyon ,  et  enfin  sortit  de  Fran- 
ce,  y  laissant  ses  biens  sous  le  sé- 
questre, et  sa  femme  en  prison. 
Le  médecin  d'un  hôpital  le  mit  en 
état  d'exercer  la  chirurgie.  Il  ser- 
vit comme  aide-i-hirurgien  d'a- 
))ord  sur  une  frégate  anglaise; 
puis  î\  Toulon  ,  quand  les  Anglais 
s'en  furent  emparés  ;  puis  en  Cor- 
.se,  où  il  était  commissaire  pré- 
posé au  traitement  des  prison- 
niers français  Lorsqu'il  rentra 
dans  %t\  patrie,  en  i7()5,  on  ve- 
nait de  le  nommer  membre  du 
conseil  des  cinq-cents;  il  se  si- 
guiila  dans  cette  as>emblée  par  u- 
ne  vive  opposition  à  la  liberté  de 
la  presse  ,  qui  lui  semblait  être 
devenue  une  intolci-iblc  licence. 
Exclu,  par  le  sort ,  de  ce  conseil 
qu'il  avait  présidé  ,  il  devint  chef 


CHA 


.'H  7 


delà  première  division  du  minis- 
tère de  l'intérieur,  fut  élu  par  le 
déparlement  du  Rhône  membre 
du  conseil  des  anciens,  et  prit  une 
part  active  aux  événemens  de  la 
révolution  du  18  brumaire.  Après 
cette  époque,  nommé  sénateur  et 
commandant  de  la  légion-d'hon- 
neur, créé  comte  et  titulaire  delà 
sénatorerie  de  Metz,  il  fut  char- 
gé de  faire  au  sénat  deux  rap- 
ports,  l'un  sur  l'état  des  émigrés, 
l'autre  sur  les  fonctionnaires  pré- 
venus d'avoir  dilapidé  les  reve- 
nus de  l'octroi  d'Anvers.  Dans  les 
premiers  jours  de  1814  ?  «1  fut  en- 
voyé à  Metz  avec  les  pouvoirs  les 
plus  étendus,  montra  du  zèle  et 
de  la  prudence  pendant  le  blocus 
de  la  ville,  et  revint  à  Paris  quand 
les  routes  furent  libres.  Envoyé 
de  nouveau,  en  avril  i8i5,  dans 
la  22"'  division  militaire,  il  ne 
remplit  sans  doute  pas  les  vues 
du  gouvernement,  piiisqu'il  ne 
fut  point  admis  au  nombre  des 
pairs  créés  par  Napoléon.  Porté, 
en  1816,  sur  la  liste  des  conven- 
tionnels exilés,  il  fut  rendu  par 
deux  ordonnances  successives  A 
sa  patrie,  et  à  l'existence  obscure 
qu'il  mène  aujourd'hui;  existence 
tranquille,  que  sa  vieillesse  et  une 
vie  laborieuse  ont  dû  lui  rendre 
désirable. 

CHASTEL  (Lotis-PiERRE),  né 
le  29  avril  1774»  i"«  Veigi,  près  de 
Carouge,  en  Savoie,  avait  com- 
battu dans  les  rangs  de  l'armée 
française,  dès  le  commencement 
de  la  révolution,  et  se  distingua 
particulièrement  à  Austerlitz.  A- 
près  celte  journée,  nommé  major 
en  second  au  régiment  des  grena- 
diers à  cheval  île  la  garde  impé- 
riale ,  il  se  distingua  en  Pologne, 


318 


CUA 


eu  Espagne  ;  et  sous  les  murs  de 
Burgo.s,  uu';rita  la  décoration  d'ol- 
ficier  de  la  légion-d'bonneur.  Pas- 
sé en  Russie,  le  général  Chastel 
se  distingua  à  la  bataille  de  la 
Moskowa,  et  se  battit  avec  valeur 
dans  la  Saxe,  et  dans  l'intérieur 
de  la  France,  jusqu'à  la  première 
abdication.  On  a  cru  que  le  duc 
de  Raguse  avait  beaucoup  d'esti- 
me poyrlui  ;  cette  opinion  vient 
peut-être  de  ce  que  ce  maréchal 
ne  lui  montra  pas  de  confiance  à 
l'époque  du  combat  inutile  livré 
près  des  barrières  de  Paris,  et  ne 
le  mit  pas  dans  le  secret  de  ses  né- 
gociations. En  181 5,  le  général 
Chastel  fut  employé  en  Belgique, 
comme  lieutenant-général  au  se- 
cond corps  d'armée.  Depuis  ce 
temps,  il  n'est  plus  en  activité. 
CHASTELER  (Jean,  marquis 
de),  né  dans  le  Ilainaut.  Entré 
dans  l'arme  du  génie,  au  service 
de  l'Autriche,  il  fit  ses  premières 
armes  contre  les  Turcs,  et  méri- 
ta, au  siège  de  Belgrade,  la  déco- 
ration de  l'ordre  de  Marie -Thé- 
rèse. 11  avait  environ  40  ans,  lors- 
qu'en  1790,  il  fut  employé,  dans 
les  Pays-Bas,  au  rétablissement 
des  fortifications  de  plusieurs  pla- 
ces. Il  n'avait  pas  achevé  les  tra- 
vaux de  celle  de  Namur,  quand 
il  y  fut  attaqué  par  les  Français, 
en  1792.  La  place  était  eu  mau- 
vais état;  sajjravoure  et  ses  ta- 
lens  ne  purent  la  sauver,  mais  il 
ne  fut  pas  long-temps  prisonnier 
de  guerre.  Dans  la  campagne  sui- 
vante ,  qu'il  fit  avec  le  grade  de 
général-major,  juste  récompense 
de  sa  valeur,  il  reçut  sept  blessu- 
res au  siège  de  Valencienncs.Vers 
la  fin  de  1797,  le  général  Chas- 
teler  fit  partie  de  la  commission 


CHA 

chargée  de  déterminer  la  limite 
entre  les  possessions  de  la  France 
et  celles  de  l'Autriche.  Il  fut  en- 
voyé à  Saint-Pétersbonrgen  1798; 
l'objet  de  sa  mission  était  la  ligue 
nouvelle  qu'on  voulait  former 
contre  la  république  française. 
L'issue  de  celle  négociation  n'é- 
tait pas  douteuse;  le  succès  en  fut 
rapide;  et  Chasteler  obtint  qu'u- 
ne armée  russe,  commandée  par 
Suwarovv,  entrât  en  Italie.  Admis 
lui-même  dans  ses  rangs  en  qua- 
lité de  chef  d'état-major,  il  >e 
distingua  au  passage  de  l'Adige, 
ainsi  qu'au  siège  d'Alexandrie 
(pi 'il  dirigeait,  et  durant  lequel 
il  fut  grièvement  blessé.  En  1802, 
il  parvint  jusqu'à  un  certain  point 
à  soumettre  aux  règles  ordinai- 
res de  la  manœuvre,  la  bravoure 
indépendante  et  l'humeur  pres- 
que indisciplinable  des  monta- 
gnards du  Tyrol.  La  confiance 
qu'il  leur  insjjira,  et  la  connais- 
sance qu'il  avait  de  leurs  nom- 
breux défilés,  lui  valurent  un  suc- 
cès au  commencement  delà ca!u- 
pagne  de  1809.  Chargé,  sous  les 
ordres  du  général  Jellacbich,  dç 
décider  les  Tyroliens  à  une  insur- 
rection générale,  il  avait  su  exci- 
ter leur  enthousiasme',  et  quel- 
ques avantages  l'avaient  rendu 
maître  de  presque  tout  le  pays, 
lorsqu'il  fut  attaqué  par  les  Ba- 
varois que  conduisait  le  maré- 
chal Lefebvre.  Après  une  entière 
défaite,  essuyée  à  Vergel,  le  lâ 
mai,  il  avait  rallié  une  partie  de 
ses  troupes  ;  mais,  à  leur  tour,  les 
Vurtembergeois  les  dispersèrent 
près  d'Hohe«cmbs.  Cependant  le 
îeld-maréchal  lieutenant  Chaste- 
ler, loin  d'être  découragé  par  ces 
deux  événenQens,par.vifït  à  for- 


\,  a/' 


9. 


(riroJe/ -Trtojron  pîiui- 


Trfiiiif  aei .  et  Setup  . 


CHA 

nier  un  nouveaa  corps  ,  à  la  tGte 
duquel  il  osa  attaquer  [es  Fran- 
çais ilansCFagenliirt.  Cette  hono- 
rable persévérance  n'obtint  au- 
cun avantage  sérieux;  mais  à  la 
fin  de  la  campagne,  l'empereur 
d'Autriche  en  témoigna  toute  sa 
satisfaction  au  général  Chasleler, 
en  lui  conférant  le  litre  de  diam- 
hellan,  et  celui  de  commandeur 
de  l'ordre  de  Saiut-Léopold.  En 
i8i3,  Chasteler  eut  un  couiman- 
dement  en  Saxe,  prit  part  à  la 
bataille  de  Dresde,  et  attaqua  cet- 
te ville,  défendue  par  le  maréchal 
Gouvion-Saint-(]yr,  Après  avoir 
combattu  en  Italie  dans  le  cours  de 
1 8 1 5 ,  Chas^teler,  qui  commandait 
à  Venise,  y  mourut  le  12  septem- 
bre i8ig. 

CHATEAU   (CÉNÉBALDE  BniGA- 
DE,  ET  OFFICIER  DE  LA  LÉgION-d'hON- 

>'ECRj;  après  avoir  reçu  une  édu- 
cation distinguée,  entra  au  servi- 
ce, et  obtint  bientc'f  le  j!?^rade  de 
chef  de  bataillon.  Choisi  par  le 
n)nréchal  duc  de  Bellune  pourson 
premier  aide-de-camp,  il  fit  en 
celle  (jualitéla  guerre  d'Espagne, 
domia  des  preuves  de  valeur  en 
différentes  occasions,  et  particu- 
lièrement ati  combat  de  Cuefica  ; 
et  fut  nommé  colonel  le  12  fé- 
vrier 1809.  Après  avoir  fait  la 
campagne  de  Rns9ie-,>éous  les  or- 
dresdu  maréchal  Victor,  son  beau- 
pèt^e,  il  devint  général  de  briga- 
de; se  trouva,  le  ^f>)anvieri8i5, 
flu  combat  de  Hrienne  ,  s'y  cou- 
vrit de  gloire,  et  entra  le  premier 
dati^le  château.  Le  i8  février,  à 
l'affaire  de  Montercau  ,  frappé 
d'tine  blessure  mortelle,  il  expi- 
ra quelques  heures  après  la  vic- 
toire. 

CHATEADBRIAND     (  Fba^- 


CHA 


«549 


çois-ArousTE  VICOMTE  DE  )  ,  d'une 
ancienne  famille  de  la  lirelagiie  , 
naquit  en  17C9,  à  Combourg,  ar- 
rondissement de  Saint-Malo.  Agé 
de  17  ans,  il  entra  comme  sous- 
lictitenant  au   régiment  de  Na- 
varre. Il  avairformé,  dès  178g, 
le  projet  de  passer  en  Amérique  , 
mais  il  ne  l'exécuta  que  l'année 
suivante  ,  au  moment  d'une  dé- 
fection des  soldats  de  son  corps. 
Arrivé  aux  Etats-Unis,  il  pénétra 
dans    l'intérieur    des    terres.     Il 
voulait  même   traverser   tout  le 
continent  ,  et  gagna  ainsi,  vers  le 
cap  Mendocin  ,  les  bords  de  l'O- 
céan Pacifique;  mais  à  la  nouvelle 
de  la  guerre  qui  éclata  en  1793  , 
le  désir  de  porter  les  armes  contre 
la  France,  sous  les  bannières  de 
l'émigralion  ,  lui  fit  abandonner 
tout  autre  projet.  M.  de  Chateau- 
briand avait  passé   deux  années 
parmi  les  peuplades  qui   vivent 
de  chasse,  au  milieu  des  forêts 
du    Nouveau-Monde.    De    fortes 
impressions  reçues  dans  ces  lieux 
sauvages,  inilàièreut  i)eaucoupsur 
letalerttde  cet  écrivain,  sursa  ma- 
nière de  peindre,  sur  le  genre  par- 
ticulier de  son  style.  Ceux  qui  at- 
tribuent surtout  la  diversité  des 
caractères   et   des  moyens  à  l'é- 
ducation prise  <Ians  toute  son  é- 
tendue ,  à  l'influence  des  causes 
extérieures ,    croiront   expliquer 
cet  auteur  tout  entier  en  réunis- 
sant à  l'étude  passionnée  de  quel- 
ques  anciens,   les   «(Mivernirs  du 
Kcntucky  ,  et  la  politique  d'ou- 
tre-Rhin.  M.   de    Chraeaiibrii»''^' 
avait  terminé  en  Amérique'"'^ 
sorlo  de  poème  en  prose,  î'l«|i''« 
les iVatc/it'.y  :  la  manie»"^*^^  "^j^'*^ 
«les  tribus,  indienne,»^"  ^î^'*''  **^ 
sujet.  Cet  écrit  doi»  s'être  p<;rJu 


35o 


Cil  A 


i\  l'excrplion  de  l'épi^otle  d'Alala, 
qui  a  servi  d'amorce,  comme  (lit 
l'aulcMir,  pour  faire  lire  soi)  grand 
ouvrage  sur  l'agrément  que  doit 
offrir  la  religion  chrétienne.  Cette 
histoire  d'Atala  n'avait  pas  eu  d'a- 
hord  une  semblable  destination  , 
puisque  l'autenrse  faisait  des  cho- 
-cs  (le  l;i  foi  une  idée  très-diffé- 
rente ,  <juil  conserva  longtemps 
après  son  relouren  Europe.  11  fut 
blessé  d'un  éclat  d'obus  au  siège 
deThionville.  en  septembre  1792; 
cette  circonstance,  etd'autres  mo- 
tifs plus  particuliers,  l'engagèrent 
à  se  rendre  en  Angleterre.  Il  s'y 
trouva  dans  une  situation  pénible, 
et  le  découragement  s'y  joignait 
sans  doute  :  les  principes  qu'il 
manifestait  à  cette  époque  n'an- 
nonçaient pas  qu'il  prévit  le  réta- 
blissement de  la  famille  des  Bour- 
bons. Il  publia  à  Londres  l'Essai 
historique  politique  et  moral  sur 
les  révolutions  anciennes  et  mo- 
dernes ,  considérées  dans  leur 
rapport  avec  la  révolution  fran- 
çaise, 1797.  Il  est  assez  difficile 
de  se  procurer  maintenant  cet  ou- 
vrage; mais  quelques  personnes 
qui  aiment  à  se  former  une  idée 
vraie  des  hommes  et  des  choses 
l'ont  conservé.  Il  renferme  d'ail- 
leurs des  chapitres  que  ne  désa- 
voueraient pas  les  hommes  les 
plus  éclairés,  excepté  iM.  de  Cha- 
teaubriand lui-même.  «  11  a  re- 
î) connu,  dit-on,  ses  erreurs;  il 
nies  a  reconnues  avec  une  fran- 
>chisequi  honore  son  noble  carac- 
'*  vre  ,  mais  qui  n'a  pas  désarmé 
»seL  ^.^nemis.  »  C'est  peut-être 
parce  5>j,e  ceux  qu'on  juge  à  pro- 
pos d'app^iç,,  igg  ennemis  de  M. 
ae  Chateau\^.i;i,ni  ^  n'auront  rien 
aperçu  do  vn'.^ntdii'c  dans  cette 


CIIA 

espèce  de  rétractation  ,  sâns  met- 
tre précisément  en  doute  unefran- 
chi.se  qu'il  serait  agréable  de  pou- 
voir attribuera  tous  les  hommes 
de  mérite;  ils  auront  pensé  que  si 
l'cm  adopte  des  opinions  contrai- 
res à  celles  qu'on  avait  suivies  pu- 
bliquement, il  faut  bien  avouer 
qu'on  change  deuiaximes.  Ilsau- 
ront  enfin  prétendu  que  l'auteur 
n'aurait  pu  se  servir  d'une  ex- 
pression, dont  on  arien  la  voyant 
dans  un  journal,  et  qu'il  n'aurait 
pu  dire:  «J'écris  un  ouvrage  neuf 
avec  une  foi  antique.»  Quoiqu'il 
en  soit,  lorsque  Bonaparte  s'em- 
para du  pouvoir  ,  il  décida  qjie  les 
idées  libérales  cessaient  de  lui 
convenir,  et  le  hasard  voulut  qu'à 
cette  même  époque  elles  fussent 
abjurées  par  l'auteur  de  l'Essai 
/iii/ori(7«f.  Sous  un  gouvernement 
qui  ne  proscrit  aucune  opinion 
paisible,  il  est  permis  de  prendre 
la  défense  du  christianisme  ,  com- 
me sujet  de  littérature,  etc. ,  di- 
sait M.  de  Chateaubriand ,  en 
1801  ,  dans  la  préface  de  la  troi- 
sième édition  d'Atala.  On  était 
loin  de  l'instant  favorable  pour 
parler  de  Bonaparte  comme  du 
plus  odieux  des  hommes;  l'auteur 
d'Atala  put  donc  ajouter  :  «  On 
Dsait  ce  qu'est  devenue  la  France 
»  depuis  le  temps  oi)  je  faisais  part 
«à  M.  de  Malesherbesdemondes- 
»  sein  de  passer  en  Amérique,  jus- 
»  qu'au  moment  où  la  Providence  a 
»  fait  paraître  un  de  ces  hommes 
"qu'elle  envoieen  signe  de  récon- 
«ciîiation,  lorsqu'elle  est  lassée 
))de  punir.  »  C'est  en  Angleterre 
que  se  fit  la  première  édition  du 
Génie  du  Christianisme  ,  elle  pa- 
rut en  1802.  L'auteur,  qui  mettait 
de  l'importance  à  cet  ouvrage,  en 


CHA 

avait  deux  fois  suspendu  l'impres- 
sion. 11  était  rerttré  en  France 
après  le  18  brumaire,  ainsi  que 
lecomtede  Fonlanes.  Ils  s'étaient 
liés  en  Anglfiterre,  et  ils  partagè- 
rent successivement  les  laveurs 
du  gouvernement  impérial ,  et  du 
go4ivernement  royal.  En  1801, 
M.  de  Chûtcaubriand ,  qui  était 
alors  un  des  rédacteurs  du  Mer- 
cure, y  lit  insérer  le  petit  roman 
d'Atala,  qui  forma  depuis  le  dix- 
huiticuie  livre  du  Génie  du  Chris- 
tianisme, à  la  suite  du  chapitre  des 
dévotions  populaires.  L'ouvrage 
entierparut  en  Francesous  d  heu- 
icux  auspices.  11  s'accordait  avec 
It;s  desseins  du  premier  consul  , 
qui,  voulant  un  pouvoir  sans  li- 
mites y  et  se  préparant  à  porter 
les  deux,  couronnes  de  Char|ema- 
,ne  ,  rétablissait  l'autorité  du  sa- 
cerdoce. Cet  avenir  prcwhain  n"é- 
lait  pas  prévu  de  tous  :  ce  fut  un 
autre  avaiitage  ;  on  se  mit  à  féli- 
citer l'auteurduGéniedu  (jhriitia- 
nisme  de  ce  qu'il  osait  défendre  de 
tels  principes  ,  et  bientr)t  on  fit 

■ypaieux:  encore  ,  on  le  félicita  do 
pte  qu'il  avait  du  succès  malgré 
les  circonstances.  Cependant  cet 
ouvrage  ne  pouvait  paraître  dans 
un  temps  plus  propice.  Vingt-cinq 
ans  plus  tôt,  il  aurait  été  désap- 
prouvé tout  à  la  fois,  et  par  la 
Sorbqnne  ,  et  par  les  écrivains 
que  la  Sorhonnc  avait  coutume 
de  blâmer  solennellement.  Mois 
après  les  orag«:s  de  la  révolution, 
It;  besoin  souvent  irréfléchi  d'und 
situation  plus  paisible  ,  donnait 
à  d'anciennes  habitudes  la  puis- 
sance que  la  conviction  seule  de- 
vrait HXfn-er.  Les  esprits  qui  ne 
suulaicnt  que  dej'entraineinent , 
in  fut  «iccueillirtun  livre  oi\  tout 


CHA 


551 


est  sacrifié  à  l'efTet  ;  et,  quant 
aux  prélats,  ils  n'instruisirent  pas 
le  public  de  leur  mécontentement; 
ils  sentirent  que  si  des  considéna- 
tions  un  peu  mondaines  ne  mé- 
ritaient pas  en  cela  de  faire  auto- 
rité, elles  n\n  auraient  que  plus 
d'influence  dans  ces  inomens  dé- 
cisifs. Bonaparte  ,  qui  d'ailleurs 
formait  une  cour,  et  commençait 
à  s'emparer  des  noms  ancienne- 
ment connus,  ne  trompa  point 
l'attente  de  M.  de  Chateaubriand. 
Nommé  secrétaire  d'ambassade  , 
il  snivitàllome  le  cardinal  Fesch, 
mais  il  voulait  un  poste  plus  éle- 
vé ;  il  ne  tarda  pas  à  revenir  à  Vn- 
ris  ,  et  au  mois  de  février  1804  ? 
il  reçut  le  litre  de  ministre  pléni- 
jiolentiaire  en  Valais.  CependiHit, 
le  22  mar.s  tle  l'année  suivante  , 
ayant  appris  lu  malheur  du  duc 
d  Engbien,  ildonna  sa  démission. 
Napoléon,  au  moment  d'être  cou- 
ronné, ne  parut  pas  lui  en  vou- 
loir, et  même  il  lui  fit  de^  offres 
qui  ne  furent  pas  acceptées  ,  dit- 
on.  Au  milieu  de  1806  j  M.  de 
Chateaubriand  partit  pour  Jéru- 
salem ;  il  traversa  la  Grèce,  il 
revint  par  rAfri(|ue  et  l'Espagne, 
et  il  rentra  en  France  au  mois  de 
mai  1807.  Quelque  temps  après 
il  perdit  sa  propriété  du  Mercure; 
il  venait  d'y  insérer,  sur  le  voyage 
en  Espagne  de  M.  de  La  Uord« , 
des  article»  où  l'empereur  crut 
voir  des  allusions  oflensanles.  Ou 
dit  que  les  Marlyrs  ^  qui  parurent 
vers  cette  époque,  indemuisèreni 
l'auteur  des  sacrifices  qu'il  atait 
faits  pour  visiter  la  terre  de  Ca- 
naan. Ce  genre  de  couiposilion 
ne  pouvait  «"'troaliprouvé  généra-' 
lemenl.  Ceux  qui  crurent  pcrnii'» 
d'un  faire  la  critique  ,  fnriMit  Irai- 


ôjî  CIIA 

tôs  d'hommes  pci-vcr.-s.  cl  l'on  ajou- 
ta qu'ils  étaient  vendus  au  pou- 
voir ;  cependant  on  avoue  que 
INapoléon  demanda  pourquoi  le 
Génie  du  Christianisme  n'était  pas 
mentionné  dans  le  rapport  de  l'ins- 
titut, à  l'occasion  des  prix  décen- 
naux. Kn  1811,  M.  de  ChAteau- 
i)riaTid  fut  désigné  pour  rempla- 
cer à  l'institut  Jos«;ph  Chénier; 
mais  dans  son  discours  de  récep- 
tion, au  lieu  défaire,  selon  la  cou- 
tume ,  l'éloge  de  son  prédéces- 
seur, il  s'élevait  contre  lui  avec 
si  peu  de  mesure,  qu'on  ne  put  at- 
tribuer cette  inconvenaïue' qu'au 
projet  d'entretenir  la  divisiotides 
esprits,. ou  à  des  ressenlimens  par- 
ticuliers contre  un  homme  qui 
n'avait  pas  admiré  ses  ouvrages. 
On  a  répandu  quelques  copies  de 
ce  prajet  de  discours  ,  dont  plu- 
sieurs passages  n'étaient  nulle- 
ment destinés'à  déplaire  à  l'em- 
pereur ;  mais  tout  ce  qui  concer- 
nait Chénier  lui  parut  propre  à 
réveiller  les  haines  ,  et  il  traita 
sévèrement  un  membre  de i'ins- 
titvitquiavail  été  d'avisqu'on  lais- 
sât prononcer  une  telle  diatribe. 
«  Qu'un  écrivain  romanesque  dé-» 
«raisonne  ,  je  le  conçois  ,  lui  dit- 
»il  à  ce  qu'on  assure;  mais  vous 
»  qui  êtes  ordinairement  près  de 
»  moi ,'  TOUS  ne  deviez  pas  oublier 
«que  l'union  est  nécessaire  à  la 
»  France  ,  et  que  je  ne  prétends 
)>pî»squ'on  proscrive  un  seul  hom- 
))  me  pour  l'opinion  qu'il  peu  lavoir 
»eue.  »  M.  de  Chateaubriand  ne 
voulut  point  composer  un  autre 
discours.  Bientôt  painit  Vltiné- 
raire  de  Paris  à  Jérusalem,  dont 
on  connaissait  des  fragmens  pu-; 
l)liés  dans  lfi.Jlîerciire.  L'éloge  dti 
persécuteur  s'y  trouva  comme  à 


eux 

l'ordinaire  ,  mais  on  on  donne 
d'excellentes  raisons  :  d'abord 
l'auteur  est  enthousiaste  de  la 
gloire  militaire  plusqu'on  ne  croi- 
rait, et  puis  il  n'a  pu,  «  dans  Tin* 
Mtérêl  de  sou  libraire,»  se  refuser 
à  un  ar le  de  complaisance  «  que 
demandait  le  ministre  de  la  po- 
»lice.  »  Enfin  le  désastre  de  1H13 
soulagea  la  sincérité  de  l'auteur 
des  Martyrs  ,  et  agrandît  ses  es- 
pérances .  en  lui  offrant  une  autre 
j»erspective.  En  i8i/|,  dès  le  mois 
d'avril  ,  parut  la  brochure  intitu- 
lée de  Bonaparte  et  des  Bour- 
bons :  c'est  l'écrit  le  plus  hardi 
qu'on  puisse  signer  contre  un  pou- 
voir qui  n'est  pins.  L'homme  en- 
voie par  la  Providence  y  est 
peintavec  autant  d'énergie  qu'au- 
trefois, iuais  sous  des  traits  nou- 
veaux. Après  Cette  garantie  of- 
ferte il(  des  opinions  extrêmes,  et 
dès  lors  particulières,'  l'auteurpa- 
raissant  compter  alissi  pour  quel- 
que chose  l'opinion  générale , 
ainsi  que  lé  besoin  trop  ujéconnu 
de  mettre  un  lérme  à  nos  funes- 
tes divisions,  donna,  vers  la  fin  de 
la  même  année  j  ses  Re/lejcions 
politiques  sur  quelques  ùrochu~ 
res  du  jour  ;  mais  les  scntimens 
qu'il  yprofessait  parui'ent  démen- 
ti? par  sa  conduite  depuis  cette  é- 
poque.  iM.  de  Chateaubriand  avait 
des  amis  attentifs;  il -fiit  décidé 
aussitôt,'  fpic  ces  réflexions  lé 
constituaient  homme  d'état ,  et 
que  l'ambassade  de  Suède  lui  suf- 
firait pour  prendre  un  rang  par- 
mi les  Oxenstiern  et  les  Ximenès. 
Cependant  le  prince  royalde  Suè- 
de, avec  lequel  il  eCit  fallu  être 
en  rapport,  «vait  été  appelé  à 
Stockholm  par  le  vœu  du  peuple, 
et  «me  telle  circonstance  était  bien 


CHA 

propre  à  retenir,  en  i8i4»  M.  de 
Chateaubriand  ;  on  ignore  toute- 
fois si  ce  l'ut  la  cause  de  ses  re- 
tards ,  mais  il  était  encore  à  Pa- 
ris lorsque  Bonaparte  quitta  l'île 
d'Elbe.  Il  suivit  à  Gand  le  roi  , 
dont  il  fut  un  des  ministres.  Ce 
n'était  plus  le  temps  de  l'impres- 
sion des  Martyrs;  il  répondit 
aux  prupositicms  d'un  libraire  de 
Bruxelles,  qu'il  était  ministre  du 
roi,  qu'il  n'était  pas  auteur  de  pro- 
fession, et  qu'il  ne  faisait  de  la  lit- 
térature qu'un  amusement.  Au 
mois  de  mai,  il  présenta,  sur  la 
situation  de  la  France  ,  un  rap- 
port dans  lequel  de  certains  inté- 
rêts parurent  si  imprudemment 
menacés,  que  Bonaparte  crut  de 
sa  politique  de  le  faire  imprimer  à 
Paris.  Après  ce  service  rendu  à 
la  cause  royale,  le  ministre  de 
Gand  fut  ministre  d'état  et  pair 
«le  France.  Comme  p^é^idenl  du 
collège  électoral  du  département 
du  Loiret,  il  prononça  un  discours 
dans  lequel  ou  ne  retrouva  pas  la 
modération  qu'avaient  annoncée 
les  Réflexions  publiées  l'année 
précédente.  Conformément  à  ces 
nouveaux  principes,  il  adressa 
au  roi,  le  5  septembre,  à  la  tête 
de  la  députation  du  Loiret,  ces 
propres  paroles  :  «  Sire,  ce  n'est 

•  pas  sans  une  vive  émotion  que 
»  nous  venons  de  voir  le  commen- 
»cemenl  de  vos  justices.  Vous  a- 
»vei  saisi  le  glaive  que  le  souve- 
»  rain  du  ciel  a  confié  aux  princes 
i»de  la  terre  pour  assurer  le  repos 
«des  peuples.  Vos  mains  royales 
»>ne  s'étaient  levées  jusqu'ici  que 
«pour  absoudre  les  coupables.... 

•  mais  «;n  sentant  tout  ce  que  cet 
xelFort  a  df»  coûter  au  coeur  du 
vroi,  en  pleurant  avec  V.  M.  sur 

T.  IV. 


CHA 


355 


«ces  hommes  qui  n'auraient  pas 
n pleuré  sur  nous,  nous  ne  nous 
»  dissimulons  pas  que  le  moment 
»  était  venu  de  suspendre  le  cours 
»de  votre  inépuisable  clémence. 
»  La  France   envahie,   déchirée, 

Mvuus    demandait    justice » 

Était-ce  une  ironie  amére,  une 
lâche  hardiesse  devant  les  dra- 
peaux de  l'étrangj'r?  Ou  suppo- 
sait-on la  France  assez  aveugle 
pour  n'attribuer  pas  sa  détresse 
aux  ressentimens  de  quelques 
hommes  décidés  à  la  voirtoujours 
en  eux,  au  lieu  de  s'oublier  pour 
ellePLorsque  ailleurs  ils  parlent  in- 
sidieusement «des  (Cosaques  cam- 
»  pés  auprès  du  Louvre,»  on  les 
accable  en  leur  redisant  qu'en  ef- 
fet les  Cosaques  ont  été  reçus  à 
Paris,  où  de  certains  hommes  les 
aj)pelaicnt  depuis  le  temps  de  Su- 
■\varow,  Quand  M.  de  Chateau- 
briand prononçait  de  telles  paro- 
les, au  milieu  d'un  peuple  désuni 
et  consterné,  il  oubliait  que  l'his- 
toire sera  indépendante;  et  pour 
des  convenances  d'un  jour,  il  a- 
bandonnait  l'a  venir  ;et  néanmoins 
un  long  avenir  est  promis  à  M.  de 
Chateaubriand,  mais  à  cause  de 
ses  écrits,  et  en  exceptant  ceux 
qu'il  n'a  pas  faits  pour  s'amuser. 
Le  13  octobre,  il  fut  nommé  se- 
crétaire à  la  chambre  des  pairs  : 
et  le  22  décembre,  dans  la  discus- 
sion 8urrinaim)vibililé  des  juges, 
il  reproduisit  l'éloge  de  l'ancien- 
ne magistrature.  En  i8i6,aumois 
d'avril,  il  se  déclara  contre  le  rc- 
nonveliement  partiel  de  la  cham- 
bre desdépulés,  et  il  votaen  faveur 
dji  proj«t  de  loi  présenté  par  le 
ministère,  mais  amendé.  Le  ai 
mars,  il  avait  été  nommé  de  l'A- 
cudémie.  bixmoiâ  après,  il  publia 

33 


354  CHA 

sous  le  titre  de /a  Monarchie  se- 
lon la  Charte,  un  mélange  fait 
avec  art  de  quelques  idées  sages, 
et  des  doctrines  les  plus  impoliti- 
ques. En  les  suivant,  on  eût  sacri- 
fié tid'autrcs  intérêts,  et  Tautorilé 
royale  et  les  droits  du  peuple.  Le 
roi  n'y  fut  point  trompé;  dès  le 
troisième  jour,  il  rendit  cette  or- 
donnance :  «Le  vicomte  de  Chri- 
«teaubriand,  ayant,  dans  un  écrit 
«imprimé,  élevé  des  doutes  sur 
»  noire  volonté  personnelle  ,  ma- 
wnifestèe  par  notre  ordonnance 
»du  5  septembre,  présent  mois  , 
«nous  avons  ordonné  ce  qui  suit  : 
«Le  vicomte  de  Chateaubriand 
«cessera  dès  ce  jour  d'être  compté 
9  au  nombre  de  nos  ministres  d'é- 
»tat. «Alors le  faubourg  S-Germain 
retentit  de  l'ingratitude  royale, 
et  ce  cris'éleva  :  «Bonaparte  n'a- 
»vait  rien  imaginé  de  si  odieux 
«contre  cette  noble  victime.  »  En 
apprenant  par  ces  mots  qu'il  avait 
fait  apparemment  des  sacrifices 
pour  la  cause  royale,  sans  doute 
M.  de  Chateaubriand  se  proposa 
de  suivre  toujours  des  voies  si  gé- 
néreuses. En  i8i8,  il  fit  insérer 
dans  les  Archives pldlosophiques , 
politiques  et  littéraires ,  de  nou- 
velles observations  dans  lesquel- 
les, considérant,  selon  l'usage  des 
publicistes  de  ce  parti,  l'autorité 
royale  comme  le  moyen  de  rele- 
ver une  autorité  plus  chère  et  plus 
vénérable,  il  assure  que  si  l'on  ne 
change  pas  de  marche  tout  est 
perdu,  et  que  la  France  va  à  sa 
ruine.  Ces  Remarques  sur  les  af- 
faires du  moment,  furent  atta- 
quées avec  force  dans  le  Moni- 
teur, le  21  août!  Si  8.  Dans  la  ses- 
sion de  1817  à  181 8.1e  noble  pair 
commence  à  désapprouver  la  li- 


CHA 

berté  de  la  presse,  et  il  dit  de  la 
loi  du  recrutcmeul,  (qu'elle  est 
«une  de  celles  qui  peuvent  per- 
«dre  ou  sauver  les  empires,  et 
«qui  font  peser  sur  la  tête  du  lé- 
«gislateurla  plus  ell'rayante  res- 
«punsabilité.  »  Il  propose  ensuite 
d'adopter  sans  discussions  la  loi 
des  finances,  «  quand  même  on 
»  y  découvrirait  une  erreur  dechif- 
«fres.  «En  juin  1818,  le  TimesWi 
attribue  «  une  Remontrance  aux 
«souverains  alliés,  pour  les  enga- 
»ger  à  ne  point  retirer  l'armée 
«d'occupation  des  frontières  de 
«France.»  Il  veut  d'abord  pour- 
suivre en  calomnie,  devant  les 
tribunaux  d'Angleterre,  l'éditeur 
des  deux  lettres  insérées  dans  le 
Times  :  mais,  sur  l'invitation  du 
journaliste  ,  il  lui  envoie  simple- 
ment une  dénégation ,  qu'ensuite 
il  entreprend  de  désavouer,  et 
cette  afl'aire  se  termine  peu  agréa- 
blementpourlui.  Le  9  mars  1819, 
il  fit  partie  de  la  commission  for- 
mée pour  l'examen  d'une  propo- 
sition qui  révoque  la  loi  du  9  no- 
vembre 1816,  sur  les  cris  sédi- 
tieux; et,  en  1820,  il  vote  en 
faveur  des  lois  d'exception.  Au 
moment  du  baptême  du  duc  de 
Bordeaux,  M.  de  Château'iriand 
présenta  à  la  duchesse  de  Berri 
de  l'eau  du  Jourdain.  On  ne  fut 
pas  surpris  qu'il  eût  eu  l'heureuse 
idée  de  rapporter  d'A?ie  ce  flacon; 
mais  on  admirait  avec  éionne- 
meul  sa  fortune  qui  lui  avait  fait 
oublier  de  loffrir  en  i8ii,  pour 
nrroser  d'une  onde  romantique 
file  berceau  ciiar^é  dts  cie^iinJes 
»  de  l'avenir. y)  Peu  de  temps  après, 
i\I.  de  Chateaubriand  a  été  nom- 
mé niinistrc  plénipotentiaire  et 
envoyé  extraordinaire  en  Prusse. 


CHA 

C'est  aussi  en  1820  qu'il  publia 
Mémoires ,  lettres  et  pièces  au- 
thentiques loucliant  la  vie  et  la 
mort  de  S.  A.  R.  monseigneur 
Charles-  Ferdinand  d' Artois  ,fils 
de  France,  duc  de  Berri  ,  1  vol. 
in-8".  La  plupart  des  ouvrages  de 
M.  de  Châleaubriand  ont  été  tra- 
duits en  anglais,  et  les  Martyrs  le 
furent  aussi  en  espagnol.  Il  était 
le  principal  rédacteur  du  journal 
intitulé  le  Conservateur,  qui  a 
cessé  de  paraître  lorsque  la  nou- 
velle loi  suspendant  la  liberté  de 
la  presse  a  été  mise  en  vigueur. 
On  retrouve  dans  les  moindres 
écrits  de  M.  de  Chûteaubriaud , 
desimageset  desexpressions  heu- 
reuses, une  sorte  de  fraîcheur,  de 
Terve  ,  de  mouvement  poétique. 
II  ne  faut  pas  attendre  de  lui  la 
justesse  et  l'accord  des  idées  dans 
un  vaste  ensemble;  dès  que  les  ob- 
jets s'agrandissent,  ses  raisonne- 
mens  méritent  peu  de  confiance. 
Ne  lui  demandez  pas  le  discerne- 
ment du  sage,  mais  le  coloris  d'un 
peintre  ingénieux.  Une  élévation 
plus  fréquente  que  soutenue,  ca- 
ractérise son  style  qui  ne  manque 
pas  de  facilité,  si  ce  n'est  dans 
les  momens  où  le  refroidit  une 
imitation  trop  marquée  des  an- 
ciens. Hagarde  quelque  chose  de 
l'indéprudance  du  désert;  c'est 
une  niiiitice  originale,  ou  même 
inattendue,  à  laquelle  on  trouve 
de  la  grflce  après  deux  siècles  de 
littérature,  quand  une  grâce  plus 
natnrtlle  semble  un  pou  vulgaire, 
mais  que  des  honiuies  sans  taleus 
imitent  avrc  maladresse,  et  lais- 
sent dégénérer  en  bizarrerie.  Les 
grandr»  écrivains  sr)iit  très-rares 
dans  tous  |<s  siècles  :  la  postérité 
seule  jugera  »il  convient  de  pla- 


CHA  555 

cer  dans  leurs  rangs  l'auteur  du 
Génie  du  Christianisme  ;  mais  du 
moins  elle  lui  devra  des  passages 
charmans  dans  le  genre  descrip- 
tif, et  d'autres  morceaux  di- 
gnes d'être  cités.  3Ialheureuse- 
ment,  quoiqu'il  n'ait  guère  écrit 
sur  des  objets  frivoles,  et  que  les 
idées  fortes  ne  lui  soient  pas  é- 
trangères,  il  est  moins  distingué 
par  le  fond  des  choses  que  par  la 
manière  de  les  dire.  On  assure 
que  les  écrits  vivent  surtout  par 
le  style  :  cette  observation  n'est 
pas  exacte.  Sans  le  style,  un  livre 
ne  peut  s'établir  en  quelque  sorte: 
mais  c'est  par  la  force,  rutilité, 
la  justesse  des  pensées  qu'il  lut- 
tera contre  le  temps.  Les  ouvra- 
ges du  premier  ordre  sont  ceux 
qui  appartiennent  surtout  à  la  rai- 
son, et  que  dès  lors  on  pourrait 
traduire  dans  toutes  les  langues  , 
sans  trop  les  affaiblir  :  ils  seront 
admirés  d'âge  en  âge,  parce  qu'on 
n'y  aura  pas  sacrifié  la  vérité,  seule 
durable,  à  des  calculs  ambitieux, 
ou  aux  rêves  d'une  imagination 
séduite. 

CHATEAUNEUF  (Agricola  DE 
LA  Pierre  de),  homnie  de  lettres, 
est  né  à  Avignon  eu  1770.  Dès 
l'âge  de  20  ans,  II  vint  à  Paris,  où 
il  composa  successivement  divers 
ouvrages,  dont  nous  allons  citer 
les  principaux  :  1°  Jdjlws  de 
T/iéorritc,  mises  en  vers  français, 

1 794,  in-S";  2°  l'aroboles  de  l'F~ 
viniî^Ue ,  mises  en  vers  français, 

1795,  in-4";  5°  Cornélius  JSepos 
Jrancais,  ou  Notices  Uistori(/ues 

sur  les  généraux  y  les  marins,  les 
o^/icirs  et  les  soldats  qui  se  sont 
illustrés  dans  la  guerre  de  la  ré~ 
solution,  i8o3  à  1808,  vingl-quxL- 
tre  cahiers  ou  parties,  en  7  vu]. 


550 


c;nA 


in- 12  ou  4  vol.  i«i-8".  Il  dodia  ce 
recueil  à  Napoléon.  4"  L'Amant 
limidt ,  ou  l'adroite  Soubrette  , 
comédie  en  un  acte  et  en  vers, 
i8o5  et  i8o5,  in -8°;  5"  Kie  du 
inaréclial  Lannes,  1 8 1 3 ,  in- 1 2  ; 
6°  de  la  liberté  de  la  Presse,  1 8 1 4  » 
in-S"  ;  7°  Historique  du  général 
Moreau,  surnommé  le  grand  ca- 
pitaine, avec  les  particularités  les 
plus  secrètes  de  son  procès,  de 
son  retour  de  l'Amérique,  et  de  sa 
mort,  i8i4,  in-8'',  ouvrage  dédié 
au  duc  de  Berii;  8"  Histoire  de 
IVapoléon-Bonaparte ,  i8i5,  in- 
8";  9"  Chronique  de  Paris,  ou  Mî- 
inoire.t  restés  secrets  jusqu'à  ce 
jour.  C'est  un  écrit  périodique  pu- 
blié deux  fois  par  mois,  à  Lon- 
dres, où  l'auteur  composa  aussi 
l'ouvrage  précédent. 

CHATEAUNELF  -  IIANDON 
(le  comte  de),  était,  en  1789,  ca- 
pitaine dans  les  dragons  du  com- 
te d'Artois,  et  gentilhomme  de  ce 
prince.  La  noblesse  tie  la  séné- 
chaussée de  Mende  le  choisit  pour 
remplacer,  aux  étals  -  généraux  , 
le  marquis  d'Apchier,  qui  avait 
donné  sa  démission.  Le  nouveau 
député  adopta  dès  celte  époque 
les  principes  des  membres  du  cô- 
té gauche;  mais  il  était  destiné  à 
grossir  le  nombre  de  ceux  dont 
les  excès  furent  indignes  d'une 
cause  qui  n'aurait  dû  compter  que 
des  soutiens  irréprochables.  Après 
la  session  de  l'assemblée  consti^ 
huante,  il  devint  président  de  l'ad- 
ministration de  la  Lozère,  et  ce 
département  le  choisit  pour  son 
représentant  à  la  convention  na- 
tionale. 11  vota  la  mort  du  roi, 
sans  sursis  comme  sans  appel,  et 
en.motivanlson  vote. On  le  comp- 
ta parmi  le;»  députée  les  plus  ar- 


CHA 

dens  du  groupe  qui  prit  le  nom 
de  la  Montagne.  Après  avoir  pro- 
voqué, au  comité  de  sûreté  géné- 
rale dont  il  faisait  partie,  l'arresta- 
tion de  la  duchesse  d'Orléans  el 
de  M""'  de  Montesson,il8e  rendit, 
comme  représentant  du  peuple  , 
auprès  de  l'armée  à  laqaelle  Lyon 
fut  obligé  d'ouvrir  ses  portes.  Cha- 
teauneuf  abusa  cruellement  de 
ses  pouvoirs  dans  cette  malheu- 
reuse ville  :  ses  collègues  le  secon- 
dèrent avec  un  zèle  féroce;  et  ce- 
pendant il  se  plaignit  de  la  faibles- 
sede  Gauthier  et  de  Dubois-Cran* 
ce.  Pour  être  moins  mal  secondé 
à  l'avenir,  il  demandait  que  la  so- 
ciété des  jacobins  envoyât  qua- 
rante de  ses  membres  dans  ce 
pays,  qu'il  fallait,  disait-il,  régé- 
nérer. Mais  en  donnant  de  tels 
gages  de  son  dévouement,  il  ne 
se  conciliait  pas  encore  tous  les 
esprits  dans  la  faction  qu'il  ser- 
vait, et  il  fut  dénoncé  par  Renau- 
din,  un  des  membres  les  plus  im- 
placables du  tribunal  révolution- 
naire. Collol-d  llerbois  le  défen- 
dit, et  la  dénonciation  n'eut  pas 
de  suites;  alors  il  reçut,  avec  des 
pouvoirs  presque  illimités,  une 
nouvelle  mission  pour  les  mêmes 
départemens,  et  devint  l'associé 
de  l'homme  sanguinaire  qui  lui 
avait  prêté  son  appui,  de  CoUot- 
d'Herbois.  Il  avait  dénoncé  com- 
me auteur  de  l'insurrection  de  la 
Lozère  un  ancien  membre  de 
l'assemblée  constituante.  Char- 
rier, dont  les  complices,  ajoutait- 
il,  avaient  été  acquittés  par  les 
Iribimaux  de  l'Aveyron.  Le  9 
thermidor  lui  rendit  enfin  quel- 
que modération,  en  diminuant 
ses  propres  terreurs  ;  mais  il  en- 
tr-eprit  vainement  de  se  réhabili- 


CHA 

ter  dans  l'opinion  des  wm»  ci- 
toyens. Malgré  les  plaintes  des 
habitans  de  Saint-Flour,  qui  le 
dénoncèrent  comme  terroriste,  il 
fut  employé  A  l'armée,  sous  le 
directoire,  avec  le  titre  de  géné- 
ral de  brigade.  En  1796,  au  mois 
d'octobre,  il  donna  au  gouverne- 
ment avis  d'une  conspiration  our- 
die par  les  émigrés  dans  les  dé- 
partemens  du  Midi;  et,  en  1798, 
on  lui  confia  le  commandement 
de  la  place  de  Mayence.  Mais 
ayant  provoqué,  à  l'approche  des 
Autrichiens,  une  levée  générale 
dans  l'ancienne  Alsace,  il  fut  sus- 
pendu de  ses  fonctions  par  Jour- 
dan,  qui  commandait  en  chef. 
Cette  suspension  avait  cessé,  lors- 
qu'au 18  brumaire  il  fut  envoyé 
à  Nice  comme  préfet  des  Alpes- 
Maritimes.  Son  administration  ne 
fut  pas  plus  approuvée  que  ne 
l'avaient  été  ses  opérations  mili- 
taires, et  l'opinion  publique  lui 
était  si  peu  favorable  qu'il  se  vit 
réduit  à  donner  sa  démission.  La 
mort  le  surprit,  il  y  a  peu  d'an- 
nées, dans  un  état  voisin  de  l'indi- 
gence, et  affecté  d'une  sorte  d'a- 
liénation mentale. 

CHATELAIN  (Réj^é-TnÉoPHj- 
ti),  né  à  Saint-Quentin  le  19  jan- 
vier 1790.  11  s'engagea,  en  180R, 
«lans  un  régimeut  de  cavalerie, 
fit  les  campagnes  d'Espagne,  de 
Russie,  d'Allemagne,  etc.,  etc., 
et  servit  avec  distinction  jusqu'au 
licenciement  de  l'armée,  en  181 5. 
Il  était  alors  lieutenant. Réduit  au 
repos  par  la  force  des  événemens, 
il  se  livra  aux  lettres,  où  il  obtint 
des  succès,  que  justifient  un  sty- 
le pur,  élégant  et  souvent  plein 
de  sel  ;  nne  gaieté  franche  et  spi- 
riliicHr,  delà  iihilosoplilcct  beau- 


CHA  557 

coup  d'instruction.  Son  premier 
ouvrage,  intitulé  f^oyage  d'un  é- 
tran-ger  en  France,  eut  trois  édi- 
tions de  suite.  Le  Paysan  et  le 
Gentilhomme  fut  accueilli  avec 
plus  de  faveur  encore.  On  a  re- 
Iroiivé  son  talent  dans  diverses 
brochures  qu'il  a  publiées  depuis, 
et  l'on  a  placé  dans  toutes  les  bi- 
bliothèques son  ouvrage,  saisi  h 
la  requête  du  ministère  public, 
intitulé  le  Seizième  siècle  en  1817. 
M.  Châtelain  a  travaillé  successi- 
vement au  Censeur,  à  la  Renom" 
méeei  au  Courrier  français,  dont 
il  est  aujourd'hui  le  principal  ré- 
dacteur. 

CHATTERTON  (Thomas).  Son 
père,  d'abord  maître  d'école  dans 
un  petit  bonrgd'Angleterre, avait, 
sur  ses  vieux  jours,  choisi  pour 
retraite  un  ancien  couvent  de  do- 
minicains, abandonné  au  temps  de 
la  réforme,  el  qui  depuis  cette  é- 
poquc  n'avait  été  ni  réparc  ni  ha- 
bité. Une  sœur  un  peu  j>liis  âgée 
que  Chatterton,  lui  apprit  i  lire 
dans  une  de  ces  volumineuses  Bi- 
bles trouvées  au  milieu  des  ruines 
de  l'abbaye,  et  dont  les  gros  carac- 
tères semi-gothiques  furent  pour 
l'enfant  les  premiers  rudimensd(^s 
sciences.  Il  préféra,  par  un  capri- 
ce bizarre,  ce?  vieilles  éditions  à 
toutes  les  autres,  refusa  obstiné-» 
ment  de  lire  les  carafières  ordi- 
naires, et  fureta  dans  tous  les  gre- 
niers et  tontes  les  cellules  pour 
y  trouver  quelques-uns  de  ces  li- 
vres qui  faisaient  son  admiration, 
et  (jiie  de  brillantes  et  bif.arrcs  en- 
luminures rcndalen!|vl»is  Intérim*- 
sans  i\  ses  yeux.  Il  parvint  ;\  Vû"c 
dft  16  ans.  iivunt  d'aVoir  pa^sé  10 
seuil  de  celle  vfl'^te  hahitalitm  dé- 
labrée, et  avant  d'avoir  l»i  auli« 


'58 


CHA 


chose  que  d'anciennes  chroni- 
ques, (les  psaumes  en  vieux  lan- 
gage, un  Shakespeare  qui  lui  fut 
prêté,  et  une  mauvaise  traduction 
de  Virgile.  Tous  ces  détails  sont 
constatés  par  les  contemporains 
(voj  cz  Lil'e  of  Chatterioit^  Heurs 
o(  Chatterton,  etc.)  On  le  regar- 
dait comme  un  esprit  int-ple , 
comme  un  être  sauvage  et  bizar- 
re. N'ayant  aucun  des  goûts  de 
son  âge,  il  relisait  sans  cesse  les 
mêmes  volumes,  ne  parlait  à  per- 
sonne, et  ne  faisait  qu'errer  sous 
les  arceaux  du  couvent  qui  l'avait 
vu  naître,  et  qui  était  comme  sa 
patrie.  Emporté,  fougueux,  som- 
bre et  lacilurne,  Chatterton  était 
un  sujet  de  chagrin  et  d'humeur 
pour  tous  ses  parens.  Dix -huit 
ans  arrivèrent,  et  il  ne  changeait 
pas.  Cependant  on  le  voyait  s'en- 
fermer jour  et  nuit,  et  altérer  sa 
santé  par  des  veilles.  Un  matin 
la  domestique,  chargée  du  soin 
de  sa  cellule,  trouvant  par  hasard 
un  vieux  coffre  ouvert,  y  puisa 
sans  façon  .  pour  allumer  le  feu 
du  jeune  homme,  une  grande 
quantité  de  bandes  de  parchemin 
à  moitié  écrites,  et  collées  ensem- 
ble ou  détachées. Chatterton  entra, 
et  vit  brûler  les  premières  ban- 
des; il  se  mit  dans  une  colère  fu- 
rieuse, et  menaça  la  vieille  de  la 
jeter  par  la  fenftre,  si  elle  tou- 
chait dorénavant  à  ce  qui,  disait- 
il,  lifi  était  plus  chtr  que  la  vie. 
Bientôt  il  répara  le  dommage  à 
force  de  travail  et  de  veilles;  et 
au  bout  de  quelques  mois,  il  écri- 
vit à  un  journaliste  de  Londres 
pour  le  prier  d'annoncer  au  pu- 
lilicque  les  manuscrits  du  fameux 
inoiiie  f'rancisca/n  Rowiey.  qui 
vivait  au  14""  siècle,  avaient  été 


CHA 

retrouvés  par  Chatterton,  Lj)  nou- 
velle fit  du  bruit  :  Chatterton  re- 
çut l'invitation  de  porter  à  Lon- 
dres ses  parchemins  qu'il  fil  aus- 
sitôt imprimer.  A  peine  publiées, 
les  poésies  de  flu^^ley  devinrent 
un  grand  sujet  de  discussion  pour 
les  critiques.  Le  style  était  d'une 
couleur  antique  ;  la  phraséologie 
gothique;  la  versification  entière- 
ment semblable  à  celle  de  Chan- 
cer.  Mais  l'ordre  et  l'énergie  des 
idées,  une  harmonie  sauvage, 
quelque  chose  d'épuré  dans  la  dic- 
tion ,  de  la  philosophie  même 
dans  la  superstition,  un  intérêt 
vif,  une  imagination  forte,  ran- 
geaient l'auteur  de  ces  œuvres 
parmi  les  maîtres  de  l'art,  et  é- 
tonnaient  profondément  quicon- 
que avait  dévoré  l'ennui  des  mau- 
vais poêles  du  i  4°"  ou  1 5°"  siè- 
cle. Chancer  et  Spencer  étaient 
surpassés  de  bien  loin.  On  voulut 
voir  les  originaux.  Chatterton  les 
montra.  C'élaientces  mêmes  ban- 
des de  parchemin,  dont  la  vieille 
avait  voulu  se  servir  pour  allumer 
le  feu.  Les  curieux  se  trouvèrent 
encore  plus  embarrassés  :  tous  les 
caractères  de  vétusté  paraissaient 
consacrer  ces  manuscrits  L'en- 
cre avait  jauni;  la  forme  des  let- 
tres, la  maigreur  des  déliés,  les 
bizarres  ornemens  des  pleins,  ap- 
partenaient évidemment  au  siècle 
du  moine.  Mais  les  premières  dif- 
ficultés n'en  paraissaient  que  plus 
fortes.  Pendant  que  tous  les  jour- 
nalistes périodiques  et  quotidiens 
étaient  en  mouvement,  le  librai- 
re à  qui  Chatterton  s'était  con- 
fié s'enrichissait,  et  Chatterton 
mourait  de  faim.  Il  se  plaignit:  on 
se  moqua  de  lui.  Reconnu  tacite- 
ment pour  l'auteur  des  poëmcâ 


AïK^ikrftJi   viiuc . 


fifiiiy  i<f(.  el  Snt/ii 


CHA 

s^ur  lesquels  il  gardait  le  silence, 
et  par  conséquent  pour  un  génie 
d'un  ordre  très-élevé;  fier,  irrita- 
ble et  pauvre;  trompé  dans  l'es- 
pérance que  soa  talent  lui  avait 
fait  concevoir,  ce  malheureux 
jeune  homme,  après  s'être  adres- 
sé vainement  au  libraire,  à  des 
gens  de  lettres  et  à  des  gens  en 
place,  languit  deux  années  dans 
la  misère,  et  s'empoisonna  le 
jour  où  il  manqua  de  pain.  Il 
n'avait  que  21  ans.  Son  seul  ou- 
vr*»ge  (Poems,  by  Th.  Rowley^ 
published  by  Chalterton)  e?>{.  res- 
té comme  un  beau  monument, 
mais  d'un  ordre  distinct  et  isolé, 
de  ce  que  peuvent  le  génie  et  la 
patience.  On  ne  Ta  point  traduit 
en  français;  on  ne  le  traduira  pro- 
bablement pas.  Le  style  en  est 
trop  vieux,  et  la  pensée  trop 
forte. 

GHAUDET  (Antoine- Denis), 
s'est  placé  au  premier  rang  des 
sculpteurs  français.  Né  sous  le 
règne  du  mauvais  goût  auquel  il 
commença  par  sacrifier  lui-mê- 
me, il  finit  par  rendre  à  la  sculp- 
ture cette  simplicité  élégante  et 
expressive  que  les  Grecs  seuls  a- 
vaient  atteinte.  Malgré  l'iné^dlité 
de  son  talent,  malgré  la  faible 
exécution  de  quelques-uns  de  ses 
premiers  ouvrages,  il  occupera 
toujours  parmi  les  artistes  de  son 
pays  un  rang  très- distingué;  la 
sensibilité,  l'esprit  et  le  tact  déli- 
cat du  beau,  composaient  son  gé- 
nie: la  profondeur  ne  lui  manquait 
pas;  mais  elle  se  joignait  presque 
toujours  dans  ses  compositions  ù 
une  grâce  élégante  et  tendre,  à  la 
délicatesse  et  à  la  douceur.  On  lui 
a  reproché  de  faire  ses  figures  trop 
longues  :  ces  proportions  délica- 


CHA  559 

tes  et  fragiles  plaisaient  à  son  ci- 
seau, qui  les  employait  sans  réser- 
ve. Il  est  né  à  Paris  en  17(55.  le 
3i  mars,  et  mort  dans  cotte  ville 
le  ly  avril  1810.  Eitcore dans  l'en- 
fance, il  s'arrêtait  avec  admira- 
tion devant  les  statues  des  jardins 
publics,  et  modelait  d'après  elles 
de  petites  figures  d'argile.  Il  se  fit 
inscrire  élève  de  l'académie  de 
peinture  des  l'âge  de  14  ans.  A  21 
ans,  il  remporta  le  premier  prix 
de  sculpture;  ses  rivaux  le  portè- 
rent en  triomphe.  Gcpendant  son 
bas-relief  était  mauvais,  non  de 
sa  faute,  mais  de  celle  de  l'école; 
autour  de  foseph  vendu  par  ses 
frères  (tel  était  le  sujet  du  prix), 
il  avait  groupé  des  petits  garçons 
qui  menaient  des  chevaux,  un 
pont  de  village,  des  arT)rcs  en  a- 
venue  et  quelques  bergères.  In- 
digné ensuite  du  succès  de  cette 
sculpture  à  la  Watelet,  il  disait  : 
Parbleu,  que  ne  ni' ordonnaient- 
ils  d'y  mettre  aussi  de  la  pluie/ 
je  leur  eusse  obéi.  Le  voyage  de 
Chaudet  i\  Rome  lui  fit  bientôt  a- 
percevoir  le  ridicule  du  goût  ré- 
gnant. L'élève  des  sculpteurs  ma- 
niérés de  l'académie  royale  n'étu- 
dia plus  que  les  belles  figures  de 
Raphaël,  et  les  figures  plus  idéa- 
les peut-être,  quoique  plus  sim- 
ples, dont  sont  ornés  les  vases  é- 
trusques.  Ges  études,  qu'il  fil  de 
moitié  avec  le  fumeux  Drouais , 
déterminèrent  la  direction  de  son 
génie  :  il  revint  à  Paris,  fut  as^réé 
à  l'académie,  et  composa  le  bas- 
relicf  de  V Emulation  de  la  gloire, 
placé  sous  le  péristyle  du  Pan- 
théon, ouvrage  peu  goûté  à  cette 
époque,  parce  que  la  manière  en 
est  trop  grandiose,  la  composition 
trop  belU,  et  Tex^culion  tropp«u 


56o 


CHA 


tourmenlée.  Cependant  la  révoln- 
lion  opérée  par  Vien  dans  la  pein- 
ture, influa  sur  la  sculpture,  et  le 
talent  de  Chandet  fut  compris. 
Son  admirable  Béiisaive,  ciseléen 
bronze;  la  Senslbilitéy  jeune  fille 
qui  s'étonne  de  voir  la  sensilivelnir 
et  trembler  sous  ses  doig;ts;  son 
Paul  et  Virginie,  où  le  marbre  est 
empreint  de  toute  l'innocence,  de 
tout  le  charme  et  de  toute  la  fraî- 
cheur que  leur  avait  donnés  Ber- 
nardin; la  Paix,  en  argent,  et  pla- 
cée aux  Tuileries,  pendant  que  le 
canon  retentissaitdanstoute  l'Eu- 
rope; l'élégant  et  beau  Cyparisse; 
Cincinnatus;  le  groupe  enbos-re- 
licfde  la  Sculpture,  \  Architecture 
et  la  Peinture;  la  St.Ttue  de  Napo- 
léon au  corps-législatif,  établirent 
les  droits  incontestables  du  génie 
de  Chaudet.  Mais  par  une  injus- 
tice grossière,  on  dédaigna  son 
OjÉ'^i/jc,  le  plus  beau  petit-être 
de  ses  ouvrages  :  il  en  ressentit 
une  amertume  qui  se  répandit  sur 
tout  le  reste  de  sa  vie.  Ses  dessins 
ont  de  la  grAce,  beaucoup  de  sen- 
sibilité, quelquefois  trop  d'esprit. 
Son  JSidd'amour  offre  un  mélan- 
ge bizarre  du  physique  et  de  l'al- 
légorique, et  montre  quelle  ligne 
imperceptible  et  sévère  sépare  la 
poésie  des  arts  d'imilation  maté- 
rielle; rendue  en  marbre,  la  pensée 
charmante  d'Anacréon  est  deve- 
nue ridicule.  Nous  ne  parlons  ici 
m  de  ses  bustes,  parmi  lesquels  on 
doit  remarquer  celui  de  Malesher- 
bes;  ni  de  ses  tableaux,  qui  pèchent 
par  le  coloris;  ni  de  ses  travaux, 
comme  membre  de  la  quatrième 
classe  de  l'institut.  Chaudet  avait 
une  ilme  douce,  un  esprit  juste, 
la  faculté  de  méditation  qui  se 
j(>iat  rarement  ;\  celle  de  création 


CHA 

dans  les  beaux-arts,  peu  de  litté- 
rature, mais  des  connaissance» 
profondes  dans  ce  qui  tenait  aux 
arts  du  dessin. 

CHAUDON  (Loris-MiÏEtL), 
historien  et  ancien  bénédictin  de 
lu  congrégation  de  Cluni,  est  né 
le  10  mai  1757, ùValensolles, près 
de  Digne.  Il  est  membre  de  quel- 
ques sociétés  savantes,  et  entre 
autres  de  l'académie  des  Arcades 
de  Rome.  Ses  principaux  ouvra- 
ges sont  :  1'  Lettres  à  M.  le  mar- 
quis de  ***,  sur  un  prédicateur 
du  i5°*  siècle,  I755,  in-^';  2°  O- 
de  sur  la  Calomnie,  17.56,  in -4°; 
3"  Ode  à  MM.  les  échevins  de 
Marseille,  17^7;  4°  Chronologis- 
te  Manuel,  i76()-7o,  in-'i4;  5* 
Nouveau  dictionnaire  liùtoriqucy 
1766,  4  vol.  in-8".  Cette  biogra- 
phie est  l'ouvrage  le  plus  estimé 
de  dom  Chaudon,  qui  en  fit  pa- 
raître la  7'°'  édition,  en  1789,  9 
volumes  in-B".  Il  en  donna  une 
S""  avec  Delandine  de  Lyon,  en 
1804,  i3  vol.  in-h*.  l]ne  société 
de  gens  de  lettres  en  a  publié  u- 
ne  9°",  de  1810  à  «812,  en  'xo  v. 
in-S*.  Elle  a  eu  le  libraire  Prud- 
homme  pour  éditeur.  Enfin  ,  on 
vient  d'annoncer  (en  novembre 
1 82 1  )  la  i  o""  édition  de  ce  diction- 
naire qui  doit  avoir  25  vol.  Cet 
ouvrage,  rédigé  d'une  manière  as- 
sez correcte,  mais  souvent  un  peu 
lâche,  étaitvraiment  digne  d'exer- 
cer la  patience  d'un  bénédictin  ; 
malgré  les  erreurs,  les  omissions 
et  les  faux  jugemens  qu'on  peut 
reprochera  ce  dictionnaire,  il  a 
servi  de  base  S  toutes  les  Biogra- 
phies universelles  qui  ont  paru 
depuis,  et  tlont  les  auteurs  n'ont 
pas  manqué  d'insulter  à  l'œuvre 
du  bénédictin  ;  6*  f Homme  du 


en  A 

monde  éclairé ,  1774»  in- 12;  7 
Ltcons  d'histoire  et  de  chronolo 
i^ie,  178 1 ,  ■>.  vol.  in  -  1 2  ;  8°  Elé- 
mens  de  l'histoire  ecclésiastique 
jusqii  'au  pontificat  de  Pie  VI , 
1785,  in-8°.  et  1787,  2  vol.  in- 12, 
seconde  édition  très-angmentée. 
L'abbé  Chaudon  a  travaillé  aussi 
à  plusieurs  ouvrages  religieux  et 
polémiques,  littéraires  et  biblio- 
graphiques, qui  ne  portent  pas  son 
nom.  Nous  citerons  entre  autres: 
l'Ie  Dictionnaire  anttphilosophi- 
que,  attribué  à  Nonotte,  i7r)7,in- 
8°,  et  1776,2  vol.  in- 12,  3"' édi- 
tion ;  2°  /l tix grands  hommes  ven" 
î^és,  sous  le  nom  de  /If.  des  Sa- 
/dons,  1709,  2  vol.  in-S";  5*  Bi- 
bliothèque d'un  homme  de  gotit, 
1772.  Cet  ouvrage,  dont  l'abbé 
de  La  Porte  publia  une  édition  en 
•777»  4  ^ol.  in- 12,  a  été  refondu 
en  entier  par  MAf.  Barbier  et 
Désessarts,  sous  le  titre  de  Nou- 
velle bibliothèque  d'un  homme  de 
goiU,  1807  i\  1810,  5  vol.  in-8": 
un  sixième  volume  doit  former  le 
complément  de  cette  bibliogra- 
phie. 

CHAUDRON-ROUSSEAU 
(Ge'irce),  membre  de  l'assemblée 
législative  et  de  la  convention  na- 
tionale ,  se  montra  partisan  zélé 
des  principes  de  la  révolution  dés 
son  origine,  et  fut  nommé  pro- 
cureur-syndicdu  district  de  Bour- 
honne-les-Bains.ll  en  exerçait  les 
fonctions,  lorsqu'au  mois  de  sep- 
tembre 1791,  il  fut  élu  député  ù 
la  législature  par  le  département 
de  la  Hante-Marne.  Appelé  â  la 
conTcnlion  en  1792,11  vota,  dans 
le  procès  de  l^uis  XVI,  la  peine 
capitale,  sans  appel  et  sans  sursis. 
Knvoyé  en  mi«sîon,  après  le  3i 
mai  1795,  d.-^ns  les  départeaicus 


CHA 


56 1 


des  Pyrénées-Occidentales,  de  la 
Haute-(iaronne,  de  la  Gironde  et 
de  l'Arriége,  il  y  déploya  tout  le 
zèle  du  parti  qui  dominait  alors 
dansia  convention.  Rappelé  dans 
le  sein  de  cette  assemblée,  il  en 
fui  élu  secrétaire,  et  fit  décréter 
que  les  membres  de  la  commis- 
sion populaire  de  Bordeaux  se- 
raient traduits  au  tribunal  révo- 
lutionnaire. A  la  fin  de  1794»  4 
mois  après  le  9  thermidor,  lors- 
qu'on mit  en  discussion  le  projet 
de  réintégrer  dans  leurs  fonc- 
tions législatives  les  convention- 
nels évincés  par  la  révolution  du 
5i  mai,  il  le  combattit,  en  décla- 
rant qu'il  avait  saisi  à  Bordeaux  u- 
ne  correspondance  qui  prouvait 
que  ces  proscrits  avaient  voulu 
rétablir  la  royauté  en  faveur  du 
fils  de  Louis  XVL  Le  22  thermi- 
dor an  5  (9  aoftt  1795),  il  fut  dé- 
noncé et  arrêté  pour  abus  de  pou- 
voir dans  ses  missions  ;mais  l'an»- 
nistie  conventionnelle  du  4  bru- 
maire an  '(  (2()  octobre)  lui  ren- 
dit la  liberté,  et  il  ne  tarda  pas  ;\ 
être  employé  comme  conimissai- 
re  du  pouvoir  exécutif.  Après  la 
révolution  du  18  brumaire  an  8 
(9  novembre  1799),  le  gouverne- 
ment consulaire  le  nomma  ins- 
pecteur des  forêts,  et  il  en  a  rem- 
pli les  fonctions  jusqu'à  l'époque 
où  il  a  été  forcé  d'abandonner  sa 
patrie,  en  vertu  de  la  loi  d'am- 
nistie du  12  janvier  1816.  Un  fils 
de  M.  Chaudron-Rousseau,  qui, 
par  sa  bravoure  et  ses  talens  mi- 
litaires, était  parvenu  au  grade 
de  général  de  brigade ,  à  l'armée 
d*Espagn«,y  est  mort  sur  le  champ 
de  bataille,  dans  la  mémonible 
campagne  de  181  r. 
CHAULNES  ( M ABis- Joseph- 


36a 


CHA 


Lovjs  d'Albert-d'Aillt,  duc  de), 
Darjuit  en  1741.  Son  père  était  le 
duc  (le  Chaulnes,  licutenant-gé- 
né'ral,  et  pair  de  France.  Aprèsa- 
voir  servi  quelque  temps,  le  jeu- 
ne de  Chaulnes  se  retiia  avec  le 
grade  de  colonel,  pour  se  livrera 
l'étude  de  l'histoire  naturelle,  et 
de  la  physique,  dont  son  père  s'é- 
tait aussi  occupé.  Il  parcourut  en 
observateur  différentes  contrées; 
il  visita  l'Egypte,  etenrapportales 
dessins  de  divers  monumens  jus- 
qu'alors peu  ou  mal  observés.  On 
a  de  lui  une  Méthode  pour  satu- 
rer l'eau  cV  air  fixe,  in-4",  et  un 
Mémoire  sur  la  véritable  entrée 
du  monument  égyptienqui se  trou- 
ve à  quatre  lieues  du  Caire,  près 
de  Sacara  ,  monument  qui  ser- 
vait de  sépulture  aux  animaux 
sacrés,  et  qui  portait  le  nom  de 
Puits  des  oiseaux ,  in-4°?  Paris, 
ij83.  Le  duc  de  Chaulnes  est 
mort  dans  les  premiers  temps  de 
la  révolution.  Il  était  de  la  société 
royale  de  Londres.  C'est  lui  qui 
découvrit  la  manière  de  secourir 
au  moyen  de  l'alcali  volatil  les 
personnes  asphyxiées  ;  découver- 
te précieuse  qu'il  n'a  livrée  au  pu- 
blic qu'après  en  avoir  fait  l'épreu- 
ve sur  lui-même.  Il  a  aussi  trouvé 
l'art  de  cristalliser  les  alcalis  ,  en 
les  saturant  d'acide  carbonique 
au-dessus  de  cuves  remplies  de 
bière;  et  il  a  prouvéque  l'air  mé- 
phitique de  ces  cuves  était  formé 
de  ce  même  acide. 

