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Full text of "Biographies d'artistes anversois"

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UlTGAVEN   DER   AnTVVERPSCHE   BiBLIOPHILEN,   N""  8. 


BIOGRAPHIES 

D'ARTISTES    ANVERSOIS 


PAR 


Th.     van    LERIUS,    avocat 


PUBLIÉES   PAR   P.    GÉNARD. 


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p.  KOCKX,  Boekhandclaar  der  Maatschappij, 
Onde  Koornmarkt,  28. 

1880. 


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MAATSCHAPPIJ 


DER 


ANTWERPSGHE  BIBLIOPHILEN. 


UITGAVE  Nr  8. 


N'- 


Exemplaar  van  den  heer 


De  V'oorzitter, 


/  -^    De  Sekretaris, 


Antwerpen.  —  Druk.  J.-E.  Buschmann,  Rijnpoortvest. 


BIOGRAPHIES 

D'ARTISTES    ANVERSOIS 


PAR 


Th.    van    LERIUS,    avocat 


PUBLIÉES  PAR  P.  GENARD. 


—  I. 


p.  KOCKX,  Boekhandelaar  der  Maatschappij, 
Onde  Koornmarkt,  2S. 

1880. 


i  1973 


N 


V 


PRÉFACE. 


ans  un  travail  spécial  (i),  nous  avons  retracé 
'la  belle  carrière  de  notre  savant  ami  feu 
M.  l'avocat  Théodore-François-Xavier  van  Lerius, 
archéologue  distingué,  né  à  Anvers  le  31  mars  1819  et 
mort  dans  cette  ville  le  21  avril  1880. 

M.  l'avocat  van  Lerius  s'est  fait  un  beau  nom  par 
ses  recherches  historiques  et  surtout  par  celles  qui  con- 
cernent l'histoire  de  l'école  artistique  d'Anvers.  A3'ant 
été  à  même  de  constater  combien  la  mémoire  de  nos 
grands  peintres  avait  souffert  des  fausses  allégations 
d'auteurs  tels  que  Campo  Weyerman  (2),  Houbraken  et 
cent  autres,  il  s'était  imposé  la  tâche  grandiose  et  natio- 
nale de  refaire  leur  biographie.  A  cet  effet  il  avait  formé 
une  collection  immense   de   renseignements  puisés  aux 


(i)  Levensschets  van  den  advocaat  Theodoor  van  Lerius,  vooriitter 
der  provinciale  commissic  van  Graf-  en  Gedenhchriften  te  tAntzverpen, 
door  P.  Génard,  secretaris  derieîfde  commissie.  ^nticerpen,  18S0. 
75    blz.  in-80. 

(2)  Voyez  entre  autres  p.  261  du  présent  ouvrage. 


VI   

meilleures  sources,  et,  les  preuves  en  main,  il  voulait 
rendre  justice  à  nos  maîtres  célèbres. 

On  connaît  ses  biographies  publiées  depuis  trente  ans 
dans  une  foule  de  revues  et  surtout  les  belles  notices  qui 
ornent  le  Catalogue  du  musée  d'Anvers. 

M.  VAN  Lerius  voulait  plus  :  il  nourrissait  l'espoir 
de  faire  un  ouvrage  complet  sur  les  artistes  anversois. 
Voici  ce  qu'il  écrivit  en  1869  à  notre  ami  commun, 
M.  Adolphe  SiRET,  directeur  du  Journal  des  Beaux-Arts  : 

«  Nous  espérons,  »  disait-il,  à  propos  d'une  notice 
sur  un  tableau  de  Craesbeeck  (i),«  parler  plus  amplement 
ailleurs  de  cette  œuvre  d'art,  car  ces  quelques  pages  ont 
été  écrites  par  suite  d'une  circonstance  particulière  et 
pour  prouver  au  public  que  nous  ne  sommes  pas  resté 
oisif  depuis  la  publication  du  Supplément  au  Catalogue  du 
musée  d'tAnvers,  en  1863.  Nous  avons,  au  contraire, 
réuni,  depuis  cette  époque,  plusieurs  volumes  d'extraits 
d'actes  de  baptêmes,  de  mariages  et  d'enterrements  de 
nos  anciens  artistes  peintres,  graveurs  et  statuaires,  outre 
un  nombre  considérable  de  documents  authentiques  qui 
se  rapportent  à  ces  maîtres  vénérés.  Nous  nous  propo- 
sons d'utiliser  une  partie  de  ces  découvertes,  lors  de  la 
révision  du  Catalogue  du  musée  d'^Anvers.  Après  que  nous 
aurons  complété  les  autres,  nous  comptons  en  faire 
l'objet  d'une  publication  spéciale  qui  comprendra  un 
grand  nombre  d'artistes  fort  bien  représentés  partout  ail- 

(i)  Journal  des  Beaux-Arts  1869,  p.  51. 


VII 


leurs  que  dans  leur  ville  natale,  ou  dans  celle  de  leur  rési- 
dence préférée,  lorsqu'ils  avaient  vu  le  jour  en  d'autres 
lieux  que  dans  l'ancienne  capitale  du  Saint  Empire  Romain. 
Nous  aimerions  bien  faire  entrer  l'école  d'Anvers  en  son 
entier  dans  notre  plan,  mais  le  nombre  de  maîtres  dis- 
tingués dans  tous  les  genres  qu'elle  a  produits  est  telle- 
ment considérable,  que  nous  nous  rendrions  coupable 
d'imprudence  à  nos  yeux,  si  nous  voulions  les  com- 
prendre tous  dans  nos  recherches.  Nous  courrions  grand 
risque  de  ne  jamais  pouvoir  mettre  en  œuvre  les  maté- 
riaux considérables  que  nous  avons  déjà  réunis.  Rien 
n'empêchera  d'ailleurs,  lorsque  ces  pièces  seront  classées 
et  rédigées  en  forme  de  biographies,  d'aborder  de  nou- 
velles séries.  » 

Le  temps  a  manqué  à  M.  van  Lerius  pour  terminer 
son  entreprise;  ce  qui  en  reste  est  cependant  assez  pour 
faire  l'objet  d'une  publication  importante. 

Nous  avons  demandé  et  gracieusement  obtenu  de 
M""^  yaii  Lerius-Moons  l'autorisation  de  publier  l'œuvre 
posthume  de  son  mari.  Qu'elle  veuille  agréer  l'expres- 
sion de  notre  gratitude,  pour  l'occasion  qu'elle  nous  a 
fournie  de  rendre  un  nouvel  hommage  à  la  mémoire 
d'un  homme  qui  fut  notre  ami  et  notre  collègue  pendant 
une  période  de  plus  de  trente  ans. 

En  éditant  ce  travail,  nous  exprimons  nos  remer- 
cîments  à  nos  amis  MM.  Max  Rooses,  conservateur  du 
musée  Plantin-Moretus,  et  Jos.  Meulemans,  attaché  aux 
archives   d'Anvers,    du  bienveillant  concours   qu'ils  ont 


VIII   

bien  voulu  nous  prêter  dans  la  correction  des  épreuves. 
Un  mot  encore  :  conformément  aux  statuts  de  la 
Société  des  bibliophiles  amer  sois,  l'ouvrage  de  M.  van 
Lerius  a  été  reproduit  avec  la  plus  rigoureuse  fidélité  ; 
la  Société,  tout  en  laissant  aux  auteurs  l'entière  res- 
ponsabilité de  leurs  opinions,  est  d'avis  qu'il  faut  per- 
mettre à  celles-ci  de  se  produire  avec  la  plus  grande 
liberté. 

P.   GÉNARD. 


Henri  ABBÉ 

(en  flamand   Hendrik   ABBÉ). 

(1639-17.  .) 

[es  auteurs  qui  se  sont  occupés  jusqu'ici  de 
jHenri  Abbé,  ne  nous  ont  guère  transmis  de 
^détails  relativement  à  cet  artiste.  J.-R.  Fuessli, 
un  des  premiers  qui  en  aient  parlé,  se  borne  à  dire  qu'il 
gravait  sur  cuivre  à  Anvers,  vers  1670,  et  que  Christ  a 
publié  sa  signature.  Elle  se  compose  des  lettres  H.  A. 
réunies  et  fut  reproduite  en  181 6,  par  Michel  Bryan. 

Nous  nous  sommes  efforcé  de  combler,  autant  que 
possible,  les  lacunes  de  la  biographie  de  ce  maître  et 
nous  livrons  au  public  le  résultat  de  nos  investigations. 
Le  9  décembre  1634,  fut  célébré  dans  l'église  de 
S'  Jacques,  à  Anvers,  le  mariage  de  Claude,  ou,  comme 
on  disait  alors,  Claude  Abbé,  avec  Elisabeth  van  Noorde, 
dont  le  nom  est  écrit  fautivement  van  Horne.  L'acte, 
qui  en  fut  dressé,  constate  que  les  époux  étaient  étran- 
gers à  la  ville,  le  mari  y  est  qualifié  de  Dolais  (Dolamis), 
la  femme  de  Louvaniste.  Le  sacrement  leur  fut  conféré 
avec  dispense  de  tous  les  bans  et  en  \ertu  d'une  com- 
mission spéciale  du  vicaire-général  de  l'évêché  vacant, 
le  célèbre  Aubert  le  Mire  [Aubertus  Mineus).  Le  motif 
de  l'octroi  de  ces  faveurs,  nous  est  révélé  par  le  registre 
des  baptêmes  de  S^  Jacques,  qui  nous  apprend  que  le 
8  décembre  1634,  c'cst-à-dirc   la  veille  même  de   leur 

I 


mariage,  Claude  Abbé  et  Elisabeth  van  NoorJe  firent 
tenir  sur  les  fonts  leur  enfant  François.  Il  eut  pour 
parrain  Ignace  van  Caukercken,  fils  du  relieur  Lambert 
van  Caukercken  et  de  Gasparine  Verreycken,  qui  fut 
reçu  en  qualité  de  relieur  et  de  fils  de  maître,  dans  la 
gilde  de  S'  Luc  à  Anvers,  en  1648-1649.  La  marraine 
était  Gertrude  van  Noorde,  qui  se  fit  représenter  par 
Elisabeth  Cuypers. 

Le  second  fils  de  Claude  Abbé  et  d'Elisabeth  van 
Noorde  fut  baptisé  dans  la  cathédrale,  quartier  sud,  le 
27  mai  1636.  Il  reçut  le  nom  de  Joseph  et  épousa  en 
ou  vers  1656,  Anne-Marie  van  Geelbergen.  Il  en  eut 
neuf  enfants  de  1657  à  1674,  mais  comme  nous  n'avons 
pas  découvert  qu'ils  intéressent  l'histoire  de  l'art,  nous 
les  passons  sous  silence. 

Les  deux  derniers  rejetons  du  mariage  de  Claude 
Abbé  reçurent  le  baptême  dans  la  même  église.  Henri, 
notre  artiste,  le  28  février  1639;  il  eut  pour  parrain 
Henri  van  Leemput,  pour  marraine  Catherine  Coenraerts, 
personnes  qui  nous  sont  entièrement  inconnues.  Marie, 
la  sœur  de  Henri,  le  i"  août  1643. 

Claude  Abbé  se  fit  recevoir  en  1644-1645,  dans  la 
gilde  de  S'  Luc,  en  qualité  de  marchand  d'objets  d'art 
(Jmndelacr)  ;  le  compte  de  la  corporation  lui  donne  par 
erreur  le  nom  de  Claude  Labe  (Glauden  Labc).  Le  paie- 
ment de  sa  dette  mortuaire  est  renseigné  dans  le  compte 
de  la  gilde  du  18  septembre  1652  au  17  septembre 
1653  ;  il  est  décédé  par  conséquent  à  cette  époque. 

Henri,  son  fils,  fut  reçu  le  16  novembre  1659  membre 
de  la  sodalité  des  célibataires,  érigée  chez  les  jésuites 
d'Anvers. 

La  première   trace  que  nous   rencontrions    du  labeur 


artistique  de  celui-ci  est  le  dessin  du  portrait  du  peintre 
Pierre  van  Bredael,  qui  fut  gravé  sur  cuivre  par  Conrard 
Lauwers  (i)  pour  le  Giilden  cabinet  de  Corneille  de  Bic. 
On  sait  que  cet  ouvrage  parut  à  Anvers,  en  1662.  Cette 
effigie,  comme  M.  Adolphe  Siret  l'a  fait  observer  avec 
raison,  est  exécutée  dans  le  grand  style  d'Antoine  van 
Dyck.  Nous  ajouterons  qu'elle  le  fut  sans  doute  en  1661 
et  que  c'était  un  brillant  début  pour  un  jeune  homme 
de  vingt-deux  ans.  ^Elle  a  été  une  deuxième  fois  gravée 
sur  cuivre  par  Conrard  Waumans,  petit  in-folio. 

Le  nom  de  Henri  Abbé  est  inconnu  dans  le  Lîggcre 
et  les  comptes  de  la  gilde  de  S*  Luc,  à  Anvers.  Cet 
artiste  a-t-il  cultivé  la  peinture,  comme  le  suppose  l'auteur 
cité  en  dernier  lieu  ?  Une  découverte  faite  par  notre 
ami  M.  Alexandre  Pinchart,  chef  de  section  aux  archives 
générales  du  royaume  de  Belgique,  à  Bruxelles,  doit 
faire  résoudre  affirmativement  cette  question.  Le  registre 
des  inscriptions  des  artistes  bruxellois  mentionne  effec- 
tivement au  13  juillet  1676,  l'admission  du  peintre 
Abbé,  dont  il  ne  donne  pas  le  prénom.  Mais  si  l'on 
rapproche  de  ce  fait  la  publication  de  la  traduction  des 
Métamorphoses  d'Ovide,  par  Pierre  Du  Ryer,  qui  eut  lieu 
dans  la  même  ville,  l'année  suivante  et  qui  parut  avec 
des  gravures  auxquelles  Abbé  avait  travaillé,  il  nous 
paraît  indubitable  que  c'est  bien  lui  que  le  registre  a 
voulu  désigner. 

(i)  Conrard  et  non  Conrad  Lauwers,  fils  de  Nicolas,  graveur  de 
mérite,  doyen  de  la  gilde  de  St  Luc  en  163  5-1636,  et  de  Marie  Ver- 
meulen,  fut  baptisé  dans  la  cathédrale  d'Anvers,  quartier  sud,  le 
20  juin  1632.  Voyez  :  P.  Génard,  Les  grandes  familles  artistiques 
d'Anvers,  dans  la  Revue  d'histoire  et  d'archéologie,  Bruxelles  1859, 
tome  I,  p.  320.  Le  prénom  est  erronément  écrit  Conrad. 


Mais  ce  qui  fait  disparaître  tous  les  doutes,  c'est  que 
M.  Pinchart  a  trouvé  dans  des  pièces  de  procédure  du 
conseil  de  Brabant,  qui  reposent  aux  archives  générales 
du  r03raume  de  Belgique,  à  Bruxelles,  qu'en  1671, 
Henri  Abbé,  peintre  et  architecte  (schilder  aide  architect), 
fit  un  modèle  pour  les  chandeliers  que  le  chapitre  de 
S^^  Gudule  voulait  placer  sous  les  statues  des  apôtres. 
Ces  documents  nous  font  connaître  une  nouvelle  qualité 
d'Abbé,  celle  d'architecte  et  nous  apprennent  qu'il  exer- 
çait son  art  dans  la  capitale  des  Pays-Bas  catholiques, 
avant  de  s'y  être  fait  recevoir  franc-maître.  Du  reste,  ses 
tableaux  sont  tellement  rares  qu'un  de  nos  peintres,  qui 
fait  depuis  plus  de  quarante  ans  le  commerce  d'œuvres 
d'art,  nous  a  donné  l'assurance  qu'il  n'en  a  jamais  ren- 
contré un  seul.  Il  est  impossible,  dans  cet  état  de  choses, 
d'affirmer  si  Abbé  a  peint  plutôt  le  portrait  que  tout 
autre  genre. 

Il  est  assez  singulier  que  notre  artiste  ayant  publié 
des  gravures  à  Anvers,  en  1670,  ainsi  que  le  rapporte 
Kramm,  son  nom  ne  figure  pas  dans  le  Liggere.  Nous 
ignorons  le  motif  de  cette  omission.  Toutefois  pour 
qu'on  ne  nous  soupçonne  pas  d'oubli,  nous  dirons  que 
notre  registre  d'inscriptions  mentionne  en  1 673-1 674 
celle  d'un  Henri,  miniaturiste  {verlichter')  dont  il  ne 
fait  pas  connaître  le  nom  patronymique.  L'artiste  qu'elle 
concerne  est  quaHfié  de  franc-maître,  tandis  que  Henri 
Abbé  était  fils  de  maître,  mais  le  Liggere  n'étant  pas 
toujours  un  modèle  d'exactitude,  il  n'est  pas  impossible 
qu'il  s'agisse  de  lui  dans  ce  passage.  M.  le  docteur 
Jules  Meyer  nous  a  signalé  dans  une  note  qu'il  nous  a 
communiquée,  l'existence  de  dessins  attribués  à  notre 
artiste  et  datés  de  1677. 


I 


Nous  n'avons  rencontré  à  Anvers  aucune  trace  de 
mariage,  ni  d'enfants  de  Henri  Abbé  dont  la  date  de 
décès  nous  est  inconnue.  Le  maître  vivait  peut-être 
encore  en  1702,  année  dans  le  courant  de  laquelle  parut 
à  Amsterdam,  chez  P.  et  J.  Blaeu,  une  nouvelle  édition 
de  la  traduction  des  Métamorphoses  d'Ovide  de  Pierre 
Du  Ryer,  ornée  de  gravures  de  notre  artiste  et  de  Pierre- 
Paul  Bouche.  (Communication  de  M.  le  docteur  Jules 
Meyer.)  Henri  Abbé  est  mort  probablement  à  Bruxelles. 

Depuis  la  rédaction  de  cette  biographie,  nous  avons 
pris  connaissance  de  la  traduction  française  des  Mcla- 
mor phases  d'Ovide,  mentionnée  ci-dessus.  Les  planches 
d'Henri  Abbé,  qu'elle  renferme,  sont  fort  inférieures  à 
son  portrait  de  Pierre  van  Bredael.  M.  le  docteur  Meyer 
cite  dans  V Allgemeines  Kïinsiler-Lexicon  (I,  12)  les 
estampes  suivantes  gravées  d'après  les  dessins  d'Abbé  : 
Ulysse  tuant  les  amants  de  Pénélope,  par  Frédéric  Bouttats 
(le  vieux),  et  une  femme  qu'on  délivre  de  ses  liens, 
par  le  même. 

Deux  monogrammes  différents  de  notre  maître  sont 
reproduits  aux  pages  11  et  12  du  tome  I  de  l'ouvrage 
cité. 

Sources  :  Registres  des  paroisses  d'Anvers.  —  Ph.  Rombouts  et 
Théod.  Van  Lerius  :  Les  Liggeren  et  autres  archives  historiques  de 
la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc,  sous  la  devise  :  Wt  ionsten  versaemt, 
II. — J.-R.  Fuessli  :  Allgemeines  Kùnstler  Lexicon,  Zurich  iadcclxx.ix. 
—  C.  Kramni.  —  Biographie  nationale  de  Belgique,  I,  etc. 


Gautier  ABTS  (en  flamand  Wauter  ABTS.) 
(1582? — 1642-1643.) 


uclques  auteurs  ont  supposé  que  Valère  ou 
[Gautier  Abts  est  né  à  Lierre,  petite  ville  peu 
'éloignée  d'Anvers.  Les  leçons  que  cet  artiste 
donna  à  Adrien  de  Bie,  qui  avait  vu  le  jour  dans  cette 
partie  de  la  Campine,  ont  probablement  fait  naitre  cette 
opinion.  Quoiqu'il  en  soit,  et  encore  que  nous  a3'ons 
recueilli  des  preuves  de  l'existence  à  Lierre  d'une  famille 
Abts,  à  la  fin  du  XVP  siècle,  nous  n'en  croyons  pas 
moins  que  le  peintre  dont  nous  nous  occupons  dans 
cette  biographie  est  venu  au  monde  à  Anvers.  Voici 
nos  preuves  à  défaut  d'un  acte  de  baptême,  que  nous 
n'avons  pu  découvrir  et  qui  trancherait  la  question.  Il 
existait  dans  l'ancienne  capitale  du  marquisat  du  S*  Em- 
pire romain,  où,  comme  nous  le  verrons,  notre  coloriste 
a  commencé  et  achevé  ses  études  artistiques,  une  famille 
Abts,  dont  nous  avons  trouvé  dès  1567,  des  traces  dans 
les  anciens  registres  de  nos  paroisses.  Ainsi  nous 
avons  découvert  à  la  date  du  5  décembre  de  cette  année- 
là,  l'acte  du  baptême  conféré  dans  l'église  de  S'  André, 
à  Jeanne,  fille  de  Pierre  Abts,  qui  fit  présenter  à  S' 
Georges,  le  4  décembre  1569,  son  enfant  Barbe.  Une 
autre  collation  du  premier  des  sacrements,  qui  eut  lieu 
dans  cette  église,  le  12  août  de  cette  même  année  1569, 


—  7  — 

nous  a  fait  connaître  qu'à  cette  époque  déjà  existait  à 
Anvers,  un  VaJère  ou  Gautier  Abts.  C'est  lui,  en  effet, 
qui  fut  parrain  ce  jour-là  de  Susanne  van  Veltbraken, 
fille  de  Corneille,  peintre  en  bâtiments,  qui  avait  été 
reçu,  en  1559-1560,  dans  la  gilde  de  S'  Luc  comme  fils 
de  maître.  Nous  croyons  que  cela  sufiit  à  la  démonstra- 
tion de  notre  thèse. 

En  quelle  année  notre  artiste  est-il  né? 

Nous  croyons  qu'il  est  venu  au  monde  en  ou  vers 
1582,  et  probablement  dans  la  paroisse  de  S*-  Georges, 
où  nous  avons  relevé  quatre  baptêmes  de  la  famille 
Abts,  depuis  1569  jusqu'en  1586,  tandis  qu'à  cette  épo- 
que, la  cathédrale  en  avait  reçu  un  seul  et  que  toutes 
les  autres  paroisses  de  la  ville  n'en  mentionnent  aucun. 
Les  registres  de  baptême  de  S'  Georges  des  années  1579 
à  1582  font  défaut  à  la  collection  de  l'hôtel  de  ville. 
On  sait  qu'à  partir  du  3  avril  de  cette  dernière  année 
jusqu'après  la  reddition  d'Anvers  à  Alexandre  Farnèse, 
duc  de  Parme,  en  1/85,  les  actes  de  mariage  et  de 
baptême  de  toutes  les  paroisses  ont  été  transcrits  uni- 
quement dans  les  livres  de  la  cathédrale.  Nos  re- 
cherches nous  ont  appris,  en  outre,  que  plusieurs  en- 
fants ont  été  baptisés  à  cette  époque,  dans  la  maison 
paternelle,  et  que  la  mention  de  ce  fait  n'a  eu  lieu  plus 
tard  qu''exceptionnellement  dans  les  registres  de  leurs 
églises  respectives. 

Ce  qui  nous  fait  croire  que  Valère  ou  Gautier  Abts 
est  né  en  ou  vers  1582,  c'est  la  date  de  son  inscription 
en  qualité  d'élève  du  peintre  Guillaume  de  Vos,  inscrip- 
tion que  le  Liggere  mentionne  en  1593-1594-  Abts 
aurait  eu  onze  à  douze  ans  à  cette  époque,  et  c'était 
généralement  vers  cet  âge  que  nos  anciens  artistes  com- 


8 


mcnçaient  leur  apprentissage.  Disons  ici  en  passant  que 
son  maître  Guillaume  de  Vos  était  petit-fils  de  Pierre 
de  Vos,  le  vieux,  et  fils  de  Pierre  de  Vos,  le  jeune, 
tous  deux  peintres,  et  neveux  de  Martin  de  Vos,  le 
vieux,  peintre  célèbre  ;  c'est  ce  qui  résulte  d'un  acte 
reçu  par  les  échevins  d'Anvers,  le  5  août  1606.  Antoine 
van  Dyck  a  exécuté  à  l'eau-forte  le  portrait  de  Guil- 
laume de  Vos,  et  sa  planche  fut  achevée  par  Scetsélon 
(Scheltc)  de  Bolswert. 

Abts  fiit  reçu  firanc-maître  en  1604-1605.  Aucun 
auteur  n'a  mentionné  jusqu'ici  les  branches  dans  les- 
quelles il  s'exerça.  Nous  sommes  heureux  de  pouvoir 
combler  cette  lacune,  grâce  à  une  communication  que 
nous  a  faite,  dans  le  temps,  M.  Pierre- Antoine  VerHnde, 
peintre  et  restaurateur  de  tableaux.  C'est  de  lui  que 
nous  savons  que  Valère  ou  Gautier  Abts  exécutait  avec 
talent  des  conversations  et  des  paysages. 

Cet  artiste  épousa  dans  l'église  de  S^  Georges,  le 
10  décembre  1605,  CornéHe  de  Mellelo,  en  présence  de 
Jean  de  Mellelo  et  d'un  prêtre,  neveu  de  celui-ci  (cum 
iiepote  sacerdote).  Dans  l'acte  qui  en  fut  dressé,  le  prénom 
d'Abts  est  écrit  Valerius.  Les  registres  de  nos  paroisses 
mentionnent  quatre  enfants  issus  de  son  mariage  : 
1°  Jean-Baptiste,  tenu  sur  les  fonts  de  l'église  S'  Jacques, 
le  28  juin  1608,  par  Jean  de  Mellelo  et  Antoinette  de 
Mellelo.  L'acte  qualifie  le  père  de  signor  et  la  mère  de 
mademoiselle  (juffroii)  ;  2°  Marie,  baptisée  à  S'  Georges, 
le  21  juillet  16 10;  parrain  Jérôme  Garibaldo,  marraine 
Susanne  Groenrys.  Ce  Garibaldo  avait  épousé,  dans 
ladite  église  le  3  janvier  1609,  Françoise  de  Mellelo  et 
fut  père  du  bon  peintre  Marc-Antoine  Garibaldo,  d'après 
une  découverte  de  notre  ami,  M.  P.  Génard,  archiviste 


—  9  — 

de  la  ville  d'Anvers.  Quant  aux  Groenrys,  le  nom  de 
cette  flimille  d'artistes  se  rencontre  plusieurs  fois  dans 
les  registres  d'inscriptions  de  la  Gilde  de  S'  Luc. 

3°  Une  "seconde  Marie,  baptisée  dans  la  même  église 
le  I"  février  1620  ;  parrain  Lancelot  Boot;  marraine 
Antoinette  de  Mellelo.  Nous  ignorons  la  cause  de  cette 
lacune  de  dix  ans,  entre  la  naissance  du  deuxième  et  du 
troisième  enfant  d'Abts. 

.  4°  Françoise,  baptisée  dans  la  cathédrale  (quartier 
sud),  le  12  février  1624.  Cette  enfant  eut  pour  parrain 
le  célèbre  peintre  Guillaume  de  Vos,  le  maître  de  son 
père,  et  pour  marraine  Françoise  de  Mellelo,  dont  nous 
avons  parlé  ci-dessus.  L'acte  nous  apprend  qu'Abts 
demeurait,  à  cette  époque,  dans  la  rue  du  Jardin  des 
arbalétriers  (Schiittershofstraet),  à  l'enseigne  de  S*  Oucnlin. 
Il  s'agit  ici  sans  doute  de  la  maison  qui  avait  appartenu 
autrefois  à  notre  vieux  Quentin  Massys. 

Les  archives  de  la  corporation  de  S*  Luc  mentionnent 
la  réception  de  huit  élèves  à  l'atelier  de  Gautier  Abts. 
Ce  sont:  1°  Mathias  ou  Matthieu  Machielsen,  inscrit  en 
1604- 1605,  l'année  même  de  la  promotion  de  Gautier 
à  la  franc-maîtrise;  2°  Léonard  Coymans,  en  1606-1607  ; 
3°  Frédéric  van  Geldcr  ou  van  den  Gelder,  le  2  août 
1617,  admis  comme  franc-maître  en  1620;  4°  Michel 
Giskeir,  en  16 17-16 18  ;  cet  apprenti  n'était  pas  en  état 
de  payer  les  deux  florins  16  sous  de  son  droit  d'inscription, 
Abts  se  porta  sa  caution  envers  la  gilde  ;  5°  Alexandre 
Fourre,  en  1622-1623,  franc-maître  en  1631-1632; 
6°  Gilles  van  Haelbeeck,  en  1628- 1629  ;  7°  Philippe 
Garibaldo  en  1629-1630;  8°  Corneille  Bocx,  en  1634- 
1635. 

Comme  on  le  voit  quelques-uns  de  ses  élèves  ne  sont 


—    10    — 

pas  mentionnes  comme  franc-maîtres  et  ceux  qui  reçu- 
rent ce  titre  sont  restés  inconnus  dans  l'histoire  de  l'art. 
Est-ce  à  tort;  est-ce  avec  raison?  Question  insoluble  et 
qui  le  devient  de  plus  en  plus,  aujourd'hui  que  des 
spéculateurs  en  tableaux  font  disparaître  de  ceux-ci 
toutes  les  signatures  d'artistes  inconnus  qu'ils  y  ren- 
contrent. 

Outre  ces  apprentis,  Abts  en  eut  un  qui  devint  célèbre 
à  bon  droit.  C'est  Adrien  de  Bie,  né  non  en  1594,  date 
inscrite  sur  la  gravure  de  son  portrait,  exécutée  par 
Luc  Vorsterman,  le  jeune,  d'après  Pierre  Meert,  mais 
un  an  plus  tôt.  Nous  avons  découvert  en  effet,  dans  les 
registres  de  S'  Gommaire,  à  Lierre,  qu'Adrien  de  Bie, 
qui  était  fils  de  Jean  et  de  Marguerite  Ceulemans,  a  été 
baptisé  dans  cette  église  le  3  octobre  1593,  et  nous 
pouvons,  donner  l'assurance  qu'aucun  autre  enfant  de 
ces  nom  et  prénom  n'y  a  été  tenu  l'année  suivante. 

H.  de  Pooter  qui  a  écrit,  dans  le  Gulden  cabinet  de 
Corneille  de  Bie,  l'éloge  du  père  de  cet  auteur,  nous 
apprend  à  la  page  232  de  cet  ouvrage,  que  Gautier  Abts 
fut  le  premier  maître  d'Adrien  et  à  la  page  230,  que 
celui-ci  partit,  à  l'âge  de  18  ans,  pour  Paris,  où  il  alla 
demeurer  et  continuer  ses  études  auprès  de  Rodolphe 
Schoof,  peintre  de  Louis  XIII.  C'est  généralement  à 
l'âge  de  dix  à  douze  ans,  comme  nous  l'avons  dit,  que 
nos  anciens  maîtres  commençaient  l'apprentissage  de 
leur  art.  Nous  pouvons  conclure  de  cette  observation, 
que  de  Bie  se  sera  présenté  à  l'atelier  de  Gautier  Abts 
entre  1603-1605  et  puisqu'il  avait  atteint  l'âge  de  18 
ans,  à  l'époque  de  son  départ  pour  Paris,  nous  croyons, 
ce  nous  semble  avec  fondement,  qu'il  quitta  son  pre- 
mier  maître  en   161 1.   Il  est  assez  singuUer  que  ni  le 


1 1 


Liggcre,  ni  les  comptes  de  la  gilde  de  S'  Luc  ne  men- 
tionnent l'inscription  d'Adrien  de  Bie,  comme  élève. 
Ce  n'est  pas  du  reste  la  seule  omission  que  nous  ayons 
rencontrée  dans  les  archives  de  la  célèbre  corporation, 
même  dans  les  années  qui  nous  sont  parvenues  sans 
lacunes. 

Gautier  Abts  décéda  entre  le  i8  septembre  1642  et  le 
18  septembre  1643;  c'est  à  cette  époque,  en  effet,  que 
le  compte  de  la  gilde  S'  Luc  mentionne  le  paiement  de 
sa  dette  mortuaire. 

Sources  :  Registres  de  baptêmes  et  de  mariages  des  anciennes 
'  paroisses  d'Anvers  et  de  Lierre,  conservés  à  l'état  civil  de  ces 
villes.  —  Pli.  Rombouts  et  Théodore  Van  Lerius  :  Les  Liggeren  et 
mitres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  S^  Luc  sous  la  de- 
vise :  Wt  ionsten  versaeint,  tomes  I  et  II.  —  Cornelis  de  Bie  : 
Het  gulden  caUnet  van  de  edele  vrij  schilder-const. 


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Alexandre  ADRIAENSSEN 

(en   flamand   Alexander  ADRIAENSSEN) 

(1587-1661). 


^=||^5@ans  la  seconde  moitié  du  xvi^  siècle  vivait  à 
î  Anvers,,  un  excellent  compositeur  de  musique, 
nommé  Emmanuel  Adriaenssen.  Le  titre  d'une 
de  ses  œuvres  nous  apprend  qu'il  était  né  en  cette 
ville,  dans  laquelle  furent  publiés  en  1584,  en  1592  et 
en  1600,  les  recueils  de  pièces  qu'il  avait  arrangées 
pour  le  luth,  dont  il  jouait  avec  la  plus  grande  habileté. 
Feu  F.-J.  Fétis,  directeur  du  conservatoire  royal  de 
musique  de  Bruxelles ,  a  consacré  une  notice  à  cet 
artiste,  dans  la  deuxième  édition  de  sa  Biographie  uni- 
verselle des  musiciens  et  bibliographie  générale  de  la  musique, 
ainsi  que  dans  la  Biographie  nationale.  Nous  lui  avons 
emprunté  les  renseignements  qui  précèdent  et  que  nous 
aurions  bien  désiré  compléter  par  l'indication  de  la  date 
exacte  de  la  naissance  d'Emmanuel  Adriaenssen  ;  mais 
les  recherches  que  nous  avons  faites  à  cet  égard  sont 
restées  sans  résultat. 

Notre  musicien  contracta  mariage^  à  une  époque  qui 
nous  est  inconnue,  et  d'après  le  rit  des  réformés,  avec 
Sibylle  Crele  ou  CreHn,  fille  de  Paul  et  d'Hélène  SchyfeH, 
de   Nurembertî,    veuve    de    Michel  Ysebout.    La   leçon 


—  13  — 

Crele  a  été  lue  par  M.  le  chevalier  Léon  de  Burburc, 
dans  un  contrat  reçu  par  les  échevins  d'Anvers,  qui  lui  a 
appris  la  filiation  de  la  femme  d'Emmanuel  Adriaenssen, 
Son  acte  de  mariage  passé  plus  tard,  en  face  de  l'église 
catholique,  et  que  nous  avons  découvert,  comme  tous 
ceux  que  nous  analysons  dans  le  cours  de  cette  biogra- 
phie, porte  Grelin,  sans  la  moindre  possibilité  de  con- 
testation. Ce  document  combiné  avec  les  baptêmes 
catholiques  qui  la  suivirent ,  constate  que  les  époux 
s'étaient  unis  à  la  protestante  et  qu'ils  se  convertirent 
à  leur  ancienne  religion.  Ils  firent  présenter  aux  fonts 
de  l'église  S'  Jacques,  à  Anvers,  le  17  janvier  1587, 
Alexandre  Adriaenssen,  leur  premier-né.  Cet  enfant,  qui 
devait  devenir  un  peintre  célèbie,  eut  pour  parrains  le 
capitaine  Properce  Bacotsy  (sic  ;  Baccocchi  ?)  de  Bo- 
logne, et  Jean-Baptiste  Lockny,  également  Bolonais,  et 
pour  marraines,  Marie  Steelant  et  Claire  Gabri.  L'acte 
de  baptême  donne  au  père  la  qualification  de  signor, 
qui  n'était  pas  prodiguée  à  cette  époque. 

Un  second  enfant  naquit  à  Emmanuel  Adriaenssen  et 
fut  tenu  sur  les  fonts  de  ladite  église  le  21  avril  1588. 
Il  y  fut  nommé  François  et  présenté  par  François  Bal- 
bani,  descendant  d'une  famille  italienne,  et  par  Catherine 
Verhoeven.  Son  frère  Emmanuel  reçut  le  premier  des 
sacrements  à  S'  Georges,  le  28  août  1589;  l'acte  de 
baptême  indique  deux  parrains,  Jean  van  der  Linden  et 
Gérard  van  Hildernissen,  mais  il  ne  fait  pas  connaître  le 
nom  de   la  marraine. 

Le  I"  septembre  de  cette  même  année  1589,  Em- 
manuel Adriaenssen  et  Sibylle  Crele  ou  Grelin  se  présen- 
tèrent dans  leur  ancienne  église  paroissiale  de  S'  Jacques, 
pour  y  recevoir  la  bénédiction  nuptiale  de  la  main  d'un 


—  14  — 

prêtre  catholique.  L'acte  qui  en  fut  dressé  nous  apprend 
que  la  cérémonie  eut  pour  témoins  Monsieur  Conrard, 
dont  le  nom  patron3anique  n'est  pas  indiqué,  et  Mat- 
thieu Goris.  Il  nous  dit,  en  outre,  que  les  époux  étaient, 
à  cette  époque,  paroissiens  de  S'  Jacques,  et  qu'ils 
furent  réconciliés  avec  l'église  catholique. 

Leur  fille  Hélène  fut  baptisée  à  S'  Jacques,  le  23  sep- 
tembre 159 1,  et  eut  pour  parrains  Gabriel  de  Hase  et 
le  signor  Jacques  de  Regibus,  dont  le  nom  véritable  se 
cache  probablement  sous  cette  appellation  latine,  et  pour 
marraine  Pauline  Engels.  Hélène  Adriaenssen  décéda  le 
21  janvier  1600  et  fut  enterrée  dans  l'église  où.  elle 
avait  reçu  le  sacrement  de  la  réçrénération.  Ses  deux 
plus  jeunes  frères,  Vincent  et  Nicolas,  y  furent  égale- 
ment présentés,  le  premier,  le  14  mars  1595, 
par  Mathias  Jansen  et  Adrienne  Tulyncx  (ToUncq?). 
Le  second,  le  6  juin  1598,  par  le  signor  Nicolas 
Deodoricus  (Diercxsens  ?)  et  Ursule  Tibanti.  On  voit 
qu'Emmanuel  Adriaenssen,  qui  était,  à  cette  époque, 
capitaine  de  la  garde  bourgeoise,  avait  de  bonnes  rela- 
tions avec  les  familles  italiennes  établies  a  Anvers. 
M.  Fétis  nous  avait  appris  déjà  qu'il  dédia  son  Pratiim 
musiciim  à  Balthasar  de  Robiano,  bourgeois  et  marchand 
d'Anvers,  issu  d'une  famille  ultramontaine. 

Nous  avons  cru  ne  pas  devoir  négliger  ces  détails, 
quoiqu'ils  ne  concernent  qu'indirectement  l'artiste  dont 
dont  nous  allons  nous  occuper  de  plus  près,  parce  qu'ils 
font  connaître  sa  famille,  qui  était  des  plus  honorables. 
Cela  résulte  suffisamment  des  noms  des  répondants 
insérés  aux  actes  de  baptême,  et  des  qualifications  dont 
ces  documents  font  précéder  leurs  noms,  et  que  nous 
avons  généralement  omises.  Un  autre  motif  encore  nous 


—  15  — 

a  porté  à  les  livrer  à  l'impression.  Nous  n'ignorons  pas, 
en  effet,  qu'à  notre  époque,  on  recueille  avidement, 
pour  les  publier,  les  lettres  et  autres  écrits  d'hommes 
célèbres.  Mais  nous  savons  aussi  que  ces  documents, 
lorsqu'ils  se  rapportent  à  la  vie  privée  de  leurs  auteurs, 
sont  souvent  obscurs  pour  ceux  qui  ne  sont  pas  fluni- 
liarisés  avec  l'entourage  de  ceux-ci.  Malheur  alors  à 
l'éditeur,  lorsqu'il  ajoute  des  notes  au  texte  qu'il  a  eu 
la  chance  de  découvrir,  car  il  s'expose  aux  mécomptes 
les  plus  singuliers;  nous  en  avons  vu  des  exemples 
récents  et  bien  instructifs. 

Nous  retournons  à  l'artiste  qui  fait  l'objet  de  cette 
biographie.  Alexandre  Adriaenssen  fut  inscrit,  en  1597- 
1598,  dans  le  Liggere  de  la  gilde  de  S'  Luc,  à  Anvers, 
comme  élève  du  peintre  Artus  ou  Arnould  van  Laeck  ; 
le  nouvel  apprenti  était  âgé,  h.  cette  époque,  de  dix  à 
onze  ans.  Il  fut  reçu  franc-maître  en  1610-1611;  le 
document  cité  le  qualifie,  à  cette  occasion,  de  peintre 
à  la  détrempe  {luaterschilde)-),  tandis  que  le  compte  de 
la  corporation  lui  donne  sa  dénomination  de  peintre, 
sans  autre  addition.  Cette  singularité  dans  les  deux 
documents  se  remarque  également  lors  de  l'admission 
de  Jacques  Jordaens  à  la  franc-maîtrise.  Elle  n'empêcha 
ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  artistes  de  manier  la  peinture 
à  l'huile,  aussi  bien  qu'à  la  détrempe,  avec  l'habileté 
la  plus  étonnante.  Il  n'est  pas  probable  qu'Alexandre 
Adriaensen  ait  passé  treize  à  quatorze  ans  dans  l'atelier 
d' Artus  van  Laeck;  il  est  permis  de  supposer  qu'une 
fois  ses  études  terminées,  il  aura  entrepris  quelque 
voyage.  Mais  ce  qui  est  certain,  c'est  que  le  maître  a 
subi,  comme  la  générahté  de  ses  contemporains,  l'in- 
fluence de  cet  incomparable  génie  qui  avait  nom  Pierre- 


i6 


Paul  Rubcns.  Ses  œuvres  le  démontrent  de  la  manière 
la  plus  incontestable. 

Notre  artiste  ne  tarda  pas  à  s'engager  dans  les  liens 
du  mariage.  Il  épousa  dans  la  cathédrale,  le  20  février 
161 1,  du  consentement  des  vicaires  généraux  de  l'évêché 
vacant,  et  moyennant  la  dispense  de  deux  bans,  Marie 
Zeeldrayers.  Les  époux  eurent  pour  témoins  Adrien 
Mertens,  probablement  le  peintre  de  ce  nom,  et  Jean 
van  Hove.  Nous  ne  croyons  pas  nous  tromper,  en 
affirmant  que  Marie  Zeeldrayers  n'était  autre  que  l'enfant 
baptisée  dans  la  cathédrale,  le  i  décembre  15  91,  sous 
le  nom  de  Madeleine,  fille  d'Abraham  Zeeldrayers  et 
d'Anne  van  der  Manen,  dont  le  nom  patronymique  n'a 
pas  été  indiqué  dans  l'acte  :  mais  il  se  trouve  écrit  en 
toutes  lettres  dans  le  registre  des  mariages  de  l'église 
S^  Georges,  au  2  juillet  1577,  ^'^^^  *^^  l'union  des  pa- 
rents de  Marie.  On  sait,  en  effet,  que  le  nom  complet 
de  la  grande  pécheresse  convertie  est  Marie-Madeleine. 
Marie  Zeeldrayers  avait  eu  pour  répondants  Martin 
Cordier  et  Barbe  Byns.  Elle  accoucha,  en  161 5,  de  son 
premier  enfant,  qui  fut  tenu,  le  i  février,  sur  les  fonts 
baptismaux  de  S' Jacques,  par  Adrien  Mertens,  le  témoin 
du  mariage  de  notre  artiste,  et  par  Elisabeth  Tielens. 
Cette  marraine  lui  imposa  son  prénom. 

Alexandre  Adriaenssen  continuait  d'habiter  la 
paroisse  de  S'  Jacques;  il  fit  baptiser  dans  l'égfise  de  ce 
nom,  le  22  février  16 17,  son  fils  Pierre,  qui  eut  pour 
parrain  le  célèbre  peintre  de  batailles,  Pierre  Snayers,  et 
pour  marraine  Catherine  Zeeldrayers.  Les  autres  enfants 
y  reçurent  également  le  premier  des  sacrements  :  Claire, 
le  15  février  1619;  parrain.  Biaise  van  Overschie,  mar- 
raine, Claire  Smidtz.  Ce  Biaise  van  Overschie  ne  forma 


—  17  — 

probablement  qu'une  personne  avec  Biaise  van  Over- 
see,  amateur  et  marchand  de  tableaux,  qui  fut  reçu 
franc-maître  de  S'  Luc  en  1622-1623.  Emmanuel,  le 
18  novembre  1620;  parrain,  Vincent  Adriaenssen, 
frère  d'Alexandre,  marraine^  la  signora  Isabella  Brant, 
première  femme  de  Pierre-Paul  Rubens.  Jacques,  le  i 
janvier  1623;  parrain,  Jacques  van  Sevenhoven,  brodeur, 
franc-maître  de  S'  Luc,  en  1609- 16 10,  i^iarraine,  Cathe- 
rine Dekens.  L'acte  constate  que  les  parents  du  petit 
Jacques  habitaient  le  Wapper,  dans  le  voisinage  duquel 
demeurait  alors  le  chef  de  l'école  flamande. 

Le  sixième  et  dernier  enfant  d'Alexandre  Adriaenssen 
et  de  Marie  Zeeldrayers  reçut  le  nom  de  Catherine  et 
fut  tenu  sur  les  fonts,  le  18  mars  1625,  par  Adrien 
Diericx  et  Catherine  Dekens,  qui  rendit  pour  la  seconde 
fois  ce  service  à  la  famille  de  la  petite  fille. 

Alexandre  Adriaenssen  ouvrit  en  163 2- 163  3  son  ate- 
lier à  un  élève  nommé  Philippe  Milcx.  C'est  le  seul 
apprenti  de  notre  peintre  que  mentionnent  les  archives 
de  la  gilde  de  S'  Luc,  qui  sont  muettes  sur  l'admission 
à  la  franchise  de  Milcx.  Son  maître  se  fit  recevoir,  la 
même  année ,  dans  la  chambre  de  rhétorique  de  la 
Giroflée  {yiolieré)  dont  il  se  retira  dès  163 3-1634. 

Notre  artiste  ne  s'occupait  pas  seulement  de  la 
peinture  des  objets  inanimés;  il  5^  joignait  celle  des 
armoiries.  C'est  ce  qui  résulte  d'une  attestation  qu'il 
délivra  le  20  juin  1656,  à  la  requête  de  Martin  Biel, 
gentilhomme  et  capitaine  réformé  au  service  du  roi 
d'Espagne.  Alexandre  Adriaenssen  prend  dans  cet  acte, 
qui  fut  reçu  par  le  notaire  Antoine  de  Costere,  à  Anvers, 
la  qualité  d'artiste-peintre  et  de  peintre  d'armoiries 
(constschilder  ende  luapenschilder).   Il   y   déclare   sous   le 

2 


—  i8  — 

serment  prêté  en  mains  de  cet  officier  public,  qu'il  a 
peint,  en  1650,  à  la  demande  de  feu  Othon  Biel, 
chevalier  de  VHabito  de  Christo,  conseiller  et  maître  des 
requêtes  au  conseil  de  Brabant,  les  armoiries  qui  sont 
loniiuement  décrites  dans  l'acte  et  qui  étaient  celles  de 
ce  magistrat.  Adriaenssen  les  avait  exécutées  sur  une 
grande  feuille  de  parchemin  blanc,  et  lorsqu'il  la  revit, 
en  1656,  il  y  lut  l'octroi  de  ces  armes,  délivré  à  Madrid, 
le  7  août  165 1,  par  le  roi  d'Espagne  Philippe  IV. 

Adriaenssen  s'était  fait  déjà,  à  une  époque  antérieure, 
un  nom  dans  la  peinture  des  armoiries.  C'est  ce  que 
prouve  l'ordre  donné  par  le  magistrat  d'Anvers,  le  21 
mars  1635,  à  Jacques  Breugel,  trésorier  et  receveur  de 
la  caisse  des  consommations,  de  payer  au  maître  la 
somme  de  3  5  florins  pour  le  renouvellement  de  la  pein- 
ture des  armes  du  pays  qui  ornaient  les  arcs  de  triom- 
phe. Ces  arcs  étaient  érigés  à  l'occasion  de  l'entrée 
triomphale  du  cardinal  infant  Ferdinand,  dans  notre 
ville  (i). 

Notre  maître  signa  cet  acte  qui  fut  rédigé  en  flamand, 
Alexsander  Adricansen,  fournissant  ainsi  la  preuve  qu'il 
s'entendait  mieux  à  la  peinture  qu'à  l'orthographe  (2). 
Antoine  van  Dyck  était  lié  d'amitié  avec  Alexandre 
Adriaenssen.  Il  peignit  le  portrait  de  notre  artiste,  que 
reproduisit  le  burin  du  graveur  anversois  Antoine  van 
der  Does,  élève  d'un  des  deux  Jean-Baptiste  Collaert.  La 
figure  du  maître,  qui  est  tournée  en  pleine  lumière  vers 
la  droite   du   spectateur,  est  fort  belle,  pensive  et  em- 


(i)  P.  Génard.  Anhverpsch  ArchievenUai.  VII,  14. 
(2)  Minutes  du  notaire  Antoine  de    Costcrc,  aux  archives  de  la 
ville  d'Anvers,  année  1656,  p.  41  verso. 


—  19  — 

preinte  d'une  certaine  mélancolie.  Elle  est  ornée  de 
moustaches  et  d'une  impériale,  et  au-dessous  des  cheveux 
légèrement  bouclés  d'Adriaenssen,  on  distingue  son  oreille 
droite  savamment  dessinée.  Il  est  vêtu  d'un  justaucorps 
noir,  sur  lequel  est  rabattu  son  col  blanc,  et  drapé  dans 
un  manteau  également  noir,  d'où  se  détache  sa  main 
droite,  exécutée  comme  le  savait  van  Dyck.  La  gravure 
de  cette  effigie  f;iit  le  plus  grand  honneur  à  van  der 
Does.  L'inscription  :  Alexandcr  Adriaensscn,  florvm,  avivm 
et  piscivm  pictor  excdlens  Ajitverpice,  nous  apprend  les 
genres  dans  lesquels  se  distingua  l'artiste.  Il  convient 
toutefois  d'ajouter  aux  fleurs,  aux  oiseaux  et  aux  pois- 
sons, qui  y  sont  énumérés,  les  fruits  de  nos  jardins  et 
les  objets  inanimés  en  général,  tels^  que  les  vases,  les 
verres  à  vin,  etc.  Mais,  quoique  le  maître  peignît  tous 
ces  sujets  avec  une  merveilleuse  entente  du  clair-obscur, 
une  grande  légèreté  et  transparence,  et  d'un  ton  argentin 
et  fin,  c'est  surtout  dans  la  représentation  des  poissons 
qu'il  remporta  ses  plus  beaux  succès.  Un  dessin  spirituel 
et  correct  ne  contribue  pas  médiocrement,  du  reste,  à 
relever  l'éclat  de  son  coloris.  Aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner 
que  Rubans  possédât  deux  de  ses  tableaux,  l'un  repré- 
sentant  des    oiseaux,  l'autre,  un  panier  de  fruits. 

Avant  de  passer  à  l'analyse  de  quelques  œuvres  de 
notre  artiste,  il  nous  reste  à  dire,  d'après  M.  Kramm, 
que  notre  excellent  portraitiste  François  Denys  peignit 
l'effigie  d'Adriaenssen,  qui  fut  encore  reproduite  par  le 
burin  d'Antoine  van  der  Does. 

Il  y  a  peu  d'années,  le  musée  d'Anvers  ne  possédait 
aucune  production  de  l'homme  remarquable  qui  fait 
l'objet  de  cette  biographie.  Cette  lacune  fut  heureusement 
comblée,  en  1867,   par  la  société  Artihus  Patrice,  érigée 


20    — 


trois  ans  auparavant  dans  l'intention  principale  d'y  faire 
représenter  ceux  des  maîtres  de  Técole  des  bords  de 
l'Escaut,  dont  les  œuvres  y  font  défaut.  Le  tableau 
d'Adriaenssen  a  pour  sujet  des  poissons  et  des  oiseaux 
morts,  gardés  par  un  chat  qui  redoute  une  alerte.  Voici 
la  composition  de  cette  œuvre  d'art  :  sur  une  table  sont 
étalés  un  églefin,  un  brochet,  une  carpe,  des  huîtres, 
des  crevrettes,  des  écrevisses  de  la  Meuse,  des  ablettes  et 
un  hareng  saur.  Un  chat  brun  s'est  constitué  le  gardien 
de  ces  mets  succulents. Les  griffes  appuyées  sur  les  ablet- 
tes, il  paraît  se  douter  d'une  surprise  et  attend,  les  oreilles 
tendues  et  d'un  œil  inquiet  et  courroucé,  une  visite 
importune.  Derrière  cet  animal  est  posé  un  grand  bassin 
surmonté  d'un  tamis  de  cuivre,  dans  lequel  se  trouve  un 
hareng,  et  qui  repose  sur  une  écumoire.  Un  plant  d'ar- 
tichauts se  dessine  de  ce  côté  sur  le  fond  du  tableau. 
Près  du  bassin,  une  corbeille  à  jour  remplie  de  doucette, 
sur  laquelle  se  détachent  deux  oignonettes.  Plus  loin, 
un  petit  panier  plein  d'oiseaux  morts,  parmi  lesquels  on 
distingue  une  bécasse,  un  pinson  mâle,  etc.  Fond 
brun. 

Ce  tableau  bien  composé  est  remarquable  par  sa  belle 
entente  du  clair-obscur,  sa  transparence  et  son  ton  argen- 
tin. Les  fruits  et  les  animaux  y  sont  exécutés  avec  une 
égale  perfection,  mais  la  palme  revient  toujours  aux 
poissons.  En  offrant  ce  chef-d'œuvre  à  la  ville  d'Anvers, 
pour  en  enrichir  son  musée,  la  société  Artibus  Patrice  a 
eu  le  bonheur  de  réunir  en  un  seul  cadre  tous  les  genres 
dans  lesquels  Adriaenssen  s'est  distingué. 

L'auteur  de  cette  biographie  possède  aussi  un  tableau 
et  une  étude  de  ce  maître.  Le  premier  représente  des 
objets  inanimés.  Sur  un  tapis  bleu  est  posé  un  plateau 


d'argent,  dans  lequel  sont  étalés  deux  artichauts,  dont 
l'un  est  découpé  :  un  couteau  au  manche  richement 
orné,  qui  a  servi  à  cette  opération,  est  placé  sur  ce  pla- 
teau. On  remarque  plus  loin  une  belle  cruche  de  grès 
avec  son  couvercle  d'étain,  un  verre  délicatement  ouvragé 
et  rempli  aux  trois  quarts  de  vin  rouge,  un  second  verre 
vide  est  posé  à  côté  du  premier,  un  vase  d'argent  finement 
ciselé  et  dont  le  pied  est  orné  de  deux  figurines.  Près 
de  Là,  un  rafi'aîchissoir  de  cuivre  jaune,  également  ciselé, 
et  reposant  sur  des  pattes  de  lion,  rempli  en  partie  d'eau, 
et  dans  lequel  plonge  un  plant  d'artichauts.  Au  pied 
de  ce  vase,  un  petit  pain  blanc.  Fond  noir.  Ce  tableau 
très  transparent  et  finement  peint,  est  signé  ainsi  sur  la 
table  :  Alex.  Adriansenf.  164^. 

Notre  étude  représente  une  grive  et  un  martin-pêcheur, 
attachés  chacun  par  une  patte  à  une  ancre  à  quatre  cro- 
chets. Fond  brun  nuancé;  la  lumière  est  concentrée  sur 
la  grive.  Le  maître  a  été  satisfait  de  cette  œuvre  exécutée 
sur  papier,  actuellement  marouflé,  puisqu'il  l'a  signée  : 
Alex.  Adrieanssen  fecit.  Et  il  y  avait  de  quoi. 

Ces  signatures  de  l'artiste  prouvent  que,  comme 
plusieurs  autres  de  ses  contemporains,  il  n'était  pas  très 
sûr  de  l'orthographe  exacte  de  son  nom,  qui,  du  reste, 
n'a  jamais  été  écrit  avec  Vs  final,  que  quelques  auteurs 
y  ajoutent. 

Jacques  van  der  Sanden,  secrétaire  de  l'ancienne 
académie  royale  d'Anvers,  n'a  guère  connu  de  détails 
relatifs  à  notre  artiste.  Il  a  soupçonné  toutefois  que  la 
date  arbitraire  de  naissance,  1625,  indiquée  par  Jean- 
Baptiste  Descamps,  devait  être  avancée  de  quelques 
années.  Il  cite,  du  reste,  un  tableau  de  notre  peintre, 
représentant   du  gibier  mort,   des  bouteilles,  des  verres 


■52 


et  d'autres  objets  inanimés,  signé  :  Alex.  Aâriaenssen 
164'],  sans  en  indiquer  le  propriétaire. 

Corneille  de  Bie  mentionnant  Adriaenssen,  dans  son 
Guldcn  cabinet,  parmi  les  artistes  qui  vivaient  de  son 
temps,  van  der  Sanden  en  a  conclu  qu'il  existait  encore 
en  1662,  date  de  l'approbation  de  l'œuvre  de  l'artiste 
lierrois.  Nous  verrons  plus  loin  que  l'un  et  l'autre  auteur 
se  sont  trompés. 

Le  musée  de  Berlin  possède  trois  tableaux  de  notre 
maître,  dont  un  daté  de  1647;  la  collection  royale  de 
Madrid  en  a  quatre. 

Alexandre  Adriaenssen,  qui  fut  un  de  nos  artistes  les 
plus  féconds,  décéda  le  30  octobre  1661,  dans  sa  soixante- 
quinzième  année.  Il  fut  enterré  dans  l'église  de  S' Jacques, 
à  Anvers,  sous  la  pierre  sépulcrale  dé  son  aïeule  mater- 
nelle Hélène  Schyfeli,  qui  recouvrait  déjà  sa  sœur 
Hélène.  L'inscription  de  cette  pierre,  ornée  autrefois 
d'armoiries,  actuellement  usées,  est  ainsi  conçue  : 


D.  O.  M. 

Hier  leet  begraven  de  eerbare 
JovFFR.  Helexa  Schyfeli  van 

NoRENBVRCH   STERFT   DEN    13    MEERT   A.°    I595 

Helena  Adriaensen  dochter  van 
Emanuel  Adriaensen  sterft  den 
21  Unwari  A.°  léoo 

ENDE  DEN   EERSAMEN   AlEXANDER 

Adriaensen  sone  van  Emanuel 

Adriaensen  sterft  den 

30  ocTOBER  A.°  1661 

Bidt  voor  de  sielen  (i) 

(i)  Traduction  :  A  Dieu  très  bon,  très  grand.  Ici  est  enterrée  l'ho- 


23 


Corneille  de  Bie,  qui  n'a  su  aucune  particularité  de  la 
vie  d'Adriaenssen,  s'est  sagement  contenté  de  faire 
connaître  les  genres  dans  lesquels  il  s'exerçait,  Arnould 
Houbraken  ne  fliit  pas  même  mention  de  l'artiste,  et 
Campo  Weyerman  ne  dit  que  quelques  mots  des  sujets 
qu'il  affectionnait.  Descamps  supposa  arbitrairement  qu'il 
était  né  en  1625,  mais  il  avoua  ne  connaître  ni  le  lieu, 
ni  l'année  de  sa  mort.  Feu  notre  professeur  d'histoire  et 
ami,  Félix  Bogaerts ,  trouva  l'année  1685,  indiquée 
dans  nous  ne  savons  quel  livre,  comme  celle  du  décès 
d'Adriaenssen.  Il  réimprima  cette  fausse  date,  qui  fut  re- 
produite. Après  la  publication  du  tome  I  de  son  Esquisse 
d'une  histoire  des  mis  en  Belgique,  depuis  1640  jusqu'à 
1840,  que  lui-même  condamnerait  aujourd'hui  au  pilon, 
nous  avons  vu  l'unique  Alexandre  Adriaenssen  devenir 
une  double  personne,  qu'on  nomme  le  vieux  et  le  jeune. 
C'est  à  ce  dernier  qu'on  applique  la  date  de  naissance 
supposée  par  Descamps,  et  celle  de  décès  repubUé  par 
Bogaerts.  Le  vieux  a  été  donné  comme  élève  à  Artus 
van  Lacck;  on  nous  dit  qu'il  vivait  au  xvii^  siècle  et 
que  SCS  productions  ont  poussé  au  noir. 

Cette  critique  ne  saurait  s'appliquer  aux  tableaux  de 
notre  maître,  qui  étant  peints  avec  une  extrême  transpa- 
rence, peuvent  bien  avoir  subi  l'effet  des  crasses  du 
temps,  mais  ne  sauraient  avoir  noirci,  n'ayant  pas  été 
exécutés  sur  des  toiles,  panneaux,  etc.,  chargés  de 
mauvaises  préparations. 

norable  Demoiselle  Hélène  Schyfeli,  de  Nuremberg,  morte  le  13 
mars  de  l'an  1595.  Hélène  Adriaensen,  fille  d'Emmanuel  Adriaensen, 
décédée  le  21  janvier  de  l'an  1600.  Et  l'honorable  Alexandre 
Adriaensen  fils  d'Emmanuel,  mort  le  30  octobre  de  l'an  1661. 
Priez  pour  leurs  âmes. 


—   24  — 

Nous  croyons  inutile  de  démontrer,  après  ce  qui 
précède,  qu'Alexandre  Adriaenssen,  fils  de  Jacques, 
baptisé  dans  l'église  de  S^  Jacques,  à  Anvers,  le  17  mars 
1576,  n'a  de  commun  que  ses  nom  et  prénom  avec 
l'artiste   célèbre  à  qui  est  consacrée  cette  biographie. 


Sources  :  F.-J.  Fétis,  ouvrages  cités  ci-dessus,  au  mot  Adriaensen. — 
Registres  des  paroisses  d'Anvers,  conservés  à  l'état-civil  de  cette 
ville. — Ph.  Rombouts  et  Théod.  van  Lerius;Z,a  Li^gerenet  autres 
archives  historiques  de  la  gilde  aiiversoise  de  Saint  Luc,  sous  la  devise  : 
Wt  ionsten  versaemt,  tome  I,  pp.  399,  460  et  471.  tome  II,  pp.  41 
et  44.  —  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  province 
d'Anvers,  églises  de  S^  Jacques,  de  5«e  IValhurge  et  de  S^  Georges, 
p.  160.  —  C.  Kramm  :  Aanhangsel,  etc. 


4-$-$-$-$-$'v$'^#'^^^$-$^^^^4'4' 


Théodore  AENVANCK 

(en  flamand  Theodoor  AENVANCK) 

(1633-1...  ?). 


|oici  un  peintre  inconnu  à  tous  les  rédacteurs  de 
^  '  dictionnaires  et  de  vies  d'artistes,  et  qui  n'en 
^^^^^  mérite  pas  moins  d'occuper  une  bonne  place 
parmi  nos  maîtres  du  xvii^  siècle.  Avant  de  nous  occuper 
de  lui  spécialement,  nous  allons  faire  connaître  sa  famille. 
François  Aenvanck  et  Anne  Brouwers,  qui  est  aussi 
parfois  nommée  de  Brouwer,  se  marièrent  à  Anvers, 
dans  la  cathédrale  (quartier  nord)  le  23  mars  1625.  Ils 
eurent  pour  témoins  Théodore  Aenvanck  (i)  et  Henri 
BroLuvers  ou  de  Brouwer,  sans  doute  leurs  pères.  Leur 
union  donna  le  jour  aux  six  enfants  suivants,  qui  furent 
tous  tenus  sur  les  fonts  baptismaux  du  même  quartier  de 
Notre-Dame  :  1°  Marguerite,  le  15  décembre  1625,  par 
Théodore  Aenvanck  et  Marguerite  Brouwers;  2°Rebecque, 
le  30  mars  1628,  par  Henri  Brouwers,  le  vieux,  et 
Rebecque  Essincx  ;  3°  Jacques,  le  9  juin  1630,  par 
Jacques  Brouwers  et  Elisabeth  de  Graci  ;  4°  Susanne,  le 
24  février  1632,  par  Marcel  Librechts  et  Susanne  Cools; 

(i)  Le  teste  dit  :  Dieric,  mot  qui  signifie  parfois  Thierry  ;  mais 
que  nous  traduisons  ici  par  Théodore,  après  avoir  comparé  entre  eux; 
tous  les  actes  qui  concernent  la  famille  Aenvanck. 


—   26   — 

5°  notre  Théodore,  le  30  novembre  1633,  par  Théodore 
Aenvanck  et  Marie  Peeters  ;  6°  Marie,  le  3  août  1636, 
par  Guillaume  Plesant  et  Marguerite  van  Eyck.  Elle 
épousa  le  8  octobre  1667,  dans  la  cathédrale  (quartier 
sud),  Godefroid  Jouret.  Ce  mariage  eut  pour  témoins 
Théodore  Aenvanck,  frère  de  la  fiancée,  et  Nicolas  a  la 
Barbe.  Le  nom  de  ce  dernier  et  celui  de  Marcel  Librechts, 
parrain  de  Susanne  Aenvanck,  qui  appartenaient  tous 
deux  à  des  familles  considérées  de  notre  ville,  nous  font 
croire  que  les  Aenvanck  jouissaient  de  l'estime  pubHque  (i). 

Théodore,  notre  artiste,  fut  inscrit  comme  apprenti 
peintre,  dans  la  gilde  de  S'  Luc,  en  1647- 1648  ;  il  avait 
alors  de  14  à  15  ans.  Malheureusement  le  peintre 
Matthieu  Musson,  le  vieux  doyen,  à  cette  époque,  a 
négligé  de  nous  apprendre  le  nom  de  son  maître.  Nous 
croyons  toutefois  probable  qui  celui-ci  ne  fut  autre  que 
le  célèbre  Jean  de  Heem.  Aenvanck  ne  fut  admis  à  la 
franchise  de  la  corporation  qu'en  1 669-1 670,  lorsqu'il 
avait  atteint  l'âge  de  36  à  37  ans.  Cela  fait  supposer, 
à  bon  droit,  qu'il  avait  fait  entretemps  un  voyage,  afin 
de  se  perfectionner  dans  son  art  (2). 

Théodore  Aenvanck  épousa  le  15  mars  1671,  dans  la 
cathédrale  (quartier  nord),  Marie  Michielsens,  en  pré- 
sence de  Jean  Biesmans  et  de  Nicolas  Michielsens.  Les 


(i)  Ce  Marcel  Librechts  fut  successivement  aumônier  (1654), 
receveur  (1661-1662)  et  trésorier  (1663-1666)  d'Anvers.  Il  avait 
épousé  Marie  de  Scliott,  qui  mourut  le  30  septembre  1662.  Il  la 
suivit  dans  la  tombe,  le  22  mai  1689.  Inscriptions  funéraires  et 
monumentales  de  la  province  d'Anvers,  Anvers,  église  cathédrale,  p.  261. 

(2)  Les  Liggeren  et  autres  archives  historiques  de  la  gilde  de  5*  Luc, 
transcrits  et  annotés  par  Pu.  Rombouts  et  Th.  van  Lerius,  avocat, 
t.  II,  pp.  189,  190,  394,  398. 


—  27  — 

tuturs  avaient  obtenu  la  dispense  de  deux  bans  et  du 
temps  clos. 

Ils  eurent  trois  enfants  :  les  deux  premiers  furent 
tenus  sur  les  fonts  baptismaux  dans  le  même  quartier  de 
Notre-Dame,  le  dernier,  à  S'  André.  i°  Théodore,  le 
23  avril  1672,  par  Pierre  van  der  Ast,  négociant  (i),  et 
Marguerite  Aenvanck,  tante  de  l'enfant  ;  2°  Abraham,  le 
20  avril  1674,  par  Abraham  de  Setter,  qui  reçut  en 
1687- 1688,  la  franc-maîtrise  de  S'  Luc,  en  quaHté  de 
fils  de  maître  et  de  marchand  d'œuvres  d'art  (2),  et 
Anne  de  Pooter  ;  3°  Madeleine,  le  3  mars  1676,  par 
Pierre  Auwelier,  artiste-peintre  (3),  et  Madeleine  Michiel- 
sens. 

Nous  ignorons  la  date  du  décès  de  Théodore  Aenvanck  ; 
les  comptes  de  S*  Luc  ne  mentionnent  pas  la  recette  de 
sa  dette  mortuaire. 

C'est  un  tableau  peint  sur  toile  et  appartenant  à  M. 
van  Cutsem-Motyn,  vice-président  du  Tribunal  de 
première  instance  d'Anvers,  qui  nous  a  révélé  le  talent 
de  notre  maître.  En  voici  la  description.  Au  milieu  d'une 
table  couverte  d'un  tapis  de  couleur  verdâtre  foncée,  est 
posé  un  plat  d'argent  chargé  de  quatre  abricots,  dont 
trois  picotés  ;  près  de  là,  d'autres  abricots,  des  prunes 
bleues  et  une  grappe  de  raisins  blancs.  A  droite,  un 
melon  entamé,  un  autre  melon  et  des  prunes  rouges, 
dont  une  attachée  à  une  branche,  un  citron  découpé  et 

(i)  Il  décéda  le  2  novembre  1676  et  fut  inhumé  dans  la  cathédrale. 
Inscriptions  citées,  ibid.,  p.  30S. 

(2)  Liggeren  cités,  t.  II,  pp.  521,  529. 

(3)  Apprenti  peintre  en  165 8- 165 9,  chez  Josse  Danieel,  franc- 
maître  en  1669- 1670,  la  même  année  que  Théodore  Aenvanck. 
Liggeren,  t.  II,  pp.  295,  297,  394,  398. 


—   28    — 

une  huître  ouverte.  Plus  loin,  une  corbeille  renfermant 
des  abricots,  des  pêches,  des  raisins  rouges  et  blancs. Les 
pèches  se  détachent  sur  une  draperie  bleue  foncée. 

On  distingue  au-dessus  de  ces  fruits,  des  feuilles  de 
vigne,  de  lierre  et  de  prunier,  à  ces  dernières  adhèrent 
quelques  prunes.  Des  papillons  sont  posés  sur  les  branches; 
un  d'eux  voltige  entre  celles-ci. 

Ce  tableau  de  chevalet  qui  se  distingue  par  sa  trans- 
parence, est  peint  sur  un  de  ces  fonds  noirâtres  qu'affec- 
tionnaient nos  anciens  peintres  de  fleurs  et  de  fruits,  pour 
foire  mieux  ressortir  leurs  compositions.  C'est  une 
production  de  talent  dans  laquelle  on  remarque  surtout 
la  fcicture  des  raisins  blancs,  du  melon  entamé,  de 
l'huître  et  des  feuilles,  parmi  lesquelles  en  excellent  une 
de  vigne  et  une  de  lierre. 

Cette  belle  peinture  est  signée  :  Thcodoor  Aenvanck 
1653.  On  a  lu  parfois  1658,  mais  nous  croyons,  après 
vérification,  que  la  première  date  est  exacte.  L'artiste 
avait  20  ans,  à  cette  époque  ! 

Il  est  heureux  que  cette  toile  n'ait  pas  passé  par  les 
mains  de  certains  marchands  d'objets  d'art,  car  ces 
fripons  en  auraient  indubitablement  fait  enlever  la  signa- 
ture, pour  la  vendre  comme  l'œuvre  de  Jean  de  Heem. 
La  description  des  tableaux  du  prince  Liechtenstein,  à 
Vienne,  signale  en  ces  termes  laconiques,  une  seconde 
production  de  notre  maître  :  «  Différentes  sortes  de 
raisins,  avec  des  huîtres  à  côté.  Peint  sur  toile,  haut  14 
pouces,  sur  10  de  largeur  (i)  ». 

(i)  Description  des  tableaux  et  des  pièces  de  sculpture,  que  renferme  la 
galerie  de  Son  Altesse  François-Joseph,  chef  et  prince  régnant  de  la  maison 
de  Liechtenstein,  etc.,  etc.  Vienne,  1780,  p.  41,  n"  98.  L'auteur 
anonyme  de  ce  livret  a  lu  Aenvanick  au  lieu  d' Aenvanck. 


—  29   — 

Théodore  Aenvanck  étant  resté  inconnu  jusqu'à  ce 
jour,  était  un  des  artistes  que  M.  Philippe  Rombouts  et 
nous  aurions  dû  éliminer  des  Liggeren,  d'après  le  conseil 
qui  nous  en  a  été  donné  publiquement  (i).  Plus  nous 
travaillons  aux  biographies  des  peintres,  plus  nous  sentons 
l'imprudence  impardonnable  que  nous  aurions  commise, 
en  suivant  de  semblables  errements. 

Nous  ne  doutons  pas  qu'Aenvanck  ait  pratiqué  la 
peinture  des  fleurs  ;  mais  nous  ignorons  s'il  a  cultivé 
encore  d'autres  genres.  (2) 

(i)  Préface  des  Liggeren,  t.  I,  p.  11. 

(2)  Cette  notice  est  datée  du  13  décembre  1872. 


€»€5*€5&  €5^  €-2*  f->€2^€5^ 


Henri-Joseph  ANTONISSEN 

(en  flamand  Henricus-Josephus  ANTONISSEN) 

(1737-1794.) 

îç2^=^?^elchior  Antonisscn,    né   à  Anvres,    en  1697  et 


h;k 


^Marguerite-Thérèse  Mocrcnhout,  qui  vit  le  jour, 
;^^vers  la  même  époque  i  Hemixem,  village  des 
environs  de  cette  ville,  furent  les  parents  de  l'artiste 
dont  le  nom  se  trouve  en  tête  de  cette  biographie.  Ils 
s'étaient  mariés  dans  la  cathédrale  d'Anvers,  quartier 
sud,  le  13  février  1730.  C'étaient  des  boutiquiers  aisés, 
dont  naquirent  sept  enfants,  qui  furent  tous  baptisés 
dans  le  même  quartier  de  l'église-mère  de  notre  ville. 
1°  Corneille,  le  16  janvier  1732;  2°  Marie-Cornélie,  le 
15  octobre  de  ladite  année  ;  3°  Jean-Baptiste,  le 
7  novembre  1733  ;  4°  Pierre-Joseph,  le  29  janvier  1735. 
Celui-ci  entra  dans  l'ordre  de  S'  Dominique,  fut  revêtu 
du  titre  de  docteur  en  théologie  et  remplit  les  fonctions 
de  prieur  de  son  couvent  et  de  préfet  de  la  confrérie  du 
S*  Rosaire.  C'était  un  prédicateur  de  mérite,  comme  le 
prouvent  ses  sermons  et  ses  méditations,  souvent  réim- 
primés, et  que  distinguent,  d'après  feu  M.  le  baron 
Jules  de  Saint  Génois,  «  un  style  généralement  élevé, 
assez  pur  et  exempt  de  gallicismes  » .  Il  décéda  le  i  mars 
1808;  5"  Henri-Joseph,  peintre-graveur,  le  9  juin  1737; 
parrain,  Henri  Huysmans,  marraine,  Madeleine  Kockaert  ; 


j 


—  31  — 

6°   Marie-Thérèse,   le   30  avril  1740;    7°  Melchior,    le 
17  juin  1742. 

Henri-Joseph  Antonissen  fut  reçu,  en  175 2- 1753,  dans 
l'atelier  du  peintre  Balthazar  Bcschey,  le  vieux  ;  il  en 
sortit  franc-maître  de  la  gilde  de  S'  Luc,  en  1755-1756, 
et  fut  proclamé,  le  9  mars  1758,  premier  du  cours  de 
dessin  d'après  le  modèle  vivant,  ouvert  à  l'académie 
d'Anvers,  le  10  octobre  1757,  et  qui  avait  été  fréquenté 
par  cinquante  et  un  concurrents. 

La  chambre  de  rhétorique  le  Rameau  d'Olivier  (Olijftah), 
unie  à  la  gilde  de  S'  Luc,  ayant  repris,  en  1761,  ses 
exercices  dramatiques,  Antonissen  y  remplit  les  premiers 
rôles  dans  plusieurs  comédies. 

Un  des  débuts  du  maître  dans  la  peinture  fut  un 
tableau  d'autel,  destiné  à  une  église  de  l'ordre  des 
Dominicains,  qu'il  exécuta  du  temps  que  son  frère 
Pierre-Joseph  était  lecteur  en  philosophie  au  couvent 
d'Anvers.  L'artiste  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  que  son 
talent  ne  l'appelait  pas  à  représenter  les  figures  de 
grandeur  naturelle,  mais  trouvait  un  aliment  plus  con- 
venable dans  la  reproduction  des  paysages.  C'est  pourquoi 
il  se  rendit  aux  champs  et  se  mit  à  dessiner  les  beaux 
sites  qu'arrose  la  Meuse,  et  les  parties  boisées  de  sa 
patrie.  Ses  premiers  essais  dans  ce  genre  ayant  attiré  sur 
lui  l'attention  des  connaisseurs,  il  fut  appelé  en  1762- 
1763,  à  remphr  les  fonctions  de  doyen  de  la  gilde  de 
S'  Luc.  Antonissen  fut  attaché  en  1765  à  l'académie  de 
sa  ville  natale  en  qualité  de  sous-directeur  et  consentit 
à  y  domier  à  tour  de  rôle,  avec  quatre  autres  anciens 
premiers,  les  leçons  de  dessin,  d'après  les  modèles  de 
plâtre,  leçons  interrompues  depuis  trente  ans  environ.  Il 
voulut  bien,  l'année  suivante,  reprendre  ce  cours  gratuit. 


—  32  — 

dans  lequel  il  était  secondé  cette  fois,  par  six  anciens 
lauréats. 

L'artiste  avait  épousé  entretemps,  le  4  novembre  1765, 
dans  la  cathédrale,  quartier  nord,  avec  dispense  d'un 
ban,  Catherine-Joséphine  Raeydemaeckers,  fille  de  Gas- 
pard-Joseph et  de  Jeanne-Marie  Quinar,  baptisée  à 
S'  Jacques,  le  27  juin  1735.  Elle  avait  par  conséquent 
dépassé  la  trentaine,  quoique  l'acte  de  mariage  la  dit 
âgée  de  vingt-huit  ans,  comme  son  conjoint.  La  femme 
d'Antonissen  était  veuve  de  Pierre-Barthélémi  van  Alten, 
décédé  d'après  son  inscription  sépulcrale,  dans  l'église 
des  Dominicains,  à  Anvers,  le  7  juillet  de  la  même 
année  1765.  Elle  donna  le  jour  à  huit  enfants  dont  les 
deux  premiers  furent  baptisés  dans  la  cathédrale,  quartier 
nord,  et  les  autres  à  S'  Jacques  :  1°  Jeanne-Catherine- 
Joséphine,  le  6  août  1766  ;  2°  André-Engelbert-Xavier, 
le  29  août  1767;  nous  en  reparlerons;  3°  Catherine- 
Jeanne-Marie,  le  15  décembre  1768;  4°  Marie-Thérèse, 
le  14  janvier  1770;  5°  Jacques-Jean,  le  8  février  1772; 
6°  Françoise-Jacqueline,  le  14  mars  1773  ;  7°  Isabelle- 
Joséphine,  le  25  avril  1774;  S''  Thérèse-Jeamie,  le 
13  juillet  1776. 

Antonissen  se  fit  recevoir  dans  la  sodalité  des  mariés, 
dirigée  par  les  jésuites  d'Anvers  ;  il  fut  nommé  consulteur 
de  cette  congrégation,  le  28  mai  1767,  et  son  mandat 
fut  renouvelé  le  12  mai  de  l'année  suivante. 

Ce  maître  peignit  le  paysage  avec  un  talent  remar- 
quable ;  il  l'étoffa  de  bétail,  dont  il  avait  appris  à  bien 
saisir  les  allures  et  à  rendre  la  structure  et  la  robe.  Nous 
pouvons  signaler  comme  un  exemple  de  son  application 
à  cet  égard,  une  étude  de  notre  collection,  qui  représente 
une  tête  de  mouton  reproduite  dans  sept  poses  différentes. 


—  33  — 

avec  beaucoup  d'originalité.  Le  maître  réussissait  moins 
bien  dans  la  représentation  de  la  figure  humaine,  à  moins 
qu'il  ne  la  peignit  dans  de  très  minimes  proportions. 

Ses  tableaux  représentent  des  chasses,  des  pêches  et 
d'autres  occupations  champêtres,  parfois  aussi  des  scènes 
de  l'histoire  sacrée  et  profane,  qu'il  lisait  assidûment, 
soit  en  flamand,  soit  en  français,  car  il  avait  appris  cette 
langue,  chose  assez  rare  à  cette  époque. 

A  en  juger  par  une  aquarelle,  peinte  en  1767  et  qui 
orne  le  livre  à  dessins  (Printboeli)  de  la  confrérie  de 
l'administration  des  malades,  dite  :  Viertiendaegsche- 
Berechting,  à  S^  Jacques,  Antonissen  n'avait  guère  de 
vocation  pour  la  représentation  des  sujets  sacrés.  Celui 
qui  nous  occupe,  nous  fait  voir  le  Sauveur  qui  remet  à 
S*  Pierre  les  clefs  du  royaume  des  cieux,  en  présence 
des  autres  apôtres.  Quoique  quelques-unes  des  figurines 
qui  composent  ce  groupe  laissent  beaucoup  à  désirer,  il 
serait  injuste  de  dénier  toute  espèce  de  mérite  ci  celles 
qui  les  entourent,  mais  de  l'ensemble  résulte  la  convic- 
tion que  l'auteur  n'était  guère  appelé  à  reproduire  les 
événements  de  l'histoire  sainte.  Par  contre,  le  ciel  et  un 
paysage  rocailleux,  qui  ornent  cette  aquarelle,  sont  peints 
avec  talent  et  donnent  une  idée  avantageuse  du  maître. 

Antoine  Varendonck,  cinquante-unième  abbé  de  S' 
Michel,  à  Anvers,  décédé  le  8  décembre  1771,  fut  un 
des  protecteurs  de  notre  artiste.  A  l'époque  où  ce  prélat 
faisait  disposer  en  meilleur  ordre  le  magnifique  cabinet 
de  tableaux  de  son  abbaye,  il  s'enquit  d' Antonissen,  non 
sans  un  certain  air  de  méfiance,  s'il  oserait  entreprendre 
l'exécution  d'un  paysage  qui  servirait  de  pendant  à  un 
chef-d'œuvre  de  Jacques  Xavery.  Le  maître  répondit 
respectueusement  par  l'affirmative  et  son  tableau  ayant 

3 


—  34  — 

été  achevé,  fut  placé  à  côté  de  celui  de  Xavery  et 
surpassa  tellement  l'attente  qu'on  en  avait  conçue,  que 
Varendonck  lui  paya  un  prix  plus  considérable  que 
la  soniine  promise,  lors  de  leur  première  entrevue. 

En  ce  temps-là  les  belles  tentures  de  cuirs  dorés  étant 
passées  de  mode,  plusieurs  amateurs  les  remplacèrent 
par  des  séries  de  tableaux,  qu'ils  commandèrent  à  nos 
artistes  et  qui  prenant  naissance  à  quelques  pieds  de  terre, 
couvraient  les  murs  de  leurs  appartements  jusque  près 
des  voûtes. 

Surchargé  de  travail,  Antonissen  refusa  en  1769  de 
peindre  dans  un  de  ces  salons,  des  paysages  qu' André- 
Corneille  Lens  aurait  étoffés  de  figures.  Il  consentit 
néanmoins  à  orner  de  vues  champêtres,  animées  de  sujets 
de  sa  composition,  une  grande  chambre  de  la  maison, 
rebâtie  depuis,  de  M.  Pierre-M.-J.  de  Bruyn,  aumônier, 
à  Anvers. 

Tandis  que  les  œuvres  du  maître  étaient  fortement 
recherchées,  il  admit  dans  son  atelier  plusieurs  élèves  à 
qui  il  domiait  à  préparer  les  fonds  de  ses  tableaux  et  qu'il 
faisait  aussi  travailler  d'après  ses  esquisses.  C'est  à  cette 
époque  qu'ayant  résolu  d'embeUir  ses  œuvres  de  bétail 
à  cornes,  il  alla,  pendant  l'été,  étudier  d'après  nature, 
dans  les  prairies.  Il  avait  achevé  quelques  tableaux  dans 
ce  genre,  en  1772,  lorsqu'il  reçut  la  visite  d'un  seigneur 
français,  qui  lui  donna  un  bon  prix  d'une  toile  représen- 
tant trois  bêtes  à  cornes  et  deux  figurines  humaines. 
L'auteur  expédia  cette  peinture  en  France,  après  en  avoir 
fait  tirer  une  copie  par  Balthazar-Paul  Ommeganck,  son 
meilleur  élève. 

Antonissen  fut  nommé  pour  la  seconde  fois  doyen  de 
la  gilde  de  S*  Luc  en  1772- 1773.  L'impératrice  Marie- 


—  35  — 

Thérèse  ayant,  par  son  règlement  du  20  mars  de  cette 
dernière  année,,  détruit  l'antique  organisation  de  la  dite 
corporation,  en  dispensant  les  artistes  d'en  faire  partie, 
notre  maître  se  considérant  comme  déchargé  de  ses 
fonctions,  fit  présenter  requête  au  magistrat  d'Anvers, 
à  l'effet  de  pouvoir  rendre  compte  de  son  administration. 
Cette  demande  fut  accueillie,'et  sa  gestion,  qui  clôturait 
par  un  boni,  approuvée  le  4  juin  de  la  même  année. 
Nous  regrettons  que  l'artiste  ait  mis  tant  de  hâte  à  se 
retirer  d'un  corps  si  illustre  et  qui  avait  jeté,  pendant 
trois  siècles,  tant  d'éclat  sur  sa  ville  natale.  Il  se  peut, 
du  reste,  que  la  multitude  de  ses  occupations  ne  fut  pas 
étrangère  à  cette  détermination. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  peinture  que  le  maître  avait 
envoyée  en  France,  ayant  été  vue  à  Paris  par  plusieurs 
amateurs  et,  entre  autres,  par  M.  Boullogne,  conseiller 
d'Etat  du  roi  Louis  XV,  cette  œuvre  d'art  conquit  leurs 
suffrages.  M.  Boullogne  en  conçut  même  le  désir  de 
posséder  quelques  productions  d'Antonissen  et  lui  fit 
commander  deux  tableaux  de  chevalet,  par  l'entremise 
de  M.  Jean-Augustin  van  der  Cruyce,  qui  fut  plus  tard 
second  bourgmestre  (binnen-burgemeestcr)  d'Anvers.  Cette 
demande  ayant  été  satisfaite,  Antonissen  fut  honoré  de 
la  lettre  suivante,  dont  la  copie  nous  a  été  conservée 
par  Jacques  van  der  Sanden,  le  secrétaire  de  l'ancienne 
académie  d'Anvers  : 

«  A  Paris,  ce  8  juin  1773. 

»  Vos  tableaux,  Monsieur,  ont  été  vus  avec  plaisir. 
Je  suis  chargé  de  vous  en  demander  quatre,  dont  deux 
pour  le  père  de  M""  de  Boullogne,  qui  a  épousé  cette 
année  à  Bruxelles  M"^  Walkiers  ;  et  deux  pour  Madame 


-36- 

GeofFrin,  l'amie  de  tous  nos  artistes  français.  M""  van 
der  Cruyce  a  dû  vous  prévenir  à  ce  sujet.  J'ai  désiré 
aussy,  que  si  votre  tems  vous  permettoit  de  me  faire 
deux  tableaux  d'après  nature  de  quelques  paysages  de 
Flandre  auprès  de  votre  ville^  cela  me  ferait  très  grand 
plaisir.  J'en  ai  encore  un  autre  à  vous  demander.  J'ignore 
s'il  y  a  beaucoup  de  dessins  originaux  de  l'école  des 
Pays-Bas  du  dernier  siècle  dans  les  cabinets  des  ama- 
teurs. Si  vous  pouviés  à  quelques  ventes  ou  autrement 
m'en  procurer  successivement  une  douzaine,  soit  paysage, 
soit  marine  ou  autres,  je  vous  serois  sensiblement  obligé. 
J'espère  vous  procurer  d'autres  occasions  de  faire  con- 
naître vos  talents,  il  me  reste  à  vous  remercier  de  les 
avoir  employés  pour  moy.  ...  et  à  vous  renouveler  les 
assurances  de  tous  les  sentiments  distingués  avec  lesquels 
je  suis,  Monsieur,  votre  très-humble  et  très-obéissant 
serviteur, 

BOULLOGNE. » 

L'artiste  reçut  vers  cette  époque  la  visite  du  comte 
de  Neny,  chef  et  président  du  conseil  privé,  qui  admira 
chez  lui  deux  tableaux  d'environ  cinquante  pouces  de 
hauteur  sur  à  peu  près  quarante  de  largeur,  qu'il  venait 
de  terminer  pour  M.  François-Emmanuel  van  Ertborn, 
d'Anvers.  Il  les  avait  exécutés  sur  du  coutil  préparé  à 
cet  effet,  au  heu  de  toile,  qu'il  considérait  comme  moins 
solide  et  plus  sujette  à  se  fendre.  Antonissen  en  vint 
aussi  à  ne  plus  peindre  sur  bois,  parce  que  de  son 
temps,  les  panneaux  se  tordaient  parfois  ou  que  leurs 
jointures  se  décollaient.  Ces  réflexions  du  maître  ne 
prouvent  pas  en  faveur  des  fabricants  chez  lesquels  les 
peintres  de  la  fin  du  dix-huitième  siècle  étaient  obhgés 


—  37  — 

de  se  fournir  des  objets  les  plus  indispensables  à  l'exer- 
cice de  leur  art. 

L'archiduc  Maximilien-Joscph  d'Autriche ,  s'ctant 
rendu,  en  1774,  dans  les  Pays-Bas  méridionaux,  arriva 
en  juillet  dans  la  ville  d'Anvers.  Il  honora  de  sa  visite 
le  27  de  ce  mois,  les  salons  de  la  gilde  de  S*  Luc  et  de 
l'académie  dans  lesquels  avaient  été  exposés  des  œuvres 
de  Martin-Joseph-Jean  Geeraerts,  le  célèbre  peintre  de 
bas-reliefs,  de  Balthazar  Beschey,  le  vieux,  d'André- 
Corneille  Lens,  et  de  Henri  de  Cort.  Antonissen  y  a\ait 
envoyé  quelques  paysages,  étoffés  de  bétail  et  de  figu- 
rines, qui  lui  valurent  des  félicitations,  dont  une  annonce 
d'acquisition  eût  doublé  le  prix. 

Le  maître  exécuta  en  1779,  un  tableau  qui  appar- 
tient actuellement  à  M.  Pierre-Corneille  Ommeganck 
d'Anvers,  fils  du  célèbre  peintre  Balthazar-Paul.  Il 
représente  un  paysage,  à  l'avant  plan  duquel  se  trouvent 
trois  moutons^  un  bouc  et  un  bœuf.  On  remarque  non 
loin  de  là  un  homme  en  conversation  avec  une  femme 
assise,  qui  donne  le  sein  à  son  enfant.  Derrière  ce 
groupe,  un  monticule  sur  lequel  est  bâtie  une  maison- 
nette, et,  au  fond  de  ce  côté  un  homme  vu  à  mi-corps 
et  en  train  de  gravir  cette  éminence.  A  la  gauche  du 
tableau,  une  rivière  dans  laquelle  se  mirent  une  maison 
et  des  arbres;  dans  le  lointain,  également  à  gauche,  un 
champ  légèrement  boisé. 

Cette  œuvre  d'art  est  exécutée  d'une  façon  très-trans- 
parente, le  ciel  en  est  peint  avec  beaucoup  de  légèreté 
et  le  paysage  en  est  très-méritant.  Les  moutons  et  le 
bouc  ne  manquent  pas  de  valeur  artistique,  mais  sont 
inférieurs  à  ceux  que  produisit  Ommeganck.  Les  pro- 
portions du   bœuf  laissent  quelque   peu   à  désirer.  Le 


-  38- 

groupe  des  figurines  humaines  est  inférieur  aux  ani- 
maux, surtout  la  femme  assise  ;  par  contre,  le  petit 
homme  qui  gravit  le  monticule  est  très-prestement  en- 
levé. Le  tableau  est  signé  en  toutes  lettres  et  daté  de  la 
dite  année  1779.  Nous  souhaitons  au  Musée  d'Anvers, 
qui  ne  peut  montrer  aucune  œuvre  du  maître,  d'en 
posséder  quelque  jour  une  de  ce  mérite. 

Nous  avons  déjà  fait  la  remarque  que  la  représentation 
de  l'homme  est  la  partie  faible  du  talent  d'Antonissen. 
Il  y  a  cependant  des  exceptions  à  cet  égard,  témoin, 
entre  autres,  une  étude  d'après  nature  qui  nous  appar- 
tient et  qui  représente  un  jeune  campagnard  debout,  la 
tête  coiffée  d'un  chapeau,  chaussé  de  guêtres  et  dont  le 
bras  droit  repose  sur  un  bâton.  Ce  dessin  est  adroite- 
ment exécuté. 

Antonissen  visita  Paris,  où  il  laissa  de  ses  œuvres  ;  il 
en  orna  aussi  les  cabinets  des  amateurs  d'Amsterdam, 
qu'il  visita  souvent  et  de  diverses  villes  de  Hollande  et 
d'autres  pays. Elles  représentaient  des  rochers,  des  chutes 
d'eau,  des  bois  et  des  vallons,  pris  aux  bords  de  la 
Meuse  et  dans  d'autres  sites  de  sa  patrie. 

Le  maître  a  peint  quelquefois  d'après  nature  des 
fleurs  et  des  fruits.  Il  a  gravé  aussi  avec  talent  à  l'eau- 
fortc,  entre  autres,  en  1767,  d'après  Albert  Cuyp,  un 
troupeau  de  bœufs,  paissant  au  bord  d'une  rivière,  sur 
laquelle  voguent  plusieurs  embarcations.  Il  exécuta  éga- 
lement à  l'eau-forte,  la  même  année,  un  paysage  avec 
figures,  de  sa  composition.  Cette  œuvre  d'art  est  signée 
de  son  monogramme,  datée  et  numérotée  i. 

Antonissen  se  plaignit  un  jour  à  Jacques  van  der  San- 
den,  le  secrétaire  de  l'ancienne  Académie,  que,  dans  sa 
jeunesse,  on  ne  lui  avait  pas  implanté  suflisamment  les 


-  39  — 

principes  de  son  art.  Il  ne  suffit  pas,  faisait-il  observer, 
que  les  maîtres  vous  disent  :  ôtez  ceci,  ajoutez  cela  ;  ce 
sont  les  cléments  qu'il  s'agit  de  bien  inculquer  aux 
élèves,  et  il  se  félicitait  à  cette  occasion  des  améliora- 
tions qui  avaient  été  introduites  à  cet  égard  dans  l'en- 
seignement de  l'Académie  d'Anvers. 

Que  de  peintres  pourraient  s'appliquer  aujourd'hui 
ces  réflexions  d'Antonissen,  et  refaire,  comme  lui,  leur 
éducation  artistique,  s'ils  en  avaient  le  courage  !  Il  est 
vrai  qu'actuellement  nous  voyons  manier  le  pinceau  par 
des  gens  qui  n'ont  jamais  appris  à  bien  dessiner  ! 

L'artiste  décéda  peu  de  temps  après  la  conversation 
que  nous  venons  de  rapporter.  Quoique  sujet  à  des 
attaques  de  goutte,  il  n'en  continuait  pas  moins  à  tra- 
vailler activement  et  à  mener  une  vie  gaie  et  sobre, 
lorsqu'une  courte  maladie  l'enleva  le  4  avril  1794  à  onze 
heures  du  matin.  Il  fut  enterré  le  dimanche  suivant,  6 
du  même  mois,  dans  l'église  des  Dominicains.  Son 
inscription  sépulcrale  y  avait  été  préparée  avec  celle  de 
sa  femme,  sur  la  dalle  de  la  famille  du  premier  mari  de 
celle-ci.  Catherine-Joséphine  Raeydemaeckers,  qui  faisait 
le  commerce  des  soieries,  survécut  à  son  mari,  ainsi  que 
quelques-unes  de  ses  filles  et  son  fils  André-Engelbert- 
Xavier.  Celui-ci,  après  s'être  adonné  à  l'art  paternel, 
avait  fini  par  exercer  le  négoce  et  l'état  de  fabricant  de 
futaines. 

Antonissen  eut  plusieurs  élèves,  parmi  lesquels  nous 
avons  déjà  nommé  le  célèbre  Balthazar-Paul  Ommc- 
ganck,  qu'il  reçut  en  1767-1768.  Simon-Alexandre-Clé- 
ment Denis,  artiste  assez  médiocre,  et  Jacques-André- 
Joseph  Trachez,  fréquentèrent  également  son  atelier,  qui 
avait  été  ouvert,  en  1759-1760,  à  Jean-Baptiste  Ceurvorst, 


—  40  — 


en  1767-1768,  ;i  Henri  Blomacrts,  et  en  1772-1773,  à 
Ignace-Joseph  van  den  Berghe  ;  ce  dernier  se  fit  connaître 
comme  graveur.  Antonissen  forma  aussi  deux  peintres- 
amateurs,  dont  Tun  M.  Jean-Baptiste  van  Lancker  d'An- 
vers, a  possédé  un  superbe  cabinet  de  tableaux  qui  a 
été  dispersé  aux  enchères  pubHques,  en  1835.  Il  ren- 
fermait huit  peintures  de  son  ancien  maître,  dont  deux 
étaient  des  copies,  d'après  Jean  Wynants.  M.  van 
Lancker  y  était  aussi  représenté  par  douze  de  ses 
œuvres,  qui  n'étaient  pas  sans  mérite  et  parmi  lesquelles 
se  trouvaient  quatre  reproductions  de  compositions  exé- 
cutées par  des  maîtres  hollandais.  L'autre  amateur  à  qui 
nous  avons  fait  allusion,  était  un  membre  de  la  noble 
famille  de  Man,  également  né  à  Anvers  et  qui,  quoique 
sourd-muet  de  naissance,  passe  pour  avoir  peint  avec 
talent  des  paysages  et  des  vues  de  villes. 

Nous  avons  remarqué  récemment  que  des  auteurs 
écrivaient  le  nom  de  notre  artiste  de  la  façon  suivante  : 
Anthonissen.  C'est  une  erreur,  toutes  les  signatures  que 
nous  avons  relevées  portant  Antonissen  sans  h. 

Parmi  les  sources  auxquelles  nous  avons  puisé  pour 
la  rédaction  de  cette  biographie,  nous  devons  indiquer, 
en  premier  lieu,  le  manuscrit  de  Jacques  van  der  Sanden, 
le  secrétaire  de  l'ancienne  académie  d'Anvers,  intitulé  : 
Oud  Jionsttooneel  van  Antwerpen.  Nous  y  avons  trouvé  sur 
Antonissen  les  renseignements  les  plus  précieux.  Nous 
les  avons  fondus  dans  notre  travail  ;  mais  lorsque  l'au- 
teur, suivant  l'avis  de  quelques  enthousiastes  de  son 
temps,  allait  jusqu'à  mettre  l'artiste  en  parallèle  avec 
Paul  Potter  et  Jean  van  der  Heyden,  nous  lui  avons 
abandonné  ces  exagérations,  dont  Antonissen  pouvait  se 


—  41  — 

passer,  à  moins  qu'on  ne  prétende  qu'il   n'y   a   que   la 
première  place  qui  soit  honorable  (i). 

Sources  :  Registres  des  Paroisses  d'Anvers.  —  Archives  de  la  gilde 
de  St  Luc.  —  Registres  de  la  sodalité  des  mariés  ;  Jac.  van  dcr 
Sanden  :  Otid  hoiisUooiieel  van  Anhverpen,  vise.  —  Idem.  Gcdcnk- 
schrift  op  de  rcys  en  het  onthael  van  ;y«e  KonînMyke  Hoogheyd 
Maximiliaenus-Josephus ,  Aertshertog  van  Oostenryh,  coadjuteur  van 
het  Groot-Meesterschap  van  het  tentonih  Orden.  etc.,  etc.,  etc.,  68-yj, 
opuscule  imprimé  en  1774,  à  la  suite  de  ses  Bloyende  honsten  etc. 
—  Inscriptions  fimèraires  et  monumentales  de  la  province  d'Anvers. 
Anvers,  église  de  5'  Paul,  pp.  82  et  134.  —  Biographie  nationale, 
vocihis  :  Anthonissen,  Henri-Joseph  et  Pierre.  —  J.  B.  van  der 
Straelen  :  Jacrhoeh  der  vermaerde  en  hinstryhe  gilde  van  Sint  Lucas, 
binnen  de  stad  Antiuerpen. . . .  mitsgaders  van  de  Koniiildylce  Académie 
en^.  Autwerpen.  1855,  PP-  203,233,234,268,  278,  286.—  Ibidem 
nota  I. 


(i)  Cette  notice  est  datée  du  5  octobre  1869. 


^^^^y^y^^'*é^®sfe^'^^'^^^^^^^^W 


Jean  BLAKCKAERT 

(en  flamand  Hans  ou  jan  BLANCKAERT) 

(1590-16...?). 


n  a  vu  de  tout  temps  des  artistes  médiocres 
produire  des  élèves  qui  les  surpassèrent  infini- 
ment. En  a-t-il  été  ainsi  du  maître  de  Balthasar 
van  Cortbemde,  dont  le  musée  d'Anvers  possède  un 
tableau  remarquable,  représentant  le  Bon  Samaritain  9 
Faut-il  supposer  d'ailleurs  qu'un  peintre  allié  à  des  fa- 
milles, dont  les  chefs  se  sont  acquis  un  renom  durable 
dans  l'histoire  de  l'art  flamand,  n'était  lui-même  qu'une 
personnalité  insignifiante.  Le  peintre  de  qui  nous  voulons 
entretenir  ici  le  lecteur,  est  Jean  Blanckaert.  Nous  avons 
recherché  en  vain  son  nom  dans  les  catalogues  des  mu- 
sées et  des  anciennes  ventes  de  tableaux.  Mais  qui  sait 
si  quelque  jour  une  œuvre  remarquable  signée  de  sa 
main  et  mise  au  grand  jour,  ne  nous  permettra  pas  de 
saluer  en  lui  un  bon  maître  tombé,  comme  d'autres, 
dans  un  oubli  immérité  ? 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  le  résultat  des  recherches  que 
nous  avons  faites  relativement  à  celui  qui  enseigna  le 
manîment  du  pinceau  à  Balthasar  van  Cortbemde. 

Le  père  de  Jean  Blanckaert  s'appelait  Jean  comme 
lui  :  il  épousa,  dans  la  cathédrale,  le  15  octobre  1589, 
Marguerite  de  Roore.  Le  nom  de  cette  famille  fut  illus- 


—  43  — 

tré  plus  tard  par  Jacques-Ignace  de  Roorc,  l'auteur  des 
superbes  plafonds  qui  décorent  la  salle  du  conseil  com- 
munal d'Anvers. 

Jean  Blanckaert  fut  le  premier  né  du  mariage  de  ses 
parents  :  il  fut  tenu  sur  les  fonds  de  la  cathédrale,  le  5 
août  1590,  par  Michel  de  Roore  et  GuiHelmine  de  Smit. 
L'acte  de  baptême  nous  fait  connaître  que  l'enfant  avait 
vu  le  jour  à  Gand. 

Les  Liggeren  sont  muets  relativement  h  son  maître  et 
à  la  date  de  son  entrée  en  apprentissage.  Nous  y  Usons 
par  contre  qu'il  y  fut  inscrit  comme  franc-maître  peintre, 
en  1608- 1609  (i).  Il  avait,  à  cette  époque,  de  18  à 
19  ans. 

Jean  Blanckaert  épousa,  dans  l'église  de  S*^  Walburge, 
le  24  novembre  16 14,  Catherine  Christoffels  ou  Maryn. 
Ils  eurent  pour  témoins  Corneille  Mosselmans  et  Gérard 
de  Roore.  Leur  mariage  paraît  avoir  été  stérile  :  nous 
n'avons,  en  tout  cas,  découvert  aucun  enfant  qui  en  fût 
issu. 

Blanckaert  et  sa  femme  firent,  le  17  janvier  1615,  un 
testament  réciproque,  par  devant  le  notaire  Henri  van  Can- 
telbeck,  le  jeune.  Après  les  recommendations  ordinaires  à 
Dieu,  à  la  S*^  Vierge  et  à  tous  les  Saints,  le  prémourant 
d'entre  eux  y  lègue  5  sous  à  la  fabrique  de  l'évêché,  à 
Notre-Dame.  Ils  s'instituent  l'un  l'autre  héritier  universel, 
au  cas  où  ils  viendraient  à  décéder  sans  enfants,  avec 
obligation  de  remettre  aux  proches  parents  du  premier 
défunt  la  somme  de  50  florins,  pour  tous  droits  succes- 


(i)  Les  Lîs;gcrenet  autres  archives  historiques  de  la  gihle  anversoise  de 
Saint  Luc,  transcrits  et  annotés  par  Ph.  Rombouts  et  TiiiiOD.  Van 
Lerius,  avocat,  I,  447. 


—  44  — 

sifs.  S'il  existait  un  ou  plusieurs  enfants,  à  la  mort  de 
l'un  des  époux,  l'institution  universelle  n'en  devait  pas 
moins  être  maintenue,  mais  alors,  le  survivant  était 
chariîé  d'entretenir  et  d'élever  convenablement  le  ou  les 
descendants  encore  en  vie,  jusqu'à  ce  que  ceux-ci  fussent 
en  état  de  pourvoir  à  leur  subsistance.  Dès  que  ces  enfants 
auraient  embrassé  un  état  ou  atteint  l'âge  de  25  ans,' 
l'époux  encore  en  vie  était  tenu  de  leur  payer  entre  eux 
tous,  150  florins,  pour  leurs  droits  héréditaires,  paternels 
ou  maternels.  Cette  somme,  jointe  à  leurs  frais  d'alimen- 
tation, représentait,  d'après  la  déclaration  des  testateurs, 
au-delà  de  la  part  légitime  des  enfants  dans  la  succession 
du  prémourant.  Si  un  de  ceux-ci,  lors  de  la  dissolution 
du  mariage,  venait  à  décéder,  sans  avoir  embrassé  quelque 
état  ou  avoir  atteint  l'âge  de  25  ans,  celui  des  testateurs 
encore  en  vie  serait  son  héritier.  Seulement  il  était  tenu,, 
dans  ce  cas,  de  remettre  aux  proches  parents  de  cet 
enfant  50  florins,  à  partager  entre  eux  tous.  Enfin  le 
survivant  des  époux  était  nommé  tuteur  testamentaire 
des  enfants,  avec  droit  de  s'en  adjoindre  un  ou  plusieurs 
autres  (i). 

Le  6  juillet  1623,  Jean  Blanckaert  et  sa  femme,  qui 
était  malade,  à  cette  époque,  ajoutèrent  un  codicille 
à  leur  testament.  Nous  lisons  dans  cet  acte,  qui  fut 
reçu  par  le  même  notaire,  que  Catherine  Maryn  légua  à 
sa  mère  Jeanne  van  den  Broeck,  du  consentement  et  à 
l'intervention  de  son  mari,  toutes  ses  hardes  de  toile  et 
de  laine,  à  l'exception  de  son  jupon  de  lavander  ou 
linge  ouvré  de  Flandres,    qu'elle  laissait   à    Dymphne 


(i)  Protocoles  du  notaire  Henri  van  Cantelbcck,  le  jeune,  aux 
archives  de  la  ville  d'Anvers. 


—  45  — 

Adoltfs,  jeune  fille  demeurant  dans  son  voisinage,  à 
l'enseigne  de  la  Grande  oie.  Son  meilleur  manteau  (vlieger), 
et  toutes  ses  manchettes  étaient  exceptés  aussi  de  cette 
disposition   et  devaient  rester  la  propriété  de  son  mari. 

Catherine  Maryn  avait  prêté  à  sa  mère  200  florins  : 
elle  les  lui  légua,  outre  la  moitié  de  ses  épargnes,  {spaer- 
pot),  qui  montaient  à  la  somme  de  136  florins.  Après  le 
décès  de  Jean  Blanckaert,  Jeanne  van  den  Broeck,  ou, 
à  son  défaut,  l'enfant  ou  les  enfants  de  Jean  Maryn, 
frère  de  la  codicillatrice,  devaient  toucher  une  semblable 
somme  de  200  florins,  sans  que  l'artiste  fût  tenu  à 
quelque  caution  de  ce  chef.  L'église  de  S^^  Walburge  fut 
instituée  légataire  d'une  somme  de  12  florins,  de  même 
que  les  aumôniers,  en  faveur  des  pauvres  honteux  de  la 
ville  d'Anvers.  Après  avoir  disposé  de  50  florins,  pour 
l'exonération  de  messes  pour  le  repos  de  son  âme^  la 
codicillatrice  fit  élection  de  sépulture  en  l'église  des 
Augustins.  Enfin,  elle  et  son  mari  réduisirent  à  12  les 
50  florins  que  le  survivant  d'entre  eux  devait  remettre 
aux  proches  parents  du  prémourant. 

Cet  acte  fut  passé  dans  la  maison  des  codicillateurs, 
située  près  de  l'église  S'®  Walburge,  en  présence  d'Adrien 
Eynhoudts,  tonnelier,  père  du  célèbre  graveur  Rombaut 
Eynhoudts,  et  de  Michel  Heyns,  également  tonnelier,  et 
tous  deux  voisins  des  codicilateurs  (i). 

Catherine  Maryn  décéda  peu  de  temps  après  la  passa- 
tion de  cette  addition  à  son  testament.  Le  compte  de 
la  gilde  de  S*  Luc,  de  septembre  1622  à  septembre  1623, 
mentionne  en  eff"et,  le  payement  de  sa  dette  mortuaire  (2). 


(i)  Protocoles  mentionnés  ci-dessus. 
(2)  Liggercn  cités,  I,  589. 


-46- 

Elle  est  morte  par  conséquent  dans  le  temps  compris 
entre  le  6  juillet  et  le  i8  septembre  1623. 

Jean  Blanckaert  avait  reçu  auparavant  son  premier 
élève,  que  le  compte  de  S'  Luc  nomme  Jean  van  Cam- 
fort,  mais  qui  s'appelait  plus  probablement  van  Cantfort. 
Le  maître  lui  ouvrit  son  atelier  au  mois  d'août  1617  (i). 

Il  y  reçut,  en  1626- 1627,  Balthasar  van  Cortbemde, 
qui  devint  un  peintre  distingué  et  qui  fut  admis,  en 
1631-1632,  dans  la  gilde  anversoise  de  S*  Luc,  en 
qualité  de  fils  de  maître  (2). 

Blanckaert  reçut  encore  un  apprenti,  en  1626-1627  : 
il  se  nommait  Jean  van  Eyck  et  fut  inscrit  comme  franc- 
maître,  en  1632-1633  (3). 

Notre  peintre  s'était  hâté  entretemps  de  convoler  en 
secondes  noces.  Nous  avons  vu  que  sa  première  femme 
Catherine  Maryn  était  décédée  en  1623,  et,  au  plus  tôt 
le  6  juillet  de  cette  année-là.  Il  épousa  dans  la  cathédrale, 
quartier  sud,  le  25  novembre  suivant,  Anne  Jacops,  en 
présence  d'Antoine  de  Portis  et  de  Gérard  de  Roore. 
La  jeune  épouse  était  fille  du  peintre  Roland  Jacops, 
qui  remplit,  en  1626- 1627,  les  fonctions  de  doyen  de 
la  gilde  anversoise  de  S'  Luc  (4),  et  de  Susanne  de 
Vos.  Celle-ci  devait  le  jour  au  célèbre  Martin  de 
Vos,  le  vieux,  et  à  sa  femme  Jeanne  le  Boucq.  Anne 
Jacops  avait  été  tenue  sur  les  fonts  de  la  cathédrale,  le 
14  novembre  1603,  par  son  aïeul  maternel  et  Anne  de 
Vos,  sœur  de  sa  mère.  Elle  venait  d'entrer  par  conséquent 
dans   sa   vingt-quatrième  année.   Un  seul  enfant  fut  le 

(i)  Liggeren  cités,  I,  531. 

(2)  Ibidem,  I,  634,  II,  22,  30, 

(3)  Op.  cit. ,1,  635,  II,  36,  43. 

(4)  Liggeren  cites,  I,  633. 


/ 


—  47  — 

fruit  de  ce  mariage  :  il  fut  présenté  le  21  mars  1625,  à 
l'église  S'^  Walburge,  et  y  reçut  au  baptême  le  prénom 
d'Anne,  ayant  pour  parrain  son  aïeul  maternel  Roland 
Jacobs,  et  pour  marraine,  Marguerite  de  Roore.  L'acte 
donne  à  son  père  la  qualification  de  signor.  Une  pièce 
authentique  du  20  juin  1638  nomme  la  petite  fille  Anne- 
Marie  Blanckaert  :  l'addition  de  cette  seconde  patronne 
lui  vient  de  sa  confirmation.  Anne  Jacops  ne  vécut 
guère  longtemps  en  mariage  avec  Jean  Blanckaert.  Le 
compte  de  la  gilde  de  S'  Luc  du  17  septembre  1626  à 
septembre  1627  mentionne,  en  eff"et,  le  paiement  de  sa 
dette  mortuaire  (i).  Son  père,  comme  nous  l'avons  vu, 
était  doyen  de  la  corporation  à  cette  époque. 

L'acte  du  20  juin  1638,  dont  nous  avons  parlé  ci- 
dessus,  et  qui  fait  partie  des  minutes  du  notaire  Henri 
van  Cantelbeck,  le  jeune,  nous  apprend  que  Jean  Blan- 
ckaert avait  été  nommé  par  sa  femme  Anne  Jacops, 
tuteur  en  chef  testamentaire  de  leur  fille  Anne-Marie 
et  que  Jean  de  Roore,  facteur  des  voituriers,  avait  été 
choisi  par  lui  comme  son  co-tuteur.  L'un  et  l'autre  don- 
nèrent procuration  à  Barbe  Jacobs,  tante  maternelle  de 
l'enfant,  au  sujet  du  remboursement  d'une  rente  héré- 
ditaire de  50  florins  et  de  ses  arrérages,  remboursable 
au  denier  seize  et  hypothéquée  sur  des  immeubles  situés 
dans  la  rue  Neuve,  à  Bruxelles  (2). 

Jean  Blanckaert  ne  tarda  pas  à  se  remarier  :  il  épousa, 
en  effet,  dans  la  cathédrale,  quartier  sud,  le  17  octobre 
1627,  Anne  de  Wael.  Cette  nouvelle  union  ne  déplut 
pas,  sans  doute,  à  Roland  Jacops,  puisque  celui-ci  con- 


(1)  Ibid.,  I.  639. 

(2)  Protocoles  cités. 


-48- 

sentit  à  en  être  témoin  :  la  nouvelle  épouse  fut  assistée 
de  son  père  Jean  de  Wael,  peintre  de  renom,  dont 
Antoine  van  Dyck  a  exécuté  le  portrait.  Anne  de  Wael 
était  issue  du  mariage  qu'il  avait  contracté  avec  Gertrude 
de  Jode,  et  avait  été  tenue  sur  les  fonts  de  la  cathédrale, 
le  7  juillet  1599,  par  Servais  Wouters  et  Barbe  de  Jode. 
Elle  était  entrée,  par  conséquent,  dans  sa  29^  année. 

Anne  de  Wael  donna  à  son  mari  six  enfants,  qui 
furent  tous  baptisés  dans   la  cathédrale,  quartier   sud  : 

1°  Catherine,  le  7  septembre  1628;  parrain,  Jean  de 
Wael,  aïeul  de  la  petite  ;  marraine,  Catherine  de  Wael, 
sœur  de  sa  mère. 

2°  Susanne,  le  20  février  1630;  parrain,  Georges 
Vercampt,  marraine,  Susanne  Keurlinckx,  qui  avait 
épousé  Luc  de  Wael,  marchand  de  pots,  d'après  les 
recherches  de  M.  Alphonse  Goovaerts,  L'acte  nous 
apprend  que  les  parents  de  la  petite  fille  habitaient,  à 
cette  époque,  le  rempart  du  Lombard  :  leur  demeure  y 
était  encore  étabhe  en  1635. 

3°  Marie,  le  15  novembre  1632;  parrain,  Guillaume 
de  Decker,  marraine,  Anne  de  Scede.  Elle  devint  la 
femme  du  célèbre  peintre  Pierre  Boel. 

4°  Jean,  le  5  août  1635.  Il  ^^^  ^^^"^^  P^^'  Luc  de  Wael, 
peintre  distingué  au  nom  de  son  frère  Corneille, 
également  peintre  de  réputation,  et  par  Barbe  Jacops, 
sœur  de  la  seconde  épouse  de  Jean  Blanckaert. 

5°  Gertrude,  le  14  avril  1638;  parrain,  Jean  de 
Roore,  facteur  des  voituriers,  marraine.  Barbe  de  Wael, 
tante  de  l'enfant.  Gertrude  Blanckaert  épousa,  à  S'  André, 
le  II  août  1663,  Barthélemi  van  derLinden,  en  présence 
de  Barthélemi  van  der  Lindcn,  le  vieux,  et  du  célèbre 
peintre  Pierre  Boel,  beau-frère  de  la  mariée.  || 


i 


—  49  — 

é°  Jean-Luc,  le  19  août  1640;  parrain,  le  signor  Luc 
Lancclots,  marraine,  Marie  de  Molepas. 

Les  Liggeren  mentionnent  un  quatrième  et  dernier 
élève  de  Jean  Blanckaert  :  c'est  Jean  de  Houwer,  qui 
entra  dans  son  atelier  en  1632-1633  (i). 

Le  maître  vivait  encore  en  1643  :  c'est  ce  qui  résulte 
d'un  acte  du  24  décembre  de  cette  année-là,  reçu,  à 
Anvers,  par  le  notaire  Jacques  le  Rousseau.  Ce  document 
nous  apprend  que  Blanckaert  avait  été  institué  héritier 
de  la  moitié  des  biens  d'Elisabeth  de  Roore,  veuve  de 
Georges  Verherbruggen  et  qu'il  en  avait  acquis  l'autre 
moitié  de  Catherine  de  Roore,  veuve  de  Ludolphe  van 
Hatten  ou  plutôt  van  Hattum  (2).  L'artiste  céda,  en  sa 
qualité  de  propriétaire,  diverses  créances  au  notaire 
Antoine  de  Costere,  qui  avait  travaillé  pour  Elisabeth 
de  Roore  et  ses  héritiers  (3). 

Les  dates  des  décès  de  Jean  Blanckaert  et  de  sa  troi- 
sième femme  nous  sont  inconnues  (4). 

Sources  :  Registres  des  paroisses  d'Anvers.  —  Archives  de  la  ville. — 
Ph.  Rombouts  et  Théod.  van  Lerius.  Les  Liggeren,  etc. 


(i)  Op.  cit.,  T.  II,  p.  41. 

(2)  D'après  les  inscriptions  funéraires  de  l'abbaye  de  S*  Michel,  à 
Anvers,  Ludolphe  van  Hattum  serait  décédé  le  9  décembre  1646,  et 
sa  femme  Catherine  de  Roore,  le  11  février  1553.  Il  y  a  là  évidem- 
ment une  erreur  de  copie,  puisque  cette  dernière  est  mentionnée  déjà 
comme  veuve,  dans  l'acte  authentique  du  24  décembre  1643,  que 
nous  avons  analysé  ci-dessus.  Peut-être  Ludolphe  van  Hattum  est-il 
mort  en  1636.  —  Inscriptions  citées,  p.  121. 

(3)  Minutes  dudit  notaire  aux  archives  communales  d'Anvers. 

(4)  Cette  notice  est  datée  du  15  décembre  1874. 


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Antoine  BLANCKAERT 

(en  flamand  Antoon  BLANCKAERT) 

(  1621-1.  .  .  ?) 

our  ne  rien  omettre,  nous  dirons  ici  quelques 
mots  du  peintre  Antoine  Blanckaert.  Celui-ci 
,  était  fils  d'Arnould  et  de  Marie  Gelsmans  ou 
Stesmans.  Il  naquit  à  Anvers  et  y  fut  tenu  sur  les  fonts 
baptismaux  de  l'église  S'  Georges,  le  11  janvier  1621, 
par  Corneille  Schut  et  Béatrix  Arnaut.  Comme  il 
existait,  à  cette  époque,  plusieurs  Corneille  Schut,  en 
notre  ville,  nous  ne  pouvons  dire  s'il  s'agit  ici  du  célèbre 
peintre  de  ce  nom. 

Quoiqu'il  en  soit,  Antoine  Blanckaert,  dont  le  maître 
n'est  pas  indiqué,  fut  reçu  franc-maître  de  la  gilde 
anversoise  de  S'  Luc,  en  1647-1648  (i).  Il  épousa,  le 
19  juin  1649,  dans  l'église  S*  Georges,  Béatrix  Heyen. 
Ce  mariage  eut  pour  tém^oins  Arnould  Blanckaert,  père 
de  l'époux,  et  Michel  Janssens.  Il  en  naquit  une  fille, 
Anne-Marie,  baptisée  dans  la  cathédrale,  quartier  sud, 
le  6  août  1650;  parrain,  Arnould  Blanckaert,  aïeul  de 
l'enfant,  marraine,  Anne  Schryvers. 

Voilà  tout  ce  que  nos  recherches  nous  ont  appris  rela- 
tivement à  Antoine  Blanckaert  (2). 

Sources  :  Registres  des  paroisses  d'Anvers.   —  Ph.  Rombouts  et 
Théod.  van  Lerius,  Les  Liggeren,  etc. 

(i)  Liggeren  cités,  II,  185,  192. 

(2)  Cette  notice  est  datée  du  15  décembre  1874. 


Jean  BOECKHORST 

(en  flamand  Jan  BOECKHORST) 

(1605-1668). 

e  peintre  distingué  fut  appelé  Jean  le  long, 
(Jangc  Jaii),  h  cause  de  sa  taille  élancée.  Il  a  eu 
soin  de  nous  apprendre  dans  un  testament,  daté 
du  10  septembre  1639,  qu'il  naquit  en  1605,  à  Munster, 
en  Westphalie,  et  que  son  père  Henri  Boeckhorst  était 
décédé  à  l'époque  de  la  passation  de  l'acte  (i).  Le 
nom  de  sa  mère  n'est  pas  mentionné  dans  ce  document. 
M.  J.  G.  van  Put,  bourgmestre  d'Anvers,  a  bien  voulu 
demander  pour  nous,  à  Munster,  en  1869,  les  baptis- 
taires  de  l'artiste  et  de  ses  frères  et  sœurs.  Malheureu- 
sement il  lui  fut  répondu  de  cette  ville,  que  le  registre 
de  baptêmes  de  1605  n'y  existait  dans  aucune  des 
paroisses,  et  il  est  permis  de  conclure  de  la  lettre  du 
premier  bourgmestre  de  cette  cité,  que  les  années  con- 
temporaines y  font  également  défaut.  Corneille  de  Bie 
qui  a  ajouté,  bien  à  tort,  un  van  au  nom  du  peintre, 
l'écrit  Bockhorst,  tandis  que  celui-ci  orthographie  invari- 
ablement Boeckhorst,  dans  deux  documents  authentiques 
que  nous  avons  sous  les  yeux. 

L'auteur  cité  nous  apprend  que  les  parents  de  l'artiste 
étaient  des  gens  aisés  (eerlyche  ende  treffelycke  ouders),  ce 

(i)  L'acte  qualifie  l'artiste  d'honorable  Jean  Boeckhorst,  célibataire, 
âgé  de  trente-quatre  ans,  peintre.  Son  rédacteur  avait  commencé  à 
écrire  trente-trois,  mais  il  reprit  le  mot'et  mit  trente-quatre,  ce  qui 
rapporte  à  1605  la  naissance  de  notre  maître. 


\  -  52  - 

que  le  second  de  nos  actes  paraît  assez  bien  confirmer. 
Il  ajoute  que  Jacques  Jordaens  lui  apprit  à  peindre  (i). 
S'il  en  était  ainsi,  ce  serait  le  cas  de  s'écrier  avec 
Boileau  : 

Le  vrai  peut  quelquefois  n'être  pas  vraisemblable. 

En  effet,  la  manière  de  Boeckhorst  ne  rappelle  nulle- 
ment celle  de  Jordaens,  mais  elle  tient  étonnamment  de 
celle  d'Antoine  van  Dyck.  Aussi  sommes-nous  persuadé 
que  Boeckhorst  fut  un  de  ses  élèves  et  certes  un  des 
plus  brillants.  Les  Liggeren  de  la  gilde  anversoise  de 
S*  Luc  n'en  disent  rien,  mais  nous  ferons  observer 
qu'aucun  des  disciples  du  grand  maître  n'y  figure  comme 
tel  ;  mais  seulement,  lorsqu'ils  sont  admis  à  la  franc-maî- 
trise. Nous  saurons  bien  quelque  jour  la  cause  de  ce 
privilège,  qui  échut  aussi  à  Rubens,  Jordaens  ne  l'obtint 
jamais  :  aussi  ses  élèves  sont-ils  inscrits  en  cette  qualité, 
et  parmi  eux  ne  figure  pas  Jean  Boeckhorst. 

Corneille  de  Bie  a  su  très  peu  de  particularités  con- 
cernant notre  artiste,  qui  fut  reçu  franc-maître  peintre, 
dans  la  gilde  anversoise  de  S'  Luc,  en  1633-1634  (2). 
Il  exécuta,  avec  le  plus  grand  succès,  des  tableaux  d'his- 
toire sacrée  et  profane,  de  mythologie,  des  allégories,  et 
même  des  représentations  d'animaux  et  excella  dans  le 
portrait  (3). 

Lorsque  la  ville  d'Anvers  fut  ornée,  en  1635,  à  l'occa- 
sion   de  l'entrée  du  cardinal  infant  Ferdinand,  avec  une 

(i)  Guidai  cabinet,  254. 

(2)  Phil.  Rombouts  et  Théod.  van  Lerius,  avocat.  Les  Liggeren 
et  autres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc,  T.  II, 
pp.  48  et  s6. 

(3)  De  Bie,  loco  cit. 


—  53  — 

magnificence  qui  n'a  jamais  été  surpassée,  Bocckhorst 
fut  appelé  à  travailler  aux  décorations.  Il  fut  employé  à 
l'arc  de  triomphe  érigé  près  de  l'église  S'  Jacques  et  y 
collabora  avec  Jean  Borckgrave,  peintre  de  mérite,  devenu 
actuellement  inconnu  (i).  Ils  touchèrent  ensemble,  pour 
leur  rémunération,  la  somme  de  470  florins  (2). 

Parmi  les  édifices  que  la  ville  d'Anvers  montrait  autre- 
fois aux  étrangers  avec  une  légitime  fierté,  se  trouvait  la 
chapelle  de  S'  Joseph  de  l'église  des  chanoinesses  régu- 
lières de  S'  Augustin,  dites  Falcons,  et,  par  corruption, 
Façons  (3).  Elle  avait  été  fondée,  en  1636,  par  Louis  de 
Roomer,  fils  de  Louis,  veuf,  à  cette  époque,  de  Cathe- 
therine  Haecx,  fille  de  David,  décédée  le  i  février  1633, 
à  l'âge  de  39  ans.  Il  y  fit  transporter  les  dépouilles 
mortelles  de  sa  femme  et  co-fondatrice,  et  s'y  fit  en- 
terrer auprès  d'elle,  après  sa  mort,  arrivée  le  28  décembre 
1649,  lorsqu'il  avait  atteint  sa  59^  année. 

Cette  chapelle  presque  entièrement  revêtue  de  marbre 
fut  consacrée  le  19  mars  1637,  fête  de  S' Joseph,  et  fort 
fréquentée  par  notre  population,  qui  y  éprouva  plus  d'une 
fois  le  pouvoir  du  père  nourricier  de  notre  Sauveur  (4). 

Deux  poètes  célèbres  de  la  compagnie  de  Jésus,  les 


(i)  Apprenti  en  1609-1610,  franc-maître  en  1626-1627,  décédé  en 
septembre  1648  :  Li^geren  cités,    T.  I,  pp.  455,  637  et  455,  note  i. 

(2)  P.  Génard.   Anhuerpsch  Archieveiibîad,  T.  VII,  pp.  50  et  51. 

(3)  De  Falco  de  Lampage.  Leur  couvent  fut  érigé  sur  un  fonds  qui 
lui  avait  appartenu.  Le  titre  de  ce  monastère  était  le  suivant  : 

Klooster  van  Mariendael,  in  Falckenhorcl} ,  c'est-à-dire  :  Couvent  du 
val  de  Marie,  à  Falchenhorch.  —  Inscriptions  funéraires  et  monumentales 
de  la  province  d'Anvers,  T.  IV,  pp.  305  et  307. 

(4)  P.  Daniel  Papebrochius,  S.  J.  Annales  Antverpienses,  T.  IV, 
p.  362.  —  J.  C.  DiERCXSENS,  Antverpia  Christo  nascens  et  crescens, 
édit.  1773,  T.  VII,  p.  236. 


—  54  — 

Pères  Guillaume  Becanus  (vftn  der  Bckc)  et  Jacques 
Wallius  (van  de  Walle)  composèrent,  à  cette  occasion, 
de  remarquables  pièces  de  vers  latins  (i) 

Au-dessus  de  l'entrée  de  la  chapelle  se  trouvait  dans 
une  niche  la  statue  d'albâtre  de  S'-  Joseph  tenant  l'enfant 
Jésus.  L'intérieur  était  orné  de  deux  autres  statues  repré- 
sentant S'  Louis,  roi,  et  S'^  Catherine,  patrons  du  fonda- 
teur et  de  sa  femme  :  elles  étaient  sculptées  en  marbre. 
On  y  remarquait  aussi  trois  excellentes  compositions  de 
Gérard  Zegers,  représentant  la  Sainte  Famille,  V,Ado- 
ration  des  bergers,  et  5'  Joseph,  averti,  en  songe,  par 
l'ange,  de  fuir  en  Egypte,  et  ce  qui  nous  intéresse  surtout 
en  ce  moment,  pas  moins  de  26  tableaux  de  toute  gran- 
deur, peints  par  notre  Jean  Boeckhorst.  Une  de  ces 
peintures  placée  à  gauche  de  l'entrée  de  la  chapelle  avait 
pour  sujet  la  Fuite  en  Egypte  :  la  S*^  Vierge  y  donnait 
la  main  à  l'Enfant  Jésus,  à  côté  de  qui  marchait  S' Joseph. 
Des  anges  les  précédaient  en  répandant  des  fleurs.  Le 
paysage,  peint  par  Jean  Wildens,  représentait  un  site 
sauvage,  où  s'élevait  un  rocher  et  où  croissaient  quel- 
ques sapins.  La  toile  d'en  face  rappelait  le  Repos  de  la 
S^^  Famille,  dans  sa  fuite  en  Egypte  :  des  anges  y 
cueillaient  des  fleurs  et  des  fruits  qu'ils  offraient  à 
l'Enfant  Jésus  et  à  sa  Mère  et  semaient  des  fleurs  sur 
leurs  pas.  Le  lieu  de  la  scène  était  un  paysage  peint 
également  par  Jean  Wildens.  Descamps  fait  l'éloge  de 
ces  peintures. 

{i)  Papiieuochius,  loco.  cit.  —  Sidronîi  Hosschii  e  Societate  Jesu 
Elcgiarum  libri  sex.  Item  Guiliclmi  Becani  ex  eâdem  Societate  Idyl- 
lia  et  Elcgice.  Parisiis,  sumptibus  fratrum  Barbou.  M.D.CC. XXIII, 
p.  261,  Jacobi  Wallii  e  Societate  Jesu  Poematum  libri  novem.  Même 
édition,  T.  II,  pp.  1 74-181. 


—  5)  — 

Les  autres  tableaux  de  notre  maître  représentaient 
divers  saints  et  des  sujets  tirés  de  l'ancien  Testament.  Les 
premiers  étaient  au  nombre  de  seize,  douze  en  buste,  et 
quatre  en  tête  seulement.  Les  bustes  rendaient  les  saints 
suivants  :  i°  Augustin;  2°  Grégoire-le-Grand ;  3^  Marie- 
Madeleine  de  Pazzi;  celle-ci  donnée  par  Gaspard  de 
Roomer,  frère  du  fondateur  et  bienfaiteur  insigne  des 
Falcons,  et  4°  Anne,  cadeau  de  Jacqueline  de  Roomer, 
chanoinesse  régulière  de  ce  couvent  (i);  5°  l'Ange 
gardien,  dû  à  la  libéralité  de  Marie  de  Roomer,  également 
chanoinesse  régulière  de  ce  couvent  (2);  6°  S'"^  Cécile. 
En  face  de  ceux-ci  se  trouvaient  les  saints  que  nous 
allons  énumérer  :  7°Ambroise;  8°  Jérôme;  9°  Christine, 
don  de  Christine  de  Roomer  (3)  ;  10°  Bernard, 
chanoine  régulier  et  archidiacre,  présent  d'Anne  de 
Roomer,  religieuse  de  ce  couvent  (4);  11°  Barbe,  et 
12°  Marie  l'Égyptienne. 

Au-dessous  du  buste  de  S'  Augustin  était  peinte  la 
tête  de  S*  Pierre;  au-dessous  de  celui  de  S^  Grégoire-le- 
Grand,  celle  de  S*  Etienne.  Vis-à-vis  de  celles-ci,  au  bas 
du  buste  de  S'  Ambroise,  le  chef  de  S*  Paul;  au-dessous 
du  buste  de  S'  Jérôme,  la  tête  de  S*  Laurent. 

Les  petits  tableaux  dont  les  sujets  étaient  empruntés  à 
l'ancien  Testament,  étaient  au  nombre  de  8  et  repré- 
sentaient :  1°  5'  Joseph  averti,  en  songe,  par  l'ange,  de 
fuir  en  Egypte,  épisode  retracé  par  Gérard  Zegers,  dans 
la  même   chapelle;    2°   h  patriarche  Joseph,   debout  près 

(i)  Elle  décéda  le  18  juillet  1652. 

(2)  Morte  le  23  septembre  1635,  par  conséquent  avant  l'érection 
de  la  chapelle. 

(3)  Elle  passa  de  vie  à  trépas,  le  29  janvier  1653. 

(4)  Décédée  le  10  octobre  1669. 


-  56- 

àe  son  pêrc  Jacob  ;  y  le  roi  É^échias  el  Je  prophète 
Isaîe  en  prières  :  au  fond,  Vange  du  Seigneur  extermi- 
nant l'armée  des  ^Assyriens  ;  4°  le  roi  Josias  brisant  les 
idoles.  En  face  des  premiers  :  5°  'David  embrassant  son 
fils  tAbsalon  ;  6°  la  reine  de  Saba,  en  présence  de  Salomon  ; 
7°  le  roi  ^Asa  détruisant  les  idoles  ;  8°  le  roi  Josaphat 
envoyant  les  prêtres  et  les  lévites  dans  les  villes  de  Juda 
pour  instruire  son  peuple  dans  la  loi  du  Seigneur  (i). 

Descamps  a  fait  l'éloge  de  ces  petits  tableaux,  qu'il 
dit  composés,  peints  et  touchés  avec  tout  l'art  possible. 
Cette  chapelle,  ajoute-il,  est  certainement  un  cabinet 
précieux  de  peinture  (2).  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que 
Jean  Boeckhorst  exécuta,  en  1636,  les  œuvres  d'art 
dont  nous  venons  de  parler.  Elles  avaient  orné  notre 
ville  pendant  147  ans,  lorsque  le  couvent  des  Falcons 
fut  supprimé  par  l'édit  de  Joseph  H,  du  17  mars  1783  (3). 
Ce  monarque,  qui  voulait  donner  des  leçons  de  piété  à 
l'église  catholique,  avait  jugé  que  les  ordres  contempla- 
tifs lui  étaient  inutiles  et  trouvé  bon  de  les  anéantir  dans 
ses  États.  Il  confisqua  leurs  biens,  au  profit  de  sa  Caisse 
de  Religion,  et,  en  prince  dégagé  de  préjugés,  sans  tenir 
compte  des  volontés  sacrées  de  Louis  de  Roomer  et  de 
sa  femme,  il  fit  vendre  à  l'encan  les  tableaux  qui  or- 
naient la  chapelle,  dans  laquelle  les  fondateurs  avaient 
élu  leur  sépulture.  C'est  ainsi  que  le  malheureux  souve- 


(i)  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la_  province  d'Anvers, 
T.  IV,  pp.  526,  331,  338,  341  et  345. 

(2)  Voyage  pittoresque  de  la  Flandre  et  du  Brabant.  —  Paris, 
M  D.CC.LXIX,  p.  202. 

C3)  F. -H.  Mertens,  dans  les  Inscriptions  funéraires  et  monumen- 
tales citées,  T.  IV,  p.  cxviij. 


—  57  — 

rain   préparait  les   voies  à   la  révolution  dont  la  maison 
d'Autriche  devait  tant  souffrir. 

Les  26  compositions  de  Jean  Boeckhorst  firent  partie 
«d'une  collection  de  tableaux  provenant  des  maisons  re- 
ligieuses supprimées  aux  Pays-Bas  dont  la  vente  se  fera 
(se  fit)  au  couvent  des  ci-devant  Riches  Claires  (i)  à 
Bruxelles,  en  argent  de  change.  »  Elle  devait  commencer, 
d'après  le  catalogue,  le  12  septembre  1785.  La  Fuite 
en  Egypte  et  le  Repos  de  la  5"=  Fajnille  en  Egypte,  par 
notre  maître  et  Jean  Wildens,  furent  réunis  et  adju- 
gés moyennant  225  florins  à  un  certain  de  Loose  (2). 
Les  12  tableaux  représentant  des  bustes  de  Saints  furent 
acquis  par  le  peintre  André-Bernard  de  Quertenmont, 
au  prix  de  31  florins  (3).  Les  4  têtes  de  Saints,  par  un 
certain  Gireau,  de  Bruxelles,  à  9  florins  10  sous  (4).  En- 
fin les  8  tableaux  dont  les  sujets  étaient  tirés  de  l'Ecri- 
ture Sainte,  par  le  chanoine  le  Couvreur,  de  la  Cathédrale 
d'Ypres,  à  25  florins  (5).  Les  26  peintures  avaient 
produit  par  conséquent  une  somme  totale  de  290  florins 
et  10  sous  de  change.  Ainsi  la  révolution,  personnifiée 
par  un  empereur  d'Allemagne,  nous  dépouillait  du  pré- 
cieux cabinet  de  peinture  dont  de   Roomer  avait  orné  la 


(i)  Les  ci-devant  Riches  Claires  devaient  être  suivies  bientôt  des 
ci-devant  rois.  Joseph  II  était  l'éclaireur  de  la  révolution  française 
dans  ses  États. 

{2)  N''^  2037  et  2036  du  catalogue. 

(3)  No  2033. 

(4)  No  2035. 

('=))  No  2034.  Tous  les  tableaux  de  cette  collection  étaient  évidem- 
ment des  biens  volés  :  nous  ignorons  dans  quelle  intention  ils  ont 
été  acquis,  mais  comme  nous  voyons  figurer  parmi  les  acheteurs  un 
certain  nombre  d'ecclésiastiques  et  plusieurs  personnes  d'une  répu- 
tation intègre,  cela  donne  matière  à  réflexion. 


-  58- 

chapelle  de  S'  Joseph,  aux  Falcons  (i),  et  mettant  d'un 
coup  en  vente  l'élite  de  7060  œuvres  d'art  volées  aux 
monastères  supprimés,  elle  dépréciait  elle-même  le  fruit 
de  ses  rapines. 

Retournons  à  Jean  Boeckhorst,  Le  testament  cité  du 
10  septembre  1639  nous  apprend  que  l'artiste  avait 
voyagé  en  Italie,  et  qu'il  en  était  revenu  à  Anvers,  en 
1637.  Il  se  trouvait  en  notre  ville,  comme  nous  l'avons 
vu,  en  1635  et  fort  probablement  l'année  suivante. 
Boeckhorst  était  entré,  par  conséquent,  dans  la  maturité 
de  l'âge  et  était  fort  bien  en  état  de  comparer  et  de 
juger,  lorsqu'il  visita  la  péninsule  italienne,  dont  le  sé- 
jour fut  si  fatal  à  tant  d'autres  artistes. 

Le  même  document  nous  apprend  que  notre  peintre 
se  repentant  de  n'avoir  pas  vu  Rome,  se  proposait  de  se 
rendre  une  seconde  fois  en  Italie  et  de  ne  pas  manquer, 
cette  fois,  de  visiter  la  capitale  de  la  chrétienté.  D'après 
ce  qu'il  avait  écrit  à  sa  mère,  il  comptait  se  mettre  en 
route  le  lundi  19  septembre  1639. 

En  homme  prévoyant,  Boeckhorst  avait  fait  son  tes- 
tament, avant  de  quitter  Anvers.  Il  fut  rédigé,  comme 
nous  l'avons  dit,  le  10  septembre  1639,  et  reçu  par  le 
notaire  Barthélemi  van  den  Berghe,  le  vieux.  Cette  pièce 
commence  par  les  recommandations  ordinaires  à  la  misé- 

(i)  Une  vue  de  cette  chapelle  très  bien  gravée  à  l'eau-forte  par 
Jacques  Nceffs,  orne  l'opuscule  intitulé  :  De  glorieuse  gedachtenlise  van 
den  H.  Joseph....  met  den  ivonderen  viirakuleusen  hystandt  denwelchn  Iry 
hethootit  in  sync  Capelle  lot  Onse  Lieve  Vrouwe  Dael,  genaemt  Façons 
binnen  Antwerpen.  Bycenvergadert  ende  heschreven  door  N.  O.,...  — 
Antwerpen,  1662.  On  y  trouve  en  outre,  une  gravure  de  mérite, 
exécutée  par  Gérard  Mens,  d'après  Philippe  Fruytiers,  et  représen- 
tant S'  Joseph  porté  au  ciel  par  un  groupe  de  trois  anges  et  cou- 
ronné par  l'Enfant  Jésus. 


—  59  — 

ricorde  de  Dieu  et  aux  prières  de  la  très  sainte  Vierge 
et  Mère  de  Dieu  Marie  et  de  toute  la  cour  céleste.  L'ar- 
tiste déclare  ensuite  vouloir  être  enterré  en  terre  bénite, 
mais  ne  fait  pas  élection  de  sépulture.  Il  institue  comme 
héritiers  de  ses  biens  patrimoniaux  mobiliers  et  immo- 
biliers, ses  quatre  plus  jeunes  frères,  Jean  (Hans),  Guil- 
laume, Roger  et  Herman,  et  sa  sœur  Claire,  à  charge 
de  donner  à  chacun  de  ses  autres  frères  et  sœurs  une 
rixdale  et  un  florin  d'or.  Il  devait  être  entendu  que  si 
quelqu'un  des  plus  jeunes  frères  ou  Claire  Boeckhorst 
venait  à  embrasser  l'état  ecclésiastique  ou  à  entrer  en 
religion,  il  serait  exclu  des  biens  patrimoniaux  du  testa- 
teur et  devrait  aussi  se  contenter  d'une  rixdale  et  d'un 
florin  d'or.  Sa  part  accroîtrait  à  ceux  de  ses  frères  et  à 
sa  sœur  qui  seraient  restés  dans  le  monde.  Il  résulte  de 
cette  partie  du  testament,  que  la  famille  des  parents  du 
maître  était  nombreuse  et  que  plusieurs  de  leurs  enfants 
s'étaient  faits  ecclésiastiques  ou  religieux. 

Le  document  se  termine  par  un  legs  en  faveur  de 
Clémence  (Mensia)  Montoy,  jeune  fille  célibataire,  de- 
meurant à  Anvers,  à  laquelle  Boeckhorst  charge  ses 
héritiers  patrimoniaux  de  payer  cent  cinquante  rixda- 
1ers  (i). 

L'artiste  fit  le  31  octobre  1654  un  second  testament, 
qui  fut  reçu  par  le  notaire  Jean-Baptiste  Colyns.  Le  maî- 
tre y  dispose  d'abord  des  biens  patrimoniaux  et  autres 
qui  lui  appartenaient  en  Westphalie  et  dans  le  pa3^s  de 
Clèves.   Il  les  lègue   à   ses  frères  et  sœurs  (2)  qui  sont 

(i)  Protocoles  du  notaire  Barthélemi  van  den  Berghe,  le  vieux,  aux 
archives  de  la  ville  d'Anvers,  registre  de  1639,  P*  cccxcj. 

(2)  Sic.  Le  testateur  entend  parler  ici  sans  doute  de  sa  sœur 
Claire. 


—  6o  — 

restés  dans  le  monde  ou,  par  représentation,  à  leurs 
enfants  ou  petits-enfants  qui  se  trouvent  dans  le  même 
cas,  voulant  que  le  partage  se  fasse  à  portions  égales, 
par  souches,  et  non  par  têtes.  Il  exclue  de  sa  succession 
tous  ceux  qui,  avant  sa  mort  ou  avant  la  pleine  exécution 
de  son  testament,  viendraient  à  embrasser  quelque  état 
ecclésiastique  que  ce  fût. 

L'exécuteur  de  cette  partie  de  ses  dispositions  de  der- 
nière volonté  devait  être  le  plus  âgé  de  ses  frères  qui 
seraient  restés  dans  le  monde,  et  qui  jouirait  du  chef  de 
cette  administration,  d'une  portion  double. 

Boeckhorst  possédait  à  Munster  des  meubles  qui  se 
rapportaient  à  son  art,  tels  que  tableaux,  gravures,  des- 
sins, livres,  etc.,  ce  qui  prouve  que  le  peintre  résidait 
parfois  dans  cette  ville.  Il  ordonna  que  tous  ces  objets 
seraient  transportés  à  Anvers  et  qu'ils  y  seraient  vendus 
au  plus  offrant,  en  même  temps  que  ses  tableaux  et 
œuvres  d'art  qu'il  posséderait  dans  cette  dernière  ville, 
et  sa  garde-robe. 

Il  ordonna  que  les  deniers  qui  proviendraient  de  cette 
vente,  l'argent  comptant  qu'il  délaisserait  et  celui  qui 
rentrerait,  par  suite  de  remboursements  d'obligations  ou 
de  rentes,  seraient  placés  à  Anvers  sur  bonnes  hypo- 
thèques. Il  voulut  que  le  revenu  de  ces  sommes  et  de  ces 
obligations  et  rentes  serait  touché  par  les  sœurs  Clé- 
mence (Mensia),  Marie  et  Pétronille  Montoia  ou  Mon- 
toy,  leur  vie  durant  et  tant  qu'une  d'elle  existerait.  Nous 
supposons  que  ces  personnes  prenaient  soin  du  ménage 
de  l'artiste. 

Après  leur  mort,  la  pleine  propriété  de  ces  biens  re- 
viendrait aux  frères  et  sœurs  laïques  du  testateur  et  à 
leurs   représentants.    Entretemps   l'administration  de  ces 


—  6i  — 

revenus  étviit  confiée,  en  tant  que  de  besoin,  à  Clémence 
Montoy,  après  la  mort  de  laquelle  les  deux  sœurs  survi- 
vantes pourraient  s'accorder  à  cet  égard  comme  elles 
l'entendraient, 

Boeckhorst  légua,  en  toute  propriété,  à  Clémence 
Montoy  ses  meubles  et  son  linge  ;  à  son  défaut,  cette 
disposition  devait  profiter  à  ses  sœurs  Marie  et  Pétro- 
nille. 

L'artiste  nomma  exécuteur  testamentaire  des  disposi- 
tions qu'il  avait  prises,  quant  à  ses  œuvres  d'art,  à  son 
argent  comptant  et  à  ses  rentes,  le  signor  Sébastien 
Leerse,  marchand  à  Anvers,  avec  pouvoir  de  substitu- 
tion. Il  ordonna  à  ses  héritiers  de  lui  obéir  ou  à  son 
remplaçant,  sans  la  moindre  contradiction.  Il  légua  à 
son  exécuteur,  en  récompense  de  ses  peines,  un  portrait 
de  femme  {een  vrouwentroniè)  d'Antoine  van  Dyck,  qu'il 
avait  marqué  de  son  cachet  comme  devant  servir  à  cette 
disposition  (i). 

Que  Boeckhorst,  voulant  retenir  ses  biens  dans  sa  fa- 
mille, ait  exclu  de  sa  succession  ses  frères  et  sœurs  qui 
avaient  embrassé  l'état  religieux,  on  le  comprend.  Mais 
qu'il-  ait  étendu  cette  exclusion  à  ceux  de  ses  frères  qui, 
restés  dans  le  monde,  auraient  reçu  la  prêtrise,  cela  ne 
se  conçoit  guère,  à  moins  qu'il  n'ait  craint  qu'après  leur 
mort,  une  partie  de  leurs  biens  passerait  à  leurs  frères 
et  sœurs  religieux,  et,  par  suite,  aux  couvents  de  ceux- 
ci.  Connaissant,  du  reste,  la  position  de  fortune  des 
siens,  il  a   pu   juger   que  ses  frères  ecclésiastiques  pou- 


(i)  Protocolles  du   notaire  Jean-Baptiste    Colyns,    aux  archives 
communales  d'Anvers,  année  1654,  p.  372. 


—   62   — 

valent  vivre  honorablement,  selon-  leur  état,  sans  avoir 
besoin  de  sa  succession. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  testaments  du  maître  prouvent 
clairement  comment  Descamps  était  mal  informé,  lors- 
qu'il écrivait  que  Boeckhorst  «  pendant  toute  sa  vie 
»  n'avait  porté  d'autre  habit  que  celui  d'abbé  (2)  ». 

Le  6  août  1659  était  décédée  Marie  Snyders,  maîtresse 
de  l'infirmerie  du  Béguinage  d'Anvers,  et  sœur  de  Fran- 
çois Snyders,  le  célèbre  peintre  d'animaux,  et  du  graveur 
de  mérite  Michel  Snyders  (3).  Elle  fut  enterrée  dans 
l'égUse  du  Béguinage,  et  son  souvenir  y  fut  perpétué 
par  une  inscription  et  un  triptyque  de  notre  maître, 
placés  au  chœur.  Ce  triptyque  représente  la  Résurrection ^ 
sujet  central,  V Annonciation^  volet  de  droite,  et  VtAscen- 
sion,  volet  de  gauche.  L'ordonnance  de  ces  tableaux 
est  conçue  de  la  manière  suivante.  Au  miheu  du  prin- 
cipal, le  Sauveur  tenant  la  croix  et  le  drapeau  du  triom- 
phe, s'élance  de  son  tombeau,  dont  la  pierre  est  retournée. 
A  gauche,  trois  gardes  saisis  d'épouvante,  dont  un 
s'enfuit.  Un  chien  accourt  près  de  ce  groupe.  A  droite, 
un  quatrième  soldat. 

A  l'Annonciation,  l'ange  Gabriel,  portant  une  branche 
de  lis,  est  agenouillé  devant  la  Sainte  Vierge,  qui  se  tient 
également  à  genoux  sur  un  prie-Dieu.  Marie  fait  enten- 
dre cette  réponse  au  messager  divin  :  «  Voici  la  servante  du 
»  Seigneur,  qu'il  me  soit  fait  selon  votre  parole.  »  Dans  le 


(2)  La  vie  des  peintres  flamands,  allemands  et  hollandais.  —  Paris, 
M.D.CC.L.IV,  T.  II,  p.  172. 

(3)  Elle  avait  été  tenue  sur  les  fonts  baptismaux  de  la  cathédrale  le 
ï6  mars  i;88,  par  Léonard  Goossens  et  Marie  van  der  Vorst.  Marie 
Snyders  était  fille  de  Jean  et  de  Marie  Ghysbrechts  (et  non  Plactsen) 
qui  s'étaient  mariés  à  S^e  Walburgc,  le  8  janvier  1376. 


-  63  - 

ciel,  le  S*  Esprit   plane  sur   la   mère   du  Verbe  incarné. 

Au  volet  de  gauche,  le  Sauveur,  dont  on  ne  voit  plus 
que  les  jambes  et  la  tunique,  monte  au  ciel.  Plus  bas 
sont  représentés  les  deux  anges,  l'un  et  l'autre  assis  sur 
un  nuage.  Ils  adressent  aux  apôtres  dont  les  yeux  sont 
dirigés  en  haut,  ces  paroles  :  «  Hommes  de  Galilée,  pour- 
»  quoi  restez-vous  regarder  le  ciel  ?  Ce  Jésus  qui  vient 
»  d'être  enlevé  d'au  milieu  de  vous,  pour  y  monter,  en 
»  reviendra  un  jour  comme  vous  l'y  avez  vu  aller.  » 

Ces  tableaux  se  distinguent  par  la  beauté  de  la  com- 
position et  du  dessin,  l'éclat  et  la  vigueur  du  coloris. 
Ce  sont  de  véritables  chefs-d'œuvre,  que  Descamps  a 
jugés,  avec  raison,  être  dignes  d'Antoine  van  Dyck  (i). 

L'inscription  suivante  se  lisait  autrefois  au-dessous  de 
ce  tryptique": 

Sépulture  van  Jffrou  Maria  Snyders 
IN  haren  tyde  Meesteresse  van  de  Infirmerey 

OUT  SYNDE  71    IAREN 

STERF  DEN   6  AuGUSTUS  ANNO   1659. 

BiDT  VOOR  DE  SIELEN  (2). 

La  plaque  de  bois  qui  contenait  ce  souvenir  pieux  a 
disparu,  lors  de  la  tourmente  révolutionnaire  de  la  fin 
du  siècle  dernier,  qui  visita,  pour  la  dévaster,  l'église  du 


(i)  Op.  cil.,  T.  II,  p.  173. 

(2)  Sépulture  de  mademoiselle  Marie  Snyders,  de  son  vivant  Maî- 
tresse de  l'infirmerie.  Elle  mourut  âgée  de  71  ans,  le  6  août  1659, 
Priez  pour  l'âme. 

Marie  Snyders  fut  enterrée  dans  la  grande  nef  de  l'église  du  Bé- 
guinage. L'inscription  de  sa  pierre  sépulcrale  est  à  peu  près  semblable 
à  la  précédente.  —  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  pro- 
vince d'Anvers,  T.  V,  pp.  426  et  459. 


-64- 

Béguinage.  Il  serait  à  désirer  que  l'inscription  fut  réta- 
blie. 

Vers  1660,  François  Hillcwerve,  chanoine  du  chapitre  de 
la  cathédrale  d'Anvers,  avait  acheté  de  Pierre  Meulewels, 
le  jeune,  un  Sauveur  et  les  dou:(e  apôtres,  vendus  comme 
des  originaux  d'Antoine  van  Dyck.  Un  procès  s'était 
élevé  à  cet  égard,  et  le  témoignage  de  Jean  Boeckhorst 
y  fut  invoqué.  L'artiste  déclara,  le  23  novembre  1660, 
que  les  tableaux  en  question  n'étaient  pas  des  originaux 
d'Antoine  van  Dyck,  mais  bien  des  copies  retouchées  par 
le  maître,  qui  avait  appliqué  beaucoup  de  retouches  à 
quelques-unes  de  ces  peintures  et  très  peu  à  d'autres(i). 

Boeckhorst  habitait,  à  cette  époque,  le  Hopland,  et  se 
dit  âgé  de  50  ans,  tandis  qu'il    en  avait  réellement  55. 

La  réputation  de  notre  maître  était  grande.  Ainsi  avant 
et  après  la  conclusion  du  marché,  l'excellent  peintre 
Jean  Brueghel,  le  jeune,  fils  de  Jean  Brueghel,  de  Ve- 
lours, conseilla-t-il  au  chanoine  Hillewerve  de  faire 
retoucher  par  Boeckhorst  ou  Théodore  van  Tulden,  un 
des  plus  brillants  élèves  de  Rubens,  trois  de  ses  tableaux 
qui  étaient  inférieurs  aux  autres  (2). 

La  dette  mortuaire  de  Jean  Boeckhorst  figure  comme 
payée  dans  le  compte  de  la  gilde  de  S*  Luc,  du  18  sep- 
tembre 1667  au  18  du.  même  mois  de  l'année  sui- 
vante (3).    D'après  une   découverte   de   feu  notre  aïeul 


(i)  Boeckhorst  n'admettait  donc  comme  originaux  que  les  tableaux 
entièrement  peints  par  un  maître  et  non  les  copies  exécutées  par  ses 
élèves  et  auxquelles  l'artiste  avait  porté  la  dernière  main. 

(2)  L.  Galesloot.  Un  procès  pour  une  vente  de  tableaux  attribués 
à  Antoine  van  Dyck,  Aniiales  de  l'Académie  d'archéologie  de  Belgique, 
2e  série,  T.  IV,  pp.  581  et  600. 

(3)  Liggeren  cités.,  T.  II,  p.  381. 


i, 


-  65  - 

par  alliance,  M.  Jean-Baptiste  van  der  Straelen,  l'artiste 
décéda  le  2i  avril  1668,  et  habitait  encore,  à  cette 
époque,  le  Hopland.  Il  fut  inhumé  dans  l'église  S'  Jacques. 
Cette  découverte  est  d'autant  plus  importante  que  l'année 
1668  présente  une  lacune  dans  les  registres  d'enterre- 
ments de  cette  paroisse  qui  sont  conservés  à  l'hôtel  de 
ville  d'Anvers. 

Boeckhorst  mourut  célibataire. 

La  révolution  française  nous  fit  perdre  plusieurs  beaux 
tableaux  de  notre  maître.  Deux  ornaient  l'église  des 
Carmes  déchaussés  et  représentaient,  l'un,  la  Fuile  en 
Egypte,  dans  un  paysage  que  Descamps  indique  comme 
peint  par  Pierre  de  Witte,  le  jeune.  Le  second  avait 
pour  sujet  une  ^Apparition  du  prophète  Elie  à  5"'^  Thérèse. 
Un  portrait  du  cardinal  infant  Ferdinand,  conservé  à 
l'hôtel  de  ville,  disparut  également  à  cette  époque. 

Malgré  ces  pertes  regrettables,  la  ville  d'Anvers  pos- 
sède encore,  outre  le  triptyque  de  l'église  du  Béguinage, 
un  certain  nombre  de  compositions  de  Jean  Boeckhorst. 
Quatre  d'entre  elles  sont  exposées  publiquement.  L'une, 
après  avoir  décoré  l'autel  de  la  Sainte  Croix  dans 
l'église  aujourd'hui  démolie  des  Bogards,  orne  actuelle- 
ment celle  de  S'  Augustin,  ancienne  propriété  des  reli- 
gieux ermites  établis  sous  l'invocation  de  l'illustre 
évêque  d'Hippone.  Cette  œuvre  d'art  a  pour  sujet 
vS"""  Hélène  tenant  la  vraie  croix.  A  l'avant-plan,  la  sainte 
debout,  la  couronne  en  tête,  richement  parée  et  revêtue 
du  manteau  impérial,  tient  l'instrument  de  notre  salut; 
elle  contemple  le  ciel,  dans  lequel  apparaissent  deux 
anges.  Dans  la  partie  inférieure  du  tableau  est  représen- 
tée,   en   petites   figures,    V invention  de  la  5""^  Croix.  La 

5 


(>^ 


composition,  l'expression,  le  dessin  et  le  coloris  de  cette 
peinture  sont  de  toute  beauté. 