CHAUMEÏON  (Frakçois-Pier- 
ue),  médecin  à  Paris,  est  né  à 
Chouzé-sur-Loire,  en  Touraine, 
le  20  septembre  1775.  Après  avoir 
été  employé  dans  les  armées  et 
dans  les  hôpitaux  militaires ,  il  a 
publié  1°  Essai  médical  sur  les 


cnx 

sympathies ,  i8o5,  in-S";  2*  Es- 
said'  entomologie  niéilicaU-  ^  1 80  5, 
in-4".  C'est  une  thèse  qu'ila  sou- 
tenue à  Strasbourg;  3"  Flore  mé- 
dicale, ouvrage  périodique,  in- 
8°,  qui  doit  avoir  90  livraisons; 
4"  le  Dictionnaire  des  sciences 
médicales,  dont  il  a  déjà  paru  5o 
vol.  in-S";  5"  Journal  universel 
des  sciences  médicales,  in -8°, 
pour  servir  de  supplément  au 
Dictionnaire; 6" BihUotliéque  mé- 
dicale, autre  ouvrage  périodique, 
in-8°,  auquel  il  travaille  en  socié- 
té avec  d'autres  médecins;  ainsi 
qu'aux  deux  ouvrages  précédens; 
7°  enfin  M.  Chaumeton  a  fourni  à 
la  Biographie  universelle ,  des  no- 
tices historiques  sur  des  natura- 
listes et  des  médecins.  Ces  arti- 
cles annoncent  une  grande  con- 
naissance de  la  bibliographie  mé- 
dicale. 

CIIAU METTE  (  Pierue-Gas- 
pard),  né  le  24  mai  1763,  à  Ne- 
vers  ,  condamné  à  mort,  et  exé- 
cuté à  Paris  le  i5  avril  1794-  Son 
père,  cordonnier,  le  destinait  à 
l'état  ecclésiastique  :  il  fit  ses  é- 
tudes,  qu'il  ne  poussa  pas  très- 
loin;  fut  tour  à  tour  mousse,  ti- 
monier, clerc  de  procureur,  moi- 
ne et  journaliste.  Cette  inconstan- 
ce annonçait  un  esprit  inquiet,  a- 
moureux  du  changement  et  des 
nouveautés.  La  révolution  éclata; 
il  se  plut  à  ses  orages,  et  devint 
lui-même  un  des  plus  redoutables 
élémens  des  tempêtes  politiques. 
On  le  vit,  dès  1 789,  se  mêler,  non 
dans  les  rangs  des  vainqueurs  de 
la  Bastille,  mais  dans  les  groupes 
qui,  alors,  commençaient  à  se  for- 
mer :  il  échauffait  la  multitude  par 
des  discours véhémens  et  passion- 
nés, pleins  d'invectives  et  de  dé- 


CHA 

clamations  furieuses;  on  dit  quun 
des  premiers  il  arbora  la  cocarde 
nationale.  L'ambition  ,  déguisée 
sous  ces  formes  populaires,  lui  fit 
rechercher  les  emplois  publics;  il 
n'attendit  point  d'y  être  appelé  ; 
on  le  vit,  au  loaoftt  1792, mem- 
bre de  cettemunicipalité  qui  s'ins- 
talla elle-même,  et  renversa  le  trô- 
ne. C'est  alors  qu'il  abjura  ses  pa- 
trons ,  saint  Pierre  et  saint  Gas- 
pard, que  lui  avait  donnés  son 
parrain ,  pour  prendre  le  nom 
d'Anaxagoras,  auquel  il  donna 
la  préférence,  parce  que,  dit-il, 
le  saint  de  ce  nom  avait  été  pen- 
du pour  son  républicanisme.  Au 
mois  de  décembre  de  la  même 
année,  il  fut  définitivement  nom- 
mé procureur-s3'ndic  de  la  ville 
de  Paris,  dont  il  remplissait  pro- 
visoirement les  fonctions  depuis 
quelque  temps;  et  dès  ce  moment, 
s'établit  entre  la  commune  de 
Paris  et  la  convention  nationale, 
une  lutte  sourde,  mais  terrible, 
pendant  laquelle  la  convention 
eut  presque  toujours  le  dessous, 
et  qui  ne  finit  qu'à  la  chute  de 
Kobespierrt'.  C'est  de  celte  com- 
mune, dont  Chaumette  était  l'or- 
j;ane  et  le  moteur,  que  sortirent 
les  propositions  les  plus  sangui- 
naires ;  telles  que  la  formation 
d'un  tribunal  extraordinaire,  pour 
juger  sans  formes  et  sans  appel; 
la  construction  d'une  guillotine 
ambulante,  montée  sur  quatre 
voues,  pour  marcher  à  la  suite 
de  l'armée  révolutionnaire  ;  il  pro- 
I  osa  de  réunir  et  de  faire  mitrail- 
ler tous  les  jeunes  gens  de  l'âge 
de  la  réquisition  qui  refuseraient 
démarcher;  régla  ces  cérémonies 
connues  sous  le  nom  dcj'éles  de 
la  Raison  f  au  moyco  desquelles 


CHA 


363 


il  voulait,  disait-il,  démoraliser 
le  peuple ,  tant  le  délire  de  ces 
temps  déplorables  avait  le  carac- 
tère de  ce  désordre  moral,  qui  naît 
de  la  fièvre  et  du  transport  au  cer- 
veau. Les  sectaires  de  h»  déesse 
de  la  Raison,  renouvelant  les  fu- 
reurs des  iconoclastes  ,  déchirè- 
rent les  tableaux,  brisèrent  les  sta- 
tues et  lesimages  qui  rappelaient, 
d'une  manière  quelconque,  le  cul- 
te catholique  et  la  royauté.  Chau- 
mette fut  le  provocateur  de  cette 
mesure,  qui  amena  la  destruction 
d"un  grand  nombre  de  chefs-d'œu- 
vre. 11  avait  été  le  principal  au- 
teur de  la  journée  du  3i  mai  1793, 
si  fatale  aux  députés  de  la  Giron- 
de, et  dans  laquelle  L.  S.  Mercier 
assure,  d'après  l'autorité  de  l'Es- 
pagnol ouzman ,  agent  de  Chau- 
mette, que  celui-ci  voulait  enve- 
lopper la  convention  tout  entière. 
Se  voyant  menacéed'unedestruc- 
tion  prochaine  par  la  commune  , 
devenue  toute-puissante  sous  la 
direction  des  Chaumette  et  des 
Hcl  ^rt,  la  convention  se  décida 
a  terrasser  cette  autorité  rivale. 
Les  kébcrtistes  furent  arrêtes,  con- 
damnés ,  et  envoyés  à  l'échafaud 
le  24  mars  1794-  Chaumelle,  qui 
s'était  séparé  de  Camille  Desmou- 
lins en  1790,  et  de  Danton  en 
1793,  lorsqu'il  fut  poursuivi  par 
Robespierre,  parut  aussi  renier 
Hébert  en  1794»  etd'abord  échap- 
pa au  coup  qui  avait  frappé  la 
commune;  mais  sa  chute  suivit 
de  près  celle  de  ses  collègues;  il 
fut  arrêté,  et  conduit  à  la  prison 
du  Luxembourg.  Voici  ce  qu'en 
dill'Almanach  des  prisons  :  «  On 
«vit  arriver  à  son  tour  le  fameux 
»  Chaumette.  Ce  n'était  plus  ce 
»  redoutable  procureur  ^c  la  coin 


5(54  t^HA 

»mnne;  c'élail  tout  bonnement 
»un  indiviJii  tout  honteux,  eu 
»  cheveux  plats  et  luisans.  Sem- 
«blahle  au  renard  surpris  dans 
«des  filets,  il  ])ortait  la  tête  bas- 
»se,  son  œil  était  morne  et  hu- 
«milié,  sa  démarche  lente  et  mal 
«assurée,  sa  contenance  triste  et 
«douloureuse,  sa  voix  douce  et 
»  suppliante.  Parmi  les  divers  com- 
wplimens  qui  lui  furent  faits,  on 
)>  distingua  celui  d'un  certain  ori- 
»  ginal,  qui  lui  dit ,  avec  la  gravi- 
»té  d'un  sénateur  romain  :  Subli- 
rtme  agent  national,  conformé- 
»  ment  à  ton  immortel  réquisitoire, 
»/e  suis  suspect ,  tu  es  suspect. 
«Puis,  montrant  un  de  ses  cama- 
»  rades,  il  est  suspect,  nous  soni- 
»7nes  suspects,  vous  êtes ^spects, 
ails  sont  tous  suspects.  »  Monté 
sur  l'échafaud  ,  il  dit  d'une  voix 
assez  ferme  que  ceux  qui  l'y  a- 
vaient  envoyé  ne  tarderaient  pas 
à  l'y  suivre  ,  prédiction  qui  se 
réalisa  bientôt.  Quelques  person- 
nes ont  vu  ,  dans  Chaumette,  un 
des  agens  de  cette  faction  qui,  au 
nom  de  la  liberté,  poussait  au 
crime  pour  rendre  la  liberté  o- 
dieuse.  Deux  circonstances  peu- 
ventdonnerquelque  vraisemblan- 
ce à  cette  opinion.  L'une  est  que 
Chaumette,  comme  son  patron 
Robespierre,  était  entouré  d'a- 
gens  étrangers,  tels  que  l'Espa- 
gnol Guzman,  l'Allemand  Fleu- 
riot,  le  Polonais  Villscherits  ,  le 
juif  Ralmer,  etc.  L'autre,  c'est 
qu'il  ne  proposa  contre  la  guerre 
de  la  Vendée  que  des  moyens  pro- 
pres à  l'entretenir  :  par  exemple, 
de  n'y  envoyer  que  des  aristo- 
crates ou  des  enrôlés  volontaires, 
jiommés  héros  à  5oo  livres,  qui, 
presque  tous,  passèrent  dans  les 


CHA 

rangs  des  Vendéens ,  après  .s'être 
livrés  sur  leur  route  à  toutes  sor- 
tes d'excès.  Sous  le  costume  gros- 
sier du  sans-culotisme ,  il  affec- 
tait une  espèce  de  recherche  et  d'é- 
légance. Ses  manières  n'avaient 
point  la  rudesse  de  celles  des 
nommes  de  ce  temps  ;  son  organe 
était  net  et  sonore,  et  sa  physio- 
nomie ordinairement  ouverte  et 
sereine. 

CHA13SSARD  (P.  J.  B.  PtBu- 
cola),  poète  et  littérateur,  a  pu- 
blié un  grand  nombre  d'ouvra- 
ges de  tous  les  genres,  dont  la  lis- 
te complète  aurait  aujourd'hui 
peut  d'intérêt.  On  remarque  par- 
mi ses  ouvrages  en  prose,  les  Fê- 
les et  Courtisanes  de  la  Grèce, 
roman  assez  libre,  qui  semble 
composé  de  tout  ce  que  la  décen- 
ce a  dû  faire  rejeter  à  l'abbé  Bar- 
thélémy. Héliogabale,  ou  Ta- 
bleau de  la  Dissolution  des  em- 
pereurs romains,  autre  peinture 
également  obscène,  mais  encore 
plus  révoltante  ;  la  volupté ,  chez 
les  Grecs,  était  une  déesse  quel- 
quefois licencieuse  ,  mais  tou- 
jours pleine  de  grAce.  La  débau- 
che et  la  servitude,  peintes  .avec 
tout  le  talent  possible,  excitent  le 
dégoût.  OnprétendqueM.  Chaus- 
sard  est  l'auteur  des  Auteurs  mo- 
dernes ,  ou  Voyages  de  Christine 
et  de  Casimir  en  France ,  pen- 
dant le  règne  de  Louis  XI f^;  ou- 
vrage plus  intéressant  que  bien 
écrit.  Comme  poète,  M.  Chaus- 
sard  s'est  fait  remarquer  par  l'é- 
nergie et  la  fermeté  de  sa  versifi- 
cation :  un  assez  grand  nombre 
d'odes  qu'il  a  livrées  séparément 
à  l'impression,  portent  l'emprein- 
te d'un  talent  moins  délicat  que 
vigoureux.  Son  Ode  sur  l*Indus- 


CHA 

trie  et  les  arts  est  peut-êlie  ce 
qu'il  a  fait  de  mieux  en  ce  genre; 
on  trouve  de  la  force  et  de  la 
Ijrièveté,  des  vers  bien  frappés, 
mais  une  sécheresse  plus  que  di- 
dactique, dans  son  Epitre  sur  les 
genres  oubliés  par  Boileau.  M. 
Chaussard  est  né  le  9  janvier  1 766  : 
les  circonstances  de  sa  politique, 
que  certains  biographes  lui  repro- 
chent, sont  tellement  vagues,  oi- 
seuses, et  si  peu  prouvées,  que 
nous  ne  pouvons  ni  les  réfuter, 
ni  les  rapporter  ici. 

CHAIJSSIER  (François),  né  à 
Dijon,  vers  1750.  Médecin,  chi- 
miste et  anatomiste,  il  fut  initié  de 
bonne  heure  aux  grands  secrets 
de  son  art,  et  exerça  d'abord  sa 
profession  dans  sa  ville  n;Uale 
iJne  haule  réputation  l'avait  précé- 
dé à  Paris ,  plusieurs  années  avant 
la  révolution ,  et  l'académie  de 
chirurgie  l'avait  reçu  au  nombre 
de  ses  associés  rcg/iicoles.  Nom- 
mé successivement  correspon- 
dant de  Tinstitut  de  France  ,  pro- 
fesseur ù  l'École  de  médecine  de 
Paris,  et  membre  de  la  légion- 
d'honneur,  M.  Chaussier  à  pu- 
blié les  ouvrages  suivans  :  /lié- 
t/iode  de  traiter  les  morsures  des 
animaux  enragés  et  de  la  vipère, 
suivie  d'un  précis  sur  la  pustule 
maligne,  1^85,  ia-ia;  L.r posi- 
tion sommaire  des  muscles  du 
corps  humain ,  suivie  de  la  clas- 
sification et  nomenclature  mé- 
thodique ,  adoptée  au  cours  pu- 
blic d'anatomie  de  Dijon ,  1 78^, 
in-8';  Précis  de  la  srjuelétologie , 
1 797  ;  Tableau  sjrHOf>ti'fue  des 
nerjsde l'homme,  1797,  in-4*;  Ta- 
bleau synoptique  ilcs  propriétés 
caractéristiques  des  principaux 
phénomènes  de  lajbrce  vitale, 


CHA 


365 


1 798  ,  in  - 4"  ;  Table  synoptique 
du  plan  général  des  divisions 
et  sous-divisions  principales  du 
cours  d'anatomie,  1799,  in-fol.  ; 
Découverte  de  la-  vaccine  tt  de 
l'inoculation  de  la  vaccine  ■,  1 80 1 , 
in-8». 

CHAUSSIER  (Hector),  Gis  du 
précédent,  n'a  pas  suivi-lamême 
carrière  que  son  père.  On  a  de  lui 
des  romans  et  des  pièces  de  théâ- 
tre, taits  quelquefois  par  lui  seul, 
le  plus  souvent  en  société.  Voici 
la  liste  de  quelques-uns  des  ou-r 
vrages  qu'il  a  publiés.  (Avec  Bi- 
aet)  le  Tombeau,  etc.,  traduit  sur 
le  manuscrit  A^Anne  Radclijfe  , 

1799,  2  vol.  in-12;  (avec  le  mê- 
me) le  Pacha,  ou  les  Coups  du 
hasard  et  de  la  fortune^  1 799,  in- 
12  ;  ^e  Gros  lot ,  ou  une  Journée 
de  Jocrisse  an  Palais  -  Egalité , 

1800,  in-12;  (avecBonel  et  Châ- 
teauvieux)  un  Trait  d'Jtielvé tins  , 
vaudeville,  1800;  les  Crimes  du 
y audtviUe ,  1 80 1  ;  /d  Fils  sans 
père ,  1 80 1 ,  in-12;  les  Prestiges , 
ou  Amire  et  Sohi ,  mélodrame, 
1802,  iii-i2. 11  a  obtenu  de  grands 
succès  dans  le  mélodrame,  et  pas- 
se pour  V Hector  de  ce  genr«, 
dont  M.  Guilbert  Pixérécourl  est 
VAchdle,  et  M.  Cuvelier  VAga- 
memnon. 

CHAUVEAU-LAGARDE, né 
;\  Chartres,  en  i7t)7.  ^^anl  la  ré- 
volution, il  exerçait  déji\  la  pro- 
fession d'avocat ,  et  les  causes 
dont  bientôt  il  fut  chargé  ,  dans 
des  temps  orageux,  lui  procurè- 
rent de  la  célébrité.  Il  parvint  d'a- 
bord à  sauver  de  l'échafaud  le  géii<  - 
rai  Miranda;  mais  il  ne  lutpasdiissi 
heureux  dans  la  défense  de  Bris- 
sot  et  de  Charlotte  Corda)'.  Son 
cèle  devait  être  infructueux  dans 


36G 


CHA 


le  procès  de  la  reine  M.irie-Antoi- 
nelte  ;  mais  la  postérité  rendra 
justice  à  son  courage.  On  n'ou- 
bliera pas  non  plus  cette  sorte  de 
iegs  que  lui  fit  celle  qui  avait  cru 
servir  son  pays  en  terminant  les 
jours  de  Marat.  «  Pour  preuve  de 
«mon  estime,  lui  écrivait-elle,  je 
«vous  laisse  le  soin  d'acquitter 
M  mes  dettes.  »  Après  la  décision 
du  jury  à  l'égard  de  Marie-An- 
toinette, M.  Chauveau-Lagarde 
observa  que  cette  déclaration  é- 
tant  précise  et  la  loi  formelle , 
son  ministère  finissait.  Quelques 
jours  plus  tard,  il  fut  arrêté  avec 
Tronçon  Ducoudray  ;  mais  après 
avoir  subi  un  interrogatoire,  ils 
recouvrèrent  la  liberté.  Dans  un 
temps  plus  paisible,  il  est  vrai, 
M.  Chauveau-Lagarde  montra  en- 
core beaucoup  de  fermeté  ;  c'é- 
tait en  1 797,  dans  l'atïaiie de Brot- 
lier  et  de  La  Villeheurnois,  accu- 
sés de  conspiration  en  faveur  du 
frère  de  Louis  XVL  Ils  furent 
traités  avec  une  indulgence  à  la- 
quelle le  talent  de  leur  défenseur 
put  contribuer  à  quelques  égards. 
Il  ne  paraissait  pas  aimé  de  Bona- 
parte ,  dont  pourtant  il  avait  re- 
cherché la  bienveillance;  mais  en- 
fin on  rendit  justice  à  son  mé- 
rite, et  il  entra  au  conseil-d'é- 
tat, le  8  juillet  i8o6.  En  i8i4,  il 
porta  la  parole  au  nom  de  ce 
corps,  à  Louis  XVIII,  qui  faisait 
son  entrée  à  Paris.  11  obtint  la 
même  année  des  lettres  de  no- 
blesse. La  défense  du  général  Bon- 
naire  a  fait  beaucoup  d'h  mneur 
à  M.  Chauveau-Lagarde.  Il  ne 
s'est  pas  borné  à  établir  dans  son 
plaidoyer  Tinnocence  de  ce  com- 
in.mdant  de  la  place  de  Condé, 
qui  fut  condamné  à  la  déportation 


CHA 

en  i8iG,  il  l'a  prouvée  dans  u» 
précis  historique  de  la  vie  de  ce 
général.  Dans  cette  même  année 
i8i6,  il  a  fait  aussi  paraître  u- 
ne  notice  historique  sur  les  pro- 
cès de  la  reine  et  de  Madame 
Elisabeth. 

CHAUVEL  (PiERBE  -  Aleïan- 
dre-François),  né  à  Honfleur,  dé- 
partement du  Calvados,  le  23  dé- 
cembre 1766.  Entré  au  service 
dès  le  14  juillet  1781,  il  n'était, 
quand  la  révolution  commença, 
que  sergent-majordes  grenadiers. 
Le  19  avril  1-92,  il  obtint  le  gra- 
de de  sous-lieutenant,  et  fit  en 
celte  qualité  les  campagnes  de 
1792  et  de  1795  aux  armées  du 
Nord  et  du  Centre.  Le  27  pluviô- 
se an  2,  il  fut  nommé  lieutenant, 
et  dès  le  lendemain  capitaine. 
Blessé  d'un  coup  de  feu,  le  8  mes- 
sidor, à  la  bataille  de  Fleurus,  il 
fut  fait  chef  de  bataillon  le  28  du 
même  mois.  Envoyé  à  l'armée 
d'Allemagne,  en  l'an  4«  il  se  dis- 
tingua au  passage  du  Rhin,  le  14 
messidor.  Trois  ans  plus  tard  fl 
commandait,  à  l'armée  Gallo-Ba- 
tave,  un  bataillon  du  49""  de  li- 
gne, aveclequel,  dans  la  journée 
de  Berghen,  après  avoir  fait  pri- 
sonnier le  général  en  chef  Her- 
man,  ainsi  que  son  état-major,  il 
s'empara  de  5  drapeaux  russes, 
et  de  4  pièces  de  canon.  Il  ne  se 
distingua  pas  moins  aux  batailles 
de  Gastricum  et  de  Nuremberg, 
et  dans  cette  dernière  occasion, 
fut  l'objet  des  éloges  particuliers 
d'Augereau  et  d'Andreossy.  Nom- 
mé major  du  64°"  régiment  d'in-^ 
fanterie  de  ligne,  le  5o  frimaire 
an  12,  il  fit  la  campagne  de  i8o5 
en  Autriche,  et  son  courage  mé- 
rita d'être  cité  même  à  Ansterlita. 


$t. 


7  ////  /  y// y/ 


j4lf^..  B,n/(y    ./"< 


CHA 

\oramc  colonel  et  officier  de  la 
légion-d'honneur,  il  fut  envoyé 
à  l'armée  d'Espagne  en  1808; 
se  fit  remarquer  au  passage  du 
Tage,  à  la  prise  de  Talaveira,  à 
la  bataille  d'Ocana,  et  enfin  au 
combat  meurtrier  de  Buen-Veni- 
da.  Nommé  général  de  brigade 
le  10  mars  1809,  il  fit  les  campa- 
gnes de  Russie,  de  Saxe  et  de 
France  ;  et  sous  le  gouvernement 
royal,  reçut  la  décoration  de  l'or- 
dre de  Saint-Louis,  et  le  com- 
mandement du  département  de 
la  Haute-Vienne. 

CHAUVELIN  (François), 
membre  de  la  chambre  des  dépu- 
tés, est  fils  du  marquis  de  Cliau- 
velin,  lieutenant-général,  minis- 
tre à  Gènes,  i  Parme,  ambassa- 
deur à  Turin,  maître  de  la  garde- 
robe  du  roi,  et  qui  fut  l'un  des 
hommes  les  plus  spirituels  et  les 
l>lus  généralement  aimés  de  son 
temps.  Son  fils  a  accepté  toute  la 
succession.  Cette  famille,  l'une 
des  plus  distinguées  de  la  magis- 
trature ,  a  compté,  sous  l'avant- 
dernier  règne  ,  un  garde-des- 
«ceaux,  des  conseillers-d'état,  des 
iutendans  renommés  par  leurs  ta- 
lens  et  leurs  lumières,  et  cet  abbé 
de  Chauvelin,  oncle  du  député, 
conseiller-clerc  au  parlement  de 
Paris,  à  qui  son  zèle  et  son  cou- 
rageux patriotisme  ont  valu  des 
lettres  de  cachet,  et  des  années 
demprisonriemcnt  arbitraire.  Le 
nom  de  cet  abbé,  dans  l'histoire 
<le  c«;lle  époque  ,  est  inséparable 
(le  celui  df's  jésuites,  à  rex[)ulsion 
desquels  il  prit  plus  de  part  qu'au- 
cune autre  personne  en  France. 
C'est  iiu  beau  titre  de  famille  ù 
I  fstime  et  à  la  reconnaissance  pu- 
liquc».  M.  de  Chauvelin,  élevé  à 


CHA  367 

l'Ecole  militaire  de  Paris ,  était 
depuis  très-peu  d'années  au  ser- 
vice en  1789.  Il  occupait  aussi  à 
la  cour  la  charge  de  maître  de  la 
garderobe  qu'avait  possédée  son 
père.  Au  milieu  de  toutes  les  sé- 
ductions de  la  première  jeunesse, 
et  d'une  situation  alors  fort  bril- 
lante, M.  de  Chauvelin  fut  vive- 
ment frappé  du  développement 
de  toutes  les  idées  de  bien  public 
et  de  liberté,  qui  préparèrent  les 
événcmens  de  cette  époque  et 
la  convocation  des  états -géné- 
raux. Trop  jeune  pour  en  faire 
partie,  il  en  suivit  toutes  les  dis- 
cussions avec  un  intérêt  qui  lui  fit 
adopter  un  genre  de  vie  sédentai- 
re et  des  études  sérieuses.  Il  fut 
nommé  aide -de-camp  de  M.  de 
Rochambeau,  depuis  maréchal  de 
France,  au  moment  où  ce  géné- 
ral fut  envoyé,  en  1791,  à  la  fron- 
tière du  Nord,  pour  y  remplir  les 
cadres  dégarnis  par  l'émigration, 
et  former  une  armée  de  défense: 
ce  général  honora  son  jeune  ai- 
de-de-camp d'une  confiance  tou- 
te particulière.  Nommé,  au  mois 
de  février  1792,  ministre  plénipo- 
tentiaire à  Londre,  M.  de  Chau- 
velin se  rendit  à  ce  poste,  après 
avoir  remis  au  roi  la  charge  dont 
il  était  revêtu  près  de  sa  person- 
ne. Parmi  plusieurs  agens  que  le 
ministère  de  France  avait  voulu 
accréditer  en  même  temps  que 
lui,  M.  de  Chauvelin  fut  le  seul 
reconnu;  etdans  les  rapports  qu'il 
entretint  seul  avec  le  ministre  an- 
glais, il  eut  souvent  l'occasion  de 
développer  un  zèle  éclairé,  pru- 
dent, ferme,  et  favorable  aux  in- 
térêts de  son  pays.  Lié  intime- 
ment avec  les  membres  les  plus 
distingués  de  la  brillante  opposi- 


TjGii 


Cil  A 


lion  de  celte  époque,  il  n'en  garda 
pas  moins,  dans  une  position  ln;s- 
délicate  et  fort  épineuse  pour  un 
homme  d'une  extrême  jeunesse, 
toute  la  mesure  conciliable  avec 
ses  devoirs,  sans  laisser  jamais 
porter  au  caractère  dont  il  était 
revêtu,  aucunes  des  atteintes  aux- 
quelles l'exposaient  les  violentes 
préventions  des  plus  émincns  per- 
sonnages du  pays.  L'état  de  guer- 
re où  il  se  trouva  à  Londres,  lui 
donna,  dès  lors,  cette  habitude 
des  périls  politiques qtii  l'ont  ren- 
du si  recommandahle  à  une  épo- 
que bieft  récente,  devenu  d'An- 
gleterre, et  douloureusement  af^ 
fligé  des  événemens ,  dont  la  vio- 
lence avait  enfin  amené  entre  les 
deux  pays  une  rupture  que  tous 
ses  efforts  avaient  relardée  depuis 
plusieurs  mois,  d'après  le  témoi- 
gnage qui  lui  en  a  été  plusieurs 
fois  rendu  dans  les  chambres  du 
parlement,  M.  de  Chauvclin  re- 
put, dès  son  arrivée  à  Paris,  une 
nouvelle  mission  diplomatique 
pour  Florence.  Quand  il  obtint  ce 
poste,  les  agens  français  y  étaient 
exposés  aux  plus  vives  attaques  ; 
MRl.  de  Sémonville  et  -Maret  ve- 
naient d'y  succomber.  Lord  Her- 
vcy  déclara  au  grand-duc  de  Tos- 
cane que  si  M.  de  Chauvelin  ne 
repartait  dans  les  virigt -quatre 
heures,  il  bombarderait  Livour- 
ne;  M.  Chauvelin  partit.  Revenu 
en  France,  au  mépris  de  tous  les 
dangers  decette  affreuse  époque, 
il  y  fut  aussitôt  incarcéré,  subit 
onze  mois  de  prison,  et  menacé 
sans  cesse  de  l'échafaud,  ne  dut 
son  salut  qu'à  la  journée  du  9 
ihermidor.  Retiré  depuisà  la  cam- 
pagne, ilydemeura  pendanttoute 
la  dorée  du  gouvernemeat  direc- 


CHA 

lorial.  IS'unmié  par  le  sénat  mem- 
bre du  tribunal,  il  y  signala  son 
Indépendance  et  son  dévouement 
ù  la  cause  qu'il  avait  embrassée 
eni^SQ.par  une  résistance  ferme 
et  raisrmnée  aux  entreprises  du 
gouvernement  consulaire. Ses  f)- 
pinions  contre  l'établissement  do 
la  légion-d'honneur,  qu'il  qualiûa 
d'ordre  de  chevalerie,  cl  se»  ob- 
servations sur  lebudjetdul'an  1 1, 
le  Orent  aussitôt  désigner  comme 
devanlsortir  du  tribunaldans  Tan- 
née suivante;  il  en  fut  dédom- 
magé à  l'instant  par  le  choix  libre 
des  électeurs  de  l'arrondissement 
de  Bcaune,  qui  le  nommèrent 
leur  candidat  pour  le  corps-légis- 
latif. Le  chef  du  gouvernement, 
attentif  à  cet  avis  de  l'opinion, 
nomma  M.  de  Chauvelin  préfet 
delà  Lys,  département  belge,  oc- 
cupé alors  par  l'armée  de  Texpé- 
dilion  d'Angleterre  que  comman- 
dait le  maréchal  Davousl.  C'est 
dans  ce  poste  que  M.  de  Chauve- 
lin, se  livrant  avec  l'application 
la  plus  suivie  aux  devoirs  et  aux 
travaux  de  l'administration,  ac- 
quit, pendant  huit  années  dexer- 
cice,  celte  expérience  des  affaires 
et  celte  connaissance  des  hom- 
mes, dont  il  a  depuis  t'ait  l'appli- 
cation sur  un  plus  grand  théâtre. 
Sa  volonté,  à  ta  fois  ferme  et  jus- 
te, triompha  de  beaucoup  d'obs- 
tacles; et  toutefois  son  autorité  n« 
cessa  jamais  d'être  populaire  :  aus- 
si les  résultats  de  ses  travaux,  les 
élablissemens  en  tout  genre  qu'il 
forma  et  qui  subsistent,  ont  laissé 
des  traces  et  des  souvenirs  hono- 
rables de  son  administration.  L'ex- 
pédition anglaise  sur  Flessingue 
fut  une  nouvelle  occasion  pour 
M.  de  Chauvelin  de  développer 


CHA 

cette  rare  activiléqn'il  a  reçue  de 
la  nature.  La  plus  généreuse  éner- 
gie contre  celte  oppression  étran- 
gère signala  son  dévout-ment  à  la 
patrie.  Lue  telle  conduite  ne  pou- 
vait échappi-r  à  Napoléon,  qui  ap- 
pela M.  de  (îhauvelin  au  conscil- 
cl'état.  Pendant  deux  années  de 
présence  à  ce  conseil,  il  eut  l'oc- 
casion de  l'aire  valoir  les  coiuiais- 
sances  et  les  principes  qu'il  avait 
recueillis  pendant  savie  adrninis- 
tnitive  ;  et  c'est  à  lui  que  l'on  dut, 
en  sa  qualité  de  rapporteur,  le  dé- 
cret du  if>  décembre  1811,  sur 
l'organisation  des  ponts  et  chaus- 
sées; décret  qui,  depuis  cette  é- 
poque,  a  continué  de  régler  les 
rapports  et  la  marche  de  cette 
grande  administrution.  En  1812, 
M.  de  Chauvelin  fut  envoyé  en 
Catalogue  avec  le  titre  de  conseil- 
ler-d'élat,  intendant  de  deux  dé- 
partemens  à  former.  Sa  répugnan- 
ce pour  une  pareille  mission  ha- 
noraM.  de  Chauvelin  et  trahit  son 
opinion  sur  l'occupation  de  l'Es- 
pagne; mais  son  caractère  devint 
bientôt  la  garantie  des  hahitans,  à 
qui  il  fit  aimer  et  estin)er  l'admi- 
nistration française,  dont  il  de- 
vint le  chef  civil  en  qualité  d'in- 
tendant-général de  la  Catalogne. 
Les  événemens  de  181  ^1  mirent  u- 
ne  lacune  involontairedans  les  ser- 
vices de  iM.de  Chauvelin,  mais  ses 
concitoyens  ne  les  avaient  pas  ou- 
bliés, et  la  pr(^nière  élection  .  faite 
en  vertu  fie  la  loi  du  ô  février,  l'ap- 
pela à  l'honorable  mission  di;  re- 
présenter le  département  de  la 
CAle  d'Or,  à  la  chamlire  des  dé- 
putés. Ici  commencent,  pour  M. 
de  Chauvelin,  une  carrière  et  u- 
ne  renommée,  qui  ont  été  insé- 
parables depuis  cinq  années  ;   et 

T.   IT. 


CHA  369 

cette  faveur  toute  nationale,  bé- 
néfice inappréciable  et  propriété 
exclusive  des  gouvernemens  re- 
présentatifs. Les  éphémérides  de 
la  chambre  pourraient  seules  rap- 
peler ces  improvisations  brillan- 
tes ,  CCS  à-propos  spirituels  à  la 
fois  et  énergiques,  qui  n'ont  ces- 
sé depuis  quatre  sessions,  souvent 
orageuses,  de  signalerceque  nous 
pourrons  appeler  les  repos  de  l'o- 
rateur éloquent  dont  nous  indi- 
quons les  travaux.  Tous  les  suc- 
cès de  la  présence  d'esprit,  vives 
apostrophes,reparlies  imprévu  es, 
saillies  piquantes,  attaques  ingé- 
nieuses et  souvent  plaisantes,  suc- 
cèdent ou  préludent  aux  opinions 
écrites  qui  ont  classé  iH.  de  Chau- 
velin paruùles  premiers  orateurs 
de  la  chambre. Quand  il  parle  de  sa 
place,  c'est  Beaumarchais;  à  la  tri- 
bune, c'est  Barnave  ou  Chapelier. 
Il  y  a  peu  de  repos  pour  l'ennemi, 
quand  3L  de  Chauvelin  est  en 
campagne;  son  attaque  est  tou- 
jours rapide  en  même  temps  que 
son  ordre  est  profond.  lia  le  grand 
talent  de  bien  connaître  son  ter- 
rain et  de  diriger  ses  forces  à  vo- 
lonté, ou  par  masses,  ou  par  frac- 
tions; et  si  la  fortune  de  la  guer- 
re parlementaire  lui  prescrit  la  re- 
traite ,  cette  retraite  a  toujours 
l'air  d'une  attaque.  Les  opinions 
les  pins  remanjuables  de  M.  de 
Chauvelin,  sont,  dans  la  session 
de  i^'-ij,  celle  sur  la  liberté  de  la 
presse;  dans  la  session  de  1818, 
i"  celle  sur  le  projet  de  loi  rela- 
tif au  recrulc?nent  de  l'armée;  a* 
sur  le  projet  de  loi  de  finances. 
(Cette  opinion  bien  remarquable 
ne  fut  pas  prononcée,  en  raison 
de  laclôtiire  de  la  discussion;  mais 
elle  fut  imprimée,  distribuée  aux 
■A 


3^0  CHA 

deux  chambres,  vendue  et  épui- 
sée bientôt  dans  Paris:  elle  iut  aus- 
si traduite  en  anglais;  la  sensa- 
tion qu'elle  produisit  fut  géné- 
rale :  cette  opinion  parut  fon- 
damentale, et  elle  passa  pour  a- 
voir  singulièrement  influé  sur  les 
améliorations  qui  ont  pu  être  re- 
marquées depuis  dans  la  marche 
de  nos  finances.)  3"  Sur  la  propo- 
sition de  iM.  de  Serre,  relative  au 
règlement  de  la  chambre.  Dans  la 
session  de  1819,  1°  une  opinion 
siirles  salpêtres,  une  autre  sur  les 
poudres,  non  imprimées,  mais 
rapportées  au  Monilncr.  2°  Sur 
la  proposition  si  remarquable  de 
M.  du  Meyiet  de  l'Eure  pour  les 
pétitions  :  cette  opinion  ne  fut 
point  imprimée,  mais  elle  fut  é- 
crite  et  rapportée  au  MonUcur. 
Elle  peut  être  intéressante  l'i  con- 
sulter pour  l'attaque  qui  j  est  por- 
tée au  ccmseil  d'état,  comme  ins- 
titution. 3"  Sur  le  projet  de  loi  re- 
latif au  règlement  des  budjets  des 
quatre  années  précédentes.  Cette 
opinion  ouvrit  la  discussion  de 
ces  comptes,  en  portant  la  pre- 
mière attaque  à  toutes  les  opéra- 
tions du  ministre  Corvetto,  dans 
les  emprunts  et  dans  les  jeux  de 
bourse.  4"  Dans  l'orageuse  dis- 
cussion que  provoqua  la  loi  de  la 
presse  proposée  par  M.  de  Serre, 
M.  de  Chauvelin  fut  toujours  sur 
la  brèche,  et  arracha  quelques  a- 
mendemens  utiles.  5"  Sur  l'art. 
31  du  projet  de  loi  des  comptes, 
relatif  â  la  cour  des  comptes. 
Celte  opinion  fut  imprimée.  6° 
Sur  les  donataires  des  4'»  5*",  6* 
classe».  Ce  fut  dans  la  discussion 
relative  à  cette  opinion ,  que  le 
ministère,  pour  se  soustraire  aux 
interpellations   vives  dont  il  fut 


(JIA 

l'objet,  fit  prendre  le  change  par 
une  attaque  épisodique  qu'il  im- 
provisa tout  à  coup  contre  le 
secret  si  fameux  depuis  ,  que 
M.  Bignon  avait  annoncé  ù  l'oc- 
casion du  rappel  dcd  '  pros- 
crits. Enfin,  dans  la  session  de 
1820,  où  le  vote  de  i>I.  de  Chau- 
velin fit  à  lui  seul  accorder  la 
priorité  à  l'amendement  de  M. 
Camille -Jordan,  sur  la  loi  nou- 
velle des  élections ,  cet  orateur 
fut  remarqué  par  deux  opinions  , 
où  il  a  donné  de  nouvelles  preu- 
ve? d'un  patriotisme  éclairé  ,  et 
d'un  talent  qui  fit  face  à  toutes  les 
questions:  dansl'une,  il  parla  con- 
tre le  projet  de  loi  relatif  à  la  pu- 
blication des  journaux  et  écrits 
périodiques;  dans  l'autre,  relati- 
ve au  projet  de  loi  sur  le  règle- 
ment définitif  des  comptes  anté- 
rieurs à  1819,  il  proposa  un  a- 
mendement  dont  l'objet  est  l'éta- 
blissement de  la  spécialité  dans 
le  vote  des  dépenses  du  budjet. 
Il  est  inutilede  retracer  ici  la  par- 
tie dramatique  de  cette  session 
mémorable,  qui  vit  naître  et  finir 
des  troubles  que  l'histoire  con- 
temporaine aurait  peine  à  quali- 
fier. Les  efforts  extraordinaires  et 
les  travaux  auxquels  se  livra  l'p- 
raleurpour  remplir  dignement  et 
à  toute  occurrence,  son  mandat 
de  député,  et  son  devoir  de  ci- 
toyen, portèrent  à  sa  santé  une 
atteinte  que  l'estime  et  la  re- 
connaissance publique  signalè- 
rent hautement  à  l'inquiétude  de 
la  nation.  Cet  intérêt  passionné 
et  bien  légitime  entourait,  au  mi- 
lieu des  orages  bizarres  dont  la 
place  Louis  XV  était  devenue  le 
théûlre,  la  chaise  qui  transpor- 
tait l'orateur  malade  ù  l'assemblée 


CM  A 

et  le  rapportait  à  sa  maison.  Sa 
maladie  devint  ainsi  séditieuse; 
et  la  protection  indispensable  don- 
née par  la  population  aux  infir- 
mités d'un  compatriote,  et  d'un 
des  plus  anciens  défenseurs  de  nos 
libertés,  fit  partie  d'un  procès, 
commechef  d'accusation.  Ainsi  la 
sûreté  individuelle  devenait  un  at- 
tentat contre  la  sûreté  publique. 
M.  de  Chauvelin  a  tout  oublié , 
et  libre  enfin  d'inquiétude  pour  sa 
santé,  a  repris  cette  année,  1821, 
sa  place  accoutumée  sur  les  bancs 
de  l'opposition. 

CHALVELOÏ  (Sylvestre),  né 
à  Beaune  en  174/''  étudia  chez 
les  oratoriens  de  celte  ville  et  lut 
forcé  un  moment  de  se  vouer  au 
barreau.  Dégoûté  <le  cette  étude, 
il  dirigea  son  attention  vers  les 
sciences  exactes  et  l'ut  admis  à 
l'école  de  Mézières,  où  il  eut 
Monge  pour  professeur  et  où  il 
fut  lié  avec  Carnot,  qui  devait 
depuis  suivre  une  route  bien  dil"- 
férente  de  la  sienne.  iM.  Cliauve- 
lot,  devenu  capitaine  dans  l'ar- 
me du  génie,  émigra  après  l'ar- 
restation du  roi  à  Varennes,  fit 
la  campagne  des  princes  en  1 792, 
et  vint  ensuite  avec  un  congé  se 
retirer  à  Brunswick.  C'cstlà  qu'il 
connut  Raestner,  le  savant  histo- 
rien des  mathématiques;  M.  de 
Lach,  le  1"  astronome  de  l'Alle- 
magne ;  Gauss,  héritier  d'une 
partie  de  la  réputation  d'EuIer,  le 
uaturali.sle  Zimmermann,  et  d'au- 
tres savants  dont  il  re^îut  des  té- 
moignages d'eslinie.  et  avec  les- 
«juels  il  entra  en  correspondance, 
avant  et  depuis  son  retour  en 
France  en  i8o5.  On  connaît  de 
M.  Chauvelot  :  1°  une  Introduc- 
tion à  i'électricitc,  avec  des  appli- 


CHA  57» 

cations  ànombre  de  phénomènes 
de  physique,  de  chimie  et  d^&cc- 
noniie  animale,  Madrid  (Bâïon- 
ne),  1788,  in-8°,  brochure  dont 
le  tort  fut  deparaître  un  an  avant 
la  révolution  opérée  par  Lavoi- 
sicr,  Guyton-Morveauet  Berthol- 
let.  2°  Z/C  Livre  des  vérités,  con- 
tenant les  causes  directes  de  la 
révolution  française ,  avec  une  a- 
nalyse  raisonnée  des  missionnai- 
res français  [les  révolutionnai- 
res), Brunswick,  1796,  écrit  in- 
digeste et  pénible  à  lire;  5°  Let- 
tre à  Kant  sur  L'épouvantable 
abus  que  l'on  pourrait  faire  de 
si's  opinions,  ibid.,  1797,  in- 12, 
de  40  pages.  Cet  opuscule  se  res- 
sent un  peu,  comme  le  précé- 
dent, du  siyle  des  ré/iif^iés  ;  4" 
I\ouvelle  introduction  à  la  géomé- 
trie, oii  théorie  exacte  cl  lumi- 
neuse de  l'étendue,  ibid.,  1802, 
ia-8*.  Cet  exposé,  dont  il  y  a  une 
2°"  édition,  se  distingue  par  beau- 
coup de  clarté  et  de  précision  : 
c'est  une  démonstration  méta- 
physique des  notions  élémentai- 
res de  la  géométrie.  Les  travaux 
mathématiques  non  publiés  de 
M.  Chauvelot  ont  particulière- 
ment pour  objet  de  faire  rentrer 
les  problèmes  qui  appartiennent 
aux  mathématiques  transccndan- 
tesdans  le  domaine  des  mathéma- 
tiques élémentaires, et  dedcTuon- 
trer  à  f>riori  toutes  les  notions 
qui  n'ont  pas  encore  été  prouvées 
rationnellement  d'une  manière  ri- 
goureuse, comme  celte  théorie 
des  piirallèles,  que  l'abbé  de  La 
Alennais  appelle  un  des  articles 
de  foi  de  la  géométrie. 

CHAZ,AL(jLAN-PiEnRE),  né  au 
Pont- Saint-Esprit,  le  1"  mars 
17OG,  était  avocat  à  Toulouse  au 


372 


CHA 


commencement  tic  la  révolution. 
Ses  talcns,  f^on  énergie,  cl  la- 
mour  de  la   liberté,    qiril  savait 
peindre  avec  éloquence,    lui  fi- 
rent une   grande  réputation  ,  et 
lui  donnèrent  un  tel  ascendant , 
que  sa  présence  suffisait  pour  a- 
paiser  les  émeutes  populaires  et 
les  insurrections  si  comninnes,  à 
cette  époque,  dans  le  midi  de  la 
France.  C'est  ainsi  que,  dans  A- 
yignon,  il  sauva  un  grand  nom- 
bre de  victimes  près  d'être  im- 
molées; qu'il    préserva   sa  ville 
natale  de  toute  espèce  de  révolte, 
et  qu'il  parvint  à  délivrer  liarjac 
des  troupes  du  comte  du  Saillant, 
qui   s'en  étaient   emparées.    Élu 
député  du  départeujent  du  Garda 
la  convention  nationale,  il  appor- 
ta dans  celte  assemblée  les  prin- 
cipesde  républicanisme  qu'on  re- 
trouve  dans  tous    ses   discours. 
Son  vote,  lorsqu'on  jugea  le  roi, 
fut  rédigé  dans  un  esprit  tout  par- 
ticulier, ç  Je  suis  convaincu  ,  di- 
«  sait-il,  que  Louis  est  coupable  ; 
«mais  sa  mort,  quoique  juste,  a 
«des  dangers  que  n'a  pas  sa  con- 
«servation.  Cesdangers,  quigron- 
«dent  dans  l'avenir  et  sont  déjà 
»  prêts  à  se  lancer  sur  ma  patrie, 
wme  font  un  devoir  de  soumet- 
»tre  à  mes  commettans  une  déci- 
»sion  éventuellement  funeste,  ou 
»  d'en  prendre  une  qui  ne  soit  pas 
«irrévocable.    Je    vole    pour    la 
«mort,  mais  en  adhérant  à  la  ré- 
»  serve  de  Mailhe,  relative  au  sur- 
«sis,  »  Chazal démanda  aveccon- 
rage  la   levée  du  séquestre  ap- 
posé sur  les  biens  des  étrangers  , 
et  la  suppression  des  commissions 
executives,  qu'il  accusait  de  dila- 
pidations et  de  monarchisme.  Il 
fut  membre  du  comité  de  salut 


CHA 

public  et  délégué  de  la  conven- 
tion dans  plusieurs départemens. 
Il  sut  déployer  à  propos,  dansce» 
diverses  missions,  la  fermeté  et 
l'esprit  de  justice  qui  le  caracté- 
risaient. Les  départemens  qu'il 
inspecta,  savoir  :  lAveyron,  le 
Cantal ,  l'Ardèche  ,  la  Lozère,  la 
Haute-Loire  et  le  Puy-de-DAme, 
étaient  très-attachés  à  leurs  prê- 
tres; Chazal  fît  tourner  ces  dispo- 
sitions au  profit  de  la  tranquillité 
publique.  H  n'exigea  des  prêlres 
qu'une  simple  soumission  au  gou- 
vernement; etct^lte  condition  une 
fois  lemplie.  il  fit  lever  le  séques- 
tre apposé  sur  leurs  biens,  et  les 
réintégra  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions.  Cette  conduite  occa- 
siona  son  rappel,  mais  il  ne  re- 
parut pas  à  la  convention.  Admis 
au  conseil  des  cinq-cents,  comme 
l'un  des  membres  composant  les 
deux  tiers  conservés  de  la  con- 
vention, Chazal,  dans  cette  nou- 
velle assemblée,  débuta  par  un  dis- 
cours remarquable  sur  les  droits 
successifs  des  émigrés;  il  y  atta- 
quait vivement  l'abbé  Morellet, 
auteur  d'un  écrit  contre  la  loi  du 
i4  floréal  an  5.  Cette  loi  mainte- 
nait la  confiscation  des  biens  des 
conspirateurs,  des  émigrés,  etc. 
Pendant  le  cours  de  sa  carrière  lé- 
gislative, Chazal  manifesta  cons- 
tamment des  opinions  républi- 
caines. Le  tolérantisme  religieux 
dont  il  avait  donné  des  preuves 
lors  de  sa  mission  dans  les  dépar- 
temens fut  sans  cesse  professé  par 
lui  à  la  tribune,  et  contribua  à  l'a- 
brogation des  lois  pénales  rendues 
contre  les  prêtres  insermentés.  H 
demanda  souvent  la  fin  des  pros- 
criptions et  une  liberté  positive  ; 
cependant,  au  18  fructidor,  il  sk 


CHA 

» 

trouva  du  côté  des  proscripleurs; 
il  prétendait  que  ce  jour  avait  sau- 
vé la  république.  Il  coopéra  au 
18  brumaire  ,  mais  de  bonne  foi 
et  sans  prévoir  que  cette  révolu- 
tion célèbre  devait  amenerla  chu- 
te de  son  idole.  Collaborateur 
d'imeconslitution  qui  ne  fut  poitjt 
adoptée,  il  combattit  avec  cha- 
leur celle  que  le  premier  consul 
avait  fait  rédiger.  Appelé  au  tri- 
buuat.  il  siégeaconstammentdans 
ce  corps  parmi  les  membres  qui 
s'opposaient  à  toute  autre  espèce 
de  gouvernement  que  celui  de  la 
république.  Malgré  la  dissidence 
des  opinions,  le  mérite  deChazaI 
n'avait  point  échappé  au  pr<'mi«'r 
consul,  qui  le  nomma  préfet  du  dé- 
partement des  Hautes-Pvrénées. 
Administrateur  aélé  et  habile, 
ChazaI  resta  pauvre,  parce  qu  il 
était  probe  et  sans  ambition.  Les 
habitans  de  la  ville  de  Tarbes, 
où  il  a  demeuré  plus  de  dix  ans, 
et  généralement  tous  ses  admi- 
nistrés, l'ont  pleuré  comme  un 
père,  (^hazal,  (|ui  n'avait  pas  été 
conservé  par  les  ministres  du  roi, 
à  l'époque  de  son  premier  retour, 
accepta  la  préfecture  du  Finistè- 
re pendant  les  cent  Jours ,  et,  par 
la  suite,  se  trouva  compris  dans 
la  loi  d'amnistie  du  i*i  janvier 
!8i().  Forcé  de  quitter  la  France, 
il  s'est  retiré  dans  le  royaume  des 
Pays-Bas,  oii  il  se  fixa  d'abord  à 
Villevorde,  puis  à  Hruxellcs.  La 
doiu-eur  de  ses  mœurs  et  l'amé- 
nité de  son  esprit  lui  ont  concilié 
l'eslimc  et  l'affection  partout  011 
il  s'est  arrêté. 

<^HAZ.KT  (REisÉ-AiissAîf  de), 
né  eu  1 772.  La  gloire  de  ce  littéra- 
teur, quia  écrit  pour  tout  le  monde 
et  dans  tous  les  pays,  est  tellement 


CHE 


375 


éparpillée,  que  pour  en  retrouver 
les  titres,  il  faudrait  consulter  et 
citer  \\n  nombre  si  prodigieux  de 
vaudevilles,  de  chansons, de  chan- 
son net  tes,  de  romances  p(di  tiques, 
morales  et  autres,  que  nous  som- 
mes à  regret  forcés  de  renoncer  à 
ce  travail  et  de  nous  contenter  de 
donner  ici  une  idée  sommaire  de 
cette  encyclopédie  d"à-pro|>os  et 
de  bouts-rimés,  en  disant  que  sa 
muse  n'a  manqué  dans  l'espace  de 
ces  vingt-cinq  dernières  années, 
à  aucun  événement  ni  à  aucun 
homme  en  place.  Les  seuls  ou- 
vragesde  quelque  poids  qui  soient 
sortis  de  sa  plume,  ou  du  moins 
auxquels  il  ait  eu  part  (car  M.  de 
Chazet  n'a  jamais  rien  écrit  qu'en 
société),  sont  un  petit  Elo^f  de  La 
Harpe,  un  petit  h! toge  de  Cor- 
neille, et  un  précis  historique,  in- 
titulé les  Russes  en  Pologne.  On 
trouve  dans  ces  écrits  de  l'affec- 
tation, quelques  traits  spirituels 
et  beaucoup  de  mauvais  goût. 

CHEMINEAll(i F.  BARON  Jean), 
est  né  le  aO  avril  1771.  lia  dOson 
avancement  à  une  bravoure  peu 
couunime,  même  dans  les  rangs 
fra«)çais.  Major  du  61""  régiuient 
dinfanterie  en  180^,  il  lit  sous 
Masséna  les  campagnes  d'Italie, 
passa  en  Prusse,  pour  joindre 
son  régiment  à  la  grande-armée, 
fit  toute  la  campagne,  se  distin- 
gua dans  presque  toutes  les  ren- 
contres, et  aprèssT'tre  fait  surtout 
remarquer  au  siège  de  Dautrick  , 
fut  nommé  colonel  du  7()""  régi- 
ment d'infanterie  de  ligne  en  rem- 
placeutrnt  dt)  colonel  Lajonquièrc 
tué  quelipie  temps  avant  la  paix 
de  'lilsil,  et  faisait  parlic  du  0™* 
corps  d'armée  commandé  par  le 
maréchal  Ncy  ;  passa  en  Espagne 


574 


CHE 


avec  ce  corps,  el  fi»l  nommé,  par 
INapoIéou,  officiel'  de  la  légion- 
d'honneuv  et  baron  d'empire.  Cet- 
te noblesse  acquise  parl'épée,  il  la 
justifia  par  l'épée;  devenu  général 
de  brigade,  il  signala  de  nouveau 
son  courage  en  Espagne,  principa- 
lement au  siège  de  Palencia  et  au 
pont  deCarrion;  passa  en  Russie, 
d'oùilrevinlenAllemagne,etnese 
montra  pas  moins  brave  et  moins 
habiledansces  malheureuses  cam- 
pagnes, qu'il  ne  l'avait  été  au  jour 
des  succès.  Il  fut  blessé  à  la  ba- 
taille de  Lutzen,  souffrit  l'ampu- 
tation d'une  jambe,  et  se  vit  forcé 
de  quitter  des  drapeauxque  la  for- 
tune se  préparait  à  abandonner. 
Il  obtint  avec  sa  retraite  le  bre- 
vet de  lieutenant-général,  et  fut 
nommé  chevalier  de  Saint-Louis 
en  i8i4-  Le  général  Chemineau 
a  la  réputation  d'un  très-bon  offi- 
cier; il  a  commandé  le  76""  régi- 
îïient  avec  be^vuconp  de  distinc- 
tion. C'est  ce  régiment  qui  retrou- 
va son  drapeau  à  Inspruck  ,  dans 
l'arsenal,  après  la  bataille  d'Auster- 
litz,  drapeau  qui  lui  avait  été  enle- 
vé quelques  années  auparavant  : 
c'est  le  sujet  d'un  beau  tableau 
qui  a  été  vu  an  salon,  et  auquel 
le  peintre  à  cru  devoir  faire  un 
changement  depuis  181 5, en  subs- 
tituant une  figure  à  une  autre. 

CHÉNEDULLÉ  (Charles  de), 
né  à  Vire,  déparlement  du  Cal- 
vados^ vers  1770,  élève  du  col- 
lège de  Juilly.  Il  émigra  au  com- 
mencement de  la  révolution,  on 
ignore  dans  quel  intérêt.  Dejjuis 
sa  rentrée  en  France,  qui  eut  lieu 
après  le  18  brumaire  an  8,  la  car- 
rière politique  fut  étrangère  à  ses 
travaux.  Il  les  consacra  à  la  poé- 
sie ou  à  l'instruction  publique. 


CIIE 

en  qualité  de  professeur  de  belles- 
lettres  au  lycée  de  Caen.  M.  de 
Chénedollé  a  remporté  plusieurs 
palmes  à  l'Académie  des  jeux-flo- 
raux de  Toulouse,  en  1808  et  en 
1816.  Mais  ce  qui  lui  a  fuit  pren- 
dre un  rang  honorable  parmi  les 
poètes  du  19""  siècle,  ce  sont  :  i" 
Le  Génie  de  l'Homme ,  poëme, 
in-8%  1807;  2""  édition,  in-i8, 
1 8 1 2  ;  2"  Etudes  poétiques^  in-8°, 
i82i.Iladonné,avecM.  Fayolle, 
une  édition  des  OEuvres  complè- 
tes de  Rivarol,  5  vol.  in-8°,  1808. 
Le  fils  de  M.  de  Chénedollé  est 
professeur  à  l'Athénée  de  Liège  , 
et  coopère  à  la  rédaction  de  jour- 
naux étr-angers,  particulièrement 
à  celle  du  /Mercure  Belge. 

CHÉNIER  (Louis  de),  naquit 
en  1723,  à  Montfort,  bourg  situé 
dans  les  environs  de  ^Toulouse. 
Originaire  d'un  village  appelé  C/je- 
nier,  situé  entre  le  Poitou  et  la 
Saintonge;  sa  famille  était  depuis 
long-tempsétablie  en  Languedoc, 
oi'l  plusieurs  de  ses  membres 
avaient  successivement  occupé  la 
place  d'inspecteur  des  mines. 
Louis  Chénier,  devenu  orphelin 
très-jeune,  abandonna  l'héritage 
paternel  ;\  sa  sœur,  et  se  rendit  à 
Constantinople,  où  il  fonda  une 
maison  de  commerce.  Bientôt  il 
s'attacha  au  comte  Dessaleur,  am- 
bassadeur de  France  près  la  Porte- 
Ottomane,  et,  lorsque  celui-ci 
mourut  en  1 765,  lui  succéda  com- 
me consul-général  et  chargé  d'af- 
faires jusqu'en  1764.  Quand  M. 
de  Vergennes  fut  nommé  ambas- 
sadeur à  Constantinople,  Louis 
Chénier  revint  en  France,  accom- 
pagna en  1767  le  comte  Bugnon 
chargé  de  se  rendre  en  Afrique  , 
pour  conclure  un  traité  avec  1  em- 


/:,/ 


7  r  ///(■■  / 


CHE 

pereur  de  Maroc,  et  resta  dans  cel- 
te résidence  avec  le  titre  de  chargé 
d'aflaires.  IVappelé  en  17S4,  il  tra- 
vailla à  un  ouvrage  intitulé  Hc- 
chcrches  sur  les  Maures  ,  qu'il  fit 
paraître  en  1787,  et  à  un  autre 
intitulé  Révolutions  de  l'Empire 
Ottoman,   qu'il  publia  en  1789. 
Partisan  éclairé  de  la  révolution, 
il  fut  juge  au  premier  comité  de 
surveillance,  et  s'y  conduisit  avec 
une    modération   honorable.   La 
mort  de  son  fils   André  Chénier 
accéléra  la  sienne,  et  il  expira  le 
7  prairial,  an  3  (25  mai  1796)- 
On  a  de  lui  :  Recherches  histori- 
ques sur  les   Moeurs  et  histoire 
de  l'Empire  de  Maroc ,  Paris  , 
1787  ,  3  vol.  in-8°;   Révolutions 
de  l'Empire  Ottoman  et  obser- 
vations sur  les  progrès ,   sur  les 
revers,  et  sur  Céiat  présent  de 
cet  Empire,  Paris  1789,  in-S"; 
Réclamation  d'un   Citoyen,   pe- 
tite  brochure   de    circonstance. 
M.  Louis  Chénier  eut  quatre  fils  : 
l'aîné  a  ,  comme  son  père,  suivi 
avec  distinction  la  carrière  des 
consulats;  le   second  s'est  élevé 
dans  l'état  militaire  jusqu'au  gra- 
de d'adjudant-général;  les  deux 
plus  jeunes,  que  la  mort  a  déjà 
frappés  depuis  long-temps ,  ont 
brillé  sur  la  scène  politique  et  lit- 
téraire. Les  articles  suivants  leur 
sont  consacrés. 

CHÉNIER  (Marie-Joseph  de), 
né  à  Conslantinople,  le  28  août 
176!!.  Des  trois  hommes  qui  ont 
illustré  ce  nom ,  il  est  sans  con- 
tredit le  plus  illu.stre.  C'est  en 
France  que  l'éducation  développa 
les  généreuses  et  brillantes  qua- 
lités qu'il  avait  reçues  de  la  natu- 
re, il  fil  ses  études  au  collège 
Mazarin,  et  eut  là  pour  professeur 


CHE  375 

l'abbé  Geoffroy,  qui  ne  régentait 
alors  que  des  enfans.  Il  paraît  que 
Chénier  n'était  ni  le  plus  révéren- 
cieux ni  le  plus  docile  de  ses  dis- 
ciples. Quelques  traits  des  lèuil- 
letons  de  ce  pédanl,  et  plus  d'un 
passage  des  satires  du  poète,  prou- 
ve  que  dès  lors    ils    préludaient 
à  celte  guerre,  où  la  férule  pas- 
sa bientôt  des  mains  du  maître 
dans  celles  de  l'écolier.  Chénier, 
qui  avait  embrassé  la  profession 
militaire,  entra,  en  1781,  dans  uu 
régiment   de   dragons,    alors    en 
garnison  à  Niort  :  mais  cette  pro- 
fession, qui  alor»  n'était  pas  celle 
de  la  guerre,    ne  lui   promettait 
pas  assez  de  gloire;  il  y  renonça 
bientôt  pour  se  livrer  tout  entier 
aux  lettres.  A  l'âge  de  aa  ans,  il 
donna,  en  1786,  sa  tragédie  d'//se'- 
mire.  Cette  pièce  promettait  plus 
de  talent  qu'elle  n'en  prouvait; 
elle  obtint  peu  de  succès.  Quatre 
ans   après    parut    la   tragédie  de 
Charles  IX.  Egalement  hardi  sous 
les  rapports  politiques  et  sous  les 
rapports  philosophiques,  cet  ou- 
vrage ne  fut  pas   sans  influence 
dans  la  révolution,  qui  de  son  cô- 
té   influa   sur   l'effet   prodigieux 
qu'il   produisit.    En    tout   temps 
Charles  IX,  par  sa  propre  valeur, 
aurait  obtenu  un   grand  succès. 
Chénier  affectionnait  parli(;uliè- 
rement   cette    pièce ,    à    laquel- 
le il  dut  son  premier  triomphe,  et 
jusqu'au  dernier  moment  il  s'est 
complu  à  la  perfectionner.  Ce  dra- 
me, dirigé  contre  rintolérance  et 
le  despotisme,  fut  attaqué  comme 
attentatoire  à  la  monarchie  et  à  la 
religion.    La  tragédie  de   Heur 
VIII  suivit  celle  de  Charles  !?• 
Le  succès  qu'elh;  obtint  fut  mo-'^s 
grand.  Plus  pathétique  que  ^^li' 


rO 


ciir, 


tique,  elle  remuiiil  moins  les  ji.i.^- 
sions  .rév()liui(;iinuircs;  nous  la 
croyons  néuninoius  supérieure. 
Elle  abonde  en  ><  (  iits  cl  en  situa- 
tions touchantes;  et  >i  jamais  elle 
est  rappelée  an  lliéâlre,  d'où  je  ne 
sais  quelles  considérations  l'ont 
écartée,  elle  y  produira  plus  d'ef- 
fet encore  qu'à  l'époque  de  sa  nou- 
yeauté.  Cependant  la  révolution 
poursuivait  sa  marche.  Chénier, 
qui  avait  embrassé  cette  cause  a- 
vec  toute  l'impétuosité  de  son  ca- 
ractère, marchait  avec  elle,  et  é- 
crivaitsous  son  influence.De  roya- 
liste constitutionnel  qu'il  avait  été 
d'abord,  devenu  républicain,  il 
fit  paraître  son  Caius  Gracclnis. 
Cet  ouvrage,  conçu  dans  les  in- 
térêts de  la  démocratie,  fut  accu- 
sé par  les  royalistes  de  ne  favori- 
ser que  l'anarchie,  et  par  les  anar- 
chistes, de  ne  préconiser  que  la 
modération.  Une  voix,  et  c'était 
celle  d'un  représentant  [yoy .  Ar.- 
BiTE  aîné),  s'éleva  contre  cet  hé- 
mistiche, des  lois  et  non  du  sang/ 
A  cette  voix,  le  sanglant  comité 
dont  cette  ,  maxime  accusait  le 
gouvernement,  ordonna  la  sup- 
pression de  l'ouvrage  qui  la  con- 
sacrait. C'était  réfuter  d'avance 
les  accusations  qui  leur  ont  don- 
né Ciiénier  pour  complice.  A  l'é- 
poque où  l'on  défendait  la  repré- 
sentation de  Caius  Gracchus,  le 
frère  de  Chénier  tombait  sous  la 
hache.  Unis  d'affection,  mais  divi- 
sés d'opinions,  ces  deux  frères  a- 
■vaient  adopté  les  principes  sur  les- 
quels la  révolution  était  originai- 
rement fondée;  mais  tous  deux  ne 
l'étaient  pas  renfermés  dans  les 
imites  de  la  constitution  de  1791» 
^<^sque  la  révolution  les  dépassa. 
Anlvé  Chénier  défeodit  la  monar- 


ClIK 

cliie  (ontre  le  parti  de  son  tiere 
avec  autant  décourage,  cl  j>eut- 
êlrc  autant  de  talent  que  Marie- 
Joseph  en  mit  à  défendre  la  npu- 
bliqui-  contre  les  attaques  de  Ma- 
r.il  et  de  Uobespierre,  qui  vou- 
laient y  substituer,  l  un  la  déma- 
gogie, l'autre  la  dictature.  C'est 
sous  la  dictature  de  Robespierre 
qui,  pour  le  tuer  deux  fojs,  vou- 
lait frapper  Chénier  dans  son  frè- 
re avant  que  de  le  frapper  lui-mê- 
me; c'est  sous  la  dictature  de  Ro- 
bespierre qyi\ihdré  fut  conduit 
à  l'échafaud,  moins  en  punition 
de  ses  opinions  que  de  celles  de 
Joseph,  au  supplice  duquel  le  ty- 
ran préludait  :  et  l'on  n'a  pas  eu 
honte  d'accuser  celuirci  d'être 
complicedecetassassinat,  lui  qui, 
sans  songer  à  ses  propres  dangers, 
sollicita  jusqu'au  dernier  jour  la 
grâce  de  son  frère  auprès  des 
proscripteurs,  dans  la  pensée  des- 
quels il  se  savait  proscrit  lui-mê- 
me !  Atroce  accusation  inventée, 
accréditée  et  accueillie  par  l'es- 
piit  de  parti.  11  est  des  hommes 
qui  s'embarrassent  peu  d'outrager 
l'humanité  entière,  si  par-là  leur 
politique  parvient  à  discréditer  un 
homme.  Chénier  ne  fut  que  trop 
sensible  aux  effets  de  cette  horri- 
ble imputation.  Il  est  plus  facile 
au  crime  de  braver  l'accusateur 
qu'à  l'innocence  de  supporter  la, 
calomnie.  Après  un  long  silence, 
Chénier  y  répondit  par  un  des 
plus  beaux  morceaux  qui  soient 
dans  son  épîlre  à  La  caiumnie. 
Les  vers  qu'il  y  adresse  aux  mâ- 
nes de  son  malheureux  frère  ont 
été  dictés  par  un  grand  talent,  par 
la  sensibilité  la  plus  profonde. 
Nousy  renvoyons  le  lecteur.C'est 
la  plus  éloquente  de  toutes  les  ré- 


CHK 

fulations.  II  n'tst  pas  superflu 
cependant  de  la  fortifier  par  une 
dernière  considération.  Nous  pré- 
sentons au  lecteur  celle  que  M. 
Ârnaull  énonça  sur  la  tombe  de 
son  illustre  confrère  :  <<  Poursuivi 
«par  la  calomnii;,  Chénier  se  ré- 
j>ï'ugia  dans  les  bras  de  sa  mère; 
»se  seraient-ils  ouverts  à  son  re- 
»pentir  s'il  eût  été  couvert  du 
))sang  d'un  frère?»  Les  faits  qui  se 
rattachent  aux  représentations  de 
Caiiis  Gracihu.s  nous  ont  fait  em- 
piéter sur  l'ordre  des  événemens. 
Keprenons-Ie.  Chénier  avait  don- 
né deux  ouvrages  nouveaux,  et 
en  faisait  répéter  un  troisième 
quand  il  se  vit  contraint  à  renon- 
cer momentanément  à  la  scène. 
Les  deux  premiers  ouvrages  sont 
Jean  Calas  ci Fénélon .  TimoU'on 
est  le  troisième.  Jean  Calas,  que 
l'auteur  n'a  pas  voulu  flétrir  du 
titre  de  drame,  n'avait  peut-être 
pas  droit  de  prendre  celui  de  tra- 
gédie. Cependant  si  l'on  considère 
que  dans  celle  pièce  où  les  genres 
ne  sont  pas  mélangés,  et  dont  le 
sujet  est  des  plus  graves,  le  style 
est  conslammeiit  noble  et  palhé- 
tique,  et  que  les  scènes  les  plus 
touchantes  y  sont  terminées  par 
le  dénomment  le  plus  terril)le,  lui 
donnera-t-on  une  dénomination 
qui  la  rabaisse  au  niveau  de  l'ilon- 
niUc  criniiml,  ou  de  /«  liroiielle  du 
yinaif^ricr?  Ne  pinçons  pas  Calas 
auprès  de  Phèdre  ou  de  /-aire;  mais 
plaçons-le  A  colc  de  /l/i'lofiic,  que 
d'après  le  sens  vulgaire  attaché  à 
ce  mot  drann  ,  aucun  homme  de 
goftt  n'est  tenté  d'appeler  de  ce 
nom,  bien  que  rintérèt  de  cette 
pièce  semble  ne  résulter  que  d'in- 
térêts privés,  et  que  les  personna- 
ges qui  ûgurenl  là  uc  soient  pas  des 


CHE 


377 


hommes  publics. Mélanie  et  Calas 
d'uilleurs  ont  plus  d'un  rapport  en- 
semble. Dictés  tous  deux  par  une 
philosophie  amie  de  l'humanité, 
ces  deux  ou\  rages  attaquent  les 
crimes  du  fanatisme,  et  prouvent 
que  la  [)iété  éclairée  ne  peut  pas 
exister  sans  philanthro[tie.  Ces 
deuxouvragesappartienn<;ntàdes 
hommes  d'une  raison  et  d'un  ta- 
lentsupérieurs.  Avouons-le  pour- 
tant sous  le  rapport  du  goût,  La 
Harpe  a  l'avantage  sur  Chénier. 
11  a  mieux  senti ,  mieux  observé 
les  convenances  :  son  style  tou- 
jours noble  est  toujours  naturel. 
Chénier  cesse  quelquefois  d'être 
naturel  pour  être  noble;  il  n'est 
pas  exempt  d'emphase  ,  et  c'est 
dans  le  rôle  de  la  servante  de  Ca- 
las quec«  défaut  se  fait  surtout 
remarquer.  Ou  ne  le  retrouve  pas 
dans  Fénélon,  une  des  jièces  les 
plus  touchantes  qui  soient  à  la 
scène.  Chénier  y  fait  preuve  d'u- 
ne souplesse  de  talent  bien  rare. 
Par  celte  pièce,  où  il  prête  à  Fé- 
nélon une  bonne  action  que  cet 
archevêque  eût  été  capable  de 
faire,  et  que  Fléchicr  a  faite, Ché- 
nier mérita  la  haine  de  l'intolé- 
rance irréligieuse  sans  se  conci- 
lier le  suiVrage  des  dévots.  La  re- 
présentation de  ces  scènes,  où 
l'on  voit  un  pontife  compatissant 
aux  faiblesses  humaines,  devrait- 
elle  être  défendue  par  des  amis  de 
la  religion?  Fsl-ce  dégrader  un 
prêtre  que  d'en  l'aire  un  homme? 
Jiiuoti'on ,  dont  les  répétitions 
avaient  été  interrompues  quel- 
ques mois  avant  la  mort  di'Andn' 
Citénicr ,  fut  représenté  peu  de^^ 
temps  après  celle  de  Robespierre;'* 
11  obtint  un  grand  succès.  Jk3t;> 
sentimens  républicains  dominctit 


r5r8 


ruK 


dans  celle  pu';t<;,  où  cependant,  à 
rexeinplc  de  Voltaire,  dans  Brti- 
tas,  Chénier  a  eu  l'art  de  conci- 
lier les  sentimens  naturels  avec 
les  devoirs  du  citoyen.  Ti/nolcon 
n'offense  ni  les  uns  ni  les  autres. 
Il  n'est  ni  faible  ni  atroce;  il  l'ait, 
pour  prévenir  la  perle  de  son  frè- 
re et  l'asservissement  de  sa  pairie, 
tout  ce  qu'on  doit  attendre  d'un 
héros.  Sa  situation  est  éminem- 
luent  tragique.  11  S'^en  faut  de 
beaucoup  que  La  Harpe,  qui  a  trai- 
té ce  sujet,  s'y  soit  élevé  à  la  hau- 
teur de  Chénier.  A  lexemple  des 
anciens,  il  a  fait  intervenirle  peu- 
ple dans  cette  tragédie  mêlée  de 
chœurs.  La  musique  de  Méhul  n'a 
pas  peu  ajouté  à  l'effet  de  ces 
chœurs,  qui  sont  fort  beaux  par 
eux-mêmes.  Quelque  succès  qu'ait 
obtenu  TmioU'oii,  il  fut  plutôt 
une  source  de  peine  que  de  jouis- 
sance pour  son  auteur,  puisque 
l'on  en  prit  occasion  pour  l'acca- 
bler des  calomnies  que  nous  a- 
vons  réfutées,  et  qu'on  se  préva- 
lut du  choix  de  ce  sujet  pour  af- 
firmer que  Chénierne  l'avait  traité 
que  daub  l'intention  de  faire  ap- 
plaudir en  scène  ses  propres  prin- 
cipes et  ses  propres  actions.  Soit 
par  suite  des  déj^oûts  que  lui  cau- 
sa ta/il  d'acharnement,  soit  par 
suite  des  occupations  que  lui  don- 
nèrent les  alfaires  publiques , 
Chénier  laissa  passer  plusieursan- 
néessans  rien  donner  de  nouveau 
à  la  scène.  Ce  n'est  qu'à  l'époque 
du  couronnement  qu  il  composa 
la  tragédie  de  Q/ «s.  Ainsi, que  M. 
de  Lalii  Toilendai  et  M.  de  Cua- 
teaubriand ,  Chénier  avait  trouvé 
de  grands  traits  de  ressemblance 
entre  ces  deux  conquérans  qui  re- 
levèrent les  autels  [yojez  la  pré- 


CHE 

face  d'Atala).  Cyrus  n'eut  pas  de 
succès,  et  ce  n'est  pas  à  ses  dé- 
fauts comme  ouvrage  dramatique 
qu'il  faut  l'imputer.  En  consen- 
tant à  faire  cet  ouvrage  de  cir- 
constance ,  Chénier  s'était  mis 
dans  une  des  situations  les  plus 
fausses.  Après  avoir  agi  si  vigou- 
reusement contre  la  monarcliie, 
il  ne  pouvait  guère  écrire  pour 
un  monarque  sans  se  compro- 
mt.'ltre.  D'ailleurs  son  caractère 
inflexible  ne  lui  permettait  pas 
d'abjurer  ses  principes.  Auss^i  se 
l'eproduisent-ils  sans  cesse  dans 
cet  acte  de  complaisance  où  les 
éloges  mêmes  sont  des  conseils. 
Les  éloges  déplurent  au  public, 
les  conseils  ne  plurent  pas  au 
prince,  et  Chénier  perdit  sa  répu- 
tation d'indépendance  par  celui 
de  ses  ouvrages  qui  devait  peut- 
être  la  lui  mériter  le  plus.  Sous 
le  rapport  littéraire,  Oyrus  n'est 
pas  à  l'abri  de  quelques  critiques. 
Celte  imitation  du  Ciro  ricunos- 
ciiito  de  Métastase  rappelait  un 
peu  trop  Mérope,  qu'on  ne  fera 
jamais  oublier.  Le  style  en  est 
souvent  plus  lyriqueque  tragique. 
Il  offre  toutefois  des  beautés  d'un 
ordre  supérieur,  telles  que  l'imita- 
tion de  la  prophétie  de  Daniel,  tel- 
les que  le  sermentque  prête  Cyrus 
en  recevant  la  couronne,  et  cer- 
taine invocation  où  se  trouvent 
ces  vers  : 

Que  respectant  des  lois  les  volontés  suprêmes. 
Le  prince  ait  des  amis  et  non  pas  des  sujets; 
Sans  craindre  les  combats  qu'il  chérisse  1<  pa'x; 

§»e  les  pleurs  des  vaincus  désarment  sa  victoire; 
uM  aime  le  mérite  et  permette  la  gloire. 
L'estimer  dans  autrui  c'est  déjà  l'obtenir. 
Prompt  à  récompenser,  qu'il  soit  lent  à  punir. 
Tels  sont  les  vœux  publics;  j'ose  les  faire  enten- 
dre. 

Ces  vers  et  tant  d'autres,  dictés 
par  le  même  esprit,  ne  sont  pas 
d'un  flatteur.  Oynis  est  le  dernier 


CHE 

ouvrage  que  Chénicr  a\i  fait  re- 
présenter. Il  n'avait  cependant 
pas  renoncé  au  thé;1tre.  lMu«ieiirs 
ouvra<fes  puljlié?  après  sa  mort  en 
font  foi.  De  ce  nombre  est  un  Phi- 
lippesfConfi,(\\ù  élaitreçu  depuis 
long-temps  au  Tliéâlre- Français; 
un  Tibirt-,  qu'on  a  espéré  un  mo- 
ment voir  paraître  sur  la  scène 
française,  etqued'injurieusescon- 
sidéralions,  étrangères  toutefois 
à  l'auteur,  en  ont  écarté.  Dans  ce;? 
deux  productions ,  le  génie  de 
Chénierbrillede  tout  l'éclat  qu'un 
talent  consommé  peut  lui  prêter. 
Les  autres  ouvrages  complets  , 
trouvés  dans  son  portefeuille, sont 
une  tragédie  de  BriUus  tt  Cassius, 
des  imitations  de  VOEdipe-roi 
et  de  VOEdipe  à  Colont,  de  Nn- 
than-lt-Saf>e,  d'après  Lfssing.On 
y  a  trouvé  aussi  des  fragmens 
(Viine  Ecole  du  scandale,  d'après 
Shéridan,  et  d'une  traduction  de 
VEltctre  de  Sophocle.  Chénicr 
avait  de  plus  commencé  un  Pk'er- 
llur,  dont  plusieurs  personnes  ont 
entendu  des  fragmens  :  il  paraît 
qu'ils  n'ont  pas  été  retrouvés  dans 
ses  papiers.  Ajoutés  à  un  opéra 
en  un  acte,  intitulé  It  Camp  de 
Grondpré:  et  à  une  petite  comé- 
die en  un  acte,  intitulée  Edward, 
ou  le  Pape  supposé,  représentée 
(en  178Ô)  et  non  imprimée,  ces 
fragmens  compléteraient  la  liste 
des  œuvres  dramatiques  de  Marie- 
Joseph  Chénicr.  I\Iai>  ii  cela  ne  se 
bornent  pas  ses  œuvres  :  en  po- 
litique,  il  a  parlé  sur  quantité 
de  questions  importimtes;  sur 
les  récompenses  dues  aux  savan», 
aux  écrivains  et  aux  artistes;  sur 
la  conservation  des  monumens, 
des  livres  et  des  objets  de  scien- 
ces et  dart;  sur  l'organisation  gé- 


CHE 


^79 


nérale  de  l'instruction  publique; 
sur  l'établissement  spécial  du  con- 
servatoire de  musique.  En  littéra- 
ture proprement  dite,  iirdépen- 
danmient  d'un  écrit  sur  la  liberté 
de>  théâtres,  178g,  on  lui  doit  di- 
vers articles  insérés  dans  le  If  fer- 
cure  en  iHo()  et  1810;  une  tra- 
duction de  la  poétique  d'Aristote, 
et  })lusieurs  discours  sur  les  pre- 
miers siècles  de  la  littérature  fran- 
çaise, discours  lus  à  l'Athénée  de 
Paris.  De  plus,  il  a  composé,  en 
i8og,  un  travail  connu  sous  le  titre 
de  Tableau  de  l'étaletdes pro;^iès 
de  la  littérature  française  depuis 
1789.  Ce  tableau  contient  l'énu- 
mération,  l'analyse  et  l'apprécia- 
tion de  tout  ce  que  cette  période 
de  vingt  ans  a  produit  de  remar- 
quable dans  toutes  les  partiesaux- 
qiiellcs  l'art  d'écrire  peut  être  ap- 
pliqué; et  cette  période,  qui  n'a 
pas  été  stérile ,  n'a  rien  produit 
en  littérature  de  supérieur  à  cet 
ouvrage  où  elle  est  justifiée.  -A 
quelque  époque  que  ce  soit,  on 
en  trouverait  peu  même  qu'on 
puisse  lui  comparer.  Des  chants 
et  des  odes  dont  presque  |pus  les 
sujets  sont  patriotiques;  des  imi- 
tations d'Ossian  ;  des  fragmens 
d'une  épopée,  intitulée  la  Baïa- 
viade;  le  premier  chant  d'un~iT)oë- 
mp  sur  les  Principes  des'urts, 
poëme  non  moins  reiijâiquable 
par  la  justesse  et  la  finesse  des 
observations  q«ie  par  la  grfice  et 
le  pi(|uant  du  style;  plusieurs  é- 
pîtres  politiques  ou  philosophi- 
ques; uiui  traduction  élégante  et 
facile  de  V Arlpoétique  d'Horace; 
une  i.piire  sur  la  calomnie,  épî- 
tre  inspirée  par  la  plus  juste  indi- 
gnation, et  remplie  de  vers  mar- 
qués taulût  au  coin  de  lu  satire  lu 


58o                  CHK  CHE 

plus malif,mc,  laiitôl empreints  de  l'effroi.  Mais  Chénier,  dit-on,  a 
la  sensibilité  la  plus  profoiule  ;  provorpié  le  décret  par  lequel  le 
une  p  //'<■  à  f  oitairi'.  épître  qui  Panthéon  a  été  ouvert  aux  restes 
seinl)l«;  il  \(jiitl(;  dictée  pir  lepoè-  infinies  de  Marat.  Non,  le  poète 
te  phil()sn[)lie  aiupiel  elle  «;st  a-  qui  avait  dit  :  Des  lois  el  non  du 
dressée;  eidiii  des  satires  pleines  siuifi,  n'a  pas  été  le  panégyriste 
de  raison,  de  stdttd'enjouenieut,  deTapûlre  du  meurtre. Aussi  dans 
voilà  ce  dont  se  composerait  la  le  rapport  qui  précéda  le  projet 
colli'clion  complète  (les  œuvres  de  décret  en  question  (Moniteur 
de  Chénier,  collection  encore  à  du  7  frimaire  an  2),  Chénier 
l'aire.  La  vie  de  Chénier  lut  des  ne  p,irle-l-il  que  de  Mirabeau, 
plus  affilées  II  avait  embrassé  les  que  ses  talens  avaient  lait  admet- 
principes  de  la  révolution  ;  il  lut  tre  dans  le  Panthéon,  et  dont  sa 
un  de  ses  poètes,  ou  plutôt  il  lut  vénalité  la  (ait  exclure.  Dans  ce 
un  des  poètes  de  la  iil)erté,  car  rapport,  que  le  nom  de  Marat  ne 
jamais  il  n"a  chanté  qu'elle.  Nom-  souille  pas  une  fois,  Chénier,  qui 
mé  député  à  la  convention  en  l'avait  rédigé,  exprimait  ses  pro- 
1792,  ses  opinions  dans  toutes  lis  près  opinions.  Dans  le  décret  ré- 
circoust;inces  lurent  celles  des  digé  par  le  comité  d'instruction 
Vergiiiaud,  des  Gensonné,  des  publique,  il  ne  faut  voir  que  l'o- 
Guadet;  il  vola  comme  eux  dans  pinion  de  ce  comité,  dont  Chénier 
le  procès  de  Louis  XVI,  et  méri-  était  l'organe.  Pourquoi,  dira- 
tait  d'êlre  proscrit  comme  giron-  t-on,  ne  s'est-il  pas  refusé  à  ce 
din  par  les  terroristes,  à  la  chute  ministère?  Vous  qui  faites  cette 
desquels,  plus  heureux  eue  les  demande,  n'avez-vous  jamais  fié- 
premiers,  il  eut  pourtant  le  bon-  chi  sous  les  circonstancesPet  quel- 
heur  d'assister  et  de  contribuer,  les  circonstances  que  celles  où 
Après  le  10  thermidor,  il  travail-  Chénier  se  trouvait  alors!  Ché- 
la,  avec  une  ardeur  infatigable,  à  nier  entra  dans  le  complot  du  18 
réparer  les  atrocités,  à  mettre  un  brumaire;  mais  il  fut  prouvé  qu'en 
terme  aux  injustices  enfantées  par  cela  il  \oulait  plus  le  renverse- 
l'horrible  système  qui  venait  de  ment  du  directoire  que  l'élévation 
succomber.  jNombre  de  proscrits  de  Bonaparte.  La  chaleur  avec  l.i- 
lui  ont  dû  la  vie  et  la  libeité  ;  il  a  quelle  il  combattit,  à  la  tête  de 
sauvé  Dupont  de  Nemours.  C'est  1  opposition,  les  envahissemens 
sur  sa  [«roposition  que  le  général  progressifs  du  pouvoir  consulai- 
Montesquiou  et  le  citoyen  Talley-  re,  le  firent  conipfendre  dans  l'é- 
rand  de  Périgord  furent  redeva-  limination  que  l'on  vit  bientôt 
blés  du  décret  qui  leur  rendit  mie  subir  au  tribunat. Chénier,  appelé 
pairie.  Enfin  il  prit  part,  après  la  alors  aux  fonctions  dinspecleur- 
terreur,  à  tous  les  actes  parles-  général  de  linstruclion  publique, 
quels  la  convention  lenla  de  se  se  lit  un  scrupule  de  les  remplir 
réconcilier  avec  l'humanité;  et  avec  la  plus  grande  exactitude, 
pendant  la  terreur,  il  avait  été  é-  nnalgré  les  infirmités  qui  l'acca- 
tranger  à  tous  les  actes  par  lesquels  blaient.  Destitué  malheureuse- 
cette  législation  s'en  était  rendue  ment,  non  pas  pour  lui,  au  sujet 


CHE 

de  la  publication  de  son  Epure  à 
p ottaiie,  il  ioniba  dans  le  plus 
affreux  dénftment ,  et  nionlra  à 
cette  oceasion  qu'un  grand  cou- 
rage est  l'all^  naturel  d\in  grand 
talent.  Il  n'avait  pa?  encore  trou- 
vé des  ressources  sullisanles  con- 
tre ses  besoins,  dans  les  produc- 
tions de  son  esprit,  quand  Najio- 
léon  lui  assura  une  pension  de 
8,000  francs.  Il  n'en  a  pfis  joui 
long-temps.  Le  11  janvier  iSii, 
il  succomba  à  la  maladie  qui  le 
travaillait  depuis  douze  ans.  Ce 
lut  une  grande  perte  pour  les  let- 
tres. Agé  de  4/  3"s  à  peine,  il 
n'avait  pas  à  beaucoup  près  four- 
ni la  carrière  que  ses  forces  sem- 
>'  blaient  lui  promettre  de  parcou- 
rir. C'est  dans  la  vigueur,  dans  la 
maturité  de  son  talentque  la  Fran- 
ce Ta  perdu.  Sa  mort  fut  l'occa- 
sion d'un  grand  scandale.  M.  de 
Chateaubriand,  qui  avait  sollicité 
et  obtenu  à  l'institut  national  ou 
impérial,  la  place  du  défunt,  pré- 
tendit faire  son  procès  à  sa  mé- 
moire, dans  le  discours  qui  devait 
en  contenir  l'éloge.  L'institut  re- 
fusa de  laisser  prononcer  le  dis- 
cours; et  la  majeure  partie  de  ceux 
de  ses  membres  qui  se  sont  le 
plus  fortement  prononcés  contre 
les  prétentions  du  réci[tiendai- 
re  en  cette  circonstance,  ont  ces- 
sé depuis  d'être  portés  sur  la  liste 
des  immortels.  I)oné  d'une  Ame 
énergique  et  passioimée,  Chénit;r 
porta  à  l'extrême  ses  qualités  et 
ses  défauts.  Placé  dans  une  situa- 
lion,  engagé  dans  des  événemeus 
plus  propres  à  faire  ressortir  ses 
défauts  que  ses  qualités,  il  ne  faut 
pas  s'étonner  qu'il  ail  été  moins 
loué  que  décrié.  Les  éloge»  qu'on 
n'a  pus  pu  lui  refuser  furent  arra- 


CHE 


58 1 


chés  par  son  génie;  il  en  méritait 
aussi  par  son  caractère,  l  ne  gran- 
de élévation  d  âme  en  faisait  la 
base.  D'elle  provient  cette  infa- 
tigable émulation  par  laquelle 
toutes  ses  actions  s'expliquent. 
Elle  ne  dégénéra  jamais  en  envie; 
Cbénier  était  trop  orgueilleux 
pour  être  envieux  :  elle  le  rendit 
quelquefois  coupable  d'outrages, 
mais  de  bassesses  jamais.  Géné- 
reux jui^que  dans  ses  torts,  ce 
n'est  jamais  que  contre  les  forts 
qu'il  combattit  :  quant  aux  fai- 
bles, c'est  par  des  services  qu'il 
aimait  à  s'en  venger.  Son  ûme, 
ouverte  aux  passions  violentes, 
n'était  pas  plus  fermée  pour  cela 
aux  sentimens  doux  qu'aux  sen- 
timens  généreux.  Ennemi  ou  ami, 
tout  malheureux  pouvait  comp- 
ter sur  lui.  Pieux  envers  sa  mère, 
affectionné  envers  ses  frères,  c'est 
dans  ces  sentimens  qu'on  lui  con- 
testa qu'il  puisait  ses  consolations 
et  ses  chagrins.  S'il  eut  des  enne- 
mis, il  eut  des  auïis,  et  nïérita  les 
uns  et  les  autres.  Constant  dan» 
toutes  ses  affections,  il  le  fut  sur- 
tout dans  ses  amitiés  el  dans  sa 
haine,  parce  qu'elles  n'étaient  en 
lui  que  le  ré.sultat  de  l'estime  ou 
du  mépris.  Voilà  ce  qui  regarde 
son  coeur  :  quant  j\  son  esprit, 
étudiez-le  dans  ce  qu'il  a  produit; 
voyez  s'il  en  est  beaucoup  qui  lui 
puissent  être  comparés  pour  l'é- 
tendue, la  solidité,  la  rectitude, 
la  finesse,  la  vigueur,  la  souples- 
se, la  légèreté,  el  la  grâce  même. 
Chénier  est  mort  dans  la  force  de 
l'âge,  lorsque  ses  aptitudes,  for- 
tifiées par  l'étude  et  l'expérience, 
l'avaient  rendu  non -seulement 
supérieur  i  ses  rivaux,  mais  à  lui- 
même. 


38a 


CHE 


CHENIER  (Î^Urie-Andbéde), 
naquit  i  Cotistantinuple,  le  a()  oc- 
tobre 17O2.  Frère  aîné  de  l'auteur 
de  Citarlft^  IX,  de  Tibcre  et  de 
Fénélon  ,  il  était  le  troisième  fils 
de  Louis  de  Chénier,  consul  géné- 
ral de  France,  et  d'une  Grecque 
remarquable  par  son  esprit  et  sa 
beauté.  Ainsi,  grâce  à  un  caprice 
ingénieux  du  sort,  ces  deux  jeu- 
nes gens,  nés  avec  une  imagina- 
tion éminemment  poétique,  mê- 
laient dans  leurs  veines  le  sang 
de  la  nation  d'Homère  et  le  sang 
de  la  nation  de  Racine.  André 
Chénier  fut  envoyé  en  France  dès 
l'âge  le  plus  tendre;  il  commen- 
ça ses  études  à  Carcassonne,  sous 
la  direction  d'une  tante,  sœur  de 
son  père,  et  les  termina  plus  tard 
au  collège  de  Navarre ,  à  Paris. 
Dès  sa  première  jeunesse,  il  ma- 
nifesta pour  la  poésie  une  passion 
et  des  talens  précoces.  11  sut 
promptement  le  grec,  alors  géné- 
ralement négligé,  et  développa, 
par  la  lecture  des  chefs-d'œuvre 
antiques,  les  heureuses  disposi- 
tions qu'il  avait  reçues  en  nais- 
sant, sur  celte  terre,  ancien  ber- 
ceau du  génie  et  de  l'héroïsme. 
A  vingt  ans ,  il  entra  comme  sous- 
lieutenant  au  régiment  d'Angou- 
mois  ;  mais  l'oisiveté,  insépara- 
ble alors  des  habitudes  d'une  vie 
de  garnison,  lui  fut  insupporta- 
ble. Il  revintà  Paris,  avide  de  cet- 
te gloire  noble  et  rare  que  l'hom- 
me ne  doif  qu'à  lui-même,  et  per- 
suadé que  le  talent  ne  saurait  l'ob- 
tcnir,  s'il  n'est  secondé  par  le  tra- 
vail. Aussi  reprit- il  ses  études 
avec  une  ardeur  inconcevable, 
et  sut-il  conquérir,  dès  cette  épo- 
que, l'honorable  amitié  de  Lavoi- 
Mer,  de  Palissot,  de  David  et  de 


CHE 

Lebrun.  Au  retour  d'un  voyage 
qu'il  fit  eu  Suisse,  pour  rétablir 
sa  sauté  afTaiblic  par  le  travail,  il 
fut  attache  à  M.  de  La  Luzerne, 
ambassadeur  en  Angleterre.  Le» 
déplaisirs  qu'il  éprouva  dans  cet- 
te position,  l'en  éloignèrent  bien- 
tôt. Après  divers  voyages,  ce  fut 
en  1 78Kqu'il  sefixa  à  Pari'j,elcom- 
posa  l'ébauche  de  ces  poésies  ori- 
ginales et  gracieuses ,  où  brille 
l'empreinte  d'ime  imagination  an- 
tique, et  le  germe  d'un  talent  vé- 
ritable. Cependant,  l'aurore  d'une 
révolution  régénératrice  vint  à 
briller  pour  la  France  ;  André 
Chénier  ne  resta  pas  oisif  dans  ce 
grand  mouvement  de  tous  les  es- 
prits. Ami  constant  de  la  liberté, 
ennemi  opiniâtre  de  la  licence,  il 
attaqua  également  par  des  écrits 
courageux,  et  les  abus  qu'il  était 
nécessaire  de  renverser,  et  les  abus 
qu'il  était  dangereux  d'introduire. 
La  haine  acerbe  et  aveugle  des 
partis  a  voulu  accréditer,  à  cet  é- 
gard,  l'existence  d'une  prétendue 
inimitié  politique,  qui  aurait  exis- 
té entre  Chénier  et  son  frère  Ma- 
rie-Joseph, p/iis  Jeune  que  lui; 
différence  d'âge  qu'on  oublie , 
parce  qu'elle  disparut  de  bonne 
heure  devant  l'aînesse  de  la  gloi- 
re ;  celte  inimitié  n'exista  jamais. 
L'an  leur  de  Charles  /A  embrassa 
les  principes  révolutionn-aires  a- 
vec  toute  l'ardeur  de  son  génie; 
et  le  chantre  de  la  feune  Captive, 
avec  toute  la  modération  du  sien  : 
mais  au  fond ,  les  idées  étaient 
les  mêmes;  elles  ne  variaient  que 
par  la  forme  ;  le  but  désiré  était 
commun,  la  conquête  de  la  liber- 
té. Les  moyens  suivis  pour  l'at- 
teindre ont  pu  faire  présumer  en- 
tre les  deux  frères  quelque  dissir 


CIIE 

ilence politique  ,  mais  aucun  nua- 
ge ne  troubla  jamais  l'amitié  sain- 
te et  fraternelle  dont  ils  ne  ces- 
saient de  se  donner  des  preuves. 
A  répoque  où  Ton  jngea  le  roi , 
André  Chénierqui,  dans  un  jour- 
nal rédi{çé  de  concert  avec  lle- 
gnault  de  Saint-Jean-d'Angély  , 
écrivait  depuis  long-temps  en  la- 
veur de  ce  monarque  infortuné  , 
s'oifrit,  ainsi  que  son  collabora- 
teur, à  le  défendre  devant  la  con- 
vention. La  lettre  signée  dans  la 
nuit  du  17  au  iS  janvier,  par  la- 
quelle Louis  XVI  réclame  le  droit 
d'appeler  au  peuple  du  jugement 
de  la  convention  ,  est  d'André 
Chénier.  Contraint  de  se  cacber, 
ce  fut  à  Versailles,  dans  un  asile 
que  lui  procura  son  frère  ,  qu'il 
se  mit  quelque  temps  A  l'abri  des 
fureurs  ultra  -  révolutionnaires  ; 
mais  ayant  eu  l'imprudence  géné- 
reuse d'en  sortir  pour  donner 
quelques  consolations  à  la  famille 
de  M.  Fasloret,  qui  venait  d'être 
arrêté  à  Passy,  André  Chénier  se 
trouva  dans  la  maison  de  cet  ami 
malheureux,  au  moment  où  une 
Visite  domiciliaire  s'y  ellectnait  ; 
arrêté  comme  suspect,  il  fut  jeté 
dans  les  cachots,  Marie-Joseph 
Chénier,  alors  député,  mais  en 
huile  à  la  haine  de  Piobespierre  , 
s'efforça  vainement  de  briser  les 
chaîncsd'un  frère  chéri;  le  silence 
et  l'oubli  de  vinrent  les  seuleschan- 
ces  favorables  au  jeune  poète,  que 
menaçait  la  hache  des  ré  vol  II  lions. 
Mais  M.  Chénier  père  ne  put  conte- 
nir sa  tendresse  inquiète;  devenu, 
par  un  motif  sacré,  le  solliciteur 
asssidu  des  tyrans  de  l'époque, 
il  obtint  de  l'un  d'eux  cette  ré- 
ponse, qui  d'abord  favorablement 
interprétée,  fut  éclaircie  bientôt 


CHE 


585 


par  une  sanglante  catastrophe. 
«  Quoi  !  est-ce  parce  qu'il  porte 
))le  nom  de  Ctinuer,  parce  qu'il 
nest  le  frère  d'un  représentant, 
»que  depuis  six  mois  on  ne  lui  a 
«pas  encore  fait  son  procès?  Al- 
»  lez,  monsieur,  votre  fils  sortira 
«dans  trois  jours.  »  Affreuse  pré- 
diction dont  l'accomplissemeutne 
se  fit  pas  attendre!  André  Ché- 
nier, traduit  devant  le  tribunal 
révolutionnaire ,  ne  daigna  pas 
même  se  défendre.  Déclaré  enne- 
mi du  peuple ,  convaincu  d'avoir 
écrit  contre  la  liberté  et  défendu, 
la  tyrannie ,  il  fut  encore  chargé 
de  l'étrange  délit  d'avoir  ro/i,sy?fre 
poui  s'évader.  Condamné  à  mort, 
son  exécution  fut  fixée  au  7  ther- 
midor (2.')  juillet  1794):  deux 
jours  de  plus  ,  sa  vie  et  son  talent 
n'étaient  pas  enlevés  à  la  France. 
André  Chénier  monta  à  hui  heu- 
res, du  malin  sur  la  charrette  des 
condamnés.  Le  sort,  à  son  der- 
nier moment,  lui  réservait  une 
pénible-et  douce  rencontre;  un 
de  ses  amis  devait  mourir  aussi, 
et  c'est  ensemble  qu'ils  marchè- 
rent à  la  mort!  L'infortuné  Ilou- 
cher  prit  place  sur  le  même  banc 
que  Chénier;  et  durant  le  trajet 
fatal,  on  raconte  qu'ils  récitèrent 
alternativement  la  première  scè- 
ne d'Andromaque ,  chef-d'œuvre 
de  tous  les  siècles,  où  sont  expri- 
més en  vers  immortels  les  senli- 
mens  profonds  du  malheur  et  de 
l'amitié.  On  aioute  que.  prêta 
partir  pour  l'échafaud  ,  (Chénier, 
en  se  frappant  le  front,  s'écria  : 
Et  ponitd lit  j'avais  quelque  chose 
la!  Le  talent  de  ce  jeune  poète 
n'était  pas  encore  formé  ;  mais  ce 
qu'il  a  fait  laisse  deviner  tout  c« 
qu'il  aurait  pu  faire.  Une  poé);-ic 


584 


CHE 


originale  sans  bizarrerie,  gracieu- 
se sans  l'adeur ,  des  scntiuiens 
pleins  diuic  mélancolie  commu- 
nicative,  caractéristnt  des  essais 
qu'il  sentait  lui-même  la  nécessi- 
té de  revoir  avec  nn  soin  rigou- 
reux. Parmi  ces  premières  pro- 
ductions d'un  génie  brillant  d'es- 
pérances ,  on  remarque  un  poè- 
me do  l' Invention ,  l'idylle  intitu- 
lée le  Malade,  et  l'ode  connue 
sous  le  titre  de  la  feune  Captive, 
pièce  charmante  qu'il  composa 
en  prison,  pour  madame  de  Coi- 
gny  (Fleury.  )  Ainsi  la  France, 
comme  à  l'époque  des  deux  Cor- 
neille, aurait  vu  deux  poètes  cé- 
lèbres unir  leurs  palmes  frater- 
nelles, si  l'un  d'eux  n'avait  péri 
presque  à  son  aurore  sous  le  glai- 
re impitoyable  de  la  terreur.  INo'.is 
ne  réfuterons  pas  ici  la  calomnie 
hideuse  qui  voulut  rendre  Marie- 
Joseph  Chénier  responsable  de  la 
mort  de  son  frère.  AiTreuses  épo- 
ques que  celles  où  la  nature  mê- 
me est  en  butte  auxplus sanglan- 
tes accusations,  et  où  les  partis 
fanatisés  cherchent  un  motif  à 
leur  haine  dans  l'invention  des 
crimes  les  plus  absurdes!  Les  œu- 
vres d'André  Chénier  ont  paru 
en  1820;  l'éditeur,  M.  H.  de  La- 
touche,  les  a  fait  précéder  d'une 
notice  qu'on  ne  saurait  lire  sans 
le  plus  vif  intérêt. 

CHÉPY  (Pierre),  né  à  Paris, 
en  1770,  et  fils  d'un  procureur  au 
parlement.  Il  embrassa  la  cause 
de  la  révolution  avec  tout  l'en- 
thousiasme de  la  jeunesse,  se  fit 
recevoir  dans  la  société  des  amis 
de  la  constitution,  où  il  parla  fré- 
quemment; fut  nommé,  en  1792, 
secrétaire  de  légation  à  Liège,  où 
la  prévention  contre  ses  princi- 


CHE 

pes  politiques  ne  lui  permit  pas 
de  dcuieurer  long-temps  ;  passa 
en  la  même  qualité  et  dans  la 
même  année  à  Lisbonne ,  d'où  il 
futcontraintdese  rctirer.ayantété 
accusé  auprès  du  gouvernement 
portugais  d'avoir  fait,  pendant  la 
traversée,  lapologie  de  l'insurrec- 
tion du  10  août.  iJe  retour  à  Pa- 
ris, il  fut  demandé  par  le  général 
Dumouriez,  pourremplir  une  mis- 
sion politique  dans  les  Pays-Bas  , 
ce  qui  lui  valut  ultérieurement  sa 
nomination  à  la  place  de  com- 
missaire du  pouvoir  exécutif  à 
Bruxelles.  Arrête  par  ordre  de  ce 
général,  il  recouvra  sa  liberté  par 
l'intermédiaire  des  représentans 
du  peuple;  revint  à  Paris  pour 
rendre  compte  de  sa  conduite  au 
conseil  exécutif,  et  l'informerdes 
desseins  du  général  qu'il  avait  pé- 
nétrés. Le  ministère  des  relations 
extérieures  auquel  il  n'avait  pas 
cessé  d'être  attaché,  le  nomma 
agent  politique  près  l'armée  des 
Alpes,  pour  diriger  les  rapports 
secrets  avec  les  pays  voisins.  Les 
représentans  du  peuple  le  chargè- 
rent de  négociera  vec  la  république 
de  Genève  un  emprunt  de  diver- 
ses armes  qu'il  obtint.  Les  prin- 
cipes politiques  qu'il  eut  l'occa- 
sion de  développer  dans  les  dé- 
partemens  de  l'Isère  et  du  Mont- 
Blanc,  ayant  fait  souvenir  les  me- 
neurs de  i7î)o,  qu'il  avait  écrit 
avec  indignation,  dans  le  Patriote 
français,  contre  les  massacres  du 
a  septembre  et  contre  le  système 
de  Marat;  ils  le  firent  arrêter  à 
Grenoble,  conduire  à  Paris  sous 
escorte,  renfermer  dans  la  maison 
d'arrêt  des  Carmes,  d'où  la  jour- 
née du  9  thermidor  put  seule  le 
retirer. En  1796,  le  gouvernement 


CHE 

le  no'mma  vice-consul  à  Rhodes  , 
où  il  exerça  ses  fonctions  jusqu'au 
moment  où  les  Turcs,  par  suite 
de  l'invasion  d'Egypte,  se  saisi- 
rent de  sa  personne,  et  lui  firent 
subir,  pendant  près  de  trois  ans, 
au  milieu  des  ra\agcs  de  la  peste  , 
toutes  les  rigueurs  de  l'esclavage. 
Pendant  sa  captivité,  il  l'ut  nom- 
mé par  le  directoire  au  consulat 
d'Ancône  ,  que  les  circonstances 
ne  lui  ont  jamais  permis  d'occu- 
per. Renvoyé  en  France  par  la 
Porte-Ottomane,  d'après  Tinter 
verilion  de  la  Russie,  il  fut,  en 
dédommagement  de  taut  de  souf- 
frances, nommé  agent  consulaire 
à  Guernesey  et  Gersey.  où  mal- 
gré les  tracasseries  du  gouverne- 
ment britannique,  qui  lui  refusa 
son  c.refiiiulut\  il  sut  se  maintenir 
jusqu'à  la  rupture  du  traité  d  A- 
miens.  En  i8o5,  il  fut  nommé 
commissaire-général  de  police  à 
Brest,  où  il  est  resté  jusqu'en  mai 
i8i4»  époque  de  la  suppression 
de  cette  place;  il  a  été  admis  de- 
puis, par  le  roi,  à  jouir  d'une 
pension  de  retraite,  que  le  désin- 
téressement avec  lequel  il  a  géré 
tous  ses  emplois  lui  rendait  bien 
nécessaire. 

CHERIN  (Louis-Nicolas-Hen- 
ai),  ûls  d'un  savant  généalogiste, 
s'ad^)nna  lui-même  à  cette  profes- 
sion jusqu'à  l'Age  de  5o  ans.  il  fit 
imprimer,  en  1788.  un  discours 
tendant  ù  faire  connaître  l'origi- 
ne de  la  noblesse,  ses  différenles 
espèces,  ses  droits  et  ses  préroga- 
tives, la  manière  d'en  établir  les 
preuves,  et  enfin  les  causes  de  sa 
décadence.  Lorsque  la  révolution 
éclata,  Chérin  était  généalogiste 
des  ordres  du  roi  et  conseiller  à 
la  cour  des  aides,  chargé  spécia- 
le. 


CHE 


385 


lement  des  actes  ayant  rapport  à 
la  féodalité.  Le  moment  n'était 
guère  favorable  à  là  science  héral- 
dique. Il  quitta  les  archives  pour 
embrasser  le  parti  des  armes.  Ac- 
cusé, en  1 79'i,  d'avoir  soustrait  des 
litres  de  noblesse,  il  repoussa  vic- 
torieusement cette  inculpation, 
ft  partit  pour  l'armée  du  Nord. 
Il  y  servait,  Tannée  suivante,  en 
qualité  d'adjudant  -  général,  et 
se  conduisit  comme  un  homme 
d'honneur  lors  de  la  défection  de 
Dumouriez.  Après  avoir  annoncé 
à  la  convention  les  succès  des  gar- 
nisons de  Maubeuge  et  de  Valen- 
ciennes,  Chérin  donna  des  détails 
importans  sur  la  défense  de  cette 
dernière  place;  et  lorsqu'ati  mois 
de  juillet  1793  elle  se  rendit  aux 
Autrichiens,  il  se  joignit  à  l'ar- 
mée de  la  Vendée  sous  les  ordres 
du  général  Hoche.  Au  mois  d'a- 
vril i79(),  Chérin,  envoyé  dans  le 
Berri  pour  y  comprimer  l'insur- 
rection royaliste,  contribua  à  la 
défaite  des  chouans  à  Sancerre. 
Il  fat  désigné  pour  accom[)agner 
le  général  Humbert  dans  l'expé- 
dition d'Irlande,  entreprise  en 
octobre  de  la  mf-me  année,  et  a- 
dressa  une  fort  belle  exhortation  à 
l'armée  expéditionnaire.  En  1797 
il  fut  non)mé  général  de  brigade 
et  commandant  de  la  garde  du 
directoire.  Elevé  peu  de  mois  a- 
prés  au  grade  de  général  de  divi- 
sion, Chérin  devint,  en  même 
temps,  chef  de  Télat-njajor  de 
l'armée  du  Rhin.  En  1799,  il  rem- 
playa,  dans  ce  même  grade,  le  gé- 
néral Ernouf à  Tannée  du  Danu- 
be; il  y  servit  sous  les  généraux 
en  chef  Jourdan  et  Mnsséna,  et 
mourut  au  mois  de  juin  de  la 
même  année,  à  la  suite  desblessu- 


586 


CBE 


res  honorables  qu'il  avait  reçues. 
Ma'^sétiu  «;t  Chéiiier  firent  son  é- 
loge;  ce  dernier  ()l)lint  <|uc  ses 
restes  fussent  réunis  à  ceux  des 
généraux  Hoche  et  Marceau.  Ché- 
rin  a  publié  :  la  IVoùle.s.sc  coii.si- 
dérét  sous  ses  diff'âtns  rapports 
dans  les  assemblées  générales  et 
particulières  de  la  nation,  Paris, 
1^788,  in-8";  A b)égé  chronologi- 
que d'édits,  déclarations,  regle- 
niens,  arrétset  lettre.' -patentes  des 
rois  de  France  de  la  5""*  race, 
concernant  le  Jait  de  noblesse, 
Paris,  1788,  in-12. 

CHÉRON  (Loiiis-CLAtiDE),  lit- 
térateur estimable,  est  né  à  Paris 
le  2  octobre  1758,  et  mort  à  Poi- 
tiers le  i5  octobre  1807.  Le  plus 
connu  de  ses  ouvrages  est  une 
imitation  de  la  meilleure  pièce  du 
théâtre  comique  anglais,  School 
for  scandai;  ce  qui,  par  parenthè- 
se, ne  veut  pas  dire  l'Ecole  du 
scandale,  mois  l'Ecole  de  la  mé- 
disance.  Il  y  a  dans  cette  excel- 
lente comédie  de  Shéridan  deux 
parties  bien  distinctes,  deux  ta- 
bleaux également  bien  tracés  : 
la  peinture  animée  des  caquets, 
des  calomnies  et  des  scandales  du 
grand  monde  ;  et  le  portrait  de 
l'hypocrite  de  mœurs.  M.  (ihéron 
a  choisi  cette  dernière,  et  l'a  imi- 
tée sur  la  scène  française  avec  ati- 
tant  d'élégance  que  de  goût  et  de 
fidélité.  Après  avoir  paru  sous 
difFérens  titres,  l'Homme  à  sen-. 
timens,  le  Moraliseur ^V alsain  et 
Florville,  cette  pièce  a  repris  ce- 
lui de  Tartujfe  de  mœurs,  qui 
lui  est  toujours  resté.  On  doit  à 
Chéron  quelques  autres  traduc- 
tions de  l'anglais,  telles  que  cel- 
les du  roman  de  Tom  Jones,  par 
Fielding,   et  plusieurs  brocnu- 


,     CHE 

res  de  peu  d'importance.  Il  é- 
tait  dépourvu  du  talent  de  créer, 
mais  il  possédait  à  un  degré 
assez  remarquable  celui  de  coor- 
donner et  de  polir  les  créa- 
tions d'autrui.  Les  manuscrits 
qu'il  a  laissés  à  sa  famille  n'ont 
pas  vu  le  jour;  et  le  Thérilre-Fran- 
çais,  qui  avait  reçu  deux  piè- 
ces de  lui,  ne  s'est  pas  empres- 
sé de  les  faire  représenter  après 
sa  mort.  On  n'en  connaît  pas 
même  les  titres.  Chéron  fut,  en 
1790,  nommé  administrateur  du 
département  de  Seine -et- Oise, 
siégea  à  l'assemblée  législative 
parmi  les  libéraux  modérés,  fut 
incarcéré  pendant  la  terretir,  mis 
en  lilierté  au  ç)  fructidor,  refusa 
ensuite  d'entrer  aux  cinq-cents, 
et  mourut  préfet  de  la  Vienne. 
CHÉRUBIN!   (Marie -Lotis- 

ClIARLES-ZÉSOBlE  SaLVADOr)  .   mU- 

sicien-composileur ,  meirdire  de 
l'académie  royale  des  beaux-arts, 
l'un  les  surintendans  de  la  mtisi- 
que  du  roi,  et  mimbre  de  la  lé- 
gion-d'honneur, est  né  à  Floren- 
ce, le  8  septembre  1760.  Dès  l'â- 
ge de  9  ans  ,  il  apprit  la  composi- 
tion sous  Bartholomeo-Félici,  et 
soussonfds.  Alessandro,  composi- 
teurs distingués  de  la  fin  du  18°" 
siècle.  Après  leur-mort,  il  passa 
sous  la  direction  de  Pietro-Bizza- 
ri  et  de  Giuseppe  Caslriicci.  Ses 
progrès  furent  tels,  qu'avant  l'â- 
ge de  i5  ans  il  avait  composé  et 
fait  exécutera  Florence  une  mes- 
se et  un  intermède;  et.  avant  18 
ans,  donné  avec  un  égal  succès 
des  ouvrages  à  l'église  et  au  théâ- 
tre. En  1778,  le  grand-duc  de 
Toscane,  Léopold  II,  que  son 
goût  éclairé  rendait  l'ami  et  le 
protecteur  des  artistes,  accorda  à 


CHE 

M.  Clîérubini  une  pension  qui 
permit  au  jeune  compositeur  de 
se  rendre  ù  Bologne,  où  résidait 
le  célèbre  Sarti,  sous  lequel  il  dé- 
sirait perfectionner  ses  études. 
Sarti  prit  en  amitié  son  élève,  et 
lui  donna  d'excellensconseils,  qui 
le  torlilièrent  dans  la  science  du 
contrepitint  et  du  style  idéal  ;  il  le 
chargea  même  pcmr  le  mieux  exer- 
cer, ou  lorsqu'il  était  trop  pressé 
par  de  nombreuses  occupations  , 
de  la  c(tmposition  des  seconds  rô- 
les de  ses  opéras,  en  sorte  que  les 
partitions  du  maître  renferment 
beaucoup  de  morceaux  dus  à  la 
verve  de  l'élève.  Après  avoir  pas- 
sé quatre  ans  sous  la  direction  de 
Sarti,  M.  Chéiubinise  rendit,  en 
1784,  à  Londres,  où  il  demeura 
pendant  deux  ans,  et  où  il  fit  re- 
présenter les  opéras  de  la  Finla 
friiiciptssa  et  Giulio  Saùino.  A- 
vant  de  se  fixer  à  Paris  ,  où  il  é- 
tait  venu  en  178G,  il  alla  à  Turin, 
en  i788,ety  donna  l'opéra  d'/^A<- 
fiénitfnAulicic.  Deretouren  Fran- 
ce ,  il  composa  pour  le  théâtre  de 
l'Académie  royale  de  Musique  , 
l'opéra  de  iJtinophoon .  le  pre- 
mier ouvrage  qu'ilait  fait  exécu- 
ter par  des  artistes  français.  Il  est 
auteur  de  diiFérens  ujorceaux  dé- 
tachés (pii  furent  placés  dans  les 
opéras  italiens  joués  à  Paris,  par 
l'excellente  troupe  de  /lou/fls, 
dans  les  années  1790  et  juivarj- 
tes.  On  se  rappelle  encore  avec 
quel  enthousiasme  les  diuilanti 
applaudissaient  l'admirable  ^wa- 
iuor^  Cara,  tiaioidiptuUc  intro- 
duit dans  l'opéra  Uei  f^'inf^^uUori 
fi:uci.  Depui»  long-temps  M.  Ché- 
rubini  se  préparait  à  donner  son 
grand  opéra  de  Lodoi^hn  ,  qui  fut 
représenté  en  1791,  sur  le  ihéû- 


CHE 


387 


Ire  Feydeau.  Cet  ouvrage  fait  é- 
poque  dans  la  vie  de  l'auteur  et 
dans  l'histoirede  l'art;  il  développa 
un  genre  nouveau  ,  remarquable 
par  la  réunion  de  toutes  les  riches- 
ses instrumentales  aux  chants  les 
plus  larges  et  les  plus  magnifi- 
ques. Eiisa,  Menée,  les  deux 
Journées, el  quelques  autres  com- 
positions d'un  genre  moins  élevé, 
mais  où  se  sont  fait  également  re- 
marquer le  génie  et  la  science  de 
l'auteur,  suivirent  à  peu  d'inter- 
valle Lodoiska.  Les  deux  Jour- 
nées,  qui  fournirent  à  Juliet  l'oc- 
casion de  développer  son  talent 
de  comédien  ,  si  naturel  et  si  vrai, 
et  i  M""  Scio  son  jeu  [)Iein  d'â- 
me et  sa  belie  voix,  furent  pro- 
posées par  la  classe  des  beaux- 
arts,  dans  son  rapport  sur  les  prix 
décennaux, pour  tme  n)ention  ho- 
norable. Les  succès  que  M.  Ché- 
rubijû  obtenait  dans  sa  patrie  a- 
doptive,  portèrent  sa  réputation 
dans  toute  l'Allemagne,  où  sesou- 
vrages  furent  représentés  avec  un 
succès  soutenu,  lise  rendit  à  Vien- 
ne en  »8o5,  et  fit  jouer,  sur  le 
théâtre  impérial  de  celte  ville  ,  l'o- 
péra de  FatUska.  De  retour  à  Pa- 
ris, en  1806,  il  sest  de  nouveau 
livré  à  la  composition,  et  a  donné 
principalement  une  messe  à  troia 
vui.r ,  avecorcheslre,dans  laquel- 
le on  remarque  une  savante  réu- 
nion des  beautés  du  genre  ancien 
et  du  genre  moderne.  A  l'or- 
ganisatinn  du  Conservatoire  do 
musique,  il  en  fut  nommé  l'un 
des  cinq  inspecteurs,  et  fut  con- 
servé lors  de  la  réforme  qui  eiiL 
li«'u  plusieurs  années  après.  On 
sait  qu'il  a  pris  part  à  la  compo- 
sition de  quelques  méthodes  pu- 
bliées par  le  Conservatoire,  en- 


588  CllE 

trc  autres  celles  de  vioior»  el  de 
violoncelle  ,  dans  lesqucllei*  il  a 
ajouté,  sous  les  gammes  ,  des 
basses  en  contre-point  ,  jugées 
d'excellentes  études.  Il  a  publié 
avec  MM.  Gossec,  Méhul  et  Le- 
sueur,  un  ouvrage  sous  le  litre  de 
Principes  élémentaires  de  musi- 
que, suivis  de  soljéges,  pour  servir 
à  l'étude,  nu  Conservatoire  de  mu- 
sique,  a  volumes,  grand  in-4°9 
Paris,  1802.  M.  Chérubini  fait 
partie  du  jury  chargé  de  l'examen 
de  la  composition  musicale  des 
ouvrages  destinés  à  l'académie 
royale  de  musique.  Outre  une 
foule  de  pièces  détachées  dans 
difîérens  génies  pour  l'église,  la 
chambre,  le  théâtre,  et  dans  la 
musique  instrumentale,  particu- 
lièrement une  sonate  pour  deux 
orgues  ,  ce  compositeur  célèbre  a 
publié,  de  1773  à  1779,  des  mes' 
ses,  psaumes,  motets,  oratorio, 
cantates,  intermèdes ,  exécutés  à 
Florence,  en  1780;  Quinto  Fa- 
bio,  opéra  en  3  actes  (Alexandrie); 
en  1782,  Armida  ,  opéra  en  3 
actes  (Florence);  Messenzio ,  o- 
péra  en  3  actes  (même  ville)  ; 
Jdrianoin  Siria  (Livourne);  en 

1783,  Quinto  Fabio  (Rome); 
ho    Sposo    di    tre    Jemine  ;    en 

1784,  Vldalide  ,  opéra  en  2  actes 
(Florence)  ;  AUessandro  neW In- 
die  (Mantoue);  en  1786,  la  Fin- 
taprincipessa  (Londres);  en  1 786, 
Giulio  Sahino ,  et  un  grand 
nombre  de  morceaux  ajoutés  à 
l'opéra  du  Marquis  de  Tulipano 
(Londres);  en  1788,  Ifigenia  in 
Aulide  (Turin);  lJ('}nop/ioon[?a- 
ris);  en  1790,  additions  à  VJta- 
liana  in  Londra ,  de  Cimarosa 
(Paris);  en  1791,  Lodoiska  (Pa- 
ris);  en'  1795,    Koukourgi ,    0- 


CllE 

péia  inédit;  en  i7()4  ,  f>lisa  (Pa- 
ris); en  1797,  Médéc  (Paris);  en 
1 798 ,  l' Hôtellerie  portugaise  (Pa- 
ris); en  1 799,  la  Punition  ,  la  Pri- 
sonnière (Paris);  en  i8oo,  les 
Deux  Journées  (Paris);  en  i8o3, 
Anacréon  (Paris);  en  1804,  A- 
chille  h  Scyros  ,  ballet  (Paris)  ; 
en  1806,  Fanisha  (Vienne);  en 
1809,  Pigmalione  (sur  le  théâtre 
des  Tuileries);  en  1810,  le  Cres- 
cendo ,  en  un  acte  ;  les  Courses 
de  IVew-Market ,  aussi  en  1  acte; 
en  1 81 3,  les  Abencerrages ,  opéra 
en  3  actes,  paroles  de  M.  de  Jouy; 
en  i8i4)  Bayard  à  Mézières,  en 
1  acte ,  en  société  avec  MM.  Boïel- 
dieu  ,  Catel  et  Nicolo;  enfin,  en 
1821  ,  Blanche  de  Provence,  ou 
la  Cour  des  Jées ,  opéra  allégori- 
que en  3  actes,  avec  MM.  Berton  , 
Boïeldieu  ,  Kreutzer  et  Pacr. 

CHEVALIER  (r-oxe-LEuÉVRE). 

CHEZ, Y  ( Axtoi>e-Léo>ard)  , 
professeur  de  langue  et  littératu- 
re shanskrites  au  collège  royal  de 
France.  L'érudition  de  ce  savant 
orientaliste  pourrait  Hiire  soup- 
çonner qu'il  est  originaire  de  la 
presqu'île  de  l'Inde,  qu'il  a  par- 
couru les  bords  du  Gange  et  du 
Catabeda,  ou  qu'il  a  été  élevé  par 
quelque  bramine  ;  cependant  M. 
Chézy  est  né  à  Paris  (en  janvier 
1773);  il  n'a  jamais  voyagé,  et 
c'est  dans  celte  ville  qu'il  a  appris 
la  langue  qu'il  professe  aujour- 
d'hui. Son  père,  directeur  de  l'é- 
cole des  pouts-et-chaussées ,  lui 
fil  donner  une  éducation  brillan- 
te et  solide.  M.  Chézy  avait  un 
goût  décidé  pour  les  langues  o- 
rientales.  Il  passa  de  l'école  Po- 
lytechnique au  collège  de  France; 
il  y  suivit  les  cours  de  MM.  Au- 
dran,  Caussin,  Silvestre  de  Sacy, 


cm 

etc.  Ce  dernier  signala  souvent 
M.  Chézy  comme  un  de  ses  élè- 
ves les  plus  distingués.  Il  a  tra- 
duit du  persan  le  poëme  Med- 
j'noun  t't  Leilii  j  1807,  2  vol.  in- 
18;  et  il  a  publié,  en  i8k'|,  un  é- 
pisode,  tiré  du  shanskrit,  intitulé  : 
YaiijnadaUa-Badha^  ou  la  mort 
de  Yadjnadatta^  in- 18.  La  chaire 
de  langue  shanskrile  qu'occupe 
aujourd'hui  M.  Chézy,  a  été  créée 
pour  lui  par  Louis  X-VIH.  S.  M. 
l'a  également  nommé  membre  de 
la  légion-d'honneur. 

CHIAl'PE  (Ange),  et  non  pas 
André,  comme  l'appelle  mal  à 
propos  la  Biographie  de^Kom- 
mes  vivans,  est  né  dans  la  Corse, 
et  fut  député,  par  cette  île  ,  à  la 
convention  nationale.  Dans  le 
procès  de  Louis XVI,  il  vota  pour 
l'appel  au  peuple,  puis  pour  la  dé- 
tention de  ce  prince  pendant  la 
guerre  et  pour  sa  déportation  à  la 
paix.  Knfin  il  se  déclara  pour  le 
sursis  ;\  l'exécution  de  son  juge- 
ment. Le  20  avril  1793,  il  propo- 
sa à  la  convention  de  déclarer 
qu'elle  ne  retirait  point  sa  con- 
fiance i  vingt-deux  de  ses  mem- 
bres dénoncés  par  les  sections  de 
Paris.  Le  21  décembre  1794»  il 
fut  élu  secrétaire  de  l'assemblée. 
Envoyé  en  mission  dans  le  Midi, 
il  annonça  l'insurrection  tcrroris' 
teàt  Toulon,  à  travers  laquelle  il 
s'était  fait  jour  le  sabre  à  la  main. 
\)n  décret  l'attacha  ensuite  spé- 
cialement à  l'armée  des  Alpes;  et 
au  commencement  de  l'an  4  >  il 
annon^-a  l'acceptation  de  la  cons- 
titution par  l'aile  droite  de  l'ar- 
mée d'Italie.  Député  au  conseil 
des  cinq-cents,  il  y  parla  dans  la 
séance  du  7  novembre  1795,  con- 
tre le  décret  d'arrestation  de  plu- 


cm  589 

sieurs  nouveaux  députés,  accusé.>i 
d'avoir  pris  part  ù  la  révolte  de 
quelques  sections  de  Paris  contre 
la  représentation  nationale,  dans 
la  journée  du  i5  vendémiaire.  En 
l'an  5,  il  demanda  l'envoi  de  la 
constitution  dans  les  dé[)artemens 
du  Golo  ot  du  Liamone ,  qui  for- 
maient alors  les  deux  divisions  de 
la  Corse.  Plus  tard  il  fut  envoyé 
en  qualité  de  sous-prélet  à  Alba, 
département  de  la  Stura.  Après  la 
re  tauralion  ,  il  revint  à  Paris, 
qu'il  continue  d'habiter.  C'est  en- 
core mal  à  propos  que  la  Hiof^ra- 
phie  déjà  citée  prétend  qu'après 
la  journée  du  i<S  bnmiaire  an  8 
(9  novembre  1799),  qui  mit  le 
général  Bonaparte  à  la  tète  du 
gouvernement,  il  aurait  été  suc- 
cessivement juge  et  procureur 
impérial  en  Corse.  Le  fait  est  faux: 
M.  Ange  Chiappe  n'a  jamais  été 
magistral.  On  l'a  confondu  avec 
son  frère  Pierre- François,  qui, 
étant  juge  avant  la  révolution,  a 
toujours  suivi  la  carrière  de  la  ma- 
gistrature, et  est  mort,  en  1811, 
procureur- général  à  la  cour  im- 
périale d'Ajaccio.  —  Jean-Jac- 
QUEsCIIIAPPE,  fils  de  ce  dernier, 
est  ulficicr  du  génie.  Le  24  octo- 
bre 1814,  le  roi  lui  accorda  la  dé- 
coration de  la  légian-d'honneur, 
en  récompense  de  services  bien 
antérieurs,  et  sur  un  travail  fait 
dans  les  bureaux  du  génie,  d'a- 
près la  demande  de  M.  le  maré- 
chal duc  d'AIhuféra.  Pendant  les 
cent  jours ,  Napoléon  l'attacha  à 
sa  personne,  et  le  nomma,  le  29 
mai  181"),  ofTicier  d'ordonnance, 
puis  chef  de  balaillon  du  génie, 
et  olliciir  de  la  légion  d'honneur. 
Il  est  maintenant  employé  à  Lille, 
en  qualité  de  capitaine  du  génie. 


390 


CUl 


CniAUAMONTI  (JEAN-BAPTià- 

te),  savant,  qui  a  écrit  avec  l)cau- 
coup  de  pliilosophie.  11  n'a  pro- 
duit que  des  notices  détachées  , 
mais  où  se  trouvent  beaucoup  d'é- 
rudition et  des  aperçus  neufs.  Nous 
ne  partageons  pas  enlièrementles 
opinions  qu'il  émet  dans  sa  dis- 
sertation sur  le  Gouvernement 
paternel  des  Romains.  Ce  gou- 
vernement/)«/er/it'/ achetait  la  li- 
berté de  Rome,  au  prix  de  l'es- 
clavage du  monde;  merveille  é- 
tonnante  sans  doute,  mais  dont  la 
grandeur  disparaît  devant  l'énor- 
mité  de  son  injustice.  Le  traité  de 
Cliiaramonti  sopra  il  commercio, 
est  digne  des  études  des  hommes 
qui  se  livrent  à  l'économie  poli- 
tique. Il  a  rassemblé  et  ptiblié  à 
Brescia,  en  1766,  tous  ses  opus- 
cules, lus  dans  l'espèce  d'acadé- 
mie qui  se  tenait  chez  le  fameux 
Mazïucchelli.  Il  est  né  à  Brescia, 
en  1751,  et  mort  dans  la  même  vil- 
le, en  1796. 

CHIARI  (l'abbé),  l'un  des  plus 
célèbres  comiques  italiens,  est  né 
à  Brescia,  où  il  est  mort  en  i  788. 
Rival  de  Goldoni,  il  n'a  de  ce  der- 
nier ni  la  franchise  de  dialogue, 
ni  la  vérité  de  pinceau.  On  pour- 
rait trouver  quelque  ressemblan- 
ce entre  lui  et  Aristophane.  Il  met 
habilement  et  audacieusement  la 
satire  sur  la  scène,  mais  ses  per- 
sonnages sontnioins  des  portraits 
que  des  personnifications  de  vi- 
ces, de  nations  et  de  caractères; 
il  y  a  trop  d'allégorie  dans  son  ta- 
lent. Molière,  et  souvent  Goldo- 
ni,  peignent  un  homme  vicieux  ou 
ridicule,  par  l'habile  rapproche- 
ment des  circonstances  qui  for- 
cent son  caractère  à  se  trahir. 
Chiari,  à  l'exemple  d'Aristopha- 


CIII 

ne,  présente,  en  quelque  sorte, 
rabstrartion  et  non  l'aition,  Ti- 
«iée  et  non  la  vie;  pour  pénétrer 
ces  peintures  ingéuien-^es  .  on  est 
forcé  à  quelque  travail  d'«sprit; 
et  la  vérité  de  la  nature,  déjà  si 
altérée  par  les  combinaisons  théâ- 
trales, disj^araît  l'resque  entière- 
ment sous  le  voile  nouveau  de  la 
plus  spirituelle  allégorie.  Chiari 
aime  aussi  à  tracer  des  portraits, 
non  de  l'homme  mais  de  la  pro- 
fession ;  non  des  penchans  primi- 
tifs de  notre  nature,  mais  des  mo- 
difications imprimées  par  telle  ou 
telleftosition  dans  la  société.  Chia- 
ri a  Wît  près  de  trois  cents  comé- 
dies, pleines  de  gaieté,  de  sel,  de 
burlesque,  de  travestissemens, 
d'extravagances,  d'énigmes  et 
de  talent.  Il  excellait  à  rendre  pi- 
quans  sur  la  scène,  les  patois  nom- 
breux des  nombreux  dialectes  de 
l'Italie.  Il  saisissait  la  circonstan- 
ce, flattait  le  goût  du  moment, 
captait  l'amour  populaire  par  une 
imitation  grotesque  et  vive  de  ce 
qui  plaisait  davantage  au  peuple, 
et  voyait  cent  représentations  de 
ses  pièces  se  succéder,  et  l'édition 
tomber  dans  l'oubli.  On  aurait  de 
la  peine  à  composer  un  petit  vo- 
lume de  celles  de  ses  pièces  de 
théâtre  qui  méritent  de  survivre  à 
la  vogue  qu'elles  ontpresque  tou- 
tes obtenue  dan?*  leur  nouveauté. 
CHiFFLET  (N.),  membre  de 
la  chambre  des  députés  de  la  trop 
mémorable  session  de  181. 5,  qui 
termina  ses  travaux  le  29  avril 
1816  ,  a  été  réélu  en  1821 ,  pour 
compléter  la  députalion  du  dé- 
partement du  Doubs  ,  d'après  les 
dispositions  de  la  nouvelle  loi  des 
électioosdumoisde  juin  1820,  qui 
augmente  le  nombre  des  députés. 


cm 

M.  Chifflet  est  un  de  ces  hommes 
qui  se  refuseront  toujours  aux 
concessions  demandées  par  ceux 
qui  connaissent  le  mieux  leur  siè- 
cle. On  connaît  son  amour  vio- 
lent pour  l'ancien  régime,  amour 
qui  se  trouve  rarement  uni  à  quel- 
ques talens; ajoutons  que  M.  Chif- 
flet est  loin  d'en  manquer.  M. 
Ghifllet  arriva  à  la  chambre  de 
i8i5  avec  <les  idées  tellement 
exagérées ,  qu'on  peut  alïirmer 
que  le  même  degré  d'eilervescen- 
ce,  chez  ses  collègues ,  eût  cer- 
tainement perdu  la  cause  roya- 
le, et  les  aurait  eux-mêmes  ren- 
dus victimes  de  leur  opiniâtreté. 
Le  dévoueuïent  le  plus  loual)le  a 
besoin  d'être  dirigé  :  celui  de  M. 
Chifflet  dépassait  toutes  les  bor- 
nes ;  il  allait  touj<jurs  plus  loin 
que  les  ministres.  Lorsque  ceux- 
ci  propoviérent  la  loi  d'amnistie  a- 
doptéelei  2  janvier  i8i6,il  établit 
dans  la  discussion  du  projctque  les 
biens  de  ceuxqui  seraient  condam- 
nés, devaient  être  confisqués.  Peu 
de  temps  après,  il  chercha  à  prou- 
ver qu'il  était  indispensable  que 
le  clergé  redevînt  nroprictairt'VX 
qu'il  fît  un  corps  dans  l'état,  tan- 
dis que  M.  de  Castelbajac  lui- 
même  demandait  seulement .  au 
nom  de  la  commission  dont  il  é- 
lait  rai)porteur,  que  le  clergé  fftt 
aulori.-é  ;'i  recevoir  les  donations 
qui  seraient  faites  en  sa  faveur. 
La  propf>s»tion  de  M.  de  Bonald, 
pour  la  suj)pression  du  di  vorce,  fut 
soutenue,  par  >L  Chifflet,  de  la 
manière  la  plusétrangf:  il  parla  de 
religiim  sans  aborder  la  question 
civile;  et  la  loi  qui  prononce  l'a- 
bolition du  divorce,  loi  si  impor- 
tan(«:  pour  la  société,  semble  avoir 
été  discutée,  grâces  u  sa  logique, 


CHO  Sq» 

par  des  théologiens,  et  non  par  de» 
législateurs.  Cette  grande  ques- 
tion résolue  par  M.  Chiffletchargé 
d'examiner  la  proposition,  fut  sui- 
vie dune  loi  c(uitraire  à  r()|)inion 
des  plus  grands  légistes.  Il  comp- 
te, parmi  ses  ancêtres,  plusieurs 
membres  du  parlement  de  Fran- 
che-Comté. Il  vient  d'être  nommé 
premier  président  de  la  cour  roya- 
lede  Besançon  (novembre  1821). 

CHINARD  (J.),  sculpteur,  né 
le  12  février  1756,  et  mort  à 
Lyon  le  19  mai  18 15,  remporta 
à  Rome  le  preinier  prix  de  sculp- 
ture le  12  juin  1786,  honneur  que 
n'avait  encore  eu  aucun  Français. 
Il  a  laissé  un  grand  nombre  de 
bustes  et  de  statues  qui  sont  esti- 
més des  connaisseurs.  On  remar- 
qua au  salon  de  i8o()  deux  bustes 
sortis  de  son  ciseau  :  celui  de 
l'impératrice  Joséphine,  et  celui 
du  prince  Eugène.  H  a  eu  quel- 
que part  aux  sculptures  de  l'arc- 
de-lriomphe  de  la  place  du  Car- 
rousel. Il  était  membre  de  l'aca- 
démie et  du  cercle  littéraire  de 
Lyon. 

CHOFFARD  (Pierre -Philip- 
pe), dessinateur  et  graveur,  na- 
quit à  Paris,  en  17^0,  d'une  fa- 
mille peu  favorisée  de  la  fortune. 
Orphelin  dès  iSge  de  10  ans,  il 
fut  placé  chezd'IleuLind,  graveur 
de  géographie.  Mais  bi«'n  tôt,  trou- 
vant ce  genre  trop  circonscrit 
pour  son  génie  qui  commençait 
i\  se  développer,  il  s'occupa  de  la 
composition  et  de  la  gravure  des 
cartouches  qui  ornent  les  cartes 
et  les  plans.  Il  se  livra  avec  ar- 
deur à  l'étude  du  dessin,  parvint 
à  composer  et  à  graver  des  vignet- 
tes destinées  ii  orner  les  belles  é- 
ditions  de  nos  auteurs  anciens  et 


ÙQ-2 


CHO 


modernes,  et  entreprit  même  de 
graver  deux  jolies  gouaches  de 
Beauduin,  peintre  alors  fort  à  la 
mode  ;  ces  deux  estampes  obtin- 
rent un  grand  succès.  Si  nous  con- 
sidérons Choffard  comme  compo- 
siteur, nous  nepourrons  disconve- 
nir qu'il  est  en  quelque  sorte  créa- 
teur d'un  nouveau  genre.  Rien  de 
plus  ingénieux  et  de  plus  poétique 
que  les  vignettes,  fleurons,  etc., 
qu'il  a  composés,  soit  pour  les  Mé- 
tamorphoses d'Ovide,  l'Histoire 
de  la  maison  de  Bourbon,  de  Dé- 
sormaux,  et  les  Contes  de  la  Fon- 
taine, de  l'édition  dite  des  fermiers- 
généraux.  Les  vignellesqu'il  a  des- 
sinées  pour  l'ouvrage] du  prince 
de  Ligne,  intitulé  les  Préjugés 
militaires, présentent  dans  un  pe- 
tit espace  un  vaste  champ,  aussi 
riche  que  varié.  Comme  graveur, 
cet  artiste,  qui  s'est  formé  lui-mê- 
me, ne  mérite  pas  moinsd'éloges. 
Une  pointe  fine  et  spirituelle,  qui 
anime  tout  ce  qu'elle  trace,  for- 
me le  caractère  de  son  talent.  Le 
seul  reproche  qu'on  pourrait  lui 
faire  serait  celui  d'avoir  mis  sou- 
vent trop  de  goût  et  de  détails 
dans  ses  productions,  ce  qui  dé- 
truit le  large  et  le  grandiose  qu'on 
aimerait  quelquefois  à  y  rencon- 
trer. Doué  d'un  caractère  doux  et 
obligeant,  d'une  belle  figure  et 
d'un  esprit  orné,  Chofîard  était 
accueilli,  et  même  recherché  dans 
toutes  les  bonnes  sociétés  :  il  est 
mort  à  Paris  le  7  mars  1809.  On 
a  de  lui  une  Notice  historique  sur 
la  gravure,  imprimée  in-8°,  en 
i8o5,  et  réimprimée  en  1809, 
dans  laquelle  on  remarque  des  ob- 
servations aussi  utiles  que  judi- 
cieuses. Il  existe  deux  notices  sur 
cet  a-liste,  par  M.  Ponce,  beau- 


CHO 

coup  plus  étendues,  imprimées^ 
l'une  dans  les  mémoires  de  l'A- 
thénée des  arts,  et  l'autre  dans 
l'annuaire  de  la  société  des  arts 
graphiques. 