Le  second  tableau  enlevé  autrefois  à  l'abbaye  de  S' 
Bernard  sur  l'Escaut,  orne  actuellement  le  musée  d'Anvers. 

Le  Couronnement  de  la  S^'  Vierge  y  est  figuré  de  la 
manière  suivante.  Au  centre,  la  S'"  Vierge  est  agenouil- 
lée sur  le  croissant  de  la  lune.  A  gauche,  Dieu  le  Père 
assis,  le  sceptre  à  la  main,  considère  Marie.  A  droite,  le 
Sauveur  debout  tient  d'une  main  la  couronne,  et,  dans 
le  bras  gauche,  sa  croix,  autour  de  laquelle  voltigent 
deux  anges.  Le  S'  Esprit  plane  dans  le  ciel  entre  les 
deux  personnes  divines.  Près  de  la  S''^  Vierge  sont 
représentées  quelques  têtes  d'anges,  et,  plus  bas,  un 
esprit  céleste  de  grandeur  naturelle  et  dix  autres,  sous 
la  figure  d'enfants  ailés.  Quelques-uns  de  ceux-ci  tiennent 
les  emblèmes  suivants  de  Marie  :  le  miroir  de  justice,  la 
rose  mystique,  l'étoile  du  matin,  le  lis  entre  les  épines. 
L'artiste  a  figuré  Dieu  le  Père  moins  vieux  que  d'habi- 
tude, et  le  caractère  divin  de  Dieu  le  Fils  n'est  guère 
prononcé.  Par  contre,  la  S'^  Vierge  est  admirable  d'ex- 
pression et  de  pose,  et  les  anges  de  toute  beauté  rappel- 
lent ceux  d'Antoine  van  Dyck.  Aussi  le  célèbre  peintre 
Guillaume-Jacques  Herreyns,  directeur  de  l'académie 
d'Anvers,  faisait-il  avec  raison  le  plus  grand  cas  de  ce 
tableau.  11  est  de  dimensions  considérables  et  mesure  3 
mètres  84  centimètres  en  hauteur  sur  2  mètres  29  centi- 
mètres en  largeur. 

Un  autre  Couronnement  de  la  S^^  Vierge,  peint  dans 
de  médiocres  proportions,  orne  le  local  qui  sert  de  dépôt 
de  chaises  à  la  chapelle  de  Notre-Dame  du  refuge,  au 
marché  aux  Souliers. 

Marie  y  est  agenouillée  sur  un  nuage.    A  côté   d'elle 


-  67  - 

est  représenté  Dieu  le  Père,  en  habits  pontificaux,  tenant 
de  la  gauche  le  globe  terrestre.  Il  tend  de  la  droite  une 
couronne  de  laurier  au-dessus  de  la  tête  de  la  Mère  du 
Sauveur;  Jésus  debout  s'apprête  avec  lui  à  la  déposer 
sur  son  front.  Le  S^  Esprit  planant  dans  la  partie  supé- 
rieure du  tableau,  associe  toute  la  Sainte  Trinité  à  l'hon- 
neur rendu  à  Marie.  Trois  ravissants  petits  anges  ornent 
la  partie  inférieure  de  la  composition  :  d'autres  sont 
représentés  en  divers  endroits. 

Les  mains  des  figures  de  cette  remarquable  peinture 
sont  très-bien  peintes.  Il  est  à  regretter  qu'elle  se  trouve 
dans  un  état  délabré  et  dépourvue  de  cadre. 

Un  tableau  de  Jean  Boeckhorst  représentant  la  Sainte 
Trinité  orne  l'autel  Je  la  chapelle  de  la  maison  des 
orphelins  (Knechtjcslniis).  A  gauche.  Dieu  le  Père  assis 
sur  des  nuages,  abaisse  d'un  geste  de  commandement 
son  sceptre  vers  la  terre,  dont  on  aperçoit  le  globe,  et 
semble  prononcer  ces  paroles,  à  l'adresse  de  Dieu  le 
Fils  :  «  Asseyez-vous  à  ma  droite,  jusqu'à  ce  c[ue  j'aie  ré- 
»  duit  vos  ennemis  à  vous  servir  de  marche-pied.  »  Jésus 
revêtu  en  partie  d'une  draperie  rouge,  et  tenant  la  croix 
dans  le  bras  gauche,  est  assis  à  la  droite  de  la  divine 
Majesté.  Le  S^  Esprit  apparaît  au  milieu  d'une  gloire, 
entre  le  Père  et  le  Fils.  Trois  anges  des  plus  gracieux 
portent  le  nuage  sur  lequel  ils  sont  assis. 

Le  ciel  sert  de  fond  à  ce  tableau,  dont  la  couleur  est 
vigoureuse,  et  qui  se  distingue  par  le  mérite  de  l'expres- 
sion et  du  dessin. 

La  Fondation  du  chanoine  Chrétien  Terninck  (Terninch- 
schc  school)  ne  possède  pas  moins  de  quatre  tableaux 
originaux  de  Jean  Boeckhorst  et  une  copie  de  Rubens,  de 
sa  main  ;  trois  de  ces  compositions  représentent  les  vertus 


—  68  — 

théohwaJes.  La  Foi,  dont  la  tête  est  entourée  d'une 
auréole,  est  vêtue  de  blanc.  Sa  main  droite  repose  sur 
un  livre  :  sa  main  gauche  tient  la  croix  qui  est  plantée 
sur  le  globe  terrestre,  autour  duquel  s'enlace  le  serpent 
dont  la  gueule  est  retournée.  Une  colonne  représentant 
la  Force  orne  cette  peinture  magistrale  qui  se  détache 
sur  un  ciel  bleu. 

L'Espérance  vêtue  de  vert,  est  assise  sur  un  fragment 
de  navire,  les  regards  au  ciel  et  les  mains  jointes,  dans 
l'attitude  d'une  suppliante.  Près  du  navire  se  trouve  une 
ancre.  Le  fond  de  ce  tableau  est  un  ciel  hleu  aux  nuages 
ensoleillés,  couverts  de  brume.  La  Charité  vêtue  d'une 
robe  de  couleur  rouge  et  bleuâtre,  qui  se  détache  sur 
un  habillement  de  dessous  blanc,  est  assise  devant  une 
muraille,  sur  un  socle.  Sa  main  droite  repose  sur  son 
genou,  la  gauche  touche  un  enfant  qui  se  dirige  vers 
elle.  A  sa  gauche  se  trouve  un  second  enfant  qui  lève 
les  mains  au  ciel  et  se  dirige  vers  elle,  portant  un  cœur 
enflammé.  Un  troisième  enfant  qui  regarde  malicieuse- 
ment le  spectateur,  s'appuie  du  bras  droit  sur  le  socle. 

Ces  trois  tableaux  sont  des  chefs-d'œuvre. 

Une  quatrième  composition  ne  mérite  pas  moins  cette 
qualification.  Elle  a  pour  sujet  la  Reine  de  Saha  dans  le 
palais  de  Salomon.  Cette  souveraine  est  représentée 
comme  une  Mauresque,  vêtue  d'un  habit  de  satin  blanc 
et  chaussée  de  souliers  de  même  couleur,  liés  avec  des 
nœuds  rouges.  Elle  se  dirige  avec  empressement  vers  le 
trône  de  Salomon,  Deux  belles  jeunes  femmes,  dont  le 
teint  n'a  rien  de  noir,  relèvent  la  queue  de  sa  robe.  On 
remarque  à  côté  d'elles,  un  Maure  habillé  tenant  un  per- 
roquet sur  la  main  droite,  et  de  la  gauche,  un  parasol 
qu'il  élève  au-dessus  des  deux  suivantes.  Devant  lui  se 


-  69  - 

trouve  une  jeune  femme  vêtue  de  vert  et  qui  tient  un 
plat  couvert  de  fleurs.  A  gauche,  un  serviteur,  le  dos 
et  les  bras  nus,  se  penche  vers  un  beau  vase  d'argent. 
Près  de  là  sont  figurées  trois  personnes  de  la  suite,  dont 
on  n'aperçoit  guère  que  la  tête.  A  droite  Salomon  debout 
sur  son  trône,  couronné  et  couvert  d'habillements  magni- 
fiques, s'incline  vers  la  reine;  un  page  relève  son  man- 
teau. Deux  lions  sculptés  ornent  le  trône,  à  la  gauche 
duquel  est  rangée  la  garde  du  roi  et  dont  les  degrés  sont 
couverts  de  précieux  tapis  qui  se  terminent  à  l'entrée  du 
palais.  A  l'avant-plan  de  droite  se  tient  un  lévrier.  Deux 
plats  et  un  vase  d'or  sont  étalés  près  de  là.  Fond  :  le 
ciel  et  quelques  colonnes  auxquelles  est  attachée  une 
draperie  rouge  qui  domine  le  trône. 

La  copie  peinte  par  Jean  Boeckhorst,  d'après  Pierre- 
Paul  Rubens,  a  pour  sujet  le  Jugement  de  Salomon.  Le 
monarque  assis  sur  son  trône,  dans  une  attitude  de 
commandement,  ordonne  à  un  soldat  qui  tient  par  la 
jambe  l'enfant  vivant,  de  le  couper  en  deux  parts. 

La  véritable  mère  se  récrie,  tandis  que  la  fausse  pré- 
tend recevoir  sa  moitié.  L'enfant  mort  gît  à  l'avant-plan. 
Quielques  courtisans  se  tiennent  à  côté  du  trône.  Une 
vieille  femme  est  figurée  près  de  la  mère  supposée.  La 
scène  se  passe  dans  un  bâtiment  orné  de  colonnes. 

Cette  copie  est  excellemment  exécutée. 

Nous  nous  bornons  à  cette  description  des  tableaux 
du  maître  que  possède  la  ville  d'Anvers.  Plusieurs  autres 
ornent  des  églises  de  Flandre,  les  galeries  du  Belvé- 
dère (i)  et  de  Lichtenstein  à  Vienne,  ainsi  que  celle 
de  Sleissheim. 

(i)  Le  Catalogue  de  M.  Albert  KrafFt  (édition  de  1853),  appelle  le 
maître  Rémi  Langjaii  et  le  fait  mourir  en  1670,  (p.  66,  n"  10). 


70 


Les  compositions  que  nous  avons  passées  en  revue 
appartiennent  à  l'histoire  sacrée  et  à.  l'allégorie.  Boeck- 
horst,  comme  nous  l'avons  dit,  peignit  aussi  l'histoire 
profane,  le  portrait,  et  même  les  animaux.  Nous  pouvons 
ajouter  la  mythologie. 

Diego  Duarte  d'Anvers  possédait  à  Amsterdam,  en 
1682,  l'effigie  d'une  femme  tenant  un  miroir  :  elle  était 
peinte  par  Pierre-Paul  Rubens,  mais  notre  artiste  en  avait 
exécuté  le  corps  et  la  main.  Il  en  avait  fait  de  même  à 
un  portrait  du  bourgmestre  Nicolas  Rockox,  également 
commencé  par  Rubens  et  qui  appartenait  au  même  pro- 
priétaire. Celui-ci  possédait  l'épisode  de  Clélie  à  cheval, 
entièrement  peint  par  Jean  van  Boeckhorst  et  qui  avait 
coûté  30a  florins  (i). 

Nous  voyons  mentionnés,  entre  autres,  dans  les  cata- 
logues de  Gérard  Hoet,  les  Sept  Péchés  capitaux,  qui 
furent  vendus  80  florins,  à  Amsterdam,  le  13  mai  17 16, 
chez  Jean  van  Benningen.  Une  Vanité,  accompagnée  de 
cinq  génies  nus,  adjugée  à  20  florins,  à  la  Haye,  le  21 
juillet  1734,  lors  de  la  vente  de  la  collection  de  Conrad 
baron  Droste.  Une  Vénus  endormie  et  un  satyre  :  ce 
tableau  fut  acquis  moyennant  100  florins,  à  Amsterdam, 
le  31  octobre  1739  (2). 

Une  toile  représentant  trois  petits  chevaux  peints  par 
notre  maître  fut  vendue  10  florins,  à  Anvers,  le  19  août 
1749,  à  la  mortuaire   d'Anne-Thérèse   van   Haelen  (3). 

Les  catalogues  publiés  par  Pierre  Terwesten  signalent, 

(i)  Frederik  Muller.  Cataïogus  der  schilderijen  van  Diego  Duarte, 
te  Amsterdam  in  16S2,  met  de  prij\en  van  aanhoop  en  taxatie.  Onde 
Tijd,  iSyo,  n°^  55,  56,  118. 

(2)  Op.  cit.,  T.  I,  p.  202,  11°  48;  p.  423,  no  7;  p.  611,  no  47. 

(3)  Op.  cit.,  T.  II,  p.  259,  no  53. 


71  — 


entre  autres,  un  portrait  de  femme,  exécuté  par  Bocck- 
horst  et  vendu  22  florins  de  change,  le  19  septembre 
1746,  à  la  mortuaire  de  Gérard  Vervoort,  à  Bruxelles. 
Un  autre  portrait,  sans  désignation  de  sexe,  rapporta  21 
florins  6  sous  argent  courant  de  Flandre,  à  la  mortuaire 
de  M.  Gaspard  d'Heyne,  seigneur  de  Leeuwerghem, 
Elene,  etc.^  dont  les  tableaux  flirent  vendus  à  Gand,  le 
26  octobre  1761  (i). 

Le  peintre  Pierre  Sn3'ers  possédait  une  esquisse  en 
couleur  de  Boeckhorst,  figurant  un  paon  et  une  biche. 
Elle  forma  le  numéro  180  du  catalogue  de  ses  tableaux, 
qui  furent  vendus  à  Anvers,  le  22  août  1752  et  jours 
suivants. 

D'après  Jacques  van  der  Sanden,  secrétaire  de  l'an- 
cienne académie  d'Anvers,  Boeckhorst  aurait  exécuté  des 
patrons  de  tapisserie,  pour  un  membre  de  la  famille  de 
Wael,  de  notre  ville  (2). 

Sources  :  Registres  des  paroisses  d'Anvers.  —  Archives  de  la  gikic 
de  St  Luc.  —  Note  de  M.  J.-B.  van  der  Straelen.  —  Notes  de 
Jacques  van  der  Sanden.  —  Archives  de  la  ville  d'Anvers. 


(i)  Op.  cit.,  T.  III,  p.  46,  no  56  et  p.  244,  n»  94. 
(2)  Cette  notice  est  datée  du  22  juillet  1875. 


QuiRIX    BOEL,    LE    VIEUX 

(en  flamand  Corijn  ou  Quirijn  BOEL,  de  oude) 
(1589-1633)  (i). 


A,,|i^orsquc  le  célèbre  Alexandre  Farnèse,  duc  de 
^  Parme,  eut  entrepris,  au  mois  de  juillet  1584,  les 
^premiers  travaux  du  siège  d'Anvers,  plusieurs 
habitants  de  cette  ville  s'empressèrent  de  la  quitter  et  de 
chercher  un  refuge  ailleurs.  C'est  ce  qui  résulte  d'une 
ordonnance  du  magistrat,  en  date  du  17  juillet  de  cette 
année-là. 

Une  proclamation  du  29  décembre  suivant  mentionne 
parmi  les  personnes  qui  avaient  pris  ce  parti,  Quirin 
Boel,  que  la  Providence  destinait  à  être  la  souche  d'une 
famille  d'artistes  célèbres.  Après  avoir  été  rappelé  en 
vain  dans  nos  murs,  à  deux  reprises  différentes  sous  la 
menace  de  pénaHtés  très-sévères,  il  était  encore  absent 
à  la  date  du   28   janvier    1585,  époque  d'une    troisième 


(i)  Voici  le  sommaire  de  nos  notices  sur  la  famille  (Fartistes  Bocl  : 

Quirin  T3oel,  le  vieux,  (1589-1633).  —  Jean  'Boel,  (i 592-1640).  — 

Quirin  Boel,  le  jeune,  (1620-166.?).  —  Pierre  Boel,  (1622-1674).  — 

Jean-'Baptiste  'Boel,  (i6so7-i688-i6^). —  'Baltlmsar-Luc  Boel,  (165 1- 

1702-1703). 

Nous  rectifions,  dans  ces  biographies,  plusieurs  erreurs  graves  que 
nous  avons  commises,  dans  le  Catalogue  du  musée  d'envers,  édition 
de  1857,  ^"'  *^^"s  le  Supplément  à  cet  ouvrage,  publié  en  1863. 


—  73  — 

proclamation  (i).  Il  ne  retourna  probablement  à  An- 
vers qu'après  la  reddition  de  cette  ville,  qui  eut  lieu 
au  mois  d'août  suivant.  C'est  vers  ce  temps-là  qu'il 
épousa  Marie  Pelgrom,  issue  d'une  très  honorable 
famille  anversoise.  Elle  lui  donna  six  enfants,  qui  furent 
tous  baptisés  dans  notre  cathédrale  : 

1°  Catherine,  le  i8  janvier  1587  ;  elle  eut  pour  par- 
rain Henri  Pelgrom,  qui  ligure,  en  1577,  ^^^  ^^  tableau 
du  corps  distingué  des  aumôniers  de  notre  ville  (2), 
pour  marraine,  Marguerite  Petitpas. 

2°  Q.uirin,  le  17  avril  1589  ;  parrain,  Jean  Speec- 
kaert,  marraine,  Catherine  Pelgrom.  Il  pratiqua  avec 
succès  la  gravure  au  burin.  Quoique  son  père  portât  le 
môme  prénom,  nous  avons  appelé  notre  artiste  Quirin 
Boel,  le  vieux,  pour  le  distinguer  de  son  neveu  Q.uirin, 
le  jeune,  qui  fut  un  graveur  au  burin  et  à  l'eau-forte  de 
beaucoup  de  mérite. 

3°  Henri,  le  30  juillet  1590,  tenu  par  François  Pel- 
grom et  Catherine  Segers.  D'après  un  acte  reçu  le  3 
novembre  1623,  par  les  échevins  d'Anvers  Alexandre 
van  der  Goes  et  Henri  de  Clerck,  il  se  trouvait,  en 
1622,  à  Coïmbre,  en  Portugal,  et  son  père  était  décédé, 
lors  de  la  passation  des  lettres  scabinales  (3). 

4°  Jean,  le  5  juillet  1592;  parrain  Jacques  Vervloet, 


(i)  P.  Génard.  a HhverpschArchievenhlad, t.  IY,\^\).  158,  202-204. 

(2)  Diy-bonderd-zyftig  jaerig  jubilé  der  beriigte  instelUnge  van  den 
dienst  der  agtbaere  Heeren  ^elmoessenieren  der  stad  lAnhuerpen,  gevierd 
deit  vyfden  van  IVinter-iiiaend  mdcccviii,  bl.  58. 

Henri  Pelgrom  mourut  le  19  août  1587  et  fut  enterré  dans  l'église 
des  Récollets.  —  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  province, 
d'^invers.  .Anvers,  T.  VI,  p.  197. 

(3)  Protocoles  scabinaux  d'Anvers,  sub  Kinipe,  1623,  p.  315. 


—  74  — 

marraine  Claire  Pclgrom,  représentée  par  Christine  Pel- 
grom.  Il  fut  un  graveur  de  mérite. 

5°  Basilie,  le  6  décembre  1594, 

et  6°  Adrienne,  le  12  décembre  1596.  Nous  cro3-ons 
inutile  d'indiquer  leurs  répondants  de  baptême,  parmi 
lesquels  on  compte  deux  Pelgrom. 

Nous  connaissons  maintenant  les  parents,  les  frères 
et  les  sœurs  du  graveur  Q.uirin  Boel,  le  vieux.  Il  se 
fiança,  le  27  décembre  1616,  avec  Elisabeth  de  Cuyper, 
qu'il  épousa,  le  15  janvier  suivant,  dans  l'église  de  S" 
Walburge,  à  Anvers,  en  présence  de  Quirin  Boel,  son 
père,  et  de  Jean  de  Cuyper.  L'artiste  habitait  à  cette 
époque  la  paroisse  de  Notre-Dame. 

Il  eut  d'Elisabeth  de  Cuyper  quatre  enfants,  qui  furent 
tous  baptisés  dans  la  cathédrale,  quartier  nord.  1°  Marie, 
le  10  octobre  161  j  ;  parrain,  Jean  de  Cuyper,  marraine, 
Marie  Pelgrom,  femme  ou  veuve  de  Quirin  Boel,  aïeule 
de  l'enfant;  2°  Elisabeth,  le  7  novembre  1619.  Elle  fit 
profession  au  Béguinage  d'Anvers,  en  1637,  et  mourut 
le  13  novembre  1670  (i).  3°  Jean,  le  16  mai  1622,  et 
4°  un  second  Jean,  le  15  novembre  1623.  Nous  avons 
cru  inutile  d'indiquer  les  parrains  et  les  marraines  de 
ces  enfants  ;  ils  appartiennent  en  majorité  aux  familles 
Pelgrom  et  de  Cuyper. 

Quirin  Boel,  le  vieux,  n'est  inscrit  dans  les  registres 
de  la  gilde  de  S'  Luc  d'Anvers,  ni  en  qualité  d'apprenti, 
ni  en  celle  de  franc-maître.  Michel  Bryan  qui,  a  la  suite 
de  Huber  et  Rost(2),  a  changé  à  tort  le  prénom  de  notre 

(i;  Inscriptions  funéraires  et  monumentales,  de  la  province  d'iAjivers. 
i^4nvers,  T.  V,  pp.  441  01486. 

(2;  M.  Huber  et  C.-C.-H.  Rost.  Manuel  des  curieux  et  des  amateurs 
de  l'art,  Zurich,  1801,  T.  V,  p.  244. 


—  75  — 

graveur,  comme  nous  le  verrons  à  l'instant,  le  croyait, 
comme  les  auteurs  cités,  élève  des  Sadelcr,  opinion  qui 
a  été  depuis  généralement  admise,  sans  examen. 

M.  Jean-Théodore-Joseph  Linnig,  artiste-peintre  et 
graveur,  à  Anvers,  excellent  connaisseur  d'estampes,  a 
comparé  avec  nous  les  œuvres  de  notre  Boel  avec  celles 
d'yVdricn  Collacrt,  et  de  cette  comparaison  est  née  pour 
nous  deux  la  certitude  que  celui-ci  fut  le  maître  de  notre 
Quirin. 

Bryan  a  donné  à  notre  Boel,  et  d'après  Huber  et 
Rost,  le  prénom  de  Corneille,  parce  qu'une  planche 
représentant  h  Jugement  dernier,  serait  signée  :  Cornélius 
Boel  fecit.  Nous  ignorons  si  l'auteur  anglais  a  vu  l'œuvre 
dont  il  parle.  Mais  si  son  assertion  est  fondée,  nous 
n'hésitons  pas  à  dire  qu'elle  est  le  résultat  d'une  erreur 
commise  par  le  graveur  des  lettres  de  l'estampe  en  question . 
En  eifet,  toutes  les  autres  productions  de  notre  maître 
sont  invariablement  marquées  C.  Boel.  Nous  savons  que 
cette  lettre  est  la  première  du  prénom  Corijn,  (en  fran- 
çais duirin,)  aussi  bien  que  de  Conu'lis,  (en  français 
Corneille).  Mais  de  Bie,  le  plus  ancien  auteur  qui  ait 
parlé,  à  notre  connaissance,  de  notre  Boel,  le  désigne 
comme  O.  Boel,  à  la  page  42  de  son  Gulden  cabinet  van 
de  edel  vry  schilderconst .  Or,  ce  0  est  bien  l'initiale  du 
prénom  Qnirijn,  qui  répond  à  Corijn,  et  il  s'agit  bien,  à 
l'endroit  cité,  de  l'artiste  qui  a  gravé  d'après  Otho 
V^nius,   et  qui  est  celui  dont  nous  nous  occupons  (i). 

(i)  MiCHAEL  Bryan.  ^  blo^raphicaî  and  crilical  diclionary  of  paiii- 
ters  and  eiigravers.  London,  1816,  T.  I,  p.  142.  Dans  l'article  consacre 
à  notre  Boel,  il  n'a  fait  guère  que  copier  Huber  et  Rost. 

(i)  Elle  figure  dans  l'ouvrage  cité,  immédiatement  avant  la  pre- 
mière planche. 


-  76  - 

Nous  ajouterons  que  nous  avons  recherché  dans  les 
anciens  registres  des  baptêmes  et  des  mariages  des  pa- 
roisses d'Anvers,  tous  les  Boel  qui  s'y  trouvent  men- 
tionnés, et  que  nous  n'y  avons  pas  découvert  un  seul 
Corneille,  dans  tout  le  cours  du  XVP  siècle.  Il  est  certain 
néanmoins  qu'il  a  existé,  à  cette  époque,  un  Corneille 
Boel,  et  que  celui-ci  a  eu  même  des  relations  avec 
Otho  Va^nius.  En  effet,  les  Amorvin  enibkinata,  publiés 
à  Anvers,  en  1608,  par  ce  maître,  renferment  une  pièce 
de  vers  flamands,  qui  lui  est  adressée  et  qui  porte  la 
signature  Cornelis  Boel  (i).  Elle  est  imprimée  immédia- 
tement après  la  série  des  poésies  latines  qui  furent 
offertes,  à  cette  occasion,  à  Otho  Vxniius,  par  Hugo 
Grotius,  Daniel  Heinsius,  Max.  Vrientius  et  Pliil.  Rube- 
nius,  ou  Rubens,  le  frère  du  grand  Pierre-Paul.  Sauf  le 
dernier,  tous  ces  auteurs  étaient  étrangers  à  notre  ville. 
En  était-il  de  même  de  ce  Corneille  Boel  ?  C'est  ce  que 
n'ont  pu  nous  apprendre  nos  recherches. 

Qiioi  qu'il  en  soit,  nous  retournons  à  notre  Quirin 
Boel.  Il  débuta  dans  la  carrière  artistique  par  un  coup 
de  maître.  Otho  Vasnius  lui  avait  confié,  en  effet,  la 
gravure  des  emblèmes  que,  dans  sa  jeunesse,  il  avait 
composés  sur  l'amour  (i).  Cet  ouvrage  parut  à  Anvers, 
en  1608,  sous  le  titre  :  Aniorvin  emblemata,  figvris  aneis 
incisa  stvdio  Othonis  VcenI  Batavo-Lvcrdvnensis .  —  Ant- 
verpice,  venaliaapvd  Avctoixm.  ProUant  apvd  Hieronymvm 
Verdvssen.  M.DC.IIX.  L'approbation  du  savant  Laurent 
Beyerlinck,  licencié  en  théologie,  chanoine  de  la  cathé- 


(i)  Cette  dernière  particularité  résulte  de  la  dédicace  de  Vœiiius  à 
Guillaume  de  Bavière  ou  van  Bcyeren  (Bavarus)  seigneur  de  Holinc- 
hoven,  chevalier.  Elle  figure  en  tête  des  ^iiiorvui  cviblinruila. 


f 


—  11  — 

drale  d'Anvers  et  censeur  des  livres,  est  datée  du  3 
des  calendes  de  décembre  1607,  date  qui  correspond  au 
29  novembre.  Il  y  est  fait  mention  des  planches  sur  cui- 
vre qui  ornent  le  volume.  Celles-ci  sont  au  nombre  de 
I25_,  y  compris  la  gravure  intitulée  :  Tro/;  quanta  potentiel 
regni  est  Venus  aima  tvi,  qui  se  trouve  en  face  du  petit 
poème  flamand  et  français,  intitulé  :  Cupido  tôt  de  leught, 
Cupidon  à  la  leunesse.  Hubcr  et  Rost,  parlant,  en  général, 
des  œuvres  de  Quirin  Boel,  le  vieux,  disent  qu'elles  ne 
sont  pas  dénuées  de  mérite.  Nous  préférons  à  cet  éloge 
assez  maigre,  l'appréciation  de  Bryan.  Cet  auteur  loue 
la  transparence  et  l'élégance  de  la  manière  du  maître  et 
lui  reconnaît  un  mérite  considérable.  En  effet,  les  es- 
tampes des  Amorvm  emhleniata,  que  nous  avons  sous  les 
yeux,  et  dont  celle  de  la  page  i  est  signée  C.Boel  fecit  (i)^ 
sont  pleines  de  vie  et  de  mouvement,  et  exécutées  d'une 
pointe  légère  et  spirituelle.  Et  nous  n'avons  pas  de 
moindres  éloges  à  donner  aux  autres  productions  de 
l'artiste  qu'il  nous  a  été  permis  d'examiner. 

Q.uirin  Boel  avait  19  ans,  à  l'époque  où  son  début 
fut  mis  au  jour;  il  en  avait  18  seulement,  lorsqu'il 
grava  les  planches,  la  plupart  de  forme  ovale,  des 
KAmoiunt  eniblemata,  .ainsi  que  le  prouve  l'approbation 
de    cet    ouvrage.    Il    fut     donc    un    artiste    précoce, 


(i)  Feu  M.  P.  Visschers,  curé  de  S'  André,  à  Anvers,  dit  qu'elle 
est  signée  Corneille  "Boel,  et  ajoute  en  note  des  détails  relatifs  à  la 
prétendue  réception  de  celui-ci  en  qualité  d'apprenti  et  de  franc- 
maître  de  la  gilde  anversoise  de  S^^  Luc.  Mais  ces   assertions  insérées 

à  la  page  35   de  son  ouvrage  intitulé  :  lets  over  Jacob  Jongbeliuck 

Oclavio  van  Veen en  de  gebroeders  CoUyns    de  '\SLole',  door  T.  Vis- 
schers, priester,  sont  entièrement  erronées. 


-  78- 

phénomène  assez  peu  rare  dans  notre  ancienne  école  (i). 

L'ouvrage  dont  nous  venons  de  parler  est  appelé  par 
Huber  et  Rost,  les  Fables  d'Olto  Venins^  et  serait  écrit, 
d'après  ces  auteurs,  en  vers  latins,  anglais  et  italiens. 
La  vérité  est  qu'il  est  rédigé  tantôt  en  vers  tantôt  en 
prose  latins,  et  que  les  autres  poésies  le  sont  en  flamand 
et  en  français. 

Feu  M.  Visschers  a  écrit  (2)  que  notre  Boel  et  Gisbert 
van  Veen,  frère  d''Otho  Vasnius,  ont  enrichi  de  103 
gravures  à  l'cau-forte,  une  édition  des  emblèmes  d'Ho- 
race, qui  aurait  paru  à  Anvers^  chez  Jérôme  Verdussen. 
Nous  avons  sous  les  yeux  ce  livre  qui  porte  le  titre 
suivant  :  O.  Horati  Flacci  emblemata.  ImaginibiiSj  in  ces 
incisis,  notisq.  illustrât  a,  studio  Ot  bonis  FanI  'Batavo  Lug- 
dimensis.  —  Aniverpice,  ex  officina  Hieronymi  Verdussen, 
^iictoris  are  &  cura.  M.DC.VIL  Quirin  Boej,  le  vieux, 
qui  n'a  jamais,  que  nous  sachions,  gravé  à  l'eau-fortc, 
resta,  aussi  bien  que  Gisbert  van  Veen,  étranger  à  cet 
ouvrage,  dont  il  parut  une  deuxième  édition  à  Anvers, 
en  1612,  chez  Philippe  Lisaert  (3).  Les  planches  non- 
signées  sont  l'œuvre  du  célèbre  Corneille  Galle,  le 
vieux.  Elles  sont,  du  reste,  au  nombre  de  103,  non 
compris  le  portrait  en  médaillon  d'Horace,  qui  orne  le 
titre  et  qui  fut  gravé  par  le  même  maître. 


(i)  Les  Amorvm  emblemata  furent  imprimés  en  un  volume  in-40 
oblong,  chez  Henri  Swingen,  franc-maître  de  la  gilde  de  S»  Luc,  à 
Anvers,  en  1587-1 588.  — Ph.  Rombouts  et  Th.  Van  Lerius,  avocat  : 
Les  Liggeren  et  attires  archives  historiques  de  la  gilde  aiiversoise  de  S^  Litc, 
T.  I,  p.  320. 

(2)  Op.  cit.,  p.  36. 

(5)  Elle  fut  imprimée  par  David  Mertens,  franc-maître  de  notre 
gilde  de  S'  Luc,  en  1608-1609.  Liggercn  cités,  T.  I,  p.  447. 


—  79  — 

M.  Visschers  attribue  encore  à  Quirin  Bocl,  le  vieux, 
et  à  Gisbert  van  Veen,  les  planches  à.  l'eau-forte,  dont 
ils  auraient  enrichi  un  autre  ouvrasie  d'Otho  Va^nius, 
intitulé  :  Conclnsioms  thcologiccc  et  physicce  de primariis  Fidei 
capitibus,  atqiie  iuprimis  de  Tradestinatione.  L'auteur  cite 
ce  volume,  d'après  Foppens,  qui  mentionne  simplement 
qu'il  fut  publié  à  Leiden,  à  l'insu  de  Vasnius.  Foppens 
n'indique  pas,  du  reste,  en  quelle  année  eut  lieu  cette 
indiscrétion  et  ne  dit  mot  des  gravures  dont  le  livre 
serait  orné.  Il  est  plus  que  probable  que  M.  Visschers 
a  commis  ici  une  nouvelle  erreur  (i). 

En  1610  parut  à  Anvers  une  Vie  de  5"'  Thomas  d'A- 
quin,  composée  par  Otho  V^enius  et  comprenant,  outre 
le  titre,  une  suite  de  trente  planches.  Ce  titre  gravé  par 
Corneille  Galle,  le  vieux^  représente  la  Contemplation, 
l'Oraison,  l'Étude  et  deux  anges  tenant^  d'une  main,  une 
couronne,  et  de  l'autre,  un  cartouche  contenant  l'inscrip- 
tion suivante  :  Vita  T).  Thoma  ^qvinatis  Othonis  Vanl 
ingenio  et  manu  delineata.  et  plus  bas  :  Antverpice  siimpli- 
hiis  Othonis  Vanl.  M.DC.X.  Ce  volume  .in-4°  renferme 
treize  planches  dues  au  burin  de  Quirin  Boel,   le  vieux. 

1°  Le  portrait  du  5'  Thomas  d'Aqtdn,  (n°  i  de  la  suite)  ; 

2°  Un  anachorète  prédisant  à  la  mère  du  saint  quelle  mettra 
au,  monde  un  enfant  mâle,  qui  sera  l'illustration  de  sa  fa- 
mille et  portera  l'habit  de  6"'  Dominique,  (n°  2  de  la  suite). 
L'auteur  de  cette  notice  possède  deux  exemplaires  ori- 
ginaux de  cette  gravure  et,  en  outre,  une  copie,  portant 
le  H°  I  et  signée  Thomas  de  Leu  excudit. 

Cette  reproduction,  quoique  très  inférieure  à  l'œuvre 


{i)  Op.  cit.,  ç.  36.  —  F.  Foppens,  Tibliotheca  Tielgica,  p.  936. 


—  So- 
dé QLiinii  Boel,  le  vieux,  n'est  pas  cependant  sans 
mérite.  J'en  ignore  l'auteur  ;  Thomas  de  Leu  qui  l'im- 
prima, était  un  graveur,  établi  en  France,  mais  né  dans 
nos  provinces,  comme  le  prouve  M.  A.  Jal,  (i)  contraire- 
ment aux  assertions  d'autres  auteurs,  qui  le  font  venir 
au  jour  à  Paris. 

^°  Le  petit  Thomas  d'Aquin  s' efforçant  de  retenir  la  salu- 
tation angélique  écrite  sur  une  feuille  de  papier,  que  sa 
nourrice  veut  lui  enlever  (n°  4  de  la  suite). 

4°  5'  Thomas,  déjà  revêtu  de  l'habit  de  5'  Dominique, 
est,  sur  sa  demande,  envoyé  à  %pme,  par  ses  supérieurs,  pour 
échapper  aux  poursuites  de  sa  mère,  qui  voudrait  le  faire 
rentrer  dans  le  monde  et  le  recherche  en  vain  à  Naples  avec 
sa  famille  (n^'  6  de  la  suite). 

5  °  5'  Thomas  fait  prisonnier  par  ses  frères,  à  l'instigation 
de  leur  mère  (n°  7  de  la  suite). 

6°  Le  saint  conduit  dans  un  château  appartenant  à  sa 
famille,  après  avoir  résisté  aux  instances  de  sa  mère,  triomphe 
de  celles  de  ses  sœurs,  dont  l'aînée,  annonce  l'intention  d'entrer 
dans  un  monastère  (n°  8  de  la  suite). 

7°  Les  frères  de  5'  Thomas,  irrités  de  cette  résolution  de 
leur  sœur,  maltraitent  le  bienheureux  et  lacèrent  ses  habits 
religieux  (n°  9  de  la  suite). 

S""  Le  saint  enfermé  par  ses  frères  dans   la  tour  du  châ- . 
teau  de  Rocca  Sicca  (n°  10  de  la  suite). 

()°  Le  saint  tenté  par  une    courtisane,    excitée  par  ses 


(i)  Dictionnaire  critique  de  biographie  et  d'histoire,  Paris,    1867,  ^ 

p.  78$.  —  Thomas  de   Leu,  ou  mieux  de  Leeu   est  probablement  fl 

originaire  d'Anvers;  en  effet,  Thomas  de   Leeu  fut  inscrit  en  1574-  *' 

1575,  dans  nos   Liggeren,   comme  élève  du  graveur  Jean  Ditmaer. 
Il  travaillait  déjà  en  1579,  d'après  M.  Jal.  Liggercn  cités,  T.  I,  p.  257. 


—  8i  — 

frères,  s'arme  d'un   lisoii  ardent  et  chasse  la  malheureuse  de 
sa  chambre  (n°  ii  de  la  suite). 

10°  T)eux  animes  revêtant  5'  Thomas  de  la  ceinture  de 
chasteté  (11°  12  de  la  suite). 

11°  5"'  Thomas  quittant  %pcca  Sicca,  dans  un  panier, 
que  ses  sœurs  font  descendre  d'une  fenêtre  (n°  13  de  la 
suite) . 

12°  Le  saint  et  5'  'Bonaventure  chassés  ignominieusement 
des  écoles  de  ^aris,  à  l'occasion  des  démêlés  qui  divisaient 
les  docteurs  séculiers  et  réguliers  de  rimivcrsité  (n°  16  de  la 
suite). 

13°  5"'  Thomas  élevé  de  terre,  en  prières  devant  le  cruci- 
fix, entend  ces  paroles  de  la  part  du  Sauveur  :  «  Vous  ave:^^  bien 
écrit  de  moi,  Thomas;  quelle  ràompense  demandexjvous  1  »  A 
quoi  le  saint  répond:  «  Nulle  autre  que  vous,  Seigneur  »  ('i) 
(n°  17  de  la  suite). 

Dans  cette  série  de  treize  planches  très-lumineuse- 
ment exécutées,  Quirin  Boel^  le  vieux,  a  rendu  avec 
beaucoup  d'art  les  superbes  dessins  d'Otlio  Vienius,  qui 
se  distinguent  par  la  beauté  des  expressions  et  des  atti- 
tudes, ainsi  que  par  le  grand  goût  des  draperies.  Notre 
graveur  avait  atteint  l'âge  de  21  ans,  lors  de  leur  publi- 
cation. 

D'après  Huber  et  Rost  et  Bryan,  Quirin  Boel,  le 
vieux,  se  trouvait  en  Angleterre,  en  léii.  Il  y  exécuta 
une  belle  planche,  grand  in-folio,  qu'il   signa  :    C.  Doel 


(i)  Les  autres  gravures  de  ce  recueil  ont  été  exécutées  par  Cor- 
neille Galle,  le  vieux,  Egbert  van  Panderen  et  Guillaume  Swanen- 
burg.  Celles  de  ce  dernier  artiste  sont  les  moins  remarquables. 

Notons  ici  qu'Egbert  van  Panderen  fut  reçu  franc-maître  de  la 
gildc  anversoisc  de  S*  Luc  en  1606-1607.  Ligs^cren  cités,  T.  I,  p.  434. 

6 


—   82    — 

lerit  in   Richmont    1611.   C'est   un   frontispice   orné    de  ^' 

figures  et  d'autres  décorations,  pour  la  bible  anglaise 
publiée  à  cette  époque-là  par  ordre  du  roi  de  la  Grande- 
Bretagne. 

Le  burin  de  notre  graveur  a  reproduit  les  traits  de 
quelques  personnages  anglais,  tels  qu'Anne  de  Dane- 
mark, femme  de  Jacques  I,  Henri-Frédéric,  prince  de 
Galles,  Elisabeth,  fille  du  roi  et  femme  de  Frédéric, 
vicomte  de  Simmerin.  duirin  Boel,  le  vieux,  a  exécuté 
aussi,  d'après  Otho  Va^nius,  les  portraits  de  l'évêque 
d'Anvers  Jean  Mirseus  et  du  célèbre  Juste  Lipse  (i). 
Nous  avons  vu  un  exemplaire  de  cette  dernière  effigie. 
Le  savant  est  représenté  à  mi-corps  et  tête  nue.  Sa  belle 
fissure  barbue  se  détache  heureusement  sur  sa  fraise  à 
tuyaux.  Il  est  drapé  dans  une  toge  garnie  de  fourrure. 
Cette  excellente  planche  porte  les  inscriptions  suivantes  : 

Jvstvs  Lipsivs  natvs  est  Iscano  in  mvnicipio.  IIL 
milliari  â  Bruxellâ,  CD.DXLVIL  XVIII  kal.  Nov. 
Obijt  Lovanij  CD.IDCVI.  x  kal.  Aprilis. 

Magnus  in  exiguâ  sic  Lipsius  ille  tabellâ 

Pingitur  ;  ingenium  scripta  laborque  docent. 
De  probitas  candorque  viri  virtusq.  relinquunt 

Ambiguum,  an  fuerit  doctior,  an  melior, 
O  te  felicem  tali  certamine  !  pugnant 

Doctrina  integritas  :  num  prior  illa  vel  hsec  ? 
Juste  pari  voto  dirimit  sententia  litem 

Hase  prodest  alijs,  profuit  illa  tibi  (2). 

J.  BocHius. 
Pinxit  et  incidi  curavit  Otho  V^enius.  —  C.  Boel. 

(i)  Ch.  le  Blanc.  Manuel  de  l'amateur  d'estampes,  T.  I,  pp.  402 
et  403. 

(2)  L'auteur  de  cette  ingénieuse  pièce  de  vers  est  Jean  Bochius  ou 
Boghe,  secrétaire  de  la  ville  d'Anvers. 


-   83  - 

Quirin  Bocl ,  le  vieux,  grava  aussi,  d'après  Otho 
Vicnius  et  à  sa  demande,  le  portrait  à  mi-corps  de  Pierre 
Damant,  évèque  de  Gand.  Le  prélat  est  représenté  la 
tète  découverte,  assis  dans  un  fauteuil,  et  revêtu  du 
rochet  et  du  camail,  insignes  de  sa  dignité.  C'est  une 
œuvre  pleine  de  vie  et  de  vérité.  On  y  lit  ces  mots  à 
droite  de  l'évêque  dans  la  partie  supérieure  de  la  planche  : 

Petrvs  Damantivs 
Epvs  Gandensis 

1608. 

L'élégante  pièce  de  vers  qui  suit  et  qui  est  due  au 
secrétaire  de  la  ville  de  Gand,  Max.  Vrientius  (de  Vrient) 
se  lit  au-dessous  de  l'effigie  : 


'iD' 


Qualis  ab  illustri  lux  pura  adamantc  refulget  ; 

Et  tremulam  vitrei  prouocat  amnis  aquam  ; 
Talis  honos  frontis,  talis  décor  aureus  oris, 

Lenis  et  augustâ  c;um  grauitate  Icpor, 
Indolis  ingenijque  tui  tria  Petre  Damanti 

Sidéra,  ApelL-eâ  splendida  ab  arte  nitent. 
Tantuni  lingua  deest,  quam  si  quoque  V^nius  addat, 

Dulcius  humana  spiret  in  aure  nihil. 

Plus  bas  : 

Pinxit  et  incid.  curauit  Otho  V:\^nius.  —  G.  Boel, 
incid.  —  Max.  Vrientius. 

Cette  planche  est  restée  inconnue  à  le  Blanc. 

Bryan  et  J.  Immerzeel  junior  mentionnent  comme 
l'œuvre  la  plus  considérable  de  notre  Boel,  une  suite  de 
huit  planches,  non  compris  le  titre,  qui  représentent  les 
gestes  de  l'empereur  Charles-Quint  et  les  batailles  livrées 
entre  ce  monarque  et  le  roi  de  France  François  L  Ces 
estampes   ont   été  exécutées  d'après  Antoine  Tempesta, 


-84  - 

et  l'auteur  hollandais  cit6  nous  apprend  que  Guillaume 
de  Glieyn,  le  jeune,  en  a  gravé  une  partie.  Charles  le 
Blanc  faisant  l'énumération  de  celles  qui  ont  notre  Boel 
pour  auteur,  n'en  signale  que  trois  (i). 

Nous  croyons  que  si  Bryan  et  Immerzecl  avaient 
connu  les  Amorvm  emhlemata  et  la  Vita  D.  Thoime  Aqvi- 
natis,  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus,  ils  se  seraient 
gardés  de  l'exagération  que  nous  venons  de  signaler. 

Le  Blanc  mentionne  des  productions  de  notre  Boel, 
exécutées  d'après  Corneille  Ketel,  Pierre  Isacx  et  Pierre 
Feddes,  de  Harlingen.  D'après  lui,  l'œuvre  de  notre 
graveur  se  composerait  de  27  pièces  seulement  :  mais 
il  ne  compte  que  pour  une,  ce  qu'il  appelle  les  Fables 
d'Otto  Vanius.^  publiées  à  Anvers,  en  1608.  Or,  nous 
avons  vu  que  ces  Fables  ne  sont  autres  que  les  Amorvm 
emblemata,  et  que  ceux-ci  comprennent  125  estampes. 
Ajoutons-en  par  conséquent  124  à  l'œuvre  de  notre  Boel, 
et  concluons  que  celle-ci  se  compose  certainement  de 
152  pièces,  y  compris  le  portrait  de  l'évêque  de  Gand 
Pierre  Damant,  que  l'auteur  français  n'a  pas  connu.  Il 
nous  reste  peu  de  choses  à  dire,  pour  terminer  cette 
biographie.  Quirin  Boel,  le  vieux,  faisait  partie  en  16 19, 
du  vieux  serment  de  l'arbalète,  en  quaHté  de  vry  we- 
pelaer,  c'est-à-dire,  comme  dispensé  de  certains  offices 
puMics.  D'après  une  patente  en  date  du  18  octobre  1759, 
délivrée  à  Charles-Emmanuel-Joseph  délia  Faille,  par  le 
jeune  serment  de  l'arc,  document  que  nous  avons  sous 
les  yeux,  cette  dispense  comprenait  les  offices  de  mar- 
guillier,  quartenier,  décanat  des  métiers,  comparution  à 
la  joyeuse  entrée  des  souverains,   marches,  fourrages  et 

(i)  Op.  cit.,  T.  I,  p.  402. 


-  85  - 

autres  services  urbains.  Quoique  cet  acte  soit  daté  du 
XVnP  siècle  et  émane  d'une  autre  gilde  que  celle  dont 
Boel  faisait  partie,  il  est  probable  que  les  exemptions  en 
question  subsistaient  déjà  en  1619,  et  étaient  les  mêmes 
pour  tous  les  serments. 

Qiiirin  Boel,  le  vieux,  figure  encore  au  nombre  des 
membres  de  la  vieille  arbalète,  en  1620  et  en  1621  (i). 
II  mourut  à  Bruxelles,  antérieurement  au  17  septembre 
1633.  C'est  ce  qui  résulte  d'une  attestation  délivrée  à 
cette  date,  devant  le  magistrat  d'Anvers,  à  la  requête 
d'Elisabeth  de  Cu\^per,  veuve  de  l'artiste,  par  le  graveur 
Jean  Boel,  son  frère,  et  Gaspard  Smits,  marchand  de 
soieries.  Les  comparants  déclarent,  dans  ce  document, 
que  Quirin  était  décédé  depuis  peu  de  temps  (onlancx) 
à  Bruxelles,  qu'il  était  né  bourgeois  d'Anvers  et  qu'ils 
n'avaient  jamais  su  ou  appris  qu'il  eût  renoncé  à  cette 
qualité,  etc.  (2). 

Le  maître  est  décédé  par  conséquent  dans  sa  45'= 
année.  Sa  veuve  se  fit  inscrire  le  17  février  1634  comme 
foraine  (biiitoipoorteresse),  dans  les  registres  de  la  bour- 
geoisie de  notre  ville  (3). 


(i)  Registres  de  la  garde  bourgeoise  [borgerlycke  wachle),  aux  ar- 
chives de  la  ville  d'Anvers. 

(2)  Protocoles  scabinaux,  1633,  vol.  II,  fol.  334.  Nous  devons  la 
communication  de  cet  acteà  M.  F.-Jos.  van  den  Branden,  sous-arclll- 
viste  de  la  ville  d'Anvers. 

(3^  Cette  notice  est  datée  du  2  juin  1874. 


Jean  BOEL 

(en    flamand   Jan    BOEL) 

(1592-1640). 


0>CMi  Boei,  fils  de  Qiiirin  et  de  Marie  Pel<;rom, 
:C^  naquit  à  Anvers  et  y  fut  baptisé  dans  l'église 
^cathédrale,  le  5  juillet  1592,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit  dans  la  biographie  de  son  frère,  le  graveur 
Quirin  Boel,  le  vieux.  Nous  y  avons  fait  connaître  son 
parrain  et  sa  marraine.  Les  Liggeren  de  la  gilde  anversoisc 
de  S'  Luc  n'indiquent  pas  sa  réception  en  qualité  d'élève, 
mais  ils  nous  apprennent  qu'il  fut  inscrit  comme  franc- 
maître  graveur,  en  1610-1611  ,  sous  le  décanat  de 
Théodore  Galle,  qui  pourrait  bien  lui  avoir  enseigné 
son  art  (i).  Nous  verrons  plus  loin  que  Jean  Boel 
exerça  aussi  la  profession  de  marchand  de  tableaux  et 
gravures. 

Il  épousa,  le  10  mars  16 19,  dans  la  cathédrale,  quar- 
tier sud,  Anne  van  der  Straten.  Ce  mariage   fut  célébré 


(i)  Ph.  Rombouts  et  Théod.  Van  Lerius,  avocat.  Les  Liggeren 
el  autres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  S^  Luc,  T.  I,  pp. 
.^6o  et  472. 


-  87  - 

du  consentement  du  doyen  du  chapitre  et  avec  dispense 
de  tous  les  bans,  en  présence  de  Quirin  Boel,  père  de 
Jean,  et  de  François  van  der  Willigen.  Neuf  enfants, 
tous  tenus  sur  les  fonts  de  la  cathédrale,  quartier  sud, 
en  furent  les  fruits.  i°  Quirin,  le  25  janvier  1620,  par 
Quirin  Boel,  aïeul  de  l'enfant,  et  Elisabeth  van  der 
Straten.  Nous  consacrerons  une  notice  spéciale  à  ce  fils 
de  Jean  Boel,  qui  se  distingua  dans  la  gravure.  2°  Anne, 
le  26  février  1621;  parrain,  Pierre  Luis,  marraine,  Lu- 
crèce van  der  Straten.  3°  Pierre,  le  22  octobre  1622; 
parrain,  Quirin  Boel,  son  oncle,  très  bon  graveur,  mar- 
raine, Catherine  de  Heuvel,  dont  la  fiimille  était  alliée 
aux  Pelgrom,  et  par  conséquent  aux  Boel.  Notre  Pierre 
s'acquit  un  nom  considérable  dans  la  peinture  et  la 
gravure  à  l'eau-tortc.  Nous  donnerons  plus  loin  sa  bio- 
graphie. 3°  Jean,  le  11  janvier  1624;  parrain,  le  célèbre 
graveur  Théodore  Galle,  marraine.  Basilic  Pelgrom, 
épouse  en  secondes  noces  de  Juste  Canis,  qui  figure 
en  16 13,  sur  le  tableau  des  aumôniers  d'Anvers.  Nous 
avons  la  preuve  authentique  que  ce  Jean  Boel  décéda 
antérieurement  au  19  mars  1640,  ainsi  que  sa  sœur 
Anne,  dont  nous  avons  parlé  déjà  et  une  deuxième 
Anne,  qui  va  suivre.  5°  Anne,  le  7  décembre  1624; 
parrain,  Vincent  van  der  Straten,  marraine,  Esther 
Pelgrom,  femme  de  Pierre  de  Heuvel.  6°  Michel,  le 
13  mars  1626  ;  parrain,  Zvlartin  Daelmans ,  mari  de 
Susanne  Pelgrom,  marraine,  Christine  tKint.  7°  Hélène, 
le  18  février  1627;  parrain,  Christophe  Gaillet,  mar- 
raine Hélène  Pelgrom.  Michel  et  Hélène  Boel  moururent 
avant  le  10  mars  1640.  S"  Claire,  le  14  mars  1628; 
parrain,  Jean  Galle,  bon  graveur,  imprimeur  en  taille- 
douce  et  marchand  d'estampes,  marraine  Claire  van  der 


—  88  — 

Goes.  9°  Basilic,  le  21  août  1629;  parrain  Henri  't  Kint, 
marraine  Basilic  Pelgrom,  femme  de  Juste  Canis.  Basilie 
Boel  épousa,  à  S'  Jacques,  le  12  août  1657,  Barthélemi 
Wuyts.  Son  mariage  eut  pour  témoins  Jean-Baptiste 
Batkin,  trésorier  de  la  ville  d'Anvers,  et  François  van 
Hildernissen.  Ceux  qui  connaissent  nos  anciennes  fa- 
milles anversoises  jugeront  sans  doute  comme  nous,  que 
les  Boel  et  les  van  dcr  Straten  étaient  bien  apparentés. 
Jean  Boel  fut  un  graveur  de  mérite.  Il  ouvrit,  en  1621- 
1622,  son  atelier  à  un  apprenti  dont  les  comptes  de  la 
confrérie  de  S'  Luc  ne  renseignent  que  le  prénom  Jean. 

11  reçut,  en  1625 -1626,  un  deuxième  élève  nommé  Josse 
de  Mol  (i). 

Notre  maître  s'était  fait  admettre  dans  la  chambre  de 
rhétorique  de  la  Giroflée,  (Violùre),  dont  il  paya  régu- 
lièrement la  contribution  annuelle  assez  élevée  de  6  florins, 
depuis  1621-1622,  jusqu'en  1630-1631.  Il  donna  sa  dé- 
mission en  1631-1632  et  paya  de  ce  chef  la  somme  de 

12  florins.  L'artiste  assista  aussi  au  banquet  annuel  de 
la  corporation  de  S'  Luc,  à  partir  de  1621-1622  jusqu'en 
1 628-1 629,  ce  qui  lui  coûtait  une  dépense  de  4  florins. 
Il  refusa  de  l'acquitter  en  1629-1630,  la  peste  qui  l'avait 
attaqué  l'ayant  empêché  de  prendre  place  parmi  ses 
confrères.  Il  vint  l'occuper  en  1630-163 1,  la  dernière 
fois,  par  suite  de  la  démission  qu'il  fit  parvenir,  l'année 
suivante,  à  la  Giroflée  (2). 

Anne  van  der  Straten,  sa  femme,  était  décédée  entre- 


(i^  Liggeren  cités,  T.  I,  pp.  575  et  623. 

(2)  Lig^cren  cités,  T.  I,  pp.  578,  582,  590,  591,  601,  602,  613, 
614,  627,  629,  640,  642,  6)4,  6)5,  670  et  671  T.  II,  pp.  12,  13, 
21,  ibid.  et  34. 


-  89  - 

temps.  Le  compte  de  la  gilde  de  S' Luc  du  1 8  septembre 
1629  au  18  du  même  mois  de  l'année  1630  mentionne, 
en  effet,  une  recette  de  3  florins  4  sous,  montant  de  sa 
dette  mortuaire  (i).  Son  trépas  fut  probablement  la  suite 
de  son  accouchement  de  sa  fille  Basilie,  née  au  mois  d'août 
1629.  Jean  Boel  quitta  ce  monde  au  mois  de  mars  1640, 
dans  sa  demeure,  au  Rempart  des  tailleurs  de  pierres 
(Sleenboiiwersveste),  à  Anvers. 

C'est  ce  qui  résulte  de  l'inventaire  de  sa  succession, 
dont  nous  devons  la  communication  à  M.  Pierre  Génard, 
archiviste  de  notre  ville.  Ce  document  reçu  par  le  notaire 
Henri  van  Cantelbeck,  ne  mentionne  pas  le  jour  de  la 
mort  de  notre  graveur.  Il  fut  rédigé  le  19  mars  1640  et 
constate  l'existence  de  quatre  enfants  survivants  :  Qiiirin, 
âgé  de  20  ans  révolus,  Pierre,  de  16  ans  révolus,  Claire, 
de  12  et  Basilie,  de  11.  L'âge  de  Quirin  et  de  ses  deux 
sœurs  est  indiqué  assez  exactement.  Mais  Pierre  ayant 
été  baptisé  le  22  octobre  1622,  avait  évidertiment  plus 
do  16  ans  révolus,  à  la  date  du  19  mars  1640. 

L'inventaire  fut  dressé  à  la  requête  de  Gérard-Thomas 
Corbet,  époux  d'Elisabeth  van  der  Straten  (2),  qui  s'y 
qualifie  de  bel-oncle  maternel  des  mineurs  (der  wceseii 
behout  moederlyck  00m).  Il  y  est  énoncé,  sous  protestation, 
que  cet  acte  n'est  pas  rédigé  pour  lui-même,  mais  uni- 
quement au  profit  des  personnes  qu'on  trouvera  avoir 
droit  aux  objets  décrits.  Il  y  est  dit  aussi  que  la  maison 
du  défunt  était  louée,  et  que  les  meubles  auraient  dû 
en  être  enlevés,  depuis  la  mi-mars.    Le  document   cité 


(i)  Op.  cit.,  T.  II,  p.  10. 

(2)  Inscriptions  J'uiiêraires  et  monumentales  de  la  province  d'Anvers, 
Anvers,  T.  V,  p.  180. 


—  90  — 

donne  simplement  à  Jean  Bocl  la  qualification  de  mar- 
chand de  tableaux. 

L'inventaire  n'en  signale,  du  reste,  que  trois  ;  les 
gravures  y  sont  en  plus  grand  nombre,  mais  désignées 
seulement  par  leurs  sujets,  sauf  quelques  pièces  d'après 
Adrien  Brauwer  et  un  des  Teniers,  qu'on  ne  fait  pas, 
au  surplus,  connaître  de  plus  près. 

Nous  pouvons  conclure  de  ce  document,  que  l'habi- 
tation de  Boel  était  des  plus  modestes.  Il  se  borne,  en 
effet,  à  y  mentionner  une  grande  et  une  petite  cuisine, 
une  chambre  à  la  rue,  une  deuxième  chambre  et  un 
grenier.  La  grande  cuisine  renfermait  un  bois  de  lit  avec 
ses  accessoires  qui  pourrait  bien  avoir  été  à  l'usage  de 
notre  maître.  L'habitation  était  garnie,  du  reste,  de  meu- 
bles en  petit  nombre,  mais  de  matières  solides.  Nous  y 
remarquons  une  presse  à  imprimer,  ce  qui  permet  de 
supposer  que  Jean  Boel  s'en  est  servi  pour  l'édition  de 
ses  estampes  et  peut-être  de  celles  d'autrui. 

Qiioi  qu'il  en  soit,  nous  ne  remarquons  dans  l'inven- 
taire aucunes  provisions  de  bouche,  soit  solides,  soit 
liquides.  L'impression  générale  qui  nous  est  restée,  tant 
de  l'intitulé  de  ce  document,  que  de  l'acte  lui-même, 
c'est  que  Jean  Boel  est  décédé  dans  un  état  de  fortune 
peu  fait  pour  exciter  l'envie. 

Il  nous  paraît  aussi  que  les  meubles  auxquels  ses 
enflmts  pouvaient  prétendre  droit  avaient  été  retirés  de 
la  mortuaire  ou  mis  à  part. 

Charles  le  Blanc  mentionne  trois  œuvres  de  notre 
«graveur  au  burin  :  i°  V arbre  de  ht  vie  et  de  la  rcule  des 
Frères  Mineurs  (arhor  vil  ce  et  regvlcc  Fralrvm  MinorviiiJ  ; 
2°  le  portrait   du  Père  Henri  Sedulius,  définiteur  de  tout 


—  91  — 

r ordre  séraphique,  mort  à  Anvers  le  26  février  1621  ; 
3°  celui  de  S^  Thomas  d'Aquin  (i). 

A  rcxposition  ouverte  en  1867,  au  local  de  la  Cité,  à 
Anvers,  figurait,  au  n°  424,  une  quatrième  production 
de  notre  maître;  elle  représente  Godefroid  de  Bouillon  (2). 

Cette  oeuvre  de  mérite  est  signée  :  loan.  Boel  fecit  et 
excudit  (3). 


(i)  Charles  le  Blanc.  Manuel  de  Vamateur  d'estampes.  Paris  1834, 
T.  I,  403. 

(2)  Catalogue de  gravures,  livres  et  dessins,  par  des  maîtres 

cDiversois  des  ij>^,  7(5=,  77'^  et  iS^sièdes.  Anvers,  1867,  p.  141. 

(3)  Cette  notice  est  datée  du  8  juin  1874. 


rA^      fA»      rA^      rA^      cA»      c^      <>A»      »>^      '>Jr*      «^      '^      «^      «^^      ojf*      o^      <>?/*      '>8r*      «"^îr* 

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QuiRiN  BOEL,  le  jeune 

(en  flamand  Quirijn  ou  Corijn  BOEL,  de  jonge) 

(1620-166.  ?). 

<|j^^^  et  excellent  graveur  au  burin  et  à  l'eau-fortc 
^  ts^s^'^/i  Clan  fils  de  Jean  Boel,  graveur  de  mérite,  et 
(^ï^^^  d'Anne  van  der  Straten.  Il  naquit  à  Anvers  et 
y  fut  tenu  sar  les  fonts  de  la  cathédrale,  quartier  sud, 
le  25  janvier  1620,  par  son  aïeul  Quirin  Boel  et  Elisa- 
beth van  der  Straten.  Son  nom  ne  figure  pas  aux  archives 
de  la  gilde  anversoise  de  S'  Luc,  et  son  maître  est 
resté  inconnu  jusqu'ici.  De  certaines  analogies  de  style 
nous  font  croire  qu'il  fut  redevable  de  son  éducation 
artistique  à  son  oncle  Quirin  Boel,  le  vieux.  Celui-ci 
étant  décédé  antérieurement  au  17  février  1634,  notre 
jeune  graveur  a  pu  apprendre  de  son  père  Jean  ce  qui  lui 
manquait  encore  pour  se  perfectionner  dans  sa  profession. 
Qiiirin  Boel,  le  second,  alla  s'établir  à  Bruxelles  et  n'y 
fut  pas  inscrit  dans  le  métier  des  peintres.  Les  graveurs 
étaient,  en  effet,  dispensés  de  cette  formalité,  dans  la 
capitale  des  Pays-Bas  catholiques,  ainsi  que  cela  résulte 
d'une  lettre  du  magistrat  de  Bruxelles,  en  date  du 
27  septembre  1771  (i). 

Ci)  L.  Galesloot.  Docimients  relatifs  à  la  formation  et  à  la  publi- 
cation de  r ordonnance  de  Marie-Thérèse  du  20  inars-ij  novembre  lyj^- 
Annales  de  l'Académie  d' archéoloc;ie  de  Belgique,  2^ série,  T.  III,  p.  487. 


—  93  — 

Quirin  Boel,  le  jeune,  se  maria,  d'après  les  recherches 
de  notre  ami  Alexandre  Pinchart,  qui  n'a  pu  découvrir 
du  reste  la  date  ni  l'endroit  de  la  collation  du  sacrement. 
Il  résulte  des  découvertes  de  ce  savant,  que  le  prénom 
de  la  femme  de  notre  artiste  était  Marie.  Quant  à  son 
nom  de  fimiille,  il  est  écrit  de  trois  manières  différentes  : 
van  Stamvoort,  van  Stamphort  et  van  Stamfaert.  Il  est 
probable  qu'elle  s'appelait  en  réalité  van  Stamvoort. 
Quoi  qu'il  en  soit,  elle  donna  trois  enfants  à  son  mari  : 
1°  Jeanne-Marie,  tenue  le  26  novembre  1656,  sur  les 
fonts  baptismaux  de  l'église  S**"  Gudule,  à  Bruxelles,  par 
David  Teniers,'  le  jeune,  peintre  de  la  chambre  de  son 
Altesse  Sérénissime  don  Juan  d'Autriche,  et  Jeanne 
Serraets.  2°  Barbe,  baptisée  le  25  janvier  1659,  dans  la 
même  église;  parrain,  noble  homme  Paul  van  Croo- 
nendael,  seigneur  de  Vlieringhe,  marraine,  Marie  Sam- 
mels.  3°  Pierre,  baptisé  le  23  juin  1661,  dans  l'égHse 
de  Notre-Dame  du  Finistère,  à  Bruxelles;  parrain,  le 
célèbre  peintre  de  batailles  Pierre  Snayers,  marraine, 
Phihppine-Claire  la  Grouche  (i). 

C'est  à  ces  faits  que  se  borne  tout  ce  que  nous  avons 
pu  apprendre  de  la  vie  de  Quirin  Boel,  le  jeune.  Nous 
allons  à  cette  heure  passer  ses  productions  en  revue. 
Notre  intention  primitive  était  de  n'en  toucher  que 
quelques  mots  et  de  renvoyer  ensuite  le  lecteur  au 
Manuel  de  l'amateur  d'estampes,  de  Charles  le  Blanc.  Mais 
ayant  remarqué  diverses  inexactitudes  dans  la  table  dressée 
par  cet  auteur,  nous  la  reproduisons,    en   la  rectifiant. 

M.    le   Blanc    cite   d'abord    deux   centaures   enlevant 


(i)  Communiqué  par  M.  Alexandre  Pinchart. 


—  94  — 

chacun  une  femme;  ils  sont  accompagnés  de  trois  Amours. 
D'après  P.  P.  Rubens.  Larg.  450  millim.  Haut.  280. 
Cet  iconographe  détaille  ensuite  les  planches  que 
Quirin  Boel,  le  second,  grava  pour  le  Théâtre  des  pein- 
ivres,  de  David  Teniers,  le  jeune.  La  part  de  Boel  dans 
cet  ouvras:e  étant  assez  considérable,  et  ce  recueil  se 
rencontrant  très-rarement,  nous  en  dirons  ici  quelques 
mots.  La  première  édition  de  ce  volume  fut  pubUée 
simultanément  à  Anvers  et  à  Bruxelles.  C'est  du  moins 
ce  que  nous  déduisons  de  ces  mots  :  A  Bruxelles  avx 
âcspcns  de  l'avtheiir  (David  Teniers,  le  jeune),  anno 
M.DC.  LX.  avec  privilège  du  Roy.  Elle  se  vendait  à 
Anvers,  chez  Abraham  Teniers,  frère  de  David,  et  chez 
l'imprimeur  Henri  Aertssens.  Le  titre  et  l'introduction 
parurent  en  flamand  (r),  en  français,  en  espagnol  et 
en  latin.  Le  titre  français  est  conçu  de  la  façon  suivante  : 
Le  théâtre  des  pcintvres  de  David  Teniers,  natif  d'Anvers^ 
peintre,  et  ayde  de  chambre  des  Serenissimes  Princes  Leopolde 
Gvil.  ^rchidvc,  &  Don  Jean  d'Avstriche  :  auquel  sont 
représente^  les  desseins  tracés  de  sa  main,  &  gravés  en 
cvivre  par  ses  soins,  svr  les  Originaux  Italiens,  qve  le 
Ser."'^  Archidvc  a  assemblé  en  son  cabinet  de  la  covr  de 
Brvsselles,  Dédie  avdit  Prime  Ser."^^  Leopolde  Gvil.  ^r- 


(i)  Le  voici  :  SchiUer-thooneel  van  David  Teniers,  ghehoortigh  van 
Antwerpen,  schilder  eude  canier-diender  des  Doorh^<^  Princen  Leopol. 
Gtiil.  xArts-Hertogh  en  Don  Jan  Oostenr.  in  't  welck  vertoont  worden 
ilaliiunsche  principale  schildcrijen,  die  hy  met  sijne  handt  gheteekenl  ende 
in  't  coper  doen  snijden  heeft  uyt  de  Schilder-cavter  van  den  Doorluchtich- 
slen  Artshertogh  in  't  Hoff  van  Briissel.  Opgedraeghen  aen  den  Doorl^^^^ 
Prince  Leopoldvs  Gvil.  .Arts-Heriogh.  Toi  Brussel  tôt  coskn  van  den 
aucteur,  anno  M.DC.  LX-  Met  priuilegie  van  den  Koninck.  —  Men 
vintse  te  coope  t' Antxverpen  hy  Hendriclc  Aertssens,  boeckdrucker  in  de 
Canwiersiraet. 


—  95   — 

chidvc,  &c.  —  kA  BrvxcIIcs  aux  âespens  de  l'avlbevr,  anno 
M.DC.  LX.  avec  privilège  dv  Roi.  —  A  Anvers,  on  les 
vend  chei  Henry  Aertssefis,  imprimevr.  Chacun  des  quatre 
titres  de  cet  in-folio  est  orné  d'une  planche  de  Conrard 
Waumans,  représentant  deux  petits  génies  ailés  qui, 
debout,  soutiennent  les  armoiries  de  l'archiduc  Léopold- 
Guillaume.  Cette  gravure  a  été  très  bien  exécutée, 
d'après  un  dessin  de  David  Teniers,  le  jeune. 

A  la  suite  de  chaque  titre  se  trouve  une  table  des 
peintres  flamands,  hollandais,  allemands  et  italiens,  dont 
l'archiduc  possédait  des  œuvres  dans  sa  galerie  con- 
servée à  Vienne,  à  cette  époque.  Les  productions  de 
maîtres  italiens  cités  dans  cette  liste  ne  figurent  pas  dans 
le  travail  dont  nous  nous  occupons. 

Vient  ensuite  un  titre  supérieurement  gravé  par  Jean 
Troyen,  d'après  un  superbe  tableau  de  David  Teniers, 
le  jeune.  La  partie  centrale  représente  le  portrait  en 
buste  de  Léopold-Guillaume,  posé  sur  un  piédestal,  et 
encadré  de  branches  de  palmier  et  d'oranger,  reliées  par 
une  banderole  sous  laquelle  se  lit  la  devise  :  Fortiter, 
snaviter.  Le  bâton  de  commandement  du  prince,  son 
épée,  les  attributs  de  la  peinture,  des  tulipes  et  d'autres 
fleurs  y  sont  entrelacées.  A  la  gauche  de  l'archiduc  est 
figurée  debout  Pallas  vêtue  à  la  romaine,  la  tête  coiffée 
d'un  casque  et  tenant  de  la  main  gauche  une  lance  et 
un  bouclier  orné  de  la  tête  de  Méduse.  Elle  montre  de 
la  droite  à  un  génie  ailé  qui  tient  un  portrait  de  femme 
de  Jacques  Palma,  le  vieux,  un  autre  génie  ailé  qui 
emporte,  en  volant,  un  deuxième  tableau.  Il  s'en  va  le 
fixer  dans  un  des  espaces  vides  du  portique  qui  forme 
le  fond  de  la  composition  et  qui  est  surmonté  de  cinq 
bustes  sculptés  et  orné  plus  bas  de  peintures.  Un  troi- 


-96  - 

sièmc  de  ces  génies,  représente  à  gauche  et  la  tète 
couronnée  de  laurier,  comme  les  deux  premiers^  tient 
une  composition  du  Giorgione  ayant  pour  sujet  un 
homme  armé  d'un  poignard  portant  la  main  sur  un 
second  dont  le  chef  est  orné  de  pampre  (i).  L'avant- 
plan  est  occupé  par  un  tiroir,  renfermant  des  médailles, 
divers  livres,  dont  un  à  dessins  ;  un  autre  de  musique, 
un  étui  et  deux  burins.  L'inscription  suivante  se  lit  au- 
dessous  du  portrait  de  l'archiduc  : 

Sereniss.  Principi 

Leopoldo  Gviliel: 

Archiduci  Austr.   etc. 

Dno  suo  clement°: 

Hoc   AMPHITHEATRVM 
PiCTVRARVM 

ex  suas  Serenit  :  archetypis 

delineatum  sua  manu 

dedicauit: 

A°.  M.DC.LVm. 

David  Teniers  suîe  Ser  :  Pictor  domest: 

Plus  bas  se  trouvent  ces  vers  : 

Palladis  ingenium  est  Leopoldo  fortiter  Ille  et 
Suauiter  hinc  armis,  artibus  inde  vacat. 

Arma  aliàs  :  nunc  artifices  circum  ordine  formas 
Ponitc;  et  hsec  Illi  nempe  corona  placet. 

Arte  ali)  vultus,  médius  non  pingitur  vUâ  ; 
Obsequio  tantum  seruiit  ista  manus. 


(i)  Les  gravures  des  tableaux  de  Palma  et  du  Giorgione  font  partie 
du  Théâtre  des  Peintures. 


t 


—  97  — 

Une  tablette  gravée  au-dessous  de  cette  planche  et 
ornée  à  droite  et  à  gauche  d'un  ciseau,  contient  les 
lignes  suivantes  : 

Men  vint  dees  print-boecken   te  coop    t'Antwerpen    by    Abraham 

Tcnicrs. 
On  trouve  a  vendre  en  Anvers   ces   livres   de  taille    douce,    chez 

Abraham  Teniers. 

Hi  libri  sunt  vénales  Antverpias,  in  a;dibus  Abrahami  Teniers. 

Aquellos  libros  se  haillan  a  vender  en  Amberes  en  casa  di  Abraham 

Teniers. 

Nous  tirons  ces  détails  de  notre  exemplaire  de  la 
première  édition  du  Théâtre  des  Peintvres  de  David 
Teniers.  Celle-ci  se  compose  de  deux  cent  trente-une 
(231)  planches,  y  compris  les  doubles,  le  titre  que 
nous  venons  de  décrire,  et  la  vue  d'une  partie  de  la 
galerie  de  l'archiduc,  à  Vienne.  On  y  a  joint  un  portrait 
de  David  Teniers,  le  jeune,  gravé  d'après  Pierre  Thys, 
le  vieux,  par  Luc  Vorsterman,  le  second,  et  imprimé 
par  Abraham  Teniers;  nous  l'avons  omis  dans  le  dénom- 
brement. L'exemplaire  dont  nous  parlons  est  revêtu 
d'une  reliure  de  l'époque  de  sa  publication  :  les  armoi- 
ries de  Léopold-Guillaume  occupent  le  milieu  des  par- 
ties antérieure  et  postérieure  de  cette  enveloppe  :  il  est 
donc  plus  que  probable  que  l'archiduc  aura  fait  cadeau 
de  notre  volume  à  quelque  personnage.  Le  livre  porte, 
du  reste,  la  signature  suivante,  d'une  ancienne  écriture  : 
Ottho  1.  B.  à  Sclnverin  (Ottho  liber  Baro  à  Schwerin). 
Il  a  été  par  conséquent  la  propriété  d'Othon,  libre 
baron  de  Schwerin.  Ce  qui  est  plus  important,  c'est 
qu'il  est  resté  au  grand  complet. 

Nous  n'avons  jamais  manié  d'exemplaire  de  la  seconde 
édition   de   ce   recueil,   qui   parut   en     1684.    Elle     se 

7 


-98- 

vendait  à  Anvers,  chez  Jacques  Peeters,  au  Marché 
aux  Souliers,  à  l'enseigne  du  Mont  des  Agneaux  Les 
planches  y  sont  numérotées.  Nous  avons  sous  les  yeux 
le  titre  qui  porte  le  n°  i  et  V Ensevelissement  du  Sauveur^ 
d'après  Lorenzo  Lotto,  tableau  qui  est  conservé  actuelle- 
ment au  musée  du  Belvédère  à  Vienne.  Cette  planche, 
sur  laquelle  se  lit  le  n°  244,  ne  fait  pas  partie  de  l'édition 
de  1660.  Elle  est  bien  conservée,  mais  le  titre,  quoi- 
qu'encore  présentable,  a  beaucoup  perdu  de  son  velouté. 
La  troisième  édition  publiée  sans  date,  par  Henri  et  Cor- 
neille Verdussen,  à  Anvers,  fait  partie  de  la  bibliothèque 
communale  de  cette  ville.  Elle  comprend  246  planches 
numérotées,  y  compris  le  titre  et  le  portrait  de  David 
Teniers,  le  jeune,  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus.  Les 
estampes  de  cet  exemplaire,  fatiguées  par  suite  de  trois 
tirages  successifs  et  retravaillées  par  des  mains  inhabiles, 
sont  sorties  toutes  noires  de  l'impression.  C'est  d'après 
elle  que  nous  avons  été  obligés  de  juger  l'ouvrage 
lorsque  nous  travaillions  à  la  biographie  de  David 
Teniers,  le  jeune,  insérée  dans  l'édition  de  1857,  du 
Calalogue  du  musée  d'Anvers.  Aussi  ce  que  nous  en 
avons  dit  est  déplorable.  Qu'on  en  juge  :  «  Teniers  qui 
reproduisait  avec  un  talent  remarquable  les  œuvres 
de  ses  prédécesseurs,  s'exerça  à  copier  la  collection 
des  tableaux  italiens  de  son  protecteur  (i).  Elle  com- 
prenait au-delà  de  deux  cents  sujets  que  l'artiste  fit 
graver  sur   cuivre   et  pubHa  à  Bruxelles,  en  1660.   Le 


(i)  Pour  être  complètement  exact,  nous  aurions  dû  dire  que 
Teniers  pastichait  avec  un  talent  remarquable  ses  prédécesseurs  et 
même  ses  contemporains.  Il  aurait  fallu  écrire  en  deuxième  lieu  qu'il 
avait  dessiné  de  sa  main  les  peintures  italiennes  dont  il  s'agit. 


—  99  — 

livre  qui  les  renferme  se  vendait  à  Anvers,  chez  Henri 
Aertssens,  typographe  de  mérite,  et  chez  le  peintre 
Abraham  Teniers,  frère  de  David,  le  jeune.  Ce  volume 
est  loin  d'être  à  la  hauteur  des  belles  publications  d'es- 
tampes de  cette  époque,  telles  que  Vlntroïtus  Ferdinanâi, 
VHymeiîcetis  pacifer,  etc.,  et  si  les  toiles  y  sont  exacte- 
ment rendues  (i),  il  atteste  chez  plusieurs  célèbres 
maîtres  d'Italie  une  décadence  profonde  dans  la  repré- 
sentation des  sujets  reHgieux  (2)  ». 