CHOISEUL  -  STAINVILLE 
(le  duc  Claude-A:(toine-Gabriel 
de),  succéda  au  titre  et  à  la  pairie 
du  célèbre  duc  de  Choiseul,  dont 
le  ministère  à  jeté  beaucoup  d'é- 
clat sur  quelques  années  de  la  fin 
du  règne  de  Louis  XV.  Reçu  pair 
à  l'âge  de  aSans,  en  1787,  il  com- 
mença sa  carrière  politique  aux 
séances  mémorables  du  parle- 
ment, lors  des  arrestations  de 
MM.  d'Esprémenil  et  de  Montsa- 
bert,  et  s'y  fit  remarquer  par  la 
franchise  et  la  noblesse  de  ses  opi- 
nions. Colonel  en  second  des  dra- 
gons de  La  Rochefoucauld,  et  en- 
suite colonel  du  régiment  royal 
dragons,  le  duc  de  Choiseul  fut 
choisi,  aveclemarquis  de  Bouille 
et  le  comte  de  Farsen,  pour  pré- 
parer la  fuite  de  Louis  XVI,  en 
1793  ,  et  assurer  son  voyage  jus- 
qu'à Clermont.  Arrêté  avec  la  fa- 
mille royale  à  Varennes  (dont  le 
poste  ne  lui  avait  pas  été  confié  ), 
il  fut, après  d'imminenspérils,  em- 
prisonné à  Verdun,  et  de  là  trans- 
féré dans  les  prisons  de  la  haute- 
cour  nationale  d'Orléans,  sur  un 
décret  d'accusation  de  l'assem- 
blé constituante.  On  assure  que 
les  détails  exacts  de  cet  événe- 
mens  seront  un  jour  publiés  par 
lui,  et  que  cette  intéressante  re- 
lation rectifiera  plus  d'une  erreur. 
Sorti  des  prisons  d'Orléans  après 
l'acceptation  de  la  constitution 
par  le  roi  Louis  XVI,  M.  de  Choi- 
seul retourna  près  de  ce  prince  , 
partagea  ses  périls  et  ceux  de  la 
reine,  dont  il  fut  nommé  cheva- 


CHO 

lier-d'honneur  en  1702,  exposa 
{rénéreusement  sa  vie  clans  les 
journées  du  20  juinel  du  10  août, 
pour  sauver  la  leur;  et  quand  tous 
les  courtisans  abandonnaient  l'au- 
guste laniille,  il  lut  du  très-petit 
nombre  de  ceux  qui  restèrent  fi- 
dèles à  ses  malheurs.  RI.  de  Choi- 
seulnes'en  sépara  qu'au  moment 
où  le  roi  fut  transiéré  à  la  tour 
du  Temple.  I\lis  hors  la  loi  et  sa 
tête  à  prix,  il  ne  sortit  de  France 
qu'après  les  massacres  de  septem- 
bre, avec  un  passe-port  et  sous  un 
unitbrmeespafjnols.  Notre  impar- 
tialité nous  fait  un  devoir  de  re- 
tracer avec  d'autant  plus  de  fidé- 
lité la  vie  honorable  de  M.  de 
Choiseul,  que  dans  le  cours  de  la 
révolution,  la  classe  des  émigrés 
français,  au  milieu  desquels  les 
événemens  le  forcèrent  à  se  ré- 
fugier, ne  nous  fournira  peut-être 
pas  une  autre  preuve  des  vertus 
dont  il  a  donné  l'cxemjyle.  Dé- 
pouillé de  tout,  jeté  sur  la  plage 
étrangère,  sans  autre  ressource 
que  son  épée  et  son  courage,  en 
proie  à  la  plus  profonde  douleur, 
par  la  mort  du  roi  qui  l'avait  ho- 
noré de  sa  confiance  cl  de  son  a- 
mitié,  M.  de  Choiseul  leva  un  ré- 
giment de  hussards,  quiportason 
nom,  et  qui  devint  l'asile  d'im 
grand  nombre  de  Français  pros- 
crits. Il  fit  brillamment  la  guerre 
à  leur  tête  ,  fut  fait  une  première 
fois  prisonnier  ,  en  mars  1795,  et 
conduit  à  Dunkerque;  il  s'échap- 
pa de  la  prison  où  il  avait  été  ren- 
fermé, et  alla  rejoindre  des  éten- 
dards qui  n'étaient  malheureuse- 
ment pas  ceux  de  la  Fran"e.  La 
neutralité  du  Hanovre  ayant  été 
reconnue,  il  fit  avec  le  gouverne- 
ment   anglais    une    capitulation 


CHO 


5<v5 


pour  passer  aux  Indes-Orientales 
avec  le  superbe  corps  qu'il  avait 
formé,  et  s'embarqua  i\  Stades, 
le  12  novembre  »7<)5:  le  17  du 
même  mois  ,  trois  de  ses  vais- 
seaux de  transport  se  brisèrent 
sur  la  côte  de  Calais;  beaucoup 
d'hommes  périrent  ;  il  fut  du 
nombre  de  ceux  qui  se  sauvèrent 
à  la  nage.  Ici  commence  pour 
M.  de  Choiseul  une  série  de  pé- 
rils et  de  malheurs  qui  le  mit  cha- 
que jour  en  présence  de  la  mort, 
pendant  près  de  cinq  ans  que  du- 
ra sa  détention.  Traduit  comme 
émigré  rentré  devant  une  com- 
mission militait  e  qui  jugeait  sans 
appel,  l'arrêt  qui  l'acquittait  n'en 
fut  pas  moins  attaqué  par  le  di- 
rectoire, à  la  cour  de  cassation, 
et  ensuite  au  corps  législatif.  L'o- 
pinion publique  se  révolta  contre 
un  déni  de  justice  et  d'humani- 
té ,  par  lequel  on  s'efforçait  d'ap- 
pliquer à  des  hommes  jetés  par 
la  tempête  snr  les  côtes  de  France, 
une  loi  qui  punissait  de  mort  les 
Français  émigrés  qui  y  rentraient 
volontairement.  M.  de  Choiseul 
et  ses  compagnons  d'infortune, 
si  connus  alors  sous  le  nom  de 
Naufragés  de  Calais,  passèrent 
de  longues  années  dans  l'attenle 
du  supplice  sans  cesse  offert  à 
leurs  yeux.  Ce  procès  fameux, 
malgré  une  loi  favorable,  rendue 
avant  le  19  IVuctidor  sur  les  rap- 
ports éloquens  de  Camille  Jor- 
dan, au  conseil  des  cinq-cents^  et 
de  Porlalis,  au  conseil  des  an- 
ciens, recommença  de  nouveau 
avec  plus  d'animosité  après  cette 
épo(|ue.  Nous  laissons  aux  édi- 
teurs des  Causes  Célèbres  à  re- 
cueillir les  divers  épisodes,  à  stig- 
matiser du  nom  qui  lui  convient, 


594  cno 

telhommoqiiise  (it  alors  l'odioiix 
interprète  des  fiinnirs  révolution- 
naires contre  les  naiifraf^és  de 
Calais,  et  qui  depuis  (  rut  méri- 
ter sa  grâce,  en  ap|)elaul  la  ven- 
geance et  les  pro^crimions  sur  la 
tête  des  amis  de  la  liberté  :  bor- 
nons-nous à  dire  <|iie  sans  la  ré- 
volution du  i8  l)ruir)aire,  M.  de 
Choiseul  et  ses  compajifiHms  de 
naufrage  n'exisleraienl  plus.  Un 
des  premiers  actes  du  gouverne- 
ment consulaire  fut  d'ordonner 
une  enquête  sur  les  traitemens  é- 
prouvés  par  les  naufragés  de  Ca- 
lais, qui  avaient  <'té  conduits  en- 
chaînés deux  à  deux  des  casemat- 
tes  de  fyi//i  au  château  de  Hani  : 
à  la  suite  de  celte  enquête,  le  pre- 
mier consul  Bonajvarte  fit  dépor- 
ter M.  de  Choiseulen  pays  neutre, 
le  1*"^  de  l'an  1800;  il  obtint  la  per- 
mission de  rentrer  en  France  en 
180  i;  de  nouvelles  traverses  l'y 
attendaient  :  il  fut  mis  au  Temple 
et  ensuite  exilé  pendant  18  mois. 
Le  premier  consul  parut  croire 
qu'il  av^ait  été  initié  aux  relations 
de  Moreau  avec  Piclu'gru  ;  mais 
au  milieu  de  tant  de  vicissitudes, 
M.  de  Choiseul  avait  pour  lui  la 
loyauté  connue  de  son  caractère, 
la  grandeur  d'âme  du  chef  du  gou- 
Yernementl  et  des  scutimens  qui 
rappellent  toujoiM's  la  justice.  A  la 
restauration,  M.  de  Choiseul  re- 
prit son  rang  parmi  les  pairs,  et 
fut  nommé  lieutenant-géuéral  en 
juin  i8i4;  il  était  maréchal-de- 
camp  depuis  nombre  d'années. 
Le  commandement  en  chef  de  la 
1"  division  d»;  la  garde-nationale 
parisienne  lui  fut  confié.  Nommé 
au  iliois  de  déceml)re  de  la  même 
année  1814?!  aH^'cbemenl  de  cet- 
te légion  et  l'estime  générale  fu- 


CHO 

rent  la  récompense  d'une  condui- 
te piditi(|ue,  dans  laquidle  M.  de 
(ihoiseul  sut  touiours  concilier 
ses  alFections  et  ses  devoirs,  sc»n 
dévouement  au  prince  et  son  res- 
pect irjviolalde  pruir  les  institu- 
tions conslituliounelles.  Un»'  jus- 
tice entière  <|u  il  faut  lui  rendre, 
et  qui  tient  lieu  du  |)liis  brillant 
éloge,  c  est  (ju'en  aucun  temps  il 
n'a  témoigné  le  moindre  ressen- 
timent des  persécutions  qu'il  a 
souffertes,  ni  le  moindre  regret  de 
la  perle  d'une  immense  fortune. 
Jamais  a.icun  retour  aux  an(;ien- 
nes  idées  ne  s'est  fait  sentir  dans 
ses  actions  ou  dans  ses  paroles. 
Nommé,  en  i8i5,  président  du 
Collège  électoral  des  Vosges,  et 
ensuite  président  du  conseil-gé- 
néral de  ce  département,  ses  sen- 
liuiens  patriotiques  lui  ont  acquis 
l'estime,  raffe.tionet  la  confian- 
ce de  ses  concitoyens  :  il  en  a  eu 
la  preuve,  le  jour  de  I  inaugura- 
tion du  buste  de  Jeanne-d'Arc  à 
Donremy,  le  10  septembre  1820, 
où  les  acclamations  d'une  poj)u- 
lation  entière  lui  firent  l'appli- 
cation la  plus  honorable  de  cette 
première  phrase  du  discours  qu'il 
prononça  à  cetle  occasion  :  «  S'il 
«existe  un  bonheur  réel,  s'il  exis- 
»  te  une  gloire  et  des  honneurs  du- 
»  râbles,  c'est  dans  l'accomplisse- 
«ment  de  ses  devoirs  de  cit03^en, 
»  c'est  dans  l'estime  de  ses  com- 
))  patriotes;  c'est  dans  la  certitude 
H d  avoir  mérité  le  nom  de  bon 
rt  Français.  »  Dans  la  discussion  du 
projet  de  loi  sur  le  recrutement 
de  Tarmée,  M.  de  Choiseul  fit  ob- 
server «que  si  Ion  réunissait  les 
«diverses  prc)positi()ns  faites  par 
nies  membres  qui  combattent 
»la  loi.  il  serait  impossible  d'en 


CHO 

.)  faire  une  bonne;  caries  uns  veu- 
)lent  (les  articles  qne  les  autre!? 
)  rejettent.  »  Il  vota  pour  une  loi 
tout  à  la  fois  nationale  et  royale; 
dégagée  des  ainendennens  propo- 
sés par  la  majorité  de  la  commis- 
sion. Le  duc  de  Choiseul  combat- 
tit la  proposition  de  M.  Barthé- 
lémy relative  à  la  loi  des  élec- 
tions, et  la  regarda  comme  désas- 
treuse dans  ses  efîVts  et  proscrite 
par  l'opinion  publique  :  l'adop- 
tion de  cette  mesure  transformée 
en  loi  l'année  suivante,  a  trop  justi- 
fié les  craintes  de  M.  de  Choiseul. 
Les  contemporains  se  souvien- 
nent, et  la  postérité  n'oubliera  pas, 
que  dans  le  procès  de  la  conspi- 
ration du  19  aoflt  1830,  il  prit 
noblement  la  défense  de  M.  le 
général  Merlin,  dont  le  père  n'é- 
tait pas  resté  étranger  aux  lon- 
gues persécutions  auxquelles  les 
naufragés  de  Calais  furent  si  long- 
temps en  butte.  Son  opinion  tou- 
cha viverjient  la  cour  des  pairs, 
qui  n'entendit  pas  sans  une  gran- 
de émotion,  un  discours  dont 
la  péroraison  était  un  appel  i\  tous 
les  scntimens  de  justice  et  de  gé- 
nérosité. «  Ce  n'estpoint,  y  disait- 
»il,  une  générosité  aveugle  qui 
»m'a  inspiré  ces  réflexions  ;  il  est 
»  doux  sans  doute  de  rendre  le  bien 
npour  le  mal.  Le  père  du  général 
»  Merlin  avait  proscrit  ma  tête  ; 
»  mais  son  fils  est  inattaquable,  et 
«votre  arrêt  achèvera  de  le  prou- 
DTcr.  I»  La  mise  hors  de  cause  du 
général  fut  pour  M.  de  Choiseul 
le  prix  le  plus  doux  de  ses  noble» 
efforts.  Dans  une  autre  cause  que 
la  chambre  des  pairs  fut  appelée 
à  juger,  l'opinion  du  duc  de  Choi- 
seul mérite  une  mention  non 
moins  honorable  :  il  se  refusa  de 


CHO 


595 


voter  l'application  de  la  peine 
dans  le  procès  de  l'illustre  et  in- 
fortuné maréchal  INey,  et  motiva 
son  refus  sur  ces  considérations 
remarquables.  La  cour  des  pairs 
avait  écarté  la  partie  de  la  défense 
du  maréchal  fondée  sur  la  capi- 
tulation de  Paris  :  appelé  à  vo- 
ter, M.  de  Choiseul  s'exprima  en 
ces  termes  :  «  M'élanl  trouvé  deux 
«fois  sur  le  banc  des  accusés  com- 
»me  M.  le  maréchal  Ney  ,  la  pre- 
»mière,  devant  la  haute  cour  na- 
«tionale  d'Orléans,  la  seconde, 
«devant  une  commission  mililai- 
«re,  j'ai  plus  qu'un  autre  appré- 
«cié  les  sentimenset  les  angoisses 
«que  l'accusé  éprouve, lorsque  sa 
»  vie  se  trouve  au  pouvoir  de  quel- 
«ques  juges,  sans  moyens  d'appel: 
«c'est  dans  ces  niomens  solen- 
«nels  où  l'accusé,  en  présence  de 
«la  mort,  invoque  avec  ardeur 
«toutes  les  concessions  que  la  jus- 
«tice  peut  lui  faire,  qu'il  éprouve 
))le  besoin  de  la  bienveillance,  et 
«que  la  plus  grande  grSce  qu'il 
«espère,  est  celle  d'être  entendu 
«et  de  chercher  tous  les  moyens 
«de  les  faire  apprécier.  La  simi- 
«litude  de  cette  situation  avec 
»  celle  où  je  me  suis  trouvé,  se  fe- 
«  trace  vivement  à  mon  cœur 
net  à  ma  mémoire:  regrettant  que 
«la  défense  de  M.  le  maréchal 
«n'ait  pas  été  complétée,  et  que 
«des  motifs  que  je  ne  veux  pas 
«juger,  aient  donné  à  la  fin  de  la 
«procédure  une  rapidité  que  la 
«sagesse  du  commencement  était 
«loin  de  faire  prévoir;  erifin,  n'é- 
«tant  pas  assez  éclairé,  puisque 
«la  chambre  a  supprimé  une  par- 
«tie  essentielle  de  la  défense,  y'c 
r>  m'abstiens  de  voter  sur  l'np- 
nplication  de   la  peine.  «  Nom- 


nié  en  janvier  1819  major-géné- 
ral de  la  {!;ardc  nationale  parisien- 
ne, M.  de  Choiseul  vient  de  se 
démettre  de  cette  place  honora- 
ble, dans  l'exertice  de  laquelle  il 
ne  négligeait  rien  pour  conser- 
ver à  ce  corps  si  nécessaire  et  si 
respectable,  toute  la  considéra- 
tion dont  il  doit  jouir.  Nous  de- 
vons remarqueren  terminant  cet- 
te notice,  que  si  des  pensions,  des 
faveurs  et  des  grâces  ont  été  pro- 
diguées dans  ces  derniers  temps 
à  des  hommes  dont  la  carrière  a 
été  moins  orageuse,  et  dont  la 
vie  a  été  beaucoup  moins  expo- 
sée, M.  de  Choiseul  n'en  a  deman- 
dé, et  par  conséquent  obtenu  au- 
cune; il  n'a  pas  même  un  traite- 
ment de  retraite;  mais  il  a  plus  : 
il  jouit  de  l'estime  et  de  la  consi- 
dération publiques;  et  quelles  que 
soient  les  destinées  futures  de  la 
France ,  de  pareils  titres  ajou- 
teront à  l'illustration  du  nom  de 
Choiseul. 

CHOISEUL-GOUFFIER  (le 
COMTE  Marie  -  Gabriel- AïGiîSTE 
de),  naquit  en  1762,  et  prit  le 
nom  de  Gouljier  en  épousant 
l'héritière  de  cette  maison.  Dès 
sa  plus  tendre  jeunesse,  le  comte 
de  Choiseul  avait  témoigné  un 
vif  désir  de  visiter  les  belles  con- 
tres de  la  Grèce.  Quelques  années 
après  son  mariage,  guidé  par  les 
conseils  du  célèbre  abbé  Barthé- 
lémy, et  éclairé  par  ses  leçons, 
il  s'embarqua,  en  mars  1776,  é- 
tant  à  peine  âgé  de  24  ans,  sur 
l'Atatante.  ,  commandée  par  M. 
de  Chabert ,  capit  ine  de  vais- 
seau, et  membre  de  l'académie 
des  sciences.  Le  voyage  de  M. 
de  Choiseul  fut  très- utile  aux 
sciences  et  aux  arts.  A  son  re- 


CHO 

tour  dans  sa  patrie,  désigné  par 
la  voix  publique,  il  fut  admis, 
en  1779.  à  l'académif  des  inscrip- 
tions ,  en  remplacement  de  M. 
de  Foncemagne  ,  et  en  \';'^\  à 
l'académie  française,  en  rempla- 
cement de  d'Alen)bert,  dont  il  fit 
le  plus  touchant  éloge.  Dans  l'in- 
tervalle d<!  ces  deux  nominations, 
en  1782,  il  publia  le  premier  vo- 
lume de  son  f^oyaffc:  futtortsque 
en  Grèce;  ce  ne  fut  donc  point, 
comme  le  prétendent  les  différen- 
tes biographies,  la  publication  de 
cet  ouvrage  qui  le  fit  admettre 
dans  la  première  de  ces  deux  com- 
pagnies. Peu  de  temps  après  sa 
nomination  à  l'académie  fran- 
çaise, il  se  disposait  à  retourner 
en  Grèce,  sans  aucune  mission, 
et  seulement  comme  philosophe 
et  ami  des  arts,  lorsque  le  roi  le 
revêtit  d'un  caractère  diplomati- 
que. M.  de  Choiseul  partit  en 
qualité  d'abassadeur  près  la  Porte 
ottomane,  et  emmena  avec  lui, 
entre  autres  savans  et  gens  de 
lettres,  l'abbé  Delille  ,  dont  il  fut 
toujours  le  protecteur  et  l'ami. 
Les  hautes  fonctions  du  diplomate 
ne  ralentirent  point  le  zèle  du 
savant  :  M.  de  Choiseul  continuait 
ses  recherches  importantes  en 
même  temps  qu'il  s'occupait  avec 
succès  de  négociations  politi- 
ques. Ami  d'Ali- Pacha,  grand- 
visir,  et  du  prince  Mauro-Cor- 
dato,  premier  drogman  de  la  su- 
blime Porte,  il  leur  inspira  le  dé- 
sir de  faire  participer  leur  nation 
à  la  civilisation  de  l'Europe.  Par 
ses  soins,  et  de  leur  agrément, 
des  officiers  du  génie,  de  l'artil- 
lerie ,  et  de  la  marine  de  France, 
en.seignèrent  aux  troupes  du  grand 
seigneur  la  théorie  des  diÛeren- 


CHO 

les  arme» ,  réparèrent  les  places 
fortes  de  l'empire,  perfectionnè- 
rent It'S  fonderies.  Us  parcs  dar- 
tUlerie,  et  améliorèrent  con.-idé- 
rablement  le  système  nn'litairede 
l'armée  ottomane.  Dans  lu  dis- 
cours préliminaire  du  f^  o) m^c  en 
G/cce,  M,  de  Clioiseul  avait  ex- 
primé avec  tonte  la  chaleur  d'une 
âme  noble  et  philanthropique,  la 
juste  et  profonde  indi^rnation  que 
lui  faisait  cprouver  lu  servitude 
des  Grecs:  il  avait  cherché  à  leur 
inspirer  l'amour  de  la  liberté,  et 
le  désir  de  secou«r  le  joujjdeleur 
lionleiise  dépendance.  Voulant 
trouver  dans  la  religion  un  appui 
à  la  liberté,  il  excitait  le<  minis- 
tres des  autels  à  lancer  l'anathè- 
me  contre  leurs  comnmns  op- 
presseurs.... Quarante  ans  après 
ce  noble  appel  à  l'indépendance, 
les  Grecs  oui  voulu  briser  le  joufi; 
sousleque1ilsgémis><aient;  mais  li- 
vrés à  leurs  seules  forces,  ils  n'ont 
répandu,  et  peut-être  ne  répan- 
dront-ils qu'un  san^  inutile.  Ce- 
pendant les  eflorts  des  peuples  , 
alors  même  qu'ils  sont  infruc- 
tueux, ne  sont  jamais  perdus  :  op- 
primés et  oppresseur»  y  trouvent 
des  leçons  utiles,  germes  féconds 
que  le  temps  développe ,  et  dont 
l'avenir  recueille  les  fruits.  Le 
passage  où  M.  de  Choiseul  indi- 
quait aux  Grecs  les  moyens  de 
ressaisirleur  indépendance,  porta 
un  ministre  étranger,  jaloux  du 
crédit  de  l'ambassadeur  français  , 
à  remettre  au  divan  un  exemplai- 
re du  f"  oya^e  tn  Grèce,  en  lui 
signalant  ce  passage  séditieux. 
M.  (If  Ch(iiseul  se  tira  habilement 
de  cette  pr>sition  critique  :  com- 
me il  avait  établi  dans  son  hô- 
tel une  imprimerie,  illitcumposer 


CHO  597 

sur-le-champ  un  carton  qu'il  subs- 
titua au  passage  dénoncé,  et  remit 
lui-même  au  grand-seigneur  l'ou- 
vrage corrigé  ainsi,  en  prévenant 
S.  H.  que  tous  les  autres  exem- 
j)laires  étaient  «me  contrefaçon, 
dont  l'invention  appartenait  à  ses 
ennemis.  Ce  moyen  eut  un  plein 
succès  :  M.  de  Choiseul  conserva 
son  crédit  jusqu'au  moment  où 
la  révtdution  française  éclata. 
Nommé,  en  1791..  ambassadeur 
en  Angleterre,  il  refusa  de  se  ren- 
dre à  Londres,  resta  à  Conslanti- 
no})le,  et  ne  pouvant  plus  faire 
parvenir  ses  dépêches  au  roi,  il 
les  adressa  aux  princes  français, 
alors  retirés  en  Allemagne.  L'ar- 
mée républicaine,  en  Champa- 
gne, ayant  saisi  cette  correspon- 
dance, M.  de  Choiseul  fut  décrété 
d'arrestation.  Il  quitta  Constanli- 
no[>le  et  passa  en  IVussie.  Bien 
accueilli  de  l'impératrice  Cathe- 
rine 11,  qui  lui  accorda  une  pen- 
sion, il  devint,  après  l'avènement 
de  Paul  I"  au  trône ,  conseiller 
intime  de  ce  prince,  directeur  de 
l'académie  des  arts  et  de  toutes 
les  bibliothèques  impériales.  Ses 
liaisons  avec  le  comte  deCobeut- 
zel  que  l'empereur  venait  de  dis- 
gracier, le. forcèrent  à  s'éloigner 
de  la  cour;  Paul  1"  l'y  rappela 
bientôt,  et  lui  fil  l'accueil  le  plus 
amicctl;  mais  le  comte  de  Choi- 
seul. qui  désir<iit  revoir  sa  patrie, 
rentra  en  France  en  1802,  et  y 
vécut  en  simple  particulier.  Sa 
qualité  d'ancien  membre  de  l'a- 
cadémie de»  inscriptions  le  fit  ad- 
mettre dan>  la  deuxième  classe 
de  l'institut.  Ce  fut  en  1809,  c'est- 
A-dire  vingt-cinq  ans  après  l'ap- 
parition du  premier  v(dume  du 
^ojuigfai  Gri'cCf  qu'il  publiai» 


SqS  cho 

second.  Au  retour  du  roi,  en 
i8iZj,  i>I.  de  Choiseul  fut  nommé 
pair  de  France  et  membre  du  con- 
seil privé.  Les  événemens  du  20 
mars  i8i5  le  privèrent  de  ces 
deux  titres;  mais  après  la  secon- 
de restauration,  il  présida  le  col- 
lège électoral  du  département  de 
Seine  et-Oise,  rentra  à  la  chambre 
des  pairs,  et,  par  ordonnance  du 
21  mars  181G,  à  l'académie  fran- 
çaise. Parmi  les  mémoires  qu'il  a 
lus  à  l'académie  des  inscriptions 
à  différentes  époques,  on  cite  par- 
ticulièrement sa  Dissertation  sur 
Homtre,  son  Mémoire  sur  l'Hip- 
podrome d'Olympie,  ses  Recher- 
ches sur  l'origine  du  Bosphore  de 
Thrace.  On  lui  doit  aussi  une 
partie  des  noU's  de  la  deuxième 
édition  du  poëme  de  V imagina- 
tion de  l'abbé  Delille.  M.  de  Choi- 
seul, à  qui  le  gouvernement  avait 
rendu  la  plus  grande  partie  des 
objets  qu'il  avait  rapportés  de  la 
Grèce  ,  où  il  le?  avait  acquis  à  ses 
frais,  les  rassembla  au  jardin  Mar- 
beuf  à  Paris.  Cette  belle  collec- 
tion a  été  achetée  par  le  gouver- 
nement, et  réunie  à  celle  du  mu- 
sée du  Louvre.  M.  de  Choiseul  , 
marié  en  secondes  noces  à  M*"" 
la  princesse  Hélène  de  Beauffre- 
mont ,  mourut  en  1817.  M.  Ua- 
cier,  secrétaire  perpétuel  de  l'a- 
cadémie des  inscriptions  ,"  a  lu  , 
dans  la  séance  publique  du  25 
juillet  1819  de  cette  société,  une 
Notice  fort  intéressante  sur  la  vie 
et  les  ouvrages  de  ce  savant,  dont 
Condorcet  faisait  ainsi  l'éloge 
comme  homme  d'état.  «L'art  dos 
«négociations  qui  a  été  si  long- 
ô  temps  l'art  de  tromper  les  hom- 
»mes,  fut,  dans  les  mains  de  M. 
i»de  Choiseul,   celui  de  les  ins- 


CHO 

«trnire,  de  les  servir,  et  de  leur 
rt montrer  leurs  véritables  inté- 
«rêts.  » 

CHOISEUL- D'Aï LLECOl  UT 
(le  comte  Victob  de),  député  en 
1789  aux  états-généraux,  par  la 
noblesse  de  Chaumont  en  Bassi- 
gny,  soutint  la  cause  des  privilè- 
ges en  signant  les  protestations 
des  12  et  1 5  septembre  1791 ,  con- 
tre les  opérations  de  l'assemblée 
nationale  ,  et  ne  tarda  point  à  quit- 
ter la  France,  où  il  ne  reparut 
qu'avec  le  roi,  en  1814.  A  cette 
époque  il  fut  nommé  lieutenant 
des  gendarmes  de  la  garde,  et  en 
exerça  les  fonctions  jusqu'à  la  sup- 
pression de  ce  corps. 

CHOISELL-D'AILLECOLRT 
(le  MARQiis  An>e- Maxime  i'e)  , 
fils  du  précédeut,  et  neveu  du 
comte  de  Choiseul-Gouffier,  est 
né  en  1775.  Il  fut  auditeur  au 
conseil-d'état  en  1809,  sous-pré- 
fet en  1 8 1 1 ,  et  préfet  du  Finistère 
eni8i5.  Sa  prompte  adhésion  à 
la  déchéance  de  l'empereur  le  fit 
désigner  par  Monsiecb  ,  lieute- 
nant-général du  royaume,  pour  la 
préfecture  de  l'Eure ,  où  il  se  ren- 
dit en  avril  i8i4'  H  fut  nommé 
membre  de  la  légion-d'honneur 
au  mois  de  septembre  suivant. 
Après  le  20  mars  i8i5.  Napoléon 
le  destitua;  mais  après  le  second 
retour  du  roi,  M.  de  Choiseul- 
d'Aillecourt  fut  nommé  préfet  de 
la  Côte-d'Or,  puis,  en  1816,  pré- 
fet de  l'Oise.  L'académie  des  ins- 
criptions et  belles-lettres  l'admit 
dans  son  sein  en  1817,  en  rempla- 
cement de  M.  de  Choiseul-Gouf- 
fier, qu'elle  venait  de  perdre.  E- 
tant  auditeur  au  conseil -d'état, 
M.  Choiseul -d'Aillecourt  avait 
publié  un  ouvrage  ayant  pour  ti- 


CHO 

tre  :  de  l'Influence  des  croisades 
sur  l'c'tût  des  peuples  de  l'Euro- 
pe ,  Paris,  1S09. 

CHOISEUL-PRASLIN  (lbdkc 
de).  Élu,  en  1789,  par  la  noblesse 
de  la  sénéchaussée  d'Anjou  aux 
états-généraux,  le  duc  de  Choi- 
seul-PrasIin  s'y  inonlra  l'un  des 
plus  sages  partisans  de  la  liberté, 
et  vota  toujours  avec  la  majorité 
de  l'assemblée.  Ce  fut  lui  qui  fit 
décréter  que  les  cravates  des  dra- 
peaux seraient  aux  trois  couleurs. 
En  !7f)i,  il  proposa  d'approuver 
la  condiiile  des  conunissaires  qui, 
lors  du  voyage  du  roi  à  Varen- 
iies,  ramenèrent  ce  prince  à  Pa- 
ris. Après  la  session,  il  vécut  dans 
la  retraite,  et  ne  reparut  qu'après 
la  révolution  du  18  brumaire  an 
8.  Il  fut  alors  nommé  sénateur, 
et  quelque  temps  après,  comman- 
dant de  la  légion-d'honneur.  Il 
mourut  jdusicurs  années  avant 
les  événemens  de  iSi /î. 

CHOISELL-PRASLIN  (tE  nrc 

ASTOISE-GÉSAR-FÉLIX   De),    fils  du 

précédent,  partagea  les  princi- 
pes de  son  père,  et  ne  quitta  point 
la  France  aux  différentes  époques 
de  l'émigration.  Il  devint  en  i8o5 
chambellan  de  l'empereur,  et,  en 
1811,  président  du  collège  électo- 
ral de  Seine-et-Marne.  Nomtné, 
le  6  janvier  1814,  membre  de  la 
légion-d'honneur,  le  8  du  même 
mois  il  eut  le  commandement 
de  la  1"  légion  de  la  garde  natio- 
nale de  Paris.  Le  duc  de  Choî- 
âeul-Praslin  ayant  adhéré  à  la  dé- 
chéance de  l'empereur,  lut  nom- 
mé pair  de  France,  le  j  juin;  le 
20  décembre,  il  fut  remplacé  dans 
le  commandement  de  la  légion, 
par  le  duc  de  Choiseul-  Stain vil- 
le, 6on  cousin.  Les  événemen»du 


CHO  599 

âo  mars  181 5  le  reportèrent  au 
comniandement  de  la  i"  légion, 
et  le  firent  comprendre  au  nom- 
bre des  pairs  nommés  par  Napo- 
léon; mais  après  la  seconde  res- 
tauration ,  il  perdit  de  nouveau  et 
son  commandement  et  son  titre 
de  pair. 

CHOISEULMEUSE  (Félicité 
de).  Cette  dame  est  auteur  de 
quelques  romans  :  1°  yiline  et 
d'IIerniance,  5  vol.  in- 12,  1812; 
2"  Paola ,  4  vol.  in-12,  1812;  3* 
Cécile,  ou  fEltK'e  del'liospice  de 
la  Pitié ,  2  vol.  in-13,  1816.  La 
Gazette  de  France  du  5o  juillet 
1816,  en  rendant  compte  de  ce 
dernier  ouvrage,  insinue  cha- 
rilablement  que  M°"  de  Choi- 
seul-Meuse  a  publié  «un  assez 
"grand  nombre  de  romans  très- 
»  gais ,  assez  répandus  et  fort  goû- 
wtés  d'une  certaine  classe  de  lec- 
nteurs;  »  et  après  cette  petite  dé- 
claration scandaleuse,  elle  ditfurt 
agréablement  :  Honni  soit  qui  mal 
y  pense.  C'est  aussi  ce  qu'affirme 
M.  Pigoreau  ,  libraire  -  éditeur, 
dans  la  petite  biographie  roman- 
cière qu'il  a  fait  paraître  en  1821. 

CHOKlEa  (N.  StRLET  de),  dé- 
puté de  la  2""  chambre  des  états-gé- 
néraux du  royaume  des  Pays-Bas, 
a  marqué  sa  carrière  législative 
par  des  opinions  libérales;  il  à 
constamment  marché  dans  la  di- 
rection constitutionnelle  que  la 
raison  et  la  justice  sanctionnent 
chaque  jour,  en  dépit  de  toutes 
les  résistances  de  la  force  et  de 
l'aristocratie.  M.  Cauchois -Le- 
maire  ,  collaborateur  du  Nain- 
Jaune,  s'étant  réfugié  dans  le 
royaume  des  Pays-Bas,  y  publia 
une  feuille  intitulée  le  Lihi'rnl. 
Cejouroal,  écrit  dao»  le  raCme  es- 


4oo 


CHO 


prit  que  le  Nain-  faune,  fixa  sur 
î'auleur  l'altention  de  la  police, 
qui  lui  signifia  l'ordre  tie  quitter 
ce  royaume;  M.  Cauchois-Le- 
maire  adressa  une  réclamation 
aux  états-généraux  sur  laquelle 
M.  Chokier  refusa  de  voter,  en 
soutenant  que  la  question  était 
mal  posée,  et  que  les  chambres 
n'avaient  pas  le  droit  de  juger 
M.  Cauchois  sous  les  rapports 
présentés  parla  police.  M.  Cho- 
kier ne  voit  que  la  constitution 
de  son  pays;  il  l'invoque  dans 
tous  ses  écrits,  dans  tous  ses 
discours  ;  et  membre  de  l'oppo- 
sition ,  il  défend  avec  autant 
de  désintéressement  que  d'éner- 
gie les  droits  imprescriptibles  du 
peuple  et  des  commeltans  qui 
l'ont  honoré  de  leurs  suffrages. 
CHOLLET  (le  comte  François 
Al'giste),  pair  de  France,  fut 
nommé,  au  mois  de  septembre 
1795,  député  au  conseil  des  cinq- 
cents,  par  le  département  de  la 
Gironde.  Lorsqu'en  novembre  de 
l'année  suivante  on  proposa  le 
rétablissement  de  la  loterie,  il  at- 
taqua avec  énergie  ce  projet,  qui 
n'en  fut  pas  moins  adopté.  Dans 
la  séance  du  17  février  1797,  il 
avança  qu'on  ne  devait  admettre 
aucune  distinction  entre  des  re- 
présentanset  de  simples  citoyens 
prévenus  de  calomnie.  Le  20  a- 
vril  suivant,  il  fut  élu  secrétaire; 
et  le  21  mai,  il  fit  rappeler  les 
iq8  ex-convenJionnels  qui  avaient 
été  bannis  de  Paris  en  vertu  de  la 
loi  du  21  floréal  an  4  (10  ™^i 
1796),  qu'il  fit  rapporter  dans  son 
entier.  Le  16  juillet  1797,  il  fit 
une  motion  sur  la  forme  de  la  dé- 
claration à  exiger  des  ministres 
du  culte.  Quelques  jours  après, 


CHO 

pour  rassurer  les  acquéreurs  de» 
biens  nationaux,  il  appuya  le 
maintien  des  ventes  des  presby- 
tères :  puis  il  présenta  un  nou- 
veau projet  pour  la  suspension 
de  la  vente  des  presbytères  non 
aliénés.  Le  27  août,  il  invoqua 
l'ajournement  du  projet  relatif  à 
la  violation  du  secret  des  lettres. 
Le  2  septembre,  surveille  de  la 
journée  du  18  fructidor  an  5 ,  il 
proposa  le  renvoi  des  projets  de 
Tîiibaudeau  sur  les  mesures  à 
prendre  relativement  à  la  mar- 
che des  troupes.  Le  9  du  même 
mois  de  septembre,  il  demanda 
la  question  préalable  sur  le  pro- 
jet d'exclure  les  ex-nobles  des 
fonctions  publiques.  En  vendé- 
miaire an  G,  il  combattit  le  pro- 
jet de  suspension  de  la  vente  des 
biens  nationaux.  Au  mois  de  dé- 
cembre, il  fit  deux  rapports  sur 
la  législation  relative  aux  minis- 
tres du  culte,  et  demanda  la  pei- 
ne de  l'exportation  contre  les  ré- 
fractaires.  A  l'occasion  des  cons- 
pirateurs du  18  fructidor,  il  sou- 
tint que  leurs  jugemens  devaient 
être  rendus  dans  les  formes  cons- 
titutionnelles. Il  fit  rejeter  l'arti- 
cle d'un  projet  sur  les  pension- 
nats, portant  que  nul  ne  pourrait 
être  instituteur  s'il  n'était  marié 
ou  veuf.  Le  19  mars  1798,  il  fit 
un  rapport  pour  la  révision  des 
jugemens  rendus  depuis  le  i6 
floréal  an  5  jusqu'au  18  fructidor, 
contre  les  acquéreurs  des  biens 
nationaux,  les  défenseurs  de  la 
patrie  et  les  républicains  condam- 
nés par  les  tribunaux.  En  vendé- 
miaire an  7  (septembre),  il  fit 
exempter  du  timbre  les  pétitions 
au  corps-législatif,  et  substituer 
l'amende  contre  les  délinquans  à 


CHO 

la  nullité  des  actes  par  défaut  de 
tloibre.  Le  27  novembre  (7  fri- 
maire), il  combattit  le  |»rojet  de 
loi  de  Duplantier  de  la  Gironde, 
relatif  aux  biens  des  pères  et  mè- 
res des  émigrés,  auquel  il  repro- 
chait un  vicede  rétroactivité  con- 
traire   à    tous   les  principes.    Au 
mois  de  floréal  (tnai  1799),  il  fut 
réélu  membre  du  conseil  des  cinq- 
cents.  Il  parla  sur  l'organisation 
de  la  garde  nationale,  et  s'oppo- 
sa à  la  suppression  de  la  formule 
de  haine  à  l'anarckie,   dans   le 
serment   de  ses  officiers.   Le    19 
aoftt  il  fut  élu  secrétaire.  Quel- 
ques jours  après  il  lit  autoriser  le 
directoire  :\  prendre,  à  là  solde 
de  la  république,  différens  corps 
étrangers,  sous  le  nom  de  légions; 
<!t  le  8  septembre,  il  présenta  «ni 
projet  sur  les  sociétés  politiques. 
Après  les  événeiuf'us  du  18  bru- 
maire an  8  (f)  novembre  1 799), qui 
mirtnt  lesrênes  du  gotivernement 
entre  les  mains  du  général  Bona- 
parte, il  fit  partie  de  la  commis- 
sion chiugée  de  réviser  la  consti- 
tution. Il  fut  ensuite  nommé  suc- 
cessivement sénateur,  comte  de 
l'empire  et  membre  de  la  com- 
mission de  la  liberté  de  la  presse. 
Appelé  à  h  pairie,  par  le  roi,  le 
4  juin  i8i/î,  époque  de  la  créa- 
tion de  cette  dignité,  M.  le  confi- 
te  Cliollet   n'a  pas  cessé  depuis 
lors  de  siéger  à  la   chaujbre  des 
pairs. 

CHOMBARD(N.),  cnliiv.'iteiir 
propriétaire  à  Erlyes  (Nord),  fnt 
nommé,  par  le  baillii)g<r  de  Lille, 
n>embrc  de  l'asséil/blée  natioiia-> 
le,  et  alla  s'y  assé^yir  dftns 'Vr  plai-* 
ne.  Uentré  dans  la  vie  privée  à  la 
fin  de  cette  asM;mblee  ,  il  reparut 
de  nouveau  i»ur  là  scène  politique 

T.    IT. 


CHO  401 

comrrte  membre  du  conseil  des 
cinq-cents;  il  y  siégea  dans  la  plus 
absolue  nullité,  après  quoi  il  ren- 
tra à  Erlyes,  où  il  est  mort  en 
i8o5.  ' 

CHOMPRÉ  (  Nicoias-Mauri- 
CE  ),  fils  de  Pierre  Chompré  ,  s'est 
Kvré  aux  sciences  physicjucs,  dt  a 
obtenu,  snr  les  pliénomèncs  gal- 
vaniques, des  résultats  piécJeux. 
Il  a  donné  des  éditions  d'ouvra- 
ges de  mathématiques  et  de  dic- 
tionnaires, et  atradtiit  quelque» 
ouvrages  de  l'anglais.  Membre  de 
la    société   du   galvanisme ,   il   a 
poursuivi  avec  ardeur  et  succès 
cette  découverte,  qui  semblé  te- 
nir de  si  près   aux  mystères  les 
plus  intimes  de'la  vitalité  ;  et  il  a 
fait,  sur  ces  matières  ,  des  expé- 
riences A  l'utilité  desquelles  l'ins- 
titut ^classe  des  sciences  physi- 
ques, 0  février    1808  )  a  rendu 
honniia»;é.  •'"       •    ''•"' 

CHORON  (  ALEXA-SDRiï-ETii^îr- 
ne),  né  en  17^»,  à  Caen  (Calva- 
dos )  ,  musicifcn -cônrpositéur  , 
n>embi^i  de  la  légion-d'hormeur.  Il 
fit  ses  études  au  collège  de  Juilly. 
Entraîné  par  un  goftt  invincible 
vers  rél\ide  de  la  musique,  il  s'y 
livrà'Tyi"aigré  toutes  sortes  d'obs- 
tatrleê,  et  eut  pour  maître  l'abbé 
Rose,  l'un  des  meilleurs  théori- 
ciens français.  Pour  mieux  con- 
naître les  traités  et  les  système" 
des  célèbres  autétirs  et  composi- 
teurs italiens  et  allemands,  il  ap- 
prit ces  deux  langues.  A  l'époque 
où  il  étudiait  les  ouvrages  de 
Koussier,  de  J.  J.  Rousseau  et  de 
d'Al'embert,  quelques caltuls qu'il 
rencontra  dans  l'ouvrage  du  géo- 
mètre le  portèrent  i\  apprendVe 
les  uïathématiques.  Ses  progrès 
dans  cette  science  lui  concilièretit 
a6 


4o2  CHO 

l'intérêt  et  la  bienveillance  du  cé- 
lèbre Monge,  qui  l'ayant  adopté 
conime  son  élève  particulier,  lui 
fit  faire,  sous  sa  direction  ,  tous 
les  calculs,  plans  et  autres  tra- 
vaux de  détail  pour  l'organisation 
de  Vi'colc  Polytticlinùjuc ,  alors 
nommée  école  centrale  des  tra- 
vaux publics,  dont  cet  homme 
illustre  avait  conçu  le  projet.  Ce 
fut  mOme  sous  ses  auspices  que 
M.  Choron  entra,  en  1795,  en 
qualité  de  répétiteur  pour  la  géo- 
métrie descriptive,  à  l'école  Nor- 
male, et  qu'il  devint  chef  de  bri- 
gade i\  l'école  Polytechnique  lors 
de  la  formation  de  cet  établisse- 
ment. M.  Choron  eut  toujours 
pour  objet  principal  de  ses  occu- 

fotions  la  science  de  la  musique,  à 
aquelleil  rapporta  l'étude  des  lan- 
gues ancieimes  et  modernes,  celle 
même  de  l'hébreu  ;  on  le  dit  fort 
instruit  dans  la  langue  de  Moïse; 
plusieurs  fois  il  suppléa  le  respec- 
table M.  Audran,  professeur  d'hé- 
breu au  collège  (je  France.  M. 
Choron,  qui,  dès  son  entrée  dans 
la  carrière  où  l'entraînait  son  ta- 
lent, avait  pu  juger  de  l'imperfec- 
tion du  système  musical  en  géné- 
ral ,  et  en  même  temps  combien 
étaieutinsuflisans  les  ouvrages  sur 
cet  art,  particulièrement  lesou- 
rrages  français,  s'occupe  depuis 
ce  temps  à  préparer  sur  la  musi- 
que des  matériaux  d'une  haute 
importance.  Ces  travaux  ne  l'ont 
cependant  point  empêché  de  s'oc- 
cuper d'objets  d'utilité  publique. 
Il  a  fondé,  en  1801,  des  écoles  et 
collèges  dont  quelques-uns  subsis- 
tent encore  aujourd'hui.  Associé, 
en  1812,  à  la  rédaction  du  bulle- 
tin de  la  société  d'encouragement 
pour  l'industrie  nationale^  il  fut, 


CHO 

peu  de  temps  après,  chargé  par  le 
ministre  des  cultes,  lii^'ot  de  Préa- 
meneu ,  des  travaux  relatifs  à  la 
réorganisation  desmaiiràc.'t  et  des 
chœurs  de  Ciiihédrales,  et  de  la  di- 
rection delà  nnisiq  ne  dans  les  fêles 
et  cérémonies  religieuses  dépen- 
dant du  ministère. Ce  travail  était 
approuvé  de  l'empereur,  qui  l'a- 
vait ordonné;  les  événeniens  de 
1814  ne  permirent  pas  de  le  niet- 
tre  à  exécution.  Ces  mêmes  événe- 
niens ayant  privé  M.  Choron  de 
ses  emploi  s,  il  ouvrit  alors  une  éco- 
le publique  de  musique,  qui,  selon 
toute  apparence,  laissera  des  sou- 
venirs dans  l'histoire  des  arts,  par 
l'invention  de  la  méthode  concer- 
tante, dont  elle  devint  le  berceau, 
lin  18 1 5,  M.  Choron  fut  nommé, 
par  le  ministre  de  l'intérieur,  un 
descommissaires  chargés  d'intro- 
duire l'enseignement  mutuel  dixus 
lesécoles  primaires  ;  c'est  en  celte 
qualité  que,  d'après  l'avis  de  la 
commission  et  l'ordre  du  minis- 
tre ,  il  modifia  l'ouvrage  qu'il  a- 
vait  publié  en  1800  \Méttiocle 
d'instruction  primaire  pour  ap- 
prendre à  lire  et  à  écrire  ) ,  de  ma- 
nière à  êlre  employé  dans  les  éco- 
les. Tous  les  syllabaires  et  ta- 
bleaux élémentaires  de  lecture 
qui  y  sont  en  usage  sont  de  lui. 
Le  souvenir  des  services  qu'il  a- 
vait  rendus  couijn.e  directeur  des 
fêtes  et  cérémonies  religieuses, 
le  ût  appeler  à  la  direction  de  l'a- 
cadémie royale  de  musique.  Ses 
effortsponr  y  introduire  la  réfor- 
me ayant  été  inutiles,  il  quitta 
cette  directipn  qu'il  avait  occupée 
pendant  dix  hpit. mois,  et  rentra 
dans  la  carrière  de  l'enseigne- 
ment. M.  Choron  a  pubjié  un 
grand  nombre  d'ouvrages.  OuUv 


CHO 

sa  Méthode  d' instruction  pi  imai- 
re  pour  apprendre  à  lire  et  à  é- 
crire,  il  a  encore  donné  :  i'  Prin- 
cipes de  composition  des  écoles 
d'Italie,  1808;  2°  Dictionnaire 
historique  des  musiciens  (  avec 
M.  Fayolle),  2  vol.  ia-S",  1817; 
"5°  E  lé  mens  de  composition,  tra- 
duit de  l'allemand  d'Albrectots , 
berger;  4  "  Syllabaires  et  tableaux 
élémentaires  de  lecture,  en  usage 
dans  les  écoles  d'enseignement 
mutuel;  5"  Méthode  concertante 
de  musique  à  plusieurs  parties, 
d'une  difjiculté  graduelle  ;  6"  la 
même,  élémentaire.  On  croit  qu'il 
publiera  incessamment  la  traduc- 
tion des  œuvres  de  J.  Tenetoris  , 
théoricien  du  i5°'  siècle  ;  le  Spi- 
cilége  de  musique  théorique.  En- 
fin, le  travail  dont  il  s'occupe  de- 
puis longues  années,  c'est  une 
Introduction  à  l'étude  générale 
de  la  musique,  ou  exposition  rai- 
sonnée  du  système  musical ,  dans 
laquelle  les  notions  fondamenta- 
les de  toutes  les  branches  de  ce 
système  sont  présentées  selon  leur 
ordre  naturel ,  et  mises  à  la  por- 
tée de  toutes  les  classes  de  lecteurs. 
Cet  ouvrage,  entièrement  de  créa- 
tion, semblerait,  au  rapport  de 
personnes  instruites  dans  cette 
partie,  devoir  opérer  une  révolu- 
tion complète  dans  la  théorie  de  la 
musique,  dont  il  lait  une  véritable 
science.  M.  Choron  est  iondalenr 
et  directeur  de  l'école  royale  et 
spéciale  de  chant,  instituée  dans 
les  vues  de  lorinerdes  sujets  pour 
la  chapelle  du  roi,  l'académie  roya- 
le de  musique,  et  autres  établisse- 
mens  du  même  genre.  Au  mo- 
ment où  nous  écrivons  ,  il  par- 
court les  départemens,  muni  des 
ÏDStructions  des  ministres  de  l'in- 


CilO 

térieur  et  de  la  maison  du  roi, 
pour  y  provoquer  la  formation 
d'écoles  préparatoires,  propres  ù 
alimenter  celles  de  la  capitale. 
M.  Choron  a  composé  plusieurs 
airs  tels  que  celui  de  la  Senti- 
nelle, qui,  grâce  à  la  facilité  de 
leur  chant,  sont  devenus  popu- 
laires. 

CHOUAN  (les  quathe  FRÎiaEs). 
Les  frères  Chouan  se  nommaient 
Cottereau ;  mais  ce  nom  est  de- 
meuré dans  l'obscurité,  tandis 
que  celui  dcChouan?,c  trouve  dé- 
jà placé  dans  plusieurs  dictionnai- 
tiaires  et  employé  par  les  néo- 
logues,  comme  synonyme  d'un 
autre  terme.  Les  frères  Cotte- 
reau, contrebandiers  du  dépar- 
tement de  la  Mayenne,  furent 
surnommés.  Chouans  parce  que, 
dans  leurs  incursions  nocturnes, 
ils  avaient  adopté  pour  signal  de 
ralliement  le  cri  de  la  chouet- 
te, oiseau  de  nuit  et  de  mau- 
vais augure.  Ils  parcouraient 
en  1795  les  environs  de  Laval, 
lorsque  réunis  ;\  d'autres  vaga- 
bonds, se  disant  mécontens,  ils 
imaginèrent  de  faire  la  guerre  au 
nom  du  roi  de  France.  »lls  é- 
taient  d'abord  en  petit  nombre; 
mais  successivement  renforcés 
par  d'autres  hordes  de  la  Breta- 
gne et  de  la  Normandie,  ils  por- 
tèrent l'épcMivante  et  la  dévasta- 
tion dans  tous  les  pays  qu'ils  j»ar- 
coururent.  Jamais  il  n'y  eut  de 
soldats  (s'il  est  permis  de  quali- 
fier ainsi  les  chouans)  plus  indis- 
ciplinés ni  plus  féroces,  les  Co- 
saques du  l)on  leur  sont  à  peine 
comparables.  Les  chauffeurs .  (\\n 
ont  inondé  la  France  à  cette  épo* 
que  (et  l'on  sait  pour  quel  motif), 
les  assassins  des  conrri'.'rs  et  des 


4o4 


CHO 


diligences  n'étaient  autre  chose 
qu'une  émanation  des  Chouans. 
Trois  Cottereau  sont  rnorls  sur 
le  champ  de  bataille;  le  quatriè- 
me, couvert  de  blessures,  est 
retiré  dans  son  département. 

CHOUARD  (Loiis),  né  à  Stras- 
bourg, le  i5  août/1770.  Entré 
au  service  vers  le  commence- 
ment de  la  révolution,  il  se  dis- 
tingua dans  plusieurs  rencontres , 
et,  en  i8o5,  il  était  parvenu  au 
grade  de  chef  d'escadron  au  pre- 
mier régiment  descarabiniers.  Sa 
conduite  dans  la  journée  d'Aus- 
terlitz  lui  fit  obtenir  le  conunan- 
dement  du  2™'  régiment  des  cui- 
rassiers. Il  donna  de  nouvelles 
preuves  de  valeur  durant  les  cam- 
pagnes de  Prusse  et  de  Pologne, 
et,  le  14  niai  1807,  il  lut  fait  ofïi- 
cier  de  la  légion-d  honneur.  Dans 
la  première  année  de  la  guerre 
d'Espagne,  on  remarqua  sa  mo- 
dération ,  et  l'ordre  qu'il  sut  fai- 
re observer.  11  quitta  ce  pays 
pour  faire  la  guerre  d'Aulriclie 
en  1809.  Deux  années  après,  le 
6  du  mois  d'août ,  il  fut  nommé 
général  de  brigade,  et  il  partit 
pour  la  Russie  à  la  tête  d'un  corps 
de  carabiniers.  On  admira  son 
sang-froid  et  son  intrépidité,  par- 
ticulièrement dans  la  journée  de 
la  Moskowa.  Après  le  premier 
désastre  qui  suivit  ces  grands  suc- 
cès, le  général  Chouard  se  trou- 
va aux  batailles  de  Lutzen ,  de 
Bautzen,  et  de  Leipsick.  Rentré 
sur  le  territoire  de  l'ancienne 
France,  il  fut  chargé  de  défendre 
la  ville  de  Laugres,  qu'il  délivra 
des  insultes  d'un  corps  de  Cosa- 
ques, le  3o  janvier  1814.  Le  roi 
l'a  nommé  commandant  de  la  lé- 
gion -  d'honneur,    chevalier    de 


CIIO 

Saint-Louis,  et  major  des   dra- 
gons de  la  garde. 

CHOLDIEU  (Pierbe),  est  né  à 
Angers,  département  de  Maine- 
el-Loire.  11  était  accusateur  pu- 
blic près  le  tribunal  criminel  de 
son  département,  quand  il  en  fut 
élu  député  à  l'asi^emMée  législa- 
tive de  1701.  Il  ne  resta  pas  long- 
temps à  faire  connaître  ses  opi- 
nions politiques  ,  M.  Choudieu 
voulait  une  autre  forme  de  gou- 
vernement. Il  débuta  au  corps- 
législatif  par  accuser  le  fninistre 
de  la  guerre  Duportail.  L'accusa- 
tion portait  différens  griefs  ;  actes 
arbitraires,  insouciance,  défaut 
d  armes  pour  les  volontaires,  lu- 
rent les  crimes  qu'il  imputa  au 
ministre  avec  beaucoup  de  véhé- 
mence et  de  chaleur.  Au  com- 
mencement de  1792,  le  général 
Ilochambeau  ayant  demandé  que 
trois  députés  lui  fussent  adjoints 
pour  présider  à  ses  opérations, 
M.  Choudieu  les  lui  fit  refuser  ; 
c'était  pourtant  le  texte  de  son 
discours  de  dénonciation  contre 
le  ministre  Duportail ,  qui  avait 
inspiré  à  Rochambeau  l'idée  de  sa 
demande.  Quelques  jours  après, 
l'assemblée  et  les  tribunes  n'en- 
tendirent pas  sans  quelque  sur- 
prise la  motion  de  M.  Chou- 
dieu, tendarjt  à  accorder  des  se- 
cours aux  parensdes  émigrés.  Ce 
député,  très-j)eu  belliqueux,  pre- 
nait part  au  plus  petit  événement 
militaire  qui  se  passait  alors.  Il 
mit  les  Suisses  du  régiment  de 
Châleauvieux  sous  sa  protection 
spéciale  ;  un  capitaine  d'artillerie, 
nommé  Baumai ,  destitué  anté- 
rieurement par  le  ministre  SégJir, 
lui  dut  sa  réintégration.  Il  voulut 
que  les  ûainistres  rendissent  comp* 


CHO 

te  des  événemens  du  camp  de 
Neufluisuc ,  et  il  insista  pour  Té- 
vncuatiun  des  troupes  de  la  gar- 
nison de  Paris.  En  toute  circons- 
tance,  en  toute  occasion,  M. 
Choudieu  invoqiuiit  la  souverai- 
neté du  peuple  :  il  fit  passer  à  Tor- 
dre du  jour  sur  une  motion  rela- 
tive à  la  police  des  tribunes  de 
rassemblée,  parce  que  ,  disait-il, 
le  peuple  était  souverain.  Quel- 
que temps  après,  il  combattit  la 
proposition  de  l'expulsion  des 
Bourbons  de  la  France,  comme 
attaquant  dans  la  personne  du 
duc  d'Orléans  les  principes  de 
la  souveraineté  du  peuple.  11  par- 
la l'un  des  premiers  de  la  déchéan- 
ce de  Louis  XVI,  au  nom  des 
habitans  d'Angers,  ses  couj|)atrio- 
tes,  qui  en  avaient  l'ait  la  deman- 
de. LaCou-Ladcbat  présidait  alors, 
et  Chcudieu  le  fil  rappeler  à  l'or- 
dre pour  avoir  adressé  quelques 
observations  à  Chabot  sur  la  dé- 
chéance :  c'est  peut-être  le  pre- 
mier exemple  dans  l'histoire  des 
assembléeslégislatives,  qu'un  pré- 
sident ail  été  rappelé  à  l'ordre.  Le 
gaont  1792,  la  peur  s'empara  de 
Choudieu;  il  s'éleva  contre  l'as- 
semblée ,  lui  reprocha  ses  actes 
de  faiblesse,  et  la  déclara  incapa- 
ble de  sauver  la  patrie  ,  sans  indi- 
quer lui-même  aucun  moyen  de 
parvenir  à  ce  but.  Le  lendemain, 
il  fit  décréter  la  permanence  des 
séances,  et  rétablissement  d'un 
camp  sous  Paris;  il  obtint,  peu  de 
jours  après,  les  fonds  nécessaires 
pour  fortifier  les  points  dominans 
autour  de  cette  ville.  M.  Chou- 
dieu passé  du  corps-législatif  à  la 
convention,  y  vota  la  mort  de 
Louis  XVI  sans  restriction  aucu- 
ne, et  soutint  que  Manuel  et  K.er- 


CHO 


40  5 


saint,  qui,  dans  cette  occurrence, 
avaif.-nt  déserté  leur  poste  ,  de- 
vaient être  déclarés  infâmes  et 
traîtres  à  la  patrie.  Envoyé  com- 
missaire dans  la  Vendée,  il  dé- 
truisit les  calomnies  répandues 
contre  le  général  Bcrruyer,  et  dé- 
nonça son  collègue  Duchatel, 
comme  correspondant  avec  les 
rebelles.  En  janvier  1794»  Chou- 
dieu accusa  iMiilippeaux  d'avoir, 
dans  son  rapport  sur  la  Vendée, 
dénoncé  les  généraux  Rossignol 
et  Konsin,  et  d'avoir  fait  l'éloge 
de  Westermann.  Philippeaux  se 
défendit  et  se  justifia  :  mais  Chou- 
dieu revint  à  la  charge,  il  se  li- 
gua avec  Carrier  et  avec  les  me- 
neurs des  sociétés  populaires  ;, 
et  Philippeaux,  décrété  d'accusa- 
tion ,  fut  conduit  au  supplice. 
Celte  mort  fut  vivement  repro- 
chée à  Choudieu,  par  un  grand 
nombre  de  députés,  et  notam- 
ment par  Merlin  de  Thionville, 
qui,  dans  un  éloge  pompeux  de 
Philippeaux,  n'hésita  pas  de  de- 
signer l'auteur  de  sa  déplorable 
fin.  Après  le  9  thermidor,  Chou- 
dieu vola  pour  l'impression  des 
pièces  trou  vées  chez  Robespierre  ; 
cl  dans  sa  réplique  ù  André  Du- 
mont  qui  s'y  opposait,  il  osa  dire 
qu'il  n'y  avait  que  les  complices 
du  tyran  qui  devaient  craindre 
cette  mesure.  Le  1"  avril  1795 
(la  germinal  an  5)  il  fut  décrété 
d'arrestation  avec  ses  collègues, 
Chasles,  Léonard  Bourdon,  A- 
mar,  etc.,  et  conduit  au  château 
de  llam ,  d'où  il  sortit  en  vertu 
de  l'aumistie  du  26  octobre  de  la 
même  année  (4  brumaire  an  4)- 
Au  mois  de  juin  1799,  nommé 
par  Bcrnadotte  chef  de  division 
au  ministère  de  la  guerre,  Chou- 


4o6 


CHR 


(lieu  donna  sa  démission  i'i  la  r(!- 
traite  de  ce  ministre  ,  cl  cessa 
d'être  employé.  Devenu  suspect 
au  gouvernement  consulaire ,  il 
craignit  la  déportation,  et  se  ré- 
fugia en  Hollande  ,  où  il  fut  avo- 
(Nit  et  libraire.  Il  était  rentré  en 
France  depuis  quelques  années  , 
et  vivait  pai'iihiement  dans  ses 
propriétés  de  Maine-et-Loire, 
lorsque  Napoléon,  à  son  retour 
de  l'île  d'Ëlbe,  le  nomma  lieute- 
nant de  police  à  Dunkerque.  11 
revint  à  Paris  au  mois  de  juillet 
181 5;  mais  compris  dans  la  loi 
d'amnistie  du  13  janvier  1816, 
M.  Choudieu  s'est  retiré  dans  le 
rovaume  des  Pays-Bas. 

Cil  RESTIEjNDE  POLY  (Jeas- 
Prosper),  a  publié,  en  i8i5,  un 
gros  volume  et  une  petite  bro- 
chure contre  le  divorce  ;  philippi- 
ques  véhémentes,  où  la  déclama- 
tion tient  partout  la  place  du  rai- 
sonnement. Conseiller  au  Châte- 
Ict  avant  la  révolution,  avocat 
à  Amiens  pendant  la  révolution, 
il  partit  à  5o  ans  comme  volon- 
taire royal,  en  181 5,  et  fut  nommé 
depuis  président  delà  courprevô- 
tale  du  département  de  la  Seine. 

CHRISTIAN  VIT,  roi  de  Da- 
nemark et  de  Norwège,  né  le  39 
janvier  1749?  succéda  à  son  père 
Frédéric  V,  et  monta  sur  le  trône 
le  i5  janvier  1766.  Il  se  maria  la 
même  année,  se  fit  couronner  en 
1 767,  et  partit  immédiatement  a- 
près  pour  visiter  l'Allemagne,  la 
Hollande,  l'Angleterre  et  la  Fran- 
ce. Il  était  jeune,  aimable  et  spiri- 
tuel; il  recherchait  la  société  des 
savans,  allait  aux  académies,  aux 
réunionslittéraires,  et  l'universi- 
té de  Cambridge  le  reçut  doc- 
teur, Christian  fut  accueilli  d'une 


CHR 

manièn;  distinguée  ;\  Paris,  mai» 
les  fct(  s  bru^'antes  étaient  peu  de 
son  goTil  :  ne  voyageant  que  pour 
s'inslruirc,  il  [)réferait  l'étude  de 
la  philosopliie  à  l'éclat  fastueux 
du  grand  monde,  et  quelques  pa- 
ges des  œuvres  de  Voltaire  aux 
banquets  som[)tu<  iix  qu'on  lui 
oflVait.  Il  rcti'iiina  d ms  s<'s  états 
enij6(). L'année  ^uivaiile.  Slruen- 
sée,  premier  médecin  de  Chris- 
tian, ayant  pris  un  ascendant  ex- 
traordinaire sur  l'esprit  de  ce  prin- 
ce, fui  mis  à  lalctc  des  affaires  du 
royaume,  en  remplacement  de 
Bernstorf,  qui  avait  rendu  de  si 
grands  services  à  Frédéric  V  et  au 
Danemark.  Christian  avait  éj)OU- 
sé  Caroliue-Malhilde ,  sœur  de 
GeorgeslII,  roi  d  Angleterre.  Cet- 
te jeune  })rincesse  ayant  donné 
prise  à  !a  malveillance  par  quel- 
ques fausses  démarches  que  l'im- 
prudent Struensée  avait  conseil- 
lées, et  dans  lesquelles  il  se  trou- 
vait lui-même  coiupromis,  Ju- 
lie-Marie, reine  douairière,  veu- 
ve et  seconde  femme  de  Frédé- 
ric V,  profita  de  cette  circonstan- 
ce pour  brouiller  Christian  avec 
son  épouse  :  elle  supposa  qu'il 
existait  des  liaisons  intimes  et  cri- 
minelles entre  Caroline  Mathilde 
et  Struensée,  et  qu'ils  étaient  d'ac- 
cord pour  le  faire  renoncer  à  la 
couronne.  Ce  prince,  dont  la  tê- 
te commençait  à  se  désorganiser, 
consentit  à  l'emprisonnement  de 
la  reine,  à  une  enquête  juridique, 
etc.  L'issue  de  cette  affaire  fut  la 
mort  de  Struensée  sur  l'échafaud, 
et  l'éloignement  de  Caroline-Ma- 
thilde.  IJne  escadre  envoyée  par 
le  roi  d'Angleterre,  son  frère,  la 
transporta  en  Allemagne.  File  ?e 
retira  dans  le  Hanovre,  et  mou- 


CHR 

rut  à  Zell  le  lo  mai  1770,  à  l'âge 
de  23  ans  et  demi.  Dans  ces  en- 
trefaites, Julie-Marie,  et  son  fils 
Frédéric,  s'emparèrent  des  rênes 
de  l'état,  et  réfèrent  de  fait  sous 
le  nom  de  Christian,  que  sa  raison 
qui  s'altérait  de  jour  en  jour,  ren- 
dait incapable  de  gouverner.  Ce 
roi,  dont  la  jeunesse  avaitété  bril- 
lante, rempli  d'esprit  et  d'excel- 
lentes qualités,  termina  triste- 
ment ses  jours  à  Rendsbourg 
dansleHolstcin,  le  i5  mars  1808. 
Heureux  encore  que  ses  facultés 
mentales  et  son  éloigncment  de 
Copenhague  ne  lui  eussent  pas 
permis  d'être  instruit  ni  témoin 
des  horreurs  épouvantables  que 
les  Anglais  y  commirent  en  1801 
et  en  1807.  Christian  avait  établi 
la  liberté  de  la  presse  dans  ses  c- 
tats,  et  Voltaire  l'en  a  félicité  dans 
une  épître.  Ferdinand  VI,  aujour- 
d'hui roi  de  Danemark,  et  sa  sœur 
Auguste ,  mariée  au  prince  de 
Holstein-Augustenbourg,  sont  les 
seuls  enfansde  Christian  VII. 

CHRISTIAN-FRIÎDÉRIC, 
prince  de  Danemark,  cousin  du 
roi  Ferdinand  VI,  est  né  le  i8 
septembre  1786.  Il  a  été  pendant 
quelques  instans  roi  de  Norwège, 
c'est-à-dire  depuis  le  mois  de  juil- 
let i8i/|,  jusipi'au  milieu  du  mois 
d'août  suivaut.  Proclamé  et  ac- 
cueilli avec  enthousiasme  par  les 
habitans  de  son  royaume,  il  en  a- 
vait  pris  possession  ;  il  avait  fait 
son  entrée  solennelle  ù  Christia- 
nia, lorsque,  par  le  traité  de  liiel, 
les  puissances  alliées  décidèrent 
que  la  Norwège  devait  appartenir 
à  la  Suède.  La  proclamation  que 
Christian- Frédéric  adressa  aux 
Norvégiens,  lors  de  l'ubdicalion 
de  sa  royauté,  prouve  qu'e  ce  prin- 


CHR  407 

ce  était  digne  de  régner.  «Je suis 
«convaincu,  disait-il,  que  la  Nor- 
»wège  jouira,  sous  l'autorité  pa- 
wternelle  de  S.  M.  le  roi  de  Suè- 
»de,  des  mêmes  avantages,  privi- 
wléges  et  immunités  qu'elle  s'est 
>) donnés  par  sa  constitution;  et 
»que  S.  M.,  par  une  suite  de  ses 
nvues  libérales,  ne  fera  de  chan- 
•  gemens  à  cette  constitution 
»  qu'autant  que  la  nation  le  dési- 
nrera.  »  Christian -Frédéric  joint 
aux  rares  qualités  d'un  bon  prin- 
ce,les  vertus,  le  courage  et  le  pa- 
triotisme d'un  brave  guerrier.  In- 
digné du  crime  qvee  les  Anglais 
commirent  en  1807,  lorsque, con- 
tre le  droit  des  nations,  ils  incen- 
dièrent Copenhague,  Christian  se 
rendit  en  Norwège ,  exhorta  le 
peuple  à  la  défense,  et  prit  les 
moyens  les  pli'S  prompts  et  les 
plus  efficaces  pour  empêcher  l'in- 
vasion des  ennemis.  Les  prépara- 
tifs qu'il  avait  faits  à  tout  événe- 
ment, servirent  contre  les  Sué- 
dois qui  vinrent,  peu  de  temps  a- 
près,  attaquer  les  côtes  de  la  Nor- 
wège. Ce  prince  s'est  conduit, 
dans  toutes  les  occasions,  avec 
bravoure  et  habileté.  Il  battit,  en 
1808, l'ennemi  devant  Fréderick- 
8tadt,et  déjoua  les  menées  de  M. 
d'Armfeld ,  tendant  à  soulever 
le  peuple  norwégien  en  faveur  du 
roi  Gustave  de  Suède.  Christian- 
Frédéric,  nommé,  en  180g.  lieu- 
tenant-général des  armées  danoi- 
ses ,  en  a  rempli  les  fonctions  de 
la  manière  la  plus  honorable.  Il 
habile  Copenhague,  où  il  jouiten- 
core  de  son  titre,  et  du  souvenir 
de  ses  belles  actions. 

CHRISTIAN  -AUGLSTEN- 
BOLRG.  (fityez  Char  LES- Augus- 
te, PRINCE  ROYil  DB  Sl'ÈDE.) 


4o» 


CHR 


CHRISÏIANl  (GciLLAiME-En- 
nest), historien  danois.  Il  naquit, 
en  1^51,  à  Kiel,  où  il  fut  profes- 
seur d'éloquence  et  de  droit  pu- 
blic. C'est  en  allemand  qu'il  a  é- 
crit  tous  ses  ouvrages.  On  a  de 
lui  :  1°  Histoire  de  la  réunion  des 
diverses  croyances ,  en  Allema- 
gne, et  dans  les  duchés  de  Sles- 
wig  et  de  Holstein,  in- 12,  Ham- 
bourg, 1775  ;  "i"  Histoire  de  Sies- 
wig  et  de  Holstein  y  tirée  de  pie- 
ces  authentir/ues,  1776 — 1784.  f> 
vol.  Cet  ouvrage,  non  moins  im- 
portant que  le  premier,  a  été  con- 
tinué par  M.  Ilegervisch;  5°  la 
traduction  en  allemand  des  itVe- 
mens  d'histoire  générale  de  Mil- 
lot,  commencée  par  le  pasteur 
Mielek,  beau-père  de  Christian!, 
et  dont  celui-ci  ne  donna  que  les 
tomes  X,  XI,  XII.  Il  a  aussi  four- 
ni beaucoup  d'articles  aux  jour- 
naux littéraires  les  plus  estimés 
de  Berlin  ou  d'Iéna;  enfin  il  a 
laissé  un  grand  nombre  de  disser- 
tations sur  les  mathématiques  , 
sur  la  théologie,  sur  la  philoso- 
phie, sur  le  droit  public.  Il  est 
mort,  à  Kiel,  le  1"  septembre 
1793. 

CHRISTOPHE  (Henri),  hom- 
me noir,  roi  d'Haïti  (Saint-Do- 
mingue), sous  le  nom  de  Hekbi 
1",  naquit  vers  1767.  On  n'est 
poiilt  d'accord  sur  le  lieu  de  sa 
naissance:  les  unsprétendentque 
ce  fut  l'île  Saint-Christophe,  dont 
il  avait  tiré  son  premier  nom,  et 
d'où,  amené  au  Cap-Français,  il 
aurait  été  acheté  par  un  négociant 
anglais.  Une  seconde  version  le 
fait  naître  dans  l'île  de  S'^-Croix, 
colonie  danoise.  D'autres  enfin  le 
disentnatif  de  l'île  même  de  Saint- 
Domiogii^v  où  il  aurait  été  élevé 


CHR 

sur  la  plantation  dite  de  Limona- 
de, dont  le  célèbre  traducteur  Du- 
reaii  de  Lamalle  était  alors  pro- 
priétaire. Ces  cir|ûnstances  sont 
aussi  incertaines ^ti  peu  impor- 
tantes; mais,  lorsqu'en  1790  une 
révolution  s'opéra  dans  la  partie 
française  de  l'île  de  .Saint-Domin- 
gue, il  est  constant  que  Christo- 
phe prit  avec  chaleur  la  défense 
delà  liberté  des  Noirs.  Il  se  fit  re- 
marquer par  une  taille  élevée  et 
par  un  caractère  énergique,  qui 
lui  donnèrent  un  grand  ascendant 
parmi  eux,  et  il  obtint  bientôt  le^ 
plus  hauts  grades  militaires  sur  le 
champ  de  bataille,  en  se  distin- 
guant par  des  actions  d'éclat. 
Christophe  fut  nommé  général  de 
brigade  par  Toussaint-Louvertu- 
re ,  qui  était  alors  généralissime 
des  JNoirs,  et  qui  lui  confia  le  soin 
de  réprimer  la  rébellion  de  son 
neveu  Moïse,  jeune  Noir,  brave  et 
ambitieux,  qui  n'aspirait  à  rien 
moins  qu'à  s'emparer  du  rang 
suprême  occupé  par  Toussaint. 
N'ayant  pas  assez  de  forces  pour 
attaquer  celles  de  Moïse,  il  em- 
ploya l'artifice,  et  feignit  de  par- 
tager le  ressentiment  de  ce  jeune 
homme  contre  son  oncle.  Par  cet- 
te ruse  perfide ,  Christophe  sur- 
prit aisément  la  confiance  de  Moï- 
se, et  parvint  bientôt  à  se  rendre 
maîtrede  sa  personne.  Toussaint, 
à  qui  Moïse  fut  livré,  l'envoya  à 
la  mort  sans  égard  pour  les  liens 
du  sang;  et  Christophe  obtint,  en 
récompense  de  sa  trahison,  le  mê- 
me commandement  que  Moïse  a- 
vait  eu  dans  la  province  du  Nord. 
Cependant,  le  21  octobre  1801,  il 
se  manifesta  au  Cap  une  insur- 
rection parmi  les  partisans  que 
Moïse  avait  laissés  en  grand  nom- 


CHR 

hre  :  ils  commencèrent  par  égor- 
g«'r  tous  ceux  qui  s'étaient  mon- 
trés le  j)Uis  dévoués  à  Toussaint. 
Mais,  aussi  prompt  que  l'éclair, 
Christophe  parcourtla  ville  ache- 
vai, et  avec  une  poignée  de  sol- 
dats, attaque  les  insurgés,  en  tue 
deux  lui-iuême,  et  se  saisit  des 
chefs  de  l'émeute,  qu'il  est   par- 
venu à  dissiper.  De  nouvelles  in- 
surrections,  non    moins    graves 
que  la  première,  ne  tardèrent  pas 
à  éclater  successivement  dans  les 
divers     quartiers    de    l'ile.    Mais 
Christophe,  en  se  portant  partout 
avec  rapidité,  étouffa  tous  les  ger- 
mes de  sédition,  et  fit  fusiller  les 
chefs  qui  avaient  provoqué  ou  di- 
rigé les  émeutes.  Lorsqu'en  1802, 
l'expédition  française,  sous  les  or- 
dres du   général   Leclerc  (l'oycs 
Leclerc)  débarqua  an  Cap,  Chris- 
tophe, qui  commandait  dans  cet- 
te place,  obligé  de  céder  au  nom- 
bre, lit  ime  défense  vigoureuse, 
n'évacua  la  ville  qu'après  l'avoir 
incendiée,   et  emmena  avec  lui 
5,000  hommes,  reste  de  la  garni- 
son, qu'il  alla  réunir  à  ïoussaint- 
Louverture  [voyez  Louverthre). 
Quand  ce  dernier  général  fut  en- 
levé et  transporté  en  Europe  par 
les  agens  d'un  gouvernement  a- 
vec  lesquels  il  faisait  un  traité, 
Christophe  s»;  joignit  au  général 
Dessalines   (voyez   Dessalines  ) , 
alors  commandant   en    chef  des 
^ioir»,  et  concourut,  par  le  succès 
de  ses  armes,  à  faire  abandormcr 
l'île  par  les  Français.  Ce  fut  alors 
que  Dessalines  se  fit  proclamer,  à 
.Saint-Domingue,  sous  le  titre  de 
Jacques  /",   empereur  d'Haïti; 
et  Christophe,  qui  avait  contribué 
à  ravénemcnt  de  ce  prince,  de- 
vint un  de  »cs  premiers  généraux 


CHR 


409 


et  l'un  des  personnages  les  plus 
imporlans  de  l'empire.   Mais  les 
abus  de  pouvoir  auxquels  se  li- 
vrait le  nouvel  empereur,  eurent 
bientôt  soulevé  contre  lui  le»  di- 
verses classes  de  l'état;  et  les  hom« 
mes  même  qui  jusqu'alors  avaient 
paru  les  plus  dévoués  à  sa  per- 
sonne, l'accusèrent  de  tyrannie. 
Saisissant    l'occasion  d'un  droit 
qu'il  avait  établi  sur  le  coton  et 
sur  le  sucre  à  leur   exportation  , 
Christoj>he  et  le  mulâtre  Péthion 
[voyez  Péthion),  suscitèrent  une 
émeute,  dans  laquelle  il  fut  égor- 
gé, le  ir  octobre  1806.  On  pro- 
clama sur  le  champ  président  et 
f^'néralis.sirne    de  l'état  d'Haiti 
Christophe,  qui  nomma  Péthion 
son  lieutenant,  et  le  fit  go»iver- 
neur  de  la  partie  du  Sud.  On  con- 
voqua dans  la  ville  du  Cap  des  é- 
tats-génèraux  qui  prirent  le  titre 
«l'assemblée  nationale;  mais  dès 
lors  la  division  se  mit  entre  Chris- 
tophe et  Péthion.  Celui-ci,  parti- 
san sincère  de  la  liberté,  désirait  le 
gouvernement  représentatif;  tan- 
dis que  Christophe,  qui  s'élait  dé- 
jà enivré  à  la  coupe  du  pouvoir, 
voulait  qu'aucune  autorité  ne  ba- 
lançât la  sienne  propre.  Il  décla- 
ra donc,  dans  une  proclamation 
contre  Péthion,  qu'il  qualifiait  de 
réi'o/té,  «  que  l'atitorilè  appartient 
nau  plus  fort.  »  Il  appuya  cet  argu- 
ment avec  des  troupes  nombreu- 
ses, qui,    dans  diverses  rencon- 
tres, défirent  son  adversaire,  et  le 
forcèrent  i\  se  renfermer  au  Port- 
au-Prince,  où  il  exerça  le  pouvoir 
suprême  sous  le  titre  de  président. 
Au  mois  d'avril  1811,  Christophe, 
devenu  possesseur  paisii)le  de  cet- 
te portion  de  l'ile  qu'il  occupait, 
se  fit  couronner  et  sacrer  roi  d'Haï- 


^|I0 


CUK 


ti,  dans  la  ville  du  Cap,  sous  le 
nom  de  llanrl  l'\  Puis  il  s'occu- 
pa, avec  son  activité  accoutumée, 
à  f^e  former  une  cour  à  l'instar 
des  cours  européennes,  et  fit  des 
dotations  à  ses  dignitaires  des 
principales  terres  ou  plantations 
de  l'île,  qu'il  érigea  en  fiefs.  Il  fit 
ensuite  des  traités  de  commerce 
avec  l'Angleterre  pour  toute  la 
partie  septentrionale  de  Saint-Do- 
mingue qui  était  soumise  ù  sa  do- 
mination, tandis  que  toute  la  par- 
tie occidentale  était  sous  les  or- 
dres de  Péthion.  Après  la  déchéan- 
ce de  Napoléon,  le  gouvernement 
français  voulant  recouvrer  cette 
colonie,  y  envoya  des  agens  pour 
entamer  des  négociations.  Pé- 
thion se  montra  tout  disposé  à 
reconnaître  l'ancienne  métropo- 
le. Mais  il  en  fut  bien  autrement 
de  la  part  de  Christophe.  Ce  roi 
d'Haïti  annonça,  il  est  vrai,  le  dé- 
sir d'entretenir  des  liaisons  ami- 
cales avec  la  France,  en  décla- 
rant qu'il  respecterait  le  drapeau 
blanc,  et  que  les  ports  de  Saint- 
Domingue  lui  seraient  ouverts; 
mais  il  manifesta  en  même  temps 
la  ferme  résolution  de  ne  point 
renoncer  à  la  souveraineté  d'un 
pays  que  son  peuple  avait  con- 
quis. Informé  ensuite  que  dans 
les  ports  de  France  on  armait  u- 
ne  expédition  pour  soumettre  l'î- 
le, il  s'empressa  de  faire  toutes 
les  dispositions  convenables  pour 
lui  opposer  une  défense  vigou- 
reuse, et  publia  dans  un  mani- 
feste l'intention  formelle  de  ne 
point  faire  de  prisonniers.  Vers  le 
même  temps  on  s'empara  de  la 
personne  d'un  agent  français, 
nommé  Franco  de  5iédine,  et  l'on 
se  saisit  des  instructions  secrètes 


CIIR 

dont  il  était  porteur.  Le  roi  Hen- 
ri les  rendit  publiques,  et  fit  une 
proclamation  dans  laquelle  \\  ex- 
primait le  dessein  de  donner  à  la 
nouvelle  guerre  le  même  carac- 
tère de  férocité  qui  avait  signalé 
la  guerre  de  1802.  Desrésolutions 
aussi  farouches  ont  paru  faire  re- 
noncer jusqu'à  présent  le  gouver- 
nement français  à  ses  prétentions 
sur  cette  ancienne  colonie.  Ce- 
pendant les  préparatifs  de  ce  gou- 
vernement tinrent  long- temps 
Christophe  en  échec,  et  l'em- 
pêchèrent pendant  douze  ans  de 
faire  aucune  tentative  sur  la  ré- 
publique de  la  partie  de  Saint- 
Domingue  ,  dont  Péthion  était 
le  président.  Mais  à  la  mort  de 
ce  dernier  chef,  arrivée  le  29 
mars  1818,  le  roi  d'Haïti  crut 
pouvoir  réunir  les  deux  états  sous 
sa  domination,  espérant  encore 
d'y  joindre  quelque  jour  la  partie 
espagnole.  Christophe  s'avança 
donc  sur  les  frontières  de  la  répu- 
blique, à  la  tête  d'une  armée  de 
1 5,000  hommes,  jusqu'à  vingt 
lieues  du  Port-au-Prince.  Mais 
les  républicains,  sous  la  conduite 
du  général  Boyer  {voyt-z  Boveb), 
leur  nouveau  président,  lui  oppo- 
sèrent une  si  vigoureuse  résistan- 
ce qu'il  jugea  plus  prudent  de  ra- 
mener au  Cap  son  armée,  dont  il 
avait  même  à  redouter  le  mécon- 
tentement. Peu  de  temps  après, 
l'incendie  du  fort  Henri  lui  enle- 
va une  grande  quantité  de  muni- 
tions de  guerre,  et  cette  peite  im- 
mense parut  lui  faire  abandonner 
entièrement  ses  projets  contre  la 
républiqiie.  On  altiii)ua  loutel'ois 
à  ses  ai.enj.  un  iiuendie  affreux 
qui  raviigea  le  Port-au-Prince,  le 
i5  août  1820.  Cependant  le  de*~ 


CHR 

polisme  de  Christophe  était  devc- 
iiu  insupportable  au  peuple,  a 
l'armée,  et  même  aux  courtisans 
de  cp  prince,  bien  qu'il  les  eût 
comblés  d'honneurs  et  de  riches- 
ses. Ses  sujets  avaient  d'ailleurs 
sous  les  yeux  l'exemple  de  la  ré- 
publique voisine,  où  tout  prospé- 
rait >ans  tyrannie  et  sans  contrain- 
te. Dans  de  telles  conjonctures, 
un  événement  bien  mince  en  ap- 
parence suffit  pour  culbuter  le 
despote.  Dans  les  derniers  jours 
de  septembre,  la  garnison  de  S'- 
Marc,  indignée  des  mauvais  trai- 
temens  faits  par  le  gouverneur, 
d'après  les  ordres  de  Christophe, 
à  un  colonel  aimé  de  son  régi- 
ment, s'insurgea,  et  ayant  tran- 
ché la  tète  à  ce  gouverneur,  l'en- 
voya par  une  députation  d'offi- 
ciers au  président  Boyer,  en  de- 
mandant, au  nom  des  habitansdu 
territoire  de  Saint-Marc,  ii  passer 
sous  le  gouvernement  de  la  répu- 
blique. Apres  s'être  assuré  de  la 
sincérité  de  cette  démarche,  Boyer 
se  mit  à  la  tête  de  i5  à  20,000 
hommes  pour  aller  au  secours  des 
insurgés.  Retenu  dans  son  palais 
de  Sans-Souci  par  les  suites  d'u- 
ne paralysie  dont  il  avait  été  at- 
taqué deux  mois  auparavant, 
Christophe  envoya,  pour  répri- 
mer l'insurrection,  5'  ou  6,000 
hommes  sous  la  conduite  du  gé- 
néral Romain.  Mais  ce  général, 
ainsi  que  plusieurs  autres,  qui 
avaient  également  à  se  plaindre 
<lu  monarfjue,  au  lieu  d'apaiser  le 
tumulte,  ne  firent  que  l'accroître, 
et  l'insurrection  devint  bientôt 
générale  dans  la  ville  du  Cap. 
Dans  la  nuit  du  5  ou  t)  octobre, 
on  battit  la  générale;  toutes  les 
'roupes  se  mirent  sous  les  arme». 


CHW  4»» 

et  Tiibolilion  de  la  royauté  fut 
proclamée  parle  général  Richard. 
Informé  du  soulèvement,  Chris- 
tophe envoya  des  ordres  i\  ce  gé- 
néral qu'il  croyait  encore  fidèle; 
mais  on  lui  renvoya  son  messa- 
ger pour  lui.  donner  à  entendre 
que  son  autorité  n'était  plus  re- 
connue. Il  manda  alors  Joachim 
Noël,  le  plus  dévoué  des  généraux 
de  sa  garde,  et  lui  ordonna  de 
réunir  tout  ce  qu'il  trouverait  de 
troupes  fidèles  pour  massacrer 
tous  les  blancs  et  les  mulâtres. On 
parvint  à  rassembler  i,5oo  hom- 
mes qui  se  présentèrent  au  Cap, 
occupé  alors  par  les  indépendans. 
Après  quelques  coups  de  fusil  é- 
changés  de  part  et  d'autre ,  les 
troupes  royales  se  débandèrent, 
et  allèrent  rejoindre  leurs  anciens 
camarades  pour  demander  avec 
eux  la  déposition  du  roi  Henri, 
qui,  pour  ne  pas  tomber  entre 
leurs  mains,  se  tua  d'un  coup  de 
pistolet,  dans  la  55""  année  de 
son  âge.  Sa  veuve  et  ses  enfans 
se  réfugièrent  aussitôt  dans  le 
fort  Henri  pour  se  soustraire  à  lu 
vengeance  du  peuple;  mais  ce  fort 
s'étant  rendu  le  18,  on  massacra 
le  prince  royal.  Gis  aîné  de  Chris- 
tophe; le  général  Noël,  et  quel- 
ques autres  officiers-généraux  les 
plus  dévoués  au  roi. 

CHRYSOLOGUE.  {royez  le 
père  NoEL.) 

CinV  OS  rOW  (le  comte  Démé- 
TRius),  né  en  1^58,  sénateur  rus- 
se, neveu  du  feld-maréchal  Su- 
warow.  M.  de  (^hwostow,  mem 
brc  de  plusieurs  académies  de 
l'empire  et  de  Padoue,  cultive  les 
lettres  avec  succès.  Il  est  auteur 
d'une  Correspondance  épistolai- 
i\'  et  d'OL' livres  lyriques ,  cl  il  a 


4ia 


CIA 


traduit  diiris  sa  langue  maternel- 
le la  tragédie  tX'Androniojjiie,  de 
Racint,  et  V An poétiqucde  Boi- 
leaii. 

CHWOSTOW  (Simon  de),  né 
en  1764,  était  attaché  au  dépar- 
tement des  affaires  étrangères  de 
Russie,  lorsqu'il  fut  envoyé,  en 
1794 ■>  en  qualité  de  chargé  d'af- 
faires prés  la  Porte  ottomane.  Il 
eut  occasion  de  rendre  des  servi- 
ces importans  au  comte  de  Choi- 
seul-GouflJer,  au  moment  où  cet 
ambassadeur  proscrit  dans  sa  pa- 
trie futobligédese  retirer  à  Saint- 
Pétersbourg.  La  mission  diplo- 
matique de  M.  de  (]hwo-tow  fut 
de  peu  de  durée  ;  Paul  I"  le  rap- 
pela, et  refusa  de  lui  conficraucu- 
ne  autre  fonction.  L'emj)ereur  A- 
lexandre  a  nommé  M.  de  Ch^vos- 
tow,  directeur  de  la  banque  de 
Saint-Pétersbourg,  emploi  qu'il 
occupe  encore. 

CHWOSTOW  (madame  de), 
belle-sœur  du  précédent,  cultive 
les  lettres.  Elle  a  composé  en  lan- 
gue russe  quelques  ouvrages  qui 
l'ont  fait  remarquer,  et  a  traduit 
en  français,  et  fait  imprimera 
Saint-Pétersbourg,  Lisa  et  le  Coin 
du  feu,  romans. 

CIAMPI  (SÉBASTiEiv),  hellénis- 
te et  archéologue  italien,  est  né 
à  Pistoie,  vers  1770.  Il  s'est  dis- 
tingué, comme  éditeur  et  comme 
érudit.  Ses  nombreux  ouvrages 
prouvent  des  connaissances  aussi 
rares  que  diverse?,  en  biographie, 
en  philologie,  en  antiquités.  Ou 
estime  ses  f^ies  ou  Notices,  écri- 
tes en  italien  ,  sur  Cino  de  Pis- 
toie, Car  teromaco ,  Luc  Antonio 
Pagnini,  Seb.  Fini  ,  et  beaucoup 
d'autres  personnages  de  son  pays. 
Une  Dissertation  sur  le  métal  de 


CIC 

Corinthe,  et  un  excellent  Traite 
de  la  sculpture  autour  chez /es 
anciens^  ont  témoigné  de  son  é- 
riidition  pour  tout  ce  qui  lient  à 
l'histoire  des  arts  du  vieux  mon- 
de. Ou  fait  le  plus  grand  cas  de  ses 
traductiotis  de  funarquc ,  \ruo- 
jnioii,  Aciuile  Tatius ,  et  des  no- 
te.s  et  observations  qui  les  accom- 
pagnent. Esprit  exact,  il  possède 
cette  minutieuse  ralieiicf  qui, 
jointe  à  \\\\  esprit  vif,  passait  chez 
les  Grecs  pour  un  grand  moyen  de 
succès  {10  aknbeSj.  Il  professe  de- 
puis long-temps  la  langue  grec- 
que, dans  l'université  de  Pise. 

CIAMPITTI  (Charles),  Napo- 
litain, est  »in  littérateur  savant, 
amateur  d'antiquités,  qui  a  fouil- 
lé dans  les  ruines  d'Ilerculanum; 
il  a  expliqué  et  publié  les  manus- 
crits en  papyrus ,  qu'on  y  a  dé- 
couverts. La  guerre  d'Octave 
contre  Antoine  ,  et  la  Bataille 
d'Actium,  paraissent  être  le  su- 
jet d'un  poëme  latin  contenu  dans 
une  partie  des  rouleaux  trouvés. 
Ciampitti,  dans  la  préface  du  se- 
cond tome  de  la  collection  des 
manuscrits,  donne  des  éclaircis- 
semens  sur  les  fragmens  de  ce 
poëme,  d'où  quelques  antiquaires 
ont  conclu  que  cet  ouvrage  était 
de  Varus,  ami  d'Horace.  Les  tra- 
vaux et  les  recherches  que  Ciam- 
pitti, et  ses  collaborateurs,  conti- 
nuent avec  succès  ,  méritent  les 
encouragemens  et  l'attention  des 
amateurs  et  des  savans. 

CICOG^ARA   (  LE  COMTE    LÉO- 

pold),  auteur  de  ce  beau  monu- 
ment, élevé  aux  arts  par  l'érudi- 
tion et  le  goût,  intitulé  :  Histoire 
de  la  sculpture,  depuis  sa  résur- 
rection (risorgimento)  en  Italie  , 
et  auquel  l'institut  paya,  en  181 3, 


CIM 

un  juste  tribut  d'éloges.  Ony  voit 
renaître  du  sein  de  la  barbarie  , 
cet  art  de  faire  vivre  et  de  pas- 
sionner le  marbre;  on  en  suit  les 
premiers  pas;  on  est  témoin  de 
chaque  perfectionnement  pro- 
gressif, et  de  chaque  révolution 
du  goût,  qui,  des  madones  em- 
maillottées  du  1 1"'  siècle,  a  fait 
passerla  sculpture  jusqu'aux  pro- 
ductions plus  pures  du  i4"*»  jus- 
qu'à l'incorrection  grandiose  et 
sidjiime  de  Michel-Ange,  et  jus- 
qu'à l'aimable  licence  du  lierni- 
ni.  De  nombreuses  planches  ac- 
compagnent ce  bel  ouvrage,  dont 
Napoléon  accepta  la  dédicace. 
(Venise,  in-fol. ,  5  vol. ,  i8i3  — 
1816.).  Ce  prince  l'avait  fait  che- 
valier de  la  Couronne-de-Fer 
et  président  de  l'académie  des 
beaux-arts  de  Venise.  M.  Cico- 
gnara  est  né  à  Ferrare ,  vers 
1780.  C'est  en  société  avec  lui, 
que  l'alibé  Jérôme  Bantjfaldi  pu- 
blia des  Mémoires  très -curieux 
■-ur  le  ifénie,  les  mœurs^  etc.,  des 
luleurs  et  des  grands  hommes 
Icrrarois.  On  accorde  générale- 
ment à  Cicognara,  plus  de  scien- 
ce que  n'en  ont  quelquefois  les 
gens  d'esprit,  plus  de  talent  pour 
écrire  que  n'en  ont  souvent  les 
antiquaires,  et  plus  de  sagacité 
en  matière  d'arts,  que  les  uns  et 
les  autres  n'ont  coutume  d'en 
montrer. 

CIMAJIOSA  (DoMiMorR),  l'un 
des  fdus  célèbres  musicicns-com- 
po.siteurs  du  siècle  dernier,  na- 
quit à  iNaplesen  1754.  Après  avoir 
rerud'April  ses  premières  leçons, 
il  entra  au  <'on»ervatoire  de  Lo- 
rello,  où  il  se  forma  d'après  les 
priijci|»es  de  l'école  de  Durante, 
et  où  ion  conserve  encore  avec 


CIiM  4i5 

intérêt  le  souvenir  des  moyens 
ingénieux  qu'il  employait  pour 
étudier  la  nuit,  sans  troubler  le 
sommeil  des  autres  élèves  cou- 
chés dans  le  même  dortoir.  Un 
grand  amour  du  travail,  et  le  gé- 
nie le  plus  heureux,  lui  firent  ac-» 
quérir  de  bonne  heure  une  répu- 
tation qui  s'augmenta  de  jour  en 
jour.  Avant  d'avoir  atteint  sa 
vingt-cinquième  année,  il  avait 
obtenu  de  nombreux  succès  sur 
les  principaux  théâtres  d'Italie  et 
des  autres  parties  de  l'Europe  mu- 
sicale. Il  parcourut  l'Allemagne, 
et  fut  appelé  en  Russie  par  l'im- 
pératrice Catherine  II.  Les  com- 
positions de  Cimarosa  se  font  re- 
marquer par  l'invention,  les  idées 
piquantes  ,  la  richesse  de  l'ac- 
compagnement, et  une  grande 
connaissance  des  effets  de  la  scè- 
ne, principalement  dans  V Opéra- 
Biiffa^  où  les  motifs  sont,  suivant 
l'expression  des  Italiens,  di pri- 
ma inlenzione.  Cimarosa  a  com- 
posé plus  de  cent  opéras,  dont  le» 
principaux  sont  toujours  repris 
avec  un  grand  succès.  On  remar- 
que, dans  le  genre  de  VlJpera 
Séria  ,  le  Sacrifice  d'yibraham, 
les  Horaces  et  les  Curiaces ,  /V- 
nélope ,  Artaxerce ,  eXl' Arthémist 
wnitienne,  qui  n'était  pas  entiè- 
rement terminée  quand  la  mort 
le  surprit;  cependant,  il  n'y  a  de 
morceaux  étrangers  dans  cette 
pièce,  que  le  s^rand  air  d'Arté- 
mise  avec  des  chœurs,  au  pre- 
mier acte,  et  la  dernière  partie 
il\\  Jinaie  au  second  acte.  Parmi 
ses  opéras  bouffims,  on  cite  plu» 
particulièrem«;nt  l'Jlalientu  à 
Londres,  te  Directeur  dans  i'cm- 
barras ,  les  Ennemis  généreux  , 
et   .surtout   le    Mariage  secret, 


^'4 


CIM 


chef-d'œuvre  immortel,  qui  exci- 
ta un  enthousiasme  général.  On 
remarqua,  ce  qui  ne  s'était  point 
encore  vu,  que  Cimarosa  tint  le 
piano  du  théâtre  de  INaples  pen- 
dant les  sept  picmiéres  représen- 
tations de  cet  ouvrage.  Lorsqu'on 
représenta  le  Mariage  secret  à 
Yicnne,  l'empereur  Léopoldfut  si 
charuiéde  ce  chef-d'œuvre,  qu'il 
invita  les  chanteurs  et  les  musi- 
ciens à  un  hanquet,  après  lequel 
ils  recommencèrent  la  pièce.  Ci- 
marosa avait  une  voix  très-agréa- 
ble et  chantait  avec  beaucoup 
d'expression  ;  mais  dans  les  mor- 
ceaux bouffons,  il  était  impossi- 
ble d'égaler  sa  chaleur  et  son  ori- 
ginalité. 11  avait  des  mœurs  dou- 
ces et  pures,  et  une  grande  mo- 
destie. Il  répondit  un  jour  à  un 
peintre  qui  le  plaçait  au-dessus 
de  Mozart  :  «  Que  diriez-vous , 
«monsieur,  d'un  homme  qui  vous 
«placerait  au-dessus  de  Raphaël  1*» 
Comme  les  amateurs  mettaient 
sur  le  même  rang  Mozart  et  Cima- 
rosa, sous  le  rapport  de  la  com- 
position ,  l'empereur  Napoléon 
demandait  à  notre  célèbre  Gré- 
try  quelle  différence  il  y  avait 
entre  ces  deux  grands  composi- 
teurs; Grétry  répondit  :  «  Sire, 
«Cimarosa  met  la  statue  sur  le 
«théâtre  et  le  piédestal  dans  l'or- 
«chcstre,  au  lieu  que  Mozart  met 
))la  statue  dans  l'orchestre  et  le 
«piédestal sur  le  théâtre.  »  Cima- 
rosa, comme  tous  les  hommes  de 
génie,  avait  embrassé  avec  en- 
thousiasme les  idées  libérales,  et 
déplaisait  par  cela  même  à  la  cour 
de  Naples.  C'est  par  erreur,  ce- 
pendant, qu'on  l'a  dit  victime  de 
la  réaction  qui  s'opéra  lors  de  la 
restauration    effectuée  par   Nel- 


cm 

son  :  Cimarosa  n'est  pas  mort  en 
prison  à  Naples,  ainsi  qu'on  l'a 
publié  ;  c'est  à  Vienne  que  ce 
grand  compositeur  a  terminé  .sa 
trop  courte  carrière  ,  le  1 1  jan- 
vier i8oi  ;  il  avait  à  peine  atteint 
sa  46""  année. 

CIRBIED  (  Jacques-Cha-han 
de),  né  dans  l'Arménie,  au  moi» 
de  décembre  1772  ,  a  été  élevé  h 
Edesse,  ancienne  ville  de  la  Mé- 
sopotamie; il  vint  en  France  ù 
l'âge  de  20  ans,  et  fut  employé , 
en  1798,  à  l'école  spéciale  des 
langues  orientales.  Le  gouverne- 
ment impérial,  satisfait  des  ser- 
vices de  M.  Cirbied,  et  appré- 
ciant son  érudition,  créa,  en 
1810,  pour  ce  savant,  une  chaire 
de  langue  arménienne  qu'il  occu- 
pe encore  aujourd'hui  à  la  biblio- 
thèque royale.  On  a  de  lui  :  Mé- 
moires sur  la  langue  arménienne; 
Recherches  curieuses  sur  l'His- 
toire ancienne  de  l'Asie^  Paris, 
1806,  in-8°;  Détails  historiques 
de  la  première  expédition  des 
chrétiens  dans  la  Palestine ,  sous 
l'empereur  Zimiscès ;  tirés  d'un 
manuscrit  arménien  de  Mathieu 
d'Édesse,  etc.;  Paris,  i8i  1,  in-S"; 
ISotice  de  l'histoire  manuscrite 
de  Mathieu  Eretz,  et  Extrait  re- 
latij  à  l'histoire  des  croisades  y  fai- 
sant partie  du  tome  9  des  Notices 
et  extraits  des  manuscrits  de  la 
bibliothèque  royale;  Tableaugé- 
néral  de  l' Arménie ^  181 3  :  c'est 
le  prospectus  de  toute  l'histoire 
de  l'Arménie  ,  et  la  description 
géographique   de  cette   contrée. 

CIRILLO  (Dominique),  célè- 
bre médecin  du  royaume  de  Na- 
ples, naqiiit  dans  la  terre  de  La- 
bour en  1754.  Le  lieu  de  sa  nais- 
sance est  l'un  des  plus  fertiles  et 


CIR 

de»  plu?  beaux  pays  de  lEurope; 
c'est  l'aiicicone  Cainpaiiie,  dont 
Capouc  eiit  la  capitale,  et  qu'on 
nomme  aujourd'hui  la  Campagne 
/icu'TitS('.  Cirillo  mourut  au  gibet; 
et,  victime  d'une  réaction,  parta- 
gea ce  malheur  avec  une  jeune 
princesse  (Santa-Fede) ,  et  mille 
autres  victimes  plus  ou  moins  il- 
lustres, parmi  lesquelles  on  comp- 
te l'amiral  prince  de  Carraciolo, 
lesducs  de  Cassano  et  Della-Torre, 
elc.  L'amour  inné  de  ses  sembla- 
bles fil  sans  doute  embrasser  à 
Cirillo  la  profession  de  ujédecin. 
Apte  à  tontes  les  sciences  ,  il  s'a- 
donna de  bonne  heure  et  plus 
particulièrement  à  la  médecine  : 
ses  travaux  furent  couronnés  des 
plusbrillanssuc(;ès.l'arguûletpar 
occasion  .  il  vit  l'Angleterre  et  la 
France;  Paris  et  L«)ndres  lui  of- 
frirent tous  les  moyens  possibles 
d'étendre  le  cercle  de  ses  con- 
naissances, il  en  profita  comme 
philosophe  et  comme  savant.  De 
retour  dans  sa  patrie,  il  y  obtint 
la  place  de  professeur  de  méde- 
cine .  et  l'emploi  de  jiiédecin  de 
la  cour.  Soulager  le.s  hommes  , 
dans  quelque  rang  que  la  ffirlunc 
les  eût  placés,  c'était  la  passion  do- 
minante de  Cirillo;  aussi  le  voyait- 
on  ,  chaque  jour,  courir  indis- 
tinctement chez  le  riche  et  cliez 
le  pauvre,  lorsqu'on  avait  besoin 
de  lui.  Il  mettait  cependant  plus 
d'empressement  à  visiter  les  inr 
digens;  parce  que,  indépendam- 
ment des  soins  qu'il  leur  don- 
nailconiine  médecin,  il  y  ajoutait 
encore  des  dons  pécuniaires,  son- 
vent  indispensables  à  leur  guéri- 
sr)n  ;  c'était  )>our  Cirillo  une  don- 
btejouissance.  Le  a."} janvier!  799, 
les  armées  françaises  s'emparé- 


CLA 


4i5 


rent  de  Naples  ;  le  général  Cham- 
pionnet  et  le  commissaire  du  di- 
rectoire, Faypoult,  voulurent  y 
organiser  une  république,  dont 
Cirillo  fut  proclamé  l'un  des  re- 
présentans.  Il  n'accepta  cette  pla- 
ce qu'après  les  plus  vives  instan- 
ces de  ses  compatriotes,  et  com- 
me s'il  eût  pressenti  son  peu 
de  durée,  et  les  suites  funes- 
tes qu'elle  devait  avoir  pour  lui. 
Nommé  président  de  la  commis- 
sion législative,  il  était  à  son  poste 
lorsque  le  roi  Ferdinand  rentra  à 
Naj)les,  le  i5  juillet  de  la  mêm^ 
année.  Cirillo  s'embar(|ua  pouk» 
Toulon  à  la  suite  d'une  capitula- 
tion, et  paraissait  fort  tranquille 
sur  la  foi  d'un  pareil  traité;  mais 
il  ne  put  échapper  aux  poursui- 
tes exercées  contre  les  soi-di- 
sant révolutionnaires.  La  capitu- 
lation fut  violée,  et  Cirillo  fut 
arraché  du  vaisseau  pour  être 
conduit  au  supplice.  Ou  lui  fit 
entrevoir  qu'il  pourrait  obtenir 
sa  grâce  pour  peu  qu'il  la  solli- 
citât; mais  il  aima  mieux  mourir 
que  de  s'avilir,  et  ne  voulut  faire 
aucune  espèce  de  rétractation  d'u- 
ne conduite  qu'il  soutenait  avoir 
été,  pendant  toute  sa  vie,  pure  et 
irréprochable. 

CLAIRON  (Claire-Joseph-Le- 
cais  DE  LA  TuDE  ),  naquit  dans  les 
environs  de  Condé  en  1723.  Se- 
lon tout  apparence,  le  nom  qu'el- 
le rendit  célèbre  lui  fut  donné 
dans  son  etifance  par  forme  de 
plaisanterie,  et  dérive  de  son  pre- 
mier prénom  Claire.  Élevée  par 
une  mère  qui  poussait  la  sévéri-* 
té  jusqu'à  la  rudesse  ,  ses  pre- 
mières années  furent  malheureu- 
ses; celait  surtout  lorsqu'il  fal- 
lait se  Uvreràdes  travaux  de  fem- 


4iO 


CLA 


me,  que  les  (juerelles  (iilic  la 
mère  et  la  fille  prenaient  un  ca- 
ractère opiniâtre.  M"' Clairon  ne 
pouvait  se  résoudre  à  ce  genre 
d'occupation  ;  et  la  main  qni  de- 
vait un  jour  saisir  le  poignard 
d'Hermione  et  le  sceptre  de  Sé- 
miramis,  se  fernjait  à  la  vue,  d'une 
aiguille  ou  d'un  fuseau.  M''*  Clai- 
ron, qni  occupait  à  Paris  un  loge- 
ment en  face  duquel  se  trouvait 
celui  de  M"'  Dangeville,  l'obser- 
va pendant  qu'elle  se  livrait  aux 
études  de  son  art.  Ayant  obtenu 
avec  beaucoup  de  peine  la  faveur 
d'assister  à  une  représentation  de 
la  Comédie  française,  le  Comte 
d' Essex  et  les  Folies  jdmoureu- 
^e^  furent  les  premiers  ouvrages 
dramatiques  dont  elle  fit  la  con- 
naissance. L'impression  que  ce 
spectacle  fit  éprouver  à  la  Mel- 
pomène,  petite  fille,  fut  extrême; 
elle  en  avait  perdu  l'appétit  et  le 
sommeil.  Une  grande  partie  des 
vers  tragiques  et  comiques  qu'el- 
le avait  entendus  une  seule  fois 
restèrent  gravés  dans  sa  tète  ;  et 
elle  les  répétait  en  essayant  d"i- 
miter  les  dilïérens  personnages 
qu'elle  venait  de  voir.  «  Ma  pro- 
«digieuse  mémoire  étonna  moins 
«encore,  que  la  façon  dont  j'a- 
«vais  saisi  le  jeu  de  chaque  acteur 
»  (dit-elle  dans  ses  mémoires).  Je 
«grasseyais  comme  Grandval,  je 
abredouillais  et  faisais  le  saut  de 
))Crispin  comme  Poisson  ;  je  fai- 
nsais  l'impossible  pour  attraper 
«l'air  fin  de  M""  Dangeville,  et 
«l'air  roide  et  froid  de  M"*  Bali- 
»  court.  ))M"'Clairon,  enchantée  de 
ce  premier  succès,  déclara  qu'elle 
voulait  absolument  jouer  la  co- 
médie. Sa  mère  la  soufleta  et  l'en- 
voya se    coucher.  Cependant  la 


CIA 

résolution  prise  fut  inébranlable, 
il  fallut  y  céder;  et  >1"'  Clairon, 
i\  peine  âgée  de  douze  ans,  débu- 
ta avec  succès  sur  le  ihéAtrc  de 
la  Comédie  italienne.  La  petitesse 
de  sa  taille,  et  dc^  rivalités  de  cou- 
lisse, ne  lui  permirent  pas  d'y  res- 
ter. Elle  reçut  un  engagement  pour 
le  théâtre  de  Kouen  ,  à  condition 
d'y  danser,  d'y  chanter,  d'y  par- 
ler; et  ce  fut  dans  la  patrie  du 
grand  Corneille  que  cette  tragé- 
dienne célèbre  donna  les  pre- 
miers indices  de  son  rare  et  beau 
talent.  Attachée  à  une  troupe 
dont  Lanoue  était  le  directeur  , 
elle  joua  successivement;!  Roncn, 
au  Havre  et  à  Gand.  Son  emploi 
était  celui  des  soubrettes  :  cepen- 
dant elle  avait  essayé  quelques 
seconds  rôles  tragiques;  et  Sar- 
razin  qui  la  vit  jouer  le  rCde  d'É- 
riphile,fut  le  preniierà  découvrir 
le  véritable  genre  de  son  talent . 
et  à  lui  prédire  les  grands  succès 
qu'elle  devait  im  jour  obtenir. 
M"*  Clairon  reçut  à  Dunkercpn; 
Tordre  de  venir  débuter  à  l'Opé- 
ra ,  en  mars  ly^ô.  Quoique  mé- 
diocre musicienne,  elle  fut, grâce 
à  la  beauté  de  sa  voix,  applaudie 
même  dans  les  rôles  où  elle  dou- 
blait iVl"*  Lemaure  ;  mais  ungofit 
décidé  l'appelait  sur  un  autre 
théâtre.  Vers  la  fin  de  l'année  . 
elle  obtint  un  ordre  de  début  pour 
la  Comédie  française.  Elle  y  fut 
admise  comme  double  de  M'-' 
Dangeville,  dans  l'emploi  des  sou- 
brettes, et  elle  devait  en  outre  se 
charger  au  besoin  de  jouer  dif- 
férens  rôles  dans  la  comédie  et 
la  tragédie.  M"' Clairon,  dans  son 
acte  d'engagement,  s'était  ména- 
gé la  faculté  de  joocr  les  grande 
rôles  tragiques.   Cette  clau-e  lut 


CLA 

admise,  parce  qu'on  n'y  attachait 
aucune  conséquence,  lorsqu'à  la 
grande  surprise  du  comité,  elle 
en  reclama  rcxéiniti(m.  Les  rôles 
d'Aricie,  de  Constance,  d'Inès, 
lui  turent  offerts  :  M"'  Clairon  les 
refusa,  et  déclara  qu'elle  jouerait 
Phèdre,  rôle  dans  lequel  W  Du- 
niesnil  obtenait  à  cette  époque 
les  succès  les  plus  brillans.  Une 
soubrette,  qui  tout  ù  coup  aspire 
à  la  dignité  de  reine;  une  actrice 
qui,  diarfiée  de  faire  rire  le  pu- 
blic, s'engage  tout  à  coup  à  le 
faire  pleurer,  devint  aux  yeux  du 
sénat  comique  un  objet  de  plai- 
santerie et  presque  de  pitié.  La 
représentation  eut  lieu,  et  tous 
les  mémoires  du  temps  attestent 
l'effet  prodigieux  que  produisit 
M""  Clairon,  dans  un  rrdeqni  sur- 
le-champ  l.i  plaça  au  rang  des  ac- 
trices les  plus  célèbres.  Ce  fut  le 
19  septembre  174^,  qu'elle  joua 
Phèdre  pour  la  première  fois:  par 
un  contraste  assez  piquant,  ses 
débuts  dans  l'emploi  des  soubret- 
tes furent  moins  brillans;  mais 
lesapplaudiss<;mensqui  lui  furent 
successivement  prodigués  dans 
tous  les  grands  rôles  de  la  tragé- 
die, la  firent  recevoir  dès  le  mois 
suivant  à  la  Comédie  française, 
dentelle  fut,  durant  l'espace  de 2a 
ans,  rhonncuretl'appui.Leshom- 
mes  les  plus  fameux  de  l'époque, 
à  la  tête  desquels  il  faut  placer 
Voltaire,  rendirent  hommage  à 
son  talent;  et  les  vers  du  grar»d 
poète  ont  consacré  les  succès  de 
la  grande  actrice.  M"' Clairon  de- 
vint tout  à  coup  la  rivale  de  M"' 
Dumesnil;  toutefois  une  grande 
différence  se  faisait  remarquer 
dans  la  nature  de  leurs  talens. 
M""  Dumcsnils'abandonnantprcs- 

T.   IV. 


CLA  417 

que  toujours  à  la  fougue  des  ses 
inspirations,  entraînait  souvent 
le  spectateur  par  les  effets  les  plus 
hardis  et  les  moins  prévus  ;  M'" 
Clairon,  au  contraire,  ne  présen- 
tait jamais  au  public  que  les  ré- 
sultats d'une  élude  profonde  ,  et 
nn  jeu  où  la  nature  se  montrait 
appuyée  de  tous  les  secours  que 
l'art  peut  lui  fournir.  I^es  Uiéinoi- 
res  qu'elle  a  publiés  en  1799 
(Paris,  1  vol,  in-8),  donnent  une 
idée  exacte  du  système  de  S(;s  é- 
tudes  et  du  genre  de  son  talent. 
Ces  mémoires  ,  qui  contiennent 
des  vues  excellentes  sur  les  diffé- 
rentes parties  de  l'art  dramati- 
que, peuvent  êlre  fort  utiles  à 
ceux  qui  se  destinent  à  la  carrière 
du  théiltre.  Eu  matière  sembla- 
ble, on  ne  saurait  avoir  de  meil- 
leur guide  que  les  conseils  dictes 
par  l'expérience  d'ur^  grand  ta- 
lent. M"'  Clairon,  fidèle  à  un  plan 
qu'elle  s'était  tracé,  nese  dépouil- 
lait jamais  de  la  dignité  convena- 
ble au  genre  de  son  em{)loi.  et, 
devenue  reine  de  théâtre,  conser- 
vait le  sceptre  »!t  la  couronne  jtis- 
que  dans  les  relations  les  |dus» 
simples  de  la  vie  privée.  Son  but 
était  de  s'ideutitior  ainsi ,  durant 
le  jour,  avec  les  personnages  qu'el- 
le représentait  le  soir.  Cette  ma- 
nière d'être  lui  donnait  un  air  de 
hauteur  ,  qui  souvent  blessa  l'a- 
mour-propre  de  ses  camarades  ; 
et  comme,  s'il  faut  en  croire  la 
chronique,  elle  s'humanisait  par- 
fois avec  des  gens  qui  n'étaient 
ni  rois  ni  princes,  cette  préten- 
due facilité  de  mœurs  et  sa  di- 
gnilé  apparente,  formaient  un 
contraste  qui  souvent  donna  lien 
à  des  plaisanteries.  M"*  Clairon,  ù 
peine  .Igcc  de  4a  ans,  et  parve- 


4i8 


CLA 


nue  à  un  degré  tle  pert'eclion  et 
d'expérience  qui  pouvait  pro- 
curer (le  grands  progrès  à  l'art 
dramatique,  prit  tout  à  coup  sa 
retraite,  par  suite  d'un  incident 
qui  l'ut  accompagné  d'un  éclat 
scandaleux.  L'n  mauvais  comé- 
dien, nommé  Dubois,  alteint  du 
mal  qui  coCilaun  œil  à  Pangloss, 
se  fit  guérir,  et  ne  voulut  pas 
payer  son  médecin;  ceJui-ci  por- 
ta plainte  devant  les  tribunaux, 
qui  ne  purent  prononcer,  faute  de 
preuves.  La  Cctmédie  française, 
instruite  du  fait  par  la  rumeur  pu- 
blique, crut  devoir  être  plus  sé- 
vère que  la  justice,  et  eut  raison. 
II  est  des  cas  où  les  lois  de  la  mo- 
rale doivent  venir  à  l'appui  des 
lois  positives;  et  une  société  qui 
se  respecte  ne  saurait  garder 
dans  son  sein  l'individu  qui  se 
voue  au  mépris.  L'exclusion  de 
Dubois  fut  prononcée  :  mais  ce 
mauvais  comédien  avait  une  jo- 
lie fille;  cette  jolie  fille  connais- 
sait un  grand  seigneur;  ce  grand 
seigneur  prit  fait  et  cause  pour  le 
mauvais  comédien.  Dubois  fut 
maintenu  au  théâtre  malgré  ses 
camarades ,  qui  déclarèrent  ne 
plus  vouloir  jouer  avec  lui.  On 
devait  représenter  le  siège  de  Ca- 
lais ;  Dubois  devait  remplir  le  rô- 
lede  Alauni:  les  portes  s'ouvrent, 
le  public  entre;  mais  Brizard,  Le- 
kain.  Mole,  M"*  Clairon,  refusent 
de  jouer,  et  le  cri  de  aujbrt  l' tJ- 
vdque  se  fait  entendre  de  toute 
part.  L'autorité  crut  devoir  don- 
ner cette  satisfaction  au  public. 
Le  lendemain  M"'  Clairon  reçut 
l'ordre  de  se  rendr.^  en  prison  , 
et  y  fut  conduite  par  Tintendanlc 
de  Paris,  qui  se  trouvait  chez  la 
célèbre  actrice  au  moment  où  Ta- 


CLA 

genl  de  police  s'y  présenta.  En 
sortant  de  prison,  M"'  Clairon  si- 
gnifia sa  retraite,  qui  eut  olfecti- 
vementlieu  au  mois  d'avril  i7<>>>; 
et  les  résultats  scandaleux  de  lu 
protection  scandaleuse  accordée 
par  un  grand  seigneur  à  un  mau- 
vais sujet,  privèrent  la  scène  fran- 
çaise de  son  plus  utile  et  de  sou 
plus  bel  ornement.  M"'  Clairon 
avait  amassé  une  fortune  sulTi- 
sante,  que  diminuèrent  considé- 
rablement les  opérations  finan- 
cières de  l'abbé  Terray.  Ne  pou- 
vant plus  vivre  à  Paris,  elle  se 
fixa  à  la  cour  du  margrave  d'Ans- 
pach,  y  passa  17  ans,  et  revint 
enfin  habiter  Paris  où  elle  mou- 
rut le  18  janvier  i8o3.  Larivc  et 
M"'  Raucourt  furent  ses  élèves. 
Dans  les  iriémoircs  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  M"'  Clairon 
donne  sur  elle-même  des  détails 
assez  favorables,  comme  on  peut 
bien  le  croire.  On  y  trouve  l'his- 
toire d'un  homme  qui,  après  l'a- 
voiraimée  sans  succès  pendant  sa 
vie,  vint  la  tourmenter  après  sa 
mort,  tantôt  en  criant,  tantôt  en 
battant  des  mains,  tantôt  en  ti- 
rant des  coups  de  pistolet  à  ses 
oreilles.  Ce  récit  prouve  que  JVi"' 
Clairon  croyait  ou  avait  la  pré- 
tention de  croire  aux  revenans. 
Cette  grande  actrice  fut  plus  dune 
fois  en  butte  aux  traits  de  la  ca- 
lomnie,  qui  ne  res|>ecte  les  ta- 
lens  supérieurs  sur  aucun  théâtre. 
M.  le  comte  de  Caylus,  entre  au- 
tres, dans  une  espèce  de  libelle, 
.publié  en  174^  et  intitulé  tJisioi- 
rt  de  M"'  Ci'Diwl  dtti-  Frétil" 
Ion  ,  attaque  M"*  Clairon  avec 
une  virulence  indigne  et  du  res- 
pect que  l'on  doit  au  talent,  et 
des  égards  que  l'on  doit  à  la  vé- 


CLA 

rilé,  et  des  ménagemens  que  Ton 
doit  à  une  femme.     • 

CLAPARÈDE  (le  comte\  né 
à  Gignac,  département  de  l'Hé- 
rault, en  i774»fi'u"c  tamille  de 
robe,  donna  les  premiers  gages  i\ 
la  révolution  en  se  présentant 
comme  volontaire  aux  bataillons 
de  son  département  en  179'i. 
L'année  suivante  il  y  fut  nommé 
capitaine  par  le  choix  libre  et  u- 
nanime  de  ses  camarades.  En  Tan 
7,  il  fui  nommé  chef  de  bataillon 
à  l'armée  d'Italie;  et  en  l'an  8,  ad- 
judant-commandant à  l'armée  du 
Jlhin,  Un  an  après  il  était  employé 
au  corps  d'observation  de  la  (Gi- 
ronde; en  Tan  10  il  partit  pour 
Saint-Domingue  sous  les  ordres 
du  général  en  chef  Leclerc,  qui  le 
nomma  général  de  brigade.  Le  gé- 
néral Claparède  eut  dans  celte 
campagne  le  commandement  du 
départen»ent  du  Libao,  oblintdes 
avantages  inrportans  sur  les  Nè- 
gres commandés  par  Paul  Lou ver- 
turc,  frère  du  fameux  Toussaint, 
et  par  Clairvaux;  et  en  l'an  1 1,  il 
commandait  la  ville  du  Cap,  à  la 
fatale  époque  de  la  désertion  ctde 
la  révolte  de  l'armée  noire,  dont 
Christophe  et  Dessalines  diri- 
geaient la  trahison.  De  retour  en 
France,  après  la  mort  du  général 
Leclerc,  le  général  Claparède  fut 
employé  en  l'an  11  au  cantonne- 
mentdcSaintes,  et  Tannée  suivan- 
te, s'embarqua  sur  l'escadre  du 
contre -amiral  Missiessy,  pour 
l'expédition  de  la  Dominique.  A- 
près  avoir  contribué  à  la  soumis- 
sion de  cette  colonie,  il  revint  en 
France,  et  fut  la  même  année  <;m- 
ployé  à  la  division  des  grenadier:} 
d'Oudinot  et  ù  la  grande-armée. 
Eo  l'an  i4)  il' commandait  en  Al- 


CLA 


4ï9 


lemagne  la  première  brigade  du 
5°"  corps,  et  se  trouva  aux  com- 
bats de  Werlingen,  d'L'Im,  d'Uol- 
labrùm,  et  à  la  célèbre  bataille 
d'Austerliu.  En  i8o6,  dans  la 
guerre  de  Prusse,  les  troupes  aux 
ordres  du  général  Claparède  com- 
mencèrent la  campagne  par  le 
beau  combat  de  Saaifeld,  contre 
le  prince  Louis-Ferdinand,  et  sa 
brigade  d'infanterie  fut  honora- 
blement mentionnée  dans  l'ordre 
du  jour  de  son  corps  d'armée.  A 
léna ,  cette  nume  brigade  com- 
mença l'attaque  avec  succès  con- 
tre 8,000  S.ixons.  Au  combat  de 
Pulstuck,  le  général  Claparètle  eut 
un  aide-de-camp  tué  ù  ses  côtés, 
fut  blessé,  et  néanmoins  se  trou- 
va aux  combats  d'Oslrolenka,  du 
camp  de  Borky,  et  à  toutes  les 
affairesqui  eurent  lieu  en  Pologne, 
en  1807,  à  l'époque  de  la  confé- 
rence des  deux  empereurs  à  Til- 
sit.  A  la  paix,  il  fut  avecsa  briga- 
de chargé  du  service  de  la  ville 
d'Erfurt,  et  fut  nommé  général 
de  division  le  8  octobre  1808.  Le 
i5  janvier  i8or),  il  eut  le  com- 
mandement d'ure  division  du 
corps  du  général  Oudinot,  armée 
d'Allemagne,  et,  le  16  février  sui- 
vant, fut  chargéde  son  organisa- 
lion;  ce  fut  dans  celle  campagne 
qu'eut  lieu  la  brillante  affaire  d  É- 
bersberg  au  passage  de  la  Tramni. 
«  La  division  Claparède  seule,  dit 
»  le  bulletin,  et  n'ayant  que  4  piè- 
)' ces  de  canon,  lutta  pendant  (rois 
«heures  contre  5<>,ooo  eimemi;^. 
«Cette  action  d'Ebersberg  est  un 
.)  des  plus  beaux  faits  d'armes  dont 
»  l'histoire  puisse  conserver  le  sou» 
«venir.  La  division  Claparède, 
»  s'est  couverte  de  gloire:  le  pont, 
»  la  ville  et  la  position  d'Ehersbtrjç 


420  CLA 

«seront  des  monumens  durables 
))de  son  courage.  Le  voyageur  di- 
«ra  :  C'est  ici  de  cette  superbe  po- 
DSition,  de  ce  pont  d'une  si  longue 
«étendue,  de  ce  château  si  l'ort 
«par  sa  situation,  qu'une  armée 
»de  5o,ooo  Autrichiens  a  été 
«chassée  par  7,000  Français.  »  A- 
prcs  la  bataille  d'iîl^ling,  où  le  gé- 
néral Claparéde  tut  blessé,  l'em- 
pereur lui  confia  le  commande- 
ment de  la  1"  division  de  l'armée 
de  Dalmatie.  Ce  fut  à  la  tr-te  de 
cette  division  qu'il  prit  part  à  la 
mémorable  journée  de  \Vagram 
et  au  combat  de  Znaïm.  Après 
cette  campagne,  il  l'ut  nommé 
grand-ofïicier  de  la  légion-d'hon- 
neur. En  1810,  commandant  la 
division  formée  à  Bayonne ,  il 
partit  pourl'arméed'Espagne,  7""" 
corps,  et  commanda  en  chef  les 
troupes  stationnées  dans  les  pro- 
vinces de  Salamanque  et  de  Za- 
mora,  et  lesplacesde  Ciudad- Ro- 
drigo et  d'Almeida,  depuis  octo- 
bre 1810  jusqu'en  avril  1811.  A 
cette  dernière  époque,  chargé  de 
couvrir  avec  sa  division  les  der- 
rières de  notre  armée  de  Portu- 
gal, qui  s'était  établie  devant  les 
lignes  anglaises,  il  battit  complè- 
tement le  g'-néral  portugais  Sil- 
veira,  et  le  força  de  repasser  le 
Duero  à  Lamego.  Ses  opérations 
entre  cette  rivière  et  le  Tage  fu- 
rent également  heureuses,  et  fu- 
rent remarquables  par  la  prise  de 
la  Ville  de  Covilhao,  où  un  nou- 
veau corps  d'insurgés  et  de  gué- 
rillas se  formait  sous  les  ordres 
d'un  ofBcier  anglais.  Il  comman- 
dait alors  la  2°"  division  du  5°" 
corps.  Après  sa  retraite  de  Portu- 
gal, en  i8i2,  le  général  Claparé- 
de reçut  le   commandement  en 


CLA 

chef  du  corps  polonais  au  service 
de  France,  fit  en  ciJlle  qualité  la 
campcgne  deRussie,  et  se  trouva 
à  la  bataille  de  la  Moskowa,  et 
au  passage  de  la  Bérésina  ,  où  il 
fut  blessé.  En  juin  181 5,  il  fut  at- 
taché au  corps  d'observation  de 
!Mayence,et  fut  mis  en  1814  à  la 
disposition  du  gouverneur  de  la 
1"  division  militaire.  En  janvier 
181 5,  il  en  commandait  la  5°* 
subdivision;  à  l'époque  du  11 
mars,  il  commandait  les  trou- 
pes qui  devaient  se  rassembler 
à  Melun  sous  les  ordres  du  duc 
de  Berri;  et  le  iG  du  même  mois, 
sous  les  ordres  de  ce  prince,  il 
commandait  une  division  à  Pa- 
ris. Le  i5  juillet  suivant  il  y  fut 
nommé  commandant  de  la  place, 
et  le  1 5 octobre,  de  la  2°"  division 
militaire,  fonctions  qu'il  n'a  pas 
exercées.  Le  18  novembre  de  la 
même  année,  le  général  Claparé- 
de a  été  nommé  inspecteur-géné- 
ral d'infanterie,  1"  division  mili- 
taire, place  qu'il  remplit  actuel- 
lement. Le  i5  novembre  181 5. 
le  roi  l'a  nommé  gouverneur  du 
château  royal  de  Strasbourg,  et,  le 
5  mars  1819,  pair  de  France.  Plu- 
sieurs journaux  ont  placé  à  tort 
le  nom  du  général  Claparéde  par- 
mi les  signataires  de  la  protesta- 
tion faite  par  une  partie  de  la 
chambre  des  pairs,  sur  le  juge- 
ment du  lieutenant-colonel  Ma- 
ziau.  Le  même  esprit  de  justi- 
ce nous  porte  également  à  dire 
que ,  le  général  Claparéde  n'a 
cessé  dans  les  fonctions  militai- 
res qu'il  exerce  à  Paris,  d'user 
de  son  influence  pour  adoucir 
le  sort  d'une  grande  quantité  de 
ses  anciens  compagnons  d'ar- 
mes, et  leur  être  iirile  toutes  les 


CLA 

fois  que  l'occasion  s'en  est  pré- 
sentée. 

CLARE  (lobd  FiTz  -  Gibbon, 
comte).  Le  marché  de  Cidre  est 
à  Londres  une  vaste  boucherie. 
Assez  grossiers  dans  leurs  atta- 
ques, et  peu  délicats  dans  leurs 
allusions,  les  journalistes  anglais, 
en  parlant  de  lord  Clare,  si  vio- 
lent dans  ses  avis  sur  le  malheu- 
reux pays  où  il  est  né  (l'Irlande), 
ont  plus  d'une  lois  fait  ressortir 
cette  triste  coïncidence  de  mots. 
Quoi  qu  il  en  soit  du  mauvais 
goût  de  ces  sanglantes  plaisante- 
ries, il  est  vrai  que  lord  Clare, 
aujourd'hui  protestant  fougueux 
et  courtisan  assidu,  avait  pour 
grand-père  un  paysan  catholique  ; 
que  son  père  apostasia  de  bonne 
heure  ;  et  que  le  fils,  avocat  au 
barreau  d'Irlancle,  à  force  de  dé- 
ployer son  ardeur  évangélique 
et  de  montrer  sa  tendresse  pour 
le  pouvoir,  fut  porté,  en  177.*),  i\ 
la  chambre  des  communes  par  le 
ministère.  Jamais  les  partisans  de 
la  liberté  n'eurent  un  adversaire 
plus  hardi,  ni  les  chefs  du  minis- 
tère un  séide  plus  dévoué.  Deve- 
nu avocat-général,  baron,  chan- 
celier, et  enfin  pair  d'Angleterre, 
il  se  fit  remarquer,  comme  disent 
certains  rédacteurs  de  biogra- 
phies, par  son  inébranlable  cou- 
rage :  il  s'agissait  d'étouffer  la 
voix  des  catholiques  opprimés,  et 
d'éteindre  dans  le  sang  les  pre- 
miers feux  de  la  liberté  qui  vou- 
lait renaître  en  Irlande  :  l'Irlan- 
dais Clare,  né  de  parens  catholi- 
ques, fut  courageux  dansées  cir- 
constances; il  fut  inébranlable 
contre  son  pays  :  quel  nom  don- 
ner à  ce  courage? 

CLAKENCE(Geobce9-Herbi), 


CLA  421 

second  frère  de  Georges  IV,  troi- 
sième fils  de  Georges  III,  est  l'un 
des  membres  les  plus  estimés  de 
l'opposîlion  anglaise,  ainsiquede 
la  iamtlle  royale.  Sa  naissance  ne 
l'a  point  reiulususpectauxwhigs  ; 
ses  liaisons  avec  l'opposition,  et 
la  franchise  de  sa  marche  politi- 
que, ne  l'ont  point  brouillé  avec 
la  cour.  Il  est  né  le  21  août  17G5. 
Elevé  pour  la  marine,  il  passa  par 
tous  les  grades  du  service,  ne  re- 
çut aucun  commandement,  et  de- 
venu membre  de  la  chambre  des 
pairs,  vota  presque  toujours  dans 
le  sensde  Burdelt  ou  de  Wilber- 
force.  Les  ministres  l'eurent  pour 
adversaire  inébranlable.  Il  s'éle- 
va vivement  contre  la  traite  des 
Nègres,  s'opposa  ù  la  guerre,  et 
fit  tomber  du  ministère  William- 
Pitl,  qui  la  fomentait.  Datis  la 
question  de  la  repression  de  L'a- 
duUere^  il  prouva  que  le  divorce 
est  une  sauvegarde  contre  le 
déshonneur  des  familles,  et  mon- 
tra, avec  une  énergie  d'éloquence 
qui  ne  lui  était  pas  ordinaire,  que 
c'est  mal  servir  lacause  de  la  ver- 
tu, que  de  lui  im[ioser  des  entra- 
vestroppesantes  :  «  Faites  en  sor- 
»  te,  messieurs,  dit-il  en  terminant, 
«qu'elle  ne  désespère  pas  d'elle- 
«même.  Donnez-lui  plutôt  un  a- 
»sile,  même  équivoque,  que  de 
»Ia  réduire  au  désespoir;  le  dé- 
«sespoirest  le  plus  terrible  en- 
»  nemi  de  la  vertu .  »  Ce  fut  le  duc 
de  Clarencc  qui,  en  qualité  de 
grand  -  amiral ,  convoya  le  roi 
Louis  XVIII  jusqu'aux  rivages 
de  France ,  lors  de  la  première 
restauration,  en  i8i4> 

CLARISSE  (JEA>),savantthéo- 
logien,  est  né  àSchiedam  en  Hol- 
lande, au  mois  d'octobre   1770. 


423  CLA 

Il  lut  nommé  ministre  du  culte  à 
Doorn,en  1792,  el  profesHour  de 
théologie  à  I  iicadémiedc  Hardcr- 
wick  en  i8o5.  A  l'époque  de  la  réu- 
nion de  la  Hollande  à  l'empire  IVan- 
rais,cetteacadémieayant  été  sup- 
primée, M.  Clarisse  de  vint  prédica- 
teur ii  Rotterdam.  Le  roi  des  Pays- 
lias  le  nomma,  au  mois  de  novem- 
bre 181/Î,  professeur  de  théologie  à 
l'université  de  Leyde.  Cet  ecclé- 
siastique a  constamment  prouvé, 
sous  tous  les  gouvernemens  et  à 
toutes  les  époques,  qu'il  était  par- 
tisan et  apologiste  des  idées  libé- 
rales; ses  discours,  ses  sermons, 
ses  ouvrages  et  sa  conduite,  ont 
toujours  eu  la  même  direction. 
Soit  qu'il  ait  écrit  des  disserta- 
tions sur  le  Saint-Esprit,  ou  des 
mémoires  de  la  f^ie  des  apôtres, 
M.  Clarisse  a  su  concilier  ses  sen- 
timens  philanthropiques  ,  son  a- 
mour  pour  la  liberté,  avec  les 
matières  métaphysiques  ou  mys- 
tiques qu'il  avait  à  traiter;  enfin 
on  prendrait  ses  productions  as- 
cétiques pour  des  leçons  de  mo- 
rale à  l'usage  des  amis  de  leur  pa- 
trie et  de  la  gloire  nationale. Nous 
allons  indiquer  quelques-uns  des 
ouvrages  publiés  par  M.  Cla- 
risse :  Mémoire  tendant  à  prou- 
ver  que  la  religion  est  la  source 
du  bonheur,  etc.  ;  Traité  sur  le 
contentement;  Mémoire  sur  les 
moyens  les  plus  propres  à  arrêter 
la  légèreté  dans  les  principes  et 
dans  les  moeurs,  etc.,  etc. 

CLARK  (Jean),  médecin  écos- 
sais, naquit  à  Roxburgh  en  1744» 
Destiné  par  son  père,  riche  fer- 
mier, '1  l'état  ecclésiastique,  il  fit 
ses  études  théologiques  à  l'univer- 
sité d'Edimbourg,  où  il  revint 
bientôt  étudierla  chirurgie,  scien- 


CLA 

ce  qu'il  préférait  à  l'autre.  Après 
avoir  fait  plusieurs  voyages  en 
qualité  d'aide-chirurgien  au  ser- 
vice de  la  compagnie  des  Indes, 
il  publia,  en  1773,  des  Observa- 
tions sur  les  maladies  qui  régnent 
le  plus  durant  les  voyages  aux 
pays  chauds^  in-8°,  1773.  Cet 
ouvrage  eut  du  succès,  et  fut  réim- 
primé en  1792  avec  des  observa- 
tions très-importantes  sur  les  fiè- 
vres. Clarck,  reçu  docteur  en  mé- 
decine à  l'université  de  Saint-An- 
dré ,  s'était  fixé  à  Newcastle ,  où 
il  fit  établir,  en  faveur  des  indi- 
gens,un  dispensaire dontl'huma- 
nité  et  l'art  lui-môme  appréciè- 
rent bientôt  tout  le  bienfait.  Il 
parvint  aussi  à  faire  améliorer  le 
régime  de  l'hôpital  de  cette  ville; 
mais  les  nombreuses  contrariétés 
qu'il  éprouva  dans  cet  acte  de  phi- 
lanthropie, détériorèrent  entière- 
ment sa  santé,  qui  avait  toujours 
été  très-délicate.  Il  mourut  aux 
eaux  de  Bath  le  24  avril  i8o5.  Ou- 
tre l'ouvrage  déjà  cité,  difiërens 
Mémoires  insérés  dans  le  recueil 
de  la  société  de  médecine  d'E- 
dimbourg, et  un  Recueil  de  mé~ 
moires  sur  les  moyens  de  préve- 
nir les  fièvres  contagieuses  à  New- 
castle et  dans  les  autres  villes 
trcs-peuplées,  1802,  deux  parties 
in-12;  on  lui  doit  encore  des  Ob- 
servations sur  lesjievres  en  géné- 
ral et  sur  la  fièvre  continue  en 
particulier,  1780,  in-8".  Clarck 
avait  publié,  en  1785,  un  traité 
posthume  du  docteur  Dugald  Les- 
lie  sur  le  calharre  contagieux  de 
cette  même  année,  avec  une  let- 
tre qu'il  avait  adressée  à  l'auteur 
sur  le  meilleur  traitement  de  cel- 
te maladie. 
CLARKE  (Edouard  -  Dasiei)  , 


CL4 

célèbre  voyageur  anglais,  a  par- 
couru la  France,  l'Italie,  le  Dane- 
mark, la  Norwège,  la  Laponie,  la 
Finlande,  la  Crimée,  l'AsicMineu- 
re,  la  Syrie,  la  Palestine,  la  Tur- 
quie, la  Hongrie  et  l'Allemagne. 
Savant  minéralogiste,  il  a  recueilli 
dans  ces  divers  pays  des  trésors 
précieux  pour  l'étude  dont  il  s'est 
long-temps  et  spécialement  occu- 
pé. La  connaissance  des  hommes 
et  l'observation  des  mœurs  n'ont 
point  été  les  objets  de  ses  recher- 
ches; mais  il  a  rendu  des  services 
à  la  numismatique,  à  la  science 
des  antiquités,  à  la  minéralogie. 
C'est  à  Edouard  Clarke  qu'est  dû 
ce  beau  marbre  antique,  déposé 
par  lui  à  la  bibliothèque  cambrid- 
gienne,  et  qui  représente  les  l'êtes 
d'Eleusis.  Ses  travaux  sur  la  f>itr- 
re  de  Rost'tu-  prouvent  de  l'érudi- 
tion et  du  gofit.  Il  a  donné  plu- 
sieurs dissertations  estimées  sur 
desobjetsd'antiquité.s,et  fait  quel- 
ques expériences  nouvelles  qui 
n'ont  pas  été  inutiles  aux  prt>grè8 
de  la  chimie.  Né  vers  1770,  il  fit 
ses  études  au  collège  de  Jésus,  à 
Cambridge,  et  de  retour  de  ses 
longs  voyages,  reçut  les  ordres 
sacrés,  et  fut  nommé  professeur 
de  minéralogie  à  l'université  dont, 
suivant  le  style  des  écoles,  il  était 
le  nourrisson.  Sa  Distribution 
ntéliiociique.  du  refîne  minerai,  in-* 
fol.,  1S07,  a  paru  rédigée  sans 
soin  et  sans  clarté.  Il  a  écrit  d'un 
style  incorrect,  lourd,  prolixe,  la 
narration  de  ses  voyages,  à  la- 
quelle rintérêt  des  matières  a  don- 
né des  lecteurs  et  plu^icHrs  édi- 
tions, in-/|",  1810  2  vol.  de  sup- 
plément, 1811;  dernière  édilion 
de  i8i(),  2  gros  vol.  in-8".  C'est 
d'ailleurs,  pour  ce  qui  tient  aux 


CLA 


423 


sciences  naturelles,  une  mine  ri- 
che en  observations  neuves.  Le 
tableau  qu'il  a  fait  du  peuple  rus- 
se n'est  pas  de  nature  à  concilier 
beaucoup  d'estime  à  cette  nation. 
Un  peuple  dont  la  servitude  est 
l'élément  ,  des  nobles  grossiers, 
des  savans  sans  goQt,  des  princes 
barbares;  la  dépravation  sans  élé- 
gance, la  corruptit)n  des  mœurs 
les  plus  civilisées  au  sein  de  la 
barbarie,  tels  sont  les  traits  hi- 
deux sous  lesquels  il  représente 
celte  immense  armée  qu'on  ap- 
pelle le  peuple  russe,  et  dont  l'i- 
nondation, avant  un  siècle,  aura 
fini  par  submerger  l'Europe  en- 
tière. ^ 

CLARKE  (.Iames  Stanier),  frè- 
re du  |)récédeiit,  a  élé  chargé  par 
S.  i\l.  George  IV,  alors  prince-ré- 
gent d'Angleterre,  dont  il  était 
chapelain,  de  mettre  en  ordre  les 
papiers  de  Jacques  II,  et  d'en  ex- 
traire une  f^w  de  ce  prince,  qui 
a  paru  à  Londres  en  i8i(>.  La 
scrupuleuse  fidélité  de  ra!)ré- 
viateur  a  conservé  bien  des  faits 
curieux,  mais  que,  par  respect 
pour  la  ménioire  du  roi,  la  cour 
eût  pu  laisser  dans  l'oubli.  La  yie 
de  Neison,  qu'il  a  aussi  composée 
d'après  les  naémoires  de  l'amiral, 
est  exacte  et  écrite  d'un  style  cor- 
rect. Mais  l'auteur  est  tombé 
dans  le  défaut  trop  commun  aux 
historiens  anglais,  qui  souvent 
offrent  le  squelette,  au  litu  du 
tableau  de  l'histoire.  Daillenrs  la 
plume  d'im  historiographe  char- 
gé d'office,  est  esclave  de  tant 
di;  convenances,  que  l'on  peut  A 
peine  lui  reprocher  de  la  limiilité, 
de  la  sécheres-e  et  de  la  grne. 

C  L.4KKE  (THOMÀS-ÛnooK.K^, 
exemple  vivant  de  la  roule  qu'ua 


424 


CLA 


écrivain  peut  suivre  s'il  veut  fai- 
re pros|)ér<;r  sa  l'orlune.  Après  a- 
voir  élutlié  i\  Dublin,  et  avoir 
Toyagé  en  Allemagne,  Clarke,  ar- 
rivé à  Londres,  se  fit  pamphlétai- 
re politiqjie.  Il  [)eignil  avec  cha- 
leur les  dangers  des  révolutions, 
argumenta  en  laveur  des  secrétai- 
res d  état  el  des  détenteurs  de 
portefeuilles,  montra  la  situation 
de  l'Europe  sous  les  riipports  les 
plus  favorables  aux  vues  du  mi- 
nistère, déclama  contre  l'opposi- 
tion, soutint  la  nécessité  de  l'a- 
néantissement politique  de  l'Ir- 
lande sa  pallie,  et  acquit  peu  de 
gloire,  mais  en  revanche  de  riches 
bénéfices  et  quelques  bonnes  pla- 
ces, comme  celle  de  bibliothécai- 
re du  prince-régent.  A  quoi  bon 
donner  les  titres  des  ouvrages  de 
M.  ClarkeP  Des panég3'riques sans 
éloquence  de  ministres  sans  cré- 
dit valent-ils  la  peine  d'être  cités? 
Ces  ouvrages,  composés  dans  un 
intérêt  privé,  ne  sauraient  occu- 
per l'opinion  publique. 