Cette  dernière  observation  est  fondée.  Quant  à  la 
valeur  des  gravures,  nous  disons,  actuellement  que  nous 
en  avons  de  superbes  épreuves  sous  les  yeux,  que  le 
livre  qui  les  contient  mérite  d'occuper  une  place  distin- 
guée parmi  nos  belles  publications  d'estampes  du  XVIP 
siècle. 

Nous  tenons  à  faire  observer  ici,  en  passant,  que  la 
date  de  1658,  indiquée  par  certains  auteurs,  comme 
celle  de  la  première  édition  du  Théâtre  des  Peintvres  est 
erronée.  Cette  méprise  provient  sans  doute  de  ce  que  la 
dédicace  de  Teniers  à  l'archiduc  est  datée  de  cette 
année-là . 

Nous  allons  énumérer  à  cette  heure  les  planches  que 
Quirin  Boel,  le  jeune,  exécuta  pour  ce  magnifique 
recueil,  dont  l'auteur,  comme  nous  l'avons  vu,  était  lié 
d'amitié  avec  lui. 

•  2^  Jésus-Christ,  accompagné  de  5"*  Pierre  et  de  5'  André, 
appelle  à  l'aposlolat  les  fils  de  Zébédée,  Jacques-le  Majeur  et 
Jean.  D'après  le   tableau    de   Marco    Basaiti,     conservé 


(i)  Nous  ignorons  d'où  nous  est  venu  ce  doute. 
(2)  Op.  cit.,  p.  323. 


—    100    — 

actuellement    au    musée  du   Belvédère   à   Vienne   (i). 

3°  U Enlèvement  de  Ganyniède.  D'après  Michel-Ange 
Buonarotti,  ou  une  copie  de  ce  maître,  selon  le  Cata- 
logue du  musée  du  Belvédère,  à  Vienne,  dont  le  tableau 
fait  partie  en  ce  moment. 

Cette  gravure  n'est  pas  comprise  dans  la  première 
édition  du  Théâtre  des  peintvres.  Elle  est  insérée  dans  la 
troisième,  mais  elle  y  a  perdu  toute  fraîcheur. 

4°  Une  magicienne  invoquant  F  amour  ;  près  d'elle  un 
honune  armé  plongé  dans  le  sommeil.  D'après   le  Corrège. 

5°  Un  homme  cuirassé  et  armé  d'un  poignard,  en  menace 
une  femme  de  distinction,  assise  nue  dans  un  paysage.  D'après 
le  Giorgione. 

6°  ^dam  et  Eve,  qui  l'engage  à  goûter  le  fruit  défendu. 
D'après  Antonio  Paduanino. 

7°  L'Enlèvement  d'Europe.  D'après  le  Titien. 

8°  L'tAdoration  des  bergers.  D'après  le  même. 

9°  5'  fean-'^aptiste.  D'après  Paul  Véronèse. 

10°  L'Enlèvement  de  Déjanire,  par  le  centaure  Nessus,  à 
qui  Hercule  s'apprête  à  lancer  une  flèche.  D'après  la  com- 
position de  Paul  Véronèse,  conservée  actuellement  au 
musée  du  Belvédère,  à  Vienne. 

11°  Le  T)épart  d'^Adonis  pour  la  chasse  :  Venus  s'efforce 
de  le  retenir.  D'après  Andréa  Schiavone,  selon  le  Théâtre 
des  peintvres.  Un  connaisseur  anglais,  ancien  propriétaire 


(i)  Albert  Krafft.  Catalogue  de  la  galerie  de  tableaux  Impériale 
et  Royale  au  Belvédère,  à  Vienne.  Vienne,  1853,  P-  24,  n"  64.  —  Pour 
épargner  les  citations  au  lecteur,  nous  le  prévenons  une  fois  pour 
toutes,  que  les  indications  relatives  à  cette  galerie  qui  vont  suivre, 


sont  tirées  de  l'ouvrage  de  M.  Krafft. 


lOI    — 

Je  notre  exemplaire  (i)  a  écrit  ces  mots  nu  crayon  au 
bas  Je  la  planche  :  «  Copie J  from  one  of  Titian.  »  Il 
était  J'avis  par  conséquent  que  le  tableau  en  question 
était  une  copie  peinte  J'après  le  Titien.  Cela  ne  saurait 
se  Jéterminer  en  étuJiant  la  gravure;  il  est  certain  tou- 
tefois qu'en  comparant  celle-ci  avec  les  autres  planches 
J'après  le  Titien  que  renferme  le  volume,  on  ne  peut 
nier  que  le  Dépari  d'Adonis  n'appartienne  à  la  même 
école. 

12°  L'Adoration  des  bergers.  D'après  le  tableau  J'AnJrea 
Schiavone,  qui  fait  partie  Je  la  galerie  Ju  BelvéJère,  à 
Vienne. 

13-16°  Quatre  sujets  de  l'histoire  de  Curius  Dent at us  et 
de  Scipion  l'Africain.  D'après  AnJrea  Schiavone.  Un  Je 
ces  tableaux  représentant  Curius  Dentatus  qui  refuse  les 
présents  Jes  Samnites,  est  conservé  au  BelvéJère,  à 
Vienne. 

17°  Un  berger  se  reposant  près  de  son  troupeau,  tandis 
que  son  aide  lave  un  mouton.  D'après  Giacomo  Bassano. 

18°  l£  bon  Samaritain.  D'après  la  composition  Ju 
même  maître,  au  BelvéJère,  à  Vienne. 

i^"  La  construction  d'un  édifice.  D'après  le  même 
peintre. 

20°  Le  'Portement  de  la  Croix  :  Véronique  vient  d'es- 
suyer la  face  sacrée  du  Sauveur.  D'après  Giovanni 
Cariani. 

21°  5^  Jérôme.  D'après  Giacomo  Palma,  le  vieux. 

22°  La  Résurrection  de  La^^are.  D'après  le  même. 


(i)  Une  petite  estampe  moderne  collée  à  l'intérieur  de  notre 
recueil,  représente  des  armoiries,  au  bas  desquelles  se  lit  le  nom  de 
l'ancien  propriétaire  :  John  Adair  Hawkins. 


—    102    — 

23"  I-c-  Bail!  de  Diane.  D'après  le  même. 

24°  5'  Jérôme.  D'après  la  composition  Je  Dosso  Dossi, 
conservée  au  Belvédère,  à  Vienne. 

25°  Trois  aveugles  accompagnés  d'un  pelit  garçon.  Appli- 
cation de  la  parabole  èvangéUque  :  lorsqu'un  aveugle  en  con- 
duit en  autre,  ils  tomberont  tous  deux  dans  la  même  fosse. 
D'après  Dominique  Feti. 

26°  Le  vieux  Tobie  en  train  d'ensevelir  un  mort.  D'après 
le  même. 

27°  Deux  hammes  en  considérant  un  troisième  étendu 
mort  à  l'entrée  d'un  bâtiment.  D'après  le  même. 

28°  Persée  combattant  le  monstre  et  Andromède  enchaînée 
sur  un  rocher.  D'après  le  même. 

29°  Le  triomphe  de  Galathée  :  dans  le  fond,  Polyphéme. 
D'après  le  tableau  du  même  maître,  au  Belvédère,  à 
Vienne. 

30°  5"^  Marguerite  d'^Anlioche  tenant  à  ses  pieds  Satan 
vaincu  et  lié  d'un  ruban,  lève  les  yeux  au  ciel,  d'où  un 
rayon  de  lumière  tombe  sur  elle.  D'après  la  composition 
dudit   maître,  au  même  musée. 

Toutes  ces  productions  de  Q.uirin  Boel,  le  jeune, 
exécutées  en  partie  au  burin,  en  partie  à  l'eau-forte, 
font  honneur  à  cet  artiste  distingué.  On  peut  citer, 
parmi  les  principales,  les  gravures  d'après  le  Corrège  et 
le  Giorgione,  celles  d'après  le  Bassan,  Cariani,  le  vieux 
Palma,  Dosso  Dossi  et  Dominique  Feti. 

Le  Blanc  signale  quatre  portraits  exécutés  par  notre 
Boel  : 

31°  Celui  de  Guillaume  ab  Angelis  (van  Engelen), 
docteur  et  professeur  en  théologie,  présenté  au  Pape 
pour   l'évêché    de    Rurcmonde,  par  l'archiduc  Léopold- 


—  103  — 

Guillaume;  il  mourut  à  Louvain,  le  5  février  1649  (i). 

32°  Celui  de  Charles'  II,  roi  ci'tAnglelcrre,  d'après 
Gonzales  Coques. 

33°  Celui  de  H.  T^rady,  professeur  de  droit  à  Lou- 
vain, daté  de  1662,  selon  le  Blanc. 

34°  Celui  de  Libert  Fromondiis  [Froidmonî),  docteur 
en  théologie  et  professeur  royal  d'Écriture  Sainte  à 
l'université  de  Louvain,  où  il  mourut  le  27  octobre 
1653.  Ce  malheureux  savant  puWia  avec  Henri  Calenus, 
archidiacre  de  Malines,  le  fameux  ^ugiistinus  de  l'évèque 
d'Ypres,  Corneille  Jansenius  (2).  La  planche  encore 
assez  bien  conservée  de  son  portrait  plein  de  vie 
orne  le  tome  II  de  la  BibJioîheca  T^dgica  de  Foppens. 
Quirin  Boel,  le  jeune,  la  dédia  en  ces  termes  à  l'ar- 
chevêque de  Malines  Jacques  Boonen  : 

«  111'""  et  Rev™°  Dno  D.  îacobo  Boonen,  Archie- 
»  piscopo  Mechl.  Belgar.  Primati  Regire  Cathol.  Ma'' 
»  a  ConsiHis  Statvs  &c.  Hanc  effigiem  Ex.  D.  (3)  Li- 
»  berti  Fromondi  rarissimà  virtute  et  doctrinâgloriosam, 
D  immortalitatem  dudum  ante  mortem  meriti,  nec  mi- 
»  nus  in  vitâ  ab  eodem  culti,  quàm  eiusdem  Cultoris, 
»  D.  C.  Q..  Qinrinus  Boel  Antuerp.  Sculptor.  A. 
))   1654.  » 

Sauf  quelques  exceptions,  la  plupart  des  gravures  de 
Quirin  Boel,  le  jeune,  que  nous  venons  de  passer  en 
revue,  représentent  des  sujets  sacrés,  historiques  et 
mythologiques.  Il  exécuta  aussi  des  planches  de  scènes 
familières.  Voici  Ténumération  de  celles  que  signale  le 
Blanc  dont  nous  annotons  parfois  le  travail  : 

•   (i)  J.  F.  Foppens.  Bibliothcca  'Belgica,  T.  I,  pp.  389,  390. 

(2)  M.  ibid.,  T.  II,  pp.  819-827. 

(3)  Exliini  Domiiii,  titre  des  docteurs  en  théologie. 


—  104  — 

3)"  La  fêle  du  vilhigc.  D'après  David  Teniers,  sans 
doute  le  jeune.  Premier  état,  avant  l'adresse  de  François 
van  den  W3mgaerde. 

36°  Le  Berger  et  la  Bergère.  D'après  Pierre-Paul  Ru- 
bcns,  selon  la  supposition  de  le  Blanc. 

37°  Les  joueurs  de  boule.  D'après  David  Teniers  (le 
jeune  ?). 

38°  Le  joueur  de  flûle.  D'après  David  Teniers,  (le 
jeune  ?).    Signé  :  T).  Teniers  in.  et  excud.  cum  privilegio. 

39°  Le  fumeur,  en  hauteur.  D'après  David  Teniers,  (le 
jeune  ?).  Haut.  200  millimètres.  Larg.  155.  Signé  :  David 
Teniers  in.  et  excud.  cum  privilégia.  Sauf  une  légère  dif- 
férence de  hauteur;,  il  s'agit  ici  indubitablement  d'une 
planche  représentant  un  homme  qui  tient  de  la  main 
droite  un  verre  rempli  aux  trois  quarts,  et,  de  la  gauche, 
un  pot  à  bierre  en  étain.  Derrière  lui  se  trouve  un 
fumeur.  Signé  comme  ci-dessus,  et,  en  outre,  Coryn 
Bocl  f.  Cette  estampe  au  burin  et  à  l'èau-forte,  est  exé- 
cutée avec  beaucoup  d'esprit,  d'après  un  tableau  de  Da- 
vid Teniers,  le  jeune,  qui  appartient  actuellement  à 
M.  Hyacinthe  Camberlyn,  de  Bruxelles. 

40°  Le  fumeur,  en  largeur.  D'après  David  Teniers,  le 
jeune.  Larg.  242  millimètres.  Haut.  190.  Signé  : 
D.  Teniers  in.  et  excud.  cum  privilegio.  —  Coryn  Boel  fe. 
Composition  de  sept  figures,  pleine  d'effet. 

41°  Le  médecin  aux  urines.  D'après  le  tableau  de 
David  Teniers,  le  jeune,  qui  orne  le  musée  de  Bruxelles. 
In-folio  en  largeur  :  pièce  rare. 

42°  Le  joueur  de  violon,  composition  de  sept  figures, 
d'après  David  Teniers,  le  jeune.  In-folio,  en  largeur. 
Signé  :  'D.  Teniers  i.  et  excud.  cum  privilegio.  —  Coryn 
'Boel  f.  Il  existe  une  méchante  copie  de  cette  spirituelle 


—    10)    — 

planche  ;  on  l'attribue,  nous  croyons  avec  fondement, 
à  Philippe  Spruyt.  On  n'y  lit  que  ces  mots  :  D.  Teniers 
inv. 

43°  Une  tmudiante  assise. 

44°  Lapeseuse  d'or.  D'après  David  Teniers,  (le  jeune  ?). 
Haut.  144  millimètres,  larg.  135.  Signé  :  D.  Teniers 
in.  et  excud.  (ciim  ?)  privilégia. 

45°  Le  concert  de  chats.  D'après  D.  Teniers,  le  jeune. 
Larg.  310  millimètres,  haut  235.  Signé  :  D.  Teniers 
in.  et  excud.  cnm  privilégia.  —  Caryn  'Boel  f.- 

46°  La  boutique  du  barbier.  D'après  le  mêm.e.  Pour 
l'intelligence  de  la  planche,  on  doit  se  rappeler  qu'au 
XVII'^  siècle,  les  chirurgiens  étaient  tenus  de  se  faire 
recevoir  dans  le  métier  des  barbiers.  Teniers  qui  excel- 
lait dans  la  peinture  des  singes,  les  a  représentés  ici  en 
chirurgiens  et  en  barbiers.  Larg.  313  millimètres, 
haut.  244.  Signé  :  T).  Teniers  in.  et  excud.  cum  privilégia. — 
Caryn  Boel  f.  Cette  estampe  pleine  d'esprit  et  de  gaieté 
forme  le  pendant  de  la  précédente,  qui  ne  lui  cède  pas 
en  mérites. 

47°-52°.  Les  singes.  D'après  David  Teniers,  le  jeune. 
Larg.  140  milHmètres,  haut.  108,  suite  de  6  pièces, 
I"  état  :  avant  l'adresse  de  François  vanden  Wyngaerdc 
sur  la  première  planche.  Compositions  pleines  de  malice 
et  de  joyeuseté. 

53°  Un  vieux  paysan  tenant  une  cruche.  D'après  David 
Teniers,  le  jeune.  Signé  :  D.  Teniers  in.  et  excud.  cum 
privilégia.  —  Crn-yn  Boel  /  (sic^.  Cette  petite  planche 
très-bien  rendue  et  inconnue  à  le  Blanc,  fait  partie  de 
la  collection  de  M.  Edouard  Terbruggen,  à  Anvers. 

54°  Marche  de  trois  satyres  et  de  trois  enfants,  accom- 
pagnés d'autres  satyres  et  de  chèvres.  Cette  eau-forte  égale- 


—  io6  — 

ment  inconnue  à  le  Blanc,  figurait  au  cabinet  de  Pierre 
Wouters,  chanoine  de  la  collégiale  de  S'  Gommaire,  à 
Lierre  (i). 

Qiiirin  Boel,  le  jeune,  fut,  avec  le  Français  Jacques- 
Philippe  le  Bas,  un  des  meilleurs  interprètes  de  David 
Teniers,  le  second. 

La  date  inscrite  au  portrait  du  professeur  Brady  prouve 
que  notre  graveur  vivait  encore  en  1662.  Les  recherches 
que  M.  Alexandre  Pinchart  a  bien  voulu  faire  pour  nous 
à  Bruxelles,  ne  lui  ont  pas  du  reste  fourni  la  preuve  que 
"notre  artiste  serait  mort  dans  cette  ville,  en  1668,  ainsi 
qu'on  l'a  écrit  (i). 

(i)  Voyez  le  Catalogue  de  cette  collection,  par  N.-J.  t'Sas,  Brux., 
I797>  P-  45,  no  489. 
(i)  Cette  notice  est  datée  du  10  juillet  1874. 


V 


jrî^fî^fî^3^V«^fî^i«7*A"^^ 


Pierre  BOEL 
(en  flamand  Peeter  BOEL)  ' 
(1622-1674  ?). 

icrre  Bocl;,  fils  de  Jean,  graveur  de  mérite,  et 
I  d'Anne  van  dcr  Straten,  naquit  à  Anvers  et  y 
fut  tenu  sur  les  fonts  de  la  cathédrale^  quartier 
sud,  le  22  octobre  1622^  par  son  oncle,  l'excellent 
graveur  Quirin  Boel,  le  vieux,  et  Catherine  de  Heuvel. 

Son  père  Jean  avait  été,  comme  nous  l'avons  vu  dans 
sa  biographie,  inscrit  au  Liggerc,  en  i6io-r6ii,  en 
quahté  de  franc-maître  graveur.  Sauf  de  rares  exceptions, 
les  fils  de  maîtres  ne  figurent  pas  comme  apprentis  dans 
ce  registre.  Aussi  y  chercherait-on  vainement  le  nom 
de  l'élève  Pierre  Boel.  Il  y  a  plus  :  il  n'y  figure  pas 
même  comme  fils  de  maître,  ou  plutôt,  ainsi  que  nous 
le  démontrerons  plus  loin,  il  y  est  porté  sous  un  autre 
prénom  que  le  sien. 

Pierre  Boel  fut  un  peintre  des  plus  distingués  et  un 
graveur  à  l'eau- forte  du  plus  rare  mérite.  Corneille 
de  Bie,  le  plus  ancien  auteur  qui  le  mentionne  à  notre 
connaissance,  n'indique  pas  le  nom  de  son  maître. 
Félibien  dit  que  ce  fut  «  Sneydre  dont  il  avoit  épousé 
la  veuve  (i).  »  L'auteur  entend  parler  sans  aucun  doute 

(i)  Entretiens  sur  les  vies  et  sur  les  ouvrages  des  plus  excelkns  peintres 
anciens  et  modernes.  Trévoux,  MDCCXXV.  T.  IV,  p.  426. 


—    T08   — 

du  célèbre  François  Snydcrs,  dont  la  femme  Marguerite 
de  Vos,  sœur  des  excellents  peintres  Corneille  et  Paul, 
mourut  le  2  septembre  1647.  Son  mari  décéda  le 
19  août  1657,  sans  avoir  convolé  en  secondes  noces  (i). 

Au  reste,  ce  n'est  pas  à  Snyders  que  Pierre  Boel  fut 
redevable  de  son  éducation  artistique.  Après  avoir  bien 
étudié  sa  manière  et  celle  de  Jean  Fyt,  nous  avons 
acquis  la  conviction  que  celui-ci  fut  son  maître.  Cette 
conviction,  nous  l'avons  vu  partager  par  d'excellents 
connaisseurs,  première  preuve  de  son  fondement.  Une 
stconde  résulte  de  ce  fait,  que  très-souvent  les  tableaux 
de  notre  maître  sont  attribués  à  Jean  Fyt. 

Nous  avons  dit  ci-dessus  que  Pierre  Boel  fut  inscrit 
dans  le  Liggere,  comme  fils  de  maître,  sous  un  autre 
prénom  que  le  sien.  C'est  ce  que  nous  nous  proposons 
de  démontrer.  Jean  Boel,  père  de  Pierre,  a  été,  comme 
nous  l'avons  dit,  inscrit  dans  la  gilde  de  S'  Luc,  en 
1610-1611,  à  l'âge  de  18  à  19  ans,  en  qualité  de  franc- 
maître. 

Le  premier  Boel  qui  se  présente  après  lui,  dans  le 
registre  des  inscriptions,  comme  fils  de  maître,  est  Jean 
Boel,  peintre,  reçu  en  1650-165 1  (2). 

Or,  nous  avons  vu,  dans  la  vie  du  graveur  Jean  Boel, 
que  si  celui-ci  eut  réellement  un  fils  du  nom  de  Jean, 
cet  enfant  était  mort  antérieurement  au  19  mars  1640. 
Qiiirin,  un  autre  de  ses  fils,  s'étant  appliqué  à  la  gra- 
vure, il  est  évident  que   l'inscription    de    1650-165 1  ne 

(i)  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  province  A' Anvers. 
Anvers.  T.  VI,  p.  208. 

(2)  Ph.  Rombouts  et  Th.  Van  Lerius.  Les  Liggeren  et  autres  ar- 
chives historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc.  T.  II,  pp.  215  et 
220. 


—  109  — 

peut  s'appliquer  qu'à  Pierre,  qui  fut  réellement  pein- 
tre. 

C'est  vers  cette  époque,  que  cet  artiste  épousa  Marie 
Blanckaert.  Elle  était  fille  du  peintre  Jean,  (le  maître 
de  Balthasar  van  Cortbemde,)  et  d'Anne  de  Wael,  qui 
devait  le  jour  à  Jean  de  Wael,  autre  peintre,  dont  An- 
toine van  Dyck  a  gravé  le  portrait  à  l'eau-forte,  et  à 
Gertrude  de  Jode.  Jean  Blanckaert  avait  épousé  Anne 
de  Wael,  en  troisièmes  noces,  et  leur  fille  Marie  avait 
été  tenue,  le  15  novembre  1632,  sur  les  fonts  baptis- 
maux de  la  cathédrale,  quartier  sud,  par  Guillaume  de 
Decker  et  Anne  de  Scede. 

Nous  croyons  que  son  mariage  fut  célébré  au  com- 
mencement de  1650,  alors  que  la  jeune  personne  n'avait 
pas  accompli  sa  dix-huitième  année.  Nous  croyons  aussi 
que  Jean-Baptiste  Boel,  l'aîné  de  ses  enfants,,  naquit 
également  en  1650.  Nous  avons,  du  reste,  recherché 
vainement  l'acte  de  mariage  de  Pierre  Boel  et  de  Marie 
Blanckaert,  dans  les  tables  des  anciens  registres  parois- 
siaux d'Anvers.  Nous  n'y  avons  pas  trouvé  non  plus 
l'indication  du  baptistaire  de  leur  fils  Jean-Baptiste.  Il 
est  donc  probable  que  ce  mariage  et  la  naissance  de  cet 
enfant  auront  eu  lieu  ailleurs  qu'en  notre  ville.  Au  sur- 
plus, il  n'y  a  pas  de  doute  quant  à  la  filiation  de  Jean- 
Baptiste  Boel.  C'est  ce  que  nous  comptons  démontrer 
dans  la  biographie  de  ce  peintre  distingué.  En  ce  qui 
regarde  sa  qualité  d'enfant  aîné,  celle-ci  nous  paraît 
résulter  de  ce  fait,  qu'il  fut  reçu  dans  la  gilde  de  S^  Luc, 
en  1674-1675,  comme  fils  de  maître,  et  qu'il  se  maria, 
en  1675,  tandis  que  son  frère,  qui  va  sui\Te,  ne  fut 
admis  qu'en  1676-1677,  et  ne  se  maria  qu'en  1683. 

Balthasar-Luc  Boel,  le  deuxième  enfant  de  Pierre  et 


IIO 


de  Marie  Blanckaert  (i),  naquit  à  Anvers  et  y  fut  tenu  sur 
les  fonts  de  la  cathédrale,  quartier  sud,  le  22  décembre 
165 1,  par  Jean-Baptiste  de  Wael,  sans  doute  le  graveur 
distingué,  au  nom  du  célèbre  peintre  Luc  de  Wael, 
grand-oncle  du  baptisé  et  par  Susanne  Blanckaert,  sœur 
de  la  mère  de  l'enfant.  Balthasar-Luc  Boel  est  nommé 
simplement  Luc  dans  son  acte  de  baptême  ;  son  acte  de 
mariage  lui  donne  les  prénoms  de  Balthasar-Luc,  qu'on 
lit  aussi  dans  quelques  baptistaires  de  ses  enfants,  tandis 
que  d'autres  le  désignent  comme  Balthasar,  sans  addition. 
Le  Liggere  de  S*  Luc  nomme  ce  peintre  et  fils  de 
maître,  Balthasar-Luc  Boel. 

Le  troisième  enfant  de  Pierre  Boel,  Anne-Basilie, 
fut  baptisé  à  S*  André,  le  12  mai  1653.  ^  ^^^  V^^^ 
parrain  Pierre  de  Heuvel,  mari  d'Esther  Pelgrom, 
parente  de  notre  maître,  et  pour  marraine.  Basilic  Canis, 
que  nous  avons  lieu  de  supposer  cousine  germaine  de 
Pierre  Boel. 

Nous  connaissons  à  cette  heure  la  famille  de  ce 
peintre. 

Nous  allons  en  conséquence  poursuivre  la  narration 
de  sa  vie  d'artiste.  Corneille  de  Bie  nous  apprend,  à  la 
page  364  de  son  Gulden  cabimt  van  de  edel  vry  schilder- 
const,  qu'il  passa  plusieurs  années  à  Rome  et  dans  les 
villes  environnantes,  à  peindre  des  animaux,  des  fleurs 
et  des  fruits.  Ce  séjour  est  antérieur,  sans  le  moindre 
doute,  au  mariage  de  Pierre  Boel,  que  nous  avons  cru 
pouvoir,  sans  témérité,  fixer  à  l'année  1650. 

Les  archives  de  la  gilde  anversoise  de  S'  Luc  men- 
tionnent trois  élèves  de  notre  artiste  :  i"  Louis  Geeraerts 

(1)  Ibidem. 


—  III  — 

en  1652-1653,;  2°  David   de  Coninck  en  1659-1660; 
et  3°  Pierre  Schoof,  la  même  année  (i). 

Un  seul  de  ces  apprentis  est  inscrit  comme  franc- 
maître  :  c'est  le  célèbre  David  de  Coninck,  admis  en 
1663-1664  (2)  et  qu'on  croyait  à  tort  avoir  été  élève  de 
Jean  Fyt  (3).  On  a  dit  aussi  qu'il  était  né  à  Anvers  et 
décédé  à  Rome,  en  1687.  Ces  deux  assertions  sont 
fausses.  Nous  avons,  en  effet,  recherché  vainement  son 
acte  de  baptême  dans  les  anciens  registres  de  nos  pa- 
roisses, où  nous  n'avons  pas  fait  non  plus  la  moindre 
découverte  concernant  un  mariage  ou  des  enfants  du 
maître.  Celui-ci  vivait  encore  en  1699,  puisqu'il  se  fit 
recevoir  cette  année-là,  à  Bruxelles,  en  qualité  de 
reconnu.  Il  est  désigné  très-claireiîient  dans  une  lettre 
du  magistrat  de  Bruxelles,  adressée  le  27  septembre 
177 1,  au  Conseil  souverain  de  Brabant,  comme  un 
peintre  d'animaux,  de  renom  (4). 

(i)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  241,  305  et  306. 

(2)  Liggeren  cités,  T.  II,  p.  346. 

(3)  Ceci  est  une  preuve  de  plus  de  l'affinité  qui  existait  entre  la 
manière  de  peindre  de  Pierre  Boel  et  de  Jean  Fyt,  affinité  que  nous 
avons  signalée  à  la  p.  108  et  qui  n'a  pas  empêché  notre  Boel  d'être 
un  peintre  très-original. 

(4)  Les  reconnus  étaient  des  artistes  peintres  qui  arrivés  à  Bruxelles, 
d'autres  villes,  s'étaient  fixés  dans  la  capitale  du  Brabant  et  ne  s'y 
étaient  pas  fait  recevoir  francs-maîtres.  Ils  payaient,  lors  de  leur 
inscription,  un  droit  fixe  de  62  florins  4  sous,  argent  courant  de 
Brabant,  sans  être  astreints  à  aucunes  redevances  annuelles  envers 
le  métier  des  peintres.  Adrien-François  Boudewyns,  de  Bruxelles,  qui 
avait  travaillé  plusieurs  années  en  France,  fut  admis  comme  reconnu 
à  Bruxelles,  en  1694  et  inscrit  depuis  en  qualité  de  franc-maître.  — 
L.  Galesloot.  Documents  relatifs  à  h  formation  et  à  la  publication 
de  l'ordonnance  de  Marie-Thérèse,  du  20  mars,  j_j  novembre  ijjs. 
Annales  de  l'Académie  d'archéologie  de  Belgique,  2^  série.  T.  III,  p.  475 
476  et  480. 


112 


Retournons  à  Pierre  Boel.  Sa  femme  Marie  Blanc- 
kaert  décéda  entre  le  i8  septembre  1658  et  le  18  du 
même  mois  de  l'année  1659,  date  du  paiement  de  sa 
dette  mortuaire  ci  la  gildc  de  S'  Luc  (i). 

Le  maître  se  trouvait  à  Anvers,  en  1663,  puisqu'il 
fut  témoin  dans  l'église  de  S'  André,  le  11  août  de 
cette  année-là,  du  mariage  de  sa  belle-sœur  Gertrude 
Blanckaert  avec  Barthélemi  van  der  Linden.  C'est  pro- 
bablement vers  cette  époque  qu'il  alla  s'établir  à  Paris, 
où  il  fut  attaché  à  la  manufacture  royale  de  tapisseries 
des  Gobelins  (2).  Il  obtint  aussi  dans  cette  ville  le  titre 
de  peintre  ordinaire  du  roi  Louis  XFV  (3).  Notre 
maître  y  fut  parrain,  le  26  décembre  1671,  de  Gérard- 
Jean-Baptiste  Scotin,  qu'il  tint  sur  les  fonts  de  l'église 
S'  Hippolyte,  avec  Catherine  Huseweel,  femme  du 
célèbre  peintre  Adam-François  van  der  Meulen,  natif  de 
Bruxelles.  Cet  enfant  était  fils  du  graveur  Gérard  Scotin 
et  de  Geneviève  Bailleul.  Gérard  devait  le  jour  au 
sculpteur  Pierre  Scautincx,  qui  trouva  bon  de  franciser 
son  nom  (4). 

(i)  Liggeren  cités,  T,  II,  p.  298. 

(2)  A.-L.  Lacordaire.  Notice  historique  sur  Us  vianiifac turcs  im- 
périales de  tapisseries  des  Gobelins  et  de  tapis  de  la  Savonnerie,  Paris, 

1855,  pp.  60  et  63. 

(3)  A.  Jal.  'Dictionnaire  critique  de  biographie  et  d'histoire,  Paris, 
1867,  p.  234,  iri:  colonne. 

(4)  Pierre  Scautincx  figure  en  163 3-1634,  dans  le  compte  de  la 
corporation  anversoise  de  S'  Luc,  comme  élève  d'Ambroise  Gast. 
Liggeren  cités,  T.  II,  p.  53.  Le  nom  y  est  écrit  Schoutens.  —  Les 
détails  dans  lesquels  nous  venons  d'entrer  sont  empruntés  à  Jal,  op. 
cit.,  pp.  un  et  11 12,  et  à  H.  Herluison,  ,yictes  d'état-civil  d'artistes 
français....  extraits  des  registres  de  l' hôtel-de-ville  de  Taris,  détruits  dans 
l'incendie  du  24  mai  iSji,  Paris  et  Orléans.  1873,  T.  II,  p.  259, 
ligne  4. 


113 


Abraham  Genoels,  le  jeune,  ayant  été  chargé,  vers 
1673-1674,  de  faire  exécuter  les  tapisseries  d'un  appar- 
tement pour  le  comte  de  Monterey,  gouverneur  général 
des  Pa3's-Bas  catholiques,  il  s'associa  plusieurs  artistes, 
pour  aller  plus  vite  en  besogne.  Pierre  Boel  fut  chargé, 
en  cette  circonstance,  de  peindre  les  oiseaux  des  patrons  ; 
les  autres  animaux  furent  confiés  à  Nicaise  Bernaerts, 
d'Anvers,  franc-maître  de  notre  gilde  de  S'  Luc,  les 
fleurs  à  Baptiste  Monnoyer,  de  Lille,  etc.  (i).  Comme 
ces  peintres  habitaient  Paris,  à  cette  époque,  aussi  bien 
que  Pierre  Boel,  il  n'y  a  pas  à  douter  que  les  patrons 
y  furent  exécutés. 

Erasme  Oiiellin  peignit  le  portrait  de  notre  maître.  Il 
fut  gravé  avec  beaucoup  de  talent  par  Conrard  Lauwers, 
et  Corneille  de  Bie  en  orna  son  Giilden  Cabinet.  L'ar- 
tiste y  est  représenté  dans  un  fond  de  paysage,  la  main 
droite  posée  sur  la  tête  d'un  lévrier.  Les  longs  cheveux 
du  maître  lui  descendent  sur  les  épaules,  une  moustache 
peu  fournie  embellit  sa  figure  rêveuse  et  pleine  de  bien- 
veillance.  Il  est  vêtu   d'un  pourpoint  sur  lequel  s'étale 

(i)  Nicaise  Bernaerts  (en  flamand,  Nicasius  Bernaerts,)  et  non 
Nicasius  Bernard,  ainsi  que  plusieurs  l'écrivent  erronnément,  fut 
reçu  en  163  3-1634,  dans  la  corporation  anversoise  de  S'  Luc,  comme 
apprenti  de  François  Snyders  ;  il  y  fut  admis  à  la  franc-maîtrise  en 
165 3-1654.  Liggercn  cités,  T.  II,  pp.  50  et  248. 

Jean  Baptiste  Monnoyer  était  venu  au  monde  avant  que  Lille  nous 
fut  enlevée  par  la  France,  ainsi  que  le  fait  observer  M.  Jal,  op  cit., 
p.  880,  i""^  colonne. 

Arnould  Houbraken,  qui  tenait  d'Abraham  Genoels  lui-même  les 
détails  relatifs  à  ces  tapisseries,  écrit  Monoié,  au  lieu  de  Monnoyer. 
Nous  n'avons  pu  deviner  les  noms  véritables  des  peintres  Furni  et 
Boité,  dont  il  parle  à  cette  occasion.  T)e  groote  schouhiirgh  (1er  IsLeder- 
îantscLv  konstschildcrs  en  schilderessen,  's  Gravenhage,  17S3,  T.  III, 
p.  100. 

8 


—  114  —  * 

un  collet  garni  de  belles  dentelles.  Son  manteau  attaché 
au-dessus  de  l'épaule  gauche,  est  ramené  autour  de  sa 
taille. 

Pierre  Boel  peignit,  avec  beaucoup  de  vérité  et  de 
succès,  les  animaux  de  toute  espèce,  les  fleurs,  les 
fruits  et  les  objets  inanimés,  tels  que  les  vases  d'or, 
d'argent  et  de  porcelaine  (i).  Il  travailla  avec  l'auteur 
de  son  effigie  Érasme  Quellin,  comme  le  prouve  de 
Bic,  à  propos  de  deux  tableaux  qui  ornaient  la  maison 
de   campagne   de  son  Mécène,  Antoine  van  Leyen  (2). 

Notre  maître  fut,  comme  nous  l'avons  dit,  un  gra- 
veur à  l'eau-forte  du  plus  rare  mérite.  Jean  Fyt  lui 
enseigna  aussi  cette  partie  de  son  art,  ainsi  que  les 
connaisseurs  peuvent  s'en  convaincre  par  la  comparaison 
des  œuvres  de  nos  deux  artistes.  Comme  Pierre  Boel 
a  bien  profité  des  leçons  de  son  professeur  !  Quel 
feu,  quelle  vigueur,  par  exemple,  dans  cette  Chasse  au 
sanglier,  que  nous  avons  sous  les  yeux  !  Toute  une 
meute  est  acharnée  à  la  poursuite  de  l'animal  sauvage, 
qui  a  déjà  fait  mordre  la  poussière  à  trois  de  ses  agres- 
seurs. N'importe  :  ses  ennemis  l'attaquent  de  front,  à 
droite^  à  gauche  et  par  derrière.  Un  d'eux  s'efforce 
même  de  sauter  sur  le  dos  de  son  adversaire,  qui  s'ap- 
prête à  lui  faire  payer  cher  sa  témérité.  Toutefois, 
harcelé  de  toutes  parts,  le  sanglier  sera  bien  réduit  à 
mourir  ;  mais  que  de  chiens  seront  encore  auparavant 
étendus  sur  le  sol  ! 

Cette  gravure  magistrale  à  l'eau-forte  ne  le  cède  en 
rien  à  tout  ce  que  les  plus  célèbres  artistes  ont  produit 


(i)  C.  DE  BiE,  op.  cit.,  p.  362-364. 
(2)  Id.,  ibid.,p.  198. 


—  115  — 

de  plus  beau  en  ce  genre.  Elle  est  mentionnée  avec  les 
autres  planches  de  Pierre  Bocl,  dans  le  V\Canuel  de  Faina- 
tciir  d'estampes,  de  Charles  le  Blanc  (i). 

Wenceslas  HoUar  et  Luc  Vorsterman  (le  vieux  ?)  ont 
gravé  d'après  notre  peintre.  Le  premier  «  un  lièvre 
mort,  pendu  par  la  patte,  avec  un  lévrier,  et  quantité 
d'oiseaux  tués.  »  Cette  pièce  rare  porte  l'inscription  sui- 
vante :  Tceter  Boel  pinx.  IV.  Hollar  fec.  1649.  Le  second 
«  deux  belles  feuilles  de  chasses  par  des  chiens  de  grande 
taille,  savoir  :  la  chasse  du  sanghcr,  et  la  chasse  du  lion, 
pièce  marquée  :  Pdrus  Boel  inv  :  Lucas  Vorsterman 
fec.  (2).  » 

Dans  l'importante  collection  de  gravures  et  de  dessins 
de  Pierre  Wouters,  chanoine  de  l'église  collégiale  de 
S'  Gommaire,  à  Lierre,  trésorier  ç.t  bibliothécaire  de 
Sa  Majesté  Apostolique,  etc.,  figuraient  six  études  d'ani- 
maux tant  morts  que  vivants,  exécutées  par  François 
Snyders,  Jean  Fyt  et  Pierre  Boel  (3). 

La  collection  de  dessins  du  musée  du  Louvre,  à 
Paris,  en  possède  213  de  notre  artiste  (4).  L'auteur  de 
cette  biographie  est  propriétaire  d'une  petite  toile  du 
maître  :  elle  représente  différents  animaux  dans  un 
parc  ;  à  droite ,  vers  le  centre  de  ce  tableau ,  est 
figuré  un  étang  orné  d'un   dauphin  de  bronze,  dont   la 


(i)  Paris,  1854,  T.  I,  p.  404. 

(2)  Michel  Huber  et  J.-G.  Stimmel.  —  Catalogue  raisonné  du 
cabinet  d'estampes  de  feu  Monsieur  JVinclder,  banquier  et  membre  du 
sénat,  à  Leipzig.  École  des  Tays-Bas,  Leipzig,  1805,  p.  108. 

(3)  Voyez  le  Catalogue  rédigé  par  N.-J.-A.  t'Sas,  négociant. 
BruxeUes,  1797,  p.  297,  n"  1459. 

(4)  Frédéric  Reiset.  Notice  des  dessins du  musée  impérial  du 

Louvre.  Paris,  1866,  p.  Ixxxi. 


ii6 


bouche  laisse  échapper  de  l'eau  dans  le  bassin.  Qiiatre 
canards  y  nagent  dans  diverses  attitudes.  Deux  lapins 
bruns  au  repos,  mais  les  oreilles  aux  aguets,  se  sont  éta- 
blis au  bord  de  l'étang  :  un  pigeon  vient  de  s'abattre 
près  d'eux,  pour  tenir  compagnie  à  un  autre  de  ces 
volatiles.  Au  milieu  de  la  composition  et  la  dominant 
de  toute  sa  hauteur,  se  dresse  un  paon  qui  étale  en 
marchant  sa  superbe  queue. 

Un  coq  d'Inde,  assis  près  de  là  et  servant  de  repous- 
soir, paraît  plongé  dans  de  profondes  méditations.  La 
scène  se  passe  après  le  coucher  du  soleil,  ce  qui  a 
permis  à  Boel  de  faire  mieux  ressortir  le  riche  plumage 
et  la  belle  robe  de  ses  animaux.  Ceux-ci  sont  dessinés 
et  posés  excellemment  et  peints  de  main  de  maître.  Le 
fond,  borné  par. des  montagnes,  le  ciel  et  le  paysage 
s'harmonisent  de  la  manière  la  plus  heureuse  avec  la 
partie  antérieure  de  la  toile  qui  est  signée  du  mono- 
gramme du  maître  P.  B.  * 

Le  musée  d'Anvers  possède  de  notre  artiste  une 
Nature  morte,  qui  a  fait  partie  de  la  collection  de 
M.  Désiré  van  den  Schrieck,  de  Louvain,  où  elle  porta 
le  nom  de  Jean  Fyt.  En  voici  la  description.  A  l'entrée 
d'un  parc  sont  étalées  plusieurs  pièces  de  gibier,  parmi 
lesquelles  on  remarque  un  lièvre  attaché  à  la  branche 
brisée  d'un  arbre,  entouré  de  ronces  et  de  broussailles. 
Deux  perdrix  sont  suspendues  au-dessus  de  l'animal, 
dont  la  tète  repose  à  terre.  Des  pipeaux  gisent  à  gauche 
sur  le  sol,  auprès  de  quelques  cailles,  d'un  cornet  à 
poudre  et  d'autres  attirails  de  chasse.  Vers  la  droite  on 
aperçoit  une  bécassine,  et  derrière  un  bloc,  la  tête  d'un 
chien  de  chasse. 

Cette  toile   n'est   pas   exposée   au   moment  où  nous 


I 


—  117  — 

écrivons.  D'après  nos  souvenirs,  elle  n'est  pas  sans 
mérite,  mais  inférieure  toutefois  à  celle  que  nous 
possédons. 

Au  musée  de  Gand  se  trouve  du  gibier  mort,  de 
Pierre  Boel.  M.  A. -P.  Sunaert  décrit  ainsi  ce  tableau 
dans  le  catalogue  de  cette  collection  :  ce  Dans  un 
paysage  avec  des  arbres  à  gauche,  dont  on  voit  seule- 
ment les  troncs,  est  pendu,  à  l'un  de  ces  derniers,  un 
lièvre  mort.  A  côté  de  lui  est  couché  un  héron.  Ensuite 
on  remarque,  éparpillés  à  terre,  des  perdrix,  des  bécasses, 
un  canard  et  de  la  petite  volaille.  A  gauche,  il  y  a  une 
élévation  de  terrain  et  le  lointain  offre  un  site  sauvage, 
terminé  par  des  montagnes  »  (i). 

Un  tableau  de  notre  maitre,  conservé  dans  la  pinaco- 
thèque de  Munich,  représente  deux  chiens  de  chasse, 
qui  gardent  un  sanglier,  un  cygne,  un  daim  et  autre 
gibier  mort  (2), 

La  riche  galerie  de  Sleissheim  ne  montre  pas  moins 
de  quatre  compositions  de  Pierre  Boel  :  1°  des  fruits ^ 
du  gibier  mort,  de  la  volaille,  etc.  ;  2°  des  oiseaux  morts  et 
vivants  ;  3°  une  femme  et  un  garçon  dans  une  chambre  à 
provisions,  pourvue  de  crabes,  poissons  de  mer,  etc.;  4°  une 
jeune  fille  dans  une  chambre  à  provisions  richement  garnie 
de  poissons  de  mer,  etc.  (3).  Il  est  probable  que  les  figures 
humaines  de  ces  deux  derniers  tableaux  sont  l'œuvre 
d'un  autre  artiste. 


(i)  Op.  cit.,  p.  42. 

{2)  Calalogm  des  taUcaiix  de  la  pinacothèque  royale  à  ^Xiinich, 
Munich,  1860,  p.  77,  n°  327. 

(3)  Katalog  dcr  I{gl.  GeindlJe-Galerie  in  Sleissheini,  Mùiichcn,  1870, 
p.  49,  11°^  524  et  52)  ;  p.  54,  110673  ;  p.  57,  n"  754. 


—  ii8  — 

I 

Le  musée   de  Madrid  possède   de   notre   maître   un 

Paysage  avec  des  animaux  :  un  cygne,  un  lièvre  et  une  5 

oie  morts  sont  attachés  à  la  branche  d'un  arbre.  Trois  |- 

chiens  gardent  ce  gibier  (i). 

Un  tableau  de  Pierre  Boel,  peint  à  Paris,  et  représen- 
tant des  oiseaux,  d'autres  animaux  et  des  fruits,  ornait,  ^ 
en  1682,  la  collection  de  Diego  Duarte.  Cet  amateur, 
qui  appartenait  à  une  famille  portugaise  établie  à  Anvers, 
habitait  Amsterdam  à  cette  époque.  Cette  peinture 
était  estimée  52  florins  (2). 

Les  catalogues  de  tableaux,  pubHés  au  siècle  dernier 
par  Gérard  Hoet,  en  signalent  plusieurs  exécutés  par  un  * 

Boel,  dont  ils  nous  taisent  le  prénom. 

Nous  sommes  de  cette  façon  dans  l'impossibilité  de 
déterminer  si  ce  sont  des  œuvres  de  Pierre  ou  de  ses 
fils  Jean-Baptiste  et  Balthasar-Luc.  La  première  peinture 
qui  se  présente  est  une  Vieille  femme  qui  file,  vendue  3 
florins,  à  Amsterdam,  en  1707  ;  cette  toile  faisait  partie 
de  la  collection  de  Pétronille  de  la  Court,  et  était  fort 
probablement  étrangère  au  peintre  dont  nous  écrivons 
la  vie  (3). 

Les  autres  tableaux  de  Boel  mentionnés  par  Hoet, 
sont  les  suivants  :  Un  lièvre  mort  et  des  oiseaux,  vendu 
76  florins;  Une  chasse  au  sanglier,  adjugée  à  61  florins, 
et  un  Vanitas  orné  d'instruments  de  musique  et  de  ma-  1 


(i)  Don  Pedro  de  Madrazo.  Catdogo  de  îos  cuadros  del  real  mu- 
seo  depinhira  y  escnltura  de  S.  M.,  Madrid,  1858,  p.  363,  11°  15/5. 

(2)  Fred.  Muller.  De  onde  Tijd,  1870,  p.  402,  n°  154. 

(3_)  Calalogns  of  naamlyst  van  schilderyeii,  met  dei^eiver  pry::^eii, 
^derl  cen  laiiqen  rcehs  van  jaren  :;oo  in  Holland  aïs  op  andere  pîaatlen 
in  het  openbaar  vcrkogt.  's  Gvavenhage,  MDCCLII,  dccl  I,  bl.  110, 
no  117. 


—  119  — 

thématiques,  d'armes  et  de  fleurs,  à  ii  florins  8  sous, 
lors  de  la  dispersion  de  la  collection  de  Jacques  de  Wit, 
d'Anvers,  en  1741.  Il  s'y  trouvait  aussi  une  composi- 
tion de  Gcnzales  Coques,  représentant  un  Cabinet  de 
tableaux,  orné  de  figures  de  la  main  de  ce  maître.  Les 
petites  toiles  dont  se  composait  ce  cabinet,  étaient 
l'œuvre  de  dilîérents  artistes  :  on  y  voyait,  entre  autres, 
Une  chasse  au  sanglier,  de  Pierre-Jacq.  Boel  (i).  De 
Wit  possédait,  en  outre,  de  Boel,  un  second  Vanitas, 
où  l'on  remarquait  un  globe  terrestre,  des  armes,  des 
fleurs  et  des  instruments  de  musique,  et  une  peinture 
ayant  pour  sujet  des  fresaies,  des  rats  d'Inde^  des  chauves- 
souris  et  d'autres  animaux.  Le  premier  de  ces  tableaux 
fut  vendu  12,  le  second  20  florins  5  sous. 

Un  paysage  capital  orné  de  chats-tigres  et  d'oiseaux, 
exécuté  par  Boel,  ftisait  partie  de  la  collection  du  peintre 
anversois  Jacques  de  Roore,  vendue  à  La  Haye,  en  1747. 
Il  y  fut  adjugé  au  prix  de  15  florins  (2). 

Pierre  Terwesten  signale,  dans  ses  catalogues  les 
tableaux  suivants  de  Pierre  Boel  :  1°  des  animaux  peints 
d'après  nature,  dans  un  paysage,  et  vendu  50  florins,  à 
Bruxelles,  en  1758,  à  la  mortuaire  de  M.  Martin  Robyns; 
2°  du  gibier  mort,  vendu  27  florins  à  Anvers,  en  1762, 
à  la  mortuaire  de  la  douairière  de  Proli;  3°  du  gibier, 
vendu  26  florins,  à  Anvers,  en  1762;  des  oiseaux  et 
d'autres  animaux,  dans  un  paysage,  vendu  44  florins, 
dans  la  même  ville,   en   1768  (3).   Nous  tenons  à  faire 

(i)  Cette  œuvre  d'art  orne  actuellement  le  musée  de  La  Haye. 

(2)  G.  HoET,  op.  cil.,  T.  II,  pp.  32,  34,  35,  45,  47  et  214. 

(^)  PiETER  Terwesten.  Catalogiis  of  naainlyst  van  schilderyen  luel 
dei\elver  prysen  sedert  den  22  Augusti  1752  tôt  dcn  21  Novsmber  1768, 
:(oo  in  Holland  als 'Brahand en  andere plaat\en  inhet  openbaarverJwgt.  — 
's  Gravenhage,  1770;  pp.   193,  277,  280  et  661. 


—    120   — 

observer  ici  que  le  3°  était  indique  sans  le  prénom  du 
maître  dans  le  catalogue. 

Le  catalogue  du  cabinet  de  M.  Pierre-André-Joseph 
Knyff,  chanoine  noble  gradué  de  la  cathédrale  d'Anvers, 
signale  en  ces  termes  deifx  toiles  de  Pierre  Boel  :  «  n°  147, 
Ce  tableau  offre,  sur  le  premier  plan,  du  gibier  mort,  un 
cerf,  un  sangHer,  un  renard,  un  canard- et  un  cygne  dont 
une  aile  est  attachée  à  la  branche  d'un  arbre.  L'on  y  voit 
aussi  une  gibecière;  à  droite,  deux  lévriers.  Le  fond  est 
un  beau  paysage  et  un  ciel  très-clair.  Ce  tableau  est  du 
meilleur  faire  de  ce  maître  et  ne  le  cède  en  rien  aux 
ouvrages  de  Jean  Fyt.  Haut.  73  pouces,  larg.  100  1/2.  — 
507.  Un  tapis^  des  instruments,  un  grand  plat  ciselé, 
un  globe,  deux  écuelles  de  porcelaine;  tous  ces  objets 
inanimés  sont  placés  sur  une  table,  et  très-naturellement 
rendus.  Haut  48  3/4  pouces,  large  64  1/2.  »  —  Lors  de 
la  vente  de  cette  collection,  en  1785,  le  premier  de  ces 
tableaux  fut  acquis  par  M.  Nicolas-François  Beeckmans, 
au  prix  de  70  florins  de  change;  le  second,  par  le  sieur 
Steber,  moyennant  10  florins  15  sous  (i). 

On  doit  ne  pas  perdre  de  vue,  en  lisant  ces  différents 
prix,  que  les  œuvres  d'art  se  vendaient  à  bon  compte 
au  siècle  dernier  et  que  l'argent  avait  une  plus  grande 
valeur  qu'actuellement. 

Pierre  Boel  mourut  aux  Gobelins,  à  Paris,  le  3  sep- 
tembre 1674,  avant  midi,  dans  la  52''  année  de  son  âge. 
Il  fut  enterré,  le  lendemain,  dans  l'église  de  S' Hippolyte, 
en  présence  de  ses  amis,  le  célèbre  peintre  de  batailles, 
Adam-François   van   der  Meulen  et  Jean  Mosin  (2).  Le 


(1)  Catalogue  cité,  pp.  40  et  172. 

(2)  A.  Jal,  op.  cit.,  p.  234,  le  colonne. 


# 


—    121    — 

nom  véritable  de  ce  dernier  est  Mosyn  (i).  Il  était,  d'après 
Kramm,  fils  du  graveur  distingué  Michel  Mosyn  et 
de  Madeleine  Veron,  sa  femme. 

C'est  ce  qui  résulte  de  l'acte  de  baptême  de  Michel 
Mosyn,  fi-ère  de  Jean,  que  celui-ci  tint  le  2  juin  167 1, 
avec  sa  sœur  Geneviève,  sur  les  fonts  de  l'église 
S'  Benoît  à  Paris.  Le  petit  Michel  était  né  le  28  avril 
de  cette  année-là,  et  le  parrain  signa  du  nom  de  Jean 
Mosin  le  baptistaire  de  l'enfant  ;  le  père  était  absent, 
à  l'époque  où  fut  conféré  à  son  fils  le  premier  des 
saints  sacrements  (2). 

Disons,  pour  terminer,  qu'il  est  regrettable  qu'un 
artiste  de  la  valeur  de  Pierre  Bocl  soit  décédé  avant 
d'avoir  accompli  sa  52'=  année. 

Quoique  décédé  à  l'étranger,  la  dette  mortuaire  de  ce 
maître,  se  montant  à  33  florins  4  sous,  n'en  fut  pas  moins 
payée  à  la  gilde  anversoise  de  S'  Luc.  C'est  ce  qui 
résulte  de  son  compte  du  18  septembre  1673  ^^  ^^  ^^ 
même  mois  de  l'année  1674  (3).  Mais  au  lieu  d'écrire 
Pierre  Boel,  le  rédacteur  renouvela  l'ancienne  erreur  et 
mit  Jean  (4). 

(i)  Christiaan  Kramm.  De  ïevens  en  werhn  der  Hollandsche  en 
Vlaamsche  hinstschilders,  heeldhoîcwers,  graveurs  en  honiujneeslcrs.  — 
Amsterdam,  1860,  T.  IV,  p.  1169. 

(2)  Herluison.  Actes  d'ètat-civil  d'arlisles  français,  peintres,  gra- 
veurs, architectes,  etc.  Extraits  des  registres  de  l'iiôlel  de  ville  de  Paris, 
détruits  dans  l'incendie  du  24.  mai  iS/i,  par  H.  Herluison.  Paris  et 
Orléans,  1873,  T.  II,  p.  375. 

())  Liggeren,  T.  II,  p.  436. 

(4)  Cette  notice  est  datée  du  21  juin  1874. 


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Jean-Baptiste  BOEL 

(en  flamand  Jan-Baptist  BOEL) 

(1650  ?-i688- 1689). 

^le  peintre  de  talent  Jean-Baptiste  Boel  était  fils 
||;-ir^du  célèbre  Pierre  et  de  Marie  Blanckaert.  Nous 
\^::Tès5Éi avons  dit  dans  la  biographie  de  son  père,  que 
celui-ci  s'est  marié,  d'après  notre  manière  de  voir,  au 
commencement  de  1650.  Nous  avons  ajouté  que  nous 
croyions  devoir  fixer,  à  cette  même  année,  la  naissance 
de  Jean-Baptiste,  considéré  par  nous  comme  l'aîné  de 
ses  enfants.  Enfin  nous  avons  fait  observer  que  nous 
n'avons  pu  découvrir  ni  son  baptistaire,  ni  l'acte  de 
mariage  de  ses  parents,  et  nous  avons  conclu  de  cette 
absence  de  baptistaire  à  Anvers  que  Jean-Baptiste  Boel 
est  né  ailleurs  qu'en  notre  ville.  Nous  allons  nous  efforcer 
maintenant  à  démontrer  que  notre  artiste  est  issu  bien 
positivement  du  mariage  de  Pierre  Boel  et  de  Marie 
Blanckaert,  et  qu'il  en  fut  le  premier  fruit.  La  preuve  de 
la  première  de  ces  assertions  ressortira  suffisamment  des 
noms  du  témoin  de  son  mariage  et  de  quelques-unes 
des  personnes  qui  ont  tenu  ses  enfants  sur  les  fonts  de 
baptême  ;  la  seconde  de  la  date  de  son  admission  dans 
la  gilde  anversoise  de  S'  Luc,  en  qualité  de  fils  de 
maître,  date  antérieure  à  celle  de  la  réception  de  son 
frère  Balthasar-Luc,  né  en  1657. 


—    123    — 

Nous  commencerons  par  ce  dernier  point.  Jean-Bap- 
tiste Boel  fut  inscrit  dans  notre  gilde  comme  fils  de 
maître,  dans  l'intervalle  du  i8  septembre  1674  au  18 
septembre  1675;  Balthasar-Luc  n'y  fut  reçu  que  du 
18  septembre  1676  au  18  septembre  1677  (i). 

Nous  ne  doutons  pas  que  le  premier  ait  eu  son  père 
pour  maître,  et  il  est  probable  qu'il  en  fut  de  même  du 
second.  Il  est  hors  de  doute  que  l'un  et  l'autre  auront 
accompagné  leur  père  à  Paris. 

Nous  arrivons  maintenant  au  premier  point.  Jean- 
Baptiste  Boel  épousa,  dans  la  cathédrale,  quartier  nord, 
le  4  mai  1675,  Marie-Catherine  Immenraet.  Elle  était 
fille  de  l'excellent  peintre-paysagiste  Philippe-Augustin 
Immenraet  (2)  et  de  Catherine  de  Hille  et  avait  été  tenue 
sur  les  fonts  de  Notre-Dame,  quartier  nord,  le  1 1  avril 
1657.  Le  père  servit  de  témoin  à  cette  jeune  fille  de 
dix-huit  ans.  Celui  de  Boel  fut  Barthélémy  van  der  Linden, 
le  jeune.  Celui-ci  avait  été  nommé  notaire  à  Anvers,  en 
1663  (3)  et  avait  épousé  à  S'  André,  le  11  août  de 
cette  année-là,  Gertrude  Blanckaert^  fille  du  peintre  Jean 
et  d'Anne  de  Wael.  Elle  était  par  conséquent  la  sœur 
de  Marie  de  Wael,  femme  de  Pierre  Boel^  qui  avait  été 
témoin  de  son  mariage.  Barthélémy  van  der  Linden,  son 

(i)  Théodore  Van  Lerius  et  Phil.  Rombouts.  Les  Liggercn  et 
antres  archives  historiques  de  lu  gilde  anversoise  de  saint  Luc,  T.  II, 
pp.  432,  443,  450.  et  454. 

(2)  Le  nom  de  cette  famille  d'artistes  est  changé  en  Immelraat, 
dans  le  Théâtre  des  peiiitvres  de  David  Teiiiers,  le  jeune;  plus  tard 
on  s'est  mis  à  écrire  Emelraet  et  Hemelract. 

(3)  Frédéric  Verachter.  Inventaire  des  niintites  des  anciens  no- 
taires de  la  ville  d'Anvers,  à  la  suite  du  Rapport  sur  l'adrninislralion  et 

la  situation  des  affaires  de  la  ville  d'Anvers,  présenté le  2  cc- 

iobre  1S4S,  p.  243. 


—  124  — 

mari,  était  donc  l'oncle  par  alliance  de  Jean-Bap- 
tiste Boel. 

Celui-ci  eut  six  enfiints  de  Marie-Catherine  Immenraet. 

1°  Jean-Philippe,  baptisé  dans  la  cathédrale,  quartier 
nord,  le  6  juillet  1676.  Parrain,  Philippe-Augustin 
Immenraet,  aïeul  de  l'enfant,  marraine,  Susanne  Blanc- 
kaert,  au  nom  de  Catherine  de  Wael.  Susanne  Blanckaert 
était  la  sœur  de  Zvlarie,  et,  par  conséquent,  la  grand' 
tante  du  petit  Jean-PhiHppe  Boel.  Catherine  de  Wacl 
était  parente  de  Marie  Blanckaert,  par  la  mère  de  celle-ci, 
Anne  de  Wael,  femme  en  troisièmes  noces  de  Jean 
Blanckaert. 

2°  Marie-Catherine,  tenue  sur  les  fonts  de  la  cathé- 
drale, quartier  sud,  le  22  octobre  1677,  P''^'^  Barthélémy 
van  der  Linden,  que  nous  avons  appris  à  connaître,  et 
Catherine  de  Hille,  grand'mère  de  l'enfant. 

3°  Pierre,  tenu  sur  les  mêmes  fonts,  le  4  juillet  1680, 
par  Pierre  Spierinckx,  paysagiste  de  talent,  franc-maître 
de  notre  gilde  anversoise  de  S'  Luc,  en  165  5-1656  (i)  et 
Susanne  Blanckaert,  grand'tante  du  petit  Pierre. 

4°  Gertrude-Antoinette,  baptisée  dans  le  même  quartier 
de  la  cathédrale,  le  25  juillet  1682.  Parrain  Antoine 
van  Leyen,  échevin  d'Anvers,  marraine,  Gertrude  Blanc- 
kaert, .sœur  de  Marie,  femme  de  Pierre  Boel,  et,  par 
conséquent,  grand'tante  de  l'enfant.  Nous  avons  vu 
que  Gertrude  Blanckaert  était  la  femme  du  notaire  Bar- 
thélémy van  der  Linden.  | 


(i)  Campo  Weyerman  n'ayant  pas  su  le  pronom  de  Spierinckx,  l'a 
indiqué  par  l'inconnue N.  Ceux  qui  l'ont  suivi  ignorant  la  justification 
de  cette  lettre,  l'ont  considérée  comme  l'initiale  de  Nicolas,  et  ont 
nommé  notre  maître  Nicolas  Spierinckx. 


tà 


—    125    — 

Quant  à  Antoine  van  Leyen,  il  fut  le  Mécène  de 
Corneille  de  Bie,  lors  de  la  publication  de  son  célèbre 
Guldeii  Cabinet,  qui  est  orné  du  portrait  de  van  Leyen, 
gravé  en  1661,  par  Richard  Collin,  d'après  un  tableau 
d'Erasme  duellin.  Notre  magistrat,  comme  nous  l'avons 
vu  dans  la  biographie  de  Pierre  Boel,  possédait  des 
tableaux  de  ce  maître.  Il  remplit  les  fonctions  d'échevin 
de  notre  ville  de  1667  à  1673,  en  1680,  1682  et 
1683. 

5°  Micheline,  baptisée  à  Notre-Dame  sud,  le  12  juillet 
1684.  Parrain,  Michel  Moens,  marraine,  Marie-Ca- 
therine de  Hille,  parente  de  la  grand'mère  de   l'enfant. 

6°  Jean-Baptiste,  tenu  sur  les  fonts  de  S'  Jacques, 
le  26  juillet  1686,  par  Jean  Willemssens  et  Anne-Claire 
Smits. 

Il  est  constaté,  à  cette  heure,  que  le  témoin  du  ma- 
riage de  Jean-Baptiste  Boel  était  le  beau-frère  de  son 
père.  Qii'il  fut  parrain  de  son  deuxième  enfant,  qu'une 
des  belles-sœurs  de  Pierre  Boel,  Susanne  Blanckaert, 
tint  sur  les  fonts  le  premier-né  de  notre  artiste,  au 
nom  d'une  parente  de  la  mère  de  celui-ci.  Qu'elle  fut 
la  marraine  de  son  fils  Pierre,  et  que  sa  sœur  Gertrude 
Blanckaert  le  fut  de  Gertrude-Antoinette  Boel,  fille  de 
Jean-Baptiste.  Nous  croyons  donc  pouvoir  conclure  que 
la  fihation  de  ce  dernier  est  nettement  établie. 

Nous  ajouterons  qu'après  l'inscription  du  graveur  Jean 
Boel,  père  du  peintre  et  graveur  Pierre,  le  premier  Boel, 
reçu  en  qualité  de  fils  de  maître  dans  la  gilde  anversoise 
de  S'  Luc,  est  ce  même  Pierre,  erronément  porté  au 
registre  en  1650-165 1,  au  nom  de  son  frère  Jean,  décédé 
bien  antérieurement  à  cette  époque.  Notre  Jean-Baptiste 
est  le  second  fils  de  maître  issu  de  cette  famille. 


—    126    — 

Le  lecteur  sera  sans  doute  d'avis  que  notre  démon- 
stration est  complète. 

Selon  M.  Jean-Baptiste  van  der  Straelen  (i),  Jean- 
Baptiste  Boel  se  serait  fait  recevoir  en  1674,  dans  la 
chambre  de  rhétorique  du  Rameau  d'Olivier  (OlijftaJi) 
unie,  à  cette  époque,  cà  celle  de  la  Giroflée  ÇVioliere). 
D'après  l'auteur  cité,  cette  admission  aurait  eu  Heu  sous 
le  décanat  du  célèbre  peintre  Charles-Emmanuel  Biset  :  i 

mais  comme  celui-ci  fut  doyen  en    1675 -1676  (2),  c'est  " 

à  cette  dernière  époque  que  la  réception  de  notre  Boel 
devrait  être  reculée. 

Il  donna  sa  démission  en  1 679-1 680.  Cette  décision 
entraînait  le  paiement  de  la  dette  mortuaire  du  maître. 
Il  préféra  de  solder  celle-ci  plutôt  en  nature  qu'en 
argent.  Voici  ce  que  nous  lisons  à  cet  égard  dans  le 
compte  du  Rameau  d'Olivier  (OUj/taJi)  de  1679-1680  : 
«  Jean-Baptiste  Boel  s'est  retiré  à  condition  de  peindre 
pour  la  chambre  un  tableau  de  la  même  hauteur  que  les 
autres  toiles  de  ce  local.  Il  sera  tenu  de  payer  l'intérêt 
d'un  capital  de    150   florins,    aussi  longtemps  que   son  \ 

œuvre  ne  sera  pas  délivrée  à  la  chambre,  et  dès  qu'elle 
l'aura  été,  on  fera  juger  si  elle  est  digne  d'y  être  admise.  »  *■ 

La   peinture    dont  il   s'agit,   après  avoir  figuré   avec  ^ 

honneur  au  salon  de  la  gilde  de  S'  Luc,  fait  actuellement  .  )[ 

partie  du  musée  d'Anvers.  Elle  représente  la  Faiîité  des  \ 

choses  de  ce  monde. 

Nous   aurions   bien   désiré   de  pouvoir    donner    une 


(i)  Geschiedetns  der  AtUwerpsche  Rcderykkamers,  Violiere,  p.  87. 

(2)  En  1674- 167 S,  le  doyen  de  la  gilde  était  Martin  Verhulst, 
imprimeur-libraire.  Voyez  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  436,  440,  444 
et  446. 


—    127   — 

description  un  peu  détaillée  do  ce  tableau,  mais  il  est 
en  ce  moment  couvert  de  crasse  et  placé  à  une  hauteur 
telle  que  le  regard  n'y  peut  atteindre  suffisamment. 
Nous  devons  donc  bien  nous  contenter  d'emprunter  les 
lignes  suivantes  qui  figurèrent  primitivement  dans  l'édi- 
tion du  Catalogue  dip  musée  d'Anvers,  par  M.  Jean-Alfired 
de  Laet  :  «  Un  cygne  mort,  posé  dans  un  plat  de  vermeil, 
et  un  paon,  occupent  le  milieu  de  cette  composition, 
qui  est  très-riche  d'accessoires,  figurant  des  fleurs,  des 
objets  d'antiquité,  des  attributs  d'arts  et  de  sciences,  etc. 
Grandeur  naturelle  (i),  » 

Cette  toile  est  l'unique  œuvre  connue  de  Jean  Boel  : 
mais  elle  donne  une  preuve  des  plus  avantageuses  de 
son  talent.  Tous  les  objets  y  sont  peints  de  main  de 
maître  et  il  serait  extrêmement  regrettable  que  cette 
belle  composition  dût  être  quelque  jour  la  victime  de 
mauvaises  restaurations. 

Le  compte  de  la  gilde  de  S'  Luc  du  i8  septembre 
1686  au  18  du  même  mois  1687  mentionne  une  recette 
de  3  florins  4  sous,  du  chef  du  paiement  de  la  dette 
mortuaire  de  la  femme  de  Jean-Baptiste  Boel  (2).  Marie- 
Catherine  Immenraet,  qui  venait  d'entrer  dans  sa  31™^ 
année,  décéda  en  efl'et,  en  septembre  1687  et  fut  in- 
humée le  lé  de  ce  mois,  dans  l'abbaye  de  St-Michel, 
aux  termes  de  son  testament.  C'est  ce  que  nous  apprend 
un  registre  d'enterrements  de  la  cathédrale,  qui  ajoute 
que    les  époux   Boel  habitaient   à   cette   époque   la  rue 


(i)  Cette  description  a  été  reproduite  dans  le  Catalogue  de  1857, 
à  la  suite  de  notre  biographie,  en  grande  partie  fautive,  de  Jean- 
Baptiste  Boel.  Op.  cit.,  p.  360,  no  411. 

(i)  Liogcrcn  cités,  T.  II,  p.  520. 


—   128  — 

Sale,  (de  Vuilnisstrate),  dont  le  nom  a  été  changé 
depuis  en  me  Otho  Vœnius,  en  mémoire  de  l'illustre 
peintre  qui  y  demeura  (r). 

Jean-Baptiste  Boel  mourut  entre  le  i8  septembre  1688 
et  le  18  du  même  mois  1689.  C'est  à  cette  date,  en 
effet,  que  fut  payée  à  la  gilde  de  S'  Luc  sa  dette 
mortuaire  de  3  florins  4  sous  (2).  L'artiste  n'était  âgé 
que  de  38  à  39  ans. 

Il  est  évident  que  notre  maître  a  exécuté  d'autres 
œuvres  que  celle  qui  orne  le  musée  d'Anvers.  Mais  où 
se  trouvent-elles  ?  C'est  ce  que  certains  marchands  de 
tableaux  pourraient  peut-être  nous  dire  (3). 


(i)  Augustin  Thys.  Historique  des  rues  et  places  publiques  de  la 
ville  d'Anvers.  Anvers,  1873,  pp.  338  et  339. 

(2)  Liggeren  cites,  T.  II,  p.  536. 

(3)  Cette  notice  est  datée  du  14  juillet  1874. 


\ 


Balthasar-Luc  BOEL 

(en  flamand  Balthazar-Lucas  BOEL) 

(1651-1702-1703). 


e  peintre  était  fils  du  célèbre  Pierre  Boel  et  de 
Marie  Blanckaert.  Il  vit  le  jour  à  Anvers  et  y 
fut  tenu  sur  les  fonts  de  la  cathédrale,  quartier 
sud,  le  22  décembre  165 1,  par  Jean-Baptiste  de  Wael, 
sans  doute  le  graveur  distingué,  au  nom  du  célèbre 
peintre  Luc  de  Wael,  grand-oncle  du  baptisé,  et  par 
Susanne  Blanckaert,  sœur  de  la  mère  de  l'enfant.  Ainsi 
que  nous  l'avons  fait  observer  dans  la  vie  de  Pierre 
Boel,  Balthasar-Luc  est  nommé  simplement  Luc  dans  son 
baptistaire  (i)  ;  son  acte  de  mariage  lui  donne  ses  deux 
prénoms  dans  l'ordre  que  nous  avons  suivi  ci-dessus.  On 
les  lit  de  la  même  manière  dans  les  actes  de  baptême 
de  quelques-uns  de  ses  enfants,  tandis  que  d'autres 
le  désignent  simplement  comme  Balthasar.  Le  Liggerc 
de  la  srilde  de  S^  Luc  d'Anvers  nomme  notre  artiste 
Balthasar-Luc  Boel;  le  compte  de  1676-1677,  Balthasar 
seulement. 

Notre  artiste  suivit,  sans- nul  doute,  son  père  à  Paris  : 
il  est  probable  aussi  qu'il  apprit  de  lui  la  peinture. 
Quoiqu'il  en  soit,  Balthasar-Luc   Boel  entra,  en    1676- 


(1)  Voyez  pp.  116  et  123. 


—  130  — 

i677>  <i^i^s  la  gilde  anvcrsoise  de  S'  Luc  comme  peintre 
et  fils  de  maître  (i).  Cette  réception  à  l'âge  de  25  à  26 
ans  doit  faire  supposer  que  Boel  est  resté  longtemps  à 
l'étranger. 

Balthasar-Luc  Boel  épousa  dans  la  cathédrale,  quartier 
nord,  le  25  février  1683,  Marie-Anne  Janssens,  dont  les 
prénoms  sont  écrits  parfois  dans  d'autres  actes  Anne- 
Marie.  La  bénédiction  nuptiale  leur  fut  donnée  par  le 
pléban  Rombout  Backx,  en  présence  de  Jean-Baptiste 
Sarton  et  de  François  Croock,  et  avec  dispense  de  deux 
bans. 

Quatre  enfants  furent  les  fruits  de  ce  mariage. 
1°  Marie-Barthélemie,  tenue  sur  les  fonts  de  l'église 
S*  Jacques,  le  20  mai  1684,  par  le  notaire  Barthélemi 
van  der  Linden,  licencié  ès-droits  et  grand-oncle  de 
l'enfant,  et  par  Susanne  Blanckaert,  sa  grand'tante. 

2°  Jean-Pierre,  baptisé  dans  la  même  église,  le  10 
août  1685  ;  parrain,  l'excellent  peintre  Jean-Baptiste 
Boel,  oncle  de  l'enfant,  marraine,  Gertrude  Blanckaert, 
femme  de  Barthélémy  van  der  Linden  et  grand'  tante 
du  petit  Jean-Pierre. 

Les  deux  suivants  furent  baptisés  à  S'  Georges  : 

3°  Anne-Marie,  le  6  décembre  1688  ;  parrain,  Pierre 
Spierinckx,  paysagiste  de  mérite,  marraine,  Gertrude 
Blanckaert,  nommée  ci-dessus. 

4°  Anne-Marcelle,  le  9  janvier  1693  >  parrain,  Mar- 
cel Librechts,  marraine,  Susanne-Marie  Blanckaert, 
grand'  tante  de  l'enfant. 

Ce  Marcel  Librechts  est  probablerrient  le  même  que 
le  compagnon  de  voyage  à  Rome  d'Abraham  Genoels, 

(0  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  440  et  454. 


—  131  — 

le  jeune,  et  de  plusieurs  autres  de  nos  artistes,  en  1674. 
Il  était  natif  d'Anvers  et  peintre.  Entré  dans  la  bande 
artistique  à  Rome,  il  y  avait  reçu  le  surnom  de  Perro- 
quet (i). 

Balthasar-Luc  Boel  décéda  entre  le  18  septembre 
1702  et  le  18  du  même  mois  1703.  C'est  à  cette 
époque  que  sa  dette  mortuaire  est  mentionnée  dans  le 
registre  de  comptes  de  S'  Luc,  où  la  somme  due  est 
restée  en  blanc.  Les  prénoms  du  maître  l'y  sont  restés 
également,  mais  heureusement  il  n'y  a  pas  de  doute 
quant  à  la  personne  du  peintre  que  le  rédacteur  du 
compte  a  entendu  désigner. 

Le  paiement  de  la  dette  mortuaire  de  la  veuve  de 
Balthasar-Luc  Boel  est  renseigné  dans  le  compte  du  18 
septembre  1724  au  18  du  même  mois  1725,  de  la 
gilde  anversoise  de  S'  Luc. 

Nous  ne  connaissons  aucune  œuvre  de  ce  Boel.  Aussi 
nous  serait-il  impossible  de  dire  s'il  fut,  ou  non,  un 
peintre  de  talent.  Ses  relations  artistiques  nous  portent 
toutefois  à  croire  l'affirmative  (2). 

Sources  ;  Registres  des  paroisses  d'Anvers.  —  Archives  de  la  gilde 
de  S»  Luc.  —  Notes  de  M.  J.-B.  Van  der  Straelen.  —  Archives  de 
la  ville  d'Anvers.  —  Inscriptions  funéraires  et  moniunentàles  de  la 
province  d'Anvers. 

(i)  Arnold  Houbraken.  De  groote  schouhurgh  der  Nederlantsche 
konstschilders  en  schilderessen,  s'  Gravenhage,  1753.  Tome  III,  pp. 
100,  ICI  et  102. 

(2)  Cette  notice  est  datée  du  15  juillet  1874. 


GONZALVE  COCX 

dit  GoNz.\Lo  ou  GoxzALES  COCQUES 

(en  flamand  Goxzaal  COCX  ou  COCQUES) 

(1614-1684). 

eus  avons  publié,  en  1863,  la  biographie  de  ce 
i  maître  cminent  dans  le  Supplément  au  Cata- 
logue du  musée  d'Anvers.  Ayant  complété  nos 
recherches  depuis  cette  époque,  nous  en  présentons 
actuellement  le  résultat  au  public. 

Le  premier  acte  que  nous  ayons  trouvé  relativement 
aux  parents  de  l'artiste,  porte  la  date  du  15  septembre 
1598.  C'est  le  baptistaire  de  Marie,  fille  naturelle  de 
Pierre  Willemsen  Cock  et  d'Anne  Beys,  alias  Jacops. 
Elle  fut  tenue  sur  les  fonts  de  l'église  S*  Jacques,  à 
Anvers,  par  Corneille  Pietersen  et  Marie  de  Weese.  La 
manière  d'écrire  le  nom  du  père  trahit  une  origine 
étrangère  à  notre  ville,  hollandaise  peut-être,  mais  non 
inconnue  en  tout  cas,  à  d'autres  parties  de  notre  pays. 
Pierre  Willemsen  Cock  se  traduit  en  français  par  Pierre 
fils  de  Guillaume  Cock,  mot  qui  signifie  lui-même  cui- 
sinier. Quant  à  la  mère,  l'addition  ajoutée  à  son  nom 
ne  nous  semble  avoir  d'autre  signification  sinon  qu'elle 
était  fille  de  Jacques  :  aussi  nous  ne  l'avons  rencontrée 
qu'une  seule  fois. 

Pierre  Willemsen  Cock  et  Anne  Beys  réparèrent  le  | 


—  133  — 

scandale  qu'ils  avaient  donné  par  leurs  relations  illicites. 
Ils  se  marièrent,  au  plus  tard,  en  1608,  ailleurs  qu'à 
Anvers,  où  nous  n'avons  pas  trouvé  l'acte  de  célébration. 
Si  la  petite  Marie  était  encore  en  vie  à  cette  époque, 
ce  que  nous  ignorons,  elle  était  devenue  légitime  de 
plein  droit,  par  suite  du  mariage  de  ses  parents. 

Ceux-ci  eurent  encore  trois  autres  enfants,  qui  furent 
inscrits  dans  les  registres  de  baptêmes  de  la  cathédrale 
d'Anvers,  comme  issus  d'une  union  légitime:  1°  Henri,  le 
24 février  1609,  il  eut  pour  parrain  Henri  Roi,  maréchal 
d'Abscoude,  capitaine  et  lieutenant-amiral  des  navires 
de  guerre  de  l'Escaut  (i).  L'acte  n'indique  pas  de  mar- 
raine. Nous  n'avons  pas  trouvé  de  mention  ultérieure 
de  cet  enfant. 