CLARKE  (  JHessi  -  JACQtEs- 
Gcillaime),  duc  de  Feltre,  Ir- 
landais d'tn-igine.  Il  n'est  pas  de 
nom  qui  se  lie  plus  intimement 
aux  divers  pouvoirs  qui,  depuis 
trente  ans,  se  sont  succédé  en 
France.  Serviteur  zélé  du  comité 
de  salut  public,  du  directoire,  du 
premier  consul,  de  l'empereur 
et  du  roi,  jamais  fidélité  ne  s'est 
plus  multipliée  que  la  sienne,  et, 
par  un  privilège  singulier,  cegé- 
néral  est  peut-être  le  premier 
homme  de  guerre  qui,  même  en 
cessant  de  conibailre ,  n'a  pas 
cessé  de  figurer  sous  les  drapeaux 
du  vainqueur.  Né  à  Landrecies,  le 
17  octobre  1^05,  M.  Clarke  était 
fils  d'uu  g;ardc-magasin  dies  sub- 


CLA 

sistancps  de  cette  ville.  Devenu 

(»rphelin  Irès-jeune.  il  entra  à  l'É- 
cole militairede  Paris  eu  1781;  fut 
nommé  ,  l'année  suivante,  sous- 
lieutenant  au  régiment  de  Ber- 
wick;  obtint,  en  1784,  le  grade 
de  capitaine  dans  le  régiment  de 
Colonel-général;  partit,  en  1  "Oo, 
pour  Londres,  comme  employé 
de  l'ambassade  française  ;  vint 
reprendre  son  grade  en  i7()l  » 
dans  le  régiment  d'Orléans-dra- 
gons; et  passa  l'année  suivante 
dans  le  2""  de  cavalerie,  avec  le 
graile  de  chef  d'escadron.  La  des- 
tilutionde  M.  Beaujeu,  à  laquelle, 
suivant  l'opinion  de  plusieurs  bio- 
graphes, il  ne  fut  pas  étranger, 
lui  procura  bientôt  le  comman- 
dement de  ce  même  régiment. 
Les  premières  opérations  mili- 
taires de  M.  Clarke  ne  furent  pas 
heureuses;  et  le  corps  qu'il  com- 
niandait  ne  fut  préservé  d'une 
destruction  totale,  que  par  la  pré- 
sence d'esprit  des  olficiersqui  ser- 
vaient sous  ses  ordres  ,  et  notam- 
ment par  l'expéiience  et  l'intré- 
pidité de  31.  Bellavesne,  aujour- 
d'hui lieutenant-général.  En  mai 
1790,  le  colonel  Clarke  obtint  le 
grade  de  général  de  brigade  sur 
le  champ  de  bataille  d'Herchein, 
près,  de  Landau.  Quelque  temps 
après,  il  servit  à  l'avanl-garde 
de. l'armée  du  Rhin  ,  dont  il  de- 
vint bientôt  chef  d'état-major. 
En  1795,  suspendu  de  ses  fouc- 
litms,  comme  noble  et  suspect, 
il  fut  incarcéré,  redevint  libre, 
se  reliça  en  Alsace;  et,  de  retour  g^ 
à  Paris,  se  présenta  au  générai 
Carnot,  qui,  en  qualité  de  mem- 
bre du  comité  de  salut  public,  se 
trouvait  à  cette  époque  directeur 
suprême  de  toutes  les  opérations 


CLA 

inilitiiires.  On  assure  que  le  zèle 
et  le?  opinions  républicaines  du 
citoyen  Clai  ke  étaient  alors  telle- 
ment prononcés,  que  le  j^énéral 
Carnot  se  vit  contraint  de  le  cal- 
mer  par  de   sages  exhortations. 
Nommé  chef  du  bureau  topogra- 
phique ,    le    général    Clarke   s'y 
distingua  par  son  aptitude   ù  ce 
genre  de  travail;  et,  plus  habile 
dans  un  cabinet  qu'à  la  tête  d'un 
corps  d'armée,  il  rendit,  dans  cet- 
te position,  des  services  réels  au 
comité  de  salut  public  qui  l'avait 
nommé,  et  au  directoire  qui  le 
conserva.   Créé  général   de  divi- 
si(m  parle  directoire,  le   lO  i'ri- 
maire  an  4  (  T  décembre  i^gj), 
il   partit  pour  Vienne,  afin  d'y 
remplir  une  mission  secrète.  De 
retour  à  Paris,  il  obtint  du  direc- 
toire  une   marque   de   confiance 
qui,  par  la  suite,  le  conduisit  au 
faîte  des  honnetirs  et  de  la  fortu- 
ne. La  gloire  et  l'ambition  du  gé- 
néral Bonaparte  causaient  de  lin- 
quielude  au   gouvernement   ;   le 
directoire   prit   la   réstilulion  de 
donner   un   surveillant  au   vain- 
queur de  l'Italie,  et   le  général 
Clarke,  choisi  à  la  majorité  de 
trois   voix    contre    deux  ,    partit 
pour  Milan.  Le  but  apparent  de 
sa  mission  était  d'obtenir  la  mise 
ca  liberté  de  MM.  La  Fayette,  La- 
tour-Maubourg,  etc.,  etc. ,  etc., 
retenus  pri'ionniers  en  Autriche 
contre  le  droit  des  gens.  Si  l'cuil 
pénétrant  du  général  Bonaparte 
ne  fut  pas  abusé  un  seul  instant, 
l'esprit  souple  et  pré  voyant  de  l'a- 
gent directorial  ne  s'égara  point. 
La  plu»  intime  confiance  ne  tar- 
da point  à  s'établir  entre  le  sur- 
veillant et  le  surveillé;  le  direc- 
toire Qc  reçut  ricD  du  premier 


CLA  4^5 

sans  l'aveu  du  second;  et  M.  Clar- 
ke devinf,  par  cette  conduite,  uq 
des  auteur^  de  l'élévaiioii  rapide 
du  futur  empereur.  Quand  les  ar- 
mées françaises  s'emparèrent  de 
Venise,  au  mois  de  floréal  an  5 
(mai  1797),  Clarke  assista  a  Tou- 
verture  du  portefeuille  du  comte 
d'Entraigues ,  arrêté   dans   cette 
ville,  landis  qu  un  général  de  27 
ans  portail  à  l'extérieur,  au  plus 
haut  degré,  la  gloire  des  armes 
françaises,  la  France  était  désolée 
au  dedans  par  des  dispensions  et 
des  coups  d'état.  Le  18  fructidor, 
à  la  suite  duquel  une  portion  dit 
directoire  proscrivit  l'autre  ,  ve- 
nait d'avoir  lieu  ;  Carnot  était  fu- 
gitif :  le  rappel  du  protégé  suivit 
de  près  la  disgrâce  du  protecteur. 
Le  général  Clarke   reçut  l'ordre 
de  revenir  à  Paris;  mais  retenu 
parle  général  Bonaparte,  il  resta 
à  Ddine  jusqu'après  le  traité  de 
Campo-Foruiio ,  signé  le  17  oc- 
tobre 1797,  et  ne  revint  en  Fran- 
ce que  sur  un  ordre  réitéré  qu'il 
reçut  à  Milan.  De  retour  à  Paris, 
sa   disgrûce    fut    quelque    temps 
complète  ;  non-seulement  il  cessa 
d'être  employé  activement  com- 
me militaire,  mais  il  perdit  la  di- 
rection du  bureau  topographique. 
Cependant,  vers  la  fin  de  l'an  6,. 
il  fut  chargé,  par  le  directoire, 
d'une  mission  relative  à  la  négo- 
ciation d'un  tiaité  d'alliance  qui 
fut   conclu   entre    la   république 
française  et  le  roi  de  SariLtignc. 
Après  le   18  brumaire,  l'ancien 
f<^vori  du  comité  de  salut  public 
et  du  directoire  devint  celui  du 
premier  consul.  Rétabli  dans  ses 
fonctions  de  chef  du  bureau  lo- 
pograjdiique ,    le  général  Clarke 
fut  CD  outre  nouiuié  coumidauaot 


.'|2(»  TLA 

eXl  raoïdiiiaiiH'.  d«;  Lunévillc,  le  3o 
seplernbro  iSoo,  au  luomcTit  où 
le  r,on{5rès  y  tint  ses  séances. 
Le  M  octobre  i8oi,  un  traité  de 
paix  fut  signé  à  Paris,  entre  lu 
Frantce  et  la  Russie,  el  Clarke 
l'ut  chargé  par  le  premier  ccmsul 
de  s«;  rendre  à  Lille,  afin  do  faire 
effectuer  la  mise  en  liberté  et  le 
renvoi  dans  leur  patrie  des  pri- 
sonniers russes  qui  se  trouvaient 
dans  cette  ville.  Après  avoir  passé 
trois  ans  avec  le  litre  de  (  hargé 
d'affaires  auprès  du  jeune  prince 
de  Pairme  ,  qui  venait  d'être  créé 
l'or  rlÉtrurie,  Clarke  fut  noni- 
rùé  conseiller-d'état,  secrétaire 
du  c.'i.binetdc  rem[tereur  pour  la 
marin  (î  et  la  guerre,  accompagna 
Napoléon  lorsque  ce  prince  porta 
ses  drapeaux  en  Allemagne  vers 
la  fin  de  i8o5,  fut  nommé  gou- 
verneur de  Vienne  et  créé  grand- 
officier  de  la  légion-d'houneur. 
Le  2<»  juillet  i8o<3,  après  la  paix 
de  Pj;esbourg,  il  fut  chargé  de 
conc'inre  avec  M.  Dou})ril,  mi-- 
nislr  e  de  Russie  ,  un  traité  qoe- 
l'influt-nce  anglaise  fit  rejeter  par 
le  cabinet  de  Saint-Pétersbourg. 
Le  cin(|aofit,  année  suivante,  il  es- 
quissa., avec  lord  Yarmoutb,  les 
prélim  inaires  d'im  traité  entre  la 
France  el  l'Angleterre  ;  mais  la 
mort  de  Fox  fit  échoaer  les  né-* 
gociafions.  Durant  l'occupation 
de  la  Prusse,  conquise  par  la  cé- 
lèbre victoire  d'Iéna,  Clarke, 
toujours  attaché  au  cabinet  dé 
l'èrtipereur  ,  exerça  successive- 
ment les  fonctions  de  gouverneur 
d'Erfurl  et  de  Berlin.  Ce  fut  au 
retour  de  celte  campagne  que, 
nommé  par  Napoléon  ministre 
de  la  guerre,  il  prit  possession 
de  ce  portefeuille  !-3  i5  août  1807. 


CLA 

Durant  cette  administration  , 
Clarke  se  signala  par  le  dévoue- 
ment le  plus  absolu  aux  projets 
ambitieux  de  son  maître:  et,  ce 
qui  paraîtra  plus  honorable,  par 
les  senlirnejis  de  la  haine  violente 
qu'il  sembla  vouer  au  gouverne- 
ment britannique.  L'expédition 
des  Anglais  contre  Flessingue  vint 
m«'ltre  le  comble  à  la  faveur  du 
ministre  :  cette  tentative  ,  qui  é- 
choua  devant  la  valeur  des  trou- 
pes françaises,  et  devant  lacli- 
vité  intrépide  de  Bernatlolte.  qui, 
alors,  portait  une  épée  pure  de 
toute  violence  contre  la  patrie  ; 
cette  tentative  enfin,  que  les  in- 
certitudes du  comte  Chatam  con- 
tribuèrent à  rendre  infructueuse, 
valut  à  Clarke ,  précédemnient 
nommé  comte  d'IIunebourg  ,  le 
titre  de  duc  de  Feltre,  elle  grand- 
cordon  de  la  légion-d'honneur. La 
vanitédu  ministreexaltéepar  tant 
de  faveurs  ne  s'arrêta  pas  en  si  beau 
chemin;  on  Tentendit  toutàcoup 
parler 'de  ses  aïeux,  et  se  procla- 
mer, un  beau  matin,  descendant 
des  P>antas;tinett.  Cette  préten- 
tion égaya  beaucoup  l'empereur, 
qui  lui  dit  un  jour  devant  une  fou- 
le nombreuse  :  f'''oas  ne  m'aviez 
jamais  parlé  de  vos  droits  au 
trône  d'Ans;leterre  ;  il  faut  les  re- 
vtmdinuer.  Durant  la  glorieus<i 
et  fatale  campagne  de  Moscou  , 
éclata  la  conspiration  des  géné- 
raux Laborie  et  Mallet,  dans  la 
matinée  du  25  octobre  1812. 
Clarke  ,  dans  cette  circonstance, 
perdit  toute  [)résence  d'esprit;  et, 
liicaT)al)le  de  réprin>er  un  com- 
plot qu'il  n'avait  pas  «u  prévoir, 
il  ne  retrouva  de  l'énergie  que 
lorsqu'il  fut  question  de  punir. 
Cependant  k»  retraite  désastreuse 


CLA 

de  Moscou  avait  lait  chanceler  la 
fortune  de  ?iapoIéon;  son  retour 
imprévu  ranima  tontes  les  espé- 
rances.   En   quelques  semaines, 
des  légions  s'organisèrent  comme 
par  enchantement;  et  les  vieilles 
troupes  de  l'Europe  coalisée  tom- 
bèrent, dans  les  plaines  de  Lut- 
zen  et  de  Bautzen,  sous  des  bras 
enlevés  depuis  peu  de  jours  ù  la 
charrue.    Ce    retour    de  fortune 
n'eut  pas  une  longiiedurée;  la  dé- 
faite de  Leipsick,  l'invasion  de  la 
France,    allaient    consommer  la 
chute   d'un   homme    auquel   M. 
Clarke  devait  ses  honneurs,  ses 
titres  et  sa  fortune.  S'il  faut  en 
croire,  et  les  bruits  qui  coururent 
aIor>,  et  les  aflirmations  de  plu- 
sieurs biographes,  les  i<egards  du 
ministre  de  l'usurpation  s'étaient 
déjà  tournés  vers  le  pouvoir  légi- 
time. Quoi  qu'il  en  soit ,  la  Fran- 
ce, au  moment  où  son  sol  fut  en- 
vahi,  se  trouvait  dépourvue  de 
tout  moyen  de  défense  ;  les  places 
fortes  exposées  au  premier  coup 
de  main  n'avaient  pas  un  den»i- 
quart  de  leurs  pièces  en  batterie; 
et  l'ennemi  bloquait  déjà  l;t  ville 
de  Metz,  qu'on  manquait  de  chaî- 
nes pour  faire  jouer  les  ponls-le- 
vis.  l'n  génie  désorganisaleur  et 
traître   sen)blait    conspirer    avec 
les  hordes  du  Nord,  pour  ruiner 
l'indépendance,  la  fortune  et  la 
gloire  de  la  patrie.  Le  27  février 
1814,  le  duc  de  Feltre,  chargé 
de    présenter    solennellement   A 
l'impératrice  les  draj)eaux  enle- 
vés   A  l'ennetni    aux  aflaires   de 
Champaubert  et  de  Montmirail , 
jeta  les  derniers  accens  d'un  en- 
thousiasme qjii.  véritable  ther- 
momètre politi(jue,    montait  ou 
baissait  suivant  les  degrés  de  la 


CLA  42y 

Ijprtunc  de  Napoléon.  ï)e  grand* 
événemensse  décidèrent  ;  uneca- 
pilulation    de    funeste   mémoire 
livra  l'arisaux  baïonnette^étran- 
gères  ;  le  sénat,  bas  flatteur  de  Na- 
poléon  vainqueur,  prononça   la 
déchéance   de   Napoléon   vaincu 
(5  avril  1814).  Le  duc  de  Feltre 
ne  se  piquant  pas  d'être  envers 
l'empereur  plus  constant  que  la 
fortune,  adhéra  sans  balancer  à 
l'expulsion    de    son    bienfaiteur, 
et  lut  nommé  pair  de  France  par 
le  roi,  le  4  jnin   i8i4-  En  chan- 
geant de  maître  et   de  couleur, 
le  duc  de  Feltre  ne  changea  ni  de 
principes  ni  de  caractère.  Quand 
l'abbé  de  Montesquiou.  ministre 
pédantesquemenl  inhabile,  vou- 
lut ,  à  l'aide  d'une  argutie,  mys- 
tifier toute  une  nation,  et  la  pri- 
ver, par  riuï^tilution  d'une  cen- 
sure, de  la  plus  chère  de  ses  li- 
bertés, l'on  entendit  le  duc  de  Fel- 
tre, naguère  esclave  aveugle  du 
despotisme  impérial ,  prononcer 
ces  paroles  subversives  de  tout 
principe    constitutionnel   :    «<   iS"* 
»  veut  le  roi  y  si  veut  in  loi.  »  L'ex- 
ministre  demeura  cependant  sans 
fonctions  jusqu'au  débarquement 
de  Napoléon  à  Cannes  ;  mais  lors- 
qu'on apprit  l'entrée  trioniptian- 
tc   de  l'armée    elboise  à    Lyon, 
Clarke  fut  nommé,  en  remjilace- 
ment  du  maréchal  Soull,  minis- 
tre de  la  guerre.  Il  se  rendit  en 
cette  qualité  à  la  chambre ,  et  se 
crut    avant   tout  obligé  d'y  fai- 
re la  déclaration    «   (Ju*arrii'é  à 
n  l'âge  de  5o  aux,  il  n'avait  trahi 
T. personne.  »   La  nomination  de 
Clarke   ne   retarda    pas   la    mar- 
che de  Napoléon.  Nous  ignorons 
ï<i.  cofume  le  disent  quebjues  bio- 
graphes ,  le  ministre  impérial  et 


428 


CLA 


royal  balança  sur  le  parti  qu'il 
prendriiit  duiaiu  les  rciti  j-mi-y  ; 
ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  qu'il  fi- 
nit par  se  rendre  à  Gaiid ,  et  l'ut 
ramené  à  Paris  par  le  désastre 
de  Waterloo.  Nommé  ministre  en 
remplacement  du  maréchal  Goii- 
vion-Sairit-Cyr,  vers  ksderni-jrs 
jours  de  i8i5,  c'est  durant  son 
administration  que  l'armée  fut 
soumise  à  la  mesure  huniiliante 
d  une  classification  par  catégo- 
ries; que  les  cours  prevôlales  fu- 
rent instituées;  que  plusieurs  gé- 
néraux couverts  de  cicatrices  loru- 
bèrenl  sous  le  plomb  français; 
que  le  général  ïravot  fut  condam- 
né ,  malgré  la  loi  diti;  d'amnistie 
(l'oj^er  ïravot);  que  des  sommes 
énormes  surchargèrent  le  budjet 
de  la  guerre,  tandis  que  l'armée 
fut  réduite  à  rien  ;  que  Lyon  fut 
livré  à  une  terreur  digne  de  f)3 , 
etc.,  etc.,  etc.  Le  général  Clarke, 
en  accablant  d'injures,  de  misè- 
re et  de  soupçons  les  olficiers  de 
la  vieille  armée,  a  paru  constam- 
ment ignorer  que  ceux  qui  ont  fidè- 
lement servi  une  cause,  •sdwK.seuls 
capables  de  fidélité  envers  une  au- 
tre. Ce  dernier  ministère  ayant 
cessé  vers  la  fin  de  1817,  Clar- 
ke, devenu  maréchal  de  France, 
par  suite  de  ses  long  travaux  ad- 
ministratifs, fut  nommé  gouver- 
neur de  la  i5°"'  division  militaire 
(Rouen).  Malgré  les  faveurs  dont 
il  fut  comblé,  il  ne  survécut  pas 
long-temps  à  sa  déchéance  mi- 
nistérielle, et  mourut  en  1818, 
le  28  octobre.  Clarke  est  un 
des  hommes  d'épée  auxquels  les 
travaux  de  la  plume  ont  le  plus 
servi.  Militaire  sans  talent,  il  ne 
manquait  d'aptitude  ni  pour  la 
diplomatie  ni  pour  l'administra- 


CLA 

tion.  Instrument  avéïTgle  de  des- 
potisme ,  il  fit  de  nombreux  en- 
nemi-au  gouvernement  impérial; 
et  nous  doutons  que  son  admi- 
nistration ait  été  plus  favorable 
au  g(»nvernement  du  roi. 

CLARKSON  (Thomas),  né  en 

I  7O1 ,  mérite  une  place  distinguée 
parmi  les  philanthropes  anglais. 
Élève  de  l'université  de  Cambrid- 
ge, M.  Clarkson  remporta  le  prix 
sur  cette  proposition  mise  au  con- 
cours en  1  r 85:  nEst-il juste  dt-  rcti- 
ndrt  dts  hom.'nes  esclaves  contre 
»  leHrvnlunl('?n  II  discuta  cette  im- 
portante question  en  l'appliquant 
à  la  traite  des  Nègres  sur  les  côtes 
de  Guinée,  et  indiqua  dans  sa  dis- 
sertation tous  les  moyens  de  fai- 
re cesser  cet  infâme  trafic.  M. 
Clarkson,  non  contentd'une  théo- 
rie savante  et  philosophique,  vou- 
lut arriver  au  but  de  ses  démons- 
trations; et  s'éiant  lié  avec  jtlu- 
sieursmembres  du  parlement,  qui 
partageaient  ses  opinions,  il  par- 
vint à  établir  un  comité  qui  s'oc- 
cupa sans  relâche  des  moyens 
d'obtenir  l'abolition  de  la  traite 
des  Africains.  M.  "VVilberforce  en 
fit  la  première  motion  au  parle- 
ment d'Angleterre,  en  1787;  il  la 
renouvela  plusieurs  fois  depuis 
cette  époque,  ce  qui  valut  à  cet 
honorable  membre  des  lettres  de 
citoyen  français,  qui  lui  furent 
décernées  par  décret  de  l'assem- 
blée législative  le  26  août   1792. 

II  s'écoula  encore  vingt  années 
avant  que  M.  Clarkson  et  ses  amis 
pussent  jouir  du  fruit  de  leurs 
travaux  et  voir  leurs  vœux  se  réa- 
liser ;  ce  fut  seulement  en  1807, 
sous  le  ministère  de  lord  Gren- 
ville,  que  l'abolition  de  la  traite 
des  Nègres  fut  décrétée  au  par- 


GLA 

lemcnt  et  sanclionnéc  par  le  roi 
d'Angleterre.  M.  Clarkson  fit  pa- 
raître, l'année  suivante,  l'Histoi-^ 
re  de  l'origine,  des  progrès  et  de' 
l'accomplissement  de  l'abolition 
du  commerce  des  esclaves  d'A- 
Jrique  par  le  parlement  anglais, 
2  vol.  in-8".  Indépendamment  de 
cet  ouvrage  et  de  la  dissertation 
dont  nous  avons  parlé  au  commen- 
cement de  cette  notice,  M.  Clark- 
son a  publié  :  les  Dangers  du 
commerce  des  esclaves  ajricains, 
in-S"  (traduit en  français,  18 14); 
Mémoires  de  la  V ie  publique  et 
privéede  Guillaume- Penn ,  1 8 1 3, 
a  vol.  in  -  8°.  M.  Clarkson  est 
l'un  des  co-rédacteurs  du  Philan- 
thrope, ouvrage  périodique  trés- 
savant  et  surtout  trés-libéral, 

CLALSEL  (Jean-Baptiste),  dé- 
puté du  département  de  l'Arrié- 
ge,  en  septembre  1791  i\  l'assem- 
blée législative,  et  en  septembre 
1792  à  la  convention  nationale. 
Membre  silencieux  et  inconnu  du 
côté  gauche  pendant  la  ses'»ion 
delà  première  de  ces  assemblées, 
il  ne  commença  à  se  faire  remar- 
quer que  dans  le  procès  du  roi, 
en  votant,  comme  la  plupart  de 
ses  collègues,  la  mort  sans  appel 
et  sans  sursis.  Les  événemcnsqui 
se  pressaient,  le  mélange  de  ta- 
lens,  d'audace,  de  génie,  de  cri- 
mes et  de  faiblesse,  qui  fit  de  cet- 
te assemblée  une  espèce  de  corps 
gigantesque,  agirent  puissam- 
ment sur  l'imagination  exaltée  de 
Clause!,  et  le  portèrent  à  franchir 
plus  d'imc  fois  les  limites  tracées 
par  la  raison;  cependant  il  ne  se 
livra  à  aucun  excès.  Sans  carac- 
tère |)rononcr,  il  suivit  l'impul- 
sion que  lui  donnèrent  les  événe- 
mens,  nu  céda:^  rinflucnce  toute- 


CLA 


429 


puissante  sur  son  esprit  des  hom- 
mes avec  lesquels  il  se  trouvait  en 
rapport.  Ouïe  vit,  le  5  octobre 
179.3,  demander  l'arrestation  des 
membres  de  l'assemblée  nationa- 
le, signataires  des  protestations 
contre  la  constitution  de  1791,  et 
peu  de  temps  ensuite  provoquer 
le  rappel  des  représentans  nobles 
qui  se  faisaient  remarquer  dans 
leurs  missions  par  l'excès  de  leur 
exagération  révolutionnaire;  puis 
après  le  9  thermidor  an  2,  deve- 
nu membre  du  comité  de  sOreté 
générale,  poursuivre  avec  achar- 
nement le  reste  des  partisans  de 
la  terreur.  Implacable  ennemi 
desdécemvirs,iln'availpasmoins 
d'énergie  contre  le  parti  royalis- 
te; et  ce  fut  parsuite  des  craintes 
que  ce  parti  lui  inspirait  pour  l'a- 
venir qu'il  s'opposa  à  la  suppres- 
sion des  comités  révolutionnaires, 
demanda  le  rapport  du  décret  qui 
suspendait  la  vente  des  biens  des 
émigrés,  cl  vota  contre  la  propo- 
sition de  rapporter  la  loi  dite  des 
suspects.  Il  montra  du  courage 
lors  de  l'insurrection  du  mois  de 
prairial  an  3.  Il  se  présenta  aux 
insurgés  qui  pénétraient  en  foule 
dans  l'enceinte  de  la  convention, 
et  leur  dit  en  se  découvrant  la 
poitrine  :  «  Que  ceux  qui  vou- 
»laient  marcher  sur  les  cadavres 
«des  représentans  du  peuple  ne 
n  travailleraient  pas  avec  plus  de 
))zèle  qu'eux  au  salut  de  la 
«république.»  Le  soir,  à  onze 
heures,  l'ordre  étant  rétabli,  Clau- 
sel  fit  décréter  la  formation  im- 
médiate d'une  commission  mi- 
litaire pour  juger  h'S  révoltés. 
Membre  du  conseil  des  anciens, 
il  y  fut  ce  qu'il  avait  été  dans  les 
assemblées  précédentes,  exalté* 


43o  GLA 

sanscaraclère,  mais  honnête  hom- 
me. Il  se  r.mgca  du  parti  direc- 
torial au  i»S  l'niclidor,  se  pronon- 
ça en  faveur  des  ovénemens  du 
iSJirum.iire,  l'ut  élu  membre  du 
corps  -  législatif  le  ()  novembre 
1798,  et  mourut  en  1804. 

CLAUSEL  DE  GOUSSE R- 
GUES  (  Jean  -  Glaudk)  ,  est  né  à 
Cousscrgues,  département  de  l'A- 
yeyron,  vers  ijiiô.  Jusque  dans 
ces  derniers  temps, qui  lui  réser- 
vaient une  sorte  de  célébrité  sin- 
gulière, son  existence  n'eut  rien 
de  remarquable.  Conseiller  ;\  la 
courd(*s  aidesavant  la  révolution, 
\l  éniigra,  servit  dans  l'arméede» 
princes,  se  fit  libraire  à  son  re- 
tour, écrivit  un  journal  qui  au- 
jourd'hui serait  foudroyé  par  les 
Déhais ,  et  fut  nommé,  en  1808, 
membre  du  corps-légi  lalif ;  en 
1809,  conseiller  à  la  cour  royale 
de  Montpellier;  en  i8i3.denou- 
veau  membre  du  corps-législ  itif. 
Il  est  inutile  de  nous  étendre 
sur  les  concessions  qu'il  a  faites 
comme  tant  d'autres  à  un  pou- 
voir que  tons  les  rois  de  l'Europe 
reconnurent.  La  partie  la  plus 
curieuse  de  sa  vie  est  celle  où,  a- 
près  le  retour  du  roi,  il  a  laissé 
éclater  ses  opinions  si  long-temps 
silencieuses,  sur  la  nécessité  de 
faire  subir  ;\  la  France  le  joug 
des  anciennes  institutions.  Mem- 
bre de  la  chambre  des  députés , 
il  a  commencé  par  excrccîr  son  é- 
loquence  sur  le  patriotisme  des 
étrangers,  s'efforcant  de  prouver, 
dans  son  discours  sur  ta  iiatura- 
lisalioii ,  que  né  en  France  ou 
hors  de  France,  on  n'en  pouvait 
pas  moins  devenir  fort  bon  Fran- 
çais. Personne  ne  se  montra  plus 
.irdent   ci    faire  voir  la   nécessité 


GLA 

d'enchaîner  la  pensée  en  étouf- 
fant la  liberté  de  la  presse,  ce  qui 
est  moins  innocent  peut-être  que 
de  restituer  promptement  les 
biens  non  vendus,  d'imposer  au 
peuple  l'obligation  de  consa- 
crer à  Dieu  l'oisiveté  du  diman- 
che ,  opinions  qu'il  a  soutenues 
aussi  avec  fort  peu  de  talent  et 
beaucoup  de  chaleur.  Il  dirigea 
etïsuite  son  éloquence  contre  les 
impôts  sur  les  boissons.  Conseil- 
ler en  la  cour  de  cassation,  aprèii 
le  second  retour  du  roi,  et  mem- 
bre de  la  chambre  des  députés  , 
il  marcha  du  même  pas  dans  sa 
route  politique;  prouva  que  la 
confiscation ^  tout  abolie  qu'elle 
est,  n'en  est  pas  moins  légale, 
])UiS(jue  ce  n'est  pas  le  roi  qui  l'a 
supprimée.  M.  de  Coussergues  ne 
déploya  pas  moins  d'ardeur  et  de 
courage  dans  cette  fameuse  lutte 
avec  M.  Decaxes ,  où  sa  voix  l'ac- 
cusa sans  le  frapper,  le  poursui- 
vit sans  l'atteindre,  le  dénonça 
sans  rien  spécifier,  et  le  harcela 
sans  lui  nuire. 

CLAVEAU  (A.  G.),  avocat  ù 
Paris.  Darguines,  émigré  fran- 
çais, naturalisé  Espagnol,  était 
parvenu  au  grade  de  colonel,  et 
se  trouvait  aide-de-camp  du  gé- 
néral Martinez,  commandant  le  ) 
fort  de  Figuiéres,  lorsque  cette 
place  se  rendit  au  maréchal  Mac- 
donald.  Darguines  ne  cacha  pas 
son  origine,  et  le  général  français 
n'abusa  point  de  cette  confiden- 
ce ;  mais  reconnu  et  dénoncé  par 
un  de  ses  compatriotes,  Dargui- 
nes fut  traduit  devant  un  tribu- 
nal et  condamné  à  mort,  malgré 
l'élquence  de  M.  Chauveau-La- 
garde,  son  défenseur.  M.  Cla- 
veau, témoin  de  ce  jugement  qui 


CLA 

devait  Cire  exécuté  dans  les  vingt- 
quatre  heures,  résolut  de  sauver 
D.irguines  ,  cl  «  btinl,  en  eilet,  sa 
grâce  de  l'iinpéralrice  Marie- 
Louise.  Il  joignit,  dans  celle  af- 
faire, le  zèle  et  la  promptitude  à 
l'art  de  toucher  et  de  convaincre, 
si  nécessaire  en  paieil  cas.  M. 
Claveau  s'e.-t  distingué,  depuis 
celte  époque,  d.tns  plusieurs  cau- 
ses oïl  il  a  toujours  plaidé  en  fa- 
veur de  l'humanité. 

CLAVIER  (Etienne),  né  A 
Lyon  ,  vers  ijOâ,  était  con.seiiler 
au  Châteiel  de  Pari^,  avant  la  ré- 
volution ,  et  devint  juge  à  la  cour 
criminelle  du  département  de  la 
Seine.  Il  perdit  celte  place,  en 
juin  iBo4,  après  le  jugement  de 
Moreau,  qu'il  ne  crut  pas  devoir 
condamner  pour  des  faits  dont  ce 
général  a  été  récompensé  depuis, 
et  il  ne  s'occupa  plus  que  de  lit- 
térature. Le  roi  le  créa  chevalier 
de  la  légion-d'honneur,  en  septem- 
brei8i  :i»et  censeur  royal  au  mois 
d'octobre  suivant.  L'ordonnance 
de  Louis  XVIII, du  21  mars  181G, 
portant  réorganisation  de  l'insti- 
tut, comprit  Etienne  Clavier  au 
nombre  des  membres  de  l'acadé- 
mie royale  des  inscriptionset  bel- 
les-lettres; il  est  mort  dans  le 
courant  de  l'année  1818.  On  a 
de  M.  Clavier  une  traduction 
d'Apollod«)re,  imprimée  avec  le 
lexle  grec,  a  vol.  in-8*,  i8o5; 
Histoire  tics  premiers  temps  ac 
la  Grèce,  jusqu'à  l'expuisiori  diS 
PLsistratulesy  si  vol.  in-S",  1809. 
Il  a  donné  une  édition  de  Flular- 
quc,  par  Amyot,  en  -io  volumes, 
1801  à  i8o(j.  Il  avait  commencé 
une  traduction  de  Fausanias,dunt 
le  1"  volume  a  paru  en  181 5. 
CLAVltaE  (Étikkse),  bau- 


CLA 


4;.t 


quier  de  Genève,  naquit  dans  c<et- 
te  ville  au  mois  de  janvier  ijSS. 
Au  conimencement  de  la  révolu- 
tion IVançaise  ,  un  grand  iiunibre 
de   Genevois   en    adoptèrent   les 
principt  s,  et  poussèrent  l'enthou- 
siasme jusqu'à  offrir  un  don  coia- 
sidérable  à  la  France;  Clavièn^, 
Duroveray  et  Dumont,  ses  com- 
patriotes, motivèrent,  dans  une 
lettre  communiquée   à  l'assem- 
blée consliluaute,  en  1789,  l'of- 
fre  votée   par  les  Genevois.    Ce 
premier  pas  fit  connaître  Claviè- 
re  :  il  écrivit  sur  les  finances   et 
contre  les  loteries;  donna  un  pl.an 
de  tontine  de  la  conipagnie  d'as' 
surances  à  vie  ;  dénonça  Hubeirt, 
commissaire  de  la  trésorerie  ;    et 
parvint,  de  celle  manière,  au  cni 
nislère  des   conlribulioiis  publi- 
ques, où  il  fut  nommé,  en  i^fita. 
Il  lit  alors  paraître  son  ouvrage  .  /« 
ttuinéi  aire  niétnllique^  et  ses  0  b- 
servations  sur  les  finances,  inlitiu- 
lées  :  l'rojit  de  décret.  Clavièce, 
né  républicain  et  tenant  beauco  up 
à  ce  parti ,  avait  un  caractère  des- 
potique ;  il  destitua  sansménaije- 
ment  le  directoire  des  pestes,    et 
cet  acte  excita  contre  lui  de  vives 
réclamations,  notauimcnt  celles 
de  Dumolard,  député  de  l'Isère. 
Louis  XVI  ayant  retiré  le  porte- 
feuille des  mains  deClavière,  l'as- 
semblée législative  en  témoi<inu 
ses  regrets;  il  rentra  au  ministèri.'a- 
près  le  10  août,  et  provoqua  leclé- 
crel  de  la  conversion  en  espècet 
de  toute  l'argenterie  existantes  la 
Monnaie.  Dénoncé  par  INLirat,  re- 
lalivemenl  à   une   fabrication  <Ie 
faux  assignats,   il  se  disculpa  d« 
manière  à  ne  laisser  aucun  soup- 
çon.  Il  restait  encore  à  Clavier* 
d'expliquer  les  motifs  pour  le;?- 


43a 


CLA 


quels  il  avait  (le?lilué  le  direc- 
toire des  postes;  c'est  ce  qu'il  flt, 
en  179^5  par  une  It-llre  qu'il  a- 
dressa  à  la  convention  nationale, 
lettre  dans  laquelle  il  (il  connaître 
les  inculpations  dirigées  contre 
ce  directoire.  Clavière  lutta  long- 
temps contre  les  ennotnis,  ou  plu- 
tôt contre  les  envieux  que  lui 
donnait  sa  place  :  accusé  tout  à  la 
fois  pas  les  députés  Billaud-Va- 
rennes  etGaneau,  et  par  la  sec- 
tion de  Bon-Conseil,  qui  deman- 
daient sa  tradition  au  tribunal  ré- 
volutionnaire ,  il  résista  quelques 
jours  encore;  enfin  arrêté  par  la 
section  des  Piques,  la  conven- 
tion nationale  décréta,  le  2  juin 
i^gS,  qu'il  serait  gardé  à  vue 
dans  son  domicile,  et  le  9  du 
mCme  mois  il  fut  décrété  d'ac- 
cusation. Billaud-Varennes  récla- 
ma le  prompt  supplice  de  Claviè- 
re ;  mais  soit  par  raison  de  poli- 
tique ou  par  tout  autre  motif,  il 
vécut  encore  7  mois.  Le  8  décem- 
bre, veille  du  jour  où  il  devaitètre 
mis  en  jugement,  un  geôlier  lui 
ayant  fait  connaître  les  noms  des 
témoins  et  des  jurés  qui  devaient 
ère  entendus  et  prononcer  sur 
son  sort,  il  entra  en  fureur,  lança 
des  imprécations  contre  ses  as- 
sassins et  se  poignarda.  Ses  com- 
pagnons d'infortune,  devant  les- 
quels il  avait  marqué  la  place  où 
il  devait  se  frapper,  dirent,  dans 
le  temps,  qu'ils  avaient  entendu 
Clavière,  quelques  momens  a- 
vant  sa  mort,  prononcer  ces  deux 
vers  de  V Orphelin  de  la  Chine  : 

Les  criminels  trembîans  sont  traînés  an  supplice; 
Les  mortels  généreux  disposent  de  leur  sort. 

Sa  femme  ne  lui  survécut  que 
deux  jours,  elle  s'empoisonna  dès 
qu'elle  apprit  sa  mort.  Le  plus  bel 


CLA 

éloge  qu'on  puisse  faire  de  Cla- 
vière,  c'est  qui!  a  élé  ministre 
des  finances  pendant  plus  d'un 
an,  et  qu'il  est  mort  pauvre. 

CLAVIJO  YKAXARDO,  savant 
et  lillérattnr  ('sp.ign(d,  dut  la  cé- 
lébrité européenne  dont  il  a  joui 
quelque  temp>*,  au  démêlé  qu'il 
eut  avecTauteur  de  Figaro.  Cou- 
pable envers  la  sœur  de  Beaumar- 
chais d'un  tort  que  son  int  onstan- 
ce  rendit  bientôt  irréparable,  Cla- 
vijo,  poursuivi  par  le  profond  res- 
sentiment et  l'esprit  caustique 
d'un  frère  justement  irrité,  per- 
dit la  place  qu'il  possédait,  et  fut 
long-temps  en  butte  aux  disgrâ- 
ces de  la  cour  d'Espagne.  Auteur 
à  Madrid  d'un  journal  intitulé, 
Pensador  (le  penseur),  il  fut,  en 
1773,  rédacteur  du  Mercure  liis- 
tinque  et  po.itique  de  Madrid^ 
traduisit  en  e-^pagnol  l'histoire  na- 
turelle de  Buffon  (Madrid,  Ibar- 
ra,  1778  —  1790,  12  vol.,  in-S"); 
il  fut  vice -directeur  du  cabinet 
d'histoire  naturelle,  place  qu'il 
exerçait  lorsqu'il  mouruten  1806. 
Son  démêlé  avec  Beaumarchais, 
raconté  par  celui-ci  d'une  maniè- 
re si  attachante  dans  ses  mémoi- 
res, a  fourni  au  célèbre  Gœthe  le 
sujet  d'un  drame  allemand,  à  la 
fin  duquel  Clavijo,  qui  se  portait 
fort  bien  alors,  meurt  pour  lellet 
du  dénoûment,  l'exemple  descou- 
pables et  la  satisfaction  des  da- 
mes. Deux  pièces  françaises  fu- 
rent composées  sur  le  m<'me  su- 
jet :  l'une  est  de  Marsollier  des 
Vivetières;  l'autre  de  Cubiè- 
re  soi-disant  Uorat,  ridiculement 
célèbre  sous  le  nom  d  Énégiste 
Palmézaux.  Ce  dernier  ouvrage 
intitulé  :  Ciavijo  ou  la  jeunesse 
de  Beaumarchais ,  parut  à  Paris, 


CLK 

en  1806,  1  -vol.  in-8°.  Clavijo 
paya  cher  un  tort  qui  paraît  ex- 
cusable à  force  d'être  commun; 
mais  la  conduite  de  Beaumar- 
chais, n'en  déplaise  à  certains  bio- 
graphes, fut  celle  d'un  bon  frè- 
re, d'un  homme  de  cœur  et  d'un 
homme  d'esprit. 

CLÉMEINT  (dom  François), 
naquit  à  Bèze,  département  de 
la  Côte-d'Or,  en  1714.  Entré  à 
l'âge  de  17  ans  dans  la  congréga- 
tion des  bénédictins  de  Saint- 
Maur,  il  voulut  marcher  sur  les 
traces  des  savans  qui  ont  illustré 
cet  ordre.  Ce  laborieux  écrivain 
donna,  en  1770,  nue  nouvelle 
édition  de  l'Art  de  vérifier  les 
dates,  que  dom  Clément,  membre 
de  la  même  congrégation,  avait 
publié  vingtans  auparavant.  Cet- 
te seconde  édition  ne  ressemblait 
guère  à  la  première,  que  par  le 
plan  et  par  le  litre;  c'était  une  pro- 
duction nouvelle  dont  tout  le 
monde  fut  content,  excepté  son 
auteur.  Il  entreprit  de  refon- 
dre et  de  perfectionner  son  ou- 
vrage, et  après  treize  armées  de 
recherches  et  d'un  travail  opiniâ- 
tre, dom  Clément  fit  imprimer  son 
livre,  en  5  vol.  in-ful.,  qui  paru- 
rent de  178311  1787.  Celte  troi- 
sième édition  de  :  l  Art  de  vérifier 
les  dates,  passe  aux  yeux  de  quel- 
ques savans  pour  le  plus  beau 
monument  d'érudition  du  iH^'aiè- 
cle.  Dom  Clément,  nommé  mem- 
bre de  l'académie  des  iucriiitions 
et  bellrs-b'llres,  en  1785,  con- 
tinuait à  préparer  des  niiilériaux 
pour  écrire  l'histoire,  et  ils'o«;cu- 
pail  en  particulier  de  celle  de 
France,  lorsque  la  mort  l'enleva, 
à  l'âge  de  près  de  80  ans,  le  'j<) 
mars  1793. 

T.    IV. 


CLE  433 

CLÉMENT  (Jean-Marie-Ber- 
nard), critique  fameux,  naquit,  eu 
1742,  à  Dijon,  où  son  père  était 
procureur.  Dès  l'âge  de  8  ans,  il  fu l 
dominé  parla  rage  d'écrire  et  de  ré- 
genter; iloccupa  d'abord  une  chai- 
re d'éloquence  au  collège  de  sa  vil- 
le natale.  Sur  un  procédé  dont  il 
crulavoiràse  plaindre, il  donna  sa 
démission,  et  il  la  donna  dans dct 
termes  ofîensans  pour  le  bureau 
d'administration.  Le  parlement  in- 
tervint dans  cetteaffaire;  et  afin  d'é- 
chapper aux  effets  d'une  assigna- 
lion  pour  être  ouï,  Clémentviutsc 
réfugier  à  Paris.  Voltaire,  dont  il  a- 
vait  déjà  éprouvé  la  générosité,  le 
recommanda  ù  Laharpe.  Clément 
accusa  bientôt  ce  dernier  de  dé- 
loyauté à  son  égard,  et  rompit  a- 
veclui.  Il  fondait  son  espoir  sur 
une  tragédie  de  Crornweil  et  sur 
une  Médce.  La  deuxième  de  ces 
pièces  fut  seule  produite  sur  lu 
scène  ,  où  elle  ne  fit  du  bruit  que 
par  sa  chute.  L'auteur  l'avait  dv- 
barrassée  des  déclamations  cl  di  « 
évocations  dont  Lougepierre  a- 
vait  chargé  le  même  sujet.  C'était 
bien;  mais  pour  ne  pas  être  boui- 
souillé,  il  ne  fallait  pas  se  faite 
plat.  Clément  chercha  de  l'appui, 
parmi  les  antagonistes  de  V(dtai- 
re  ;  il  fut  particulièrement  préco- 
nisé par  l'abbé  Mably,  son  com- 
patriote ;  et  sa  pri?u>ière  déclara- 
lion  de  guerre  à  st^n  aocien  pro- 
tecteur, fut  une  réponse  en  vers 
secs  et  lourds,  à  lépiliu  de  Vol- 
tair<-ù  Boilcau.  De  ce  moment  il 
se  cr«it  appelé  à  venger  Je  boji 
goftt  qui  lui  paruiïsuil  comj.romis 
dans  les  productions  les  plus  re- 
marquables de  cette  époque.  Sc^ 
Ohservdlioiis  sur  les  Gco' t^iouvi. 
deUeUltc ,  Us  Saisons  de  Saint- 

23 


434 


CLE 


Lambert,  la  déclamation  de  Do- 
rat,  la  Peinture  ite  Lemierre ,  et 
le  poème  de  Psyché ,  de  l'aLbé 
Aubert,  firent  une  grande  sensa- 
tion par  la  sévérité  pédantesque- 
ment  minutieuse  avec  laquelle  il 
s'inscrivait  en  faux  contre  l'admi- 
ration du  public.  Delille  profita 
en  silence  de  ce  qu'il  y  avait  de 
juste  dans  cette  critique,  pour 
améliorer  sa  traduction  ;  mais 
Saint- Lambert  s'oublia  jusqu'à 
provoquer  la  détention  du  cen- 
seur au  Fort-Tlivêque.  Cet  abus 
de  crédit  fut  réparé  presque  aussi- 
tôt, et  Clément  put  diriger  ses 
coups  encore  plus  haut  :  il  publia 
successivement  neuf /^«re.yt//^o/- 
taire,  où  l'on  examine  sa  politi- 
que littéraire  et  l' injluence  qu'il 
à  eue  sur  l'esprit ,  les  mœurs  et  le 
goût  de  son  siècle,  1 7^5.  Le  grand 
homme  ne  se  vengea  qu'en  plai- 
santant sur  la  colère  de  l'inclé- 
ment  M.  Clément,  et  en  rappe- 
lant les  humbles  lettres  où  l'ex- 
professeur  le  fatiguait  autrefois 
de  son  admiration.  Pendant  la  ré- 
volution ,  qu'il  devait  détester 
comme  l'ouvrage  du  parti  philo- 
sophique, Clément  eut  la  sagesse 
de  se  tenir  à  l'écart,  de  garder 
une  exacte  neutralité  entre  les 
partis.  Il  se  réfugia  tout  entier 
dans  la  littérature,  et  rencontra 
le  repos  dans  l'oubli.  Laharpe  , 
revenu  de  ses  premiers  erremens, 
saisit  l'occasion  de  se  réconcilier 
avec  lui;  mais  Clément  s'attira 
un  nouvel  ennemi,  le  poète  Le- 
brun, sur  lequel  il  avait  fait  cou- 
rir ce  calembourg  rimé  : 

Nos  rimeurs  plébéiens,  las  d'un  joug  importait. 
Ont  détrôné  le  dieu  qui  régnait  au  Parnasse  : 
Détrôné,  dites-vous?...  Qu'ont-ils  mis  à  la  place 
Du  blond  Phébus?  —  Phébus  le  brun. 

Quelques  épigrammes  de  Lebrun, 


CLE 

qui  ne  sont  pas  des  plus  piquan- 
tes qu'il  ait  faites,  furent  le  fruit 
de  cette  querelle.  Clément  entre- 
prit, en  179G,  un  journal  pure- 
Uïent  littéraire,  auquel  Fontanes 
fournit  d'excellens  articles  ;  mais 
cette  feuille  ayant  indisposé  le 
directoire  par  quelques  digres- 
sions politiques,  fut  supprimée 
au  18  fructidor.  En  1801,  Clé- 
ment essaya  d'établir  un  nouveau 
recueil  périodique;  mais  l'ouvra- 
ge tomba  ,  bien  que  cette  fois  le 
gouvernement  n'y  fût  pour  rien. 
Un  ne  pouvait  contester  à  l'au- 
teur une  littérature  peu  commu- 
ne; mais  son  goût  est  plutôt  dé- 
daigneux que  délicat,  et  sa  criti- 
que plus  acre  que  juste;  décrier 
n'est  pas  juger.  Ayant  renoncé 
enfin  à  cette  animosité  révoltan- 
te qui  caractérisa  les  essais  de 
sa  jetmesse,  il  ne  trouva  plus 
de  lecteurs,  tandis  que  son  an- 
cien collaborateur  Geoffroy,  bien 
moins  nourri  d  études  ,  fut  bien- 
tôt en  possession  d'une  vogue 
extraordinaire.  L'aigreur  à  la- 
quelle Clément  s'était  livré  dans 
ses  premiers  jugemens  l'exposa 
à  son  tour  à  toutes  les  rigueurs 
de  la  critique  lorsqu'il  voulut  pren- 
dre rang  parmi  les  poètes;  quel- 
ques satires  avaient  décelé  en  lui 
une  verve  médiocre,  mais,  à  tout 
prendre,  une  espèce  d'imitateurde 
Boileau  ,  quoiqu'on  pût  lui  repro- 
cher une  versification  un  peu  du- 
re. Il  fit  une  tentative  moins  heu- 
reuse ,  ou  plutôt  il  échoua  com- 
plètement, en  voulant  réduire  à 
16  chants  la  férusalem  délivrée. 
Dans  le  croquis  qu'il  intitula  imi- 
tation en  vers,  il  traita  le  Tasse 
comme  Lamotte  avait  traité  Ho- 
mère ;  il  le  rendit  illisible.  On  se 


CLE 

rappela  trop  pour  Clément,  avec 
quelle  amertume  il  s'était  déchaî- 
né contre  XixHcnriadc,  et  l'étran- 
ge préférence  que  l'esprit  de  par- 
ti lui  avait  fait  accorder  à  de  mau- 
vais vers  de  Malherbe,  de  Sarra- 
sin et  du  P.  Lemoine ,  sur  lesbril- 
lans  tableaux  de  notre  seul  poète 
épique.  Clément  avait  traduit  Ci- 
céron  avec  plus  de  succès  que 
le  Tasse;  dans  la  traduction  in- 
complète de  l'orateur  romain  par 
Desmeuniers,  Giiéroult  et  lui, 
Paris,  1786,  c'est  à  lui  qu'appar- 
tiennent le  5"",  le  G"' et  le  7°"  vo- 
lumes. Il  est  mort,  à  Paris,  le  3 
février  1812.  ludépendamment 
des  ouvrages  dont  nous  avons 
parlé,  on  doit  à  Clément  :  i"  A- 
necdotts  dinniatiques  (  avec  La- 
porte),  1775,3  vol.  in-8°;  2°  Let- 
tre sur  l'Eloge  de  La  Fontaine , 
par  Lakarpe  ,  où  l'on  discute  les 
opinions  modernes  ,  sur  quelques 
auteurs  du  dernier  siècle ,  Boi- 
leau,  Quinau/t,  etc.,  »775,  opus- 
cule de  56  pages;  3°  Nouvelles 
observations  critiques  sur  dijfé- 
rens  objets  de  littérature,  1782, 
petit  in-8*;  [\°dela  Tragédie.^  1 784» 
in-8";  'à"  Essais  de  critique  sur  la 
littérature  ancienne  et  moderne , 
1785,  2  vol.  in-12.  Ce  recueil 
se  compose  des  articles  qu'il  a- 
▼ait  fournis  à  VAnnée  Littéraire 
et  au  Journal  de  Monsieur  ;  6" 
Petit  Dictionnaire  de  la  cour  et 
de  la  ville,  1788,  2  vol.  in-12;  7" 
Journal  littéraire  (avec  Fontanes 
et  Deschamps),  an  4  ^^  ^^  ^i  4 
vol.  in-8°;  8'  Amours  de  Lcuci- 
pe  et  Clitophon,  ronnan  grec,trad, 
d'Achille  Tatius,  1800,  in-ia;  9* 
Tableau  annuel  de  la  littérature, 
1801.  Il  en  a  paru  cinq  numéros, 
formant  2  vol.  et  demi,  de  fur- 


CLE 


435 


mat  in-S";  10°  Journal  français 
(avec  Palissot),  1777;  1 1'  Ré^'olu- 
tion  des  f^eicUes,  prédite  dans  les 
temps  anciens,  centon  historique 
assez  piquant;  l'X" ]\ ouvelles jour^ 
nées,  contes  arabes,  traduction 
posthume  de  GalLand,  reyue  et 
corrigée,  1798,  in-12.  Clément 
avait  commencé  une  édition  de 
J.  B.  Rousseau,  avec  des  notes 
lilléraires;  mais  il  n'en  a  paru  que 
le  premier  volume,  et  112  pages 
du  second.  M.  Amar  s'est  chargé, 
en  1820,  de  nous  dédommager 
de  ce  commentaire. 

CLÉAIEINT  DE  RLS  (le  comte 
Dominique),  néen  ijSo.  Filset ne- 
veu de  jurisconsultes  respectés,  il 
se  voua  au  barreau,  à  Paris,  où  il 
débuta  avechonneur.  Il  acheta,  en 
1787,  une  charge  de  maîlre-d'hô- 
tel  de  la  reine.  La  révolution  é- 
clata.  Tout  ce  qu'il  y  eut  d'hono- 
rable dans  son  principe,  trouva 
son  esprit  et  ses  sentimens  dispo- 
sés ù  l'accueillir.  Habitant  laTou- 
raine,  en  1792,  il  fut  nommé 
membre  du  directoire  du  dépar- 
lement dTndre-et  Loire.  Coura- 
geusement opposé  aux  démago- 
gues du  pays  et  à  ceux  de  la 
capitale  que  la  guerre  de  la  Ven- 
dée y  amenait,  il  fut  arrêté  par 
les  ordres  d'un  agent  du  comité 
de  salut  public ,  et  amené  à  Paris 
dans  les  prisons.  Après  le  9  ther- 
midor, commissaire-adjoint  de  la 
commission  d'instruction  publi- 
que, il  concourut  à  la  formation 
de  l'école  >ormale,  créée  au  com- 
mencement de  1795;  donna  sa  dé- 
mission au  mois  de  mars  de  la  mê- 
me aimée,  et  se  retira  de  nouveau 
dans  sa  propriété,  près  de  Tours; 
le  i8  brumaire  l'y  trouva.  Il  fut 
nouimé   sénateur.   Exemple  de« 


436  CLE 

vicissiludes  réservées,  dans  les 
temps  de  i évolution,  aux  hom- 
•  mes  qtii  se  consncrent,  sans  res- 
trieticjn ,  à  la  création  ou  à  l'amé- 
lioration des  institutions,  il  fut 
enlevé  à  main  armée  dans  sa  ter- 
re, au  mois  de  septembre  1800  , 
par  des  individus  qui  avaient  ap- 
partenu aux  bandes  spoliatrices 
et  sanguinaires  ,  connues  sous  le 
nom  de  chouans.  II  passa  dix-neuf 
jours  entre  la  vie  et  la  mort, dans 
un  souterrain,  sous  la  garde  d'un 
de  ses  ravisseurs,  et  fut  délivré 
par  l'effet  de  secrètes  négociations 
entre  le  gouvernement  consulai- 
re cl  les  chefs  de  parti  qui  avaient 
fait  exécuter  son  enlèvement;  il 
fut  nommé  préteur  du  sénat  en 
1 804.  Les  embellissemens  du  jar- 
din et  du  palais  du  Luxembourg 
depuis  cette  année  jusqu'en  i8i4> 
et  la  reconstruction  de  l'Odéon 
en  i8og  et  1810,  comme  proprié- 
té du  sénat,  furent  les  résultats 
de  son  administration,  en  sa  qua- 
lité de  préleur.  11  fut  nommé  pair 
en  1814.  Compris  dans  la  forma- 
tion de  la  même  chambre,  au  mois 
de  juin  i8i5,  il  fut  nommé  son 
commissaire,  pour  faire  donner 
des  secours  et  des  soins  aux  mili- 
taires français  blessés  autour  de 
Paris  ,  et  déposés  au  Val-de-Grâ- 
c^.  Suspendu  de  sa  dignité  de 
pair^du  royaume,  par  l'ordon- 
nance royale  du  24  juillet  181 5, 
et  renommé  par  celle  du  21  no- 
Tembrei8i9;  l'opinion  le  dési- 
gne au  nombre  des  membres  de 
la  chambre  ayant  constamment 
voté  contre  les  lois  d'exceptions, 
et  notamment  contre  les  change- 
mens  apportés  à  la  loi  du  5  fé- 
vrier 1817  sur  les  élections. 
CLÉSiE^ST  DE  RIS  {hms). 


CLE 

fils  aîné  du  précédent ,  entra  au 
service  comme  dragon  au  iC" 
régiment,  en  1801,  et  passa  par 
tous  les  grades  inférieurs  avant 
de  devenir  oflicier,  W  fit  la  cam- 
pagnt'  de  i8o5  à  l'armée  d'Italie , 
comme  aide-(fe-camp  du  maré- 
chal Masséna,  qui  l'honora  de  té- 
moignages de  satisfaction,  pour 
sa  conduite  au  passage  de  l'Adi- 
ge  ,  sous  Vérone  ,  le  i^  octobre; 
celle  de  180G,  en  Prusse  et  en 
Pologne  ,  comme  adjudant-ma- 
jor au  16""  dragons,  où  il  reçut 
la  décoration  à  la  fin  des  hostili- 
tés :  il  fut  blessé  d'un  coup  de 
lance  au  combat  de  Deppen  ,  le 
4  février  1807  ;  combatil  à  Eylau 
et  à  Friedland,  en  1807;  passa 
en  Espagne,  en  1808,  comme 
aide-de-camp  du  maréchal  Lefè- 
vre;  eut  son  cheval  tué  sous  lui 
i.\  l'affaire  de  Sotès ,  entre  la  di- 
vision Levai  et  un  corps  de  l'ar- 
mée de  La  Romana  :  il  fit  la  cam- 
pagne de  Bavière,  de  Tyrol  et 
d'Autriche,  en  1809,  Il  fut  créé 
au  juillet  chevalier  de  l'ordre 
du  Mérite  militaire  de  Maximi- 
lien  Joseph  de  Bavière.  Nom- 
mé capitaine  aux  dragons  de  la 
garde  impériale,  en  mars  181 1, 
il  fit  dans  ce  corps  d'élite  la  cam- 
pagne et  la  retraite  de  Russie 
en  i8i2,  y  obtint  le  grade  de 
chef  d'escadron  de  la  vieille  gar- 
de ;  et  reçut,  en  i8i5,  la  croix 
d'oflicier  de  la  légion-d'honneur 
après  la  bataille  de  Wurschen  et 
le  combat  de  Reichembach.  Le 
délabrement  total  de  sa  santé, 
suite  des  souffrances  de  la  retrai- 
te de  Russie,  le  contraignit  de 
quitter  l'armée.  11  consacra  les 
facultés  que  son  état  de  maladie 
liii  laissait,  au  service  de  son  pays, 


CLE 

en  exerçant  des  fonctions  adminis- 
tratives militaires.  Nommé  che- 
valier de  Saint-Louis,  el  colonel 
en   non -activité  ,   en   septembre 

1814,  le  retour  de  ses  forces  et 
la  défense  du  territoire  français 
menacé ,  le  portèrent  aux  frontiè- 
res en  avril  181 5.  Il  servit  à  l'ar- 
mée du  Rhin  ,  comme  adjudant- 
commandant  chef  d'état-major 
d'une  division  de  cavalerie  légè- 
re ;  fut  blessé  à  la  poitrine,  le  9 
juillet,  sous  les  murs  de  Stras- 
bourg; quittal'armée  au  licencie- 
ment, et  rentra  dans  ses  foyers. 
Colonel  de  cavalerie  en  non-ac- 
tivité depuis  le   mois  d'octobre 

181 5,  il  a  été  conflrmé  dans  cet- 
te position,  conformément  à  l'or- 
donnance royale  du  20  mai  1818, 
par  arrêté  du  maréchal  Gouvion- 
Saint-Cyr,  ministre  de  la  guerre, 
en  date  du  24  juillet  1819. 

CLÉMENT  DE  RIS  (PAtUN), 
frère  du  précédent,  entré  à  l'É- 
cole militaire  de  Fontainebleau  ù 
r.1ge  de  16  ans,  se  fît  remarquer 
par  une  sévérité  dans  l'accom- 
plissement de  ses  devoirs,  et  par 
une  ardeur  de  gloire  qu'il  déve- 
loppa plus  tard,  en  1806  et  1807, 
au  1"  régiment  de  carabiniers, 
sur  les  champs  de  bataille  d'Iéna, 
delIVillimberget  de  Fricdland.il 
trouva  la  mort  dans  cette  derniè- 
re journée,  emportant,  à  17  ans, 
l'estime  et  les  profonds  regrets 
de  ses  chefs,  de  ses  camarades  et 
des  soldats  qu'il  avait  eu  l'hon- 
neur de  commander.  Les  uns  et 
les  autres  nourri>senl  encore  la 
plus  honorable  mémoire  de  ce 
)cunc  brave  ,  dont  la  destinée  fut 
courte ,  mais  consacrée  tout  en- 
lière  au  service  de  son  pays. 

CLÉ>UiNT  DU  DOLBS ,  ué  à 


CLE 


457 


Resançon  ,  en  1769.  Il  suivait  les 
cours  de  l'université  de  cette  vil- 
le , et  se  destinait  à  la  carrière  des 
finances,  qui  était  celle  de  son 
père,  lorsque  la  révolution  com- 
mença. 11  prit,  avec  la  jeunesse 
de  Resançon  ,  une  part  honora- 
ble aux  événemens  du  temps. 
Persécuté,  ainsi  que  sa  famille,  en 
1793,  il  se  réfugia  à  l'armée  du 
Rhin,  commandée  par  Pichegru, 
son  compatriote;  et  y  servit  jus- 
qu'après le  règne  de  la  terreur.  II 
vint  ensuite  à  Paris,  et  fut  atta- 
ché au  ministère  de  l'intérieur.  Il 
y  resta  jusqu'au  moment  où  le  dé- 
partement du  Doubs  le  nomma 
au  corps -législatif  (en  1810). 
Membre  du  corps -législatif  lor» 
du  retour  du  roi,  il  fit  conséquem- 
ment  partie  de  la  i"  chambre  des 
députés  fen  18 14)-  Il  y  porta  sou- 
vent la  parole,  et  fit  un  grand  nom- 
bre de  rapports,  parmi  lesquels  on 
remarque  celui  qui  est  relatif  à 
la  réunion  de  la  principauté  de 
Montbéliard  au  déparlement  du 
Doubs  ;  un  rapport  aur  les  mon- 
naies,  où  sont  développés  les 
principes  de  notre  système  moné- 
taire ;  un  rapport  en  faveur  des 
ré/iigiés  espagnols  i  etc.,  etc.  Il 
prononça  aussi,  var l'importation 
el  l'exportation  des  crains  ,  une 
opinion  dont  les  journaux  d'An- 
gleterre, où  l'on  venait  de  traiter 
cette  matière ,  parlèrent  avec  é- 
loge.  Cette  opinion  repose  sur  les 
mêmes  principe?  qui,  depuis,  ont 
servi  de  bases  ;\  notre  législation 
sur  les  grains.  En  i8j5,  et  quoi- 
que absent  de  son  département,  il 
y  fiit  nommé  membre  de  la  cham- 
bre des  représentons,  non-seule- 
ment par  le  collège  électoral  du 
département  ^  maïs  encore   pai- 


458 


CLE 


plusieurs  collèges  d'arrondisse- 
ment. En  1H19,  il  fut  réélu  par  le 
collège départcirlental du  Doubs,  A 
la  chambre  des  députés,  où  il  siè- 
ge en  ce  moment.  En  1820,  il  fit, 
au  nom  de  la  commission  des  pé- 
titions, un  grand  nombre  de  rap- 
ports, dont  plusieurs  offrent  de 
l'intérêt,  et  tous  sont  remarqua- 
bles par  la  sagesse  et  la  modéra- 
tion des  principes,  fin  1821  ,  il 
parla  avec  force  contre  la  loi  re- 
lative aux  circonscriptions  électo- 
rales; et  soutint  les  lois  sur  les  ca- 
naux, notamment  celle  qui  con- 
cerne le  canal  de  Monsieur.  Il 
parla  aussi  en  faveur  de  Vinstruc- 
tion  primaire,  et  réfuta  M.  le 
marquis  de  Sautras,  son  collègue 
de  députation ,  qui  attaquait  la 
méthode  de  l'enseignement  mu- 
tuel. On  remarque  qu'il  est  le  seul 
membre  de  l'opposition  qui  ait 
pu  obtenir  la  parole  sur  cette  ma- 
tière. Sans  ambition,  et  dirigé  u- 
niquement  par  son  amour  pour 
son  pays,  il  n'a,  dans  sa  longue 
carrière  législative,  accepté  au- 
cunes i'onclioi\s, salariées,  ni  sous 
le  dernier  gouvernement,  ni  sous 
le  gouvernement  actuel.  Jamais 
il  n'a  dévié  un  seul  instant  des 
principes  d'une  sage  liberté  .  et , 
sans  être  hostile,  il  a  toujours 
siégé  aux  bancs  de  l'opposition. 
Il  est  assez  remarquable  qu'au 
milieu  des  passions  et  des  haines 
politiques  et  religieuses  qui  divi- 
sent son  département,  il  y  jouis- 
se non-seulement  d'une  grande 
popularité,  mais  d'une  considé- 
ration générale ,  même  parmi 
ceux  qui  ne  partagent  point  ses 
opinions. 

CLEMENTI  (Mi'zio),  pianiste 
et  compositeur  célèbre.  Ses  œu- 


CLE 

vres  sont  nombreuses  et  trop 
connues  pour  que  nous  nous  ar- 
rêtions h  les  détailler.  L'ne  simpli- 
cité gracieuse  les  caractérise  gé- 
néralement. Avec  peu  de  notes  il 
produit  des  effets  charmans  et 
nouveaux.  Les  basses  sont  peu 
compliquées,  ses  traits  courts  et 
faciles;  le  dessin  de  ses  pièces  est 
presque  toujours  symétrique  et 
très- naturel.  Mais  ce  dénûment 
d'ornemens  et  de  recherche,  joint 
à  un  chant  pur,  à  des  reprises 
très-heureuses,  à  des  modula- 
tions agréables  et  piquantes,  ac- 
quiert un  charme  particulier.Cle- 
menli  est  facile  à  jouer.  Plusieurs 
de  ses  œuvres  sont  destinées  aux 
commençans  ,  et  leur  facilité  naï- 
ve est  digne  d'être  appréciée  par 
les  maîtres. 

CLERC  ( Nicolas- Gabriel ) , 
naquit  à  Baume-les-Dames,  dé- 
partement du  Doubs,  en  octobre 
1 726.  Ses  aïeux  étaient  médecins, 
et  il  embrassa  la  même  profes- 
sion. Il  avait  3i  ans  lorsqu'il  fut 
nommé  premier  médecin  des  ar- 
mées en  Allemagne  ;  il  réorgani- 
sa l'administration  des  hôpitaux, 
et  rendit  de  grands  services  dans 
cette  partie.  Ajipelé,  en  17 5g,  par 
l'impératrice  Elisabeth,  il  obtint 
l'agrément  du  roi  pour  se  rendre 
en  Russie.  Il  y  fut  accueilli  et  de- 
vint le  médecin  de  l'iietman  des 
Cosaques.Ce  général  fut  si  content 
de  Clerc,  qu'au  retour  d'un  voyage 
où  celui-ci  l'avait  accompagné ,  il 
lui  fit  (disent  quelques  Biogra- 
phies) l'offre  de  lui  donner  en  pro- 
priété la  ville  de  Daturin,  à  con- 
dition de  ne  le  jamais  quitter.  Mais 
que  signifiait  la  propriété  d'une  vil- 
le, et  d'une  ville  telle  que  Bnfu- 
rin?  Au  reste  Clerc  ne  voulant 


CLE 

pas  renoncer  à  la  France,  n'accep- 
ta point  la  proposition  de  Ihel- 
man.  11  quitta  la  Russie,  en  1762, 
et  n'y  retourna  que  7  années  a- 
près,  avec  le  litre  de  premier  mé- 
decin du  grand-duc, qu'il  échan- 
gea contre  celui  de  médi  cin   du 
duc  d'Orléans  qu'il  avait  eu   en 
France.  Pendant  ce  second  séjour 
en  Russie,  Clerc  y  fut  successi- 
vement et  tout  ensemble  inspec- 
teur de'  1  hôpital  de  Moscou,  his- 
torien ,  diplomate  et  géographe. 
La  part  qu'il  prit,  en  1772,   lors 
de   la  révolution  de  Suède,  aux 
négociations  qui  empêchèrent  Ca- 
therine II  de   détrôner  Gustave 
III,  lui    valurent   le    cordon   de 
Saint-Michel,  des  lettres  de  no- 
blesse elGoooliv.  df  pension, que 
lui  accorda  Louis  XV.  Rentré  en 
France,  Clerc  fut  nommé  inspec- 
teur-général   des    hôpitaux    du 
royaume,  et  président  d'une  com- 
mission chargée  de  remédier  aux 
abus  exislans  dans  leur  adminis- 
tration. Clerc  fit  tout  le  bien  qui 
lui  fut  possible  tout  le  temps  qu'il 
resta  en  place,  mais  le  change- 
ment de  ministère  vint  paralyser 
ses  travaux  et  ses  intentions  ;   il 
se  retira  à  Versailles,  en  1778,  où 
il  mourut  dans  une  honnête  mé- 
diocrité ,  le  3o  décembre  1 798.  Il 
a  publié   les    ouvrages  suivans  : 
Mémoire  sur  la  Goutte,  j  750.  in- 
I  a  ,•  Dissertatio  de  Hydrophobid, 
1 760  ,  in-4"  ;  Medicus  veri  ania- 
tor  <id  Apollineœ  artis  aluninos , 
1764,  in-8';  Moyen  de  prévenir 
la  contaffion,    et  d'y  remédier, 
1 7^0;  Histoire  naturelle  de l'Iiom' 
me  considéré  dans  Cétal  de  ma- 
ladie^ a  vol.  in-8';  Yu-le-Grand 
et  Cotifuf  ius ,  histoire  chinoise , 
roman  historique,    i709)in-4''; 


CLE  439 

Histoire  de  la  Russie  ancienne  et 
moderne^  1 794,  6  vol.  in-4%et  at- 
las in-fol.  ;^/.v/o/'/x'  de  Pierre  lll, 
e/iipenur  de  /ÎMv.và',  in-S",  etc. 

CLERFAIT  (Frasçois-Sébas- 
•tien-Chables- Joseph  de  Croix, 
COMTE  de)  ,  naquit ,  le  i4  octobre 
1753, près  deBinche,dans  le  Hai- 
nault.  Il  reçut  une  éducation  soi- 
gnée ;  et  son  goftt  pour  les  ma- 
thématiques, dans  lesquelles    il 
acquit  des  connaissances  profon- 
de, prépara  ses  succès  militaires. 
Entré  au  service  en  1743,  il  fit  la 
guerre  de  sept-an^^  se  distingua 
dans  plusieurs  affaires,  et  surtout 
aux  batailles  de  Prague,  de  Lissa, 
de   Hochkirchen   et  de   Lignitz. 
Dès  son  entrée  au  service,  il  s'é- 
tait placé  au    premier  rang  des 
braves  de  l'armée  autrichienne, 
et  il  mérita  d'être  décoré  de  l'or- 
dre «le  Marie-Thérèse,  :\  son  ins- 
titution. En  1763,  la  paix  permit 
à  Glerfait  de  se  livrer  aux  char- 
mes de  la  vie  privée  :  peu  cour- 
tisan, il  ne  paraissait  i\  Vienne 
qu'autant  qu'il 'ne   pouvait   s'en 
dispenser;  et  après  la  saison  des 
exercices,,  il  se  retirait  dans  ses 
propriétés,  où  il  partageait  son 
temps  entre  ses  amis  et  l'élude. 
En  1787,  les  chefs  de  l'insurrec- 
tion (k;   la  Belgique  employèrent 
tous  les  moyens  possibles  pour  le 
déterminer    à    entrer   dans    leur 
parti;  mais  quoiqu'il  n'approuvât 
point  les  abus  du  gouvernement 
de  Joseph  II,  il  crut  devoir  res- 
ter fidèle  aux  sermensqui  l'atta- 
chaient à  ce  prince.  Les  services 
que  Clerfait  rendit,  dans  la  guer- 
re de  1788  à  i78<),  contre  la  Tur- 
quie ,  lui  firent  obtenir  le  grade 
de  général  d'artillerie  et  la  grand* 
croix  de  l'ordre  de  Marie-lhérè- 


4-10 


CLE 


se.  Commandant  du  corps  autri- 
chien qui ,  en  1792,  pénétra  dans 
la  Champagne  avec  l'armée  prus- 
sienne ,  il  s'empara  de  Stenai  et 
du  passage  de  la  Croix-aux-Bois. 
De*  n)esures  énergiques  pou- 
vaient alors  vaincre  la  France  :  il 
les  conseilla,  mais  inutilement; 
et  après  la  bataille  de  Walmy, 
qui  décida  le  roi  de  Prusse  à  se 
retirer,  il  se  replia  lui-même  sur 
Il  Belgique,  où,  chargé,  sous  les 
ordres  du  duc  Albert  de  Saxe-Tes- 
chen,  des  dernières  opérations  de 
cette  campagne,  il  se  signala  de 
nouveau  dans  la  retraite  qu'il  ef- 
j'ectua  après  la  bataille  de  Jemma- 
pes.  La  campagne  de  179^  acheva 
la  réputation  de  Clerlait  ;  après 
avoir,  le  1"  mars,  surpris  les 
Français  dans  Altenhoven,  il  fit 
lever  le  siège  de  Maestricht,  et 
décida  le  gain  de  la  bataille  de 
Nerwinde,où  il  commandait  l'ai- 
le gauche  contre  laquelle  les  Fran- 
çais avaient  réuni  tous  leurs  ef- 
forts. Dans  la  même  année,  il  se 
distingua  àQuévrain,à  Hauson, 
à  Faraars,  et  se  rendit  maître  du 
Quesnoi,  après  une  vive  résis- 
tance. En  1794?  il  eut  le  com- 
mandement d'un  corps  de  réser- 
ve, fut  blessé  sur  les  hauteurs  de 
Castel ,  en  se  défendant  contre 
les  divisions  Souham  et  JMoreau; 
fit  une  tentative  infructueuse  sur 
Courtray,  le  1 1  mai,  et  nuisit  au 
succès  de  l'affaire  de  Turcoing, 
par  la  lenteur  de  sa  marche.  Dif- 
férens  autres  revers  qu'il  essuya, 
ainsi  que  le  prince  de  Cobourg  , 
les  contraignirent  enfin  à  se  re- 
ployer sur  la3IeuseetsurIeRhin. 
.Nommé  feld-maréchal ,  en  1 795, 
il  eut  en  tête  trois  armées  fran- 
çaises .  et  se  retira  d'abord  ;  mais 


CLE 

il  ne  tarda  point  à  reprendre  l'of- 
fensive, repoussa  successivement 
les  armées  françaises,  et  déblo- 
qua la  ville  de  Mayence.  Dans  le 
mois  de  janvier  fy^fî,  une  intri- 
gue de  cour  le  fit  rappeler  à  Vien- 
ne. L'enthousiasme  avec  lequel  il 
fut  reçu  par  le  peuple,  et  les  dis- 
tinctions flatteuses  de  l'empereur 
qui  lui  donna  le  collier  de  la  toi- 
son-d'or, et  qui  alla  lui-même  le 
visiter  avec  le  prince  Charles  , 
ne  rendirent  pas  le  gouverne- 
ment plus  juste  à  son  égard. 
Nommé  au  conseil  aulique  de 
guerre,  Clerfait  cessa  d'être  em- 
ployé dans  les  armées  actives.  Il 
ne  fut  point  insensible  à  cette  in- 
gratitude; sa  santé  affaiblie  par 
les  fatigues  empira,  et  il  termina 
ses  jours  à  Vienne,  le  19  juillet 
1798.  Ce  général  réunissait  de 
grandes  connaissances  à  beau- 
coup de  courage  et  à  un  sang- 
froid,  qui  décida  le  succès  de  plus 
d'une  affaire.  Humain  et  géné- 
reux autant  que  brave,  il  avait 
ouvert  sa  bourse  à  tous  les  ofli-* 
ciers  qui  en  avaient  eu  besoin;  et 
au  moment  de  sa  mort,  il  brûla 
leurs  reconnaissances  ,  en  disant 
qu'il  était  moins  sûr  de  ses  héri- 
tiers que  de  lui-même.  La  ville 
de  Vienne  lui  a  fait  ériger  un  su- 
perbe n)onument. 

CLLRAi  ONT-TONNERRE 

(SïAîilSLAS  ,    COMTE   De),  pctit-fils 

du  maréchal  de  ce  nom,  naquit 
en  1747-  II  était  colonel,  lors- 
qu'en  1789  on  le  nomma  prési- 
dent des  électeurs  de  la  noblesse 
de  Paris,  et  député  de  cet  ordre 
aux  états-généraux.  On  n'avait 
pas  prévu  la  modération  de  ses 
principes,  et  le  sentiment  de  jus- 
tice qui  lui  fit  mettre  plus  d  im- 


CLE 

porlance  aux  droits  de  tous  les  ci- 
toyens qu'aux  prérogatives  dune 
classe  particulière.  Il  vota  pour 
la  réunion  des  trois  ordres,  et  il 
protesta  contre  les  détermina- 
tions de  la  noblesse.  A  la  tête  de 
la  minorité  qui  vint  se  réunir  aux 
communes,  il  prononça  un  dis- 
cours auquel  on  ne  fit  pas  alors  as- 
sez d'attention,  mais  qu'on  peut 
présenter  comme  un  modèle  de 
convenance.  «Les  membres  delà 
«noblesse  qui  viennent,  disait-il, 
»  se  réunir  à  l'assemblée  des  états- 
»  généraux,  cèdent  à  l'impulsion 
"de  leur  conscience  ,  et  remplis- 
»  sent  un  devoir;  mais,  messieurs, 
»il  se  joint  h  cet  acte  de  patrio- 
»tisme,  unscntimeutdoulourcux. 
')  Cette  conscience  qui  nousamè- 
»  ne  a  retenu  un  giand  nombre 
»  de  nos  frères;  arrêtés  par  des 
»  mandats  plus  ou  moins  impéra- 
:>tirs,  ils  cèdent  à  un  niotiC  aussi 
«respectable  que  les  uôtres.  Vous 
•>>ne  pduvûz  désapprouver  notre 
»  tristesse  et  nos  regrets.  Nous 
«sommes  pénétrés  de  la  sensibi- 
«  li'é  la  plus  vraie  pour  la  joie  que 
'>  vous  avez  témoignée  ;  nous  vous 
.•apportons  le  tribut  de  notre  lèle 
')et  de  nos  sentimens,  et  nous 
.•venons  travailler  au  grand  aii- 
»vre  de  la  régénération  publi- 
«que.  »  Le  comte  de  Clermont- 
Tonnerre  pratiqua  dans  le  cours 
de  sa  vie  politique ,  cette  sage  re- 
tenue que  son  discours  annonçait, 
et  qui  devait  l^ui  être  funeste,  au 
milieu  d'une  anarchie  dont  les 
mécontens  regardaient  le  triom- 
phe comme  leur  dernière  ressour- 
ce .  il  partageait  avec  plusieurs  es- 
prits éclairés  d'ailleurs,  l'cspè- 
cç  d'enthousiasme  dont  la  consti- 
tution anglaise  étaildcvenue!"ob- 


CLE 


44» 


jet  dans  un  temps  où  les  Françai. 
n'avaient  pas  encore  de  grandes 
connaissances  en  législation.  Il 
voulait  la  faire  prévaloir  dans  lt> 
premier  comité  de  constitution 
dont  il  fut  membre;  mais  ce  pro- 
jet, peu  conforme  à  l'opinion  do- 
minante, lui  fit  perdre  sa  popu- 
larité :  lorsqu'on  forma  le  second 
comité,  il  en  fut  exclu.  Cepen- 
dant, ses  maximes  dépendaient 
moins  du  succès  que  de  sa  con- 
viction :  il  n'en  changea  point. 
Sans  approuver  la  conduite  des 
ministres,  il  s'opposa,  vers  ce 
temps,  à  ce  que  l'assemblée  na- 
tionale en  demandât  le  renvoi, 
parce  qu'il  craignait  un  trop  grand 
affaiblissement  de  l'autorité  roya- 
le. Dans  la  nuit  du  i4  août,  il  fut 
un  de  ceux  qui  se  dévouèrent  a- 
vec  le  plus  de  chaleur  aux  inté- 
rêts du  peuple.  Elu  président  h; 
1 7  du  même  mois  ,  il  ne  tarda  pas 
à  parler  de  nouveau  en  faveur  de 
la  division  des  assemblées  légis- 
latives en  deux  chambres,  et  ii 
demander  qu'on  augmentât  Tin- 
fluence  du  roi,  en  lui  accordant 
le  veto  absolu.  Il  eut  ensuite  le 
courage  de  montrer  à  l'assemblée 
un  billet  qu'il  avait  reçu  des  ha- 
bitués du  Palais-Royal,  et  qui 
contenait  de  fortes  menaces  con- 
tre ceux  qui  persisteraient  dans 
cette  opinion;  il  en  prit  occasion 
de  proposer  que  l'assemblée  s'é- 
loignât de  Paris,  si  les  magistrats 
de  celte  ville  ne  répondaient  pas 
de  la  sOreté  des  députés.  L'esti- 
me générale  dont  il  jouissait  le 
fil  choisir  une  seconde  fois  pour 
président,  quoiqu'il  eût  parlé  de 
nouveau  contre  le  maintien  du 
«ystème  qui  n'admettait  qu'une 
asserabitt  ilélibéranlc.  Troismoi» 


442 


CLE 


après,  en  décembre  17^0,  il  insis- 
ta pour  que  les  droits  de  citoyen 
appartinssent  à  tous  les  Fran- 
çais sans  exception.  Le  22  février 
1790.  lorsqu'il  s'éleva  une  discus- 
sion sur  les  troubles  qui  avaient 
lieu  dans  les  déparlemens  ,  il  ne 
put  obtenir  qu'on  investît  le  roi 
d'un  pouvoir  sufTisant  pour  les 
réprimer.  A  cette  époque,  en  fai- 
sant l'éloge  du  député  Sieyesqui 
venait  de  ])roposer  un  plan  pour 
l'institution  du  jury,  il  assura  que 
de  tels  hommes  étaient  «  le  patri- 
»  moine  des  siècles.  »  Le  16  mai  , 
l'autorité  royale,  contenue  dans 
des  limites  constitutionnelles , 
trouva  encore  en  lui  un  défen- 
seur; il  voulait  qu'on  laissât  au 
roi  le  droit  de  paix  et  de  guerre, 
et  il  ne  demandait  pour  garantie 
que  la  responsabilité  des  minis- 
tres. Il  n'approuva  point  la  réu- 
nion à  la  France  du  Ilomtat-Ve- 
naissin;  c'est  à  ce  sujet  qu'il  ac- 
cusa Antonelle  et  le  minisire  de 
la  guerre,  d'exciter  des  troubles 
dans  le  Midi.  Le  19  novembre  , 
il  s'opposa  au  renvoi  des  minis- 
tres,  demandé  par  les  sections; 
et  quelques  jours  après,  il  fonda 
le  club  monarchique  ^  pour  pré- 
venir les  suites  de  l'ascendant  des 
jacobins.  On  l'augmenta  par  cet- 
te tentative  ;  ils  dénoncèrent  les 
membres  de  l'association  nou- 
A'elle,  et  un  mouvement  popu- 
laire la  força  de  se  dissoudre.  Le 
comte  de  Clermont- Tonnerre, 
qui  vint  dans  l'assemblée  se  plain- 
dre de  cette  violence,  ne  dut  qu'au 
hasard,  qui  l'éloigiiait  de  chez  lui 
au  moment  où  la  foule  s'y  portait, 
la  prolongation  d'une  vie  qui, 
bientôt,  devait  finir  non  moins 
malheureusement.  Exposé  de  nou- 


CLE 

veau  lorsque  le  roi  partit  pour 
Varennes,  mais  protégé  par  le  dé- 
cret qui  mettait  «  sa  personne 
usons  la  sauvegarde  de  l'hon- 
»neur  national  »,  il  adhéra  par 
serment  à  tous  les  actes  de  l'as- 
semblée législative,  sans  pouvoir 
néanmoins  calmer  les  ressenti- 
mens.  Arraché  de  sa  demeure  , 
dans  la  nuit  du  10  août,  et  traîné 
à  la  section,  sous  prétexte  d'un 
amas  d'armes  qu'il  devait  avoir 
cachées,  il  démontra  facilement 
la  fausseté  de  l'accusation;  mais 
on  ne  lui  donna  pour  le  recondui- 
re qu'une  faible  escorte,  et  elle 
ne  put  le  soustraire  à  l'aveugle 
fureur  de  la  multitude.  Un  cuisi- 
nier qu'il  avait  renvo^'é  à  cause 
de  ses  vols  lui  porta  le  premier 
coup;  mais  c'est  chez  madame  de 
Brassac,  où  il  s'était  réfugié,  qu'il 
reçut  la  mort.  On  avait  publié  ses 
Opinions  en  1791,  4  ^'ol.  in-8". 
Il  a  aussi  laissé  Vh'xamcn  de  la 
constitution  de  1791.  On  lui  attri- 
bua de  plus.  Mon  Portejëuille,  in- 
18,  Paris,  1791;  et  Journal  de 
Prudlwmnie,  ou  Petites  observa- 
tions sur  de  grandes  réflexions  , 
i5  cahiers  in-8°.  La  correspon- 
dance du  comte  de  Clermont- 
Tonnerre  avec  l'abbé  Sieyes,  sur 
le  système  municipal,  vers  la  fin 
de  la  session  de  l'assemblée  cons- 
tituante, sufTil  pour  détruire  le 
reproche  qu'on  a  pu  faire  à  cet  il- 
lustre député,  d'avoir  abandonné 
l'intérêt  du  peuple.  Clermont- 
Tonnerre  n'a  point  cessé  d'aimer 
la  liberté  ;  c'est  à  la  licence  qu'il 
s'opposait.  Il  a  pu  tomber  dans 
quelqueerreur;  maison doits'em- 
presser  de  rendre  justice  aul  in- 
tentions d'un  orateur  qui  Oe  par- 
lait jamais  que  d'après  sa  pensée 


CLI 

intime.  Il  joignait  à  beaucoup 
d'éloquence  et  de  lumières,  un 
bel  organe  et  un  extérieur  impo- 
sant :  quelquefois,  dit-on,  l'im- 
pression qu'il  faisait  sur  les  es- 
prits déplaisait  à  Mirabeau  lui- 
même. 

CLERMONT-TONÎSERRE  (le 
marqvisde),  ancien  élève  de  l'é- 
cole Polytechnique.  11  a  servi  en 
Allemagne,  en  Italie  et  en  Espa- 
gne. Après  le  retour  du  roi,  il  fut 
successivement  lieutenant  des 
mousquetaires  gris,  chevalier  de 
Saint-Louis,  maréchal- de-camp, 
et  onicier  de  la  légion-d'honneur; 
enfin,  il  fut  nommé  pair  de  Fran- 
ce le  17  août  i8i5.  M.  de  Cler- 
mont-Tonnerre  a  défendu  le  pro- 
jet de  loi  sur  le  recrutement;  il 
a  combattu  celui  qui  était  relatif 
aux  travaux  du  canal  de  l'Ourcq, 
il  a  présenté  à  la  chambre  le  rap 
port  qui  fut  adopté,  pour  l'abo- 
lition du  droit  d'aubaine;  enfin, 
il  a  prononcé,  au  sujet  des  élec- 
tions, un  discours  étendu  en  fa- 
Tcur  de  la  proposition  de  M.  Bar- 
thélémy. Oubliant  que  la  compo- 
sition des  chambres  n'appartient 
pas  au  public,  M.  de  Clermonl- 
Tonnerre  a  prétendu ,  dans  ce 
discours,  que,  nécessairement,  le 
Tœu  des  chambres  manifestait  le 
vœu  général.  C'est  en  mécormais- 
'fiant ainsi  l'opinion,  en  négligeant 
ainsi  de  la  consulter,  que  M.  de 
Clermont -Tonnerre  vota  depuis 
contre  la  liberté  individuelle.  Le 
9  septembre  181 5,  il  a  reçu  le 
commandement  de  la  brigade 
dc5  grenadiers  à  cheval  de  la  gar- 
de royale,  et  il  l'a  conservé  jus- 
qu'à ce  jour. 

CLINTON  (Henri),  général  an- 
glais. Après  avoir  servi  avec  dis- 


CL1  445 

linction  dans  la  guerre  de  Hano* 
vre,  fut  envoyé,  en  1776,  étant 
major-général,  avec  les  généraux 
Biirgoyne  et  Howe  dans  l'Améri- 
que septentrionale,  où  il  s'empa- 
ra, après  une  première  attaque 
infructueuse,  de  New-York,  dont 
il  fut  nommé  commandant.  En 
1778,  il  se  rendit  à  Philadelphie, 
et  remplaça  dans  le  (;ommande- 
ment  de  l'armée  le  général  Howe, 
rappelé  en  Europe.  Le  général 
Clinton,  attaqué  par  Washington, 
fut  forcé  d'évacuer  la  ville;  mais 
dans  sa  retraite,  faite  en  bon  or- 
dre, il  détruisit  plusieurs  corsai- 
res américains  dans  la  baie  d'OE- 
cussinett.  En  1779.  il  se  porta  sur 
la  Caroline  ;  la  mésintelligence 
qui  régnait  alors  entre  les  Amé- 
ricains et  les  Français  lui  donna 
les  moyens  de  s'emparer  de  Char- 
Icstown,  01^,  comme  devant  New- 
York,  il  avait  échoué  une  premiè- 
re fois.  Il  faisaitpartie.cn  1780, 
avec  8,000  honimes  de  troupes, 
de  la  flotte  de  Tamiriil  Arbulhnot, 
et  voulut  attaquer  les  Français; 
mais  leurs  dispositions  rapides  et 
les  mouvemens  de  Wa.»hington  , 
rendirent  inutiles  ses  tentatives. 
11  mit  alors  en  usage  les  intrigues 
et  les  moyens  de  séduction  qu'il 
avait  déjà  employés,  lorsque,  en 
sa  qualité  de  commandant  dé  New- 
York,  il  secondait  le  général  Bur- 
goyne.  qui  fut  forcé  de  capituler. 
Cette  fois  il  fut  plus  heureux.  Un 
oflicier  américain,  Arnold  (voyez 
ce  nom),  jaloux,  suivantquelques 
historiens,  de  la  gloire  de  Wa- 
shington, céda  aux  propositions 
de  (Clinton,  et  promit  de  lui  livrer 
le  fort  qu'il  commandait,  trahi- 
son que  fit  échouer  l'arrestatioiv 
du  major  André  ,   émissaire   de 


(\\\ 


CLI 


(lliiitori.  Le  gcnéra!  onghiis  ne  se 
dccouiagcii  pas;  il  profila  du  mé- 
contentement   qui   se   manifesta 
parmi  quelques-unes  des  troupes 
américaines  pour  leur  faire  faire 
des  propositions,  elles  attirer  dans 
le  parti  anglais.  Ce  projet  n'eut 
pas  plus  de  succès  :  les  émissaires 
furent    fusillés  comme   espions. 
Presque  assiégé  dans  New-York 
par  les  forces  réunies  des  Améri- 
cains et  des  Français,  des  renforts 
le  sauvèrent  de  cette  position  cri- 
tique,   et    lui    permirent    même 
d'envoyer  du  secours  au  général 
Cornwalis;  mais,  à  leur  arrivée, 
il  venait  de  se  rendre.  Remplacé 
par  le  général  Carleton,  le  géné- 
ral Clinton  repassa  en  Angleter- 
re, et  fut  nommé  gouverneur  de 
■Limerick,  puis  membre  du  parle- 
ment,  enfin  gouverneur  de  Gi- 
braltar. Il  venait  de  prendre  pos- 
session de  cette  place,  lorsqu'il 
mourut  le  34  décembre  i^gS.  Le 
.général  Clinton  a  publié  plusieurs 
Mémoires  sur  la  guerre  d'Améri- 
que, dont  un  en  réponse  au  géné- 
ral CornAvalis,  qui  avait  combat- 
tu son  opinion  sur  les  événemens 
.de  celte  guerre.  Comme  officier- 
,  général,  Clinton  jouit  d'une  ré- 
.putation  méritée;  mais  ses  com- 
patriotes eux-mêmes  lui  repro- 
-chent  d'avoir  été  peu  scrupuleux 
sur  les  moyens  de  succès,  et  d'a- 
voir favorisé  la  licence  des  trou- 
pes. 

CLINTON  (Georges),  vice-pré- 
sident des  LlatsUnis  d'Amérique, 
naquit  en  1759  dans  la  Nouvelle- 
Angleterre,  d'une  famille  origi- 
naire d'Irlande.  Ayant  choisi  d'a- 
bord l'état  militaire,  à  18  ans  il 
.était  lieutenant  dans  le  régiment 
colonial  qui,  sous  lo  commande- 


CLO 

mcnl  de  son  père,  fit  la  guerre  du 
Canada.  Il  se  distingua  à  la  prise 
du  fort  de  Frontenac,  en  ijSS. 
Après  la  conquête  du  Canada,  le 
jeune  Clinton  étudia  la  jurispru- 
dence sousWilliam  Smith,  célèbre 
jurisconsulte  américain.  Elu,  en 
1 773,  l'un  des  députés  de  sa  pro- 
vince i\  l'assemblée  coloniale,  il 
montra  beaucoup  de  talent  et  de 
patrietisme,  et  fut  nommé  mem- 
bre du  congrès  en  1775.  Mais 
croyant  plus  utilement  servir  sa 
patrie  en  reprenant  du  service,  il 
se  rendit  à  l'armée  avec  le  grade 
de  brigadier- général  de  milice, 
grade  qu'il  conserva  et  occupait 
dans  les  troupes  de  ligne  lorsqu'il 
défendit,  en  1777,  le  passage  des 
montagnes  contre  le  général  an- 
glais Henri  Clinton  {^voyez  ce 
nom).  S'il  ne  put  empêcher  les 
progrès  du  général  ennemi,  sa  ré- 
sistance fut  si  opiniâtre  que  le  gé- 
néral Bnrgoyne,  ne  recevant  point 
les  secours  que  le  général  Clinton 
lui  amenait,  fut  obligé  de  capitu- 
ler. Nommé,  peu  de  temps  après, 
gouverneurderétatde  New-York, 
Georges  Clinton  rendit  dans  ce 
poste  honorable  et  important  de 
nouveaux  services  à  ses  conci- 
toyens. En  1804,  il  devint  vice- 
président  des  Etals-Unis  et  prési- 
dent du  sénat.  Sa  vie  entière  fut 
utile  à  la  cause  nationale,  et  il 
mourut  généralement  regretté  le 
20  avril  1812.  Son  éloge  fut  pro- 
noncé par  Governor  Morris. Geor- 
ges Clinton  avait  un  frère  nom- 
mé James,  qui  servit  comme  of- 
ficior-général  pendant  la  guerre 
de  la  révolution  américaine. 

CLODION  (Clatide- Michel), 
sculpteur  distingué  auquel  nulle 
biographie  n'a  donné  une  place. 


CLO 

La  sculpture  moderne  n'a  pas  ce- 
pendant produit  assez  de  talens 
d'un  ordre  supérieur  pour  que 
l'on  doive  mettre  en  oubli  la  grâ- 
ce, la  naïveté,  le  faire  heureux  et 
pur  de  cet  artiste.  Il  a  mêlé  ha- 
bilement dans  ses  ouvrages  la 
sini|. licite  d'imitation  et  ce  per- 
fectionnement de  la  nature  que 
l'on  nomme. idéal.  Sa  verve  était 
plus  délicate  que  forte.  Ses  chefs- 
d'œuvre  sont  de  jeunes  filles  qui 
jouent  avec  des  oiseaux,  qui  s'oc- 
cupent de  parer  leur  beauté  nais- 
sante, ou  qui  s'abandonnent  à  la 
rêverie.  C'est  une  jeune  enfant, 
plus  fraîche  que  le  printemps, 
portant  des  raisins,  fruits  de  l'au- 
tomne; une  autre  qui  rattache  a- 
vec  un  soin  remarquable  sa  chaus- 
sure dénouée;  une  baigneuse,  que 
l'embarras  d'être  nue  embellit  en- 
core; une  bergère,  au  sourire  naïf, 
qui  donne  la  nourriture  à  des 
tourterelles;  une  vestale,  dont  les 
traits  doux  et  résignés  annoncent 
le  renoncement  aux  passions  brû- 
lantes de  la  jeunesse,  et  dont  la 
main  entretient  le  feu  qui  ne  doit 
pas  s'éteindre;  une  jeune  fille  at- 
tentive, penchée,  émue,  cher- 
chant à  saisir  un  papillon  :  char- 
mante composition,  où  le  repos 
du  marbre  a  toute  l'élasticité,  tou- 
te la  légèreté  de  la  figure  qu-'il  re- 
présente; où  la  finesse  et  la  can- 
deur, l'innocence  et  le  désir  fer- 
ment un  ensemble  délicieux  et 
neuf;  où  l'enfance  prolongée  dans 
la  jeimesse,  donne  un  attrait  in- 
connu aux  charmes  déjà  déve- 
loppés de  cette  dernière.  Clo- 
dion  s^est  exercé  dans  d'autres 
genre»;  qtioique  beaucoup  loué 
>ar  ses  contemporains,  il  semble 
iroir  trop  sacrifié  au  goût  de  s-on 


CLO  445 

temps,  et  dans  une  partie  de  ses 
compositions  sévères,  n'avoir  pas 
assez    respecté    cette    simplicité 
d'attitudes  et  cette  pureté  de  des- 
sin  que   demande    la   sculpture. 
On  n'admirera  plus  aujourd'hui, 
comme  on  l'a  fait  sous  le  règne 
de  Vanloo,  son  Scainandre  i/a- 
st'clit'  par  les  Jeux  de  Fulcain  ; 
son  Hercule  en  repos,  etc.,  quoi- 
que ces  morceaux  se  distinguent 
par  la  facilité  et  l'élégance  du  ci- 
seau. Sa  statue  de  âJonlesffuieu  a 
été  l'objet  de  justes  critiques.  En 
l'an  g,   son  Groupe  du   Déluge 
frappa  l'attention  publique  par  la 
verve,  la  belle  disposition  et  Icx- 
pression  des   têtes.    Clodion  eût 
recueilli   plus   de  gloire   s'il   eût 
voulu  occuper  une  place  élevée 
daUvS  un  genre  particulier.  Né  ù 
Nancy  vers  i';l\5,  il  est  mort  à 
Paris  en  1814.  Son  caractère  était 
loyal.    Son  talent  l'exposa  à  des 
tracasseries  qu'il   n'eut  pas  tou- 
jours la  force  de  mépriser.  On  lui 
doit  un  buste  de  Tronchel,  et  un 
autre  de  Madame  I",  fille  de  Louis 
XVL  M.  A.  Dingé,  exécuteur  de 
ses  dernières  volontés,  a  donné 
de  sa  vie  une  Notice  courte,  mais 
instructive  et  bien  écrite. 

CLOOTZ  (JïATJ  -  Baptiste,  i>r 
Val-de-Grace),  neveu  du  fameux 
écrivain  de  Paw,  fit  des  paradoxes 
en  action,  comme  son  oncle  en 
avait  fait  en  histoire.  Il  prélendit 
établir  une  république  universel- 
le, se  constitua  Voratenr  du  ^cw- 
re  humain,  prit  le  nom  du  philo- 
sophe grec  Anacluirsis;  et  ricin: 
de  cent  mille  livres  de  rentes, 
à  55  ans  porta  sur  l'échafaud  sa 
tête  folle  et  systématique.  Il  était 
né  à  Clèvcs,  en  I755;  et  après  a-, 
voir  fait  ses  premières  élude»  «a 


446  CLO 

Prusse,  il  vint  les  terminer  à  Pa- 
ris, où  tnr;l.'uit  ses  rêves  métaphy- 
siques aux  doctrines  de  quelques 
philosophes  qu'il  coinprit  mal, 
il  se  crut  appelé,  dans  l'écroule- 
ment de  toutes  les  vieilles  institu- 
tions françaises,  à  renouveler  la 
face  du  glo'.ie.  Il  développa  ses 
plans  ,  qui,  dans  l'enthousiasme 
dont  toutes  les  têtes  étaient  frap- 
pées, ne  parurent  que  bizarres  : 
dans  tout  autre  temps  ,  ils  eus- 
sent conduit  leui  auteur  aux  Pe- 
tites-Maisons ;  mais  Anacharsis 
Clootz  qui  vint,  à  la  tête  de  quel- 
ques individus  diversement  cos- 
tumés, haranguer  l'assemblée  na- 
tionale, de  la  part  du  genre  hu- 
main, fut  écouté  sans  trop  d'im- 
patience. Elu  membre  de  l'assem- 
blée législative,  on  le  vit  offrir  sa 
fortune  pour  fonder  la  république 
universelle,  prêcher  le  matéria- 
lisme en  style  d'Apocalypse,  apos- 
tropher les  rois  avec  une  fougueu- 
se éloquence,  soutenir  tour  à  tour 
le  protestantisme  et  le  mahomé- 
tisme;  et  négligeant  à  la  fois  ses  in- 
térêts et  ses  devoirs,  s'isoler  de 
ses  collègues,  qui  commençaient 
à  souflVir  impatiemment  son  im- 
portune exaltation.  Quelques  tê- 
tes vides  se  laissèrent  entraîner 
à  ses  rêveries,  et  le  parti  d'Ana- 
charsis  se  formait,  quand  Robes- 
pierre en  prit  ombrage.  Cet  hom- 
me abominable  avait  de  la  péné- 
tration et  de  la  finesse  dans  ses 
aversions  et  dans  ses  jalousies. 
Il  dénonça  l'orateur  du  genre 
humain,  qui,  opulent,  baron  é- 
tranger,  et  fanatique,  bien  qu'il 
protestât,  que  son  anie  était  san^' 
culotte,  fut  traîné  à  l'échafaud 
sur  la  même  charrette  que  le 
publiciste  Hébert.  Pendant  que 


CLO 

ce  dernier  se  désolait,  l'autre  ter- 
minait dignement  sa  bizarre  car- 
rière, prêchait  ses  doctrines  au 
peuple,  et  demandait  ù  mourir  le 
dernier,  afin  d'établir  quelques 
principes,  pendant  que  l'on  fai- 
sait tomber  des  têtes. 

CLODET,  né  à  Saingiy  ,  près 
do  Mézières,  Ici  \  novembre  1751, 
a  joui  d'une  réputation  distin- 
guée comme  chimiste  et  comme 
mécanicien.  Il  avait  commencé 
ses  études  à  Charleville;  mais 
c'est  à  Mézières  que  ses  succès 
dans  les  cours  de  calcul  et  de  géo- 
métrie descriptive  le  firent  re- 
marquer du  célèbre  Monge  qui 
les  dirigeait  alors.  Après  un  voya- 
ge à  Paris  ,  où  il  avait  visité  avec 
soin  les  manufactures  et  les  ate- 
liers ,  le  goût  de  Clouet  pour  la 
mécanique  le  rappela  dans  son 
pays  natal,  où  il  établit  une  fabri- 
que de  faïence.  Cette  entreprise 
prospérait;  mais  ayant  éprouvé 
une  banqueroute  considérable  , 
Clouet  fut  obligé  de  l'abandon- 
ner, et  se  mit  à  enseigner  la 
chimie  à  Mézières,  dans  l'école 
même  où  il  l'avait  étudiée.  Les 
besoins  des  armées,  vers  le  com- 
mencement de  U»  révolution,  fi- 
rent élever  une  fabrique  de  fer 
forgé  à  Daigny,  près  de  Sedan  ; 
la  direction  lui  en  fut  confiée,  et 
son  activité  mit  cette  fabrique  en 
état  de  fournir  les  arsenaux  de 
Douay  et  de  Metz,  durant  les  pre- 
mières campagnes.  Clouet  vint 
ensuite  à  Paris,  et  obtint  au  mi- 
nistère de  l'intérieur  la  place  de 
membre  du  conseil  des  arts.  Il 
la  remplissait  de  la  manière  la 
plus  honorable  ;  mais  toujours 
occupé  d'étendre  ses  connaissan- 
ces^ il  la  quitta  volontairement, 


COB 

et  se  rendit  à  Cayenne  ,  pour 
faire  des  expériences  sur  la  végé- 
tation. Retiré  dans  un  coin  de 
l'île,  où  on  l'aurait  pu  prendre, 
à  sa  façon  de  vivre,  pour  un  In- 
dien des  tribus  sauvages,  il  l'ut 
atteint  d'une  fièvre  particulière  à 
ces  climats  :  elle  termina  ses  jours 
le  4  j"i"  1801.  Dès  son  enfance 
on  avait  remarqué  le  peu  de  soin 
qu'il  prenait  de  sa  personne  ;  c'est 
parce  qu'on  avait  voulu  l'assujet- 
tir, en  cela,  aux  règles  commu- 
nes, qu'il  avait  quille  le  collège 
de  Charleville.  On  lui  est  rede- 
vable, en  France,  du  procédé  u- 
sité  pour  obtenir  l'acier  fondu  ; 
les  Anglais  Pavaient  découvert, 
mais  Clouel  l'a  perfectionné.  On 
trouve  dans  les  Annales  de  chi- 
mie, aux  tomes  1 1  et  54,  l'exposé 
de  ses  travaux  sur  le  fer,  sur  l'a- 
cide prussique.  et  sur  les  émaux, 
COBBETT  CNVilliam),  fils  d'un 
pauvre  fermier  de  Surrey,  est 
devenu  l'un  des  publicistes  les 
plus  célèbres  et  les  plus  redou- 
tés des  Trois- Roy aurnes .  Né  à 
Farnham  en  1766,  dans  la  ferme 
de  son  père,  il  y  conduisit  la 
charrue  jusqu'en  1785;  mais  en- 
nuyé, à  17  ans,  de  cette  vie  obs- 
cure et  pénible,  il  vint  à  Londres, 
où  il  demeura  quelque  temps  sans 
secours.  Ln  procureur  de  Gray's 
Jun  recueillit  le  jeune  homme  , 
qui  travailla  un  an  dans  son  étu- 
de, mais  que  la  fougue  d'un  ca- 
ractère ardent  et  aventureux  por- 
ta bientôt  ù  s'enrôler.  Son  grade 
fut  d'abord  modeste;  il  partit 
pour  la  Nouvelle- Ecosse  en  qua- 
lité de  Lunbour.  Huit  ans  d'un 
service  >ubalterne  ne  relevèrent 
qu'au  rang  de  sergent -major, 
mais  lui  permirent  de  se  livrer 


COB 


447 


à  son  goût  pour  les  études  litté- 
raires. Il  apprit  la  grammaire,  et 
prit  une  teinture  de  quelques 
sciences,  tout  en  montrant  à  lire 
à  ses  compagnons  d'armes.  En- 
traîné par  un  besoin  inquiet  de 
célébrité,  il  demanda  sa  retraite, 
revint  en  Europe,  parcourut  la 
France,  passa  en  Amérique  ;  et, 
devenu  tout  à  coup  libraire  et  au- 
teur, commença  en  même  temps 
sa  fortune  et  sa  renommée.  Pitr- 
re  le  //crisson  (  Peter  Porcupine; 
tel  était  le  nom  qu'il  prenait), 
effraya  bientôt  par  ses  virulentes 
sorties  ,  le  gouvernement ,  le» 
membres  du  congrès,  et  les  léga- 
tions étrangères.  Cobbett  faisait 
de  son  talent  satirique,  décla- 
matoM^,  audacieux,  un  usage 
impmdent  et  insensé  ;  attaqué  en 
calonmie,  sur  le  point  de  suc- 
comber aux  poursuites  des  ad- 
versaires qu'il  s'était  faits,  il  se  vit 
contraint  de  fuir  l'Amérique,  et, 
sans  renoncer  à  son  périlleux  mi- 
nistère, vint  à  Londres  établir 
un  nouveau  journal  qu'il  nomma 
encore  le  IJérisson.  Ce  journal 
lança  d'abord  ses  traits  à  Taven- 
ture,  et  fut  soupçonné  de  viser 
àTargenlplus  qu'à  l'honneur.  Bo- 
naparte et  Fox  furent  tour  i\ 
tour  en  butte  aux  attaques  de 
Cobbett.  Enfin,  il  arrêta  ses  idées, 
embrassa  les  principes  des  radi- 
caux anglais,  changea  le  litre  de 
son  ouvrage  en  celui  de  Hef^i.ftre 
liebdoinaàaire ,  mûrit  son  talent 
et  son  style;  et  sans  rien  changer 
à  son  système  d'attaques  et  de  vio- 
lence, il  se  voua  du  moins  à  la  dé- 
fense des  intérêts  publics  et  de  la 
cause  nationale.  Sa  manière  est 
énergique  et  large;  pittoresque, 
bien  que  sévère;  véhémente  et 


4/,8 


COB 


originale  ,  quoique  chAtiée.  Plu- 
sieurs lois  poursuivi,  condamné, 
emprisonné,  il  a  constamment 
vu  des  souscriptions  patriotiques 
et  des  contributions  volontaires 
satisfaire  aux  énormes  amendes 
que  lui  imposait  la  justice.  Il  se 
déclara,  en  181 5,  champion  de 
Napoléon,  qu'il  avait  poursuivi 
avec  une  véhémence  extrême,  au 
temps  de  sa  puissance.  Envelop- 
pé, en  1816,  dans  une  infinité  de 
mauvaises  affaires  politiques  et 
d'intérêt,  il  quitta  brusquement 
l'Angleterre,  où,  depuis  dix  an- 
nées, touslesclubs  retentissaient 
de  son  nom,  et  s'enfuit  en  Amé- 
rique, où  il  fit  choix,  dans  un  lieu 
sauvage,  d'une  habitation  solitai- 
re qu'il  fortifia  pour  se  mettre  à  l'a- 
bri de  toute  ei-pèce  d'incursions. 
C'est  dans  cet  asile  qu'il  brave 
encore  l'armée  de  ses  créanciers 
de  tous  les  pays,  et  les  agens  des 
gouvernemens  qu'il  a  offensés. 
Outre  une  grande  quantité  d'^fe'- 
pitresel  de  Pamph/elsj^a\\ûqûe?< , 
on  lui  doit  un  recueil  de  débats 
parlementaires  de  i8o3  à  1810; 
sa  propre  vie.,  écrite  par  lui-mê- 
me (1806);  et  une  excellente 
grammaire,  intitulée  !e  Maître 
Anglais.  Elle  a  été  traduite,  et 
souvent  altérée  par  un  traducteur 
français,  dont  il  s'est  plaint  avec 
amertume.  Ainsi  l'ouvrage  le 
meilleur,  le  plus  élémentaire,  le 
phls  philosophique  sur  la  langue 
anglaise  ,  est  le  fruit  des  loisirs 
à\\n  tambour  de  régiment.    " 

COBEINZL  (Louis,  comte  de), 
né  à  Bruxelles,  en  1755,  étudia 
au  collège  dHarcourt.  Diplomate 
des  plus  déliés,  il  n'avait  que  27 
ans  lorsque  la  cour  d'Autriche  le 
lu'uuna  son  ambassadeur  en  Rus- 


COB 

sie.  Catherine  II  régnait  alors,  et 
le  comte  de  Cobenzl  sut  captiver 
sa  bienveillance,  par  ses  maniè- 
res galantes  et  les  agrémens  de 
son  esprit.  Ce  fut  lui  qui,  un  an 
avant  la  mort  de  cette  impératri- 
ce, rédigea  le  traité  de  la  triple 
alliance  de  la  Russie,  de  l'Autri- 
che et  de  l'Angleterre,  contre  la 
France.  Deux  années  après ,  il 
changea  de  rôle  ,  en  signant  avec 
le  général  Bonaparte  le  pacifique 
traité  de  Campo-Formio.  conclu 
le  17  octobre  1797,  entre  la  ré- 
publique française  et  l'empereur 
d'Autriche.  Le  comte  Cobenzl 
quitta  alors  le  Frioul,  et  se  rendit 
au  congrès  de  Rastadt.  lise  trou- 
vait à  Seltz,  lorsque  le  directoire 
lui  adressa  le  ministre  François 
de  Neufchateau,  pour  obtenir  sa- 
tisfaction des  événemens  qui  a- 
vaient  forcé  l'ambassadeur  Ber- 
nadote  de  quilterVienne,  au  mois 
d'avril  1798.  Cobenzl,  qui  avait 
composé  et  joué  lui-même,  à  la 
cour  de  Catherine  II,  des  pièces 
de  théâtre  ,  crut  qu'il  ne  pouvait 
mieux  flatter  l'amour-propre  de 
l'envoyé  français,  auteur  de  Pa- 
rnela  ,  qu'en  faisant  représenter 
cette  pièce  en  sa  présence.  Le  trai- 
té de  Lunéville,  passé  le  9  février 
1801,  et  basé  sur  celui  de  Campo- 
Formio,  fut  signé  par  M.  de  Co- 
benzl. Ce  grand  acte  diplomati- 
que terminé,  il  retourna  à  Vien- 
ne, où  l'empereur  lui  confia  le 
portefeuille  des  affaires  étrangè- 
res, qu'il  a  gardé  jusqu'en  i8o5. 
II  donna  sa  démission  à  cette  é- 
poque ,  et  vécut  dans  la  retraite. 
Il  est  mort  à  Vienne,  au  mois  de 
février  1808.  Le  comte  de  Co- 
benzl. Belge  de  naissance,  cos- 
mopolite par  état,  était  Français 


COB 

parle  caractère  et  par  l'éducalion. 
Il  avait,  en  littérature,  des  con- 
naissances plus  approfondies  et 
plus  étendues  que  beaucoup  do 
gens  qui  la  professent.  Sa  mé- 
moire imperturbable  était  ornée 
des  chefs-d'œuvre  de  nos  poètes, 
qu'il  aimait  à  citer,  et  citait  tou- 
jours à  propos.  Il  ne  se  plaisait 
pas  moins  avec  les  gens  de  let- 
tres qu'il  ne  leur  plaisait.  MM. 
Andrieux,  Picard,  Arnault,  n'ont 
pas  perdu,  sans  doute,  le  souve- 
nir de  plusieurs  soirées  délicieu- 
ses passées  dans  la  société  de  ce 
scigrjeur ,  assez  aimable  pour 
qu'on  ne  vit  en  lui  que  son  ama- 
bilité. L'abbé  Casti ,  spirituel 
auteur  des  Animaux  parlans,  et 
de  tant  de  poëmcs  si  gaiement 
philosophiques  ,  était  le  comp.a- 
gnon  inséparable  du  comte  de 
Cobenzl,  qu'il  avait  suivi  dans 
toutes   les  cours  de  l'Europe. 

COBENZL  (le  comte  Puilippe 
de), cousin  du  précédent,  né  dans 
la  Carniole,  en  ij/p,  et  mort  le 
3o  août  1810.  Immédiatement 
après  le  traité  de  paix  signé  à  Lu- 
neville  en  i8oi,  le  comte  Philip- 
pe fut  nommé  ambassadeur  d'Au- 
triche à  Paris.  11  y  demeura  jus- 
que vers  la  fin  de  i8o5,  époque 
à  laquelle  l'Autriche  «Mitra  dans 
la  coalition  contre  la  France.  La 
mission  diplomatique  de  M.  de 
Cobenzl  n'eut  rien  de  remarqua- 
ble :  homme  faible,  son  caractè- 
re avait  été  mis  à  l'épreuve,  en 
1^90,  i^  l'occasion  de  l'insurrec- 
tion des  Pays-Bas.  Envoyé  pour 
négocier  avec  les  chefs,  et  ceux- 
ci  ne  voulant  pas  le  reconnaître, 
il  crut  avoir  rempli  les  intentions 
de  son  maître  en  révoquant  les 
édits  provocaleurR  des  trOu)ilos, 


COB 


449 


Au  reste,  le  comte  Philippe  était 
en  tout  un  homme  fort  ordinaire, 
et  n'avait  dû  sa  place  d'ambassa-r 
deur  en  France  qu'au  crédit  de 
son  cousin.  : 

COBOURG  (FRÉ»ÉRic-J9Sii.s- 
PRiNCE  DE  Saxe),  général  au  ser- 
vice d'Autriche,  commandait  en 
Valachie  dans  la  guerre   de   son 
souverain   contre  les  Turcs.   De 
grands  préparatifs  pour  assiéger 
Ibraïlow,  et  la  prise  de  Bukarest, 
furent  le  résultat  de  sa  première 
campagne  en   1789.  Moins  heu- 
reux l'année  suivante,  il  fut  obli- 
gé de  lever  le  siège  de  Ciorgcvo 
et  de  passer  une  convention  avec 
le    grand-vizir.    LIne   autre  célé- 
brité l'attendait  sur  les  frontières 
de  France,  où  il  arriva  en  1792. 
Le  prince  de  Cobourg  fit  son  en- 
trée à  Liège  avec  le  régiment  des 
dragons  de  son  nom  ,  et  les  Lié- 
geois ne  se  rappellent  pas  cet  évé- 
nement   sans    horreur.    Ami    de 
Sowarow,  il  en  avait  le  caractè- 
re ;  et  ce  fut  pour  lui  une  douce 
jouissance  de  s'emparer  d'une  vil- 
le dont  les  malheureux  habitans, 
accablés  déjà  par  deux  années  de 
l'oppression  la  plus  barbare, ,é-, 
talent  loin  de  songer  à  faire  la 
moindre  résistance.   Le  nom  du 
général  Cobourg  pénétra  inces- 
samment dans  toute  la  France, 
et  il  y  fil  plus  de  mal  encore  que 
ses  armei».    Accolant  ce   nom  à 
celui  de  Pitt,  les  tyrans  de  l'épo- 
que envoyèrent  à  l'écbafaud  de* 
milliers  d'innocens,  sous  le  simple 
prétexte  qu'ils  étaient  les  tificns 
de  l'Ut  et  de  Çubunrf:. ,  Le  18  ipars 
179?»,  il  gagna  la  bataille  de  Ner- 
ivinde  sur  Duniouriez,  etl'dbligea 
d'évacuer    la    Belgique  ;    peu   d<' 
JQi^rsaprès,  celqiici)  daoi/ii  défec- 
•>9 


45o 


COB 


tion,  livra  les  députés  commissai- 
res français  au  prince  de  Cobourg, 
et  l'on    sait   comment    celui-ci 
les  traita.  Déjà  maître  de  Landre- 
cies,  il  prit  Condé  le  i5  juin,  et 
dans  le   ridicule  manifeste  qu'il 
fit  paraître  en  juillet,  il  défendait 
aux  émigrés  l'entrée  des  parties 
conquises  du  territoire  français, 
et   conservait    le    séquestre    sur 
leurs  biens.  Valencienncs  se  ren- 
dit le  28  du  même  mois;  la  fortu- 
ne couronnait  de   succès   toutes 
les  opérations  militaires  du  géné- 
ral Cobourg;  sa  campagne  n'avait 
été  qu'une  suite  d'événemens  heu- 
reux pour  son  armée  :  mais  l'an- 
née 1794  devait  voir  crouler  ce 
monstrueux  colosse,  et  sa  gloire 
disparaître  comme  on  vit  s'éclip- 
ser dans  la  suite  celle  de  son  digne 
émule  SoAvarow.  Le   18  mai,  le 
prince  de  Cobourg  perdit  la  ba- 
taille  de   Turcoing,  où    Moreau 
commandait    l'armée    française. 
Les  i6et  26  juin,  le  général  Jour- 
dan  le  battit  complètement  à  Fleu- 
rus,    et  principalement  dans  la 
dernière  journée.   Le  2   octobre 
suivant,  le  même  général  français 
ayant  remporté  la  victoire  d'Al- 
denhoveri,  le  prince  de  Cobourg, 
après  cette  bataille,  fut  obligé  de 
quitter  le  commandement  des  ar- 
mées combinées;  il  se  retira  dans 
sa  principauté,  emportant  les  ma- 
lédictions des  pays  qu'il  avait  vi- 
sités, et  le  regret  d'avoir  vu  tailler 
en  pièces  jusqu'au  dernier  dragon 
de  son  régiment.  Après  avoir  sur- 
vécu vingt  années  à  sa  jactance, 
ù  ses  fureurs  et   à  ses  revers,  le 
prince  de  Cobourg  est  mort  ou- 
blié, dans  le  mois  de  février  18 1  5. 
COBOURG -SAALFÈLD  (Er- 
WEST- Antottïe-Charies  -Lons), 


COB 

dnc  régnanf  de  Saxe,  succes.^cur 
et  fils  du  précédent,  né  le  2  jan- 
vier 1784,  fit  ses  premières  armes 
en  Russie,  et  passa  au  service 
d'Autriche  lors  de  la  coalition  des 
puissances  étrangères  contre  l'em- 
pire français.  Il  commandait  en 

1814  le  corps  des  Saxons  qui  s'é- 
tait formé  en  Westphalie.  Ce  prin- 
ce a  voulu  que  sa  part  des  contri- 
butions levées  sur  la  France  ,  en 
181 5,  fut  partagée  entre  ceux  des 
habilans  de  sa  principauté  qui 
avaient  le  plus  souffert  du  séjour 
des  Français  dans  ses  états.  Si  cet- 
te compensation  a  été  ré[>artie  san» 
partialité,  c'est  un  bel  acte  de  jus- 
tice. 

COBOURG-COHARY  (Ferdi- 
nand-Georges-Ai  guste,  PRINCE  DE 
Saxe).  Le  nom  de  Cohary.  ajouté 
au  nom  de  Cobourg,  est  celui  d'un 
magnat  de  Hongrie  dont  le  prin- 
ce Ferdinand  Georges  a  épousé  la 
fille,  et  dont  il  doit  être  l'héritier, 
soit  dans  ses  biens,  soit  dans  ses 
dignités. Né  le  28  mars  1785,  frè- 
re du  précédent,  et  général  au 
service  d'Autriche,  le  prince  Co- 
bourg-Cohary  a  fait  la  guerre  de 

181 5  contre  la  France;  il  y  a 
montré  de  la  bravoure  et  de  I3 
générosité.  A  la  demande  du  pré- 
fet de  la  Nièvre,  il  empêcha  le 
désarmement  de  la  garde  natio- 
nale de  Nevers,  et  se  conduisit 
dans  cette  ville  de  manière  à  se 
faire  regretter. 

COCHELET  ( Charles ),  fils 
d'un  député  à  l'assemblée  consti- 
tuante, né  à  Charleville,  dépar- 
ment  des  Ardennes,  après  avoir 
été  successivement  payeur  divi- 
sionnaire en  Espagne  et  en  Por- 
tugal, payeurdu  département  des 
Deux -Sèvres,  et  enfin  payeur- 


coc 

général,  fut  subitement  déplacé 
de  la  carrière  où  il  avait  servi  ho- 
norablement, tant  aux  armées  que 
dans  l'intérieur,  parPeftet  des  cir- 
constances qui  caractérisent  les  é- 
vénemens  de  1814.  Il  dut  alors 
opposer  à  la  mauvaise  fortime  les 
ressources  qu'il  trouva  dans  son 
expérience  et  dans  son  caractère 
personnel.  Ses  fonctions  ne  l'a- 
vaient point  enrichi.  Le  courage 
et  la  jeunesse  lui  firent  entrevoir 
dans  une  expédition  commercia- 
le au  Brésil,  les  chances  d'un  heu- 
reux changement  A  sa  position. 
La  pensée  d'un  exil  de  plusieurs 
années  ne  l'ellraya  point,  el  il  par- 
tit avec  le  projet  de  s'établir  plan- 
teur dans  celle  contrée  lointaine, 
qu'une  révolution  récente  dans 
.sa  position  |>olitique  venait  d'ou- 
vrir à  l'industrie  européenne,  et 
notamment  aux  infortunes  pri- 
vées d'un  grand  nombre  de  nos 
compatriotes.  11  s'embarqua  sur 
le  brick  /a  Sophie;  mais  après  a- 
voir  dépassé  les  Canaries,  des 
courans  impétueux  entraînèrent 
le  britiment  sur  les  côtes  inhos- 
pitalières du  désert  de  Sahara,  où 
il  tomba  au  pouvoir  d'un  peuple 
de  sauvages  mahométans,  appelés 
Oualdins.  Ce  naufrage  eut  lieu  le 
SotnaiiSiQ.  M.CocheIctIiitvendu 
comme  esclave  avec  quatre  de  ses 
malheureux  compagnons,  fit  1  5o 
lieues  dans  le  désert  avec  ses  maî- 
tres, qui  étaient  de  la  féroce  nation 
des  maures  Mouslcmines;  el  après 
aroir  supporté  pendant  cinq  mois 
toutes  les  souffrances  de  la  mala- 
die, et  toutes  les  rigueurs  d'un 
esclavage  que  la  haine  du  nom 
cfirélien  rcnditencore  plus  insup- 
■Jwrtable,  dut  enfin  à  l'inlervcn- 
1I0D  de   M.   Kdouard   Sourdeau  , 


COC 


45i 


consul-général  de  France  à  Tan- 
ger, et  à  l'entremise  de  M.  Casac- 
cia,  agent  français  à  Mogador , 
le  bonheur  inespéré  de  sa  déli- 
vrance. M.  Charles  Cochelet  ren- 
du à  sa  famille  et  ;\  ses  compatrio- 
tes .  a  satisfait  pleinement  à  l'in» 
térêt  que  son  infortune  leur  avait 
inspiré,  en  publiant  la  relation 
de  son  naufrage  et  de  son  voyage 
dans  cette  partie  si  peu  connue 
de  l'Afrique.  Cet  ouvrage  ,  écrit 
d'un  style  clair,  simple,  rapi- 
de, el  publié  sous  la  garantie 
du  caractère  connu  de  M.  Coche- 
let ,  a  pleinement  rempli  l'at- 
tente du  public;  il  est  intitulé: 
Naiifrage  du  brick  français  La 
Sophie,  perdu  le  5o  !n^li  1819,  sur 
la  côte  occidentale,  d' Afrique , 
etc.  (2  vol.  in-8°,  avec  cartes  et 
gravures).  La  relation  de  M.  Co- 
chelet estentièreint'nt  neuve  souj 
le  rapport  des  détails  relatifs  aux 
habitans  et  aux  contrées;  c'est 
l'itinéraire  de  l'esclavage  d'un 
chrétien  cher  les  Mahométans  in- 
dépendans,  pour  qui  la  puissan- 
ce de  l'empereur  de  Maroc  est  le 
type  et  l'excès  de  la  civilisation. 
On  peut  juger  de  la  condition 
d'un  Français  de>enu  esclave  de 
ces  étranges  sectaires  de  la  liber- 
té. En  lisant  cet  intéressant  ou- 
vrage, la  pensée  se  reporte  natu- 
rellement sur  les  Crées,  sur  ccf 
esclaves  nés  du  croissant,  sui 
les  menaces  sanglantes  des  pro- 
clamations émanées  du  divan  cl 
de  ses  pénéraux ,  $ur  l'imper- 
turbable inaction  des  gouverne- 
mens  évang^sliques,  i\  la  vue  du 
massacre  des  chrétiens  grecs;  et 
sur  l'irlcnncevable  doctrine  de 
l'inviolabiiilc  du  pouvoir,  quand 
mOme  chacun  des  acte*  de  ce  pou- 


^jya 


coc 


voir  serait  un  crime  capital,  pré- 
vu par  les  codes  de  chacun  des 
gouvcrnemens  de  l'Europe.  ïln- 
fin  on  se  rappelle  avec  douleur 
queles  Grecs  n'obiiennent  aucun 
secours  de  cette  religion  à  laquel- 
le plusieurs  étals  semblent  vou- 
loir soumettre  plus  que  jamais 
leur  morale  politique  ! 

COCHELET  (Adrien-Locis), 
frère  du  précédent,  membre  de 
la  légion-d'honneur,  fut  nommé, 
en  1809,  auditeur  au  conseil-d'é- 
tat, et  partit,  peu  de  mois  après, 
pour  "Vienne,  d'où  il  fut  envoyé 
en  mission  à  Trieste.  Vers  la  fin  de 
la  m«Ome  année ,  nommé  inten- 
dant de  Gorice,  dans  le  Frioul 
autrichien  ,  il  se  concilia  l'es- 
time et  la  confiance  de  ses  ad- 
ministrés. En  181 1,  il  fut  nommé 
auditeur  de  1"  classe  et  désigné 
pour  assister  aux  séances,  dites 
impériales.  En  1812,  il  fut  atta- 
ché à  l'intendance  -  générale  de 
l'armée,  et  fut  nommé, le  5  juillet, 
intendant  du  gouvernement  de 
Bialysteck.  Après  avoir  fait  la  fa- 
tale retraite  de  Russie  ,  il  revint 
à  Paru,  et  fut  de  nouveau  chargé 
d'une  mission  à  l'armée.  Après 
la  bataille  de  Bautzen,  il  fut  nom- 
mé intendant  des  cercles  de  Lei- 
gnitz  et  de  Luben,  dans  la  Silé- 
sie  prussienne.  Cette  mission  fut 
sans  résultat  :  M.  Cochelet  dut 
suivre  le  sort  de  la  fortune  de  l'ar- 
mée, et  était  porté  sur  l'état  des 
préfets  de  l'intérieur,  quand  la 
présence  de  l'ennemi  sur  nos  fron- 
tières le  rappela  encore  ù  un  ser- 
vice actif.  Par  décret  du  26  no- 
vembre 18 1 5,  il  fut  adjoint  ù  M. 
le  comte  de  Pontécoulant ,  com- 
missaire extraordinaire  dans  la 
24°"'     division    militaire.    Celte 


COC 

mission  fut  la  dernière  de  l'auto- 
rité franraiî-e  en  Belgique  ,  et  y  a 
laissé  des  souvenirs  que  l'admi- 
nistration de  M.  dcPontécoulantà 
Brujkelles  avait  préparés  autrefois. 
En  février  1S14,  M.  Cochelet,  atta- 
ché au  quartier-général  impérial, 
fut  employé  activement  dans  lar- 
rondisscmentde  Nogent-sur-Sei- 
nc.  Après  rétabh'ssemenl  du  gou- 
vernement royal,  qui  prononça  la 
suppression  des  auditeurs  du  con- 
seild'état,  et  en  désigna  5o  envi- 
ron pour  remplir  les  fonctions  de 
maîtres  des  requêtes,  M.  Coche- 
let, ayant  été  éliminé  de  la  car- 
rière politique,  rentra  dans  la  vie 
privée. En  181  &,  Napoléon  le  rap- 
pela au  conseil-d'état,  et  le  nom- 
ma, par  décret  du  1  1  avril,  pré- 
fet du  département  de  la  Meuse. 
IJepuis  la  2""  reslauration,  M.  Co- 
chelet n'a  rempli  aucune  fonction 
publique. 

COCHET  (André),  et  MARIE-^ 
ANNEou  MARIETTE-COCHET, 
sa  nièce  et  sa  femme.  Lors  des 
troubles  de  Lyon  en  181  j-,  M. 
Cochet ,  homme  de  loi  dans  cet- 
te ville,  fut  arrêté  lei  2  juin,  com- 
me l'un  <les  principaux  chefs  d'u- 
ne prétendue  conspiration,  qui, 
disait-on,  Jurait  dû  éclater  le  8 
du  même  mois.  Après  trois  mois 
de  détention  au  secret  le  plus  ri- 
goureux, il  obtint  la  permission 
de  voir  sa  nièce,  jeune  personne 
de  18  ans,  à  qui  il  avait  servi  de 
père  depuis  son  enfance; il  lui  fait 
part  de  ses  soufl'rances  et  du  pro- 
jet qu'il  a  formé  de  s'évader.  M"* 
Cochet  promet  de  le  seconder. 
Sous  le  prétexte  que  sa  grand' 
mère  est  au  lit  de  mort,  elle  ob- 
tient du  médecin,  qu'elle  trompe 
lui-même,  un  certificat  consta- 


I 


coc 

tant  l'état  désespéré  de  la  mala- 
de,  et  munie  de  cette  pièce,  elle 
va  supplier  le  grand-prevôt  de 
permettre  au  prisonnier  de  se  ren- 
dre sous  escorte  chez  sa  mère; 
le  grand-prevôt  refuse  la  grâce  de- 
mandée. Le  maréchal  Marniont , 
ducdellaguse,  alors  en  mission 
à  Lyon,  est  moins  insensible  aux 
instances  de  M'"  Cochet;  il  lui 
remet  un  ordre  pour  le  grand-pre- 
vôt; et  bientôt  le  prisonnier,  ac- 
compagné d'un  maréchal-des-lo- 
gis  et  d'un  gendajtne  ,  se  rend  au 
domicile  de  la  malade.  Pendant 
qu'il  est  au  chevet  de  son  lit,  où 
il  semble  fondre  en  larmes,  M"* 
Cochet  invite  les  deux  gardiens  à 
prendre  desrafraîchissemcns  dans 
une  pièce  voisine;  ils  cèdent  aux 
instances  de  cette  jeune  personne. 
M.  Cochet  proOte  d'un  moment 
favorable;  il  sort  et  monte  dans 
une  chaise  de  poste  qui  l'atten- 
dait à  quelques  pas  de  la  mai- 
son. Les  gendarmes,  s'apercevant 
qu'ils  ont  été  trompés,  veulent 
sortir,  mais  la  porte  est  fermée  à 
double  tour  sur  eux,  et  les  fenê- 
tres sont  clouées.  Ils  dressent  pro- 
cès-verbal de  l'évasion  ,  et  sont 
traduits,  avec  M"'  Cochet,  qui 
s'en  déclare  l'auteur  et  se  consti- 
tue prisonnière,  au  tribunal  cor- 
rectionnel, qui  les  condamne  à 
un  an  de  détention.  M"*  Cochet, 
considérée,  par  les  juges,  com- 
me fille  de  détenu,  est  acquittée. 
Hendue  à  la  liberté,  chaque  jour, 
pendant  leur  détention  ,  elle  a 
prodigué  aux  gendarmes  tous  les 
services  et  tous  les  secours  quié- 
taieut  eo  son  pouvoir.  £lle  a  é- 

fiousé  son  oncle.  Cette  dame,  née 
e  21  vendémiaire  an  VI  (1790)» 
et  dont  le  courage  rappelle  celui 


COC 


4^5 


de  l'héroïque  et  infortunée  épou- 
se du  comte  de  Lavaletle  ,  a  en- 
core droit,  comme  artiste,  à  une 
honorable  mention  dans  cet  ou- 
vrage. Au  mois  d'août  1819,  elle 
a  fait  exposer  dans  la  salle  de  la 
société  d'émulation  de  Liège,  au 
profil  de  la  caisse  de  l'enseigne- 
ment mutuel  de  cette  ville,  un 
talileau  dont  les  dimensions  sont 
de  deux  mètres  de  longueur  sur 
un  mètre  et  demi  de  hauteur ,  et 
dans  lequel  elle  a  rendu  par  le 
tricot  en  perles  d'émail  de  cou- 
leur et  (T aciev,  /'en trev uc  des  em- 
pereurs Aapoléon  et  Alexandre 
sur  le  N iémen ,  entrevue  qui  eut 
lieu  le  25  juin  1807.  L'artiste  a 
résolu  un  problème  dans  les  arts, 
celui  d'offrir,  par  l'emploi  de  plu- 
sieurs millions  de  perles  de  diffé- 
rentes couleurs,  un  fait  histori- 
que ,  avec  autant  de  vérité  et  plus 
de  brillant  que  n'auraient  pu  le  fai- 
re les  pinceaux  du  maître  le  plus 
exercé.  Les  deux  guerriers  sont 
debout  devant  une  tente,  et  sur 
un  tapis  portant  les  emblèmes  et 
les  couleurs  du  gouvernementim- 
périal  de  France.  Les  deux  bar- 
ques sur  lesquelles  ils  sont  venus, 
s'éloignent  par  respect  pour  le 
secret  de  la  conférence.  Un  gre- 
nadier français  est  en  factioD 
sur  l'un  des  bords  du  fleuve.  Une 
carte  géographique ,  posée  sur 
une  table  dans  l'intérieur  de  la 
tente,  désigne  l'objet  de  la  con- 
férence pour  la  fixation  des  limi- 
tes. Un  berger,  tranquille  auprès 
de  son  troupeau,  est  la  pieuve 
que  les  douceurs  de  la  paix  vont 
bientôt  succéder  aux  troubles  de 
de  la  guerre.  On  admire  particu- 
lièrement dans  les  détails  du  pay- 
sage uu  arbre  dout  le  feuillage 


454 


CGC 


serait  inimitable  pour  le  pinceau. 
Il  est  vraiïseniblablc  que  ce  ta- 
bleau, dont  les  journaux  étran- 
gers Ibnt  le  plus  grand  éloge  .  a 
été  exécuté  d'après  celui  qui  fut 
exposé  au  Musée  du  Louvre  en 
i8io. 

COCHIN  (Charles-Nicolas), 
dessinateur  et  graveur,  naquit  A 
Pari»,  en  17 1 5,  d'une  iamille  de 
graveurs  estimés.  Il  fut  élève  de 
son  père,  et  comme  lui  membre 
de  1  académie  de  peinture,  dont 
il  devint  ,  en  1765,  secrétaire- 
historiographe;  dès  1752,  il  avait 
succédé  à  Coypel  dans  l'emploi 
de  garde  des  dessins  du  cabinet 
du  roi.  Louis  XV,  qui  estimait 
ses  talens  et  ses  connaissances  va- 
riés dans  les  beaux-arts,  lui  ac- 
corda des  lettres  de  noblesse,  le 
décora  du  cordon  de  Saint-Mi- 
chel, lui  lit  unepension,  etie  nom- 
ma à  la  place  de  dessinateur-gra- 
veur des  menus-plaisirs.  L'œuvre 
de  Cochin  se  compose  de  plus 
de  quinze  cents  pièces;  presque 
toutes  ses  gravures  sont  à  l'eau- 
forte  ,  genre  plus  conforme  à  la 
fécondilé  de  son  génie,  et  à  une 
très-grande  vivacité  dans  l'exé- 
cution. Les  compositions  de  cet 
artiste,  auquel  on  reproche  un 
peu  d'uniformité  et  de  lourdeur 
dans  les  figures,  sont  générale- 
ment riches,  faciles,  et  décèlent 
l'homme  qui  a  de  l'instruction  et 
du  goût.  En  effet,  Cochin  s'était 
perfectionné  sous  le  beau  ciel  de 
l'Italie,  en  accompagnant,  en 
1749,  M.  de  Vandières,  désigné 
directeur- général  des  bâtimens 
du  roi;  ce  voyage  dura  deux  ans. 
On  cite  de  ce  graveur  célèbre  la 
mort  d'IIippolitf,  d'après  Detroy  ; 
David  jouant  de  la  harpe  devant 


COG 

SaiU,  Lyciirgue  blessé  dans  une 
ièdition  ,  les  figurts  de  Boileau» 
celles  de  la  férusalem  délivrée, 
pour  l'édition  de  Moksieuh.  Il  a 
presque  entièrement  r-cfait  les 
dessins  des  Si  ize  grandes  batail- 
les de  la  ClUne  ,  et  a  gravé  avec 
Lebas  seize  ports  de  France 
(quinze  d'après  Vernet,  et  le  sei- 
zième d'après  ses  propresdessins). 
Prévôt  a  gravé,  d'après  les  des- 
sins de  Cochin  ,  les  figurts  de 
l'histoire  de  France  du  président 
Hénauit .  et  M.  Ponce  la  suite 
des  quarante-six  figures  in-4''  de 
l'yJrioste,  pour  la  traduction  de 
Dussieux.  Cochin  a  aussi  cultivé 
les  lettres  sons  le  rapport  de  son 
art,  et  on  lui  doit  entre  autres 
ouvrages:  1°  Observations  sur, les 
antiquités  d' Hcrcuianum  ^  '75i; 
3"  Voyage  pittoresque  d'Itaiiej 
o  vol.  in-8",  1756,  5""  édition, 
Lausanne,  ï773;  â"  Lettres  sur 
les  vie."  de  Siodts  et  de  Deshayes^ 
in- 12,  17G5;  L\°  Projet  d'une  salle 
de  spectacle  ;  5"  un  grand  nom- 
bre de  mémoires  lus  k  l'académie 
de  peinture.  La  bibliothèque  du 
roi  possède  un  manuscrit  in-4", 
de  5oo  pages,  écrit  en  entier  de 
la  main  de  Cochin,  et  où  Ion 
trouve  des  notes  curieuses  sur 
les  plus  célèbres  artistes  de  son 
temps.  Cochin  était  tle  la  société 
de  M"*  Geoffrin,  dont  il  concou- 
rait à  embellir  les  réunions  par 
son  esprit  di'^tingué  et  par  l'amé- 
nité de  ses  mœurs.  Il  avait  une 
loyauté  rare  :  nous  en  citerons 
un  seul  exemple  :  Un  de  ses  jeu- 
nes confrères,  M.  Ponce, lui  de- 
manda 5o  dessins,  et  le  prix  en 
fut  fixé  d'un  commun  accord  à 
230  louis.  En  remettant  le  pre- 
mier dessin  à  M.  Ponce,  Cochin 


coc 

lui  dit  :  «  Je  vous  ai  pris  trop  cher; 
M  vous  êtes  un  jeune  homme  qui 
»  commencez;  je  ne  vous  pren- 
»  (Irai  que  i5o  louis,  u  Ce  trait  plein 
de  délicatesse,  et  les  excellens 
conseils  de  Cochin,  lièrent  de  la 
plus  tendre  amitié  l'artiste  géné- 
reux et  savant,  et  le  jeune  artiste 
qui,  à  son  tour,  a  acquis  par  ses 
lalens  et  sa  probité  une  honora- 
ble répulatiuo.  Cochin  mourut  le 
a(J  avril  1790. 