2°  Gaspard,  le  ri  juin  1612;  parrain,  Gaspard  van 
Steenwinckel,  batelier  (2),  marraine,  Marguerite  Huy- 
brechts.  Il  n'attendit  pas  longtemps  pour  se  marier. 
En  effet,  à  peine  âgé  de  20  ans,  il  épousa,  à  St-Jac- 
ques,  le  6  juillet  1632,  Pétronille  Symons,  en  pré- 
sence de  Marc  de  Wit  et  de  Gilles  de  Huyter.  Sa 
femme  lui  donna  trois  enfants  :  les  deux  premiers 
furent  tenus  sur  les  fonts  baptismaux  de  S'  Jacques, 
le  troisième,  sur  ceux  de  S'  Georges.  1°  Jacques, 
le  3  décembre  i633,parrain  Josse  van  deVelde,  au  nom 


(i)  Henri  Roi  avdt  épousé  Émerentienne  van  den  Drîessche,  alias 
van  Valckenborch.  —  Inscriptions  funéraires  et  monumentahs  de  la 
province  d'Anvers,  T.  I,  p.  326.  Il  appartenait  à  la  noblesse  et  est 
honoré  du  prédicat  de  joencheer,  dans  l'acte  de  baptême  de  Gabriel 
van  Bueren,  fils  de  Jacques  et  d'Elisabeth  Steydlin,  qu'il  tint  sur  les 
fonts  de  la  cathédrale,  le  27  janvier  1609.  L'acte  le  qualifie  de 
lieutenant-amiral  de  Leurs  Altesses  (Albert  et  Isabelle). 

(2)  Inscriptions  citées,  T.  I,  p.  344. 


—  134  — 

de  Jacques' de  Man  et  Marie  Wirix.  2°  Anne,  le  24  jan- 
vier 1635,  par  Grégoire  Mertens  et  Anne  Corthaven. 
3°  Pierre,  le  29  novembre  1642,  par  son  célèbre  oncle, 
Gonzalve  Cocx  et  Anne  van  Bueren.  Gaspard  Cocx 
épousa  en  secondes  noces  à  S'  Georges,  le  3  septembre 
1647,  Marguerite  van  Erp,  avec  dispense  de  tous  les 
bans,  et  en  présence  de  Daniel  van  Maldergem  (i)  et 
d'Henri  Brixius,  tous  deux  prêtres.  Après  cette  date, 
nous  perdons  notre  Gaspard  de  vue. 

Dans  les  actes  que  nous  venons  de  citer,  son  nom  est 
écrit  Cox,  de  Cock,  Willemsen  Cockx  en  enfin  Coquez. 
Nous  avons  choisi  Cocx  et  Coques  pour  son  illustre 
frère,  qui  va  suivre  et  qui  signait,  du  reste,  de  cette 
dernière  façon. 

3°  Gonzales,  le  8  décembre  1614;  parrain,  maître 
Henri  van  Bruesegem,  marraine,  Ide  Jacops,  vraisem- 
blablement une  sœur  de  la  mère  de  l'artiste. 

Lorsqu'en  1863,  nous  publiâmes  cette  date,  pour  la 
première  fois,  nous  fîmes  connaître  que  le  nom  du 
maître  nous  paraissait  écrit  Consola,  dans  le  registre  de 
baptêmes  commencé  le  29  juin  iéo6  et  terminé  le 
25  février  161 5.  Nous  exposâmes  les  motifs  qui  nous 
portaient  à  regarder  ce  registre  comme  une  copie  et 
émîmes  l'avis  que  l'acte  de  baptême  découvert  par  nous 
concernait  bien  réellement  notre  peintre,  puisqu'on  n'en 


(i)  Daniel  van  Maldergem  remplit,  pendant  plusieurs  années,  les 
fonctions,  de  clerc  de  la  paroisse  S'  Jacques.  Il  paraît  n'avoir  pas  été 
indiflférent  à  la  gloire  que  projetait  sur  notre  ville  l'immortelle  école 
du  XVII^  siècle,  car  dans  ses  registres  d'enterrements,  actuellement 
conservés  à  l'hôtel  de  ville,  il  a  soin  d'indiquer  la  qualité  des  artistes, 
dont  il  annotait  les  inhumations,  ce  qui  n'était  guères  pratiqué  ail- 
leurs. 


—  135  — 

trouvait  aucun  autre  ni  en  1618,  date  de  la  naissance 
inscrite  au-dessous  de  son  portrait,  ni  en  quelque  autre 
année  que  ce  soit.  Nous  avions  dit  aussi  que  le  registre 
de  baptêmes  commencé  le  30  mars  1592  et  terminé  le 
25  juin  1606,  registre  qui  est  évidemment  presque  en 
entier  de  la  même  main  que  celui  dont  nous  venons  de 
parler,  est  également  une  copie,  exécutée,  du  reste, 
vers  cette  époque. 

Ceci  posé,  nous  devons  avouer  que  nous  avons  mal 
lu  la  lettre  finale  du  prénom  du  maître  et  que  le 
registre  porte  Consalo,  au  lieu  de  Consola.  C'est  ce  qui 
nous  a  été  prouvé  à  toute  évidence  par  deux  actes  bap- 
tistaircs,  écrits  de  la  même  main  que  celui  de  Gonzales,. 
et  portés  dans  les  deux  registres  que  nous  venons  de 
mentionner. 

Le  premier  de  ces  actes  tsî  daté  du  24  octobre  1605 
et  se  rapporte  à  Susanne,  fille  de  Pierre  Kaymoix  et 
de  Susanne  Ysebout.  Elle  eut  pour  parrain  Consalo- 
Alonso  de  Civila,  pour  marriane  Elisabeth  de  Latre. 
Fsr  suite  de  la  mauvaise  formation  des  0,  ce  document 
peut  se  lire  de  la  manière  suivante  :  (Enfant  :)  Susanna. 
(Parents  :)  Peeter  Kaymoix,  Susanna  Ysebout.  (Par- 
rain et  marraine  :)  Consala  Alonso  de  Civila,  Elisabeta 
de  Latre.  »  On  ne  pourra  certes  prétendre  que  le  pre- 
mier prénom  du  parrain  ne  doive  être  lu  Consalo. 

Le  second  acte  dont  nous  parlons  porte  la  date  du 
12  décembre  1612  et  concerne  Gaspard,  fils  de  Camille 
Roberti  et  de  Sara  van  den  Wouwere.  Il  se  présente  de 
cette  façon  :  (Enfant  :)  Jaspar.  (Parents  :)  Camilla  Ro- 
berti, Sara  van  de  Wouvi^ere.  »  Il  est  évident  que  le 
prénom  du  père  doit  être  lu  Camillo,  et  que  c'est  bien 
ainsi  que  le  copiste  a  entendu  écrire. 


-  136  - 

Nous  concluons  de  ces  comparaisons  que  le  baptis- 
tairc  du  8  décembre  1614  concerne  sans  le  moindre 
doute  Gonzales  Coques,  et  que  son  prénom  y  doit  être 
lu  Consalo. 

L'artiste  commença  son  apprentissage  dans  Tintervalle 
qui  s'écoula  du  17  septembre  1626  au  mois  de  septem- 
bre 1627,  et  fut  admis  dans  l'atelier  de  Pierre  Brueghel(i). 
Le  compte  de  la  gilde  de  S'  Luc  ne  désigne  pas  autre- 
ment son  maître,  mais  nous  croyons  qu'il  s'agit  ici  de 
Pierre  Brueghel,  le  troisième,  fils  de  Pierre,  le  jeune,  et 
d'Elisabeth  Goddelet  de  Liège.  Notre  opinion  se  fonde 
sur  ce  fait  que  Pierre  Brueghel  m  était  un  très-bon 
peintre  de  portraits,  genre  dans  lequel  a  excellé  Gonza- 
les, tandis  que  Pierre  Brueghel,  le  jeune,  mettait  plus 
volontiers  son  application  à  représenter  des  scènes  plai- 
santes ou  des  diableries  (2).  D'ailleurs  l'âge  avancé 
atteint  par  ce  dernier  maître  en  1 626-1 627,  ne  devait 
guère  le  porter  à  enseigner  encore  à  cette  époque,  et 
vient  aussi,  ce  nous  semble,  corroborer  notre  manière 
de  voir.  Nous  tenons,  du  reste,  à  faire  observer  que 
nous  devons  aux  notes  de  Jacques  van  der  Sanden,  le 
secrétaire  de  l'ancienne  Académie  d'Anvers,  ce  que  nous 
avons  dit  du  grand  talent  de  Pierre  Brueghel  El,  en 
matière  de  portraits. 

D'après  l'inscription  placée  au-dessous  du  portrait  de 
Gonzales,  publié,  pour  la  première  fois  par  Jean  Meys- 
sens,  en  1649  (3),  notre  artiste  eut- un  second  maître, 

(i)  Phil.  Rombouts  et  Théod.  Van  Lerius,  avocat.  Les  Ligge- 
ren  et  autres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc. 
T.  I,  p.  635. 

(2)  Tierre;;;Brueg]iel  III  peignait  aussi  des  scènes  familières  et  des 
paysages  ornés  de  figurines. 

Cî)  Dans  l'ouvrage  fort  rare  intitulé  :   Ima^ci  de   divers  hommes 


—  137  — 

David  Ryckaert,  le  vieux,  ou  plutôt  le  deuxième  de  ce 
nom,  qui  devint  plus  tard  son  beau-père.  Les  archives 
de  S'  Luc  sont  muettes  relativement  à  ce  changement 
d'atelier,  comme  c'est  assez  leur  habitude,  en  pareil  cas. 
Au  reste,  nous  croyons  le  fait  vrai.  Nous  ferons  obser- 
ver toutefois  que  le  séjour  de  Gonzales  chez  Pierre 
Brueshel  HE  a  dû  avoir  sur  son  talent  une  influence  des 
plus  heureuses,  et  dont  il  importe  de  tenir  compte  à 
son  premier  maître. 

Son  second  précepteur  était  un  peintre  fort  distingué 
d'intérieurs,  comme  nous  en  avons  la  preuve  sous  les 
yeux.  Corneille  de  Bie  le  mentionne,  en  outre,  comme 
ayant  représenté  avec  talent  les  montagnes  et  les  tor- 
rents (i). 

Gonzales  entré  à  apprentissage  à  l'âge  d'environ  12 
à  13  ans,  fut  reçu  maître  en  16 40-1 641,  sous  le  déca- 
nat  de  Jean  Cossiers.  Le  registre  le  nomme  Gonzales 
Cocx,  peintre,  et  mentionne  qu'il  ne  s'est  pas  fait  ins- 
crire dans  l'association  de  secours  mutuels  (busse)  de  la 
•gilde.  L'assertion  contraire  se  lit  toutefois  dans  le  compte 
du  18  septembre  1640  au  18  septembre  1 641,  où  le 
nom  de  l'artiste  est  écrit  Gonsalo  Kocks  (2). 

Coques  avait  atteint,  à  cette  époque,  l'âge  de  26 
à  27  ans  environ.  Cette  réception  tardive  nous  porte  à 
croire  que  Gonzales  avait  voyagé  dans  l'intervalle  qui 


d'esprit  sublime,  qui  par  leur  art  et  science  devront  vivre  éternellement  et 
desquels  la  louange  et  renommée  faict  estonnerle  monde  ;  à  Anvers,  mis  en 
lumière  par  Jean  Meyssens,  peintre  et  vendeur  de  l'art,  au  Cammerstraet, 
l 'an  MDCXLIX.  Corneille  de  Bie  reproduisit  cette  image  dans  son 
Gulden  Cabinet  van  de  edel  vry  schilderconst, 
(i)  Op.  cit.,  p.  100. 
2    Op.  cit..,  pp.  115  et  121. 


-  138  - 

s'écoula  entre  son  apprentissage  et  son  admission  à 
la  maîtrise. 

Nous  parlerons  des  succès  de  l'artiste,  après  avoir 
rapporté  les  particularités  qui  concernent  son  premier 
mariage.  Le  dernier  maître  de  Coques,  David  Ryckaert  H, 
était  décédé  en  1642  (i),  laissant,  entre  autres,  de  sa 
femme  Catherine  de  Merre,  qu'il  avait  épousée  dans  la 
cathédrale,  le  19  juillet  1608,  une  fille  nommée  Cathe- 
rine, comme  sa  mère,  et  baptisée  à  S'  Georges,  le 
12  mai  1610. 

Elle  plut  à  notre  maître,  quoique  plus  âgée  que  lui, 
mais  leurs  premières  relations  ne  furent  pas  de  celles 
qu'avoue  la  morale.  Aussi  l'artiste  se  présenta-t-il  à  S' 
Jacques,  le  11  août  1643,  pour  contracter  mariage  avec 
elle,  en  réparation  d'honneur.  Les  témoins  indiqués  par 
le  registre,  qui  écrit  déjà  le  nom  de  Gonzales  à  l'espa- 
gnole (Coquez),  sont  Pierre  Morrens  et  François  Mor- 
rens  ;  il  y  a  eu  dispense  complète  de  bans.  L'absence 
de  David  Ryckaert  III,  frère  de  la  mariée,  nous  est 
expliquée  fort  naturellement  dans  un  autre  registre  de 
ladite  église.  Il  nous  apprend  que  les  cérémonies  du 
baptême  furent  suppléées,  le  5  janvier  1644,  à  Catherine 
Gonzala  (ou  Gonzaline),  fille  de  Gonzales  Coques  et  de 
Catherine  Ryckaert,  qui  avait  été  ondoyée  le  8  juin 
1643.  La  preuve  des  relations  illicites  de  l'artiste  résulte 
de  la  comparaison  de  cette  dernière  date  avec  celle  du 
mariage,  et  l'on  comprend  dès  lors  que  David  Ryckaert 
in  s'abstint  d'y  servir  de  ténioin  à  sa  sœur.  Le  scan- 
dale était  trop  récent.   Du   reste,  la  famille  pardonna  et 


(i^  Il  fut  enterré,  à  S*  Jacques,  le   3  octobre  de  cette  année-là. 
Liggeren  cités,  T.  I,  p.  443,  note  i,  T.  II,  p.  141. 


—  139  — 

le  5  janvier  1644,  David  Ryckacrt  III  fut  parrain  de  sa 
nièce,  qui  eut  pour  marraine  Louise  Bertels.  Il  est  cer- 
tain que  Coques  sera  redevenu  alors  l'ami  de  David  le 
troisième,  qui  était  son  aîné,  puisqu'il  avait  été  baptisé  à 
S*  Jacques,  le  2  décembre  16 12. 

Qiiant  à  la  femme  de  Gonzalcs,  la  différence  d'âge 
entre  elle  et  son  mari  était  encore  plus  considérable. 
En  effet,  tandis  que  l'artiste  n'avait  pas  encore  accompli 
sa  vingt-neuvième  année,  au  moment  où  la  bénédiction 
nuptiale  lui  fut  donnée,  Catherine  Ryckaert  venait  d'en- 
trer dans  sa  trente-quatrième. 

Nous  avons  diverses  preuves  des  bonnes  relations  qui 
s'étaient  rétablies  en  1644,  entre  Gonzales  et  sa  femme, 
d'une  part,  et  David  Ryckaert  III,  de  l'autre,  Jacqueline 
Palmans,  que  ce  dernier  maître  avait  épousée  en  1647, 
y  prit  part.  Ainsi  Coques,  représenté  par  Jean-Paul- 
François  Dorco,  tint  le  15  février  1649,  sur  les  fonts 
baptismaux  de  la  cathédrale  (quartier  sud),  David  Ryc- 
kaert, le  premier  né  de  David  III  et  de  JacqueHne 
Palmans  (i).  De  son  côté,  Catherine  Ryckaert  fut  mar- 
raine, à  S'  Georges,  le  24  avril  1657,  de  leur  fils  Fran- 
çois. 

Nous  venons  de  voir  David  Ryckaert  III  remplir  les 
fonctions  de  parrain  de  l'aînée  des  enfants  de  Gonzalcs 
Coques  et  de  Catherine  Ryckaert.  Ceux-ci  eurent  une 
seconde  fille,  qui  fut  tenue  sur  les  fonts  baptismaux 
de   S'  Georges,   le   23   mai    1649,   par  Jean  Hessels  et 


(I)  Cet  enfant  devint  peintre.  La  galerie  royale  de  Dresde  possède 
de  lui  un  tableau  représentant  des  objets  inanimés,  signé  et  daté  de 
1699.  JuLius  HùBNER.  VerT^eichniss  der  KônigUchen  Geinâlde-Gallene  z_u 
Dresdsn.  Dresden,  1872,  p.  227,  no  1018. 


—  140  — 

Jacqueline  Palmans,  femme  de  David  Ryckaert  III, 
d'après  laquelle  elle  fut  aussi  nommée  Jacqueline.  Elle 
était  probablement  décédée  lorsque  Gonzales  acquit  en 
1674,  un  lieu  de  sépulture  pour  lui  et  les  siens,  car 
elle  ne  figure  pas  dans  l'inscription  sépulcrale  de  la 
famille  (i). 

Nos  recherches  ne  nous  ont  pas  fait  découvrir  d'autres 
enfants  du  maître. 

D'après  l'inscription  citée,  Catherine-Gonzaline  Coques, 
qui  fut  marraine,  à  S'  Jacques,  le  7  mars  1664,  de  Gon- 
zales-François  Casteels,  fils  de  Paul  et  de  Catherine 
Piracini,  aurait  épousé  un  certain  monsieur  Lonegrave. 
Mais  lorsque  la  pierre  sépulcrale  a  été  transcrite,  elle 
était  usée  en  plusieurs  endroits,  et  le  nom  du  mari  de 
la  fille  aînée  de  l'artiste  a  été  mal  lu.  C'est  ce  que 
prouve  le  contrat  de  mariage  reçu  à  Anvers,  le  26  août 
1666,  par  le  notaire  André-François  van  der  Donck, 
contrat  que  nous  avons  sous  les  yeux.  Ce  document 
nous  apprend  que  ce  jour-là  comparurent  devant  ledit 
notaire,  «  le  seigneur  Jacques  Grave  (2),  escuyer,  sei- 
gneur de  Launay,  futur  espoux,  de  l'une  part,  et 
damoiselle  Catharine-Gonzafine  de  Coques  (3),  future 
espouse,  assistée  avecq  Signor  Gonsalo  Coques  et  damoi- 
selle Catharine  Ryckaert,  leur  (Usez  ses)  père  et  mère, 
de  l'autre  part.  Lesquels  ont  dit  et  déclaré  comme  ainsy 
soit,  que  lesdicts  comparants  entre  eulx  ont  concipié  et 
contracté    ung    futur  mariage,  lequel,  en  cas  qu'il  aye 

(i)  Inscriptions  fwiêraiies  et  monumentales  de  la  province  d'Anvers, 
T.  II,  p.  464. 

,  (2)  Ce  nom  se  lit  sur  la  copie  de  la  pierre  sépulcrale,  mais  pré- 
cédé de  la  syllabe  La,  qui  n'a  pas  le  sens  commun. 

(3)  Sic. 


—  141  — 

son  efFect,  avccq  le  consentement  de  notre  mère  la 
Saincte  Eglise,  sera  aux  conditions  et  devises  suivantes  ». 
D'après  ces  conventions,  chacun  des  futurs  époux  appor- 
tait en  dot  tous  ses  biens  meubles  et  immeubles,  pré- 
sents et  futurs,  spécifiés,  mais  «  desquels  lesdicts  contrac- 
tants se  tiennent  réciproquement  pour  contents.  »  Les 
conquêtes  «  que  Dieu  donnera  durant  ledict  mariage  » 
devaient  appartenir  pour  une  moitié  au  survivant  des 
époux  et  pour  l'autre,  aux  héritiers  du  premier  décé- 
dant. 

Si  le  «  Seigneur  futur  espoux  »  venait  à  décéder  le 
premier,  il  laissait  à  sa  future  «  pour  une  douaire  ou 
dot,  la  somme  de  deux  mille  cincq  cent  livres  tournoya 
ou  monnoy(e)  de  France,  par  an,  à  prendre  sur  ses  biens, 
et  spéciallement  sur  ses  terres  de  chasteau  scituées  en 
Bretagne,  en  la  paroisse  de  Bonnemain  ». 

Le  notaire  avait  écrit  quelques  lignes  pour  déterminer 
ce  que  «  le  Seigneur  futur  espoux  ))  aurait  touché 
annuellement,  en  cas  de  prédécès  de  Catherine-Gonza- 
line  Coques,  mais  arrivé  au  moment  de  déterminer  la 
somme,  ce  commencement  de  stipulation  fut  biffé  et  le 
renvoi  suivant  écrit  en  marge  :  «  trois  reaies  bien 
bourrées  et  estaintes.  Sis:né  :  De  Gravé.  —  A  :  Fran:  van 
der  Donck  nots  ». 

A  la  dissolution  du  mariage,  tous  les  biens  quelconques 
apportés  par  l'un  ou  l'autre  des  époux,  ainsi  que  ceux 
qui  leur  seraient  échus  par  succession  ou  donation, 
devaient  retourner  à  la  famille  d'où  ils  provenaient,  et, 
en  cas  d'aliénation,  leur  juste  valeur.  Seulement  le  sur- 
vivant avait  droit  à  conserver  «  ses  vestiments,  habille- 
ments, bagues  et  joyaux  et  tout  ce  que  appartient  à  leur 
corps  ». 


—    142    — 

Ces  conditions  devaient  être  accomplies,  même  en 
cas  d'existence  d'enfants,  au  moment  où  la  mort  aurait 
brisé  le  mariage.  L'acte  se  termine  ainsi  :  «  Faict  et 
passé  en  Anvers,  en  présence  dudict  père  et  mère  de 
ladicte  damoiselle  future  espouse,  et  Signor  Waltère 
Bosschaert,  marchant  de  ceste  ville,  comme  tesmoings. — 
(Signé)  De  Gravé.  —  G.  Coques.  —  Gonzalo  Coques. 
—  Catarina  Ryckaerts  (i).  —  Wouter  Bosschaerts.  — 
A  :  Fran:  van  der  Donck,  nots  (2)  ». 

Catlierine-Gonzaline  Coques,  qui  signa,  de  ce  dernier 
prénom  seulement,  le  contrat  que  nous  venons  d'ana- 
lyser, était  entrée  dans  sa  24^  année,  à  cette  époque. 
Nous  ne  connaissons  pas  l'âge  de  Jacques  de  Gravé,  Leur 
mariage  fut  célébré  peu  après,  le  26  août  1666,  mais 
nous  n'avons  pu  en  découvrir  l'acte.  Il  donna  naissance 
à  un  fils,  dont  nous  n'avons  pas  rencontré  le  baptistaire 
à  Anvers,  et  qui  mourut  en  1670.  Sa  mère,  à  qui  il 
coûta  peut-être  la  vie,  était  décédée  le  11  octobre  1667  (3). 

Nous  revenons  à  Gonzales  Coques.  La  publication  de 
son  portrait,  faite  par  Jean  Meyssens,  en  1649,  prouve 
que  notre  peintre  était  déjà  célèbre  avant  cette  époque. 
L'inscription  nous  apprend  que  le  roi  d'Angleterre, 
Charles  I,  avait  voulu  posséder  de  ses  tableaux,  que 
l'électeur  de  Brandebourg  Frédéric-Guillaume  y  trouvait 
infiniment  de  plaisir,  et  que  le  prince  d'Orange  (Fré- 
déric-Henri, beau-frère  de  l'électeur)  en  faisait  grand 
cas.  Ceci  est  confirmé  par  deux  extraits  des  livres  d'or- 


(i)  Sic. 

(2)  Protocoles  du  notaire  André-François  van  der  Donck,  le  vieux, 
aux  archives  communales    d'Anvers,  registre    de  1666,  p.  177. 

(3)  Inscription  citée. 


—  143  — 

donnance  de  ce  prince,  publics,  en  1860,  dans  la 
Kunstkronyk,  par  M.  C.  Vosmaer,  et  réédités,  en  1864, 
par  Chr.  Kramm  (i).  Ils  contiennent  ce  qui  suit  :  «  Son 
Altesse  ordonne  de  payer  à  Gonzalo  Coques,  peintre  à 
Anvers,  la  somme  de  450  florins,  pour  les  portraits  par 
lui  faits  et  livrés,  tant  de  la  princesse  d'Orange  (Amélie 
de  Solmsj,  que  de  la  princesse  royale.  La  Haye, 
27  mai  1646.  —  Item,  à  Gonsalo  Coques,  peintre  à 
Anvers,  pour  la  facture  et  livraison  de  dix  tableaux  sur 
toile,  montés  sur  châssis,  destinés  à  être  placés  dans  le 
nouveau  salon  du  Nederhof,  à  l'est  d'Honsrolredyk,  de 
telle  grandeur,  histoires  et  ordonnances  qu'ils  lui 
ont  été  indiqués  ;  chacun  à  200  florins  carolus,  et  par 
conséquent  2000  florins,  28  juillet  1648.  î  Les  portraits 
dont  nous  venons  de  parler  charmèrent  tellement  le 
prince  d'Orange,  qu'il  fit  cadeau  à  l'artiste  d'une  double 
chaîne  d'or,  à  ce  que  rapporte  Corneille  de  Bie  (2). 

L'inscription  de  l'efFigie  de  Coques  se  termine  ainsi  : 
«  Ses  ordonnances  sont  excellentes,  et  ses  pourtraicts 
en  petit,  admirables.  »  De  Bie  nous  fait  connaître,  en 
outre,  que  nos  gouverneurs-généraux,  l'archiduc  Léopold- 
Guillaume  (3)  et  don  Juan  d'Autriche,  aimaient  beaucoup 
les  productions  de  Gonzales. 

Jacques  van  Eycke,  échevin  et  aumônier  d'Anvers, 
voulut  aussi,  dit  de  Bie,  que  tous  les  siens  fussent  peints 


(i)  De  Icvcns  en  iverlen  der  Hollandsche  en  Vlaamsche  kunstschilders, 
hecîdhouwers,  grveurs  en  bomumeesters.  Aanhangsel,  bl.  36. 

(2)  Op.  cit.,  p.  318. 

(3)  Gonzales  de  Kock  figure,  en  effet,  dans  la  liste  des  maîtres  dont 
l'archiduc  Léopold-Guillaume  possédait  des  œuvres.  Cette  liste  se 
trouve  à  la  suite  de  la  préface  du  Theairuvi  picionim,  publié,  en 
1660,  par  David  Teniers,  le  jeune. 


—  144  — 

de  la  main  de  notre  artiste.  L'auteur  cité  mentionne 
aussi  M.  Bax,  à  Bruxelles^  qui  possédait  beaucoup  de 
productions  du  maître,  et,  dans  le  nombre,  des  tableaux 
représentant  des  conversations,  autrement  dites  des  réu- 
nions de  flimillcs  ou  de  personnes  liées  par  l'amitié. 
De  Bie  ne  désigne  pas  de  plus  près  l'amateur  que  nous 
venons  de  nommer,  et  c'est  grand  dommage.  Les  ins- 
criptions tumulaires  de  notre  ancienne  cathédrale  nous 
apprennent,  en  effet,  que  la  pierre  sépulcrale  de  Nicolas 
Bacx,  négociant  et  capitaine  de  la  garde  bourgeoise  de 
cette  ville  (i),  décédé  le  12  juin  1653,  ^^  ^^  ^^  femme 
Anne  van  den  Casteele,  morte  le  4  juin  1622,  couvrait 
aussi  le  corps  de  la  veuve  de  M^  Jean  Cocx,  et  celui 
de  la  seconde  femme  de  Gonzales.  Cette  veuve  se  nom- 
mait Anne  Bacx,  comme  Taînée  des  enfants  de  Nicolas 
et  d'Anne  van  den  Casteele.  Mais  comme  celle-ci  avait 
été  baptisée  à  Notre-Dame,  le  2  août  1598,  et  que  le 
mariage  de  Jean  Cocx,  dont  le  nom  patronymique  rap- 
pelle celui  de  Coques,  ne  fut  célébré  dans  la  cathédrale, 
quartier  sud,  que  le  7  juin  1645,  il  n'est  guère  probable 
qu'il  s'agit  ici  de  l'Anne  dont  nous  venons  de  parler  et 
qui  allait  atteindre,  à  cette  époque,  l'âge  de  47  ans. 
Celle-ci  avait,  du  reste,  une  parente  de  même  prénom, 
qui  était  fille  de  Gilles  Bacx,  et  avait  été  tenue  le  13 
décembre  1620,  sur  les  fonts  baptismaux  de   la  cathé- 


(i)  Ce  fut  lui  qui  vendit,  le  11  octobre  1639,  ^^  célèbre  peintre 
Jacques  Jordaens,  la  maison  de  la  rue  Haute,  nommée  de  Halle  van 
Turnhoul  (la  Halle  de  Turnhout),  où  celui-ci  s'établit.  —  Victor 
VAN  Grimbergen,  Historische  hvensheschryving  van  T.  T.  Riiicns, 
(naer  hei  fransch  van  Michel),  aanleekeningen,  U.  ^12,  —  Augustin 
Thys,  Historique  des  rues  et  des  places  publiques  de  la  ville  d'Anvers, 
1873,  p.  456. 


—  145  — 

drale  (quartier  sud),  par  le  sculpteur  Fursy  Cardon  et 
Anne  van  den  Casteele,  femme  de  Nicolas  Bacx.  Nous 
croyons  pouvoir  avancer  sans  témérité,  que  c'est  elle 
qui  se  maria  en  1645,  et  dont  la  pierre  sépulcrale  citée 
ci-dessus  rapporte  le  décès  au  8  février  1672.  Il  est 
d'ailleurs,  pour  ainsi  dire,  certain  que  Jean  Cocx,  son 
mari,  n'est  pas  étranger  à  la  f-imillc  de  notre  artiste  ; 
toutefois  nous  ne  savons  rien  de  positif  à  cet  égard. 
Outre  ses  père  et  mère,  nous  ne  connaissons  avec  certi- 
tude que  trois  parents  de  Gonzales,  sa  sœur  Marie  et 
ses  frères  Henri  et  Gaspard,  dont  nous  avofts  parlé  ci- 
dessus. 

Nous  tenons  à  mentionner,  avant  de  reprendre  le 
récit  des  travaux  artistiques  de  Gonzales,  que  Nicolas 
Bacx  fut,  le  7  juin  1605,  un  des  témoins  du  mariage  du 
sculpteur  Fursy  Cardon  et  de  Jeanne  Bacx,  célébré  dans 
la  cathédrale. 

L'autre  témoin  était  le  célèbre  statuaire  Jean  Colyns 
de  Noie. 

Cette  Jeanne  Bacx  tint  le  27  mai  1622,  sur  les  fonts 
baptisfnaux  de  la  cathédrale  (quartier  sud),  avec  notre 
illustre  concitoyen  Gaspard  Gevarts,  Catherine  Bacx,  le 
douzième  enfant  de  Nicolas  et  d'Anne  van  den  Casteele, 
mariés  près  de  vingt-cinq  ans,  à  cette  époque.  La  mère 
mourut  malheureusement  des  suites  de  ses  couches. 

Nous  ajouterons  que  Nicolas  Bacx  était  aussi  en  rela- 
tions d'amitié  avec  le  paysagiste  distingué  Tobie  Ver- 
haecht  ou  van  Haecht,  puisque  ce  peintre  servit  le  29 
septembre  1602,  de  parrain  à  sa  fille  Françoise.  Il  est 
fort  probable,  et  c'est  notre  conclusion,  que  le  «M.  Bax 
de  Bruxelles  »,  pour  lequel  a  peint  Gonzales,  n'était  pas 
étranger  à  la  famille  dont  nous  venons  de  parler. 

10 


—  14e  — 

Corneille  de  Bie  nous  apprend  que  notre  maître  avait 
peint  sur  cuivre  les  portraits  réunis  de  Jacques  le  Mer- 
chier,  négociant  anversois,  de  sa  femme  et  de  ses 
enfants  ;  l'artiste  y  avait  ajouté  sa  propre  effigie,  vue  de 
profil,  et  paraissait,  assis  à  table,  s'entretenir  avec  le 
chef  de  la  famille.  Cette  composition  était  regardée 
comme  une  des  meilleures  de  Gonzales,  qui  indiquait 
lui-même,  comme  une  de  ses  productions  capitales,  la 
famille  Nassoingni,  de  Bruxelles,  représentée  en  un 
seul  tableau. 

Le  maître  fut  appelé,  le  29  octobre  1660,  à  donner 
son  avis  sur  treize  tableaux  représentant  le  Sauveur  et 
les  apôtres,  que  Pierre  Meulewels  avait  vendus  à  Fran- 
çois Hillewerve,  chanoine  de  la  cathédrale  d'Anvers, 
pour  des  peintures  originales  d'Antoine  van  Dyck. 
Coques,  après  les  avoir  examinés,  fut  d'avis  que  c'étaient 
des  copies  retouchées  par  le  grand  artiste  et  nullement 
des  originaux  (i). 

Gonzales  peignit,  en  i6éi,  le  portrait  de  l'illustre 
statuaire  et  architecte  malinois  Luc  Fayd'herbe,  âgé  de 
44  ans,  à  cette  époque.  Cette  superbe  effigie  fut  gravée 
par  le  célèbre  Pierre  de  Jode,  le  jeune,  et  Corneille  de 
Bie  en  orna  son  Gulden  Cabinet  (2). 

Il  résulte  d'une  pièce  de  vers,  dédiée  à  Coques  par 
Guillaume  Ogier  et  insérée  à  la  suite  de  ses  comédies 
intitulées  de  seven  Hooft-sonden,  (les  sept  péchés  capitaux), 
que  notre  maître  avait  représenté   les  mêmes  sujets.  La- 

(i)  L.  Galesloot.  Un  procès  pour  une  vente  de  tableaux  attribués 
à  Antoine  van  Dyck.  ^Annales  de  l'Académie  d'archéologie  de  Belgique, 
2e  série,  p.  605. 

(2)  Ad.  Vanderpoel.  Notice  sur  la  vie  et  'les  ouvrages  de  Lucas 
Fayd'herbe.  Malines,  1854,  p.  12.  Corn,  de  Bie,  op.  cit.,  p.  500. 


—  147  —     . 

dédicace  de  cette  pièce  est  intéressante.  Elle  est  adressée 
au  «  célèbre  maître  Gonzales  Coques,  excellent  peintre  de 
cette  époque,  pour  les  rois,  les  princes  et  les  illustres 
potentats,  deux  fois  doyen  des  chambres  de  réthorique  le 
Rameau  d'Olivier  (Olijftak),  et  la  Giroflée  (Violiere), 
qu'on  nomme  la  gilde  de  S'  Luc^  à  Anvers  (i)».  Cette 
dernière  mention  prouve  que  les  vers  datent  au  moins 
de  l'année  1680-1681,  pendant  laquelle,  comme  nous 
le  verrons.  Coques  fut,  pour  la  deuxième  fois,  doyen  de 
la  corporation. 

Nous  devons  ajouter  à  la  mention  de  ces  œuvres, 
que  notre  maître  se  trouvait,  en  1671,  au  service  de 
don  Jean-Dominique  de  Zuniga  et  de  Fonseca,  comte 
de  Monterey  et  de  Fuentcs,  gouverneur-général  des 
Pays-Bas  espagnols.  Cela  résulte  d'une  délibération  de 
la  chambre  de  S'  Luc,  en  date  du  14  septembre  de 
cette  année-là  et  dans  laquelle  il  est  fait  mention  du 
remplacement  du  doyen  Gonzales  Coques,  par  le  doyen 
Pierre  van  Halen,  en  qualité  d'ancien  (oudermaii)  de  la 
corporation,  et  ce  pour  le  motif  indiqué  ci-dessus. 

Coques  peignit  le  portrait  de  Monterey.  Cette  effigie, 
de  forme  ovale,  fut  gravée  avec  talent  par  Martin  Bouché 
et  imprimée  par  le  graveur  Gaspard  Huybrechts  ou 
Huberti,  qui  la  dédia  au  comte  (2). 

On  sait  que  les  portraits  exécutés  par  Coques 
l'étaient  généralement  en  de  médiocres  dimensions  ; 
mais  l'artiste  sut  y  mettre  une  telle  perfection,  qu'on 
les  a  comparés  aVec  raison  à  ceux  d'Antoine  van  Dyck, 

(i)  IDe  seven  Hooft-sonden,  speelsgheuys ,  vermahlyck  ende  leersaem 
voor-gcstelt,  door  G.  Ogicr,  van  Anhuerpen.  Antwerpen,  171 5,  p.  341. 

(2)  Cette  gravure  fait  partie  de  la  collection  de  feu  notre  beau- 
père,  M.  Pierre-Théod.  Moons-van  der  Straclen. 


—  148  — 

qu'il  s'était  proposé  pour  modèle.  Aussi  l'appelle-t-on 
en  France,  van  Dyck  en  petit. 

Gonzales  peignit,  en  outre,  des  sujets  familiers, 
comme  les  Teniers  et  les  Ryckaert,  et  des  conversations, 
comme  Christophe-Jacques  van  der  Lamen.  Mais  c'était 
très-souvent  pour  lui  un  moyen  de  faire  poser  les  per- 
sonnes qu'il  voulait  représenter.  On  a  pu  s'en  con- 
vaincre à  l'exposition  ouverte,  en  1873,  ^  Bruxelles,  au 
profit  de  la  Société  néerlandaise  de  bienfaisance,  où 
figuraient  les  cinq  Sens,  peints  par  notre  maître,  et 
appartenant  à  feu  M.  le  vicomte  Bernard  du  Bus  de 
Ghjsignies  (i).  C'étaient  autant  de  portraits,  et  le 
dernier  représentant  la  Vue,  était  celui  de  l'excellent 
peintre  et  graveur  à  l'eau-forte,  Robert  van  den  Hoecke. 
Reproduit  par  le  burin  de  Corneille  van  Caukercken,  il 
a  été  inséré  dans  le  Gulden  Cabinet  de  Corneille  de  Bie  (2). 
Nous  en  avons  un  second  exemple  à  Anvers,  chez  la 
famille  Trachez,  dans  une  série  de  cinq  tableaux, 
représentant  les  mêmes  sujets. 

Gonzales,  tenant  une  fleur  à  la  main,  y  figure 
VOdorat.  Le  maître  a  exécuté  aussi  parfois  des  sujets 
religieux,  tels  que  le  tableau  du  Christ  che^  Marthe  et 
Marie,  qui  de  la  collection  Lormier  a  passé  dans  celle 
du  duc  d'Aremberg,  à  Bruxelles  (3).  Qiioique  Gonzales 
ait  peint  de  longues   années,    ses   tableaux   ne   se  ren- 


(i)  Exposition  de  tableaux  et  dessins  d'anciens  maîtres.  Deuxième 
édition,  nos  317  à  321. 

(2)  Op.  cit.,  p.  341.  —  A  ladite  exposition  de  Bruxelles  figurait 
aussi  le  portrait  de  Corneille  de  Bie,  peint  par  Gonzales  et  appar- 
tenant alors  à  M.  B.  Suermondt,  N"  22,  du  catalogue  cité. 

(3)  W.  BuRGER  :  Galerie  d'Arenhrg,  à  Bruxelles,  pp.  92  et  suiv. 
162  et  163. 


—  149  — 

contrent  que  rarement.  Ceci  s'explique  par  le  respect 
que  les  descendants  des  personnes  dont  il  a  peint  les 
portraits  ont  gardé,  en  général,  pour  la  mémoire  de 
leurs  ancêtres,  dont  ils  tiennent  à  conserver  les  images. 
C'est  ce  qui  explique  la  rareté  peut-être  plus  grande 
encore,  des  excellentes  effigies  peintes  par  notre  con- 
citoyen François  Denys. 

Gonzales  Coques  se  fit  recevoir  en  1643-1644, 
époque  du  deuxième  décanat  du  libraire  Guillaume 
Lesteens,  dans  la  chambre  de  rhétorique  de  la  Giroflée, 
{Violierô).  Il  paya  le  droit  d'entrée  de  18  florins,  et,  en 
1644-1645,  la  somme  de  8  florins,  pour  sa  cotisation 
annuelle  (i).  Son  nom  n'est  plus  mentionné  depuis 
lors  parmi  ceux  des  amateurs  de  cette  association.  Mais 
lorsque  celle-ci  se  fut  réunie  en  1 661-1662,  sous  le 
décanat  du  célèbre  peintre  Pierre  Thys,  le  vieux,  à  la 
chambre  de  rhétorique  du  Rameau  d'Olivier  (Olijftak), 
Gonzales  y  fut  admis  comme  amateur,  en  1662-1663, 
sous  le  décanat  du  graveur  Gaspard  Huybrechts  (2.). 
C'est  alors  que  commença  le  long  procès  auquel  donna 
lien  la  prétention  du  jeune  serment  de  l'arbalète,  qui 
voulait  astreindre  à  ses  gardes  et  autres  services  mili- 
taires, le  peintre  Jean  Geulincx,  reçu  franc-maître  de 
S^  Luc  en  1657-1658,  et  membre-amateur  de  VOlijftak, 
en  1662  (3).  Ce  procès  durait,  en  1665,  depuis  trois 
ans,  lorsque  Coques  fut  appelé,  pour  la   première  fois. 


(i)  Lîgqeren  cités,  T.  II,  pp.  150  et  161. 

(2)  J.-B.  VAX  DER  Straelen.  GescUedmis  der  Antiverpsche  Rederyh- 
kamers,  p.  82.  L'auteur  se  trompe,  en  assignant  l'année  1661  comme 
celle  du  décanat  de  Gaspard  Huybrechts. 

(3)  Liggeren  cités,  T.  II,  p.  286.  J.-B.  van  der  Straelen,  op.  cit., 
p.  82. 


—  150  — 

à  remplir  les  fonctions  de  doyen  de  la  gilde  de  S'  Luc, 
à  laquelle  était  unie  l'Académie  des  beaux-arts,  érigée 
en  1663.  (i)  Coques  s'acquitta  de  cette  charge,  du 
18  septembre  1665  au  18  du  même  mois  1666.  Une 
transaction,  en  date  des  3  et  4  août  1650  (2),  termina 
définitivement  ces  longs  débats,  et  notre  maître  fut  re- 
vêtu itérativement  cette  année-là  de  la  charge  de  doyen, 
qu'il  remplit  du  18  septembre  1650  au  18  septembre  de 
l'année  suivante. 

Gonzales  avait  mis  le  plus  grand  zèle  à  défendre  les 
privilèges  de  la  chambre  de  rhétorique  du  Rameau 
d'Olivier,  contre  lesquels  tous  les  serments  d'Anvers 
avaient  fini  par  faire  cause  commune  avec  la  jeune  gilde 
de  l'arbalète.  La  confrérie  de  S'  Luc,  qui  était  intime- 
ment unie  au  Rameau  d'Olivier,  voulut  récompenser 
Coques  de  ses  services.  En  conséquence,  il  fut  résolu,  à 
Tunanimité,  le  11  octobre  1680,  dans  la  réunion  plénière 
de  la  chambre  de  la  gilde,  que  notre  peintre  recevrait  un 
honoraire  de  1550  florins,  qui  serait  payé  aussitôt  que 
possible,  après  déduction  de  ce  qu'il  avait  touché  depuis 
la  remise  de  son  compte.  La  délibération  est  motivée  ^ur 
l'exécution  de  peintures  faites  par  Gonzales  pour  la 
confrérie,  sur  la  poursuite  des  affaires  du  Rameau  d'Oli- 
vier, sur  les  services  que  le  doyen  Coques  avait  rendus 
à  la  chambre  et  les  prétentions  qu'il  avait  à  sa  charge, 
et  enfin  sur  le  travail  qu'il  avait  déjà  fait  de  sa  propre 
main,  à  certaine  composition  représentant  un  cabinet  de 
tableaux,   destinée    au   procureur  Jean    van    Bavegom, 


(i)  Le  maître  y  enseigna.  —  F.-Jos.  van  den  Branden.  Gcschie- 
denis  der  Académie  van  Antwerpen,  p.  26. 

(2)  J.  B.  VAN  DER  StRAELEN,  Op.  cit.,  p.  92, 


—  1)1  — 

composition  qu'il  devait  aclicver.  L'homme  de  loi  que 
nous  venons  de  nommer,  avait  servi  la  confrérie  de 
S'  Luc,  lors  du  procès  qui  venait  de  finir,  et  il  avait 
droit,  du  chef  de^devoirs  extraordinaires,  à  une  somme 
d'argent  assez  considérable.  Il  proposa  aux  anciens  doyens 
Gonzales  Coques  et  Ambroise  Brueghel,  fils  de  Jean 
Brueghel,  de  velours  (i),  un  moyen  d'acquitter  la  dette 
de  la  corporation,  autrement  qu'en  écus  sonnants.  Le 
projet  communiqué  par  van  Bavegom  prouve  que  ce 
procureur  au  Conseil  souverain  de  Brabant  était  amateur 
de  peinture.  Coques  et  Brueghel  l'exposèrent  à  la  chambre 
de  S' Luc.  Celle-ci  y  ayant  donné  son  assentiment,  il  fut 
décidé  qu'on  exécuterait  pour  van  Bavegom  une  compo- 
sition représentant  un  cabinet  de  tableaux  (consîcamere) . 
Gonzales  devait  peindre  les  figures  dont  elle  serait 
étoffée;  l'architecture  et  les  tableaux  dont  nous  venons 
de  parler  devaient  être  confiés  à  plusieurs  artistes.  Il 
résulte  d'une  lettre  adressée  de  Bruxelles  par  van  Ba- 
vegom, le  10  octobre  1674,  aux  doyens  de  S' Luc,  qu'à 
cette  date,  l'architecture  de  l'œuvre  qui  était  destinée  au 
procureur  avait  été  peinte  (2)  et  qu'il  n'y  restait  plus  à 
ajouter  que  quelques  tableaux,  dont  plusieurs  maîtres 
s'étaient  chargés.  Van  Bavegom  faisait  observer  que  le 

(i)  Ambroise  Brueghel  avait  été  doyen  en  1654-165 5  :  le  décanat 
de  Coques  de  1665 -1666  lui  valait  le  titre  d'ancien  doyen  (mon- 
deken). 

(2)  Elle  avait  été  terminée  par  Jacques-Ferdinand  Saey,  à  qui  ce 
travail  valut  sa  réception  gratuite  à  la  franc-maîtrise^  en  1 680-1 681. 
Liggercn  cités,  T.  II,  p.  484.  —  Jacques-Ferdinand  Saey  était  un  peintre 
d'arcliitecture  de  mérite,  élève  de  Guillaume  van  Ehrenberg  en 
1672-1673  —  Op.  cit.,  T.  II,  p.  423.  Il  est  probable  que  van 
Bavegom  aura  été  mal  informé,  en  1674,  au  sujet  de  l'état  d'avance- 
ment de  son  tableau. 


—    152    — 

travail  était  entrepris  déjà  depuis  quelques  années,  sans 
être  terminé,  et  que  beaucoup  de  temps  se  passerait 
encore,  avant  qu'il  en  fût  ainsi,  parce  que  les  artistes  qui 
étaient  en  retard  devaient  peindre  tour  à  tour  leur 
œuvre  destinée  au  cabinet.  Il  proposa  en  conséquence, 
sauf  l'avis  contraire  des  doyens,  que  les  maîtres  qui  ne 
s'étaient  pas  encore  acquittés  de  leur  tâche,  lui  pein- 
draient, chacun  en  particulier,  un  petit  tableau.  Après 
avoir  manifesté  le  désir  que  cette  affaire  se  terminât,  van 
Bavegom  émit  l'espoir  qu'on  ne  l'obligerait  pas,  contre 
sa  constante  habitude,  de  recourir  à  la  justice,  pour  en 
obtenir  la  rémunération  de  ses  devoirs   extraordinaires. 

Le  nouveau  mode  d'achèvement,  proposé  par  van 
Bavegom,  ne  pouvait  plaire  ni  à  la  chambre  de  S'  Luc, 
ni  aux  artistes  en  retard  ;  aussi  ne  fut-il  pas  adopté.  La 
menace  adoucie  qui  terminait  la  lettre  du  procureur, 
n'eut  pas  l'effet  qu'il  s'en  était  promis.  Van  Bavegom 
revint  donc  à  la  charge,  et  dans  une  missive  datée  du 
II  mars  1675,  il  se  fonda  sur  le  peu  d'avancement  du 
travail  de  son  cabinet  de  tableaux,  pour  exiger  le  paie- 
ment en  écus  d'une  somme  de  200  patacons,  soit  plus 
de  iioo  francs  en  monnaie  de  notre  temps,  sans  tenir 
compte  de  la  plus  grande  valeur  de  l'argent  à  cette  époque. 
Noire  procureur  finit  par  fixer  aux  doyens  un  délai  de 
quinze  jours,  pour  apprendre  au  moins  s'ils  étaient  d'in- 
tention de  lui  donner  satisfaction  à  l'amiable,  comment 
et  à  quelle  époque  ;  sinon,  il  se  verrait  forcé  de  les  faire 
visiter  par  des  huissiers. 

La  suite  de  la  correspondance  de  van  Bavegom,,  con- 
servée aux  archives  de  l'Académie  royale  d'Anvers,  prouve 
que  la  patience  de  cet  homme  de  loi  fut  mise  encore 
longtemps  à  Tépreuve,  non-seulement  quant  à  l'exécu- 


—  153  — 

tion  finale  du  tableau  promis,  mais  aussi  relativement 
aux  paiements  que  nécessita  l'instance  en  révision  enta- 
mée en  1678  par  les  serments  d'Anvers,  à  l'encontre 
de  la  sentence  prononcée  à  leur  charge  par  le  Conseil 
souverain  de  Brabant,  le  2  juin  de  l'année  précédente. 
Dans  une  lettre  du  i  septembre  1679,  adressée  à  l'an- 
cien doyen  de  S'  Luc,  le  graveur  Gaspard  Huybrechts 
ou  Huberti,  van  Bavegom  lui  rappelle  son  cabinet  de 
tableaux,  et  dans  une  missive  du  23  mars  1680,  à 
l'excellent  peintre  Pierre  van  Halen,  également  ancien 
doyen,  notre  procureur  le  prie,  à  son  tour,  de  recom- 
mander son  cabinet  à  Gonzales.  Le  7  août  suivant,  après 
avoir  demandé  à  Gaspard  Huybrechts  la  remise  d'une 
somme  de  150  florins,  il  ajoute  que  son  dernier  compte 
doit  être  majoré  de  50  à  60  florins,  et  qu'il  Hquidera 
avec  la  corporation  de  S'  Luc,  aussitôt  que  son  cabinet 
de  tableaux  sera  achevé.  Van  Bavegom,  peu  satisfait  de 
ces  retards  continuels,  apprend  que  sa  composition  se 
trouve  encore  chez  le  peintre  de  marines  Henri  van 
Minderhout,  tandis  qu'on  lui  avait  promis  d'expédier 
l'œuvre  si  longtemps  attendue,  quatre  mois  après  un 
séjour  qu'il  avait  fait  à  Anvers  au  mois  d'août  1680. 
Perdant  patience,  il  adresse  le  20  mars  1681,  à  Huy- 
brechts, une  lettre  de  plaintes^  qui  se  termine  par  une 
nouvelle  menace  de  recourir  aux  voies  de  droit,  ce  qu'il 
ne  ferait  toutefois  qu'à  contre-cœur,  à  l'égard  de  per- 
sonnes amies.  Le  12  avril  suivant,  van  Bavegom 
exprime  son  étonnement  au  sujet  de  ce  qu'on  lui  a 
mandé  par  rapport  à  son  tableau,  mais  promet  de  pren- 
dre patience.  Le  3 1  décembre  de  la  même  année,  il  fait 
observer  à  Huybrechts,  que  le  temps  fixé  pour  l'achève- 
ment  de   son   cabinet    estplusdequatrefoisecoule.il 


—  154  — 

demande  donc  de  savoir  si  l'œuvre  est  terminée^  ou  du 
moins  jusqu'à  quel  point  elle  est  arrivée  et  à  quelle 
époque  elle  lui  sera  livrée.  La  menace  ordinaire  du  re- 
cours aux  moyens  judiciaires  termine  la  missive.  Cette 
menace  est  renouvelée  le  27  janvier  1682  par  van  Bave- 
gom,  qui  exprime  l'opinion  que  la  gilde  n'a  pas  l'inten- 
tion de  lui  donner  satisfaction,  et  que,  s'il  reste  inactif, 
il  ne  verra  jamais  son  tableau  achevé.  Enfin,  dans  une 
lettre  du  3  août  1682,  adressée  à  Gonzales  Coques,  van 
Bavegom  lui  fait  savoir  que  des  amis  qui  avaient  vu  le 
cabinet  de  tableaux,  lui  avaient  rapporté  qu'il  était  ter- 
miné. Il  demande  donc  d'être  informé  pour  quel  motif 
la  composition  ne  lui  est  pas  expédiée.  Nous  ignorons 
quelle  réponse  fut  faite  au  procureur;  mais  l'année  1682 
et  une  grande  partie  de  1683  se  passèrent,  sans  que  la 
gilde  acquittât  sa  promesse.  Van  Bavegom  dut  par  con- 
séquent réaliser  sa  menace  tant  de  fois  renouvelée. 

Les  doyens  de  S'  Luc  furent  assignés  à  comparaître 
le  30  octobre  1683,  devant  le  marquis  de  Herzelles, 
commissaire  du  Conseil  souverain  de  Brabant,  à  l'effet 
d'y  entendre  proposer  des  moyens  d'accommodement 
à  l'égard  du  cabinet  de  tableaux  et  des  prétentions  du 
procureur  van  Bavegom.  La  gilde  s'étant  fait  représenter 
par  les  anciens  doyens  Gaspard  Huybrechts  et  le  relieur 
Ignace  van  Caukercken,  il  fut  convenu  qu'elle  paierait 
au  procureur  la  somme  de  50  patacons_,  en  extinction 
de  ce  dont  elle  lui  restait  redevable.  Le  cabinet  de  ta- 
bleaux, orné  d'un  cadre  doré  qui  fit  honneur  à  la  con- 
frérie, devait  en  outre  être  expédié  à  van  Bavegom.  Un 
compte  de  frais  d'envoi  de  cette  composition  et  d'un 
vo3-age  à  Bruxelles,  ne  permet  pas  de  douter  que  Gon- 
zales ne  se  soit   rendu   dans  cette  ville,  pour  y  assister 


—  155  — 

à  la  remise  de  cette  œuvre  à  laquelle  il  avait  pris  une 
grande  part. 

Feu  W.  Bûrger  fait  mention  dans  son  ouvrage  inti- 
tulé :  Musées  de  la  Hollande  fT.  I,  pp.  300  et  301),  d'un 
cabinet  de  tableaux,  étoft'c  de  figures  peintes  par  Gon- 
zales  ;  les  toiles  dont  il  est  orné  ont  été  exécutées  par 
divers  maîtres.  Cette  œuvre  d'art  se  trouve  au  musée 
de  la  Haye.  Nous  avons  entendu  agiter  autour  de  nous 
la  question,  si  cette  composition  n'est  pas  celle  qui  fut 
la  propriété  de  van  Bavegom,  et  même  incliner  forte- 
ment pour  l'affirmative.  Nous  ne  saurions  toutefois 
partager  cette  opinion.  En  effet,  M.  Victor  de  Stucrs 
rapporte  dans  sa  Notice  historique  et  descriptive  des  tableaux 
et  des  sculptures  exposées  dans  le  musée  royal  de  la  Haye^ 
que  ce  tableau  peint  en  (ou  vers)  1671,  a  été  acquis, 
à  Anvers,  en  1741,  pour  le.  prince  d'Orange,  à  la  vente 
de  la  collection  de  Jacomo  ou  Jacques  de  Wit,  au  prix 
de  300  florins  (i).  A  la  vérité,  il  n'est  pas  impossible  que 
la  composition  destinée  à  van  Bavegom  ait  été  com- 
mencée en  1671,  ou  vers  cette  époque,  puisque  dans 
sa  lettre  du  10  octobre  1674,  ce  procureur  fait  observer 
que  ce  travail  était  alors  entrepris  depuis  quelques 
années.  Mais  M.  J.-B.  van  der  Straelen  nous  apprend 
dans  son  Jaerboek  der  vermaerde  en  kunstryke  gilde  van 
Sint  Lucas ^  binnen  de  stad  Antwerpen  (2),  que  le  tableau 
de  M.  van  Bavegom  existait  encore,  il  y  a  environ 
soixante  ans,  à   Bruxelles,  chez   M.  le  conseiller  fiscal 

(i)  0/7.  cit.,  pp.  208  et  231.  Nous  dirons  ici,  en  passant,  que 
M.  de  Stuers  nous  a  fait  plus  d'un  emprunt  dans  sa  Notice,  sans 
nous  citer  une  seule  fois.  Nous  comptons  qu'il  réparera  cet  oubli, 
dans  une  seconde  édition. 

(2)  P.  141,  note  I. 


-156- 

G.  Cuylcn.  Et  ces  soixante  ans  doivent  être  comptés  au 
plus  tôt  de  1804,  époque  à  laquelle  l'ouvrage  s'arrête, 
quant  à  l'histoire  de  l'Académie  d'Anvers,  qui  fait  suite 
aux  annales  de  la  gilde  de  S'  Luc.  Encore  supposons- 
nous  gratuitement  que  les  389  pages  de  M.  van  der 
Straelen  ont  été  écrites  cette  année-là.  Eh  bien  !  dans  ce 
cas  même,  nous  trouverons  que,  vers  1744,  la  toile  de 
van  Bavegom  était  conservée  chez  M.  Cuylen  et  celle 
de  Jacques  de  Wit  était,  depuis  1741,  la  propriété  du 
prince  d'Orange.  Il  est  fort  probable,  du  reste,  faisions- 
nous  observer,  en  1863,  dans  le  Supplément  au  Cata- 
logue du  musée  d'Anvers  (i),  que  Gonzales  aura  bien 
exécuté  encore  quelque  cabinet  de  tableaux,  en  com- 
pagnie d'autres  artistes,  avant  que  l'envie  d'en  posséder 
un  semblable  vînt  à  van  Bavegom. 

Et,  en  effet,  l'exposition  ouverte  à  Bruxelles,  en  1873, 
par  la  Société  néerlandaise  de  bienfaisance,  en  renfer- 
mait un  appartenant  à  M'""  la  comtesse  Amédée  de 
Beauffort,  née  comtesse  de  Roose  de  Baisy.  Il  repré- 
sentait, d'après  le  Catalogue,  le  président  du  conseil 
privé,  Pierre  Roose,  dans  sa  galerie  de  tableaux;  ceux- 
ci  représentent,  dans  de  minuscules  proportions,  les 
œuvres  de  différents  maîtres  flamands  contemporains  de 
Gonzales  qui  les  ont  signés  de  leurs  noms.  Coques  a 
peint  le  portrait  du  président;  l'architecture  est  l'œuvre 
de  Guillaume  van  Ehrenberg  (2). 

(i)  P.  81. 

(2)  Catalogue  cité,  2^  édition,  p.  48,  no  259. 

D'après  la  description,  la  galerie  de  tableaux  du  chef-président 
Pierre  Roose  occupait  une  salle  de  l'hôtel  qui  est  actuellement  la 
résidence  royale  à  Anvers.  Mais  c'est  une  erreur.  En  effet,  cet  hôtel 
n'est  entré  qu'en  1777  en  possession  de  la  famille  Roose,  par  l'acqui- 


—  157  — 

Nous  allons  raconier  maintenant  les  derniers  faits  qui 
concernent  la  biographie  de  Coques.  Le  14  août  1642, 
il  tint  sur  les  fonts  baptismaux  de  la  cathédrale,  quartier 
sud,  Gonzalès  van  Heylen,  fils  de  Jacques,  enlumineur, 
et  d'Esther  van  Cam  (i). 

Catherine  Ryckaert,  la  femme  de  notre  maître,  mou- 
rut le  2  juillet  1674  :  elle  était  entrée  dans  sa  soixante- 
cinquième  année.  D'après  la  chronique  de  l'église  de 
S'  Georges^  Coques  y  acquit  des  marguilliers,  en  1674 
même,  un  lieu  de  sépulture  pour  lui  et  sa  femme;  il 
était  situé  dans  la  chapelle  de  Notre-Dame  (2). 

Gonzalès  privé  désormais  de  tous  les  siens,  résolut 
de  convoler  à  de  nouvelles  noces.  Son  mariage  avec 
Catherine  Rysheuvels    fut   célébré  dans  la    cathédrale, 


.  sition  qu'en  fit,  à  cette  époque,  Pierre-Jean-Alexandre-Joseph  comte 
Roose  de  Baisy.  Nous  avons  fait  connaître  dans  le  Catalogue  du  mu- 
sée d'envers,  d'après  le  Oud  Konst-looneel  van  lÂntwerpen,  de  Jacques 
van  der  Sanden,  secrétaire  de  l'ancienne  académie  de  notre  ville,  que 
cette  belle  habitation  avait  été  construite  par  Jean-Pierre  van  Baur- 
scheit,  le  jeune  ^édition  de  1857,  p.  491).  M.  Augustin  Thys  nous 
apprend,  dans  son  Historique  des  mes  et  des  places  publiques  de  la  ville 
d'envers.  (Anvers,  1873,  p.  330),  que  cet  hôtel  fut  bâti  vers  1745, 
par  l'opulent  Jean-Alexandre  van  Susteren,  seigneur  de  's  Graven- 
wezel.  Nous  lisons  dans  le  registre  mortuaire  des  Grands-Carmes, 
déposé  à  l'état  civil  d'Anvers,  qu'on  enterra  dans  leur  église,  le  19 
novembre  1746,  le  corps  d'Adrien  de  Jonghe  qui  avait  fait  une  chute 
mortelle,  en  tombant  de  la  nouvelle  bâtisse.  Il  fut  inhumé  dans  le 
tombeau  creusé  pour  les  soldats  français,  au  jardin  du  cloître.  (Voir 
aussi  Thys,  op.  cit.,  331.) 

(i)  Gonzalès  van  Heilen.  Il  fut  reçu  franc-maître  imprimeur  (en 
taille  douce?)  en  1661-1662.  Liggeren  cités.  T.  II,  p.  324  et  533. 

(2)  Sa  fille  Catherine-Gonzaline  et  le  fils  de  celle-ci  y  furent  en- 
terrés, d'après  l'inscription  citée.  —  Cronycke  ofte  beginscl  ende  voort- 
ganck  van  de  parochiale  kerc/cc  van  S^  Joris,  Unnen  ,Antzi'erpen.  Inscrip- 


-158- 

(quartier  nord),  le  21  mars  1675.  Il  eut  pour  témoins 
le  célèbre  peintre  Pierre  Thys,  le  vieux,  et  Jean-Pierre 
van  dcr  Haven.  Coques  était  entré,  à  cette  époque,  dans 
sa  soixante-unième  année.  Il  vécut  un  peu  plus  de  neuf 
ans  avec  sa  seconde  femme,  dont  il  n'eut  pas  d'enfants. 

Gonzales  fut  témoin  dans  la  cathédrale,  (quartier 
nord),  le  i  août  1682,  du  mariage  de  son  neveu 
Michel-Gilles  Ryckaert  et  d'Elisabeth  Ceulemans.  L'ar- 
tiste décéda  le  18  avril  1684  et  fut  enseveli  à  S'  Georges, 
auprès  des  siens  (i).  Catherine  Rysheuvels,  qui  ne  lui 
survécut  que  jusqu'au  25  novembre  de  cette  même 
année,  fut,  comme  nous  l'avons  dit,  enterrée  dans  la 
cathédrale,  sous  la  pierre  tumulaire  de  Nicolas  Bacx  et 
d'Anne  van  den  Casteele  (2). 

Nous  mentionnerons  pour  terminer  cette  biographie, 
que  les  archives  de  la  confrérie  de  S*  Luc,  signalent  en 
1 643-1 644,  l'inscription  de  Corneille  van  den  Bosch,  et 
en  1665-1666,  celle  de  Léonard-François  Verdussen, 
comme  élèves  de  Gonzales  Coques  (3). 

Nous  ajouterons  que  le  portrait  du  maître,  dont  nous 
avons  parlé  déjà,  a  été  gravé  d'après  un  tableau  de  sa 
main,  par  Paul  du  Pont  ou  Pontius.  Il  a  été  pubHé,  une 
première   fois,    en    1649,  par  Jean  Meyssens,  qui  l'im- 


tions  funéraires  et  monumentales  de  îa  province  d'Anvers,T.  U,  pp.  cix 
et  464. 

(:)  L'enterrement  de  Coques  eut  lieu  le  soir  (iinking).  La  fabrique 
de  la  cathédrale  toucha  de  ce  chef  16  florins  6  sous.  —  Liggeren 
cités,  T,  I,  p.  635,  note. 

(2)  Elle  fut  inhumée  également  le  soir  :  le  droit  perçu  par  la  ca- 
thédrale fut  de  II  florins  18  sous.  —  Op  cit.  ibid.  —  Inscriptions 
citées,  p.  321. 

(3)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  154  et  363. 


—  159  — 

prima,  et  une  seconde,  en  1662,  par  Corneille  de  Bie. 
C'est  un  bel  homme  à  l'air  pensif,  qui  regarde  le  specta- 
teur :  de  légères  moustaches  ombragent  sa  lèvre  supé- 
rieure, tandis  qu'une  impérale  à  peine  accusée,  se  détache 
sur  l'inférieure.  Sa  chevelure  longue  et  abondante  des- 
cend sur  ses  épaules.  Il  est  vêtu  de  noir,  à  l'exception  de 
son  col,  de  sa  chemise  ornée  de  dentelles  et  de  ses 
manches.  Sa  main  droite  tient  une  chaîne  d'or,  cachée 
en  partie  par  le  manteau,  qui  couvre  sa  gauche. 

Nous  citerons  ici  quelques  œuvres  du  maître.  Le 
musée  d'Anvers  possède^  grâce  à  la  munificence  de 
M™^  la  douairière  van  den  Hecke  Bout  de  Rasmon,  un 
superbe  portrait  de  dame,  peint  sur  cuivre  par  Gonzales, 
et  mesurant  22  centimètres  de  largeur  sur  17  de  hauteur. 
Le  modèle  âgé  d'une  trentaine  d'années,  a  l'air  fort 
distingué  :  il  est  représenté  à  mi-corps.  Son  bras  gauche 
repose  sur  le  piédestal  d'une  colonne  :  elle  tient  une 
montre  de  la  main  droite.  Son  vêtement  se  compose 
d'une  robe  de  satin  noir  moiré,  ornée  de  riches  dentelles 
et  coupée  à  la  Sévigné.  L'abondante  chevelure  blonde 
de  la  dame  étincelle  de  diamants  et  de  perles  fines.  Elle 
porte  un  collier  et  des  bracelets  de  perles  blanches.  Une 
croix  de  diamants,  une  pendeloque  et  d'autres  bijoux 
sont  agrafés  à  sa  ceinture  de  dentelles.  Le  fond  grisâtre 
du  tableau  est  relevé  par  une  draperie  rouge,  qui  cache 
en  partie  la  vue  d'un  jardin. 

Notre  beau-frère  M.  Louis  Beeckmans  possède  trois 
chefs-d'œuvre  de  notre  maître.  Le  premier  représente 
Philippe  van  Parys,  chevalier,  et  sa  femme  Claire-Jeanne 
Rubens,  fille  de  Pierre-Paùl  et  d'Hélène  Fourment  (i), 

(i)  Cette  fille  de  l'illustre  Pierre-Paul  et  d'Hélène  Fourment  fut 


—  i6o  — 

accompagnés  de  leurs  enfants,  près  de  leur  château 
seigneurial  de  Merxem  et  Dambrugge.  A  l'avant-plan 
Philippe  van  Parys,  ceint  de  son  épée  et  tenant  sa  canne^ 
donne  la  main  à  sa  compagne,  qui  tient  son  éventail, 
et  près  de  laquelle  se  voit  un  petit  chien.  Non  loin 
de  là,  une  de  leurs  filles  avec  un  jeune  enfant,  ayant  à 
la  main  un  chardonneret  sur  une  potence.  A  quelque  dis- 
tance des  époux,  un  de  leurs  fils,  le  fusil  sur  l'épaule  et 
la  carnassière  au  côté.  Auprès  de  lui  un  de  ses  frères 
montant  un  beau  cheval  blanc  pommelé,  pourvu  de  fontes 
de  pistolets  :  deux  petits  chiens  s'arrêtent  en  sautillant  dans 
son  voisinage.  A  droite,  un  troisième  et  très-jeune  fils 
accompagné  d'un  chasseur,  a  peine  à  retenir  un  superbe 
lévrier,  qui  brûle  de  battre  la  campagne  et  qui  est  accom- 
pagné d'un  second.  Derrière  le  groupe  principal,  un 
cocher  monté  sur  un  carosse  attelé  de  deux  chevaux.  A 
droite,  le  château  de  Merxem  et  Dambrugge  et  ses  jar- 
dins. A  l'entrée  d'une  ferme  qui  le  précède,  quelques 
figurines.  A  l'avant-plan,  un  beau  chêne  et  d'autres  arbres 
d'une  magnifique  venue.  A  l'arrière-plan  en  droite,  la 
ville  d'Anvers  où  l'on  distingue  les  tours  de  S'^  Walburge, 
'de  la  cathédrale,  de  S'  Jacques,  etc.  A  gauche,  l'église 
de  S'  Barthélémy,  à  Merxem.  La  composition  se  détache 
sur  un  ciel  splendide  d'un  ton  chaud.  Les  personnages 
superbement  vêtus  et  les  animaux  sont  dessinés  et  peints  de 
majn  de  maître.  Le  paysage  qui  ne  leur  cède  en  rien,  est 
l'œuvre  deGasparddeWitte(i).Le  lointain  est  admirable, 

tenue  le  i8  janvier  1602,  sur  les  fonts  de  l'église  S'  Jacques  à  Anvers, 
par  Jean  Brant,  secrétaire  de  cette  ville  et  beau-père  du  maître,  et  par 
Claire  Fourment. 

(1)  Sa  dette  mortuaire  fut  payée  à  la  gilde  de  S*  Luc  entre  le  18 
septembre  1680  et  le  18  du  même  mois  1681.  —  Lig^eren  cités, 
t.  II,  p.  484.  Le  tableau  est  donc  antérieur  à  cette  date. 


—  lél  — 

cette  toile  qui  mesure  i  mètre  78  centimètres  de  hauteur 
sur  2  mètres  8  centimètres  Je  largeur,  a  été  peinte  vrai- 
semblablement vers  1680.  Nous  croyons  que  tous  les 
enfonts  de  Philippe  van  Parys  et  de  Claire-Jeanne  Rubens 
y  sont  représentés.  Mais  comme  ils  en  eurent  sept,  et 
que  le  tableau  n'en  renferme  que  cinq,  deux  d'entre  eux 
doivent  être  décédés  en  bas  cage  ou  dans  leur  adoles- 
cence. Feu  M.  Frédéric  Verachter  n'en  mentionne  qu'un 
seul,  dans  sa  Généalogie  de  Pierre-Paul  Rubens  et  de  sa 
famille,  Philippe-Constantin-Joseph  van  Par3^s  (i).  Nous 
allons  donc  indiquer  ici  tous  les  fils  et  filles  issus  du 
mariage  de  Philippe  van  Parys  et  de  Claire-Jeanne 
Rubens.  1°  Jacques-Ignace,  tenu  sur  les  fonts  de  S' Jac- 
ques (2)  le  25  mars  1656,  par  son  aïeul  Jacques  van 
Parys,  chevalier,  président  de  la  chambre  des  comptes 
de  Sa  Majesté  en  Brabant,  et  par  Hélène  Fourment, 
veuve  de  Pierre-Paul  Rubens  et  femme  de  Jean-Baptiste 
de  Broechoven,  seigneur  de  Bergeyck.  2°  Jean-Baptiste, 
le  7  janvier  1658,  par  le  prédit  Jean-Baptiste  de  Broec- 
hoven et  Anne  van  Parys.  3°  Susanne-Françoise,  le  ro 
janvier  1659,  par  son  oncle  François  Rubens,  docteur 
ès-droits,  et  Susanne  van  Parys.  Le  père  de  l'enfant 
était,  à  cette  époque,  receveur  général  des  Etats  de 
Brabant  dans  le  quartier  d'Anvers.  4°  Isabelle-Philip- 
pine, le  31  mars  1660,  par  Philippe  Rubens,  le  jeune, 
secrétaire  de  la  ville  d'Anvers,  et  par  Elisabeth  Four- 
ment, veuve  de  Nicolas  Piqueri.  L'une  de  ces  de- 
moiselles figure  dans  le  tableau  ;  mais  laquelle  ?  5  ° 
François-Xavier,  le  21  décembre  1662,  par  son   oncle 

(i;  Op.  cit.,  p.  25. 

(2)  Ses  frères  et  sœurs  furent  tous  baptisés  dans  la  même  église. 

II 


—    l62   — 

François  Rubens,  cchevin  de  cette  ville  et  Catherine 
van  Parys,  qui  se  iit  représenter  par  Susannc  van  Parys. 
6°  Philippe-Constantin-Joseph,  baptisé  le  12  octobre 
1665  ;  les  cérémonies  lui  furent  suppléées  le  25  du 
même  mois.  Il  fut  tenu  par  François  de  WolfT, 
prêtre  et  chanoine  de  S'  Jacques,  représentant  Corneille 
van  Breughel,  conseiller  de  Gueldre,  et  par  Constance 
Helman,  dame  de  Rameyen  et  douairière  de  Nicolas 
Rubens,  fils  de  Pierre-Paul  et  d'Isabelle  Brant  (i). 
7°  Jean-François-Marie,  le  10  septembre  1671,  par  Jean- 
Baptiste  de  Broechoven  de  Bergeyck,  chevalier  et  con- 
seiller au  conseil  suprême  des  finances  du  roi,  et  par 
Marie-Isabelle  Mertens.  C'est  le  charmant  petit  garçon 
qui  est  représenté  dans  le  tableau^  près  du  chasseur  (2). 

Les  deux  autres  compositions  de  Gonzales,  appar- 
tenant à  M,  Louis  Beeckmans,  sont  peintes  sur  cuivre 
et  représentent  des  portraits  de  membres  de  la  famille 
de  Grysperre.  Ce  sont  deux  pendants  mesurant  46  cen- 
timètres en  hauteur  sur  34  en  largeur. 

A  l'avant-plan  de  l'un,  un  gentilhomme  tient,  de  la  main 
droite,  un  lièvre  mort,  et  un  brin  d'estoc  qui  repose 
sur  son  épaule.  Il  arrête  de  la  gauche  un  superbe  lé- 
vrier, attaché  à  une  corde  ;  un  second  non  moins  beau 
et  un  autre  chien  de  chasse  sont  figurés  près  de  là.  Le 
personnage  est  coiffe  d'un  chapeau  à  plumes  et  porte 
des  moustaches  et  de  longs  cheveux.  Sa  chemise 
blanche  et  son  col  de  même  couleur  se  détachent  sur 
une  veste   jaunâtre   à  crevés.   Il  est  vêtu  d'un  haut-de- 


(i)  Verachter,  op.  cit.,  p.  14. 

(2)  Nous  devons  la  majeure  partie  de  ce  fragment  de  généalogie  à 
feu  M.  Henri  le  Grellc. 


! 


-  i63  - 

chausse  et  de  bas  gris.  Une  carnassière  et  un  couteau  de 
chasse  pendent  à  son  côté.  Derrière  lui,  un  vieux  gen- 
tilhomme tient  un  magnifique  cheval  blanc.  Il  a  aussi 
les  cheveux  longs  et  la  figure  ornée  de  moustaches.  Sa 
tète  est  coiffée  d'un  chapeau  noir.  Son  habillement  se 
compose  d'un  col  blanc,  d'un  habit  et  d'un  petit  man- 
teau bruns.  On  distingue  à  droite  un  paysage  animé  de 
diverses  figurines.  Le  ciel  est  couvert,  à  l'avant-plan  ; 
plus  clair,  au  fond  du  tableau.  Le  clocher  d'une  église 
de  village  apparaît  dans  le  lointain. 

Ce  retour  de  la  chasse  est  admirable  de  dessin  et  de 
peinture. 

A  l'avant-plan  du  second  tableau,  se  présente  une 
jeune  dame  vêtue  d'une  robe  rouge  de  dessous  surmontée 
d'une  robe  de  satin  blanc,  qu'elle  retient  de  la  main 
droite  :  un  éventail  repose  dans  sa  gauche.  Elle  est 
coiffée  d'un  chapeau  noir,  orné  d'une  plume  rouge  et  de 
plumes  blanches.  Des  perles  étincellent  à  son  col  et  à  ses 
bras,  comme  à  ceux  de  ses  compagnes  que  nous  décri- 
rons tantôt.  Près  d'elle,  sautille  un  petit  chien.  Derrière 
la  jeune  femme  est  peinte  une  enfant  vêtue  de  bleu, 
tenant  un  fruit  d'une  main  et  un  petit  éventail  de  l'autre. 

A  quelque  distance,  un  gentilhomme,  portant  mous- 
taches et  de  longs  cheveux  crépus.  Son  chef  est  surmonté 
d'un  chapeau  noir,  et  ses  vêtements,  de  même  couleur, 
ne  sont  relevés  que  par  son  long  rabot  de  dentelle  blan- 
che et  sa  chemise  de  même  couleur  qu'on  aperçoit  à 
travers  ses  manches  à  crevés.  Il  donne  la  main  à  une 
jeune  personne^  dont  la  droite  tient  une  fleur.  Sa  toilette 
se  compose  d'une  jupe  et  d'une  robe  de  satin  violet.  A 
droite  s'élève  un  arbre  qui  sert  de  repoussoir  :  à  gauche 
dans  le   lointain,    un   château   baigné   par   l'eau,  et  un 


—  164  — 

magnifique  paysage.  La  perspective  est  bornée  de  ce  côté 
par  la  tour  d'une  église.  Ces  figures  ne  le  cèdent  en  rien 
à  celles  de  l'autre  tableau. 

L'auteur  de  cette  biographie  possède  un  petit  ovale, 
peint  sur  cuivre  par  Gonzales  et  représentant  le  portrait 
d'une  dame.  Elle  paraît  âgée  de  30  ans  environ.  Une 
partie  de  sa  chevelure  brune  est  ornée  d'un  peigne  à 
perles  blanches.  Deux  pendeloques  de  même  matière 
sont  attachées  à  ses  oreilles.  Elle  porte  un  collier  de 
perles  fines.  Le  costume  de  la  dame  se  compose  d'une 
chemise  ornée  de  dentelles,  dont  la  partie  supérieure 
se  détache  sur  une  robe  bleue  que  relève  un  voile  noir, 
et  qui  est  retenue  en  guise  de  boutons  par  une  grosse 
perle  et  un  double  rang  d'e  perles  blanches.  C'est  une 
personne  de  l'aspect  le  plus  gracieux  et  dont  la  bouche 
sourit  très-agréablement.  Ce  portrait  peint  avec  une 
transparence  merveilleuse  se  détache  sur  un  fond  noircître. 
Il  mesure  en  hauteur  un  peu  plus  de  8  centimètres  et 
un  peu  plus  de  6  en  largeur. 

Le  catalogue  des  tableaux  de  Diego  Duarte^  d'An- 
vers, rédigé  à  Amsterdam,  en  1682^  mejitionne  une 
œuvre  très-intéressante,  peinte  par  Gonzales,  en  com- 
pagnie de  Jean  Brueghel,  le  jeune,  fils  de  Jean  Brueghel, 
de  Velours.  Elle  est  décrite  ainsi  :  «  Un  panneau  d'une 
pièce,  composé  très-curieusement  de  festons,  de  fleurs, 
de  fruits,  d'oiseaux  et  d'insectes,  d'un  grand  travail  avec 
un  beau  lointain  et  14  figures  de  Gonzales,  (représen- 
tant l'image  de  Marie,  des  anges  et  autres  figures), 
peintes  par  lui  depuis  plus  de  30  ans,  le  tout  très- 
curieux,  coûte  1200  florins  (i).  » 

(i)  Fred.  Muller.  Catalogus  der  schilderijen  van  Diego  Duarte,  te 


-  i65  - 

Ainsi  ce  tableau  a  été  exécuté  antérieurement  à  1652: 
le  catalogue  en  attribue  les  festons  à  Jean  Brueghel,  de 
Velours,  mais  c'est  une  erreur  évidente,  puisque  ce 
maître  est  décédé  en  1625. 