COCHOiN  (Charles), comtede 
l'Apparent,  né,  en  janvier  1700, 
dans  le  département  de  la  Vendée, 
était  conseiller  au  présidial  de 
Fonlenai,  à  l'époque  de  la  révo- 
lution. 11  fkit  nommé,  en  1789, 
député  du  tiers  -état  de  la  séné- 
chaussée du  Poitou,  aux  étals-gé- 
néraux, en  remplacement  de  M. 
Thibaud,  qui  avait  refusé  cette 
mission.  U  se  distingua  dès  lors 
par  la  sagesse  de  ses  principes  et 
par  son  amour  pour  les  libertés 
publiques.  £n  iy*)2,  nommé, par 
le  département  des  Deux-Sèvres, 
député  à  la  conventionnalionale, 
il  y  vota  la  mort  de  Louis  XVI, 
sans  restriction.  II  remplaça  à 
l'armée  du  Nord  les  commissai- 
res livrés  au  prince  Cobuurg  par 
DumourieK,  annonça  la  défection 
de  ce  général,  et  prit  des  mesures 
eflicaces  pour  empêcher  qu'un 
plus  grajid  nombre  de  soldats 
n'imitât  la  trahison  de  son  chef. 
M.  Cochon  se  renferma  dans  Va- 
lenciennes  lorsque  les  Autrichiens 
assiégèrent  cette  ville  ;  après  s'ê- 
tre viverucntct  vainement  opposé 
à  toute  capitulation,  il  fut  obligé 
d'en  sortiravcc  la  garnison,  le  1" 
août  1793. De  retour  à  la  conven- 
tion, il  y  défendit  le  général  Fé- 
rand,  et  prétendit  que  les  habitan« 


COC 


455 


de  Valenciennes  et  les  troupes  de 
ligne  pouvaient  être  coupables 
d'intelligence  avec  les  ennemis, 
mais  que  les  v  olontaires  nati«)naux 
et  leurs  dignes  commandans  s'é- 
taient conduits  en  héros.  Au  mois 
de  septembre  17941  M.  Cochon  fut 
nommé  membre  du  comité  de 
salut  public  de  la  convention  na- 
tionale, et  s'y  occupa  beaucoup 
des  opérations  militaires  et  du 
personnel  des  états-majors.  Les 
généraux  Moulins,  Dumas  et  Can- 
claux  lui  durent  leur  nomination 
de  généraux  en  chef  des  armées 
des  Alpes,  de  Brest  et  de  l'Ouest. 
Il  fut  encore  chargé  d'une  mis- 
sion en  Hollande  au  mois  de  jan- 
vier 179J,  et  le  28  octobre  de  la 
même  année  il  prit  place  au  con- 
seil des  anciens.  Au  mois  d'avril 
suivant  il  remplaça  M.  Merlin  au 
ministère  delà  polict «générale;  et 
pendant  les  quinze  mois  qu'il 
exerça  cet  emploi,  il  y  rendit 
des  services  essentiels.  La  cons- 
piration du  camp  de  Crénelle, 
celle  de  La  Villeheurnois,  Brol- 
lier  et  complices,  furent  décou- 
vertes par  ses  soins,  et  dénon- 
cées par  lui  au  directoire  et  au 
conseil  des  cinq -cents  :  la  pre- 
mière, en  septembre  i  79G;  et  la 
seconde,  au  mois  de  janvier  sui- 
vant. M.  Cochon,  zélé  républi- 
cain et  de  très-bonne  foi,  donnait 
sans  cesse  des  preuves  de  son  at- 
tachement au  gouvernement  qui 
l'avait  mis  en  place;  mjisle  soup- 
çonneux et  versatile  directoire  ne 
crut  pas  ou  teignit  de  ne  pas  croi- 
re aux  protestations  de  son  minis- 
tre de  la  police,  et  lui  donna  un 
successeur,  le  G  juillet  1797-  Ufut 
compris,  au  18  fructidor,  dans  la 
liste  des  proscrits,  et  envoyé  ù 


456  COC 

l'île  d'OIeion  ;  la  journée  du  i8 
brumaire  le  lira  de  son  exil,  et 
en  1800  le  prenriier  consul  le 
nomma  préfet  du  département 
do  la  Vienne.  Après  un  séjour  de 
plus  de  quatre  ans  à  Poitiers,  M. 
Cochon  passa  à  la  préfecture  d'An- 
vers (déj>artemeul  des  Dcux-Né- 
ihes),  et  là,  comme  durant  sa  pre- 
mière administration ,  gagna  l'esti- 
me et  la  bien  veiHance  de  ses  admi- 
nistrés. 11  quitta  ce  département 
pour  entrer  au  sénat-conservateur, 
dont  l'empereur  le  nomma  mem- 
bre le  28  mars  i8og.  11  fut  envoyé 
a  Périgueuxdans  les  derniers  jours 
de  i8i3,  afin  d'y  relever  Icsprit 
public  en  faveur  du  gouverne- 
ment impérial;  il  fit  tous  ses  ef- 
forts pour  y  organiser  les  moyens 
de  défendre  l'indépendance  na- 
tionale, et  ne  revint  à  Paris  qu'à 
l'époque  où  la  cause  qu'il  soute- 
nait fut  désespérée.  Le  premier 
retour  du  roi  priva  M.  Cochon 
de  toutes  fonctions  publiques. 
Nommé,  pendant  les  cent  jours  , 
préfet  du  département  de  la  Sei- 
ne-Inférieure, il  s'est  encore  trou- 
vé sans  emploi  au  second  retour; 
et  compris  dans  les  dispositions 
de  la  loi  d'amnistie  du  12  jan- 
vier 1816,  il  a  (\(\  quitter  la  Fran- 
ce, et  s'est  fixé  à  Louvain  dans 
le  royaume  des  Pays  -  Bas.  M. 
Cochon  s'est  montré,  dans  ses  di- 
verses fonctions  administratives, 
homme  de  talent  et  bon  Français. 
Il  est  membre  de  la  légion-d'hon- 
neur, et  a  été  créé  comte  de  l'em- 
pire par  Napoléon. 

COCHRANE  (lord  Arciiibald), 
comte  de  Dundonald,  chef  de  la 
maison  des  Cochrane,  naquit, 
en  1744»  d'une  famille  peu  for- 
tunée qui  se  nommait  originaire- 


COC 

ment  Blair.  Il  s'embarqua- com- 
me volontaire  de  la  marine,  fit 
un  voyage  eu  Afrique,  revint  en 
Angleterre,  et  s'adonna  à  la  chi- 
mie. Après  avoir  fait  différens  es- 
sais pour  la  composition  des  ver- 
nis, des  goudrons,  et  d'autres  en- 
duits nécessaires  à  la  conservation 
des  vaisseaux,  il  fit  uii  traité  sur 
l'analogie  qui  existe  entre  l'agri- 
culture et  la  chimie,  1  vol.  in-4% 
1 795  ;  et  publia .  quatre  années  a- 
près ,  un  ouvrage  intitulé  :  Prin- 
cipes de  la  chimie  appliqués  au 
perfectionnement  de  l'agricultu- 
re pratique,  in-4*. 

COCIIRAINE  (  SIR  Alexattdbe- 
FoNESTER  )  ,  frère  du  précédent , 
né  en  1748,  fut  nommé  capitaine 
de  vaisseau,  en  1782,  après  avoir 
passé  par  les  grades  d'aspirant  et 
de  lieutenant.  En  1 800,  il  fit  cam- 
pagne avec  l'amiral  Keith,  et  res- 
ta sous  ses  ordres  jusqu'en  1804. 
Devenu  contre-amiral  à  cette  é- 
poque,  il  monta /e  Neptune  de  74 
canons,  et  passa,  en  1806,  sur 
le  NortUumberland.  Il  était  au 
combat  livré  le  6  février  de  la 
même  année,  dans  la  baie  de 
Santo-Domingo,  lorsque  les  An- 
glais ,  en  nombre  supérieur  de 
vaisseaux,  détruisirent  la  flotte 
du  contre  -  amiral  Leissègues. 
C'est  ce  même  amiral  Cochrane 
qui  a  soumis  les  îles  danoises, 
pris  et  incendié  Washington,  et 
qui  a  fait  si  bravement,  en  181 5, 
tant  d'autres  expéditions  de  ce 
genre  ,  dans  la  Louisiane  et  la 
N'ouvelle-Orléans.  Sir  Alexandre 
Cochrane  est  contre- amiral  du 
Pavillon  rouge ,  et  grand'croix  de 
l'ordre  du  Bain. 

COCHRANE  (Alexandre, 
jlord)  ,  fils  aîné  d'Archibald ,  élè- 


coc 

ve  et  neveu  du  précédent,  naquit 
en  décembre  1775.  11  entra  de 
bonne  heure  dans  la  marine,  et 
n'avait  que  aS  ans  lorsqu'il  i'ut 
fait  capitaine  de  frégate.  Marchant 
sur  les  traces  de  son  oncle,  il  fut 
plu?  destructeur  que  brave  ;  il  é- 
tait  l'un  des  chefs  et  l'exécuteur 
de  l'épou  van  lubie  machine  infer- 
nale de  l'île  d'Aix,  du  12  avril 
1809.  Quinze  cents  barils  de 
poudre ,  J^oo  bombes  chargées 
de  fusées  à  la  Congrève,  et  plus 
de  5ooo  grenades ,  furent  em- 
ployés à  cet  horrible  artifice.  Ja- 
mais explosion  n'avait  été  aussi 
terrible ,  et  jamais  tant  de  bruit 
ne  fit  si  peu  d'effet;  lord  Cochra- 
ne  voulait  incendier  d'un  seul 
coup  la  flotte  française,  et  son  but 
fut  manqué.  Alors  l'am  rai  Gam- 
bier,  qui  commandait  l'escadre 
anglaise, donna  l'ordre  d'attaquer; 
lord  Cochrane  regagna  son  bord, 
furieux  d'avoir  vu  son  projet  ré- 
duit en  fumée;  il  lança  des  Con- 
grèves  sur  les  vaisseaux  français, 
et  parvint  à  en  brûler  trois.  Cette 
victoire  fut  célébrée ,  à  Londres, 
d'une  manière  éclatante;  le  cou- 
rage de  Cochrane  et  le  génie  de 
Congrève  étaient  élevés  jusqu'aux 
nues,  et  le  gouvernement,  pour 
récompenser  dignement  lord  A- 
lexandre,  le  nomma  chevalier  du 
Bain.  Élu  précédemment  membre 
de  la  chambre  des  commune»  par 
la  citédeAVestminster,  il  n'y  avait 
.fait  aucuns  discours,  ni  aucune» 
motion^  remarquables;  les  dis- 
cussions parl<;menlaire»  n'étaient 
point  assez  bruyantes  pour  le  fut' 
minant  lord  Cochrane. 

COCHKANK  'TuoMAs.  dit 
lord),  de  la  même  famille  que  les 
précédons,  n'a  guère  de  resscm- 


COC 


437 


blance  avec  eux  que  le  nom.  Ca- 
pitaine de  vaisseau  ,  chevalier  du 
Bain  et  membre  du  parlement,  ri 
se  disposait  à  s'embarquer  sur  le 
Tonnant,  lorsqu'il  fut  arrêté  et 
traduit  devant  !a  cour  du  banc  du 
roi.  Il  était  accusé  d'avoir  répan- 
du de  fausses  nouvelles,  en  an- 
nonçant de  grandes  victoires  rem- 
portées sur  Napolécn  par  les  ar- 
mées coalisées  ;  ce  bruit  a3'ant  fait 
hausser  les  fonds  à  la  bourse,  il 
en  avait  vendu  une  quantité  con- 
sidérable achetée  la  veille  à  très- 
bas  prix.  Les  ruses  employées  par 
le  noble  lord,  pour  obtenir  le  ré- 
sultat qu'il  en  espérait ,  ayant  été 
couronnées  du  succès,  furent  ju- 
gées criminelles,  et  il  fut  con- 
damné à  un  emprisonnement  d'un 
an,  ù  l'exposition  publique  au^u- 
lori ,  pendant  une  heure  sur  la 
place  de  la  bourse,  et  à  1000  li- 
vres sterling  d'amende.  Le  roi  lui 
fit  grflce  de  l'exposition,  mais  il 
n'en  fut  pas  moins  dégradé  de  sa 
qualité  de  chevalier  et  chassé  du 
parlement.  llk)arvint  à  s'échap- 
per de  sa  prison,  au  mois  de  mars 
iSi.*),  sans  avoir  payé  l'amende. 
La  ville  de  AVestminster  ne  ju- 
geant lord  Thomas  que  sous  le 
rapport  de  sesopinionset  ntm  sous 
celui  de  son  prétendu  crime,  le 
renomma  son  représentant  au 
parlement.  Il  se  rendait  à  la  cham- 
bre des  communes,  six  jours  a- 
près  son  éva:<lon,  lorsqu'il  fut  ar- 
rêté de  nouveau  cl  traduit  aux  as- 
sises de  Guilfort,  au  mois  d'août 
1816.  Sir  Frîmcis  Burdett,  son 
eollègue  ,  l'accompagnait.  Lord 
(Cochrane  fut  condamné,  et  les 
jurés  l'ayant  recommandé  i  la 
vlrniencK  ra^'Ulc  ;  «  Jo  demande 
"justice,  et  non  pa^  gr^ce>  ïeiu 


458 


coc 


dit-il.  n  Assigné  à  comparaître  en- 
core devant  ta  cour  du  bunc  du 
roi,  et  condamné  une  seconde 
fois  à  une  amende  qu'il  ne  put  ou 
ne  voulut  pas  payer,  on  le  con- 
duisit en  prison.  (Jette  amende 
lut  néanmoins  payée  par  le  pro- 
duit d'une  souscription  où  cha- 
que contribuable  ne  pouvait  pas 
apporter  plus  de  a  pences  (2  sols). 
Fatigué  du  régime  constitution- 
nel de  l'Angleterre,  lord  Cochra- 
ne  est  allé  chercher  en  Amérique 
la  liberté  qu'il  paraît  tant  aimer. 
Ily  sert  la  cause  des  indépen dans, 
de  sa  bourse,  de  son  épée  et  de 
ses  conseils. 

GOCKBLRN  (sir  Georges),  a- 
miral  anglais.  Le  nom  d'Érostrate 
est  parvenu  jusqu'à  nous  ;  celui 
de  Georges  Cockburn  arrivera 
de  même  aux  générations  futures, 
qui,  sans  doute,  n'apprendront 
pas  sans  horreur  que ,  dans  la  i4°" 
année  du  h)™'  siéck  ,  cet  amiral 
anglais  incendia  Its  principaux  é- 
difices  de  la  ville  de  Washington,  et 
notamment  la  hiùliotiu'qut  du  con- 
grès des  Étals-L'uis  d'Amérique. 
Sir  Georges  Cockburn  n'était  pas 
seul  dans  celte  déplorable  expédi- 
tion :ila.vait  pour  conipagnon  d'ar- 
mes un  antre  sir  anglais ,  Alexan- 
dre Fones^^TlCochvane  (yqyer  son 
nom).  Sir  Georges  a  un  titre  plus 
honorable  à  la  célébrité  :  c'est  ce- 
lui d'avoir  commandé  le  vaisseau 
qui  porta  Napoléon  à  Sainte-Hé- 
lène, et  de  n'avoir  point  exagéré, 
commesirHudson  I^ovve.lerôle  o- 
dieuxet  cruel  de  geôlier.  Sir  Geor- 
ges Cockburn  a  publié  la  relation 
de  son  voyage  à  Sainte-Hélène. 

CODRIRA  (Panagiows),  né  à 
Athènes,  vint  à  Paris  vers  l'an- 
née 1800,  avec  le  titre  de  secré- 


coc 

taire-interprète  de  la  légation  ot- 
tomane. Quoique  rappelé  par  sa 
cour,  il  resta  à  Paris  et  reçut  du 
gouvernement  français  une  pen- 
sion de  6,000  francs,  qui  lui  a  été 
continuée.  M.  Codrika  est  connu 
par  une  traduction  en  grec  mo- 
derne des  Moriclfs  de  Fonlenel- 
le  (Vienne,  1794);  par  des  Ub.'er- 
valions  sur  l'opinion  de  quelques 
helltnistes ,  touchant  le  grec  mo- 
derne (in-S",  i8o5),  et  de»  Ob- 
sen>ations  sur  le  Voyage  en  Grè- 
ce de  Bartkoldy  (insérées  dans  le 
Magasin  encyciopédiqiit^.  Mais 
M.  Codrika  est  plus  connu  enco- 
re par  son  inconcevable  persévé- 
rance à  attaquer  le  savant  et  res- 
peclacle  M.  Coray  (yo^ezCoRAv), 
qui  jouit  en  France,  comme  par- 
mi ses  compatriotes,  d'une  esti- 
me bien  méritée.  M.  Codrika  a 
publié  contre  M.  Coray  plu- 
sieurs pamphlets,  où  il  cherche  à 
prouver  que  iM.  Coray  ne  sait  pas 
sa  langue,  et  que  ses  opinions 
sont  celles  d'un  jacobin.  Mais 
l'ouvrage  dans  lequel  M.  Coray 
est  le  plus  violemment  maltraité 
a  pour  titre  :  Eliuie  du  dialecte 
commun  de  la  langue  grecque, 
écrit  en  grec  moderne  et  dédié  à 
l'empereur  Alexandre  (un  gros 
vol.  in-S",  181H).  Dans  cet  ou- 
vrage M.  Codrika  ne  se  contente 
pas  de  donner  à  M.  Coray  le  titre 
de  jacobin,  et  le  titre  non  moins 
insultant  de  philosophe,  il  l'ap- 
pelle encore  apostat,  hérésiarque, 
et  le  compare  à  Arius.  Cette  dis- 
position passionnée  lui  a  porté 
malheur  dans  la  composition  de 
son  ouvrage,  que  ses  compatrio- 
tes lettrés  ont  jugé  un  fatras  pé- 
danlesque,  une  compilation  sans 
ordre,  écrite  dans  un  slyle  guin- 


COE 

dé  et  déclamatoire.  Parmi  ces  ju- 
ges nationaux  on  remarque  les  é- 
diteurs  du  Mercure  ^rtc ,  de  I'  V- 
btiite  grecque  ,  et  l'auteur  d'un 
excellent  mémoire  sur  les  difle- 
rens  peuples  de  la  Turquie  d'Eu- 
rope (inséré  dans  les  Annales  des 
Voyages  de  M.  Eyriès,  cahieis 
de  1820).  M.  Codrika  s'est  fait 
le  principal  collaborateur  d'une 
feuille  publique  (la  Calliopc),  é- 
criiftcngrec  moderne,  et  publiée 
à  Vienne  en  Autriche,  so^us  les 
auspices  des  aniis  de  la  sublime 
Porte.  Daas  un  des  cahiers  de 
i8i<),  il  a  eu  l'inexcusable  tort 
d'outrager  la  nation  grecque  en 
général,  d'insulter  M.  Coray  en 
particulier,  et  d'avancer  que  «  la 

n  SOCIÉTÉ  PHILANTHROPIQUE  fie  Pu- 

nris  est  un  club  démagogique  qui 
wa  pour  caractère  la  fureur,  et 

npour  résultat  le  désordre » 

Il  est  aj'Sez  singulier  que  IVl.  Co- 
drika, qui  habite  Paris  depuis 
1800,  ne  connaisse  pas  mieux  u- 
ne  société  uniquement  consacrée 
à  la  bienfaisance,  ime  société-mè- 
re de  toutes  les  sociétés  de  chari- 
té de  la  France. 

COEHORN  (Loris- Jacques, 
BAR05  i)e)  ,  général  de  brigade, 
commandant  de  la  légion-d  hon- 
neur, et  commandant  de  l'ordre 
royal  militaire  de  Bavière,  naquit 
à  Strasbourg  le  i3  janvier  1771. 
11  entra  an  service,  en  1^85,  et 
fut  nommé  sous-lieutenant  l'an- 
née suivante.  Coehorn ,  l'un  des 
plus  intrépides  soldats  de  l'armée 
française,  officier  à  i5  ans,  aurait 
dA  sans  doute  parvenir  aux  gra- 
des les  plus  élevés;  mais  plus 
jaloux  de  sa  gloire  que  de  sa  for- 
tune, ce  brave  savait  mériter  de» 
récompenses  ;  et  ne   connaissait 


COE  459 

guère  les  moyens  de  les  obtenir. 
Il  était  lieutenant  au  commence- 
ment de  la  révolution.  On  ne  se 
battait  point  encore  en  Europe  ;  il 
permuta  avec  un  ollicier  de  son 
régiment,  pour  aller  faire  dans 
la  Guiane  les  campagnes  de  179a 
et  1795.  Le  relâchement  de  la 
discipline,  pour  laquelle  il  s'est 
montré  constamment  sévère,  ex- 
cita son  indignation  ;  il  s'éleva 
contre  les  agitateurs,  qui  le  tirent 
destituer.  IVenvoyé  en  France, 
Coehorn  ne  s'amusa  point  à  per- 
dre le  temps  en  vaines  réclama- 
lions;  à  son  arrivée  k  Brest  il  alla 
rejoindre  l'armée  des  côtes  de 
l'Ouest,  où  il  servit  pendant  six 
mois  comme  simple  volontaire. 
Tant  d'héroïsme  ne  pouvait  être 
méconnu  :  le  génénd  en  chef  Ho- 
che fit  réintégrer  Coehorn  dans 
son  grade  de  capitaine,  et  l'emr 
ploya  comme  adjoint  aux  adju- 
dans-généraux.  Il  passa  l'année 
suivante,  en  l'an  5,  à  l'armée  de 
Rhin-et-Moselle,  à  celle  du  Rhin 
en  l'an  4^  et  il  trouva  les  occa- 
sions de  se  distinguer  daiis  toutes 
les  affaires  de  cette  campagne  dif- 
ficile. Coehornavait  reçu  un  sabre 
d'honneur  dvi  général  i\loreau  ; 
en  Tan  5,  il  fut  nommé  chef  de 
bataillon,  elpassa  en  l'an  0  à  l'ar- 
mée de8c«')tes  de  Cherbourg,  com- 
me aidf-de-camp  du  général  De- 
cacn, qu'il  suivit  en  l'an  7a  l'armée 
<lu  Danube.  Il  se  fit  remarquer 
dans  cette  campagne  à  l'aflaire 
d'Osterach,  où  il  sauva  un  batail- 
lon et  une  compagnie  de  dragons, 
et  se  signala  le  5  germinal  à  celle  de 
Le|>hingen  ,  où  il  fut  grièvement 
blessé.  Nommé  chef  de  brigade 
et  adjudant  général  le  5  fructidor, 
il  fut  chargé  du  couiiuandcment 


46o 


COE 


de  la  ligne  «lu  Rhin  dopui;»  Slras- 
bouri;  jusqu'à  New-Iirisack.  Dans 
la  campagne  de  l'an  8,  il  com- 
manda l'avant-garde  de  la  divi- 
sion Dclma.'*,  rendit  des  services 
importans,  à  Engen,  i\  Mocskirch, 
à  Néresheim,  où  il  culbuta  la 
nombreuse  cavalerie  autrichien- 
ne; enfin  à  Neubourg,  où  il  sau- 
va la  division  Monlrichard.  En 
i8o5,  une  nouvelle  coalition  se 
forma  contre  la  France;  Coehorn, 
dèsl'ouverlure  de  la  campagne,  à 
Nied,  fit  prisonnier  un  officier  et 
60  Russes  avec  4  chasseurs  seu- 
lement. A  Lambach,  il  coupa  Ip 
retraite  à  deux  bataillons  autri- 
chiens, et  servit  utilement  à  Aus- 
terlitz  le  général  commandant  la 
division  dont  il  faisait  partie.  De 
simples  blessures  ne  suffisaient 
point  pour  faire  abandonner  à 
Coehorn  le  champ  de  bataille  :  à 
léna,  il  en  reçut  plusieurs  sans  le 
quitter  ;  mais  une  balle  qui  l'attei- 
gnit au  front  à  l'affaire  du  i3  dé- 
cembre, le  contraignit  à  se  retirer, 
et  à  prendre  quelque  repos.  Nom- 
mé le  21  mars  1807  général,  avec 
le  commandement  d'une  brigade 
de  grenadiers  et  voltigeurs  réu- 
nis, il  se  montra  digne  de  com- 
mander ces  premiers  soldats  du 
monde,  à  l'affaire  du  5  mai  et  de 
Friedland.  La  paix  de  Tilsitt  don- 
na peu  de  repos  à  ces  braves; 
bientôt  ils  marchèrent  contre  l'Au- 
triche, qui  venait  de  déclarer  la 
guerre  la  plus  injuste  à  la  France, 
Coehorn  s'immortalisa  le  5  mai 
1809  à  l'affaire  d'Ébersberg,  où,  à 
la  tête  de  sa  brigade ,  il  força  le 
passage  de  la  Traun,  défendu  par 
40,000  Autrichiens.  Sur  le  champ 
de  bataille  même,  l'empereur  lui 
dit  ces  paroles  flatteuses  :  «  Ce 


COE 

>;p.i>.-,itg(;  vaut  celui  du  pont  de 
»  Lodi.  "Le  héros  d'Ébersberg  ren- 
dit des  services  importans  aux  ba- 
tailles d'Esling  et  de  Wagram. 
C'est  le  lendemain  de  celle  jour- 
née mémorable  que,  pour  exciter 
dans  le  cœur  de  son  fils  les  nobles 
seulimens  qui  l'animaient,  il  écri- 
vait :  «Dites- lui  que  les  soldats 
«français  sont  les  plus  braves  de 
«l'univers.  »  A  peine  cette  campa- 
gne terminée ,  le  général  Coe- 
horn partit  pour  l'Espagne;  mais 
sa  santé,  affaiblie  par  les  fatigues 
et  par  de  nombreuses  blessures, 
ne  lui  permit  pas  d'aller  au-delà 
de  Pampelune.  Il  revint  en  Fran- 
ce, où  les  douleurs  les  plus  cui- 
santes le  contraignirent  de  sé- 
journer pendant  les  années  1811 
et  1812;  mais  en  i8i5  il  n'écouta 
que  les  dangers  de  la  patrie,  alla 
rejoindre  à  Erfurt  l'empereur,  qui 
l'accueillit  avec  toute  la  distinc- 
tion que  méritait  sa  bravoure,  et 
lui  donna  le  commandemeut  des 
troupes  de  la  marine ,  qu'il  diri- 
gea à  la  bataille  de  Lulzen.  A  Baul- 
zen,  il  fit  des  prodiges  avec  une 
brigade  de  jeunes  soldats,  et  reçut 
deux  blessures  sans  ne  s'éloigner 
du  champ  de  bataille  que  le 
temps  nécessaire  pour  les  panser. 
A  Leipsick,  l'intrépide  Coehorn, 
dont  le  courage  s'était  accru  avec 
les  périls,  étonnait  ceux  qui  le 
connaissaient  le  mieux,  lorsque, 
vers  la  fin  de  la  bataille,  il  fut 
frappé  d'un  boulet  qui  lui  fracas- 
sa la  jambe.  Coehorn  ne  désirait 
point  survivre  à  la  gloire  des  ar- 
mes françaises.  Il  supporta  l'am- 
putation avec  fermeté,  quoique 
avec  répugnance;  sa  plaie  fut  mê- 
me jugée  très-belle  quelques  jours 
après  l'opération  :  mais  ce  n'était 


COF 

point  là  qu'il  avait  reçu  le  coup 
mortel;  il  prévoyait  tous  les  maux 
qui  allaient  accabler  la  France; 
son  cœur  en  était  déchiré;  et  l'a- 
mour de  la  patrie,  plus  que  le  fer 
de  l'ennemi,  termina  une  vie  en- 
tièrement consacrée  à  la  gloire, 
le  29  octobre  181 5. 

C'OFFIMl  AL  (Jean-Baptiste), 
naquit  à  Anrillac,  département  du 
Cantal,  le'  1"  avril  l';l^Cy.  Il  avait 
d'abord  embrassé  la  profession  de 
médecin:  il  l'abandonna  pour  la 
jurisprudence,  et  il  était  homme 
de  loi  à  Paris  lorsqu'il  fut  nom- 
mé vice-président  du  tribunal  ré- 
volutionnaire créé  le  11  mars  1793. 
Ce  juge  redoutable  et  cruel  possé- 
dait la  force  et  le  regard  d'un  lion; 
il  avait  une  haute  stature,  le  carac- 
tère atrabilaire,  les  sourcils  larges 
et  noirs,  et  ne  riait  jamais,  pas 
même  quand  il  prononçait  quel- 
que sentence  de  mort;  cependant 
il  était  rare  alors  qu'il  n'adressât 
pas  au  condamné  une  plaisante- 
rie ou  un  sarcasme  accompagné 
d'un  regard  ironique.  Le  savant 
Lavoisier,  condamné  à  mort,  im- 
plore un  sursis  de  quinze  jours 
pour  terminer  un  ouvrage  pré- 
cieux :  le  président  Collinhal  le 
lui  refuse,  en  disant  que  la  n'pu- 
blique  n'a  plus  besoin  de  sa%>ans 
ni  de  chimistes  .{^Q  trait,  suffît  pour 
peindre  cet  homme  épouvanta- 
blement  célèbre.  Mis  hors  la  loi 
au  9  thermidor,  et  se  trouvant  en- 
fermé à  l'Hôtel  de-Ville  avec  Hen- 
riot,  commandant  de  la  garde  na- 
tionale, il  eut  dispute  avec  lui,  et 
le  jeta  par  les  fenêtres.  Collinhal 
parvint  à  s'échapper  d'entre  les 

uns  des  soldats  envoyés  contre 
conjurés;  il  trouva  un  refuge 
dans  l'île  de«  Cygnes;  mais  il  n'y 


COF 


40 1 


trouva  pas  de  pain.  Après  avoir 
passé  deux  jours  sans  manger,  il 
en  sortit  tombant  d'inanition,  et 
prit  le  parti  de  s'adresser  A  un 
homme  qu'il  supposait  son  ami. 
parce  que,  dans  d'autres  temps, 
il  l'avait  obligé.  L'ingrat  citoyen, 
au  lieu  de  secourir  CofiTuihal ,  le 
livra  à  la  justice.  Conduit  ;\  la 
Conciergerie,  le  tribunal  criminel 
ordinaire  reconnut  l'identité  de  la 
personne,  prononça  la  condam- 
nation à  mort,  ou  plutôt  confir- 
ma le  mis  hors  la  loi,  et  Coffin- 
hal  fut  conduit  A  l'éch.ifaud.  Il  y 
alla  avec  une  impassibilité  et  une 
espèce  de  stoi'cisme  qui  prove- 
naient peut-être  de  l'anéantisse- 
ment auquel  le  malaise  et  la  faim, 
qu'il  avait  soufferts  pendant  deux 
jours,  avaient  réduit  ses  facultés 
physiques. 

COFFINIIAL-DUNOYER  (Jo- 
seph, baron),  est  autorisé,  par 
une  ordonnance  royale,  à  ne  plus 
porter  le  nom  de  C'o^mAa/,  et  à 
ne  conserver,  par  conséquent, 
que  celui  de  Dunqyer,  ce  qui 
prouve  que  ,  quoique  frère  du 
précédent,  il  n'a  partagé  ni  ses 
erreurs  ni  ses  crimes.  Né  à  Au- 
rillac,  le  11  février  1757,  il  em- 
brassa avec  sagesse  les  principes 
de  la  révolution.  Il  se  livra  à  l'é- 
tude des  lois,  et  fut  nommé  juge 
à  la  cour  de  cassation,  lors  de  la 
création  de  ce  tribunal.  M.  Cof- 
finhal  a  toujours  joui  de  la  con- 
sidération et  de  l'estime  des  gens 
de  bien  :  l'empereur  Napoléon  lui 
a  donné  différentes  preuves  de 
sa  confiance;  il  l'a  nommé  plu- 
sieurs fois  président  du  collège 
électoral  du  département  du  Can- 
tal, et  l'avait  chargé  de  l'orgi- 
nisation  de  la  justice  et  des  tri- 


46a 


COI 


bunaux,  dans  les  Provinces  llly- 
riennes.  Satisfait  de  la  manière 
dont  M.  Coffinhal-Dunoyer  avait 
rempli  cette  mission,  l'empereur 
le  créa,  au  commencement  de 
i8i3,  baron  et  maître  des  requê- 
tes. Louis  XVIIIlui  a  conservé  ses 
honneurs  et  ses  places. 

COFFINIÈttES  (A.  S.  G.)  est 
inscrit  sur  le  tableau  des  avocats 
à  la  cour  royale  de  Paris  depuis 
1806.  Il  avait  publié  Tannée  au- 
paravant :  l' Analyse  des  ISovel- 
les  de  L'empereur  Justinien ,  con- 
Jérées  avec  l'ancien  droit  fran- 
çais et  le  code  Napoléon.  M.  Cof- 
finières  a  donné  ensuite,  le  Code 
jSapoLéon,  expliqué  par  les  dé- 
cisions suprêmes  de  la  cour  de 
cassation  et  du  conseil-d'état, 
1809,  in -8';  il  est  auteur  du  Four' 
nal des  avoués,  (\maii^diTu  deiSio 
à  i8i4-  On  lui  doit  encore  l'édi- 
tion du  Code  Napoléon,  confor- 
me aux  changemens  adoptés  par 
le  corps -législatif,  1811;  la  Ju- 
Hsprudence  des  cours  souverai- 
nes sur  la  procédure,  1812,  5 
vol.  in-S";  et  enfin,  Bonaparte 
peint  par  lui-même,,  dans  sa  car- 
rière militaire  etpolitique,  1  vol. 
in-8%  181 5. 

COIGNY  (le  duc  de),  nommé 
maréchal  de  France  au  mois  de 
juillet  1816,  est  mort  à  Paris  au 
mois  de  juillet  1821.  Destiné  à 
suivre  la  carrière  militaire,  il 
y  entra  fort  jeune;  fut  mcstre- 
de-camp  de  cavalerie  dans  les 
guerres  d'Hanovre;  et  se  rangea 
.du  côté  de  la  minorité  aux  états- 
généraux  de  1789,  où  il  fut  dépu- 
té par  la  noblesse  de  Caen.  Abso- 
lument opposé  au  nouvel  ordre 
de  choses,  le  duc  de  Coigny  émi- 
gra  en  1792,  servit  dans  l'armée 


COL 

des  princes  contre  la  France,  et 
passa  ensuite  en  Portugal,  où  il 
parvint  au  grade  de  capitaine-gé- 
néral; il  suivit  Louis  XVIII  lors 
de  sa  rentrée  en  1814,  et  S.  M. 
le  nomma  immédiatement  gou- 
verneur de  l'hôtel  des  Invalides, 
et  membre  de  la  chambre  des 
pairs.  Il  a  été  remplacé  aux  Inva- 
lides par  le  général  Latour-Mau- 
bourg. 

COLAUD  (le  comte),  fils  d'un 
négociant  de  Briançon,  départe- 
ment des  Hautes -Alpes,  naquit 
dans  cette  ville  en  1 754.  Entré  de 
bonne  heure  dans  l'état  militaire, 
il  était  lieutenant  au  régiment 
des  chasseurs  à  cheval  d'Alsace 
à  l'époque  de  la  révolution.  Ses 
talens  et  sa  bravoure  relevèrent 
bientôt,  et  de  grade  en  grade,  jus- 
qu'à celui  de  général  de  division. 
Sa  carrière  militaire  a  été  brillan- 
te comme  celle  du  plus  grand 
nombre  des  généraux  français.  Il 
se  distingua  à  Dunkerque  contre 
les  Anglais,  puis  à  l'armée  du 
Rhin,  sous  les  ordres  du  général 
Jourdan,  et  il  donna  des  preuves 
réitérées  de  sa  valeur  à  Altenkir- 
chen  et  à  Friedberg.  Nommé  com- 
mandant de  la  Belgique  en  1798, 
le  général  Colaud  sut  apaiser  par 
sa  conduite  sage  l'insurrection  qui 
venait  d'éclater  parmi  les  habitans 
de  ce  pays  nouvellement  réuni  à 
la  république  française.  Le  pre- 
mier consul  reconnut  ses  services 
en  l'appelantau  sénat  le  i3  février 
1801;  et  lorsqu'au  mois  de  novem- 
bre i8o5,  ce  premier  corps  de 
l'état  fit  une  adresse  à  Napoléon 
pour  le  complimenter  sur  ses  vic- 
toires, le  sénateur  Colaud  fut  l'un 
des  membres  de  la  députation 
chargée  d'exprimer  à  l'empereur 


COL 

l'admiration  et  la  reconnaissance 
des  Français.  Le  général  Colaud 
quitta  la  toge  sénatoriale  en  1806 
pourreprendreson  épéo,  et  cueil- 
lit de  nouveaux  lauriers  dans  cet- 
te campagne  contre  les  Russes  et 
les  Prussiens.  Après  a  voir  été  gou- 
Terneur-général  des  états  de  Ha- 
novre, et  commandant  de  la  pre- 
mière légion  de  réserve  de  l'inté- 
rieur, le  comte  Colaud  rentra  au 
sénat.  Il  y  rota  la  déchéance  de 
Napoléon  en  1814.  fut  créé  pair 
par  Louis  XVIII  au  mois  de  juin 
de  la  nuMne  année,  et  demeura 
ignoré  pendant  les  renl /ours.  Ken- 
tré  à  la  chambre  des  pairs  au  se- 
cond retour  du  roi,  il  y  plaida  la 
cause  du  marédial  Ney  avec  l'é- 
loquence entraînante  et  persuasi- 
ve d'une  âme  noble  et  généreuse. 
Cette  belle  action  du  général  com- 
te Colaud  est  sans  doute  la  plus 
glorieuse  de  sa  vie,  qu'il  a  termi- 
née à  Paris  le  3  décembre  i8i(). 
Il  était  grand-offîcier  de  la  légion- 
d'honneur  et  chevalier  de  Saint- 
Louis. 

COLALD  DE  LA  SALCETTK 
(JACQrEs  Bernardin),  cousin-ger- 
main du  précédent,  naquitàBrian- 
çon  en  1733.  Chanoine  de  la  ca- 
thédrale de  Die,  en  Dauphiné,  le 
clergé  de  cette  province  le  nom- 
ma député  aux  états-généraux  de 
1789.  Son  patriotisme  se  mani- 
festa dès  l'otivertiire  de  cette  as- 
semblée ,  où  il  s'empressa  de  de- 
mander la  réimion  de  son  ordre  à 
celui  du  tiers-état.  Le  départe- 
ment de  la  Drôme,  qui  n'av'ait 
point  oublié  le  bon  (;lianoine  de 
Die,  l'ayant  choisi  pour  l'un  de  se? 
représentans  à  la  convention  na- 
,  tîonale,  Colaud  -  de  -  La  -  Salcctte 
Itoulut  s'abstenir  de  voter  dans  le 


COL 


463 


procès  de  Louis  XVI.  Forcé  par 
les  circonstances  et  par  son  man- 
dat d'émettre  son  vœu,  il  opina 
pour  la  détention  jusqu'à  la  paix, 
le  bannissement  ensuite,  et  la 
mort,  en  cas  d'invasion.  Le  dé- 
partement desHautesAlpes,  dans 
lequel  était  néColaud-de-La-Sal- 
cette,  voulut  lui  donner  une  preu- 
ve de  son  estime  en  le  nommant 
au  conseil  des  cmq-cents.  Il  sié- 
geait dans  cette  assemblée  en 
1 796,  et  mourut,  la  même  année, 
frappé  d'apoplexie. 

COLAUD-DE-LA-SALCETTE 
(Joseph-Clacde-Locis)  ,  né  àGre- 
noble,le  29  décembre  1768,  était 
conseiller  au  parlement  du  Dau- 
phiné à  l'époque  de  la  révolution. 
Neveu  des  deux  précédons,  et  fil* 
d'un  avocat- général  estimé  dans 
sa  provitjce,  M.  de  La  Salcette 
semblait  devoir  être  à  l'abri  des 
orages  révolutionnaires;  cepen- 
dant il  ne  les  évita  que  par  de 
grands  sacrifices.  Ami  sincère  du 
nouvel  ordre  de  choses,  certains 
hommes  de  1792  ne  croyaient 
pas  ou  feignaient  de  ne  pas  croire 
qu'un  ancien  membre  du  parle- 
ment de  Grenoble  pOt  être  un 
patriote  de  bonne  foi.  Le  18  bru- 
maire vint  tirer  M.  de  La  Salcet- 
te d'une  pénible  obscurité.  Il 
obtint  la  permission  de  suivre  , 
comme  amatvnr,  la  députation 
du  département  de  l'Isère  qui 
venait  complimenter  le  premier 
consul.  Admis  à  l'audience,  et 
confondu  avec  le>«  députés,  Bo- 
naparte le  reconnut,  à  cause  de  sa 
ressemblance  avec  le  général  La 
Salcette  son  frère  ;  et  sans  autres 
iulormalions,  il  le  nomma  préfet 
du  département  de  la  Creuse.  Ad* 
ininislratenr  aussi  intègre  qu'é- 


464  COL 

claire,  M.  de  La  Salcelto  demeura 
cinq  années  à  Guérct.  Il  fut  vive- 
ment regretté  de  ses  administrés 
lorsqu'il  passa  au  corps -législatif 
en  1807.  Réélu  en  i8i5,  il  quitta 
la  carrière  politique  à  la  restau- 
ration, pour  retourner  dans  la 
modeste  maison  de  campagne 
qu'il  possède  sur  les  bords  du 
Drac ,  campagne  précieuse  et  so- 
litaire, conservatrice  de  ses  jours 
durant  l'époque  terrible  où  la  ter« 
reur  vint  ensanglanter  la  révolu- 
tion française. 

COLAUD  DE  LA  SALCETTE 
(Jacques -Bernardin)  ,  frère  du 
précédent  et  neveu  des  deux  pre- 
miers, embrassa  fort  jeune  le  par- 
ti des  armes.  Né  à  Grenoble,  en 
1709,  il  entra  à  iG  ans  dans  le  ré- 
giment de  rile-de-France,  en  qua- 
lité de  sous-lieutenant.  Français 
avant  tout,  il  n'émigra  point; 
et  le  général  Lamelh  le  lit  son  ai- 
de-de-camp. Parvenu  au  grade 
d'adjudant-général  à  l'armée  d'I- 
talie ,  il  fut  contraint  de  donner 
sa  démission  à  l'époque  de  la  ter- 
reur, mais  il  reprit  du  service 
immédiatement  après  le  9  ther- 
midor. Devenu  géfiéral  de  briga- 
de ,  il  fit,  sous  Bonaparte,  les  pre- 
mières campagnes  d'Italie;il  con- 
tribua au  gain  de  la  fameuse  ba- 
taille de  Castiglione.  Le  traité  de 
Campo  -  Formio  concédant  à  la 
république  française  la  possession 
des  îles  Ioniennes,  le  général  La 
Salcctte  fut  nommé  commandant 
de  celle  de  Zante.  L'armée  turco- 
russe  vint,  au  mois  d'octol)re 
1798,  pour  chasser  les  Français 
dç  ces  parages;  le  général  La  Sal- 
cetle  se  trouvait  alors  en  Alba- 
nie ;  il  s'était  retranché  à  la  Gre~ 
vena-l^cccliia    (  antienne  ville 


COL 

nommée  Nicopolis,  bâtie  par  Au-' 
gusle),  et  là,  avec  4oo  braves,  il 
soutint  l'attaque  de  n, 000 Turcs. 
Il  fit  unedéfense  que  l'on  compara, 
dans  le  temps,  à  celle  de  Léoni- 
das  aux  Thermopyles.  Moins  heu- 
reux que  le  général  Spartiate ,  le 
général  français,  au  lieu  de  trou- 
ver une  mort  glorieuse  dans  le 
combat,  y  trouva  la  captivité  la 
plus  épouvantable  dont  l'histoire 
puisse  faire  mention.  Prisonnier 
ou  plutôt  esclave  des  Turcs,  il  fut 
obligé  d'aller  à  pied  jusqu'à  Cons- 
tanlinople,mais  ce  ftit  là  le  moin- 
dre de  ses  maux.  Les  vainqueurs 
ne  fcsant  aucune  acception  de 
grades  ni  de  rangs,  et  sans  calcu- 
ler les  forces  physiques  ou  mora- 
les des  individus,  coupaient  la 
tête  à  ceux  qui  succombaient  de 
faim,  de  soif,  de  fatigue  ou  de 
désespoir,  et  forçaient  le*  prison- 
niers valides  à  se  charger  des  tê- 
tes de  leurs  camarades,  en  sorte 
que  le  général  La  Salcetle  portait 
sa  part  de  cet  horrible  fardçau. 
Lorsqu'il  arriva  à  Constantinople, 
il  fut  confondu,  enchaîné  et  mis 
au  bagne  avec  ceux  que  la  mort 
avait  épargnés;  il  dut  long-temps 
après  un  adoucissement  à  son  sort 
aux  sollicitations  pressantes  d'un 
ambassadeur  étranger.  De  retour 
de  sa  captivité,  il  fut  employé 
dans  le  département  de  l'Isère, 
sous  les  ordres  du  général  Moli- 
tor.  Apres  avoir  fait  encore  quel- 
ques campagnes  en  Allemagne, 
le  général  La  Salcette  obtint  le 
commandement,  de  Piome,  et  en- 
fin celui  de  la  7"^  division  militai- 
re (Grenoble) ,  quand  Napoléon 
revint  de  l'île  d'Elbe.  Depuis  cet- 
te époque  il  n'est  plus  employé. 
COLBERT  (Loi  is  -  François- 


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COL 

Henri,  comte  de),  né  en  1708, 
mort  en  1791,  niestre-de-camp 
d'infanterie,  chefd'une  famille  de 
braves,  père  des  quatre  suivans. 

COLBERT  (Ambhoise),  entra 
au  service  sous-lieutenant  dans  le 
2°"  régiment  de  dragons,  éinigra 
en  1792,  fut  soldat  dans  un  corps 
nommé  Royal  êmiernnt ,  se  dis- 
tingua particulièrement  à  la  sor- 
tie de  Menin,  où  il  reciit  plusieurs 
blessures,  et  est  mort  à  la  Marti- 
nique, laissant  tjne  famille  nom- 
breuse, sans  avoir  pu  réclamer 
pour  elle  la  récompense  de  ser- 
vices rendus  à  la  cause  royale. 

COLBERT  (Edouard -Pierre- 
David),  lieutenant-général,  com- 
mandant de  la  légion-d'honneur, 
chevalier  de  Saint- Louis,  etc., 
entra  au  service  en  1793,  comme 
soldat  dans  un  bataillon  de  réqui- 
sition de  Paris;  passa  ensuite  hus- 
sard dans  le  1 1°",  où  il  fut,  en  l'an 
4,  nommé  sous- lieutenant  au 
choix.  Dénoncé  comme  royaliste 
au  général  Hoche,  il  fut  arbitrai- 
rement suspendu  de  son  grade. 
L'expédition  d'Egypte  eut  lieu  : 
Edouard  Colbert  partit  en  quali- 
té de  volontaire.  Arrivé  ;\  Malt»-, 
le  général  en  chef  Bonaparte  le 
nomma  d'abord  adjoint,  ensuite 
commissaire  des  guerres.  Bientôt 
après,  ayant  demandé  une  activi- 
té plus  conforme  à  ses  goftts,  il 
reprit  rang  dans  l'armée  avec  le 
grade  de  capitaine  au  5"'  de  dra- 
gons, fut  attaché  en  cette  qualité 
comme  aide-de-camp  au  général 
Damas,  se  fit  remarquer  du  géné- 
ral en  chef  par  une  conduite  bril- 
lante, et  revint  en  France  après 
la  capitulation  d'Alexandrie.  A 
son  arrivée,  le  premier  consul  le 
nomma  adjudant-major  dans  Tes- 

V.  IV. 


COL 


465 


cadron  de  Mamelucks  qui  devail 
faire  partie  de  la  garde  consulai- 
re. Au  camp  d'Arras,  il  fut  nom- 
mé aide-de-camp  du  général  Ju- 
not,  et  ensuite  du  prince  de  Neuf- 
châtel,  auprès  duquel  il  fit  la  cam- 
pagne de  i8o5.  Blessé  à  la  batail- 
le d'Austerlitz,  il  fut  récompensé 
de  sa  conduite  par  le  grade  de 
chef  d'escadron.  Après  les  jour- 
nées d'Iéna  et  de  Pulslusk,  l'em- 
pereur le  nomma  colonel  du  7"" 
de  hussards.  Il  se  distingua  à  la 
tête  de  ce  régiment  aux  batailles 
d'Eylau,  d'Hcilsberg  et  à  celle  de 
FriedlandjOù  il  fut  encore  blessé. 
En  mars  1809,  nommé  général  de 
brigade,  il  commanda  pendant  la 
campagne  de  "Wagram  la  cavale- 
rie du  2°"  corps,  composée  du  9°* 
de  hussards,  des  7""*  et  20"'"  de 
chasseurs.  Beaucoup  d'affaires 
heureuses  honorèrent  la  bravou- 
re du  général  Colbert  et  celle  de 
ces  régiinens.  Il  commandait  la 
i"  brigade  de  la  division  Mont- 
brun  ii  la  bataille  de  Raab  en  Hon- 
grie, et  obtint,  pendant  toute  la 
journée,  sur  les  troupes  autri- 
chiennes des  avantages  tellement 
imporlans  qu'il  est  peut-être  per- 
mis de  leur  attribuer  le  succès  des 
mouvemens  de  l'armée  d'Italie 
aux  ordres  du  prince  E.ogène.  Le 
général  Colbert  fut  blessé  encore 
i\  la  fin  de  la  bataille  de  >Vagram, 
en  enfonçant  i>lusieurs  bataillons 
autrichiens  qu'il  fit  prisonniers. 
En  1810,  l'empereur  confia  au 
général  Colbert  le  a"*  régiment 
de  lanciers  de  la  garde;  il  l'orga- 
nisa. En  1812,  il  commandait  la 
brigade  des  lanciers  de  la  garde, 
ainsi  qu'en  i8i3  en  Saxe.  A  la  fin 
de  cette  année,  il  fut  nommé  lieu- 
tenant-général, çt  dans  la  campa- 
3q 


r^Gù 


COL 


gne  de  181 4»  commanda  la  1"  di- 
vision de  la  cavalfrie  de  la  {^aidc. 
Il  se  di^tin{;ua  dans  toutes  les  iif- 
faires  qui  précédèi  cnl  le  traité  de 
Paris,  et  contribua  souvent  aux 
succès  qui  honorèrent  cette  gran- 
de époque  de  notre  gloire  militai- 
re.  A   Î^aiiit-Dizier  noieimment, 
où  il  n'avait  sous  ses  ordres  que 
jjoo  lanciers  et  environ  200  dra- 
gons, le  général  Colbert  attaqua 
et  enfonça,  après  plusieurs  thar- 
gcs  de  la  plus  grande  vigueur,  u- 
ne  vingtaine  d  escadrons  de  cui- 
rassiers russes,  fitëoo  prisonniers 
montés,  tua  beaucoup  de  monde 
à  l'ennemi,  et  prit  5  pièces  de  ca- 
non. La  même  année,  le  roi  lui 
donna  lecommandemcntdu  corps 
royal  des  lanciers  de  France,  qu'il 
conserva  jusqu'au  33  mars  181 5. 
A  Waterloo  ,  le  général  Colbert 
commandait  la  division  de  cava- 
lerie légère  de  la  garde,  redeve- 
nue impériale,  et,  selon  son  usa- 
ge, il  lut  blessé.  Après  l«i  licencie- 
ment de  l'armée  de  la  Loire,  il  se 
retira  dans  ses  foyers.  En  1816, 
il  fut  rappelé  à  l'attention  publi- 
que  par  une  détention  de   deux 
mois  à  l'Abbaye,  et  par  un  exil 
de  six.  Rappelé  sans  jugement,  il 
est  dtpuis  celte  époque  à  la  dis- 
position du  ministre  de  la  guerre. 
COLBERT  (Loris- Pierre-Al- 
phosse),  entra  au  service  dans  le 
^""^  bataillon  de  Paris  en  pluviôse 
an  a,  et  resta  soldat  jusqu'en  flo- 
réal an  5.  A  cette  époque  il  s'at- 
tacha à  la  carrière  administrative, 
où  son  avancement  fut  rapide.  Il 
fit  les  campagnes  d'Egypte  et  de 
Saint- D  tmingue    en  qualité  de 
commissaire  des  guerres;  et  au 
camp  de  Boulogne,  fut  nommé 
ordonnateur  des  réserves.   Chef 


COL 

de  l'administration  de  l'armée  de 
la  Poiiille,  sous  les  ordres  du  ma- 
ré<  hal  Gouvion-Saiut-t^yr,  il  res- 
ta dans  le  royaume  de  Naples.  et 
y  reprit  le  service  militaire.  Il  y 
fut  nommé  colonel,  aide-de-camp 
du  roi  Joacbim,  et  comn)anda  un 
régimetit  de  la  garde  royale.  En 
181 1,  il  donna  su  démission,  et 
rentra  en  France,  où  il  obtint  le 
commandement  du  f)"*  /jimIc  hus- 
sards, et  ensuite  du  12"'.  La  bel- 
le conduite  de  »on  régiment  à 
l'armée  d'Arragon,  et  pendant  la 
campagne  de  1814  devant  Lyon, 
mérita  au  colonel  Colbert  le  gra- 
de de  général  de  brigade  le  2  avril 
de  la  même  année.  Le  9  juillet,  il 
fut  renommé  par  le  roi  maréchal- 
de-camp.  Dans  la  campagne  da 
181 5,  le  général  Alphonse  Col- 
bert commandait  une  brigade  de 
lanciers,  et  eut  une  affaire  bril- 
lante contre  la  cavalerie  de  la  gar- 
de anglaise,  en  avant  de.  Jemraa- 
pes.  Depuis  il  a  été  momentané- 
ment employé  dans  les  inspec- 
tions de  l'armée.  Il  est  à  présent 
en  disponibilité. 

COLBERT  (ArciTSTE-MARiE- 
FRA^çoI»),  frère  cadet  du  précé- 
dent, né  à  Paris  le  18  octobre 
1777.  A  peine  au  sortir  de  l'en- 
fance, il  dut,  ainsi  que  ses  frères, 
se  rélu};ier  dans  l'armée,  pour  se 
soustraire  à  l'inquisition  révolu- 
tionnaire. Il  servit  comme  soldat 
jusqu'en  vendémiaire  an  4»  et  de- 
vint aide -de -camp  du  général 
Grouchy.  Dans  la  même  qualité, 
il  suivit  le  général  Wurat  en  Ita- 
lie et  en  Egypte.  Sur  le  champ 
de  bataille  de  Salahié,  sa  bravou- 
re le  fil  nonmier  chef  d'escadron. 
A  Saint-Jean-d'Acre,  il  reçut  une 
blessure  grave  et  des  armes  d'hoo- 


COL 

neur.  Revenu  en  France  avec  le 
pcMiéral  Desaix,  il  fut  nommé  co- 
lonel du  10°"  de  chasseurs  à  che- 
val, sur  le  chatnp  de  bataille  de 
Marengo.  Général  de  brigade  en 
iSo5.  il  fut  tué  en  Espagne  en 
1809.  (let  oiïicier  distingué,  que 
la  mort  moissonna  à  lâge  de  3i 
ans,  au  moment  nù  il  allait  être 
nommé  général  de  division ,  a 
laissé  de  lui  une  longue  mémoire 
■d  l'armée,  par  ses  brillaiis  servi- 
ces dans  les  canipagnes  d'Italie  , 
d'Égyple.  d'Allemagne,  de  Prus- 
se et  d'Espagne;  à  ses  amis,  par 
la  bonté  de  son  cœur,  la  noblesse 
de  son  caractère  et  lu  distinction 
de  son  esprit.  La  nature  l'avait 
comble  de  ses  dons,  et  toute  la 
société  l'entonrait  de  son  amitié. 
Son  nom,  cher  pour  jamais  à  la 
gloire  frarjçaise,  s'attache  à  beau- 
coup d'époques  mémorables.  Il 
accompagnait  à  Paris  \v  général 
Bonaparte,  quand  le  vainqueur  de 
l'Italie  vint  présenter  au  direc- 
toire le  traité  de  Campo-Formio. 
Ce  fut  lui  que  l'empereur  chargea 
de  porter  à  l'empereur  Alexandre 
YniUmat'ini  de  la  paix  d'Auster- 
litz,  et  il  fut  le  premier  olli<  ier 
français  qui  pénétra  jusqu  à  Saint- 
Pétersbourg  a\ec  une  mission  di- 
plomatique. Le  général  Auguste 
Colbert  fut  d:i  petit  nombre  des 
oniciers-généraux  morts  au  thauip 
d'honneur,  auxquels  le  gouver- 
nement impérial  avait  décrété  Té- 
rectton  d  une  ^tatue.  qui  devait 
être  placée  snrlepout  Louis  XVI. 
L'exécution  de  cette  disposition, 
silionorablepouila  Kraiice,  parait 
avoir  été  ajournée.  Auguste  Col- 
bert n  laissé  de  son  mari  ige  avec 
W"  de  Caudaux,  un  lil>.  (jui  n'aii- 
la  pas  à  cberclier  eu  dehors  de  âa 


COL 


467 


première  affection  le  modèle  de 
toutes  les  qualités  qui  constituent 
le  bon  citoyen,  l'homme  spiri- 
tuel et  distingué,  et  le  militaire 
intrépide.  Son  amitié  et  sa  rivali- 
té avec  le  brave  général  La  Salle 
rappelaient  ces  fraternités  d'ar- 
mes, dont  l'institution  de  la  lé- 
gion-d'honneur semble  avoir  re- 
çu sa  devise,  honneur  et  patrie. 

COLCHEN  (Victor,  comte), 
né  en  novembre  1763,  fut  suc- 
cessivement premier  secrétaire 
et  délégué  général  de  l'inten- 
dance de  Pau  et  d'Auch,  chef  de 
division  dans  les  bureaux  du  mi- 
nistère des  affaires  étrangères, 
commissaire  des  relations  exté- 
rieures, membre  de  la  première 
commission  chargée  de  négocier 
la  paix  avec  l'Angleterre,  préfet 
du  déparlement  de  la  Moselle, 
membre  de  la  légion-d'honneur, 
comte  de  l'empire,  sénateur,  et 
en  vertu  d'un  décret  du  2  février 
i8o5,  secrétaire  du  sénat,  «en 
«récompense  des  soins  qu'il  n'a 
«cessé  de  donner  à  Tadministra- 
ntion  dans  les  temps  les  plus  dif- 
«ficiles.  »  M.  Colchen  fit  partie 
delà  députation  chargée,  en  180G, 
de  porter  à  l'empereur,  alors  à 
Tarmée,  une  adresse  sur  sa  décla- 
ration de  guerre  au  gouvernement 
prussien.  Présenté  par  le  sénat 
pour  être  titulaire  d'une  sénato- 
rorie,  il  ne  fut  point  nommé; 
mais,  en  1810,  il  devint  président 
de  la  société  des  donataires  du 
Munie  Nipoleune.  Commissaire 
extraordinaire  dans  la  4"*  divi- 
sion uiililair(rà  Nancy,  par  décret 
impérial  du  'i(j  décembre  i8i3, 
il  se  conduisit  avec  beaucoup  de 
prudence  et  de  modération,  sans 
cepeadaut  trahir  les  intérêts  qui 


4G8  COL 

lui  étaient  confiés.  Comme  tous 
les  dignitaires  de  l'état  et  fonc- 
tionnaires publics,  il  adliéra  à  la 
déchéance  de  l'empereur,  et  fut 
nommé  par  le  roi,  le  4  juin  i8i  4> 
membre  de  la  chambre  des  pairs. 
Ayant  fait  partie  de  celle  de  JNa- 
poléon  pendant  les  cent  jours,  il 
ne  fut  point  compris  dans  la 
chambre  réorganisée  par  le  roi 
après  la  seconde  restauration; 
néanmoins  il  y  fut  réintégré  par 
une  ordonnance  du  9  août  181g. 
COLCHEN  (CLAt  DE -Nicolas- 
François),  l'un  des  présidens  de 
la  cour  royale  de  Metz,  fut  d'a- 
bord juge  et  président  de  la  cour 
d'appel  de  celte -ville.  En  1808  le 
département  delà  Moselle,  dont 
il  avait  présidé  le  collège  électo- 
rall'année  précédente,  le  nomma 
membre  du  corps -législatif.  M. 
Colchen  fit  partie,  le  28  février 
i8i3,  du  comité  de  législation, 
et  adhéra  le  3  avril  1814  à  la  dé- 
chéance de  l'empereur. 


COL 

COLEBROOKE  (Henri  -Tho- 
mas), né  en  Angleterre,  passa 
très-jeune  au  Bengale  où  il  entra 
au  service  de  la  compagnie  des 
Indes.  A  l'exemple  du  célèbre 
^Vildfort,  il  étudia  les  lanjfues  an- 
ciennes avec  succès,  et  fit  plu- 
sieurs traductions  exactesde  quel- 
ques livres  shanskrits.  Ce  savant, 
qui  jouit  d'une  grande  réputation 
il  l'institut  de  France,  a  publié 
beaucoup  d'ouvrages,  dont  les 
principaux  sont  :  J^ues  de  divers 
sites  dans  le  royaume  de  Mysore, 
1793,  in-4'';  Remarques  sur  Va- 
griculture  etle  commerce  du  Beu' 
gale,  1806,  in-8'' ;  Dictionnaire 
de  la  langue  shanskrite  par  /4mà' 
rasinha,  avec  une  traduction  an- 
glaise, 1804,  in-4".  i^L  Colebroo- 
ke  a  également  traduit  en  anglais 
les  ditrérentes  notes  sur  le  dra- 
me indien  de  Sahountala,  ou  la 
Bague  enchantée.  Il  est  aujour- 
d'hui membre  du  conseil  de  Cal- 
cutta. 


FIN  DU  QUATRIEME  VOLUME. 


SUPPLEMENT 


DU  TROISIEME  VOLUME. 


BLANIAC  (GriMArME-JosEPH, 
Lafond  de),  né  à  Villeneuve-d'A- 
gen,  d'une  famille  qui  a  produit 
des  magistrats  et  des  militaires 
distingués,  entra  au  service  en 
1792  ,  comme  sous-lieutenant  au 
5"  régiment  de  chasseurs  à  che- 
val, et  fit  ses  premières  armes  à 
l'armée  du  Nord.  Il  ne  tarda  pas 
à  se  faire  remarquer  par  ses  dis- 
positions militaires  x;t  l'activité 
de  son  zèle;  et  après  la  batail- 
le d'Honscoolc,  on  lui  offrit  un 
avancement  rapide,  que  sa  jeu- 
nesse et  la  difficulté  des  circons- 
tances lui  firent  refuser.  Il  fut 
blessé  le  jour  de  la  prise  de  Fur- 
nes  ,  à  la  fin  de  1795,  et  conti- 
nua de  combattre.  Suspendu  de 
ses  fonctions ,  au  commence- 
ment de  1794»  comme  tous  les 
militaires  de  l'armée  du  Nord  qui 
appartenaient  à  la  classe  privilé- 
giée ,  il  fut,  à  la  fin  de  la  même 
année,  rappelé  au  service  et  pla- 
cé dans  le  18"  régiment  de  dra- 
gons. Ce  corps ,  après  la  paix 
d'Espagne  ,  ayant  rejoint  l'armée 
d'Italie,  à  la  première  action  où 
il  se  trouva  à  Anguiari  sur  l'Adigc, 
le  jeune  Blaniac,  quoique  déjà 
blessé  au  visage,  combattit  corps 
à  corps  un  commandant  de  hus- 
sards hongrois,  le  terrassa,  le  fit 
prisonnier,  et  à  la  demande  des 
nombreux  témoins  de  ce  fait,  il 

Sirp.  5    vol. 


fut  promu  au  grade  de  capitaine 
sur  le  champ  de  bataille,  et  ap- 
pelé i\  l'élat-major  de  la  cavale- 
rie de  l'armée  dite  d'Angleterre, 
et  désigné  ensuite  pour  faire  par- 
tie de  l'expédition  d'Egypte.  Lô 
général  Alexandre  Berthier,  chef 
de  l'état-major-général  de  l'armée, 
le  fit  embarquer  avec  lui  sur  le 
vaisseau  amiral,  et  se  l'attacha 
particulièrement  comme  aide-de- 
camp.  Il  assista  à  la  prise  d'A- 
lexandrie; fut  grièvement  blessé 
au  combat  de  Damanhour;  et  i 
son  arrivée  au  Caire,  exerça 
près  du  général  de  la  cavalerie 
les  fonctions  de  chef  de  son  état- 
major,  et  ne  tarda  pas  à  être 
fait  chef  d'escadron  au  ao"*  régi- 
ment de  dragons.  Il  commandait 
une  partie  de  ce  régiment  pen- 
dant la  campagne  de  Syrie  :  s'y 
étant  fait  remarquer  par  plusieurs 
faits  d'armes,  ilfutmis,  au  retour, 
par  le  général  de  la  cavalerie,  au 
nombre  des  candidats  proposés 
pour  le  commandement  du  iS"" 
régiment  de  dragons  alors  vacant.. 
Le  général  en  chef  voulant  lui 
donner  de  l'avancement,  mais  a- 
vec  l'intention  de  le  lui  faire  a- 
cheter,  l'employa  en  partisan  con- 
tre les  Arabes ,  en  lui  confiant  de» 
commandemensdetroupcsau  des- 
sus de  son  grade ,  et  M.  de  Blaniac 
eut  constainipent  des  succè».  A- 


2  BLA 

prèslahatailled'Héliopolis,  le  gé- 
néral Uainpon, chargé  démarcher 
ù  grandes  journées  sur  Damielle, 
pour  y  arriver  avant  les  Turcs,  et 
s'en  emparer,  lui  donna  le  com- 
mandement de  l'avant-garde  de 
sa  division;  et  quand  il  s'en  fut 
rendu  maître,  il  le  détacha  avec 
un  escadron  de  dragons,  un  ba- 
taillon d'infanterie  et  deux  pièces 
de  campagne,  et  le  chargea  d'al- 
ler chasser  de  la  province  de  Mau- 
foura  les  Turcs  qui  s'y  étaient  ré- 
fugiés, et  les  Arabes  qui  les  se- 
condaient. En  peu  de  jours  M.  de 
Blaniac  livra  plusieurs  combats  , 
et  reconquit  la  province  dont  on 
lui  laissa  le  commandement.  H  y 
réorganisa  les  autorités  et  l'admi- 
nistration; s'y  fit  craindre  par  une 
juste  sévérité;  gagna  l'estime  gé- 
nérale par  son  désintéressement, 
et  quand  l'ordre  fut  rétabli ,  se 
fit  chérir  par  sa  douceur.  Nom- 
mé adjudant -général  et  chef  de 
l'état-major  de  la  cavalerie,  sous 
les  ordres  du  général  lloize,  qui 
la  commandait  à  la  bataille  d'A- 
lexandrie, contre  les  Anglais  ,  il 
mit  en  mouvement  les  deux  bri- 
gades de  dragons  ,  et  chargea  à  la 
tête  de  la  réserve;  enveloppé  de 
toutes  parts,  blessé  d'un  coup  de 
fusil  qui  lui  fut  tiré  à  bout  por- 
tant, percé  de  plusieurs  coups  de 
baïonnettes,  il  refusa  opiniâtre- 
ment de  se  rendre,  et  se  fit  jour 
à  coups  de  sabre.  Colonel  du  i4°" 
régiment  de  dragons;  il  soutint 
honorablement  de  nouveaux  com- 
bats, quand  il  put  monter  à  che- 
val vers  la  fin  du  siège;  reçut  de 
nouyelJes  blessures,  et  rentra  en 
France  avec  son  régiment.  Il  fit 
en  Allemagne  la  campagne  de 
i8o5;  avec  ce  corps,  et  après  la 


BLA 

bataille  d'Austerlitz  ,  ayant  reçu 
l'ordre  de  se  rendre  à  Home, 
près  du  prince  Joseph,  dont  il 
était  écuyer,  il  assista  à  la  con- 
quête du  royaume  de  Naples. 
Promu  au  grade  de  général  de 
brigade,  il  fut  envoyé,  au  com- 
mencement de  1807,  sur  les  con- 
fins de  la  Calabre  ,  pour  y  com- 
battre des  rassemblemens  nom- 
breux d'insurgés.  Par  son  activité, 
sa  persévérance,  quoique  très-in- 
férieur en  force,  il  parvint,  en 
moins  de  deux  mois,  à  détruire 
ces  masses,  et  à  pacifier  le  pays 
dont  il  se  concilia  l'affection  et 
l'estime.  Rappelé  à  Naples,  après 
l'heureuse  issue  de  cette  expé- 
dition, il  fut  nommé  comman- 
dant de  cette  capitale,  et  chef 
d'étaî-major  du  gouvernement. 
Il  passa  ensuite  en  Espagne,  et 
en  1810,  fut  nommé  gouverneur 
de  Madrid.  Remplacé  dans  ce  pos- 
te par  le  général  Jourdan,  il  eut 
le  commandement  de  la  division 
d'avant-garde  de  l'armée  du  cen- 
tre ,  et  le  gouvernement  de  la 
Marche.  Arrivé  dans  cette  provin- 
ce à  la  fin  d'une  année  de  disette, 
il  y  trouva  les  magasins  et  les 
caisses  vides;  et  entouré  par  plus 
de  1  5,000  hommes  de  troupes  en- 
nemies, auxquelles  il  pouvait  à 
peine  en  opposer  5, 000,  il  fit  vi- 
vre sa  division,  payer  les  contri- 
butions arriérées  et  courantes, 
sans  pressurer  le  pays,  et  se  main- 
tint trois  mois  au  milieu  de  diffi- 
cultés sans  nombre.  Isolé  de  tou- 
te communication,  il  s'opposa 
victorieusement  aux  entreprises 
des  ennemis,  et  souvent  même 
les  attaqua,  suppléant  au  nombre 
par  la  rapidité  des  marches.  Quand 
il  reçut  l'ordre  d'évacuer  ce  pays. 


BLA 

il  effectua  sa  retraile  en  présence 
des  troupes  espagnoles,  à  petites 
journées,  et  sans  perdre  un  hom- 
me ni  un  caisson.  Lorsqu'au  mois 
de  juillet  18 j  2,  le  prince  Joseph 
partit  de  Madrid  avec  des  troupes 
pour  aller  renforcer  l'armée  de 
Portugal,  il  confia  de  nouveau  au 
général  Blaniac  le  gouvernement 
de  cette  capitale;  ety  joignit  celui 
des  troupes  qui  se  trouvaient  à 
Tolède  et  à  Guadalaxara,  formant 
en  tout  de  8  à  9,000  hommes; 
malgré  l'infériorité  de  ce  nombre, 
opposé  à  celui  de  4^,000  hommes 
qui  occupaient  la  rive  gauche  du 
Tage,  sous  les  ordres  du  duc  del 
Parque  et  de  MM.  de  Zajas,  de 
Montijo,  etc.,  malgré  la  nouvelle 
de  la  perle  de  la  bataille  des  Aro- 
piles,  la  fermeté  de  sa  contenan- 


BLA  3 

ce  maintint  l'ennemi  dans  sa  po- 
sition; les  habitans  de  Madridet  de 
la  nouvelle  Caslille  n'osèrent  rien 
tenter,  et  tout  resta  dans  le  cal- 
me le  plus  profond.  Rentré  en 
France  avec  l'armée,  après  la  ba- 
taille  de  Vitloria,  en  i8i5,  il  fut 
envoyé  en  Italie  pour  y  prendre 
en  sa  qualité  do  général  de  divi- 
sion, le  commandement  de  la  ca- 
valerie de  l'armée  du  prince  Bor- 
ghèse;  en  1814,  il  eut  celui  de  la 
1"  subdivision  delà  1 1""  division 
militaire,  et  fut  inspecteur-géné- 
ral de  cavalerie  en  i8i5.  11  vit 
aujourd'hui  retiré  dans  les  envi- 
rons dt'  Bordeaux,  et  trouve  dans 
la  culture  des  arts  et  des  lettres 
le  noble  délassement  de  ses  longs 
travaux  militaires. 


FIN    DU    SUPPLÉMENT. 


ERRATA  DU   TROISIÈME   VOLUME. 


M.  le  marquig  de  Blosseville  a  fait  rdclamer  contre  plusieurs  assertions  de  l'article 
qui  lui  a  élé  consacré  dans  le  troisième  tnlumc.  Nous  en  transcrivons  la  rec- 
tification  sans  en  garantir  l'cicactitude  ni  en  accepter  la  responsabilité. 

«  1"  Ce  fut  comme  prévenu  d'assassinat  en  1817  et  non  en  i8i5,  que  Wilfrid  Rc- 
ognaud  l'ut  condamné. 

»  2°  Il  ne  fut  point  défendu  par  Me  Odillon-lîarrot. 

»  ô"  Enfin  la  note  transmise  au  Joufnal  des  Débats,  et  non  représentée  au  procès 
»en  calomnie,  a  été  insérée  dans  celte  feuille,  non  pas  au  moment  ou  !• 
•  jury  allait  prononcer,  mais  après  la  condamnation,! 


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