Nous  faisons  suivre  ici  les  tableaux  de  Coques,  men- 
tionnés dans  les  catalogues  de  Gérard  Hoet  et  de  Pierre 
Terwesten,  avec  les  prix  d'adjudication  :  «Vente  du  comte 
de  Fraula,  Bruxelles,  21  juillet  1738,  n°  267,  un  petit 
portrait  d'homme,  aussi  beau  que  de  van  Dyck,  par 
Consale,  haut  10  pouces,  large  7  1/2  pouces,  7  florins 
10  sous  de  change  (i)  ;  n°  345,  une  famille  très-bien 
peinte  sur  cuivre,  par  Consale,  dans  la  manière  de  van 
Dyck,  haut  i  pied  10  pouces,  large  2  pieds  5  pouces, 
175  florins  de  change  (2).  Vente  de  Gérard  Vervoort, 
à  Bruxelles,  10  septembre  1746,  n°  17,  un  tableau  de 
cabinet  représentant  une  famille,  avec  cinq  figures,  par 
Gonzalo  Coques,  haut  2  pieds  i  pouce,  large  3  pieds  8 
pouces,  105  florins  de  change  (3).  Vente  du  peintre 
Pierre  Snyers,  Anvers,  22  août  1752,  n°  11,  une  très- 
belle  pièce  représentant  une  Famille  à  la  chasse,  par 
Gonzalo  Coques,  haute  4  pieds  10  pouces,  large  7  pieds 
8  pouces,  157  florins;  n°  12,  une  %éunion  de  famille,  du 
même,  50  florins  de  change  (4)  ;  n°  13,  un  petit  portrait 
de  femme,  enfermé  dans  un  étui  d'écaillé,  (orné  d'or,  dit 

Amsterdam,  in  16S2,  met  de  pri]\en  van  aanJcoop  en  taxatle.   De  Onde 
Tijd,   1870,  p.  399,  n"  73.  Nous  avons  traduit  aussi  littéralement 
que  possible. 
(i)  Hoet,  op.  cit.,  T.  I,  pp.  541-542. 

(2)  Id.,  ihiâ.,  T.  I,  p.  548. 

(3)  Terwesten,  op.  cit.,  p.  43. 

(4)  Le  catalogue  original  de  la  vente  Pierre  Snyers,  que  nous 
avons  sous  les  yeux,  s'énonce  ainsi  au  sujet  de  ce  tableau:  p.  16, 
no  165.  Une  pièce  de  famille,  au  ^oût  de  Consael. 


—  i66  —      . 

le  catalogue  original,  p.  i6,  n"  149),  par  Gonzalo 
Coques,  25  florins  de  change  (i).  Vente  du  peintre, 
plus  tard  amateur,  Pierre-Jean  Snyers,  Anvers,  23  mai 
1758,  n"  130,  un  portrait  d'homme,  en  pied,  par  Gon- 
zalo,  haut  16  1/2,  large  ir  1/2  pouces,  20  florins  10 
sous  de  change  (2).  Vente  Gaspard  d'He3me,  seigneur 
de  Leeuwerghem,  Elene,  etc.,  Gand,  26  octobre  176 1, 
n°  41,  un  beau  tableau,  représentant  Tobie  et  l'ange 
Raphaël,  par  Gonzalo  Coques,  haut  2  pieds  3  pouces, 
large  2  pieds  7  pouces,  64  florins  argent  courant  de 
Flandre  (3).  Vente  de  l'agent  Guillaume  Lormier,  la 
Haye,  4  juillet  1763,  n°  26,  le  Sauveur,  j[Carie  et  [Marthe, 
avec  beaucoup  d'accessoires,  par  le  Brueghel  de  Velours 
(4)  et  Gonsale  Coques  :  panneau,  large  2  pieds  41/2 
pouces,  haut  i  pied  8  3/4  pouces,  260  florins.  Cette 
composition  fait  partie  actuellement  du  cabinet  du  duc 
d'Arcmberg.  Même  vente,  n°  64,  un  cabinet  de  tableaux, 
avec  dix  figures  et  grand  nombre  d'accessoires,  par 
Gonsalo  Coques  et  Pierre  Neeffs  (le  vieux  ?),  toile,  large 
3  pieds  10  3/4  pouces,  long  2  pieds,  8  1/2  pouces,  212 
florins  (5).  Vente  de  tableaux  à  Bruxelles,  le  23  juillet 
1767 ,  n°  48 ,  un  beau  tableau ,  représentant  Un 
cavalier  accompagné  d'une  dame  à  cheval  et  d'un  page  à 
pied,  dans   un  riant  paysage,  par  Gonzalo  Coques,  sur 


Ci)  Peeter  Terwesten,  op.  cit.,  pp.  61-62. 

(2)  Id.,  ibid.,  p.  208.  * 

(5)  Id.,  ibid.,  p.  241. 

(4)  Id.,  ibid.,  p.  315. 

Si  l'indication  est  exacte,  il  faut  lire  Jean  Brueghel,  le  jeune,  fils 
de  Jean  Brueghel  de  Velours.  Ce  dernier  artiste  est  mort  en  1625, 
alors  que  Gonzales  avait  accompli  à  peine  sa  dixième  année. 

(5^  Terwesten,  op.  cit.,  p,  317. 


—  167  — 

toile,  haut  I  pied  9  pouces,  large  i  pied  4  pouces,  162 
florins  de  change;  n°  49,  deux  petits  portraits  d'homme 
et  de  femme,  sur  panneau,  haut  5,  large  4  pouces,,  22 
florins  (i).  Vente  de  l'ancien  professeur  d'anatomie 
Thomas  Schwencke  et  d'autres  amateurs,  la  Haye,  6 
octobre  1767,  n°  23,  une  jeune  fille  avec  une  vieille 
femme  et  des  accessoires,  étant  une  allégorie,  très-bien 
et  très-finement  peinte  par  Gonzale  ;  haut  22  1/4,  large 
28  pouces,  30  florins  10  sous  (2).  Vente  à  Anvers,  le  23 
août  1768,  n°  6,  une  excellente  pièce  représentant  un 
seigneur  espagnol  et  une  dame,  tous  deux  à  cheval,  et 
accompagnés  d'un  nègre,  dans  un  très-beau  paysage, 
par  Gonsalo  Coques,  sur  cuivre,  haut  17,  large  15 
pouces,  250  florins  ï)  (3). 

Les  ventes  mentionnées  par  Pierre  Tervv'esten  s'ar- 
rêtent à  Tannée  1768.  En  1770,  on  mit  aux  enchères  à 
Amsterdam,  le  cabinet  de  tableaux  de  François-Ignace 
de  Dufresne,  en  son  vivant  directeur  du  cabinet  de 
l'empereur  Charles  VII,  etc. 

Il  s  y  trouvait  une  œuvre  de  Gonzales,  que  le  cata- 
logue décrit  ainsi  :  «  N°  209.  Un  Christ  en  croix,  peint 
sur  toile,  haut  de  41,  large  de  29  pouces.  On  voit  au 
pied  de  la  croix,  Marie-Madeleine  et  derrière  elle,  sur  les 
nuées,  deux  petits  anges,  tournant,  d'un  air  attendri, 
leurs  yeux  vers  la  croix.  Tableau  d'un  très-beau  dessin 
et  où  les  passions  sont  très-bien  exprimées,  terminé  et 
bien  peint.  »  Il  fut  adjugé  au  prix  de  200  florins,  à  un 
certain  monsieur  Melvil. 

Le  catalogue  des  tableaux  de  M.  Pierre-André-Joseph 

(i)  Id.,  ibid.,  p.  624. 
(2)  Id.,  ibid.j  p.  64/. 
(5)  Id.,  ibid.,  p.  665. 


—  i68  — 

Knvff,  chanoine  noble  gradué  de  la  cathédrale  d'An- 
vers, mentionne  cinq  petits  portraits  peints  par  Gonzales, 
les  uns  sur  bois  et  sur  cuivre,  l'autre  sur  argent.  Ils 
furent  vendus  en  notre  ville,  au  mois  de  juillet  1785,  avec 
la  collection  dont  ils  faisaient  partie  et  rapportèrent 
ensemble  la  somme  de  46  florins  15  sous  de  change. 
Un  grand  nombre  des  peintures  de  ce  cabinet  renommé 
furent  adjugées  à  des  prix  dérisoires. 

Citons  actuellement  quelques  tableaux  de  Gonzales, 
présentés  en  vente  dans  des  temps  plus  récents.  La  célèbre 
collection  du  professeur  van  Rotterdam,  vendue  en  1835, 
en  renfermait  un  que  le  catalogue  décrit  en  ces  termes  : 
«N°  140.  Portrait  d'un  jeune  seigneur  richement  costumé. 
Dans  le  fond  un  paysage.  Joli  petit  tableau,  d'une  touche 
vigoureuse,  d'un  bon  coloris  et  d'une  exécution  soignée. 
Hauteur  42  centimètres,  largeur  3 1  centimètres.  — 
Cuivre.  »  Il  fut  adjugé,  au  prix  de  55  francs,  à  M. 
(Etienne?)  le  Roy,  de  Bruxelles. 

La  collection  de  M.  Stevens,  vendue  à  Anvers,  au 
mois  d'août  1837,  comprenait  deux  tableaux  de  Gon- 
zales. L'un,  portant  le  n°  34,  représentait  un  beau 
paysage,  dans  lequel  on  remarquait  un  page  très-élé- 
gamment vêtu,  qui  conduisait  une  dame  par  la  main. 
Plusieurs  chiens  les  précédaient,  et  dans  l'éloignement, 
se  tenaient  des  palefreniers  auxquels  on  faisait  signe 
d'arrêter  les  chevaux.  On  remarquait  dans  cette  belle 
composition  la  finesse  et  la  facilité  de  pinceau  de  ce 
maître;  le  catalogue  y  signalait  un  cheval  blanc  d'une  rare 
beauté.  Cette  toile,  qui  mesurait  r  mètre  15  centimètres 
de  hauteur  sur  i  mètre  54  centimètres  de  largeur,  fut 
adjugée  à  520  francs.  Le  second,  haut  de  32  centimètres 
et  large  de  42,  était  peint  en  miniature  sur  parchemin, 


—  169  — 

et  d'un  fini  admirable.  Il  avait  pour  sujet  une  dame  en 
costume  noir,  près  d'elle  se  tenait  une  gouvernante  : 
deux  jolies  petites  filles,  guidées  par  leur  fi'ère,  portaient 
des  cadeaux  à  leur  mère.  Le  fond  était  tapissé  de  verdure. 
Cette  petite  composition  valut  100  fi*ancs. 

La  galerie  de  S.  M.  Guillaume  II,  roi  des  Pays-Bas, 
vendue  à  la  Haye,  au  mois  d'août  1850,  renfermait  deux  ta- 
bleaux de  notre  maître.  Le  premier,  qui  porte  dans  le  cata- 
logue le    n^  80,    est    mentionné    comme    suit   par  M. 
C.-J.  Nieuwenhuys,  dans  sa  description  de  cette  collec- 
tion :  «  Le  repos  champêtre.  Bois;  hauteur  42  ^/^pouces. 
Largeur  63  Vi-  Dans  une  campagne  couverte  d'arbres  et 
ornée  de  rosiers,  se  trouve  une  superbe  fontaine  sur  un 
piédestal  ;  elle  a  la  forme  d'une  coupe  élevée  et  est  sur- 
montée d'une  statue  représentant  Neptune,  qui  conduit 
trois  chevaux  marins.  Près  de  cette   fontaine,  sont  assis 
un  cavalier  et  sa   dame,   entourés   de   leur   famille.  Ils 
semblent,  par  l'expression  de  satisfaction  qui  anime  leurs 
traits,  jouir  du  repos  champêtre  et   du   bonheur   de   se 
voir  environnés  de  leurs  enfants.  Une   jeune  demoiselle 
vêtue  de  satin  blanc^  est  debout  près  de  la  mère  ;  elle 
tient  un  éventail  et  un  chapeau  de  paille  d'Italie  entouré 
de  plumes.  Près  du  cavalier  est  un  charmant  petit  garçon 
qui  tient  un  chien,  tandis  que  son  frère,   plus  âgé  que 
lui,  porte  un  lièvre  suspendu  à  une  fourche,  et  s'avance 
avec  sa  sœur  qui  tient  une  corbeille  de  fruits.  Un  paon, 
plusieurs  chiens  de  différentes  espèces,  et  des  accessoires 
de  chasse  ajoutent  à  la  richesse  de  ce  beau  tableau,  dont 
le  paysage  est  ménagé  avec  art  pour  faire  ressortir  avan- 
tageusement les  personnages.  Ceux-ci  sont  peints  eux- 
mêmes  avec  un  talent  digne  des  beaux  ouvrages  de  van 
Dyck,  que  Gonzales  avait  pris  pour  modèle.  Sa  manièrç 


—  170  — 

se  rapproche  tellement  de  celle  de  ce  peintre,  qu'elle  lui 
a  mérite  le  surnom  de  petit  van  Dyck  (i).  Ce  tableau 
qui  peut  être  regardé  comme  le  chef-d'œuvre  de  Gon- 
zales,  a  été  gravé  par  Moite,  dans  la  galerie  de  le  Brun, 
t.  I",  p.  36.  On  le  trouve  aussi  dans  l'œuvre  de  la  col- 
lection de  Lucien  Bonaparte,  gravé  au  trait  par  Leonetti, 
sous  le  titre  de  Reposa  campestre  (2).  » 

Ce  tableau  fut  acquis  au  prix  de  7,200  florins,  par 
M.  Etienne  le  Roy,  de  Bruxelles.  Il  reparut  au  mois 
d'avril  1857,  à  la  vente  Patureau,  à  Paris,  et  y  fut  ad- 
jugé à  lord  Hertford,  moyennant  45,000  francs.  M. 
Kramm  rapporte  que  ce  seigneur  en  avait  fait  offrir 
4000  florins  seulement,  sept  ans  plus  tôt  (3).  Au  reste, 
il  n'y  a  aucune  conclusion  à  tirer  de  ce  fait,  sinon  que 
le  richissime  lord  Hertford  a  voulu  se  passer  la  fantaisie 
de  payer  très-cher  un  chef-d'œuvre  de  Gonzales. 

Une  seconde  composition  peinte  sur  cuivre  d'après 
C.-J.  Nieuwenhuys,  — sur  toile,  d'après  le  catalogue,  qui 
se  trompe,  —  représentait  \a.Pro?nenade  à  cheval.  L'auteur 
cité  la  mentionne  comme  a3^ant  en  hauteur  16  pouces, 
et  14  en  largeur.  Il  la  décrit  ainsi  :  «  Gonzales  Coques 
a  peint  dans  ce  paysage,  qui  est  vu  au  soleil  couchant, 
le  portrait  d'un  cavalier  monté  sur  un  cheval  blanc  qui 
se  cabre.  La  dame  qui  l'accompagne  monte  un  cheval 
brun  ;  elle  est  vêtue  d'une  robe  d'une  étoffe  Jaune,  et 
coiffée  d'un  chapeau  garni  de  plumes.  Elle  tient  de  la 
main  gauche  un  éventail  ;    un  nègre  debout  devant  elle 

(1)  Coques  est  néanmoins  tellement  original,  qu'aucun  connaisseur 
ne  confondra  ses  œuvres  avec  celles  de  van  Dyck. 

(2)  Description  de  la  galerie  de  tableaux  de  S.  M.  le  Roi  des  Pays-Bas. 
MDCCCXLIII,  p.  i)S. 

(3)  Op.  cit.,  T.  I,  pp.  265  et  264. 


—  171  — 

porte  ses  regards  vers  un  joli  chien  épagneul  qui  aboie 
contre  le  cheval  blanc.  En  1817,  Sa  Majesté  feu  la 
reine  des  Pays-Bas  fit  cadeau  de  ce  tableau  à  Son  Al- 
tesse Royale  le  prince  d'Orange,  à'  l'occasion  du  jour 
anniversaire  de  sa  naissance  (i)  ». 

Cette  peinture  est  celle  que  mentionne  Pierre  Ter- 
westen,  comme  vendue  à  Anvers,  le  23  août  1768, 
moyennant  250  florins  (2).  Elle  fut  adjugée,  en  1850,  à 
M.  Nieuwenhuys,  de  Londres,  (l'auteur,  croyons-nous, 
de  la  Description  citée,)  moyennant  800  florins. 

Un  troisième  tableau  de  Gonzales  faisait  partie  de  la 
galerie  de  Guillaume  II.  Il  fut  compris  dans  la  seconde 
vente  de  cette  collection,  tenue  au  mois  de  septembre 
185 1  et  fut  classé  assez  maladroitement  dans  l'école 
hollandaise  (3).  M.  Nieuwenhuys  en  parle  dans  les 
termes  suivants  :  «  N°  73.  Tableau  de  famille.  Bois; 
hauteur  14  1/2  pouces,  largeur  18  (37  et  45  centimèt.). 
—  Ce  tableau  représente  vraisemblablement  la  famille 
d'un  médecin.  Assis  près  de  sa  femme,  le  docteur  lui 
tàte  le  pouls,  et  en  suit  les  pulsations  sur  une  montre 
qu'il  tient  à  la  main.  —  La  dame  toutefois,  ne  paraît 
pas  fort  indisposée,  puisque  un  valet,  placé  derrière  une 
chaise,  lui  offre  un  verre  de  vin.  —  A  droite,  près 
d'une  table,  couverte  d'un  tapis  rouge,  sur  laquelle  se 
trouve  un  plat  d'argent,  est  debout  un  jeune  cavalier 
donnant  la  main  à  une  dame,  qui  tient  près  d'elle  sa 
petite  fille  et  se  retourne  en  souriant.  —  A  gauche,  sur 


(i)  Description  citée,  p.  157. 

(2)  Op.  cit.,  p.  66).  Terwesten  donne  les  mesures  suivantes  :  hau 
teur,  17,  largeur  15  pouces. 

(3)  Catalogue  de  la  vente,  p.  20,  n»  67. 


—  172  — 

le  devant  du  tableau,  est  un  vase  en  cuivre,  et  dans  ce 
vase,  une  bouteille  carrée  remplie  de  liqueur.  —  Ce 
groupe  de  six  figures  est  réuni  sous  un  vestibule  d'où 
l'on  découvre  la  campagne.  La  plupart  des  personnages 
sont  vêtus  de  noir,  selon  la  mode  du  temps  (i).  » 

Nous  ne  connaissons  ni  l'adjudicataire,  ni  le  prix  de 
vente  de  ce  tableau. 

Plusieurs  musées  de  l'Europe  possèdent  des  œuvres 
de  Gonzales.  Outre  ceux  d'Anvers  et  de  la  Haye,  dont 
nous  avons  parlé  déjà^  nous  citerons  ceux  de  Dresde, 
de  Cassel  (2),  de  Sleissheim  et  de  Nantes,  auxquels  on 
peut  ajouter  la  collection  du  palais  Hampton  Court. 

On  a  peu  gravé  d'après  Coques.  Outre  les  planches 
citées  de  Paul  Pontius,  Corneille  van  Caukercken, 
Martin  Bouché,  Moitte  et  Leonetti,  nous  avons  trouvé 
dans  le  Catalogue  Winckler,  la  mention  d'un  portrait  de 
Baudouin  van  Eck,  seigneur  de  Roosendael,  amateur  de 
tableaux,  gravé  en  1657,  d'après  Gonzales,  par  Paul  du 
Pont  ou  Pontius.  Il  était  représenté  à  mi-corps,  la 
gauche  appuyée  sur  son  épée  (3). 

Un  graveur  moderne  de  beaucoup  de  mérite,  M. 
Guillaume  Unger  (W.  Unger),  a  reproduit  à  l'eau-forte 
un  des  tableaux  de  Coques,  conservé  au  musée  de  Cas- 
sel.   Il   représente   un  appartement,  dont  les  murs  sont 

(i)  Description  citée,  p.  158. 

(2)  L'auteur  du  catalogue  de  la  galerie  de  Cassel  a  pris  Gon- 
zales pour  un  nom  patronymique  et  a  gratifié  le  maître  du  prénom 
de  Barthélémy,  de  façon  que  Gonzales  Coques  est  devenu  Barthé- 
lémy Gonzales.  Voyez  :  Ver^eichniss  der  Casseler  Bildcr-Gàllerie.  — 
Cassel,  sans  date,  p.  49. 

(3)  Michel  Huber  et  J.-G.  Stimmel.  Catalogue  raisonné  du  cabinet 
d'estampes  de  feu  M.  Winckler,  banquier  et  membre  du  sénat,  à  Leipzig. 
Leipzig,  1805,  T.  III,  p.  656,  no  3503. 


—  173  — 

ornés  de  tapisseries,  surmontées  de  peintures  a3'ant  pour 
sujet  des  paysages.  La  partie  supérieure  des  fenêtres  y 
donne  seule  accès  au  jour,  de  façon  qu'il  y  règne  une 
lumière  très-douce.  A  droite,  le  maître  du  logis  vêtu  de 
noir,  est  assis  devant  une  table  couverte  d'un  tapis  et 
sur  laquelle  se  trouvent  une  statuette,  une  sphère,  un 
sablier  et  plusieurs  livres,  dont  il  est  en  train  d'en 
feuilleter  un.  Sa  femme  habillée  également  de  noir  avec 
une  robe  de  dessous  de  couleur  rouge,  se  tient  debout 
devant  son  clavecin  ouvert  et  orné  d'un  paysage  mytho- 
logique. Deux  chaises  de  cuir  sont  placées  de  ce  côté  : 
sur  le  coussin  de  l'une  d'elles,  repose,  en  grognant,  un 
petit  chien  blanc.  Une  porte  ouverte  donne  accès  à  une 
autre  salle. 

Le  graveur  a  rendu  avec  beaucoup  de  talent  l'effet  de 
cette  remarquable  composition  (i). 

Sources  :  Registres  des  paroisses  d'Anvers.  —  Archives  de  la  ville 
d'Anvers.  —  Archives  de  la  gilde  de  St.  Luc.  —  Pu.  Rombouts 
et  Th.  van  Lerius.  Les  Liggeren,  etc. 


(i)  Cette  notice  est  datée  du  25  mai  1875. 


^^SÎ?^5^-%-%^^^^^^4^^U^'^^^'^^^'^%%^^%"%^ 


La  Famille  d'artistes  de  BAELLIEUR  Louis 
DE  BAELLIEUR,  le  vieux 
(15.  .  ?-i66o). 

fe  nom  de  cette  famille  a  été  orthographié  de 
[diverses  manières,  même  par  ceux  qui  le  por- 
i,taient.  Il  existait  à  Anvers,  au  moins  dès  la  fin 
du  XVP  siècle,  et  fut  celui  de  plusieurs  peintres  dis- 
tingués et  d'artistes  qui  appliquèrent  leurs  talents  à  la 
verrerie. 

La  gilde  de  S'  Luc  apprit  à  le  connaître,  lorsqu'elle 
admit,  *en  1623-1624,  Louis  de  Baellieur,  en  qualité 
de  franc-maître.  Son  fils  Corneille  y  avait  été  inscrit 
comme  élève,  dès  1617-1618  (i). 

Louis  de  Baellieur  est  qualifié  de  marchand,  dans  le 
compte  de  la  corporation,  commencé  au  mois  de  sep- 
tembre 1623  et  terminé  en  septembre  1624.  Les  mar- 
chands d'objets  d'art  étant  seuls  tenus  d'entrer  dans  la 
gilde,  on  pourrait  conclure  de  ce  fait  que  notre  Louis 
exerçait  cette  profession.  Cela  est  probable,  mais  ce 
n'était  pas  la  seule  dont  il  s'occupât.  Il  résulte,  en  effet, 
de  son  testament  du   2   septembre  1654,  qu'il  donna, 


(i)  Phil.  Rombouts  et  Théodore  Van  Lerius,  avocat.  Les  Lig- 
geren  et  autres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc, 
T.  II,  pp.  S98  et  542. 


—  175  — 

par  forme  de  prcciput  à  son  fils  nommé  Louis,  comme 
lui,  son  atelier,  avec  tous  les  matériaux  qui  s'y  trouvaient. 
Ce  Louis  figurant  dans  la  gildc  tantôt  comme  peintre  et 
travaillant  le  verre  «  schilder,  ende  weerchnde  in  't  eehis,  )) 
tantôt  comme  verrier  (gelaesbiaeser)  (i),  il  s'en  suit  que 
notre  vieux  Louis  se  trouvait  à  la  tête  d'une  verrerie 
dont  il    débitait   les   produits. 

Les  peintres  sur  verre,  véritables  artistes,  étaient  obligés 
de  se  fliire  admettre  dans  la  confrérie  de  S''  Luc  :  le 
même  droit  pesait  sur  les  vitriers,  quoique  ce  ne  fussent 
que  de  simples  ouvriers.  La  branche  des  de  Baellieur, 
dont  nous  nous  occupons,  n'exécutait  pas  des  vitraux  et 
ne  garnissait  pas  de  verres  les  châssis  des  fenêtres.  Mais 
quelques-uns  de  ses  membres  produisirent,  dans  cette 
matière  fragile,  ces  coupes,  ces  verres  à  vin  de  toutes 
grandeurs  et  ces  vases,  toujours  si  recherchés  et  exé- 
cutés avec  une  si  rare  élégance  (2).  • 

Il  est  donc  juste  de  consacrer  une  biographie  spéciale 
à  chacun  des  artistes  en  tous  genres,  qu'a  produit  la 
famille  de  Baellieur. 

Louis,  le  vieux,  est  né  dans  la  seconde  moitié  du 
X\l^  siècle,  mais  nous  ne  savons  en  quelle  année,  ni 
en  quel  endroit.  Il  épousa  Anne  van  der  Brugghen, 
nous  ignorons  à  quelle  date  et  en  quel  lieu.  Six  enfants 
au  moins  naquirent  de  ce  mariage  ;  cinq  d'entre  eux 
furent  tenus  sur  les  fonts  baptismaux  de  la  cathédrale. 
1°  Corneille,  le  5  février  1607,    par  Jean  de  Proest  et 


(i)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  155,  162,  341. 

(2)  Outre  le  vieux  Louis  de  Baellieur,  dont  nous  venons  d'établir 
la  profession,  les  Liggeren  ne  nous  font  connaître  que  deux  artistes 
en  verre,  ses  fils  Louis  et  Abraham. 


-  i7é  - 

Cornclic  Stockx.  Il  fut  un  peintre  distingue  ;  sa  biogra- 
phie nous  occupera  plus  loin.  2°  Catherine,  le  29 
décembre  1609,  par  Corneille  Verhoeven,  receveur 
(rentmeester)  de  la  ville,  représentant  le  Signor  Pierre 
Fabri,  et  Anne  van  der  Bruggen,  sans  doute  une  parente 
de  la  mère  de  l'enfant.  Catherine  mourut  le  18  novem- 
bre 1678  et  fut  ensevelie  dans  l'église  de  l'abbaye  de 
S'  Michel,  (i).  3°  Louis,  le  17  décembre  16 12,  par 
Érasme  Rubens,  fils  de  Josse,  et  Anne  Goossens.  Nous 
en  reparlerons.  4°  Jean,  baptisé  dans  la  cathédrale, 
quartier  sud,  le  10  avril  16 16.  Parrain  :  Jean  Tréso- 
riers, marraine,  Marie  Govaerts.  5°  Anne,  tenue  sur  les 
fonts  du  même  quartier  de  la  cathédrale  le  14  sep- 
tembre 16 19,  par  Jacques  van  Bochout  et  Marie  Mar- 
tinus.  Elle  décéda  le  27  février  1679  et  fut  inhumée  à 
S'  Michel  (2).  6°  Abraham,  dont  nous  n'avons  pas 
trouvé 'le  baptistaire.  Il  figure  le  dernier  sur  la  pierre 
sépulcrale  de  sa  famille  qui  existait  autrefois  dans  ladite, 
église.  Et  comme  l'inscription  relate  les  enfants  de 
Louis  de  Baellieur  et  d'Anne  van  der  Bruggen,  d'après 
leur  âge  nous  pouvons  en  conclure  qu'Abraham  fut 
leur  cadet.  Cet  artiste,  dont  nous  raconterons  la  vie, 
naquit  vraisemblablement  entre  les  années  1620  et 
1624. 

Une  liste  du  personnel  du  jeune  serment  de  l'arbalète 
mentionne,  en  1620,  parmi  ses  membres  Louis  Bail- 
leul.  C'est  notre  Louis  de  Baellieur,  le  vieux,  qui  rem- 
plissait auprès   de  ce   corps  l'emploi  de   porte-drapeau 

(i)  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  province  d'Anvers, 
T.  IV.  p.  70. 

(2)  Op.  cit  T.  IV,  p.  70. 


—  177  — 

{alfere'O.  L'artiste  faisait  encore  partie  de  ce  serment  en 
1625  (i). 

Il  se  fit  recevoir  dans  la  sodalité  des  mariés  dirigée 
par  les  Jésuites  d'Anvers,  et  fut  élu  le  10  août  1648 
consulteur  de  cette  association  pieuse.  De  Baellieur 
avait  contribué,  en  1642,  au  paiement  du  nouvel  autel 
de  ses  confrères  par  un  don  de  6  florins  (2). 

Lorsqu'en  1 644-1 645,  Corneille  de  Baellieur,  fils  de 
notre  Louis,  remplit  les  fonctions  de  doyen  de  la  gilde 
de  S*  Luc,  il  y  reçut  comme  francs-maîtres  ses  deux 
frères  Louis  et  Abraham,  et  son  père  lui  paya,  vivant,  sa 
dette  mortuaire  de  3  florins  8  sous  (3). 

Le  notaire  Barthélémy  van  den  Berghe,  le  vieux,  se 
présenta,  le  2  septembre  1654,  ^^^'^^  "^'^  maison  de  Louis 
de  Baellieur,  le  vieux,  et  de  sa  femme,  située  dans  la 
rue  dii  Cimetière  de  Notre-Dame,  pour  y  recevoir  leur 
testament  réciproque.  L'artiste  était  en  bonne  santé, 
mais  Anne  van  der  Bruggen  était  malade  et  alitée. 
Leurs  dispositions  de  dernière  volonté  débutent  par  les 
recommandations  d'usage,  parmi  lesquelles  nous  distin- 
guons une  élection  de  sépulture  dans  l'église  de  l'abbaye 
de  S*  Michel.  Le  prémourant  des  époux  fait  à  la  fabrique 
de  la  cathédrale  un  legs  d'un  florin.  Si  la  testatrice 
vient  à  décéder  la  première,  elle  lègue_,  par  préciput^  à 
ses  filles  Catherine  et  Anne  de  Baellieur^  tous  ses  habil- 
lements de  soie,  de  toile  et  de  laine  et  tous  les  joj^aux 
et   bijoux  ayant   servi   à   sa  toilette.   Melchior  Hoyon, 


(i)  Registres  des  serments  et  de  la  garde  bourgeoise  aux  archives 
communales  d'Anvers. 

(2)  Registre  de  la  sodalité  des  mariés. 

(3^  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  154,  155,  162  et  165. 

12 


178 


cousin  du  testateur,  reçoit  un  de  ses  habits  et  un  manteau, 
à  délivrer  par  les  enfluits   du  disposant.  Semblable  legs 
est  fait  à  Jean-Baptiste  Hippolyto,  célibataire,  qui  s'était 
rendu  d'Italie  à  Anvers,  avec  le  fils  du  testateur.  Ce  fils 
n'est  pas  nommé,  mais  nous  croyons  qu'il  s'agit  ici   de 
Louis   de  Baellieur,    le   jeune,    qui   ne   reçut  la  franc- 
maîtrise    de   S'  Luc    qu'à   l'âge    de  32  à  33   ans.  Une 
habituée  de  la  maison,  âgée  de  près  de  80  ans,  désignée 
sous  le  sobriquet  de  la    petite   tante   Jeanne   Qaiineken 
moeyhti)  et  très-bien  connue  des  enfants  des  époux  de 
Baellieur,  devait  continuer  à  recevoir  de  ceux-ci,  sa  vie 
durant,   ce   qu'elle  avait  touché  hebdomadairement   de 
leurs  parents.  Un  legs  spécial  d'un  lit  et  d'un  traversin 
est  fait  par  préciput  et   hors  part  à  Catherine  et  Anne 
de  Baellieur,   après  le  décès  du  dernier  des  testateurs. 
Ceux-ci  disposent   qu'après  le  décès  de   chacun  d'eux, 
cinquante  messes  seront  dites  pour  le  repos  de  son  âme. 
Ils  prennent  ensuite  des  mesures  pour  assurer,  au  partage 
qui  suivra  leur  décès,  une  parfaite  égalité  entre  ceux  de 
leurs  enfants  qui  n'ont  pas  été  dotés  ou  n'ont   pas  em- 
brassé quelque  état  approuvé  et  ceux  qui  n'ont  rien  reçu 
de  la  maison  paternelle.  En  récompense  des  bons  ser- 
vices et  de  l'assistance  que  leur  fils  Louis  de   Baellieur 
leur  a  rendus   et  leur  rendait  encore,    ses   parents  lui 
laissent  par  préciput,   après  leur  décès,  l'atelier  de  son 
père,  avec  tous  ses  matériaux  servant  au  travail.  Le  sur- 
vivant des  testateurs   est  institué  légataire  universel  de 
tous  leurs  biens  restants,  qui  seront  partagés  par  tête, 
après  son  décès,  par  tous  leurs  enfants.    Les   testateurs 
recommandent  que  cette  opération  se  fasse  en  parfaite 
amitié.  En  cas  de  prédécès  d'un  ou  de  plusieurs  de  leurs 
fils  ou  filles,  ses  enfants  le  représenteront  par  souches, 


—  179  — 

dans  la  succession  de  leur  aïeul  ou  aïeule.  Le  survivant 
des  époux  est  dispensé  de  faire  état  ou  inventaire.  En 
cas  de  convoi,  le  survivant  perd,  par  le  fait  de  son 
nouveau  mariage,  tous  les  droits  que  lui  confère  le 
testament,  qui,  à  son  égard,  sera  réputé  non  écrit,  mais 
qui  sortira  ses  effets  à  l'égard  des  enfants.  Ce  document 
porte,  entre  autres,  les  signatures  :  Louis  de  Ballcur, 
Anna  van  der  Bruggen.  Le  nom  de  l'artiste  est  écrit 
dans  le  corps  de  l'acte,  tantôt  de  Baellieur,  tantôt  de 
Baillieur. 

Anne  van  der  Bruggen  mourut  la  première,  après  la 
passation  de  ce  testament.  Elle  décéda  le  20  novembre 
1659  ;  son  mari  trépassé  le  7  août  1660,  vint  la  rejoindre 
dans  l'église  de  l'abbaye  de  S*  Michel.  L'inscription  de 
leur  pierre  sépulcrale  y  était  conçue  en  ces  termes  : 

Hier  leet  begraven  (i) 

den  eersamen  lowies 
DE    Baillieur    sterf    den 

7  AuGusTus  A°  1660 

ENDE    DE  EERBARE   AnNA 

VAN  DER  Bruggen  sterf 

DEN  20  NOVEMB  A°  1659 
ENDE  CaTHARINA  DE 

(i^  Voici  la  traduction  de  cette  épitaphe,  qui  se  lit  à  la  page  70 
du  tome  IV  des  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  province 
d'Anvers  : 

Ici  est  enterré  l'honorable  Louis  de  Baillieur,  mort  le  7  août  1660, 
et  l'honorable  Anne  van  der  Bruggen,  décédée  le  20  novembre  1659, 
et  Catherine  de  Baillieur,  leur  fille,  morte  le  18  novembre  1678,  et 
Louis  de  Baillieur,  leur  fils,  décédé  le  2  février  1663,  et  Anne  de 
Baillieur,  leur  fille,  morte  le  27  février  1679,  ^^  Abraham  de  Bail- 
lieur, leur  fils,  mort  le  .... 

Priez  pour  leurs  âmes. 


—  i8o  — 

Baillieur  haerlieden 
dochter  sterf  den 

l8   NOVEMBER   A°    1678 

ende  ludovicus  de 
Baillieur  haerlieden 

SONE  STERF  DEN   2    Feb. 

A°  1663 
EN  Anna   de  Baillieur 

haerlieden  DOCHTER 
STERF   DE   27    FeBRUARIUS    1679 

ENDE  Abraham  de 

Baillieur  haerlieden 

sone  sterf  de.... 

BiDT   VOOR   DE   SIELEN    (l) 
(i)  Cette  notice  est  datée  du  11  septembre  1875. 


Corneille  DE  BAELLIEUR,  le  vieux, 
(1607-1671). 


ous  avons  vu  que  ce  peintre,  fils  de  Louis  de 
jBaelIieur  et  d'Anne  van  der  Bruggen,  fut  tenu 
à  Anvers,  le  5  février  1607,  sur  les  fonts  bap- 
tismaux de  la  cathédrale,  par  Jean  de  Proost  et  Cornélie 
Sterckx.  Il  eut  pour  maître  Antoine  Lisaert,  qui  lui 
ouvrit  son  atelier  dans  l'espace  de  temps  compris  entre 
le  mois  de  septembre  16 17  et  le  mois  de  septembre 
1618.  Le  jeune  Corneille  avait,  à  cette  époque,  10  à  11 
ans  accomplis.  Il  fut  admis  à  la  franc-maîtrise  de  S'  Luc, 
comme  fils  de  maître,  en  1625-1626,  c'est-ci-dire  à  Tâge 
de  18  à  19  ans  (i). 

L'artiste  fut  reçu  en  juillet  1629,  membre  de  la  sodalité 
des  célibataires,  dirigée  par  les  Jésuites  d'Anvers,  et  élu, 
au  mois  de  septembre  163 1,  consultcur  de  cette  asso- 
ciation pieuse  (2). 

Corneille  de  Baellieur  épousa,  le  9  août  1633,  ^^^^ 
l'église  S^  Jacques,  Madeleine  Matthyssens.  Ce  mariage 
eut  pour  témoins  Louis  de  Baellieur,  père  de  notre 
peintre,  et  François  van  Ginderdeuren.  Il  en  naquit  un 
seul  enfant,  Elisabeth,   qui  fut  tenue    sur  les   fonts   de 


(i)  Lig^eren  cités,  T.  I,  pp.  542  et  625. 

(2)  Registre    de   ladite    sodalité,    à    la   bibliothèque   communale 
d'Anvers. 


—    l82   — 

ladite  cglise,  le  i6  juillet  1634,  par  son  aïeul  Louis  de 
Baellieur  et  Elisabeth  Verulier.  Elle  coûta  sans  doute  la 
vie  à  sa  mère,  qui  mourut,  en  effet,  le  23  juillet  suivant, 
et  fut  inhumée  à  S'  Jacques  (i). 

Notre  artiste  se  remaria.  Un  registre  de  mariages  de 
ladite  église,  relate  au  mois  d'octobre  1636,  trois  pro- 
clamations des  bans  de  Corneille  de  Baellieur  et  de 
Marie  de  Wael,  cette  dernière  habitant  la  paroisse  de  la 
cathédrale.  Elle  était  fille  de  Corneille  et  de  Barbe 
Wouters  et  avait  été  tenue  sur  les  fonts  de  Notre-Dame 
le  22  mars  1609,  par  Philippe  Gridolfi  et  Cornélie 
Wouters,  tante  de  l'enfant.  La  généalogie  de  la  famille 
de  Wael,  dressée  par  M.  Alphonse  Goovaerts  et  rédigée 
d'après  d'anciens  documents,  qualifie  de  peintre  ce  Cor- 
neille de  Wael,  qui  n'est  pas  l'artiste  célèbre  de  ce  nom. 
Celui-ci  était  fils  de  Jean  et  de  Gertrude  de  Jode. 

Le  mariage  de  Corneille  de  Baellieur  et  de  Marie  de 
Wael  fut  célébré  dans  la  cathédrale,  quartier  sud,  le  8 
novembre  1636,  en  présence  des  pères  des  deux  époux, 
qui  y  assistèrent  comme  témoins.  Cinq  enfants  qui  furent 
tous  tenus  dans  la  cathédrale,  quartier  nord,  leur  durent 
le  jour.  j°  Marie,  le  9  août  1637,  par  Louis  de  Bael- 
lieur, le  vieux,  son  aïeul,  et  par  Barbe  Wouters^  sa 
grand'  mère  ;  2°  Louis,  le  9  septembre  1638,  par  Louis 
de  Baellieur,  probablement  son  oncle,  et  Catherine  de 
Wael,  sa  tante;  3°  Susanne-Marie,  le  28  juin  1640,  par 
Jacques  Roi,  apothicaire,  son  oncle  par  alliance,  et 
Susanne  de  Wael;  4°  Corneille,  le  24  janvier  1642,  par 
Corneille  de  Wael,  son  oncle,  marchand  d'objets  d'art, 
reçu  franc-maître   de   la  gilde   anversoise   de  S*  Luc,  en 

(i)  Inscriptions  citées,  T.  II,  p.  256. 


-  i83  - 

1630-1631  (i),  et  par  Jeanne  de  Wael,  tante  de  l'enfant. 
Nous  traiterons  spécialement  de  ce  Corneille  de  Bael- 
lieur  le  jeune  ;  5°  Jeanne,  le  20  juin  1643,  par  le  célèbre 
peintre,  Victor  Wolfvoct,  le  jeune,  élève  de  Pierre- 
Paul  Rabens,  à  qui  la  franc-maîtrise  de  S^  Luc  fut 
conférée  sous  le  décanat  du  père  de  sa  filleule  (2),  et 
par  Jeanne  de  Bruyn.  Corneille  de  Baellieur,  le  vieux, 
se  fit  recevoir  probablement  après  son  premier  mariage, 
dans  la  sodalité  des  mariés.  Il  en  fut  élu  plusieurs  fois 
consulteur,  notamment  les  20  mai  1640,  30  mai  1647, 
6  mai  1655,  le  27  avril  1659,  en  mai  1662,  le  21  mai 
1668,  le  12  mai  1669  et  le  26  mai  1670.  Il  passa 
assistant  du  préfet  le  7  mai  1671,  c'est-à-dire  peu  de 
temps  avant  son  décès. 

La  sodalité  des  mariés  avait  chargé  Servais  Cardon 
de  lui  sculpter  un  autel  de  marbre  et  de  pierre  de 
touche.  Ce  travail  achevé  au  mois  d'août  1642,  fut  payé 
2700  florins  à  l'artiste.  Cette  somme  fut  couverte,  au 
moins  en  partie,  par  les  dons  des  membres  de  l'asso- 
ciation. Corneille  de  Baellieur  y  contribua  pour  six 
florins  (3). 

Cet  artiste  remplit  les  fonctions  de  doyen  de  la  gilde 
de  S*  Luc,  du  18  septembre  1644  au  18  du  même  mois 
1645.  Il  y  reçut,  en  qualité  de  fils  de  maître,  ses  frères 
Abraham  et  Louis  de  Baellieur  (4).  Il  ouvrit,  en  1652- 
1653,  son  atelier  à  un  apprenti  peintre  que  les  archives 
de  la    corporation   nomment   tantôt  Josse,    tantôt  Juste 


(i)  Li^^ercn  cites,  T.  Il,  pp.  14  et  18. 

(2)  Ibid.,  T.  II,  pp.  157  et  162. 

(3)  Registre  de  la  sodalité  des  mariés. 

(4)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  154,  135,  159  et  162. 


—  184  — 

Garnier(i)  et  qui  ne  paraît  avoir  jamais  acquis  la  franc- 
maîtrise.  Ce  Garnier  était  probablement  un  parent  de 
Marie  Garnier  ou  Granicr,  la  femme  d'Abraham  de 
Baellieur,  le  vieux,  frère  de  Corneille. 

Celui-ci  se  rendit  à  cheval  à  Gand,  le  i  mai  1655, 
pour  y  aller  rendre  visite  à  Cornélie  Wouters,  tante  de 
sa  femme.  Il  la  trouva  mourante  et  fit,  après  son  décès, 
inventorier  ses  effets  par  le  procureur  Schillew^iert.  Il 
porta  de  ce  chef  en  compte  à  ses  cohéritiers,  à  la  de- 
mande de  qui  il  avait  fait  ce  voyage,  la  somme  de  16 
florins  12  sous,  y  compris  ses  frais  de  route  et  de 
location  du  cheval. 

Nous  voyons  dans  un  acte  notarié  du  10  janvier  1657, 
que  Corneille  de  BaeUieur  était,  à  cette  époque,  tuteur 
légal  des  enfants  de  feu  Corneille  de  Wael,  frère  de  sa 
femme  et  marchand  d'objets  d'art.  Son  cotuteur  s'appe- 
lait Jean  Hoydonck .  Celui-ci  se  fit  garantir  par  la 
famille  de  Wael,  héritière  de  leur  oncle  et  grand-oncle 
Jean  Wouters,  des  suites  des  procès  et  autres  difficultés 
qui  pourraient  lui  être  suscités  par  Jean  de  Wael,  fils 
du  prédit  Corneille,  à  cause  de  l'aliénation  d'une  ferme 
et  de  terres  situées  à  Melsene.  Cet  immeuble,  d'une  con- 
tenance de  près  de  20  bonniers,  dépendait  de  la  succes- 
sion de  Jean  Wouters  et  avait  été  vendu  à  Luc  Hasaert 
et  à  Barbe  van  Mittendorfl",  sa  femme.  Le  Jean  de  Wael 
dont  il  s'agit  ici,  était  l'excellent  graveur  de  ce  nom.  Il 
allait  atteindre  sa  25"^  année  au  mois  de  juillet  1657,  et 
sa  majorité  prochaine  paraît  avoir  causé  à  Jean  Hoy- 
donck  des   appréhensions    que    n'éprouvaient    pas    les 


(i)  Op.  cit.,  pp.  238  et  241. 


-  i85  - 

tantes   et  les  oncles  par  alliance   du  jeune  artiste  (i). 

Corneille  de  Bacllieur,  le  vieux,  fut  appelé,  en  1661, 
h  témoigner  en  justice,  comme  expert,  au  sujet  de  l'au- 
thenticité d'un  Sauveur  et  de  douze  apôtres,  acquis  par 
le  chanoine  François  Hillewerve,  comme  des  originaux 
d'Antoine  van  Dyck.  Il  déclara,  qu'à  sa  connaissance, 
ce  maître  n'avait  jamais  peint  deux  fois  les  mômes 
tableaux,  mais  qu'il  avait  bien  vu  des  copies  exécutées 
d'après  lui  et  retouchées  de  sa  main.  Ces  copies  parais- 
saient à  de  Baellieur  aussi  bonnes  que  les  originaux. 
L'artiste  était  d'avis  que  si  l'on  donnait  vingt-cinq  livres 
de  Flandre  du  meilleur  des  tableaux  en  question,  la  va- 
leur en  serait  payée.  Le  rnaître  habitait,  à  cette  époque, 
le  rempart  des  Tailleurs  de  Pierres  (2). 

Marie  de  Wael,  la  deuxième  femme  de  Corneille  de 
Baellieur,  le  vieux,  décéda  dans  l'intervalle  qui  s'écoula 
du  18  septembre  1670  au  18  du  même  mois  1671. 
C'est,  au  moins,  à  cette  époque,  que  le  paiement  de  sa 
dette  mortuaire  est  renseigné  dans  le  compte  de  la 
gilde  de  S'  Luc  (3). 

Notre  Corneille  mourut  le  26  juillet  1671.  Il  fut 
inhumé  à  S'  Jacques,  où  se  lisait  autrefois  l'inscription 
suivante  : 

Hier  leet  begraven  den  eersamen  Cornelis  de 
Baelleur  sterft  den  26  JuLY  A°  1671 

ENDE    DE    EERBARE  JoUFFROU    MaGDALENA 

(i)  Protocoles  du  notaire  François  van  den  Berghe,  année  1657, 
aux  archives  de  la  ville  d'Anvers. 

(2)  L.  Galesloot.  Un  procès  pour  une  vente  de  tableaux  attribues  à 
^Antoine  van  'Dyck.  1660- 1662.  —  ^Annales  de  l' Académie  d'archéo- 
logie de  Belgique.  2^  série,  T.  IV,  p.  561  et  suiv.,  p.  585, 

(3)  Liggeren  cités,  T.  II,  p.  408. 


—  i86  — 

Matthyssen  syn  huysvrouw 
sterft  den  23  july  a"   1634 

ENDE   DE  EERBARE   JoUFFROU    MaRIA 

DE  Wael  SYNE  TWEEDE  HUYSVROU 

STERF  DEN       .       .       .       .       (l) 

Le  paiement  de  la  dette  mortuaire  de  notre  peintre 
est  mentionné  dans  le  compte  cité.de  lagilde  de  S'  Luc. 

Corneille  de  Baellieur,  le  vieux,  fut  un  peintre  distin- 
gué d'histoire  et  de  bas-reliefs  historiques.  Le  procès 
dont  nous  avons  parlé  et  où  il  fut  appelé  comme  ex- 
pert, en  même  temps  que  Jacques  Jordaens,  Abraham 
van  Diepenbeeck,  Hubert  Sporckmans,  Jean  Boeckhorst 
Juste  van  Egmont  et  d'autres  peintres  de  grand  talent, 
prouve  assez  l'estime  dont  il  jouissait  auprès  de  ses 
contemporains. 

Un  tableau  de  notre  maître,  exécuté  sur  cuivre,  orne 
le  musée  de  Brunsvv'ick.  Il  représente,  de  la  manière 
suivante,  l'épisode  de  la  femme  surprise  en  adultère. 
Le  Sauveur  placé  au  miUeu  de  la  composition^  s'entre- 
tient avec  la  pécheresse;  des  Pharisiens  et  des  docteurs 
de  la  loi  écoutent  avec  attention  les  paroles  de  Jésus. 
Un  d'eux  regarde  à  travers  un  verre  les  lignes  d'écriture 
tracées  sur  la  terre.  Quelques  soldats  entourent  ce 
groupe.  Au  fond,  un  paysage.  Figures  entières.  Signé  : 
Cor.  d.  BaelHeur  (2). 

(i)  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  province  d'tAnver s. 
T.  II,  p.  256. 

Traduction  :  Ci-gît  l'honorable  Corneille  de  Baelleur,  mort  le  26 
juillet  de  l'an  1671,  et  l'honorable  demoiselle  Madeleine  Matthyssen, 
sa  femme,  décédée  le  23  juillet  de  l'an  1634,  et  l'honorable  demoi- 
selle Marie  de  Wael,  sa  seconde  femme,  morte  le 

(2)  L.  Pape.  Ver\eichnis\  der  Gemâlde-Saimnlung  des  Her::^oglicheu 
Muséums  \n  'Braunscbweig .  BraunscJ/weig,  1849,  p.  64,  no  171. 


-  i87  - 

M.  le  docteur  W.  Bodc,  qui  parle  de  ce  tableau, 
range  son  auteur  au  nombre  des  peintres  flamands  de 
troisième  ordre,  et  il  lui  trouve  des  affinités  avec  les 
Francken,  surtout  avec  François  Francken,  le  jeune  (i). 
N'ayant  pas  vu  l'œuvre,  il  nous  est  impossible  de  con- 
trôler les  assertions  du  savant  allemand.  Mais  nous 
avons  remarqué  plus  d'une  fois  chez  M.  Pierre-Antoine 
Verlinde,  artiste-peintre,  à  Anvers,  deux  grands  et  admi- 
rables tableaux  de  fleurs  de  Gaspard-Pierre  Verbruggen, 
le  vieux,  au  milieu  desquels  notre  Corneille  de  Bael- 
lieur  avait  peint  de  superbes  bas-reliefs,  en  grisaille. 
Ces  bas-reliefs,  qui  retracent  des  scènes  de  la  vie 
de  bienheureux  de  l'ordre  de  S'  Dominique,  ne  nous 
rappelaient  en  aucune  manière  les  Francken,  qui  précé- 
dèrent François,  le  jeune,  ni  ce  maître  lui-même.  Ils 
trahissaient  plutôt  l'influence  de  l'école  de  Rubens. 

Ces  compositions  provenaient  du  couvent  des  Domi- 
nicains d'Anvers.  Elles  furent  vendues  publiquement 
dans  leur  jardin,  peu  d'années  après  la  révolution  de 
1830.  Elles  étaient  alors  au  nombre  de  douze,  dont  six 
grandes  et  six  petites.  Ces  dernières,  ainsi  que  quatre 
des  grandes,  sont  allées  à  Paris,  d'après  un  renseigne- 
ment que  nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  Verlinde. 
C'est  une  grande  perte  pour  notre  ville,  si  ces  tableaux 
valaient,  comme  c'est  probable,  ceux  que  nous  avons 
vus.  (2) 

(i)  Algevieincs  Kunsikr-Lexikon.  Hcratisgeo-ehen  von  D'^  Juliiis  Mcyer. 
Zweite  gànilich  neubearheiktt  lAuflage  von  Nagkr's  Ki'mstîer-Lexlkoii. 
T.  II,  p.  536. 

(2)  Cette  notice  est  datée  du  6  octobre  1875. 


Corneille  DE  BAELLIEUR,  le  jeune 
(1642-1687). 

e  peintre,  fils  de  Corneille  de  Baellieur,  le  vieux, 
et  de  Marie  de  Wael,  naquit  à  Anvers  et  y  fut 
tenu,  comme  nous  l'avons  vu,  le  24  janvier 
1642,  sur  les  fonts  baptismaux  delà  cathédrale,  quartier 
nord,  par  son  oncle  Corneille  de  Wael,  marchand 
d'objets  d'art,  et  Jeanne  de  Wael,  sa  tante.  Il  est  pro- 
bable que  son  père  lui  enseigna  son  art.  Comme  lui,  il 
se  fit  recevoir  dans  la  sodalité  des  célibataires,  où  il  fut 
admis  le  18  octobre  1665.  Il  en  fut  élu  consulteur  le 
23  octobre  1672  (i). 

Corneille  de  Baellieur,  le  jeune,  épousa,  le  8  mars 
1681,  dans  la  cathédrale,  quartier  nord,  Marie-Cornélie 
Dresselaers,  en  présence  de  Jérémie  Cock  et  de  Pierre- 
David  Michielsen.  Quoique  les  noms  de  Dresselaer  et 
de  Cock  soient  connus  dans  les  archives  de  S'  Luc,  nous 
ne  saurions  affirmer  que  la  femme  de  notre  artiste  appar- 
tenait à  la  famille  du  brodeur  Crépin  Dresselaer,  ni  que 
le  témoin  Jérémie  Cock  soit  le  peintre  reçu  franc-maître 
en  1656-1657  (2). 

Corneille  de  Baellieur,  le  jeune,  n'eut  pas  d'enfants 
de  son  mariage  :  nous  n'en  avons,  du  moins,  découvert 
aucun. 

(i)  Registre  de  la  sodalité  des  célibataires. 

(2)  Ph.  Rombouts  et  Théod.  Van  Lerius.  Les  Liggeren  et  autres 
archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  deSaint  Luc.  T.  II,  pp  .277  et 
283. 


—  i89  — 

Ce  ne  fut  qu'en  1683 -1684,  lorsqu'il  avait  atteint 
l'âge  de  41  à  42  ans,  qu'il  se  fit  recevoir  dans  la  gilde 
de  S'  Luc,  en  qualité  de  peintre  et  de  fils  de  maître  (i). 
L'artiste  paraît  s'être  adonné  de  préférence  à  la  pein- 
ture des  bas-reliefs.  Il  est  probable  que  Melchior  Baeck 
mentionné  en  1685-1686,  dans  le  compte  de  la  corpo- 
ration, comme  apprenti  peintre  chez  Christophe  Bal- 
lieuw,  a  été  l'élève  de  notre  Corneille,  les  registres  ne 
mentionnant  nulle  part  l'admission  de  ce  Christophe 
Ballieuw  à  la  franc-maîtrise  (2). 

Corneille  de  Baellieur,  le  jeune,  avait  été  désigné  pour 
rempHr  les  fonctions  de  doyen  de  la  gilde  de  S' Luc,  du 
18  septembre  1686  au  18  septembre  de  l'année  sui- 
vante. Mais  l'artiste  se  racheta  de  cette  charge,  le  20 
août  1686,  moyennant  la  somme  de  100  ducatons,  sans 
préjudice  du  droit  de  la  gilde  de  l'élire  comme  adminis- 
trateur de  sa  caisse  de  secours  mutuels  (busse)  (3).  Il 
fut  remplacé  par  le  peintre  Louis  Pauwels,  qui  reçut  les 
300  florins  stipulés  pour  sa  libération  (4). 

Corneille  de  Baellieur,  le  jeune,  décéda  dans  les  pre- 
miers mois,  de  l'année  1687.  Le  compte  de  la  cathédrale 
de  la  S^  Bavon  1 686-1 687  mentionne  au  9  mars  de 
cette  dernière  année  une  recette  de  21  florins  16  sous, 
pour  le  service  funèbre  de  première  classe  de  notre 
maître,  qui  était  décédé  (5)  dans  le  quartier  nord  de 
cette  paroisse  (6). 

(i)  Op.  cit.,  T.  II,  pp.  497  et  500. 

(2)  lUd.,  T.  II,  p.  513. 

(3)  J.-B,  VAN  DER  Straelen,  Joerhoek  der  vermaerde  en  hmstryke 
gilde  van  Sint  Lucas  hinnen  de  stad  Antwerpen,  pp.  141  et  142. 

(4)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  516,  517  et  521. 

(5)  Liggeren  cités,  T.  II,  p.  497,  note  3,  p.  520. 

(6)  Cette  notice  est  datée  du  27  octobre  1875. 


W<^W^4 


Louis  de  BAELLIEUR  II. 
(1612-1663.) 


omme  nous  l'avons  vu,  cet  artiste  naquit  à  An- 
vers et  y  fut  tenu  sur  les  fonts  baptismaux 
de  la  cathédrale,  le  17  décembre  16 12,  par 
Érasme  Rubens,  fils  de  Josse  et  Anne  Goossens.  Il  avait, 
ainsi  que  nous  l'avons  dit,  pour  père  maître  Louis  de 
Baellieur,  qui  façonnait  le  verre  :  sa  mère  se  nommait 
Anne  van  der  Bruggen. 

Louis  de  Baellieur,  le  jeune,  est  le  seul  des  fils  de 
ses  parents  qui  se  trouve  nominativement  désigné  dans 
le  testament  de  ceux-ci.  C'est  donc  lui  qui  s'est  rendu 
en  Italie  pour  s'y  perfectionner  dans  l'art  de  travailler 
le  verre  et  qui  est  revenu  de  ce  pays  avec  un  jeune 
homme  nommé  Jean-Baptiste  Hippolyto,  à  qui  le  vieux 
Louis  de  Baellieur  légua  un  de  ses  habits  et  un  manteau. 
Il  fut  reçu,  au  mois  de  janvier  1633,  membre  de  la 
sodalité  des  célibataires,  dirigée  parles  jésuites  d'Anvers. 
Élu,  le  16  novembre  1659,  consulteur  de  cette  associa- 
tion pieuse,  il  en  fut  nommé  le  31  octobre  1653, 
assistant  du  préfet  et   préfet   lui-même    le    26    octobre 

1653  (i). 

Son  frère  Corneille  de  Baelheur,  le  vieux,  étant  doyen 
de  la  gilde  de  S'  Luc,  en  1 644-1 645,  il  s'y  fit  recevoir 

(i)  Registre  de  ladite  sodalité. 


î 


—  191  — 

en  qualité  de  fils  de  maître.  Le  Liggcre  le  mentionne 
comme  peintre,  mais  le  compte  de  la  corporation  ajoute 
à  cette  profession  celle  d'artiste  travaillant  le  verre 
(schilder  eiidc  zveerckendc  in  't  gelas)  (i). 

Nous  avons  vu  dans  la  biographie  de  Louis  de  Bael- 
lieur,  le  vieux,  qu'en  récompense  des  bons  services  et 
de  l'assistance  que  notre  maître  avait  rendus  et  rendait 
encore  à  ses  parents,  ceux-ci  lui  léguèrent,  par  préciput, 
après  leur  décès,  l'atelier  de  son  père,  avec  tous  les  ma- 
tériaux servant  au  travail  du  verre.  Le  vieux  Louis  étant 
venu  à  décéder,  le  7  août  1660,  moins  d'une  année 
après  sa  femme,  notre  artiste  entra  en  possession  de 
cette  partie  de  leur  héritage.  Mais  il  n'en  jouit  pas  long- 
temps, car  la  mort  l'enleva  le  2  février  1663,  fête  de  la 
Purification  de  la  S""  Vierge.  Il  fut  inhumé,  auprès  des 
siens,  (2)  dans  l'église  de  l'abbaye  de  S'  Michel  (3). 

(i)  Ph.  Rombouts  et  Théod.  Van  Lerius.  Les  Liggeren  et  autres 
archives  Jnstortqnes  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc,  T.  II,  pp.  155 
et  162. 

(2)  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  proi'ince  d'Anvers. 
T.  IV,  p.  70.  —  Liggeren  cités,  T.  II,  p.  541, 

(3)  Cette  notice  est  datée  du  29  octobre  1875. 


?V^rT'î?¥^?$v$i?$\f?ii4'^i^i4^r^ 


Abraham  de  BAELLIEUR  I 
(1620-1624  ?-i67i-i672). 


j^es  registres  baptismaux  d'Anvers  ne  mention- 
Jnent  pas  ce  fils  de  Louis  de  Baellieur,  le  vieux, 
let  d'Anne  van  der  Bruggen.  Sa  filiation  nous 
est  prouvée  par  la  pierre  sépulcrale  de  sa  famille,  qui 
existait  autrefois  dans  l'église  de  l'abbaye  de  S'  Michel  de 
notre  ville.  L'inscription  nous  permet  aussi  de  fixer 
approximativement  la  date  de  la  naissance  de  notre 
Abraham.  En  effet,  son  frère  Louis  et  ses  deux  sœurs 
qui  y  sont  mentionnés,  le  sont  à  leur  rang  d'âge,  et  non 
d'après  les  dates  de  leur  décès.  Ainsi  la  première  citée 
Catherine,  morte  en  1678,  était  née  en  1609,  Louis, 
défunt  en  1663,  avait  vu  le  jour  en  1612,  et  Anne, 
décédée  en  1679,  était  venue  au  monde  en  septembre 

16 19.  Abraham  qui  la  suit  dans  l'inscription,  a  fait  par 
conséquent  sa  première  apparition  ici-bas,  au  plus  tôt  en 

1620.  Ses  cinq  frères  et  sœurs  étant  nés  dans  l'espace  de 
13  ans,  nous  ne  croyons  pas  que  la  date  de  son  arrivée 
sur  la  terre  puisse  être  reculée  après  1624. 

Abraham  de  Baellieur,  k  vieux,  entra,  en  1 643-1644, 
dans  la  sodalité  des  célibataires,  dirigée  par  les  Jésuites 
d'Anvers  :  il  en  fut  élu  consulteur  au  mois  d'octobre 
1647  (i).  Il  fut  admis,   dans  la   gilde  de    S*   Luc,    en 


(i)  Registre  de  la  sodditc  des  célibataires. 


fl 


—  193  — 

1644-1645»  époque  du  décanat  de  son  frère  Corneille 
de  Baellieur,  le  vieux.  La  note  de  son  inscription  dans 
le  registre  ad  hoc  et  dans  le  compte  de  la  corporation 
le  mentionne  comme  fils  de  maître  et  travaillant  le 
verre  (zuerckt  in  glas)  (i).  Abraham  est  le  troisième 
artiste  du  nom  de  de  Baellieur  que  nous  trouvons 
avec  cette  désignation,  très-rarement  employée  dans 
les  archives  de  la  gilde.  Les  collectionneurs  de  beaux 
vases  de  verre  feront  donc  bien  d'examiner  si  quel- 
ques-uns de  ces  meubles  délicats  et  fragiles  ne  portent 
pas  par  hasard  les  monogrammes  des  deux  Louis  ou 
d'Abraham  de  Baellieur,  car  tous  ces  objets  si  prisés  ne 
sont  pas  de  fabrication  étrangère. 

Notre  artiste  épousa,  le  25  février  1649,  dans  la 
cathédrale,  quartier  nord,  Marie  Granier.  Ce  mariage 
eut  pour  témoins  Louis  de  Baellieur,,  père  d'Abraham, 
et  Maurice  Hustinay,  clerc  de  la  paroisse,  et  fut  célébré 
avec  dispense  de  tous  les  bans  et  du  temps  clos.  Il 
donna  le  jour  à  trois  enfants,  qui  furent  tous  tenus  sur 
les  fonts  baptismaux  de  Notre-Dame,  quartier  sud  : 
1°  Louis-Joseph,  le  20  mai  1652,  par  son  aïeul  Louis 
de  Baellieur,  le  vieux,  et  Catherine  Verheyen  ;  2°  Jean- 
Baptiste,  le  16  janvier  1655,  par  Louis  de  Baellieur, 
représentant  Adrien  Govaerts  et  Catherine  de  Baellieur, 
tante  de  l'enfant,  suppléant  Jeanne  van  der  Bruggen  ; 
3°  Abraham,  le  11  février  1657,  par  le  peintre  Corneille 
de  BaeUieur,  le  vieux,  son. oncle,  et  Anne  de  BaeUieur, 
sa  tante,  au  nom  de  Barbe  Granier,  béguine. 

(i)  Ph.  Rombouts  et  Th.  Van  Lerius,  avocat.  Les  Liggeren  et 
autres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Ltic,  T.  II, 
pp.  154  et  162. 

13 


—  194  — 

Cet  Abraham  Je  Bacllieur,  que  nous  nommerons  le 
jeune,  fut  reçu,  à  partir  du  23  octobre  1672,  dans  la 
sodalité  des  célibataires.  Il  fut  inscrit  en  1672-1673,  dans 
le  Liggcre  de  la  gilde  de  S*  Luc,  en  qualité  d'apprenti- 
peintre  :  le  compte  de  la  corporation  nous  apprend  qu'il 
entra  à  l'atelier  de  Gaspard  de  Witte  (i).  Il  ne  paraît 
pas  avoir  acquis  la  franc-maîtrise.  Un  acte  reçu  le  25 
mars  1687,  par  le  notaire  Gérard  Casens,  nous  apprend 
qu'il  était,  à  cette  époque,  essayeur  général  de  la  mon- 
naie de  Sa  Majesté  (2).  Les  comptes  de  la  cathédrale  de 
la  S'  Bavon  1695  à  la  Noël  1698  le  signalent  comme 
locataire  d'une  des  maisons  de  cette  église. 

Son  père  Abraham  de  Baellieur,  le  vieux,  fut  admis, 
en  1 649-1650,  dans  la  chambre  de  rhétorique  de  la  Gi- 
roflée ÇViolieré),  en  qualité  d'am.ateur.  Il  paya  la  somme 
de  18  florins,  pour  droit  d'entrée.  Les  10  florins  dont  il 
était  redevable^  à  cette  époque,  du  chef  de  sa  contri- 
bution annuelle,  ne  sont  pas  portés  en  compte.  Cette 
contribution  fut  réduite  plus  tard  à  3  florins,  que  l'artiste 
solda,  à  partir  de  1650-1651,  jusqu'en  1670-1671.il  fut 
astreint  à  payer  5  florins,  en  1 671-1672  (3). 

Le  maître  avait  été  admis  entretemps  dans  la  sodalité 
des  mariés,  dont  il  fut  élu  consulteur  le  14  mai  1654  (4). 


(i)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  419  et  424. 

{2)  Protocoles  du  notaire  cité,  aux  archives  communales  d'Anveis, 
volume  de  1687,  p.  37. 

(3)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  211,  ibid.,  221,  232,  243,  254,  266, 
274,  283,  290,  301,  310,  323,  333,  344,  354,  360,  368,  377,  383, 
393,400,  408,  413.  Abraham  de  Baellieur,  le  vieux,  est  mentionné 
en  quelques-uns  des  endroits  cités  comme  marchand  d'objets  d'art, 
mais  c'est  une  erreur  d'annotation. 

(4)  Registre  de  la  sodalité  citée. 


—  195  — 

Abraham  de  Baellieur,  le  vieux,  mourut  du  temps  du 
deuxième  décanat  du  peintre  Ambroise  Brueghel,  c'est- 
à-dire"  entre  le  i8  septembre  1671  et  le  18  du  même 
mois  1672  (i).  Le  compte  de  la  gilde  ne  mentionne  pas 
le  paiement  de  sa  dette  mortuaire  (2). 

Nous  passons  sous  silence  le  peintre  Grégoire  de 
Baellieur,  qui  fut  reçu  franc-maître  de  notre  gilde  de 
S'  Luc,  en  1647-1648^  et  qui  nous  paraît  étranger  à  la 
famille  des  artistes  qui  précèdent. 

(i)  Li^geren  cités,  T.  II,  pp.  411,  425. 

(2)  Cette  notice  est  datée  du  8  novembre  1875. 


Pierre  de  BALLIU. 
(1612-16...  ?) 

e  graveur  distingué  est  fils  de  Bernard  de  Bal- 
liu,  dont  le  nom  s'écrit  parfois  de  Ballieul, 
dans  les  anciens  registres  des  paroisses  d'An- 
vers, et  d'Agnès  Jacops.  Il  naquit  dans  notre  ville  et  y 
fut  tenu  le  i  mai  1613,  sur  les  fonts  baptismaux  de 
l'église  S'  Jacques,  par  Pierre  de  Ballieul  ou  de  Balliu, 
que  nous  croyons  son  oncle,  et  Anne  Jacops.  Il  fut 
l'aîné  de  huit  frères  et  sœurs,  dont  les  noms  suivent  : 

1°  Anne,  baptisée  dans  ladite  église  le  3  mai  1616  ; 
parrain,  Antoine  Liesaert,  peintre,  fils  de  maître,  admis 
dans  la  gilde  de  S^  Luc  le  29  novembre  1614  (i)  >  ^^^^' 
raine,  Catherine  Nagelers.  3°  Marie,  le  16  octobre  iéi8: 
elle  fut  tenue  par  Frédéric  van  Horen  et  Marie  Heysen, 
sur  les  fonts  baptismaux  de  la  cathédrale,  quartier  sud. 
C'est  là  aussi  que  furent  régénérés  tous  les  enfants 
subséquents.  4°  Une  seconde  Anne,  le  14  juillet  1620; 
parrain,  Pierre  de  Ballieul  ou  de  Balliu,  probablement 
l'oncle  de  la  petite  fille;  marraine,  Anne  van  Hove. 
5°  Elisabeth,  tenue  le  3  mars  1623,  par  Jean  Gansacker 
et  Lucrèce  Moucheron.  Les  parents  de  Pierre  de  BalHu 

(i)  Ph.  Rombouts  et  Théod.  Van  Lerius,  avocat.  Les  Liggeren 
et  autres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc,  T.  I, 
p.  513. 


—  t97  — 

habitaient,  à  cette  époque,  à  l'enseigne  du  Lis  rouge, 
dans  la  rue  du  Jardin  des  Arbalétriers.  Nous  les  retrou- 
vons encore  en  1631,  dans  le  même  quartier  de  la  ville. 
6°  Agnès,  le  3  août  1625,  par  Gérard  de  Houwer,  joail- 
lier (i)  et  Anne  Jacops.  7°  François,  le  17  juillet  1628, 
par  François  de  Coninck  de  Decker  et  Catherine  Ale- 
v^yns.  8°  Un  second  François,  le  18  août  1630,  par 
Frédéric  van  Hove  et  Anne  Jacops.  9°  Antoinette,  le 
29  août  1631,  par  Antoine  Jaspers  et  Anne  Jacops, 
prédite. 

Pierre  de  BaUiu  n'est  pas  inscrit  comme  apprenti  dans 
les  registres  de  notre  gilde  de  S*  Luc.  Un  graveur  et 
connaisseur,  de  nos  amis,  le  tient  pour  élève  de  Pierre  de 
Jode,  le  vieux,  tandis  que  M.  E.  Kolloff  est  d'avis  que 
Scetsélon  (Schelte)  de  Bolswert  lui  enseigna  son  art  (2). 

La  première  opinion  nous  paraît  la  mieux  fondée. 
Quoi  qu'il  en  soit,  Pierre  de  Balliu  fut  admis,  en  1629- 
1630,  comme  franc-maître  de  la  corporation  anversoise 
de  S'  Luc,  il  comptait  à  peine  16  à  17  ans.  Le  Liggere 
écrit  son  nom  Beulleur,  tout  comme  le  compte  de  la 
confrérie.  (3) 

M.  Kolloff  a  relevé  sur  ses  estampes  les  signatures  sui- 
vantes :  P.  de  Bailleu,  P.  de  Bailliu,  P.  de  Baillieu,  P. 
de  Baillue,  BaUeu,  P.  Balleu,  P.  de  Balliu,  qui  nous 
semble  la  plus  rationnelle.  Ce  mot  n'est,  en  effet,  autre 
chose  que  l'ancien  substantif  flamand  de  hallieu,  qui 
signifie  en  français  le  bailli. 


(i)  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  prcruince  d'Anvers. 
Anvers,  T.  I,  p.  342. 

(2)  xAllgemeines  Kiinstler-Lexi'kon.  Leipzig,  1875,  T.  II,  p.  $$6. 

(3)  Lig^eren  cités,  T.  II,  pp.  3  et  9. 


—  198  — 

Pierre  de  Balliu  se  rendit  en  Italie,  à  une  époque  qui 
nous  est  inconnue.  Il  se  trouvait  à  Rome,  en  1635, 
d'après  l'inscription  d'une  de  ses  estampes,  gravée  d'après 
le  célèbre  Pierre  van  Lint  et  représentant  des  pèlerins 
qui  vénèrent  la  confession  de  S*  Pierre  (i). 

Il  résidait  encore  dans  la  capitale  de  la  chrétienté,  en 
1637,  et  y  exécuta,  à  cette  époque,  une  planche  ayant 
pour  sujet  l'empereur  Constantin-le-Grand  posant  la  pre- 
mière pierre  de  la  basilique  du  prince  des  apôtres,  sujet 
composé  par  le  même  Pierre  van  Lint  (2). 

Nous  retrouvons  notre  graveur  dans  sa  ville  natale, 
trois  ans  plustard.  Il  y  épousa,  en  effet,  le  28  juin  1640, 
Elisabeth  van  Engelen.  Ce  mariage  fut  contracté  avec 
dispense  de  tous  les  bans,  en  présence  de  Balthasar  van 
Engelen  et  de  Daniel  de  Bruyn,  un  des  amateurs  de  la 
chambre  de  rhétorique  de  la  Giroflée  (Violiere),  dont  il 
fut  reçu  membre  en  1643-1644  (3). 

Cinq  enfants  naquirent  de  ce  mariage  :  1°  Bernard, 
tenu  sur  les  fonts  de  S'  Jacques,  le  31  mai  1641,  par 
Bernard  de  Balliu,  son  aïeul,  et  Marie  Bogaerts.  Il  em- 
brassa la  carrière  paternelle,  et  nous  en  parlerons  spéciale- 
ment. 2°  François,  baptisé  le  2  septembre  1642,  dans  la 
cathédrale,  quartier  sud,  où  furent  aussi  présentés  les 
deux  suivants.  Parrain  :  Rombaut  van  de  Velde,  éditeur 
d'estampes  et  marchand  d'objets  d'art,  admis  dans  notre 
gilde,   en  1645 -1646  (4)  :    il  publia  quelques  planches 

(i)  E.  KoLLOFF,  1.  c,  T.  II,  p.  560,  11°  88.  Cette  gravure  fait 
partie  de  la  collection  de  feu  notre  beau-père,  M,  P. -Th.  Moons-van 
der  Straelen. 

(2)  E.  KOLLOFF,  l.  c,  T.  II,  p.  $60,  no  87. 

(3)  Liggereii  cités,  T.  II,  pp.  iSO,  160  et  170. 

(4)  Liggeren  cités,  T.  If,  pp.  168  et  172. 


-  199  — 

de  Pierre  Balliu  (i).  Marie  de  BrLi3ai  fut  marraine  de 
l'enfant.  3°  Un  second  François,  le  12  août  1643  :  il 
fut  tenu  par  Pierre  van  Engelen  et  Sara  Bogaerts.  4° 
Pierre,  le  27  mai  1644,  P^^  ^^  célèbre  graveur  Pierre 
de  Jode,  le  jeune,  et  Agnès  de  Balliu,  tante  de  l'enfant. 
Signalons,  en  passant,  ces  relations  de  Pierre  de  Jode, 
le  jeune,  avec  Pierre  de  Balliu.  Elles  ne  sont  pas  faites 
pour  infirmer  l'opinion  de  l'artiste-connaisseur  qui  est 
d'avis  que  de  Balliu  eut  pour  maître  Pierre  de  Jode,  le 
vieux,  décédé  le  9  août  1634  (2).  Ce  Pierre  de  Balliu 
reçut  pour  second  patron,  lors  de  sa  confirmation,  S' 
François.  Il  s'appela  par  conséquent  Pierre-François,  et 
fut  peintre.  Nous  donnons  plus  loin  sa  biographie.  5° 
Arnould,  le  dernier  des  enfants  de  Pierre  de  Balliu  et 
d'Elisabeth  van  Engelen,  fut  baptisé,  à  S'  Jacques,  le 
23  janvier  1647,  et  présenté  par  Pierre  van  Engelen  et 
Marie  Willemsen  van  de  Westerlaken. 

Disons  maintenant  quelques  mots  des  œuvres  de  notre 
iirtiste.  Lorsqu'il  se  trouvait  à  Rome,  il  attira  sur  lui  les 
regards  du  célèbre  peintre  Joachim  de  Sandrart,  qui 
l'employa,  malgré  son  jeune  âge,  avec  Théodore  Ma- 
tham.  Corneille  Bloemaert,  Régnier  de  Persyn,  Claude 
Mellan,  Charles  Audran  et  d'autres  graveurs  de  renom, 
à  reproduire  les  antiques  de  la  galerie  du  prince  Jus- 
tiniani.  Ceci  eut  lieu  probablement  en  1633,  lorsque  de 
Balhu  comptait  à  peine  20  ans  (3).  M.  E.  Kolloffcite  103 

(i)  E.  KoLLOFF,  /.  c,  T.  II,  p.  557,  nos  2  et  160,  n»  86"J. 

(2)  CoRXELis  DE  BiE.  Het  Guldeu  Cabinet,  enz.,  p.  495.  — Lig^eren 
cités,  T.  î,  p.  413,  note  2. 

(3)  Joachim  de  Sandrart  a  Stockwj.  ■uicademia  nobilissinicear- 
iis  pictorùe.  Noribergce,  cidioclxxxiij,  p.  362. 


—   200   — 

planches  qui  portent  son  nom  ou  lui  sont  attribuées,  et 
parmi  lesquelles  il  s'en  trouve  de  fort  remarquables  (i). 
Le  maître  a  travaillé,  entre  autres,  d'après  Pierre-Paul 
Rubens,  Antoine  van  D3-ck,  Abraham  van  Diepenbeeck, 
Jean  Thomas,  Théodore  van  Thulden,  Théodore  Rom- 
bouts,  Érasme  Quelhn,  etc.,  et  aussi  d'après  Ra- 
phaël Sanzio,  Annibal  Carrache,  Guido  Reni  et  Bernar- 
dino  Gagliardi, 

L'auteur  de  cette  biographie  possède  dans  un  livre  ou 
recueil  de  gravures  qui  appartenait,  en  1687,  au  célèbre 
statuaire  Henri-François  Verbruggen,  dont  il  porte  la 
signature,  une  belle  estampe  de  Pierre  de  Balliu  exé- 
cutée d'après  Théodore  van  Thulden.  Cette  planche,  de 
format  petit  in-folio,  non  mentionnée  par  M.  Kolloff, 
représente  5'  François  Xavier  à  genoux  devant  un  prie-Dieu 
et  accompagné  d'un  ange  qui  le  présente  à  l'enfant  Jésus, 
que  tient  la  Sainte  Vierge.  Trois  têtes  d'anges  ailés  appa- 
raissent dans  le  ciel  près  de  ce  groupe.  Les  inscriptions 
suivantes  se  lisent  sur  cette  gravure  :  au-dessous  de 
S'  François  Xavier,  les  mots  :  Satis  est,  Domine,  satis 
est  (2).  A  droite  :  Theodor.  à  Tulden  delin.  —  Petrus  de 
Bail  lue  fecif  et  excudit. 

Nous  tenons  à  faire  observer  ici  que  la  plus  ancienne 
édition  du  Sauveur  et  des  apôtres,  gravée  par  notre 
maître  sur  les  dessins  de  Théodore  van  Thulden,  n'est 
pas  celle  de  Gaspard  Huberti,  citée  par  M.  Kolloff  (3). 
Le  recueil  cité  renferme  en  effet  quelques-unes  de  ces 
planches  qui  portent,  outre  le  nom  du  peintre,  les  mots  : 


(i)  L.  c,  T.  II,  p.  557  et  seqq. 

{2)  C'est  assez,  Seigneur,  c'est  assez. 

(3)  Loc.  cit.,  T.  II,  p.  558,  no  27. 


—   201    — 

P.  de  Balliu  exe.  —  Pet.  de  Balliu  sculpsit  et  excidil.  — 
Pet.  de  Ballue  fecit  etexcudit,  etc.  Il  nous  reste  encore  à 
faire  connaître  quelques  particularités  concernant  notre 
artiste.  Ainsi  les  Vierschaerboecken,  conservés  aux  archives 
de  la  ville  d'Anvers,  nous  apprennent  que  le  3 1  août 
1646,  Elisabeth  van  Engelen,  la  femme  de  notre  graveur, 
fit  pratiquer  une  saisie  sur  les  biens  de  son  mari.  Le 
registre  se  tait  sur  les  motifs  de  cet  acte  de  procédure. 
Il  nous'  dit,  par  contre,  que  Michel  Claphouwer  agit  de 
même,  le  2  août  1647.  Celui-ci  était  un  imprimeur  en 
taille-douce,  qui  avait  été  reçu  franc-maître  de  la  gilde 
de  S'  Luc,  en  1643-1644  (i). 

Pierre  de  Balliu  grava,  d'après  Anselme  van  Huile,  le 
portrait  de  Henri  Herdingh,  bourgmestre  de  Munster, 
qui  porte  la  date  de  1650  (2).  C'est  la  plus  récente  que 
nous  ayons  rencontrée  relativement  à  notre  maître,  car 
les  trois  effigies  d'artistes,  que  renferme  de  lui  le  Gulden 
Cabinet  de  Corneille  de  Bie,  puMié  en  1662,  avaient  été 
exécutées  pour  l'ouvrage  que  Jean  Meyssens  pubHa  en 
1649,  sous  ce  titre  :  Images  de  divers  hommes  d'esprit 
sublime^  qui  par  leur  art  et  science  devront  vivre  éternellement 
et  desquels  la  louange  et  renommée  faict  estonner  le  monde  (3). 

Nous  ignorons  le  lieu  et  l'époque  du  décès  de  Pierre 
de  BalHu  (4). 

(i)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  145  et  151. 

(2)  KoLLOFF,  loc.  cit.,  T.  II,  p.  561,  n°  98,  c.  I. 

(3)  C.  Kramm.  De  kvcns  en  werken  der  Hollandsche  en  Vlaamsche 
hinslschilders,  heeldhoutvers,  graveurs  en  bouiumeesters .  T,  IV,  p.  Iii5- 

(4)  Cette  notice  est  datée  du  18  novembre  1875, 


■t-t-t-t-f-t-t-t-t-t-t-f-t-t-t-t-t-* 


Bernard  de  BALLIU 
(1641-1 ?) 


e  graveur  de  talent  était  l'aîné  des  enfants  de 
Pierre  de  Balliu  et  d'Elisabeth  van  Ençelen.  Il 
naquit,  comme  nous  l'avons  dit,  à  Anvers,  et 
y  fut  tenu  sur  les  fonts  baptismaux  de  S'  Jacques,  le  3 1 
mai  164.1,  par  son  aïeul  Bernard  de  Balliu,  et  Marie 
Bogaerts. 

Il  est  probable  que  son  père  lui  enseigna  son  art. 
Les  archives  de  la  gilde  de  S'  Luc  ne  mentionnent  pas 
son  entrée  en  apprentissage,  omission  qui  se  remarque 
d'ordinaire  quant  aux  fils  de  maîtres.  Elles  nous  appren- 
nent, par  contre,  que  le  graveur  Bernard  de  BaUiu  fut 
reçu,  en  1662-1663,  en  ladite  qualité  de  fils  de  maître. 
Le  Liggere  orthographie  son  nom  Ballieur,  tandis  que  le 
compte  écrit  Ballieu.  L'un  et  l'autre  document  oubUent 
le  de  (i). 

Bernard  de  Balliu  comptait  de  21  à  22  ans,  à  l'époque 
de  son  admission.  Nous  le  perdons  de  vue  jusqu'en 
1674,  année  pendant  laquelle  nous  le  trouvons  à  Rome. 
Il  y  signa,  le  3  janvier  1675,  les  lettres  d'admission  dans 


(i)  Phil.  Rombouts  et  Théod.  Van  Lerius,  avocat.  Les  Uggcren 
et  autres  archives  historiques  deïagilde  anversoise  de  Saint  Luc,  T.II.,PP- 
534  et  344. 


—  203    — 


la  bande  académique,  du  bon  peintre  et  graveur  à  l'eau- 
forte,  Abraham  Genoels,  le  jeune,  de  l'excellent  sta- 
tuaire Pierre  Verbruggen,  le  second,  tous  deux  Anver- 
sois.  De  Balliu  portait  la  surnom  de  Ciel  (HemeT)  dans 
cette  joyeuse  réunion  d'artistes  (i). 

Le  maître  résida  longtemps  à  Rome.  M.  E.  Kolloiï 
cite,  outre  son  portrait,  par  lui-même,  avec  les  attributs 
du  graveur,  12  planches  exécutées,  la  plupart,  d'après  des 
maîtres  italiens.  La  presque  totalité  porte  l'adresse  de 
l'éditeur  romain  G.  G.  de  Rossi  (Jo.  Jacobus  de  Rubeis). 
L'iconographe  cité  signale  ces  productions  de  Bernard 
de  Balliu  comme  des  estampes  de  mérite  (2).  Elles 
portent  son  nom  écrit  de  différentes  manières  :  Bernard 
Baleu,  de  Baleu,  de  Bailliu,  Baliu  et  BaUiu  (3).  Les 
graveurs  de  lettres  ne  seront  pas  étrangers  à  ces  variantes 
d'orthographe. 

Nous  ignorons  si  notre  artiste  revit  jamais  sa  ville 
natale.  L'époque  et  le  lieu  de  son  décès  nous  sont  éga- 
lement inconnus.  Il  se  trouvait  encore  probablement  à 
Rome,  sous  le  pontificat  d'Innocent  XI  (i 676-1 689), 
puisqu'il  y  fit  paraître,  dans  ce  temps-là,  quatre  portraits 
de  cardinaux,  encore  vivants,  dont  l'un,  exécuté  d'après 


(i)  Arx.  Houbraken.  T)e  groote  Schûuhurs;h  der  Nederlandtsche 
kunstschiîders  en  scJnîderessen.  Amsterdam,  1721,  deel  III,  bl.  loi  en 
103. ■ 

Houbraken  tenait  son  récit  de  Genoels  lui-même.  Ce  maître  lui 
ayant  écrit  qu'il  n'arriva  à  Rome  que  le  4  novembre  1674,  il  est 
évident  qu'il  n'a  pu  y  être  reçu  dans  la  bande  académique,  le  3  jan- 
vier de  la  même  année,  et  que  c'est  1675  qu'il  faut  lire.  Faisons 
observer  ici,  en  passant,  que  le  nom  de  notre  graveur  est  écrit  erro- 
nément  Baillen  dans  le  texte  d'Houbraken. 

(2)  ^Ugemeines  K{instîe}--LexiJcon,  T.  II,  p.  562. 

(3)  KOLLOFF,  /.  C,  T.  II.  p.    562. 


—  204  — 

GodefroiJ  Knellcr   (i),  représente  l'effigie   du  cardinal 
Pierre  Basadonna  (2),  mort  en  1684  (3). 

(i)  Ibid.,  t.  II,  p.  562,  no  7. 

(2)  Ch.  le  Blanc.  Manuel  de  l'amateur  d'estampes,  T.  I,  p.  131. 

(3)  Cette  notice  est  datée  du  20  novembre  1875. 


Pierre-François  de  BALLIU. 
(1644-1726-1727.) 

ierre-François  de  Balliu  était  fils  du  graveur  de 
^mérite  Pierre  de  Balliu  et  d'Elisabeth  van  En- 
,gelen.  II.  naquit  à  Anvers  et  y  fut  tenu,  le  27 
mai  1644,  sur  les  fonts  baptismaux  de  la  cathédrale,  quar- 
tier sud,  par  le  célèbre  graveur  Pierre  de  Jode,  le  jeune, 
et  par  Agnès  de  Balliu,  sœur  de  son  père.  Son  prénom 
de  François  lui  fut  donné  lors  de  sa  confirmation. 

Le  premier  maître  de  Pierre-François  de  Balliu  ne 
nous  est  pas  connu.  Le  jeune  peintre  se  rendit  en  Italie, 
pour  s'y  perfectionner  dans  son  art  et  y  fut  admis  à 
Rome,  dans  l'atelier  de  Carlo  Maratti.  C'est  ce  que  nous 
apprend  Jacques  van  der  Sanden,  secrétaire  de  l'ancienne 
académie  d'Anvers,  dans  son  manuscrit  intitulé  :  Oud 
Konsttooneel  van  Antwerpen.  L'auteur  ajoute  que  de  Balliu 
s'exerça  aussi  à  copier  les  œuvres  des  grands  maîtres 
italiens  et  qu'il  fit  des  dessins  de  monuments  et  de  sta- 
tues antiques. 

Notre  peintre  ne  retourna  que  fort  tard  dans  sa  ville 
natale.  Les  archives  de  la  gilde  de  S'  Luc  nous  appren- 
nent, en  effet,  qu'il  n'y  fut  reçu,  en  quahté  de  fils  de 
maître,  qu'en  1688-1689  (i). 

(i^  Phil.  Rombouts  et  Théod.  Van  Lerius,  avocat.  Les  Li^^cren 
et  autres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc,  T.  II, 
pp.  53 1  et  536.  Les  registres  omettent  constamment  le  de  du  nom 
de  l'artiste. 


—   206   — 

Les  comptes  de  la  corporation  signalent  les  noms  de 
trois  apprentis  que  Pierre-François  de  Balliu  admit  dans 
son  atelier  :  Jacques  van  Pelt  et  Etienne  van  den  Eynde, 
en  1696-1697,  Jean-Pierre  Goesin,   en  1697-1698  (i). 

Campo  Weyerman  parle  de  notre  artiste,  dont  il  dé- 
signe le  prénom  par  l'inconnue  AT,, et  dont  il  orthographie 
le  nom  Baljuiu.  D'après  sa  malheureuse  habitude,  il 
s'efforce  de  tirer  le  maître  en  ridicule,  mais  il  n'en 
rend  pas  moins  justice  au  talent  avec  lequel  de  Balliu 
exécutait  les  vases  dont  il  étoffait  les  tableaux  de  ses 
contemporains,  les  peintres  de  fleurs  anversois.  Ces  vases 
sont,  dit-il,  artistement  peints  et  bien  colorés,  mais  ils 
manquent  de  relief,  ce  qui  est  dommage,  car  les  petits 
enfants,  les  satyres,  les  nymphes  et  autres  ornements 
dont  il  les  pare,  sont  habilement  dessinés  et  bien  trai- 
tés. Après  avoir  loué  de  Balliu  sous  ce  rapport,  Campo 
Weyerman  le  raille  au  sujet  d'un  Christ  en  croix^  avec 
accessoires,  peint  par  lui  (2). 

Notre  artiste  était  réellement  un  homme  de  talent. 
C'est  ce  que  prouvent,  entre  autres,  deux  tableaux  de 
sa  main,  exécutés  en  camaïeu  et  peints  sur  les  murs  de 
deux  niches  pratiquées  dans  l'ancienne  salle  du  petit 
collège,  à  l'hôtel  de  ville  d'Anvers.  L'une  de  ces  com- 
positions fait  face  aux  fenêtres  et  représente  ViAréopage 
d'iAthènes,  de  la  manière  suivante.  Dans  la  partie  supé- 
rieure, la  Justice  assise  tient  une  lance  de  la  main 
droite  et  un  livre  ouvert,  de  la  gauche.  Plus  bas,  de  ce 
côté,  un  personnage  debout^  coiffé  d'un  casque  orné 
d'étoiles,  étend  la  main  dans  la  direction  de  la  Justice, 

(i)  Li^geren  cités,  T.  II,  pp.  596  et  607. 

(2)  Jacob  Campo  Weyerman.  De  levens-heschryvhigen  der  Neder- 
landsche  konst-schiUers  en  konst-schilderesseii.  T.  III,  p.  230. 


—   207   — 

et  paraît  prononcer  un  discours.  Ce  serait,  d'après  le 
manuscrit  cité  de  Jacques  van  der  Sandcn,  S'  Denis 
l'Aréopagite.  Près  de  lui  est  figuré,  également  debout, 
un  jurisconsulte  portant  un  livre  à  la  main.  A  droite, 
huit  hommes  sont  en  train  d'écrire  et  d'étudier,  dans 
des  postures  différentes. 

Ce  tableau,  qui  se  distingue  par  de  sérieuses  qualités 
de  dessin,  est  peint  avec  vigueur.  L'influence  de  l'école 
italienne  s'y  fait  sentir. 

Le  deuxième  placé  en  face  de  la  cheminée,  a  pour 
sujet  la  Justice.  La  partie  supérieure  de  la  composition 
est  occupée  par  trois  figures  de  femmes  assises.  L'une, 
qui  représente  le  Droit  romain,  tient  la  main  droite  sur 
un  faisceau  de  verges  que  couronne  l'emblème  de  la  li- 
berté. Une  lumière  céleste  illumine  de  ses  rayons  le 
front  de  la  seconde,  qui  occupe  le  centre  et  personnifie 
le  Droit  canon.  La  troisième,  ou  le  Droit  coutumier, 
tient  un  livre  de  la  main  gauche  et  regarde  le  ciel.  Le 
sceptre  et  la  couronne,  la  mitre  et  la  balance  de  la  jus- 
tice sont  peints  en  divers  endroits  de  la  composition. 
Plus  bas,  est  debout  un  personnage  armé  du  glaive  et 
ponant  un  bâton  de  commandement  qu'il  étend  sur  le 
globe  terrestre,  surmonté  de  la  croix. 

Près  du  globe,  un  scribe  qui  écrit  une  sentence,  un 
homme  qui  suit  des  yeux  le  tracé  des  lettres,  et,  en 
face,  une  figure  assise  près  de  livres  et  qui  paraît  faire 
une  démonstration.  Ce  camaïeu  est  plein  d'effet  et  d'un 
beau  dessin. 

Ces  deux  compositions  ont  été  exécutées  probable- 
ment en  1708.  Il  est  certain,  en  tout  cas,  que  l'or- 
donnance de  paiement  en  fut  donnée  par  le  collège  des 
bourgmestres  et  échevins,  le  13  mai  1709.  Elle  montait 


I 


—   208    — 

à  la  somme  de  229  florins  courant,  qui  devait  être  prise 
de  celle  de  400  &  de  Flandre,  mise  annuellement  à  la 
disposition  de  nos  magistrats  (i). 

Ces  tableaux  furent  très-appréciés  des  contemporains 
de  l'artiste.  Aussi  une  Description  des  œuvres  d'art  de  la 
ville  d'Anvers,  éditée  au  siècle  dernier,  s'exprime-t-elle 
ainsi  :  Le  petit  collège  est  entouré  de  fort  belles  pein- 
tures en  bas-relief  (lisez  :  haut  relief)  par  le  fameux 
maître  Balieu  (2).  » 

Parmi  les  peintres  de  fleurs  dont  Pierre-François  de 
Balliu  étoff'a  les  tableaux,  nous  pouvons  citer  Gaspard- 
Pierre  Verbruggen,  le  jeune,  et  Jean-Baptiste  Bosschaert, 
le  second  maître  de  ce  nom  inscrit  dans  le  Liggere  de  la 
gilde  de  S*  Luc. 

Notre  artiste  orna  de  grisailles  représentant  quelques- 
uns  des   mystères  du  Rosaire,  une  partie  des  quinze  ta- 

(i)  Voici  la  copie  de  cette  pièce  qui  nous  a  été  communiquée  par 
M.  Pierre  Génard,  archiviste  de  la  ville  d'Anvers  :  «  Geordonneert 
wî  de  &  400  vlems  ter  dispositie  van  myne  heeren  jarelyckx  staende 
te  betalen  aen  M.  Balliu  de  somme  van  229  guldens  courant  gelt 
eens,  voor  soo  veel  dat  beloopt  syne  rekening  over  het  schilderen  in 
het  cleyn  collegie  op  den  Raedthuyse  deser  stadt,  luyt  de  selve.  Ac- 
tum  in  collegio,   den  13  May  1709.  » 

Ce  que  nous  traduisons  ainsi  :  Ordonné  de  payer  à  maître  Balliu, 
des  400  Jb  de  Flandre  se  trouvant  annuellement  à  la  disposition  de 
Messieurs  (du  collège^,  la  somme  de  229  florins  argent  courant, 
montant  de  son  compte  des  peintures  du  petit  collège,  à  l'hôtel  de 
ville,  d'après  ledit  compte,  Ainsi  fait  en  collège,  le  13  mai  1709. 

(2)  Description  des  principaux  ouvrages  de  peinture  et  sculpture  ;  ac- 
tuellement existans  dans  les  églises,  couvens  et  lieux  publics  de  la  ville 
d'Anvers,  dominée  ati  jour  pour  l'utilité  des  voyageurs.  Troisième  édition. 
lAnvers,  Gérard  Serbie,  1757,  p.  76.  —  Le  privilège  d'imprimer  est 
daté  du  II  juin  1755. 

J.-B.  Descamps,  dont  le  Voyage  pittoresque  de  la  Flandre  et  du  Bra- 
bant  ne  parut  qu'en  1769,  a  connu  cet  opuscule  et  en  a  profité. 


—   209   — 

bleaux  de  fleurs  dont  Jean-Baptiste  Bosschaert,  le 
jeune,  avait  rehaussé  cette  partie  de  l'histoire  sacrée, 
Les  autres  grisailles  furent  exécutées  par  Jacques  van 
Hal. 

Van  dcr  Sanden,  qui  nous  rapporte  ces  particularités, 
nous  apprend  que  ces  œuvres  d'art  étaient  exposées 
annuellement  dans  l'église  de  S'  Paul  ou  des  Domini- 
cains, pendant  l'octave  de  Notre-Dame  du  Saint  Rosaire. 
Actuellement  elles  ont  disparu,  du  moins  en  majeure 
partie.  C'est  grand  dommage,  si  elles  valaient  deux 
tableaux  de  petites  dimensions,  des  mêmes  artistes,  que 
possède  encore  ce  temple  magnifique.  Ils  ont  pour  sujet 
l'un  la  Purification  de  la  Sainte  Vierge,  l'autre,  V Agonie  de 
Jésus  au  jardin  des  Olives,  traitées  en  camaïeu,  par  Pierre- 
François  de  Balliu,  et  posées  au  milieu  de  fleurs  bril- 
lamment peintes  par  son  collaborateur.  Ces  productions 
de  l'artiste  peuvent  compter  parmi  ses  meilleurs 
ouvrages. 

Il  est  possible  que  ces  tableaux  soient  un  reste  de  la 
suite  signalée  par  van  der  Sanden,  car  cet  auteur  nous 
apprend  que  celle-ci  se  composait  en  partie  de  grandes 
et  en  partie  de  petites  peintures.  L'une  des  grandes  était 
signée  :  /.  Bosschaert,  F.  17 19. 

Celles  que  nous  venons  d'indiquer  sont  exposées  dans 
le  passage  qui  conduit  au  chœur,  près  de  la  chambre  des 
marguilliers. 

L'auteur  de  cette  biographie  possède  un  beau  tableau 
de  fleurs  de  Gaspard-Pierre  Verbruggen  le  jeune.  Il  est 
orné  d'un  superbe  vase,  peint  par  Pierre-François  de 
Balliu,  et  sur  lequel  sont  artistement  représentés  en  bas- 
relief  des  enfants  jouant  avec  une  chèvre. 

Nous  sommes  également  propriétaire  d'un  tableau  de 

14 


—   210    — • 

fleurs  de  Jean-Baptiste  Bosschacrt  II.  Elles  ornent  un 
beau  vase  peint  en  camaïeu  par  Pierre-François  de  Balliu 
et  qui  repose  sur  un  satyre  et  deux  autres  figures.  La 
partie  centrale  représente  des  enfants  qui  jouent  avec  un 
lion.  Cette  œuvre  d'art  mesure  en  hauteur  58  centimètres 
sur  44  de  largeur.  Elle  porte  la  seule  signature  de  Bos- 
schacrt. Le  pendant  exécuté  par  les  mêmes  maîtres, 
appartient  à  notre  beau-frère,  M.  Florent  Moons.  (i) 

Pierre-François  de  Balliu  a  peint  en  grisaille  un  gra- 
cieux buste  de  jeune  fille,  que  Jean-Baptiste  Bosschaert  II 
a  couronné  et  entouré  de  fleurs.  La  partie  inférieure  de 
la  guirlande  descend  sur  un  bas-relief  représentant  un 
génie  ailé  et  couronné  de  lauriers,  au  milieu  de  trophées 
d'armes.  Cette  peinture,  qui  nous  appartient,  est  haute 
de  30  centimètres  et  large  de  26,  à  peu  près. 

Balliu  mourut  dans  l'intervalle  qui  s'écoula  entre  le 
18  septembre  1726  et  le  18  du  même  mois  1727.  C'est 
à  cette  époque  que  les  comptes  de  la  gilde  de  S'  Luc 
renseignent  le  paiement  de  sa  dette  mortuaire  (2).  Le 
maître  était  âgé  de  82  à  83  ans.  Il  décéda  céli- 
bataire  (3). 

Sources  :  Registres  des  paroisses  d'Anvers.  —  Archives  de  la  ville 
d'Anvers.  —  Archives  de  la  gilde  de  Saint  Luc.  — Ph.  Rombouts 
et  Th.  Van  Lerius.  Les  Liggeren,  etc. 

(i)  M.  Florent-Marie- Ambroise  Moons,  chevalier  du  St  Sépulcre, 
docteur  en  droit,  conseiller  de  fabrique  de  l'église  de  S*  Jacques,  à 
Anvers,  ancien  président  du  Bureau  de  bienfaisance  et  secrétaire  de 
la  Société  Royale  des  Beaux-Arts,  était  fils  de  feu  M.  Pierre-Théo- 
dore Moons  et  de  Dame  Catherine-Joséphine  van  der  Straelen.  Il 
mourut  à  Florence,  le  23  Mars  1879,  ^  ^'^o^  ^^  4^  ^"^'  7  ^"°'^  ^^  9 
jours.  Ses  restes  mortels  furent  inhumés  à  Calmpthout,  village  de 
la  province  d'Anvers. 

(2)  Liggeren  cités,  T.  II,  p.  749. 

(3)  Cette  notice  est  datée  du  2  décembre  187s. 


Les  peintres  de  HEEM. 

hrctien  Kramm  est,  à  notre  connaissance,  l'au- 
teur qui  s'est  le  plus  occupé  jusqu'ici  des 
'^;^fe%i  différents  artistes  de  la  famille  de  Heem.  Mal- 
heureusement, n'ayant  à  sa  disposition  qu'un  petit  nom- 
bre de  documents  authentiques,  parmi  lesquels  les  actes 
de  baptême  et  de  mariage  faisaient  complètement 
défaut,  le  biographe  néerlandais  s'est  engagé  dans  un 
labyrinthe  où  le  fil  conducteur  lui  manquait.  C'est  à 
cette  cause  qu'il  faut  attribuer  le  peu  de  clarté  de  cette 
partie  de  son  travail. 

Nous  avions  trouvé,  il  y  a  plusieurs  années,  dans 
les  registres  de  nos  anciennes  paroisses,  conservés  à 
l'hôtel  de  ville  d'Anvers,  des  actes  en  nombre  assez 
considérable  relatifs  aux  de  Heem  :  ils  commencent  en 
1638  et  finissent  en  1794.  Nous  avions  déjà  fait  con- 
naissance, à  cette  époque,  des  annotations  qui  les  con- 
cernent dans  les  Liggeren  de  la  gilde  de  S*  Luc.  Enfin, 
des  découvertes  importantes  que  nous  fîmes  aux  archi- 
ves de  notre  ville  nous  mirent  sur  la  voie  de  ce  qu'il 
y  avait  à  réclamer  ailleurs.  Nous  allons,  à  cette  heure, 
exposer  le  résultat  de  nos  recherches  personnelles  et  de 
celles  qui  ont  eu  lieu,  à  notre  demande,  en  Hollande. 
Mais  nous  avons  auparavant  à  nous  acquitter  d'un 
devoir  de  reconnaissance.  Les  renseignements  impor- 
tants qui  nous  sont  parvenus  de  la  Néerlande  nous  ont 


—   212   — 

été  transmis,  en  1869,  par  l'intermédiaire  de  M.  Joseph- 
Corneille  van  Put,  bourgmestre  d'Anvers,  (i)  qui  avait  eu 
la  bonté  de  les  demander  pour  nous.  MM.  J.  de  Craen, 
secrétaire  communal,  et  Constantin  Simillion,  dont  le 
nom  n'est  pas  inconnu  dans  la  littérature  flamande,  ont 
bien  voulu  s'employer  aussi  à  nous  les  procurer.  Qu'ils 
reçoivent  ici  l'expression  de  notre  gratitude.  Celle-ci 
est  bien  due  aussi  à  MM.  les  officiers  de  l'état-civil  des 
villes  d'Utrecht,  de  Leyden  et  de  la  Haye,  qui  ont  mis 
le  plus  louable  empressement  à  seconder  nos  investiga- 
tions. 

Entrons  en  matière,  et  occupons-nous  d'abord  de  David 
de  Heem,  le  vieux. 

(i)  M.  Joseph-Corneille  van  Put,  ancien  Bourgmestre  de  la  ville 
d'Anvers,  commandeur  de  l'ordre  de  S^  Grégoire-le-Grand,  mourut 
à  Anvers,  le  2  Juillet  1877,  à  l'âge  de  66  ans  et  17  jours,  étant  veuf 
de  dame  Marie-Henriette  van  Steven.  Il  était  fils  de  feu  Jacques 
van  Put  et  de  feue  Anne-Catherine  Pauwels.  Ses  restes  mortels 
furent  inhumés  à  Hoboken, 


*^^       «.^J       «^^       %J^       •J^       %/fk»       *^>»       •/{^       vJf'^       *Jfi^       %y^       *J^       %^^       %f^       a^^       %J^       OÂ^       %,^^ 


David  de  HEEM,  le  vieux. 
(1570  ?-  1632  ?) 


^ 'après  Kramm,  David  de  Hecm  né  à  Utrecht, 
'en  1570,  était  un  excellent  peintre  de  fleurs,  de 
fruits,  de  vases  d'or,  d'argent,  de  cristal  et 
d'autres  objets  inanimés.  Nous  devons  fiiire  remarquer 
que  la  date  signalée  ne  repose  pas,  que  nous  sachions, 
sur  aucun  document  authentique.  Aussi  lorsque  nous 
avons  désiré  nous  enquérir,  en  1869,  sur  quel  fonde- 
ment elle  s'appuyait,  l'honorable  M.  Boer,  officier  de 
l'état-civil  à  Utrecht,  a-t-il  mandé  à  M.  le  bourgmestre 
d'Anvers  que  les  registres  de  baptêmes  de  l'ancienne 
ville  épiscopale  ne  commençaient  qu'en  1626.  A  moins 
donc  qu'il  soit  prouvé,  ce  qui  n'est  pas  même  allégué, 
que  le  millésime  de  1570  résulte  des  lettres  scabinales, 
d'un  acte  notarié,  etc.,  nous  pouvons  en  admettre  la 
plausibilité,  mais  non  la  certitude. 

David  de  Heem,  le  vieux,  eut  deux  fils  peintres, 
David,  le  second,  et  Jean.  Ils  eurent  soin,  l'un  et  l'autre, 
de  faire  conster  de  leur  descendance,  l'un,  lorsqu'il  se 
fit  inscrire  dans  la  gilde  de  S'  Luc,  à  Utrecht,  en  1668, 
et  l'autre,  en  signant  ses  tableaux  J.  D.  de  Heem,  ou  du 
monogramme  J.  D.  d.  H.,  indications  qui  signifient 
Johan  Davids^oon  de  Heem  (Jean,  fils  de  David  de  Heem). 


—  214  — 

Le  premier  fit  suivre  son  prénom  des  mots  T)avids^o(m ^ 
(fils  de  David),  lors  de  l'admission  signalée  (i). 

Nous  ignorons  si  la  Grietje  ou  Marguerite  de  Heem, 
mentionnée  dans  un  acte  du  mois  d'août  1670,  comme 
habitant  Utrecht,  était  sœur  de  David,  le  jeune,  et  de 
Jean.  Cet  acte  a  été  publié  par  Kramm  (2).  Il  est  certain 
en  tout  cas,  que  nous  ne  rencontrons  aucune  fille  de  ce 
nom  dans  les  généalogies  de  Jean  et  de  Corneille  de 
Heem.  ^^ 

Comment  se  nommait  la  mère  de  David,  le  jeune,  et 
de  Jean?  Nous  nous  trouvons  dans  l'impossibilité  de 
résoudre  cette  question.  Nous  nous  contenterons  par 
conséquent  de  faire  connaître,  qu'en  1869,  les  registres 
de  mariages  d'Utrecht  ont  été  consultés  du  8  mars  1590, 
date  de  leur  commencement,  jusqu'au  31  décembre  1608, 
sans  qu'on  y  ait  découvert  celui  de  David  de  Heem,  le 
vieux.  Cet  artiste  a  donc  pris  femme  ailleurs. 

Kramm  rapporte  que  notre  maître  est  décédé  en  1632, 
mais  nous  devons  faire  observer  que  cette  date  n'est  pas 
plus  prouvée  que  celle  de  sa  naissance.  L'auteur  ajoute 
que  les  marchands  de  tableaux  et  les  possesseurs  de  ses 
oeuvres  font  passer  facilement  ses  productions  comme 
exécutées  par  son  fils  Jean.  Ceci  exige  l'addition  d'un 
y  à  la  signature,  lorsque  les  peintures  sont  marquées.  Au 
reste,  il  y  a  au  nombre  des  négociants  que  nous  venons 
de  nommer,  des  gens  peu  scrupuleux,  qui  ne  reculent 
devant  aucune  indignité,  lorsqu'ils  trouvent  le  moyen 
de  tromper  à  leur  profit  des  amateurs  peu  instruits. 

(i)  Christ.  Kramm.  'De  îevens  en  werken  der  Holhndsche  en 
Vlaamschekiinstschilders,  ieeldhouwers,  çraveurs  enloiiivmeesters.T.  U\,  J 

pp.  652  et  654. 

(2)  Ibid.,  T.  III,  p.  654. 


■>, 


—  215    — 

L'auteur  cité  se  trompe,  en  avançant  que  le  musée 
de  Bruxelles  possède  un  tableau  de  notre  maître  :  Jean  et 
Corneille  de  Heem  y  sont  seuls  représentés.  Par  contre, 
nous  rencontrons  une  peinture  de  David  de  Heem,  sous 
le  nom  de  son  fils  Jean,  dans  le  catalogue  du  musée 
ducal  de  Brunswick,  public  en  allemand,  en  1849,  par 
M.  L.  Pape.  Cette  peinture  est  décrite  de  la  façon  sui- 
vante :  sur  une  table  est  posé  un  vase  de  porcelaine 
chargé  de  raisins,  de  figues,  de  pêches  et  d'un  citron 
coupé.  On  y  voit  de  plus  un  verre  à  vin,  une  boîte, 
une  assiette  remplie  d'huîtres,  du  pain,  des  cerises,  des 
abricots  et  une  grenade.  Le  tableau  est  signé  D.  DHeem 
(le  dernier  D  et  l'H  réunis).  Puisque  M.  Pape,  malgré 
cette  signature,  l'a  mentionné  comme  une  œuvre  de 
Jean  de  Heem,  nous  pouvons  supposer  que  c'est  une 
production  de  son  père  David  (i).  Mais  ne  perdons  pas 
de  vue,  que,  comme  nous  le  verrons,  la  famille  de 
Heem  compta  trois  peintres  du  nom  de  David. 

La  seizième  édition  du  catalogue  fort  mal  rédigé  de 
la  galerie  impériale  et  royale  de  Florence  signale  trois 
œuvres  de  David  de  Heem  :  1°  un  tableau  de  plusieurs 
fruits  posés  sur  une  table  ;  2°  un  petit  tableau,  avec  une 
caverne;  3°  une  masse  de  fleurs  de  différentes  espèces 
réunies  ensemble.  (2).  A  quel  David  appartiennent  ces 
productions,  dont  la  deuxième  est  étrangère  au  genre 
cultivé  par  la  famille  ?  C'est  ce  qu'il  nous  est  impossible 
de  dire. 

Kramm  cite,  d'après  les  catalogues  publiés  par  Pierre 

(i)  Ver:^eichni5'^der  Gemàîde-Sammlmig  des  Her:^og}ichen  Muséums  :(ii 
BraunscJnueig.  Dritte  vermehrte  Auflage.  BraunscJnueig,  1849,  p.  167, 
no  461. 

(2)  Op.  cil.,  Florence  1844,  pp.  200  et  202. 


—    2l6  — 

Terwesten,  trois  tableaux  qu'il  attribue  à  David  de 
Heem,  le  vieux.  Nous  avons  vérifié  son  assertion  et 
nous  avons  trouvé  dans  l'ouvrage  en  question,  quatre 
peintures  d'un  David  de  Heem,  sans  autre  indication. 
Les  deux  premières  parurent,  en  1763,  à  la  vente  Guil- 
laume Lormier,  qui  eut  lieu  à  la  Haye.  Elles  portaient 
les  n°'  136'  et  137  et  représentaient  des  tulipes  et 
d'autres  fleurs. 

Ces  deux  productions  furent  adjugées  ensemble  à  5 
florins  10  sous.  On  pourrait  supposer,  eu  égard  à  la 
somme  minime  qu'elles  atteignirent  dans  cette  mortuaire, 
où  les  œuvres  d'art  rapportèrent  généralement  des  prix 
élevés,  qu'il  s'agit  ici  de  deux  peintures  de  David  de 
Heem,  le  troisième,  qui  paraît  avoir  eu  moins  de  talent 
que  ses  prédécesseurs.  Un  troisième  tableau  d'un  David 
de  Heem  représentant  des  fleurs  valut  71  florins,  à  la 
Haye,  en  septembre  1765,  à  la  mortuaire  du  président 
bourgmestre  Gérard  vanOostrum,  à  Heusden. 

Enfin  une  quatrième  peinture  d'un  David  de  Heem, 
ayant  pour  sujet  des  fruits,  rapporta  54  florins  à  la  mor- 
tuaire de  M.  D.  van  Eversdyck,  baron  d'Albrantswaart, 
à  la  Haye  en  mai  1768  (i). 

Nous  ferons  observer  qu'il  est  impossible  d'assigner 
les  tableaux  que  nous  venons  de  passer  en  revue  à  un 
David  de  Heem  déterminé.  Nous  ajouterons  finalement 
que  nous  avons  exposé  ci-dessus  tout  ce  que  nous  avons 
pu  apprendre  relativement  à  David,  le  vieux  (2). 

(i)  PiETER  Terwesten.  Catalogusof  naamîijst  van  schilderyen,  enz., 
's  Gravenhage,  1770,  p.  322,  nos  136  et  137,  p.  488,  n"  4,  p.  530, 
no  34. 

(2)  Cette  notice  est  datée  du  7  octobre  1874. 


î 


David  DE  HEEM  II 
(i  .  .  .  ?-i.  .  .?) 


e  peintre,  comme  nous  l'avons  vu  dans  la  bio- 
graphie de  son  père,  David  de  Heem,  le  vieux, 
a  eu  lui-même  soin  de  nous  apprendre  le  nom 
de  l'auteur  de  ses  jours.  Il  fut  peintre  de  fleurs  et  de 
fruits,  comme  tous  les  artistes  de  sa  famille.  Nous  igno- 
rons, du  reste,  en  quel  lieu  et  en  quelle  année  il  est 
né.  S'il  a  vu  le  jour  à  Utrecht,  il  sera  impossible  d'y 
découvrir  son  acte  de  baptême,  puisque  les  registres, 
comme  nous  l'avons  dit,  n'y  commencent  qu'en  1626. 

David  de  Heem,  le  deuxième,  eut  probablement  son 
père  pour  maître.  S'il  est  né  à  Utrecht,  il  doit  avoir  été 
longtemps  absent  de  cette  ville,  puisqu'il  ne  fut  inscrit, 
d'après  Kramm,  qu'en  1668,  dans  la  gilde  de  S'  Luc. 

On  ne  sait  si  notre  artiste  a  été  marié,  s'il  a  eu  des 
enfants  et  à  quelle  époque  il  est  décédé. 

Le  musée  d'Amsterdam  possède  un  tableau  de  ce 
maître.  Il  est  décrit  dans  le  catalogue  de  1870,  de  la 
manière  suivante  :  «  Sur  une  plinthe  de  pierre  couverte 
en  partie  d'une  draperie  de  velours  violet,  est  posé  un 
plat  de  porcelaine  bleue,  contenant  des  grappes  de 
raisins  blancs,  des  pêches,  des  abricots,  des  bigarreaux, 
des  mûres  sauvages  et  des  noisettes;  on  remarque,  non 
^oin  de  là,  un  citron  à  moitié  pelé.  Une  écrevisse  cuite 


—   2l8  — 

et  une  branche  chargée  de  prunes  bleues  reposent 
sur  une  caissette.  Une  grappe  de  raisins  rouges,  des 
nèfles,  des  épis  et  des  sarments  de  vigne  sont  attachés 
à  un  ruban  de  soie  bleue.  Derrière  l'écrevisse  une  coupe 
remplie  de  vin.  Au-dessous  du  plat,  un  petit  pain.  Des 
papillons  et  d'autres  insectes  animent  la  composition  :  à 
droite,  un  nid  entier  de  petites  chenilles  rouges  se  laisse 
descendre  d'une  feuille.  Une  fenêtre  est  figurée  à  l'ar- 
rière-plan.  » 

Ce  tableau,  haut  de  70  centimètres  et  large  de  58,  fut 
acheté  le  6  juin  1808,  à  la  vente  G.  van  der  Pot,  à 
Rotterdam^  au  prix  de  385  florins,  soit  814  francs  82 
centimes.  M.  P.-L.  Duburcq,  auteur  du  catalogue  du 
musée  d'Amsterdam,  fait  observer  que  la  peinture  décrite 
ci-dessus  a  toujours  été  considérée  comme  une  œuvre 
de  David  de  Heem,  fils  de  David.  Il  ajoute  que  le  style 
exclut  toute  idée  d'exécution  de  la  part  de  David,  le 
vieux  (i).  C'est  la  seule  production  de  David  de  Heem, 
le  jeune,  qui  soit  connue  avec  une  quasi-certitude.  Quant 
à  la  vie  du  maître,  on  voit  qu'elle  est  à-peu-près  entière- 
ment à  rechercher  (2). 

(1)  Beschrijving  der  schilderîjen  op  'sRijks  Muséum,  le  Amsterdam.  — 
Amsterdam,  1870,  bl.  159,  nf  18. 

(2)  Cette  notice  est  datée  du  9  octobre  1874. 


?^fî^rY^r^f$w?^i4^??^?7^fî^f?S 


Jean  DE  HEEM 
(i6oo?-i683-i684). 

ean  de  Heem,  cet  excellent  peintre  de  fleurs  et 
de  fruits,  était  comme  il  a  eu  soin  de  nous  l'ap- 
I  prendre  lui-même,  fils  de  David  de  Heem  I.  Son 
acte  d'admission  dans  la  bourgeoisie  d'Anvers  énonce  po- 
sivement  qu'il  est  né  à  Utrecht;  on  dit  qu'il  vit  le  jour  en 
1600.  Cette  date  n'a  rien  d'invraisemblable,  mais  elle  ne 
saurait  être  prouvée  par  les  actes  de  baptême  de  l'ancienne 
ville  épiscopale,  puisque,  comme  nous  l'avons  fait  con- 
naître dans  la  biographie  de  David  de  Heem,  le  vieux, 
ces  documents  ne  remontent  pas  au-delà  de  1626.  Jean 
de  Heem  eut  très-probablement  son  père  pour  maître. 

Nous  allons,  à  cette  heure,  grâce  aux  documents  que 
nous  avons  découverts  à  Anvers  et  à  ceux  qui  ont 
été  ensuite  recherchés  en  Hollande,  entrer  dans  le  do- 
maine des  faits  positifs.  Mais  nous  devons  faire  observer, 
avant  tout,  que  nous  nous  contenterons  d'exposer  ceux- 
ci,  sans  nous  arrêter  à  réfuter  les  erreurs  répandues  par 
des  biographes  mal  informés. 

Nos  documents  authentiques  commencent  en  1626.  Ils 
nous  apprennent  que  le  12  novembre  de  cette  année-là, 
Jean  de  Heem,  fils  de  David,  jeune  homme  (jong  gesef), 
d'Utrecht,  fut  inscrit  dans  le  registre  des  mariages  de 
ladite  ville,  comme  fiancé  à'Aeltgen,  fille  de  Corneille 
van  Weede,  jeune  fille  (Jongc  docker),  d'Utrecht.  L'acte 


—    220    — ■ 

énonce  ensuite  que  les  futurs  époux  habitaient  Leyden, 
et  qu'ordre  fut  donné  d'y  publier  leurs  bans.  On  expédia 
le  24  novembre  1626  vers  ladite  ville  une  attestation  qui 
leur  permettait  de  s'y  marier. 

Avant  de  poursuivre  notre  récit,  nous  ferons  observer 
que  le  prénom  diminutif  néerlandais  Aeltgen  ou  Aelîjen 
a  diverses  significations  en  français.  Il  répond,  en  effet, 
à  Adélaïde,  à  Aldegonde  et  Alêne  (i).  Les  documents 
anversois  désignant  la  fille  de  Corneille  van  Weede  tan- 
tôt sous  le  nom  d'Aletta,  tantôt  sous  celui  d'Alette,  nous 
lui  conserverons  ce  dernier. 

Le  3  décembre  1626,  Jean  de  Heem  fut  inscrit  avec 
sa  fiancée  dans  le  registre  des  mariages  de  l'église  de 
S'  Pancrace,  à  Leyden.  Ils  y  contractèrent  le  22  du  môme 
mois.  L'acte  nous  apprend  que  l'artiste  habitait  à  Ma- 
rendorp,  et  Alette  van  Weede,  à  Steenschuyr,  dans  la 
dite  ville. 

Ils  eurent  au  moins  quatre  enfants  : 

1°  David,  né  à  Leyden  et  baptisé  le  29  novembre 
1628,  dans  l'église  de  S'  Pierre  de  ladite  ville,  en  pré- 
sence de  Just  la  Feber,  d'Annette  Pieters,  d'Hildegonde 
Antonie  et  de  Marie  Martinus.  Ce  David  décéda  anté- 
rieurement au  29  mars  1643,  puisqu'il  n'est  pas  men- 
tionné parmi  les  enfants  survivants  de  sa  mère,  dans 
l'état  de  la  mortuaire  d'Alette  van  Weede,  dont  nous 
parlerons  plus  loin. 

2°  Corneille,  né  dans  la  même  ville  et  y  baptisé  dans 
l'église  dite  Hooglandscbe  Kerk,  le  8  avril  163  r.   Il   avait 


(i)  Nomiiia  propria  HoUandorum,  accomodata  Nominihus  Sanctorum, 
qui  in  Ecchsia  cekbrantur  :  adjunctis  pkruinque  eorum  Festis.  Apud 
J.  F.  WiLLEMS,  Belgisch  Muséum,  1S41,  T.  V,  p.  394. 


—   221    — 

pour  témoin  Pierre  Potter,  dont  le  nom  rappelle  celui 
du  peintre  de  mérite,  qui  fut  père  du  célèbre  Paul  Pot- 
ter. Il  serait  toutefois  téméraire  d'affirmer  qu'il  s'agit  ici 
du  même  personnage. 

Corneille  de  Heem  fut  un  artiste  de  grand  talent.  Nous 
lui  consacrons  une  notice  spéciale. 

M.  Boer,  officier  de  l'état-civil  d'Utrecht,  en  1869,  a 
fait  observer  que  le  premier  des  enfants  de  Jean  de 
Heem  reçut  au  baptême  le  prénom  de  son  aïeul  paternel, 
et  le  deuxième,  celui  de  son  grand-père  maternel. 

3°  Torentienne  (Torentiana),  nous  ne  connaissons  pas 
le  lieu  de  sa  naissance,  mais  comme  elle  avait  8  ans 
en  1643,  d'après  un  acte  authentique  que  nous  analy- 
sons plus  loin,  elle  doit  avoir  vu  le  jour  en  1635,  ou 
vers  cette  époque. 

Son  père  Jean  de  Heem  était  établi  à  Anvers  entre 
le  18  septembre  1635  et  le  18  septembre  1636,  puisqu'il 
se  fit  recevoir,  à  cette  époque,  franc-maître  de  la  gilde 
de  S'  Luc,  de  cette  ville  (i).  Joachim  de  Sandrart,  son 
contemporain_,  rapporte  qu'il  se  fixa  parmi  nous,  parce 
qu'il  pouvait  y  trouver  plus  facilement  certains  fruits 
rares  dans  une  plus  grande  perfection  et  maturité. 
L'auteur  allemand  cite  en  exemple  diverses  espèces  de 
grandes  prunes  et  de  pommes  de  Perse  et  d'Arménie, 
d'oranges,  de  citrons,  de  raisins,  etc.  (2). 


(i;  Phil.  Rombouts  et  Th.  Van  Lerius,  avocat.  Les  Liggeren  et 
autres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc,  Tome  II, 
pp.  71,  74 et  77.  Le  nom  du  maître  est  écrit  de  Heym  dans  le  compte 
de  1635-1636. 

(2)  JoACHiMi  DE  Sandrart  a  Stockau,  Serenissimi  Trincipis,  Co- 
mitis  'Palatini  Neohirg.  Consiliarii  &  Palmigeri  Ordinis  Socii,  Acade- 
mia  nûhilissima  artis  pictoricc,  Noriberga  cio  IDC  Ixxxiij,  p.  307. 


—   222   — 

On  sait  que  généralement  les  seuls  artistes  qui  jouis- 
saient à  Anvers  du  droit  de  bourgeoisie,  pouvaient 
exercer  leur  profession  dans  cette  ville.  D'après  une 
ordonnance  du  22  juillet  1442,  les  étrangers  qui  y 
auraient  été  reçus  dans  la  gilde  de  S' Luc  étaient  astreints 
à  se  faire  admettre  dans  la  bourgeoisie  à  la  plus  prochaine 
assemblée  du  tribunal  dit  Vierschare,  qui  suivrait  leur 
entrée  (r).  Notre  maître  ne  satisfit  que  plus  tard  à 
cette  obligation,  comme  le  prouve  la  mention  suivante 
inscrite  dans  le  registre  de  la  bourgeoisie  Poortersboek^  à 
la  date  du  vendredi  28  août  1637,  et  que  nous  tradui- 
sons du  flamand  :  «  Jean  de  Heim,  natif  d'Utrecht, 
peintre.  « 

4°  Le  dernier  enfant  issu  de  son  mariage  avec  Alette 
van  Weede  naquit  à  Anvers  et  y  fut  tenu  sur  les  fonts 
de  l'église  de  S'  Georges,  le  11  avril  1638.  Il  fut  nommé 
Thomas-Marie  par  ses  répondants  Thomas-Willebrord 
Bosschart,  de  Bergen-op-Zoom  (2),  excellent  peintre, 
et  Marie  de  Lannoy,  dont  l'appellation  patronymique 
n'est  pas  inconnue  dans  les  registres  d'inscriptions  de  la 
gilde  de  S*  Luc. 

Nous  verrons  plus  loin  que  Jean  de  Heem  comptait 
parmi  ses  amis  plusieurs  de  nos  maîtres  les  plus  célè- 
bres. Outre  Bosschart,  il  était  lié  avec  le  fameux  Adrien 
Brauwer,  qui  se  trouva  être  son   débiteur,  lors  de  son 

(i)  J.-B.  VAN  DER  Straelen.  Joerboek  der  vermaerde  en  hmstryh 
gilde  van  Sint  Lucas,  hinnen  de  stad  tAntwerpen.  —  Antwerpen,  1853, 
bl.  6,  7. 

Les  maîtres  distingués,  et  Jean  de  Heem  était  certainement  de 
ce  nombre,  avaient  le  droit  de  travailler  pendant  six  semaines  à 
Anvers,  sans  se  faire  recevoir  dans  la  gilde.  —  Art.  XIII  de  l'ordon- 
nance citée.  Id.,  ibidem,  p.  9. 

(2)  Il  fut  admis  dans  la  bourgeoisie  anversoise  le  7  août  1637. 


—    223 


décès,  arrivé  vers  le  mois  de  février  1638  (i).  C'est  ce 
qui  résulte  d'une  annotation  du  registre  de  la  VierscharCy 
qui  nous  apprend  que  notre  artiste  fit  pratiquer  le 
26  mars  1638,  une  saisie  ou  opposition  à  charge  des 
biens  délaissés  par  Brauwer. 

Cette  annotation  ne  nous  dit  pas,  du  reste,  si  ce  der- 
nier devait  de  l'argent  à  de  Heem,  ou  bien  s'il  avait  en 
sa  possession  quelque  ustensile  de  peinture  ou  autre 
meuble  appartenant  à  celui-ci. 

Nous  avons  trouvé  quatre  créanciers  qui  suivirent 
l'exemple  que  leur  avait  donné,  le  19  février  1638,  Jean 
Dandoy,  en  recourant  aux  voies  de  droit  pour  se  faire 
délivrer  ce  qui  leur  revenait  dans  la  succession  d'Adrien 
Brauwer  (2).  Ceux  qui  détenaient,  à  un  titre  quelconque, 
les  biens  de  cet  artiste  ne  pouvaient  s'en  dessaisir  sans 
risque,  à  moins  de  l'intervention  de  la  justice,  puisque 
le  maître  était  décédé  célibataire  et  certainement  sans 
héritiers  connus  et  résidant  à  Anvers. 

Le  compte  de  la  gilde  de  S'  Luc  du  18  septembre 
1642  au  18  du  même  mois  1643,  mentionne  une  recette 
de  3  florins  4  sous,  produit  de  la  dette  mortuaire  de  la 


(i)  Liggercn  cités,  T.  II,  p.  22. 

(2)  Ce  Jean  Dandoy  est  probablement  celui  qui  figure  en  1622  et 
en  1625,  surlaliste  des  membres  du  vieux  serment  de  l'arc  conservée 
à  l'hôtel  de  ville  parmi  les  archives  de  la  garde  bourgeoise.  Brauwer 
reçut,  il  est  vrai,  en  1631-1632,  un  apprenti  du  nom  de  Jean-Bap- 
tiste Dandoy,  qui  fut  admis  franc-maître  en  1637-1638.  Mais  il  n'est 
guère  à  supposer  qu'il  s'agit  ici  de  celui-ci,  qui  pourrait  être  le  fils 
du  premier,  puisque  les  jeunes  maîtres  nouvellement  entrés  dans  la 
gilde  n'étaient  pas  généralement  en  état  de  faire  des  prêts  ou  avances 
quelconques.  Nous  soupçonnons  que  le  Jean  Dandoy,  créancier  de 
Brauwer,  est  le  courtier-juré  mentionné  dans  un  acte  reçu  en  1657, 
par  le  notaire  Antoine  de  Costere,  à  Anvers. 


—    224   — 

femme  de  maître  de  Heem  (i).  Alette  van  Weede  était 
dccédéc,  en  effet,  le  29  mars  1643,  dans  sa  maison 
située  dans  la  Tcipmstrate,  près  de  l'église  de  Notre- 
Dame.  C'est  ce  qui  résulte  de  l'état  de  sa  mortuaire  qui 
fut  passé  et  approuvé  à  la  chambre  des  pupilles  (JVees- 
meesterskamcr),  de  la  ville  d'Anvers,  le  19  novembre  de 
la  dite  année.  Cet  état  fut  présenté  par  le  Signor  Jean 
de  Heem,  artiste-peintre  (Signor  Joannes  de  Heem,  const- 
schilder,')  aux  tuteurs  légaux  des  trois  enfants  de  la  dé- 
funte, Jean  Casspeel,  marchand  d'objets  d'art,  avec  qui 
nous  ferons  plus  ample  connaissance,  et  Adam  van 
Lamoen,  fripier-crieur  pubHc  (2).  Les  enfants  désignés 
dans  l'acte  sont  Corneille,  Torrentienne  et  Thomas- 
Marie  de  Heem.  On  y  donne  13  ans  au  premier,  tandis 
qu'il  ne  venait  d'accomplir  la  12,  que  depuis  le  mois 
d'avril.  Le  document  nous  apprend  ensuite  que  Jean  de 
Heem  est  resté  en  communauté  avec  ses  mineurs  jusqu'au 
18  novembre  1643.  Ce  jour-là,  il  fit  estimer  par  Pierre 
Cornelissen  et  Guillaume  van  Lamoen,  priseurs  jurés 
du  métier  des  fripiers,  et  en  présence  des  tuteurs,  tous 
les  biens  meubles,  tableaux,  etc.,  délaissés  par  Alette 
van  Weede.  Les  deux  experts  avaient  fixé  auparavant 
la  valeur  de  ce  qui  pourrait  être  prélevé  par  de  Heem, 
dans  l'actif  de  la  communauté,  d'après  la  coutume 
d'Anvers.    Elle    avait  été    évaluée  à  335  florins  4  sous. 

(i)  Liggeren  cités,  Tome  II,  p.  142. 

(2)  II  est  probable  que  le  greffier  de  la  chambre  des  pupilles  a 
commis  une  erreur  de  prénom  en  cet  endroit  et  qu'il  s'agit  ici  d'A- 
braham van  Lamoen,  qui  fut  reçu  franc-maître  de  S^  Luc,  en  1630- 
163 1,  en  quahté  de  marchand  d'objets  d'art,  commerce  que  prati- 
quaient souvent  les  fripiers.  Cet  Abraham  eut  un  fils  également 
nommé  Abraham  ;  celui-ci  fut  inscrit  comme  peintre  et  fils  de  maître, 
en  1647-1648.  Liggeren  cités,  Tome  II,  pp.  14,  18,  186  et  193. 


—   225    — 

Cette  déduction  faite,  les  priseurs  estimèrent  à  2889 
florins  16  sous  la  part  de  la  communauté  dans  les 
objets  en  question.  L'artiste  déclara  avoir  devers  lui  en 
outre,  en  or  et  en  argent,  la  somme  de  1200  florins, 
appartenant  à  la  mortuaire. 

L'actif  net  s'éleva  à  4089  florins  16  sous.  Il  n'y  eut 
à  défalquer  de  ce  boni  que  la  somme  de  54  florins  14 
sous,  montant  des  salaires  des  priseurs,  des  honoraires 
des  maîtres  de  pupilles  et  de  leur  greffier,  de  la  garde 
et  copie  de  l'état,  des  devoirs  du  notaire  Henri  Fighé, 
qui  avait  rédigé  la  minute  de  l'acte,  etc.  Il  restait  donc 
à  partager  4035  florins  2  sous,  dont  la  moitié,  soit  2017 
florins  11  sous  revenait  à  de  Heem,  et  l'autre  moitié  à 
ses  trois  enfants.  De  façon  que  la  part  de  chacun  de 
ceux-ci  était  de  672  florins  10  1/3  de  sous. 

Un  poste  inséré  pour  mémoire  dans  l'état  concerne 
les  droits  de  fabrique  (kerckenrechteii)  et  les  dépenses  rela- 
tives à  l'enterrement,  etc.  d'Alette  van  Weede.  Comme 
ils  avaient  été  payés  pendant  la  communauté  de  la 
mortuaire,  ils  ne  furent  pas  portés  en  compte.  Nous 
croyons  pouvoir  conclure  de  cette  mention  que,  si  la 
femme  de  Heem  était  née  protestante,  ce  qui  ne  nous 
est  pas  démontré,  elle  est  morte  catholique. 

Quant  au  culte  professé  par  son  mari,  l'acte  que  nous 
allons  anatyser  nous  apprendra  suffisamment  ce  qu'il  en 
faut  croire.  Disons  d'abord  que  le  maître  ayant  à  soigner 
trois  enfants  en  bas  âge,  pouvait  difficilement  rester 
veuf.  Aussi  avait-il  jeté  les  yeux  sur  Anne  Ruckers,  fille 
d'André  le  vieux,  habile  facteur  de  clavecins,  et  de  feu 
Catherine  de  Vriese,  pour  occuper  la  place  devenue 
vacante  à  son  foyer.  Les  parents  de  la  future  s'étaient 
mariés  dans   la  cathédrale  d'Anvers,  le  25  janvier  1605. 

15 


—   226   — 

Elle  avait  été  tenue  sur  les  fonts  de  cette  église,  quartier 
sud,  le  15  mars  161 5,  par  Guillaume  Gompaerts,  facteur 
de  clavecins,  franc-maître  de  notre  gilde  de  S'  Luc  en 
1560-1561  (i),  et  par  Jeanne  Moons.  Anne  Ruckers 
allait  atteindre  par  conséquent  l'âge  de  29  ans^  lorsque 
le  notaire  Barthélemi  van  den  Berghe,  le  vieux,  se  pré- 
senta le  23  février  1644,  dans  la  maison  d'André  Ruc- 
kers, rue  des  Tanneurs,  pour  y  recevoir  le  contrat  de 
mariage  de  sa  fille.  Cet  acte  énonce  d'abord  les  noms 
des  comparants,  monsieur  Jean  de  Heem  (d'heer  Johan 
de  Heem),  artiste-peintre  (2),  résidant  en  cette  ville 
d'Anvers,  veuf  de  feu  mademoiselle  Alette  van  Weede, 
futur  époux,  assisté  du  signor  Jacques  Jordaens,  éga- 
lement artiste-peintre^  d'une  part.  Et  de  l'autre,  made- 
moiselle Anne  Ruckers,  célibataire,  fille  légitime  du 
signor  André  Ruckers,  assistée  de  son  dit  père,  future 
épouse.  Ses  autres  assistants  étaient  son  frère  le  signor 
André  Ruckers,  le  jeune,  célèbre  facteur  de  clavecins, 
mademoiselle  Marie  de  Vriese,  veuve  du  signor  Jean 
Beelaert  (3),  sa  tante,  et  le  signor  Zacharie  de  Vriese, 
son  oncle  maternel    (4).  Les  futurs    époux   déclarèrent 


(i)  Liggeren  cités,  Tome  I,  pp.  218  et  341. 

(2)  Le  texte  dit  constryck  schilder,  littéralement  :  peintre  riche  en 
art. 

(3)  Il  s'agit  ici  de  Jean  Beelaert  ou  Bellerus,  le  jeune,  libraire, 
admis  en  1609-16 10,  dans  la  gilde  S^  Luc,  en  qualité  de  fils  de  maî- 
tre, et  décédé  en  1636.  —  Liggeren  cités,  Tome  I,  p.  455,  ibid., 
note  2.  —  Il  avait  épousé  Marie  de  Vriese  dans  la  cathédrale,  le  11 
août  1609,  en  présence  de  Gommaire  van  der  Zulten,  libraire,  franc- 
maître  de  S'  Luc  en  1 596-1 597,  et  d'André  Ruckers,  le  vieux.  — 
Liggeren  cités,  Tome  I,  P-  385. 

(4)  Il  fut  inscrit  en  1604- 160 5  dans  la  gilde  de  S'  Luc,  comme 
apprenti  brodeur  chez  Artus  ou  Arnould  de  Coûter.  Ni  les  Liggeren 


—    227  — 

qu'ils  avaient  conçu  le  projet  de  conclure  un  mariage, 
à  l'honneur  de  Dieu,  si  cela  pouvait  avait  lieu  du  con- 
sentement de  notre  sainte  mère  la  sainte  église  catho- 
lique.  Ils  en  réglèrent  ensuite  les  conditions  de  la 
manière  suivante,  Jean  de  Heem  devait  apporter  dans 
la  communauté  les  biens  qui  lui  avaient  été  assignés  pour 
sa  moitié,  dans  l'acte  analysé  ci-dessus  du  19  novembre 
1643,  passé  à  la  chambre  des  pupilles. 

Le  contrat  nous  apprend  que  le  maître  avait  été 
autorisé,  à  ladite  date,  à  pourvoir  à  l'alimentation  et  à 
l'entretien  de  ses  enfants  du  premier  lit,  au  moyen  des 
intérêts  des  sommes  qui  avaient  été  reconnues  leur 
revenir  dans  la  succession  de  leur  mère.  L'artiste  devait 
verser,  en  outre,  daiis  la  communauté  les  335  florins 
4  sous,  auxquels  les  priseurs  avaient  taxé  l'avantage  qui 
lui  revenait,  en  qualité  de  survivant,  aux  termes  de  la 
coutume  d'Anvers.  De  Heem  déclara  que  les  biens  qui 
lui  avaient  été  désignés  dans  l'état  de  la  mortuaire 
d'Alette  van  Weede  n'avaient  pas  diminué  de  valeur, 
depuis  la  réception  de  cet  acte. 

Quant  à  Anne  Ruckers,  elle  promettait  l'apport  de 
tous  ses  habillements,  joyaux  et  bijoux,  qui  devaient 
être  estimés,  aussitôt  que  possible,  et  dont  la  valeur 
serait  déterminée  par  le  registre  de  prisée  (schadthoeck) 
que  le  clerc-juré  du  métier  des  fripiers  revêtirait   de  sa 

ni  les  comptes  de  la  corporation  ne  signalent  son  admission  à  la 
maîtrise.  —  Liggcrcn  cités,  Tome  I,  p.  428. 

Zacharie  de  Vriese  épousa  dans  la  cathédrale,  quartier  sud,  le  8 
avril  1625,  Anne  Jordaens,  sœur  du  célèbre  peintre  Jacques  Jordaens, 
qui  fut,  avec  Jean  Ruckers,  le  jeune,  un  des  témoins  du  mariage. 

Faisons  observer  ici,  en  passant,  que  les  dénominations  de  mon- 
sieur, de  signor  et  de  mademoiselle  n'étaient  pas  prodiguées  à 
l'époque  dont  nous  parlons. 


228 


signature.  André  Ruckers,  père  de  la  future,  s'engageait 
à  payer,  aussitôt  après  la  consommation  du  mariage, 
la  somme  de  3000  florins,  du  chef  des  biens  qui  reve- 
naient à  sa  fille  dans  la  succession  de  sa  mère.  Après 
avoir  spécifié  que  cette  partie  de  la  dot  devait  être 
placée  sans  retard  en  biens  patrimoniaux,  en  faveur  de 
la  future,  l'acte  ajoute  que  celle-ci  fera,  en  outre,  apport 
de  ce  qui  lui  revient  dans  la  succession  de  sa  sœur 
Marie  Ruckers. 

Nous  ferons  observer  ici,  en  passant,  que  cette  part 
s'élevait  au  moins  à  600  florins,  dont  le  père  avait 
l'usufruit.  C'est  ce  qui  résulte  du  testament  d'Anne 
Ruckers,  que  nous  analysons  plus  loin.  De  façon  que  la 
communauté  n'avait  que  la  nu-propriété  de  cette  somme. 
Ajoutons  qu'André  Ruckers,  le  vieux,  ne  promit  aucun 
appoint  de  ses  biens  propres. 

Après  avoir  ainsi  réglé  leurs  apports,  Jean  de  Heem 
et  Anne  Ruckers  disposent  que  tous  ces  biens,  ainsi  que 
ceux  qui  parviendraient  à  chacun  d'eux,  par  suite  de 
successions,  de  legs  ou  de  donations,  retourneront,  lors 
de  la  dissolution  de  leur  mariage,  en  nature,  sinon  en 
juste  valeur,  en  cas  de  changement  ou  d'aliénation, 
à  la  famille  de  laquelle  ils  sont  provenus.  En  cas  de 
survivance  de  la  future,  elle  aurait  droit,  en  guise  de 
douaire,  à  une  part  d'enfant  telle  que  de  Heem  pouvait 
la  lui  léguer,  d'après  la  coutume  d'Anvers.  Si  Anne 
Ruckers  était  la  prémourante,  son  mari  aurait  droit  à  la 
somme  de  600  florins,  à  percevoir  des  biens  les  plus 
liquides  de  la  succession  de  sa  future.  Les  conquêtes 
qu'ils  parviendraient  à  réaliser  par  la  grâce  de  Dieu, 
devaient,  à  la  dissolution  du  mariage,  être  divisés  en 
deux  moitiés.   L'une   d'entre   elles   reviendrait   au  sur- 


—   229    — 

vivant  des  époux,  et  l'autre,  aux  enfants  ou  héritiers  du 
décédé.  Ces  stipulations  devaient  recevoir  leur  exécution, 
qu'il  y  eût,  ou  non,  des  enfants  survivants  des  futurs 
conjoints.  Telles  furent  les  clauses  de  ce  contrat,  qui  se 
termine  par  les  promesses  et  renonciations  d'usage. 

L'acte  fut  signé  de  la  manière  suivante  par  les  parties, 
leurs  assistants,  tenant  lieu  de  témoins,  et  le  notaire  : 
«  J.  de  Heem. —  Anna  Ruckers. —  Andries  Ruckers.  — 
Andries  Ruckers,  den  jongere  (i).  —  Sacharias  de 
Vrise.  —  Marie  de  Vries.  —  Jacques  Jordaens.  — 
B,  van  den  Berghe,  nots  (2).  » 

Le  mariage  de  jeaa  de  Heem  et  d'Anne-Catherine 
Ruckers,  qui  avait  reçu  ce  deuxième  prénom  lors  de  sa 
confirmation,  fut  célébré  dans  la  cathédrale  d'Anvers, 
quartier  sud,  le  6  mars  1644. 

Il  eut  pour  témoins  André  Ruckers,  père  de  l'épousée, 
et  Charles  de  Lono;in. 

La  grossesse  d'Anne  Ruckers  ne  se  fit  pas  attendre 
longtemps.  Appréhendant  sans  doute  les  accidents  fâcheux 
qui  accompagnent  ou  suivent  parfois  les  accouchements, 
elle  manda  le  notaire  Barthélemi  van  den  Berghe,  le 
vieux,  dans  la  maison  qu'elle  occupait  aux  Gasthuisbeemden 
et  lui  fit  recevoir  son  testament  le  7  mars  1645.  Après 
les  recommandations  ordinaires  de  son  âme  à  Dieu_,  aux 
prières  de  la  S'^  Vierge  et  de  tous  les  Saints,  la  femme 
de  Jean  de  Heem  fait  élection  de  sépulture  dans  la 
cathédrale,  où,  dit-elle,  sa  mère  avait  été  enterrée.  Elle 


(i)  André  Ruckers,  le  jeune. 

(2)  Minutes  du  notaire  Barthélemi  van  den  Berghe,  le  vieux, 
conservées  aux  archives  de  la  ville  d'Anvers,  volume  de  1644,  page 
xlvj. 


—  230  — 

lègue  I  florin  à  la  fobrique  de  cette  église,  et  12  florins 
aux  aumôniers  delà  ville,  en  faveur  des  pauvres  honteux. 
Elle  dispose  ensuite  de  tous  ses  biens  en  faveur  de  son 
mari  Jean  de  Heem,  et  ce  aux  charges  ordinaires  d'ali- 
mentation, d'entretien  et  d'éducation  des  enfants  survi- 
vants qui   naîtraient  de   leur  mariage.    Chacun   de   ces 
enfants  embrassant  quelque  état  approuvé,  ecclésiastique 
ou  laïque,  ou  parvenant  à  l'câge  de  25  ans,    aurait  droit 
à  sa.  part  d'une  somme  de  1800  florins,  et  cela  du  chef 
des  biens  maternels.  De  Heem  était  tenu  de  faire  emploi 
de  1200  florins  sur  les  1800.  Les  600  restants  étaient  la 
valeur  d'un  legs  qui  avait  été  fait  à  la  testatrice  par  sa 
sœur   Marie   Ruckers.   André  Ruckers,    leur   père,    les 
gardait  par   divers  lai,   et  en   avait   l'usufruit.  Jean    de 
Heem  devait  jouir  de  l'nitérct  des  1200  florins,  jusqu'au 
moment  fixé  pour  la  remise  aux  enfants  survivants.  En 
cas  de  décès  de  son  beau-père,  il  était   tenu  également 
de  bien  placer  les  600  florins,  dont  l'intérêt  lui  revien- 
drait ensuite  sur  le  pied  fixé  pour  les    1200.  En  cas  de 
décès  d'un  ou  de  plusieurs  enfants,  le  droit  d'accroisse- 
ment  était   stipulé    en   faveur  des   survivants.   Il  l'était 
également  pour  Jean  de  Heem,  s'il  leur  survivait  à  eux 
tous.    Mais   dans   ce   cas,    les   600   florins   légués   à  la 
testatrice  par  Marie  Ruckers  devaient  être  hérités  par  les 
enfants   de  son   frère  André  Ruckers,  et  Jean  de  Heem 
était  tenu  de  payer  à  ce  dernier  la  somme  de  50  florins. 
Moyennant  ces   legs,    André   Ruckers    et    ses    enfants 
devaient  rester  exclus  de  la  succession  de   la   testatrice, 
si  celle-ci  venait  à  décéder  sans  héritiers. 

Le  maître  fut  institué  exécuteur  du  testament  de  sa 
femme  et  tuteur  de  leurs  enfants,  avec  pouvoir  d'en 
assumer  d'autres.  Il  fut  dispensé  de  l'obligation  de  faire 


—   231    — 

dresser  un  état  et  inventaire    de  la  succession  d'Anne 
Ruckers  (i). 

Peu  de  temps  après  la  réception  de  cet  acte,  Anne 
Ruckers  mit  au  monde  son  premier  enfant.  Il  fut  nommé 
Marie-Anne  et  tenu  sur  les  fonts  de  l'église  S'  Georges, 
le  i6  mars  1645,  par  son  aïeul  André  Ruckers,  le  vieux, 
et  Marie  de  Vriese.  veuve  de  Jean  Beelaert,  sa  grand'tante 
maternelle. 

Les  quatre  enfants  suivants  furent  tous  baptisés  dans 
la  même  égli§e;  2°  Isabelle-Catherine,  le  17  avril  1647; 
parrain,  Zacharie  de  Vriese,  oncle  maternel  d'Anne 
Ruckers  ;  marraine,  Catherine  van  Woeasel,  dont  la 
famille  n'est  pas  inconnue  aux  registres  de  la  gilde  de 
S'  Luc. 

Isabelle-Catherine  de  Heem  se  maria,  mais  fort  tard. 
Elle  épousa,  en  effet,  dans  la  cathédrale,  quartier  sud, 
le  12  décembre  1697,  Alexandre  Felbier,  en  présence 
de  Michel  Bels  et  de  Pierre  Dominet.  Les  futurs  avaient 
obtenu  la  dispense  des  trois  bans  et  du  temps  clos  de 
l'avent. 

3°  Hildegonde,  tenue  sur  les  fonts  le  17  mai  1648, 
par  le  célèbre  peintre  Gérard  Zegers  et  Anne  Jordaens, 
sœur  du  fameux  Jacques  et  femme  de  Zacharie  de  Vriese. 
Elle  vivait  encore  en  17 13,  comme  nous  le  verrons  dans 
la  biographie  de  David  de  Heem,  le  troisième. 

4°  Jean,  le  2  juillet  1650;  parrain,  André  Ruckers, 
probablement  le  jeune,  marraine,  Marie  de  Vriese, 
veuve  de  Jean  Beelaert.  Nous  n'avons  pas  pu  découvrir  si 
ce  Jean  de  Heem,  qui  est  inconnu  aux  Liggeren  et  aux 

(i)  Minutes  du  notaire  Barthélemi  van  dcn  Berghe,  le  vieux,  con- 
servées aux  archives  de  la  ville  d'Anvers,  volume  de  1645,  P^ge 
xcvj . 


—  232  — 

comptes  de  la  gilde  de  S*  Luc,  est  décédé,  ou  non,  dans 
sa  jeunesse.  Nous  croyons,  du  reste,  qu'il  ne  pourra 
guère  servir  les  auteurs  qui  croient  à  l'existence  de  deux 
peintres  du  nom  de  Jean  de  Heem,  eu  égard  aux  dates 
qu'ils  ont  avancées. 

5°  Anne-Marie,  le  3  novembre  165 1;  parrain,  André 
Ruckers,  (le  vieux,  le  jeune  ?),  marraine,  Anne  Jordaens. 

6°  Jacques,  le  25  octobre  1654;  parrain,  Jacques 
Kemp  ;  marraine,  Anne  Jordaens,  femme  de  Zacharie  de 
Vriese.  C'est  la  troisième  fois  qu'elle  rendit  ce  service 
aux  parents  de  Jacques  de  Heem.  Disons  ici,  en  passant, 
que  le  nom  de  Kemp  est  connu  dans  les  archives  de 
S'  Luc  (i);  nous  n'y  avons  toutefois  pas  rencontré  le 
Jacques  en  question. 

Nous  connaissons  à  cette  heure  la  famille  de  Jean  de 
Heem  et  savons  déjà  quelques  particularités  importantes 
de  sa  vie  d'artiste.  C'est  le  récit  de  cette  partie  de  son 
existence  dont  nous  allons  poursuivre  la  narration. 

Arnould  Houbraken  rapporte  que  notre  maître  eut 
pour  élèves  le  célèbre  Abraham  Mignon  et  l'Utrechtois 
Henri  Schook.  Celui-ci  avait  pratiqué  d'abord  l'histoire, 
qui  lui  avait  été  enseignée  par  Abraham  Blommaert  et 
Jean  Lievens.  L'envie  lui  ayant  pris,  un  jour,  d'exécuter 
un  tableau  de  fleurs,  il  le  montra  à  de  Heem.  Cet 
artiste  lui  en  témoigna  sa  satisfaction  et  lui  conseilla 
de  se  tenir  à  cette  partie  de  la  peinture.  Schook  se 
rangea  à  son  avis  et  se  fit  recevoir  ensuite  dans  son 
atcHer  (2). 

(i)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  272,  383,  398  et  440. 

(2)  De  groote  Schoiihiirgh  der  Nederlandsche  konstschilders  en  schilde- 
ressen.  Amsterdam,  1718,  Tome  I,  pp.  212  et  213.  's  Gravcnhage, 
17 S 3,  Tome  III,  pp.  82  et  83. 


—  233   - 

Houbraken  n'a  pas  connu  les  apprentis  que  de  Heem 
eut  à  Anvers.  Les  Liggeren  en  désignent  trois,  qu'il  admit 
en  1641-1642,  Alexandre  Coosmans,  Thomas  de  Clerck 
et  Léonard  Rougghe.  Le  premier,  qui  devint  un  peintre 
de  talent,  fut  reçu  franc-maître  en  1645-1646.  Certains 
auteurs  ont  cru  bon  de  lui  donner  les  prénoms  d'Alard 
et  d'Alexis.  On  a  même  rangé  dans  l'école  hollandaise 
ce  maître  Anversois  de  naissance.  Qiiant  à  ses  cama- 
rades d'atelier,  Thomas  de  Clerck  et  Léonard  Rougghe, 
leur  admission  à  la  maîtrise  n'est  pas  signalée  (i). 

Les  fils  d'artistes  n'étaient  inscrits  que  très-rarement 
dans  les  Liggeren,  en  qualité  d'élèves.  C'est  ce  qui 
explique  l'absence  dans  les  listes  des  apprentis,  des 
noms  de  Corneille  de  Heem  et  de  Jean-Paul  Gillemans, 
le  vieux,  qui  eurent  Jean  de  Heem  pour  maître  et  lui 
firent  honneur.  Il  suffît,  pour  se  convaincre  de  cette 
double  vérité,  de  comparer  leurs  productions  avec 
celles  de  ce  grand  artiste.  Au  reste,  en  ce  qui  concerne 
Corneille  de  Heem,  qui  fut  admis,  en  1 660-1 661,  d:.ns 
la  gilde  de  S^  Luc  à  Anvers,  Corneille  de  Bie  a  eu  soin 
de  nous  apprendre  qu'il  reçut  les  leçons  de  son  père  (2). 
Quant  à  Jean-Paul  Gillemans,  le  vieux,  franc-maître^  en 
qualité  de  fils  de  maître,  en  1647-1648,  (3)  les  biographes 
ne  paraissent  pas  même  le  connaître.  Cela  n'étonnera 
guère  le  lecteur,  lorsqu'il  saura  que  les  marchands  de 
tableaux  font  passer  ses  œuvres,  dont  ils  enlèvent  les 
signatures,    comme   peintes  par  Jean  de  Heem.    Nous 


(i)  Ltg^cren  cités,  Tome  II,  pp.  128,  151,  134,  165  et  172. 

(2)  Het  Giilden  Cabinet  van  de  edelvrij  schilderconst.  pp.  217  et  218. 
Liggeren  cités,  Tome  II,  pp.  311  et  322. 

(3)  Li<r^eren  cités,  Tome  II,  pp.  187  et  193. 


—  234  — 

avons  vu  ci-dessus  que  Jean  Casspeel  était,  en  novembre 
1643,  un  des  tuteurs  légaux  des  enfants  de  Jean  de 
Heem.  Ce  marchand  d'objets  d'art  et  imprimeur  en 
taille-douce  avait  été  reçu  en  la  première  qualité  dans 
la  gilde  de  S'  Luc,  en  1634-1635  (i).  Il  exerçait,  en 
outre,  la  profession  de  serrurier  ou  de  forgeron  et  était 
un  grand  amateur  de  tableaux.  Enfin  il  était  l'ami  de 
prédilection  de  Jean  de  Heem.  Celui-ci  voulut  lui  en 
donner  une  preuve.  Pierre  de  Balliu,  un  de  nos  bons 
graveurs,  avait  exécuté  une  belle  planche,  d'après  le 
tableau  d'Antoine  van  Dyck,  qui  ornait  l'église  des 
Capucins  de  Termonde.  Ce  chef-d'œuvre,  placé  actuel- 
lement dans  l'ancienne  église  de  Notre-Dame  de  ladite 
ville,  représente  le  Sauveur  en  croix  et  S^  François  d'Assise 
en  adoration  aux  pieds  de  Jésus  ;  à  droite  sont  représentés  la 
S"  Vierge^  S*  Jean  et  S"  Marie-Madeleine  ;  à  gauche,  le 
centurion.  De  Heem  obtint  du  graveur  l'autorisation  de 
pouvoir  dédier  son  estampe  à  Casspeel  et  y  fit  placer 
ensuite  l'inscription  suivante,  datée  du  mois  de  juin  1643  ; 

«Hoc  amoris  sui  pignus  dedicat  D.  Joannes  de  Heem 
singulari  amico  suo  D.  Joanni  Caspeel  fabro  ferrario, 
famosoq  ;  artis  pictoriae  amatori  Antverpise  Junij  1643. 
—  Antonius  van  Dyck  pinxit.  —  Petrus  de  Balliu 
fecit  »  (2). 

Le  compte  de  la  gilde  de  S'  Luc  de  1 642-1 643 
mentionne  une  recette  de   6   florins,  dûs  pour  une  réu- 


(i)  Liggeren  cités,  Tome  II,  pp.  60  et  67.  —  No  1417.  Renaud 
s'éveillant  dans  le  giron  d'Armide,  «  P.  de  Jode  sculp.  Joan  Caspeel 
exe.  »  N.-J.  t'Sas.  Catalogue  du  chanoine  Tierre  Wouters.  Bruxelles, 
1797,  p.  128. 

{2)  On  remarquera  le  double  Dominiis  de  l'inscription  :  ce  titre 
n'était  pas  donné  ni  pris  indifféremment  à  cette  époque. 


—  235  — 

nion  de  la  chambre  de  la  corporation,  où  l'on  s'était 
occupé  d'une  demande  de  Jean  Casspeel,  relative  à  un 
projet  de  vente  de  tableaux.  Il  en  reçut  l'autorisation 
requise  et  paya  libéralement  75  florins  de  ce  chef.  Le 
même  compte  renseigne  sa  dette  mortuaire,  mais  c'est 
là  évidemment  une  erreur.  Jean  Casspeel  est  décédé,  en 
effet,  le  22  mai  1655,  d'après  son  inscription  sépulcrale, 
et  le  compte  de  la  gilde  du  18  septembre  1654  au  18 
du  même  mois  1655,  mentionne  une  deuxième  fois  la 
recette  des  droits  dévolus  à  la  corporation  par  suite  de 
son  décès  (2).  Il  est  donc  certain  qu'en  1 642-1 643,  le 
nom  de  Casspeel  a  été  écrit  erronément,  au  lieu  d'un 
autre. 

Au  reste,  cet  amateur  ne  fut  pas  seul  à  recevoir  de 
Jean  de  Heem  des  dédicaces  de  gravures.  En  effet,  Pierre 
de  Balliu,  ayant  exécuté  une  planche  d'après  le  tableau 
de  Pierre  Paul  Rubens,  représentant  la  Réconciliation 
d'Esaii  et  de  Jacob,  notre  artiste  obtint  l'autorisation  de 
pouvoir  offrir  à  Martin  Kretser  le  travail  de  son  ami.  Il 
fit  en  conséquence  placer  l'inscription  suivante  au  bas 
de  l'estampe  : 

«  Domino  Martino  Kretzer,  artis  pictori^e  admiratori 
ac  patrono  amico,  hanc  cultus  et  observantia^  sua;  indi- 
cem  tabulam  Joannes  de  Heem  dicat  consecratque  Ant- 
verpic-e,  24  Febr.  1652.  » 

Ces  lignes  datées  d'Anvers,  le  24  février  1652,  nous 
apprennent  que  Martin  Kretser  était  un  admirateur  de 
l'art  de  peindre  et  un  protecteur  de  de  Heem.  On  voit 
suffisamment,  au  ton  de   la  dédicace,  que   le  maître  s'y 


(2)  Il   avait  épousé  Anne  van  Gootsenhave,   qui  mourut  le    19 
octobre  1673.  —  Li^geren  cités,  Tome  II,  pp.  138,  141  et  26). 


—  236  — 

adresse  à  une  personne  de  considération.  Nous  ne  con- 
naissons pas,  du  reste,  ce  Kretser  autrement  et  ignorons 
même  sa  nationalité  (i). 

C'est  une  chose  singulière  qu'un  artiste  offrant  à  une 
personne  envers  laquelle  il  se  croit  obligé,  l'œuvre  d'un 
autre  artiste  encore  vivant.  C'en  est  une  plus  singu- 
lière encore  qu'un  fonctionnaire  dédiant  à  son  supérieur 
la  planche  d'un  graveur.  Nous  en  avons  pourtant  un 
exemple  assez  récent  :  c'est  celui  de  M.  Jay,  inspecteur- 
général  des  octrois  dans  les  départements  au-delà  des 
Alpes,  dédiant  le  Portrait  de  Michel- Ange  '^uonarotti, 
gravé  à  l'eau-forte  par  Joseph-Charles  de  Meulemeester, 
d'après  un  dessin  d'Annibal  Carrache,  à  M.  Antoine 
François,  comte  de  l'empire,  directeur-général  de  l'ad- 
ministration des  droits  réunis,  etc.,  etc.  (2) 

Revenons  à  Jean  de  Heem.  Les  registres  de  la  bour- 
geoisie d'Anvers  (^poortersboeken)  nous  signalent  de  nom- 
breuses absences  de  cet  artiste.  Ainsi  il  se  fit  inscrire  le 
mardi  24  décembre  1658^  en  qualité  de  bourgeois  forain 
(huitenpoorter^ ,  et  paya  pour  un  an  le  droit  dû  de  ce 
chef  à  la  ville.  Ces  registres  renferment  des  annotations 
semblables,  aux  dates  suivantes  :  15  novembre  1659, 
9  novembre  1660,  15  novembre  1661,  11  décembre 
1663  et  26  novembre  1667.  Il  n'en  existe  pas  pour 
l'année  1669,  époque  à  laquelle  Jean  de  Heem  fut  reçu 


(i)  Il  habitait  Amsterdam  en  1653,  possédait  une  Madeleine  du 
Titien,  et  fut  un  des  membres  fondateurs  du  festin  de  S'  Luc  dans 
ladite  ville,  où  il  exerça  les  fonctions  de  régent  du  théâtre.  —  Van 
Lenxep  apud  J.-A.  Alberdingk  Thijm,  Volksalmanak  voor  Isieder- 
landsche  katholieken  1875,  p.  186,  nota  2. 

(2)  Edmond  de  Busscher.  Biographie  historique  de  J.-C.  de  Meu- 
lemeester, de  Bruges.  Gand,  sans  date,  p.  99. 


-4 


—  237  — 

dans  la  gilde  de  St-Luc,  à  Utrecht,  d'après  ce  que  rap- 
porte Kramm  (i). 

Ce  défaut  d'inscription  aurait  pu  entraîner  pour  le 
maître  la  perte  de  ses  droits  de  bourgeoisie  d'Anvers,  aux 
termes  du  titre  XXXVIII  de  la  coutume  de  cette  ville. 
Il  paraît  toutefois  qu'on  ne  se  montrait  pas  toujours  très- 
rigoureux  en  cette  matière.  Ainsi  nous  lûmes  dans  les 
Toortersboeken,  une  annotation  datée  du  3  novembre 
1666,  constatant  que  Jean  de  Bruyn-van  Aelst  avait  payé 
le  droit  de  bourgeois  forain  pour  les  années  échues  de- 
puis le  4  septembre  1653  jusqu'au  4  du  même  mois 
1659. 

Corneille  de  Bie  rapporte  que  Jean  de  Heem  ne  pei- 
gnait pas  seulement  avec  beaucoup  de  talent  des  fleurs  et 
des  fruits,  des  vases  d'argent  et  des  instruments  de 
musique,  mais  aussi  des  paysages,  des  poissons  et  de 
la  viande  (2),  sans  doute  comme  accessoires.  Il  faut 
joindre  à  cette  énumération  des  insectes,  d'autres  animaux 
et  les  bocaux  dans  lesquels  se  réfléchissent  les  objets 
placés  à  distance,  les  vases  d'or  et  de  porcelaine,  etc. 

Le  maître  excellait  à  grouper  ces  produits  de  la  ma- 
tière et  de  l'industrie  et  à  en  faire  ressortir  harmonieu- 
sement la  beauté.  Aussi  de  Heem  a-t-il  recueilli  les 
louanges  les  plus  enthousiastes  de  ses  contemporains  et 
la  postérité  les  a-t-elle  confirmées. 

L'archiduc  Léopold-Guillaume  possédait  de  ses  œuvres, 
d'après  le  catalogue  inséré  dans  le  Theatrum  pictoritm, 
publié  par  David  Teniersj  le  jeune.  Un  grand  nombre 
de  musées  européens  sont  aussi  fiers  de  ses  productions. 

(i)  De  Icvens  en  luerhen  der  Hollavdsche  en  Flaainsche  hunstschilders , 
en^.,  T.  III,  p.  654. 

(2)  Op.  cit.,  pp.  217-218. 


—  238  — 

Celui  d'Anvers  en  étale  une  représentant  une  guirlande. 
Elle  est  composée  de  la  manière  suivante.  Sur  un  fond 
noir  se  détachent  des  branches  de  lierre,  retenues  par 
des  rubans  bleus,  dont  les  nœuds  sont  fixés  à  des  clous. 
A  ces  branches  est  entrelacé  un  bouquet  de  fleurs  et  de 
fruits.  On  5'  distingue,  entre  autres,  des  roses  rouges  et 
une  blanche,  diverses  espèces  de  tulipes,  une  pivoine, 
des  auricules,  un  pavot,  des  soucis,  une  belladone,  des 
violettes,  etc.,  des  cerises  et  des  prunes  encore  retenues 
à  la  branche  qui  les  vit  mûrir,  un  épi  de  blé,  sur  lequel 
s'est  abattu  un  insecte  qu'une  araignée  s'apprête  à  sai- 
sir, du  maïs,  etc.  Tous  ces  objets  sont  disposés  avec  un 
goût  parfait,  supérieurement  bien  dessinés  et  peints  de 
main  de  maître.  Ce  tableau  brillant  et  superbe  est  en 
outre,  animé  de  papillons,  de  chenilles,  de  fourmis,  de 
sauterelles,  etc.,  d'un  choix  exquis.  Il  est  signé  au 
milieu  de  la  partie  inférieure  : 

J.  D.  De  Heem,  /. 

Le  musée  de  Bruxelles  possède  plusieurs  tableaux  de 
de  notre  maître.  Le  premier,  signé  du  monogramme 
de  Jean  de  Heem  et  daté  de  1668,  représente  une  guir- 
lande de  fruits  et  de  lés:umes.  Elle  entourait  d'ancienne 
date  un  médaillon  que  le  peintre  avait  laissé  vide  sans 
aucun  doute,  puisqu'un  artiste  du  18"°^  siècle  y  exécuta 
en  grisaille  la  figure  assise  de  la  fécondité,  ayant  deux 
enfants  à  ses  côtés.  Cet  artiste  n'est  autre  que  l'Anver- 
sois  Jean-Baptiste  Lambrechts,  franc-maître  de  notre 
gilde  de  S'  Luc,  en  1 708-1 709.  Il  signa  également  son 
œuvre,  mais  la  partie  antérieure  de  la  lettre  J  ayant  été 
enlevée,  le  fragment  conservé   a  été   considéré   quoique 


—  239  — 

dubitativement,  comme  un  C  (i).  M.  Edouard  Fétis 
nous  apprend  que  ce  tableau  qui  a  fait  partie  de  la  cé- 
lèbre galerie  du  cardinal  Fesch,  a  été  acheté  à  Rome,  en 
1862,  pour  la  somme  de  2,150  francs. 

Une  deuxième  composition  représente,  de  la  manière 
suivante,  un  bouquet  de  fleurs.  «  Dans  une  carafe  en 
verre,  un  bouquet  composé  de  tulipe,  rose,  pivoine 
bluets,  etc.  La  carafe  est  posée  sur  une  table  en  marbre 
où  l'on  voit  un  escargot  et  une  chenille.  » 

Ce  tableau  signé  du  nom  du  maître  et  des  initiales 
J,  D.,  a  été  acquis  en  1822,  au  prix  de  650  francs. 

Une  troisième  et  dernière  composition  payée,  en 
.  1868,  410  francs,  à  la  vente  de  M.  J.-H.  Cremer,  est  dé- 
crite ainsi  :  «  Sur  une  table  en  marbre  rougeâtre,  une 
assiette  d'étain  contenant  deux  huîtres  ouvertes  et  un 
quartier  de  citron  ;  près  d'une  grappe  de  raisins,  un 
grand  verre  à  pied  où  trempent  les  tiges  d'un  épi  de 
blé  et  d'une  branche  de  mûrier  ;  un  autre  verre  à  moitié 
rempli  ;  à  droite,  au  bord  de  la  table,  des  huîtres  et  des 
écailles  vides  ;  à  gauche,  un  papillon  volant  au-dessus 
de  la  table  (2).  » 

Cette  dernière  production  est  cataloguée  à  Bruxelles, 
comme  exécutée  par  un  autre  Jean  de  Heem  que  celui 
dont  nous  nous  occupons,  et  dont  le  musée  de  Dresde 
posséderait  un  chef-d'œuvre  peint  en  1650.  Mais  il  con- 
vient de   faire  observer   que  ce    chef-d'œuvre  est  signé 

(i)  Edouard  Fétis.  Catalogue  descriptif  et  historique  du  musée  royal 
de  "Belgique  {Bruxelles).  —  Bruxelles  1862,  pp.  309-310. 

Nous  espérons  bien  pouvoir  utiliser  les  documents  que  nous  avons 
recueillis  relativement  à  Jean-Baptiste  Lambrechts,  qui  fut  peintre  de 
conversations. 

(2)  Ibid.,  pp.  310  et  447. 


—  240  — 

/  D.  (le  /  et  le  î)  entrelacés)  De  Heem,  ce  qui  se  traduit 
par  Johannes  Davids^pon  de  Heem  (Jean  fils  de  David  de 
Heem)^  de  façon  qu'il  s'agit  ici  précisément  de  l'artiste 
dont  nous  écrivons  la  biographie  (i).  C'est  pourquoi 
nous  avons  trouvé  bon  de  lui  restituer  le  tableau  du 
musée  de  Bruxelles,  indiqué  en  dernier  lieu. 

A  l'exposition  d'œuvres  des  maîtres  anciens,  ouverte, 
en  1873,  dans  la  ville  citée,  figurait  un  tableau  superbe 
de  notre  peintre.  Le  catalogue  le  signale  en  ces  termes  : 
«  Sur  une  table,  des  fleurs  dans  un  vase  ;  près  du  vase, 
des  firuits  ;  à  gauche,  une  fenêtre  ;  un  fond,  un  rideau. 
Signé  :  /.  D.  De  Heemf.  »(2).  Cette  composition  appar- 
tenait à  M.  B.  Suermondt,  qui  depuis,  au  grand  éton- 
nement  des  amis  des  arts,  a  vendu  la  majeure  partie  de 
sa  splendide  collection  au  gouvernement  prussien. 

M.  Victor  de  Stuers  donne  la  description  suivante  de 
deux  tableaux  de  Jean  de  Heem,  qui  ornent  le  musée 
de  la  Haye  :  «  n°  38.  Fruits.  —  Sur  une  table  couverte 
d'un  drap  vert  sont  rassemblés  des  fruits.  Un  grand 
plat  en  vermeil  porte  des  pêches,  des  cerises,  des  nèfles 
et  plusieurs  grappes  de  raisins  ;  une  pêche  coupée  en 
deux  parts  est  posée  sur  une  assiette  en  argent  ;  à  droite 
sont  placés  un  melon  et  une  grenade  coupés.  A  gauche, 
des  coquillages,  des  noix,  une  montre  et  un  cofiret 
garni  d'un  drap  bleu,  sur  lequel  se  trouvent  un  grand 
verre  rempli  de  vin  blanc,  un  citron  coupé  et  une  flûte. 
A  droite,  un  rideau  rouge. 

(i)  JuLius  HûBNER.  Verieichniss  der  Dresdner  Gcmàlde-Galerie. 
Dresden  1872,  p.  249,  11°  1165. 

(2)  Exposition  de  tableaux  et  dessins  d'anciens  maîtres,  organisée  par 
la  Société  néerlandaise  de  bienfaisance,  à  Bruxelles.  Bruxelles  1873, 
p.  35,  no  89. 


—  241  — 

Cette  peinture  signée  /.  D.  De  Heem,  /,,  provient  du 
cabinet  du  prince  d'Orange  Guillaume  V. 

N°  39.  Guirlande  de  fleurs  et  de  fruits.  —  Des  œillets, 
des  marguerites,  des  fleurs  d'oranger^  des  pivoines  et  des 
épis  de  blé  sont  entrelacés  avec  des  grappes  de  raisins, 
des  pèches,  des  abricots,  des  coings  et  des  châtaignes; 
la  guirlande  qui  sert  à  orner  le  centre  d'une  niche,  est 
entourée  de  faveurs  bleues  et  suspendue  par  les  extré- 
mités à  des  clous.  Ça  et  là  des  papillons.  Signé  :  /.  D. 
De  Heem,  fecit.  —  Château  du  Loo.  —  Collection  Guil- 
laume V  (i). 

Le  musée  d'Amsterdam  renferme  deux  tableaux  de 
Jean  de  Heem.  Le  premier,  peint  en  1640,  représente, 
de  la  manière  suivante,  des  objets  inanimés  :  sur  une 
plinthe  de  pierre  sont  posés  un  pot  de  vermeil  artiste- 
ment  ciselé,  près  d'un  verre  à  vin  de  couleur  verte  ; 
non  loin  de  là,  un  bocal  d'argent  également  ciselé,  un 
citron  et  d'autres  objets.  Cette  toile  est  portée  au  cata- 
logue comme  l'œuvre  d'un  Jean  de  Heem,  qui  serait  né 
en  1603,  décédé  en  1650  et  qui  aurait  été  l'élève  de  son 
oncle  David  de  Heem  (II?).  N'ayant  aucune  preuve  de 
l'existence  de  ce  second  Jean,  nous  croyons  pouvoir 
restituer  cette  œuvre  au  seul  Jean  connu.  Elle  provient 
de  la  vente  G.  van  der  Pot,  qui  eut  lieu  à  Rotterdam, 
le  6  juin  1808  et  porte  la  signature  suivante  du  maître, 
à  laquelle  Ye    de  de  fait  défaut  : 

Johannes  de  Heem  f.  1640. 

Nous  la  rendons  ainsi  : 

Johannes  de  Heem  fecit  1640. 

(i)  Victor  de  Stuers.  Notice  historique  et  descriptive  des  tableaux 
et  des  sculptures  exposés  dans  le  musée  royal  de  la  Haye.  La  Haye  1874, 
pp.  42-43. 

16 


—  242  — 

La  partie  antérieure  du  J  a  disparu. 

La  deuxième  toile  figure  des  fleurs  et  des  fruits.  A  un 
ruban  de  soie  bleue  sont  attachés  des  grappes  de  raisins 
de  la  même  couleur,  des  pêches,  des  abricots,  des 
nèfles,  des  grenades,  des  bigarreaux,  des  oranges  douces, 
des  prunes,  un  citron,  une  citrouille,  des  roses,  des 
mauves  blanches,  plusieurs  autres  fleurs  et  des  feuilles. 
Des  papillons,  des  urebecs  et  d'autres  insectes  sont  ré- 
pandus en  divers  endroits.  Un  urebec  parcourt  la  partie 
inférieure  d'une  pfinthe. 

Ce  tableau  signé  :  /.  D.  De  Hecm  (j)inxit)  provient  du 
cabinet  van  Heteren  (i). 

Le  musée  de  Haarlem  possède  de  notre  maître  des 
fruits,  signés  de  son  monogramme  et  datés  de  1653.  Ils 
proviennent  de  l'hospice  des  vieillards  (2). 

Pour  abréger,  nous  ajouterons  que  le  musée  du 
Louvre,  à  Paris,  est  orné  de  deux  compositions  de  Jean 
de  Heem,  ayant  pour  sujet  l'un  et  l'autre  des  fruits  et 
de  la  vaisselle  sur  une  table.  L'un  de  ces  tableaux  est 
signé  /.  de  Heem  f.,  sans  addition  du  D.,  comme  un  de 
ceux  du  musée  d'Amsterdam  (3). 

D'autres  œuvres  de  l'artiste  sont  conservées  dans  les 
musées  de  Lille,  de  Dunkerque  et  de  Lyon  (4).  Parmi 

(i)  P.  L.  DuBOURCQ.-  "Beschrijving  âer  schilderijen  op  's  rijks  mu- 
séum, te  Amsterdam. — Amsterdam  1870,  pp.  58-59. 

(2)  Catalogiis  der  schilderijen  op  het  muséum  der  stad  Haarlem, 
1865  (?),  p.  14,  no  48. 

C3)  Frédéric  Villot.    Notice  des  tableaux du  mnsèc 

impérial  du  Louvre.  Paris  1855,  p.  loi. 

(4)  Ed.  Reynart.  Notice du  musée  de  Lille,  1862,  n"  93. 

—  Catalogue  des  ouvrages exposés  au    vnisée  de  la   ville  de 

Dunkerque,  en  iSjo,  p.  19.  —  Augustin  Thiériat.  Notice  des  ta- 
bleaux exposés  dans  la  grande  galerie  du  musée  de  Lyon.  Lyon  1861, 
pp.  54,  5)  et  106. 


I 


—  243  — 

ces  derniers  figure,  sous  le  n°  102  de  la  notice  de 
1861,  un  cartouche  entouré  de  fleurs  et  de  fruits, 
supporté  par  deux  aigles  :  au  milieu  se  trouve  le  portrait 
de  Guillaume  III  d'Orange,  enfant  :  on  ne  nomme  pas 
l'auteur  de  cette  effigie. 

Ce  tableau  a  fait  partie  du  cabinet  du  prince  d'Orange 
Guillaume  V  ;  il  fut  volé,  en  1795,  avec  toute  sa  collec- 
tion, par  les  républicains  français,  (i)  Napoléon,  aussi 
peu  scrupuleux  qu'eux,  fit  cadeau  de  cette  superbe  pro- 
duction au  musée  de  Lyon,  après  qu'elle  eût  figuré  à 
celui  de  Paris. 

Le  tableau  du  musée  de  Dunkerque  provient  égale- 
ment des  spoliations  de  la  république  française.  Il  fldsait 
partie  de  la  collection  de  peintures  de  l'abbaye  de  Ber- 
gues  S'  Winoc.  Don  P.  de  Madrazzo  signale  deux  œuvres 
de  Jean  de  Heem,  dans  son  Catalogue  du  musée  de  Ma- 
drid, édition  de    1858.    Elles  y   portent  les   n°=  1237  et 

1595- 

M.    Albert  Kraff"t  en  mentionne   trois,  dans  l'édition 

de  1853  du  Catalogue  de  la  galerie  de  tableaux  impériale  et 
royale  du  Belvédère,  à  Vienne.  Deux  sont  signés  ;  l'un  /. 
de  Heem  f.,  l'autre,  /.  de  Heem  fecit  anno  1648.  Celui-ci 
représente  un  calice  surmonté  de  l'Hostie  rayonnante, 
dans  une  petite  niche  environnée  d'une  grande  quantité 
de  fruits  et  de  fleurs  groupés  avec  deux  gerbes  de  blé, 
qui,  liées  de  rubans  bleus  et  entrelacées  de  raisins, 
comme  symboles  du  pain  et  du  vin,  forment  deux  cornes 
d'abondance  (2). 

Le    musée   de   Munich   renferme  deux    tableaux    de 


(i)  Victor  de  Steurs,  op.  cit.,  pp.  v  et  vj. 
{2)  Op.  cil.,  p.  93,  no  18,  p.  94,  nos  21  et  28. 


1 

-  244  — 

Jean  de  Heem  (i)  :  celui   de  Dresde   n'en  contient  pas  ', 

moins  de  onze,  y  compris  celui  que  nous  avons  restitué 
ci-dessus  au  maître  (2).  Deux  d'entre  eux  représentant 
des  guirlandes  retenues  par  ces  rubans  bleus  que  le 
peintre  affectionnait  :  tous  sont  signés  (3).  La  galerie 
de  Cassel  en  possède  trois  :  une  nature  morte  et  deux 
compositions  de  fruits  (4). 

L'auteur  de  cette  biographie  est  aussi  propriétaire 
d'une  peinture  de  Jean  de  Heem.  Elle  est  conçue  de  la 
façon  suivante.  Sur  la  plinthe  d'une  table  de  bois  est 
posée  une  draperie  sur  laquelle  se  détache  un  beau 
vase  de  porcelaine  chargé  de  fruits.  On  y  remarque 
une  grappe  de  raisins  blancs,,  deux  grandes  pêches  et 
une  petite,  et  une  superbe  orange  amère.  Les  raisins 
d'une  transparence  merveilleuse  sont  encore  attachés  au 
sarment  de  la  vigne,  qu'une  magnifique  chenille  quitte 
pour  aller  ramper  sur  une  des  pêches,  toutes  de  la  plus 
belle  venue. 

L'animal  est  représenté  avec  tant  de  vérité,  qu'on 
distingue  tous  ses  mouvements.  L'orange  vient  d'être 
cueillie  avec  une  partie  de  la  branche  qui  la  soutenait 
et  dont  les  feuilles  se  marient  à  celles  de  la  vigne  et 
d'une  autre' branche  d'oranger  :  ces  feuilles  sont  peintes 
de  main  de  maître.  A  droite  du  vase  se  trouve  la  moitié 


(i)  Catalogue  des  talleaux  de  la  pinacothèque  royale  à  Munich. 
Munich  1860,  p.  44,  no  177,  et  cabinet  XIV,  p.  241,  n°  420. 

(2)  JUL.   HùBNER,  Op.  cit.,  pp.  247-249. 

(3)  Le  no  1162  est  signé  :  /.  D.  De  Heem,  f.  p.  Cette  dernière 
lettre  affecte  plus  ou  moins  la  forme  de  l'r,  comme  au  no  117 
du  musée  d^ Amsterdam.  Le  no  11 64  porte  la  marque  :  Js.  T). 
de  Heem,  en  d'autres  termes  :  Johannes  Davidsi.  de  Heem. 

{4)  Ferieichniss  der  Casseler  'Bilder-Gallerie.  Cassel,  sans  date,  p.  33. 


i 


—  245  — 

d'une  savoureuse  pêche,  quelques  raisins  blancs  et  des 
noyaux  de  fruits  ;  au  pied  du  vase,  auquel  adhère  une 
mouche,  deux  cerises  d'une  seule  venue,  un  quart 
d'orange  douce  coupée,  dont  on  peut  compter  les  pépins 
et  d'où  s'échappent  quelques  gouttelettes  de  jus,  on  ne 
peut  plus  transparentes.  Un  autre  quart  de  cette  orange 
dont  le  suc  a  été  exprime,  supporte  le  premier  ;  çà  et 
là  sont  répandus  des  noyaux,  et  d'autres  restes  de  fruits. 
Fond  noirâtre,  avec  un  angle  de  mur. 

Ce  tableau,  de  l'etfet  le  plus  brillant,  est  peint  avec 
infiniment  de  sagesse.  La  composition  en  est  d'un  goût 
parfait  et  la  couleur  d'une  harmonie  ravissante.  Ce  petit 
chef-d'œuvre  exécuté  sur  panneau  est  signé  au-dessous 
de  la  plinthe  du  monogramme  du  maître  :  J.  D.  H.  f. 
(le  D  et  l'H  accouplés)  :  il  mesure  43  centimètres  en 
hauteur  et  53  en  largeur. 

L'intéressant  catalogue  des  tableaux  que  Diego  Duarte 
possédait,  en  1682,  à  Amsterdam,  après  son  départ 
d'Anvers,  mentionne  deux  œuvres  de  notre  maître.  L'une 
représentait  un  pot  de  fleurs  très-curieusement  exécuté, 
des  fruits  et  d'autres  raretés,  figurant  les  quatre  éléments. 
Ce  tableau,  qui  avait  exigé  beaucoup  de  travail,  avait  été 
payé  330  florins.  Le  second,  ayant  pour  sujet  des  fruits 
très-curieusement  peints,  150  florins  (i). 

L'artiste  est  indiqué  dans  le  document  cité ,  sous  le 
nom  du  vieux  de  Heem.  Il  l'était,  en  efi'et,  en  1682,  à 
l'égard  de  son  fils  Corneille  et  de  son  petit  fils,  David, 
le  troisième.  Au  reste,  on  l'entendait  bien  ainsi  encore 


(i)  Frederik  Muller.  Cataîogus  der  schlïderîjenvanDiea^o'Duarie, 
te  Amsterdam  in  16S2,  met  de  prij^en  van  aankoop  en  taxatie.  De  Oud 
Tijd.  Haarlem,  1870,  p.  401,  no^  116  et  117. 


—   2^6   — 

du  temps  de  Gérard  Hoet,  qui  mentionne  invariablement 
dans  la  table  du  tome  I  de  son  ouvrage,  sous  le  nom 
de  Jean  de  Heem,  tous  les  tableaux  portés  dans  ses 
catalogues  comme  exécutés  par  de  Hcem,  le  vieux.  Dans 
celui  d'une  vente  qui  eut  lieu  à  Amsterdam,  le  lo  juin 
1705,  les  2  premiers  numéros  sont  annoncés  comme 
peints  par  Jean  fils  de  David  ou  le  vieux  de  Heem, 
/.  D.  d.  oudc  de  Hcem  (i). 

Les  deux  volumes  de  catalogues  de  Gérard  Hoet  et 
celui  de  Pierre  Terwesten  (2)  renferment  un  nombre 
considérable  de  tableaux  de  Jean  de  Heem.  Nous  les 
passons  sous  silence,  de  peur  de  trop  allonger  cette 
biographie. 

L'Anversois  François  van  den  Wyngaerde  a  gravé 
d'après  Jean  de  Heem.  C'est  du  moins  ce  qui  nous 
paraît  résulter  d'un  passage  du  Catalogue  de  la  rare  et 
nombreuse  collection  d'estampes  et  de  desseins  (sic)  de  feu 
M.  Pierre  Wouters,  en  son  vivant  prêtre,  chanoine  de  l'église 
collégiale  de  S.  Gomer  (5/V)  à  Lierre  en  Brabaitt,  trésorier 
et  bibliothécaire  de  S.  M.  Apostolique,  etc.,  par  N.  J.  T'Sas, 
négociant,  qui  le  publia  à  Bruxelles,  en  1797.  Ce  pas- 
sage figure  à  la  page  160- 161,  à  la  fin  du  n°  1750  que 
nous  copions  intégralement,  quoique  le  commencement 
ne  concerne  pas  Jean  de  Heem  :  «  Des  Bohémiens  à  la 
porte   d'un  cabaret,   grand    morceau    en   hauteur,    par 


(i)  Gérard  Hoet.  Catalo^iis  of  naamlyst  van  schitderyen,  met  der- 
selver  pryien,  eni.  's  Gravenhage,  MDCCLII,  deel  i,  p.  78,  n°s  i  et 
2,  ihid.,  register  H.,  voce  Heem  (Jan  de). 

(2)  PiETER  Terwesten.  Catalogus  of  naamlyst  van  schitderyen,  met 
derselver  pryien,  ledert  den  22  augustl  iy^2  tôt  den  21  novemher  iy68, 
^0  in  Holland  als  Braband  en  andere  ptaat:{cn  in  het  openhaar  verhogl. 
s  Gravenhage  1770. 


i 


—  247  — 

G.  de  Heem  ;  Pan  et  Syrinx  dans  un  petit  paysage  en 
travers  dito,  par  de  Heuscb,  la  vache  hollandoise,  pe- 
tite pièce  en  hauteur  dito,  par  H.  Hondius,  1644;  le 
matin,  dito,  par  F.  van  den  Wyngaerde,  d'après  Joha7î. 
de  Heem,  etc.  9  pièces.  »  —  Ce  matin  représentera^  sans 
doute,  quelque  déjeuner  peint  par  notre  maître,  à  moins 
qu'il  ne  s'agisse  ici  d'un  des  paysages  qu'il  exécutait 
aussi  d'après  le  témoignage  de  Corneille  de  Bie.  Le 
portrait  de  Jean  de  Heem  a  été  peint  par  le  célèbre 
Jean  Lievens,  de  Leiden,  qui  avait  été  reçu  bourgeois 
d'Anvers,  le  12  décembre  1640,  après  avoir  été  admis 
franc-maître  de  la  gilde  de  S'  Luc  de  notre  ville  en 
1634-163 5  (i).  Il  fut  gravé  avec  beaucoup  de  talent  par 
Paul  du  Pont  ou  Pontius.  Le  maître  est  représenté  assis, 
tête  nue,  enveloppé  en  partie  de  son  manteau.  Sa  main 
droite,  qui  tient  une  façon  de  ruban,  repose  sur  son  cœur; 
la  gauche,  sur  sa  cuisse.  De  Heem  porte  un  habit  bou- 
tonné jusqu'au  menton;  son  col  est  rabattu  sur  ses 
épaules. 

Ses  mains,,  dont  la  droite  est  supérieurement  dessinée, 
sont  ornées  de  manchettes.  De  longs  cheveux,  divisés 
au  milieu  du  front,  encadrent  sa  tête.  Des  moustaches 
relevées  en  croc  et  une  impériale  embellissent  sa  figure 
pensive  et  bienveillante. 

Les  lignes  suivantes  se  lisent  au-dessous  de  cette 
superbe  effigie  qui  se  détache  sur  le  ciel  et  sur  un 
mur  : 


(i)  Li^geren  cités,  T.  II,  p.  61,  note  i.  Il  résulte  des  faits  men- 
tionnés dans  le  texte,  qu'on  était  fort  tolérant  dans  l'application  des 
règlements  de  la  corporation  aux  artistes  étrangers. 


—  248  — 

JOANNES  DE  HeEM,  VlTRAIECTENSIS. 
D'Heem  pingit  :  natura  stupet  sua  poma  potenter 
Vinci,  et  fallaces  pr^evaluisse  dolos. 
^Emula  dextra  Mid^  lento  dominatur  in  auro. 

ArTIFICEM  DEXTRAM,  Q.UIS  PARIARE  POTEST  ? 

Joannes  Lyvyns  pinxit.  Paulus  Pontius  sculpsit. 

Franciscus  van  den  Wyngaerde  excud.  (1) 

Jean  de  Heem  mourut  à  Anvers  entre  le  18  septembre 
1683  et  le  18  du  même  mois  1684.  C'est  à  cette  époque, 
en  effet,  que  la  dette  mortuaire  de  3  florins  4  sous  (i)  du 
vieux  maître  fut  payée  à  notre  gilde  de  S*  Luc  (2). 

(i)  Nous  traduisons  librement  :  Jean  de  Heem,  d'Utrecht.  —  De 
Heem  peint  :  la  Nature  se  trouble  en  voyant  ses  fruits  puissamment 
vaincus,  et  que  de  vains  artifices  aient  pu  prévaloir  sur  eux.  Une 
main  émule  de  Midas  s'assujettit  l'or  flexible.  Qui  peut  égaler  cette 
droite  si  pleine  d'habileté  ?  —  Peint  par  Jean  Lievens.  —  Gravé  par 
Paul  Pontius.  —  Imprimé  par  François  van  den  Wyngaerde.  Cor- 
neille de  Bie  a  reproduit  ces  vers,  avec  un  changement  variare  au 
lieu  de  pariare  au  dernier.  Op.  cit.,  p.  219. 

(i)  Liggeren  cités.  Tome  II,  p.  501. 

(2)  Cette  notice  est  datée  du  11  novembre  1874. 


4 


Corneille  de  HEEM 
(1631-16.  .  ?) 


orncille  de  Heem,  ainsi  que  nous  l'avons  vu 
dans  la  vie  de  Jean  de  Heem,  était  fils  de  ce 
peintre  célèbre  et  de  sa  première  femme  Alette 
van  Weede.  Il  naquit,  comme  nous  l'avons  dit,  à  Leiden 
et  y  fut  baptisé  dans  l'église  nommée  de  Hooglandsche  Kerk 
le  8  avril  163 1,  ayant  pour  témoin  Pierre  Potter. 

Il  suivit  son  père  à  Anvers,  où  celui-ci  était  venu 
s'établir  vers  1635-1636  (i).  Jean  de  Heem  lui  enseigna 
son  art  (2)  et  eut  en  Corneille  un  émule  digne  de  lui, 
quoi  qu'en  disent  certains  critiques.  Il  traita  les  mêmes 
sujets  que  l'auteur  de  ses  jours  et  mérita  d'occuper  une 
place  brillante  à  côté  de  celui-ci. 

Corneille  fut  reçu  franc-maître  de  la  gilde  anversoise 
de  S*  Luc,  en  qualité  de  fils  de  maître  :  son  inscription 
eut  lieu  dans  l'espace  compris  entre  le  18  septembre 
1660  et  le  18  du  même  mois  1661  (3). 

Le  jeune  artiste  comptait,  à  cette  époque,  de  29  à  30 
ans  bien  accomplis.  Son  entrée  tardive   dans  la  corpo- 


(i)  Phil.  Rombouts  et  Théod.  Van  Lerius,  avocat.  Les  Liggeren 
et  autres  arcUves  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc,  T.  II, 
pp.  71  et  77. 

(2)  CoRNELis  DE  BiE.  Hcl  Guldeu  Cabinet  van  de  edel  vry  schilder- 
const.  Antwerpen,  1661,  p.  217. 

(3)  Liggeren  cités,  T.  II,  pp.  311  et  322. 


—  250  — 

ration  nous  est  une  preuve  suffisante  qu'il  a  voyagé, 
avant  de  demander  son  admission  dans  l'immortelle  gilde. 

Il  se  trouvait  à  Anvers,  le  24  juin  1657,  puisqu'il  tint, 
ce  jour-là,  sur  les  fonts  baptismaux  de  S'  Jacques,  Elisa- 
beth Ykens,  fille  du  statuaire  et  peintre  Jean,  et  de 
Barbe  van  Brekevelt.  Corneille  de  Heem  se  maria  peu 
après  :  il  épousa  Catherine  Pauwens,  dont  le  nom 
patronymique  n'est  pas  inconnu  à  Anvers. Nous  n'avons 
pu  découvrir,  du  reste,  ni  la  date,  ni  le  lieu  de  la  célé- 
bration de  son  mariage. 

Il  en  naquit  deux  enfants  en  notre  ville  ;  l'un  et 
l'autre  furent  tenus  sur  les  fonts  de  baptême  de 
S'  Georges  :  i"  David,  le  27  février  1663,  par  Jacques 
Laureyssens,  au  nom  de  Jean  de  Heem_,  l'aïeul  du 
petit  être,  qui  était  sans  doute  absent  à  cette  époque,  et 
par  Susanne-Catherine  Rogiers,  représentant  Claire-Marie 
Pauwens.  Ce  David  embrassa  la  carrière  paternelle  ;  nous 
lui  consacrons  une  biographie  spéciale. 

2°  Anne-Catherine,  le  15  novembre  1665,  par  Antoine 
Gilis,  au  nom  de  Corneille  Pauwens,  et  EUsabeth  Post, 
remplaçant  Anne-Catherine  Ruckers,  la  seconde  femme 
de  Jean  de  Heem.  Celle-ci  imposa  ses  prénoms  à  l'en- 
fant. Faisons  observer  ici,  en  passant,  que  cet  Antoine 
Gilis  exerçait  la  profession  de  relieur  et  qu'il  fut  reçu,  en 
1656-1657,  franc-maître  de  la  gilde  anversoise  de  S*  Luc, 
en  qualité  de  fils  de  maître  (i). 

Quant  à  Anne-Catherine  de  Heem,  nous  sommes 
persuadé  que  c'est  elle  qui  figure  sous  son  seul  prénom 
de  Catherine,  dans  les  registres  de  S'  Jacques,  comme 
ayant   épousé   dans   cette   église,    le  9   juin  1699,  Jean 

(i^  Liggeren  cités,  T.  II.  pp.  275  et  282. 


—  251    — 

Lccmans.  Ce  mariage  eut  pour  témoins  Simon  Mayacl, 
concierge  de  S*  Jacques,  et  Jean  de  Hollander. 

Nous  ignorons  jusqu'à  quelle  époque  Corneille  de 
Heem  a  résidé  à  Anvers,  mais  il  est  certain  qu'il  habitait  la 
Haye,  en  1678,  puisqu'il  y  promit,  le  i  juin  de  cette 
année-là,  de  faire  payer  à  son  décès,  la  somme  de  25 
florins  à  la  société  des  artistes  connue  sous  le  nom  de 
Pictura,  dont  il  était  membre  (i). 

Joachim  de  Sandrart  rapporte,  dans  son  Academia 
7iohilissiina  artis  pictoria,  que  Corneille  de  Heem  était 
réputé  incomparable,  et  que  ses  œuvres  étaient  avide- 
ment recherchées.  Il  ajoute  qu'ayant  vu  chez  Thomas 
Kretzer^,  amateur  distingué  des  beaux-arts,  à  Amster- 
dam (2),  un  tableau  de  notre  maître,  d'une  longueur  de 
deux  aunes,  il  fut  tellement  charmé  de  sa  rare  élégance, 
qu'il  offrit  à  son  propriétaire  de  le  lui  payer  comptant 
450  florins.  Mais  celui-ci  reiusa,  nonobstant  la  grande 
amitié  qu'il  portait  à  Sandrart,  en  ajoutant  qu'il  ne 
vendrait  cette  peinture  à  aucun  prix,  les  tableaux  exécutés 
par  ces  nobles  mains  étant  plus  estimés  des  connaisseurs 
que  l'or  et  l'argent  (3). 

Les  tableaux  de  Corneille  de  Heem  ornent  plusieurs 
musées  de  l'Europe.  Celui  de  Bruxelles  possède  un 
chef-d'œuvre  du  maître.  En  voici  la  description,  d'après 
le  Catalogue,  rédigé  par  M.  Edouard  Fetis  :  «  Fruits  et 
fleurs.   Hauteur  65  c.  —   Largeur   53  c.  —  Toile.  — 

(i^  Communiqué  des  registres  de  la  confrérie,  par  M.  Jean  Weis- 
senbruch,  à  M.  Mart,  Nijhoff,  éditeur  à  la  Haye,  qui  a  bien  voulu 
nous  transmettre  cet  extrait. 

{2)  Ce  Thomas  était  sans  doute  parent  de  Martin  Kretser,  dont 
nous  avons  parlé  dans  la  vie  de  Jean  de  Heem. 

(3)   NORIBERG.E,  CIO  IDC  LXXXIIJ,  p.   513. 


—  252  — 

Dans  un  vase  de  porcelaine  à  dessins  bleus,  posé  sur 
une  tablette  en  pierre,  sont  des  fruits  :  pèches,  prunes, 
raisins,  etc.,  mêlés  à  des  convolvulus.  Sur  la  tablette, 
une  grenade  coupée,  un  melon,  des  prunes  et  des  raisins, 
une  branche  de  mûrier  à  laquelle  pendent  des  fruits.  Au 
centre  de  la  composition  se  détache  au-dessus  des  fruits 
et  des  fleurs  qu'il  domine,  un  verre  de  Venise  à  cou- 
vercle. Signé  sur  le  bord  de  la  tablette,  à  gauche  : 
C.  De  Heem  f.  1.6.7.1.  —  Acquis  en  1868,  à  la  vente 
Cremer,  2,777  francs  (i). 

L'exposition  de  tableaux  et  dessins  d'anciens  maîtres, 
organisée  en  1873,  à  Bruxelles,  par  la  société  néerlan- 
daise de  bienfaisance,  renfermait  deux  superbes  compo- 
sitions de  notre  artiste.  L'une  représentait  posés  sur  une 
table,  un  bassin  d'argent  et  un  bol  du  Japon  remplis  de 
fruits,  prunes,  raisins,  mûres,  citron,  etc.  Celle-ci  était 
peinte  sur  bois  et  mesurait  36  centimètres  en  hauteur  et 
5 1  en  largeur.  La  seconde,  haute  d'un  mètre  et  8  centi- 
mètres et  large  d'un  mètre  et  83  centimètres,  était 
décrite  ainsi  :  sur  une  table  couverte  d'un  tapis  vert  sont 
accumulés  :  une  corbeille  et  des  plats  remplis  de  fruits, 
une  coupe,  une  aiguière  en  argent  ciselé,  un  homard, 
un  vidrecome  à  moitié  rempli  de  vin.  Ce  tableau  est 
peint  sur  toile  (2). 

Le  musée  d'Anvers  ne  possède  aucune  œuvre  de 
Corneille  de  Heem.  Celui  de  la  Haye  en  renferme  une, 
que  M.  Victor  de  Stuers  mentionne  en  ces  termes  : 
«  Fruits.  Toile,  H.  0.65.  L.  0.50.  Dans  un  encadrement 


(i)  Op.  cit.,  édition  de  1869,  p.  448,  n"  369. 
(2)  Catalogue  de  l'exposition  citée.  Bruxelles,  1873,  P-    34>  "°^  ^4 
et  p.  80,  no  281. 


î 

V 

I 


—  253  — 

cintré,  sur  une  corniche  en  pierre,  est  disposée  une 
grande  variété  de  fruits  ;  au  premier  plan,  des  pêches, 
des  raisins  blancs,  et  à  droite,  sur  un  pot  d'étain,  un 
citron  dont  l'écorce  à  demi  pelée  se  déroule  en  une 
longue  spirale.  Sur  une  tablette  plus  élevée,  des  oranges, 
des  raisins  bleus,  des  nèfles^  des  glands  de  chêne  et  des 
châtaignes.  —  Fond  sombre.  —  Signé  sur  la  pierre  : 
C,  'De  Heem  »  (i). 

M.  Albert  KrafFt  nous  fait  connaître  en  ces  termes, 
une  production  de  notre  maître,  qui  orne  la  galerie  du 
Belvédère,  à  Vienne  :  «  Nature  morte.  Des  fruits,  des 
huîtres  et  des  citrons  dans  une  assiette,  sur  une  table, 
avec  une  boîte  à  sucre,  une  montre  d'argent  et  un 
couteau.  Signé  :  C.  de  Heem  f.  Bois»  (2). 

La  galerie  royale  de  Dresde  étale  quatre  compositions 
de  Corneille  de  Heem.  Toutes  sont  signées,  mais  au-, 
cune  n'est  datée.  Le  peintre  Jul.  Hûbner,  auteur  du 
catalogue  de  cette  collection,  fait  observer  que  parmi 
ces  tableaux,  il  en  est  de  magnifiques,  qui  tiennent 
dignement  leur  place  à  côté  de  ceux  de  Jean  de 
Heem  (3). 

Le  musée  de  Cassel  et  la  galerie  de  Schleisheim 
comptent  un  tableau  de  notre  maître.  Dans  la  collection 
du  château  de  Pommersfelden  qui  fut  vendue  à  Paris, 
au  mois  de  mai  1867,  se  trouvait  une  production  de 
Corneille  de  Heem,  qui  fut  adjugée  au  prix  de  1250 
francs,  non  compris  les  frais.  Elle  représentait  des  huî- 
tres, un  plat   d'argent,  une   orange,  un  vidrecome,  des 

(i^  Notice  historique  et  descriptive  des  tableaux  et  des  sculptures  expo^ 
ses  dans  le  musée  royal  de  la  Haye.  La  Haye,  1873,  p.  43,  11°  40. 

(2)  Catalogue  de  la  galerie  citée.  Vienne,  1853,  p.  94,  no  24. 

(3)  Catalogue  cité,  1872,  p.  249,  nos  1166  et  1169. 


—  254  — 

feuilles  de  laurier,  etc.,  poses  sur  une  console,  signée  : 
C.  1)e  Hecm,  /.  16^4. 

Nous  allons  à  cette  heure  donner  quelques  extraits 
des  catalogues  de  ventes  de  tableaux,  publiés  au  siècle 
dernier,  par  Gérard  Hoet  et  Pierre  Terwesten,  concer- 
nant des  œuvres  de  Corneille  de  Heem.  Ainsi  on  adju- 
gea, le  10  mai  1713,  à  la  Haye,  à  6  florins,  un  tableau 
agréablement  peint  par  notre  maître,  et  représentant 
une  table  chargée  de  fruits  ;  il  faisait  partie  de  la 
collection  de  Corneille  van  Dyck  (i).  Deux  petites 
compositions  de  fleurs  valurent  18  florins,  à  la  vente  de 
Henri  Trip,  un  des  directeurs  de  la  compagnie  des 
Indes  orientales,  qui  eut  lieu  à  Amsterdam,  le  11  mai 
1740.  Le  maître  y  était  nommé  Nicolas  (Claas)  de 
Heem.  —  Une  table  chargée  de  fleurs  et  de  fruits  rap- 
porta 40  florins,  à  la  vente  du  cabinet  du  comte  van 
Hogendorp,  tenue  à  la  Haye,  le  27  juillet  175 1.  Le 
catalogue  des  tableaux  de  Marie  Beukelaar,  douairière  de 
Messire  Halungius,  envoyé  du  duc  de  Saxe-Cobourg- 
Gotha,  et  du  peintre  Antoine  de  Waart  mentionnait 
quatre  œuvres  de  Corneille  de  Heem.  Des  fruits,  com- 
position haute  de  2  pieds  3  pouces  et  large  d'un  pied 
9  pouces  ;  deux  peintures  de  fruits  et  de  fleurs,  d'une 
hauteur  de  2  pieds  et  de  4  pouces  et  d'une  largeur  d'un 
pied  et  de  11  pouces,  et  un  tableau  de  fleurs,  haut  de 
2  pieds  2  pouces  et  large  d'un  pied  8  1/2  pouces.  Le 
premier  fut  adjugé  à  la  Haye  le  19  avril  1752,  à  7 
florins,  5  sous,  le  deuxième  et  le  troisième,  à  25  florins, 
et  le  quatrième  à  11  florins  (2). 

(i)  Gérard  Hoet.  Cataîogus  of  naamlyst  van  schiîderyen,  met  der- 
\elver  pry:^en,  eni.  's  Gravenhage,  MDCCLII,  T.  I,  p.  160,  n"  11. 

(2)  Op.  cit.,  T.  II,  p.  5,  no  10,  p.  301,  n°  28,  p.  513,  11°  24,  p. 
316,  nos  29  et  35. 


-  255  — 

Les  catalogues  de  Pierre  Terwesten  mentionnent  les 
productions  suivantes  de  Corneille  de  Heem.  Un  tableau 
de  fruits  vendu  25  florins;  deux  tableaux  de  fleurs, 
ensemble  23  florins,  à  la  Haye,  le  3  mai  1729  ;  un 
tableau  de  fruits,  17  florins  15  sous^  dans  ladite  ville, 
le  15  juillet  1749  ;  deux  compositions  de  fleurs  et  de 
fruits,  20  florins  à  Amsterdam,  le  2  avr^^  i754;  ^es 
fruits,  19  florins,  à  Anvers,  le  11  juin  1754;  ils  fai- 
saient partie  de  la  collection  du  peintre  et  marchand 
d'objets  d'art  J.  Siebrechts.  Des  fleurs  et  des  fruits, 
production  haute  de  plus  de  2  pieds  et  large  d'au-delà 
de  2  pieds  5  pouces,  30  florins  10  sous,  à  Utrecht,  à  la 
vente  du  conseiller  et  ancien  bourgmestre  Jean-Jacques 
van  Mansveldt,  le  8  avril  1755;  une  nature  morte,  16 
florins  à  Amsterdam,  le  11  mai  1756  ;  deux  tableaux  de 
fruits,  10  florins  dans  la  même  ville,  le  18  mai  1756  ; 
des  fruits,  41  florins  5  sous,  à  la  Haye,  en  juillet  1756, 
à  la  vente  Arnould  Borwater,  etc.,  une  guirlande  de 
fleurs  et  de  fruits,  haute  3  pieds  6  pouces,  large  3 
pieds,  II  florins  5  sous,  à  Bruxelles,,  le  22  mai  1758, 
à  la  vente  Martin  Robyns  ;  des  fruits,  peinture  haute  de 
2  pieds  3  pouces,  large  de  19  pouces,  80  florins;  d'au- 
tres fruits,  toile  haute  de  18  pouces,  large  de  2  pieds  2 
pouces,  32  florins,  dans  ladite  ville,  le  22  mai  1758,  à 
la  vente  du  chevalier  Augustin  de  Steenhault  ;  un  tableau 
capital  représentant  des  fruits  de  toute  espèce,  haut  5 
pieds  et  large  de  6  pieds  9  pouces,  à  102  florins,  argent 
courant  de  Flandre,  à  Gand,  le  26  octobre  176 1,  à  la 
vente  de  M,  Gaspard  d'Heyne,  seigneur  de  Leeuwer- 
ghem,  Elene,  etc.  ;  un  beau  tableau  de  fleurs,  haut  de 
23  pouces,  large  de  7  1/2,  31  florins,  à  la  Haye,  le  5 
avril  1762,  à  la  vente  du  peintre  Jean-Guillaume  Franck; 


—  25<5  — 

deux  tableaux  de  fleurs,  très-achevés,  15  florins  5  sous, 
à  Rotterdam,  le  26  avril  1762,  à  la  vente  de  l'ancien 
bourgmestre  Henri  Gevers,  seigneur  de  Piershil  ;  deux 
peintures  sur  panneau  ayant  pour  sujet  une  table  char- 
gée de  fruits,  hautes  de  17  pouces,  larges  de  14,  ensem- 
ble 20  florins  ;  une  vigne  chargée  de  raisins,  exécutée 
sur  toile,  haute  de  26  pouces,  large  de  24,  15  florins,  à 
Amsterdam,  le  5  juin  1765  ;  un  feston  de  fleurs  et  de 
fruits,  sur  toile,  haut  de  25  pouces,  large  de  21,  42 
florins,  à  Amsterdam,  le  19  juin  1765,  à  la  vente 
Pierre-Léonard  de  Neufville,  le  vieux.  Un  tableau  de 
fleurs  et  de  fruits,  exécuté  par  Jean  de  Heem,  y  fut 
payé  1075  florins.  Un  beau  tableau  de  fleurs  sur  toile, 
haut  de  26  pouces,  large  de  20,  30  florins,  à  Louvain, 
le  10  septembre  1765,  à  la  vente  du  grefiier  de  cette 
ville,  T.-B.  t'  Santels  ;  des  fruits,  composition  haute  de 
18  pouces,  large  de  15,  42  florins;  des  fleurs  dans  un 
vase  de  verre,  peinture  haute  de  17  pouces,  large  de 
14,  25  florins;  son  pendant  de  mêmes  dimensions,  17 
florins,  à  Leiden,  en  septembre  1766,  à  la  vente  Cathe- 
rine Backer,  veuve  Alard  de  la  Court  ;  enfin  un  tableau 
de  fleurs,  12  florins,  à  Amsterdam,  le  19  mai  1767,  à 
la  vente  Arnould  Leers,  seigneur  d'Amyden  et  échevin 
de  Rotterdam  (i). 

Les  listes  que  nous  venons  de  communiquer  ne  dé- 
montrent que  trop  à  quels  prix  généralement  dérisoires 

(i)  PiETER  Terwesten.  Catdogus  of  naamîyst  van  schilâeryen,  met 
deridver  pry^en,  en^.  's  Gravenhage,  1770,  p.  8,  n°^  99  et  100,  p.  56, 
no  65,  p.  87,  no  62,  p.  94,  no  115,  p.  125,  no  62,  p.  144,  no  109, 
p.  147,  no  26,  p.  15s,  no  47,  p.  195,  n"  163,  p.  196,  no^  13  et  14, 
p.  241,  n»  42,  p.  248,  no  54,  p.  251,  no  25,  p.  467,  nos  17,  18  et 
19,  p.  471,  no  39,  p.  485,  no  9,  p.  56),  nos  208,  209  et  210,  p.  604, 
no  138. 


—  257  — 

s'adjugeaient,  au  siècle  dernier,  dans  les  Pays-Bas,  les 
œuvres  du  fils  et  de  l'émule  de  Jean  de  Hecm.  Nous 
les  aurions  passées  sous  silence,  si  les  catalogues  qui  les 
mentionnent  ne  méritaient  toute  confiance,  et  si  ceux-ci 
étaient  rédigés  à  la  façon  de  certaines  notices  modernes 
de  ventes,  où  l'on  n'a  pas  honte  d'imposer  de  grands 
noms  à  d'abominables  croûtes  et  d'ajouter  parfois  des 
légendes  mensongères  à  la  description  de  celles-ci. 

Le  catalogue  de  la  collection  renommée  du  chanoine 
noble  gradué  de  la  cathédrale  d'Anvers,  Pierre-André - 
Joseph  Knyfi",  qui  fut  vendue  en  cette  ville,  au  mois  de 
juillet  1785,  signalait  deux  tableaux  de  Corneille  de 
Heem.  L'un  représentait  des  fruits  suspendus  dans  une 
niche,  à  savoir  des  grappes  de  raisins,  des  oranges,  un 
citron,  des  prunes  et  quelques  fleurs. 

Cette  peinture  sur  toile  d'un  beau  fini  et  bien  groupée, 
haute  de  22  pouces  et  large  de  19,  rapporta  35  florins, 
outre  les  frais  de  vente.  L'autre,  des  fruits  et  des  fleurs 
dans  une  niche,  suspendus  par  un  ruban  à  un  clou,  et 
qui  était  animée  de  quelques  insectes,  valut  15  florins 
10  sous,  sans  les  frais.  Elle  était  exécutée  sur  toile,  haute 
de  23  pouces  et  large  de  18  1/2  (i),  et  fut  acquise  par 
le  sieur  Steber,  de  Vienne,  en  Autriche. 

L'auteur  de  cette  biographie  possède  aussi  un  tableau 
de  Corneille  de  Heem.  Il  représente  des  fruits  et  un 
verre  posés  de  la  manière  suivante,  sur  une  tablette  de 
pierre  grise.  A  droite,  une  orange  amère  cueillie  avec  la 
branche  qui  la  portait  et  qui  est  chargée  de  deux  fruits 
encore  verts,  de  boutons  de  fleurs  et  de  feuilles  :  sur  cet 
entourage  se  détache  l'orange,  au    devant  de   laquelle 

Ci)  Catalogue  cité.  Anvers,  1785,  p.  5,  no  15,  p.  76,  n»  237. 

17 


—  258  — 

sont  placés  deux  morceaux  découpés  d'une  autre  orange, 
qui  lui  servent  de  repoussoirs.  L'un  de  ces  morceaux 
d'où  s'échappent  une  couple  de  gouttelettes,  on  ne  peut 
plus  naturellement  peintes,  laisse  voir  ses  pépins  et  le 
jus  qu'il  recèle  à  l'intérieur.  Un  grand  citron,  découpé 
en  partie  et  dont  la  pelure  est  superbement  repliée,  sert 
de  centre  à  toute  la  composition.  Ce  limon  est  exécuté 
si  artistement,  que  l'œil  peut  se  rendre  compte  de  ce 
que  le  fruit  renferme,  à  l'endroit  entamé.  Le  blanc  d'une 
huître  ouverte  fait  ressortir  les  tons  chaudement  dorés 
du  citron,  tandis  qu'une  gouttelette  descend  lentement 
d'une  des  écailles.  Quatre  abricots,  dont  deux  tiennent 
encore  à  leur  branche,  sont  disposés  de  façon  à  faire  res- 
sortir une  grappe  de  raisins  bleus,  posée  derrière  trois 
d'entre  eux,  et  une  autre  de  raisins  blancs,  dont  l'avant- 
partie  s'étale  sur  le  rebord  de  la  tablette.  Elle  se  trouve 
quasi  sur  la  ligne  du  quatrième  abricot,  qui  a  subi  les 
atteintes  des  insectes  et  pend  un  peu  plus  bas  avec  une 
autre  branche  ornée  de  son  feuillage.  Les  raisins  bleus 
sont  restés  attachés  au  sarment  de  la  vigne,  et  leurs 
feuilles  merveilleusement  exécutées,  comme  celles  du 
dernier  abricot,  se  détachent  en  partie  sur  un  verre  à 
moitié  rempli  de  vin.  Près  des  raisins  blancs  est  posée 
une  belle  pêche,  qui  les  sépare  d'une  grappe  de  raisins 
rouges,  dont  une  feuille  reçoit  la  visite  d'un  charançon. 
Quelques  noisettes  et  des  mûres  noires  et  une  rouge 
surmontent  les  dernières  grappes.  Tous  ces  fruits  sont 
dessinés  et  peints  avec  un  art  extrême,  les  raisins  bleus 
sont  d'un  velouté  admirable,  les  blancs  et  les  rouges 
d'une  transparence  telle  que  le  regard  discerne  ce  que 
renferme  leur  enveloppe.  Ce  chef-d'œuvre  peint  sur 
toile,  mesure  en  hauteur  44  centimètres,  et   63   en  lar- 


—  259  — 

geur.  Il  est  signé  sur  la  partie  antérieure  de  la  tablette  : 

C.  D.  H.  f. 

Le  C  de  ce  monogramme  affecte  la  forme  singulière 
qui  a  causé  la  méprise  de  J.  Immerzeel  junior,  lorsqu'à 
la  page  280,  2^  colonne,  du  tome  III  de  son  ouvrage 
suffisamment  connu,  il  l'attribuait  h  Jean  de  Heem, 
L'auteur  néerlandais  s'est  imaginé  sans  doute  que  le  C 
en  question,  qui  ressemble  à  première  vue  à  un  G 
était  l'initiale  de  l'italien  Giovanni,  ou  Jean.  Une  simple 
comparaison  d'un  tableau  de  Corneille  de  Heem  avec 
une  œuvre  de  son  père,  l'aurait  convaincu  de  son 
erreur,  qui  étonne  de  la  part  d'une  personne  adonnée 
au  commerce  des  œuvres  d'art. 

Il  nous  resterait,  pour  terminer  cette  biographie,  à 
indiquer  l'année  du  décès  de  notre  maître.  Malheureu- 
sement nous  devons  dire,  à  notre  grand  regret,  que  cette 
date  n'est  pas  connue  jusqu'ici.  M.  Mart.  Nijhoff  nous  a 
informé  que  le  manuscrit  de  la  société  Pictura  à  la  Haye, 
appartenant  actuellement  à  M.  Jean  Weissenbruch,  ne 
renferme  que  ces  mots,  placés  en  marge  de  l'engage- 
ment du  I  juin  1678,  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus  : 
«  Obiit  ;  nihil.  »  Ainsi  la  confrérie  P/V/wm  n'apas  touché 
les  25  florins,  que  Corneille  de  Heem  s'était  engagé  à 
lui  faire  payer,  à  sa  mort.  Celle-ci  eut  lieu  probablement 
à  la  Hâve  même,  la  dernière  résidence  connue  de  notre 
artiste,  (i) 

(i)  Cette  notice  est  datée  du  21  novembre  1874. 


?$î?VW^fY^?¥V?^rî^?^^^?^??^^^?^?^f^4^ 


David  de  HEEM  HI 
(1663-17. .  ?). 

55^  e  fils  de  Corneille  de   Heem  et   de  Catherine 


ttV  S]^<|  Pauwens  naquit,  comme  nous  l'avons  vu,  à 
'^«fe^^  Anvers,  et  y  fut  tenu  sur  les  fonts  baptismaux 
de  l'église  S*  Georges,  le  27  février  1663,  par  Jacques 
Laureyssens,  au  nom  de  Jean  de  Heem,  aïeul  de  David  III, 
et  par  Susanne-Catherine  Rogiers,  représentant  Claire- 
Marie  Pauvv^ens. 

David  de  Heem  III  embrassa  la  carrière  paternelle  et 
suivit,  sans  nul  doute,  Corneille  de  Heem,  lorsque  cet 
artiste  alla  s'établir  à  la  Haye.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire 
aussi  que  celui-ci  lui  enseigna  la  peinture.  Campo 
Weyerman,  qui  n'a  pas  su  le  prénom  de  notre  colo- 
riste, et  qui  le  fait  naître  à  tort  dans  la  capitale  de  la 
Néerlande,  nous  apprend  qu'il  fut  un  bon  peintre  de 
fleurs  et  de  fruits  :  il  le  met,  pour  ainsi  dire,  sur  la 
même  ligne  que  Corneille  de  Heem,  qu'il  désigne  à  tort 
comme  son  oncle  ou  son  grand-oncle.  Ce  n'est  pas  là, 
du  reste,  un  éloge  complet  de  sa  part,  à  en  juger  par 
ce  qu'il  rapporte  de  contradictoire  relativement  à  Cor- 
neille de  Heem,  à  la  fin  du  tome  I  de  son  pamphlet  en 
quatre  volumes  (r).  L'auteur  hollandais  ajoute  que  David 


(i)  Jacob  Campo  Weyerman.  De  levensbeschryving  der  Nederïand- 
sche  konstschilders  en  konstschilderessen.  T.  I,  p.  411. 


—   2él    — 

de  Heem  III  n'avait  guère  de  vigueur  dans  sa  manière 
de  peindre  et  que  l'ordonnance  de  ses  tableaux  ne  dé- 
passait guère  la  médiocrité.  Il  occupait,  dit-il,  deux 
chambres  dans  la  rue  de  Long  Acre  d'un  des  faubourgs 
de  Londres,  chez  un  paysagiste  de  talent.  Celui-ci 
peignait  les  avant-plans  et  les  ciels  de  ses  tableaux  de 
fleurs  et  de  fruits  et  les  ornait  de  ses  vues  champêtres. 
L'écrivain  cité,  à  qui  ses  calomnies  et  ses  autres  méfaits 
valurent  une  détention  perpétuelle  (i)  et  qui  souillait 
tout  ce  qu'il  touchait,  n'a  pas  épargné  David  de  Heem 
m.  Dans  une  phrase  à  double  sens,  il  le  dépeint  comme 
un  étourdi  ou  un  libertin  (2).  Campo  Weyerman  aurait 
bien  fait  de  garder  pour  lui-même  cette  dernière  épithète, 
lui  qui  avoue  cyniquement  qu'il  fut  et  qu'il  était  encore 
un  grand  coureur  de  filles  (3). 

David  de  Heem  III  fut  reçu, en  1693-1694,  dans  la  gilde 
anversoise  de  S' Luc,  en  qualité  de  peintre  fils  de  maître. 
Le  compte  du  18  septembre  1693  au  18  du  même  mois 
1694  mentionne  un  paiement  de  21  florins,  fait  par 
notre  artiste,  y  compris  la  remise  d'une  promesse  de 
solde,  pour  son  admission  dans  la  caisse  de  secours 
mutuels  de  la  confrérie.  Mais  une  note  placée  en  marge 
de  ce  poste,  nous  apprend  que  le  maître  ne  fit  pas 
néanmoins  partie  de  ladite  caisse  (4). 


(i)  J.  Immerzeel,  Junior.  De  levens  en  werhen  der  Hollanische  en 
Vlaamsche  kunstschilders,  beeldhouwers,  graveurs  en  houwmeesters.  T.  III, 
p.  231. 

(2)  Op.  cit.,  T.  III,  p.  387. 

(3)  Ibid.,  T.  III,  p.  297. 

(4)  Ph.  Rombouts  et  Théod.  Van  Lerius,  avocat.  Les  Uggeren 
et  autres  archives  historiques  de  la  gilde  anversoise  de  Saint  Luc.  T.  II, 
pp.  564  et  569. 


—   262   — 

Nous  ne  savons  jusqu'à  quelle  époque  David  de  Heem 
m  continua  d'habiter  sa  ville  natale.  Mais  des  actes 
authentiques  nous  apprennent  qu'il  épousa  Anne-Marie 
Kok  ou  Cock  ;  nous  ignorons  du  reste  en  quel  endroit 
et  en  quelle  année.  Il  est  certain,  en  tout  cas,  que  l'ar- 
tiste habitait  la  Haye,  en  1697,  puisque  le  17  novembre 
de  cette  année-là,  son  fils  Gérard  fut  baptisé  dans  la 
grande  église  de  cette  ville,  ayant  pour  témoins  Gérard 
van  den  Blok  et  Béatrix  Pi j fer  (i). 

Ce  baptême  avait  été  administré  d'après  le  rite  pro- 
testant :  c'est  ce  qui  résulte  des  registres  de  la  cathé- 
drale d'Anvers,  quartier  sud.  Ces  livres  nous  apprennent, 
en  effet,  que  le  26  décembre  1713,  Gérard  de  Heem, 
alors  âgé  de  16  ans  accomplis,  après  s'être  vu  suppléer 
les  cérémonies  du  premier  des  sacrements,,  avoir  été 
catéchisé  et  avoir  émis  sa  profession  de  foi,  y  fut  bap- 
tisé sous  condition.  Michel  Bels,  son  parrain,  ajouta  le 
nom  de  son  patron  à  celui  de  Gérard  ;  le  jeune  homme 
eut  pour  marraine  sa  grand'  tante  Hildegonde  de  Heem, 
fille  du  célèbre  Jean  et  d'Anne-Catherine  Ruckers. 

Gérard-Michel  de  Heem  se  maria  deux  fois,  à  An- 
vers. Il  eut  des  enfants  de  sa  première  union  contractée, 
à  S'  Jacques,  le  10  avril  1720,  avec  Isabelle-Marie 
Hosti.  Sa  descendance  existait  encore  à  Anvers,  en  1794, 
puisque,  le  18  mai  de  cette  année-là,  on  baptisa,  à  S'^ 
Walburge,  Marie-Pétronille-Joséphine  de  Heem,  son 
arrière-petite-fille  (2). 


(i)  Communication  faite  en  1869,  par  M.  E.  B.  baron  Wittert 
van  Hoogland,  officier  de  l'état-civil  à  la  Haye,  à  M.  J.-C.  van  Put, 
bourgmestre  d'Anvers,  qui   a   bien  voulu  nous  la  faire  transmettre- 

(2)  Marie-Térèse-Catherine  de  Heem,  petitc-fiUe  de  Gérard-Michel, 
épousa,  à  Ste  Walburge,  le    15    février  1792,  Jean-Joseph  Willebors. 


4 

i 

t 


—  263  — 

Nous  ignorons  si  David  de  Heem  III  a  eu  d'autres 
enfants  que  Gérard-Michel.  Quant  à  ses  œuvres,  nous 
devons  avouer  que  nous  n'en  connaissons  aucune,  avec 
certitude.  Nous  prions,  du  reste,  le  lecteur,  de  vouloir 
bien  se  rappeler  ce  que  nous  avons  dit  dans  la  vie  de 
David  de  Heem,  le  vieux,  des  tableaux  que  Kramm 
attribue  à  ce  maître,  et  qui  pourraient  bien  avoir  été 
peints  par  son  arrière-petit-fils. 

Le  lieu  et  l'époque  du  décès  de  David  de  Heem  El 
nous  sont  inconnus.  Nous  sommes  seulement  à  même 
de  dire  que  le  maître  ne  mourut  pas  à  la  Haye  :  c'est 
ce  qui  résulte  des  recherches  qui  eurent  lieu  dans  cette 
ville,  en  i869.Campo  Weyerman  rapporte  qu'il  le  quitta  à 
Londres,  dans  un  état  d'assez  grande  faiblesse,  maladif  et 
à  moitié  perclus,  d'où  il  supposait  en  1729,  que  l'artiste 
était  déjà  décédé  à  cette  époque.  L'auteur  cité  nous 
apprend  ailleurs  que  son  voyage  en  Angleterre  eut  lieu 
en  1718  (i)  :  ce  serait  donc  vers  ce  temps  qu'il  faudrait 
placer  la  mort  de  David  de  Heem  HI. 

Nous  avons  vu  ci-dessus  que  ses  descendants  exis- 
taient encore  à  Anvers,  en  1794,  et  nous  sommes 
persuadé  que  si  nous  avions  voulu  poursuivre  nos 
recherches  jusqu'au  siècle  actuel,  nous  les  y  aurions 
rencontrés  encore.  Mais  comme  la  famille  de  Heem 
n'intéresse  plus  l'histoire,  après  David  m,  nous  nous 
sommes  arrêté  au  fils  de  ce  maître,  sans  faire  usage 
des  notes  que   nous  avons  recueillies  dans  les   anciens 


L'acte  de  mariage  constate  qu'elle  ne  savait  pas  signer.   Cette  im- 
possibilité prouve  que  la  situation  financière  des  de  Heem  ne  devait 
pas  être  fort  brillante  à  cette  époque. 
(i)  Op.  cit.,  T.  m,  pp.  387  et  323. 


—    204   — 

registres  de   nos  paroisses,  relativement   aux  enfants  et 
descendants  de  celui-ci  (i). 

Sources  :  Registres  des  paroisses  d'Anvers  et  actes  de  l'état  civil 
d'Utrecht,  de  Leiden  et  de  la  Haye.  —  Ph.  Rombouts  et  Théod. 
Van  Lerius  :  L&s  Li^geren  et  autres  archives  historiques  de  la  gilde 
anversoise  de  Saint  Luc.  —  Registres  de  la  confrérie  des  artistes  de 
la  Haye  connue  sous  le  nom  de  Tictura.  —  Archives  de  la  ville 
d'Anvers. 

(i)  Cette  notice  est  datée  du  24  novembre  1874. 


FIN   DU   TOME   I. 


^t;  ?stî  î^t/î  ^A  îsl/;  ^A  îstî  î\t/î  ^tî  ?st/î  ^A  îst;  îst^  ?st/î  ?st4  Kt;  î\t/î  îst/4 

«j^       «J^       cj^       «J^^      *J$kJ       t^       a,^       «^^       «Jy^j       «-^       «^J       '-^        i-^       «^«^       *^^      *^<»       t-^t       nJ^ 


TABLE. 


PAG. 

Préface v 

Abbé  (Henri)  1639-17...? i 

Abts  (Gautier)  1582  ?-i642-i643 6 

Adriaenssen  (Alexandre)  1 587-1661 I2 

Aenvanck  (Théodore)   1633-1...? 25 

Antonissen  (Henri- Joseph)  173 7- 1794 30 

Blanckaert  (Jean)  1590-16...  ? 42 

Blanckaert  (Antoine)  1621-1...  ? 50 

Boeckhorst  (Jean)  1605-1668 51 

Boel  (Quirin,  le  vieux)  1589-1633 72 

Boel  (Jean)  1 592-1640 86 

Boel  (Quirin,  le  jeune^  1620-166.? 92 

Boel  (Pierre)  1622-1674  ? 107 

Boel  (Jean-Baptiste)  1650?-  1688-1689 122 

Boel  (Balthasar-Luc)  1651-1702-1703 129 

Cocx  (Gonzalve)  dit  Gonzalo  ou  Gonzales  Cocques  16 14-1684.  132 
La  famille  d'artistes  de  Baellieur  (Louis  de  Baellieur,  le  vieux) 

i5..?-i66o 174 

de  BaelHeur  (Corneille,  le  vieux)  1 607-1 671 181 

de  BaeUieur  (Corneille,  le  jeune)  1642-1687 188 

de  Baellieur  (Louis  II)  1612-1663 190 

de  Baellieur  (Abraham  I)  i620-i624?-i67i-i672 192 

de  Balliu   (Pierre)  1612-16...? 196 

de  BaUiu  (Bernard)  1641-1 ? 202 

de  Balliu  (Pierre-François)  1644- 1726- 1727 205 

Les  peintres  de  Heem 211 

de  Heem  (David,  le  vieux)  i570?-i632? 213 

de  Heem  (David  II)  I..  .?-i ...  ? 217 

de  Heem  (Jean)  i6oo?-i683-i684 219 

de  Heem  (Corneille)  1631-16..? 249 

de  Heem  (David  III)  1663-17..? 260 


I 


i 


UITTREKSEL 


UIT   DE 


Wetten  der  Antwerpsche  Bibliophilen. 


Art.    10.  De  uitgaven  der  Maatschappij  zullen  bestaan  uit  : 

a.  T^rachtexemplareji  op  ziuaar  getint  papier,   ter  perse  ge- 

nummerd  en  den  naam  dragende  van  het  lid,  voor 
wien  zij  bestemd  zijn,  alsook  de  handteekens  van  den 
voorzitter  en  van  den  secretaris.  Zij  worden  gegeven 
aan  de  Eereledeii  en  aan  de  T)ienende  leden  van  het 
Besfuur. 

b.  Exemplaren  der  leden  op   ~iuaar  papier,    dragende   den 

naam  van  het   lid,  en   voorzien   van  de   handteekens 
van    den    voorzitter    en    van    den    secretaris. 
(Deze  exemplaren  zijn  in  den  handel  niet  verkrijgbaar). 

c.  Exemplaren  op  gewoon  papier,    voor  den  boekhandel  ge- 

trokken,  waarvan  het  getal  en  de  prijs  door  het 
bestuur  vastgesteld  worden.  (Van  de  exemplaren,  voor 
den  handel  bestemd,  worden  er  slechts  van  150  tôt 
300  voor  elk  werk  getrokken). 
Het  Bulleti'jn  der  Maatschappij  wordt  enkel  uitgegeven 
op  gewoon  papier.  (De  leden  der  Maatschappij  ont- 
vangen  het  kosteloos.  Het  wordt  aan  vast  te  stellen 
prijs  in  den  handel  gebracht). 


UITGAVEN 


DHR 


Maatschappij    de    Antwerpsche    Bibliophilen. 


1878 


7< 

No    I .  Boek  gehouden  door  Jan  Moretus  II,   als  dckon  dcr 

S'  Lucasgilde  (1616-1617) Frs.  2.50 

0     2.  De  Antwerpsche  Ommegangen  in  de  XlVe  en  XV-^ 
eeuw,  naar  gelijktijdige  handschriften,  uitgegeven 
•  door  Ridder  Léo  de  Burbure «     1.50 

»  5.  De  Gebrocders  van  der  Voort  en  de  volksopstand  van 
1477-1478.  —  Verhalen  en  ambtelijke  stukken, 
vergaderd  en  toegelicht  door  P.  Génard.     ...»     4. — 

1879 

»  4.  Referéinen  en  andere  gedichten  uit  de  XVh  eeuw, 
verzameld  en  afgeschreven  door  Jan  de  Bruyne, 
uitgegeven  door  K.  Ruclens,  bewaarder  der  hand- 
schriften bij  de  KonihkUjke  boekerij  te  Brussel.  — 
le  deel »      5.— 

»  5.  Chronijck  der  Stadt  Antwerpen,  toegeschreven  aan 
den  notaris  Geeraard  Bertrijn,  uitgegeven  door 
Ridder  Gust.  van  Havre »      5.— 

1880. 

»     6.  Kihanus  latijnsche  gedichten,  uitgegeven  en  met  een- 

levensbericht  voorzien  door  Max  RoosES .     ...»     4. — 


Referéinen  en  andere  gedichten  uit   de  XVJe  eeuw,  ■» 

verzameld  en  afgeschreven  door  Jan  de  Bruyne, 
uitgegeven  door  K.  Ruelens,  bewaarder  der  hand-  y 

schriften  bij  de  KoninkHjkc  boekerij  te  Brusscl. —  ?' 

IJe  deel » 


i-— 


V4 

1^ 


BINDING  SECT.  JUN     61973 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROAA  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


' 

N 

Lerius,  Théodore 

François 

6971 

Xavier  van 

A6L6 

Biographies  d 

'artistes 

v.l 

anversois 

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